Centre de Recherche d'Histoire Ancienne Volume 67
Marie-Claire Amouretti
Le pain et l' huile dans la Grèce antique De ...
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Centre de Recherche d'Histoire Ancienne Volume 67
Marie-Claire Amouretti
Le pain et l' huile dans la Grèce antique De l'araire au moulin
Annales Littéraires de l'Université de Besançon, 328 Les Belles Lettres - 95, boulevard Raspail- 75006 PARIS 1986
Je dédie ce travail à Bernard, Jean-Luc et Françoise : sans leur soutien inébranlable, cette entreprise n'aurait pu voir son terme.
REMERCIEMENTS
Il nous est un devoir bien réconfortant de remercier ceux qui, au fil de ces recherches, nous ont aidée. C'est en Crète, entre 1957 et 1962, avec l'équipe constituée à Mallia autour de H. et M. Van Effenterre, que nous avons pris conscience de l'intérêt des travaux comparatifs Les géographes étaient présents à part entière et nos randonnées sur l'île, comme les contacts avec les habitants de Mallia et du Lassithi nous ont permis de visualiser des techniques que nous ne connaissions que par l'image. Là aussi nous avons appris la valeur du travail en commun, et les amitiés qui se sont nouées ne se sont pas démenties. Nous ne pouvons rappeler tous ces noms; que ceux qui liront ces lignes " retrouvent un peu de' la chaleur d'antan. Que Françoise Ruzé, dont les conseils et l'aide pratique - utiles à une époque où l'accès aux ouvrages est devenue particulièrement ardue pour les provinciaux - ne sc sont pas démentis, les représente tous dans nos remerciements collectifs. Le séjour que nous avons effectué à l'Ecole Française d'Athènes en 1983, les facilités d'accès à la bibliothèque et à la photothèque et l'accueil amical fourni par le Directeur, O. Picard et le Secrétaire, Y. Lempereur, ont aussi beaucoup aidé à l'achèvement de la rédaction; que tous en soient remerciés ici. A Aix-en-Provence, au cours de nos années d'enseignement à la Faculté des Lettres - devenue l'Université de Provence -, les appuis ont été nombreux. C. Vatin a accepté, à partir de 1975, de diriger nos recherches. Ses conseils, sa bienveillance, comme l'ambiance du petit groupe qu'il a constitué autour de lui nous ont été une aide précieuse. A chacun des participants va aussi notre gratitude pour les remarques et suggestions apportées lors de la présentation de certains de nos dossiers, et particulièrement à D. Pralon, J. Bordes et P. Villard. De la part de mes collègues de l'Unité d'Enseignement et de Recherche, les encouragements ne m'ont pas manqué non plus. P.A. Février et Ph. Leveau m'ont communiqué avec infiniment de gentillesse les documents d'histoire romaine qui pouvaient m'intéresser. Mais ma dette est aussi grande envers les chercheurs des autres périodes. Avec F. Pomponi, qui nous fit découvrir la richesse de la Corse, et G. Cornet qui partage les espoirs et labeurs de tant de travaux collectifs, nous avons constitué l'équipe pionnière de la vie matérielle du monde rural, à laquelle s'est joint H. Amouric. Nous avons travaillé avec le Laboratoire d'archéologie médiévale, les géographes et les ethnologues des Universités aixoises et des chercheurs des Centres étrangers, ainsi G. Lerche, de l'Agricultural Museum de Copenhague. Un appui particulier pour les enquêtes régionales nous a été fourni par le Groupement d'intérêt scientifique de la Maison de la Méditerranée Sciences humaines sur l'aire méditerranéenne. Nous avons personnellement bénéficié du soutien et des conseils d'Ho et G. Camps qui ont beaucoup encouragé l'orientation de notre recherche, de celui de M. Gast qui a libéralement fourni ses photos personnelles. Dans le cadre du Centre Camille Juillan, nous avons trouvé, comme lors de la publication de La crypte hypostyle, un soutien constant. P. Gros, J.P. Morel ont su, chacun à un moment donné, apporter l'encouragement 'nécessaire, qui permet au chercheur de ne pas se sentir isolé. M. Borély a dessiné cartes
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
et restitutions; photographes et bibliothécaires ont ouvert largement les portes de ces lieux de trava qu'ils ont su rendre efficaces et accueillants, à l'image de cette équipe rodée et dynamique. Avec la patience et la rigueur qu'ont pu apprécier tant de chercheurs de cette Université, D. Blan a fourni les épreuves définitives de ce manuscrit, que M. Sellier a bien voulu accepter de relire avec un fidélité et une bonne humeur bien réconfortantes, tandis qu'Y. Salaün y avait apporté l'œil du non spécialiste. La soutenance de la thèse en novembre 1984 a permis de rectifier plusieurs points grâce à la vigi lance de J. Pouilloux. François Salviat m'a apporté nombre de suggestions nouvelles et, sans l'appu de P. Levêque, la publication n'aurait pu voir le jour si rapidement. Qu'ils soient tous les trois particu lièrement remerciés ici. Ainsi, bien qu'il soit issu d'une thèse, travail individuel par excellence, cet ouvrage est cependan le reflet de cette communauté de chercheurs sans laquelle aucun d'entre nous ne peut espérer mene à terme ce type d'entreprise.
M.C. AMOURETT décembre 1985
* ABRÉVIATIONS ET RENVOIS
*
les abréviations des revues sont celles de l'Année philologique; seules celles qui n'y sont pas recensées sont citées en entier. Les titres renvoient à notre bibliographie, p. 297 sq.
*
D.A. Ch. DAREMBERG, E. SAGLIO, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, Paris, 1877-1919. R.E. A. PAULY, C.WISSOVA, W. KROLL, Realencyclopàdie der Klassischen Altertumswissenschaft, Stuttgart.
* *
Test. Texte et traduction cités en Testimonia, p. 263 sq.
*
les figures sort dans le texte. les cartes à la fin des chapitres. Les tableaux numérotés p. 282 sq. Les planches hors-texte en fin de volume. Musée de Nicosie: clichés CNRS Chené et Réveillac, pris lors de l'exposition «Travaux et jours à Chypre », Paris, 1982 - Marseille, 1984.
INTRODUCTION
L'histoire des techniques reste la parente pauvre de l'histoire de la Grèce antique, particulièrement dans les écoles scientifiques françaises. Certes, on s'interroge périodiquement sur le « blocage des techniques dans l'Antiquité», mais les fortunes diverses qu'a connues ce sujet de controverses reflètent l'insuffisance des analyses technologiques effectuées dans le domaine hellénique 1 • Si l'on accepte la défmition de Géminard, «la technologie est l'étude complète des techniques, outils, appareils, machines, matériaux qui sont utilisés en vue d'une action définie, dans un milieu humain, économique, géographique déterminé et à une époque donnée» 2 , force est de constater que l'histoire technologique de la Grèce antique n'est pas faite en France. Seuls quelques domaines (ainsi l'architecture et la construction, les machines de guerre, les mines, la navigation) ont suscité analyses détaillées et travaux de synthèse 3. L'artisanat et l'agriculture n'ont pas entraîné d'études techniques équivalentes; le cas de la céramique reste un peu à part : on a étudié minutieusement les styles, on s'intéresse au commerce plus qu'à la fabrication ellemême. Cette relative absence de travaux érudits répond à l'indigence des sources, estiment les spécialistes; attitude courante qui, sous couvert d'une insuffisance de documentation, reflète un certain mépris pour ces domaines, jugés peu nobles: tout au plus peuvent-ils apparaître au détour d'une histoire des mentalités ou comme l'appendice d'une histoire économique, considérée elle-même comn.e presque inabordable 4. Ainsi, pour l'Ecole historique française actuelle, l'histoire des techniques dans l'Antiquité grecque n'en est même pas à chercher sa place dans l'épistémologie, elle reste à élaborer dans la plupart des domaines; les articles de synthèse qui font le point sur les dernières découvertes sont tous étrangers, alors que le début du siècle avait fourni un apport majeur des historiens français s. Dans cette conjoncture, on ne s'étonnera pas que les techniques agraires soient particulièrement mal loties. Aux thèses célèbres d'A. lardé (925) sur les céréales, de R. Billiard (1913) sur la vigne, n'a succédé que le travail de P. Vigneron (1968) sur le cheval. Tout récemment cependant, elles sont revenues à l'honneur par le biais de l'étude des cadastres 6. 1. Controverse relancée par le regretté Bertrand GILLE (1978), p. 361 sq. et (1980), p. 170-195. B. GILLE, on le sait, couvrait l'ensemble de l'histoire des techniques. Au contraire, The History of Technology, dirigée par C. SINGER (1954-1958), rassemble des auteurs différents selon les périodes et les thèmes. Les synthèses antérieures françaises sont représentées par" Dictionnaire archéologique des techniques (1963-1964), la collection dirigée par M. DAUMAS (1962), et le Manuel de D. FURIA el P. Ch. SERRE (1970), 2. 1, GÉMINARD (1970). 3. R. MARTIN (1965), Y. GARLAN (1974), J.P. ADAM (1981). La présence en France des services du Bureau d'architecture antique n'est pas étrangère aux progrès dans ces domaines, cf. le Courrier du CNRS (1983); tandis que l'archéologie sous-marine a renouvelé nos connaissances en construction navale, P. PoMEY (1984). 4. Ainsi, P. VIDAL·NAQUET (1983), L'artisan, héros secret, p. 308 et bibliographie, n. 104. On peut comparer les deux articles radicalement pessimistes des deux historiens qui ont particulièrement contribué à relancer l'histoire économique grecque en France : E. WILL (1972) et M.I. FIN LEY (1982), à leurs propositions initiales en 1962, durantla deuxième Conférence internationale d'histoire économique (1965). 5. Songeons à l'entreprise du Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, paru de 1877 à 1919, où l'on retrouve les travaux de A. ARDAILLON, R. BILLIARD, M. BESNIER, G. DAREMBERG pour ne citer que quelques noms célèbres. Les dernières recensions sur l'histoire des techniques antiques sont celles de A.W. PLEKET (1973), p. 6·47, et 1, CRACCO RUGGINI (1980), p. 46·66. On sait combien l'école italienne y attache de prix: A. CARANDINI (1979), (1980). Deux synthèses récentes: K.D. WHITE (1984), J.P. OLENSON (1984). 6. CL le rapport de F. FAVORY (1983) au colloque 1980 de Besançon,
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Cette situation est d'autant plus regrettable que d'autres disciplines ont renouvelé en France notre approche de l'histoire des techniques préindustrielles. Parmi les grandes enquêtes lancées par M. Bloch l'histoire de l'alimentation a suscité la publication d'importants résultats. Plus récemment, plusieurs colloques ont eu lieu autour du thème de la conservation des grains, un autre sur l'histoire des techniques et les sources documentaires; à Paris, deux nouvelles revues viennent de se lancer sur l'archéologie industrielle et les rapports entre culture et technologie 7. Dans tous ces domaines les historiens son1 présents, mais ce qui frappe c'est leur dispersion, l'absence de coordination. Il semble que les historiens français soient pris de complexe devant le travail accompli par le Musée des Arts et Traditions populaires et les équipes des ATP, dominé par les ethnologues. Et il est vrai que l'ouverture du Musée en 1971 marque la reconnaissance d'un travail remarquable où la France a su s'imposer par des méthodes originales. Tout au plus pourrait-on lui reprocher un centralisme parisien, parfois dangereux pour la recherche elle-même. Mais le réveil des musées provinciaux pourra servir de support à des équipes locales, si l'Université et les enquêtes de l'Inventaire monumental savent les rejoindre sur le terrain 8. Toutes ces recherches ont renouvelé la problématique dans le domaine des techniques agraires. Bien souvent elles se réfèrent, à titre de comparaison, aux auteurs et techniques de l'Antiquité. Les Agronomes romains, et Pline l'Ancien particulièrement, fournissent les comparaisons obligées et, à travers eux, le recours à l'Antiquité grecque. Or, les traductions des termes techniques posent des problèmes, renvoient à des réalités antiques bien définies. On retrouve ainsi toujours les mêmes exernples, parfois les mêmes erreurs, ce dont on ne saurait s'indigner car la faute en incombe aux antiquistes qui fournissaient peu d'analyses détaillées. La situation a changé en histoire romaine grâce aux travaux de C. Parain, J. André, K. D. White et J. Kolendo en particulier 9, mais le retard reste grand en histoire grecque. c'est en tenant compte de ce contexte bien particulier que nous nous sommes orientée vers les techniques agraires grecques. Nous n'avons voulu faire ni une histoire de l'alimentation ni une histoire de l'agriculture, qui seraient cependant bien utiles. Nous avons voulu commencer par les bases les plus élémentaires des realia : la culture et la transformation des produits, la part des hommes dans. ces processus et leur insertion dans un milieu historique précis. Nous avons choisi de tester deux produits, malgré la difficulté que peut présenter la faiblesse des sources antiques, et nous avons privilégié les céréales et l'huile d'olive. Certes, la vigne complète normalement la trilogie méditerranéenne. Mais la relative abondance de la documentation iconographique et la place privilégiée que la vigne a toujours tenue dans les recherches agronomiques françaises rendent son étude moins urgente. Le travail fourni par R. Billiard reste en grande partie utilisable et les recherches se sont poursuivies sous différents angles 10. Sans doute pensera-t-on qu'il en est de même pour les céréales, et il est vrai que l'étude de A. lardé, la recension de H. Blümner et le travail novateur de L. Moritz demeurent des éléments de base indispensables I l . Mais l'archéologie a apporté depuis beaucoup de nouveautés, plusieurs interprétations de textes ont été renouvelées, ainsi celles de la collection hippocratique, source souvent sous-estimée; enfin aucun des ouvrages cités n'envisage l'ensemble des opérations dans sa chaîne technologique et 7. J .J. HEMARDINQUER (1970), L. STOUFF (1970) ; Annales E. S. C. (1975), p. 402 sq. ; colloque sur Les Techniques de conservation des grains (1979,1981,1983), sur Les Techniques et sources documentaires (1982 et 1984);revueR.A.M.A.G.E., publiée par l'Institut d'Art depuis 1982; Technologie et culture, par la Maison des Sciences de l'Homme (1982). Le titre du colloque « L'histoire des sciences et des techniques doit-elle intéresser les historiens? », tenu à Paris en 1981, était significatif. 8. Cf., pour le domaine agricole, la rencontre des petits Musées, organisée par Ph. JOUTARD en 1982, Causses et Cévennes, n" spécia11983, et la rencontre sur les Musées d'agriculture organisée par F. SIGAUT, à Niort, en 1983. 9. J. ANDR:Ë. (1956) (1981); C. PARAIN (1979); le volume rassemble les articles anciens sur ce sujet; K. D. WHITE (1967)'(1970) (1975) et dans sa synthèse (1984). Voir aussi le récent article de Robert ETIENNE (1981). 10. R. BILLIARD (1913) (1928). Les recherches ont été renouvelées par la découverte archéologique d'implantation de pieds de vigne en Italie: W.F. JASHEMSKI (1979), p. 202, 265; en Chersonèse: V.F. GADJUKEVIC (1971), p. 179 sq. Pour des études nouvelles sur le vin, P. VILLARD (1975). sur l'ivresse en Grèce, A. TCHERNIA (1984), sur le commerce italien. 11. H. BLÜMNER. paru en 1885, réédité en 1912, demeure pour sa recension textuelle irremplaçable. A. JARDÉ (1925), L.A. MORITZ (1958) abordent les questions, le premier sous l'angle économique, le second par un biais purement technologique. L'ouvrage de A. MAURIZIO traduit en 1932 donnait les premières bases d'une étude comparative pour l'histoire de l'alimentation antique; l'équipe de H. A. FORBES s'y est de nouveau intéressée pour la Grèce (1976) (1982).
INTRODUCTION
Il
pour une période précise : diversité des espèces, diversité des modes de mouture, diversité de l'alimentation forment des éléments intrinsèquement liés sur lesquels l'étude comparative apporte des éclairages intéressants. Le rôle des céréales dans la vie des cités grecques a suscité nombre d'études, qui portent sur l'aspect quantitatif. Il paraît important d'ouvrir un rayon sur l'aspect qualitatif de cc problème et les phénomènes qui lui sont liés, en particulier celui de la main-d'œuvre. L'étude de la fabrication de l'huile dans la Grèce antique présente un intérêt tout aussi évident. Nous avons eu l'occasion de souligner que les historiens suivaient en général toujours les mêmes sources. Certes, on ne saurait surestimer sur ce point l'importance de Caton, mais on a eu tendance à surestimer sa postérité: tous les pressoirs romains sont devenus des pressoirs de Caton, et l'on s'est peu interrogé sur l'origine même de ce mode de broyage et de pressurage. Nuus avons montré ailleurs comment la concordance temporelle entre la traduction des Agronomes et les fouilles de Pompéi avait, en France, marqué la problématique de la recherche sur les pressoirs antiques. Le type de pressoir décrit par Héron d'Alexandrie, et remarquablement étudié par A.G. Drachman, a mis longtemps à être pris en compte 12. D'une manière générale, les archéologues avaient privilégié soit le modèle de Caton soit celui de Héron sans chercher de solutions intermédiaires; nous disposons maintenant de recensions typologiques des moulins à huile romains, dont les témoignages sont beaucoup plus nombreux que ceux des moulins à huile grecs 13. Nous espérons que notre travail facilitera sur ce point les recherches en cours: si pauvre que soit la documentation grecque, elle précède dans le temps la documentation romaine. Mais si les sources techniques grecques sont peu nombreuses sur les pressoirs, notre documentation est beaucoup plus riche sur l'huile elle-même et, de même que pour les céréales, procédés de transformation et usages ne peuvent être entièrement dissociés. Or, les usages de l'huile ont été nombreux et divers dans la Grèce antique où ce produit joue un rôle fondamental. Indispensable à l'alimentation et à l'éclairage, l'huile est aussi utilisée dans les soins du corps, au gynécée comme au gymnase, mais aussi comme lubrifiant. Nous avons délibérément restreint l'étude à la fabrication de l'huile d'olive, prépondérante en Grèce; l'huile de graines mériterait à elle seule une étude où interviendrait largement la source égyptienne. Ce choix délibéré, l'étude de deux produits antiques à une période donnée, repose sur une approche méthodologique particulière. Ces recherches font appel aux sources de l'histoire des techniques que nous avions définies en étudiant l'araire archaïque 14 ; aux rares textes techniques s'ajoutent les références littéraires éparses, qui apportent souvent des compléments non négligeables. L'épigraphie permet une approche différente et introduit des termes techniques nouveaux. L'iconographie est limitée, la coroplastie propose une documentation plus abondante que la céramique, qui fournit cependant quelques-unes de nos illustrations les plus précieuses. On regrette que l'archéologie soit si pauvre mais nous verrons qu'il ne faut pas totalement incriminer le manque d'intérêt des chercheurs : certaines techniques ne laissent pas de traces archéologiques. Avant de tenter l'analyse de ce matériel, nous avons cependant fait appel à un autre type de sources, moins utilisées par les antiquistes : la documentation des professionnels. Avant d'essayer d'éclairer les documents antiques, dont rares sont ceux qui avaient une visée technique, il est indispensable de restituer clairement quelles sont les contraintes techniques externes qui pèsent sur les opérations de transformation. Quels que soient les « blocages» techniques dont ont souffert les Anciens, il existe toute une série d'impératifs qu'il faut respecter. Si l'on n'en saisit pas la portée, on s'interdit toute analyse logique du matériel et de sa fonction. En ce qui concerne l'olivier particulièment, même les spécialistes de l'histoire des techniques ne semblent pas toujours avoir saisi la fonction du broyeur par exemple 15. C'est l'ensemble du déroulement des opérations que nous avons voulu rendre dans toute sa complexité et avec toutes ses possibilités. Cependant l'apport des professionnels
12. 13. 14. 15.
M.C. AMOURETTI-(f981) ;AG. DRACHMAN (1931); M.C. AMOURETTl, G. COMET, CI. NEY, J.L. PAILLET (1984). J.C. BRUN (1982) (1985), avec la bibliographie antérieure. M.C. AMOURETTI (1976), (1979). «La première opération consistait à séparer le noyau de la pulpe», B. GILLE (1978), p. 293.
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se limite souvent, comme c'est naturel, aux acquis les plus récents, et il faut remonter dans le temps. Nous faisons nôtre cette définition de H. G. Haudricourt dont les ouvrages nous ont été si précieux Si l'on peut étudier le même objet de différents points de vue, il est par contre sûr qu'il y a un point de vue plus essentiel que les autres, celui qui peut donner les lois de l'apparition et de la transformation de l'objet. Il est clair que pour un objet fabriqué c'est le point de vue humain, de sa fabrication et de son utilisation par les hommes, qui est essentiel, et que si la technologie doit être Une science c'est en tant que science des activités humaines.
Nous ajouterons toutefois que cette science doit être insérée dans des contextes chronologiques précis, c'est en historienne que nous avons voulu aborder ces problèmes. En effet, si les méthodes comparatives nous ont paru essentielles, celles-ci doivent être clairement définies. Nous ne nous sommes pas transformée en ethnologue : lorsque des enquêtes existaient, nous les avons utilisées, nous n'aurions pu les remplacer. Même muni d'un appareil de photo et d'un œil curieux, un historien ne s'improvise pas ethnologue, et l'enquête sur le terrain suppose de longs séjours et une, parfaite connaissance du milieu pour éviter toute interprétation hâtive 16. Et, même si l'ethnologie ne dédaigne pas d'englober l'histoire, les ethnologues qui ont fait équipe avec des historiens savent combien l'approche est différente, mais les échanges demeurent permanents, A l'ethnologue tenté de restituer un passé immobile, sans référence chronologique, l'historien fournit les interrogations indispensables : dans quel contexte social, politique, cette technique a-t-elle évolué, quelles sont les ruptures, les évolutions, les reculs, même dans le temps long? Inversement, le regard des ethnologues est irremplaçable: ils nous apportent en effet le mode d'emploi d'une technique donnée, puisqu'ils la voient fonctionner. Devant l'objet mort de l'archéologue, le mot isolé dans une inscription, le terme réemployé dans un contexte littéraire à résonance multiple, l'objet représenté sur une image dont la destination n'est pas technique, l'éclairage de l'ethnologie est indispensable. Nous avouons pour notre part qu'il nous semble devoir préexister à toute l'archéologie expérimentale, si intéressants qu'en soient les résultats, car il répond à l'insertion d'une technique dans un milieu historique réel 17 • Ces comparaisons nous ont apporté nombre de clefs pour l'étude de l'alimentation, et celle des pressoirs; certes, l'utilisation doit être prudente : l'araire d'Hésiode n'est pas exactement celui de .Corfou bien qu'ils demeurent proches, les meules manuelles ne sont plus utilisées durant le même laps de temps qu'il y a deux mille ans, mais les gestes observés de nos jours, les problèmes posés, l'inventivité manifestée pour les résoudre nous permettent de comprendre certaines questions suscitées par les sources antiques, sans prétendre les résoudre toutes. A cet apport si riche nous avons ajouté, dans le cadre des équipes aixoises, une donnée un peu particulière, celle des textes et de l'iconographie des périodes médiévales et modernes jusqu'au xrxsiècle inclus. En effet, depuis 1972, une équipe pluridisciplinaire travaille à Aix-en- Provence sur la vie matérielle du monde rural. Elle a eu l'occasion d'effectuer de larges recensements iconographiques et bibliographiques sur les techniques agraires méditerranéennes 18. Ce travail en équipe a été pour nous inestimable car il nous a permis de replacer l'histoire des techniques grecques dans une histoire longue des techniques méditerranéennes. Si beaucoup de points d'ordre pratique ont été éclairés, c'est aussi la problématique qui a, de ce fait, évolué. Dans le cadre d'un travail individuel qui ne peut prétendre à l'exhaustivité, nous ne souhaitons qu'apporter des éléments et une façon nouvelle de poser les questions, pour une histoire à poursuivre. C'est pourquoi nous avons délibérément envisagé de suivre nos deux produits essentiellement dans un 16. Interprétations hâtives fréquentes en Grèce où beaucoup d'ethnologues cherchent immédiatement à retrouver un état «antique». Cf. les remarques critiques de A.N. OIKONOMIDES pour la réédition de l'ouvrage de BENT(l966) et celles de S. GEORGOUDI, in La
cuisine du sacrifice en pays grec (1979). 17. Les expériences d'archéologie expérimentale en agriculture sont essentiellement effectuées avec des outils préhistoriques, ainsi en Angleterre, dans la ferme expérimentale de Butser, avec P. REYNOLDS. et au Danemark, autour du Musée d'Agriculture de Copenhague, avec Grith LE RCH. Sur les apports de l'ethnologie à l'archéologie', les rencontres, d'inégale valeur, se sont multipliées récemment en France. Une bonne approche est donnée par J. AURENCHE (1984). 18. M.C. AMOURETTI, H. AMOURIC, G. COMET (982). Cf. aussi la diapothèque constituée sur les techniques agraires méditerranéennes et le numéro spécial de Provence historique. mai-juin 1983.
