Jacques GARELLO Georges LANE
FUTUR DES RETRAITES &
RETRAITES DU FUTUR II. Les retraites du futur: la capitalisation
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Jacques GARELLO Georges LANE
FUTUR DES RETRAITES &
RETRAITES DU FUTUR II. Les retraites du futur: la capitalisation
IREF CONTRIBUABLES ASSOCIES Éditeurs
L'IREF, Institut de Recherches Economiques et Fiscales, a été fondé en 2002 par des universitaires et des personnalités du monde des affaires pour observer et analyser les politiques économiques actuelles, en particulier dans une Europe confrontée aux défis de la mondialisation. L'IREF veut être l'un des acteurs d'un débat rigoureux et non partisan autour des réformes mises en œuvre dans l'espace européen. Au cœur de ces réformes, celles qui concernent la fiscalité sont déterminantes, car elles impliquent de véritables choix de société. Dans certains pays, dont la France, ces choix sont difficiles ou différés. L'IREF se propose de les éclairer. L'IREF a tenu des colloques dans l'Europe entière: Rome, 20 janvier 2004 : Fiscal federalism in the European Union. Paris, 24 avril 2004 : Le.futur des impôts en Europe. Aix-en-Provence, 30 août 2004: La fiscalité et l'esprit d'entreprise. Bruxelles, 28 septembre 2005: Public Debt today, Unemployement tomorrow. Genève, 6 décembre 2005 : Dette publique aujourd'hui, chômage demain. Prague, 23 avril 2006 : Taxation and Justice. Paris, 10 mai 2006: La flat tax: faire de l'Europe un paradis fiscal. Lyon, 1er juin 2006 : Finances locales et décentralisation. Aix-en-Provence, 29 août 2006: Concurrence ou harmonisation fiscale en Europe? Turin, 13 mars 2007 : La loi Director: qui bénéficie des transferts sociaux de l'État ? Berlin, 9 novembre 2007 : La concurrence fiscale pour un État responsable. Prague, 18 avril 2008 : European Tax: Bad or Good ? Zurich, 25 novelnbre 2008 : Steuerwettbewerb heute und morgen (La concurrence.fiscale aujourd'hui et demain).
PRÉFACE Il ne suffit pas de dire : en France nos retraites sont menacées. Il faut aussi savoir pourquoi il en est ainsi, et quelles solutions adopter. Pourquoi en est-il ainsi? Dans un premier volume (Le futur de la répartition) nous avons expliqué que tout le mal du système français vient de ce qu'il est bâti autour du principe de la répartition. Consistant à donner aux retraités l'argent des cotisations payées par les actifs, la répartition est un piège auquel n'échappe aucun pays comme le nôtre, où il y a de moins en moins de cotisants et de plus en plus de pensionnés. Cela a été dit et redit par tous les rapports officiels, émanant de nos gouvernants, de nos experts, de nos statisticiens, des études nationales et internationales. Il y a profusion d'arguments et de chiffres qui annoncent la catastrophe. Nous nous sommes contentés de les rendre accessibles et compréhensibles, mais aussi de nous étonner du silence et de l'inconscience de ceux qui, les ayant connus, continuent de vanter les mérites de la répartition et compromettent ainsi l'avenir des retraites. Quelles solutions adopter? En apparence tout a été tenté en France dans le cadre des quelque cinquante réformes du système depuis 1945. Mais ces « solutions» n'ont été que variations autour du même thème : donnez un peu plus, et recevez un peu moins. En fait, personne à ce jour n'a voulu envisager sérieusement ni même évoquer publiquement la seule solution qui s'impose : sortir du piège de la répartition. Nous avons expliqué cet entêtement par l'intérêt des acteurs et gestionnaires du système actuel, par le privilège de certaines catégories, mais aussi par l'ignorance, la désinformation et l'idéologie qui ont balayé d'un revers de main les solutions à base de capitalisation. Pourtant, ces solutions ont été accueillies et pratiquées dans un grand nombre de pays, et bien que diverses elles tournent toujours autour de la même idée: introduire ou développer des éléments de capitalisation, et réduire ou supprimer les éléments de répartition..
