Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Luc Turmel
Luc Turmel Clinique Saint-Gatien 8, place de la Cathédrale 37000 Tours
ISBN : 978-2-8178-0265-7 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, 2012 Imprimé en France Springer est membre du groupe Springer Science + Business Media
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Maquette de couverture : Jean-François Montmarché Mise en page : Nord Compo
Liste des auteurs
Bernard Beyssen Service de radiologie vasculaire Clinique Ambroise Paré 25, boulevard Victor-Hugo 92200 Neuilly-sur-Seine
Josette Pengloan Service de néphrologie-hémodialyse CHU Bretonneau 2 bis, boulevard Tonnelé 37000 Tours
Hôpital européen Georges Pompidou 20, rue Leblanc 75015 Paris
Claude Renaud Division of Nephrology University Medical Cluster National University Health System Towerblock 100255 Lower Kentridge road 110972 Singapore
Jean-Jacques Godier Service de radiologie vasculaire Clinique Saint-Hilaire 2, place Saint-Hilaire 76000 Rouen Bernard Mankikian Service d’anesthésie-réanimation Clinique Saint-Gatien 8, place de la Cathédrale 37000 Tours Albert Mouton Service de chirurgie de l’abord vasculaire Clinique de l’Archette 83, rue Jacques-Monod 45160 Olivet
Luc Turmel Service de radiologie vasculaire Clinique Saint-Gatien 8, place de la Cathédrale 37000 Tours Clinique Ambroise Paré 25, boulevard Victor-Hugo 92200 Neuilly-sur-Seine
Sommaire
Liste des auteurs .............................................................................................................
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1. Grandeur et faiblesse du traitement endovasculaire des complications des abords d’hémodialyse L. Turmel ..........................................................................................................................
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2. Le néphrologue, le radiologue interventionnel et la place de l’abord vasculaire dans le traitement de l’insuffisance rénale terminale J. Pengloan et L. Turmel .................................................................................................
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3. Stratégie de création des abords vasculaires A. Mouton et L. Turmel ..................................................................................................
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4. Histoire naturelle des abords vasculaires L. Turmel ..........................................................................................................................
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5. Anatomie radiologique et imagerie préopératoire des vaisseaux du membre supérieur J.-J. Godier et L. Turmel..................................................................................................
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6. Quelles indications et quelle imagerie de l’abord vasculaire ? L. Turmel ..........................................................................................................................
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7. Aspects psychologiques et cliniques L. Turmel ..........................................................................................................................
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8. Quel bilan avant les explorations en radiologie vasculaire ? L. Turmel ..........................................................................................................................
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9. Angiographie (« fistulographie ») L. Turmel ..........................................................................................................................
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10. Dilatation et stents L. Turmel et B. Beyssen ...............................................................................................
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11. Ischémie de main L. Turmel ...................................................................................................................... 121
12. Désobstruction des abords thrombosés L. Turmel ...................................................................................................................... 145
13. Occlusion percutanée des abords d’hémodialyse L. Turmel ...................................................................................................................... 183
VIII Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse 14. Complications cliniques pendant et après les actes endovasculaires L. Turmel ...................................................................................................................... 185
15. Résultats des actes de radiologie interventionnelle L. Turmel ...................................................................................................................... 189
Annexes B. Mankikian, C. Renaud et L. Turmel ..................................................................... 193
Grandeur et faiblesse du traitement endovasculaire des complications des abords d’hémodialyse L. Turmel
Apparues dans les années 1980, les techniques percutanées de dilatation et de désobstruction ont progressivement et profondément modifié toute l’approche médicale multidisciplinaire de l’abord vasculaire du dialysé. Le premier succès relatif de la « radiologie interventionnelle » a été celui de pouvoir traiter les sténoses, notamment veineuses centrales, de manière très peu invasive par rapport aux techniques chirurgicales lourdes et peu utilisées dans cette localisation [1-3]. Les résultats souvent imparfaits et peu durables ont toutefois rapidement été plébiscités dans la mesure où les réinterventions percutanées étaient perçues comme un moindre mal. L’arrivée du Wallstent à partir de 1987 a ensuite permis d’améliorer un peu les résultats, au moins de manière transitoire, même si on a eu à déplorer depuis un certain excès et un certain nombre d’erreurs aux conséquences stratégiques parfois graves dans la mise en place de ces stents [4, 5]. Toutes les sténoses survenant sur les abords d’hémodialyse ont ensuite été jugées comme accessibles à la dilatation, en oubliant souvent que certaines lésions (sténoses juxta-anastomotiques des fistules artério-veineuses à l’avant-bras) étaient traitées plus durablement par la chirurgie conventionnelle. En dépit de la récidive fréquente des sténoses et donc du taux de perméabilité primaire assez bas après traitement, le caractère peu invasif et donc facilement renouvelable de la dilatation percutanée a progressivement amené néphrologues et patients à privilégier systématiquement l’approche endovasculaire partout où elle était disponible. C’est ainsi qu’on a vu et qu’on voit encore des fistules anormalement maintenues fonctionnelles à force de dilatations répétées ou rapprochées sans s’inquiéter de savoir si la création d’un abord vasculaire alternatif simple était possible. Initialement apanage exclusif des radiologues vasculaires, le traitement endovasculaire a été progressivement réalisé également par la jeune génération de chirurgiens ou par des néphrologues lorsque le service radio-chirurgical local était défaillant. Le problème de la formation et donc de la compétence de ces nouveaux acteurs dans le domaine endovasculaire a posé et pose toujours problème même si la situation s’améliore progressivement. On a vu et voit toujours des dilatations non justifiées ou très mal faites… L’expérience acquise avec le temps et le profil des malades incidents se dégradant (grand âge, diabète, obésité), les intervenants de la première heure se sont progressivement enhardis et attaqués à des fistules initialement jugées comme irrécupérables. C’est ainsi qu’on a commencé, à la fin des années 1990, à traiter les retards de maturation puis à dilater si nécessaire l’artère radiale dans son ensemble [6, 7]. Le premier succès historique de la radiologie interventionnelle à la fin des années 1980 a été celui de permettre de désobstruer relativement facilement les abords L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse totalement thrombosés alors que les premières publications sur le sujet en 1985 avaient été défavorables [8, 9]. C’était également l’époque où beaucoup de montages prothétiques en PTFE (goretex) avaient été indûment placés avec pour corollaire aujourd’hui bien connu un taux phénoménal de thromboses. La disponibilité des équipes de radiologie vasculaire a permis de traiter rapidement ces thromboses aiguës et d’éviter le recours aux cathéters temporaires. Du goretex, on est passé aux fistules natives et c’est au début des années 2000 que les premières publications ont prouvé que la majorité des fistules natives thrombosées pouvaient être récupérées par radiologie interventionnelle [10], alors qu’il n’était pas rare à l’époque de lire et de penser qu’une fistule thrombosée était une fistule perdue, vérité hélas encore d’actualité dans beaucoup d’endroits, même en France… En matière d’abords pour hémodialyse, la faiblesse de l’approche endovasculaire est, comme pour la chirurgie, celle d’une grande complexité et de la nécessaire implication majeure des opérateurs dans ce domaine. Ce n’est pas une activité à temps partiel. L’accès à des installations radiologiques de qualité et le coût du matériel consommable (guides, cathéters, ballons, stents) sont un frein spécifique supplémentaire à la mise en œuvre de ces techniques dans bien des villes de bien des pays. Enfin, même si cela est toujours peu vrai en France, les radiologues vasculaires ont rapidement commencé à jouer un rôle dans la mise en place et le remplacement des cathéters veineux centraux [11]. Qui peut gérer culturellement mieux qu’eux les sténoses centrales et les difficultés de cathétérisme rencontrées à cette occasion ? En résumé, la grandeur de l’approche endovasculaire, c’est son caractère peu invasif et facilement répétable, c’est de sauver des abords vasculaires non récupérables par chirurgie conventionnelle ou de les sauver de manière infiniment moins invasive que ne le pourrait la chirurgie. Sa faiblesse, c’est son coût, la fréquence des resténoses contrastant avec la perfection du résultat immédiat (la « toute-puissance du radiologue ») après dilatation et les mauvaises pratiques résultant de la formation insuffisante de bien des intervenants. Les abus résultent toujours d’une mauvaise coordination multidisciplinaire : dilater des sténoses non évolutives, peu serrées ou qui n’existent pas, accumuler les poses de stents en menaçant l’avenir, s’acharner à redilater quand on pourrait envisager la création d’un nouvel abord vasculaire sur le membre opposé, quand ce n’est pas sur le même bras. On parlera du radiologue interventionnel dans cet ouvrage tout en étant conscient que d’autres spécialistes (chirurgiens, néphrologues, cardiologues…) investissent maintenant ce domaine initié par les radiologues.
RÉFÉRENCES 1. Gaux JC, Bourquelot P, Raynaud A et al. (1983) Percutaneous transluminal angioplasty of stenotic lesions in dialysis vascular accesses. Eur J Radiol 3 : 189-93 2. Gordon D, Glanz S, Butt K et al. (1982) Treatment of stenotic lesions in dialysis access fistulas and shunts by transluminal angioplasty. Radiology 143 : 53-8
Grandeur et faiblesse du traitement endovasculaire des complications des abords d’hémodialyse 3. Hunter D, Castaneda-Zuniga W, Coleman C et al. (1984) Failing arteriovenous dialysis fistulas : evaluation and treatment. Radiology 152 : 631-5 4. Turmel-Rodrigues L, Pengloan J, Blanchier D et al. (1993) Insufficient dialysis shunts : improved long-term patency rates with close hemodynamic monitoring, repeated percutaneous balloon angioplasty, and stent placement. Radiology 187 : 273-8 5. Turmel-Rodrigues L, Bourquelot P, Raynaud A, Sapoval M (2000) Primary stent placement in hemodialysis-related central venous stenoses : the dangers of a potential. « Radiologic dictatorship ». Radiology 217 : 600-2 6. Turmel-Rodrigues L, Mouton A, Birmelé B et al. (2001) Salvage of immature forearm fistulas for haemodialysis by interventional radiology. Nephrol Dial Transplant 16 : 2365-71 7. Turmel-Rodrigues L, Boutin J, Camiade C et al. (2009) Percutaneous dilation of the radial artery in nonmaturing autogenous radial-cephalic fistulas for haemodialysis. Nephrol Dial Transplant 24 : 3782-8 8. Zeit R, Cope C (1985) Failed hemodialysis shunts : one year of experience with aggressive treatment. Radiology 154 : 353-6 9. Bookstein J, Fellmeth B, Roberts A et al. (1989) Pulsed-spray pharmacomechanical thrombolysis : preliminary results Am J Roentgenol 152 : 1097-100 10. Turmel-Rodrigues L, Pengloan J, Rodrigue H et al. (2000) Treatment of failed native arterio-venous fistulae for hemodialysis by interventional radiology. Kidney Int 57 : 1124-40 11. Trerotola S (2000) Hemodialysis catheter placement and management. Radiology 215 : 651-8
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Le néphrologue, le radiologue interventionnel et la place de l’abord vasculaire dans le traitement de l’insuffisance rénale terminale J. Pengloan et L. Turmel
L’insuffisance rénale terminale se traite par l’hémodialyse, la dialyse péritonéale et par la transplantation rénale. Les patients les plus jeunes seront susceptibles d’être traités par deux ou trois modalités au cours de leur existence. Lorsque néphrologues et patients choisissent l’hémodialyse, l’accès au sang se fait par la création en dû temps d’un abord vasculaire artério-veineux ou par la mise en place d’un cathéter veineux central. Le cathéter central peut être « temporaire » ou « définitif ». Le cathéter temporaire trouve sa principale indication lorsqu’on est obligé de dialyser en urgence un patient qui n’a pas d’abord artério-veineux utilisable. Le cathéter permanent ou définitif devra être « tunnellisé ». Le cathéter dit permanent sera posé en attente de la création d’un abord artério-veineux définitif, ce qui peut prendre plusieurs semaines ou mois. Le cathéter définitif est proposé chez les patients à l’état général très dégradé, chez les patients où la création d’un abord artério-veineux est contre-indiquée (insuffisance cardiaque sévère) et chez les patients où la création d’un abord vasculaire n’est plus envisageable faute de site anatomique résiduel simple ou ayant une artérite sévère des membres supérieurs. Le cathéter définitif peut se positionner en alternative à la création d’un montage jugé trop « exotique » (axillo-poplité par exemple) ou trop risqué (anastomose veineuse à faire sur l’oreillette droite). Même si des résultats exceptionnellement durables ont pu être rapportés avec des cathéters centraux permanents, la création d’un montage artério-veineux natif est statistiquement le plus durable des accès au sang et le moins sujet à complications. De fait, toutes les sociétés savantes recommandent la création d’une fistule artérioveineuse en priorité chez le patient qui doit être pris en hémodialyse chronique, fistule qui doit être la plus distale possible. Les néphrologues doivent organiser les meilleures modalités de création, de suivi et d’explorations en tenant compte des possibilités locales et à distance, pour répondre au mieux à l’état des connaissances scientifiques du moment. Ils doivent aussi intégrer la nécessité de réduire au maximum le temps que les patients doivent consacrer à leurs examens et orienter d’emblée vers la solution la plus efficiente. C’est donc un réseau de professionnels compétents que les néphrologues doivent constituer, professionnels susceptibles de répondre aux différents besoins des patients tout au long de l’année. Malheureusement, la constitution d’un tel réseau est parfois difficile ; les insuffisants rénaux dialysés sont souvent considérés comme des patients de « seconde zone » et leur prise en charge n’est pas une priorité universitaire. Cela explique les difficultés de formation que rencontrent les professionnels amenés à gérer les abords vasculaires. L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Face à la problématique de la création, de la surveillance et de la maintenance des abords vasculaires, les néphrologues se retrouvent dans le rôle d’un chef d’orchestre devant déployer des trésors de diplomatie lorsqu’on est obligé de « délocaliser » une partie de la prise en charge de l’abord vasculaire du patient vers un autre établissement, une autre ville, une autre région, ou « vers Paris », faute de compétence ou de motivation localement suffisantes alors que ces mêmes praticiens locaux sont souvent excellents dans d’autres domaines. Ce n’est donc pas sans raison que certains néphrologues, las de dépendre des aléas locaux, se sont mis à créer les fistules eux-mêmes (en Italie, en Allemagne, en Algérie, et au moins dans deux villes en France), à les dilater (États-Unis, Japon, Portugal), voire à faire les examens d’écho-doppler par eux-mêmes… Ce n’est pas non plus sans raison que certains néphrologues baissent les bras et se retrouvent avec des proportions anormales de cathéters centraux parce que c’est le seul abord vasculaire qu’ils peuvent presque entièrement gérer seuls en dépit de leurs nombreux inconvénients et de la fréquence de leurs complications infectieuses et thrombotiques. La mise en place d’une coopération multidisciplinaire intelligente entre néphrologues, écho-doppléristes, chirurgiens et radiologues interventionnels aboutira à la création d’une majorité de fistules natives à l’avant-bras, alors qu’un maillon faible entraînera progressivement un glissement vers trop de fistules au coude, puis vers trop de montages prothétiques, puis trop de fistules au membre inférieur et finalement vers trop de cathéters à demeure faute d’espace anatomique résiduel pour créer un nouvel abord artério-veineux classique. Les néphrologues ont également un rôle essentiel de chef d’orchestre dans la préservation du réseau veineux avant la création de la fistule. C’est dès le début de la maladie rénale que toutes les veines des avant-bras doivent être protégées, donc ne pas être ponctionnées. Le but est de conserver un réseau veineux susceptible de permettre la création d’une fistule distale. En effet, nous sommes convaincus dans la région « Centre » où nous exerçons qu’une politique de priorité absolue donnée à la création de fistules natives à l’avant-bras a de nombreux avantages à long terme : débits de fistules plus faibles donc moins de complications cardiaques et beaucoup moins d’ischémies de main, taux de perméabilité secondaire des fistules les plus élevés dans le temps, préservation du capital veineux des bras pour l’avenir. Les radiologues arguent de surcroît que toutes les interventions percutanées sur les fistules de l’avant-bras sont beaucoup moins douloureuses (veines et artères plus superficielles donc plus faciles à anesthésier localement) et moins risquées qu’au bras : peu de risque d’embolie artérielle grave au cours des désobstructions, pas de risque de mettre un stent débordant dans les veines centrales et compromettant les possibilités ultérieures de création d’un abord vasculaire alternatif sur le même membre. Donner la priorité absolue aux fistules de l’avant-bras implique d’encourager les chirurgiens à créer des fistules radiales ou cubitales même lorsque veines et artères de l’avant-bras sont de qualité moyenne. Il en résulte donc un taux un peu plus élevé d’échecs immédiats et un taux élevé de retards de maturation qui sont toutefois presque tous récupérables grâce à un diagnostic précoce par les néphrologues et un passage rapide dès le 2e mois en chirurgie ou en radiologie interventionnelle. Un certain nombre de ces fistules nécessiteront plusieurs redilatations durant leur
Le néphrologue, le radiologue interventionnel et la place de l’abord vasculaire… première année d’existence avant d’atteindre un vrai stade de maturation et l’espacement des redilatations. Les néphrologues doivent donc faire un énorme travail pédagogique auprès des malades et de leurs familles pour que ces retards de maturation ne soient pas jugés comme le résultat d’un mauvais travail du chirurgien et les redilatations comme le résultat d’un mauvais travail du radiologue. Ce sont les nombreux cas d’hyperdébit et d’ischémies dramatiques de la main sur fistules au coude vécus dans les années 1980 et 1990 qui nous ont convaincus de l’utilité de cette politique de « forearm fistula first » rendue possible par les progrès des techniques de microchirurgie et de radiologie interventionnelle. Quant aux montages prothétiques, leur inconvénients thrombotiques et infectieux les font reléguer bien évidemment au dernier rang des abords artério-veineux souhaitables aux membres supérieurs. Le risque de contraindre le patient à subir plusieurs tentatives de créations de fistules ou plusieurs dilatations de fistules durant la première année pose un problème stratégique chez les patients très âgés ou ayant un score de comorbidité très élevé. Ce sont les patients qui sont le plus à risque de complications en cas de création d’un abord vasculaire au coude et l’orientation vers la pose d’un cathéter définitif doit être considérée à condition que le taux d’infection dans le centre soit faible. La stratégie de création des abords vasculaires est fondamentale et sujette à controverse mais la surveillance des abords vasculaires par les néphrologues et leurs équipes dès leur création ne l’est pas moins. Pour caricaturer quelque peu, il y a l’attitude des « préventionnistes », c’est-à-dire ceux qui veulent à tout prix éviter toute thrombose de leurs abords vasculaires et à l’opposé l’attitude des « fatalistes », c’est-à-dire ceux qui ne s’intéressent à l’abord vasculaire des malades que lorsqu’il n’est plus utilisable, notamment pour cause de thrombose aiguë. Les premiers arguent du fait que la gestion des thromboses est une source majeure de stress et de diminution de la qualité de vie des patients en plus du risque vital inhérent à toute thrombose. Les thromboses désorganisent toute l’équipe, patient compris, alors que la dilatation préventive des sténoses permettrait une meilleure survie des accès comme des patients. Les seconds arguent que les dilatations motivées par la seule prévention de la thrombose aiguë de l’abord vasculaire sont une source d’agressions inutiles pour les patients dans la mesure où cela ne modifierait pas la survie des patients et que rien ne prouve que cela modifierait la perméabilité cumulée des accès vasculaires. Et les deux écoles de présenter le résultat de séries soutenant leurs thèses diamétralement opposées [1-4]. Les recommandations officielles européennes, américaines et autres prônent cependant la surveillance clinique, le monitoring des accès vasculaires et la dilatation préventive des sténoses avant le stade de thrombose. Ces recommandations reposent sur des publications souvent discutables sur le plan méthodologique. La surveillance des accès vasculaires par l’examen clinique à la recherche de signes de bas débit, d’hyperpression veineuse, de troubles cutanés ou de retentissement général est malheureusement opérateur-dépendante. Le rôle des infirmières de dialyse devrait être fondamental dans la prise en charge des abords vasculaires ; en effet, elles peuvent examiner la fistule 3 fois par semaine avant de ponctionner. Malheureusement, la formation et l’expérience de la majorité des infirmières
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse de dialyse et de bien des néphrologues en matière d’examen clinique de l’abord vasculaire sont insuffisantes quand elles ne sont pas inexistantes… C’est la raison pour laquelle un corps d’infirmières spécialisées, les « vascular access coordinators », a vu le jour dans certains pays (États-Unis, Grande-Bretagne). La constitution d’un tel corps d’infirmières spécialisées paraît impossible en France compte tenu de l’organisation actuelle de l’hémodialyse dans notre pays. En revanche, la formation des IDE en hémodialyse devrait être suffisamment poussée pour leur permettre d’assurer la formation des patients et d’être les sentinelles de la fistule artério-veineuse, alertant le néphrologue au moindre problème. Cette connaissance insuffisante et le caractère souvent trompeur de l’examen clinique expliquent la nécessité d’y associer d’autres modalités de surveillance. La mesure des pressions veineuses a montré son inefficacité ; les mesures répétées des débits ont en revanche transformé la prise en charge des fistules natives en facilitant leur surveillance. Il a été prouvé qu’il y avait une relation entre degré de sténose, débit global de l’accès artério-veineux et risque de thrombose. Ces débits de fistules peuvent être mesurés par écho-doppler, ce qui oblige à envoyer le malade chez l’angiologue ou le radiologue, mais aussi et surtout au lit du malade en cours de dialyse, ce qui est beaucoup plus pratique et moins coûteux, grâce à plusieurs systèmes apparus sur le marché depuis une quinzaine d’années comme le Transonic, le Critline, la dialysance ionique … Idéalement, le débit de l’abord vasculaire devrait être mesuré tous les mois avec le même appareil, peut-être plus souvent sur les accès vasculaires jugés à risque, moins souvent sur les accès fonctionnant depuis plusieurs mois ou années sans problème. Un débit brut de moins de 600 mL/min pour les montages prothétiques, de moins de 500 mL/min pour les fistules natives, indiquerait un risque accru de thrombose sur sténose et devrait en général aboutir à la correction de la sténose sous-jacente si elle existe. Ces recommandations doivent être nuancées ; en ce qui concerne les montages prothétiques, les mesures de débit répétées ne permettent de toute évidence pas de définir le moment optimal pour corriger la sténose ; en ce qui concerne les fistules natives, l’association examen clinique et mesures de débit a montré son intérêt en permettant de dilater au meilleur moment et de réduire ainsi le nombre de dilatations par rapport au seul examen clinique. La rapidité de la décroissance du débit est aussi un élément à prendre en compte. Un débit stable à moins de 500 mL/min peut néanmoins se rencontrer dans des fistules radiales ne présentant aucune sténose mais tout simplement alimentées par une petite artère radiale (diabète, tabagisme, grand âge). L’acte de mesure de débit autrement que par écho-doppler ne fait malheureusement l’objet d’aucune cotation et donc d’aucun remboursement actuellement en France. Le radiologue qui coécrit ces lignes se permet d’affirmer avec certitude qu’il y a des centres de dialyse qui ont beaucoup de thromboses et des centres de dialyse qui en ont peu et que cela est étroitement lié au degré d’implication et de connaissance des néphrologues et écho-doppléristes locaux. Le taux de thrombose comme la durée de survie des abords vasculaires sont des indicateurs de la qualité de prise en charge des abords vasculaires. La thrombose de l’abord vasculaire étant encore synonyme dans beaucoup d’endroits de la triade « abandon-cathéter temporaire
Le néphrologue, le radiologue interventionnel et la place de l’abord vasculaire… – création d’un nouvel abord vasculaire », on comprend aisément que cette situation aboutit rapidement à des impasses thérapeutiques qui ont des conséquences sur la survie des malades. De nombreux autres problèmes restent à résoudre. Quelle attitude adopter face à un patient dont l’abord vasculaire ne survit qu’au prix de redilatations tous les 3 mois ? Est-ce acceptable ? Doit-on créer un nouvel abord vasculaire ? Quel débit tolérer pour un abord ? Jusqu’où accepter un abord dont le débit dépasse 20 % du débit cardiaque ? Doit-on systématiquement proposer une intervention de réduction de débit en sachant que l’on met en jeu le pronostic même de l’abord car aucune technique de réduction de débit n’est simple ? Doit-on continuer à créer des abords artério-veineux chez des patients âgés de 80 ans au risque d’aggraver leur situation cardiaque ? Chaque malade est un cas particulier. L’âge, les comorbidités, l’opinion du dialysé et son environnement sont autant de variables qui aboutiront à des réponses personnalisées tout en respectant les règles de base, à savoir : créer à temps une fistule native la plus distale possible avec le débit le plus faible possible compatible avec la conduite de la séance de dialyse. Il y a encore beaucoup à prouver en matière d’abords vasculaires pour hémodialyse car, même lorsqu’on a la chance de réunir toutes les compétences sans limitation de moyens, la meilleure stratégie n’est pas toujours simple à définir.
RÉFÉRENCES 1. Lumsden A, MacDonald M, Kikeri D et al. (1997) Prophylactic balloon angioplasty fails to prolong patency of expanded polytetrafluoroethylene arteriovenous grafts : results of a prospective randomized study. J Vasc Surg 26 : 382-92 2. McCarley P, Wingard RL, Shyr Y et al. (2001) Vascular access blood flow monitoring reduces access morbidity and costs. Kidney Int 60 : 1164-72 3. Tessitore N, Mansucto G, Bedogna V et al. (2003) A prospective controlled trial on effect of percutaneous transluminal angioplasty on functioning arteriovenous fistulae survival. J Am S Nephrol 14 : 1623-7 4. Shahin H, Reddy G, Sharafuddin M et al. (2005) Monthly access flow monitoring with increased prophylactic angioplasty did not improve fistula patency. Kidney Int 68 : 2352-61
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Stratégie de création des abords vasculaires A. Mouton et L. Turmel
Nous avons la chance en 2011 de disposer des recommandations officielles de plusieurs sociétés savantes internationales sur la stratégie qu’une équipe multidisciplinaire doit en théorie adopter quand elle décide de faire bénéficier le patient d’un accès artério-veineux [1-5]. On s’aperçoit en pratique que peu d’organismes payeurs, notamment la Sécurité sociale en France, en vérifient la bonne application… Il faut hélas aussi reconnaître que ces recommandations relèvent plus d’un avis plus ou moins consensuel d’experts que du résultat d’études scientifiques irréprochables et qu’elles ignorent toutes la fistule cubitale et les techniques de superficialisation à l’avant-bras ! Ces recommandations sont en pratique suivies et adaptées de manière très différente selon le degré d’implication respective du néphrologue, du chirurgien et du radiologue interventionnel dans l’équipe multidisciplinaire. Des néphrologues impliqués et exigeants n’admettront pas que le chirurgien fasse trop de fistules au coude ou mette en place trop de prothèses alors qu’un chirurgien isolé sans « contre-pouvoir » aura tendance à mettre en place parfois en première intention une prothèse ou une fistule au coude… L’absence ou l’expérience insuffisante du radiologue interventionnel ou de tout autre spécialiste chargé de l’endovasculaire fera également chuter le taux de fistules natives finalement utilisables, en particulier à l’avant-bras. Le capital veineux est bien connu tout comme ses variations anatomiques. Il est modifié par les ponctions veineuses et surtout par les antécédents perfusionnels en rapport avec les comorbidités. Les sites anatomiques où il peut être envisagé de créer une communication artério-veineuse en dépendent. Ce capital veineux est d’autant plus précieux que l’espérance de vie du malade est élevée. À chaque fois qu’un abord vasculaire est créé ou repris, il faut avoir l’obsession du futur et avoir à l’esprit une solution de rechange lorsque la fistule actuelle ne sera plus utilisable. On doit donc privilégier la création d’une fistule distale à l’avant-bras et ne rien faire qui compromette le drainage veineux central des abords vasculaires à venir, en particulier la pose d’un cathéter sous-clavier en réanimation, d’un port-à-cath en oncologie, d’un pacemaker en cardiologie… Moins connu, le capital artériel est aussi menacé par le nombre croissant d’artériographies et dilatations, notamment coronaires, effectuées à partir d’une ponction de l’artère radiale au poignet. Une thrombose de l’artère radiale consécutive à ce type de cathétérisme (2-4 %) sera presque toujours asymptomatique jusqu’au jour où le malade aura besoin d’un abord vasculaire pour être dialysé. Non seulement on ne pourra pas faire de fistule au poignet, mais le patient sera plus particulièrement menacé par le risque d’ischémie de main en cas de création de fistule au coude. Les recommandations des sociétés savantes déconseillent la voie radiale L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse chez les patients dont la fonction rénale n’est pas normale mais elles sont souvent ignorées par les cardiologues interventionnels. Nous avons en mémoire au moins deux cas personnels de thrombose de l’artère radiale qui ont empêché ainsi la création d’un abord vasculaire ipsilatéral. Le chirurgien en charge de la création de l’abord vasculaire choisira le site anatomique et le type de l’abord vasculaire à créer en fonction des données de l’examen clinique, de l’imagerie préopératoire (écho-doppler artériel et veineux, phlébocavographie), de l’âge et de l’état général du patient, de la date prévue pour l’entrée en dialyse. Une bonne communication avec le néphrologue référent est donc indispensable. La fistule native radiale (radio-céphalique) à l’avant-bras est officiellement plébiscitée comme l’abord vasculaire de choix. En pratique, des opérateurs peu entraînés dans la chirurgie des abords vasculaires sont tellement exigeants dans les prérequis anatomiques tant veineux qu’artériels qu’ils créent finalement peu de ces fistules radiales tant désirables. Le problème essentiel des fistules radiales tient dans le petit calibre des vaisseaux si on compare avec celui des vaisseaux présents au coude. Ce petit calibre rend la réalisation de l’anastomose artério-veineuse plus difficile, surtout pour les chirurgiens qui n’utilisent pas la microchirurgie, avec pour corollaire un risque accru de thrombose précoce. La deuxième conséquence logique du petit calibre des vaisseaux est un risque accru de retard de maturation ou de non maturation. Une fistule mature peut se définir comme une veine artérialisée qu’on peut ponctionner sans problème et qui donne un débit suffisant pour effectuer les trois séances de dialyse hebdomadaires. Une fistule radiale doit en général devenir mature donc utilisable dans le 2e mois suivant sa création. Ces retards de maturation sont presque toujours présentés comme des échecs dans la littérature chirurgicale ancienne et semi-récente parce que les techniques chirurgicales de superficialisation et les succès de la radiologie interventionnelle sont ignorés. L’expérience du chirurgien dans les techniques de superficialisation de la veine artérialisée (lipectomie, transposition-tunnellisation, élévation) permet de créer la plupart des fistules à l’avant-bras, notamment chez les sujets obèses. La présence dans l’équipe multidisciplinaire d’un radiologue interventionnel ou équivalent rompu aux techniques endovasculaires permet par ailleurs de récupérer la plupart des retards de maturation. La latéralisation du patient intervient peu dans les choix stratégiques. On privilégiera la création d’une fistule radiale à gauche chez le droitier, à droite chez le gaucher, mais on créera la fistule radiale à droite chez un droitier s’il n’a plus de veine céphalique à l’avant-bras gauche. Lorsqu’une fistule radiale est jugée impossible par le chirurgien sur aucun des deux membres, où lorsque les tentatives de création à l’avant-bras ont échoué, les recommandations officielles préconisent comme deuxième option la création d’une fistule céphalique au coude, en général branchée sur l’artère brachiale, parfois sur l’artère radiale en cas de bifurcation haute de l’artère humérale. La veine céphalique, qui est en général superficielle au coude (d’où sa destruction fréquente par les ponctions infirmières), devient souvent rapidement profonde et nécessite parfois une phase de superficialisation secondaire.
Stratégie de création des abords vasculaires La possibilité de créer une fistule alimentée par l’artère cubitale (cubito-basilique) à l’avant-bras avant de passer au coude est souvent ignorée alors que c’est une solution assez largement répandue en France. Cette mise à l’index de la fistule cubitale s’explique par le manque de séries chirurgicales et par le fait que la veine cubitale superficielle (« basilique » en terminologie américaine) présente un trajet postéro-interne qui nécessite de mettre le coude en flexion pour les ponctions en dialyse, ce qui est souvent présenté à tort comme un défaut rédhibitoire. Ce trajet postérieur pousse parfois les chirurgiens à transposer dans un deuxième temps la veine cubitale superficielle (« basilique ») sur la face antérieure de l’avant-bras et à l’anastomoser avec l’artère radiale qui, souvent dominante, va augmenter un débit parfois insuffisant. Il est toutefois évident qu’une fistule cubitale, transposée ou non, est rarement ponctionnable avant 6 semaines alors qu’une fistule brachiocéphalique est souvent accessible avant 1 mois. On peut donc comprendre que la fistule cubitale puisse être ignorée si les néphrologues ont un besoin rapide de fistule ponctionnable, alors qu’on doit lui donner la priorité absolue sur n’importe quelle fistule au coude chez les sujets jeunes dont le capital veineux doit être impérativement préservé pour l’avenir. Quand une fistule céphalique ou cubitale n’apparaît pas réalisable sur aucun des deux membres, on doit créer une fistule brachio-basilique, ce qui implique obligatoirement de superficialiser la veine. En effet, que le patient soit obèse ou non, la veine basilique ne présente un trajet sous-cutané superficiel au coude que sur quelques centimètres avant de plonger sous le fascia au bras. Outre les difficultés de ponction, la non-superficialisation de la veine basilique représente un vrai danger pour l’artère brachiale très proche et que les infirmières risquent de ponctionner, d’où un danger majeur d’hématome ou de faux-anévrysme dramatique, ce qui s’est hélas déjà vu… Lorsque le réseau veineux natif est totalement détruit aux deux membres supérieurs, en raison des antécédents et de l’absence de politique de préservation du réseau veineux, il n’y a pas d’autre solution que d’interposer un montage prothétique entre l’artère brachiale au coude et une veine du bras ou du creux axillaire, sous réserve que les veines centrales soient perméables. Ce pontage peut être « en ligne » (« straight » en anglais), c’est-à-dire plus ou moins rectiligne, ou bien décrire une « boucle » (« loop » en anglais), avec de fait, dans ce cas, une anastomose artérielle et une anastomose veineuse proches l’une de l’autre. La création d’un pontage entre l’artère radiale et une veine du coude ou du bras n’est donc pas un abord vasculaire reconnu comme valable par les recommandations officielles. Il n’est pourtant pas exceptionnel d’en rencontrer… L’utilisation d’une veine humérale profonde au bras a fait l’objet de publications aux résultats peu encourageants. Lorsque toutes les possibilités ont été tentées aux deux bras, on doit envisager un montage aux membres inférieurs ou des montages « exotiques ». L’anatomie et l’imagination des chirurgiens sont les seules limites aux possibilités chirurgicales : fistule fémoro-fémorale, poplitéo-saphène, prothèse fémoro-fémorale, prothèse axillo-poplitée, colliers axillo-axillaires, axillo-sous-claviers homolatéraux ou croisés, montages carotido-jugulaires, montages anastomosés dans l’oreillette droite… Le caractère invasif de leur réalisation et le pronostic souvent mauvais de ces mon-
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse tages exotiques amènent de fait souvent les néphrologues à privilégier l’alternative que représentent les cathéters à demeure positionnés là aussi dans des territoires variés : jugulaire, sous-clavier, fémoral, transhépatique, transrénal… Il est bien évident que le recours à ces solutions ultimes est exceptionnel au sein des équipes multidisciplinaires entraînées et qui ont accès à la radiologie interventionnelle. Ces impasses thérapeutiques sont hélas fréquentes dans les pays où thrombose d’un abord vasculaire est synonyme de la triade abandon-cathéter temporaire et création d’un nouvel abord vasculaire… si cela est encore anatomiquement possible. En conclusion, le chirurgien créant les abords vasculaires ne peut le faire sereinement qu’en bonne intelligence et coopération avec les néphrologues, le dopplériste et le radiologue interventionnel. C’est un art souvent difficile. L’intérêt à long terme du malade est de créer une fistule à l’avant-bras, même quand artères et veines sont loin d’être parfaits. Cela signifie un risque accru d’échecs immédiats et de retards de maturation. Les néphrologues doivent donc faire un gros effort pédagogique en direction des malades et de leurs familles pour que ces difficultés ne soient pas interprétées comme une incompétence ou une maladresse du chirurgien. On doit bien dès le départ faire passer le message que la création d’un abord vasculaire est le plus souvent un défi et qu’il est loin le temps où les malades dialysés étaient tous jeunes et sans comorbidités.
RÉFÉRENCES 1. Schwab S, Besarab A, Beathard G et al. (1997) NKF-DOQI clinical practice guidelines for vascular access. Am J Kidney Dis 30 : S150-89 2. National Kidney Foundation’s KDOQI 2006 (2006) Vascular Access Guidelines. Am J Kidney Disease 48 : S177-322 3. Huijbregts H, Blankestijn P (2006) Dialysis access guidelines for current practice Eur J Vasc Endovasc Surg 31 : 284-7 4. Tordoir J, Canaud B, Haage P et al. (2007) European Best Practice Guidelines on Vascular Access. Nephrol Dial Transplant 22 (Suppl 2) : ii88-ii117 5. Sidawy A, Spergel L, Besarab A et al. (2008) The Society for Vascular Surgery : clinical practice guidelines for the surgical placement and maintenance of arteriovenous hemodialysis access. J Vasc Surg 48 : 2S-25S
Histoire naturelle des abords vasculaires L. Turmel
Après création de la fistule artério-veineuse par le chirurgien, l’évolution tant de l’artère que de la veine va largement varier selon les individus et le site de l’anastomose. L’évolution la plus naturelle d’une fistule native serait d’accroître constamment son débit par l’élargissement continu de l’artère afférente et de la veine de drainage avec le temps. Le développement de sténoses est cependant la règle et agit en frein à cette évolution naturelle. Ces sténoses vont s’aggraver jusqu’à entraîner tôt ou tard la thrombose de la fistule. La physiopathologie des sténoses qui se développent sur ces veines artérialisées est complexe et mal connue [1, 2]. On sait qu’il s’agit d’une hyperplasie néo-intimale et que ces sténoses peuvent survenir n’importe où mais plus particulièrement dans le secteur anastomotique des fistules natives, à l’anastomose veineuse des pontages prothétiques et en fin des zones de superficialisation/mobilisation des veines. Des facteurs traumatiques et inflammatoires sont très probables à en juger par la fréquence des sténoses centrales après mise en place de cathéters. Le débit normal d’un abord vasculaire se situe entre 600 et 1 500 mL/min. On commence à parler d’hyperdébit au-delà de 1,5 à 2 L/min et d’hypodébit en dessous de 500 mL/min. Les fistules au coude développent les plus hauts débits et des fistules natives au poignet peuvent rester longtemps perméables en dépit de très bas débits (< 200 mL/min). Certaines fistules vont évoluer sans aucune contrainte et développer des hyperdébits considérables. C’est ainsi qu’on peut voir se développer des artères et des veines anévrysmales et déroulées sur elles-mêmes, avec des angulations localement sévères dues à la bascule de zones anévrysmales les unes sur les autres (fig. 1 et 2). Ces dégénérescences anévrysmales majeures fort heureusement assez rares peuvent poser de réels défis thérapeutiques. La fermeture de la fistule peut entraîner, quant à elle, la thrombose de l’artère devenue trop large pour le maigre débit résiduel appelé en direction de la main. La cause d’abandon la plus fréquente d’une fistule native est cependant la thrombose quand elle ne peut être récupérée par voie chirurgicale ou endovasculaire. Les autres causes d’abandon sont les problèmes cutanés (nécrose sur point de ponction, anévrysmes), l’œdème du bras sur sténose centrale non traitable, la récidive trop fréquente d’une sténose, certaines ischémies de membre et l’insuffisance cardiaque, rarement l’infection. Le destin des montages prothétiques est marqué par l’abandon pour thromboses répétées ou l’excision pour cause d’infection.
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Fig. 1 – A. L’artère humérale de ce patient a alimenté des fistules pendant 17 ans et a développé une dégénérescence anévrysmale telle qu’elle affleure à la peau qu’elle déforme (flèches). Le développement veineux a pu être freiné par des ligatures artérielles à l’anastomose. B. L’artériographie par voie fémorale confirme une énorme artère humérale qui se déroule sur elle-même.
Fig. 2 – Il s’agit de l’aspect typique d’une fistule radiale ayant évolué vers un hyperdébit avec dégénérescence anévrysmale globale de la veine.
RÉFÉRENCES 1. Roy-Chaudhury P, Arend L, Zhang J et al. (2007) Neointimal hyperplasia in early arteriovenous fistula failure. Am J Kidney Dis 50 : 782-90 2. Wang Y, Krishnamoorthy M, Banerjee R et al. (2008) Venous stenosis in a pig arteriovenous fistula model : anatomy, mechanisms and cellular phenotypes. Nephrol Dial Transplant 23 : 525-33
Anatomie radiologique et imagerie préopératoire des vaisseaux du membre supérieur J.-J. Godier et L. Turmel
ANATOMIE ARTÉRIELLE L’artère sous-clavière alimente la totalité du membre supérieur. Elle naît de la crosse aortique, donne comme branches principales l’artère vertébrale, l’artère mammaire interne et le tronc thyro-bicervico-scapulaire avant d’atteindre le creux axillaire où elle prend le nom d’artère axillaire. Après avoir donné naissance à l’artère mammaire externe qui descend le long du thorax, elle prend le nom d’artère humérale (ou brachiale) sur tout son trajet au bras où elle donne naissance à de nombreuses branches à destinée musculaire dont la plus importante, mais pas toujours reconnaissable, est l’artère humérale postérieure (fig. 1). Passé l’interligne du coude, l’artère humérale donne naissance au quart supérieur de l’avant-bras à l’artère radiale, en règle dominante, à l’artère cubitale (ou ulnaire) et à l’artère interosseuse. L’artère radiale se divise en deux branches terminales en arrivant au poignet, en règle au niveau de la « tabatière anatomique », branches qui alimentent de manière inconstante deux arcades anastomotiques situées dans la main et qui rejoignent typiquement l’artère cubitale terminale. L’arcade dite « profonde » présente un trajet assez direct et court en décrivant une convexité inférieure alors que l’arcade « superficielle » présente un trajet très tortueux remontant plus ou moins sur 1 à 2 cm le long de chaque métacarpien (fig. 2). C’est de ces arcades que partent les artères digitales avec une grande diversité anatomique. Chaque doigt est alimenté par deux artères, l’une interne (ou « médiale »), l’autre externe (ou « latérale »), remontant jusqu’à la pulpe où elles se réunissent pour alimenter la pulpe de la dernière phalange. Les variations anatomiques méritent d’être décrites car, même après des années d’expérience, il est parfois difficile pour le radiologue effectuant l’angiographie de démêler l’écheveau artériel alimentant certaines fistules de l’avant-bras. Les variations de l’artère sous-clavières sont rares et la plus connue est l’artère sous-clavière droite rétro – œsophagienne (« lusoria ») qui part de la crosse aortique en aval de l’artère sous-clavière gauche et croise la ligne médiane pour retrouver le membre supérieur droit. C’est à l’étage brachial et au coude qu’on rencontre la variation anatomique la plus fréquente, à savoir une origine isolée haute d’une artère de l’avant-bras, variation rencontrée dans 15 à 20 % des individus. C’est l’artère radiale qui est le plus souvent en cause et peut naître à n’importe quel niveau depuis l’artère axillaire jusqu’au coude (fig. 3). L’autre tronc artériel n’est dès lors plus vraiL. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse ment l’artère humérale mais un tronc « cubito-interosseux » qui donne en règle naissance à l’artère cubitale et à l’artère interosseuse à l’avant-bras peu après l’interligne du coude. Bien que cela ne soit pas constant, il n’est pas rare en cas de naissance isolée haute de l’artère radiale de mettre en évidence très haut sur l’avant-bras une arcade anastomotique entre le tronc cubito-interosseux peu avant sa division finale et l’artère radiale (fig. 4). Cette arcade anastomotique est en règle de plus petit calibre que l’artère radiale du bras mais elle peut s’hypertrophier en cas de sténose développée sur l’artère radiale d’amont (fig. 5 et 6). C’est plus rarement l’artère cubitale qui présente une naissance isolée haute puis chemine sur le bras parallèlement à ce qui devient un tronc « radio-interosseux » (fig. 7). Très exceptionnellement, c’est l’artère interosseuse qui naît isolément et chemine le long d’un tronc radio-cubital. À l’avant-bras, on peut rencontrer une division terminale haute de l’artère radiale plusieurs centimètres avant le poignet, avec une fistule non plus alimentée par l’artère radiale mais par une de ses branches plus petites (fig. 3 et 8). De très nombreuses collatérales peuvent se développer entre artères radiale et cubitale à l’avant-bras (fig. 9A et B). Au niveau du poignet et de la main, la présence de deux arcades palmaires anastomosant parfaitement réseaux radial et cubital est rare. Elles sont le plus souvent incomplètes et présentent des segments hypotrophiques ou sténosés. Les artères digitales sont rarement droites et parfaites puisque leur caractère superficiel les rend vulnérables à tous les traumatismes cutanés des doigts jalonnant la vie de tout individu. Elles laissent souvent localement la place à des petits réseaux collatéraux de suppléance.
ANATOMIE VEINEUSE Il y a deux types de veines aux membres supérieurs : les veines superficielles qui ont un trajet sous-cutané et les veines profondes qui sont satellites des artères et suivent leurs trajets en paires parallèles. Seules les veines superficielles sont utilisables pour la création de fistules à l’avant-bras. Bien qu’il y ait des variations anatomiques beaucoup plus variées que pour les artères, on retrouve chez le sujet normal des veines céphaliques et basiliques à l’avant-bras et au bras (fig. 10). À l’avant-bras, on doit retrouver typiquement la veine céphalique médiane (ou radiale superficielle médiane) qui naît un peu au-dessus du bord radial du poignet de la convergence de deux veines provenant du dos de la main. Cette veine chemine ensuite de bas en haut et de dehors en dedans vers le coude où elle se divise en deux branches terminales : la veine médiane basilique en dedans qui rejoint la veine basilique du bras et la médiane céphalique en dehors qui rejoint la veine céphalique du bras. Une 2e veine céphalique, dite « accessoire » (ou « radiale superficielle accessoire »), présente un cheminement plus latéral sur le haut avant-bras, contourne le coude en dehors et rejoint au tiers inférieur du bras la médiane céphalique provenant de
Anatomie radiologique et imagerie préopératoire des vaisseaux du membre supérieur la veine céphalique médiane de l’avant-bras pour former la veine céphalique du bras. Cette veine céphalique accessoire peut naître isolément au poignet (fig. 11) mais prend le plus souvent naissance à partir de la céphalique médiane au tiers moyen ou au tiers supérieur de l’avant-bras dont elle apparaît alors comme une ramification. À partir de là, bien des variations anatomiques sont possibles avec des doubles origines, des duplications et des veines surnuméraires. La veine basilique (ou « cubitale superficielle ») naît sur la face postéro-interne du poignet, chemine de haut en bas et légèrement de derrière en avant sur le bord cubital de l’avant-bras pour contourner le coude en dedans et rejoindre au tiers inférieur du bras la médiane basilique provenant de la veine céphalique médiane de l’avant-bras pour former la veine basilique du bras. Cette veine cubitale superficielle est parfois dédoublée localement ou sur toute sa longueur. Au coude, le réseau formé par la veine radiale superficielle accessoire, la médiane céphalique, la médiane basilique et l’arrivée de la veine cubitale superficielle a la forme de la lettre « M ». C’est ainsi qu’on peut être amené à parler du « M veineux du coude ». Les veines profondes sont petites, satellites des trois artères et convergent au coude pour former les deux veines humérales profondes qui cheminent le long de l’artère humérale. Au niveau du coude, les réseaux veineux et profonds sont reliés par une veine dite « perforante », une veine plus ou moins développée et parfois dédoublée qui quitte la veine radiale superficielle terminale, perfore les plans superficiels et s’anastomose avec les veines humérales naissantes. Cette veine perforante joue un rôle parfois important en matière d’abord vasculaire quand c’est la seule veine assurant encore le drainage vers le bras d’une fistule de l’avant-bras en cas de destruction des veines basilique et céphalique. Le trajet des veines perforantes est très variable : court, droit, direct ou long, convexe et récurrent. Au bras, la veine basilique, qui résulte de la convergence de la médiane basilique et de la veine cubitale superficielle, chemine sur la face interne du bras de manière superficielle sur quelques centimètres avant de s’enfoncer pour confluer avec les veines humérales profondes au tiers moyen ou supérieur du bras pour former la veine axillaire. La veine axillaire est parfois dédoublée avant de fournir un axe veineux unique, la veine sous-clavière, qui plonge dans le thorax pour se jeter dans le tronc veineux brachio-céphalique (ou « innominé ») où converge également la veine jugulaire interne. La veine céphalique (qui résulte de la convergence de la médiane céphalique et de la radiale accessoire) chemine de manière antéro-latérale sur le bras pour passer en avant de l’épaule et dessiner une courbure plus ou moins marquée, « la crosse terminale de la veine céphalique », qui plonge dans le sillon deltopectoral et rejoint la veine sous-clavière. Ce passage du plan superficiel vers le plan profond joue un rôle important en matière d’abords vasculaires car cette crosse de la veine céphalique est malaisée à dilater et sujette aux resténoses rapprochées précoces. Les deux veines humérales profondes satellites de l’artère rejoignent donc la veine basilique plus ou moins haut dans le bras pour former la veine axillaire et décrivent parfois une crosse avant cette convergence qui peut être source de sténoses dans les rares cas où on les utilise comme abord vasculaire.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse C’est le drainage à l’épaule de la veine céphalique qui présente les variations les plus fréquentes. La crosse terminale peut se dédoubler et envoyer un rameau surnuméraire vers la veine jugulaire externe ou interne (fig. 12). La crosse peut parfois rejoindre directement le tronc veineux innominé sans passer par la veine sous-clavière.