INTRODUCTION
13
cadre chronologique précis, du VIlle à la fin du Ive siècle av. J .-c. Si les limites de ce cadre sont données par des sources littéraires importantes - celles d'Hésiode et de Théophraste - elles correspondent, à notre avis, à des limites réelles de l'histoire agraire du monde grec, qui ne pourraient évidemment être données sous forme de chronologie absolue. Nous avons voulu traiter en effet seulement le monde grec égéen, les exemples de Grande-Grèce et du Pont n'apparaissant qu'à titre de comparaison, car leur système technique nous a paru différent, leurs rythmes chronologiques décalés. Dans le monde égéen, par contre, une coupure intervient réellement à partir du me siècle av. J.-c. Certes, elle est annoncée par l'évolution du Ive siècle, mais nombre d'innovations apparaissent et se développent entre le Ille et le jer siècle avant notre ère: meules rotatives, moulin à vis en sont deux témoignages importants, mais la herse, le tribulum, semble bien se diffuser à cette époque. La chronologie fine reste à faire, seule l'archéologie pourra l'effectuer. Elle en a les moyens si elle s'y intéresse. Un des objectifs de notre travail aura été en effet aussi de convaincre les archéologues, et en particulier ceux qui travaillent en Grèce, de l'intérêt des trouvailles qui se rapportent aux techniques agraires et à leur évolution. Intérêt pratique parce que, pour certaines périodes, une chronologie assurée rendrait des services probablement plus grands que l'apport de la céramique, mais intérêt pour ces techniques elles-mêmes. Car, contrairement à ce qu'ont pu écrire certains de nos meilleurs historiens 19, les techniques demeurent une donnée fondamentale de l'histoire. Cultures et transformations nous ont donc paru deux chaînons indispensables pour aborder l'histoire des techniques agraires. Les enseignements tirés de ces analyses nous ont permis de poser différemment les problèmes sous-jacents à ce type de recherches: y a-t-il eu progrès en agronomie, quelle est la part de la main-d'œuvre servile, faut-il accepter l'a priori des 'historiens sur le blocage des techniques dans l'Antiquité? Au cours de cette quête patiente au fil des années, notre regard s'est sensiblement modifié sur ces points.
19. E. WILL (1972), dans son manuel, à propos des techniques agraires: «Ceci est banal ct exposé partout», p. 638.
PREMIÈRE PARTIE LES TECHNIQUES DE CULTURE D'HESIODE A THEoPHRASTE
vme-rv- SIECLE AV.J.-C.
CHAPITRE 1 LE MILIEU MEDITERRANEEN
• UN CliMAT ORIGINAL
La contrainte la plus impérative qui s'exerce sur la culture des céréales et sur celle de l'olivier demeure la contrainte climatique; on a même pu confondre la frontière du climat méditerranéen avec celle de l'olivier 1. Un coup d'œil sur les cartes générales du monde méditerranéen fait apparaître l'originalité grecque : avec ses hivers doux et humides, ses étés chauds et secs, la Grèce appartient au régime « strictement méditerranéen », comme disent les géographes français, avec quelques régions de l'Italie du sud et de l'Espagne méridionale, ainsi que de la Tunisie et de la côte palestinienne. On y retrouve les maxima des pluies d'hiver, la longue durée de la saison sèche. Seule la partie nordorientale, Thrace et régions pontiques, connaît un régime des pluies d'automne supérieur au régime des pluies d'hiver. Les conséquences de ces données de base sont importantes pour la culture, la coupure agricole de l'année reste celle de la saison sèche, tandis que les maxima d'automne et d'hiver imposent, pour les céréales comme le blé et l'orge, des semailles d'automne. La faiblesse et l'irrégularité des pluies de printemps, comme la précocité de l'été rendent marginales les semailles de printemps. D'Hésiode à Xénophon nous retrouvons la même préoccupation, l'arrivée de la saison des pluies pour commencer les semailles. C'est avec soin qu'il faut écouter le cri de la grue : « Elle apporte le signal des semailles et annonce la venue de l'hiver pluvieux» 2. « L'automne venu, tout le monde a les yeux tournés vers la divinité : quand va-t-elle faire tomber la pluie et permettre ainsi d'ensemencer la terre ?» 3. Les semailles de printemps sont toujours restées exceptionnelles, comme nous l'indique Théophraste 4, et il est paradoxal de reprocher aux paysans cet attachement, que les agriculteurs contemporains ont conservé: il ne s'agit ni de routine ou d'ignorance mais de données dont ils ont dû tenir compte impérativement dans leurs assolements, comme nous le constaterons plus loin.
1. P. BIROT (1964), p. 68 et 78. 2. Hésiode, O., 438,450. 3." Xénophon, œ«. XVII, 2. 4. Théophraste, H. P., VIII, 1,4.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
• DES VARIÉT~ RÉGIONALES (cartes 1 et 2, p. 29,30)
La chaleur de l'été caractérise toutes les régions grecques, comme le montre la carte des isotherme: de juillet, cependant que les isothermes de janvier décroissent régulièrement du nord au sud. L, moyenne annuelle des températures s'élève ainsi de 13° en Macédoine à 20° en Crète. Mais ce: moyennes masquent des contrastes, particulièrement accentués dès que l'on pénètre à l'intérieur dei terres. Ainsi on a pu relever à Larissa, en 1968, - 22° en janvier et + 47° en août! Sans aller jusqu'à des écarts aussi impressionnants, on relève pour la partie nord (Macédoine, Thrace, Thessalie), de: écarts saisonniers de 20 à 22 degrés s. Enfin les vents ont une influence très différente, selon les régions Le vent du nord-ouest peut apporter la pluie (Cyclades, Eubée, Béotie) ou au contraire la sécheresse (Péloponnèse ). Mais, du point de vue agricole, c'est la répartition des pluies qui retient l'attention. En dehors des montagnes, les isoyètes font apparaître un domaine tempéré, avec plus de 600 mm annuels, et une tendance semi-aride (entre 200 et 600 mm) en Attique, dans quelques îles et certains bassins intérieurs. Mais ces précipitations ne sont pas toutes utilisables au même degré, etles très fortes pluies d'hiver et de printemps sont loin d'être emmagasinées par le sol qu'elles contribuent à lessiver. D'autre part, la durée de la saison sèche, le degré d'aridité tel que P. Birot le calcule, et avec plus de précision parfois les cartes de l'UNESCO, permettent de mieux saisir les potentialités agricoles 6. On a pu ainsi distinguer trois grands types de climats (l'altitude apportant évidemment des correctifs décisifs 7) à l'intérieur desquels on détermine l'indice xérothermique (nombre de jours biologiquement secs) : le climat de montagne (axérique tempéré; subaxérique froid; subméditerranéen) - le climat méditerranéen véritable (chaud et sec; atténué) - le climat méditerranéen mixte (sec; à tendance continentale); mais, à l'intérieur de chacun de ces types, des nuances sont à apporter. Si le climat de montagne connaît des hivers rudes et une saison sèche réduite, les versants occidentaux sont plus arrosés que les versants orientaux, et à altitude égale la chaleur est plus forte selon la latitude; c'est la zone du hêtre et des chênes à feuilles caduques. A l'intérieur du climat méditerranéen véritable il faut distinguer les côtes de la mer Egée, avec lès régions où la saison sèche est particulièrement accentuée (Attique, nord-est du Péloponnèse, est de la Crète, Cyclades méridionales) des côtes ioniennes plus arrosées où l'on trouve la forêt mixte, et des côtes méridionales de l'Asie mineure, plus chaudes. Enfin un certain nombre de régions, rangées sous le vocable climat méditerranéen mixte, subissent soit des influences qui les rapprochent du climat continental (Macédoine, Thessalie, bassins intérieurs) avec des maximas ·de température contrastés, une saison sèche plus réduite, des pluies d'automne plus importantes que les pluies d'hiver; soit, 'dans la région pontique, une pluviosité beaucoup plus grande, sans saison sèche, avec un maximum d'automne . • CLIMAT ETCULTURE
Si le botaniste détermine les différentes associations végétatives propres à chaque climat, l'agronome et le géographe cherchent à inventorier les cultures les mieux adaptées à un climat et un sol donnés. Cela ne va pas sans contradictions, car bien d'autres facteurs influent sur la réussite ou l'échec d'une culture; il convient d'être prudent sur ce point, nous aurons l'occasion d'y revenir s. Cependant, 5. Les ouvrages de base pour les relevés des températures restent ceux de E.G. MARIOLOPOULOS (1925, 1938, 1964). Les cartes de l'atlas de B. KAYSER et K. THOMPSON (1964) peuvent être complétées par celles de E. Y. KOLODNY (1974). Bibliographie complémentaire, P. MAHERAS (1976). Sur les vents, Théophraste, Des vents, et Sign.. 26-38, Aristote, Mëtëor., 2,6. Bonne chronique locale in C. STEPHANOS (1884). 6. P. BIROT (1964), p. 48 et 88; UNESCO (1963) (1970) (1979). 7. Naval Intelligence Division: Greece, vol. 1 (1944), fig. 62, et p. 102; A. PHILIPPSON (1948), p. 83, 91,95, 99; P. BIROT (1964), p.57. 8. Les conseils des géographes changent: J. SION voudrait que l'on améliore la culture du blé en Péloponnèse (1934), p. 569, J.I. DUFAURE voudrait l'éliminer (1976), p. 26 ; voir aussi G. CHAINE (1959), p. 318 sq.
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il est utile de rappeler les liens entre les exigences de la plante et les données climatiques, ne serait-ce que pour éviter des affirmations excessives. Les céréales sont, sur ce point, des plantes opportunistes par excellence, comme le notait un agronome 9. On connaît un peu mieux main tenant leurs besoins aux différents stades, bien que les expériences aient surtout porté en milieu tempéré océanique ou continental 10 . Déjà Théophraste avait reconnu les principaux stades, et il en donne (H. P., VIII, 1,5; II, 6) la progression. Sont ainsi clairement déterminées: la levée et la germination, en 7 jours pour l'orge et le blé; le tallage; puis la montaisonépiaison, période critique; et la maturité d'environ 40 jours, selon lui. De la germination à la récolte, il faut sept mois pour l'orge et un peu plus pour le blé. Ces observations, que confirment les expériences agronomiques contemporaines, ont été fragmentairement reprises par certains agronomes. Ainsi Pline dans le Livre XVIII. Mais, s'inspirant de Théophraste, il n'en donne que des citations tronquées. Ce sont les botanistes de l'époque moderne qui reprendront, à partir de Théophraste, le déroulement des différents stades 11. Les expériences des laboratoires agronomiques permettent d'en préciser maintenant le calendrier.
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(Théophraste, H.P., VIII, 2,4)
(Théophraste, H.P., VIII, 2, 3)
(Théophraste, H.P., VIII, 2, 1)
Figure 1. - La croissance du blé. Phases automnales et hivernales (dessin M. CLÉMENT-GRANDCOURT. J. PRATS, 1971) et correspondances chez Théophraste.
9. G. PERRIN de BRICHAMBAUT et C.C. WALLEN (1964), p. 41. Voir aussi K. THOMSON (964) : « La faculté d'adaptation du blé à des conditions climatiques et pédologiques variées a été largement éprouvée en Grèce». 10. S. PONTAILLER (1966), M. CLÉMENT·GRANDCOUR et Y. PRATS (1971), p. 19 sq. 11. Ainsi G. BAUHIN (1623), R. DODOENS (1574), L. FUCHS (1542). Sur les emprunts à Théophraste, Pline, XVIII, 49·51.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
• Germination et levée Sous l'action de l'eau et de la chaleur, la graine s'humidifie et gonfle, l'enveloppe du grain éclate, apparaissent les radicules et le coléoptile qui englobe la première feuille: lorsque cette tigelle émerge, elle étale les trois ou quatre feuilles qui la composent et verdit. La température est très importante, elle doit être supérieure à 0°. Entre la germination et la levée-tallage, il peut s'écouler de vingt jours à trois mois. • Tallage La tigelle - le rhizome - forme, tout près de la surface, un faisceau de racines plus nombreuses et plus puissantes, tandis que les premières radicules s'atrophient. Ce collet de racines, ainsi que les nœuds voisins lorsqu'ils sont enterrés, émettent des rejetons, les talles. Cette extension, qui peut durer vingt jours, est favorisée par une longue période froide antérieure : la Thessalie, la Béotie sont de ce fait plus favorables que l'Attique par exemple. La résistance aux très grands froids dépend des variétés. • Montaison-épiaison A la fin du tallage herbacé les plantes se redressent, la tige principale commence à s'allonger. La montaison commence quand la température se réchauffe, elle est activée par une humidité suffisante. C'est la période critique en climat méditerranéen. Il faut que les pluies soient suffisantes sans que l'évaporation demeure trop accentuée pour que les tiges s'allongent et que l'épi apparaisse hors de la gaine folliculaire. Dix à quinze jours après le début de la montaison les premiers nœuds naissent à la base de la tige. • Epiaison-floraison L'épiaison correspond au temps d'éclosion de chaque épi hors de sa gaine. Quelques jours après, des étamines apparaissent hors des épillets: c'est la floraison, la croissance des tiges est achevée. Lorsque les étamines sont sorties, la fécondation est déjà réalisée, le nombre de grains est définitif', • Maturation Il faut alors au jeune plant chaleur et lumière pour que s'accumulent les réserves. Le grain passe par trois phases: laiteuse, le grain est vert et contient un liquide blanchâtre riche en amidon; pâteuse, le grain est jaune-vert et s'écrase en formant-une pâte; sèche, le grain est jaune, dur, roulant sous les doigts sans s'écraser; cette période est aussi critique, car le grain craint aussi bien le coup de chaleur précoce - il-sèche avant d'avoir atteint sa taille maximale - que le coup de vent ,:;i peut coucher brusquement lamoisson : échaudage et verse sont des dangers redoutés de tous les agriculteurs. L'arrivée de la saison sèche est toujours surveillée avec inquiétude: trop précoce, elle est dangereuse, trop tardive, elle favorise les maladies contre lesquelles il fut longtemps difficile de se prémunir 12. Si le cycle s'accomplit normalement, il s'étend en Egée de novembre à mai pour l'orge, juin pour les blés. L'altitude décale la date de moisson jusqu'en juillet et même début août dans le nord. Les céréales s'adaptent à toutes les nuances de climat que nous avons définies et montent jusqu'à 800 et 1 000 m, mais les conditions climatiques, sans être rédhibitoires, ne sont pas optimales: hiver doux et été précoce ne favorisent ni le bon tallage ni une maturation régulière.
* Il n'en est pas de mêmepour l'olivier, dont la culture se calque plus rigoureusement sur les données climatiques méditerranéennes. L'olivier est en effet un arbre dont les caractéristiques xérophytiques sont bien marquées: l'importance de son système radiculaire lui permet de résister aux mois d'aridité; 12. M. CL~MENT·GRANDCOURT et 1. PRATS (1971), p. 52; R. BILLIARD (1928). p. 119. Sur les maladies. cf. ci-dessous, chapitre III, p. 68.
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ses feuilles persistantes, d'une durée de vie de trois ans, sont coriaces, à forte cuticule, capables d'emmagasiner pendant les journées ensoleillées de l'hiver et de résister à la transpiration pendant la sécheresse de l'été. III
IV
V
VI
VII
VIII
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X
Critères thermiques de l'olivier Stades de développement Repos végétatif hivernal (risque de gel) Réveil printanier (risque de gel) Zéro de végétation Développement des inflorescences
Températures
Fécondation Arrêt de végétation
35
Risques de brûlure
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5 a C à - 7'C 9 -c à 10 -c -, 14 -c à 15 "C 18'C à 19 -c 21°C a 22 -c
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Figure 2. - Le cycle de l'olivier. (D'après R. LOUSSERT et G. BROUSSE. 1978).
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Le cycle végétatif annuel est un peu particulier: pendant le repos hivernal. de novembre à février, il faut une durée de froid minimale sans laquelle floraison et fructification ne se produisent pas : en région équatoriale, la croissance végétative existe, mais les arbres ne fleurissent pas. Cependant l'arbre ne peut supporter des froids excessifs. En Grèce, des expériences ont montré que le repos hivernal est acquis lorsque les températures de décembre descendent à - 1,3 0 , celles de janvier à - r, ce qui favorise les olivettes de moyenne altitude 13. L'olivier peut supporter des froids de - 12° et _13° au maximum, mais il craint surtout les gelées tardives, les chutes de neige importantes et les froids accompagnés d'humidité. P. Birot limite son extension au nord à l'isotherme de - 8° comme minimum moyen annuel 14 (carte 3).
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Réveil végétatif et floraison : la différenciation des bourgeons s'amorce en mars/avril, mais c'est en avril, mai, ou juin, selon les cas, qu'a lieu la floraison sur le bois de l'année précédente: c'est une période critique, les gelées tardives de mars sont dangereuses, il faut un printemps relativement humide, mais pas trop, et une chaleur suffisante. Le climat océanique est ici défavorable. La maturation va profiter de la chaleur et de la sécheresse de l'été, les fruits vont grossir et emmagasiner de l'huile, les premières récoltes en vert peuvent avoir lieu en septembre, les récoltes d'olives à huile s'étendent de novembre à février, même mars/avril. L'olivier peut supporter moins de 200 mm d'eau, ce qui représente sa limite normale. La sécheresse de l'été, en favorisant la constitution de bourgeons qui porteront des fleurs l'année suivante, facilite sa résistance au froid. On voit qu'une grande partie du domaine grec est favorable à ces exigences climatiques. Un coup d'œil à
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13. R. LOUSSERT et G. BROÙSSE (1978), p. 61 et 168. 14. P. BIROT (1964), p. 79. En fait, la résistance au froid dépend de l'état végétatif de l'arbre, de la rapidité de la chute des températures et des conditions hygrométriques. « Si les basses températures surviennent graduellement, en période de repos végétatif à - 12' ou _13°, les dégâts sont peu importants» : R. LoUSSERT et G. BROUSSE (1968), p. 168. Elle varie aussi suivant les espèces. mais d'un arbre à l'autre la résistance peut changer à l'intérieur d'une même oliveraie, comme on le constate à chaque gelée importante.
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la carte 2 permet de déterminer les régions particuuèrement favorables à indice xérothermique élevé dans le climat méditerranéen véritable. L'arbre est évidemment arrêté par l'altitude (au sud, il monte jusqu'à 800 ml, dans certaines îles, par l'exposition au vent trop violent IS, sur les bords de la Mel Noire dans quelques régions, par trop d'humidité. Au nord sa limite, définie par P. Birot, a étë affinée par les thèses les plus récentes 16. A l'est enfin c'est encore le froid hivernal qui arrête sc progression sur les plateaux anatoliens. La limite régionale a pu ici prêter à discussion, et le pro blème soulevé par X. de Planhol !? doit être élargi : étant donné les conditions climatiques rigou reuses de la culture de l'olivier, les variations de son domaines peuvent-elles nous permettre de déterminer certaines variations climatiques entre l'Antiquité et nos jours?
• LE CLIMAT A-T-IL CHANGE DEPUIS L'ANTIQUITE?
La question a d'abord été posée par les voyageurs du XIXe siècle : le contraste leur paraissait s: grand entre les étendues, désolées et en partie retournées à l'état sauvage, qu'ils parcouraient, et l'image de la richesse antique qu'ils avaient conservée, que seul un changement brutal des conditions extérieures leur semblait fournir une explication suffisante. Des géographes reprirent les hypothèses pour parvenir ~ une théorie, assez vague, d'un déboisement général et d'un asséchement qui aurait conduit vers UnE beaucoup plus grande aridité et une sévère érosion Il!. La réfutation vint des travaux des savants à l'observatoire d'Athènes, Enginitis et Mariolopoulos; le premier montra que la fructification des fruits du dattier correspondait, selon les indications de Théophraste, aux conditions de température actuelles il pousse et fructifie mais ses fruits ne mûrissent pas en Attique où la température moyenne annuelle oscille entre 17 et 18°. le savant grec Mariolopoulos, qui poursuivit les relevés météorologiques qu: servent de base à toutes les études de climatologie sur la Grèce, souligna la faiblesse du réseau hydro graphique dans l'Antiquité, comme de nos jours, et la permanence du phénomène des vents étésiens permanence confirmée par de récentes études 19. Enfm, les indications d'Hésiode et Xénophon confir· ment la permanence des semailles d'automne entre le 20 octobre et le 20 novembre. Ces arguments ont été repris par les géographes et les historiens, qui se sont attachés à réfuter les thèses du changement climatique, jusque vers les années 1960. les historiens en particulier ne pouvaient admettre ce que E. le Roy-Ladurie appellera «l'anthropocentrisme naïf des premiers historiens du climat », et estimaient à juste titre que le déclin de la Grèce n'avait pas besoin de ces explications externes pour se justifier 20. Ajoutons, et nous aurons l'occasion d'y revenir, que les ressources et la mise en valeur de la Grèce antique ont toujours été très faibles : très tôt elle a utilisé les céréales de l'extérieur. Inversement l'évolution de ces cinquante dernières années nous montre une reconquête du terroir agricole, sam changements climatiques notoires; la reprise démographique après l'Indépendance, une politique volontariste ont transformé la plupart des régions. Cependant l'histoire des variations climatiques a été remise à l'ordre du jour ces dernières décennies par E. Le Roy- Ladurie ,et les études se sont multipliées sur la période située entre 1500 et 1850 de notre ère, qualifiée de «petit âge glaciaire» 21. Ces recherches portent en fait sur l'Occident, ne serait-ce que 15. 'Comme le note P. Y. KOLODNY (1874), I, p. 72, pour Caudos, certains versants de Mykonos, l'sara, Phaulégandros, Santorin et Paros. 16. M. SIVIGNON (1975), p. 255. 17. X. de PLANHOL (1954). 18. P. BIROT, II (1956), p. 167. Théorie émise par A. FRAAS en 1847, reprise par E. HUNTINGTON à partir de 1910; bibliographie A. JARD~ (1923), p. 24 sq., PHILIPPSON (1907) (1948), p. 123, MARIOLOPOULOS (1925), E. SEMPLE (1935). 19. É.G. MARIOLOPOULOS (1925. et 1938); E. ENGENITIS (1908). En dernier lieu G. LIVADAS (1974) sur la permanence de! étésiens, P. MAHERAS (1980). 20. A. PHILIPPSON (1948), p. 159-168. A. AYMARD à propos de l'ouvrage de PHILIPPSON, REA, 1951, p. 126-129. E. LE ROY LADURIE (1967), p. 19. W.E. WRIGHT, Antiquity (1968) à propos de celui de R. CARPENTIER (1966). 21. Bibliographie in Annales E.S. C; 1977, mars/avril.
