Le Processus rédactionnel Écrire à plttsieurs voix
Marie-Madeleine de Gaulmyn, Robert Bouchard et Alain Rabatel
Le Pr...
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Le Processus rédactionnel Écrire à plttsieurs voix
Marie-Madeleine de Gaulmyn, Robert Bouchard et Alain Rabatel
Le Processus rédactionnel Écrire à plusieurs voix
Ouvrage publié avec le concours du Conseil Régional Rhône-Alpes, de l'Université Lumière Lyon 2, du Groupe de Recherches sur les Interactions Communicatives (UMR-CNRS 56-12) et de l'Institut de Formation des Maltres de Lyon
L'Harmattan 5-7, me de l'École-Polyteclmique 75005 Paris France
L 'Harmattan Inc. 55, me Sain/-Jacques Mon/réal (Qc) CANADA H2Y IK9
L'Harmattan Hongrie Hargi/a u, 3 1026 Budapest HONGRIE
L'Harmattan !talia Via Bava, 37 10214 Torino ITALIE
@ L'Harmattan,
2001 ISBN: 2-7475-0883-8
Les auteurs remercient Françoise Massit-Folléa pour sa contribution
à la mise en forme du manuscrit
SOMMAIRE INTRODUCTION Marie-Madeleine Alain Rabatel
9 de Gaulmyn, Robert Bouchard et
PREMIERE PARTIE: ,
La rédaction conversationneIIe, variations sur un même corpus Présentation du corpus
19
Marie-Madeleine de Gaulmyn Recherche lyonnaise sur la rédaction conversationnelle
31
Denis Apotheloz Les formulations collaboratives conversationnelle
49 du texte dans une rédaction
Alain Rabatel La dynamique de la structuration du texte, entre oral et écrit
67
Anne-Claude Berthoud et Laurent Gajo Négocier des faits de langue pour le discours
89
Sylvie Plane Problèmes de définition et négociations sémantiques dans la rédaction à deux d'un texte agumentatif
J03
Robert Bouchard Production et contrôle de la production en fin d'apprentissage de l'écrit en langue étrangère
129
Jean-Paul Bernié Problèmes posés par la co-construction d'un contexte commun aux partenaires d'une activité rédactionnelle
147
DEUXIEME PARTIE:
Processus rédactionnel, cognition et apprentissage Christian Brassac Rédaction coopérative: et distribuée
17/ un phénomène de cognition située
Johanna Miecznikowski-FünfschiHing et Lorenza Mondada Les pratiques d'écriture dans la recherche scientifique: planifier et rédiger collaborativement des arguments
/95
Annie Piolat, Nathalie Bonnardel et Aline Chevalier Rédaction colJaborative sur le web: analyse des interactions entre auteur, reviewers, commentateurs et éditeur pendant l'expertise d'un article soumis pour publication
22/
Anthony Moulin, Jacqueline Vacherand-Revel et Jean-Marie Besse L'écriture médiatisée et distante en téléconception multisites
247
Pierre Coirier et Jerry Andriessen Une approche fonctionnelle de la production des textes argumentatifs élaborés; une activité « coopérante» ?
265
Jacques David Typologie des procédures métagraphiques produites en dyades entre 5 et 8 ans: l'exemple de la morphographie du nombre
281
Ana Camps, Oriol Guasch, Marta Milian et .
293
Teresa Ribas L'écrit dans l'oral: le texte proposé
Résumés des articles
31l
*
"
Marie-Madeleine de Gaulmyn, UniversitéLumièreLyon2 Robert Bouchard, UniversitéLumièreLyon2 Alain Rabatel, IUFMde Lyon
Introduction Ouvrage collectif, «Le processus rédactionnel. Écrire à plusieurs voix» trouve son origine dans une rencontre interdisciplinaire de chercheurs organisée en décembre 1999. Il marque une étape dans le travail de notre équipe de recherches en Sciences du Langagel «Interactions, Acquisition et Apprentissages» qui depuis plusieurs années étudie les processus de rédaction mis en évidence par les situations d'écriture collaborative que nous nommons « rédactions conversationnelles ». Afin de confronter nos hypothèses à celles d'autres spécialistes, nous avons invité des chercheurs de différentes origines scientifiques, linguistes, didacticiens, psychologues, qui, malgré leurs particularités théoriques et méthodologiques, traitent du même objet de recherche. Sous des angles d'approche différents, ils s'intéressent tous à l' acti vité d'écriture en collaboration. Observer les situations où l'écrit naît de l'oral et où l'oral sert à créer de l'écrit offre un point de vue privilégié sur le processus de production écrite et sur la mise en œuvre de la compétence plurielle, écrite et orale, du locuteur lettré. Les recherches tant sur la pratique de la langue écrite que sur l'exercice de la parole se trouvent profondément renouvelées par un tel objet d'étude. Les chercheurs en Sciences du Langage ont en effet longtemps disjoint l'analyse des textes écrits et celle du langage parlé en privilégiant l'étude des produits de l'écriture sur celle « on line» de leur processus de production. De la profusion des écrits, ils n'ont considéré que des produits textuels achevés, publiés, classés selon des genres reconnus. Parallèlement les spécialistes de l'oral comme des interactions verbales ont longtemps réduit la diversité des usages parlés à la parole « spontanée» des conversations familières. L'évolution actuelle -------------------1
GRIC
2, composante
du Groupe
UMR 56-12 CNRS-Université
de Recherches
Lyon 2.
sur les Interactions
Communicatives,
des recherches montre l'intérêt croissant suscité par la genèse des textes écrits - qu'ils soient littéraires, scolaires ou ordinaires - et par l'histoire de leurs brouillons successifs. Le processus de production et le contexte de l'activité des rédacteurs sont devenus des objets de recherche. Or un grand nombre d'activités d'écriture sont immergées dans des situations de paroles, soit que les écrits composés solitairement précèdent ou suivent des échanges oraux, soit parce que les écrits sont rédigés, discutés ou révisés collectivement. Cette attention portée au pôle de la production et à la fabrication concrète et artisanale d'écrits par toutes sortes de scripteurs dans les situations quotidiennes rencontre le souci qu'ont les ethnométhodologues de décrire les techniques conversationnelles de construction interactive des réalités sociales. Au lieu de n'étudier les structures des textes qu'à compter de leur réception par les lecteurs, sont décrites les étapes du travail de structuration conduit par l'auteur ou les co-auteurs au cours de l'élaboration et commenté par eux. Par ailleurs l'étude de ces situations oralo-graphiques transforme aussi l'étude des interactions. Au lieu de n'étudier que la transcription des paroles enregistrées, il faut envisager tout le contexte de l'atelier d'écriture, gestes et traces graphiques, papier, ou clavier et écran. Dans une situation finalisée comme l'est la rédaction collaborative de textes, l'accomplissement de la tâche contraint et organise le déroulement de l'interaction. Aussi bien, tous les chapitres de ce volume traitent de trois thèmes principaux. Le premier thème est celui de la dynamique de la production collaborative d'écriture. Les analyses des corpus portent sur les processus, l'établissement de la coopération, les activités conjointes de transformation des objets discursifs. Le deuxième thème est celui de la problématique des unités oralographiques de la langue, le caractère provisoire, l'instabilité, l'ajustement, le modelage progressif des éléments proposés oralement et reformulés pour l'écrit, ainsi que les activités du texte à écrire. Le troisième thème traité est celui de l'importance du contexte dans la description et l'interprétation des activités cognitives d'écriture en collaboration - contexte de production et contexte d'apprentissage; contexte matériel de la situation concrète, contexte social des relations et des normes, contexte cognitif des représentations et des opinions. Ces trois thèmes, qui représentent précisément certaines orientations actuelles des 10
recherches en Sciences Humaines, dessinent un programme de recherches interdisciplinaire. Le volume comprend deux parties: «La rédaction conversationnelle. Variations sur un même corpus» et « Processus rédactionnels, cognition et apprentissage ». La première partie rassemble les études d'un même épisode de rédaction conversationneIle proposé par notre équipe aux chercheurs invités. Il est extrait d'un corpus beaucoup plus long enregistré et recueilli au C.I.E.F. (Centre International d'Etudes Françaises) de l'université Lyon 2 et mettant en scène deux étudiants étrangers de niveau avancé2. Ce fragment de corpus a été exploité par sept contributions linguistiques et didactiques3. M.-M. de Gaulmyn retrace l'évolution des recherches lyonnaises sur les rédactions conversationnelles et définit les axes d'étude spécifiques qui en font l'originalité. D'orientation didactique, ces recherches allient la pragmatique des interactions de travail, la sémantique de l'énonciation, la linguistique du discours et des textes. Parmi la diversité des situations oralographiques, les rédactions conversationneIles permettent d'observer les savoirs métalangagiers ordinaires, les savoir-faire pratiques, le jeu complexe des reformulations et de définir les composantes du savoir-rédiger expert. Sa présentation se termine par une présentation générale du corpus et une segmentation de l'extrait. Trois contributions, celles de D. Apotheloz, A. Rabatel, A.-C. Berthoud et L. Gajo" représentent trois formes complémentaires d'analyses linguistiques de faits de discours tirés du corpus lyonnais. D. Apotheloz analyse les étapes de la formulation collaborative d'un syntagme nominal. Il propose une classification des types de reformulations et définit les unités de traitement que manient les co-scripteurs, objets langagiers pratiques « bifaces », c'est-à-dire unités de travail et unités-cadres. Il décrit les propriétés sémiologiques et pragmatiques des formulations du texte-cible, comparables, selon l'auteur, à un discours rapporté qui serait référé à une situation ultérieure (et non antérieure). A. Rabatel travaille -------------------2
Un prochain ouvrage collectif, Les processus de la rédaction collaborative donnera la
transcription exhaustive et l'étude du corpus. 3 Nous regrettons que deux communications orales n'aient finalement pas été rédigées par leurs auteurs. Une autre de ces contributions, portant sur l'interaction tout entière, est réservée au prochain ouvrage.
