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De ce qui n+a jaJ1'll'.liJ été est~i1 autN! chose que le poème que Pon esl? de ce qui n'a jaJnilÎs été, le divan se souvient... M()i~même .. poésie. cetle ressouve .. MMe anime mes versets. NICOLAS ABRAHAM,
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ISBN 2-08-2125114 @
1981, Flammarion, Paris Printed in FrfUtCe
Pareruhèmes.
LIMINAIRES POUR JONAS
Brble, Divan ~ Poésie JfÙmée
11 crie et dit : « FAlcore quarante jours et Ninewé sera bouleversé 1» Ils mJhèrent~ les hommes de Ninewé, à EMüm. Ils 'proclament UJt fefme. Ils revêtent des saty de leur.f grattds èY1eurs petits 1.
le sacré Diell du Ciel. grand Ninive, écoute Va:vis sévère t Pénitent, bats ta coulpe. Sans quoi par soufre et feu brûlera cette cité. Ali gouffre s·engloutita,. quarante jours passés l)} Ainsi dit Jonas. Rouges ses yeux ({ Par
( La Bible. Douze Inspirés, YOM ; 3 ; traduction d'André Chouraqui p. 140).
IouIruent1
Son front vultueux de sueur ruisse-
lait: Mals les marchands, ne faisaient que rire sans clumger~ Marchander J tricher~ disputer ou manger1 •••
Et Jonas s'enfuit, tinlld.e et triste tête, Dans les senteurs croupies d'huUe et d. pastèque
a. JoMS de Babils Traduction N. Abraham p. 43)
(le Livre
1. C'e.~t moi qui SOuligne,
m.
Il peut, d'un « bibelot» légèrement « aboli» -
si toutefois
il est une oreille pym écouter - lever un son de cloche neuf. A l'archi-bibelot - trituré de multiples façons, morales, politiques, religieuses, per saecula saeculorum ~ cecÎ arrive aussi.
La Bible, alors, par novelles nouvelles, désencombrée de ce qui en elle autrefois « clochait », donne à jouir d'un pacte à l'impact encore inoui. Les instants sont rares, c'est vrai, où une main dévouée à
« limer le cas des rimes », aille jusqu'à en abraser... Rares moments du risque novateur aux modulations imprévues donnant de quoi rire à un poète agonisant. Un Jonas tout neuf surgit de sa gorge « pleine de douloirs» ; tout neuf, mais qui demeure cependant tout ancien aussi. Il demeure encore ce prophète à qni la mission, la baleine, lemanque de courage etla courge « d'une nuitée)} arrivent ~ ici comme là-bas. Mais une minuscule chose lui arrive autrement... et de ce fait le pacte se modifie. Ce sera désormais : non ! - au repentir. Oui ! - à l'insoumission ... cependant pardonnée. En effet, on le sait, la destruction de la Ville, promesse pour une mission prophétique hésitaute, ne s'accomplit pas dans l'Ancien Testament. La Bible tient à sauver Ninive, laquelle multiplie les actes de repentir. Ainsi se prépare le coup de théâtre du Pardon Divin. Car telle est l'allégorie. Telle n'est plus, assurément, la parabole Jonas écoutée par le poète hongrois Babits. Tel n'est plus Le Jonas de Nicolas Abraham qui écoute parler et traduit 1'<M"'4 de Michael Babits. On ne s'y trompe pas. Un trait
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JONAS
de plume qui se veut « légèrement» modifiant sait retremper le son de clocbe d'un vivas coco entièrement différent. Du coup les mortels et les 'lifs se trouvent convoqués à changer les combles et les fondements - fussent-ils ceux de la Divinité. Conséquence : un prophète, en attente d~1'uis plus de deux mille ans, s'allonge sur le divan du psychanalyste. Ce Livre de Jonas - de ligne en ligne fidèle à la Bible sauf une, l'abolie --- est-il encore, psychanalysé, le livre d'une « bouche de Dieu}) c'est-à-dire d'un prophète ? Ou encore : que devient le couple Divinité-Prophète devant Ninive dont un minuscule vers vic'fIt de changer les fondC'Illents ? Et qu'en est-il du "'-'fis du sacrifice 7 Car Jonas, Yonah en hèbreu, signifie « colombe» (~ oiseau à sacrifier - pour une mère, souillée du sang des couches; - pour un homme, souillé de semence). Qu'en est-il de Jonas-Yonah-colombe lorsque Niniveh n'est plus le nom de la souillure, lorsque Souillure n'est plus le nom du sang? - ni celui de la semence '1 La deuxième partie de cet ouvrage, Le Cas Jonas, commentaire selon Abraham, ne laissera pas ces questions sans réponse. En elfet, l'autre poète de Jonas, celui qui du hongrois conduit vers le français, conduit égaiement la pensée du premier à sa source de fécondité. Si, traduisant l'écoute de Babits, l'analyste de Jonas érige la parabole du prophète en paradigme de maturation, car telle cst la thèse anasémique, Le Cas Jonas, de ce fait, devi.ent exemplaire d'une poussée inéluctable. Poussée de l'Instinct, créateur de mères· à-mourir, qui n'a de cesse à tarabuster le prophète (et son poète) jusqu'à extorquer de lui les dernières cadc'Ilces de sa démarche dé-maternante.Et ce sera, parallèlement, la rencontre en lui de la pulsion de Ninive - indestructible, et qui survit aux Jonasqui-passent, surprise d'une sagesse qui dès le début se tisse en filigrane: la vocation des dieux c'est de mourir et celle de l'homme, de vivre, MARIA TOROK,
