[mrrr BEI{\|EI{ISTE
EMILE BENVENISTE
6mile benveniste
le vocabulaire
2. Pouvoir, droil, religion. Dans cet ouvrage, ...
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[mrrr BEI{\|EI{ISTE
EMILE BENVENISTE
6mile benveniste
le vocabulaire
2. Pouvoir, droil, religion. Dans cet ouvrage, la m6thode linguistique comparative esi employde A un dessein d'ensemble : I'analyse du vocabulaire propre aux grandes institutions dans les principales langues indo-europ6ennes. Partant des correspondances entre les formes historiques, on cherche, au-delir
des d6signations, qui sont souvent trds divergentes, A atteindre le niveau profond des significations qui les
des institutions indo-europ€ennes 2. pouvoir, droit, religion
fondent, pour retrouver la notion premidre de I'institution comme structure latente, enfouie dans la pr6histoire linguistique. On jette ainsi une lumidre nouvelle sur les fondements de maintes institutions du monde moderne. dans l'6conomie, la soci6t6, le droit, la religion. a'-
En couverture: Grande trise de Pere6polis (d{5tail), photo R. Ghirshman
ls'iBN
2,7073.0066.7
imile
benyeniste
yocabulaire des institutions Ie .t
rnoo.europeennes ouvrages d'emile benveniste aux 6ditions de minuit
2. pouvoir, droir, religion
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPEENNES l. Economie, parent6, soci6t6.
sommaires, tableau et index itablis
par ;ean Iallot
aux dditions gallimard PNOSLEMTS DE LINGUISTIQUE GEN€RALE
Tome I, 1966
-Tomell,
1974.
aux 6ditions klincksieck
fruons sun LA
LANGUE ossETE. ,19J9
TITRES ET NOMS PROPRES EN IRANIEN ANCIEN.1966
** LES EDITIONS DE
MINUIT
livre L Ia royauti et ses priviliges
@ tx
by les EornoNs DE MlNUlr 7, rue Bernard-Palissy - 75006 Paris Tous droits riservis pour lous pays
lsBN 2-7073-0066-7
chapitre
1
rex
Sonmaire. Attesti seulement en italique, en celtique et en indien. c'est-)-dire aux extrdmitis occidentale et orientale du monde indo-europCen, rcr appartient- i.un groupe ttds ancien de termes relatifs i la religion et au droit. , Le rapprochement de lat. rcgo avec gr. orqgd < dtendre en
ligne _droite >. (dont I'o- init.ial s'explique par des raisons pho nologiques.), I'examen des valeurs inciennis de rag- en latin (p. ex. dans regere fines, e regione, rectus, rci sacroram)
donnent i penser que Ie rex, en cela plus pt€tre que roi au sens moderne, itait celui qui avait autoriti Dour tracer les emplacements des villes et dCterminer les rtsgl6s du droit,
Il y a certaines notions que nous ne pouvons atteindre qu'indirectement dans leur 6tat indo-europ€en parce que, tout en relevant des rdalitds sociales, elles ne se manifestent pas paf des faits de vocabulaire communs i I'ensem-
ble des langues. Tel est le concept de soci6t6. Dans l'indo-europden occidental, il est ddsignd par un terme commun. Mais, dans les autres groupes il semble faire ddfaut. En fait, il est exprim6 d'une fagon difi€rente. On le reconnalt en particulier sous le nom de royaatte : Ies limites de la soci6td coincident avec un certain pouvoir qui est le pouvoir du roi. Ainsi est posi le problbme des noms du roi, problime qui intdresse ) la fois l'6tude de la socidtd et des divisions qui la caract6risent et l'6tude des hidrarchies qui, d f int6rieur de Ia socidt6, ddfinissent des groupements.
Quand on aborde cette notion du > dans son expression lexicale, on est frappd de constater que le nom reprdsentd pat rex n'apparait qu'aux deux exffdmitds du monde indo-europ6en et fait d6faut dans la partie centrale. Nous avons, d'une part, en Tatin rex, en celtique
I,E VOCABULAIRE
DES INSTITUTIONS INDO.EUROPf,ENNES
iil. ri, gat4ois -rix ; d'aufte part, en sanskrit rai-Qx) ; rieu enre les deux, ni dans une auue langue italique, ni en germanique, en baltique, en slave ou en grec, non plus
qu'en hittite. Cette corrdlation est exff6memenr imporrante pouf apprdcier la rdpartition du vocabulair" .bmmun ) travers les langues. Il faut voir dans le cas de rex r-rn timoignage probablement le plus d'un - 6tudi6 par J. Vendryesnotable - des grand phdnomdne (1) : celui survivances de termes relatifs i la relieion et au droit aux deux extr6mit6s de I'aire indo-europdenne dans les
soci6t6s indo-iraniennes er iralo-celtiqueJ. Ce fait est li6 i la srrucrure m€me ies soci6t6s considdr6es_. Ce n'esr pas un simple accident historique si, dans les langues < interm6diaires )>, on ne trouve plus trace de ce nom du < roi >>. Du c6t6 indo-iranien comme du c6td italo-celtique, nous avons afiaire i des sociitds de m6me structure archaique, de tendance trds conservatrice, oi ont persist6 longtemps des institutions et un vocabulaire abolis ailleurs. Le fait essentiel qui explique les survivances communes aux soci6tds indo-iraniennes et italoceltiques, est -l'existence de puissants collBges de pr6ffes
ddpositaires des raditions iacrdes nent avec une rigueur formaliste. Chez les Romains,
les Arvales
-
qu-'ils miintien-
il sufiit de citer les colldses des frd-
chez les Ombriens, les frat-res Atiedii d'Iguvium - chez les Celtes, les druides - pr€tres comme les brahmanes- ouenlesOrient. des corps de atharvans de I'Inde, les i0ravans ou les Mages en Iran. C'est grice ) la persistance de ces lnstitutions qu'une grande partie des notions religieuses des Indo-Europ6ens or.rt surv6cu et nous sont connues, telles qu,elles diaient rdglement6es dans de grands rituels qui restent nos meilIeufes sources. Cependant, il ne faudrait pas croire que c'est seulement du fait de I'archaisme de la soci6t6 qr.r. .e, donndes
ont 6t6 conservdes l) et pas ailleurs. Les changements intloduits dans la structure m6me des instituti6ns ont fait que la notion sp6cifique du rex est inconnue aux au(l) 265 10
Mtmoires de la Soci4tt de Linguistique de paris,
ss.
t. XX,
1918.
tres peuples. Il y a bien.en grec et en germanique des nrots.qui peuvent se taduire p-ar < roi ,r. fid;i; tr'toiaiJi ^rai, n'a rien de commun avec le etli pj"r"fire des mors grecs.qui signifient > o,, bien .. .t"f ,r,-_ontre bien que I'institution dtait renouvelde. Le thime nominal * rEg_ du latin rex, rEgis est ment celui de I'irlandais r7 et du g.rt"ir-'_ir'*";u,on exacre_ uouve
comme terme de noms propres coiaposds tels iue Dumno_ e:.t o - r i x. La'{o ri.,. ruppolt"l i, L } a - du sans_ ir(rrr :',V^::r: : es[ e.yactement Ia m€me, donc un ancien ii r/g_. On la,rerrouve probablement auisi dans l. ,ro,oy.t thru". Rhesos.
r]*ifj.-.:
t:rqe ? euelle est la
,^9:. de ce concepr ? En latin, rex a produit toute une famijle de mots dont le verbe ddrivd ,rgo, ,:rgrrr,-i" tle rcg-no-ln, Ie fdminin regita,'ds fo-.-. agri"t ".rbase sdmantique
t.e,
tlque, comme skt, rajfti < ieine r>, les deux utilisant un suffixe en z pour marquer
caractdrjs_
f.;r1i;;;
Ia >,
des relations morplrologiqrr"r-.1.ir., .t i a" type bien connu rartachent regii ,r rZriir-a-lu racine de Tel ou tel de ces d6rivds i ur, .o.1.rpoidint uiil.,rrr. ryy. Ainsi i tat. rectus rdpond e.r.-;rii,i-(i'i"ii)tt); nai, le germanique ignore lie terrie nominat iris-|.-No,us avons. en premier lieu i nous d"rn-.nd., si d,au-
rndo-europ€ennes n'auraienr pas conserv6, ::::]"iCt'l:: nleme a l'erat de vestiges, quelque forme apparentde.
Il
est un verbe grec ou,oi .it tl-nrd J. ;;il;gd:i J;;;;; et de la famillJ de iex; mais il esr assez differenr qu'on ait h6sit6 i le faire d'une manidre ?.;fu;:'ji;:Dour git.de ortgo (bp€1r) qu'on traduit p";.;;;.;;;; >>. On ne
volr pas bren comment tonder_ce rapprochement, aussi Ie er gdndral avec doute,-et seulement .ne possrbrlrr€. Si nous pouvions soit r6futer, soit comme tendre propose-t-on.
rapprochemenr,. nous gagnerions une prici_ lijjp,r:?t^"-: slon lmpo{tante pour dttinir Ia notion de . Le ptobl€me est d'abo,rd phondtique : puisque Ia cor_ respondance entre les radicaux * re[- de tit.^ igo et du gr. o-169-6 est dvidente, Ie o_ ini;iaf;,., gr..'p..rt-it reg_ ,. .
1l
LE VoCABULATRE DES TNSTITUTToNS rNDo-EuRopfrrwes
f;,itors
thdorie, ne s,opp.ose au rapprochement ,-11:ri--: oe rex avec grec or6go -rien le ; o_ ne iait pr, il-;ft*: te une initiale ancienne que "br;ilI., le conservde. Le li."r^9:: .f"rTe,s, g,re:.ques- est a prJ.ir"r. 'Le. pftsent or6gd
l";;-ri;;rs ou or€gnami (bpdyvupr,) avec ft d6r;;i lrguia (6pyur,a) de par.ticipe pafiait,Jrrr"rir! d;;-i. fr.*:ll :;;r;J ) signifie pas seulement ., 6iend.. le. .i.r.ii , est aussi celui d,un autre. verbe, pirin)o*l "
(necdvvupu,). Mais pet,innurni est [in*r"i'. sens de la lar_ 1 _ddplt;;' seur )), tandis r"r e,."a.".rlie". plui explicitement-: < i partir du point qu,on *:ir^:^"; occupe, trrer vers l,avant u,ne ligne d..i;; >> ou bien . Ainsi s,explique e regione
reprdsente la norme ; regula, c'est (< I'instrument h ftacer la droite > qui {x9 7a rigle. Ce qui est droit esr opposd dans l,ordre moral i ce qui est tordu, courbi; or iomme droit 6quj_ y?ut 4 iuste, honndte, son contraire tordu, courb6, iera identifid avec perlide, menteur, etc. Cette reprdsentation est .ddji indo-europdenne. A lat. rectus correspond I'ad_ jectif .gotique raihts uaduisant gt. euthris, n droit tr, aussi le vieux-perse rasta, qualifiait la < voie , dan, cett. prescription : >
14
)' reg- est ,beaucoup plus vivante dans rex, h. I,origine, que nous le pensons. Et cette conception de la nature et pouvoir du rex s'accorde avec la form" m6me du mot.-n !_u
Une forme athdmatique sans suffixe, telle qu" )ri,-
I'aspect de ces mots qui sont employds surtout au deuxid_ me terme de composd, tel -dex dans iu-dex, nom d'ascnt tird de *deik-. C'est ce qui se virifie hors du latin : ainsi, dans les noms composds du gaulois avec -rix, Dumno_r.ix', Ver-cin.geto-rix. En sanskrit rdj- est moins frdquent i
t'etat llbre qu'en composition : sam_rdi_ . Ce titre signifie < qu-i larde le royaume >>. Les 1t3p., drgritaires ainsi disignds avaient la charge :l:trjiyj:- Ies gfandes . :,1:mmlstr.er -provinces (>
18
xSAy > ET LA
f .,$
$ F
79
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
, Personnifi€, Xla\rauairya (en moyen iranien iabrEuar) ddsigne une des divinit6s dites < Saintes Immortelles r> dont chacune, symbolisant un 6l6ment du monde, ioue un double r6le, i la fois eschatoiogique et mat6riel. Ln est le prototype de ce qui est devenu, dans I'eschatologie du judaisme prophdtique et du chtistianisme, le ., ro),aume des cieux >>, image qui reflbte une cbnception
de.royautd,.telle que lat. rex, skr. raitu triJ,rir"rri i,"rl* 1l nets'agrt plus d'une royautd de caractEr" o ,..,aua-r-, r(; role du souverain-ne consiste plus i >
selon I'iddologie. indo;iodenne. Nous -oUr"rr,- voyons l'avEnemenr -d'un poouol, q"i"rrili incarn6,,oy" yeqx de I'occideni .irrriq.,", a"", fJ,"y"r"; perse achdmdnide. n'est.pas seulement dans le nom du roi, mais aussi _r,Ce dans cerraines de ses qualifications, que l'a ,rrairi." perse ach6mdnide monue son originaiitd, perse_est seul i poss6der certains termes rela_ ..,L'iranien tlrs a Ja royautd. De ce nombre est l,adjectif u. p.ri. ,:::iu: >, devenu cn persan rnoi".n. biroi[ ^,,9,1T1 exclusivement -" adJectrt \- esr ult perse ; on ne Ie conqaTt en aucun autre dialecte iranien ei l,indien o", de co*espondant exact. Dans t"" ,."i.r-".h;;"id* ",", ofi.. 5;; sont des .proclamarions- royales, ; ;Jj;;;^";;;#; comme dpithtste de notions " spdcifiques. uazraka.< le grand dieu >> est la d6signation -r,f)^_!:^f: o'Ahuramazda et de lui seul. Certains textes commencent par cette eulogie : baga aazraka ohoro,iazda--;;'-i; grand dieu est Ahu-ramazda" rr. b) uazraka est appliqui au roi : xiaya\iya uazraka, royal, r6pdG immuablemenr'upiC, souverarn, dans ses trois titres : ; d'autre part, -le titre gtec auto'
n'apparait pas avant le v' sibcle. Qu'il ait-6t6 ou non forgd en ftan mdme, ce titte,xua^ tai est notable i un autre point de vue encore. Il est oass6 en moven-perse of il a abouti d la ftorme xada qui est aujolrd'^hui en persan le nom de >'.On ieldve avec intdrdt qn" d"nt une dddicace en vieux-phrygien datant environ ie 600 av' J.C.,le roi Mida-s est quaiine a. udnaks, sans qu'on puisse dire, toutefois, si le en phrygien ou s'il vient du grec' mot est indigdne *donndes^ lei plus importantes sont fournies Mais les par le myc6nien, oil le teime apparait sous plusieurs-for-.t ; taa-na-ka (: uinaks), ua-na-ke-te, wa-na-ka-t-e (- uaniktei, datif. singulier), uta-na-ka-te-ro (: uandkirror, forme i suffixJ de comparatif), tta-na-sa-ui-ya, raa-na-so-i ot oa-no'so-i, d'interprdtation moins claire' En outre les contextes des ernplois en myc6nien dclai' rent le rapport des titres basileils (en fait g-asilerts) est uinaks.Iiiemble que le basileils soit seulement un chef local, un notable, ttrrllem"nt un toi. Il ne paralt dot6 d'au' cune autorit6 politique. Au contraire le- wdnaks est considdr6 comme ddtenteur du pouvoir royal, m€me si I'on ne peut encore difinir l'dtendue de son tertitoire. Le titre 24
LA ROYAI.ITf HCI,LfNTQUT est-il.aussi_l'apanage de divinitds ou de pr€tres p On ne ;aurait _l'afiirmer, mais cela reste possible. _ La situation respective du basiteils et du w6na,€s dans I'dpopde homdrique rdpond bien i celle qui carac6rise ces,deux personnages dans la socidt6 mycdnienne. Il faut seulement noter que tu,inaks est en outre une qualificetjon divine rdservde aux plus hauts dieux. Apollon, dieu des. Troyens, est le wdniks par excellence ^Zeus 'aussi, ; moins souvent. On ddnommi ainsi, spdcifiquement, les Dioscures comme w,ina/<e (forme de duel .onituri"ni- u*. la flexion qui est bAtie sur le thdme uanakt-). Il serait intdressant de prdciser le rapport j. ,.n, .ntr" basileils et tu,lnaks u,t m6in, dans res'iraits les plus importants. Selon Aristote, les frdres et les fils d. ,oi n"r. taient le titre de whnak:s. Il semblerait donc qu" tu ,'Jo tion entre basileils et a,inaks f0t celle qui eriste entr" €t < prince >. Telle serait alors la justification du titre winake ddcern6 aux Dioscures, Ar,6olxorpor, prin.* 01 ne peut cependant admetre que u,iniks soit I.oy3g". limitd au fils ou au frBre du roi I car, chez-Hombre m6me. un.personnage peut €tre en m€me temps basileils et ui_ naks : un titre ne contredit pas I'autre, comme on voit dans..l'Odyss6-e, 20, 194. De plus, ,eu[ uilnaks ,.., aqualrtrcation divine : I'invocation ) Zeus Dodonaios, un des textes les plus solennels de I'Iliade, commence ainsi ; Leu (Lva... (16, 233)..Un dieu. n'est jamais appel6. basi_ leils. Au conrraire basileils est largement rep"ndl, iunJL socidtd des hommes; non seulerient Agamemnon, mais une foule de personnages mineurs regoivent ce titre. Il v T,"T. des degrds ei comme ,rn" iridrur.ti" prrrri-L, ibasrleis, .d en .juger par le comparatif basileilteros, et le superlatrt basileiltatos, tandis que uinakr ne compor.re -semblable, chez Homdre aucune variarion *r.;u;'f;;; du uanaktero- myclnien, dont le sens deme.rre ioi;tain, le titre de utdnaks ddnote une qualir6 absolue. De glu:; 9n remarquera que dans la presque totalitd des cas bastl.eus est sans ddterminant ; on est basileils tout court. I7.n'y -a que deux ou tois exemples de basileils ;;;;; ginitif. A I'inverse uinaks a g6idralemenr un ddtermi_ nant, nom de communautd : wdnaks and.r6n o udniis d'hommes )), ou bien nom de pays : uhnaks tu,iii, 25
LE voCABULAIRE DEs lNsrrrurroNs INDo-EURoPESNNBs
winaks de Lycie >>. De m6me le verbe wanissd se construit avec un nom de localitd' 'uinaks C'est que seul udnaks d6signe la ft.a,lit6.du- pouvoir royal j bisiletis n'est plus'qu'un titre traditionnel que dd' tient le chef du gtnos, mais qui ne correspond pas i une souverainetd territoriale et que plusieurs hommes peuvent possdder dans le m6me lieu. Il y a beaucouP.ie ball' Ites iivant i Ithaque (od' 1, 394)'TJne seule ville, celle des Phdaciens, ne comptait pas moins de treize basil€es (8, 190). Personnage respectd, le basileils avait certaines pr6rogatives ) l'asJembl6e, mais I'exercice du pouvoir revierit au uinaks qui I'exerce seul, et c'est ce qu'indique au'ssi le verbe ntaiissd. En tdmoignent igalement des exptessions qui se sont conserv6es comme noms propreJ.: Iphi-inassa < qui rEgne avec puissance )>, n9m d9 la fille d'Agamemnon.- Le fdminin (u)inassa est l'6pithe-t-9 de d€eises comme D6mdter, Athdna. Aussi quand Ulysse voit pour Ia premidre fois Nausicaa, il l'appelle ainsi, la croyant ddesse. , tout comme i Athdnes, aux Bouphonies, on sa.rifirit >. ,Ce ne sont pas li de vaines formules. Ammien Mar. cellin rapporte que les Burgondes, aprds une ddfaite ou une calamitd, mettaient a mort rituellement leur roi. parce qglil n'avair pas su faire prospdrer et rdussir sori peuple. Nous retrouvons ici, rorrc ,rni autfe forme. I'idde qui anime une pridre du roi perse ach6m6nide, que Darius formule ainsi : puisse Ahuramazda m'apport6r ,.corrm avec tous les autres dieux et protiger ce p"y, de I'armde ennemie, de la mauvaise rdcolte, Iu mensong" ,r. Nous avons commentd ci-dessus (vol. I, 'p. ZSS ..y cette pritre. Elle dnonce les maux propres aux tois divi_. sions de la soci6td et ) Ieurs activi;€s ?espectives : esorit religieux (drauga < mensonge >), culture iu sol (d.uiiiiia ), activitd guemiBre (haina anglais retrouve sur son domaine le mdme r6le que le homdrique possddait selon les conceptions indo-europdennes. Cependant tous les peuples n'ont pas la m6me repr6sentation de la fonction royale. Entre la royautd vddique et la royautd grecque se manifeste une difi6rence qui peut ressortir des deux d6finitions que nous allons confrontet. Dans les Lois de Manu. le roi est caractdrisd en une seule phrase : Cette ddfi' nition est confirm6e par d'autres dnonciations : > C'est en somme un desp6fts, au sens dtymologique, le malffe de la maison, maltre absolu, sans doute, mais non dieu. Certes, dans la phrasdologie homdrique le basileils est diogends, diotrephds et > ; il a des atilibuts qui lui viennent de Zeus, comme son sceptte. Tout ce qu'il est et tout ce qu'il possbde, ses insignes et ses pouvoirs, lui est confdrd par les dieux, mais il ne le d6tient pas en vertu d'une
divine. Ce changement essentiel, propre i la fois au monde grec et au monde germanique, fait ptdvaloir un type de royautd qui s'oppose ) la conception indienne et romaine du roi : le rex romain est en effet sur le m€me plan que 7e rai indien ; les deux personnages ont une communautd de r6le et de nom. La conception plus >, plus , qui se manifeste dans les soci6t6s grecque et germanique a dt se r6aliser d'une manitsre ind6pendante. Elle ne s'accompagne pas de ddnominations communes, alors que I'Inde et Rome sont a cet dgard profonddment conservatrices. La coincidence des termes est instructive : le terme rig- survit dans les langues italiques et en indien, ascendance
28
LA ROYAUTf, Hel,I,fNrque
aux deux extrdmitds du domaiqe indo-europden ; c'est conservenr les institutions les plus ;aaid;-se nelles, les concepts les plus archaiques, ,onauir., -a;"n" organisation religieuse qui est maintenue par les colldges de pretres (ct. ci-dessus p. l5). Au contraire, dans le centre de I'Europe, de srancls mouvemen s de peuples ont boulevcrs€ les structures anc.rennes..Ce n'est pas seulement i la Grbce et aux Germarns qu'rl taut penser, mais aussi i d'autres peuples, beaucoup moins connus, qui semblent avoir p^ituie i organisation comme les Illyriens .?t., llgT. .socialel VdnBtes, mais sur Iesquels nous n,avo", 6il q"; j;; tdmoignages rares et indirects,
li.que
Dans la sdrie des termes relatifs au roi et i Ia rovautd. parait iigitime d'inclure le nom d'un des inrign.J froi pres i Ia fonction royale, le scepue, qui est derignd.n gfec par sk1ptron (oxfrntpov). Ce^n'est pffi un t"rrrri indoe.uropd-en, il est restreint,.en fah, grec. Nous voyons -au Ii quclque chose de singulier, car'I'insiitution du ,..ot* s'est trds t6t rdpandue chez nombre d" p""pl., -", pdens, En efiet, "i.o_du- grec le terme .rt prrr6 ul turin au slave, . puis du latin au germanique, couvrant ainsi -rend pamie, de I'Europi. C"l-u d'aurant plus :n:,qruld: trotable l'absence de Ia notion en indo_iranien. , Il L)l a de disignation du scepre ni dans I'Inde, ni clans l'lfan mazd€en ; aucun mot de ce sens n,est connu da.ns Ie lexique du Rig Veda ou de l,Avesra .'"rt un ; fait ndgatif, mais de port6e considdrable. Ceitains ont cru reconnaitre un sceptfe sur un bas-relief ach6m6nide, c-lans l'objet qu'un suivant du roi porte, t" port"ur-"ri "t . Etait-il Ie po-rte-sceptre du roi ? Aujourd,hui on s'accorde i voir dans I'objet en question ,rn ui. le terme ; ddsignera. donc le.port.-"r. ou l;archer d" ,oi. Lbra;a;; est.ndgative poyr lq Perse achdm6nide comme pour lilran entier et pour I'Inde.
il
29
LE VOCABULAIRE
DES INSTITUTIONS INDO-EUROPEENNES
sceptre dans la royautd homdrique, puisque les rois sont d6finis comme < portesceDtres >> : 6)d'q'n'Eo0yor, paou),freq. Le nom m€me, chez Hornar. et dans la langue ordinaire, est sk€ptron, devenu en latin sceptruru, n*it on a aussi skAptu'I .(oxft'ntov) en dorien, cLez Pindare. En outre, avec un degrd voc'llique difi6rent, lat. scipio et, parallElement, le skipott (orinov) du grec. Ce sk€ptrin est chez Homdre I'atttibut du ror, dcs h6rauts, d., *"ttugets, des juges, tous per,sonnagey e1i. par nature et par occasion, sont revCtus d'autoflt€. L)n patse le sk|ption i I'orateur avant qu'il commence son iir.o.rrt et pour lui permettre de parler avec autoriti' Le , contus. Le nom germanique est v. h. a. cbuttin-gerta, v. anglais cyne-geri o baguette de roi )> ; ot le -vieuxha.rt-ailemand girta o baguette o (got. gazds ) correspond au latin hasta. II est intdressant de rechercher la signification propre pout voir si on peut en inf6rer la rep1i991tdu sktptron ^se faisait de cei insigne,. Il y va de-l'idie tation q,r'on car les attributs de la royaut6 sont 3e royaut6, m€me autre chose que des ornements ; le sceptre et la couronne sont la royautd m€me. Ce n'est pas le roi qui rdgne, c'est la couronne, parce qu.'elle fait le roi ; c'est la"couronne qui, dans sa pdrennitd, fonde la royaut6.
On sait I'importance du
30
LA ROYAUTE nnr,r€NrQun
Aujourd'hui encore on parle des ; le fils du roi eit le < prince d. h Co,rro";; (a11. Kronprinz-). Ainsi le roi tieni ,o, po.ruoi, d. i;;;r_ ronne dont iI n'est. que le d6positaire. C.tt. noiion mystique s'attache aussi au skApff'ot hom6rique , ,ln o"r_ rdgne, ne juge, ne-harangu. qud le ikipfrin ::.1.19^:_:" aux malns. . La iormation. et le sens premier du. terme grec n,ont rien de mystdrieux : sk€ption .ri t.-ho- d,i;r;;;;;; ou verbe skeWo peur se dire a,""ir* rnr"ijrJi l?lT?il::,sur son bAton. De li le sens du verbe skdpto : < alldguer en prdtexte, donner ddrivd .;;;; excuse >>, c'est-i-dire se justifier en . Mais ces tapprochements ne rdsolvent rien. Le rapport,
en frangais, est d'un tout autre ordre : , c'est >. Ce est bien la tdte, mais cntendue comme terme ultime du mouvement, d'ot le sens . Or la , en grec, que ce soit kephali! ou kdra, ne suscite que les m6taphores inverses, celles du point initial, de la source, de I'origine. On ne peut donc I'assimiler i caput dans la latinit6 tardive ou i chet' en franEais qui d6signe la < pointe, I'extrdmitd >>. Quant d kephaIoi6o, il signifie non >, mais > (kephal6), ou encore, comme nous disons ; donner des tttes de chapitre. Ainsi ces parallbles n'6clairent pas la formation de kraind et I'explication donn6e par les Anciens tombe. Seule une dtude compldte des emplois homdriques peut nous instruire. Nous allons les passer en revue pour replacer chaque fois le verbe dans son contexte. On trouvera ici la presque totalit6 des exemples homdriques de kraiatn1, et aussi de epikraiaino. Dans l'Iliade (1, 41 - 504, cf. Od. 20, Ll5) t6de moi krienon edldor est une formule de pridre qui s'adtesse d un dieu et qu'on traduit : .
Si nous lisons maintenant 11. 2, 4L9 6q, U<par', 006' &pa n-6 oi lnerpeiar,ve Kpovrlov, nous voyons que le dieu n'a
36
r'autonrrE
DU ROr
p.as proprement e Ie veu il n'exdcute rien lui-mdme. II doit accepter le veu, ; ,.u1. ..it" sanction divine permet au vcu de prendre "t ;;irt;;;. _ L'actlon .marqude par -le verbe s'exerci toujours comme Lrn acre d'autorite!, de haut en bas. Le dieu ,..rf pour krainein, ce qui implique non pas t'.rt."ii"r=r*i!_ " ""rfiii rielle..mais L) I'acceptation par le dieu d., u*r-itr"r"fl par I'homme, 2) I'autorisation divine accord6e u" u*
de recevoir accomplissement. Voili les deux composantes du sens. Le procBs dnoncd par ce verbe a toujours pour agenr un diJr ; sonnage. royal ou encore tlrr" pirirrance surnatur.lle ";-;;;: ;' et ge procds consiste en une Ici la traduction de P. Mazon est ) corriger. Il faut d'abord 6lucider la construction krEtnai di kai ill6i. Elle s'expligue par une ellipse du rdgime direct qui est 6pos, et qu'on tire du vers pr6c6dent ; > ainsi que de eipetn au vers suivant. La construction est donc h entendte : krE€nai (6pos) 6lloi et devient exactement symdttique de : kr|non kai etnoi 6pos (Od. 20, lI5). On pourra donc traduire : . visant les magisffats supr€mes d" h litg. '-La consrruction uaniitive de kralnein chez les Tragiques se rencontre surrour au passif ,eri-a a";; ; lesrchoses,,efiectu6es par les gd;l;; loi.", "lle souveraines : (v. 427). La trad|ction par u i6l6brer >> adopt6e par J. Hurnbert (dd, Budd) est lmprunt6e aux commentateurs anciens. L'emploi drr verbe a paru si difTdrent de ceux qu'Hombre pr6sente et m6me de ceux qu'on rencontre ensuite qu'on a jug6 impossible la taduction habituelle. On s'est tabattu sur une glose d'Hdsychius qui rend kraindn par > (timan, gerairdn). Il est fort probable que la glose s'applique I ce passageJ) ; elle indique simple' ment l'embarras des commentateurs anciens devant un emploi si aberrant d'apparence. D'autres ont songd i rendre lerainon pat apotel1n > les dieux. Mdtaphore hardie, mais qui s'accotde au rdle d'un pobte qui est luim€me un dieu. Un podte fait exister ; les choses prennent naissance dans son chant. Loin que cet exer4ple tompe 'l'histoire du terme, il en illustre la continuitd. 40
l-'AutonrTE DU Ror
Les conditions textuelles font que, au vers 559, le problEme est un peu plus complexe, mais il reste de rn€me nature. Le podte fait allusion d des Motrai, des Destindes, investies d'un pouvoir prophdtique et institutrices dans I'art de la divination. Ce sont les Thriai, femmes-abeilles. Apollon refuse i Hermbs les secrets de sa mantique, mais lui ofire les T hriai qui i lui-m€me enfant ont enseignd une partie de cet art : qui n'cffre aucuu sens, et qu'on a corrigd en theruoils >. Moyennant cette correction, le vers devibnt intelligible et epikralnein retrouve le sens qu'il a dans l'6pop€e. La baguette >
42
chapitre 5 I'honneur et les honneurs
Somnaire. En grec, gdras dont le rapprochement avec - > n'esr._rien de- plus girdn < vieillard qu'une-€tymologie popu. laire c'est la part d'honneur iuppldmentaire'accoride 'occa-
-, sionnellemenr au
roi par
ses sujers,
ii
distinctive de sa dienitd.