Il
sur les mêmes exemples de reformulations, mais il étudie comment se développe un conflit et un dissensus entre les deux partenaires de l'interaction, la position dominante de l'une, l'attitude conciliante de l'autre. Ce faisant, il met à jour les enjeux énonciatifs des négociations pour l'élaboration du « préfixe» ou premier segment de la phrase de titre. A.-C. Berthoud et L. Gajo critiquent la thèse habituelle qui sépare a priori langue et discours et qui méconnaît le travail souvent implicite des apprenants sur les hauts niveaux. Ils font une distinction entre «traiter une unité comme forme linguistique» et la «traiter comme trace d'opération discursive ». Ce n'est qu'apparemment, du fait d'un artefact descriptif, que les co-rédacteurs semblent ne travailler que sur des formes linguistiques sorties de leur contexte discursif. Une question revient de façon transversale dans les trois chapitres. Quelles unités de langue et quelle grammaire utiliser pour décrire et identifier ces « objets discursifs» bizarres et mouvants: unités de l'oral, bribes, fragments, reprises, empilements où se forme progressivement une co-énonciation, et unités de l'écrit, en cours de stabilisation, syntagmes constitutifs d'un projet de phrase canonique? Les trois autres contributions de la première partie se réclament d'une orientation didactique, orientation déjà présente dans le chapitre de Berthoud et Gajo. Elles prennent en compte la situation où se trouvent placés les interactants, leur statut d'étudiants de français langue étrangère, la consigne de travail qu'ils reçoivent et la tâche qu'ils ont à remplir. En dépit de ces points communs, les perspectives des trois articles sont radicalement différentes. S. Plane confronte méthodiquement les trois éléments du corpus dont elle dispose: l'énoncé de la consigne, le texte écrit, l'extrait de la transcription des échanges oraux. Elle analyse la complexité énonciative des tâches imbriquées dans la consigne prescrite et dans l'interprétation qu'en font les acteurs pour constituer une image du texte à produire. Le thème imposé aux rédacteurs - les devoirs scolaires à la maison - a un rôle de miroir (le sujet à traiter et la tâche), le mot devoir joue un rôle central. Le glissement sémantique qui s'opère de devoir à travail et le recours à l'argument rhétorique de quantité permettent aux co-scripteurs de concilier leurs contradictions. R. Bouchard (à partir des mêmes exemples de reformulations que ceux traités par Apothéloz et Rabatel) étudie la nature de l'expertise développée en français écrit 12
par les deux apprenants et souligne le rôle facilitateur que commence à jouer le phénomène de préconstruction dans leur compétence scripturale. Il montre comment, à partir d'un certain ni veau d'apprentissage, les étudiants étrangers deviennent sensibles à l'interdiscours auquel ils sont exposés et y captent des préconstruits, réutilisables... au prix de conflits entre ces formes langagières et les règles de la grammaire scolaire. J.-P. Bernié, à la différence des autres contributeurs, n'analyse pas le texte oral des échanges, mais la qualité du texte écrit produit (ou plutôt ses défauts). Il développe une théorie globale du contexte cognitif et social et définit les notions de texte intermédiaire et d'espace discursif. Selon cette théorie, le texte proposé dans le corpus lyonnais constitue un « hybride générique» du fait de la somme des ruptures énonciatives, structurelles, argumentatives, génériques qu'il contient. Sont évoquées les conditions idéales qui permettent à des apprenants de devenir auteurs de leurs textes dans une situation d'enseignement-apprentissage de la rédaction. Les sept chapitres qui composent la seconde partie du volume illustrent différentes approches de la description des rédactions de textes en interaction. Il se produit dans cette partie à la fois un élargissement des corpus et une diversification des méthodes et des problématiques de recherche. C. Brassac étudie un exemple de conception d'une inscription en milieu industriel. Il base ses analyses de l'interlocution sur les actes de langage et la logique interlocutoire, pour lesquelles il forge le concept de «communi-action ». Pour appréhender le déroulement de l'action collective de décision, il prend en compte l'intrication des actions langagières et gestuelles et des manipulations d'objets d'un groupe d'experts. Le processus de production d'un écrit est trace d'un processus cognitif collectif, distribué et situé. J. Miecznikowski-Fünfschilling et L. Mondada observent un processus d'écriture collective qui se réalise à travers une succession de réunions de travail et de productions provisoires, les écrits intermédiaires. Pour elles aussi l'écriture est une activité sociale située, même si leurs références sont empruntées à l'analyse conversationnelle de même qu'à l'ethnographie des communications. L'écrit intermédiaire, dit aussi le «texte actif », constitue un lieu de résolution momentanée des divergences et un repère pour configurer les actions en cours. A.Piolat, N. Bonnardel et A. Chevalier analysent le processus d'expertise d'une revue 13
électronique sur Internet. Les interactions rédactionnelles ont la forme de courriers électroniques entre l'auteur d'un article, les experts désignés comme reviewers, les commentateurs et l'éditeur de la revue. Le cas analysé montre qu'il se développe bien un débat d'idées, avec critiques vives et réactions défensives de l'auteur, mais que le processus classique d'expertise n'est pas fondamentalement modifié. A. Moulin, J. Vacherand-Revel et J-M. Besse étudient la dynamique de l'écriture collaborative médiatisée et distante entre des experts utilisant un dispositif de téléconception multisites. Ils se réclament, comme Brassac ou MiecznikowskiFünfschilling et Mondada, de la théorie de la cognition située et distribuée. Leur analyse se rapproche de celle de Piolat par le choix du corpus et la méthode quantitative d'analyse des données. Leur but est de comprendre les modalités d'interaction entre les procédures de révision collective d'un texte et les échanges verbaux oraux classés empiriquement en unités fonctionnelles. P. Coirier et J. Andriessen considèrent que la production individuelle d'un texte argumentatif est en elle-même «potentiellement coopérante» du fait de la nécessaire prise en compte du destinataire par le rédacteur. Ils présentent une revue des travaux expérimentaux et des études développementales sur les règles de production et les contraintes d'organisation propres aux textes argumentatifs. Leur but est de montrer que la maîtrise tardive de la production de tels textes tient à la nature interactionnelle, « coopérante », de cette activité. J. David étudie des séquences de coopération entre de jeunes élèves confrontés à la résolution du problème orthographique de la marque du nombre Sa recherche porte sur l'acquisition de la compétence graphique et métagraphique, dans le cadre de l'ontogénèse et de: la morphogenèse de l'écriture. Il observe sur des paires d'enfants âgés de 5 à 8 ans les procédures métagraphiques de révision d'un texte que l'un des deux a préalablement écrit. La typologie empirique des composantes de ces dialogues d'enfants permet d'apprécier leur valeur heuristique dans le processus de maîtrise de l'écrit. A. Camps, O. Guasch, M. Milian et T. Ribas présentent une recherche didactique sur les processus d'enseignement et d'apprentissage de la langue écrite et sur le rôle de l'activité métalinguistique chez des élèves placés en situation de rédaction collaborative. Cette recherche contribue à l'élaboration d'un 14
modèle d'enseignement de la composition écrite: les négociations et les reformulations, du texte « proposé» au texte effectivement écrit, entrent dans un projet d'apprentissage. Cette étude clôt le volume, mais de fait en relie les deux parties. Le cadre descriptif des reformulations est très proche des recherches de l'équipe de Lyon (Gaulmyn et Bouchard) et s'accorde avec les analyses linguistiques conduites sur des extraits du corpus proposé (Apotheloz, Rabatel, Berthoud et Gajo, Bouchard). D'autre part la perspective didactique recroise celles de la première partie du volume (Bouchard, Plane, Bernié) et celle de David dans la seconde partie. Un dialogue s'est réellement noué d'un auteur à l'autre, à propos de ces objets d'étude communs que sont les types de reformulations, et les activités réflexives métarédactionnelles. Notre pari, lors de la rencontre de novembre 99, était de susciter un dialogue entre des spécialistes de disciplines différentes et la seconde partie du volume l'illustre tout particulièrement. L'une des caractéristiques de cette partie est le recours à d'autres types de corpus que ceux de rédaction conversationnelle étudiés dans la première partie. Ainsi l'activité d'inscription graphique n'est pas limitée à l'écriture, mais recouvre par exemple la cotation d'un dessin industriel (Brassac). La collaboration n'est pas limitée à une seule séance de travail, mais se déroule parfois au cours d'une succession de réunions espacées dans le temps, formant une «histoire rédactionnelle» (Miecznikowski-Fünfschilling et Mondada). La communication médiatisée à distance par des ordinateurs reliés en réseaux électroniques se déroule dans certains dispositifs de façon synchrone (Moulin) et de manière asynchrone dans d'autres (Piolat et al.). Ces nouveaux modes de collaboration de travail s'éloignant de la communication orale en face à face réclament de nouveaux outils descriptifs. Une deuxième caractéristique est l'intervention d'autres méthodologies que celles de la description linguistique. Si l'on applique une méthode comparative, où les données sont traduites en chiffres (Piolat et al, Moulin et al), se pose de façon cruciale le problème de la catégorisation et des typologies, donc du traitement du corpus, de la segmentation, de l'identification par l'analyste d'unités fonctionnelles comparables. La dénomination des fonctions attribuées aux segments d'activités décrits, ainsi que la dimension des segments retenus 15
comme unités fonctionnelles, constituent un troisième espace de divergences méthodologiques et d'échanges théoriques. Les linguistes de leur côté, les psychologues du leur appliquent aux données des grilles d'analyses systématiques, mais les unités étudiées par les uns sont de dimension bien inférieure à celle des unités retenues par les autres. Les didacticiens comme les psychologues interprètent dans les traces des opérations cognitives les effets transformateurs des situations d'interactions sur les sujets, les didacticiens afin d'évaluer l'intérêt pédagogique de dispositifs expérimentaux, les psychologues afin de valider ou d'invalider les hypothèses préalables qu'ils ont formulées. Les ethnométhodologues, pour leur part, ne retiennent que les catégories pratiques dont les interactants eux-mêmes font état. Cette première étape d'un travail interdisciplinaire montre la complexité et la richesse des interactions à l' œuvre dans les processus d'écriture collaborative. Cela explique que des chercheurs présents dans ce volume et associés dans un réseau européen de laboratoires (LAL YBI: Lausanne-Lyon-Bielefeld) poursuivent la réflexion commune en prenant pour objet l'ensemble du corpus lyonnais. Cette étape ultérieure aboutira à la publication prochaine d'un ouvrage collectif, Les processus de la rédaction collaborative, dont les articles prendront en charge, dans leur diversité et dans leur complexité, les modalités plurielles de la construction des objets, l'hétérogénéité de ceux-ci ainsi que la variété des tâches s'imbriquant au cours d'une séance complète de production de texte.