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parce que l'évolution des glaciers n'a pas d'équivalent en Méditerranée orientale, et les dates de vendanges tardives y sont la règle. Or ce sont les principales données utilisées. Les préhistoriens, à leur tour, se sont intéressés aux changements climatiques qui auraient pu correspondre à l'apparition du néolithique. Les recherches avaient été surtout menées au MoyenOrient et en Egypte 22. Les enquêtes palynologiques en Grèce ont été beaucoup plus tardives et restent fragmentaires. On tend maintenant à des analyses plus régionales, les changements constatés aux confms du Sahara ne sont plus transposés systématiquement pour les autres régions. On semble s'accorder sur un léger réchauffement entre 8000 et 6000, et une relative permanence en Egée à l'âge du bronze 23. Enfin, géologues, météorologues et agronomes se sont intéressés ces dernières années à ces problèmes, en particulier dans le cadre du programme de l'UNESCO sur les régions arides 24. Il n'était en effet pas indifférent de savoir si le domaine aride et ses marges risquaient de changer au cours des temps, lorsque l'on voulait envisager de déterminer l'usage des terres dans ces conditions. L'utilisation des satellites a redonné vigueur à ces études. Les géographes ont poursuivi leurs recherches pour élucider quelques problèmes bien précis: ainsi l'ensevelissement des ruines d'Olympie est-il dû à un changement de climat, et à quelle époque 2S ? Un groupe de l'école géographique française a lancé un programme sur les transformations du paysage à l'époque historique sur les côtes nord de la Méditerranée 26. Toutes ces recherches ne se recoupent pas toujours, et autant chacun reste prudent dans les conclusions touchant sa discipline, autant les extrapolations sont osées lorsqu'on aborde les phases supposées de la période historique, il est impossible de rie pas souligner les contradictions. Il faut rappeler que les données historiques, dès lors que l'on n'a pas de longues séries, sont à utiliser avec prudence 27. Nous allons en donner trois exemples avecl'olivier, On a pu faire reposer l'aggravation des conditions climatiques de la fin du premier millénaire av. J.-c. sur la quasi-disparition des lampes à huile des fouilles de l'époque géométrique, soit jusqu'au vue siècle av. J.-c. : indéniablement les gens ont cessé de s'éclairer de cette manière et utilisaient les torches dans les poèmes homériques 28, alors que l'on sait l'importance de ces lampes à l'âge du bronze. En ajoutant qu'Hésiode ne parle pas de l'olivier, peut-on inférer que celui-ci avait disparu? Cette conclusion nous paraît tout à fait exagérée: un certain nombre d'acquisitions techniques et d'habitudes culturelles ont été abandonnées à la période géométrique, mais la Grèce ne s'est pas transformée en désert pour autant. Disparition des lampes à huile ne signifie ni disparition de l'usage de l'huile, encore moins de l'olivier; l'huile est utilisée chez Homère, où l'on trouve référence à l'arbre d'Athéna. Tout au plus nos textes nous permettent-ils d'envisager l'hypothèse d'un équilibre différent entre olivier sauvage et olivier cultivé 29. Que la culture de l'olivier ait régressé après la chute des palais mycéniens qui en faisaient une exploitation si importante, c'est évident; de là à conclure à sa disparition et à en tirer des conséquences sur un possible changement de climat, il y a une conclusion sans rapport avec les prémisses [Test. 2, 10]. Une autre anomalie avait été relevée par les voyageurs du XIXe siècle : la contradiction entre certaines indications de Strabon sur la culture de l'olivier en Anatolie et les conditions climatiques qu'ils constataient à leur époque; les hivers rigoureux l'excluaient alors. X. de Planhol, en reprenant 22. Bibliographie générale in H.E. WRIGHT (1972) et K.W. BUTZER (UNESCO 1961). 23. J. RENFREW (1975), C. RENFREW (1972), p. 268 sq., (1982), p. 96. 24. Le programme a commencé en 1956. La collection comprend plus de 34 titres, nous intéressant particulièrement "Ir cc sujet UNESCO (1961,1963,1965,1970), T. XX, XXI, XXX. 25. En dernier lieu J.J. DUFAURE, B.A.G.F. (1980), n° 433, p. 85 sq., pour qui le site serait resté sec pendant trois millénaires, . les débuts de l'ensevelissement datant de 700 ap. J.-C. 26. Cf. Revue de Géographie physique et de géologie dynamique, janvier! mars 1977; « Colloq ue sur l'évolution des paysages depuis la dernière glaciation sur la rive nord-méditerranéenne », 1980, Bulletin de l'Association des géographes français, n" 466; numéro spécial de Méditerranée, 1983,48,2, consacré à la Grèce. 27. On peut comparer les séries contradictoires de K.W. BUTZER (UNESCO, 1961) et celles de G.G. MISTARDIS (967) ou les affirmations divergentes de M. BABERO - P. QUEZEL et R.S. POMEL, in Méditerranée (1983). 28. Reprise de l'ensemble des arguments par 1. BOARDMAN in J. HUTCHINSON (1967), p. 187 sq. 29. Sur ce point, voir notre chapitre II, p. 42 sq.
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l'ensemble du dossier, concluait à un changement de climat, les hivers auraient été plus cléments du temps de Strabon 30. Cependant cette conclusion doit être nuancée, elle ne serait à prendre en compte que si d'autres éléments venaient la compléter. Prise isolément, que signifie-t-elle ? Que l'on trouve des cultures d'olivier sur les franges du domaine naturel? M. Sivignon a fait la même remarque pour certains coins de Thessalie, les causes en étaient historiques 31. On notera que l'olivier résiste d'autant mieux au froid que l'été est chaud et que l'humidité est moins grande, ces conditions sont d'autant mieux remplies ici que - la carte de l'UNESCO nous le montre - l'aridité pénètre très profondément dans le plateau anatolien; enfin, des oliviers ont été signalés autour du lac de Van 32'. Inversement, les notations de Xénophon lors du périple de l'Anabase nous donnent une image du domaine de l'olivier qui correspond à la nôtre. En particulier, il est intéressant de noter qu'il constate sa disparition dans les zones où il est actuellement exclu par les pluies d'été. C'est un argument qui s'ajoute à ceux d'Enginitis : permanence des températures, des vents étésiens, des dates de semailles, de l'extension de l'olivier prêchent en faveur d'un climat très proche du nôtre. A condition de reconnaître que nous ne pouvons l'affirmer que pour la période qui s'étend du VIlle au Ille siècle av. J.-C., durant laquelle toutes ces références ont été trouvées 33. La profonde pénétration de la mer, la barrière des Balkans confèrent d'ailleurs à la Grèce des caractères originaux dans la circulation barométrique, que la permanence des vents étésiens de juillet à septembre avec leurs prodromes en mai/juin vient confirmer. Il semble bien que le cadre général que nous avons défmi reste le même dans sa répartition saisonnière. Certes, on ne peut pas sous-estimer les variations microrégionales : on s'oriente d'ailleurs de plus en plus vers une analyse régionale tant des variations du niveau marin que de l'analyse des conséquences des secousses sismiques 34. Le problème de la dégradation des sols et des conséquences de l'occupation humaine sur l'évolution climatique ne peut être envisagé que dans un cadre restreint. Nous verrons qu'il est inséparable de l'analyse que nous faisons des techniques agraires. Mais ces variations régionales elles-mêmes mériteraient d'être affmées. En effet, que veut exactement dire climat plus sec? Un total de pluies inférieur? Il n'est réellement important pour nos cultures que s'il tombe moins de 200 mm sur une longue période; ce schéma ne semble envisagé par personne. Alors une répartition des pluies d'automne ou d'hiver plus concentrées, un allongement de la saison sèche? Cela pèserait peu sur l'olivier. Evidemment, des hivers plus froids peuvent changer la frontière de ce dernier; à condition, nous l'avons vu, qu'ils soient plus humides, et surtout que le phénomène se manifeste sur une très longue durée 35. En effet, des variations locales, le climat méditerranéen en connaît constamment: on pourrait même dire que sa caractéristique principale réside dans cette irrégularité.
• L'INSTABILITE DU CLIMAT Cette irrégularité est particulièrement marquée dans le domaine pluviométrique: 172 mm à Naxos en 1898, 542 mm en 1928, soit trois fois plus 823 mm à Pobia (Crète) en 1954,318 mm en 1958 3 6
30. Strabon, XII, 577, 528, 556, 535. X. de PLANHOL (1954), p. 1 sq. 31. M. SIVIGNON (1975), p. 255 sq. 32. M. CLERGET (1938), p. 96. 33. Les recherches sur l'environnement menées dans un cadre régional par des équipes américaines et anglaises recoupent cette conclusion, mais avancent Thypcthèse d'un climat plus humide entre 250 et 1500 ap. L-C. qui expliquerait en partie les terrasses d'Olympie. Cf. r.i, BINTLIFF.in F.W. CARTER (1977), p. 77. 34. P. PIRRAZOLI (1976) (1980) et r.i, BINTLIFF (1977). 35. B. BOUSQUET et P. Y. PÉCHOUX ont parfois tendance à extrapoler les indications historiques (1980, 1), p. 33-45. R.S. POMEL, Méditerranée (1983), fait une analyse d'un microclimat à Santorin, p. 27, que l'on ne saurait non plus extrapoler. 36. E. Y. KOLODNY (1974); P. BURGEL (1965), p. 2.
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et ces exemples pourraient être multipliés. Les sautes de' températures sont aussi fréquentes: un hiver trop doux et la floraison hâtive est à la merci d'un coup de froid ou d'un violent coup de vent du sud. Il est rare qu'une récolte échappe successivement à tous les dangers qui la guettent, a souligné F. Braudel dans des pages célèbres 37, tandis que tout le poème d'Hésiode est sous le signe de cette précarité: malgré le travail accompli, jamais on ne peut être sûr que la récolte sera suffisante et que les jarres seront remplies 38. Cette inquiétude, constante pour les céréales, est une donnée permanente de la culture de l'olivier : rien n'est plus irrégulier que la récolte des olives, même en tenant compte des productivités bisannuelles; il n'est que de consulter les rapports actuels pour s'en convaincre 39. Cette instabilité joue au niveau des microclimats. Théophraste avait déjà noté (CP, V, 14, 2) qu'aux environs de Larissa des drainages, en changeant le degré d'humidité, avaient accentué la rigueur des gels néfastes aux oliviers. Une étude attentive après un gel rigoureux permet d'ailleurs de voir que, dans un même champ, certains arbres sont touchés et d'autres échappent, en fonction de leur position. A quelques kilomètres près, une oliveraie sera ravagée, une autre intacte. Ainsi l'incertitude des récoltes est une donnée permanente de l'agriculteur grec, et c'est le ciel qui est d'abord responsable de ces variations. Cette irrégularité ne doit jamais être oubliée lorsque l'on porte des jugements péjoratifs sur la technique agraire des anciens (ou des modernes). C'est bien souvent avec des préjugés de climat tempéré, de sols limoneux que l'on propose des remèdes. Pourquoi étendre la culture des céréales sur des terres aux rendements faibles, mélanger arbres et céréales, ne pas spécialiser, pourquoi de si faibles rendements? Pourquoi si peu d'investissements? Tous ces progrès supposent de grands risques, car de gros investissements à la merci d'une bourrasque, d'un coup de chaleur, d'une gelée précoce, ce sont des paris que même de grands propriétaires hésitent à faire, et il ne faut pas s'étonner que l'on ait gardé les recettes éprouvées; il faut s'interroger au contraire' lorsque des changements interviennent. Le climat permet donc une culture étendue des céréales et de l'olivier, mais avec des risques constants, les aptitudes des sols interviennent bien évidemment comme autre composante.
• LES SOLS GRECS ET L'EXTENSION DES CULTURES Nous constatons ici aussi que nos deux cultures ne sont pas très exigeantes. • OliVIERS ET ESPACEMENT DES CULTURES
L'olivier adapte son système racinaire à la profondeur du sol en fonction des réserves d'eau. En sol profond très perméable, il peut résister à une pluviométrie qui ne dépasse pas 200 mm, les sols sablonneux sont favorables en zone semi-aride, les sols lourds, limoneux, argileux peu perméables ne permettent un développement correct qu'avec une pluviométrie relativement élevée (+ 700 mm). D'autre part, l'olivier se contente de terrains pauvres ou même dégradés à condition qu'il puisse développer ses racines. Il s'accommode des teneurs très variables en azote en cours d'année, caractéristiques des terres méditerranéennes. Il préfère les sols légèrement alcalins et supporte des teneurs élevées en calcaires actifs; là encore, ce sont des conditions qui le rendent particulièrement bien adapté aux sols grecs. Seuls les terrains marécageux et les nappes phréatiques lui sont répulsifs 40. Les correctifs apportés 37. F. BRAUDEL (1966), p. 223. 38. Hésiode, O., 475. 39. Ainsi in L'Olivier, fév. 1979, p. 7; M.C. AMOURETTI, G. COMET (1985), p. 122 sq. 40. R. LOUSSERT et G:BROUSSE (1978), p. 172 sq. pour les précisions agronomiques les plus récentes. On trouvera les référence .. traditionnelles des textes anciens dans les articles de A.S. PEASE (1937), «Olbaum », R.E., XVII(2), col. 1990 ct sq. et M. BESNIER (1907), «Oleum», D.A., IV, l, p. 162.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
par les sols à l'extension climatique de l'aire de l'olivier sont donc faibles, mais les caractéristiques que nous venons de défmir obligent à insister sur l'importance de l'espacement, qui défmit l'individualité de chaque oliveraie : • En sol peu profond, on aura de grands espacements, jusqu'à 24 x 24 m entre chaque arbre, soit 17 arbres à l'hectare, disposition indispensable au développement latéral des racines. • En sol perméable, avec une pluviométrie dépassant 700 mm, on peut avoir un écartement de 6 à 8 m et des densités de 200 à 250 arbres à l'hectare, ce qui paraît le maximum en culture sèche méditerranéenne (certes, avec une forte irrigation de mai à octobre on peut atteindre des densités plus élevées de 300 à 500 arbres, mais il faut des conditions pédologiques excellentes et des variétés bien choisies) 41 (tableau XII, p. 291). La diversité des espacements proposés par les anciens est donc à considérer avec attention; il ne s'agit pas pour eux de moyennes, mais de propositions précises, en fonction du terrain. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner des larges espacements de la Numidie et de l'Égypte par rapport aux faibles espacements avancés par Caton, ces derniers correspondent à des conditions pédologiques et climatiques favorables. Mais, à la suite de Théophraste, tous les agronomes anciens, suivis par les commentateurs, lient l'espacement des oliviers et la présence de cultures intercalaires: dans un terrain qui ne porte pas de blé ils proposent de resserrer les oliviers 42. En fait, nous venons de le voir, l'espacement sur le plan agronomique est lié aux conditions pédologiques et climatiques. Plus le sol est pauvre avec une pluviométrie faible, plus l'espacement est important, que l'on tente ou non une culture de céréales intercalaires. C'est pourquoi, dans ce cas, la solution du champ complanté, des oliviers en bordure de route n'est pas absurde sur le plan agronomique. Par contre, dans de bonnes conditions avec des densités possibles de 200 arbres à l'hectare, la concurrence est forte avec les céréales, et souvent la solution adoptée est la culture mixte, que stigmatisent les agronomes du XVIIIe et du xrx- siècle et les géographes du xxe siècle 43; l'écartement est alors légèrement accentué. Les oliveraies compactes qui se développent en Grèce depuis ces dernières années 44 ont existé en Campanie, mais probablement assez peu en Grèce antique : les bonnes terres à oliviers faisant de moyennes terres à céréales, on a souvent difficilement renoncé à ces dernières. • LES TERRES A BU
Certes, les vraies terres à blé, permettant de hauts rendements, sont plus exigeantes: les céréales demandent des terres de limon argile-siliceuses et argilo-calcaires; leur structure stable, leur perméabilité et leur réaction voisine de la neutralité les rendent favorables au développement d'une culture, qui reste. sensible aux composantes chimiques. Le blé a besoin d'azote et de phosphore, et la carence du premier influe sur la croissance, tandis que' la carence du second entraîne des chutes de rendement 45. La seule vraie terre à blé de Grèce est la Thessalie. Elle l'était déjà dans l'Antiquité 46, et elle a retrouvé sa vocation après la période d'occupation turque dominée par les éleveurs; multipliant ses rendements, elle estpassée de 15 à 25 quintaux à l'hectare entre 1950 et 1970 4 7 • Actuellement la 41. P. LOUSSERT et G. BROUSSE (1978), p. 178 et 182. 42. Columelle, V, 9. 43. G. BURGEL (1965); p. 49. 44. Tableaux et cartes récentes in E. Y. KOLODNY (1974), p. 88, et carte B6, qui souligne qu'à l'heure actuelle les arbres peuvent être dispersés parmi les vignobles, lentisques, caroubiers, amandiers, et estime l'association avec les céréales préjudiciable à l'olivier. En 1969, il Y avait 96.703.000 oliviers dont 80 % en plantations compactes (chapitre repris des Actes du colloque de 1972). Malgré la difficulté de recenser exactement le nombre des oliviers (cf. G. BURGEL (1965 J, p. 46), les plantations semblaient progresser régulièrement. Le mouvement s'est arrêté à l'heure actuelle. 45. M. CLÉMENT-GRANCOURT et J. PRATS (1971), p. 57 sq.; K. THOMSON (1964), carte 10. 46. Théophraste, H.P::VlII, 7, 4; 10. Xénophon, Hell., V, 4,56; VI, l, II. P. GARNSEY. T. GALLAND, D. RATHBONE (1984), p. 30-45, qui soulignent cependant l'irrégularité des récoltes: la région peut être déficitaire. 47. J.J. DUFAURE (1976), p. 20. M. SIVIGNON (1968) (1975) et in C. W. CARTER (1977), p. 378-400.
LE MILIEU MEDITERRANEEN
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Macédoine est devenue la seconde terre à blé, mais il s'agit d'une évolution récente postérieure à la guerre de 1914 : de gros travaux d'assainissement et de drainage ont été effectués pour faciliter l'accueil des populations transférées de la zone turque. Les conditions n'étaient pas les mêmes dans l'Antiquité, la mer pénétrait plus profondément, mais la côte était plus salubre. La plaine de Krénidès est ainsi transformée en plaine à céréales au Ive siècle av. J.-C. 48. Les terres fertiles, considérées comme terres à céréales, sont énumérées au livre 1 de Thucydide: «La Thessalie, la Béotie, la majeure partie du Péloponnèse, l'Arcadie mise à part» 49. En ce qui concerne l'Asie Mineure, on doit indiquer une partie des bassins de l'Ionie chantée par Hérodote et la Cilicie dont s'émerveille Xénophon 50. La fertilité des îles est plus rarement soulignée, à juste titre. Cependant Lemnos a des blés d'un bon poids et la richesse de Mélos est encore admirée au XVIIe siècle par Pitton de Tournefort; Lesbos produit une excellente farine; dans la petite île de Chalkia on peut faire plusieurs récoltes successives; Samos et Thasos ont .quelques références élogieuses SI. Mais il s'agit de références à de petites plaines ou bassins fertiles, plus qu'à l'ensemble de l'île, plus souvent c'est la stérilité et l'aspect pierreux qui sont rappelés, ainsi à Égine, Délos, Mykonos, Icaria 52 .•. On a récemment montré que l'Eubée n'était pas le grenier à blé que l'on imaginait à partir d'une interprétation fausse d'une phrase de Thucydide 53. Dans l'ensemble, les terres à blé ne sont pas très importantes. Faut-il en déduire que la Grèce ne peut utiliser que 18 % de sa superficie en cultures et qu'il en était de même dans l'Antiquité, comme on l'écrit couramment 54 ? • L'ESPACE CULTIVÉ (carte 4)
En fait, si l'on reporte sur une carte les terres à céréales, si l'on élimine les hauteurs de plus de 2 000 m et les terres gagnées par alluvionnement ou drainage depuis l'Antiquité, on constate qu'il reste un domaine non négligeable des piémonts et des collines où les conditions sont médiocres mais non exclusives pour la culture. Naturellement, il ne s'agit pas de surfaces cultivées en continu, garrigues et maquis y tiennent une large place. Mais, nous le constatons encore sur place dans quelques régions, un champ de blé ou d'orge, des oliviers et caroubiers s'accrochent sur un terrain dépierré que nous jugerions totalement improductif. Culture extensive à faible rendement dont il ne faut pas tenir compte? Si on la compare aux rendements procurés par les champs de tabac, .les cultures irriguées d'agrumes ou de tomates, certes. On semble oublier que tous ces produits d'introduction récente ne pouvaient évidemment pas être les éléments d'un choix dans l'Antiquité. Le choix grec a été celui d'une culture sèche intensive, dont nous verrons les modalités, plus originales qu'on ne le croit, associée à des cultures arbustives, le problème étant pour eux l'équilibre entre les deux, dans un terroir souvent défavorable. A l'époque classique, la tendance poussera à l'extension de ce terroir même dans des terrains médiocres: l'île de Rhénée fournit blé et vin à Délos, des céréales de printemps sont utilisées à Naxos; Andros et Péparéthos sont des producteurs d'huile. Des régions maintenant abandonnées témoignent encore par une bâtisse ou une ferme d'une exploitation qui nous paraît étonnante 55. Ce sont en fait de petites exploitations qui jouent sur la diversité, céréales, légumineuses, cultures 48. Théophraste, CiP; 5, 14,6. Sur les transformations postérieures à 1914,1. ANCEL (1930), p. 106 sq, 49. Thucydide, l, 2. Ajouter sur la Béotie Théophraste, VIII, 2, 2 et 4, 5; Messénie: Euripide, fr. 1068; Strabon. VIII, 5. 6; ArgoIide : Iliade, XV, 372; Sicyone: Athénée, V, 219. 50. Hérodote, l, 142; Xénophon, Anab., 1,2,22. 51. Lemnos: Théophraste, c.P., IV, 9, 6; Lesbos: Archestratos, apud Athénée, III; Chalkia : Théophraste, H.P., VIII, 2, 9; Mélos: . PITTON de TOURNEFORT (1717); Samos: Diodore, V, 81 ; Chios : Hymne à Apollon, V, 38. Cf. notre carte 6, p. 48. 52. Sur l'aridité d'Égine, Strabon, X, 5, XIII; Andros : Hérodote, VIII, 2; Mykonos: Athénée, l, 7; Icaria : Strabon. X. V, 13; Délos: Pindare, Isthme, l, 3, 4; Callimaque, Hymne, IV, 11,12. 53. O. PICARD (1979), p. 338. 54. A la suite de A. PHILIPPSON (1894). p. 537-538; J. SION (1934), p. 569; A. JARDt (1924), p. 79. 55. Ainsi beaucoup de tours et de bâtiments ct des installations agricoles ont été reconnues en Attique. en Argolide, en MégariJe ou dans les îles sur des lieux maintenant incultes. La prospection systématiq ue commence à Thasos, elle a été poursuivie à Melos sur la longue durée, C. RENFREW (1982).
