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SOCIETE DE
PUBLICA TIONS ROMANES ET FRANCAISES
seus 10 direction de MARIO ROaUES
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- ~~Ji b
SOCIETE DE
PUBLICA TIONS ROMANES ET FRANCAISES
seus 10 direction de MARIO ROaUES
- - - - - - - - - LXV - - - - - - - -
G~RARD Professeur
a
MOIGNET
10 Faculte des Lattres et Sciences humaines d'Alger
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lES SIGNES DE l'EXCEPTION
DANS l'HISTOIRE DU FRANCAIS
UUJlIIIIIIIIUIIIIII U III lUll 1,
Ouvrage publie avec Ie concours du
CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
, GENEVE LIBRAIRIE
a.
RUE
CROZ
VERDAINE
1959
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Avant -propos
A t-on Ie droit d'ecrire : « " n'y a pas que lui» ? Tel est Ie probleme qui se trouve - tres loin - a I'origine de la pre sente etude. Mon pere, professeur honoraire et excellent grammairien, me faisait lire jadis, dans Ie Temps, les articles vehements par lesquels Lancelot, alias Abel Hermant, condamnait cette tour nure, coupable a ses yeux de dire exactement Ie contraire de ce qu'exprimaient les classiques avec les memes termes, en ecrivant, par exemple : C'est dont je ne veux point de temoin que Valere. Je crois bien que c'est I'irritant probleme des deux ne ... pas (point} ... que qui a decide de ma vocation de grammairien. II m'est vite apparu que pour Ie penetrer, il fallait elud der les origines et I'histoire du tour ne... que; et bientot, j'ai du me persuader que cette etude ne pouvait etre separee de celie des autres tours restrictifs et exceptifs, si nombreux et varies dans notre langue. De la "idee d'un travail sur les signes de I'exception dans "histoire du franc;:ais. J'y ai ete chaleureusement encourage par M. Ie Profes seur R.-L. Wagner, dont "amitie attentive me dirigeait avec surete dans une autre recherche, et par M. Ie Professeur J. Boutiere, qui avait bien voulu patronner ce travail en I'accep tant comme these complementaire : qu'ils trouvent ici I'expres sion de ma gratitude. Je dois aussi remercier M. Ie Professeur G. Antoine, qui, au pied leve, a assume 10 charge de rappor teur et m'a donne sur plusieurs points de precieuses indica tions; - MM. les Professeurs J. Frappier, P. Le Gentil, et J. Collart, qui ont examine m~n ouvrage avec une extreme bien veillance; - la commission competente du Centre National de la Recherche Scientifique, qui par une subvention, en a permis 10 publication.
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Les problemes qui se sont poses (] moi, (] mesure que j'approfondissais la question des signes exceptifs, etaient de ceux qui ne pouvaient trouver de reponse que dons une theo de generale du langage. Une theorie s'est imposee 0 mon esprit comme constituant 10 seule saisie vraie des realites profondes de la longue: c'est celie que son auteur, Gustave Guillaume, a appelee 10 Psycho-mecanique du langage. Dons Ie cadre de cette puissante conception, et, plus precisement, en partant des diagrammes que I'on trouve dons l'Esquisse d'une theorie des degn?s de comparaison du linguiste canadien R. Volin, je propose ici quelques solutions, provisoires sons doute et bien imparfaites, etant donne la nouveaute et 10 fecondite des voies dans lesquelles 10 linguistique se trouve engagee par Gustave Guillaume. II serait vain d'essayer d'exprimer tout ce que je dois a 10 pensee si rigoureuse et si penetrante de mon maitre, ainsi qu'a son indulgence et a son devouement incomparables. Ma pensee reconnaissante se porte encore vers tous ceux qui ont Ie plus fait pour ma formation et se sont interesses a mes travaux: Madame M.-J. Durry, MM. les Professeurs J. Bayet, M. Durry, E. Lambert, ainsi que les regrettes P. Villey, C. Sourdille, E. Carcassonne. Grace aces maitres, 10 futile question de purisme intriguait !'apprenti grammairien a fait surgir de proche en proche des problemes ardus, et il n'a pas paru inutile de par courir toute I'histoire du franc;ais pour y chercher des repon ses. D'ailleurs, en passant, j'ai pu me convaincre de 10 legiti mite d'« il n'y a pas que lui ». Mais d'ol! vient que je me sois jamais resolu
a "ecrire?