..Si la tin6, comme-le giras,'enire dans I'apanage au i6i, ii elle comporte comme lui des prestations matdrijles honoiifiQyes, . elle _ s'en distingue comme une dignitd permanente et
d'origine divine .: ddiignant le lot d'hon'n.u, ioy"i [r. t., dieux regoivent du destin er les hommes de Zeus, ii*l sfparer du groupe de gr. tino >, poind , et cette tradriction semble en eftet convenir partout. L'intdrdt particulier de ce mor, inddpendamment de ce qu'il nous apprend sur les conditiorrs sociales. c'est qu'il,est eclaird par un rapprochement dtymologique qui lart.lor. Un enseigng-qye gdras est apparenrd i gdron >. On ddfinit donc cette notion comm-e un privildge attachl ) I'Age, comme un honneur rendu aux vieillards ; un droit prcpre i une cetaine classe d'6ge plut6t qu'i un rang social ou i une {onction politique. " - Au -point de vue de la forme, gdras est un neutre dont la structufe m6me montre f intiquitd. La forme 43
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO.EUROPEENNES
en -as (-aq) compte en efiet parmi les plus vieilles de la catigorie des neutres, tels o6).4c,, xpiug, ripaq, qui sont sodcifids dans leur fonction nar le vocalisme ndical e (iequel est propre aux anciens^ neutres indo-europdens) et par le suffixe -as ses variations. On a propos# de ^vec le myclnien ke-ra. reconnaitre gdras dans De gdras est tird un adjectif gerar|s (1epcrp6q), d'ot i son tour le verbe d6norninatif geraird (tepaipo), ce qui suppose une ancienne forme ':' gerdr en face de g4ras, thdme en -J- confirmd par la forme n6gative agdrastos (rildpaoroq). Ainsi ce neutre en -as voisine avec un thdme en -ar selon le vieux type des neutres indo-eutopdens. Le sens de gdras ressort de certains emplois, surtout au premier chant de l'Iliade et notamment dans la partie centrale de ce premier chant. Le gdras est prdcisdment I'objet d'une revendication qui met aux prises Agamemnon et Achille.
On connait la situation. L'oracle divin invite
Aga-
memnon i rendle Chrysdis qu'il ddtient. Il y consent sous une condition. (118-120.) part, i moi (6 pror, ydpaq), Le gtras est rcprdsent6 naturellement ici par la captive. Il s'agit bien d'une part d'honneur, mais en quelle qualit6 Agamemnon I'a-t-il reEue ? Achille rdplique vivement : (123-126.) Le giras est donc un avantage en nature, conf6r6 par I'ensemble des membres d'un groupe social en vertu d'un partage, lors d'une prise de d6pouilles (sac d'une ville), au moyen d'une mise prdalable en commun de tout ce butin sur lequel pricis6ment est prdlev6 ce g,4ras,
part du chef. . Achille poursuit : > (I27-I29), donc si les conditions sont favorab-les ) I'octroi d'un nouveau glras. Puis la discussion conrinue, Asamemnon se fAche : c'est donc chez Achille, chez Ajax" ou chez Ulysse qu'il ira prendre la pat de compensarion. _ Ainsi Agamemnon, Ajax, Ulysse, Achille, voili les hdros qui ont droit au gdras. Ce sont tous des basil€es, des hommes de classe royale.
Le motif reviendra .rr.or. souvent : giras est le motclef de tout le premier chant de l'Iliade. De l) ddpendra le cours des dvdnements qui vont suivre. A pa*ir d., moment oil Agamemnon lui a pris Bris6is, Achille priv6 de son gdras s'estime ddshonord, Ltiruos (lirr,ploi) ; (j55-6.) Voiln l,origine du ressentiment d'Achille, et plus tard Agamemnon dira qu'il a €td comme frappd de ddmence li jour of il a frustrd Achille de son gdras. . Au chant .9, vers 334, sont prdcisdes les conditions de cette attribution. C'est toujouis Agamemnon qui distribuait aux &pr,otrleddr et aux Baoule0or,, aux ,"igne.rrc et aux rois, leur gdras, leuts parts d'honneur. Achilie interpelle ailleurs le Troyen En6e qui s,avance contre lui : < Quelle raison te pousse ) m,afironter ? Espdres-tu_rdgner sur les Troyens it obtenir le rang qu,a Priam 7 M€me si tu me tuais, Priam ne te mettrult pu, en mains son -g,4ras. Il a des enfants, il n,est pas si Jot. A moins que les Troyens r'aienr ddji attribu6 in t1rneno.t au cas oil tu me ruerais >> (I1.20,178 ss.). Le gdras peut 6tre atuibud en rdcomDense d'un exploit ; il comporre une royautd efiective comme celle dont, au dire d'Achille, Ende espBre qu'elle lui sera conf6rde par le souverain-en exercice, priam. Cette prdlogative esr ou peut etre h€rdditaire, selon I'allusion iux fils de Priam. L'octroi- de ce gdras peut s'accompagner d'une attribution de domaine \tdmeios), m"is ce iont deux choses inddpendantes. Lors de la prise de Troie, NdoptolEme se distingue 45
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPfENNES
par
sa_
vaillance
; il
en cons6quence sa paft (moira)
-regoit i laquelle ont di.oir tous les guerriers -en plus - beau g6ras. La natuj:e de ce gZras n'est pas"tspdcifide un ;
on peut pelsel que c'est une femme, comme Chrysdis au chant I de I'Iliade ou comme Eurym6dousa. attritu6e en gdras au roi Alkinoos, er donr il-avait faii sa camdriste en son palais de Phdacie (Od. 7, 10-11). Au chant 4 de I'Odyss6e, on voit Mdn6las, qui est roi, ofin1 i. ses h6tes, en sus de la viande qui leur'a ddja etd servie (v. 57-59), son pl.opre gdras, l'd,ihine (v6ta) d'un bceuf, attribution suppl6mentaire de viande (v. 65-66). Quand Ulysse, aux enfers, s'informe de son bien, du sort prdsent de sa famille, il demande ce qu,est devenu son g€ras Dis-moi ce que sont devenus mon pbre ^: >. Auparavant Hermbs a^ les chairs : oapxaq.. -par6 xa| vivcq. yep&.opr.a Lzf1; ,.l"uon, cette expfession .(v.. n6ta gerisrnia ; c'est toujours l,dchine qu,on ofire en g€ras d,ans
il
i,;; ;##;"4;;
'il,
Ies festins.
Ainsi, ) chacune des douzc_^parts, Hermds ajoute un morceau des n6ta qui, par d6finition, servent A, ger^-. Comme il ne veut'pas commettre de faute, il f.ait cela douze fois; ofire d _chacun i.r-aiirr--i"'.'s6;'r-i; devait revenir un seul. .it" ,., rres concret, c'est un < privilEge de viande >>. La ddfinition i-laquelle nous parvenons apparalt assez et comporte-.partout t", truiir-que nous avons :.:]lii1: successlvement recueillis dans le te"tes.' On .ri ,ui* tenant en mesure de reprendre le probla.. a" l;eryrn"-
il i
f. t.r..
46
47
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
logie et du rapprochement de g6ras avec g,|ron < vieil-
lard
>>.
Ce rapprochement a 6t6 propos6 par Osthofi en 1906 (1) et, depuis, admis partout. Osthofi est parti d'une formule hom6rique : td y&p yipo'4 €oti, lep6vtorv, qui apparait deux fois dans I'Iliade (4, 323; 9, 422) d'or) il semble rdsulter que le gtras appartient en propre aux vieillards (gdrontes). Ce serait f illustration d'une 6tymologie que semble imposer la forme mdme des mots. Mais que signifie au juste cette expfession ? Lisons-la dans son contexte.
En 4, J23, Nestor d6clare ; , rI I a un auffe mot en _as : g6ras (yfrpaq) .; yl.lll.,rt.,rr, q.n, a Ie vocalisme de l,aoriste ig1ra (irrrp"j. Ausst, de deux choses I'une, ou bien g6ras est une forme i degr6 long ancien et i,on ne peut concevoir alors que g6ris < piivildge >> vienne de la m6me racrne) ou blen le degr6 long de gdras est emprunt6 au thdme d'aoriste du-verbe < vieillir > et c'est Ia preuve qu'on sdparait par Id g€ras , tinurnai (rivupr.crr,) < faire payer, faire expier >>, tisis (rior,q) >, ititos (d,cLtoq) >, etc. Comme on voit, ces termes sont relatifs au paiement d'une dette, d la compensation d'un m6l.ait. Sont apparentds aussi poind (nor,v1), dette qu'on doit payer pour rdparer un crime, et en latin poena, pilnire. Hors du grec, on enregistre skt. ciyate >; cayati >, cayu ; avest. kay-, iikay- >, kaE\a, kadna >, ce dernier rdpondant d gt. poin€. Tel se pr6sente en indo-iranien et en grec cet ensemble de formes qui, matdriellement, s'organisent i partir d'une racine o k-ei-. Mais la disparit6 des sens crde une difiicult6 ; est-ce la notion de > ou celle d' qui pridomine ? Peut-on de .< obtenir punition, tirer vengeance )>, passer i I'idde d'> ? C'est par une liaison assez vague qu'on arriverait ) unifier les deux significations. Aussi, 1l y a longtemps ddji,
L,HoNNEUR
ET LEs
HoNNEURS
W. .Schulze, dans ses euaestiones epicde (Igg2), posd de sdparer deux familles dtymoiogiques. " ,,
a proL
"d,ii-
aurait une. forme d tid, tintd, et ,^Ilr! -", i-ei-., Ies tormes sanskrites le sens de >, et une _avec forme i _", n k',ei-, d,oi ttni,- iini)ai, tisis, et les for_
mes sanskrites avec le sens de
etc. En gdndral, on ne prend pu, ^poririon nettement
devant certe alternative.-schulze a ie mdrite d'uuoir-rorIignd la difiicult6 d,une origin.et il a donnd I: T.ot:n d'y parer. La quesiion .rr--j" ""iqr"savoir si Ie sens de timii et des mots appurenrds recommande ,; un rapprochement avei la famille de poin6. Il i"1;;; ,ufiii pas de rendre tinzd. par o honr..rr, .rti.. >>. On".doit en prdciser la ddfinition p-ar rapport aux termes de sens Quelques e*.mpl", ,.iont choiris pur.1 ].?i:ll;. explrcttes. . En premier lieu, on reprendta le passag e oi g6ras et time sont associ6s, .o-m. deux Jna.pr. connexes : c'est Ia. querelle d'Aga_.,emnon er d,A;hili.; ,;;;rt.i chant de I'IIiade. Ac-hille,,qTnd-Agg*.rnon essaye de sa part de'butin, lui'lun." ce rcproche : l:tr:":::trtle (276 ss.). Ici apparait une difi6rence impottante entre lg. q.er4s et la tirui .' ce sont les hommes qui assignent un gdras, rnais la tirud est confdrde par le destin : elle fait partie ari lot personnel. Un texte comme Il. 15, 189 en donne confirmation. Les trois fils de Kronos, Zeus, Pos6idon, HadEs, se sont partag6 toutes choses ; le monde a 6t6 divisd en trois et chacun a eu en lot sa tim6, obtenue par le sort (,ilah.hen). Ainsi chez les dieux comme chez les hommes, c'cst le sort qui ddcidera dc
I'attribution dela timii, et les termes-cl6s moira et lakbei.n achbvent ici la preuve. Personne ne peut donc mettre en question 1a l6gitimit6 de cet apanage. S'il restait un doute sur la liaison enffe la timd et le pouvoir royal, il serait dissip6 par Il. 6, L9J. Le roi donne sa fille de Lvcie. 'la voulant retenir Belldrophon, lui (tim€s basil€idos et >. Dans un passage d6j) citd (i propos de gdras), Achille raille En6e, qui marche vers lui : (Il, 20, 180 s.) l'expression associe la timd ) I'exercice du pouvoir -royal. Et ce sont bien des rcis (basil€es) qui comptent a.u nombre de leurs privildges ces tirual .' places d'honneur, prdsdance, viandes abondantes et coupes pleines (Il. L2, 110). Non pas seulement I'honneur, mais des avantages substantiels, li6s i la condition de basiletis, accordds par le sort. Quelle est donc I'origine de la tirni ? Le pobte le dit en termes exprEs : >, bnci(er,v >, cpdper,v >, ou de retrait : on a privd Achille d'une part de $r,66var,
52
(I1. 3, 275 ss., trad. Mazon). On a voulu lire ici une liaison dtymologique en .rre tin6, apoti.no < payer >> et titn€,. d'une part, et une 6quivalence entre ilme et Doini!, de l'autre. En fait, ni I'une ni l'"rrtr" relation ne r6siste i I'exa-
ET LEs
HoNNEURS
men' Le pacte pr6voir qu'en cas de victoire de Mdn6las. reniront Hctane i;';;6rr;; ;i'fi:,ir"; paieront en outre 7a tirue a Agum.*non et aux Arsiens. C'est Ii un *ibut qui ddpasse'i; ,t,";t';#;rt#^:":; biens ; il im'lique'tn ,.ionnri;;r;;;';; -;;;r"tr';.;; et I'attribution d'honn;; De ce fait et dans les conditions or) ;;;-i;;iion,pngn". Lrt conclu, la tind erfi.]. se trollve assimilde ) un paiement que 1", froyl^ .fi..'rendron,. tueront en sus des 'C;esr-^ou, qu'ils .biens has_ard et da's ce seul ir, **.ig? payer en rerour"*..pi""rlr'rlii o ; il n.'rbnsuit nullement que ,"jr}r: rc poere art concu tim6 comme un corrdlat morphologi_ q-u9 de apotino. Bi"n ,,, .onrruir", le-meme texte montre clairement Ia distance entre tim6 et poind, Si les Troyens refusent la.timd, alors Agam";;; i*, f""aj I ."#U"i_ tre pour obtenir une poln6. c'est ri tout autre .h;;" ; Ia poini esr Ie chAtiment ., f, ,ej"r"rion J"r-pou"iii violation du sermenr. Les formes compa.fables, hors du grec, sont dgalement dtrangEres i l'iddc' d" .onriddrrrir, "rr-h;h;";i;;'r: rapportent toutes i. la punition ; c,est le cas au irtin poena, terme du droit criminel, emprunt -'{ue ancien i la formc grecque poinh. tt .iui. .poena, pa?rire, n'ont rien de commun avec"ri Ia noiion=i, honor. En avestique, le verbe kay-, Ies d6riv6s e"*a- pneLn_-i"..iiiportent d I'idde de. tirer vengeance, obt"ni, ;6p;;a;;"n d'un.ddlit, d'une injur". au.u'n-i;;. ce groupe en uu.^r:11: ".respecter >. rdpond.au sanskrit ,ayiii ; Iittdralement ,. a au conrrair. ,n ,"n, trC. ,pj.inqi,e it
irrdsistible, apanage des di.ux qui ],n pouvoir.magigue couceoent occaslonne.llement au hdros de leur choix -et assurent ainsi son triomphe. Kildos ar|stbal, c'est p-pi.."ni. en parlant d'un guerrier, >, gui semble exigd a-ux liaisons
57
LE vocABULATRE DES rNSTrrurroNS rNDo-EuRopfsNr.ms
par le contexte dans certains passages, nous est ddja donn6 par les commentateurs anciens. C'est depuis I'antiquitd qu'il est fixd ; il appartient d I'hldtage huma-
niste.
II faut bien dire cependant qlre notre connaissance du vocabulaire homirique dans l'enfance. Nous "rt "n.ir" avons regu de I'antiquitd un systbme d'interpr6tation auquel on continue de se tenir et qui marque nos lexrques et nos traductions. Tandis qu'un efiort considdrable a dt6 employd i restaurer un texte sffr, et ) ddfinir les caract6ristiques dialectales de \a langue dpique, nos interprdtations restent largement celles d'une dpoque oi les conventions esthdtiques primaient le souci de I'exactitude. Mieux on dtudie les textes hom6riques, plus on aperEoit la distance entre la nature rdelle des concepts et I'image qu'en donne la tradition scolaire. A cet dgard, certaines 6tudes rdcentes ne mafquent auclrn progrds rdel ; ainsi, la dissertation de Greindl, constitlrde par I'dtude de cinq mots grecs : kl6os, kildos, tim6, pbhtis, d6xa (Munich, 1938), rassemble commod6ment les donn6es, mais pour I'essentiel c'est une dtude litt6raire, psychologique. L-'auteur esrime que kildos d€signe l'appalence majestueuse et aussi un avantage dans les combats qui dquivaut d la victoire : le sens serait donc ; ce qui revient ) la tfactuctlon tegue partout. Il -y a pourtant une raison ddj) pour que kfidos ne signifie pas ; c'est que la < gloire > trouve ddji son expression chez HomEre avec Ailos. Nous sommes assurds que le concepr de kl6os est un des plus anciens et des plus constants du monde indo-europden : le vddique lrauas, I'avestique srauah- en sont les correspondants exacts et ont exactement le m6me sens. De plus, Ia langue po6tique conserve en grec et en v6dique une m€me expression formulaire : hom. kl1uos dphthiton, vdd. irauas aksitaru, < gloire impdrissable- r>, ddsignant la r6compense suprdme du guerrier, cette < gloire impdrissable > que le hdros indo-europden souhaite par-dessus tout, pour laquelle il donneraii sa vie. Nous avons 1) un des tdmoignages, assez rares, d'ot I'on peut infdter l'existence sinon d'une langue dpigue,
LE POWOIR
du moins d'expressions podtiques consacrdes europeen commun.
MAGIQUE
dls I'indo-
Cela rend ddji improbable pow kfrdo.r le sens de la terminologie 6pique, il faut s'en convaincre, les termes majeurs lont'tolr, 'rpe.ifiq"", .t ne connaissent pas de synonymie. A priori,kl6os < sloi_ re > et kfrdos ne s'dquivaleni pas, et, en fuit, .o*rn"" on vena, kildos ne signifie jamais , hup6rte_ .: ,rn: seule fois-lrprioo o immen'se o ; !ln^::"O1rieur,>>,..i ,.: de pluriel, n'est jamais en syntagme de d6ter,nu..pas mtnatron et ne comporte auclrne description. De pareilles jlf::::..: \o1t leii pressentir q. iiio, esr un concepr dtstrnct, d d€finir pour lui_m6me. Le sens de kfid-os n'est donc pas celui de rdont Ie su,et gtammatical est un nom de divinitd: oans r autfe, kildos est rdgirne d'un verbe .. gusrr., ; dont Ie sujer grammatical est un nom d,hommel I fuur
ffi
sl
$i g1
res analysef separement,
it
58
,9
il it il ifl
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO.EUROPf,ENNES
IE POWOIR
Dans la premiBre cat6gorie d'emploi, le kildos ddsigne quelque chose que le dieu < donne >> (didosi, opdzei),
off1e > 1r -(ordge,i) ou au conrraire 1apa,;ra1'. Le don du kfidos assure le triomphe de celui qui le reEoit : au combat le ditenteur du kfidos est imman-
quablement victorieux. Voili le caractbre fondamental !:t kfrdos : il agit comme un talistnan de supr1matie. Nous disons bien un talisman, car I'amibution du kildos par le dieu procure un avantage insrantan6 et irrisistible, i Ia manibre d'un pouvoir magique, et le dieu I'accorde tant6t _) I'un, tantdi ) I'autre, r"iorr son 916, et toujours pour donner I'avantage au moffient d6ci# d'un combat ou d'une rivalit6. La ddesse Athdna, pour favoriser Diomdde dans la course de chars, rompt l'attelage de son concurrent Eum6los, qui roule i terre, et Diornbde ainsi le ddpasse. car < Ath6na a rempli ses chevaux d'ardeur et elle u rni, .n lui le kildos (ep' aut6i kildos dtheke) >>. Aussit6t les autres comprennent d'oil vient i DiomEde cet tage..et qu'ils ne saurajent le lui disputer. Deridre^vanlui, Aruiloque, tollt en exhortant ses ch-evaux, leur jette : < Je ne vous demande pas de lutter contre ceux de DiomEde, d qui Ath6na vient de donner la vitesse. et elle a mis en Iuile kfidos (m€me forrnule) >> (I1.23,400-406). Pour tous les choses sont claires : quand un dieu e donn6 Ie kildos d un homme, celui-ci esi assurd de triompher, et ses adversail-es ou ses rivaux savent qu,il est vain de.s'opposer d lui (cf. encore 5, 225). C'e'st pourquoi Achille, au moment ori Patrocle va alfronter )^sa piace Hector, supplie Zeus : > (76,241). C'est aussi ce que plaide Nestor : Achille ne.doit pas s'obstiner-contre Agamemnon > (4, 95). Envoyd en ambassade auprds d'Achille, Ulysse le presse de reprendre le combat : > (9, 303). Hector demande dans son iamp un volontaire pour un raid nocturne de reconnaissance chez les Ach6ens. Celui qui aura cette audace aura une grande r6compense et < il emporterait le kildos pour lui-mdme ,r (10, 307). Poseidon exhorte les Danaens : (22, 207). T-es balances de Zeus ont marqud pour Hector le jour fatal. Alors Athdna vient dire i Achille : dans l,.;p;";;i., , par une transition qr,6n o.ui "i"r#"". imaginer ; Ie hdros, uccompti un'-"*uf.i[ "yuni emporre par sa valeur ce kfrdos que seul ,r^ii..."r{li ai."-E acco.rder;, en sorte il le'ravii "i .quelque ta tormule kildos ar{stbai entre dans le",repertoire d. I'dloge hdroique, au m€me titrc qi-iieos ar\stbai < em-
\flyt
crrnefence_que
(
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LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO.EUROPfENNES
porter Ia gloire > (I1. 5, 3). En oure on aura remarqud que le kfrdos ainsi gagn6 par le hdros va souvenr au hln€* du_ roi._ clevant les Danaen "gitant
j.,:l*
#,6 :l:;ill;!h;;?l{:;:ri1Hn::r"ii,Ti!f, -Acneens au cornbat... privds de force, les turent. Car Apollon a lanc6.h", .u* Il;r;;;* Troyens et i H'.sr"r -r;-;;; t-ie.puaos,> (1j, j27)u.u* nu..9,,:: q":,rgyi aiiuil r., emprois ds ,,It^1 {itty F:ados, le caractdriser i,y* dans_ ie, ].iaironr, s€s oppositions, ses ddrivations, pour u..ed., uu'r.r"r'""rn.ntique de ce terme
si mdconnu. L:.t'!!", de ces charmes de puissanc" -y"t,""-fie.riq;-i;; ;;; qy" I., di.rr* accordent ou retirenr instantan6rrienr, r.to"'Lluir"pierer.nces, t::i. jes parries en guerre, pour rdtablir ) l,une :: combats, pour sauveriel,chef^qui l,6quilibre oes les a honords d,oftrandeg ou pouf soutenir leurs propres rivalitds. Ces taveurs changeanres ,.flet.ni 1." ;ir""rouuunt des fac_ trons au camp des qu. ji,",u", zlu, ,rUii....'rJ- enTil passe donc de I'un a r autre, des Achde
iuis d,He*"i
a
li.r,ift; ;Lfi;'t;1",:ti. "ii ;i!ffi::
prodiges .t proai!. i"i_;#., :::T:: deque rnstrument du Zeus ,.ul ddtiinr lt:Tqh", et qu'il ."?,.:.* poi,,.un you. uu" rois ou d" ftH::.e Lerre descnption ouvfe une vue sur l,6tymo,11 Tn, Iogie. On a depuis longtemps ,.l.ug-lu coihcidence-for-
;;;;;
66
67
LE VoCABULATRE DES INSTITUTIoNS rNDo-EURopEsr.{Nrs nrelle de gr. kfrdos avec slave tudo attribud traditionnellement
LE POWOIR >>,
i
kfrdos n'dtait gudre favorable au rapprochement. A prdsent la question se pose en termes nouveaux : kfidos ne signifie jamais >, il ddsigne un attribut de nature magique qui assure Ie triomphe. Le caractEre prodigieux du kfrdos, ses efiets immenses et instantands, la confusion qu'il rdpand chez les ennemis, tout le rapproche du tudo slave, et la correspondance 6tymologique devient pleinement recevable. L'un et I'autre des deux tefmes se relie d'ailleurs d une m6me racine verbale, celle de tati > en slave, de koein en grec, et. dont le sens propre a d0 6tre . Ath6na vient ) lui sous I'aspect de Mentor, er YJIrj. I'im.plore-: , ; i"ni; bon sans peur, ) ne pas reculer. di Aj;" foni u.i ;;;;; oevant le corps de patrocle ; ^, ils repoussent trois fois l,assaut d;Hector. C.t"i_ci uurri, >, tantdt s'dlance, tant6t s,an6te. . Tel un lion qr. t.r-l.rg.rJ ddrout-e
73
LE voCABULATRE DEs rNSTrruTroNS rNDo-Et RopfrNNBs ne peuvent repoussef d'une victime,
> et pbobetn >, tels qu'Hector lis articule : < Zeus est toujours supdrieur, il met en fuite (pbobet) m€me le guerrier hlkimos >> (17, L77). Mais quand |'alkd manifestde par 4es prodiges vient de Zeus, elle est infrangible. Un coup de foudre inopin6 devanr le char de Diombde intrdpide en face d'Hector, et son compagnon Nestor est pris de crainte : (8, 140). Et quand Zeus ddtourne la flbche que teucros ddcochait i Hector et brise la corde de l'arc, Hector ne s'y trom-pe pas : (Trau.201). On pourrait continuer cette lecture chez Pindare, chez Hdrodote, partou t alkC montre le m6me sens : c'est la force de l'Ame, Ia fortitude,, qui ne cEde pas devant le danger et demeure r6solue quel que soit le sort.
* **
- Ayznt ddtermind la nature de l'alkd, nous pourrons aborder la ddfinition du kritos. On a vu qu'un- passase de l'Iliade, cit6 plus haut, assimile ces diux qlafitd"s. Cependant nous ne saurions pouf autant mettfe r:n signe 74
GA, j24).