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
arbustives, et on retrouve quelques rares exemples de ces types d'associations culturales, ainsi à Amorgos qui vendait encore du grain en excédent au XVIIe siècle 56. Si dans l'Antiquité on a utilisé plus largement que maintenant des terrains médiocres, on a aussi à certaines époques tenté de reconquérir des terres par drainage. De ce point de vue, le Ive siècle constitue une période très active. Nous savons par Théophraste (V, 14 et 15) - et les textes antérieurs nous le confirment - que plusieurs grands travaux ont été entrepris au milieu du Ive siècle, la plupart sous l'impulsion de Philippe II de Macédoine. C'est le cas dans la plaine de Philippe, l'ancienne Krénidès, dans celle de Pella. Nous avons vu plus haut que la région de Larissa en Thessalie avait aussi connu des drainages qui avaient affecté son climat. Une inscription d'Érétrie nous fournit pour la même époque une proposition de bail pour drainer un marais. Même si ce dernier contrat n'a pas été rempli,' ce texte nous prouve que cette période a vu des efforts plus systématiques pour gagner sur les terres d'alluvionnement récent 57, certaines très probablement pour les céréales, d'autres pour des pâturages. Cependant ces conquêtes ne pouvaient que demeurer limitées et les Grecs ont dû chercher avant tout à s'adapter à des conditions relativement peu favorables.
* Cette adaptation, bien particulière, aux données naturelles, fait évidemment intervenir d'autres facteurs que les impératifs du temps et du sol dans les choix culturaux. Ce sont ces facteurs qui vont nous préoccuper désormais. Mais il ne faut jamais oublier, dans les jugements implicites ou explicites portés sur les techniques agraires des Anciens, les données incontournables du milieu. Même de nos jours, le milieu méditerranéen reste, de fait, très mal maîtrisé par l'homme sur le plan agronomique et ses possibilités limitées, parce que précaires, malgré quelques réussites spectaculaires.
56. C. CONNEL (1980) pour la période actuelle. J. PITTON de TOURNEFORT 1 (1717), p. 285. 57. l/G, n" IX, Erétrie ; on sait aussi par Strabon (IX, 18) que, sous le règne d'Alexandre, un ingénieur fut chargé de nettoyer les émissaires du lac Copais dont une partie avait été transformée en pâturages antérieurement.
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Climat méditerranéen
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Carte 2. - Climats et durée de la saison sèche. Carte M. BÛRÊLY, d'après la carte bioclimatique de l'UNESCO, 1963.
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LE MILIEU MeDITERRANEEN
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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cultures de type méditerranéen terres cultivables pacages et prairies forêts etterres non cultivables
Carte 4. - Occupation du sol. A) Variations historiques de la plaine de Pella (F.W. CARTER, 1977). B) Grands domaines actuels (carte M. BORÉLY).
CHAPITRE II LES ESPÈCES ET LEUR DIFFUSION
• LES CEREALES Lorsque nous nous tournons vers les textes antiques pour essayer de déterminer quelles étaient les espèces cultivées à l'époque archaïque et classique, la première impression est décourageante 1. Beaucoup de textes tiennent compte soit des particularités de la culture, soit des qualités nutritives. On a ainsi des variétés géographiques qu'il paraît presque impossible de faire coïncider avec nos anciennes variétés (il n'est naturellement pas possible de les faire coïncider avec nos variétés hybrides actuelles 2). Les céréales que nous étudions sont des plantes monocotylédones appartenant à la famille des graminacées. Nous laisserons de côté le riz, l'avoine et le seigle; connus dans l'Antiquité, ils n'ont joué aucun rôle réel dans le monde égéen à l'époque qui nous concerne 3. Trois genres principaux nous intéressent parmi ces céréales : le blé, triticum, l'orge, hordeum, et le millet, setarica et panicum. Ces genres correspondent à ceux que les botanistes depuis le xv le siècle avaient distingués, à la suite de Théophraste 4 [Test. 1.2]. Cependant la classification des variétés s'est affinée au xxs siècle avec la découverte des gènes et des chromosomes, même s'il faut rester prudent dans l'interprétation des résultats fournis par les palynologistes 5. Mais les préoccupations des historiens des techniques diffèrent de celles des botanistes et se rapprochent plutôt de celles des agronomes : les intéressent dans une espèce, et surtout dans ses variétés, les besoins (eau, température, sol), mais aussi les performances (rapidité de la maturation, résistance aux intempéries et aux maladies, productivité, facilité de battage, bonne conservation). Les usagers, surtout quand ils sont eux-mêmes producteurs, sont sensibles aux qualités du grain et de la paille en fonction des besoins à satisfaire. Les classifications varient donc en fonction de ces critères, qu'il s'agisse d'auteurs antiques, médiévaux ou modernes. 1. A. JARDÉ (1924), p. 4 sq. A. MAURIZIO (1932), p. 373. Selon Pline (H.N., XVIII, XIX, 8), ~ les espèces de blé ne sont pas les mêmes partout et là où elles sont les mêmes elles ne portent pas toujours le même nom». Même remarque chez O. de SERRES (1600), édit. 1804, t. 1. p. 134, 135. 2. M. CLÉMENT-GRANCOURT, J. PRATS (1971), p. 86. Cependant G. HEUZE (1896-97) avec des tableaux plus larges permet certains recoupements. 3. L'avoine, {3PO/.lOç, a été reconnue dans quelques sites préhistoriques: M.J. RENFREW (1973), p. 83. Elle est connue comme une plante sauvage par Théophraste (H.P., 8, 9, 2). Le seigle n'apparaît dans les fouilles qu'en Anatolie à l'époque romaine. La plus ancienne citation est celle de Pline (XVIII, 16). Le riz, opv~a, est décrit par Théophraste comme une plante des Indes (H.P., 4, 5), il avait été évoqué (sans nom) pour la même région par Hérodote comme un gros millet (111, 100). 4. Ainsi L. FUCHS (1542), R. DODOENS (1616) considèrent Théophraste comme le «père des botanistes». Il distingue plantes sauvages et cultivées, organes constitutifs et organes transitoires. Voir ci-dessous, chap. X. 5. Sur cette prudence à observer, voir les remarques de R. DENNEL (1978), p. 22 sq., suivi par R. TREUIL (1983), p. 382.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
C'est chez Théophraste que l'on trouve les seules réelles tentatives de type botanique, mais sans tableau général. Dioscoride nous fournit un premier herbier, destiné aux usages médicaux. C'est aussi comme usagers qu'Hippocrate et Galien s'intéressent aux qualités des céréales, essentiellement sur le plan nutritif. Le principal agronome reste Columelle, dont le Livre II est pour notre propos un témoignage précieux. Quant à Pline, dont le Livre XVIII reste la source privilégiée des historiens de l'agriculture, il est difficile à utiliser. Sur les céréales, il mêle constamment les différents types de classification en mettant bout à bout des extraits, plus ou moins bien compris, des auteurs qu'il utilise. Cependant, certaines indications lui sont propres, et on ne peut lui dénier des remarques personnelles ; elles concernent surtout l'Italie 6. Pour la Grèce, il ajoute peu à Théophraste, sinon quelques citations sur des régions. Les autres auteurs, même lorsqu'ils envisagent directement l'agriculture, comme Hésiode ou Xénophon, ne se sont pas intéressés aux espèces de céréales, et c'est indirectement qu'une allusion peut nous éclairer. Ces allusions prouvent que les Grecs distinguaient parfaitement les grands genres de céréales, et les sources littéraires sont plus riches sur ce point que les seules sources techniques n'auraient pu nous le faire penser. Quant aux sources archéologiques, l'orientation actuelle est un peu particulière. C'est en effet la préhistoire qui a focalisé toutes les recherches, avec une question qui rassemblait naturalistes et préhistoriens: d'où viennent les céréales, quand sont-elles apparues dans le monde? Après les travaux de A. de Candolle au XIXe siècle et Vavilov après la première guerre mondiale, les recherches ont été systématiquement reprises en Orient avec l'aide des archéologues. On voulait préciser les lieux géographiques où apparaissaient espèces sauvages et espèces cultivées, et en fixer la chronologie. Des progrès considérables ont été effectués avec les expériences de Jarmo. Sur ce site, les fouilles, commencées en 1948, se sont poursuivies jusqu'à nos jours avec une collaboration internationale de naturalistes et de préhistoriens. Elles ont montré la coexistence de formes sauvages et cultivées en Syrie dès 6000 av. J.-C. et la très grande variété des espèces sur un même site 7. La Grèce n'a pas bénéficié d'expériences aussi poussées, et on dispose de peu d'analyses palynologiques. Cependant les fouilles de sites préhistoriques ont été multipliées depuis la dernière guerre, et une première synthèse des résultats a été tentée par J. Renfrew 8 pour l'Europe et l'Asie occidentale et C. Renfrew pour l'âge du bronze en Grèce 9. Elles nous montrent qu'en Grèce aussi les premières espèces ont été plus diverses qu'on n'aurait pu le penser. Malheureusement, ces progrès des recherches préhistoriques n'ont pas encore suscité un intérêt équivalent chez les chercheurs des époques postérieures. D'autant plus que l'identification des grains, souvent carbonisés, est beaucoup plus délicate qu'on ne le pense habituellement : les laboratoires susceptibles de la faire demeurent extrêmement rares, et les spécialistes mettent en garde contre bon nombre d'interprétations anciennes et même récentes 10, au point que dans sa thèse sur le néolithique et le bronze ancien en Égée, R. Treuil renonce même à utiliser les classifications botaniques 11. Cependant, si les résultats analysés doivent être maniés avec prudence, il nous sernb-. utile d'en faire état car ils permettent d'esquisser une problématique. Nous avons donc confronté les résultats des fouilles préhistoriques aux acquis apportés par l'étude des textes de l'époque archaïque et classique. Cette confrontation nous a permis d'affmer un certain nombre des hypothèses présentées par A. Jardé et complétées par les travaux de N. Jasny (encore trop peu connus des chercheurs français) 12 et de proposer quelques conclusions personnelles. Tous les problèmes ne sont pas résolus et ne pourront l'être : le vocabulaire demeure, comme toujours dans l'agriculture ancienne, terriblement imprécis; le même mot· désigne des céréales différentes, ou des 6. Voir sur ce point la défense de M.H. LE BONNIEC, in Congrès Guillaume Budé (1948), p. 84. 7. Rétrospective et bibliographie sur les origines de la culture des céréales in G.A. WRIGHT (1971), p. 447 sq. B. M.J. REN FREW, Palaeoethnobotany, the Prehistoric Food Plants of the Near East and Europe, Londres, Methuen, 1973, p. 7 sq, 9. C. RENFREW, The Emergence of Civilization, Londres, 1972. 10. Cf. n. 5. Sur la génétique de la domestication des céréales, J. PERNES (1983). 11. R. TREUIL (1983), p. 382, n. 31. H.N. JAR MAN (1972), in E.S. HIGGS, Papers, p. 15, 16, insiste à juste titre sur les ambiguïtés de la notion de plantes sauvages et cultivées. Sans rejeter totalement les hypothèses actuelles, il insiste sur les recherches à poursuivre dans d'autres régions que celles considérées comme le berceau naturel des céréales. 12. N. JASNY, The Wheat of CiassicalAntlquity, Baltimore, 1944.
LES ESPÈCES ET LEUR DIFFUSION
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céréales se trouvant à des stades différents de transformation ; ainsi aï TOC:, qu'il vaudrait mieux traduire par grain, peut désigner aussi bien le blé que l'orge, et 1fVPoC: peut concerner aussi bien le blé nu en général, le blé vêtu débarrassé de sa balle, qu'un type précis de blé nu 13 (cf. notre tableau l, Test., p. 282).
Figure 3. - Anatomie d'un épillet de blé tendre. L'épi est composé d'articles rachidiens disposés en quinconce et portant, chacun, un seul épillet (à gauche}. La dissection d'un épillet montre qu'il contient plusieurs graines (au milieu). La disposition des articles rachidiens est plus évidente de profil (à droite). Chez certaines variétés, il n'y a pas de barbe à l'extrémité des glumelles.
Rappelons que les céréales vêtues sont celles dont le rachis fragile se brise .au battage, une partie de l'enveloppe restant attachée au grain plus ou moins fortement, ce qui nécessite des opérations complémentaires avant la mouture, tandis que dans les espèces à grain nu' le rachis résistant permet l'éviction du grain dès le battage, D'autre part, la teneur en gluten et en amidon varie suivant les espèces. Or, la force des farines - la tenue et le gonflement de la pâte - est liée à la richesse en gluten. Par contre, la proportion du son qui reste dans la farine dépend des modes de mouture et de blutage, quelle que soit la proportion d'origine. Enfm, la teneur en eau dépend, certes, des espèces, mais bien plus des conditions climatiques. Elle varie, parfois considérablement, sur un même grain, ce qui doit nous rendre très prudents sur le poids des grains 14. Naturellement, céréales d'hiver et céréales de printemps ne sont pas des variétés, comme Columelle l'avait bien compris, à la différence de Pline 15, et toutes peuvent en principe être semées suivant les saisons. Cependant, certaines variétés réussissent mieux mais, pour la Grèce en général, les exemples de céréales de printemps sont mineurs, dans l'Antiquité comme de nos jours, car le climat, nous l'avons vu, ne s'y prête guère 16. 13. Cf. A. ANDRÉ (1925), p. 2 sq., .et HEICHELHEIM, article « L
(TOO> ,
in R.E., sup. VI, 1934; col. 819-892; N. JASNY (1944),
p.6 sq. 14. R. LEGENDRE (1935), p. 10 sq., rappelle que le grain des céréales n'est pas une marchandise définie de poids constant. Le taux d'humidité peut varier de 5 % à 21 %, faisant varier le poids total. Un échantillon de blé de 100 gr récolté à Biskra, expédié à Alger et laissé quelques jours à l'air, augmente de 3 à 4 gr; entre Paris et Londres, il augmente de 7 à 8 gr. 15. Columelle, R.R., II, IX : «Neque enim est ullum, sicut multi crediderunt natura trimestre semen : quippe idem jactum automno melius respondet», Ce qui entraîne l'indignation de Pline (XVlIl, XII, 70). 16. La principale source est Théophraste qui cite l'Achaïe (H.P., VIII, 4,4), l'Eubée (VIII, 4. 4), Lernnos (CP., IV, 9, 6). la Thrace. Enfin, Pline, H.N., XVIII, 7, 70 (cf. notre carte 6, p. 48).
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
• LES BUS vtTUS
La distinction blés nus / blés vêtus intéresse particulièrement l'agronome et l'historien des techniques. En effet, dans les blés vêtus l'enveloppe reste avec le grain. Cette particularité conditionnera en partie les procédés de mouture. Ces caractères étaient clairement définis par Théophraste qui appelle ces espèces 1TOÀ.VÀ01rot 17. La Grèce préhistorique connaît deux groupes de blés vêtus : l'engrain (Triticum monococcum) qui contient un seul grain par épillet, et l'amidonnier iTriticum dicoccum). On sait que I'engrain sauvage se rencontre. encore en Anatolie, tandis que l'amidonnier prédomine au Moyen Orient. Ces deux espèces - souvent confondues au début avec l'épeautre, dont les traces ne sont pas assurées en Grèce - ont une bonne résistance aux maladies, en particulier à la rouille. Des expériences ont montré qu'elles se moissonnaient très facilement: en une heure on pouvait obtenir le repas d'une famille 18. La plante sauvage a d'ailleurs un rachis encore plus fragile que la plante cultivée, une partie de la récolte est souvent emportée par le vent avant la moisson 19. Les expériences de Jarmo ont prouvé qu'espèces sauvages et cultivées coexistent sur ce site au VIle millénaire. Au Vie millénaire, seul apparaît sur les sites environnants l'amidonnier sous sa forme cultivée 20. En Grèce, dès le néolithique ancien, engrain et amidonnier sont présents. Ils restent dominants au bronze ancien sans que l'une des espèces semble l'emporter sur l'autre. L'engrain sous sa forme sauvage est peut-être autochtone, l'amidonnier aurait été introduit à partir de l'Orient 21. Ces deux espèces, bien adaptées au climat de la Méditerranée orientale, ont besoin de beaucoup d'eau au départ mais de moins d'humidité au printemps. On les conserve et on les sème avec leur balle. L'amidonnier est un peu plus facile à décortiquer que l'engrain. Leur goût était apprécié, et l'on sait combien Pline célèbre le far comme le grain par excellence des Anciens 22. Les blés vêtus gardaient de l'importance en Méditerranée au Ive siècle av. J .-c. et Théophraste les énumère souvent sur le même pied que l'orge. C'étaient les céréales prédominantes en Égypte et en Thrace par exemple 23. Mais en Grèce même elles étaient devenues des céréales marginales, bien connues des voyageurs qui en notent la présence 24. Cette évolution est perceptible à la fois par les textes et par les fouilles archéologiques; engrain et amidonnier sont identifiés le premier avec la ri'Pf/, le second avec les termes de ~€t(i et oÀvpa (le terme de ~€tci pouvant aussi désigner l'ensemble des blés vêtus). Ils sont distingués très clairement des autres céréales dès Homère 2S. En fait, leur culture n'a pas reculé devant celle du blé nu, mais devant celle de l'orge dès l'âge du bronze. Le cas de la Grèce est intéressant car il est original. La céréale ancienne et vénérable des Hellènes ce n'est pas le far, mais l'orge. • L'ORGE
L'orge passait aux yeux des anciens Grecs pour une plante indigène 26, et cette tradition repose peut-être sur une réalité. Toutes les espèces d'orge semblent issues d'un même ancêtre, Hordeum spontaneum, que l'onretrouve à l'état sauvage actuellement de l'est de la Méditerranée à l'Afghanistan 17. Théophraste, c:r; IV, 6, 3. Pline, H.N., XVIII, II, 112. 18. J. HARLAN (1967) pour engrain et amidonnier sauvage: en trois semaines une famille engrange pour son année (p. 197). 19. M. FELDMAN et E. SEARS (1980) montrent, photo L, les épillets dispersés en Palestine du Nord, p. 80; pour eux la zone où serait apparu le type cultivé de l'espèce est le sud- ouest du croissant fertile (p. 83).' 20. H. HELBAECK (1960). 21. J.M. RENFREW (1973), p. 45. 22. Pline, H.N., XVIII, 7. 23. Théophraste, H.P., ï, 1; cf. les remarques de N. JASNY (1944), p. 117 sq. et W. VAN ZEIST (1969), in P.J. UCKO, p. 35 sq. 24. Hérodote, Il, 36; Xénophon, An., V, 4, 25, à Pergame à basse époque. . 25. Od., IV, 604; Il., V, 196; VIII, 564. Sur l'utilisation tardive du mot oÀvpa en Égypte ptolémaïque avec le sens de sorgho, cf. H. CADELL (1970), p. 71. Maison ne peut accepter ce type de traduction pour les références d'Hérodote, l'amidonnier est encore dominant. Même pour l'époque hellénistique, l'argumentation de H. CadeU n'est pas vraiment convaincante: eUe pense que les paysans ne pouvaient faire la différence botanique entre deux espèces de blé, mais les différences entre blé nu, blé vêtu et orge sont immédiates pour l'utilisateur, en particulier pour les boulangers. Il nous semble que le mot a dû glisser de sens à basse époque au moment où la culture de l'amidonnier régresse pour disparaître presque totalement au Bas-Empire. 26. Platon, Ménéx., 23, 7 e.
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(carte 5), et certains chercheurs pensent qu'elle pourrait être 'Originaire aussi d'Égée. Les premières formes cultivées sont des formes à deux rangs, nues et vêtues, qui apparaissent dès le néolithique ancien 27. L'orge à six rangs (Hordeum vu/gare L.) se rencontre en Grèce dès la fm du Vie millénaire dans le sud, et devient pèu à peu prééminente, aussi bien dans les sites du sud que dans ceux du nord, à l'âge du bronze 28. Les caractéristiques végétatives de l'orge ont malheureusement été moins bien étudiées que celles du blé par les agronomes modernes 29. Une fois soulignée la rapidité plus grande de son cycle (130 à 150 jours), ce qui permet une récolte en avril ou mai particulièrement utile pour la soudure, on peut marquer sa sensibilité à la verse, sa résistance à la nielle, du fait de sa paille plus molle, l'échaudage se produit aussi plus précocement. Ses besoins sont surtout importants dans le début de son développement; céréale d'hiver dans la Grèce antique, elle a besoin 'des fortes pluies de cette saison, ce n'est que très exceptionnellement qu'elle a pu être cultivée au printemps 30. Ses racines se contentent de terres minces et caillouteuses à condition qu'elles aient été bien travaillées, point fondamental sur lequel insistent tous les agronomes, de l'Antiquité à nos jours. La plante est tolérante au calcium, et l'azote est un facteur de rendement de moindre importance que pour le blé. Mais il faut un minimum d'apport de phosphore en début de cycle 31. On le voit, l'orge est bien adaptée au climat et au sol égéens, et on constate la permanence de sa culture, en particulier dans les Iles à travers l'époque moderne jusqu'à l'époque contemporaine 32. L'orge connaît deux grandes variétés: Hordeum vu/gare L. à six rangs, et Hordeum disticum L. à deux rangs; dans chacune existent des sous-groupes, à grains nus ou vêtus. Bien que toutes les espèces aient le même nombre de chromosomes (14), leurs relations génétiques sont moins bien établies que celles du blé, La principale représentante de YHordeum vu/gare, l'orge commune, est l'escourgeon, orge d'hiver à grains vêtus, ou orge carrée: dans les six rangs qu'elle présente, il y en a deux qui se confondent avec les autres, et l'épi ne présente que quatre arêtes 33. On a reconnu aussi comme sous-groupes l'Hordeum hexasticum à six angles distincts, et l'Hordeum nudum ou Hordeum cœleste L. à grains nus. La préhistoire connaît toutes ces variétés, cependant l'orge vêtue semble l'emporter peu à peu sur l'orge nue. De même l'Hordeum vu/gare l'emporte sur l'Hordeum disticum. Columelle distingue clairement les deux, en précisant que l'Hordeum disticum peut être semée au printemps 34. Qu'en était-il à l'époque classique? Le seul texte qui puisse nous donner quelques indications est celui de Théophraste, les autres auteurs grecs désignant l'orge sous le nom général, "pd,it. Les premières mentions écrites de l'époque mycénienne permettent de reconnaître l'idéogramme, et le mot Ki-ri-ta qui est le Kpd,it des textes homériques et des Hymnes. Les Grecs de l'époque classique différenciaient le blé nu, les blés vêtus et l'orge, mais ne semblaient pas remarquer de caractères distinctifs entre les variétés d'orge cultivées en Grèce. Ceci a amené beaucoup de spécialistes à conclure que, vu les caractéristiques de culture et de mouture, il s'agissait essentiellement d'orge vêtue du type de l'escourgeon d'hiver décrit par les auteurs du xvm- et xrxe siècles 35. Elle est restée la variété la plus cultivée jusqu'à nos époques dans les pays méditerranéens, qui l'utilisaient pour la nourriture (des hommes et des bêtes) et non pour la bière. 27. R. TREUIL (1983), p. 378. 28. A Myrtos comme en Thessalie, à Sitagroi. C. RENFREW (1972), p. 280, et P. WARREN (1968), p. 316. Cependant, à Troie V le blé reste dominant. 29. Comme le remarquent M. CLÉMENT, G. GRANCOURT ,p. 244; cf. cependant C. V. GAROLA (1896), p. 435 sq. 30. Théophraste, c.P., IV, 9, 1. Les orges de printemps peuvent pousser en soixante à soixante-dix jours. 31. C.V. GAROLA (1909), p. 454; G. HEUZE (896), t. II, p. 87; M. CLÉMENT-GRANCOURT (1971), p. 270 sq.: ROZIER (1784), p. 148. 32. L'orge occupait en 1961 5 % de la surface totale cultivée en Grèce, et Il % de celle des céréales. Elle est cultivée là où on Ile fait ni maïs ni avoine (B. KAYZER [1964), carte 30). Son importance a été notée au Colloque sur les régions arides (UNESCO, 1964), p. 67. Elle était déjà remarquée par les voyageurs du XVIIe ct du XVIIIe siècle. . 33. A ne pas confondre avec ïHordeum tetrasticum, sous-groupe abandonné maintenant. A l'époque actuelle, les paysans appellent escourgeons toutes les orges d'hiver (à deux et six rangs), mais au XIxe siècle et antérieurement on distinguait clairement l'escourgeon ou orge commune tHordeum vulgare) et la paumelle tHordeum disticumï, meilleure pour la brasserie. On voit que les problèmes de vocabulaire ne sont pas plus résolus à l'époque moderne que dans l'Antiquité. Le résumé de A. L. GUYOT (1942), dépassé, est inutilisable. 34. Columelle, Il, 9. Il distingue en fait l'orge galate, disticum, semée de préférence en mars, de l'orge hexasticum ou cantharicum, qui est pour lui une orge nue et la plus répandue (en Espagne? en Italie). 35. Ainsi dans le Dictionnaire très répand u de l'abbé ROZIER (1784), article « Orge».