Ceux qui lisent Le Verbi.r de l'homme aux loups et L'Écorce et le Noyau (AntL$émies J., JI.) connaissent un Nicolas Abraham penseur, psycha.iaJyste. Le parcours de ces livres ne laisse certaiIlement pas inaperçue l'optique qui tout traverse et toujours fut la sienne: celle de considérer tous ses patietlts comme des poètes, des poèmes, ainsi que d'entendre toute la psychanalyse, dans !IOn déroulement, comme une vaste poétique de l'autacréation. L'aspect d'un Nicolas Abraham paète-traducteur et théoricien . de la traduction y apparat! cependant moins, mis à part l'essai «Le temps, le rythme et l'inconscient» et «Lefantâme d' Ham/et ou le rI' acte ». De fait, Nicolas Abraham traduit dès son jeune dBe et jusqu' ft sa mort. il cherche à s'expliquer sur l'art de traduitecomme sur l'art de psychanalyser. Ces deux arts se tissem . ensemble pour ne former qu'un tout homogène, perspective qui Ile saurait échapper au lecteur de l'ensemble de l'œuvre déjà parue_ JOnaH en est la vivante illustration. Nicolas Abraham a traduit Le Livre de Jonas de Michael dans les années d'après-guerre. De la littérature /wngroise c'était un de seS poèmes préférés. Dans le même temps il préparait des ouvrages sur l'expérience poétique et sur l'art de traduire '. l/ cherchait Il montrer à quelles conditions la langue française pouvait devenir apte à résoMer à l'expressioll poétique étrangère,
1919. L Esquisse d'une phénoménologie poé/iqllc (1948), La CQnSciênce rythm;" Essai sur les strf.tÇtures temporelles du rythme (1951), ParadigmatIque tffmuctiv. (1951) ; il paraitre prochainement dans la série Anasim/es.
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autrement dit, comment ene deviendrait comme le hongrois, l'allemand, l'anglais, l'italien - une langue habile à traduire, une langue versatile. Ses Poésies mimées l cherchaient à rendre apte le français aux exigences parfois diamétralement opposées des prosodies antiques et modernes. « Poésies mimées» n'est pas seulement un titre, mais aussi un programme et une doctrine: choque traduction mime la gesticulation poétique el verbale de « l'original». Traduire n"est pa.f seulement faire passer un contenu, tOte anecdole d'une langue à l'autre, mais faire exister une langue à la manière d'une autre. Nicolas Abraham a présenté en juillet 1957 quelques-unes de ses POésies mimées de Michael Babits au cours de l'émission radiophonique « Benes le/tres ». Les lignes qui suivent ici reprodu/senl les paroles qui avaient précédé la lecture des poésies traduites en français par « les techniques traduetives chères Il Babitn>. Ne nous étonnons pas de trouver ici deux textes. La première version jugée «pas assez parlée}} pour l'émission, fut remaniée par Nicolas Abraham; c'est cette version remaniée que nous plaçons ici en second lieu. Ce texte il ne l'entendit pas, il en fut empêché par une opération au cœur. Ces textes donnent à Jire le curriculum vitae de Babits, et le Sens qu'avait pour lui Jonas lel qu'en 1957 le concevait Nicolas Abraham. Le Livre de Jonas ne fui pas pour autanl rangé dans un tiroir. En fait il était toujours là acheminé-acheminant. Jonas se trouvait souvent dans une vaUse de vacances, et encore au dernier jour de sa vie, le 18 décembre 1975, Nicol(1.') Abraham en modifiera les deux derniers vers. Progressivement mûrit l'Idée que derrière les lignes du Jonas se tisse 1111 autre poème - celui de l'analyse : le commentaire en traduira l'écoute. Nicolas Abraham note sur le manuscrit: {{ terminé en mai 1973 ». En tant que patient le Jona.~ du Commentaire est un double poème. A la demande de certain.. amis Le Livre de Jooas sera lu à deux voix lors d'une soirée à l'ancienne faculté de médecine. Lucette Pinas prîltait sa voix au poème traduit,
1. A paraltre.
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JONAS
Nicolas Abraham au commentaire analytique. Les lignel intro-
duc/ives de cette soirée se trouvent dans la deuxième partie de ce Mlume.
M.T. 1979
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1~~'"
PREMIÈRE VERSION DU TEXTE INTRODUcrIF DE L'ÉMISSION "BELLES LEITRES " JUILLET 1957
Un poète se définit selon la région de nous-mêmes qu'il nous en toute rigueur - devrait se limiter, pour seul sujet gr,unmatical, à l'emploi du pronom je. Dans cet emploi pas ombre d'outrecuidance ni prétention d'originalité . .Bien au contraire : le je du critique est un peu comme celui du mathématicien : une marque de suprême modestie, celle de l'universalité. Je vais donc essayer de décrire en quelques mots cette partie de moi - de vous où la rencontre de Mihlily Babits devient le miroir tendu à ma condition d'homme, miroir poètique au reflet éternel et « toujours recommencé}}. Etrange miroir que celui de Babits. Il me renvoie un homme qni lui-même se scrute devant un autre miroir dans lequel un . homme se contemple à son tour et ainsi à l'infini... Parlant de ses propres poèmes il dit :
« donne à vojt ». Cela est si vrai que la critique -
...« Au vrai Ce. filles ne sont podS vivantes, Ces oiseaux là n'ont jamais pris vol, Le vent n'est que souffie du vent qui vente Ici l'ombre n'est qu'ombre de l'ombre ... }) (Esquisse moderne.) Ce miroir me fait découvrir une région de moi-même, située cc/par-delà la réalité et en deçà de la fiction pure, oÙ prolifère une végétation de mots, d'attitudes, d'inflexions, de rythmes, de .',(:()nS" le Patron, colêre, rabroua : « Quoi? ! Foin du sableux galimatias! Où te jeter, queUe forêt, quels sables?