Apollon vient de lancer Ende contre Achille. Hdra s'en 6meut et convoque les dieux ; (9,254). Zeus peut confdrer le kritos ) l'une des deux armdes en lutte; le b6n6ficiaire de certe supdrioritd est alors un peuple, non plus un individu, Th6tis implore Zeus en faveur de son fils outragd : > change de camp selon l'humeur des dieux. Diomdde d Ulysse, sous I'attaque des Troyens : > (j"5, 216). Mais. cette ne s'affirme pas seulement au combat, comme le feraient croire les exemples passds en revue et qui viennent tous de I'Iliade. Elli se mani
qu'exerce le roi ou le chef. Achille s'indigne qu'un honime, Agamemnon, veuille Qtpr a un pair ia parl ldgitime, u parJ. qu'il lui est supdrieur en kritos >. La fille que les Ach6ens lui avaient assignde. en part et qu'il avait c.;nquise les armes a Ia matn, se rerrouveltr dans les .emplois hom6riques du verbe kratetn. D'une parr . Le pobte appelle le lion h,rater6s non pour son- courage, mais parce qu'il pr6pare i la biche avec ses taons > (17, 54j). Trds significative auisi est la liaison de kratefts avec des noms"de soufirances cu de maladies. On ne peut se mdprendre sur Ie sens &e I'adjectif kraterLs quand il est apposl. d h1lkos (bitkos karterfin,Il. 16, 51,7 ; 523), si I'on observe que. les autres dpithdtes sont > (argal6os), > (lugr6s), > (kak6s). De m6me avec dlgea > dans l'expression, devenue clich6, kratdr' 6lgea pdskhda > (2, 72L) ; avec pdnthos >, dans kraterdn p1nthos dans krateri anigkE > (6, 458) ; avec desm6s > : d€san kraterdt eni desm1i < ils (le) lidrent d'un lien brutal >> (5, 386; trad. Mazon). Notons encore la locution karterd 6rga > dans la plainte d'Ards blessd ) Zeus : Zeil piter, ou nemesizEi hor6n tide karteri 6rga que P. Mazon traduit : (Th6og. 1013),
d6favotable quand
il
qualifie Arbs tueur d'hommes
(Boctclier 98; 101), un dragon (Th. 322), les Erinyes (Th, 185), Echidna , krataigilalos >; et kartaipous (krataipous) surtout posthomdrique, 6pithtste de mulets >, rejoint pour le sens khalk|pous (Il. 8, 41). 79
LE vocABULATRE DEs TNSTITUTToNS rNDo_EURopfsNr,trs
Enfin I'adjectif kratils, fixd dans la formule kratils Argeiphrintcs, est d entendre comme .< dur >>. Ce sens cst assurd par. le verbe ddnominatif leratilnein (kratrinousi) les pieds des t."rr' "n-i., faisant marcher nu-pieds GApibtique des Lac6d6mir;iens,II,3). On doit souligner-l'6cait entre ce krattineirt > tir6 de kratds it Ie kratilnein des Tragiques, d6veloppement secondaire iss,i de kratet;n >>
le pouvolf )>. faut donc prendre conscience d'une situation s6mantique trbs singulidre que cer examen fait ressortir et donr la particularitd n'a pas encore dtd remarqude : l,ensemble lexical consritud aurour de krLtos n'est |as une famille homogdne. Il. se partage en deux groupes iirtin.t, qr:bn peut caractdriser sdpar6ment. 1).Le.premier esr articuld par la norion physique ou nrorale. de >, d' ) ou le comme > territoriale et politi_ que .: krateln I kratai- . Il ne comporte que ce sens, au propre ou au figurd : . Il n'6volue jamais vers une valeur sociale ou politique, et il se caractdrise par une connotation ddfavorable. Ce sont bien deux domaines distincts. Enre les deux s'dtend l'aire de I'adjectif krater1s dont, on l'a vu, les emplois se partagent ; les uns appartiennent d, krdtos et indiquent la possession de I'autoritd ; les autres se rattachent i kratils > et qualifient ce qui blessure, - >. Il ne maladie, discorde esr :_ ces artifices de traduction ne font qu'obscutcir les probldmes. I1 a 6td sufiisamment monrid que kraterfs ne signifie pas ; une preuve suppl€mintaire en est que cet adjectif peut sans pldonasme qualifiet is > : kraterd fs Odus€os ^>, de I'autre, la qualitd physique de . _ Or il se trouve que cette distinction, que nous avons ddgagde de I'analyse des emplois et de la confrontation des valeurs de sens _en grec m€me, trouve hors du grec sa justification dans les correspondances dtymologiquei. _ Jusqu'ici les comparatistes ont cherchd les correspondants de la famille de krdtos dans deux directions : drune part avec got. hardus, de l'autre avec i.-ir. kratu-. Mais la plupart se sentent contraints d'opter pour I'un ou I'autre rapprochement ; ils hdsitent d les admettre ensemble, si grand est le ddsaccord de sens. De toute manidre I'interprdtation de gt. kritos par > n'a jamais 6t6 mise en doute. Ld ltait l'erreur.. 11 apparait maintenant qu'en testituant aux formes grecques leur sens authenti_que, on peut renouveler la solution du problBme dtymologique. L'adjectif gotique hardus signifie comme all. 81
LE voCABULATRE
DES
_rNsrrrurloNs
rNDo-EURopf,Er,rNEs
hart, angl. hard. Il taduit le grec skleris , Ar.ts. tEr6s >. De li I'adverbe barduba , le composd hardu-hairtel , et le vetbe gahardjan >. On voit maintenant que, b tous dgards, got. hardus de 'k kartu- r6pond exactement d gr. xpa'r6q >, xapt0vur (de x kartu- ou 'k kftu-). C'est la m€me {orme d'adjectif ei le rn6me r.nr, p.rirque gr. kratils et kartilnein d6notent le comme propridtd physique. Toute difidrente est la sphEre du krdtu- vddique, xratu- avestique. Ce substantif ddsigne une facult6 intellectuelle et spirituelle, la > de I'esprit, de I'ardeur. de I'inspiration, qui anime le guerrier, le poBte, le croyant. Notion trbs complexe (L), que la spdculation ultdrieute a encore enrichie et affinde. Il nous suffit ici de marquer l'attache 6vidente du kratu- indo-iranien ramend d sa notion initiale avec le kritos hom€rique, qui indique toujours la < prdvalence )>. De part et d'autre c'est un substantif, non plus un adjectif ; seule la formation difibre un peu (masculin en -u en indo-iranien, neutre en -eJ en grec). Le noyau conceptuel est bien le
contamination entre les deux familles ; d'une part il a donn6 un doublet (sur le modble de iskhur|s, sthenar|s) d kratds, avec le sens de , de I'autre il {ournit d, kritos un adjectif signifiant , reprdsentE par gr. kratils etc. et got. hardus ; 2) un substantif ddnotant la < puissance >>, Ia >, continud pat i.-it. kratu- et pal gt. krdtos. On remarquera que jamais en germanique les formes de hart, angl. hard. n'ont dvolu6 en valeur morale ou -politique ; et que jamais en indoiranien, les formes de kratu- n. mbntrint le moindre rapport avec I'idde de . Cela m6me fait encore mieux ressortir la disparit6 que nous avons signalde, i f int6rieur du grec, enfte kratlis > et kritos, kratein >, Mais l'adjectif krateris a op6rd une ces.
ddtail par K. Riinnow, Le Monde Oriental, XWI, .^(l) Analls^de.en p. 1-90. Lcs dtudes parues depuis sont recensdes chez L. Renou. Etudes tediques et panintennes, III, L957, p. 19; IV, 195g, p. 1g. YJZ-,
82
8)
11
il
chapitre I .royavte et noblesse
Sorntnaire. roi, en germanique (ang. king, all. K6nig, - Le. etc.), c'est celui qui est nd, c'est-i-dire bien nd, noble (racini * gen- ,, naitre >). Mais Ie noble a un_ autre nom, extr€mement instructif, p. ex, all. edel, ancien * atalo-, d4.riv6, de x atta , forme nominale d6rivde elle-in€me de la racine ') gro- >, et qui appartient au meme groupe que 'lat. gens et gr. g6no.s. Le < roi >> est d6nomm? .ti ,r"itu de sa naissance comme < celui de la lignde >>, celui qui la reprdsente, qui en est le chef. Au res-te touies les fois que I'on spdcifie la naissance, c'est qu'elle est noble. Reges ex nobilitate... sarftant, dit Tacite des Germains (Gerrn. VII, 1), Dans cefte conception, le est considdrd comme le reprdsentant des membres de sa
ffibu.
Tout diffdrent est_en germanique le concept de exprimd par edel, et il pose un probltme -|'allemand beaucoup plus difficile. Le mot figure ddji _en vieil-anglais, en moyen-anglais, en vieux-haut-allemand, sous des formes qui ne difitreni pas beaucoup de celles que nous avons auiourd'hui ; elles 85
LE vocABULATRE DEs rNsrrrurroNs rNDo-EuRopfeuNrs reposent toutes suf un ancien "" atalo-, cf. vieux notrois edal etc. alternant avec uodal qui r6pond ) I'allemand Adel < la noblesse >. Ce thdme 'k atalo restitu6 en germanique ne se pr6te pas i des rapprochements dtymologiques ; la forme germanique semble 6tre complbtement isolde. Cependant il est une forme qui lui corresponc'|, mais avec un sens totalement diff6rent, c'est l'adjectif grec atal6s (rita),66) ; enfin au pr6sent d redoublement atitdllo (d,tr,rct),),c.1) >; mais on notera (Odyssde 18, 323) : , dtant sous-entendu que les enfants ilevds par les parents nouniciers ne peuvent 6tre que de naissance noble. Par lh se serait sp6cifide la relation indiqude par v. h. a. adal , ags. adelu > etc. Des morceaux disjoints d'une tradition prdhistorique retrouveraient, dans cette hypothbse, leur unit6 premidre et les conespondances formelles s'accorderaient ainsi au sens supmonde indo-europden grec
pos6.
chapitre 9 le roi et son peuple
Les deux noms homdriques du , Sommaire. dtnos et la6s,- se distinguent par leur sens et par leur origine, D€mos d€.signe i la fois une portion de territoire et le peu-
ple qui
y
vit
;
c'est un terme d'origine dorienne.
La6s, c'est la communauti virile, guerridre, qui se ddfinit par sa relation au chef, le > (poimdn), ou encore lc > (drkhamos), de laoi. Chez Hombre regoivent le titre de poindn ladn des h6ros principalement thessaliens et phrygiens; d'autres timoignages littdraires, ipigraphiques - la6s qui doit donc apparconfirment cette r6partition du terme tenir, du point de vue grec, l la couche achienne, mais qui atteste aussi I'existence d'une certaine communaut6 Colo-phrygienne ) peine antirieure au dibut de Ia tradition littdraire grecque, et dont on ne peut s'itonner de trouver des indices dans I'dpop6e hom€rique.
En ddfinissant la position et les caractdristiques du roi, on doit envisaget aussi les personnes sur qui s'exetce cette foyautd, les termes qui d6signent, diversement, le < peuple >> dont le roi est tant6t le ma?me, tantdt le repr6sentant le plus immddiat. Chez Hombre, il y a deux noms diffdrents du qui m6ritent I'un et I'autre d'6re considdr6s de prbs : d€mos (6frpos) et la6s (),466). On connait aussi la mdtaphore du toi > : poimdn ladn. Que signifie exactement cette expression ? Il est i remarquer que pointdn, comme quelques autres tiffes de sens
plus politique, Lrkharnos, koiranos, kosmdtdr, ne r6git pas d€naos, mais exclusivement la6s ; tandis que ,inaks, ctgds, et parfois 1rkhartos rdgissent seulement andr1n (1) Sur otta, voir vol.
88
f, p. 209 ss.
.
Nous traduisons pareillement, par ndcessitl, d€mos et 89
LE VoCABULATRE DEs lNsrrruTroNs rNDo-EURoPfrNnrs
peuple o. Il y aurait int6r6t i prdciser la et difidrence enire ces deux notions. Car il y en a une elle est consid6rable. Dtmos, concept tertitorial et politique, ddsigne h la fois une portion de territoire et le peuple qui y vit. Pat > i1 faut entendre ici encore autre chose que 1thnoi (H0voq), d6ji du fait que 1thnos ne se dit. pas se..lem.nt des hommes, mais aussi des animaux, des abeilles, tandis qulon nnemploie jamais d€mos en pareil .cas' En outre, 1thnos constitue des expressions comme 4tbnos la6n, 1thnos hetairdn, pour ddsigner le groupement des compagnons de combai. tl ressort enfin ,des exemples hom6riq.res que d?mos est un groupement d'hommes unis se,,tlement pul r.rn" commune condition sociale- et non par un lien de parentd ou une appartenance de caractdre politigue. La particularitd de la6s (le terme s'emploie aussi souu.nt al.r pluriel qu'au singulier) est d'exprimer la relation p.tronn"il. d'.rri gro.tpe-d'hommes avec un chef. C'est une organisation propre aux anciennes socidtds guerridres, que nous avons constatde chez les Germains, et qui' -1ve! li terme /ads, ressuscite dans l'ancienne soci6t6 helldnique. Les laoi font partie de la suite du chef ; ils-s-ont soumir a son commandement; ils lui doivent fiddlitd et obdissance ; ils ne seraient pas laoi s'ils n'dtaient unis d lui par le consentemertt mutuel. Ils peuvent 6tre engagds pour sa cause au combat, c'est le cas qui nous est le plus lamilier ; mais ce fait tient peut-€tre au caractere dpique de I'Iliade. En tout cas la6s est le nom du peuple en tant qu'il porte les armes. Le terme ne concetne ni les vieillards ni les enfants, mais seulement les hommes d'6ge viril. Le la6s est donc la communautd guerridre, i la difi6rence du dlnzos; et le pluriel laoi donne d penser que cette communaut6 comprenait plusieurs fractions. 11 faut ici 6tudier plus attentivement les conditions dans lesquelles l'expression poirndn ladn est employde est-elle aPPliqu6e, dans.quelles A qui cette qualification -apparait-elle dans l'Iliade et I'Odyssde ? circbnstances n'a jamais 6td pos6e. qui, semble-t-Ll, question C'est une .Cette expression est trbs ancienne et ce qui donne la mesure de son andquitd, c'est qu'on en a quafante-quatre
Ia6s par
90
viennent de la Thessalie.
i tous les rois des Achdens, dont Agamemnon. Il y en a quelques autres dans le camp opposd : Hector, Bi6nor, Hypeiron, Hypdrdnor, Agdnor. Sur ceux-l) nous sommes moins bien renseign€s. Ils appartiennent au camp
Le titre, devenu clichd, a 6td dtendu ensuite
troyen, les uns sont pfoprement tfoyens, les autres phryglens.
Voili comment se dessine la distribution de poimdn ladn, dans deux groupes homdriques, le ptemier est spdcifiquement thessalien, le second ilio-phrygien. Ce point acquis, revenons au mot la6s pout en pousser plus loin I'examen. C'est un mot qui n'a pas de correspondant hors du grec; nous ne pouvons donc le situer dans le vocabulaire indo-europ6en, ni I'dclairer par la prdhistoire. Mais il a assez d'attaches d I'intdrieur m6me 9L
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LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
du grec pour permettre une recherche plus approfondie, et pour nous procurer quelques prdcisions nouvelles. Une donn6e historique importante, bien qu'indirecte, sut la6s, nous a dtd transmise par Hdrodote (VII, 197), i propos de I'expddition de Xerxbs en Thessalie. Quand Xerxbs patvient dans cette rigion, ) Alos d'Achaie, ses guides lui rappottent une ldgende locale sut Zeus Laphystios. Athamas avait complotd avec fno contre Phryxos et, pour le punir, les Achdens ont 6dictd une rtsgle applicable i ses descendants. Il est interdit ) I'ain6, sous peine de mort, de p6n6trer dans le prytande. S'il y enme, il n'en sortira que pour 6tre sacrifid. C'est une histoire curieuse, et qui semble 6tre le souvenir du sacrifice obligatoire de l'aln6 ) Zeus Laphystios. En rapportant cette interdiction, Hdrodote dit : Upyeo0at to0 ),r1ttou ; l,r1tm;, tr{tl ' ldper,a > ; puis ],er,tod.pyar, titre de ceux qui s'occupent des sacrifices, et qui ont des postes publics, magistrats. Une autre glose importante parce que I'origine nous - livre un nom d'agent : ),!ripeq ' en est donnde nous - 'A0ap&veq. Or la l€gende rapport€e par iepoi oteEavorp6pou Hdrodote concernait les fils et les descendants d'Athamas ; justement le mot laftr vient de la langue des Athamanes, du peuple m6me qui avait Athamas comme dponyme. Un aute nom d'agent * Ieitdr est attestd par le verbe d6nominatif leitoreil7 > qui se rencontre exclusivement dans des inscriptions thessaliennes. Que nous enseignent ces tdmoignages ? Le terme de base lliton qui reprdsente l6(a)iton, d6fiv6 de la(w)ds, ddsignait chez ce peuple achden le prytande, la maison publique. Selon la rdpartition m€me des termes citds, 92
LE ROI ET SON PEUPLE c'est en Thessalie, en Arcadie, que se localisent ces traditions et nulle part ailleurs. On est en droit d'en conclure que la6s est un mot achden. Les garants de la ldgende rapportde par H€rodore sont des Achdens, originaires du pays qui, en GrBce m€me, conserve le nom d;Achaie phthiotide. On considtsre certe rdgion comme dolienne avec la Thessalie, une panie de la Bdotie, des lles et de I'Asie Mineure. Le dialecte dolien forme aussi une communautd un peu l6che, mais rdelle, avec Ia langue hom6lig,rg, en ce sens qu'on y relEve nombre de traits propres A la langue dpique. Or, ici, ce terme donn6 comme ichden, est rapport€ i Athamas, fils d'Eole, I'anc6te des Eoliens. Il y a ainsi concordance entre les raditions historiques et la rdpartition dialectale. Le terme la6s doit 6re aitribud i la couche achdenne du grec. Ceci parait confirm6 par I'onomastique : la6s entre dans la iomposition de tlds nombreux noms propres, soit comme piemier, soit comme second 6ldment, d'une part Lao-rntdon, Lao-koon et d'autre patt Mendlaos (Mdndlas) et tous les noms en -las ; le nombre en est considdrable. Parmi les plus anciens porteurs, nous trouvons un grand nombre de personnages originaires de la rdgion dolienne. Il faut aller plus loin. Le mot la6s ou, plui exactement, le d6riv€ la(w)ito- citd plus haut, se retrouve sans qu'on en ait conscience dans un composd bien connu du grec commun : c'est lditourg1s (Lry,-, ),er,roup16g) aveCl,abstrait lgilo.urgta ().er,toup1ia) < liturgie D, qui s,analyse en
r'leitu-werg-. Ainsi ce mor lditon quf c"hez Hirodote est encore donnd comme local et accompagnd de sa traduction a servi de base i un nom d'inititution qui est entr6 dans la langue corhmune. La < liturgie >> dtait bien un senice public, la prestation publique d'un citoyen vis-)-vis de l'Etat. Le compos6 doit 6tre aussi d'origine 6olo-achdenne ; il s'est formd ndcessairement dans un dialecte oi ld'itos 6tait le terme usuel pour < public >>. Dans une autre rdgion du temitoire helldnique, sur le dom-aine dorien, cette notion de liturgie est exprimde i Cnide par datnoilrgos (Sapro0pyoq). Lis deux mots /eltourg6s et dam-oyrgoJ se cofrespondent exactement pour le sens, leur difidrence m€me est instructive : on -voit que ddmos est la forme dorienne qui correspond i Ia 93
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
forme dolo-ach6enne la(u)6s (et lh(u)iton). L'analyse fournit comme une stratigraphie de ces mots b I'int6rieur du vocabulaire grec. Il y a donc ddj) chez Hombre deux origines distinctes du concept de < peuple >>. C'est i la pdriode achdenne qu'il fauf rapportar la6s, h I'invasion dorienne, donc i une date plus rdcente, qu'il faut rattacher d2mos. Mais nous n'avons considdr6 jusqu'ici que la moitid des faits. Le titre poimdn ladn est donnd aussi dans I'Iliade ) des hiros qui ne sont ni achdens ni grecs, mais troyens. De mdme, parmi les porteurs de noms propres en -laos se trouvent des personnages d'origine asianique, dont des Phrygiens. En eflet nous avons le mot en phrygien m6me sous deux formes. Des inscriptions phrygiennes anciennes livrent le nom propre Akenano-Iauos et 'aussi le mot ; laualtaei, interprdt6 comme un composd qui signifierait , . On ne peut douter en tout cas que le premier 6l6ment soit law6s >. I1 ne faut pas s'dtonner que des dldments de vocabulaire semblent communs au grec et au phrygien. Nous distinguons les Grecs des Phrygiens pour des raisons linguistiques et historiques. Mais il est probable que les Grecs sentaient beaucoup plus leur similitude que leur difidrence. Le monde phrygien et troyen est exactement pareil chez HomBre au monde grec. La langue ne semble pas faire obstacle i leuts rapports. Les hdtos s'interpellent et se comprennent de plain-pied. Ce sont les m€mes dieux qu'ils invoquent touf ) tour. Ils ont les m€mes institutions, les m6mes relations d'hospitalit6, la m6me forme de familie. Ils se marient d'un camp d I'autte, voyagent les uns chez les auffes. Pour Hombre, la guerre de Troie n'oppose pas des Grecs d des Barbares, c'est une querelle i I'int6rieur d'un m6me monde, alors que le peuple des Cariens est qualifid de >. Des traditions anciennes associent dtroitement le monde phrygien et le monde thessalien ou 6olien, Les Phrygiens, Oprileq, Bpilyeq,, passaient pour originaires de Thrace Localisds dans la rdgion oil est le site des Athamanes, les Phrygiens ne sont qu'une fraction ethnique du m6me groupe que les Thraces. Il n'est pas 6tonnant 94
LE ROI ET SON PEUPLE
INDO-EUROPEENNES.
que des t6moignages de leur communautd ou de leur vici-
nit6 persistent dans l'6popde. Du m6me rdpertoire vienr aussi le titre 6rkhamos la6n. La forme 6rkhanos se rattache d irkha . mais le o- initial_repr6sente un trairement spdcifiquement dolien comme celui de bv pour la prdposition ava. . C'est dans cette vue d'ensemble, i li fois ethnique et sociale, qu'il {aut apprdcier le tire de poimdn ta6n. On remonte i un Age oil, dans une structure sociale fondde sur I'dlevage, le mdtier de la guerre Etait exercd par des > soumises i un chef. fl n'est sans doirte oas forruit qu'un des pli-rs anciens tdmoignages du terme lauos soit donnd par Ie nom mycdniJn /a-ua-ke-ta : LauagetAs < chef de lawos > (cf. dor. lag1tas > chez Pindare). Mais la > intoduir une corception du pouvoir qui est difiSrente : I'autoritd est celle du gui.d.e, du ( 1) et nous le voyons en iranien, en hittite, comme en grec homdrique.
(l)
Cf. Hittite et indo-earop1en, Paris, L962,
p.
100.
95
livre
2
le droit
chapitre thdmis
Sommaire. racine cornmune d skt. Eta, ft, arta, l^t. drt, - La artus, ritus, qui disigne l' comme adaptation harmonieuse des parties d'un tout entre elles, ne fournit pas, en indoeuropien, de ddsignation juddique. La , mais ils sont plopres i chaque langue. Cependant les principaux se relient ) des il6ments du vocabulaire commun et peuvent attester d6ji une spdcification juridique remontant ) i'6poque indo-europdenne. Il nous. faudra dtudier i la fois I'origine des'rermes 99
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
attestds historiquernent et 1'6volution
mes communes, en a particularisd
le
est dit en sanskrit rta-uan, fdminin rta-uar|; de m€me en iranien artauan, artauari. Cette difidrence remarquable entre le masculin et le f6rninin de la forme suffixale -uafl, uari s'explique par le m€nre jeu que I'ancienne flexion dite hdtdroclitique, qui a laissd des survivances dans le paradigme de grec hildor, hildatos, latin iter, itineris. De plus, dans I'Avesta, cette notion est personnifide : il s'y trouve un dieu Arta. Par I'interm6diaire d'une suffixation d'abstrait en -tL!.-, I'indo-iranien a constitu€ le thbme vdd. ytu, rdtLt-, ddsignant I'ordre spdcialement ^v.pdriode de temps dans les saisons, la sg aus5i : la rdgle, ia notme, d'une manibre g6n6rale. Toutes ces formes se rattachent i une racine ar-, bien connue par de nombreuses formations hors de I'indoiranien et qui rejoignent plusieurs des catdgories fornrelles prdcddentes. La racine est celle de gr. arariskd (arm. ainel ), i laguelle se relient plusieurs ddrivds nominaux : avec >>
100
THfMIS
)>
-ti-, lat. ars, artis < disposition naturelle, qualification, >> ; avec -tu-, lat. artus >, et aussi
talent
avec une autre forme du radical,
rite
>>
;
lat. ritus
gr. artils (arm. ard, g6nitif ardu
. Mais sur chaque domaine des termes distinctifs dtaient ndcessaires. C'est pourquoi le a reEu des expressions plus prdcises et qui doivent €tre dtudi6es dans leur sphdre propre. Voici maintenant les principales. En sanskrit vddique on rencontre d'abord dharma-, neutre dharman, qui dquivaut i < loi >>, mais dont le sens propre est > (de dhar- ) et selon les cas >. C'est un terme de vaste portde dans la religion, la philosophie, le droit aussi, mais limitd i I'Inde. A cette racine indo-iranienne dhar- correspond probablement celle de latin firmus, qui a une formation en -rn- comme dharrnan. La < loi > est ici < ce qui tient fermement, ce qui est 6tabli solidement )>. Une autre image est refldtde dans skr. dhAman, >, et aussi < sitsge r>, >. La formation de dhaman est sym6trique de celle de dharrnan, mais elle procdde de dha- , indo-europ6en * dbe- (( poser, placer, 6tablir D, tacine qui a donn6 en latin lacio et en $ec tfuhetd. Il faut noter que le sens de * dh€- est : poset d'une manidre crdatrice, el'ablh dans I'existence, et non pas simplement laisser un objet sur le sol. Le d6rivd dhAnaan ddsigne donc l'< dtablissement )>, ) la fois ce qui est posd, cr€6 et I'endroit oil l'on pose, of I'on dtablit ; d la fois le domaine, le site et aussi la chose posde, o66e dans le monde. A partir de l), nous voyons commenr se ddfinit aussi le sens de < loi > pow dhArzran,la >
101
LE vocABULATRE DES rNSTrrurroNS rNDo_EuRopfnwNns
,, c'est-).-dire ceux qui renden,, ** I,.-rt:q, r emplfe de la vrolence, des arrets injustes. _ Parfois le conrexre. est indispensable'i I'apprdciation de I emploi. Patrocle s'6lance dans Ie l.-U"t .iaef"ii ,".."r_ sivement tous ses adversaires mais br.rrqo"m.nt ; sa moft qu'il le sache,_ car phoido, Ap.U""'jri: :^ll6pu.",,sans meme va l'aftronter sous un ddguisement. >
104
105
chapitre ai*e
'
Le latin dico et le grec iliki imposent la repr6Sommaire. - droit formulaire, diterminant pour chaque ,situasentation d'un hom. d.ika*p6lostion particulidte ce qui doit.€ue,,Tte juge - prononce avec autoest celui qui a la garde du formulaire et qui tit6., dicit, la sentence appropri€e.
A la notion de th1mis fait pendant celle de dlkE' La premibre indique la justice qui s'exerce ) I'intdrieur du groupe familial ; l'auffe, celle qui rbgle les rapports entre les familles. Et tout de suite nous apetcevons, entre l'expression de ces deux notions, des diflirences significatives. L'une tou-. che i la formation m6me des termes. On a vu ci-dessus que thdnris est ddrivd de n dbe- au moyen d'un suflixe dont I'indo-iranien a I'dquivalent. Il en va auuement de CikE, qui est tird de la racine * deik- avec addition de -Z f€minin, et dont les correspondants nominaux reprodui sent la racine non sufiixde ; ce sont les noms-tacines skr. di!- >, lat. * dix, qui survit dans la locution dicis causd . Une autre difi6renie entre thdnis et dlkE se marque encore dans la reprdsentation respective des notions. A la base de thdmis, il y a une racine (au sens.d"rlre ligne droite). L,image complBie bien celle qui est impliqu,ee dans o deik- : montrei ce qu'on doit faire, prescrire-la norme. Car, 17 ne faut pas l'6ubher, la d,ik€ est une formule. Rendre la justice n'est pas une
ili
iii
109
LE VocABULAIRE DES rNsrrrurroNs INDo-EURopfBluvrs op6ration intellectuelle qui exigerait m6ditation ou disOn se transmet des formules qui conviennent i des.cas ddterminds, et le r.6le du juge eit de les possdder et de les appliquer. Par l) s'expliqrie I'un des anciens et rares roms du < juge >, l'homdrique dikas-p6los. C,est urre ddsignation curieuse, formde colnme ai_p6los >, bou-le6los (avec -kolos variante 'de -polos) >, oi6no-p6los , et oi i'on peut encore retrouver la valeur d'institution. euand Ulysse ciescendu aux enfeLs rencontre sa mEre, il-tui demanJe pourquoi il ne peut la saisir : telle est, rdpond-elle,la dlkE des morrels, {}tr' aUtrl 6irq iori, Bpotriv (Od. ti, ZtSy. Ce n'est pas la < manibre d'6tre >>, mais bien la o rEgle impdrative n, lu ,, formule qui rBgle Ie sort >. par"li o5r ar3iyg,i I'emploi" adverbial-dike; >, c'est-i-dire > m6me. Mais Ia notion ith.ique de justice, telle que nous I'entendons, n'est Das incluse dans dikE. EIle s'est peu d peu d6gag6e d.s iirconstances oi la dik€ esr invoqude pbur mJtti. fin ) des abus. Cette formule_de justice-devient l,expression de la justice m€me, quand la dtke intervient po-ur mettre fin au pouvoir de la bla, de la force. La- dike s,identifie alors avec la vertu de justice et celui qui a la dike pour lui est dikaios >. cussion.
110
chapitre
3
ius et le serment
Sommaire.
< Ie droit
i
Rome
Patalldle d dike, le latin inr, qu'on traduit pat
- a un vetbe dirivi,
)>,
iarare qui signifie
> et l' < arbitte >>. En fait les textes montrent qtse L'arbiter est toujours le tdmoin invisible, propre i devenir, dans certaines actions judiciaires ddtermin€es, un iudex impartial et souverain.