IMAGERIE RADIOLOGIQUE PRÉOPÉRATOIRE Indications Les néphrologues et les chirurgiens expérimentés sont de plus en plus prudents sur la fiabilité et les limites de l’examen clinique avant la création d’un abord d’hémodialyse chronique et sont de plus en plus demandeurs d’une imagerie préopératoire des veines et des artères des membres supérieurs. L’imagerie des artères repose presque uniquement sur l’écho-doppler. L’artériographie invasive des membres supérieurs n’a pratiquement aucune place. L’angioscanner ou l’angio-IRM sont des examens déconseillés en prédialyse du fait de la toxicité potentielle de l’iode et du gadolinium, du manque d’apport de données hémodynamiques et accessoirement du risque de dégradation du capital veineux de ces patients fragiles si la voie d’abord est posée par du personnel technique non sensibilisé à sa préservation. L’imagerie des veines est indispensable dès que l’examen clinique est insuffisant ou anormal ainsi qu’en cas de suspicion de sténose veineuse centrale. Son rôle est d’apprécier la taille, le trajet, la collatéralité, la qualité des veines des membres supérieurs et de parfaitement visualiser les veines centrales. La phlébographie à l’iode puis au CO2 a longtemps été le seul examen disponible jusqu’au développement de l’écho-doppler dans les années 1990. L’écho-doppler, examen non irradiant et non invasif par excellence, a toutefois le défaut d’être très opérateur-dépendant et s’avère non fiable pour les veines centrales (veines sous-clavières, troncs brachio-céphaliques, veine cave supérieure). La phlébographie garde donc comme indication régalienne la recherche ou l’élimination d’une sténose centrale chez tous les patients aux antécédents de cathétérisme des veines centrales, que ce soit pour réanimation, pacemaker, chambre implantable ou dialyse en urgence. La phlébographie est également encore largement pratiquée dans les centres où une relation de confiance entre le chirurgien et le dopplériste ne s’est pas instaurée. Le chirurgien doit en effet opérer sur le seul compte-rendu échographique là où la relecture possible des clichés de phlébographie lui permet d’apprécier les insuffisances éventuelles de l’examen et d’en avoir alors une interprétation différente de celle du radiologue. Les clichés sans préparation de la phlébographie renseignent accessoirement sur l’importance des calcifications du réseau artériel.
Technique de la phlébographie La phlébographie est un examen faussement facile à réaliser.
Anatomie radiologique et imagerie préopératoire des vaisseaux du membre supérieur Des lunettes nasales avec un mélange d’oxygène et protoxyde d’azote (4 L/min) peuvent être mises en place 10 minutes avant le début de la phlébographie. Le membre non dominant sera exploré en premier. Si la cartographie est favorable, permettant la création d’un abord distal antébrachial, le membre controlatéral ne sera pas forcément exploré, réduisant ainsi l’irradiation. Le choix du produit de contraste dépend du contexte clinique. Il n’y a pas d’indication formelle à laisser les patients à jeun, notamment les diabétiques. Chez les patients déjà dialysés, sans fonction rénale ni diurèse à préserver, l’iode donne de bien meilleures images à l’avant-bras et au bras. Chez les patients en prédialyse, il est largement préférable d’utiliser le gaz carbonique en raison de son absence de toxicité rénale. Les contre-indications au CO2 sont rares : insuffisance respiratoire sévère et shunt droit-gauche. On peut alors dans ces rares cas utiliser de l’iode dilué à 90 % et réaliser la phlébographie avec seulement 10 mL d’iode par membre. Un pansement occlusif avec une crème anesthésiante peut être mis en place 30 minutes avant l’examen dans la future zone de ponction veineuse qui doit être obligatoirement une veine du dos de la main (cathlon 20 ou 22 G), de préférence sur son bord radial pour optimiser l’opacification de la veine céphalique (radiale superficielle) de l’avant-bras. Un garrot au bras sera donc mis en place suffisamment longtemps pour permettre aux veines de se dilater. On limitera la tendance au spasme veineux en chauffant l’avant-bras avec un sèche-cheveux. Une fois le cathétérisme effectué, certains injecteront un vasodilatateur qui peut cependant entraîner une réaction d’intolérance générale désagréable (vomissements, chute de tension, etc.). Plonger l’avantbras dans l’eau chaude est également efficace mais malaisé à réaliser sur une table d’angiographie. On doit ensuite placer le membre en supination parfaite en écartant le bras suffisamment du corps pour éviter la compression de la veine basilique du bras par les parties molles du thorax. Quatre séries angiographiques au minimum seront nécessaires : sur l’avant-bras avec et sans garrot, sur le bras puis sur le thorax. Si certains axes veineux ne sont pas opacifiés, on s’aidera de manœuvres dynamiques ou de garrots pour des séries complémentaires. Ainsi, en cas de non-opacification de la veine céphalique du bras, on réalisera une série sous compression extrinsèque de la veine basilique en demandant au patient, bras alors plaqué le long du corps, de coincer dans son aisselle, par exemple un flacon quelconque. Si la veine basilique n’est pas opacifiée, un garrot tenu sous tension par le patient, cravatant la face latérale du bras sera placé pour tenter d’opacifier le territoire basilique. Pour les phlébographies au CO2, une cadence d’acquisition de 6 images/seconde et un logiciel de soustraction sont nécessaires. Chaque série nécessite l’injection d’un bolus de 50 à 60 mL de gaz carbonique et un intervalle de 45 à 60 secondes doit être respecté entre deux injections. Masser la région à explorer entre deux injections est indispensable pour chasser les bulles résiduelles stagnantes qui peuvent gêner l’interprétation de la série suivante. On doit par ailleurs laisser le temps au CO2 de se dissoudre dans le plasma et éviter la formation d’une bulle de gaz dans
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse le cœur droit qui pourrait entraîner une pause cardiaque. Si cela survient, on doit comprimer le sternum comme pour un massage cardiaque puis mettre le malade en décubitus latéral gauche pour favoriser le remplissage liquidien du ventricule droit. Avec un produit de contraste iodé, un suivi de bolus sans soustraction des images nécessite 60 mL de contraste injectés à un débit de 2 à 4 mL/s selon la qualité de la veine ponctionnée. On procède à l’acquisition sans soustraction en déplaçant la table au fur et à mesure de la progression du contraste depuis le poignet jusqu’au thorax. Pour les injections soustraites, quatre séries sont nécessaires, comme pour le CO2, mais avec une cadence d’acquisition à une image/seconde seulement. L’étude de l’avant-bras nécessite 10 mL de produit iodé pulsés par autant de sérum physiologique. Pour le bras, on doit pulser 25 mL de sérum. Pour les veines centrales, ce sont 20 mL d’iode qui seront pulsés par 50 mL de sérum. L’injection d’iode n’est jamais douloureuse tant qu’il n’y a pas d’extravasation au point d’injection. L’injection de CO2 peut en revanche être douloureuse quand les veines superficielles sont détruites au poignet ou à l’avant-bras, ce qui oblige le gaz à passer par le territoire veineux profond et par de petites collatérales douloureuses à la distension. L’expérience a montré qu’il fallait en règle laisser les patients allongés environ une demi-heure après une injection de CO2 pour éviter des malaises à type d’hypotension orthostatique au lever. À noter qu’une toux et des céphalées transitoires sont fréquentes avec l’utilisation de CO2. L’intérêt essentiel de la phlébographie est d’étudier les veines centrales. C’est le seul centrage qui nécessite une acquisition en apnée. Il ne faut pas hésiter à refaire une injection si le patient a bougé ou respiré, ce qui peut rendre la soustraction très imparfaite. L’analyse des veines centrales est le domaine de prédilection du CO2.
Lecture de la phlébographie Les sténoses et les occlusions sont mises en évidence, de même que les suppléances. La règle d’or est qu’on doit se garder de dire qu’une veine non opacifiée à l’avantbras est thrombosée. Les aléas de la collatéralité amènent parfois le produit de contraste à ignorer une veine céphalique ou basilique perméable et potentiellement utilisable. On doit également être très prudent sur l’estimation du diamètre des veines car il est presque toujours sous-estimé : on n’est jamais certain malgré chaleur et/ ou vasodilatateur qu’une veine n’est pas partiellement ou totalement spasmée au moment de l’examen, surtout si on voit des images de valvules. La phlébographie idéale donne des images superposables aux schémas de l’anatomie veineuse décrite (fig. 10 et 11). En pratique, la plupart des phlébographies sont pathologiques et dans le pire des cas on n’opacifie plus que des veines profondes qui circulent en règle en paires parallèles satellites des artères.
Anatomie radiologique et imagerie préopératoire des vaisseaux du membre supérieur Le piège de lecture le plus fréquent se situe dans l’identification de la veine basilique au coude et au bras car elle peut être confondue avec une veine humérale profonde. On ne peut affirmer phlébographiquement qu’il s’agit bien de la veine basilique que si on l’opacifie dans le prolongement de sa racine céphalique (via la médiane basilique) ou basilique (cubitale superficielle) de l’avant-bras. Exceptionnellement, l’écho-doppler permettra dans les situations douteuses de préciser ce carrefour stratégique. De manière globale, la phlébographie est moins fiable que l’échographie dans l’appréciation du réseau veineux périphérique car la phlébographie n’opacifie que la lumière du vaisseau là où l’échographie apprécie aussi sa paroi, la souplesse des valvules et la profondeur par rapport à la peau. Une étude échographique exhaustive de l’ensemble du réseau veineux du membre est cependant un examen fastidieux et chronophage. Le compte rendu radiologique doit s’adapter à la personnalité du correspondant. Certains néphrologues et chirurgiens souhaitent que le radiologue donne son avis sur le type de fistule possible là où d’autres considéreront que c’est une intrusion inadmissible dans le processus de décision chirurgicale. Des conseils de protection du capital veineux seront d’ailleurs donnés en fonction du type d’abord projeté.
Ce qu’en fait le chirurgien À phlébographie égale, il y a pour le moins une grande variation dans l’appréciation que les chirurgiens feront de l’examen et dans le type de fistule qu’ils décideront de créer, surtout dans les cas où la qualité des vaisseaux est imparfaite. Certains chirurgiens, poussés et soutenus par leurs néphrologues, essaieront à tout prix de créer une fistule à l’avant-bras, quitte à gérer un probable défaut de maturation traitable par voie endovasculaire, alors que d’autres chirurgiens iront un peu trop facilement au coude ou mettront en place un goretex en violation flagrante des recommandations des sociétés savantes. La disponibilité, la compétence et le recours possible ou non à la radiologie interventionnelle sont des paramètres extrêmement variables d’une région à l’autre et cela peut considérablement modifier la politique locale en matière d’abords vasculaires.
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Fig. 1 – Anatomie artérielle la plus fréquente.
Fig. 2 – Artériographie montrant exceptionnellement les deux arcades palmaires dans leur entier.
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Fig. 3 – Variation anatomique la plus fréquente avec origine isolée haute de l’artère radiale. Le schéma représente aussi une bifurcation haute plus rare de l’artère radiale à l’avant-bras.
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Fig. 4 – Le schéma représente l’arcade anastomotique surnuméraire inconstante au coude entre l’artère radiale et le tronc cubito-interosseux.
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Fig. 5 – L’artère radiale peut être hypotrophique ou occluse dans son segment brachial et ne plus être alimentée que par l’arcade anastomotique dans son segment antébrachial.
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A
B
C
Fig. 6 – A. Ce premier temps d’artériographie d’une fistule radio-céphalique en bas débit semble montrer une origine sinueuse étrange de l’artère radiale qui n’est autre que l’arcade anastomotique au coude provenant du tronc cubito-interosseux et qui permet d’opacifier l’artère radiale antébrachiale avant son segment brachial visible sur les figures 6B et 6C. B. Ce centrage au bras montre l’origine haute de l’artère radiale. C. Ce temps artériographique plus tardif à l’avant-bras montre « l’arrivée » de l’artère radiale brachiale au coude, l’opacification retardée s’expliquant par une sténose ou un spasme au coude. La sténose terminale de l’artère radiale préanastomotique sera dilatée par voie veineuse rétrograde.
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Fig. 7 – Origine isolée haute de l’artère cubitale.
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Fig. 8 – Artériographie d’une fistule radiale montrant que l’anastomose a été faite non pas sur l’artère radiale mais sur l’une de ses deux branches de division terminale un peu haute.
A
B
Fig. 9 – A et B. Ces deux temps artériographiques sur une fistule radiale haute (incidence en pronation) montrent le développement de nombreuses collatérales artério-artérielles allant de l’artère cubitale vers l’artère radiale distale pour compenser à contre-courant la sténose de l’artère radiale proximale.
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Fig. 10 – Anatomie veineuse de base idéale, rarement rencontrée en pratique à l’avant-bras.
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Fig. 11 – Principales variations anatomiques avec naissance isolée basse de la veine céphalique accessoire, duplications ou bifidités, variations de la crosse terminale de la veine céphalique.
Fig. 12 – Fistulographie montrant une double duplication de la crosse céphalique dont une branche a une anatomie normale, la 2e rejoignant la veine jugulaire externe et la 3e directement le tronc innominé droit.
Quelles indications et quelle imagerie de l’abord vasculaire ? L. Turmel
INDICATIONS L’imagerie de l’abord vasculaire s’impose dans deux circonstances : investigation de la cause d’une anomalie clinique de l’abord vasculaire retentissant sur le malade ou la qualité de la dialyse ou bien prévention d’une thrombose aiguë de l’accès vasculaire jugée imminente.
ANOMALIES CLINIQUES Les anomalies cliniques les plus fréquentes sont les difficultés répétées de ponction et de cathétérisme, le débit insuffisant en cours de dialyse (survenant en général sur une veine artérialisée plate ou affaissée), l’élévation des pressions de retour veineux de dialyse, des temps d’hémostase anormalement longs en fin de dialyse, un œdème de la main, de l’avant-bras, du bras ou de l’ensemble du membre (survenant en général sur une veine sous tension et pulsatile), la survenue d’anomalies cutanées en zone de ponction, une dégénérescence anévrysmale, des douleurs ou plaies de la main, des signes biologiques de sous-dialyse à type de recirculation ou de mauvais KT/V. Le développement d’un réseau veineux collatéral, que ce soit à l’avant-bras ou à l’épaule, n’est pas un problème en soi mais traduit l’existence d’une autre anomalie : sténose sur l’axe veineux artérialisé principal ou hyperdébit de fistule.
PRÉVENTION DE LA THROMBOSE Le diagnostic de sténose menaçant la perméabilité de l’abord vasculaire repose bien sûr sur l’examen clinique quand infirmières et néphrologues sont formés sur ce sujet, ce qui est loin d’être général, mais aussi depuis une quinzaine d’années sur la mesure et l’évolution des débits de l’abord vasculaire. Cette mesure des débits peut se faire par des méthodes applicables au lit du malade pendant la séance de dialyse et donc aisées à mettre en œuvre (Transonic, dialysance ionique, etc.) ou par écho-doppler, méthode qui a l’avantage de fournir une imagerie de la fistule mais nécessite un déplacement du malade dans la structure adéquate. L’échodoppler est remboursé en France, pas la mesure des débits au lit du malade... La surveillance des débits devrait idéalement se faire tous les mois ou tous les 3 mois selon que l’abord vasculaire est jugé plus ou moins à risque de thrombose. Une « fistule de dialyse » utilisée apparemment sans aucun problème en dialyse devrait L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse être explorée dès que son débit descend en dessous d’un seuil jugé critique par les données hélas quelque peu controversées de la littérature. Il a été suggéré qu’un débit inférieur à 600 mL/min pour les montages prothétiques, et quelque part entre 350 et 500 mL/min pour les fistules natives puisse justifier une imagerie en vue de la confirmation du diagnostic puis du traitement de la sténose expliquant ce débit insuffisant [1, 2]. La notion de chute du débit est également importante et il a été suggéré d’étendre l’indication à agir à tout abord vasculaire dont le débit a chuté de 25 % entre deux mesures et est passé en dessous de 1 L/min. Il n’y a hélas à ce jour aucune preuve formelle de l’efficacité réelle à long terme de cette surveillance des débits sur la diminution universelle des taux de thrombose et sur la survie des abords vasculaires, notamment prothétiques.
QUELLE IMAGERIE POUR L’ABORD VASCULAIRE ? En 2011, la fistulographie, examen relativement invasif et coûteux, n’est plus un examen diagnostic en soi et ne se conçoit que dans la perspective de la dilatation concomitante des sténoses dépistées, sous réserve bien évidemment qu’il y ait indication raisonnable et défendable à corriger ces sténoses. L’imagerie de base se fait avec l’écho-doppler, examen non invasif et peu coûteux [3]. Tous les centres de dialyse n’ont cependant la chance de pouvoir travailler avec un écho-dopplériste motivé et compétent en abords vasculaires. Si on va à l’angiographie, c’est en règle parce que les néphrologues ou les chirurgiens sont presque certains qu’il y a une sténose expliquant les anomalies cliniques ou menaçant la perméabilité de l’abord vasculaire et que la dilatation percutanée en sera le meilleur traitement. Ceci explique également pourquoi il y a très peu d’indications à l’angioscanographie ou à l’angiographie par résonance magnétique (ARM) des fistules de dialyse puisque ces deux méthodes d’imagerie ne permettent pas la dilatation concomitante des sténoses [4, 5]. De surcroît, ces deux méthodes assez coûteuses par rapport à l’écho-doppler nécessitent la plupart du temps de cathétériser une veine du membre supérieur pour l’injection d’iode ou de gadolinium (molécule macrocyclique uniquement en cas d’insuffisance rénale pour limiter le risque de survenue d’une fibrose systémique néphrogénique). Quand on connaît la faible sensibilisation des médecins à la préservation du capital veineux, on frémit en pensant au nombre de veines potentiellement massacrées chez des insuffisants rénaux pour la réalisation de ces examens purement diagnostics qui ne fournissent guère plus d’information que l’écho-doppler (fig. 1). Malheureusement, les images d’angioscanographie et d’ARM des fistules de dialyse sont souvent très belles, trop belles, ce qui les rend attrayantes même si c’est la beauté du diable. Malgré toutes les mises en garde de la littérature et malgré tout ce qui pourra être écrit et répété, il y a fort à parier que angioscanographies et ARM des « fistules de dialyse » seront largement demandées et réalisées pendant des années puisqu’il est malheureusement beaucoup plus facile déjà en 2011 dans toutes les préfectures et sous-préfectures d’obtenir un scanner ou une IRM que de trouver un écho-dopplériste connaissant bien la problématique des abords vasculaires.
Quelles indications et quelle imagerie de l’abord vasculaire ?
Fig. 1 – Ce patient insuffisant rénal a été indûment ponctionné sur une veine de l’avant-bras qui aurait pu être utilisée pour la création d’une fistule radio-céphalique et qui risque d’avoir été endommagée par cette aiguille. Chez l’insuffisant rénal, ce sont obligatoirement les veines du dos de la main qu’on doit ponctionner ou perfuser, à l’extrême rigueur les veines du pli du coude. L’avant-bras doit être considéré comme un sanctuaire à protéger.
RÉFÉRENCES 1. National Kidney Foundation’s KDOQI 2006 Vascular Access Guidelines (2006) Am J Kidney Disease 48 (Suppl 1) : S177-322 2. Tessitore N, Mansucto G, Bedogna V et al. (2003) A prospective controlled trial on effect of percutaneous transluminal angioplasty on functioning arteriovenous fistulae survival. J Am Soc Nephrol 14 : 1623-7 3. Franco G (2003) Technique and results of duplex-Doppler for non-stenosing complications of vascular access for chronic hemodialysis : ischemia, steal, high flow rate, aneurysm. J Mal Vasc 28 : 200-5 4. Ko S, Huang C, Nga S et al. (2005) MDCT angiography for evaluation of the complete vascular tree of hemodialysis fistulas. Am J Radiol 185 : 1268-74 5. Froger C, Duijm L, Liem Y et al. (2005) Stenosis detection with MR angiography and digital subtraction angiography in dysfunctional hemodialysis access fistulas and grafts. Radiology 234 : 284-91
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Aspects psychologiques et cliniques L. Turmel
PSYCHOLOGIE DES PATIENTS Tous les types de personnalités sont rencontrés chez les patients dialysés. Quelques rares patients connaissent très bien leur maladie et exigent que ce soit le même chirurgien qui les opère et le même radiologue qui les dilate. La caractéristique la plus fréquente est toutefois la résignation, qu’elle soit liée à l’âge ou à l’ancienneté de la maladie. Beaucoup de patients sont incapables de dire depuis quand ils sont dialysés, quand a été créée la fistule, le type de médicaments qu’ils prennent ou la raison pour laquelle ils arrivent en radiologie pour explorer leur abord vasculaire. Cela est encore plus vrai lorsqu’on a à traiter des patients sourds ou ne comprenant pas le français. Il en résulte un petit fond d’agressivité de base qui se manifeste davantage à l’encontre des infirmières à l’accueil que vers le médecin qui officiera. Les malades s’avèrent ensuite d’une extrême passivité pendant le déroulement de l’examen. Rares sont les patients qui posent des questions, veulent tout comprendre et suivre l’examen de A à Z. Il y a aussi une proportion fort heureusement marginale de malades agités, agressifs, psychologiquement immatures et instables, le plus souvent des femmes jeunes. Ce sont des patients qui arrivent en agressant tout le monde, qui refusent d’abord de se déshabiller, puis refusent l’examen au dernier moment en arrivant dans la salle d’angiographie bien qu’ils se soient levés à 5 heures du matin et aient fait 2 heures de route pour venir… Les néphrologues ne sont en général guère surpris quand on les contacte alors pour leur faire part de ces difficultés relationnelles. L’immense majorité des examens se passe néanmoins dans un contexte relationnel correct à excellent malgré les petits désagréments liés aux aiguilles d’anesthésie locale et aux douleurs transitoires liées à la dilatation. Le ressenti douloureux des patients est très variable et se juge dès l’anesthésie locale, avec une réaction des malades qui varie entre presque rien et un retrait du bras avec cris intenses. Le recours à une sédation (type neuroleptanalgésie) est cependant rarement nécessaire (moins de 2 % des cas). Il y a enfin les malades qui arrivent en précisant qu’il ne faut surtout pas leur injecter de l’iode pour des raisons obscures ou en s’appuyant sur des raisonnements faux. On doit alors se montrer patient et pédagogue… Les enfants sont un cas totalement à part car la sédation est presque toujours nécessaire avant 15 ans. Les cas pédiatriques sont toutefois tellement peu nombreux et nécessitent une telle adaptation de l’environnement anesthésique qu’on peut légitimement se demander s’il ne faudrait pas, comme pour la difficile chirurgie des fistules, orienter tous les patients vers un centre de référence national. L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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ASPECTS CLINIQUES DES PATIENTS ET DES ABORDS VASCULAIRES L’examen clinique de l’abord vasculaire et l’interrogatoire du patient à son arrivée en radiologie, quand il est possible, sont fondamentaux et peuvent réserver des surprises. Pour cause de cyphose majeure ou d’insuffisance respiratoire sévère, l’examen sera réalisé sur un malade demi-assis. Des séquelles traumatiques ou neurologiques peuvent amener à traiter une fistule sur un membre en rétraction ou sur un avant-bras qui ne peut pas être positionné en supination. Les mouvements involontaires incessants des malades parkinsoniens obligent le radiologue à s’adapter et, pour les grands obèses, la position de décubitus latéral sera nécessaire pour arriver à centrer le tube à rayons X quelque peu sur l’avant-bras. Les tables d’angiographie sont en général prévues pour accepter les patients jusqu’à 160 kg.
La main Il est bon de serrer la main du patient à son arrivée du côté de la fistule. Ce geste de politesse élémentaire est aussi d’une grande utilité clinique pour dépister une main froide ou douloureuse ainsi que des anomalies cutanées pouvant traduire une ischémie de la main méconnue du centre de dialyse (fig. 1). Toute plaie de la main ou des doigts du côté de la fistule doit être considérée jusqu’à preuve du contraire comme la conséquence d’un retentissement pathologique de la fistule sur la vascularisation de la main. La stratégie de l’angiographie diagnostique est totalement modifiée dès qu’on suspecte une ischémie de main.
La fistule normale Une fistule native normale est une fistule qu’on ne voit presque jamais arriver en radiologie vasculaire. La veine artérialisée n’offre aucune résistance à la palpation/compression et elle doit s’affaisser au moins partiellement quand on met le bras en l’air. On doit sentir le frémissement dans le secteur anastomotique. Ce frémissement est dû à la turbulence engendrée à l’anastomose par le jet provenant de la petite artère sous pression (130 mmHg) et qui s’engouffre dans une veine nettement plus large et normalement sans résistance où la pression locale s’effondre.
La fistule plate Une veine plate à peine perceptible et couverte d’ecchymoses indique en règle un obstacle dans l’alimentation de la veine artérialisée qui se situe le plus souvent sur la veine à l’anastomose ou sur l’artère afférente (fig. 2). Ces hématomes
Aspects psychologiques et cliniques superficiels sont le résultat des difficultés de ponction rencontrées par les infirmières qui s’y sont reprises à plusieurs fois avant de réussir à positionner au moins une aiguille en intravasculaire. Ce sont le plus souvent des fistules de moins d’un an.
La fistule tendue Une veine tendue où le frémissement clinique est remplacé par une pulsatilité indique un obstacle sur le retour veineux (fig. 3 et 4), avec une sténose parfois palpable sous la forme d’un cordon induré. La veine ne s’affaisse pas quand on lève le bras. Il s’y associe souvent une petite inflammation au niveau des derniers points de ponction et on voit parfois des collatérales mises en charge par l’obstacle sur le retour veineux principal.
La fistule faussement normale L’association d’une sténose anastomotique et d’une sténose sur le retour veineux peut donner un aspect clinique de veine artérialisée faussement normale. On doit palper à la recherche de l’accentuation du frémissement ou prendre son stéthoscope à la recherche des turbulences au niveau des deux sténoses.
La fistule « mal piquée » Trouver la trace d’une ponction au-dessus du coude alors que la cicatrice d’anastomose est au poignet indique que la veine est ou sténosée ou trop profonde à l’avant-bras (fig. 5).
L’hyperdébit Une fistule qu’on voit à 5 mètres est en règle la conséquence d’un hyperdébit chronique (supérieur à 1,5 L/min) ayant entraîné une dégénérescence anévrysmale globale de la veine, souvent favorisée par un obstacle relatif du drainage veineux au coude ou à l’épaule (fig. 2 du chapitre 4 Histoire naturelle des abords vasculaires). La veine ne s’affaisse pas lorsqu’on lève le bras. Diverses collatérales peuvent être recrutées, mais cela ne traduit pas obligatoirement l’existence d’une sténose associée. Ce sont le plus souvent des fistules fonctionnant depuis plusieurs années.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Le gros bras, le gros avant-bras, la grosse main L’œdème du membre est jusqu’à preuve du contraire la conséquence d’un obstacle veineux central, sous-clavier ou brachio-céphalique (fig. 6). Une circulation collatérale est souvent visible à l’épaule. L’œdème limité à la seule main peut être dû à une sténose située n’importe où sur la veine artérialisée depuis l’anastomose jusqu’aux veines centrales. L’œdème de la main et de l’avant-bras peut être la conséquence d’une sténose située depuis le coude jusqu’aux veines centrales. L’œdème du bras respectant l’épaule peut s’expliquer par un obstacle veineux axillaire.
Les collatérales La présence d’une circulation collatérale est la conséquence d’une sténose ou occlusion sur l’axe veineux principal ou bien d’un hyperdébit (fig. 6). Ces collatérales se tariront d’elles-mêmes après traitement de la sténose ou de l’hyperdébit. Il y a peu d’indications à intervenir directement sur les collatérales dont le développement est souvent bénéfique. En autorisant un certain flux résiduel, elles évitent souvent la thrombose complète de l’abord vasculaire. Les collatérales à l’épaule quant à elles permettent d’éviter de se battre à dilater, redilater et à multiplier les stents sur les sténoses veineuses centrales tant qu’il n’y a pas d’œdème majeur du bras.
Les anomalies cutanées La présence de petits points de nécrose noirs en zone de ponction traduit un défaut de cicatrisation après les dernières ponctions des séances de dialyse. C’est en général la conséquence d’une hyperpression veineuse chronique qui comprime les vasa vasorum et les capillaires cutanés chargés de fournir tous les éléments d’une cicatrisation normale (fig. 7, 8 et 9). L’hyperpression veineuse est due à un obstacle situé en aval des sites de ponction et peut être favorisée par un hyperdébit. Ces petits points noirs vont progressivement grossir si rien n’est fait, jusqu’à donner des plaques de nécrose de plusieurs millimètres de diamètre. Le risque est l’hémorragie massive par détachement spontané de cette pastille nécrotique, saignement qui peut être fatal s’il survient durant le sommeil ou chez un patient handicapé incapable de comprimer localement (fig. 10). Un patient arrivant avec un point de nécrose menaçant doit être laissé sous surveillance permanente et confié au chirurgien immédiatement avant ou après dilatation de la sténose sous-jacente. La gravité de ces points de nécrose est largement méconnue par nombre d’infirmières de dialyse et de néphrologues.
Aspects psychologiques et cliniques Les anévrysmes La présence d’anévrysmes est assez fréquente. Ils se développent le plus souvent dans les deux zones de ponction et sont la conséquence de la fragilisation progressive de la paroi veineuse résultant des ponctions tri-hebdomadaires. Ils sont favorisés par l’hyperpression veineuse chronique résultant de sténoses d’aval ou d’un hyperdébit (fig. 11). Certains anévrysmes ont des tailles effrayantes et le danger est celui de leur rupture. Les malades et le personnel de dialyse sont souvent d’une grande passivité à l’égard de ces anévrysmes qu’ils ont vus progressivement se développer et il n’est pas rare que ce soit le radiologue ou le chirurgien qui tire la sonnette d’alarme sur la taille devenue déraisonnable de ces boursoufflures inquiétantes. L’indication à la correction chirurgicale de ces anévrysmes n’obéit cependant à aucune règle précise en dehors du développement de l’inflammation ou de l’amincissement cutané majeur risquant d’aboutir à la rupture. Pour les actes endovasculaires, on évite de ponctionner dans ces anévrysmes mais, si on doit le faire, il faut les piquer à leur base, jamais sur leur dôme, tout en essayant de tunnelliser au maximum au moment de la ponction pour que le point d’entrée dans l’anévrysme soit le plus éloigné possible du point d’entrée cutané.
La fistule douloureuse Une fistule douloureuse se voit dans les montages prothétiques infectés et dans certaines fistules natives fraîchement thrombosées. C’est dans ce dernier cas une réaction purement inflammatoire due à la « phlébite » et n’a pas de rapport avec une infection (fig. 12). La thrombose et la douleur se limitent parfois à un des anévrysmes ponctionnés en dialyse.
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Fig. 1 – Ces troubles de la coloration pulpaire et cette plaie du 4e doigt étaient totalement passés inaperçus des infirmières et des néphrologues qui s’étaient focalisés sur un problème d’hyperpression veineuse en zones de ponction (effectivement inflammatoires) et n’avaient jamais prêté attention à la main.
Fig. 2 – Cet hématome, superficiel mais étendu, était la conséquence des difficultés de ponction répétées des infirmières sur une veine en bas débit du fait d’une sténose anastomotique qui aurait dû être explorée plus tôt.
Aspects psychologiques et cliniques
Fig. 3 – Cette fistule cubitale gauche est de longue date sous pression sur tout son trajet à l’avantbras du fait d’une sténose au coude, ce qui a favorisé sa dégénérescence anévrysmale.
Fig. 4 – Aspect typique de sténose entre les deux points de ponction sur une fistule huméro-céphalique gauche assez ancienne. L’anévrysme du site artériel de dialyse est sous tension, l’anévrysme du site veineux est affaissé car sous-perfusé.
Fig. 5 – Alors que l’anastomose est proche du poignet, on ne voit bien la veine artérialisée que dans ses premiers centimètres et elle redevient à nouveau visible à partir du coude. L’ecchymose au bras (flèche) indique que c’est l’endroit où les infirmières ont piqué le dernier retour veineux de dialyse car la veine n’était pas perceptible sur le haut avant-bras du fait d’une sténose locale.
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Fig. 6 – Ce patient est arrivé avec un œdème très douloureux de l’ensemble du membre supérieur droit très mal soulagé par un bandage compressif à l’avant-bras. On reconnaît une circulation collatérale préthoracique, les zones de ponction de cette fistule humérocéphalique ainsi qu’une cicatrice béante au coude. Ce patient avait bénéficié 3 semaines auparavant de la réfection chirurgicale de l’anastomose artério-veineuse alors qu’il y avait une occlusion méconnue de la veine sous-clavière d’aval.
Fig. 7 – Stade de prénécrose cutanée en zone de ponction sur une veine sous tension du fait d’un obstacle sur le retour veineux.
Fig. 8 – Stade plus tardif chez un autre patient avec des pastilles nécrotiques encore de petite taille.
Aspects psychologiques et cliniques
Fig. 9 – Stade avancé et extrêmement dangereux de nécrose cutanée, qui doit être adressé impérativement en urgence au chirurgien.
Fig. 10 – Vue d’artiste à visée didactique montrant la puissance potentielle du jet hémorragique si la pastille de nécrose cutanée se détache.
Fig. 11 – Fistule huméro-céphalique gauche de plusieurs années qui a développé une dégénérescence anévrysmale sévère des deux sites de dialyse, favorisée par une sténose de la crosse terminale de la veine céphalique pas si sévère mais rendue rapidement symptomatique par la poussée systolique de la grosse artère humérale.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Fig. 12 – Cette fistule cubitale gauche thrombosée s’accompagnait d’une réaction inflammatoire douloureuse des veines de drainage prédominant au coude. La cicatrice du bras était en rapport avec une chirurgie ancienne de mise en place d’un court pontage destiné à shunter une sténose récidivante de la veine basilique. La thrombose était due à des sténoses développées aux deux extrémités de ce court pontage.
Quel bilan avant les explorations en radiologie vasculaire ? L. Turmel
Les « fistulographies », dilatations et désobstructions, se font dans la majorité des cas sous anesthésie locale et en « ambulatoire », c’est-à-dire à l’occasion d’une courte hospitalisation de quelques heures. Ces explorations et traitements percutanés qui ont la réputation d’être peu invasifs peuvent néanmoins entraîner un certain nombre de complications assez rares mais potentiellement graves.
LES INFORMATIONS PRÉALABLES À une époque où toutes les structures médicales baignent dans une ambiance de recommandations et d’évaluations, il est étonnant de voir des néphrologues ou chirurgiens prendre des rendez-vous et envoyer les patients en radiologie vasculaire comme s’il s’agissait d’une simple radiographie des poumons… Il en résulte bien des malentendus et de grandes pertes de temps. L’idéal serait bien évidemment pour le radiologue vasculaire de voir chaque patient en consultation avant toute exploration invasive, à l’instar de ce qui se fait avant chirurgie et avant toute anesthésie sérieuse. Cela est malheureusement peu faisable chez ces patients en règle peu curieux et peu revendicatifs qui passent déjà 3 demi-journées par semaine dans une structure médicale pour leur dialyse et qui pour beaucoup reviennent de façon répétitive pour leur traitement endovasculaire. Les néphrologues, infirmières et autres malades de dialyse font donc le travail d’information préalable et le patient ne signe son « consentement éclairé » que lorsqu’il arrive en radiologie vasculaire (on peut parler de « délégation d’information »). À l’époque où les check-lists ont fait la preuve de leur efficacité, nos structures ont mis en place un questionnaire-type (voir chapitre 16, Annexe 4) qui doit être rempli par le néphrologue ou le chirurgien demandant l’examen et qui permet de clarifier les points principaux, notamment les antécédents de prétendue « allergie à l’iode », l’état des sérologies, les traitements principaux en cours, les comorbidités, la rare nécessité de recourir à une véritable neuroleptanalgésie, seule circonstance où la consultation d’anesthésie préalable légale sera requise. L’historique des abords vasculaires du patient, avec notamment les derniers comptes-rendus chirurgicaux ou radiologiques, est souhaitable mais la tenue du dossier « abord vasculaire » par les centres de dialyse va de l’excellent à l’inexistant. L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Ce questionnaire ne résout pas tous les problèmes puisque des patients arrivent au volant de leur voiture en espérant bien pouvoir reconduire immédiatement après l’examen, ce qui est bien évidemment incompatible avec les doses d’anesthésie locale et les éventuelles ponctions artérielles qu’ils subiront. De même, les néphrologues cochent parfois la case « neuroleptanalgésie nécessaire » sans avoir prévu la consultation légale avec l’anesthésiste au minimum 48 heures avant l’examen. Ces patients demandant à être « complètement endormis » ne comprennent pas qu’on ne puisse pas le faire. Des patients septiques ou ayant des sérologies positives arrivent le matin alors qu’ils devraient être préférentiellement explorés en fin de programme.
ANESTHÉSIE Le recours à une sédation programmée est la seule circonstance où le patient doit venir à jeun. Dans tous les autres cas, le jeûne n’est pas nécessaire et s’avère d’autant moins souhaitable que beaucoup de dialysés sont aujourd’hui diabétiques.
ALLERGIES Des patients étiquetés « allergiques à l’iode » sans aucun détail sur la nature de cette prétendue allergie sont parfois adressés sans aucun contact préalable et n’ont même pas été prémédiqués, même si on sait parfaitement qu’une prémédication ne met pas à l’abri des réactions d’hypersensibilité sévères, obligeant parfois ou à prendre des risques ou à reporter l’examen. La problématique de l’injection des produits iodés est très bien développée dans la fiche technique de la Société Française de Radiologie (www.sfrnet.org). L’allergie à l’iode n’existe pas, c’est l’allergie à la molécule porteuse qui est en cause et seule la preuve allergologique d’une réaction d’hypersensibilité immédiate à un produit de contraste iodé donné est une contreindication à réinjecter ce produit. Un terrain allergique général (asthme, allergie à certains médicaments, à la Bétadine®, aux fruits de mer…) n’est pas une contre-indication à l’injection d’un produit de contraste iodé. En revanche, une simple urticaire développée dans les suites immédiates de l’injection d’un produit iodé peut révéler une véritable hypersensibilité et décourage fortement de réutiliser le même produit, à condition qu’on sache quelle molécule a été injectée au moment de la réaction ! Aucune prémédication ne met à l’abri d’une réaction grave. Lorsque l’accident « d’allergie à l’iode » est ancien, on doit utiliser un des produits iodés les plus récemment mis sur le marché afin de changer ainsi de molécule, même si des réactions allergiques croisées sont toujours possibles. L’allergie au latex n’est pas exceptionnelle mais il suffit d’utiliser des gants qui n’en contiennent pas et se méfier de tous les composants des tissus divers en contact avec le malade. L’allergie à l’oxyde d’éthylène, très rare, nécessite de purger et de laver abondamment tout le matériel stérilisé à l’oxyde d’éthylène (label « EO » sur l’emballage par opposition à « R » pour rayons gamma) susceptible d’entrer en contact avec le patient. Certaines allergies supposées à l’héparine invitent évidemment à n’utiliser que du sérum salé non hépariné pour le rinçage du matériel.
Quel bilan avant les explorations en radiologie vasculaire ?
ANTICOAGULANTS Le fait que les patients soient sous anticoagulants par voie orale et qu’on n’ait aucune idée du dernier INR incite à ne pas ponctionner l’artère humérale mais n’empêche nullement une ponction de la veine artérialisée comme cela se fait en dialyse. Les antiagrégants plaquettaires ne contre-indiquent aucune ponction tant artérielle que veineuse.
CAS PARTICULIER DES THROMBOSES AIGUËS Il ne faut jamais accepter ou commencer la désobstruction d’un abord thrombosé sans avoir le résultat de la kaliémie, le chiffre de 6 mmol/L pouvant être considéré comme le seuil de refus à partir duquel une dialyse par cathéter fémoral est un préalable à toute intervention. La désobstruction des fistules thrombosées est potentiellement l’examen le plus long et le plus désagréable pour le malade (et pour le radiologue !). Malheureusement, c’est l’examen où la sédation est le moins souvent réalisable. En effet, le diagnostic de thrombose de l’abord vasculaire a souvent été fait à l’arrivée en dialyse du malade qui n’avait donc aucune raison d’être à jeun. La kaliémie est souvent subnormale et le patient est de fait en général accepté dans le service de radiologie interventionnelle dans les 3 heures suivant le diagnostic de thrombose. Bien que le patient soit dispensé de la consultation d’anesthésie légale pour cet examen urgent, l’absence de jeûne interdit l’utilisation des drogues efficaces et, si par hasard le patient est à jeun, les néphrologues l’attendent ensuite dans les meilleurs délais pour le dialyser, ce qui est incompatible avec les 2 à 3 heures de surveillance en salle de réveil qu’exige une sédation sérieuse !
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Angiographie (« fistulographie ») L. Turmel
PLACE DE L’ANGIOGRAPHIE L’étude angiographique de l’abord vasculaire (couramment appelée « fistulographie ») est le préalable indispensable à tout acte de dilatation percutanée dont elle permettra également d’évaluer le résultat. La « fistulographie » n’est plus en 2011 un examen diagnostic en soi et ne se conçoit que dans la perspective de la dilatation concomitante des sténoses dépistées, sous réserve bien évidemment qu’il y ait indication raisonnable et défendable à corriger ces sténoses. La contre-indication la plus banale à l’angiographie diagnostique, mais qui est finalement peu respectée, est la sténose veineuse juxta-anastomotique d’une fistule radiale au poignet. Si l’écho-doppler a confirmé que cette sténose au poignet est isolée, que la veine artérialisée ne devient pas ensuite trop rapidement profonde et que l’artère cubitale est correcte, l’indication à une reprise chirurgicale de l’anastomose est indubitable et il n’y a donc dans ce cas aucune raison de passer par une confirmation angiographique [1]. En pratique, peu de doppléristes travaillent en binôme suffisamment efficace avec les néphrologues pour que l’indication chirurgicale soit posée et c’est ainsi que les patients se retrouvent programmés pour fistulographie-dilatation.
L’ENVIRONNEMENT OPÉRATOIRE Une angiographie doit se faire sur une table de radiologie vasculaire installée dans un environnement de bloc répondant aux normes d’hygiène et de sécurité anesthésique. La surveillance de la pression artérielle, de l’oxymétrie et au besoin de l’électrocardiogramme aide à cerner l’origine des complications qui peuvent se produire. La survenue d’une anaphylaxie est toujours possible au moment de l’injection d’un produit iodé comme pour toute autre drogue intraveineuse. On peut proposer au malade systématiquement la mise en place d’un masque pour inhalation d’un mélange d’oxygène et de protoxyde d’azote à 50 % (MEOPA). L’effet du protoxyde d’azote est très variable : certains patients y sont totalement insensibles, certains patients (moins de 5 %) dorment rapidement et profondément (personnes âgées, patients de race noire), ce qui est d’un confort exceptionnel pour les dilatations potentiellement douloureuses qui suivront puisque l’usage du protoxyde d’azote ne requiert ni jeûne, ni présence d’un anesthésiste. L’opérateur doit maîtriser les règles de base de la radioprotection (formation réglementaire) et connaître le mécanisme de formation de l’image radiologique pour en saisir les subtilités. Une imagerie de qualité est un préalable indispensable au diagnostic des lésions, à la L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse réalisation des cathétérismes, à l’appréciation des résultats obtenus et à la gestion des complications. Ces conditions sont loin d’être toujours réunies en pratique. Les actes de radiologie interventionnelle sur les abords vasculaires peuvent être longues. L’opérateur travaille debout et piétine donc pendant des heures, affublé de son tablier de plomb. Aucun système veineux des membres inférieurs n’en sort indemne après quelques années. Le port de bas de contention est fortement conseillé dès le plus jeune âge.
PRODUITS DE CONTRASTE Les produits de contraste iodés sont utilisés dans la majorité des cas après avoir essayé de cerner la réalité des prétendues allergies à l’iode affirmées haut et fort par beaucoup de patients. Dans les cas exceptionnels d’allergie avérée, on peut utiliser le CO2 ou les produits à base de gadolinium qui n’ont toutefois pas d’AMM en angiographie. L’injection de CO2 dans une fistule circulante est potentiellement dangereuse et mortelle en cas de reflux accidentel dans l’artère humérale remontant jusqu’à l’artère vertébrale ou carotide [2]. Le produit de contraste iodé sera dilué entre 80 et 90 % (1 à 2 mL d’iode pour 9 à 8 mL de sérum salé) chez les patients non encore dialysés (patients jamais dialysés ou porteur d’un rein greffé en fin de vie) [3]. Il semble qu’on puisse privilégier dans ces cas l’utilisation du Visipaque® qui serait légèrement moins néphrotoxique que les autres molécules. En revanche, nous devons rappeler aux néphrologues qu’un acte de dilatation ou de désobstruction peut être long et compliqué et qu’on risque finalement d’injecter beaucoup plus d’iode que prévu. On peut néanmoins penser que l’heure de la dialyse est proche si un abord vasculaire a été créé et qu’on demande de le rendre utilisable. Le dialysé développe parfois une complication très spécifique après injection d’iode. Il s’agit d’une inflammation transitoire des glandes salivaires dans les jours suivants qu’on appelle « oreillons à l’iode » [4]. Cela est probablement dû à l’excrétion salivaire de l’iode qui se fait principalement par le tube digestif chez les insuffisants rénaux. C’est ainsi qu’un abdomen sans préparation (ASP) peut montrer une très belle cholécystographie ou un équivalent de lavement baryté chez un dialysé dans les heures suivant l’injection d’iode. Ces oreillons à l’iode ne sont pas une contre-indication formelle à injecter de l’iode mais incitent à limiter la quantité injectée dans la mesure où la réaction inflammatoire des glandes salivaires est potentiellement dose-dépendante. Les produits gadolinés sont très peu utilisés en pratique en raison de leurs inconvénients (opacification faible, nécessité d’un volume important, coût, risque de fibrose systémique néphrogénique) [5, 6].
TECHNIQUE La voie d’abord pour l’angiographie dépend du tableau clinique motivant l’exploration. En revanche, l’exploration de l’abord vasculaire est toujours réalisée
Angiographie (« fistulographie ») depuis l’anastomose artério-veineuse jusqu’aux veines centrales sur un membre en parfaite supination, seule incidence permettant de reconnaître l’anatomie des artères et veines à l’avant-bras et au coude.
Bas débit des fistules de l’avant-bras En cas de débit insuffisant, de difficultés de ponction sur le site artériel de dialyse ou de retard de maturation dans les fistules natives de l’avant-bras, la ponction artérielle rétrograde au coude est souhaitable lors de la toute première exploration de la fistule afin de pouvoir apprécier l’état de toutes les artères de l’avant-bras qui sont toutes susceptibles de participer directement ou indirectement à l’alimentation de la fistule. Cela permet aussi d’apprécier le risque de développement d’une ischémie de main chez les patients diabétiques, âgés ou anciens fumeurs. Dans 20 % des cas, ce n’est pas l’artère humérale mais une de ses branches de bifurcation précoce plus petite qu’on ponctionne. Sur le plan technique, après mise en place du champ opératoire stérile requis pour la dilatation qui suivra, on ponctionne après anesthésie locale l’artère humérale avec une aiguille 18 G. Un guide hydrophile droit (moins propice que le guide angulé à entrer dans les collatérales) est monté assez haut dans l’artère humérale et on peut ensuite pousser par exemple le dilatateur d’un introducteur 4 F. Ce dilatateur agit comme une sonde courte de 10 cm positionnée suffisamment haut dans l’artère humérale pour pouvoir refluer au moins jusqu’au niveau axillaire et opacifier une artère radiale à naissance haute. Par rapport au téflon des aiguilles de ponction, ce cathéter de 10 cm encourt peu de risque d’être retiré involontairement lors du raccordement à l’injecteur et il n’offre aucun risque de torsion ou de plicature lors de sa fixation à la peau avec un tissu adhésif stérile. Une injection de 10 mL/s pendant 1 seconde suffit à évaluer chaque segment de membre. Quatre séries au minimum sont nécessaires : sur le bras, l’avant-bras, la main et les veines centrales. Il faut accroître volume et débit (15 à 30 mL à 15 mL/s) en cas de naissance haute d’une artère de l’avant-bras. Cette ponction artérielle au coude est toutefois déconseillée chez les patients dont le traitement par les antivitamines K (AVK) n’a pas été arrêté. Il faut, dans ce cas, se résoudre à une ponction veineuse et à un cathétérisme rétrograde de la veine à partir du coude ou du haut avant-bras, souvent bien palpable après mise en place d’un garrot au bras. L’inconvénient est le spasme local induit par la ponction de la veine qui peut s’avérer occlusif. L’idéal est de descendre ensuite le cathéter diagnostique 4 F ou 5 F jusqu’au niveau de l’anastomose et de procéder à une première acquisition en comprimant la veine 1 à 2 cm au-dessus de l’extrémité du cathéter : cela permet (sauf grosse collatérale locale qu’il faut aussi comprimer) d’opacifier par reflux l’anastomose et parfois toute l’artère radiale avant tout spasme lié au passage du guide dans l’artère proximale. On peut ensuite si nécessaire cathétériser l’anastomose et remonter la sonde jusqu’à l’artère humérale pour une évaluation de la vascularisation de la main qui sera néanmoins faussée par la présence du cathéter générateur de spasme dans l’artère radiale.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Bas débit des fistules au coude Pour les bas débits et difficultés de ponction sur les fistules au coude, une ponction rétrograde de la veine est souvent possible après mise en place d’un garrot le plus près possible de l’épaule. La morphologie en règle favorable de l’anastomose avec la grosse artère humérale permet de pousser facilement un cathéter dans l’artère humérale proximale à moindre spasme.