Rien que dans la mer on est, d'ici, jetable. Et jeté seras, car je ne veux à bord «Quiconque est grevé d'on ne sait quel remords. de doute, c'est toi le porte.malheur! ,( Un qui cherche à fuir, maudit par son Seigneur! ,« Si ton Dieu t'en veut, quel diable pour t'aider 1 « Hé là, les gars, prenez-le et l'emmenez, «Ce 'Juif! » Et huit poignes déjà le saisirent, que de voir sc rompre leur navire, lourd est le plomb et la pierre, lourde, plus lourde d'un péché la tare sourde.
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lONAS
Jônds aztmbiIlt jajgatott s nyr;gott és meg16bdltlik a tenger jOllitt. a Vigydzz -h6-rukk ! Pusztuljon aki nem kell' )) (70) S 1It1IJyot locc~ant... s megc.vondesi11t a tenger, mint egy hasas szorny mely megkapta étUt. S a hajôsok térdencSlÎSzl)(1, Mtrét gorbedve sÎrtak és httlakat adtak, konnyelmii ti/dozatoka! fogadtak, (75) sa messze.léghen jOltiint a szivarvâny.
mm
A vlz siman gyiirùzott, mint a mtirvtiny.
l.lFl\l.VIŒ DB SONM
Et Jonas de geindre, Jonas de gémir. On le balançait dessus la mer en ire, « Allez! ho hisse 1- crève dont nul ne veut 1» Il fit gJ:and plouf L.. et la mer s'apaisa d'eux, Tel monstre pansu, ayant eu sa pitance. Déjà les matelots, il genoux, de hanche En deux ployés pleuraient et rendaient des grâces, Vouaient d'imprudents vœux, des offrandes grasses, Tandis qu'au lointain paraissait l'arc-en-ciel. Ride ne plissait le miroir de la mer.
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10NAS
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(l) Az Ur pediglen készitett vala Jonasnak egy hatalmas cethalat s elküldte tatott szt'ijjal hagy benyelné, halat s vizet vederszam "yelve mellé (5) minek sodran feffel el6re, hosszant Jonas siman s egészben ugy lecsusszl11'It gyomrâba hagy fején egy lirva haj nem giirbült, s ajultabOl csakhamar fél-lbren pislogotl ocsudva, kaba (10) szemmel a lagy, vizes, halszagu éjszakâba.
És fgy jutolt a sz8my-lét be/sejébe oak ringasok eleve" biilcsejébe, és lakozék hdrom nop, Mram éffel a cet hasâbl11'l. ha/ éjfél a déllel (15) egy/arma volt. s csupan a gondolatnak égre-kigyozo langjal gyuladtak, mint fulladt mélyblil pincetUz ha t6mad. És kiinyorge Jonds oz {J Urtfnak a ha1hol, mondvân : « Kia/tok Tehozzlid, (20) hallj meg, lsten ! MélységMI a magassag felé kitlltok, k&romlok, konyiJrglJk. a koporsonak lorkabOl üviiltlJk.
Mert dobtal vala eNgem a siitélbe s tengercd ürvényébe vetteték he, (2S) és karalvett a vEzek veszedelme. és fii tekeredet! az in fejemre. bIi hu/ldmaid tltnyargaltok raj/am, és Egyelemedfenekébe hulltam. a vi/dg also részeibe szdl/van, (30) ki fenil csücsüllem vala ka rondjan ! Én oki Jonas voltam, ki vagyok mIlr ? Ki titkaùlat tudtam, mit tudok m&r ? Kényedre htfny-vet htfnykodô vized s nydlkas bus-zdra/ba z&rt a Cel. »
Jonas le Seigneur appareilla énorme baleine, puis, l'envoya,
'Mf,""dJQUI
, .. '..
'~;~',>Elo~!lue, gueule bée, pour qu'elle l'engloutît,
lampant les 1I0ts à force glougloutis, bien qu'au fil du reflux, glissant tout droit, long, le chef devant, Jonas s'influa ",vans le Ventre, indemne, sans qu'un poil de tête li1écblt, et déjà s'éveillant de l'hébète ~âmoison, il ouvrait des yeux, cliguotant ·1.JltlSUr la molle nuit moite, odeur de poisson.
;;~i,,~jlSl
"Ainsi du Inonstrc vit-il l'intimité, ,De vivant berceau l'aveugle motuité, Et séjourna trois journées et trois nuitées :Durant, dans le Ventre en lequel minuit et étaient semblables; seul du penser e'/:,g.,tpentait l'éclair jusqu'aux cieux lancé ; de cave étouffée l'incendie qui sourd. Jonas fit imploraison du séjour )Ilalénaire et dit; «Vers Toi je cric, Seigneur, 1l1,..«Puisses-Tu m'ourr, Dieu! Des profondeurs les hauteurs j'implore, blasphème et jure, Depuis la gorge bée du cercueil je hurle.
tu m'avais précipité dans le noir, .. k;\ussl dans ton guuffre m'a-t-i1 fallu choir, Lors les périls des eaux m'ont environné, la mienne tête herbe s'est enroulée. tes Bots galopants tu m'as recouvert, "{.C'est le cul que j'atteins de ton Univers, :. Tombé que je suis aux basses parts du monde 1. « Puisses-Tu Dieu ?» ... « M'ouir?» ... au fond de soi-même, se : « mourir ». Puisses-tu mourir, « Dieu ». Voilà ce qu'on : penser. Etre dans balancer _.- penser... Oui, le !,tJenser, Jonas l'a mis à la place du jouir, mais c'est pour avoir, le savoir, un « Dieu » ... à tuer.
