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Cancer du sein Compte-rendu du cours supérieur francophone de cancérologie (Saint-Paul-de-Vence, 13-15 janvier 2005)
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Moïse Namer Michel Héry Daniel Serin Marc Spielmann
Cancer du sein Compte-rendu du cours supérieur francophone de cancérologie (Saint-Paul-de-Vence, 13-15 janvier 2005)
Moïse Namer Centre Antoine-Lacassagne 33, avenue de Valombrose 06189 Nice
Michel Héry Centre Hospitalier Princesse-Grâce Avenue Pasteur 98000 Monaco
Daniel Serin Clinique Sainte-Catherine Service Radiothérapie 1750, Chemin du Lavarin 84082 Avignon Cedex 02
Marc Spielmann Institut Gustave-Roussy 39, rue Camille-Desmoulins 94805 Villejuif Cedex
ISBN-10 : 2-287-25174-X Springer Paris Berlin Heidelberg New York ISBN-13 : 978-2-287-25174-0 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, Paris, 2006 Imprimé en France Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante.
SPIN : 114 02 855
Maquette de couverture : Jean-François Montmarché
Liste des auteurs
AMAT S.
Centre Jean Perrin 58, rue Montalembert BP 392 63011 Clermont-Ferrand Cedex 1 INSERM U484 Rue Montalembert BP 184 63005 Clermont-Ferrand Cedex
ANDRÉ F.
Institut Gustave Roussy 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif
ANDRIEU N.
Inserm EMI 0006/Service de biostatistique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 05
ANTOINE M.
Université Paris VI Cancerest Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris
ARSOVSKI O.
Amicale Franco-Macédonienne Oncologique Skopje Macédoine CHU Skopje Oncologie Radiothérapie Macédoine
VI
Cancer du sein
ASSOUAD S.
Service d’oncologie médicale Hôpital Avicenne Assistance publique-Hôpitaux de Paris 125, rue Stalingrad 93009 Bobigny
AVENIN D.
Service d’oncologie médicale Hôpital Tenon Assistance publique-Hôpitaux de Paris 4, rue de la Chine 75020 Paris
BALU-MAESTRO C.
Centre Antoine Lacassagne 33, avenue de Valombrose 06189 Nice Cedex 02
BARRANGER E.
Université Paris VI Cancerest Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris
BEERBLOCK K.
Service d’oncologie médicale Hôpital Tenon Assistance publique-Hôpitaux de Paris 4, rue de la Chine 75020 Paris
BENAMOR M.
Département d’imagerie médicale Institut Curie 26, rue d’Ulm 75005 Paris
BERNAUDIN J.-F.
Université Paris VI Cancerest Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris
BERTUCCI F.
Département d’oncologie médicale Département d’oncologie moléculaire Institut Paoli-Calmettes 232, boulevard Sainte-Marguerite UMR599, IFR137 Université de la Méditerranée Marseille
Liste des auteurs VII BONNETERRE J.
Centre Oscar-Lambret Service cancérologie-gynécologie Rue Frédéric-Combemale 59020 Lille Cedex
BOURBOULOUX E.
CRLCC, Centre René Gauducheau Boulevard Jacques Monod 44805 Nantes Saint-Herblain Cedex
BREAU J.-L.
Service d’oncologie médicale Hôpital Avicenne Assistance publique-Hôpitaux de Paris 125, rue Stalingrad 93009 Bobigny
CAMPONE M.
CRLCC, Centre René Gauducheau Boulevard Jacques Monod 44805 Nantes Saint-Herblain cedex
CHÉREL P.
Centre René Huguenin Service de radiodiagnostic 35, rue dailly 92210 Saint-Cloud
CHOLLET P.
Centre Jean Perrin 58, rue Montalembert BP 392 63011 Clermont-Ferrand Cedex 1 INSERM U484 Rue Montalembert BP 184 63005 Clermont-Ferrand Cedex
CHOPIER J.
Université Paris VI Cancerest Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris
CHOUAHNIA K.
Service d’oncologie médicale Hôpital Avicenne Assistance publique-Hôpitaux de Paris 125, rue Stalingrad 93009 Bobigny
VIII Cancer du sein CLOUGH K.-B.
Groupe sein de l’Institut Curie Service de chirurgie générale à orientation sénologique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75005 Paris
COUDERT B.
Centre Georges-François Leclerc 1, rue du Pr Marion 21034 Dijon Cedex
COUPIER I.
Service de génétique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 05
CURÉ H.
Centre Jean Perrin 58, rue Montalembert BP 392 63011 Clermont-Ferrand Cedex 1 INSERM U484 Rue Montalembert BP 184 63005 Clermont-Ferrand Cedex
CUTULI B.
Polyclinique de Courlancy 38, rue de Courlancy 51100 Reims
DARAÏ E.
Université Paris VI Cancerest Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris
DEBLED M.
Service de médecine Institut Bergonié Centre régional de lutte contre le cancer 229, cours de l’Argonne 33076 Bordeaux Cedex
DEBOURDEAU P.
Médecine interne oncologie HIA Desgenettes Lyon France Amicale Franco Macédonienne Oncologique Skopje Macédoine
Liste des auteurs De CREMOUX P.
Institut Curie 26, rue d’Ulm 75005 Paris
DELAHAYE S.
Service de chirurgie générale à orientation sénologique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75005 Paris
DORIDOT V.
Service de chirurgie générale à orientation sénologique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75005 Paris
EL KHOURY C.
Département d’imagerie médicale Institut Curie 26, rue d’Ulm 75005 Paris
ESPIÉ M.
Centre des maladies du sein Hôpital Saint-Louis 1, avenue Claude Vellefaux 75475 Paris Cedex 10
ESTÉSO A.
Service d’oncologie médicale Hôpital Tenon Assistance publique-Hôpitaux de Paris 4, rue de la Chine 75020 Paris
ETTORE F.
Centre Antoine Lacassagne 33, avenue de Valombrose 06189 Nice Cedex 02
FUMOLEAU P.
Département d’oncologie médicale CRLCC, Centre Georges-François Leclerc 1, rue du Professeur Marion 21079 Dijon
GAUTHIER-VILLARS M.
Service de génétique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 05
IX
X
Cancer du sein
GLIGOROV J.
Université Paris VI Oncologie Médicale CancerEst Hôpital Tenon Assistance publique-Hôpitaux de Paris 4, rue de la Chine 75020 Paris Amicale Franco Macédonienne Oncologique Skopje Macédoine
GRAHEK D.
Université Paris VI Cancerest Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris
GUASTALLA J.-P.
Centre Léon Bérard Lyon 28, rue Laënnec 69008 Lyon
GUINEBRETIÈRE J.-M.
Service de pathologie Centre René-Huguenin 35, rue Dailly 92210 Saint-Cloud
ISAMBERT N.
CRLCC, Centre Georges-François Leclerc 1, rue du Professeur Marion 21079 Dijon
IZRAEL V.
Service d’oncologie médicale Hôpital Tenon Assistance publique-Hôpitaux de Paris 4, rue de la Chine 75020 Paris
KHALIL A.
Institut Gustave Roussy 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif
LESUR A.
Centre Alexis Vautrin Avenue de Bourgogne 54511 Vandœuvre-les-Nancy Cedex
LOTZ J.-P.
Oncologie médicale Université Paris VI Cancerest Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris
Liste des auteurs LUPORSI É.
Centre Alexis Vautrin Avenue de Bourgogne 54511 Vandœuvre-les-Nancy
MacGROGAN G.
Service d’anapathologie Institut Bergonié Centre régional de lutte contre le cancer 229, cours de l’Argonne 33076 Bordeaux Cedex
MARTIN P.-M.
Laboratoire de transfert d’oncologie biologique AP-HM Faculté de médecine - Secteur Nord Boulevard P. Dramard 13916 Marseille France
MAURIAC L.
Service de médecine Institut Bergonié Centre régional de lutte contre le cancer 229, cours de l’Argonne 33076 Bordeaux Cedex
MAYER F.
Centre Georges-François Leclerc 1, rue du Pr Marion 21034 Dijon Cedex
MENARD S.
Molecular Targeting Unit Department of Experimental Oncology Istituto Nazionale Tumori 20133 Milan, Italy
MOURET-REYNIER M.-A.
Centre Jean Perrin 58, rue Montalembert BP 392 63011 Clermont-Ferrand Cedex 1 INSERM U484 Rue Montalembert BP 184 63005 Clermont-Ferrand Cedex
NAMER M.
Centre Antoine Lacassagne Service oncologie 33, avenue Valombrose 06189 Nice Cedex 02
XI
XII Cancer du sein NOS C.
Service de chirurgie générale à orientation sénologique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75005 Paris
PENAULT-LLORCA F.
Centre Jean Perrin 58, rue Montalembert BP 392 63011 Clermont-Ferrand Cedex 1 INSERM U484 Rue Montalembert BP 184 63005 Clermont-Ferrand Cedex
ROCHÉ H.
Institut Claudius Regaud 20-24, rue du Pont-Saint-Pierre 31052 Toulouse Cedex
SAINTIGNY P.
Service d’oncologie médicale Hôpital Avicenne Assistance publique-Hôpitaux de Paris 125, rue Stalingrad 93009 Bobigny
SÉGURA C.
Service d’oncologie médicale Hôpital Tenon Assistance publique-Hôpitaux de Paris 4, rue de la chine 75020 Paris
SELLE F.
Service d’oncologie médicale Hôpital Tenon Assistance publique-Hôpitaux de Paris 4, rue de la Chine 75020 Paris
SÉRADOUR B.
Présidente du Groupe technique national auprès de la Direction générale de la santé Coordinateur de l’Association ARCADES Association ARCADES Hôpital de la Timone Bât. F 264, rue Saint-Pierre 13385 Marseille Cedex 5
SERIN D.
Institut Sainte-Catherine Service radiothérapie 1750, chemin du Lavarin 84082 Avignon Cedex 02
Liste des auteurs XIII SEROR J.-Y.
Université Paris VI Cancerest Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris
SPIELMANN M.
Institut Gustave Roussy 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif
STEVENS D.
Services d’oncologie médicale et de statistique Centre René Huguenin 35, rue Dailly 92210 Saint-Cloud
STOPPA-LYONNET D.
Service de génétique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 05
TARDIVON A.
Service de radiologie Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 05
THIS P.
Service de génétique Service de chirurgie sénologique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 05
TODOROVIC V.
Oncologie médicale CancerEst Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris Oncologie radiothérapie CHU Podgorica Monténégro
TOUBOUL E.
Université Paris VI Cancerest Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris
XIV Cancer du sein TUBIANA-HULIN M.
Services d’oncologie médicale et de statistique Centre René Huguenin 35, rue Dailly 92210 Saint-Cloud
TUNON de LARA C.
Service de chirurgie Institut Bergonié Centre régional de lutte contre le cancer 229, cours de l’Argonne 33076 Bordeaux Cedex
UZAN S.
Gynécologie Obstétrique Université Paris VI Cancerest Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris
VINCENT-SALOMON A.
Service d’anatomopathologie Institut Curie 26, rue d’Ulm 75005 Paris
Sommaire
Traitement hormonal substitutif et cancer du sein.....................................
1
M. Espié
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein
.................................
15
D. Stoppa-Lyonnet, M. Gauthier-Villars, I. Coupier, P. This et N. Andrieu
Le programme de dépistage français : historique et nouvelles modalités ..................................................................................... 41 B. Séradour
Mammographie et échographie : score ACR et conduite à tenir . 49 C. Balu-Maestro
Place de l’IRM en sénologie
....................................................................................................
67
A. Tardivon
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein. Facteurs pronostiques, facteurs prédictifs. Quels standards en 2005 ? ........................................................................................................................................................... 83 P.-M. Martin
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 ................................................ 131 B. Cutuli
Les carcinomes lobulaires infiltrants, les carcinomes canalaires infiltrants : quelles sont les différences pour le diagnosticien ? . 167 P. Chérel
XVI Cancer du sein
Cancers canalaires et lobulaires : Quelles sont les différences pour l’anatomo-cyto-pathologiste ? ............................................................................. 181 J.-M. Guinebretière
Cancers lobulaires et canalaires invasifs : étude comparative descriptive et évolutive................................................................................................................... 193 M. Tubiana-Hulin et D. Stevens
Breast cancer with HER 2 overexpressed. From laboratory to clinical practice .............................................................................................................................. 205 S. Menard
Cancers du sein avec HER2 surexprimé : quoi de neuf dans la prise en charge clinique ? ............................................................................................................ 221 H. Roché
Les nouvelles cibles thérapeutiques. Les nouvelles thérapeutiques ciblées ........................................................................... 233 P. Fumoleau, M. Campone, N. Isambert, E. Bourbouloux, F. Mayer et B. Coudert
Profils d’expression génique et Puces à ADN dans le cancer du sein : choix du patient, choix du protocole .......................................................... 267 F. Bertucci
Les indications « standards » et « non standards » des traitements néo-adjuvants ............................................................................................ 277 J. Gligorov, P. Debourdeau, O. Arsovski, V. Todorovic, S. Uzan et J.-P. Lotz
Chimiothérapie néo-adjuvante. Expérience du centre Jean-Perrin. Importance de la tumeur résiduelle et de la rémission histologique complète ............................................................... 293 P. Chollet, H. Curé, S. Amat, M.-A. Mouret-Reynier et F. Penault-Llorca
L’hormonothérapie néo-adjuvante en janvier 2005
..................................
307
M. Debled, L. Mauriac, G. MacGrogan et C. Tunon de Lara
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie néo-adjuvante pour cancer du sein ................................. 325 S. Uzan, M. Antoine, E. Barranger, J.-F. Bernaudin, J. Chopier, E. Daraï, D. Grahek, J. Gligorov, J.-P. Lotz, J.-Y. Seror et E. Touboul
Sommaire XVII
Le ganglion sentinelle en routine dans les cancers du sein. Expérience de l’Institut Curie (Routine sentinel node detection in breast cancer. Experience of the Institut Curie) ........... 345 C. Nos, S. Delahaye, M. Benamor, A. Vincent-Salomon, C. El Khoury, V. Doridot et K. B. Clough
Le traitement de l’aisselle. Prise en charge des ganglions axillaires par le pathologiste .................................................................................................. 357 F. Ettore
Hormono-sensibilité et hormono-résistance aux anti-estrogènes et inhibiteurs d’aromatase ......................................................... 371 P. de Cremoux
Hormonothérapie adjuvante de la femme ménopausée. Quels sont les nouveaux standards ? ............................................................................ 385 J.-P. Guastalla
Tolérance de l’hormonothérapie adjuvante ........................................................ 401 A. Lesur
La Chimiothérapie adjuvante. Quels sont les nouveaux standards ? ................................................................................................................................................... 417 J. Bonneterre
L’hormono-chimiothérapie adjuvante. Dans quelles circonstances cette association est utile ?
........................
427
M. Namer
Densité de dose et intensité de dose dans le traitement adjuvant du cancer du sein ...................................................................................................... 437 P. Saintigny, F. Selle, J. Gligorov, S. Assouad, C. Ségura, K. Chouahnia, D. Avenin, K. Beerblock, A. Estéso, J.-L. Breau, V. Izrael et J.-P. Lotz
Cinétique de prolifération tumorale et efficacité de la chimiothérapie adjuvante. Étude de l’activité mitotique M. Spielmann, A. Khalil et F. André
...................
455
XVIII Cancer du sein
Comment concilier et harmoniser les données nationales contenues dans les SORs et les données locales ou régionales contenues dans les référentiels des différents centres de soins ou de réseaux ............................................................................................................................................ 465 É. Luporsi
Plan Cancer. Quels changements attendre dans notre pratique oncologique quotidienne ? ....................................................................................................... 473 D. Serin
Traitement hormonal substitutif et cancer du sein M. Espié
Introduction Depuis ces trois dernières années, chaque été apporte un nouvel article sur l’effet délétère du traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause quant au risque de cancer du sein. Après les travaux de C. Schairer et l’étude WHI, c’est la publication de l’étude « Million women study » qui enfonce le clou.
Données épidémiologiques antérieures De nombreuses méta-analyses ont été publiées sur la relation entre le THS et le risque de cancer du sein (tableau 1). Tableau 1 - THS et cancer du sein. Méta-analyses. Auteurs Armstrong (1) Dupont 91 (2) Steinberg (3) Grady (4) Sillero (5) Colditz (6) Collaborative (7)
Articles
Risque relatif
Intervalle de confiance
12 31 34 30 27 31 51
0,96 1,07 1,3 1,01 1,06 1,02 1,14
0,89 -1,05 1-1,12 1,2 -1,6 0,97 -1,05 1 -1,12 0,93 -1,12 +/- 0,031
Ces méta-analyses, jusqu’à présent, n’avaient pas mis en corrélation évidente, pour la majorité d’entre elles, le risque de cancer du sein et le THS. Pour un certain nombre cependant, on notait une élévation du risque, mais extrêmement faible.
2
Cancer du sein
C’est la méta-analyse du « Collaborative group de 1997 » qui a cependant été la plus exhaustive. Cette méta-analyse a repris 51 études effectuées dans 21 pays regroupant 52 705 femmes atteintes comparées à 108 411 témoins. Les femmes en pré- ou péri-ménopause ont été exclues de cette étude qui a donc comparé 17 949 cas à 35 916 témoins. Elle a retrouvé une légère augmentation significative du risque de diagnostiquer un cancer du sein sous THS avec un risque relatif (RR) (1) à 1,14 (7). Ce risque variait avec la durée d’utilisation, mais restait faible avec un RR à 1,31 pour cinq à neuf ans de traitement qui passait à 1,24 pour dix à quatorze ans de traitement et qui s’élevait à un peu plus de 1,5 pour quinze ans de traitement. Cette méta-analyse avait montré que l’élévation du risque disparaissait à l’arrêt du THS. Les cancers diagnostiqués sous THS l’ont été à un stade plus précoce avec moins d’envahissement ganglionnaire. Les auteurs concluaient donc qu’en cas de THS, on noterait deux cancers du sein en plus pour cinq ans de prise (0,2 %), six pour dix ans (0,6 %) et douze pour quinze ans (1,2 %). D’autres études randomisées avaient été publiées avant l’étude WHI, mais s’intéressaient à des catégories particulières de femmes. Étude HERS (Heart and Estrogen/Progestin replacement study Research Group) (8). Cette étude a regroupé 2 763 femmes ménopausées avec une maladie coronarienne et a randomisé des estrogènes conjugués équins à la dose de 0,625 mg en association avec de l’acétate de médroxyprogestérone à la dose de 2,5 mg versus placebo. Cette étude a mis en évidence un RR de cancer du sein de 1,30 non significatif cependant puisque l’IC (intervalle de confiance) est de 0,77 à 2,19. Cette étude a été actualisée avec un recul plus important à 6,8 ans de suivi. Concernant le cancer du sein, on retrouvait un risque légèrement augmenté non statistiquement significatif à 1,27 (IC : 0,84-1,94). Concernant les autres cancers, on notait un risque légèrement diminué de cancer du côlon, là encore non statistiquement significatif [0,81 (IC : 0,46-1,45)], pas d’élévation significative du cancer du poumon [RR : 1,39 (IC : 0,84-2,28)] ni du cancer de l’endomètre [risque relatif 0,25 (IC : 0,05-1,18)] et si l’on regroupe l’ensemble des cancers, pas d’élévation statistiquement significative [risque relatif = 1,19 (IC : 0,95-1,50)] (9). Étude PEPI L’étude PEPI est une étude randomisée en double aveugle où 875 femmes ont été randomisées entre placebo, estrogène conjugué équin 0,625 mg, ou estrogène conjugué équin et acétate de médroxyprogestérone, ou estrogène conjugué équin et progestérone micronisée. Il n’y a pas eu de différence mise en évidence quant au risque de survenue du cancer du sein (p = 0,29) (10). Étude WEST L’étude West est une étude randomisée comparant les estrogènes seuls (1 mg de 17-ß estradiol) versus placebo chez 664 patientes ayant eu un accident vasculaire cérébral. Le suivi était court (2,8 ans), on ne notait pas d’élévation du risque de cancer du sein sous estrogène [RR : 1 (IC : 0,30-3,50)]. Il faut noter l’observation de deux cancers de l’endomètre contre aucun sous placebo (11).
Traitement hormonal substitutif et cancer du sein
3
Étude Nachtigall L’étude Nachtigall est une étude randomisée en double aveugle chez des femmes en maison de repos, qui n’a cependant porté que sur 176 femmes. Elle a comparé l’administration d’un placebo à une association séquentielle d’estrogène conjugué équin et d’acétate de medroxyprogestérone. À dix ans de suivi, aucun cancer du sein n’est apparu sous THS, 4 sous placebo, et, à vingt-deux ans de suivi, toujours aucun cancer du sein n’a été noté sous THS contre 11,5 % sous placebo (p < 0,01) (12). De ces premiers essais randomisés, aucun n’a donc montré une élévation statistiquement significative du risque de cancer du sein, mais ils concernaient des populations particulières, souvent des femmes présentant une maladie cardio-vasculaire. Ces essais avaient souvent un recul insuffisant et étaient numériquement pas assez importants pour montrer une différence statistiquement significative.
Étude WHI Cette étude a donc randomisé 16 608 femmes ménopausées âgées de 50 à 79 ans (moyenne 63 ans) entre un placebo et une association d’estrogène conjugué à 0,625 mg et d’acétate de médroxyprogestérone à 2,5 mg. Le suivi minimum a été de 3,5 ans, maximum de 8,6 ans avec un moyenne de 5,6 ans (13, 14). Il faut noter que les patientes traitées l’ont été avec un délai depuis la ménopause d’environ quinze ans et que 26 % avaient déjà eu un THS antérieurement. 47 % des femmes sous ECE + AMP ont arrêté le traitement en cours d’étude et 38 % sous placebo. Il a donc été observé un hasard ratio (HR) (3) à 1,24 (p < 0,001). En valeur absolue, cela signifie qu’il y a eu 245 cas de cancer du sein sous THS contre 185 cas sous placebo parmi les 16 608 femmes de l’étude. Les auteurs ont donc extrapolé que cela allait amener à diagnostiquer 8 cas de cancer du sein supplémentaires pour 10 000 femmes traitées. Il s’agissait d’un essai randomisé, et il y a donc eu le même taux de surveillance par mammographie dans les deux groupes. Il faut cependant noter qu’environ 40 % des patientes traitées ont eu des saignements, ce qui a bien sûr levé le caractère de double aveugle de l’étude. Il n’est pas précisé si ces patientes ont eu, de ce fait, une surveillance gynécologique ou radiologique plus importante. Ceci induit cependant une possibilité de biais. Il n’a pas été observé d’excès de cancer du sein in situ, ce qui signifie probablement que ce traitement hormonal n’a pas accéléré la croissance d’états précancéreux et n’a donc probablement pas d’effet initiateur dans la carcinogenèse. Il n’a pas été observé de risque accru de cancer du sein en cas d’antécédent familial de cancer du sein et il n’a pas été observé de différence de mortalité par cancer du sein entre les deux groupes. Le risque majoré de cancer du sein n’a donc finalement été observé que chez les patientes qui avaient pris antérieurement un THS, puisque en l’absence d’utilisation antérieure, le HR était à 1,06 (IC : 0,81-1,38) pour trois à sept ans d’utilisation dans l’étude. En cas de prise antérieure inférieure à cinq ans, on observait un HR de 2,13 (IC : 1,15-3,14) pour une durée d’utilisation comprise donc entre quatre et onze ans de THS. Pour les patientes qui avaient pris
4
Cancer du sein
antérieurement le traitement entre cinq et dix ans, le HR était de 4,61 (1,01-21,02) pour une durée d’utilisation totale d’environ huit à seize ans. Pour les patientes qui avaient antérieurement pris le traitement hormonal pour une durée supérieure à dix ans, le HR était à 1,8 (0,60-5,43) et n’était donc plus statistiquement significatif pour une durée d’utilisation comprise entre treize à dix-sept ans. Il faut noter cependant que le nombre de patientes concernées était faible dans chacun de ces sous-groupes. Il était mis en avant par les auteurs un effet durée du THS lors de la publication de 2002 (tableau 2) qui n’a pas été confirmé lors de la publication spécifique de 2003 sur le cancer du sein (p = 0,15). Dans cette deuxième analyse, les auteurs ont retrouvé un HR à 1,09 en l’absence de traitement antérieur, de 1,7 pour une utilisation de moins de cinq ans et de 2,27 pour plus de cinq ans d’utilisation antérieure. Ils n’ont malheureusement pas détaillé ce groupe de plus de cinq ans de traitement. Tableau 2 - WHI cancer du sein et durée du THS.
Un an Deux ans Trois ans Quatre ans Cinq ans Six ans et plus
ECE + MPA
Placebo
Ratio
11 26 28 40 34 27
17 30 23 22 12 20
0,62 0,83 1,16 1,73 2,64 1,12
En effet, dans la première publication, on notait que s’il commençait à exister une élévation notable du nombre de cancers du sein pour quatre à cinq ans de prise, le risque commençait à diminuer pour six ans et plus, ce qui pouvait traduire l’effet de promotion sur des cancers du sein infra-cliniques préexistants, l’effet s’épuisant au bout d’un certain temps de traitement. Il a été mis en avant une taille plus importante des cancers survenus sous THS. En fait, d’un point de vue cancérologique, cette moyenne de taille n’a pas grand sens. La taille moyenne a donc été de 1,7 cm sous THS contre 1,5 cm sous placebo (p = 0,04). Cette différence n’a pas de valeur pronostique, il n’est pas précisé comment les cancers ont été mesurés (taille clinique ? radiologique ? anatomo-pathologique ?) ; une relecture centrale des lames a-t-elle été effectuée ? En fait, si l’on reprend la taille réelle observée des tumeurs, il n’y a pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes (tableau 3).
Traitement hormonal substitutif et cancer du sein
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Tableau 3 - Caractéristiques des cancers du sein observés (taille). Taille
ECE + AMP
Placebo
P
Pas de T Micro-inf. < 0,5 > 0,5 – 1 > 1-2 2-5 >5
0 8 (4,3) 18 (9,7 %) 45 (24,2 %) 73 (39,2 %) 37 (19,9 %) 5 (2,7 %)
1 9 (6,4) 17 (12,1 %) 36 (25,5 %) 56 (39,7 %) 21 (14,9 %) 1 (0,7 %)
0,5
On peut s’étonner par ailleurs que dans une étude où un examen clinique et une mammographie étaient pratiqués tous les ans, on ait retrouvé des cancers de plus de 5 cm… Il a été retrouvé 45 cas où la tumeur s’accompagnait d’un envahissement ganglionnaire contre 21 sous placebo. Dans plus de 12 % des cas, le statut ganglionnaire n’est pas précisé. C’est la seule étude à ce jour qui montre des tumeurs s’accompagnant d’un plus grand pourcentage de ganglions atteints, y compris dans la méta-analyse de 1997 qui regroupait 51 études, où les cancers diagnostiqués sous THS l’étaient à un stade plus précoce. Il est, en revanche, inexact de dire qu’il y a eu plus de cancers métastasés observés sous THS, comme on pourrait le supposer à une lecture rapide du résumé de cette étude. En fait, il y a eu 1 % de survenue de métastases sous THS versus 2 % sous placebo (tableau 4). Tableau 4 - Caractéristiques des cancers observés, d’après Chlebowski (14). Stade
ECE + AMP
Placebo
Localisé Régional Métastasé Inconnu R+M
76,6 % (144) 24,4 % (47) 1 % (2) 3 % (6) 25,4 % (49)
82,7 % (124) 14 % (21) 2 % (3) 1,3 (2) 16 % (24)
P
0,048 0,47 0,04
Aucune différence n’a été mise en évidence concernant le grade, le statut par rapport aux récepteurs hormonaux entre les deux bras de l’étude. Il faut noter, là encore, le fort pourcentage de données manquantes et la contradiction avec toutes les données antérieures de la littérature qui retrouvaient davantage de tumeurs de grade I, RE +, davantage de tumeurs moins volumineuses avec moins de cellules en mitose, moins d’envahissement ganglionnaire et moins aneuploïdes (1, 15, 16). Dans cette étude, il était pratiqué une mammographie de référence, puis une mammographie annuelle dans les deux bras, mais, dans 40 % des cas, il y a eu une levée du double aveugle, les femmes étant réglées sous ECE + AMP. On ne sait pas
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Cancer du sein
si ces femmes ont alors eu la même surveillance et si un biais de dépistage n’a pas pu jouer. Quoi qu’il en soit, à un an, il a été observé 9,4 % d’anomalies mammographiques sous ECE + AMP contre 5,4 % sous placebo (p < 0,001) et, au total, 31,5 % de modifications radiologiques contre 21,2 % (p < 0,001). Les auteurs évoquent donc la possibilité d’un retard au diagnostic lié à la densité des mammographies ou la possibilité que cette association ait sélectionné des cancers de plus mauvais pronostic. L’autre bras de l’étude concernait les estrogènes seuls utilisés chez des femmes ayant eu une hystérectomie et, avec sept ans de recul, il n’a pas été observé pour l’instant d’excès de cancer du sein. Si l’on s’intéresse à l’ensemble des cancers observés dans cette étude, il n’y a pas eu d’élévation statistiquement significative (HR : 1,03 (090-1,17)). Pour le cancer de l’endomètre, le HR est à 0,83 [IC : 0,47-1,47] et l’on note une réduction du nombre de cancers du côlon observés (45 versus 67) avec un HR à 0,63 (IC : 0,43-0,92). Concernant la mortalité globale, le HR est à 0,98 (IC : 0,82-1,18). Aucun excès de mortalité n’a donc été observé dans cette étude. L’étude WHI comportait une deuxième population. Il s’agissait de femmes ayant eu une hystérectomie et qui ont été randomisées entre un placebo et des estrogènes conjugués équins seuls. Les résultats ont été publiés à sept ans de moyenne de suivi. Concernant le cancer du sein, on note une tendance à la réduction du risque de survenue, avec un risque relatif à 0,77 (0,59-1,01). L’arrêt prématuré de l’essai ne nous permettra pas de savoir si cette différence serait franchement devenue statistiquement significative (17).
Étude « Million » (18) Il s’agit d’une étude de cohorte menée en Grande-Bretagne chez des femmes de 50 à 64 ans participant à un programme volontaire de dépistage mammographique du cancer du sein tous les trois ans. 1 084 110 femmes ont été volontaires et ont été recrutées entre 1996 et 2001, dont 828 923 femmes ménopausées. Concernant l’incidence du cancer du sein, la moyenne de suivi a été de 2,6 ans et, concernant pour la mortalité, de 4,1 ans. Les données ont été recueillies par un questionnaire rempli avant la mammographie de référence. Les données recueillies ont été confrontées au dossier du médecin traitant, et 90 à 97 % de concordance selon les items ont été observés, ce qui est satisfaisant, mais laisse cependant une marge d’erreur pour des résultats à la limite de la signification statistique. Surtout, les modifications de traitements postérieurs à l’inclusion n’ont pas été prises en compte et les durées d’utilisation des différentes associations sont donc approximatives. Les cancers du sein ont été en moyenne diagnostiqués 1,2 ans après l’inclusion. Il s’agissait donc de cancers préexistants à l’étude. De manière paradoxale, il a été observé un risque de cancer du sein plus faible chez les femmes péri-ménopausées (RR = 0,75, IC : 0,68-0,82) et chez les femmes
Traitement hormonal substitutif et cancer du sein
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ménopausées (RR = 0,63, IC : 0,58-0,68) en comparaison avec les femmes pré-ménopausées. Les résultats de cette étude sont donc présentés dans le tableau suivant (tableau 5). Tableau 5 - Étude Million.
Pas de THS THS antérieurement En cours de THS - Estrogènes seuls - Estroprogestatifs - Tibolone
RR
IC
1 1,01
0,95 -1,08
1,3 2 1,45
1,22 -1,38 1,91-2,09 1,25 -1,67
On observe une augmentation du risque qui semble plus marquée sous estroprogestatifs que sous estrogènes ou tibolone. Il n’y a pas d’augmentation du risque retrouvé en cas d’utilisation antérieure de THS. Concernant les estrogènes, cette étude est donc en contradiction avec l’essai randomisé de la WHI et avec les publications antérieures qui, dans leur grande majorité, ne retrouvaient pas d’augmentation du risque liée à leur utilisation seule. Concernant les estroprogestatifs, les auteurs retrouvent un effet durée, le risque relatif étant de 2,31 pour plus de dix ans d’utilisation. Concernant les estrogènes seuls, le risque est le même, quels que soient la dose et le type d’estrogènes prescrits (estrogènes conjugués équins ou éthinyl-estradiol). Le risque est également le même en fonction des modalités d’administration orales ou transcutanées (tableau 6). Tableau 6 - Étude Millon : effet durée.
< 1 an 1 à 4 ans 5 à 9 ans > 10 ans
Estrogènes
Estroprogestatifs
0,81 (0,55 - 1,20) 1,25 (1,10 - 1,41) 1,32 (1,20 - 1,46) 1,37 (1,22 - 1,54)
1,45 (1,19 - 1,78) 1,74 (1,60 - 1,81) 2,17 (2,02 - 2,33) 2,31 (2,08 - 2,56)
Pour les progestatifs utilisés en association avec les estrogènes, là encore, aucune différence n’a été retrouvée entre l’acétate de médroxyprogestérone, la noréthistérone, le nor- ou le lévonorgestrel. Le risque est également le même en cas d’administration séquentielle ou continue (tableau 7).
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Cancer du sein
Tableau 7 - Estroprogestatifs. Progestatifs AMP Noréthistérone Nor-lévonorgestrel Mode d’administration - Séquentielle - Continue
RR < 5 ans
RR > 5 ans
1,60 (1,33-1,93) 1,53 (1,35-1,75) 1,97 (1,74-2,33)
2,42 (2,10-2,80) 2,10 (1,89-2,34) 2,23 (2,04-2,44)
1,77 (1,59-1,97) 1,57 (1,37-1,79)
2,12 (1,95-2,30) 2,40 (2,15-2,27)
Les résultats des études antérieures évoquaient un risque majoré essentiellement en cas d’utilisation en continu, à l’exception de l’étude de Ross (tableau 8). Tableau 8 - Estroprogestatifs : administration séquentielle ou continue. Études
Porch 2002 (19) Weiss 2002 (20) Olsson 2003 (21) Ross 2000 (22) Magnusson 1999 (23) Newcomb 2002 (24)
Traitement séquentiel RR (IC)
Traitement continu RR (IC)
1,04 (0,74-1,46) 0,98 (0,74-1,30) 1,44 (0,67-3,08) 1,38 (1,13-1,68) 1,03 (0,94-1,13) 1,57 (0,95-2,60)
1,82 (1,34-2,48) 1,45 (1,09-1,91) 3,13 (1,70-5,75) 1,09 (0,88-1,35) 1,19 (1,09-1,31) 1,54 (1,15-2,07)
La mortalité a été évaluée dans cette étude sur une moyenne de suivi de 4,1 ans. 517 décès ont été observés chez les femmes ménopausées avec un risque relatif de 1,22 (IC : 1-1,48) en cas d’utilisation en cours et de 1,05 (0,85-1,34) en cas d’utilisation antérieure. Cette tendance à l’élévation en cours d’utilisation n’est pas stricto sensu significative et est en contradiction avec les données antérieures de la littérature. Nous y reviendrons. Cette étude à un atout majeur : le nombre de femmes étudiées. Mais elle a des limites : il s’agit d’une étude d’observation et non d’un essai randomisé, avec tous les biais inhérents à ce genre d’étude la durée du suivi est très courte (2,6 ans), les données ont été recueillies sans tenir compte des changements de traitements ultérieurs, la population étudiée est particulière et des biais de surveillance ne peuvent être exclus, le pourcentage de mammographies effectuées hors dépistage n’est pas connu, les indications des différents traitements ne sont pas précisés (estrogènes seuls, estroprogestatifs, tibolone) et les risques observés sont supérieurs à ceux de l’étude WHI qui, elle, était randomisée. Quoi qu’il en soit, cette étude évoque la possibilité de la survenue de cancers d’intervalle sous THS. Le rythme de dépistage tous les trois ans n’est certainement pas le bon rythme. Il existe une diminution de la sensibilité de la mammographie sous estroprogestatifs (Banks E, BMJ 2004 ; 329 : 477-82), mais ce ne sont pas les résultats observés dans les études antérieures sous tibolone ou estrogènes (25, 26).
Traitement hormonal substitutif et cancer du sein
9
La possibilité de cancers du sein plus agressifs est également évoquée, mais à nouveau en contradiction avec tous les travaux antérieurs.
Étude MGEN E3N (27) Il s’agit également d’une étude cas-témoins concernant 98 997 femmes de la MGEN dont 54 548 femmes ménopausées ont été prises en compte. Sept questionnaires leur ont été adressés entre 1990 et 2002. Les informations concernant les THS ont été recueillies entre janvier 1992 et avril 1997 et celles concernant les cancers entre 1992 et 2000. Il faut noter que près de 10 000 femmes ont été exclues de l’analyse : ce sont les femmes pour lesquelles un cancer du sein a été diagnostiqué dans l’année suivant l’entrée dans l’étude, celles pour lesquelles un CCIS a été diagnostiqué et celles qui avaient pris un THS avant l’étude. Un des buts était d’éliminer des femmes qui, par définition, n’étaient pas à risque par rapport au THS, puisqu’elles n’avaient pas développé de cancer du sein, alors qu’elles avaient été exposées au traitement. Nous y reviendrons. 948 cancers du sein sont apparus parmi les 54 548 femmes suivies. Les résultats ont été ajustés sur la fréquence des mammographies pour éviter les biais de dépistage et les résultats correspondent au THS utilisé le plus longtemps lorsqu’il y a eu plusieurs traitements. 45 % des femmes ont utilisé des estrogènes en patch, 55 % en gel, 22,1 % des estrogènes seuls et 88,6 % une association estroprogestative. Dans 67,9 %, les progestatifs utilisés dérivaient de la progestérone (y compris l’acétate de médroxyprogestérone) et, dans 7,6 % des cas, de la testostérone. Dans 26,8 %, il s’agissait de progestérone micronisée. La durée moyenne du traitement a été de 2,8 ans. Globalement, on note un risque relatif à 1,2 (1,1-1,4). Il n’y a pas d’élévation du risque avec les estrogènes faibles (RR = 0,7 IC : 0,4-1,2) ni avec les estrogènes utilisés seuls (RR = 1,1 IC : 0,8-1,6). On note un risque majoré par les associations estroprogestatives à base de progestatifs de « synthèse », RR = 1,4 (1,2-1,7), mais pas d’élévation du risque en cas d’association estrogènes et progestérone micronisée, RR = 0,9 (0,7-1,2). Il n’a pas été mis en évidence de différence en fonction du mode d’administration des estrogènes ni d’effet de durée, tous traitements confondus. Il faut noter que le risque augmente dès la deuxième année, ce qui confirme bien à nouveau l’effet d’accélération de la croissance de certains cancers préexistants. Cette étude est très intéressante car elle correspond à une population, certes sélectionnée (MGEN), mais correspondant à notre épidémiologie et à nos traitements. Elle souffre d’un recul court. Nous n’avons pas de données sur les différentes classes de progestatifs dits de synthèse et sur l’influence du mode d’administration des traitements (séquentiels ou continus). Il faut noter une discordance avec l’étude WHI par rapport aux femmes traitées antérieurement. En effet, dans l’étude E3N, si les femmes traitées antérieurement sont prises en compte dans l’analyse, il n’y a plus aucune augmentation statistiquement significative du risque de cancer du sein lié au THS. Il est donc, là encore, difficile de tirer des conclusions formelles.
10 Cancer du sein
Mortalité,THS et cancer du sein Plusieurs essais ont été rapportés concernant l’effet du THS sur la mortalité par cancer du sein. Le tableau 9 résume ces différentes études. Il faut noter que les deux études qui retrouvent une augmentation non statistiquement significative du risque de mortalité sont celles pour lesquelles l’IC est le plus important en raison du faible nombre de cas observés. Tableau 9 - Cancer du sein et mortalité. Études Ettinger (28) Persson (29) Hunt (30) Vakil (31) Schairer (32) Jernström (31) Grodstein (33) Willis (34) Sellers (35) Paganini (36) Sourander (37) Sturgeon (38)
Année
RR
IC
1996 1996 1990 1983 1999 1999 1997 1996 1997 1994 1998 1995
1,89 0,5 0,5 0,48 0,5 0,73 0,76 0,84 1,07 0,86 1,77 0,7
0,43-8,36 04-0,6 0,4-0,6 0,13-1,22 0,3-0,8 0,62-0,87 0,56-1,02 0,75-0,94 0,69-1,65 0,58-1,30 0,6-5,21 0,5-1
Concernant donc la mortalité, on observe globalement environ 20 à 30 % de réduction de celle-ci. Cette réduction peut être liée au profil des patientes traitées, à un biais de surveillance, les tumeurs diagnostiquées sous THS l’étant souvent à un stade plus précoce. Mais on ne peut éliminer un effet biologique des estrogènes sur la tumeur, les estrogènes pourraient être les premiers SERMs en ayant, certes, un effet promoteur sur des cancers infra-cliniques préexistants, mais aussi un effet antimétastasiant, comme ont pu l’évoquer in vitro les travaux de l’équipe de Rochefort (39).
Conclusion Ces études confirment donc l’effet promoteur du THS de la ménopause sur certains cancers du sein préexistants. Le risque relatif observé est faible et il semble, en fait, que le THS gomme l’effet protecteur de la ménopause. Le THS réduit la sensibilité et la spécificité de la mammographie, surtout dans le cadre du dépistage organisé et en cas de seins denses. Concernant la mortalité, on observe globalement environ 20 à 30 % de réduction de celle-ci à l’exception de la Million Women Study. Il est intéressant de noter que ce sont les associations estroprogestatives comportant des progestatifs de « synthèse » qui augmentent le risque et, jusqu’à
Traitement hormonal substitutif et cancer du sein 11 preuve du contraire, pas les estrogènes administrés seuls ou en association avec de la progestérone micronisée.
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Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein1 D. Stoppa-Lyonnet, M. Gauthier-Villars, I. Coupier, P. This et N. Andrieu
Introduction L’estimation du risque de cancer du sein a reposé jusqu’au début des années quatrevingt-dix sur la présence d’une histoire familiale de cancer du sein, sur la présence de certaines mastopathies (hyperplasie atypique, carcinome lobulaire in situ) ou sur l’exposition aux estrogènes, qu’ils soient d’origine endogène ou exogène. La présence d’antécédents familiaux de cancer du sein, surtout si plus de deux femmes apparentées sont atteintes et si les âges au diagnostic sont jeunes, est cependant le facteur qui augmente le plus le risque de cancer du sein. En effet, les facteurs hormonaux multiplient seulement par un facteur 1 à 2 le risque tumoral, le facteur histologique (mastopathies) multiplie le risque par 4 à 8, mais seulement pendant une période de dix ans après le diagnostic, alors que la présence d’antécédents familiaux de cancer du sein peut multiplier jusqu’à 10 le risque cumulé au cours de la vie (1). L’identification des gènes BRCA1 et BRCA2 (BReast CAncer) a été une avancée majeure dans la compréhension des facteurs familiaux de cancer du sein. Néanmoins, si les tests génétiques commencent à entrer dans la pratique médicale, ils ne permettent pas d’identifier toutes les femmes qui ont un risque élevé de cancer du sein, car d’autres facteurs génétiques jouent un rôle dans le développement d’une tumeur mammaire et ne sont pas encore identifiés. Nous proposons dans cet article de faire le point sur les gènes de prédisposition aux cancers du sein, ou plus précisément sur les gènes dont les altérations ou les variations sont à l’origine d’une augmentation du risque de cancer du sein. Nous ferons une très large part aux gènes BRCA1 et BRCA2. Nous verrons quelles sont aujourd’hui les situations familiales ou individuelles qui conduisent à l’indication d’un test génétique et selon quelles modalités. Nous discuterons des modalités des tests génétiques et en particulier de l’existence de deux types de test : le test chez le 1. Cet article a déjà fait l’objet d’une publication dans le n° Hors série de Références en gynécologie obstétrique intitulé Cancer du sein : nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques. (RGO-2005, Vol 11, n° Hors série Cancer du sein).
16 Cancer du sein cas index (ou proposant) et le test chez les apparentées indemnes, réalisable lorsqu’une mutation a été identifiée au préalable chez le cas index. Nous ferons le point également sur les risques tumoraux associés aux mutations des gènes BRCA. En effet, une estimation précise de ces risques est cruciale pour la prise en charge des femmes à risque, prise en charge qui sera discutée dans l’article de François Eisinger. Enfin, nous discuterons des risques tumoraux estimés à partir de l’histoire familiale, histoire qui reste la seule mesure disponible lorsque aucune altération des gènes BRCA n’a été identifiée.
Les gènes de prédisposition aux cancers du sein identifiés en 2003 En 2003, moins d’une dizaine de gènes sont à l’origine d’une augmentation du risque de cancers du sein. Les modalités de leur identification et leur prise en compte dans la pratique médicale sont très variables et sont étroitement dépendantes de la valeur du risque tumoral associé. Distinguons les gènes identifiés à partir de l’étude des formes familiales de cancers du sein seul ou de cancers du sein et de l’ovaire, et qui ont conduit à l’identification des gènes BRCA1 et BRCA2, impliqués dans moins de 5 % des cas de cancer du sein, et ceux identifiés à partir des familles présentant un syndrome bien particulier. Citons la maladie de Cowden ou maladie des hamartomes multiples ; le syndrome de Li et Fraumeni, caractérisé par des formes familiales de sarcomes, de cancer du sein, de tumeurs cérébrales ; la maladie de Peutz-Jeghers ou lentiginose peri-orificielle, dominée par la présence de polypes digestifs hamartomateux. Le risque de cancer du sein dans ces dernières situations est en général secondaire par rapport aux autres manifestations du syndrome. L’ensemble de ces syndromes est impliqué dans moins de 1 % de l’ensemble des cas de cancer du sein. Distinguons enfin les gènes identifiés à partir d’études de populations (études cas-témoins ou de cohorte), comparant la fréquence d’un variant donné dans une population de cancer du sein à celle de la population générale. Il s’agit aujourd’hui essentiellement de gènes impliqués dans la détoxication des mutagènes, dans le métabolisme des stéroïdes ou dans les gènes de réparation de l’ADN. Les risques tumoraux associés à tel ou tel variant sont en général faibles et souvent controversés. Ils ne sont pas aujourd’hui pris en compte dans la prévention.
Les gènes BRCA1 et BRCA2 Localisation et identification des gènes BRCA1 et BRCA2 Les études d’épidémiologie génétique, ou études de ségrégation, qui ont pour objectif de déterminer le mode de transmission de la prédisposition à une maladie donnée, ont estimé que 5 % des cas de cancers du sein sont liés à la présence d’un facteur génétique transmis selon le mode autosomique dominant (c’est-à-dire
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein 17 transmis par l’un des deux parents, que celui-ci soit la mère ou le père), et associé à un risque cumulé de cancer du sein de 67 % à l’âge de 70 ans, soit un risque multiplié par 10 par rapport à celui de la population générale (tableau 1, CASH study) (2). Ces études n’ont pas pris en compte les facteurs de risque hormonaux dont les effets sur le risque de cancer du sein sont plus ou moins consensuels. Enfin, ces études ne permettent pas d’exclure une hétérogénéité génétique, c’est-à-dire que les gènes conférant une prédisposition au cancer du sein diffèrent d’une famille à l’autre. Tableau 1 - Risques de cancer du sein et mutations BRCA, estimés par différentes études ; () intervalle de confiance.
Risque cumulé à 50 ans Risque cumulé à 70 ans
Étude de ségrégation (2)
BRCA1 Familles BCLC (38)
BRCA2 Familles BCLC (10)
BRCA1 Méta-analyse de 22 études de population (18)
BRCA2 Méta-analyse de 22 études de population (18)
38 %
73 % (49-87)
28 % (9-44)
38 % (30-50)
16 % (11-21)
67 %
87 % (72-95)
84 % (43-95)
65 % (IC : 51-75)
45 % (33-54)
Cependant ces études ont été capitales pour l’identification des gènes BRCA1 et BRCA2. En effet, les paramètres du modèle génétique (fréquence allélique, risque tumoral), estimés par ses études, sont déterminants dans la mise en évidence d’une liaison génétique. Mettant à contribution des familles réunissant plusieurs cas de cancer du sein, en général au moins trois cas appartenant à la même branche parentale et dont l’âge moyen au diagnostic était de moins de 50 ans, Mary-Claire King a localisé par étude de liaison génétique un premier locus sur le bras long du chromosome 17 (en 17q21) (3). Très brièvement, les études de liaison génétique reposent sur la recherche de la co-transmission de la maladie étudiée, ici le cancer du sein, et de marqueurs génétiques multi-alléliques, c’est-à-dire variables dans la population et dont la localisation chromosomique est connue. En règle générale, deux à trois cents marqueurs, dispersés sur l’ensemble du génome, sont étudiés. L’observation de la co-transmission de la maladie et d’un marqueur donné – c’est-à-dire que ce marqueur est plus souvent associé à la maladie qu’il ne devrait l’être si leur co-transmission se faisait au hasard – conduit à retenir que le gène qui prédispose à la maladie est « lié », c’est-à-dire physiquement proche du marqueur étudié. La détection sur l’un des gènes localisés dans la région de liaison d’une mutation inactivatrice, c’est-à-dire à l’origine d’une protéine ayant perdu sa fonction biologique, est l’élément clé qui permet de retenir que le gène recherché est bien celui étudié. C’est ainsi qu’après avoir été finement localisé dans une région d’un million de paires de
18 Cancer du sein bases par un consortium international de laboratoires – le Breast Cancer Linkage Consortium (BCLC) – le gène BRCA1 a été identifié par l’équipe de Mark Skolnick (Myriad Genetics) (4). Dès la localisation du locus BRCA1, il a été montré par le groupe de Gilbert Lenoir et de Jean Feunteun que les familles réunissant des cas de cancers du sein et de l’ovaire étaient préférentiellement liées à BRCA1, montrant ainsi que les mutations de BRCA1 sont également associées à un risque de cancer de l’ovaire (5). Reprenant l’analyse systématique des marqueurs dans les familles identifiées non liées à BRCA1, un deuxième locus a été localisé sur le bras long du chromosome 13, BRCA2 (6). Le gène BRCA2 a été identifié en 1995 (7). Les gènes BRCA1 et BRCA2 ont une partie codante de très grande taille, respectivement de 5592 et 10254 nucléotides, rendant complexe leur analyse. Ainsi, au niveau constitutionnel, il existe une mutation inactivatrice de l’un des deux allèles, maternel ou paternel. Au cours du processus tumoral, il existe une inactivation du second allèle, en général secondaire à la délétion d’une grande région chromosomique encadrant le gène impliqué (8). L’inactivation complète de l’un ou l’autre de ces gènes a conduit certains à retenir qu’il s’agit donc de gènes suppresseurs de tumeur ou gènes anti-oncogènes. Leur rôle dans la réparation de l’ADN (voir ci-dessous) nous conduit à retenir qu’il s’agit plutôt de gènes « caretaker » que de gènes suppresseurs de tumeur.
Fonctions des protéines BRCA1 et BRCA2 Les gènes BRCA1 et BRCA2 codent pour des protéines impliquées physiologiquement dans la réparation des lésions de l’ADN. BRCA1 est une protéine clé dans la détection de lésions de différentes natures : cassures simple et double-brin, anomalies nucléotidiques. Au-delà de la détection de ces lésions, BRCA1 a un rôle clé dans l’adaptation du cycle cellulaire à la phase de réparation et dans la mobilisation des protéines de réparation proprement dites comme RAD51 (protéine-clé de la réparation des cassures double-brin par recombinaison homologue). BRCA2 apparaît avoir un rôle plus spécifique dans la recombinaison homologue. En effet, cette macromolécule semble contrôler la localisation de RAD51 sur les sites de cassure double-brin de l’ADN. Alors que BRCA1 et BRCA2 ont une expression ubiquitaire, le risque tumoral, secondaire à l’inactivation de l’une ou l’autre de ces protéines, est principalement mammaire, et dans une moindre mesure ovarien. Il n’y a pas aujourd’hui d’explication claire qui rende compte de ce paradoxe. L’hypothèse la plus communément admise repose sur le rôle des estrogènes. En effet, les estrogènes, par leur effet mutagène direct et leur effet prolifératif indirect, favoriseraient l’émergence du processus tumoral. Leur effet mutagène serait renforcé par l’absence de protéine BRCA1 qui n’exercerait alors plus d’effet de contrôle négatif sur la synthèse de récepteurs aux estrogènes, augmentant alors leur action de prolifération (9).
Pathologie moléculaire des gènes BRCA Les mutations des gènes BRCA1 et BRCA2 sont de type inactivateur. Il s’agit dans la majorité des cas de mutations conduisant à une protéine tronquée : mutations stop,
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein 19 délétions ou insertions de quelques nucléotides rompant le cadre de lecture, anomalies d’épissage ou, enfin, réarrangements de grande taille observés aujourd’hui essentiellement pour le gène BRCA1. Des mutations faux-sens, mutations substituant un acide aminé à un autre, ont été rapportées. Mis à part quelques cas de mutations faux-sens siégeant dans des domaines fonctionnels très particuliers (cystéine du domaine RING de BRCA1 ; domaine BRCT de BRCA1), et en l’absence, à l’heure actuelle, de test fonctionnel in vitro, la conséquence de ces faux-sens sur la fonction de la protéine reste inconnue. Ces mutations faux-sens sont difficilement interprétables en terme de risque tumoral et doivent rendre le conseil génétique prudent. En 2003, près de 1 000 mutations différentes des gènes BRCA1 et BRCA2 étaient enregistrées dans la base de données du National Institute of Health (http://www.nhgri.nih.gov/Intramural_research/Lab_transfer/Bic/). Il existe cependant, dans certaines populations, une faible diversité de mutations qui est le résultat d’effets fondateurs. Il s’agit en général de populations isolées dont le nombre d’ancêtres communs est faible. Ainsi, certaines populations insulaires comme l’Islande, ou des populations dont la barrière est culturelle comme la population ashkénaze, présentent un petit nombre de mutations différentes. La connaissance de l’origine ethnique de la personne testée peut ainsi modifier la stratégie d’analyse moléculaire. Ainsi, la diversité des mutations et leur distribution sur une séquence codante de très grande taille compliquent singulièrement la première recherche de mutation réalisée dans une famille donnée. La recherche de mutations par des techniques classiques (SSCP, DGGE, HA) dans des familles dont les analyses de liaison ont montré qu’elles étaient liées à BRCA1 ou BRCA2 ont permis d’estimer que la sensibilité de détection de mutation par ces méthodes est de l’ordre de 70 % (10) (Easton, non publié). La recherche de délétions ou duplications partielles ou complètes du gène BRCA1 par des techniques complémentaires, représentant 10 à 20 % de l’ensemble des mutations de BRCA1, conduit à la caractérisation de 80 à 90 % des mutations attendues (11, 12). Très peu (deux cas) de délétions du gène BRCA2 ont été rapportées jusque-là. Celles-ci ne sont donc pas recherchées dans la pratique diagnostique. La lourdeur des investigations, la signification limitée d’un résultat négatif à l’issue d’une première étude familiale, conduisent à distinguer deux types de test génétique : – celui qui est réalisé pour la première fois dans la famille et qui a pour objectif de repérer l’altération génétique responsable ; – celui qui est proposé aux apparentées après qu’une mutation a été identifiée dans la famille. Le premier test est conduit chez la personne la plus susceptible d’être prédisposée compte tenu de son histoire personnelle et de sa position sur l’arbre généalogique : le cas index. Il est donc en général proposé à une femme qui a été déjà atteinte d’un cancer du sein ou de l’ovaire. Le délai d’obtention des résultats est long (de six à douze mois à l’heure actuelle). Si l’analyse ne conduit pas à la détection d’une mutation, cela n’élimine pas le diagnostic de prédisposition. Le second test, effectué chez les apparentés après identification de la mutation, à l’inverse, est
20 Cancer du sein simple, ciblé sur l’altération identifiée. Le résultat est obtenu en quelques semaines, voire quelques jours. Si l’altération identifiée dans la famille n’est pas détectée, ceci élimine quasiment le diagnostic de prédisposition génétique.
Contribution des altérations des gènes BRCA à la prédisposition au cancer du sein L’estimation de la contribution des gènes BRCA1 et BRCA2 à la prédisposition aux cancers du sein a été réalisée par des analyses de liaison génétique menées dans plus de deux cents familles réunies par le BCLC et comptant au moins quatre cas de cancers du sein diagnostiqués avant l’âge de 60 ans et donc très évocatrices d’une prédisposition génétique sous-jacente (10). Cette étude est précieuse car elle est indépendante de la sensibilité des méthodes de détection de mutation. Le tableau 2 rapporte ces estimations en prenant également en compte la nature de l’histoire familiale : cancers du sein seul, cancers du sein et de l’ovaire, cancers du sein comptant au moins un cas masculin. Il faut retenir que BRCA1 ou BRCA2 sont impliqués dans 95 % des cas de cancers du sein et de l’ovaire dans les familles du BCLC, alors qu’ils ne le sont que dans 65 % des cas de cancers du sein seul. On s’attend donc à l’existence d’autres facteurs génétiques de prédisposition aux cancers du sein. Malgré plusieurs nouvelles études de liaison génétique réalisées à partir de grandes familles liées ni à BRCA1 ni à BRCA2, aucun autre gène n’a pu être localisé. Il est possible que ces cas familiaux reflètent une prédisposition obéissant à un mode de transmission différent : mode récessif (contribution des deux branches parentales), di- ou pauci-génique (13). L’identification de ces gènes sera issue de stratégies de recherche différentes de l’analyse de co-ségrégation : étude de paires ou triplets de sœurs atteintes, approche gène-candidat chez des femmes jeunes, etc. Tableau 2 - Contribution des altérations des gènes BRCA1 et BRCA2 d’après les études de liaison génétique réalisées sur 237 familles. Ces études sont indépendantes de la sensibilité de détection des mutations (10). () intervalle de confiance. Familles ayant au moins 4 cas de cancer du sein avant l’âge de 60 ans Toutes les familles Familles sein seul Familles sein-ovaire Familles avec cas masculins
BRCA1
BRCA2
Autres gènes : BRCAX ?
52 % (42-63) 28 % (13-45) 80 % (66-92) 19 % (1-47)
35 % (24-46) 37 % (20-56) 15 % (5-28) 77 % (43-97)
13 % (3-25) 35 % (14-57) 5 % (0-17) 4 % (0-42)
Estimation de la prévalence des mutations BRCA La prévalence des sujets porteurs d’une mutation délétère de BRCA1 ou BRCA2 dans la population générale a été estimée grâce à l’étude de population Anglian Breast Cancer ou ABC Study (14, 15). Il s’agit d’une étude basée sur la recherche sys-
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein 21 tématique de mutation BRCA dans une série de cas consécutifs de cancer du sein dont le diagnostic a été porté avant l’âge de 55 ans entre 1991 et 1996. La reconstitution systématique de l’histoire familiale au premier degré de chaque cas et la prise en compte d’une sensibilité maximale de détection de mutation de 80 % a permis par extrapolation d’estimer la prévalence des mutations BRCA1 et BRCA2 dans la population générale. L’originalité de cette étude est qu’elle intègre des données de population. La prévalence des mutations BRCA1 est estimée à 0,102 % (IC : 0,042 %-0,250 %), soit 1/980 (IC : 1/2381-1/400) ; celle de BRCA2 à 0,136 % (IC : 0,066 %-0,282 %), soit 1/735 (IC : 1/1515-1/354). Ainsi, une personne sur 420 serait porteuse d’une altération d’un gène BRCA. Dans cette même étude, la prise en compte des estimations des risques tumoraux a permis d’estimer la prévalence des mutations chez les femmes atteintes de cancer du sein ou de l’ovaire en fonction de l’âge au diagnostic (tableau 3). Ainsi, 2,6 % des femmes atteintes de cancer du sein avant 50 ans et 1,9 % de celles atteintes avant 70 ans seraient porteuses d’une altération d’un gène BRCA. Tableau 3 - Prévalence des femmes porteuses d’une mutation BRCA1 ou BRCA2 en fonction de l’âge au diagnostic (15). Cancer du sein
BRCA1 BRCA2
Cancer de l’ovaire
< 40 ans
< 50 ans
< 70 ans
< 50 ans
< 70 ans
2,4 % 2,3 %
1,2 % 1,4 %
0,23 % 1,67 %
5,16 % 0,27 %
1,95 % 1,12 %
Indication d’étude des gènes BRCA Les indications de tests BRCA chez le cas index reposent sur un certain arbitraire qui est un compromis entre la probabilité d’identifier une mutation BRCA et les capacités d’analyse des laboratoires. L’expertise collective INSERM-FNCLCC sur la prise en charge des femmes à haut risque de cancer du sein parue en 1998 avait retenu qu’un test pouvait être proposé si la probabilité de prédisposition du cas index était d’au moins 25 % (16), ce qui correspond à une probabilité de détection d’une mutation comprise entre 10 et 16 % selon qu’il s’agit d’une famille de type cancer du sein seul ou cancer du sein et de l’ovaire (prise en compte a) de la contribution de BRCA à 9 % des formes dites héréditaires de cancers du sein et de l’ovaire et de 65 % pour les familles sein seul et b) d’une sensibilité de détection de mutation de 70 %). Ces probabilités de prédisposition peuvent correspondre, à titre d’exemple, aux situations familiales suivantes : – au moins trois cas de cancer du sein ou de l’ovaire appartenant à la même branche parentale et survenant chez des personnes apparentées au premier ou au second degré ; – deux cas de cancer du sein chez des apparentées du premier degré dont l’âge au diagnostic d’au moins un cas est inférieur ou égal à 40 ans ;
22 Cancer du sein – deux cas de cancer du sein chez des apparentés du premier degré dont au moins un cas est masculin ; – deux cas chez des apparentées du premier degré dont au moins un cas est un cancer de l’ovaire. Certains proposent une indication de test génétique devant les situations individuelles suivantes (absence d’histoire familiale de cancers du sein et/ou de l’ovaire) : – association d’un cancer du sein et d’un cancer primitif de l’ovaire ; – cancer du sein de type histologique médullaire (les formes médullaires sont dix fois plus fréquentes en cas de mutation BRCA1) ; – diagnostic de cancer du sein très indifférencié chez une femme de 40 ans ou moins (17). Le caractère bilatéral de l’atteinte mammaire n’est pas pris en compte, car le recul est insuffisant pour estimer la valeur prédictive de la présence d’une mutation. Ces indications seront rediscutées lors de la mise à jour de l’expertise collective INSERM qui devrait être disponible début 2004. Concernant les tests chez les apparentées d’une famille où une mutation BRCA a été identifiée, il n’y a pas de limitation des indications de prescription. La limite de la prescription n’est pas liée aux capacités du laboratoire mais à la démarche active des apparentées. Rappelons de plus que les lois de bioéthique encadrent la prescription des tests génétiques, en particulier ceux des apparentés asymptomatiques : « Chez une personne asymptomatique, la prescription d’un examen des caractéristiques génétiques ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une consultation médicale individuelle qui doit être effectuée par un médecin œuvrant au sein d’une équipe pluridisciplinaire rassemblant des compétences cliniques et génétiques. Cette équipe doit se doter d’un protocole type de prise en charge et être déclarée au ministre de la Santé selon des modalités fixées par arrêté. » Du fait de la complexité des informations et des enjeux familiaux d’une telle démarche, les groupes de travail comme le groupe génétique et cancer de la FNCLCC recommandent que la prescription chez le cas index ait également lieu dans le cadre d’une consultation de génétique. Ces consultations sont multidisciplinaires et intègrent prise en charge psychologique et prise en charge médicale, voire, pour le risque ovarien, prise en charge chirurgicale.
Risques tumoraux et mutations BRCA1 et BRCA2 Au décours immédiat de l’identification des gènes BRCA, les risques tumoraux associés ont été ré-estimés à partir des familles du BCLC (tableau 1). Les critères de recensement des familles ont été pris en compte dans l’estimation des risques, limitant ainsi les biais de recensement et la surestimation des risques. Les valeurs du risque cumulé de cancer du sein associées à une mutation des gènes BRCA sont très élevées, de plus de 80 % à l’âge de 70 ans. Puis ce risque a été ré-estimé à partir d’études dites de population, c’est-à-dire réalisées selon le schéma de l’étude ABC. Les estimations des risques se sont avérées un peu plus faibles. Une méta-analyse récente des vingt-deux études de ce type a estimé des valeurs de risque proches de celles données par l’analyse de ségrégation de la CASH-study, tout du moins pour
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein 23 des risques associés au gène BRCA1 (tableau 1) (18). Les différences d’estimation des risques entre les études de familles et les études de population peuvent refléter l’influence de facteurs modificateurs sur les risques tumoraux de ces gènes. Ces facteurs modificateurs peuvent être environnementaux (en prenant aussi en compte les facteurs hormonaux) et/ou génétiques. Il est à noter que le risque de cancer du sein de femmes porteuses d’une mutation BRCA1 et nées après 1930 est multiplié par 2,5 par rapport à celui des femmes nées avant 1930, suggérant effectivement l’influence des facteurs environnementaux sur le risque d’origine génétique (19). Les mêmes études ont été réalisées pour le risque ovarien et sont résumées dans le tableau 4. Le risque ovarien associé au gène BRCA1 est clairement plus élevé à un âge précoce que celui associé au gène BRCA2. Une influence de la nature et de la position de la mutation a été recherchée tant pour BRCA1 que pour BRCA2. Le risque ovarien apparaît être multiplié par deux pour une mutation située au milieu du gène BRCA2, dans une région appelée Ovarian Cancer Cluster Region (OCCR), comparé à une mutation située en dehors de cette région (20). Tableau 4 - Risques de cancer de l’ovaire estimés dans différentes études. () intervalle de confiance.
Risque 50 ans Risque 70 ans
BRCA1 (38)
BRCA2 (10)
BRCA1 Méta-analyse de 22 études de population (18)
BRCA2 Méta-analyse de 22 études de population (18)
29 % (16-40)
0,4 % (0-1)
13 % (8-18)
1 % (0-3)
44 % (28-56)
27 % (0-47)
39 % (22-51)
11 % (4 -18)
Les familles du BCLC ont été également très précieuses pour rechercher une augmentation de risque d’autres cancers. En effet, le taux de cancers chez les apparentés de sujets porteurs d’une mutation BRCA a été comparé au nombre de cas attendus compte tenu de l’âge et du pays d’origine. Il existe une augmentation du risque de cancer du pancréas associé à une mutation BRCA2, le risque cumulé à l’âge de 70 ans étant de 2,1 % chez les hommes et de 1,5 % chez les femmes (21). Le risque à 70 ans est de 1,2 % en cas de mutation BRCA1 chez les hommes (22), soit un risque multiplié par un facteur compris entre 3,5 et 2 pour respectivement BRCA2 et BRCA1 par rapport à celui de la population générale. Il existe également une augmentation relativement importante du risque de cancer de la prostate associé au gène BRCA2. Le risque cumulé à 70 ans est de 7,5 %, soit 4,7 fois plus important que le risque de la population générale. Il existe un risque modéré de mélanome en cas de mutation BRCA2 (risque relatif de 2,6 à 70 ans (21, 22).
24 Cancer du sein
Les gènes associés à un syndrome particulier Le syndrome de Li et Fraumeni Le syndrome de Li et Fraumeni est, selon sa définition historique, la réunion familiale d’un cas index atteint de sarcome survenu avant l’âge de 45 ans et de deux cas de cancer survenus avant l’âge de 45 ans (le plus souvent tumeur cérébrale, cancer du sein, hémopathie, cortico-surrénalo-carcinome), ou un cas de sarcome, quel que soit l’âge au diagnostic, chez deux apparentés dont l’un au moins est apparenté au premier degré avec le cas index et l’autre l’est au premier ou second degré. Ces tumeurs, souvent multiples, sont d’apparition précoce, survenant dans près de 20 % des cas avant l’âge de 15 ans (23). Des mutations constitutionnelles hétérozygotes du gène TP53 (mutation sur l’un des deux allèles TP53), gène clé du cycle cellulaire et de l’apoptose, ont été identifiées dans environ 50 % des familles correspondant à la définition classique du syndrome. Ce syndrome de prédisposition, transmis selon un mode dominant, est à l’origine d’un risque de cancer du sein de l’ordre de 40 % avant l’âge de 45 ans. Moins de 1 % des cas de cancer du sein diagnostiqués avant l’âge de 40 ans sont liés à une mutation TP53. D’autres gènes sont très probablement à l’origine de ce syndrome. Des mutations du gène CHEK2, impliqués dans le cycle cellulaire, ont été récemment découvertes dans de telles situations familiales (24). Cependant, le rôle de ce gène n’a pas été confirmé (25). La multiplicité et la diversité des lésions tumorales rendent la prise en charge des sujets porteurs d’une altération de TP53 limitée. Dans cette situation, plus que dans tout autre, la décision d’un test chez un sujet à risque doit être mûrement réfléchie (26).
La maladie de Cowden ou maladie des hamartomes multiples La maladie de Cowden est une pathologie très rare touchant environ une personne sur cent mille. Moins de un pour mille des cas de cancer du sein est lié à cette pathologie. Ce syndrome est caractérisé par la présence de lésions hamartomateuses cutanées (Tricholemmomas), de la cavité buccale, de la thyroïde et du tractus digestif. Les hamartomes correspondent au développement architectural anormal d’un tissu donné. La présence de polypes hamartomateux du côlon est un excellent élément du diagnostic. Chez les femmes, existe dans 50 % des cas, une mastopathie sévère souvent associée à une hypertrophie mammaire. Dans plus de la moitié des cas, ces lésions sont associées à un carcinome mammaire. Le gène responsable, PTEN, a été identifié. Il code pour une protéine impliquée dans le contrôle négatif du signal mitotique et dans la cohésion intracellulaire. Le mode de transmission de la maladie de Cowden est, comme pour les situations précédentes, autosomique dominant (27). La prise en charge de cancer du sein est difficile du fait de l’importance de la mastopathie qui, rendant la surveillance difficile, peut conduire à l’indication d’une mammectomie prophylactique.
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein 25
La maladie de Peutz-Jeghers ou lentiginose péri-orificielle La maladie de Peutz-Jeghers est une pathologie très rare touchant, comme la maladie de Cowden, environ une personne sur cent mille. Elle est caractérisée par la présence de taches pigmentées de 1 à 5 mm touchant les muqueuses buccales, vulvaires, anales, les doigts et les genoux. Ces taches ont tendance à s’atténuer avec l’âge. Il existe des polypes hamartomateux du tractus digestif siégeant le plus souvent sur le grêle, le duodénum, l’estomac et parfois sur le côlon. Ces polypes volumineux sont à l’origine de syndromes occlusifs, d’hémorragies souvent distillantes. Le syndrome est transmis selon le mode autosomique dominant. Il existe un risque de tumeurs digestives, du pancréas et de tumeurs mammaires. Une étude récente a estimé que le risque de cancer du sein avant l’âge de 65 ans est de 29 % (IC : 1262 %) (28). Un gène a été identifié, STK11, gène codant pour une kinase dont les protéines cibles ne sont pas encore connues. Les mutations de STK11 rendent compte de seulement 50 % des cas de Peutz-Jeghers, suggérant l’existence d’une hétérogénéité génétique (29).
Gènes impliqués dans l’ataxie-télangiectasie L’ataxie-télangiectasie (AT) est une pathologie héréditaire, transmise selon un mode récessif, qui associe une dégénérescence cérébelleuse, un déficit immunitaire, une hypersensibilité aux radiations ionisantes et une prédisposition aux tumeurs, en particulier hématologiques, apparaissant souvent dès l’enfance. Le gène principalement responsable, ATM, code pour une protéine kinase, impliquée dans la détection des cassures double-brin de l’ADN, dans le contrôle du cycle cellulaire et dans la mobilisation de protéines de réparation. Un second gène, MRE11, a été identifié plus récemment ; ses altérations sont à l’origine de moins de 5 % des cas d’AT. Comme ATM, MRE11 est impliqué dans la réparation des cassures double-brin de l’ADN. Les parents de ces enfants, hétérozygotes ATM (ou MRE11) obligatoires (porteurs d’une mutation sur l’un des deux allèles du gène ATM), présentent une radio-sensibilité in vitro sus-normale et ont un risque de cancer plus important que celui de la population générale. Les femmes ont, en particulier, selon les études les plus récentes, un risque de cancer du sein multiplié par trois (30). Alors que la maladie est rare dans la population (de l’ordre d’un enfant sur cent mille), la fréquence des hétérozygotes est relativement élevée et est de l’ordre de un pour deux cents. En retenant un risque relatif de cancer du sein de 3, 2 %, des cas de cancers du sein pourraient être liés à une mutation du gène ATM. Ces estimations n’ont néanmoins pas été confirmées lors de la recherche systématique de mutations chez des femmes atteintes de cancer du sein. Le manque de puissance des études et le type de mutations, pas toujours exploré par des méthodes standards, pourraient expliquer ces résultats discordants. Aujourd’hui, l’étude du gène ATM n’est faite que dans un cadre de recherche. Une étude de cohorte d’apparentées d’enfants atteints a été mise en place au niveau français et européen en 2003 ; une surveillance mammographique biennale à partir de l’âge de 40 ans est proposée (N. Andrieu, Institut Curie et Inserm EMI 00 06).
