VIVE LA CRISE ET" L'INFLATION!
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JACQUES MARSEILLE ALAIN PLESSIS
VIVE LA CRISE
ET L'INFLATION!
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VIVE LA CRISE ET" L'INFLATION!
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1.
JACQUES MARSEILLE ALAIN PLESSIS
VIVE LA CRISE
ET L'INFLATION!
HacheHe
littérature .générale
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INTRODUCI'ION
Ce livre est le fruit d'une expérience et d'une pratique. Enseignants à l'Université de Paris VIIIVincennes depuis son origine, nous avons vu défiler devant nous des centaines d'étudiants: bacheliers ayant suivi la filière classique, enseignants en quête d'une formation continue, salariés assoiffés de connaissances, étudiants du Tiers Monde en mal d'impérialisme, retraités assidus à la conquête du temps libre. Au carrefour de ces itinéraires variés, beaucoup de certitudes et souvent les mêmes idées reçues acceptées comme des évidences. Certains pensent que les Français ne savent pas faire d'économie. Quelle erreur! Ils paraissent ne savoir que cela, et ils tranchent des questions économiques avec une assurance que rien n'ébranle. Les clivages politiques sont loin d'être à cet égard des frontières infranchissables. Peut-être les fétichismes sont-ils le «programme commun'» d'un «concensus » inaperçu? Que de mythes à détruire, que d'opinions à reprendre et au moins à nuancer. Le travail des femmes? Il ne deviendrait massif qu'au :xxe siècle ... L'étalon-or? Un système monétaire international merveilleux et sans reproche ... La colonisation française?
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VIVE LA CRISE ET L'INFLATION!
Le principal moteur de notre industrialisation. L'exportation? Une nécessité absolue pour des économies développées en mal de pétrole qui doivent trouver les débouchés nécessaires à une production excédentaire ... Les banques? Des pieuvres avides de profit enserrant dans leurs tentacules les entreprises endettées ... Dans ce livre, nous avons centré notre attention sur deux phénomènes majeurs de notre temps, qui sont l'objet privilégié d'appréciations simplistes et de condamnations radicales: la crise et l'inflation qui s'unissent dans l'abominable stagflation. L'inflation? Une malédiction, un poison, un fléau qui vide les porte-monnaie, lamine le pouvoir d'achat et affaiblit la compétitivité des Etats qui la subissent. Chacun de nous estime n'être pour rien dans cette épidémie qu'il accuse les «autres» de provoquer. Et pourtant, ce poison n'est;.il pas aussi un délice? La crise, enfin! Le drame de cette fin du xxe siècle. Un chômage massif dans les pays industrialisés, un appauvrissement dramatique des pays sous-développés, des monnaies volatilisées, des menaces de guerre ... Pour les conservateurs, la crise est la faute nécessaire qu'une croissance débridée devait expier. Pour les révolutionnaires, la crise est la nouvelle stratégie d'un capitalisme qui fait payer aux travailleurs sa nécessaire restructuration. Et pourtant, la crise,comme l'inflation d'ailleurs, est supportée. N'est-ce donc pas qu'elles sont l'une et l'autre supportables•.. ? C'est justement pour appuyer ces réflexions ou ces doutes qu'il est utile de faire appel à l'histoire. TI arrive à des étudiants de se demander et de nous demander: «Mais à quoi. ça sert l'histoire, et en particulier .l'histoire économique?» Nous répondrons, entre autres, qu'elle aide à une meilleure
INTRODUCTION