Alger, 19 fevrier 1958.
Introduction
Est-il de bonne methode linguistique d'etudier les moyens d'expression d'une categorie de pensce, comme I'idee d'excep tion, determinee independamment des donnees de 10 langue, sur un plan purement logique? Nous avons dit ailleurs (1) qu'une telle methode, illustn§e notamment par La Pen see et la Langue de F. Brunot, presente des dangers evidents, dont Ie principal est de masquer bien souvent la realite linguistique profonde, sacrifiee a une logique avec laquelle elle ne co'incide presque jamais. Etudier I'expres sion du commandement, c'est constater que 10 plupart des mo des du verbe y sont aptes, et c'est se condamner a perdre de vue ce qu'est essentiellement un mode verbal dans la langue. A mettre en regard des idees et des moyens d'expression, on risque fort d'oublier Ie plus important, qui est la langue elle meme. Aussi avons-nous repudie cette demarche de 10 « pen see » a la « longue » (ou a ce que F. Brunot designe impro prement de ce mot, et qui n'est que Ie discours) dans notre etude sur Ie mode subjonctif, et avons-nous considere comme meilleur de partir du donne linguistique que constitue 10 serie de formes denommee traditionnellement « mode subjonctif », pour atteindre Ie domaine de I'exprimc, en adoptant ainsi une demarche des « mots » a 10 « pensee », pour reprendre 10 formule de l'Essai de Grammaire de J. Damourette et E. Pichon. Mais une vue plus profonde du probleme de la langue, fournie par les decouvertes de M. G. Guillaume, nous ayant (1) Cf. !lotre E88ai sur Ie mode 81Lbjoncti" Ch. I.
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ces signes et de remonter aux realites de longue qui se dissi mulent derriere eux. Notre point de depart sera donc I'idee d'exception. Nous 10 considerons, non pas en tant que notion traduite lexica le ment par diverses « parties du discours », substantifs, adjec tifs ou verbes, mais d'un point de vue a la fois psychique et syntaxique, en tant que mouvement par lequel I'esprit sous trait un concept, - notion au prOcE!S - , a la portee d'un juge ment qu'il emet d'autre part. L'exception apparait donc com me I'opposition d'un element particulier a un element plus general, et se distingue ainsi de la simple adversation, qui oppo se des notions ou des jugements sons consideration de leur de gre de generalite. Nous verrons que cette distinction de I'ex ception et de I'adversation, qui parait bien claire et evidente, doit cependant etre soulignee, parce que precisement, a date ancienne, beaucoup de locutions se revelent egalement aptes a vehiculer les deux mouvements de pensee.
permis de definir Ie signe linguistique Comme un mediateur entre un signifie de puissance et un signifie d'effet (1), soit, figurativement : Signifiant (Langue) Signifie de puissance
Signe
Signifie d'effet
----------- (Discours)
il no us est apparu que 10 formule « des mots a la pensee » n'etait pas assez precise, et qu'une methode rigoureuse devait consister en une navette incessante entre les trois elements que sont Ie signifie de puissance, Ie signe, et Ie signifie d'effet. Ce n'est qu'en parcourant de fa1 ~1
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2. - Emploi d'un tour hypothetique : afro ne... se ... non, fro mod. ne... sinon, si ce n'est. Nous aurons a nous demander comment la phrase hypothetique peut servir a suggerer I'ex ception. 3. - Emploi de tours comparatifs : afro ne... mais que et autres utilisant Ie terme mais,. fro mod. ne... autre ... que et tours analogues utilisant des mots representant I'idee d'hete rogeneite ; ne... rien moins que, etc. 4. - Emploi du tour ne... que, mysterieux aussi bien par son origine que par I'evolution de ses emplois.