26 Cancer du sein
Les études cas-témoins ou de cohortes Une autre façon d’identifier des facteurs de prédisposition est la comparaison de la fréquence d’un allèle d’un gène donné entre un groupe de femmes atteintes et un groupe de femmes indemnes appariées, avec les cas pour l’âge et l’origine ethnique. Les allèles étudiés sont en général des polymorphismes, c’est-à-dire des variants géniques dont la fréquence est d’au moins 1 % dans la population générale. Les gènes les plus étudiés codent pour des enzymes de détoxication des agents mutagènes (CYTP450, GSTP1, GSTM1). De très nombreuses études ont été faites, avec des résultats souvent non significatifs et parfois discordants. Alison Dunning a fait en 1999 une revue exhaustive de ces études et une méta-analyse lorsque plusieurs études ont testé le même allèle (31). Retenons les variants principaux suivants. L’allèle Val105 du gène GSTP1 confère un risque relatif (RR) de 1,60 par rapport aux non porteurs (p = 0,02) ; l’allèle Pro72 du gène TP53 confère un RR de 1,27 (p = 0,03)1. Enfin, une délétion homozygote du gène GSTM1 confère un RR de 1,33 chez les femmes après la ménopause (p = 0,04). Influençant peu le risque et, par là, la prise en charge des patientes, aujourd’hui ces résultats ne sont pas pris en compte dans la pratique clinique. Des études reposant sur de grands effectifs sont en cours pour examiner l’effet conjoint de ces facteurs, ainsi que leurs éventuelles interactions avec des facteurs de l’environnement (prise de contraceptifs oraux, de THS). Il est possible que des situations relativement simples combinant deux variants soient à l’origine de risques élevés et donc puissent expliquer certaines formes familiales non associées à une mutation de BRCA1 ou BRCA2.
Estimation du risque de cancer du sein devant une histoire familiale En pratique clinique, il arrive bien souvent que l’on soit en face d’une patiente qui présente une ou plusieurs apparentées atteintes de cancer du sein (et plus rarement de cancer de l’ovaire). Lorsqu’un test génétique n’est pas indiqué, ou lorsqu’aucune mutation n’a été identifiée dans la famille, il faut cependant évaluer le plus précisément possible le risque de cancer du sein de cette femme. Il faut noter que nous ne disposons pas aujourd’hui de modèles satisfaisants qui nous permettent d’évaluer le risque tumoral résiduel lorsqu’aucune mutation n’a été identifiée dans la famille. Par prudence, nous proposons de retenir que le risque des apparentées indemnes reste celui donné par les modèles présentés dans les lignes qui suivent. Les enjeux de ces calculs de risque sont multiples : nous en citerons deux. Le premier est celui du dépistage du cancer du sein. En France, le dépistage organisé est actuellement proposé à partir de l’âge de 50 ans et ce, tous les deux ans, jusqu’à l’âge de 74 ans. Quand le contexte familial doit-il orienter une jeune femme vers un dépistage plus précoce ? Ce dépistage doit-il être plus fréquent ? Le deuxième enjeu 1) Il s’agit ici d’un variant fréquent de TP53 qui n’inactive pas totalement la protéine p53 correspondante et non d’une mutation inactivatrice à l’origine du syndrome de Li et Fraumeni
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein 27 est celui de la prise en charge de la ménopause. Actuellement, la prescription d’un traitement hormonal de la ménopause (THM) doit faire l’objet d’une stratégie bénéfices-risques et d’une information très complète. Il est donc utile d’évaluer l’amplitude du risque de cancer du sein conféré à une femme associé à son histoire familiale. Néanmoins, la nature de l’interaction entre risque familial et risque hormonal reste insuffisamment connue et rend la prise en charge du risque hormonal difficile. Deux types d’études ont examiné le risque de cancer du sein associé aux antécédents familiaux : – les études cas-témoins ou de cohortes ; – les études de ségrégation dont on a vu plus haut le principe. Les études cas-témoins ou de cohortes ont permis d’estimer que le risque de développer un cancer du sein d’une femme dont la mère ou la sœur, voire la fille, a été atteinte de cancer du sein, est multiplié par environ deux par rapport à celui d’une femme de la population générale. Ces études sont en général limitées à l’estimation du risque associé à la prévalence de cancer du sein parmi les premiers degrés d’une femme atteinte. Une méta-analyse portant sur 52 études a été publiée récemment (méta-analyse d’Oxford) (32). C’est en partie sur ces résultats que nous nous appuierons (tableau 5). A la différence des études cas-témoins, les études de ségrégation permettent, sous l’hypothèse d’un modèle de transmission génétique déterminé a priori, de calculer les risques tumoraux quelle que soit la situation familiale (2, 33-35). L’utilisation en pratique courante des modèles de ségrégation n’est cependant pas simple ; des tables de risque ont été établies en prenant en compte les principales situations familiales rencontrées, ainsi que les âges au diagnostic des apparentées atteintes : une apparentée au premier degré, une apparentée au second degré, deux apparentées au premier degré, une mère atteinte et une tante maternelle atteinte, un ou deux cas de cancers de l’ovaire, une apparentée atteinte de cancer du sein et une apparentée atteinte de cancer de l’ovaire (tableaux 6-11).
28 Cancer du sein Tableau 5 - Risque cumulé sur dix ans de cancer du sein chez une femme ayant une apparentée au premier degré atteinte de cancer du sein, d’après la méta-analyse d’Oxford (32). Du risque relatif (RR) au risque absolu (RA) : de la méta-analyse d’Oxford aux données incidence France entière, 1995. Les risques absolus ont été calculés en multipliant les RA France entière par les RR issus de la méta-analyse d’Oxford. Entre parenthèses, l’intervalle de confiance pour un = p : 0,01. En grisé, les situations pour lesquelles la surveillance mammographique annuelle est proposée. Elle commence au plus tôt à 30 ans. En souligné, situation discordante avec la CASH study. Lorsque le diagnostic a été porté entre 40 et 49 ans chez l’apparentée atteinte, nous proposons que le suivi débute cinq ans avant ce diagnostic : i.e. 35 ans pour un diagnostic à 40 ans ; 36 ans pour un diagnostic à 41 ans. Lorsque le diagnostic a été porté après 60 ans, nous proposons que le suivi débute dès l’âge de 40 ans. Risque T sein en fonction de l’âge de l’apparentée à risque Âge au diagnostic du premier degré atteint
< 40 ans RA population : 0,59 %
< 40 ans
RR : 5,7 (2,7-11,8)
RR : 3,0 (1,8-4,9)
RR : 2,0 (1,2 - 3,4)
RR : 1,4 (0,9 – 2,1)
RA : 3,4 % (1,6-7)
RA : 5,4 % (3,2-7,9)
RA : 5 % (3 – 8,6)
RA : 7,4 % (4,7– 11)
40-49 ans 50-59 ans 60-79 ans
40-49 ans RA population : 1,80 %
50-59 ans RA population : 2,52 %
60 ans-79 ans RA population : 5,25 %
RR : 2,9 (1,9-4,4)
RR : 2,0 (1,5-2,8)
RR : 2,2 (1,6 – 3)
RR : 1,4 (1,0 – 2,0)
RA : 1,7 % (1,1-2,6)
RA : 3,6 % (2,7-5)
RA : 5,5 % (4 – 7,6)
RA : 7,4 % (5,2– 10) RR : 1,5 (1,2 – 2,0)
RR : 2,8 (1,7-4,5)
RR : 2,3 (1,7-3,2)
RR : 1,6 (1,2 – 2,1)
RA : 1,7 % (1-2,7)
RA : 4,1 % (2,7-5,8)
RA : 4 % (3 – 5,3)
RA : 7,9 % (6,3– 10)
RR : 2,0 (1,2-3,2)
RR : 1,7 (1,3-2,1)
RR : 1,6 (1,3 – 2,0)
RR : 1,4 (1,2 – 1,7)
RA : 1,2 % (0,7-1,9)
RA : 3,1 % (2,3-3,8)
RA : 4 % (3,3 - 5)
RA : 7,4 % (6,3- 8,9)
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein 29 Tableau 6 - Risque cumulé sur dix ans de cancer du sein chez une femme ayant une apparentée au premier degré atteinte de cancer du sein, d’après la CASH study (35). Le risque relatif (RR) a été établi à partir des paramètres de la CASH study (risque tumoral des femmes prédisposées et données d’incidence des cancers de la population américaine des années quatre-vingts, soit < 40 ans : 0,27 % ; 40-49 ans : 1,11 % ; 50-59 ans : 1,37 % ; 60-69 ans : 2,2 %). Les risques absolus ont été calculés en multipliant les RA 1995 de la population française par les RR issus de la CASH study. En grisé, les situations pour lesquelles la surveillance mammographique annuelle est proposée. Elle commence au plus tôt à 30 ans. En souligné, situation discordante avec la méta-analyse d’Oxford. Lorsque le diagnostic a été porté entre 40 et 49 ans chez l’apparentée atteinte, nous proposons que le suivi débute cinq ans avant ce diagnostic : i.e. 35 ans pour un diagnostic à 40 ans ; 36 ans pour un diagnostic à 41 ans. Lorsque le diagnostic a été porté après 60 ans, nous proposons que le suivi débute dès l’âge de 40 ans. Risque T sein en fonction de l’âge de l’apparentée à risque Âge au diagnostic du premier degré atteint
< 40 ans Risque pop : 0,59 %
40-49 ans Risque pop : 1,80 %
50-59 ans Risque pop : 2,52 %
60 ans-69 ans Risque pop : 2,73%
20-29 ans
RR 9,2 RA 5,4 % RR 6,3 RA 3,7 % RR 4,4 RA 2,6 % RR 3,0 RA 1,7 % RR 2,2 RA 1,3 % RR 1,8 RA 1,1 %
RR 3,4 RA 6,1 % RR 2,4 RA 4,3 % RR 1,8 RA 3,2 % RR 1,4 RA 2,5 % RR 1,1 RA 2 % RR 1,0 RA 1,8 %
RR 3,9 RA 9,8 % RR 3,1 RA 7,8 % RR 2,3 RA 5,8 % RR 1,9 RA 4,8 % RR 1,6 RA 4 % RR 1,4 RA 3,5 %
RR 2,5 RA 6,8% RR 2,0 RA 5,5% RR 1,7 RA 4,6% RR 1,5 RA 4,1% RR 1,4 RA 3,8% RR 1,2 RA 3,3%
30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
30 Cancer du sein Tableau 7 - Risque sur dix ans de cancer du sein chez une femme ayant une apparentée au second degré atteinte de cancer du sein, d’après la CASH study (35). Les risques relatifs (RR) ont été établis à partir des paramètres de la CASH study (risques tumoraux des femmes prédisposées et données d’incidence des cancers de la population américaine des années quatre-vingts, soit < 40 ans : 0,27 % ; 40-49 ans : 1,11 % ; 50-59 ans : 1,37 % ; 60-69 ans : 2,2 %). Les risques absolus (RA) ont été calculés en multipliant les RA 1995 de la population française par les RR de la CASH-Study. En grisé, les situations pour lesquelles la surveillance mammographique annuelle est proposée. Elle commence au plus tôt à 30 ans. Risque T sein en fonction de l’âge de l’apparentée à risque Âge au diagnostic du second degré
< 40 ans Risque pop : 0,59 %
40-49 ans Risque pop : 1,80 %
50-59 ans Risque pop : 2,52 %
60 ans-69 ans Risque pop : 2,73 %
20-29 ans
RR 5,2 RA 3,1 % RR 3,7 RA 2,2 % RR 2,6 RA 1,5 % RR 2,2 RA 1,3 % RR 1,8 RA 1,1 % RR 1,5 RA 0,9 %
RR 1,9 RA 3,4 % RR 1,5 RA 2,7 % RR 1,3 RA 2,3 % RR 1,0 RA 1,8 % RR 1,0 RA 1,8 % RR 1,0 RA 1,8 %
RR 2,5 RA 6,3 % RR 2,1 RA 5,3 % RR 1,7 RA 4,3 % RR 1,5 RA 3,8 % RR 1,5 RA 3,8 % RR 1,4 RA 3,5 %
RR 1,8 RA 4,9 % RR 1,5 RA 4,1 % RR 1,4 RA 3,8 % RR 1,3 RA 3,6 % RR 1,3 RA 3,6 % RR 1,2 RA 3,2 %
30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein 31 Tableau 8 - Risque cumulé sur dix ans de cancer du sein lorsque deux apparentées au premier degré sont atteintes. Tableau établi à partir de la CASH study (35). Les risques relatifs (RR) ont été établis à partir des paramètres de la CASH study (risques tumoraux des femmes prédisposées et données d’incidence des cancers de la population américaine des années quatre-vingts, soit < 40 ans : 0,27 % ; 40-49 ans : 1,11 % ; 50-59 ans : 1,3 % ; 60-69 ans : 2,2 %). Les risques absolus (RA) ont été calculés en multipliant les RA 1995 de la population française par les RR de la CASH study. En grisé, les situations pour lesquelles la surveillance mammographique annuelle est proposée. Risque T sein en fonction de l’âge de l’apparentée à risque Âge au Deuxième cas apparenté 1er degré
39 ans Risque pop : 0,59 %
40-49 ans Risque pop : 1,80 %
50-59 ans Risque pop : 2,52 %
60 ans-69 ans Risque pop : 2,73 %
RR 9,2 RA 23,7 % RR 8,9 RA 22,4 % RR 8,4 RA 21,2 % RR 7,7 RA 19,4 % RR 6,8 RA 17,1 % RR 5,8 RA 14,6 %
RR 5,3 RA 14,5 % RR 5,1, RA 13,9 % RR 4,8 RA 13 % RR 4,4 RA 12 % RR 3,9 RA 10,8 % RR 3,5 RA 9,6 %
RR 8,5 RA 21,5 % RR 7,7 RA 19,3 % RR 6,8 RA 17,1 % RR 5,7 RA 14,5 % RR 4,8 RA 12,1 %
RR 3,0 RA 8,2 % RR 2,8 RA 7,7 % RR 2,6 RA 7,1 % RR 2,3 RA 6,3 % RR 2,0 RA 5,6 %
Âge au diagnostic du premier cas : 20-29 ans 20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
RR 25,6 RA 15,1 % RR 24,4 RA 14,4 % RR 22,0 RA 13,3 % RR 20,0 RA 12 % RR 17,8 RA 10,5 % RR 15,2 RA 9 %
RR 8,7 RA 15,7 % RR 8,2 RA 14,7 % RR 7,7 RA 13,9 % RR 7,0 RA 12,6 % RR 6,2 RA 11,2 % RR 5,2 RA 9,4 %
Âge au diagnostic du premier cas : 30- 39 ans 30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
RR 23,0 RA 13,6 % RR 20,7 RA 12,2 % RR 17,8 RA 10,5 % RR 14,8 RA 8,7 % RR 11,8 RA 7 %
RR 7,7 RA 13,9 % RR 7,0 RA 12,6 % RR 6,1 RA 11 % RR 5,0 RA 9,1 % RR 4,0 RA 7,3 %
32 Cancer du sein
Âge au diagnostic du premier cas : 40- 49 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
RR 17,7 RA 10,5 % RR 14,4 RA 8,5 % RR 11,1 RA 6,5 % RR 8,5 RA 5,0 %
RR 6,2 RA 11,2 % RR 5,1 RA 9,2 % RR 4,0 RA 7,3 % RR 3,2 RA 5,7 %
RR 6,8 RA 17,1 % RR 5,7 RA 14,3 % RR 4,7 RA 11,8 % RR 3,7 RA 9,2 %
RR 4,0 RA 10,9 % RR 3,4 RA 9,3 % RR 2,9 RA 7,8 % RR 2,4 RA 6,6 %
RR 4,6 RA 11,6 % RR 3,6 RA 9 % RR 2,8 RA 7,2 %
RR 2,8 RA 7,7 % RR 2,4 RA 6,5 % RR 2,0 RA 5,5 %
RR 2,9 RA 7,2 % RR 2,3 RA 5,7 %
RR 1,9 RA 5,2 % RR 1,7 RA 4,6 %
RR 1,9 RA 4,8 %
RR 1,4 RA 4 %
Âge au diagnostic du premier cas : 50- 59 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
RR 11,0 RA 6,6 % RR 8,1 RA 4,8 % RR 5,9 RA 3,2 %
RR 4,0 RA 7,3 % RR 3,0 RA 5,5 % RR 2,3 RA 4,2
Âge au diagnostic du premier cas : 60- 69 ans 60-69 ans 70-79 ans
RR 5,9 RA 3,5 % RR 4,4 RA 2,6 %
RR 2,2 RA 4 % RR 1,6 RA 2,9 %
Âge au diagnostic du premier cas : 70- 79 ans 70-79 ans
RR 3,0 RA 1,8 %
RR 1,3 RA 2,4%
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein 33 Tableau 9 - Risque de cancer du sein lorsque une mère et une tante maternelle sont atteintes. Tableau établi à partir de la CASH study (35). Les risques relatifs (RR) ont été établis à partir des paramètres de la CASH study (risques tumoraux des femmes prédisposées et données d’incidence des cancers de la population américaine des années quatre-vingts, soit < 40 ans : 0,27 % ; 40-49 ans : 1,11 % ; 50-59 ans : 1,37 % ; 60-69 ans : 2,2 %). Les risques absolus (RA) ont été calculés en multipliant les RA 1995 de la population française par les RR de la CASH-study. En grisé, les situations pour lesquelles la surveillance mammographique annuelle est proposée. Risque T sein en fonction de l’âge de l’apparentée à risque Âge au dg tante maternelle
39 ans Risque pop : 0,59 %
40-49 ans Risque pop : 1,80 %
50-59 ans Risque pop : 2,52 %
60 ans-69 ans Risque pop : 2,73 %
RR 8,0 RA 14,4 % RR 7,7 RA 13,9 % RR 7,5 RA 13,6 % RR 6,7 RA 12,1% RR 6,1 RA 11 % RR 5,2 RA 9,4 %
RR 8,7 RA 21,9 % RR 8,5 RA 21,4 % RR 8,0 RA 20,2 % RR 7,5 RA 18,9 RR 6,6 RA 16,7 % RR 5,8 RA 14,6 %
RR 5,0 RA 13,5% RR 4,8 RA 13,2% RR 4,8 RA 12,6% RR 4,3 RA 11,8% RR 4,0 RA 10,8% RR 3,5 RA 9,6%
RR 7,7 RA 13,9 % RR 7,3 RA 13,1 % RR 6,7 RA 12,1 % RR 5,9 RA 10,7 % RR 5,0 RA 8,9 % RR 4,0 RA 7,3 %
RR 8,4 RA 21,2 % RR 8,0 RA 20,2 % RR 7,4 RA 18,6 % RR 6,6 RA 16,7 % RR 5,7 RA 14,3 % RR 4,8 RA 12,1 %
RR 4,8 RA 13% RR 4,6 RA 12,5% RR 4,3 RA 11,7% RR 3,9 RA 10,7% RR 3,4 RA 9,2% RR 2,9 RA 7,9 %
Âge au diagnostic mère : 20-29 ans 20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
RR 23,7 RA 14 % RR 22,9 RA 13,5 % RR 21,1 RA 12,6 % RR 20,0 RA 11,8 % RR 17,4 RA 10,3 % RR 14,8 RA 8,7 %
Âge au diagnostic mère : 30-39 ans 20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
RR 22,6 RA 13,3 % RR 21,5 RA 12,7 % RR 19,6 RA 11,6 % RR 17,0 RA 10,1 % RR 14,4 RA 8,5 % RR 11,5 RA 6,8 %
34 Cancer du sein
Âge au diagnostic mère : 40-49 ans 20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
RR 21,0 RA 12,4 % RR 19,0 RA 11,4 % RR 17,0 RA 10 % RR 14,0 RA 8,3 % RR 11,0 RA 6,6 % RR 8,1 RA 4,8 %
RR 7,2 RA 13 % RR 6,6 RA 11,8 % RR 5,7 RA 10,4 % RR 4,9 RA 8,8 % RR 3,9 RA 7 % RR 3,0 RA 5,5 %
RR 7,9 RA 19,9 % RR 7,3 RA 18,4 RR 6,5 RA 16,4 % RR 5,5 RA 13,8 % RR 4,4 RA 11,1 % RR 3,6 RA 9,2 %
RR 4,6 RA 12,5 % RR 4,2 RA 11,4 % RR 3,8 RA 10,3 RR 3,3 RA 9 % RR 2,8 RA 7,7 % RR 2,4 RA 6,5 %
RR 6,4 RA 11,5 % RR 5,7 RA 10,2 % RR 4,8 RA 8,6 % RR 3,8 RA 6,8 % RR 2,9 RA 5,2 % RR 2,2 RA 3,9 %
RR 7,2 RA 18,1 % RR 6,4 RA 16 % RR 5,3 RA 13,4 % RR 4,4 RA 11 % RR 3,5 RA 8,8 % RR 2,8 RA 7 %
RR 4,1 RA 11,3 % RR 3,7 RA 10,1 % RR 3,2 RA 8,8 % RR 2,7 RA 7,4 % RR 2,3 RA 6,2 % RR 1,9 RA 5,3 %
RR 5,5 RA 9,9 % RR 4,6 RA 8,3 % RR 3,6 RA 6,5 % RR 2,8 RA 5 % RR 2,0 RA 3,7 % RR 1,6 RA 2,9 %
RR 6,0 RA 15,3 % RR 5,2 RA 13,1 % RR 4,2 RA 10,7 % RR 3,3 RA 8,3 % RR 2,7 RA 6,8 % RR 2,2 RA 5,5 %
RR 3,6 RA 9,8% RR 3,1 RA 8,6% RR 2,6 RA 7,2 % RR 2,2 RA 6,1 % RR 1,9 RA 5,1 % RR 1,6 RA 4,3 %
Âge au diagnostic mère : 50-59 ans 20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
RR 18,8 RA 11,1 % RR 16,3 RA 9,6 % RR 13,3 RA 7,8 % RR 10,3 RA 6,1 % RR 7,8 RA 4,6 % RR 5,9 RA 3,5 %
Âge au diagnostic mère : 60-69 ans 20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
RR 16,0 RA 9,4 % RR 13,0 RA 7,7 % RR 10,0 RA 5,9 % RR 7,4 RA 4,4 % RR 5,5 RA 3,3 % RR 4,0 RA 2,4 %
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein 35
Âge au diagnostic mère : 70-79 ans 20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
RR 12,6 RA 7,4 % RR 9,6 RA 5,7 % RR 7,0 RA 4,1 % RR 5,2 RA 3,1 % RR 3,7 RA 2,2 % RR 3,0 RA 1,8 %
RR 4,3 RA 7,8 % RR 3,5 RA 6,3 % RR 2,7 RA 4,9 % RR 2,0 RA 3,6 % RR 1,5 RA2,8 % RR 1,2 RA 2,1 %
RR 5,0 RA 12,7 % RR 4,1 RA 10,3 % RR 3,2 RA 8,1 % RR 2,5 RA 6,3 % RR 2,1 RA 5,3 % RR 1,8 RA 4,6 %
RR 3,0 RA 8,3 % RR 2,6 RA 7,1 % RR 2,2 RA 6 % RR 1,8 RA 5 % RR 1,5 RA 4,2 % RR 1,4 RA 3,8 %
Tableau 10 - Risque de cancer du sein lorsqu’une apparentée ou deux de premier degré est (sont) atteinte(s) de cancer de l’ovaire (33). Les RR ont été établis à partir des paramètres de la CASH study (risque tumoral des femmes prédisposées et données d’incidence des cancers de la population américaine des années quatre-vingts, soit < 40 ans : 0,2 7 % ; 40-49 ans : 1,11 % ; 50-59 ans : 1,37 % ; 60-69 ans : 2,2 %). Les risques absolus (RA) ont été calculés en multipliant les RA 1995 de la population française par les RR de la CASH study. En grisé, les situations pour lesquelles la surveillance mammographique annuelle est proposée. Risque T sein en fonction de l’âge de l’apparentée à risque < 40 ans Risque pop : 0,59 %
40-49 ans Risque pop : 1,80 %
50-59 ans Risque pop : 2,52 %
60 ans-69 ans Risque pop : 2,73 %
Une apparentée atteinte ovaire
RR 3,7 RA 2,2 %
RR 1,4 RA 2,52 %
RR 2,0 RA 5,2 %
RR 1,5 RA 4,1 %
Deux apparentées atteinte ovaire
RR 13,7 RA 8,1%
RR 4,8 RA 8,6 %
RR 5,4 RA 13,6 %
RR 3,3 RA 8,9 %
36 Cancer du sein Tableau 11 - Risque de cancer du sein lorsqu’une apparentée de premier degré est atteinte de cancer de l’ovaire et une autre de cancer du sein (33). Les RR ont été établis à partir des paramètres de la CASH study (risque tumoral des femmes prédisposées et données d’incidence des cancers de la population américaine des années quatre-vingts, soit < 40 ans : 0,27 % ; 40-49 ans : 1,11 % ; 50-59 ans : 1,37 % ; 60-69 ans : 2,2 %). Les risques absolus (RA) ont été calculés en multipliant les RA 1995 de la population française par les RR de la CASH study. En grisé, les situations pour lesquelles la surveillance mammographique annuelle est proposée. Risque T sein en fonction de l’âge de l’apparentée à risque Âge Dg cancer sein
< 40 ans Risque pop : 0,59 %
40-49 ans Risque pop : 1,80 %
50-59 ans Risque pop : 2,52 %
60 ans-69 ans Risque pop : 2,73 %
20-29 ans
RR 21,1 RA 12,5 % RR 18,5 RA 10,9 % RR 15,5 RA 9,1 % RR 12,6 RA 7,4 % RR 9,3 RA 5,5 % RR 7,0 RA 4,1 %
RR 7,1 RA 12,8 % RR 6,5 RA 11,7 % RR 5,5 RA 9,9 % RR 4,3 RA 7,7 % RR 3,4 RA 6,1 % RR 2,6 RA 4,7 %
RR 7,9 RA 19,9 % RR 7,1 RA 17,8 % RR 6,1 RA 15,4 % RR 5,0 RA 12,6 % RR 4,0 RA 10,1 % RR 3,1 RA 7,8 %
RR 4,5 RA 12,3 % RR 4,1 RA 11,2 % RR 3,6 RA 9,8 % RR 3,0 RA 8,3 % RR 2,5 RA 6,9 % RR 2,2 RA 5,8 %
30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans
Concernant l’indication du dépistage mammographique, nous proposons de prendre pour principe que celui-ci commence lorsque le niveau de risque absolu de cancer du sein d’une femme pour les dix ans à venir atteint le seuil critique correspondant à celui des femmes de 50 ans de la population générale chez lesquelles débute le dépistage organisé. Les données récentes d’incidence sur la France entière (1995) ont permis d’estimer que le risque entre 50 et 59 ans est de 2,52 % (36). Concernant le rythme de surveillance, il est retenu, compte tenu de l’évolutivité des lésions chez les femmes jeunes, que si une surveillance est mise en œuvre avant 50 ans, elle doit l’être selon un rythme annuel. Nous ne discutons pas ici des modalités de l’imagerie (place de l’échographie, de l’IRM) (l’article de Martine Meunier). Pour les femmes dont l’histoire familiale est limitée à la présence d’une apparentée au premier degré atteinte d’un cancer du sein, nous avons repris les résultats de la méta-analyse d’Oxford qui a porté sur près de 60 000 cas et 100 000 témoins. Cette étude a examiné le risque relatif de cancer du sein des femmes âgées de moins de 40 ans, de 40 à 49 ans, de 50 à 59 ans et de plus de 60 ans dont une apparentée de premier degré a été atteinte de cancer du sein et dont l’âge au diagnostic varie de moins de 40 ans à 79 ans (tableau 5). Prenant en compte les données françaises d’in-
Diagnostic des patientes à risque de cancer du sein 37 cidence par tranche de dix ans, nous avons estimé le risque absolu de cancer du sein correspondant (36). D’après ce tableau, on peut retenir qu’une femme dont une apparentée au premier degré a été atteinte avant l’âge de 40 ans a un risque à 40 ans de 3,4 %. Il est donc justifié de surveiller cette jeune femme dès l’âge de 30 ans, puisque son risque absolu dépasse le seuil choisi de 2,52 %. En revanche, si l’apparentée au premier degré a été atteinte entre 40 et 49 ans, le risque jusqu’à l’âge de 40 ans de la femme à risque (âgée de 30 ans) est de 1,7 %, ne conduisant donc pas en principe à une surveillance avant 40 ans. En revanche, la surveillance devra débuter à 40 ans, le risque dans les dix ans étant estimé à 3,6 %. Au-delà de 50 ans, la surveillance sera toujours mise en œuvre, l’âge au dépistage dans la population générale étant atteint. Concernant les situations familiales un peu plus complexes citées plus haut, nous avons adapté les tables de la CASH study aux données d’incidence française (tableaux 6-11). Ces tableaux sont donnés à titre indicatif. Ils devraient permettre d’avoir une attitude reproductible d’une situation familiale à l’autre. Les deux approches utilisant la méta-analyse d’Oxford et la CASH study aboutissent à des résultats similaires quant à l’indication de dépistage, sauf pour une femme avant 40 ans dont une apparentée au premier degré a été atteinte entre 40 et 49 ans : le risque est de 1,7 % pour la première et de 2,6 % pour la seconde, soit une valeur légèrement supérieure au seuil critique pour lequel on recommanderait une surveillance dès 30 ans. Nous proposons de suivre l’attitude empirique retenue dans la pratique médicale : débuter la surveillance cinq ans avant le diagnostic de l’apparentée atteinte. Si le diagnostic est porté à 40 ans, la surveillance débuterait à 35 ans. Comme on le verra dans les tableaux 8-11, le fait d’avoir deux apparentées au premier degré atteintes de cancer du sein ou une mère et une tante maternelle, ou encore deux apparentées atteintes d’un cancer du sein et d’un cancer de l’ovaire, conduit à proposer une surveillance dès l’âge de 30 ans, quel que soit l’âge des femmes atteintes (sauf dans les tranches 70-79 ans). Certains éléments de l’histoire familiale peuvent néanmoins modifier les risques, mais restent difficiles à prendre en compte : âge des femmes indemnes, atteintes mammaires bilatérales, atteinte de type médullaire ou grade histo-pronostique élevé. Enfin, les risques tumoraux sont probablement à moduler en prenant en compte les facteurs de risque classiques (âge précoce des premières règles, absence de grossesse ou grossesse tardive, âge tardif de la ménopause). Il n’y a pas aujourd’hui de modèle qui intègre de façon satisfaisante les données familiales et les facteurs de risque individuel. Le modèle de Gail est souvent cité (37), mais la prise en compte des antécédents familiaux est insuffisante. De plus, il faudrait adapter ce modèle en utilisant des risques estimés à partir de la population française. L’analyse de cohortes françaises comme la cohorte E3N, cohorte de 100 000 femmes suivies depuis douze ans et coordonnée par Françoise Clavel (institut Gustave-Roussy, Inserm X U521) devrait permettre d’estimer ces risques et de valider de tels modèles.
38 Cancer du sein
Conclusion Aujourd’hui, dans certaines situations familiales bien documentées et sévères, des tests génétiques sont proposés. Leurs enjeux principaux sont de rassurer les apparentées non prédisposées, et, pour les apparentées prédisposées, de mettre en route une surveillance mammaire dès l’âge de 30 ans, voire dès 25 ans, et de recommander une chirurgie ovarienne prophylactique à 40 ou 50 ans en fonction du contexte. Deux défis restent à relever : l’identification de nouveaux gènes de prédisposition et la caractérisation d’éventuelles interactions entre le risque familial et les risques hormonaux. Dans les deux cas, ces connaissances permettront d’être plus précis dans l’estimation des risques individuels. Enfin, devant le doublement de l’incidence des cancers du sein au cours de ces trente dernières années, il est crucial de repérer les facteurs qui, liés à notre mode de vie, ont un impact si important sur la population générale et probablement aussi sur les femmes prédisposées.
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Le programme de dépistage français : historique et nouvelles modalités B. Séradour
Le programme de dépistage français de 1989 à 2001 Les premiers essais randomisés de dépistage du cancer du sein ont apporté la preuve dans les années quatre-vingt que la mortalité par cancer du sein pouvait diminuer d’environ 30 % chez les femmes de 50 à 69 ans soumises à un dépistage mammographique. En France, dès 1989, dans le cadre du Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire (FNPEIS), six programmes expérimentaux de dépistage du cancer du sein ont été mis en place, puis quatre autres en 1991. En 1994, le ministre de la Santé a décidé d’étendre graduellement ce programme aux autres départements. Un comité national de pilotage a été créé, dont la mission a été d’homogénéiser l’organisation et les pratiques des divers programmes, de promouvoir l’assurance de qualité et l’évaluation. Pour passer de l’étape expérimentale à un programme national, un cahier des charges a été établi et, en 1996, vingt départements participaient, puis, en 1999 trente départements. Le comité national de pilotage rassemblait l’ensemble des partenaires (administratifs, financeurs, professionnels) et il rendait un jugement aux décideurs sur la conformité des programmes vis-à-vis du cahier des charges. Son groupe permanent instruisait les dossiers de mise en route et de suivi des programmes et pouvait jouer le rôle de consultant à l’égard des acteurs départementaux. Deux programmes départementaux (Bas-Rhin et Bouches-du-Rhône) ont fait partie comme projets pilotes du programme « Europe contre le cancer » et ont bénéficié d’échanges d’expériences entre les seize projets de dix pays différents. La particularité du programme français a été de faire appel aux structures médicales existantes, en particulier de radiologie, sans créer d’unités spécialisées. Ce modèle décentralisé a été adapté à notre système de soins, mais a été difficile à organiser et à gérer (1). Cette organisation devait, en effet, se substituer au dépistage opportuniste auquel la population française avait eu accès avant le démarrage du programme. Le dépistage spontané avait atteint auparavant une importance consi-
42 Cancer du sein dérable puisque le nombre des scénographes était passé de 900 à 2 300 entre 1989 et 1993. Le programme de dépistage du cancer du sein a eu en France, entre 1989 et 2000, une gestion départementale. Chaque programme, coordonné par une équipe locale, possédait son centre de gestion, son système d’invitation, ses centres de radiologie. Deux programmes sur trente-deux ont utilisé des unités mobiles en plus des centres fixes. La population concernée était âgée de 50 à 69 ans. Un radiologue du programme, librement choisi par la femme, effectuait l’examen de dépistage qui consistait en un cliché oblique externe par sein sans examen clinique ; les films étaient adressés à la structure de gestion pour relecture. Chaque examen radiologique était ainsi interprété par deux radiologues : celui qui réalisait l’examen (premier lecteur) et un deuxième lecteur. La deuxième lecture était effectuée par un radiologue qui, dans certains départements, était particulièrement spécialisé en mammographie, et dans d’autres était de formation identique au premier lecteur, les modalités retenues pour la deuxième lecture étant variables selon les sites. En cas d’avis discordant, une troisième lecture décidait de l’interprétation définitive. Les radiologues des programmes avaient ainsi des niveaux de formation et un volume d’activité différents. Les résultats étaient communiqués aux femmes et à leur médecin traitant (là aussi selon des modalités variables selon les départements). En cas d’examen « négatif », la femme était invitée à nouveau trois ans plus tard. En cas d’examen dit « positif » (anomalie sur la mammographie méritant des examens complémentaires), la femme s’adressait à son médecin traitant, qui l’orientait vers un bilan diagnostique et une éventuelle prise en charge thérapeutique. Le programme n’intervenait pas dans le choix de la filière de soins et ne contrôlait pas les modalités du diagnostic et du traitement, mais il devait en recueillir les résultats. Le suivi épidémiologique d’évaluation du programme de dépistage était assuré par la structure organisatrice. Les départements disposaient, pour certains, de registres de cancers et, pour d’autres, de recueils anatomo-pathologiques de biopsies mammaires. La mise en place de tels recueils exhaustifs (ensemble des chirurgies bénignes et malignes) dans le programme et hors programme a connu des difficultés dans la majorité des départements. Les résultats histologiques complets ont surtout concerné les cas de cancers détectés par les programmes. Ceci explique en partie le caractère incomplet des données concernant les cancers de l’intervalle en l’absence de registre. Des programmes d’assurance qualité de la chaîne radiologique ont été aussi mis systématiquement en place à partir de 1994. Le protocole français a suivi les recommandations européennes de 1992, puis de 1996 (2). Des programmes spécifiques de formation pour les radiologues et les manipulateurs de radiologie ont été développés. De même, une démarche d’assurance qualité en anatomo-cyto-pathologie s’est mise en place très progressivement pour encourager la standardisation des résultats et le contrôle de qualité interne et externe (3). En 1996 et 1997, les résultats départementaux ont été étudiés lors de deux séminaires organisés à Marseille à l’initiative du Comité national de pilotage et de la Direction générale de la santé. L’analyse des résultats des cinq départements ayant démarré en 1989-1990 a été publiée en 1997 (4). Elle concernait les données exhaus-
Le programme de dépistage français : historique … 43 tives sur 380 000 dépistages réalisés entre 1989 et 1994. Ces résultats étaient globalement satisfaisants, mais la participation variait de 21 à 46 %. Il était alors trop tôt pour mesurer l’impact du contrôle de qualité radiologique et de la formation des professionnels. À partir de 1998, l’Institut national de veille sanitaire (InVS) a été chargé de l’évaluation. Il a édité un rapport annuel comprenant l’ensemble des données départementales qui lui sont adressées chaque année. Les indicateurs précoces d’efficacité définis à l’échelon européen, à la suite des actions de dépistage réalisées avec succès en Europe du Nord, ont permis de guider et de surveiller l’impact, la qualité et l’efficacité potentielle du dépistage. Les résultats de 1989 à 2000 ont été hétérogènes, mais les programmes ayant démarré après la mise en place du cahier des charges en 1994 ont connu moins de difficultés que les premiers programmes expérimentaux. Globalement, les indicateurs précoces d’efficacité ont été conformes aux standards européens, bien que le système de santé soit décentralisé (5). Les résultats ont montré aussi une amélioration au cours du temps entre 1990 et 1998 : le taux de dépistages positifs est passé en prévalence de 9 % à 6,6 %, le nombre de biopsies chirurgicales de 1,1 % à 0,9 % et la valeur prédictive positive de la biopsie de 48 % à 57 %. Le pourcentage de cancers invasifs de taille inférieure ou égale à 10 mm est passé de 30 à 35 %. La deuxième lecture systématique a permis de détecter selon les départements de 10 à 25 % de cancers supplémentaires (6). Le point négatif a été le faible taux de participation des femmes au programme, qui a varié entre 30 et 50 %, alors que dans les départements ayant un programme organisé, le taux de couverture de la population a atteint ou même dépassé largement les 60 %. De plus, les femmes ayant répondu n’ont pas participé régulièrement au programme : 40 % seulement d’entre elles ont accepté deux invitations consécutives. L’intervalle de trois ans entre deux mammographies peut en partie expliquer ce comportement. En 1999, de nouvelles recommandations sur les modalités du dépistage ont été publiées par l’ANAES (7) : la mammographie devait comprendre deux incidences par sein (face et oblique externe), la deuxième lecture devait être de préférence centralisée et le rythme entre deux examens devait passer de trois à deux ans. Ces recommandations étaient en accord avec les European Guidelines for Quality Assurance in Mammography Screening. Au Royaume-Uni, l’utilisation de deux clichés par sein au lieu d’un a permis, en effet, d’augmenter d’environ 20 % le nombre de cancers invasifs de moins de 10 mm détectés (8) et le bénéfice a été majoré lorsque les films avaient une densité optique élevée, comme cela est recommandé par le protocole européen de contrôle-qualité (9). Les trente-deux départements ont modifié progressivement à partir de 2000 le nombre d’incidences et l’intervalle entre deux dépistages. Un premier groupe technique a été constitué en 1999 auprès du directeur général de la santé en remplacement du comité de pilotage. Il a été chargé d’apporter son expertise sur les aspects de l’assurance de qualité dans le dépistage du cancer du sein. Son rôle était de proposer une mise à jour et une adaptation des protocoles des examens de dépistage, de définir des objectifs pour la formation des professionnels et de participer à l’interprétation des résultats épidémiologiques
44 Cancer du sein en proposant des mesures d’amélioration. Ce groupe technique nommé pour trois ans ne comportait pas de représentants des financeurs, mais surtout des professionnels. Un nouveau cahier des charges a été rédigé par le groupe entre 1999 et 2000. Son objectif était de conserver les bénéfices acquis par les anciens programmes, mais de mieux s’adapter au système de soins français. En effet, le protocole précédent avait été inspiré par des programmes étrangers se déroulant dans des systèmes de santé non libéraux, très centralisés, ne permettant pas un accès libre des femmes à la mammographie, en particulier avant 50 ans. En France, les femmes et les médecins considéraient ce modèle de dépistage comme un service de moindre qualité (10). La participation au programme restait insuffisante et une compétition entre dépistage organisé et dépistage par prescription individuelle s’accentuait au cours des ans. L’évolution progressive vers un acte unique de dépistage est apparue souhaitable. Ce changement de stratégie dans le programme n’a pas permis d’étendre rapidement le dispositif, à l’inverse des pays d’Europe du Nord, car les futurs acteurs et les financeurs ont attendu de connaître les nouvelles modalités avant de s’engager.
Les nouvelles modalités du programme en vue de sa généralisation En 2001, les cahiers des charges concernant la future organisation des dépistages et les protocoles radiologiques ont été publiés (Journal Officiel du 3 octobre 2001). En 2002, un nouveau groupe technique sur le dépistage des cancers du sein a été mis en place pour trois ans auprès de la Direction générale de la santé. Il réunit tous les acteurs du programme comme dans l’ancien comité national de pilotage. Il a, par sa composition, des compétences organisationnelles et scientifiques. Il veille au maintien de la stratégie du programme dans les régions. Il travaille en collaboration avec les agences nationales InVS, ANAES, AFSSAPS. Dans le nouveau cahier des charges, l’organisation du programme comprend trois niveaux : – un niveau national, chargé de l’impulsion, de la surveillance et de la coordination (ministère, Comité national du cancer, Institut national de veille sanitaire) ; – un niveau régional de pilotage (Comité régional des politiques de santé et Comité régional des dépistages des cancers), chargé de l’appel à candidature des structures de gestion, du plan de formation et d’information, du suivi des indicateurs de qualité ; – un niveau départemental de mise en œuvre par la structure de gestion qui est en charge des invitations, de la deuxième lecture et du suivi des femmes dépistées. La population concernée par le programme national a été étendue aux femmes de 50 à 74 ans. Les invitations sont envoyées par le programme à la population cible à partir d’un fichier centralisé, mais les femmes ou les médecins peuvent aussi obtenir de la structure de gestion une invitation à leur demande et à la date souhaitée par
Le programme de dépistage français : historique … 45 rapport à la dernière mammographie. Ce double mode d’entrée devrait permettre d’améliorer le taux de participation tout en gérant les invitations avec rigueur. La mammographie de dépistage est prise en charge à 100 % tous les deux ans dans le dispositif. Pour s’assurer de la qualité des actes de radiologie, un accord pour le bon usage des soins (ACBUS) relatif à la mammographie a été négocié entre les professionnels et les caisses d’assurance-maladie. Il institue un débit minimum par radiologue de 500 mammographies réalisées par an. La formation des professionnels au dépistage est devenue obligatoire. Un enseignement spécifique de trois journées a été mis en place pour les radiologues, portant sur la lecture des clichés, le contrôle du matériel et les aspects épidémiologiques. Un autre enseignement s’adresse aux manipulateurs de radiologie pour valider leurs compétences en dépistage. Les centres de radiologie volontaires doivent être accrédités par le programme s’ils répondent aux critères concernant la formation des personnels et la qualité des matériels. Le contrôle des matériels radiologiques est de la compétence de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) qui a dû valider les protocoles techniques. À partir d’octobre 2003, les appareils de mammographie hors contrôle qualité ne doivent plus être utilisés, quel que soit le cadre de la prescription (Journal Officiel n° 83 du 8 avril 2003). Dans le nouveau cahier des charges, la mammographie de dépistage organisé est devenue identique à celle du dépistage individuel : elle comprend un examen clinique par le médecin radiologue et deux clichés par sein (plus un cliché complémentaire si nécessaire). La seule différence est la deuxième lecture systématique en cas d’examen normal. Cette deuxième lecture centralisée est clairement préconisée par les experts européens pour les pays où les examens de dépistage sont réalisés dans des centres non dédiés. Elle doit se dérouler dans des conditions optimales pour la lecture et la saisie des résultats. Elle est effectuée par des radiologues désirant se spécialiser dans cette procédure et lisant au moins deux mille mammographies par an. Elle tend à améliorer la sensibilité du programme sans générer trop de faux positifs. Le taux souhaitable d’examens anormaux en deuxième lecture ne devrait pas dépasser 3 %, il correspond au taux de femmes réellement « rappelées ». Ces clichés peuvent faire l’objet d’un consensus entre deuxièmes lecteurs. Dans les programmes européens, la deuxième lecture a permis de détecter 10 à 15 % de cancers supplémentaires (11, 12). En France, dans le nouveau protocole, le nombre de cancers détectés uniquement par le second lecteur risque d’être plus faible qu’auparavant car le premier lecteur dispose de deux incidences et peut s’aider de l’examen clinique et de clichés complémentaires au moment du dépistage. De plus, si un bilan de diagnostic immédiat est réalisé et qu’il infirme le caractère suspect d’une image détectée en première lecture, le dossier est aussi adressé en deuxième lecture. Ce deuxième avis devrait contribuer à éviter encore quelques faux négatifs. La formation des professionnels à la deuxième lecture fait l’objet d’un enseignement spécifique qui se développe, car la deuxième lecture est un point essentiel pour améliorer la qualité des résultats. Enfin, la deuxième lecture permet aussi de sur-
46 Cancer du sein veiller la qualité des clichés qui doivent être refaits gratuitement par le premier radiologue en cas de défaut technique. Les clichés sont rendus aux femmes après la deuxième lecture. Si l’examen de dépistage est anormal, le bilan de diagnostic complémentaire peut être réalisé par le radiologue le même jour pour éviter une perte de temps et une angoisse liée à l’attente du résultat. En effet, le délai moyen entre le dépistage et le résultat était auparavant de 14 jours et le délai moyen entre le dépistage et le premier traitement des cancers de 2,6 mois (13). La prise en charge de la majorité des cas suspects devrait donc être plus précoce et les effets délétères liés aux faux-positifs atténués. Du fait de la nouvelle organisation, certaines définitions des indicateurs de qualité décrits dans les recommandations européennes sont légèrement modifiées (par exemple, le taux de rappel). L’examen de dépistage dans le nouveau programme comprend, comme cela est habituel dans le dépistage individuel, un examen clinique par le radiologue. Cette modalité n’a pas de protocole précis standardisé et son impact en dépistage n’est pas encore bien établi. Quelques programmes régionaux l’utilisent avec la mammographie au Canada et aux Etats-Unis. Une étude publiée en 2002 (14) conclut que l’augmentation du nombre de cancers détectés grâce à l’examen clinique serait de 3 pour 10 000 dépistages. Le nombre de cancers détectés par cette modalité devra être évalué en France, ainsi que le nombre de faux positifs qu’elle génère. Plusieurs aspects de l’organisation de l’ancien programme ont été modifiés afin de rendre le système plus efficace et plus attractif. Contrairement à l’ancien, le nouveau cahier des charges permet d’évaluer les résultats des diagnostics et les modalités de prise en charge des cas anormaux en standardisant les interprétations radiologiques (classification Bi-Rads de l’American College of Radiology). Ceci permettra de mieux évaluer les pratiques pour les améliorer. D’autres modifications induisent certains inconvénients ou risques déjà connus dans le cadre du dépistage hors programme : absence d’archivage des clichés utiles pour étudier les cancers d’intervalle, absence de deuxième lecture des examens anormaux pour partage des décisions entre premier et deuxième lecteur et enfin, prescriptions de bilans de diagnostic immédiats plus nombreux avec un risque majoré de faux positifs, surtout au démarrage du programme. En particulier, le rôle de l’échographie dans les seins normaux, mais de densité très élevée, devra être évalué. Au niveau organisationnel, ce nouveau protocole est plus complexe que le précédent pour les professionnels et les organisateurs. Il augmente la charge de travail des structures et une collaboration étroite entre les coordinateurs et les radiologues est indispensable. Dans l’avenir, il faudra définir la place des mammographes numériques dans le programme dès que le contrôle de qualité aura été mis en place dans un premier temps. En France, la coexistence des deux types de mammographies, analogique et numérique, demandera de définir des modalités organisationnelles différentes, en particulier pour la lecture sur film ou sur écran. Les bénéfices du dépistage numérique en terme de coût-efficacité sont actuellement plus faciles à mettre en évidence
Le programme de dépistage français : historique … 47 dans les pays où le système de santé est centralisé, les centres de radiologie peu nombreux et la suppression totale des films envisageable à court terme.
Conclusion La généralisation du programme est bien effective sur tout le territoire français depuis le premier trimestre 2004. Il est surtout nécessaire actuellement de s’assurer de la conformité des programmes départementaux au nouveau cahier des charges, afin d’obtenir une homogénéité du dispositif. Une évaluation des résultats, qui est indispensable, ne sera en effet possible que si les modalités retenues sont comparables. Le programme est ambitieux, mais ce protocole français n’a pas encore été testé sur une large population. Nos résultats sont suivis avec intérêt par nos voisins européens, surtout dans les pays où le système de santé est libéral, et qui connaissent les mêmes difficultés que nous à organiser le dépistage. Les bénéfices d’un tel programme de dépistage organisé seront difficiles à mettre en évidence si l’assurance de la qualité n’est pas présente à chaque étape du processus. La formation de tous les acteurs doit se poursuivre et intéresser l’ensemble de la chaîne, de la détection de l’image à la prise en charge. Ce programme de santé publique est un exemple unique par son ampleur et par la réussite de la collaboration entre l’État, les caisses d’assurance-maladie et les professionnels, dans l’intérêt des femmes. En dix ans, il a contribué à modifier largement la qualité des mammographies pour toute la population féminine et la démarche multidisciplinaire dans le cadre du dépistage s’est imposée. Il faudra surtout maintenir la dynamique engagée, veiller à mettre en place un pilotage efficace du dispositif et assurer un financement pérenne pour permettre à terme de diminuer la mortalité par cancer du sein.
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Mammographie et échographie : score ACR et conduite à tenir C. Balu-Maestro
Le but de la classification BIRADS de l’American College of Radiology est d’améliorer l’évaluation et la prise en charge des anomalies mammaires. Il s’agit d’une méthode standardisée pour les comptes rendus, élaborée à partir d’un lexique descriptif illustré concernant à la fois les anomalies infracliniques et palpables. Cette classification adoptée en France sous le terme de classification ACR existe depuis 1990 aux Etats-Unis et la dernière (et quatrième) édition datant de 2003 a été traduite et publiée en octobre 2004 sous la responsabilité de la Société française de radiologie et sous la forme d’un atlas comportant la mammographie, l’échographie et l’IRM (1, 2). L’ANAES (3) recommande actuellement l’utilisation de cette classification en catégorie d’évaluation, dans le cadre du dépistage et du diagnostic (annexe 1). Le plan de l’ouvrage est identique pour la mammographie et l’échographie, comprenant : – un lexique descriptif ; – un système de compte-rendu : agencement, catégorie d’évaluation, rédaction ; – des cas illustrés, le suivi et la gestion des résultats, un chapitre de conseils. Les termes utilisés sont illustrés par un dessin et une ou plusieurs images mammographiques et parfois un seul terme n’est pas suffisant pour décrire l’anomalie, mais la recommandation finale qui doit être unique est bien évidemment fondée sur le critère le plus suspect.
50 Cancer du sein
Le BIRADS en mammographie Le lexique comporte les masses, les calcifications, les distorsions de l’architecture.
Les masses Une masse est une lésion occupant l’espace visible sous deux incidences différentes. Si elle est visible sur une seule incidence, il s’agit d’une asymétrie. On la décrit selon : – la forme : ronde, ovale, lobulée ou irrégulière ; – les contours : circonscrits, microlobulés, masqués, indistincts, spiculés ; – la densité : comparativement à l’atténuation attendue d’un volume équivalent de tissu mammaire fibroglandulaire (les masses graisseuses sont pratiquement toujours bénignes, la plupart des cancers étant de densité égale ou supérieure au tissu fibroglandulaire, néanmoins, les cancers peuvent piéger la graisse) (figure 1).
Figure a.
Figure c.
Figure b.
Figure d.
Figure 1 - Masse. Classification ACR5 mammographique et échographique, carcinome canalaire invasif a. et b. Mammographie bilatérale de face (a) et profil (b) : masse spiculée à forte composante lipomateuse à l’union des quadrants internes du sein gauche. c. Agrandissement de profil. d. Echographie : masse hypo-échogène de forme irrégulière de contours spiculés avec atténuation postérieure partielle du faisceau ultra-sonore.
Mammographie et échographie : score ACR et conduite à tenir 51 Les masses sont donc décrites hyper-, iso- ou hypo-denses, avec ou sans graisse.
Les calcifications Quand elles sont bénignes, elles sont de grande taille, leur signalement n’est utile qu’en cas de problème qu’elles poseraient à d’autres observateurs. Les microcalcifications doivent être décrites selon leur morphologie et leur distribution. Sont bénignes les calcifications cutanées, vasculaires coralliformes, des fibroadénomes, en bâtonnet, des ectasies canalaires, rondes ou punctiformes (< 0,5 mm) épaisses situées dans des acini lobulaires, à centre clair ou pariétales des kystes et cytostéatonécrose et curvilignes de la sédimentation de lait calcique intra-kystique ainsi que les calcifications dystrophiques liées à un traumatisme ou à la radiothérapie (figure 2).
Figure a.
Figure b.
Figure 2 – Micro-calcifications a. Mammographie de face : calcifications rondes : ACR3. b. Profil en agrandissement. Les calcifications sont curvilignes par sédimentation : classification définitive ACR2.
52 Cancer du sein Sont suspectes les calcifications amorphes poussiéreuses lorsqu’elles sont groupées, les calcifications grossières hétérogènes > 0,5 mm en foyer isolé. Sont probablement malignes les calcifications fines polymorphes ou fines linéaires ou ramifiées. Selon la distribution, les calcifications sont décrites : – éparses généralement bénignes ; – régionales ; – en amas : au moins cinq éléments dans moins de 1cc de volume tissulaire ; – linéaires intracanalaires ; – segmentaires dans plusieurs canaux, ce dernier élément élevant le degré de suspicion pour les calcifications rondes et punctiformes ou pulvérulentes (figure 3).
Figure 3 – Agrandissement : micro-calcifications nombreuses irrégulières et polymorphes dont la distribution est canalaire : ACR5. Histologie : carcinome endocanalaire de haut grade
Mammographie et échographie : score ACR et conduite à tenir 53
Distorsions architecturales Il s’agit des ruptures d’architecture sans masse précise, visible évoquant en l’absence d’antécédents traumatiques ou chirurgicaux une lésion maligne ou une cicatrice radiaire (figure 4).
a. oblique
b. de face
Figure 4 - (a. et b.) Mammographie bilatérale Distorsion architectural en projection du quadrant supéro-externe gauche classification ACR4 Histologie : cancer lobulaire infiltrant
Cas spéciaux Il s’agit de l’ectasie canalaire, du ganglion intra-mammaire, de l’asymétrie globale et focale variantes de la normale ou significatives lorsque existe une anomalie palpable dans le premier cas ou lorsque manquent des caractères de bénignité tels que la graisse dans le deuxième cas.
Résultats associés Ils concernent la peau (rétractée, épaissie), le stroma (épaississement des septa fibreux), les lésions cutanées, les adénopathies axillaires. Enfin, on doit décrire la composition du sein selon quatre types : – graisseux homogène ; – graisseux hétérogène ; – dense hétérogène ; – dense homogène.
54 Cancer du sein Tableau 1 - Catégories d’évaluation BIRADS. Mammographique de l’ACR (1). Catégorie 0 Une imagerie complémentaire ou une comparaison avec les clichés antérieurs sont nécessaires (clichés localisés, agrandissement, incidence radiographique particulière, échographie, mais aussi IRM ou biopsie) ; il s’agit d’une catégorie d’attente alors que les autres sont finales. Catégorie 1 Mammographie normale, rien à décrire. Catégorie 2 Normale mais présence d’anomalie bénigne (fibroadénome, hamartome, lipomes, ganglions, cicatrices, calcifications bénignes). Catégorie 3 Anomalie infraclinique, très probablement bénigne, dont la VPP est inférieure à 2 %, nécessitant une surveillance à court terme (masse solide, circonscrite non calcifiée, asymétrie focale de densité, calcifications rondes et punctiformes). Catégorie 4 Anomalie suspecte à biopsier. Compte tenu de la large fourchette de la VPP (3 à 94 %), elle est divisée en trois sous-catégories (a, b, c). Catégorie 5 Anomalie hautement suspecte de malignité (VPP ≥ 95 %) pouvant être opérée d’emblée, mais la prise en charge oncologique peut nécessiter des prélèvements tissulaires (ganglion sentinelle, traitement néo-adjuvant).
Le BIRADS en échographie Certains aspects sont spécifiques à l’échographie tels que l’échostructure ou l’orientation, d’autres sont communs avec la mammographie (et l’IRM), tels que la forme ou les contours des masses. L’analyse sémiologique prend en compte plusieurs éléments référencés dans le lexique.
L’échostructure de base Homogène (graisseuse ou fibroglandulaire) ou hétérogène (focale ou diffuse), affectant dans ce cas la sensibilité de la technique.
Les masses Elles sont à différencier des structures normales (côtes, lobules graisseux) par une technique de balayage rigoureux. Elles se caractérisent par : – la forme : elle peut être ronde, ovale, irrégulière ; – l’orientation : elle peut être parallèle ou non au revêtement cutané
Mammographie et échographie : score ACR et conduite à tenir 55 – les contours : ils peuvent être circonscrits (nets) ou non circonscrits (anguleux, spiculés ou microlobulés lorsque existent plus de trois micro-lobulations) ou indistincts. Le terme irrégulier concerne uniquement la forme ; – la zone de transition : elle peut être fine ou épaisse ; – l’échostructure : elle s’apprécie par rapport à celle de la graisse environnante ; elle peut être iso-, anéchogène, hypo- ou hyperéchogène, solide ou complexe, avec une compostante liquidienne ou des calcifications ; – le faisceau acoustique : il peut être atténué à des degrés variables en rapport avec la fibrose (critère de diagnostic de kyste) ou renforcé ou non modifié. – les autres signes : ils sont représentés par les distorsions de l’architecture (rupture des plans anatomiques normaux) ; la rétraction ou interruption d’un ligament de Cooper ; les modifications de la peau (épaississement), du tissu sous-cutané et du tissu environnant (œdème), du pectoral ; la compressibilité, la mobilité ; les anomalies galactophoriques (dilatation, contenu).
Les calcifications Sont différenciés les foyers avec ou sans masse, ceux-là apparaissant suspects lorsqu’elle est hypo-échogène.
Les cas spéciaux Ils concernent des anomalies caractérisées d’emblée sans équivoque par l’échographie : – les foyers de microkystes en rapport avec des lésions de dystrophie fibrokystique ou de métaplasie apocrine ; – les kystes compliqués faiblement échogènes sans composante pariétale solide (ceux là étant classés en kystes complexes) ; – les anomalies épi- ou intra-dermiques ; – les corps étrangers ; – les ganglions intra-mammaires et axillaires.
La vascularisation L’appréciation de la vascularisation est, lorsqu’elle existe, décrite selon son siège, intra-lésionnelle ou lésionnelle proximale ou globalement majorée dans le parenchyme mammaire environnant.
La valeur prédictive La VPP est la plus élevée (> 90 %) pour l’irrégularité de la forme et des contours. La valeur prédictive négative des signes échographiques de bénignité est de 98 à 100 % : la forme ovalaire, la capsule fine échogène, la faible lobulation, l’axe parallèle à la peau sont des signes qui ont chacun une VPN de 99 % ; en revanche, ne sont pas
56 Cancer du sein significatifs l’échostructure iso- ou hypo-échogène (30 % des cancers sont iso-échogènes), le renforcement ou l’atténuation du faisceau acoustique (4, 5, 6).
Les catégories d’évaluation Elles sont comprises entre 0 et 6, prenant en compte le signe échographique qui présente le plus haut niveau de suspicion ou l’aspect le plus spécifique. Sont classés en : catégorie 0
les examens échographiques suspects effectués en première intention chez une femme jeune âgée de moins de 30 ans pour une masse palpable, ou si après traitement conservateur, on a des problèmes de diagnostic différentiel entre cicatrice et récidive.
catégorie 1
les examens échographiques sans anomalie.
catégorie 2
les constatations bénignes (kystes simples, ganglions, implants, fibro-adénome et cicatrices stables).
catégorie 3
les anomalies dont la VPP est inférieure à 2 % : masse solide circonscrite ovale et horizontale, kyste compliqué (échogène) ou dystrophie microkystique.
catégorie 4
les anomalies dont la VVP est comprise entre 3 et 94 %, nécessitant des prélèvements tissulaires.
catégorie 5
les anomalies de VPP > 95 % opérables d’emblée, en fait souvent la prise en charge oncologique nécessite des biopsies préalables (ganglion sentinelle, traitement néo-adjuvant).
catégorie 6
Les lésions dans la malignité a été prouvée par une biopsie.
La classification BIRADS échographique réduit les variations inter-observateurs par l’apprentissage rigoureux de cette séméiologie. Les discordances intéressent moins l’appréciation de l’axe, parce que facile à mesurer, que l’échostructure, l’échogénécité ou la capsule. Enfin, il est important de corréler les anomalies échographiques aux images mammographiques et dans aucun cas l’échographie ne doit pallier aux insuffisances techniques de la mammographie.
En pratique : mode d’utilisation de la classification Opacités ACR2 et ACR3 Les masses rondes de densité mixte à composante lipomateuse typique d’un hamartome ne nécessitent pas d’exploration échographique (figure 5).
Mammographie et échographie : score ACR et conduite à tenir 57 Un quart des opacités rondes non palpables sont des kystes, mais il est retrouvé deux fois plus de cancers dans les masses que dans les micro-calcifications parmi les anomalies classées ACR3 (7). Dans cette catégorie représentée par les opacités nettes ou discrètement polycycliques, on distingue les kystes et les nodules solides.
Figure 5 - Masse ronde de densité mixte à composante lipomateuse typique d’un hamartome classée ACR2.
Les kystes sont distingués en : – kystes simples : les bords sont nets, l’échostructure est anéchogène, la forme est ronde ou ovale, il existe un renforcement postérieur. Il peut manquer dans les kystes millimétriques ou profondément situés, il peut présenter des degrés variables et, dans 25 % des cas, n’est pas visible sous toutes les incidences. De plus, le bord antérieur peut être mal défini du fait d’échos de réverbération. Néanmoins, dans le formes simples, l’échographie effectue le diagnostic avec une fiabilité de 100 % lorsque tous les critères sont réunis et l’anomalie radiologique est définitivement classée ACR2 ; – kystes compliqués : Mendelson (3) décrit ainsi les kystes faiblement échogènes pour lesquels tous les autres signes susdécrits sont présents et la découverte sou-
58 Cancer du sein vent fortuite. Dans les séries de Kolb (9) et Buchberger (10), la valeur prédictive positive est de 0,2 % sur deux séries cumulées comportant 567 kystes compliqués incidents et retrouvant un cancer canalaire in situ de 3 mm. De ce fait, de tels kystes sont classés ACR3 et doivent faire l’objet d’une surveillance rapprochée, toute modification devant conduire à la pratique d’une aspiration et, si la lésion n’est pas liquide, d’une histologie ; – kystes complexes : il s’agit de kystes qui présentent des masses solides internes, des nodules pariétaux, des septa épais ou des parois épaisses irrégulières ou de débris, de caillots ou de surinfection faisant suspecter une lésion solide de nature néoplasique présente dans 0,3 % des cas (11). Dans tous les cas, la cytoponction peut être proposée dans un premier temps (sans vider totalement le kyste, afin de retrouver aisément la lésion pour une procédure ultérieure) et la biopsie dans un second temps selon les résultats cytologiques.
Parmi les anomalies solides, on reconnaîtra aisément : – les ganglions intramammaires qui peuvent poser problème lorsque manque le centre clair et qui ont un aspect tout à fait typique en échographie : hile échogène, cortex fin, forme ovalaire et plate ou aspect en « cible » lorsque le hile est refoulé par des processus de lipomatose ou de fibrose sinusale (12) ; – les siliconomes : le plus souvent hyper-échogènes avec absorption postérieure du faisceau intrasonore ; – lorsque tous les critères de bénignité sont réunis (hyperéchogénicité ou forme ovale, capsule fine et lisse, bords nets, deux à trois faibles lobulations), lorsque l’imagerie est concordante (opacité ACR3 ou à contours masqués ACR4 en mammographie) et en l’absence de facteurs de risque, compte tenu de la probabilité faible de cancer, la surveillance échographique à quatre mois puis à un an pendant au minimum deux ans est admise (figure 6).
Figure a.
Figure b.
Figure 6 - Masse. a. Mammographie de face : masse faiblement lobulée ACR3. b. Echographie : nodule solide d’axe horizontal faiblement lobulé - ACR3 : surveillance à quatre mois.
Mammographie et échographie : score ACR et conduite à tenir 59 En effet, le taux de cancers sont de 1,3 % dans les séries de Sickles (13) sur 4 533 anomalies suivies et de 1,7 % dans celle de Varas (14) sur 535 cas. Dans tous ces cas, la surveillance a permis le diagnostic de tous les cancers, les trois quarts à un an et tous les cancers sont de bon pronostic. Cette attitude diminue considérablement la morbidité par biopsie pour lésion bénigne. Si, lors de la surveillance, l’aspect ou surtout la taille se modifient, il faut faire une biopsie dont le rendement varie de 10 à 56 % (13-15). En revanche, une anomalie palpable classée ACR3 en mammographie et en échographie doit être biopsiée d’emblée et non pas surveillée (16) ; – lorsqu’un ou plusieurs critères échographiques de suspicion existent, tels que l’irrégularité de la forme ou des contours dont la valeur prédictive positive est très élevée, l’histologie est indispensable, permettant une diminution incontestable des faux négatifs et le diagnostic précoce des cancers dans la catégorie ACR3 (figures 7 et 8).
Figure 7 - Échographie : nodule solide, contours microlobulés, forme irrégulière ACR5.
60 Cancer du sein
Année 2002
Figure a.
Année 2002
Figure b.
Figure c.
Figure 8 - Opacité évolutive en taille et en densité dans les quadrants inférieurs. a. Clichés obliques comparatifs : année 2002 vs année 2000 ; b. Cliché localisé agrandi : les contours sont partiellement spiculés ACR4 ; c. Échographie : nodule solide, forme irrégulière, contours spiculés, axe vertical ACR5. Cancer colloïde muqueux bien différencié
Mammographie et échographie : score ACR et conduite à tenir 61 Parmi les autres anomalies classées ACR3, telles que les distorsions architecturales visibles sur une seule incidence, les asymétries focales de densité concave sans micro-calcification, l’échographie est intéressante par sa valeur prédictive négative en excluant une masse (figure 9).
Figure a.
Figure b.
Figure 9 - Asymétrie focale de densité concave. Echographie négative, classification ACR3 : a. Mammographie de face ; b. Agrandissement de profil.
Bien souvent, il peut s’agir de placard échogène compressible en rapport avec une mastopathie fibreuse localisée, quelquefois associée à des microkystes dans le cadre d’une dystrophie microkystique ou à une métaplasie cylindrique (17). Dans ces cas, la surveillance radiologique et échographique est la règle. Si, lors de la surveillance, l’anomalie progresse ou devient palpable, il faut la biopsier. La surveillance des asymétries focales de densité dont l’échographie est normale est discutée : dans la série de Sickles (13), trois cancers sont diagnostiqués au cours de la surveillance de 500 asymétries classées ACR3. Dans celle d’Orel (18), aucun cancer n’est retrouvé sur 32 biopsies réalisées pour ce type d’anomalie radiologique ; dans celle de Vizcaino (7), sur 82 patientes suivies et une opérée, aucun cancer n’est retrouvé. Dans tous ces cas, il ne faut pas remplacer par une surveillance rapprochée une mammographie incomplète ou insuffisante ; en effet, bien souvent les clichés en compression localisée permettent d’innocenter d’emblée une image construite.
Opacités ACR4 et ACR5 Dans cette catégorie, l’histologie est impérative, même si l’échographie est négative. Dans les opacités à contours lobulés, l’impression mammographique prédomine et l’histologie doit être effectuée en dehors de la mise en évidence d’une dystrophie kystique. Dans les opacités dont les contours sont masqués, si tous les cri-
62 Cancer du sein tères de bénignité sont présents, en l’absence de signe de suspicion échographique, de facteur de risque et de signe clinique, l’anomalie peut être reclassée ACR3 et surveillée. Dans les distorsions architecturales et les surcroîts de densité à limites convexes, lorsque l’échographie retrouve une masse tissulaire, elle permet une meilleure visualisation des spicules dans les seins denses et facilite souvent les prélèvements guidés par la visualisation meilleure d’une cible précise, notamment dans les distorsions qui peuvent être les signes subtils de cancers lobulaires invasifs. Si l’échographie est négative, il faut biopsier sous radioguidage, si cela est possible, ou pratiquer une biopsie chirurgicale après repérage. En effet, en raison du caractère imprécis de la cible radiologique, le prélèvement guidé par la mammographie n’a de valeur que positive.
Micro-calcifications L’analyse morphologique et l’étude de leur mode de distribution restent l’élément majeur du diagnostic. Tout aspect qui évoque une topographie canalaire doit être classé ACR5 quelle que soit la morphologie des microcalcifications ainsi que tout groupement dont le nombre est augmenté ou dont la morphologie ou la distribution sont devenus plus suspects. La VPP est supérieure à 80 % pour un nombre de micro-calcifications supérieur à 15 et à 70 %, pour un nombre de foyers supérieur à 2. Selon les référentiels de l’ANAES (3) : – les micro-calcifications rondes ou punctiformes et les micro-calcifications pulvérulentes seront classées ACR3 lorsqu’elles sont peu nombreuses, en petits amas ronds ou ovales, et ACR4 lorsqu’elles sont nombreuses et/ou groupées en amas ni ronds, ni ovales ; – les micro-calcifications polymorphes irrégulières, granulaires sont classées ACR4 lorsqu’elles sont peu nombreuses et ACR5 lorsqu’elles sont nombreuses et groupées ; – les micro-calcifications vermiculaires arborescentes sont toujours classées ACR5. L’échographie n’est utile que lorsqu’elle visualise des calcifications en bordure de kyste ou d’ectasie canalaire lorsque manque la sédimentation sur les incidences de profil permettant d’en affirmer la nature sécrétoire et de les classer en ACR2, en évitant une surveillance inutile. Elle peut également établir le diagnostic de métaplasie plane ou de mastopathie fibrokystique (foyers de microkyste < 2 à 3 mm sans composante solide) et les faire classer en ACR3. En revanche, la présence d’une masse solide associée n’est contributive que dans l’aide aux prélèvements ou aux repérages guidés. En effet, seul un aspect présentant des critères échographiques de suspicion est réellement contributif car l’association d’une masse aux micro-calcifications n’est pas spécifique : un aspect bénin peut exister dans les cancers canalaires in situ et des masses suspectes dans les fibro-adénomes, l’adénose sclérosante, les nodules mastosiques ou des calcifications de cytostéatonécrose ; en outre, l’absence de masse n’exclut pas la malignité. Dans les séries de Moon (19) et Soo (20), l’augmentation
Mammographie et échographie : score ACR et conduite à tenir 63 de la suspicion de malignité liée à l’existence d’une masse en échographie est rapportée dans les calcifications ACR4 et ACR5 et donc ne modifie pas réellement la prise en charge.