Mais qui, en France, se soucie de ce qui se fait à l'étranger? Le discours officiel est à la gloire de l'exception française, dans ce domaine comme dans d'autres. Il apparaît hélas que notre système est loin d'être le meilleur, il est peut-être le pire. L'opinion publique commence à s'inquiéter; les sondages révèlent que deux Français sur trois ont perdu confiance dans le systèlTIe de retraites, et seraient prêts à en changer. Nous estimons qu'il faut répondre avec précision à cette attente, pour l'instant diffuse et inquiète. L'objet de ce nouveau volume est d'analyser ce qui a été fait ou qui est en train de se faire dans plusieurs pays étrangers. Certes le problème des retraites se pose en termes spécifiques en France: les promesses y ont été plus généreuses qu'ailleurs - ce qui fait qu'on a plus de mal à les tenir, les moyens financiers ont été amoindris pour de lTIultiples raisons particulières l, et les réticences aux vraies réformes y sont plus fortes. Certes les pays étrangers connaissent eux-mêmes des situations fort diverses. Il n'y a donc pas un « lTIodèle » applicable n'importe où du jour au lendemain. Mais il y a des idées, des techniques, des institutions et des comportements dont les réformes françaises pourraient s'inspirer, alors que l'on CalTIpe aujourd'hui dans un immobilisme angoissé et angoissant. Passer en revue quelques-uns des systèmes de retraites pratiqués dans le monde entier, en tirer des enseignements: cette tâche n'est ni originale, ni satisfaisante. Elle n'est pas originale puisque depuis vingt ans au moins des organisations internationales ont présenté le « panorama» des retraites: la Banque mondiale, l'Union européenne, l'OCDE ont proposé des données statistiques et des analyses qui permettent une certaine « comparabilité ». Il n'est pas question d'ignorer ce travail de grande qualité, qui n'a malheureusement jamais été présenté au grand public et n'a circulé que dans les cercles d'initiés. Faute de vulgarisation, la tâche accomplie n'est pas satisfaisante. Mais elle ne l'est pas non plus pour une deuxième raison: il
1. Par exetTIple la durée de la vie active est une des tTIoins longues, le chôtTIage a été plus élevé et le temps de travail plus réduit.: autant de réductions du nombre des cotisants et de la base des cotisations. D'autre part le produit des privatisations a été gaspillé, il a servi d'argent de poche à l'Etat.
s'agit d'études purement descriptives qUI ne permettent pas d'aborder deux questions de fond : - le nécessaire abandon à terme du principe de répartition; - la politique de nature à accélérer et faciliter la transition de la répartition à la capitalisation 2 • Nous n'avons pas les mêmes pudeurs, et nous nous faisons un devoir, comme dans notre précédent volume, de dire toute la vérité aux Français. Il faut aller au bout de l'observation des expériences étrangères, et ne pas hésiter à juger les systèmes et leurs réformes. Pour cela, nous avons bénéficié des études et des opinions du réseau des économistes européens regroupés au sein de l'IREF, mais aussi de certains des acteurs des réformes les plus célèbres, comme José Piflera au Chili, ou l'équipe de Cato Institute à Washington. Nous réserverons à un troisième et dernier volume le soin d'explorer les conditions, les étapes et les résultats prévisibles de la transition de la répartition à la capitalisation. À l'étranger, toutes les réformes réussies à ce jour convergent vers la capitalisation: pourquoi ne pas y passer le plus vite possible en France? Jacques GARELLO et Georges LANE 4 novembre 2008
2. Seuls deux ITIodèles, ceux de Holzman et MacKinnon ont réellement poussé la recherche sur ce point, ITIais bien que souvent cités ils n'ont pas été exploités par les rapports internationaux consécutifs. « On economic benefits and fiscal requireITIents of Inoving froln unfunded to funded pensions », European Economy Reports and Studies, avril 1997. « Il faut libéraliser progressivement », Le Figaro, 25 janvier 1991.
AVERTISSEMENT AUX LECTEURS Ce volume est le deuxième d'une trilogie consacrée aux retraites. Certains d'entre vous auront parcouru ou étudié le premier volume, consacré essentiellement au système actuel des retraites en France. Celui-ci, soumis maintenant à votre attention, devrait jouir des qualités que nous avions voulues pour le précédent: simplicité, qui n'exclut pas la rigueur, clarté, qui n'exclut pas la précision. La tâche était pourtant plus difficile. Pour vous en convaincre, voyez les grands rapports internationaux qui proposent un panorama des retraites dans les pays de l'Union Européenne, ou de l'OCDE: des experts s'adressent à des experts. Il est impossible, pour les lecteurs non experts mais simplement cultivés et intéressés que vous êtes, de déchiffrer des partitions aussi compliquées, et de dégager la substantifique moelle de ces informations. Nous avons voulu un autre style: des économistes parlent à des assurés et des contribuables. Ce langage parlé vous épargnera les affres d'un vocabulaire technique, les perplexités devant les chiffres et les tableaux. Le premier chapitre, paradoxalement, est une synthèse des conclusions de notre étude: c'est le moyen d'embrasser le sujet dans toute sa dimension pour vous mieux préparer à ce qui suit. Ce qui suit, c'est une exploration approfondie des réformes en cours dans trente trois pays, avec un fil d'Ariane pour vous reconnaître dans le labyrinthe de systèmes de retraites si divers. Le troisième chapitre, le plus long, contient une série de dix articles que vous parcourrez à votre guise, ils viennent illustrer les conclusions du chapitre précédent. Enfin et non le moindre, nous nous sommes proposés d'adjoindre un quatrième et dernier chapitre pour faire quelques rappels fondamentaux sur ce qu'est la capitalisation, sur ce que sont les marchés financiers. Au prétexte de crise financière, les adversaires de la capitalisation chantent victoire aujourd'hui. Ils le font en maquillant la réalité, faisant passer les promesses de la capitalisation pour une mystification. Il est temps, ici comlne ailleurs, de rétablir la vérité.
