Les stratégies du développement durable
Collection GRALE
Déjà publiés Gabriel, O.lHoffmann-Martinot, V. (1999), Les démocraties urbaines. L'état de la démocratie dans les grandes villes de douze pays industrialisés. Breuillard, M. (2000), L'administration locale en Grande-Bretagne entre centralisation et régionalisation. Breuillard, M.lCole, A. (2003), L'école entre Etat et collectivités locales en Angleterre et en France. Guérard, S. (dir.) (2004), La démocratie locale. Guérard, S. (dir.) (2006), Regards croisés sur l'économie mixte. Bras, l-P.lOrange, G. (dir.) (2007), Les ports dans l'Acte II de la décentralisation: nouveaux cadres institutionnels et difficultés d'adaptation. Merley, N. (dir.) (2007), Où vont les routes. Robbe, l-F. (dir.) (2007), La démocratie participative. Allemand, R.lGry, Y. (dir.) (2007), Le transfert des personnels TOS de l'Education nationale Cités et Gouvernements Locaux Unis (2008), Premier rapport mondial sur la décentralisation et la démocratie locale, ouvrage coordonné par le GRALE sous la direction scientifique de G. Marcou. Allemand, R./Solis-Potvin, L. (2008), Egalité et non-discrimination dans l'accès aux services publics et politiques publiques territoriales.
Sous la direction de Jacques FIALAIRE
Les stratégies
du développement
durable
Ouvrage parrainé par la Maison des Sciences de l'Homme Ange Guépin de Nantes
L'HARMATTAN
@ L'Harmattan, 2008 5-7, rue de l'Ecole polytechnique; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com
[email protected] harmattan
[email protected] ISBN: 978-2-296-07618-1 EAN:9782296076181
REMERCIEMENTS
La qualité de la présentation de cet ouvrage doit beaucoup au travail de mise en forme et au lien établi avec les auteurs, assurés par Hugues Roger, gestionnaire du laboratoire « Droit et Changement Social ». Pour cela nous lui témoignons notre profonde gratitude. L'investissement intellectuel et l'échange scientifique interdisciplinaire que couronne cet ouvrage ont été stimulés par le soutien constant manifesté par la Maison des Sciences de l'Homme Ange Guépin de Nantes, qui a accueilli durant l'année universitaire 2006-2007 le second cycle de séminaires sur « le concept et les stratégies du développement durable », dont les rapports constituent la trame essentielle du livre. Nous devons à ce titre exprimer toute notre reconnaissance à cette institution. Nous remercions également le Groupement de recherches sur l'administration locale en Europe (Grale-CNRS) pour le soutien apporté à la publication de cet ouvrage.
Les auteurs ayant collaboré à cet ouvrage Souhir ABBES Marcel AMBOMO Luc BODIGUEL Caroline BARDOUL Goulven BOUDIC Magali BOUDARD Julie BULTEAU Aude CHASSERIAU Claire CHOBLET Laure DESPRES Jacques FIALAlRE
Maria FRANCHETEAU Patrice GUILLOTREAU Eva GUY ARD
Antoinette
HASTINGS-
MARCHADIER
Charles-Henri HERVÉ Pierre LEGAL
Patrick LE LOUARN Olivier LOZACHMEUR Arnauld LECLERC Gérald ORANGE André-Hubert MESNARD Sandrine ROUSSEAUX
LEM,doctorante en économie DCS-CERP3E,doctorant en droit public Chargé DCS-CERP3E, de recherche CNRS en droit privé LCLet LERAD,doctorante en droit public DCS-CERP3E,maître de conférences en sciences politiques DCS-CERP3E,doctorante en droit public LEM,doctorante en économie CESTAN,docteur en géographie urbaine LEM,doctorante en économie LEM,professeur émérite en économie Professeur de droit public à l'université de Nantes, directeur du laboratoire « Droit et Chan!!ement Social» DCS-CERP3E,docteur en droit public LEM,maître de conférences en économie DCS-CERP3E,doctorante en droit public DCS-CERP3E, maître de conférences en droit public DCS-CERP3E,doctorant en droit public DCS, maître de conférences en histoire du droit. Doyen de la faculté de droit et de sciences politiaues de Nantes DCS-CERP3E,professeur de droit public à l'université de Rennes-II DCS-CERP3E,docteur en droit public DCS-CERP3E,maître de conférences en sciences politiaues Professeur de sciences de gestion, directeur de l'IAE de Rouen CDMO,professeur émérite en droit public DCS-CERP3E, Chargée de recherche CNRS en droit public
Liste des sigles des laboratoires de rattachement des auteurs
CDMO
Centre de Droit Maritime et Océanique (université de Nantes, UFR Droit et sciences politiques)
CERP3E
Centre d'Etudes des Régulations Publiques, aujourd'hui fusionné avec DCS (université de Nantes, UFR Droit et sciences politiques)
CESTAN
Centre d'Etudes sur les Sociétés, les Territoires et l'Aménagement (université de Nantes, Institut de Géographie et d'Aménagement Régional)
DCS
Droit et Changement Social UMR CNRS 3128 (université de Nantes, UFR Droit et sciences politiques)
LCL
Laboratoire des collectivités locales (université d'Orléans, UFR Droit économie et gestion)
LEM
Laboratoire d'Economie et de Management (université de Nantes, Institut d'Économie et de Management)
LERAD
Laboratoire d'Etude sur la Réforme Administrative et la Décentralisation (université de Tours, UFR Droit économie et sciences sociales).
8
Sommaire
DE L'INTERNATIONAL AU LOCAL: QUELLE APPROPRIATION DU CONCEPT DE DÉVELOPPEMENT DURABLE f
POSSIBLE
p. 11
PARTIE l : LE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L'ÉCHELLE DE L'EuROPE ET DE LA PLANÈTE: QUELS MODÈLES f p. 25 - Le droit au développement confronté au développement durable p. 27 - Développement urbain durable et politiques comparées p. 65 - Développement durable et gestion comparée des réseaux urbains p. 99 - La recherche d'un modèle de développement urbain durable p. 133 PARTIE II : DÉVELOPPEMENT DURABLE ET GRANDS ENJEUX ENVIRONNEMENT AUX - Le développement durable et la maîtrise des pollutions p. 159 - Le développement durable et la gestion des espaces maritimes p. 205 - L'intégration du volet environnemental du développement durable dans les politiques publiques locales p. 245
p. 157
PARTIE III: PUBliC
LE
DÉVELOPPEMENT
DURABLE,
MOTEUR
DU DÉBAT
p. 273
- Développement urbain durable et rénovation de la démocratie locale représentative p. 275 - Quelle lecture et quelle résolution des conflits pour un développement durable? p. 309 PARTIE IV: LE DÉVELOPPEMENT URBAIN DURABLE, CONTRIBUTION À UNE THÉORIE DE L'IDENTITÉ - Développement urbain durable et identités culturelles: la ville et son patrimoine bâti et végétal p. 359 - Le développement durable et les identités territoriales p. 397
p. 357
INTRODUCTION
De l'international au local: quelle appropriation possible du concept de développement durable? Jacques
FIALAIRE*
Le développement durable peut être présenté comme une notion à visée planétaire dont la réalisation suppose « le respect simultané de trois critères: finalité sociale, efficacité économique, prudence écologique» 1. On a pu dire que «le développement durable se présente actuellement davantage comme hypothèse heuristique de caractère négatif (on sait à peu près ce qui n'est guère durable.. .), alors que les plus grandes difficultés se présentent pour substantialiser positivement la notion »2. On aimerait par cet ouvrage, contribuer à faire parvenir à un stade de maturité les réflexions menées autour de la concrétisation du concept de développement durable en référentiels de politiques publiques, en montrant comment un phénomène mondial a pu imprégner divers pans locaux de l'action publique. Que la notion de développement durable ait pu être véhiculée depuis les années 1990 des scènes internationales vers des sphères locales relève aujourd'hui du constat d'évidence. La place des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des politiques de développement durable a été tôt reconnue à l'échelle internationale. Le chapitre XXVIII d'Action 21 issu du sommet de Rio de 1992, demande que «toutes les collectivités locales instaurent un dialogue avec les habitants, les organisations locales et les entreprises privées afin d'adopter un programme d'Action 21 à l'échelle de la collectivité.» Bien des obstacles semblent avoir été balayés depuis que dans la convention internationale « Habitat II » signée à Istanbul en 1996, les villes ont pu établir un partenariat direct avec les Nations unies. Reste que l'on ne peut se contenter d'un bilan quantitatif qui saluerait la multiplication des Agendas 21 locaux. Encore faut-il tenter de comprendre
*
DCS-CERP3E
1. B.-L. BALTHAZARD, Le développement durable face à la puissance « Questions contemporaines », 2005, p. 26. 2. Préface G. MONÉDIAIRE, in B.-L. BALTHAZARD, ibid, p. 9.
publique,
L'Harmattan,
comment et pourquoi cette diffusion s'est opérée plus vite dans certains pays que dans d'autres. Au-delà de cette première interrogation, d'autres questions plus profondes surgissent. On ne peut ignorer les divergences d'opinion sur la signification de la propagation du concept et des stratégies du développement durable. Un courant doctrinal soutient que «le concept de développement durable, tel qu'il est employé dans les textes de droit interne, se réduit à un phénomène de mode ou, au mieux, à une caractérisation des politiques publiques3. » N'est-il pas en effet courant de relever un emploi hypertrophié de ce vocable, se glissant dans quantité de plaquettes d'information, de documents administratifs ou commerciaux plus ou moins élaborés, sur le modèle de campagnes de marketing? On est alors tenté de penser que cette «durabilité» affichée n'a d'autre usage que cosmétique. Le test de la pertinence de la notion de développement durable appliquée aux pays en voie de développement est ici salutaire. Comment parvenir à infléchir des politiques de développement économique, faire prendre conscience des enjeux liés à la survie de la planète au profit des générations futures, lorsque la survie n'est pas assurée à l'espèce humaine présente? Redoutable question quand on sait que l'idée de développement durable n'était pas présente dans la revendication des États africains en faveur d'un droit au développement, conçu comme un «droit collectif contrarié par un système de relations économiques internationales inégalitaires.» La confrontation s'est vérifiée au moment du Sommet de Rio (1992), terrain de « négociations et de débats entre certains pays du Nord partisans d'une protection totale de l'environnement, et les pays du Sud qui y voyaient un geste inamical visant à stopper leur développement. » Or l'on constate que ces derniers, après des réticences, se sont approprié la notion de développement durable, plaidant même pour la reconnaissance d'une « relation par la communauté internationale entre le droit à l'environnement et le droit au développement» (Marcel Ambomo). Si les politiques publiques révèlent encore des insuffisances au regard des critères du développement durable, le droit international de l'environnement n'est pas ignoré et se trouve même traduit dans plusieurs Constitutions d'États africains. Dans l'Union européenne, le credo semble bien affirmé. La profession de foi des institutions communautaires s'exprime lorsqu'elles assortissent l'attribution des Fonds structurels à une condition générale de respect du développement durable des territoires, option retenue depuis la réunion du Conseil européen de G6teborg en juin 2001 (Magali Boudard), et en ayant même affecté l'un de ces fonds au développement durable des villes et quartiers en crise (programmes URBAN). On peut donc préférer la voie optimiste, consistant à rechercher les moyens pour concrétiser les objectifs du développement durable, au-delà des multiples déclarations d'intention à visée proclamatoire. Pour cela, il convient de prendre
3. Ch. CANS, «Le développement durable en droit interne: apparences », AJDA, 10 fév. 2003, p. 210.
12
apparence
du droit et droit des
en compte les facteurs d'antagonisme internes à la notion, afin d'esquisser quelques voies de conciliation, dont la difficulté ne saurait être sous-estimée. Cela suppose d'identifier, pour s'y référer ensuite, quelques caractéristiques communes s'attachant à la notion de développement durable. Cet angle d'analyse peut nous permettre de faire émerger: - quelques leçons à tirer de la diffusion du développement durable dans les enceintes internationales, destinées à mieux inscrire ce concept dans les politiques publiques locales (I) ; -
les apports possibles d'un ancrage du concept dans les politiques locales,
susceptibles d'enrichir en retour sa dimension mondiale (II) ; - il restera alors à présenter l'architecture générale du présent ouvrage (III).
1. De «l'international»
au «local»: quels enseignements?
Alors que l'action publique locale s'insère encore dans des logiques institutionnelles faiblement réceptives aux objectifs du développement durable, à l'égard desquels bien des cadres juridiques demeurent décalés (B), l'affichage du concept de développement durable gagne puissamment nombre de politiques locales, en mobilisant des ressorts extra-juridiques (A).
A. Des apprentissages assimilés hors du champ juridique Force est de constater que le développement durable a fait son chemin dans l'action publique locale d'autant plus vite que celle-ci était moins bornée par des cadres juridiques contraignants. La propagation du concept s'est appuyée sur l'adoption de nouveaux choix d'architecture urbaine et sur leur valorisation, suivant des orientations de « marketing stratégique» des territoires. 1. La dimension
globale du développement
durable
Une réalité aux plans national et international Le droit international traduit bien cette dimension désormais, y compris là où règne le libéralisme économique. Il suffit de relever que l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de 1994 prévoit dans son préambule (alinéa 1er) que les objectifs de l'OMC doivent être réalisés, « tout en permettant l'utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l'objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et de préserver l'environnement et de renforcer les moyens d'y parvenir d'une manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs à différents niveaux de développement économique.» Cette orientation est confirmée s'agissant de la préservation de la santé des personnes et des animaux dans un autre accord conclu en 1994 sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires, dont la mise en œuvre révèle que la globalité de l'approche du développement durable a son prix. «L'approche précaution» révèle des incertitudes d'application,
13
« l'anticipation des risques biotechnologiques dans le cadre de l'OMC s'avérant difficile» (Maria Francheteau). Au niveau national, la dimension globale du développement durable se rencontre à travers l'établissement de la « gestion intégrée des zones côtières» (GIZC), qui tend à « renouveler le cadre de la gouvemance pour le littoral» (Olivier Lozachmeur). Le « local» n'est pas en reste. Cette globalité du développement durable trouve aujourd'hui sa traduction dans les politiques urbaines, reconfigurées autour du concept de « ville compacte ». Une transposition locale: le nouveau concept de « ville compacte» Aussi divers puissent-ils être par leur ampleur, les aménagements urbains sont qualifiables de développement urbain durable au regard d'une communauté de desseins. Il est relevé qu' « une conception urbaine environnementale durable s'appuyant sur des notions de ville "courtes distances" ou ville "compacte", le quartier durable correspond souvent à l'image d'un "village urbain" incluant des densités élevées, des mixités d'usages et de fonctions en lien avec la reconnaissance de la rue comme élément à la fois structurant et d'animation. Ce modèle suppose une utilisation plus efficace des sols qui s'appuie sur la recherche d'un équilibre entre le logement, l'emploi, les équipements de service et la promotion de la mobilité intermodale (marche, vélo, transports publics) » (Charles-Henri Hervé). On a pu déceler aussi dans une période récente une influence de la notion de développement durable sur les régimes de protection des monuments historiques et de leurs abords au travers du passage d'un « esprit monumentalo-centriste » au primat en faveur d'une « gestion de l'espace urbain plus global» (Patrick Le Louarn). Là où l'on ne parvient pas à forger un moule juridique approprié au remodelage du tissu urbain en « ville compacte », les aménageurs seront tentés de s'affranchir d'outils jugés trop rigides. Aux techniques de l'urbanisme opérationnel seront préférées des formules plus souples (plans-guide), comme c'est le cas pour l'aménagement de l'Île de Nantes (Aude Chasseriau).
2. Le développement durable, intégré dans des stratégies communication et une «ingénierie» locale
de
Le développement durable a conquis une place privilégiée dans le « marketing stratégique» des territoires locaux, les collectivités territoriales françaises suivant en cela maintes expériences étrangères. Ainsi le projet d'aménagement « du site de Hammarby Sj6stad à Stockholm, ancienne zone portuaire », a été porté à la faveur de « la candidature de Stockholm aux Jeux olympiques de 2004, l'accent étant mis sur la construction d'un village et d'un stade olympiques qui devait avoir le moins d'impact possible sur l'environnement» (Charles-Henri Hervé). 14
De préférence aux instruments du droit de l'urbanisme, les objectifs du développement durable sont davantage portés en avant dans les Agendas 21 locaux qui impulsent des stratégies volontaristes de développement, sans pour autant détenir une valeur juridique contraignante (Caroline Bardoul). Cet attrait pour le développement durable comme composante du « marketing urbain» a été bien compris par les instances communautaires, qui ont forgé des labels récompensant des «bonnes pratiques» repérées au plan local. La promotion du «tourisme durable» emprunte en partie cette voie (Magali Boudard).
B. Des leçons restant à tirer dans l'espace juridico-institutionnel 1. La portée incomplète des normes protectrices supranationales: place pour une «éthique» du développement durable?
une
Les enjeux du développement durable s'imposant à l'échelle planétaire appellent une réglementation internationale. Or celle-ci manifeste encore de profondes faiblesses. En témoigne le rapport entre le droit français et la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 relative à l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et à l'accès à la justice en matière d'environnement, entrée en vigueur à la fin de l'année 2001, qui lie la Communauté européenne dans des engagements communs avec différents États d'Europe de l'Est, sous l'égide de la Commission économique des Nations unies pour l'Europe. Un droit communautaire dérivé en découle, sous la forme de la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003, relative à l'accès du public à l'information en matière d'environnement. En apparence l'ordre juridique français a achevé sa mue puisque la convention d'Aarhus a été publiée par le décret n° 2002-1187 du 12 septembre 2002. Néanmoins il transparaît sur ce point une concurrence entre deux systèmes de protection des droits fondamentaux, l'un bâti sur une source conventionnelle, l'autre sur une source constitutionnelle. Tranchant quelque peu avec les dispositions énergiques de la convention d'Aarhus, l'article 7 de la Charte de l'environnement adossée à la Constitution depuis la loi constitutionnelle n° 2005-105 du 1ermars 2005 pose que «toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques. » Par cette référence à un «légicentrisme» étroit, le constituant donne par avance un brevet de validité constitutionnelle à des normes de droit interne le cas échéant incompatibles avec la convention d'Aarhus, protégées par le jeu de la théorie de la loi-écran. Toute réelle avancée du principe de participation lié au développement durable est donc en France suspendue à une inclination non garantie du Conseil constitutionnel à faire prévaloir «une interprétation constructive [de cet article 7], intégrant les exigences posées par la convention d'Aarhus et la possibilité de l'invoquer devant le juge administratif à l'encontre
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de normes de mise en œuvre qui lui seraient contraires, y compris les normes antérieures à la Charte» 4. Si l'impact du droit international n'est pas garanti, une plus grande efficacité peut-elle être recherchée par la diffusion auprès d'une large gamme d'agents économiques d'une « éthique» du développement durable? On serait tenté de voir là un mouvement naturel, tant le développement durable s'entend avant tout comme un développement humain, lequel ne saurait se couper de ses racines culturelles. L'éthique du développement durable y trouverait son socle. Mais parvient-elle pour autant à gagner un sens précis? Quels espaces doivent-ils être conservés? Quels autres sont à renouveler? Les contours de ce qui serait une « éthique» du développement durable restent encore impénétrables.
2. La nécessaire conciliation d'objectifs antagonistes notion plurale: un appel à l'essor du débat public?
liés à une
Le tiraillement entre les trois piliers du développement durable Une première contradiction apparaît entre le souci de protection de l'environnement et la recherche de l'équité sociale. Certains écoquartiers issus d'opérations de renouvellement urbain sont gagnés par un processus de « gentrification », lequel induit de nouvelles formes de ségrégation sociospatiale (Aude Chasseriau). Également couplées en théorie en tant que formant deux des piliers du développement durable, la protection de l'environnement étalonnée selon des normes européennes de qualité toujours plus exigeantes et le développement économique à un coût acceptable ne s'allient en pratique que très difficilement. De forts antagonismes s'observent couramment dans les politiques d'équipement des collectivités territoriales où «les tensions budgétaires peuvent être occasionnées par la pression en section d'investissement de dépenses obligatoires corrélatives à l'exercice de compétences ayant un lien avec le développement urbain durable. L'obligation de renouvellement et le développement des équipements de traitements et de recyclage des déchets sont notamment au cœur de ce problème. Les choix budgétaires peuvent donc traduire ces difficultés de corrélation des orientations politiques nationales ou locales avec la capacité financière de la collectivité» (Antoinette Hastings-Marchadier). Mais l'explication reste incomplète si l'on s'en tient au périmètre de telle ou telle institution locale. Les conflits doivent être saisis à des échelles territoriales suffisamment larges. Telle analyse portant sur la protection d'un espace estuarien fait ressortir un déséquilibre entre le souci de préservation d'un patrimoine naturel et les perspectives de développement économique d'un important port de commerce, en faveur de ce dernier (André-Hubert Mesnard).
4. K. FOUCHER, « La consécration Il déco 2006, p. 2316.
du droit de participer
16
par la Charte
de l'environnement
H, AJDA,
Une moindre maîtrise des instruments du calcul économique peut expliquer ce désavantage (Claire Choblet, Laure Després, Patrice Guillotreau). Il est donc attendu des acteurs locaux qu'ils prennent l'initiative d'affirmer des stratégies de développement durable. Or la démocratie locale représentative est en crise (Arnaud Leclerc), et les procédés de démocratie locale participative se heurtent aux insuffisances de la mobilisation citoyenne (Goulven Boudic). Démocratie « délibérative» ou «participative»
?
Un fort courant en science politique tend de nos jours à réhabiliter la démocratie délibérative, allant jusqu'à proposer une « théorie de la délibération politique »5. Pourraient ainsi être réunies les «conditions d'un bon débat ». « Une décision bien délibérée serait le critère de la bonne décision» (Goulven Boudic). Cette thèse est fortement contestée. Pour Pierre Rosanvallon, «l'idée de démocratie procédurale ne suffira pas à surmonter le malaise politique que nous connaissons »6. Dans sa version urbaine, le développement durable peut alors tirer partie des enseignements produits par les politiques de développement social urbain. On peut alors penser que, même si le délitement du tissu urbain est tel que « la participation-intégration n'est plus possible dans les quartiers dégradés» et que l'on est conduit à « reconstruire une participation-institution» (Goulven Boudic), le développement durable appelle un sursaut de la démocratie participative, susceptible de faire émerger de nouveaux acteurs sur la scène locale.
IL Les apports du « local» à la dimension mondiale du concept Le développement durable tend à devenir un « agent mobilisateur» pour les décideurs et acteurs locaux. Il s'infiltre ainsi dans nombre de politiques publiques, particulièrement dans le domaine de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, mettant généralement ensemble une pluralité d'acteurs locaux poussés à coopérer entre eux, à l'intérieur d'une nouvelle « territorialisation » de l'action publique (A). La gestion publique locale pourrait voir sa légitimité renforcée si elle parvient à accentuer ses efforts en faveur de l'intégration des objectifs du développement durable, et plus particulièrement à garantir la préservation des ressources sur le long terme (B).
5. Voir B. MANIN, Principes du gouvernement représentatif, Calmann-Lévy, 1995. 6. P. ROSANVALLON,« Le nouveau travail de la représentation », Esprit, février 1998. 17
A. Les progrès de la « territorialisation» de l'action publique 1. L'aménagement durable
du territoire
à l'heure
du développement
Une nouvelle conception des documents d'urbanisme, dont le contenu devient plus global et intègre des objectifs de développement durable, prévaut depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, notamment en ce que « le plan local d'urbanisme (PLU) comprend un rapport de présentation, le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) de la commune et un règlement ainsi que des documents graphiques» (C. urbanisme, art. R. 123-1). Surtout les objectifs de DUD transparaissent dans cette réforme au travers d'une déconnexion entre les instruments des politiques d'aménagement spatial (urbanisme, logement, transports). Cette transversalité est censée être assurée par la présence du PADD dont l'objet consiste à « définir, dans le respect des objectifs et des principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1, les orientations d'urbanisme et d'aménagement retenues pour l'ensemble de la commune» (C. urban., art. R. 123-3). Cependant, il a été montré que les contraintes liées à la prise en compte des objectifs du développement durable (traduits dans le « plan d'aménagement et de développement durable») avaient été allégées depuis la loi urbanisme et habitat du 3 juillet 20037. Cette réforme a limité le contenu du PADD, désormais réduit aux « orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune» (C. urban., art. L. 123-1, al. 2), les prescriptions en étant exclues. Des solutions à ce problème sont avancées localement à travers une utilisation combinée du PADD du PLU et d'un instrument facultatif, l'Agenda 21 local. Il s'agit d'une « feuille de route qui définit les objectifs et les moyens de mise en
œuvre du développement durable du territoire» 8. Cette formule est issue de l'un des programmes d'action retenu dans la Déclaration de Rio de 1992, les collectivités locales du monde entier étant invitées à l'adopter. Des pouvoirs locaux peuvent alors tirer parti de la souplesse de l'Agenda 21 local, instrument décliné selon un processus de démarche de projet (passant par une phase initiale de diagnostic d'état des lieux, puis une identification des objectifs prioritaires et s'achevant par une déclinaison du programme d'actions). Dès lors des interactions sont possibles, alors que s'agissant du PLU, « les catégories de documents et leurs contenus sont strictement encadrés par le Code de l'urbanisme» (Caroline Bardoul).
7. L. MOLINERO, « Considérations sur les effets contentieux du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme », Mélanges MESNARD,L 'homme, ses territoires, ses cultures, LGDJ, coll. « Décentralisation et développement local », 2006, p. 181.
8. M.-S. BOIZARD, « La mise en place d'un Agenda 21 intercommunal- Le cas de Nantes Métropole », Mémoire de master II droit et administration des collectivités territoriales, université de Nantes, 2006.
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A plus long terme, on peut avancer, afin d'accentuer la prise en compte des objectifs de développement durable, plusieurs propositions en vue de favoriser une gestion maîtrisée de l'espace périurbain, parmi lesquelles: -
la mise en place d'un SCOT élargi à l'échelle de l'aire urbaine ou du pays; une préférence en faveur d'un PLU communautaire, dès que l'on a pu
atteindre une compétence communautaire complète de l'aménagement de l'espace. C'est qu'une référence simple au principe de subsidiarité nous apparaît insuffisante pour guider un schéma de répartition des compétences entre autorités locales suivant des objectifs de développement durable. Leur satisfaction complète ne peut passer que par un transfert intégral à l'échelle des structures d'agglomérations des compétences en matière d'urbanisme et d'aménagement foncier. Cela apparaît comme la solution essentielle pour maîtriser l'extension périurbaine. 2. Territoires
locaux et culture
La thèse suivant laquelle le développement durable comporte une dimension culturelle peut s'appuyer sur de lointains précédents. Des standards transparaissaient déjà il y a un siècle dans les premiers «plans d'embellissement» des villes (Patrick Le Louarn). L'existence de nos jours d'une dimension culturelle dans l'éthique du développement durable peut s'appuyer sur maints exemples locaux. Ici, la préservation d'une identité culturelle génère des formes originales de protection du patrimoine urbain végétal, par l'essor d'une éducation à l'environnement orientée sur les parcs urbains, matérialisée notamment par des «journées de l'arbre» (Pierre Legal). Là un standard minimal transparaît où « l'embellissement de la ville» prend place dans les orientations d'un plan local d'urbanisme communal. Ainsi « le PLU parisien a notamment prévu de préserver le patrimoine parisien et la végétation, d'une part en empêchant la démolition de certains immeubles, d'autre part en réalisant 30 hectares de nouveaux jardins» (Caroline Bardoul). 11ne faut toutefois s'attendre à vérifier que ponctuellement la prise en compte d'un volet du développement durable qui viserait à la préservation d'une identité des territoires. Ainsi en va-t-il de la politique relative à la protection du littoral (Olivier Lozachmeur), qui privilégie au regard des contraintes légales, une constructibilité limitée autour des bourgs, des villages et des hameaux, et non des lotissements, à la recherche d'une densification urbaine préservant les espaces ruraux du mitage et les extensions urbaines de la déshumanisation.
19
B. La pénétration des objectifs du développement durable, un renfort de légitimité apporté à la gestion publique locale? 1. Le bilan de la gestion pnblique locale à l'aune du développement durable Les orientations tirées du développement durable ont été intégrées progressivement dans la gestion de différents services publics locaux organisés en réseau. «Depuis la loi sur l'eau de 1992, une prise en compte du volet environnemental du développement durable s'est imposée dans la gestion des services d'assainissement, faisant de ces services techniques urbains d'authentiques services publics environnementaux.» Pour cela, il a fallu un « dépassement de l'approche traditionnelle fondée sur la recherche d'un équilibre entre les prérogatives de la puissance publique et le respect du droit de propriété.» Mais «le caractère transversal de la notion de développement durable pousse à approfondir ces exigences, afin d'intégrer une dimension citoyenne et un but d'équité sociale dans les conditions de gestion de ces services »9. Toutefois la remise en cause des modes classiques de régulation des services publics locaux reposant sur un fort pouvoir d'organisation revenant aux autorités locales, présente des risques. Ceci peut se vérifier à travers l'étude des effets de la libéralisation du marché intérieur de l'électricité parachevée par une directive européenne du 26 juin 2003 sur la situation des collectivités territoriales, rendues
clients éligibles à compter du l er juillet 2004 et donc en capacité de choisir leurs
fournisseurs d'énergie. Il est relevé que «les relations entre les collectivités territoriales et EDF avaient donné lieu à des opérations de partenariat qu'il sera sans doute délicat d'intégrer dans des appels d'offres. C'est le cas pour tout ce qui a trait à la politique de la ville et au développement local, comme l'accompagnement des clients en situation difficile, la limitation des effets du chômage et de l'exclusion ainsi que la lutte contre la dégradation des quartiers en
difficulté»
ID.