*
16
PREMIERE PARTIE
La rédaction conversationnelle, variations sur un même corpus
Présentation I
- TEXTE
RÉDIGÉ
du corpus
EN COMMUNi
(Écriture de Méïté) Faites votre choix! Devoir à la maison: oui ou non? (Écriture de Paulo) "Essai de suicide d'un enfant heureusement {la maison ?"
pas réussite: trop de devoirs à
Ce titre-là pourrait bien apparaître -5ttf-l!ttftdans la presse française vu la surcharge en ce qui concerne les èe't travaux à la maison, pour fias cnfaflts des écoliers. Malgré la loi de 1956, laql:lelle supprimant les devoirs à la maison, les instituteurs insistent à dOtHler à faire travailler nos enfant hors de l'école. Néanmoins la question se pose: "Doit-on supprimer ou augmenter ces travaux ?" Ceux qui défendent l'augmentation des devoirs à la maison, argumentent q-tte qu'un enfant en travaillant seul acquirirait la capacité d'être independent de la réflexion individuelle. apprendraient En outre les élèves (voflt apprcfldrc) à organiser et gérer temps et travail (par) par exemple le suiviment de l'emploi du temps. Un autre avantage est qu'un élève qui fait son travail est toujours au courant de la matière du cours, pouvant ainsi apporter poser des questions au prof. (le) ieftàe- après avoir réfléchi tout seul. Cela efltrftÎfle de surcroît, un entraînement engendre régulier f'6\:fl:'faee aux examens.
profond et
Enfin les devoirs peuvent aider à eréer une proximité plus grande entre enfant et parents, à savoir que (-::-:-) ces
démiers, cn arri"flflt après être arrivés à la maison corrige-
-------------I
La présentation imprimée conserve les ratures, surcharges et corrections ainsi que les erreurs de langue et d' orthographe du texte.
raient les ettftmt devoirs des enfants, tout en prennant un contact plus fort avec eux. (Écriture de Méiré) CepeftdaRt Contrairement à cet argument il ne faut quand-même pas oublier que de nombreux parents sont èéjft stressés et après leur journée ainsi surchargés s'ils veulent vraiment satisfaire aux besoins des enfants, p. ex. une mère ou un père qui doit jouer le rôle du prof. En plus en supprimant les devoirs à la maison on ne risquerait pas d'avoir des problèmes (eft) concernant le travail CRl'aisence gret:tpe"con du travail en groupe, ce qui est fortement exigé dans le monde du travail d'aujourd'hui. La surcharge de travail de devoir est surtout un problème pour les classes inférieures de la société où les conditions de travail sont inadequates. Par- Il yap. e. des famiUes où 3 enfants partagent une chambre. Ainsi cn5e t Oft une ma inégalité existe-t-il des chances vis à vis des enfants entouré de conditions favorables. Ce qui apparaît comme l'argument le plus fort, fl0\:lr les défeftse\:lf3 dc la pour ee-eceux qui sont contre le travail à la maison, c'est l'exageration du travail ce qui empêche les écoliers ~ (f) de suivre d'autres activités comme la musique, la danse le sport et tout simplement de se rencontrer avec des amis. n est donc clair que si on veut garder le devoir à la maison il faudrait en même temps diminuer le travail à l'école, p0\:1rq\:loiafin de ne pas surcharger
20
de travail
l'élève et de lui accorder des moments de loisirs. Il est aussi fi fort bien conseillé de créer des devoirs en groupe à la maison pour ne pas nuir à l'integration et à la capacité de travailler à plusieurs.
Bonnes Vacances On espère que ça vous aidera Meite et Paulo
II
.
RÉSUMÉ DE LA CONVERSA nON
L'enregistrement total compte près de deux heures et la transcription complète représente 56 pages. La première partie occupe les tours 1 à 367. Après avoir écouté la consigne, Paulo et Méïté décident de ne pas choisir entre pour et contre les devoirs à la maison. Ils élaborent une liste non rédigée de leurs futurs arguments, proposés alternativement par chacun: quatre arguments pour, six arguments contre, dont le deuxième et le sixième présentés par Paulo sont transformés en conclusions par Méïté. La deuxième partie commence au tour 368, ils passent à la rédaction du texte commun, décident d'abandonner le titre donné dans la consigne et font leur propre plan. Après discussion ils remettent le choix du titre à plus tard. Ils décident de faire une introduction, mais leurs propositions respectives sont incompatibles. Méïté emploie des moyens variés pour imposer la sienne: elle en vient même à prétendre que c'est justement Paulo qui en a eu l'idée. Du tour 500 au tour 550, ils reformulent définitivement la phrase pour l'inscrire. Ils rédigent et inscrivent ensuite les trois phrases suivantes, ce qui forme une double introduction, celle œ Méïté, puis celle de Paulo. La troisième partie est consacrée à la rédaction du corps du texte. Ils composent d'abord un plan en donnant un numéro à chacun des arguments notés sur la première liste. Ils rédigent successivement cinq phrases pour cinq arguments pour, puis six phrases pour quatre arguments contre. Ils rédigent les deux phrases de la conclusion et finalement le titre, puis relisent tout le texte.
21
III - EXTRAITS DE LA TRANSCRIPTION « on fait un titre à nous» Conventions
de transcription
=élision
_
: allongement soulignement pour insistance, ou lettre normalement muette
- troncation o pause d'une seconde, 00 deux secondes Il chevauchement (...) passage difficilement audible ( ) interprétation possible MAJUSCULE: phénomènes paratextuels dont la fin est indiquée par + (MAJUSCULE) phénomène paratextuel ponctuel , intonation montante , intonation descendante lAI en début de ligne signifie que l'intervention de A est en entièrement en chevauchement avec le tour de parole précédent, dans lequel elle est enchâssée. P = Professeur,
H = Paulo, F = Méïté.