Nos efforts de présentation et de simplification ne doivent cependant pas priver ceux d'entre vous qui le désirent des informations et des argumentations scientifiquement établies qui soustendent le texte. Vous les trouverez en notes, en annexes, et dans tous les renvois à des rapports, articles et ouvrages qui seront regroupés dans le site de l'IREF, www.irefeurope.org. Si ce deuxième volume a l'heur de vous convaincre que les retraites du futur, telles qu'elles se mettent en place dès aujourd'hui dans plusieurs pays, sont bâties sur le socle de la capitalisation, vous attendrez avec impatience le troisièlne volume de la trilogie, à paraître au printemps prochain. Il détaillera comment organiser en France la transition de la répartition à la capitalisation; ce travail est inédit, à notre connaissance.
Chapitre 1
QUELLES LEÇONS DE L'ÉTRANGER? Oublions un instant la France pour regarder autour de nous. En dépit de l'extrême diversité des situations et des politiques, quelques impressions générales se dégagent de ce qui s'est passé dans la plupart des pays depuis quelque trente ans 3 . 10·Le constat de l'échec inéluctable de la répartition est bien établi partout, et en général il conduit à des réformes ou des projets de réforme. 2° Les réformes sont introduites avec plus ou moins de rapidité et d'intensité suivant le contexte politique 3° Faute de pouvoir sauver la répartition, pilier chancelant du système de retraites, les réformes durables introduisent des doses croissantes de capitalisation dans le « deuxième pilier» constitué par les régimes complémentaires. 4° Le financement de la nouvelle capitalisation est assuré par les cotisants, salariés ou employeurs, libres d'y affecter tout ou partie de leurs cotisations. 5° Sous forme de garantie d'un minimulTI de ressources aux retraités, l'Etat s'engage à combler par l'impôt les défaillances de la répartition. 6° Une place croissante est donnée à un « troisième pilier », né d'une épargne ·-librement constituée, qui est assurément en capitalisation, et dont la gestion est le plus-souvent entre les mains d'opérateurs privés. 7° Une loi d'évolution des systèmes de retraite peut ainsi s'observer: - de la répartition à la capitalisation, - de l'obligatoire vers le volontaire, - du monopole vers la concurrence, - du public vers le privé, - du budgétaire vers le financier (des finances publiques vers le marché financier).
3. La première « révolution» en Inatière de retraites date de 1980 au Chili.
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1. LES VIEILLARDS MENDIANTS: FIN DES ILLUSIONS SUR lLA RÉ?ARTITION La France n'est pas le seul pays où le système des retraites par répartition est inéluctablement promis à l'explosion, mais c'est un des rares pays, pour ne pas dire le seul, où les dirigeants cultivent encore l'espoir de le sauver. Le vieillisselnent de la population est un phénomène mondial. En 2040, sur notre planète il y aura selon toute vraisemblance 2 milliards de personnes de plus de 60 ans, représentant 30 % de l'ensemble, alors qu'il y en avait 800 millions en 1960, soit 18 %. La situation est encore plus tranchée en ce qui concerne les pays hautement développés, membres de l'Union Européenne et/ou de l'OCDE. Le vieillissement est la résultante de l'allongement de la durée de vie, qui doit être salué comme un grand progrès social, et de la dénatalité, qui au-delà d'un certain niveau devient alarmante. Parallèlement la durée de la vie active, pendant laquelle on peut gagner de l'argent, se réduit, résultat de l'allongement de la période de formation (source de qualité des hommes, de leur productivité et de leur épanouissement personnel) et de l'anticipation de la retraite: une bonne chose quand on peut cOlnpter sur des pensions substantielles. Mais les pensions n'ont aucune chance d'être substantielles quand elles sont organisées suivant le principe de la répartition, dont l'équilibre dépend précisément de la proportion entre générations jeunes et âgées. Ainsi les personnes âgées seront-elles condamnées au mieux à une lourde perte de leur pouvoir d'achat, et au pire à la pauvreté - il faudra vivoter de la charité publique. Cette situation sera incompréhensible et révoltante pour des gens qui auront cotisé toute leur vie. Pour autant les générations suivantes n'en seront pas mieux loties: non seulement on leur demandera d'éponger une dette sociale astronomique, mais on ne pourra rien leur garantir pour leurs vieux jours. Cette logique implacable a été comprise dans tous les pays étrangers, et qu'il s'agisse d'études nationales ou de rapports internationaux, la faillite de la répartition ne fait aucun doute nulle part. Mais, plus Îlnportant encore, cette prise de conscience entraîne dans tous les pays deux réactions: - d'une part un large consensus national se crée autour de cette prospective, l'échec de la répartition est reconnu par tous les
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intéressés, mais aussi par toutes les formations politiques; on n'entend aucun des discours émollients sur le «sauvetage de la répartition », - d'autre part l'impérieuse nécessité d'engager des réformes et l'amorce d'un processus réformateur apparaissent très vite, même si la mise en œuvre est ensuite plus laborieuse. Ainsi l'opinion publique allemande est-elle alertée en 2003 par la Commission Rürup, qui établit qu'en 2040 il Y aura en Allemagne seulement 58 % de la population en âge de travailler, tandis que 31 % des Allemands auront 65 ans ou plus. Et le gouvernement Schroder, pourtant responsable de mesures ayant quelques mois auparavant ignoré les données démographiques, se fera un devoir d'orienter les réformes du régime de retraites dans une toute nouvelle direction. On introduit alors l'idée d'un système de retraites « durable» 4.