DANS LE POISSON
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if'Anostrophe comme dlssimula/ûm
« Car
tu m'avais précipité dans le noir,
« Aussi dans ton gouffre m'a-t-i1 fallu choir, (25) « Lors les périls des eaux m'ont environné, « Sur la mienne tête herbe s'est enrouMe. « De tes fiots galopants tu m'as reeouvert, « C'est le cul que j'atteins de ton Univers, «Tombé que je suis aux basses parts du monde (30) « Moi qui avais eu mon trône sur son comble. « Or moi, qui fus Jonas, maintenant qui suis-je? « Qui sus tes secrets, oh, à présent que sais-je ? « Tes Il.ots remuant à tou bon gré me muent, « De gluants verroux de chair, monstre m'inclut.»
c'est aussi : dire. Dire pour tuer. Tuer en disant. désormais, Jonas n'a plus besoin du Tiers pour soutenir i't'w:cnastion. II le fera par ses propres moyens. Le faux procès qui l'avait déniaisé pour de vrai - se change en un procès adéquat. Le « Patron» avait fait de Jonas un bouc émisun porle-malheur ; Jonas, à son tour, fort d'avoir été ,çl;l9ndamné, se retourne contre son Seigneur ct lui adresse la ,iXiiÂm" accusation. Tout avait commencé - dit-il - du fait m'avais précipité dans le noir, que tu m'avais retiré la !l!imière de ton esprit - et c'est encore toi qui m'eo puuls, me jettes dans le gouffre. Entre Jonas et soo « Dieu)} se désormais un Juge. l'espace s'eo trouve modifié, théorise l'analyste. Jusque-Ià uatioo spatiale était celle de la fuite et de la persécution. i;~lIintenant entre persécuteur et persécuté qui ne faisaient s'est glissé le Tiers. Grâce à lui Jonas peut se re/OUI'IIer « Dieu», le persécuter à son tour, de son amour, de son ,ment, de la prétendue injustice subie. Seulement voilà : de la nouvelle confignration spatiale, le dos de Jonas à la vue de « Dieu" ; son discours aussi est à même dissimuler ce qui, en arrière, se déroule. « Puisses-TU m' ouir! }} mourir! C'est aiosi qu'on détrône le tyran qui s'est cc qu'il interdit aux autres. Tyran anachronique qui périr par la contradiction de saloi hypocrite. Au moment où Jonas, «par-derrière », accomplit l'acte honul avec le l'l'atron », il va, « par-devant", jeter à la face de « Dieu" la contradiction. prière dés lors devient un véritable persiftage de l'hypo« divine ». Alors, au nom du phallus, qu'il est tout entier il dépeint la dégradation et la souffraoce dans le sexe Jonas développe sa complainte fallacieuse: « Moi, qui "Jonas,. maintenant qui suis-je? Qui sus tes secrets, oh, à que sais-je?» Mais il entend: moi, qui n'étais que ton !J)endiœ, moi, devant qui tu cachais tes secrets, maintenant je ~~; A.,," l'intimité de ta chair, tout comme le Patron est en moi.
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DANS LI! POISSON
aphoristique de l'analyste : comprendre une Îp'êl!sée c'est y découvrir l'ironie cachée. Car dans la pensée de :;'lelllas. - comme dans toute pensée - c'est l'ironie secrète
*** '!ltsstJujJIement de/par l'Imaginaire aphasique
(35) Lors respira Jonas, puisqu'à bout de souffle, Pompant les branchies à fréquents coups de souffle, Lesquelles battaient en spasmes fluetue!~x, L'air filtré de l'eau était pour eux deux peu Le pisciforme énorme, abanant d'ahan, (40) Ne faisait que jeter son faix cahin et caba Tandis que Jonas, tout nausée, tout fiilvre, Récriminait toujours des puantes ténèbres Et hurlant comme Un loup pris dans sa caverne, « Seigneur, gémit-il, verrouillé m'as-tu ferme, (45) « Dans l'immonde nuit des fanges confiné, « De devant tes yeux lumineux, débouté.
force de coit on s'essouffle, n'est-il pas vrai? Les nalrs ilécroient. Ils tiennent la baleine pour un poisson à branchies, figurent, enfin, qu'à ces branchies supposées on branche bouche pour en soutirer l'air. Il faut bien que le « petit onhomme)} puisse respirer dans son réceptacle! Belle théorie pour expliquer pourquoi, dans l'ardeur de la volupté, baleîne» s'essouffle il. son tour : « L'air filtré de l'eau était eux deux peu.» EUe : )} semblent détester le « se>:e dans le sexe ». moins que ce soit là le dernier soubresaut du « Seigneur» ayant de se rendre. Avant d'accepter de mourir en tant que « Dieu ». Avant de jouir... '. « Et Jonas de ruer par double ressaut.}} A bondisseur, bon'. disseur et ... deux demis. Pour chacun de son côté, par action et effet réciproque, s'essoufflant, se secouant, s'endolorissant l'un l'autre : l'agonie a commencé. La fin s'accomplira, le .... moment venu, à l'acmé de la douleur, dans l'orgasme de l'ac}i.})ouchement éjaculatoire... de soi-même. Se sevrer sans être mutilé, tout en s'appropriant toutes les "rapes de la séparation, y compris le meurtre du Ventre orbité, e 'j:Oïncidera avec l'avènement de la distinction intégrale entre et moi : je jouis,. je souffre pOl/}' moi, corume je reconnais tn jouis, tu sonffres,poUF Toi. Tel sera - s'il l'est jamais 'l'ùltime aboutissement. Pour l'instant encore, on parle, on je te sous les yeux, on « imagine »... « Tu me fais mal mal.» Et point on ne dit : « Je jouis pour moi.}) Nous sommes encore à la vCUj,>eance selon le talîon. Imaginaire. l'amour, à la haine, absolues. Imaginaires. Jonas restera-t-il prisonnier du Réciproque?