(Transcription réalisée par Annie Chalivet, revue par Ulrich Krafft et Lorenza Mondada» Exposé de la consigne
l-P d'accord 0 (nous allons) pouvoir passer à la: deuxième phase œ l'opération' 00 cette fois-ci donc on: va vous d=mander de rédiger quelque chose, à alors j= vais vous dire la consigne' 00 vous avez (à éc=) vous allez écrire à deux' 0 un texte su:r les: devoirs scolaires' à la maison, 0 pour les enfants, 00 je vais enregistrer ce que vous dites pendant la préparation:' 0 et la rédaction du texte, 000 vous savez: peut-être' que le Ministre de l'Education Nationale français' 0 a officiell=ment rapp=lé aux instituteurs' 0 que les devoirs à la maison étaient supprimés en France' depuis dix-neuf-cent-cinquante-six, 000 mais: cependant bon: tous les instituteurs font faire des devoirs à la: maison, 00 ce problème des: devoirs est largement discuté au niveau d= l'école primaire, 0 il Ya des articles dans les journaux:' des lettres 22
de lecteurs:' des brochu:res' 0 le débat va sûr=ment se poursuivre pendant un certain temps encore, 00 pour donner la parole' 0 au grand public' 0 les journaux spécialisés comme Parents: ou le Monde cb l'Education ch=ais pas si vous connaissez (... on les trouve dans les) kiosques 2-H Parents oui, 3-F (PETIT RIRE) 4-P ont ouvert leurs colonnes' et demandent à toutes les personnes intéressées de participer au débat' 00 en écrivant un texte pour défendre leur position, 000 donc ceux d'entre vous qui sont contre les devoi:rs 0 essaieront de convaincre les élèves' 0 les parents' 0 et les autorités scolaires' 00 bref toutes les personnes intéressées' 0 en écrivant un texte qui a pour titre' 0 halte' 0 aux devoirs à la maison, première possibilité' 0 halte 0 aux devoirs à la maison 00 ceux par contre qui sont pour lies devoirsl 5-1F1 1(...)1
6-P 0 écriront dans 1=même but' 0 un texte qui a pour titre 0 les devoirs' sont nécessaires' à l'école primaire, 0 les devoirs sont nécessaires' 0 à l'école primaire, 00 voilà, 0 vous avez le choix, SORTIE DU PROFESSEUR
Début de la rédaction « on fait un titre à nous» 368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381
F H F H F H F H F H F H IFI H
on commence' hm' on commence' à écrire' mhm' ouais' tu veux écrire' BRUITS DE PAPIER si tu veux oui
j= peux
écrire'
mhm' 00 Ion va peut-êtrel + Ion va déjà 01 t'en a marre déjà' non: c'est pas grave ouais alors iii faut! Ion val choisir quand même euh,
23
382 F on va: 383 H l'un de: des deux: 0 titres' 384 F moi je trouve ça pas bien, 0 pa=c= que O/j'aime mieux de faire ça! 1(...)1 385 IHI 386 F quand: oui mais: 387 H c'est comme les devoirs à la maison, 0 il les faut, 388 F (RIRE) 389 H c'est pas une Ichose qu'ont 390 F Ij'aime j'aimel mieux de de faire 0 un texte' pa=c= que quand même on a pensé de de des deux arguments' 00 et j'aime mieux de faire un texte avec 0 un euhm: un passage avec les arguments pour' 391 H ouais 392 F un passage avec les arguments contre 393 H ça c'est le: les plus importants d'une:argumentation, 394 F hm 395 H qu'on peut être pour' 0 y après contre 396 F et après contre I(bien sûr)1 397 H let aprèsl une conclusion, 0 ouais donc I(on va la)1 1(...)1 398 IFI on laisse tomber (oo. 1...)1 399 H 400 F lonl s'en fiche' 401 H hm 00 402 F et on va faire I(...)! 403 H Iou bienl on: on fait un: titre à nous' 0 404 F oui pff 0 on dit euh: devoirs à la maison point d'interrogation, (PETIT RIRE) 405 H (ou bien Ila:)1 406 F I(y sont pas)1 il faut pas exagérer 407 H la: 408 F pour ou contre, 409 H la polémique du devoir, 0 à la maison, 410 F polémique' qu'est-c= que ça veut dire, 411 H la polémique' c'est: la grande discussion Ipolémique c'est la discussion! 412 IF/ lah: oui j=1 (...) ou bien Oldevoirs/ 413 H 1(...)1 414 IFI /
24
415 H à la maison, 0 virgule, 0 vous êtes pour' ou contre, /point d'interrogation! 416 F loui, pour ou contre,! oui, 0 pour pour ou contre, 0 pour' 00 pour ou contre' 0 les devoirs à la maison, 0 BAS bref, c'est pas grave + 417 H bon, on fait le titre laprès (H.)I 418 F loui, pa= c= quel normal=ment c'est/et (...) Idonc on 419 H fait unel petits
0'6"
t5
simulacre traçage non normé discussion
t3
t3 t3 ---> t4 t4
face de référence B
0'54"
acte décisif langagier
2'26" 2'36
traçage normé
discussion discussion traçage normé
Dans le cas de la référence A, la discussion est une discussion qui suit et justifie la proposition et sa première stabilisation par traçage (au cours du laps de temps t2-t3). En revanche pour la référence B, la discussion précède et prépare la décision-inscription qui est, en fait, le choix de la face d'appui (au cours du laps de temps t3-t5). 190
Dans le cas de la référence A, la décision s'effectue en trois étapes espacées dans le temps; il y a discontinuité du processus qui aboutit à l'irréversibilité. Ce n'est pas le cas pour la face B, pour laquelle la décision s'opère dans la continuité temporelle. Pour cette dernière il n'y a pas d'hétéronomie de nature de l'action ni de temporalité. L'intrication des dires et des faires s'inscrit dans un espace-temps compact. La concertation relative à la face A s'organise en revanche de façon hétéronome. Certes les actions langagières et non langagières sont présentes. Mais elles sont parfois contiguës (lors du simulacre suivi par le tracé non normé), parfois non contiguës (décision finale en deux temps: t3 et t4 distants d'une minute trente). Nous avons pu montrer ce type de mécanismes différenciés de prise de décision en menant de front une analyse micro et une analyse macro des phénomènes conversationnels en jeu. Il n'est qu'à examiner les deux premières colonnes du tableau pour s'en convaincre. Au plan micro (l'analyse intitulée La marque incomplète M 1) nous avons montré comment le groupe est parvenu de façon conjointe à produire une première trace matérielle de son avancée cognitive. Au plan macro (l'analyse intitulée La marque complète M2), nous avons exposé comment cette construction s'est stabilisée dans le temps et en parallèle à un autre travail uniquement langagier de concertation.
Conclusion Nous conclurons en évoquant l'épistémologie sous-jacente à notre approche. En terme de phénomènes communicationnels, nous insistons sur le fait que les interactants en général (et en particulier les acteurs de la situation de conception que nous avons étudiée ici) co-construisent rétroactivement le sens des actes (qu'ils soient de langage ou non). Ainsi, par exemple, lorsque S3 énonce initialement ce qui peut apparaître comme étant une question relative au marquage (qui est si crucial pour le groupe), ce sont les acteurs du moment conversationnel qui, conjointement, instancient cet énoncé comme ayant un statut interlocutoire de suggestion d'action de groupe. Ce processus rétroactif de stabilisation de sens repose sur de la gestualité (la coordination des actions de S5 et SI 191
autour du crayon qui deviendra l'instrument du traçage). De la même façon, lorsque plusieurs dizaines de secondes plus tard S3 successivement annonce (donc c'est cette face-là) et inscrit la notation normée de la face, il ratifie à rebours et la pertinence et les conclusions de la concertation collective. Cette ratification ne se satisfait pas de la seule diction, elle s'actualise simultanément dans une inscription radicalement altératrice des conditions d'usage de la matérialité ambiante. On a là une construction de sens qui s'appuie sur une activité distribuée et située. Ce ne sont pas des locuteurs qui s'échangent des pensées, qui confrontent leur dite logique mentale, qui calculent interactionnellement sur des représentations. Ce sont des agents qui agissent conjointement, qui modifient continûment le monde physique, qui font advenir interactionnellement des traces d'opérations cognitives. Nous n'avons pas affaire là à une situation de communication, nous sommes en présence d'une arène de communiaction@ (Bras sac, 2000). Nous adoptons une approche des phénomènes interlocutoires d'un point de vue épistémologique constructiviste et non pas cognitiviste.
*
192
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193
Johanna Miecznikowski-Fünfschilling Lorenza Mondada Université de Bâle
Les pratiques d'écriture dans la recherche scientifique: planifier et rédiger collaborativement des arguments
Nous nous proposons de développer ici une approche praxéologique et interactionnelle des pratiques d'écriture scientifique. Pour ce faire, nous allons analyser les activités scripturales que les membres d'un groupe de recherche collaborant au sein d'un projet scientifique commun déploient au cours de leur travail ordinaire. Cette approche nous porte à insister sur la dimension située de l'écriture, ainsi que sur son imbrication dans d'autres activités par rapport auxquelles elle se finalise, qui sont notamment des activités de coordination et de collaboration, où l'interaction sociale joue un rôle fondamental. En introduction nous allons brièvement situer cette approche par rapport aux débats en cours dans le domaine de la literacy et par rapport à la question des activités d'inscription en sociologie des sciences. Puis nous allons décrire le terrain d'enquête sur lequel porteront nos analyses, constitué de réunions de travail durant lesquelles des chercheurs planifient et élaborent par oral et par écrit un ensemble d'arguments en vue de leur présentation à un colloque. L'analyse, en deux temps, de données enregistrées et transcrites sur ce terrain permettra d'esquisser au final une approche des pratiques collaboratives de rédaction en milieu scientifique.