2. LA RÉFORME: UN CHOIX POLITIQUE L'exemple allemand souligne l'importance du contexte politique dans le lancement des réformes. Si tous les pays sont désormais conscients de l'échec d'un système bâti sur la seule répartition, et si la population et les dirigeants ressentent l'importance et l'urgence de réformes, il faut souvent plusieurs années pour que les réformes mûrissent et s'affirment. La Roumanie, par exemple, offre un bon exemple de tergiversations dues au calendrier électoral et à la fragilité des coalitions de partis. Elu en 1996, le gouvernement de centre droit met quatre ans pour proposer un texte qui sera promulgué par ordonnance deux jours avant les élections de 2000. La coalition de centre gauche qui succède s'empressera de l'abroger . Mais une nouvelle majorité en place en 2004 reprendra un texte voisin de celui de 2000; il faudra cependant attendre 2006 pour avoir un vote sur une loi programmée depuis 1996, encore n' entre-t-elle réellement en vigueur qu'en 2008, dernière année du cycle électoral. Par contraste, au Chili en 1980, il faudra moins d'une année à Jose Piffera, Ministre du travail, pour présenter un projet et le 4. On parle aussi, de façon peu élégante, de la « viabilité» d'un systèlne (Sustainability) A tout prendre il vaudrait lnieux dire « longévité ».
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faire accepter par la classe politique, les partenaires sociaux et l'opinion publique. Présenté le 1er tuai, intégré dans le referendum constitutionnel du Il août, présenté à la télévision le 1er novembre, le texte prévoyant le passage à la capitalisation sera opérationnel avant la fin de l'année 1980, et dès le premier mois un quart des travailleurs avaient déjà fait les démarches nécessaires pour en bénéficier. Auteur de la réforme des régimes de santé en Nouvelle Zélande en 1994, sir Roger Douglas, premier ministre travailliste, déclarait au cours de son dernier passage à Paris: «La seule condition pour lancer et réussir une réforme, c'est le courage politique ». Cette vertu est assez mal partagée dans les divers pays, et cela explique pourquoi des réformes s'embourbent et, finalement déçoivent. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, le choix entre gradualisme et thérapie de choc est déterminant. Revoir de fond en comble un système de retraites: cette tâche a une dimension institutionnelle, qui va bien au-delà des aménagements techniques. Dans les pays où l'environnement institutionnel a gardé une certaine souplesse et où une certaine harmonie sociale existe, les réformes peuvent être rapidement décidées et mises en œuvre. L'affaire est bien plus cOlupliquée dans les pays où les institutions sont rigides et les clivages sociaux prononcés. De ce point de vue, la Suisse est une bonne référence. Les réformes introduites dans le système des retraites ont été sagement débattues, soumises à vote précis, et respectueuses des principes constitutionnels de la Confédération. On ne «bricole» pas les textes - comme on l'a fait en Roumanie où la loi sur les retraites de 2000 a subi plus de 50 modifications au 26 juin 2008. C'est peut-être l'ampleur des révisions institutionnelles à entreprendre qui effraie un certain nombre de réformateurs, notamment en France. En effet, il faudrait souvent un courage peu commun pour se battre sur tant de fronts à la fois. Il est difficile d'être sim\lltanément présent sur le front des institutions et sur celui des élections: le calendrier électoral invite à privilégier le court terme au détriment des changements indispensables dans le long terme.
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3. LA CAPITALISATION TRANSFORME LE« DEUXIÈME PILIER» Plus ou moins bien pensées, plus ou moins bien reçues, les réformes pratiquées à ce jour dans les pays étrangers sont, à notre connaissance, en sens unique: vers la capitalisation. Sans doute dans de nombreux pays a-t-on cherché aussi à modifier les régimes par répartition pour en limiter les dégâts. De ce point de vue, le recul de l'âge de la retraite, l'allongement de la période de cotisations, les nouvelles modalités de calcul des pensions et des prélèvements sociaux, l'encouragement au travail des seniors, la fiscalisation du financement, sont les recettes les plus souvent utilisées. Elles tiennent encore la vedette dans les débats et les mesures prises par les gouvernements; elles tiennent même un rôle exclusif en France. Mais, comme nous l'avons déjà démontré, ce sont des emplâtres sur des jambes de bois. Les déficits sont provisoirement réduits et les échéances pour un temps retardées, mais le principe de la répartition, facteur d'explosion imminente (à l'échelle d'une génération), n'en est pas pour autant remis en cause. Ces réformes sont donc purement dilatoires. Et en rester là constitue une erreur fatale. C'est ce qui a été compris par de nombreux réformateurs qui, au-delà des artifices dilatoires, vont faire de la capitalisation le complément ou le substitut partiel de la répartition (en préparant souvent son abandon total).