La prise en compte du développement durable dans la gestion des services publics locaux en Europe laisse entrevoir un bilan mitigé. Ainsi en Espagne, « La tarification de l'eau ne prend en considération que le coût des infrastructures et services relatifs à l'eau c'est-à-dire le captage, la potabilisation, l'assainissement, la distribution... mais l'eau en elle-même, en tant que ressource naturelle est gratuite. Or, cette gratuité est en totale contradiction avec le principe communautaire de récupération des coûts des services c'est-à-dire y compris des coûts pour l'environnement et les ressources» (Eva Guyard). Par contre en France et en Italie, le prix facturé à l'usager intègre tous les coûts. 9. 1. FIALAIRE,« Gestion des services publics d'assainissement et développement durable », Lamy CT, sept. 2006, na 16, p. 76. 10. M.-C. BÉGuÉ, « Développement urbain durable et politique énergétique locale: éléments juridiques d'un défi majeur », Pouvoirs locaux, na 71 Ill, 2006, p. 119. 20
2. Une soft law ajustée aux territoires locaux? Actuellement les solutions pour combler les imperfections de l'encadrement normatif du développement durable sont d'ordre pragmatique. Si des normes réglementaires nationales encadrent site par site les modes de « gouvernance », faisant participer acteurs publics et acteurs privés à la mise en œuvre des sites classés en zones Natura 2000, un droit local peut être émis par les comités de pilotage de ces zones Il, définissant les règles de gestion appropriées. La propagation des objectifs du développement durable peut ensuite trouver des relais adéquats dans des documents cadre de type « chartes », exprimant un contexte de «liberté locale où prévalent l'engagement volontaire et la contractualisation » (Luc Bodiguel). Plus globalement, la multiplicité des acteurs et des ressorts des politiques de DUD conduit à placer la réflexion sur le terrain de la « gouvernance », entendu comme « décrivant de nouveaux styles de décision, plus ouverts et négociés en apparence, fruits d'adaptations contingentes de systèmes politiques pris dans des environnements en mutation.» Cette notion introduit surtout l'idée que « le pouvoir exercé sur une collectivité ne saurait être efficace qu'à condition de n'être pas comme une action purement unilatérale s'imposant aux membres du groupe social, mais au contraire comme le produit de l'implication des membres de la société dans les choix les concernant »12.
III. Plan de l'ouvrage Faisant suite à un premier cycle de séminaires tenus à la MSH Ange Guépin de Nantes (de février à juin 2006) durant lequel il s'est agi principalement de poser le concept de développement durable13, en l'abordant dans un premier temps principalement à travers son pilier environnemental, le deuxième cycle de séminaires consacré au « concept et aux stratégies de développement durable» (qui s'est également déroulé à la MSH Ange Guépin de septembre 2006 à 11. Dénommé « document d'objectifs» par la loi (C. env., art. L. 414-2). 12. G. TIMSIT, « L'administration au miroir des mots », in collectif, À propos de l'administration française, 1998, Documentation française, p. 216. 13. On retrouvera le contenu des conférences présentées au cours de ce premier cycle de séminaires dans des publications sous deux formes: Des dossiers doctrinaux : - Un volet consacré au « développement urbain durable» (DUD) figure dans J'ouvrage suivant: L 'homme, ses territoires, ses cultures, Mélanges en l'honneur d'André-Hubert MESNAlW, LGDJ, coll. « décentralisation et développement local », 2006 ; - Une somme de contributions a été rassemblée dans le n° 13 des Cahiers Administratifs et Politistes du Ponant (revue de l'IFSA OUEST), parue en juin 2006. Des articles individuels parus dans des revues périodiques: - La communication d'A.-S. CHAMBOST« Les enjeux de la consultation populaire en milieu urbain dans les premiers temps de la Révolution », est parue à l'Annuaire des collectivités locales du Grale, CNRSÉDITIONS,2006 ; - La communication d'E. GUISELIN« DUD et référendum Jocal» est parue au JCP-A du 30 octobre 2006, p. 1254.
21
juin 2007), constitue l'essentiel de la matière réunie dans le présent ouvrage. Une question centrale perce: le développement durable induit-il une transformation des stratégies de l'action publique, et si oui en quoi? Pour y répondre, il est apparu utile d'enrichir l'étude de la notion sur plusieurs registres: - L'ouverture à des approches internationales et de politique comparée (partie I). La notion de «développement urbain durable» s'est largement nourrie du fruit d'expériences initiées dans des pays d'Europe du Nord offrant des modèles de «villes durables» (Charles-Henri Hervé), ou plaçant la « durabilité » au cœur de politiques de renouvellement urbain (cas du RoyaumeUni abordé par Aude Chasseriau). Elle est aussi portée à une échelle supranationale par la Communauté européenne, faisant surgir des concepts dérivés tels celui de « tourisme durable» (Magali Boudard). Mais les objectifs du développement durable ne peuvent rencontrer partout des circonstances aussi favorables à leur mise en œuvre. Ces objectifs ont dû aussi être confrontés au droit au développement en faveur des pays du Sud (Marcel Ambomo) et au principe de libre concurrence défendu par des organisations internationales comme l'OMC (Maria Francheteau). - La prise en compte des grands enjeux environnementaux identifiés par la recherche scientifique et technologique (partie II). Si les nouveaux dispositifs préconisés pour amplifier la lutte face au changement climatique varient, un point commun réside dans la recherche d'un élargissement des acteurs et des fonctions économiques concernées, incluant la consommation des ménages (Sandrine Rousseaux, Gérald Orange). Des impacts profonds sont produits sur certaines politiques publiques qui sont appelées à s'ajuster à des espaces territoriaux spécifiques, dans un but de protection accrue du patrimoine naturel (André-Hubert Mesnard), et se doter d'outils de gestion intégrée (Olivier Lozachmeur) - La place et les modalités du débat public (partie III). Afin d'éviter certaines perceptions naïves faisant du développement durable un moteur dynamisant le débat public, ont été intégrées des analyses de science politique évaluant à la lumière des expériences, les capacités de « renouveau de la délibération» (Arnaud Leclerc) et d'essor de la démocratie participative (Goulven Boudic). Avec une touche d'euphémisme, on pointera l'existence de fortes marges de progrès, lesquels aboutiraient à mieux intérioriser les dimensions du développement durable dans le processus de décision en droit budgétaire local (Antoinette Hastings-Marchadier) et dans la gestion des conflits (Claire Choblet, Laure Després, Patrice Guillotreau). - Les référentiels identitaires induits par l'éthique du développement durable (partie IV). Des éclairages ont pu être apportés au moyen d'une « historicisation» de la réflexion sur le développement durable. Dans un cadre urbain, on a pu questionner les changements affectant les acteurs de politiques tournées vers la préservation du patrimoine historique, en raison de leur ancienneté bien établie (Patrick Le Louarn), mais aussi l'influence de la sensibilité du public promeneur fréquentant les espaces verts sur les choix
22
d'entretien de « l'arbre urbain» (Pierre Legal). Le développement durable peut être aussi un vecteur de revitalisation du sentiment identitaire dans les espaces ruraux. Le renouvellement des politiques de protection de l'environnement prend cela en compte en donnant une place accrue à la participation des acteurs locaux (Luc Bodiguel).
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Partie I Le développement durable à l'échelle de l'Europe et de la planète: quels modèles? LE DROIT AU DÉVELOPPEMENT DURABLE - Droit au développement et francophone
CONFRONTÉ développement
AU DÉVELOPPEMENT durable
en
Afrique
MarcelAi\1BOMO - Droit international économique et droit international de l'environnement: quelle conciliation? L'exemple de l'anticipation des risques biotechnologiques dans le cadre de l'OMC Maria FRANGlE1EAU DÉVELOPPEMENT URBAIN DURABLE ET POLITIQUES COMPARÉES - Développement urbain durable et politique de régénération urbaine Royaume-Uni Aude CHASSERIAU - Les politiques communautaires de soutien au « tourisme durable» Magali BOUDARD
au
DÉVELOPPEMENT DURABLE ET GESTION COMPARÉE DES RÉSEAUX URBAINS - Une politique des transports durables au sein de l'UE: la question de la tarification au coût social SouhirABBES - Gestion des services d'eau et d'assainissement et développement durable: approche comparée entre la France, l'Italie et l'Espagne Eva GUYARD LA RECHERCHE D'UN MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT URBAIN DURABLE - Le développement urbain durable en Europe du Nord Charles-HenriHERVÉ
LE DROIT AU DÉVELOPPEMENT CONFRONTÉ AU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Droit au développement et développement durable en Afrique francophone) Marcel
AMBOMO.
Droit au développement - développement durable - loin d'être un jeu de mots, la réflexion qu'inspirent ces deux expressions conduit indubitablement au cœur de la nouvelle problématique internationale du développement durable2 telle que dégagée au Sommet de Rio en 1992. Il faut bien reconnaître qu'une certaine conception de l'économie et du progrès est à l'origine de la plupart des problèmes écologiques. Dans cette perspective, l'environnement et le développement apparaissent étroitement liés. Et la problématique s'énonce en des termes fort simples: si l'environnement n'est pas protégé, le développement sera compromis; sans développement il ne sera pas possible de protéger l' environnemene. S'agissant de l'Afrique, la justification dans le passé d'un droit au développement par les pays africains (I) exclut-elle pour autant le passage au développement durable? À ce propos, il serait intéressant de savoir si ces pays ont opéré et réussi le passage d'un modèle de développement qui accordait la priorité à l'économie, à un autre modèle plus intégrateur des exigences environnementales (II) ?
.
DCS-CERP3E
1. Cette expression désignera dans le cadre de cette étude les pays suivants: le Bénin, le Burkina Faso, Je Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, la Guinée Équatoriale, le Mali, le Niger, la République Centrafticaine et le Tchad. 2. Publié en 1987 par la Commission mondiale pour l'environnement et le développement, le rapport Notre Avenir à Tous (ou Rapport BRUNDTLANDdu nom de la présidente de la commission, la norvégienne Gro Harlem Brundtland), définit le développement durable comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » 3. Voir notamment, G. MARTIN, Le Droit de l'Environnement. De la responsabilité pour fait de pollution au droit de l'environnement, Lyon, Publications périodiques spécialisées, 1978, p. 128 et s. ; A. MEKOUAR,« Le droit de l'environnement dans ses rapports avec les autres droits humains », in Études en droit de l'environnement, Rabat, Éditions OKAD, 1988, p. 61. ; A. STEER,« L'union de l'environnement et le développement », Finances et développement,juin 1992, p. 18 et s.
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1. La justification
du droit au développement en Afrique
Depuis plus de quatre décennies, le développement constitue le leitmotiv des revendications des pays africains devenus indépendants au détour des années 1960. Ce terme implique une transformation qualitative des structures économiques, politiques, et sociales avec pour objectif le bien-être humain. Dans cette perspective, le droit au développement est porteur de la même aspiration, celle du bien-être, voire du mieux-être. Cette aspiration, née dans un contexte historique et politique particulier (A), a reçu un prolongement sur le plan juridique international (B).
A. Le contexte historique et politique Le contexte est marqué essentiellement par deux mouvements: une phase de lutte pour l'indépendance (1) d'une part, et la phase de réclamation et de reconnaissance du droit au développement, d'autre part (2).
1. L'accession
à la souveraineté
Dans son article 1, paragraphe 2, et dans son article 55, la Charte des Nations unies avait proclamé le principe de l'égalité des droits des peuples ainsi que de leur droit à disposer d'eux-mêmes. On peut dès lors considérer que la charte, instrument juridique régissant les rapports entre les États membres de l'Organisation des Nations unies, a établi ce principe en tant que norme impérative de droit international contemporain ayant force obligatoire pour tous les membres. La proclamation de ce principe a marqué un tournant important dans l'histoire du colonialisme. Le principe de l'autodétermination est né de la diffusion des idées et des opinions libérales dans l'Europe du XIx" siècle. La montée des nationalismes qui a caractérisé les relations internationales à la fin du XIX. et au début du xx. siècle allait lui insuffler un élan nouveau. De plus, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans les colonies françaises comme ailleurs les injustices et les humiliations font peu à peu place aux luttes de libération nationale. Cette guerre a constitué un moment déterminant pour le monde colonisé, notamment africain, à cause de l'aide qu'il a apportée à la métropole. L'après-guerre se caractérise par un contexte de moins en moins favorable à la colonisation - du moins dans sa forme classique - connue depuis la fin du XIX. siècle. La Charte de l'Atlantique (1941), qui reconnaissait le droit des peuples à choisir leur forme de gouvernement, était une pierre dans le jardin colonial. De plus, la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par les Nations unies4, et qui consacre entre autres les idéaux de justice et liberté, reprend ce principe. 4. Le 10 décembre 1948, les 58 États membres qui constituaient l'Assemblée générale des Nations unies ont adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme à Paris au Palais de Chaillot [Résolution 217 (III)].
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Longtemps rétive à envisager l'indépendance de ses colonies africaines, la France opère un tournant dans sa politique coloniale au milieu des années 1950. La loi-cadre Deferre (1956) prépare l'émancipation de l'AOF (Afrique Occidentale Française) et l'AEF (Afrique Équatoriale Française) et instaure le suffrage universel, un collège électoral unique, et accroît le pouvoir législatif de chaque territoires. Un pas supplémentaire est franchi en 1958 avec la création de la Communauté Française. Moins de deux ans plus tard, tous les États accédaient à l'indépendance. Le rôle des Nations unies a été à cet égard décisif. En dehors de nombreuses résolutions adoptées en vue de l'émancipation des peuples colonisés, la Charte des Nations unies est un instrument juridique d'une importance fondamentale et son affirmation du principe de l'égalité des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes a marqué un tournant dans l'acceptation de ce principe comme partie intégrante du droit contemporain. Dès lors, il ne pouvait y avoir de doute qu'il existe pour ces peuples un droit à l'autodétermination, et que celui-ci comporte des droits et obligations internationaux6. Dès lors, le droit le plus revendiqué et le plus popularisé en Afrique aux lendemains des indépendances fut sans conteste le droit au développement.
2. La phase de réclamation et de reconnaissance développement
du droit au
Dès leur naissance, les États africains ont été confrontés aux difficultés liées au sous-développement qui caractérisaient toutes les colonies. Une fois indépendants, les nouveaux États se sentirent investis d'une mission, celle de surmonter les faiblesses dont ils héritaient. Ce fut l'occasion d'exprimer des revendications que justifiaient les torts et les retards subis durant la colonisation. La naissance du concept de « droit au développement» s'est réalisée durant la grande phase historique des décolonisations en chaîne des années 1960. Le droit au développement fut un thème de revendication du tiers-monde soucieux de parachever son émancipation politique par sa libération économique. Ce droit au développement était revendiqué au bénéfice de chaque peuple, en tant que droit collectif contrarié par un système de relations économiques internationales inégalitaires. Les dirigeants atricains pensaient en effet que le décollage économique de leurs pays était conditionné par la conquête de leur indépendance économique et leur libération des sujétions bilatérales ou multinationales inégales. C'est dans ce contexte que fut créé le « Groupe des 77 »7, la plus grande coalition du tiers-monde aux Nations unies. Elle donna les 5. A. HUGON,Introduction à l'histoire de l'Afrique Contemporaine, Armand Colin, 1998, p. 55-56. 6. F. ABDULAH,in Droit International. Bilan et perspectives, tome II, Ed. Pedone, 1991, p. 1288. 7. Le Groupe des 77 est une coalition des Pays en Développement, conçue pour promouvoir les intérêts économiques de ses membres, et créer une capacité de négociation accrue aux Nations unies. Créée par 77 pays, l'organisation a grandi et compte aujourd'hui 113 pays membres. Le groupe fut fondé le 15 juin 1964 par la Déclaration commune des 77 pays à la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (Cnuced). La première rencontre
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moyens au monde en développement de formuler et de promouvoir ses intérêts économiques collectifs, et œuvra à l'établissement d'un dialogue économique Nord-Sud et à des réformes structurelles de l'économie internationale. Au-delà de cette solidarité se manifeste désormais sur le terrain juridique une revendication nouvelle dont l'Afrique est à l'origine, à savoir l'émergence du droit au développement sus-cité. C'est en effet M. Keba M'Baye, alors Premier président de la Cour Suprême du Sénégal, qui a été le promoteur de l'expression dans son cours inaugural8 intitulé « Le droit au développement comme un Droit de l'homme », à la session de 1972 de l'institut international des droits de l'homme de Strasbourg. Un tel droit fait partie, selon K. Vasak, de la troisième génération des droits de l'homme9. Ce droit a été décliné par la suite comme un droit à la vie, le droit à un niveau minimal d'alimentation, d'habillement, de logement et de soins médicaux, etc. À partir des travaux de la commission des droits de l'homme (1977), il a fait l'objet de la résolution 34/36 de l'Assemblée de Nations unies en date du 23 novembre 1979 qui souligne que « le droit au développement est un Droit de 1'homme» et que « l'égalité des chances en matière de développement est une prérogative des nations aussi bien que des individus qui les composent ». Le contexte de la naissance du droit au développement allait conditionner, par la suite, la nature de ce droit. Au demeurant, certains auteurs n'ont voulu voir dans le droit au développement qu'un droit tout au plus individuel, reconnu à l'être humain à l'égard de la communauté nationale à laquelle il appartient. Il n'était nullement indifférent de savoir si le droit au développement avait pour titulaire l'État ou l'individu, au-delà du premier réflexe qui consiste à le rattacher systématiquement aux droits de l'homme. Le droit au développement avait été défini par un avant-projet sur les droits de l'homme établi par la Fondation internationale pour les droits de l'homme comme « le droit qu'ont tout homme ou tous les hommes pris collectivement, à la jouissance, dans une proportion juste et équitable, des biens et services produits par la communauté à laquelle ils appartiennent.» Cette définition circonscrit ainsi le droit au développement au cadre national, dans une relation entre l'individu et l'État dont il est le ressortissantlO. En réalité, la dimension internationale du droit au développement n'est rien d'autre que le droit à une part équitable du bien-être économique et social du monde. Elle reflète une revendication essentielle de notre temps, car les quatre cinquièmes de la planète n'admettent plus que le cinquième restant continue de bâtir ses richesses sur leur pauvretéll. Ce droit peut avoir pour bénéficiaire l'État ou l'individu. Mais pour qu'il ait sa signification en droit international, dans un
d'importance eut lieu à Alger en 1967, où fut adoptée la Charte d'Alger et où les bases des structures institutionnelles permanentes furent posées. http://fr.wikipedia.org 8. Cours reproduit dans la Revue des droits de l 'homme, vol. V, n° 2-3, 1972, p. 505-534. 9. M. BENNOUNA,Droit international du développement, « tiers-monde et interpellation du droit international, Mondes en devenir », Berger-Levrault, 1983, p. 20. JO. M. BEDJAOUJ,Droit international, Bilan et perspectives, Tome II, Ed. Pedone, 1991, p. 1252. II. Ibidem.
30
ordre juridique encore largement marqué par son caractère interétatique, le droit au développement devait être approché dans sa dimension internationale, la seule à permettre de situer la nature véritable des problèmes et des solutions qu'il doit comporter. Sur le plan juridique, le problème du développement constitue un défi à la communauté internationale, puisque la Charte des Nations unies a fait du développement un phénomène international par excellence. À cet égard, la
résolution 12 du 4 décembre 1986 portant «Déclaration
sur le droit au
développement» a bien réalisé l'ancrage international de ce droit, sans pour autant bien sûr exonérer l'État de ses propres responsabilités à l'égard de ses gouvernés. Bien que ce droit fasse appel à la coopération et à la solidarité internationale, il apparaît par ailleurs comme un impératif de la souveraineté. Car, il y a là un rapport nécessaire entre souveraineté authentique et droit au développement, entre souveraineté véritable sur les richesses du pays et droit au développement de ce pays. Ce qui donne toute sa pertinence à l'affirmation de G. Scelle qui déclarait que l'État a « l'obsession du territoire ». Et l'adoption de la résolution 1803 qui proclame la souveraineté permanente des États sur leurs
ressources naturelles 13 vise cet objectif. En d'autres termes, il n'y a pas de souveraineté ni d'indépendance ses ressources
de l'État s'il ne possède pas la souveraineté de
14.
Ainsi, était reconnu, il est vrai dans des textes internationaux épars, le droit au développement. Toutefois, ce droit en tant que discipline autonome n'émergera que plus tard avec la naissance du droit international du développement.
B. Le prolongement juridique international: le Droit international du développement (DID) La notion de droit international du développement s'est dégagée progressivement de la pratique disparate des États et des organisations internationales. Les pays du tiers-monde par leur lutte constante en faveur d'un système international économique plus égalitaire ont œuvré à l'émergence de ce droit. Une meilleure appréhension de sa réalité passe par l'étude de ses sources et de sa consécration d'une part (1), et par ses caractères et son objectif, d'autre part (2).
12. Résolution AG/41/128 du 4 décembre 1986 portant Déclaration sur le droit au développement. 13. La résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1962 proclame la « souveraineté permanente sur les ressources naturelles» et déclare que « la souveraineté permanente sur les ressources naturelles constitue un élément fondamental du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ». 14. On aura bien compris que la conception restrictive de la notion de souveraineté est justifiée par le contexte de l'étude et l'analyse de la résolution 1803 qui confère aux États la souveraineté sur leurs ressources naturelles. Car en droit international la notion de souveraineté recouvre une réalité beaucoup plus vaste.
31
1. Les sources et la consécration développement (DID)
du droit international
du
Le droit international du développement peut être considéré comme l'aboutissement, sur le plan juridique, des revendications exprimées par les pays pauvres dans le cadre du droit au développement. L'héritage historique de ce droit constitue bien entendu sa première source. Après l'accession des nouveaux États à l'indépendance et après leur admission aux Nations unies, la majorité à l'Assemblée générale de l'organisation passe des mains de l'Occident à celle du tiers-monde, si bien qu'à partir de 1960 l'idéologie de la décolonisation est devenue l'une des poutres maîtresses de la doctrine de l'Organisation des Nations unies (ONU). Cette idéologie a été indissolublement liée à celle du développement. Ces pays tenteront alors de faire accepter par le reste de la communauté internationale l'affirmation que la décolonisation appelle la coopération et qu'à l'inverse la décolonisation ne peut s'effectuer sans le développement. Cette thèse apparaît très nettement dans la fameuse «Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux »15, adoptée au lendemain de l'entrée à l'ONU des nouveaux États africains et de la majorité qui en est résulté à l'Assemblée générale. Les Nations unies accueillent de plus en plus favorablement les revendications des pays du tiers-monde. Tel est le cas de la résolution 1803 (XVII) (voir supra), relative au principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles. En plaçant sous l'empire du droit international tous les concours extérieurs apportés aux pays en voie de développement, l'indépendance est incontestablement l'un des facteurs principaux qui ont rendu possible l'apparition du droit international du développementl6. À partir de 1960, l'ONU et les institutions spécialisées accordent de plus en plus d'importance aux problèmes du développement. La gamme des questions examinées ne cesse de s'élargir et de se diversifier. L'institution insiste sur les idées « d'approche globale» et« d'action concertée »17.Par ailleurs, l'apparition de la solidarité entre les pays du tiers-monde (Groupe des 77) dès juillet 1962 à la Conférence du Cairels qui avait adopté une Déclaration à ce propos, constitue le
15. Résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960. G. FEUER,Droit international du développement, 2" édition, Dalloz, 1991, p. 9. 16. Ibidem. 17. Résolution 1515 (XV) du 15 décembre 1960. 18. La solidarité entre pays du tiers-monde s'est affirmée avec éclat pour la première fois lors de la Conférence de Bandoeng. Elle n'a cessé depuis lors d'inspirer l'action des pays du Groupe des 77. La Conférence de Bandoeng a marqué le réveil des peuples colonisés et l'affirmation par le tiersmonde, de son existence en tant que tel avec ses problèmes propres. Les idées de solidarité entre pays en développement et d'action collective ont été vigoureusement amplifiées par le Mouvement des Non-Alignés au cours des sept conférences des chefs d'État et de gouvernement tenues à Belgrade (1961), au Caire 1964, à Lusaka (1970), à Alger (1973), à Colombo en 1976, à La Havane en (1979) et à New Dehli (1983).
32
premier document définissant une position commune sur les problèmes de développement. Cette conférence a insisté sur la nécessité d'institutionnaliser à la fois l'étude des problèmes de développement et l'action des pays du tiers-monde, et elle a demandé que les problèmes du développement économique et social soient résolus dans un esprit de coopération internationale et dans le cadre des Nations unies. Cette Déclaration fut accueillie avec satisfaction par l'Assemblée généralel9, au moment même où celle-ci décidait de convoquer la première CNUCED (Conférence des Nations unies pour le Commerce et le Développement), qui fut déterminante pour la consécration du Droit international du développement (DID). L'année 1964 allait s'avérer capitale pour l'histoire du droit international du développement. Ce fut la convocation à Genève de la première CNUCED et la constitution de celle-ci en organe permanent de l'ONU20. Sous l'influence de son premier Secrétaire général, M. Raul Prebisch, la conférence de Genève prône l'adoption de règles nouvelles, dérogatoires au droit international commun pour le commerce des pays en développement et pour le financement de leur développement. Les germes du futur droit du développement se trouvent dans cette conférence. La doctrine y voit l'émergence d'un nouveau système juridique et la formulation de l'expression de « droit international du développement ». Cette expression avait été lancée au lendemain de la Conférence de Genève, on en trouve les premiers éléments dans un article de septembre 1964 « La conférence de Genève, amorce d'un mouvement irréversible21 ». L'idée a été ensuite précisée par M. Virally, dans une étude intitulée « Vers un droit international du développement »22. Michel Virally suggère de partir des règles et des pratiques existantes qui constituent actuellement le « droit international des inégalités de développement» ; à partir de là il faudra chercher, avec les moyens fournis par le droit international, les adaptations nécessaires23. Le droit international du développement faisait ses premiers pas, et allait évoluer dans le sillage du droit international. Toutefois, ce nouveau droit possède des caractéristiques propres et poursuit des objectifs précis. 2. Les caractères
et les objectifs du DID
Le droit international du développement développe, schématise la vision du monde et des relations internationales telle que perçue par les pays pauvres nouvellement promus acteurs sur la scène internationale. Ses caractères en portent largement les stigmates: 19. 20. 21. 22. 23.
Résolution 1820 (XVII) du 18 décembre 1962. Résolution 1995 (XIX) du 30 décembre 1964. A. PHILIP,Développement et civilisation, septembre 1964, p. 52. AFDJ, 1965, p. 3. M. FLORY,Droit international du développement, PUF, 1977, p. 30. 33
.
Tout d'abord, il s'agit d'un « droit orienté ». L'orientation donnée à ce droit par les pays du tiers-monde a pris dans un premier temps une forte coloration idéologique. Pour eux, le droit international classique est par essence un droit conservateur, en ce qu'il vise essentiellement à maintenir et à gérer l'ordre existant sans le transformer fondamentalement. Dans un deuxième temps, l'idée de droit orienté a pris une signification plus technique, qui s'est traduite par la mise au point des mécanismes juridiques particuliers, susceptibles de donner une effectivité plus immédiate à l'action pour le développement dans des domaines tels que les transferts de technologie, l'assainissement financier et monétaire, la stabilisation des recettes d'exportation, les préférences douanières, etc.24
. Il s'agit aussi d'un « droit composite». À
la différence
de la plupart
des
disciplines juridiques, le droit international du développement ne forme pas un ensemble homogène, systématique et unifié. Il se présente comme une mosaïque d'éléments, avec des règles relevant d'ordres juridiques différents: le droit international et le droit interne. Et pour finir, ce droit est un « droit contesté ». Dans la mesure où, sur bien des points, le droit international du développement est avant tout un droit voulu par le tiers-monde, sa réalisation se heurte souvent aux réticences des pays industrialisés occidentaux. Ce droit vise à remettre en cause le libéralisme économique international, auquel les pays occidentaux restent attachés. Ainsi se précise la nature du droit international du développement: un droit au service d'une finalité qui est, à l'échelle des relations internationales, la lutte contre le sous-développement et la recherche d'une véritable indépendance pour les pays pauvres. La réalisation de cet objectif majeur nécessite la refonte totale du système économique international, d'où l'appel de la part de ces pays à un Nouvel Ordre Économique International (NOEl). La demande d'un renouvellement de l'ordre économique international remonte au début des années 1970, période au cours de laquelle les pays pauvres en arrivèrent à la conclusion que l'ordre économique mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale se déploie inéluctablement à leur détriment. La sixième session extraordinaire de l'Assemblée générale, qui s'est tenue du 9 avril au 1ermai 1974, va adopter les textes d'une déclaration et d'un programme d'action relatifs à l'instauration d'un NOEI25. Malheureusement, les actions et recommandations du NOEl n'aboutiront pas, le Droit international du développement se soldera par un échec. Il s'en est suivi un repli de ces États sur eux-mêmes, avec une dimension plus nationale donnée à la lutte pour le développement. Dès lors, le cheval de bataille en matière de développement devient économique, avec une mobilisation sans précédent des ressources naturelles.
.
24. G. FEUER, op. cil. p. 24-25. 25. Résolutions 3202 (SVI) et 3202 (SVII)
34
IL Le développement durable en Afrique Il est indispensable de s'interroger, de savoir où en est l'Afrique depuis Rio en matière de développement durable. Du bel unanimisme consacré lors de cette Conférence, il en est ressorti un souhait, fort opportunément formulé par le Professeur Chapuis lorsqu'il déclare que le développement durable devrait désormais constituer la « matrice conceptuelle »26de toute politique. Il est vrai que les pays africains sont restés prudents face à cette notion. Ils l'appréhendent comme une tentative de limiter leurs moyens de développement. Quoi qu'il en soit, près de quarante ans après les indépendances, des signes d'inquiétude sont apparus dans le modèle de développement des pays africains. En conséquence, le développement durable devrait y constituer un impératif (A). Au-delà de cette nécessité, quelle est aujourd'hui la réalité de cette notion en Afrique? (B).
A. L'impératif du développement durable en Afrique L'accession à la pleine souveraineté a permis aux pays africains de mettre en œuvre des politiques de développement dont l'objectif affirmé était de sortir de la pauvreté. Ils concrétisaient ainsi le droit au développement tant revendiqué après les indépendances. Malheureusement, l'accent mis sur l'aspect quantitatif du développement fait planer de nombreuses menaces sur leur environnement (1). Il est à noter, tout de même, une prise de conscience de l'importance de l'environnement dans ces pays (2).