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On voit par cette enumeration succincte qu'il peut etre fait appel pour I'expression de I'exception et des idees voisi nes a des moyens lexicaux, comme les prepositions specifi ques, ou a des moyens de suggestion par divers tours syntaxi ques. Le probleme general des rapports du lexique et de la syntaxe se trouve ainsi pose, tandis que surgissent beaucoup de problemes particuliers, fort importants : celui de la rection, celui de la negation, celui de I'indice que, celui de I'hypothese, celui de la comparaison, celui de I'adversation, celui de la su bordination. II apparaitra souvent que dans les problemes de I'exception, I'esprit procede par des pesees affectant les idees qu'iI apprecie d'un signe positif ou negatif : on soup~onne tout un jeu subtil de signes et - , une sorte d'algebre linguis tique.
+
C'est a propos de tels problemes que nous tenterons d'aller au dela des questions de simple expression et de I'etude des tournures utilisees, pour atteindre les faits de langue.
Chapitre Premier
Origine des tours exceptifs en usage dans Ie premier etat du fran, Us sont done tout it fait eomparables aUK exemples d!aneien pro V'encal que nous citons iei. (3) Vermwchte Studien, p. 28 sqq. (2)
-
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On sait que, de meme, en espagnol, sino est adversatif aussi bien qu'exceptif et restrictif. II n'est pas jusqu'a I'adversatif si de I'ancien franc;:ais qui ne puisse occasionnellement se faire exceptif. Cf. : Cor. Lo. 240 Par tel covent i ala Ii guerriers
Puis ne revint si ot grant encombrier.
E. Langlois (1) traduit « qu'il ne revint qu'apres avoir sur monte de grandes difficultes ». Nous avons bien 10 une idee exceptive, puisque la negation de revint n'est que provisoire : Guillaume est effectivement revenu (2).
Mais est donc a I'origine un inverseur, apte aussi bien a la fonction exceptive qu'a la fonction adversative. C'est Ie rapport qui s'etablit dans I'esprit entre ce qui Ie suit et ce qui Ie precede qui decide en discours de I'une ou de I'autre valeur. Si ce qui suit a un caractere particulier par rapport 0 un con cept general dans Ie premier element, on obtient un effet d'ex ception; si les deux ont Ie meme degre de particularitc, on obtient un effet d'adversation. Evidemment, par la suite, I'une des deux fonctions prend Ie pas sur I'autre: mais, se pn2ci sant semantiquement au cours de I'evolution du franc;:ais, tend a se specialiser dans la fonction adversative, tandis que les autres tours, ambivalents a I'origine eux aussi, se confirment comme exceptifs. A voir les choses sous cet angle, on evite I'in convenient qu'iI y a, croyons-nous, 0 parler, comme A. Tobler, d'emplois « illogiques » des tours exceptifs. L'illogisme n'existe que selon I'optique moderne. Ainsi corrigee, la these de J. Melander nous paralt la plus plausible. Mais iI y a quelque chose a retenir de I'explication d'A. Tobler. En realite, les deux theories, loin de s'opposer, apparaissent complementaires, si I'on veut poser Ie probleme sur Ie plan de la langue.
Ed. C.F.M.A. du Coltmnnement de Louis, p. 153. a son sujet, v. P. Imbs, Les propositiions tem1Jorelles en ancien /ranQais, pp. 426-438. Ainz semble n'iHre jamais employe avec valeur exceptive. C'est peut-etrc qu'it la difference de mais il est senti comme clairement et purement adversatif ; c'est un inverseur integral. paree que c'est un inverseur innove. Mais a un semantisme plus flou. (1)
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Le latin postclassique met un fait en lumiere : I'aptitude de magis a figurer dans I'un ou I'autre element, - Ie negatif ou Ie positif - , d'une phrase a inversion de signe algebrique. O'ou la difficulte de son interpretation. On Ie rend par « plus» (apres negation) dans Ie premier (Cf. I'exemple de Lampride cite p. 28, ou encore Ie tour: non ... magis.", sed, ou magis est a peu pres intraduisible: Cypr. Demetr. 9 non de se magis, sed de altero iudicare. Arnob. Nat. 1, p. 3, 23 non impH magis nos, sed illi (1) ), par « mais » dans Ie second (Cf. lulian. Dig. 47, 12, 16 non ad rem familiarem eiusdem, magis ad ultionem pertinet) (2). Mais n'y a-t-il pas au fond une unite semantique sous ces deux emplois si differents? Et n'est-ce pas que magis est devenu simplement, en langue, un signe d'inversion, ni plus ni moins? Nous avons deja indique que, dans une phrase a inversion de signe algebrique, iI existe, au point meme ou I'on passe du premier element au second, ce que 10 linguistique psychomecanique de M. G. Guillaume appelle fort justement un seuil, soit :
.,
f
•• de
~l
...... ,... de
;1~-
Or, un des traits caracteristiques du seuil linguistique est de constituer une position intenable par un signe ; Ie signe du seuil est soit avant, soit apres, mais, par definition, jamais sur Ie seuil lui-meme. N'avons-nous pas 10 I'explication de la dou ble place possible du signe d'inversion magis? Dans Ie pre
(2) Ce tour est. assez rare en ancien fram;ais;
(1)
Thesaurus Linguae latilute, art. magis, f. VIII, p. 60.