Hyperpression veineuse En cas d’hyperpression veineuse signant un obstacle au retour veineux, que ce soit à l’avant-bras ou au bras, une ponction antérograde de la veine près de l’anastomose permettra à la fois l’angiographie et ensuite le passage du ballon de dilatation. L’anastomose et les artères de l’avant-bras pourront être opacifiées par reflux en comprimant la veine en aval immédiat de l’introducteur ou pendant que le ballon de dilatation interrompra le flux. Cela peut néanmoins s’avérer inefficace lorsqu’il y a des collatérales veineuses proches de l’anastomose qui vont drainer le produit de contraste avant qu’il n’atteigne l’artère.
Ischémie de main En cas de syndrome ischémique de la main (voir chapitre 11 Ischémie de main), il faut pouvoir opacifier tout le réseau artériel depuis l’ostium sousclavier jusqu’aux doigts. Dans les fistules natives du bras, on peut souvent utiliser une ponction rétrograde de la veine artérialisée, passer facilement l’anastomose et remonter un cathéter 4 F dans la crosse aortique. Pour les fistules à l’avant-bras, il faut en règle ponctionner l’artère humérale de manière rétrograde. On arrive ensuite souvent à opacifier l’artère sous-clavière par reflux en comprimant l’artère humérale au moment de l’injection qui doit se faire à haute dose-haut débit (30 à 40 mL à 15 mL/s). En l’absence de pouls huméral, il faut se rabattre sur une voie artérielle fémorale et montée de sonde dans la crosse aortique.
Hyperdébit En cas de bilan angiographique avant réduction d’hyperdébit, il faut également offrir au chirurgien une cartographie complète des artères du membre supérieur et on procède techniquement comme pour l’ischémie de main. Il n’y a actuellement aucune technique percutanée de réduction du débit des fistules : le stent « sténosant » est encore à inventer.
Angiographie (« fistulographie ») Montages prothétiques Les montages prothétiques sont en règle très faciles à ponctionner et on les aborde généralement de manière antérograde puisque les sténoses de l’anastomose veineuse et des veines d’aval représentent plus de 90 % des problèmes. Dans les pontages en boucle, le sens de circulation du sang n’est pas toujours connu du malade. Il suffit alors de comprimer fermement avec un doigt le pontage au sommet de sa boucle. La branche de la boucle qui reçoit le flux artériel devient pulsatile et c’est elle qu’il faut piquer en direction de l’apex qu’on vient de comprimer.
Piège Quelle que soit la technique utilisée, l’absence de flux circulant à la première injection-test doit amener à considérer que l’aiguille ou l’introducteur est occlusif du fait du positionnement imprévu de l’introducteur à travers une sténose ou en raison d’un spasme au point de ponction. Il faut donc retirer l’introducteur de quelques millimètres sur guide jusqu’au rétablissement d’un flux, mais il faut parfois se résoudre à retirer le matériel et à repiquer un peu plus haut ou plus bas.
INTERPRÉTATION DE L’ANGIOGRAPHIE On ne peut bien évidemment pas comprendre une « fistulographie » sans avoir une connaissance correcte de l’anatomie artérielle et veineuse des membres supérieurs, de ses variations les plus fréquentes et de la physiologie des abords vasculaires.
Les artères Une grosse artère déroulée sur elle-même est le fait ou d’un hyperdébit ou d’une fistule de plusieurs années. Une artère humérale trop petite, insuffisamment développée, indique une infiltration globale de la paroi artérielle, en règle due au diabète ou au tabac. Au bras, il faut être sûr qu’il s’agit bien de l’artère principale et non d’un tronc cubito-interosseux ou d’un tronc radio-interosseux. Ne pas voir une artère de l’avant-bras ne signifie pas qu’elle soit occluse. Il faut penser à une naissance axillaire haute non atteinte par le reflux du produit de contraste. Même en cas d’occlusion de l’artère cubitale chez un diabétique, il est rare de ne pas en reconnaître le moignon. En cas d’occlusion avérée de l’artère cubitale, il y a une reprise du réseau cubital au poignet par des collatérales interosseuses ou par l’arcade palmaire.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse La présence de collatérales très développées allant de l’artère interosseuse vers l’artère radiale distale traduit toujours l’existence ou d’une sténose sur l’artère radiale proximale ou d’un hyperdébit (fig. 1A, B et C). Une artère radiale alimentant une fistule radio-céphalique à l’avant-bras doit toujours être de calibre supérieur à celui de l’artère cubitale et s’opacifier avant elle. Si tel n’est pas le cas, c’est que cette artère radiale a une paroi pathologique et risque de ne jamais s’élargir suffisamment pour offrir un flux suffisant à la fistule car le diamètre d’une artère est en règle proportionnel à son débit. Quant à l’artère radiale distale, elle doit de principe circuler à contre-courant, c’est-à-dire vers l’anastomose et non vers la main. Si tel n’est pas le cas, c’est que la fistule est en très bas débit du fait d’une sténose sévère. Si l’artère radiale distale est plus grosse que l’artère radiale proximale, cela signifie que l’artère proximale est ou sténosée ou globalement infiltrée. Dans le cas des fistules au coude circulant depuis plusieurs années, presque tout le flux de l’artère humérale d’amont passe dans l’anastomose et on opacifie rarement spontanément l’artère humérale d’aval. Ce sont des collatérales issues de l’artère axillaire et de l’artère humérale d’amont qui reprennent l’artère humérale d’aval ou directement l’origine des artères de l’avant-bras. Le diagnostic de sténose artérielle localisée significative est en règle facile. Des lésions de fibrodysplasie congénitale se voient de manière non exceptionnelle aux membres supérieurs.
Les veines La veine artérialisée doit toujours être plus grosse que l’artère qui l’alimente. Si son diamètre est identique ou plus petit, c’est qu’elle est sténosée. Une sténose veineuse juxta-anastomotique peut néanmoins être parfois très bénéfique en limitant le débit de la fistule. Tout reflux veineux dans des veines collatérales indique une sténose significative sur l’axe veineux principal. Il faut cependant faire la différence entre collatérales et anatomie normale. Il est normal d’opacifier à la fois la veine céphalique médiane et la veine céphalique accessoire sur le haut avant-bras et il est ensuite normal d’opacifier à la fois la veine basilique et la veine céphalique au bras. Opacifier une veine refluant tant soit peu vers le poignet est en revanche anormal. Au coude, un drainage exclusif par une veine perforante traduit l’occlusion de la veine basilique et de la veine céphalique. L’aspect angiographique est parfois trompeur et il n’est pas rare pour le lecteur non averti de confondre veine basilique et veine humérale profonde au coude et au bras. C’est l’incidence de profil du coude qui permet de les différencier. En cas de drainage par la seule veine perforante, il faut systématiquement rechercher un moignon de veine basilique potentiellement recanalisable pour redonner un drainage superficiel direct à la fistule de l’avant-bras et améliorer son pronostic à long terme. On peut aisément confondre sténose et spasme. La ponction de la veine artérialisée et la mise en place d’un introducteur induisent souvent un spasme à leur point d’entrée.
Angiographie (« fistulographie ») Le simple cathétérisme avec un guide induit facilement des spasmes sur la veine céphalique du bras. Lorsqu’on a ponctionné l’artère humérale pour l’angiographie, l’effet de masse de la Xylocaïne® comprime souvent la veine basilique au coude, qui semble alors sténosée sur les premières injections. Il faut savoir refaire des injections en fin d’examen, parfois après mise en place d’un garrot au bras, pour confirmer que ce n’était qu’un spasme et non une sténose organique. Une sténose se définit comme un segment rétréci par rapport au vaisseau adjacent normal d’amont ou d’aval immédiat. La définition du segment de référence est toutefois souvent aléatoire dans les abords d’hémodialyse dans la mesure où c’est parfois toute la veine ou toute l’artère qui est infiltrée et dans la mesure où la veine peut être anormalement anévrysmale en amont comme en aval. On ne peut éliminer une sténose ou la juger qu’en réalisant au moins deux incidences orthogonales, ce qui est assez aisé à l’avant-bras en faisant une incidence en supination et l’autre en pronation. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’on peut exceptionnellement mettre en évidence des piégeages intermittents de l’artère radiale ou cubitale au tiers supérieur de l’avant-bras ou au poignet [7]. Certaines sténoses sont masquées par la superposition d’anévrysmes veineux en amont ou en aval immédiat (fig. 2). Des sténoses très localisées et courtes développées sur une hypertrophie valvulaire ne sont parfois angiographiquement visibles que sur la toute première image de remplissage par leur effet de jet (fig. 3A et B). Elles sont noyées dans les valvules ensuite et non reconnaissables. Affirmer l’existence d’une sténose veineuse peut donc être parfois délicat mais la chiffrer avec certitude relève souvent de l’impossible. La clinique est alors fondamentale pour déterminer si le rétrécissement absolu ou relatif visible à l’angiographie peut valablement expliquer les anomalies qui ont motivé l’examen et en déduire si la dilatation a des chances sérieuses ou non de résoudre le problème. On peut si on le veut absolument et si on en a le temps étayer le diagnostic de sténose en mesurant le gradient de pression à travers la zone de sténose [8]. On doit néanmoins savoir qu’une perte de charge en pression de 50 % est normale à l’anastomose des fistules natives et qu’elle est de 30 % à l’anastomose artérielle des prothèses. Enfin, nous avons déjà insisté sur le fait qu’un reflux dans des collatérales d’amont est un signe sémiologique de sténose significative sur la veine artérialisée principale. Ce signe est très spécifique sauf en cas d’hyperdébit de fistule où toutes les veines sont recrutées.
SIÈGE DES STÉNOSES Dans les fistules de l’avant-bras, les sténoses les plus fréquentes intéressent le segment veineux juxta-anastomotique mais elles peuvent se voir sur tout le trajet artériel et veineux [9] (fig. 2). Quand une veine a été superficialisée, ce qui se reconnaît par l’existence d’une cicatrice au coude, une sténose se forme fréquemment en fin de superficialisation en approchant du coude.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Dans les fistules natives au bras, les sténoses les plus fréquentes se développent en aval des sites de dialyse (fig. 4). En ce qui concerne les fistules humérocéphaliques, les sténoses se développent fréquemment sur la crosse terminale de la veine à l’épaule. Cette crosse présente de fréquentes variations anatomiques à type de duplications et de drainages anormaux vers les veines jugulaires interne et externe ou directement vers le tronc innominé. Un reflux vers l’avant-bras en perfusant à contre-courant la veine radiale superficielle accessoire confirme le caractère significatif de la sténose de la crosse mais cela se voit aussi dans les hyperdébits. Dans les fistules basiliques superficialisées, la sténose la plus fréquente se développe en fin de superficialisation de la veine en approchant du creux axillaire. Un reflux vers l’avant-bras peut se voir en cas de non-ligature par le chirurgien de la racine cubitale superficielle. Les sténoses peuvent aussi se développer en zone de ponction ou à l’anastomose. Il n’y a pas de sténose veineuse centrale significative sans reflux dans les veines collatérales situées en amont. La veine sous-clavière présente un rétrécissement terminal physiologique au niveau du défilé thoraco-brachial. Une compression extrinsèque du tronc veineux innominé gauche par la crosse aortique est fréquente chez les sujets hypertendus. Même en cas de sténose sévère ou d’occlusion chronique, les collatérales d’amont sont souvent tellement bien développées qu’elles suppléent parfaitement l’obstacle veineux central et drainent suffisamment le flux provenant de la fistule pour éviter la stagnation vasculaire, donc l’œdème du bras. Dans les prothèses, les sténoses se développent en grande majorité sur l’anastomose veineuse, en l’occurrence sur la veine d’aval immédiat et non sur la prothèse elle-même [9, 10] (fig. 5).
RARETÉS Dans le domaine des raretés, on peut objectiver des fistules artério-veineuses congénitales ou iatrogènes, c’est-à-dire consécutives à des ponctions artérielles ou veineuses, surtout au coude. Il y a des fistules rares et en général sans conséquence, ce sont des fistules entre le PTFE des montages prothétiques en zone de ponction et le retour veineux natif. L’infirmière de dialyse a par hasard traversé une veine superficielle en tunnellisant quelque peu pour ponctionner le goretex et une petite communication résiduelle a persisté après une compression finale locale insuffisante.
IMAGERIE POSTOPÉRATOIRE L’angiographie réserve parfois des surprises car l’historique des interventions chirurgicales est loin d’être toujours disponible et peu de patients peuvent expliquer ce qui leur a été fait dans le passé et pourquoi. On peut réaliser que le chirurgien a confondu artère et veine et a finalement superficialisé non pas la veine basilique mais l’artère humérale au bras.
Angiographie (« fistulographie ») La veine céphalique du bras a parfois été basculée dans la veine axillaire et une nouvelle sténose se forme plus ou moins rapidement sur la nouvelle anastomose veino-veineuse. La veine jugulaire interne a pu être basculée dans la veine sous-clavière. L’artère radiale proximale ou distale a pu être ligaturée par un chirurgien pour traitement d’un hyperdébit et l’artère radiale distale pour traitement d’une ischémie de main. L’artère radiale a pu être basculée et anastomosée sur une veine du coude pour réduire le débit d’une fistule initialement créée au coude. Un pontage a pu être créé entre l’artère humérale haute et l’artère humérale basse (DRIL).
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Fig. 1 – A, B. Cette angiographie d’une fistule radiale gauche adressée pour bas débit montre une artère radiale proximale apparemment normale mais avec le développement anormal de collatérales depuis l’artère interosseuse vers l’artère radiale distale dont le flux est inversé comme c’est le cas dans l’immense majorité des cas. Ces collatérales prennent une apparence de pseudomalformation artério-veineuse. Elles se sont d’autant plus développées que l’arcade palmaire et l’artère radiale distale sont sténosées au poignet. C. C’est la toute première image de remplissage sur l’incidence de profil qui montre la sténose anastomotique sévère de l’artère radiale proximale qui est cachée ensuite par la superposition de l’opacification de la veine.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse
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Fig. 2 – Localisation des sténoses dans les fistules radiales (selon la référence 9).
A
B
Fig. 3 – A. Cette sténose de la veine basilique au bras centrée sur une hypertrophie valvulaire est parfaitement identifiable sous forme d’un jet sur la 1re image. B. La sténose est ensuite noyée dans le remplissage veineux plus tardif.
Angiographie (« fistulographie »)
Fig. 4 – Localisation des sténoses dans les fistules du bras (selon la référence 9).
Fig. 5 – Localisation des sténoses dans les montages prothétiques (selon la référence 9).
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse
RÉFÉRENCES 1. Long B, Brichart N, Lermusiaux P et al. (2011) Perianastomotic stenosis of direct wrist autogenous radial-cephalic arteriovenous accesses for dialysis : Transluminal angioplasty or surgery ? J Vasc Surg 53 : 108-14 2. Ehrman K, Taber T, Gaylord G et al. (1994) Comparison of diagnostic accuracy with carbon dioxide versus iodinated contrast material in the imaging of hemodialysis access fistulas. J Vasc Interv Radiol 5 : 771-5 3. Kian K, Wyatt C, Schon D et al. (2006) Safety of low-dose radiocontrast for interventional AV fistula salvage in stage 4 chronic kidney disease patients. Kidney Int 69 : 1444-9 4. Berman H, Delaney V (1992) Iodide mumps due to low-osmolality contrast material. Am J Roentgenol 159 : 1099-100 5. Hammer F, Goffette P, Malaise J, Mathurin P (1999) Gadolinium dimeglumine : an alternative contrast agent for digital subtraction angiography. Eur Radiol 9 : 128-36 6. Altun E, Martin D, Wertman R et al. (2009) Nephrogenic systemic fibrosis : change in incidence following a switch in gadolinium agents and adoption of a gadolinium policy-report from two U.S. universities. Radiology 253 : 689-96 7. Chemla E, Raynaud A, Mongrédien B et al. (2001) Forearm arteries entrapment syndrome : a rare cause of recurrent angioaccess thrombosis. J Vasc Surg 34 : 743-7 8. Sullivan K, Besarab A, Bonn J et al. (1993) Hemodynamics of failing dialysis grafts. Radiology 186 : 867-72 9. Turmel-Rodrigues L, Pengloan J, Baudin S et al. (2000) Treatment of stenosis and thrombosis in haemodialysis fistulas and grafts by interventional radiology. Nephrol Dial Transplant 15 : 2029-36 10. Kanterman R, Vesely T, Pilgram T et al. (1995) Dialysis access grafts : anatomic location of venous stenosis and results of angioplasty. Radiology 195 : 135-9
Dilatation et stents L. Turmel et B. Beyssen
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DILATATION Analyser l’angiographie Une fois l’angiographie diagnostique réalisée, il est bon de prendre le temps d’analyser toutes les séries et de confronter les données d’incidences orthogonales. Le danger est de lire trop vite les images, de se focaliser sur une sténose évidente et de s’apercevoir seulement au traitement des clichés, alors que tout le matériel est retiré et qu’on comprime les points de ponction, qu’on est passé à côté d’une sténose associée qu’il aurait aussi fallu traiter.
Contre-indications à la dilatation percutanée La seule contre-indication absolue à un geste percutané est l’infection de l’abord vasculaire, un diagnostic pas toujours aisé dans les formes débutantes (chaleur, douleur, rougeur, tuméfaction, fièvre). L’infection est essentiellement le fait des corps étrangers que sont les montages prothétiques. Les contre-indications relatives à la dilatation sont les anastomoses chirurgicales de moins d’un mois et les sténoses siégeant sur une veine artérialisée (ou sur la prothèse tenant lieu de veine) associées à une ischémie de main ou à un hyperdébit de fistule. Dans le cas des anastomoses récentes, le risque est celui d’une disruption de l’anastomose sous l’effet du ballon. Ce lâchage des sutures chirurgicales peut être dramatique à gérer au niveau de l’anastomose artério-veineuse. En cas d’ischémie de main, la dilatation d’une sténose sur la veine artérialisée augmente en général le débit donc le vol de la fistule sur la vascularisation du membre et aggrave l’ischémie. En cas d’hyperdébit, dilater une sténose sur la veine risque d’aggraver encore le débit excessif et son retentissement cardiaque [1]. Certains chirurgiens considèrent qu’un point de nécrose cutanée est une contreindication à la dilatation car on doit opérer le problème cutané d’abord (voir fig. 9 et 10 du chapitre 7). Le risque opératoire sans dilatation préalable est celui d’une thrombose de l’abord vasculaire car ces points de nécrose se développent presque toujours sur des parois en hyperpression veineuse chronique due à une sténose sévère du drainage veineux. D’un autre côté, dilater avant d’opérer comporte un L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse risque hémorragique par détachement de la croûte de nécrose noirâtre, ce qui oblige le radiologue à la contrôler en urgence plus ou moins bien par un ballon, une suture chirurgicale ou un stent couvert. Il y a une petite précaution à prendre si on doit dilater avant d’opérer : ne pas mouiller la zone de nécrose avec l’antiseptique lors de la préparation cutanée avant ponction pour ne pas favoriser son détachement. On ne laisse ensuite surtout pas le patient repartir chez lui et on le transfère comme urgence au chirurgien. Enfin, il est vraiment très déraisonnable de dilater une sténose dans quelque territoire vasculaire, que ce soit sans avoir à sa disposition des stents de différents diamètres, couverts et nus, pour maîtriser les complications majeures que peuvent être rupture ou dissection occlusive après dilatation. On est tenté d’ajouter qu’il est aussi prudent d’avoir quelques lassos pour aller éventuellement récupérer un fragment de ballon éclaté désolidarisé de son cathéter porteur, événement rare mais contrariant.
Indications de la dilatation Les sténoses ont été repérées ou confirmées et se pose alors la question de leur traitement. Il ne faut traiter que les sténoses qui expliquent le problème clinique qui a motivé l’angiographie et à la rigueur les sténoses supposées menacer à court terme la perméabilité de l’abord vasculaire. En pathologie artérielle, une fois l’indication à traiter une sténose posée, il est d’usage de chercher à obtenir un résultat parfait, c’est-à-dire l’absence de toute sténose résiduelle, en s’appuyant largement sur l’appoint des stents. Il en est tout autrement en matière d’abords d’hémodialyse. Lors de la toute première dilatation dans l’histoire de l’abord vasculaire, on est souvent amené à se poser la question des conséquences d’une sténose trop bien traitée sur l’accroissement du débit de fistule et son retentissement pas toujours prévisible sur la main ou sur le cœur, en d’autres mots sur le risque d’ischémie de main ou d’insuffisance cardiaque. Il y a donc trois types de sténoses (ou occlusions segmentaires chroniques) : celles qu’on doit essayer de parfaitement dilater, celles qu’il ne faut surtout pas traiter et celles qu’il est souhaitable de délibérément sous-dilater. Le contexte clinique et les données de la littérature sont bien évidemment essentiels dans ces choix qui ne sont pas toujours aisés. Les seules sténoses qu’on essaie de dilater pleinement sans arrière-pensée sont les lésions des artères afférentes, de l’anastomose veineuse des montages prothétiques et les sténoses ou occlusions veineuses centrales entraînant un gros bras. Toute autre sténose doit amener à se poser la question de l’opportunité ou non à sousdilater délibérément et dans quelles proportions de sténose résiduelle acceptable… Les sténoses qu’il ne faut surtout pas traiter sont essentiellement les sténoses des veines centrales lorsqu’elles sont « asymptomatiques » (fig. 1A). Ces lésions sousclavières ou brachio-céphaliques ne doivent être dilatées qu’en cas d’œdème significatif et handicapant du membre (« gros bras douloureux »). L’absence d’œdème du membre indique que les collatérales, souvent cliniquement très visibles, se
Dilatation et stents sont très bien développées et arrivent à drainer le flux de la fistule qui fonctionne finalement très bien en dépit de l’obstacle central. Traiter les sténoses centrales asymptomatiques est souvent douloureux et peut surtout « réveiller » la lésion qui peut se mettre à récidiver de manière beaucoup plus sévère et entraîner alors un gros bras. Cette politique de respect des sténoses centrales a été validée par l’article de Levit [2]. Une hyperpression veineuse dans la veine artérialisée, un léger œdème de la main ou l’existence d’une circulation collatérale à l’épaule sont des signes de sténose centrale mais pas des indications à dilater. En dehors de l’œdème du bras, l’autre indication relative à traiter une sténose centrale est la mise en évidence d’un drainage rétrograde dans la veine jugulaire interne homolatérale en direction des sinus latéraux intracrâniens pour retrouver la veine jugulaire interne controlatérale. Ce drainage intracrânien est à risque de développement progressif d’une hypertension intracrânienne. Les sténoses proches de l’anastomose artério-veineuse (fig. 1B) doivent souvent être respectées lorsque la fistule est adressée pour un problème d’hyperpression veineuse (grosse veine tendue) en rapport avec une sténose sur le retour veineux, c’est-à-dire en aval des sites de dialyse (crosse céphalique, fin de superficialisation des veines basiliques). Ces sténoses juxta-anastomotiques sont très souvent bénéfiques en limitant le débit de la fistule, donc le risque d’ischémie de main et d’hyperdébit à retentissement cardiaque. Il ne faut les traiter que lorsqu’elles sont d’une extrême sévérité, de l’ordre du millimètre de diamètre, ou lorsque la fistule devient anormalement plate et à peine perceptible une fois la sténose du retour veineux traitée. L’idéal est de pouvoir mesurer le débit de fistule immédiatement sur table après dilatation [3], ce qui est rarement possible. Dans la catégorie des sténoses qu’on doit délibérément sous-dilater, on trouve toutes les sténoses proches de l’anastomose artério-veineuse au coude ainsi que les sténoses proches de l’anastomose au poignet dès que l’artère cubitale est altérée. On sous-dilate délibérément à 5 ou à 6 mm seulement afin de limiter le risque d’ischémie de main secondaire à l’augmentation de l’hémodétournement physiologique de la fistule sur la vascularisation distale. Lorsque la sténose se reformera, on pourra augmenter la taille du ballon d’un millimètre s’il s’avère qu’aucune complication ischémique n’est survenue après la précédente dilatation. Les autres sténoses survenant sur les fistules au coude doivent aussi être délibérément sous-dilatées lors de la première intervention chez tous les sujets à risque d’ischémie de main (diabétiques, fumeurs, personnes âgées), surtout si on prend le soin d’opacifier les artères de l’avant-bras et qu’on y découvre des anomalies. En cas de première dilatation d’une sténose en fin de superficialisation basilique ou sur la crosse céphalique, il peut être conseillé de n’utiliser qu’un ballon de 7 mm, quitte à augmenter la taille du ballon d’un millimètre à chaque fois que la sténose récidivera, et ceci après avoir vérifié qu’aucun signe d’ischémie de main ne s’est transitoirement développé dans les suites de la précédente dilatation. Dilater pleinement et mettre un stent sur une fistule céphalique ou basilique lors d’une première dilatation est dangereux. Il peut être enfin souhaitable de délibérément sous-dilater toutes les sténoses quelles qu’elles soient lorsqu’elles sont associées à une sténose veineuse centrale asymptomatique. Une trop grande augmentation du débit de la fistule après
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse dilatation risque de ne plus être absorbée par les collatérales et de résulter dans un œdème du bras (fig. 2A à D). Il faudra alors dilater la sténose centrale avec tous les risques de récidives rapprochées que cela sous-entend.
Technique de base Lorsque l’angiographie a diagnostiqué une sténose à traiter, il est fondamental de réfléchir à la voie d’abord qu’on va utiliser pour dilater avec un maximum de sécurité, toujours avoir présent à l’esprit que la dilatation peut entraîner une rupture majeure, même si cela est peu fréquent, et donc se donner les moyens de contrôler cette complication potentiellement redoutable si elle survient. Cela signifie d’une part qu’on doit pouvoir facilement positionner un ballon occlusif dans l’artère afférente pour stopper le flux et, d’autre part, avoir suffisamment de longueur entre l’extrémité de l’introducteur et la sténose pour mettre en place un stent. Il est préférable de ponctionner la veine artérialisée, elle est faite pour cela, dans une zone d’accès facile et suffisamment à distance de la sténose à traiter. Si on doit dilater une sténose proche de l’anastomose, il est prudent de placer un guide dans l’artère afférente proximale, ce qui n’est pas toujours facile à l’avantbras. La voie d’abord utilisée pour l’angiographie n’est pas toujours appropriée pour la phase de dilatation, notamment quand on a piqué l’artère humérale. Il est donc souvent nécessaire de repiquer tout en ménageant un petit tunnel sous-cutané entre la peau et la zone d’entrée dans la veine. Cela facilitera grandement la phase de compression finale au retrait du matériel et limitera le risque de faux-anévrysme secondaire. La mise en place d’un garrot au bras aide généralement à ponctionner une veine artérialisée globalement plate du fait d’un bas débit sur sténose anastomotique. Un guidage échographique n’est pas interdit. Un cathlon 18 G et un guide hydrophile 0,035 angulé (ou « J ») permettent le cathétérisme de la majorité des « fistules » et la mise en place d’un introducteur (6 F à 8 F selon le diamètre présumé des ballons à utiliser ensuite). Le guide hydrophile angulé permet de franchir la majorité des sténoses. Il est cependant déconseillé pour le passage des sténoses très hétérogènes et irrégulières et il s’avère souvent inefficace pour passer des sténoses situées en aval immédiat d’une dilatation anévrysmale ou pour franchir des occlusions segmentaires. Les sténoses hétérogènes, qu’elles soient courtes ou longues, ne se voient que dans des veines qui n’ont jamais été dilatées. Elles sont le résultat de séquelles de ponction anciennes qui ont dilacéré et parfois transitoirement thrombosé le segment veineux qui s’est imparfaitement recanalisé (fig. 3A à D). Dans ces sténoses particulièrement hétérogènes et irrégulières, le guide hydrophile risque d’entrer dans la paroi et de créer une dissection irrécupérable, surtout si on travaille dans la direction du flux. Il est préférable d’utiliser un guide souple atraumatique 0,014 de la famille de ceux utilisées pour les dilatations rénales ou coronaires (Spartacore, BMW, Whisper, etc.), monté sur une sonde de type vertébrale 5 F (Merit). La sonde est amenée au contact de la sténose et le guide est poussé à travers la sonde
Dilatation et stents en direction de la sténose (fig. 4A, B, C et 5A à E). Ce guide très souple progresse souvent de quelques millimètres avant de buter sur un nouvel obstacle. On peut faire progresser la sonde 5 F « porteuse » sur ces quelques millimètres, puis lui donner de légers mouvements de rotation pour que le guide aborde le reste de la sténose sous un angle différent qui lui permet finalement de continuer sa progression. Certains préconisent l’utilisation de microcathéters 3 F. Étirer manuellement la veine entre deux doigts est également un artifice souvent utile pour modifier la morphologie de ces sténoses sous-cutanées superficielles et aider la progression du guide. Une fois la totalité de l’obstacle franchi, on pousse la sonde diagnostique à travers la sténose et on remplace le guide 0,014 par un guide 0,035 métallique ordinaire qui a le grand mérite d’être stable et peu propice à un retrait involontaire. Si le guide 0,014 échoue, on essaie quand cela est possible d’attaquer la sténose à partir de son autre extrémité en repiquant en sens inverse et on peut essayer en désespoir de cause un guide hydrophile 0,035 droit, si possible en attaquant la sténose contre le sens du flux. Une éventuelle dissection à contre-courant n’entraînera alors pas la thrombose de la fistule et préservera la possibilité d’une éventuelle alternative chirurgicale. Lorsque la sténose se situe à la sortie d’un anévrysme, le guide hydrophile droit aura moins tendance qu’un guide angulé à s’enrouler dans l’anévrysme et aura plus de chance de se présenter dans l’axe de la sténose. Comprimer ou étirer manuellement l’anévrysme pendant le cathétérisme sont des manœuvres simples qui peuvent aussi aider (fig. 6A, B). On peut également recourir au couple sonde vertébrale 5 F-guide droit, la rotation de la sonde aidant le guide à se présenter dans l’axe de la sténose. À l’inverse, certaines sténoses très molles, souvent situées entre deux dilatations anévrysmales, seront franchies par la sonde vertébrale elle-même et pas par un guide qu’on poussera bien évidement ensuite dans le lit d’aval. C’est une des rares exceptions dans les règles du cathétérisme où on ne doit en principe pas pousser un cathéter dans un vaisseau autrement que sur un guide. Les grandes boucles de déroulement de la veine sont en général assez facilement traversées par le guide hydrophile angulé qu’on pousse parfois un peu généreusement et qui se met souvent en boucle. Le guide redresse souvent ces angulations une fois franchies et présente un trajet final rectiligne. Les occlusions segmentaires chroniques doivent être « attaquées » avec un guide hydrophile 0,035 droit monté sur une sonde vertébrale, de préférence en travaillant à contre-courant quand cela est possible. Le but est de retrouver la lumière correcte de la veine restée perméable en amont ou en aval. Le risque d’échec sur fausse-route est de l’ordre de 20 % dans ces occlusions chroniques, alors que les échecs de franchissement sur sténoses sont très rares entre des mains entraînées. Lorsqu’on dilate une sténose en direction du retour veineux central, il est essentiel de bien veiller à ce que l’extrémité du guide porteur reste dans la veine cave supérieure (ou dans le tronc veineux innominé controlatéral) ou bien soit franchement poussée dans la veine cave inférieure (ou dans une veine sus-hépatique) afin d’éviter les troubles du rythme si le guide part dans le ventricule droit, voire une plaie endocardique si on effectue des manipulations un peu brutales avec l’extrémité du guide dans l’oreillette droite : ces complications, parfois fatales, ont été rapportées.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Toutes ces descriptions sur les « trucs et astuces » du cathétérisme des sténoses ne remplaceront hélas jamais le compagnonnage, l’apprentissage au contact des séniors, des malades et de leurs fistules dans les salles d’angiographie… Une fois la sténose franchie, il est souhaitable chaque fois que possible d’anesthésier localement la zone de sténose car la dilatation est en général douloureuse, même s’il y a des variations extrêmes dans le ressenti douloureux selon les sténoses et les patients. À chaque fois que possible, on infiltre la sténose généreusement avec de la Xylocaïne® à 1 ou 2 % à l’aide d’une aiguille sous-cutanée. Ce n’est malheureusement pas possible dès que la sténose est un peu profonde sur la face interne du bras, en approchant du creux axillaire et dans le thorax. Se pose alors le choix du diamètre et de la longueur de ballon de dilatation. Le but de la dilatation est souvent d’obtenir le meilleur résultat possible, c’est-à-dire de ne laisser aucune sténose résiduelle. Idéalement, on ne doit pas être capable de dire sur l’angiographie finale où se trouvait la sténose initiale (fig. 7A, B, C). Ce résultat, par ailleurs pas toujours souhaitable comme on l’a déjà évoqué, est hélas loin d’être aisé à obtenir en raison d’une forte tendance des sténoses à se reformer partiellement dès que le ballon de dilatation est retiré : c’est ce qu’on appelle le « retour élastique » (« elastic recoil »). Il y a de fait trois règles de base : utiliser un ballon sensiblement plus gros que le diamètre apparent du vaisseau, avoir à sa disposition des ballons « haute pression » capables de faire disparaître l’empreinte de la sténose sur le ballon et, enfin, avoir un petit dépôt de stents couverts de différents diamètres pour contrôler les ruptures majeures. L’exemple le plus simple est celui des sténoses de l’anastomose veineuse des montages prothétiques (goretex et autres). Le diamètre de ces conduits prothétiques est en général de 6 mm. On dilate l’anastomose veineuse au minimum à 7 mm et souvent à 8 mm, voire 9 mm quand la veine d’aval est large. On utilise en général un ballon de 4 cm de longueur dans la mesure où les ballons plus petits ont une fâcheuse tendance à glisser pendant la montée en pression. On vérifie en scopie le bon positionnement du ballon sur la sténose et on vérifie en graphie que le guide est bien passé dans la veine principale et non dans une branche de duplication d’aval immédiat de beaucoup plus petite taille. Le ballon de dilatation est raccordé à un inflateur indiquant la pression exercée et contenant un produit iodé dilué au minimum à 75 %. On monte progressivement en pression sous contrôle scopique jusqu’à obtenir la disparition de l’encoche de la sténose sur le ballon dont les bords doivent de fait devenir parfaitement parallèles. C’est durant cette montée en pression que la fibrose sténosante est « déchirée » par le ballon, ce qui crée le phénomène douloureux. Il est important d’avoir à l’esprit la pression d’éclatement (« rated burst pressure ») du ballon qu’on utilise de manière à savoir changer de matériel si l’encoche persiste alors qu’on approche la pression d’éclatement. Il y a actuellement sur le marché en France deux ballons supportant des pressions égales à 25 atmosphères (« Blue-Max » de Boston Scientific et « Powerflex Extreme » de Cordis) et un seul pouvant être poussé au-delà de 30 atmosphères (« Conquest » de Bard). On sait globalement que 25 % des sténoses sur fistules natives nécessitent des pressions supérieures à 20 atmosphères [4]. Le fait d’utiliser des ballons « haute pression » d’emblée ou de ne les utiliser que lorsqu’un
Dilatation et stents ballon ordinaire s’avère insuffisant relève du choix personnel. Utiliser les ballons haute pression d’emblée fait gagner du temps mais ces ballons sont en général plus chers, plus rigides, plus lents à dégonfler et nécessitent parfois des introducteurs plus gros. L’essentiel est d’obtenir la disparition de l’empreinte de la sténose sur le ballon pour espérer un résultat correct après dilatation. Une étude prospective randomisée a montré qu’une inflation du ballon pendant 3 minutes donnait un meilleur résultat cosmétique immédiat mais n’améliorait pas le résultat à long terme, l’essentiel étant de faire disparaître l’encoche [5]. D’un autre côté, une inflation courte de quelques secondes permet de se passer d’héparine alors que le risque de thrombose de la veine en aval du ballon n’est pas nul en cas de dilatation prolongée. On peut alors soit injecter en moyenne 3 000 unités d’héparine, soit purger toutes les minutes l’introducteur avec du sérum physiologique pour éviter la coagulation locale. Lorsqu’on dégonfle le ballon, il est probablement utile de comprimer manuellement l’anastomose quand cela est possible pour éviter une surpression transitoire entre le ballon et la paroi fragilisée par la dilatation au moment de la remise en charge du flux. On limite probablement la fréquence et la gravité des ruptures. On regarde aussi systématiquement cliniquement la zone qu’on vient de dilater à la recherche d’un gonflement sous-cutané traduisant la formation d’un hématome et donc d’une rupture, par ailleurs souvent douloureuse. L’angiographie après dilatation se fait idéalement après retrait du ballon mais avec maintien obligatoire du guide ou d’un cathéter à travers la sténose. Pour les sténoses proches de l’anastomose dilatées à partir d’un abord veineux rétrograde, c’est par la lumière du ballon laissé en place que l’injection de contraste peut être réalisée si l’angiographie diagnostique n’a pas été faite par ponction de l’artère humérale. Dans d’autres cas, on est obligé de remonter un cathéter diagnostic dans l’artère proximale. Dès lors, quatre scénarios sont possibles sur l’angiographie. • Un excellent résultat, qu’il faut confirmer sur une nouvelle acquisition après retrait du guide, et l’examen est terminé (fig. 7A, B, C). Le guide a en effet parfois un « effet stent ». Le résultat après dilatation guide en place peut sembler superbe mais la sténose peut s’affaisser et se reformer gravement, voire se transformer en occlusion, dès qu’on retire le guide (fig. 8A à H). De même, un résultat immédiat après dilatation peut s’avérer superbe mais beaucoup plus décevant si pour des raisons de lésions associées à traiter entre-temps on fait un nouveau contrôle angiographique 10 minutes plus tard… • L’existence d’une sténose résiduelle indubitable mais inférieure à 30 %, ce qui est acceptable si c’est la toute première dilatation réalisée sur l’abord vasculaire. On peut néanmoins redilater avec le même ballon pendant 2 à 3 minutes (penser dans ce cas à purger le lit d’aval avec du sérum salé ou à anticoaguler) et on peut aussi considérer de dilater avec un ballon 1 mm plus gros en diamètre si la dilatation n’a pas entraîné d’extravasation transitoire. Mettre un stent sur une sténose résiduelle de moins de 30 % lors de la 1re dilatation est souvent une erreur. Bien des sténoses résiduelles de moins de 30 % resteront stables pendant des mois alors que malheureusement un résultat de dilatation parfait n’élimine pas un risque de resténose sévère dans les 3 mois.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse • Une sténose résiduelle supérieure à 30 % est l’indication à utiliser un ballon un peu plus gros (1 à 2 mm) en diamètre (fig. 9A à D). Si la sténose résiduelle majeure persiste en dépit d’une nette surdilatation, on peut envisager la mise en place d’un stent s’il n’y a pas de contre-indication anatomique locale et tout en étant conscient des résultats aléatoires des stents. • Il existe une nette extravasation de produit de contraste traduisant une rupture (souvent localement douloureuse) et le traitement consiste à très rapidement regonfler le ballon à 2 atmosphères seulement (il n’y a en général plus aucune encoche sur le ballon) pendant 5 minutes. On comprime simultanément l’hématome manuellement et on neutralise l’héparine si on en a injecté avec du sulfate de protamine dose pour dose. On vérifie également par une petite injection d’iode par la voie latérale du désilet que le ballon est bien centré sur la rupture et qu’une extravasation ne se développe pas en amont immédiat du ballon. Si l’extravasation persiste au bout de 3 inflations de 5 minutes à basse pression, le traitement repose sur la mise en place d’un stent (en général couvert) [6, 7]. Lorsque la rupture est importante, il peut être auparavant nécessaire de mettre un ballon occlusif dans l’artère afférente pour éviter le saignement durant les manœuvres de largage du stent si l’anatomie est telle qu’on n’arrive pas à faire comprimer efficacement l’anastomose par un assistant (fig. 10A à E). Une ponction rétrograde directe de l’artère humérale peut s’avérer nécessaire pour mettre ce ballon occlusif. On peut aussi considérer de gonfler un tensiomètre au-delà de la pression systolique si on a la place pour le mettre au bras, mais cette manœuvre est rapidement douloureuse. Aucune fuite résiduelle ne doit être acceptée en fin d’examen. Un 2e stent est parfois nécessaire. Si la fuite s’avère incontrôlable par un stent, on doit exceptionnellement se résoudre soit à ligaturer la fistule sur la table, soit à laisser un ballon gonflé dans l’artère ou à travers la zone de rupture et transférer rapidement le patient au chirurgien qui, comme tout le monde, n’aime pas beaucoup avoir à gérer en urgence les complications des autres... Les ruptures peuvent survenir n’importe où mais sont plus particulièrement fréquentes dans les artères radiales, sur la veine juxta-anastomotique, dans les veines superficialisées, sur la crosse de la veine céphalique. Elles n’ont jamais été décrites sur les veines sous-clavières et brachio-céphaliques. La progression du guide peut engendrer des spasmes sur la veine d’aval tout comme le ballon de dilatation peut le faire sur l’autre branche de division quand on dilate à cheval sur une bifurcation veineuse. La différence entre spasme et dissection n’est pas toujours évidente mais un spasme cède toujours si on le dilate à basse pression à 2 atmosphères tout en se propageant parfois sur la veine d’aval ou l’artère d’amont… De même, le désilet utilisé pour introduire le ballon de dilatation peut provoquer par son effet de masse une sténose locale qui peut devenir occlusive dans les fistules récentes où la veine est encore très spastique. On est parfois obligé de repiquer la veine en direction de ce spasme occlusif pour dilater localement et rétablir un flux correct. Les spasmes veineux deviennent rares dans les fistules de plus d’un an où la paroi veineuse s’est épaissie sous l’effet de l’artérialisation.
Dilatation et stents Il est fondamental de prendre le temps de lire image par image le dernier contrôle angiographique depuis l’anastomose jusqu’aux veines centrales avant de retirer le matériel afin de ne pas méconnaître une dernière anomalie résiduelle qui risquerait de compromettre le résultat. Cela est particulièrement vrai si le résultat clinique n’est pas totalement satisfaisant : frémissement final faible ou pulsatilité anormale résiduelle de la veine. Bref, on essaie de se mettre à la place de l’infirmière qui aura cette fistule à ponctionner le jour même ou le lendemain : aura-t-elle des difficultés prévisibles ? La compression finale après retrait des introducteurs ne doit pas prendre plus de 10 minutes avec des désilets de moins de 8 F. Pour les introducteurs plus gros et chez les patients sous anticoagulants, on peut parfois recourir à un point de suture en U centré sur un fragment de plastique (extrémité du dilatateur de l’introducteur) comme on le fait presque systématiquement après désobstruction des fistules thrombosées [8] (voir fig. 6A à F du chapitre 12). En cas de tuméfaction locale résultant d’un hématome transitoire en cours de dilatation, on fait aisément la différence cliniquement entre un hématome résiduel qui se déprime facilement et un saignement encore actif qui est cliniquement dur sous la peau. Quelques rares patients se plaignent de douleurs diffuses ou très localisées du membre une fois l’examen terminé et le matériel retiré. On peut réinfiltrer de la Xylocaïne®, procéder à un cataplasme avec une pommade anti-inflammatoire (Hémoclar®), interroger le patient sur les antalgiques habituellement efficaces dans son cas et demander conseil au néphrologue qui connaît généralement de longue date le profil psychologique du malade.
