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LE VÉCU MUSICAL
qu'institution, la chorée, n'est-elle pas envisagée comme la pratique reliant la daose et le chaot...
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LE VÉCU MUSICAL
qu'institution, la chorée, n'est-elle pas envisagée comme la pratique reliant la daose et le chaot dans le cadre de la 7tcu&ta 19 ? Si Aristote tolere les fausses notes et les faux mouvements qui passent quasiment inaper¡;us daos le cas du chant et de la danse en grmipe, Platon, lui, est beaucoup plus sévere, voire intransigeant, visa-vis des chreurs qui expriment par des voix et des pas excessifs (a[Jl-rpwc;) des passions20 non moins excessives, en particulier dans la dramaturgie21 • Normalement, la daose est ordonnée et réguliere. Seules les danses orgiaques, qualifiées de «non politiques» par Platon22, sont jugées irrégulieres et désordonnées, contraires a la nature meme de la danse normale23 , proportionnée et ordonnée de maniere cons-
'Íj!J-LV ta'tctt, ;;ov o& 7tE7tatoev¡Uvov lxavw~ xexopwxÓ'ta Oe;;&ov; cf. Soph., 259 d: cifl-o.Jaov 'tt\loc; xal ci((tA0'1Ó(jiOV; cf. Phéd., 61 a: wc; cptAOOO((ÍCXc; . . . ovar¡c; tJ.E"l'LO""t'r)C: fl-OV-:rtx'ijc;. Cf. supra, p. 31, n. 107; p. 34, n. 2. Cf. ARIST., Rhét., 822, 1395 b 29-30: ;;o~~ hatoEÚ'tovc; 7tap' O'X,AqJ (J-OU-:rtxw;;Épwc; /iyetv. 19. Cf. Pl.ATON, Lois, 11, 655 a: tv ... fJ-Ouatx~ xal '1'X,f,fJ-CX'tCX ... xal ¡JÉl\T) evea;;t. Sur des considérations modernes a ce sujet, cf. M. S. DucoUT, [¿. danse sonare, synthese de la danse et de la musique, Paris, P.U.F., 1940, notamment pp. 23 et suiv. 20. Cf. ARIST., Poét., 3, 1447 a 28: (J-tfJ-OÜv;;at xal T¡&t¡ xal 1tá&t¡ xal ltpá"E.Etc;; Polit., 85, 1340 a 38-39: E:v 'totc; pvO(J-otc; xal &v ... 'tOtc; ¡d'Atatv ... ea'tt fJ-tfJ-+,fl-IX'tCX 'tWv ~6wv; Probl., XIX, 48,922 b 20: ... (se. &p!J-Ó~Et •éiJ "f!lpéiJ) 'tO yoepov xal T¡rrúxtOv ¡d'Aoc;. 21. Cf. in Rempubl., I, 51, 20-22 K.: •a\i;;a (;;o 7totxtAov 'tWV tv 'tfXl'(cpOtatc; xal XWfJ-cpOÍCXtc; (J-t(J-i,O'EW\1 xal 'tO 'tW\1 7ta6wv a¡d'tpwc; Xtvt¡'ttXOV) ltpOt'Oó¡w¡oc; ó II'Nhwv ou OtOWO"t xopov 'tOtc; 1:W\I ;;otOÚ'tW\1 7tot+,aewv O'I)(J-tOupyotc;, Ouot t7tt'tpÉ1tEt vÉotc; O~O"t\1 atJ'tW\1 O:xpoia6at; cf. in Crat., 112, 14-23 Pasquali, ou c'est Athéna qui devient le chorege et la protectrice de chreurs; 22. Cf. supra, p. 60 et la n. 10. 23. C'est notamment aux rites corybantiques que chants et danses orgiaques sont associés. Cf. I.M. LINFORTH, The Corybantic Rites in Plato, loc.cit., en particulier pp. 144-15.1; Cf. Pl.ATON, Euthydeme, 277 d-e; Lois, VII, 790 d-791 a; Phedre, 228 b; 234 d; Criton, 54 d; Ion, 536 e; H. JEANMAIRE, Le Satyre et la Ménade. Remarques sur quelques textes relatifs aux danses «orgiaques», Mélanges d'archéologie et d'histoire ojfens a Ch. Picard, Paris, P.U.F., 1949. Cf. La musique dans l'reuvre de Platon, pp. 106-107; 142-144. PROCLUS, Théol. plat., V, 3, 253 P. , ajoute aux danses des Corybantes celles des Couretes: aAi.JJ. !J-T¡v xal 'tptáoa ..