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compréhension du présent. Sans doute, il est un mauvais usage de l'histoire qui est source d'erreurs lorsqu'on confond des époques différentes sans saisir la spécificité de chacune d'entre elles. Mais si on garde le souci de bien distinguer les temps successifs, la connaissance du passé permet de mieux saisir la complexité des phénomènes actuels, ne serait-ce qu'en nous empêchant d'être dupes des impressions de l'instant et d'accepter les yeux fermés tout ce qu'on nous dit et qu'on nous rabâche même. L'inflation? Le mal absolu? Mais c'est la baisse des prix qui, du temps de Louis XIV, empêchait les paysans de rembourser les vieilles dettes qui les accablaient et les condamnaient à la misère. C'est cette même baisse des prix qui, au XIXe siècle, annonçait l'arrivée des crises économiques. Combien de nos ancêtres ont espéré voir les prix se mettre enfin à monter... ! La crise? Mais ·ce n'est pas la première que traversent les économies industrielles. Depuis le milieu du XIXe siècle, à plusieurs reprises, le flux de la croissance s'est brisé sur d'identiques butoirs. L'économie semble ainsi traversée par des mouvements longs qui rythment sa marche. En août 1982, un colloque d'histoire économique tenu à Budapest les a mis à son programme, comme si les interpellations du présent forçaient les historiens à remettre en chantier l'étude des cycles qui leur avait tant apporté lors de la crise des années 1930. A cet égard, les historiens et les économistes se partagent en deux camps résolument hostiles. Ceux qui croient aux mouvements longs et ceux qui n'y croient pas. Ceux qui croient uniquement aux phénomènes de courte durée et ceux qui se plaisent à VOIT dans les mouvements de longue durée les moteurs de l'activité économique et sociale. Ceux qui dénoncent les artifices des procédés statisti-
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ques et ceux qui s'acharnent à les affiner. Quoi qu'il en soit, qu'ils existent ou qu'ils n'existent pas, nous vivons bien depuis maintenant dix. ans une crise économique qui s'obstine à nous interpeller comme elle interpellait les contemporains de la crise de 1929. Fernand Braudel, l'observateur attentif des fluctuations du capitalisme, n'avait pas vingt-sept ans pour rien en 1929. C'est que l'historien est en fait plus attentif à son présent qu'à son passé. . Faut-il se réjouir ou faut-il se plaindre de ces . phases de langueur qui, à intervalles plus ou moins réguliers, scandent la vie des hommes, ou de ces accès d'inflation plus ou moins durables que beaucoup de nos ancêtres ont connus 1 En disséquant les « crises » qui ont « affecté » à deux reprises l'économie industrielle du xxe siècle et en rappelant les crises antérieures, en décrivant les inflations d'antan et leurs effets souvent bénéfiques, nous apaiserons peut-être nos lecteurs ... Qu'on comprenne bien le sens du titre de ce livre. n ne se veut pas de provocation, il n'est pas l'appel à quelque politique du pire qui aurait pour objectif d'accentuer la crise ou d'accélérer l'inflation. n veut seulement réagir (et toute réaction ne doit-elle pas être un peu excessive pour se faire entendre dans un concert assourdissant 1) contre les certitudes simplistes et souligner deux points qui sont toujours perdus de vue, par ignorance de l'histoire. D'abord que les crises et les inflations font depuis si longtemps partie de la vie des hommes et du fonctionnement de l'économie capitaliste qu'il est bien douteux qu'on puisse s'en passer radicalement (à moins de changer tout notre système économique, et encore ... ) Ensuite que les crises et les inflations détruisent, certes, mais qu'en même temps, elles créent et elles apportent toujours quelque chose, et
INTRODUCfION
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qu'il ne faut donc pas oublier tout ce qu'on leur doit ... même si on se refuse à crier avec nous: « Vive la crise! Vive l'inflation! »
Si le présent ouvrage est le fruit d'une étroite collaboration entre les deux auteurs, ces derniers précisent néanmoins la part qui leur revient en propre : J. Marseille: première partie, chapitres 1 à VI, portant sur la crise. A. Plessis: deuxième partie, chapitres VII à XIV, portant sur l'inflation.
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CE N'EST PAS LA FAUTE AU PÉTROLE!