Le deuxième pilier: les retraites complémentaires Constituant un « deuxième pilier» du système, les retraites « complémentaires» existaient depuis longtemps : c'est dire que le «premier pilier », obligatoire et en répartition, a très tôt appelé quelque soutien. En France, si le premier pilier est celui du régime général, le deuxième est celui de l'ARRCO pour les salariés non cadres et de l'AGIRC pour les cadres 5 . Mais ce pilier est toujours 5. ARRCO: Association des Régitnes de Retraites COmplémentaires, AGIRC : Association Générale et Interprofessionnelle des Retraites des Cadres. Depuis 1995 les deux sont regroupées dans l'AGRR (Association Générale des Régimes de Retraites). Le mot « association» est sympathique, il recèle en réalité le désir d'opérer des transfusions incessantes. Le principe des « vases communicants », décrit dans notre volume l, est une pritne à la mauvaise gestion: les régimes excédentaires compensent les déficitaires.
18 en répartition, bien que certains y voient une grande originalité par rapport au régime général, puisque ces retraites complémentaires sont « par points ». Répétons-Ie 6 : la seule différence actuellement chez nous entre premier et deuxième piliers est que les cotisations dans le premier donnent un montant de « droits acquis» fonction de la période de cotisation et qu'elles ne sont pas laissées à la guise du cotisant, tandis que dans le deuxième elles permettent d'avoir des «points », suivant une valeur de points fixée par les gestionnaires, le cotisant étant libre d'accroître son nombre de « points» par des cotisations supérieures. Dans un cas une cotisation de juste 100 euros donne un droit à retraite de 100 euros environ 7 , dans l'autre elle attribue 20 points si la valeur du point est de 5 euros. Mais, que ce soit dans un cas ou dans l'autre, les 100 euros ne sont pas placés en capital et ne seront donc pas fructifiés, ils sont sur-le-champ utilisés à payer les pensions des retraités du moment. Le fait que le cotisant puisse «accumuler» des points de retraites complémentaires donne l'illusion de la capitalisation, puisqu'il sera à la tête d'un « capital de points» plus important, mais cela ne constitue pas pour autant une capitalisation, c'est simplement une addition. C'est cette illusion que l'on a dissipée dans plusieurs pays, où le deuxième pilier est devenu, au moins en partie, un système de retraites par capitalisation. Deux changements y sont donc intervenus: 10 Certains pays, comme la Suisse, avaient déjà un deuxième pilier entièrement en capitalisation. Ici la réforme a consisté à renforcer ce pilier, et à inciter les assurés à cotiser davantage, notamment par des mesures d'exonération fiscale. Du même coup, le poids du premier pilier en répartition diminue. On peut aussi transformer un deuxième pilier jusque là obligatoire en facultatif suivant une proportion fixée par la loi ou laissée à l'appréciation de l'assuré (ou obtenue par un mélange des deux). La logique de cette dernière mesure est de donner plus de liberté aux assurés pour 6. Pour l'explication cOlnplète, cf. Volume 1 pp. 104-107 7. « Environ» est un adverbe qui se justifie ici pour le système français, où le «taux d'appel» peut être supérieur au taux de cotisation obligatoire. Pour 100 euros de droits acquis, les caisses peuvent «appeler» par exemple 110 euros de cotisations. Cette anolnalïe arbitraire a été dénoncée maintes fois. Cf. par exemple Babeau, La.fin des Retraites, Hachette (1985) : De 1983 à 1986, le taux d'appel a été fixé à 115 % (p.305).
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organiser leur retraite. Elle ouvre la voie au «troisième pilier », constitué par l'épargne volontaire et la pleine autonomie de la gestion patrimoniale: les retraites deviennent de plus en plus l'affaire des assurés, de moins en moins celle de l'Etat ou des caisses publiques. 2° Dans d'autres pays, plus nombreux, le deuxièlue pilier était complètement en répartition, comme en France. Mais, à la différence de la France, la réforme a introduit des éléments de capitalisation de plus en plus importants, le deuxième pilier est ainsi devenu mixte. Cette mixité a souvent été mise en place en prenant en compte la distinction entre cotisations des employeurs et cotisations des salariés. Bien que cette distinction n'ait aucune signification économique ou sociale réelle - puisque dans les deux cas c'est sur la valeur du travail du salarié que les prélèvements sont opérés 8 - elle est assez commode pour la pratique des réformes. En effet on va pouvoir envisager - soit de laisser au salarié la liberté de placer en capitalisation la « part salariale» des cotisations - le salarié peut aussi choisir de rester dans son système actuel - soit de demander à l'employeur d'accroître sa cotisation pour alimenter un compte de retraites capitalisé au bénéfice de l'employé; cet abondement peut être obligatoire ou volontaire (avec ou sans incitation publique).