+,v a(J-EtAtx•ov xal '5."X,PCX\11:0V ;;wv votpwv 6ewv oca.pp+,or¡v ó IlNhwv ÉltÓfJ-EVOC: 'OP'"''(€i Koupr¡'ttx+,v a;;oxa'Att, xa6á1ttp t\1 NÓ[J-Otc; (Kovpr¡;;tx+,v) t¡l'I)O"LV ó J\&t¡vaioc; ~Évoc;, ;;a 'tWv Koup+,;;wv tVÓltAtrL ltiXL'{\ItiX xal ..+,v Evpu6fJ-OV 'X,Opeíav IXU'tW\1 aVUfJ-VWv.
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tante24• Ce faisant, la danse humaine imite des danses exécutées a des niveaux surhumains. Une hiérarchie de danses est, de ce fait, envi¡ageable, les unes imitaot les autres et offrant les modeles pratiqués par les hommes. Platon ne foúmit pas de détails sur les danses auxquelles il se rétere, alors que Proclus est fort éloquent a ce sujet. Il ne mentionne, a vrai dire, qu'un seul genre de danse: la danse cyclique a laquelle il attribue le nom de chorée, danse réguliere s'il en est, qui se répete aux divers niveaux de la réalité. Sa structure unique consiste en révolutions consécutives autour (m:pt'X,opeúew) d'une entité donnée prééminente, ellememe en mouvement circulaire, et dont le comportement fait l'objet d'une imitation de la part des membres qui forment la ronde «inférieure»; imitation obtenue a force de constance, et qui équivaut a une élévation hiérarchisée de l'entité subalterne. On retrouvera la description de cette structure tout au long de l'reuvre du Diadoque. Sur le plan de la cité, oii. elle est pratiquée, la chorée vise a procurer aux citoyens qui y participent un état d'etre qui imite l'état d'etre de la divinité que cette ronde humaine honore. L'importance de son róle éducatif et politique est en l'occurrence évidente, et c'est pourquoi Platon éleve au rang de citoyens cultivés tous ceux qui ont suffisam~ ment exercé la chorée; les autres, demeurés incultes, sont indignes d'etre investis d'une charge publique25 • La hiérarchie des chorées correspond a la hiérarchie ontologique et cosmique vue par Proclus26 • Dans le systeme néoplatonicien origine!, elle devrait, en tout état de cause, tout au plus comporter trois niveaux. Or, en raison du caractere complexe et de la quasi-inflation qui dominent les niveaux de la réalité daos le systerne proclusien27 , les rondes en mouvement continu qui se succedent sont, elles aussi, en
24. Sur la bonne proportion, cf. PLATON, Gorgias, 503 d et 504 d; Criton, 50 a. 25. Cf. Lois, II, 654 a: 0:-x.ópEU'tOc; ... a1tCXtOEU'tOc;. Cf. supra, pp. 61-62, n. 18. 26. Cf. Structure, présence etfonctions du kairos chez Proclus, respectivement pp. 37-63 et 67-83. 27. Cf. L. M. GRONDIJS, L' Ame, le NoQs et les Hénades dans la théologie de Proclus, Médedelingen van de K. Nederlandse, Akad. van Wetenschapen, Alterkunde, 23, 1960/2, pp. 29-42.