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Aussi dit Jonas: « Qui mène cette danse? « Qui, qui ne me laisse périr en silence ? « Mariné tu m'as dedans ta mer rouiante, (70) « Tu me fouailles, serais-je toupie bouiante ! « Certas, l'âme en moi s'était-elle tarie. « Mais mon mien Seigneur va me rendre à la vie! «Le Pâtre m'appelle pour son chien de garde, « De la pourriture Lui me sauvegarde. (75) « Ah, tu viens, Seigneur, descellant mes scellés, « J'accours, chien clabaud, ton. troupeau troupeler,. « Ma prière, enfin, tu l'entends, tu l'exauces, « Le long de l'altitude elle va : elle se hausse. « Fouaille donc, fouaille de ton très sage fouet, (80) « Que je, jamals plus, n'oublie mon vœu voué! « Car qui perd ses jours à filer le mensonge « Se forclôt de l'heur et se couvre de honte! »
DANS LE l'Ofs.sON
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achève sa troisième jour-nuitée. TI lui reste à tenir troisième et ultime discours - celui de sa délivrance. ne sera plus l'Hypocrisie inconsciente du genre: « Puissesl1l.m'ouïr Dieu », mais une série de vrais mensonges. Depuis le à face, depuis l'appréhension du Réciproque, on n'a plus s'en étonner. Depuis qu'on a pu dire : « Dieu je te vois» sous-entendre: «Toi, tu ne me vois point.» Cette fois il y même que mensonge : stratagème. Mentir par le men;l!OllJ1,e même de l'autre c'est révéler à l'autre sa propre pseudoet par là la détruire. Le stratagème de Jonas s'appelle feinte : dire ce que l'autre veut entendre, pour ensuite ;·'!UÏcux le tenir à merci. Le faux repentir vise à une démonstrapar l'absurde qui, poussée au bout, révélera la « Vérité» « Dieu». D'où celle de Jonas surgira à son tour. A « Dieu» retient en lui l'Instinct de Jonas, on dira : « L'Instinct qui fait danser, qui me fouette, c'est bien Toi, "Dieu ". L'Ins. qui me fait vivre, qui me préserve de la mort, c'est encore Que tes coups de fouet redoublés affirment sans cesse ta t"~ésence, Instinct-Dieu, que je ne perde jamais le contact avec ô ma raison de vivre, car Tu es la Vérité, Tu es le Bonheur! » .est le discours d'un Jonas, vil flatteur devenu: il n'en a pas glissé cntre les lignes son nouveau statut d 'un être d'un être responsable qui, par amour et aussi en vertu contrat, décide lui-même de son allégeance. TI a cessé la toupie qui tourne au gré de son fouetteur mais aussi J" --"'-']e qui rend coup pour coup. Il est désormais ce qu'on un « être engagé» ; du côté du plus fort, certes, mais 's6uverain de son discours. Le Jonas de « Dieu» a vécu.
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DANS LE POISSON
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de l'Imagill4lre
Ainsi parla Jonas ct le jour quart vint. De devers le Seigneur commande survint. (85) Lors le Poisson le vomit à terre sèche, Crachant autour de lui, bile, sang et force graisse.
sein de l'obscurité Jonas s'était répandu en accusations, complaintes, en insolences pour découvrir le halètement de ,'volupté, le coup rendu, la fausse soumission. Or, si la fusion -"'Ise a cédé la place à la manipulation sournoise, «Dieu» conserve pas moins sa puissance vengeresse. Aussi Jonas reconnalt-il vigueur et autorité. ({ Lors le poisson le vomit à terre sèche.» A l'analogie de la matrice, de la vic fœtale, le Ventre-symbole, réceptacle vis. queux des voluptés, modèle et origÎne lui·même de l'image pri5":inordiale du sexe dans le sexe, ce VenUe des fantasmagories, à l'abri de toute effraction, dans une fièvre de souffrance de jouissance mûrit un être neuf va enfin délivrer Jonas ses ~< verroux de chair», de l'angustia étouffante, l'éjecter une ultime convulsion, &uloureuse pour l'un, orgastique l'autre, sur la terre séche de la « réalité ». Là le fantasme la place au spectacle, le penser à l'agir, le dire auto;';;'~1astique au mensonge utilitaire. Et précisément cette gésine iiE'l»(plosive a lieu au moment même où du premier mensonge s'achève. fi avait fallu d'abord inverser les rôles, prenant la place de « Dieu », puis, dans cette inversion, coup pour coup, enfin, découvrir la pOlisibilité d'une '!llversion à rcbouts, contrefaisant le propre rôle initial. Or, 'l'enfant de son ({ Dieu» devient un enfant voué à son « Sei'gneur». A la fm du discours fallacieux, Jonas se rencontre Comme créateur du personnage;« l'enfant·voué-à-son- "Dieu" », en même temps, comme le « Dieu>; créateur lui-même. prononcé du serment de fidélité puis, du nom même «men· 'songe », Jonas s'atteint, enfin, comme auteur de la contref'~nrt à la fois, de l'enfant et de son «Dieu ». Qu'est-ce à dire qu'il se reconnait autre par rapport à leur relation et la voit désormais de l'extérieur, comme un Tiers 1 Tel l'aboutissement de l'imaginaire et occulte coït sodomique ,Consommé avec le Patron. Que de saug, que de bile et que de graisse aussi aura coûté la divine baleine l'affranchissement de son polisson de Jonas !