L'écriture comme activité sociale située L'intérêt pour les processus
d'écriture
- et
plus spécifiquement
pour les pratiques rédactionnelles dans l'interaction
- et non plus
pour les seuls résultats de ces pratiques, sur lesquels se sont
focalisées longuement et souvent exclusivement les analyses du texte et de la textualité, invite à jeter un regard spécifique sur la literacy en général et sur l'écriture scientifique en particulier. Les travaux sur la literacy ont en effet souligné depuis longtemps les caractéristiques fondamentales du support de l'inscription écrite et ses conséquences cognitives: on a ainsi identifié parmi les propriétés fondamentales de l'écrit son pouvoir de décontextualisation - permettant des opérations d'archivage, de mémoire, de classement, de comparaison et de raisonemment spécifique - en les opposant à celles de l'oral qui reste lié à la labilité de la temporalité du flux verbal. Cette approche, que Street (1984) appelle le « modèle autonome» de la literacy, valorise un type de rationalité qui serait spécifique aux cultures lettrées et propose ainsi une nouvelle version de la thèse du « grand partage» entre cultures primitives et cultures modernes. Si elle a eu le mérite d'attirer l'attention sur le rôle fondamental de la matérialité de la parole et sur le rapport entre cette matérialité et les façons de concevoir le monde (cf. Goody, 1977 ; Ong, 1982), si elle a permis de dégager les traits spécifiques de la langue orale et écrite (Chafe, 1987 ; Halliday, 1985), elle a aussi eu tendance à négliger la dimension des activités d'inscription et des usages sociaux de l'écriture. Leur reconnaissance permet en revanche de resituer l'écriture dans des contextes praxéologiques socio-historiques particuliers, ainsi que dans des «communautés de pratiques» spécifiques (Street, 1984; Baynham, 1995). Dans ce cadre l'écriture se définit comme un ensemble d'opérations pratiques, faisant intervenir des acteurs particuliers, épousant des finalités diverses et pouvant rechercher, entre autres, des effets de décontextualisation, de stabilisation ou d'abstraction. La décontextualisation propre à l'écrit apparaît ici comme un accomplissement social assuré et conçu comme tel par des acteurs en contexte, à travers des procédés situés. Cette conception converge avec un intérêt plus récent de l'ethnométhodologie pour le « texte actif », selon l'expression de D. Smith, qui considère le texte comme organisant le cours d'une action sociale (1990: 121), ainsi que pour les pratiques interprétatives des lecteurs qui le constituent (McHoul, 1982; Livingston, 1995; Barthélémy, 1999).
196
Les activités scripturales - l'élaboration, la lecture, la discussion, la compilation, la citation de textes - marquent de nombreux types d'activités sociales dans notre culture, parmi lesquelles les activités scientifiques occupent une place particulière: si on a amplement reconnu que l'écriture et l'imprimé étaient une des conditions d'émergence de la science occidentale moderne (Goody, 1977 ; Eisenstein, 1991 ; Bazerman, 1987), ce présupposé acquiert une importance spécifique dans une conception de la science comme activité située, incarnée, socialement ancrée. En particulier, la conception que Latour (1985) développe des inscriptions poursuit les débats sur la literacy, en prenant en compte aussi bien les inscriptions elles-mêmes, les techniques auxquelles elles font recours, les processus qui les constituent et qui les transforment, les réseaux dans lesquelles elles circulent, au sein d'une sociologie des usages. L'activité scientifique est caractérisée par la transformation incessante des objets de savoir au fil d'inscriptions qui garantissent à leurs re-présentations le statut de « mobiles immuables », i.e. à la fois mobiles pour être diffusés, échangés, communiqués, et immuables, garantissant la stabilité de leur forme dans sa répétition
-
tout en pouvant,
comme
dans le cas des controverses,
être à
nouveau déstabilisés. Par les pratiques d'inscription, les scientifiques accumulent des données chiffrées, visuelles et écrites de toutes sortes, font des rapports d'expériences, les reprennent dans des textes personnels ou des brouillons d'articles, en discutent dans des réunions auxquelles ils arrivent avec des notes préparatoires et dont ils repartent avec les notes qu'ils y ont prises, les mentionnent dans des e-mails avec des collègues, après en avoir discuté informellement durant le travail ou les pauses, etc. On voit bien que ces processus se situent en amont de la rédaction de l'article scientifique: celui-ci n'est que l'aboutissement d'une longue chaîne de transformations de représentations discursives et visuelles, le produit de la rencontre, du conflit, de la fusion, de la négociation de versions antérieures (Mondada, 1995)1. -------------------1 Cf. par exemple l'analyse collectivement un article; en ingénieurie alimentaire.
par Law (1983) d'une réunion rédactionnelle d'une équipe signant ou par Knorr-Cetina (1981) de brouillons successifs d'un article
197
Le texte ainsi conçu devient un acteur à part entière dans les processus d'élaboration des connaissances comme des décisions concevable au sein d'un modèle de l'inter-objectivité et non seulement de l'intersubjectivité (Latour, 1994 ; Vinck, 1999 ; Brassac et alii, 1997 ; Krafft & Dausenschon-Gay, 1999), qui rend compte de l'intelligence distribuée non seulement entre les acteurs mais aussi entre eux et des objets intermédiaires, dont le texte. Dans ce qui suit nous allons en tenir compte dans une analyse conversationnelle des activités rédactionnelles (cf. DausendschonGay, Gülich & Krafft, 1992 ; Krafft & Dausendschon-Gay, 1997 ; Bouchard & de Gaulmyn, '1997) et plus particulièrement d'interactions au cours desquelles des acteurs sociaux élaborent conjointement des objets de savoir en s'orientant vers leur formulation écrite présente ou future.
Les activités recherche
oralo-graphiques
dans les réunions de
Les interactions analysées dans cet article ont été enregistrées lors du suivi ethnographique d'un groupe de recherche en histoire ancienne, réunissant des chercheurs suisses, français et allemands des universités de la région du Haut-Rhin qui travaillent sur les « grands hommes» ayant marqué l'histoire romaine2. Le travail collaboratif de ce groupe se caractérise par une série de réunions de travail pendant lesquelles des décisions sont prises quant au déroulement du projet, des exposés sont présentés et discutés, des colloques sont organisés. Ces activités peuvent être décrites comme une série ordonnée d'événements oralo-graphiques (cf. Miecznikowski-Fünfschilling, Mondada, Müller, Pieth, à paraître). Dans le cadre de cette collaboration scientifique entre plusieurs partenaires d'universités différentes, le projet articule des visées --------------------
2 Les données analysées font partie du corpus d'enregistrements et de textes rassemblé dans le cadre du projet de recherche FNRS sur « La construction interactive du discours scientifique en situation plurilingue» dirigé par Mondada (subside no 1214-051022.97). Nous remercions vivement le groupe de recherche sur les « Grands Hommes» qui nous a accueillies lors de ses séances de travail, en nous permettant de suivre ses activités et en nous aidant à les comprendre. Sans cette précieuse collaboration, notre analyse aurait été impossible.