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nombre acerO. En outre, leurs identités n'étant pas toujours rigoureusement définies, la délimitation de leurs compétences respectives manquent de précision. On retrouve les memes données chez Aristote28, quand la pensée du Stagirite suit, en des endroits différents, des méandres non moins différents qui la conduisent a des cm1clusions sinon opposées, du moins divergentes et dont on ne saurait omettre de tenir compte, quitte afaire face aune situation tourmentée al'extreme. La meilleure méthode asuivre serait alors de rassembler tous les textes disponibles, afin d'en distinguer les diverses catégories de conditions, avant de procéder aux comparaisons et interprétations conséquentes. Ce faisant, il serait éventuellement possible de recueillir des indications occasionnelles qui, prises en considération avec circonspection et prudence, faciliteraient les interprétations en question. Signalons que seul le démiurge, entité subalterne par rapport a l'Un, semble faire exception a la regle générale aux termes de laquelle des hypostases et entités inférieures évoluent autour de celles qui, ontologiquement, les précedent: il est directement lié al'Un, du fait de la bonté qu'il possede en commun avec lui29 , et qui luí donne le droit de procéder par simple imitation, sinon par délégation de pouvoir30. Autour de l'Un, appelé Pere, évoluent les chreurs des hénades3I et des dieux supérieurs32 , a coté de puissances diverses que Proclus 28. Cf. AlusT., Politique, A 5, 1254 b 17-26, 1255 b 12-15; par contre, cf. ibid., A4, 1254 a 11-13. 29. Cf. in Tim., 1, 368, 15-19 D.: 't~v n"Aix~v ahíav &rco&u.:; de; ~v &ya6ÓTIJ'tiX 'tOÜ er¡¡.t.tCI~'(Orí O"!J'I'ttÍVO\IO"IXV, xa6' ~V ÉVÚJaa x_opi¡J TI¡v éau'tWv otá.VOIIX'I &ve:6áxxe:ua(.t'll. Cf. ibid., 1, 1, 1-2 P. ). M~me les éléments du tissage s'entremelentcomrne dans une danse (cf. in Crat., 21,23-22, 10; 113,3-8 P.); in Tim., 1, 210,2-11 D. Acondition que le texte connu sous le titre: PRoctus, De l'art hiératique des Orees, éd. par 1. Bidez, comme partie du Catalogue des manuscrits alchimiques grecs, t. 6, París, 1928, pp. 148151, soit authentique, il nous apprend que, pour Proclus, (a) la danse autourdes dieux est accompagnée; et que (b) m!me des plantes, le tournesol, par exemple, imitent la ronde des autres !tres animés par leur rotation autour de leurtige. Cf. An. hiérat., trad. en grec moderne, ldéothééltron, n• 27, Mars 2003, pp. 9-11, notamment p. 9a, 21-38.