Conclusion A l’évidence, en mammographie comme en échographie, la classification BI-RADS de l’ACR et les référentiels ANAES permettent par l’acquisition d’un lexique adapté, en homogénéisant les pratiques, de garantir la qualité du diagnostic sénologique à la condition d’un enseignement rigoureux. Annexe 1 – Classification en six catégories des images mammographiques en fonction du degré de suspicion de leur caractère pathologique (en dehors des images construites et des variantes du normal) – correspondance avec le système BIRADS de l’American College of Radiology (ACR). ACR 0 : des investigations complémentaires sont nécessaires : comparaison avec les documents antérieurs, incidences complémentaires, clichés centrés comprimés, agrandissement de micro-calcifications, échographie, etc. C’est une classification « d’attente », qui s’utilise en situation de dépistage ou dans l’attente d’un second avis, avant que le second avis soit obtenu ou que le bilan d’imagerie soit complété et qu’ils permettent une classification définitive. ACR 1 : mammographie normale. ACR 2 : il existe des anomalies bénignes ne nécessitant ni surveillance ni examen complémentaire : – opacité ronde avec macro-calcifications (adénofibrome ou kyste) ; – ganglion intramammaire ; – opacité(s) ronde(s) correspondant à un/des kyste(s) typique(s) en échographie ; – image(s) de densité graisseuse ou mixte (lipome, hamartome, galactocèle, kyste huileux) ; – cicatrice(s) connue(s) et calcification(s) sur matériel de suture ; – macro-calcifications sans opacité (adénofibrome, kyste, adiponécrose, ectasie canalaire sécrétante, calcifications vasculaires, etc.) ; – micro-calcifications annulaires ou arciformes, semi-lunaires, sédimentées, rhomboédriques (calcifications d’aspect carré ou rectangulaire de face, losangiques ou trapézoïdales de profil, à étudier sur des agrandissements) ; – calcifications cutanées et calcifications punctiformes régulières diffuses.
64 Cancer du sein Annexe 1 - Suite ACR 3 : il existe une anomalie probablement bénigne pour laquelle une surveillance à court terme est conseillée : – micro-calcifications rondes ou punctiformes régulières ou pulvérulentes, peu nombreuses, en petit amas rond isolé ; – petit(s) amas rond(s) ou ovale(s) de calcifications amorphes, peu nombreuses, évoquant un début de calcification d’adénofibrome ; – opacité(s) bien circonscrite(s), ronde(s), ovale(s) ou discrètement polycyclique(s) sans micro-lobulation, non calcifiée(s), non liquidiennes en échographie ; – asymétrie focale de densité à limites concaves et/ou mélangée à de la graisse. ACR 4 : il existe une anomalie indéterminée ou suspecte qui indique une vérification histologique : – micro-calcifications punctiformes régulières nombreuses et/ou groupées en amas aux contours ni ronds, ni ovales ; – micro-calcifications pulvérulentes groupées et nombreuses ; – micro-calcifications irrégulières, polymorphes ou granulaires, peu nombreuses – image(s) spiculée(s) sans centre dense ; – opacité(s) non liquidienne(s) ronde(s) ou ovale(s) aux contours lobulés, ou masqués, ou ayant augmenté de volume ; – distorsion architecturale en dehors d’une cicatrice connue et stable ; – asymétrie(s) ou surcroît(s) de densité localisé(s) à limites convexes ou évolutif(s). ACR 5 : il existe une anomalie évocatrice d’un cancer : – micro-calcifications vermiculaires, arborescentes ou micro-calcifications irrégulières, polymorphes ou granulaires, nombreuses et groupées : – groupement de micro-calcifications quelle que soit leur morphologie, dont la topographie est galactophorique ; – micro-calcifications associées à une anomalie architecturale ou à une opacité ; – micro-calcifications groupées ayant augmenté en nombre ou micro-calcifications dont la morphologie et la distribution sont devenues plus suspectes ; – opacité mal circonscrite aux contours flous et irréguliers ; – opacité spiculée à centre dense.
La classification tiendra compte du contexte clinique et des facteurs de risque. La comparaison avec des documents anciens ou le résultat d’investigations complémentaires peuvent modifier la classification d’une image : une opacité ovale régulière classée ACR 3, mais présente sur des documents anciens peut être reclassée ACR 2, quelques calcifications résiduelles après prélèvement percutané contributif bénin d’un amas classé ACR 4 peuvent être reclassées ACR 2, etc.
Mammographie et échographie : score ACR et conduite à tenir 65
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Place de l’IRM en sénologie A. Tardivon
Introduction Une lésion maligne secrète des facteurs d'angiogenèse stimulant l'élaboration d'une néovascularisation pour assurer sa croissance. Par rapport à la vascularisation normale du sein, ces néo-vaisseaux sont de distribution focalisée, plus perméables (discontinuité de l’endothélium allant de quelques microns à 400-600 nm) et distribuent un espace interstitiel plus important (60 % du volume tumoral). C'est donc en injectant un produit de contraste en bolus et en imageant rapidement le sein à étudier que cette angiogenèse anormale peut être détectée et analysée (angio-mammographie, échographie, scanner, IRM). Si la sensibilité et la valeur prédictive négative de cancer de l’IRM sont élevées (> 90 %, peu de faux négatifs pour les cancers infiltrants); sa spécificité varie en fonction du type de lésion et du risque de cancer des populations étudiées (la spécificité augmentant avec le risque).
Technique IRM Tout d’abord, il est très important d’expliquer à la patiente le déroulement et le but de l’examen afin d’obtenir sa coopération optimale (absence de mouvements lors de l’acquisition dynamique). En dehors de l’exploration spécifique de prothèse(s) mammaire(s) (silicone), une voie d’abord périphérique sera systématiquement mise en place avec un long raccord permettant d’injecter le produit de contraste (sels de gadolinium) sans déplacement du lit d’examen. La patiente est installée en procubitus, les seins placés dans les orifices prévus à cet effet. Le protocole d’examen (trente minutes) comporte l’acquisition de plusieurs séquences : une série anatomique de pondération T1, une séquence de pondération T2 avec ou sans saturation de la graisse (non systématique), une séquence dynamique avec injection de sels de gadolinium en bolus (écho de gradient 3D, temps d’acquisition autour d’une minute trente secondes) répétée une fois avant, puis après injection sur une durée d’au moins sept minutes (1).
68 Cancer du sein La première édition BI-RADS-IRM de l’ACR (American College of Radiology) est disponible en français depuis octobre 2004 (éditée par la Société Française de Radiologie) (2). En l’absence de protocole standardisé, seules des recommandations générales sont proposées : utilisation d’une antenne dédiée au sein, injection en bolus du produit de contraste (type de produit, dose, mode d’injection), région d’intérêt (mesures quantitatives des prises de contraste) d’au moins trois pixels centrée sur la zone lésionnelle de rehaussement maximal. Le compte-rendu doit préciser : – le contexte de la réalisation de l’examen (histoire clinique actuelle, antécédents, données cliniques et de l’imagerie standard) ; – la période du cycle ou la prise d’un THS. En effet, il existe des prises de contrastes physiologiques du tissu mammaire normal à l’origine de faux positifs dans ces deux situations cliniques. Pour les femmes réglées, l’examen IRM devra être idéalement programmé durant la deuxième semaine du cycle (3). En ce qui concerne traitement substitutif, le risque de faux positifs s’observe surtout en cas de traitement combiné. Ce ne sont pas, bien sûr, des contre-indications à l’examen ; mais, si les résultats sont ambigus, l’IRM devra être répétée, soit à la bonne période du cycle, soit après un arrêt de six semaines du traitement substitutif ; – l’application d’une compression mammaire (qui doit rester d’intensité modérée afin de ne pas faire disparaître une prise de contraste) ; – le descriptif des séquences IRM utilisées ; – pour l’étude dynamique, le nombre d’acquisitions après injection et l’intervalle de temps entre les séquences doivent être précisés ; – le descriptif du traitement des images ; – la présence et l’intensité d’artefacts éventuels (mouvements de la patiente, etc.) pouvant gêner l’interprétation de l’examen.
Bases d’interprétation d’une IRM Le BI-RADS-IRM propose un lexique descriptif des anomalies IRM rencontrées (2). Une prise de contraste se définit comme un rehaussement d’intensité supérieure à celui du parenchyme mammaire normal à un temps donné. La stratification de la classification s’effectue en fonction des données de la séquence anatomique avant injection (séquence en écho de spin de pondération T1).
Le rehaussement focal correspond à une lésion avant injection On qualifiera alors la prise de contraste de masse, et on en décrira les différents items qui la caractérisent sur la séquence dynamique où son intensité est maximale (forme : ronde, ovale, lobulée, irrégulière ; contours : circonscrits, irréguliers, spiculés ; rehaussement interne : homogène/hétérogène, périphérique ou central, la présence de septa internes en hyposignal ou prenant le contraste). Il faut rappeler la nécessité d’une séquence de résolution spatiale correcte pour apprécier sa morpho-
Place de l’IRM en sénologie 69 logie, et l’intérêt des reconstructions multi-planaires (imagerie 3D) dans cette analyse. Les signes plaidant en faveur de la bénignité sont : une forme ronde, ovale ou lobulée avec des contours bien circonscrits, l’absence de rehaussement ou un rehaussement homogène ou avec des septa internes en hyposignal (fibroadénome) et une courbe cinétique ascendante. En faveur de la malignité : une forme et/ou des contours irréguliers ou spiculés, un rehaussement hétérogène (en cocarde périphérique) et une courbe cinétique avec lavage.
Le rehaussement focal ne correspond pas à une lésion avant injection Si le rehaussement est de forme ronde, homogène, et mesure moins de 5 mm, on parlera alors de focus. Il correspond le plus souvent à du tissu mammaire normal (objet brillant non identifié décrit par les auteurs allemands). Quand ils sont plus nombreux et sans systématisation topographique, on parlera de foci. Ces rehaussements doivent être cependant nettement séparés les uns des autres.
Le rehaussement ne correspond pas à une lésion avant injection et n’a pas l’aspect d’un focus On doit le caractériser par sa distribution spatiale et son type de rehaussement : – distribution spatiale : focale (rehaussement occupant moins de 25 % d’un quadrant), linéaire (suivant une ligne), canalaire (topographie d’un galactophore et se dirigeant vers le mamelon), segmentaire (en forme de cône ou de triangle dessinant l’arborisation d’un arbre galactophorique), régionale (forme géographique sans contours convexes), diffus (occupant tout le sein, homogène et de même intensité que le tissu mammaire normal) ; – type de rehaussement : homogène versus hétérogène, symétrique ou asymétrique (comparaison avec l’autre sein), micronodulaire (rehaussement de 1 à 2 mm, multiples sans systématisation), punctiformes (foci dessinant des « pavés » avec tendance à la confluence dans le temps), réticulaires ou dendritiques. Plaident en faveur de la bénignité : la distribution spatiale régionale ou diffuse, le rehaussement bilatéral et symétrique, homogène, micronodulaire (tissu mammaire normal, mastopathies fibro-kystiques) ; en faveur de la malignité : la distribution canalaire ou segmentaire, le rehaussement hétérogène et asymétrique, punctiforme ou réticulaire (lésions de carcinomes soit in situ, soit lobulaire infiltrant ou inflammatoire).
70 Cancer du sein
Classification BI-RADS de l’ACR Sept catégories de VPP croissantes de cancer doivent venir conclure le compterendu : – catégorie BI-RADS 0 : examen à compléter (échographie de seconde attention, comparaison avec des bilans antérieurs non disponibles) ou IRM à refaire du fait de problèmes techniques ; – catégorie BI-RADS 1 : examen IRM normal ; – catégorie BI-RADS 2 : les anomalies IRM décrites sont bénignes. Entrent dans cette catégorie des lésions sans rehaussement : cicatrices, kystes huileux, fibro-adénomes hyalinisés, galactocèles, kystes, hamartomes, présence d’implants ; – catégorie BI-RADS 3 : anomalie probablement bénigne. Un suivi IRM rapproché (4-6 mois) est recommandé. Il n’y a pas de descriptif lésionnel dans cette édition (rentre dans cette catégorie, la masse de morphologie bénigne avec rehaussement homogène et septa internes en hyposignal, sans lavage sur la courbe cinétique) ; – catégorie BI-RADS 4 : anomalie IRM suspecte nécessitant un diagnostic histologique. Il n’y a pas de descriptif lésionnel. Intuitivement, il s’agit de lésions présentant, soit des caractéristiques morphologiques suspectes avec une cinétique en faveur de la bénignité, soit l’inverse ; – catégorie BI-RADS 5 : anomalie IRM évoquant une pathologie maligne jusqu’à preuve du contraire (morphologie et cinétique d’aspect malin) ; – catégorie BI-RADS 6 : l’anomalie décrite en IRM a un diagnostic connu de malignité (prouvé par cytologie ou biopsie). Cette nouvelle catégorie lésionnelle est utile, par exemple, dans un contexte de bilan IRM d’un cancer.
Indications et résultats de l’IRM Exploration des prothèses en silicone Si l’IRM est la meilleure technique d’imagerie (sensibilité de 78 % pour une spécificité de 91 %) pour le diagnostic de rupture intra-capsulaire d’une prothèse en silicone ; ses indications doivent être réservées aux cas restant ambigus après imagerie standard (4-7). Il faut souligner que l’IRM n’est pas un examen de dépistage, ces performances étant moindres dans une population asymptomatique (7). L’exploration IRM doit comporter au minimum deux plans d’étude, afin de bien différencier des replis prothétiques complexes ou des microperforations avec suffusion de gel d’une véritable rupture intracapsulaire. Les simples replis prothétiques se traduisent par des hyposignaux linéaires, épais, partant de l’enveloppe et se perdant dans le gel de la prothèse. Les suffusions débutantes de gels se traduisent par des images de petite taille et peu nombreuses en forme de « lasso » ou de « trous de serrure ». La rupture intracapsulaire avérée se traduit par la détection d’une ligne fine en hyposignal (correspondant à l’enveloppe prothétique) partant de la coque dans le gel en hypersignal et revenant vers la capsule (linguin sign des Anglo-Saxons)
Place de l’IRM en sénologie 71 (figure 1) ; la présence de nombreuses images en « lasso » ou en « trous de serrure » doit faire évoquer également le diagnostic de rupture.
Figure 1 - Rupture intra- et extra-capsulaire (prothèse en silicone). L’enveloppe capsulaire apparaît sous forme d’un hyposignal linéaire dans le gel de silicone en hypersignal. À noter la présence de gel de silicone en dehors de la capsule (sein gauche).
Récidive locale d’un cancer du sein Cette indication fut la première validée pour l’IRM. En effet, dans ce contexte, sa sensibilité et sa spécificité sont excellentes, supérieures à 90 % ; le risque de faux positif étant fortement réduit par la fibrose post-radique (la cytostéatonécrose inflammatoire étant la cause la plus fréquente de faux positifs) (figure 2) (8-11). Le délai optimal à respecter entre la fin de la radiothérapie (inflammation à l’origine de faux positifs) et la réalisation d’une IRM pour une suspicion de récidive locale a évolué dans le temps : deux ans, puis un an (probablement optimal), voire quasi nul au vu d’une publication récente (12). Les indications de l’IRM sont larges : anomalie clinique non expliquée par l’imagerie standard, anomalie suspecte détectée par l’imagerie, surveillance de seins à risque accru de récidive locale et difficiles en clinique et en radiologie standard. Du fait de la sanction chirurgicale radicale en cas de récidive avérée et du coût de l’IRM, ces indications sont à mettre en balance avec des gestes interventionnels simples. En particulier, en cas de micro-calcifications isolées, les macrobiopsies stéréotaxiques sont à privilégier, sachant le taux variable de faux négatifs de l’IRM dans les lésions in situ (4).
72 Cancer du sein
Figure 2 - Récidive locale dans un sein traité (femme à haut risque). Image soustraite (3 minutes après injection) dans le plan sagittal. Détection de deux petites prises de contrastes de contours stellaires, retrouvées a posteriori en échographie.
Bilan d’extension locale d’un cancer du sein Tous les travaux publiés à ce jour ont conclu à la supériorité de l’IRM sur l’imagerie standard pour la détection d’une multifocalité (même quadrant) ou d’une multicentricité (quadrants différents) chez une patiente porteuse d’un cancer du sein, l’impact des résultats de l’IRM modifiant la prise en charge des patientes dans 8 à 20 % des cas (13-15). Une étude récemment publiée a comparé les résultats de la mammographie et de l’IRM avec ceux de l’histologie (étude exhaustive de la pièce de mastectomie) dans 99 seins (90 patientes), et en fonction de leur densité mammographique (16). La sensibilité globale de la mammographie était de 66 % et de 81 % pour l’IRM (différence significative) ; 72 % et 89 % respectivement en cas de lésions invasives, et de 37 et 40 % pour les lésions in situ. La mammographie a raté 64 lésions surnuméraires et l’IRM 36, avec un diamètre médian de 8 et 5 mm. Dans des seins graisseux, il n’y avait pas de différence significative entre les sensibilités et VPP de la mammographie et de l’IRM ; par contre, cette différence en sensibilité devenait significative et en faveur de l’IRM en cas de seins denses (sensibilité de 60 % pour la mammographie versus 81 % pour l’IRM – à noter l’absence de différence significative pour la VPP des deux techniques d’imagerie). Les faux positifs demeurent donc un problème pratique, et sont retrouvés dans environ 17 % dans le sein atteint, et ce d’autant plus que la prise de contraste surnuméraire siège à distance du cancer (plus de 5 cm) ou dans le sein controlatéral (13, 17). Une étude montre, sur 104 patientes (taille moyenne des cancers de
Place de l’IRM en sénologie 73 21 mm), que si l’IRM est la technique la plus sensible pour détecter des lésions surnuméraires, cette dernière est la moins spécifique (comparaison avec l’échographie) n’apportant pas de gain en terme de prise en charge chez 93 % de ces patientes (18). Il faut donc garder à l’esprit que toute prise de contraste surnuméraire n’est pas un cancer ; qu’une décision de traitement chirurgical radical ne peut être envisagée sur les simples données de l’IRM, impliquant une preuve histologique pré- ou per-opératoire. Il faudra donc se donner les moyens techniques d’aller repérer ou biopsier ces lésions surnuméraires uniquement détectées par l’IRM. Des antennes ouvertes permettant un accès au sein sont actuellement disponibles sur le marché (19-20) ; rappelons qu’il est possible de réaliser ses gestes guidés sous guidage scannographique. À l’inverse, l’absence de lésion surnuméraire en IRM n’élimine pas formellement une multifocalité ; dans l’étude de Fischer, 70 % des 30 faux négatifs de l’IRM concernaient des lésions de carcinome in situ (13). La question à se poser est donc : à quelles patientes ou tumeurs l’IRM pré-thérapeutique peut apporter des informations utiles ? Les réponses, à l’heure actuelle sont : – les cancers palpables de plus de 2 cm, uniques en imagerie standard (seins denses) ; – les cancers survenant chez des femmes avec des facteurs de risques et présentant des seins denses en mammographie ; – les cancers sans traduction mammographique et/ou échographique à type de maladie de Paget du mamelon ou de cancer lobulaire infiltrant (21) ; – les cancers après une première exérèse chirurgicale histologiquement incomplète (22, 23), sachant qu’un délai postopératoire d’environ trois semaines est nécessaire afin de limiter les faux positifs (figure 3) (24) ; – les cancers posant, pour leur exérèse, des problèmes de rapports anatomiques, en particulier, avec la paroi thoracique (25).
Figure 3 - Bilan IRM après exérèse histologique incomplète d’un carcinome lobulaire infiltrant. Image soustraite (trois minutes après injection) dans le plan axial. Prise de contraste irrégulière étendue dans les quadrants externes du sein droit. Noter l’asymétrie par rapport au sein controlatéral.
74 Cancer du sein
Réponse au traitement néo-adjuvant Les indications de chimiothérapie néo-adjuvante s’étendent aux cancers opérables d’emblée, mais ne pouvant bénéficier d’un traitement chirurgical conservateur. L’intérêt est double : augmenter le nombre de chirurgies conservatrices et évaluer in vivo l’efficacité du traitement systémique ; la réponse histologique étant un facteur prédictif de la survie des patientes (26). Le rôle de l’imagerie est double : apprécier cette réponse en termes morphologiques (diminution de la taille) mais également de trouver des paramètres permettant de prédire, en cours de traitement, la réponse histologique. L’IRM permet d’apprécier la réduction tumorale et l’évolution de l’angiogenèse tumorale sous traitement (27-32). L’IRM, en comparaison avec l’examen clinique et l’imagerie standard, est le meilleur examen pour l’évaluation de la taille du résidu tumoral, en comparaison avec l’histologie, avec des coefficients de corrélation rapportés entre 0,75 et 0,89 (30-32) (figure 4). Deux types de fonte tumorale sont décrits : l’une de type concentrique (résidu unique), prédisant le succès du traitement chirurgical conservateur, l’autre type de fragmentation « dendritique » (multiples résidus) avec un risque élevé de berges envahies en cas de chirurgie conservatrice (31-33). Au bilan initial, les tumeurs de présentation multifocale, infiltrantes, diffuses ou de forme stellaire, sont sujettes à une fonte fragmentaire ; alors que les tumeurs unifocales de contours bien circonscrits évolueront le plus souvent vers une fonte concentrique.
figure 4 a
Place de l’IRM en sénologie 75
figure 4 b
figure 4 c Figure 4 - Suivi IRM d’un cancer du sein sous chimiothérapie néoadjuvante : a. bilan initial (image soustraite à trois minutes après injection dans le plan sagittal). Prise de contraste unifocale hétérogène avec phénomène de lavage b. et c. bilan en fin de chimiothérapie : la lésion a diminué de taille (fonte concentrique) avec diminution d’intensité de la prise de contraste et aplatissement de sa courbe cinétique.
76 Cancer du sein En terme de prédiction de la réponse histologique en cours de chimiothérapie, une réduction de volume tumoral de plus de 65 % après deux cures de chimiothérapie apparaît, dans une étude récente, comme le facteur prédictif le plus significatif d’une réponse histologique majeure (34). D’autres facteurs ont été décrits pour identifier en cours de traitement les patients bons répondeurs : l’aplatissement de la courbe d’intensité de signal tumoral en fonction du temps, la diminution franche du pourcentage relatif de la prise de contraste tumorale après un cycle de chimiothérapie, la persistance de moins de 10 % du volume tumoral présentant initialement un phénomène de wash-out après deux cycles, et la disparition d’une prise de contraste tumorale après quatre cycles (35-36). Cependant, en pratique, l’exercice reste difficile et requiert une excellente collaboration entre radiologues, chirurgiens et pathologistes. Dans une étude récente (67 patientes), si l’IRM s’est confirmée supérieure à l’examen clinique et à l’imagerie standard, mais sans différence significative ; elle a été jugée par les cliniciens en cours de traitement comme inadéquate ou portant à confusion dans 20 % des cas (37). La normalité de l’IRM n’élimine pas la possibilité de microfoyers tumoraux invasifs, mais surtout, in situ résiduels, posant le problème pratique du repérage chirurgical (fibrose induite par le traitement, intérêt de la mise en place d’un clip lors de la biopsie diagnostique initiale) et histologique. Devant les modifications dynamiques liées au traitement, le radiologue doit disposer d’un bilan IRM initial, afin de pouvoir effectuer une lecture comparative avec les IRM réalisées en cours de traitement ; les prises de contrastes devenant de moins en moins caractéristiques (risque de sous-estimations).
IRM de dépistage chez les femmes à haut risque Plusieurs études prospectives sont en cours pour évaluer l’IRM en situation de dépistage chez des femmes à risque élevé de cancer du sein (38-42). Les critères d’inclusion varient selon les études : risque absolu cumulé > à 15 % ou, au-delà de 80 %, mutation génétique prouvée ou non, femmes indemnes ou déjà traitées pour un cancer du sein. L’examen IRM est réalisé tous les ans. Seul l’essai anglais réalise un contrôle qualité des machines IRM (cet essai qui prévoyait l’inclusion de 950 femmes avec 3 300 examens de dépistage vient de se terminer avec des résultats disponibles en 2005 – essai MARIBS) (38). L’IRM, dans toutes ses études, a la sensibilité et la valeur prédictive positive (VPP) les plus élevées (comparaison avec examen clinique, mammographie, plus ou moins échographie) ; la sensibilité varie entre 73 % et 95 % et la VPP entre 18 et 64 %, reflétant les seuils de risques différents des populations étudiées (figure 5). La question de fond reste, et sans réponse actuellement, de savoir si cette détection précoce par l’IRM améliore la survie. Il est clair cependant que, chez les femmes à très haut risque, cet examen est en train d’entrer dans la routine. Il est important de souligner la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire de qualité chez ces femmes le plus souvent très informées, et de pouvoir réaliser, si besoin, des gestes interventionnels sous IRM.
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figure 5 a
figure 5 b Figure 5 - Dépistage IRM chez une femme indemne porteuse d’une mutation BRCA1 (bilan d’imagerie standard normal) : a. Image soustraite (trois minutes après injection) dans le plan axial. Prise de contraste homogène dans les quadrants internes du sein droit b. Echographie après IRM. Nodule tissulaire hypoéchogène de contours flous. Biopsie : carcinome canalaire infiltrant.
78 Cancer du sein
Caractérisation d’une lésion infra-clinique D’après les recommandations de l’ANAES parues en 1998, une lésion infra-clinique détectée en imagerie standard n’est pas une indication d’examen IRM, en dehors de protocole d’études cliniques), du fait d’une spécificité modérée (autour de 85 % en cas de masse et de 50 % en cas de micro-calcifications) (5, 43). Il faut reconnaître que, depuis, les indications IRM se sont étendues afin de résoudre certaines situations : anomalie persistant sur certaines incidences mammographiques et restant de topographie indéterminée, problèmes de certaines asymétries de densité, discordance entre un aspect radiologique inquiétant et des résultats bénins de prélèvements percutanés, discordances de résultats d’échographies itératives, mais faites par des opérateurs différents, etc. L’IRM est alors utilisée dans la stratégie diagnostique pour sa forte valeur prédictive négative. L’IRM étant une technique en constante évolution, des études sont régulièrement publiées sur l’évaluation de l’IRM en terme de caractérisation lésionnelle. Ainsi, les séquences de perfusion (étude au premier passage avec réinjection de produit de contraste en bolusséquence T2*), la spectro-IRM, l’élastographie, l’utilisation de logiciels d’analyse des prises de contraste basés sur des modèles compartimentaux apparaissent comme des techniques prometteuses car améliorant la spécificité de l’IRM (44-47).
Les voies de recherche Outre les avancées technologiques (antenne de surface, gradient et acquisition des images, imagerie à haut champ d’intérêt majeur pour la spectro-IRM), la principale voie de recherche concerne les produits de contraste. En effet, le manque de spécificité de l’IRM est en grande partie liée à la diffusion non sélective des sels de Gadolinium à travers les vaisseaux normaux ou pas. Les agents macro-moléculaires ont pour but de créer une barrière hémato-tissulaire afin que leur diffusion ne soit possible qu’à travers des vaisseaux anormaux. L’intérêt est multiple : amélioration de la spécificité et du contraste tissu sain – tissu pathologique, accès à la quantification de la perfusion (évaluation de l’agressivité et du grade d’un cancer et de l’efficacité d’un traitement) (48). Les premières études cliniques confirment l’intérêt potentiel de ces molécules ; restent à définir leur taille optimale (plus elles sont grosses, plus la spécificité augmente, mais la sensibilité diminue), leur dose optimale et la durée d’examen (remplissage lésionnel lent). Une solution intermédiaire réside dans les agents de contraste associant petites et grosses molécules (lien transitoire avec l’albumine) ; la détection vasculaire apparaît améliorée, mais la quantification de la perfusion devient aléatoire. Le statut ganglionnaire axillaire est le facteur prédictif de survie le plus important dans le cancer du sein. Les USPIO (agents superparamagnétiques à base d’oxyde de fer), injectés par voie intraveineuse, améliorent la caractérisation ganglionnaire d’environ 20 % (absence de captation en cas d’envahissement tumoral, séquence IRM pondérée T2*), mais ne sont pas performants pour l’étude mammaire (49). Des études récentes ont montré la faisabilité d’associer différents produits de contraste pour le staging complet d’un cancer et la pos-
Place de l’IRM en sénologie 79 sibilité d’étudier le ganglion sentinelle après injection péri-tumorale interstitielle d’USPIO (50). Une autre voie de recherche, en plein développement, est la création d’agents de contraste spécifiques aux cancers du sein (imagerie moléculaire).
Conclusion En vingt ans, l’IRM a vu ses indications régulièrement s’étendre en pathologie mammaire et son potentiel évolutif fait que ses performances s’améliorent constamment. Si l’outil paraît magnifique, il faut le replacer dans le contexte social et médical : versant économique, cet examen reste cher et encore peu disponible ; versant médical, son écueil actuel est qu’il n’a pas démontré une amélioration de la survie des patients qui en ont bénéficié. Il n’est pas certain que nous ayons un jour la réponse. Cependant, il est clair que cet outil permet de résoudre les problèmes des autres techniques d’imagerie, qu’il aide à la compréhension de la pathologie mammaire et à l’évaluation thérapeutique. Le fait qu’elle soit multiparamétrique, avec un potentiel évolutif puissant, lui assure un avenir et une place grandissante dans la détection, la caractérisation et le suivi sous traitement des cancers du sein.
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Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein. Facteurs pronostiques, facteurs prédictifs. Quels standards en 2005 ? P.-M. Martin
« Toute chose simple est théoriquement fausse, toute chose compliquée est pratiquement inutilisable. » Paul Valéry Le développement des biomarqueurs tissulaires représente le type même de la recherche biologique de transfert. Le but de cette revue est non d’être exhaustive, mais de présenter les buts, la démarche actuellement recommandée pour l’évaluation et la validation des marqueurs biologiques tissulaires et de faire un bilan pour les cancers du sein en 2005. Ces trente dernières années, une étape a été franchie par le développement sur le plan national et international d’une standardisation de l’approche thérapeutique des cancers permettant une évaluation de l’efficacité des protocoles thérapeutiques. Mais, malgré une augmentation régulière du nombre de protocoles thérapeutiques et du coût global des traitements liés notamment au développement de la chimiothérapie, le bénéfice en terme de survie n’est pas à la hauteur de nos espérances (1, 2). Ces succès limités de l’approche clinique actuelle dans les cancers s’expliquent, d’une part, par le fait que les seuls critères anatomo-cliniques classiques standards actuels des protocoles et essais thérapeutiques ne rendent pas assez compte de l’importante hétérogénéité évolutive des tumeurs et sont de très faibles indicateurs potentiels de la sensibilité thérapeutique, et, d’autre part, par le manque de molécules ciblées et adaptées au processus fonctionnel individuel de chaque tumeur. Ces constatations ont transformé en 1998 en challenge pour les directeurs du NIH/NCI l’hypothèse issue de la recherche fondamentale (3, 4), et émise en 1978 par W. L. McGuire : la notion de marqueur tumoral doit évoluer vers la définition d’une analyse tissulaire multiparamétrique permettant l’établissement, l’évaluation et validation d’une classification moléculaire des tumeurs humaines. Les récepteurs hormonaux dans les cancers du sein en étaient la première démonstration. Cette classification serait indispensable pour progresser vers des traitements ciblés et efficaces
84 Cancer du sein (5). L’évolution des connaissances en biologie du cancer, ainsi que les progrès technologiques réalisés à ce jour, permettent d’envisager une meilleure définition moléculaire et fonctionnelle des tumeurs solides, aboutissant au concept de classification moléculaire des tumeurs humaines et au développement de thérapeutiques innovantes mieux adaptées à la spécificité de chaque tumeur. Une classification moléculaire des tumeurs associée aux données cliniques et anatomo-pathologiques devrait contribuer, dès le diagnostic, à l’évaluation du potentiel métastatique du cancer, isolant les patients à haut risque évolutif, échappant de ce fait à un contrôle thérapeutique loco-régional, et contribuant, en outre, à la mise en évidence dans le tissu tumoral de marqueurs associés à l’existence d’une sensibilité ou résistance aux molécules pharmacologiques anticancéreuses. Ce double but doit permettre la sélection des patients selon leur risque évolutif et leur sensibilité potentielle aux drogues, évitant les inconvénients des surtraitements et les effets iatrogènes qui peuvent en découler, orientant précocement vers l’innovation thérapeutique les patients à haut risque évolutif peu ou non sensibles aux traitements conventionnels. Enfin, cette démarche vers une classification moléculaire des tumeurs doit renforcer la notion de standardisation des protocoles en considérant de manière objective des groupes homogènes sur le plan biologique pour l’évaluation de l’efficacité des molécules thérapeutiques. L’étape ultérieure du développement de ce concept analytique moléculaire concerne l’identification potentielle du haut risque individuel constitutif afin d’exercer une politique de prévention.
Définition d’un biomarqueur tumoral Un biomarqueur tumoral est une molécule ou une fonction cellulaire caractéristique d’un cancer (ou d’une personne à haut risque de cancer) par rapport à sa contre-partie normale (en termes de tissus ou de population). Un marqueur peut être également une molécule associée à une fonction cellulaire qui caractérise le potentiel évolutif particulier d’un processus tumoral (invasivité, néo-angiogenèse, résistance aux thérapeutiques…). Durant les vingt dernières années, les progrès des connaissances fondamentales et les progrès technologiques ont permis l’identification d’un très grand nombre de marqueurs tumoraux putatifs. En dépit de ces avancées apparentes, dans les tumeurs solides, peu de marqueurs tumoraux ont été promus et recommandés dans une utilisation clinique courante faute de stratégie d’évaluation cohérente. Pour les marqueurs tumoraux, les termes « facteur pronostique » ou « facteur prédictif » sont utilisés dans différents contextes. Spécifiques de la pathologie et du tissu investigués (par exemple marqueur mesuré dans le tissu tumoral, cellules tumorales, sérum, fluides pathologiques...). Ces facteurs ont différents potentiels (ou champs) d’utilisation en clinique parfaitement décrits par G.-S. Ginsburg et J.-J. McCarthy (6) (figure1). Les biomarqueurs tumoraux pronostiques sont évalués chez des patients ne recevant aucune thérapie ou des protocoles standards. Ces biomarqueurs pronostiques
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 85 peuvent être utilisés pour estimer le potentiel évolutif d’un processus tumoral spécifique et sélectionner les patients à haut risque évolutif susceptibles d’être orientés vers des protocoles thérapeutiques adjuvants. Les biomarqueurs tumoraux prédictifs d’une réponse ou non à une thérapie donnée requièrent pour leur évaluation deux groupes de patients, de préférence randomisés, pour un protocole thérapeutique spécifique par opposition, soit à l’absence de toute thérapie, soit à un protocole standard type. La valeur prédictive des biomarqueurs est obtenue par l’analyse de tests statistiques évaluant l’interaction entre le traitement et le statut des biomarqueurs (figure 2).
Figure 1 - De la définition d’une prédisposition, du dépistage au monitorage des protocoles thérapeutiques.
Figure 2 - Définition des biomarqueurs pronostiques/prédictifs/mixtes. Classification basée sur l’évaluation de l’évolution pronostique des populations de patients classés en fonction de la présence (Fact+) ou de l’absence (Fact-) du biomarqueur dans leur tissu tumoral. Evolution spontanée (A) ou avec un traitement adjuvant ou complémentaire (B). A : évaluation pour une population sans traitement associé. B : évaluation pour une population avec traitement associé.
86 Cancer du sein Les critères finaux d’évaluation clinique des marqueurs pronostiques ou prédictifs peuvent être divers, tels que : la survie globale, la survie spécifique associée à la pathologie, l’intervalle libre de toute évolution pathologique, le temps à progression. L’évaluation de la réponse tumorale à une thérapie donnée pouvant être la modification du volume tumoral ou même la modulation d’un biomarqueur étroitement liée au volume tumoral. L’efficacité d’un protocole thérapeutique peut être exprimée en terme de bénéfice absolu ou relatif. Le bénéfice relatif en termes de survie est souvent exprimé comme un risque relatif (à savoir le risque de décès dans le groupe expertisé divisé par le risque de décès dans le groupe central), ou un « odds ratio » relatif (odds de survie versus de décès dans le groupe expertisé divisé par l’odds de survie versus décès dans le groupe contrôlé. La probabilité ou « hasard ratio » obtenu dans les modèles statistiques de régression multiple est souvent utilisé pour estimer le risque relatif. Les tests statistiques d’évaluation quantitatives et qualitatives des biomarqueurs font appel aux tests statistiques standards habituellement utilisés dans les évaluations cliniques et biologiques. Mais peu à peu s’est établie une nécessité d’une évaluation multifactorielle pour ne retenir que les facteurs et marqueurs biologiques individuellement informatifs, éliminant de ce fait des marqueurs redondants, pour répondre à une question clinique donnée telle la sélection des patients à haut risque ou potentiellement sensibles à une thérapeutique spécifique. La technique la plus généralement adaptée est dérivée d’un modèle d’évaluation de risques développé pour les assurances : le modèle de Cox. Si ce modèle est actuellement un standard, il demande une définition exacte des variables étudiées et ne prend pas en compte la variation de certains paramètres biologiques ou cliniques dans le temps, entre autres au cours de l’évolution du processus tumoral (4 et l’ensemble de la revue Breast Cancer Research and Treatment 1992 (22) : 187-293). Des modèles plus complexes non acceptés comme standards sont utilisés par certaines équipes. Les approches analytiques multiparamétriques font appel également à des techniques de classification descriptives ou de hiérarchisation pour définir les relations possibles entre facteurs, ou pour définir des clusters ou ensembles regroupant des individus proches, si ce n’est pas identiques. Des pathologies tumorales, qui présentent un même profil biologique ou évolutif, se retrouvent ainsi isolées par des techniques analytiques telles les analyses en composantes principales ou analyse factorielle discriminante.
Bases objectives de jugement pour l’évaluation et la pertinence des biomarqueurs tumoraux En 1996, devant l’abondance, la dispersion et l’inhomogénéité des travaux et publications évaluant des marqueurs tumoraux potentiels, l’American Society of Clinical Oncology a réuni un panel d’experts dans le but de poser des bases objectives de jugement pour l’évaluation et la pertinence des biomarqueurs tumoraux (7-10).
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 87 Ce groupe d’experts, dans le cadre de l’ASCO, a émis un certain nombre de remarques et recommandations. Ils attirent l’attention sur le fait que les bases méthodologiques pour définir des études correctement évaluables sont communes à toutes les phases de la pratique clinique. Si ces bases sont actuellement bien admises pour l’évaluation des protocoles thérapeutiques et répondent à des règles précises pour le développement d’une molécule thérapeutique, phase 1, phases 2, 3, 4, critère de réponse, toxicité, etc., ces mêmes bases méthodologiques sont en revanche mal connues ou peu utilisées dans le cadre de l’évaluation des biomarqueurs tumoraux. Les experts rappellent dans ce cadre que : – les études d’évaluation, comme pour les études cliniques protocolaires, doivent être basées sur des hypothèses clairement établies, répondre et prendre en compte une définition exacte des populations étudiées, des différentes sous-populations, des analyses, des techniques de dosage, avec mise en évidence de techniques analytiques répondant aux critères d’assurance de qualité et contrôle de qualité ; – les études doivent clairement identifier les problèmes éthiques et légaux associés à l’accès aux échantillons tissulaires individuels, aux informations du dossier médical des patients pour lesquels l’expertise tissulaire est effectuée et permettre une évaluation claire du ratio coût-bénéfice, coût-efficacité. Le travail du groupe d’experts a débouché sur la proposition d’un système d’évaluation des biomarqueurs « Tumor Marker Utility Grading System » (TMUGS), qui repose sur : – des recommandations pour la conduite des phases d’évaluation ; – les deux principes de base suivants : le concept d’utilité et le degré d’évidence.
Recommandations pour la conduite des phases d’évaluation d’un paramètre biologique Ceci peut se décomposer en quatre phases : – phase 1 : issue d’une hypothèse ou évidence biologique, une cible moléculaire est définie, une méthode analytique adaptée à la caractérisation et à la mesure de cette cible dans les tissus pathologiques permettant une étude de faisabilité ; – phase 2 : au sein d’un laboratoire maîtrisant la technique analytique, une étude pilote est conduite sur un échantillonnage clinique précis. Le rôle du laboratoire expert est de faire évaluer la standardisation de la méthode analytique et la mise en route de contrôle de qualité pour que cette méthode analytique soit accessible à un réseau de laboratoires, enfin d’établir une étude multifactorielle qui positionne le nouveau biomarqueur par rapport aux facteurs classiques ou déjà évalués, montrant les corrélations possibles et la valeur indépendante de ce facteur ; – phase 3 : cette phase utilise les outils mis au point en phase 2. Un réseau de laboratoires associé aux groupes cliniques ayant constitué des banques tissulaires conduit plusieurs études rétrospectives permettant une méta-analyse sur l’utilité clinique du ou des facteurs prédictifs ou pronostiques ;
88 Cancer du sein – phase 4 : mise en route et analyse d’un essai clinique prospectif dédié, déterminant la valeur pronostique et la valeur prédictive des biomarqueurs tumoraux dans un contexte d’utilisation prospective.
Le concept d’utilité Le concept d’utilité définit la puissance relative des biomarqueurs pronostiques et débouche sur une échelle d’utilité clinique.
Facteurs pronostiques (figure 3)
Figure 3 - Le concept d’utilité pour les facteurs pronostiques. Concept d’utilité basé sur la différence du risque évolutif ∆RR entre deux populations de patientes ayant la présence ou non dans leur tumeur primitive du biomarqueur pronostique. L’évaluation pour chaque population du risque propre RRr (1 et 2) par rapport à une population référente permet de calculer secondairement le ∆RR, RR1-RR2.
Il repose plus sur la différence de risque relatif ∆RR, comme nous l’avons précisé, que sur la signification statistique, la « p-value » dépendant, entre autres, de la taille de l’échantillon.
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 89 Dans le cadre de toute pathologie tumorale pour évaluer le concept d’utilité des nouveaux paramètres pronostiques, les patients peuvent être divisés à partir des facteurs cliniques et anatomiques classiques en trois classes d’évaluation pronostique, en l’absence de toute thérapeutique systémique adjuvante. Par exemple, dans le cancer du sein : - classe de très bon pronostic avec moins de 10 % de décès à dix ans ; - classe de pronostic intermédiaire avec entre 10 et 50 % de décès à dix ans ; - classe de très mauvais pronostic avec plus de 50 % de décès à dix ans. La relative puissance d’un biomarqueur pronostique peut être définie comme sa capacité à reclasser les patients définis sur des critères anatomo-pathologiques standards (figure 4).
Figure 4 - Définition de la puissance relative des facteurs pronostiques. A : % de survie à dix ans en l’absence de toute thérapeutique. Exemple : un facteur pronostique puissant est celui qui sépare par sa présence ou non deux populations de patientes à pronostic excellent et à pronostic le plus péjoratif.
Les classes d’évolution clinique (pronostic excellent, pronostic moyen, pronostic péjoratif) découlent des études anatomo-cliniques historiques. La puissance d’un biomarqueur s’évalue à l’importance de déplacement du pronostic prévu à partir des seuls éléments anatomo-cliniques : - un facteur pronostique puissant déplace les patients à travers les trois classes standards d’un très bon pronostic ou pronostic le plus péjoratif (ou inversement) ; - un facteur pronostique moyen déplace les patients entre deux classes classiques contiguës : de très bon à moyen ou de moyen à très péjoratif ; - enfin, un facteur pronostique faible déplace les patients au sein d’une même classe standard ne modifiant pas le stade pronostique pré-établi.
90 Cancer du sein
Facteurs prédictifs (figure 5) Il prend en compte la valeur prédictive (VPR) qui différencie le risque relatif (RR) dans un groupe homogène de patients sans ou avec traitement spécifique, les groupes homogènes étant isolés sur la présence ou l’absence du facteur prédictif évalué. La puissance du concept d’utilité clinique du facteur prédictif est établie entre une très forte VPR > 4 et une faible VPR entre 1 et 2. Le concept d’utilité des facteurs pronostiques et prédictifs débouche sur une échelle d’utilité clinique, échelle évoluant pour les facteurs présentant une utilité potentielle de + à +++.
Figure 5 - Le concept d’utilité pour les facteurs prédictifs. Deux populations de patientes sont caractérisées par la présence (m+) ou l’absence (m-) d’un marqueur prédictif dans leurs tumeurs primitives. La différence d’évolution ∆RR d’une même population avec ou sans traitement ∆RR m+, ∆RR m- permet de calculer le coefficient d’utilité de marqueur prédictif VPR.
+ Le biomarqueur a une signification biologique dans le processus tumoral, mais ne peut être utilisé dans une décision clinique pour trois raisons : - le biomarqueur proposé est corrélé à un marqueur dont le test est déjà établi et l’avantage du nouveau biomarqueur n’est pas démontré ; - le biomarqueur apporte une information indépendante, mais n’apporte pas la preuve d’une utilité quelconque pour une décision clinique ; - les résultats préliminaires sont encourageants, mais ne sont pas informatifs concernant le niveau d’évidence d’utilité clinique.
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 91 ++ Le biomarqueur apporte une information indépendante et nouvelle, utile dans la décision clinique, mais, s’il ne peut être utilisé isolément, il peut et doit être pris en considération dans des conditions spécifiques. +++ Le biomarqueur peut être utilisé comme un critère spécifique dans la décision clinique et doit être introduit comme standard dans la pratique clinique.
Le concept de niveau d’évidence Le degré d’évidence (Level Of Evidence, LOE) découle d’une analyse des différentes expertises disponibles pour un marqueur donné et, de ce fait, doit être réévalué régulièrement (6-9). À terme, la conduite d’expertises selon les phases décrites permet l’évaluation du niveau d’évidence d’utilité clinique des biomarqueurs tumoraux (cf. D. F. Hayes) (Level Of Evidence = LOE) (figure 6).
Figure 6 - Déroulement d’une expertise des biomarqueurs prédictifs ou pronostiques.
Niveau III / LOE III – niveau le plus bas d’évidence : confirmation d’une hypothèse biologique par une large étude rétrospective. Les propositions thérapeutiques et le suivi des patients peuvent être ou non déterminés de façon prospective. Mais l’analyse statistique d’évaluation des marqueurs qui se fait de façon rétrospective ne répond pas à des critères pris en compte de façon prospective lors du descriptif du ou des protocoles thérapeutiques (objectif principal ou secondaire de l’étude).
92 Cancer du sein Niveau II / LOE II : utilisation d’une technique analytique répondant au critère d’assurance qualité et contrôle de qualité. Analyse de protocoles cliniques prospectifs où l’étude du marqueur est un objectif secondaire tant sur le plan du descriptif du protocole que de l’étude statistique. Niveau I / LOE I – niveau le plus élevé d’évidence : l’évaluation de l’activité clinique du biomarqueur tumoral fait l’objet d’une importante méta-analyse positive ou compilation positive et concordante des études de niveaux II et III. Validation par un protocole clinique prospectif « ad hoc » ou l’évaluation du biomarqueur tumoral est l’objectif principal de l’étude dans son descriptif et analyse statistique. Protocole incluant des groupes homogènes de patients sur les plans cliniques et thérapeutiques, ou, de façon idéale, un protocole clinique prospectif idéal pour l’évaluation des biomarqueurs. Protocole prospectif randomisé dans lequel le diagnostic et les décisions cliniques thérapeutiques sont déterminés dans un bras en partant sur les bases des résultats d’analyse des biomarqueurs. Dans le bras contrôle, le diagnostic et les décisions thérapeutiques sont, en revanche, indépendants des résultats de l’analyse des biomarqueurs. L’enjeu pour le développement d’un panel de biomarqueurs est clairement démontré par l’analyse de l’ensemble des conférences de consensus sur la prise en charge des cancers du sein, notamment sans envahissement ganglionnaire (No) (11-15). Une classification idéale reflèterait parfaitement les données épidémiologiques et cliniques qui montrent que seuls 30 % des cancers No évoluent à dix ans, nécessitant de ce fait un traitement systémique adjuvant. La conférence de consensus de Saint-Gallen (14-15), établie uniquement sur des critères cliniques et anatomiques, préjuge des indications justifiées de traitement systémique pour 90 % des patientes No entraînant, de ce fait, un sur-traitement et l’exposition à des effets iatrogènes liés à celui-ci (figure 7). Il en est de même pour les autres conférences de consensus établies à ce jour.
Figure 7 - Reconnaissance et isolement des populations de patientes présentant un cancer du sein No classé en maladie locale ou maladie systémique selon une classification idéale en accord parfait avec l’évolution clinique (A) et selon les critères de la Conférence de consensus de Saint-Gallen (B).
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 93
Bilan 2005 des biomarqueurs pronostiques ou prédictifs dans les cancers du sein Dans les cancers du sein, durant ces vingt dernières années, un très grand nombre de biomarqueurs tumoraux tissulaires ont été étudiés par des techniques biochimiques, ELISA ou immuno-histochimiques (tableau 1) (16-18). Cependant, un très petit nombre de ceux-ci ont été retenus dans les recommandations (figure 8) (10, 18, 19). Parmi les marqueurs évalués comme ayant un niveau d’évidence I, les récepteurs hormonaux RO_ et RP, ainsi que HER2, se retrouvent plutôt comme facteurs prédictifs. Les biomarqueurs pronostiques de niveau LOE I+++ sont UPA et PAI1, qui n’avaient pas été pris en compte dans l’analyse du panel d’experts de l’ASCO (2000, update). Ce, entre autres, du fait d’une série importante de publications entre 20002003 (figure 8).
Niveau d’évidence
Paramètres
Pronostiques (échelle d’utilité)
I
ROα/RP HER 2 UPA + PAI I
+++ +/+++
+++ +++ ?
II
Prolifération (Phase S)
++
++
TK
++
+++ +
transcriptome Mutations P53 MdR (induction) TS Topo II Cyclin D1 Angiogenèse ROβ Bcl2/Bax IGF1/AKT Transcriptome (L. Vant’Veer)
+ ++ + ? + ? ? ?
? ++ + ++ + ? ? ?
+
?
III
Prédictifs (échelle d’utilité) Tt endocriniens (AE) Herceptin® AE/Chimiothérapie
Antimétabolites Anthracyclines
Anthracyclines Taxane Antimétabolites Antracyclines
Tt. endocriniens
Figure 8 - Marqueurs biologiques dans les cancers du sein LOE et échelle d’utilité/Niveau d’évidence (évaluation 2002). Tableau publié par le GETNA (OSMO) Magdelenat H., van t’Veer L. Classification réactualisée en 2003 d’après les références 10 et 18.
94 Cancer du sein
Biomarqueurs pronostiques LOE I/+++ dans le cancer du sein UPA/PAI1
(8) :
Les facteurs de risque de dissémination métastatique infraclinique (tableau 1) les plus étudiés sont les protéases et inhibiteurs. Les plus performants dans les analyses multiparamétriques sont l’activateur du plasminogène type urokinase (uPA) et les inhibiteurs des activateurs du plasminogène (PAI1 et PAI2). À titre d’exemple, dans le cancer du sein, la population No représente globalement une classe de faible risque dans laquelle cependant 20 % des patientes ont une évolutivité à six ans, 30 % à dix ans. Les taux tissulaires élevés d’UPA et PAI1 se sont révélés, dans des études conduites sur le plan européen, comme les paramètres les plus efficaces pour sélectionner cette sous-population à évolution rapide au sein d’une population de malades à risque classique clinique faible (20-24) (figure 9).
Figure 9 - Évolution des marqueurs pronostiques de LOE I +++ des cancers du sein (19912002).
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 95 Tableau 1 - liste des biomarqueurs pronostiques et prédictifs étudiés dans le cancer du sein.
Tumor characteristics 1. Histological features : type, grade, number of blood vessels, vascular invasion, necrosis. 2. Stage (tumor, node, metastasis), bone marrow micrometastases. 3. Steroid receptors : ER, PgR, AR, vitamin-D receptor ; steroid receptor coactivators and coinhibitors. 4. Membrane receptors for hormones and growth factors. LHRH Prolactin receptor IGF1 – IGFII Insulin receptor EGFR – herceptin family receptors (HER2/HER3/HER4) TGFβ – family receptors SSR family receptors VEGF – family receptors FGF – family receptors Urokinase receptors 5. Enzymes, proteins and other cytoplasmatic factors Plasminogen activator expression, (urokinase and tissular types). Plasminogen activator inhibitors (PAI1,PAI2). Cathepsin D, B, and L Metalloproteases/collagenases (MMP4-9-8..), tissue inhibitor metalloprotease (TIMP1,2) PSA (kallicrein) Thymidine kinase activity Thymidine Synthase activity Growth factor content (EGF, TGF_ and _, IGF1, Amphiregulin) Tyrosine kinase activities Heat shock proteins (MSP 27-70-90). Aromatase activity (CYP 19) Haptoglobin-related protein (Hpr) epitope expression Adhesion factors (integrin, E cadherin) Glutathione –S-transferase 3 Human milk fat globule antigens (HMFG-1) Prostaglandin levels Cox2 activity Hypoxia-inducible factor-1_ Breast cancer resistance protein Multidrug-resistance-associated protein Bcar1/p130 as protein 6. Chromosomal abnormalities Cytogenetic Ploidy Amplification, (over)expression of oncogenes (c-myc, HER2/neu/c-erbB2, int2, ras) Deletion or mutation of suppressor genes (P53, RB, nm23) BRCA1/2 mutations 7. Cell proliferation indices Labeling index S-phase fraction Ki-67 antigen (RB1) 8. Clonogenicity 9. Immunological phenotypes
(revue réactualisée 2003 d’après J. A. Foekens et J.G. M. Klijn (16-18).
96 Cancer du sein À l’inverse, dans des populations de cancer du sein avec envahissement ganglionnaire (N+), les taux tissulaires faibles de ces mêmes paramètres (UPA, PAI1) définissent une sous-population représentant des cancers à évolution lente, répondant parfaitement aux thérapeutiques. Cette sous-population représente, en fait, des cancers à évolution lente, mais diagnostiqués après un délai d’évolution important. La démarche analytique mise en place dans le cadre de réseaux européens pour les cancers du sein (EORTC, Biomed I) a permis une évaluation dans le cadre d’analyses multiparamétriques et une validation dans des essais prospectifs permettant d’atteindre le LOE I+++, uPA et PAI 1 (figure 10) où ils sont actuellement pris en compte comme facteurs de sélection des patientes pour des essais thérapeutiques en cours (25-29) (figures 11 et 12).
Figure 10 - Etude du RBG/EORTC : méta-analyse des dosages des récepteurs UPA/PAI1 dans les tumeurs primitives de 8 377 regroupant 15 laboratoires – équipes cliniques européennes ayant permis avec le suivi des patientes sur dix ans (RFS : survie sans évolution clinique) dans des études rétrospectives de calculer le risque relatif dans chaque population.
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 97
Essai prospectif de niveau 1 permettant d'évaluer la valeur pronostique et prédictive de uPA/PAI 1 (Chemo NO) (Thomssen C et Jänicke F, Eur. J. Cancer (2000) 36 : 293-306, Jänicke et al., JNCI (2001) 93 : 913-20
pre-and Postmenopausal receptor-positive
uPA and PAI-1 low ca. 55 % of all patients
ca. 45 % of pts. uPA and/or PAI-1 high
Randomisation
Inclusion criteria : node-negative, MO 1 cm, 5 cm
Stratification
Study design Observation (A)
Observation (B 1)
CMF x 6
(B 2)
Figure 11 - Cancer du sein NO. Protocole européen Biomed I. Promoteurs : Pr F. Janicke, Pr M. Schmidt, université de Munich, 1995.
Figure 12 - Résultat du protocole Biomed I versus l’étude Pilot ayant justifié la mise en route du protocole Biomed I. Arrêt à la demande du comité d’éthique à la cinquième année devant la confirmation du risque déterminé par la mesure de UPA PAI1, ce qui rendait inéthique le bras randomisé non traité.
98 Cancer du sein
Figure 13 - Positionnement de la classification biologique associée à la mesure UPA/PAI1 par rapport à la classification idéale (A) et les critères de Saint-Gallen (B) (figure 7).
Dans le cancer du sein, l’utilisation des paramètres tissulaires UPA PAI1 permet une sélection biologique des patientes No d’un groupe ne nécessitant pas de thérapeutique systémique (60 %), et d’une population nécessitant une thérapeutique adjuvante (40 %), ces pourcentages étant proches de la réalité clinique (70 % -30 %) (figure 13). Le rôle majeur pronostique de UPA/PAI 1 peut s’expliquer par leur activité physio-pathologique. Dans le phénomène cancéreux, les activités protéolytiques mises en jeu sont la conséquence d’un réseau complexe et interactif de plusieurs systèmes protéolytiques. Les systèmes impliqués incluent les métalloprotéases, les sérines protéases, dont la plasmine générée à partir du plasminogène par un système d’activation spécifique, les cystines protéases, ainsi que d’autres enzymes extracellulaires (30-34). Ces différents systèmes enzymatiques interagissent non seulement dans le but d’activation de « pro-enzymes » et enzymes actifs, mais également certains enzymes partagent les mêmes substrats (35-39) et interagissent dans le processus d’invasivité, de migration et de néo-angiogenèse. Le système d’activation du plasminogène est un système protéolytique complexe capable de produire de grandes quantités de plasmine (enzymes actifs à partir de son précurseur, le plasminogène). Le plasminogène est une prosérine protéase de 90kDa produite par le foie et sécrétée dans le système vasculaire à très haute concen-
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 99 tration (1,5 à 2 mM). Le plasminogène peut également être trouvé dans les compartiments extra-vasculaires (30, 40). De ce fait, cette pro-enzyme plasmatique et tissulaire est disponible de façon importante pour une activation par des systèmes spécifiques (le système d’activation du plasminogène PA). La plasmine est une protéase relativement non spécifique qui peut, directement ou à travers sa capacité d’activer des prométallo-protéases, dégrader la plupart des constituants de la matrice cellulaire (41-44). De plus, la plasmine active divers systèmes tels que les facteurs de croissance (à titre d’exemple, le TGFβ) (45-46), qui peuvent secondairement moduler les interactions intervenant entre tumeur et environnement, et, entre autres, le développement des phénomènes de néo-angiogenèse et de migration cellulaire (47-50). Récemment, il a été mis en évidence que la néoangiogenèse peut par ailleurs être fortement inhibée par un fragment du plasminogène (l’angiotensine) (51-52). L’activation du plasminogène est catalysée par deux types d’activateurs différents, les activateurs de type urokinase (uPA) et de type tissulaire (tPA). Récemment, il a également été montré que le facteur XIIa était également un activateur physiologique du plasminogène (53). De très nombreux arguments suggèrent un rôle majeur de l’activation du plasminogène par uPA durant l’invasivité tumorale. De nombreuses études utilisant l’immuno-histochimie et l’hybridation in situ ont montré que l’uPA et uPAR sont surtout exprimés dans les foyers tumoraux invasifs, que ce soient des tumeurs expérimentales ou des cancers humains. Certains modèles cellulaires sont connus pour exprimer à la fois uPA et uPAR. Dans d’autres cas, les cellules cancéreuses aux foyers d’invasivité tumorale n’expriment que uPAR et ce sont les cellules stromales adjacentes aux cellules tumorales invasives qui produisent l’uPA (ce qui a été démontré, entre autres, dans les adénocarcinomes du côlon) (54-55). Par ailleurs, plusieurs modèles expérimentaux ont montré un retard à la croissance, que ce soient des tumeurs primitives ou des métastases, lorsque l’activité uPA est inhibée (56-64). Dans un modèle de souris transgénique uPA-/-, il a été montré que la transformation maligne et la croissance des tumeurs mélaniques chimiquement induites étaient réduites (65). Le rôle de PAI1 dans le développement tumoral n’est, à ce jour, pas clairement élucidé. Il joue probablement des rôles différents et variables selon le type de cancer. Quatre hypothèses différentes peuvent être proposées quant au rôle de PAI1 dans la progression tumorale : - PAI1 protège l’ensemble du stroma tumoral de l’autodégradation secondaire à la plasmine activée par l’uPA ; - PAI1 joue un rôle dans l’établissement de l’invasivité et la dissémination des cellules tumorales, en réduisant l’adhésion cellulaire par un déplacement de l’uPAR ou des intégrines de leur interaction avec la vitronectine ; - PAI1 est lié à la néo-angiogenèse. Exprimé dans les capillaires borgnes, il est de ce fait un marqueur de l’intensité de la pénétration de la néo-vascularisation dans la tumeur ; - PAI1 ne serait qu’un marqueur d’une phase aiguë inflammatoire associé à certaines croissances tumorales.
100 Cancer du sein
Biomarqueurs prédictifs LOE.I +++ dans les cancers du sein/Récepteurs hormonaux HER2 Récepteurs hormonaux (figures 8 et 14)
Biomarqueur facteur préditif LOE / Niveau d'évidence I Récepteurs d'hormones ROα + RP Pronostic (I/II)
Prédictif (I/II)
+
+++ (hormonothérapie)*
• NSABP • SWOG • ·FNCLCC • RBG/EORTC
• EBCTCG • DBCG
Figure 14- Etudes cliniques majeures ayant permis d’évaluer la valeur prédictive ou pronostique de la mesure des récepteurs hormonaux Roα RP.
Les premiers dosages des récepteurs ont été développés en 1972 (66) pour sélectionner les patientes susceptibles de répondre à une endocrinothérapie de castration qui était alors la seule thérapeutique accessible avec l'hormonothérapie à dose pharmacologique dans le cadre d'un traitement palliatif (67-70). De très nombreuses études, réalisées sur des séries importantes de patientes, ont mis en évidence, depuis, l'étroite corrélation entre la présence de récepteurs hormonaux et la réponse à l'hormonothérapie anti-estrogénique et/ou à des protocoles de chimiothérapie type CMF. Par ailleurs, la durée de réponse est corrélée aux taux des récepteurs (71-72). L'utilisation systématique de ces dosages et l'étude de la survie des patientes à la fin des années soixante-dix ont ensuite permis au groupe de W L McGuire de montrer leur valeur pronostique. Cependant, l'interférence des protocoles de thérapeutique adjuvante n'avait pas été prise en compte dans cette analyse princeps. L'utilisation des R.Oα. seuls permet une prédiction de la réponse au traitement dans environ 75 % des cas. Le manque de précision de la prédiction de la réponse est principalement dû à l'absence de réponse de certaines tumeurs R.Oα.+. Ceci peut provenir de l'hétérogénéité d'expression des R.Oα. dans les cellules tumorales ou à la présence d'un R.Oα. dépourvu d'action biologique. Le récepteur de progestérone (RP) (71-73), ou PS2 (74) dont la synthèse est induite par le R.Oα., ont été proposés secondairement pour améliorer la valeur prédictive des R.Oα.
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 101 La détection des récepteurs hormonaux a été dans un premier temps réalisée par des méthodes biochimiques (75-78) dont la fiabilité a été largement validée. Dans le bilan, il est précisé que seule cette technique a fait l’objet d’une évolution et une validation, avec mise en place de protocoles méthodologiques standardisés et de contrôles de qualité (76-90). Cette approche a permis l'établissement de seuils spécifiques précis au-delà desquels on peut escompter une réponse clinique ou établir un pronostic (67-69, 91-94). Les méthodes biochimiques-biologiques impliquent la préparation d'un extrait tissulaire après homogénéisation du tissu. La production d'anticorps anti-récepteurs a ouvert de nouvelles perspectives techniques, dosages immuno-enzymatiques ou détection sur des coupes histologiques. Une bonne corrélation en terme de positivité est généralement rapportée entre les techniques biochimiques et immuno-histochimiques. L’insuffisance majeure de l’immuno-histochimie réside dans le manque d’une expression quantitative objective du contenu en récepteur. Or une efficacité supérieure des thérapeutiques endocriniennes a été démontrée lorsque les taux en récepteurs sont plus élevés (67-68, 95-96). Les deux approches méthodologiques sont en fait complémentaires, chacune ayant ses avantages relatifs (97-99). L'importance clinique des récepteurs a été établie à une époque où seuls les dosages biochimiques traditionnels étaient disponibles. On a ainsi montré l'évolution péjorative des patientes dont les tumeurs étaient dépourvues de récepteurs (100-101). Il est cependant difficile, d'après les études initiales incluant des patientes ayant reçu divers protocoles thérapeutiques, de distinguer leur valeur pronostique propre de leur valeur d'indicateur thérapeutique (10, 67-72). Dans les études univariées, les estimations de risque relatif sont de l'ordre de 1,5 à 2, et elles sont souvent inférieures dans les études multivariées. Un apparent paradoxe a été décrit concernant les tumeurs en post-ménopause ayant des taux très élevés de ROα. Ces tumeurs évoluent spontanément relativement rapidement, mais répondent extrêmement bien aux protocoles d'hormonothérapie, suggérant une stimulation de ces tumeurs par des facteurs endocriniens endogènes, associés à une activité aromatase tissulaire péritumorale (102-104). En 1996, un deuxième récepteur (ROβ), situé sur le chromosome 14, a été isolé (Kuiper et al. 1996). Le premier, localisé sur le chromosome 6, a donc été rebaptisé ROα. Ils se distinguent par un faible degré d’homologie dans le domaine A/B et dans le domaine de liaison aux estrogènes (régions DEF). Une étude récente par RTPCR montre que les deux types peuvent coexister dans les cancers du sein (105). La détection classique des RO dans le cytosol des tumeurs par radio-ligand permettait d’évaluer les présences des deux types de récepteurs dans la tumeur. Par contre, il est possible que le dosage immuno-enzymatique, fait avec les anticorps commercialisés, ne permette pas d’évaluer la quantité des deux RO avec la même sensibilité. Ce dosage mis au point pour quantifier la concentration du ROα est considéré comme un facteur de bon pronostic et de sensibilité au traitement hormonal. Les récepteurs continuent à jouer un rôle central dans la décision d'un traitement hormonal. Le consensus actuel dans le cancer du sein est donc que les récepteurs hormonaux sont des paramètres corrélés en premier lieu à la réponse thérapeutique et ne sont liés à l'évolutivité des patientes que secondairement, à savoir que
102 Cancer du sein leur évolutivité est influencée par la mise ou non en route de protocoles thérapeutiques. De ce fait, les récepteurs hormonaux sont plutôt des facteurs prédictifs que pronostiques (paramètres de sélection et de réponse et liés à la réponse aux thérapeutiques). La limite de prédictivité parfaite d’hormono-sensibilité liée à la seule détermination des récepteurs hormonaux telle que nous l’avons décrite a conduit depuis 1992 a proposé plusieurs hypothèses et expertises complémentaires, afin de mieux cerner le pourcentage de tumeurs primitives ROα+, certes, mais répondant mal aux protocoles d'hormonothérapie. Dans ce cadre, il a été suggéré : - RO+, certes, mais une hétérogénéité cellulaire avec ROα- secondaire à un temps de doublement rapide associé à cette fraction cellulaire tumorale. Ceci nécessite, pour certains auteurs, la détermination séquentielle des RH au niveau de la tumeur primitive, mais également des métastases, pour mieux ajuster les protocoles thérapeutiques à la biologie réelle des récidives et métastases (105-106) ; - la détection des mutations des ROα ont été recherchées telles celles décrites dans des lignées cellulaires, mais les tumeurs exprimant des ARNm mutés, codants pour une protéine tronquée, sont rares (107) ; - une meilleure compréhension de la biochimie moléculaire des récepteurs prenant en compte l’expression des facteurs de régulation : co-activateurs, co-inhibiteurs, associés à l’évaluation des différentes isoformes des récepteurs estrogéniques (ROα et ROβ entre autres) devrait fournir des éclaircissements sur leurs mécanismes de régulation et leur réponse aux thérapies (107-112). Une revue générale récente a été faite au Congrès de la Société française de sénologie (« 25 ans d’évolution ». Récepteurs hormonaux et pathologie mammaire, Marseille, 1980. Hormones et sein, Paris, 1990. Sein, hormones et anti-hormones, Nancy, 2004. 26es Journées de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire, Nancy, novembre 2004, p. 22-45). La liaison des estrogènes à leurs récepteurs induit une modification conformationnelle caractéristique amenant la dimérisation du récepteur, sa liaison à l’ADN au niveau de régions spécifiques, appelées élément de réponse aux estrogènes (ERE), situées dans la région promotrice de gènes dont ils vont moduler l’expression (108). L’action transcriptionnelle du RO nécessite sa liaison à d’autres protéines nucléaires, appelées adapteurs ou co-activateurs, qui vont servir de facteurs transcriptionnels intermédiaires (109). Le rôle de ces protéines en tant que modulateurs de l’activité transcriptionnelle des récepteurs nucléaires a pu être mis en évidence sur des gènes témoins, soit par transfection transitoire de cellules de mammifères, soit dans le système de la levure. Le développement récent de travaux expérimentaux et cliniques suggèrent que, dans une cellule donnée, la balance entre co-activateurs et co-répresseurs pourrait rendre compte de la capacité de certains anti-estrogènes à bloquer ou non l’action des estrogènes. Deux études ont montré que la surexpression du co-facteur SRC-1, capable de lier l’extrémité carboxyl terminal du RO, entraîne une stimulation de l’activité agoniste du 4-OHTam, mais est incapable d’inhiber l’action antagoniste de l’anti-estro-
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 103 gène (110). Par contre, les mêmes auteurs ont montré que SMRT était capable de diminuer l’activité agoniste du 4-OHTam sans affecter l’activité en présence d’estradiol. Un travail récemment publié (111) présente, dans le cadre d’une cohorte des patientes ménopausées traitées par tamoxifène, l’expertise rétrospective de 27 corégulateurs de ROα dans les tumeurs primitives du sein RH+. Cette étude montre que l’expression forte du co-répresseur NCOR1 est un facteur prédictif de la réponse à l’hormonothérapie et devrait, de ce fait, être plus largement expertisé. La prise en compte du taux des ROβ dans les cancers du sein, et non de son variant ROβcx, serait un élément complémentaire pour mieux prédire la résistance au tamoxifène (113). Par ailleurs, une étude récente confirme que la mise en évidence de la phosphorylation du ROα sur la sérine 118 serait associée à une meilleure sensibilité au tamoxifène, confirmant les résultats obtenus sur des modèles pré-cliniques (114). Enfin, d’autres études des voies de résistance aux anti-estrogènes font appel à l’activation de voie signalitique des facteurs de croissance, à la famille des herégulines, aux voies métaboliques de la biosynthèse des bases pyrimidiques (TK entre autres) et de contrôle du cycle cellulaire (cyclines et protéine kinase associée dont la cycline D1, P53…). Mais ces facteurs n’ont pas franchi toutes les étapes d’évaluation et de validation pour une utilisation clinique, à l’exception de HER2.
HER2 – cerbB2/neu L’oncogène HER2 est l’un des marqueurs moléculaires les plus étudiés ces dernières années. c-erbB-2 code pour une glycoprotéine transmembranaire de 185 KDa (p185) qui est un récepteur de facteur de croissance avec une activité tyrosine kinase et dont la partie extra-cellulaire présente une homologie avec celle du récepteur de l’epidermal growth factor (EGFR). La surexpression de HER2 conduit à une activation de la transcription de gènes régulant la progression dans le cycle cellulaire. L’évaluation et la validation de la détermination de HER2 comme facteur LOE I+++ (prédictif > pronostique) est exemplaire (figure 15) depuis la description princeps faite par D. Salmon en 1987, reliant la surexpression de HER2 à une amplification, un nombre très important de travaux, tant sur le plan fondamental que sur l’évaluation clinique, portant sur l’amplification et surexpression de HER2, est parfaitement présenté dans l’ouvrage édité par Y. Yarden (115). Une application des travaux de recherche fondamentale portant sur HER2 a débouché sur la mise au point d’un anticorps bloquant efficacement en clinique humaine le trastuzumab (Herceptine).
104 Cancer du sein
Figure 15 - Données actuelles sur la valeur prédictive ou pronostique des techniques de caractérisation de HER2.