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Cependant, tel n'était pas l'avis de A. Jardé, qui affirme : «Il faut en conclure que les espèces les plus cultivées en Grèce étaient des orges nues ... et l'on peut se demander si les Grecs en ont connu d'autres» 36. Nous savons par les fouilles préhistoriques qu'ils en ont connu d'autres, mais l'affirmation de A. Jardé repose sur le texte de Théophraste (H. P. VIII, 4, 1) repris par Pline. Elle a été repoussée par N. Jasny et Moritz, ce dernier déclarant même que l'orge est la céréale vêtue «par excellence» 37. Ces derniers auteurs appuient leurs affirmations sur l'étude technique de la mouture, et concluent qu'on ne peut se fier à Théophraste. En fait, on ne peut se fier à Pline quand il traduit Théophraste, mais une étude plus attentive de Théophraste jointe à une comparaison avec les analyses des agronomes du xrxs siècle permet de lever la contradiction. En effet, si l'on prend l'ensemble du texte et non la phrase isolée telle que Pline nous la transmet, on obtient un résultat différent. Au lieu de l'expression qui semble défmitive «le blé a plusieurs enveloppes, l'orge est très nue» 38, on constate que dans son passage [Test. 1.1] Théophraste compare l'orge aux blés vêtus et non à l'ensemble des blés. En effet, la comparaison est absurde si elle concerne les blés nus, contradiction qui n'a pas embarrassé Pline. Il faut reconnaître que Théophraste est subtil, mais c'est que le problème n'est pas facile et il cherche à noter les différences entre les différentes classes ('Y€v€a) et puis les distinctions qu'il faut effectuer à l'intérieur d'une même classe (OIlO'Y€v7]C;). Ainsi, ce que veut dire là Théophraste c'est que par rapport aux blés vêtus l'orge se sème nue; elle est particulièrement nue. Et c'est exact. Comme nous le rappellent les agronomes du xix» siècle, l'orge commune, vêtue, se bat sur l'aire, se dépique dans le Midi, facilement lorsqu'elle est bien mûre. Elle ne garde qu'une légère enveloppe, et surtout les barbes qui ne partiront qu'après passage à la meule et blutage, ou grillage. Mais ces opérations sont beaucoup moins difficiles que pour l'amidonnier et l'engrain, et plus tard l'épeautre. Enfin, l'amidonnier et l'engrain sont les seuls qui se conservent en épis, d'où la référence à la semence 39. Théophraste sait aussi qu'il y a plusieurs variétés d'orge, et que le nombre maximal de rangs est six. Cependant, à l'intérieur même de ces variétés, il ne donne qu'une vue rapide et Columelle est plus clair 40. Selon nous, l'Antiquité classique connaît donc plusieurs variétés d'orge, nue et vêtue, mais la variété dominante serait la plus proche de l'orge commune du monde moderne, l'escourgeon, Hordeum vulgare L. à grain vêtu et à six rangs (planche 1). Le second point sur lequel nous voudrions insister c'est l'importance de la culture de cette céréale, qui reste prédominante selon nous en Grèce aux ve et Ive siècles. C. Renfrew, par une analyse des trouvailles de l'âge du bronze, a montré qu'en Grèce l'orge remplaçait peu à peu les céréales à grains vêtus, et que cette évolution était achevée au bronze récent 41. La découverte des tablettes du linéaire B nous confirme son importance. Une étude attentive des quelques références classiques connues nous montre la répartition de sa culture dans un très grand nombre de régions de Grèce et d'Asie mineure. On sait par l'inscription d'Eleusis de 328 42 que c'était à cette époque la céréale prédominante parfois à 90 % en Attique. Mais s'agit-il encore d'une culture destinée à l'alimentation des ~Jmmes ? ou estelle devenue uniquement la ressource du bétail pour laquelle sa balle est appréciée? Les Grecs sontils encore des «mangeurs d'orge» par rapport aux Romains comme ils l'étaient à l'époque archaïque? «Le pain d'orge dont usaient les Anciens a été condamné par le progrès» écrit Pline, et la traduction française accentue l'idéologie inconsciente: la progression du pain blanc serait le symbole du progrès 43. Mais si, indéniablement, les Romains méprisaient le pain d'orge et après eux les Grecs cultivés des époques tardives, il n'en était rien pour l'époque classique. L'orge était la nourriture traditionnelle 36. A. JARDÉ (1925), p. 8. 37. L.A. MORITZ (1958), p. 147; J. ANDRÉ (1981), p. 50. 38. Pline, XVIII, X, 61. 39. L'ébarbage de l'orge après battage est encore pratiqué au début du xx e siècle. GAROLA (1909), p. 530; G. HEUZE (1896), 1. Il, p. 87. 40: Selon Théophraste, lesdifférentes variétés ont deux, trois, quatre et cinq rangs, alors que Columelle distingue clairement entre orges à deux rangs et orges à six rangs. Théophraste, H.P., VIII, 4,2; Columelle, R.R.. IX. Cf. l'article de ORTH (1910), R.E., VII, «Gerste», col. 1281. 41. C. RENFREW (1972), p. 275. 42. L'analyse la plus complète de cette inscription IG II' , 1672 reste celle de A. JARDÉ (1925), p. 36 sq. 43. Pline, XVIII, XV, 74. Traduction Le BONNIEC (1972).
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des Spartiates, on le sait, mais elle reste une composante fondamentale de la nourriture athénienne, comme nous le verrons ci-dessous au chapitre V, à égalité avec le blé, et la qualité de sa farine y était même renommée 44; les fragments plus dispersés de Xénophon nous la montrent largement utilisée en Asie mineure 45. L'erreur vient de ce que l'on a pensé trop longtemps aux pains d'orge, pour lesquels cette céréale employée seule est mal adaptée. On a cru trop vite à une élimination de l'orge comme nourriture en utilisant soit des textes tardifs, soit Aristophane 46. Mais on n'a pas pris garde que les plaisanteries d'Aristophane, dans le contexte de la guerre du Péloponnèse devaient être interprétées très différemment : toutes les allusions aux mangeurs d'orge visent les Spartiates, elles ne peuvent être que négatives; en fait les Grecs utilisent orge et blé, et ceci est attesté depuis Homère et largement confirmé par les textes classiques 47 et les inscriptions. Mais, aux ye et rvs siècles, il ne faut pas comparer pain d'orge et pain de blé. Le premier est en effet de qualité inférieure et lève moins bien. Les Grecs utilisaient l'orge sous forme d'aÀI,OLTa et de J.l(ï~a, préparations à base de farine précuite dont nous verrons la composition ci-dessous (ch. V et Test. 5.6.8). Nous arrivons donc à la conclusion que ce qui caractérise l'alimentation céréalière de la Grèce à l'époque classique c'est l'utilisation conjointe de l'orge et du blé nu dans leurs cultures et leur alimentation, à l'exception des Spartiates, dont l'alimentation restait par tradition majoritairement dominée par l'orge. Peut-on fixer plus précisément l'introduction du blé nu et le détail des espèces? • LE BLÉNU
Les trouvailles de blé nu sont moins importantes à l'époque néolithique que celles de blé vêtu ou d'orge; cependant on le voit apparaître très tôt, tout comme en Orient. On le trouve à Knossos, en Thessalie, dans les Balkans dès le néolithique 48. Dans presque tous les cas, il s'agit du groupe hcxaploîde, Triticum aestivum et Triticum compactum, donc du blé tendre, notre froment, que l'on retrouve pour l'Italie de Pline sous le terme de siligo. Or, en Grèce, actuellement, comme sur l'ensemble de la Méditerranée orientale, la variété prédominante est le blé dur, dont les caractères peuvent se retrouver dans certaines descriptions de Pline sous le terme triticum; les grains sont de forme allongée et pointue, à cassure vitreuse, aux balles longues et aiguës, à la paille fine, pleine ou mi-pleine, toujours barbus. Si l'on a discuté de la présence de blé poulard, Triticum turgidum, tous les historiens du xxv siècle s'accordent pour faire du blé dur, Triticum durum, l'espèce de blé nu utilisé en Grèce 49. Mais nous cernons plus mal son arrivée, et l'on avait pu, à tort, la reporter à une époque tardive 50. C'est une espèce qui a des besoins assez proches de ceux de l'amidonnier, dont elle dérive, avec de fortes pluies au début de végétation, mais qui supporte des printemps plus secs et résiste bien aux coups de chaleur. Mutant du Triticum dicoccum, il serait donc originaire des mêmes lieux SI. Cependant, le blé tendre, qui deviendra prédominant en Italie, existe aussi. Les variétés cultivées au printemps étaient probablement du blé tendre 52. 44. Théophraste, H.P., vnr, 2. 45, Xénophon, An., YI, 6,1; IY, 8, 23; IY, 2,1. 46. D.A. AMYX (1945), p. 269; A. JARDÉ (1925), p. 124; R.J. FORBES, Ill, p. 97, contre N. JASNY (1950), p. 230, suivi p~r W.K. PRITCHETT (1956), p. 185. 47. Il., Xl, 67. Premier relevé de citations dans ce sens, in S. ISAGER, M.H. HANSEN 11975), p. 18 sq., puis M.C. AMOUH.ETTI (1979), p. 64, 1. GALLO (1983), p. 450. 48. C. RENFREW (1972), p. 280; EYANS BSA (1968), p. 339; R. TREUIL (1983), p. 379. Selon R. TREUIL (1983), le blé dur apparaît à Servia au néolithique moyen (p. 379). 49. A. JARDÉ (1"925), p. 10; N. JASNY (1944), p. 53; L.A. MORITZ (l958), p. XXIII. 50. L'origine génétique du blé dur reste encore très discutée. HUTCHINSON (1965), p. 75, On n'avait jusqu'ici retrouvé qu'un scu] grain dans l'Égypte gréco-romaine, et sur la foi des analyses du botaniste du XVIe siècle DOnOENS, on le pensait tardit HELBAECK l'aurait peut-être reconnu à Beyce Sultan. Cependant, les informations restent peu claires: 1. RENFREW (1973), p. 45. Mais les réccntcv découvertes de Knossos confirment sa présence très tôt: BeH. 1981, p. 870. 51. Selon W. YAN ZEIST, in HUTCHINSON (1977), p. 37. 52. M. YOIGT, Rein. Mus. (1876), p. 1055 sq. Il est impossible de trouver des correspondances aux variétés localcv dunt parle Théophraste, H,P., vm, 4,3; c.e, Ill, 21, 2.
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Il est malheureusement difficile de faire un tableau précis des régions qui cultivaient du blé nu en Grèce puisque, nous l'avons vu, le terme OLTOC;, souvent utilisé, peut désigner soit le blé, soit l'orge, soit les deux. Cependant, nous avons regroupé sur la carte les quelques indications que l'on peut recenser pour cette période. Nous nous trouvons donc, comme dans le cas de l'orge, devant le problème de la concurrence des céréales (carte 6, p. 46). Avant de l'aborder, il nous faut cependant rappeler l'existence d'une céréale qui a pu jouer, en Grèce, un rôle moins marginal qu'on ne semble le penser, le millet. • LE MILLET (planche 2)
Il existait deux sortes de millet dans le monde grec antique, et le vocabulaire prête parfois à confusion. Le millet commun (broncorn millet des Anglais), Panicum miliaceum, est le "ErXPOC; des Grecs, tandis que le millet à grappe ou le millet des oiseaux, Setarica italica, est le JlfÀ.ivn, ËÀ.UJlOC;, le panicum des Latins. Le terme de sorgho doit être réservé au miglio indiano qui n'est pas cultivé ici. Les origines du Panicum miliaceum sont mal connues. On ne le voit apparaître que vers 3000 av. J.-c. en Mésopotamie, alors qu'il est connu en Chine dès le néolithique. Le Setarica italica est moins fréquent. On les trouve tous les deux cependant dans des sites de l'âge du bronze et parfois du néolithique. Ils ne sont jamais majoritaires 53. En fait, il s'agit d'une culture d'été, comme le note très précisément Hésiode 54; le millet commun, semé en mai, mûrit en août. Certes, les Athéniens le méprisent, comme le rappelle un texte de Démosthène, mais il est cultivé en Laconie, en Thrace, sur les bords de la Mer Noire, et Xénophon s'émerveille des riches moissons de Cilicie 55. Il ne faudrait donc pas le considérer uniquement comme un substitut au pain en temps de crise, mais plutôt comme un complément dans certaines régions, complément qui sert de culture dérobée 56 (cf. ci-dessous, p. 56). Il est bien connu des Grecs qui en notent la culture quand ils le rencontrent dans leurs voyages. Lorsqu'Hérodote veut évoquer le riz comme une plante extraordinaire des Indes, il parle d'un millet aux grains de très grande taille, et Théophraste lui réserve une place honorable. Sans jouer un rôle aussi important qu'en Italie, il est donc loin d'être abandonné, et l'importance du vocabulaire dérivé de "€'YXPoc; nous le confirme; c'est d'ailleurs le millet commun qui passe pour la plante la plus résistante 57. Mais le panic (JlfÀ.ivn) reste, du temps de Pline, la nourriture préférée des populations du Pont 58. Les deux termes apparaissent dans l'inscription des Hermocopides, témoignant d'une certaine utilisation à Athènes même 59. • LA COMPLÉMENTARITÉ DES CÉRÉALES
Nous sommes donc frappés, au terme de cette analyse, par la variété des céréales u •ilisées conjointement à l'époque classique, dans le bassin égéen grec. Un texte de Xénophon dans L'Economique nous confirme que cette pratique est habituelle. Lorsqu'il veut trouver une idée du désordre, il prend la comparaison d'un cultivateur «qui verserait pêle-rnële de l'orge, du froment, des légumes secs, ensuite, chaque fois qu'il lui faudrait galettes, pain ou plats de légumes, il devrait les trier au lieu de les trouver séparés à l'avance» 60. L'usage de céréales multiples est d'ailleurs encore recommandé par les agronomes du XIXe siècle et il correspond au désir de limiter les risques en cas de maladies ou d'accidents climatiques, mais aussi à celui d'étaler les récoltes dans le temps afm de prévenir au maximum 53. J.M. RENFREW (1973), p. 99. Sur le vocabulaire, cf. J. ANDRÉ (1956), et A. CARNOY (1959). 54. Sc.• 398.
55. pémosthène. VIII, Chers., 100-101; Hérodote. III. 117; Sophocle, frg. 534; Xénophon, An., 1,2.21; II. 4,13. 56. Là durée de végétation du panic (cinq mois) est un peu plus longue que celle du millet commun. mais il est plus productif. GAROLA (1909), p. 478. 57. Théophraste, H.P.. 1. 11, 2; 8. 1, 1; 8. 1,4; 8, 2, 6; 8, 3,2-4; 8. 7,3; Galien, De alim. fac .. 1,15.3. Selon Athénée. il sert à faire de la bière, X. 447, d. En général, ORTH. R.E., VIII', 1955-1956, Hirse. 58. Pline, XVIII. 101. 59. SEC. XIIl. 13.1. 138-139; commentaire in W. KENDRICK PRITCHETT (1956), p. 186, 191. 60. Xénophon, œ«. VIIl. 9 1Test. 4.4 J.
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la disette. A l'époque préhistorique, ces mélanges étaient beaucoup plus grands et un même champ comprenait plusieurs céréales 61. Une certaine spécialisation s'est peu à peu effectuée dès l'âge du bronze et peut-être même dès le néolithique, selon les régions. Ainsi en Grèce l'orge et le blé nu avec un peu de millet restent les dominantes à l'époque classique, tandis qu'en Égypte c'est à l'amidonnier que l'on peut joindre l'orge. Enfm, en Italie c'est le blé nu, notre froment, qui remplace l'amidonnier à l'époque archaïque, tandis que le millet garde une place complémentaire. Mais ces habitudes, si précieuses en régime d'autarcie, sont d'autant plus marquées en Grèce que ces régions ne sont pas à dominantes exportatrices. C'est probablement une des raisons qui explique la permanence de la culture de l'orge à côté de celle du blé depuis l'âge du bronze. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question plus tard, car d'autres données interviennent, évidemment. Nous avons voulu souligner avec force qu'il ne faut pas comparer la situation de la Grèce du v e et du Ive siècles avec celle de Rome au temps de Pline. Il ne s'agit pas de concurrence des céréales mais de complémentarité, tant dans la culture que dans l'alimentation, avec des formes régionales variées, et cette complémentarité est une donnée de base du développement des céréales dans le bassin égéen .
• L'OLIVIER (planches 3 et 4) Il est difficile de remonter aux origines de la culture de l'olivier, car elle a suscité moins d'intérêt et de recherches précises que celle des céréales 62. Certains points restent encore en discussion tant parmi les naturalistes que parmi les préhistoriens. L'olivier appartient à la famille des Oléacées qui fait partie - avec le lilas, le troène, le jasmin, le frêne - des Ligustrales, caractérisées par des fleurs hermaphrodites régulières, à pétales soudés, à deux étamines, à deux ovules par loge. Ce sont des plantes Iigneuses à feuilles opposées, certaines à fruits secs (frêne, jasmin), d'autres à fruits charnus. Le genre Olea comprend trente espèces différentes, réparties sur les cinq continents. Seul nous intéresse l'Olea Europaea L. On peut distinguer plusieurs sous-espèces, dont les relations génétiques restent discutées 63.
Olea Europaea L. Euromediterranea
série O/easter (de Cand.) : Oléastre (= O. Europaea a L.) série Sativa (de Cand.) : Olivier cultivé (= O. Europaea b L.)
Laperrini
Va. Typica Va. Cyrenaica Va. Mairena
L'Olea Europaea L. Laperrini se rencontre actuellement à l'état sauvage en bordure du Sahara jusqu'à 2700 m d'altitude. Les séries Oleaster et Sativa se trouvent sur tout le pourtour de la Méditerranée, à l'intérieur des limites climatiques que nous avons définies ci-dessus. Il est actuellement impossible pour la Grèce de déterminer si l'oléastre est antérieur ou non à l'olivier cultivé, et nous ne 61. La faiblesse des rachis entraînait la disp.crsion précoce des céréales; il nc s'agissait pas d'une volonté délibérée; le mélange dans un même champ de semailles d'origines différentes (le méteil de l'ancienne France, le ulli-yoaÀtç de la Grèce contemporaine) ne semble pas avoir été pratiqué. La complémentarité des céréales, blé, orge, maïs, à travers les nomes actuels sc poursuit. Cf. les cartes de B. KAYSER (1964) et pour la Thessalie les analyses précises de M. SIVIGNON (1977) ct P. GARNSEY (1984). 62. On trouvera cependant chez quelques botanistes méridionaux des remarques intéressantes. Ainsi BERNARD (1783), pl. 1; J. (P.) TOURNEFORT (1717), p_ 821. Récemment, ce sont les travaux, souvent contestés, de A. CHEVALLIER (1948) qui ont réveillé l'intérêt. Un résumé en est donné par R. LOUSSERT - G. BROUSSE (1978), p. 48. Sur la place de l'olivier en Grèce, cf. TU RRIL (951), p.449. 63. HEHN-SCHRADER (1911), p. 102 sq.; A. de CANDOLLE (1925), p. 222 sq.; R. LOUSSERT -G. BROUSSE (\978), p. 48; A. CHEVALLIER (1948).
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
42
chercherons pas à trancher sur ce point. Il faut remarquer que c'est une des plantes caractéristiques de l'association végétale appelée «oleolentiscenum » dont on peut tracer les contours sur tout le pourtour méditerranéen (carte 7). Si les plus anciennes traces, par charbons et pollens, attestent l'existence de l'Olea europaea L. en bordure du Sahara dès le XIIe millénaire av. J.-c. 64, on ne possédait pas jusqu'ici de témoignages aussi anciens pour la Méditerranée orientale. En Palestine et Syrie, la présence de noyaux est attestée dès le me millénaire, mais la culture pourrait remonter au Ive millénaire 65. En Grèce, c'est au Ille millénaire que nous avons des traces de pollens et des noyaux. Mais beaucoup d'anciennes fouilles ne s'intéressaient pas à ces problèmes, et nos documents sont rares. Ils devraient se multiplier avec le développement des études palynologiques 66. La présence d'Olea europaea L. est maintenant attestée par des empreintes fossiles de feuilles à Santorin, les premières connues en Grèce, datées de 37000 ans av. J.-c., cependant elles manquent dans beaucoup de séquences anciennes de diagrammes polliniques avant le bronze moyen 67. A cette époque, c'est finalement la documentation archéologique prouvant la fabrication de l'huile qui atteste du développement de la culture, en Crète et dans les îles, puis sur le continent. Au bronze récent, il est indéniable que l'exploitation de l'olivier pour l'huile recoupe le domaine climatique sud-méditerranéen qui lui est le plus favorable, avec une place particulièrement importante pour la Crète 68. S'agit-il à cette époque d'oléastres, d'oliviers cultivés, ou des deux formes? L'apparition des premiers textes écrits avec les tablettes du linéaire B nous autorise à poser le problème pour le xm- siècle. Mais il faut d'abord clairement définir les caractéristiques des deux séries.
noy.u .•.
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coupe longitudinale du fruit
coupe transversale du fruit Rameau fructifère d'olivier, réduit au tiers
Figure 4. - L'olivier et l'olive.
64. G. CAMPS (1974), p. 51 et 90. 65. En dernier lieu K.M. JENYON, p. 194, in HUTCHINSON (1977). 66. J. RENFREW (1973), p. 133; J.L. BINTLIFF (1977), p. 194. M.J. RENFREW a pu analyser des noyaux d'olives à Myrtes, Iolkos, A9siki, Salamis de Chypre. Des olives ont été signalées dans les fouilles de Phaestos, Zacro, Haghia-Triada, Palaikastro, Knossos. 67'~.L. FRIEDRICH (1980), p. 116 sq., et fig. 7, 8. Cependant Friedrich reste très prudent sur l'origine de l'arbre à la période postpléistocène et ne pense pas pouvoir affirmer au vu des seuls fossiles son autochtonie, soulignant les séquences plus tardives en Macédoine et Béotie (p. 285). _ 68. Les relevés des témoignages archéologiques ont donné lieu à des interprétations légèrement différentes sur l'importance des différentes régions. Si l'ancienneté de la culture et de la fabrication en Crète a été confirmée par les découvertes de Myrto, P. WARREN (1972), p. 255, les analyses de W. RICHTER (1968), qui continuaient à minimiser la production du continent (p. 136), semblent infirmées par les résultats des recherches en Messénie. Cf. C. REN FREW (1972), p. 287; 1. 1. BINTLI FF (1977), p. 71, p. 104.
