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Le titre de la lettre (avec Ph. Lacoue-Labar...
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~-i c..
DU MEME AUTEUR
'Ç~4
jean-lue nancy
;11-° CHEZ LE MftME ÉDITEUR
Le titre de la lettre (avec Ph. Lacoue-Labarthe), 1972. La remarque spéculative, 1973. « La voix libre de l'homme ~ in Les lins de l'homme,
1981.
« La juridiction du monarque hégélien ~ in
Rejouer le
politique, 1982.
le partage
CHEZ D'AUTRES ÉDITEURS
« La thèse de Nietzsche sur la téléologie
)10
in Nietzsche
auiourd'hui, l, 10/18, 1973. « Le Ventriloque» in Mimesis des articulations, Flammarion, 1975, Le discours de la syncope, J. Logodaedalus, Flammarion, 1976. Nietzsche, « Fragments posthumes 1869-1872 » (traduction, avec M. Haar), in Œuvres philosophiques, I, Gallimard, 1977. « Philosophie en cinquième » (avec B. Gramer) in Qui a peur de la philosophie?, Flammarion, 1977. « Les raisons d'écrire» in Misère de la littérature, Bour· gois, 1978. L'ahsolu littéraire (avec Ph. Lacoue-Labarthe), Seuil, 1978. 0« La jeune carpe» in Haine de la poésie, Bourgois, 1979. Jean·Paul, Cours préparatoire d'esthétique (traduction. avec A.-M. Lang), l'Age d'Homme, 1979. Ego sum, Flammarion, 1979. « Le peuple juif ne rêve pas» (avec Ph. Lacoue-Labarthe) in La psychanalyse est·elle une histoire ;uive?, Seuil, 1981. « Philosophie und Bildung » in W er hat Angst vor des Philosophie?, Paderborn, Schoning, 1981. « La vérité impérative» in Pouvoir et vérité, Cerf. 1981. Das aufgegebene Sein, Berlin, AIphiius, 1982.
des voix
éditions galilée 9, rue linné 75005 paris
A~. ~5lS-1 Tous droits de traduction, dt reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays, y compris par l'U. R. S. S. Cl Editioos Galilée, 1982 ISBN 2-7186-0236-8
Ce n'est pas un livre. Il n'y a là que des pages, arrachées à nul ensemble et néanmoins seulement distraites de ce que devrait être, par l'ampleur, par la construction et par l'écriture, un véritable livre sur l'hermeneia. - Ces pages sont nées de circonstances fortuites (la demande d'une contri· bution au séminaire de troisième cycle de Lucien Braun, à l'Université des Sciences humaines de Strasbourg, qu'animait alors, autour du thème de l'herméneutique, Mme Irène Val/alas, de l'Univer· sité de Thessalonique,- ;e les remercie tous deux pour le kaisos). Aux circonstances s'est a;outé un peu d'humeur: une humeur d'impatience devant quelques évidences trop reçues, trop conservées au su;et de « l'interprétation », que ce soit dans le style désormais classique de l' « herméneutique »
ou dans le style, d'allure plus moderne, de l' « interprétation d'interprétations ». Or la mésinterprétation de l'enjeu de l'interprétation - ou de l'hetmeneia - n'est pas rien : elle concerne aussi bien la psychanalyse que la théorie littéraire, la traduction que le rapport de la pensée à sa tradition. Elle engage en outre les concepts (et pourquoi pas les affects?) du « dialogue » ou de la « communication », qui somnolent toujours sous
un anthropologisme paresseux. Cette impatience, mais aussi, et en revanche} une certaine allégresse
née de la relecture du Ion entre les lignes de Heidegger et sur ses indications somme toute malicieuses m'ont fait prolonger ce qui n'était au départ qu'une brève communication. - Mais ce n'est pas un livre sur l'hetmeneia. Un tel livre revient sans doute à quelqu'autre. Disons que ces pages sont ici distraite, simplement pour être adressées à l'autre.