(2)
Thesaurus, Magis, t. VIII, p. 60.
-
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40
mier element, avant Ie seuil, iI en annonce 10 survenue, et Ie signe du passage est alers, Ie plus souvent, un quam:
les 36 exemples de mais exceptif cites par J. Melander deuX seulement sont dans ce cas:
s
$aisnes CL Et ant tuit I carage, mes Ii sire qu'es guie. M. Aym. 449 Tote esteit neirc mes un bras qu'ele at blanc.
~I
(quam)
non magis
Dans Ie second element, magis signifie que I'inversion a eu lieu, soit :
s
----------~·~I
. magis
non
II n'est peut-etre pas impossible que Ie latin parli~ ait connu un type de phrase avec un magis dans chaque element, soit, pour reprendre la phrase imaginee par Tobler: non habet filium magis, magis unum, puisqu'on lit dans Ie ms P d'Alexis : 36 ...que mois n'ora enfant mois eelui sal
II s'agit d'une tentative d'extension qui n'a pas eu de suite, du fait que mais est surtout senti comme inverseur du
ou
+.
Mais exceptif peut-il etre introducteur de proposition? La question peut poraltre sons objet, car Ie resultat n'est ni plus ni moins qu'une adversation (2). On peut voir a la rigueur, du fait de la presence de el, une exception plutot qu'une ad versation dans : Cham. Guill. 78 Respunt Tedbald: Unques pur e/ nel dist, Mais a la bataille n'ose iI pas venir.
(encore Ie texte est-il evidemment altere). Toutefois mais suivi du subjonctif peut avoir Ie sens de c pourvu que », comme mais que, valeur que nous croyons derivee du sens exceptif : Pel. Chari. 485 Volentiers, dist Ii quens, mais Carles me I'otreit.
Cependant ce type ne peut etre que tres exceptionnel. En roman, on aura, correspondant au premier emploi de ma gis : Afr. AI. 43 N'at mois amfant aprav. Gir. Rouss. 6343 E no sunt mois a lui trei eompainon esp. no mas: un poquito na mas raum. numoi: am numoi un frate
et, correspondant au second: afro Q.L.R., II, I, 26... Si eume la mere sun fiz qui n'ad mois un aprov. Flamenco (Appel, 5,
(1),
V.
180) EI cars non ae mais II enfans
ane. eatal. En Buc, ap. Catal. Streitgedicht, ed. W. Forster 72, Que ab mi no pots res guaynar, Mas bastonades, si les vols (1),
En ancien fran. ne... altre ... si ... nun; 1 (vol. odvers.). prop. interr., si... nun; 1.
loe. nom.; 7.
fors tont con
prop. pos., si pur 4. ne ... fors
prop. (in die.) :
ne... fors si cume: 1. fors tont que prop. Gndic.): 1.
1. Tours ou entre mois: nc ... mois que loc. nom. (del infin.l: 1 (1). mois que prop. Undic.l: 1. mois que prop. (subj. II hypoth.): 1. mois que prop. {subj.l, 8.
+
+
+
5. estre: 9. estre