Une revue générale en 1997 (116) des études séparées portant sur 22 616 patients montre que, dans les cancers du sein, la présence de c-erbB2 est en moyenne retrouvée dans 26 % des cancers (avec une échelle de 5 % à 55 %). Cette revue générale associée à d’autres bilans (18-116) montre qu’une majorité des études publiées sur le sujet conclue à une signification pronostique péjorative de la sur-expression (Allred, 1992) ou de l’amplification de c-erbB-2, essentiellement dans les cancers du sein avec envahissement ganglionnaire (Tandon, 1989). Plusieurs études ont montré qu’une amplification ou qu’une sur-expression de c-erbB-2 est également corrélée à une résistance à une hormonothérapie par tamoxifène, en phase adjuvante ou métastatique (Borg, 1994 ; Carlomagno, 1996 ; Wright, 1992). Elledge (1998), dans une série rétrospective de patientes RE positives, n'a pas retrouvé cette tendance. Cependant, la plupart de ces études ont utilisé des méthodes immuno-histochimiques, avec des conditions techniques et des anticorps différents, ce qui rend les comparaisons difficiles (Press 1994, Têtu, 1994). Plusieurs points sont cependant importants à rappeler dont, entre autres, la relation claire entre amplification de HER2 et perte ou dissociation de l’expression des récepteurs hormonaux (RO, RP). Dans les cancers du sein de patientes ménopausées (117), les tumeurs négatives (RO- et RP) ont le taux de HER2 amplifié le plus élevé (47 %) ; a contrario, les tumeurs très fortement positives RO++ (≥ 200 fentomole) et RP++ (> 100 fentomole) ont le pourcentage HER2 amplifié le plus faible (6 %). Entre ces deux
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 105 extrêmes, les tumeurs RO+ et RP+ ont un pourcentage HER2 amplifié moyen de 22 %. Par contre, les tumeurs dissociées (RO-RP+ et RO+RP-) ont un taux d’amplification de HER2 proche des tumeurs négatives, soit 40 %. Les cancers du sein canalaires infiltrants ont une fréquence de positivité à HER2 supérieure aux cancers in situ et les pourcentages de HER2 les plus élevés sont associés au grade histopronostique et nucléaire III, à l’aneuploïdie et au taux de prolifération intratumorale le plus élevé (quelle que soit la méthode de détermination). Le développement d’un dosage analytique quantitatif pour l’expression de HER2 permet de définir une répartition de la sur-expression non homogène avec une répartition, en fait, bimodale. Ceci permet d’isoler 12 % des tumeurs sur-exprimant très fortement HER2 et qui sont RO- (ou RO très faible ou associé à RP-) et présente, par ailleurs, un taux très important de HER2 phosphonylé (Y-1248-P) ; ce sont enfin les tumeurs les plus résistantes aux thérapeutiques anti-estrogéniques ou chimiothérapiques (CMF entre autres) (118). En 1998, un travail de S. Koscielny attire l’attention sur une signification péjorative associée à certains taux très faibles d’expression de HER2. Ceci a fait l’objet d’une controverse argumentée car ce fait paradoxal n’a pas été retrouvé par d’autres auteurs (116-119). Par contre, le groupe de D F Hayes et I C Henderson en 2001 (120) démontre la signification péjorative d’un sous-groupe de patients sur-exprimant HER2, mais dont on peut détecter dans le sérum la présence du domaine extracellulaire (ECD) de HER2. Cette forme circulante du ECD/ HER2 ou S HER2 peut être due au relargage après protéolyse par des métallo-protéases spécifiques. Ce clivage du domaine extracellulaire, bloqué, entre autres, par l’anticorps Herceptin®, a pour conséquence la libération et l’activation du domaine intracellulaire. L’ensemble de ces raisons, associé à un mauvais pronostic avec l’activation de HER2 et la facilité de détermination de ces paramètres sériques, devrait prendre une place précise dans l’évaluation des patientes. L’évaluation rapide des degrés d’évidence LOE I associée à la détermination de HER2 (cf. figure 15) est liée au développement des essais protocolaires thérapeutiques, qui démontrent l’efficacité de la détermination d’une amplification de HER2 comme test prédictif de sensibilité à une thérapeutique spécifique utilisant un anticorps anti-HER2 (trastazumab). Dans ce cadre, les résultats des protocoles MO 648 g-MO 649 g-MO 650 g sont exemplaires (ASCO 2001). Dans le protocole MO 648 g incluant 469 patientes, une augmentation du bénéfice clinique liée au trastuzumab chez les patientes traitées par chimiothérapie ou chimiothérapie et trastuzumab est démontrée chez les patientes sélectionnées par FISH où le bénéfice se traduit par un RR = 0,71. Dans les études MO 649 g/MO 650 g (336 patientes incluses dans les deux études IHC Dako 2+/3+). Le taux de réponse au trastuzumab (en ce qui concerne les réponses complètes, partielles ou stabilisation > huit mois) en fonction de la détermination de l’amplification de HER2 par technique FISH, est dans le protocole MO 649 g pour les patientes FISH + de 24 %, alors que les patientes FISH ne présentent aucune
106 Cancer du sein réponse ; dans le protocole MO 650 g, les patientes FISH + ont un taux de réponse de 48 % ; en revanche, les patientes FISH- présentent un taux de réponse de 10 %. Un intérêt particulier supplémentaire à la détermination HER2 dans ces tumeurs a été soulevé par la publication à l’ASCO 2000 d’une étude démontrant une réponse favorable des patientes HER2 aux protocoles de chimiothérapie comportant des anthracyclines. En fait, l’amplification de HER2 dans le bras long du chromosome 17 fait partie d’un Amplicon associant ou non l’amplification de la topoï-isomérase II, et une étude (2002) démontre la sensibilité aux protocoles comportant des anthracyclines chez les patientes HER2+ amplifiées si celle-ci est associée à une amplification de la topoïsomérase II (121). Mais ce résultat reste à confirmer. Les résultats présentés à l’ASCO 2005 concernant les protocoles associant chimiothérapie/Herceptin® dans les cancers du sein confirment le niveau LOEI/I prédictifs du statut HER2. Une étude récente du Southwest Oncology Group Study (Clin, vol. 10, n° 17 5670) met en évidence, dans les tumeurs du sein évoluées RO_ positives proposées pour une thérapeutique par tamoxifère, l’intérêt de la prise en compte de l’expression de HER2 pour être associé à une amplification et de l’expression de HER1 pour prédire l’évolution clinique et la sensibilité à la thérapeutique.
Biomarqueurs de niveau LOEII et LOEIII (figure 8) Le récepteur de l’EGF (LOEIII) Le récepteur de l’EGF (EGFR/HER1) est une glycoprotéine transmembranaire de 170 kD exprimée dans une grande variété de types cellulaires. La surexpression de EGFR a été mise en évidence dans les tumeurs mammaires humaines. Elle est corrélée positivement au grade histo-prognostique de Scarff Bloom Richardson et à l’absence des récepteurs stéroïdiens. La valeur pronostique de EGFR dans les cancers du sein est l’objet de controverses. Cependant, une méta-analyse compilant quarante études séparées et regroupant 5 232 patients montre que le pourcentage de positivité à l’EGF-R est en moyenne de 45 %, avec une variabilité très grande (de 14 à 91 %) en fonction des techniques utilisées (122). Neuf des quinze études montrent une association négative entre le taux d’EGF-R et les courbes de survie actuarielles en analyse univariée. Deux autres études montrent une tendance non significative dans le même sens. Sept études ont utilisé une approche analytique multivariée. Deux démontrent clairement la valeur pronostique indépendante de l’EGF-R comme facteur péjoratif (123, 124). Les autres études montrent la même tendance, mais avec une valeur statistique plus faible. Par contre, toutes les études ayant pris en compte un traitement hormonal montrent une association importante de l’EGFR avec l’hormono-résistance (125, 126). Cependant, dans chaque étude, la surexpression d’EGF-R est associée négativement avec le taux des récepteurs hormonaux. Le faible taux de ceux-ci doit être pris en compte dans l’analyse de l’hormono-résistance (127).
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 107 La signification pronostique est plus controversée selon les études et aucune série d’études d’importance comparable à celles conduites pour HER2 n’a été publiée à ce jour concernant le bénéfice possible lié aux blocage de l’activité tyrosine kinase associée à HER1. Des protocoles d’évaluation sont actuellement en cours dans d’autres pathologies tumorales, peu dans les cancers du sein.
La thymidine kinase (LOEII) (figure 8) La thymidine kinase (TK) a un rôle majeur dans la synthèse de l’ADN. Elle recycle la thymidine issue du catabolisme de l'ADN cellulaire. Ce rôle de sauvetage est particulièrement augmenté dans les cellules tumorales mammaires. La conversion de la thymidine (dT) en déoxythymidine monophosphate (dTMP) met en jeu une enzyme spécifique, la déoxythymidine kinase (TK). Deux iso-enzymes ont été décrites pour la TK : la TK1, la TK2. La TK2 mitochondriale est une activité constante non régulée par le cycle cellulaire. La TK1 est une iso-enzyme cytosolique initialement décrite dans le foie fœtal, puis mise en évidence dans les tissus à prolifération rapide (128). Dans les cellules eucaryotes, les taux de TK1 sont extrêmement élevés en phase G1-S, mais ils sont à la limite de la détection dans les autres phases du cycle. Dans les cancers du sein, l'activité de la TK1 est liée à la composante tumorale, et les taux élevés ont une valeur pronostique péjorative (129-137). La TK1 est un facteur pronostique indépendant chez les patientes pré-ou post-ménopausées, chez les patientes N- sans traitement adjuvant et chez les patientes N+ ayant reçu des protocoles de thérapie incluant le protocole de chimiothérapie adjuvante CMF et FAC (138-139). Une corrélation inverse a été rapportée entre les taux de TK et la durée de survie sans récurrence chez ces patientes. Des travaux réalisés par notre groupe montrent que des taux tumoraux élevés de TK sont associés à une non-réponse au tamoxifène (140). Il n’existe actuellement aucun inhibiteur direct spécifique de la TK1.
Marqueurs associés à la néo-angiogenèse (LOEII/LOEIII) Depuis une dizaine d’années, sur les plans fondamental et expérimental, mais également clinique, une notion importante a pris corps : la relation entre la tumeur et son micro-environnement. Dans ces interactions complexes, de multiples facteurs paracrines entrent en jeu et sous-tendent le développement tumoral, mais également le processus d’invasion de métastases (141). Au centre de ces interactions, nous retrouvons les protéases et facteurs de croissance qui concourent au développement et à l’organisation de la néo-angiogenèse tumorale indispensable à la croissance tumorale et facteur indispensable au processus métastatique. Le VEGF a été un des facteurs biologiques les plus étudiés à ce jour pour sa valeur pronostique, entre autres dans les tumeurs sans envahissement ganglionnaire N0 (142-146). L’analyse d’une approche histo-pathologique avec comptage des néocapillaires apporte également une valeur pronostique, mais avec une réelle dispersion entre les différentes études liées au problème technique (comptage direct ou immuno-histochimie, large du champ d’observation, localisation de ce champ…) (147).
108 Cancer du sein La prise en compte de la néo-angiogenèse tumorale apporte, en fait, un éclairage important dans le profil biologique des tumeurs et a permis d’argumenter l’hétérogénéité d’évolution et d’agressivité de certaines tumeurs versus d’autres. L’ensemble des facteurs biologiques permettant de mieux cerner la dynamique propre de chaque tumeur, isolant de ce fait à un stade clinique identique des tumeurs très agressives prises précocement de tumeurs plus lentement évolutives de pronostic évolutif plus favorable pris à un stade plus tardif de leur évolution chronologique (146-149). D’autres facteurs associés à l’angiogenèse font l’objet d’études récentes : expression HIF1α, CD31, CD105, TGFβ… Ceux-ci semblent être des facteurs intéressants, mais sont loin d’être totalement évalués et validés.
Tyrosines kinases (LOEIII) La prolifération cellulaire normale ou maligne est associée à la stimulation de cascades de transmission du signal impliquant la phosphorylation/déphosphorylation de résidus tyrosine de certaines protéines cibles, et ceci en réponse à la stimulation par les facteurs de croissance (150) de certains récepteurs spécifiques portés par la cellule, ou comme expression de certains oncogènes (151). Sur l’ensemble des tyrosines-kinases décrites à ce jour, la dérégulation d’une trentaine environ est associée au processus tumoral (« oncogénique », tyrosine-kinase = OKT) (152). Les activités tyrosines-kinases (PTK) impliquées dans les cascades de transmission du signal sont, soit cytosoliques, soit associées à la membrane plasmique, en particulier sous la forme de domaines catalytiques de protéines trans-membranaires, tels EGFR, IGFR et c-erbB2 dont la présence a été rapportée dans les cancers du sein. De nombreux oncogènes codent pour des PTK ou pour des protéines intervenant dans la régulation de leur activité. Les mutations et les amplifications affectant ces oncogènes aboutissent à une augmentation et à une dérégulation des activités PTK membranaires ou cystoliques. Si, dans les lames du sein, la mesure spécifique des facteurs de croissance, de leurs récepteurs et de l’activité tyrosine-kinase associés peuvent être utilisés dans le ciblage thérapeutique spécifique, en revanche, la valeur pronostique de ces paramètres fait l’objet de controverses (153-158).
Cycline D1 (LOE.III) Les cyclines jouent un rôle important dans les différentes phases du cycle cellulaire. La cycline D1 joue un rôle capital dans le passage du point de restriction de la phase G1. La perte de l’expression de P16 (159, 160) et la perte de fonctionnalité de la protéine Rb sont associées à une progression tumorale incontrôlée. Par contre, l’amplification et la sur-expression de la cycline D1, également associée à la sur-expression de CDK4, sont un facteur de non-contrôle du cycle cellulaire lié à la progression tumorale. Récemment, l’amplification de la cycline D1 a été associée à une insensibilité aux molécules anti-estrogéniques (161).
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 109
Oncogènes – gènes suppresseurs de tumeur (LOE III), hyperméthylation des promoteurs Depuis 1985, l’altération de plusieurs oncogènes, dont cMyc-Int2-cerbB2, fait l’objet de multiples travaux pour en évaluer la valeur pronostique de façon isolée ou concomitante (162). CMyc (chromosome 8) : l’amplification de cMyc est diversement reportée : 1-56 % des cancers du sein, avec une moyenne de 20 % (163). La valeur pronostique associée à l’amplification de cMyc a été reportée dès 1992 (164-165). Une méta-analyse publiée en 2000 confirme l’amplification de cMyc dans 15,7 % en moyenne des cancers du sein et une valeur pronostique associée à l’amplification avec un risque de récidive (RR = 2,05) et d’évolutivité péjorative (RR = 1,74) de décès par cancer. Ce paramètre semble significatif en lui-même car il présente une très faible association avec l’envahissement ganglionnaire et le statut négatif des récepteurs hormonaux (165-166). Int2 : l’amplification de cet oncogène est associée à un amplicon situé en 11 q 13 comprenant Int2/FGF3 ; hst-2/FGF4 ; bcl-1 ; PRAD1, cycline D EMS-1, GST-pi. Cette amplification a été reportée de façon diverse (9 à 23 % des cancers du sein) (167). Une association forte existe entre amplification Int2 et statut des récepteurs hormonaux positifs. La signification pronostique de Int2 est controversée car souvent associée à d’autres facteurs et, quoi qu’il en soit, inférieure à l’amplification de cMyc ou c-erbB2. CerbB2 : nous avons déjà reporté les résultats concernant cet oncogène dans le chapitre des facteurs prédictifs LOEI+++. p53 : ce gène code pour une protéine facteur de transcription. Dans les cellules normales non stressées, p53 est inactive ; elle est maintenue à un faible niveau par son association avec MDM2, qui provoque son transport du noyau vers le cytoplasme et sa dégradation par la voie dépendante de l’ubiquitine. Les stress génotoxiques déclenchent des voies de signalisation qui aboutissent à la stabilisation de la protéine p53, causant son accumulation dans le noyau et son activation comme facteur de transcription. Cette activation conduit à l’arrêt du cycle cellulaire et à l’induction de l’apoptose en cas d’altération génomique non réparable, p53 apparaît comme un gène capital dans le contrôle du cycle cellulaire, la réparation de l’ADN, l’apoptose, la différenciation cellulaire, la sénescence et l’angiogenèse. De ce fait, son altération dans les cancers a justifié un très grand nombre d’études sur la valeur pronostique de ce facteur. Une revue générale de plus cinquante études montre des résultats identiques à ceux reportés dans la référence 18, à savoir une très grande dispersion de la signification pronostique liée en grande partie aux techniques analytiques. Les techniques liées à la mise en évidence et à l’accumulation de la protéine sont peu fiables sur le plan pronostique, tant par technique immuno-histochimie (18) que par technique ELISA (168-169). Cependant,
110 Cancer du sein les études de recherche directe de mutation par séquençage sont plus rares ou concordantes (170-174) tant sur le plan pronostique que sur celui d’une mauvaise réponse à la chimiothérapie (anthracycline) ou à l’hormonothérapie (tamoxifène) (175). Une revue récente fait un lien possible entre angiogenèse, hypoxie de la tumeur et altérations des oncogènes dont nous venons de voir la valeur pronostique comme biomarqueurs tissulaires pronostiques ou prédictifs (176-177). Une étude récente démontre que l’expression de p53 pourrait être un facteur pronostique pour les cancers du sein inflammatoires (178). BCAR1 : une étude récente du groupe de Rotterdam a évalué la valeur pronostique de BCAR1 dans les cancers primitifs du sein (179). Hyperméthylation des promoteurs de gènes spécifiques : une nouvelle approche analytique permet de comprendre la perte de fonction de certains gènes par blocage de leur transcription et hyperméthylation de leur promoteur. L’étude systématique de l’hyperméthylation de promoteur de gène sensible permet de mettre en évidence un ciblage sélectif non randomisé dans les cancers du sein (180). Par ailleurs, l’hyperméthylation des promoteurs sensibles définit des patterns de perte d’expression associés à des classes distinctes de cancers du sein (181). Enfin, une approche technique permettrait d’étudier l’hyperméthylation des promoteurs de certains gènes suppresseurs dans le sérum de patientes porteuses de cancers du sein (182). L’approche analytique de l’hyperméthylation des promoteurs semble être une voie de très haut intérêt pour déterminer un diagnostic moléculaire précoce du cancer du sein, entre autres dans les lésions frontières, et permettre de mieux définir certaines classes de cancers du sein.
Réflexion-bilan 2005 sur le transfert et la pratique clinique La biochimie analytique, la biologie moléculaire, la biologie expérimentale et la génétique ont apporté des contributions importantes à la connaissance précise des mécanismes moléculaires de la cancérogenèse. Cependant, à ce jour, l’utilisation des données biologiques qui considèrent l’évolutivité moléculaire fonctionnelle des tumeurs n’est pas suffisamment prise en compte. Dans l’approche clinique actuelle, cette situation est essentiellement due à un défaut de standardisation dans l’évaluation des marqueurs tumoraux biologiques et à une confrontation clinico-biologique insuffisante, alors que depuis plus de trente ans le concept de marqueur tumoral existe et a fait l’objet d’un nombre très important de travaux et de publications. Il a fallu vingt ans (1969-1989) pour que le concept de récepteurs hormonaux (ROα RP) mis en évidence soit progressivement utilisé, validé et devienne un gold standard LOEI avec utilisation de sa détermination dans la stratégie thérapeutique de façon systématique. Des progrès sont actuellement possibles et à faire pour incrémenter et affiner la seule classification plus ou moins utilisée actuellement en termes de facteurs prédictifs.
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 111 Il a fallu dix ans (1987-1997) pour faire de HER2 un marqueur prédictif LOEI associé à une thérapeutique spécifique ciblée. Il en est de même du délai pour UPA PAI1 entre la publication princeps de Duffy (1987) et le premier essai européen BIOMED 2 NNBC2 promu par le groupe AGO (Dr Thomssen, Dr Jänicke) prenant en compte leur utilisation dans la stratification des patientes atteintes d’un cancer du sein No qui se poursuit actuellement par le protocole NNBC3. Ceci est dû à la nécessité d’obtenir le niveau d’évidence I entraînant la valorisation de toutes les étapes de ce processus, avec obtention d’un outil diagnostique robuste, fiable, reproductible, validé, faisant l’objet de contrôles de qualité. Il s’agit d’un outil complémentaire de ceux disponibles actuellement, utilisé dans des conditions optimales, ainsi qu’une motivation des équipes cliniques pour bousculer leurs habitudes en introduisant l’innovation dans le cadre d’essais thérapeutiques, puis dans leur pratique courante. Le changement dans la pratique clinique ne doit pas se faire au détriment des patients et cela explique la lenteur de la mise en place et de l’utilisation des marqueurs, lenteur relative qui est un juste milieu entre frilosité et pari risqué dû à l’impatience ou l’enthousiasme des innovants prêts « à accélérer » les étapes de validation. Le procédé d’évaluation-validation est multidisciplinaire (biologique-technique) et fait également appel à des méthodes spécifiques de bio-informatique et statistique. Ce dernier point particulièrement important a fait l’objet de multiples travaux et publications et, entre autres, d’une mise au point quant aux étapes et études nécessaires pour l’application de méthodes statistiques de validation non critiquables (183). L’introduction des marqueurs biologiques dans les essais thérapeutiques est une nécessité pour leur validation, mais également pour mieux analyser l’efficacité ou non de protocoles thérapeutiques à partir de groupes de patients biologiquement et cliniquement homogènes. Enfin, la nécessité d’une approche analytique ciblée et innovante peut se révéler plus complexe qu’une autre déjà validée dans un domaine proche, comme il est apparu entre détermination de la sur-expression, amplification HER2 pour l’efficacité du trastazumab (Herceptine®) et analyse du REGF pour l’efficacité du gefritinib (Iressa®), où l’analyse doit prendre en compte, non seulement la sur-expression, mais également la présence de mutation spécifique. Seule une coordination motivée entre groupes clinique et biologiste de transfert permet, en fait, une avancée coordonnée et régulière. En 2005, des outils sont disponibles et utilisables dans le cadre d’essais thérapeutiques et en pratique clinique quotidienne.
Évolution des biotechnologies analytiques. Approches futures Les méthodes biochimiques Les méthodes biochimiques d'étude des protéines ont été les premières utilisées pour l'analyse des facteurs pronostiques et de réponse thérapeutique. Elles impli-
112 Cancer du sein quent la préparation d'un extrait tissulaire après homogénéisation du tissu. Elles peuvent mettre en évidence une fonction de ou des protéines étudiées (liaison, métabolisme…), de leur statut d’activation (phosphorylation..), de la coopérativité entre différentes structures macromoléculaires.
Avantages Elles font, entre autres, pour les récepteurs hormonaux, l'objet de contrôles de qualité européens dans le cadre de l'EORTC depuis plus de quinze ans. Elles ont l’avantage d’être réellement quantitatives.
Limites Les méthodes biochimiques actuelles, de part la quantité de tissus qu'elles exigent, ne permettent qu’une approche parciparamétrique dans tous les cas et sont parfois même impossibles pour de très faibles cellularités.
Évolution future Amélioration de la sensibilité et spécificité de la direction par utilisation de la spectrométrie de masse, isolement des macromolécules informatives au sein de milieux complexes (cytosol, fluides biologiques…) par technique de capture, désorption laser, puis identification par analyse par spectrométrie de masse (technique MALDI-TOF/ SELDI-TOF) : elles sont en cours d’évaluation, mais semblent être une voie analytique sensible, robuste, applicable à la clinique. Elles rendent possibles des études réellement multiparamétriques dans le cadre des évaluations post-génomiques du protéome. Elles peuvent prendre en compte tous les marqueurs biologiques protéiques déjà évalués et validés, mais également participer à la caractérisation et l’isolement de nouveaux marqueurs, tant sur le plan pronostique ou prédictif qu’en tant que cible thérapeutique. L’isolement des nouveaux marqueurs se fait à partir de profils globaux, avec une caractérisation tant sur le plan bio-informatique, avec des techniques comparatives et de hiérarchisation, que par l’association de multiples techniques d’isolement plus lourdes (micro-séquençage). L’approche protéomique analytique cerne au plus près la réalité biologique et bio-pathologique du processus tumoral par un accès direct aux structures macromoléculaires fonctionnelles. La sensibilité des techniques biochimiques permet de les associer avec la microdissection tissulaire (type laser microcapture) (177) elle permet aussi de mieux cibler les compartiments cellulaires d’intérêt au sein d’un tissu hétérogène, normal ou pathologique. Ces techniques analytiques (MALDI-TOF/SELDI-TOF) sont applicables au fluide biologique avec efficacité telles les aspirations-lavages des sécrétions ductales mammaires (184). L’accessibilité des techniques analytiques protéomiques multifactorielles est en décalage par rapport aux techniques de biologie moléculaire, mais ce décalage, du moins dans le cadre de la biologie de transfert, se réduit rapidement par l’établisse-
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 113 ment de laboratoires experts et par la mise en place de réseaux coopératifs sur ce type de technologies.
Les méthodes de biologie moléculaire Parmi les méthodes de biologie moléculaire, à l’heure actuelle, pour une analyse multiparamétrique, l'étude de l'expression des ARN messagers (ARNm) est une alternative rendue possible par un développement technologique rapide. Parmi les techniques de biologie moléculaire permettant l'analyse de transcriptome, le développement technologique analytique à grande échelle et informatique appliqué a rendu possible, d’une part, le séquençage complet du génome humain, d’autre part, la mise au point d’une approche analytique globale, entre autres, dans l’expression des gènes (transcriptome), et ce dans des situations particulières et comparatives dont font partie le cancer et son micro-environnement tissulaire. Pour ce faire, il existe deux approches majeures : - Les puces ARN/ADN - La technique de PCR quantitative en temps réel
Puces ARN/ ADN Les puces ADN/ARN constituent des outils d’analyse moléculaire parallèle capables de fournir une information biologique sur un temps et un espace considérablement réduits par rapport aux méthodes conventionnelles de biologie moléculaire. On distingue deux types d’applications principales : – les profils d’expression génique ; – l’analyse d’altérations structurales (SNP, mutations). Puces d’expression Des systèmes se développent dans ce domaine pour permettre l’analyse simultanée de l’expression (ARNm) d’un très grand nombre de gènes. On peut distinguer deux types de puces : – les systèmes généralistes, pièces à haute densité de type Affymetrix (puces silicium) ou Clontech (membrane), qui proposent l’analyse d’un très grand nombre de gènes ou EST prédéterminés : 5 000, 10 000, 25 000. Le coût unitaire d’analyse est actuellement très élevé pour une application médicale individuelle. L’analyse peut être, soit quantitative absolue, soit, le plus souvent, quantitative relative, c’est-à-dire que le résultat consiste en un niveau d’expression par rapport à une référence « normale ». La sensibilité reste très moyenne (20 d’ARN total, de très bonne qualité) et la technique elle-même demande toute une série de contrôles de qualité tant de la puce elle-même que du système de détection. L’exploitation des données obtenues à demander le développement d’outils statistiques et de bioinformatique, outils de classification, association et hiérarchisation entre autres, permettant de gérer l’ensemble des informations obtenues. Les problèmes réels
114 Cancer du sein liés au développement et à l’exploitation de telles technologies ont fait l’objet d’une série de recommandations (185), sur le plan du développement technique, que des publications issues des travaux utilisant ces techniques en développement dans le cadre de programmes de recherche fondamentale ou de transfert avec nécessité d’information minimale concernant les données expérimentales (MIAME, minimal information about a micro-arrays experiment) (186). Par ailleurs, sur un exemple précis, des équipes coopérant au projet du NIH font un bilan et également des recommandations sur la faisabilité et l’application des techniques utilisant les puces ARN pour l’expertise de tissus pathologiques avec l’association de microdissections, pour capture des plages de tissus d’intérêt, l’expertise des variations des gènes par technique single nucleotide polymorphism (SNPS), mais également étudiant la transcription alternative au splicéome (187-189) ; – les puces « façonnables » avec spotters à pointe sèche ou piège électrique permettent l’analyse d’un nombre limité de gènes sélectionnés par l’utilisateur. Il s’agit d’une technologie encore en développement, avec de nombreux problèmes de préparation des sondes de capture, de reproductibilité, ce qui la situe encore dans le domaine de la recherche préclinique. Les puces sont intéressantes si l’on souhaite avoir des profils d’expression comportant de nombreux gènes (> 80-100), mais demandent la mise au point synchrone au développement des puces d’un outil informatique analytique de gestion et d’évaluation. Dans ce domaine, certaines compagnies proposent des puces, faites à la demande, soit dédiées à une application clinique avec un nombre de gènes limités (100 à 250), mais avec des techniques de détection originales augmentant la sensibilité et une assurance qualité dans la préparation. Mais les recommandations et guide-lines déjà évoqués pour les puces généralistes sont également nécessaires. Des expertises comparatives ont été menées entre puces généralistes et façonnables, ainsi qu’entre les différents types de puces pour une même pathologie, afin d’apprécier leurs valeurs réciproques. Évaluation actuelle des approches analytiques moléculaires De nombreuses publications (190-201) présentent le travail actuel effectué dans le cadre du cancer du sein. Partant d’une analyse par puce d’expression haute densité, les études pour une évaluation et une classification pronostiques retiennent entre 25 et 75 gènes décisionnels. Il est à noter par ailleurs que les gènes exprimés à fort pouvoir discriminatoire et, de ce fait, retenus, ne recouvrent aucun des biomarqueurs tumoraux macromoléculaires UPA PAI1 déjà évalués comme de niveau d’évidence I à l’exception des RO. Cependant, si la sélection par ce type d’analyse semble prometteuse, toute la démarche d’évaluation et validation que nous avons précédemment décrite reste à faire. La méthodologie de l’expertise bio-informatique et statistique associée au développement des techniques analytiques multifactorielles est en pleine expansion. Une approche critique des résultats actuels a été faite récemment et attire l’attention sur l’importance d’une conduite raisonnée des utilisations et développements pour
Biomarqueurs tissulaires tumoraux. Cancer du sein … 115 obtenir des résultats comparables, si ce n’est identiques, à travers différentes techniques analytiques du transcriptome (202-204). Puces ADN Pour l’analyse d’altération structurale, les puces ADN sont des outils qui peuvent fonctionner dès maintenant dans les laboratoires de biologie médicale de transfert. Le système Affymetrix est déjà utilisé (Aarhus University Hospital, Danemark) pour l’analyse des mutations p53 et la polymorphisme individuel des enzymes du métabolisme oxydatif CYP. Toutefois, l’investissement est extrêmement lourd, la sensibilité absolue est moyenne, la sensibilité relative est faible, le contingent tumoral ne devant pas représenter moins de 50 % de la cellularité du prélèvement. Comme les autres méthodes, sa précision n’est pas absolue (des faux positifs ont été détectés dans l’évaluation actuelle). Cependant, des progrès technologiques d’automatisation et de détection font que plusieurs compagnies concurrentes entrent dans ce champ d’expertise à visée clinique.
Technologie de PCR en temps réel La technologie de PCR en temps réel présente, par rapport aux méthodes standards de PCR, les avantages scientifiques et techniques suivants : – elle permet l'enregistrement de la cinétique d'amplification en temps réel. La quantification est réalisée au seuil initial de l'amplification et présente une excellente reproductibilité. Dans les méthodes standards de PCR, la quantification se fait à des temps extrapolés à partir d'études préliminaires, ce qui peut être à l'origine d'erreurs importantes et imprévisibles, car on préjuge d’une réaction enzymatique que l’on ne maîtrise pas ; – la spécificité de la sonde pour la séquence amplifiée entre les deux amorces choisies informe sur la spécificité du produit amplifié et permet d'éviter les étapes fastidieuses de séparation des produits de réaction (électrophorèse en gel, transfert sur membrane) et de marquage radioactif des produits ; – le développement de toutes ces techniques ayant une visée d’évaluation et de validation pour une application clinique diagnostique doit être fait dans le cadre des pratiques et notions de qualité du Guide de bonne exécution des analyses (GBEA) et faire appel à un appareillage compatible avec celles-ci. Dans le cadre d’une utilisation fréquente et multi-manipulateurs, la PCR quantitative en temps réel est la technique de PCR qui met à l’abri d’un minimum de contaminations accidentelles du fait de son développement, jusqu’à la phase analytique en milieu clos et peut faire, de ce fait, l’objet d’une certification CE IVD (In Vitro Diagnostic). De nombreuses publications ont évalué le potentiel technique et les limites de la PCR quantitative et ont établi des recommandations pour une utilisation fiable et reproductible (188). Cette technique, contrairement aux puces ARN, pourrait éventuellement être utilisée non seulement pour des échantillons cryopréservés, mais également pour du matériel archivé en paraffine. Cependant, cette utilisation doit être encadrée par de multiples contrôles et assurances qualité pour être réel-
116 Cancer du sein lement évaluée. Enfin, dans les prélèvements pauci-cellulaires, inférieurs à 5 000 cellules, la PCR quantitative se révèle la seule technique utilisable.
Conclusion Dans l’évolution potentielle à partir de tests LOEI « gold standards » actuels vers des tests pluriparamétriques, soit protéomiques, soit de biologie moléculaire, il est important de rappeler que toutes les étapes d’évaluation et validation que nous vous avons exposées en début de cette revue générale sont, en fait, à franchir en ce qui concerne la validation de ces nouvelles approches analytiques. En effet, les résultats obtenus par techniques biochimiques/protéomiques que nous avons exposés en partie ne sont pas transposables pour préjuger ou sélectionner des marqueurs de biologie moléculaire. Si les protéines sont effectivement les acteurs directs des fonctions cellulaires normales ou pathologiques, les taux d’ARN ne sont pas corrélés linéairement au taux de protéines dans un très grand nombre de cas, ceci étant dû au temps de turn-over spécifique de chaque ARN, au rendement de traduction, de processus de maturation, de sauvegarde de stockage intermédiaire de certains ARN.
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Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 B. Cutuli
Introduction Le carcinome canalaire in situ (CCIS) correspond à une prolifération de cellules tumorales à l’intérieur des canaux galactophoriques et des terminaisons ductolobulaires du sein, sans franchissement de la membrane basale ni du tissu conjonctif adjacent. Le terme de CCIS correspond à des lésions hétérogènes du point de vue des caractéristiques anatomo-pathologiques, des modalités de présentation (lésions palpables ou écoulement mamelonnaire il y a quelques années et le plus souvent de découverte mammographique à l’heure actuelle) et surtout du potentiel évolutif (15). Il s’agit donc d’une maladie initialement strictement intra-mammaire, théoriquement guérissable à 100 %. Son risque évolutif (plus ou moins rapide) est représenté par la progression vers un cancer invasif qui peut à ce moment donner une atteinte ganglionnaire et des métastases (6-12).
Épidémiologie Les CCIS représentaient il y a une vingtaine d’années de 1 à 3 % des cancers du sein. Dans tous les pays occidentaux, grâce au développement du dépistage mammographique, on note une très importante augmentation de ces lésions, qui représentent désormais de 15 à 20 % de l’ensemble des cancers du sein et environ 25 à 30 % des cancers détectés par mammographie (13). Aux États-Unis, le taux d’ incidence a été multiplié par quatre de 1983 à 1997 (1). On estime que les CCIS représentent environ 50 000 cas par an en plus des 203 000 cancers infiltrants. La même progression a été constatée en Suisse (14) et en Italie (15). Celle-ci semble particulièrement importante pour le sous-groupe des femmes de 50 à 69 ans. En France, on constate la même évolution, avec un taux de 3,8 % de CCIS dans l’étude de la CANAM de 1990, et des taux de 17 % et 15 % chez les
132 Cancer du sein femmes bénéficiant du dépistage dans les départements du Bas-Rhin (16) et des Bouches-du-Rhône (17) (avec des taux respectifs de 9 et 10 % pour les femmes « hors dépistage »). Les facteurs de risque de développement des CCIS sont comparables à ceux des cancers infiltrants : antécédents familiaux (surtout avant 50 ans), lésions mammaires bénignes préalables, ménopause tardive, faible nombre de grossesses et/ou première grossesse après 30 ans. Par contre, l’influence du traitement hormonal substitutif (THS) n’est pas démontré, comme l’a confirmé récemment l’étude WHI (Women’s Health Initiative).
Circonstances du diagnostic Depuis quelques années, le diagnostic de CCIS se fait dans 90 à 95 % des cas par mammographie ; le plus souvent, il s’agit d’un foyer de micro-calcifications, mais parfois il peut s’agir d’une zone de surdensité ou d’une distorsion architecturale (5, 6). Les autres circonstances de découverte, très rares, correspondent à une tumeur palpable, un écoulement mamellonnaire (le plus souvent sanguinolent), une maladie de Paget du mamelon, ou une découverte fortuite, lors d’une chirurgie pour lésion mammaire bénigne (fibroadénome, kyste) ou lors d’une plastie de réduction.
Bilan mammographique La mammographie reste l’examen de référence indispensable pour la détection et le bilan lésionnel des CCIS. Le diagnostic correspond le plus souvent à des foyers de micro-calcifications, dont la morphologie, le nombre et la distribution topographique peuvent varier. Il s’agit donc d’images classées ACR4 ou 5. En plus des clichés de base (cranio-caudal et oblique externe), des clichés complémentaires sont indispensables, tels que le profil strict (interne ou externe) et surtout les agrandissements centrés, qui permettent une meilleure évaluation de l’extension lésionnelle, surtout pour les lésions de bas grade qui correspondent souvent à des foyers de micro-calcifications punctiformes à la limite de la visibilité sur les incidences standards (13). Le compte-rendu mammographique doit comporter une description morphologique du (des) foyer(s) de micro-calcifications et préciser le nombre des microcalcifications et leur densité. Il est également nécessaire de décrire la topographie, la forme et la taille du foyer. Les éventuels signes associés (opacité, surdensité, distorsion architecturale) et l’évolution dans le temps doivent également être rapportés (2, 3). L’échographie n’est pas un examen de dépistage, mais peut apporter des informations complémentaires dans des cas sélectionnés, comme les seins denses, ou en cas de présence d’une opacité et/ou d’une distorsion architecturale. Elle peut être utile pour détecter une éventuelle lésion invasive associée (13).
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 133
Diagnostic pré-thérapeutique Le prélèvement à l’aiguille fine La ponction cytologique n’est pas recommandée en cas de foyers de micro-calcifications, car l’examen cytologique ne permet jamais d’affirmer le caractère non invasif d’une prolifération maligne.
Les biopsies percutanées Le diagnostic pré-opératoire est recommandé pour les lésions mammaires invasives et non invasives. Cette procédure devrait être possible dans au moins 80 % des cas selon l’European Society of Mastology (EUSOMA) (18). Elle permet une meilleure prise en charge chirurgicale initiale (exérèse large, avec marges d’emblée suffisantes, évitant un deuxième temps chirurgical dans la plupart des cas) et la programmation éventuelle d’un prélèvement ganglionnaire (ganglion sentinelle : GAS) en cas de confirmation de la présence de foyer(s) micro-invasif(s), ou l’indication d’une mastectomie en cas de lésions multicentriques (atteinte de plusieurs quadrants) confirmées. Les biopsies percutanées correspondent à des micro-biopsies (sans aspiration), en règle générale par des aiguilles 14 Gauge, alors que les macro-biopsies sont réalisées par des systèmes plus complexes, à aspiration, avec des aiguilles de calibre plus important, de 8 à 11 Gauge. Il faut toujours se rappeler qu’il peut y avoir une « sousstadification » lésionnelle et qu’un prélèvement biopsique montrant des lésions de CCIS peut correspondre en réalité à une lésion micro-infiltrante, voire à un véritable cancer invasif (13). Cette sous-stadification varie entre 11 et 25 % des cas et elle est plus fréquente en cas de prélèvement par micro-biopsie et pour des lésions étendues (foyers de micro-calcifications). Cette démarche diagnostique nécessite une étroite collaboration entre radiologue et pathologiste, et la vérification de la qualité du ciblage (clichés de contrôle pré- et post-procédure), ainsi que la vérification de la représentativité des prélèvements. Pour les micro-calcifications, il est recommandé d’effectuer au moins dix prélèvements. Dans tous les cas de prélèvements biopsiques, il est nécessaire de vérifier la concordance de la cible avec l’anomalie détectée, la qualité du repérage et la représentativité des prélèvements. Après l’obtention du diagnostic de CCIS, si possible par un prélèvement biopsique, l’exérèse chirurgicale doit suivre les mêmes règles que la chirurgie conservatrice des cancers infiltrants, à savoir la réalisation d’une exérèse lésionnelle complète permettant d’obtenir un résultat esthétique satisfaisant. Dans tous les cas, un repérage préalable est indispensable (6). La pièce doit être transmise au pathologiste. Une radiographie de celle-ci doit être également réalisée afin de vérifier l’exérèse des micro-calcifications par une comparaison avec les mammographies préopératoires. Un encrage est ensuite réalisé par le pathologiste, de manière à pouvoir analyser précisément les limites d’exérèse et permettre une mesure des marges (distance séparant les foyers de CCIS de la limite chirurgicale la plus proche) (19).
134 Cancer du sein
Les modalités thérapeutiques La mastectomie Jusqu’à la fin des années soixante-dix, la chirurgie radicale a été utilisée pour le traitement des CCIS, comme pour les cancers infiltrants (11, 20-24). À cette époque, les lésions étaient presque toujours palpables, et considérées comme multicentriques. Les travaux de l’équipe de R. Holland ont montré ensuite qu’il s’agissait plutôt de lésions multifocales (développées à l’intérieur d’un quadrant) le long d’un ou de plusieurs galactophores, mais très rarement réellement multicentriques (25). Dans de nombreuses séries rétrospectives, la mastectomie a permis la guérison dans environ 98 % des cas (26-34) (tableau 1) et reste le traitement de référence qui n’a jamais été comparé dans un essai à un traitement conservateur, avec ou sans radiothérapie et/ou tamoxifène. Les rares récidives sont dues à la présence non détectée d’un foyer invasif dans le reste de la glande mammaire, ou à la persistance d’un reliquat glandulaire important et parfois à la réalisation d’une mastectomie sous-cutanée (32). Elles sont presque toujours invasives. La mastectomie peut être suivie d’une reconstruction immédiate ou différée (35). Des techniques particulières, comme la mastectomie avec préservation de l’étui cutané (skin sparing mastectomy des Anglo-Saxons) sont en cours d’évaluation dans des cas sélectionnés (36). Aucun résultat n’est rapporté de façon spécifique pour les CCIS. Pour certains auteurs, le risque de présence d’un éventuel foyer invasif semble corrélé à la taille de la lésion (en particulier au-delà de 2,5-3 cm) et à la présence de lésions de haut grade (de type comédo-carcinome) (3, 4). Dans une « méta-analyse » publiée en 1998, J. Boyages rapportait un taux de récidive locale (RL) après mastectomie de 1,4 % (12). Tableau 1 - Résultats de la mastectomie dans le traitement des CCIS (séries incluant plus de 100 patientes avec cinq ans de suivi minimum). Auteurs
Période d’étude
N
Suivi médian (mois)
CIATTO (26) SILVERSTEIN (27) CUTULI (28) FOURQUET (29) TUNON DE LARA (30) WARD (31) PETIT (32) KINNE (33) CATALIOTTI (34)
1968-89 1979-00 1985-96 1967-96 1971-95 1979-83 1967-83 1970-76 1979-95
210 326 358 100 208 123 127 101 130
66 81 82 92 94 120 120 138 144
TO : formes infracliniques (détection mammographique exclusive) RL : récidive locale. * Cette série inclut également des mastectomies sous-cutanées.
TO (%) RL (%)
NP 76 53 NP NP 20 NP 59 NP
3 (1,4) 2 (0,6) 6 (1,7) 3 (3) 5 (2,6) 1 (0,8) 9 (7,5)* 1 (1) 5 (3,8)
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 135
La chirurgie conservatrice exclusive À la suite du développement des traitements conservateurs pour les cancers infiltrants (dans les années soixante-dix), et de la généralisation progressive du dépistage mammographique permettant de détecter souvent des lésions de très petite taille, de nombreux auteurs ont d’abord proposé une chirurgie conservatrice exclusive en se basant sur le « postulat » du « bon pronostic » de ces lésions considérées très peu évolutives. Les résultats sont très hétérogènes, et le taux de récidives locales (RL) varie de 3 % à 63 % (26, 27, 30, 34, 37-47) (tableau 2). Tableau 2 – Résultats de la littérature. Études avec chirurgie conservatrice exclusive (séries avec cinq ans de suivi minimum). Auteurs
Années de l’étude
N
Suivi (mois)
TO (%)
Taux de RL (%)
RL invasive
M
HETELEKIDIS (37) RINGBERG (38) CIATTO (26)
1985-90 1987-91 1968-89
SCHWARTZ (39) SILVERSTEIN (27) VAN ZEE (40) ARNESSON (41) CUTULI (42) TUNON DE LARA (30) CATALIOTTI (34) SZELEI-STEVENS (43) PRICE (44) OTTESEN (45) LAGIOS (46) PAGE (47)
1978-00 1972-00 1978-90 1981-94 1985-96 1971-95 1975-98 1982-92 1972-82 1982-89 1972-87 1950-68
96 121 38 (T) 65 (Q) 256 346 (3) 92 169 265 (4) 207 105 43 35 168 79 28
62 63 66 66 67 70 74 80 95 86 97 104 108 120 135 192
85 83 NP NP 100 94 NP 88 63 NP 75 NP 49 NP 100 NP
11,5 25,6 105 3 27,7 18 25 14,8 (2) 26,4 17,4 19 14 63 32.1 22 32
3/11 NP 3/4 2/2 26/45 25/61 7/19 9/25 39/70 17/36 11/20 4/6 12/22 27/54 10/17 9/9
0 NP NP NP 1 1 0 0 5 NP NP 2 2 NP 0 4
1 et 2 : taux de RL à dix ans : 24,6 % et 22 % 3 : cette série inclut les 79 patients de Laagios 4 : étude multicentrique 5 : les taux de RL sont respectivement de 8 % et 39 % (p < 0,001) en cas de marges « négatives » et « limites » N : nombre de cas. CS : chirurgie conservatrice exclusive CS + RT : chirurgie conservatrice et radiothérapie T : tumorectomie Q : quadrantectomie NP : non précisé RL : récidive locale M : métastases TO : lésion découverte à la mammographie
136 Cancer du sein Ceci s’explique en partie par la diversité des critères de sélection, des types de chirurgie réalisés (tumorectomie avec ou sans ré-excisions, quandrantectomie, avec ou sans repérage des pièces) et surtout des durées de suivi très variables. Trois séries avaient des critères très sélectifs afin d’optimiser leurs résultats (39, 41, 46). M. D. Lagios (46) avait inclus 79 patientes avec un CCIS de découverte mammographique, traitées entre 1972 et 1987, dont la taille moyenne était de 8 mm, avec des marges de résection complète et une mammographie postopératoire normale. Avec un recul de cent trente-cinq mois, 17 récidives (22 %) sont survenues, dont 10 invasives (et 2 avec envahissement axillaire). Parmi les 36 lésions de grade nucléaire 3, il y a eu 14 récidives (39 %), alors que le pourcentage est de 10 % et 6 % pour les lésions de grades 2 et 1. Dans la série de G. F. Schwartz (39), 256 CCIS, également tous de découverte mammographique, ont été traités par chirurgie conservatrice seule. Avec un recul médian de soixante-sept mois, le taux global de récidive est de 27,7 %. On retrouve 45 récidives in situ (63 %) et 26 (37 %) invasives. Une patiente est décédée d’évolution métastatique. Très récemment, 151 cas de cette série ont fait l’objet d’une analyse des « facteurs biologiques pronostiques », tels que p53, KI-67, Her 2-neu, Bcl-2 et p21 (48). Aucun de ceux-ci n’a permis d’identifier un sous-groupe à haut risque de RL. Par contre, les taux de RL étaient significativement augmentés pour les lésions > 15 mm de grade nucléaire 3, de type comédo-carcinome, ou présentant une nécrose abondante. Dans la série suédoise de L. G. Arnesson (41), 169 patientes ont été traitées de 1981 à 1994 et 88 % des lésions découvertes étaient infracliniques. Avec un recul médian de quatre-vingt mois, 25 RL sont apparues (14,8 %), ce qui correspond à un taux actuariel de 22 % à dix ans. 9 de ces 25 récidives étaient invasives (36 %), mais aucune patiente n’a développé de métastases. Dans cette série, on retrouve l’influence défavorable du haut grade nucléaire, avec respectivement, parmi 105 cas analysables, 8 %, 20 % et 31 % de RL pour les grades 1, 2 et 3. Dans d’autres séries, des résultats similaires ont été rapportés. À Nottingham, 178 patientes ont été traitées par chirurgie conservatrice exclusive (49). 48 de ces patientes avaient eu une ré-excision large afin d’obtenir des marges saines. Avec un recul médian très court (trente-huit mois), on observe déjà 21 récidives (11,8 %), dont 9 invasives. Le taux estimé de récidives à dix ans est de 22 %. La taille (> 30 mm) et l’âge inférieur à 50 ans sont, dans cette série, des facteurs de risque de RL, de même que la nécessité d’une seconde intervention, afin d’obtenir une exérèse « complète ». Dans une série multicentrique française (28, 50) incluant 265 patientes traitées de 1985 à 1996 sans critères de sélection particuliers (avec 64 % de lésions infracliniques), on retrouve avec huit ans de recul un taux de RL de 26,4 %, avec 39 RL invasives (incluant également les RL micro-invasives) (figure1). Parmi ces patientes, 5 ont développé ensuite des métastases. Plusieurs études ont confirmé la nécessité d’une exérèse lésionnelle complète afin de réduire le risque de RL (51, 52).
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 137
Figure 1 - Résultats de l’étude multicentrique française (28, 50). Taux de RL en fonction du traitement.
La chirurgie conservatrice avec radiothérapie Afin d’améliorer le contrôle local et à la suite des résultats à long terme pour les cancers infiltrants de stade I-II, plusieurs équipes ont effectué une irradiation complémentaire après exérèse limitée d’un CCIS. Dans la majorité des cas, il s’agissait d’une dose classique de 50 Gy en 25 fractions délivrée à la totalité de la glande mammaire. Les résultats sont également variables, avec des taux de RL variant de 2,7 % à 16,6 % (27, 29, 30, 34, 50, 53-66). On retrouve encore une hétérogénéité dans les critères d’inclusion, les modalités thérapeutiques (type de chirurgie, dose d’irradiation au sein et à la région péri-cicatricielle) et les durées de suivi (tableau 3). Parmi ces séries rétrospectives, 5 sont multicentriques et 4 ont recensé chacune entre 270 et 600 patientes (50, 54, 60, 64, 65). Le taux global de récidive est approximativement de 10-12 % à sept ans, avec 58 % de récidives invasives. Les taux de métastases ultérieures varient de 0 % à 28 %. Dans l’étude multicentrique française citée précédemment (28), on retrouve un taux de RL de 13 % (78/600) avec 49 RL invasives (ou micro-invasives) (figure 1). Parmi ces patientes, 10 ont développé des métastases. Dans les dernières publications incluant en majorité des lésions de découverte mammographique et de petite taille, avec une exérèse complète et une dose d’irradiation supérieure à 50 Gy, les taux de RL ne sont plus que de 7-8 % avec des reculs de cinq à huit ans, voire moins pour les lésions infracliniques (56, 57, 60, 62, 63).
138 Cancer du sein
Tableau 3 - Résultats de la littérature. Études avec chirurgie conservatrice et radiothérapie. (série de plus de 100 patientes avec cinq ans de suivi minimum). Auteurs
FOWBLE (56) DENOUX (59) TUNON DE LARA (30) AMICHETTI (60) HARRIS (61) VICINI (62) AMALRIC (63) FOURQUET (29) CUTULI (50) SILVERSTEIN (27) SOLIN (64) SOLIN (65)
Années de l’étude
N
Suivi (mois)
TO (%)
Taux de RL (%)
RL invasive
M
1983-92 1973-94 1974-94 1980-90 1978-95 1980-93 1974-92 1967-96 1985-96 1979-00 1973-90 1967-85
110 166 156 139 (1) 146 146 (3) 132 343 600 (1) 237 422 (1) 270 (1)
64 75 79 81 85 86 90 92 102 106 113 124
100 NP NP 28 70 92 100 63 74 89 100 41
2,7 12,6 9 9,4 10 11,6 6 11,3 13 20 11 16,6
3/3 10/21 8/14 6/13 9/14 13/17 5/8 27/39 49/78 22/48 25/48 24/45
1 1 0 0 NP 1 0 10 10 6 7 (4) 4
1 : séries multicentriques 2 : taux estimé 3 : parmi les 132 CCIS détectés par mammographie dans cette série, on retrouve 13 RL (10 %), dont 10 invasives 4 : quatre autres évolutions métastatiques sont survenues : deux chez des patientes ayant développé un cancer du sein controlatéral infiltrant et deux un autre néoplasme ; NP : non précisé RL : récidive locale M : métastases TO : lésion découverte à la mammographie N : nombre de cas.
Les essais randomisés Trois essais randomisés comparant chirurgie conservatrice exclusive et chirurgie conservatrice avec radiothérapie ont été publiés (8, 67-72, 73). Le plus ancien est celui du NSABP (National Surgical Adjuvant Breast Project, B-17) qui a été conduit aux États-Unis et au Canada de 1985 à 1990. Dans cet essai, les patientes avec un CCIS pur réséqué de façon « complète » étaient randomisées entre aucun traitement complémentaire et une irradiation complémentaire de l’ensemble de la glande mammaire, à la dose de 50 Gy en 25 fractions sans surimpression. Les premiers résultats ont été publiés en 1993 (67) ; une actualisation a été faite en 1998 (68) puis en 1999 (71) parmi 77 % des patientes pour lesquelles une relecture centralisée des lames avait pu être réalisée. En 2001, une nouvelle mise à jour de l’ensemble de la série a été publiée avec un recul de cent vingt-neuf mois (69). 813 des 818 patientes randomisées ont été analysées. Les RL (tant in situ qu’invasives) sont réduites de 57 % par l’irradiation complémentaire (globalement 15,7 % versus 31,7 %).
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 139 La réduction absolue du risque de RL à l’irradiation augmente avec le temps. Le tableau 4 résume les résultats de cet essai avec les différents reculs. L’efficacité de la radiothérapie est constante dans tous les sous-groupes analysés (tableau 5). Toutefois, il n’y a pas de différence pour les deux groupes pour les taux de métastases et la survie globale. Tableau 4 - Résultats de l’essai randomisé NSABP-B17 (67, 68, 69). Tumorectomie (T)
T + RT
∆ (%)
Suivi (mois)
n = 403
n = 410
43 90 129
64 (15,8 %) 104 (25,8 %) 124 (31,7 %)
28 (6,8 %) 47 (11,4 %) 61 (15,7 %)
9 14,4 16
< 5 10-6
67 (16,8 %)
29 (7,7 %)
9,1
10-4
6,9
10-3
RL (TOTAL)
RL INVASIVE RL in situ
129
57 (14,9 %)
32 (8 %)
SURVIE
129
86 %
87 %
P
0,8
RL : récidive locale RT : radiothérapie T : tumorectomie ∆ : réduction absolue du risque de RL
Tableau 5 - Résultats de l’essai NSABP B17. Analyse par sous-groupes. Taux de RL en pourcentage. Modifié d’après E. Fisher et basé sur l’analyse des 623/814 cas ayant eu une relecture anatomo-pathologique centralisée (71). Paramètre
Tumorectomie (T)
T + RT
RR
∆
23 40
13 14
0,52 0,30
10 26
29 39
13 17
0,40 0,36
16 22
COMÉDO-NÉCROSE Absente / minime Modérée / marquée EXÉRÈSE Complète Douteuse / Incomplète D : réduction absolue du risque de RL RL : récidive locale RR : récidive RT : radiothérapie T : tumorectomie
140 Cancer du sein Le deuxième essai a été conduit de 1986 à 1996 en Europe par l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) (8, 74-77). 1 010 patientes ont eu une chirurgie conservatrice avec ou sans radiothérapie complémentaire selon le même schéma que l’essai du NSABP. Ici également étaient prévues une exérèse avec marges « saines » (mais sans précision de cette définition) et une taille lésionnelle maximale inférieure à 5 cm. L’irradiation complémentaire était également réalisée à la dose classique de 50 Gy en 25 fractions, sans surimpression. Les premiers résultats sur les 1 003 patientes évaluables ont été publiés en 2000, puis actualisés en 2001 et 2002 (74, 8, 77) (tableau 6). Les résultats montrent également une réduction d’environ 50 % des RL (tant in situ qu’invasives) grâce à l’irradiation, sans différence en terme de risque métastatique ou de survie. Dans cet essai également, le bénéfice de la radiothérapie est retrouvé pour tous les sous-groupes, mais son importance est variable (tableau 7). Tableau 6 - Résultats de l’essai randomisé EORTC 10853. Recul médian de cinquante et un mois (8).
RL TOTAL RL INVASIVES RL in situ METASTASES DECES
Tumorectomie (T)
T + RT
n = 500
n = 502
p
83 (16,6 %) 40 43 12 12
53 (10,5 %) 24 29 12 12
0,005 0,04 0,06 NS NS
RL : récidive locale RT : radiothérapie T : tumorectomie
Le troisième essai randomisé (UK-ANZ DCIS Trial) a été publié en 2003 (73). Il s’agit d’un essai multicentrique conduit de 1990 à 1998 en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle Zélande et ayant inclus 1 694 patientes selon un schéma factoriel 2 x 2 dans lequel étaient testée, après chirurgie conservatrice première, l’adjonction d’une irradiation mammaire classique (50 Gy/25 fractions) ou de cinq ans de tamoxifène (20 mg/j). En fonction de la préférence du médecin ou de la patiente, la randomisation ne pouvait porter que sur une seule question (tamoxifène ou radiothérapie), l’autre traitement non randomisé était ou non délivré. Au total, 1 030 patientes ont été randomisées entre radiothérapie mammaire ou pas d’irradiation. Avec un recul médian de cinquante-trois mois seulement, le taux de RL est réduit par la radiothérapie (RT) de 62 %, avec des taux de RL de 13,7 % à 4,8 % (p < 0,0001).
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 141 Tableau 7 - Essai EORTC 10 583. Analyse univariée des facteurs de risque de RL (8). Taux de RL Paramètre MODE DE DIAGNOSTIC Clinique Mammographique ÂGE < 40 ans > 40 ans EXÉRÈSE Complète Limite / incomplète Non précisée DIFFÉRENCIATION Importante Intermédiaire Faible
∆
p
27 % 16 %
17 % 11 %
10 % 5%
0,015
45 % 18 %
23 % 12 %
22 % 6%
0,001
15 % 31 % 33 %
11 % 16 % 22 %
4% 15 % 11 %
0,022
13 % 20 % 28 %
7% 18 % 14 %
6% 2% 14 %
0,0007
Tumorectomie (T)T + RT
RL : récidive locale RT : radiothérapie T : tumorectomie
La réduction de risque est identique pour les RL in situ et invasives. Les trois essais confirment donc une réduction très significative du risque de RL par l’adjonction de la RT mammaire après excision d’un CCIS (78). Les essais américain et européen montrent aussi que le bénéfice est plus important en cas de présence de facteurs de risque de RL, tels que l’exérèse incomplète ou limite, la présence de comédonécrose ou l’âge jeune (8, 71). Ces essais randomisés ne sont toutefois pas exempts de critiques. L’essai américain a été conduit dans plus de 50 centres, dont seulement 22 ont fourni plus de 10 patientes. Lors de la relecture centralisée de 73 % des CCI inclus dans l’étude, des lésions bénignes (hyperplasie épithéliale atypique) ont été retrouvées dans 7 % des cas et des formes micro-infiltrantes dans 2 % (70, 71). Enfin, dans le bras radiothérapie, 9 % des patientes ont reçu une surimpression, alors que celle-ci n’était pas prévue dans le protocole. Dans l’essai européen, on note tout d’abord que 36 % des patientes ont été exclues, alors qu’elles étaient potentiellement éligibles (76, 77). Les critères d’exclusion sont très variables d’un centre à l’autre. On compte globalement 46 centres recruteurs, mais les quatre principaux ont inclus 48 % des patientes. Lors de la relecture centralisée (8), 5 % des CCIS ont été reclassés en lésions bénignes (surtout hyperplasies épithéliales atypiques), 3 % ont montré une composante micro-invasive, alors que dans 1,5 % des cas il existait une suspicion de micro-invasion. La
142 Cancer du sein taille du CCIS n’a pu être déterminée que dans 25 % des cas et l’état des marges n’a pu être précisé dans 12 % des cas. L’essai anglais comporte une méthodologie statistique très complexe et discutable, car la randomisation entre les différents traitements est choisie par le médecin et/ou la patiente et il n’y a pas d’analyse comparative précise des différents sousgroupes traités, en particulier pour les caractéristiques histologiques (73). Toutes ces données permettent d’entrevoir les multiples biais de sélection qui existent, même dans des essais randomisés bien conduits (79). Ils apportent indirectement de la valeur aux études rétrospectives qui ont essayé d’inclure, dans une ou plusieurs institutions et sans critère de sélection particulier (âge/taille/sous-type histologique/modalité de présentation), l’ensemble des patientes traitées pour un CCIS sur une période donnée, afin de rapporter le plus précisément possible les résultats de la « pratique clinique quotidienne ». On peut cependant remarquer que les résultats des essais sont très comparables, voire parfois quasiment superposables à ceux des grandes séries multicentriques nationales ou internationales.
Les récidives locales (RL) Diagnostic La RL, quand elle est invasive, est l’événement qui peut transformer le pronostic des CCIS et faire basculer la patiente, comme le dit M. J. Silverstein, d’un stade 0 à un stade IV, même si, dans la majorité des cas, il s’agit plutôt d’un stade I ou II (7). Après mastectomie, la récidive se manifeste par un ou des nodules siégeant au niveau de la paroi thoracique, le plus souvent dans la région péri-cicatricielle. Il s’agit presque toujours d’une forme invasive (80, 81). Très rarement, des signes inflammatoires et/ou une adénopathie axillaire sont présents. Après traitement conservateur (avec ou sans RT), la récidive locale (RL) est définie par la présence dans le sein traité d’une formation tumorale in situ ou invasive (80). Selon la définition de l’équipe de Boston (82), on peut essayer de différencier les récidives « vraies », situées le plus souvent dans la région péri-cicatricielle, les récidives « marginales », plus à distance, le plus souvent dans le quadrant ou siégeait la lésion, et enfin les « autres lésions », correspondant à des récidives à distance appelées par certains « second cancer », et de survenue volontiers plus tardive. Dans environ 75-80 % des cas, les RL se situent au niveau de la lésion initiale ou à proximité immédiate (64, 65, 68, 83, 84). Dans la majorité des séries, les RL sont pour moitié (environ) invasives (27, 30, 49, 85, 39, 42, 45, 46, 59, 64), incluant parmi celles-ci 10-15 % de lésions micro-invasives (≤ 2 mm). Leur délai d’apparition est variable, mais il est plus long en cas de radiothérapie associée. Dans la série française, les délais médians de survenue de la RL étaient, après traitement conservateur, de trente-six et cinquante et un mois respectivement sans et avec RT (50). Dans cette même série, on notait 50 % et 63 % de RL invasives dans les groupes chirurgie conservatrice (CS) et CS + RT respective-
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 143 ment (avec 10 % de lésions micro-invasives < 2 mm). Dans une étude multicentrique internationale, les patientes ayant un comédo-carcinome ont récidivé en moyenne plus rapidement que celles d’un autre sous-type histologique (médiane de trois ans versus six ans) (69). Les RL peuvent se diagnostiquer par la palpation d’un nodule ou, le plus souvent, par une anomalie mammographique, essentiellement l’apparition d’une (nouvelle) zone de micro-calcifications (7, 85). Les lésions palpables correspondent presque toujours à des RL invasives, alors que les formes de découverte mammographique sont encore souvent des lésions in situ ou micro-invasives. Les RL in situ ont un excellent pronostic, avec une seule évolution métastatique parmi 90 cas diagnostiqués dans l’étude française, alors que 14 des 118 patientes (12 %) avec une RL invasive ont développé secondairement des métastases. Les récidives ganglionnaires se définissent par la découverte (clinique ou lors d’un curage secondaire réalisé après confirmation d’une RL invasive) d’une ou de plusieurs adénopathies axillaires. Toujours dans l’étude multicentrique française (85), parmi les 118 RL invasives diagnostiquées, 64 curages ont été réalisés, et une atteinte ganglionnaire a été retrouvée dans 19 cas (30 %). Le rapport RL invasives/récidive ganglionnaire est de 9,4 % et 17 % pour les RL invasives survenues après CS et CS + RT respectivement. Dans cette même série, le risque de métastase après RL invasive est de 13,5 % (16 cas sur 118), ce qui est confirmé par d’autres auteurs (7, 86, 87) (tableau 8). Ce risque n’est, en revanche, que de 1 % après RL in situ. La RL invasive est donc un événement qui peut être grave et aboutir à une évolution métastatique ultérieure (7, 8), en particulier en cas de lésions peu différenciées, comme l’a confirmé l’essai EORTC (tableau 9). Tableau 8 - Évaluation du risque métastatique après survenue d’une RL invasive. Données de la littérature comparée. Solin (86) (422)
Silverstein (87) (448)
Cutuli (85) (1 215)
RL (total)
41 (9,7 %)
72 (16 %)
208 (17 %)
RL in situ
18
39
90
RL INVASIVE
23
33
118
MÉTASTASES (M)
4 (0,9 %)
6 (1,3 %)
16 (1,3 %)
RAPPORT
4 _____ 23 (17 %)
6 ____ 33 (18 %)
16 _____ 118 (13,5 %)
M/RL INVASIVES RL : récidive locale M : métastase
144 Cancer du sein Tableau 9 - Taux de métastases dans l’essai EORTC 10853 : 775 lésions confirmées en relecture centralisée, en fonction du degré de différenciation, sans distinction de traitement (8). Différenciation
Peu différencié Bien/moyennement différencié
Taux de métastases
6/482 14/293
1,2 % 4,8 %
p = 0,0083
Les facteurs de risque de récidive locale Après mastectomie Le très faible taux de RL (presque toujours invasive) retrouvé après mastectomie (1-3 %) ne permet d’identifier aucun facteur de risque précis (81). Certains auteurs ont suggéré un risque plus élevé pour les lésions étendues et de haut grade survenant chez des femmes jeunes. En fait, il est probable que le point essentiel soit le caractère « incomplet » du geste chirurgical, laissant en place une partie plus ou moins importante de glande mammaire, de même qu’une « insuffisance » de l’analyse anatomo-pathologique n’ayant pas permis l’individualisation d’un éventuel foyer invasif associé.
Après chirurgie conservatrice Les essais randomisés et les études rétrospectives ont permis de retrouver, avec des « poids » respectifs parfois différents, plusieurs facteurs de risque de RL. Ils ont été parfois divisés (de façon quelque peu artificielle en raison des « recoupements » très fréquents) en facteurs cliniques, histologiques et relatifs au traitement (88). De façon plus pragmatique, il s’agit essentiellement des facteurs suivants : - le traitement (radiothérapie/tamoxifène) ; - l’état des marges de résection ; - l’âge ; - le sous type histologique ; - le grade nucléaire ; - la taille ; - les autres facteurs. Le traitement
La radiothérapie La radiothérapie complémentaire réduit très significativement les taux de RL, tant invasive qu’in situ, dans les trois essais randomisés (8, 67-69, 73, 78), ainsi que dans la plupart des séries rétrospectives (tableaux 3, 4 et 5) (46-60). Dans la « méta-ana-
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 145 lyse » de J. Boyages (12) (qui était plutôt une « compilation » de toutes les études parues jusqu’en 1997), en tenant compte des différentes durées de suivi, on retrouvait des taux de RL de 22,5 % (IC à 95 % : 16,9-28,2 %) pour la chirurgie conservatrice seule et de 8,9 % (IC à 95 % : 6,8-11 %) pour la chirurgie conservatrice suivie de radiothérapie, alors que la mastectomie ne montrait un taux de RL que de 1,4 % (IC à 95 % : 0,7-2,1 %) de risque de RL. Lors de l’actualisation des résultats du NSABP-B17 en 1999 (71), parmi les 623 des 814 patientes incluses ayant eu une relecture histologique centralisée de leur lésion (76 %), on notait respectivement des taux de RL de 31 % et 13 % dans les groupes CS et CS + RT. Dans la série multicentrique française (42, 50, 89), avec un recul similaire, on retrouvait des taux de RL identiques pour les deux groupes. Le bénéfice de la radiothérapie était confirmé dans toutes les catégories d’âge (avec toutefois une faible différence pour les patientes de moins de 40 ans) et quelle que soit la taille lésionnelle et le sous-type histologique (tableau 10). Tableau 10 - Pourcentage de RL dans l’étude multicentrique française selon le traitement et les différents paramètres analysés : âge, taille histologique, sous-type architectural (50). Tumorectomie (T)
T + RT
n = 190
n = 515
p
36,4 % 31,1 % 29,8 %
32,5 % 12,6 % 7,8 %
NS 0,001 0,001
30 % 31 % 31 %
11 % 13 % 14 %
0,001
14 % 17 % 31 % 59 % 40 % 23 % 31 % (59/190)
6% 8% 9% 17 % 16 % 19 % 13 % (66/515)
ÂGE < 40 40-59 60 TAILLE < 10 mm > 10 mm Non précisé SOUS TYPE Cribriforme Papillaire Mixte* Comédo. Solide Non précisé TOTAL
NS NS 0,0001 0,0001 NS NS
* Forme mixte = cribriforme + papillaire.
Par contre, l’intérêt de la radiothérapie a été remis en partie en question par les travaux de l’équipe de M. J. Silverstein (21, 27, 90, 91). Sa dernière série comprend 583 patientes, dont 346 (59 %) traitées par chirurgie conservatrice exclusive (CS) et 237 (41 %) par CS et radiothérapie, de 1970 à 2000. Les taux de RL sont respectivement de 17,6 % (61/346) et 20,2 % (48/237) pour les groupes CS et CS + RT. Pour les patientes avec une résection complète (marges saines 10 mm), il n’y a effective-
146 Cancer du sein ment pas de différence significative dans les deux groupes (6 % et 3 % de RL pour les groupes CS et CS + RT). En revanche, dans les groupes où les marges d’exérèse sont comprises entre 1 et 9 mm, et surtout quand elles sont inférieures à 1 mm, le bénéfice de la radiothérapie devient significatif (tableau 11). Dans cette étude, on retrouve toutefois plusieurs biais de sélection en défaveur du groupe radiothérapie : la taille médiane des lésions est plus importante (15 mm versus 10 mm, p = 0,01), le pourcentage de forme de type comédo-carcinome est plus élevé (73 % versus 6 1%, p = 0,003), de même le nombre d’excisions « limites » (avec marges ≤ 1 mm) (35 % versus 19 %, p < 0,001). De plus, les reculs des groupes CS et CS + RT sont très différents, respectivement de soixante-dix et cent six mois (p < 0,001). Par ailleurs, les doses de radiothérapie à l’ensemble du sein ont varié de 40 à 50 Gy et, le plus souvent, avec une dose de 9 Gy/semaine, ce qui induit un sousdosage relatif d’environ 10 % par rapport au schéma classique utilisé dans les essais randomisés. Cependant, malgré des paramètres défavorables, la radiothérapie augmente le contrôle local dans tous les sous-groupes et réduit le risque de RL de 28 % à 21 %. Tableau 11 - Étude rétrospective du groupe de Los Angeles, 1970-2000 (27).
RL TOTAL MARGES ≥ 10 mm (179) MARGES 1-10 mm (155) MARGES < 1 mm (149)
CS
CS + RT
346
237
P
28 % 6% 28 % 73 %
21 % 3% 16 % 35 %
0,06 NS 0,05 0,002
CS : chirurgie conservatrice exclusive CS + RT : chirurgie conservatrice avec radiothérapie (40-50 Gy sur l’ensemble du sein +/- 10-20 Gy de surimpression). RL : récidive locale
Le tamoxifène Un seul essai randomisé (NSABP B-24) a montré une réduction du risque de RL après chirurgie conservatrice et radiothérapie grâce à l’adjonction d’un traitement par tamoxifène (20 mg/j pendant cinq ans) (69, 92, 93). Avec un recul de sept ans, les taux de RL sont respectivement de 11,1 % dans le groupe placebo et de 8 % dans le groupe tamoxifène (p = 0,02). Les résultats sont détaillés dans le tableau 12. Le bénéfice est significatif pour les RL invasives. Il existe également une réduction significative des cancers controlatéraux, mais on note un accroissement des cancers de l’endomètre (0,8 % versus 0,3 %) et des accidents thrombo-emboliques (1,8 % versus 0,8 %) chez les patientes sous tamoxifène. Lors du congrès de San Antonio de décembre 2002, les résultats de cet essai ont été présentés (94) dans un sous-groupe de 676 cas (344 dans le bras placebo et 332 dans le bras tamoxifène) ayant eu une analyse rétrospective (par immuno-histochimie) des récepteurs estrogéniques (RE). Globalement, on retrouve 77 % de CCIS
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 147 RE+ et 23 % de RE-. Pour les RE+, les taux de RL passent de 13 % à 7 % avec l’adjonction de tamoxifène, alors que pour les RE-, ce taux est identique dans les deux groupes (18 %). Le bénéfice du tamoxifène apparaît également dans les RE+ en terme de réduction des cancers controlatéraux (8 % versus 3 %), alors qu’il n’y a pas d’effet dans la population RE- (6 % versus 5 %). Tableau 12 - Résultats de l’essai randomisé du NSABP-B-24 (92).