1. L'exercice du droit au développement: modèle de développement actuel
limites et dangers du
La bataille pour le développement, menée par les pays africains, s'est rapidement déportée sur le terrain économique, avec une place importante réservée à la croissance économique. Les stratégies nationales de développement le démontrent largement. En matière stratégique, l'import-substitution27 adoptée par ces pays avait pour objectif de produire localement les produits de consommation importés auparavant de la métropole. Cette technique constituait un moyen pour ces pays de lancer leur développement économique et de réduire leur dépendance par rapport aux anciennes métropoles coloniales, à travers la diversification de leurs structures productives28. Ils en ont, pour un premier temps tout au moins, tiré quelques avantages avec l'émergence de quelques industries comme les minoteries, les conserveries de fruits et légumes. On peut noter également le développement d'autres activités industrielles comme la fabrication des matières agricoles, d'articles de quincaillerie, 26. SMD DUBOIS, Droit de l'Organisation mondiale du commerce et protection de l'environnement, Bruylant, 2003. 27. H. BEN HAMMOUDA,L'Afrique, l'OMC, et le Développement, Maisonneuve et Larose, Paris, 2005, p. 165. 28. Ibidem.
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d'industries de peinture, de vernis, etc. Malheureusement ces retombées n'auront pas duré, et cette politique d'import-substitution se soldera par un échec. De même la relance par l'agriculture échouera. La révolution agricole29 compte tenu des importantes mutations en terme culturel mais aussi en terme de coûts financiers et technologiques, ne sera pas finalement d'un grand secours.
Il n'empêche que les appels à l'ouverture économique3D en vue de doper la croissance31 se sont multipliés. Car pour certains (OMe), la démonstration est faite que la croissance économique entraîne le développement. La croissance économique était l'un des critères majeurs d'appréciation du développement. La bonne tenue des agrégats macroéconomiques a constitué, pendant des années, un critère d'appréciation du développement des pays africains, à l'exclusion de tout autre critère social, humain ou environnemental. La croissance désigne uniquement l'augmentation des quantités productives indépendamment de leur qualité et de leur impact social et écologique, alors que le développement englobe la croissance mais la dépasse qualitativement en ayant pour objectif le bien-être humain. Aujourd'hui, les analystes postulent une autre vision de la croissance du fait des coûts sociaux et écologiques qu'elle a entraînés32. Le pouvoir magique de la croissance longtemps vanté n'opère plus devant les difficultés économiques de l'Afrique dont la croissance demeure pourtant positive33. Nonobstant le caractère positif des chiffTes, on observe paradoxalement une augmentation de la pauvreté. De plus, telle qu'elle a été pratiquée et magnifiée depuis longtemps, la croissance a fini par constituer une menace pour l'environnement. Les pays africains n'échappent pas à la logique productive, devenue le signe du temps. L'exemple du CILLS34 en matière de développement agricole est très symptomatique. Le CILLS créé en 1973 et le Club du Sahel ont été finalement convaincus que l'objectif de développement stratégique de la région devrait être l'autosuffisance alimentaire. La stratégie, définie par les donateurs (OCDE et 29. La révolution agricole désigne les grands bouleversements de la technique et des usages agraires qui, dans l'Europe, à des dates variables et selon les pays, marquèrent l'avènement de l'exploitation contemporaine. http://conte. u-bordeaux./r 30. FOCUS, Bulletin d'information, OMC, mai- juin 2000, n° 46, p. 5. 31. La croissance économique se définit comme un processus quantitatif qui se traduit par l'augmentation, au cours d'une longue période, d'un indicateur représentatif de la production des richesses des pays, le plus souvent le produit intérieur brut (PIB) en volume, voire le produit national brut (PNB). Cette définition est purement quantitative. Le PIB correspond à la production annuelle d'un pays, et indique l'augmentation de la production de la richesse économique d'une année à l'autre. J.-M. HUART,Croissance et développement, Bréal 2003, p. 12. 32. Se reporter, entre autres, aux analyses du mensuel Silence, « objectif croissance vers une société harmonieuse », Parangon, Lyon, 2003; J.-M. HARRIBEY, « Une contradiction insurmontable », le Monde Diplomatique, décembre 2002; Richard DOUTHWAITE,« The Growth illusion », Gabriola Irland, (Canada) New society publishers, 1999. 33. Réunis le 12 septembre 2006 à Paris les ministres des Finances de la zone franc ont constaté une hausse de l'activité économique en zone franc de 4 % en 2005, et la croissance économique devrait être comprise entre 3,2 % et 4 %. http://www.rfi.fr/Fichiers/MFI. 34. Le Comité interÉtats de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILLS), regroupe de nombreux États parmi lesquels certains d'Afrique francophone, tels que le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Mali, le Niger et le Sénégal.
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institutions internationales), reposait sur la croissance de la production rurale exclusivement par des moyens extensifs, dans des conditions qui ont progressivement mis en danger l'équilibre écologique de la région. La catastrophe est due à la destruction du capital foncier. Dans cette extension de la superficie, la responsabilité des cultures d'exportation est mise en cause, au Sénégal par exemple. L'arachide et le coton occupent une place importante dans ces régions, et la « rentabilité» implique l'extension des surfaces cultivées. Les conséquences qui en résultent sont désastreuses. Les études sur la désertification de bassin arachide du Sénégal par tranches l'ont prouvé35. Il faudrait aussi relever, la baisse de certaines ressources naturelles. Cette baisse est liée forcément à la sollicitation dont ces ressources font l'objet. Les activités motrices de la croissance en Afrique, quand celle-ci existe, puisent éminemment dans les ressources naturelles. On peut citer par exemple les mines, en particulier le pétrole et d'autres activités comme l'agriculture d'exportation
(relativement riche - cacao, café - ou pauvre, arachide)36.S'agissant du pétrole, l'utilisation irrationnelle, la gestion patrimoniale de cette ressource menace gravement sa durabilité dans certains pays comme le Cameroun et le Gabon. Dans le domaine forestier, d'importants progrès ont été réalisés en vue de la rénovation des législations forestières, l'objectif étant d'orienter la gestion de ce secteur vers un développement socio-économique durable. Malheureusement ces réformes n'écartent pas pour autant les menaces qui pèsent sur ces forêts, et audelà sur l'écosystème. Car ces forêts du fait de leur biodiversité constituent des écosystèmes uniques. Seul l'aspect économique revêt de l'importance pour les différents acteurs. Les exploitants veulent réaliser le maximum de profit, et l'État encaisser la rente forestière. 2. La prise de conscience
environnementale
africaine
Il est indéniable que l'influence juridique internationale a été déterminante. Néanmoins on observait déjà un développement juridique et institutionnel sur le plan national. L'influence juridique internationale (Rio) La prise de conscience africaine relativement à l'exigence de la protection de l'environnement ne s'est pas opérée spontanément, comme une illumination soudaine. La prise de conscience environnementale de l'Afrique a été le fruit d'une somme de contraintes et d'expériences de désastres écologiques extracontinentaux d'une part, mais aussi d'un travail méthodique de réexplication de la problématique écologique entrepris à l'échelle internationale, mettant en relief les avantages d'un développement écologiquement équilibré, d'autre part3? 35. S. AMIN,La faillite du développement en Afrique et dans le Tiers-Monde, Une analyse politique, l'Hannattan, 1989, p. 135. 36. Ibidem. 37. M. KAMTO,Droit de l'environnement en Afrique, EDICEF/AUPELF, 1996, p. 34. 37
Le début de la décennie 1990 constitue un tournant majeur dans le discours environnemental en Afrique. La préparation de l'événement majeur qu'a constitué le Sommet de la Terre à Rio du 3 au 14 juin 1992 en est véritablement le déclic. La plupart des institutions, des structures ministérielles compétentes en matière d'environnement ont été créées à la fin des années 1980 ou au début des années 1990. La rénovation des textes existants ou même l'adoption de nouvelles lois sont intervenues à la même période, voire un peu plus tard pour certains pays (voir infra). Le nouveau paradigme du développement durable consacré juridiquement à Rio véhiculait une nouvelle problématique du développement qui concernait ces pays au premier chef. Non seulement la donne internationale changeait en matière de protection de l'environnement, mais aussi des contraintes extérieures durent bousculer l'attitude plus ou moins laxiste des pays africains en matière de protection de l'environnement. La plupart des institutions multilatérales ou bilatérales d'aide au développement ont créé en leur sein des structures chargées spécifiquement des questions environnementales notamment, de veiller à la prise en compte de l'impact sur l'environnement de tous les projets de développement financés par elles38. Dorénavant, ces pays se devaient d'introduire un volet, une vision environnementale dans leur politique de développement. Cette nouvelle vision du développement était loin d'être consensuelle. Les négociations et les débats lors du Sommet de Rio ont été difficiles entre certains pays du Nord partisans d'une protection totale de l'environnement et les pays du Sud qui y voyaient un geste inamical visant à stopper leur développement. L'environnement devenait de ce fait un enjeu de développement pour les pays africains et les autres pays du Sud. L'un des textes qui cristallisa cette opposition est la Déclaration sur les forêts: les États forestiers invoquaient leurs droits souverains39 à exploiter leurs ressources naturelles, au contraire des pays industrialisés qui insistaient sur l'importance globale des forêts et la nécessité de prendre des décisions au niveau international à ce sujet, pour le bien de l'humanité. Les divergences sont restées tellement fortes que la Déclaration adoptée est dépourvue d'une valeur juridique contraignante40 et revêt beaucoup plus un aspect moral. Cette Déclaration constitue une invite à une prise de conscience de l'importance de l'environnement. En définitive, il revient à chaque État de prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection de ces écosystèmes particuliers. Quoi qu'il en soit une nouvelle donne s'imposait, et l'environnement investissait désormais la sphère politique nationale.
38. M. KAMTO, op. cil. p. 35.
39. Résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée générale des Nations unies en date du 14 décembre 1962: « Souveraineté permanente sur les ressources naturelles ». 40. La formulation retenue, très alambiquée traduit l'impossible consensus. Les États se sont contentés d'une Déclaration dont le titre est d'une prodigieuse ambiguïté: « Déclaration de principe, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l'exploitation écologiquement viable des forêts ». Rio 3-14 juin 1992.
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Le développement juridique et institutionnel national La prise de conscience de l'importance environnementale en Afrique s'est traduite par l'adoption de nouvelles législations, ou l'amendement des législations anciennes, et aussi par la consécration des institutions nouvelles. Les législations majeures en matière de protection de l'environnement sont consacrées à la protection de la nature, avec une prédominance pour les législations forestières. Cet état de fait est compréhensible, dans la mesure où les forêts constituent la caractéristique physique majeure de ces pays. Au Cameroun, la révision de la loi sur les forêts de 1981 a donné naissance à la loi de janvier 199441. D'une manière générale, la législation réformée a pour objectif d'assurer une meilleure protection du patrimoine forestier national, la protection de l'environnement et de la biodiversité. D'autres législations existent notamment en matière d'hygiène et de salubrité42, des établissements dangereux insalubres et incommodes43, de la collecte, du transport et du traitement des déchets industriels, des ordures ménagères, et des matières de vidanges sanitaires 44 . Au Bénin, la législation porte sur la protection de la nature et l'exercice de la chasse45.En 1994, le Burkina Faso se dote d'un Code de l'environnement46. Ce texte vient s'ajouter à d'autres notamment celui relatif à la conservation de la faune et l'exercice de la chasse47. On retrouve les mêmes grandes lignes en matière législative dans la plupart des pays. Dans le domaine forestier en Côte d'Ivoire, au Congo48 même si ce dernier adoptait en 1991 une loi sur la protection de l'environnement. Les autres pays ne sont pas en reste: tel est le cas du Gabon49 qui se dote en plus en 1993 d'une loi relative à la protection et à l'amélioration de l' environnement5o. Au Mali, la législation adoptée ne s'écarte pas vraiment des schémas précédents. Ce pays adopte deux lois majeures, une sur la pêche51 et une autre portant Code forestier52. On le constate, les pays africains sans évoquer 41. Loi n° 94-01 du 20 janvier 1994 fixant le régime des forêts, de la faune et de la pêche. 42. Arrêté n° 1/10/1937 fixant les règles d'hygiène et de salubrité à appliquer dans le territoire du Cameroun. 43. Décret n° 76-372 du 27 septembre 1976 portant réglementation des établissements dangereux, insalubres ou incommodes. 44. Note circulaire n° 069/MSP/DMPHP/SHP A du 20 août 1980 relative à la collecte, au transport et au traitement des déchets industriels, ordures ménagères et matières de vidange. 45. Ordonnance n° 80-8 du Il février 1980 portant réglementation sur la protection de la nature et l'exercice de la chasse. 46. Loi n° 002/94 ADP du 19 janvier 1994 portant Code de l'environnement. 47. Ordonnance n° 68-59PRES AGRI EL EF du 31 décembre 1968 sur la conservation de la faune et l'exercice de la chasse en Haute-Volta, amendée par la loi n° 18/73/AN du 29 novembre 1973 et l'ordonnance n° 74/064 PRES du 27 septembre 1974. 48. Loi du 4 janvier 1974 portant Code forestier, modifiée par les lois n° 32/82 du 7 juillet 1982 et n° 6/83 du 27 janvier 1983. 49. Loi d'orientation en matière d'eaux et forêts du 22 juillet 1982. 50. Loi n° 16/93 du 26 août 1993, relative à la protection et à l'amélioration de l'environnement. 51. Loi n° 63-7/AN-RM du Il janvier 1963 sur la pêche en République du Mali. 52. Loi n° 68-8/AN-RM du 7 février 1968 portant Code forestier.
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parfois le terme « environnement» avaient adopté des législations de protection de celui-ci, même si la quintessence de ces dernières se réduit au domaine forestier. La prise de conscience environnementale s'est traduite aussi par la mise en place de nouvelles institutions. Certains pays, tel que le Bénin ont mis sur pied une Agence Nationale de l'Environnement (ANE). C'est aussi le cas au Cameroun avec l'Agence Nationale d'Appui au Développement Forestier (Anafor). Cette institution a pour objet, directement ou indirectement, d'appuyer la mise en œuvre du programme national de développement des plantations
forestières privées et communautaires53. Toutefois, le ministère de l'Environnement et des Forêts apparaît comme le maître d'œuvre de la politique forestière nationale54. Tous les pays se sont dotés d'un ministère de l'environnement, mais pas du développement durable pour l'instant55. Est-ce la preuve de la difficile acceptation de ce concept dans cette partie du continent?
B. La réalité du développement durable en Afrique Nul ne saurait nier l'importance de la terminologie institutionnelle dans la réalisation de toute politique. Néanmoins, seule la pratique est déterminante à l'épreuve des faits, dans la mesure où elle permet de juger du niveau d'intégration des concepts (en l'occurrence du développement durable), et de la réalisation des objectifs politiques y afférant. Relativement au développement durable, où en est l'Afrique dans l'intégration et la réalisation des objectifs liés à ce concept? À ce propos, quel accueil ce concept a-t-il reçu de la part des pays africains (1) ? Par ailleurs, comment ces derniers entendent-ils le traduire dans les faits (2) ? 1. L'accueil
du concept de développement
durable
Dès le départ, l'Afrique a observé une attitude ambiguë, voire hostile face à la consécration du concept de développement durable. Cette attitude à certains égards a pu prêter à équivoques. Elle a pu accréditer une certaine thèse qui concluait à l'indifférence, voire à l'hostilité des États africains aux problèmes d'environnement. Certes, en tant que continent sous-développé et dans
53. Art. 3 du décret n° 2002/156 de juin 2002. 54. Décret du PR, n° 92/265 du 28 décembre 1992 portant organisation du ministère de l'Environnement et des Forêts. 55. La terminologie du développement durable est pour le moment absente de la dénomination de la plupart des structures ministérielles de protection de l'environnement. Selon les pays, on retrouve le ministère de l'Environnement et de la Protection de la nature au Sénégal, le ministère de l'Environnement, de l'Habitat et de l'Urbanisme au Bénin, le ministère de l'Environnement togolais et de la Protection forestière, le ministère de l'Environnement, de la Protection de la nature, de la Recherche et de la Technologie au Gabon, le ministère de l'Environnement et de l'Assainissement au Mali, ou le ministère de l'Environnement et du Cadre de vie au Burkina Faso.
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l'ensemble faiblement industrialisé, l'Afrique a tendance à différer la lutte contre la pollution industrielle et d'autres formes de nuisances liées en particulier à
l'essor des villes 56. Mais l'Afrique a très tôt mis l'accent sur la protection de la nature et des ressources naturelles. Son intérêt pour ces aspects du problème de l'environnement est de loin antérieur à l'organisation des grandes conférences onusiennes consacrées à la protection de l'environnement. Sans remonter à la période coloniale qui avait vu la naissance des premiers instruments de protection de l'environnement, d'une valeur juridique somme toute douteuse, c'est dans l'ordre conventionnel classique qu'il convient de rechercher le droit positif
africain en matière de protection de la nature et des ressources naturelles 57, (voir infra). L'attitude africaine décriée à Rio traduit le scepticisme et la suspicion des pays africains relativement au concept du développement durable. Les négociations chaotiques, qui eurent lieu lors de cette Conférence, préfiguraient la difficile appropriation par les pays africains du concept de développement durable. Les pays africains percevaient cette notion comme une tentative des pays du Nord de limiter leur développement, ces derniers y étant déjà parvenus. Par ailleurs, ils y voyaient en toile de fond, à terme, la remise en cause de leur souveraineté. Le problème posé était celui de la conciliation entre d'une part leur volonté légitime de se développer, et d'autre part, la nécessité de protéger l'environnement. Ces États insistent d'autant plus sur la relation entre le droit à l'environnement et le droit au développement que la reconnaissance d'une telle relation par la communauté internationale, en particulier par les pays développés, pourrait leur permettre de réaliser des objectifs qu'ils n'avaient pu atteindre par le biais du Nouvel Ordre Économique International (NOEI)58. Droit à l'environnement et droit au développement présentent en effet des similitudes d'approche en terme de rapport Nord-Sud et de doctrine de solidarité. Le droit au développement impose d'éliminer, au niveau international, tous les obstacles d'ordre juridique qui se dressent devant les efforts des peuples pour sortir du sous-développement; surtout, comme le droit à l'environnement vu sous l'angle du principe de la responsabilité commune mais différenciée promu par la Déclaration de Rio, il met à la charge des pays développés des efforts financiers plus importants. Quant à la solidarité, elle trouve, en matière de protection de l'environnement comme en matière de développement, son fondement dans l'exigence pour les acteurs internationaux de déployer une action collective par voie de concertation et de négociation59.
56. M. KAMfO,« Les conventions régionales sur la conservation de la nature et des ressources naturelles en Afiique et leur mise en œuvre», RJE 4-I99I. 57. Ibidem. 58. Ibidem. 59. Ibidem. 41
2. La matérialisation du développement durable en Afrique Trois critères peuvent être retenus pour l'appréciation du développement durable en Afrique. Le premier est celui de la législation. Dans ce domaine, l'essentiel de la législation en vigueur dans les différents pays a été précédemment abordé (voir supra). Il s'agit essentiellement des législations liées à la protection de la nature et des ressources naturelles. Ce réflexe est commandé par l'environnement physique et l'aspect culturel, compte tenu du rapport étroit qui lie les populations à la nature. Ces pays se sont dotés des législations forestières, des législations qui réglementent la chasse, parfois ont adopté des Codes de l'environnement, avec l'ambition affichée d'une gestion durable des ressources forestières. Cet effort législatif se retrouve aussi au niveau continental, et régional. Les conventions adoptées pour la plupart avant la consécration internationale du développement durable poursuivent toutefois le même objectif. Elles obéissent à la même logique que les lois nationales, à savoir la protection de la nature et des ressources naturelles. Il s'agit pour l'essentiel des conventions africaines relatives à la protection des espèces et écosystèmes continentaux. On y retrouve des conventions édictant des mesures normatives. Tel est le cas de la Convention d' Alger60. C'est en réalité la seule convention régionale africaine de portée générale en matière de protection de la nature et des ressources naturelles. Elle s'occupe en effet de tous les aspects de la conservation de la diversité biologique6! . Certaines conventions ont un caractère sous-régional très marqué. C'est le cas de la Convention sur les Formalités de chasse applicables aux touristes entrant , dans les pays du Conseil de 1 Entente 62 . Il en est de même de l'Accord portant réglementation commune sur la faune et la flore, signé le 3 décembre 1977 à Enugu (Nigeria). Aux termes de cet accord, conclu entre les États membres de la Commission du bassin du lac Tchad63, les États parties doivent coopérer pour préparer une liste commune des espèces protégées fondée sur l'annexe de la Convention d'Alger. Un autre accord se révèle très intéressant, du moins au niveau de ses dispositions. C'est l'Accord de coopération et de conservation entre États d'Afrique centrale sur la conservation de la faune sauvage64. Selon les signataires de cet accord, la nécessité de la conservation de la faune sauvage tient au fait que celle-ci «constitue, par sa beauté et sa variété, un élément irremplaçable des 60. Cette convention, en gestation dès 1960, a été techniquement préparée par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en liaison avec un groupe de travail de ye sommet ordinaire de l'Organisation l'OUA, et a été adoptée le 15 septembre 1968 par le panafricaine. Elle est entrée en vigueur le 7 mai 1969. 61. M. KAMTO,op. cit. 62. Le Conseil de l'Entente est une organisation politique sous-régionale de l'Afrique de l'Ouest regroupant le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Niger et le Togo. 63. Il s'agit du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad. 64. Cet accord a été signé à Libreville le 16 avril 1983 entre le Cameroun, le Gabon, la République centrafricaine et le Soudan.
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systèmes naturels, qui doit être protégé par les générations présentes et futures ». On le constate, le souci de la gestion durable de l'environnement était déjà présent dans ces instruments juridiques. Au vu de ce qui précède, la législation environnementale paraît matériellement fort limitée. Le développement durable qui devrait être une notion transversale, revêt dans la vision africaine une vision restreinte. Car, des pans entiers du domaine environnemental n'y sont pas pour l'instant intégrés. Les réglementations nationales souffrent de nombreuses lacunes en matière de pollution, pollution de l'air, pollution par les hydrocarbures. La politique d'habitat ou d'aménagement urbain, la gestion des territoires, la politique des transports et bien d'autres n'intègrent pas pour l'instant le critère de la durabilité. Un autre domaine qui met les pays africains sur le devant de la scène compte tenu de leurs ressources naturelles, est celui des biotechnologies. Le vide juridique constaté dans les différentes législations démontre que ces pays sont incapables pour l'instant de se protéger des activités de biopiratage qui tendent à se développer. Il est vrai que dans le domaine des OGM des législations commencent à se mettre en place65, face à la pression de certains promoteurs du coton transgénique (Btll) présenté comme la solution pour soutenir la concurrence internationale. Ensuite, sur le plan institutionnel, au sommet de l'administration de l'environnement se trouve un ministère de l'Environnement qui est en quelque sorte la clef de voûte du système dans tous les pays. Les directions des différents ministères consacrés à la protection de la nature s'occupent d'un aspect particulier qui cadre très souvent avec la dénomination du ministère. On recense par exemple la Direction de l'Environnement dans tous les pays, la Direction des Eaux, des Forêts de la Pêche, ou de la Conservation du sol (Bénin, Cameroun), la Direction de l'Habitat et de la Construction... On assiste donc à une approche institutionnelle très classique, basée sur une gestion primaire de l'environnement. Enfin, l'existence de la volonté politique est réelle. Les autorités politiques dans certains pays ont intégré les préoccupations environnementales dans les lois fondamentales. C'est le cas de l'article 15 de la Constitution malienne qui déclare que « Toute personne a droit à un environnement sain. La protection, la défense de l'environnement et la promotion de la qualité de la vie sont un devoir pour tous et pour l'État66.» De même le constituant camerounais de 199667 a constitutionnalisé le droit à un environnement sain, qui ouvre très largement la voie à la réception des normes et principes relatifs à la préservation de l' environnement68.
65. «Environnement et Commerce» Perspectives pour l'Afrique de l'Ouest, Institut des Nations unies pour la Fonnation et la Recherche (Unitar), 2006. 66. Loi fondamentale du 25 février 1992. 67. Préambule de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996. 68. 1.-Cl. THEUWA,« Les préoccupations environnementales en droit positif camerounais », RJE, 1/2006, p. 21. D'autres États africains tels que le Bénin (Art 27, loi na 90-32 du Il décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin) ou le Congo (Art. 46, 47, 48 de la Constitution du 15 mars 1992).
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Il faudrait par ailleurs noter que ces pays sont parties à la plupart des accords et conventions internationaux relatifs à l'environnement, tels que la Convention des Nations unies sur les changements climatiques, la Convention sur la diversité biologique, la Convention de Bâle, la Convention des Nations unies sur les luttes contre les désertifications69... Tout cet arsenal juridique national et international aurait dû orienter les politiques stratégiques environnementales de ces pays. Malheureusement de nombreuses lacunes persistent. Les politiques mises en place, d'un développement qui se veut durable, sont demeurées le plus souvent sectorielles et partielles. L'absence de concertation aux différents niveaux qui regroupent à la fois les populations, la société civile, les ONG, l'État et les différents partenaires au développement, n'a pas favorisé le développement des synergies entre les intervenants, d'où les incohérences dans les actions menées sur le terrain. Ainsi, de nombreuses inadéquations sont très souvent relevées entre les orientations, les stratégies d'intervention et la nature des contraintes environnementales. L'approche verticale de la structure administrative, avec une centralisation excessive est sans doute une des raisons de l'échec de ce nouveau paradigme que constitue le développement durable. En outre, l'insuffisance des données fiables, l'absence d'indicateurs d'impact et de suivi de l'état de l'environnement, constitue de sérieux handicaps pour une gestion efficace des ressources et de l'environnement7o. On l'aura constaté, en Afrique le problème ne se situe pas réellement au niveau de l'arsenal juridique, pas tellement non plus au niveau de la volonté politique, mais plus au niveau de la méthode. Il est temps d'adopter en la matière non seulement une réelle politique de gouvernance, mais aussi de management environnemental, si l'on veut rendre opérationnels et concrets les objectifs de développement durable tels que définis dans l'Agenda 2 FI. Malheureusement, il faut bien reconnaître que l'Afrique se trouve à un stade expérimental dans le domaine du développement durable. Bibliographie Ouvrages ABDULAHF., in Droit international Bilan et perspectives, tome II, Éd. Pedone, 1991. AMIN S., Lafaillite du développement en Afrique et dans le Tiers-Monde, Une analyse politique, Ed., L'Harmattan, 1989. 69. M. PRIEUR (dir.), La mise en œuvre nationale du droit international de l'environnement dans les pays francophones, AUF, Limoges, 2003. 70. T. BENEDlCfE, « Les enjeux du développement durable en Aftique sub-saharienne : le cas du Mali, Ico TEM, 12 avri12007. 71. En 1992, lors du Sommet de la Terre de Rio, 173 pays adoptent l'Action 21 ou l'Agenda21. C'est une déclaration qui fixe un programme d'actions pour le XXIesiècle dans des domaines très diversifiés afin de s'orienter vers un développement durable. 44
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LE DROIT AU DÉVELOPPEMENT CONFRONTÉ AU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Droit international économique et droit international de l'environnement: quelle conciliation? L'exemple de l'anticipation des risques biotechnologiques dans le cadre de l'OMC Maria
FRANCHETEAU.
C'est lors de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement (CNDED), également appelée Sommet de la Terre, qui s'est déroulée du 3 au 14 juin 1992 à Rio de Janeiro au Brésil, que la nécessité d'intégrer les préoccupations d'environnement au processus de développement, est officiellement consacrée. Le principe 4 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, adoptée le 13 juin 1992 lors de ce sommet, dispose en effet que « pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément» J . Aussi les instruments juridiques internationaux devraient-ils désormais intégrer la préoccupation de développement durable, véritable matrice conceptuelle2 inspiratrice du droit international de l'environnemene. Les instruments, qui ont pour objet la protection de l'environnement, signés lors de la CNDED, s'inscrivent de facto dans l'objectif de développement durable: on peut citer la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, adoptée le 9 mai 1992 mais ouverte à la signature lors de ce sommet4, ainsi que
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DCS-CERP3E I. La Déclaration de Rio peut être consultée à partir de l'adresse Internet suivante: http://www.un.org. 2. P.-M. Dupuy, «Où en est le droit international de l'environnement à la fin du siècle? », RGD/P, n° 4, 1997, p. 873-903, p. 889. 3. Voir P. DAILLIERet A. PELLET,Droit international public, 7° éd., LGDJ, 2002,1510 p., p. 1305. 4. La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques peut être consultée à partir de l'adresse internet suivante: http://unfccc.int.
la Convention sur la diversité biologique du 5 juin 19925, D'autres instruments juridiques internationaux, adoptés après le Sommet de la Terre, y font également référence. Tel est le cas des instruments juridiques ayant pour objet la protection de l'environnement: ainsi, par exemple, le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la diversité biologique, adopté à Montréal le 29 janvier 20006, plus succinctement appelé Protocole Biosécurité, se réfère expressément au développement durable à l'alinéa 9 de son préambule: celui-ci dispose que « les accords sur le commerce et l'environnement devraient se soutenir mutuellement en vue de l'avènement d'un développement durable. » D'autres instruments juridiques internationaux qui n'ont pas pour objet la protection de l'environnement, également adoptés après le Sommet de la Terre, se réfèrent expressément au développement durable, tel l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) adopté en 1994, à l'alinéa 1er de son préambule7. Certes, en droit international public, les éléments cités dans le préambule d'un instrument juridique ne possèdent pas de force juridique obligatoireS, Toutefois, ils en constituent un élément d'interprétation9, L'une des manifestations de l'intégration de l'objectif de développement durable dans le cadre de l'OMC est l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS), également adopté en 1994 H). Faisant partie du corpus juridique de l'OMCll, il prévoit à l'alinéa 1er de son préambule, qu'aucun membre de l'OMC « ne devrait être empêché d'adopter ou d'appliquer des mesures nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des
5. La Convention sur la diversité biologique peut être consultée à partir de l'adresse Internet suivante: http://www.cbd.int. 6. Le protocole Biosécurité peut être consulté à partir de l'adresse Internet suivante: http://www. biodiv. org. 7. L'al. premier du préambule de l'Accord instituant l'OMC dispose que «ses parties reconnaissent que leurs rapports dans le domaine commercial et économique devraient être orientés vers le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et d'un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, et l'accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services, tout en permettant l'utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l'objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et préserver l'environnement et de renforcer les moyens d'y parvenir d'une manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs à différents niveaux de développement économique ». L'Accord instituant l'OMC peut être consulté à partir de l'adresse Internet suivante: http://www.wto.org. 8. Voir P. DAILLIER et A. PELLET, op. cit., p. 132. Voir aussi: M. KAMTO, «Les nouveaux principes du droit international de l'environnement », RJE, l, 1993, p. 11-22, p. 20; M.-P. LANFRANCHI, «L'Organisation mondiale du commerce et la protection de l'environnement », p.127-143, in S. MALJEAN-DuBOIS (dir.) et J. BOURRINET(préf.), L'outil économique en droit international et européen de l'environnement, Aix-en-Provence, CERIC, Paris, La Documentation française, 2002, 513 p., p. 127-128, 130, 137. 9. Voir P. DAILLIERet A. PELLET,op. cit., p. 132. 10. L'Accord SPS peut être consulté à partir de l'adresse Internet suivante: http://www.wto.org. 11. Tous les accords de l'OMC adoptés en 1994 font partie du corpus juridique de rOMC. Ainsi, en devenant membre de rOMC, un État adhère automatiquement à ce corpus et devient État partie à tous les accords de l'OMC.