198
communes et des contributions individuelles. En particulier, les chercheurs travaillent sur plusieurs figures de « grands hommes », sur leur fonction dans la société romaine et sur leur construction discursive dans l'historiographie, en développant chacun une enquête particulière sans pour autant se spécialiser exclusivement sur une figure ou sur un auteur ou sur une problématique. Ce mode de fonctionnement, qui privilégie les échanges et les croisements par rapport à une division étanche du travail entre les membres du groupe, pose des problèmes intéressants de coordination et de planification. L'organisation des activités oralo-graphiques qui rythment la vie du groupe joue un rôle important dans leur résolution pratique. Les réunions du groupe sont en effet centrées sur des activités oralo-graphiques qui comportent à la fois la fixation d'objets scientifiques et leur mise en discussion. Dans ce cadre, la reprise répétée de certains thèmes centraux dans les discussions en groupe tend à remettre en question des résultats acquis, alors que les écrits de chaque chercheur sont un moyen de stabilisation. Les documents collectifs décrivant le projet de recherche, ainsi que les procès-verbaux détaillés des discussions, destinés à archiver et à prolonger l'état de la réflexion collective, témoignent du même souci de fixation et de stabilisation; les écrits qui émergent de la discussion collective et qui sont mis en circulation structurent aussi bien l'organisation du travail présent et futur que le fond de savoir commun développé au cours de la recherche. Dans ce cadre, nous nous intéresserons aux effets configurants des écrits tels qu'ils sont rendus observables dans une réunion de travail ayant le but d'organiser un colloque qui marquera la clôture du programme de recherche. La préoccupation de capitaliser les acquis sans pour autant renoncer au potentiel créatif inhérent à la discussion scientifique a en effet conduit les chercheurs à entreprendre l'organisation d'un colloque final où ils présenteront l'état de leurs recherches sous la forme d'exposés et, plus tard, d'articles publiés dans les actes - à un public d'expertsextérieurs. Nous avons choisi d'analyser ici un moment important de la préparation de ce colloque. Il s'agit d'une réunion d'une journée, organisée le matin autour de trois sous-groupes (a, b et c) travaillant en séances parallèles et autour d'une discussion plénière
-
199
l'après-midi. Elle vise deux buts principaux: la coordination de la préparation des exposés prévus pour le colloque et la formulation d'un ensemble de thèses résumant les positions du groupe par rapport à trois thèmes structurants du colloque, fixés préalablement (la définition du «grand homme », la problématique de sa « fonction fondatrice» et le rapport entre le « grand homme» et les normes sociales romaines à différentes époques). Ces deux tâches donnent lieu à des processus complexes de transformation de textes, qui sont représentés de façon schématique (schéma 1) cidessous (les données enregistrées correspondent aux moments III et IV). II
IV
III
ex.3c,4c - notes indiv. ---> ex. 3d, 3e, 3f
VI
VII
I C
- projet - textes d'exposés discussions en petits de recherche provisoires groupes (a, b et c) > (gr. b, c) moo> ex. la, lb, - PV - anicles - notes prép. 2a, 3a, 3b, - exposés individuelles 4a, 4b, 4d
-transparents --->
v
o L L o
visualisés en plenum verbalisées en plenum ex. 2b, 3g, 4' I
> Actes
Q
u
E I I
notes -- m indiv. I
>exposés des membres du groupe
I--->doc. prép. envoyé à tous--->discussion les panicip. du exposés colloque à venir ex.3h
Ce schéma montre la façon dont les manipulations de l'écrit et les interactions s'imbriquent et se succèdent dans l'activité scientifique analysée ici. Les discussions sont précédées et préparées par des types d'écrits hétérogènes, allant des articles ou des exposés préalablement rédigés aux notes préparatoires, qui sont lus, consultés, cités durant la discussion elle-même; celle-ci laisse des traces écrites dans les notes individuelles prises par les participants ainsi que dans des textes communs (transparents et
200
procès-verbaux par exemple) qui contraindront et configureront les activités futures du groupe. Il y a donc une multiplicité de textes intermédiaires qui précèdent les articles; c'est sur eux, entendus comme des lieux d'observation privilégiés des processus de rédaction de la « science en train de se faire» que nous allons nous tourner - les textes finaux n'existant d'ailleurs pas encore au moment où nous rédigeons cette analyse. Nous allons nous concentrer sur deux problématiques particulières, en nous penchant d'abord sur les activités de planification des exposés au colloque, en montrant la façon dont elles comportent des décisions quant à la structuration future du texte; en analysant ensuite les activités de discussion visant un texte collectif, qui comportent la rédaction immédiate d'écrits intermédiaires et une première formulation d'objets de savoir où des positions éventuellement divergentes peuvent être neutralisées ou préservées. Alors que les premières permettent de poser des questions d'organisation d'activités rédactionnelles futures, les secondes permettent d'analyser des activités de rédaction effectuées dans le présent de l'interaction.
Intégrer un exposé dans un colloque: planification
activités
de
La planification coUaborative des exposés3 du coUoque est un mode de rédaction conversationnelle projetée dans le futur; les participants s'orientent vers un texte à venir, non encore écrit et qui ne sera pas écrit durant la séance, où il sera toutefois discuté et préfiguré. La planification de cet événement touche des dimensions hétérogènes, qui ne concernent pas uniquement les objets de savoir à traiter mais aussi la gestion d'une succession d'arguments, l'allocation du temps de parole, la distribution des responsabilités des intervenants, etc. Elle prend en compte l'insertion de chaque exposé dans le coJloque à venir en tant que réseau de textes orauxécrits où s'exprimeront des voix individuelles et collectives, où -------------------3
Les exposés
sont des événements
oralo-graphiques
exploite un texte préparatoire comme ressource: Fünfschilling, Mondada, Müller, Pieth (à paraître).
201
comportant
une performance
orale qui
cf. Bovet (1999); Miecznikowski-
seront coordonnés des intervenants différents ayant des visées différentes - le projet collectif tel qu'il est conçu par chacun, mais aussi les projets individuels - et réordonnant par leur action et leurs décisions textuelles une série de textes antérieurs en vue d'un texte futur (les Actes du colloque). La succession des contributions du groupe au colloque est conçue par les acteurs comme créant une architecture thématique complexe. Le colloque sera structuré en trois blocs thématiques, occupant chacun une journée. Ces blocs ne sont pas organisés par la distribution dans chacun d'entre eux d'un objet de savoir distinct et exclusif par rapport aux autres, mais par le traitement de trois aspects différents des «grands hommes» romains sur lesquels travaillent les participants (cf. supra). Ces trois aspects correspondent aux trois lignes directrices du projet de collaboration du groupe; cette architecture a été choisie pour présenter de la façon la plus efficace les résultats élaborés par le groupe au cours de ce projet. Ainsi les participants, qui sont organisés en sousgroupes (a, b, c) de chercheurs travaillant sur le même « grand homme »ou bien sur une série de « grands hommes» mineurs (c'est le cas du sous-groupe a), vont traiter durant le colloque les trois aspects thématiques proposés par rapport à leur personnage de référence. Dans ce cadre, un des problèmes de planification les plus importants qui se pose à eux est celui de décider d'une part quels aspects de «leur(s)>> personnage(s) seront traités dans le cadre de quel bloc thématique et d'autre part quels aspects seront traités par quel chercheur. Le groupe (a) se trouve confronté à des problèmes supplémentaires parce qu'il doit présenter plusieurs personnages à la fois. Dans ce qui suit, nous proposons l'analyse des extraits de discussions des sous-groupes (a) et (c) pour illustrer ces problèmes planificatoires et rédactionnels. Les deux exemples que nous avons choisis révèlent l'orientation des acteurs vers des postulats normatifs généraux tels que la clarté ou l'absence de redondance (extrait 1), mais aussi vers des propriétés plus spécifiques de l'hypertexte que constitue le colloque, comme la progression argumentative du général vers le particulier, ou le passage d'une présentation de faits historiques vers une problématisation des concepts scientifiques utilisés pour décrire ces faits (extrait 2).
202
«Parler à deux» : l'orientation vers des normes textuelles générales Le premier exemple consiste en deux passages tirés de la séance de planification du groupe Ca), illustrant deux stades d'un long processus de négociation. Le problème qui se pose à ses membres, A, R, M et B, est celui de décider s'ils veulent faire un seul exposé sur les cinq «grands hommes» ou deux exposés sur les trois « aspirants à la tyrannie» d'une part et les deux « homines novi » de l'autre. Extrait
1M 2 3 4 5 6M 7 8 9 lOA 11 12M 13A «6 20 21 22 23
la (HR30049/BAlgr.A1/217-44
=à moins de faire euh q- quand même un les les bon euh. je dirais deux deux sous- parties/ enfin les les aspirants à la tyrannie proprement dits/ . et puis ensuite euh vos vos deux homines novi/ (4s) avec quand-même un point bon un dénominateur communi mais quand-même peut-être faire une différenciation/ . parce que. ce qui m'embête les trois les nos trois aspirants ils forment quand-même toujours un groupe/ du moins [à p3l1ir de Cicéron/ [oui
(2,5 s) ils ils forment une entité/ mhm
lignes omises» R d'un autre côté/ . enfin je sais pas si: un exposé de cette manière-LA avec une si stricte euh: dichotomie A est-ce qu'on pourrait justement R par-
pauses segment inaudible
xxx
intonation montante/descendante
phénomènes non transcrits: délimitation troncation
des phénomènes
exTRA
segment accentué
allongement vocalique notés entre
«»
& continuation du tour de parole enchaînement rapide (Les documents écrits sont reproduits en tenant compte de la disposition originale; ils sont encadrés.)
203
exprime sa préférence pour la solution consistant à distinguer deux sous-parties (2). Faute de réaction de la part des autres (5), elle enchaîne en nuançant son propos par l'intégration de deux critères -
un dénominateur commun et une différenciation - qui apparaissent à la fois comme opposés et compatibles par les deux quand-même introductifs (6-7). À la fin, M souligne encore une fois sa préférence pour la «différenciation », en la justifiant par une caractéristique empirique de l'objet traité (7-9), répétée à la ligne 12 (ils forment une entité). De son côté, R s'exprime en faveur d'une organisation thématique dotée d'une problématique commune (23). Elle n'apporte pas d'arguments supplémentaires, mais invoque un modèle textuel, en se situant au niveau des exposés en général par l'usage de l'article indéfini (20-21 : un exposé de cette manièreLA) et fait référence à un idéal textuel (23). Alors que M essaie de maintenir un équilibre entre ce qui est commun et ce qui différencie les deux groupes de personnages (comme le montre la profusion de quand-même dans son discours), R le rompt en parlant de dichotomie (21). Est ainsi mise en péril l'unité même de l'exposé à construire, qui reste pourtant la visée des deux participantes: M parle de deux sous-parties en présupposant donc leur intégration dans un seul texte hiérarchisé, R de « un exposé de cette manière-LA» (mais elle s'interrompt avant d'énoncer le prédicat). L'idéal invoqué par R, qui peut être considéré comme l'expression d'un postulat général de cohérence textuelle, a une influence très forte sur les délibérations qui suivent5. Pendant une discussion d'environ une demi-heure, les participants essaient de trouver une problématique commune qui leur permettrait de traiter les cinq personnages dans un seul exposé cohérent. Leurs efforts n'aboutissent pourtant pas; A, qui a eu une position dominante dans la conversation, se voit contrainte à abandonner l'idée d'un exposé unique (extrait Ib, 1-2) :
-------------------5
Cf. les modèles textuels invoqués par Krafft et DausendschOn-Gay
204
(1997).