RL TOTAL RL INVASIVES RL in situ CANCER DU SEIN CONTROLATÉRAL (TOTAL) INVASIF in situ
T + RT + Placebo
T + RT + Tam
0n = 899
n = 899
P
100 (11,1 %) 49 (5,4 %) 51 (5,7 %)
72 (8 %) 27 (3 %) 45 (5 %)
0,02 0,01 NS
45 (5 %)
25 (2,8 %)
0,01
30 (3,3 %) 15 (1,7 %)
20 (2,2 %) 5 (0,6 %)
0,16 0,03
RL : récidive locale RT : radiothérapie T : tumorectomie
Le tamoxifène n’apporte donc un bénéfice que dans le groupe des RE+ (réduction globale de 59 % de tous les « événements »). Cette étude a mentionné d’importantes discordances dans la qualité des dosages des RE entre les différents laboratoires. Aucune donnée sur la toxicité n’a été rapportée, et il faudra donc attendre la publication détaillée afin d’apprécier au mieux la balance « risque-bénéfice » pour chaque patiente. Par contre, l’essai UK-ANZ DCIS déjà cité (73) ne retrouve aucun bénéfice significatif chez les patientes traitées par tamoxifène. Les résultats sont détaillés dans le tableau 13 avec une stratification en fonction du traitement radiothérapique associé éventuel. Il a été suggéré (78) que les différences de critères d’inclusion cliniques et histologiques (âge et lésions de haut grade) entre les populations des deux essais puissent en partie expliquer ces résultats discordants. Par ailleurs, dans une enquête rétrospective réalisée à Houston, parmi les patientes chez lesquelles le tamoxifène avait été proposé, seulement 54 % l’ont accepté. Ensuite, 20 % de ces patientes ont interrompu le traitement à cause de différents effets secondaires (93).
148 Cancer du sein Tableau 13 - Taux de RL dans l’essai DCIS UK ANZ (73) en fonction de la prise de tamoxifène parmi les patientes sans et avec radiothérapie.
- Patiente sans RT TOTAL INVASIF in situ - Patiente avec RT TOTAL INVASIF in situ
Tamoxifène (n = 794)
Pas de tamoxifène (n = 782)
RL
RL
11 % 5% 6%
13 % 4% 9%
2% 1% 1%
2% 1% 1%
RL : récidive locale RT : radiothérapie.
État des marges de résection Bien que l’évaluation de l’état des marges de résection soit difficile et souvent mal précisée dans la littérature, il s’agit d’un facteur très important pour le risque ultérieur de RL, tant pour les patientes traitées par CS que pour celles traitées par CS + RT (51, 52, 57, 64, 65, 87, 95). Dans deux séries rétrospectives multicentriques, on retrouve des taux de RL à sept et dix ans d’environ 9 % en cas de marges négatives et de 25 % en cas de marges positives, après traitement par chirurgie conservatrice et radiothérapie (50, 64). Ceci est vrai également pour les essais randomisés (8, 71, 92). Le tableau 14 illustre ceci. M. J. Silverstein et son équipe considèrent que les marges d’exérèse constituent le paramètre prédictif le plus important du risque de RL (90). Ils ont défini trois catégories de lésions, avec des marges d’exérèse respectivement de moins d’1 mm, de 1 à 9 mm et de 10 mm ou plus. Les taux de RL diffèrent notablement, tant dans le groupe traité par chirurgie exclusive que dans celui avec adjonction de radiothérapie (tableau 15). Cependant, la mesure des marges d’exérèse reste très difficile à préciser dans de nombreux cas, comme cela a été prouvé dans l’essai 10853 de l’EORTC (8), et il n’y a, à l’heure actuelle, aucun consensus, en particulier au niveau des pathologistes, pour une définition précise d’une marge de sécurité optimale (2 mm, ou 5 ou 10) (1-4). De plus, les marges peuvent être variables autour de la lésion et, en pratique quotidienne, il est souvent difficile d’obtenir une marge homogène de plus de 10 mm quand la lésion mesure plus de 20 mm. Dans les SOR (Standards, options et recommandations) de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (13), les experts ont jugé qu’une marge de 3 mm est saine, alors qu’une marge inférieure à 1 mm doit être considérée incomplète et nécessite une reprise chirurgicale. Dans les situations intermédiaires, l’indi-
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 149 cation de reprise est à discuter en réunion pluridisciplinaire en fonction de la taille lésionnelle, du sous-type histologique, du bilan mammographique, de l’âge de la patiente et des modalités précises de l’exérèse chirurgicale (pièce orientée, monobloc ou fragmentée). Cela nécessite donc parfois des « re-excisions », dont l’analyse est également très difficile. Dans environ la moitié des cas, on y retrouve cependant des foyers résiduels de CCIS plus ou moins étendus ; les résultats sont également influencés par la qualité du repérage préchirurgical initial et par le sous-type histologique, car les lésions de bas grade ont souvent une extension plus importante que celles que laissait supposer la mammographie (bien au-delà des foyers de micro-calcifications). Tableau 14 - Taux de récidives locales (%) en fonction de l’état des marges dans les séries traitées par CS + RT. Marges Étude
Recul
Négatives
Positives
SÉRIES RÉTROSPECTIVES SOLIN (64) CUTULI (50) VICINI (93) SILVERSTEIN (27)
10 A 7A 10 A 8,5 A
9% 9,7 % 9% 13,6 % (2)
24 % 25,2 % (1) 16 % 33 %
ESSAIS RANDOMISÉS NSABP B17 (71) NSABP B24 (92) EORTC 10583 (8)
8,5 A 6,2 A 5,4 A
13 % 8% 8%
17 % 15 % 16 %
1) Dans cette étude, en cas de marges « limites » ou « douteuses », le taux de RL est de 12,2 %. 2) Les taux de RL sont de 2 % en cas de marge ≥ 10 mm et de 18 % pour des marges comprises entre 1 et 9 mm.
Tableau 15 - Taux de récidives locales pour le groupe de van Nuys en fonction de l’état des marges et du traitement (90). Marges / RL ≥ 10 mm 1 – 9 mm < 1 mm
CS 4/134 31/146 26/66
CS + RT 3% 21 % 39 %
1/45 20/109 27/83
2,2 % 18 % 32 %
L’âge L’âge jeune (défini pour la majorité des auteurs en dessous de 40 ans) est un facteur de risque de RL comme pour les cancers infiltrants traités de façon conservatrice. Les publications récentes confirment que ce risque est également accru pour les
150 Cancer du sein patientes porteuses d’un CCIS, comme il a été clairement montré dans une revue très exhaustive sur le sujet. Ceci est vrai pour les séries rétrospectives comme pour les essais randomisés. Le tableau 16 illustre ces données (8, 29, 50, 58, 62, 64, 92). Plusieurs auteurs ont essayé de préciser si les femmes jeunes avaient des caractéristiques cliniques et histologiques spécifiques. Dans l’immédiat, il n’y a pas de conclusion définitive possible. Les deux études multicentriques rétrospectives déjà citées (50, 62) retrouvent, chez les patientes de moins de 40 ans traitées par CS + RT, des taux de RL à sept et neuf ans de respectivement 32 % et 31 %. Tableau 16 - Taux de récidives locales dans les études avec CS + RT en fonction de l’âge. Institution
Âge
Recul (mois)
% RL
EORTC 10853 (8)
≤ 40 > 40
65
23 12
MEMORIAL (58) HOSPITAL
< 40 40-69 ≥ 70
WILLIAM BEAUMONT HOSPITAL (62)
< 45 > 45
NSABP B-17 (68)
≤ 49 50-59 ≥ 60
74
86
90
40 18 8 23 9 15 10 9
INTERNATIONAL COLLABORATIVE STUDY (ICS) (64)
< 40 40-49 50-59 ≥ 60
ÉTUDE MULTICENTRIQUE FRANCAISE (50)
≤ 40 40-59 ≥ 60
INSTITUT CURIE (29)
≤ 40 > 40
96
28 9
< 49 > 49 < 49 > 49
84
16 6,5 11 5,2
NSABP B-24 (92) CS + RT CS+ RT + TAM
113
84
31 13 8 6 32 13 8
Le sous-type histologique Plusieurs travaux anciens avaient mis en évidence un taux de RL plus important chez les femmes porteuses de CCIS de type comédo-carcinome ou avec nécrose
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 151 abondante. En fait, avec un recul plus long, il semble que les taux de RL tendent à s’uniformiser, comme l’a montré Solin dans une étude multicentrique internationale (65). Une autre difficulté d’interprétation vient du fait que, dans 30-35 % des cas, le CCIS est constitué de multiples sous-types architecturaux, avec des contingents ayant des proportions respectives très variables. Le grade nucléaire et le degré de différenciation Ces deux paramètres sont liés entre eux. Le grade nucléaire a été analysé dans plusieurs séries (96-103). Dans une analyse univariée de 583 patientes, l’équipe de Silverstein retrouve à huit ans des taux de RL de 9, 13 et 35 % pour les CCIS de grades I, II et III, respectivement (p < 0,0001) ; ces taux passent à 13, 23 et 45 % à douze ans (27). Cette analyse doit cependant être nuancée, car il s’agit d’un regroupement de patientes traitées avec et sans radiothérapie après chirurgie conservatrice (avec des reculs différents et des doses délivrées très variables). Le degré de différenciation a été étudié en détail dans une « central review » anatomo-pathologique de 863 des 1 010 CCIS inclus dans l’essai EORTC 10853 (8). Parmi les 775 cas de CCIS confirmés (90 %), on retrouve respectivement 37 %, 25 % et 38 % de lésions bien, moyennement et peu différenciées. Il faut préciser que les taux de lésions peu différenciées est variable en fonction du sous-type architectural : il est de 81 % pour les formes solides ou comédo-carcinomes et décroît à 15 % pour les lésions cribriformes. Le tableau 17 illustre les taux de RL en fonction du grade et du type de traitement. Dans cette étude, le risque de survenue de métastases est également significativement corrélé au faible degré de différenciation (tableau 9). Tableau 17 - Taux de RL dans l’essai EORTC 10853 (775 lésions confirmées en relecture centralisées) en fonction du degré de différenciation et du type de traitement (8). Grade
CS (380) RL
CS + RT (395) RL
Bien diff. Moy diff. Peu diff. TOTAL
19/147 20/99 37/134 76/380
20/137 18/99 22/159 60/395
(13 %) (20 %) (28 %) (20 %)
(14 %) 18 %) (14 %) (15 %)
La taille L’extension exacte des CCIS est souvent très difficile à déterminer (13). Les discordances entre la mammographie (foyers de micro-calcifications) et l’étendue des lésions retrouvées par le pathologiste sont parfois importantes, surtout pour les lésions de bas grade (104, 105). La taille est rarement exprimée en millimètres, ou alors elle est rapportée au nombre de blocs lus par le pathologiste (par exemple, présence de lésions sur 12 des 32 blocs analysés). La présence de zones de discontinuité lésionnelle (« gaps ») à l’intérieur de l’arbre galactophorique rend l’estimation encore plus compliquée (106).
152 Cancer du sein Dans l’étude EORTC, 25 % seulement des lésions ont pu être estimées précisément en millimètres (8). Cependant, d’autres équipes considèrent cette détermination possible et en font un critère prédictif de RL. Toutefois, les valeurs limites (cut off des Anglo-Saxons) sont définies de façon arbitraire (2). L’équipe de Van Nuys avait déterminé trois catégories (incluses dans leur index pronostique) (tableau 18) avec des lésions respectivement de moins de 15 mm, de 16 à 40 mm et au-delà (27). Parmi 583 patientes (traitement conservateur avec et sans RT), les taux de RL à huit ans sont respectivement de 12 %, 32 % et 50 % pour ces trois catégories. Cependant, l’étude NSABP B17 ne retrouve pas la taille comme facteur prédictif de RL (67, 68, 71). Dans l’étude multicentrique française, il n’y a également pas de différence entre les taux de RL des patientes avec des lésions de plus ou moins 10 mm (42, 50, 89). D’autres paramètres sont à l’étude : les récepteurs hormonaux ne semblent pas avoir d’influence sur le risque de RL, mais l’utilisation éventuelle du tamoxifène pourrait modifier ces données (analyse de l’essai NSABP B 24 en cours) (96, 107). La sur-expression de l’oncogène HER 2-Neu semble être liée à un risque accru de RL, mais ceci nécessite des confirmations (108). D’autres paramètres biologiques (p53, Ki 67, p21, Bcl-2) n’ont pas été retrouvés en tant que facteurs pronostiques de RL dans une étude de 151 cas (48). Tableau 18 - Index pronostique de l’université de Californie du Sud : modification de l’index de van Nuys avec inclusion de l’âge (100). Score
TAILLE (mm) MARGES (mm) CLASSIFICATION HISTOLOGIQUE ÂGE
1
2
3
≤ 15 ≥ 10
16-40 1-9
≥ 41 60
40-60
< 40
GN : grade nucléaire NB : le score va donc d’un minimum de 4 à un maximum de 12.
Traitement des récidives locales Le traitement des RL dépend des modalités thérapeutiques réalisées lors du diagnostic initial, de la topographie, des caractéristiques histologiques de la RL, du délai de survenue et de l’âge de la patiente. Dans la série française (42, 50, 89), parmi les 66 RL survenues après traitement conservateur et radiothérapie, 49 (74 %) ont eu une mastectomie de rattrapage. Ce taux a été de 58 % pour les 59 RL dans le groupe traité par chirurgie conservatrice exclusive. 14 et 25 patientes ont eu respectivement un nouveau traitement conservateur dans les deux groupes (avec 4/14 et 20/25 irradiations). Toutefois, après ce second traitement conservateur, on observe respectivement 4/14 (28 %) et 4/25 (16 %)
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 153 secondes RL. Dans la série multicentrique internationale (1 003 CCIS de découverte mammographique traités par tumorectomie et radiothérapie), parmi 90 RL (dont 53 invasives), 76 mastectomies ont été réalisées (109). Ces traitements ne peuvent être codifiés de façon précise (50, 80, 85). Ils nécessitent un bilan local très précis incluant mammographie avec clichés centrés, échographie et éventuellement IRM, afin de détecter des foyers supplémentaires ou une extension plus importante que prévue. Une micro- ou macro-biopsie peut confirmer la RL en pré-opératoire. La mastectomie reste le traitement de rattrapage le plus sûr (13). Dans certains cas sélectionnés (lésion unifocale de petite taille dans un sein que l’on peut aisément surveiller), et après avoir informé la patiente du risque accru de seconde RL, un nouveau traitement conservateur peut être proposé après avis multidisciplinaire. Cette attitude est plus facilement applicable en cas de primo-traitement ayant comporté une chirurgie exclusive. Bien entendu, l’exérèse doit être complète et suivie d’une irradiation de la glande mammaire, avec éventuellement une surimpression focalisée. En cas de lésion infiltrante, un curage axillaire complémentaire est indiqué (13, 85). En fonction des résultats histologiques définitifs, un traitement médical adjuvant (chimiothérapie et/ou hormonothérapie) peut être proposé.
Cancer du sein controlatéral Nous n’analyserons ici que le risque de cancer mammaire métachrone (au-delà de six mois après le diagnostic initial), en sachant qu’il y a environ 1 à 2 % de CCIS bilatéraux synchrones (110, 111). Dans l’étude de Claus, parmi 3 506 patientes ayant été traitées pour un CCIS (avec une répartition similaire entre chirurgie conservatrice seule, avec radiothérapie et mastectomie), les taux cumulés de cancer controlatéral métachrone à cinq et dix ans étaient respectivement de 4,3 % et 6,8 %, sans différence selon les traitements. Dans l’étude multicentrique française, les taux de cancers controlatéraux métachrones à huit ans étaient de 4,8 % (17/358), 8,3 % (22/265) et 7,3 % (44/600) respectivement après mastectomie, chirurgie conservatrice exclusive et chirurgie conservatrice avec radiothérapie. De façon non clairement expliquée, le taux de cancers controlatéraux a été significativement plus important (26/154 : 16,9 % versus 57/1069 : 5,3 % ; p < 0,0001) parmi les patientes ayant développé une RL dans le premier sein traité. Dans l’essai NSABP B-17, avec quatre-vingt-dix mois de suivi, le taux de cancers controlatéraux était de 3,9 % (dont les deux tiers d’invasifs), avec un pourcentage légèrement plus élevé (mais non significatif) parmi les patientes ayant eu une irradiation. Dans l’essai NSABP B-24, les taux de cancers controlatéraux étaient de 5 % dans le bras contrôle (3,3 % d’infiltrants et 1,7 de CCIS) versus 2,8 % dans le bras tamoxifène (2,2 % d’infiltrants et 0,6 % de CCIS). Globalement, on peut estimer que le risque est de 0,5-1 % par an, et qu’il est constant dans le temps. Il n’y a pas de facteurs spé-
154 Cancer du sein cifiques prédictifs de ce risque, mais certaines études ont suggéré l’influence de l’âge jeune (111).
Surveillance Il a été clairement démontré (tableau 8) que la RL invasive peut compromettre la survie (survenue de métastases dans 13 à 18 % des cas) des femmes ayant été traitées pour un CCIS (85, 87), alors que le risque métastatique est quasiment nul après RL in situ et de découverte mammographique (un seul cas sur soixante dans la série multicentrique française) (85). Une surveillance clinique bi-annuelle est recommandée, de même qu’une première mammographie de contrôle à six mois après traitement conservateur. Il n’y a aucune étude spécifique dans la littérature concernant la surveillance mammographique des CCIS, et celle-ci est donc calquée sur celle des cancers infiltrants, avec une mammographie annuelle bilatérale (13). Toutefois, pour certaines patientes à haut risque de RL (femmes jeunes, exérèse initiale avec marges « limites »), une surveillance plus intensive (six mois) peut être discutée, comme le suggère M. J. Silverstein (87).
Indications thérapeutiques En cas de lésions inférieures à 3 cm (voire parfois 4 cm en fonction de la taille du sein), on propose, comme pour les cancers infiltrants, un traitement conservateur avec une chirurgie aboutissant à l’obtention de marges saines (au minimum de 3 mm) (13) : ceci nécessite parfois une ré-excision. L’irradiation complémentaire réduit significativement les taux de RL, tant in situ qu’invasive (2, 5, 78). À l’heure actuelle, il est donc encore très difficile d’individualiser des CCIS à faible risque (avec un taux de RL inférieur à 5 %), mais on pourrait intuitivement penser aux lésions de bas grade, de moins de 1 cm, avec exérèse complète chez les femmes de plus de 60 ans (50). Toutefois, même pour certains groupes très sélectionnés, les taux de RL restent élevés. Dans une étude menée à Boston (112), 157 patientes présentant une lésion de moins de 2,5 cm, de grade 1 ou 2, avec des marges saines de plus dE 1 cm, ont été suivies prospectivement après tumorectomie seule. Avec un recul moyen de quarante mois, 13 RL (8,3 %) ont été observées, avec un taux estimé à cinq ans de 12,5 %. Dans l’étude multicentrique française (113), 76 patientes âgées de 70 ans ou plus ont été analysées. Les résultats sont détaillés dans le tableau 19. On note qu’après chirurgie conservatrice exclusive, le taux de RL est encore de 22 %. A contrario, il semble exister des groupes à très haut risque de RL (supérieur à 25 %), incluant les lésions de haut grade de plus de 3 cm et/ou survenant chez des patientes de moins de 40 ans. Dans ces cas, la mastectomie est indiquée afin d’obtenir une sécurité maximale (50, 100).
Le carcinome canalaire in situ (CCIS) en 2005 155 Tableau 19 - Résultats à six ans des différents traitements dans l’étude multicentrique française chez les femmes âgées de 70 ans et plus (113). Traitement
Taux de RL
Mastectomie Chirurgie conservatrice Chirurgie conservatrice + RT
1/26 [1] 4/18 [1] 0/32
3,8 % 22,2 % -
[ ] : nombre de récidives locales invasives.
L’index pronostique de Van Nuys (114, 115) peut parfois donner des indications, mais il a été très critiqué (116, 117), tant dans sa modalité de conception (réalisation à partir d’une étude rétrospective ayant inclus des patients avec des caractéristiques cliniques et histologiques différentes, ainsi que des modalités de traitements inhomogènes) que pour sa non-reproductibilité, en particulier dans les essais randomisés. De plus, en pratique courante, la taille exacte des lésions, ainsi que les marges minimales d’exérèse, ne sont souvent pas précisées en millimètres. Sa dernière version souligne également le facteur « âge jeune » (≤ 40 ans) comme étant un risque accru de RL, ce qui avait été souligné dans une étude spécifique sur le sujet (118). Le curage axillaire est inutile dans les CCIS (119). Un prélèvement du ganglion sentinelle peut être discuté dans des lésions très étendues (de plus de 5 cm) en raison du risque de découverte d’un foyer micro-invasif (120). Dans tous les cas, la décision peut être prise dans un second temps après discussion pluridisciplinaire (106). La situation est, bien entendu, différente en cas de micro-invasion, avec la possibilité cependant de distinguer des formes à très bas risque de métastases axillaires (121).
Conclusion La prévention des récidives est donc essentielle car, théoriquement, le CCIS est une affection initialement curable à 100 % (1, 2, 5, 50, 85, 87, 122). La prise en charge initiale doit être optimale (tableau 20), avec un choix pondéré entre mastectomie et traitement conservateur (18). Dans une grande étude américaine réalisée parmi 25 200 CCIS, le taux de mastectomie était de 43 % en 1992 et de 29 % en 1999 (123). Dans une étude australienne similaire réalisée parmi 2 100 patientes traitées par un CCIS, les taux de mastectomies étaient de 34,6 % pour la période 1995-1997 et de 23,7 % pour la période 1998-2000 (124, 125). Une étude française a permis d’analyser les caractéristiques clinico-histologiques et les modalités thérapeutiques réalisées chez 1 350 patientes traitées pour un CCIS. Les résultats définitifs seront disponibles dans quelques mois. Par ailleurs, on peut estimer que le risque de RL est de 0,7-1,2 % par an après CS + RT, et de 2-3 % après CS seule. Le taux de cancers du sein controlatéraux est d’environ 1 % par an, quel que soit le type de traitement initial (7, 46).
156 Cancer du sein La surveillance est pour l’instant calquée sur celle des cancers infiltrants, mais on pourrait envisager une surveillance « adaptée » après traitement conservateur en présence de certains facteurs de risques accrus de RL. Dans tous les cas, il est impératif d’évaluer les résultats à long terme, avec une analyse précise des taux de RL en fonction des différents traitements réalisés, ainsi que l’analyse des rechutes ganglionnaires, métastatiques et des cancers du sein controlatéraux. Ceci nécessite un recueil de données rigoureux, sans biais de sélection et avec une durée minimale de suivi de dix ans. La création d’un registre prospectif national serait donc très souhaitable pour cette affection qui reste globalement de bon pronostic et qui va représenter dans les années à venir environ 20 à 25 % de tous les cancers du sein grâce à la généralisation du dépistage mammographique prévu par le plan cancer. Tableau 20 - Critères de qualités à respecter dans la prise en charge des CCIS. Recommandations de l’EUSOMA (European Society of Mastology). Modifié d’après Rutgers (18). -
Bilan mammographique initial « optimal » avec clichés centrés en cas de microcalcifications
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Biopsies guidées pré-opératoires (orientation diagnostique préalable)
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Discussion pluridisciplinaire du dossier
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Repérage systématique de toute lésion non palpable
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Radiographie de la pièce opératoire
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Obtention (si possible) d’une marge minimale d’excision de 1 cm
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Repérage et orientation de la lésion pour le pathologiste
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Réalisation d’une ré-excision (avec un éventuel second repérage) en cas d’exérèse incomplète
Remerciements Cette revue de synthèse a pu être en partie réalisée grâce aux données de l’étude française intercentres et à certaines données issues des SOR sein in situ qui viennent d’être publiés et qui sont disponibles en ligne (www.fnclcc.fr). Un très grand remerciement à tous les amis fidèles de ces deux groupes de travail ainsi qu’à Renaud Fay qui a assuré toutes les études statistiques.
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Les carcinomes lobulaires infiltrants, les carcinomes canalaires infiltrants : quelles sont les différences pour le diagnosticien ? P. Chérel
Introduction Le carcinome lobulaire représente de 4 à 15 % des carcinomes mammaires infiltrants. Qu’ils soient de type canalaire ou lobulaire, les carcinomes mammaires naissent au niveau de l'unité terminale ducto-lobulaire. Le cancer lobulaire représente une entité anatomo-pathologique particulière. Il s’agit d’un carcinome infiltrant formé de petites cellules régulières, rondes, uniformes et non cohésives, ressemblant à celles du carcinome lobulaire in situ et ayant en général un faible taux de mitoses. L’aspect typique est celui d’une diffusion de cellules tumorales isolées ou en « file indienne », groupées de façon concentrique autour de canaux galactophoriques résiduels ou au pourtour de lésions de carcinome lobulaire in situ. Ces cellules tumorales peuvent infiltrer un stroma fibreux, mais le plus souvent la réaction fibreuse est faible. Il existe des formes pures avec différents sous-groupes, ainsi que des formes mixtes associant des lésions carcinomateuses de type canalaire et lobulaire. Classiquement, le carcinome lobulaire infiltrant est considéré comme un cancer de diagnostic difficile, relativement tardif, souvent bilatéral et multicentrique. À partir d’une revue de la littérature, nous ferons une mise au point sur les caractéristiques radiologiques (mammographie, échographie, IRM) de ces cancers, après avoir rappelé pour chaque technique radiologique les aspects des carcinomes canalaires infiltrants communs (les types particuliers tels que les cancers médullaire, mucineux ou tubuleux ne seront pas abordés). Nous conclurons par la fiabilité et l’apport des différentes imageries dans le bilan d’extension local des carcinomes lobulaires invasifs.
168 Cancer du sein
La mammographie Le carcinome canalaire infiltrant (CCI) Le CCI est le type de cancer le plus fréquent et se traduit classiquement sous la forme d’une image spiculée ou stellaire (1). L’image stellaire est formée d’une opacité centrale constituée de cellules tumorales au sein d'un stroma et de spicules qui sont des prolongements à base pyramidale rayonnant à partir du centre tumoral. Ces prolongements conjonctifs, qualifiés également de stroma réaction, sont constitués de fibrose et d’élastose, celles-ci créant des phénomènes rétractiles. Cette prolifération conjonctive est beaucoup plus marquée dans les cancers stellaires que dans les cancers nodulaires. Ces spicules peuvent contenir des cellules tumorales, plus nombreuses au niveau de leur base d'implantation et plus rares dans leur partie distale. Le nombre, la longueur, l'épaisseur de ces prolongements sont très variables. Tous les intermédiaires sont possibles entre l'image stellaire classique et l'opacité nodulaire à bords discrètement irréguliers dont les micro-spicules ne seront vus que sur des clichés en compression localisée ou en agrandissement. Classiquement, plus l'image est stellaire, plus la cellularité est faible et plus la part du conjonctif est grande. Des signes associés à cette image stellaire peuvent être mis en évidence. Il peut s’agir du halo clair périphérique, hyperclarté inconstante entourant l'opacité centrale et limitée en dehors par les extrémités de la majorité des spicules ou de micro-calcifications qui sont retrouvées dans environ 35 % des cas. Le CCI peut apparaître sous la forme d’images moins typiques, telles que des opacités nodulaires avec des bords plus ou moins nets, parfois discrètement irréguliers, dentelés sur une partie ou la totalité du contour. Il peut également s’agir d’une désorganisation architecturale, éventuellement d’une asymétrie de densité.
Le carcinome lobulaire infiltrant (CLI) Le diagnostic mammographique des CLI est considéré comme plus difficile. En effet, le CLI peut infiltrer le tissu mammaire de façon importante, tout en respectant son architecture, sans former de masse ni provoquer de fibrose. Cette croissance diffuse est caractérisée par les signes mammographiques suivants (2) : une asymétrie de densité par rapport au sein controlatéral (anomalie iso-dense à la glande), une augmentation de densité diffuse ou focale par rapport au parenchyme avoisinant ou controlatéral, un estompage des structures mammaires. Une déformation de l’architecture de la glande peut se rencontrer sous la forme d’une désorganisation architecturale, une modification rétractile : « signe de la tente » réalisant un aspect d'encoche du bord antérieur ou postérieur de la glande. Lorsqu’il existe une masse focale, sa densité est souvent proche de la densité du parenchyme mammaire. Il peut s’agir d’un surcroît d'opacité peu caractéristique, à contours mal définis, de masses spiculées et, beaucoup plus rarement, de nodules relativement bien circonscrits. Habituellement, le CLI ne produit pas de micro-calcifications.
Les carcinomes lobulaires infiltrants, les carcinomes canalaires … 169 Les aspects mammographiques retrouvés dans la littérature (3-9) sont résumés dans le tableau 1. L'anomalie mammographique la plus rapportée est, comme pour les carcinomes canalaires invasifs une masse (de 32 à 69 %), soit spiculée (de 16 à 69 %), soit à contours mal définis (de 7 à 34 %). Leur fréquence est très variable suivant les séries, probablement du fait qu'elles regroupent un panel d'images allant de l'image stellaire typique à l'image nodulaire à contours discrètement irréguliers, spiculés, de faible densité. Dans l’étude de Newstead (5), ce type de masse est beaucoup moins fréquent dans les CLI par rapport aux CCI (32 % versus 71 %). Les opacités rondes bien limitées sont absentes ou très rares (< 2 %). La deuxième anomalie mammographique rencontrée est la désorganisation architecturale (de 10 à 30 %). Cet aspect est plus fréquemment trouvé dans les CLI que dans les CCI, 18 % versus 6 % pour M. Le Gal (4), 30 % versus 5 % pour G. M. Newstead (5). L'asymétrie de densité est présente dans 4 à 27 % des cas, plus fréquemment retrouvée dans les CLI que dans les CCI, 27 % versus 8 % pour G. M. Newstead (5). Cette différence n'est pas retrouvée dans la série de M. Le Gal (4). Les micro-calcifications isolées sont rares, mises en évidence dans moins de 4 % des cas. Les micro-calcifications associées à une opacité sont plus fréquentes, mais moins souvent que dans les CCI : 24 % versus 41 % pour M. Le Gal (4), 28 % versus 46 % pour E. J. Cornford (8), 0 % versus 45 % pour G. M. Newstead (5). Ces micro-calcifications isolées ou associées aux opacités sont, non seulement moins fréquentes dans les CLI, mais, de plus, elles correspondent le plus souvent à des lésions autres que le carcinome lobulaire. Ainsi, pour E. B. Mendelson (10), 25 % des CLI présentent des calcifications, mais cellesci sont liées le plus souvent à des CLI avec composante canalaire associée, à des lésions de carcinome canalaire in situ ou à des lésions bénignes adjacentes au cancer. Pour D. J. Hillaren (3), ces micro-calcifications sont rares (6 %) et 70 % sont considérées comme non spécifiques. Pour M. A. Helvie (6), ces calcifications sont également rares et associées à d'autres lésions que le CLI dans 50 % des cas. Dans deux études (3, 4), il est rapporté un taux élevé d'anomalies cutanées et/ou mamelonnaires avec, en particulier, une rétraction mamelonnaire plus fréquente dans les CLI que dans les CCI, 26 % versus 17 %. La fréquence des différentes anomalies mammographiques varie suivant les séries. Ces différences peuvent s’expliquer par des dénominations d’images (masse spiculée ou mal définie, asymétrie de densité, désorganisation architecturale) non parfaitement reproductibles, mais également par le fait que les CLI regroupent plusieurs sous-types histologiques. Ainsi, dans l’étude de R. S. Butler (11), les asymétries de densité et les désorganisations architecturales sont sur-représentées dans les CLI de forme « classique » par rapport aux masses spiculées ou mal définies (respectivement 25 et 50 % versus 4 et 4 %). Les autres sous-types se rapprochent plus des descriptions « typiques » de cancer du sein, compte tenu d’une sur-représentation des asymétries de densité dans la forme « solide » et des désorganisations architecturales dans la forme « alvéolaire ». La mammographie a été considérée comme suspecte ou évocatrice de malignité dans 51 à 76 % des cas. Pour M. Le Gal (4), cette suspicion de malignité est moins souvent rencontrée dans les CLI que dans les CCI (57 % versus 64 %). Cette différence est retrouvée dans une étude de 2004 portant sur 182 cas (73 % versus 85 %) (12).
170 Cancer du sein Le taux de CLI sans traduction mammographique est compris entre 5 et 19 %. Ce taux est plus élevé dans les CLI que dans les CCI, par exemple 8,1 % versus 1,3 %, pour G. M. Newstead (5), 19 % versus 10 % pour O. B. Adler (13). Par ailleurs, la taille des CLI radios occultes est plus élevée que celle des CCI sans anomalie mammographique. Dans l’étude de K. N. Krecke (7), les faux négatifs ont une taille comprise entre 6 et 65 mm (moyenne de 26 mm). Tableau 1 - Aspects mammographiques et carcinome lobulaire invasif. Hilleren (2)
Le Gal (3)
Newstead (4)
Helvie (5)
Krecke (6)
185
455
37
52
185
86
52
Pas d’anomalie mammographique
16 %
12 %
8%
8%
19 %
9,5 %
15 %
Masses
60 %
51 %
32 %
63 %
55 %
69 %
61
Spiculées
53 %
28 %
16 %
-
21 %
69 %
34 %
Mal limitées
7%
22 %
16 %
-
34 %
-
27 %
Rondes bien limitées 0 %
1%
0%
2%
0%
0%
0%
Désorganisation architecturale
16 %
18 %
30 %
10 %
20 %
non précisé
13 %
Asymétrie de densité
4%
19 %
27 %
13 %
5%
non précisé
11 %
Micro-calcifications 4 % isolées
0%
0%
4%
1%
0%
0%
Anomalies cutanées/ mamelonnaires
31 %
38 %
3%
-
-
-
Calcifications et opacités
6%
24 %
0%
-
32 %
28 %
Nombre de cas
Cornford Rostagno (7) (8)
11 %
Le taux relativement élevé de cancers non visibles en mammographie, de mammographies considérées comme bénignes ou peu suspectes, sont dus à plusieurs facteurs : – Une première raison est la relative rareté des micro-calcifications, la proportion relativement importante d'asymétries de densité et de désorganisations architecturales.
Les carcinomes lobulaires infiltrants, les carcinomes canalaires … 171 – Une autre raison, soulignée par la plupart des auteurs, est la faible densité des opacités qui présentent très souvent une densité égale ou inférieure au parenchyme fibro-glandulaire avoisinant, ce qui rend difficile leur détection, notamment dans les seins denses où le taux de faux négatifs est le plus élevé, 57 % pour K. N. Krecke (7). Cette faible densité est, certes, retrouvée dans les asymétries de densité, mais également dans les masses spiculées ou mal limitées. Dans l'étude de G. M. Newstead (5), la densité des masses est inférieure ou égale au tissu glandulaire dans 85 % des cas (17 % en cas de CCI). Dans cette même étude, les CLI de faible densité ont une taille supérieure à 20 mm dans 69 % des cas, alors que les CCI également de faible densité ont une taille inférieure à 20 mm dans 79 % des cas. Cette faible densité est due à l'architecture des CLI et leur mode d'extension sans altération de l'architecture du tissu mammaire. Pour R. Holland (14), le tissu fibreux présent dans les CLI ressemble à celui trouvé dans les lobules normaux et explique donc la faible densité mammographique des CLI. Pour E. A. Sickles (15), cette difficulté de détection des CLI est à l'origine d'un taux élevé de procès (un tiers des cas, alors que les CLI représentent environ 10 % des carcinomes mammaires). – Une autre difficulté rencontrée dans les CLI est le taux élevé d'anomalies mammographiques vues sur une seule incidence, taux compris entre 18 et 33 % (3, 5, 11). Dans ce type de situation, les lésions sont plus fréquemment visibles sur le cliché de face. Ainsi, pour G. M. Newstead (5), 21 % des CLI ne sont visibles que sur l'incidence de face (1,3 % en cas de CCI), 12 % que sur l'incidence en oblique externe (5,2 % en cas de CCI). Au total, 33 % des CLI ne sont bien visibles que sur une seule incidence, pour 6,5 % des CCI. Ces difficultés diagnostiques ont pour conséquence une taille tumorale plus grande pour les CLI que pour les CCI, et seraient plus fréquemment rencontrées dans les carcinomes lobulaires de forme pure que dans les formes mixtes associant une composante canalaire infiltrante. Dans une étude portant sur 50 CLI et 50 CCI diagnostiqués dans le cadre d’un dépistage organisé de cancer du sein (16), les auteurs concluent que, si les images sont sensiblement semblables (hormis la plus grande fréquence des désorganisations architecturales dans les CLI), en revanche, le faible degré de suspicion mammographique est beaucoup plus souvent retrouvé dans les CLI (76 % des cas pour 24 % en cas de CCI). Les CLI apparaissent donc sous la forme d’anomalies moins pathognomoniques, entraînent plus de troisième lecture et sont moins souvent détectés au premier tour (54 % pour 72 % des CCI). Pour W. P. Evans (17), lorsqu’il existe des mammographies antérieures, leur analyse rétrospective a permis de découvrir dans 78 % des cas une anomalie pré-existante, dont 64 % dans des seins graisseux. Lorsque les images sont difficiles, elles correspondraient le plus souvent à des formes histologiques particulières : formes pures sans formations tubulaires, ni CCI ou in situ associés. E. J. Cornford (8) rappelle que les CLI sont en général surreprésentés dans les séries de cancers radio-occultes et sous-représentés dans les séries concernant les dépistages organisés de cancer du sein, avec un taux de cancer d’intervalle plus élevé.
172 Cancer du sein La plupart des auteurs insistent sur l'importance de l'examen clinique. Dans l'étude de D. J. Hilleren (3), il existe le plus souvent une anomalie clinique dans les 16 % de faux négatifs de la mammographie. Par ailleurs, il rappelle que toute anomalie subtile à la mammographie doit être considérée comme suspecte s'il existe une anomalie clinique concordante. E. A. Sickles (15) signale que la grande majorité des patientes présentant un CLI vont subir une biopsie en raison de signes cliniques suspects de malignité. En résumé, le diagnostic mammographique des CLI est rapporté comme plus difficile que celui des CCI. En effet, une masse spiculée ou mal définie est, certes, le signe le plus fréquemment rapporté dans les CLI, mais cette masse est le plus souvent de faible densité par rapport au parenchyme glandulaire, voire visible sur une seule incidence. Par ailleurs, il existe une sur-représentation des asymétries de densité et des désorganisations architecturales, et une sous-représentation des calcifications. Le diagnostic des CLI nécessite encore plus une technique mammographique parfaite, une analyse attentive des clichés (de préférence en miroir), si possible une comparaison soigneuse avec des clichés antérieurs et l'utilisation de clichés complémentaires, notamment s'il existe une anomalie clinique. L’échographie est, bien entendu, l’examen d’imagerie complémentaire majeur.
L’échographie mammaire Le carcinome canalaire infiltrant (CCI) Le carcinome canalaire infiltrant se caractérise en échographie par une lésion hypoéchogène, de forme irrégulière, avec des contours non circonscrits qui peuvent être indistincts, anguleux, micro-lobulés ou spiculés. Ses limites apparaissent sous la forme d’un halo échogène qui correspond à une zone de transition sans aucune délimitation brusque. Cette lésion peut être plus large que haute et une atténuation postérieure est souvent présente, notamment lorsque la lésion est très fibreuse ou stellaire à la mammographie. Cependant, il existe des aspects atypiques avec des cancers ayant une forme plutôt sphérique, des contours plutôt réguliers et une absence de modification du faisceau acoustique en arrière de la lésion, voire avec un renforcement postérieur. Ces aspects atypiques sont rencontrés dans les carcinomes de forme nodulaire en mammographie, essentiellement dans les carcinomes médullaires et mucineux, mais également dans les CCI communs, notamment de grade élevé. En pratique, il existe de très nombreuses variantes compte tenu de l’association ou non des signes décrits ci-dessus (2).Ces aspects variables sont liés à leur composition, à leur taille et à leur forme de croissance.
Le carcinome lobulaire infiltrant (CLI) La sensibilité de l’échographie est comprise entre 68 et 96 % pour ce type de cancer (9, 11, 18-22). L’apparition des sondes haute fréquence a permis d’améliorer très
Les carcinomes lobulaires infiltrants, les carcinomes canalaires … 173 nettement les résultats (sensibilité > à 85 %) et permet une analyse morphologique beaucoup plus fine des lésions. Pour S. Ciatto (23), la sensibilité de l’échographie dans les CLI est de 83 % comparable à celle des CCI. Pour T. Rissanen (20), la sensibilité de l’échographie passe de 78 % à 95 % en cas d’anomalies cliniques. L’aspect échographique le plus fréquemment rencontré dans les CLI est celui d’une masse solide, hypo-échogène, avec des contours non circonscrits, spiculés, anguleux ou micro-lobulés, sans caractère spécifique par rapport aux CCI typiques. Une atténuation postérieure associée à ce syndrome de masse est également rencontré dans plus de 45 % des cas. Pour P. Skaane (21), un signe important est la couronne hyper-échogène qui est présente dans 81 % de ces cas et qui, par ailleurs, présente une valeur prédictive élevée, notamment dans les seins graisseux. Dans l’étude d’E. Escolano (19), la lésion présente un grand axe perpendiculaire dans 41 % des cas. L’atténuation postérieure isolée est beaucoup plus rare, comprise entre 3 et 10 % (9, 21, 22). Des lésions échogènes ou hyper-échogènes ont été rapportées (18, 20, 21, 24) avec le plus souvent une atténuation postérieure associée. Dans la série de M. Framarino (25), 8 lésions sur 28 apparaissent sous la forme d’une structure glandulaire hétérogène, irrégulière. Ces anomalies parfois mal définies peuvent être difficiles à diagnostiquer. En cas d’anomalie clinique correspondante, cet aspect doit être considéré comme suspect. M. Harake (26) signale que les CLI, apparaissant sous la forme d’une asymétrie de densité ou d’une désorganisation architecturale en mammographie, donnent volontiers en échographie des zones hypo-échogènes, mal limitées, avec atténuation postérieure. Des lésions avec des contours réguliers ne sont pas rares, compris entre 7 et 15 % (9, 11, 18-20). L’échographie est en faveur de la bénignité dans 6 % des cas pour P. Skaane (21), situation non retrouvée dans la série de C. Chapellier (22). Pour R. S. Butler (11), il n’existe pas vraiment d’aspects échographiques différents suivant les différents sous-types de CLI. Tout au plus, rapporte-il un taux d’atténuation postérieure sans masse plus élevé dans le type « classique » (sous-groupe représentant 55 % des CLI purs) par rapport à l’ensemble des CLI, 33 % versus 15 %, et un taux de faux négatif plus élevé, 25 % versus 15 %. Les faux négatifs et les résultats indéterminés de l’échographie sont rencontrés essentiellement en cas d’asymétrie de densité et de désorganisation architecturale à la mammographie (18, 20). Dans la série de C. Chapellier (22) rapportant 102 cas, le taux de cancers sans traduction échographie est de 5 %, mais, lorsqu’une anomalie échographique est présente, celle-ci est toujours en faveur de la malignité. Toujours dans cette étude, dans 13 % des cas, le diagnostic de malignité a été posé uniquement par l’échographie. Par ailleurs, celle-ci a retrouvé une anomalie dans toutes les lésions palpables sans traduction mammographique. Lorsque la mammographie est normale, considérée comme indéterminée ou faiblement suspecte de malignité, l’échographie est en faveur de la malignité dans 67 % à 87 % des cas (11, 21, 22, 25). Pour C. Chapellier (22), le rôle de l’échographie dans les CLI est important en raison de sa sensibilité et de sa spécificité élevées. Pour S. M. Tan (27), l’échographie augmente de manière significative leur détection. R. S. Butler (11) signale cependant que la sensibilité de l’échographie est probablement surestimée puisque,
174 Cancer du sein dans les séries présentées, celle-ci est réalisée après avoir eu connaissance des résultats de l’examen clinique et de la mammographie. Deux études concernant exclusivement des CLI infra-centimétriques (28, 29) rapportent une sensibilité de l’échographie de respectivement 93 % et 80 %. Pour N. Evans (28), il s’agit de lésions infra-cliniques dans 87 % des cas. les anomalies échographiques sont essentiellement des masses hypo-échogènes avec des contours mal circonscrits, associées ou non à une atténuation postérieure. Pour B. Mesurolle (29), il s’agit dans tous les cas de masses à contours mal circonscrits avec atténuation postérieure, rarement à grand axe vertical (8 %), le plus souvent sphérique (75 %), voire avec un axe horizontal (17 %). Elles sont toujours hypo-échogènes, mais avec une composante échogène dans 17 % des cas. Cet auteur confirme que de petits CLI peuvent être détectés, mais que cette détection est facilitée par l’examen clinique (67 % de lésions palpables) et la mammographie concomitante, et qu’une atteinte multifocale peut être plus difficile à mettre en évidence. L’étude de J. N. Cawson (24) compare des carcinomes lobulaires et canalaires infiltrants détectés dans une campagne de dépistage de cancer du sein. Les anomalies échographiques rencontrées sont globalement équivalentes : il s’agit d’une masse avec des contours mal circonscrits dans la grande majorité des cas (89 % dans les CLI, 80 % dans les CCI) et présentent dans près de 90 % des cas une atténuation postérieure. Cependant, il est rapporté deux caractéristiques échographiques significativement différentes : les carcinomes lobulaires présentent plus souvent des échos intra-lésionnelles intenses (57 % versus 12 %) et sont moins souvent « plus hauts que larges » (25 % versus 58 %). Par ailleurs, la sensibilité de l’échographie dans les CLI est de 88 %. En résumé, la mammographie est, certes, l’examen primordial, mais l’échographie permet d’augmenter la détection des CLI. Elle prend toute son importance lorsque la mammographie est normale avec une anomalie clinique, lorsque l’anomalie mammographique correspond à une asymétrie de densité ou lorsque la mammographie est considérée comme indéterminée ou en faveur de la bénignité. Les aspects échographiques rencontrés sont le plus souvent en faveur de la malignité, sans grande différence avec les CCI. À noter cependant quelques particularités signalées par certains auteurs, comme des anomalies échogènes ou hyper-échogènes avec atténuation, une hétérogénéité du tissu glandulaire ou une zone hypo-échogène mal individualisée plus ou moins associées à une atténuation mais sans véritable syndrome de masse, et des lésions moins souvent à grand axe vertical, notamment lorsqu'elles sont de petite taille. Le deuxième intérêt de l’échographie est de pouvoir guider des prélèvements sur des lésions dont l’aspect mammographique rend difficile le repérage stéréotaxique (asymétries de densité, masses de faible densité, comparable à celle du tissu glandulaire).
Les carcinomes lobulaires infiltrants, les carcinomes canalaires … 175
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) Le carcinome canalaire infiltrant (CCI) Actuellement, l’IRM avec injection de produit de contraste est l’examen le plus sensible pour la détection des cancers invasifs (sensibilité > 95 %). Les aspects IRM des cancers infiltrants, décrits classiquement et concernant essentiellement les forme canalaires, sont les suivants (2) : il s’agit d’un rehaussement généralement précoce, intense, avec ensuite, soit une courbe dite « en plateau », soit un effet de « wash out » correspondant respectivement à une stabilisation ou à une baisse du rehaussement au cours du temps. L’effet de « wash out » est rencontré dans 50 à 70 % des cancers. Un rehaussement lent, c’est-à-dire n’atteignant pas son maximum dans les trois premières minutes, est retrouvé dans 12 % des cancers. Au plan morphologique, on retrouve le plus souvent un rehaussement focal réalisant une masse à contours irréguliers, parfois avec un aspect en cocarde, plus rarement de forme ronde bien limitée. Un rehaussement diffus sans syndrome de masse (de type nodulaire multifocal ou en taches confluentes, sans contours distincts) est retrouvé dans 10 à 15 % des cancers essentiellement de croissance diffuse.
Le carcinome lobulaire infiltrant (ClI) Une majorité de CLI présentent un aspect comparable à celui des CCI. Cependant ils peuvent présenter certaines particularités (30) : le rehaussement après injection de gadolinium peut être faible ou absent, modéré et retardé, avec un pic de rehaussement présent au-delà des trois premières minutes après le début de l’injection. Il peut apparaître sous la forme d’un rehaussement diffus. Pour S. P. Weinstein (31), A. Quayyum (32) et K. Schelfout (33), une masse unique hétérogène, à contours spiculés ou irréguliers, est présente dans 31 à 55 % des cas. Une masse principale avec des rehaussements micro-nodulaires adjacents est retrouvé dans 29 % des cas pour K. Schelfout (34). Un aspect de multiples petits foyers, ayant une répartition régionale, est décrit dans 40 et 61 % des cas (31, 32). Un rehaussement diffus régional ou segmentaire est présent dans 3 à 8 % des cas (31-33), dans 36 % des cas pour E. D. Yeh (34). Les faux négatifs de l’IRM dans les carcinomes lobulaires ne sont pas absents. Pour A. Quayyum (32), un carcinome lobulaire peut apparaître sous la forme d’un rehaussement multi-nodulaire ou d’un rehaussement peu intense, pouvant faire évoquer du tissu fibro-glandulaire. Néanmoins, sa sensibilité par rapport à la mammographie apparaît globalement supérieure, estimée à plus de 90 %, voire plus de 95 % (31, 35-37). Dans les études de M. L. Quan (38) et K. Schelfout (33) comportant respectivement 62 et 26 CLI, 15 % des cas présentaient une IRM positive, alors que l’imagerie standard était normale ou considérée comme bénigne. En résumé, l’IRM dans les CLI semble présenter quelques différences par rapport aux aspects classiques décrits dans les CCI, mais sa sensibilité reste cependant élevée. Elle a un intérêt diagnostique lorsque le bilan standard est pris en défaut.
176 Cancer du sein Néanmoins, son apport essentiel dans les CLI semble plutôt concerner le bilan d’extension local.
Imagerie et bilan d’extension local L’appréciation de la taille tumorale d’une éventuelle atteinte multifocale/multicentrique ou bilatérale, est essentielle pour la prise en charge thérapeutique des cancers du sein, et en particulier pour adapter le type de chirurgie (tumorectomie versus mastectomie). Cette appréciation apparaît comme difficile dans les CLI. Ainsi, si on considère les taux de marges positives après chirurgie conservatrice initiale, ceux-ci sont, d’une part élevés (compris entre 18 et 59 %), d’autre part supérieurs à ceux retrouvés dans les CCI (compris entre 7 et 43 %), chiffres rapportés par Moore (39). Nous avons des résultats comparables dans une population de cancers mammaires infracliniques diagnostiqués par biopsie sur table dédiée numérisée. En effet, les marges étaient considérées comme non saines dans 33 % des cas pour les CLI et dans 11 % des cas pour les CCI, avec comme conséquence un taux de reprise chirurgicale plus élevé. Dans les CLI, la taille tumorale est en général sous-estimée par l’imagerie standard. Ainsi, P. Skaane (21) a comparé l’évaluation de la taille lésionnelle par la mammographie et par l’échographie. Le taux de corrélation avec la taille histologique est de 0,59 pour la mammographie et de 0,69 pour l’échographie. Il existe donc une forte sous-estimation de la taille des CLI, notamment en cas d’atteinte histologique diffuse supérieure à 30 mm. Cette sous-estimation est plus importante que dans les CCI. C. Boetes (35) met également en évidence une sous-estimation de la taille tumorale par la mammographie et l’échographie, sous-estimation plus importante dans les CLI que dans les CCI. En effet, l’écart est respectivement de 37 et 5 % à la mammographie, de 43 et 9 % à l’échographie. Par comparaison, l’IRM donne respectivement un écart de 16 et 3 %. Une meilleure fiabilité de l’IRM pour apprécier la taille tumorale est également retrouvée dans l’étude de K. Munot (40), avec un taux de corrélation avec l’histologie de 0,967 pour l’IRM, de 0,663 pour la mammographie et de 0,673 pour l ‘échographie. Les carcinomes lobulaires sont considérés comme des cancers volontiers multifocaux et/ ou multicentriques et bilatéraux (41, 42). Les taux de multifocalité/multicentricité sont cependant variables, compris entre 9 et 18 % (3, 4, 7, 20) avec, pour F. E. Gamp (43), un taux de 50 % non corrélé à la taille de la lésion principale. Pour W. A. Berg (37), les CLI sont, par rapport aux CCI, plus fréquemment multicentriques (6,7 % versus 4,3 %), multifocaux (33 % versus 21 %) ou diffus (20 % versus 15 %). En cas de lésions multicentriques, le taux de faux négatifs est plus élevé, passant à 27 % pour 18 % en cas de lésions focales dans la série de K. N. Krecke (7). Pour de nombreux auteurs (35-38, 44-46), l’IRM est la meilleure technique d’imagerie pour détecter une atteinte multifocale/multicentrique. Ainsi, l’IRM a mis en évidence des lésions supplémentaires dans 22 % (38) et 34% des cas (33). Dans la série de C. Boetes (35), une multifocalité a été diagnostiquée 13 fois par l’IRM pour 4 fois par la mammographie. Pour W. A. Berg (37) et F. Diekmann (45), l’utilisation de l’IRM pour la détection de lésions multiples est beaucoup plus utile dans les CLI
Les carcinomes lobulaires infiltrants, les carcinomes canalaires … 177 que dans les CCI. Ainsi, dans l'étude de W. A. Berg (37) concernant l'apport de l'imagerie standard (mammographie, échographie) et de l'IRM dans le bilan préopératoire des carcinomes mammaires, la sensibilité de la mammographie est de 34 %, celle de l’échographie de 86 % et celle de l’IRM de 96 % dans les CLI, avec une différence de sensibilité entre les techniques nettement moins importante pour les CCI : 81 % pour la mammographie, 94 % pour l’échographie et 95 % pour l’IRM. Cette différence est notamment importante en cas de seins denses, pour lesquels la sensibilité de la mammographie est de 11 %, alors que l'IRM, mais également l'échographie, ne sont pas tributaires de la densité mammaire. Le taux de lésions bilatérales est également élevé dans les carcinomes lobulaires infiltrants, compris entre 17 et 36 % d'après J. E. Wheeler (47), moins important dans des séries plus récentes, entre 1,5 % et 23 % (3, 6, 7, 12, 40). Pour M. Harake (26), le risque de trouver un cancer controlatéral est deux fois plus élevé dans les CLI que dans les CCI. Le taux de lésions carcinomateuses controlatérales synchrones diagnostiquées uniquement par IRM est de 9 et 10 % pour M. L. Quan (38) et K. Munot (40). Les limites de l'IRM sont les faux positifs, avec une spécificité comprise entre 65 et 80 % quand on intègre la morphologie et la dynamique de la prise de contraste (46). Dans la série de M. L. Quan (38), il est rapporté 37 % de prises de contraste suspectes homolatérales et 39 % controlatérales avec respectivement un taux de lésions malignes de 58 % et de 25 %. Il existe donc un risque de surestimer l'extension tumorale, mais la plupart des auteurs signalent que, malgré ce risque, l'IRM présente un grand intérêt dans le bilan d'extension. Par ailleurs, l'IRM a de meilleurs résultats, en particulier de spécificité, lorsqu'il existe une forte probabilité de cancer ou lorsque la patiente présente un cancer synchrone. L'IRM a permis ainsi de modifier la prise en charge chirurgicale dans 24 à 50 % des CLI (31, 36, 37). En conclusion, les CLI sont un challenge pour le radiologue. En effet, leur diagnostic par l'imagerie standard apparaît plus difficile que celui des CCI carcinomes. Il nécessite un bilan sénologique complet et soigneux, associant la mammographie, l'échographie et, bien entendu, l'examen clinique. L'IRM est une technique complémentaire, utile en cas d'incertitude diagnostique, mais qui semble prendre toute sa valeur dans le bilan d'extension.
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Cancers canalaires et lobulaires : Quelles sont les différences pour l’anatomo-cyto-pathologiste ? J.-M. Guinebretière
Parmi les nombreux types histologiques différents que le cancer du sein comporte, les carcinomes canalaires et lobulaires se distinguent et souvent s’opposent sur différents critères pathologiques. D’abord la fréquence : Les carcinomes canalaires et lobulaires constituent les deux types histologiques les plus fréquents de cancers infiltrants du sein. La forme canalaire domine l’ensemble des types histologiques et représente plus de la moitié des types histologiques des carcinomes infiltrants. La forme lobulaire, seconde par sa fréquence, ne constitue que 5 à 10 % des cancers. Sa fréquence a toutefois augmenté par la reconnaissance de nouveaux sous-types auparavant rattachés aux formes canalaires. De plus, les traitements hormonaux, contraceptifs oraux (1) et surtout traitement hormonal substitutif (2, 3), ont également été incriminés dans l’augmentation préférentielle des formes lobulaires par rapport aux formes canalaires chez les femmes de plus de 50 ans.
Définition et aspect microscopique Le carcinome canalaire infiltrant tient son nom de l’origine présumée des cellules tumorales : selon les travaux de Wellings, la majorité des cancers naîtraient de la jonction entre canal galactophore terminal et lobules (4). Toutefois, il s’agit sur le plan histologique d’une définition par exclusion, ce carcinome ne devant présenter aucune caractéristique d’autres types histologiques individualisés (5). Il constitue ainsi un groupe hétérogène de tumeur. Le carcinome lobulaire infiltrant est constitué de cellules non cohésives (figure 1), se disposant isolément ou s’agençant de façon caractéristique en file indienne (5). Il est généralement associé à une composante lobulaire in situ. Cette définition recouvre uniquement la forme commune. De nombreux sous-types sont aujourd’hui identifiés, selon l’aspect cytologique des cellules carcinomateuses (histiocytoïde, à cellules indépendantes, pléomorphe, apocrine) et selon la disposition architecturale (tubulo-lobulaire, trabéculo-cordonnale, alvéolaire, solide).
182 Cancer du sein Le carcinome lobulaire dans sa forme commune associe un aspect cytologique et architectural caractéristique. Les cellules, peu nombreuses, sont généralement de petite taille, à noyaux arrondis et réguliers entre eux, et comportent des cytoplasmes peu abondants, souvent occupés par des vacuoles de mucosécrétion (figure 1). En raison de leur caractère non cohésif, les cellules infiltrent le tissu mammaire sous forme d’éléments isolés ou se groupent en file indienne (figure 2). L’activité mitotique est extrêmement faible et les emboles vasculaires rares (6). En immuno-histochimie, les carcinomes lobulaires sont caractérisés par la perte d’expression pour la cadhérine E (figure 2) alors que les autres formes, notamment canalaires, sont positives (7). La cadhérine E est une molécule exprimée dans les épithéliums qui est impliquée dans l’adhésion entre cellules. Sa détection par immuno-histochimie se révèle utile en cas de prélèvements de petite taille (microbiopsie) et lors de formes particulières, variantes ou forme mixte (8). Cette perte d’expression pour cette molécule d’adhésion s’accorde avec la faible cohésion des cellules infiltrant isolément, alors que la forme canalaire constitue des placards ou des tubes (9).
Figure 1 - Carcinome lobulaire infiltrant (HES x 40). La tumeur est formée de cellules de taille et de forme homogènes, isolées ou constituant des files indiennes.
Figure 2 - Carcinome lobulaire infiltrant (Cadhérine E, x 400). Le marquage par la cadhérine est visible sur les canaux galactophores normaux sous forme d’un marquage membranaire rouge. Le carcinome lobulaire, ici pléomorphe, est totalement négatif.
Cancers canalaires et lobulaires : Quelles sont les différences … 183 Le carcinome canalaire apparaît beaucoup plus hétérogène d’une tumeur à l’autre et au sein d’une même lésion. Il est généralement constitué de cellules de plus grande taille et irrégulières entre elles, pourvues de cytoplasme plus abondant et d’éosinophiles. Ces cellules sont plus cohésives, s’agençant tantôt en tubes, en travée ou en massifs, plus rarement adoptant une architecture syncitiale. La composante in situ, présente dans plus de 80 % des cas, est généralement intracanalaire (figure 3).
Figure 3 - Carcinome canalaire infiltrant (HES x 50). Les cellules tumorales s’agencent en tubes et canaux dont l’aspect est assez similaire aux canaux galactophores normaux. Elles infiltrent le tissu normal et la graisse, entourée d’une stroma réaction fibro-élastosique et s’accompagnent d’une composante intracanalaire de type massif
Une particularité du carcinome lobulaire consiste en la rareté des calcifications qui lui sont associées : celles présentes sont souvent situées dans des lésions bénignes d’accompagnement comme des kystes ou de l’adénose, parfois secondairement colonisées par le carcinome. Très rarement, des calcifications s’observent dans la composante lobulaire in situ lorsque celle-ci est importante, étendue aux canaux galactophores, et comporte une comédonécrose (10). Cette rareté, par rapport aux autres formes, fait considérer que le carcinome lobulaire, qu’il soit in situ ou infiltrant, n’induit pas de calcifications. Les variantes du carcinome lobulaire sont nombreuses et d’individualisation plus récente. En fait, ces aspects sont fréquemment rencontrés mais minoritaires et associés à la forme commune qui représente généralement plus de 70 % de la surface tumorale. Ces formes correspondent d’abord à des aspects cytologiques particuliers : – la variante apocrine, formée de grandes cellules dont les abondants cytoplasmes sont éosinophiles et granuleux et les noyaux centrés par un nucléole proéminent ; – la forme histiocytoïde est constituée de cellules plus allongées, à noyaux excentrés et à cytoplasmes abondants mimant des histiocytes (11) mais dont l’expression des marqueurs épithéliaux et des récepteurs hormonaux permet de classer comme carcinome (12) ;
184 Cancer du sein – enfin, la forme pléomorphe, aux cellules à l’anisonucléose marquée et à l’activité mitotique souvent importante (figure 4). C’est cette variante qui peut surexprimer Her2 (13).
Figure 4 - Carcinome lobulaire infiltrant, variante pléomorphe (HES x 400). Cette forme se caractérise par de plus grandes cellules tumorales, à cytoplasme abondant, à noyau irrégulier, avec de nombreuses mitoses. Un infiltrat lymphocytaire est ici associé à la tumeur.
Ces trois formes ont une disposition architecturale et un mode d’extension identique à celui de la forme commune. Les autres variantes correspondent à des carcinomes formés de cellules de type lobulaire, mais de disposition architecturale différente (figure 5) – soit sous forme de travées, de tubes, d’alvéoles (14) – massive (15) ou associant des tubes (16). Leur plus grande densité cellulaire et leur « stromaréaction » plus abondante constituent, à l’inverse de la forme commune, un nodule plus ou moins bien délimité pouvant se palper, être visible en imagerie et s’individualiser sur la pièce opératoire. L’âge de survenue de ces variantes histologiques est discuté selon les séries, survenant pour certains chez des patientes plus âgées, pour d’autres chez des patientes plus jeunes que la forme commune.
Figure 5 - Carcinome lobulaire infiltrant variante alvéolaire (HES x 400). La tumeur est constituée par des cellules dont l’aspect cytologique est de type lobulaire mais qui se disposent en alvéoles ou en petites travées. La cadhérine E est négative.
Cancers canalaires et lobulaires : Quelles sont les différences … 185
Mode d’extension et stroma réaction Le mode de propagation du carcinome lobulaire dans sa forme commune est également caractéristique : les cellules infiltrent les lobules mammaires, les canaux, la graisse, le muscle sous-jacent sans les détruire et en induisant de minimes modifications. Elles se propagent le long des canaux et des axes vasculo-nerveux qu’elles préservent, ne constituant pas un nodule, mais une lésion faite de multiples prolongements en continuité (figure 6). Cette particularité explique le caractère multicentrique et multifocal rapporté au carcinome lobulaire. L’infiltration insidieuse des cellules est responsable de l’absence de tumeur visible facilement identifiable en clinique, en imagerie et en macroscopie. La lésion se traduit à un stade tardif par une plage indurée, se démarquant du tissu mammaire normal, généralement mal délimitée et dont la taille est souvent inférieure à l’extension des lésions appréciée en microscopie. Les signes cliniques et radiologiques tardifs et l’infiltration insidieuse expliquent la taille plus grande de cette variété tumorale au moment du diagnostic. La stroma-réaction est modérée, principalement fibreuse et pauvre en vaisseaux, en comparaison avec la forme canalaire.
Figure 6 - Carcinome lobulaire infiltrant (HES x 25). La tumeur infiltre le tissu fibro-adipeux et les structures glandulaires normales, se propage le long des canaux et des vaisseaux mais sans les détruire ce qui respecte l’architecture normale du sein.
Ce caractère peut en partie expliquer la prise de contraste faible ou non caractéristique parfois observée en IRM et en scanner après injection de produit de contraste. La stroma-réaction, pauvre en éléments inflammatoires, entoure les cellules mais respecte également les structures préexistantes. À l’inverse, le carcinome canalaire infiltrant se propage aussi de proche en proche, mais détruit progressivement les structures qu’il infiltre, remplacées progressivement par la stroma-réaction abondante fibreuse ou inflammatoire (figure 7). Lorsqu’elle est fibreuse, les fibres hyalines qui la constituent ont une capacité élastique qui assure une attraction du tissu mammaire (bandes fibreuses) constituant les spicules. En cas de stroma-réaction inflammatoire ou vasculaire, la tumeur tend à refouler le tissu mammaire et constitue un nodule plus ou moins bien délimité.
186 Cancer du sein Cette stroma-réaction est riche en vaisseaux, anormaux sur le plan fonctionnel et microscopique, à l’origine d’une plus grande perméabilité qui se traduit par une prise de contraste rapide en IRM et scanner après injection de produit de contraste.
Figure 7 - Carcinome canalaire infiltrant (HES x 50). Le tissu normal, essentiellement adipeux, est progressivement détruit lors de l’infiltration tumorale, remplacé par la stroma-réaction ici fibro-élastosique et par les éléments carcinomateux.
Facteurs pronostiques Le grade SBR Il avait été conçu à l’origine pour permettre de différencier au sein du grand nombre de carcinomes canalaires ceux ayant des pronostics différents afin de pouvoir leur appliquer des traitements différents (17). Puis son utilisation s’est progressivement étendue aux autres formes histologiques après avoir prouvé qu’il conservait sa valeur pronostique (18). Ses critères se sont précisés afin d’améliorer sa reproductibilité (19, 20). En considérant uniquement le carcinome lobulaire de forme classique, le grade histopronostique SBR s’avère presque constant, évalué à SBR 2 (3 pour la différenciation, 2 pour l’anisonucléose et 1 pour l’activité mitotique) en raison du grand monomorphisme de la tumeur. L’évolution du carcinome lobulaire (survie globale et sans rechute) est similaire à celle des carcinomes de grade SBR 2. Toutefois la constance du grade SBR assure une moins bonne discrimination au sein de l’ensemble des carcinomes lobulaires des tumeurs ayant une évolution plus favorable ou péjorative, évolution que l’on doit prédire en utilisant les autres facteurs comme l’envahissement ganglionnaire, la taille, l’état des récepteurs hormonaux, etc. Deux exceptions au grade SBR doivent être signalées pour le carcinome lobulaire : – la variante pléomorphe qui est constituée de cellules de plus grande taille, à l’anisonucléose et l’activité mitotique plus marquées la faisant classer généralement comme SBR 3. Son pronostic est plus péjoratif que celui de la forme commune
Cancers canalaires et lobulaires : Quelles sont les différences … 187 (21;22), avec des taux de récidives et métastases élevés, proche de ceux des tumeurs de grade SBR 3. – la forme tubulo lobulaire : la présence d’une différentiation tubuleuse permet de classer cette forme comme un SBR 1. Son évolution est aussi plus favorable que la forme commune, équivalente à celle des carcinomes canalaires de grade SBR 1, mais toutefois moins bon que les formes tubuleuses pures (16).
Envahissement ganglionnaire Il n’est pas rapporté de différences importantes pour la fréquence de l’envahissement ganglionnaire axillaire, inférieure de 3 à 10 % pour le carcinome lobulaire ni pour le nombre de ganglions métastatiques entre ces deux types histologiques. Pourtant l’infiltration ganglionnaire des carcinomes lobulaires est particulière : elle s’effectue sous forme de cellules isolées débutant au niveau des sinus périphériques, réalisant un aspect dit réticulé. La petite taille des cellules et leur régularité les rendent difficiles à distinguer des cellules ganglionnaires normales, en particulier les histiocytes sinusaux. La présence de ces envahissements est sous-estimée, comme le montrent les études immuno-histochimiques qui identifient jusqu’à 30 % des métastases supplémentaires (23, 24). Toutefois, ces envahissements ganglionnaires minimes détectés seulement par immuno-histochimie semblent ne pas avoir de valeur péjorative par rapport à la forme canalaire (24, 25), si bien que l’immunomarquage n’est pas recommandé systématiquement pour les curages axillaires. Par contre, l’immuno-histochimie est indispensable pour la technique du ganglion sentinelle car la découverte de micrométastases, voire de cellules tumorales isolées à une valeur prédictive pour le risque d’envahissement du reste du curage axillaire et conduit à réaliser un curage axillaire complet (26, 27).
Emboles vasculaires Leur présence est particulièrement rare dans le carcinome lobulaire malgré le taux presque équivalent de métastases ganglionnaires et même en cas de volumineux ganglions métastatiques. Cette rareté tient probablement à la difficulté de les détecter microscopiquement en raison du caractère unicellulaire de l’infiltration à la différence du carcinome canalaire qui forme des placards ou massifs, plus facilement identifiables dans la lumière des vaisseaux qu’ils distendent.
Récepteurs hormonaux Le carcinome lobulaire exprime plus fréquemment les récepteurs hormonaux que la forme canalaire (28), récepteurs aux estrogènes à des taux variant de 70 % à 95 % suivant les séries et pour la progestérone de 60 % à 70 % (figure 8). Les taux sont plus élevés avec la technique immuno-histochimique comparée à la technique biologique. Celà tient à la faible densité cellulaire de la tumeur par rapport au reste du tissu et à la difficulté de repérer la zone tumorale par le pathologiste. La forme
188 Cancer du sein
Figure 8 - Carcinome lobulaire infiltrant (Récepteurs progestérone x 400). Les noyaux des cellules carcinomateuses apparaissent presque tous marqués en marron, avec des intensités différentes alors que les noyaux des cellules normales, fibroblastes et lymphocytes ne sont pas marqués, apparaissant bleus.
alvéolaire serait la plus fortement positive alors que la variante pléomorphe la plus faiblement marquée (29). Le carcinome lobulaire ne comporte peu ou pas d’anomalie de la p53 ni d’hyperexpression d’her2 ou d’anomalie de l’apoptose (30).
Extension métastatique Les extensions métastatiques du carcinome lobulaire infiltrant sont aussi fréquentes que celles des carcinomes canalaires, à des sites communs comme l’os, le poumon, le foie, mais avec une fréquence plus faible (31, 32). De façon plus caractéristique, il peut se localiser aux séreuses, à la plèvre mais surtout au péritoine et aux méninges et envahir par contiguïté un ou plusieurs organes de voisinage, les ovaires (Krukenberg), ou l’estomac. Leur développement peut s’effectuer en surface ou bien infiltrer en profondeur et induire alors une symptomatologie évoquant une deuxième tumeur primitive comme un carcinome à cellules indépendantes de l’estomac ou un carcinome mucosécrétant de l’ovaire. L’antécédent de carcinome lobulaire précédemment diagnostiqué doit par principe faire envisager la possibilité de métastase et faire réaliser une étude immuno-histochimique qui permet généralement de rattacher la nouvelle localisation à la tumeur mammaire grâce à la forte positivité des récepteurs hormonaux et des cytokératines de bas poids moléculaire. Une localisation rare du carcinome lobulaire, plus particulière à la forme histiocytoïde, répond à la paupière. C’est cette localisation rare, révélatrice dans la série princeps, qui a permis d’identifier cette variante (11), dont le diagnostic microscopique est difficile. La lésion mammaire primitive est d’identification souvent difficile et nécessite un bilan d’imagerie complet intégrant l’IRM ou le scanner.