LES ESPÈCES ET LEUR DIFFUSION
43
• L'OUASTRE (carte 3, p. 31)
Car si les origines sont encore discutées, les différences entre les deux arbres n'avaient échappé ni aux Anciens ni aux Modernes. Théophraste choisit même cet exemple comme un des plus probants pour montrer les distinctions entre une plante sauvage et une plante cultivée 69. L'O/ea europaea L. Sativa, l'olivier cultivé, est un arbre' qui peut atteindre jusqu'à 10 m de hauteur, à l'écorce grise, au feuillage gris argent. Les feuilles sont oblongues, lancéolées, vert cendre au-dessus, blanc soyeux en dessous, rétrécies en un pétale court. Tandis que l'oléastre, O/ea europaea L. Oleaster, est un arbuste très rameux et épineux à branches quadrangulaires, à feuilles très petites. Il pousse dans la garrigue, les lieux rocailleux; il résiste mieux aux tempêtes. Ses' fruits, petits, produisent peu d'huile et leur goût est acerbe. Cependant les Anciens vantent l'excellence de son bois, préféré à celui de l'olivier cultivé 70. Un olivier abandonné peut parfois donner l'illusion d'un olivier sauvage, et un oléastre taillé change quelque peu d'aspect. Il est intéressant de noter que Théophraste avait parfaitement posé ces problèmes, que les botanistes n'ont pas encore vraiment résolus. Ainsi l'on peut fmalement rencontrer: a) Un oléastre non entretenu, dont on peut cueillir les fruits, petits et produisant peu d'huile. b) Un oléastre taillé, ou mieux un plant transplanté, donnera des fruits plus gros mais qui resteront peu productifs en huile. C'est l'olive dite r.pavÀia, à laquelle fait référence Théophraste, et dont l'huile est recommandée pour les parfums 71. La base de ces oléastres est moins épineuse que celle des oléastres sauvages, mais ses feuilles restent petites. c) Un olivier cultivé, abandonné, deviendra beaucoup plus rameux; ses olives, plus petites, seront moins nombreuses. Mais ses feuilles restent les mêmes. Il n'y a pas de buissons épineux. Il y a donc beaucoup de points communs entre les deux séries, et l'on comprend que certains aient pu se demander si l'oléastre ne dérivait pas d'oliviers abandonnés au bout de quelques générations n tandis que d'autres soutenaient que l'olivier cultivé procédait de l'oléastre. Ces questions sont évoquées par Théophraste, qui pense que parfois le noyau d'olive peut donner un olivier sauvage, mais que rarement un olivier cultivé peut retourner à l'état sauvage 73. Mais si les botanistes s'interrogent, les agronomes ne se posent pas de questions, et la confusion entre les deux n'est jamais faite par ceux qui ont pratiqué la culture. A l'époque classique, l'oléastre est devenu marginal. Nous le trouvons essentiellement en référence à des lieux sacrés, et principalement pour la couronne des athlètes d'Olympie et en liaison avec certaine légende d'Héraclès. Cependant ces références ne sont pas nombreuses 74. On peut y ajouter quelques allusions de Pausanias pour expliquer des bosquets ou des arbres isolés : à Mégare, Trézène, Epidaure. Strabon cite encore le sanctuaire de Poséidon 7S. D'ailleurs, Théophraste est très net: l'oléastre est mal connu et plus difficile à observer. On remarquera que l'olivier d'Athéna est, lui, un olivier cultivé, et pour plusieurs sanctuaires on ne peut trancher sur l'espèce 76. Si la présence d'un olivier près d'une source ou près d'un sanctuaire est fréquente 77, les deux oliviers sacrés les plus célèbres à l'époque 69. H.P., l, 14,4. 70. Théophraste, H.P., l, 8,4; V, 3, 2; V, 4,4; V, 7,8; De Odor., 15. 71. C.P., 6, 8, 3; H.P., 2, 2, 12; Lucien, Lex., 5. Giovanni PRESTA avait fabriqué en 1786 une huile à partir doléastrcs entretenus. COUTANCE (1877), p. 95. Pline la conseille aussi pour la médecine, XXIII, 28. 72. C'est l'hypothèse" controversée, de CHEV ALLIER (1948), l'hypothèse inverse étant plus couramment admise. W: RICHTER
(1968), p. 134. 73. HP., II, 2,4; 3,1. 74. La première mention de la couronne d'Olympie dans Pindare, A/., III, 24, ne précise pas la nature de l'arbre. C'est dam Aristophane, Pi., 586, que la référence, avec ironie, est très nette. Pausanias la précise, V, 7, 7 et 15, 3. Le pied aurait été rapporté par Héraclès du Jardin des Hespérides dans les régions hyperboréennes. Scylax, 100, Pausanias, Anth., 9-357. 75. Mégare, Théophraste, H.P., 5,2,2; Pline, 16,199; Trézène, Pausanias, II,32,12 (olivier d'Hippolyte); Ëpidaure, Pausanias, II, 28, 3 (légende d'Hyrneto). Isthme, Strabon, VIII, 3, 13. .. 76. Ainsi pour Dodone, Pausanias, 2, 28, 7; pour l'olivier d'Athènes, cf. O. PEASE, « Olbaurn ». R.E., XVII', col. 2011; M. DÉTIENNE (1973), p. 294. 77. Ainsi l'olivier sous lequel s'abrite Déméter, Hymne Démet, 100; R.E., XVII, col. 2011, pour un relevé des citations.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
classique sont l'un l'olivier d'Athéna, le symbole même de l'olivier cultivé, l'autre l'olivier d'Olympie, l'exemple type de l'oléastre. L'ancienneté des deux séries est donc confirmée par la tradition. Elle nous est rappelée par l'étude des textes homériques et des tablettes du Linéaire B. Précisons tout d'abord le vocabulaire. L'époque classique utilise trois mots, qui sont dits équivalents par Pausanias et les lexicographes: tornvo; est utilisé par Aristophane et par Théophraste, et semble le mot populaire 78. En poésie on utilise !{)v'Aia et à'YPu:'Aaia (qui, pour Théophraste, semble plutôt désigner l'olivier abandonné) 79. Dans l'Odyssée un vers, particulièrement précieux pour nous, évoque un olivier cultivé greffé sur un olivier sauvage; le terme employé est '{)v'Aia, qui pourrait peut-être correspondre au mycénien pu-ra-te-ro. Mais les textes mycéniens font aussi état à côté de l'idéogramme de l'olive 122 de deux déterminatifs : OLIV A et OLIV T que Chadwick avait interprétés comme Q.'YPWC: et m?aaoc:. L'hypothèse a reçu un encouragement par les recherches de J. L. Melena sur la parfumerie 80. Selon lui, l'importance de la fabrication des parfums justifie la large utilisation des oléastres, entretenus ou non, par rapport aux oliviers cultivés. Nous sommes là, bien sûr, dans le domaine des hypothèses, mais l'avancement des recherches paraît bien éliminer cependant les affirmations de Hehn, si souvent reprises, selon lesquelles le monde homérique n'aurait pas cultivé l'olivier, et n'aurait utilisé que l'huile d'importation 81. En fait, une étude attentive d'Homère contredit cette position, et l'on y trouve d'ailleurs davantage de précisions sur la culture de l'olivier que chez Hérodote ou Xénophon par exemple 82. Il est évidemment dangereux d'interpréter les silences d'un poète, dont l'objectif n'a jamais été de faire un traité d'agriculture. En fait, l'olivier est cultivé chez Homère dans les vergers. On le trouve isolé sur l'agora, on pratique la greffe d'un olivier sauvage sur l'oléastre, et la plantation d'un olivier cultivé 83. Ce qui n'apparaît pas, ce sont les olivettes, pas plus que chez Hésiode 84 •
• LAPROGRESSION DE L'OUVIER CULTIVf:
En comparant les données de l'époque mycemenne et celles de l'époque géométrique, on peut esquisser, à titre d'hypothèse, le schéma suivant: l'olivier cultivé s'étend à l'époque mycénienne, par greffe et plantation, mais l'oléastre demeure important et l'économie de cueillette prédominante. La chute des palais mycéniens et la période de troubles qui suivit a pu entraîner une régression des oliviers cultivés, tandis que les oléastres ont continué de se propager par semis de noyaux recrachés par les oiseaux (le noyau d'oléastre est d'ailleurs beaucoup plus fertile que le noyau de l'olivier cultivé 8S). Mais il ne faut imaginer pour autant ni une disparition totale de l'olivier cultivé, ni l'oubli des techniques utilisées. On sait que l'arbre se reproduit par la pousse des rejets, et qu'un même tronc peut produire pendant deux siècles; il n'y a pas eu rupture, et les traditions athéniennes sur l'arbre d'Athéna, comme l'importance du développement de l'huile en Asie mineure le confirment. Mais la production était faible, ce qui explique l'abandon des lampes à huile, et l'oléastre restait important et largement 78. Aristophane, P.P., 586;Av., 621; Théophraste, H.P., 1,8, i; 1, B, 2; i, 8, 3; 1, 8, 6; 1,14,4;2,2,11 ;2,3,1; 3, 2,1; 3, 6, 2; 3, 15,6; 4, 13, 2; 4, 14, 12; 5, 2,4; 5, 3, 3; 5, 4, 2; 5, 4, 4; 5, 7, 8. Le fruit, Anth., 9, 357; Pausanias, II,32,12; V, VII, 7. Selon A. CARNOY (1959), le mot serait d'origine thrace-pélasgique (p. 91) . . 79. ct>vÀlT), .uj.lQ
dental
Figure 10. - Les différentes parties de l'araire antique, d'après la coupe de Nikosthénès et le texte d'Hésiode.
1
:
L'OUTILLAGE AGRICOLE
85
A) Des araires attelés: Le plus ancien provient de Chypre (2000 av. J .-C.). Les illustrations les plus précises sont celles du VIe siècle, petits groupes de terre cuite et de bronze comme vases à figures noires. Une seule représentation date du ve siècle. B) Des instruments seuls : Dès le second millénaire, l'araire apparaît comme un signe hiéroglyphique; il est aussi utilisé comme marque d'amphore et sur les monnaies. Ce symbole est rattaché aux rites éleusiniens dans un certain nombre de vases à figures rouges mais alors l'objet a perdu une partie de sa précision, on aurait bien du mal à se servir des araires tenus en main par Déméter et Triptolème. La documentation iconographique nous permet de reconnaître à travers des sources extrêmement variées, tant dans leurs matériaux que dans leurs origines, urt type d'araire très caractéristique: • il a un dental long et effilé, sans ailes, mais avec un soc à douille, ligaturé ou cerclé sur le dental; • chambige et timon sont en deux morceaux reliés par une ligature (vases) ou par des chevilles (monnaies, timbre d'amphore); il n'y a jamais d'étançon; • bœufs et mulets sont attelés par un joug de nuque 14; on voit rarement la clef du joug, indiquée une fois avec des courroies; • le mancheron est toujours perpendiculaire au dental; il arrive à la hauteur de l'aisselle du laboureur. Naturellement, aucun de ces documents n'aune visée technique. Beaucoup ont été interprétés dans le cadre de fêtes religieuses (Thesmophories, Bouphonies) sans que ces interprétations puissent jamais être totalement démontrées. Par contre, dans certains cas, le contexte éleusinien est clair 15. L'hypothèse selon laquelle le vase de Campana illustrerait le texte d'Hésiode (O., 427-440 et 467) nous paraît tout à fait justifiée. On y retrouve aussi bien. le semeur que l'esclave qui recouvre la semence avec la pioche 16. On notera que les exemplaires du VIe siècle sont beaucoup plus précis, les modalités du travail sont bien indiquées, A partir du ve siècle, à l'exception du cratère de Baltimore, l'instrument seul est dessiné par des artistes qui se soucient peu de la vraisemblance (on aurait du mal à l'atteler), mais respectent les différents éléments indiqués plus haut; il est tenu par un homme ou une femme .. •
DOCUMENTATION ARCHEOLOGIQUE
Les araires protohistoriques de bois que l'on a pu découvrir jusqu'ici proviennent de régions plus humides que la Grèce 17. La chronologie s'est affmée avec les analyses au carbone 14. L'araire de Vebbestrup dans le Jutland est daté des environs de 910 av. J .-C., on en a identifié un en Ukraine de ± 1390 av. J .-C., tandis que l'araire dit de Dabergotz est situé au VIlle siècle de notre ère. Les deux premiers exemples, à manche perpendiculaire, sont proches de l'araire grec. Il s'agit probablement d'araires déposés dans un but cultuel, mais leur taille est proche de celle d'un araire normal, à la différence des bronzes votifs indiqués dans le catalogue des illustrations et planche 23. A défaut d'araires, on trouve parfois des socs 18; les socs de bronze sont les plus nombreux, et on peut esquisser une typologie qui paraît s'être prolongée et développée à l'âge du fer (planche 10). 14. C'est le terme normalement utilisé par 1. HOPFEN (1960), p. 17.11 faut prohiber l'expression «joug de garrot», cf. ci-dessous p. 89 sq.
15. Ainsi D.M. ROBINSON (1931), p. 152, voit sur le cratère de Baltimore l'illustration du héros Bouzygès. Tandis que A. COOK (1964), 1, p. 223 et pl. XX pense à Triptolème. La coupe à figure noire du British Museum a été interprétée comme une représentation des Thesmophories par B. ASHMOLE (1946), ce qu'a contesté BEAZLEY. Pour le recensement de l'iconographie éleusinienne, cf. C. DUGAS (1960), p. 123, et H. METZGER (1965), p. 7 sq. Pour les Bouphonies, J.L. DURAND (1980-8\), fig. 98. 16. L'hypothèse avait été émise par A.S.F. GOW en 1914. Elle est reprise par K. KOTHE en 1975. 17. C. SINGER (1956), t. r, fig. 46; I. BALASSA (1975), p. 242 sq.; G. LERCHE (1972), p. 64,'(1975), p. 255 sq.: F. SACHS (1968), p. 50 sq. 18. R.E., Pflug, (1938), XIX, 2, p. 1467, fig. 2; K.D. WHITE (1967), p. 135 pour les socs romains; R. VIOLANT et SIMORA (1935), p. 122; ëJ.ëlKOVA (1968), p. 117-122 sur les socs thraces. Les socs à douilles ouvertes effilés avaient été interprétés par J. DESHAYES (1960), p. 142, comme des lames de houes, mais H.G. CATLING (1964) a bien montré pour les exemples de Chypre qu'il s'agit de socs, p. 81. Socs en fer datés du VUe s. av. J .•c. offerts en Sicile..E. GABBA, G. VALLET, La Sicilia antlca (1980), p. 419.
86
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
On peut distinguer : les socs à douilles ouvertes de forme effilée, particulièrement bien reconnus à Chypre (planche 10. 1 et 21); l'extrémité est souvent triangulaire (araire de Corfou contemporain) ; les socs à soie (planche 10.6-15 et araire d'Amorgos contemporain); les socs à reille : la reille est une baguette de métal terminée par une pointe; on ena trouvé un . exemple en Thrace (planche 10. 10-12); le dental peut être enfoncé en force dans le soc, comme un manche de houe; on ajoute souvent des ligatures en métal. •
DOCUMENTATION ETHNOLOGIQUE (figure Il et planche 6)
On trouve trois types principaux d'araires dans le monde égéen contemporain. L'un se rattache au type chambige; il était encore largement répandu dans la Grèce moderne au début du xxe siècle 19. Les deux autres se rattacheraient au type dental, mais ils ont été confondus, et ils n'accomplissent pas le même genre de travail : • L'araire dental classique, avec manche perpendiculaire, se retrouve à Amorgos et Chypre; on y décèle tous les éléments de l'araire grec ancien, auquel s'ajoute un étançon (qui apparaît aussi dans les manuscrits) 20. Le travail avec ce type d'araire est très caractéristique : le paysan marche à côté, et non derrière l'instrument; il appuie sur le mancheron vers le bas et accentue parfois l'effort en posant le pied sur le dental. Celui-ci pénètre horizontalement. En cas de pierres, d'obstacle important, il faut retirer l'appareil du sol. Cet araire est bien adapté aux semaillesr soit pour les semailles en lignes, soit pour les recouvrements. • Mais on rencontre aussi un type légèrement différent: le mancheron incliné en arrière est fixé à un dental dont l'extrémité forme coude. Ce type constitue donc un intermédiaire entre l'araire dental et l'araire manche sep. Le travail est différent, car l'angle d'attaque n'est pas le même, le dental pénètre en biais, sa profondeur peut être modulée sur trois degrés avec l'étançon et les trous du timon. Nous l'avons recensé à Corfou, en Argolide, à Chypre, en Crète, à Skyros, à Mélos 21. Dans un cas (Corfou), on a un seul bois pour le manche et le sep, mais le vocabulaire relevé par A. Sordinas montre que cette forme n'est pas originelle, car ses informateurs lui indiquent deux mots différents, l'un pour le mancheron, X€poÀci{3a, l'autre pour le dental, aÀ€Tp01Toôt, alors même que ces deux parties sont faites d'un même bois 22. Enfin, une comparaison entre les vocabulaires utilisés à Amorgos et à Corfou montre que certains termes restent permanents: le manche, le joug, le garrot, le régulateur, le soc. Seuls varient complètement les termes désignant la chambige, le timon, les ailes, variations plus fortes encore à :',1élos. •
ARAIRES ANTIQUES ET ARAIRES MODERNES
Ainsi, entre araires anciens et araires modernes, nous trouvons un certain nombre de points communs: 19. A.G. HAUDRICOURT (1955); N. GREGORAKI (1979), p. 10, fig. 1 et 2. 20. C. CONNEL (1980), fig. 5, Chypre, Musée de Nicosie. 21. A. SORDINAS (1971), Corfou; H. FORBES (1976); A.G. HAUDRICOURT (1958), Crète et Skyphos ; à Mélos, C. RENFREW (1982), p. 173, fig. 14.1. On retrouve ce type dans le Comtat venaissin et aux Baléares (R. VIOLANT et SIMORRA (1953), p. 122, fig. 4 et 5~ M.C. AMOURETTI (1976), p. 190), mais pour le Comtat avec une reille. Faut-il y voir une évolution locale de l'araire dental, ou une influence extérieure, italienne ? L~ type est en tout cas plus répandu que celui de l'araire dental traditionnel dont le type le plus proche de l'araire antique (sans étançon) se retrouve actuellement ... au Pakistan. 22. A. SORDINAS (1971), p. 42.
87
L'OUTILLAGE AGRICOLE
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(C. CONNEL, 1980)
(A. SORDINAS, 1975)
Figure Il. - L'araire grec moderne (âooroo ou
lLÀÉTpl).
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Araires à un seul mancheron: la tradition s'est maintenue. Araires dentals avec manche perpendiculaire à la partie travaillante et utilisation du pied; mais on trouve un étançon qui n'existe pas dans la Grèce antique. Socs de métal à douille et non à reille. Construction simple effectuée par l'exploitant lui-même; bois dominants, olivier et chêne vert. La longueur du timon est adaptée à la taille des champs, d'où l'intérêt d'un timon en deux parties qui permet de changer celle qui est attachée aux bœufs. Maintien du joug de nuque et d'une attache très souple du timon sur le joug avec une courroie, ou un anneau de cuir. L'intérêt de ces engins est leur légèreté, leur souplesse, qui leur permet de s'adapter aux champs de petites dimensions, en pente, pierreux. L'inconvénient est la faible profondeur d'attaque, la fragilité. A Chypre en 1983 j'ai vu travailler, dans deux champs de vigne contigus, un paysan avec son araire (figure 9), son voisin avec un motoculteur. Seuls ces instruments tenus à la main pouvaient être facilement arrêtés, soulevés, dans un terrain particulièrement sec et pierreux. Charrues et tracteurs n'auraient pas été utilisables. Plus les arbres sont nombreux, plus la pente est forte, le terrain pierreux et petit, plus l'araire est adapté. En revanche, dans de bonnes terres et sur de vastes étendues, une charrue ou un rotoculteur donneront évidemment de meilleurs résultats. Ce sont alors d'autres raisons qui ont favorisé le maintien de l'araire: essentiellement le faible coût d'un côté et la médiocrité des animaux de labour de l'autre. •
DISCUSSION: LES ARAIRES D'HESIODE
Un type d'araire s'est bien dégagé de l'ensemble de notre documentation : c'est l'araire dental qui correspond à l'araire 1f17KTOV, d'Homère et d'Hésiode, avec la cham bige emboîtée sur le dental et chevillée ou ligaturée au timon, le long manche inséré perpendiculairement au dental. Cet araire diffère dans sa construction et son utilisation des araires manche sep d'Égypte et de Mésopotamie. C'est une erreur de croire à une mutation ou à un progrès de l'un à l'autre, comme le pensait A.G. Haudricourt 23. Ils apparaissent indépendamment l'un de l'autre. L'araire à un mancheron permet, en ne tenant le manche que d'une seule main, de guider l'attelage avec l'aiguillon et de peser sur le dental. Les obstacles rencontrés' sont plus nombreux que dans les sols du Moyen Orient. Nous avons dit ailleurs que l'invention de l'araire nous paraît porter beaucoup plus sur la maîtrise des animaux que sur le détail de l'agencement, et il faut ranger au magasin des accessoires le fameux «araire croc» qui aurait été le premier type d'instrument tracté, et dont on cherche l'illustration ... sur les monna'cs romaines. Il est au contraire fout à fait notable de constater qu'une fois un principe d'araire adopté, il se maintient des millénaires durant, les améliorations (ici : ailes, étançon) ne remettant pas en cause le principe général. Ce fuf le cas en Égypte, c'est le cas en Egée, Nous pensons donc, et nous l'avons écrit, que la Grèce archaïque et classique ne connaît qu'un seul type d'araire, dont la forme remonte au moins à l'époque mycénienne 24. Cependant, on ne peut faire l'économie, dans le texte d'Hésiode, du passage où il parle de deux (&>La) araires, l'un 1f17KTOV, l'autre aÙTo')'Vov, au moment où il en décrit la construction (O., 433). Contrairement à ce qu'écrivent A.S.F. Gow et W. Schiering, l'iconographie très homogène ne permet pas de restituer deux types différents d'araire et d'imaginer cet araire alJTeJoyVOV. Il ne nous reste plus que le vocabulaire. Nous avons noté que certains termes techniques ont pratiquement traversé les siècles : joug, garrot, manche, qui se retrouvent pour d'autres instruments, alors que les mots qui désignent dental et chambige varient non seulement du grec ancien au grec moderne, mais à l'intérieur même du grec moderne suivant les régions. Ce sont les termes propres à l'araire, ils n'ont donc pas forcément d'équivalent dans la langue courante, et on utilise les termes de la langue vernaculaire. Ceci nous 23. A.G. HAUDRICOURT (1955), p. 76-77,137, critiqué par G. RAVIS-GIORDANI (1974), p. 48. 24. M.C. AMOURETTI (1976), p. 29 sq.