Il s'agit ici avant tout de l'interprétation. Il s'agit de s'interroger sur ce qui délimite ce concept, et, avec lui, toute problématique « herméneutique », aussi bien que toute thématique de « l'interprétation » comme substitut moderne de la « vérité ». Il s'agit de montrer que tout ce qui se soumet au motif de l'interprétation, en tant qu'il définit, sur des registres divers, une sorte de tonalité fondamentale de notre modernité, reste pris dans une interprétation de ce que l' « interprétation » elle-même donne à penser '. Pour cela, il faudra tout d'abord rapporter la forme moderne du motif herméneutique au lieu philosophique d'où il est censé procéder : c'est-àdire à l' « herméneutique » chargée par Heidegger de caractériser l'accès, hors de la « métaphysi-
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que », à la pensée de l'être en tant qu'être. Il s'avérera que cette pensée n'en appelle pas à une méthode ni à un préalable herméneutique (elle destitue même l'herméneutique comme telle), mais que l'être en question s'y donne lui-même et ne s'y donne que dans une hermeneia, dont le sens « plus originel » devra être élucidé. Ou encore : l'être n'est rien dont le sens serait atteint par voie herméneutique, mais l'hermeneia est le « sens» de cet étant que nous sommes, « hommes », « interprètes » du logos. Aucune « philosophie de l'interprétation » n'est à la mesure de cette « humanité ». 1. Des motifs ou des intérêts plus particuliers se trouveront ainsi engagés en sous·main, que je me contente d'indi. quer pour mémoire, faute de pouvoir les dévdopper ; 1° en fait, la question d'ensemble d'une histoire précise de l'interprétation, de l'Antiquité jusqu'à nous, qui ne se contenterait pas d'en énumérer les concepts, les doctrines et les procédures, mais qui tenterait d'y suivre le fil rouge d'un incessant débordement de l'interprétation par l'hermeneia " on en trouvera quelques éléments très succincts au passage; 20 de manière plus déterminée, la question sui. vante : le cadre hisroCÎC().théorique de l'herméneutique phi. losopruque moderne est déftni par des repères qui, de Sch1e.iermacher à Gadamer en passant par Dilthey, Bultmann, Ricœur, en particulier, laissent de CÔté ce que j'appeJ.lerai pour faire vite les deux pensées construites sur l' « interprétation» que représentent Nietzsche et Freud. Sans doute ne SOot-elles pas absentes, mais on n'interroge pas, d'ordinaire, chez Jes « herméneutes », ce que signifie le surgissement de telles pensées, dans lesquelles J' « interprétation ,. subit peut-être un déd:glement qui n'est pas ~tran8er à Son ébranlement chC'.l Heidegger. Il faut à ce sujet rappeler que Je De l'interprétation de Ricœur est consacré a Freud (Seuil, 1965). Mais l'interprétation freudienne y est convoquée et critiquée A l'intérieur du cadre de J'herméneutique. Il en va a certains égards de même de l'étude de Nietzsche par J. Granier (l.< problème de /a vérité dans la philosophie de Nietzsche, SeuiJ, 1966), réglée
Mais par-delà Heidegger lui-même, et bien qu'à cause de lui, il faudra remonter au plus ancien document philosophique de l' hermeneia : au Ion de Platon. C'est-à-dire, on le verra, une fois de plus au partage et au dialogue de la philosophie et de la poésie. Mais tel qu'à travers lui c'est finalement sur le dialogue en général, ou sur la « communication », qu'il faudra déboucher. Aucune « philosophie de la communication », dans la mesure où, affrontée à la « compréhension du discours de l'autre », elle rejoint les présupposés essentiels d'une philosophie de l'interprétation, n'est à la mesure de ce que requièrent désormais, dans la société des hommes, la « communication », le « dialogue », et par conséquent la « communauté 2 ». Cet essai d'exploration de ce qu'on peut jouer à nommer la mésinterprétation moderne de l'interpar une saisie de l'interprétation mctzscbœnne selon la conceptualité ordinaire de l' « interprétation ». Sarah Kofman, en revanchc, s'est arrêtée sur les complait~ et les ambivaJences de l'interprétation chez Nietzsche (Nietzsche et la métaphore, Payot, 1972) et chez Freud (Quatre romans ana· lytiques, Galilée, 1973). - Hors du cadre dc l'hcrméneutique, le motif nietzschéo-freudien de l'interprétation n'a guère donné lieu, dans la modernité, qu'à une esp«e d'assomption jubilatoire de « l'interprétation infinie » qui n'entame pas, en déflnitive, le concept le plus classique de J'interprétation. G., en exemple parmi bien d'autres, Christian Descamps : « Il n'y a que des interprétations d'interptttations j et c'est très bien et très joyeux comme ça. ,. (u semblant, Congrès de psychanalyse de Milan, Galilée/Spirali, 1981, p. 47.) 2. Toutes ces questions ont sans doute le rapport le plus étroit avec la tbéoric benjaminienne de la langue, de la traduction, de la critique littéraire, et du rapport de l'art i l'histoire et Il la cité. Mais je ne peux, ici, envisager Ben· jamin.