Détails techniques Anticoagulants et antiagrégants Il n’est en règle pas nécessaire d’injecter de l’héparine pour éviter la formation de thrombus pendant l’interruption du flux par le ballon de dilatation dans les fistules de dialyse. Il arrive toutefois que 30 secondes de dilatation puissent résulter dans la formation d’un thrombus dans le lit d’aval chez certains malades, thrombus très frais et très facile à aspirer avec une petite sonde 6 F… ou à discrètement pousser vers les poumons s’il est de petit. La prévention la plus simple est de purger le lit veineux situé en aval du ballon en injectant toutes les 30 secondes à 1 minute un bolus de quelques millilitres de sérum par la voie latérale de l’introducteur. Cela devient indispensable lorsqu’on laisse le ballon gonflé pendant plusieurs minutes. Les plus pessimistes peuvent toutefois se permettre d’injecter 2 000 à 3 000 unités d’héparine chez les patients qui ne sont pas sous AVK. On doit néanmoins être très prudent si l’artère humérale a été ponctionnée. La mise des malades sous anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires après dilatation ou stent n’a jamais fait preuve d’un intérêt quelconque. Il a en revanche été prouvé que le clopidogrel (Plavix®) et le dipyridamole (Persantine®) pouvaient améliorer la perméabilité primaire des abords vasculaires natifs ou prothétiques après leur création par le chirurgien.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Sténoses centrées sur une hypertrophie valvulaire Ce sont des sténoses veineuses reconnaissables par leur caractère centré sur un élargissement local de morphologie concave par rapport au flux d’amont. Ces sténoses posent des problèmes similaires à celles se développant au contact des anévrysmes et c’est parfois uniquement en forçant quelque peu avec le bout « dur » du guide qu’on arrive à les franchir, avec néanmoins un risque évident de fausse-route. Cathétérisme rétrograde au coude Le cathétérisme rétrograde de la veine basilique ou céphalique au tiers inférieur du bras. Il est réalisé dans la perspective d’aller dilater une sténose veineuse à l’avant-bras mais peut réserver des surprises. Le coude est une zone de confluence entre les réseaux veineux superficiels et profonds. On s’engage volontiers dans une veine profonde de l’avant-bras et on n’a dans ce cas aucune chance de retrouver la sténose veineuse superficielle à dilater. Des injections locales après mise en place d’un garrot à l’épaule sont alors utiles pour essayer d’opacifier par reflux le moignon de la veine céphalique à cathétériser et qui est parfois très latéral et un peu haut par rapport à l’interligne du coude. Quelques injections-tests par l’artère humérale si elle a été ponctionnée aident bien évidemment à savoir où aller. C’est là encore le couple sonde vertébrale-guide hydrophile qui a le plus de chance de succès. Sténoses multiples En cas de sténoses multiples nécessitant dilatation, la règle est de traiter en premier la sténose veineuse la plus centrale (la plus proche du cœur droit) et en dernier la sténose veineuse la plus proche de l’anastomose artério-veineuse. Les sténoses artérielles doivent être traitées après les sténoses veineuses. La raison est simple. Si la dilatation a induit une rupture qui a finalement pu être contrôlée par un ballonnage prolongé, il ne faut surtout pas remettre la zone de rupture en hyperpression au risque de la voir se rouvrir. Il ne faut donc surtout pas regonfler un ballon en aval, raison pour laquelle on a d’abord dilaté les lésions d’aval. À l’inverse, gonfler un ballon en amont de la rupture réduit très fortement la pression intravasculaire d’aval, ce qui conforte le contrôle de la rupture. Ballons « haute pression » On peut utiliser n’importe quel type de ballon comme ballon de base dans la dilatation des sténoses veineuses puisqu’il a été rapporté que 50 % des sténoses cédaient à moins de 15 atmosphères. Mais la même étude a démontré que 20 % des sténoses sur fistules natives et 10 % sur les goretex nécessitaient des pressions supérieures à 20 atmosphères [4]. Il est donc indispensable d’avoir un stock suffisant de ballons supportant de hautes ou très hautes pressions. Le ballon « Conquest » (Bard) résiste à de très hautes pressions et on est davantage limité par les graduations des manomètres qui s’arrêtent à 30 atmosphères que par le risque d’éclatement du ballon (rare mais toujours possible). Un radiologue américain, Trerotola, a récemment suggéré de se passer de manomètre pour gonfler ces
Dilatation et stents ballons « Conquest » en remplaçant le manomètre par une seringue de 1 mL en polycarbonate qui permet de dépasser les 30 atmosphères par une simple pression manuelle [9]. Le « Conquest » a toutefois trois inconvénients (hormis son prix) : son extrême rigidité, la lenteur de déflation du ballon et un « nez » (distance ballon-extrémité du cathéter porteur) assez long qui est un handicap quand on doit dilater une sténose à l’anastomose sans trop déborder dans l’artère distale. Le « Conquest » est disponible entre 5 et 12 mm de diamètre. Pour les diamètres de 14 et 16 mm, le « Conquest » devient « Atlas » et en 4 mm il s’appelle « Dorado ». Ces ballons de gammes complémentaires tiennent un peu moins haut en pressions. Les premiers essais du nouveau ballon haute pression « Mustang » de Boston-Scientific indiquent qu’il va peut-être se positionner en concurrent sérieux du « Conquest ». Le ballon « Blue-Max » (Boston-Scientific) a un nez moins long que le « Conquest » et est de fait très adapté aux sténoses juxta-anastomotiques. Il est un peu moins rigide, se déflate très vite mais tient moins bien la pression et nécessite souvent un introducteur plus gros. Le ballon « Powerflex Extreme » (Cordis) a pour lui d’être extrêmement souple et de franchir aisément les angulations marquées et notamment les anastomoses. Son défaut est son caractère compliant, donc moins efficace dans la dilatation que le « Conquest » et le « Blue-Max ». Diamètre des ballons La taille des ballons à utiliser dépend à la fois de la localisation du vaisseau et de l’âge de la fistule. On utilisera un ballon de l’ordre de 8 à 9 mm pour l’artère sousclavière, 7 à 8 mm pour l’axillaire, 6 à 7 mm pour l’humérale, 5 à 6 mm pour une radiale haute, 4 à 5 mm pour une radiale basse, 3 à 4 mm pour une artère cubitale. Une veine céphalique ou basilique à l’avant-bras sera dilatée en règle à 6 mm près de l’anastomose dans les fistules récentes, jusqu’à 9 mm ensuite. En zone de ponction à l’avant-bras, la dégénérescence anévrysmale permet parfois de dilater jusqu’à 12 mm. Une veine céphalique ou basilique au coude ne doit jamais être dilatée à plus de 6 mm lorsqu’on traite une sténose proche de l’anastomose pour la 1re fois. En zone de ponction et en fin de superficialisation basilique, on commence à 7 mm et on peut monter jusqu’à 10 mm sur les fistules anciennes. Une crosse de veine céphalique n’est jamais dilatée à moins de 6 mm dans les fistules récentes et on peut parfois monter jusqu’à 12 mm dans des fistules anciennes. Une veine sous-clavière se dilate entre 10 et 14 mm et un tronc brachio-céphalique entre 12 et 16 mm. Rupture du ballon L’éclatement du ballon en cours de dilatation peut arriver à pression basse en cas d’un rare défaut de fabrication ou en cas de dommage causé au ballon par des calcifications, ce qui est peu fréquent dans les veines. C’est le plus souvent lorsqu’on atteint ou dépasse la pression d’éclatement du ballon (« rated burst pressure ») que cet incident peut survenir, même si cette « rated burst pressure » est largement sous-estimée et puisse souvent être dépassée de 50 % (27 atmosphères pour une RBP de 18 atmosphères par exemple), bien que cela soit théoriquement
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse interdit. Lorsque l’éclatement du ballon survient, on essaie d’en déflater la lumière au maximum afin d’obtenir le moins mauvais profil pour le sortir à travers l’introducteur guide en place et c’est alors du sang qui revient dans le manomètre. C’est parfois le couple ballon-désilet qu’on est obligé de retirer, tout en laissant le guide en place pour remonter un nouvel introducteur ensuite. Il faut vérifier l’intégrité du ballon et s’assurer qu’une partie n’est pas restée dans le patient. Il est arrivé avec certains ballons que l’extrémité du cathéter se soit ou détachée ou sectionnée. Ces fragments radio-transparents ne sont pas toujours visibles à l’angiographie, sauf s’ils sont restés centrés sur le guide porteur du ballon et on peut alors essayer de les récupérer avec un lasso (fig. 11A à D). Il est en revanche illusoire et potentiellement dangereux d’essayer d’aller les chercher s’ils ont migré dans les artères pulmonaires, leur destination finale, où ils ne provoquent en général ni infarctus ni infection. L’éclatement du ballon a en revanche pu générer une perforation de la paroi veineuse due à la formidable hyperpression transitoire du jet local en cas de rupture punctiforme. Cette rupture veineuse locale est à traiter comme toutes les autres ruptures, à savoir ballonnage prolongé et rarement stent. Sténoses résistantes à la dilatation Les sténoses résistant aux 30 atmosphères du « Conquest » sont rares. C’est alors en général l’indication à utiliser le ballon coupant, un ballon porteur de petites lames destinées à entailler la zone de fibrose ultrarésistante [10]. Le succès est fréquent mais pas systématique et il y a un risque accru de rupture de la paroi veineuse. Le ballon coupant est hélas extrêmement coûteux (de l’ordre de 400 €) et ne doit pas être gonflé à plus de 10 atmosphères. Certaines équipes ont voulu démontrer qu’il y avait moins de resténoses après dilatation systématique des sténoses avec le ballon coupant. Une étude comparative randomisée n’a pas confirmé. Face aux sténoses résistantes au ballon « Conquest », certains ont suggéré de redilater après avoir monté un 2e guide métallique en parallèle à travers la sténose, guide servant d’objet contondant poussé contre la paroi au moment de la redilatation au ballon. On peut aussi recourir à des perforations percutanées multiples lorsque la localisation superficielle de la sténose s’y prête, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas de nerf majeur ni de grosse artère à proximité. On repère la sténose en scopie, on l’infiltre généreusement d’anesthésie locale et on réalise une série de perforations percutanées de la sténose à l’aide du mandrin de l’aiguille 18 G qu’on a utilisée au départ. Le but est de fragiliser la zone de fibrose résistante qui effectivement cède souvent ensuite lorsqu’on regonfle le ballon (qu’on avait bien sûr retiré durant les manœuvres de perforation !). Des dispositifs d’athérectomie coûteux ont été un temps disponibles sur le marché et parfois utilisés avec succès dans ces sténoses résistantes aux ballons de dilatation [11]. Voies d’abord Certains auteurs ont préconisé de passer systématiquement par l’artère humérale pour la dilatation des sténoses des fistules de l’avant-bras [12]. Ils arguent d’une plus grande facilité à cathétériser l’anastomose mais ils ont bien évidemment rapporté des complications au point de ponction à type d’hématomes et
Dilatation et stents d’anévrysmes de l’artère humérale. D’autres ont plus récemment préconisé l’artère radiale distale comme voie d’abord diagnostique et thérapeutique. Cela peut être considéré comme risqué chez les patients dont l’artère cubitale est pathologique (risque d’ischémie de main en cas de thrombose de l’artère radiale) et cela n’est bien évidemment pas possible lorsque l’artère radiale est occluse. Ces voies d’abord artérielles humérale et radiale sont néanmoins à garder à l’esprit et peuvent rendre service dans des cas complexes, notamment pour franchir les rares sténoses qu’on n’arrive pas à passer à partir d’une approche veineuse (fig. 4B). La voie artérielle fémorale est, quant à elle, parfois requise pour la dilatation de certaines sténoses artérielles sous-clavières, axillaires ou humérales. Sur le plan veineux, certains ont préconisé de cathétériser la veine jugulaire interne et la voie veineuse fémorale peut s’avérer nécessaire pour les sténoses ou occlusions veineuses centrales non franchissables à partir des veines du membre supérieur. Problèmes d’hémostase Une compression anormalement longue pour obtenir l’hémostase amène bien évidemment à se poser la question d’un surdosage en héparine s’il en a été injecté et à faire vérifier l’INR si le patient est sous AVK. La mise en place d’un fil de suture n’est pas toujours possible quand la peau est fine ou infiltrée par une large ecchymose. Si la veine est anormalement pulsatile, on doit penser à un recoil majeur sur une sténose dilatée en aval ou à la migration d’un thrombus qui a pu s’emboliser dans une zone de rétrécissement relatif. Comprimer l’anastomose est un adjuvant utile pour diminuer la pression intravasculaire dans la veine artérialisée pendant la compression. Si le problème d’hémostase siège à l’avant-bras, il faut surélever le membre, mettre la main en pronation et le coude en légère flexion pour réduire les compressions extrinsèques des veines au coude qui se produisent en extension-supination. Si l’hématome local s’accroît malgré la compression, on doit penser à une déchirure de la veine qui se voit parfois chez les patients très âgés (90 ans). L’hématome s’est constitué autour du point d’entrée du désilet pendant l’examen et se complète au retrait du matériel. La ligature de la fistule est parfois la seule solution. Imagerie Des équipes italiennes et américaines ont rapporté des séries de dilatations réalisées uniquement sous guidage échographique et avec des résultats apparemment satisfaisants [13, 14]. Il est évident que cela ne peut être envisagé que pour les cas techniquement simples.
Formes anatomiques Artères Les sténoses artérielles de plus de 50 % sont presque toujours une indication à dilater sur l’artère proximale alimentant la fistule en cas de syndrome ischémique de la main (voir chapitre 11 Ischémie de main) ou de débit de fistule insuffisant [15].
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Fistules radio-céphaliques Les fistules radiales développent le plus souvent des sténoses veineuses juxtaanastomotiques qui sont classiquement des indications préférentielles au traitement chirurgical lorsqu’elles siègent au tiers inférieur de l’avant-bras et c’est la seule localisation où l’on peut parler de supériorité de la chirurgie conventionnelle sur la dilatation percutanée [16, 17]. La réfection de l’anastomose quelques centimètres au-dessus de l’anastomose initiale, donc en aval immédiat de la sténose veineuse, est un geste chirurgical simple qui donne de meilleurs résultats en termes de perméabilité primaire (moins de resténoses). La dilatation de ces sténoses, largement répandue, y compris entre des mains chirurgicales, est toutefois préférable à la chirurgie en cas de mauvaise artère cubitale, chez les sujets obèses, et en cas de sténose veineuse centrale associée. En effet, la réfection de l’anastomose est en général très efficace en termes d’augmentation de débit. Cette augmentation drastique du débit de fistule peut déséquilibrer la vascularisation distale et générer une ischémie de main en cas de mauvaise artère cubitale. En cas d’obstacle veineux central associé, l’augmentation de débit peut dépasser les capacités de compensation des circuits collatéraux jusqu’alors efficaces et entraîner un œdème majeur du bras en quelques heures. Enfin, remonter l’anastomose de quelques centimètres peut rendre la fistule impiquable si la veine d’aval devient trop profonde. La chirurgie devient dès lors plus compliquée si elle doit associer une superficialisation de la veine à la réfection de l’anastomose. Ces sténoses veineuses juxta-anastomotiques sont souvent difficiles à dilater correctement car il y a en règle une nette différence de calibre entre les 2 à 5 mm de diamètre de l’artère radiale d’amont et les 6 à 10 mm de diamètre de la veine artérialisée d’aval. Dilater avec un ballon positionné à cheval sur l’anastomose limite forcément la taille du ballon au diamètre de l’artère et résulte invariablement dans une sténose résiduelle sur la veine. Il y alors une astuce technique à mettre en œuvre dès que l’anatomie le permet (fig. 12A, B, C). À partir de l’introducteur (en général 6 F) positionné de manière rétrograde dans la veine artérialisée, on cathétérise l’artère radiale proximale et on remonte jusqu’au bras pour mettre un guide de sécurité métallique dans l’artère humérale. On pousse un 2e guide en parallèle au premier à travers la valve de l’introducteur dans l’artère radiale distale. On retire l’introducteur 6 F traversé par les deux guides qu’on repositionne dans la veine uniquement sur le guide allant dans l’artère distale. On peut alors pousser le ballon de dilatation (de 6 à 9 mm selon l’âge de la fistule et le contexte) un peu plus distalement que l’anastomose elle-même et ainsi mieux dilater la veine (fig. 12D, E). Le ballon est souvent un peu instable et tend à glisser vers la veine d’aval. On le bloque soit en poussant l’extrémité de l’introducteur à son contact, soit en comprimant fermement la veine en aval immédiat du ballon. Si la dilatation de la veine entraîne comme c’est souvent le cas une sténose (par bascule de matériel) ou un spasme sur l’artère proximale à l’anastomose, le guide de sécurité prépositionné dans l’artère proximale permet alors de pousser facilement un ballon de 4 ou 5 mm gonflé à 2 atmosphères pour rouvrir l’artère.
Dilatation et stents Cathétériser l’artère radiale proximale à partir d’une voie d’abord veineuse rétrograde peut être très difficile, parfois impossible, en cas d’angle très aigu entre l’artère et la veine à l’anastomose. Il y a quelques petites astuces à savoir avant de se précipiter sur une voie d’abord artérielle radiale distale ou humérale. C’est en règle le couple sonde mammaire interne-guide hydrophile qui permet de passer. On pousse la sonde mammaire sur le guide hydrophile dans l’artère radiale distale. On retire le guide hydrophile puis on retire millimètre par millimètre la sonde sous contrôle scopique tout en injectant un peu d’iode pour repérer l’anastomose. Dans les meilleurs cas, la sonde mammaire interne prend spontanément sa courbure concave vers le haut et pointe son extrémité vers l’artère proximale (fig. 13A, B). Il suffit alors de repousser le guide hydrophile droit qui monte dans l’artère radiale et qu’on pousse jusque dans l’artère humérale tout en surveillant en scopie que l’extrémité du guide n’entre pas dans de petites collatérales qu’on pourrait perforer ou ne se mette à redescendre une fois arrivé au coude vers l’artère cubitale qu’on peut disséquer. Une fois le guide poussé au maximum dans l’artère humérale (ou sous-clavière), on fait suivre la sonde 4 F jusqu’au coude et on remplace le guide hydrophile par un guide métallique 0,035 standard angulé offrant un meilleur support et peu propice à un retrait involontaire. Lorsque la sonde 4 F ne prend pas spontanément sa forme en regard de l’anastomose, on pousse gentiment le guide hydrophile angulé jusqu’au bout de la sonde sans le faire sortir pour la rigidifier. On essaie de se mettre gentiment en butée contre la paroi veineuse et de pousser tout aussi gentiment la sonde pour qu’elle prenne sa courbure naturelle et pointe son extrémité en direction de l’artère proximale (fig. 14A à G). Il y a un tout petit risque de perforer la veine, ce qui est rarement grave, mais cela peut être douloureux pour le patient et on peut alors d’infiltrer un peu de Xylocaïne® localement. Si ces deux manœuvres échouent, on peut essayer de faire boucler l’extrémité du guide sur elle-même sur quelques centimètres, pousser toute la boucle dans l’artère radiale distale puis retirer doucement le guide tout en le tournant pour que l’extrémité du guide se présente dans l’axe de l’artère proximale (fig. 15A, B). Lorsque le guide est monté suffisamment dans l’artère radiale proximale, la boucle se défait souvent d’elle-même et c’est sur une courbure harmonieuse qu’on peut monter la sonde mammaire interne jusqu’au coude et procéder à l’échange de guides. En cas de sténoses avérées de l’artère radiale, il est préférable d’utiliser un guide hydrophile droit qui passe souvent toutes ces sténoses artérielles avec une facilité déconcertante, probablement parce qu’on attaque ces sténoses à contrecourant. Parfois, on arrive à monter le guide hydrophile très haut jusqu’à l’artère axillaire mais sans pouvoir faire suivre la sonde en raison d’une « chambre anastomotique » un peu trop large. La sonde se plicature et descend dans l’artère radiale distale au lieu de suivre vers l’artère proximale. La première astuce est alors de comprimer cette chambre anastomotique avec un doigt tout en poussant la sonde de l’autre main. Le doigt offre un appui à la sonde en l’empêchant de se plier et la sonde monte ainsi souvent dans l’artère proximale (fig. 14A à G). Parfois, la sonde ne monte que sur quelques millimètres dans l’artère et refuse de poursuivre son
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse ascension. On déconseille ici d’utiliser une sonde 4 F « Terumo glide » qui monterait probablement mais est à très haut risque de plicature irréductible dans l’anastomose dès qu’on retire le guide. La solution est de remplacer le guide hydrophile de base par un guide hydrophile rigide (« stiff ») qui va ouvrir l’angle à l’anastomose et offrir un support plus rigide à la montée de la sonde qu’on doit bien tenir car la progression du guide a souvent pour effet de faire reculer la sonde. Rappelons que ces guides hydrophiles rigides sont potentiellement dangereux et doivent être poussés avec grande prudence. Ils sont par ailleurs souvent instables et encore plus enclins que les autres guides hydrophiles à se retirer spontanément. Il est préférable d’éviter de les utiliser comme support pour les ballons de dilatations et, une fois le cathétérisme réussi et la sonde 4 F poussée dans l’artère humérale, il est prudent de les remplacer par un guide métallique 0,035 standard ou un guide métallique rigide de type Amplatz. C’est parfois le ballon de dilatation rigide qui entre en conflit avec les angulations veineuses. L’astuce est alors d’appuyer avec un doigt pour redresser l’axe de la veine ou l’extrémité du ballon (fig. 13B à E). Si finalement toutes les tentatives par voie veineuse rétrograde échouent, une voie d’abord artérielle radiale distale rétrograde ou une voie humérale antégrade (déconseillée chez les patients sous AVK) est envisageable. Fistules natives radiales immatures Après la création de l’anastomose artério-veineuse par le chirurgien, la veine artérialisée doit progressivement s’élargir et sa paroi doit progressivement s’épaissir sous l’effet de la pression artérielle. L’artère doit également s’élargir sous l’effet de cette communication avec le système veineux en basse pression qui offre une moindre résistance et permet une augmentation de débit considérable. Le débit de base d’une artère radiale est inférieur à 50 mL/min mais il doit dépasser normalement les 500 mL/min au bout d’un mois après création de la fistule pour atteindre ensuite idéalement 1 L/min mais parfois plus de 2 L/min. C’est entre 4 et 6 semaines après sa création que la fistule doit être systématiquement évaluée par le chirurgien ou les néphrologues pour apprécier si son développement est normal ou non, sachant qu’une fistule doit être jugée piquable, donc mature, au plus tard 6 à 8 semaines après sa création. Au moindre doute sur la qualité de la fistule, on doit idéalement rapidement l’explorer par écho-doppler pour déterminer la raison du retard de maturation : débit insuffisant sur sténose artérielle ou veineuse, caractère profond de la veine. Si la veine est trop profonde (à plus de 5 mm de la peau), on peut envisager une superficialisation qui ne peut être faite que par le chirurgien. En cas de sténose purement anastomotique, la réfection chirurgicale de l’anastomose est le meilleur traitement mais il n’est pas interdit de dilater. Toutes les sténoses à distance de l’anastomose sont des indications à dilater. On entend donc par fistule immature une fistule native créée depuis moins de 3 mois qui s’avère insuffisamment développée pour être ponctionnée en dialyse. On peut ajouter les fistules plus anciennes mais utilisées depuis moins d’un mois avec difficultés et qui sont souvent des fistules qu’il n’aurait pas fallu piquer avant qu’on ne les explore et corrige leurs anomalies.
Dilatation et stents Une fois le caractère trop profond de la veine écarté, il y a toujours une sténose pour expliquer la non-maturation d’une fistule et la dilatation de ces sténoses doit être envisagée [18]. L’angiographie diagnostique doit être réalisée par voie artérielle à chaque fois que possible pour avoir une imagerie parfaite de toutes les artères de l’avant-bras et du retour veineux depuis l’anastomose jusqu’aux veines centrales. Si la ponction artérielle n’est pas souhaitable (anticoagulants par voie orale), la veine se distend souvent suffisamment au coude après mise en place d’un garrot au bras pour être ponctionnée de manière rétrograde et permettre de descendre le couple guide et sonde au contact de l’anastomose. On peut faire une première injection par la sonde en comprimant la veine pour opacifier l’anastomose et l’artère radiale par reflux avant tout cathétérisme anastomotique générateur de spasme puis seulement après remonter le cathéter 4 F dans l’artère proximale jusqu’au coude. On recherche la sténose, située le plus souvent dans le secteur anastomotique. C’est toutefois parfois toute la veine ou toute l’artère afférente qui s’avère infiltrée (fig. 16, 17 et 18). Dans les fistules immatures, l’expérience montre qu’on doit dilater la veine au moins à 6 mm et l’artère radiale à 4 mm pour espérer obtenir un résultat clinique satisfaisant. Dilater la veine à moins de 6 mm et l’artère à moins de 3,5 mm est souvent inefficace et dilater la veine à 7 mm ou l’artère à 5 mm augmente le risque de rupture. Le risque de formation de thrombus pendant la dilatation est un peu plus grand dans ces fistules à bas débit. Il est donc utile de purger l’introducteur veineux et donc le lit veineux d’aval avec du sérum toutes les 30 secondes à 1 minute pendant qu’un ballon de dilatation interrompt le flux. Parfois, l’introducteur placé dans la veine pour dilater s’avère tellement occlusif (par spasme ou effet de masse) qu’on est contraint à la fin reponctionner la veine artérialisée en amont pour dilater le point d’entrée de l’introducteur. Il est souvent utile sinon nécessaire d’attendre une quinzaine de jours après la dilatation avant d’utiliser la fistule en dialyse de manière à donner le temps à tous les petits hématomes sous-cutanés liés aux ponctions et à l’anesthésie locale de se résorber. La veine artérialisée d’une fistule immature est un vaisseau fragile dont la paroi n’a souvent pas eu le temps de s’épaissir du fait de sa sous-perfusion. Les ruptures en cours de dilatation sont donc assez fréquentes (15 % des cas). La grande majorité peut être maîtrisée par un ballonnage prolongé. Il arrive toutefois chez les personnes âgées et maigres que la veine se déchire sur quelques centimètres et qu’il n’y ait pas d’autre solution que mettre un stent auto-expansible couvert. Peut-être ne faut-il dilater la veine qu’à 5 mm dans ces patients. L’inconvénient du stent dans cette localisation très superficielle est le risque d’ulcération secondaire à la peau, ce qu’il convient de surveiller pour agir (fermer la fistule) dès qu’une extériorisation du stent est visible (fig. 19). Ce risque de rupture ne contre-indique en rien le fait de traiter ces fistules immatures vouées autrement à l’abandon. À partir d’un mécanisme similaire mais d’action retardée, il arrive que l’aspect immédiat de la veine après dilatation soit satisfaisant, que toutes les ruptures aient été apparemment maîtrisées mais qu’un faux-anévrysme se développe dans les jours suivant la dilatation par réouverture de la brèche. Il n’y a alors souvent d’autre solution que de lier la fistule.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Toute sténose significative sur l’axe veineux principal entraîne un reflux avec potentiellement opacification de toutes les collatérales situées en amont de l’obstacle (fig. 20A, B). Bien des publications américaines préconisent d’emboliser ou de ligaturer ces collatérales alors que le seul vrai traitement efficace est de dilater la sténose pour supprimer l’obstacle [19, 20]. Emboliser ou ligaturer les collatérales a pour résultat de mettre la veine sous tension en amont de la sténose, ce qui la rend effectivement davantage perceptible cliniquement mais ne règle pas le problème de fond et n’a finalement que l’effet d’un garrot permanent. Il n’y a donc pratiquement aucune place pour l’embolisation ou la ligature des collatérales dans les fistules de dialyse pour peu qu’on sache faire une angiographie et diagnostiquer la sténose, notamment sur des incidences orthogonales. Pour prendre une comparaison simple, une sténose sous-clavière entraîne un reflux massif dans les collatérales d’amont à l’épaule. Il ne viendrait à l’idée de personne d’emboliser ces collatérales et de ne pas traiter la sténose sous-clavière. En cas d’occlusion veineuse segmentaire, les collatérales se sont parfois tellement bien développées et sont devenues tellement efficaces que le flux continue à les utiliser préférentiellement après la réouverture pas toujours parfaite du segment veineux initialement occlus. Cela peut donc être une source d’échec par réocclusion précoce du segment recanalisé sous-perfusé. Ce pourrait être la rare circonstance où on pourrait envisager d’emboliser des collatérales. Deux études françaises [21, 22] ont démontré la responsabilité de l’artère radiale dans bien des retards de maturation à l’avant-bras et insisté sur l’intérêt à la dilater (fig. 18A à F). La voie d’abord la moins invasive est veineuse rétrograde, mais la voie artérielle radiale distale rétrograde ou humérale antégrade est envisageable en cas d’impossibilité à partir le la veine. La principale difficulté peut être le passage de l’anastomose (voir plus haut). Pour les dilatations de l’artère radiale, le ballon « Powerflex-Extreme » (Cordis) est très adapté en raison de sa souplesse et de sa capacité à supporter des pressions d’inflation hautes (25 atmosphères). Les extravasations transitoires sont assez fréquentes car il est évident qu’on surdilate nettement l’artère avec le ballon recommandé de 4 mm de diamètre pour être efficace. Ces ruptures transitoires s’arrangent presque toujours spontanément sous l’effet de ballonnages prolongés de 3 minutes à 2 atmosphères, probablement parce que la densité des tissus environnants dans les loges aponévrotiques de l’avant-bras n’offre pas beaucoup d’espace au développement d’un hématome. L’autre explication est la présence de la fistule avec son système à basse pression et faible résistance qui aspire le flux artériel pour peu qu’on ait, comme il se doit, traité les sténoses veineuses éventuelles avant les sténoses artérielles. Le recours aux stents est exceptionnel mais on doit bien évidemment toujours dilater avec le ballon monté sur un guide métallique 0,035 et non sur un guide hydrophile trop instable s’il faut par hasard pousser un stent. En cas de sténose résistante aux 25 atmosphères admises par le ballon Powerflex, avec mauvais résultat angiographique, on peut utiliser un ballon de la gamme « Dorado » (Bard) qui peut être gonflé à 30 atmosphères mais a le défaut d’être très rigide et de mal passer l’anastomose. Le ballon coupant est aussi envisageable. L’aspect angiographique final après dilatation montre souvent un net élargissement irrégulier de l’artère, élargissement qui s’aggrave parfois avec le temps.
Dilatation et stents Aucune complication secondaire à type de rupture de l’artère ou de fissuration d’ectasie n’a cependant été rapportée à ce jour. Certaines équipes dilatent ces sténoses de l’artère radiale avec des ballons de dilatation rénale ou coronaire poussés sur des guides 0,014 ou 0,018. Le cathétérisme est plus facile mais les ballons sont moins résistants à la pression et la possibilité de pousser un stent auto-expansible en cas de rupture est moins certaine. On manque d’expérience et de recul sur la dilatation extensive de l’artère radiale dans son segment brachial en cas d’origine haute. Toutes ces techniques de traitement des retards de maturation peuvent s’appliquer aux fistules céphaliques et basiliques du bras avec toutefois un risque accru de ruptures et faux-anévrysmes secondaires sur la veine s’expliquant par les débits potentiellement plus élevés générés par l’artère humérale. On doit par ailleurs être tout particulièrement prudent dans le cathétérisme des sténoses anastomotiques. Des fausses-routes sur un guide positionné dans l’artère humérale d’aval peuvent créer une dissection de l’artère avec un risque d’ischémie de main qui n’existe pas quand on travaille sur l’artère radiale. Sténoses sur le drainage au coude des fistules radiales Le drainage naturel au coude d’une veine céphalique médiane de l’avant-bras se fait vers la veine céphalique et la veine basilique du bras. En cas de sténose ou occlusion de ces deux veines, la fistule ne se draine plus que par la veine perforante, une veine qui met en communication au coude le réseau superficiel avec le réseau profond. Cette veine perfore donc les aponévroses superficielles pour retrouver les veines humérales profondes du bras, les deux veines satellites de l’artère qui rejoignent la veine basilique au tiers supérieur du bras pour former la veine axillaire (souvent dédoublée) qui donne ensuite la veine sous-clavière dans laquelle se jette la crosse terminale de la veine céphalique. Cette veine perforante est de morphologie et de calibre très variables. Elle peut prendre l’aspect d’une grosse veine à trajet direct court chez les sujets maigres et dans ce cas la dilatation d’une sténose, voire la mise en place d’un stent est envisageable (fig. 21A à K). Le drainage unique par une veine perforante permet à de nombreuses fistules de l’avant-bras de fonctionner pendant des années. Cela peut aussi être une cause d’abandon précoce si la veine perforante présente un cheminement rétrograde de haut en bas tout en s’enfonçant pour retrouver le réseau veineux profond de l’avant-bras. Cette anatomie est alors beaucoup plus défavorable pour le cathétérisme et les manœuvres endovasculaires, avec impossibilité d’envisager un stent qui se plicaturerait automatiquement. Même sans sténose localisée évidente, cette veine perforante est souvent de calibre nettement plus petit que la veine céphalique de l’avant-bras et peut représenter un obstacle chronique au drainage de la fistule radiale qui se retrouve sous tension permanente, ce qui favorise sa dégénérescence anévrysmale et son abandon à terme. Lorsqu’une fistule radiale ne se draine plus que par une veine perforante au coude, il convient donc en tout premier lieu d’essayer de recanaliser la veine basilique ou la veine céphalique en direction du bras. Le préalable est d’analyser attentivement
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse l’angiographie au coude et de faire diverses incidences à la recherche d’un moignon de veine basilique qui indique la direction à suivre pour une recanalisation. Une autre astuce dans ce cas est de refaire une angiographie avec un garrot haut situé sur le bras pour essayer d’opacifier par reflux un segment de veine basilique du bras qui pourrait être cathétérisé de manière rétrograde pour retrouver la veine de l’avant-bras. Si l’angiographie montre un moignon de veine basilique, on essaie de le cathétériser avec l’extrémité d’une sonde vertébrale 5 F dans laquelle on pousse un guide hydrophile droit qui est le guide base dans les tentatives de recanalisation des occlusions veineuses segmentaires chroniques. Dans près de 80 % des cas, ce guide hydrophile va progresser dans l’occlusion et on va pouvoir faire suivre la sonde 5 F de façon à lui donner au fur et à mesure l’appui nécessaire pour retrouver la lumière de la veine basilique au tiers inférieur du bras. En cas de fausse-route, on retire sonde et guide pour recathétériser en donnant une angulation différente à la sonde vertébrale, donc un angle d’attaque différent pour la recanalisation au guide. En cas d’échec, on peut faire une dernière tentative en utilisant le bout dur du guide, c’est-à-dire l’extrémité qu’on ne doit en théorie jamais entrer dans le patient. Une fois le guide hydrophile poussé suffisamment loin dans la veine basilique d’aval, il arrive que la sonde diagnostique 5 F refuse de progresser à travers l’obstacle tant la sténose sous-jacente est sévère et ancienne. L’astuce est alors d’essayer de pousser une sonde à capacité de glissement exceptionnelle, à savoir une sonde hydrophile 4 F (en général droite). Cette sonde accepte souvent de progresser là où les autres sondes calent. Une fois la sonde positionnée suffisamment haut dans la veine du bras, on retire le guide hydrophile pour le remplacer par un guide d’Amplatz « super stiff », un guide très rigide sur lequel il sera en général possible de faire progresser un ballon de dilatation. Lorsque même la sonde « Terumo glide » refuse de suivre sur le guide hydrophile, la dernière possibilité est de prendre le dilatateur d’un désilet 5 F de 20 ou 45 cm de longueur. Ce dilatateur très bien profilé a une rigidité que n’a pas la sonde 4 F et cette rigidité permet alors souvent de passer l’occlusion pour retrouver la veine basilique demeurée perméable au bras. Les tentatives de recanalisation de ces occlusions chroniques au coude peuvent cependant résulter dans des fausses-routes avec constitution d’un hématome généré par le flux de la fistule d’amont qui s’engouffre dans la brèche (fig. 21C à F). Ces hématomes sont rarement importants mais il peut s’avérer nécessaire d’emboliser le trajet fistuleux iatrogène avec de la gélatine (Gelitaspon ou assimilé). Ces mêmes principes de cathétérisme s’appliquent aux tentatives de recanalisation des occlusions segmentaires chroniques sur les veines de l’avant-bras. Fistules radiales superficialisées Les veines superficialisées par tunnellisation ou élévation développent le plus souvent une sténose en fin de zone de superficialisation, donc plus ou moins près du coude. Ces veines « manipulées » chirurgicalement semblent un peu plus fragiles et plus facilement sujettes aux ruptures.
Dilatation et stents Fistules cubitales (ou cubito-basiliques) Ces fistules peu fréquentes peuvent développer des sténoses sur tout leur trajet mais plus particulièrement dans le secteur anastomotique et au coude [23]. Elles posent un problème d’accès du fait de leur trajet postérieur à l’avant-bras. On est souvent obligé de faire fléchir le coude au patient qui y est habitué pour ponctionner la veine de manière rétrograde dans les fistules récentes. Dans les fistules plus anciennes, la veine est souvent suffisamment développée pour être ponctionnée près du poignet ou près du coude tout en laissant l’avant-bras en supination (voir fig. 3 du chapitre 7). Fistule huméro-céphalique Comme dans toutes les fistules au coude, il est prudent de limiter la taille du ballon de dilatation à 5 ou 6 mm pour toutes les sténoses proches de l’anastomose, surtout chez les sujets dont le réseau artériel à l’avant-bras peut être altéré (diabétique, fumeur, grand âge). La crosse terminale de la veine céphalique est toutefois le siège de la majorité des sténoses qui se manifestent alors par une hyperpression veineuse d’amont. La veine céphalique jusqu’alors très superficielle au bras s’infléchit dans le sillon delto-pectoral à l’épaule pour traverser divers plans et aponévroses et rejoindre la veine profonde qu’est la veine sous-clavière. Ce passage d’une zone superficielle mobile à un tunnel rigide explique la fréquence des ruptures et des sténoses résiduelles par retour élastique sur ce segment veineux d’abord libre puis engainé. Cette partie terminale de la veine céphalique doit être dilatée au minimum à 6 mm et on peut être amené à utiliser des ballons beaucoup plus gros dans les fistules anciennes. Les resténoses sont particulièrement fréquentes et rapides. Il importe de résister au maximum à la tentation du stent, stent qui risque de faire saillie dans la veine sous-clavière où il peut induire une sténose par un phénomène de rétraction, voire d’oblitération de la lumière axillo-sous-clavière d’amont (fig. 8A à H). Il peut arriver que la sténose de la crosse céphalique soit si sévère qu’on ne puisse pas à la franchir par voie antérograde. On l’attaque alors à partir d’une voie veineuse fémorale, voire jugulaire interne. L’aspect clinique le plus classique des fistules céphaliques avec le temps est celui d’une dégénérescence anévrysmale globale (voir fig. 11 du chapitre 7). Elle s’explique par le fait que le débit potentiellement très élevé de l’artère humérale bute de manière chronique sur le rétrécissement relatif de la crosse terminale de la veine céphalique qui peut rarement se développer en calibre autant que la veine d’amont du fait des contraintes anatomiques pour retrouver les plans profonds. Cette gestion difficile des sténoses récurrentes de la crosse céphalique a amené certains chirurgiens à couper la veine céphalique en amont immédiat de sa crosse et à la basculer dans le creux axillaire pour l’anastomoser avec la veine axillaire. Le développement ultérieur d’une sténose sur cette nouvelle anastomose veinoveineuse est presque inéluctable mais cette sténose serait moins propice aux récidives et donc plus facile à gérer. Le gros inconvénient de cette bascule chirurgicale
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse de la veine céphalique dans la veine axillaire est que la sténose de l’anastomose veino-veineuse se forme dans le drainage immédiat de la veine basilique qui ne pourra donc plus jamais être utilisée pour la création d’une fistule huméro-basilique. Cette bascule de la veine céphalique ne devrait donc pas être faite si la veine basilique est potentiellement utilisable. On peut finalement conclure que le développement d’une sténose de la crosse de la veine céphalique devrait amener l’équipe multidisciplinaire dès la première ou deuxième redilatation à réfléchir au type d’abord vasculaire alternatif qu’il va falloir envisager devant le mauvais pronostic de ces sténoses et les inconvénients potentiels de la mise en place d’un stent. Il n’est pas ridicule de faire dans le même temps une phlébographie du membre opposé quand on vient de dilater une sténose de la crosse pour la 3e fois en 6 mois, voire du membre porteur de la fistule céphalique pour vérifier s’il y a une veine basilique artérialisable ou une veine axillaire suffisamment correcte pour recevoir une bascule chirurgicale de la veine céphalique. Fistule huméro-basilique superficialisée Comme dans toutes les fistules au coude, il importe de savoir limiter la taille du ballon de dilatation à 5 ou 6 mm pour toutes les sténoses proches de l’anastomose, surtout chez les sujets dont le réseau artériel à l’avant-bras peut être altéré (diabétiques, fumeur, grand âge). La sténose la plus fréquente se développe toutefois à la fin de la zone de superficialisation/mobilisation de la veine (fig. 1A), donc en aval des sites de dialyse. C’est une sténose qu’il est également prudent de sous-dilater en raison du risque d’augmentation excessive du débit et donc du vol de la fistule sur la vascularisation de la main. On peut suggérer de dilater uniquement à 7 mm la première fois puis d’utiliser un ballon 1 mm plus gros à chaque redilatation tant que le patient ne rapporte pas avoir souffert de signes ischémiques de la main après la précédente dilatation. Les ruptures en cours de dilatation ne sont pas rares mais en règle assez faciles à maîtriser par un ballonnage prolongé. Il ne faut toutefois jamais dilater ces sténoses sur fistules à haut débit sans avoir des stents couverts en réserve. Fistule de Gracz L’anastomose se fait au coude entre l’artère humérale ou radiale haute avec une veine perforante. Ce sont donc non seulement et la veine céphalique et la veine basilique du bras qui sont artérialisées mais aussi souvent par reflux certaines veines de l’avant-bras. Il en résulte de fréquents problèmes d’hyperdébit et d’ischémie de main. C’est pour cette raison que cette fistule ne figure pas dans les recommandations officielles bien qu’elle ait des partisans car elle est facile à faire et qu’on puisse incidemment la rencontrer. Sténoses et occlusions veineuses centrales Ces sténoses centrales ne doivent en général n’être traitées qu’en cas d’œdème handicapant du membre (voir fig. 6 du chapitre 7) ou en cas de drainage remontant dans la boite crânienne (fig. 22A, B) [2]. La dilatation réussie d’une sténose
Dilatation et stents veineuse centrale signifiera aussi que les 1 à 2 litres d’eau piégés dans le bras repasseront dans la circulation générale dans les heures suivantes. Il y a donc un risque d’OAP chez les patients à la fonction cardiaque imparfaite et le principe d’une séance de dialyse supplémentaire après une dilatation veineuse centrale réussie peut être conseillé. La veine sous-clavière est rétrécie de manière physiologique au niveau du défilé thoraco-brachial et il n’y a pas de sténose veineuse centrale significative sans un net reflux dans de nombreuses collatérales d’amont à l’épaule et à la base du cou. Le franchissement des sténoses est en règle assez simple, au besoin en utilisant au départ un guide 0,014 pour les lésions hétérogènes. On pousse ensuite un guide 0,035 le plus bas possible dans la veine cave inférieure (utiliser des guides de 2,60 m) afin d’éviter les troubles du rythme si le guide part dans le ventricule droit, voire une plaie endocardique si on effectue des manipulations un peu brutales avec l’extrémité du guide dans l’oreillette droite. La veine sous-clavière se dilate en général à 12 mm, le tronc brachio-céphalique à 14 ou 16 mm. Aucun acteur de la dilatation n’a jamais vu d’extravasation de produit de contraste indiquant une rupture de la paroi veineuse dans la dilatation de ces veines centrales. Il en est tout autre de la dilatation des rares sténoses de la veine cave supérieure qui comporte un risque létal. En effet, il existe une zone de fragilité de la veine cave supérieure terminale au contact d’un récessus péricardique ascendant. Il est bon de le vérifier par scanographie avant la dilatation. Plusieurs cas de rupture de la veine cave dans le péricarde ont été rapportés avec pour conséquence une tamponnade cardiaque par hémopéricarde dont tous les patients n’ont pas récupéré. Il est donc probablement sage de prévoir un kit de drainage péricardique et un stand-by chirurgical, peut-être sous-dilater et prévoir un stent couvert systématique. Personne ne peut prétendre avoir la réponse actuellement. La recanalisation d’une occlusion sous-clavière ou brachio-céphalique peut s’avérer extrêmement difficile, voire impossible, en particulier au contact d’électrodes d’un pacemaker. Il y a un risque majeur de fausse-route qui reste sans gravité tant qu’on n’y pousse pas inopportunément un ballon de dilatation qui élargit le trou. Il est plus simple sur le plan de la voie d’abord d’attaquer l’occlusion veineuse centrale à partir de la « fistule ». C’est comme pour toutes les occlusions le couple sonde vertébrale-guide hydrophile droit qu’on essaie d’orienter en direction de la lumière vasculaire cave supérieure à retrouver en aval. On aura une meilleure force de poussée si on passe par voie basilique que par voie céphalique du fait de la courbure de sa crosse. Si le guide droit bute sur la sténose et fait plier la sonde en amont, on refait des tentatives après avoir rigidifié la sonde porteuse en utilisant un introducteur 6 F long (45 cm ou plus) dont on pousse l’extrémité près du moignon d’occlusion (fig. 23A à N). En cas d’échec avec la sonde vertébrale, on essaie des sondes de diverses morphologies (Side-winder, Shepherd, Amplatz, etc.) de manière à ce que l’extrémité de chaque sonde offre un angle d’attaque différent de l’occlusion par le guide et lui permette d’entrer dans le moignon invisible de la vraie lumière du segment veineux occlus. Une fois l’occlusion franchie, on pousse une sonde diagnostique « glide 4 » (Terumo) sur le guide afin de s’assurer qu’on a bien retrouvé la lumière adéquate de la veine cave en aval. La confirmation vient de la constatation d’un
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse reflux sanguin dans la sonde et on vérifie impérativement par une injection iodée qu’on est bien dans la veine cave et non dans le médiastin ou la veine azygos. Une fausse-route éventuelle dans le médiastin avec une sonde 4 F est en général sans conséquence. Une fois la sonde 4 F correctement placée dans la veine cave supérieure, rappelons qu’il est sage d’essayer avec un guide hydrophile de la pousser le plus bas possible dans la veine cave inférieure. Comme dans d’autres territoires, on remplace alors le guide hydrophile par un guide très rigide de type Amplatz qui fournira un support suffisant pour le ballon de dilatation. Il est parfois nécessaire de prédilater avec un ballon souple de 4 à 6 mm de diamètre pour pouvoir faire suivre ensuite un ballon de 12 à 16 mm. Lorsqu’on ne réussit pas à traverser l’occlusion veineuse chronique à partir du bras, on utilise une voie d’abord fémorale pour recourir aux mêmes artifices techniques en recherchant un moignon au sommet de la veine cave supérieure et en attaquant avec le couple sonde vertébrale-guide hydrophile droit (fig. 24A à G). La voie fémorale devient également obligatoire lorsque le guide hydrophile franchit bien l’occlusion à partir de la voie d’abord brachiale mais qu’il s’avère ensuite impossible de faire suivre la moindre sonde diagnostique ou le moindre dilatateur d’introducteur sur ce guide tant l’occlusion est sévère et la filière locale fibreuse. L’astuce est alors de pousser la sonde diagnostique 4 F au contact de l’occlusion qu’elle ne peut franchir et de solidariser la sonde au guide avec un dispositif en Y comportant une valve-écrou (voir chapitre 16, Annexe 3 : liste du matériel). On monte ensuite un lasso par voie fémorale pour attraper le guide hydrophile flottant dans la veine cave supérieure et l’enserrer. On doit à ce stade travailler à deux, un opérateur poussant l’ensemble sonde et guide par l’introducteur du bras pendant que l’autre opérateur tire sur le lasso à travers le désilet fémoral. Il est alors rare que la sonde 4 F ne suive pas et ne puisse être descendue dans la veine cave inférieure. On remplace ensuite le guide hydrophile par un guide d’Amplatz et on remplace la sonde 4 F par un ballon de dilatation souple de 4 à 6 mm pour prédilater la filière avant d’utiliser un ballon plus gros. Si le ballon de dilatation ne suit pas sur le guide d’Amplatz, on utilise à nouveau le dispositif de valve-écrou au bras et le lasso en fémoral. Lorsque l’occlusion veineuse centrale s’est développée au contact d’un cathéter central toujours en place, il ne faut surtout pas retirer le cathéter avant d’avoir franchi l’occlusion et on peut utiliser la lumière du cathéter pour la franchir. En cas d’échec du franchissement de l’occlusion veineuse chronique par les moyens classiques, une équipe américaine a proposé de traverser l’occlusion avec une aiguille rigide à partir d’une ponction sous-clavière jusqu’à retrouver la veine cave supérieure [24]. Certains collègues ont essayé et arrêté pour cause de complication fatale. Une équipe de Singapour vient de rapporter un succès isolé avec un cathéter de type « outback » [25]. Une autre équipe américaine a présenté durant le congrès du CIRSE 2010 à Valence l’utilisation d’un guide branché sur un générateur de radiofréquence qui progresse en brûlant les tissus dans l’axe du guide. Les auteurs précisent bien qu’ils mettent au préalable une sonde repère dans le vaisseau à atteindre pour savoir quand s’arrêter et il est donc bien évident que le risque de trajet aberrant est grand…
Dilatation et stents Pontages prothétiques Qu’ils soient en ligne ou en boucle, ils développent presque systématiquement une sténose au niveau de leur anastomose avec la veine d’aval. C’est en règle un ballon de 7 ou 8 mm qu’on utilise sur ces pontages qui ont le plus souvent 6 mm de diamètre. La littérature récente invite à mettre facilement un stent couvert sur ces anastomoses veineuses [26]. En cas de sténose dans la prothèse elle-même, on évite de surdilater et on utilise un ballon de 6 mm. Abords vasculaires au membre inférieur Ils peuvent être natifs, à type de fistule fémoro-fémorale superficialisée, fistule fémoro – ou poplitéo-saphène, et ils peuvent être prothétiques, en ligne ou en boucle. Les sténoses peuvent se développer n’importe où sur les veines natives, préférentiellement sur l’anastomose veineuse en cas de montage prothétique. Comme pour les fistules au coude, on doit avoir l’obsession du risque d’ischémie distale et savoir sous-dilater les sténoses proches de l’anastomose artérioveineuse. Montages exotiques Ils n’ont pour seule limite que l’imagination du chirurgien et c’est à la thérapeutique endovasculaire de s’adapter à ces montages axillo-axillaires en boucle, sous-claviers croisés droite-gauche ou vice-versa, axillo-poplités, etc. Œdème de la main, de l’avant-bras, du bras ou de l’ensemble du membre Tout œdème du membre est jusqu’à preuve du contraire dû à une sténose située sur le retour veineux de l’abord vasculaire. Un œdème de la main peut être le premier signe d’une sténose veineuse centrale mais aussi résulter d’une sténose à l’avant-bras qui entraîne un reflux dans des collatérales en direction du poignet. Un œdème limité à l’avant-bras et à la main peut résulter par le même mécanisme d’une sténose au coude. Un œdème épargnant l’épaule peut être dû à une sténose axillaire. Les sténoses veineuses périphériques responsables d’un œdème même modéré doivent être traitées car elles menacent la perméabilité de l’abord vasculaire, ce qui n’est pas le cas des sténoses sous-clavières et brachio-céphaliques. On ne retrouve parfois aucune sténose pour expliquer l’œdème du bras. On s’oriente alors vers un obstacle lymphatique, parfois spontanément résolutif, dont l’origine est loin d’être toujours évidente à déterminer.