L'OUTILLAGE AGRICOLE
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permet de comprendre les hésitations des Alexandrins comme celles des manuscrits. Ouvrages de savants qui se trouvent aussi démunis devant ces mots que les auteurs des articles de dictionnaires récents. Qu'en était-il pour Hésiode? Les mots -yV'I1ç et vua sont-ils forgés pour la langue savante, utilisés en Béotie à l'époque? Nous n'en savons rien, et lorsque Xénophon ou Théophraste se réfèrent au travail de l'araire ils sont beaucoup plus vagues. L'interprétation que nous indiquons sur notre croquis est celle qui est la plus communément admise et qui correspond le mieux, ou le moins mal, à l'étymologie des deux mots. Elle ne permet pas de résoudre complètement la difficulté : aV'TCÎ-yvov désigne alors la chambige à elle seule, bois courbe le plus difficile à trouver. Le paysan aurait gardé chez lui un élément de rechange, susceptible d'être utilisé en cas de bris 25. On peut avancer une autre solution en tenant compte de l'enquête d'A. Sordinas : en cherchant bien, on peut trouver parfois des bois qui forment naturellement l'ensemble de l'araire 26. Mais on ne peut espérer faire régulièrement ce type de trouvaille. Ce qu'il faut souligner en tout cas c'est que ce développement s'inscrit dans la recherche des bois de construction et que les deux araires sont destinés à faire le même travail et à se remplacer: il n 'y a pas un araire primitif et un araire évolué.
n..
1.2.
•
LE JOUG, ZTrO~, ZTrON, ET SES ATTACHES
TYPOLOGIE
Le joug d'araire ne joue pas tout à fait le même rôle que le joug de charrette ou de char : on n'utilise pas en effet le recul, et les pentes ne sont jamais prises de face. Par contre, il faut une certaine . souplesse pour pouvoir soulever l'araire. Les araires antiques sont à timon rigide (en un ou deux morceaux), ce qui donne plus de peine au laboureur et moins de souplesse à l'attache que les attelages à palonniers. Les timons longs continuent d'être utilisés de nos jours, en particulier dans les îles (Corse, Crète, Chypre), mais nous avons vu que l'araire était maintenant muni d'un étançon et de trous de régulateur, ce qui donne plus de volant à· l'ensemble. Le système d'attache reste très souple dans son extrême simplicité. La typologie des jougs est importante car, depuis l'ouvrage de Lefebvre des Noëttes, un certain nombre d'interprétations et d'erreurs techniques se sont pérennisées; elles n'ont été réellement mises en lumière que par des études plus brèves dont l'importance est lentement reconnue. Si l'on avait très vite critiqué les conclusions historiques que le commandant tirait de son étude: l'esclavage n'est pas la conséquence de la «mauvaise» technique du garrot qui appuierait sur la gorge du cheval 27, on en avait accepté les restitutions techniques; si historiens et géographes se sentaient en mesure de mettre en valeur les failles du raisonnement historique, ils gardaient du respect pour la science hippologique du commandant. Or, des études récentes, qui n'ont malheureusement pas bénéficié de la même publicité que celle de 1930, ont pu résoudre le problème: non, les Anciens n'ont pas conservé pendant des siècles une technique défectueuse, ce qui paraissait difficile à comprendre. Le passage à l'utilisation des brancards comme des colliers s'est effectué lentement, mais le collier ancien n'appuyait pas sur la gorge des animaux, sinon déjà sur l'ensemble de l'encolure. Et des expériences ont été effectuées, avec
25. Ce que font les paysans pakistanais. 1. BERNOT (1967), p. 285. J. GIONO évoque aussi la construction difficile de la chambige dans Regain (éd. La Pléiade, p. 331). C'est l'hypothèse du remplacement de la cham bige que nous avons défendue en 1976. 26. C'est en partie l'hypothèse de K. KOTHE (1975), mais sa comparaison entre l'araire de Thessalie et la coupe du Louvre n'est pas recevable. De même que l'idée de la raréfaction du bois pour l'apparition d'un autre type. Il n'y a pas deux types d'araires. 27. On avait vite souligné que le rlle du transport par bât était plus important dans la Grèce antique et moderne que celui de la charrette, ce qui retirait beaucoup de val 'ur aux conclusions économiques et sociales entrevues. Bibliographie in P. VIGNERON (1968).
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
reconstruction de chars et courses, par un autre militaire à la retraite - l'honneur est sauf! -, J. Spruytte, à la suite des études textuelles de M.A. Littauer 28. On doit donc désormais faire le tableau typologique suivant: A) Jougs de bœufs : 1. Joug de come, 2. Joug de nuque. Tous deux sont utilisés, dans l'Antiquité comme de nos jours, et ne posent pas de problèmes techniques, la forte encolure des bovins facilitant la pose, les attaches, cordes ou baguettes, restant très simples. Le joug de corne est moins répandu, Columelle le tenait pour inférieur (II, 2) mais signale son existence. Il était utilisé probablement en Égypte où il est illustré dès l'Ancien Empire. Callimaque y fait sans doute référence pour des bœufs d'Epire (Hymne à Artémis, 179), avec le vocable K€pa€ÀK:i/c;. B) Joug de mulets, ânes, chevaux: L'encolure étant beaucoup moins large, il a fallu adapter le joug de nuque, et on a eu deux, et non un système: 1. Joug d'encolure avec fourchon; l'animal tire avec les épaules, c'est l'ancêtre du collier d'épaule. 2. Joug dorsal avec bricole écourtée; l'animai tire avec le poitrail, c'est l'ancêtre de l'attelage à l~ bricole. Les deux jougs, italien et grec, recensés dans l'édit de Dioclétien (15 - 26 et 27 -), se réfèrent sans doute à ces deux types. Il faut donc prohiber du vocabulaire .l'expression «joug de garrot », En vérité, le harnais n'a jamais appuyé sur le garrot lui-même, et le commandant des Noëttes a rassemblé dans un même type deux solutions différentes. Nos jougs d'araire sont simplifiés par rapport aux jougs de chars, mais ils répondent à ces grands types. •
TEXTES, ICONOGRAPHIE ET ARCHEOLOGIE (planches 7, 8 et Il)
Si nous reprenons l'iconographie de l'araire, nous observons des jougs de nuque pour les bœufs, avec un système de courroies larges dans certains cas, de cordes dans d'autres. Pour les mulets il semble bien qu'il s'agisse d'un système d'encolure avec fourchons: sur la coupe du Louvre comme sur celle de Nikosthènes, on distingue la petite sellette sur laquelle reposent soit les fourchvis (mulets), soit directement le joug (bœufs), et qui limitait les blessures occasionnées par des tirages inégaux. Le système d'attache du joug sur le timon par une courroie a été décrit dans l'Iliade (XXIV, 267) pour l'attelage d'un char fi des mulets. TI est fait référence à celui de l'araire dans le texte d'Hésiode (O., 469) et dans celui d'Apollonios de Rhodes (III, 130 sq.). Pollux précise les opérations (1, 252). En comparant ces textes, les illustrations et les documents ethnologiques, on peut reconnaître deux types d'attaches: 1) La courroie, f..I.Éoa{3ov, rv')'oômf..l.ov, beouo«, enserre la partié renflée du joug, op.l{)aÀoc;, devant laquelle est placée une cheville, Ëvôpvov, la clef du joug, qui empêche le timon de glisser. 2) Le joug et le timon sont reliés par un système d'anneaux souples coincés sur la clef placée sur le timon et sous le joug. Les deux parties du joug qui s'emboîtent sur le cou des animaux peuvent être maintenues par des baguettes ou des liens souples, ÀÉ1raôva. L'ensemble est désigné par le tenue de r€V')'ÀaL 28. M.A. LITTAUER (1968), J. SPRUYTTE (1977). Ce dernier ouvrage a été recensé par F. SIGAUT dans les Annales de mars 1982, p.369, ct G. REPSAET. in Antiquité Classique (1979), p. 171, 176, qui en montrent bien l'intérêt. Cf. aussi le colloque de Sénanque 1981, G. CAMPS, M. GAST, sur les chars du Sahara.
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L'OUTILLAGE AGRICOLE
LES HARNAIS DE L'ANTIQUITf: Attelace lUltique du commaJlclaDt Lefèbvre des Noëttes
.....:.:::\
Attelage à joug d'encolure Le fourchon d'encolure
prend appui sur le devant des omoplates. L'effort de traction s'effectue par les épaules.
r ~; La contusion des deux ......::.... attelages précédents ,(. /. donne naissance à un ", ------I.J,f! ~":' harnais défectueux \: .: constitué d'une bande ri souple passartt devant ~.; les épaules et rejoignant ~:::' le joug au-dessus du .. ~arrot. L'effort de traction s'effectue par la base de l'encolure dans ~. les plus mauvaises conditions.
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Attelage à joug dorsal
La bricole écourtée prend appui en travers du poitrail. L'effort de traction s'effectue par la masse du poitrail. FOURCHONS D'ENCOLURE
Figure 12. - Jougs et attelages antiques - Les restitutions de M.A. LITTAUER et J. SPRUYTTE.
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Il faut noter que les exigences demandées à ce type d'attaches sont différentes de celles du char. L'araire n'a pas à reculer, et au contraire doit pouvoir être soulevé; le système doit demeurer souple pour ne pas blesser les animaux en cas de choc avec une pierre, ce qui est fréquent. On comparera le système d'attache avec une longue courroie (neuf coudées, dit l'Iliade) sur le char égyptien conservé au musée de Florence et celui de nos araires. Plusieurs jougs d'araires antiques ont été conservés en Égypte. Le musée du Louvre en possède un (E. 270-70). Le joug double à timon est le système le plus simple pour atteler deux animaux et les diriger facilement. La Grèce, ne connaissant pas les brancards, n'utilise pas d'attelage unique 29. L'usage de l'araire suppose donc la possession, ou l'emprunt, de deux animaux. Il faut avoir une place suffisante pour les faire passer de front. Le joug double dans les régions complantées favorise les cultures intercalaires entre les rangs de vigne sur une largeur de 4 à 8 m. Mais la concurrence avec les instruments manuels pour le labour est forte, le coût d'un attelage et son rendement revenant cher. Soulignons pour finir un point fondamental: la force normale d'un animal est proportionnée à son poids et correspond très approximativement au dixième de celui-ci. Chez les chevaux cette proportion est supérieure (15 %), et ils peuvent pendant de brèves périodes produire une force égale à la moitié de leur poids. Si les petits animaux ne sont pas défavorisés par la traction, il faut qu'ils atteignent un poids moyen minimal 30. Et c'est probablement cette faiblesse plus que celle du harnais - qui n'était pas défectueux - qui explique les faibles poids déplacés en transport et l'attachement à l'araire par rapport à la charrue lourde. Ceci permet de comprendre cet attachement en Méditerranée bien au-delà de l'Antiquité, alors que les conditions d'attelage avaient changé (collier, brancard), mais que le problème de la nourriture du cheptel, et du coût de la charrue, restait important.
1.3.
L'AIGUILWN, KENTPON
L'aiguillon 31 est un instrument indispensable pour le laboureur dirigeant son araire, sauf si celuici dispose d'un aide pour guider les bœufs, comme l'indiquent quelques représentations. Eh effet, il n'utilise pas de guides, comme la plupart des laboureurs modernes, et c'est au seul son de la voix qu'il va conduire ses bêtes pour tracer le sillon droit. Certes, on aura soin de choisir des bœufs suffisamment âgés, neuf ans nous dit Hésiode (O.. 436), pour qu'ils ne se prennent pas de querelle; le timon rigide les maintient solidement, l'araire est léger, mais toute manœuvre est lente, en particulier la rotation à l'extrémité du champ; c'est donc pour guider les bêtes, non pour les piquer, que le laboureur est armé d'un aiguillon suffisamment long, de l,50 m à 3 m, pour pouvoir les toucher aux épaules. L'aiguillon est parfois muni de lanières, on les voit sur certaines de nos illustrations, d'une pointe ·~e fer, mais la gaule peut rester simple. Enfin, on peut ajouter à une extrémité un curoir, en forme de spatule ou de croc, qui sert à nettoyer le soc de l'araire, en particulier dans les terrains argileux. Cet instrument, utilisé actuellement, nous est décrit avec précision dans un texte de Pline (XVIII, 179) qui en donne le nom, le rallum. Nous n'en avons pas l'équivalent en grec; par contre, l'archéologie nous en a fourni à Chypre un exemple en bronze du XIIe siècle av. J.-C., que H.W. Catling compare aux instruments identiques actuellement utilisés dans l'île 32 (figure 13). 29. L'attelage unique de la tombe de Chypre trouvé en 1975 (Reports of the Department of Antiquity, Cyprus, 1975, p. 93-95) semble isolé. Sur l'apparition des brancards dans le monde chinois et romain, cf. A.G. HAUDRICOURT (1955), p. 174 sq.; P. VIGNERON (1968), p. 140 sq.; H. POLGE (1967). p. 19 sq. On notera que la possibilité des traits et du palonnier, qui favorisent la traction du cheval, n'ont pas fait disparaître en Grèce moderne le joug double associé au timon rigide. 30. Cf. sur ces points les tableaux de J. HOPFEN (1960), p. 10 et 11. J. SPRUYTTE (1977) a bien mis en valeur la petite taille des chevaux antiques (p. 107 sq.), et les efforts faits au Moyen Age et surtout à l'époque moderne pour améliorer leur poids. Mais c'est la mauvaise nourriture plus que lapetite taille qui fait du cheptel grec un mauvais agent de traction. Les petits chevaux étaient performants pour les chars. 31. Les articles stimulus et rallum du D.A. sont largement utilisés par K.O. WHITE (1967), p. 140, (1975), p. 210,211. 32. H.W. CATLING (1964), p. 85, fig. 8, 6. pl. 5, i; L. LACROIX (1853), p_ 592, indique que «le veredri est l'aiguillon à l'aide duquel le laboureur conduit ses bœufs; son extrémité inférieure est garnie d 'un croc en fer qui sert à débarrasser la charrue (ou l'araire) de la terre qui y adhère» .
L'OUTILLAGE AGRICOLE
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Le mot xévrpov répond très exactement au sens concret et abstrait du mot «aiguillon» en français. Il désigne aussi bien la gaule ou le fouet destiné aux animaux de trait, que l'instrument du cocher; il sert à piquer les esclaves, peut être un instrument de torture 33 (l3oV1rÀT7~); c'est plus précisément l'instrument du bouvier. MvwljJ, plus rare, est utilisé dans l'Anthologie avec une référence à la pointe de fer (àK.poaif>apoç). L'aiguillon est d'ailleurs évoqué plusieurs fois comme offrande du laboureur dans les épitaphes (Anthologie, VI, 41,95, 104), avec des termes variés :aK.atva, «évrpo», Enfin, les dernières éditions de l'édit de Dioclétien ont permis d'ajouter un mot nouveau : àK.ovrwv 34. Cet aiguillon vaut 15 deniers tout monté, ce qui n'est pas négligeable, et 4 deniers en pièces détachées, le même prix étant donné pour un fouet.
2. LES OUTILS ARATOIRES MANUELS
2.1. •
LES INSTRUMENTS TYPOLOGIE ET DOCUMENTATION ETHNOLOGIQUE
Il existe deux grandes classes d'outils aratoires manuels, en fonction du geste accompli pour briser la terre : soit l'instrument est lancé, et la force est donnée par le geste du bras soulevé et le poids de l'outil: plus celui-ci est lourd, plus le travail est fatigant, mais aussi efficace. C'est l'instrument à percussion lancée, type pioche ou houe. Soit l'instrument est posé et on appuie le pied dessus, puis on soulève, c'est la bêche, instrument à percussion posée. La fatigue vient du poids de terre soulevé et rejeté régulièrement. La bêche creuse à 22 cm environ (soit sept pouces). Un homme peut bêcher à l'heure environ 20 m 2 .de terre arable 35. Dans l'ensemble, pour le labour, les régions sont dominées par l'un ou l'autre des types. Les migrations des ouvriers agricoles favorisent parfois l'introduction d'un instrument sur l'autre, ainsi la bêche' ou luchet en Corse et Provence, utilisée par les Italiens au XVIIIe siècle. La bêche était dominante en Méditerranée au xxe siècle pour la préparation du sol, en Italie, dans certaines parties de la Syrie et de l'Irak, et en Afghanistan. Mais la houe et la pioche se retrouvent largement dans le reste de la Méditerranée.Elles sont utilisées aussi pour briser les mottes, butter et sarcler. C~ sont des instruments qui travaillent moins en profondeur que la bêche mais qui sont susceptibles d'un plus grand nombre d'applications. Le vocabulaire français reste assez vague, et on emploie souvent indifféremment les mots «houe» et « pioche ». Rappelons que: A) La houe a une lame large dont l'angle fait avec le manche est de 45° à 90°. Les crocs à creuser, nos bidents, bêchas, bigots, sont des houes à deux ou plusieurs dents, adaptés aux sols durs et caillouteux. La grande variété des formes de lames conduit parfois à une typologie par enmanchement : à douille, ou à collet 36. B) Le pic est un instrument à lame étroite destiné à percer et creuser. Il peut avoir une lame ou deux, se répondant symétriquement. C) La pioche associe de part et d'autre du manche une lame de houe large et une lame de pic étroite. Lorsque la partie large est coupante, en forme de hache pour débarrasser les arbustes, on l'appelle 33. Eschyle, Eu., 157; Hérodote, 3, 130. Mais dans le cas des chevaux la traduction par «éperon» semble souvent s'imposer. Xénophon, 7,129. 34. Ëdition de M. GIACCHERO (1974),15,17. Sur les mots nouveaux dans l'édit de Dioclétien, 1. ANDR'~ (1976), p. 199. 35. A. LEROI-GOURHAN, t. 1 0943,1971), p. 48;J. HOPFEN (1960), p. 38-42. 36. A. LEROI-GOURHAN, t. 10945,1971), p. 48 et 63 sq .; J. DESHAYES (1960).
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
94
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10ÎJpa.
L'OUTILLAGE AGRICOLE
2.6. 2.6. 1.
99
INSTRUMENTS DE SARCLAGE ET BUITAGE ~Ka1fcill'l1
Ménandre, Dys., 542. Théophraste, CP., III, 20, 2;HP., 2,7,1. Théocrite, 4,10. Anthologie, V, 240.
2.6. 2.
~KaÀic;
lG.,Ie 1424,1,391.
Stèle Herrnocopides, S. E. G. XIII, 13. Strabon, 17,3,2,9.
2.6.3.
~Ka'PELOV
Hypéride, Dem., 127.
t.c. XI2 , 144 A, 1. 84;IG. 11 2 , 1631,1.401. Diodore de Sicile, 4,31. Papyrus P. Cairo zen. 1642. P. Petrie 3, p. 109. P. London 131, recto, 222. èttunaupeiou, Delphes, comptes de Dion. 1.12.
Ces outils apparaissent dans les inscriptions et les textes pour plusieurs types d'opérations: Sarcler le blé ou la vigne, au sertir de l'hiver quand les herbes ne sont pas trop hautes. Butter et cavaillonner autour des arbres : dégager le pied au début du printemps, on ramènera la terre ensuite. • Pour la palestre et le gymnase, ameublir le sol; opération qui s'effectue régulièrement par les athlètes eux-mêmes, mais qui est aussi effectuée en grand annuellement, comme nous le montrent les comptes; elle est suivie du nivellement de la piste: osaupi»; «ai OJ.LciÀ~LC; 50. • Dans les papyrus, UKa'PELOV est parfois le seul instrument indiqué, aussi bien pour arracher les joncs que pour achever le labour 51. L'iconographie est essentiellement celle des instruments du gymnase : l'instrument le plus répandu est le pic des athlètes à manche court et lames symétriques (figure 13). Il peut servir aussi bien pour l'ameublissement que pour un nivellement superficiel. Mais on voit apparaître aussi un type de pioche proche de celle qu'utilise le roi Syleus pour travailler sa vigne sur un vase à figure rouge 52. C'est probablement à ce type que fait référence l'È1fWKa'PELOV dont les comptes de Dion prévoient l'achat de six exemplaires pour les travaux d'ameublissement de la palestre de Delphes. Le mot uKaÀtC; a eu plusieurs héritiers dans la Grèce moderne; ils désignent parfois de petites houes pleines iscalida en Crète, scalisterion à Chypre) employées dans les vignes, mais aussi des pioches. En Crète, manaro scalida désignait une sorte de doloire qui servait aux travaux de débroussaillage et sarclage 53. L'archéologie nous a fourni à Olynthe une petite houe pleine 54 qui pouvait être utilisée pour le sarclage. • •
50. J. POUILLOUX (1977), p.105 ;G. ROUX (1980), p. 137. 51. H. SCHNEBEL (1925), p. 280, 306. A. SWlDEREK (1960), p. 88; W. KENDRICK PRlTCHETT, p. 302, donne pour équivalent oKa~iç et oKa.p€'ov. 52. Au recensement de l'article du D.A.(1896) gymnastica, IV, p. 1701, ajouter D. TSONTCHEV (1957), p. 150. JEHASSE (1973), pl. 25. 53. Musée de Hiéroskipos (Chypre); L. LACROIX (1853), p. 592. 54. D.M. ROBINSON (1941), pl. CVll, nO 1635. La lame mesure 17,5 cm sur 22,5 cm.
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Les instruments de sarclage ont donc des formes diverses. Et comme nous retrouvons pour la palestre plusieurs mots désignant pics et pioches, le même mot a pu désigner aussi un sarcloir à une seule lame, proche du sarculum des Latins, auquel les lexicographes donnent souvent l'équivalent de at.{IJt Oavw?>'{IJt
Te?>.Épt KaMIJL Peyov?>.aropaç
Ancrage de l'axe. Goujon de pierre. Rayons de bois Axe vertical Base de pierre rectangulaire Meule dormante Meule courante Support de la trémie Trémie Régulateur.
Figure 32. - Moulin à roue horizontale. Exemple contemporain de Corfou (A. SORDINAS, 1981).
PROGRÈS OU BLOCAGE DES TECHNIQUES AGRAIRES DANS LE MONDE GREC?
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mod, & c,
~------------------------------------------------------------------------------------------------------============~=~---------------------,~--~~~~-
• ._!_----------------------------------------=----~------~~~
- - - - - type attesté avec d'autres 1. 2. 3. 4.
~
type attesté sporadiquement
=
type dominant dans certaines régions
Méthodes sans moulin (broyage aux pieds, torsion ...) ,. 5 Pressoir à levier et cabestan sur contrepoids Pressoir a coin 6' . à Pressoir à levier et contrepoids simple . Pressoir levier et vis sur contrepoids Pressoir à levier et cabestan ancré (types catoniens et pompéiens) 7. Pressoir à vis directe (double vis, vis fixes et vis pressante)
rp première attestation par l'iconographie;
• première attestation par l'archéologie;
Figure 33.
~
•
première attestation par les textes.