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animaux ou à la préservation des végétaux» sur son territoire1Z, plus succinctement, des mesures sanitaires et phytosanitaires (mesures SPS). Ainsi, qu'ils aient été adoptés pendant ou après le Sommet de la Terre, et qu'ils aient pour objet la protection de l'environnement ou la libéralisation des échanges de marchandises, certains instruments juridiques internationaux prévoient l'objectif de développement durable. Néanmoins, des moyens doivent également être prévus afin que les États puissent effectivement le réaliser. L'adoption de mesures de précaution par les États en est un. En effet, comme MM. P. Daillier et A. Pellet le soulignent à juste titre, le développement durable «trouve son prolongement et sa concrétisation dans le principe de précaution» 13. Ce dernier, ou « l'approche de précaution» aux termes de l'article 1erdu Protocole Biosécurité, est défini au principe 15 de la Déclaration de Rio. Celui-ci dispose que: Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement. Plusieurs instruments juridiques internationaux donnent le droit à leurs États parties d'adopter et d'appliquer des mesures de précaution. Tel est le cas du Protocole Biosécurité, qui prévoit que son objectif est, «conformément à l'approche de précaution consacrée par le Principe 15 de la Déclaration de Rio », « de contribuer à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderneI4, qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine, en mettant plus précisément l'accent sur les mouvements transfrontières» 15 des organismes vivants modifiés (OVM) entrant dans le champ d'application du ProtocoleI6. 12. Voir aussi l'article 5.1 de l'Accord SPS. 13. Le principe de prévention est aussi un principe nécessaire à la réalisation du développement durable. Voir P. DAILLIERet A. PELLET,op. cil., p. 1307. 14. Le Protocole Biosécurité définit un organisme vivant modifié, comme «tout organisme vivant possédant une combinaison de matériel génétique inédite obtenue par recours à la biotechnologie moderne» (article 3 g)). Il définit par ailleurs la biotechnologie moderne, comme« l'application de techniques in vitro aux acides nucléiques, y compris la recombinaison de l'acide désoxyribonucléique (ADN) et l'introduction directe d'acides nucléiques dans des cellules ou organites », «la fusion cellulaire d'organismes n'appartenant pas à une même famille taxonomique », « qui surmontent les barrières naturelles de la physiologie de la reproduction ou de la recombinaison et qui ne sont pas des techniques utilisées pour la reproduction et la sélection de type classique» (article 3 i)). 15. Voir l'article 1er du Protocole Biosécurité. 16. Précisons que selon l'article 5 du Protocole Biosécurité, ce dernier ne s'applique pas aux mouvements transfrontièrs d'OVM qui sont des produits pharmaceutiques destinés à l'homme, relevant d'autres accords ou organismes internationaux pertinents, tel l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il s'applique toutefois aux OVM destinés à être introduits intentionnellement dans l'environnement des parties importatrices, tels les OVM agricols. Il s'applique aussi aux OVM
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Cela peut être le cas des OVM qui sont commercialisés et exportés vers le territoire des parties au Protocole, pour y être par exemple introduits intentionnellement dans leur environnement, notamment aux fins de l'agriculture; il en va de même de ceux qui sont destinés à être utilisés directement pour l'alimentation humaine ou animale, ou à être transformés, sur le territoire des parties importatrices. Ce sont plus précisément les articles 10.6 et II.8 du Protocole qui donnent le droit à ses parties d'adopter des mesures de précaution, et plus particulièrement des mesures visant à anticiper les risques que les OVM pourraient véhiculer pour l'environnement et la santé. S'agissant des OVM agricoles, l'article 10.6 dispose que: L'absence de certitude scientifique due à l'insuffisance des informations et connaissances scientifiques pertinentes concemant l'étendue des effets défavorables potentiels d'un OVM sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique dans la Partie importatrice, compte tenu également des risques pour la santé humaine, n'empêche pas cette Partie de prendre comme il convient une décision concernant l'importation de cet OVM, pour éviter ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels. Presque dans les mêmes termes, l'article II.8 prévoit, concernant les OVM alimentaires, que « l'absence de certitude scientifique due à l'insuffisance des informations et connaissances scientifiques pertinentes concernant l'étendue des effets défavorables potentiels d'un OVM sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique dans la Partie importatrice, compte tenu également des risques pour la santé humaine, n'empêche pas cette Partie de prendre comme il convient une décision concernant l'importation de cet OVM, pour éviter ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels. » De même, l'Accord SPS donne le droit aux membres de l'OMC d'adopter et d'appliquer des mesures SPS de précaution, à condition qu'ils respectent les prescriptions cumulatives de son article 5.7: en effet, « dans les cas où les preuves scientifiques pertinentes sont insuffisantes, un Membre peut provisoirement adopter des mesures SPS », notamment mais pas uniquement, sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisations internationales (01) compétentes ainsi que ceux qui découlent des mesures SPS appliquées par d'autres Membres. Dans de telles circonstances, « les Membres s'efforcent d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque et examinent en conséquence leur mesure SPS dans un délai raisonnable ». Les mesures de précaution adoptées par les parties au titre des articles 1er, 10.6 et 11.8 du Protocole Biosécurité, comme celles adoptées par les membres de l'OMC au titre de l'article 5.7 de l'Accord SPS, ont pour obj ectif commun la réalisation du développement durable. Or, bien que le Protocole Biosécurité et l'Accord SPS autorisent leurs États parties à adopter et appliquer des mesures de précaution afin de protéger destinés à être utilisés directement pour l'alimentation ou OVM alimentaires.
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humaine ou animale, ou à être transformés,
l'environnement et la santé sur leur territoire, les deux instruments juridiques internationaux ne s'inscrivent pas dans la même démarche. Le Protocole Biosécurité est le protocole additionnel à la Convention sur la diversité biologique: il s'inscrit dans le droit international de l'environnement et vise ainsi à intégrer des préoccupations environnementales et sanitaires dans les mouvements transfrontières des OYM, tels que dans les échanges commerciaux internationaux dont ils font l'objet. L'Accord SPS, quant à lui, fait partie du corpus juridique de l'OMC, OJ ayant pour objectif la libéralisation des échanges de marchandises telles que les OYM: il s'inscrit dans le droit international économique et entend ainsi autoriser les membres de l'OMC à protéger l'environnement et la santé sur leur territoire, mais conditionne ce droit afin de préserver l'objectif de l'al. En d'autres termes, dans un souci d'assurer un équilibre entre les droits et les obligations des Membres au titre de l'Accord SPS, ceux-ci ne peuvent envisager une telle protection que si les mesures qu'ils adoptent et appliquent en ce sens ne restreignent pas le commerce international plus qu'il n'est requis17, ces mesures pouvant, directement ou indirectement
l'affecter 18. On perçoit donc déjà les difficultés qu'un État, qui serait à la fois Partie au Protocole Biosécurité et membre de l'OMC, serait susceptible de rencontrer lorsqu'il doit concilier le droit international de l'environnement et le droit international économique, dans lesquels le Protocole et l'Accord SPS s'inscrivent respectivement, afin de parvenir à réaliser le développement durable. Cela apparaît très clairement dans les relations que ces deux instruments juridiques internationaux entretiennent, et au regard de leur impact sur les mesures d'anticipation des risques biotechnologiques que les parties pourraient adopter au titre du Protocole. Certes, conscient des difficultés souvent rencontrées par de nombreux accords multilatéraux sur l'environnement (AME) lorsqu'ils interfèrent avec des accords commerciaux tels que ceux de l'OMC, le Protocole Biosécurité tente d'y remédier dans trois alinéas inscrits dans son préambule. Il prévoit que « les accords sur le commerce et l'environnement devraient se soutenir mutuellement en vue de l'avènement d'un développement durable »19. Pour cela, le Protocole ne doit d'une part, « pas être interprété comme impliquant une modification des droits et obligations d'une Partie en vertu d'autres accords internationaux en vigueur »20, comme ceux qui pourraient découler pour elle de l'Accord SPS, en tant que membre de l'OMC. D'autre part, le préambule du Protocole « ne vise pas à subordonner ce dernier à d'autres accords internationaux »21, tels les accords de l'OMC, et par exemple l'Accord SPS. Le Protocole s'attelle ici à un exercice d'équilibrisme entre des enjeux environnementaux et sanitaires, et des enjeux économiques ou commerciaux. 17. 18. 19. 20. 21.
Voir l'article 5.6 et la note de bas de page n° 3 de l'Accord SPS. Voir l'article 1.1 de l'Accord SPS. Voir l'al. 9 du préambule du Protocole Biosécurité. Voir l'al. 10 du préambule du Protocole Biosécurité. Voirl'al. 11 du préambule du Protocole Biosécurité.
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Comme nous le verrons, c'est un équilibre difficile à réaliser au regard des dispositions de l'Accord SPS. Certes, ce dernier offre aux membres de l'OMC quelques possibilités d'anticiper les risques sanitaires et phytosanitaires (risques SPS) que les OVM pourraient véhiculer (I). Toutefois, les conditions d'adoption et d'application des mesures de précaution qu'il prévoit, notamment à son article 5.7, sont suffisamment strictes pour affirmer que les possibilités d'anticipation des risques biotechnologiques dans le cadre de l'OMC sont restreintes (II). Le droit international économique et le droit international de l'environnement se conciliant difficilement, il pourra donc être également malaisé de parvenir au développement durable, comme le Protocole Biosécurité le souhaite.
1. Une anticipation des risques biotechnologiques possible dans le cadre de l'OMC Les mesures d'anticipation des risques biotechnologiques adoptées par les parties au titre des articles 10.6 et Il.8 du Protocole Biosécurité doivent tout d'abord être appréciées au regard des prescriptions cumulatives prévues à l'article 5.7 de l'Accord SPS. Ce dernier en prévoit quatre, mais nous ne nous référerons qu'à la première de ces prescriptions, c'est-à-dire à celle qui permet de déclencher l'adoption des mesures SPS de précaution. Aux termes de cette prescription, l'insuffisance des preuves scientifiques pertinentes, qui pourrait ressortir de l'évaluation des risques effectuée avant l'adoption de toute mesure SPS, comme l'article 5.1 de l'Accord SPS l'exige22, peut être productrice d'effets juridiques: elle permet en effet aux membres de l'OMC d'adopter des mesures afin d'anticiper les risques SPS des OVM. L'article 5.7 ouvre donc la voie à l'anticipation des risques biotechnologiques dans le cadre de l'OMC. Les articles 10.6 et 11.8 du Protocole envisagent également une telle situation: ils prévoient l'hypothèse selon laquelle l'évaluation des risques effectuée par les parties ne permet pas de conclure au caractère suffisant des informations et connaissances scientifiques pertinentes. Ici encore, l'insuffisance de telles informations et connaissances peut être productrice d'effets juridiques: elle autorise les parties au Protocole à adopter des mesures d'anticipation des risques biotechnologiques, tant en ce qui concerne les risques SPS des OVM agricoles que ceux des OVM alimentaires. Les articles 10.6 et 11.8 iraient donc dans le sens de l'article 5.7 de l'Accord SPS. Cela laisserait préjuger de la conformité des mesures d'anticipation des risques biotechnologiques adoptées par les parties au titre du Protocole, à la première prescription de l'article 5.7, et donc d'une conciliation possible entre les deux instruments juridiques internationaux. 22. L'article 5.1 de l'Accord SPS dispose que les membres de l'OMC doivent faire en sorte que leurs mesures SPS « soient établies sur la base d'une évaluation des risques pour la santé et la vie des personnes et des animaux ou pour la préservation des végétaux, selon qu'i! sera approprié en fonction des circonstances », compte tenu des techniques d'évaluation des risques élaborées par les 01 compétentes.
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Néanmoins, l'interprétation que les organes de règlement des différends de l'OMC ont faite de l'article 5.7, peut nous amener à penser que la conciliation entre le Protocole Biosécurité et l'Accord SPS, donc entre le droit international de l'environnement et le droit international économique, serait limitée, voire fortement compromise (II).
II. Une anticipation des risques biotechnologiques compromise dans le cadre de l'OMC Deux raisons, relatives à la première prescription de l'article 5.7 de l'Accord SPS, compromettent l'anticipation des risques biotechnologiques dans le cadre de l'OMC. D'une part, l'Organe d'appel (OA) a considéré l'insuffisance des preuves scientifiques pertinentes de manière restrictive, en excluant l'incertitude scientifique qui peut pourtant en découler, des facteurs permettant de déclencher l'adoption de mesures SPS de précaution (A). D'autre part, l'OA a réfuté toute autonomie au principe de précaution en droit international, et de fait, au regard de l'Accord SPS (B).
A. Le rejet de l'incertitude scientifique comme facteur déclenchant l'anticipation des risques biotechnologiques Bien qu'elle puisse découler d'une insuffisance de preuves scientifiques pertinentes, l'incertitude scientifique ne peut, selon les organes de règlement des différends de l'OMC, constituer un facteur permettant de déclencher l'adoption de mesures SPS de précaution. Pour l'OA, les notions «d'insuffisance de preuves scientifiques pertinentes» et « d'incertitude scientifique» ne sont pas interchangeables. La position de l'OA pourrait s'expliquer par le caractère étendu que l'incertitude scientifique peut revêtir, et ainsi par le grand nombre de cas auxquels elle pourrait s'appliquer, qui permettraient de justifier l'adoption de mesures SPS de précaution. Ainsi, l'incertitude scientifique pourrait même renvoyer à « l'incertitude qui subsiste toujours sur le plan théorique» ce qui, de l'avis de l'OA, n'est pas le genre de risque qui doit être évalué aux termes de l'article 5.1 de l'Accord SPS23. L'incertitude scientifique ne pourrait donc permettre l'adoption de mesures d'anticipation des risques biotechnologiques ; seule une insuffisance de preuves scientifiques pertinentes ressortant de l'évaluation des risques le peut. Il peut certes être permis d'envisager que les mesures d'anticipation des risques biotechnologiques adoptées par les parties au titre des articles 10.6 et Il.8 du Protocole Biosécurité, puissent être reconnues comme conformes à la première prescription de l'article 5.7 de l'Accord SPS, parce qu'ils admettent qu'une insuffisance d'informations et de connaissances scientifiques pertinentes 23. Voir OMC, Rapportde l'OA, CE - Mesurescommunautairesconcernantles viandeset les
produits carnés (Hormones), WTIDS26/AB/R, WTIDS48/AB/R, 16janvier 1998, paragraphe 183. Voir aussi: OMC, Rapport de l'OA, Australie - Mesures visant les importations de saumons, WTIDSI8/AB/R, 20 octobre 1998,96 p., paragraphe 125, p. 43.
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permet l'adoption de telles mesures. Or, les articles 10.6 et 11.8 font aussi expressément référence à « l'absence de certitude scientifique », en tant que conséquence d'une telle insuffisance. Cela n'est pas sans rappeler le principe 15 de la Déclaration de Rio, qui consacre l'approche de précaution: celui-ci se réfère expressément à « l'absence de certitude scientifique absolue ». De fait, les mesures d'anticipation des risques biotechnologiques adoptées par les parties au titre des articles 10.6 et Il.8, risqueraient de ne pas être considérées comme conformes à la première prescription de l'article 5.7, compromettant par là même, l'anticipation des risques biotechnologiques dans le cadre de l'OMC. Néanmoins, la vision de l'OA concernant la portée de l'insuffisance des preuves scientifiques pertinentes est restrictive, sinon tronquée. En effet, des situations d'incertitude scientifique peuvent naître lorsque les preuves scientifiques sont insuffisantes, comme les articles 10.6 et 11.8 du Protocole Biosécurité le prévoient expressément et à juste titre. L'OA n'a-t-il d'ailleurs pas lui-même fait référence à « l'incertitude scientifique» dans l'affaire
Communautés européennes - Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (Hormones), plus succinctement appelée affaire Hormones? En effet, il admet que parfois, l'existence même d'opinions dissidentes exposées par des scientifiques compétents qui ont mené des recherches sur la question à l'examen, peut être révélatrice « d'une certaine incertitude dans la communauté scientifique »24. Il admet aussi que parfois, les divergences peuvent indiquer que les opinions scientifiques sont à peu près également partagées, ce qui peut dénoter « une forme d'incertitude scientifique »25. Il serait donc possible d'admettre que l'incertitude scientifique puisse constituer un facteur permettant de déclencher l'adoption de mesures d'anticipation des risques biotechnologiques. Cependant, cela ne pourrait être admis que partiellement, le degré même de l'incertitude existante devant être pris en compte. Il y aurait tout lieu de penser que pour pouvoir déclencher l'adoption de mesures d'anticipation des risques biotechnologiques, l'incertitude scientifique ne doive pas être absolue, mais plutôt relative. On peut en effet aisément concevoir qu'une incertitude scientifique absolue, telle celle envisagée par le principe 15 de la Déclaration de Rio, puisse être incompatible avec une situation dans laquelle les preuves scientifiques sont insuffisantes. Cela apparaît d'ailleurs clairement à la lecture de la seconde prescription de l'article 5.7 de l'Accord SPS, qui exigerait des parties au Protocole Biosécurité qui adoptent des mesures d'anticipation des risques biotechnologiques, qu'elles le fassent sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des 01 compétentes26 et qui découlent 24. Voir OMC, Rapport de l'OA, Hormones, op. cit., paragraphe 194. Voir aussi: P. KOURILSKY et G. VINEY, Le principe de précaution, Rapport au Premier ministre, Paris, Odile Jacob, La Documentation ftançaise, janvier 2000,405 p., p. 61-63. 25. Voir OMC, Rapport de l'DA. Hormones, op. cit., paragraphe 194. 26. L'article 5.7 de l'Accord SPS fait ici entre autres référence à la Commission du Codex Alimentarius, à l'Office international des épizooties (OIE), et aux 01 internationales et régionales compétentes opérant dans le cadre de la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) (al. 6, préambule). L'objectif est d'harmoniser les mesures SPS le plus largement possible. 54
des mesures SPS appliquées par d'autres parties27. Il faut néanmoins préciser que les articles 10.6 et 11.8 du Protocole Biosécurité font uniquement référence à l'absence de certitude scientifique sans lui attribuer un degré quelconque, ce qui n'est pas neutre: cela pourrait en effet dénoter la volonté des parties au Protocole de prévenir toute contestation de leurs mesures d'anticipation des risques biotechnologiques devant les organes de règlement des différends de l'OMC, au motif qu'elles auraient été adoptées en situation d'incertitude scientifique absolue. On pourrait donc envisager plusieurs hypothèses, au cas où une mesure d'anticipation des risques biotechnologiques adoptée par une Partie au Protocole Biosécurité, viendrait à être contestée devant les organes de règlement des différends de l'OMC. Si la Partie en question avançait le fait que sa mesure a été adoptée au titre du principe 15 de la Déclaration de Rio, elle aurait peu de chances d'être validée, d'autant que le principe 15 a valeur de droit déclaratoire puisqu'il est inscrit dans la Déclaration de Rio : il n'est donc pas contraignant pour les États, contrairement aux articles 10.6 et 11.8 du Protocole, qui eux, ont de facto valeur conventionnelle et force obligatoire parce qu'inscrits dans le dispositif même du Protocole. Pour avoir quelques chances de voir sa mesure d'anticipation des risques biotechnologiques considérée comme conforme à la première prescription de l'article 5.7 de l'Accord SPS, la Partie en question aurait donc tout intérêt à avancer, devant les organes de règlement des différends, le fait qu'elle a été adoptée au titre des articles 10.6 ou 11.8, qui plus est, parce que les informations et connaissances scientifiques pertinentes relatives aux risques biotechnologiques redoutés sont insuffisantes. Il n'en reste pas moins que la vision de l'OA concernant la portée de l'insuffisance des preuves scientifiques pertinentes, et donc de l'incertitude scientifique, est tronquée. Outre le fait qu'une telle incertitude peut découler d'une telle insuffisance, trois raisons permettraient peut-être de reconnaître comme conformes à la première prescription de l'article 5.7 de l'Accord SPS, les Pour cela, les membres de l'OMC doivent établir leurs mesures SPS sur la base de normes, directives ou recommandations internationales, dans les cas où il en existe (article 3.1), sauf s'ils souhaitent introduire ou maintenir des mesures SPS qui entraînent un niveau de protection SPS plus élevé que celui qui serait obtenu avec des mesures fondées sur ces normes, directives ou recommandations internationales, s'il y a une justification scientifique (article 3.3). Précisons que les mesures SPS qui sont conformes à ces dernières sont réputées être nécessaires à la protection de la vie et de la santé des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux, et présumées être compatibles avec les dispositions de l'Accord SPS et du GA TT de 1994 (article 3.2). 27. L'article 5.7 de l'Accord SPS fait ici implicitement référence à l'équivalence des mesures SPS. En effet, les membres de l'OMC doivent accepter les mesures SPS d'autres Membres comme équivalentes, même si ces mesures diffèrent des leurs ou de celles qui sont utilisées par d'autres Membres relatives au commerce du même produit; néanmoins, le Membre exportateur doit pour cela démontrer objectivement au Membre importateur qu'avec ses mesures, le niveau approprié de protection SPS dans le Membre importateur sera atteint. L'Accord SPS prévoit qu'à cette fin, un accès raisonnable doit être ménagé au Membre importateur qui en fait la demande pour des inspections, des essais et d'autres procédures pertinentes (article 4.1). De plus, il prévoit que les Membres doivent se prêter, sur demande, à des consultations, afin de parvenir à des accords bilatéraux et multilatéraux sur la reconnaissance de l'équivalence de mesures SPS spécifiées (article 4.2).
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mesures d'anticipation des risques biotechnologiques adoptées par les parties au Protocole Biosécurité conformément à l'approche de précaution consacrée par le principe 15 de la Déclaration de Rio, c'est-à-dire en situation d'absence de certitude scientifique absolue. La première raison tient au fait que le principe 15, et donc l'approche de précaution qu'il consacre, à mettre en œuvre en l'absence de certitude scientifique absolue, est expressément cité à l'article leT du Protocole, donc dans son dispositif. Les éléments compris dans le dispositif d'un traité ont un caractère juridiquement obligatoire28. Dans la mesure où l'objectif du Protocole se conforme à l'approche de précaution consacrée par le principe 15, ce dernier pourrait donc indirectement acquérir une valeur conventionnelle29 et une portée obligatoire. De fait, l'absence de certitude scientifique absolue, qui permet de mettre en œuvre l'approche de précaution consacrée par le principe 15, pourrait être admise comme facteur pouvant déclencher l'adoption de mesures d'anticipation des risques biotechnologiques par les parties au Protocole. La deuxième raison tient au fait que le principe 15 souffre d'une ambiguïté. Il prévoit que des mesures effectives visant à «prévenir la dégradation de l'environnement» doivent être adoptées « en cas de risque de dommages graves
ou irréversibles» 30. On pourrait donc supposer que l'incertitude scientifique à laquelle il renvoie soit davantage relative qu'absolue3!. Comment pourrait-on en effet conclure à la gravité ou à l'irréversibilité des risques de dommages en l'absence de certitude scientifique «absolue », d'autant que «la science, en constante évolution, ne cesse de remettre en cause des résultats considérés comme acquis »32? On pourrait même aller plus loin, et affirmer que l'existence de risques de dommages graves ou irréversibles supposerait que l'on puisse adopter des mesures de prévention, et non d'anticipation des risques biotechnologiques. D'ailleurs, le principe 15 lui-même prévoit expressément que les mesures de précaution ont pour objectif de «prévenir» la dégradation de l'environnement. Enfin, la troisième raison tient au fait que le principe 15 consacre une approche de précaution, et non un principe de précaution. Plus incitative qu'impérative pour les parties au Protocole, l'approche de précaution 28. Voir P. DAILLIERet A. PELLET,op. cit., p. 132. 29. P. KOURILSKYet Mme G. VINEY affirment, à propos du principe de précaution, que lorsqu'il est énoncé par un traité ou une convention internationale, il devrait acquérir la valeur normative qui s'attache à ces instruments. Cependant, la façon dont il est exprimé atténue sensiblement cette portée car il est presque toujours présenté, non pas comme une règle d'application immédiate, s'imposant aux citoyens et dont les juges doivent tenir compte dans leurs décisions, mais comme une simple directive destinée à orienter l'action politique, c'est-à-dire à inspirer le législateur et l'autorité réglementaire. Voir P. KOURILSKYet G. VINEY,op. cit., p. 122. 30. Plus précisément, le principe 15 de la Déclaration de Rio dispose que « pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités» et qu' « en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement. » 31. Voir par exemple: L. LUCCHINI, « Le principe de précaution en droit international de l'environnement: ombres plus que lumières », AFDJ, XLV, Paris, CNRS, 1999, p. 710-731, p. 725. 32. A.-C. Kiss et I.-P. BEURlER, Droit international de l'environnement, Paris, Pédone, « Études internationales n° 3 », 3" éd., 2004, 502 p., p. 137.
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peut être considérée comme une « version adoucie» ou souple de la précaution: l'approche de précaution tendrait ainsi à « ouvrir la voie» à l'anticipation des risques biotechnologiques, alors que le principe de précaution tendrait davantage à l'imposer aux parties. De plus, les mesures d'anticipation des risques biotechnologiques adoptées sur la base du principe de précaution, pourraient davantage restreindre les activités économiques que celles qui sont adoptées sur la base d'une approche de précaution. Aussi la mise en œuvre du principe de précaution pourrait-elle se heurter à un refus d'application de la part de certains États qui pourraient le juger trop radicap3. C'est ce qui a par exemple amené les États-Unis à affirmer, dans l'affaire Hormones et plus récemment encore, dans l'affaire Communautés européennes - Mesures affectant l'approbation et la commercialisation des produits biotechnologiques, que nous appellerons plus succinctement Produits biotechnologiques, que la précaution pourrait être perçue comme une approche plutôt que comme un principe34. C'est aussi ce qui pourrait expliquer qu'à son article 1er, le Protocole Biosécurité ne conforme pas son objectif au principe, mais à l'approche de précaution. On peut aussi penser que c'est ce qui a pu conduire les organes de règlement des différends de l'OMC à réfuter toute autonomie au principe de précaution en droit international, et par là, toute autonomie par rapport à l'Accord SPS. C'est la deuxième raison qui pourrait nous amener à dire que l'anticipation des risques biotechnologiques pourrait être restreinte dans le cadre de l'OMC, et de fait, qu'une conciliation sur ce point, entre le droit international économique et le droit international de l'environnement, pourrait être compromise (B).
B. La non-reconnaissance de l'autonomie du principe de précaution par rapport à l'Accord SPS C'est dans l'affaire Hormones que l'OA s'est exprimée pour la première fois sur le principe de précaution, et sur sa pertinence pour l'interprétation de 33. Par exemple,
dans le domaine
des pêches,
MM. J.-P. REVÉRET et J. WEBER affirment
que dans
son acception la plus radicale, le principe de précaution peut donner lieu à l'interdiction d'une technique de pêche sous l'effet d'un moratoire. Ainsi, sans se référer expressément au principe de précaution, la Résolution 44/225 de l'AG de l'ONU en date du 22 décembre 1989 en est une manifestation assez radicale, lorsqu'elle recommande que des moratoires sur l'utilisation de grands filets pélagiques dérivants soient décrétés au niveau mondial. Voir J.-P. REVÉRETet J. WEBER, « L'évolution des régimes internationaux de gestion des pêches », p. 245-258, in O. GODARD(dir.), Le principe de précaution dans la conduite des affaires humaines, Paris, Maison des sciences de l'homme, INRA, 1997,351 p., p. 254. Voir aussi: O. GODARD,« L'ambivalence de la précaution et la transformation des rapports entre science et décision », p.37-83, in O. GODARD (dir.), Le principe de précaution dans la conduite des affaires humaines, op. cit., p. 45. Voir ONU, AG, Résolution 44/225 sur la pêche aux grands filets pélagiques dérivants et ses conséquences sur les ressources biologiques des océans et des mers, Quarante-quatrième session, 22 décembre 1989, http://www. un. org.
34. Voir OMC, Rapportde l'OA, Hormones,op. cit., paragraphe122; OMC, Rapportdu GS,
-
Communautés européennes Mesures affectant l'approbation et la commercialisation des produits biotechnologiques, WT/DS2911R, WT/DS292/R, WT/DS293/R, 29 septembre 2006, 1219 p., paragraphe 7.81, p. 383. Rappelons cependant que les États-Unis ne sont pas parties au Protocole Biosécurité.