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101 «prophète» devenu «juriste». Il part pour mettre en scène
(1) Et dit le Seigneur à Jonas derechef: « Je suis ton Dieu, va, te lève et te dépêcbe, « Droit jusqu'au grand Ninive point ne fnis balte, « Tel je l'avais ordonné, crie, preche, exhorte! "
Se lever-aller-crier : tout avait commencé par ce désir sym"l:>olique élémentaire. Puis, le vœu justificatif, « aller à Ninive », effrayé de sa propre témérité. TI y eut alors, successivement, chute dans la tempête convulsive, profération juridique Tiers, condamnation au désir. Ensnitc de quoi s'ou~Tirent vicissitudes du mûrissement d'une image: « le sexe dans le ». Le Sexe de Jonas retenu au seIn de « Dieu" ; le sexe Patron retenu au sein de Jonas, tout cela allant de pair l'Invention du Penser, du Réciproque, du Mensonge intentionnel. Quel chemin parcouru entre le premier départ, et celui qui s'annonce ici. « Et dit le Seigneur à Jonas '; derecbef.}) « Derechef" - certes mais plus de la même fu""lère. Le vœu : « Puisses-tu m'ordonner mon désir» n'est que réminiscence. Sncbant désormais dire et pour son compte voire même mentir - il tient en son pouvoir mots du désir. L'L'1ljeu a changé, comme la forme du dis'J'Vurs. Cette fois il s'agit de quitter « Dieu» - sans qu'il le - et d'aller voir le fameux Ninive, « Dieu », devenu ~idistinet de Jonas: attention! sa loi n'est plus Sans recours ni à du contournement. Son garant est un tiers juge. Aussi l'énonce-t-il sans équivoque, définissant jusqu'aux modad'application. {( Droit jusqu'au grand Ninive point ne halte}) - ni lenteurs, ni détours - comme en cas d'un imprécis, l'y autoriserait la mauvaise foi, guignant vers le garant. Sans conteste, Jonas a acquis la bosse du juriste. ,,,,Hypocrite Jonas! A attirer le Seigueur dans Je piège de'sa propre loi! Puisque tu es « Dieu », n'est-il pas légitime de faire ; diligence pour défendre la bonne cause ?... Bon prétexte pour iu,tifier sa hâte d'arriver à {( Ninive », enfin. L'innocent proqui naguère ne connaissait qne les mots de son « Dieu », 'entre-temps, a fait son droit. Pour lui désormais actes et paroles ,'.procèdent d'une scène interne, à trois personnages. Aussi, cette fois, Jonas prend-il le départ pour une représen-
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: les fohyrinthes
au désir
voici, de cette représentation, les décors brossés à. l'avance. '«Marchable trois jours à pas vif», décors trois fois renouvelés un drame en trois actes. TI faudra traverser les « rues et » de Ninive, sans en omettre, pour trouver... 1'« issue ». le moment, ce qui s'annonce c'est un labyrinthe où chele désir, s'allwnant, se ravisant, s'angoissant, jamais . Combien faudra-t-il de détours, de retours et de recommenpour que le désir trouve l'issue heureuse! La trou'1~-t-il jamais? Nul ne saurait le prédire. En attendant, l'lMforce le pas à cheminer. ~ts
(5) Lors il sc leva s'en allant vers Ninive Lequel est marchable trois jours à. pas vif: Trois journées de temps quiconque y marcherait Sans retrouver l'issue de ses rues et rets.