L'analyse des emplois de dikE
a f.ait ressortir, entle
autres, la frdquence des corrdlations entre le grec dlka et le latin ius. Ces deux termes, quoique difidrents par leur origine, entrent dans des sdries parallBles : dik7n eipein r6pond b. ius dicere ; dikaios d iustus, enfin, d'une manibre
approximative, dikaspfilos d iudex. En outre, nous avons i ielever le fait que dikE ddsigne, par rapport d tbdmis, le droit humain opposd au droit divin, et que de la m€me maniEre, le lzrs s'oppose i ce que les Latins appellent fas. Que signifie donc en propre ce mot ius ? Ici persiste une 6tange obscuritd. On sait bien que lzs d6signe < le droit > ; mais ce sens lexical ne nous livre pas Ia signi fication v6ritable du terme. Et si nous cherchons celle-ci dans la relation entre ias et ses ddrivds, nous rencontrons un nouveau problbme : le vetbe de ius est iuro . 111
rl
LE voCABULAIRE DES INSTITUTIoNs rNDo-EURopf,rlrNes
Comment se trouve-t-il s6pard de son verbe par une diffdrence de sens aussi singulidre ? A premibre vue, entre jurer >>, il y a une distance inexplicable. et _, malheureusement sans donner de rdf6rence. A notre connaissance une telle locution ne se rencontre pas. Nous n'en avons que la forme r6siduelle ius iurandun, qui laisse subsister I'dcart entre ius et iuro. La rclation du substantif au verbe ne peut donc s'€lucider que dans une. phase antdrieure d l-itat historique, ce qui requiert l'examen de l'6tymologie. On a bien identifid des correspondants de ius, mais ils pr6sentent un sens ciifidrent. Certes, en celtique, I'adjeclif irlandais huisse fixale prbs, on reconnait le latin iustus. Mais du fait que nous n'atteignons qu'un ddrivd et que le nom celtique de base nous manque, la comparaison ne nous apprend rien. C'est en indo-iranien que se prdsentent les correspondants de lat. ius : v6d. yoh, av. yaoi qui ont exactement la m€me forme. _ Mais v6.d. yoh signifie < prospdritf, >>, av. yao! >. Autant les formes ie correspondent, aritant les notions sont divergentes et troubles. Nous avons ndanmoins ici une de ces grandes corrdlations de vocabulaire enre I'indo-iranien et I'italo-celtique, un des termes dont I'expression ne survit qu'aux deux exftdmitds du monde indo-europ6en. Le sens de '1oD doit 6ffe >. Le mot n'intervient que dans des locutions oi il fait couple avec iam; soit ianyoh en un seul mor, soit iamca yoica, pour dire >, dans des formules de souhaits telles que celle-ci : >
Lt2
'AS
ET LE SERMENT A
ROME
locutions formulaires oi yaol se combine avec Ie verbe >', i1. au sens de ,' montre- qui yaoi ddrG;J;; 2::: ala ,, de I'autte, < ) dire >>. Cette difi6rence une grande poitde arnr-t. regisfte du droit et du rituel_aoil lei > consisten,t souvent en . . GrAce d I'iranien et au vddique, nous remontons dans la pr6histoire du latin ius. Le *oi indo-.uropden . i;; signifie < I'dtat de r6-gularitd, de normalitd qui .r, ,Jouir, par des .rdgles rituelGs >. En latin, cer 6d; ;- r-d;;' clu doubte statut que_nous venons de distinguer en indorranren. La notion de- ius admet ces deui condidons. L'une est la situation de fait marqude par le d6ri;a ;;;r;; LL3
i1
tl
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
dans les expressions l6gales : iustae nttptile ; iusta uxor >, c'est-i-dire : ius et dicere, iu-dex nous ramBnent ) cette liaison constante. En m6me temps que ius, Ie verbe dicere commande des formules judiciaires, telles que multam (dicere) >, diern (dicere) , nous ne trouho.rt, de Id que des formes limit6es i deux langues, ::l: quelquefois d une seule. Le persan dit pour < jurer >> sdgand xurdan,litt, , c'est nous est connu sous , En la torme verbale deiuatuns >, mais 6mangbre au latin. expression -Dans claire,
d'autres langues indo-europdennes, l'expression du serment est conformde ) la manibre dont on jure : irl. tong coffespond au latin tango > 1.335 LA. praei uerbis quiduis. , indiquent bien la nature conffaignante des paroles que le jurant doit reproduire. Au terme de cette analyse, nous trouvons dans iurare confirmation de ce que I'exatnen propre de ius nous avait enseignd, que ius d€signe bien-une formule,- ici-la {o-rmule"dnongant l^ conduite que le jurant tiendra, la rbgle i laquelle il se conformera. Mais le ius iurandurn indique , entre les parties ? LL ?ictionnair.e Ernout-Meillet donne successivement les deux sens : tdmoin, lygq-gb!*g, sans essayer de les joindre. Selon celui de \7alde-Hofmann, le sens premier jerait : >. Mais c'est un procdd'd ar6itraire que d'agglomdrer deux sens distinctr pour en faire une ddfinition. Ici _e!core, I'examen des emplois s'impose. Il montre tout d'abord qu'en traduisant arbiter paf on ne rend pas compte exactement de la-signification. TL9
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
ius
INDO'EUROPEENNES
Voici quelques exemples de -Plaute, -grri. donne emplois tes plus anciens et les plus significatifs.
les
Captiui ' 219
si uidetur, procul, arbitrati qaeant nostra ne arbitri dicta > (v. 607), c'est-i-dire voir ce qui se passe d'un c6td et de I'autre, sans €tre vu. Comment s'explique alors le sens de arbiter < juge > ? Comment, de tdmoin clandestin, arbiter peut-il devenir juge souverain ? I1 faut se rappeler qu'au sens le plus ancien, est dit iudex tout personnage d'autorit6 charg6 de statuer sur un litige par un jugement ; en principe, c'est le roi, Ie consul, celui qui d6tient tous les pouvoirs. Mais pour des raisons pratiques, ce pouvoir est ddl6gu6 d un juge privd qui, selon la nature des cas, s'appelle iudex ou iudex priuatus ou iudex selectas ou encore arbiter. Ce dernier a un pouvoir souverain d'apprdciation dans tous les cas qui ne sont pas prdvus pat \a loi. Il y avait en efiet une legis actio pour les cas que la loi ne prdvoyait pas, et les parties prdsentaient cette requdte : > L'antiquit6. de l'arbiter dans ce sens est d'ailleurs attest6e par la loi des XII Tables, or) on lit : praetor arbitros tres dato >. Ce qui caractdrise l'arbiter est 1'6tendue de son pouvoir, que Festus ddfinit : ... pctntilex maxirnus, quod iudex et arbiter habetur rerum diuinarunt burnanarumque et ailleurs : arbiter dicitur iudex quod totius rei habeat arbitriurn >. En efiet, l'arbiter ddcide non d'aprbs des formules et des lois, mais par sentiment pfopre et au nom de l'6quit6. L'arbiter est en ftalit4- un iudex qui agit en tant qu'arbiter; il juge en survenant entre les parties, en venant du dehors comme quelqu'un qui a assist6 i !'afr.ake sans €tre vu, qui peut donc juger librement et souverainement du fait, hors de tout prdcddent et en fonction des circonstances. Cette liaison avec le sens premier de . Toutes les fois que nous constatons des emplois techniques d'un terme, il y a lieu d'en rechercher l'explication i I'intdrieur m6me de la sphbre i laquelle il appartient, mais aprbs avoir ddfini exactement le sens initial. A une plus grande 6chelle, ce n'est pas auffement qu'on peut ddgager la valeur propre des notions dans le vocabulaire des institutions.
chapitre 4
*
med.
et Ia notion de mesure
Sommaire.
- .A
date historique
des notions trds divets".1-:
(
la
gouverner )),
. La. signification otiginelle
d'une rdduction
racine * med- d€signe
(
penser ,r,
.,
soignei
rr.
ne saurait'r.;fti;-;i
4 utt vague din6minat.u. .or*.rrr, ni d'une d.-es significations Lirtotrq".r'', .il""olri se ddfinir comme n6n de mensu.^,i"rl ilH;d: ration (lat. modas, modestas), propre i assurei -.i, ou ) ,6irbl;. I'ordre dans un corps .ied.eoi,.. soigner;,-*;;;;;;;, "" Z.;;';;ei;;: dans l'univers .(hom. Talade.(iat, .Zeis lidethen) teur >>), agglomiration hdtdroclite
^id€a, dans_les affair.es humaines, des plus graves, comme la guerre, aux.. plus quotidjennes, comme ,n-r.purl pon", i;torrn. qui ; nddomal a aussi un vieux nom cl_'agent mistdr . A ce m6st6l se rattache le fdminin -rnestra dans un nom c6lbbre, Klitairuesfta; < Celle qui prend des ddcisions d'une maniEre renomm6e >>, devenu . La racine est encore reprdsentde en germanique par des verbes bien connus qui ont dur6 jusqu'd I'dpoque actuelle : got. rnitan , v.h.a, nze,zzaltr, all. tnessen, m6me sens ; et, avec une formation de prdsent ddriv6 n medA- j gor: miton, v.h.a. tnezzan ,>. Nous retrou_ vols. .qn colrespondant en atmdnien dans nit, gdnitil mti (rhEme en -l) < pens6e >>, subsranrif d e rudicil. igoon_ dant pour Ia forme au grec ,', m1dos (m6dea). Il faut enregistrer i part le prdsent latin neditor qui s'est 6cart6 si fort du sens de-medeor qu'il est devenu un verbe distinct dont le sens premier est mais qui, trBs vite, a pris le sens de ..r s'e*ercer )>. On s'accorde ici i reconnaitre l,influence du srec meletdn , comme on pourrait le penser d'aprbs le.latin et I'iranien, est-ce comme en gefmamque, est-ce >, comme en grec ? En gdn6ral, on traduit n med par , et on fait d6river un cettain nombte de valeuts techniques : > ou ou encofe . Une fois de plus se posent, pour le problbme qui nous intdresse ici, les questions que nous avons rehconildes toutes les fois qu'il a fallu prdciser le sens d'une tacine indo-europdenne. 1) En gdndral on donne i une telle racine la valeur la plus vague, la plus gdndrale possible, pout qu'elle soit susceptible de se dissocier en valeurs particulidres. Mais en fait < soigner >> est une notion, en est une autre. Dans le vocabulaire indo-europden, . Er pounanr il^sembie bi"; il;, a priori, et d'une maniEre confuse, ce soit la notion'J. < mesure ), qui prddomine. Celle_ci, limitde en grec ) meatmnos, apparalt plus largement en latin dans modus, en germanique dans got. mitan, all, nessen En m€me temps se prdcise la notion de r6flexion, de dessein i tra_ vers le grec tnddomai, ru\dea. Partons du latin ntodus. C,est la , mais tlon une mesure qui soit une dimension propre des choses ; pour le latin emploie un verbe distinct, metior. Pat nzodus, on. exprime .ri" m.rure imposde aux choses, une mesure dont on est maitre, qui ,,rppor" rdflexion et choix, qui_suppose aussi ddcision. BrA ;; ti'est pas une mesure de rnensuration, mais de moi6ra_ tion, c'est-d-dire une mesure appliqude i ce qui isnore la. mesure, une mesure de limitation ou de .;r;;i;;;. C'est pourquoi modus a plut6t un sens moral G ;;;;_ d.el ; modestus est dit < ielui qui est pourvu d; ;;;;;;, 127
LE VoCABULAIRE DES INSTITUTLoNS INDo-EURoPEsI.wrs
qui observe la mesure ,> ; rnoderari, c'est . Le latin nous aide i discerner que si '" med- veut dire >, c'est d'une manibre tout i fait difidrente de 'k mE- dont provient i.e. ':' tinens >, latin mensis , mesure de dimension, qualitd fixe et comme passive dont l'emblEme sera la lune mesurant le mois. Nous voyons tout autre chose dans naodu.t .' une mesure de contrainte, supposant rdflexion, prdmdditation, et qui est appliqu6e ) une situation ddsordonn6e. Voil) notre point de ddpart. Maintenant, i I'aide du gtec, mais en prdcisant le sens des tdmoignages qu'il fournit, nous allons porter plus
loin I'analyse. On traduit d'ordinaire gr. * mddo, considdr6 sous les espbces de son participe pr6sent mddon, par >, et le participe nddon par >. Le prdsent moyen rn€doruai est traduit par . C'est pourtant le m6me verbe ; il devrait admettre la m6me interpr€tation. Il faut considdrer d'une part, l'emploi homdrique de tned1on dans des formules consacrdes, avec Zeus et un nom de heu : IdEthen med|on littdralement ; __ou encore nted1rnetha alk?s > (5, 718; cf. 4, 4Lg); mais on trouve aussi nzddonai appliqud i la > i sitou, ddrpoio (24,2) ou encore au >, n|stou pd. 1L, 110 ;12, L37), ou plus vaguemenr i des objets de pens6e ; ainsi, en Il. 4,2I, deux ddesses, AthEna et Fldra, >. Dans ce dernier emploi, m1domai coincide avec rnidonai, Iequel signifie assez frdquemment , en parlant d'un dieu I < Toute la nuit le prudent Zeus mdditait leur malheur (kaki...nddeto 7,478), ou encore > (mddet' 6lethron Od. 14, 100). Prenons le substantlf. ntdea; il est employd couramment avec boulai > et . Toutes ces activit6s compoftent une notion d'autoritd er, le substantif, I'id6e de ddcision moio medistbo
souveraine.
On peut maintenant ddfinir plus pr6cisdment cette notion d'une appliqude aui choses. Il s'agit 'C'une mesure de caractere technique ; d'un moyin consacr6 par I'usage et d'une efficacitd ddji dprouvde. Nullement d'un procddd inventd sur I'instant ni d'une r6flexion qui doit cr€er ses plans. Cette est supposde toujours applicable dans une circonstance ddtermin6e, pour rdsoudre un probltsme particulier. On est donc loin de Ia notion de < rdfldchir >> en gdn&al, autant que de ou de . Pour donner une ddfinition approximative de ,? tned-, on pourra dire que c'est < prendre avec autoritd les mesures c.1ui sont approprides ) une difficultd actuelle ; ramener i la norme paf un moyen consacr6 un trouble - ddsignera ddfini > ; et -le substantif * medes- ou * modo, mais bien : > Ce n'est pas l) une simple tautologie : la notion d6sign6e n'est pas >, mais : s'identifie d Ia (law)^; on dit en anglais > pour . Tout cela se tient : ce procds historique d'dvolution de ius ir iustitia et de difi6renciation entie droit er jusaboutissent
tice, entre iustitia et directun, tient par des attaches i saisir, h la maniEri mdme dont le
obscures, difficiles
13t
LE vocABULATRE DES TNSTITUTToNS rNDo-EURopEsI.INrs
droit se pr6sente dans la conscience des peuples anciens. C'est ) travers le vocabulaire des institutions qu'on discerne comment ces notions de caractBre formel ivoluent et se pr6cisent, i mesure que la conscience se raffine, 'puis engendrent des notions morales avec lesquelles elles parviennent quelque{ois i s'identifier.
chapitre fas
Sommaire.
L'existence de deux ddrivCs en * -to-, lat. lastas
et festus, de- significations diamdtralement oppos€es, suffirait ) ruiner le tapprochement souvent proposd entte las et le gfoupe
de faxun, feilae. C'est, de toute dvidence, de lat. lari (gr. phCni, i.e. * bba-) qu'il faut rapprocher fas. Indprochable du point de vue formel, cette dtymologie appelle une justification sdmantique : comment s'dtablit le rapport entre (* bba-) et (lar) ? On montre qu'en fait la racine * DIZ- dCsigne spCcifi. quement Ia parole comme inddpendante de qui la profbre, et non en tant qu'elle signi6e, mais en tant qu'elle existe, Ainsi ce qui est dit, lat fatum, ort ce qui se dit, fama, gr, phdnE, hom. dtmou ph€nis , se trouve chatg6, comme parole impersonnelle et absolue, d'une valeur religieuse positive : la pbtmE esr elle-m€me un dieu (tbe6s... ris) > (Hisiode, Truoaux 764\,
est T infrni- fas expliquent que la parole (divine) ait fourni la ddsignation du-droit (divin). Dans le couple gt. thisphatos : ath|sphatos < born€ (par le
En latin, Ies conditions d'emploi de las
tive
:
reflEte bien
* bba-.
)>
, I'adjectif verbal de ph€tni, -pbatos, la valeur spdcifique qui a itd reconnue i la racine
Les expressions du droit considdrdes jusqu'ici se rappoftent toutes au dfoit humain, qui rdgle les rapports sociaux en gdn6ral et qui intervient entre des groupes d6finis
i
I'intdrieur de Ia famille ou de famille d famille.
Mais il y q, av moins dans une langue indo-europdenne, en latin, un terme spdcifique qui ddsigne le droit diuin : c'est le fas, distinct du ius. La relation de ces deux tetmes pose un probldme qui est d'abord un problbme de sens. Cette opposition ius : las ne semble pas pouvoir €tre projetde directement dans la pr6histoire indo-euro-
$2
t33
respectivement. Au point de vue morphologique, las est un substantif neutre inddclinable ; c'est un thdme en -r, de m€me formation que ius. Mais pour aller au-del), il faut nous enqudrir de l'6tymologie. Certains auteurs ont pens6 que las devait peut-etre se rattacher au groupe de mots reprdsentds par fanum >, d cause de Ia valeur religieuse qui se confirmerait pour las dans ce rapprochement. Il faut certainement €carter cette interprdtation, pour plusieurs raisons formelles : lanunz provient d'un ancien :' fasrtrorn, avec a bref ; l'allongement, de caractbre secondaire, est normal quand le groupe -asn- se rdduit d -An-. A son tour * t'asn.ona repose sut 'k dhas-notn qui se relie, avec un auffe degr6 radical au nom du connu en osque et en ombrien : osque fiisna, o*bri"r, fesna. Nous avons donc I'alternance * t'Esna (osque, ombrien) f "' lasnoru (degr6 rdduit du radical en latin) ; et ceci, restitu6 i un niveau linguistique plus ancien, donnera " dhEs-naf * dhas-nom. En outre, font partie du m6me groupe en latin lesiae (t'eriae) et I'adiectif t'estus >. Il est probable que le thdme " dhas-f dhes- ddsigne quelque objet ou rite religieux dont nous ne pouvons plus d6terminer le sens ; en tous cas il relbve de la sphEre du sacr6. Ce t' db€s- se retrolrve ailleurs : dans le pluriel armdnien dik" ; thesptslos , appliqud au chant des sirbnes, 6nonc6 d'origine divine, td{skitos de formation moins claire , peut-etre . Enfin,_ il est fort possible c'esr une hypothBse qu'on a f.aite depuis longtemps qu'on ait i pfacer ici ihe6s - le plus vraisemblable serait < dieu >> dont le prototype bien " thesos. L'existence de l'armdnien dik , of s'exerce I'activitd des magistrats et des citoyens. C'esr par ld que fasti dies a pu arriver ) prendre le sens de >. Ainsi, lastas < jour ouvrable > est exactement Ie contraire de lestus >. Ce fait suffirait i ruiner le rapprochement proposd entte las et leriae qui, au feste, n'a pas ralli6 I'opinion g6n6rale. Il faut donc y renoncer et chercher i far une autre c'rigine. Celle qui parait s'imposer a ddji dtd proposde. EIle a pour elle 2ss5i ce n'est pas une garantie toujours srire, mais dans I'espEce il faut en tenir compte le sentiment des anciens qui n'ont jamais sdpar6 las -de fari, * t'or >. Ce n'est certes pas li une explication dvidente qu'il suffise de mentionner. Enue la notion de < parler > et celle du < droit spdcifiquement divin >>, telles qu'elles L35
LE vocABULATRE DES TNSTITUTIoNS INDo-EURopfpNNEs
sont ddfinies dans les_dictionnaires, on ne discerne pas de raqport immddiat. Les aureurs qui reproduisent cdtte ir-ymologie cenainemenr jusre ne - cherihent pas i la -d,dtudier ddmontrer. Le seul moyen de la justifier sera de plus prds le sens propre de t'ari. Avgc fas, il . faut compter aussi son conftafte nefas > qui comporte la n€gation ne-, plus ancienne que non. Cai nefas,- en rdalitd] est sorti de l'expression ne las est of il faut entendre ne- comme une^ ndgation de phrase et non comme un prdfixe ; le prdfixe ndgatif n'esr pas ne- en gdnlral, mais bien'in-. C'est aussi par un tolu syntaxique, avec la ndgation rcnforcle nec que doit s'expliquir negotium, isiu de l'expression : nec otiunt est (i[.I, p. 139 ss.). La formation de fas est celle d'anciens mors neurres er inddclinables : ius, tnos, ces derniers poufvus secondairement d'une flexion. Le rapport de fas avec '? for, fari, latus surn se trouve ddji suggdrd par une forme de ce verbe qui, en raison cie sa valeur religieuse, doit €tre mise en rilief. C'est le participe de t' for,le neutre latutil , souvent (cf. latalis ; ph€mis qui a, i peu prds, le m€me sens : > et aussi phitis. Cette racine fait complBtement ddfaut en indo-iranien. Elle esr resteinte i ^la partie centrale du domaine indo-europden : ourre le latin et le gt'ec, l'armdnien I'atteste dans bay qui repose sur * bati- r6pondant exactement i grec phdtis, ban
t36
, et dans I'incise bay . On la retrouve partiellement en germanique, vieil anglais bdian > ; enfin, partiellement aussi en slave baiu, bajati >, puis, avec une suffixation plus complexe baliji >. Au point de ddpart de ces formes, les dictionnaires dtymologiques ne posent que le sens de , avec quelques spdcialisations, par exemple en vieux-slave. Mais on ne reldve aucun indice qui permette de sp€cifier la notion de > en celle de >. Que signifie ici > ? De quelle manibre se ddtermine cette notion parmi toutes les auffes expressions de la ? Il y a une forme latine qui, i cet 6gard, est importante : c'est le participe prdsent inlans , etc., labula apparalt comme Ia > au sens of nous disons >. On d6nomme labula une ldgende, une action, une donnde quelconque mises en paroles. On assiste i une action transposde en paroles humaines. Rdcit, fable ou pidce de thi6ue, on ne considEre que la technique m€me de cette transposition en paroles. De li vient que labula ddsigne ce qui n'est que patoles, ce {ui n'a pas de rdalit6. C'est bien ainsi que les autres ddrivds de la racine doivent €tre entendus : facundus < qui a le talent de la .parole ,>, manifestation verbale considirie inddpendamment du contenu ; non pas qui est dloquent, mais qui a une grande >>
t37
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS abondance de mots
)
INDO-EUROPEENNES
sa disposition. Dans lama , nous discernons un nouveau tfait : I'acte de parole non individualisd, impersonnel. Ddje, quand I'enfant >, iarn fatur, on fetient non pas ce qu'il dit, mais la manifestation d'une facultd impersonnelle, commune d tous les €tres humains, le fait qu'ils soient capables de parole. Pareillement, t'ama c'est la parole en tant que manifestation humaine, impersonnelle, collective, le bruit, Ia renomm6e : , c'est un > fait de voix, la parole comme pure manifestation sonore, parce qu'elle est ddpersonnalisde. C'est ce que signifie aussi le $ec phhtis , non discours, ni patole li6e. Le m€me sens tessort aussi de pb|mis. Dans I'Iliade (1,0,207), un personnage se rend chez les Troyens pour voir s'il peut apprendre quelque ph€mis,. il s'agit des .< on-dit >>, impersonnels, non des propos de I'un ou de I'autre. Assez frdquente dans l'Odvssde est la mention de la d1mou ph\nis > Le contexte nous guide.: . Ainsi la diversitd de la notion de s'€claire pat I'dtude des mots qui s'y rattachent. On vena que le lexique de la parole procBde de maintes origines, touche des sphdres s6mantiques ttls diffdrentes. Le travail de comparaison est instructif pour ddterminer le point de ddpirt de termes signifiant qui sont devenus termes d'institution et noms d'autorit6. En voici un nouvel exemple, propre ) I'italo-celtique et ) i'indo-iranien, un de.ces mots qui dclaitent les rapports dialectaux et attestent des survivances de caractbre culturel : latin censeo, censor, ceflsus. Le censor est un magistrat, mais le vetbe censeo ne 143
LE voCABULAIRE
DEs.
rNSTITurroNs rNDo_EURopfrNNEs
LB
signifie rien. de plus que ;. tand.rs que le censt$ est une op6ration technique : estrmatron de Ia fortune et classement des citoyensi Le verbe m€me est connu ailleurs qu'en larin, i;rIangue italique : en osque, nous avons I'infiniiif -riirnii, ";; et aussi un substantif. kenzstur, kenzsur probablement imird du latin. D'autie part, le theme colrespondant en indo_iranien prdsente u,, ddue_ _ Ioppement considdrable dc formes verbales et nominares, avec une difidrence de sens assez marqude : c'est t; ;;;i;; de skr. iams- >. Suit un ddveloppement de
longueur variable, puis la formule revient pour introduire un auue propos, et ainsi jusqu'i la fin du texte. Ce formulaire est en usage pendant toute I'dpoque achdm6nide.
nous appelons (Eabyarnahiy) Achlmdnides >>. 3 ) Darius vante la soumission des peuples qui lui sont restds fidbles et la fermet6 de son pouvoir : >. 5) Puis vient 1'6numdration de tous les rebelles qui ont usurpd I'autoritd royale. Chacun est dvoqud dans les m6mes termes : .
7) Enfin, dans une inscription dite < Testament de Darius >>, le toi dnonce la tbgle qu'il suit i l'dgard de ce
qu'un homme dft (\aily) contre un auue homme. On a parcoutu toute la gamme des formes et des emplois du verbe. Certes on peut, pour une lecture cur' sive, se contenter, selon ies passages, d'6quivalents comme >, ailleurs (beaucoup de gens savaient l'identitd de I'usurpateur ; et Gaumita avait fait tuer de nombreuses personnes, de peur d'6tre reconnu) ; , ici, c'est, analytiquement ; (mensongbrement) ; cependant ils pr6tendaient dire la vdrit6, et leur af.frrmation dmanait de I'autorit6. Puis, 6) : si tu fais connaitre cette proclarnation au peuple, si tu > ; c'est l) un dire de ldgitimation dynastique ; nous dnonEons cotnme dtant notre condition vdritable et authentique celle d'6tre des Ach6mdnides.
Evoquons en dernier I'emploi le plus banal, celui qui introduit chaque d6veloppement du texte. Le rci \atiy ; il ce qui est : Darius veut dtablir la v6rit6, ) la fois dans la rdalitd des faits qu'il tapporte et dans Ia ftalitl des devoirs envers Ahura Mazda, et envers le roi ; ) la fois v6ritd de fait et vdritd normative. Ainsi, au terme de cette revue, nous atteignons une ddfinition du verbe qui serait i peu prEs celle-ci : Celui qui > ainsi est en position souveraine; en ddclarant ce qui est, il le fixe; il dnonce solennellement ce qui s'impose, Ia vdritd du fait ou du devoir.
Tel est le tdmoignage que nous apporte une des langues I'iranien ancien. Le vieux-perse est confirm6 par les emplois du saryb- avestique, tandis que indo-europ6ennes,
147
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
le ddveloppement s'est orientd en v6dique vers l'6nonciation dlogieuse : iarps- >. Maintenant, nous pouvons retourner d censeo. Notre ddfinition rend compte de la spdcialisation que censeo, ceflsus, ceflsor ont regue dans les institutions romaines. En tant qu'il spdcifie avec autoritd une vdritd de fait, le censor prononce la situation de chacun et son rang dans la soci6td : c'est Id Ie censuJ, estimation hidtarchisante des conditions er des fortunes ; plus gdndralement, cenJeo, c'est toutes choses i leur juste valeur, donc , aux deux sens du mot. Pour le faire, il faut I'autoritd requise ; de ld Ie quid censes /, la question rituellement pos6e par le roi aux sdnateurs.
'.i Il est une notion compldmentaire de censor, qui s'y trouve constamment associ6e dans les emplois latins, et que notre ddfinition implique : c'est celle d'> ; cetlseo est trBs souvent employd avec aactor et auctoritas. Que signifient ces mots, quel en est le fondement dtymologique ? Il est clair que at4ctor est le nom d'agent de augeo, ordinairement traduit . A augeo, correspondent le ptdsent grec auxdnd et, d'autre part, la forme alternante n *rg-, all. wachsez. Sous les deux formes corrdlatives de cette altetnance, le thEme indo-europden signifie >. Mais les cortespondants indo-iraniens sont seulement nominaux ; skr. oiah, neutte en -J, >, en avestique aog(rr-, aoiah- et l'adjectif skr. agra-, av. agra< fott r>. En latin m€me, i c6ti de auctor, nous avons un ancien neutre masculinis6 cugur, le nom de l', avec son ddrivd aagustus, qui forment un groupe distinct. On voit I'importance double de ce groupe de mots. Ils appartiennent i la sphdre politique et i la sphtsre religieuse et se sont scindds en plusieurs sous-groupes : celui de augeo, celui de auctor, celui de augar. On voudrait savoir comment il se fait que la notion d' ait pris naissance dans une racine qui signifie simplement >. 148
LE
INDO-EUROPEENNES
ET L,
Tout en traduisant ainsi le verbe, nos dictionnaires donnent auctor comme ; ainsi dans I'Iliade (3, 163), on le voit associd d philos qui a le sens plein 6tudid cidessus (3), Dans l'Odyssde (8, 581 et suiv.l, on le voit employ6 avec d'aures termes de parentd qui I'explicitent : u Ai-,r, un p€6s qui esr mort .devant Troie, gendre ou beau-pbre, ceux qui sont les plus chers aprds ieux de notre propre sang gt de notre race ? ou bien est-ce un compagnon amical ? car il vaut mieux avoir un compagnon pieii de sagesse. qu'un frBre... >> Ainsi pE6s est d'une part li6 ) ganbr1s >, et penthei6s ,, beau-pbre i et, d'autre part associd d hetairos ou philos : c'est donc quelqu'un avec qui on a contractd ;iliance. Voih la _catdgorie de parentd que ddfinit pE6s : c'esr la parentd d'alliance i I'intdrieur de la tribu. Cette parentd impose des obligations trEs prdcises, notamment en cas de violence faite i I'un des partenaires. Reportons-nous au fameux texte de Numa Pompilius sur le parricide (Fesrus, loc. cit.) : > Dans ce texte, comme dans tous les codes et rituels i Rome,
,{ Gnomon. V! 1910, p. 449 ss. = Kleine Scbriften (2) Reuae de Philologie, 63, 1937, pp. $-29. (l) Vol. I, p, 135 ss. (.1.)
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LE voCABULAIRE DES rNSTrTuTroNS rNDo-EURopfeNNss Ies mots doivent assumef leur sens plein. Celui
d mort volontairement,
LE
qui met
frauduleusement, un homme liber, de naissance libre, doit €tre parricida.r, doit €tre consid6r6 comme assemble symboliquement les trois ordres sociaux pour les soumettre, dani cette communion solennelle,_i la protection du grand dieu qui est invoqud, Mars ; et la totalitd de la socidt6 ofirante-esr reprdseritde ) ce sacrifice. symbolisme rdvBle I'archaisme d'une priBre comme -Ce celle-ci. Or elle commence par cette invocition : Mars pater, te precor quaesoque uti sies uolens propitius... < Je te prie et je te demande >> : est-ce un redoublement ? Certains sont portds i taxer cette langue religieuse de redondance : les termes semblent redoublds, mdme tripl6s, comme si on se proposait d'accumuler des €quivalents. Il n'en est lien. On discerne ) I'examen que ces juxtapositions, en ftalitl, n'associent pas des termes de sens identique ou trbs voisin; chacun garde son sens plein, et c'est la condition de I'efficacitd de toute priEre. Un deuxiEme exenrple nous est fourni par Lucrtce : prece quaesit (V, 1229) >. De tels exemples, oi )' prex et quaero s'unissent, sont les plus instructifs pour notre analyse. Enfin et surtout, il faut nous demander comment est employd le verbe qadero et la forme frdquentative qaaeso >. Nous avons eu I'occasion d'examiner i un autre point de vue la formule qui dans le vieux droit romain consacrait la destination du mariage : liberum(-orarn) quaesundum(-orunz) causd (gratid) > ; en tout cas, ici, il ne s'agit pas de demander avec insistance, de prier d'une manibre rdpdt6e. Enfin le ddriv6 nominal quaestus, dans son emploi ordinaire, ddsigne le > et aussi le moyen de gagner
(1) Vol. I, p. )24
s.