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l'Accord SPS. Sans surprise, le Groupe spécial CGS) a adopté une position identique dans l'affaire Produits biotechnologiques. L'enjeu que l'OA devait relever était de savoir si le principe de précaution était un principe juridique autonome en droit international, et par là même, autonome par rapport à l'Accord SPS. En d'autres termes, l'OA devait se demander si ce principe possédait par lui-même une valeur normative permettant son application directe sans le support d'aucun texte35, ou s'il ne devait être appliqué qu'avec le support d'un instrument juridique, tel que l'Accord SPS. C'est une question qui n'est pas dénuée d'enjeux. En effet, si l'OA reconnaissait l'autonomie du principe de précaution en droit international et par rapport à l'Accord SPS, ce principe pourrait « influencer la détermination de la portée des obligations contenues »36 dans cet instrument juridique, et par exemple celles prévues à son article 5.7. Cela permettrait ainsi de justifier des dérogations plus ou moins importantes37 aux obligations prévues par l'Accord SPS. A contrario, la non-reconnaissance par l'OA de l'autonomie du principe de précaution, ne devrait pas risquer de modifier la portée des obligations contenues dans l'Accord SPS, telles les prescriptions de son article 5.7. Ainsi, si une mesure d'anticipation des risques biotechnologiques adoptée par une Partie au Protocole Biosécurité venait à être contestée devant les organes de règlement des différends de l'OMC, celle-ci ne serait jugée qu'au regard de l'Accord SPS et non au regard d'un principe autonome en droit international. Cela permettrait de ne pas trop ouvrir le champ des possibilités d'anticipation des risques biotechnologiques au détriment de la liberté des échanges des OVM. C'est la position que l'OA a adoptée dans l'affaire Hormones, et que le GS a récemment reprise dans l'affaire Produits biotechnologiques. Trois raisons principales ont été avancées pour justifier leur refus de reconnaître l'autonomie du principe de précaution en droit international. La première tient à la multiplicité des définitions du principe de précaution et à l'impact qu'elle peut avoir sur son contenu: une telle multiplicité peut avoir pour conséquence d'entourer ce principe d'une certaine imprécision. Certes, de nombreux instruments juridiques internationaux contiennent des dispositions appliquant explicitement ou implicitement le principe de précaution; la plupart d'entre elles relèvent du droit international de l'environnement3s. Toutefois, des questions subsistent en ce qui concerne la définition et la teneur précise du principe de précaution39, d'autant que les références à ce dernier dans les différents instruments juridiques mettent en lumière une variabilité de conceptions à son égard: ces instruments renvoient aussi bien à la conception radicale40, qu'aux 35. Voir P. KOURILSKYet G. VINEY,op. cit., p. 120. 36. H. RUIZ-FABRI, « La prise en compte du principe de précaution par l'OMC », RJE, numéro spécial, 2000, p. 55-66, p. 57. 37. Voir P. KOURILSKyet G. VINEY,op. cit., p. 120-121. 38. Voir OMC, Rapport du GS, Produits biotechnologiques, op. cil., paragraphe 7.88, p. 385. 39. Voir Ibid., paragraphe 7.88, note de bas de page n° 265, p. 386. 40. La conception radicale du principe de précaution, notamment défendue par certaines associations de protection de l'environnement, ne conditionne pas, sinon peu, sa mise en œuvre. Ainsi, cette conception renverserait la charge de la preuve, ce qui ferait naître une présomption de 58
conceptions intennédiaire41 ou souple42 du principe de précaution. Cette diversité des conceptions n'est pas dénuée de conséquences notamment sur la définition du principe de précaution lui-même, d'autant que la plupart des instruments juridiques n'en donnent qu'une définition très vague qui n'est d'ailleurs pas constante, ou ne font que le signaler sans même le définir43. La deuxième raison tient au fait que les juridictions internationales n'ont exprimé aucune opinion définitive quant à la nature et la valeur du principe de précaution, et n'ont pas statué sur son fondement à l'occasion de plusieurs différends. En effet, aucune juridiction internationale n'a jusqu'à maintenant reconnu le principe de précaution en tant que principe de droit international général ou coutumier44. Ainsi, la Cour internationale de justice (CH) a évité de se prononcer sur le principe de précaution à deux reprises: dans l'affaire portant sur la Demande d'examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l'arrêt rendu par la Cour le 20 décembre 1974 dans l'affaire des essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), opposant la Nouvelle-Zélande à la France en 199545; dans celle
risques SPS. De plus, elle percevrait le principe de précaution comme un moyen de parer au « pire scénario» possible et de reconnaître le « risque zéro» comme justifiant l'adoption de mesures de précaution. Enfin, elle ne prendrait pas en compte, dans la gestion des risques, l'impact économique potentiel que les mesures de précaution pourraient avoir. On peut donc aisément concevoir que l'Accord SPS n'adhère pas à la conception radicale du principe de précaution. 41. La conception intermédiaire du principe de précaution conditionne sa mise en œuvre, ce qui amènerait à penser que l'Accord SPS pourrait y adhérer. Ainsi, cette conception permet la mise en œuvre de ce principe dans les cas où le risque est, lors de la prise de décision, scientifiquement crédible, voire plausible. De plus, elle tendrait à privilégier les mesures positives, notamment les recherches qui permettent d'évaluer le risque de plus en plus précisément. Cela va dans le sens de l'article 5.7 de l'Accord SPS, qui prévoit que les membres de l'OMC ayant provisoirement adopté des mesures SPS de précaution, doivent s'efforcer d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective des risques. Néanmoins, l'adhésion de l'Accord SPS à la conception intermédiaire du principe de précaution est à relativiser. En effet, contrairement à cette conception, qui pourrait l'admettre, l'Accord SPS admettrait de manière très limitée que des facteurs autres que des facteurs économiques, tels des facteurs sociaux, puissent être pris en compte dans l'évaluation coûts/efficacité des mesures SPS de précaution. De plus, la conception intermédiaire du principe de précaution laisserait au juge la possibilité de répartir la charge de la preuve en fonction des moyens dont chacune des parties au différend dispose pour apporter cette preuve, ce qui n'est pas admis au titre de l'Accord SPS. 42. La conception souple du principe de précaution conditionne assez fortement sa mise en œuvre, ce qui amènerait à dire que l'Accord SPS y adhérerait. Ainsi, cette conception rejette toute idée d'un renversement de la charge de la preuve, et par là, toute idée d'une présomption de risques SPS. De plus, en rejetant le « risque zéro» comme justification à l'adoption de mesures de précaution, et donc en fixant un seuil de risque en deçà duquel les États ne pourraient adopter de telles mesures, cette conception limiterait les possibilités d'anticipation des risques SPS, à l'existence d'un certain degré de risques redoutés, ce que l'Accord SPS semble également admettre. Enfm, comme ce dernier, la conception souple du principe de précaution exige de prendre en compte et de mettre en balance les coûts économiques, tant de la réalisation des risques SPS, que de la mise en œuvre des mesures de précaution. 43. Voir P. KOURlLSKYet G. VINEY,op. cil., p. 16, 121-122. 44. Voir OMC, Rapport du GS, Produils biotechnologiques, op. cil., paragraphe 7.88, p. 385. 45. cn, Demande d'examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l'arrêt rendu par la Cour le 20 décembre 1974 dans l'affaire des essais nucléaires, (Nouvelle-Zélande c. France), Ordonnance du 22 septembre 1995, 24 p., http://www.icj-cij.org. Sur cette affaire, voir notamment: P. SANDS,
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opposant la Hongrie à la Slovaquie en 1997 à propos d'un projet d'aménagement d'écluses sur le fleuve Danube, affaire connue sous le nom de GabcikovoNagymaros (Hongrie c. Slovaquie)46. Toutefois, on peut se demander si la vision de la CIJ n'est pas pour le moins restrictive, et si cette dernière ne pouvait pas invoquer ou statuer sur le fondement du principe de précaution, du moins sur celui d'une approche de précaution, dans la mesure où celui-ci est directement associé à la préoccupation de développement durable47. Dans cette dernière affaire, la CIJ elle-même se réfère au concept de développement durable, en tant que norme susceptible de justifier un comportement vigilant des États, pour concilier les exigences de leur développement et la protection de leur environnement48. Enfin, la troisième raison tient au fait que la doctrine est partagée quant à la nature et la valeur du principe de précaution. En effet, si certains auteurs, tels MM. P. Sands et J. Abouchar, considèrent que le principe de précaution existe en tant que principe de droit international coutumier49, d'autres auteurs, tel M. P.-M. Dupuy, considèrent toutefois qu'il n'a pas atteint le statut
de principe de droit international général50. Pour ce dernier, « ce qui entrave sans doute la consécration définitive du principe de précaution comme norme de droit international général, tient à deux éléments. Le premier est l'absence de définition univoque de son contenu. Le second, par voie de conséquence, est la
« L'affaire des Essais nucléaires II (Nouvelle-Zélande c. France): contribution de l'instance au droit international de l'environnement », RGDIP, 1997-2, p. 447-474. 46. CH, Affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), 25 septembre 1997, http://www.icj-cij.org. Voir aussi: S. MALJEAN-DuBOIS,« L'arrêt rendu par la Cour internationale de justice le 25 septembre 1997 en l'affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) », AFD/, XLIII, Paris, CNRS, 1997, p. 286-332. 47. Voir P.-M. Dupuy, op. cit., p. 889. Voir aussi: P. DAILLIERet A. PELLET, op. cil., p. 1307 ; L. LUCCHINI,op. cit., p. 713. 48. Voir CH, Gabcikovo-Nagymaros, op. cit., paragraphe 140. 49. Dans l'affaire Produits biotechnologiques, le GS cite à titre d'exemples: O. McINTYRE et T. MOSEDALE,« The Precautionary Principle as a Norm of Customary International Law», Journal of Environmental Law, n° 9, 1997, p.221-241, p. 222-223; J. CAMERON, W. WADE-GERY et l ABOUCHAR,« Precautionary Principle and Future Generations », in E. AGIus et al. (eds.), Future Generations and International Law, London: EarthScan Publications, 1998, 256 p., p. 96 ; P. SANDS, Principles of International Environmental Law, 2e éd., Cambridge University Press, 2003, 1246 p., p.279. Voir OMC, Rapport du GS, Produits biotechnologiques, op. cit., paragraphe 7.88, note de bas de page n° 215, p. 306-307. Ainsi M. L. LUCCHINInote par exemple que MM. J. CAMERONet l ABoucHAR, qui font partie d'un courant doctrinal largement, mais non exclusivement anglo-saxon, se fondent sur des textes internationaux ainsi que sur certaines législations ou décisions judiciaires nationales pour admettre la nature coutumière du principe de précaution. Voir L. LUCCHINI,op. cil., p. 718. 50. Dans l'affaire Produits biotechnologiques, le GS cite à titre d'exemples, L.-M. JURGIELEWICZ, Global Environmental Change and International Law : Prospects for Progress in the Legal Order, Lanham, MD : University Press of America, 1996, 290 p., p. 64; P.-M. Dupuy, op. cit., p. 889890; l-O. MCGINNIS, « The Appropriate Hierarchy of Global Multilateralism and Customary International Law: The Example of the WTO », Virginia Journal of International Law, vol. 44, n° l, 2003, p.229-284, p.260-261. Voir OMC, Rapport du GS, Produits biotechnologiques, op. cit., paragraphe 7.88, note de bas de page n° 267, p.386-387. On peut également citer M. L. LUCCHINI, qui se rattache
à cette tendance.
Voir L. LUCCHINI, op. cit., p. 718.
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difficulté qu'il y a à cerner ses implications concrètes et ses répercussions économiques, à définir à vrai dire dans chaque cas considéré »51. Si la non-reconnaissance de l'autonomie du principe de précaution en droit international, et de fait par rapport à l'Accord SPS, par l'OA dans l'affaire Hormones et le GS dans l'affaire Produits biotechnologiques, constitue une « soupape de sécurité» pour les obligations contenues dans cet accord, il pourrait être difficile de reconnaître la conformité des mesures d'anticipation des risques biotechnologiques adoptées par les parties au titre des articles 10.6 et II.8 du Protocole Biosécurité, à la première prescription de l'article 5.7 de l'Accord SPS. Or, la position des organes de règlement des différends à l'égard du principe de précaution est discutable. Certes, la formulation très variable du contenu de ce principe peut empêcher la reconnaissance de son autonomie en droit international. Néanmoins, l'imprécision d'autres principes tels le principe du pollueur-payeur, n'a pas constitué un tel obstacle52. En effet, bien que le principe du pollueur-payeur soit énoncé dans des termes variés dans de nombreux instruments juridiques53, tel qu'au principe 16 de la Déclaration de Rio54, et que sa portée exacte soit difficile à cerner55, il revêt un caractère obligatoire en tant que principe général de droit, notamment en raison de la généralisation de son application dans les droits internes des États, et en tant que norme
conventionnelle très habituelle et règle coutumière56. De plus, son sens général 5i. P.-M. Dupuy, op. cit., p. 889-890. Rappelé, par exemple, dans: E. BROSSET,« Le principe de précaution. Les risques de la systématisation économique », p. 53-69, in S. MALJEAN-DuBOIS(dir.) et J. BOURRlNET(préf.), L'outil économique en droit international et européen de l'environnement, op. cit., p. 62. 52. Voir E. BROSSET,op. cit., p. 62. 53. Le principe du pollueur-payeur a été établi par l'OCDE, comme principe économique visant à affecter des fonds à la préservation de l'environnement ainsi qu'aux mesures de contrôle, mais également dans le but d'encourager une utilisation rationnelle des ressources environnementales. Ainsi, les premiers instruments juridiques internationaux à expliquer les composantes du principe du pollueur-payeur sont les recommandations du Conseil de l'OCDE en date du 26 mai 1972 et du 14 novembre 1974, portant sur les Principes directeurs relatifs awe aspects économiques des politiques de l'environnement sur le plan international, et sur la mise en œuvre du principe pollueur-payeur. Voir P. DAILLIERet A. PELLET,op. cit., p. 1298-1299. Voir aussi: A.-c. KIss et I.-P. BEURIER,op. cit., p. 144. 54. De nombreux instruments ayant trait à la protection de l'environnement mentionnent le principe du pollueur-payeur, sans toutefois en déterminer son contenu. C'est notamment le cas de la Déclaration de Rio qui, à son principe 16, dispose que « les autorités nationales devraient s'efforcer de promouvoir l'internalisation des coûts de protection de l'environnement et l'utilisation d'instruments économiques, en vertu du principe selon lequel c'est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution, dans le souci de l'intérêt public et sans fausser le jeu du commerce international et de l'investissement ». Certains auteurs, tels A.-C. KIss et J.-P. BEURlER, estiment que la formulation prudente du principe 16 laisse planer des doutes sur le caractère du principe du pollueur-payeur, qui semble être davantage un objectif économique qu'une règle de droit international. Voir A.-C. KISS et I.-P. BEURIER, op. cit., p. 144. Voir aussi: P. DAILLIER et A. PELLET, op. cit., p. 1298; P.-M. Dupuy, op. cit., p. 891 ; H. SMETS, « Le principe pollueurpayeur, un principe économique érigé en principe de droit de l'environnement? », RGDIP, 1993/2, p. 339-364. 55. Sur les raisons qui peuvent expliquer les difficultés qu'il y a à cerner la portée du principe du pollueur-payeur, voir notamment: P. DAILLIERet A. PELLET,op. cil., p. 1299-1300. 56. Voir Ibid., p. 1283, 1298.
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est clair: il s'agit du principe selon lequel l'opérateur d'une activité dangereuse qui cause un dommage à l'environnement doit réparer les conséquences de celuici 51.Il devrait en aller de même pour le principe de précaution, le sens général de ce dernier étant également clair: il s'agit, en l'absence de certitude scientifique,
d'adopter des mesures afin d'anticiper la survenance de risques potentiels - pour l'environnement ou la santeS - en l'occurrence de risques biotechnologiques. C'est ce que les articles 10.6 et 11.8 du Protocole Biosécurité, le principe 15 de la Déclaration de Rio, ainsi que de nombreux autres instruments juridiques
internationaux59 prévoient, bien qu'en des termes relativement différents. Son inscription dans divers instruments, notamment à valeur conventionnelle, permet par ailleurs au principe de précaution d'acquérir une certaine légitimité sur le plan international. Il appartient, de ce fait, au droit international public. Cela devrait permettre de lire l'Accord SPS, comme tout autre accord de l'OMC, en ne «l'isolant pas cliniquement du droit international public )}60.C'est ce que l'OA avait affirmé dans l'affaire États-Unis - Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formule, plus communément appelée affaire Essence, à propos du Gatt de 1994. Ainsi, le droit international public étant composé de divers instruments juridiques, tels la Déclaration de Rio, la Convention sur la diversité biologique ou encore le Protocole Biosécurité, faisant référence au principe de précaution, l'Accord SPS devrait être interprété à la lumière de ce dernier. Notons cependant que dans l'affaire Produits biotechnologiques, le GS a décidé de ne pas interpréter l'Accord SPS à la lumière de la Convention sur la 57. Voir Ibid., p. 1298. de précaution et Organisation mondiale du commerce - Le cas du commerce alimentaire », JDI, n° 2,2000, p. 263-297, p. 269. 59. On peut entre autres citer: le Protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone du 16 septembre 1987 (préambule, paragraphe 6) ; la Déclaration ministérielle de Londres de la deuxième Conférence internationale sur la protection de la mer du Nord du 25 novembre 1987 (point 7); la Convention de Bamako sur l'interdiction d'importer des déchets dangereux et le contrôle de leurs mouvements transfrontières en Afrique du 30 janvier 1991 58. Voir C. NOIVILLE, « Principe
article 4, alinéa 3 f; la Convention d'Helsinki sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux du 17 mars 1992 (article 2); la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 (article 3, alinéa 3) ; la CDB du 5 juin 1992 (préambule, alinéa 9) ; la Convention de Paris pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-est du 22 septembre 1992 (article 2, alinéa 2 a»; le Protocole d'Oslo à la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, de 1979, relatif à une nouvelle réduction des émissions de soufre du 14juin 1994 (préambule, alinéas 3 et 4) ; l'Amendement à la Convention de Barcelone pour la protection contre la pollution de la Mer Méditerranéedu 10juin 1995 - article4, alinéa3 a); l'Accord de New York sur les stocks de poissons grands migrateurs ou chevauchants différentes zones maritimes du 4 août 1995 (article 5, alinéa c, et article 6) ; l'Accord des Nations unies aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du JO décembre 1982 en date du 4 août 1995 (article 6) ; la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants du 22 mai 2001 article 8, alinéa 7 a). Pour une liste plus complète des instruments juridiques concernés, voir A.-C. KIss et J.-P. BEURIER,op. cit., p. 136-138.
60. OMC, Rapport de l'OA, États-Unis
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Normes concernantl'essence nouvelleet ancienne
formules, WT/DS2/ABIR, 29 avril 1996, 32 p., Section III B., p. 18. Voir aussi: OMC, Rapport du OS, Produits biotechnologiques, op. cit., paragraphe 7.49, p. 373.
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diversité biologique et du Protocole Biosécurité. La raison invoquée est purement formelle, puisqu'elle a trait à l'état des signatures et de la ratification de ces instruments par les États parties au différend61 : si tous étaient membres de l'OMC, tous n'avaient en revanche pas signé ou ratifié ces deux instruments juridiques. Or, selon la Convention de Vienne sur le droit des traités, « un traité ne crée ni obligations ni droits pour un État tiers sans son consentement »62. Seul l'Accord SPS était donc applicable aux relations entre les parties au différend. Cela excluait par là même toute interprétation de ce dernier à la lumière de la Convention sur la diversité biologique et du Protocole Biosécurité, et ainsi, du principe de précaution, non sans subordonner, une fois encore, la réalisation du développement durable, à l'existence de risques biotechnologiques avérés. Dès lors, on constate que bien qu'elles s'accordent sur certains points, les relations entre l'Accord SPS et le Protocole Biosécurité sont assez conflictuelles. Certes, l'Accord SPS offre quelques possibilités d'anticipation des risques biotechnologiques dans le cadre de l'OMC, en autorisant les parties au Protocole à adopter des mesures en ce sens, lorsque les preuves scientifiques pertinentes découlant de l'évaluation des risques effectuée sont insuffisantes. Toutefois, les possibilités d'anticipation des risques biotechnologiques offertes par l'Accord SPS dans le cadre de l'OMC sont limitées. Les organes de règlement des différends de l'OMC ont en effet restreint la portée d'une telle insuffisance, en excluant l'incertitude scientifique des facteurs permettant l'adoption de mesures poursuivant cet objectif. Le champ d'adoption de telles mesures est d'autant plus limité que les organes de règlement des différends n'ont pas reconnu l'autonomie du principe de précaution en droit international, et par là, son autonomie par rapport à l'Accord SPS. Cela restreint la marge de manœuvre des parties qui souhaitent anticiper les risques biotechnologiques. Aussi le droit international économique et le droit international de l'environnement se concilient-ils difficilement sur ce point, ce qui n'est pas sans compromettre la réalisation effective du développement durable.
61. Au le' mars 2007, la Convention sur la diversité biologique comptait 168 signatures et 190 parties contractantes, et le Protocole Biosécurité, 103 signatures et 139 parties. L'état des signatures et de la ratification de ces deux instruments juridiques peut être consulté à partir de l'adresse internet suivante: http://www.biodiv.org. 62. Voir l'article 34 de la Convention de Vienne. Il s'agit du principe de la relativité des traités, qui découle de la maxime pacta tertUs nec nocent nec prosunt. Voir P. DAILLIERet A. PELLET.op. cit., p. 242-243. La Convention de Vienne peut être consultée à partir de l'adresse internet suivante, http://untreaty. un. org.
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DÉVELOPPEMENT URBAIN DURABLE ET POLITIQUES COMPARÉES
Développement urbain durable et politique de régénération urbaine au Royaume-Uni Aude
CHASSERIAU'
En tant que géographe, il importe d'aborder la question du DUD et des projets urbains du point de vue des transformations du tissu urbain et de la morphologie des villes. L'éclairage géographique peut être intéressant dans le sens où il apporte une analyse concrète des transformations à l' œuvre dans les villes et de leurs conséquences, notamment sociales dans la structure urbaine. Basé sur un travail de recherche en cours, nous présentons ici le processus et les politiques de la régénération urbaine, comment celle-ci œuvre pour et constitue un élément des politiques de DUD actuelles. Si le concept de développement durable, appliqué aux villes, a longtemps concerné principalement des questions environnementales (gestion des déchets, de la pollution, préservation de l'environnement...), il s'insère aujourd'hui dans toutes les problématiques d'aménagement et de développement de la ville. Les définitions globales du développement durable ont progressivement évolué du « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs» vers des définitions plus développées intégrant des questions plus sociales (développement social et économique basé sur la notion de solidarité et associant efficacité économique, équité sociale et qualité environnementale). La définition que donne notamment Roberto Camagni dans son ouvrage de 1997 est particulièrement éclairante, car il aborde plusieurs points importants. Le développement urbain durable «est un processus basé sur l'apprentissage collectif, la capacité de règlement des conflits et la volonté de dessein stratégique, et non sur l'application d'un modèle optimal prédéfini. Il s'agit de considérer ensemble les différents systèmes composant la ville (le système économique, le système social, le système physique - built and cultural heritage - et le système de l'environnement), dans leur coévolution et leurs
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CESTAN
interactions dynamiques [...], et non simplement de faire la somme d'aspects et d'objectifs différents ». Cette définition est très intéressante car elle reprend plusieurs éléments importants de la gestion de la ville qui, justement, dans le cadre d'un projet urbain, dans le cadre de l'application concrète du DUD dans un projet urbain, peuvent se révéler plus difficiles à mettre en place qu'ils ne l'ont été à énoncer. Il s'agit tout d'abord de l'idée du collectif: la ville n'est plus décrétée par les notables, les édiles. On entre dans l'idée d'une multiplicité d'acteurs et d'intervenants, de la participation de tous. C'est cependant une constituante complexe qu'il faut effectivement apprendre. Et les exemples de projets urbains sont suffisamment nombreux pour nous montrer tous les déboires de la gestion collective de ce genre d'outils. Il s'agit ensuite de l'idée de la stratégie, que l'on peut raccrocher à la planification et qui doit dépasser le simple aspect architectural et physique de la ville: l'association du physique, de l'économique et du social, dans le but non pas de créer un bel élément architectural mais un quartier de ville qui fonctionne. Et là encore, face à des investisseurs qui veulent du rendement, face à des municipalités en quête d'image, cette idée n'est pas toujours facile à faire passer dans un projet urbain. Mais surtout, il s'agit de l'idée de ne pas se baser sur l'application d'un modèle optimal prédéfini. Autrement dit, un projet urbain qui se veut durable ne doit pas appliquer des formules toutes faites, des opérations clés en main, mais intégrer suffisamment les spécificités locales pour, sans chercher à être unique et original, cadrer avec le lieu, son environnement et ses habitants. Et c'est probablement là que le bât blesse: en observant les grands projets urbains qui se développent dans la plupart des villes, force est de constater que l'on y retrouve les mêmes éléments, plus ou moins adaptés à l'histoire locale. Ce sont les parcs de loisirs, la culture contemporaine, les grands équipements, le tertiaire de haut rang, la mise en valeur des fronts d'eau. Aujourd'hui, dans toutes les villes, on « fait» du développement urbain durable. Les politiques nationales et locales sont là pour encadrer et inciter au développement durable: Agenda 21, démarches HQE, etc. La planification urbaine est d'ailleurs une obligation réglementaire européenne qui se base sur « la gestion urbaine durable, les transports urbains durables, la construction durable et l'urbanisme durable ». Dans cet ensemble, la notion de régénération urbaine vient se placer comme un outil intéressant en faveur du développement durable. C'est en effet un phénomène qui touche la plupart des villes et qui se traduit par un certain nombre de politiques urbaines, de projets urbains et d'opérations diverses. C'est la raison pour laquelle on parle souvent de « politiques de régénération ». Toutefois, au-delà des seules politiques et des projets, il s'agit réellement d'une nouvelle phase de l'urbanisme et de la planification urbaine. En parlant ici de régénération, nous parlons donc avant tout d'un processus en cours de transformation des villes et pas uniquement des politiques qui sont impulsées dans ce cadre. Il est aussi important de différencier régénération et renouvellement urbain, en préférant le premier terme. Le terme de régénération est issu du vocable anglo-
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saxon urban regeneration, qui est effectivement le premier à être apparu (en tant que terme d'urbanisme, faisant référence à un processus spécifique et à des politiques), dans les années 1960-1970. Il s'agissait d'un ensemble de politiques visant à contrecarrer les effets de la crise industrielle dans les anciens quartiers industriels et dans les petites villes monofonctionnelles du nord de l'Angleterre. Le but était de requalifier les espaces, en particulier les friches industrielles, de revitaliser l'économie et d'aider les populations locales. Petit à petit, l'expression de régénération s'est étendue à des espaces urbains en crise, sans pour autant que celle-ci soit liée à la désindustrialisation. En France, le terme de régénération urbaine est vraiment apparu dans la littérature scientifique à la fin des années 1990 et s'est très vite vu remplacer par celui de renouvellement urbain. La raison majeure est que l'on a appliqué le concept à la question des quartiers d'habitat social alors en crise. Très vite, pour certains, la régénération correspond à l'aspect physique de l'entreprise, la requalification des friches industrielles, tandis que le renouvellement urbain fait office de politique globale, à la fois économique et sociale, en faveur des quartiers en difficulté. En abordant ici la question des projets de régénération urbaine, nous nous intéressons avant tout aux quartiers centraux et péricentraux de la ville et laissons volontairement de côté la question des quartiers d'habitat social. Au-delà d'un choix d'objet d'étude, la raison en est que ce terme correspond mieux, selon nous, à l'origine du concept britannique. Il permet aussi de ne pas réduire la question du renouvellement de la ville à celui des quartiers en difficulté. Quant au choix de la terminologie, c'est aussi une précaution. Avec les lois, les politiques, l'engouement pour ces politiques, le terme de renouvellement urbain est devenu un véritable « fourre-tout », approprié par les politiciens et leurs discours. Il y a donc derrière ce mot des connotations auxquelles il faut prendre garde. L'expression de régénération urbaine, consacrée par Claude Chaline en 1999 dans son ouvrage du même nom, paraît plus appropriée d'un point de vue scientifique. Enfin, d'un point de vue pratique, la comparaison entre la France et la Grande-Bretagne conduit à s'orienter vers des vocables comparables. À ce titre, la comparaison France - Grande-Bretagne est particulièrement intéressante. La question de la régénération urbaine s'est posée plus précocement au RoyaumeUni qu'en France, l'industrialisation et la désindustrialisation y ayant été plus précoces historiquement, et les Anglais ont donc une longueur d'avance sur les Français de ce point de vue. De plus, le sujet n'est pas du tout abordé de la même façon dans les deux pays et, par conséquent, la place faite au DUO non plus. La Grande-Bretagne est passée par des phases d'urbanisme beaucoup plus libérales qu'en France où l'État et les collectivités ont toujours été très présents. Par conséquent, nous présenterons ici alternativement des exemples issus des cas d'études de la recherche: Nantes et le projet urbain de l'Île de Nantes pour la France; et Sheffield avec ses deux projets de la Lower Don Valley et du City Centre pour la Grande-Bretagne. Il est clair que dans ces deux exemples, le développement durable a une place de choix et fait partie des objectifs primordiaux des projets urbains, dans le
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discours des élus et des acteurs. Malgré cela, les contraintes de terrain, les intérêts des acteurs, les réalités économiques et politiques font que ces objectifs ne sont pas toujours suivis, notamment sur la question des identités locales spécifiques. C'est ainsi que nous revenons à la définition de Camagni et au problème de l'uniformisation des villes que pourraient entraîner les processus de régénération urbaine, et la compatibilité de cette uniformisation avec un développement urbain réellement durable. Pour ce faire, nous commencerons une présentation du contexte et de la réalité de la régénération urbaine, suivie de celle des projets urbains de Nantes et Sheffield pour finir sur la question des conséquences identitaires et sociales de ces projets.