Cancers canalaires et lobulaires : Quelles sont les différences … 189
Conclusion Bien que les carcinomes canalaires et lobulaires soient les deux formes les plus fréquentes de cancer infiltrant du sein, d’agressivité sensiblement comparable, ils s’opposent sur de nombreux points. Ainsi, la forme lobulaire voit son incidence augmentée par l’exposition aux différents traitements hormonaux. L’infiltration du tissu mammaire qu’elle occasionne est majeure, dépassant souvent les estimations cliniques et radiologiques, à l’origine des tailles importantes observées. Ses caractéristiques biologiques sont celles d’une tumeur bien différenciée, faible taux de prolifération, forte expression pour les récepteurs hormonaux, absence d’anomalie de la p53, de la voie d’apoptose ou d’hyperexpression d’Her2. Les sites métastatiques diffèrent également avec une prédilection pour les séreuses (péritoine, méninges) pour la forme lobulaire. Enfin, il semblerait que cette forme réponde moins bien à la chimiothérapie que la forme canalaire en néo-adjuvant (33, 34). Toutes ces différences inciteraient à développer des attitudes thérapeutiques et des modalités de surveillance différentes.
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Cancers lobulaires et canalaires invasifs : étude comparative descriptive et évolutive M. Tubiana-Hulin et D. Stevens
Introduction Les carcinomes lobulaires invasifs représentent 4 à 15 % des carcinomes mammaires. L’aspect morphologique typique se caractérise par une infiltration de cellules rondes isolées ou en file indienne, peu cohésives, ne déclenchant qu’une faible réaction stromale et entourant des structures anatomiques non modifiées. Cette particularité explique que la tumeur se présente peu fréquemment comme une masse distincte, pouvant être de diagnostic clinique et radiologique difficile. De surcroît, ce phénotype explique probablement une partie des différences observées, par rapport au carcinome canalaire de forme commune, quant à l’évolution métastatique et la réponse au traitement.
Caractéristiques clinico-pathologiques et évolutives enregistrées dans le dossier médical du centre René-Huguenin (CRH) Les cancers du sein lobulaires invasifs (CLI) et les cancers du sein canalaires invasifs (CCI) pris en charge, traités et suivis au CRH entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 2002, n’ayant eu aucune tumeur préalable et ayant fait l’objet d’un enregistrement systématique prospectif, ont été extraits de la base de données. Les formes mixtes CLI/CCI et les formes histologiques particulières des carcinomes mammaires, dont les formes indifférenciées, ont été exclues de l’analyse. Une comparaison statistique des caractéristiques cliniques, anatomo-pathologiques, biologiques et des traitements a été réalisée. Une mise à jour des données évolutives des CLI a été faite en août 2004. L’actualisation du devenir des CCI n’a pu être complétée à ce jour. Le sous-groupe des patientes atteintes de cancers lobulaires et canalaires invasifs, traitées par chimiothérapie première au cours de la même période, a fait l’objet d’une mise à jour en août 2004.
194 Cancer du sein La comparaison des groupes a été faite par le test du KHI 2. Les courbes de survie ont été faites selon la méthode de Kaplan Meier. L’étude a porté sur 1 062 cas de CLI et 7 424 cas de CCI, soit une incidence comparée de 12 %. L’âge moyen des patientes (58,2/57) ans n’est pas significativement différent, avec un âge médian identique de 56 ans. Les caractéristiques cliniques différent statistiquement pour la taille clinique, la répartition TNM, le nombre de formes bilatérales et le nombre de formes métastatiques d’emblée et leur répartition. Dans l’ensemble, les CLI étaient de taille plus importante que les CCI : les T3 représentaient 11,6 % versus 6,5 % (p < 0, 0001), alors que la répartition des N était à la limite de la signification les N1-N2, représentant 19 % versus 21,8 %. Des métastases d’emblée au bilan initial étaient plus fréquentes dans les CLI (32 cas) : 3 % versus 1,7 % (129 cas) (p = 0,003). De surcroît, la répartition des métastases était significativement différente : prédominance des métastases osseuses (62,5 %), suivies des métastases ganglionnaires (18,8 %) et des métastases multiples dans 12,5 % des cas de CLI ; 31,8 % de métastases osseuses, 27,1 % de métastases multiples, 24 % de métastases ganglionnaires, les métastases pulmonaires et hépatiques représentant respectivement 7,8 % dans les CCI. La tumeur mammaire était unilatérale dans 89,5 % des cas versus 94,6 % au diagnostic, bilatérale synchrone (6 % versus 2,7 %) (p < 00001), bilatérale métachrone pour 4 % dans les CLI (non appréciable dans les CCI du fait de la mise à jour incomplète). La notion de poussée évolutive (Pev 1, 2, 3) n’était pas significativement différente entre les deux groupes.
Caractéristiques anatomo-pathologiques et biologiques Une différence significative a été observée pour la taille macroscopique, la plurifocalité/multicentricité, la fréquence de l’in situ associée à la lésion invasive, la présence de récepteurs hormonaux. La taille moyenne des CLI est de 25,3 mm (2-150 mm) versus 21,2 mm (1-30 mm) (p < 0, 0001). Une tumeur unifocale était retrouvée dans 66,8 % versus 82 %, alors que les lésions étaient plurifocales dans 33,2 % versus 18 % des CCI (p < 0,00001) (il faut noter que les notions de plurifocalité et de multicentricité ont été enregistrées dans le dossier médical sous le même item et ne peuvent donc être différenciées). Les CLI étaient dans 57,3 % des carcinomes invasifs purs, alors que les CCI l’étaient dans 73,8 % des cas. L’existence d’un contingent in situ associé s’avère beaucoup plus fréquent dans les CLI, 42,7 versus 26,2 % (p < 0,00001). Les récepteurs hormonaux, mesurés par les méthodes biochimiques ou immuno-histochimiques (exclusivement à partir de 1998), étaient positifs pour RE et RP dans 60 % des CLI et 56,8 % des CCI. Il est particulièrement notable que 90,3 % des CLI avaient au moins un récepteur hormonal positif versus 78,6 % des CCI, avec en corollaire 9,7 % des récepteurs entièrement négatifs versus 21,4 % (p < 0,00001) ; Le grade SBR s’est avéré beaucoup moins performant dans l’analyse des CLI que des CCI, puisque le grade II était attribué dans 81,3 % versus 44,3 % des
Cancers lobulaires et canalaires invasifs : étude comparative … 195 cas (p < 0,00001). Les grades III représentaient respectivement 8,6 % versus 29,9 % (p < 0, 00001). Le MSBR, qui prend en compte les éléments nucléaires du grade SBR, montre que 90,5 % des CLI appartiennent au MSBR 1 (faiblement prolifératif) versus 56,7 % des CCI (p < 0, 00001). L’étude de KI 67 chez 313 patientes atteintes de CLI confirme la fréquence élevée des formes peu proliférantes (valeur-seuil de < 25 %, < à la valeur-seuil de 25 % dans 78,3 % des cas. L’étude de Her2 par immuno-histochimie était positive (Her2+++) dans 5 cas sur 130 tumeurs testées, soit 3,1 %, alors que la fréquence constatée au CRH est globalement de 10 à 15 % pour l’ensemble des carcinomes mammaires.
Les traitements chirurgicaux initiaux Une différence significative est observée pour le type de chirurgie mammaire, alors que les modalités du curage ganglionnaire et le statut ganglionnaire ne sont pas statistiquement différents. 900 CLI et 6 501 CCI ont eu une chirurgie première. Une mastectomie a été réalisée dans 52 % versus 37 % (p < 0,001). Une reprise chirurgicale en deux, voire trois temps (5 cas), a été nécessaire dans 25 % des cas des CLI versus 19 % des CCI. Un curage axillaire (32,5 % versus 30 %) et un curage sous-pectoral (67,5 % versus 70 %) ont été associés au geste mammaire ; le nombre de ganglions prélevés était en moyenne de 12,7 pour une médiane de 12. Les N- représentaient 55,2 % des CLI versus 57 % des CCI, avec un nombre moyen de N+ de 4,4 versus 3,8 avec un nombre médian de N+ de 2 versus 2.
Les traitements adjuvants CLI 644 patientes ont eu une radiothérapie externe, dont 407 une irradiation de la paroi et des ganglions, 237 du sein ou de la paroi seule et 76 patientes ont eu un surdosage par curiethérapie. 321 patientes (36 %) ont eu une chimiothérapie adjuvante comportant une anthracycline dans la majorité des cas (14 CMF), de quatre à six séquences. 469 patientes (51 %) ont eu une hormonothérapie adjuvante, tamoxifène (443), antiaromatases (11), blocage ovarien (9).
CCI 5 225 patientes ont eu une radiothérapie externe, 643 avec un surdosage par curiethérapie ; 3 259 ont concerné le sein ou la paroi thoracique et les aires ganglionnaires (62 %). 41 % ont eu une hormonothérapie adjuvante, 40 % une chimiothé-
196 Cancer du sein rapie adjuvante. La différence est significative avec plus de chimiothérapie adjuvante réalisée dans les CCI (p = 0,01) et plus d’hormonothérapie adjuvante dans les CLI (p = 0,0001).
Évolution des cancers lobulaires non métastatiques au diagnostic Afin de disposer d’un recul suffisant, les courbes de survie ont été réalisées pour les patientes recrutées avant le 1er janvier 2002. Seules les patientes indemnes de métastase au diagnostic ont été prises en compte, soit 910 patientes. Le délai de surveillance médian est de soixante-trois mois, avec une valeur moyenne de soixante-dix mois. 184 patientes ont présenté au moins un événement : une récidive locale ou loco-régionale isolée a été observée dans 48 cas, et 12 cas ont été concomitants à une métastase. 124 cas ont présenté une métastase seule. 107 décès ont été observés, dont 84 patientes des suites de leur cancer du sein. 9 patientes sont décédées des suites d’un autre cancer. Le taux de récidive loco-régionale après tumorectomie a été de 6 % et après mastectomie de 4,6 %. Les courbes de survie établies par la méthode de Kaplan Meier montrent des taux de survie sans événement de 84,8 % (IC 82,1-87,5) à soixante mois et de 73,6 % (IC 69,3-78) à cent vingt mois, et des taux de survie globale de 93 % à soixante mois (IC 95 %-91,1-95) et de 80,9 % à cent vingt mois (IC 95 % = 76,885,1). La répartition des métastases au premier événement a montré des localisations osseuses isolées dans 43 % des cas (71), hépatiques dans 9,7 % des cas (16), ganglionnaires dans 4,8 % des cas (8), pulmonaires dans 2,4 % des cas (4), cérébrales dans 2,1 % des cas (3), autres dans 11 % des cas (18) et multiples dans 27 % des cas (45). Les métastases d’autres sites étaient péritonéales, ovariennes, vésicales, souscutanées, méningées).
Carcinomes lobulaires et canalaires traités par chimiothérapie première Pendant la période de l’étude, 860 carcinomes mammaires ont été traités par chimiothérapie première hors protocole ou dans le cadre de protocoles successifs. Il s’agissait de 118 CLI et 742 CCI. L’âge moyen des patientes était de 53 ans avec une médiane de 52 ans dans les CLI versus 49,6 ans médiane 49 ans dans les CCI (p < 0,0001). La répartition TNM était significativement différente avec plus de tumeurs volumineuses pour les CLI : T3 (38,1 % versus 21,4 %) et T2 (45,9 % versus 54,3 %) (p < 0,007). À l’inverse, les N0 étaient plus fréquents dans les CLI (55,9 % versus 43,3 %)alors que les pev 2 et 3 étaient plus rares : 5,9 % versus 11,8 % (p = 0,01). Les récepteurs hormonaux montraient, comme dans le groupe global, une différence très significative des RH+, plus fréquents dans les CLI 65,5 % versus 38,8 %
Cancers lobulaires et canalaires invasifs : étude comparative … 197 alors que les RH - étaient 4 fois plus fréquents dans les canalaires (10,9 % versus 40,4 %). Les chimiothérapies néo-adjuvantes dans les 118 CLI comportaient une anthracycline dans 99 cas, dans 19 cas (16 %) une taxane associée à une anthracycline ; le nombre de cures pré-opératoires a été de 3 (AVCMF), 4 (AC, FEC 60, AT (taxol), AT (taxotère), FAC) ou 6 (FEC100). 4 patientes ont reçu deux lignes successives pré-opératoires : AC→ 5FU- Cis platyl, FEC 100→ taxotère. Dans les CLI, la chirurgie initiale a été une tumorectomie dans 55 cas et une mastectomie dans 63 cas ; une reprise chirurgicale a été faite dans 19 cas (34 %) ayant abouti dans 18 cas à une mastectomie et dans 1 cas a une tumorectomie élargie, soit 82/118 mastectomies (70 %). L’histologie après chimiothérapie a montré des lésions invasives persistantes dans 116 cas sur 118 (99 %), soit 1 % de réponse pathologique complète. Les ganglions étaient atteints dans 87 cas, indemnes dans 30 cas (25 %) sur 117 curages (le nombre moyen de ganglions atteints était de 4,4 avec 51 % > 3). En postopératoire, une chimiothérapie adjuvante a été faite dans 15 cas (12 %) (protocole préétabli : AVCMF chirurgie AVCMF), 109 patientes ont eu une radiothérapie externe et 88 patientes ont reçu une hormonothérapie. Dans les CCI, 742 patientes ont reçu une chimiothérapie avec anthracycline, 12 % des taxanes avec ou sans anthracycline. La chirurgie a été une mastectomie dans 355 cas, une tumorectomie dans 385 cas, avec reprise chirurgicale dans 36 cas (9 %), soit au total 52 % de mastectomies et 48 % de chirurgies conservatrices. L’histologie après chimiothérapie a montré l’absence de lésions invasives dans le sein et les ganglions dans 9 % des cas. Les ganglions étaient négatifs dans 37 % des cas (274) et montraient un envahissement persistant dans 462 cas (63 %). Le nombre moyen de ganglions envahis était de 4,2 et le nombre moyen de patientes ayant un envahissement ganglionnaire > 3 était de 43 %, moins important que dans les lobulaires (51 %), sans atteindre la signification statistique. Une radiothérapie externe a été faite dans 712 cas (95 %). 90 patientes ont eu une chimiothérapie adjuvante (12 % dont 4 % en protocole préétabli) et 49 % une hormonothérapie adjuvante. Ainsi, une différence significative a été observée entre les deux groupes concernant la conservation mammaire et le taux de réponse pathologique : la conservation mammaire a été faite dans 30 % des CLI versus 48 % et la reprise chirurgicale a été nécessaire dans 35% versus 9 % des cas. Au surplus, la stérilisation tumorale n’était obtenue que dans 1 % des CLI pour 9 % des cancers canalaires, et l’envahissement ganglionnaire tumoral persistant (> 3) était discrètement plus fréquent dans les CLI. Contrairement à l’effet observé sur la tumeur primitive, l’évolution de ces deux sous- groupes traités par chimiothérapie néo-adjuvante a montré un intervalle libre sans événement et une survie globale significativement meilleurs pour les CLI à soixante mois : survie sans événement (SSE : 76,5 % (IC 95 % (66,2-84,4) versus 60,8 % (56,6-64,8) ; survie globale (SG).
198 Cancer du sein
Commentaires Fréquence croissante des cancers lobulaires Une augmentation de l’incidence globale des cancers du sein a été notée dans les registres américains. Une augmentation de fréquence des cancers lobulaires par rapport aux carcinomes canalaires a été notée dans les grandes séries à partir de 1985. Au CRH, elle est passée de 3,6 % avant 1985 à 9 % de 1985 à 1999 et à 12 % dans cette dernière série de 1990 à 2002. La raison précise n’est pas élucidée, bien que l’idée habituellement admise est que la reconnaissance de ce type histologique par les pathologistes se soit affinée, aidée dans certains cas par l’immuno-histochimie (14, 33). Une autre hypothèse est avancée dans l’étude de Li (23), réalisée à partir des registres américains du SEER des cancers mammaires entre 1977 et 1995, avec une analyse complémentaire comparant trois périodes : de 1977 à 1980, de 1987 à 1989 et de 1993 à 1995. Les auteurs constatent chez les femmes ménopausées de plus de 50 ans, entre 1977-1980 et 1993-1995, une augmentation de l’incidence des CLI plus rapide que celle des cancers canalaires ; au-delà de 60 ans, l’accroissement des CLI est deux fois plus marquée que celui des autres types histologiques. Cette différence d’incidence entre les femmes de moins de 50 ans et au-delà n’est pas en faveur d’une simple différence de reconnaissance diagnostique, mais plutôt de l’introduction d’un autre facteur étiologique, en l’occurrence les effets du traitement substitutif combiné estroprogestatif, dont l’impact sur la survenue des CLI a été rapporté (29).
Comparaison des séries publiées et de notre série La sélection des groupes étudiés et comparés varie d’une série à l’autre pour la caractérisation des lobulaires purs et du groupe contrôle : extraction de la base de données (26, 33, 35, CRH), relecture des lames des cas sélectionnés lobulaires (8,38), voire application systématique des méthodes immuno-histochimiques de caractérisation en rétrospectif (25). De même, le groupe contrôle a été défini comme canalaire invasif pur (1, 38), ou « carcinomes autres que lobulaires « (33), avec un troisième groupe pour les formes mixtes canalaires et lobulaires (33). De telles différences peuvent aussi être notées dans le recueil des variables (grade, récepteurs…). Ceci peut expliquer certaines divergences des résultats. Dans les lobulaires invasifs, les caractéristiques habituelles sont une taille tumorale clinique, mammographique et macroscopique plus importante au diagnostic (1, 26, 33), une multifocalité /muticentricité (22) et bilatéralité (6, 16), une prédominance des bas grades histopronostiques et de la positivité des récepteurs estrogéniques (1, 7), un mode évolutif plutôt favorable et un profil métastatique particulier. Un âge moyen plus élevé est habituel, non retrouvé dans notre série. La prise en charge se caractérise par la plus grande fréquence des chirurgies non conservatrices (non constatée dans la série de Curie) et du traitement adjuvant anti-hormonal administré.
Cancers lobulaires et canalaires invasifs : étude comparative … 199
Évolution et profil métastatique L’évolution globale des CLI diffère peu de celle des carcinomes canalaires (1, 7, 33) ou apparaît plus favorable (35, 38), mais le profil métastatique est différent. Cette particularité a été bien montrée par l’étude de Harris et al. en 1984 (13) qui ont publié les premiers la capacité des CLI à s’étendre vers des sites inhabituels : péritoine et rétro-péritoine, viscères creux et lepto-méninges. Dans une étude autopsique portant sur 261 cas, Lamovec et al. (19) ont comparé les localisations métastatiques dans ces deux types de cancer : aucune différence significative n’a été trouvée pour les sites métastatiques habituels, en dehors d’un nombre plus élevé de localisations pulmonaires dans les CCI, alors que les localisations péritonéales, des viscères creux, des organes génitaux, des leptoméninges (20) et du myocarde étaient significativement plus fréquentes dans les CLI. Les auteurs ont revu plus particulièrement 67 cas de carcinomes mammaires avec atteintes gynécologiques, des séreuses ou intra-péritonéales. Dans l’ensemble, les CLI se caractérisaient par une infiltration diffuse de ces organes, proche de celle observée dans les lymphomes, alors que l’atteinte était plus souvent nodulaire dans les CCI. Ces localisations particulières s’observent plutôt en fin d’évolution métastatique et peuvent passer inaperçues cliniquement. Plusieurs études cliniques montrent, elles aussi, des différences dans le profil métastatique : dans une étude américaine (2) portant sur 2 605 carcinomes mammaires dont 14 % étaient des CLI, les sites gastro-intestinaux, gynécologiques, péritonéaux, surrénaliens et médullaires étaient significativement plus fréquents dans ce dernier type histologique, alors que les sites pulmonaires étaient moins fréquents que dans les CCI. Il faut noter que les courbes de survie étaient identiques. L’étude de l’institut Curie portait sur 96 CLI comparés à 2 749 CCI. Le site de la première métastase dans les CLI était plus fréquemment osseux (50 % versus 38,5 %) ou de siège inhabituel (peau, péritoine, ovaires méninges) (34,4% versus 9,9 %) et plus fréquemment pulmonaire dans les CCI (9,4 % versus 29,9 %). Les métastases multiples synchrones, de même, étaient plus fréquentes dans les CLI (25 % versus 15,8 %) (p = 0,01). Les auteurs n’ont pas mis en évidence de relation entre le sous-type histologique du carcinome lobulaire et le profil de diffusion métastatique. En 2004, l’étude publiée par Arpino (1), portant sur 4 140 patientes atteintes de CLI comparées à 45 169 patientes atteintes de CCI, confirme à nouveau les particularités de la diffusion métastatique.
Prise en charge thérapeutique Le diagnostic difficile conduisant souvent à la découverte d’une tumeur plus volumineuse, la multifocalité/multicentricité (6, 9), les difficultés de l’étude des marges au cours de l’acte chirurgical (10, 35), expliquent la fréquence plus élevée des mastectomies et des reprises chirurgicales dans les CLI que dans les CCI : dans notre étude, 52 % des patientes avec CLI ont eu une mastectomie, dont 25 % après reprise
200 Cancer du sein chirurgicale, comparées à 37 % des patientes avec CCI, avec 19 % de reprise chirurgicale. D’autres séries ont des conclusions identiques (17, 22). Le bien-fondé du traitement conservateur a été mis en doute par quelques auteurs (24, 27). En pratique, si les règles de la conservation reste bien respectée (taille tumorale inférieure à 30 mm, marges saines et suffisantes, de 5 à 10 mm), le taux de récidive locale n’apparaît pas supérieur à celui observé dans les autres formes histologiques (26, 30, 33). De surcroît, l’étude de Nantes (30) montre que les tumeurs lobulaires invasives de moins de 20 mm, de grade faible et sans atteinte ganglionnaire, traitées de façon conservatrice, avaient un taux moindre de rechute que les autres carcinomes mammaires. Ceci recoupe notre expérience, puisque le nombre de récidives locales ou loco-régionales, dans notre série, n’apparaît pas significativement différent dans le groupe traité par tumorectomie ou dans celui traité par mastectomie. De même, la technique du ganglion sentinelle ne paraît pas contre-indiquée dans les cancers lobulaires (4), bien que la positivité du ganglion sentinelle soit plus souvent détectée par immuno-histochimie (3) que par l’examen morphologique.
Chimiothérapie première La prise en charge des cancers mammaires invasifs volumineux s’est modifiée au cours des dernières années, avec le recours de plus en plus fréquent à un traitement médical premier, surtout chimiothérapique, comportant, le plus souvent, une anthracycline. Cette stratégie s’est avérée équivalente, en terme de survie, au traitement classique chirurgical suivi de chimiothérapie adjuvante, mais permet d’accroître le chiffre de conservation mammaire. De surcroît, la réponse clinique et surtout pathologique est corrélée à la survie et peut être en partie un substitutif à l’effet du traitement sur la survie. Plusieurs études publiées ont montré la moindre efficacité des chimiothérapies, en cas de récepteurs hormonaux positifs, de prolifération faible, enfin du type histologique lobulaire (5), que la chimiothérapie comporte ou non des taxanes. Notre série, qui porte sur 800 patientes traitées de façon consécutive de moins de 70 ans et sans pathologie autre majeure, traitées par des chimiothérapies diverses, utilisées au centre depuis 1990, montre des résultats identiques à ceux publiés par le M D Anderson (Christofanelli, in press) et l’institut GustaveRoussy (25). L’étude du M D Anderson porte sur 900 patientes dont 122 patientes avaient un carcinome lobulaire (12 %) : les auteurs notent une tendance à un âge un peu plus élevé, un pourcentage plus élevé de récepteurs positifs (92 % versus 62 %), un grade nucléaire plus faible (grade nucléaire 3 : 16 % versus 56 %) et un pourcentage plus élevé de stades III B et C. La réponse complète pathologique a été significativement moindre : pCR (3 % versus 15 %, p < 0,001) et un nombre plus élevé de ganglions positifs > 3 a été retrouvé au curage. Cependant, les courbes de survie à soixante-dix mois montrent une survie sans rechute et une survie globale meilleure que dans le groupe canalaire. De même, l’étude de L’IGR (25) porte sur 457 patientes ayant une tumeur T2 > 3 cm à T4 traitées entre 1987 et 1995. 38 cas (8, 3 %) correspondaient à des carci-
Cancers lobulaires et canalaires invasifs : étude comparative … 201 nomes lobulaires. Les récepteurs hormonaux positifs et les grades I et II étaient significativement plus fréquents. Aucun d’entre eux n’a présenté une réponse complète pathologique, alors qu’elle était observée dans 9 % des cas. Il a été observé dans une étude multivariée que le type histologique lobulaire est un facteur indépendant de mauvaise réponse à la chimiothérapie, et de moindre chance de conservation mammaire. De même, une tendance à une meilleure survie est constatée dans le groupe lobulaire. En conclusion, ces résultats convergents paraissent montrer que la chimiothérapie première n’est pas une stratégie satisfaisante dans la majorité des cancers lobulaires invasifs. La place de l’hormonothérapie première doit être élargie, en l’attente des résultats des études génomiques ou protéomiques permettant d’autres ciblages des traitements.
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Breast cancer with HER 2 overexpressed. From laboratory to clinical practice S. Menard
BIOLOGY OF HER2 HER2 (also known as erbB2) and its relatives HER1 (epidermal growth factor receptor; EGFR), HER3 and HER4 belong to the HER family of receptor tyrosine kinases. A large family of ligands (reviewed in(1) induces receptor dimerization, with each ligand favoring some dimeric combinations over others in a specific hierarchical order, with a marked preference for HER2 as a dimer partner (2,3). In normal cells, activation of this receptor tyrosine kinase family triggers a rich network of signaling pathways that control normal cell growth, differentiation, motility and adhesion in several cell lineages (4-8). The formation of heterodimers and the ensuing activation are temporary and spatially controlled in normal cells and tissue, but dysregulation of this network due to increase expression levels of HER2 (9,10) provided a growth advantage. Indeed, overexpression of HER2, which occurs in about 25% of breast cancers (11), activates the “survival” pathway, and favors cell proliferation (10,12-14). The tumorigenic action of HER2 is not limited to a potential proliferative effect. In fact, HER2 has been shown to be a metastasis-promoting factor. Changes in HER2 levels and in its activation by different EGF-like and heregulins (HRGs) ligands have been associated with increased invasiveness in vitro and a more metastatic phenotype in vivo. Notwithstanding the abundance of studies on the biology of HER2 and its receptor family, many pathways interacting with HER2 are still not fully understood or exploited for therapeutic purposes.
HER2 OVEREXPRESSION IDENTIFIES A PARTICULAR SUBSET OF BREAST CARCINOMAS The availability of new molecular biology techniques has allowed a new subset classification of breast carcinomas based on the gene expression profile revealed by microarray analysis (15,16). HER2 overexpression, which is associated with overex-
206 Cancer du sein pression of other genes that are probably co-amplified in the same amplicon, together with a series of other co-expressed genes, has been reported to identify a particular subset of tumors characterized by the lack of expression of genes associated with hormone receptor signaling pathway; high-level expression of a cluster of genes associated with proliferation; and expression of keratins related to undifferentiated stem cells (17-19). These findings suggest a pattern of gene expression peculiar to HER2-expressing tumors, and raise the possibility that all the clinical features thus far associated with HER2, e.g., prognosis, prediction of response to therapy, might actually be related to the biological behaviors of the subset and not directly to the presence of the oncoprotein. For example, sensitivity to anthracyclins might be related to the growth characteristics of the HER2-expressing subset rather than to the HER2 receptor pathway itself, as also suggested by in vitro studies (20).
RISK FACTORS AND HER2 The 3 well-defined risk factors for breast carcinomas development are not related with the onset of this subset of tumors. Indeed, tumors genetically-determined by Brca1 and Brca2 mutations display no alteration in HER2. Also hormone-related risk factors are not relevant for HER2-positive tumors. Indeed, in patients from ‘protected’ group, as for example those with more than 3 children and those with late menarche, the frequency of HER2 positivity increases since the total number of tumors in lower (protected group) with no reduction of those with HER2 (21). Also irradiation, the third variable known to be associated with breast carcinoma appears to be not involved in HER2 overexpression. Indeed, in a small series of breast carcinomas from patients irradiated for Hodgkin lymphoma, no noteworthy increase in HER2 positivity was observed. It seems therefore that the cause of HER2 amplification is still to be identified. Since HER2 overexpression is more frequent in young patients, these tumors are likely associated with an early event during the life (Figure 1).
Figure 1 - HER2-positivity according to age at diagnosis
Breast cancer with HER 2 overexpressed. From laboratory to clinical… 207
HER2 STATUS ASSESSMENT IN TUMORS Since HER2 identifies a particular subset with peculiar progression, it is important to identify it correctly. The advent of standardized, FDA-approved tests for protein overexpression by immunohistochemistry (IHC) or gene amplification by FISH (Figure 2) has led to an overall improvement in HER2 status assessment (22-25) as indicated by several quality control studies performed around the world (26-28). However, evaluation even with standardized IHC methodology has demonstrated still some difficulties in the HER2 status determination, mainly in the tumors with intermediate expression (2+) and the HER2 signature may help in these cases. Stability of HER2 amplification has been recently questioned (29) but new more convincing data are required.
Figure 2 - Immunohistochemistry score 3+, 2+ and Neg. and FISH with amplification
HER2 STATUS IN PROGNOSIS Various clinical studies have evaluated the relationship between HER2 and breast cancer outcome, and most have shown that women with HER2-positive tumors have a poorer prognosis than women with HER2-negative tumors (30-32). However, while the prognostic value of HER2 amplification/overexpression in node-positive patients has been widely demonstrated, there is no consensus on its value in node-negative cases (33-36). Although a few studies on small series have shown some prognostic impact of HER2-positivity in node-negative patients,
208 Cancer du sein others, including our study of a large cohort of node-negative cases, argue against a prognostic role for HER2 in this patient subset (Figure 3) (37). Accordingly, in a recent microarray analysis to identify genes associated with poor prognosis (poor signature) and good prognosis (good signature) in node-negative patients, HER2 was not included in the 70 prognostic genes identified (38). In any event, the prognostic impact of HER2-positivity is related only to the first 3-4 years after surgery, as indicated by the peak of early recurrences (37). The reasons for the early recurrences in HER2-positive tumors have been suggested to rest in events occurring at time of surgery. Indeed, growth factors released during wound-healing (39,40) have been shown to preferentially stimulate the growth of HER2-positive tumors (41). These growth factors are more likely to have a stimulatory effect in patients with disseminated micrometastasis (node-positive patients) of an HER2-positive tumor, which might also explain the prognostic impact of HER2 according to nodal status.
Figure 3 - Hazard rate of relapse according to nodal status and HER2. A: N-, HER2-; B: N+, HER2- ; C : N+, HER2- ; D : N+, HER2+
HER2 AND SURGERY The level of growth factors of the EGF family in post-surgical sera from breast carcinoma patients has been shown to correlate with surgical invasiveness (42). To determine whether the growth of tumors overexpressing HER2 is affected by the extent of surgery, HER2 status of primary tumors from node-positive patients included in a randomized clinical trial addressing conservative versus invasive surgery was analyzed retrospectively using immunohistochemistry and the standar-
Breast cancer with HER 2 overexpressed. From laboratory to clinical… 209 dized Herceptest. Survival analysis according to surgery indicated no differences in HER2-negative cases but an earlier onset of relapse for HER2-positive patients who underwent mastectomy in comparison to those who had conservative surgery (Figure 4). This indicates that invasive surgery can be detrimental for patients with HER2-positive breast tumors. In keeping, also early local relapses after conservative surgery were found more frequently in HER2-positive tumors, suggesting again that they are anticipated by surgery.
Figure 4 - Survival according to type of surgery and HER2-positivity
210 Cancer du sein
HER2 AND PREDICTION OF RESPONSE TO THERAPY There is considerable interest in biologic markers able to predict the response of cancer patients to therapy. HER2 overexpression has been implicated as a potential indicator of responsiveness to doxorubicin. Indeed, the study by the Cancer and Acute Leukemia Group B (CALGB) of node-positive patients randomly allocated to three dose levels of CAF (cyclophosphamide, doxorubicin and fluorouracil) (43), as well as the study by Paik et al. (44) from the National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project (NSABP) examining the effect of doxorubicin in node-positive patients, and others (45) indicated that administration of doxorubicin was of significant benefit in HER2-positive tumors but without any beneficial effect in HER2negative tumors. Contrary to expectations based on most previous studies, HER2-positive tumors were recently shown to benefit from cyclophosphamide, methotrexate, and fluorouracil (CMF) treatment (46,47); however addition of doxorubicin to the CMF regimen further improved survival only in patients with HER2-positive tumors (Figure 5) (48). Also addition of taxanes provides a preferential benefit to patients with HER2-positive tumors (49). HER2-positivity has been related to endocrine therapy unresponsiveness, even in hormone receptor-positive patients (50,51). The recent observation that the level of expression of estrogen receptor is inversely correlated with HER2 expression (52), together with clinical data indicating that only high estrogen receptor-expressing tumors are sensitive to the antiestrogen reagent tamoxifen (53), likely explain the tamoxifen-resistance of HER2positive tumors. Furthermore, a cross-talk between hormones and growth factors has been identified (54,55) and the increase HER2 expression on the tumor cell
Figure 5 - survival according to adjuvant treatment and HER2-positivity. -- CMF
CMF+DXR ;
Breast cancer with HER 2 overexpressed. From laboratory to clinical… 211 membrane is observed after treatment with Tamoxifen might explain the detrimental effect of Tamoxifen on survival of patients with HER2-positive tumor. Surpringly, anti-aromatase treatment was found more active on HER2-positive tumors (56), indicating that the mechanism of action of this new hormone therapy as far from being fully understood.
HER2 AS A TARGET FOR THERAPY Passive immunotherapy Differential levels of HER2 expression in normal versus HER2-overexpressing tumor cells, together with the clear involvement of HER2 in tumor progression, make HER2 an ideal target for therapeutic approaches. The therapeutic activity of the antibody directed against HER2 (trastuzumab or Herceptin), has been evaluated as a single agent given before (57) or after (58) traditional chemotherapy, and in combination with a variety of chemotherapy agents (59), in women with HER2overexpressing metastatic breast cancer. The results indicated a therapeutic benefit of addition of trastuzumab to the therapeutic protocol. A recent study has also shown that preoperative trastuzumab in combination with other chemotherapeutic agents was active against HER2-overexpressing early-stage breast cancer (60,61). Thus, trastuzumab has become a standard of care for women with HER2-overexpressing metastatic breast cancer and its clinical efficacy seems to be clear, even though cardiac toxicity when given in association with anthracyclins must be kept in mind (62,63). However the in vivo mechanism(s) of action of this reagent is not completely understood, and analyses of trastuzumab activity in experimental models have evidenced at least three different possible mechanisms: HER2 downregulation, antibody-dependent cell cytotoxicity (ADCC), and alteration of vessel development. In vitro treatment of HER2-overexpressing breast carcinoma cell lines with trastuzumab resulted in downmodulation of the receptor and inhibition of tumor growth (64,65). Indeed, trastuzumab induces obligate formation of HER2 homodimers, leading to an increase of ligand-mediated endocytosis of the receptor and, consequently, to significant removal of HER2 from the plasma membrane and decreased receptor-initiated constitutive signaling (65-67). In contrast, the activity of trastuzumab examined in animal models was found to depend on the engagement of Fc-receptor expressing lymphocytes (68), indicating ADCC as the major mechanism of antibody action. In FcRg+/+ nude mice injected subcutaneously with HER2-overexpressing human breast carcinoma cells, trastuzumab treatment resulted in near-complete (96%) inhibition of tumor growth. This protective effect was reduced more than 50% after disrupting the antibody’s ability to engage cellular Fcg receptor or in antibody-treated FcRg-/- mice. Clearly, the precise delineation of trastuzumab mechanism of action in patients is essential for the design of more successful antibody treatment protocols in breast carcinoma patients. In a pilot study on 11 patients treated with trastuzumab in neoadjuvant setting, a role of patients’lymphocytes in the clinical response was clearly underlined but larger series are required to definitively understand the mechanism of action of the antibody (69). Nevertheless, If the major mechanism is ADCC, the combination of trastu-
212 Cancer du sein zumab with immunosuppressive chemotherapeutic drugs requires optimal timing of trastuzumab delivery to enable rescue of ADCC effectors such as NK cells after chemotherapy. In that context, clinical studies have demonstrated a synergistic action between trastuzumab and the drug taxane (59), which induces suppression of adaptive immunity, but selectively increases NK activity (70). To improve therapeutic activity, stimulation of NK activity might also be considered, utilizing cytokines or “danger signals” such as unmethylated CpG-oligodeoxynucleotides that enhance innate immunity (71). Active immunotherapy Although HER2 is generally indicative of a poor prognosis, its overexpression is associated with a better outcome when inflammatory infiltrates are present in the tumor, suggesting a role for HER2 in tumor immunosurveillance (72-74). In keeping, development of HER2-specific antibodies has been documented in patients with primary HER2-positive tumors (75-77), and T cells reactive to HER2 were found to occur in patients with HER2-positive tumors (78), confirming the immunogenicity of the molecule. HER2-derived vaccines have been used in efforts to redirect immunity to induce rejection of HER2-positive tumors (79-81). Immunization regimens of active immunotherapy have been devised that generate specific T cell responses with or without accompanying antibody responses and are currently being tested in animal models or in clinical trials (79,80,82-84). Immunotherapeutic strategies such as immunization with MHC class I- and class II-restricted HER2-specific peptides with or without adjuvants, HER2 DNA, HER2 recombinant protein, and dendritic cells loaded with HER2 peptides are now being tested in animal models and phase I clinical trials (79,80,85,86). The vaccine preparation consisted of HER2 peptides containing putative T-helper epitopes and
Figure 6 - Incidence of mammary carcinoma in HER2-transgenic mice. ÇHER2 DNA vaccinated-mice; 3 cm Scholl et al. (43) Powles et al. (44)
T1-3
Wolmark et al. NSABP B-18 (34)
1 523 Tous opérables
Van der Hage et al. EORTC (45)
698 T1-4 ; N0-1
E : epirubicine, Ve : vinblastine, V : vincristine, F : 5-fluoro-uracile, M : méthotrexate, A : adriamycine, Mi : mitomycine, C : cyclo-phosphamide, Mx : mitoxantrone, Tam : tamoxifène, T : thiotepa.
284 Cancer du sein Nous retiendrons donc comme principale indication standard de chimiothérapie adjuvante toute patiente devant recevoir un traitement par chimiothérapie adjuvante et pour laquelle un traitement chirurgical carcinologique esthétique n’est pas envisageable d’emblée. Une taille tumorale de 3 cm ou plus est classiquement retenue (voir moins pour des seins de faible volume). Dans cette indication, il reste toutefois à évaluer l’élément essentiel, qui est la satisfaction clinique des patientes en ce qui concerne cette stratégie, en y intégrant la conservation mammaire et la qualité de cette conservation.
Traitements anti-hormonaux En ce qui concerne les patientes n’ayant pas d’indication à une chimiothérapie adjuvante ou ayant une contre-indication à l’utilisation d’une chimiothérapie, cinq essais thérapeutiques ont été publiés, évaluant tous de façon randomisée le tamoxifène par rapport à la chirurgie suivie ou non de tamoxifène chez des patientes opérables âgées de plus de 70 ans (tableau 3). Tableau 3 - Essai comparant le tamoxifène à la chirurgie première dans le traitement du cancer du sein de la femme âgée de plus de 70 ans ayant des tumeurs opérables d’emblée carcinologiquement. Auteurs Gazet et al. (48)
Nombre de patientes
Taux d’échec local
Survie
116 tumeurs opérables
Tamoxifène : 25 %
Pas de différence à 3 ans
Chirurgie : 38 %
Bates et al. (49)
354 tumeurs opérables
Tamoxifène : 28 % Chirurgie, puis tamoxifène : 12 %
Pas de différence à 3 ans
Mustacchi et al. (50)
473 tumeurs opérables
Tamoxifène : 25 % Chirurgie, puis tamoxifène : 6 %
Pas de différence à 3 ans
Willsher et al. (51)
147 Tumeurs opérables
Tamoxifène : 32 %
Pas de différence à 10 ans
131 Tumeurs opérables
Tamoxifène : 81 %
Robertson et al. (52)
RTX : 4 %
Mastectomie : 38 %
Pas de différence à 2 ans
Il ne s’agit pas d’essais princeps dit de première génération car l’ensemble de ces essais n’évalue pas tant l’apport du traitement anti-hormonal par tamoxifène en pré-opératoire que l’abstention du traitement loco-régional dans une population de
Les indications « standards » et « non standards » des traitements… 285 patientes ou l’espérance de vie est potentiellement grevée par d’autres pathologies que le cancer. Par ailleurs, deux essais de « nouvelle » génération ont comparé l’apport des inhibiteurs de l’aromatase par rapport au tamoxifène dans l’objectif d’une conservation mammaire après traitement anti-hormonal néo-adjuvant. Ces trois essais sont en faveur d’une supériorité du traitement par anti-aromatases après trois mois de traitement (52, 53). Enfin, aucun essai prospectif randomisé utilisant un protocole de chimiothérapie standard et un traitement anti-hormonal de référence ne compare ces deux stratégies néo-adjuvantes.
Facteurs prédictifs de réponse Les indications « standards » retenues concernant l’approche néo-adjuvante tant pour la chimiothérapie que pour les traitements anti-hormonaux sont à pondérer en fonction : – de l’objectif fixé (conservation mammaire ou qualité de vie chez le sujet âgé) et donc du degré de satisfaction perçu par les patientes (jamais évalué en situation néoadjuvante…) ; – des facteurs prédictifs de réponse aux traitements par chimiothérapie et aux traitements anti-hormonaux. En ce qui concerne les facteurs prédictifs de réponse aux traitements anti-hormonaux, deux éléments sont connus et indiscutables : – les traitements anti-hormonaux n’ont d’intérêt que chez les patientes ayant un cancer avec la présence de récepteurs hormonaux ; – l’utilisation des anti-aromatases permet un taux de conservation mammaire supérieur (52, 53). En ce qui concerne les facteurs prédictifs de réponse à la chimiothérapie sont connus, mais pour certains discutables (54, 55) : – la taille tumorale (plus elle est petite plus la tumeur est chimiosensible) ; – le grade histo-pronostique, le nombre de mitose, le grade nucléaire élevé ou le degré de prolifération tumorale (plus il est élevé, plus la tumeur est chimiosensible) ; – la positivité des récepteurs hormonaux (plus il est élevé moins la tumeur est chimiosensible) ; – le type histologique (chimio-sensibilité accrue du type canalaire) ; – la surexpression de HER2, la mutation de p53 et l’expression de Bcl2 sont encore discutées. La plupart de ces facteurs ont été évalués en ce qui concerne la sensibilité au traitement et plus particulièrement en ce qui concerne la chimiothérapie néo-adjuvante en vue de l’obtention d’une réponse complète histologique. Toutefois, ces facteurs prédictifs de non-réponse peuvent être en soi des facteurs pronostiques favorables sur la survie comme cela a été récemment montré pour le type histologique lobulaire (56). En effet, les cancers lobulaires sont moins chimiosensible, mais leur
286 Cancer du sein survie reste meilleure du fait d’un profil évolutif plus favorable et d’une hormonosensibilité plus fréquente.
Indications non standards des traitements néo-adjuvants Il découle des indications « standards » que les tumeurs non candidates à une chirurgie carcinologique conservatrice après traitement néo-adjuvant ou les tumeurs candidates à une chirurgie conservatrice d’emblée ne sont pas des indications « indiscutables » de traitement néo-adjuvant. Toutefois, limiter les indications des traitements néo-adjuvants au seul objectif de la chirurgie conservatrice reviendrait à exclure l’intérêt majeur de l’approche néo-adjuvante dans l’évaluation de la réponse aux traitements systémiques en phase non métastatique.
Patientes non candidates à un traitement conservateur malgré une chimiothérapie néo-adjuvante Nous avons vu que le premier modèle clinique ayant permis de démontrer l’intérêt des chimiothérapies néo-adjuvantes sur la survie était celui des cancers inflammatoires qui sont en théorie une indication formelle à une mastectomie. L’utilisation de moyens diagnostiques de plus en plus sensibles en ce qui concerne l’évaluation de l’extension tumorale pré-opératoire amène à mieux définir les candidates indiscutables à une chirurgie conservatrice, mais également génère potentiellement des « sur-traitements » (57). En effet, la découverte de seconds foyers suspects à l’IRM doit être histologiquement documentée avant de récuser un traitement néo-adjuvant, mais également replacée dans le contexte de l’existence connue de très petites lésions pour lesquels la radiothérapie et le traitement systémique administrés auront un impact certain indépendamment de l’exérèse chirurgicale (58). Dans ce cas, l’indication du traitement néo-adjuvant doit certainement prendre en compte les facteurs prédictifs de réponse aux traitements, afin de ne pas « surtraiter » une patiente qui n’aura même pas de bénéfice esthétique apporté par cette stratégie.
Patientes candidates à une chirurgie carcinologique conservatrice d’emblée C’est à cette population que les perspectives de développement des stratégies néoadjuvantes s’adressent en premier. On se rappellera des critères d’inclusion dans les deux essais néo-adjuvants du NSABP B-18 et du B-27 incluant toutes les patientes opérables, même celles pouvant avoir une chirurgie conservatrice d’emblée. On se rappellera également que les patientes dans ces essais, ayant une réponse complète histologique après traitement néo-adjuvant, ont une meilleure survie globale
Les indications « standards » et « non standards » des traitements… 287 (18, 34). Ceci est probablement expliqué par les travaux fondamentaux à l’origine du concept de chimiothérapie néo-adjuvante (59). L’objectif initial de l’essai B-18 était de démontrer un gain en survie par cette approche par rapport à l’approche adjuvante, en ayant un contrôle pré-opératoire sur la maladie micro-métastatique, mais également sur la tumeur native pouvant libérer des facteurs d’inhibition ou de croissance tumorale. Elle n’a pu le démontrer que pour les patientes jeunes(18). Encadrer le geste opératoire par un traitement systémique ayant une action préventive sur les micro-métastases a, non seulement été validé à grande échelle (60), mais redevient d’actualité avec la meilleure compréhension de l’impact de la libération de facteurs de croissance en péri-opératoire (61). Ce concept, même s’il a été moins exploré, est valide également avec les traitements anti-hormonaux (59). Dans ce cas, à l’inverse du précédent, l’indication du traitement néo-adjuvant doit certainement prendre en compte les facteurs pronostiques de réponse aux traitements afin de ne pas « sous-traiter » une patiente pour laquelle le bénéfice esthétique du traitement conservateur risque de s’effacer par rapport au devenir évolutif systémique de la maladie.
Conclusion : « La chimiothérapie néo-adjuvante est à l’oncologue ce que la canne est à l’aveugle. » La principale frustration de l’oncologue est d’appliquer aux patientes opérées d’un cancer du sein invasif une chimiothérapie qui, dans un tiers des cas, ne servira à rien car les patientes ont déjà été guéries par le chirurgien et le radiothérapeute et, dans un autre tiers des cas, conduira à une récidive malgré le traitement. Aveugle dans cette situation, il l’est, mais l’oncologue doit-il rester sourd ? La mise en évidence d’une corrélation forte dans la plupart des grands essais de chimiothérapie néo-adjuvante entre le taux de réponse complète anatomo-pathologique et la survie au long cours offre la possibilité d’évaluer de façon précoce l’impact des traitements systémiques sur la survie au long cours et de sélectionner des schémas de traitement en fonction de cet objectif (7, 8). Il permettra, par ailleurs, de pondérer cet impact en fonction du pronostic propre de la tumeur (indépendamment de la chimiothérapie reçue, comme dans le cas des carcinomes lobulaires invasifs) (56). Le développement des thérapeutiques ciblées actuelles (car n’oublions pas que les traitements anti-hormonaux, mais également les chimiothérapies, ont des cibles identifiées…), est associé à une évaluation biologique exponentielle ayant pour principal objectif de mettre en évidence des facteurs prédictifs de réponse et de nonréponse à ces traitements. L’utilisation de « modèles » cliniques, permettant d’évaluer la biologie de la tumeur, sa modification après traitement et également l’impact de celui-ci sur le contrôle de la maladie, semble essentielle (62). Mieux que tout modèle biologique in vitro ou in vivo, l’approche néo-adjuvante offre ces possibilités. Les objectifs des oncologues resteront identiques : permettre le maximum de guérison, chez des patientes de mauvais pronostic ; mais l’objectif des traitements sera peut-être différent, non plus la conservation à tout prix, mais la
288 Cancer du sein démonstration, soit de l’éradication, soit d’un contrôle optimal de la maladie. La fin des traitements à l’aveugle est peut-être possible…
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Depuis 1982, au centre Jean-Perrin, les patientes porteuses d’un cancer du sein opérable, mais de volume important, ne permettant pas une chirurgie conservatrice, sont d’emblée traitées par une chimiothérapie néo-adjuvante. Celle-ci a évolué au fil du temps avec cinq phases II successives en fonction de l’arrivée des drogues majeures du cancer du sein (tableau 1). Initialement, le choix de la combinaison des agents cytotoxiques s’est porté naturellement sur le protocole alors appliqué en situation adjuvante, à savoir le protocole AVCF, combinant sur plusieurs jours adriamycine, vincristine, cyclophosphamide et 5-fluoro-uracile (tableau 1). En effet, cette polychimiothérapie avec anthracyclines était en passe de montrer son efficacité dans une étude française multicentrique randomisée du groupe Oncofrance (AVCF versus CMF). Le bénéfice du protocole AVCF appliqué en adjuvant s’est, du reste, confirmé à long terme. Le méthotrexate a été ajouté au début à l’AVCF sans qu’aucun bénéfice clinique supplémentaire n’ait été observé ; il a été supprimé du protocole par la suite. 167 patients ont été traités par AVCF ± M (1-6). Avec la démonstration de l’efficacité de la vinorelbine (Navelbine®) en situation métastatique, nous avons développé en 1991 un protocole de deuxième génération de chimiothérapie néo-adjuvante, le protocole NEM combinant Navelbine®, épirubicine et méthotrexate, administrés en J1 et en J8 (tableau 1). La toxicité de cette combinaison s’est avérée acceptable. Les résultats immédiats ont été tout à fait satisfaisants avec 90 % de réponses partielles objectives (RPO) et un taux de conservation mammaire de 87 %, tandis que le taux de réponses complètes pathologiques (pRC) a, pour la première fois, dépassé la barre des 10 % (très exactement 14 %) selon la classification de B. Chevallier (3) chez 89 patientes (7). Une troisième génération de protocoles de chimiothérapie néo-adjuvante a pu naître grâce à la démonstration de l’efficacité des facteurs de croissance hématopoïétiques pour intensifier la chimiothérapie conventionnelle. Nous avons repris le squelette du protocole le plus ancien, c’est-à-dire l’AVCF, et remplacé la vincristine par la vinorelbine (Navelbine®), plus hématotoxique, et nous avons remplacé l’adriamycine par la THP-adriamycine. Du fait d’une moindre cardiotoxicité de cet analogue, nous avons pu utiliser une dose double d’anthracycline (60 mg/m2 sur trois
294 Cancer du sein jours au lieu de 30 mg/m2 dans le protocole AVCF). Et pour optimiser l’intensification de cette combinaison, nous avons raccourci l’intercure à quinze jours. Cependant, étant donné le risque d’aplasie et ses conséquences infectieuses graves, ce protocole dit TNCF (tableau 1) a été réservé aux formes les plus graves des cancers du sein opérables. Nous avons sélectionné pour cela 69 patientes présentant au moins trois des sept caractéristiques suivantes : un jeune âge, une taille tumorale de plus de 3 cm (les tumeurs de ces patientes avaient une taille médiane de 4,2 cm par évaluation clinique ou de 3,7 cm par évaluation échographique), une atteinte ganglionnaire axillaire clinique (49 N1 et 6 N2), un grade III SBR (32 des 60 carcinomes canalaires invasifs), une phase S de plus de 5 % (29 fois sur 32 évaluations, réalisées par cytométrie en flux), des récepteurs hormonaux négatifs (32 sur 53 étudiés) ou un statut pré-ménopausique (85 % des patientes). Ce protocole de troisième génération s’est révélé très efficace : augmentation significative du taux de pRC à 34 % selon la classification de Chevallier, chiffre qui représente le taux le plus important qui soit publié dans la littérature (5). Toute notre expérience est basée sur six cures de chimiothérapie avant chirurgie. Tableau 1 - Protocoles de chimiothérapie néo-adjuvante réalisés au centre Jean-Perrin de 1982 à 2002. Protocole (nb de patientes)
Cytostatiques
Doses (mg/m2)
Cycle
Adriamycine Vincristine Cyclophosphamide Fluoro-uracile Méthotrexate
30 1 300 400 20
J1 J1 J2 à J5 J2 à J5 J2 à J4
28
Vinorelbine Epirubicine Méthotrexate
25 35 20
J1 et J8 J1 et J8 J1 et J8
28
THP-adriamycine Vinorelbine Cyclophosphamide Fluoro-Uracile
20 25 300 400
J1 à J3 J1 et J4 J1 à J4 J1 à J4
Vinorelbine Epirubicine Paclitaxel
25 35 175
J1 et J8 J1 et J8 J9
21
TXT (86)
Docetaxel
100
J1
21
FEC 100 (40)
Fluoro-uracile Epirubicine Cyclophosphamide
500 100 500
J1
21
AVCF ± M (166)
NEM (112) TNCF* (69)
NET (50)
* Suivi de facteur de croissance hématopoïétique GM-CSF ou G-CSF pendant dix jours.
Intervalle (jours)
21
Chimiothérapie néo-adjuvante… 295 Enfin, avec l’avènement des taxanes dans le traitement du cancer du sein métastatique, nous avons réalisé deux autres essais thérapeutiques en situation néo-adjuvante : – un essai docétaxel (Taxotère-TXT), monothérapie à la posologie optimale de 100 mg/m2 pour un nombre optimal de six cures. Il s’agit d’une étude conjointe avec le CHU de Tours (P. Bougnoux) : 86 patientes on été incluses. Un taux de 21 % de pRC a été observé ; – un essai avec les trois familles majeures du traitement du cancer du sein dans une même association, le NET (Navelbine®, epirubicine et Taxol®). 35 patientes ont été incluses. Alors qu’un taux important de réponse objective a été observée en échographie (87 %), la pRC n’a été que de 13 % selon la classification de B. Chevallier, mais l’analyse faite selon D. M. Sataloff (8) donne un taux plus élevé de 21 % (9). Par ailleurs, 40 patientes ont été traitées par FEC 100 ; il s’agissait des patientes qui n’avaient pas été incluses dans l’un des cinq protocoles d’essais de phase II (10). Ainsi, l’expérience de vingt années de chimiothérapie néo-adjuvante au centre Jean-Perrin a cumulé 523 patientes, d’un âge médian de 49 ans dont 55 % non ménopausées, avec des tumeurs de 40 mm de diamètre moyen, de stade II pour 75 % d’entre elles, de stade III pour 25 %, de type carcinome canalaire invasif dans 80 % des cas, de grade I SBR dans 15 % des cas, de grade II dans 50 % des cas et de grade III dans 35 %. Quant à l’efficacité de cette chimiothérapie d’induction évolutive depuis 1982 : – en terme de réponse tumorale, la réponse a été évaluée par trois méthodes : clinique, échographique et mammographique. L'évaluation échographique est pour nous la plus fiable ; elle est de surcroît assez bien corrélée à la réponse pathologique : en cas de réponse complète échographique, 50 % des tumeurs solides seront en pRC ; à l'inverse, une absence de réponse ou une réponse partielle échographique sera sanctionnée par la persistance de tissu tumoral en histologie ; – en terme de survie, avec un recul médian de 15,1 années pour le protocole AVCF ± M (extrêmes : 7,4 à 22,1), un recul médian de 9,29 ans pour le NEM (extrêmes : 1,7 à 12,4) et un recul médian de 9,8 ans pour le TNCF (extrêmes : 2,2 à 13), il est possible d’apprécier la survie à cinq ans et à dix ans pour les trois protocoles de chimiothérapie première ; la survie globale (figure 1) et la survie sans rechute (figure 2) sont superposables quel que soit le protocole de chimiothérapie première utilisé. Nous ne montrons pas ici la survie des protocoles NET, TXT et FEC 100 qui ont un recul insuffisant. Au total, la réponse tumorale observée au centre Jean-Perrin est conforme à celle de la littérature ; et l’objectif de conservation mammaire a été atteint dans 70 % des cas, tandis que la réponse complète histologique a évolué au fil du temps, passant de moins de 10 % à 34 %.
296 Cancer du sein
Figure 1 - Courbe de survie globale selon le type de chimiothérapie d’induction (SG).
Figure 2 - Courbe de survie sans rechute selon le type de chimiothérapie d’induction (SSR).
Importance de la maladie résiduelle après chimiothérapie néoadjuvante La néoplasie mammaire est une affection composite associée à l’expression de paramètres anatomiques, cliniques et biologiques variés, dont la présence définit pour chaque malade un niveau de risque de récidive impliquant la mise en œuvre d’un traitement général associant la chimiothérapie et/ou l’hormonothérapie. L’adaptation du traitement loco-régional à chaque type de tumeur, ainsi que les traitements adjuvants (schématiquement, chimiothérapie chez la femme non ménopausée et hormonothérapie chez la femme ménopausée) ont permis d’améliorer la survie des patientes. Depuis quelques années, il existe un regain d’intérêt pour la chimiothérapie néo-adjuvante dans la prise en charge thérapeutique des sujets présentant, soit un cancer du sein localement avancé, soit un cancer du sein de taille notable, dans l’objectif de : – permettre une chirurgie conservatrice plus fréquente ;
Chimiothérapie néo-adjuvante… 297 – obtenir une meilleure éradication de la maladie métastatique par un traitement précoce avant le développement de clones résistants et alors que le facteur antiangiogénique potentiel sécrété par la tumeur primitive est toujours présent ; – tester la chimio-sensibilité tumorale in vivo, malade par malade. L’évaluation de cette chimio-sensibilité fournit l’opportunité d’examiner de manière dynamique de nombreux facteurs morphologiques, histo-pathologiques et biologiques de la tumeur, comme la promotion d’une chimio-résistance, les mécanismes d’apoptose et de prolifération, l’invasivité cellulaire, etc. Ainsi, plusieurs auteurs ont étudié la possibilité de guider le choix des modalités thérapeutiques à titre individuel. L'utilisation croissante de la chimiothérapie néo-adjuvante et l’amélioration de la survie des patientes grâce aux traitements adjuvants impliquent qu’il est important d'identifier des paramètres cliniques, histo-pathologiques et biologiques associés à la réponse tumorale et à la survie. En attendant l’identification et l’usage clinique de tests biologiques décisifs, l’utilisation des paramètres clinicopathologiques classiques garde toute sa valeur. Le regroupement des données obtenues sur nos malades, ainsi que ceux des équipes de Tours, Angers et Brive qui ont participé à nos essais phase II, a permis de montrer que la réponse histo-pathologique fixe le pronostic de la maladie résiduelle après chimiothérapie première. Il est capital de souligner que les facteurs classiques initiaux vont être modifiés par le traitement néo-adjuvant.
Conséquences de la réponse histo-pathologique sur le contrôle local et la survie La plupart des études attribuent une valeur pronostique essentielle à la réponse histopathologique évaluée après une chimiothérapie première (11-15). Elle serait un facteur pronostique beaucoup plus puissant que la réponse clinique dans les cancers du sein localement avancés (16, 17), mais également dans les cancers du sein opérables (18, 12). De même, un envahissement ganglionnaire résiduel après chimiothérapie est un indicateur de mauvais pronostic dans plusieurs séries avec long recul (18, 11, 12, 14, 15). Pour évaluer la réponse tumorale après chimiothérapie, P. Chollet et coll. (19) ont utilisé la classification de Chevallier (20), qui permet une évaluation simultanée de la réponse au niveau du sein et des aires ganglionnaires axillaires, et prend en compte la présence de carcinome in situ résiduel, au pronostic imprécis. Ainsi, la réponse complète histo-pathologique est un facteur de meilleur pronostic individuellement valable quand elle est obtenue sur le sein et les ganglions axillaires. Dans la littérature, la plupart des études ont attribué un rôle pronostique à la réponse histo-pathologique évaluée sur le sein uniquement. Cependant, l’importance de l’atteinte ganglionnaire résiduelle est telle que l’on doit recommander de continuer à effectuer le curage axillaire post-chimiothérapie, ou au minimum la technique du ganglion sentinelle, selon un usage cliniquement validé. En effet, la maladie micro-métastatique au niveau axillaire semble être un facteur pronostique potentiel, après traitement par chimiothérapie néo-adjuvante (21-23). Ces données sont toutefois contestées et méritent donc confirmation. La réponse complète histo-
298 Cancer du sein pathologique ne garantit pas une guérison absolue et une partie des patientes, malgré une réponse complète histo-pathologique, va rechuter. Cette constatation montre la nécessité d’étudier les paramètres cliniques et/ou biologiques associés, d’une part, à la réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante et, d’autre part, à la survie des patientes. Dans les paragraphes suivants, nous discuterons de l’influence de la maladie résiduelle après chimiothérapie néo-adjuvante sur le devenir des patientes, ainsi que l’importance des facteurs pronostiques qui lui sont corrélés.
Le grade SBR post-chimiothérapie Quel que soit le système d’évaluation du grade histologique utilisé, le grade SBR constitue un facteur pronostique important et indépendant pour le risque métastatique et la survie des patientes (24-26). Depuis, de nombreuses études en situation adjuvante ou néo-adjuvante ont montré que le grade le plus faible (grade I) est de bon pronostic, les grades II et III sont plus défavorables (27-31). La figure 3 reflète la valeur pronostique très significative du grade SBR (32). V. Le Doussal et coll. (30) rapportent qu’un perfectionnement du grade SBR, le grade MSBR, est plus important que celui-ci pour prédire la survie sans rechute. Les cinq grades sont euxmêmes subdivisés en deux groupes pronostiques : le groupe I à faible risque métastatique, regroupant les grades MSBR 1, 2 et 3, et le groupe II à haut risque métastatique, regroupant les grades MSBR 4 et 5. De plus, il présente l’avantage de distinguer dans le groupe SBR II les patientes sans envahissement ganglionnaire, à bas risque métastatique (MSBR 2 et 3), pour lesquels un traitement adjuvant apparaît inutile, voire nocif, des patientes à haut risque (MSBR 4), pour lesquelles la mise en œuvre de protocoles adjuvants est nécessaire mais à préciser grâce à des essais contrôlés. C’est, en fait, le grade SBR ou MSBR post-chimiothérapie qui devra être utilisé pour le pronostic, et non le grade initial, du fait des modifications induites par le traitement (33).
Figure 3 - Influence du grade SBR sur la survie des patientes atteintes de cancer du sein invasif (32).
Chimiothérapie néo-adjuvante… 299
L’envahissement ganglionnaire C’est le facteur pronostique le mieux connu et le plus important en cancérologie mammaire. Depuis de nombreuses années, il est admis que la survie sans rechute et la survie globale sont inversement proportionnelles au nombre de ganglions atteints. Ces données ont été confirmées par de nombreuses équipes dans le cadre du traitement néo-adjuvant (18, 34, 14, 35, 36). Dans notre étude (37), nous avons montré que le pronostic était d’autant plus péjoratif que le nombre de ganglions résiduels envahis était élevé (p = 5,10-6 et 9,10-7 pour la survie globale et la survie sans rechute, respectivement). Le curage axillaire reste donc le facteur pronostique capital, la présence de métastases ganglionnaires axillaires constituant le facteur individuel le plus puissant, et est considéré par certains comme « indicateur » et non comme « instigateur » de la maladie métastatique (38). La plupart des auteurs admettent qu’un traitement adjuvant est justifié chez les patientes présentant un envahissement ganglionnaire. En revanche, les bénéfices éventuels comparés aux risques thérapeutiques ne sont pas en faveur du traitement de toutes les patientes sans envahissement (39).
Le grade NPI L’index pronostique de Nottingham (NPI), calculé à partir de la taille tumorale, l’envahissement ganglionnaire et le grade SBR, a été validé par M. H. Galea et coll. en 1992 (40), puis modifié de façon décisive par I. Baslev et coll. en 1994 (41). Depuis, de nombreuses études, parfois contradictoires, ont été publiées (42-46). Son principal mérite est de fixer un facteur (x 0,2) appliqué à la taille en millimètres de la tumeur mammaire, associé au grade SBR et à l’atteinte des ganglions axillaires dans la détermination d’un paramètre chiffré unique. Il semble que le NPI permette de distinguer trois groupes à plus ou moins bon pronostic avec des taux de survie à dix ans de 83 %, 52 % et 13 %, respectivement (40). Cependant, C. Genestie et coll. (47) démontrent, dans des analyses uni- et multivariées, que la valeur pronostique du NPI n’est pas significativement meilleure que celle du grade SBR. Par ailleurs, la valeur pronostique de l’index NPI n’avait jamais été évaluée après chimiothérapie néo-adjuvante. Dans notre étude, nous avons déterminé l’index NPI chez des patientes atteintes d’un cancer opérable, ainsi que trois autres index évalués après un traitement néo-adjuvant : l’index BGI (pour Breast Grading Index) permettant d’évaluer les cas qui n’ont pas eu de curage axillaire, calculé à partir de la taille tumorale résiduelle et du grade SBR, et deux index modifiés (MNPI et MBGI) afin de tenir compte du grade MSBR (48). Après un suivi médian de neuf ans, notre étude a montré la valeur de ces quatre index, qui sont inversement corrélés à la survie des patientes (p < 0,001), comme le montrent les figures 4 et 5. Nous avons pu constituer des sous-populations au pronostic plus ou moins défavorable, en fonction de la valeur de l’index. En revanche, en analyse multivariée, seul l’index MBGI retient sa valeur pronostique, avec un risque relatif de décès huit fois plus élevé pour les patientes ayant un MBGI compris entre 4,8 et 6,6. Ainsi, le grade
300 Cancer du sein MSBR sur la tumeur mammaire seule revêt-il une valeur statistique tout à fait unique dans notre expérience.
Figure 4 - Analyse univariée de la survie globale et de la survie sans rechute en fonction de l’index NPI calculé à partir du grade SBR après traitement par chimiothérapie néo-adjuvante, avec ou sans l’envahissement ganglionnaire.
Chimiothérapie néo-adjuvante… 301
Figure 5 - Analyse univariée de la survie globale et de la survie sans rechute en fonction de l’index NPI calculé à partir du grade MSBR après traitement par chimiothérapie néo-adjuvante, avec ou sans l’envahissement ganglionnaire.
Conclusion La réponse histologique complète ou, en son absence, le résidu tumoral quantifié par l’index NPI, ainsi que les NPI modifiés, peuvent être appliqués dans le cadre d’un traitement néo-adjuvant et offrent l’avantage de pouvoir « quantifier » la maladie résiduelle, en reliant le paramètre mammaire au paramètre ganglionnaire. Sans prétendre résumer à lui seul les facteurs pronostiques classiques utilisés pour fixer le traitement adjuvant, il constitue un socle majeur sur lequel pourra s’appuyer l’oncologue pour sa prescription adjuvante, aidé par d’autres facteurs comme les récepteurs hormonaux, l’oncogène HER2-neu, etc.
302 Cancer du sein Tableau 2 - Réponse tumorale. Réponse clinique Protocole (nombre de patientes évaluées)
Réponse complète (%)
Réponse partielle (%)
Réponse objective (%)
27 28 52 43 56 33
36 62 34 40 35 36
63 90 86 83 91 69
Réponse complète (%)
Réponse partielle (%)
Réponse objective (%)
14 15 38 19 26 22
35 56 46 60 57 53
49 71 84 79 83 75
Réponse complète (%)
Réponse partielle (%)
Réponse objective (%)
16 21 50 45 45 28
37 43 30 48 40 66
53 64 80 93 85 94
AVCF/AVCFM (166) NEM (112) TNCF (69) TXT (86) NET (50) FEC (40) Réponse échographique Protocole (nombre de patientes évaluées)
AVCF/AVCFM (149) NEM (61) TNCF (57) TXT (52) NET (35) FEC (32) Réponse mammographique Protocole (nombre de patientes évaluées)
AVCF/AVCFM (149) NEM (55) TNCF (65) TXT (31) NET (20) FEC (32) Conservation mammaire Protocole (nombre de patientes)
AVCF/AVCFM (166) NEM (89) TNCF (69) TXT (76) NET (45) FEC (40)
Taux de conservation mammaire (%)
69 87 71 72 76 70
Chimiothérapie néo-adjuvante… 303 Réponse pathologique selon la classification de B. Chevallier (pRC = classe 1 + classe 2) Protocoles (nombre de patientes opérées)
pRC (%)
Classe 1 (%)
Classe 2 (%)
Classe 3 (%)
Classe 4 (%)
AVCF-M (123/166) NEM (89) TNCF (69) TXT (76) NET (45) FEC (40)
6,6 14 34 21 13 15
3,3 8 24 14 11 7,5
3,3 6 10 7 2 7,5
7,3 27 16 53 71 80
86,2 59 50 26 15,6 5
Tableau 3 - Survie.
AVCF ± M NEM TNCF TOTAL
SSR (%) 5 ans
10 ans
SG (%) 5 ans
63,7 70,7 67,7 67
55,7 51,8 49,3 54
78,2 87,2 82,7 84,3
10 ans
67,2 63,4 67,2 67
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L’hormonothérapie néo-adjuvante en janvier 2005 M. Debled, L. Mauriac, G. MacGrogan et C. Tunon de Lara
Introduction Les traitements néo-adjuvants ont vu le jour dans les années soixante-dix lorsque la chimiothérapie a été administrée à des femmes dont les tumeurs étaient trop évoluées pour pouvoir être traitées seulement par des moyens loco-régionaux (1). Dans la décennie suivante, la chimiothérapie néo-adjuvante s’est adressée à des tumeurs opérables, mais dont la taille ne permettait pas de traitement conservateur chirurgical d’emblée. De nombreuses études randomisées ont, depuis, démontré que cette approche permet de réduire le taux de mastectomie de plus de 50 % sans que la survie des malades ne soit perturbée par le retard apporté au traitement locorégional. L’hormonothérapie première a été utilisée à partir des années quatre-vingt dans un esprit différent. Le tamoxifène était alors prescrit à des patientes dont l’état général était trop précaire ou l’âge trop avancé pour accepter ou tolérer un geste chirurgical. Les indications ont, depuis, évolué : les anti-aromatases ont remplacé le tamoxifène en première intention chez les femmes ménopausées, le souhait des patientes âgées de conserver leur intégrité corporelle est mieux pris en charge ; l’évaluation des traitements en situation néo-adjuvante est reconnue comme un modèle essentiel en recherche thérapeutique.
Historique Les premiers résultats portant sur l’administration d’une hormonothérapie comme traitement d’un cancer du sein localisé remontent au début des années quatre-vingt, lorsque certaines équipes ont proposé du tamoxifène à des patientes considérées comme inopérables pour des raisons carcinologiques ou liées à leur âge ou état général.
308 Cancer du sein Des réponses complètes ou partielles ont pu être obtenues dans 25 à 70 % des cas, dans un délai médian de cinq mois, au prix d’une toxicité très acceptable (2-6) (tableau 1). La facilité d’administration, la faible toxicité, les comparaisons rétrospectives favorables pour le taux de survie avec des séries chirurgicales ont rapidement conduit à proposer l’hormonothérapie exclusive comme une alternative à la chirurgie ou à l’irradiation mammaire (6). Des études randomisées de phase III ont donc été initiées entre 1982 et 1987, principalement en Grande-Bretagne, où le traitement hormonal exclusif par tamoxifène était comparé : – soit à un traitement chirurgical exclusif, systématiquement radical (7) ou pouvant être conservateur (8, 9) ; – soit à un traitement chirurgical associé à du tamoxifène en adjuvant (10, 11) ; – soit à une irradiation exclusive (12) ; Ces cinq études ont inclus au total 1 400 patientes ménopausées, généralement âgées de plus de 70 ans (7, 8, 10, 11) (tableau 2a). Compte tenu de l’âge, les tumeurs étaient considérées comme estrogéno-dépendantes, et l’analyse des récepteurs hormonaux n’était pas demandée. Avec un suivi médian supérieur à cinq ans pour toutes les analyses, les résultats sont apparus homogènes, permettant de tirer les conclusions suivantes (tableau 2b): – en l’absence de traitement loco-régional, le délai médian avant progression est de douze à vingt mois (12-14) ; après une réponse initiale, une patiente sur deux rechutera dans les trois ans (7, 9) ; celles-ci apparaissent cependant inéluctables avec le temps : un traitement loco-régional est donc nécessaire chaque fois que possible ; – malgré ces rechutes, la survie n’apparaissait pas différente entre les deux bras : le traitement loco-régional peut être différé sans retentissement sur le pronostic général. Déjà, G. Mustacchi soulignait que le délai médian avant l’obtention de la réponse maximale sous tamoxifène était de l’ordre de cinq mois (10). Notons finalement qu’il ne s’agissait pas ici d’études portant sur l’hormonothérapie néo-adjuvante, car ce traitement n’était pas systématiquement suivi d’un traitement loco-régional ; ce dernier n’était réalisé qu’en cas de reprise évolutive de la maladie. À partir de ces résultats, il est apparu logique d’envisager un traitement hormonal premier durant quatre à six mois, puis d’envisager un traitement locorégional adapté : les études d’hormonothérapie néo-adjuvante à proprement parler ont alors débuté (15).