STENTS En matière d’abords vasculaires pour hémodialyse, les stents sont comme les cathéters centraux : on les hait mais on ne peut pas s’en passer. Ils ont beaucoup d’inconvénients mais ils rendent ponctuellement des services irremplaçables car ils permettent de sauver au moins temporairement des fistules.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse À l’exception éventuelle des sténoses centrales brachio-céphaliques ou caves, il ne faut utiliser que des stents auto-expansibles dans les abords vasculaires. Artères et veines du membre supérieur sont relativement superficielles et peuvent se trouver comprimées transitoirement à l’occasion d’un traumatisme : un stent auto-expansible comprimé de réouvrira spontanément alors qu’un stent monté sur ballon restera écrasé et risquera d’aboutir à l’occlusion du vaisseau [27]. Il existe des stents nus et des stents couverts. Les stents nus sont constitués uniquement de mailles de métal alors qu’un tissu étanche (souvent du polytétrafluoroéthylène) recouvre le maillage des stents couverts. Il semble par ailleurs qu’il faille privilégier les stents en nitinol en raison d’une meilleure expansion naturelle et de l’absence de raccourcissement pendant le largage. La plupart de stents auto-expansibles sont livrés emprisonnés dans une membrane sur un cathéter porteur. C’est le retrait progressif de cette membrane engainante qui permet de larguer le stent. Ils ont tous un peu tendance à partir en avant au moment du largage et on doit donc savoir concomitamment légèrement reculer le cathéter porteur. On surdimensionne le stent de 1 à 2 mm par rapport au diamètre du vaisseau et on couvre en général la moindre longueur possible de vaisseau en amont et en aval de la lésion ayant justifié le stent. Surdimensionner le stent est nécessaire pour éviter le risque de migration dans le lit d’aval, surtout en veineux où le calibre du vaisseau va s’accroissant. Trop surdimensionner est en revanche susceptible de favoriser la resténose en distendant un peu trop la paroi et en stimulant un peu trop la réaction inflammatoire locale par ailleurs constante bien que généralement asymptomatique. Il est en revanche parfois nécessaire de mettre un stent long dans les zones sinueuses, angulées ou anévrysmales pour bien ancrer le stent en amont et en aval et éviter les déplacements secondaires ou les plicatures pouvant rendre délicat tout futur cathétérisme. Le stent est un corps étranger qui va rester dans le patient. L’asepsie de l’acte interventionnel doit être particulièrement rigoureuse. Il est bon de changer de gants stériles avant de toucher le dispositif de largage du stent. Une antibioprophylaxie est suggérée sans avoir prouvé un intérêt indiscutable. L’introducteur a tendance à accompagner le mouvement de retrait de la membrane emprisonnant le stent. Il est bon ou de pousser le désilet à fond avant de larguer le stent ou de demander à un assistant de tenir le désilet pendant le largage. Les stents sont malheureusement beaucoup moins efficaces à terme dans les veines artérialisées que dans la plupart des territoires artériels. Ils peuvent s’avérer nuisibles si on les place indûment sur des confluents veineux majeurs où ils peuvent obérer la création d’abords vasculaires alternatifs dans le futur. On ne doit donc utiliser les stents que pour traiter certaines complications et échecs de la dilatation simple. En pratique, il y a quelques localisations anatomiques où la pose d’un stent peut être particulièrement dommageable à terme [28] : – si on met un stent sur une veine de l’avant-bras, ce qui est rare, le stent ne doit pas déborder sur la veine basilique du bras et empêcher ensuite l’utilisation de cette veine pour créer une fistule huméro-basilique ;
Dilatation et stents – un stent mis en place dans la crosse de la veine céphalique ne doit en aucun cas déborder dans la veine sous-clavière où il risque d’induire une sténose qui empêcherait par la suite la création d’une fistule huméro-basilique ou la mise en place d’un pontage huméro-axillaire (fig. 25) ; – un stent mis en place dans la veine sous-clavière ne doit pas déborder sur le confluent avec la veine jugulaire interne homolatérale si elle est encore perméable. Cela pourrait empêcher la mise en place future d’un cathéter temporaire ou définitif dans cette veine jugulaire ; – un stent mis en place dans un tronc brachio-céphalique ne doit en aucun cas déborder dans la veine cave supérieure et risquer d’obstruer le drainage du tronc brachio-céphalique controlatéral et ainsi empêcher toute création future d’un abord vasculaire sur le membre opposé (fig. 26). Il est bon de les larguer à travers un introducteur long qui permet de multiplier des contrôles angiographiques de qualité pendant le largage ; – un stent proche de l’anastomose artério-veineuse au coude ne doit jamais déborder dans l’artère humérale où il peut induire une sténose à l’origine d’une ischémie de main. L’autre inconvénient majeur des stents est le risque de condamner l’abord vasculaire à l’abandon à moyen terme, soit par le fait de resténoses indilatables, soit par le développement de nouvelles sténoses à chaque fois un peu plus en aval. En effet, les stents nus peuvent se compliquer de resténoses majeures par le développement à l’intérieur du stent d’une hyperplasie néo-intimale telle qu’il devient impossible de redilater au bout de quelques mois. Des essais d’ablation de cette hyperplasie par des dispositifs d’athérectomie ont été tentés mais se sont révélés globalement décevants. Tant avec les stents nus que couverts, la complication la plus fréquente est le développement de nouvelles sténoses en aval (parfois en amont) du stent, sténoses souvent difficiles à dilater correctement et qu’on peut être tenté de traiter par un nouveau stent qui générera à son tour une nouvelle sténose plus en aval (ou plus en amont) jusqu’au jour où on arrivera à un confluent veineux majeur qu’il ne faudra surtout pas couvrir. Les stents peuvent se fracturer quand ils sont mis dans des zones très mobiles (articulations) ou en zone de ponction où ils subissent le traumatisme trihebdomadaire des infirmières de dialyse [29]. On évite en général de mettre un stent en zone de ponction mais il n’y a parfois pas d’autre choix. Les stents actuels sont ponctionnables sans difficulté majeure même s’ils n’ont pas été conçus dans cette optique. Il y a enfin une complication spécifiques aux stents mis dans les zones superficielles, à savoir la perforation de la peau par l’une des extrémités métalliques, complication qui implique bien évidemment un traitement chirurgical soit par couverture avec un lambeau cutané quand c’est possible, soit par révision ou sacrifice de la fistule pour exclure le stent du circuit artério-veineux (fig. 19). Les indications raisonnables à la mise en place d’un stent sont les complications et les limitations des techniques endovasculaires. La complication immédiate la plus fréquente est la rupture du vaisseau en cours de dilatation (fig. 10A à E). Un stent peut être envisagé si l’extravasation persiste après par exemple 3 périodes de 5 minutes de ballonnage prolongé à basse
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse pression (2 atmosphères). C’est l’une des rares indications où les stents couverts sont supérieurs en contrôlant la rupture dans pratiquement tous les cas là où les stents nus sont parfois insuffisants. Positionner le stent couvert efficacement et sans danger peut relever de la mission impossible en cas de rupture sur l’anastomose artério-veineuse elle-même. Rappelons que les anastomoses chirurgicales de moins de 1 mois sont une contre-indication à toute dilatation percutanée et qu’il est déraisonnable de dilater des sténoses sans avoir quelques stents couverts de différents diamètres disponibles à portée de main en cas de rupture. L’indication la plus fréquente des stents est toutefois la sténose résiduelle majeure après dilatation que ce soit par dissection occlusive (fig. 8A à H) ou par « retour élastique » de la sténose (« elastic recoil » des publications en anglais). On entend par retour élastique le fait qu’une sténose résiduelle soit objectivée après retrait du ballon en dépit du fait que la sténose ait été parfaitement dilatée avec un ballon de taille suffisante et disparition de toute encoche sur le ballon. En cas d’encoche résiduelle sur le ballon, le traitement n’est jamais un stent mais l’utilisation d’un ballon très haute pression ou d’un ballon coupant. Le retour veineux élastique est un phénomène assez fréquent dans les dilatations veineuses mais ce n’est en aucun cas une indication systématique à mettre un stent. En effet, bien des sténoses résiduelles de moins de 50 % peuvent donner des résultats cliniques satisfaisants et durables là où des sténoses parfaitement dilatées se compliqueront d’une resténose sévère dans les 3 mois. L’historique de l’abord vasculaire est donc essentiel. Il ne faut mettre de stent qu’en cas de sténose résiduelle majeure (supérieure à 50 %) où en cas de sténose résiduelle non acceptable parce que la lésion vient de récidiver moins de 3 mois après la dernière dilatation. Si, en revanche, la sténose n’a récidivé que 6 mois ou plus après une précédente dilatation ayant abouti au même niveau de sténose résiduelle, on doit probablement éviter le stent. En dehors de la rupture aiguë non contrôlée par le ballonnage prolongé, il ne faut jamais mettre de stent dans une veine au tiers inférieur de l’avant-bras : une sténose résiduelle ou rapidement récidivante dans cette localisation est l’indication à la réfection chirurgicale de l’anastomose en aval de la sténose. En cas de sténose trop rapidement récidivante, par exemple une sténose ayant déjà nécessité deux dilatations en 6 mois, l’intérêt à mettre un stent pour retarder la resténose est un sujet très discuté puisque différentes publications ont abouti à des résultats contradictoires [30, 31]. Il est toutefois évident que certaines de ces sténoses sont des retours élastiques qui se sont formés dans les minutes ou les heures suivant la dilatation et qui n’étaient pas encore visibles sur le contrôle angiographique final. On en a parfois la preuve lorsqu’on est amené à dilater plusieurs sténoses sur le même abord vasculaire. On dilate comme il se doit la sténose la plus proche de la veine cave supérieure d’abord et on finit en dilatant les sténoses proches de l’anastomose. Pour peu que la dernière lésion ait été quelque peu difficile à traiter, il s’écoule parfois plus de 15 minutes entre la première dilatation et le contrôle angiographique final. On réalise alors fréquemment que la sténose du retour veineux qui semblait avoir été parfaitement dilatée sur le contrôle immédiat s’est déjà considérablement affaissée en quelques minutes. En pratique, le stent allonge souvent effectivement l’intervalle libre de resténose jusqu’à la première redilatation puis perd tout son bénéfice ensuite et risque de cumuler les effets néga-
Dilatation et stents tifs de l’hyperplasie indilatable dans le stent et du développement de nouvelles sténoses en aval ou en amont du stent. On doit donc absolument éviter de mettre un stent quand il s’agit du dernier abord vasculaire simple réalisable chez le patient. Une étude randomisée a néanmoins prouvé la supériorité à court terme du stent couvert par rapport à la dilatation simple dans les anastomoses veineuses des montages prothétiques [26]. Cette supériorité très relative n’a été toutefois démontrée qu’à 6 mois et les inconvénients à long terme des stents n’apparaissent donc pas dans cette étude. On peut en revanche poser la question de l’intérêt probable à mettre un stent couvert en cas de resténose dans un stent nu (fig. 23J à N). Une étude randomisée très critiquable a montré la supériorité relative des stents couverts sur les stents nus dans la crosse de a veine céphalique [32]. Malheureusement, ces résultats très moyens ont été obtenus en sténosant la veine sous-clavière. Une rare indication des stents (plutôt couverts dans ce cas) réside dans l’exclusion d’anévrysmes ou de faux-anévrysmes dans des localisations ou circonstances cliniques où la chirurgie conventionnelle serait difficile ou peu souhaitable [33]. Le stent est largué de manière à couvrir le collet de l’anévrysme et à l’exclure du flux circulant, à l’instar de ce qui se fait dans les anévrysmes aortiques. On retrouve dans ces catégories des faux-anévrysmes veineux sur des ponctions en dialyse un peu vigoureuses et mal comprimées chez des patients très hypertendus ou sous anticoagulants. On peut aussi être amené à traiter des faux-anévrysmes sur des ponctions artérielles involontaires de l’artère humérale lorsque les infirmières piquent le retour veineux au coude, ce qui est théoriquement interdit, et ont pris l’artère humérale pour une veine. La dernière indication des stents trouve sa place dans les procédures de désobstruction percutanée des abords thrombosés. On peut se trouver confronté à des thrombi résiduels souvent anciens et remaniés, collés à la paroi veineuse et impossible à briser mécaniquement ou à lyser chimiquement. C’est souvent le cas dans les dégénérescences veineuses anévrysmales. Des fragments de ces caillots flottent parfois dans la lumière et retentissent sur le flux. L’autre risque est que ces fragments de caillot vieillis se détachent et s’embolisent dans la veine d’aval où ils peuvent entraîner la rethrombose de l’accès vasculaire si leur calibre est supérieur au diamètre de la veine. Il n’y a alors dans ce cas d’autre solution que de piéger ces caillots résiduels avec un stent. C’est parfois tout le segment veineux anévrysmal qu’il est nécessaire de « ponter » avec le stent qui doit donc déborder assez nettement en amont et en aval de l’ectasie pour être stable. C’est de fait souvent une solution temporaire qui doit appeler ou à la reprise chirurgicale de l’anévrysme ou à la création d’un nouvel abord vasculaire.
RESTÉNOSE La récidive des sténoses après dilatation percutanée est malheureusement plus fréquente dans les territoires veineux artérialisés que dans n’importe quel territoire artériel. Le principe de base devant une resténose à intervalle court (moins de 6 mois) est d’augmenter la taille du ballon de dilatation de 1 millimètre à chaque fois que cela est anatomiquement possible et physiologiquement raisonnable. Le génie évolutif des sténoses est imprévisible et illogique. Certaines sténoses imparfaitement dilatées ne récidiveront jamais, des sténoses parfaitement dilatées récidiveront dans
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse les 3 mois. Certaines sténoses récidiveront tous les 3 mois pendant 1 an puis resteront stables pendant 18 mois et récidiveront ensuite à nouveau tous les 3 mois. Il y a donc de toute évidence une action de facteurs physiques et biologiques encore inconnus. De manière similaire, des abords vasculaires resteront perméables malgré un très bas débit dû à des sténoses sévères sans induire de thrombose, alors que des fistules se thromboseront malgré un débit encore correct quelques jours plus tôt. Une seule série a démontré l’intérêt d’un régime très riche en huiles de poisson, irréalisable en pratique quotidienne, pour ralentir l’évolution des sténoses dans les montages prothétiques. Antiagrégants plaquettaires et anticoagulants n’ont jamais prouvé d’effet bénéfique après traitement endovasculaire. La mise en place d’un stent couvert ou nu n’a jamais prouvé être durablement efficace et peut générer de nouvelles sténoses en aval ou en amont. Les stents imprégnés d’une drogue immunosuppressive (« coated » stents) n’ont pas encore été testés en pathologie veineuse. Des essais d’irradiation locale (« brachytherapy ») ou de cryothérapie initialement encourageants n’ont pas été confirmés. Des essais avec des ballons imprégnés de diverses drogues sont en cours dans d’autres territoires. Dans les montages prothétiques, les chirurgiens ont essayé sans succès de varier les matériaux et de modifier la géométrie des anastomoses veineuses. Il n’y a donc pas en 2011 de traitement efficace démontré pour sinon éviter du moins retarder durablement la resténose. Une seule chose est certaine : les fistules natives de l’avant-bras ont la plus longue durée de perméabilité cumulée, les montages prothétiques la plus mauvaise.
STRATÉGIE : REDILATATIONS OU ABANDON ? Certains abords vasculaires ne restent perméables qu’au prix de redilatations ou nouvelles désobstructions tous les 2 à 4 mois. La question de la légitimité à continuer de telles dilatations à intervalles rapprochés doit naturellement se poser. Il n’y a pas de réponse universelle à cette question mais on doit au minimum avoir fait un bilan veineux et artériel du membre controlatéral. La redilatation tous les 3 mois peut se défendre chez tout patient où on ne peut plus envisager d’abord vasculaire alternatif simple. Il est en règle préférable de redilater la sténose d’une fistule céphalique du bras si la seule alternative est la mise en place d’un montage prothétique du fait de l’absence de veine basilique utilisable. Redilater un goretex tous les 3 mois est défendable si la seule alternative est une fistule à la cuisse ou un cathéter à demeure. Même en présence d’une veine utilisable sur l’autre membre, la perspective prochaine d’une transplantation rénale invitera chez un sujet jeune à redilater la fistule actuelle tous les 3 mois et à préserver le capital veineux controlatéral pour le retour de greffe.
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B Fig. 1 – A. Cette fistule huméro-basilique droite superficialisée est adressée pour un problème d’hyperpression veineuse dans les zones de ponction résultant dans un allongement anormal des temps de compression en fin de dialyse. Le débit a été mesuré à 550 mL/min. L’angiographie par ponction veineuse antérograde juxta-anastomotique objective une sténose en fin de superficialisation (flèche) qui explique parfaitement la symptomatologie et qu’on va dilater. On objective aussi une sténose du tronc brachio-céphalique droit qu’on va respecter puisqu’il n’y a pas d’œdème du membre. B. Pendant que le ballon de dilatation interrompt le flux, on peut opacifier par reflux l’anastomose et on objective deux sténoses (flèche) relatives de la veine juxta-anastomotique qu’on va respecter pour la triple raison que la veine est arrivée non pas plate mais sous tension, que ces sténoses n’expliquent pas la symptomatologie et qu’elles sont de surcroît probablement bénéfiques en évitant l’évolution de cette fistule vers un débit excessif qui pourrait rendre la sténose veineuse centrale symptomatique.
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Fig. 2 – A. Cette fistule huméro-basilique superficialisée à droite est adressée pour difficultés de ponction avec un bas débit à 500 mL/min d’après le Transonic. L’angiographie est réalisée à partir d’une ponction rétrograde de la veine et descente d’une sonde 4 F à travers l’anastomose qu’on remonte dans l’artère humérale proximale. C’est ainsi qu’on objective une sténose sévère de la veine 4 cm en aval de l’anastomose, en amont immédiat des sites de dialyse, sténose qui explique la symptomatologie et menace la perméabilité de l’abord vasculaire. B. L’angiographie montre aussi une occlusion longue de la veine sous-clavière jusqu’à présent très bien compensée par la collatéralité puisqu’il n’y a pas d’œdème du membre. Il n’y a donc pas de raison d’essayer de recanaliser cette occlusion centrale probablement ancienne, mais on pressent qu’une trop grande augmentation du débit de la fistule après dilatation pourrait rompre l’équilibre entre débit de fistule et collatérales, avec risque de survenue secondaire d’un œdème du membre. C. On décide donc de délibérément sous-dilater la sténose périphérique à 6 mm. D. L’angiographie après dilatation montre une indubitable sténose résiduelle. Pour savoir s’il est licite de dilater avec un ballon plus gros, on ponctionne la veine de manière antérograde pour positionner un cathéter de thermodilution et mesurer le débit de la fistule [3]. On retrouve un débit moyen de l’ordre de 1,5 L/min malgré la sténose résiduelle et on décide bien évidemment d’en rester là. Le patient présentera dans les semaines suivantes un discret œdème de la main mais on ne sera jamais amené à redilater cette fistule jusqu’au décès du patient 23 mois plus tard.
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Fig. 3 – A, B. Cette fistule radiale gauche créée 5 semaines auparavant présente un retard de développement en rapport avec une sténose très hétérogène et longue de la veine au tiers supérieur de l’avant-bras. La veine artérialisée a été ponctionnée de manière antérograde dans le secteur anastomotique après mise en place d’un garrot au bras, les AVK prohibant la ponction de l’artère humérale pour l’angiographie diagnostique. C. C’est l’association d’une sonde vertébrale et d’un guide 0,014 qui a permis de franchir millimètre par millimètre cette longue sténose hétérogène qu’il ne faut surtout pas essayer de franchir d’emblée avec un guide hydrophile devant le risque élevé de fausse-route et de dissection. D. Le résultat après dilatation à 6 mm est excellent, la fistule a été utilisée la semaine suivante et il a fallu redilater avec un ballon plus gros 4 mois plus tard.
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Fig. 4 – A. Cette fistule radiale droite créée 6 semaines auparavant présente un retard de développement en rapport avec une sténose sévère et longue de la veine artérialisée. Après mise en place d’un garrot au bras, on ponctionne la veine artérialisée de manière rétrograde au coude et on descend une sonde mammaire interne au contact de la sténose. Malheureusement, toutes les tentatives de cathétérisme vont échouer à franchir l’hypertrophie valvulaire (flèche) dans l’axe de la lumière encore perméable. B, C. C’est donc à partir d’une voie artérielle radiale distale rétrograde qu’on « attaque » la sténose et qu’on réussit à la franchir avec le couple sonde vertébrale-guide 0,014.
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Fig. 5 – A. Le retard de maturation de cette fistule radiale gauche est en rapport avec une sténose veineuse juxta-anastomotique très hétérogène. B. La sonde vertébrale 5 F est « enquillée » dans le pôle supérieur de la sténose. C. – Un guide 0,014 soutenu par la sonde 5 F parvient à franchir sans difficulté cette sténose d’aspect défavorable. D. Le guide 0,014 est remplacé sur sonde par un guide 0,035 qui permet de positionner un ballon de 6 mm. On retire le guide une fois le ballon gonflé pour vérifier qu’il n’induit pas de sténose ou de spasme sur l’artère afférente. E. L’angiographie finale est aussi réalisée par injection à travers la lumière du ballon.
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Fig. 6 – A. Le bas débit de cette fistule radiale gauche de plusieurs années s’explique par une sténose veineuse juxta-anastomotique. Après ponction rétrograde de la veine artérialisée, il s’avère très difficile de franchir la sténose car les guides s’enroulent dans la dégénérescence anévrysmale de la veine d’aval. B. – L’astuce est alors de pousser un guide hydrophile droit monté sur une sonde vertébrale 5 F tout en comprimant la veine anévrysmale avec les doigts pour limiter le risque d’enroulement du guide dans la veine. Les calcifications de l’artère confirment le passage adéquat du guide à travers l’anastomose.
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Fig. 7 – A. Cette fistule radiale gauche est sous tension à l’avant-bras du fait d’une sténose de la veine basilique de drainage au coude alors que la veine céphalique du bras est occluse et que le réseau perforant et huméral profond est peu développé. B. Le résultat après dilatation à 9 mm guide en place est correct. C. Le bon résultat angiographique est confirmé après retrait du guide puisqu’on serait incapable de dire sur ce cliché où siégeait la sténose initiale.
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Fig. 8 – A. Cette sténose de la crosse terminale de la veine céphalique explique l’hyperpression veineuse régnant dans la fistule huméro-céphalique gauche d’amont dont le débit a été chiffré à 530 mL/min. B. La sténose est dilatée avec un ballon « Conquest » de 8 mm. C. Le résultat après dilatation guide en place montre une petite image de dissection dans la convexité de la crosse mais le résultat semble favorable. D. Grosse surprise au retrait du guide : la crosse de la veine céphalique est occluse et une dissection de la veine est la seule explication possible. E. Non sans difficulté, on arrive à repasser un guide dans la bonne lumière et à repousser une sonde dans la veine sousclavière, confirmant qu’on a retrouvé la bonne lumière vasculaire en aval. F. On procède à un ballonnage prolongé de 2 min et à 2 atmosphères avec le ballon de 8 mm. G. L’angiographie après ce ballonnage de 2 min montre une sténose résiduelle et quelques caillots en amont. H. On traite la sténose résiduelle et le thrombus par la mise en place d’un long stent auto-expansible de 9 mm de diamètre (« Smart »).
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Fig. 9 – A. Ce goretex huméro-axillaire gauche a comme souvent développé une sténose sévère de l’anastomose veineuse qui entraîne un reflux dans les veines humérales profondes. B. Il existe une nette sténose résiduelle (flèche) après dilatation à 7 mm. C. On dilate donc avec un ballon « Conquest » de 8 mm dont les bords sont parfaitement parallèles à 30 atm. D. Le résultat après dilatation à 8 mm est très correct sans être parfait et le reflux vers les veines humérales profondes est pratiquement tari.
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Fig. 10 – A. Le débit insuffisant de cette fistule radiale gauche de 3 ans était dû à deux sténoses proches de l’anastomose. On reconnaît les deux zones de ponction de dialyse à leur légère dégénérescence anévrysmale locale et on note que le drainage au coude ne repose que sur une veine perforante toutefois remarquablement développée. B. La dilatation à 8 mm (peut-être surdimensionnée) de la sténose la plus haute entraîne une large rupture de la veine qu’on ne maîtrise pas par 3 ballonnages prolongés de 10 minutes. La seule solution est de mettre un stent. On doit toutefois réfléchir à la façon d’interrompre le flux dans la zone de rupture le temps de larguer le stent puisqu’on n’a pas eu la sagesse de mettre au départ un guide de sécurité dans l’artère proximale. C. On procède à une opacification par reflux de l’anastomose et de l’artère afférente en injectant par la lumière du E D ballon assurant l’hémostase provisoire. On s’aperçoit que la « chambre anastomotique » est large, donc ponctionnable. D. On ponctionne donc l’anastomose et on cathétérise l’artère radiale proximale pour mise en place d’un ballon occlusif (4 mm de diamètre). On peut alors retirer le ballon de 8 mm de la zone de rupture qui n’est plus que faiblement alimentée par l’artère distale et on descend le dispositif de largage du stent couvert, à l’époque un « Passager » qui se larguait sur le même principe que les filtres caves. E. La rupture s’avère contrôlée par le stent couvert (flèches) et on a décidé de ne pas prendre de risque avec la sténose résiduelle proche de l’anastomose. On n’a pas été amené à réintervenir jusqu’au décès de la patiente 26 mois plus tard.
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Fig. 11 – A. À partir d’une ponction rétrograde de la veine, l’artère radiale alimentant cette fistule radio-céphalique gauche distale a été dilatée à 4 mm. Le ballon a éclaté à relativement basse pression (8 atm), probablement sous l’effet d’un éperon calcifié, et on s’aperçoit au retrait du cathéter qu’un important fragment de ce ballon de 4 cm de long est resté dans la « fistule », ce qui est un événement exceptionnel. Par chance, l’opacification montre nettement l’image du ballon centré sur le guide dans la veine artérialisée. B. On remplace l’introducteur 6 F par un introducteur 9 F et on descend sur le guide resté en place un lasso jusqu’au contact du ballon. C. On serre le lasso et on remonte le fragment de ballon vers l’introducteur. D. Le ballon se met en boule (flèche) au contact de l’extrémité de l’introducteur 9 F. Il n’y a pas d’autre solution que de tirer avec une force progressive mais intense en un seul bloc l’ensemble introducteur et ballon à travers la peau… et avec succès puisqu’on peut reconstituer le ballon sans élément manquant.
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Fig. 12 – A. Le bas débit de cette fistule radio-céphalique droite récemment créée s’explique par une sténose à la fois de l’artère et de la veine dans le secteur anastomotique (angiographie obtenue à partir d’une ponction de l’artère humérale au coude). B. On dilate à cheval sur l’anastomose avec un ballon de 4 mm, le diamètre adapté pour l’artère radiale. C. Après dilatation à 4 mm, le résultat est parfait sur l’artère mais il existe une sténose résiduelle majeure sur la veine à l’anastomose (flèches). Le diamètre de la veine à l’anastomose devrait être identique à celui de la veine de référence quelques centimètres en aval. D. L’astuce est de laisser le guide en place dans l’artère proximale, de pousser un 2e guide dans l’artère distale à travers l’introducteur 6 F, de retirer l’introducteur, de le réintroduire uniquement sur le guide allant dans l’artère distale et de pousser un ballon de 6 mm à cheval sur l’anastomose distale. E. Le résultat angiographique final montre que la veine à l’anastomose a maintenant été correctement dilatée et qu’il n’y a pas de sténose résiduelle. Il n’y a pas de spasme induit sur l’artère proximale mais si tel avait été le cas, le guide laissé en place aurait permis de repousser rapidement le ballon de 4 mm pour le traiter. Ce cas a été traité ainsi pour des raisons didactiques. En pratique quotidienne, on place les deux guides avant de dilater d’abord la veine puis ensuite seulement l’artère.
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Fig. 13 – A. Le débit insuffisant de cette fistule radiale gauche s’explique par une sténose veineuse proche de l’anastomose mais l’artère radiale proximale terminale est également infiltrée. La sonde mammaire interne 4 F s’est spontanément positionnée à travers l’anastomose et on va pouvoir pousser facilement le guide de sécurité dans l’artère proximale. B. Une fois le 2e guide positionné dans l’artère distale, le ballon de dilatation destiné à la sténose veineuse bute sur l’angulation locale et refuse de progresser (flèche). C. L’astuce est de redresser l’axe de la veine par une compression externe exercée avec le pouce (flèches) qui permet au ballon de progresser. D. Le ballon de 7 mm peut être gonflé à 30 atm. E. Le résultat après dilatation de la veine est correct. On a monté un ballon de 4 mm dans l’artère pour la dilater à son tour et c’est par la lumière de ce ballon qu’on a injecté le contraste pour contrôler le résultat de la dilatation veineuse.
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Fig. 14 – A. Le bas débit de cette fistule radiale gauche est dû à une infiltration de l’artère radiale proximale terminale. On a ponctionné la veine de manière rétrograde et descendu une sonde mammaire interne 4 F dans la « chambre anastomotique » pour opacifier l’anastomose par reflux sous compression manuelle de la veine (malade sous AVK). B. La sonde mammaire interne a été mise en butée contre la paroi pour lui faire prendre sa forme concave et orienter son extrémité dans l’axe de l’artère proximale à l’anastomose. C. Dès lors, le guide hydrophile droit entre directement dans l’artère proximale. D. Malheureusement, la sonde 4 F refuse de suivre sur le guide malgré le passage de la pronation à la supination et on voit la déformation de la veine d’aval (flèches) G qu’infligent les efforts de poussée mécanique. E. L’astuce est de comprimer la chambre anastomotique avec un doigt dans la convexité de la sonde pour lui offrir un point d’appui. F. La sonde peut dès lors progresser dans l’artère jusqu’au coude où le guide hydrophile est remplacé par un guide métallique. G. Le ballon de dilatation de 4 mm (ici « Powerflex-Extreme ») peut dès lors être positionné sur la sténose artérielle à dilater.
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Fig. 15 – A. Sonde et guide ont refusé de franchir l’anastomose et de progresser dans l’artère proximale de cette fistule radiale au poignet gauche. Le guide hydrophile 0,035 angulé a alors été bouclé sur lui-même et poussé dans l’artère radiale distale. On le retire alors doucement tout en le faisant tourner sur lui-même pour que son extrémité se présente dans l’axe de l’artère proximale. B. Une fois poussé suffisamment haut dans l’artère proximale, le guide se déboucle spontanément et il n’y a plus qu’à pousser la sonde dans cette artère déroulée, ce qui explique la position apparemment aberrante de l’extrémité du guide.
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B
Fig. 16 – A. Le retard de maturation de cette fistule radiale haute à gauche est dû à des sténoses diffuses de la veine alors que l’artère est modérément développée mais non sténosée. B. Le résultat angiographique après dilatation à 6 mm est très satisfaisant, corroboré par l’utilisation de la « fistule » dès la semaine suivante.
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Fig. 17 – A. Le retard de maturation de cette fistule radiale droite de 5 semaines s’explique par une sténose de l’anastomose se prolongeant sur la veine, avec une 2e sténose de la veine 3 à 4 centimètres en aval. L’artère radiale est correcte en amont de l’anastomose (angiographie réalisée à partir d’une ponction artérielle au coude). B, C. Le centrage au coude montre un drainage indirect par de petites veines dessinant une partie du « M » veineux anastomotique et qui rejoignent finalement une veine basilique correcte au bras. L’élément fondamental est qu’on reconnaît le moignon d’occlusion de la veine médiane basilique (flèches). D, E. Un guide hydrophile 0,035 droit est poussé dans le moignon de la médiane basilique et retrouve la lumière de la veine basilique d’aval. F. Un ballon « Conquest » tout d’abord de 6 puis de 7 mm dilate la recanalisation médiane basilique. G. Un ballon de 4 mm dilate l’anastomose après qu’on a dilaté la sténose veineuse d’aval à 6 mm. H. Le résultat angiographique final est tout juste correct à l’anastomose mais l’absence de chambre anastomotique rendait difficile l’usage immédiat d’un ballon plus gros sur la veine par positionnement d’un guide dans l’artère distale. On redilatera à 6 mm 3 mois plus tard. I. Le résultat final est bon sur la médiane basilique réouverte et qu’on dilatera à 8 mm 3 mois plus tard. Cette fistule est toujours utilisée depuis et a été redilatée 2 fois en 18 mois.
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Fig. 18 – A, B, C. Le retard de maturation de la fistule radiale gauche de ce malade diabétique est dû à une longue infiltration de l’artère proximale (angiographie réalisée à partir d’une ponction artérielle au coude). D. C’est à partir d’un cathétérisme veineux rétrograde après mise en place d’un garrot au bras qu’un ballon « Powerflex-Extreme » de 4 mm est poussé dans l’artère proximale. E. Le résultat angiographique final est beau après dilatation, avec aspect de surdilatation près de l’anastomose. La fistule a été utilisée dès le lendemain. F. Il s’agit du contrôle angiographique de l’artère 4 mois plus tard à l’occasion de la dilatation d’une sténose veineuse juxta-anastomotique. Il n’y a ni resténose ni développement anévrysmal de l’artère (injection faite sous compression de la veine à travers un cathéter descendu à l’anastomose).
Dilatation et stents
Fig. 19 – Le fragment métallique qu’on voit surgir à la peau est l’extrémité d’un stent mis en place dans le passé en zone superficielle.
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Fig. 20 – A. L’angiographie de départ de cette fistule radiale droite immature par ponction artérielle au coude donne une image noyée par les collatérales veineuses, avec notamment un reflux veineux vers le poignet se drainant dans la veine cubitale superficielle ou basilique (flèches). B. On n’opacifie plus aucune collatérale veineuse après dilatation de l’axe veineux artérialisé principal bien qu’on n’ait effectué ni embolisation, ni ligature…
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Fig. 21 – A. L’hyperpression régnant à l’avant-bras dans cette fistule radiale droite s’explique par la réocclusion au coude de la veine médiane basilique recanalisée 9 mois auparavant. La veine céphalique étant rapidement occluse au bras, le drainage au coude ne repose plus que sur la veine perforante et sur des collatérales rejoignant la veine cubitale superficielle de l’avant-bras. B, C. On essaie sans succès de recanaliser la médiane basilique d’abord à partir d’une ponction rétrograde de la veine basilique puis d’une ponction antérograde de la veine céphalique à l’avant-bras. D. La tentative de recanalisation par voie antérograde se complique d’une fausse-route active avec formation d’un hématome qu’on ne contrôle pas par compression simple.
Dilatation et stents
E
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H
Fig. 21 – E. On embolise le trajet avec quelques fragments de gélatine (Gelatispon). F. On échoue également dans une tentative de recanalisation de la veine céphalique du bras. On procède alors à une injection de profil sur le coude qui dégage une veine perforante sténosée (flèche double) qui est courte et directe, donc d’anatomie favorable, et se draine dans une veine humérale profonde assez correcte. G. On réussit à pousser un guide dans une veine humérale profonde, ce qui permet de dilater la veine perforante à 6 mm. H. Une sténose résiduelle invite à compléter le geste par un stent nu de 7 mm qui déborde largement en amont et en aval pour le stabiliser dans cette zone mobile.
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Fig. 21 – I. Une sténose résiduelle invite à compléter le geste par un stent nu de 7 mm qui déborde largement en amont et en aval pour le stabiliser dans cette zone mobile. J. L’aspect angiographique final est correct de face. Les flèches doubles indiquent les extrémités du stent et la flèche simple confirme que la fausse-route sur tentative de recanalisation basilique a bien été colmatée. K. L’incidence de profil objective une légère sténose résiduelle de la veine perforante en dépit d’une dilatation à 7 mm avec un ballon « Conquest ». Il n’y a toutefois pas de plicature du stent en flexion du coude. Une resténose dans le stent a été redilatée 5 mois plus tard avec succès.
Dilatation et stents
A Fig. 22 – A, B. Le drainage de cette fistule du membre supérieur droit bute sur une sténose très sévère du tronc brachiocéphalique et reflue dans la veine jugulaire interne droite pour remonter dans les sinus latéraux intracrâniens et finalement B retrouver la veine jugulaire interne gauche, le tronc brachiocéphalique gauche et la veine cave supérieure. C’est une indication à rouvrir le tronc brachio-céphalique droit par dilatation.
A
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D
Fig. 23 – A. Un œdème considérable du membre supérieur (voir fig. 6 du chapitre 7) s’est développé dans les suites immédiates d’une réfection chirurgicale de l’anastomose de cette fistule humérocéphalique droite. L’explication réside dans une occlusion de la veine sous-clavière (flèche) en amont d’un stent de toute évidence sous-dimensionné mis en place précédemment dans un autre centre dans le tronc brachio-céphalique. B. On approche un long introducteur 6 F au contact de l’occlusion pour donner le meilleur appui possible au couple sonde-guide hydrophile droit utilisé dans ces tentatives de recanalisation. C, D. La présence du stent rend plus facile le diagnostic des fausses-routes du guide dans les tentatives de franchissement de cette occlusion chronique.
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Fig. 23 – E, F. On parvient finalement à retrouver la lumière cave supérieure, ce qu’on vérifie avec une sonde diagnostique avant de pousser un guide rigide et de prédilater avec un ballon de 4 mm. G, H. Le contrôle angiographique après dilatation à 4 mm confirme qu’on est bien dans une filière endovasculaire sans fausse-route et on peut donc se permettre de dilater à 12 mm. I, J. La sténose résiduelle et les difficultés initiales à cathétériser l’occlusion sous-clavière sont les deux éléments justifiant la mise en place d’un stent nu de 14 mm de diamètre.
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Fig. 23 – K, L, M. La récidive de l’œdème à 3 mois est due à une resténose localisée sévère de la veine sous-clavière qui est redilatée à 12 mm avec mise en place d’un stent couvert (Fluency) pour tenter de retarder la resténose. N. Un contrôle systématique à 6 mois montre des zones de resténoses limitées dont on ne sait si elles resteront stables ou s’aggraveront significativement avec le temps.
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Fig. 24 – A. Ce jeune patient dialysé de longue date sur une fistule radiale gauche a progressivement développé en 1 mois un œdème considérable du membre. L’angiographie objective une occlusion du tronc brachio-céphalique gauche probablement très ancienne à en juger par le nombre et le calibre des collatérales. C’est probablement le développement d’une sténose sur le drainage central de la plus grosse collatérale (flèche) qui explique la décompensation récente. G On essaie vainement de franchir l’occlusion à partir de la « fistule ». B. On passe donc par voie veineuse fémorale pour rechercher un moignon de tronc veineux brachio-céphalique gauche cathétérisable avec une sonde doublement angulée. Le cathéter laissé en place en amont de l’occlusion indique qu’elle semble plutôt courte. C. On arrive à franchir l’occlusion avec un guide hydrophile droit 0,035 mais il est impossible de faire suivre le moindre cathéter diagnostic tant l’occlusion est sévère, fibreuse, ancienne. D. On pousse le guide hydrophile au maximum dans le membre supérieur gauche et on attrape son extrémité avec un lasso monté par la « fistule ». On monte par la voie fémorale un ballon de dilatation aussi haut que possible dans la veine cave supérieure et on le solidarise avec le guide hydrophile au moyen d’une valve-écrou. E. On peut alors tirer avec le lasso par le bras sur l’ensemble guide-ballon solidarisé par la valve-écrou. F. Après une prédilatation à 6 mm, on peut finalement monter un ballon de 14 mm (Atlas). G. On finira par trois stents du fait de « recoils » majeurs et de la difficulté de l’acte de radiologie interventionnelle (3 heures !). Il n’y a pas eu de réapparition de l’œdème à 6 ans de suivi.
Dilatation et stents
Fig. 25 – Un stent a été mis en place dans la crosse terminale de la veine céphalique et a induit une sténose sur la veine sous-clavière (flèche), ce qui est dramatique pour l’avenir du malade. On ne peut plus créer d’abord vasculaire à gauche sans risque majeur d’œdème du membre du fait de cet obstacle au retour veineux central.
Fig. 26 – Les stents précédemment mis à droite ont induit mécaniquement une sténose sur le tronc brachio-céphalique gauche. La nouvelle fistule créée à gauche après abandon de l’abord vasculaire à droite se complique de fait d’un œdème majeur du membre et de la face. Il a fallu redilater cette sténose centrale tous les 3 mois jusqu’au décès de la patiente.
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Ischémie de main L. Turmel
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LE PROBLÈME CLINIQUE L’ischémie de main par hypoperfusion tissulaire distale sur le membre porteur d’une fistule artério-veineuse est une complication sérieuse qui peut conduire à des amputations de doigts, voire de main, si elle n’est pas traitée à temps. L’étude de la littérature montre que la physiopathologie de ce syndrome d’hypoperfusion distale est complexe et mal comprise à ce jour [1, 2]. On doit donc aborder le problème avec prudence et modestie. Il y a trois mécanismes isolés ou associés qui peuvent être invoqués : l’existence de lésions sur les artères du membre, le « vol » exercé par la fistule sur la vascularisation de la main, et parfois une hyperpression veineuse chronique. Devant une ischémie de main sur fistule de dialyse, la priorité absolue est toutefois la recherche et le traitement d’une lésion artérielle proximale qui serait aisément accessible à un traitement radiologique percutané. Nous n’aborderons pas ici le problème de l’ischémie sur les fistules aux membres inférieurs qui sont infiniment moins fréquemment réalisées. Les principes généraux de diagnostic et de traitement sont similaires à ceux mis en œuvre au bras [3]. Après création d’une fistule artério-veineuse par le chirurgien, il y a bien évidemment un détournement (« vol apparent ») du flux de l’artère humérale, radiale ou cubitale en direction de la veine artérialisée mais cet hémo-détournement est en règle accompagné d’une augmentation progressive du calibre de l’artère nourricière et du flux arrivant dans les collatérales, notamment de l’artère humérale, du fait de la diminution des résistances vasculaires due à la présence de la fistule, ce qui permet de préserver un flux artériel suffisant en direction de la main [4] (fig. 1A à H). Cette régulation est parfois prise en défaut et des symptômes d’ischémie modérée à type de main froide et de légères dysesthésies peuvent survenir dans les premières semaines suivant la chirurgie puis s’améliorer progressivement avec l’augmentation de calibre de l’artère humérale et le développement de réseaux artériels collatéraux. Un syndrome d’hypoperfusion distale symptomatique apparaîtra et s’aggravera si le flux résiduel en direction de la main est insuffisant pour assurer les besoins métaboliques de base des tissus distaux. C’est ainsi qu’une fistule à haut débit ou à débit normal peut engendrer une ischémie distale en dépit d’artères apparemment saines et qu’une fistule à bas débit, voire très bas débit, peut entraîner une ischémie de main si les artères sont altérées et les circuits collatéraux inefficaces (fig. 2A, B). De manière globale, le risque d’ischémie après création d’une fistule est toutefois accru en présence de lésions artérielles mais aussi en cas d’hyperpression veineuse chronique ; ce dernier élément ne ressort pas dans la littérature à ce jour. L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Il est malheureusement impossible de prédire le risque de survenue d’un syndrome ischémique distal avant la création d’un abord vasculaire, car il est impossible de prédire comment se développeront les artères donneuses, la fistule et les circuits collatéraux, en particulier entre l’artère axillaire et les artères de l’avant-bras en cas de fistule au coude. On sait simplement affirmer de manière statistique que le risque est beaucoup plus élevé avec les fistules au coude qu’avec les fistules distales [5], chez les patients présentant les facteurs de risques artériels habituels (diabète, tabagisme, HTA, grand âge, ancienneté de la dialyse) et a fortiori en cas de lésions artérielles connues. Pour ce qui est des fistules à l’avant-bras, l’ischémie ne survient quasiment qu’en cas de lésions artérielles associées, qu’elles soient cubitales pour une fistule radiale, radiales pour les fistules cubitales, ou au niveau des arcades palmaires.
UNE ISCHÉMIE AIGUË PARTICULIÈRE : LA NEUROPATHIE ISCHÉMIQUE MONOMÉLIQUE La survenue d’une ischémie sensitivo-motrice douloureuse foudroyante dans les heures suivant la création de la fistule est une urgence thérapeutique et oblige le chirurgien à lier cette fistule rapidement, avant le stade de déficit moteur majeur [6]. Ce syndrome précoce appelé « neuropathie ischémique monomélique », rare mais pas exceptionnel, survient uniquement après création d’une fistule au coude et le plus souvent chez les malades diabétiques. On pense, sans en être certain, qu’il s’agit d’une atteinte des vasa nervorum, c’est-à-dire les microvaisseaux assurant la vascularisation des neurones. Le déficit s’étend malheureusement aux trois nerfs majeurs (médian, radial, cubital) et il n’y a typiquement aucune autre ischémie tissulaire associée comme en atteste le caractère strictement normal des indices artériels. Il n’y a aucune place pour les examens d’imagerie tant il est urgent pour le chirurgien de réagir rapidement en fermant la fistule devant ces signes cliniques terrifiants. Le radiologue interventionnel ne doit donc jamais être amené à explorer ces dramatiques ischémies périopératoires. Malheureusement, la fermeture même rapide de la fistule par le chirurgien suffisamment expérimenté pour connaître cette entité clinique particulière et en faire le diagnostic urgent ne met pas le malade à l’abri de lourdes séquelles fonctionnelles. Sur le plan médico-légal, les chirurgiens doivent prévenir tous les patients diabétiques, et leurs néphrologues, du risque de survenue cette complication rare mais pas exceptionnelle quand ils envisagent une fistule au coude.
ISCHÉMIE CHRONIQUE Une classification de la sévérité de l’ischémie chronique a été proposée sur une échelle allant de 1 à 4 [7]. Le stade 1 pour une main pâle, bleutée, engourdie ou froide mais sans douleur, stade 2 pour des douleurs parfois très violentes à l’effort ou durant les séances de dialyse, stade 3 pour des douleurs permanentes et stade 4 en cas de plaies, ulcérations, nécrose ou gangrène. Au stade 1, un traitement médical simple ou le statu quo peuvent être envisagés sous réserve d’une surveillance continue. Au stade 2, on doit envisager au minimum une imagerie afin de ne pas passer à côté d’une sténose artérielle facilement
Ischémie de main dilatable. Une action diagnostique et thérapeutique énergique doit en revanche être rapidement mise en œuvre aux stades 3 et 4. D’après les publications disponibles, le risque de survenue d’une ischémie de main est inférieur à 2 % en cas de fistule à l’avant-bras alors que ce risque s’élève jusqu’à 28 % dans les fistules au coude. La meilleure illustration est que les séries américaines sur l’ischémie ne comportent que des montages au coude, natifs ou prothétiques. Ces pourcentages ne peuvent que s’aggraver dans les années à venir du fait de l’âge croissant et de la proportion toujours plus importante de diabétiques parmi les malades arrivant en dialyse. La survenue des symptômes est plus rapide dans les fistules au coude que dans les fistules à l’avant-bras où l’ischémie peut n’apparaître qu’après plusieurs années, résultant ou de l’augmentation du débit de la fistule ou de la dégradation avec le temps du réseau artériel des patients. On peut le déplorer ou s’en étonner, le fait est que la prise en charge de l’ischémie distale résultant de la présence d’un abord vasculaire par les néphrologues et les infirmières est très souvent retardée. Ce retard s’explique souvent par le fait que néphrologues et infirmières de dialyse sont focalisés sur la « fistule », pas sur la main, et qu’ils finissent par ne plus entendre les doléances chroniques des patients. La douleur est parfois plus modérée que ne le laisse présumer l’état trophique, surtout en cas de neuropathie diabétique ou urémique, et il y a parfois la peur de l’équipe soignante d’affronter la possible fermeture de la fistule. Il y a aussi indubitablement un défaut de formation dû à l’absence de spécialisation reconnue et donc de valorisation spécifique des infirmières de dialyse. De même, la gravité des signes ischémiques peut être sous-estimée par les chirurgiens ou les spécialistes de l’imagerie qui ont peu d’expérience en abords vasculaires. La conséquence est que beaucoup de patients sont explorés beaucoup trop tardivement, parfois à des stades désespérés. Il n’est pas rare que le diagnostic d’ischémie soit porté par le dopplériste ou le radiologue explorant la fistule pour un tout autre motif… L’ensemble du personnel médical et paramédical intervenant chez les dialysés devrait avoir en permanence à l’esprit que toute douleur chronique ou toute plaie tardant à cicatriser sur la main du côté de la « fistule » est jusqu’à preuve du contraire due au « vol » de la fistule sur la vascularisation de la main. Il faudrait dès lors au minimum procéder à un examen angiologique avec écho-doppler incluant une mesure du débit de la fistule et la prise des pressions digitales. Tous les centres de dialyse n’ont malheureusement pas la chance de pouvoir travailler avec un angiologue ou dopplériste à l’aise dans l’exploration de ces syndromes ischémiques du dialysé et l’artériographie devient alors essentielle. L’examen par écho-doppler doit étudier toutes les artères du membre supérieur et s’accompagner d’une mesure du débit de la fistule sur l’artère humérale [8]. Entre des mains compétentes, l’étude par ultrasons permet de diagnostiquer les sténoses artérielles depuis l’artère sous-clavière jusqu’à la main et indique la direction du flux dans toutes les artères et notamment l’artère distale par rapport à l’anastomose. La qualité et le caractère fonctionnel ou non des arcades palmaires peuvent également être appréciés. Le développement de la veine artérialisée est étudié à la recherche de sténoses et de recrutements veineux anormaux depuis l’anastomose jusqu’aux veines centrales où l’échographie entre toutefois souvent dans une zone d’ombre.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse La mesure des pressions artérielles digitales par photopléthysmographie, le calcul d’un index digito-brachial (IDB) et la mesure de l’oxymétrie pulpaire sont des examens hautement souhaitables mais difficiles à obtenir dans bien des centres [7-9]. Toute diminution des valeurs de base traduit un défaut d’alimentation artérielle. Comme pour les membres inférieurs, les stades 3 et 4 se développent pour une pression artérielle digitale inférieure à 50 mmHg et un index digitobrachial inferieur à 0,6. Malheureusement, ces signes ont une très grande sensibilité mais une faible spécificité, ce qui veut dire que ces signes sont retrouvés dans pratiquement tous les cas d’ischémie avérée mais qu’on les retrouve aussi chez des patients asymptomatiques. Sous compression de l’abord vasculaire, toutes ces valeurs augmentent significativement et retrouvent parfois des valeurs normales. Ces examens non invasifs permettent de faire le diagnostic différentiel avec un syndrome du canal carpien, des lésions cutanées de calciphylaxie, les arthropathies destructives, une infection locale, une neuroalgodystrophie… mais ces différentes pathologies sont fréquemment associées chez un même patient. La calciphylaxie est une pathologie due à un trouble du métabolisme phospho-calcique rare et systémique touchant entre 1 % et 4 % de la population des dialysés. Il s’agit d’une médiacalcinose artériolaire étendue responsable de phénomènes d’ischémie [10]. Pour ce qui est de la mesure pulpaire de la saturation en oxygène, il y a trop peu de données dans la littérature pour tirer des conclusions sur sa sensibilité et sa spécificité. Faut-il faire une artériographie systématiquement en cas de suspicion sérieuse ou de diagnostic avéré d’un syndrome de vol de la fistule sur la vascularisation de la main ou bien l’écho-doppler est-il suffisant ? Le débat n’est absolument pas tranché mais il y a deux impératifs : l’écho-doppler par un opérateur compétent connaissant bien les abords vasculaires est un premier temps indispensable, ne serait-ce que pour mesurer le débit de la fistule et, si on fait l’artériographie, elle doit être complète et donner toutes les réponses qu’elle peut apporter à l’équipe multidisciplinaire, notamment au chirurgien souvent hésitant sur la conduite à tenir tant ce sujet est le plus délicat parmi les complications des abords vasculaires. Elle doit aussi être thérapeutique, notamment en cas de lésion artérielle proximale. Le passage par l’angio-IRM avant l’artériographie invasive est sujet à controverse, surtout à une époque où l’on sait qu’on doit limiter les injections de gadolinium chez le dialysé au strict minimum en raison du risque de fibrose systémique et les réserver aux examens absolument indispensables. L’ischémie de main n’entre probablement pas dans cette dernière catégorie puisque l’artériographie invasive donne des images infiniment meilleures et permet la dilatation concomitante de certaines sténoses artérielles. Quant à l’angioscanner, c’est un examen dangereux pour le capital veineux des patients (nécessité à injecter le produit de contraste iodé par « une grosse veine du pli du coude ») à d’autant plus prohiber qu’il ne permet pas non plus le traitement concomitant des sténoses artérielles.