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ment est-il effectivement circulaire? La réponse a cette question sera ala fois affmnative et négative. 11 est, certes, indéniable que ce qui se meut autour de l'Un suit une trajectoire courbe; mais que ce qui se meut circulairement autour de ce qui déja se meut circulairement ne saurait suivre une trajectoire circulaire simple: s'il se meut sur le meme plan décrit par le mouvement circulaire du centre de son ·propre mo~ve ment, ce demier pourrait etre cycloi'de et lui pennettre tantot de s'en rapprocher, tantot de s'en éloigner tant soit peu, ou, a la rigueur, épicy. 61 . • e1tque ; st, par contre, tl se meut dans l'espace, son mouvement ne peut etre qu'hélicoldal. A partir de ces observations, on est en mesure de concevoir un schéma choral de cercles hiérarchisés, compliqué aloisir, ou, autour de chaque choreute, gravite une multitude d'autres choreutes, et ainsi de suite62• Les divergences et inadéquations occasionnelles sur les di verses entités et leurs relations hiérarchiques attestées au cours des confrontations et comparaisons entre passages paralleles, paraissent tout a fait naturelles dans une reuvre aussi vaste que celle du Diadoque. 11 convient done de passer résolument outre. Deuxiemement, il y a lieu de se demander quelle est la véritable raison d' etre de chacun de ces cycles. La réponse est donnée par Proclus qui fait état du désir de chaque entité d'atteindre l'entité qui lui est immédiatement supérieure et, finalement de son «désir de l'Un»63. C'est done un désir que désigne64 le fait de graviter autour d'une entité; 61. Cf. in T!m., m, 20,25 D.: xuxAoÉAtx'to'l. Cf. supra, p. 52 et la n. 99. 62. Cf. in Eucl., 137, 13-18 Friedlein: 'ttX ovp?w ~ 6e:wpío:~ IXlJ'rWv ~tc¡¡xeia6at mm~ 7tpot0..~. Cf. E. Mot.rrsOPOULOS, Les structures de l'imaginaire, pp. 131-152; IDEM, Gracieux et élégant: répulsion ou attirance?, Annales d'Esthétique, 41, 2001-2002, pp. 31-33. 23. Cf. PLATON, Rép., III, 401 a-d. 24. Sur la notion de rectitude, cf. La pensée et l'erreur, pp. 37-52. 25. Cf. in Rempubl., I, 190, 16-25 K.: (ó 2\&r¡v¡xr~ ~ oú-rwai 1tw~ q:>l)
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47. Cf. E. MoUTSOPOULOS, Le viol des symétries et le kairos comme métron de l'art, Metrum of Art, Kraków, Jagiellonian University, 1991, pp. 134-137. 48. Cf. in Parmen., 1029, 22-27 C.: 'O •.. "l~vxoc; otL ¡J.tAorr.otoc; xal Ott rttpt 't"a é:pwttxil é:=ouoaxwc; xal íht npt~Ú't""r)c; Cw xat e:lc; to ypar(tLv tpwttxa rr.poayó¡J.tvoc; ota tov tÓvov -:oü tpwvtoc; xatoxveiv lp'YJO"L tl¡v ypa~v [v ttvt twv Éautoü (J.tAWv, ovx aor¡Aov tole; ":Wv txeívou (se. Ibycos) OtaXY)KOOaLV. 49. Cf. inAlcib.I, 292, 1-5 W.: Oioe:txtaí nwc; &v toútotc; (toic; r.tpi Eupmí&lu) ti% (J.Étpa 't"ijc; twv rtOLl)~twv -x.p+,aewc; · oün yap KIX't"IXXÓpwc; autoic; "f.PY)O"tÉov (tirr.e:tpÓ-
xa"Aov y!ip) OÜU Ele; ¡J.YjXO. 13. Cf. PLATON, Cratyle, 387 c. 14. Cf. in Crat., 13, 28 - 14, 1 P.: "Ott -ro 7tpcí-cntv bd !J.Óvwv twv xa.-ca otávotav Evtp¡o{mwv AÉ.jt'ta.t, E7tt ot 'tWV a!Wuv 'tO 7t0ttiv· exovatv o~v xa.l 7tpcí;etc; xa.l a.! 7t0t'Í¡:mc; io(ouc; opouc; xal op¡otvot xal Xottpoúc; [cf. Structure, présence et fonctions du kairos chez Proclus, respectivement pp. 150-157 (praxis) et 133-149 (pol'ésis)].