Extrait lb (HR30049/BA/gr.A1I83l-47) I A [alors il faut parler à deux] 2 il faut parler peut-être ensemble\ 3 M je crois! . et moi je crois qu'il faut absolument faire UN 4 paquet! . aspirants à la tyrannie et un deuxième paquet\ .. 5 parce que sinon on va on va enlever! quelque chose! au bloc 6 aspirants à la tyrannie\ 7 (4s) 8 A (h) après notre discussion et vous êtes.. extérieur. qu'est9 ce que vous nous conseillerieZ! 10 «rit» . Il R 12 (2s) 13 A faire deux paquets effectivement! . parler à deux! .. ça 14 paraît plus simple non! 15 B c'est celtainement plus simple c'est ça 16 sera surtout beaucoup plus clair 17 M il me semble hein [parce que il y a 18 B (oui il y a il y a risque de confusion
Cette décision est aussitôt approuvée par M (3-4) ; mais avant d'être ratifiée définitivement, elle est encore soumise à une courte négociation sous forme d'une demande d'avis à un expert extérieur, B, qui n'avait pas pris part à la discussion jusque là. Après que A et R ont posé des questions ouvertes (8-9, II), A formule une demande de confirmation (13-14), en reprenant les deux formules proposées par M et par elle-même (faire deux paquets et parler à deux), et ajoute comme justification l'argument de la simplicité. Cet argument est ratifié en riant par B (15) qui ajoute un autre argument, celui de la clarté (16) et de l'évitement de tout risque de confusion (18). En invoquant comme postulat la simplicité et la clarté, opposées à la confusion, les locuteurs ont transféré à un niveau textuel l'argument formulé au début par M en termes d'une propriété inhérente à l'objet traité; grâce à la subdivision thématique de l'exposé - accompagnée, dans le cadre polyphonique du colloque, par un dédoublement de voix - il Y a adéquation réflexive de la forme du texte-exposé et de la forme de l'objet de savoir. Cette transformation est le résultat de la longue discussion qui s'est révélée sans issue, emblème du «risque de confusion ». L'argumentation par référence à un modèle textuel permet au groupe d'avancer dans sa planification; par la suite, ses membres prendront des décisions pratiques quant à la longueur des deux
205
parties de l'exposé correspondants.
et leur distribution
à des intervenants
"Ein problemorientierter Überblick" : l'orientation vers un modèle spécifique du texte à venir Le deuxième exemple est extrait de la séance du groupe (c), dont les travaux portent sur le «grand homme» Camille. Les participants W, M, V (qui n'intervient pas dans cet extrait) et D sont en train de terminer la préparation de l'exposé sur Camille prévu pour le premier jour du colloque, intégré donc dans le bloc thématique I. Pendant cette phase, ils ont décidé que ce sera D qui fera cet exposé, sur la base d'un texte provisoire qu'elle avait préparé, auquel elle intégrera des éléments de la discussion en cours ainsi que des réflexions formulées par M dans son propre texte préparatoire. Extrait 2a (HR30049/BAlgr.Cl/893-919) I W aber im . rahmen des kon- des des ah: kolloquiums im ganzen 2 glaube ich . sollteman am am e- in der ersten s- im ersten 3 block schon auch einmal nochmal den Überblick geben\ .. ahm .. 4 ah ... ah also wo WO ist er und so . und ihre conclusion die aber
... die
5
würde ich also ah .. vielleicht ANdeuten
6 7 M 8 W 9 D 10 M II W 12 13 D 14 M 15 D 16 M 17 W 18 19 M 20 21 W 22 M 23 W 24 25 D
man dann eben in der drItten sitzung= =mhm noch einmal[ ziehen\ [oui mhm also so sehe ich sehe ich einen gewissen unterschied zwischen der ersten und sitzung\ [«rit»> xx ja d'accord= =ja und also überblick zuerst (6s) ja ein überblick SCHON aber. aber der der durchaus auch zu gewissen[: fol]gerungen geführt [werden KANNI] [<ja natürlich] «rapide»> rein PROblem-] ein kon- ein ein problemorientierter [überblick\ [proBLEMorientierter überblick [«rit»] [«rit».. oui. oui]
konnte
La première partie de l'extrait (1-17) est constituée par une intervention de W, accompagnée par de nombreux signes d'acquiescement de la part de D et M. Cette intervention propose 206
une solution pour un problème de rédaction soulevé avant, c'est-àdire le placement de certaines réflexions théoriques de M, qui, du point de vue thématique, pourraient figurer aussi bien dans l'exposé du bloc thématique I que dans le bloc III. Ce problème est étroitement lié à la façon dont est traitée l'intégration de l'exposé dans l'organisation thématique hiérarchique du colloque, qui fonctionne comme un hypertexte» auquel fait référence W en renvoyant au rahmen des koUoquiums im ganzen (1). Il en découle des catégorisations correspondantes et finalisées de l'exposé en train d'être planifié. W propose de concevoir l'exposé comme un überblick (une vue d'ensemble). Cette catégorisation est justifiée par une exigence normative, signalée par la tournure impersonnelle du verbe 'sollen' à la ligne 1 (soUte man), qui semble liée au placement de l'exposé dans le bloc thématique I, donc dans une position séquentielle initiale par rapport aux autres exposés prévus sur le même personnage dans les blocs thématiques II et III. Un indice important pour cette interprétation est la répétition conclusive à valeur impérative und also überblick zuerst (17), qui retient comme information essentielle la position initiale de l'überblick. La catégorisation de l'exposé comme vue d'ensemble est un acte de planification rédactionnelle qui a des conséquences sur l'organisation interne du contenu de l'exposé: ce dernier ne devrait pas contenir, selon W, un certain nombre de réflexions théoriques élaborées par M. Ces réflexions - auxquelles W fait ici référence également par une catégorisation qui privilégie le genre textuel sur le contenu (4: ihre conclusion) - seraient à développer en détail dans le dernier bloc thématique (4-6). Après une longue pause (18), M initie une courte séquence de négociation pendant laquelle la catégorisation de l'exposé est modifiée: sa proposition (19-20) est acceptée par les trois participants dans la version reformulée ein problemorientierter überblick, co-produite par Wet M (21-23). La constatation d'une règle normative de portée plus générale met en évidence que la catégorisation de cet exposé implique un certain modèle du colloque. Une reprise de la même thématique par W lors de la discussion successive au plenum confirme cette conception du colloque, en la justifiant d'ailleurs ultérieurement
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comme étant motivée par la visée communicative des contributions du groupe envers leurs destinataires, les « invités» : Extrait 2b (HR30049/BA plenuml/979-89) I W eigentlich so ungeflihr das muster\ . (h) ganz kurz nochmal zu 2 skizzierenl zu jeder . der figuren wie ist die 3 Uberlieferungslage und wie kann man sieh . !th in kurzen zUgen 4 ungefahr die entwieklung vorstellen\ ieh glaub !th wir sprechen 5 ja nieht nur fUruns sondern auch fur die. eingeladenen oder auch fUr g!tstel
. also
6
referenten
7 8 9
schon nochmals rekapitulieren zum schluss\ also einfach mal kurz vorstellen das resultatl es w!ire nur vielleicht gut wenn es am schluss in irgend welche fragen auslaufen wUrde\ .
ieh glaube man muss das
Cette reprise révèle, en outre, que ce modèle textuel n'est pas rigide, mais modifiable au cours du processus de planification. Un ajout dans la forme d'une construction concessive modalisée par le conditionnel et par vielleicht (8-9) constitue ici la trace de la modification négociée préalablement avec D et M. W incorpore ainsi, dans sa conception générale des exposés du bloc thématique I, la catégorisation élaborée par rapport à un exposé particulier.
La rédaction collaborative d'arguments communs Si l'on passe maintenant du travail de planification d'exposés futurs au travail de rédaction collaborative dans le hic et nunc de l'interaction, celui-ci constitue un lieu d'observabilité intéressant pour la description de la façon dont une intelligence collective construit des objets de savoir en exploitant des ressources linguistiques liées à différentes matérialités - de l'oral comme de l'écrit. Notre analyse du travail de formulation repose sur l'hypothèse selon laquelle le savoir ne préexiste pas à sa formulation, n'est pas simplement verbalisé ou encodé après avoir été élaboré dans la pensée, mais est au contraire configuré dans les choix discursifs qui sont effectués par ses énonciateurs lors de sa formulation (Mondada, 1995). L'observation d'une situation de rédaction collaborative permet d'observer comment interviennent les ressources écrites dans ce processus d'émergence du savoir.