1. La régénération
urbaine:
éléments de contexte et réalités
Le contexte de la régénération urbaine correspond véritablement aux transformations urbaines majeures au cours de l'histoire, c'est-à-dire celles qui commencent avec l'industrialisation puis le passage à la désindustrialisation. Il s'agit de toutes les évolutions économiques mais aussi sociales et urbanistiques en général qui vont affecter la ville et provoquer des adaptations ou des transformations plus ou moins réussies. Si l'on s'attarde sur la dimension économique de la ville, la ville étant alors un espace économique où se développent des activités visant à la production de richesses, les principales transformations sont d'abord celles de l'industrialisation puis celles de la désindustrialisation et du passage à une économie basée sur le tertiaire. En effet, la ville médiévale puis la ville classique est avant tout tournées vers des activités de négoce, qu'il soit terrestre, fluvial ou maritime. Le développement de l'industrie, à partir du XVllIesiècle impose une adaptation du tissu urbain. La forte croissance de l'industrie et l'économie qui se base progressivement sur cette activité majeure conduisent dans la ville à une spécialisation des espaces: en fonction des sources d'énergie, des matières premières, et de l'espace disponible, de grands secteurs se retrouvent voués à l'industrie. Si l'on prend l'exemple de Nantes, historiquement, Nantes est un port fluvial et maritime avec une importante activité commerçante. La fortune des Nantais se bâtit d'ailleurs sur cette activité et c'est progressivement le capital accumulé par les armateurs et les négociants locaux, qui est réinvesti dans l'industrie. Celle-ci se développe le long des cours d'eau, la Loire et l'Erdre principalement. Ce sont surtout les Îles de Loire qui au XI~ siècle accueillent les principales industries: les chantiers navals, les biscuiteries, les raffineries de sucre... Viennent s'ajouter les quartiers d'habitat ouvrier dans le péricentre et les anciens faubourgs. De vastes espaces se spécialisent donc dans certaines parties de la ville. Sheffield connaît la même spécialisation le long de la rivière Don, notamment dans la partie aval, la Lower Don Valley où se développe une importante industrie de l'acier et de l'inox, basée sur les matières premières
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disponibles et surtout sur des savoir-faire (invention de différents convertisseurs pour l'acier, découverte de l'inox, savoir-faire de la coutellerie). D'autres évolutions notamment urbanistiques comme le fonctionnalisme d'après-guerre conduisent là encore à la spécialisation de certains espaces. Le fonctionnalisme prône la séparation des activités et le zonage urbain. À la reconstruction, nombre de villes connaissent alors une dichotomie radicale: d'un côté les zones d'activités, notamment industrielles, et de l'autre les zones résidentielles, avec le centre-ville qui reste dédié à la fonction marchande et aux loisirs. La désindustrialisation fait son apparition en Angleterre dès l'entre-deuxguerres mais est surtout manifeste dans les années 1950. Elle est la conséquence soit de délocalisations en périphérie des villes mais aussi dans d'autres pays plus compétitifs, soit de déclins et crises de certaines branches d'activités traditionnelles. En France, la désindustrialisation s'affiche surtout à partir des années 1960-1970. On passe donc progressivement à une économie basée sur le tertiaire. Ces activités n'ont pas les mêmes besoins en espace, en bâtiments, en localisations que les anciennes activités industrielles. Par conséquent on privilégie de nouveaux emplacements, de nouvelles zones d'activité. À cela s'ajoutent de nombreuses évolutions sociales et urbaines: révolutions dans les transports, avènement de l'automobile individuelle, changements de modes de consommation... Ces évolutions se traduisent notamment par une forte péri urbanisation, aussi bien des activités que des populations. L'étalement urbain est particulièrement fort dans les dernières décennies du xxe siècle, de nouvelles centralités périphériques se développent autour des centres commerciaux extérieurs, tandis que les centres-villes déclinent et perdent populations et activités. Puis avec la crise des années 1970, la montée du chômage et de la précarité, vient la crise des grands ensembles d'habitat social, la ghettoïsation de certaines populations dans les cités et les banlieues. Si l'on s'attarde principalement sur le tissu urbain central et péricentral, toutes ces évolutions conduisent à des dysfonctionnements importants dans la ville. On parle d'ailleurs, dans la période des années 1980-1990 de « ville en crise ». Face à l'industrialisation, la ville s'est adaptée et spécialisée. Face à la désindustrialisation et aux autres évolutions, activités et populations ont délaissé les anciennes localisations spécialisées pour défricher plus loin des terrains vierges plus aisément utilisables et correspondant mieux aux nouveaux enjeux économiques et sociaux. La ville se distend, on y perd les liens, la structuration entre quartiers. Quant aux anciens espaces spécialisés, ils sont abandonnés, se dégradent et entraînent la dégradation autour d'eux des quartiers adjacents. C'est le phénomène d'apparition des friches urbaines, le principe du cycle de vie des espaces urbains, notamment industriels. La friche est l'état de l'espace urbain en fin de cycle, quand les activités sont parties. Mais si l'on considère que l'espace urbain connaît plusieurs cycles, la friche n'est qu'un état temporaire. En effet, le phénomène n'apparaît pas avec la désindustrialisation: il existe à toutes les époques, au fur et à mesure des évolutions et des transformations de la ville. Les friches apparaissent et
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disparaissent au gré de la pression foncière et du marché immobilier. Il existe ainsi un jeu d'équilibre entre espaces utilisés et espaces vacants, en fonction de l'offre et de la demande. Pourtant, à partir des années 1960, le phénomène de friche prend une dimension particulière. Avec la désindustrialisation, un très grand nombre de terrains, souvent assez vastes et parfois pollués, sont libérés dans le péricentre ou sur l'extérieur de la ville. On a soudainement une très grande quantité de friches que le marché peine à absorber, d'autant plus que l'on est dans le contexte de la péri urbanisation. On parle alors d'un blocage de la digestion des friches industrielles. C'est donc à partir de ce moment que le terme même de « friche» passe du vocabulaire agricole au vocabulaire de l'urbanisme. Ainsi à Nantes, sur les Îles de Loire comme à Sheffield le long de la rivière Don, les triches industrielles se multiplient et peinent à trouver une requalification. C'est donc dans ce contexte de transformation du tissu urbain et de la rupture d'équilibre dans le fonctionnement et le renouvellement des espaces que se développe la notion de régénération urbaine. L'idée, qui apparaît tout d'abord en Grande-Bretagne, est de lutter contre la dégradation des espaces anciennement spécialisés et contre la fuite vers la périphérie des activités et des populations. La régénération urbaine intervient donc en fin de cycle de vie afin d'en susciter un nouveau: elle est en quelque sorte le lien entre deux cycles de vie pour un même espace. Face aux différents dysfonctionnements de la ville, notamment les friches mais aussi l'étalement urbain, la crise des centres-villes et, par le biais du renouvellement urbain en France, la crise des quartiers d'habitat social, la régénération a pour but de fonder une nouvelle approche de la ville sur les mouvements qui se mettent en place à la fin du xxe siècle: le retour au centre, recréer la ville sur la ville, densifier l'urbain, la ville compacte. L'idée est bien de réutiliser les espaces laissés vacants pour densifier la ville et stopper l'extension des agglomérations, avec des objectifs de développement durable: éviter une trop grande spécialisation des espaces afin d'éviter de retomber dans un cycle mono fonctionnel résultant, lors du prochain changement social et économique majeur, en une nouvelle crise urbaine. Ici viennent s'insérer les enjeux classiques du développement urbain durable: mixité sociale et fonctionnelle, transports en commun, aménagement des espaces publics pour recréer du lien social... Cela se traduit par des politiques, au niveau national comme au niveau local, la loi SRU par exemple, mais aussi, à Lille, ville pionnière en la matière, la politique de ville renouvelée qui s'articule au niveau de toute la communauté urbaine; et surtout, dans la plupart des villes, cela se traduit par des grands projets urbains qui visent à reconquérir les principales friches urbaines tout en produisant de nouveaux quartiers.
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II. Les projets de régénération urbaine à Nantes et à Sheffield L'exemple est pris ici de deux villes avec leurs grands projets urbains, afin de mieux cerner les détails de la régénération urbaine, notamment les enjeux, mais aussi les outils, les acteurs, les éléments divers en faveur du développement urbain durable.
A. Le cas de Sheffield Pour Sheffield, la régénération urbaine s'est effectuée en deux temps. La ville est restée très spécialisée dans l'industrie de l'acier et de la coutellerie, malgré une diversification tertiaire, notamment au travers de l'université et du grand centre hospitalier. Mais la qualité et les savoir-faire dans le domaine de l'industrie à Sheffield ont permis de maintenir cette activité à un bon niveau, malgré la concurrence internationale, jusqu'au début des années 1980. Par rapport au reste de l'Angleterre, Sheffield ne connaît la crise industrielle que tardivement, mais par contre, celle-ci est très brutale. Sheffield devient rapidement une zone sinistrée dans la première moitié de la décennie 1980 (ce qui donnera lieu au tournage de films comme Les Virtuoses ou The Full Monty). Les conséquences sociales de la crise sont énormes et la ville connaît un déclin physique, économique et social. Tout est à reforger. Sheffield est l'une des premières villes à profiter des organismes mis en place par la politique nationale, c'est-à-dire les UDC, Urban Development Corporations, des organismes type SEM qui sont en charge de la régénération dans certains secteurs. Le premier projet à Sheffield concerne la Lower Don Valley. C'est l'objectif primordial qui doit redonner vie à la ville entière. Il s'agit en effet de cette grande vallée à l'est de la ville qui accueillait, le long de la rivière Don, une vaste zone industrielle avec forges, aciéries... Elle représente par conséquent une vaste zone en friche qu'il est important de requalifier pour l'image mais aussi pour améliorer les services de la ville, trouver une nouvelle identité, un nouveau souffle économique. Le projet se tourne vers les loisirs et le sport. Nombre d'articles ont été écrits au sujet de la régénération de Sheffield par le sport. On a en effet construit dans la Lower Don Valley un énorme stade pouvant accueillir des manifestations nationales et internationales dans le but de promouvoir l'image de Sheffield. À ses côtés s'installent des établissements de jeux, cinémas, restaurants et un grand centre commercial périphérique est construit - celui-ci manquait à l'équipement d'une ville telle que Sheffield, de la taille de Nantes en termes de population mais beaucoup plus petite en termes de rayonnement - appelé Meadowhall. Une ligne de transport en commun, le Supertram, réhabilitation du tramway, dessert, à partir du centre-ville, toute cette vaste zone dédiée au sport et aux loisirs. L'idée de la revitalisation économique par de nouvelles activités entre tout à fait dans des enjeux de durabilité mais l'urbanisme et les solutions paysagères proposées dans cette vaste zone laissent toutefois perplexe: urbanisme du centre commercial à la façon des parcs d'attraction, vastes parkings et grands établissements... Il reste une bonne partie des traces du passé industriel 71
(bâtiments, matériel industriel) et une activité industrielle a été maintenue et doit s'étendre sous forme de zone industrielle. C'est l'idée de la mixité fonctionnelle. Une fois ce souffle économique rendu à la ville, la seconde priorité a été celle du centre-ville. La culture anglo-saxonne a toujours été d'habiter en dehors du centre, celui-ci étant réservé aux commerces et aux bureaux. Toutefois, cela rend le centre-ville désert le soir, d'autant plus qu'en journée aussi la fréquentation a baissé. La volonté a donc été de recréer une envie de centre-ville en termes de fréquentation mais aussi en termes de logements: habiter en ville ne doit pas être uniquement pour les étudiants ou les populations pauvres. Tout un programme a donc été mis en place pour développer des logements de standing dans le centreville ou à proximité, pour développer des attractions telles que les jardins d'hiver et améliorer l'attractivité du commerce par des aménagements de l'espace public (piétonisation des rues, aménagements...) La ligne du Supertram traverse d'ailleurs le centre-ville pour rejoindre ensuite l'université plus à l'ouest. Quant aux bâtiments industriels du centre ou du péricentre, notamment autour du secteur de la gare ferroviaire, ils sont progressivement réutilisés, démolis et remplacés pour certains, dans l'objectif de développer un nouveau quartier d'activité industrielle: le quartier des industries culturelles, Cultural Industries Quarter. Ces ensembles regroupent télévisions et radio locales, industries de la musique, du cinéma. . . Au-delà des partis pris pour requalifier ces différents espaces, un aspect important est à noter: celui de la participation des habitants. Elle ne concerne pas directement les deux projets cités, puisque pour l'un comme pour l'autre, les résidents de ces quartiers sont assez rares. Il s'agit plus de l'ensemble des quartiers résidentiels qui entourent le centre-ville et que l'on nomme Neighbourhoods. Depuis quelques années, sous l'impulsion du gouvernement Blair, la régénération des quartiers résidentiels, notamment les plus précaires, est mise en œuvre par les habitants eux-mêmes, réunis en associations (le terme association n'est pas forcément adéquat puisqu'il ne correspond pas à ce que l'on entend en France; il reste cependant le terme le plus proche du point de vue de la traduction) ou communities. Il s'agit de l'Urban Renaissance qui tend à remplacer le terme de régénération dans les discours. L'idée n'est plus d'impulser des transformations au niveau des collectivités ou de l'État mais bien de laisser les communities impulser elles-mêmes les changements et postuler pour des subventions. On est là dans un modèle de participation des habitants inconnu en France: il ne s'agit plus de consulter la population sur un projet mais de la laisser construire le projet. Cette recherche étant encore en cours, nous ne pouvons l'approfondir actuellement.
B. Le cas nantais À Nantes, les enjeux n'ont pas été les mêmes qu'à Sheffield. Certes, la ville a souffert de la désindustrialisation et surtout de la crise des chantiers navals qui ont fermé en 1987. Même si la ville a connu des années grises, sa diversification lui a permis de ne pas sombrer comme Sheffield dans une grave crise
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économique et sociale. Pourtant, la vaste friche des chantiers navals, à proximité d'un centre-ville qui perd de son intérêt face aux nouvelles centralités périphériques de l'agglomération, a suscité beaucoup de questionnements. Sans refaire l'histoire de la friche des chantiers Dubigeon, il est important de noter toutefois qu'elle a plus ou moins encombré la municipalité qui ne savait quoi en faire jusqu'à l'émergence du projet Île de Nantes à la fin des années 1990. L'idée était surtout que face à l'entité géographique que représente cette grande île sur la Loire, il n'était pas de mise de ne s'intéresser qu'à la reconquête de la friche. Progressivement, entre l'étude Perrault en 1992 et le marché de définition de l'Île de Nantes en 1999, s'est mis en place l'idée d'un vaste projet d'ensemble devant redonner une cohérence à cet espace hétéroclite. L'Île de Nantes (ce nom a été choisi pour le projet afin de mieux cerner son objet même mais il entre difficilement dans le discours de la population) a en effet une histoire longue qui explique cet état de fait. Il s'agit tout d'abord d'un chapelet d'îles qui ont été regroupées par comblements successifs des boires et bras de Loire au cours du XIXeet du début du xxe siècle. L'île unique qui en résulte se compose alors de trois quartiers distincts: au centre, autour de la ligne de tramway, un ancien faubourg commerçant, quartier résidentiel mixte; à l'ouest, un secteur très industriel; à l'est, un secteur tertiaire, Beaulieu, urbanisé dans les années 19601970. Ainsi, lorsque la municipalité achève, à la fin des années 1990, le chantier du tramway et celui de la rénovation du secteur Madeleine - Champ-de-Mars l'idée d'un grand projet pour l'Île de Nantes devient possible. Il s'agit bien ici de recréer de la ville sur la ville, de remettre de la cohérence et de la cohésion dans un vaste territoire, de retisser des liens entre les quartiers, de produire un nouvel espace, un nouveau territoire urbain à proximité du centreville et de profiter de l'espace libre pour étendre des activités congestionnées dans le centre. Le projet va donc bien au-delà de la simple requalification d'une friche. Les opérations prévues doivent se faire avant tout sur le long terme. Le marché de définition proposé par la municipalité (aujourd'hui repris par la communauté urbaine) ne concerne que l'aménagement des espaces publics, avec une maîtrise d'ouvrage sur 10ans, l'équipe lauréate étant celles des architectes associés Chemetoff et Berthomieu. Du point de vue du développement durable, le projet reprend là encore des objectifs classiques: mixité fonctionnelle et sociale (par l'implantation de logements sociaux sur le territoire mais aussi directement au sein des immeubles construits), densification de la ville, développement des espaces publics, développement des transports en commun (notamment le busway). La ville de Nantes y installe aussi un certain nombre d'équipements. C'est d'ailleurs ainsi qu'elle a opéré un levier économique pour attirer des investisseurs sur ce terrain, en implantant le nouveau palais de justice par exemple. Un certain nombre d'équipements de loisirs et de culture sont prévus sur le site des chantiers navals, de même qu'un grand ensemble de tertiaire de haut rang, Euronantes, qui doit être relié au quartier de la gare TGV et du secteur Madeleine - Champ-de-Mars. Là encore, il est toutefois possible de discuter des partis pris et des choix effectués dans le cadre de ce projet. Mais ce qui est intéressant dans ce projet
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c'est le principe du plan-guide, établi par l'équipe d'architectes, et le principe d'une gestion par la négociation, deux éléments qui rejoignent les objectifs et les enjeux du développement durable. En effet, pour l'Île de Nantes, le projet proposé par les architectes a été celui d'un plan-guide, c'est-à-dire un livret de cartes accompagné d'un cahier des charges ne reprenant que des grandes orientations, dans le but d'orienter le développement et le projet sans pour autant le figer dans l'espace et le temps. L'idée est celle d'une gestion souple, évolutive, pouvant s'adapter aux changements économiques, sociaux, politiques... Par conséquent, le plan est revu et transformé régulièrement, sans pour autant perdre sa cohérence de départ. Pourtant, ce plan n'a aucune valeur réglementaire et obligatoire. Ce n'est pas un document légal comme une procédure de ZAC ou de PLU. Par conséquent la gestion du projet ne peut se faire uniquement par le planguide. L'autre outil indispensable est donc celui de la négociation. Une SEM a été créée en 2001 pour gérer le projet, la SAMOA, et c'est elle qui négocie. En effet, le marché de définition et le contrat des architectes ne concernent que les espaces publics. Ils ont défini des orientations pour les parcelles alentours mais en aucune façon le contenu des opérations qui s'effectuent par des investisseurs privés (ou publics s'il s'agit de l'implantation d'équipement). Lorsqu'un promoteur se présente pour occuper et construire une parcelle, il faut alors négocier pour lui faire accepter les conditions du plan-guide, ce qui apparemment jusqu'à aujourd'hui s'est effectué sans réelle difficulté. On voit bien dès lors l'évolution d'un urbanisme sur plans rigides et opérations pré définies vers un urbanisme plus souple et négocié entre les acteurs, dans le sens d'un développement plus durable. Les conclusions présentées ici ont pour but d'ouvrir des pistes de réflexion et de débat, des questionnements quant aux rapports entre les projets de régénération urbaine et les enjeux et objectifs du développement durable. Trois interrogations seront ainsi posées. Le premier questionnement concerne avant tout les aspects sociaux de ces grands projets. Certes, en Angleterre, les communities s'insèrent dans le processus de régénération et assurent une grande partie de la renaissance des quartiers. Mais il s'agit des quartiers péricentraux. Le centre et les grands projets de régénération urbaine ont tendance à contribuer à l'augmentation de la ségrégation sociospatiale par un phénomène de gentrification ou embourgeoisement des quartiers régénérés. Ce sont généralement des quartiers anciennement ouvriers, par exemple pour l'Île de Nantes, où l'on construit en totale opposition avec l'histoire locale des logements de standing sur la Loire, ou, à Sheffield, le long du Canal Basin. Il y a certes des objectifs de rendement d'investissement et un jeu du marché immobilier qu'il est difficile de contrecarrer. Toutefois, le phénomène n'est pas nouveau, avec l'embourgeoisement récent des centres, et ces grands projets, malgré la mixité sociale affichée, tendent à renforcer ce mouvement. Est-ce durable? Dans un second temps, il est clair que les grands projets qui sont développés par les villes ou les communautés urbaines, s'ils ont un certain nombre d'enjeux durables et sociaux, sont avant tout des projets commerciaux. Les municipalités
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investissent beaucoup pour avant tout développer l'image de la ville et la hisser à un rang particulier dans la compétition internationale. Il s'agit dès lors de grandes opérations de marketing urbain, où l'on fait appel à des architectes de renom et à des grandes opérations architecturales marquantes. L'objectif des élus est de vendre leur ville, aux investisseurs, aux touristes... Pour Nantes, le grand projet de l'Île de Nantes est une vitrine énormément mise en avant, notamment au travers de l'opération du centre tertiaire Euronantes. Cet objectif marketing est-il compatible avec les objectifs et la philosophie du développement durable? Enfin, le dernier questionnement concerne l'uniformisation des villes et le problème des identités locales, qui rejoint dès lors la question de la préservation du patrimoine local. En effet, si on regarde uniquement Nantes et Sheffield, on retrouve les mêmes éléments de base des projets: la culture, les loisirs, le tertiaire supérieur. À Sheffield, on construit un quartier d'industries culturelles, à Nantes, c'est une fabrique de musiques contemporaines. Les discours des élus ont beau vanter l'unicité et l'originalité de leurs projets, les éléments ont tendance à s'unifier. Si on regarde ailleurs, ne serait-ce que pour Euronantes, on retrouve Euralille à Lille et à Marseille, Euroméditerranée. Dans cette volonté de marketing urbain, on cherche finalement à avoir les mêmes produits que les autres villes mais cela tend à gommer les spécificités locales. Pourtant, les quartiers concernés sont généralement marqués par une forte identité locale, souvent ouvrière et populaire. La nouvelle ville que l'on crée dans ces endroits, avec des logements de standing, de l'art moderne, du tertiaire supérieur, n'a souvent plus rien à voir avec la vie locale qui s'y déroulait auparavant, si ce n'est que l'on garde effectivement un patrimoine bâti, comme la structure des nefs Dubigeon sur l'Île de Nantes. Mais qui saura dans quelques décennies que les structures métalliques du toit de la fabrique de musiques contemporaines étaient celles d'ateliers de construction navale? On tend ainsi vers un modèle de ville renouvelée, de ville régénérée qui, en s'adaptant au terrain et à quelques particularités locales (l'éléphant et les machines de l'Île de Nantes sont construits avec les techniques de construction des coques de bateaux), se retrouve finalement dans toutes les cités et perd alors de son intérêt. Dans ce contexte, où est la durabilité ?
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DÉVELOPPEMENT URBAIN DURABLE ET POLITIQUES COMPARÉES
Les politiques communautaires de soutien au « tourisme durable» Magali
BOUDARD*
Si la définition du tourisme peut sembler évidente, tant le concept est parlant pour chacun d'entre nous, il convient cependant, préalablement à toute réflexion de fond sur le sujet, d'en donner une définition précise. Ainsi, le tourisme comprend les activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages et de leurs séjours dans des lieux situés en dehors de leur environnement habituel à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs. Par ailleurs, les visiteurs qui passent au moins une nuit dans un moyen d'hébergement collectif ou privé dans le lieu visité sont des touristes!. S'interroger aujourd'hui sur le tourisme, c'est se pencher sur ce que l'on considère comme la « super-industrie du xx! siècle »2. Les tendances indiquent que le tourisme conventionnel a augmenté au cours des quinze dernières années et continue à augmenter. Cette activité économique de premier plan se distingue par sa transversalité, touchant une multitude de secteurs, d'acteurs, d'intérêts et d'objectifs différents. En conséquence, elle ne peut manquer de provoquer des effets très particuliers sur nos milieux de vie et particulièrement sur notre environnement, d'autant qu'au fil du temps, de pratique élitiste, le tourisme est devenu un phénomène de masse. Dès lors, les impacts de cette activité, de ponctuels et limités dans le temps et l'espace, se sont accentués et généralisés. Le tourisme occupe aujourd'hui une place prépondérante dans l'avenir des sociétés et des populations. On a maintes fois, au cours des dernières décennies, insisté sur la nécessité et l'urgence de rendre les activités humaines plus viables sur tous les plans et particulièrement sur le plan écologique.
.
DCS-CERP3E 1. Rapport présenté par F. CHAUSSEBOURG,Conseil économique et social, Le tourisme, un atout à développer, Séance des 25 et 26 juin 1996, JO n° 4314, p. 9. 2. C. HERNANDEZ-ZAKlNE.Fascicule 507 JCN Environnement, Tourisme et environnement, Version 4/2004, p. 4
Plus qu'aucune autre activité, le tourisme se nourrit d'environnement. Il est notamment source de production massive de déchets et de pollution, ce qui est aggravé par l'accroissement saisonnier de la densité de population, lequel alourdit de plus le fardeau sur les infrastructures locales. Les relations entre tourisme et environnement s'avèrent en conséquence, dans la plupart des cas, particulièrement tumultueuses. Il faut dire que, pour l'essentiel, les emprises touristiques se sont développées et se développent encore dans des milieux tels que le littoral et la montagne, c'est-à-dire des milieux dits généralement fragiles. Le tourisme privilégie les paysages de qualité, voire spectaculaires. Ainsi, les sites naturels fragiles constituent par évidence des attractions touristiques. Cet état de fait génère des frictions entre les différentes vocations attribuées au site. Promoteurs du tourisme et de la conservation de la nature entretiennent des relations oscillant entre la coexistence (situation rarement statique) et le conflit (particulièrement lorsque le tourisme et ses répercussions sont néfastes pour la nature). Une relation symbiotique entre acteurs, basée sur de nouveaux modes de gestion touristique, constitue l'objectif à atteindre3. C'est cet objectif que se fixent les politiques de développement durable du tourisme. Il s'agit maintenant de comprendre comment tourisme et développement durable peuvent être associés. Dans le contexte que l'on vient d'exposer, et comme dans la majeure partie de nos activités, productrices de fortes nuisances, le concept de développement durable s'est immiscé dans la gestion des activités touristiques. Rappelons la définition du développement durable donnée en 1987 par le rapport de Mme Brundtland, alors Premier ministre de Norvège et présidente de la commission des Nations unies sur l'Environnement et le développement: Un processus de changement par lequel l'exploitation des ressources, l'orientation des investissements, les changements techniques et industriels sont en harmonie et renforcent le potentiel actuel et futur de satisfaction des besoins des hommes. Le tourisme durable s'inscrit dans une perspective globale qui cherche à fusionner le développement durable et l'industrie touristique. Il tâche d'établir un équilibre entre une variété de préoccupations économiques, socioculturelles et écologiques aux paliers international, national et local4. Si l'on se place du point de vue de l'Europe communautaire, la Commission européenne5 définit le tourisme durable comme un tourisme économiquement et socialement viable sans atteinte à l'environnement et à la culture locale. Ce qui se traduit par une réussite économique; une conservation, une préservation et un développement de l'environnement, ainsi qu'une responsabilité envers les 3. Voir note 2. 4. Voir note 2. 5. Communication ITom the commission to the council, the European parliament, the European economic and social committee and the comittee of the regions. Basic orientations for the sustainability of European tourism. Communication of the European communities. Brussels, 21.11.2003. COM(2003) fmal.
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valeurs sociales et culturelles6. Le développement du tourisme durable est lié à une progression en qualité plutôt qu'en quantité. Sa prémisse fondamentale est que les visiteurs d'aujourd'hui ne devraient aucunement compromettre
l'appréciation
des générations futures7. Le tourisme durable est un
développement touristique qui minimise ses incidences négatives et maximise ses incidences positives sur l'environnement socioculturel et écologique, grâce à la planification et à la gestion8. Le but est de passer de l'aménagement pur et dur du territoire à son « ménagement »9, Ce qui implique l'abandon d'un tourisme de type « fordiste» et des « produits touristiques» en faveur des « lieux touristiques ». Malgré les apparences, nous sommes loin de banales considérations sémantiques. À travers le concept de développement durable, on a « découvert» que le progrès technique n'est pas nécessairement en opposition avec le maintien d'une bonne qualité environnementale, voire avec son amélioration. Le tourisme, non sans paradoxe, peut être analysé, tour à tour, comme facteur de dégradation de l'environnement10 et comme source de préservation de celuici. Promouvoir le tourisme durable, c'est faire le choix de la seconde option. On
cherche à « vivre des valeurs»
Il,
pas seulement à « voir ». Bref, on introduit une
éthique dans le tourisme1z. Le tourisme durable, même armé des meilleurs sentiments, ne saurait cependant représenter la panacée universelle. Les discours euphorisants sur le tourisme durable ne parviennent pas à compenser les défaillances et manquements d'une recherche touristique embryonnaire. Ceci étant, en devenant un cadre récurrent de l'action politique, le tourisme durable permet d'estomper la frontière entre environnement et aménagement. Rappelons qu'initialement, dans le meilleur des cas, les questions
6. On retrouve ici les termes employés par l'article premier de la Charte du TO de l'OMT adoptée en 1995. 7. Voir note 2. 8. Le tourisme durable dans les régions naturelles (99.01.05). Document de travail préparé pour le dialogue sur l'écotourisme durable dans les régions naturelles d'Amérique du Nord, 27 et 28 mai 1999. Commission de coopération environnementale. Montréal, Canada. Le développement de l'écotourisme durable dans les régions naturelles d'Amérique du Nord: contexte, enjeux et possibilités. 9. F. POTIER et F.DEPRAS, « Le tourisme à l'épreuve du développement durable », Revue Territoires. Tourisme participatif, équitable, durable. Du nouveau sous le soleil. JI' 449, Cahier 2, juin 2004, p. 13. ID. Comme le rappelle l'ouvrage coordonné par M. STOCK,Le tourisme. Acteurs, lieux et enjeux, Belin. Sup. Géographie, 2003 : « cette transformation du milieu par le tourisme, fut, pendant longtemps, célébrée comme des preuves du génie humain et de sa capacité à maîtriser la nature la plus rétive ». 1I. Lire l'article de R. NIFLE, « Le tourisme des valeurs. Une approche qui change tout pour les territoires ». http://journal.coherences.com 12. Lire l'article « L'éthique dans le tourisme. La nécessité d'un engagement politique des États ». in B. DUCRET, Cahiers Espaces na 67, p. 48 à 52. Soulignons sur la question de l'éthique dans le domaine du tourisme, que l'OMT a approuvé un Code mondial d'éthique du tourisme à l'occasion d'une AG à Santiago du Chili, en septembre-octobre 1999.