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cas, il serait plutot question de «membre» d'un ensemble organique, telle la main, partie intégrante du corps, alors que, dans le deuxieme \cas, il s'agirait d'«instruments» a proprement parler. L'existence d'un membre du corps est indispensable ason bon fonctionnement, alors que l'existence et le maniement efficace et correct d'un instrument facilitent l'accomplissement d'un acte qui n'est pas prévu du point de vue biologique; il n'en complete, tout au plus, que la finalité naturelle. Dans ce dernier cas, il importe que l'instrument employé soit conforme et adéquat a l'idée que son inventeur s'en est fait. On saisit, des lors, l'importance de l'utilité et de la fonctionnalité d'une bride bien fabriquée, tout autant que celle d'un nom bien choisi pour ~tre appliqué a un objet ou a une notion voire a un acte 15, pour en désigner l'essence16, en plus de sa finalité17. Ces distinctions ont, sans aucun doute, pour but de souligner la signification du nom et de 1' acte de dénomination. Elles sont également applicables atous les instruments, en particulier aux instruments musicaux, extensions du pouvoir détenu par leurs utilisateurs 18 . En conséquence, tout instrument, indépendamment de son existence propre, se rétere aussi aux existences de ceux qui l'ont con~u ou fabriqué, et qui
15. Cf. PLATON, Cratyle, 388 d et suiv. 16. Cf. in Crat., 16, 12-17 P.: op¡avov ¡áp EO''t\V 0\0otO'XIltAtX.OV xa.l EXcpiXV'tOptxov 'ti¡c; 'tWv 7tpr..tj!J.CÍ'tWV O'nLot~, x.a.t EO''ttV 'tO ¡¡lv EV -ci¡l 'tOtOÚ'tc¡J Opc¡J mxpa.'Al)O «'O(J.~pou» 1t~t01Jxtv; ~ éht 1ttpi 'rE"X.\IW\1 X(Xt Em'J'77;¡J-WV Üywv d~ •pía 'r(XÜt'a -rl¡v h.rroü yvmtv &.id¡yayEV, ov 1ttpi ypafl(J.á-rwv 1ttxÑJ.twv. 84. Cf. supra, pp. 103 et suiv., et les notes 58 et suiv. 85. Pour une description historique et fonctionnelle complete des divers modeles de l'aulos, cf. K. SCHLESINGER, op.cit., pp. 23 et suiv. On est toutefois forcé de s'opposer au principe xa-r' &.ptO(J.ov xai bo(J.E-rp~v (au lieu de: "f&W(J.t-rpíav); cf. ARISTOTE, fr. 43, 1483 a 8: C(CXt\lt'r(Xt . . . -ril f!Ép1J avTij~ <se. Tijc; áp(J.Ov~c;> xa-r' &.pt6~v xai LaO!J-E-rp~v), que l'auteur applique ~ la mesure des orifices tout au long du corps de l'instrument, et qui faussent !'ensemble de son interprétation. 86. Cf. inAlcib. 1, 197,9-10 W.: xá.AN.ov oi: Üym Ot't aí opOai ltOAt'rttCXt t"l¡v a~),r¡
'\"tXl¡v a1ttat'p!Í.cp1Jaav.
L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' ÁMES
LA PRATIQUE MUSICALE
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parait géner le Diadoque qui, sur ce point, ne tient assurément pas ses connaissances de Platon lequel n'aborde pas la question et se retranche ~erriere un certain mutisme88 , c'est l'imprécision des sons ainsi émis par l'aulos; mieux, la possibilité de falsifier les harmonies pures en les mélangeant. La mode de l'aulos, devenu tout-puissant, aurait gagné jusqu' aux joueurs de lyre, mais surtout les citharistes qui, par émulation et par imitation, se seraient fait fabriquer des instruments a cardes tres compliqués produisant des effets similaires89 • En adoptant l'opinion de Platon, qu'en matiere d'esthétique musicale le critere du plaisir ressenti n'est pas l'oreille, mais, avant tout, la raison, ce qui risque d'éliminer d'emblée tout progres musical (et artistique en généra1)90, Proclus reconnait qu' Alcibiade est ignorant ~n matiere d' aulétique91 • L'histoire de l'évolution des instruments musicaux recouvre toute l'histoire de l'évolution des techniques musicales et celle de l'activité