Chronologie simplifiée des pressoirs.
balancier, ou avec une margelle fermée d'un simple rebord de pithos, sont de plus en plus souvent construits avec des margelles de pierre au Ive siècle. L'usage de la poulie se généralise dans le domaine quotidien 32. On notera que les pressoirs à contrepoids simples mais démultiplication par des poulies se sont maintenus jusqu'à nos jours en Orient et un des exemples donnés par Héron peut être mis en rapport avec un système persan actuel (planche 35). Très vite on a en fait joué à la fois sur le treuil et la poulie. Le système catonien, qui se retrouve avec des variantes d'ancrage à Pompéi', en propose une combinaison très simple. Il s'est ensuite largement répandu dans la péninsule et .de là en Provence. Il est peu à peu supplanté par l'adaptation du treuil au contrepoids, plus pratique, qui devient le type dominant en Afrique du Nord, que l'on retrouve en Provence et dont nous avons quelques exemples tardifs en Grèce. Pour tous ces types l'adaptation de l'ancrage du levier aux ressources locales (bois, pierre) est remarquable. On peut penser qu'au IVe siècle av. J .-C. treuils et poulies étaient utilisés dans les pressoirs, mais sans doute pas encore les pressoirs à contrepoids : dans tous les cas, il s'agit d'adaptations; l'ouvrage de Héron au I7), aùra èni rov oirov,» «IloÀu rap èoriv, f/Îll7V è'Yw, ra vrrEpEvEx(Jfwat raaxvpa vrrÈp rov atrov els; ra KEvàv ri)e; aÀw.» « 'Hv Bé rte, ~/ÎlI7, ÀtKtlQ. EK TOU îmnvéuo» apX0tlEVOe;;» «.1i)MV, ~/ÎlI7v È'yw, EùOVe; EV r'Q aXJJpo66KU ëorai ra c'ixvpa,» 8 «'ErrEtoav Ka(jcipue;, f:1/>7), rov oirov tl€XPt TOU tuiloeo; ri)e; aÀw, turteoou w(Jue; oirn» KEXVtlÉvov TOU ciro» ÀtKtlrJ oeu: ra c'iXJJpa ra ÀOt1Taij ooncoa« rov Ka(Japov rrpoe; rov 1TOÀOV we; els; orevôrarov» ; «r;vvwaae; vfI .1i', f:1/>T/V E'YW, rov «aûaoô» oirov, l'v' ùrrEpl/>ÉpT/Tai uo: ra c'iXJJpa EtC; ra KEVOV ri)e; aÀw, Kai tlil 6i, ÀtKtliiv.» raÎJra aXJJpa
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6 «Eh bien, Ischomaque, dis-je, après cela nous nettoierons notre blé en le vannant.» «Explique-moi maintenant ceci, Socrate, dit Ischomaque : sais-tu que si tu commences du côté de l'aire d'où vient If vent, ta balle sera dispersée à travers l'aire tout entière ?» «Forcément », dis-je. 7 «Et sans doute, dit-il, s'abattra-t-elle sur le grain ?» «II y a trop'loin , en effet, pour que la balle soit soulevée et transportée au-dessus du grain dans la partie vide de l'aire. » «Et si l'on vanne, dit-il, en commençant du côté opposé à celui d'où vient le vent?» «Alors évidemment, dis-je, la balle arrivera immédiatement à l'emplacement qui lui est réservé.» 8 «Et quand' tu auras nettoyé le blé, dit-il, jusqu'à la moitié de l'aire, continueras-tu tout simplement à vanner le reste en laissant le grain répandu sur l'aire, ou vas-tu entasser d'abord le blé déjà vanné vers le centre dans lIU espace aussi étroit que possible? » «Par Zeus, dis-je, j'entasserai le blé vanné, afin que ma paille soit soulevée et transportée par-dessus dans la partie vide de l'aire, et que je ne sois pas obligé de vanner deux fois la même paille.» (Œc., XVIII, 1-2;4-9)
TESTIMONIA
277
4,3. « 'EÀaiav ôÈ 7TW" ltT/V €rW, lYTeVaOfJ.€V, W 'IaxofJ.ax€;»
'A7T07T€tpg, fJ.OU Kai TOVTO, (§T/, fJ.aÀWTa 7TaVTWV €1TtOTéqJ.€VO" 'api)., fJ.ÈV rap ofJ on I3a8UT€po, OpVTT€Tat TIÎ €ÀaiQ. (308po,' Kai rap naoà rdc oOOlk fJ.aÀtaTa 0PUTT€Tat' opg" 0' on 7Tp€fJ.Va niun. Toi, lYT€UTT/piOt, naôoeoriv- ôpi)., 0', ËT/, TWV UTWV 1rTjÀdv Tai, K€aÀai,mwat, èttuœiuevov Kai 7TQ.VTWV TWV lYTWV èaTE""f'OOfJ.ÉVOV Td ww.»
«Maisl'olivier, dis-je, comment le planterons-nous, Ischomaque 't» «Cette fois encore, dit- il, tu veux me mettre à l'épreuve, car tu le sais parfaitement bien : on creuse des trous plus profonds pour l'olivier, tu le vois, car on les fait le plus souvent le long des routes; tu vois aussi que tous les rejetons sont attachés à des souches; tu vois aussi, ajoutait-il, qu'on a coiffé la tète de tous les plants de terre glaise." et que la partie supérieure de tous les plants est couverte.» '" On a en fait enduit de boue la plaie, cf. Test. 1,3, le texte précis de Théophraste et notre figure p. 61.
(Œc., XIX, 13)
4.4. 'H 0' Ma~ia OfJ.OtOV Ti uo: ÔOK€Î elviu. OlÔV7T€P €i r€Wprd, ÔfJ.OV èfJ.l3aÀot Kpt8à, Kai 1TVpOl.k «ai ôonou» Kèi7T€tTa 07TOT€ béoc 7'1 fJ.a~T/' fllipTOU 7'1 ol/Jou, OtaÀÉr€tV oÉOt aVT4) aVTi TOV ÀaPQVTa Ot€UKptVTJfJ.Évotawt xepwv ënereû.aro JJ.OXOovç' al oE KaT' àKpOTaT'T/V àÀÀ0JJ.evat TpoXdW a~ova &verJovatv, 00' iucriveaciv ÈÀtKTaï.ç aTpwtf>Q, Nwvpiwv KoiÀa I3tip'T/ JJ.vÀd.Kwv. revoJJ.eO' àPXaiov l3uYrov 7TciÀtv, el oiXa JJ.OXOov oaivvaOat ~'T/OVç apra &oaaKOJJ.eOa.
Retenez votre main qui moud, travailleuses de la meule, dormez longtemps, même si la voix des coqs vous annonce l'aurore. Car Dêo a chargé les Nymphes du travail de vos mains. Et elles, jaillissant jusqu'au sommet de la roue, font tourner l'essieu qui, grâce aux rayons recourbés, met en mouvement les lourdes et creuses meulières de Nisyros. Nous goûtons a nouveau la vie du premier âge, puisque nous apprenons à consommer sans travailles présents de Dêo, (Antipater de Thessalonique, Anthologie palatine, IX,418)
TESTIMONIA
281
8. La maza (voir aussi 5.1,5.2,6.1)
8.'1.
'Ev ôopi uév J,J.OL J,J.ii~a J,J.€J,J.arJ,J.€VT/, ev ôopi ô' olvo« 'IaJ,J.apLKoc:· niv:» ô' ev ôopi K€KÀLJ,J.€VOC:.
De ma lance dépend ma ration de maza, de ma lance mon vin d'Ismaros, et je le bois, appuyé sur ma lance. (Archiloque, 7) 8.2. (Delphes doit fournir aux pélerins d'Andros, le jour de leur arrivée .... ... maza,.viande, vin, comme ils veulent :..
... J,J.ii~av, «péa, olvov orroa[o]v {3oÀOIITUA. ... (F. SOKOLOWSKI.(l962), nO 38, lignes 16, 17, 18. Début du
8.3.
ve s. av. J.-C.)
Kai rraïôa réLp rOL caoi»: 'AÀKJ,J.r7VT/C: noré. rrpa(J€VTa rÀrwaL ôovÀiac: J,J.~T/C: {3iov.
Le flls d'Alcmène lui-même jadis fut vendu, dit-on, et dut se résigner à vivre du pain de l'esclave.
(Eschyle, Ag., 1041)
8.4. ... TOVC: ètteire âv (JT/p€1JaallT€C: aV~vwaL 1fpoc: ~ÀLOV, 1fOL€ÛaL rdôe- ea{3éLÀÀovaL ec: oÀJJ.ov Kai À€r7VaVT€C: tmépoun. oiooc ôLd awôdvoc:' «ol oc: J,J.EV ô» {3ovÀT/TaL aV'TWV liTë J,J.ii~av J,J.a~c4L€voc: eÔ€L. 0 ÔE l1.prov rptmou ôrrTr7oac:.
Quand on l'a pêché et séché au soleii [le poisson], voici ce qu'on en fait: on le jette dans un mortier, on le broie avec des pilons, et on le passe à travers un linge; on le mange ensuite comme on veut, pétri en une pâte épaisse ou cuit comme du pain. (Hérodote, l, 200)
8.5 . ... (JpélJJoV'TUA. ÔE èic J,J.EV TWV KpL(JwvaÀ>, Hesperia, juil.-sept. 1956, vol. XXV, n° 3, p. 178-328. KENT (J.H.), «The Temple Estates of De1os, Rheneia and Myconos», Hesperia, 17,1948, p. 243·338. KIECHLE (F.),,«Das Prob1em der Stagnation des technischen Fortschritts in der rômischen Kaiserzeit », Geschichte in Wissenschaft und Unterricht, 16, 1965,p, 89-99. KINDSTRAND (J.F,), «eVpOK07TOl;, a Study of the Greek Compounds with K07TO, Economia e società nella Magna Grecia, 1973, p. 185-205. MATTOZI (1.), «Pro memoria sulle techniche di spremittura delle olive nello stato veneziano nel tardo Settecento 1>, in Studi e notizie, n° 5, Gênes, 1979, polycopié. MAURIZIO (A.), Histoire de l'alimentation végétale, trad. française, Paris, Payot, 1932. MAYESKE (B.J.B.), Bakeries, Bakers and Bread at Pompei, Diss. Univ. Maryland, 1972. MAZON (P.), «Les Travaux et les Jours », Commentaire, Paris, 1914. MELE (A.), Societâ e lavoro nei poemi omerici, Naples, 1968. MELENA (J: L.), «El aceite en la civilisaciôn micénea », in Producciôn y comercio dei aceite en la A ntigüedad, Primer Congreso internacional, Madrid, 1980, p. 254-282. MENDRAS (H.), Sociétés paysannes, Paris, 1976. MtTRAL (J.), SANLAVILLE (P.), L 'homme et l'eau en Méditerranée et au Proche-Orient, Lyon, 1981. METZGER (H.), Recherches sur l'imagerie athénienne, Paris, 1965. - Les céramiques archaïques et classiques de l'acropole lycienne, t. IV : «Fouilles de Xanthos », Paris, 1972. MICHELL (H.), The Economies of Ancient Greece, Cambridge, 7.e éd., 1963. Mn:'LAS-VALLICROSA (J. M.), La ciencia geopônica entre los au tores hispano-ârabes, Madrid, 1954. MISTARDIS (G.G.), Études gëo-ëconomiques sur les pays helléniques, Athènes, 1938. - «L'aire sud-égéenne », in Mélanges Tulippe, Gembloux, 1967, vol. II, p. 253-276. MOELLER (W. O.), The Wool Trade of Pompei, Leyde, 1976. MONTET·(P.), Scènes de la vie privée dans les tombeaux égyptiens de l'Ancien Empire, Strasbourg, 1925. MOREL (J.P.), «Kerkouane, ville punique du Cap Bon», MEFRA, tome LXXXI, 1969', p. 473-518. - «La laine de Tarente », Ktema, n° 3,1978, p. 93-110. MORITZ (L.A.), «"AX'PLTa, a Note», Classical Quarterly , 1949-1950, t. 43-44. - Grain-Mills and Flour in Classical Antiquity, Oxford, 1958. MORRIS (P.), e Agricultural Buildings», BAR, 1979. MosSÉ (C.), «Le statut des paysans en Attique au Ive siècle », in FINLEY (M.I.), Problèmes de la terre en Grèce ancienne, Paris, 1973, p. 179-186. - «Les dépendants paysans dans le monde grec à l'époque archaïque et classique », in «Terre et paysans dépendants dans les sociétés antiques», Colloque international de Besançon, 2-3 mai 1974, Paris, J 979, p. 84-93. - La fin de la démocratie athénienne, 7.e éd., New York, 1979. MOTTE (A.), Prairies et jardins de la Grèce antique, de la religion à la philosophie, Acad. Rel. Bruxelles, 1973. MUCKELROY (K.), Archaeology under Water, New York-Londres, 1980. MULLER (A.), «La mine de l'acropole de Thasos», in e Tbasiaca », supplément BCH, V, Paris, 1979, p. 336-338. MUSÉE NATIONAL DES ARTS ET TRADITIONS POPULAIRES, 1971, cf. BRUHNES (M.J.).
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ôEIJlLoç,90. 6EVTEPOV )'EvlLaToç (€;>WLOV), 181. ô1JÀ'lapaç
126, 127, 147; (meule), 165;
KaÀta, 72. KaV€OV (Kavovv), 149. Kav>'lapiç,68. Kapoo1Toç, 148, 149. KaTaKa1TTW, 59. KaTauKa1TTw, 67. Kaxpvç, Kaxpv15wv, 122, 284. KË-yxpoç, 40, 282. KEVTPOV, 92, 93. K€pa€ÀK~ç, 90.
Ki71TOÇ, 54. K~1TOVPOÇ, 214. Kwaxvpa, 147. KÀauatw, 228. KÀi)POÇ, 205, 207, 211. KOOOJ.l~,
137.
KOWOV (huile), 180.
KOÀÀal3oç,128. KOÀÀtL 128. KOÀÀtJpa, 129. KOÀVJ.l(3aç (€Àaia), 178. K01TPOç,62,63. KOOKWOV, 106, 147.
Konvoç,44. KOXÀiaç, KOXÀWV, 170,252,253,285. «onaép a ; 147. Kpt(3aviT~ç, KÀtl3aviT~ç, 127,128. Kpi(3avoç, K~i(3avoç, 149, 150, 219.
€1TiTP01TOÇ, 212. Epé(3w>'loç,283. €pvo((3~, 68. €Oxapa, 127, 149.
Kpt>'lry, 37,126,282. Kpi>'ltvoç (~pTOÇ), 122, 125,284. «oiuvov , 123,284.
€Uxana, 63. EÙW15~Ç (huile),185.
KpOV1T€tat, 162. Kva >'loç, 285. «uauo«, 283. KVK€tail d'une chambre de meulerie
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" Planche 40. - Moulin à eau. a) Le moulin d'Athènes. D'après W. PARSONS. Hesperia, 1936.
b) Le moulin de Barbegal. D'après F. BENOIT ,RA, 1940, I.
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b
Planche 41. - Vis et écrou. Deux innovations décalées. a) Vis d'Archimède en bois, trouvée à Sotiel, Portugal. Cliché UER d'Histoire d'Aix-en-Provence. b) Vis et écrou d'un pressoir à huile du XVIe siècle, Barcelone. Cliché G. Cornet.
TABLE DES MATIÈRES
9
INTRODUCTION
A THOOPHRASTE
PREMIÈRE PARTIE : LES TECHNIQUES DE CULTURE D'HEsIODE (Ville-IVe
s. av. J.-Co)
15
Chapitre 1 : Le milieu méditerranéen
17
• Un climat original 17 • Des variétés régionales .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 18 ~ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 18 • Climat et cultures • Le climat a-t-il changé depuis l'Antiquité? 22 • L'instabilité du climat 24 • Les sols grecs et l'extension des cultures " 25 • Olivier et espacement des cultures 25 26 • Les terres à blé • . L'espace cultivé 27 o'
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Chapitre II : Les espèces et leur diffusion
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33
• Les céréales 33 • Les blés vêtus '. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 36 36 • L'orge ' 39 • Le blé nu 40 • Le millet • La complémentarité des céréales 40 • L'olivier 41 • L'oléastre ~ 43 • La progression de l'olivier cultivé 44 • Les variétés d'olivier cultivé ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 45 0
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Chapitre III : Les techniques agraires • Jachère et assolement • Le cycle des céréales d'automne et l'assolement biennal • Les types d'assolement sans jachère biennale • Légumineuses et assolement biennal : • La valeur agronomique des assolements grecs
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
• La préparation du sol • Les labours de jachère :............................................. • Les plantations • La fumure • Des semailles à la récolte • Le bon semeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. • La plantation et le premier entretien • La taille • Les maladies • Les récoltes • La moisson • Le dépiquage et le vannage • Rangement et conservation • La récolte des olives • Techniques routinières ou techniques complémentaires? Chapitre IV : L'outillage agricole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. • L'araire 1. 1. L'instrument 1.2. Joug et attache du timon 1.3. Aiguillon • Les outils aratoires manuels . . . . . . . . . . . . . .. 2.1. Les instruments '. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 2.2. Houe à deux dents 2.3. Pioches et l:\.oues 2.4. Houe lourde, bêche 2.5. Maillet à émottage i .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 2.6. Instruments de sarclage et buttage • Les instruments de la moisson et du battage 3. 1. Faucilles 3.2. Instruments de vannage • Divers 4.1. Pelle 4.2. Sac de semences : 4.3. Racloir polissoir 4.4. Instrument à dents, la herse .Un outillage routinier? DEUXIÈME PARTIE: LES TECHNIQUES DE TRANSFORMATION
Chapitre V : Le pain quotidien des grecs, des objectifs différents des nôtres • Du grain au pain, des possibilités multiples ,............................................ • Vocabulaire • La mouture traditionnelle en Occident • L'art de la boulange • La préparation des céréales dans le sud méditerranéen • La préparation des céréales au temps d'Hippocrate • Le vocabulaire
5~
5~
5~ 6: 6,: 6,: 6{ 6~ 6~
65 65 71 71 7~
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75 81 81 85 9: 9~ 9~
9E 9/ 9/ 9~
95 l Oï l Oï 103 lai lai lai lai 107 108
'. . . . . .. 112
. 113 . 113 . 113 . 115 . 118 . 119 . 121
TABLE DES MATIÈRES
• • • • •
Préparations à base de grains non moulus Préparations à base de gruaux Préparations à base de farine Les déchets Usages autres qu'alimentaires
122 123 126 129 130
Chapitre VI : La transformation des céréales
133
• La mouture • Grillage et broyage au mortier, permanence des formes • Une lente évolution, la meule • De la farine au pain • Les cribles • Des contenants aux usages variés • La cuisson • Un équipement léger
134 134 138 147 147 148 149 151
Chapitre VII : La fabrication de l'huile dans la Grèce classique
153
• La fabrication de l'huile, les contraintes • Les composantes de l'olive • La préparation des olives avant broyage • Les différentes opérations techniques • La fabrication de l'huile sans moulin • Sources ethnographiques • Interprétation des documents antiques • Le détritage dans le moulin: les broyeurs à olives • Les broyeurs modernes, apports de l'ethnologie et de l'histoire • Les broyeurs romains .;................................................... • Les broyeurs grecs • Les pressoirs • Le pressoir à levier • Le pressoir à levier et à vis -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. • Le pressoir à vis • Des sources archéologiques aux sources littéraires: le témoignage de Héron d'Alexandrie
154 154 154 155 158 158 161 162 162 163 165 166 166 169 170 172
Chapitre VUI : Les produits de l'olivier; consommation et usages variés
177
• Usages alimentaires • Les 'olives • L'huile ;Jes différentes qualités d'huile • La consommation • Les soins du corps • L'hygiène corporelle, l'onction après le bain • L'onction des gymnastes • Les parfums • Usages médicaux • Usages industriels • L'huile de lampe • Textiles
177 177 179 181 183 183 ', . .. 184 185 189 190 190 191
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
• Lubrifiants • Dérivés • Usages religieux • Conclusion
19:
'. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 19: 1919:
TROISIÈME PARTIE : LES HOMMES ET LA TECHNIQUE - L 'H~RITAGE GREC
Chapitre IX : La main-d'œuvre
19'
~
19~
• Les besoins en main-d'œuvre rurale 20t • Le temps de travail et les contraintes de la production 20t • Nombre d'ouvriers et taille des exploitations 20• L'offre: les différentes catégories de main-d'œuvre rurale 20: • La main-d'œuvre servile , 20: • Le travail li bre et ses am bigu ïtés 21• Transformation et spécialisation ,). . . . . . . . .. 211 • Un équipement léger ......•.................................. :............ 21' • Une lente diversification des métiers 21: " 22:
Chapitre X : Agronomie et agronomes, de la pratique à la théorie .. :
• Les limites de la science agronomique '. . . . . . . . . . . . . . .. • Images et réalités agricoles dans la poésie et le théâtre avant le Ive siècle • Les origines de l'agronomie grecque • Médecins et philosophes • Les écrits perdus • Xénophon et la naissance de l'agronomie expérimentale • Du Lycée au Musée d'Alexandrie, naissance de l'agronomie didactique • L'héritage Chapitre XI : Progrès ou blocage des techniques agraires dans le monde grec? Les chemins de l'innovation '
22: 22: 221 221 22~
23: 23, 23'
; . . . . .. 23~
• Le blocage des techniques dans l'Antiquité, une idée développée entreles deux guerres ~ • Avènement du moulin à eau ou avènement des médiévistes? • La diffusion de l'innovation: moulins à grains et moulins à huile • Chronologie des systèmes de mouture • La place du moulin à eau • Les moulins à huile
24( 24] 24~ 24~
24( 24Ç
CONCLUSION
25~
TESTIMONIA
26::
• Sources littéraires • Théophraste • Homère • Hésiode • Xénophon • Aristophane
26~ 26~
265 27~
'
27~
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 27f
TABLE DES MATIÈRES
• Hippocrate
278 280 282 289 293
• Varia • Tableaux hors texte • Les rations alimentaires • L'araire: documentation iconographique BIBLIOGRAPHIE
297
INDEX
319
TABLE DES CARTES
325
TABLE DES FIGURES
325
TABLE DES TABLEAUX
:
326
TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE
332
PLANCHES
333
ANNALES LITTBRAIRES DE L'UNIVERSITB DE BESANCON CENTRE D'HISTOIRE ANCIENNE
Dernières publications et volumes annoncés:
50. P. Brun. Eisphora . Syntaxis . Stratiotika. Recherches sur les finances militaires d'Athènes au IVe s. av. J. -C; 1983 (volume 284). 51. E. Bernand. Inscriptions grecques d'Égypte et de Nubie. Répertoire bibliographique des LG.R.R., 1983 (volume 286). 52. M. Clavel-Lévêque et P. Lévêque. Vllles et structures urbaines dans l'Occident romain, 1984 (volume 288). 53. Dialogues d'histoire ancienne, IX, 1983 (volume 289). 54. Archéologie et rapports sociaux en Gaule (Préhistoire et Antiquité), 1984 (volume 290). 55. Hommages à Lucien Lerat, 1984 (volume 294). 56. L.-P. Delestrée. Les monnaies gauloises de Bois-l'Abbé (Eu, Seine-Maritime), 1984 (volume 295). 57. Dialogues d'histoire ancienne, X, 1984 (volume 301). 58. M. Garrido-Hory. Index thématique des références à l'esclavage et à la dépendance. Martial, 1984 (volume 303). 59. Ch. Pérez. Index thématique des références à l'esclavage et à la dépendance. Cicéron, Lettres à Atticus, 1984 (volume 304). 60. Y. Garlan. L'esclavage dans le monde grec, 1984 (volume 305). 61. M. Gitton. Les divines épouses de la ISe dynastie, 1984 (volume 306). 62. L. Lerat. Dans Besançon gallo-romain. . . Fouilles sous l'ancien parc de la Banque de France, 1985 (volume 318). 63. M. Crampon. Salve lucrum, ou l'expression de la richesse et de la pauvreté chez Plaute, 1985 (volume 319). 64. Cl. Orrieux. Zénon de Caunos, parëpidèmos, et le destin grec, 1985 (volume
320). 65. H. Walter. La Porte Noire de Besançon. Contribution à l'étude de l'art triomphal des Gaules, 1985 (volume 321). 66. F. Laubenheimer. La production des amphores en Gaule Narbonnaise, 1985 (volume 327). 67. M.-CI. Amouretti. Le pain et l'huile dans la Grèce antique, de l'araire au moulin, 1986 (volume 328). 68. Les grandes figures religieuses: fonctionnement pratique et symbolique dans l'Antiquité, 1986 (volume 329). 69. Dialogues d'histoire ancienne, XI, 1985 (volume 69).
Maquette, composition et mise en page réalisées par le Centre de Recherches et d'etudes Linguistiques (C.R.E.L.-France) Aix-en-Provence
Réalisé sur les Presses de Rivette Imprimerie - Besançon