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105 acte: 1" gaffe: le « sale» aufiguré se rit du « sale» au propre
Prime jour qu'il errait Jonas s'égara (10) Parmi les étals d'une vaste agora. Là, parmi les marchands, où son poil sauvage, Son g1ueux, boueux, loqueteux affublage Soulevaient autour bruyante hilarité, Clama comme Dieu avait dit de clamer :
En cours de route, des haltes à quelques spectacles. Pour y voir 1... soi-même, vu. Par qui ? Par {{ Dieu », pardi! Jonas, spectateur, sera donc, dans sa loge, aux côtés de {{ Dieu ». Ce lui son {{ Dieu» réprouverait, pour encore mieux le cacher, il le créera au-dehors, comme extériorité : spectacle à rencontrer, à surprendre, à condamner. Ainsi le monde jouerat-illa pièce « Jonas ». Si le metteur en scène ne figure pas sur le programme, le rôle principal y est désigné: « Jonas: prophète de U Dieu "#» Etr certes, Jonas, dramaturge et metteur en scène, .restera encore dans les aouiisses. Mais grâce à ce subterfuge, le texte du drame qui s'écrit derrière Son for intérieur, pourra se jouer par-devant, sur le for eKtmeur, si l'on ose dire. Ainsi, l'acteur {{ Jonas» va-t-il rencontrer sur la Scène du Monde qu'en lui, « Dieu» ne souffre pas de voir. La presence du mentir et de ses dérivés, par exemple. L'hypocrite commerce qu'au sortir du Ventre de l'imaginaire Jonas a institué avec son « Dieu» aura donc à se traduire par le surgissement sur scène du commerce tout court; c'est le monde de l'offre, de la demande, de la transaction, en un mot, de l'échange. : Minimiser l'no, valoriser l'autre, frauder sur le troisième, autant de variantes du mentir que Je ({ prophète» a pour VOcation de stigmatiser. La première scène au Théâtre du Monde donuera donc à voir le mensonge en le condamnant, l'échange le refusant et toutes choses excrémentielles, basses et viles en les livrant à l'exécration. Face à ce tableau d'impuretés devait se dressllT un ({ prophète» serein, détaché, dur et pur... Et, certes, serait-ce une scène pour rien. Or, la Scène du Monde ne fait pas du surplace. Chemiuant vers le dénouement, eUe amorce une étape, elle annonce la suivante. Un {{ Jonas" dur et pur 1 Regardez-le done ! TI est tout collant de la fange baJénaire, tout hébété ct . défait, plus dégradé que les pécheurs à prêcher : un ablmé de phallus ambulant. Cherchait-il li inspirer la crainte et la conversion? TI s'y est pris comme pour déclencher l'ironie et la ~L: dérision, il compromet à l'avance son auguste Mandant. Les
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A NiNlVll
~1l1archands signifient bien par leur rire qu'en matière d'esprit
; excrémentiel il y a plus égoutier qu'eux. Ruse suprême de l'in'conscient dramaturge : il sait faire éclater - en le prêtant d'autres - son propre rire étouffé . . Et « Dieu» dans la loge? il peut rire jaune.
*** acte : 2' gaffe : le « sale» au propre prêche le « propre» figuré
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« Par le sacré Dieu du Ciel, grand Ninive, écoute « L'avis sévère! Pénitent, bats ta coulpe. « Sans quoi par soufre et feu brillera cette cité, « Au gouffre s'engloutira, quarante jours passés 1»
Sur scène, cette déconvenue de « Dieu)} demande compensa.tion. Ce sera le durcissement coléreux du message. Légitime . ,'colère, n'est-il pas vrai, devant la profanation '1 De ce mouvement du fond de l'âme « Dieu» ne pourra que se r~ouir, et le pécheur... trembler. Et cependant, écoutons le prophète : « Par le sacré Dieu du Ciel »,. dit-il, frisant le blasphème ; Grand Ninive », dit-il aussi, en exaltant le pécheur. Après invocation si duplique, qui voudra croire en « l'avis sé)} 7 Et, pour finir, comment ne pas se moquer de l'exhortaà la pureté, venue d'un être si manifestement impur 7 Qu'i! se lave d'abord lui-même !» dira-t'ou. Ou bien: «N'estpas fou? Regardez 1» - ou encore : « Pour qui se prend-il mendigot?» La scène de la prophétie s'agence, à l'insu du prophète» (mais non dramaturge J01UJll). en scène de
au
Voilà donc la gaffe. Oui, la gaffe, comme symptôme,vise ":toujours à tourner en confusion quelque « Dieu» importun. s.. L'incongruité arrache le voile à l'hypocrisie ; devant la prosacrée, sortie de cette bouche gluante, ce sera le tour (t Dieu» de se voiler la mce. Que reproche le prophète à Ninive 1 TI se garde de le dire clair. Mals d'après la nature du châtiment annoncé, on devine qu'il s'agit du péché de Sodome et de Gomorrhe. .'occulte « péché» de Jonas lui-même. C'est cda que ses procondamnent et c'est ce que sa mise en scène doit sauver. • n.". les quarante jours, Jonas aura fioi de consumer - et de
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.:roNAS A NINIVB
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'.consommer - cette ville de la perdition, de l'engloutir dans son gouffre sulfureux,. dans sa part infernale dont « Dieu)} avait condamné l'entrée. Car « Dieu}) est présent partout, y compris aux enfers ... Comment tromper sa vigilance ?
*** ]U acte:
Ainsi dit Jonas. Rouges ses yeux roulaient, (20) Son front vultueux de sueur ruisselait ; Mais les marchands ne faisaient que rire saru; changer, Marchander, tricher, disputer ou manger..• Et Jonas s'enfuit, tililide et triste tête, Dans les senteurs croupies d'bm1e et de pastèque.
le rire de.!I mercantis promeut le ({ prophète}) en « comé-
« Dieu» peut être heureux de son fils fidèle et zélé. De la colère qui lui crispe le visage, qui lui fait rouler de gros yeux rouges. Mais pourquoi cette détresse qui transpire à grosses gouttes? Pourquoi cette tînùdité qui ôte son effet à J'indignation ? Vèritable gaffe neuro-végétative ! Elle achève la confusion du prophète et - par là - de son mandant lui-même. Le sermon n'aura servi qu'à faire rire. Or, dans cette hilarité, Jonas, le metteur en scène, triomphe sur le personnage « Jonas le prophète ». En posant thèse et antithèse à la fois, cet hégélien d'un cru original a aussi inventé la synthèse à sa manière. n a créé un rôle par lui inédit dans le Théâtre du Monde : celui du gaffeur qui porte au jour la vérité par son étourderie même. Car le ridicule tue les faux personnages et il ne reste plus au "prophète»·de-« Dieu» qu'à s'esbigner avec son hunùllation : îlest mort pour la Scène du Monde. Sous le masque dela honte, l'Instinct jubile et bande.