157
LE vocABULATRE DES lNsrrrurroNs rNDo-EURopfENNr,s sa vie, Ie < mdtier >>. _Ce terme_ci est complBtement en dehors de Ia sdrie juridique q;i ;*;; nce d, nuaestor et coniinue avec qurx.estio , terme qui n'a pour f,]r:I:.1^^Irigo dlneJence avec * prex qve l,a mdical. )) uans un aulfe compartiment s6mantique, lat. Dro_ f: ::t celui qui o denrande > en mariag", tl-prj*ral"i ye sens precrs reparait dans Ie lituanien piiiti . Puis, avec Ie morphtme de prdsent _sAe_ connu oar ,Lat.4)posco, le verbe avestique et perse frasa >. Enfin, enq.u€te >>, en parlant d'un iuge. Ainsi coincident dans piurl"u., Iangues des formes particulidres et des emplois de priiavec ceux de "
LE
ET LA
ht. p;viti
Drccb-
(cf qki. pys-,.ir. v. st, prosttl
fras)
lir, praii,ti
posco
v.h.a.. lorscdn
ir. lrosa
-
Tableau sommaire des formes particulidles et des emploi s de * prek_. (Les mots.qui il .rt urri, t-,"ir-J"-f.tir"_
- ?e la famille de quaero iens avec-le's-mots
,r;\T\fii::,t
pour
Ie
En
.latin mdme, cependant, on a vu les deux verbes au point que leurs signification, ,.rnbl"nt trJ, etrottement apparentdes. On peut i pr6sent voir comment rls cotncrdent et en. quoi ils difidrent. Il s'agit, dans les deux cas, de fornruler d"r*nd.,-orai, .trj Ui"" o", des moye-ns diffdrents :"n. precor, piex a"ir.* Jii'#: prochds du nom d,agenr-p.rocus ". Nous lisons aussi chez T6rence : hunc abduce, uinci, quaere rem (Ad. 482) < emmBne-le, enchaine-le, obtiens de lui la chose >>, c'est-i-dite . On cherche ) gagner par un moyen matiriel quelque chose qui est ddsignd vaguement par res. Seui compte ici la manidre employde pour se le procurer ; ce n'est pas simplement en le demandant.
Ainsi la formule precor quaesoqae n'est nullement une tautologie ni un redoublement rhdtorique. Precor, c'est demander au moyen de ia o prex ; Ia parole est ici l'interm6diaire entre celui qui demande et celui i qui il s'adresse ; cette parole est par elle-m6me I'agent efficace. Mais quaeso difiEre de precor en ce qu'il implique I'emploi de moyens approprids i cette obtention, tels que le sacrifice des ffois animaux et la conjonction m€me de la formule avec les ofirandes. Il a fallu pour cette reconstruction utiliser les formes de '\ prek- dans d'autres langues que le latin, en particulier en iranien, On a soulignd plus haut que ir. fras, t'raita prennent le sens de , gdndralement .' |{ous pouvons maintenant revenir } notre point de ddpart qui dtait le dtre latin de qaaestor. I1 est clair nraintenant que le quaestor n'est pas seulement charg€ de , son r6le est bien de quAerere, de chercher d se procurer par des moyens mat6riels soit, dans une afr.aire criminelle, la personne m€me du coupable soit (et le nrot s'associe avec qaaestus) l'atgent. du rdsor dont il doit assurer la rentrde et la rdpartition, Telle est la signification qu'on proposera i Ia - qaaeslumiEre des empiois du verbe du nom d'agent - prece quaesit, il n'y a tor. Dans l'exemple de Lucrbce, plus non de tautologie : quaerere a pour r6gime .pas pacelfl, tei est l'objet rnattriel qu'il cherche ) gagner ; 160
LE
INDO-EUROPEENNES
ET LA
par quel moyen ? Pat Ia * prex, par une demande orale. F,n d'autres circonstances E'auraii pu 6tre paf d'autres
moyens.
Ainsi nous constatons une dualit6 de fonction qui tlahit un fonctionnement'ancien. Pour nous, < demano_, c'est >. Cette notion se spdcifie de plusieurs manidres dans les contextes, mais en latin alcien on distingue deux reprdsentations : elles rev6tent
4..
dans les socidtds anciennes une forme pr6cise, concrBte, et que seul le vocabulaire peut rdvdler. Les verbes m€mes ou certains de leurs ddrivds nous conservent encore ou nous livrent pat la comparaison le tdmoignage d'un sdmantisme beaucoup plus riche : telle est la distance entre procus et precor en latin, i cause de leur spdcialisation pr6coce. Si -nous ne connaissions pas ces valeurs qui autorisent a rapprocher Lat. procus- et
tit. piTiti, il
nous serait di{ficile de rendre )-la racine prek- sa signification exacte, de voir que * prek- d€signe une activit6 purement verbale, ne compoftant pas de nloyens mat6riels et consistant en une demande gdn6ralement adressde par un inf6rieur i un supdrieur. C'est par l) que " prek- se sdpare de Ia racine non attestde ailleurs qui est reprdsentde par - latin quaero et le nom- d'agent quaestor. le verbe o
L6t
i
chapitre 8 le serment en Grdce
Sommaire.
Le serment, affirmation solennelle
- garantie d'une - puissan.. ;; la p_"j,^"11,-
pas plus que
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h;;;i;
notion
a.1
placCe sous
.tiiieil.-,r,-i'.i'p*,iii# a.'iiiir.ii!
;u..". l'1, rndeeurop€enne comlnune-. _!es langues se donneni aar.a*or.._ sions conformes aux rnodatitcs particuli.r.r-;;l;"8;"d;fiL:
anticipie qu'est la prestation .i'"n -i.-rr*nt.' En-tie.-;;;;; rnent, on peut_ ressaisir_-dans le tour dCji homdriiue ii;I;; o_frn!!! liF"ifiaor spicifiqugr.ne_nr < pr€ier s.rment r>, son origtne concrete
: < saisir. le h6rkos r>,-objet chargC di,pUirr".l maldfiq,ue qr€99 I se d€chalner ;; ;r, ;;' manquement au ser_ mcnt. La vieille formule ,r.....nirir. tria iri|..."iri'1"-;o}"i
aux divinitis comme. timojns oculaiiir'ii par suite jug", irit_ cusables (cf. Iat. iudex arbiter) Lat. taclamentum , peut_etre hitt, lingais (cf. gr, ' tlenkbos t). soulisnent..I?^spaci. i"' -r[jt.,ioo potEnti.ti. qlii ddfinit spdcifi querient t'afnimaiion rl.i"lo'.nrrr...
expr;ssions religieuses oi la parole a une vertu propfes, aucune n'est plus solennelle que llrl.r.pro..ctes ceue du sefment et aucune ne sembleiait plus nicessife .
les
.t .bJlt;; i;; i.'ili; Ll' S.pendanr, Dle, ::,::.1f,: on lur chercherait en- vain une expresston commune.
Il n'y a pas de terme indo-europ6.rr- jorr, on puisse dire se retrouve dans toutes 1., iang,re* anciennes .t ooli se. fapporte propfement i cette notion. chaque lane;e a qu'il
rct sron expressron prolre et, pour Ia plupari, Ies tirmes
empioyes n'ont pas d,itymologie. L'obscuriti des termes semble contraster avec l,importance et la gdn6ralit6
de
I'institution qu'ils servent i^d6nom.o nn ign..rrirl* on voit la raison de cette discordance *rr; lt;;;;;;; l'institution et la raretd des {ormes .or*un.r. C,";; q;; le serment n'est pas une institution autonome, il n,est pas un acte qui ait sa signification en soi .t ,.'ruffir. i r63
LE vocABULAIRE DEs rNsrITuTIoNS INDo-EURoPfrNNns
rite qui garantit et sacralise une affirmation. L'intention du serment est touiours la mdme dans toutes les civilisations.'Mais I'institution peut rev6tir des caractEres difi6rents. Il y a en efiet deux articulations qui le caractdrisent : 1) la nature de l'affirmation, qui prend de ce fait une
lui-mdme. C'est un
solennitd spdciale; 2) la puissance sacralisante qui reEoit et solennise I'affirmation. Voili les deux 6ldments constants et n6cessaires du serment. Celui-ci prend deux formes, selon la circonstance : il sera serment de v6ritd ou assettoire quand il porte sur des faits en litige, ou il sera serment d'engagement ou promissoire quand il appuie une promesse. On peut ddfinir le serment comme une ordalie anticip6e. Celui qui jure met en jeu quelque chose d'essentiel pour lui,.une possession matdrielle, sa.patent6,_m€me sa propre vie, pour garantir la v4.tacit6. de son affirmation. Il n'y a pas de corespondance ndcessaire entre les gestes et les diverses exptessions du serment ; chaque fois le rite oral ou formulaire et les pratiques peuvent difi6rer. Quand nous ttouvons le serment dnoncd par un terme spdcifique, celui-ci peut se rapporter _au mode qu'emprunte la prestation plut6t. qu'au fait luim6me. Si nous connalsslons touJours les circonstances dans lesquelles le serment a lieu, nous serions dclairds par li mieux que nous ne le sommes sur le sens propre du terme ; mais trbs souvent ces conditions ne sont pas connues, et I'expression reste obscure. En germanique, nous avons got. aips qui se continue dans ltnsemble des langues germaniques : v. isl. ei6r, v.h.a. eid, v. angi. ap, anglais oath, et qui correspond exactement ) v. irl. oeth. La coffespondance est si €troite entre le germanigue et le celtique que, comme pour beaucoup d'autres termes de culture, on peut se.demanet alors dans quel sens ? der s'il n'y a pas emprunt Got. aips et v. irl. 6eth se-rambnent d * oito-, qu'il est permis d'interprdter comme une forme ddriv6e de la iacine , donc > ; la difficultd est de voir le rapport de avec >. On peut penser avec I'historien K. von Amira que cette 164
LE sERMENT EN cni,cn .< marche >> 6tait le fait d', cf. lat. in ias ire. C'est possible, mais on peut
imaginer d'auffes interprdtations, notamment en dvoquant un rite connu dans plusieurs civilisations anciennes. La prestation de serment donnait lieu ) un sacrifice : on coupait en deux un animal ; puis celui ou ceux qui juraient devaient passer entre les deux moitids de l'animal sauifid. Ce rite est ddji artestd en hittite. On en retrouve la survivance en Lituanie au xrve sibcle. Aux temes d'un serment pr6td en 1351 par le grand-duc de Lituanie au roi de Hongrie, Ie jurant passait enue les deux paties d'un beuf sacrifid en dnongant que tel serait .son sort s'il ne tenait pas sa promesse, sic sibi contingi si promissa fiotl serutrer. Toutefois, comme ce rite n'est pas attestd dans le monde germanique, une pareille interpritation de 't oito- demeure hypothdtique. En germanique comme en plusieurs autres langues, mais non partout, le verbe et le nom sont difidrents. On ne dit pas >. Le verbe est got. suara,I (all. schudren, angl. suear) qui traduit gr. b'p,,ooa,, ; ut'arsuar-an est un calque de tnu-oprelv , Ce verbe a son corfespondant hors du germanique, en italique, dans I'osque suerrunei, datif singulier de la forme nominale, qui signifierait >. Ainsi germanique * suter- >, se conjoint bien d la notion de > dnoncde par le substantif qui I'accompagne i titre de compldment nominal.
En grec aussi le verbe imnumi et le substantif lt1rkos difidrent. Le verbe peut a lui seul signifier >, mais aucun des deux tefmes n'a d'autre emploi que relatif au setment. Rien n'en dclaire donc, i I'int6rieur du grec, la signification propre. Or le comparatiste ne ttouve matibre i restitution que lorsqu'il constate des L65
LE vocABULATRE DES rNsTrrurroNs INDo-EUROpEnr.rxBs variations ; ici le sens esr fix6, immobile. Mais I'dtyrnologie du verbe grec permet quelques inductions. Le radical om- du prdsent 6m-numi est susceptible d'un rapprochement, qui a 6t6 tait depuis longtemps, uu.. ie verbe sanskrit am- de m6me sens, qui esi aniien, attestd dans des conditions srires par dei textes vddiques et brahmaniques. Ce comespondant est le seul qui- puisse dclairer I'origine de 6nnumi. En v€dique, arrtr- se rencontre tant6t simple, tant6t avec le prdverbe sarn-, comme en grec sun-inznumi en {ace de 6nnunti. Nous en avons l'impdratif dans utr rdcit ldgendaire : un personnage esr invitd i jurer qu'il fera bien ce qu'il dit ; le dieu-dit : ytam amisua >, (, Dans le Satapatha-Brdhmafa : etad dha deaah ... samdnire n et cela, les dieux le jurbrent conjointement, se le jurbrent les uns aux autfes )> ; et encore : sama(W\e >.
En m6me
temps. que la sp6cificit6 de l'emploi, nous avons Ja chance d'avoir la signification propre : arnveut dire proprement ., prendri, saisir >>, avec ou sans prdverbe ; tarn abhyan\ti Varanab dquivaut avec un verbe diffdrent A : tury gybnati Varuiab . Bien qu'en grec il n'en reste plus trace, cette idde sera i int6grer dans une explication totale de I'expression. Car nous pouvons la justifier indirectement. Quand Hypnos fait jurer i Hdra qu'elle lui donnera pour femme- une des jeunes GrAces, Pasithda, il lui demande un sermenr solennei : - > (Il. 1,4, 27L). Consid6rons maintenant h6rkos, compldment normal du verbe dans I'expression h6rkon orn6jai. Le sens de h6rkos ne montre aucune variation. Dans la langue iodtigue depuis Homdre, b6rkos avec fintnumi est l;ex-
L66
LE sERI,{ENT rru
cnicr,
pure et simple du . Signalons en orrtre le diriv€ important epiorkos < parjure i, et epiorkein , terme qui demande un examen dis_ tinct. \tgur ne. disposons pas d'appuj dtymologique pour explrquer ho,'kos. Il y a tout au plus un rapprochement formi par les anciens-et repris depuis hhrka, (< serrnent )> et hdrkos . En "ntre apparence, c'est li rune variation de type connu et satislaisant ; comme berko.r €sr un neutre, I'alternance semit h6rkri-lhdrko-. Mais le sens de h1rkos est exclusivement < tarribre. enceinte )) ; on connait la formule homdrique b1rkoi odinton .. la barridre des dents >. Il faudraii donc ima_ giner qu'avec une variation du vocalisme radical, serait ) rapprocher de < barriEre >>. De quelque manidre qu'on se reprdsente ce rapport, il n'y a rien dans 'interpr6tation, les idc,es grccques qui favoris. .itt" au derncuranr peu satisfaisante. Nous ne devo-ns pas pour autanr renclncer i dclairer un peu le sens ) l,int6rieui. du pressio-n
grec.
, Dans la langue.homdrique hdrkos ddsigne toute espBce
de serrnenrs : celui qui garantit ce qu'on va faire, un pacte ou bien celui qui soutienr une a{firmation rela- pass6, le sermenr judiciaire. tive au Le sens de hhrkos ne ddpend donc pas des modalit6s du sermenr. Mais iJ importe- de remarquer que le bfirkos homdrique .
n'est pas rrn fait de parole. Lisons la formule du < grand serment: > des dieux : > esr mis en-apposition d -hidOr : c'est l'eau du Styx qui estle h6ikos. De fait H6siode, dans la Th1ogonie (v. 400) fait de J/yx une nymphe que Zeus a voulu honorer en faisant d'elle- < Ie grand h1rkos des dieux >>. C'est pourquoi quand Zeus veur savoir qui des dieux a menti (vers 7S+ et suiv.), il envoie Iris au loin pour rapporter dans une aiguidr"-j'"u.r. C,est"l'eau 167
LE vocABULAIRE DES INsrITurroNS IND0-EUROpEr,uNgs
LE SERMENT nN
tenommde qui ruisselle, froide, d'un rocher dlevd et abrupt, l'eau du Styx. On le voit, l'eau du Styx constitue par elle-m6me le b6rkos des dieux, dtant une matidre investie de puissance maldfique.
fl
est encore d'auffes types de hdrkos : Achille veut faire i I'Atride une promesse solennelle ; il lui donne son sceptfe , garant des tbinistes de Zeus. Il ajoute : (Il, 1, 239). Ce n'est pas une maniEre de parler ; I'interprdtation litt6rale conduit ) identifier le h6rkos i un objet : substance sacr6e, bAton d'autorit6, I'essentiel est chaque fois I'objet m€me et non I'acte d'dnonciation. Dls maintenant, on aperEoit une possibilitd de metrre en accord, dans leur signification primitive, le verbe et le substantif r comme 6mnumi renvoie d un sens prdhistorique de , ainsi h*rkos, en grec m€me, porte I'empreinte d'une configuration matdrielle. De li l'expression > : obiet ou madere. ce h6rkos est I'objet sacralisant, celui qui contient une puissance qui punit tout manquement i la parole donn6e. C'est bien ainsi que les Grecs ont figurd la personni{ication de h6rko{; elle est siniste. Citoni encore Hdsiode : . L'expression ddvoile la ph6nomdnologie du serment. Le jurant se voue i la mal€diction en cas de parjure, et il solennise son acte en touchant l'objet ou la substance investie de ce pouvoir terrible. Il faut maintenant vdrifier la validitd de cette interpr6tation pour le composd de b6rkos qui ddsigne le >, epiorkos, terme si difficile dans sa clartd apparente qu'il est encore objet de discussion. Le mot entre dans deux constructions difidrentes, la plus ancienne avec I'atffibut au nominatif : epiorkos ornnilnai > ; l'autre i l'accusatif comme rdgime : eptorkon omnilnai. La premibre construction se ttouve chez H6siode, Truaaux 804, la seconde chez Hombre, par exemple Il. 3, 27g. Le sens litt6ral de ce terme composd a 6t6 plusieurs fois discutd. Une interprdtation rdcente est celle de Schwyzer (1). Pour expliquer que epl * hdrkos signifie < faire un faux serment )> ou , Schwyzer est parti d'un vers d'Archiloque (Diehl, Anthol. Lyr. I, 265) : < Lui qui 6tait un compagnon auparavant, il a foul6 aux pieds, marchd sur le serment D, lhx 6be eph' borkiois. Ce serait I'explication littdrale du composd, du fait qve ept figure dans une expression qui formule analytiquement la notion. Il faudrait donc entendre epiorkos comme ho epi hdrkai , donc sur le h6rkos >>. Mais on voit la faille de cette afgumentation, c'est que le terme essentiel,' le verbe baind est justement celui qui est omis dans le compos6. Nous retrouvons bien la construction nominale de eoi. mais sans l'idde de ; voili .. qui emp6che de suivre l'interprdtation de Schwyzer. >>
(l)
Indogerrnaniscbe Forscbungen, 45, L927, 255 sq.
169
LE vocABULATRE DEs INsrrrurroNs rNDo-EURopEBrqNes
L'explication de epiorkos >, et du verbe epiorkein doit partir de cette observation que la forme epiorkos ne peut 6ue ancienne : si elle L'6tait, on attendrait * ephorkos. Il s'agit donc d'un --l'rrn adjectif (ou d'un verbe selon qu'on pose ou I'autre comme premier) qui a 6td consritud par jonction d,une locution. oi epi et h1rkos figuraient ensjmble. Cette locution existe, nous Ia trouvons chez Hdsiode (Traaaux 194) dans une description de l'6ge de fer. En cet Age, dit-il, personne n'aura souci du bien et du mal, les cJnventions les plus respectables seront viol€es : >. On voit ici, i I'itat d'dldments distincts, les membres du composd epi-orkos; et on voir comment ils produisent le seni de > : c'est par une Iiaison implicite entre le sefnrent prof6r6 et la parole rnensongire qu'il appuie. L'idde est donc celle d'ajouter (epi) un sermenr (h6rkos) i une parole ou d une promesse qu'on sait mensongtsre. Cela est confirmd par un deuxiEme exemple d'H6siode (Trauaux 282) : . Dans |'Hymne honzdrique- i Hermis, Hermes lui-m€me donne I'exemple d'un prof6r6 i I'appui d'une afhrmation toute mensongdre (verc 274 et 383). Ainsi le fait d'> (epi-orkos) suppose toujours, explicitement ou non, que le jurant ne tlendra pas sa parole, qu'il se parjurera, qu'il sera epiorkos. C'est par r6f6rence implicite ) I'usage du serment fallacieux qui devait €tre pass6 en habitude et en proverbe q,r" - un serment >-en est I'expression . Le terme eplorkos nous livre ainsi un ffait de mcuts ; il rdvdle qu'on appuyait facilement d'un hirkos une promesse qu'on n'avait pas l'intention de tenir ou une affirmation qu'on savait fausse. Le tdmoignage de la langue a cutieusement pour gafanl inyq- grecs, lontaire un historien, le premier des historiens Hdrodote- lui-m6me. Celui-ci narre un dpisode de la-lutte enffe les Mides et les Grecs. Les Lacdddmoniens avant 170
E SERMENT EN
GRECE
enjoint i Cyrus de ne nuire ) aucune citd grecque parce qu'ils ne le souflriraient pas, celui-ci rdpondit au hdraut qui lui apportait ce message : on retfouve comme une preuve de la pratique abusive, dolosive, du hLrkos dans la vie sociale des Grecs. Il est seulement curieux de constater que ce trait soit si ancien, puisque eplorkos, epiorkeln sont ddji en usage dans I'Iliade ( 1). (I
)
Dans
la Gr}ce
un article antdrieur sur Hist. Relig.,
ancienne (Reu.
l'exptession du serment dans p. 81-94), nous avions
1947-8,
171
LE SERMENT rN/cntcn
LE vocABULATRE DES rNSTrrurroNS rNDo-EURopEuNNrs
Voili,
dtymologiquement
et
conceptuellement, I'inter-
prdtation des notions qui se rangent sous hflrkos et drunumi.
Nous connaissons maintenant en hittite le terme pour jnrer >> : ling- , avec le substantif. Iingai- (gdnitiI -i'yas) > et le verbe ddnominatif linganu, notamment pour Ia prestation du serment militaire qu'un chef impose ) ses troupes. Sturtevant a supposd qq. hittite ling- correspondait d Alenkhos. Or 1lenkhos signifie setait en hittite >, ce qui rdpondrait assez bien i la teprdsentation grecque et latine. On s'inculpe par avance et conditionnellement en iurant, et I'inculpation prend son efiet en cas de parjure. La notion est de m6me sens dans I'expression latine sacrarnentuftz qui pose un problbme de droit plut6t qu'un problbme dtymologique ou philologique. On connait difidrents sens de sacramentun : la legis actio sacramenti est une forme particulidre de procddure engagde dans les usages archaiques devant le pontilex pour une revendication. Au cas or) la preuve ne serait pas rdgulibrement faite, une poena frapperait celui qui aurait engagd I'action. Une autre formule ddfinit le serment militaire, qui est d'espdce particulidre : consulibus sacralnento dicete, > Le but n'est pas seulement de faire connaltre aux dieux le texte de I'engagement par lequel on se lie. I1 {aut rendre ici i istd sa pleine force 6tymologique : non pas seulement < qu'il sache >>, mais proprement , mais tout d'abord en tant qu'Ll a aa. Ce n'est pas h simple conjecture d'dtymologiste. Quand les autres langues indo-europ6ennes ofirent des tdmoignages anciens et explicites sur le sens de r' ttseid-, elles s'accordent avec le grec, Ainsi, skt. uettar qui a ie m6me sens de est, au degr6 radical prbs, la forme qui correspond au gtec istdr , et signifie bien ; got. uteitwdps, participe parfait (cf, skr. uiduas-, uidus-) est celui qui sait pour avoit uu; de m€me encote iil. liadu (, I'autre < moi, j'ai entendu >>, celui qui dit . On demande ) Jupiter, av pater patiatus et au peuple d'Albe d'entendre. Il faut u > pour
6tre timoin du serment d Rome. Pour"ntendr" le Romain,^ qui attache tant de prix i l'dnoncd des formules solennellis, voir est moins important qu'entendre. Il reste c_ependant quelque incertitude sur un emploi particulier, homdrique, de istor dans un passage important, 11. 18, 498 ss. * que nous avons d6j) dtudid i un autre point de vue (1) : istdr signifie-t-il li < tdmoin > ou ? Dans -une scBne figurde sur le bouclier d'Achille, on voit deux hornmes qui discutent, et se querellent arr sujet de la poin€ pour racheter le meurtre d'un homme. Tous deux vont chez un istor pour la ddcision
LB
SERMENT
sH cniicr
classique, renotis arbitris signifie . Et puis : 2) l'. En r6alit6, ce sens s'explique par Ia _fonction propre du iudex arbiter. Comme on j'a iu, afiiter est dtymologiquement , en 'tiers, i une action dont il se trouve 6tre timoin sans avoir 6ti vu, celui par consiquent dont le tdmoignage tranche le dibat. En vertu de la loi, le iud.ex arbiter-a li pouvoir de trancher comme s'il 6tait 1'arbiter tdmoin, comrne s'il avait assistd i la scBne m€me. Tout cela est ivoqud aussi par Ia formule du serment hom6riqye. Pourqgoi convoque-t-on les dieux ? C'est parce que Ie chAtiment du parjure n'est pas une afiaire hurnaine,
Aucun code indo-europden ancien ne prdvoit une sanction pour le parjure. Le chAtiment esi censd venir des dieux puisqu'ils garants du serment. Le parjure est -sont_ un ddlit contre les dieux. Et s'engager par un serment, c'est toujours se vouer paf avance i la vengdance divine, puisqu'on implore les dieux de ou d'r, d'€tre en tout cas prdsents ) I'acte qui engage.
(501).
II est difficile de comprendre qu'il s'agisse d'un tdmoin, puisque sa prdsence aurait 6vitd le d6bat ; il s'agit d'un >. Pour nous, le juge n'est pas le timoin ; cette variation de sens g6ne I'analyse du passage. Mais c'est prdcisdment parce que istor est le tdmoin oculaire, le seul qui tranche le ddbat, qu'on a pu attribuer i, ist6r le sens de < qui tanche par un jugement sans appel sur une question de bonne foi >>. Du m6me coup on saisit aussi le sens propre du terme latin arbiter qui ddsigne 1" ; en cette qualitd le ii"n r'oppose ) I'humain qui est < terresffe >> (tel est le sens du mot latin horno). Nous pouvons ndanmoins nous instruire du vocabulaire religieux-indo-europ6en sans le chercher dans des corres' pondances v6rifides pour I'ensemble des langues. Nous i.nt.ront d'analvser les t.rmes essentiels du vocabulaire teligieux, m6me lorsque la valeur religieuse des termei .oniid6tir n'apparait'que dans une langrre, ) conditioh qu'ils soient susceptiblei d'une interprdtation par I'dtymo-
le plus.possible la signification du terme. Or terme hautement sigiificatif q";on renconre il est un dans
un groupe de.langues contiguds , en slave, fultiq.r!';, ;; iranien; c'esr Ie mot riprdsentd p;; ;. "" ,f. ,rs]]i-fi"# sujat6i), lit. iaentas, av. spanta. Cette correspondance dgfinit un adjectif qui a gard6 'une valeur. -Juri, tra, fori. o", croyances de -rellgieuse caractdre diff.rent ; en slave et en baitiq"., ll-lpprrri# au vocabulaire chr.tien et signifi.- ... ,uirri,
La
logie.
Avnsrrqur.
-
spenta
:
yaoiddta.
Nous constaterons en efiet que la valeur religieuse d'un terme n'est souvent perceptible que dans une langue. Il importe alors de rechercher dans quelle mesure elle est unl sutvivance, dans quelle mesure elle constitue un ddveloppement nouveau I et c'est ptdcis€ment dans cette difi6-
rerrciation et cette dialectique des valeurs que rdside I'intdr6t de cette recherche. Il y a lieu de partir d'abord de cette premibte notion si importante du sau6, par rappoft i quoi s'ordonnent tant d'autres concepts et termes religieux. Nous avons pour cette notion de > un vocabulaire assez riche, assez largement diff€rent selon les langues. Rares sont celles qui prdsentent un terme commun ; mais quand cette chance nous est donnde, il nous faut I'utiliser au mieux et pr6ciser 180
secn6
,rriJ,"r-lr-; en iranien, sous sa fgrme c,est, ;; Iv.stiqu", croyances mazddennes, 1e meilleur equivaleni'd.;; i.; q*
nous appelons le >. - Ce-terme a dans.chacune des langues un certain nombre
de.
relations dtymologiqu.r
uuJ. *u"rres survivances.
-*i, E; soir avec des d6riv6s"s".o"auir.r. brilil;, irr,*rilli s.:11t1s,fart groupe avec v. pr. swints,Iette sacts qui ayant m€me torme et m6me emploi, n'y ajoutent rien. Mais en iranien, s,paflta- se rartache un'ensemUf" .""rlJei"Uf" de rermes drstincts. Au point de vue formel,
i.
i
spanta est un adjectif verbal en +;_ b6ti sur [i":r: ;": apparait dans les {ormes-de comparajiit "n -r"ji.rf ,prn_yoh_ et de superlatif.,sp an-iita-; conformdment i l^" {;;i!";";;* comparatif et superlatif sont bAtis nor, ,,r, positif, mais sur le radical. f. .e*.-r;i.rt l. ,hC;;-;; ;r;-i;;; trn substantif neu*e spdn_ah_, ;i;_;b,_ .. h' ;;"li;;^;; spanta )> ; er de ce substantif un adjectif d6ri;a-;;;;;-
uant.