L’hormonothérapie néo-adjuvante…309 Tableau 1 - Traitement de tumeurs localement évoluées par tamoxifène : études de faisabilité. Auteur
Caractéristiques des patientes /tumeur
Nombre
Analyse des récepteurs
Alonzo-Munoz 1980 (2)
?
21
Non
Taux de réponse
RO : 6/21 Une réponse maximale six à quinze mois après l’initiation du traitement
Veronesi, 1981 (3)
T3-4
46 (25 M0)
Non
RO : 30 %
Preece, 1982 (4)
Âge > 75, T2-4
67
Non
RO : 73 %
Helleberg, 1982 (5)
Âge >65, T1-2
26
Non
RO : 74 % Deux échecs. Aucune progression après RC (suivi médian de vingt-six mois)
Bradbeer, 1983 (6)
Âge > 70, T1-3
161
Non
RO : 61 % (RC : 27 %) Progression : 14 % Durée médiane de réponse : vingt-cinq mois
Tableau 2a - Études randomisées comparant un traitement par tamoxifène et un traitement loco-régional : descriptif. . Auteur TRT nbre Âge Suivi médian (mois) Gazet (8, 9)
TAM Chirurgie
100 100
≥ 70
65
Robertson (7)
TAM Chirurgie
68 67
≥ 70
72
Bates (11,13)
TAM Chirurgie + TAM
230 225
≥ 70
152
Mustacchi (10, 14)
TAM Chirurgie + TAM
236 237
≥ 70
80
TAM Radiothérapie
73 70
ménopausées
114
Williams (12)
310 Cancer du sein Tableau 2b - Études randomisées comparant un traitement par tamoxifène et un traitement loco-régional : résultats. Auteur
TRT
TTP (m)
Gazet (8, 9)
TAM Chirurgie
33 33
56 % 44 %
8% 14 %
17 % 13 %
16 % 13 %
Robertson (7)
TAM Chirurgie
24 NR
59 % 30 %
24 % 34 %
22 % 34 %
19 % 18 %
TAM
30 72
41 % 11 %
6% 9%
30 % 20 %
53 % 52 %
40 62
40 % 11 %
22 % 25 %
26 % 24 %
35 % 30 %
12 12
78 % 69 %
15 % 23 %
-
-
Bates (11,13)
Chirurgie + TAM
Mustacchi (10, 14)
Chirurgie + TAM
Williams (12)
TAM
TAM Radiothérapie
Rechutes Locales M+
Décès Spécifiques autres
Hormonothérapie néo-adjuvante : résultats des études randomisées Hormonothérapie néo-adjuvante versus hormonothérapie adjuvante Alors que nous disposons aujourd’hui d’une douzaine d’études randomisées de phase III comparant une chimiothérapie néo-adjuvante et une chimiothérapie adjuvante, il n’existe pas d’étude étudiant spécifiquement l’apport d’une hormonothérapie suivie d’un traitement loco-régional (pouvant être complété d’une hormonothérapie adjuvante) par rapport au schéma de référence : mastectomie possiblement associée à une irradiation, suivie d’une hormonothérapie adjuvante. Les produits utilisés en hormonothérapie néo-adjuvante (anti-estrogènes ou anti-aromatases) n’ont donc pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication. Dans deux études toutefois, un traitement médical pré-opératoire pouvant être une hormonothérapie a été comparé à un traitement médical postopératoire (16, 17). J.-C. Gazet et coll. ont inclus, de 1990 à 1993, 210 patientes de moins de 70 ans, atteintes d’un carcinome mammaire T1-4, N0-2. Les patientes randomisées dans le bras comportant un traitement médical initial recevaient, en cas d’expression des récepteurs des estrogènes, une hormonothérapie durant douze semaines, et, selon le statut ovarien, un agoniste de la LH-RH ou du formestane. En absence d’expression
L’hormonothérapie néo-adjuvante…311 des récepteurs, une chimiothérapie par mitoxantrone-mitomycine C-méthotrexate (MMM) était proposée. En cas de bonne réponse anatomo-pathologique, le traitement postopératoire pouvait comporter dix-huit mois de traitement endocrine (RE+) ou huit cures de chimiothérapie (RE-). En cas de mauvaise réponse, les patientes ayant préalablement reçu une hormonothérapie étaient traitées par huit cures MMM, les autres par huit FEC 50. Avec un suivi médian de cinq ans, il n’a pas été noté de différences entre le traitement médical premier ou postopératoire, qu’il s’agisse du taux de rechute locale, du taux de rechute à distance ou de la survie médiane. Dans une étude comparable réalisée sur 171 patientes, D. A. Cameron a présenté en 2002 à San Antonio des résultats identiques : pas de différence de survie ou de survie sans rechute selon que les patientes ont été traitées par chirurgie première ou par un traitement médical défini selon l’analyse des récepteurs hormonaux (16). Pour ces deux études, aucune analyse de sous-groupe n’est toutefois disponible selon que les patientes ont été traitées initialement par chimiothérapie ou par hormonothérapie (17).
Hormonothérapie néo-adjuvante versus chimiothérapie néo-adjuvante L’analyse des facteurs prédictifs de réponse à la chimiothérapie et à l’hormonothérapie montre que deux profils distincts de tumeurs peuvent être individualisés : une maladie connue de longue date par la patiente, des récepteurs hormonaux positifs, un grade I, un type lobulaire, conduiront à privilégier un traitement hormonal, tandis qu’un âge jeune (moins de 60 ans), des signes cliniques d’évolutivité, un grade III ou un index mitotique élevé vont orienter vers une chimiothérapie première. Il est donc tout à fait compréhensible que l’on ne trouve pas, dans la littérature, d’étude randomisée de grande ampleur comparant les deux modalités thérapeutiques. Deux études ont toutefois été initiées à la fin des années 80 et au début des années 90, l’une à l’hôpital Saint-George de Londres (18), l’autre à Nottingham (19, 20). Ces deux études sont très comparables en de nombreux points ; le faible nombre d’inclusions (60 et 108), le choix discutable du protocole de chimiothérapie – une association de mitoxantrone, méthotrexate et mitomycine C, l’absence de sélection des patientes (qui n’étaient pas toutes ménopausées) sur la positivité des récepteurs hormonaux, l’absence de chirurgie systématique après la période néoadjuvante, ne permettent aucune conclusion définitive. Tout au plus peut-on remarquer, avec un recul de quatre et cinq ans, l’absence de différence de survie sans rechute et de survie globale dans ces deux études. Nous disposons également des résultats préliminaires d’une troisième étude qui ne semble pas montrer de différence de réponse clinique, mammographique ou de chirurgie conservatrice entre une chimiothérapie première par doxorubicine et paclitaxel ou une hormonothérapie par anastrozole ou exemestane. La survie sans progression à trois ans semble également similaire (80 % versus 79 % ; p > 0,5) (21).
312 Cancer du sein
Associer une hormonothérapie et une chimiothérapie Les expériences acquises en phase métastatique – des réponses successives à un traitement hormonal et à une chimiothérapie peuvent être obtenues –, et en situation adjuvante – les méta-analyses ont montré un bénéfice additionnel –, ont conduit logiquement à envisager l’association de ces deux modalités thérapeutiques pour agir sur les différents clones tumoraux, augmenter la probabilité de réponse et ainsi le taux de conservation mammaire. Dans une étude portant sur 250 patientes, G. Von Minckwitz (22) a comparé une chimiothérapie « dose-dense », associant tous les quinze jours 50 mg/m2 de doxorubicine et 75 mg/m2 de docétaxel, et le même protocole associé à du tamoxifène. Aucune différence entre les deux bras n’a été rapportée, que l’on considère le taux de réponse clinique, le taux de conservation mammaire ou le taux de réponse complète histologique. Dans une deuxième étude, G. Coconni a même décrit un effet délétère pour la survie, à associer du tamoxifène au CMF en situation néoadjuvante (23). Concernant les anti-aromatases de troisième génération, plusieurs études de faisabilité permettent d’espérer des réponses précoces et fréquentes en association à l’épirubicine (24), au docétaxel (25, 26) ou à la vinorelbine (27). Une absence de bénéfice (en réponse objective) est cependant rapportée par C. S. Gennatas dans une petite étude randomisée de 102 patientes à l’adjonction de létrozole à une chimiothérapie néo-adjuvante par docétaxel et méthotrexate (28). Dans le même objectif d’augmentation du taux de réponse au traitement hormonal néo-adjuvant, des études d’association à un inhibiteur de Cox-2 sont en cours (29, 30 ; étude randomisée CARMINA de la FNCLCC).
Le choix du traitement hormonal L’arrivée des inhibiteurs de l’aromatase, aussi, voire plus efficaces que le tamoxifène en phase palliative, a poussé à les utiliser en phase néo-adjuvante, alors même qu’ils n’étaient pas encore validés en traitement adjuvant. Ainsi, J. M. Dixon a montré l’efficacité de l’anastrozole et du létrozole chez des femmes âgées dont les tumeurs sont sélectionnées sur leur hormono-sensibilité (31, 32). L’exemestane est aussi évalué, élargissant ainsi la gamme des produits disponibles (32, 33). Cinq études randomisées comparant un inhibiteur de l’aromatase de troisième génération au tamoxifène ont été publiées ou présentées (34-38) (tableau 3). La première, publiée en 2001, l’étude 024 (35), rapporte les résultats d’un essai en double aveugle comparant, chez des femmes ménopausées ayant une tumeur hormono-sensible, le tamoxifène au létrozole pendant quatre mois. Toutes les tumeurs étaient jugées trop grosses pour être traitées d’emblée par chirurgie conservatrice. Le traitement hormonal était administré en double aveugle avec placebo, suivi par un traitement chirurgical dont les modalités étaient fonction de la taille du reliquat tumoral. Le traitement médical adjuvant complémentaire était laissé au libre choix de l’investigateur. 337 femmes ont participé à cette étude ; les caractéris-
L’hormonothérapie néo-adjuvante…313 tiques de ces patientes et des tumeurs étaient bien équilibrées dans les deux bras de traitement. Les taux de réponse clinique étaient plus élevés dans le groupe traité par le létrozole (55 % versus 36 % ; p < 0,001). Les taux de régression, évaluée par mammographie ou par échographie, étaient également plus élevés avec le létrozole. Dans cette étude, les taux de conservation mammaire étaient également plus importants avec le létrozole (45 % versus 35 % ; p = 0,022). Les données de survie sans rechute et de survie globale ne sont pas disponibles, mais l’intérêt en sera limité, les patientes ayant pu recevoir une chimiothérapie adjuvante. Tableau 3 - Études randomisées comparant un traitement néo-adjuvant par tamoxifène et un traitement par une anti-aromatase de troisième génération. Auteur Patientes
Eierman P 024 (35)
Résultat
Réponse Conversion objective clinique chirurgicale
Survie sans rechute
337
TAM x 4 m
RE+ et/ou RP+
Letroz x 4 m
36 % 55 % < 0,001
35 % 45 % 0,022
NA NA -
TAM x 3 m ANA x 3 m ANA +TAM
36 % 37 % 39 %
22 % 46 % 26 %
NA NA NA
A versus T : 0,87
A versus T : 0,03
TAM x 3 m VOROZ x 3 m
39 % 22 %
NP NP
NA NA
Mastectomie nécessaire
Smith 330 IMPACT RE + (36) Tumeurs ≥ 2 cm
HarperWynne (34)
53 RE + Tumeurs ≥ 2 cm
Cataliotti PROACT (37)
314 RE+
TAM x 3 m ANA x 3 m
26 % 36 % 0,07
31 % 43 % 0,04
NA NA -
Semiglazov (38)
72 RE+
TAM x 3 m EXE x 3 m
51 % 89 % < 0,05
11 % 38 % < 0,05
NA NA -
Deux études ont comparé l’anastrozole au tamoxifène en situation néo-adjuvante chez des patientes ménopausées présentant une tumeur RH+ (36, 37, 39). Les résultats de l’étude IMPACT (IMmediate Preoperative Arimidex, tamoxifen or Combined with Tamoxifen) ont été présentés à San Antonio en 2003. 330 patientes ont été traitées en double aveugle par tamoxifène, anastrozole ou l’association des deux durant trois mois. Les taux de réponse sont équivalents dans les trois bras de traitement, qu’ils soient évalués par la clinique ou par échographie. Parmi les 124 patientes dont la taille tumorale nécessitait la réalisation d’une mastectomie, celles traitées par anastrozole avaient un taux de conservation mammaire de 45,7 %
314 Cancer du sein contre 22,2 et 26,2 % pour celles traitées par tamoxifène ou la combinaison des deux (p = 0,03). Dans l’étude PROACT (PreOperative Arimidex Compared with Tamoxifen), la comparaison a porté sur 451 patientes, traitées par tamoxifène ou anastrozole durant trois mois. Une chimiothérapie néo-adjuvante pouvait être associée selon les habitudes des centres. Le taux de réponse apparaît, là aussi, plus élevé lorsqu’une anti-aromatase était utilisée (37). Ces deux études ont fait l’objet d’une analyse groupée qui a été présentée à Hambourg en mars 2004 lors du IVe Meeting européen sur le cancer du sein (39) : la supériorité de l’anastrozole apparaît clairement chez les patientes dont le volume tumoral nécessitait une mastectomie totale d’emblée. Deux autres études randomisées ont été réalisées, comparant le tamoxifène au vorozole (34) ou à l’exemestane (38). Les effectifs limités, 73 et 63 patientes respectivement, en limitent toutefois l’interprétation.
La stratégie de prise en charge Elle va comporter cinq étapes successives : – la réalisation d’un bilan pré-thérapeutique ; – la sélection des patientes ; – le choix du traitement néo-adjuvant ; – le traitement loco-régional ; – le traitement médical adjuvant.
Le bilan pré-thérapeutique Avant l’initiation du traitement, les particularités cliniques de la patiente, son âge, son état hormonal, ses tares éventuelles doivent être connues. Les caractéristiques évolutives de la tumeur seront précisées. Une biopsie est indispensable pour préciser le type tumoral, le grade, quantifier l’expression des récepteurs hormonaux, rechercher une sur-expression de c-erbB2. On obtiendra une stadification tumorale qui permettra de s’assurer : – que la tumeur ne peut être accessible à un traitement chirurgical conservateur d’emblée, et qu’elle n’est pas multifocale ; – qu’il n’y a pas d’indication de chimiothérapie néo-adjuvante, la lésion n’étant pas en poussée évolutive ; – que la tumeur exprime une réceptivité hormonale, étant pourvue de récepteurs des estrogènes et/ou de la progestérone ; – qu’elle n’est pas métastatique, ce qui fera considérer que cette curabilité potentielle nécessitera un traitement loco-régional optimal.
L’hormonothérapie néo-adjuvante…315
Le choix des patientes Les premières patientes à avoir bénéficié de l’hormonothérapie néo-adjuvante sont les femmes âgées. Cette indication reste primordiale, tout en rappelant la nécessité d’obtenir autant que faire se peut un traitement loco-régional optimal, les femmes qui ne peuvent en bénéficier ayant une moins bonne survie (13). Les femmes post-ménopausées plus jeunes peuvent aussi bénéficier d’une telle stratégie, à condition de sélectionner celles dont la tumeur a une hormono-sensibilité reconnue. En effet, il est aujourd’hui reconnu que l’obtention d’une réponse complète histologique sous chimiothérapie néo-adjuvante est associée à un pronostic à long terme plus favorable. Ces réponses complètes sont observées dans 90 % des cas pour des tumeurs RE- (40), ce qui peut amener à se demander si la chimiothérapie néo-adjuvante est la meilleure approche pour les tumeurs RE+. La réalisation d’une hormonothérapie néo-adjuvante chez des patientes ménopausées de moins de 70 ans n’a été, en fait, que très peu évaluée. A l’institut Bergonié, de 1985 à 1996, 199 patientes de 50 à 70 ans, sélectionnées sur une taille tumorale supérieure à 3 cm et la positivité de l’un au moins des récepteurs stéroïdiens, ont été traitées par tamoxifène en néo-adjuvant. La tumeur était classée T2 ou T3 chez 97 patientes, T4 chez 102 patientes. Il n’y avait pas d’atteinte métastatique. Après quatre à six mois de traitement, les patientes en réponse complète étaient traitées par irradiation exclusive ; s’il existait un reliquat tumoral clinique, une chirurgie conservatrice était réalisée, suivie d’une irradiation. Le traitement hormonal était poursuivi pendant deux ans, selon le standard d’alors. Les taux de réponse clinique objective ont été de 44 % pour les tumeurs classées T2-T3 et de 48 % pour les tumeurs classées T4. Le taux de conservation mammaire a été de 54 % pour les tumeurs T2-T3, 44 % pour les tumeurs T4 (41). Après un suivi médian de quatre-vingt-trois mois, 6 et 9 cas de rechute locale isolée ont été constatés pour les patientes ayant des tumeurs T2-T3 et T4, traitées de façon conservatrice. La survie médiane sans métastase est à quatre-vingt-huit mois pour les T4, tandis qu’elle n’a pas encore été atteinte pour les T2-T3 avec un suivi de quatre-vingt-un mois (42). S’appuyant sur ces travaux, il paraît donc possible, devant une tumeur évoluée chez une patiente ménopausée de moins de 70 ans, d’opter pour une hormonothérapie néo-adjuvante plutôt que pour une chimiothérapie, ceci à condition de disposer de bons critères d’hormono-sensibilité. On a montré, par exemple, que la présence d’une protéine estrogéno-induite, la pS2, pouvait accroître le taux de régression tumorale sous tamoxifène (43). La détermination de l’aromatase intra-tumorale et l’étude d’autres facteurs prédictifs de la réponse à l’hormonothérapie néo-adjuvante sont donc essentielles et doivent être insérées dans toute étude qui évalue cette stratégie, comme cela a été réalisé dans l'essai 024 (44) ou dans une étude évaluant l'exemestane (33). Chez ces patientes jeunes, une évaluation précoce de la réponse au traitement pourrait être envisagée, pour ne pas retarder une chimiothérapie en cas d’inefficacité. A notre connaissance, aucune donnée n’est disponible concernant des modifi-
316 Cancer du sein cations de signal sous IRM ou PET-scan en cours d’hormonothérapie. Des modifications biologiques sur prélèvement tumoral sont notées après quatorze jours de traitement par une anti-aromatase (diminution de l’expression des récepteurs de la progestérone dans 65 à 80 % des cas, diminution du Ki67, augmentation de l’apoptose évaluée par TUNEL), mais la valeur diagnostique individuelle demeure faible, et la valeur pronostique à long terme est inconnue (45). Quant aux femmes pré-ménopausées, elles ne peuvent prétendre à ce type de prise en charge, exception faite toutefois des cas rares où, en présence d’une tumeur localement avancée, la chimiothérapie serait contre-indiquée.
Le choix du traitement hormonal Compte tenu des résultats des études randomisées de phase III, il paraît souhaitable de prescrire une anti-aromatase de type non stéroïdien, du fait d’une meilleure efficacité immédiate, quelles que soient les caractéristiques de la tumeur. Le taux de réponse clinique et échographique est, en effet, supérieur au tamoxifène, permettant d’espérer une conservation mammaire plus fréquente, seul bénéfice démontré de ces traitements néo-adjuvants. Des études de sous-groupe des études P024 et IMPACT montrent en particulier la supériorité des anti-aromatases pour les tumeurs surexprimant erb-B2, le tamoxifène apparaissant alors peu efficace (tableau 4). Par ailleurs, les tumeurs dont l’expression de la sensibilité hormonale est faible (évaluée avec le score d’Allred) régressent sous létrozole, alors que le tamoxifène n’a pas d’effet (tableau 5) (46). Tableau 4 - Évaluation de la régression tumorale sous létrozole et tamoxifène pour les tumeurs RE+ hyperexprimant ErbB1/2 dans les études 024 (46) et IMPACT (36). Létrozole versus tamoxifène Odds-ratio
p
21 % (4 / 19)
28 (4,5 – 177)
0,0004
Tumeurs RE + 55 % Erb1/2 (57 / 104)
44 % (44 / 101)
1,6 (0,9 – 2,7)
0,11
Anastrozole
Tamoxifène
Létrozole
Tumeur RE + Erb 1/2 +
Tumeur RE + Erb 1/2 +
88 % (15 / 17)
58 % (7 / 12)
Tumeurs RE + 37 % Erb1/2 ? (n = 113)
Tamoxifène
Combinaison
Anastrozole versus tamoxifène
Odds-ratio
p
4,80
0,09
22 % (2 / 9)
31 % (4 / 13)
(0,70 – 34,30)
36 % (n = 108)
39 % (n = 109)
(0,61 – 1,81)
1,05
0,87
L’hormonothérapie néo-adjuvante…317
La durée du traitement néo-adjuvant Dans les études multicentriques de phase III ayant utilisé l’anastrozole ou le létrozole, la durée du traitement néo-adjuvant est de trois et de quatre mois. Trois mois étaient, en effet, la durée de traitement que préconisait l’équipe d’Edimbourg, qui a une solide expérience de l’hormonothérapie néo-adjuvante, arguant du fait que, au-delà, le nombre de tumeurs continuant de régresser ne dépasse pas les 15 % et qu’il existait un risque non négligeable de progressions (47). Dans une analyse très récente, la même équipe souligne qu’en cas de forte hormono-sensibilité (basée sur le score d’Allred des récepteurs des estrogènes) et de réponse progressive au létrozole, la poursuite de l’hormonothérapie permet d’obtenir 29 % (12/49) de réponse clinique complète à six mois, et 36 % (8/22) à un an, contre 10 % (4/42) à trois mois. Une seule patiente, en réponse après trois mois de traitement, était notée en progression à douze mois (48). En l’absence d’étude prospective ayant analysé cette question, il n’y a pas de consensus possible basé sur des preuves, mais l’on peut penser que la durée optimale est variable pour chaque cas, dépendant du volume tumoral et mammaire, de l’hormono-sensibilité et de la vitesse de régression tumorale. Le délai d’efficacité des anti-aromatases est probablement plus court qu’avec le tamoxifène, qui n’atteint sa concentration sérique d’équilibre qu’après cinq semaines. Un suivi très régulier, tous les deux mois, est nécessaire, pour évaluer la régression et ne pas laisser passer le moment optimal pour le traitement loco-régional. En cas de progression en d’hormonothérapie néo-adjuvante, deux attitudes sont possibles : soit proposer un traitement loco-régional qui devra être une mastectomie totale de type Patey, soit mettre en place une chimiothérapie néo-adjuvante si le désir de conservation mammaire est primordial chez cette femme ménopausée. Cette attitude peut également être préconisée par l’oncologue si, à l’évidence, il existe une poussée évolutive (49).
Le traitement loco-régional Le traitement loco-régional est un impératif qui doit être respecté puisque l’on sait que la poursuite au long cours de l’hormonothérapie s’accompagne d’un taux accru de récidive. Cette information provient de l’analyse tardive de l’essai publié par Bates qui montre qu’après 12,7 années de suivi médian, la mortalité globale, comme celle liée au cancer du sein, est moins bonne chez les patientes traitées par tamoxifène en continu jusqu’à la reprise évolutive (13). Comme après la chimiothérapie néo-adjuvante, le traitement loco-régional doit être conduit avec l’objectif de contrôler à long terme le risque de récidive locale. A la différence de la chimiothérapie néo-adjuvante où plusieurs essais évaluent les rechutes à court et à long terme, il n’y a que peu d’études qui concernent ce point après hormonothérapie néo-adjuvante (42).
318 Cancer du sein À la différence des traitements par chimiothérapie néo-adjuvante, très peu de données sont actuellement disponibles concernant l’évaluation de la réponse histologique après hormonothérapie néo-adjuvante : – aucune méthode de grading n’a été validée ou même proposée ; – on ne sait pas si l’obtention d’une réponse complète a une valeur pronostique aussi forte qu’après chimiothérapie néo-adjuvante. Les seules données dont on dispose proviennent, en effet, d’études rétrospectives utilisant le tamoxifène, qui suggèrent que l’obtention d’une réponse complète serait associée à un pronostic plus favorable (50) ; il n’y avait cependant pas de sélection des patientes selon l’analyse tumorale des récepteurs hormonaux, l’évaluation de la réponse était uniquement clinique, et le traitement loco-régional n’était pas approprié.
Le traitement adjuvant En cas de bonne réponse à l’hormonothérapie néo-adjuvante (qui reste donc à définir !), le traitement adjuvant fait appel à la poursuite de la même hormonothérapie. Chez les patientes jeunes, lorsqu’une réponse majeure a pu être observée, on peut s’interroger quant au bénéfice supplémentaire apporté par la chimiothérapie, l’apport de la chimiothérapie adjuvante étant plus faible pour les patientes ayant une maladie hormono-sensible, et le pronostic général de ces patientes devant être favorable. L’inutilité de cette chimiothérapie n’est cependant pas démontrée. En cas de mauvaise réponse ou d’échec du traitement hormonal, une chimiothérapie adjuvante devra être proposée aux patientes les moins âgées, conformément aux standards de chimiothérapie adjuvante. Une autre hormonothérapie pourra être envisagée à titre adjuvant, sans résistance croisée avec le traitement initial, mais nous n’avons pas encore de critères permettant de prédire l’efficacité d’un traitement hormonal de deuxième ligne, après échec d’une anti-aromatase.
Conclusion L’hormonothérapie néo-adjuvante voit aujourd’hui ses indications se développer. Chez les personnes âgées, elle fait maintenant partie de la stratégie de référence, précédant le traitement loco-régional. Elle permet, en effet, une fois sur deux environ, d’éviter une mastectomie, qui peut être mal acceptée par certaines patientes qui perçoivent cette mutilation comme la déchéance débutante et irrémédiable de la sénescence. Une anti-aromatase doit alors être proposée. Des évaluations cliniques très régulières permettront de poursuivre le traitement jusqu’à l’obtention d’une réduction tumorale suffisante pour permettre un traitement loco-régional, toujours nécessaire. Chez les femmes plus jeunes, l’hormonothérapie néo-adjuvante a très certainement sa place, qui demeure cependant actuellement mal définie, compte tenu des indications très larges de la chimiothérapie (néo-) adjuvante. Son utilisation dans des études prospectives permet de mieux appréhender les facteurs prédictifs de la
L’hormonothérapie néo-adjuvante…319 réponse au traitement, tout particulièrement dans le cadre d’analyses génomiques déjà en cours pour la chimiothérapie.
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Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie néo-adjuvante pour cancer du sein S. Uzan, M. Antoine, E. Barranger, J.-F. Bernaudin, J. Chopier, E. Daraï, D. Grahek, J. Gligorov, J.-P. Lotz, J.-Y. Seror et E. Touboul
Introduction, historique Malgré d’importants progrès, en particulier ceux liés au dépistage, 10 à 30 % des cancers du sein restent diagnostiqués à des stades avancés. Dans ces formes, la chimiothérapie néo-adjuvante (CNA) a été proposée dès 1970, et a fait l’objet de nombreuses études et conférences de consensus (1, 2, 3). Le principe de son utilisation repose sur des expériences réalisées avec différents modèles animaux (4, 5) pour tester l’hypothèse que la maladie microscopique métastatique (éventuellement favorisée par les manipulations lors de l’intervention), est réduite par l’utilisation pré-opératoire d’un traitement général. De nombreux essais sont ensuite venus confirmer que, d’une part, le taux de réponse à la CNA était élevé et que, d’autre part, ce traitement permettait d’augmenter le pourcentage de traitement conservateur chez les patientes qui relevaient initialement d’une mastectomie. Le taux de conservation est très variable selon les études et des taux de 50 à 90 % sont décrits (6, 7). Après CNA, la plupart des essais ne montrent pas d’amélioration de la durée globale de la survie (8, 9, 10), à l’exception des patientes ayant une réponse complète. Toutefois, ces mêmes essais montrent, d’une part, une augmentation de l’intervalle sans récidive et, d’autre part, une relation entre réponse primaire et dissémination métastatique. La réponse histologique complète n’était observée que chez 6 à 19 % des patientes selon la littérature. Les derniers résultats obtenus avec de nouvelles séquences thérapeutiques font état de 25 % de réponses histologiques complètes. C’est le cas pour les patientes traitées selon cette modalité par notre groupe depuis deux ans. Ce taux était de 14 % il y a dix ans, il est actuellement de 26 % (7). De plus, en cas de régression tumorale après CNA autorisant une chirurgie conservatrice, la qualité de vie après traitement est considérablement améliorée. En revanche, en cas de non-réponse, le chirurgien doit « prévenir » par son discours avant et pendant la chimiothérapie le « vécu de la non-réponse ». Le chirurgien et
326 Cancer du sein l’oncologue doivent présenter la CNA com me une étape thérapeutique, de toute façon nécessaire, et non comme « un test de guérison ». En pratique, la CNA soulève de nouveaux enjeux qu’il faut connaître et auxquels il faut proposer des réponses adaptées. Ces enjeux et les propositions de réponse sont schématisés dans le tableau 1. Tableau 1 - Enjeux chirurgicaux de la CNA et stratégies de réponse. Enjeux
Réponses
Appliquer la meilleure stratégie
- Réflexion multidisciplinaire - Connaître les indications et contre-indications - Connaître les facteurs de réponse
Obtenir la meilleure adhésion de la patiente
- Expliquer le rôle du comité multidisciplinaire - Explications loyales et conjointes du chirurgien et de l’oncologue - Information du médecin traitant - Idéalement dans le cadre d’un dispositif d’annonce
Éviter les déceptions
- Ne pas lier réponse et guérison
Bien évaluer la réponse et ne pas laisser progresser la tumeur
- Bilan initial irréprochable, évaluation conjointe du chirurgien et de l’oncologue à deux, quatre et six cures - Connaître les paramètres d’évaluation de la réponse
Ignorer une réponse incomplète ou ne pas retirer le lit tumoral
- Connaître les faux négatifs et la sous-évaluation des examens d’imagerie - Repérage pré-chimiothérapie pré-opératoire et per-opératoire rigoureux du « site » de la tumeur
Réduire le risque de sousstadification de la tumeur et de l’aisselle
- Stadification rigoureuse avant la chimiothérapie utilisant les moyens actuellement disponibles
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 327 Tableau 1 - (suite)
Éviter le risque d’opérer une patiente « fragilisée » par la chimiothérapie
- Choisir le moment et prévoir les conditions de la chirurgie
Réaliser un traitement adéquat du sein
- Bilan pré-opératoire rigoureux - Exploration per-opératoire - Pièce confiée à l’anatomo-pathologiste dans les meilleures conditions - Recourir selon les cas à l’examen extemporané, aux radios et échographies des pièces opératoires - Ne pas hésiter à proposer une reprise ou une mastectomie secondaire si nécessaire - Compléter selon les indications par une radiothérapie
Réaliser un traitement adéquat de l’aisselle
- Curage ganglionnaire après CNA sauf si ganglion sentinelle réalisé dans le cadre d’une évaluation ou dans certaines situations particulières validées par un comité multidisciplinaire
La prise en charge pré-, per- et post-chirurgicale est idéalement réalisée par une équipe multidisciplinaire, incluant le médecin traitant Le rôle du chirurgien dans la prise en charge « globale » du cancer du sein ne doit pas se limiter à l’acte chirurgical lui-même. Sa participation débute dès le premier contact de la patiente avec l’équipe soignante. La patiente doit être suivie continuellement et conjointement par les membres d’une équipe qui compte, outre le chirurgien, l’oncologue, l’histologiste, le cytologiste et le radiologue. L’intervention des psychologues et des autres personnels soignants doit être précoce. Une procédure intitulée « dispositif d’annonce » et de prise en charge du cancer du sein est mise en place à titre expérimental dans certains centres ; elle représente l’une des réponses adaptées à cette période particulièrement difficile pour les patientes. Les décisions doivent être conjointes, validées et formalisées lors de réunions multidisciplinaires. Il faut dans certains cas ne pas indiquer trop tôt une stratégie thérapeutique et compléter le bilan avant de choisir le meilleur traitement lors d’une concertation multidisciplinaire.
328 Cancer du sein Lorsqu’une CNA est choisie, il faut, comme on l’a déjà évoqué, ne pas lier chances de guérison et réponse au traitement. Dans tous les cas, mais plus particulièrement ici, une information loyale et complète de la patiente (et de son conjoint ou de la personne de son choix) dès le début de la prise en charge par l’oncologue et le chirurgien est essentielle. Il est important dans toute cette étape qu’un lien écrit et direct soit entretenu avec le médecin traitant.
La chirurgie est une étape indispensable, même en cas de réponse tumorale complète, elle reste la seule façon de ne pas ignorer une réponse incomplète (11) Quelle que soit la combinaison des examens utilisés en fin de CNA, il persiste des faux négatifs et une sous-évaluation du nombre de lésions résiduelles par l’imagerie. Ce taux de faux négatifs varie selon les études de 20 à 35 % des cas où la réponse paraît complète lors du bilan d’imagerie. L’absence d’exérèse de ces lésions résiduelles s’accompagne d’un sur-risque de récidive locale quel que soit le traitement ultérieur.
Les définitions Elles concernent la chimiothérapie elle-même : en France, le terme de CNA est le plus largement utilisé par opposition à la chimiothérapie adjuvante. Le terme de traitement systémique néo-adjuvant permet d’inclure la chimiothérapie et l’hormonothérapie. Rappelons ici qu’il est également possible, en particulier dans certains cas d’échecs de la chimiothérapie ou de l’hormonothérapie néo-adjuvante, d’utiliser une radiothérapie néo-adjuvante. La question des définitions concerne également la réponse : on distingue la réponse clinique complète, la réponse histologique complète au niveau du sein et la réponse histologique totale incluant le sein et le creux axillaire (ce terme doit être a priori réservé aux patientes ayant fait l’objet d’une vérification du caractère N+ en pré-opératoire, en particulier par cytoponction sous échographie). Globalement, une réponse tumorale clinique est observée dans 75 % des cas (47 à 100 % !). La réponse tumorale complète histologique varie de 6 à 19 % (25 % dans les séries les plus récentes). Au niveau ganglionnaire, 23 à 35 % des patientes initialement N1 deviennent N0. La présence d’un résidu tumoral sous forme de carcinome in situ n’est généralement pas considérée comme une réponse partielle, mais comme une réponse totale, car cette réponse concerne les lésions invasives. Il faut d’ailleurs savoir que ce résidu de carcinome in situ, à condition d’être correctement traité (exérèse chirurgicale et radiothérapie post-opératoire) ne modifie pas le pronostic ultérieur. Les cas où seul existe un reliquat de carcinome in situ ne sont pas exceptionnels, ils représentent dans notre expérience 8 % des cas. Une publication a observé une relation
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 329 entre la réponse au niveau de la lésion invasive et la réponse au niveau de la lésion in situ (12).
Indications et contre-indications de la CNA D’autres chapitres de cet ouvrage traitent des indications et des modalités de la CNA. Nous ne ferons que rappeler brièvement les avantages et inconvénients de cette stratégie que le chirurgien (la réciproque est vraie pour l’oncologue) doit connaître.
Principaux avantages de la CNA – Théoriquement, un meilleur contrôle de la maladie occulte avec diminution du risque de récidive et de métastases. – Augmentation du taux de traitement conservateur (de 50 à 90 %). – Disposer d’un facteur pronostique de réponse au traitement général systémique. – Disposer d’informations sur la sensibilité de la tumeur au traitement systémique utilisé et pouvoir ainsi utiliser d’autres lignes thérapeutiques. – Disposer de marqueurs prédictifs de réponse à long terme. – Un autre avantage potentiel de la CNA est la possibilité d’observer une « stérilisation » de l’aisselle chez les patientes initialement N+. Cette « négativation » de l’aisselle est un facteur pronostique capital dans certaines études. Dans une publication portant sur 191 patientes N+ avant la CNA (13), 43 patientes (23 %) devenaient N- après CNA. L’étude univariée montre que ces patientes présentaient une tumeur majoritairement récepteurs négatifs, plus petite, avec la réponse tumorale plus fréquemment complète. La survie sans récidive à cinq ans était de 87 % chez les patientes présentant une négativation de l’aisselle contre 50 % chez les patientes restant N+. De plus, après recherche de micro-métastases par des niveaux de coupes supplémentaires dans les ganglions de patientes N-, le taux de survie sans récidive était de 87 % chez les patientes ne présentant aucune micrométastase occulte et de 75 % chez les patientes présentant une micro-métastase après un recul moyen de suivi de soixante et un mois. Bien que ces résultats doivent être confirmés par d’autres études, ils témoignent de la valeur prédictive de la négativation de l’aisselle.
Principaux inconvénients de la CNA – Augmentation du taux mécanique de récidive par l’augmentation du taux de traitement conservateur (14). Dans une étude de Mauriac et coll. (6), parmi les 62 % des patientes pouvant bénéficier d’un traitement conservateur, 22 % de ces patientes devront faire l’objet d’une mastectomie secondaire pour récidive. Ce taux de rechute loco-régionale est a priori plus important que celui observé après mastectomie et chimiothérapie adjuvante. Toutefois, certaines études ne retrouvent pas cette différence (15). Les auteurs de cet article observent que la taille initiale (supérieure à 5 cm), le type histologique (lobulaire), le grade histologique
330 Cancer du sein (élevé) et la multicentricité sont les facteurs les plus significatifs de prédiction d’un traitement non conservateur. – Risque de ne pas retirer le résidu tumoral après réponse complète en raison des difficultés de repérage de la zone de lésion initiale. Nous reviendrons sur la réduction de ce risque plus loin. – Laisser évoluer la maladie (de 3 à 5 % des cas), d’où l’importance d’évaluer à court terme la réponse, voire de réagir rapidement à une progression de la lésion. – Opérer une patiente affaiblie après chimiothérapie, d’où l’importance de choisir parfaitement les conditions et la chronologie de l’intervention. Le bilan histologique immédiatement pré-opératoire doit montrer des paramètres hématologiques (GB, Hb, Ht) satisfaisants. En général, un délai de trois semaines après la dernière chimiothérapie doit être respecté. Ce délai peut être plus long et il est parfois nécessaire de recourir à des facteurs de croissance. – Sous-évaluer le stade et l’extension initiale de la lésion, d’où l’importance du bilan initial.
En pratique les indications peuvent être schématisées comme suit : – la CNA est formellement indiquée pour les lésions en poussée évolutive et pour les lésions classées T4 ou les tumeurs adhérant au muscle pectoral et d’extirpation chirurgicale difficile. Il faut d’ailleurs noter que, dans ces cas, la plupart des équipes, y compris après réponse lors de la CNA, pratiquent une mastectomie, d’où l’importance de l’expliciter à la patiente dès le début du traitement et ne pas la laisser espérer un traitement conservateur qui ne sera pas pratiqué au terme du traitement ; – la CNA est réservée aux lésions invasives, d’où la nécessité d’une preuve histologique et non cytologique qui n’est pas suffisante pour affirmer le diagnostic d’invasion ; – le chirurgien ne doit pas limiter les indications de la CNA aux patientes présentant une lésion de plus de 3 cm, même s’il s’agit là de l’indication la plus fréquente, permettant d’augmenter le taux de traitements conservateurs ; – il faut, en effet, savoir discuter cette éventualité pour des lésions de taille inférieure, non seulement parce que la plupart des examens sous-évaluent la taille réelle de la lésion, mais également parce que, dans certains cas (en particulier pour les seins de petite taille), il peut être utile de mettre en œuvre cette stratégie dès que la tumeur mesure 25 millimètres ; – la CNA n’est pas réservée aux patientes jeunes ou non ménopausées, mais peut également être appliquée aux patientes ménopausées ; – la grossesse associée au cancer du sein est une situation rare et particulière où la CNA peut rendre d’importants services.
À l’inverse, le chirurgien doit connaître les contre-indications ou les situations où la CNA n’apportera pas de bénéfice sur le plan thérapeutique, en
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 331
particulier ne permettra pas, quel que soit le résultat, de pratiquer un traitement conservateur. Il s’agit avant tout des contre-indications à la chimiothérapie liées à l’état de la patiente. Dans ces cas, il peut être utile de recourir à l’hormonothérapie néo-adjuvante, voire à la radiothérapie. L’étude des clichés mammographiques permet, en cas de micro-calcifications étendues, d’évoquer la présence d’un carcinome in situ supérieur à 3 cm qui, a priori, contre-indiquera (sauf pour les équipes qui pratiquent des interventions d’oncoplastie pour des tailles supérieures) le traitement conservateur. Il peut être alors utile de réaliser des macro-biopsies espacées de plus de 3 cm, permettant de confirmer cette décision en pré-opératoire. Dans ces cas, une chirurgie initiale est pratiquée, en renonçant généralement à la CNA. Cette stratégie sera susceptible d’être modifiée si les séquences thérapeutiques nouvelles permettent d’espérer, après CNA, un bénéfice en terme de survie. La fraction d’in situ évaluée par biopsie permet dans certains cas d’évaluer la fraction globale d’in situ et de prédire certains échecs de conservation (16). Dans notre expérience, ce critère n’est pas suffisant pour récuser une CNA. Le type histologique de la lésion peut conduire à une réflexion différente : les carcinomes lobulaires invasifs sont parfois plus étendus que ne le laisse présager l’imagerie (d’où l’importance de l’IRM) ; de plus, leur réponse semble être inférieure à celle des carcinomes canalaires invasifs (15, 17) – ceci sera revu plus loin avec les facteurs de réponse. S’il ne s’agit pas là d’une contre-indication à la CNA, il faut en connaître les limites, et en informer les patientes.
Les modalités du traitement néo-adjuvant Les différents types de traitement néo-adjuvant font l’objet d’autres chapitres. Il faut toutefois que le chirurgien connaisse les différentes séquences de chimiothérapie actuellement proposées et les différentes possibilités d’hormonothérapie. Il doit également savoir qu’en cas d’échec ou de progression de la tumeur sous chimiothérapie ou hormonothérapie néo-adjuvante, la radiothérapie garde des indications (18). Enfin, alors que l’association radio-chimiothérapie était exceptionnelle avec les anthracyclines, elle pourrait retrouver une place avec les taxanes. Le chirurgien et l’oncologue doivent proposer une CNA lorsqu’ils estiment que les chances de réussite de ce traitement sont élevées. Il leur faut, par conséquent, connaître les principaux facteurs prédictifs de réponse. Les réponses « positives » sont plus volontiers associées à des tumeurs survenant chez des femmes jeunes et présentant les caractéristiques suivantes : SBR élevé, sur-expression de c-erb2, récepteurs aux estrogènes négatifs, facteurs de prolifération (Ki67, phase S) élevés, marqueurs d’apoptose élevés. Les cancers lobulaires ont une réponse moindre et, surtout, l’évaluation initiale de la taille et de la réponse sont plus difficiles à mesurer du fait d’une sous-estimation fréquente par l’imagerie (réduite par l’usage de l’IRM).
332 Cancer du sein La réponse est évaluée à deux, quatre et six cycles et permet de prendre la décision de poursuivre ou d’interrompre la CNA. Nous reviendrons plus loin sur ce point.
L’évaluation de la réponse repose sur le bilan initial Le bilan général Il comporte l’examen clinique avec repérage soigneux de la lésion sur un schéma (cf. repérage), des examens biologiques et un bilan d’extension qui doit être complet (scintigraphie osseuse, échographie abdominale et pelvienne, radiographie du thorax, éventuellement complétée par un scanner). Le PET-scan est discuté ; les données actuelles de la littérature ne sont pas en faveur de sa pratique systématique (19), en dehors de signes d’appel évoquant une localisation métastatique.
Au niveau du sein L’objectif est d’éliminer d’éventuelles contre-indications à la CNA et surtout de ne pas ignorer d’autres lésions (ipsi- ou controlatérales), facteurs de récidive, en partie évitables. Après un nouvel examen clinique détaillé et bilatéral, la mammographie et l’échographie sont systématiquement réalisées. Chacun de ces examens a ses performances propres, mais c’est la combinaison des différents examens qui permet de disposer de la meilleure sensibilité et spécificité. Dans une étude portant sur 180 lésions invasives (20), les auteurs démontrent que globalement l’échographie fait mieux que la mammographie pour mesurer la taille tumorale, mais que les deux la sous-estiment en moyenne de 4 mm. La taille tumorale maximale était parfaitement évaluée par la mammographie dans 65 % des cas et par les ultrasons dans 75 % des cas. Ces chiffres sont tout à fait similaires à ceux de la littérature analysés par les auteurs de cet article. Il est évident que seule la mammographie permet d’évaluer, là aussi, avec près de 30 % d’imprécision, la taille d’une lésion intra-canalaire traduite par la présence de micro-calcifications. Nous verrons plus loin que l’IRM prend là aussi une place significative. Dans une autre étude (21), les auteurs démontrent que, si l’examen clinique reste un bon critère d’évaluation de la réponse, c’est la combinaison mammographie-échographie qui réalise la meilleure évaluation ; elle reste toutefois inexacte dans près de 20 % des cas. La prédiction de la taille (et de la réponse) est renforcée par l’utilisation systématique d’une IRM (lorsqu’elle ne retarde pas la prise en charge thérapeutique) (22). Il est parfois utile de réaliser une nouvelle échographie orientée après IRM. Elle permet parfois de retrouver a posteriori une traduction échographique de certaines images IRM. L’IRM est particulièrement performante pour le diagnostic de multifocalité (23). Malgré l’introduction de l’IRM, il n’est pas rare (15 % des cas) que la taille de la lésion reste sous-évaluée, ou plus rarement surévaluée (24).
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 333 Il semble que la corrélation entre la taille histologique et l’IRM soit « altérée » en cas de réponse à la CNA (25). Dans ce cas, la modification de la prise de contraste vient réduire la performance de l’IRM. A l’inverse, en l’absence de réponse à la CNA, la corrélation reste excellente. Il est également important de rappeler qu’au moindre doute sur des lésions associées, des micro-biopsies ou des macro-biopsies par aspiration sous échographie ou sous stéréotaxie doivent être réalisées. Enfin, un phénomène « d’apparition » de micro-calcifications après chimiothérapie a été décrit, il correspond en fait à une meilleure visibilité de la glande après chimiothérapie (26). Il souligne l’intérêt d’un nouveau bilan d’imagerie avant la chirurgie.
Le bilan initial concerne également l’aisselle L’examen clinique reste important, mais sa prédictivité est très insuffisante. L’échographie du creux axillaire et des cytoponctions ganglionnaires écho-guidées sont réalisées par la plupart des équipes ; elles permettent d’identifier une grande part des patientes qui sont N+ (27). Sans atteindre les chiffres « parfaits » de certaines publications (28), les résultats montrent que cette technique permet de réduire le nombre de cas nécessitant un ganglion sentinelle (29), en identifiant des patientes N+, alors qu’elles sont N0 à l’examen clinique. Rappelons que la présence d’une atteinte ganglionnaire signe le caractère invasif de la lésion. Il a également été proposé à titre préliminaire d’explorer l’aisselle, par l’IRM (30) ou la TEP-FDG (31, 32). Aucun résultat décisif n’a été rapporté avec ces deux techniques. Certaines publications proposent, pour disposer d’une évaluation plus précise de l’aisselle avant la CNA, de réaliser chez les patientes N0 et qui n’ont pas de ganglion visible en échographie, la technique du ganglion sentinelle, éventuellement sous anesthésie locale (33, 34). L’envahissement mammaire interne n’est pas évalué actuellement par le bilan d’extension conventionnel. L’étude préliminaire de J. R. Bellon et coll. (35) a montré une relation entre la visualisation de foyers d’hyperfixation ganglionnaires mammaires internes en TEP-FDG et l’apparition d’une récidive focale. Toutefois, l’absence de vérification histologique de l’envahissement mammaire interne ne permet pas de valider les performances de cette technique.
Le chirurgien doit connaître les critères d’évaluation de la réponse Il est indispensable d’évaluer la réponse avec l’oncologue au bout de deux, quatre et six cycles pour diagnostiquer, soit une progression malgré le traitement, soit une régression tumorale. L’évaluation de la réponse repose en partie sur l’examen clinique qui est un excellent critère, à condition d’être réalisé soigneusement par le même praticien (36).
334 Cancer du sein De plus en plus de publications montrent qu’outre la mammographie et l’échographie qui doivent être pratiquées systématiquement, l’IRM est un élément essentiel et semble être un marqueur précoce de réponse. Dans une publication de Y. C. Cheung et coll. (37) l’IRM, bien qu’excellent marqueur précoce de réponse (après une cure et trois cures), peut ignorer un résidu tumoral. 8 % de faux négatifs sont observés. Toutes les études (38) font état de sur- et sous-estimation à l’IRM, rendant indispensable l’exploration chirurgicale, quelle que soit la réponse apparente. Il a également été proposé d’utiliser le scanner hélicoïdal. Il est important de se souvenir que la réponse peut s’effectuer, lorsqu’elle est incomplète, de façon asymétrique et ceci doit être analysé pour orienter le geste chirurgical. De même, cette réponse peut s’effectuer de façon incomplète et multicentrique, la taille globale de cette zone de réponse multicentrique conditionnant la possibilité ou non d’un traitement conservateur. La TEP-FDG est en cours d’évaluation dans la prédiction et la mesure de la réponse. Dans une étude publiée en 2004, S. J. Kim et coll. (39) analysent le taux de réduction de la captation du marqueur après chimiothérapie. Ils observent un lien entre ce critère et la réponse définitive. D’autres études (31, 32) ont montré que la variation de la fixation du FDG après seulement un ou deux cycles de chimiothérapie permettait d’identifier précocement les patientes répondeuses au traitement. Il s’agit là d’études préliminaires dont les résultats doivent être confirmés sur de plus larges séries de patientes. La [18F]-fluoro-thymidine (FLT), dont la fixation est corrélée à la prolifération cellulaire, pourrait également être utilisée pour l’évaluation thérapeutique. Notre groupe a initié une étude combinant évolution de la réponse à la TEP-FDG, à la TEP-FLT et à l’IRM pour disposer d’une prédictivité supplémentaire. De très nombreux travaux sont en cours pour prédire la réponse à court, moyen et long termes, dès les premiers cycles de traitement néo-adjuvant. Une grande partie de ces travaux repose désormais sur l’étude de la génomique des tumeurs (40). La réponse au niveau axillaire peut être évaluée par échographie de l’aisselle. Dans une étude, l’échographie est plus performante que l’examen clinique pour prédire « la réponse axillaire ». La réponse axillaire et le nombre de ganglions métastatiques après CNA est un facteur pronostique important (41). La persistance de ganglions envahis peut être une indication à une deuxième ligne de traitement médical (chimiothérapie ou hormonothérapie) ou à une chimiothérapie d’intensification (42, 43).
La réalisation de l’acte chirurgical comporte plusieurs étapes Le moment de l’intervention Il faut opérer ou irradier des patientes en état de le supporter, d’où l’importance de la chronologie de l’intervention par rapport à la chimiothérapie et de la qualité du bilan pré-opératoire.
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 335
Le repérage Il faut se donner les moyens de réaliser l’exérèse du lit tumoral, même si la réponse est complète. Il est nécessaire de repérer très soigneusement avant la chimiothérapie la zone tumorale. Le repérage clinique est très important, il peut reposer sur un schéma détaillé de la lésion par rapport à des repères anatomiques (schéma 1) ; il peut être complété par des photos en position opératoire avec les repères de la lésion.
Schéma 1 - Repérage pré-opératoire de la tumeur. La patiente est en position opératoire, une droite joint le manubrium au mamelon, d1 est la longueur de la perpendiculaire joignant la tumeur à cette droite, d2 est la distance entre cette perpendiculaire et le mamelon
La technique la plus classique de repérage direct consiste à insérer un repère métallique. Ces repères métalliques peuvent être mis en place chez toutes les patientes relevant d’une CNA (44, 45), mais il peut également être logique de ne le proposer qu’après deux ou trois cures, lorsque la réponse paraît importante et que l’on évoque une possibilité de réponse complète. Dans une étude portant sur 109 patientes, H. M. Kuerer et coll. (46) montrent que la réponse est plus souvent complète chez les patientes qui présentent initialement les tumeurs les plus petites. Ils recommandent alors la mise en place d’un marqueur métallique. La mise en place de ce clip s’effectue sous échographie. Il est repéré en pré-opératoire par un hameçon. Il a également été proposé des repères biologiquement dégradables mis en place sous échographie et la réalisation d’un tatouage en regard de la lésion. Le repérage pré-opératoire peut également être utile, dans les cas où la réponse n’est pas complète, mais aboutit à une lésion infraclinique. Ce repérage peut être effectué, soit sous échographie, soit sous stéréotaxie avec mise en place d’un hameçon.
336 Cancer du sein Le repérage per-opératoire est également très important, il repose : – sur la disposition de tous les documents d’imagerie avant et pendant la chimiothérapie ; – sur le repérage pré-opératoire évoqué plus haut ; – il peut également être utile d’effectuer une radiographie ou une échographie de la pièce opératoire ; – sur l’identification d’une « cicatrice » histologique de la tumeur, ou d’un résidu tumoral, lors de l’examen extemporané au moins macroscopique.
L’acte chirurgical au niveau du sein Il est important, lors de la tumorectomie, d’effectuer au moindre doute des recoupes pour disposer d’un maximum de marges de sécurité. La marge doit être idéalement de 5 à 10 mm. En fait, dès l’existence d’une marge de « sécurité », même de 2 mm, le risque de récidive semble réduit. L’examen extemporané per-opératoire peut tenter de préciser la taille de la tumeur résiduelle et les marges de sécurité, en sachant que l’histologie définitive vient parfois modifier cette évaluation initiale. Il faut également savoir renoncer à l’examen extemporané s’il ne paraît pas réalisable dans de bonnes conditions. Nous avons déjà évoqué les situations où la mastectomie reste nécessaire, quelle que soit la réponse. Il s’agit : – des patientes présentant initialement une lésion en poussée évolutive ; – des patientes présentant un carcinome in situ étendu prouvé. L’attitude chirurgicale chez les patientes porteuses d’une mutation certaine (et non d’une probabilité) BRCA1 ou BRCA2 consiste pour la plupart des équipes à proposer une mastectomie, éventuellement bilatérale. Les séries de traitements conservateurs chez ces patientes sont peu fréquentes. Bien qu’à court terme un traitement conservateur paraît possible, à plus long terme, comme cela était prévisible, le risque de second cancer ipsi- ou controlatéral est nettement majoré. Dès lors, la discussion avec la patiente doit permettre de lui exposer ces données. Le plus généralement, la discussion porte sur le choix entre traitement conservateur du sein associé à une annexectomie bilatérale et mastectomie (uni- ou bilatérale), associée à une annexectomie bilatérale (il s’agit bien d’une annexectomie et non d’une ovariectomie qui est insuffisante). Pour beaucoup d’équipes, la (ou les) mastectomie(s) est réalisée secondairement, couplée d’emblée à une reconstruction, le traitement hormonal chez les patientes Rh+ venant réduire le risque de récidive. Pour la plupart des équipes, les lésions de type T4 font l’objet d’une mastectomie systématique, mais des résultats montrant un taux de récidive similaire après réponse complète ont également été décrits (47). Pour les lésions T3, il semble bien que la taille initiale de la lésion et la taille postchimiothérapie conditionnent le taux de récidive, et cet élément doit être porté à la connaissance de la patiente. Pour les lésions T3 présentant initialement une taille supérieure à 6 ou 7 cm, il est rare que nous proposions, quelle que soit la réponse, un traitement conservateur. Dans une étude récente (15), un traitement conserva-
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 337 teur a pu être réalisé dans 28 % des cas de tumeurs T3 contre 72 % pour les T2. Certaines équipes proposent un traitement conservateur quelle que soit la taille initiale, à condition qu’il y ait une réponse suffisante. Hormis ces restrictions, globalement un traitement conservateur peut être proposé lorsque la taille tumorale après CNA est inférieure ou égale à 25 mm ou 30 mm selon les équipes. Il est également évident que cette stratégie varie selon l’âge et le souhait de la patiente. Il faut enfin savoir que ce souhait évolue parfois au cours de la chimiothérapie, et que des patientes qui, au début de celle-ci, souhaitaient envisager un traitement conservateur préfèrent, en fin de traitement, un traitement radical… Au total, la mastectomie garde de nombreuses indications. Dans certains cas, elle devra être effectuée secondairement après lecture de l’histologie définitive. La patiente doit être informée de cette possibilité. Lorsqu’une mastectomie est réalisée, elle est le plus souvent réalisée selon la technique de Patey, emportant un fragment cutané important. Certaines études laissent entendre que la technique conservant l’étui cutané (skin sparring) est utilisable (48). Bien que des reconstructions immédiates aient été réalisées dans de bonnes conditions (49), elles ont une place réduite pour la plupart des équipes. Cette attitude est d’autant plus justifiée si une radiothérapie postopératoire susceptible de menacer le résultat esthétique est envisagée. Toutefois, des équipes ont proposé de réaliser des reconstructions immédiates par TRAM sans effet néfaste en matière de récidive ou de complications. M. F. Deutsch et coll. (50) décrivent des résultats qualifiés d’encourageants. Mais ils observent 55 % de complications à des degrés divers, plus particulièrement chez les patientes fumeuses, et considèrent qu’il s’agit là d’une contre-indication relative à la reconstruction immédiate. Dans la plupart des cas, et c’est la stratégie adoptée par notre équipe, nous préférons compléter le traitement (fréquemment par la radiothérapie) avant d’effectuer une reconstruction secondaire. Quant à l’oncoplastie, pour des lésions résiduelles très supérieures à 3 cm, elle ne doit a priori garder de place que chez les patientes refusant la mastectomie.
La prise en charge chirurgicale de l’aisselle Le curage axillaire complet reste la règle pour la plupart des équipes, a fortiori si la patiente était N+ en pré-opératoire. Cependant, certaines équipes proposent d’utiliser la technique du ganglion sentinelle dans des conditions très précises : patientes N0 en pré- et post-chimiothérapie, absence d’éléments suspects à l’échographie ou cytoponction négative des ganglions observés. Dans ces conditions, les résultats concernant l’identification et le taux de faux négatifs sont comparables à ceux observés avec cette technique lorsqu’elle est employée en dehors de la CNA. Certaines équipes ont cependant décrit des faux négatifs plus fréquents après chimiothérapie, ce qui, pour elles, contreindique l’usage de cette technique. Dans une étude de la littérature, S. Pendas et coll. observent des taux de faux négatifs variant de 0 à 33 % et des taux d’identification variant de 84 à 97 % (51, 52). L’étude de L. F. Cohen et coll. (53) confirme que l’im-
338 Cancer du sein muno-histochimie est indispensable pour ne pas ignorer 20 % de métastases occultes. En fait, la question cruciale est celle de la valeur thérapeutique du curage chez les patientes présentant fréquemment avant la CNA des métastases ou des micrométastases ganglionnaires, non identifiées en pré-opératoire et stérilisées par la chimiothérapie. Actuellement, aucun résultat permet d’affirmer que le traitement de l’aisselle n’est pas nécessaire en cas de ganglion sentinelle négatif. C’est pourquoi beaucoup continuent à réaliser des curages systématiques. Dans certaines séries (32), les ganglions de la chaîne mammaire interne sont visualisés par TEP-FDG. Cependant, aucun travail n’a permis de confirmer l’atteinte histologique de ces ganglions, et leur signification n’est pas claire. Actuellement, la plupart des équipes ne proposent aucun geste au niveau de la chaîne mammaire interne, à l’exception des indications habituelles de la radiothérapie.
La prise en charge de la pièce de tumorectomie ou de mastectomie et du prélèvement de l’aisselle est capitale. La lecture du compte-rendu anatomo-pathologique est un « temps chirurgical » essentiel (54) Ces précautions débutent dès l’intervention chirurgicale, en orientant soigneusement la pièce, en effectuant éventuellement une radiographie ou une échographie de la pièce opératoire pour localiser au mieux les lésions résiduelles et guider l’examen anatomo-pathologique. L’examen extemporané est fréquemment effectué en macroscopie, il n’est réalisé en microscopie qu’après décision de l’anatomo-pathologiste. Il tente de préciser l’existence ou non d’une lésion résiduelle, son caractère ou non malin et l’état des berges. La présence d’un clip disposé avant la CNA facilite le repérage de la zone à examiner par l’anatomo-pathologiste. Le compte-rendu anatomo-pathologique doit être complet, répondant aux standards actuels de description, et doit comporter tous les éléments pronostiques habituels. Le pathologiste intervient à plusieurs niveaux : – lors du diagnostic, dans le bilan histologique de la lésion par la micro-biopsie de référence qui affirme l’invasivité et définit des facteurs prédictifs de réponse à la chimiothérapie ; – lors de l’examen macroscopique per-opératoire, par la mesure de la taille et l’évaluation de la distance aux berges dans la décision de chirurgie conservatrice et adapte le nombre de prélèvements au signal macroscopique résiduel ; – dans l’évaluation histologique pronostique de la réponse à la chimiothérapie de la tumeur et des ganglions. Cette évaluation est délicate en raison du mode de régression tumorale et de la discordance anatomo-clinique fréquente. Fibrose et inflammation, en l’absence de cellules tumorales, témoignent de la préexistence de la tumeur et certifient la
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 339 réponse histologique totale, seule garantie d’un meilleur pronostic, mais peu fréquente (10 à 30 %). Plusieurs classifications, dont celles de D. M. Sataloff et B. Chevallier (55, 56) sont les plus utilisées, se différencient par l’évaluation de la tumeur et /ou du statut ganglionnaire, et par la stratification de cette réponse. Il faut tenir compte de la cellularité tumorale et comparer la lésion pré-chimiothérapie. Cette réponse histologique est plus difficile à apprécier au niveau du ganglion, mais reste, comme la taille, un critère pronostique et décisionnel. La prolifération résiduelle peut être gradée, mais l’effet thérapeutique est responsable d’altérations cellulaires témoins de la chimio-sensibilité. Le contingent intracanalaire, ainsi que les emboles, sont habituellement peu sensibles. L’évaluation des berges est identique à celle effectuée sur les autres pièces opératoires. Le statut hormonal n’est en principe pas modifié, de même que le statut c-erbB2. Mais la diminution de l’index Ki 67 va témoigner de l’efficacité de la chimiothérapie. La présence de lésions sur les recoupes est parfois difficile à interpréter et, en particulier, à mesurer. Dans une étude, la valeur pronostique la plus exacte est obtenue en ajoutant les tailles tumorales observées sur les recoupes à celle observée sur la lésion principale. La lecture du compte-rendu histologique définitif fait partie de la prise en charge chirurgicale. Elle doit être intégrée aux autres éléments et faire l’objet d’une nouvelle concertation multidisciplinaire pour décider la stratégie post-chirurgicale.
La période post-chirurgicale La chirurgie est suivie d’une radiothérapie en cas de traitement conservateur. Les indications de la radiothérapie après mastectomie doivent être guidées par le statut tumoral avant la CNA. Dans une étude portant sur 50 patientes traitées par CNA (57), les auteurs confirment que les facteurs de récidive après mastectomie sont la taille tumorale et la présence d’une atteinte ganglionnaire avant la chimiothérapie. Ils recommandent de poser les indications concernant la paroi et l’aisselle sur les critères de stadification pré-chimiothérapique, d’où l’importance du bilan intial. Les traitements médicaux après la chirurgie consistent schématiquement et selon l’histologie définitive, soit en une chimiothérapie de deuxième ligne, soit en une hormonothérapie. La surveillance doit tenir compte du risque particulier de récidive chez les patientes ayant reçu un traitement conservateur.
Conclusion La persistance de cancers du sein diagnostiqués à un stade avancé conduit les équipes de soins à proposer de plus en plus fréquemment des traitements médicaux (en particulier des chimiothérapies) néo-adjuvants. Ce choix est d’autant plus logique que les résultats en terme de traitements conservateurs, de survie sans récidives et vraisemblablement de survie globale sont de plus en plus encourageants. L’avenir doit venir confirmer : – des espoirs en matière de survie globale ;
340 Cancer du sein – la possibilité d’intégrer les données de la réponse à la CNA pour guider le choix pour chaque patiente de la thérapeutique la plus « prometteuse » à long terme grâce à des informations recueillies à court terme (58, 59) ; – la mise au point de nouveaux traitements encore plus spécifiques (60). Au cours de toutes ces étapes, le chirurgien doit se comporter en acteur et partenaire, et non en « spectateur » jusqu’à l’étape chirurgicale.
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Le ganglion sentinelle en routine dans les cancers du sein. Expérience de l’Institut Curie (Routine sentinel node detection in breast cancer. Experience of the Institut Curie) C. Nos, S. Delahaye, M. Benamor, A. Vincent-Salomon, C. El Khoury, V. Doridot, K. B. Clough et le groupe Sein de l’institut Curie
Résumé Depuis janvier 2000, la technique du ganglion sentinelle (GS) est devenue une activité de routine à l’Institut Curie, pratiquée par une équipe multidisciplinaire comprenant des chirurgiens, des médecins nucléaires, des radiologues et pathologistes entraînés. Sur une période de trois ans, 738 patientes consécutives ont bénéficié de cette technique dans le cadre d’un traitement conservateur d’un cancer du sein de petite taille. Nos recommandations spécifiques pour la procédure du GS était la pratique systématique des diagnostics pré-opératoires par cytoponction ou biopsie, le choix d’un site d’injection des traceurs toujours péritumoral, un prélèvement chirurgical premier du GS en vue d’un examen extemporané par coupe congelé et enfin l’application de critères précis pour décider d’une ré-intervention chirurgicale. Cet article est une évaluation des pratiques d’un centre spécialisé et permet de dégager les points forts et les points faibles de la procédure. Mots-clés : cancer du sein, ganglion sentinelle, lympho-scintigraphie mammaire, micro-métastase.
Abstract Since January 2000, sentinel lymph node detection is routinely performed at the Institut Curie, involving a multidisciplinary team of trained surgeons, nuclear medicine physicians, radiologists and pathologists. Thus during a three-year period, 739 patients undergoing tumorectomy with conservative surgical treatment of the breast were included in the sentinel node procedure consisting of systematic preoperative tumor biopsies, peritumoral lymph tracer injections, primary surgical removal of the first sentinel lymph node followed by sentinel lymph node biopsy using a standardized pathological analysis and finally the application of precise criteria to determine whether further surgery is necessary. This article is an evaluation
346 Cancer du sein of the sentinel lymph node technique used and provides a breakdown of the strong points and weak points of the procedure. Key words : Breast cancer, sentinel lymph node, breast lymphoscintigraphy, micrometastasis.
Introduction Depuis maintenant dix ans, l’individualisation du ganglion sentinelle (GS) comme alternative au curage axillaire représente une avancée majeure dans la prise en charge du cancer du sein (1-3). Les nombreuses publications sur le sujet, ainsi que les résultats des études prospectives, ont permis d’aboutir à un consensus international en 2001 (4) et français en 2003 (5). Cette technique a imposé un changement de concept majeur dans la prise en charge chirurgicale des cancers du sein, notamment par le développement de la médecine nucléaire et des techniques spécifiques d’examen anatomo-pathologique. La chirurgie du cancer du sein est, de par cette technique, devenue véritablement multidisciplinaire. A l’Institut Curie, nous avons développé l’apprentissage chirurgical de cette technique depuis 1996 (6) et celle-ci a commencé a être pratiquée en routine à partir de janvier 2000. Nous donnons ici les résultats de trois années d’expérience (2000, 2001, 2002) du GS en routine, en développant particulièrement les conséquences des spécificités de cette technique, notamment la recommandation de diagnostic systématique pré-opératoire de cancer du sein invasif avant la pratique d’un GS et la nécessité de ré-intervention systématique par curage en cas de GS positif (5).
Matériel et méthode Entre janvier 2000 et décembre 2002, la recherche du GS pour cancer du sein a été effectuée selon une procédure définie. 8 chirurgiens ayant préalablement réalisé une phase d’apprentissage comprenant un minimum de 30 patientes opérées ont participé à cette étude. L’indication retenue était les patientes présentant un cancer du sein infiltrant, unifocal, dont la taille estimée de la composante infiltrante était inférieure à 15 mm et sans atteinte ganglionnaire clinique. La taille des tumeurs était estimée cliniquement et échographiquement. La procédure recommandée pour la pratique du GS prévoyait de connaître avant l’intervention le diagnostic de carcinome par la pratique de cytologie, microbiopsie ou macro-biopsie (Mammotome®). Le but était d’éviter autant que possible d’avoir recours à l’examen histologique extemporané diagnostique sur la pièce de tumorectomie. La technique de repérage du GS utilisait toujours un site d’injection péritumoral. Mais nous utilisons trois types de protocole : la technique du bleu patenté seul, le bleu associé à l’injection d’isotope, et une technique ajoutant à la précédente la réalisation d’une scintigraphie.
Le ganglion sentinelle en routine dans les cancers du sein…347 La technique au bleu seul était indiquée pour les patientes non obèses, avec une poitrine de volume petit ou moyen et présentant une tumeur en place de localisation plutôt externe (7). Dans cette technique, la coloration bleue devait pouvoir être vérifiée par le médecin pathologiste (8). Dans les techniques combinées utilisant les isotopes, la scintigraphie était pratiquée de préférence pour les tumeurs des quadrants internes et pour les patientes obèses, en raison d’une difficulté prévisible pour la localisation de GS axillaire (9). Dans la technique isotopique, les injections péri-tumorales de nanocolloïdes étaient pratiquées à l’aide de deux seringues contenant chacune 40 MBq (1,1 mCi) dans un petit volume de 0,2 ml et réalisées aux pôles interne et externe de la tumeur, au niveau équatorial. En cas de tumeur infraclinique, les injections péri-tumorales étaient pratiquées sous échographie ou sous mammographie stéréotaxique, dans l’unité de sénologie interventionnelle autorisée à détenir des radio-éléments artificiels. Lorsque la lympho-scintigraphie mammaire était réalisée, l’enregistrement débutait une heure après l’injection et comprenait deux incidences, acquises en mode statique, face antérieure avec bras en abduction à 90° (position chirurgicale) et profil bras levé. Les images scintigraphiques obtenues permettaient la visualisation du drainage lymphatique tumoral (cartographie lymphatique) et le repérage à la peau du (ou des) GS (premier point chaud à proximité de la tumeur), en position axillaire le plus souvent, ou parfois extra-axillaire (mammaire interne). Si aucun ganglion n’était vu, une nouvelle série d’images était enregistrée deux heures après l’injection. L’intervention chirurgicale était programmée le lendemain, soit dix-huit heures après l’injection d’isotope. Dans les cas où la chirurgie était pratiquée le jour même (soit deux heures après l’injection), la dose était réduite de moitié (soit deux fois 20 MBq (0,5 mCi). Pour toutes les patientes, le protocole chirurgical consistait en l’injection de 1 à 4 cc de Bleu Patenté V Guerbet® en péri-tumoral. L’intervention débutait par l’abord premier du creux axillaire et le prélèvement du GS chaque fois que le diagnostic pré-opératoire de néoplasie était connu. Les GS ont été soumis à un examen extemporané par coupe congelée à partir de 2001. En cas de positivité de l’examen extemporané ou en cas d’échec de mise en évidence du GS, un curage complémentaire des niveaux I et II de Berg était réalisé dans le même temps opératoire. Chaque GS prélevé a fait l’objet d’un examen histologique complet selon une technique spécifique, utilisée en routine dans notre centre (10). La recherche de micro-métastases était effectuée par coupes sériées à 150 µm d’intervalle colorées en HES, puis par coloration immuno-histochimique (IHC). En cas de positivité du GS (micro-métatases HES ou micro-métastases IHC), un curage axillaire était systématiquement proposé. De même, les patientes dont l’exérèse tumorale était incomplète ont été réopérées.
348 Cancer du sein
Résultats 738 patientes ont été opérées en trois ans avec une croissance exponentielle du nombre des indications (tableau 1). L’âge moyen des patientes était de 58 ans (extrêmes 27-97 ans). Pour 4 % des patientes, il s’agissait d’un cancer bilatéral et, parmi les 96 % des patientes présentant un cancer unilatéral, 9 % avaient un antécédent de cancer du sein controlatéral traité antérieurement. Sur l’ensemble des patientes, 22 % étaient réglées, 41 % étaient ménopausées avec traitement hormonal substitutif, et 37 % étaient ménopausées sans traitement hormonal. Tableau 1 - Descriptif des techniques d’identification du GS de 2000 à 2002. B : bleu seul, I+B : isotope + bleu, I+S+B : isotope avec scintigraphie + bleu.