La part salariale en capitalisation La première méthode est actuellement en œuvre en Allemagne et dans plusieurs pays d'Europe Centrale et de l'Est. En Allemagne, la «part salariale» représente la moitié du total des cotisations sociales. Non seulement les salariés allemands sont autorisés à cotiser en capitalisation dans le cadre d'un deuxième pilier, mais l'Etat grossit ces cotisations de subventions financées par le budget national. Ce sont les « pensions Riester » ; mises en place en 1997 et peu pratiquées durant les premières années de leur lancement elles concernent aujourd'hui Il millions d'assurés. Les assurés ont totale liberté de choix de leurs placements, pourvu qu'ils soient confiés à des sociétés d'investissements certifiées par l'Etat. On notera au passage la conformité de cette réforme aux 8. Cf. le Volume 1 pp 72-74. où l'on fait référence au concept de « salaire complet ».
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directives européennes de 1992 ouvrant à la concurrence le marché de l'assurance 9 . La part salariale des cotisations est plus lTIodeste dans des pays comme la Pologne, la Lituanie ou la Roumanie - entre autres. Elle représente autour de 5 % du salaire brut. Ici la réforme a consisté à augmenter progressivement la proportion de leurs cotisations dont les assurés pouvaient disposer librelTIent (et placer en capitalisation). Quand il n'existait pas, comme en ROUlTIanie, un deuxième pilier a été mis en place, mais en capitalisation seulement. Au 1er Juillet 2006 la Roumanie a libéré 2 % de cotisations obligatoires des salariés (sur 9,5 %) pour qu'ils puissent constituer un compte de capitalisation auprès d'un fonds de pension de leur libre choix. Le pourcentage sera augmenté au rythme de 0,5 % par an jusqu'à atteindre 6 % (en 2016). Ces placements sont exonérés d'impôts. Fin 2007, plus d'un Roumain sur trois ayant obligation de cotiser au deuxième pilier a choisi le placement. Pour sa part la Lituanie s'est donnée en 2003 un nouveau système, avec la possibilité de distraire une partie des cotisations obligatoires versées jusque là à l' organiSlTIe public de sécurité sociale (Sobra) pour l'affecter à un fonds de pension privé de leur choix. Ces cotisations en capitalisation ont représenté au départ (1er Janvier 2004) 2,5 % du salaire, elles ont atteint 5,5 % en 2007, et un tiers des assurés ont souscrit au nouveau système.
La capitalisation financée par les employeurs S'agissant maintenant de la contribution des employeurs (dénommée en France «part patronale»), une partie croissante peut en être affectée à un compte de capitalisation, pour compenser les pertes que les salariés subiront avec la répartition. Bien avant l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher les gouvernements anglais ont donné aux salariés la possibilité de « renoncer» au système public pour s'engager dans des régimes professionnels en capitalisation, des incitations fiscales les y ont poussés. Aux Etats-Unis, les entreprises ont assuré ce financement, d'autant plus qu'il n'y a pas de cotisation salariale obligatoire:
9. Des directives que la France a systélnatiquelnent refusé d'appliquer, au prétexte fallacieux que la «Sécurité Sociale» n'était pas une société d' assurance (mais pourquoi lui conserver le n10nopole de l'assurance vieillesse ?).
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aucune retenue sur salaires pour les retraites. La plupart des entreprises ont accepté cette charge sociale sans hésitation, et elles ont plutôt considéré cette capitalisation en faveur de leurs salariés comme un supplément de salaire et un avantage social de nature à fidéliser la main d' œuvre de qualité. La question demeure cependant ouverte du choix des fonds de pension: est-il à la discrétion totale des salariés, ou des entreprises? L'affaire Enron a montré les dangers de la méthode consistant à laisser une entreprise (malhonnête il est vrai) gérer totalement et sans contrôle les retraites de ses salariés. Les apports en capitalisation des entreprises à leurs salariés devraient plutôt être considérés comme un droit acquis par les salariés, susceptible d'être utilisé (et par exemple d'être transmis ou hypothéqué) par les salariés, personnellement. C'est vers cette pratique que l'on s'oriente actuellement aux Etats-Unis (sous réserve de refonte complète de la protection sociale par le nouveau président).