L'adjectif ,spe-nta qu,on -traduit par > a une importance fondamentale dans I" uofrb"luir" ."figi"""
.
ai l'Avesta. Avec un aurre. adjictif--ii"rrro , il constitue' l'"pp.llution 1u amaia) _ des ;;;!n_ tpanla.,.groupe de sept - divinitds qui prdsident a i" l[ matdrielle
et morale de- l,homm", _ quoioue portant des noms abstraits _, se ',*, "r'qui i. b""r;;;l;" incarn6es chacune dans un 6ldment ,- auu, terre, plantes. mdtaux, etc. Chacune d,elles est i la f"i, i; vertu er Ia divinitd protecrrice d,un gilr.ni do ;;;. Elles se disposent urrtou..l" di"" ,"pre.. Atr.;J\I;;;;; sont constamment invoqu6es _rant dun, t", tyrnn.r-Jii, Gatbas qui constituent la predi.uiion .-en. d;'Z;;;;;; que dans les texres mythoiogiq";;-;;;ques rassemblds
ililflt,;;
181
LE vocABULATRE DES INsTIl'urIoNS INDo-EURoPErmNrs dans le recueil des Yairs de l'Avesta. Leur nom collectif amaia spaflta peut se traduire >. En outre spenta e$t souvent employd comme sp6cifiant les notions les plus importantes de I'univets religieux. Il s'associe avec tnq\ra > ; avec nzainyu ; avec xratu oi sand- peut repr6senter
une fornre dialectale de I'ancien spanta-. Avec sandarametvont les d6rivds, cr66s en armdnien m6me : sandararnet-
alrin traduisafl t gr. kh t b 6nio s, s andar am e t-ak an traduisant kata-kbth6nlos. C'est donc bien en tant qu'ancienne divinit6 du sol que Spandararnel s'est touv6 uansfdr6 en armdnien au rdle de Dionysos comme dieu de la fertilitd. Mais le d6tail de l'dvolution n'est pas encore clair. Autour de spanta, il faut regrouper divers adjectifs et substantifs tirds de la m€me tacine, mais qui s'en sont dissoci€s parfois. D'abord, outre les comparatif et superlatif. spanyabspaniita- qui monttent €n tout cas que la qualiti spafttdest sut.eptlble de degrds, le substantif spanah associd d masti qui ddsigne la connaissance otl la comprdhension des vdritis religieuses. Les aumes membres de la m€me famille dtymologique sont moins imm6diatement teconnaissables. Il faut pro' cdder pour les identifiet h la restitution du prototype indoqui s'dtablit sans difficultd. Dans les trois lan"orop€.n, gu.s, iranien, slave et baltigue, il prend la forme * Hwen' ia- ; le radical apparait dans la forme du comparatif en '\ -yos (av. span-yih); on a donc un.radical *'ktuen.Mais " Hwen .n€." repr€sente une forme suffix6e d'une L82
r,r sncnf racine qui^ es-t i poser comme * kteu-,. c,est celle . qui apparait dans leverbe avestique sau_ avec ses ddrivds saua_, -.', ^h1 Le sens de sau-.en avestique uaradat; gaeua ; le troisidme-.-ffi, saud'gaE\a- , le substantif. kitna .. grnff._.ni fa;; flot,>, d'une part, er de l,autr"'Efr';;';'" torce, souverai_ netd >, kirios >. Ce.rapprochement m-et en lumiEre l,identitd initiale du sens de < gonfle-r >> et, dans .hd;;l;lr"i, rrrer.r, 6volution spdcifique. Toutes t., t.oi.-.oincident dans";. la formation en -ro-i'un norn o., d'un ,Jye-ctif kil_ro_, qui a " pris le sens de < force )>, d,. L'€tre ou I'objet spanta est gonfl6 d'une force d6bordante et surnaturelle ; il est investi d'un pouvoir d'autorit6 et d'efficacit6 qui a la propridt6 d'accroitre, d'augrnenter, au sens neutre et au sens transitif pareillement. Certe signification est rest6e longtemps vivante dans iranienne ; la ffaduction et le commentaire de l'Avesta en pehlevi rendent spanta par a\zonlk >. Nous pouvons, bien que le terme slave corespondant ne soit connu que comme traduction d'une notion chrdtienne (higios >), prdsumer que la notion originelle de v. slave sagtil 6tait chargde de repr6sentations naturistes. Les Slaves ont conservd aprbs la conversion beaucoup de vestiges de notions paiennes. Dans des chansons populaires imprdgndes d'un folklore pr6histotiqlre, sagtil se rdflre h des paroles ou d des €tres dotds d'une puissance surnaturelle. Les formes iraniennes du groupe de spanta, qui sont les plus nombreuses, ont pris une importance consid6rable dEs lors qu'elles ont regu une valeur religieuse ; elles -et ddsignent i la fois la puissance surnarurelle la > de certaines figurations mythologiques. Le caractbre saint et sacrd se ddfinit ainsi en une notion de force exub6rante et fdcondante, capable d'amener i la vie, de faire surgit les productions de Ia nature.
la conscience
.i Considdrons i pr6sent une autre expression de-la m€me idde, la notion de en germanique. Le terme germanique condlatif de sagtil en slave, est en gotique I'adjectif weihs, qui traduit gr. higios et qui fouinit les vqtbes weiban (all. ueiben) . Le nom >>
184
abstrair uteihipa_*aduit gr. hagiasntds et toeiha ddsigne le >. T,e mot est reprdsent6 dans I'ensemble du germanique : anglo-saxon jour consacrd )>, V. h.-a. uih et runique bailag, all. heilig; en latin, sacer et slttrcttts, en grec hdgios et hier6s. Elle pose un problbme qui doit €tre considdrd dans les termes propres d chaque langue. Considdrons d'abord les donndes du germanique. Au point de d6patt de la notion repr6sentde aujourd'hui par I'allernand heilig >, nous trouvons I'adjectif gotique hails qui exprime une idde toute diffdrente, celle de ; hails traduit itutq, 01r,crivu:v > ; ga-hails ttaduit 6),6r)"r1po6 >, adjectif ndgatif an-hails, hppuoroc", xaxdq Ulurv > et substantif. un-haili .< maladie >. Du thbme nominal proviennent les verbes (ga)hailian > et gahailnan . La signification est un peu difi6rente quand on passe du gotique au vieil islandais : v. isl. heil signifie .< bon prdsage )> ; de m6me, v. a. hael >; et le verbe ddriv6 en islandais heilsa . D'auue pan, il a 4t6 form€ d I'aide d'un suffixe commun dans I'ensemble du germanique, I'adjectif " bailaga-. Nous en trouvons le neutte, hailag, dans une ancienne inscription runique grav6e sur I'anneau d'or de Pettossa : Gutan Iowi hailag, ce qui parait signifier >. Une autte inscription dgalement en caractbres runiques porte i Vlodini hailag, ce qu'on uaduit : >. L'adjectif est attestd dans les autres Iangues germaniques, vieil islarrdais heilagr >.
,.L" .plg,,orlpe de routes ces formes se ramdne d un adJectrt * kai.los, compldtement ignord de l,indo_iruni." olr grec er qul, m€me dans les langues occidentales, est d_ u.n, groupe, slave,. germlniqre, ;;i;iqr;:' O; n esr pas certaln que [e baltique ne I'ait pas eitpruntd au.germanique sous sa forme ancienne uu", h- initiui.--.'-Dtss Ie gotique, hail.s >, a aussi la fonction i,uri"
.i
:::::tt:j
i;;;
de souhatt, traduisant grec khatre . On ,,.*oiique que I'inGgritd physique ait une uut*, *fi_i.*Jri caract6risde. Celui qui poisbde le < salur qui.a sa.qualit6 coiporelle intacte, est capable;;il; ", .;!ri_ilji.. confdrer le ] >. C,est en latrn que se manifeste le mieux Ia division enffe le
il#}ffiJ
187
LE vocABULATRE DES rNSTrrurIoNS INDo-EURopfnrNns
r,n secnf,
profane et le sacr6; c'est aussi en latin qu'on d6couvre le caractbre ambigu du : consacr6 aux dieux et chargd d'une souillure inefiagable, auguste et maudit, digne de vdndration et suscitant I'horreur. Cette double valeur est propre d. sacer; elle contribue ) distinguer sacer et sanctus, car elle n'affecte h aucun degr6 I'adjectif
apparent6 safictas. En outre, c'est le rapport dtabli entre sacer et sauilicare
qui nous permet de comprendre au mieux le
mdcanisme de
du sacrd et la relation avec le sacrifice. Ce terme
>> qui nous est familier associe une conception qui semblent n'avoir rien de commun. une opdration et Pourquoi > veur-il dire en fait (cf. sacriliciunt) ? Pourquoi le sacrifice comporte-t-il ndcessairement une mise i mort ? Sur cette imolication fondamentale le m6moire d'Hubert et Mauss a jei6 la plus vive lumidte (1). I1 montre que le sactifice est agencd pour que le ptofane communique avec le divin par I'interm6diaire du prdue et au moyen des rites. Pour rendre la b6te , il faut la retrancher du monde des vivants, il faut qu'elle franchisse ce seuil qui s6pare les deux univers ; c'est le but de la mise i mort, De li la valeur, pour nous si profonde, du terme sacerdos, qui repose sut'\' sakro-dhot-s, composd i l'aide de la racine " dhe- >, d'oi (cf . facio). Le sacerdo.t est I'agent du sacrificium, celui qui est investi des pouvoirs qui I'autorisent a >. L'adjectif sacel est un ancien o sakros dont la forme comporte une variante, I'adjectif italique sakri-, qu'on retrouve partiellement en vieux latin dans le pluriel sacrEs,' c€ 'k sakros est un ddriv€ en -ro d'une racine 't' sak-. Or, sanctus est proprement le participe de sancio, lequel est ddrivd de la m6me racine '? sak- au moven d'un infixe nasal. Ce prdsent latin en -io et d infixe nasal est ) 'r- sak- ce que iungiu > est i iug- en lituanien; le procddd est connu.
Mais cette relation morphologique ne. rend pas comDte il ie'ruffit pas d;-;r;;".f,;; ensemble sancio et sanctus d la racine sik_, p"irq". i/"", " a. pro-duit de son c6td le vetbe sacrare. C,esi a;, ;;;r;;;, signifie pas >. Il faut prdcisdr f. rapori entte sacrare et sancire. Nous lisons une d6finition instructive et expricite chez Festus : bomo sacey is est qaem populas iiinill'i| malelicium ; neiqae las est eun imntoliri, sed qui o,rciiit parrtctdi non darnnatar. Celui qui est dit sacer'porte une vdritable souillure qui le m"i horc de la did; A; hommes : on doit fuir son contact. Si on te tue;;;r,;;; pas pour cela homicide. Un homo sacer.rt porl, le, hom_ mes ce que I'anirnal sacer est poul les dieux , 1,"" r autfe n'ont rren de commun avec le monde des"ihommes. "l sanctus (1) nous avons une aennition ;;;;- k ^.Pour I, 8, 8 : sanctum Digeste est quod ab iniuria homtnui (e,l;nsyn atqae.ntunitum est : , qul sg dit sacer; ni ce qui est . Dans l'expression Iegem sancire, la sanctio est-proprement la parfie de la ioi qui dnonce la peine qui frappera celui qui y contevient; sanctio est souvent associd i poefla. Pai suite sa.ncire Cquivaut i poena afficere. Or ians la vieille l6gislation romaine, la peine dtait appliquCe par les dieux eux-mdmes qui intetvenaient en vengeufs. Le principe appliqu6 en pateil cas peut se formuler : Qzl legin uiolauit, sicer estb .. Que ielui qui a viol6 la loi soit sacer >; les lois de ce genre s'appelaient leges sacratae. Ainsi la loi devenait inviolable et cette >
190
la valeur ancienne du sacrd se transfBre i la sanction : sanctas n'est plus seulement le murus, mais I'ensemble du champ et tout ce qui est en contact avec le monde du divin. Ce n'est plus une ddfinition de caractBre n€gatif (>), mais une notion positive i devient sanctus celui qui se trouve investi de la faveur divine et reEoit de ce fait une qualitd qui l'6lbve au-dessus des humains ; son pouvoir {ait de lui un 6tre interm6diaire entre I'homrne et la divinit6. Sanctus s'applique i ceux qui sont morts (les hdros), aux poEtes (uates), aux pr€tres et allx lieux qu'ils habitent. On en vient ) appliquer cette dpithdte au dieu lui-m€me, deus sanctu.r, aux oracles, aux hommes douds d'autoritd ; ainsi s'opdre peu d peu le glissement qui fait de sanctus l'dquivalent pur er simple de uenerandus. Ld s'achbve l'6volution : sanctus qualifie alors une vertu surhunraine, Si donc on tente de ddfinir ce qui distingue sacer de sanctas, on peut dire que c'est la difi6rence du sacrd implicite : sacer, et du sacrd explicite : sanctas. Par lui-m6me, sacer a une valeur pfopre, mystdrieuse, Sanctus est I'itat rdsultant d'une interdiction dont les hommes sont responsables, d'une prescription appuyie d'une loi. La difi6rencc entre les deux mots apparalt dans un composd qui les associe : sacrosanctus, ce qui est sanctils par un sacram ; ce qui est ddfendu par un v6ritable sacrement. Il n'est pas inutile d'insister sur cette difidrence, i voir Ies erteurs commises par ceux qui la ndgligent. Un comparatiste (1) cite ce passage de Varron, De re rustica 3, 17 z >. De ce passage, dit-il, rdsulte que le comparatif de sacer est sanctior. Etant donnd que le suffixe du comparatif indo-europden -tos s'ajoute i la racine nue, s-anctior est pour * sacior,. le supedatil sacerrirnus n'y fait pas obstacle, parce que le superlatif latin ne conserve pas une forme indo-europdenne. Un tel raisonnemenr m6connait la ftalitl. Si nous avions i prendre sanctior comme le comparatif de sacer, les deux adjectifs seraienr en somme interchangeables, sacer pouvant emprunter la (1)
p.
Specht, Zeitschr,
137.
l.
uergleichende Sprachlorschung,
65,
1938,
L9l
LE voCABULATRE DES INSTITUTToNS rNDo-EURopfnnNBs
forme de sanctus au comparatif. Faut-il donc traduire : ? Evidemment non ; ces poissons sont d'une part >, d'auffe part que ceux de Lydie. Sacer est une qualitd absolue, ne comporte pas de degrds ; tout au plus une expression suprCme est concevable, sacenirnas . Mais le sanctus est du domaine du relatif : quelque chose peut 6tre plus ou nroins sanctufi?. De ceci, confirmation est donnde dans une autre ceuvre du m6me Varron L. L. VIII, 77. Cette {ois c'est un texte grammatical, il s'agit du mode de formation des comparatifs et des superlatifs ; Varron attire I'attention sur les difidrences que prdsentent ) cet dgard des adjectifs qui ont m6me forme au positif. Il prend trois adjectils macer, sacer, tener; Ies supedatifs sont les mdmes : macerrintus, sacerrimus, tenerrimus. Mais il ne cite que deux mots au comparadf, rnauior et tenerior. S'il n'a pu alldguer '\' sacrior (alots qu'il fait 6tat de sacer et de sacerrimus), c'est que sacer n'avait pas de comparatif, parce que le sens du mot n'admettait pas de degr6s ; et ceci confirme ce que le passage prdcitd enseignait ddji.
GnEc.
-
hier6s.
Les faits grecs demandent aussi un examen d6tailld, deux termes sont en question : hiefts et hdgios. Tous les deux soulEvent bien des problEmes en grec et hors du grec, tant pout l'dtymologie que pour le sens exact A leur attribuer respectivement. De l'avis g6ndral, bieris est pourvu d'une dtymologie indo-europdenne, mais celle-ci lui confbre un sens que l'emploi m6me du terme ne reflBte pas. Le sanskrit joue ici un r61e ddcisi{. Hierfs, phondtiquement hiar6s (6olien), rdpond au vddique isirab ; et la qualitd du rapprochement fait que, malgrd les difficult6s de sens, on ne I'a jamais
ki
contest6.
L'adjectif vddique isirah exptime une qualitd qui est le prddicat de certaines divinitds, de personnages mythologiques, de notions religieuses. La traduction varie, mais se rattache d'une manibre ou d'une autte ) la notion de 192
r,n
slcnf
vigueur rr, de ., vivacitd >>. Les 6quivalents Drooosds appui sur la dirivation de- isirab i partir de t;li)-.. Pout ne citer qu'un exemple, l'irlandais noib , de n noibo-, est en altetnance vocalique avec * neibo- qui a donnd le substantif niab > (1"). Voili les donn6es pr6liminaires, que fournit I'examen comparatif, d l'dtude de hier6s. Que veut dite hier6s ? A prendre successivement les sens qu'impose immddiatement chaque passage, on constate une diversit6 d'emploi telle que certains ont voulu distinguer trois mots bier6s chez Hombre. Dans la langue dpique bier6s s'applique en efiet i des choses et d des €tres qui ne paraissent pas relever du sacr6. On ttouve encore cette opinion chez Boisacq : il y aurait rn hier6s signifiant , un autre signifiant >, un troisibme signifiant . Aujourd'htti, on reconnait que cette division est artificielle ; tout le monde s'accotde sur I'unit6 du sens. Mais comment a-t-il dvolud ? On pose au point de ddpart le sens de >, puis > et de lh, secondairement, >. Doit-on ndcessairement admettre cette filibre ? Il y aura intdr€t i s'en assurer. Proc6dons ) une revue des emplois. En premier lieu, hier6s accompagne des d6signations de culte comme born6s >, bekat6mbE >, Puis des noms de ville tels que Troie ; des noms de lieux : citadelle (ptolietbron, Od. 1,2), murs de Troie (krdderuna, Il. 1.6, 100), Thebes et ses murs, Pergame, I'Eubde, le cours de I'Alphde. On peut admettre que bierfs est une dpithbte de v6n6ration. Voyons maintenant des alliances plus singulitres, donc plus instructives. Les juges sibgent hierdi eni kilklai, Il, 18,504, >. MCme s'ils ne sont pas en eux-m6mes >, les juges sont considdtds comme inspirds par Zeus. Quand Hdra invoque, dans un serment solennel, la hierd kephal| de Zeus, qu'elle ptend i t6moin (II. 15, 39),le mot s'interprbte immddiatement. sens gdndral
(1) Le rapprochement a 6rE tische Pbilologie, t. X, p. )09.
L94
lrabli par Meillet, Zeitschrilt
liir
cel
sacnf,
Mais pourquoi bier6s est-il dit d'un char (Il. j,7 464) ? Il_. .faut lire le-passage entier. I.a traduction par', ., f.irt, puissant >> esr hors de propos. Il s'agit d'un chir qui 6taii
immobilisd, les chevaux refusant d'a-vancer (c[. 441,, 41>l, 456) : alors Zeus inspire les chevaux et les anime i emoorter Ie char d'Autom6don. Voili pourquoi le char .ri dit bier6s. Il I'est dans cette circonsiance-ia, .. n'est pas une ipithEte de nature. , C'est qo5. lupEse T6T. raison, plus claire encore, que la balance qil les chanceJdes deux pays en iuite est 4"g: appelde hird (Il. 1,6,658). Les aires i batire Ie bl6 reqoi vent Ia mdme dpithbte (Il. 5, 499), mais ici aussi le contexte nous renseigne : > (Od.3,278,), c'est qu'il est ddja considir6 comme tel, puisque le temple d'Athdna s'y trouve. Il reste un emploi unique et singulier, oi hier6s est appliqu6 ) un poiison (Il, 16, 407) : Patrocle soulEve du bout de sa pique un guerrier ennemi, comme quelgu'un qui, assis sur une pierre, titerait hors de la mer un poisson hier6s. Poisson sacr6 ? vif ? L'adjectif parait bien signifier ; il ddpeint le mouvement du poisson qui se ddbat au bout de la ligne. C'est l) le seul endroit oi hier6s garde quelque chose de la signification qu'on est fondd i poser par Ia comparaison. L'expression hierdn m6nos, avec un nom de personne, n'est ddji ainsi Od. B, 42L, hierdn tz|nos Alkin1oio - _On ne -plus qu'une cheville, une commodit6 mdrique. iauraif y lire la valeur qu'avait bierfs quand I'emploi 6tait vivant, Nous pensons n'avoir omis aucun emploi notable de bier6s, et partout, que ce soit avec des noms de lieux ou de fleuves (les fleuves sont divins), avec des noms de personnes ou d'objets, avec des noms de choses divines ou humaines ou des noms d'dl6ments, nous avons constat6 la m6rne valeur : partout hier6s appartient au domaine du , que cette qualitd tienne i la notion par lien
naturel ou qu' elle lui soit associde par circonstance. Sans quoi on n'efit pas ddnomm6. td hieri I'acte sacrificiel. r*
:*
{.
Nous rencontrons au voisinage du grec, mais hors du grec et m6me hors de I'indo-europden, une s6rie de mots dont la forme est voisine de hier6s et du prototype qu'on lui suppose, et qui appartiennent h la m6me sphbre s€mantique. ee sont des adjectifs qui, dans les langues italiques et en dtrusque se rapportent aux dieux et au divin. Aesar est un mot 6trusco-latin citd par Sudtone pour expliquer le nom de Caesar; ce serait en dtrusque le nom du n-dieu i>. Nous le retrouvons sous diverses formes dans des langues italiques qui sont indo-europdennes et 196
LE
SACRE
qui ont eu des_ contacts dtroits avec l,dtrusque, tels I'osque ., le volsque esaristron o sacrificiurn'r, - -'--- ' ' l'ombrien esono >. D'autre part, en_dtrusque m€me, l,adjectif aisuna, aisna, . eisna (suivant les lieux et les dpoquesj signifie < divin > ou se rapporte au sacrifice. Evidemment, ce radical italique oftre une certaine ressemblance avec celui de hier6s'et isirah et l.es linguistes ont voulu y trouver Iu pr..r,r. d;rr. pare.nt6 (largement prdhistorique) entre liet.,rrqu" .i l'rndo-europden. -Kretschmer verrait l) le vestige^d,une couche proto-indo-europdenne dans le bassin rigaii.tr"aisusis
n6en.
,ll t'y a pas.lieu.de discuter ici,_l propos de ce cas par.ticulrer, une thdse d'une telle ampleur. On doit seule-ment marquer une difidrence entre lei deux sdries de formes. Le radical r, ais- panit signifier ( 1) et de ce fait ne peut avoir rien de commun avec celui de hier6s q"i;;;;;; orr ailleurs, se ramache ) la famille de hier6s. Ce sont deux notions distinctes. L'adjectif < divin >> se dit en grec thetos qui ne,se. confond iamais avec hier6s >
***
Nous pouvons dBs maintenant voir dans Ia valeur du ..ru:rf )> en grec quelque _ chose de particulier, qui ne corncide pas avec ce que Ie latin par sacer. ",rt"nd Dans sacer, il y a exclusivement ia noti,on d,un domaine _ distinct qui est attribud au divin. Le sens de sacer s'dclaire u
par
I'opposition avec prolanus
(a11. Eisen, .angl._ir-on, etc.) et etri agrll"E-;;;d'"i .o1T." (Voir Celtici li.lr, 1955,' p. ilg sq.).' * isarno-
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797
LE voCABULAIRE DEs INSTITUTIoNS INDo-EURoPfrNNns humain par une afiectation au divin' Au conffaire, dans hier6s, sllon les exemples homdriques analysds ci-dessus, nous voyons une propri6t6 tant6t permanente, tantdt inci' dente qrri peut r3sultet d'un influx divin, d'une circons' tance ou d'une intervention divine. On n'obsetve pas en grec cette contamination du qui dqulvaut h une souillute et peut exposer I'homme sacer d la mort.
Gnnc.
-
h6s.ios, bosiE.
Trds voisin de hier6s est I'adjectif. b6sios, qui se.rapporte
sacrd >>, mais dans des acceptions distincte!' Le dictionnaire de Liddell et Scott pose que hisios signifie ' les rappoi'ts huma]ns par les .".t .ptr. Les devoirs dits h6sia, comme ceux destgnes par dt?dm' sont des devoirs envers les hommes ; les uns prescrits par une loi humaine (dikaia), les aumes par une loi divine aussi au
(h6sia).
'
, de prdfdre.nce d ,ilistoi < no_n-prids >, donn6 par un :-p-t-ty::,.d" manuscnt et qul.. n'a pas d'autre exemple. L,Hymne entier montre qu,Hermes revendtque .des. avantages trds matCriels : il est avide de bclles viandes. r6ties, il. ddrobe des vaches, il menace de piller ie somptueux trdsor d'Apollon (v. 17g). fl n,a cure de prieres,'----- --
>>
201
LE VocABULAIRE DEs INSTrrurroNs rNDo-EURopEut{Nss atteld de chevaux que le conducteur laisse aller i leur guise tandis que lui-m6me suir i pied. Si les chevaux emblllis
brisent l'attelage contre les arbres, on prend soin des chevaux, mais on laisse le char appuyd (contre le temple); on inyoque alors le dieu et le char est laissd sous sa garde. Pour autant que cette vieille coutume se laisse comprendre, l'incise > se rapporte d une permission ou i une concession accord6e pat le dieu. Il faut en rapprocher une disposition de la loi sacrde de Cyrtsne : tdn hiardn hosia panti >. Cette bosia d'Onchestos consiste apparemment en ce que le conducteur est autoris6 b emmener ses chevaux en laissant le char seul sur le terrain sacrd de Poseidon. Telle nous parait 6tre l'interprdtation qu'appellent ies exemples homdriques de hoslE. Elle cadre avec les emplois de l'adjectif b|sios, qui porte touiours la notion de j en se referant a l-amblvalence du sacre. (1.) No_t1s
202
LE deux_ passages succ€ssifs,
I'un or)
Apoilon, fils de Zeus. il veut dveiller la oainte r"rp"cru"uJ" devant le dieu. On dit d. ;a;; (Odyssde 9, 200) que le pr€tre d,Apollon, ,;, filr-;;; femrne ont. d_rd dpa.rgnis_ par < crainte respectneuse > (hazdneuoi). Le verbe indique lc respect dprouvd devant un.dieu 9u ul personnage.divin; maii un r^erp".r n€gatif, qui consiste ) s'abstenir. de porter atteinte. On r"lj*ru, aprds Williger, une analogie- flappante entre hizomai ii qui se.compldte dans le paralldlisme des adjec:!!on,rli.et trts derrves hagnos et setnnds (< ,, seb-nos). A ces .exemplcs homdriques on en ajouterait bien ,. cl'autres, tirds des Tragiques, qui les confirment. Il valait mieux pa_rtir du verbe pour une prernidre ddfinition du t"nr, !"1 I'a<Jjectif hagndi i lui setrl'ne peur rien enseigner de precrs. ll e.st apposd souvent i des noms de ddesses : lIt.T5,, Persdphone,.une fois d beort| (Odyss6e 21., 258-259). Chez.les. Tragiques bagn1s r'uppiiqu" uu territoire d.u dieu, d l'iduton -du diei. C,est'egui.r.ni l'dpithEte de Ia < terre. > .(hagft droura, Er.hyT;;-S;;;; 75)), mais dans une mdtaphore hardie qui vise en'rdoliti le sein marernel. Partour hagnds dvoque Iu notion J;u,i territoire < interdit r> .ou d'un lieu que d6fend Ie respect pour le dieu. De l) vient que chez ies Tragiqu * hogni, d6signe_un 6tre hunain comme : leib6 < rdpandie q".Iq"", l;"i_ lg,u_t
:'J;:"53Tf!X!,,tf,'ff,nl::fi iiJT"*?:3iT.B,?"y. j;Hj
Ie.rite apotropaique au rite propitiatoiiJ, ddroutante du lat. libare < faire une libation, ^r;-1._!-oty::Tre ;"l:T"e"f ,H','i;,3i,ll,ooli,Y,"i,o::1,"'""f ["";.TT..:,#,:'*f qu-.e.s gouttes r>, on retient celui de ,
I. Sponsio Nombre de termes se groupent avec le y a lieu d'6voq.r"r .eri qni s'y rattachenr pu, iu 1l srre meme de l'rnstltutlon. "e..rUn rite accompagne la prestation d'un serment ou la conclusion d'un,pacte;..i1 est dnoncd par gr. spLnda , hrttrte iipant et iipant, c,est_i-dire spand_, de meme sens, et lat. spondeo. Les rois formes, viiiblement apparent6es, se rapportent e des notions qui ne se caracArisenr pas'd. lu ,iEr* ..t
209
LE VOCABUI,AIRE DES INSTITUTIONS
INDO.EUROPEENNES
maniere. En latin, spondere est un terme juridique ; en hittite, spand- ddsigne une modalit6 de sacrifice ; or la notion de sacrifice est complbtement absente du termc latin. Le grec spdndo associe les deux significations que
lc hittite et le latin donnent sdpardment, d'une part ., faire une oblation liquide >, d'autre part . Le d6riv6 nominal spond6, avec degrd mdical o, signifie ., offrande liquide >>, mais au pluriel >. C'est surtout en grec qu'on saisit la liaison avec le serment, quand la spondd accompagne la prestation. Cette association permettrait de comprendre que le verbe en grec se soit sp6cialis6, i l'actif et au moyen, au sens de . On prdsume donc que le sens primitif 6tait celui d'une oblation li quide consacrant solennellement un engagement. Il y a ici un probltsme linguistique. Pour que, en grec et en latin, spend- ait dvolud vers une acception politique ou juridique, il faut que quelque chose l'ait pr6pat6 dans I'histoire sdmantique du verbe. Or grec sp|ndo se limite exclusivement i la , sans que rien ne prdcise Ie sens propre de cette pratique. Si le verbe impliquait que la libation 6tait toujours faite h I'occasion d'un accord, la spdcialisation du sens irait tollte sellle. Mais souvent on ne voit aucune ndcessitd ) cet acte. Dans l'Odyssde, une spondd peut etre pratiqu6e sans relation avec un pacte. Les prdtendants, le soir, font une libation, et le fait n'indique aucun pacte conclu, aucull acte rituel. A maintes reprises, Ulysse et ses compagnons font des libations sans qu'un accord intervienne. En g6rrdral, la mention de Ia spondd n'est suivie d'aucun engagement collectif. Et cependant, Hdrodote arteste ddj) largemefi spAndoftxai et spondii dans leur signification de > : sp1ndesthai eirdnEn >. Ce connaste a quelque chose de singulier. On ne peut le r6soudre autrement que par un examcn ddtailld des emplois anciens et d'abord des emplois homdtiques les plus significatifs. C'est en liaison avec le serment qu'il est fait mention des spondai ikrEtoi (I1,2,34L; 4, 159), tandis que les partenaires se serrent la main droite. Il s'agit bien d'un cdrdmonial ; or ce sont les seuls exemples homdriques 210
LA LIBATION iustement I'emploi
du terme indique
!:^:I-:f!!,,,,et concluston d'un acte prdcis. Dans quelques cxemplgs.r.sp\nda accompagne
la
un dis_ r'ud."rr" a Zidi iaiirii", mains, prit sa coupe, versa Ie vin er ensuite prononea une priare en faisant *. riu"ii"n i. vrn et en regardant le ciel. II demande a Z."r;;;t*;_i;. rg" compagnon qu,il envoie au combat ,.ui.rrn. ,"i !:.saut. et En 24, 287, on est ) la veille d,une enffeprise cours.