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Les variations de la formulation d'un objet de savoir et leur traitement Nous allons donc suivre l'élaboration progressive d'un argument par plusieurs énonciateurs au cours d'une discussion sur la définition des «grands hommes ». Ce débat s'articule en deux parties, délimitées toutes les deux par une référence à des documents écrits. La première partie est introduite par M et D, qui renvoient collaborati vement aux notes préparatoires des participants: Extrait 3a (HR30049/BA/GR.Cl) I M also zur definition m- euh: tout le monde a a préparé ses petites 2 euh ((ri[t))] 3 D [petites notes oui]
La deuxième partie est introduite en mentionnant le résumé à faire (konnen wir die [hier noch zusammenfassen\] , exemple 3b, ligne 1). La discussion est ainsi encadrée par la référence aux activités scripturales, dans le premier cas à un écrit passé, préparatoire, individuel (les petites notes), dans le second à un écrit à venir, à produire ensemble (le résumé). Cette référence est structurante pour les activités; elle a des effets sur la façon dont les formulations d'objets de savoir sont proposées et sur la valeur qu'elles y acquièrent. La première séquence en effet est consacrée à une discussion où les divergences se creusent avant d'être éventuellement résorbées; la deuxième, dont 3b est un extrait, est consacrée à un accord sur la formulation, où des divergences subsistent mais doivent trouver une solution dans le cadre de la tâche: Extrait 3b (HR30049/BA/GR.Cl!1399;1414-) 1 M konnen wir die [hier noch zusammenfassen\] ((omission d'une quinzaine de lignes)) 15 M I1h und ich war ganz froh! ah: wenn wir das jetzt nochmals . vielleicht 16 systematisch zusammenfassen\ was wir 17 W jal [mhm 18 M [was wir gesagt haben\. also ich glaube wir sind uns. a!le einig 19 darin! .. dass die grossen manner. I1h: .. die die die figuration sozialer 20 . idealer sozialer werte sind\
21 D oui. ça 22 (1 s) 23 M jal 24 D oui
...1...
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25 (lOs. M note sur Ie transparent) 26 W ja 27 0 figuration d'ideaux euh ci- . civiques! je dirais peut-être: . non 28 sociaux ... hein en français ça n'a pas la même euh 29 . [la même connotation [quand on dit idéal social ça a un sens trop dilué& 30 W Uaja . jaja jaja Ua ja 310 &trop vague [VOUS vous 32 M [gesellschaftlich bürgerlicher . wer[te\ 330 [oui 34 W also ich würde schon bürgerliche dazunehmen\ so[ziale35 0 [on dirait plutôt civique\ 36 W ja. bUErgerlich auch aristokratisch natürlich [xxx ((rit)) 37 D [oui civique artistocratique! 38 mais à l'époque ça ne vaut plus non plus ((rit)) 39 W also wir konnen ja alles zur wahl stellen\ bürgerlich und aristokra 41 (5 s. M note sur le transparent)
Le résultat de cette séquence est la notation sur le transparent par M de l'argument suivant:
Le passage au résumé oblige à être systématique (I6) et à adopter une seule position (supposée par M dans wir sind uns. aile einig darin/ 18). L'interaction orale est le lieu de la négociation de la formulation, qui a lieu en mode bilingue (MiecznikowskiFünfschilIing, Mondada, Müller, Pieth, 1999) : la formulation proposée par M rencontre d'abord un accord général (21-26), puis suscite une reformulation de la part de D : sozialer est rejeté en faveur de civique par une invocation de la valeur que D attribue au mot français social, dont la mention déclenche un travail de substitution du mot allemand (soziale r > gesellschaftlich bürgerlicher, bürgerlich) et un ajout (aristokratisch). L'intervention de D problématise donc la formulation initiale et déclenche un travail sur les formulations qui joue sur les correspondances ou les non-correspondances entre les deux langues. L'écriture du transparent marque l'arrêt de la discussion sur ce point, considéré alors pratiquement comme résolu: dans ce sens, il fonctionne comme un outil de stabilisation, d'intégration de différentes variantes et de résolution d'éventuelles divergences. Le --
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transparent, rédigé en allemand par M, est un écrit qui peut être présenté publiquement comme une version collective; alors qu'il n'est marqué par aucune biffure ou hésitation, les notes des participants portent la trace de ces variantes: Extrait
3d (notes prises durant
Il figuration
la séance par V)
Bürgerliche idealIer und sozialen
aristokratischen Welten (idéaux civiques)
Extrait 3e (notes
rises durant la séance
ar D)
gd ho-: figurO idéaux sociaux ou civiques ou aristocratiques (ou repoussoir?) Extrait 3f (notes rises durant la séance ar W) Grosse Manner Verkorperung idealer sozialer Welte bürgerll aristokratisch
L'exploitation de la rature, de la juxtaposition dans l'espace du texte permet une visualisation spécifique de ce que chaque participant a retenu de la discussion. Il y a donc plusieurs versions de ce sur quoi la discussion a porté et des décisions qui y ont été prises: si le transparent est une version collective écrite, la présentation du résumé durant le plenum est une version collective orale présentée par un porteparole: Extrait 3g (présentation en plenum) (HR30049IBAlpl) D donc la première idéel euh: . euh la plus simple\ . c'est que le grand homme est ulle figuration d'idéauxl . euh civiquesl . aristocratiques\ . alors figuration positive ou négative! évidemment euh:: et il faudra envisager la question des héros repoussoi- enfin des figures repoussoir et: des figures positivesl euh ces grands hommes figurations comportements\
déterminent
... (h)
la deuxième idée qui prolonge celle-cil. c'est que: des: idéaux sociauxl . et des civiquesl déterminent des
des conduites
... «M va
vers le rétroprojecteur»
Ce résumé est effectué en français par D, qui l'énonce sur la base non pas du transparent mais de ses propres notes - alors qu'en même temps M projette pour le public le transparent en allemand. Les qualificatifs retenus en français sont ci v i que s et aristocratiques. On a donc dans un même espace de performance devant le public la coexistence de différentes versions qui se
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manifestent différemment et simultanément - même là où l'événement était configuré de sorte à n'en produire qu'une seule. Les versions peuvent ainsi se consolider comme se labiliser; une phase ultérieure de ce mouvement est l'écrit qui suit cette journée et qui exerce à la fois une action rétrospective sur elle en retenant une certaine version des choses et une action prospective en énonçant un thème qui sera traité lors du colloque qui suivra: Extrait 3h (document diffusé our la ré aration du futur collo ue) 1. Le "grand homme" à Rome est la figuration positive ou négative des idéaux civiques aristocratiques, figuration de l'habifus sénatorial qui détermine les comportements.
Ce document, préparé par M et D, retient à nouveau les deux adjectifs civiques et aristocratiques - stabilisant ainsi une formulation qui a été introduite en alternative à la première version collective écrite et qui s'est consolidée d'abord non pas dans les traces écrites mais dans sa répétition orale. On voit ici l'importance structurante de choix relevant de ce qu'on appelle la « politique de la représentation », entendue dans un double sens, comme renvoyant au choix d'une formulation spécifique de la référence parmi d'autres formulations possibles et au choix des signes ou des personnes qui fonctionnent comme des porte-paroles légitimes. Le choix de la langue et de la participante qui formule l'argument entraîne en effet la stabilisation d'une version (française) plutôt qu'une autre (allemande). La gestion pratique des divergences de formulation De façon plus radicale que pour les variations de formulation, les conflits entre versions rendent observables les modes pratiques de sélection des versions adoptés par les participants. Nous allons retracer le déploiement d'une divergence entre plusieurs auteurs, notamment D et M, afin d'observer les traces orales et écrites qui manifestent la façon dont elle a été gérée in situ. Dans la discussion sur la définition du grand homme, alors que M considère qu'un grand homme est une construction postérieure, D défend l'idée que le grand homme peut aussi s'imposer de son vivant ou se réincarner en un autre homme du vivant de celui-ci. Cette dissension est présente dès l'introduction du topic par D dans la discussion:
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Exemple 4a (HR30049illAlGR.ClII018-) D euh moi je dois dire je suis un peu embarassée\ . pour homme\ . je trouve que c'est quelque chose de très comp1exe\ juste un aspect que j'ai euh.. euh. un un petit peu: ... un beaucoup/ . c'est euhm: .. enfin DEUX aspects\ . c'est le:: homme\
la définition: euh du grand «rit» .. et: j'ai j- a- j'ai. y a petit peu creusé. VEcu\
.. le rapport
mais pas . au grand
L'introduction du topic appelle deux remarques. D'une part elle est effectuée par une préface qui exhibe des traces d'une formulation non préférentielle (de Fomel, 1988): la nomination du topic (le rapport vécu au grand homme) est retardée par une série de justifications, évaluations, hésitations, répétitions, modalisations. D'autre pa11elle introduit un topic qui est d'emblée dédoublé Uuste un aspect réparé en DEUX aspects). Ces phénomènes exhibent une difficulté, un conflit qui est manifesté par la forme de la préface avant d'être exprimé explicitement (plus tard: là/ je (ne suis) pas tout à fait d'accord\, dit à la fin du résumé fait par D de la thèse de M). Les deux thèses vont ainsi s'opposer explicitement dans leurs reprises contradictoires par les deux participants (ainsi par exemple, plus tard dans la discussion, D dira: moi je pense quand même! qu'il y a une volonté de le v- de le Reincarner et M: je ne crois pas/ qu'un qu'on peut.