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IONAS
A NINIVE
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acte: l'anti-gaffe : elle est mise ell échec par l'érection; le comédien" promu en créateur d'événements
(25) Second soir l'égara sur la seconde agora : Mimes et masques tenaient là grand gala. Ds se tortillaient dans le sable lubriquement Et s'entrebaisaient... publiquement ! Or là Jonas, gravissant gradins et grades (30) D'un trait, tel cri jaillit de l'hirsute face ; Taureau entre en lice, eût-on pensé, qui beugle. Et l'avide frayeur d'ébahir le peuple Tandis que le Seigneur tonnait du prophète ; « Tremble Ninive et jeûne! Finie la fête 1 (35) « Avant que trente et neuf jours se soient éteints, « Le jour de Niniveh de sang sera teint 1»
Oui, le personnage « Jonas", le grand condamneur de Soest fini pour la Scène du Monde. Or, qnant à Jonas, son auteur, il vient d'être consacré, de par le rire même du public), dramaturge professionnel. Le gaffeur s'est reconnu; faiseur de comédie. Voilà son demiL'! gain, voilà ce qu'en ce 'i. deuxième acte il devrait restituer. Ainsi le dramaturge, auteur du Théâtre du Monde, aura-t-il à renouveler son répertnire : son nouveau programme portera pour titre: l'Anti-théâtre. Comment en est-il arrivé là ? Rappelons-le. La mise en scène la gaffe a paralysé le « Scigneuf}>, l'a forcé d'assister, à l'abomination : Jonas engloutissant, dans sa sulfureuse, avec et y compris les rires moqueurs, tout commerce sodomique des marchands de Ninive. « Et Jonas s'cnfuit timide et triste tête)} : la défaite de «Dieu» est con· t,X sommée sous son propre regard. De son côté, Jonas a compris avait fait le saltimbanque, que lni aussi, comme les mar· ,ohands, avait joué sur le désir des autres. D'avoir été un, gaffeur, 'cA'·voir fait rire par la contradiction inconsciemment calculée son personnage, tout en neutralisant l'exigence « divine », révélé en lni, pour lui, tout un théâtre du désir. Ce thélitre l'œuvre, s'il ne l'expulse pas derechef hors de lui, risque de visible son effet: la suprême incongruité de l'érection. effet, il existe désormais en lui un lieu de la Représentation Yi';t_ 'i"execut!on par «Jeture a 1 eau» ....................
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JONAS
CHAplTRl! II
CHAPITRE
La parabole de la courge
Jonas dans le Poisson
Commentaire: le Sexe en {( Dieu» gardé . ........ " . . .
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« Le sexe dans le sexe» • • . . . • . . .. .. • . • . . . . . . . . . • . .. •
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Le Penser : son essence déicide ...... . . . . . . . .. • • . .. . L'Apostrophe comme dissimulation.. .. .........•.... Essouffiement de/par l'Imaginaire aphasique .•.•..•... « Maître-esclave» ou l'Imaginaire mis en mots ...•...• Le Réciproque ou la feinte du Tiers c:!tclu .•..... , . • . • • Le Mentir: référence occulte au Tiers inclus ...••..•.. Sortie de l'Imaginaire ..............................
CHAPITRE III
Jonas à Ninive
Commentaire: au troisième acle mourra le « Seigneur» . . Le « prophète» devenu « juriste ». II part pour mettre en scène son procès .. . . . . . • • . . .. . . . . . . . . . . . .. .. . • . . . Décors :. les labyrinthes du désir .................... 1" ACTIl : 1" gaffe : le « sale» au figUré se rit du « sale» au propre .................................... '" lU ACTE: 2' gaffe: le {{ sale» au propre prêche le «propre» au figuré . . .. . . . . . . . . .. .. .. . . .. . • . . . . .. . • .. • 1" ACTE : le rire des mercantis promeut le « prophète» en « comédien» ......... , . • . . . . .. .. . . .. . . . . .. . . . . . • . 2' ACTE : l'anti-gaffe : elle cst mise en éehec par l'érection, le« comédien» promu en créateur d'événements ..... Interlude (chorégraphie) : les rêveries d'un phallus .•..•. 3' ACTE: a) amusements royau1i. : le cirque ou l'événement ma1trisé ................................... 3' ACTIl : b) imminence d'orgasme; phallus arraché; le cinématographe: le cirque maîtrisé ..•............. 3' ACTE : c) le désir anachorète: horreur de l'inces!e .. 3< ACTE : d) l'Clldipe d'un {( prophète» : {( puisses-tu snpprimer Ton amourewt ct n'aimer que moi» .....•...• 3' ACTE : e) le dénouement : une déception calculée. « Dieu» préfère Ninive. (Qu 'TI meure!) .. .. .. .. • .. .. •
IV
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O,mm(!1flafre, sémina/ions: les « Dieux» sont motlels, vive l'Homme 1 ..................................
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Pressentiments de la fécondité .. . • . . • . .. . . • • .. .. . • . • Le coup de grâce à {{ Dieu» .. .. . . . . • . . . • • . .. . . .. .. Pollution ......................................... Le petit ver d'une pensée ........................... La maîtrise du non-jouir.. . . . • .. • .. . . . . • • . .. . . .. . . • . Le désir va l'emporter . .. . . . .. . . .. • . .. . . . . .. .. . . .. .. . La mort de l'analyste .............................. Une voix d'outre-tombe.......... . ....... ........ . .• Une réplique terre-à-terre .......................... Les {( Dieu1i.» sont mortels, vive l'Homme .•..•..•...• La voix d'outre-tombe s'est tue .............. , . . . .. ..
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