4. lLES GARANTIES D'UNE RETRAITE MINIMALE L'introduction de la capitalisation dans un deuxième pilier, quelles qu'en soient les modalités, revient à substituer une logique de l'assurance à un principe de solidarité. Certes, et nous y insisterons beaucoup, l'assurance n'exclut pas la solidarité. Mais la distinction entre assurance et solidarité est à la mode dans les discours officiels, et elle a un contenu réel si on veut entendre par là que des personnes non assurées (voire même mal assurées) ne peuvent être laissées sans ressources une fois la retraite venue. Il appal1ient alors de faire jouer la solidarité: solidarité volontaire et privée quand la famille, ou les amis, ou les associations charitables prennent en charge les personnes âgées, solidarité obligatoire et publique quand le minimulTI social sera apporté par la communauté nationale des contribuables. Un des arguments majeurs habituellement utilisés en France pour rejeter la capitalisation consiste à dire que certains de nos compatriotes, touchant de bas salaires, seraient dans l'incapacité financière de payer des primes suffisantes pour assurer leurs vieux jours, tandis que d'autres n'auraient pas la sagesse de mettre de l'argent de côté. Il faudrait donc protéger les impécunieux et les insouciants, et seule la répartition y pourvoirait, puisque tout le monde paie pour tout le monde.
22 Cet argument, inspiré par de bons sentiments, n'en demeure pas moins spécieux. D'abord il n'est pas question, s'agissant du deuxième pilier, d'ajouter des primes d'assurance à des cotisations obligatoires, mais bien de faire glisser celles-ci vers celles-là. Ensuite, les prÎlnes d'assurance en capitalisation ont un taux de rendement très supérieur à celui des cotisations en répartition, et avec des sommes inférieures de 60 % elles garantissent la même couverture. Enfin, pour calmer les craintes et tendre un «filet social» rien n'empêche de maintenir quelques éléments de solidarité dans un système principalement assuranciel. Une solution consiste ici à garder un premier pilier en répartition, financé par des cotisations très faibles, et destiné à garantir une retraite minimale. C'est le cas du Royaume Uni, où le système public assure réellement une couverture minimale avec deux régimes, l'un (BPS) conduisant à une pension minimale forfaitaire, l'autre à une pension calculée sur les gains (SERPS)10. En Suisse, le premier pilier a été institué en 1948 pour couvrir les « besoins vitaux» des retraités. Ce premier pilier représente 40 % du total des pensions versées, il est financé pour 80 % par les cotisations (8,4 % des salaires) et 20 % par les subventions du budget confédéral - suivant le principe de solidarité. Mais à peine 3 % des retraités ont ce premier pilier pour seule ressource. Les « exclus de la capitalisation» sont donc peu nombreux.
Lefilet socialfinancé par l'impôt Cependant, la solution la plus fréquente est recherchée aujourd'hui du côté de la fiscalité. Des retraites financées par l'impôt paraissent indispensables pour combler les défaillances du système par répartition. La situation des gens à bas salaires attire la sollicitude des pouvoirs publics, et les impôts volent ainsi au secours des retraites par répartition. Cette situation fait clairement apparaître que la répartition n'offre pas de garantie certaine et suffisante, et qu'elle ne satisfait pas aux exigences de la «justice sociale », qui a pourtant établi sa légitimité à l'origine. C'est donc au contribuable que l'on fait appel pour assurer une retraite minimale, ou un minimum vieillesse. Il est vrai que la pression fiscale étant impopulaire certains pays ont renoncé à demander un
1O. BSP : Basic State Pension, SERPS : Second Earning Related Pension State system, cf. infra ch. 3 p. 81.
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effort supplémentaire, et que l'on n'hésite pas alors à diminuer le niveau des pensions les plus faibles: les minima sont minimisés. Un tableau proposé par l'OCDE résume l'évolution enregistrée dans ses Etats membres entre 1990 et 2003. La tendance dominante est à augmenter les dépenses publiques destinées à financer les pensions. Dans la moitié des pays, la volonté de maintenir un haut niveau de pensions conduit à un engagement plus lourd des ressources publiques, c'est-à-dire à un effort supplémentaire exigé des contribuables.