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ARTÉRIOGRAPHIE Technique L’angiographie doit fournir une imagerie complète du membre supérieur opacifiant toutes les artères depuis l’ostium sous-clavier jusqu’à la pulpe des doigts, avec clichés sous compression de l’abord vasculaire si on peine à opacifier les doigts (fig. 1G, H). Le Visipaque®, dont l’osmolalité est identique à celle du sang, est le produit de contraste de choix dans la mesure où il n’induit en général aucune chaleur douloureuse dans les plus petits vaisseaux (surtout si on le dilue à 50 %) et aide ainsi le patient à garder la main parfaitement immobile, ce qui est toutefois loin d’être toujours obtenu chez des patients âgés ou algiques. La voie d’abord pour l’artériographie dépend du type d’abord vasculaire et de la perception ou non de l’artère humérale. Un cathétérisme rétrograde de la veine ou de la prothèse artérialisée est envisageable au bras pour les anastomoses au coude. Un cathéter 4 F peut être poussé au contact de l’anastomose puis remonté dans l’artère humérale proximale jusque dans la crosse aortique pour opacifier l’ostium sous-clavier. Dans les fistules à l’avant-bras, un tel cathétérisme veineux rétrograde peut avoir deux inconvénients majeurs. En premier lieu, le passage de l’anastomose et la remontée du cathéter dans l’artère radiale proximale peut être très très laborieux, voire impossible, en cas d’angulation défavorable (trop aiguë) de l’anastomose. Le deuxième inconvénient est que, cathétérisme laborieux ou non, la montée du cathéter induit souvent des spasmes majeurs sur l’artère radiale, spasmes qui faussent totalement la cinétique d’opacification et de lecture des flux artériels en direction de la fistule et de la main. Une ponction et un cathétérisme rétrograde de l’artère humérale au coude avec une aiguille 18 G sont de fait en règle préférables, même si on peut là aussi générer un spasme artériel au site de ponction. On peut remplacer le téflon de l’aiguille 18 G par un cathéter 4 F court, par exemple le dilatateur d’un introducteur 4 F, plus stable dans l’artère et moins sujet aux plicatures. Cette ponction rétrograde de l’artère au coude permet souvent d’opacifier par reflux (30 à 40 mL à 15 mL/s) tout le réseau artériel depuis l’ostium sous-clavier (fig. 3A à D). Il est nécessaire d’injecter davantage de produit de contraste à droite en raison de l’existence du tronc artériel brachio-céphalique plus gros. Si un tel débit ne permet pas de refluer jusqu’à l’aorte, on refait l’injection sous compression manuelle de l’anastomose ou de l’artère au coude ou en montant un cathéter 4 F dans la crosse aortique. Rappelons que la ponction artérielle au coude est peu souhaitable chez les patients sous AVK à dose efficace. Quant à la ponction rétrograde de l’artère radiale distale, le spasme local systématique, quand ce n’est pas l’occlusion, fausserait également largement toute appréciation de la qualité et de la direction des flux. Le reflux jusque dans la sous-clavière est par ailleurs impossible. Rappelons ici que les artères de l’avant-bras ont une origine axillaire ou humérale haute dans 15 à 20 % des cas et que l’artère qu’on ponctionne au coude chez ces patients est soit l’artère radiale, soit le tronc cubito-interosseux, soit l’artère cubitale, soit le tronc radio-interosseux. L’artère quelle qu’elle soit est de fait plus
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse petite que ne le serait l’artère humérale, d’où un risque accru de spasme parfois initialement occlusif qui perturbe la cinétique d’opacification des artères allant en direction de la fistule et de la main. Quand on ne perçoit pas de pouls artériel au coude, ce qui est rare, avec de fait très peu de flux dans la fistule, on peut être contraint de passer par voie artérielle fémorale de façon à pouvoir cathétériser l’artère sous-clavière. L’artériographie objective toujours dans ce cas une sténose sévère entre la crosse aortique et le coude, sténose le plus souvent accessible à la dilatation qui doit bien évidemment être effectuée dans le même temps. Une occlusion artérielle complète est également possible. Un accès fémoral peut aussi être nécessaire en cas de cicatrices rétractiles ou de séquelles cutanées au coude. Dans tous les cas de figure, il est fondamental d’être sûr que la technique de l’artériographie a permis d’opacifier toutes les collatérales artérielles prenant naissance dès l’artère axillaire et avec suffisamment de produit de contraste et des temps d’acquisition suffisamment longs pour objectiver la reprise des artères de l’avantbras, particulièrement en cas de fistule au coude, ne serait-ce que pour ne pas ignorer une bifurcation humérale haute et opacifier les artères d’aval.
Principes de lecture L’interprétation des clichés sera fortement orientée à ne pas contester le diagnostic de syndrome d’hypoperfusion distale si le patient a auparavant bénéficié d’un bilan angiologique exhaustif retrouvant une pression digitale basse et un index digito-brachial < 0,6. Malheureusement, l’artériographie est parfois le premier examen demandé par les néphrologues faute d’implication des écho-doppléristes locaux. On peut considérer sept points à vérifier et à décrire dans le compte rendu d’une artériographie pour ischémie de main sur abord d’hémodialyse : 1) la recherche de sténoses artérielles, occlusions chroniques ou embolies, 2) la cinétique d’opacification dans les artères distales par rapport à l’anastomose, 3) le nombre, le calibre et la cinétique d’opacification des collatérales, 4) la recherche de fistules artério-veineuses supplémentaires anormales par rapport à la fistule actuellement utilisée, 5) le caractère fonctionnel ou non des arcades palmaires en cas de fistule à l’avant-bras, 6) l’opacification des artères digitales et de la pulpe de tous les doigts, 7) l’étude du retour veineux.
Interprétation et traitement percutané concomitant Diagnostic et traitement percutané des sténoses et occlusions artérielles Toute sténose significative ou occlusion segmentaire sur l’artère sous-clavière, axillaire ou humérale en amont de l’anastomose, est une indication à dilater (ou à ponter chirurgicalement si la dilatation n’est pas jugée possible ou échoue)
Ischémie de main (fig. 4A, B, C). Malheureusement, la dilatation d’une sténose artérielle proximale n’améliore pas systématiquement suffisamment l’ischémie de main et s’avère donc inefficace chez un certain nombre de patients, probablement parce que l’augmentation de flux qui en résulte bénéficie plus à la fistule qu’à la main. La seule complication potentiellement fatale des dilatations artérielles proximales est le fait des sténoses sous-clavières proximales avec le risque d’embolisation de débris dans l’artère vertébrale. Cette complication n’a jamais été reportée à ce jour dans la littérature, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne s’est jamais produite car le risque d’embolie dans le lit artériel d’aval est une complication qui se voit dans d’autres territoires, même si on peut espérer que ces débris partiront préférentiellement dans la fistule. Une pluie d’embolies de cholestérol peut par ailleurs compliquer tout cathétérisme et donc toute dilatation artérielle. La dilatation de l’artère humérale en aval d’une anastomose huméro-céphalique, basilique ou prothétique au coude n’est indiquée que si cette artère conserve un flux antérograde vers la main, ce qui est peu fréquent. Elle est en revanche contreindiquée si le flux est rétrograde en direction de l’anastomose, flux alimenté par des collatérales provenant de l’artère axillaire ou humérale haute. Très souvent, l’artère humérale en aval immédiat de l’anastomose est une zone quasiment non circulante, avec un flux antérograde en systole et rétrograde en diastole (fig. 1C, D). Tout le flux huméral d’amont passe dans la fistule et l’artère d’aval n’est réopacifiée qu’à partir de l’arrivée des premières collatérales d’origine axillaire ou humérale d’amont. Il n’y a pas d’indication raisonnable prouvée à dilater les artères de l’avant-bras en cas d’ischémie de main sur fistule au coude branchée sur l’artère humérale, et ce d’autant que le flux toujours très lent dans ces artères majore certainement les risques de l’angioplastie. La dilatation d’une sténose serrée de l’artère radiale proximale alimentant une fistule radio-céphalique aura un effet important sur le flux de l’abord mais limité sur la perfusion distale par le biais d’une augmentation de la pression au niveau de l’anastomose artério-veineuse diminuant le vol par le flux rétrograde de l’artère radiale distale. Elle ne peut être envisagée que pour des sténoses très serrées associant hypodébit et ischémie distale modérée (fig. 5A à D). Un flux antérograde dans l’artère radiale distale ne se voit que dans les fistules radio-céphaliques à très bas débit. La quasi-totalité des fistules radiales ont un flux inversé dans l’artère distale et très peu se compliquent d’ischémie. Une ischémie distale par vol ne survient que lorsque cette artère radiale distale à flux inversé n’est pas alimentée de façon suffisante du fait de lésions de l’artère cubitale, de l’artère interosseuse ou des arcades palmaires. La dilatation d’une sténose sur l’artère cubitale peut s’avérer bénéfique en augmentant le flux en direction de la main [11] (fig. 3E, F, G). Il n’y a toutefois aucune série publiée dans la littérature pour affirmer qu’on doit le faire puisqu’il est possible que la seule ligature de l’artère radiale distale soit suffisante chez ces patients (fig. 6A à D). D’un autre côté, on sait aussi que la ligature de l’artère radiale distale est parfois inefficace. Seules toutefois les sténoses courtes sont accessibles à la dilatation sur cette petite artère cubitale et on manque d’information sur les complications possibles de la dilatation (thrombose de l’artère et aggravation de l’ischémie), même si les risques sont probablement limités dans la mesure où il s’agit dans ce
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse cas d’une artère à relativement haut débit alimentant à la fois la fistule et la main. Sur le plan technique, on ponctionne l’artère humérale de manière antérograde au coude pour cathétériser l’artère cubitale et on utilise du matériel à dilatation rénale, le plus souvent un ballon de 3 mm monté sur guide 0,014 ou 0,018. Le moignon résiduel d’une fistule ou d’un pontage peut demeurer perméable et devenir un nid pour la formation de caillots dont les plus petits peuvent migrer dans le lit d’aval et s’emboliser selon leur taille et leur origine dans une artère du coude, du poignet ou des doigts. Le traitement de ces embolies relève souvent des seuls anticoagulants mais il faut bien évidemment éradiquer chirurgicalement le foyer emboligène. Cinétique de l’opacification La cinétique de l’opacification dans les artères distales par rapport à l’anastomose est particulièrement importante à préciser. Si le flux y est inversé, c’est-àdire si l’artère distale circule vers la fistule et non vers la main, la ligature (ou l’embolisation) de cette artère distale peut souvent guérir l’ischémie en supprimant ce vol rétrograde de la fistule [12]. C’est un traitement simple souvent efficace qui a toutefois l’inconvénient de lier une artère ce qui, en cas d’inefficacité clinique de la ligature, peut être particulièrement préjudiciable à la guérison de l’ischémie. Cette exploration cinétique (comme le doppler) a toutefois le défaut d’être réalisée chez un patient au repos et est aussi entachée d’erreurs du fait des spasmes parfois provoqués par la ponction artérielle. On ne sait donc pas ce qui peut se passer en cours de dialyse, c’est-à-dire quand la machine de dialyse prélève 300 mL/min supplémentaires dans la fistule, ou à l’effort. Nombre, calibre et cinétique d’opacification des collatérales Ils permettent de comprendre comment les artères situées distalement par rapport à la fistule sont alimentées et quelle artère peut être liée ou dilatée pour diminuer le vol ou accroître la perfusion distale. Il n’est pas rare de voir des collatérales (provenant en général de l’artère interosseuse, mais parfois de l’artère cubitale, voire de l’artère radiale haute) donner un flux rétrograde sur 1 à 2 centimètres dans l’artère radiale distale et un flux antérograde vers la main ensuite. Le bon développement de ces collatérales est par ailleurs un élément prédictif positif sur le succès clinique après ligature ou embolisation de l’artère radiale distale puisque cela indique que la vascularisation de la main ne reposera pas uniquement sur l’artère cubitale. Recherche de fistules artério-veineuses supplémentaires Elle est surtout utile chez les patients porteurs d’une fistule au coude qui ont souvent bénéficié auparavant de la création d’une fistule à l’avant-bras. Il arrive que cette fistule à l’avant-bras jugée inutilisable ait été ou jamais utilisée ou abandonnée sans avoir été ligaturée. On peut donc parfois mettre en évidence une fistule résiduelle circulant à l’avant-bras et qui vole inutilement une partie du flux distal à l’anastomose du coude. De telles fistules résiduelles doivent être impérativement ligaturées ou embolisées en cas de vol symptomatique, car même une fistule résiduelle à petit débit peu suffire à déséquilibrer la vascularisation distale.
Ischémie de main Caractère fonctionnel ou non des arcades palmaires en cas de fistule Le caractère fonctionnel ou non des arcades palmaires en cas de fistule à l’avant-bras aide à apprécier l’ampleur du vol potentiellement exercé par une fistule radiale sur le flux provenant de l’artère cubitale et il est essentiel d’étudier la perméabilité du segment distal de l’artère radiale. Dans les rares cas d’hyperdébit de fistule radiale s’accompagnant d’une ischémie de main, de belles arcades palmaires amènent à envisager une ligature de l’artère radiale proximale [13]. Après cette ligature radiale proximale, le flux alimentant la fistule repose essentiellement sur les arcades palmaires qui servent la main avant de servir la fistule, d’où disparition des phénomènes ischémiques. Opacification spontanée des artères digitales L’opacification spontanée des artères digitales jusqu’à la pulpe des doigts n’est visible que dans les ischémies modérées. On doit la plupart du temps faire des séries sous compression de la fistule (par toujours aisée) pour obtenir cette opacification pulpaire avec des clichés souvent décevants car on a bien du mal à immobiliser des doigts algiques. L’un des petits « trucs » utiles à savoir en cas de difficulté est de chauffer la main avec un sèche-cheveux pendant quelques minutes avant l’injection iodée. On peut aussi faire tremper la main dans de l’eau chaude, manœuvre toutefois malaisée en salle d’angiographie. Si on obtient une opacification de la pulpe de tous les doigts sous compression de la fistule, on peut en déduire que la guérison d’éventuelles lésions cutanées sera obtenue une fois le vol traité. À l’inverse, si on ne voit pas d’artère digitale ou si l’opacification d’un doigt s’arrête brutalement par exemple au niveau de la 2e phalange, on sait qu’il faudra probablement amputer en aval. Toute lésion traumatique accidentelle et a fortiori tout panaris chez un dialysé situés du côté de la fistule doivent être considérés comme une menace d’ischémie distale liée à l’hypoperfusion. On peut ranger dans cette catégorie le cas des diabétiques où les microponctions pour mesure de glycémie ont été effectuées à tort du côté de la fistule. Étude du retour veineux L’étude du retour veineux dès l’anastomose peut mettre notamment en évidence la perfusion de veines inutiles qui sont inaccessibles à la ponction mais contribuent à augmenter le débit et donc à voler. Le cas le plus fréquent est celui des fistules latéro-latérales au coude où l’anastomose a souvent été faite avec une veine perforante qui inonde de manière antérograde et rétrograde à la fois la veine céphalique, la veine basilique et les veines humérales profondes alors que seule la veine céphalique est utilisée pour les ponctions. Tout obstacle sur le retour veineux direct peut entraîner une gêne au retour veineux, voire un reflux veineux chronique anormal par des collatérales vers la main, que l’obstacle soit à l’avant-bras, au bras, ou plus souvent sur les veines centrales. Le mécanisme de ces ischémies est donc celui d’une stase veineuse avec œdème qui peut être limitée au territoire de la collatérale qui reflue ou intéresser
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse le membre dans son ensemble. Il peut être associé à un syndrome de vol qu’il aggrave. La dilatation de ces sténoses veineuses générant reflux et stase diminue la pression veineuse mais elle peut aussi augmenter le débit donc le vol de la fistule. L’efficacité de l’angioplastie sur l’ischémie est donc très difficile à prévoir.
TRAITEMENTS CHIRURGICAUX Indications et principes des traitements chirurgicaux Le traitement chirurgical est indiqué quand il n’y a pas d’indication à une dilatation artérielle percutanée ou en cas d’impossibilité de celle-ci, ou quand la dilatation n’a pas réussi à améliorer l’ischémie, diagnostic d’échec qui se fait dans les jours suivant la dilatation. Le traitement chirurgical est d’autant plus urgent que les signes cliniques sont graves (douleurs gênant le sommeil, lésions cutanées). Les techniques chirurgicales agissent en réduisant le débit, donc le vol de la fistule, et/ou en améliorant la perfusion distale. Elles diffèrent sensiblement selon que l’abord vasculaire se situe au coude ou à l’avant-bras. La technique de réduction du débit de la fistule la plus efficace est sa ligature pure et simple, attitude qui peut toutefois mettre en jeu à moyen terme la vie du patient si la seule alternative est la création d’un montage exotique à pronostic incertain ou la mise en place d’un cathéter à demeure à risque de complications infectieuses parfois graves et même fatales. On ne répètera jamais assez qu’il est inconcevable de fermer une fistule ou de faire un DRIL (Distal Revascularization with Interval Ligation) sans avoir auparavant formellement éliminé une sténose artérielle centrale accessible à la dilatation. Les indications et techniques chirurgicales ne font pas l’unanimité. Les propositions qui suivent émanent de l’enseignement annuel assuré par la Société française de l’abord vasculaire (www.sfav.org).
Fistules à haut débit au coude En cas de fistules au coude à haut débit, le seuil pouvant se situer entre 1,2 L/ min et 1,5 L/min chez un adulte de corpulence moyenne, les techniques de réduction du débit sont le « banding » ou la distalisation de l’anastomose. Le banding consiste à créer un rétrécissement artificiel sur la veine près de l’anastomose [14]. Des néphrologues interventionnels ont récemment décrit une technique similaire de ligature calibrée sur un ballon de dilatation de 4 ou 5 mm (technique « Miller ») [15]. Malheureusement, en dépit de publications en général enthousiastes mais non confirmées en pratique, le banding est souvent ou trop serré et la fistule se thrombose ou pas assez serré et donc inefficace. En dépit de ses résultats
Ischémie de main aléatoires, le banding est une technique encore largement répandue. Le débit d’une fistule latéro-latérale au coude peut être réduit en ligaturant chirurgicalement des veines inutilement perfusées. Les techniques de distalisation de l’anastomose (dénommées « RUDI » pour Revision Using Distal Inflow) visent à remplacer l’alimentation brachiale par une alimentation artérielle radiale, soit en interposant un montage prothétique entre l’artère radiale de l’avant-bras et l’ancienne anastomose au coude [16], soit en sectionnant et en basculant directement l’artère radiale qui fait donc une boucle pour être remontée et anastomosée avec la veine au coude [17]. L’ancienne anastomose au coude avec l’artère humérale est donc bien évidemment supprimée dans les deux interventions. L’inconvénient de ces techniques est le développement secondaire de sténoses, surtout en cas d’interposition d’un fragment prothétique. Une troisième technique de distalisation est rarement réalisable. Elle est souvent le fruit d’une mauvaise évaluation du capital veineux distal du patient avant création de la fistule au coude. La persistance d’une veine céphalique à l’avant-bras, parfois injectée par reflux, permet de transformer la fistule huméro-céphalique native en une fistule radio-céphalique tout aussi native.
Fistules à haut débit à l’avant-bras À l’avant-bras, les ischémies sur fistules à haut débit sont rares mais se traitent facilement par ligature de l’artère radiale proximale juxta-anastomotique, la fistule n’étant dès lors plus alimentée que par l’artère cubitale via les arcades palmaires et par des collatérales de l’interosseuse [13]. Le banding est également utilisé par certains auteurs avec des résultats douteux [14].
Fistules à débit normal au coude En cas de fistule au coude à débit normal ou bas, on ne cherche pas à réduire le débit mais seulement à améliorer la perfusion distale. La technique la plus populaire est le « DRIL » [18, 19]. Un pontage veineux (de préférence) est interposé entre l’artère humérale assez nettement en amont de l’anastomose et l’artère humérale en dessous de l’anastomose (fig. 7A). Ce pontage a pour but d’assurer un meilleur flux dans les artères de l’avant-bras lorsque les collatérales naturelles d’origine axillaire ou humérale haute ne sont pas assez efficaces. Dans le même temps, l’artère humérale est ligaturée entre l’anastomose au coude et l’arrivée du pontage destiné aux artères de l’avant-bras, de façon à supprimer le flux rétrograde. Une technique de proximalisation de l’anastomose dénommée initialement PAVA et maintenant PAI (Proximalization of Arterial Inflow) a été plus récemment proposée dans deux publications allemandes seulement et manque donc de confirmation dans son efficacité [20, 21]. Elle ne peut s’appliquer d’après Zanow que si le débit de fistule est inférieur à 800 mL/min, car elle risque de l’augmenter, et consiste à interposer un montage prothétique entre l’artère axillaire et la veine
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse au niveau de l’ancienne anastomose au coude. Elle reposerait sur l’idée que le vol de la fistule est moins grave s’il part de la grosse artère axillaire plutôt que de l’artère humérale plus petite, avec des collatérales à l’épaule qui se développent mieux qu’au coude. Sur le plan physiologique, la technique de PAI est l’équivalente d’un DRIL, avec pour différence essentielle que le pontage se fait vers la fistule L’avantage à long terme est que la vascularisation de la main repose toujours directement sur le réseau artériel natif et non sur un pontage propice aux sténoses comme c’est le cas avec le DRIL (fig. 7A, B, C).
Fistules à débit normal à l’avant-bras En cas de fistule à l’avant-bras à débit normal ou bas (entre 400 et 1 200 mL/ min), la technique la plus simple est la ligature de l’artère radiale distale (LARD en français, DRAL pour Distal Radial Artery Ligation en anglais) s’il est prouvé qu’elle circule à contre-courant, c’est-à-dire vers la fistule, comme c’est presque toujours le cas [12]. L’alternative est l’embolisation percutanée. Cette ligature/embolisation peut malheureusement s’avérer inefficace dans le traitement de l’ischémie, ce qui est regrettable puisque la continuité de l’artère radiale est alors quasiment impossible à rétablir. C’est en raison de ce risque rare mais réel que certains ont proposé d’associer la ligature de l’artère radiale distale à un petit pontage réalimentant l’artère radiale distale, pontage similaire en plus petit à celui réalimentant l’artère brachiale distale dans le DRIL, pas toujours possible sur des artères distale petites et très calcifiées. Il n’y a malheureusement aucune série dans la littérature pour valider ce geste. Certains auteurs ont proposé avant un DRAL de pousser de manière rétrograde à partir de la veine artérialisée un petit ballon dans l’artère radiale distale afin de mesurer les pressions dans cette artère radiale distale avant et pendant l’inflation du ballon qui supprime alors le vol distal. Une nette amélioration des pressions ballon gonflé serait prédictive de l’efficacité de la LARD, une non-amélioration serait un mauvais signe [22]. Il n’y a malheureusement, là non plus, aucune série pour valider cette approche et déterminer à partir de quel seuil d’amélioration des pressions on peut envisager la LARD ou au contraire conclure qu’on doit fermer la fistule. Dans le même esprit, nous avons déjà rapporté qu’il a été suggéré de dilater les sténoses de l’artère cubitale quand elles sont relativement courtes en association ou en substitution de la LARD [11]. Il n’y malheureusement pas là non plus de série pour valider cette approche et surtout en apprécier les risques en cas de complication sur cette petite artère cubitale. Enfin, toujours en cas d’ischémie sur fistules à bas débit, un chirurgien israélien vient de proposer de faire un banding entre les deux sites de dialyse [23]…
CONCLUSION Le traitement de l’ischémie liée à la présence d’un abord vasculaire est un sujet difficile où des approches originales ont été rapportées et où des nouveautés apparaissent mais manquent de confirmation sur le long terme et par d’autres
Ischémie de main équipes. Le radiologue a un rôle capital en réalisant l’artériographie exhaustive et en dilatant certaines sténoses artérielles. Les chirurgiens les plus expérimentés peuvent néanmoins avoir des difficultés à apprécier les subtilités démontrées par l’artériographie : un compte-rendu radiologique détaillé et convaincant est une absolue nécessité dans la mesure où un raisonnement erroné conduit rarement à une attitude thérapeutique efficace. Un contact téléphonique direct est de fait souvent souhaitable pour les cas les plus délicats. La sous-estimation du problème par les néphrologues et leurs infirmières peut par ailleurs rendre aléatoire tout suivi clinique fiable. Les cas d’ischémie les plus dramatiques se voient avec les fistules au coude. C’est un argument de poids pour encourager au maximum la création de fistules à l’avant-bras, même et pour ne pas dire surtout lorsque les artères n’y sont pas parfaites. Quant au radiologue interventionnel, il doit avoir toujours présent à l’esprit que toute dilatation d’une sténose sur une fistule, en particulier au coude, peut déséquilibrer la vascularisation de la main et provoquer une ischémie. La prudence invite à savoir délibérément sous-dilater les sténoses proches de l’anastomose chez les patients à risque.
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C Fig. 1 – A, B. Cette patiente est dialysée depuis plusieurs années sur une fistule huméro-céphalique au coude droit créée après l’échec d’une fistule radiale distale homolatérale. Une sténose de la veine céphalique au tiers moyen du bras a toujours été délibérément sous-dilatée et est restée stable depuis plusieurs années après mise en place d’un stent couvert sous-dimensionné. L’artériographie motivée par des douleurs de la main initialement intermittentes (stade 2) puis devenues permanentes (stade 3) a été réalisée par ponction rétrograde de la veine artérialisée D et remontée d’un cathéter dans l’artère humérale. Le doppler a retrouvé un débit à 1,3 L/min mais aucune information n’a été fournie sur les pressions digitales. Tout le flux de l’artère humérale passe dans l’anastomose artério-veineuse et ce sont des collatérales qui reprennent l’artère humérale distale. C, D. Les centrages au coude et sur l’avant-bras montrent la thrombose de l’artère radiale avec reprise de son réseau distal par les arcades palmaires. On note un aspect de pseudo-sténose de l’artère humérale distale (flèche) qui est en fait une zone de non-opacification entre l’anastomose et l’arrivée de la 1re collatérale.
Ischémie de main
E
F G Fig. 1 – E, F. Cette pseudo-sténose disparaît sur les séries réalisées sous compression de la veine artérialisée. G. Aucune opacification interprétable des artères digitales n’est possible quand la fistule circule. H. La série sous compression de la veine artérialisée confirme que les artères digitales sont toutes présentes et perméables, rendant probable le diagnostic de syndrome de vol. Toutes les douleurs ont disparu après réalisation d’un DRIL, sans récidive avec maintenant 15 mois de recul.
H
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Fig. 2 – A. Ce patient diabétique a développé une nécrose pulpaire du 2e doigt dans le mois suivant la création de cette fistule radiale non inutilisable. L’artériographie explique le bas débit de fistule par sténose de l’artère radiale à l’anastomose et l’artère cubitale est le siège de multiples sténoses. B. Les clichés sous compression de la veine confirment l’absence de vascularisation pulpaire sur l’index. Il s’agit d’une ischémie sur fistule à bas débit et sans possibilité de dilater l’artère cubitale. La fistule a été ligaturée.
Ischémie de main A
C
B
D
Fig. 3 – A, B, C, D. Ce patient est dialysé sans problème sur une fistule radiale gauche depuis quelques mois et développe des signes ischémiques des doigts. L’écho-doppler a confirmé un débit de fistule normal à 600 mL/min avec un index digito-brachial à 0,5 et une sténose de l’artère cubitale. L’artériographie par ponction rétrograde de l’artère humérale confirme l’absence de sténose artérielle proximale avec une opacification retardée de l’artère cubitale par rapport à l’artère interosseuse du fait d’une sténose distale.
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Fig. 3 – E, F, G. C’est à partir d’une ponction antérograde de l’artère humérale au coude et mise en place d’un introducteur 5 F que l’artère cubitale a été cathétérisée. La sténose a été franchie avec un guide 0,014 (Spartacore) et dilatée avec succès avec un ballon de dilatation coronaire de 3 mm. Les troubles trophiques ont disparu malgré une amélioration modeste à 0,7 de l’index digito-brachial.
Ischémie de main
A
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Fig. 4 – A, B, C. Des douleurs de la main sur fistule radiale gauche s’expliquaient par une sténose sous-clavière chez cette patiente diabétique qui avait bénéficié d’un pontage mammaire interne homolatérale. L’artère sous-clavière a été dilatée à 7 mm et couverte par un stent après mise en place d’un long introducteur par voie fémorale.
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Fig. 5 – A, B. Des troubles trophiques de plusieurs doigts s’expliquaient par le vol majeur exercé par cette fistule radiale sur le flux cubital du fait d’une longue sténose haute de l’artère radiale proximale dont seuls les derniers centimètres étaient corrects et repris par une collatérale d’origine interosseuse. L’arcade palmaire était par ailleurs sténosée sur son origine cubitale. C, D. Il a été possible de dilater l’artère radiale et de réduire considérablement le vol. Les lésions ont cicatrisé mais le patient est mort peu après.
Ischémie de main
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Fig. 6 – A, B. Ce patient qui vient de très loin pour se faire soigner présente des lésions cutanées diffuses hautement évocatrices d’une ischémie induite par cette fistule radiale droite. Aucun bilan angiologique n’a pu être obtenu pour étayer le diagnostic par une mesure de l’index digito-brachial et on sait simplement que le débit de fistule est normal à 550 mL/min. L’angiographie a éliminé toute sténose artérielle proximale mais objective une sténose de l’artère cubitale au poignet et un flux rétrograde dans l’artère radiale distale. C. Dans la mesure où le patient vient de loin, on effectue le double traitement possible : dilatation de l’artère cubitale à 4 mm et embolisation de l’artère radiale distale. D. On confirme une vascularisation correcte du bord radial de la main après la double manœuvre.
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C Fig. 7 – A. L’ischémie de main provoquée par cette fistule huméro-céphalique droite 6 mois auparavant a été traitée avec succès par un DRIL. La symptomatologie ischémique récidive et l’artériographie confirme une sténose sur le pontage veineux réalimentant l’artère humérale distale. B. On réussit à dilater le pontage veineux à partir de la ponction rétrograde de la veine artérialisée et double franchissement de l’anastomose artério-veineuse et de l’origine du pontage artério-artériel (matériel de dilatation rénale sur guide 0,014). C. Le résultat après dilatation à 5 mm, correct sans être parfait, entraîne la disparition des douleurs de la main. On reconnaît sur cette vue la ligature de l’artère humérale au coude.
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Désobstruction des abords thrombosés L. Turmel
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AVERTISSEMENT Désobstruer un abord d’hémodialyse thrombosé est parfois très facile mais les opérateurs expérimentés gardent surtout en mémoire les fistules sur lesquelles il a fallu se battre pendant plus de 2 heures pour parfois finalement échouer. C’est donc un acte potentiellement long et pénible qui ne s’improvise pas et qu’on ne confie pas à un collègue insuffisamment formé. Le service médical rendu peut être exceptionnel mais le risque de complication gravissime est réel, surtout si la fistule est branchée sur l’artère humérale.
HISTORIQUE Les abords d’hémodialyse thrombosés peuvent être désobstrués par chirurgie conventionnelle. Les résultats sont très opérateur-dépendants mais globalement assez bons sur les montages prothétiques, moins bons sur les fistules natives de l’avant-bras et souvent décevants au bras. La chirurgie s’avère de surcroît globalement invasive et difficilement acceptée de manière répétitive par les malades. Les premières publications sur la désobstruction percutanée des abords d’hémodialyse remontent au milieu des années 1980 [1, 2]. On se proposait alors de perfuser de l’urokinase dans des goretex thrombosés, parfois pendant de nombreuses heures. On s’est rapidement aperçu que certains caillots étaient résistants aux thrombolytiques locaux qui avaient par ailleurs des contre-indications : chirurgie récente, pathologies cérébrales, hypertension sévère… Les derniers points de ponction des dernières séances de dialyse avaient aussi la fâcheuse tendance à se rouvrir et à saigner. La nécessité de réduire le temps d’infusion de l’urokinase en associant une méthode mécanique s’est d’abord concrétisée par la méthode du pulse-spray en 1989 [3]. L’urokinase est alors poussée par petits jets (« pulse ») toutes les 30 secondes en « spray » à travers les petits trous d’un cathéter multiperforé coûteux. On s’est rapidement aperçu qu’on obtenait le même résultat en remplaçant l’urokinase par du sérum salé [4], ce dont on a pu déduire que c’était le côté mécanique de dilacération du thrombus par le pulse-spray qui importait et non l’action chimique de l’urokinase. On en a aussi déduit que les caillots dilacérés par le sérum salé partaient obligatoirement s’emboliser dans les poumons. Trerotola a par ailleurs confirmé en 1994 qu’on pouvait envoyer dans les poumons les 3,2 mL de thrombus contenus en moyenne dans un goretex thrombosé avec l’aide d’une sonde de Fogarty sans observer de signe clinique d’embolie pulmoL. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse naire [5]… jusqu’au jour où quelques complications emboliques graves à fatales ont été rapportées [6-8], allant du bronchospasme chez l’insuffisant respiratoire à l’embolie cérébrale paradoxale en passant par l’embolie pulmonaire septique. En Europe, on s’est intéressé non seulement aux goretex mais aussi aux fistules natives et l’intérêt de la thromboaspiration en complément de la perfusion d’urokinase a été rapporté par les Français dès 1991 [9]. On est ensuite passé au tout mécanique avec la thromboaspiration d’emblée [10] pendant que des dispositifs mécaniques de thrombectomie tout aussi variés que coûteux apparaissaient : Hydrolyser, Amplatz-Thrombectomy-Device, Angiojet, Craggbrush, Percutaneous Thrombectomy Device d’Arrow-Trerotola, etc. [11-16]. C’était sans compter sans le lobby de l’urokinase qui est revenu en force en 1997 avec la méthode du « lyse and wait » [17]. Dans le « lyse and wait », un peu d’urokinase est injectée en percutané dans le goretex dans une salle d’attente et on met le patient sur la table d’angiographie une heure après pour en pratique pousser les caillots résiduels dans les poumons [18]. C’est en 2000 qu’une série française, la plus importante en nombre de cas encore en 2011, a démontré pour la première fois qu’on pouvait désobstruer des fistules natives en routine par thromboaspiration avec un taux de succès très élevé à l’avant-bras [19]. D’autres auteurs ont affirmé à la même époque qu’on pouvait en routine désobstruer les fistules natives en dilatant simplement les sténoses sous-jacentes ou en dilacérant les caillots avec une sonde « pigtail » rotative, donc par embolie pulmonaire obligatoire, ce qui est inconcevable dans les fistules un tant soit peu anévrysmales [20-22]. Que dire sinon que les Français, qui ont en 2011 la plus grande expérience mondiale en matière de désobstruction des fistules natives, sont restés fidèles à la thromboaspiration, raison pour laquelle nous décrirons cette technique en détail [21, 22]. Les taux de succès sont aujourd’hui proches de 100 % pour un acte qui dure en règle moins de 2 heures et se fait en ambulatoire sous anesthésie locale. Pour les montages prothétiques, toutes les techniques peuvent être efficaces puisqu’il suffit en général de pousser mécaniquement tout ou partie des caillots dans les poumons avec un faible risque apparent pour les patients, ce qu’on ne saurait préconiser quand on maîtrise la thromboaspiration.
LE PROBLÈME CLINIQUE La thrombose aiguë signifie l’impossibilité absolue à utiliser l’abord vasculaire pour dialyser, ce qui crée des difficultés imprévues pour l’ensemble de l’équipe multidisciplinaire. Il n’y a pratiquement aucune thrombose d’un abord vasculaire sans sténose sous-jacente et dans la majorité des cas cette sténose aurait pu être dépistée par l’équipe de dialyse puis envoyée au radiologue ou au chirurgien pour être traitée. La survenue d’une thrombose est donc presque toujours le témoin d’une défaillance dans le fonctionnement de l’unité de dialyse et il y a en pratique des centres qui ont beaucoup de thromboses et des centres qui n’en ont presque jamais. Un faible taux de thromboses par rapport au nombre de patients est de toute évidence un très bon indicateur de la qualité de la prise en charge de l’abord vasculaire dans une unité de dialyse, à l’instar d’une faible proportion de goretex et d’une forte proportion de fistules natives à l’avant-bras.
Désobstruction des abords thrombosés Le diagnostic de la thrombose est le plus souvent fait lorsque le patient arrive pour sa séance de dialyse et a donc besoin d’être dialysé. C’est également souvent à la suite d’essais de ponction infructueux que les infirmières pas toujours bien formées font le diagnostic de cette thrombose… La première urgence pour le néphrologue (où l’infirmière dans les centres de dialyse dits « allégés » qui n’ont pas de médecin en permanence) est de vérifier l’état clinique du patient à la recherche de signes de surcharge hydrique et de faire doser en urgence la kaliémie. Surcharge hydrique et kaliémie supérieure à 6 mmol/L impliquent qu’une séance de dialyse soit réalisée par le biais d’un cathéter temporaire (de préférence fémoral) avant toute tentative de récupération de la fistule. L’idéal pour l’équipe et le patient est toutefois de pouvoir surseoir de quelques heures à la dialyse, Kayexalate® aidant en cas d’hyperkaliémie modérée, le temps de faire désobstruer l’abord vasculaire par un radiologue interventionnel ou un chirurgien. Malheureusement, radiologues et chirurgiens ont souvent des programmes opératoires chargés et il ne leur est pas toujours possible de répondre le jour même à cette demande urgente des néphrologues. Un abord vasculaire thrombosé peut être récupéré par radiologie interventionnelle jusqu’à 1 mois après l’épisode de thrombose aiguë. Ce traitement « différé » peut se rencontrer dans deux circonstances. Le premier groupe est celui des patients qui ont thrombosé leur fistule à l’occasion d’une chirurgie lourde durant laquelle les épisodes d’hypotension liés à l’anesthésie ou à une hypovolémie transitoire ont eu raison d’un flux déjà abaissé par l’existence d’une sténose méconnue. Le patient se retrouve alors en réanimation et s’avère non transportable durant une période qui peut varier de 2 jours à 3 semaines. Le deuxième groupe est celui des patients en insuffisance rénale terminale mais pas encore dialysés ou bien transplantés rénaux avec un greffon défaillant. Ces patients sont en général vus par les néphrologues une fois par mois et le diagnostic de thrombose de l’abord vasculaire est fait à l’occasion de la visite mensuelle. Le patient est en général incapable de dire quand la fistule s’est thrombosée mais le néphrologue sait qu’elle fonctionnait encore 1 mois auparavant. Dans ce deuxième groupe, va se poser le problème de la limitation de la quantité d’iode à injecter pour évaluer les différentes étapes de la désobstruction. Il est donc important de bien évaluer le rapport risque/bénéfice avec le néphrologue et le patient et de les avertir que les injections d’iode risquent de précipiter le début de ou le retour à la dialyse.
CONTRE-INDICATIONS DE LA DÉSOBSTRUCTION PERCUTANÉE Contre-indications temporaires Nous avons déjà évoqué la surcharge hydrique et l’hyperkaliémie. S’y ajoute la nécessité de recourir dans de rares cas à une vraie neuroleptanalgésie (enfants, patients attardés mentaux, patients hyper-réactifs), ce qui exige alors que le malade soit à jeun et c’est rarement le cas le jour où le diagnostic imprévu de thrombose est fait.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Contre-indication absolue La contre-indication absolue est l’infection de l’abord vasculaire, ce qui est presque exclusivement le cas des montages prothétiques. La seule infection que nous ayons vue se présentait sous forme d’un placard rouge, chaud et sensible. Le problème est différent et pas toujours aisé avec les fistules natives. Il n’est pas rare que la veine thrombosée soit sensible, voire très douloureuse à la palpation (voir fig. 12 du chapitre 7). Il s’agit en fait d’une réaction inflammatoire de la paroi veineuse à ce qui est une phlébite. L’idéal serait de vérifier l’absence de fièvre et d’hyperleucocytose. En pratique, on doit comme pour toute désobstruction procéder à une couverture antibiotique et bien anesthésier localement. La douleur et l’inflammation disparaissent dès que les caillots sont retirés et la fistule remise en charge. Nous n’avons jamais eu à déplorer de septicémie après désobstruction de ces fistules natives thrombosées « douloureuses ».
Contre-indications relatives Les contre-indications relatives regroupent celles de la dilatation précédemment évoquées (anastomoses de moins d’un mois, point de nécrose cutanée, absence de stent disponible). S’y ajoutent des contre-indications spécifiques à l’état de thrombose qui sont l’objet de controverses. Il revient en pratique à chaque équipe de s’adapter à son expérience. Nous considérons que les fistules immatures qui n’ont jamais été utilisées au moins une fois avec succès en dialyse ne doivent pas faire l’objet de tentatives de désobstruction. Il s’agit de fistules récemment créées (quelques semaines à quelques mois), jamais utilisées parce que le patient n’est pas encore dialysé ou parce qu’elles étaient jugées non piquables et auraient alors dû être explorées et traitées avant le stade de thrombose. Notre expérience avec ce type de fistule est très défavorable, avec près de 80 % d’échecs, ce qui n’est pas acceptable, en général parce que la veine est globalement petite et sténosée, difficile à cathétériser et d’une extrême fragilité, avec intrication de caillots et sténoses rendant le résultat après dilatation hétérogène et non satisfaisant. D’autres équipes prétendent toutefois faire mieux… La deuxième contre-indication relative est la notion d’une reprise chirurgicale récente de la fistule datant de moins d’un mois. Le danger dans ce cas est de faire des fausses-routes ou de créer des ruptures majeures si on dilate dans la zone fraichement opérée. Tout dépend en fait de la localisation et de l’étendue de la cicatrice, donc de la zone suturée par le chirurgien. Il nous est arrivé assez souvent de récupérer une fistule thrombosée par voie percutanée 24 heures à une semaine après l’échec d’une tentative de désobstruction par voie chirurgicale mais il nous est aussi arrivé d’échouer. Le danger d’une rupture incontrôlable existe surtout à l’anastomose artério-veineuse. L’existence de gros anévrysmes (de plus de 5 cm de diamètre) ou d’une dégénérescence anévrysmale globale de la veine risque de très largement compliquer
Désobstruction des abords thrombosés l’examen et d’obliger à recourir à un ou plusieurs stents. C’est là aussi à chacun de se forger son expérience mais il est évident que ces fistules anévrysmales ne doivent pas être confiées à des débutants… L’existence d’un shunt droit-gauche, circonstance assez rare et en général méconnue, serait une contre-indication selon certaines publications en raison du risque d’embolie paradoxale, complication que nous n’avons toutefois jamais rencontrée après plus de 1 000 désobstructions. Certains considèrent également que l’insuffisance respiratoire sévère puisse être une contre-indication en raison du risque jamais nul d’embolie pulmonaire. Si une fistule peut être désobstruée jusqu’à 1 mois après l’épisode aigu, il apparaît en revanche déraisonnable de le faire passé ce délai dans la mesure où les caillots durcis et très remaniés ne pourront plus être lysés ou retirés. On les pousse dans les poumons, ce qu’a proposé indirectement un néphrologue américain, ou on les piège avec un stent.
ACCUEIL DU PATIENT Avant d’accepter un patient pour désobstruction de sa fistule, il est indispensable de communiquer en amont avec le néphrologue ou une infirmière bien informée. Il est indispensable que le néphrologue ait vu cliniquement le patient et éliminé toute surcharge hydrique et on doit avoir le résultat de la kaliémie. Ne surtout jamais croire le néphrologue s’il affirme que le patient n’a jamais d’hyperkaliémie, au risque de se retrouver comme cela nous est arrivé avec des taux de potassium à plus de 7 mmol/L lorsqu’on vérifie au cours de l’examen. On doit s’informer des antécédents possibles d’allergie aux produits de contraste, ne serait-ce que pour donner de l’Atarax® (50 à 100 mg per os) au moins 1 heure avant la 1ère injection iodée, même si une prémédication ne met à l’abri de rien : désobstruer une fistule en remplaçant l’iode par du CO2 ou du gadolinium est faisable mais particulièrement difficile et hasardeux, par ailleurs hors AMM en ce qui concerne le gadolinium. Il est nécessaire d’avoir la liste des médicaments pris par le patient (notamment AVK) ainsi qu’une idée des principales comorbidités (cardiovasculaires, neurologiques, psychiatriques). La désobstruction pouvant être longue et pénible, on doit prévoir un transport allongé en ambulance pour le retour des patients les plus faibles, systématiquement passé 80 ans. Enfin, la réglementation oblige à avoir connaissance du statut sérologique des patients vis-à-vis des hépatites B et C et du VIH de manière à organiser un nettoyage poussé de la salle d’angiographie avant l’examen suivant. La préparation du malade en salle consiste dans la mise en place du monitoring de la pression artérielle, de l’oxymétrie, voire de l’électrocardiogramme. Une véritable sédation est rarement possible ou souhaitable chez ces patients arrivant en semiurgence, non à jeun, et à souvent réorienter au plus vite vers le centre de dialyse une fois la fistule désobstruée. Il est toutefois hautement souhaitable de demander à l’anesthésiste ou à son représentant infirmier de voir le patient avant de
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse commencer. Certaines désobstructions, plus particulièrement sur les fistules anévrysmales au coude, peuvent durer plus de 2 heures et venir à bout de la patience des malades les plus coopérants. Ce n’est pas lorsque le malade commence à trop s’agiter ou à faire une réaction vagale ou à chuter sa tension que l’anesthésisteréanimateur doit découvrir le dossier du malade.
TECHNIQUE DE LA DÉSOBSTRUCTION PAR THROMBOASPIRATION MANUELLE Principes généraux Quelle que soit la technique de thrombectomie utilisée, il y a deux étapes obligatoires dans le traitement d’un abord thrombosé : d’abord le retrait des caillots et ensuite le traitement de la cause de la thrombose, en l’occurrence une sténose sous-jacente retrouvée dans la presque totalité des fistules natives. Cet ordre idéal est souvent malmené dans la désobstruction des fistules natives. Certains montages prothétiques se thrombosent sans qu’on retrouve de sténose sous-jacente mais cela est rare. On doit systématiquement injecter de l’héparine (en moyenne 3 000 UI) avant toute manipulation sur les caillots ainsi qu’une dose d’antibiotiques à destinée antistaphylococcique (750 mg de céfazoline par exemple). L’héparine a pour but d’éviter la rethrombose en cours d’examen et de limiter le risque de bronchospasme en réaction à la moindre petite embolie pulmonaire iatrogène. Les antibiotiques ont pour but de limiter le risque de septicémies résultant de la migration pulmonaire de caillots sous-cutanés potentiellement infectés ou de fautes d’asepsie qui peuvent parfois se produire au cours de ces actes de radiologie interventionnelle durant lesquelles on manipule des guides et sondes de grande longueur dont une extrémité peut toucher une zone non stérile sans que l’opérateur en soit conscient. Autant la technique de désobstruction d’un montage prothétique est aisément standardisable (une paroi épaisse facilement palpée donc facile à ponctionner, un diamètre constant de 6 mm, un faible volume de thrombus de l’ordre de 3 mL, la sténose sous-jacente localisée à l’anastomose veineuse dans la majorité des cas), autant la technique de désobstruction d’une fistule native doit savoir s’adapter à de multiples particularités anatomiques [20, 23] : • la veine artérialisée à paroi fine et parfois de petit calibre d’ensemble peut être très difficile à cathétériser ; • il peut être très difficile à partir d’une ponction veineuse rétrograde de retrouver le chemin de l’anastomose lorsque sonde et guide se perdent dans des collatérales ; • la sténose sous-jacente peut se situer n’importe où depuis l’anastomose jusqu’à la veine axillaire et elle peut être très difficile à localiser cliniquement au départ ; • cette sténose veineuse peut être extrêmement sévère, irrégulière, longue et de fait très difficile à franchir avec un guide ; • le volume du thrombus peut être impressionnant (30-50 cc) ; • les anévrysmes sont assez fréquents et peuvent abriter des couches périphériques de caillots anciens, remaniés ou très adhérents. Les guides s’enroulent de surcroît
Désobstruction des abords thrombosés facilement dans la masse des anévrysmes et il peut être très difficile de cathétériser la veine qui en vient ou qui en part ; • la thrombose concomitante de l’artère radiale est fréquente en cas d’anastomose termino-terminale à l’avant-bras et le retrait mécanique des caillots dans cette artère radiale peut s’avérer impossible. La technique de base repose sur la mise en place sous anesthésie locale de deux introducteurs en direction opposée dans la veine artérialisée ou dans la prothèse de manière à permettre les manœuvres en direction du retour veineux pour l’un, de l’alimentation artérielle pour l’autre. Ces veines artérialisées ou ces prothèses ont été créées pour être ponctionnées.