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prétation n'a donc qu'un but: servir de préambule ou d'incitation à une réévaluation de notre rapport, en tant qu'interprètes de ce dialogue qui nous répartit sur notre scène « humaine », et qui nous impartit ainsi notre être ou notre « destination ». Rien d'autre que, indissociables, une autre poétique et une autre politique du partage de nos VOlX.
l
Je m'intéresse donc d'abord au geste par lequel Heidegger a pu articuler le motif de l'interprétation sur celui d'une hermeneia « plus originelle », ou bien, s'il est plus juste de le dire ainsi, à ce geste par lequel il a désarticulé l'herméneutique pour l'ouvrir sur une tout autre dimension de l'hermeneuein. Ce qui est en jeu dans ce geste n'est rien d'autre que le fameux cercle herméneutique. Non pas en tant qu'une simple caractéristique spéciale de l'herméneutique (dont le cercle serait soit la ressource privilégiée, soit l'aporie particulière), mais bien avec toute la valeur d'un principe constitutif de l'herméneutique, ou de l'interprétation comme telle et en général. Comme on le sait, l'entreprise de L'être et le
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temps J trouve sa possibilité inaugurale dans un certain traitement - indissolublement « méthodologique lO et « ontologique lO - du cercle herméneutique. A ce titre, du reste, la pensée de Heidegger, c'est-à-dire la pensée qui interroge la cl6ture' de la métaphysique, n'est pas séparable d'une explication fondamentale avec l'herméneutique (d'une Auseinandersetzung, comme disent les Allemands : d'un débat ou d'un démêlé pour s'impliquer et s'exclure réciproquement). Il n'y a pas de hasard à cela : l'herméneutique est impliquée de manière essentielle dans la métaphysique. A cette implication appartient Je cercle herméneutique. La 3. Qui, a cet égard, n'est en rien à dissocier de tout ce qui lui a succédé chez Heidegger. comme en fera foi le texte beaucoup plus tardif sur l'hermeneia du Ion. Je ne puis tenir compte ici des problèmes de la « Kehre », et je me permets de m'en remettre simplement à la continuité explicitement affirmée du second de ces textes avec le premier. 4. Scion le mot, et le concept, de Derrida. En guise de rappel : « Mais on peut penser la clÔture de ce qui n'a pas de fin. La clÔture est la limite ciIculaire à l'intérieur de laquelle la rép6tition de la différence se répète indéfiniment. » (L'écriture et 1. différence, Seuil, 1967, p. 367.) C'est en fonction de cette ripétition de la différence dans la clÔture que nous aurons, plus loin, À lire la réinscription « herméAu sujet de neutique »- de Platon dans Heidegger. l'interprétation, la di1Iérence serait, pour Derrida, la suivante; « II y a deux interpréfations de l'interprétation (...). L'une cherche à déchiffrer, rêve de déchiffrer une vérité ou une origine échappant au jeu (...) L'autte, qui n'est plus tournée vers l'origine affirme te jeu ,. (Ibid., p. 427). Il doit s'agir ici de la cfôture et de la diH&e:nce de l'interprétation, avec cette diH&e.nce supplémentaire, si j'ose dire, qu'il ne s'agira même plus d'une interpritation de l'interpretation, ou bien encore que, passant à la limite, la seconde « interpritation • devient elle-même 1'4utrt de l'interpritation. - On pourra, à propos de Derrida, consulter Jean Greisch, Hermlneutique et grammal%gie, 6:1. du ŒRS, 19n.
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clôture est aussi celle du cercle, et comme le cercle - selon ce qui nous reste à voir - elle se ferme et elle s'ouvre, elle se partage dans le texte de la philosophie. Avant d'examiner le traitement de ce cercle par Heidegger, considérons-le dans sa forme classique (par quoi il faut entendre la forme qu'il a reçue après Heidegger). Ricœur en a donné l'énoncé le plus direct, et, ainsi qu'il le qualifie lui.même, Je plus « brutal lO : « Il faut comprendre pour croire, mais il faut croire pour comprendre'. lO Sans doute cet énoncé fait-il, avec la « croyance lO, intervenir un élément en apparence étranger à la philosophie. L'herméneutique de Ricœur s'adresse, ici, au « sacré lO. Mais ce n'est pas le « sacré» qui détermine par lui-même un régime de la « croyance lO : le « sacré » n'est pas moins qu'un autre objet un objet de la philosophie, et Ricœur ne nous entraîne pas subrepticement dans le domaine de la foi 6. La croyance en question désigne bien sa 5. Finitude et cu/pabil'Ïtl, t. II, Aubier, 1960, p. 327. 6. Il s'en est même expliqué dans De finttrprltation (op. cit., p. 504 et smv.), où se retrouve en outre la problématique du cercle herméneutique. Néanmoins, une discussion complexe et serrée devrait être ouverte ici. li est aussi arrivé l Ricœur de rigoureusement disjoindre l'intetptttation à modèle philosophique (