87. Cf. P.-M. SCHUHL, Platon et la rnusique de son temps,loc.cit.; cf. inAlcib., 197, 13-16 W.: Exlia-rov yilp -rpÚ1t1J(J.(X -rwv av'AWII -rpti~ ~Oóyyouc;, Wc; cpaat, -rovM.xta-rov &.cpt1Jat'l, tl o& xai ..a. 1tap«tpu1t"Í¡fl(X'r« &.vmx0d1J, ltA&Íou~. OEt oi: ov 1t XtVOU¡úvwv. On notera la coexistence des termes ev~¡¡.óvtoc; et eppull¡¡.oc; ainsi reliés, et désignant les deux aspects fondamentaux de la réalité musical e. Cf. ibid., n, 236, 27-237, 11 K.: btá~';lc; ,:Ettp)ivoc; cie:t ..l¡v auTI¡v !&íO"'J« XGtt Y¡ ÍI¡J.otÓ't'Y¡(; xai Y¡ a-ráatc; xai Y¡ -rau-ró-rr¡c;, &¡ú6EX-ra lív-ra, ímó 'tE 'tWv &ti ¡u-r~ÓV-rwv (.l.t'ttX,E'tGtt xai Úr.o 'tWv 7tO'tt OEU'ttp~ xa-ra -.Y¡v au..-l¡v 't~tv; cf. in Tzm., 1, 332, 29 D.: 'tOÜ xá'AAo~ otaxop-Y¡c; (ou: otáxopoc;). Par contre, c'est I'harmonie qui est con~ue par le Diadoque, sur le plan ontologique, comme reliant le produit ~ son producteur. Cf. Él. théol., § 28, p. 32, 10-ll et 25-28, D.: 7tciv -ro 7tapcX)'OV -ra é)¡u¡!Gt 7tpbc; éau-ro 7tp0 'tWv avo¡J.OtwV Ú
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suivant son mouvement gravitationnel autour de sa propre source21 • C'est pourquoi le systeme proclusien ressemble a un immense univers ou tout '\ existe et se meut en fonction de ce qui lui est supérieur, et dont l'unité interne est garantie par la sauvegarde du príncipe de participation appliqué aux rappórts entre entités prOductrices et entités dérivées. C'est ce qui, en dépit des diiférenciations inévitables, assure au systeme une unité, une mobilité et une vitalité incomparables. Ces considérations seront reprises en détail dans les pages qui suivent. Notons que Proclus n'emploie que tres rarement le substantif !J.L!J.YJ· atc; 22 pour désigner un comportement précis, se contentant, le plus souvent, de recourir aux diverses formes du verbe (J.t(J.éia6txt. On sou~onnerait, de prime abord, qu'en évitant d'utiliser le substantif il manifeste quelque difficulté a en foumir une définition précise. Rien n'est moins vrai cependant, car l'emploi fréquent des diverses formes verbales respectives appliquées a des situations tres variées perrnet d'en tirer aposteriori une définition valable. A partir de cette évaluation il ressort que, pour le philosophe, le terme d'imitation désigne un état de ressemblance, nullement naturel, mais voulu, d'une entité a une autre entité qui lui est antérieure et qui lui sert de modele (ou de paradigme). Par «ressemblance voulue» on ne saurait entendre une identité parfaite, mais plutót une tentative d'identification due au désir, ressenti par l'entité imitante, de participer pleinement de l'entité imitée, ce qui ne 1 · peut en aucun cas se réaliser, puisque la premiere demeurera toujours inférieure a la seconde laquelle lui sert de modele23 • D'une maniere
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21. Cf. Él. théol., § 209, p. 182, 24-28 D.: ..11 ... ox.~¡J.a' €-.to6-.r:' 1" 'Y' " , ' 2"\'"'1.. :'1. _ • • t , , "J ' x.wpt...,., 'ta ov-ra a1t fMIAT¡NJJV. Cf. 1bld., 1184, 3-5 C.: Y¡ ... -.:~:v-;o7tjÍtv'tat xal ¡J.tp.ttaOatt 'ta ;:~ ri.V'\'WV ... xal 7táncx &r.~ Xat't' ouaiav EX.Et 'tOv ñ¡c; j'~O'E