Accès « veineux » L’examen clinique est donc essentiel pour choisir la zone d’attaque pour le cathétérisme initial (fig. 1A). On doit absolument libérer le retour veineux avant de remettre l’anastomose en charge. On ponctionne donc en général d’abord la veine ou la prothèse près de l’anastomose artério-veineuse de manière antérograde pour mettre en place l’introducteur « veineux » (le plus souvent 8 F, 9 F en cas de veine anévrysmale, 6 ou 7 F pour une veine peu développée) qui permettra de traiter caillots et sténoses situés en direction du retour veineux central. On ponctionne ensuite le vaisseau artérialisé 5 à 10 cm plus en aval de manière rétrograde pour positionner l’introducteur « artériel » qui permettra de traiter caillots et sténoses en direction de l’anastomose artério-veineuse. Ce cathétérisme initial se fait avec une aiguille 18 G et un guide hydrophile 0,035 angulé. Positionner l’extrémité de l’aiguille téflonnée correctement dans la lumière du vaisseau peut nécessiter plusieurs tentatives puisque le bon positionnement n’est en général pas confirmé par un reflux de sang comme cela se voit dans les fistules circulantes. Il est de surcroît souhaitable de « tunnelliser », c’està-dire laisser 5 à 10 mm entre le point d’entrée à la peau et le point d’entrée dans la veine, ce qui n’est pas toujours aisé. Une fois l’aiguille enfoncée à l’aveugle en direction de la lumière de la veine d’aval, on retire le mandrin et teste sans forcer avec le guide hydrophile un passage et une progression normale sous scopie dans la lumière du vaisseau en direction veineuse centrale. S’il y a la moindre résistance à la sortie du téflon, donc à l’entrée dans la lumière présumée de la veine, on retire le téflon millimètre par millimètre et à chaque millimètre on teste une poussée en douceur du guide. Cette phase peut être très laborieuse dans les fistules récentes où la veine est peu développée. Une fois le guide suffisamment enfoncé et l’introducteur en place, on monte une sonde diagnostique 5 F (par exemple de type « vertébral ») sur le guide hydrophile jusqu’au niveau de la veine sous-clavière ou de la veine cave. On retire le guide et vérifie par injection d’iode (mL par mL) la perméabilité des veines centrales et on peut profiter de cet accès veineux central pour injecter héparine et antibiotiques. Le cathéter est ensuite retiré doucement centimètre par centimètre tout en injectant un peu d’iode sous contrôle scopique de manière à repérer l’extension centrale
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse des caillots et savoir où il faudra commencer les manœuvres de thrombectomie (fig. 1B et 2A). Si guide et sonde butent sur un obstacle empêchant la progression vers les veines centrales, on injecte une très faible quantité d’iode (1 mL) par la sonde au niveau de l’obstacle pour en comprendre la nature. Les thrombus ne remplissent jamais la totalité de la lumière d’une veine thrombosée et la petite injection iodée par l’extrémité de la sonde moule les caillots et montre ou une filière sténosée ou une angulation ou des collatérales en direction du retour veineux central. On doit alors absolument insister avec le couple guide et sonde pour retrouver le chemin des veines centrales avant de faire quoi que ce soit d’autre puisque le non traitement de cet obstacle au retour veineux aboutirait inéluctablement à la rethrombose précoce de la fistule. Le couple sonde vertébrale 5 F-guide hydrophile 0,035 angulé est le plus souvent efficace mais on doit parfois troquer le guide angulé pour un guide droit. Les injections d’iode pour se guider dans une fistule thrombosée doivent toujours être limitées à 1 mL et faites à basse pression, surtout dans les montages au coude, ceci pour éviter que l’hyperpression transitoire générée dans le vaisseau ne pousse par reflux les caillots proches de l’anastomose artérielle dans le lit artériel d’aval. Si sonde et guide ne retrouvent pas le chemin des veines centrales, on peut aspirer les caillots au contact de l’obstacle avant de tenter à nouveau de retrouver la filière de drainage veineux. Une fois l’extension centrale de la thrombose repérée et franchie, on repousse le cathéter diagnostic sur le guide hydrophile jusque dans la veine cave supérieure, on retire le guide hydrophile, on le remplace par un guide métallique « J » 0,035 ordinaire et on retire la sonde. On évite dans la mesure du possible de mettre l’extrémité du guide dans l’oreillette droite du fait du risque faible mais toujours possible de plaie de l’endocarde ou de trouble du rythme si le guide migre dans le ventricule. Pousser le guide dans la veine cave inférieure est idéal quand on le peut. L’introducteur « veineux » est donc à ce stade seul en place, sécurisé sur un guide rejoignant les veines centrales, prêt à servir pour la thrombectomie.
Accès « artériel » Traiter le retour veineux sans être certain qu’on va bien pouvoir remettre en charge l’alimentation artérielle serait inutile. Il vaut donc mieux dès ce stade mettre en place l’introducteur « artériel ». C’est donc idéalement au moins 5 cm en aval (afin que les extrémités des introducteurs ne se chevauchent et créent un obstacle inutile supplémentaire au rétablissement du flux) qu’on ponctionne la veine ou la prothèse de manière rétrograde, donc en direction de l’anastomose artério-veineuse. À partir des mêmes principes de cathétérisme, on pousse le couple sonde et guide jusqu’à l’artère (fig. 1C et 2B). Ce cathétérisme rétrograde est souvent facile au coude, souvent plus difficile dans les fistules radiales en raison de la présence fréquente de nombreuses collatérales. Quand sonde et guide se perdent dans les collatérales, on peut là aussi faire de très petites injections d’iode en comprimant la veine manuellement 1 cm au-dessus de l’extrémité de la sonde pour obliger le
Désobstruction des abords thrombosés contraste à refluer vers l’anastomose (manœuvre un peu dangereuse en cas de fistule au coude du fait du risque d’embolie artérielle). En supination, il peut être utile de mettre un repère métallique sur la peau au niveau de la cicatrice chirurgicale pour indiquer la direction à suivre. Si un clip chirurgical est visible en scopie au poignet, il indique la projection probable de l’anastomose et il peut être alors très utile de mettre l’avant-bras en pronation ou de profil pour les tentatives de cathétérisme. Les collatérales ont tendance à partir vers l’arrière alors que l’anastomose est située en avant et on ne se rend pas toujours compte des erreurs de direction si on laisse la main en supination. Des calcifications spontanées de l’artère radiale peuvent aussi aider. La présence d’une zone veineuse anévrysmale près de l’anastomose invite à troquer le guide hydrophile angulé contre un guide droit qui risque moins de s’enrouler dans l’ectasie et retrouve plus facilement la veine ou l’artère d’amont. Ces anévrysmes juxta-anastomotiques sont indubitablement sources de difficultés dans le cathétérisme. Une fois l’anastomose franchie, la sonde se retrouve plus souvent dans l’artère distale que dans l’artère proximale. Afin de sécuriser au maximum le déroulement de l’acte, ce qu’on ne saurait que trop conseiller aux débutants comme aux seniors parfois trop sûrs d’eux, il est souhaitable de positionner un guide de sécurité dans l’artère afférente. C’est en règle simple à faire dans les anastomoses au coude où l’artère est large. Le guide hydrophile angulé y monte souvent spontanément. C’est en règle plus difficile au poignet où l’angle artério-veineux est souvent aigu et l’artère radiale parfois petite. Les subtilités du cathétérisme de l’anastomose radio-céphalique ont déjà été décrites dans le chapitre consacré à la dilatation percutanée. La sonde la plus adaptée à ce cathétérisme anastomotique est la sonde mammaire interne 4 F. Une fois la sonde 4 F poussée sur le guide hydrophile suffisamment haut dans l’artère humérale, donc au coude ou au bras, on retire le guide hydrophile et on réalise une angiographie des artères de l’avant-bras afin d’apprécier leur état initial, une donnée essentielle dans les fistules au coude pour être sûr en fin d’examen qu’on n’aura pas créé d’embolie iatrogène. Le flux artériel au bras est lent en l’absence de fistule circulante, donc 5 mL d’iode dilué à 50 % suffisent avec une cadence d’acquisition d’une image par seconde sur 20 secondes. Une fois ce bilan anatomique artériel préthérapeutique effectué, on monte un guide métallique 0,035 « J » ordinaire et on retire la sonde 4 F. Si l’anatomie défavorable rend le cathétérisme de l’artère afférente proximale trop difficile, on laisse le guide de sécurité dans l’artère distale.
Aspiration des caillots sur le versant « veineux » À ce stade, deux introducteurs sont donc en place en direction opposée dans la veine artérialisée ou le pontage, sécurisés l’un sur un guide retrouvant les veines centrales, l’autre sur un guide positionné dans l’artère afférente (fig. 1D). Le succès de la désobstruction est dès lors presque certain. On peut commencer la phase de retrait des caillots. La thromboaspiration manuelle est un dispositif de retrait des caillots qui n’est pas monté sur guide.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Il y a donc un risque de disséquer la paroi du vaisseau ou de s’engager dans des fausses-routes même si cela est rare. C’est donc après avoir vécu des échecs dus à de telles dissections et fausses-routes qu’il est apparu sage et efficace de travailler en parallèle à des guides dits « de sécurité » déjà en place dans l’artère afférente et dans les veines centrales. C’est plus particulièrement indispensable quand la veine est tortueuse, avec des alternances de sténoses, d’angulations prononcées, d’anévrysmes, et quand une prédilatation est nécessaire pour permettre le passage du cathéter d’aspiration. On doit toujours libérer le retour veineux avant de remettre en charge l’alimentation artérielle. On commence donc par passer un guide hydrophile « J » dans l’introducteur « veineux » à travers la valve hémostatique déjà traversée par le guide de sécurité métallique dont l’extrémité flotte idéalement dans la veine cave supérieure ou inférieure. Ce deuxième guide est poussé si possible jusque dans les veines centrales, puis on retire totalement l’introducteur traversé par les deux guides pour le réintroduire uniquement sur le guide hydrophile (fig. 1E). Le guide métallique de sécurité sort donc directement à la peau le long de l’introducteur veineux. Pendant les manœuvres d’aspiration, ce guide de sécurité servira de repère du trajet de la veine en scopie et garantit la certitude de pouvoir rouvrir la bonne lumière de la veine en cas de fausse-route ou de dissection en permettant de pousser un ballon ou un stent. La technique de thrombectomie par thromboaspiration manuelle repose sur un concept simple : un cathéter à large lumière droit ou légèrement angulé, 6 F à 9 F, à paroi assez rigide mais à l’extrémité souple et relativement atraumatique est poussé à travers l’introducteur veineux sur le guide hydrophile ou directement sans guide si la veine est droite jusqu’au contact des caillots les plus centraux (fig. 1F). Une pression négative est alors pratiquée dans le cathéter par le biais d’une seringue de 50 ml de type « Luer-Lok » (fig. 1G), de préférence munie d’un petit ergot qui permet le maintien mécanique du piston de la seringue en déflation (voir chapitre 16, Annexe 3 : liste du matériel). Des mouvements de va-et-vient et de rotation plus ou moins énergiques sont appliqués à la sonde d’aspiration pendant 5 à 10 secondes puis le cathéter est retiré pour purger seringue et sonde par exemple à travers une compresse déposée sur une cupule, ce qui permet de visualiser le matériel cruorique aspiré (fig. 1H). Cette purge du cathéter peut être un peu « explosive » quand un caillot un peu gros ou un peu dur se bloque dans le cathéter, d’où la nécessité absolue pour médecins et assistants de porter des lunettes protégeant leurs yeux des projections de sang. Les cathéters légèrement angulés sont en règle plus efficaces car l’extrémité de la sonde entre ainsi plus facilement au contact de la paroi veineuse pour la « raboter » et détacher plus facilement les caillots un peu trop collés à la paroi ou situés dans des zones anévrysmales. En cas de caillots apparemment résistants à l’aspiration, on comprime manuellement le caillot à travers la peau durant les manœuvres d’aspiration pour faciliter le contact de la sonde et du thrombus. La sonde d’aspiration est ensuite repoussée mais de manière un peu moins proximale pour une nouvelle vague d’aspiration, retirée, purgée puis réintroduite à nouveau un peu moins loin dans la veine jusqu’à ce que tout le segment veineux situé en aval de l’extrémité du
Désobstruction des abords thrombosés désilet veineux soit libéré de tout caillot, ce qu’on contrôle aisément par une petite injection d’1 mL d’iode à basse pression, en scopie ou graphie (fig. 1I, 2C, D). On s’abstient à ce stade de dilater les sténoses démasquées et qui ont l’intérêt potentiel de bloquer la migration éventuelle d’un gros thrombus provenant de l’anastomose artério-veineuse vers les poumons lorsque la fistule sera remise en charge.
Aspiration des caillots sur le versant « artériel » Une fois le retour veineux libéré, on peut commencer le retrait des caillots situés en amont, donc vers l’anastomose artério-veineuse. Comme pour la phase « veineuse », on pousse un guide hydrophile à travers la valve du désilet « artériel » déjà traversé par le guide de sécurité positionné dans l’artère proximale, on retire l’introducteur traversé par les deux guides et on le repositionne sur le seul guide hydrophile (fig. 1J). La sonde d’aspiration est poussée comme pour la phase veineuse mais en commençant par aspirer les caillots au contact de l’extrémité du désilet artériel et en terminant par l’anastomose artério-veineuse (fig. 1K, 2E). On ne doit remettre en charge l’alimentation artérielle qu’une fois tous les caillots retirés dans la veine. En effet, la remise en charge trop précoce du flux artériel a deux inconvénients : pousser les caillots résiduels vers les poumons et rendre moins efficaces les manœuvres d’aspiration qui ramènent plus de sang que de caillots. Il est utile dans ce dernier cas d’essayer de comprimer l’anastomose pendant l’aspiration.
L’« arterial plug » Le caillot au contact de l’anastomose artério-veineuse est souvent très compact car d’une nature particulièrement riche en plaquettes. La littérature américaine l’appelle « arterial plug » ou « bullet » [24], ce qu’on peut traduire par « bouchon artériel » et « balle de pistolet ». Ce caillot très compact résiste à la thrombolyse locale et s’avère difficile à aspirer (fig. 2E, 3A à D, 4A à D). Souvent, on le brise et on le détache plus qu’on ne le retire (fig. 3D, 4C), ce qui signifie qu’il finira poussé par le flux dans les poumons. Il peut aussi hélas malencontreusement s’emboliser dans l’artère d’aval, ce qui est potentiellement grave si l’origine de toutes les artères de l’avant-bras est concernée (voir plus loin). Les chirurgiens retirent cet « arterial plug » historiquement avec une sonde de Fogarty mais la thromboaspiration manuelle marche au minimum aussi bien et on peut aussi utiliser un ballon de dilatation (fig. 2F). Trerotola a rapporté l’intérêt d’une sonde de Fogarty dédiée à ce problème [25]. En cas de résistance au détachement mécanique on peut parfois (rarement) piéger « l’arterial plug » avec un court stent. Une fois l’alimentation artérielle rétablie, il n’est pas rare que le flux stagne dans les premiers centimètres du montage si un caillot résiduel a finalement été poussé par le flux dans le lit d’aval et s’est retrouvé bloqué au contact d’une sténose. Il faut donc réutiliser l’introducteur « veineux » pour aspirer ce caillot et rétablir le flux (fig. 1N à P).
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Dilater Une fois tous les caillots retirés, on traite toutes les sténoses sous-jacentes avec le principe habituel d’utiliser des ballons suffisamment gros pour essayer de ne laisser aucune sténose résiduelle (fig. 1Q) sauf dans le secteur proche de l’anastomose artérioveineuse où on doit parfois délibérément sous-dilater (fig. 2F). Comme pour toutes les dilatations des fistules de dialyse, on doit avoir en stock des ballons de dilatations acceptant des très hautes pressions (type « Conquest ») pour être sûr de venir à bout de toutes les sténoses et avoir à sa disposition quelques stents nus et couverts pour être sûr de pouvoir traiter les sténoses élastiques résiduelles majeures et les ruptures. L’angiographie finale après dilatation(s) doit explorer le montage dans son ensemble depuis l’anastomose artério-veineuse jusqu’à la veine cave supérieure (fig. 8G à J). De minimes caillots résiduels ou des sténoses résiduelles de moins de 50 % peuvent être acceptables dans une fistule native si le flux d’ensemble est bon alors qu’il est absolument fondamental de les traiter par aspirations supplémentaires (fig. 1S à U), ballons plus gros, voire stent dans les montages prothétiques et en cas de flux final un peu lent. Le risque particulièrement élevé de rethrombose précoce dans les pontages prothétiques invite à être plus exigeant sur le résultat angiographique.
Embolies artérielles Pour les montages branchés sur l’artère humérale, il est essentiel de vérifier qu’on laisse les artères de l’avant-bras dans l’état où on les a trouvées, c’est-à-dire sans embolie iatrogène (fig. 2B, 2J, 5A à E). Il n’est malheureusement pas rare qu’un thrombus ait été involontairement poussé dans le lit artériel d’aval au cours des manœuvres de cathétérisme ou d’aspiration, ou à l’occasion d’une injection un peu trop sous pression dans le montage. Ce caillot s’embolise en général dans la trifurcation terminale de l’artère humérale. On doit descendre l’aspirer avec grande douceur puisque la paroi artérielle est beaucoup plus fragile et sujette à dissection que la paroi veineuse. On cathétérise de surcroît l’artère dans le sens du flux, ce qui veut dire que toute dissection s’aggraverait spontanément du fait de la poussée du flux naturel de l’artère. L’idéal est de descendre la sonde d’aspiration 8 F sur guide en coaxial sur une sonde 5 F au contact du caillot puis d’aspirer tout en retirant doucement la sonde sans faire de mouvement de va-et-vient [26]. En cas d’échec de l’aspiration (rare), on peut essayer prudemment de déloger le caillot avec une sonde de Fogarty (poussée sur guide). Il est toutefois rare que le ballon de Fogarty réussisse là où l’aspiration a échoué. Trerotola a proposé la méthode du « backbleeding » [27]. Un ballon occlusif est poussé dans l’artère humérale proximale. Les collatérales artérielles au coude sont alors supposées reprendre l’alimentation de la fistule par perfusion rétrograde de l’artère humérale distale via les artères de l’avant-bras et ce flux est supposé repousser le caillot embolisé vers la fistule. Certains ont proposé une perfusion intra-artérielle locale de thrombolytiques, ce qui est long et surtout inefficace si le caillot embolisé s’avère être « l’arterial plug ». On peut aussi envisager de rouvrir un flux au minimum vers l’artère radiale à
Désobstruction des abords thrombosés l’aide d’un petit stent piégeant le caillot contre la paroi. On peut aussi abandonner si le caillot n’est pas occlusif, c’est-à-dire s’il n’empêche pas un certain flux persistant vers les artères de l’avant-bras car un caillot embolisé dans une artère qui circule finit toujours par se lyser avec le temps. Il est cependant évident qu’une surveillance clinique étroite de l’évolution de la main est alors indispensable.
Angiographie finale et retrait du matériel Il est fondamental de prendre le temps de lire image par image le dernier contrôle angiographique depuis l’anastomose jusqu’aux veines centrales avant de retirer le matériel afin de ne pas méconnaître une dernière anomalie résiduelle qui risquerait de compromettre le résultat. La compression manuelle des trous après retrait des introducteurs 8 F ou 9 F chez un malade hépariné peut être très longue. Il est donc préférable de fermer avec un fil à l’aide d’un point en « U » centré sur un fragment de plastique [28]. On dessine donc un « U » avec un fil de taille n° 2 autour de l’orifice cutané du désilet (fig. 6A à F). On interpose un fragment de 2 à 3 cm du dilatateur 8 F ou 9 F qu’on interpose dans la base du U. On retire l’introducteur tout en tirant et serrant un nœud qu’on refait 3 fois. Le premier intérêt du fragment de plastique est, en cas de saignement résiduel, de permettre de resserrer le nœud facilement en tournant le plastique légèrement dans le sens des aiguilles d’une montre. Le deuxième intérêt est de permettre le lendemain ou le surlendemain aux infirmières de couper facilement le fil visible sur le plastique sans être obligées de le chercher là où il se serait autrement enfoui dans la peau. Ce type de suture signifie qu’il y a un petit risque de nécrose cutanée locale dans les jours suivants, ce qui n’a aucune importance si on a bien pris le soin de tunnelliser au départ, c’est-à-dire de piquer la peau à 5 à 10 mm de la paroi veineuse, ce qui n’est hélas pas toujours simple à réaliser quand la veine est arrivée thrombosée. En cas d’œdème local résiduel sensible résultant d’une rupture veineuse transitoire ou d’hématomes sous-cutanés après anesthésie locale, on peut proposer un cataplasme local avec une pommade anti-inflammatoire (Hemoclar®). Enfin, on peut suggérer de laisser les patients sous calciparine pendant 8 à 15 jours pour limiter le risque de rethrombose précoce, en particulier dans les montages prothétiques. L’efficacité de cette anticoagulation temporaire n’a cependant jamais été prouvée.
CAS PARTICULIERS Fistules non circulantes non thrombosées Elles se voient surtout à l’avant-bras. Ce sont des fistules radiales ou cubitales présentant une sténose tellement sévère à l’anastomose qu’elles ne circulent plus. L’existence de quelques collatérales a souvent permis le maintien
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse d’un petit flux de lavage physiologique qui a évité la formation de caillots. Lorsqu’on met un garrot au bras sur ces fistules qui arrivent « plates », la veine se gonfle parfaitement en quelques minutes sur tout son trajet et on palpe souvent très bien l’induration sténosante à l’anastomose. Le traitement idéal de ces sténoses est chirurgical, en l’occurrence la réfection de l’anastomose, mais la dilatation est possible encore que souvent malaisée en raison de la discordance de calibre entre artère et veine. Dans le même esprit, en recevant des fistules annoncées par les néphrologues comme « thrombosées », on a la surprise de constater après ponction la persistance d’un flux et l’absence de toute sténose. Ce sont ou des fistules anatomiquement normales chez un malade en hypotension artérielle chronique avec bas débit cardiaque ou des fistules qui ne sont plus alimentées que par l’artère distale (radiale ou cubitale) avec un débit bas mais compatible avec la dialyse s’il est supérieur à 300 mL/min. Un peu d’éphédrine permet parfois de récupérer temporairement un frémissement dans la fistule mais le problème de fond est souvent celui de l’état général du malade.
Travailler avec un seul introducteur Un seul abord sur la veine artérialisée est parfois suffisant. L’examen clinique peut montrer que le segment veineux juxta-anastomotique est resté perméable, ce qui se voit surtout dans les fistules céphaliques au coude, et dans ce cas un seul abord antérograde près de l’anastomose peut suffire (fig. 7). Il est néanmoins préférable de faire une deuxième ponction antérograde pour placer un désilet 4 F qui recevra le guide de sécurité. En effet, laisser le guide de sécurité sortir à la peau dans un segment circulant et sous tension est la source d’un petit saignement permanent non souhaitable si l’examen se prolonge. À l’inverse, la thrombose n’intéresse parfois que les premiers centimètres de la veine, ce qui se voit surtout dans les fistules radiales et notamment les fistules relativement récentes dont la veine est peu développée. Après mise en place d’un garrot au bras, le segment veineux vierge de thrombus va se distendre et devenir particulièrement facile à ponctionner et ce seul abord rétrograde peut suffire à désobstruer la fistule si le rétablissement du flux ne pousse pas de caillot en aval de l’introducteur. Il n’y a d’ailleurs parfois aucun caillot, la sténose étant purement anastomotique comme on vient de le décrire dans les « fistules non circulantes non thrombosées ». Certaines publications préconisent un seul abord pour toutes les désobstructions, soit antérograde à partir d’une ponction rétrograde de l’artère radiale, ce qui est un peu osé pour du 8 F et chez les malades diabétiques, soit rétrograde à partir de la veine jugulaire interne, ce qui est un peu choquant puisque cette veine destinée à recevoir les cathéters centraux de dernier recours peut potentiellement être endommagée par cette utilisation de confort discutable.
Désobstruction des abords thrombosés Thromboses segmentaires Ces occlusions qui n’intéressent qu’un segment de la veine artérialisée peuvent se voir dans les fistules huméro-céphaliques, notamment lorsque la veine céphalique accessoire est restée perméable et reflue vers l’avant-bras pour retrouver une veine basilique ou humérale de drainage au bras (fig. 7). Dans les fistules radiales, on peut parfois être confronté à la thrombose isolée d’une branche de division ou de duplication de la veine artérialisée, en général due à une sténose située sur cette branche veineuse. Le fait que le patient ait été adressé pour traiter cette thrombose partielle indique que la sténose s’est développée dans une zone habituellement ponctionnée et qu’on doit donc rouvrir à moins de suggérer un site de ponction alternatif anatomiquement facile à aborder. Ce type de thrombose segmentaire peut également se voir sur la veine basilique de drainage au bras du fait d’une sténose à son niveau, la veine de l’avant-bras étant restée perméable quoique terriblement sous tension grâce au développement de collatérales à type de veine perforante au coude.
Anévrysme douloureux thrombosé La thrombose se limite parfois à un anévrysme, le plus souvent celui du site de retour veineux de dialyse, thrombose douloureuse pour le patient ou gênante pour la ponction en dialyse, et c’est ce qui a motivé l’exploration. L’angiographie (ou l’écho-doppler suffisant dans ce cas) peut montrer ou l’existence d’une sténose responsable d’un bas débit relatif de l’abord vasculaire ou une fistule normale. En cas de bas débit dû à une sténose significative, la thrombose de l’anévrysme est simplement le signe avant-coureur d’une thrombose globale de la fistule. On doit donc dilater mais pas nécessairement aspirer le thrombus intra-anévrysmal dans la mesure où le rétablissement d’un flux normal aboutira à la lyse spontanée des caillots qui se sont formés dans l’anévrysme qu’on suggère simplement de ne plus piquer transitoirement. Le risque de la thromboaspiration est par ailleurs de détacher un caillot mural plus ancien et dur qu’on risque d’être obligé de piéger avec un stent. Si aucune sténose sous-jacente n’est retrouvée sur la fistule qu’on peut considérer comme « normale », la thrombose de l’anévrysme s’explique par la stagnation locale du flux dans ce segment de veine devenu localement trop large par rapport au débit du vaisseau. C’est une sorte d’auto-traitement de l’anévrysme et l’imagerie montre souvent une lumière circulante de diamètre normal traversant l’anévrysme thrombosé. On ne doit donc en aucun cas essayer d’aspirer ces caillots souvent vieillis et qui se reformeraient dans les heures suivantes puisque la cause de leur formation, à savoir la trop grande largeur du vaisseau localement, ne serait pas traitée. L’abstention thérapeutique peut se justifier et il suffit de ponctionner la veine en amont ou en aval. La correction chirurgicale de ces anévrysmes spontanément thrombosés et non occlusifs n’est indiquée qu’en cas de rare douleur persistante ou de troubles trophiques cutanés.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Difficultés d’accès « veineux » Quand on a beaucoup de difficulté à ponctionner la veine dans le sens antérograde pour positionner l’introducteur « veineux » parce que l’anatomie est localement trop défavorable, on positionne d’abord l’introducteur « artériel ». Une fois un guide poussé dans l’artère afférente, on pourra ensuite utiliser le repère de ce guide en scopie pour ponctionner la veine de manière antérograde en direction des veines centrales.
Échec de franchissement « veineux » Si on ne parvient pas à retrouver le chemin des veines centrales, ce qui est finalement très rare entre des mains entraînées, cela peut signifier que la sténose est particulièrement hétérogène et que la « fistule », souvent assez anévrysmale, ne se drainait plus depuis longtemps que par des collatérales du fait d’une occlusion veineuse chronique. Certaines fistules radiales ne se drainent plus au coude que dans une veine perforante du fait de l’occlusion souvent ancienne de la veine basilique et de la veine céphalique au bras. L’occlusion de la fistule est alors souvent due à une sténose de cette veine perforante qu’il peut être très difficile de traiter efficacement en cas d’anatomie défavorable, en l’occurrence une veine récurrente décrivant une double boucle avant de retrouver les veines humérales profondes. Ce peut donc être une cause d’échec de la désobstruction si on ne retrouve pas de moignon de veine basilique recanalisable. Si l’obstacle veineux infranchissable est au-dessus du coude, on peut envisager de passer par voie veineuse fémorale, ce qui alourdit bien évidemment l’examen, pour cathétériser en direction de la veine sous-clavière et essayer de retrouver la veine artérialisée à partir de cet abord rétrograde.
Occlusion des veines centrales Une occlusion complète des veines sous-clavières ou brachio-céphaliques ne doit être traitée que s’il existe des caillots frais au contact, ce qui indique alors que cette sténose ou occlusion centrale est peut-être la cause de la thrombose de l’abord vasculaire périphérique. On pousse dans ce cas un long introducteur 9 F (45 cm) au contact de la veine sous-clavière et l’aspiration avec une sonde 9 F est en général très efficace (fig. 8A à H). L’intérêt de l’introducteur long est d’éviter d’avoir à chaque fois à recathétériser toute la veine périphérique avec la sonde d’aspiration pour arriver au contact des caillots centraux. Il est en revanche inutile et probablement défavorable de traiter les sténoses et occlusions chroniques des veines centrales s’il n’y a pas de thrombus au contact car cela signifie qu’elles existaient bien avant la thrombose aiguë de
Désobstruction des abords thrombosés la fistule et étaient parfaitement compensées par les collatérales. On a déjà expliqué que le pronostic des sténoses veineuses centrales asymptomatiques est globalement moins favorable quand on les dilate que lorsqu’on ne les dilate pas.
Danger des anastomoses au coude Le cathétérisme rétrograde de l’anastomose d’une fistule au coude est en général facile. Certaines fistules, notamment basiliques, développent cependant des sténoses anastomotiques très difficile à franchir, surtout si une petite dilatation anévrysmale s’est formée au contact comme cela peut se voir en cas de sténose développée sur une hypertrophie valvulaire. On doit bien garder à l’esprit qu’une dissection par fausse-route dans ce secteur peut se propager à l’artère humérale d’aval et entraîner une ischémie de main majeure si on l’aggrave en s’obstinant et en poussant des cathéters dans cette fausse-route, d’où les conseils qui suivent.
Échec de franchissement de l’anastomose artério-veineuse Si on ne parvient pas à retrouver le chemin de l’anastomose artério-veineuse à partir d’un accès veineux rétrograde, on peut essayer de se guider en échographie ou envisager une ponction de l’artère distale (radiale ou humérale) avec une aiguille 18 g afin de pouvoir opacifier le réseau artériel à la recherche du moignon anastomotique. Pour une fistule au coude, on ponctionne l’artère humérale 2 à 3 cm en dessous du moignon anastomotique pour cathétériser ce moignon anastomotique avec le couple sonde angulée-guide hydrophile angulé ou droit et pousser le guide suffisamment loin dans la veine artérialisée. Pour une fistule radiale, on ponctionne l’artère radiale distale 2 à 3 cm au-dessous de l’anastomose. Si l’artère radiale distale est de trop mauvaise qualité ou si l’anastomose est trop proche du poignet, on ponctionne l’artère humérale de manière antérograde et cathétérise l’artère radiale proximale sélectivement. Que ce soit dans les fistules au coude ou à l’avant-bras, on fait ensuite entrer le guide dans la lumière de l’introducteur « veineux » 8 ou 9 F positionné de manière rétrograde dans la veine (technique dite du « rendez-vous » puisqu’on va faire ressortir à la peau par la veine un guide entré par l’artère). Une fois le guide poussé dans et au contact de la valve de l’introducteur « veineux », on retire l’introducteur et on le repositionne sur le fragment de guide dépassant à travers la peau. On pousse ensuite une sonde 4 F à travers l’anastomose pour remplacer le guide hydrophile par un guide métallique de sécurité traversant l’anastomose et dont l’extrémité se retrouve dans l’artère afférente proximale ou distale. Toutes ces manœuvres deviennent plus aléatoires en cas d’origine isolée haute de l’artère radiale (15 à 20 % des patients).
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Du thrombus dans l’artère proximale La mise en évidence de caillots dans l’artère proximale en début d’examen traduit presque toujours qu’on est en face d’une anastomose termino-terminale, c’est-à-dire que l’artère distale est occluse ou de très petit calibre par rapport à l’artère proximale (fig. 9A, B, C). La thrombose de la veine s’est propagée dans l’artère d’amont jusqu’au niveau de la première branche musculaire assurant suffisamment de débit de dérivation pour éviter la stagnation du sang afférent. Cela se voit essentiellement sur les fistules de l’avant-bras et parfois au bras en cas de bifurcation artérielle humérale haute ou après un DRIL (voir chapitre 11 Ischémie de main). L’aspiration des caillots dans l’artère peut se faire en rétrograde à partir de la veine quand l’étendue de la thrombose artérielle est limitée à quelques centimètres, quand l’artère est assez grosse et quand l’angulation de l’anastomose n’est pas trop défavorable. Il peut être nécessaire de remplacer le guide de sécurité par un guide « stiff » de type Amplatz pour élargir l’angle anastomotique qui devient plus facile à cathétériser, puis de pousser la sonde 8 F en coaxial sur une sonde 5 F ou d’utiliser des sondes d’aspiration plus petites en 7 F ou 6 F. Ces manœuvres sur l’artère sont parfois très douloureuses. L’autre solution est d’utiliser un accès artériel huméral antérograde au coude (un peu osé en 8 F) pour descendre directement dans l’artère radiale qu’on cathétérise sélectivement. En désespoir de cause on peut piéger les caillots résiduels avec un stent autoexpansible de 6 mm de diamètre plus ou moins long qui doit suffisamment déborder dans la veine artérialisée pour éviter un conflit entre l’extrémité du stent et l’anastomose. En cas de plicature du stent à l’anastomose, on rouvre localement avec un ballon de 5 ou 6 mm de diamètre. Une thrombose extensive de l’artère radiale afférente peut être une cause d’échec et c’est peut-être l’un des rares cas où il faudrait parfois privilégier une fibrinolyse locale sur plusieurs heures du fait du caractère assez agressif des méthodes mécaniques sur une artère radiale ou relativement petite ou sinueuse déroulée sur elle-même.
Du thrombus dans l’artère radiale distale La mise en évidence de caillots dans l’artère radiale distale dès le début de l’examen indique qu’il s’agit d’une anastomose termino-terminale et que l’artère radiale proximale est occluse de longue date et que la fistule n’était déjà plus alimentée avant sa thrombose que par les collatérales cubitales et interosseuses (fig. 10A à F). Cette thrombose de l’artère radiale proximale a pu se développer spontanément ou a pu être réalisée délibérément par un chirurgien pour réduire un hyperdébit. Le néphrologue oublie souvent de le signaler dans sa demande et la majorité des patients est incapable de donner l’information. En cas de doute, il est souvent possible en fin d’examen d’opacifier l’ensemble des artères de l’avant-bras par reflux jusqu’au niveau de l’artère humérale pour vérifier l’interruption spontanée ou chirurgicale de l’artère radiale proximale.
Désobstruction des abords thrombosés Anévrysmes L’existence d’anévrysmes veineux peut considérablement compliquer l’acte interventionnel. Les manœuvres de cathétérisme de base sont plus difficiles mais c’est surtout la phase de retrait des caillots qui peut s’avérer désespérante. Le degré de difficulté est imprévisible. Le retrait des caillots dans les zones anévrysmales peut être très facile s’ils sont frais. Le contact entre l’extrémité de la sonde d’aspiration et le thrombus est facilité si on exerce dans le même temps une compression manuelle sur l’anévrysme (fig. 4B). Les problèmes commencent quand les caillots sont vieillis et collés à la paroi de la coque anévrysmale. Ces caillots vieillis peuvent être très compacts, résistants tant à la lyse chimique qu’au retrait mécanique mais ils peuvent malheureusement se détacher partiellement secondairement et s’emboliser dans le lit d’aval où ils entraînent la rethrombose de la fistule si leur calibre est supérieur au diamètre de la veine de drainage. Laisser des caillots résiduels bavant dans la lumière anévrysmale est donc une source potentielle de rethrombose précoce. Il n’y a souvent pas d’autre moyen que d’exclure l’anévrysme par la mise en place, quand cela est possible, d’un stent assez long ancré en amont et en aval de la zone anévrysmale (fig. 11A à D). Quand l’anévrysme est très gros, il y a un danger que le stent instable se plicature ou s’enroule dans l’anévrysme et que le raccourcissement qui en découle fasse perdre le segment d’ancrage du stent sur la veine d’aval ou d’amont, d’où rethrombose. Une dégénérescence anévrysmale globale de la veine artérialisée peut être considérée comme une contre-indication à la désobstruction, et ce d’autant que les néphrologues auraient théoriquement dû prendre les devants et demander au chirurgien d’intervenir. Une désobstruction réussie malgré les anévrysmes et avec ou sans stent invite presque toujours à discuter de l’avenir de la fistule de manière multidisciplinaire pour envisager soit la correction chirurgicale des anévrysmes, soit un abandon programmé de la fistule après création d’un nouvel abord vasculaire.
« Vieilles fistules » Les fistules qui ont fonctionné plus de 10 ans sans problème et sans avoir jamais été dilatées peuvent réserver de désagréables surprises. Ce sont surtout des fistules natives à l’avant-bras (fig. 12A à D). La veine est souvent calcifiée et anévrysmale dans le secteur anastomotique. Cela rend cathétérisme et retrait des caillots difficiles à impossibles. Le recours aux stents pour ouvrir et piéger le tout est fréquent dès qu’on a réussi à passer un guide. L’artère proximale est souvent occluse de longue date et la fistule n’est plus alimentée que par l’artère distale, ce qui n’est pas un élément défavorable. Le drainage veineux au coude repose parfois sur une petite veine perforante grêle qu’il peut être impossible de rouvrir correctement et il est rarement possible de retrouver un moignon de veine basilique recanalisable.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Montages en boucle Ces « loop » des anglophones sont le plus souvent prothétiques. Le cathéter d’aspiration peut se plicaturer si la concavité de la boucle est trop serrée et un troisième introducteur est parfois nécessaire. Le risque de ces boucles est de rendre malaisé le traitement d’éventuelles embolies iatrogènes dans les artères de l’avant-bras car l’angulation de l’anastomose artérielle est défavorable pour le passage du cathéter d’aspiration. En cas d’embolie artérielle on est souvent obligé de ponctionner l’artère humérale dans le sens antérograde et de mettre au minimum un introducteur 6F pour descendre une sonde d’aspiration. On neutralise alors l’héparine (sulfate de protamine dose pour dose, contre-indiqué avec certaines formes d’insuline injectable) avant le retrait de cet introducteur artériel huméral direct pour limiter le risque d’hématome ou de faux-anévrysme.
Membres inférieurs La désobstruction des abords vasculaires aux membres inférieurs obéit aux mêmes principes. Le risque ischémique concerne dès lors la jambe, avec la nécessité d’un abord artériel antérograde en cas d’embolie artérielle iatrogène qui peut être plus que difficile chez les obèses.
Plicatures et piégeages La plicature de la sonde d’aspiration arrive plus ou moins vite et peut rendre l’aspiration inefficace. On n’hésite pas à prendre une sonde neuve, éventuellement de courbure sensiblement différente pour réussir à détacher et aspirer certains caillots rebelles. Le piégeage de caillots dans la valve de l’introducteur est fréquent (fig. 1M). On peut l’ignorer et continuer à pousser et à retirer les sondes d’aspiration mais on peut aussi passer un guide dans l’introducteur, le retirer, le purger puis le réintroduire.
Encombrement L’un des introducteurs 8 F ou 9 F peut gêner la progression du cathéter d’aspiration poussé à partir de l’autre introducteur. On remet alors le dilatateur sur guide dans cet introducteur encombrant qu’on retire pour ne laisser dans la veine que l’extrémité du dilatateur (fig. 11).
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AUTRES TECHNIQUES DE THROMBECTOMIE L’approche pharmacologique pure est encore utilisée dans certains centres avec perfusion de thrombolytiques sur plusieurs heures et hospitalisation de nuit. Dans les montages prothétiques, le « pulse-spray » avec les nouvelles molécules thrombolytiques ou avec du sérum salé a encore beaucoup d’adeptes tout comme la technique du « lyse and wait ». Parmi les méthodes purement mécaniques, le dispositif le plus vendu aux ÉtatsUnis est le « Percutaneous Thrombectomy Device » d’Arrow-Trerotola, utilisable dans les fistules natives comme dans les pontages [29], avec un modèle sans guide et un modèle monté sur guide. L’inconvénient essentiel de cet appareil est son coût (environ 500 €). Le marché des « machines à désobstruer » est fluctuant et évolutif. Les données de la littérature n’ont jamais établi la supériorité de tous ces appareils coûteux sur la thromboaspiration manuelle, une technique néanmoins soumise comme toutes les techniques à une courbe d’apprentissage.
RETHROMBOSES PRÉCOCES Les thromboses récidivant dans le mois ne sont pas rares dans les montages prothétiques (20 à 68 % des cas selon les séries), peu fréquentes dans les fistules natives. On recherche une cause anatomique, en l’occurrence une sténose résiduelle par dissection ou recoil, une resténose précoce ou un thrombus résiduel collé à la paroi et qui a pu se détacher secondairement pour s’emboliser dans le lit d’aval (pas exceptionnel dans les fistules avec anévrysme). Souvent hélas, notamment dans les goretex, on ne trouve aucune anomalie anatomique patente et on recherche un état d’hypercoagulabilité anormale, d’hypotension ou d’hypodébit cardiaque chronique. On suggère alors de vérifier le poids sec du patient, son état cardiaque et de mettre temporairement ou définitivement le malade sous AVK pour obtenir un INR entre 2 et 3. Certains dialysés sont toutefois difficiles à équilibrer et il peut arriver d’être amené à désobstruer un abord vasculaire 4 fois en 2 mois avant d’arriver à un équilibre qui a permis ensuite de garder l’abord vasculaire perméable sans réintervention pendant de nombreux mois. On doit donc savoir persévérer et ne pas céder trop vite à la tentation du cathéter à demeure. Les bilans hématologiques d’hypercoagulabilité sont souvent décevants dans leurs résultats.
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Fig. 1 – A. Cette fistule radiale gauche thrombosée créée 4 ans auparavant présente une légère dégénérescence anévrysmale des deux sites de dialyse, ce qui facilite la ponction initiale à l’aveugle de la veine et le positionnement d’un guide dans la lumière vasculaire. La longue cicatrice indique que la veine a probablement été superficialisée. B. À partir d’une ponction antérograde de la veine thrombosée, un cathéter est poussé sur guide en direction du retour veineux jusqu’aux veines centrales puis retiré tout en injectant un peu d’iode. La thrombose s’arrête dans le cas présent avant le coude, la veine basilique et la veine céphalique du bras sont restées perméables. C. À partir d’une ponction rétrograde de la veine thrombosée, un cathéter diagnostic est descendu au contact de l’anastomose. L’injection locale opacifie l’artère radiale proximale restée perméable car débitant dans l’artère distale. D. Cette vue montre les deux introducteurs 8 F en place dans la veine artérialisée, avec le guide de sécurité « veineux » sortant directement à la peau par le même orifice que l’introducteur « veineux » (flèche).
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I Fig. 1 – E. Les quatre étapes de la mise en place d’un guide de sécurité. F. Cette vue en scopie montre le cathéter d’aspiration en action dans la zone de thrombose la plus centrale de la veine, poussé en parallèle sur le guide de sécurité. G. La seringue de 50 mL est en aspiration et retire un mélange de caillots et de sang. H. Aspect habituel des caillots aspirés par la seringue purgée sur une compresse. I. La partie « haute » (la plus « centrale ») de la thrombose a été traitée et le produit de contraste stagne au contact de la sténose qui a entraîné l’occlusion du montage (flèche). On peut maintenant aller aspirer les caillots proches de l’anastomose et pour cela passer par l’introducteur « artériel ».
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J. Cette vue montre les deux introducteurs avec les deux guides de sécurité sortant directement à la peau par le même orifice que leur introducteur. K. Il s’agit de l’image en scopie de la sonde d’aspiration au contact des caillots encore présents à l’anastomose. On voit aussi le guide de sécurité « artériel » passant à travers l’anastomose et remontant dans l’artère humérale ou axillaire. L. L’introducteur « veineux », qui gênait les manœuvres d’aspiration en direction de l’anastomose, a été ici partiellement retiré après avoir remis son dilatateur sur le guide de sécurité laissé en place dans la veine cave. M. Un fragment de caillot est ici piégé dans la valve hémostatique de l’introducteur. On peut continuer à aspirer en l’ignorant mais on peut aussi retirer l’introducteur sur guide, le purger sur table pour chasser le thrombus puis le remettre en place dans la veine.
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Fig. 1 – N. L’anastomose a été libérée à son tour mais la fistule ne circule toujours pas car un thrombus a été poussé par le flux rétabli vers la sténose veineuse d’aval. O. Après avoir remis un guide de sécurité, on repousse la sonde d’aspiration par l’introducteur « veineux » pour aspirer ce caillot embolisé dans la sténose d’aval. P. L’angiographie montre maintenant un aspect en queue de radis de la sténose qui indique qu’il n’y a plus de thrombus significatif et qu’il est temps de dilater. Q. La sténose est dilatée avec un ballon « Conquest » de 10 mm monté à 30 atm. R. La dilatation a entraîné de petits dégâts pariétaux justifiant un ballonnage de 2 minutes à basse pression. S. Alors qu’on pensait l’examen terminé, on s’aperçoit qu’il reste un thrombus mural significatif et qui pourrait entraîner la réocclusion de la fistule s’il se détachait et s’embolisait dans la veine d’aval. T. L’aspect final est, cette fois, correct après aspiration du thrombus résiduel. U. L’aspect final sur l’anastomose montre encore un thrombus mural plaqué contre la paroi qu’on juge, lui, non menaçant et qu’on laisse en place à juste titre puisque la fistule ne se rethrombosera pas à brève échéance.
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Fig. 2 – A. La thrombose de cette fistule huméro-basilique superficialisée au bras droit s’arrête au tiers supérieur du bras, en aval immédiat d’une sténose développée comme souvent en fin de superficialisation de la veine. B. Un cathéter est descendu à l’anastomose (flèche) à partir d’une ponction rétrograde de la veine thrombosée puis remonté dans l’artère humérale proximale. Cette injection montre que les trois artères de l’avant-bras sont présentes et correctes. On reconnaît le moignon d’une tentative de création de fistule plus distale sur l’artère radiale (double flèche). C. Après une 1re série d’aspirations sur le retour veineux, on met ici en évidence un caillot résiduel intriqué avec la sténose de fin de superficialisation de la veine basilique (flèche). Le guide qu’on voit se projeter en dehors de la lumière veineuse opacifiée est le guide de sécurité « artériel » placé à travers l’anastomose et remontant dans l’artère axillaire ou sous-clavière. D. Le caillot résiduel a finalement été aspiré. La sténose veineuse n’apparaît pas si sévère car elle a déjà été prédilatée mécaniquement (« dotterisée », du nom de Dotter, le radiologue qui dans les années 1960 dilatait avec des cathéters rigides de diamètre croissant) par les passages répétés de la sonde 8 F.
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G
I
J E. On s’intéresse maintenant au secteur anastomotique où le caillot local s’avère très résistant à l’aspiration. Une angulation locale complique par ailleurs l’usage du cathéter d’aspiration. F. On se décide en désespoir de cause à dilater pour faciliter le détachement de cet « arterial plug ». On limite la taille du ballon à 6 mm, comme souvent en cas de sténose anastomotique dans une fistule au coude. G. Le geste de dilatation/fogartysation au ballon s’avère efficace puisque le thrombus a disparu (parti s’emboliser dans les poumons). H, I. Le résultat angiographique final est bon sur la veine artérialisée jusqu’aux veines centrales après dilatation de la sténose de fin de superficialisation à 8 mm. J. Le contrôle final sur le lit artériel d’aval objective en revanche une petite embolie iatrogène dans l’artère interosseuse (flèche), sans conséquence dans le cas présent puisque les artères radiale et cubitale sont libres et saines. Il serait plus dangereux qu’utile de chercher à traiter cette embolie. On reconnaît toujours une ancienne anastomose radiale (double flèche).