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environnementales étaient considérées comme des «suppléments d'âme» en matière de planification. Malgré l'ampleur des carences constatables à l'heure actuelle, le tourisme durable semble être la meilleure solution - sinon l'unique solution - pour l'avenir. Si l'on peut émettre des doutes concernant sa rentabilité, force est de constater que le tourisme durable est le meilleur gage d'une rentabilité durable, de la préservation de l'activité elle-même car il permet de préserver l'attractivité et donc le succès d'une destination. Avant d'aborder plus précisément le cœur de notre sujet, il est nécessaire de procéder à un éclaircissement terminologique rapide au sujet de diverses notions qui se présentent parfois - de manière erronée - comme synonymes du tourisme durable. Ainsi, on assimile souvent le tourisme durable à l'écotourisme. Ce dernier est un marché à créneaux à l'intérieur du tourisme durable. Il s'agit de tourisme durable dans les régions naturellesl3. L'écotourisme est une composante du secteur touristique et une sous-composante du tourisme durable. L'écotourisme est axé sur le contact avec la nature (observation d'oiseaux, d'écosystèmes, randonnée pédestre, ateliers éducatifs, etc.) et des cultures humaines traditionnelles. La démarche du tourisme durable est plus large que l'écotourisme car elle vise l'ensemble de l'industrie touristique, elle traite aussi bien des espaces naturels que des espaces ruraux ou urbains, elle intègre la notion de patrimoine culturel et architectural et préconise une modification à partir du domicile des touristes et non pas seulement dans les pays visités. Pour l'anecdote, on peut relever trente-cinq termes liés à celui d'écotourisme, ce concept étant, si l'on peut dire, utilisé « à toutes les sauces »14 : tourisme vert, tourisme écologique, tourisme doux... Ces termes ont en commun certains concepts généraux mais ne sont pas nécessairement synonymes. Nous nous concentrerons pour notre part sur le concept de tourisme durable tel que défini précédemment. Les termes du sujet étant clairement définis, il s'agit maintenant d'aborder un point fondamental: quels sont les enjeux pour l'Union européenne (UE) en termes de promotion du tourisme durable? Le tourisme est l'un des secteurs les plus importants et les plus en expansion de l'économie mondiale, certes, mais aussi, voire surtout, de l'UE. L'Europe constitue la première destination touristique mondiale. Les arrivées internationales en Europe ont grimpé de 25,3 millions en 1950 à 414 millions en 2003, et l'on prévoit d'atteindre les 717 millions en 2020, ce qui signifie un
quasi-doublement en deux décennies 15. 13. Voir note 2. 14. À ce sujet, lire « Tourismes participatif, équitable, durable. Du nouveau sous le solei! ». Revue Territoires n° 449, Cahier n° 2, juin 2004, p. 9. 15. The European Tourism industry. A multi-sector with dynamic markets. Structures, developments and importance for Europe 's economy, European Commission, Enterprise publications, Report prepared for the enterprise DG (Unit D.3) of the European Commission, R. LEIDNER,March 2004. 82
En 2005, le secteur du tourisme dans l'UE employait environ 7 millions de personnes dans quelque 2 millions d'entreprises, la plupart petites et moyennes, et représentait 5 % du PIB, dans sa définition la plus stricte (hôtels, restaurants, cafés, bars, agences de voyages et tours opérateurs). Dans sa définition la plus large (comprenant des secteurs connexes tels que le transport), il représentait plus de Il % du PIB et plus de 20 millions d'emplois16. L'introduction de l'euro, la libéralisation des différents secteurs de transport et l'avancement du processus d'intégration sont autant d'éléments qui vont faciliter encore les déplacements à l'intérieur de l'Union. La mise au point de nouvelles technologies de l'information va permettre, pour sa part, de toucher d'autres marchés touristiques et de simplifier la planification des vacances. Enfin, l'adhésion des pays d'Europe centrale ouvre les portes de nouveaux marchés. L'élargissement progressif de l'Union à de nouveaux États membres à fort potentiel touristique va très certainement, dans l'avenir, contribuer à renforcer encore le poids économique du secteur et son importance pour la croissance européenne. Il faut aussi compter avec le vieillissement graduel de la population de l'UE et ses conséquences sur le marché touristique en termes notamment de saisonnalité, d'immobilier et de services. Ainsi, la part de personnes de plus de 65 ans, de 16,2 % en 1999, passera à 26,3 % en 204017. Parallèlement, on assiste à une demande croissante au niveau européen d'une identification de lignes directrices stratégiques et de mesures nécessaires à la réalisation d'un développement touristique durable. Ainsi, en 1999, les formes « alternatives» ou « non conventionnelles» de tourisme affichaient déjà un taux de croissance près de trois fois supérieur à celui du tourisme classique. Ce qui n'est pas sans être lié au fait que selon une étude Eurobaromètrel8, première étude sondant les attitudes des citoyens vis-à-vis de l'environnement dans les vingt-cinq pays de l'Union élargie, neuf Européens sur dix estiment que les décideurs politiques devraient porter autant d'attention aux problèmes environnementaux qu'aux facteurs économiques et sociaux lors des décisions. Par ailleurs, l'environnement est en train de devenir, s'i! ne l'est déjà, une composante incontournable de la stratégie des entreprises et des collectivités territoriales. La rencontre des ministres européens du Tourisme à Lille en novembre 2000 a permis de dessiner les contours d'un tourisme durable européen. Depuis, les initiatives se sont multipliées. Pourtant on ne constate toujours aucun 16. Données du ministère français des Transports, de l'Équipement, du Tourisme et de la Mer, www.europe-international.equipement.gouvjr. Voir aussi les données de la Résolution (2004/2229(INI» du Parlement européen sur les nouvelles perspectives et les nouveaux défis pour un tourisme européen durable. 17. The European Tourism industry. A multi-sector with dynamic markets. Structures, developments and importance for Europe 's economy, European Commission, Enterprise publications. Report prepared for the enterprise DG (Unit D.3) of the European Commission, R. LEIDNER.March 2004. 18. « Les attitudes des citoyens européens à l'égard de l'environnement »,janvier 2005. 83
changement significatif des pratiques non durables de consommation et de production au sein du tourisme européen. Ce dernier n'est toujours pas adapté aux principes fondamentaux de la durabiIité, notamment au regard des transports, de la répartition saisonnière des loisirs touristiques et de leurs conséquences non durables du point de vue économique, social ou environnementaI. Les mesures préconisées, souvent pleines de bonne volonté, n'ont pour la plupart aucun effet notable. Malgré les initiatives en cours (guides de bonnes pratiques, chartes, principes...), aucune modification significative des modèles de consommation et
de production n'est observable dans le tourisme européen 19. Les raisons citées sont les suivantes: pas d'incitation suffisante pour une transposition des directives sur le terrain, aucune internalisation des coûts socio-économiques et environnementaux, des comportements de consommation individuels, des messages souvent complexes. Le bilan concret de l'action européenne en matière de tourisme reste assez pauvre et le tout manque sérieusement de lisibilité, l'essentiel de l'action communautaire intéressant le tourisme s'opérant dans le cadre des décisions, des politiques et des interventions développées dans d'autres champs de compétence. Une question centrale se pose désormais pour le développement de l'industrie touristique européenne: comment l'activité touristique et sa progression attendue pour les vingt prochaines années peuvent-elles être gérées de manière à respecter les limites des ressources, et la capacité de ces ressources à se régénérer, tout en garantissant une réussite commerciale20 ? Pour la Commission européenne2!, assurer la durabilité économique, sociale et environnementale du tourisme européen est crucial, dans l'optique d'une contribution au développement durable aussi bien en Europe que pour le monde entier, et pour la viabilité, la progression continue, la compétitivité et le succès commercial de ce secteur économique de haute importance22. Depuis le milieu des années 1990, le développement du tourisme durable est devenu une priorité dans les discours des institutions européennes. La difficulté vient des modalités de concrétisation des objectifs, sachant que l'Europe est caractérisée par sa diversité, ce qui entraîne la nécessité de définir pour un certain nombre de zones des challenges spécifiques. Beaucoup d'initiatives sont en cours de promotion et de réalisation. Ce qui ne suffit pas à cacher le fait que les relations entre l'UE et le secteur du tourisme restent difficiles. 19. À ce sujet, consulter le site www.enviropea.com. article « Communication de la Commission COM(2003)716. Orientations de base pour la durabilité du tourisme européen: rien d'exceptionnel sous le soleil de Bruxelles ». 20. Voir note 10. 21. Communication from the Commission to the Council, the European Parliament, the European
economic and social committee and the committee of the regions, « Basic orientations for the sustainability of European tourism », Commission of the European communities. Brussels, 21 novo 2003 COM (2003) final. 22. Rappelons à ce sujet que l'objectif du Conseil européen de Lisbonne (23-24 mars 2000) est de faire de l'Europe l'économie la plus compétitive et la plus dynamique du monde. Or on reconnaît sans difficultés l'importance du tourisme comme secteur économique. 84
Si le tourisme est concerné par de nombreuses initiatives et programmes communautaires, il ne constitue toujours pas à ce jour une politique communautaire avec des objectifs et une stratégie propre, et, en vertu du principe de subsidiarité, il relève avant tout de l'action des États membres. Cependant, le poids économique de ce secteur pousse les institutions communautaires à intervenir. Le tourisme est un secteur transversal qui est concerné par de nombreuses politiques européennes (transport, logement, emploi, environnement, aménagement du territoire...), ce qui implique une prise en compte croissante au niveau de l'Union. La question de la compétence de l'UE en matière de tourisme est loin de faire l'unanimite3. Les tentatives d'émergence de véritables programmes communautaires consacrés au secteur, comme le programme PHILOXENIA, ont avorté du fait des positions divergentes des États. Beaucoup répugnent à toute tentative d'institutionnalisation d'une politique communautaire du tourisme. Le Traité CE, en l'état, ne permet pas à la Communauté de mener une politique propre du tourisme. C'est le traité de Maastricht qui en premier parle de mesures dans le domaine du tourisme, comme complément des objectifs communautaires, grâce à l'introduction d'une disposition, la lettre u de l'article 3, laquelle autorise la Communauté à prendre dans le cadre d'autres politiques des mesures d'orientation et de développement de ce secteur. C'est ainsi que s'appliquent au tourisme les dispositions relatives à la libre circulation des personnes, des marchandises et des services, aux petites et moyennes entreprises, à la politique régionale... La Commission ne peut proposer de mesures en faveur du tourisme que sur la base de l'article 308 du Traité de Maastricht, qui prévoit que le Conseil doit statuer à l'unanimité, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen. Or, la mésentente Nord/Sud a longtemps freiné toute tentative communautaire en matière de tourisme. C'est finalement le concept de développement durable, qui, en s'immisçant dans le domaine du tourisme, va opérer une sorte d'impulsion et permettre de nouvelles opportunités. La construction du tourisme européen est en route, autour du thème consensuel du «durable ». Depuis ce début de XXI" siècle, nous assistons à une plus grande mobilisation des institutions européennes autour des nouvelles perspectives pour le tourisme européen, envisagé comme durable. Autour d'une foison de communications et résolutions, un véritable plan d'action européen va se dessiner, même si celui-ci reste caractérisé par un éparpillement de mesures. Qu'en est-il, derrière ces démonstrations de bonne volonté, des réalisations concrètes? Afin d'en juger, nous allons maintenant proposer des exemples de politiques de soutien au tourisme durable menées par l'UE. Il est bien entendu impossible de prétendre à l'exhaustivité, notamment en raison de l'éparpillement des mesures et de l'intérêt très relatif de certaines d'entre elles. Nous avons donc fait
23. Lire notamment J.-Cl. GUICHENEyet double paradoxe », 21 octobre 2003.
G. ROUZADE « Tourisme
85
et politique
communautaire:
un
le choix de présenter quelques axes d'action privilégiés en nous basant sur les orientations récentes que l'UE a choisi de promouvoir. Ainsi, la Commission a présenté une communication24, le 17 mars 2006, intitulée « Une nouvelle politique européenne du tourisme: renforcer le partenariat pour le tourisme en Europe ». Il s'agit de répondre aux défis actuels auxquels le secteur touristique est confronté et d'exploiter pleinement son potentiel. Pour cela, la Commission vise plusieurs domaines d'action, notamment des mesures d'intégration, qui passeront par une amélioration de la réglementation existante. Le but est d'éviter de cumuler les charges administratives qui peuvent nuire à la compétitivité du secteur, d'assurer la promotion du tourisme durable et l'amélioration de sa compréhension et de sa visibilité. Le mot d'ordre, c'est l'optimisation du cadre d'action existant. De cette « nouvelle politique européenne du tourisme », nous retiendrons pour notre part trois axes principaux que nous étudierons successivement: -
la promotion du tourisme durable et la coordination des politiques; les actions spécifiques menées en faveur de la durabilité du tourisme
européen, basées sur le partenariat et la création de réseaux; - l'utilisation optimale des instruments financiers disponibles, en faveur du tourisme durable.
I. La promotion d'outils basés sur la responsabilisation des acteurs, le volontariat et le partenariat La promotion de ce que l'on nomme traditionnellement les « bonnes pratiques» laisse supposer que tout l'essor de notre tourisme conventionnel repose bel et bien sur de « mauvaises pratiques»... Dès lors, comment assurer la diffusion et la généralisation des « bonnes pratiques» ? Il est fondamental d'assurer la coordination des acteurs du tourisme afin de permettre l'échange d'expériences et de bonnes pratiques. C'est ce qu'affirmait déjà la Présidence portugaise à l'occasion du séminaire de Vilamoura en mai 2000: « Il faut articuler les activités développées dans les institutions nationales, régionales ou locales, mettre l'accent sur les bonnes pratiques existantes et assurer, par le biais des mécanismes adéquats, la mise en œuvre des différentes politiques communautaires qui, chacune dans leur cadre, peuvent favoriser le tourisme. » Le travail de recherche sur la définition des paramètres, des outils de mesure et systèmes d'évaluation, tant de l'état d'une variable donnée que de l'effet des mesures prises pour l'améliorer, est une priorité. Cela passe dans un premier temps par l'élaboration d'indicateurs. Par quels moyens peut-on mesurer et comparer les succès du tourisme durable? Le touriste peut-il être certain que des destinations dites « durables» le sont effectivement, et qu'il ne s'agit pas seulement d'une étiquette collée sur un produit pour mieux « surfer» sur la vague du développement durable? 24. COM (2006) 134 final (non publié au JO).
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A. Les initiatives des acteurs institutionnels Depuis le début des années 1990, l'OMT25 encourage l'emploi des indicateurs du tourisme durable, instruments essentiels pour la prise de décisions, la planification et la gestion au niveau des destinations26. Sur ce point, la Commission européenne a entrepris la promotion de la mise en œuvre de données fiables et harmonisées. L'Agence Européenne de l'Environnement27 a établi des indicateurs clés et travaille aux mécanismes susceptibles de lier tourisme et environnement dans une approche intégrée. Cette Agence a un rôle crucial à jouer dans la collecte d'informations qui permettront d'évaluer l'efficacité des mesures. C'est la plaque tournante du réseau européen d'information et d'observation de l'environnement. Eurostat élabore également une méthodologie afin de mesurer le développement durable du tourisme et de sélectionner des indicateurs à même de fournir une aide précieuse. Le Parlement européen invite parallèlement la Commission et les États membres à mettre en place au niveau européen un groupe de contact associant les États membres et les voyagistes afin de coordonner les informations et de proposer des actions. L'unité tourisme (DG Entreprise) a également un rôle essentiel: articulation, suivi, diffusion des mesures et politiques ayant des répercussions sur le tourisme et décidées dans des DG ou conseils où le secteur n'est pas directement représenté.
B. L'Agenda 21 pour le tourisme européen Au-delà de ces actions particulières, est en chantier la création d'un instrument essentiel: l'Agenda 21 pour le tourisme européen. Un groupe de travail « Tourisme durable» élabore un Agenda 21 pour un tourisme durable européen, lequel vise à guider et à appuyer, à travers les indicateurs de tourisme durable, la mise en œuvre d'Agendas 21 locaux ainsi qu'à coordonner l'action des États membres pour l'échange de bonnes pratiques. Le but est de stimuler les efforts de toutes les parties, au travers de tous les niveaux territoriaux et administratifs. Cet Agenda devrait être finalisé courant 2007. L'Agenda 21 s'adresse aux acteurs publics et privés, agents socio-économiques et représentants de la société civile. Il est indispensable que le caractère intersectoriel du tourisme soit pris en compte dans les modes de travail, par une coopération formalisée et active entre les différents acteurs et aussi les différentes directions européennes concernées. Les objectifs et mesures d'action prioritaires à l'attention des acteurs publics ont pour objet de mettre en 25. Organisation Mondiale du Tourisme. 26. www.world-tourism.org 27. L'ABE est le principal organisme public européen spécialisé dans la fourniture d'informations fiables et indépendantes sur l'environnement aux décideurs politiques et au public. Elle a été créée en 1993 et est opérationnelle depuis 1994 à Copenhague. C'est un organe communautaire ouvert à toutes les nations qui partagent ses objectifs.
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place des procédures et systèmes à même de placer les questions de préservation au centre du processus de décision et d'identifier les mesures nécessaires à l'instauration d'un tourisme de préservation28. Il s'agit: - d'évaluer la capacité du cadre actuel des législations, de l'économie et de la volonté de mettre en place un tourisme de préservation; - d'évaluer les impacts économiques, sociaux, culturels et environnementaux du tourisme; -
d'entreprendre la formation, l'éducation et la prise de conscience du public; de planifier le développement du tourisme durable;
-
de faciliter l'échange d'informations, des compétences, des technologies touchant au tourisme durable entre pays développés et pays en voie de développement;
-
de faire participer tous les secteurs de la société;
- de concevoir de nouveaux produits touristiques fondés sur les principes du développement durable; - d'évaluer les progrès accomplis en matière de tourisme durable; - d'établir des partenariats en vue de développement durable. Quant aux acteurs privés, l'Agenda préconise de minimiser les déchets, de gérer l'énergie, les ressources en eau potable, les eaux polluées, les substances dangereuses, les transports non polluants, de planifier et de gérer l'utilisation des sols, de sensibiliser employés et clients aux problèmes d'environnement. Comme tout Agenda 21, l'Agenda 21 européen pour le tourisme n'a aucune portée juridique. Il doit permettre aux États comme aux professionnels du tourisme qui le souhaitent de s'engager dans une démarche de tourisme durable, en intégrant des contraintes environnementales dans leur approche publique, industrielle et commerciale. La mise en place d'un réseau de territoires pilotes devrait constituer le support concret de la mise en œuvre de l'Agenda 21 européen du tourisme. Les destinations non durables, parce qu'inscrites dans une logique de concurrence, seront ainsi encouragées à agir en faveur de la durabilité. Les territoires pilotes devront être variés afin de refléter la diversité des expériences et des stratégies existantes au niveau européen. Ainsi, les destinations considérées pourront concerner diverses échelles: ville, parc naturel, région... Quelles que soient la nature des territoires et leur dimension, ils devront respecter les critères de l'Agenda 21, à savoir les quatre objectifs stratégiques concomitants suivants qui prennent en considération toutes les dimensions du développement durable (environnement, économie, socioculturel et éthique) et s'appliquent au secteur du tourisme pour l'Europe: - prévenir et réduire les impacts territoriaux et environnementaux du tourisme dans les destinations;
28. C. HERNANDEZ-ZAKlNE, « Tourisme Fascicule 507.
et Environnement », Jurisc/asseur
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Environnement,
- maîtriser la croissance des transports liés au tourisme et ses effets négatifs sur l'environnement; -
encourager un tourisme favorable à un développement local durable
maîtrisé par les acteurs du secteur ; - promouvoir un tourisme responsable, facteur de développement social et culturel. Si ces territoires pilotes ne sont pour le moment qu'en phase de détermination, des réseaux de territoires aux pratiques qui se veulent exemplaires existent cependant déjà. Un certain nombre de partenaires ont commencé depuis un moment déjà à répondre aux challenges.
IL Les actions spécifiques menées en faveur de la durabilité du tourisme européen, basées sur le partenariat et la création de réseaux La Commission estime que le développement de labels, de chartes et de guides d'opérateurs touristiques, de même que d'outils de mesure et d'évaluation peut aider grandement à la sensibilisation au tourisme durable. Un rôle fondamental est joué par l'éducation pour la promotion d'un tourisme responsable. Il faut rompre avec les messages compliqués, élaborés au plus haut niveau, et qui ne passent pas le niveau régional ou local pour parvenir aux citoyens. Réaliser un développement touristique durable, c'est toucher le plus de cibles possibles, en favorisant les prises de conscience.
A. La préférence pour la soft law Afin d'assurer une grande diffusion des principes du tourisme durable, il est un outil privilégié: l'utilisation des méthodes dites de « soft law». La soft law tient une place déterminante en droit international de l'environnement. Pour le droit du tourisme durable, très récent, il est vital de suivre cette voie pour pouvoir émerger dans un domaine où jusque-là l'environnement et le social étaient laissés à la discrétion des États et des acteurs privés29. Au lieu d'imposer des comportements, il s'agit d'imprégner les consciences et d'inciter à l'action. Le principe est: « le contrat plutôt que la contrainte. » Les objectifs du tourisme durable ne pourront être atteints sans une diversification des modes d'intervention. L'approche classique des questions d'environnement, approche administrative et réglementaire, est ainsi peu à peu complétée par une approche plus économique, reposant sur divers outils incitatifs.
29. C. HERNANDEZ-ZAKINE,« Tourisme Fascicule 507.
et Environnement », Jurisc/asseur
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Environnement,
Parmi ces derniers, les labellisations et certifications revêtent une place particulière. Les initiatives, qu'elles soient publiques ou privées, se multiplient. Au-delà de l'environnement, elles visent plus largement le tourisme durable, s'attachant à la promotion de pratiques et de modes de production écologiquement responsables et équilibrés. D'ailleurs, l'UE, en l'absence de fondement juridique propre, ne peut imposer des mesures ni aux États ni aux entreprises touristiques. Elle ne peut qu'inciter. La Commission préfère de plus ce genre d'outils aux instruments réglementaires, dont les résultats sont généralement peu concluants. Ainsi, les mesures de protection de l'environnement sont de plus en plus prises sur la base du volontariat, notamment à travers la création de nouveaux marchés pour les fournisseurs de biens ou services. Aujourd'hui, les acteurs du tourisme détiennent la responsabilité de définir des lignes directrices. Ils doivent conduire leurs opérations d'une manière économiquement viable qui prenne en compte les problèmes environnementaux et sociaux. C'est à l'Union d'aider et d'encourager chaque acteur à assumer ses responsabilités30: application des instruments communautaires, échange de bonnes pratiques, coopération, partenariat, expertise... La production d'une information transparente participe au changement des habitudes de consommation. Certains outils rendent les efforts visibles et retiennent l'attention des consommateurs soucieux de durabilité. Dans un communiqué de presse en date du 29 mai 2001, l'Agence Européenne de l'Environnement affirmait que « l'Europe ne réalisera ses objectifs de développement durables et environnementaux qu'à condition que la politique générale sur le niveau et l'évolution des schémas de production et de consommation s'avère plus efficace. » Or, c'est le but même des programmes de certification que nous allons étudier à présent.
B. Le recours aux systèmes de certification européens Il existe un grand éventail de systèmes de certification européens. Selon Eugenio Yunis, directeur du développement du tourisme durable à l'OMT : L'Europe est la région la plus avancée pour ce qui est des initiatives de certification de la durabilité. Sa position d'avant-garde représente un défi et une responsabilité car les systèmes développés en Europe inspireront vraisemblablement d'autres régions. L'Europe a donc l'obligation morale de faire un parcours sans faute dans ce domaine. La mise en commun d'expériences s'est avérée particulièrement utile pour les pays participants d'Europe centrale ou de l'Est où les systèmes de certification de la durabilité sont encore peu ou pas développés.
30. Communication from the Commission to the Council, the European Parliament, the European economic and social Comittee and the Comitte of the regions, « Basic orientations for the sustainability of European tourism, Commission of the European communities. Brussels »,21 sept. 2003. COM (2003) 716 fmal.
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Un label ou une marque « chapeau» pour destinations touristiques permet au client de mieux s'orienter et représente aussi un élément de marketing pour le développement durable. La réflexion sur les écolabels dans le domaine du tourisme en est encore à ses débuts. L'écolabel est une attestation qu'un produit répond à des critères de qualité préalablement définis, avant la délivrance du label, certifiant une qualité supérieure à tous les produits similaires. L'écolabelling semble constituer un grand pas vers « l'écologisation» du tourisme, ceci dit, son impact reste nécessairement mesuré. En effet, l'attribution du label relevant d'une démarche volontaire, le champ d'application des règles se trouve limité à ceux qui les acceptent. De plus, les effets bénéfiques ne se manifesteront que si le choix des consommateurs s'oriente de manière suffisamment nette en faveur des produits labellisés. On peut aussi craindre l'influence des principaux groupes d'intérêt sur les critères d'octroi du label. On peut redouter que ne soit présenté aux touristes qu'un simulacre de « certifié conforme» labellisé. D'ailleurs, plusieurs expériences d'écocertification ont révélé le caractère potentiellement discriminant de l'attribution des écolabels. De plus, certaines valeurs ne peuvent être traduites par des indicateurs, c'est le cas notamment de la notion de « caractère remarquable» du paysage. On ne doit pas oublier l'importance des appréciations qualitatives, suivant l'évolution des mentalités et des goûts. Malgré tout, force est de constater que c'est en général un instrument motivant pour les partenaires et relativement efficace. C'est pourquoi l'UE a choisi d'étendre son propre label écologique3! au secteur du tourisme, encourageant ainsi la promotion du tourisme durable. L'Europe étend la normalisation de produits à tous les domaines d'activités. Stratégiquement, cela suit la ligne directrice déterminée par le sixième Programme d'action Notre Futur, Notre Choix. L'avantage d'une norme, c'est sa clarté; l'inconvénient, sa rigidité. L'écolabel semble être une bonne solution, qui concilie aspect pédagogique et rigueur, et qui présente l'avantage d'être plus lisible qu'une politique de tourisme durable « traditionnelle ». Depuis le 1ermai 2003, les professionnels européens du tourisme peuvent, dans une démarche entièrement basée sur le volontariat, obtenir le label écologique européen en récompense de leurs performances environnementales exemplaires. C'est la première fois depuis la création de l'écolabel en 1992 que la Commission européenne adopte des critères écologiques applicables au secteur des services. Depuis le 1er mai 2003, un hôtel, une auberge de jeunesse ou un refuge de montagne peuvent l'adopter. Le label écologique européen est pour les professionnels de l'hébergement touristique l'occasion de démontrer leur estime de l'environnement. Il permet également aux touristes soucieux de la protection de ce dernier d'avoir un repère
31. Voir notamment Europa Environnement, Édition du 14 de novembre 2003 : « Label écologique
européen.
Une fleur pour un tourisme
plus vert. »
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fiable afin de choisir en toute conscience. Le symbole stipule aux consommateurs que les produits « fleuris» sont respectueux de l'environnement. Or, une étude32 démontre que 42 % des touristes préfèrent opter pour un logement respectueux de l'environnement, tandis que 46 % souhaitent promouvoir activement la protection de l'environnement, à travers leurs vacances. Selon Margot Wallstrom, commissaire à l'environnement33 : Un secteur touristique prospère n'est pas incompatible avec un environnement sain et le respect de la nature. [...]. Du point de vue commercial, il est logique pour les fournisseurs de séjours de demander l'écolabel, il est bon que les consommateurs recherchent la fleur au moment de réserver leur séjour. L'intérêt pour l'écolabel européen pour le tourisme grandit rapidement depuis son lancement en 2003. Le secteur de l'hébergement touristique est en effet déjà le troisième groupe le plus important. Les jeux Olympiques de Turin durant l'hiver 2005 ont largement contribué à sa croissance à travers son utilisation massive, laquelle a fait l'objet d'un affichage marketing à la hauteur de l'événement concerné. La Commission européenne entend d'ailleurs bien jouer sur la corde sensible de l'argument marketing pour mettre le secteur touristique sur le « droit chemin ». L'écolabel semble combiner à lui seul deux des impératifs du développement durable, le changement des modes de production et de consommation. La Commission européenne planche de ce fait sur l'introduction de nouveaux secteurs, tel celui du camping. Tout opérateur touristique peut obtenir le label écologique européen. Pour ce faire, il doit toutefois satisfaire à de strictes normes minimales en matière de performance environnementale et sanitaire, dont trente-sept obligatoires, drastiques et précises. Parmi elles figurent l'utilisation de sources d'énergie renouvelable, une réduction globale de la consommation d'énergie et d'eau, l'adoption de mesures visant à réduire les déchets, l'élaboration d'une politique environnementale... Rappelons à ce sujet que le renforcement de la part des énergies renouvelables est l'une des préoccupations majeures de l'DE. Viennent ensuite des critères optionnels (au nombre de quarante-sept), définis avec un système de points, qui viennent valider des bonnes pratiques telles que l'équipement en électroménager de classe A, consommant moins d'énergie, ou l'extinction automatique des lampes dans les chambres. Les professionnels du tourisme ont ainsi l'occasion de mettre le doigt sur leurs faiblesses écologiques et économiques, et d'y remédier. En consommant moins d'énergie et d'eau, ils y gagnent en termes de rentabilité tout en contribuant à la sauvegarde de l'environnement. Gunther Motzke, directeur d'un complexe touristique d'une station de ski norvégienne, explique les avantages qu'il attend de l'attribution du label: 32. « German Traveller Analysis », 2002. 33. Propos relevés dans un article de S. TouBoUL, « L'écolabel touristiques », mis en ligne sur www.novethic.fr le 26 juin 2003.