9\ I1.,,t6,.227,,Achille rehsgtkos ; il se lava les
dangereuse : Priam va. r6clamer aux Ach6en, ,o" hir-i";.'b? les conseils de sa femm., ir fait-"io* riu"iio, , ri". tient devant les dieux et s'adresse a ZL"r. "n. S" f.;;;;; prdalable, lui dit : (Od. 3, 43 sq. trad. B6rard). Suit la priEre d'Ath6na A Posdidon, €nurn6rant les faveurs esp6r6es. On procdde de m€me ) l'dgard de Posdidon au moment oL les h6tes s'appr6tent ) dormir (ibid. 3, 333 ; cf. 18, 425, etc.). Quand Pindare dit figurdment : (Olutltpioi) spdndein aoidais (Isthnz. 6, 9) , comme on I'admet. Les Libyens, dit I'historien, o-nt r'r, remEde quand leurs enfants sont pris de convulsions ; ils les struvent en les >, (epi)speisantes (1 ), d'urine de bouc. On ne voit pas po_urq.toi dans ce seul emploi le verbe quitterait le sens qu'il a dans tous les autres exemples. Ce peut aussi bien €tre ici un rire accompli dans Ie dessein
de sauver d'un danger. Hdrodote n''avait pas dir. simplcmenc .
besoin du verbe spdnda po.rr
PIus probablemenr, il s'agit d'une vdritable < libation > faite .pour pernretrre h l-'enfant de franchir ce passagc olIflctle. Chez les orateurs attiques et dans I'histoire ultdrieure du verbe, le verbe n'dnonce plus seulement un acte religieux, mais prend une valeur politique. La forme moyenne spdydonai tend ) pr6valoir. Si spdnda indique ,o-r" le fait de prendre les dieux pour garantr pui .,n."r,libation, le moyen marque que Ie procbs iflecte celui qui l,accomplit ou ceux entre lesquels il intervient. Pratiquement cela revient i : se prendre mutuellement pour gaiants, d,oi : s'engager vis-)-vis I'un de I'autre. Hdrod6te a pu dire ainsi tri1konta 6tea eirdndn sptndesthai (VII, 148). C'est un pacte de sdcurit6 mutuelle que les deux contractants s,engagent ) respecter : le marin s'assure conne les pdrils de l-a iner, ici on s'assufe- aussi, mais conffe la mauvaise foi de l,autre, contre des violations possibles. On dira de m€me sp6ndesthai t€i presbeiai > (Eschine, Contre Ctisiphon 63), On voit comment le sens politique et juridique se d6veloppe i partir du sens religieux. Le jeu de I''actif et du moyen se manifeste. aussi, mais un peu aurrement, en dorien. dans le grand texre juridique di Gortvne, au iuiet de Ia condition de la femme I i I'actif,' episp1ndiin (1) Les manuscrits donnent speisantes, que van Herwerden corrise en.epispeisantes, Ieirure adoptde par Legrand (€d. Budd) qui maduit":
< ils atrosent I'enfant d'urine de bouc.
>>
2L3
LE vocABUI,AIRE DES INSTTTUTIoNS INDo-EURopf,el.rNrs , demande le pr6tendant au pere de la jeune fille, et celui-ci rdpond : spondeo ., j" -'y engage >> et i nouveau : filian spondeo. fnvetsetuam sponden rnihi uxoren dari ? - homme > et la rdponse est spondeo o j" m'y engage > (Aulu-Gelle IV, 4, 2). La sponsio reprend ces notions avec les ddveloppements juridiques qu'elles comportent. Comtnent cette notion spdcifiquement romaine s'articule-t-e1le ) celle que le grec vient de nous enseigner ? De part et d'autre c'est toujours une gatantie,-une idcuritd. De m6me que dans le monde hell6nique la libation servait i assurer la s6curitd de celui qui I'ofire, de m€me ) Rome il s'agit d'une sdcuritd, mais juridique, que le sponsor donne en iustice. Il est h pour garantir le iuge, la partie adverse, le droit, d'un manquement possible : que I'inculpd, le prdvenu fasse ddfaut, etc. Dans le mar1age, la sponsio est la sdcuritd donnde par le plre au quant ) sa fille, c'est li I'engagement' ^prdtendant Avec tpondeo, il faut considdrer re-spondeo. Le sens 214
LA LIBATION propre de respondeo etla relation avec spondeo ressortent Iittdralemenr d'un dialogue chez plaute iCaptiui 899). Le parasite Ergasile appone i Hdgion une bonne nouvelle : son fils, *rpury depuis longtemps, va renrrer. Hdgion promgt i Ergasile de le nourrir tous Ies jours, s'il dit irai. Et celui-ci s'engage i son tour :
898
.
..
.sponden tu istud ?
Spondeo.
899 At ego tuum tibi aduenisse liliun- respondeo. , attestd chez Hornbre aussi bien que lelbein oinon Dii >. Mais d examiner les choses de plus prds, le sens n'apparait plus si simple. On rencontre des difficultds quant d I'interprdtation du rite que ce verbe ddsigne. Si leibein signifie seulement >, on peut se demander quel rapport de sens il faut dtablir entre leibeit et un autre verbe qui ddnote propfement I'action de verser et a proprement aussi un sens religieux : khid, avec le nom d'action kho6. On sait l'importance de cet acte dans les rites, en particulier dans le rite fundraire de verser sur un tombeau une kbo6. Ce verbe * g'heu- est un des mieux dtablis du vocabulaire indo-europden. Il est reor6sent6 en indo-iranien par skr. haa- (bi-1 , rite central dans le rituel vddique ; le neutre hotra dlsigne cette oblation et le nom d'agent hoty le personnage qui la consacre. En iranien, les termes coirespondent exactement i zaa- . Sans aller jusque l), les diitionnaires 6tvmologiques rdcents soulignent la diffrcultg a" por.r-"n #,
I I I I I
uruque.
. Il faut reprendre Ia comparaison des emplois srecs et latrns, puisqu'il n'y a pas ici de moisidme langue?ont Ie tdrnoignage puisse arbitrer la difficultd. . A c6t6 de le,ibo, on peut noter en grec des formes sim_ ples, d'un e'rploi non r"ligi".rx, dont li sens est assez clair pour assurer une sigqificatiorr de base. Ces tdmoignages n'ont pas dtd assez utilis6s. D'abord le nom-racine ,t lips, g6n. lib6s, acc. Iiba < goutte >, formes casuelles isol6es d-'un vieux'rnot ,o*Lt en d6sudtude : militos tiba (Apollonios d. Rh;a;) miel > ; eks omrndton lelbousi Iiba (Esciyle : goutj:,de tum. )4) avec figure dtymologique : la larme est ici.ongrr. comme une goutte. Puis un substantif d6riv6 en _ad_, Iibds >, d'ori , >. On est ddj) en mesure de ddfinir teibo de manibre plus prdcise : kdrnai leibousi tlaia (Callimaque) >. Dans libare melle, uino nous- avons finalement I'dquivalent exacr de gr. leiben oinon ; le sens est < faire au moyen de vin, de miel, une libation consistant i le liquide >. . T"l est le point de ddpart de I'histoire propremenr latine des termes de cette famille. Pour en suivre^l'6volution dans les diverses acceprions oi libare s'est difidrenci6, il faut d'abord poser correcemenr la signification initiale, qui n'est pas , mais , c'est-d-dire < ofirir une rou-te perite partie du liquide, qu'on laisse en quelque sorte filtrer de son contenanf >>. _ A partir de Ii, la norion de I'of{rande liquide, essentielle dans l'emploi religieux de libare, libatio, .t.., u fait place dans I'usage ordinaire d celle de < prdlever une petite partie >> : chez LucrEce, Iibare aequor >. Ulysse essaie, par cette loibd, de d6sarmer
cot't.tingere
de Zeus. Le mot loibd est
verbe dans truncum delibare
bceufs
tion dtun grammairien latin : Iibare est aliquid leuiter ut si qu.is innitatas ad conuiuiunz uel potuftl perexiguuru quiddarn de esca uel potione samat > ? quelle est la signification de ce rite ? Cela revient )r voir dans quelles circonstances s'emploie leibein. Ce verbe ne s'dchange pas avec spdndein. Consid6rons dans son contexte un emploi hom6rique (I1. 7, 481). Tandis que les Achdens festoyaient dans leur camp, >, le sens propre de " gbeuest >. En vddique, c'est I'oblation liquide, beurre fondu, graisse, qui alimente le feu et nourrit la divinit6. Il suffit de rappeler une correspondance plus limit6e, mais qui int6resse aussi la sphbre de la < libation >> et dont la distribution dialectale est int6ressante : c'est celle de $, sp1ndo, spondd < libation >> et de lat. spondeo qui ne garde que la signification de I'acte que la libation appuie, de l'>, avec le hittite ilpant (iipant) , voici un terme limit6 au latin, mais qui doit €tte le teste d'une formation prd-dialectale : le verbe rzactare, dont le sens le plus frdquent h I'dpoque classique est >. On ne peut en sdparer la forme nominale xtactus. A vrai dire, nous ne connaissons celle-ci pour ainsi dire qu'au vocatif macte, surtout dans la locution rnacte (aniruo) qui ne s'ajuste guEre au sens du vetbe mactare. Le rapport de ces formes est si peu clair qu'il a fait imaginer deux verbes rnactare, 7'un signifiant >, l'autre > ou quelque chose de semblable. C'est une idde qui est certainement i
rejeter.
Mactare est i considdrer comme le verbe ddnominatif de mactus, mais le rapport de sens ne peut s'ilucider que par I'examen des emplois. Les Latins expliquent ruactus par
224
.
Ce qu'il faut retenir de cette
LE SACRIFICE interpr6tation, c'est moins sa forme litt6rale, insoutenable, que la notion dont elle atteste ainsi la persistance, celle d'un accroissement, d'un renforcement du dieu, obtenu au moyen du sacrifice qui le nourrit. Il est indubitable que cette > de mactus a agi sur les ernplois de nacte; nzacte (aninto) oi nzacte s'explique par le sens qu'on attribuait d, rnactus. Cet adjectif doit €tre tout simplement un adjectif verbal, " rnag-to parallEle d 't mag-no (lat. nxagnus). Qu'on ait cleux formes d'adjectif verbal, I'une en -to-,1'autre en -no-, n'est pas pour nous surprendre : c'est le cas de plenus et -pletus; I'un, en -no- indique plut6t l'6tat de nature, l'autre en -to-,1'6tat dans lequel on a itd transfdrd. Ainsi le pr6sent ddnorninatif mactare signifie , c'est I'cpdration qui met dans 1'6tat rnactus. Les emplois les plus anciens, tel mactare deum extis, comportent le nom du dieu i I'accusatif et le nom du sacrifice i f instrumental. C'est donc rendre le dieu plus grand, I'exalter, et en m€me temps le renforcet pat l'ofirande. Puis, par un changement de constluction analogue i celui qu'on connait dans sacrare, s'est dtablie l'expression mactdre uictimam >. D'oi mactare >, conserv6 paf espagnol ftxdtar . Chacun de ces termes ajoute quelque chose
i la notion du sacrifice, de I'ofl'rande, de la libation, par la liaison qu'il dtablit enre la notion fondamentale et les implications variables de la ddnomination. Voici encore un exemple : lat. uoueo, uotunx signifie bien ; mais les correspondants de ce verbe latin dclairent mieux la signification initiale. D'abord I'adjectif verbal vddique uagbat et , puis grec eilkhomai, eukhi. Ici ) premibre vue la notion est assez difidrente; < prier >, et aussi >, >, mais , , >, et par consdquent . C'est l'affirmation solennelle qu'on engage quelque chose ou qu'on s'engage soi-m€me d fafue ou ] 6tre quelque chose. Cette prdcision en suscite une auffe. La forme verbale avestique aogadA est pltis instructive qu'il ne semble. Si
. Comment concilier avec le . De le, ait te?i.tio"i,"f[, "o , puis, au sens profan"j
nourtiure r>. Horsdu latin, il y a.un groupe consritud par armdnien f€re >>, v. isl. talu < inimal du satifice, Uet" uoul" i!oyo-" I'ofirande >> ; et grec dapLnC , eui sc relie i
. correspondance nous ramdne i un autre ntor , 9"rt: latrn, de famille et de sens apparemment trbs diffdrents ; c'est darnnum, , terme essentiel dans i" Jr"ii ancien de Rome, Ln forme darnnum remonte par un ancien *' dap-nonz au m€me type de formation qie daphne ei conrienr la m€me racine dgalement suffixde -1. , < offrande >, >, ,iraui, dommage tolrt
>.
226 227
LE vocABULAIRE DEs rNsrrrurroNs rNDo-EURopfrNNBs
LE SACRIFICE
Il
n'est pas fortuit non plus qu'on dise encore aujour comme >.Daps, ce serait donc le festin consacrd d honorer quelqu'un sans qu'il y aitb4n6frce ni restitution, et le sens de dapaticus, dapatice dveille I'idde de la profusion, de ce qu'on pour laire ltalage de sa gdndrositd quand on traite un invit6. Le latin daps et le grec dapin7 ainsi se rejoignent par ce trait commun d'une grande ddpense d I'occasion d'une f6te religieuse, d'un >. La notion de < ddpense >> n'est Das une notion simple (cf. vol. I, p. 74 ss.). Etant donn6 Ie rapport de forme si manifeste entre dapdne et darnnuna, il nous faut voir sur quel rapport de sens on peut le fonder. Dantnunt, c'est d'abord la ) comme il ressort clairement de Plaute (Miles 699) : un petsonnage se plaint des embarras d'ordre financiet qu'entraine le mariage, des ddpense.r que sa femme Iui impose, haec atque eius modi darnna, ces > ; enfin, dans damnare mdme, chez Plaute encore. Voici un exemple entre plusiews (Trinurnm. 829, pribre i Neptune) ; . homdrique thdeion o.u thetin, qri-""r"*flement n,a rien d fafue avec I'adject{.it'itir''"T;i, ,;, comme Ia forme I'indique .luirlrl"i L1?"; une suffixation l^"1l.jlnl"radlcare en _r un ancien ,t dbwes-ion, cf. --"' Ie prgr.r,'liirr: -' nien duesiu . La;;;;;;;i";; ici llmage d" ,ol"il q"il;il;. circutairemenr
lll
ses ibtr rayons
; il v aur,
de
du_pr€tre et cetie d;i1:r::J:'spondance enffe Ia d6mrtch" Une pareille exp]ication, Ia.plus_simple au point de vue dtymologiqu.,
r.ruir fond6e ai"r"f.r"Hii, r,r..orderair lc pJus simplement avec.ra rt"dition. "r i]'.ir.u.orburation Ie tour termind ,ou, l.r'g".ir'prrrd, en revue, l^.T::": re cens est accompli : is ", censendo lin;7 f)ctus est.
231
chapitre le vau
4
Somnaire.
_,
La .racine de gr. eikhestbai, lat, iloaeo se rerrouve en indo-iranien. Latin iloueo, uoru,i, spdcifique du < vceu >> et ir. o"tr- veut "ii"'t,*."olllri.ii clrre ou mieux o se portei grtant ,ol.nn6il.i ment de la rcatitd qu'on proclam. o; Ie sens. de , employd dans le vocabulaire religieux. Au sanskrit oh- ftpond I'avestiquo aog-, qui a simplement le sens de > : ainsi Ahura Mazda > (aogada) i Zarathultra. Rien ici qui d6note la < pribre >>. Pour cette notion, I'avestique et le sanskrit ont plusieurs autfes termes. En latin, le verbe coffespondant est Ltoileo, avec les d6riv6s Nlotatru, uotiuus, et de-uoueo, de-uotio. Cette fois, le sens est >, mais non , C'est sans doute la mdme signification qu'il faut reconnaitre au terme ombrien uufru . On constate donc gu'en italique au moins cette racine se restreint b I'expiession du L ,o*r, ,r. On y ajoutera une forme isolde en armdnien, gog >, d'un verbe qui n'a pas sutvdcu. Toutes ces formes se ramBnent h un prototype t'aegh*-; mais le sens difiBre d'une langue i l'autre et ne laisse pas voir comment on pounait I'unifier. Le sens latin de > est spdcifique. L'indo-iranien ignore ce sens. Le grec, tout en soulignant la notion de >, ofire en m6me temps celle de >, qui ne Dcut pas s'y ramenet. Essayons d'dtablir, par I'analyse des emplois, une filiation vdritable. Un indice qui va nous aider i analyser le sens de gt. edkhesthai est le fait que efikhesthai est li6 ir 234
LE VGU spdndein. Nous pouvons alors faire dtat de la signification ptggr: de spdndein pour rechercher dans quelle"il;;;i;; est tart l'ace que ddnote eilkhesthai.
Considdrons un,elemgl.e hom6rique : Il. 24, 2g7... spetso, Dii pa-tri kai eilkheo oikadi' hikIsthai. d"-;;; se contenrer de traduire . , Soulignons cette double valeur : tant6t le souhait que le priant demande ) la divinitd d'exaucer, tant6t ." qrr,il promet i la divinitd d'accomplir. Il faut tenir .., d.u* notions en regard pour interyrdter les forrnes d"s urtr.,
rangues,
235
LE voCABULAIRE DES INSTITUTIoNS INDo-EURopfENNrs
D'abord les donndes indo-iraniennes : oh- > en sanskrit et aog- en avestique se corfespondent, et non seulement par leurs fotmes, mais aussi par des liaisons catactdristiques : Rig Vega VIII, 5, 3 : udcam dilto yathohise < la parole comme un messager je prononce >>. Avesta Yt XIII, 90 : yo paoiryo udtim aoxta >. Plus qu'une simple , ce verbe exprime une certaine activit6 du botar (qui iait I'oblation, annonce aux dieux l'ofirande et les invite i y prendte part), avec la m6me liaison entte olt- et l'ofirande qu'en grec entre eilkbesthai et spLndein En outLe, ce verbe vddique olsignifie >. Nous rejoignons par li un des grandes acceptions du terme grec. Enfin, s'apparente d oh-la forme nominale uaghat, ddsignation du , qr-ri organise le sacrifice, qui en d6clare la consdcration. Il dnonce avec autorit6 (h I'occasion d'un sacrifice destind aux dieux) ce qu'on attend d'eux dilto yatha, colnme un messager. En iranien, le verbe aog- signifie ; mais il ne se dit pas de n'importe qui ; ce sont de trbs hauts personnages, Ies dieux, Zarathuitra leur porte-parole, dont les paroles sont introduites par aog-. C'est qu'ils profbrent une parole ddcisive, 6noncde avec autorit6. Le sens est un peu plus large en avestique qu'en vddique ; on rejoint n6anmoins la m6me signification ; sa propre pe,rsonne aux divinitds infernales poLlr qu,elles accordent la victoire aux Romains. Cette conidcratidn anticip6e _ de soi-m€me aux dieux infernaux est le gage que leur donne Decius Mus en dchange de I'appui qu;il"art&d d'eux. Ofirande anticipde, cet acre est fondd sur le principe ,. d'une_ rdciprocitd toujours accrue, que nous connairro?rs par.d'autres institutions : ce qu'on-ofire appelle un don supdrieur ; ainsi l'€tre est quoique demeurant en vie acquis par avance i la-divinit6 ; >
Si maintenant nous regardons vers le grec, nous constatons que malgrd Ia vafi6.t4, la richesse des t6moignages, les termes paraissent d'une espdce autre ; ils se"mbieni dtrangers ) lalotion prdcise du >, telle que le latin la prdsente. Il nous faut reprendre le' problEme entier et confronter de nombreux exemDles. DEs I'abord on rencontre .r.re question qui intdresse, 237
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
dans
le
vocabulaire homdrique,
LE
INDO-EUROPEENNES
la totalit6 du
d'eilkhos. Ce sont les deux sens d'etikhomai, < affirmer avec jactance >>.
et
prier
A consid6rer les exemples, fort nombreux (le verbe revient plus de cent fois), il semble que les taductions habitrrclles s'imposent. Selon le cas, eilkbetai signifie rantdt ; > s'encadfe dans la description d'une cdrdmonie. Telle la priEre du grand prrOtre ChrysEs quand on lui a rendu sa fille, en consacrant uue hdcatombe autour de I'autel : < Et ChrysEs, i voix haute, ptie (megdl' eilk-beto) pour eux, mains tendues au ciel : Entends-moi, dieu i l'arc d'argeut... tu as ddji nagubre accompli mes vceux... cette Iois-donc encore accomplis mon ddsir, dcarte la p-e-ste des Danaens. Ainsi il paile en faisant une eukbd (eukb6rnenos) et Phoibos I'entendit ; et les autres eilksanto' en eux les grains d'orge > (Il' 1,450 ss.). ^projetant devant Toute cette scBne est articulde par le verbe m6me de la < prilre >>, eilkhestbai. >
23E
VCEU
anticipant I'appui qu'on attend d'elle, selon I'injonction
qu'il 6nonce, I'objet de sa . Ce passage livre, en,corr6lation textuelle, le verbe qui indique le vceu (eilkhotnai) et le verbe qui indique I'acceptation du veu par le dieu : (e pi-kraiaino). Enfin, comme par gradation, nous tfouvons, en Il. 6, 302 ss., de nouveaux d6tails qui pr6cisent encore le ddveloppement de la c6rdmonie. Des femmes se rendent au temple d'Athdna : sont dtroitement asiocids. L,acte de parole a m€me signification que I'acte d'ofirande ; Ies deux ensemble accoLpagnent lu pr"rr"tion du serment e,lgageant ,deux peuples,- deux ur.i"r. t^ ,pioae,^"iit, de securitd, garantit les contractants contr" ,rn r'ullr"u, poss-rbte, contre une violation de la parole donnde ; eukhd est Ia m€me action dnoncde pu-t.r. C'est un 6nonc6 public, solennel, empfiatijl-re "n rn€me .i q"i .onui..ri a iu circonstance, puisque les delx parties pr6tent serment. Car Ie serment est bien une deuotio .. .b*m" on l,a i; hdrkos grec signifie.qu,on ," .onro.* "r, unticipation au far q:rr""it d'yne, divinitd vengeresse ., .u, a. t.urirg."rrion de Ia parole donn6e. On proclame comme assurde cette consdcration i une ,, drvrnit6,en.6change d'une faveur explicite , on .rt om avlnce.Irvre,au.pouvoir de Ia divinitd. De m€me, ibs qu'on tofmule le serment, on est paf avance un €ffe >. Tout se tient et ce n'esi pas un t ururJ ,i, dans. les emplois fondamentaux (Homdre est un tdmoin de ces, usages), ces verbes voisinent ;t- ,,;il;i: l:d-.i:fr Ient tous ensemble. A travers ces locutions, nous fetrouvons les restes d'une institution vraiment indo-"uro_ p6enne et commune i plusieurs socidtds.
24i
chapitre 5 pridre er supplication
_ Outre * pr.ek_, ddjt Ctudi6, plusieurs rermes fl?H.: H!';"i,^':,t:tent a des-iippio't""it' ri'iie'-."ii. Sommaire.
,"if',ti.:,ilJn;#t"?;x:l:i,?'.T,F.JlJ.n?[,*.'*:.{:];ff# 11.1,__-l" la
ce.ltique et le grec p.er.nt.ni'ious cles termes tirds de * ghwedb- u prier, aerii., ,r^-
rraclne r.a
orvergence,.de sens entre grec litd,.lissomai . Ce sont les deux moitids du .rite complet ; les deux moyens d'accdder au monde avec
cllvln.
On ne trouve pout
que peu de mots com-
i plusieurs langues. L'n1r d'eux a 6td 6ttrdi6 ci-dessus; il procEde d'une racine '? prek- dont les ddrivds appartiennent ) plusieurs rdgions du vocabulaire : lat.
muns
precor, 't' prex, preces. Nous n'y teviendrons que pouf rappeler le sens propre de precor < chercher ) obtenir, demander par des paroles appropri6es ce i quoi on estime avoir droit >, procds qui exige I'intermddiaire de la parole. Au verbe precor est souvent associd dans le formulaire romain ancien quaeso (quaero) indiquant qu'on cherche i se procurer, d acqu6rir cluelque chose. Un terme indo-europ6en commun h plusieuts langues a €t6 mis au jour, quand on a pll identifier le verbe hittite maltAi- < rdciter des invocations, prier )> avec son ddriv6 nerltre rnaldeiiar < priBre I invocation , (1). Ce verbe hittite rejoint des formes qui n'6taient connues qu'en baltique et en slave, ce qui dtablit une liaison curieuse entre des dialectes qui n'ont pas autrement de rapports particuliers. On comparera hitt. rnaltai- avec lituanien rneldiiil melsti >, maldd > ; vieuxslave nolig avec la forme moyenne moliti (sg) traduisant respectivement 6fopau, napaxa}'Gt des Evangiles et npooev,troT,tau ; polonais modlit sig ' Avec une meld-y6. pr6sent au donc 't et le slave attestent finale du radical, consonne la phon€tique dans difidrence on pelrt rapptoclref armdnien malt"em < je prie, j'implore > oil ie t" r"por" sltr 'r- / ou "' th; il y aurait donc une alternance df t(h) qu'il {aut bien admettre ici en prdsence- d'une corrdlation sdmantique aussi 6troite. Le sens visible partout f-ait- apparaiffe un gro,rpe*ent hittite, baltique, slave, auquel il faut peut-
(l)
Bull. ile Ia
Soc.
de Ling. de Paris
1),
L932,
p.
113.
6.tre ajourer aussi, mais avec
ET
SUPPLICATION
un sens affaibli, Ia famille de ..lr. .iii a;;," ;;a i ;;' cer )>. Nous avons.ici- un^.des -rures .n* ol l. hi;;it. ,tr;; urilisable immdcliar"rn.r,, pour Ia restitu Ii_tlT"jglage tron d'un terme d'institution religieuse. Une aure unitd lexicale pgui E;;"_de sous la forme ';_,g!-edh- ., ddsirer Efi.-.r,riprc,rd en iranien le fli.r, "l vreux-perse iadiw_, qv, ftd2a- u dema;.ier;;$;;(i i; divinitd) o, rogdi.n a-ga'd-elk., ,;;;;;'i i,aurre extrdmitd du domair,e I'irlandais- g, i,f Ii o ti;d";, ;;;;r";','A';;; < pridre >>. Entre les dcrix ,'gtublirr.nii., ,or*.-, grecques, qui se sont scinddes cn deux , ;;;;; poth1a < d6sirer, regretter >>, de-l'autre th|ssasthai)an >, bida < demande, pridre ",r. Mail i." J;;i;;s inua_ er extra_ germaniques sont ,cornpliqu6e, a" ?"it que les formes paraissent former deux groupes, respectivement bitten et Iseten. Deux_piossifilier-eif_ologiques allemand onr 6t6 envisagdes : d,un c6t6'avec i;;ifi.'d; W."tii", pefuha (cf. vol. L p. 11-5 ,.), a.-iu"-rr", en pananr de I'aiiem and
ru;;;?;#
m e Id e n, u
t
i
>,'prr f" .#puiuir."'a. v. saxon knio_ i^!!:dhbeda >, Cela ne parait gudre convaincant. Nous pensons aussi que litare est le ddnominatif de * Iitd, et que ce nom a 6td lui-m€me empruntd au gr. litd. Mais la distance entre gr. liti > et Lat. litare reste infranchissable si I'on s'en tient aux traductions consacrdes. Il s'agit ici surtout de pr6ciser le sens de gr. litii, ltssomai, dont est un dquivalent trop sommaire. A quoi vise cette > ? De quelle attitude procbdet-elle ? Pour ddfinir lit€ de plus prBs, i! nous faut revenir h un passage cdlEbre de I'Iliade (9,500 ss.) or), lors de I'ambassade chez Achille, les Pribres (Litai) sont 6voqu6es comme personnes divines. Phoenix implore Achille d'oublier sa colbre, et de teprendre les armes : > (ttad. Mazon). De ce passage, nous tirons deux suggestions pr6cises quant au sens de
Ie r6le des pribres. L'alldgori.' ,ignifie
J ;;;;;-";f;
99ly! crui soufire d,avoir pEchi p"i elr..,n.;;^'i;'p;;; ';;; (Litd) procure Ia gudrison i. "t l;u..oriplir;.";v-eux ; mais s'il repousse Ia priEre, celli_ci t"i ,rre"*" i. chAtiment de Zeus. La litd doit rdpar.r tb";;"'i;l;^;; dieux. Non pas seulemenr aux dieuxarr;;-"Ch;;;ar-;; prdsente avec les bandelettes sur un sceptre, -d'Apollon dans I'appareil d'une ddmarche i.f"r"af., ,f ^',rpff;; (elisseto) tous les Achiens.(Il . l, $), ..r puisrenr f".^ii."" vous accorder de prendre la ville de'priam .t a" ,"rourn., neufeusenrcnt chez vous ; mais i moi, puissiez-vous aussi me tendre ma fille .rn. ,ungo,r, montrant Dar -et -accepter li que.vous tdv&ez le fils de Z.rr, ap"ji;;;:..';;;';,;; 5;; Ies Achdens ont fait au pr.tre i;Adll""';; ;dril:i;; Cette titi a. Cnryrlr-;;r; fd.fll* ii.r, exige,paiement.^ de rdparation. De m6me Thdtis sufpliant (tis;;_ rndnE)^Zeus pour I'afironr fait i son fils Adnlti. ss.). Ou les supplications adressdes a Mdle"er.ir,-lbz pur-l." anclens' par ses parents, par sa femme pour lui faire bub[er .o"*1x (9, 553 ss.).; ou Antiloque suppliant M6;,t-o_n ras pour desarmer sa coldre (23, 609 sq.).-Il y a bien d'autres. pqss,aggl qui se rambnent',ou, a"iu',o;;3 ;;;;l uon. Alnsl Ia tit6 esr trds difldrente de l,efi.kbos ou d"
.1'eukbald.
En somme la litC esr une pridre pour ofirir r6paration celui, dieu ou homme, qu,or, o"rrljJ, o,.r en vue " j,un ourrage.d,obte_ nir- du dieu pour soimGme r6paration' ,, Norr. voyons maintenant que, enti.e ladn litari et srec I'tssomar, Ie rapport peut etre restaurd. La forme inteim6diaire lar' " liia- auta'signifid ,. p.iar. p"* rg.i'epr.rTi"" d un dieu gr. Iitd.bnn, l" .gl'gn a ofiensd >>, tbut denomrnatrt litare on verra I'id6e de < faire agrdet au dieu I'ofirande de rdparation.>, ce qui rdponJ., .ri.i a consacrd. Le dieu manife-ste ion agr6ment par un sisne favorable, aprds un sacrifice ""piutlio'i;f. 489 ; Liv. 27, 2j). Nous avons toujoufs tendance ) transposer en d,autfes
i
.o**.
fllpf"j irl;r;' i:;;.
i I
248
249
l rl
LE vocABULAIRE DES INSTrrurIoNS rNDo-EURopfeNnEs
pnrtnn ET supplrcATroN
langues les significadons dont les termes de m€me sens sont afiectds pour nous. Prier, supplier, nous ne voyons
l)
que des notions
)
peu prEs pareilles partout ou
ne
diiTdrant que par f intensit6 du sentiment. Les traduisant ainsi, nous privons les termes anciens de leur valeur spdci-
fique : l) or) i'on percevait une difidrence, nous r6pandons I'uniformit6. Pour corriser ces traductions d6formantes, il faut encore et toujouls le contact et I'inspiration des emplois vivants.