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse
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A B
C
D
Fig. 3 – A. Ce goretex en ligne à l’avant-bras droit a été mis en place pour réduire le débit d’une fistule basilique qui entraînait une ischémie de main (intervention de « distalisation de l’anastomose »). Ce goretex s’est thrombosé et a été aspiré. Reste comme souvent un caillot très dur et très compact à l’anastomose qui se fait ici avec l’artère radiale. B. On approche le cathéter d’aspiration au contact du caillot. C. L’aspiration va ici avoir pour effet de détacher « l’arterial plug » qui est transitoirement poussé un peu plus en distalité. D. Le flux pousse finalement le caillot en aval dans le goretex (flèche) où il pourra être aspiré plus facilement.
Désobstruction des abords thrombosés A
B
C
D
Fig. 4 – A. Il s’agit ici d’un caillot résistant à l’aspiration dans le segment anévrysmal juxta-anastomotique une fistule radiale gauche. B. L’astuce est de comprimer fortement la veine et le caillot avec un doigt (flèches) pendant l’aspiration pour faciliter le contact entre sonde d’aspiration et caillot. C. Le caillot a été partiellement aspiré mais surtout détaché. Il est poussé par le flux dans le lit d’aval où il peut être plus facilement aspiré puisqu’il est maintenant libre et non plus collé à la paroi. D. Le résultat final montre que la totalité du caillot a été retirée.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse
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A
B E
C
D Fig. 5 – A. L’angiographie de départ montre que l’artère humérale distale et les artères de l’avantbras sont perméables dans cet acte de désobstruction d’une fistule basilique au bras droit. On reconnaît l’anastomose (flèche) ainsi que le moignon d’une ancienne anastomose plus distale avec peut-être un thrombus à son niveau (double flèche). B. En fin de désobstruction de la fistule, on s’aperçoit qu’on a involontairement poussé des caillots dans l’artère humérale distale qui est interrompue. C. On descend donc prudemment une sonde 8 F au contact de cette embolie iatrogène. D. L’aspiration est un succès puisqu’on a réouvert l’artère humérale tout en vérifiant qu’on n’avait pas poussé de caillot plus distalement dans les artères de l’avant-bras. E. Cette angiographie finale de la veine basilique montre une sténose relative et un anévrysme près de l’anastomose qui expliquent les difficultés rencontrées pour aspirer les caillots juxta-anastomotiques et l’embolie iatrogène qui en a résulté.
Désobstruction des abords thrombosés
A B
C
D
F E Fig. 6 – A. On décide de fermer l’orifice de ce désilet 8 F avec un fil en raison des anticoagulants injectés. On utilise un fil de suture n°2 sur aiguille droite. B. Le 1er passage de l’aiguille se fait en attaquant le tunnel sous-cutané entre la paroi de la veine et le trou de l’introducteur et en ressortant 5 mm plus à distance de la veine. Si la 1re ponction est sanglante, c’est probablement qu’on a embroché la paroi de la veine et on recommence en s’en éloignant. C. On repique ensuite en formant un « U » ouvert vers la veine tout en englobant l’orifice du désilet. D. On interpose un fragment de plastique (couper l’extrémité du dilatateur du désilet) de 2 à 3 cm dans la base du « U ». E, F. Faire trois nœuds tout en retirant le désilet. Si un peu de sang continue à suinter, on tourne le plastique bleu légèrement dans le sens des aiguilles d’une montre jusqu’à obtenir l’hémostase parfaite et fixer avec des tissus adhésifs. Pour retirer le fil, il suffira de le couper sur le fragment de plastique bleu et tout viendra.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse
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Fig. 7 – Les premiers centimètres de cette fistule humérocéphalique gauche thrombosée sont restés perméables en raison de l’existence d’une collatérale, en l’occurrence la veine céphalique accessoire de l’avant-bras perfusée à contre-courant.
A
C
B
D
Fig. 8 – A. Une fistule radiale a été créée du même côté qu’un pacemaker, ce qu’on évite en général, et un œdème handicapant de l’ensemble du membre supérieur droit s’est développé alors que la fistule a initialement fonctionné sans problème pendant 17 mois. L’explication réside dans ce qui semble être une sténose de la veine sous-clavière au contact des électrodes du PM. B. On dilate la veine sous-clavière à 12 mm. C. L’angiographie après dilatation est pire que l’angiographie de départ. D. Pour comprendre ce qui se passe (recoil ou thrombus ?), on monte une sonde diagnostique 5 F en parallèle avec le guide utilisé pour dilater et l’opacification in situ montre la présence de caillots fragmentés.
Désobstruction des abords thrombosés
E
F
G
H
E. On met en place un long introducteur 9 F de 45 cm dont l’extrémité arrive au contact de la veine axillaire tout en laissant un guide de sécurité dans la veine cave supérieure. On réalise une 1re salve d’aspirations. F. Ce contrôle angiographique intermédiaire montre la persistance de thrombus. G. Ce 2e contrôle intermédiaire montre qu’il n’y a presque plus de caillots. H. Le contrôle angiographique final confirme que tout le thrombus a été retiré et qu’il existe une légère sténose résiduelle de la veine sous-clavière. Mettre un stent piégeant les électrodes du PM n’était pas la meilleure stratégie. Un nouvel abord vasculaire a été créé sur le membre opposé. A
B
C
Fig. 9 – A. Le retrait des caillots a été facile sur le versant veineux de cette fistule radio-céphalique haute à l’avant-bras gauche dont l’anastomose est de type termino-terminal. La conséquence est que l’artère radiale proximale s’était également thrombosée. Il était malaisé de faire suivre le cathéter d’aspiration à travers l’angle aigu de l’anastomose artério-veineuse. B. Dans le cas présent, il a été possible de piquer directement l’anastomose en direction de l’artère pour y aspirer le thrombus. C. Le contrôle angiographique final montre l’absence d’embolie iatrogène dans les artères cubitale et interosseuse.
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A
B
C
D
E
F
Fig. 10 – A. La thrombose de cette fistule radio-céphalique gauche épargne la veine dans son tiers supérieur à l’avant-bras. B, C. On a en revanche la surprise d’objectiver du thrombus dans l’artère radiale distale en amont de sa bifurcation terminale au poignet. D, E, F. Le résultat final après aspiration/dilatation est bon. On confirme l’occlusion de l’artère radiale proximale qui n’a jamais pu être opacifiée à partir de la fistule. Sous compression manuelle de la veine, on opacifie en revanche par reflux toutes les collatérales de suppléance provenant de l’artère interosseuse.
Désobstruction des abords thrombosés
A B
C
D
Fig. 11 – A. Cette fistule radiale gauche thrombosée a été créée 11 ans auparavant et présente une dégénérescence anévrysmale impressionnante du site veineux de dialyse. B. Le retrait des caillots dans cette boule anévrysmale (flèches) relève de la mission impossible. C. La seule solution est de « ponter » la base de l’anévrysme (flèche double) dans l’axe de la veine artérialisée avec un stent qui va également recouvrir la sténose d’aval immédiat (flèche). D. Le résultat angiographique final est correct. Cette fistule a été confiée au chirurgien dans les semaines suivantes pour remplacer les anévrysmes par un pontage veineux autologue.
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse
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A
B
C
D
Fig. 12 – A. Cette fistule cubito-cubitale (ou « ulnaire-basilique ») a fonctionné pendant 23 ans avant de se thromboser. Le cathétérisme veineux rétrograde peine à retrouver le chemin de l’anastomose en raison des calcifications mais on arrive à opacifier l’artère cubitale. B. La progression de la sonde d’aspiration 7 F est très laborieuse dans la sinuosité sténosée proche de l’anastomose. C, D. On parvient à aspirer le thrombus anastomotique et à libérer la veine d’aval au coude. On doit néanmoins se résoudre à piéger des caillots résiduels intriqués dans la sténose calcifiée avec un stent (flèches).
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Occlusion percutanée des abords d’hémodialyse L. Turmel
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Alors que les spécialistes de l’endovasculaire se battent à rouvrir ou à maintenir ouverts les abords vasculaires victimes des sténoses, on doit exceptionnellement utiliser la voie percutanée pour les fermer lorsque l’état anatomique local, le plus souvent un œdème du bras, rend la chirurgie conventionnelle peu souhaitable. On a historiquement utilisé des coils ou des ballons détachables en cas de sténose sur le retour veineux empêchant leur migration pulmonaire. On dispose autrement aujourd’hui des plugs d’Amplatz qui ont fait déjà l’objet d’un nombre significatif de publications dans les journaux de radiologie interventionnelle [1], avec des taux de succès très élevés pour des indications parfois peu compréhensibles.
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L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
Complications cliniques pendant et après les actes endovasculaires
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L. Turmel
Le premier élément à vérifier chez tout dialysé cliniquement inquiétant pour quelque raison que ce soit est la kaliémie. On peut avoir de grandes surprises, même lorsque le patient a été dialysé le matin même. Rappelons qu’il est déraisonnable de pratiquer un examen au-delà de 6 mmol/L. De même, la glycémie est le premier élément à vérifier chez un patient diabétique, même si les infirmières ont trouvé un chiffre rassurant une demi-heure auparavant… La pression artérielle systolique dépasse souvent les 200 mmHg chez ces patients qui arrivent parfois à jeun et n’ont pas pris leurs médicaments. Les néphrologues déconseillent l’usage de la nicardipine en intraveineux, car cela risque d’abaisser trop brutalement la pression systolique, et conseillent plutôt un comprimé de 25 mg de captopril en sublingual. Au moment de l’anesthésie locale, en dehors de toute anaphylaxie, le passage d’un peu de Xylocaïne® dans la circulation générale est en règle sans conséquence et va simplement entraîner une sensation de chaleur en artériel ou se manifester par un vertige transitoire avec baisse temporaire de l’audition. Une réaction vagale peut toujours se voir en réaction aux premières ponctions chez ces patients très sensibles au niveau cutané. On doit bien évidemment penser à une réaction allergique au produit de contraste chez un patient commençant à s’agiter, à chuter sa tension ou à désaturer dans les minutes suivant la première injection iodée (cf. fiche de la SFR). Les vomissements en réaction à l’injection iodée sont devenus rares. En revanche, nausées et tremblements ne sont pas exceptionnels en toute fin d’examen, pendant la compression finale des points de ponction. Leur origine psycho-somatique est problable. Le patient crispé pendant tout le geste interventionnel semble « se lâcher » une fois qu’on lui a annoncé que tout était terminé et s’était bien passé. Une saturation basse en oxygène peut inciter à regarder le parenchyme pulmonaire en scopie et à découvrir un gros foyer pulmonaire méconnu. Quand un patient se met soudainement à présenter un « malaise » inexpliqué, voire à convulser chez un patient non scopé, on vérifie que l’extrémité du guide n’est pas au contact du ventricule droit à provoquer un trouble du rythme. Des douleurs thoraciques après l’examen doivent bien évidemment faire rechercher une ischémie myocardique, fréquente chez ces patients et non particulièrement due à la procédure elle-même. On doit néanmoins penser à l’hémopéricarde qui peut résulter de l’agression d’un guide sur la paroi de l’oreillette droite. L’hémopéricarde est aussi une complication potentielle grave des dilatations de la veine cave supérieure. La rupture de la veine en cours de dilatation n’est pas exceptionnelle. Elle peut toutefois être très difficile à gérer si on a malencontreusement retiré le guide ou L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse lorsqu’elle intéresse la veine à l’anastomose car il y a peu ou pas de place pour mettre un stent. Mettre un ballon occlusif dans l’artère humérale et demander au chirurgien ensuite de lier la fistule peut être exceptionnellement nécessaire. Une complication rare est la rupture de la peau en cas de dilatation dans une zone de ponction où la peau est fragilisée par les agressions locales tri-hebdomadaires. On doit alors mettre un ballon occlusif dans l’artère afférente, suturer la peau et mettre un stent couvert si la suture ne suffit pas à restaurer l’étanchéité cutanée. L’essentiel est de maîtriser la rupture en attendant une reprise chirurgicale si la cicatrisation cutanée ne se fait pas. Une complication assez nouvelle vient de nous arriver à deux reprises chez des patients nonagénaires : une longue déchirure de la paroi veineuse anormalement fragile lors du retrait de l’introducteur, extrême fragilité certainement due à la sénescence. Une compression locale prolongée a réussi à maîtriser le problème dans un cas, la ligature de la fistule sur table a été nécessaire dans le deuxième cas, ligature faite par le passage à travers la peau d’un fil qui a noué la veine juxtaanastomotique. L’ischémie de main est une complication potentiellement redoutable des dilatations un peu trop généreuses ou trop bien réussies sur des fistules principalement au coude. Le diagnostic peut être retardé et la gravité sous-estimée dans les salles de dialyse. Un œdème du bras peut apparaître après dilatation d’une sténose périphérique si l’augmentation de débit qui en résulte n’est pas suffisamment absorbée par un réseau collatéral qui compensait jusqu’alors fort bien une sténose veineuse centrale. Un œdème pulmonaire aigu peut compliquer une dilatation veineuse centrale si l’état cardiaque du patient n’est pas en mesure d’absorber le retour dans la circulation générale de l’eau jusqu’alors piégée dans le bras. Un stent sous-dimensionné peut migrer dans le cœur droit et induire un trouble du rythme. L’infection d’un stent est toujours possible et il a déjà été rapporté que des stents peuvent s’ulcérer à la peau. La thrombose de la fistule dans les heures ou jours suivant la dilatation d’une fistule arrivée anormale mais perméable est une complication particulièrement vexante, surtout si le but de la dilatation était d’éviter une thrombose de la fistule du fait d’une baisse de son débit. On retrouve en général une cause anatomique à type de dissection de la sténose dilatée et il est alors prudent de recourir à un stent pour éviter la rechute. Les complications spécifiques aux actes de désobstruction sont les embolies cruoriques pulmonaires ou artérielles. Un certain degré d’embolie pulmonaire est presque inévitable pendant la désobstruction d’un abord thrombosé mais son caractère très modéré ne doit jamais la rendre symptomatique pour peu qu’on ait pris soin d’injecter un peu d’héparine au début de l’examen pour limiter le risque de bronchospasme. Une main froide, engourdie puis douloureuse, fait évoquer une embolie (voire une dissection) artérielle iatrogène si on n’a pas pris le soin de vérifier l’intégrité des artères de l’avant-bras après désobstruction d’une fistule au coude. Le diagnostic n’est parfois fait que dans les heures suivant l’examen et on doit bien évidemment reprendre très rapidement le patient pour aspirer
Complications cliniques pendant et après les actes endovasculaires l’embolie méconnue. La possibilité d’un accident vasculaire cérébral par embolie paradoxale à travers un foramen ovale trop perméable a été rapportée dans la littérature. Une infection locale ou généralisée peut compliquer une faute d’asepsie, toujours possible durant les gestes longs. C’est à la suite de quelques septicémies parfois fatales au début de l’expérience de radiologues à la fin des années 1980 qu’on a fortement suggéré une antibioprophylaxie systématique pendant les gestes interventionnels de récupération des fistules thrombosées. On a aussi un peu abusé des anticoagulants dans la suite des premières désobstructions, dans les années 1980, avec pour conséquence la survenue de quelques hémorragies systémiques ou à partir des points de ponction qui se sont avérées gravissimes. Une perte sanguine significative peut résulter d’actes de désobstruction difficiles où les manœuvres de thromboaspiration répétées ont ramené à chaque fois un peu trop de sang pour peu de caillot. Une rupture majeure avec hématome extensif peut aussi retentir sur l’hématocrite. Des faux-anévrysmes aux points de ponction et dans les zones dilatées peuvent se développer en quelques jours. Une complication rare mais redoutable peut survenir après ponction artérielle au coude chez les malades sous anticoagulants : un hématome de la gaine du nerf médian résultant de sa ponction accidentelle, ce qui peut entraîner des douleurs fulgurantes résiduelles pendant des années. On évite donc de piquer l’artère au coude chez les patients sous AVK à moins de ponctionner sous échographie et d’être certain d’éviter le nerf médian. Une nécrose cutanée peut se voir au point de ponction, en particulier après mise en place d’un fil de suture qu’on ne doit pour cette raison jamais laisser en place plus de 48 heures. Cette nécrose locale est sans gravité si on a pris le soin de tunnelliser au moment de la ponction. Une inflammation transitoire des glandes salivaires (oreillons à l’iode) est possible mais souvent méconnue, à l’inverse des urticaires géantes en réaction probable au produit iodé qui sont parfois impressionnantes et invitent à changer de molécule à l’avenir.
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Résultats des actes de radiologie interventionnelle
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L. Turmel
Les résultats publiés dans la littérature internationale sur les taux de succès et de perméabilité après dilatation, stent ou désobstruction sont d’une très grande hétérogénéité, car il y a de très grandes variations dans les populations étudiées et dans les présentations statistiques. La localisation et la nature de l’abord vasculaire (avant-bras/bras, native/prothétique), la localisation des sténoses (artère/veine, périphérique/centrale), l’âge, le sexe, l’ethnie des patients, l’âge de l’abord vasculaire et des patients, l’ancienneté en dialyse, le nombre d’abords vasculaires antérieurs et les comorbidités (diabète, tabac, hypertension, obésité, pathologies cardio-vasculaires…) sont autant d’éléments susceptibles d’influer sur le succès des actes de radiologie interventionnelle et le devenir des abords vasculaires. Beaucoup de séries publiées portent par ailleurs sur de petits nombres de patients, ce qui réduit considérablement la valeur statistique des chiffres bruts annoncés, et certains auteurs ont de toute évidence beaucoup de problèmes avec les statistiques. C’est pour cette raison que les sociétés savantes ont commencé à publier des « reporting standards » [1, 2], c’est-à-dire des recommandations sur la façon de sérier les malades et de présenter les résultats, ce qui aide à moins comparer des pommes et des oranges… Ce qui ressort globalement de la littérature, c’est qu’il vaut mieux dilater une fistule à froid que de la désobstruer dans l’urgence (tableaux I et II) et que les résultats sont meilleurs sur des fistules matures que sur des fistules immatures. Il semble aussi que les sténoses artérielles récidivent moins que les sténoses veineuses [3]. Les interventions sur les goretex, quant à elles, donnent de meilleurs résultats initiaux mais les plus mauvais à moyen et long termes. Dans le traitement des abords thrombosés, les résultats publiés indiquent qu’il est en général plus facile de désobstruer un montage prothétique qu’une fistule native mais que les taux de perméabilité primaire se croisent ensuite assez rapidement car les prothèses ont beaucoup plus tendance à se réocclure que les fistules natives. Dans la seule série comparative publiée en 2000 [4], échecs initiaux inclus, les taux de perméabilité primaire à 1 an après désobstruction étaient de 50 % pour les fistules natives de l’avant-bras, 35 % pour celles du bras et 25 % seulement pour les montages prothétiques. Les réinterventions, plus fréquentes dans les montages prothétiques, permettent néanmoins de maintenir perméables plus de 70 % des montages dans certaines séries. Entre des mains entraînées, les taux de succès techniques et cliniques sont aujourd’hui supérieurs à 95 % pour tous les types d’abords vasculaires, ce qui fait encore davantage ressortir la supériorité des fistules natives de l’avant-bras avec le temps. L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Tableau I – Taux de succès et de perméabilité (%) publiés après dilatation de sténoses sur abords vasculaires encore perméables (fistules immatures exclues). Prothèses
Veines natives
85-90
91-95
– primaire à 6 mois
38-63
57-67
– primaire à 12 mois
23-44
35-51
– secondaire à 12 mois
81-82
82-85
Succès clinique Perméabilités
Tableau II – Taux de succès et de perméabilité (%) publiés après désobstruction des abords vasculaires (fistules immatures exclues). Prothèses
Veines natives
75-94
76-93
– primaire à 3 mois
37-58
36-89
– primaire à 6 mois
18-39
18-70
– secondaire à 6 mois
62-80
65-84
— secondaire à 12 mois
57-69
51-81
Succès clinique Perméabilités
Les résultats après stents sont très contradictoires, partagés entre ceux qui affirment qu’ils améliorent les résultats et ceux qui affirment qu’ils n’apportent rien en dehors du contrôle de certaines complications immédiates. Une série prospective a rapporté en 2010 des résultats un peu meilleurs à court terme pour les stents couverts par rapport à la dilatation simple à l’anastomose veineuse des goretex non thrombosés [5]. Malheureusement, de plus en plus de voix s’élèvent pour mettre en doute l’intérêt à dilater préventivement ces anastomoses veineuses en arguant que cela ne diminue pas le taux de thromboses et n’améliore pas la survie des montages et des malades…
RÉFÉRENCES 1. Gray R, Sacks D, Martin L, and the members of the Society of Interventional Radiology technology assessment committee (2003) Reporting standards for percutaneous interventions in dialysis access. J Vasc Interv Radiol 10 : 1405-15 2. Sidawy A, Gray R, Besarab A et al. (2002) Recommended standards for reports dealing with arteriovenous hemodialysis accesses. J Vasc Surg 35 : 603-10 3. Turmel-Rodrigues L, BoutinJ, Camiade C et al. (2009) Percutaneous dilation of the radial artery in nonmaturing autogenous radial-cephalic fistulas for haemodialysis. Nephrol Dial Transplant 24 : 3782-8
Résultats des actes de radiologie interventionnelle 4. Turmel-Rodrigues L, Pengloan J, Baudin S et al. (2000) Treatment of stenosis and thrombosis in haemodialysis fistulas and grafts by interventional radiology. Nephrol Dial Transplant 15 : 2029-36 5. Haskal Z, Trerotola S, Dolmatch B (2010) Stent graft versus balloon angioplasty for failing dialysis-access graft. N Engl J Med 362 : 494-503
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Annexes B. Mankikian, C. Renaud et L. Turmel
ANNEXE 1 – L’ANESTHÉSISTE ET LES ACTES ENDOVASCULAIRES SUR L’ACCÈS VASCULAIRE DES DIALYSÉS B. MANKIKIAN La dilatation de fistules artério-veineuses est un acte de radiologie interventionnelle réalisé en ambulatoire qui n’exige que rarement une sédation et une analgésie intraveineuse pendant le geste. La plupart des actes sont simplement accompagnés d’une administration ciblée de protoxyde d’azote (MEOPA). Les malades n’ont dans ce cas pas besoin d’être à jeun ni de voir l’anesthésiste en consultation préalable. Lorsqu’une analgésie intraveineuse est requise ou souhaitée par le malade, les caractéristiques sont ceux d’actes d’anesthésie réalisés hors bloc opératoire avec une anesthésie intraveineuse nécessaire mais variable en profondeur, avec des phases douloureuses imposant une analgésie ciblée sur des patients parfois fragiles présentant souvent des comorbidités élevées (ASA 3 ou 4). La sécurité du patient pendant le geste doit être assurée tant d’un point de vue technique qu’organisationnel. La salle de radiologie interventionnelle est équipée au standard d’un bloc opératoire et les surveillances per- et postinterventionnelles identiques à celle d’une intervention chirurgicale. Le circuit patient intègre la consultation d’anesthésie préalable, en particulier pour définir le cadre de la prise en charge anesthésique à travers une organisation humaine et technique parfaitement définie. Le patient doit arriver impérativement à jeun le jour de l’examen, à l’exception des médicaments essentiels qui doivent être pris dans très peu d’eau. La sédation intraveineuse, avec maintien d’un niveau de conscience aux stimulations verbales et de la ventilation spontanée, est le mode anesthésique le plus souvent utilisé. L’objectif est un patient calme, coopérant et confortable au cours du geste de radiologie interventionnelle. Cette sédation fait appel à plusieurs classes d’anesthésiques utilisés en combinaison : • les hypnotiques, dont les plus utilisés sont le midazolam, benzodiazépine de choix avec un effet sur la mémorisation, et le propofol dont les avantages sont la qualité du réveil et le rôle antiémétisant ; • les morphiniques, nécessaires lors des phases douloureuses, avec recours au sufentanyl ou au rémifentanil à des doses permettant le maintien de la ventilation spontanée ;
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse • la kétamine à faible dose peut être utilisée en association à ces deux classes pour son effet antihyperalgique. L’administration se fait soit en bolus itératifs adaptés aux temps interventionnels, soit en intraveineux continu à l’aide d’un pousse-seringue conventionnel ou en mode SIVOC (sédation intraveineuse à objectif de concentration). La dépression respiratoire pendant l’acte interventionnel est une constante de l’effet des anesthésiques et impose l’enrichissement en oxygène de l’air inspiré par le biais d’un masque facial, ainsi qu’une surveillance respiratoire, clinique et instrumentale, continue. Le recours à l’anesthésie générale pour une courte période est rare, mais peut être possible. Dans ce cas, l’utilisation de propofol en objectif de concentration anesthésique est recommandée, ainsi que le contrôle des voies aériennes supérieures (masque laryngé). Dans tous les cas, la surveillance après le geste de radiologie interventionnelle et l’aptitude à la rue seront respectueuses des référentiels postopératoires standard. La durée de surveillance postinterventionnelle pour ce type d’acte court est généralement de 2 à 3 heures.
ANNEXE 2 – TRAITEMENT DE L’HYPERKALIÉMIE CHEZ UN DIALYSÉ ADRESSÉ POUR INTERVENTION SUR SON ABORD VASCULAIRE
C. RENAUD Introduction L’hyperkaliémie est un désordre électrolytique fréquent chez le patient en insuffisance rénale terminale. Ses effets, notamment les troubles du rythme cardiaque, peuvent être fatals si le diagnostic est méconnu ou négligé en salle d’angiographie.
Définition, causes et échelle des risques L’hyperkaliémie est définie par un taux plasmatique de potassium supérieur à 5,5 mmol/L dans un prélèvement non hémolysé. Cette hyperkaliémie provient : • d’une impossibilité à éliminer le potassium chez des patients qui ont manqué 1 à 2 séances de dialyse du fait d’un abord vasculaire inutilisable ; • de la prise accidentelle d’aliments riches en potassium (bananes, pommes de terre, fruits en conserve) ; • de la prise de médicaments inhibiteurs du système rénine-angiotensine : inhibiteurs de l’enzyme de conversion (type Lopril®), bloqueurs des récepteurs de l’angiotensine (type Cozaar®) et antalgiques anti-inflammatoires non stéroïdiens (type Bi-profénid®).
Annexes Les signes cliniques sont souvent discrets et peuvent être méconnus si on ne pense pas à l’hyperkaliémie : fatigue inhabituelle, nausées, faiblesse et paresthésies des membres. Dès lors, il est indispensable de vérifier la kaliémie avant tout geste endovasculaire chez les patients qui ont manqué une session de dialyse, chez les patients mis sous Kayexalate® entre les séances de dialyse pour cause de tendance à l’hyperkaliémie, et chez les patients prenant des inhibiteurs du système rénine angiotensine. Il est souvent dit que le premier signe de l’hyperkaliémie est la mort [1]. Les manifestations cliniques surviennent typiquement chez les patients qui ont au moins une des caractéristiques électrocardiographiques décrites dans la figure 1 : une grande onde T avec un intervalle QT raccourci est le 1er signe suivi par un allongement de l’intervalle PR et du QRS. L’onde P peut s’affaisser et, dans les cas ultimes, le QRS s’allonge et elle disparaît. Finalement, c’est l’arrêt ventriculaire avec une ligne droite à l’ECG et disparition de toute activité électrique. Chez le dialysé, le tracé électrocardiographique n’est pas toujours en corrélation avec la gravité de l’hyperkaliémie. Certains dialysés sont étonnamment tolérants à l’hyperkaliémie et c’est attribué à un meilleur équilibre électrique transmembranaire [2]. On juge la sévérité de l’hyperkaliémie à son dosage sérique et à l’aspect électrocardiographique. Une kaliémie entre 5,5 et 6 mmol/L est considérée légère et encourt peu de risque de complications cardiaques. Une kaliémie modérée entre 6 et 7 mmol/L peut entraîner des troubles du rythme, faire procéder à un électrocardiogramme et être rapidement traitée. Une hyperkaliémie supérieure à 7 mmol/L justifie l’abandon de tout acte de radiologie interventionnelle en cours et un passage urgent en dialyse, si besoin par le biais d’un cathéter temporaire.
Traitement Les principes du traitement sont de : 1) stabiliser le myocarde en cas d’anomalies électriques ; 2) faire passer le potassium extracellulaire vers le compartiment intracellulaire ; 3) augmenter l’excrétion du potassium. La stabilisation myocardique est obtenue par l’injection de calcium intraveineux sous forme de gluconate ou de chlorure. Le mécanisme n’est pas bien compris mais pourrait résider dans la restauration d’un gradient électrique transmembranaire normal. Le calcium doit être administré sous forme de bolus de 10 mL à 10 % sur 3 minutes. Il doit agir dans les 5 minutes et il convient donc de vérifier que l’ECG se normalise. Dans le cas contraire, on renouvelle l’injection. Le chlorure de calcium est plus efficace car il contient plus de calcium libre que le gluconate de calcium (6,8 vs 2,3 mmol/10 mL), mais il est plus irritant localement et doit donc être injecté par la fistule à travers un introducteur ou dans les veines centrales, pas dans une veine périphérique. Le calcium intraveineux ne réduit pas le taux de potassium. Le transfert transcellulaire du potassium est une mesure temporaire qui fait baisser le taux sérique de 0,5 à 1,5 mmol/L en 4 heures. Cette action est adaptée à la
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse durée des gestes endovasculaires qui peuvent être menés à bien avant le passage en dialyse pour les hyperkaliémies modérées sans signes électriques. En cas de signes électriques, on le fait après l’injection de calcium et c’est efficace en 15 minutes. Le cocktail glucose-insuline reste la méthode de choix. On injecte 50 mL de glucose à 50 % mélangés à 10 unités d’une insuline rapide (Atrapid®). Le glucose à 50 % est aussi irritant à l’injection. Il est néanmoins prudent de vérifier au préalable la glycémie du malade à la recherche d’une hypo – (< 4 mmol/L) ou d’une hyperglycémie (> 15 mmol/L). On doit alors soit injecter uniquement le glucose, soit uniquement l’insuline. La glycémie doit ensuite être surveillée dans les 2 heures qui suivent. Les bêta2-mimétiques comme le salbutamol et l’albutérol, que ce soit par voie intraveineuse, sous-cutanée ou en inhalation, ont un rôle marginal en raison du risque de tachyphylaxie (perte rapide d’efficacité) ou d’une ischémie myocardique dans cette population à haute comorbidité cardiovasculaire. La plupart des patients sont par ailleurs sous bêtabloquants qui annihilent l’effet hypokaliémiant des bêtamimétiques. La perfusion de bicarbonate de sodium n’a jamais fait la preuve de son efficacité et doit donc être évitée [3]. L’excrétion du potassium est obtenue par les résines échangeuses de cations ou par la dialyse. La résine la plus utilisée est le polystyrène suphonate de sodium (Kayexalate®). On peut utiliser aussi le polystyrène suphonate de calcium (Resonium®). Le Kayexalate® échange 1 ion potassium pour 2 ions sodium dans le côlon qui accueille jusqu’à 80 % du potassium excrétable. Il contient aussi du sorbitol qui favorise l’excrétion du potassium par son effet cathartique. Le Kayexalate® par voie orale (15-30 g dilué dans de l’eau) est surtout indiqué comme seul traitement en cas d’hyperkaliémie modérée ou en association avec insuline/dextrose dans les cas un peu plus sévères. Son délai d’action est de 2 à 4 heures et il ne peut être utilisé seul en cas d’hyperkaliémie sévère avec modifications électriques. La dose doit être répétée toutes les 6 heures jusqu’à la dialyse suivante. Des inquiétudes ont été récemment soulevées sur le fait que le sorbitol puisse favoriser des nécroses intestinales et d’autres effets gastro-intestinaux indésirables [4]. C’est la raison pour laquelle la voie rectale ou une version orale sans sorbitol ou allégée à 33 % (au lieu de 70 %) est recommandée pour les malades post-chirurgicaux ou ayant une faible motricité intestinale connue. L’hémodialyse est requise en urgence en cas d’hyperkaliémie sévère (> 7 mmol/L).
Conclusion L’élément clef est de penser à l’hyperkaliémie chez les patients à risque. Le 2e élément clef est d’en apprécier la gravité. Le traitement dépend de sa sévérité et des anomalies électriques. Les hyperkaliémies modérées peuvent être traitées simplement par les résines échangeuses de cations. Les hyperkaliémies plus sévères nécessitent de stabiliser le myocarde en cas d’anomalies électriques avant de recourir à l’insuline-dextrose et à la dialyse.
Annexes
Fig. 1 – Anomalies possibles à l’électrocardiogramme en fonction de la kaliémie. I = kaliémie normale : les ondes QRS et T sont normales. II = kaliémie à 6-7 mmol/L : on objective une onde T pointue et ample avec allongement de l’onde PR et raccourcissement de l’onde QT. III = kaliémie de 7-8 mmol/L : on voit l’élargissement du QRS. IV = kaliémie > 8 mmol/L : les QRS fusionnent avec l’onde T, engendrant une fibrillation ventriculaire.
RÉFÉRENCES 1. Glasziou P (2004) Practice corner : The first symptom of hyperkalemia is death. ACP J Club 140 : A13 2. Marinez-Vea A, Bardaji A, Garcia C (1999) Severe hyperkalemia with minimal electrocardiographic manifestations : A report of seven cases. J Electrocardiol 32 : 45-9 3. Allon M, Shanklin N (1996) Effect of bicarbonate administration on plasma potassium in dialysis patients : interactions with insulin and albuterol. Am J Kidney Dis 28 : 508-14 4. Sterns RH, Rojas M, Bernstein P, Chennupati S (2010) Ion-exchange resins for the treatment of hyperkalemia : are they safe and effective ? J Am Soc Nephrol 21 : 733
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ANNEXE 3 – LISTE DU MATÉRIEL SOUHAITABLE POUR FAIRE FACE À LA GRANDE MAJORITÉ DES SITUATIONS L. TURMEL Les noms des fabricants (entre parenthèses) sont donnés à titre indicatif et non exclusif. Ponction : Aiguille téflonnée 18 G Introducteurs : • 4 F à 9 F, courts et longs (10-20-45 cm) (Terumo, Cordis) Guides : • 0,035 hydrophiles angulés et droits en 1,50 m et 2,60 m (Terumo) • 0,035 hydrophiles « stiff » angulés et droits (Terumo) • 0,035 métalliques ordinaires angulés et droits en 1,50 m et 2,60 m (Cordis) • 0,014 floppy « Spartacore » (Abbot) • 0,035 « Amplatz super stiff » (Boston Scientific) Sondes diagnostiques : • Mammaire interne 4 F (Cordis) • Straight 4 F (Cordis) • Vertébrale 5 F (Merit) • Glide 4 straight (Terumo) Ballons de dilatation : • Ultra-haute pression : « Conquest » de 5 à 12 mm en 2, 4, 6 ou 8 cm de longueur (Bard) • Haute pression : « Dorado » 4 mm (Bard), « Atlas » 14 et 16 mm (Bard), « BlueMax » de 4 à 10 mm (Boston Scientific), « Powerflex Extreme » de 4 à 8 mm (Cordis) • Coupant : 4 mm, 7 mm (Boston Scientific) Manomètres (« inflateurs ») : • Gradués jusqu’à 30 atm (Sedate) Stents • Non couverts : de 6 à 14 mm en 30 à 120 mm de longueur « Smart » (Cordis), « Protégé » (EV3), « Epic » (Boston Scientific), « Luminex » (Bard), « Ziver Flex » (Cook) • Couverts : « Fluency » de 7 à 13,5 mm en 30 à 120 mm de longueur Sondes d’aspiration : • 6 F à 9 F, droites, angulées vertébrale ou 40 °, MPA1 (« Vista brite tip » de Cordis, « Mach 1 » de Boston Scientific) Seringue à ergot bloqueur : « Vaclok » 60 mL (Merit) Matériel rarement utilisé mais indispensable dans certaines situations : • Ballon de 3 mm • Lassos (EV3) • Valve-écrou : « bleedback control valve » (ref 1003330, Abbot) • Coils de 3 à 6 mm (Cook) • Gélatine pour embolisation d’hémostase : « Gelitaspon » (chirurgie Ouest, espace quartier libre 35520 Melesse, tél. : 02 99 68 93 93)
Annexes
ANNEXE 4 – FORMULAIRE PRÉREMPLI DE DEMANDE D’EXAMEN L. TURMEL Service de radiologie vasculaire DEMANDE D’ANGIOGRAPHIE +/ – DILATATION ou de DÉSOBSTRUCTION D’UN ABORD D’HÉMODIALYSE Questionnaire à faxer avant l’examen (xx xx xx xx) ou à confier au patient Renseignements indispensables NOM et Prénom du malade : téléphone :
date de naissance : Médecin demandeur :
Motif(s) de la demande (entourer) :
*thrombose aiguë
*bas débit
*hyperpression veineuse (veine tendue)
*difficultés de ponction
*saignements prolongés en fin de dialyse
*douleurs ou dysesthésies des doigts
*suspicion d’hyperdébit
*œdème localisé ou gros bras
*baisse de débit au Transonic ou équivalent
*anomalie dépistée à l’échographie
*autre :
Le patient est-il sous anticoagulants oraux ? (Préviscan®, Sintrom®, Coumadine®) OUI NON L’arrêt des anticoagulants, quand il est possible, est souhaitable dans tous les cas où on doit ponctionner l’artère humérale pour explorer valablement la fistule : bas débit et difficultés de ponction sur fistules de l’avant-bras Le risque est de voir la ponction de l’artère humérale se compliquer d’un fauxanévrysme comprimant le nerf médian. Aspirine et Plavix® n’ont pas à être arrêtés. En cas de doute sur la stratégie à adopter, demander à en parler directement avec le radiologue Le patient a-t-il des antécédents sérieux d’allergie à un produit de contraste iodé ? OUI NON Et si oui, lequel ? En cas d’antécédents flous, on peut simplement prémédiquer les patients par Atarax® 100 mg per os la veille et le matin de l’examen. En cas d’allergie sérieuse avérée à un produit de contraste iodé, il est indispensable d’en discuter avec le radiologue plusieurs jours avant l’examen Pour les patients non encore dialysés ou à diurèse conservée, l’iode dilué à 90 % sera utilisé. Le patient a-t-il une sérologie positive pour l’hépatite B ou C, ou le HIV ? OUI NON (La réglementation nous oblige dans ce cas à nettoyer la salle d’angiographie de fond en comble avant le patient suivant. On doit donc le prévoir et le patient sera préférentiellement programmé en fin de journée.)
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse Faut-il prévoir une neuroleptanalgésie ? OUI NON L’immense majorité des examens peut se faire sous anesthésie locale, la phase douloureuse liée à la dilatation étant le plus souvent très brève. Si toutefois le patient exige une anesthésie plus poussée requérant la présence d’un anesthésiste, une consultation d’anesthésie préalable est requise légalement 48 h au moins avant l’examen. Le malade doit venir à jeun et restera en salle de réveil jusqu’à 3 h après l’examen. Toutes les fistules thrombosées (actes souvent longs et laborieux) sont en revanche potentiellement traitées sous neuroleptanalgésie : les patients doivent donc venir si possible à jeun depuis 5 h et sont programmés au plus tard à 15 h. Un transport systématique en ambulance est souhaitable pour les patients de plus de 65 ans. Cette 2e feuille est à remplir uniquement lorsque l’abord vasculaire est exploré pour la 1re fois dans l’établissement Renseignements souhaitables uniquement lorsque l’abord vasculaire est exploré et traité pour la 1re fois (Ces renseignements sont devenus aujourd’hui indispensables si on veut que le dossier soit exploitable dans une éventuelle étude clinique destinée à publication.) Type d’abord vasculaire (entourer) : * à droite *à gauche * radiale *cubitale *huméro-céphalique *montage prothétique *cathéter central
*basilique superficialisée *autre
Dialyse débutée en (mois/année) : Est-ce le 1er abord vasculaire du patient ?
oui
non
oui
non
Date de création de cet abord vasculaire ? (avec compte rendu chirurgical si possible) Cette fistule a-t-elle déjà été reprise chirurgicalement ? Diabète ?
non
insulino-requérant
non insulino-requérant
Le patient est-il traité pour hypertension ? Si oui, combien reçoit-il de drogues différentes ? Patient fumeur ? Taille (cm) :
oui 1
2
non
3 ou plus oui
non
poids sec (kg) :
Le patient a-t-il des comorbidités sévères ? Cardiaques Artériopathie oblitérante périphérique neurologiques psychiatriques autres : Merci !
Annexes
ANNEXE 5 – DÉFINITIONS L. TURMEL La « fistule artério-veineuse » désigne en théorie uniquement l’anastomose artério-veineuse : le chirurgien crée cette fistule, c’est-à-dire une communication anormale entre une artère et une veine (ou une prothèse remplaçant la veine) habituellement anatomiquement séparées. C’est par abus de langage qu’on désigne par « fistule » le segment veineux ou prothétique devenu ainsi artérialisé et qui peut être ponctionné en routine pour les séances de dialyse sans difficulté car la veine est spontanément dilatée par cette « artérialisation » et sans crainte de thrombose à la compression. Par cet abus de langage, on sait où commence la fistule (à l’anastomose, repérable par une cicatrice) mais on est bien incapable de dire où elle finit… « Une fistule immature » est toujours une fistule native qui est insuffisamment développée pour permettre les ponctions nécessaires à la dialyse. Cette immaturité est normale dans les 4 à 6 semaines suivant la création de la fistule et devient anormale au-delà : on parle alors de retard de maturation qu’on explore idéalement d’abord par échographie. Les ponctions précoces sur une veine de petit diamètre risquent de se compliquer d’hématomes sténosants et de faux-anévrysmes. Une sténose « significative » ou « relevant d’une indication à traiter » est définie comme une réduction de diamètre de plus de 50 % par rapport au calibre du vaisseau supposé normal d’amont ou d’aval immédiat (artère, veine ou prothèse) et qui apparaît comme très probablement responsable d’une anomalie hémodynamique ou clinique telle que : • une baisse du débit de l’abord vasculaire ; • diverses anomalies telles que difficultés de ponction, saignements prolongés au retrait des aiguilles en fin de dialyse, modifications du thrill, pulsatilité de la veine ou de la prothèse, thrombose locale ou totale, douleurs de la main (voire troubles trophiques si le diagnostic d’ischémie chromique n’est pas fait), un œdème du membre ; • la nécessité d’accroître la pression artérielle négative d’aspiration du sang dans le circuit de dialyse pour obtenir le débit nécessaire aux échanges plasmatiques ; • un taux anormal de recirculation de 5 à 10 % selon les techniques employées ; • une élévation des pressions veineuses ; • une réduction du KT/V, indicateur biologique de la qualité de la dialyse. Cette sténose retentissant négativement sur l’abord vasculaire peut se rencontrer depuis l’ostium de l’artère sous-clavière (entraînant bas débit ou ischémie) jusqu’à la veine cave supérieure (œdème du bras et de la face). La sténose peut prendre l’aspect d’une occlusion chronique à l’origine du développement de collatérales d’amont, qui ont ainsi évité la thrombose aiguë de l’abord vasculaire. Ces occlusions chroniques peuvent être recanalisées par voie percutanée avec toutefois des taux de succès moindres que pour les sténoses laissant encore passer un flux localement. La quantification angiographique de la sténose d’un abord vasculaire est l’une des choses les plus difficiles et les plus aléatoires qui soient. Le vaisseau de référence supposé doté d’un calibre normal peut être très difficile à déterminer et l’impor-
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Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse tance de la sténose est sous-estimée si toute l’artère ou toute la veine est sténosée. Cela explique la nécessité absolue de pouvoir relier une sténose à une anomalie clinique ou hémodynamique pour être autorisé à la dilater. Un « abord vasculaire thrombosé » se définit comme une fistule native ou un montage prothétique qui contient du thrombus et n’a plus de flux. Les caillots peuvent se propager largement dans les veines de drainage mais débuter dès l’artère afférente en cas d’anastomose artério-veineuse termino-terminale. Le diagnostic repose sur l’examen clinique avec ou sans stéthoscope. Un « abord vasculaire perméable mais anormal » (« dysfunctional » en terminologie américaine) est un abord vasculaire qui présente une « sténose significative » ou un abord vasculaire difficile ou impossible à utiliser en routine pour les séances de dialyse, avec le cas particulier des retards de maturation qui associent en règle les deux problèmes. On peut aussi ranger dans cette catégorie les abords vasculaires dont le débit baisse régulièrement au fil des différentes mesures effectuées et qui deviennent donc à risque de thrombose aiguë. Le « traitement endovasculaire d’un abord d’hémodialyse à fonctionnement anormal ou thrombosé » se définit comme l’utilisation de dispositifs montés sur cathéter ou guide poussés par voie percutanée pour rétablir ou normaliser le flux de l’abord vasculaire et le rendre compatible avec une épuration extrarénale efficace. Une « cause anatomique de dysfonctionnement ou de thrombose » est toujours une anomalie vasculaire sténosante intrinsèque (sténose de la paroi même de l’artère, de la veine ou du pontage) ou extrinsèque (compression par une autre structure anatomique, plicature, hématome). Ces « sténoses extrinsèques » sont rarement symptomatiques. Une « cause physiologique de thrombose » est invoquée dans les rares cas de thrombose sans cause anatomique sous-jacente clairement identifiée. Elle peut toutefois potentialiser l’effet délétère des sténoses. On range dans cette catégorie les états d’hypercoagulabilité, le bas débit cardiaque et les épisodes d’hypotension/déshydratation. Une « angiographie diagnostique » (également dénommée « fistulographie ») est définie comme une opacification vasculaire qui étudie l’ensemble du montage depuis l’anastomose artério-veineuse jusqu’aux veines intrathoraciques. Une angiographie adéquate doit comporter au moins deux incidences orthogonales sur les zones suspectes et une opacification remontant jusqu’à (ou partant de) l’ostium de l’artère sous-clavière en cas de débit insuffisant ou de pathologie ischémique de la main. Selon les circonstances, on peut pratiquer l’angiographie par ponction (antérograde ou rétrograde) de la veine artérialisée ou par ponction artérielle au coude. Exceptionnellement, on doit recourir à une ponction fémorale avec cathétérisme de l’artère sous-clavière et on évite de principe la ponction de l’artère radiale au poignet tant qu’on ne sait pas l’état de l’artère cubitale. La « désobstruction percutanée » se définit comme le retrait des caillots par un dispositif monté sur guide ou cathéter et s’applique au retrait des caillots intéressant les veines de drainage aussi bien que l’artère afférente. Le but est de rétablir un flux permettant une dialyse adéquate. Le retrait des caillots s’est d’abord fait historiquement par infusion locale de drogues thrombolytiques, puis par des méthodes mécaniques ou par l’association des deux. Les méthodes mécaniques comprennent la thromboaspiration, la fogartysation au ballon, l’écrasement des
Annexes caillots et tout une série de dispositifs branchés sur un moteur ou jouant sur l’effet Venturi. Les méthodes mécaniques et notamment la thromboaspiration manuelle sont de loin les plus utilisées actuellement en France. Elles doivent toujours s’accompagner d’une phase angiographique démontrant la localisation de la sténose sous-jacente et le résultat après traitement. Sténoses et caillots résiduels sont de mauvais pronostic et favorisent la rethrombose précoce. En l’absence de sténose sous-jacente franche (presque toujours une prothèse), on peut évoquer une cause physiologique à cette thrombose. Le « traitement percutané d’une sténose » a pour but de redonner un calibre acceptable au segment rétréci et d’aboutir à la disparition des anomalies cliniques qui en résultaient. Les sténoses sont traitées par des cathéters à ballonnets, avec parfois nécessité à mettre un stent ou plus rarement encore à recourir à un ballon coupant. Le « succès anatomique du traitement de la sténose » se définit comme une sténose résiduelle de moins de 30 % avec restauration d’un flux dans l’abord vasculaire si celui-ci était arrivé thrombosé. Cette quantification à 30 % est toutefois souvent tout aussi difficile à apprécier que le degré initial de sténose… Le « succès clinique » du traitement d’un abord thrombosé se définit comme la possibilité d’avoir pu dialyser le patient correctement pendant au moins une séance après cette désobstruction. Après dilatation, le succès clinique se définit comme l’amélioration franche et mieux encore la disparition des anomalies cliniques qui avaient motivé la dilatation. Dans tous les cas, la présence d’un frémissement continu (« thrill ») sans pulsatilité est un excellent indicateur de succès. Le « succès hémodynamique » se définit comme la normalisation des paramètres hémodynamiques (réduction de l’hyperpression veineuse dans les montages prothétiques). C’est en fait la remontée du débit global de fistule à son niveau initial de base considéré comme normal qui est le signe le plus fiable de succès hémodynamique. Le « succès de l’acte interventionnel endovasculaire » se définit comme l’association du succès anatomique avec le succès clinique ou avec le succès hémodynamique, et idéalement les deux.
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