Évolution des dépenses publiques consacrées aux retraites de 1990 à 2003 En % du produit intérieur brut
Mexique
0,60
1,20
hausse
Niveau des retraites bas
Corée
0,80
1,40
hausse
bas
Irlande
4,20
3,70
baisse
bas
Australie
3,70
4,10
hausse
bas
Islande
3,50
4,20
hausse
bas
Canada
4,30
4,40
hausse
bas
Nouvelle Zélande
7,40
4,50
baisse
bas
Pays Bas
7,00
5,80
baisse
bas
Royaume Uni
5,30
6,10
hausse
bas
1990
2003
tendance
Etats-Unis
6,10
6,30
hausse
bas
Finlande
8,10
6,40
baisse
bas
Luxembourg
9,60
6,50
baisse
bas
Slovaquie
6,60
6,50
baisse
moyen
Danemark
7,40
7,20
baisse
moyen
Suisse
5,80
7,20
hausse
moyen
Norvège
7,60
7,40
baisse
moyen
République Tchèque
6,10
8,00
hausse
moyen
Espagne Hongrie
8,10 8,00
8,40 8,70
hausse hausse
moyen moyen
Belgique
9,10
9,30
hausse
élevé
Japon
5,00
9,30
hausse
élevé
5,40
10,50
hausse
élevé
10,20
11,70
hausse
élevé
Portugal Allemagne
24 France
10,90
Grèce
12,30
hausse
élevé
11,10
12,40
hausse
élevé
Pologne
5,30
12,40
hausse
élevé
Autriche
11,90
13,20
hausse
élevé
Italie
10,20
13,90
hausse
élevé
6,70
7,70
hausse
moyen
OECO (moyenne)
Source: OECD, Pensions at a Glanee: Public Polieies Aeross OECD Countries - 2007 edition, p. 64
S'accrocher à la répartition, au prétexte qu'elle sauvegarde les retraites des gens les plus démunis, est donc un contresens, puisque c'est précisément la répartition qui conduit à la pauvreté des plus pauvres, et que la réaction, dans tous les pays (y compris la France) consiste à recourir de plus en plus à la fiscalité. Ce recours à la fiscalité appelle deux remarques: - d'une part les retraités eux-mêmes en pâtissent, puisqu'ils payent des impôts, notamment sous forme de TVA - sans compter les impôts sur les retraites quand ils existent (CSG et CRDS en France) - d'autre part la croissance des dépenses publiques devient intolérable au-delà d'un certain niveau, car elle engendre déficits et croissance de la dette publique - source de déséquilibres et de faillites encore plus graves à terme. C'est sans doute la raison pour laquelle le premier pilier de la répartition garde encore un certain intérêt, bien qu'il s'agisse d'un gaspillage des cotisations. L'alibi de la solidarité semble justifier ce gaspillage, alors qu'il vaudrait mieux rechercher la garantie d'une retraite minimale du côté de la solidarité. En termes d'assurance, la répartition est un non sens, en termes de solidarité, la répartition est inefficace. Telle est la conclusion qu'inspire l'évolution des régimes dans les divers pays sur ce point précis du « filet social ».
5. L'EXPANSION DU TROISIÈME PILIER Allons à l'autre bout de la distribution, et observons ce qui s'est passé du côté des plus fortunés, qui peuvent se couvrir du risque de faillite ou d'insuffisance des deux piliers précédents en
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constituant une épargne personnelle qui, placée entièrelnent en capitalisation, va leur assurer des vieux jours tranquilles - ou moins angoissés. Nous avons relevé dans notre première étude ce que ce troisième pilier pouvait avoir de choquant à première vue. Il crée en effet une inégalité entre ceux qui peuvent se l'offrir et ceux qui ne le peuvent pas. Ce sont les personnes les plus modestes qui se retrouvent prisonnières de la répartition, tandis que d'autres ont les moyens de se libérer d'une grande partie de leurs soucis pour l'avenir au prix d'un sacrifice comparativement léger. De plus, il est assez incongru, pour ne pas dire révoltant, qu'en France un assuré qui a déjà payé des cotisations obligatoires en répartition soit encore amené à payer des primes en capitalisation pour se prémunir contre la faillite de la répartition.
Le troisième pilier accessible à tous Ce que l'on observe dans les pays étrangers est cependant plus rassurant. On y a admis l'insuffisance des deux premiers piliers, et tout en réformant le deuxième, on a ouvert largement les portes du troisième pilier à un public de plus en plus élargi. Le troisième pilier n'est plus le privilège d'une minorité de riches. Cet élargissement a été possible grâce à plusieurs réformes: 10 Les unes ont allégé les cotisations des deux premiers piliers, parfois en abaissant les taux, tantôt en modifiant leurs bases de calcul, tantôt en les rendant totalement ou partiellement facultatives. Une épargne potentielle a été ainsi libérée, pouvant alimenter le troisième pilier. 2 0 Les autres ont rendu plus attractive et plus rentable l'épargne volontaire, grâce à des exonérations fiscales substantielles. 3 0 Les conditions de gestion par les fonds de penSIon et autres «institutions de transition» Il ont été assouplies, la concurrence a été introduite. 4 0 Enfin et surtout le marché financier a été rendu plus dynamique par une déréglementation prudente mais efficace, car les innovations qui permettent d'obtenir des taux de rendement et des taux de remplacement élevés naissent toujours sur le marché financier.
Il. Sur le concept d' « institutions de transition» cf. infra pp.27 ss.
26 Plus d'argent disponible pour la capitalisation, une capitalisation plus attractive et plus efficace : telles sont donc les voies de l'avenir, dans lesquelles se sont engagés nombre de pays étrangers.
Chacun gère sa retraite Il est certain que de ce point de vue, le Royaume Uni a donné beaucoup d'idées à d'autres pays. Contrairement à ce que l'on croit, la réforme des retraites n'a pas été initiée par Margaret Thatcher, mais bien par un gouvernement travailliste entre 1975 et 1978. Les assurés étaient jusque là assujettis à un système avec un premier pilier fait d'un premier élément BSP (Basic State Pension) en répartition, avec des cotisations forfaitaires et égales pour tous, et d'un second, SERPSS (Second Eaming-Related Pensions State system) en répartition toujours, mais avec des cotisations variant avec le niveau de salaires. En 1975, les travaillistes donnent aux assurés la possibilité de « renoncer» au système obligatoire public (