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européen pour des hébergements
Nos infrastructures sont principalement fréquentées par des étrangers et les labels existants n'étaient pas reconnus comme nous l'attendions de la part des consommateurs. Maintenant que l'UE s'ouvre à de nouveaux pays, il est capital pour nous de faire connaître notre engagement écologique auprès de l'industrie des voyages dans son ensemble et de ses clients à travers l'Europe élargie. Cueillir cette fleur était pour nous une étape logique dans la poursuite de ces objectifs. La Commission européenne a publié le 14 juin 2006 une Décision34 dans laquelle elle effectue un premier bilan de la mise en œuvre de l'écolabel et trace les perspectives de développement et d'amélioration de cette initiative. Les services d'hébergement touristique sont en pointe dans la diffusion du label. Un objectif de trente-cinq nouvelles catégories de produits a été fixé d'ici 20 Il. Y figurent notamment les services de transport de passagers, les composantes de construction ou la climatisation... autant de domaines qui intéressent le secteur touristique. La Commission souhaite augmenter de 50 % chaque année la valeur et le nombre d'articles porteurs de l'écolabel et de le faire mieux connaître. Pour cela, elle vise que 50 % des consommateurs européens reconnaissent le logo du label écologique européen comme un label d'excellence environnementale. Constatant la multiplicité des labels écologiques nationaux, elle souhaite exploiter les synergies et coopérer avec ces différents systèmes dans la perspective d'une refonte d'ensemble du système du label écologique. Repenser l'écolabelling est en effet nécessaire. Il existe environ 40 labels écologiques pour le tourisme en Europe, dont la plupart sont peu efficaces, du fait de leur manque de visibilité. En effet, les critères et procédures de sélection sont de différents niveaux, de même que la fiabilité et la qualité. Il est important de ne pas dupliquer les systèmes de normes et d'inspection existants en matière de qualité. Une multiplication des labels à l'échelle d'une destination peut s'avérer inefficace et déroutant pour le touriste. VISIT est un projet financé par PUE et qui réunit de nombreux labels écologiques utilisés en Europe sur une base régionale, nationale ou internationale et garantissant les produits touristiques. Il promeut des labels écologiques en renforçant l'efficacité des labels écologiques existants. VISIT a commencé en 200 I à coopérer avec les dix principaux labels écologiques en Europe afin de développer des standards basiques communs qui comprennent des principes et exigences en accord avec les standards généraux ISO 14024 pour les labels écologiques. Les labels écologiques certifiés par VISIT aident à identifier les labels qui garantissent une grande performance de leurs produits. Depuis 2002, une organisation VISIT est établie afin de continuer le travail du projet comme entité juridique, à travers des procédures d'accréditation. Une association VISIT est en place depuis 2004, c'est la première association de ce type en Europe. La « fleur» et VISIT envisagent une coopération pour exploiter les synergies potentielles.
34. JO Ll62 du 14 juin 2006.
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Au-delà de la promotion d'initiatives volontaires, l'DE offre aussi un cadre et un soutien financier important au tourisme durable.
III. L'utilisation optimale des instruments financiers disponibles, en faveur du tourisme durable Compte tenu de l'absence d'un budget spécifique au tourisme, l'unité tourisme de la DG Entreprise n'est pas en mesure de financer des projets touristiques. Face à l'absence de politique communautaire du tourisme, c'est dans le cadre des programmes financés par les fonds communautaires qu'il est possible de constater la prise en compte du tourisme durable. II faut distinguer les fonds relevant de la branche environnementale et les fonds relevant de la politique de cohésion économique et sociale, les Fonds structurels. À côté de cela figurent encore les initiatives communautaires qui agissent sur le tourisme et l'environnement. Nous allons nous pencher sur le financement au travers des Fonds structurels. Afin de mener à bien l'effort de cohésion économique et sociale, l'DE a créé des instruments financiers, les Fonds structurels. Ce sont des instruments financiers que l'DE utilise pour améliorer la situation économique générale dans les régions moins développées ou défavorisées de son territoire. Tant les administrations publiques que les entreprises privées peuvent en bénéficier. Les Fonds structurels financent des investissements dans des domaines variés et de multiples projets sont éligibles. Avant 1993, le lien entre l'activité financée et l'environnement n'étant pas exigé, on a forgé une mauvaise image des Fonds structurels. À partir du règlement n° 2081/93 du 20 juillet 1993, qui s'inspire du Ve Programme d'action pour l'environnement, l'action des Fonds structurels s'est intégrée dans le cadre du développement durable avec l'environnement comme élément central. Ainsi, toute activité touristique qui désire recevoir un soutien communautaire doit en principe prendre en compte le facteur environnemental. De plus, le règlement n° 1260/1999 rappelle le principe d'intégration en vertu duquel chaque programme financé par les fonds doit tenir compte des préoccupations environnementales. Les Fonds structurels sont les principales sources de financement de l'DE en faveur du tourisme, en particulier dans les zones les moins prospères. Leur apport est loin d'être négligeable, avec des effets de levier importants notamment pour les investisseurs publics. Ceci dit, tout dépend de la capacité des opérateurs à générer des projets éligibles et à les faire cofinancer par l'DE. L'approche des fonds est particulièrement pertinente au sens où elle met l'accent sur les défis d'une région, sur la cohérence de la formulation des objectifs et les priorités. Or, l'DE a choisi de faire du tourisme un vecteur de développement et privilégie le financement de projets à vocation touristique. Le tourisme a déjà grandement bénéficié du soutien financier offert par les divers instruments financiers européens durant la période 2000-2006. Durant la période 2007-2013, les Fonds structurels et d'autres programmes européens soutiendront financièrement le 94
développement des entreprises, des services et de l'infrastructure du tourisme durable. Nous allons nous pencher plus particulièrement sur cinq fonds: le FEDER (Fonds européen de développement régional), le FSE (Fonds social européen), le FEADER (nouveau Fonds européen agricole pour le développement rural), le FEP (Fonds européen pour la pêche) et le Fonds de cohésion. Le FEDER constitue la principale source de financement de la promotion du tourisme de façon directe ou indirecte. C'est d'ailleurs de manière générale le fonds le plus important en masse financière mobilisable. La réforme de 1988 en a fait l'instrument par excellence de la programmation. C'est la « cheville ouvrière» du développement économique. Il finance la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale. Son but est de favoriser l'essor économique des régions afin de réduire les écarts de développement au sein de l'Europe. Le règlement n° 1261/1999 du Parlement européen et du Conseil précise que son intervention doit s'inscrire dans la stratégie globale et intégrée de développement durable. Les collectivités territoriales en ont vite compris l'intérêt et voient en lui un appui décisif pour assurer le financement de leurs projets35. Conformément aux nouveaux objectifs, le FEDER soutiendra des formes de tourisme plus durable en vue d'améliorer le patrimoine culturel et naturel, ainsi que des réseaux innovants, des stratégies transfrontalières et l'échange interrégional d'expériences. Le FEADER soutient le développement rural et l'accélération de l'adaptation des structures agricoles. Un certain nombre de mesures ont pour objet de faire le lien entre agriculture et environnement et le tourisme peut y trouver sa place. Ainsi en va-t-il des mesures visant des opérations de diversification des activités agricoles et le développement d'activités économiques. Le fonds offtira un soutien pour améliorer le paysage rural, revaloriser le patrimoine culturel afin de développer le tourisme rural. Le tourisme de montagne par exemple trouvera facilement sa place dans le cadre des zones défavorisées. Les zones rurales offrent des opportunités qui pourraient revêtir une importance grandissante pour les nouveaux États membres et les pays candidats. Le FSE a pour but de promouvoir l'emploi, de lutter contre le chômage, la discrimination et l'exclusion sociale. Il est depuis sa création intégré à une logique régionale. Il est appelé à financer des projets ciblant des programmes éducatifs et la formation en vue d'améliorer la qualité de l'emploi dans le secteur du tourisme. En matière de formation, le tourisme est considéré comme un secteur pilote. Le FEP propose l'écotourisme comme nouveau domaine capable d'absorber les pêcheurs affectés par la restructuration du secteur de la pêche. La pêche à petite échelle et l'infrastructure touristique bénéficieront d'aides. Le Fonds de cohésion, mis en place en 1993, concerne les États membres dont le PIB est inférieur à 90 % de celui de l'UE. Les infrastructures d'environnement
35. Lire à ce sujet Europe, le temps des régions par CI. Du GRANRUT,Collection « Décentralisation
et développement
local », 2e édition
95
LODJ,
1996.
et de transport qui revêtent une importance fondamentale majeure pour le tourisme durable seront financées. À ce sujet, le Parlement européen36 rappelle que « le transport est un secteur fondamental pour le tourisme ». Le tourisme repose en effet sur le transport et c'est grâce à lui qu'il est devenu un secteur économique de première importance37. Dans le Livre Blanc sur « La réglementation européenne des transports pour 2010 »38 et son plan d'action, la Commission européenne décrit l'évolution inégale des différents modes de transport et ses conséquences sociales, environnementales et économiques comme l'un des problèmes majeurs de la politique européenne des transports39. Le but de cette politique est désormais de revenir à une relation équilibrée entre les différents modes de transport. Pour cela, on promeut essentiellement le « changement modal », le développement de la tarification et des infrastructures de transport, la promotion et l'utilisation des voitures et carburants plus propres, la promotion de l'utilisation des transports en commun. Divers projets allant dans ce sens ont déjà été financés et d'autres le seront pour la période 2007-2013. Les programmes d'action pour les transports s'attachent à couvrir tout l'éventail des éléments constitutifs d'une mobilité durable: investissement accru dans les infrastructures et transports publics, voies piétonnes, pistes cyclables, politiques d'aménagement du territoire études d'impact.. . Les Fonds structurels tentent de contribuer à augmenter les possibilités d'emploi, la qualité de vie générale, la régénération commerciale et touristique des régions qui connaissent un retard de développement. Outre l'aide accordée aux entreprises du secteur touristique, ils financent des projets qui apportent un avantage indirect. Les bénéficiaires en sont généralement des organismes publics ou semi-publics tels que des villes, des provinces, des organisations représentatives ou des offices du tourisme. Les investissements sont destinés à renforcer l'attrait des régions pour les visiteurs. Exemples: investissements dans le patrimoine culturel, mise en réseau et coopération des acteurs touristiques. lis ont pour vocation de répondre à des objectifs prioritaires, lesquels sont réorganisés à chaque période, en fonction des besoins et des priorités. Ainsi, pour la période 2007-2013, les fonds seront concentrés sur trois objectifs communautaires: convergence, compétitivité régionale et emploi, coopération territoriale.
36. Résolution sur les nouvelles perspectives et les nouveaux défis pour un tourisme européen durable (2004/2229(INI)) adoptée le 8 septembre 2005. 37. The European Tourism industry. A multi-sector with dynamic markets. Structures, developments and importance for Europe 's economy, European Commission, Enterprise publications, Report prepared for the enterprise DG (unit D.3) of the European Commission, R. LEIDNER,March 2004. 38. European transport policy for 2010.' time to decide. 39. Voir « Revitalising the railways ». Georg JARZEMBOWSKI.The parliament magazine. 1ssue 198,28 february 2005, p. 44-45.
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Les Fonds structurels sont mis en œuvre au sein de programmes. Il existait pour la période 2000-2006 des programmes d'initiatives communautaires, tel qu'INTERREG III, qui soutenait toute coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale destinée à développer et à aménager le territoire ou encore les programmes LEADER + pour favoriser le développement dans les zones rurales. Les initiatives communautaires financent les mesures visant à résoudre des problèmes de développement particuliers et récurrents dans les régions d'Europe. Les programmes concernés sont pris à l'initiative de l'UE mais mis en œuvre par les autorités compétentes des États membres. Diverses activités touristiques peuvent par ailleurs bénéficier d'aides à travers des programmes européens dans des domaines aussi variés que la protection de l'environnement, la réhabilitation du patrimoine naturel, les technologies de l'information et de la communication. D'une manière générale, l'aide est apportée à des projets qui impliquent un partenariat entre des structures (entreprises, organismes, associations...) de deux États membres au moins. Ces derniers programmes sont essentiellement gérés au niveau de la Commission (DG entreprise, unité tourisme).
Conclusion. L'UE confrontée à de nouveaux défis d'importance: quel avenir pour le tourisme durable? L'UE est confrontée à de nombreux problèmes posés par l'élargissement de la communauté vers l'Europe centrale et orientale. L'adhésion de nouveaux pays, dont le niveau de richesse se situe en dessous de la moyenne communautaire, va en effet entraîner un accroissement des disparités régionales et sociales, de nouvelles inégalités territoriales et l'aggravation de la pauvreté (écarts de richesse multipliés par deux et baisse de la moyenne du PIB de 12,5 %) et de l'exclusion sociale. L'UE doit redéfinir ses objectifs pour répondre aux besoins d'une Europe à vingt-sept. Il est attendu de cet élargissement un processus de rattrapage économique et une coordination plus transversale entre tous les acteurs sociaux européens4o. Cet élargissement entraîne plusieurs épreuves à surmonter41 : En matière de développement durable, pour la période 2000-2002, le soutien financier structurel aux projets pour l'environnement a atteint trois milliards d'euros par an, dont les deux tiers provenaient du FEDER et un tiers du Fonds de cohésion. De plus, du fait du cofinancement, les interventions européennes orientent fortement celles des États membres, sans parler des investissements privés. Cette politique de cohésion est cependant appelée à évoluer pour offrir un cadre adapté aux besoins évolutifs des nouveaux États membres et pour 40. Lire à ce sujet « L'Union européenne après l'élargissement» par J. FAYOLLE. Chronique internationale de l'IRES, N° 93, mars 2005. 41. Les perspectives financières européennes 2007-2013, M. LAFFINEUR et S. VINÇON. La Documentation française, coIlection des « Rapports officiels ». Rapport au Premier ministre, Paris, 2004.
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contribuer au dynamisme de l'UE. Compte tenu du très faible niveau de revenus dans les nouveaux États membres, tous les États remplissent les critères d'éligibilité au Fonds de cohésion et la quasi-totalité de leur territoire remplit les critères d'éligibilité à l'objectif I des Fonds structurels destinés aux régions en retard de développement. Beaucoup de projets dans les pays d'Europe occidentale ne devraient donc pas voir leur financement renouvelé et les nouveaux financements seront nécessairement limités. Certaines actions visant le tourisme durable devraient donc se voir entravées. Un autre souci semble se présenter aujourd'hui. Nombreux sont ceux qui s'inquiètent de l'avenir des politiques de développement durable, à l'occasion de critiques de ce qui serait un « passage au second plan» de la politique environnementale, dans le cadre de la révision de la Stratégie de Lisbonne présentée en février 2005 par la Commission Barroso. De vives critiques accusent la Commission de vouloir négliger les dimensions sociales et environnementales de la Stratégie de Lisbonne. David Wilkinsen, chercheur au European Policy Center, estime que l'environnement risque d'être relégué au second plan - loin derrière les objectifs de croissance et d'emploi - dans la nouvelle mouture de l'Agenda. En effet priorité est accordée à la compétitivité, d'où un assouplissement inévitable de la réglementation environnementale, au détriment des objectifs de développement durable. En accordant la priorité à la croissance et à l'emploi et en introduisant une distinction entre les objectifs à court terme (croissance économique et emploi) et à long terme (volets social et environnemental), la proposition de révision de la Stratégie de Lisbonne est clairement en contradiction avec la philosophie du développement durable. Aucun sentiment d'urgence n'est mis en avant ou même évoqué. M. Barroso entend pour sa part convaincre ses détracteurs qu'il n'existe pas de contradiction entre, d'une part, son engagement résolu en faveur de la croissance économique et de l'emploi, et d'autre part sa détermination à mettre en œuvre des mesures fortes en matière sociales et de développement durable. L'avenir nous montrera si la durabilité reste à la place qui doit être la sienne, au cœur des préoccupations.
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DÉVELOPPEMENT DURABLE ET GESTION COMPARÉE DES RÉSEAUX URBAINS
Une politique des transports durables au sein de PUE: la question de la tarification au coût social Souhir ABBES'
Le transport est une activité de première importance, et un système de transport efficace est une condition nécessaire de la prospérité économique. La place des transports dans l'activité économique est assez évidente. Ils contribuent à la création d'emplois et sont un facteur de croissance. Au fil du temps et avec l'élargissement de l'Union européenne, cette croissance économique s'est associée à une croissance des infrastructures des transports. Les retombées positives des systèmes de transports sur l'activité économique ne sont pas sans inconvénients. En effet, la perte de temps qu'ils occasionnent conduit à une utilisation inefficiente des ressources rares dont ils sont très dépendants. En outre, 70 % de la pollution de l'air est causée par les transports qui contribuent aussi indirectement à la pollution des sols et de l'eau. Enfin, les transports nuisent à la viabilité à cause du bruit et des accidents. Les infrastructures des transports produisent donc des externalités négatives qui, par définition, touchent à la durabilité. Les coûts de ces externalités sont très élevés (presque 10 % du PIB européen), en particulier dans le cas du transport routier. Il existe plusieurs moyens qui permettent de réduire les coûts externes, tels que les interdictions, la fixation des normes sur les émissions, etc. Afin de corriger les externalités, les économistes utilisent l'instrument tarifaire et intègrent les coûts qui résultent de l'usage de l'infrastructure dans le système de tarification. Pour assurer une exploitation optimale des infrastructures de transport, la théorie économique recommande l'application de la tarification au coût marginal social de court terme qui consiste à internaliser les coûts de congestion, les coûts environnementaux et ceux des accidents. Toutefois, dans le cas où les rendements d'échelle sont croissants dans l'infrastructure, la tarification au coût marginal engendre un déficit d'exploitation. Dans ce cas, les économistes recommandent la tarification au coût marginal social de long terme.
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LEM, Institut
d'Économie
et de Management
Courriel : souhir.abbes@univ-nantesjr
de Nantes-IAE.
Tel:
+33240141732.
Dans l'objectif d'instaurer un système de transport européen durable, la Commission européenne a proposé dans son Livre Blanc de 1998 d'appliquer dans tous les modes de transport la tarification au coût marginal social de courts termes recommandé par la théorie économique. Faire payer à chaque usager de l'infrastructure les coûts qu'il occasionne permet, d'une part de s'orienter vers la durabilité environnementale des transports et d'autre part, de respecter le principe de l'équité sociale. En outre, la prise en compte des externalités dans le système de transport favorise l'allocation optimale des ressources et permet de développer un système de transport économiquement efficace. Enfin, le fait d'adopter une approche de tarification commune dans tous les modes permet de revitaliser les modes peu polluants tels que le transport maritime. Cependant, le caractère théorique du Livre Blanc de l'UE n'est pas sans inconvénients. La tarification au coût marginal social de court terme se heurte à des problèmes d'efficacité économique, d'équité sociale, d'application et d'acceptabilité.
1. Le transport et le développement durable Il est impossible d'imaginer une économie forte et créatrice de valeur sans un système de transport suffisamment développé et suffisamment efficace. L'importance du secteur de transport dans l'économie peut être mesurée en terme de contribution directe au PIB, en terme d'effectifs employés ou encore à travers les externalités positives que créent les infrastructures. Toutefois, l'impact des transports sur l'environnement et sur les activités sociales est varié et complexe. Les transports sont des grands consommateurs des ressources rares (pétrole, espaces), ils sont source de pollution et nuisent à la santé humaine.
A. La place des transports dans l'économie Les êtres humains sont foncièrement mobiles. Dans la plupart des sociétés, la mobilité revêt une grande importance chez l'individu et est essentielle pour des raisons sociales et économiques. Les transports constituent un secteur économique important, car ils contribuent directement et indirectement à la création d'emplois, et à la production de recettes d'exportation: ils contribuent au solde de la balance des biens et services dans des proportions variables d'une année à l'autre. En outre, la relation entre les transports et la croissance peut être constatée par l'effet qui résulte de la réalisation des infi:astructures, et de l'activité que suscite cette réalisation. Une autre relation qui pourrait être établie entre les transports et la croissance, et qui fait depuis quelques années un champ de recherche en développement rapide, passe par les effets d'externalités que peut entraîner un meilleur réseau de transport. Les déplacements physiques de biens et de personnes sont donc générateurs d'externalités positives concourant au développement économique des territoires. Mais cette mobilité induit également des externalités négatives telles que le réchauffement climatique, les nuisances sonores, l'insécurité, l'encombrement, la
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surconsommation de ressources non renouvelables et la consommation d'espace, conséquences qui touchent à la durabilité.
B. La durabilité des transports La durabilité, appliquée à n'importe quelle activité humaine, est vue comme ayant trois composantes: . La première est la durabilité économique qui suppose la création d'incitations à répondre de façon efficiente aux besoins, c'est-à-dire favoriser une gestion optimale des ressources humaines, naturelles et financières afin de permettre la satisfaction des besoins des communautés humaines et ce, notamment, par la responsabilisation des entreprises et des consommateurs au regard des biens et des services qu'ils produisent et utilisent, ainsi que par l'adoption de politiques appropriées (principe du pollueur-payeur, internalisation des coûts environnementaux et sociaux, écofiscalité, etc.). La seconde est la durabilité environnementale qui suppose l'encouragement des activités plus viables en intégrant, dans l'ensemble des actions des communautés humaines, la préoccupation du maintien de la vitalité et de la diversité des gènes, des espèces, et de l'ensemble des écosystèmes naturels terrestres et aquatiques, et ce, notamment par des mesures de protection de la qualité de l'environnement.
. .
Enfin,
la troisième
composante
est
la durabilité
sociale
qui
centre
l'attention sur l'équité sociale. Ceci implique que les actions de développement devraient être entreprises dans un souci d'équité intra et intergénérationnelle, compte tenu des besoins des personnes concernées. Lors de la CNDED en 1992, les gouvernements nationaux ont souscrit au programme Action 21, où l'on déclare que les différents secteurs de l'activité humaine doivent être développés de manière soutenable. Appliqué au secteur des transports, le concept de développement durable se décline sous la forme de mobilité dite durable ou soutenable. C'est en 1991 qu'un document de la CEMT1 «officialise» le transport durable en le définissant comme devant « contribuer à la prospérité économique, au bien-être social, et ce, sans nuire à l'environnement et à la santé de l'homme. » 1. Les conséquences
économiques
Les systèmes de transport du monde sont très dépendants des ressources rares: ils sont presque entièrement alimentés par le pétrole. Cette ressource représente presque 99 % de la consommation d'énergie par les transports. Dans les pays de l'OCDE, les transports consomment environ 60 % des produits pétroliers. Le pétrole est essentiellement une source d'énergie non renouvelable dont le rythme de consommation est plus rapide que celui de la mise en point et la commercialisation des substituts renouvelables. Les encombrements routiers 1. Conférence européenne des ministres des Transports (1991).
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amplifient les effets négatifs du transport en augmentant le coût de la livraison des marchandises et nuisent à la productivité de l'activité humaine. En outre, ces encombrements amplifient les effets négatifs du transport en faisant fonctionner les véhicules à des vitesses inférieures à leur niveau optimal, et donc consommer plus de carburant, et conduisent de ce fait à une utilisation inefficiente de cette ressource rare.
2. Les conséquences environnementales Le principal impact écologique du transport résulte du rejet de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, conséquence à peu près inévitable de la combustion de carburants fossiles. 70 % de la pollution atmosphérique provient des transports. Les modes de transport aériens et terrestres n'occasionnent pas directement une pollution de l'eau, mais le transport peut affecter de diverses façons la qualité de l'eau: l'huile du moteur et les produits chimiques dangereux sont rejetés par les véhicules routiers en fonctionnement normal et bien plus encore dans des situations exceptionnelles, notamment les accidents. En outre, le transport est un grand consommateur de terrain. À l'extérieur des zones urbaines, l'infrastructure de transport peut perturber ou détruire des habitats naturels et nuire à l'équilibre écologique.
3. Les conséquences sociales Dans les pays de l'OCDE, 16 % de la population est, en raison du transport, exposée à des niveaux de bruit suffisants pour perturber sévèrement le sommeil et la communication, et contribuer à causer en conséquence des maladies. Une autre conséquence est les accidents causés par cette activité: les estimations des coûts sociaux des transports ont montré que les accidents représentent la catégorie la plus génératrice de coûts. Donc aux termes de la définition du développement durable, le système de transport ne s'oriente pas vers la durabilité du point de vue de la consommation des ressources naturelles (impact sur l'environnement) et ses coûts économiques et sociaux. Afin de trouver des solutions permettant de répondre aux principes de la durabilité dans les transports, il fallait passer par une analyse des différents coûts qu'engendre cette activité afin d'examiner l'ampleur de ces effets négatifs et de trouver les solutions appropriées pour les réduire.
IL Les coûts des transports La connaissance des coûts de transport est indispensable au décideur. À un niveau microéconomique, des informations fines sur les coûts, sur les paramètres dont ils dépendent et sur leurs lois de variation sont des bases incontournables pour la prise des décisions de la part des agents publics ou privés: choix
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d'investissement, décision de gestion de la part des entreprises, etc. À un niveau stratégique, la connaissance globale des coûts éclaire les débats publics sur les choix entre modes de transports, sur les niveaux globaux d'investissement et la tarification, ou sur ce que devraient payer les usagers des transports, compte tenu des coûts qu'ils font supporter au reste de la collectivité. D'un point de vue théorique, les coûts qui résultent d'une activité économique peuvent être classés selon deux catégories: les coûts supportés par le fournisseur de l'infrastructure (coûts de construction, d'entretien, etc.) sont qualifiés de coûts internes, alors que les coûts externes représentent les nuisances imposées par les usagers de cette activité à la collectivité. Ainsi, les coûts externes sont les coûts économiques qui ne sont normalement ni pris en compte par les marchés ni dans les décisions des usagers de transport. Les coûts externes des transports comprennent ainsi les coûts d'environnement (pollution de l'air, de l'eau, bruit.. .), les coûts de congestion, des accidents et d'utilisation des espaces, etc. Les coûts sociaux résultent de la somme des coûts internes et externes. En supposant que le produit des infrastructures est le trafic écoulé par unité de temps, on procédera dans la suite à une analyse des principaux coûts internes et externes engendrés par les transports routiers, car ils sont très élevés par rapport à ceux des autres modes de transport. On s'intéressera en particulier aux coûts marginaux2 qui sont théoriquement la base d'une tarification optimale.
A. Les coûts internes Les coûts d'usage se composent de coûts fixes (CF), englobant les coûts de construction des infrastructures, et de charges variables (CV), englobant les dépenses de gestion (telles que l'entretien) et le renouvellement des infrastructures. Les coûts fixes dépendent uniquement de la capacité alors que les coûts variables varient en fonction du trafic. Ces coûts d'usage sont supportés par le gestionnaire de l'infrastructure (pouvoirs publics ou opérateurs plus ou moins liés à l'État par des contrats de concessions). Le coût interne Ci peut donc s'écrire de la façon suivante dans le cas du transport routier:
Ci(q,Q) = CF +CV où q est le trafic Q est la capacité maximale de la route CF est le coût de construction de la route de capacité Q CV est la charge annuelle de capital comprenant l'amortissement économique et l'entretien, cette charge qui est fonction de la dégradation de la route dépend évidemment du volume du trafic. 2. Le coût marginal est le coût imposé par un véhicule supplémentaire qui entre dans le trafic.
103
On peut, à partir de là, définir le coût marginal interne de court terme: dCi dCV. . . - =qUI est une fionctlOn crOIssante du tra fiIC q .
dq
dq
B. Les coûts externes3 Les coûts externes négatifs représentent les coûts imposés par les usagers de l'infrastructure de transport au reste de la collectivité sous forme de congestion, d'insécurité et de nuisances. Ils sont en général estimés en valeurs marginales. 1. Le coût de congestion En dehors des dépenses à la charge de l'exploitant de l'infrastructure, les usagers du transport y perdent du temps et font perdre aux autres voyageurs du temps; ce temps peut être assimilé à un coût, par l'intermédiaire de la notion de la valeur du temps. Le temps perdu dans un transport n'est pas une donnée fixe mais dépend du trafic. On exprime souvent ce fait en disant que le transport est un bien à qualité variable avec le trafic ou soumis à encombrement (LévyLambert, 1968). Cette dépendance à l'égard du trafic s'exprime différemment selon les modes: dans le transport routier, plus la route est congestionnée, plus les voyageurs y perdent du temps et plus le coût de congestion est élevé. L'analyse de la relation entre le trafic et la vitesse de circulation débouche souvent sur l'équation suivante: Ce(q)=-
hL v(q)
Lorsque le trafic augmente, la vitesse de circulation v( q) baisse. Le coût de congestion est d'autant plus élevé que la vitesse de circulation est faible. Le coût de congestion Ce(q) est donc croissant avec le trafic q. Soit h, le coût unitaire du temps du voyage (ou la valeur du temps pour l'usager) et L la distance du voyage, le coût de congestion est évidemment croissant avec ces variables. Ainsi le coût marginal de congestion dCe (q) / dq est croissant en fonction du trafic.
2. Les coûts environnementaux Comme on l'a déjà mentionné, les transports ont de nombreuses conséquences sur l'environnement: le bruit et les émissions des véhicules nuisent à la santé, et réduisent la qualité de l'air. La traduction en termes monétaires des effets des transports sur l'environnement est une nécessité pour prendre des décisions cohérentes. Lorsqu'une pollution augmente, les dommages supplémentaires
3. Une partie des développements
analytiques
de cette section
104
est reprise
de QUINET (1998).
qu'elle entraîne croissent généralement de manière plus que proportionnelle. La valorisation des effets externes suit donc une courbe marginalement croissante. À l'inverse, les premières mesures de lutte contre une pollution, qu'elles se contentent de la protection ou visent des limitations d'émissions, sont souvent beaucoup plus efficaces que celles que l'on pourra mettre en œuvre pour éradiquer les derniers niveaux de nuisance. La courbe des coûts d'évitement en fonction du niveau de nuisance est donc marginalement décroissante. Figure 1 Évaluation du coût des dommages et du coût de leur évitement
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