Le 6 octobre 1973, alors qu'en Israël on fête le jour du Grand Pardon, les armées égyptienne et syrienne déclenchent une offensive générale qui bouscule les premières lignes de défense israéliennes. Le 8 octobre, les représentants des pays exportateurs· de pétrole et ceux des grandes compagnies se réunissent à Vienne pour préparer un accord destiné à les prémunir contre le risque d'inflation et contre les variations du dollar. Le mercredi 17 octobre à 21 heures 30, les ministres de l'O.P.A.E.P. (Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole) annoncent une mesure qui fait immédiatement .la une des journaux. Ds décident de réduire chaque mois de 5 % leur production «jusqu'à ce que les Israéliens se soient complètement retirés des territoires occupés et que les droits légaux du peuple palestinien aient été restaurés ». Le 23 décembre, réunie à Téhéran, l'O.P.E.P. décide de doubler le prix affiché du pétrole brut. Ce prix sera révisé tous les trois mois, en fonction de l'inflation mondiale. Au début de l'année 1974, le prix du baril de brut a ainsi été multiplié par quatre par rapport à ce qu'il était quelques mois auparavant. La crise a commencé. Le pétrole devenu soudain rare et cher a dynamité la croissance minimum garantie
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des économies occidentales, condamné les travailleurs aux angoisses du chômage et les consommateurs à la société d'austérité. Pour les économistes imprudents qui écrivaient comme J. Lecaillon à la fin des années 1960 : « .•. Une crise majeure du type de celle de 1929 est aujourd'hui impensable. Une crise de ce genre représente en effet un gaspillage considérable de ressources, des pertes de production énormes et une accumulation importante de misères en raison du chômage qui en résulte. Elle constitue un phénomène i"ationnel par rapport aux objectifs de bien-être et de satisfaction des besoins. Aussi serait-elle d'autant moins tolérée.par l'opinion publique et les différents groupes sociaux que les pouvoirs publics, grâce aux progrès réalisés par l'analyse économique, ont aujourd'hui les moyens de s'y opposer efficacement * », le pétrole devenait un alibi providentiel, une explication de l'i"ationnel. La crise impensable avait désormais un acte authentique de naissance, octobre 1973. Jamais le capitalisme occidental ne s'était aussi bien porté qu'avant cette date. TI convenait désormais d'apprendre aux Français que les temps avaient changé. Répondant' à une question de Gilbert Mathieu lors d'une conférence de presse en novembre 1978, v. Giscard d'Estaing excusait ce rappel: « J'ai peur que la question de M. Mathieu ne m'oblige à une explication un peu générale de la politique économique et'sociale, car c'est une question qui englobe à la . fois la croissance et l'emploi. Les Français ont très bien compris que nous vivons des temps économiques et sociaux différents de ceux auxquels nous avions été habitués. Jusqu'en 1974, se posait la question centrale du débat économique et social : comment partager
* J. 1967.
LBCAILLON,
Les mécanismes de l'économie, Cujas,
CE N'EST PAS LA FAUTE AU PÉTROLE!
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une richesse dont l'augmentation paraissait acquise d'avance? C'était en réalité un débat de répartition. Et depuis 1974, depuis les changements dans l'économie mondiale, se pose à nous, les Français le savent très bien, une nouvelle question : comment produire la richesse à répartir? Et pourquoi ce changement? » A cause, les Français le sauront très bien, du renchérissement massif du prix de l'énergie. 1974 va devenir la date clef d'une chronologie officielle, comme en son temps le jeudi noir d'octobre 1929. Les économistes et les dirigeants qui suivent leurs conseils exerceraient donc un métier bien pénible. Leurs actions, leur gestion, leurs prévisions, leurs modèles de croissance pourraient ainsi être remis en cause par un fait divers, une décision imprévue, un événement irrationnel? Condamnés à gérer l'imprévisible, seraient-ils confinés à la fonction de météorologistes tout juste capables de prévoir le temps pour le prochain week-end? Et pourtant, le cycle des saisons n'est-il pas prévisible, n'obéit-il pas à certaines lois? La crise que traverse le monde industriel capitaliste s'inscrit dans une longue histoire, celle des mouvements longs qui, depuis le début du XIXe siècle, rythment la marche chaotique de la croissance. Pour comprendre les crises économiques, il faut faire comme l'automobiliste prudent : conduire en regardant sans cesse dans le rétroviseur. LA TYRANNIE DES MOUVEMENTS LONGS
On pourra voir alors les lignes de crête qui ont, à intervalles réguliers, plongé l'activité économique dans les perturbations atmosphériques. Du début du XIXe siècle au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'histoire du capitalisme
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