L'expression de la supplication est difidrente dans les deux langues classiques, plus prdcise cependant dans le monde ancien qu'aujourd'hui, parce qu'elle est chargde d'un sens matdriel que les termes n'indiquent plus, mais que nous pouvons encofe fetfouvef. Le verbe latin suppliclre est formd i partir de l'adjectif. supplex, d'oi d6rive en outre le substantif sapplicium, qui a une dvolution trds particulidre. (1) Pour supplex, de sub * plex, II y a deux explications possibies, D'abord ceile qui est donnde explicitement par les Latins eux-m6mes, rapprochant -plex du verbe placare et qui est illustr6e paria tmEse sub uos placo chez un pobte latin (cit6 par Festus p. 309) pour >. Mais elle crde une difiicultd phondtique : pldc6 comporte un a long radical, qui n'aurait pu donnet l'a btef. suppos6 par -plex. En rdalit6, pldco est un causatif avec allongement ladical, formd sur le verbe d'6tat placeo >, d'oil placo >, . On ne pourrait non plus supposer un rapport enfte pl(iceo et -plex, pour conformer 1'6tymologie au sentiment des Latins. L'explication vraie de supplex est donn6e par la sdrie des adjectifs efl -plex dont il fait partie : sirz-plex, du-plex etc. correspondant d gr, ha-ploiis, di-plofrs. On reconnait dans ce -plex la forme nominale de * plek- attestd par (irn)plicare et, avec un prdsent suffixd en -t-, pat plecto, amplector etc. L'idde est clairement celle de < plier >> ; ainsi (1) Dans leur ensemble les faits latins ont dt6 dclaircis dans une
dtride de Heinze, Archiu
et
suiv.
250
liir
lateinische Lexikograpbie,
t. XV, p. 89
sirnplex est , c'eit-)_diie < qui se lie dtroitemenr ) >; tel_esi Ie sens premier d. ronrptii-. Plus tard, dans la latinitd chrdtienne, comple:x ,tit'."r_ treint d < fi6 A une action mauvaise o, donc >, >. . Int6gr6 )-cetre sdrie, supplex d€cilt la position du sup_ pliant, < celui qui se trou* plid aux pi.ds de... ;, ., i. prdsent supplico, -are signifie ., pr.njr. Ia position de supplex r>. Avec le substantif neutre supplicium la perspective ciralqe. Dbs le larin-ancien, aprbs'plaute, supplicium ne signifie plus que < chAtimenr,-supplice ,r.'Il v'uuuii aJia entre supplicium et supplicare la m€me difi6rence qu'en tranEais enffe supplice et supplier. Supplicinn a une histoire trEs particuliBre dont le ddbut peut Ctre conEu ainsi. A partir d'un sens littdral , on a ddsignd par iu'pplicium d'abord I'objet, pratiquement une offiande, par quoi Le supplex maniteste son attitude soumise aux dieux. Avec ce sens initial de sappliciam, va celui de sapplicare < ofirir au dieu une oblation pour l,apaiser > et de supplic(tio s'explique par un usage de guerre connu dans l'6popde : celui qui, pressd par I'ennemi, veut €tre 6pargnd, doit, pour avoir la vie sauve, toucher les genoux de son adversaire avant que I'autre au cceur m€me de la bataille I'ait bless6. Ainsi (Il. 21,65), Achille darde sa lance contle Lycaon, le vise, mais celui-ci se ddrobe et court lui toucher les genoux en s'dcriant : . C'est donc la liaison du verbe hikdstbai avec gorinata > qui a fait du nom d'agent bik1tas le >. >>
chapitre
6
Ie yocabulaire
latin d.es signes et des pr6sages
>>
>>
Sommaire. _ se signale,par une grande abondance l" klll'usage. de termes qui, dans [ttirairl- s,emproient indistincte_
[:il.i"Jif xir!"qilff i#.l1;,f omen prdsage
,
":'.,1g:;,fiii:,re''iiiiiil,'Ji"
ntonttlilm (moneo ),
un avertisse_ h,f::#:iy,r.d"llui:1T;o%"'',.#"1.r,;lf o;),*nd(obs-)
portentilx, >, et prodigittm o. paiole investie d,autoritd (aio) divine (ct. Aius) profdree en publiC @rod_) en fonciion- a" presage )>,
L'examen des termes. qui se rdftsrent aux signes, aux restreini au latin polr un. raison ma-sera jeure : c'est I'abondance relative de'ces termes en latin. A cet egard, Ie latin contraste uu.. l. gr". et encore davan_ tage avec les autres langues indo-eu"rop6ennes. fnr... on ne trouve que ttras < signe divin, prodige, rniracie -6tymologie ,r, sans cllire. i.l-olrr", tangues n,ont {iil]** meme pas de ddsignation rout a fait camctl,ristilue. prdsages (1),
Fn latin, nous disposons d'une sdrie de mots ) vareur prdcise, de formation en gindral. claire. L;, sont : ntiraculum, ornen, rnonstram, ostentum, ;r;.i;; forteiturn, prodigium.- En face. de ,i" t"rn on peur mettre 1es. "r, r'"nr..uTl-J", seulemenr Ie grec tiras. celui-.i t..o.rw. reprdsentatio's rdparties entre les six unitds a., iutin. l\ous ne trendrons pas compte de s7nteion, s6rna qui indi *(tiF*r.u,,e vue-d'ensemble du problime historique et rerieieux. cf..Raymond Bloch, Les prodisis iirr'i *iii'iiti" Paris,1e63', q"i i&;i,;';*ri rp'pl?s-60, 84-j) it ta ,rr^inotogirtof:i(:re., "
254
255
LE vocABULATRE DES rNsTrrurroNs rNDo-EURopfr,NNes
que seulement le > en gdndral, cortespondant i signum, m6me quand il s'applique i un phdnomBne surnaturel.
Il
faudrait d'abord ddlimiter chacun de ces termes en
latin m€me, d'aprbs leur signification pr€cise. On admet en gdndral que dans leut ernploi ordinaire, ils s'dchangent facilement. Setvius, ad Aen. III, 366,6crit d ce propos : conlusa pleruruque ponuntur >, Les historiens modernes confirment cette opinion ; pour parler du m0ile phdnomtne, ) quelques lignes de distance, l'un ou l'autre de ces mots est errployd indifidremment. Nous laisserons aux philologues le soin d'en d6cider. Notre propos sera d'analyser pour chacun Ia signification dtymologique et de voir ce qu'on peut en apprendre, m6me
si la reprdsentation que les Romains se faisaient de ces signes ne les distingue plus clairement. Ils sont tous de formation latine, donc de crdation lexicale secondaire, h l'exception de ornen. La formation de 6men pr6sente cette difficultd que le thbme se trouve r6duit ) la voyelle o-. Cela laisse ) la res-
titution plusieurs possibilitds, qui ont 6td en efiet envisapar les 6tymologistes sans qu'aucune ait paru d6montrable. Mais nous avons maintenant un rapprochement qui permet d'expliquer sans contrainte le sens et la formation de 6-rnen. Le radical latin o- peut se comparer directement au thdme verbal hittite ba- > I en cons6quence 6nten s'interprdtefa comme . mais c'est li une dquival.r.; ;;;;;;'; j1 nt"r, il y a un uutr" u.rb_L;"i"p#;;*r.rn6rr,.nt, sisni_ he > i ostendo.La-difr.'rence est irii:A'i,*Err_ trare est bien moins > (Men. ]sfi , non periclurnst ne quid recte moflstres.. il';t ; tu. donnes un bon .orr.ii-,, (pseui. ;;"e; n". 91T"r,, oonc de monstrare, nous temontons i nxonstrum, pour en retrouver le sens littdral, efiac6 par I'emploi,"Gi;,i;;";; voyons q'oe monstrum doit 6tre compris comme un , un donn6;;; i., A;;.- Or";; par des.prodiges, ,igrr., q"i .o"forrl 9ie.1*,:.ioriment oenr I entendement humain. Un divin prendra,l'aspecr d'un objet _o" d;"n- brr" ,"-rr,i."i; dit Festus, u on appell, ,roiitro ce qui sort du :"lT: monde naturel, un serpent qui a des pieds, un oiseau A quatre ailes, un homme ) deux tet", ,.^S.,rL h'pri*;.; divine peut manifester ainsi ses , C,est pourqg-oi Ie sens de monstrum s,est aboli dans ,a &rig;;: tion.. fl n'y avait rie_n dans Ia forme d,e monstrum qui appelat cetre notion de > .: de Ia vrctlme (exta), qu'.on dtale (ponicere) sur l,autel : si sacruliceffz summo loui atqae ii manibus tiiil* -ru ut poricianz... < m€me si j,diais en train d. "iro ,ulrifi.r Jupiter supr€me e1 si jg tenais cn mains ies entraille, oou, les drsposer sur I'autel... > (plaute, pseud.265); inre) caesa et porrecta. locution : , pour dir. *-lu iernier moment )> (Cic., Att. i, LB,. t)..L1m6me reprdsentation se ddcdle dans poUuceo, verbe.de.la vieille langue religieuse >"(avec dipr, CoiiSi,-Agr. i;);, et aussi , Traoaux da Cercle linpuistiaue de Copenhagtlt:, uol. Vf isqs, p. 177_lgj _ Problcmes de- tingiutique geiie;oti,'f;rir,"lto6, i. ttz_vl. 259
LE vocABULATRE DES lNsrrTurroNs rNDo-EuRopferunr,s pourquoi pollucere, polluctura 6veille toujours I'id6e d'un festin somptueux. C'est sans doute la mdme image qu'il faut voir dans le pr6verbe polluo (nous n'avons pas 't luo, mais seulement lutum ) h peu prds >. Le sens de por-tendo se ddgage A prdsent dans sa particularit6 parmi les autres verbes de prds4ge et notamment en face de ostendo. On ddsigne par portendere, partentum, une sdrie de prdsages annonEant rme suite d'dvdnements qui se d6ploient dans la durde. C'est ce qui ressort des exemples suivants, recueillis chez Tite-Live : dii imnzortales... auguriis auspiciisque et per nocturnos etiam aisus ornnia laeta ac prospera portendunt < les dieux immortels,
par des pr6sages concordants et meme par des visions noctufnes, nous annoncent que tout aura une issue favorable et lreureuse ,, (26,41, 1B) ; ominatur, quibus quon-
daru auspiciis patres eornnx ad Aegates pugnauerint insulas, ea illis exeuntibus in aciem portendisse deos . Comm-ent, dds lors, interpr6ter littdralemen t prodi_ . gium ? Il faut admertre que ceite racine og Jiir;;; " pas srSremenr atestde au-del) du latin. On"expliqu; " gr.; . {j, t] )] par un ancien ', Eg-t, mais la reconstruction de ce radical formd d'une voyellJ unique laisse place a incertitude, y , u'e possibilitd de .uppi.o.lr"*";;-;;; "".f"r" Il l'armdnien ai-Ac, , mais Meillet, qui i n si s re lu i-m 0 me su r I'i rrdglffi? t:"t_"1i,_ oe -ac en tace du verbe cscxt . Selon les glossateurs latins,' adagio (adagiun) comespono- pour te sens au grec prooimion . Il est difficile de-le confirmer, faute a;;;J; litr6raires. On renconrre seulement ;t;; Vr;;--;;;;;
H;;;;il;
ll
adagio est.
adagio .d adagium semble d0 ) I,analogie ,-t:-LT:?-qe.de prouerbium dont adagiande serait synonyme. Mais "ce sens ne s'accorde pas avcc celui de gr. probi*loo o--ori ruqe )> soll muslcal, soit oratoire, au fisurd ; chez,les Tragiques_, ce qui < prdlude ;; t;; ?rie".r1""r'i phroimia p6non (Eschyle) , ou chez Ulpien lex Iulia ait, ou encore uti mos ait. Voili, tapidement groupdes dans une signification gdndrale qui semble se suffire ) elle-m6me, les principales cat6gories d'emploi. En outte, de aio a 4,t6. tir6. un substantif employd comme nom divin, Aius. On connait ce dieu, ddnomm6 tant6t Aius seul, tant6t Aius Locutius, qui annonqa aux Romains, dans le silence de la nuit, I'arrivde des Gaulois. Varron dit la raison qui l'a fait appeler ainsi : Aius deus appellatus araque ei statuta quod eo in loco diuinitus uox edita est < Le dieu Aius fut ainsi appeld et un autel lui fut 6levd parce qu'h cet endroit, provenant de la divinitd, une voix s'est fait entendre > (cf. Liv.,5, 50 et 52). D'aprbs les fonctions caractdristiques de ce verbe alo, compte tenu du ddrivd nominal Aius doubl6 et explicitd pat LocutiuJ, on peut dire que aio se rapporte d'abord i I'dnonc6 litt6ral de la parole, et que cet 6noncd porte en lui-m6me une certaine autorit€. Que aio implique une dnonciation d'autoritd, cela ressort meme des acceptions les plus banales. C'est la raison pourquoi aio est de rigueur dans les expressions juridiques, non dico,' il n'6nonce pas une opinion, une croyance, mais un dit d'autorit6, qui a valeur d'engagement. De ld I'expression lex ait, alors que I'on ne rencontre pas lex dicit. De m6me on dcrira Liuius ait quand on cite ses propres 262
LE VoCABULAIRE LATrN DEs
SIGNES
ET DEs pnEsacrs
paroles, dans un cas of elles ont prdsomption d'autorit6. On ? vu que aio s'oppose d nego-et signifie > d'une voix divine se "signes. faisant entendre parmi d'autre_s Telle est lu ;"siincation de fait qu'on pourrait_donner ) cette interprdtation fondde sur le sens propre de aio.
26t
l
ll
l
r! i i I
chapitre
7
religion et superstition
Sonnaire. gy.es1
,la
Ne
concevant pas cette rdalit6 omniptdsente ^i$ure.,
rel.igion comrne,
un. lnititutiJn
H;:.,?:'ir'"T;'',U,"'T*1;".,,.,:T."ffi
:lrf
les Indo-
fi:'fJl*fi
.t#*
:Ffj-,i!.i"xiil:'.n,'ii:if;::.,,.,.','?#Tt,::?:#;;;" u,li;!;;il^:" de piescription' iuttu'tt"'
5l"i'":T;il,
Inconnu
:l+i:i"l:t'if
i'f"J',luif
iJf;
ni depuis plus lo.ngtemps,.
r'"'iil'5"a,1 illrf',Xto,il"'xtd' rant"sdmantiqi;;';;l.ii;#i,#fi legere
, que des termes dont chacun rdsulte d'une crdation ind6pendante. Nous ne sommes m€me pas assurds de les entendre selon leur propre vdritd. Quand nous traduisons par < religion >> le mot sansktit dharma ou Ie mot v. slave adra >, ne commettons-nous pas l'etteur d'extra. poler ? Nous retiendrons seulement deux termes qui, I'un en gfec et I'autre en latin, peuvent passer pour des 6qui valents de >.
Le mot grec tbrEskeia est proprement et la pi6t6.
Il
i
la fois le culte
a une histoire singulibre en grec m6me. Pour
Van Herten (1), thrEskeia ne s'appliquerait qu') des cultes dtrangers. En r4.alit6, i l'6poque d'Auguste, le n-rot ddsigne tout culte, indigbne ou 6tranger. Le mot est ancien, 1l apparait chez Hdrodote pour la premidre fois, puis disparait complbtement de la tradition pour ne ressurgir
qu') l'6poque de Strabon ; Ies exemples se multiplient
alors, dans les textes comme dans les inscriptions. Vocable proprement ionien, il n'a pas trouv6 t^ ubi. en attique, mais il a connu ensuite une faveur renouvelde, parce que c'dtait le terme le plus commode pour ddsigner un ensemble de croyances et de pratiques cultuelles. Les premiers emplois, deux de thrEskeiE, deux du prdsent (1) J. Van Herten, Threskeia, ealibeia, hik€tes, diss. Uttecht, -1934. La doiumentation a 6td enrichie et I'histoire du mot prdcisde par Louis Robert, Etudes 1pigraphiques et philologiques, I9)8, p. 226 ss'
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RELIGION ET SUPERSTITION
tbriskeiein, tous chez H6rodore au livre II, se rapportent aux observances : . A son tout thrdsko est susceptiblg d'une analyse ; il repose sur un ,t tbr6d attestd par €v0peiv . gu),d,ooer,v ..< garder, observer >. Nous pouvons ajouter ) cette sdrie de formes encore une chainon ;. tbr6o suppose une racine ,t tber-, ce qui permet d'v rattacher I'adjectif nlgatif ather|s g\os6 an6eton (< in_ >),et,,.e qut,est plus intdressan"t, an|sion u impie-,r. 1en;6 t-nfln atherds est lui-m€me ) I,origine du prdsent homdri que atberlzo >. Toutes ces donn6es s'enchaineni et"coi-rpretent la notion que le mot thrdskeia lui-m€me dvoque : celle d' ,, obr"r_ vance, rbgle de pratique-religieuse o. Il ," rattache ) un theme verbal marquant l,attention au rite, la prdoccupation d'6tre fidble )-une rBgle. Ce n,.rl pm ia n^relisio; o dans son ensemble, mais I'astreinte a.r*Utie";i.r;r'a, culte. ,*t'f
Nous en venons maintenant au deuxiEme terme, infini_ ) tous dgards : c'esr t" tni,i'r":iiiii, qur demeure, dans toutes les langues occidentales, l" iloi u{qqe et consrant, celui pour lequel aucun dq"iuul"nt-o., substltut n'a ;amais pu s'imposer. me.nt plus important
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LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
RELIGION ET SUPERSTITION
Que signifie religio ? On en discute depuis l'antiquit6. Les anciens ddji n'dtaient pas d'accord ; les modernes restent divisds. On hdsite entre deux explications qui tour i tour s'affirment, trouvent de nouveaux ddfenseurs, mais ne semblent pas permetre un choix d6cisif. Eiles sont reprdsent6es, l'une par Cicdron qui, dans un texte reproduit plus loin, rattache religio d legere, , l'autre par Lactance et Tertullien, qui expliquent religio pat ligare >. C'est encore entre legere et ligare qre se partagent les auteurs d'aujoutd'hui. On ne peut citer que les principales 6tudes. A l'explication de Cicdron s'est ralli6 lW. Otto (1), suivi par J.B. Hofmann (2). En sens inverse, le dictionnaire d'ErnoutMeillet se prononce nettement pour religare, de m6me que I'article religio du Pauly-Wissowa (J). D'autres restent incertains : \7. Fowler (4) donne une bonne dtude descriptive du sens de religio, mais pour l'6tymologie, il cite I'avis de Conway que . Voici le texte de Cicdron qui doit dominer toute discussion (De rlatura deorum II, 28,72) : Qui autem omnia quae ad cultum ,leorum pertinerent diligenter retractareflt et tanquam rclegerent, sunt dicti religiosi ex releqendo ut elegantes ex eligendo, ex diligendo diligentes. His enim in uerbis omnibus inest uis legendi eadenz quae in religioso. >.
En sens inverse, pour Lactance, la religion est un . En efet legere ; c'est l) une bonne ddfinition du > relisieux. Autant il convient d'6tre religens, disait lrligidius f;[ul"r, >>
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LE voCABULATRE DEs rNSTrrurroNS rNDo_EuRopfrr{Nes
RELIGION ET SUPERSTITION
d'> des choses religieuses, autant il est mauvais d'6tle religiosus, d'6tre toujours portd au scrupule. Reconrmencer un choix ddj) fait (r.etraitare, dit Cic6ion), rdviser la dicision qui en, r6sulte, tel est le sens propr. d" rcligio. Il indique une disposition inr6rie,rr. .t ,rdr .rrr" propridtd objective de certaines choses ou un ensemble de croyance et.-de pratiques. La religio romaine, d I'origine, est essentiellenrent subjective. Il n'est pas fortuit q,r"" ." soit seulement chez les dcrivains chrdtiens qu'afparalt l'explication de religio pat religare. Lactance y inrirt. , nome.ft religionis a uinculo pietatis esse dedacturu, quod bonzinem sibi Deus religauerfu et pietate constrinxeiif . C;est q.ri le contenu mdnre de la religio a chang6. Pour un chrdtien, ce qui caractdrise, par rapport aux cultes paiens, la nouvelle fbi, c,'est le lien de Ia pi6t6, cette d6pendance du fiddle vis-i-vii de Dieu, cette obligation au sens propre du mot. Le concept de religio est remodeld sur l'idde-que I'homme se fait alors de sa relation i Dieu ; idde toute difldrente de la yj.ill. ,religio romaine et qui prdpare I'acception moderne. Voil) l'essentiel sur I'histoire et I'origine iu mot relipio, tel que I'enseignent et les emplois et la forme du moi L'analyse du sens de religio contribue i dclairer 'le terme _qui chez les Romains eux-m€mes passait pour son contraile : superstitio. En efiet Ia notion de < religion > appelle pour ainsi dire en contraste celle de o su-persti-
t10n )>. C'est une notion cutieuse et qui n'a pu naitre que dans
une civilisation et
i
une dpoque oil I'esprit pouvait
se
ddtacher assez des ch_oses.de-laleligion por'rr apprdcier les formes normales et les formes exagdr6es de ii croyance ou du culte. Il_n'y a gubre que deux soci6tds oil l'on puisse observer pareille atitude, oil, de manibre inddpeniante, se sont crdds des termes qui I'expriment. En gr9c, la notion est regdue par le composd deisidaimon'ta, ddriv6 abstrait de deisidairndn, ptoptement . Ce compos6, au Conrt de I'histoiie, a deux sens difidrenrs : d'abord < qui craint les dieux (da.irnones) )> comme on doit les craindre, qui est respectueux de la religion et ddv6t dans ses pratiques; puis, 272
sous I'effet d'un double procBs s6mantique, >. D'une p.art, daimon a pris le sens'de'. La m6me difficultd ,. prer""t. po,r, superstitio dans son rapport avec superstitioius. En admet_ tant. que superstitio ait 6t4 de quelque maniare amen6 i signifier. < superstition )>, comment concevoir que ,"purrtitiosus ait signifi6 non pas >
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LE VoCABULATRE DES INsrrrurIoNS rNDo-EURopfrNNrs
i 1'6poque oi on I'envisage, panit superflue. A notre avis, cette explication repose sur un contfe-sens historique : ce serait pr€ter aux anciens, et dds avant la tradition fristorique, I'attitude d'esprit et le sens critique du xrx" sitscle ou de nos ethnographes modernes, qui permettent de discelner dans la religion des > d'une 6poque plus ancienne .t qrri ne s'harmonisent pas avec le iesie ; et d'ailleurs on ne rend pas compte ainsi du sens particulier de superstitiosus. &) Dans I'dtude d'Otto sur religio, citde plus haut, le mot superstitio est dgalement considdrd. L'aureur ddfinit le sens chez les plus anciens dcrivains, mais renonce i I'expliquer par les ressources du vocabulaire latin ; il pense que superstitio est simplement la ftaduction d'un mot grec : ce serait le calque latin de 1kstasis . Conciusion bien surprenante, cat |kstasis n'a aucun rapport ni de forne, ni de concept, avec superstitio. Le pr6frxe ek- ne correspond pas d super; la sorcellerie, la magie sont dtrangbres au sens de |kstasis. Enfin la date m€me or) apparait le mot superstitio en latin exclut toute influence philosophique dans sa formation. De fait, cette interptdtation n'a pas 6td retenue. c) selon Miiller-Graupa ( l), superste..r esr un euph6misme pour : les morts sont toujours vivants ; ils peuvent toujours apparaitre ; de 1) viendrait leur qualification de superstes >, d'oi superstitio > et aussi > i superstitiosus signifierait < plein d'dldments d6moniaques, poss6dd par les mauvais esprits >> ; puis, i une dpoque de rationalisme, Ie mot aurait ddsignd la croyance aux fant6mes. L'auteur s'est lp.ergu que son explication avait d6j) 6td proposde par Schopenhauer, pour qui les fiiorrs >
exacte des dldments composants.
Prenons les deux t"rr"r premier et dernier, silperstes sup.erstitiosus, puisque I'intermddiaite superstitio ne _ nous livre gubre qu'un substantif ddj) fixd dans le sens qu'il s'agir d'6claircir. Il y a en efiet ente le terme de base
et
superstes et Ie ddrivd second superstitiosus des difidrences
qui nous renseignent sur la signification propre, (1). Indogernaniscbe Forschungen, 48, 1930, '
(2) Dans la revue Arctos, Z, -p,
ll.
p.
284.
27'
LE VOCABULAIITE DES INSTIT'UTIONS
INDO-EUROPEENNES
Comment superstes, adjectif de superstare, peut-il signi ? Cela tient au sens de super qui n'est pas pt:opfement ni seulement >, mais , de manidre i recouvrir, i former une avancde, selon Jes cas : satis saperque, c'est , il le protbge par avanc6e. La notion m€me de < supirioritd > ne marque pas seulement ce qui est >, mais quelque chose de plus, une progtession par rapport ) ce qui se trouve au-dessous. De m6me superstdre, c'est >, en {ait par-deli un dvdnement qui a an6.anti le reste. La mort a passd dans une famille ;'\es superstites ont subsistd pardeld l'6v6nement ; celui qui a franchi un danger, Llne dpreuve, une p6riode difficile, qui y a survdcu, est su.perstes. > ut airo tuo semper sis superstes (Cas. 817-B1B), Ce n'est pas ld le seul emploi de superstes,' n'est pas seulement . Ou encore . Telle sera, par rapport ) l'6vdnement, la situation du t1ruoin. Nous voyons ddji ici I'explication de superstes comme qui est plusieurs fois attest6, par exemple dans un fragment d'une pibce perdue de Plante. Nunc mihi licet quiduis loqui : nemo hic adest silperstes (Plaute in Artemone apud Festus 394, 37) : >. Cet emploi n'est pas isoli et d'auttes t6moignages permettent d'assurer qu'il est trds ancien . Chez Festus, loc. cit., superstites signifie : superstites, testes, praesentes iignilicat; cuius rei testim.oniurn est quod superstitibus praesentibus ii inter quos cantrouersia est uindicias surnere iabentur (', terstis) d une afiaire oil deux personnages sont intdressds; et cette conception remotte i la pdriode indo-europdenne commune. Un texte sanskrit €nonce ; (( toutes les fois que deux personnes sont en prdsence, Mitra est lA en tioi silme > ; ainsi le dieu Mitra est par narure le >. Mais.superstes-dlcrit le > soit comme celui >, tdmoin en m€me temps que saruiaant, soit cornme >, qui y est
prdsent.
. No^ur voyons i prdsent_ ce que peut et dort srgnrfier thdoriquement superstitio,la qualitd de superstes. Ce sera la < propridtd d'€tre pr6sent > en tant que . Il
reste maintenant a expJiquer la relation entre le sens postul6 et celul que nous consrarons historiquement. Superstitio, en effet, est souvent associd i bariolatio >,.fait d'€tre ; plus ,orrrr"nt encote.saperstitiosrs accompagne hariolus . Plaute le monue bien. Un parasite borgne explique son infirmit6 : > : iaperstiiiorus hic quidenz est ; uera praedicat (Curc. 397). La > est Ie fait de ce i quoi on n'a pas assistd. De nr6me illic homo superstitiosust (Arnph. -jZ2). Dans le Rudens 1139_ ss., il est question diune femme; un des personnages
dit
;
Quid si ista aut superstitiosa aut hariolast atsue omnia quidquid inerit uera dicet ? >
-
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LE VoCABULAIRE DES INSTITUTToNS INDo-EURopf,sr.tnns
< Elle ne I'obtiendra qu'en disant la v6rit6 ; la sorcellerie n'y fera rien. On discerne la solution : superstitio,rtJ est celui qui est c'est-i-dire >, le devin, celui qui parle d'une chose pass6e comme s'il y auait rdelleruent 6td : la > dans ces exemples ne s'applique pas au futur, mais au pass6, Superstitio est le don de seconde vue qui pefmet de connaitre le pass6 comme si on y avait 6t6 prdsent, saperstes.. Voil) pourquoi saperstitiosas dnonce la propridtd de n double vue >> qu'on attribue aux >, celle d'dtre > d'dvdnements auxquels on n'a pas assist6. >>
Le mot est constamment associd dans I'usage commun i hariolus, mais c'est dans la langue des devins qu'il a dt acqudrir ce sens de > (magique). Au reste c'est toujours _dans les vocabulaires spdciaux que les mots gagnent leur signification technique. Nous en avons un e_xemple en franEais avec le mat uoyant >, mais au-deli de la vue ordinaire, < doud de la seconde vue )>. Ainsi les termes s'ordonnent rdgulibrement : saperstes, celui-qui peut passer pour > pour avoii assist6 ) une chose accomplie ; superstitio, >, tacult6-de t6moigner comme si on y avait €t6; superstitiosns, celui qui.est pourvu d'un < don de prdsence >, qui lui permet d'avoir 6td dans le passd : c'esf le sens q,rd nous constatons chez Plaute (1").Mais comment expliquer le sens moderne ? En rdalit6, il apparait en dernier dans I'histoire sdmantique du mot. Du sens qu'on vient de d6crire et qui a dff naiffe dans - nous est familier, l'6vola langue des devins i celui qui - Les Romains avaient horreur des lution se laisse retracer. pratiques divinatoires ; il les tenaient pour charlatanisme ; les sorciers, Ies devins 6taient m6pris6s, et d'autant plus que pour la plupart, ils venaient de pays dtrangers.-Jzrperstitio, associd de ce fait i des pratiques fdprouvdes, a pris une couleur ddfavorable. Il a ddnommd de bonne heure des pratiques d'une fausse religion considdrdes
RELIGION ET SUPERSTITION
comme vaines et basses, indignes d'un esprit raisonnable. Les .Romains, fidEles aux augures officieis, ont toujours condamn6 le recours ) la magie, ) la divination, d des
pratiques jugdes pu6riles. C'est alors, suf ce sens de nrdprisables >> qu'un adjectif nou-religieuses veau s'est formd par une nouvelle ddrivation i oartir du mot de base : superstitiosus, > ou se laisse influencer par elle. De li s,est ddgagde une nouvelle id6e de 7a supirstitio, par antithBse avec religio; et qui a produit ce nouvel adjectif superstitiosus , entibrement distinit du prlmier. antithdtique de religiosur avec la m€me formation. Mais c'est la vue dclair6e, philosophique, des Romains rationalisants qui a dissocif ,iligli, ie scrupule religieux, le culte authentique, de\la superstitio, foime d6giad6e, pervertie, de la religion. Ainsi se prdcise Ie lien entre les deux valeurs successives,de superstitio, refldtant d'abord l,6tat des uoyances populaires, puis I'attitude dcs Rrmains raditionnels i I'6gard de ces croyances.