Nombre de patientes Technique d’identification B/I+B/I+S+B (%) Identification du GS (%) Nombre moyen de GS prélevé
2000
2001
2002
116
249
373
34/38/28
28/33/29
50/8/42
94,9 %
96 %
96,%
2,1
2,07
1,99
Diagnostic pré-opératoire (tableau 2) Tableau 2 - Influence des résultats du diagnostic pré-opératoire sur le déroulement de la procédure. n Chirurgie débutant par le prélèvement du GS Cytologie de la tumeur + Micro-biopsie de la tumeur + Cytologie et micro-biopsie de la tumeur * + Macro-biopsie (Mammotome®)de la tumeur + Tumorectomie diagnostique antérieure ** Chirurgie débutant par extemporané de la tumeur Cytologie et/ou micro-biopsie de la tumeur ambiguë Pas de diagnostic pré-opératoire de la tumeur** Total * Cytologie et micro-biopsie faites en même temps. ** Procédure GS faite en dehors de la procédure pré-établie à l’Institut Curie.
(%)
591 (80,1) 274 (37,1) 145 (19,6) 125 (17) 36 (4,9) 11 (1,5) 147 (19,9) 121 (16,4) 26 (3,5) 738 (100)
Le ganglion sentinelle en routine dans les cancers du sein…349 Dans 80 % des cas, la chirurgie a débuté par le prélèvement du GS, comme prévu dans notre protocole, et dans 20 % des cas la chirurgie a dû débuter par une tumorectomie à visée diagnostique. L’examen extemporané diagnostique de la tumeur a été fait, soit parce que le diagnostic pré-opératoire n’avait pas été proposé, soit parce que les résultats des diagnostics pré-opératoires étaient suspects ou non interprétables.
Identification du GS Dans notre série, le GS n’a pas été identifié dans 4 % des cas, soit 30 patientes (tableau 3). Nous n’avons pas pu mettre en évidence de différence significative entre les trois méthodes utilisées pour l’identification du GS (p = 0,6). Sur ces 30 échecs d’identification, 14 patientes avaient eu une identification au bleu seul, 7 patientes au bleu associé aux isotopes et 9 patientes avec la technique scintigraphique. Le GS a été identifié dans 96 % des cas, soit 708 patientes. 2 GS en moyenne ont été prélevés et analysés par patiente. Pour la technique au bleu seul (296 patientes), un contrôle de qualité de la couleur du GS transmis à l’anatomo-pathologiste a été réalisé dans 100 % des cas, 90% des ganglions analysés étaient bien bleus. Tableau 3 - Résultats des GS et du curage axillaire. (%)
GS non identifié GS identifié indemne métastatique micro-métastatique HES micro-métastatique IHC
n
Curage positif*
Curage axillaire non fait
4 % (30/739)
76 % (23/30)
0
69% (489/708) 16% (115/708) 9 % (60/708) 6 % (44/708)
37 % (41/112) 8 % (4/50) 5 % (2 /38)
489 3 10 6
* Présence d’au moins un ganglion métastatique dans les ganglions du curage.
Examen anatomo-pathologique du GS Examen extemporané 409 patientes, soit 58 % des patientes pour lesquelles le GS a pu être identifié, ont eu un examen extemporané du GS par une coupe congelée. Dans 15 % des cas (61 patientes), l’examen extemporané a conclu à un envahissement métastatique du GS et le curage axillaire a été réalisé dans le même temps opératoire. Pour 348 patientes, soit 85 % des examens extemporanés, l’analyse extemporanée était négative. Parmi ces 348 patientes, 16 avaient en réalité un envahissement métastatique du GS, ce qui donne une sensibilité de l’examen extemporané par coupe congelée pour la recherche de macro-métastases de 79 %.
350 Cancer du sein Cependant, pour 67 autres patientes dont l’examen extemporané était négatif, l’analyse définitive du GS par coupes sériées et immuno-histochimie a permis d’identifier des micro-métastases, ce qui porte à 43 % la sensibilité de l’examen extemporané macro- et micro-métastases comprises.
Examen définitif Au total (tableau 3), le GS était le siège d’un envahissement métastatique dans 16 % des cas, 9 % étaient micro-métastatiques en HES, 6 % étaient micro-métastatiques en IHC et 69 % des GS étaient strictement indemnes.
La tumorectomie Un traitement conservateur du sein par tumorectomie a pu être réalisé chez 730 patientes (99 %) en association avec l’individualisation du GS. L’information sur la taille clinique initiale a pu être obtenue chez 613 patientes. 566 patientes (92 %) présentaient une tumeur classée T1, dont 159 (26 %) étaient non palpables. 47 patientes (8 %) présentaient une lésion classée T2. L’information sur la taille échographique des tumeurs a été obtenue chez 567 patientes et la taille moyenne était de 10,3 mm (de 3 à 25 mm). Toutes les patientes étaient classées N0, mais 14,5 % présentaient un ganglion palpable dans l’aisselle jugé réactionnel à la ponction pré-opératoire diagnostique. Les résultats anatomo-pathologiques de la pièce opératoire ont confirmé le caractère infiltrant de la tumeur chez 728 patientes, soit 98,6 % des cas. Pour 9 patientes (1,2 % des cas), l’analyse histologique a mis en évidence un carcinome intracanalaire strict. Enfin, pour 1 patiente (0,2 % des cas), l’analyse histologique de la lésion était bénigne. Cette patiente présentait une tumeur infraclinique dont la cytologie concluait à un adénocarcinome. Il s’agissait d’un faux-positif d’un diagnostic pré-opératoire cytologique qui s’est avéré être une lésion d’adénose sclérosante de 5 mm de diamètre. Les informations sur l’histologie des 738 tumeurs figurent dans le tableau 4.
Taux de ré-intervention 152 patientes, soit 20,5 % ont du être réopérées. Pour 98 patientes (13,2 %), la ré-intervention a consisté en un curage axillaire pour GS positif. Les résultats du curage en fonction des caractéristiques du GS sont répertoriés dans le tableau 3. 25 patientes, soit 3,3 %, ont été réopérées pour une reprise au large des berges de tumorectomie qui étaient atteintes. Pour 29 patientes, soit 4 %, la ré-intervention consistait à la fois en un curage axillaire et en une reprise de tumorectomie. Au total, 127 patientes (17,2 %) ont donc été réopérées par curage axillaire, mais 19 autres patientes qui présentaient aussi un GS positif n’ont pas été réopérées pour des raisons diverses. Les caractéristiques de ces patientes sont reportées dans le tableau 5.
Le ganglion sentinelle en routine dans les cancers du sein…351 Tableau 4 - Caractéristiques des tumeurs. Histologie de la tumeur
Canalaire infiltrant Lobulaire infiltrant Autres infiltrant CIC strict Bénin
569 patientes 120 patientes 39 patientes 9 patientes 1 patiente
77,1 % 16,2 % 5,3 % 1,2 % 0, 1 %
Taille histologique de la composante invasive (n= 728)
12,3 mm +/- 0,21 (0-39 mm)
Grade histo-pronostique EE (n = 728)
I II III Impossible à déterminer Non évalué
Présence d’emboles vasculaires péri-tumoraux (n = 728)
Oui Non Non précisé
17 % 70 % 13 %
Récepteurs hormonaux (n = 728)
Positif Négatif Non dosés
86 % 9% 5%
54,3 % 34,8 % 10,2 % 3,3 % 0,7 %
54 patientes, soit 7,3 %, ont été réopérées pour berges atteintes, dont 20 ont dû avoir une mammectomie. Dans cette série, où le recul moyen est de dix-huit mois, aucun cas de récidive locale axillaire n’a été colligée à ce jour. Tableau 5 - Caractéristiques des 19 patientes avec un GS positif (métastatique ou micrométastatique) qui n’ont pas eu de curage axillaire. Résultat du GS
1 Métastase 2 " 3 " 4 Micrométastase 5 " 6 " 7 " 8 " 9 " 10 " 11 " 12 " 13 " 14 " 15 " 16 " 17 " 18 " 19 "
Âge
N° de GS prélevé
Raison de l’absence de curage
Irradiation axillaire
81 88 64 77 55 47 78 54 50 72 76 84 73 70 71 63 52 62 75
2 5 5 3 2 2 1 2 2 4 4 3 1 3 3 1 2 3 1
âge âge refus de la patiente âge antécédent de CA controlatéral profession : violoniste âge profession : danseuse antécédent de CA controlatéral antécédent de CA controlatéral âge âge antécédent de CA controlatéral non proposé par le chirurgien antécédent de CA controlatéral non proposé par le chirurgien carcinome adénoïde kystique état général altéré âge
oui oui -
Chimioth/ Hormonoth
oui oui oui oui -
352 Cancer du sein
Discussion La pratique du GS en « routine » à l’Institut Curie a entraîné de profondes modifications dans la prise en charge des patientes consultant pour une petite tumeur du sein. Nous sommes passés d’une situation où la chirurgie était standardisée, avec des curages axillaires programmés et une hospitalisation d’une durée moyenne de quatre jours à une situation différente : les patientes ont quasi systématiquement avant l’intervention un geste programmé au plateau de radiologie interventionnelle (ponctions diverses, repérage tumoral, injection d’isotope) et sortent généralement dès le lendemain de l’opération. L’équipe médicale multidisciplinaire s’est adaptée progressivement à cette nouvelle technique, mais sans réflexion approfondie. Le GS étant une technique non évaluée à long terme, il nous a semblé nécessaire de la pratiquer dans les meilleures conditions possibles décrites dans la littérature pour éviter au maximum les risques de récidives axillaires (4, 11). Pour cette raison, nous avons choisi de faire pratiquer une courbe d’apprentissage aux chirurgiens avant de les autoriser à pratiquer cette technique (5, 12). De même, le site d’injection est toujours péri-tumoral car les injections péri-aréolaires n’ont pas été validées dans de grandes séries. Dans un but de reproductibilité des résultats, nous essayons de standardiser nos pratiques à tous les niveaux, et cet article a un but d’évaluation des points forts et des points faibles de la prise en charge. Trois points de discussions apparaissent : – faut-il faire systématiquement des prélèvements pré-opératoires ? – faut-il faire systématiquement des recherches du GS avec une méthode combinée ? – et, enfin, le point le plus important, comment limiter le risque de ré-intervention ?
Le diagnostic pré-opératoire Le diagnostic pré-opératoire de carcinome infiltrant apporte de grands bénéfices à l’organisation de la chirurgie. Cette notion fait d’ailleurs l’objet de la recommandation n° 6 pour la pratique du GS où il est stipulé que l’on doit avoir obtenu une preuve histologique de cancer du sein invasif avant une biopsie de GS (5). L’argument majeur pour cette pratique est le gain de temps obtenu lorsque l’intervention commence par le prélèvement du GS. En effet, le GS est confié à l’extemporané pendant que le chirurgien effectue la tumorectomie. Cette diminution du temps opératoire par rapport à une tumorectomie première sous extemporané diagnostique, suivi d’un prélèvement du GS qui est lui-même examiné sous extemporané est considérable. Le deuxième argument en faveur du diagnostic pré-opératoire est que la recherche du GS est gênée par la tumorectomie, qu’elle soit antérieure de plusieurs jours à la recherche du GS ou qu’il s’agisse d’une tumorectomie sous extemporané. En effet, si la tumeur est en place, les taux d’identification du GS avec utilisation du site d’injection péri-tumoral sont meilleurs, que l’on utilise le bleu seul ou le bleu avec isotopes (7, 13).
Le ganglion sentinelle en routine dans les cancers du sein…353 Les autres arguments en faveur des prélèvements à visée diagnostique pré-opératoires sont : une information plus facile délivrée aux patientes concernant le déroulement de l’intervention, les projets thérapeutiques et, surtout, la possibilité de sélectionner en pré-opératoire des patientes ne présentant pas d’indication au GS. Notre attitude systématique de diagnostic pré-opératoire a abouti à opérer des cancers dans plus de 99 % des cas, puisque seule une patiente présentant une lésion bénigne a été opérée avec un GS. Ce cas unique ne pose pas à nouveau la question de l’examen extemporané systématique de la tumeur. En effet, la morbidité engendrée par le prélèvement d’un GS est jugée nettement inférieure à celle d’un curage, comme le montrent les séries publiées (14, 15), mais les séquelles fonctionnelles au niveau de l’aisselle opérée existent néanmoins pour des cas individuels. Dans cette série également, 9 patientes (1 %) présentant un carcinome intracanalaire strict ont eu un prélèvement de GS par excès. Ce taux nous semble difficile à améliorer puisque le diagnostic histologique pré-opératoire n’est pas toujours possible et que les diagnostics cytologiques seuls ont été réalisés sur les tumeurs de moins de 7 mm. Enfin, certains étudient actuellement l’intérêt d’une stadification ganglionnaire par GS en cas de carcinome intracanalaire (16).
La méthode d’identification La faisabilité de la technique n’est plus à démontrer, et beaucoup d’équipes publient des taux d’identification du GS en routine proche de 100 % (15, 17). Avec 96 % d’identification, l’expérience de l’Institut Curie va dans ce sens. Ces bons résultats sont obtenus avant tout grâce à la pratique de la technique réservée aux chirurgiens entraînés (12). Cependant, nos méthodes d’identification sont diverses. Nous avons introduit depuis trois ans la technique scintigraphique pour la mise en évidence du GS, technique que nous réservons essentiellement aux tumeurs des quadrants internes et aux patientes en excès pondéral (9, 13). C’est probablement ce choix préalable en fonction des quadrants qui ne permet pas, sur l’ensemble des données dont nous disposons pour cette série, de mettre en évidence une technique significativement plus fiable pour l’identification du GS. Si on analyse plus précisément les 30 cas d’échec d’identification du GS, on retrouve que 47 % des échecs avaient eu une identification au bleu seul contre 23 % pour la technique bleu et isotope, et 30 % avec la scintigraphie. Ces chiffres sont bien en faveur d’un gain d’identification en cas de multiplicité des techniques, idée largement développée récemment dans la littérature (17, 18). À noter que le chiffre de GS prélevé est stable, année après année (tableau 1), et que la tendance actuelle est de toujours rechercher un deuxième GS quand un premier a été détecté, car l’analyse de plus d’un GS est un facteur permettant de diminuer le risque de faux négatifs (19).
354 Cancer du sein
Les ré-interventions La recommandation n° 11 pour la pratique du GS stipule que, dans tous les cas de GS positifs, quelle que soit la taille de la micro-métastase, il faut pratiquer un curage axillaire (5). Mais, les ré-interventions pour curage axillaire constituent le principal défaut de cette technique. Elles ont concerné 17,2 % des patientes de cette série. Pour ces patientes ré-opérées, la technique du GS ne représente pas une avancée thérapeutique, d’autant plus qu’un curage réalisé quinze jours après un GS est potentiellement source de séquelles fonctionnelles. Pour diminuer ce taux de ré-interventions, il faut améliorer nos performances pour le diagnostic extemporané de positivité du GS. Le diagnostic par coupe congelée semble être spécifique et l’objectif de diagnostiquer toutes les macro-métastases des GS devrait être possible. Cependant, dans notre série, la sensibilité de l’examen extemporané n’est que de 78 % pour les macro-métastases. Ceci est probablement lié au fait que seul le GS le plus suspect macroscopiquement était analysé en extemporané quand plusieurs GS étaient prélevés. Pour le diagnostic extemporané des micro-métastases, l’amélioration importante de la sensibilité de la coupe congelée semble difficile. Une voie de recherche possible serait la pratique des appositions et des colorations spécifiques, surtout si le prélèvement est ciblé sur la partie du GS recevant le lymphatique coloré afférent (20). L’amélioration du taux de ré-intervention passe aussi par l’obtention de berges saines, puisque 7,3 % des patientes ont été ré-opérées pour berges atteintes à l’histologie. Ce taux est faible, mais il est pourrait être encore abaissé par la pratique d’un examen extemporané sur les berges tumorales, technique à l’étude. L’analyse per-opératoire du GS a permis aussi, en cas de positivité, de limiter les délais pour les traitements postopératoires (chimiothérapie et radiothérapie) qui ont pu être programmés dès le lendemain de l’intervention. Enfin, 19 patientes n’ont pas été ré-opérées. L’analyse des caractéristiques des 19 patientes qui, malgré leur GS positif, n’ont pas été ré-opérées souligne encore plus le problème que posent les ré-interventions (tableau 5). La possibilité de ré-intervention doit être clairement expliquée aux patientes dès la première consultation. Il est certainement trop tôt pour proposer une alternative thérapeutique (irradiation axillaire, abstention) en dehors d’un essai thérapeutique. Ces essais sont en cours ; l’essai EORTC AMAROS compare l’irradiation axillaire au curage axillaire (21), et l’essai américain ACOSOG 001 compare le curage axillaire à l’abstention thérapeutique après GS positif (22).
Conclusion Notre évaluation de trois ans de pratique du GS « en routine » a mis en exergue les points forts et faibles de notre pratique. La diagnostic systématique pré-opératoire a permis de sélectionner des patientes présentant de véritables petites néoplasies infiltrantes dans quasiment tous les cas. Le site d’injection péri-tumoral a été toujours respecté, même pour les tumeurs infracliniques. Cette technique a a priori
Le ganglion sentinelle en routine dans les cancers du sein…355 rendu service aux trois quarts des patientes qui avaient soit un GS indemne, soit un GS positif à l’examen extemporané. Pour les autres, cette technique n’a pas apporté de bénéfice puisqu’elle a soit échoué, soit surtout a été la cause d’une ré-intervention. Ces chiffres seront certainement améliorés au fil des années, notamment quand le pronostic des patientes présentant un GS micro-métastatique aura été clarifié. Cependant, la technique du GS dans le cancer du sein n’est à ce jour pas encore validée et les grands essais randomisés (ALMANAC en Angleterre (23), NSABP 32 aux États-Unis (24), GFGS 01 en France) devront permettre d’affirmer si les patientes opérées par cette technique du GS n’ont pas de préjudice carcinologique à long terme.
Remerciements Les auteurs remercient Marie-Christine Falcou pour les analyses statistiques. Les chirurgiens qui ont participé à cette étude sont les Drs Krishna Clough, Virginie Doridot, Jean-Noël Guglielmina, Jean-Pierre Hamelin, Denis Heitz, Vincent de Margerie, Claude Nos et Rémy Salmon.
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Hormono-sensibilité et hormonorésistance aux anti-estrogènes et inhibiteurs d’aromatase P. de Cremoux
Résumé Les traitements hormonaux des cancers du sein sont utilisés depuis les années 1970 : tamoxifène, puis les analogues du LHRH et, plus récemment, les inhibiteurs d'aromatase. Bien que ces médicaments soient disponibles depuis de nombreuses années, les données sur leur mécanisme d'action et de résistance sont encore incomplètes. La résistance peut être de novo, en cas d'absence de récepteurs hormonaux. Le plus souvent, la résistance est acquise ou secondaire. Les mécanismes de cette résistance ne semblent pas univoques. Les données publiées concernent essentiellement le tamoxifène, produit pour lequel le recul d'utilisation est adapté. L’absence de récepteurs hormonaux est la cause principale de résistance de novo à un traitement hormonal du cancer du sein hormono-dépendant. De nombreuses interrogations se posent encore quant au rôle des mutants et des variants du récepteur des estrogènes, rôle du nouveau récepteur des estrogènes (REβ) et de l'équilibre entre les co-régulateurs du récepteur des estrogènes dans la résistance au traitement. Des données pré-cliniques concordantes montrent la sur-expression des récepteurs de facteurs de croissance dans des modèles résistants au tamoxifène. Bien que quelques données cliniques confortent cette hypothèse, elles doivent être conformées par des études prospectives plus larges.
Summary Endocrine treatment of breast cancer is available since the early 1970s: tamoxifen, then LHRH analogs and more recently aromatase inhibitors. While these treatments are largely used, their mechanism of action and resistance are not fully understood. Absence of estrogens receptor expression is the most common de novo resistance mechanism. Mechanisms of acquire or secondary endocrine resistance are probably multifactorial. Anti estrogens unresponsiveness is the
372 Cancer du sein major acquired resistance phenotype. Whether anti-estrogens resistance may be linked to mutant of variant of ER, to altered ERβ or co-regulators expression is unclear. The role of growth factor receptor and ER network is shown on pre clinical models and have to be confirmed in prospective clinical trials.
Introduction L’importance du traitement endocrinien des cancers du sein a été démontrée il y a plus de cent ans, par les travaux de G. T. Beatson montrant la rémission de tumeurs du sein métastatiques chez deux patientes pré-ménopausées par une castration chirurgicale (1). En 2004, les traitements hormonaux actuels des cancers du sein agissent, soit par privation en estrogènes des cellules dépendantes des estrogènes (castration quels qu'en soient les modalités et inhibiteurs d'aromatase), soit en bloquant l'activation des récepteurs des estrogènes par des anti-estrogènes non stéroïdiens ou stéroïdiens (tamoxifène ou fulvestrant). Le tamoxifène, anti-estrogène non stéroïdien, a représenté pendant plus de vingt-cinq ans la référence dans le traitement hormonal des cancers du sein, initialement avancé, puis en adjuvant. Cependant, tous les patients ne répondent pas au tamoxifène et ceux qui répondent initialement pourront développer une résistance secondaire. La résistance a été démontrée cliniquement très tôt dans le développement des hormonothérapies ; cependant, la connaissance des mécanismes en cause a nécessité une meilleure connaissance des récepteurs d’estrogènes (RE) et de leurs propriétés transactivatrices (2). En effet, 30 à 40 % de tumeurs mammaires primitives ont des niveaux très faibles de RE et sont associées à une résistance primaire au traitement. Les autres tumeurs hormono-dépendantes peuvent, après une réponse initiale, développer une résistance secondaire au traitement. Un troisième groupe de tumeurs, initialement théoriquement hormono-dépendantes ne répondent, pas au traitement (3).
Les récepteurs des estrogènes Cette famille de récepteurs nucléaires présente une grande homologie de structure et de fonction. Tous ces récepteurs sont constitués d'unités comparables – les domaines – au nombre de cinq (six pour le RE). Le domaine NH2 terminal (A/B) est le domaine le moins homologue. Il joue un rôle dans la régulation de la transcription des gènes dépendant de l'hormone (AF1) (2). Le domaine de liaison du récepteur à l'ADN, ou domaine C, est le plus court et le plus conservé des domaines de la superfamille. Il est constitué d'une structure dite en « doigt de gant » ou en « doigt de zinc » constituée par une boucle d'acides aminés maintenue par quatre cystéines associés autour d'un ion zinc lui permettant de se lier à l’ADN. Il possède une spécificité de reconnaissance de séquences particulières de l'ADN, appelées éléments de réponse aux hormones (HREs), qui sont situées dans la région promotrice des gènes régulés par l’hormone. Le domaine de liaison de l'hormone (E) est aussi
Hormono-sensibilité et hormono-résistance… 373 conservé. D'autres fonctions lui sont aussi attribuées : régulation de la transcription (AF2) et dimérisation du récepteur. Le domaine C terminal (F) est également utile pour la régulation de l'activité transcriptionnelle du récepteur de l'estradiol. La liaison de l'hormone à son récepteur entraîne la liaison du récepteur à une séquence spécifique de l'ADN de la cellule (HRE), ainsi que la régulation des gènes dépendant de l'hormone. Des co-activateurs des récepteurs des hormones stéroïdes tels que SRC1 (Steroid Receptor Coactivator-1) augmentent cette interaction, alors que des co-répresseurs tels que NCor (Nuclear Receptor Co-repressor) ou SMRT (Silencing Mediator for RAR et TR) l’inhibent (4-6). Récemment, une nouvelle forme de RE a été identifiée, le REβ (7), et le classique RE a alors été renommé REα. Ils sont codés par deux gènes distincts positionnés sur les loci chromosomiques (6q25-1 pour REα et 14q22-24 pour REβ) (8, 9). Les deux récepteurs comportent six domaines (A/B, C, D, E, F) et sont très homologues, en particulier au niveau du domaine de liaison de l'hormone (LBD, domaine E, liaison des estrogènes et des SERMs) et du domaine de liaison à l’ADN (DBD, domaine C). Les RE forment des homo- ou hétérodimères : REα/REα ; REβ/REβ et REα/REβ. Beaucoup d'études initiales se sont focalisées sur le REα, cependant la majorité des tumeurs résistantes gardent des REα, et le REα est fonctionnel tel que cela est montré par sa capacité à lier l'ADN et initier la transcription induite avec les estrogènes. De nombreuses recherches se sont intéressées au gène codant pour le RE, le nouveau RE (β), les co-régulateurs des REs, ainsi que la régulation des récepteurs de facteurs de croissance à activité tyrosine kinase et leurs voies de signalisation.
La résistance hormonale Le tamoxifène a été le traitement hormonal de référence dans les cancers du sein hormono-dépendants pendant environ trente ans. Le tamoxifène administré pendant cinq ans en traitement adjuvant chez des patientes avec un cancer du sein ayant des récepteurs hormonaux entraîne une réduction de risque de 25 % (10). Plus récemment, les résultats d'essais comparant un traitement adjuvant par inhibiteurs d'aromatase et par tamoxifène ont montré une efficacité des inhibiteurs d'aromatase supérieure à celle du tamoxifène sur le risque de rechutes. Cependant, les patientes ayant un cancer du sein ne répondent pas toutes initialement à un traitement hormonal et, parmi celles qui répondent, un certain nombre d'entre elles vont acquérir une résistance au traitement (11). Les mécanismes responsables de cette résistance ne sont pas encore clairement établis, mais ne semblent pas univoques. De nombreux travaux expérimentaux et cliniques ont permis de dégager plusieurs hypothèses responsables de la résistance au traitement ; des données reposent principalement sur des études en présence de tamoxifène. Peu de données sont disponibles pour les autres lignes de traitement endocrinien (inhibiteurs d'aromatase, analogues du LHRH, progestatifs). Les cancers du sein sont des tumeurs hétérogènes qui ont une grande capacité d'adaptation à des pressions de sélection. L'hypothèse d'une modification de l'hétérogénéité cellulaire sous l'effet d'un traitement par une anti-hormone à long terme
374 Cancer du sein avec émergence de certaines populations qui deviennent dominantes par rapport aux autres a été évoquée (11). Cela a été montré dans des modèles in vitro (12) décrivant les modifications du phénotype de la tumeur. Ceci est à confirmer par des données cliniques. Parmi les tumeurs RE positives, après une réponse au traitement, environ 50 % répondent à une deuxième ligne de traitement après progression initiale. Parmi ces mécanismes, les anomalies de la pharmacocinétique du tamoxifène, mais particulièrement et plus récemment les mécanismes de résistance intracellulaire ont été montrés, en particulier dans des modèles pré-cliniques.
Anomalies de la pharmacocinétique Elles n'ont été décrites à ce jour que pour le tamoxifène ; en effet, le recul est insuffisant pour avoir des données dans ce domaine pour les traitements par inhibiteurs d'aromatase. La biodisponibilité intracellulaire du tamoxifène est fondamentale pour sa liaison avec le RE et sa compétition avec les estrogènes intra-tumoraux. Des Anti Estrogen Binding Sites (AEBS) ont été décrits dans les cellules épithéliales mammaires tumorales qui pourraient « séquestrer » le tamoxifène et l'empêcher d'atteindre sa cible spécifique. Par ailleurs, une augmentation de l'isomérisation du 40H-tamoxifène a été aussi décrite. Cela conduit à la synthèse de métabolites à effet estrogénique qui entrent en compétition au niveau du RE (13, 11). La démonstration des conséquences cliniques de ces données n'est cependant pas claire.
Mécanismes de résistance intracellulaire Les données actuelles concernent essentiellement les anti-estrogènes. La résistance aux anti-estrogènes peut être de novo ou acquise. La définition la plus claire de résistance de novo est l'absence d'expression de RE et de récepteurs de la progestérone. Cependant, dans le cas des tumeurs dites « hormono-dépendantes » ou REα positives, on ne peut pas prédire la réponse à un traitement par anti-estrogènes dans environ 25 % de tumeurs RE+ RP+, 66 % de tumeurs RE+ RP- et 55 % de tumeurs RE- RP+ (14). Ce qui signifie que certaines tumeurs RE+ et/ou RP+ sont aussi de novo résistantes au traitement et le mécanisme de cette résistance est inconnu. Pour la plupart des tumeurs hormono-dépendantes (75 % des tumeurs RE+ RP+), les patientes répondent au traitement, puis secondairement échappent : il s'agit d'une résistance secondaire ou acquise au traitement. Plusieurs mécanismes de résistance ont été évoqués : mutations et variants des REs, rôle du REβ, des corégulateurs du RE et régulation des réseaux de signalisation intracellulaire.
Hormono-sensibilité et hormono-résistance… 375
Les REs On sait depuis plusieurs années que les tumeurs résistantes au tamoxifène expriment au moment de la rechute des REα (RE+). En effet, la perte de REα au moment de la rechute après traitement adjuvant par tamoxifène a été décrite dans moins de 25 % des tumeurs (15) et donc ne représente pas le mécanisme principal de résistance aux anti-estrogènes. Récemment, le REβ a été décrit (7), et son rôle dans la résistance hormonale a été évoqué. L'expression tissulaire des REs (REα, REβ) diffère : dans les cellules mammaires épithéliales normales, les deux récepteurs sont rarement exprimés à un très haut niveau et dans toutes les cellules. Le ratio REβ/REα est plus élevé dans les cellules mammaires normales que dans les cellules épithéliales tumorales. Dans tous les cas, le niveau d'expression de REα est beaucoup plus élevé dans les cellules tumorales que le niveau de REβ (16), en particulier quand les deux récepteurs sont exprimés dans la même cellule (17). L'importance relative de REα et REβ dans la réponse aux anti-estrogènes reste encore à établir. Des difficultés résident dans l'absence de consensus établi pour le choix de l'anticorps le mieux adapté (18) et aussi le nombre limité de données disponibles. La relation entre REα et REβ est encore à ce jour peu claire, association pour certains (16, 19-21), relation inverse pour d'autres (22-24) où REα et REβ sont des paramètres indépendants (25, 26). Quatre études cliniques ont analysé la relation entre expression du REβ et résistance au tamoxifène. La première, réalisée sur une série de 17 patientes, analyse l'expression des ARNm de REβ, et montre un lien entre la sur-expression de REβ et la résistance (16). La seconde étude réalisée sur une série de 143 patientes traitées en adjuvant par tamoxifène dont 67 % avaient des Reα, montre une tendance (non statistiquement significative) à une moins bonne survie pour les patientes ayant un niveau de REβ1 positif (analysé par immuno-histochimie et Rt-PCR). Ils ne trouvent pas de corrélation entre les niveaux d’ARN messagers et de protéines REβ1 (21). Les deux dernières études, l’une portant sur une série de 186 patientes, l’autre sur 50 patientes, analysent l'expression de REβ, soit par immuno-blotting (26), soit par immuno-histochimie (27). Dans les deux cas, les auteurs montrent un lien entre la sous-expression de REβ et la résistance au tamoxifène. Dans ces dernières études, la méthode d'analyse de la protéine REβ diffère. La question reste encore à confirmer. De nombreux mutants et variants d'épissage des REα et REβ ont été décrits et retrouvés dans les domaines fonctionnels des deux récepteurs (28-30). Cependant, il n’y a pas de données convaincantes à ce jour pour penser qu’ils ont un rôle primordial dans les phénomènes de résistance. Il est vrai que la plupart des tumeurs qui expriment des mutants des RE expriment de façon concomitante le RE normal et que le RE muté ne représente, en fait, qu’une faible proportion des récepteurs. Le sujet reste à l’étude et des données plus récentes (31) suggèrent de poursuivre ces études.
376 Cancer du sein
Co-régulateurs des RE et résistance Après liaison du ligand au RE, l’activation des gènes dépendant de l'hormone est sous la dépendance de deux domaines distincts d’activation de la transcription des RE, le domaine AF2 situé dans le LBD et le domaine AF1 situé dans le domaine A/B. Les études de cristallographie, permettant de visualiser chaque ligand à l'intérieur du domaine de liaison de l'hormone, ont permis de montrer que la liaison de chaque ligand au RE induit une conformation ligand-RE différente et unique (32). Les RE activés peuvent alors interagir avec différentes protéines co-régulatrices (corégulateurs ou co-répresseurs), régulant l'activité de transcription des RE et modulant leur fonction (soit co-activation soit co-répression), selon le ligand, mais aussi selon le tissu cible. Plus de vingt co-régulateurs distincts se lient aux RE et modulent leurs fonctions (4, 5, 33). Ces molécules agissent principalement en modifiant l'acétylation des histones. La plupart des études décrivant les co-régulateurs des RE concernent REα. Cependant, il a été montré récemment que la fonction du REβ est régulée par les mêmes protéines (34). La capacité des complexes du RE d'activation de la transcription de recruter des co-régulateurs est fortement liée à la nature du ligand décrivant les co-régulateurs des RE. Au niveau du tissu mammaire, alors que la liaison des estrogènes facilite l'interaction du récepteur avec les co-activateurs, la liaison du tamoxifène au RE entraîne préférentiellement une interaction avec des co-répresseurs (SMRT, N-CoR, REA & HET/SAF-B), conduisant à une inhibition de la transcription des gènes estrogénodépendants (effet antagoniste) (4, 6, 35-37). Dans les cancers du sein, le tamoxifène agit principalement comme antagoniste (38). On peut donc penser qu'une augmentation de l'expression d'un co-activateur permettrait à l'anti-estrogène d'agir comme un agoniste ou qu’une diminution de l'expression d'un co-répresseur pourrait induire une résistance. La confirmation de ces données pré-cliniques en clinique est encore limitée. L'expression de N-Cor (co-répresseur) est plus basse dans des modèles de xénogreffes stimulées par tamoxifène que dans les xénogreffes non traitées (39). Cette donnée a été retrouvée dans une série de tumeurs mammaires traitées par tamoxifène (40). C. M. Chan et coll. ont étudié une petite série de 19 tumeurs mammaires résistantes au tamoxifène, mais ne trouvent pas de différence dans l'expression de TIF-1, RIP 140 ou du co-répresseur SMRT (41). En pratique, compte tenu de l'absence de spécificité des co-régulateurs pour les RE et du nombre important de co-régulateurs à fonction similaire, il peut sembler difficile de déterminer la résistance ou la sensibilité par la mesure d'un seul de ces co-régulateurs. De nombreux travaux sont, là encore, à l'étude.
Hormono-sensibilité et hormono-résistance… 377
Résistance et réseau de signalisation des récepteurs de facteurs de croissance Des travaux démontrent que le réseau des facteurs de croissance et leurs récepteurs (RFC) interagissent avec la signalisation médiée par les RE dans les cancers du sein (42-44). Il existe plusieurs niveaux d'interactions (entre RE et RFC) (3).
La voie de signalisation des facteurs de croissance Médiée par la famille des récepteurs à activité tyrosine kinase de type I (EGFR et HER2) elle peut être « up régulée » au cours du traitement par anti-estrogènes. Les facteurs de croissance sont sur-exprimés, permettant aux cellules de proliférer de façon indépendante des hormones. Le RE, dans ces conditions de stimulation, peut être activé par phosphorylation directe (voie des MAP kinases), mais indépendamment du ligand du récepteur des estrogènes (45). Les estrogènes et autres ligands du RE exercent la plupart de leurs effets dans les cancers du sein en se liant aux RE qui sont des facteurs de transcription et activent directement l'expression de gènes d'hormono-dépendance (effet génomique). Certains de ces gènes dépendant des estrogènes codent pour des paramètres clés des voies de signalisation des récepteurs de facteurs de croissance et leur expression est alors inhibée par les anti-estrogènes. Ils jouent donc un rôle fondamental dans la prolifération cellulaire et la survie des cellules (46). Le niveau d'expression de l'EGFR, HER2 et HER3 est inversement corrélé au niveau d'expression de RE (47-49). Il reste donc à confirmer ces données et à évaluer l’efficacité des autres lignes de traitement, en particulier les inhibiteurs d’aromatase chez ces patientes hormono-dépendantes puis résistantes avec sur-expression de l’EGFR et/ou du HER2. Une étude récente de l’équipe de M. Dowsett montre que l’anastrozole (inhibiteur d’aromatase) est efficace dans les cancers du sein RE positifs, quel que soit leur statut HER2 (50). Il a été montré que, dans des cancers du sein RE négatifs, la sur-expression de l'EGFR et de HER2 est très importante pour le contrôle de la prolifération (51). De même, on observe une « up-regulation » de ces récepteurs de facteurs de croissance dans des cancers du sein résistant au tamoxifène et des modèles pré-cliniques résistant aux différents traitements hormonaux des cancers du sein (52-55). Dans ces modèles, il a été montré une phosphorylation des récepteurs des facteurs de croissance, ainsi qu'une activation des voies de signalisation telles que la MAPK (12, 56). Quelques études rétrospectives dans des cancers du sein avancés ou métastatiques confirment ces données (49, 57, 58) et montrent qu'une sur-expression de l'EGFR et/ou de HER2 est accompagnée d'une mauvaise réponse à l'hormonothérapie. Une étude du groupe d'Osborne (59) montre, sur une série de 187 patientes présentant un cancer du sein avec envahissement ganglionnaire traité par tamoxifène,
378 Cancer du sein que les patientes dont les tumeurs sur-expriment simultanément HER2 et AIB1 coactivateur des RE ont significativement une plus courte survie sans rechute.
Les effets non génomiques du RE : tamoxifène et anti-estrogènes purs Le RE peut intervenir dans une signalisation dépendante des estrogènes, mais par interaction avec la voie de survie cellulaire médiée par P13K (60, 61). P13K entraîne une phosphorylation et une activation du REα, mais le REα se lie à la sous-unité régulatrice de P13K, entraînant l'activation d'Akt, ce qui conduit à une boucle d'activation. L'une des voies principales d'activation de P13K est l'IGFR (Insulin Growth Factor Receptor). Ces effets non génomiques sont très rapides et ont été documentés dans des tissus autres que le sein (62, 63). Ils peuvent activer directement ou indirectement des récepteurs membranaires de facteurs de croissance à activité tyrosine kinase intrinsèque. La contribution de ces effets sur la résistance hormonale dans les cancers du sein doit encore être évaluée.
Le RE peut aussi interagir avec les protéines jun et fos et activer la voie AP1 (64) Ces différentes voies sont compliquées par le fait que ces différents récepteurs de facteurs de croissance s'hétéro-dimérisent et ainsi activent par ce biais des voies différentes de signalisation. Compte tenu de l'importance de l'activation de ces voies de signalisation et de thérapeutiques ciblant les récepteurs de facteurs de croissance actuellement disponibles en clinique, il est logique d'évaluer leur association aux anti-estrogènes et inhibiteurs d'aromatase. Plusieurs essais prospectifs sont en cours.
Résistance à la privation estrogénique Des observations cliniques montrent que les patientes ayant un cancer du sein répondent à une deuxième ligne de traitement hormonal après le développement d'une résistance à une première ligne d'hormonothérapie. Ceci a fait évoquer un mécanisme d'adaptation de la cellule tumorale hormono-dépendante à la pression exercée par l'anti-hormone et le développement d'une hypersensibilité aux estrogènes. Ceci a été montré expérimentalement sur des modèles cellulaires. On observe dans ces conditions une augmentation du REα phosphorylé (sérine 118), une augmentation de l'activité aromatase et une augmentation de l'activité MAPKinase résultant d'une augmentation de l'expression de HER2. Ces effets sont réversés par des inhibiteurs de MAPK (65, 12).
Hormono-sensibilité et hormono-résistance… 379
Conclusion La résistance hormonale des cancers du sein, mieux connue pour les SERMs tels que le tamoxifène, est un problème clinique important, car il peut être la cause d’un échec du traitement hormonal. L'analyse des phénotypes des modèles tumoraux résistants montre l'adaptation de la cellule lors de la pression de sélection par l'anti-estrogène et une régulation de différents facteurs de croissance agissant dans un réseau et qui ont pour finalité de réguler l'activité des REs. Des réponses devraient être apportées grâce aux données cliniques et aux résultats des protocoles prospectifs associant inhibiteurs de récepteurs de facteurs de croissance et hormonothérapie.
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Hormonothérapie adjuvante de la femme ménopausée. Quels sont les nouveaux standards ? J.-P. Guastalla
Résumé Le tamoxifène a longtemps été la molécule de référence dans le traitement hormonal du cancer du sein. Il est aujourd’hui surpassé par les anti-aromatases chez la femme ménopausée : quatre études démontrent, par rapport à l’utilisation traditionnelle du tamoxifène pendant cinq ans, un bénéfice sur le risque de récidive et suggèrent une tolérance immédiate plus favorable pour les anti-aromatases. La survie sans récidive est améliorée significativement par l’anastrozole comparé directement au tamoxifène, par l'exemestane et l'anastrozole substitués au tamoxifène deux à trois ans après le début du traitement et par le létrozole comparé au placebo après cinq ans de tamoxifène. Ce dernier, de plus, améliore la survie pour les tumeurs N+. La tolérance immédiate des anti-aromatases est bonne et même, pour l’anastrozole, globalement meilleure que celle du tamoxifène ; cependant, la perte minérale osseuse provoquée par la déplétion estrogénique justifie des études spécifiques de protection contre l'ostéoporose. L’anastrozole, le létrozole et l’exemestane diminuent significativement le risque de cancer du sein controlatéral, ce qui motive des études de prévention avec ces molécules dans les populations ménopausées à risque.
Introduction Quatre essais sur les anti-aromatases font reconsidérer le traitement adjuvant du cancer du sein chez la femme ménopausée et contester ce qui était jusqu'à récemment le traitement standard, à savoir l’administration de tamoxifène pendant une durée de cinq ans. Chez la femme non ménopausée, des études sont en cours pour préciser la place des anti-aromatases vis-à-vis du tamoxifène.
386 Cancer du sein
Le tamoxifène À la suite en 2001 des Conférences de consensus de Washington et de Saint-Gallen (4, 6), l’hormonothérapie adjuvante (associée si nécessaire à la chimiothérapie) est recommandée dans tous les cas où les récepteurs hormonaux sont présents dans la tumeur ou inconnus, ceci quels que soient l’âge, l’état ménopausique, le taux et le type de récepteur d’estrogène et/ou de progestérone ; les seules exceptions sont les tumeurs de moins d’1 cm, soit chez les femmes jeunes excluant les effets de la déprivation estrogénique, soit chez les femmes âgées avec des antécédents thromboemboliques. Chez la femme ménopausée, le traitement standard est le tamoxifène (20 mg/j) qui doit être administré pendant une période limitée de cinq ans, traitement dont on connaît parfaitement le bénéfice et la tolérance à long terme. Ce standard est aujourd'hui contesté par les anti-aromatases.
Les anti-aromatases Etude ATAC Analyse principale L’étude ATAC, la plus importante en nombre de malades, montre que l’anastrozole (Arimidex®) diminue significativement le risque de récidive tumorale par rapport au tamoxifène. La randomisation en double aveugle chez 9 366 malades a comporté trois bras, tamoxifène 20 mg/j (T), anastrozole 1 mg/j (A) et association anastrozole-tamoxifène (AT), ceci pour une durée de cinq ans (tableau 1). L’analyse statistique principale (2) a démontré avec un recul de trente-trois mois et une durée médiane de traitement de trente et un mois, la supériorité de l’anastrozole sur le tamoxifène : avec 1 079 événements au moment de l’analyse en intention de traiter, l’Odds ratio de l’anastrozole par rapport au tamoxifène est de 0,83 (IC 95 %, 0,71-0,96), p = 0,0129, soit une réduction relative de risque de rechute de 17 %. Il n’y a aucun bénéfice dans le sous-groupe où les récepteurs hormonaux sont négatifs, avec comme corollaire une différence d’amplitude plus grande quand les récepteurs sont positifs (83 % des malades). Par contre, aucune différence d’efficacité n'est observée par l'association anastrozole-tamoxifène par rapport au tamoxifène seul : OR = 1,02 (0,88-1,18) p = 0,7718. L’explication de ce résultat inattendu est spéculative : la déplétion estrogénique résultant de l’inhibition de l’aromatase, pourrait favoriser l’effet estrogénique du tamoxifène lié aux récepteurs d’estradiol des cellules tumorales et contrecarrer l’effet de l’anastrozole. En plus d’une efficacité supérieure, l’anastrozole a significativement moins d’effets secondaires que le tamoxifène, sauf une augmentation de fractures osseuses et de douleurs « musculo-articulaires ».
Hormonothérapie adjuvante de la femme ménopausée… 387 À la suite de cette analyse principale, l’étude a été interrompue pour l’association anastrozole-tamoxifène, en laissant le choix aux malades de ce groupe de poursuivre tamoxifène ou anastrozole. Tableau 1 - Principales caractéristiques de la population.
Nombre de malades Âge moyen (ans) Poids moyen (kg) Taille tumeur (%) T1 T2 T3 Grade (%) Bien différencié Moyennement différencié Peu/non différencié Non évalué/enregistré Ganglions N+ (%) Récepteurs hormonaux (%) Positifs Négatifs Inconnus Traitements associés (%) Mastectomie Radiothérapie Chimiothérapie
A
T
AT
3 125 64,1 70,8
3 116 64,1 71,1
3 125 64,3 71,3
63,9 32,6 2,7
62,9 34,2 2,2
64,1 32,9 2,3
20,8 46,8 23,7 8,7
20,5 47,8 23,3 8,4
21,2 46,6 23,7 8,5
34,9
33,6
33,5
83,7 7,4 8,9
83,3 8,0 8,7
84,0 6,9 9,1
47,8 63,3 22,3
47,3 62,5 20,8
48,1 62,0 20,8
Analyse de décembre 2004 Survie sans récidive Nous rapportons les résultats de l'analyse présentée au Congrès de San Antonio et publiés dans The Lancet du 8 décembre 2004. Avec un suivi médian de soixante-huit mois, 8 % des malades restent encore dans l'essai. L'anastrozole améliore significativement : – la survie sans maladie (récidive loco-régionale, métastase à distance, cancer du sein controlatéral invasif ou CCIS, décès non lié au cancer) : 575 événements sous anastrozole contre 651 sous tamoxifène, RR = 0,87 (0,78-0,97), p = 0,01 ; – la survie sans récidive (récidive loco-régionale, métastase à distance, cancer du sein controlétéral invasif ou CCIS) : 402 événements contre 498, RR = 0,79 (0,70-0,90), p = 0,0005 ;
388 Cancer du sein – la survenue de métastases à distance : 324 contre 375, RR = 0,86 (0,74-0,99), p = 0,04). Dans la population où les récepteurs hormonaux sont positifs, le bénéfice de l'anastrozole est plus grand : – survie sans maladie RR = 0,83 (0,73-0,94), p = 0,005 ; – survie sans récidive RR = 0,74 (0,64-0,87), p = 0,0002. La réduction de 26 % du risque de récidive pour les R+ est à additionner aux 47 % de réduction de risque par le tamoxifène administrés pendant cinq ans (1). Analyse des sous-groupes Dans les sous-groupes pronostiques analysés, aucune différence n'a été mise en évidence avec une significativité à 1 %, sauf pour les récepteurs négatifs ou inconnus (figure 1). L’effet bénéfique de l’anastrozole est observé quels que soient la taille de la tumeur, le nombre de ganglions axillaires envahis, le grade histologique, l’âge, le type de chirurgie (mastectomie ou conservation), la chirurgie axillaire (picking ganglionnaire ou curage) ou qu’il y ait eu ou non une radiothérapie, une chimiothérapie adjuvante, une hystérectomie, un traitement hormonal substitutif préalable. On constate par ailleurs que c'est le sous-groupe ER+/PR- qui bénéficie le plus de l’anastrozole : risque relatif pour R+ = 0,79 pour RE+/RP+ = 0,84 et pour RE+/RP- = 0,43 (figure 2). Ces analyses rétrospectives n’ont pas de valeur démonstrative et ne permettent pas de décider rationnellement des thérapeutiques distinctes selon les sousgroupes ; elles permettent cependant de générer des hypothèses de travail. Le bénéfice absolu de l’anastrozole par rapport au tamoxifène s’accroît avec la durée de traitement (figure 3).
Figure 1 - Analyse des sous-groupes pronostiques.
Hormonothérapie adjuvante de la femme ménopausée… 389
Figure 2 - Taux de récidive pour le sous-groupe de tumeurs RE +/ RP-.
Figure 3 - Augmentation du bénéfice avec la durée du traitement.
Cancer du sein controlatéral L’anastrozole diminue la survenue de cancer du sein controlatéral : 35 cas contre 59, soit une réduction de 42 % (12-62 %), p = 0,01 ; dans le groupe récepteurs positifs, le taux de réduction est de 53 % (25-71 %), p = 0,001 (tableau 2) ; en observant que le tamoxifène réduit de 50 % cette occurrence dans le groupe récepteurs positifs, on peut estimer à 70-80 % la réduction de risque de cancers R+ chez les femmes à risque.
390 Cancer du sein Tableau 2 - Réduction du risque de cancer controlatéral.
Nombre de malades ITT Cancer controlatéral (invasif + CCIS) R+ Cancer controlatéral invasif Cancer controlatéral (CIS)
Anastrozole
Tamoxifène
p
2617
2598
35
59
0,01
21 5
48 5
0,001
Survie globale La survie globale est similaire sous anastrozole et sous tamoxifène : survie globale RR = 0,97 (0,85-1,12), p = 0,7 ; au total, 831 décès ont été observés, 500 (60 %) après récidive du cancer mammaire et 331 (40 %) dus à d'autres causes sans récidive. On constate 12 % de décès en moins dans le bras anastrozole, mais cette différence n'est pas significative : RR = 0,88 (0,74-1,05), p = 0,2 ; le pronostic relativement bon de la population de l'étude, dont 5 959 (64 %) de tumeurs < 2 cm et 5 695 de tumeurs N- (61 %), ne permet pas d'escompter une différence de survie à cette date ; rappelons que le bénéfice en terme de survie du tamoxifène contre placebo n'a été significatif qu'à la septième année dans la méta-analyse (1). Cependant, la réduction significative des rechutes et des métastases à distance par l'anastrozole suggère un effet positif à terme sur la survie. Tolérance Moins de malades sont sorties d'essai sous anastrozole que sous tamoxifène : 344 (11,1 %) contre 442 (14,3 %), p = 0,0002 ; moins d'événements graves ont été observés, 146 (4,7 %) contre 271 (9,0 %), p < 0,0001. L'anastrozole entraîne significativement moins de cancer de l'endomètre, d'événements thrombo-emboliques, d'accidents vasculaires cérébraux, de pertes vaginales et d'hémorragies vaginales alors que le tamoxifène est associé à moins de fractures osseuses : 15,6/1000/an contre 22,6/1000/an, RR = 1,44 (1,21-1,68), p < 0,0001, et moins d'arthralgies (tableau 3). Les différences d’effets secondaires sont stables pendant les cinq ans de traitement, notamment les taux de fractures, et aucun type nouveau de toxicité n'est apparue à soixante-huit mois de recul par rapport à trente-trois mois.
Hormonothérapie adjuvante de la femme ménopausée… 391 Tableau 3 - Étude ATAC, effets secondaires.
Bouffées chaleur Nausées, vomissements Asthénie Troubles humeur Arthralgies Hémorragies vaginales Pertes vaginales Cancer de l’endomètre + Fractures° Col fémoral Rachis Poignet Autres Accidents ischémiques cardiaques Accidents vasculaires cérébraux Événements thrombo-emboliques Phlébites profondes Cataracte
Anastrozole (n = 3 092)
Tamoxifène (n = 3 094)
1 104 393 575 597 1 100 167 109 5 340 37 45 72 220 127 62 87 48 182
1 264 384 544 554 911 317 408 17 237 31 27 63 142 104 88 140 74 213
(35,7 %) (12,7 %) (18,6 %) (19,3 %) (35,6 %) (5,4 %) (3,5 %) (0,2 %) (11,0 %) (1,2 %) (1,5 %) (2,3 %) (7,1 %) (4,1 %) (2,0 %) (2,8 %) (1,6 %) (5,9 %)
(40,9 %) (12,4 %) (17,6 %) (17,9 %) (29,4 %) (10,2 %) (13,2 %) (0,8 %) (7,7 %) (1,0 %) (0,9 %) (2,0 %) (4,6 %) (3,4 %) (2,8 %) (4,5 %) (2,4 %) (6,9 %)
RR
0,80 (0,73-0,89) 1,03 (0,88-1,19) 1,07 (0,94-1,22) 1,10 (0,97-1,25) 1,32 (1,19-1,47) 0,50 (0,41-0,61) 0,24 (0,19-0,30) 0,29 (0,11-0,80) 1,49 (1,25-1,77) 1,20 (0,74-1,93) 1,68 (1,04-2,71) 1,15 (0,81-1,61) 1,59 (1,28-1,98) 1,23 (0,95-1,60) 0,70 (0,50-0,97) 0,61 (0,47-0,80) 0,64 (0,45-0,93) 0,85 (0,69-1,04)
p
< 0,0001 0,7 0,3 0,2 < 0,0001* < 0,0001 < 0,0001 0,02 < 0,0001* 0,5 0,03* 0,4 < 0,0001* 0,1 0,03 0,0004 0,02 0,1
* En faveur de tamoxifène. + n = 2 229 pour anastrozole, 2 236 pour tamoxifène (malades hystérectomisées à l'entrée exclues). ° Inclus les malades ne prenant pas de traitement. Plusieurs fractures possibles chez une même malade
Conclusion Les résultats de l’étude ATAC démontrent la supériorité de l’anastrozole par rapport au tamoxifène en efficacité et en tolérance immédiate, sauf la toxicité ostéo-articulaire.
Etude MA17 La deuxième étude par ordre chronologique est l’étude MA17 (5), qui propose de prolonger l’hormonothérapie après cinq ans de tamoxifène, en sachant qu'en moyenne le risque de rechute est de 4,2 % par an de la cinquième à la douzième année (7). Cette étude s’adresse à 5 172 femmes ménopausées (tableau 4) dont les tumeurs ont des récepteurs hormonaux positifs ou inconnus, quel que soit leur statut ganglionnaire, au terme d’un traitement adjuvant par tamoxifène de cinq ans (extrêmes de quatre ans et demi à six ans) et non en rechute au moment de la randomisation ; l'interruption du tamoxifène ne devait pas excéder trois mois. Le traitement compare létrozole (Femara®) 2,5 mg/j contre placebo pour une durée de cinq ans.
392 Cancer du sein Tableau 4 - Principales caractéristiques des malades de l’étude MA17. Létrozole (%)
Placebo (%)
2 575 62
2 582 62
97,8 1,9 56 57 50
97,9 1,9 57 58 50
45 50 60 46
47 48 59 46
Nombre de malades Âge médian (années) Récepteurs hormonaux ER+ et/ou PgR+ Inconnus Chirurgie conservatrice Taille T1 Ganglions négatifs Tamoxifène 4,5-5 ans 5-5,5 ans Radiothérapie Chimiothérapie
Première analyse Lors de la première analyse intermédiaire, programmée après 171 récidives, l’étude a été interrompue devant une réduction de 43 % du risque de récidive par létrozole : pour un suivi médian de 2,4 ans, 75 rechutes ont été observées contre 132, soit à quatre ans une survie sans récidive de 93 % contre 87 % : OR = 0,57 (0,43-0,75) p = 0,00008. Le bénéfice en faveur du létrozole apparaît dès la première année de traitement et se creuse jusqu’à la quatrième année (tableau 5, figure 4) ; il ne diffère pas quand les ganglions sont envahis ou non envahis : réduction de risque respectivement de 40 % : n = 2 370, RR = 0,60 (p = 0,003) et de 53 % : n = 2 581, RR = 0,47 (p = 0,005). Lors de l'analyse (suivi médian de trente mois), 1 115 malades restaient dans l'étude, 247 événements et 113 décès étaient observés. Le létrozole réduit le risque de rechute locale, de métastases à distance et de cancer du sein controlatéral (tableau 6). Il y a moins de décès sous létrozole que sous placebo (42, dont 17 par cancer du sein), mais les différences sont non significatives. Tableau 5 - Risque de récidive en fonction du nombre d’années de traitement. Années de traitement 1 2 3 4
Létrozole n = 2 575
Placebo n = 2582
98,6 96,7 95,2 92,8
97,8 94,8 90,2 86,8
Différence absolue % (IC 95 %) 0,8 1,9 5,0 6,0
(0,03-1,5) (0,6-3,3) (2,7-7,3) (2,0-10,1)
Hormonothérapie adjuvante de la femme ménopausée… 393
Figure 4 - Augmentation du bénéfice avec la durée de traitement. Tableau 6 - Sites des récidives (étude MA17).
Rechutes totales Locale mammaire Paroi thoracique Ganglions régionaux A distance Cancer controlatéral
Létrozole n = 2575
Placebo n = 2 582
61 6 2 6 47 14
106 19 7 4 76 26
(2,4 %)
(0,5 %)
(4,1 %)
(1,0 %)
Analyse ultérieure Lors de l'analyse ultérieure, la survie globale est significativement améliorée dans le sous-groupe ganglions envahis (Goss, ASCO 2004) : réduction de mortalité de 39 %, RR = 0,53 (0,36-0,78), p = 0,04 (tableau 7) ; la stratification initiale procure la puissance pour avoir valeur démonstrative dans ce groupe. Le létrozole est responsable d’effets secondaires modérés par rapport au placebo (tableau 8), il entraîne essentiellement plus de bouffées de chaleur, d’arthralgies et de myalgies ; moins de saignements vaginaux sont observés que sous placebo ; une ostéoporose est plus souvent diagnostiquée sous létrozole et plus de fractures, mais les différences ne sont pas significatives.
394 Cancer du sein Tableau 7 - MA 17 risques relatifs entre létrozole et placebo selon le type d'événement et le statut ganglionnaire. Survie sans récidive
Métastases à distance
Survie globale
N+
HR = 0,61* (0,45-0,84)
HR = 0,53* (0,36-0,78)
HR = 0,61* (0,38-0,98)
N-
HR = 0,45* (0,27-0,75)
HR = 0,63 (0,31-1,27)
HR = 1,52 (0,76-3,06)
* Différence significative.
Tableau 8 - Effets secondaires du létrozole.
Nombre de malades Bouffées de chaleur Arthralgies Myalgies Hypercholestérolémie Accidents cardio-vasculaires Fractures Ostéoporose Saignements vaginaux
Létrozole
Placebo
P
2 154 (%) 47,2 21,3 11,8 11,9 4,1 3,6 5,8 4,3
2 145 (%) 40,5 16,6 9,5 11,5 3,6 2,9 4,5 6,0
< 0,001 < 0,001 0,02 0,67 0,40 0,24 0,07 0,01
Congrès de San Antonio Au congrès de San Antonio de décembre 2004 ont été rapportés les résultats préliminaires du sous-protocole de l'étude osseuse réalisée chez 226 malades supplémentées en calcium et vitamine D (Perez, abst 404) ; après une médiane de suivi de 1,6 ans, la densité minérale osseuse est diminuée dans le groupe placebo de -0,71 % au niveau du col fémoral et de -0,7 % du rachis, contre respectivement, sous létrozole, -3,6 % (p = 0,044) et -5,35 % (p = 0,008). Parallèlement, les N-télopeptides sont augmentés (p < 0,001) et plus d'ostéoporose (T score < -2,5) est observée sous létrozole, 3,3 % contre 0 %, p = 0,13.
Conclusion L’étude MA17 montre que le létrozole administré au-delà de la période usuelle de cinq ans de tamoxifène produit un bénéfice conséquent, avec une tolérance immédiate admissible, et pose de façon générale la question de la durée optimale du traitement hormonal.
Hormonothérapie adjuvante de la femme ménopausée… 395
Étude IES Le schéma de l’étude IES/PACS02 (3) est différent des deux études précédentes et s’adresse aux malades en cours de traitement adjuvant par tamoxifène : après deux à trois ans est proposé par randomisation en double aveugle, la poursuite du tamoxifène, ou l’exemestane (Aromasine®, 25 mg/j) jusqu’à cinq ans au total. Avec 4 742 patientes incluses, l’étude a été interrompue lors de la deuxième analyse intermédiaire après un suivi médian de trente mois en raison d’un bénéfice en faveur de l’exemestane. Les caractéristiques des malades sont représentées dans le tableau 9. Plus de 90 % des patientes ont reçu les cinq ans de traitement prévus ; 183 événements ont été observés sous exemestane contre 266 sous tamoxifène HR : 0,68 (0,56-0,82) p = 0,00005, soit une réduction du risque de rechute de 32 %. Les malades sous exemestane présentent moins de rechutes locales, moins de métastases à distance et moins de cancers du sein controlatéraux (tableau 10). La survie sans récidive trois ans après la randomisation est de 91,5 % (90,0-92,7) sous exemestane contre 86,8 % (85,1 -88,3) pour les malades ayant poursuivi le tamoxifène, soit une différence absolue de 4,7 % (2,6-6,8). Le bénéfice de l’exemestane sur le tamoxifène est observé quels que soient les sous-groupes de récepteurs hormonaux, le nombre de ganglions axillaires envahis, et que les malades aient reçu ou non un traitement hormonal substitutif ou une chimiothérapie adjuvante. L’exemestane entraîne significativement moins de complications thromboemboliques, de symptômes gynécologiques et de saignements vaginaux que le tamoxifène, et significativement plus d’ostéoporose, d’arthralgies, de troubles visuels, de diarrhée ; plus de fractures et moins de cancer de l’endomètre ont été observés sans que cela soit statistiquement significatif (tableau 11). Au congrès de San Antonio de décembre 2004 ont été rapportés les résultats préliminaires du sous-protocole d'étude osseuse réalisée chez 206 malades : après un an, la densité minérale osseuse est abaissée de -0,02 % au niveau du rachis contre 2,9 % sous exemestane et respectivement de -0,5 % contre -2,1 % au niveau du col fémoral, p < 0,0001 (Coleman, abstract 401). Au total, l’étude IES/PACS02 montre qu’il est avantageux, en terme de survie sans récidive, de substituer le tamoxifène après deux à trois ans de traitement par l’exemestane, au prix d’effets secondaires modérés. Tableau 9 - Caractéristiques des malades (étude IES/PACS02).
Nombre Âge (ans)
Canalaire infiltrant Lobulaire infiltrant
Exemestane 2 362 64 (%)
Tamoxifène 2 380 64 (%)
77 15
79 14
396 Cancer du sein Tableau 9 - (suite) NN+
51 30 14 52 32 81 56 17 55 11 15 2,4
1- 3 4 Mastectomie Chimiothérapie adjuvante RE + RP + RE inconnu RE+/RP+ RE+/RP inconnu RE+/RPDurée médiane de tamoxifène (ans)
51 30 14 52 32 81 55 17 55 10 16 2,4
Tableau 10 - Types de récidive (étude IES/PACS02).
Total Récidive locale Récidive à distance Cancer controlatéral Décès sans rechute
Exemestane 183
Tamoxifène 266
21 114 9 39
33 174 20 39
p = 0,0004 p = 0,038
Tableau 11 - Effets secondaires d’exemestane et de tamoxifène. Effets secondaires Thromboembolies Ostéoporose Fractures Arthralgies Troubles visuels Diarrhées Symptômes gynécologiques Saignements vaginaux Cancer endomètre Fatigue Bouffées de chaleur Insomnie C. cardio-vasculaires Maux de tête Dépression Nausées Transpiration Vertiges
Exemestane (%)
Tamoxifène (%)
p
1,3 7,4 3,1 5,4 7,4 4,3 5,8 4 n=5 23,6 42 19,5 42,6 18,6 5,2 10,8 18,6 12,5
2,4 5,7 2,3 3,6 5,8 2,3 9 5,6 n = 11 23,7 40 17,5 39,2 16,4 4 11,2 18,1 12,1
0,005 0,05 0,08 0,01 0,04 < 0,001 < 0,001 0,01 0,14 0,74 0,31 0,2 0,11 0,09 0,13 0,49 0,95 0,93
Hormonothérapie adjuvante de la femme ménopausée… 397
Essais regroupés ABCSG et ARNO Ces deux études qui représentent au total 3 224 malades (ABCSG = 2262, ARNO = 962) utilisent le même schéma expérimental que l'étude IES avec l'anastrozole : on observe là aussi que l'anastrozole procure un bénéfice après deux à trois ans de tamoxifène. Les caractéristiques des malades sont rapportées dans le tableau 12. On observe significativement moins d'événements dans le groupe anastrozole que dans le groupe tamoxifène (67 contre 110), de récidives loco-régionales (20 contre 24), de cancer controlatéral (12 contre 16) et de métastases à distance (46 contre 75) ; la survie sans récidive est réduite de 33 %, RR = 0,61 (0,42-0,87), p = 0,0067. Le bénéfice est plus net pour les grades 1 et 2 que pour le grade 3 (figure 5). La tolérance est bonne aussi bien pour le tamoxifène que pour l'anastrozole ; on retrouve un excès de fractures sous anastrozole : 27 cas (2,4 %) contre 14 (1,2 %) ; il n'y a pas de différence de toxicité gynécologique. Ces deux études regroupées viennent confirmer l'intérêt de remplacer le tamoxifène après deux à trois ans par une anti-aromatase.
Figure 5 - Analyse des sous-groupes des études ABCSG-ARNO.
398 Cancer du sein Tableau 12 - Caractéristiques des malades (étude ABCSG-ARNO).
T1 NConservation mammaire Grade 1,2x Âge < 60 ans ER+/PgR+ ER+/PgRER-/PgR+
Tamoxifène n = 1,606 (%)
Anastrozole n = 1,618 (%)
69,7 74,0 77,3 93,7 39,9 81,1 18,3 0,6
70,2 74,2 76,4 95,2 38,6 81,3 18,1 0,6
Conclusion Les anti-aromatases renouvellent le traitement adjuvant du cancer du sein chez la femme ménopausée. La survie sans récidive des patientes est améliorée par l’anastrozole qui est supérieur au tamoxifène en comparaison directe, amélioré par le létrozole en prolongation du tamoxifène au-delà de cinq ans et amélioré par la substitution de l’exemestane ou de l'anastrozole au tamoxifène en cours de traitement. Contre placebo, la survie globale est précocement améliorée par le létrozole pour le sous-groupe de mauvais pronostic des malades N+. L’anastrozole, le létrozole, et l’exemestane diminuent significativement le risque de cancer du sein controlatéral, ce qui légitime des études de prévention dans les populations à risque. La tolérance immédiate des anti-aromatases est bonne et même, pour l’anastrozole, globalement meilleure que celle du tamoxifène ; cependant, la perte minérale osseuse provoquée par la déplétion estrogénique doit faire prendre des mesures de protection osseuse et justifie des études spécifiques. Toutes ces données plaident pour un traitement initial par anastrozole, et ne supportent pas une administration séquentielle de tamoxifène suivi d'une anti-aromatase, que ce soit après deux à trois ans ou après cinq ans : une telle stratégie ne pourrait être garantie que par une randomisation initiale et non en cours de traitement biaisant les récidives précoces sur une population sélectionnée. Le résultat de l’étude BIG quatre bras, qui compare cinq ans de tamoxifène à cinq ans de létrozole à deux ans de tamoxifène suivis de trois ans de létrozole et à deux ans de létrozole suivis de trois ans de tamoxifène, est attendu avec grand intérêt.
Hormonothérapie adjuvante de la femme ménopausée… 399
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Tolérance de l’hormonothérapie adjuvante A. Lesur
Introduction L’hormonothérapie adjuvante des cancers du sein recouvre une palette thérapeutique vaste : elle se décline en deux chapitres différents selon que la femme traitée est ou n’est pas ménopausée. – Après la ménopause, le tamoxifène a été prescrit sans concurrence pendant plus de trente ans, ce qui permet une appréciation fine de sa tolérance et une connaissance détaillée de ses effets secondaires. Il est maintenant concurrencé par les antiaromatases (AA), dont il est encore prématuré d’affirmer connaître la tolérance à long terme. – Avant la ménopause, la suppression ovarienne, reléguée depuis quelques années, voit son blason redoré grâce à la promotion commerciale des analogues de la LHRH, beaucoup plus séduisants psychologiquement que la radiothérapie ovarienne définitive ou que la perspective d’une nouvelle intervention, même si elle se fait par cœlioscopie. La tolérance de ceux-ci a été étudiée, mais peut-être avec des outils manquant de spécificité. Le tamoxifène avec axe gonadotrope fonctionnel a sa place, sa tolérance dans cette situation a été plus particulièrement étudiée dans les essais de prévention ou de traitement des CCIS. Il inquiète les prescripteurs de par ses effets clomid like, mais son efficacité est démontrée (1-6). Il n’y a, pour l’heure, pas de données sur l’association anti-aromatases-analogues de la LH-RH en situation adjuvante. La notion de tolérance d’un traitement doit tenir compte, certes, des effets secondaires liés à la molécule, mais également du contexte dans lequel ce traitement est prescrit. Ainsi, il a été observé un taux d’abandon du tamoxifène pouvant aller jusqu’à 30 % dans les essais de prévention ou de traitement dans les CCIS, qui n’a jamais été rapporté en adjuvant (pas plus de 5 % d’arrêt). Les effets secondaires du
402 Cancer du sein tamoxifène en situation préventive n’ont forcément pas la même résonance qu’en situation métastatique. La tolérance d’une hormonothérapie au décours d’un parcours médical éprouvant, ayant associé chirurgie (et notamment s’il s’agit de mastectomie totale), chimiothérapie, radiothérapie, est forcément liée au parcours antérieur, à la présentation qui en a été faite par le prescripteur et au vécu de la maladie. Enfin, la tolérance est très étroitement liée à l’information délivrée à la patiente avant le traitement, la compréhension du mode d’action et du niveau du bénéfice attendu. Ainsi, il est préférable qu’une patiente soit informée de vive-voix de certains inconvénients, qui pourront être commentés par le médecin plutôt qu’elle les découvre en lisant la notice du médicament ou qu’elle soit confrontée à un effet secondaire inattendu. Beaucoup des signes climatériques et hormonaux, tels que les bouffées de chaleur, l’aménorrhée au décours de la chimiothérapie, la perte transitoire de libido, l’asthénie liée aux insomnies, seront d’autant mieux vécus qu’ils auront été évoqués au préalable, permettant dialogue et réassurance ultérieure. Pour toute modalité thérapeutique, il faut que la patiente puisse se poser clairement la question : « Que puis-je accepter comme effets secondaires en fonction du bénéfice que j’attends du traitement ? » Cela nécessite, dans le cadre de l’information de la patiente, également une information en terme de bénéfice sur le plan cancérologique…
Chez la femme ménopausée Le tamoxifène Même si les standards s’orientent vers un remplacement progressif du tamoxifène par les anti-aromatases en situation adjuvante, nombre de patientes sont encore sous tamoxifène. Un historique complet de l’utilisation du tamoxifène a été effectué par H. Delozier lors des XXVes Journées de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire de Nancy (7). Ce traitement est responsable essentiellement d’une aggravation des bouffées de chaleur, d’une prise de poids et de pertes vaginales, liées à son action estrogénique sur l’épithélium vaginal. Par ailleurs, le recul de trois décennies dans sa prescription a permis de mettre en évidence la toxicité de la molécule, au rang desquelles on trouve le risque thrombo-embolique et le risque augmenté de cancers de l’endomètre. Tous ces effets secondaires, opposables à la molécule, sont largement détaillés, à la fois dans la notice du Vidal et sur différents sites Internet que les patientes consultent de plus en plus. Quoi qu’il en soit, le tamoxifène a la réputation d’être bien toléré, de ne pas engendrer d’inconvénients dans la plupart des cas, du moins c’est ce qui est écrit dans le document remis aux patientes « Comprendre le cancer du sein » (8).
Tolérance de l’hormonothérapie adjuvante 403
Risque thrombo-embolique Il est retrouvé dans toutes les études, à des degrés variables, il a fait l’objet d’une revue exhaustive de la littérature dans le Bulletin du cancer (9). Ce risque est également retrouvé dans les situations de prescription d’essais de prévention où le terrain cancéreux ne peut donc être mis en cause (4, 10). Cette augmentation du risque thrombo-embolique, du même ordre que celui observé avec les pilules de première génération, impose de veiller avant toute prescription aux contre-indications vasculaires (phlébites antérieures), ainsi que d’informer la patiente et le médecin référent de celle-ci, ainsi que des circonstances dans lesquelles il faut être particulièrement prudent (immobilisation, alitement prolongé, long trajet en avion, etc.). Il est important de savoir que le risque augmente avec la durée du traitement et qu’il est à prendre en compte dans la balance risque/bénéfice au-delà d’un certain nombre d’années de prise (11). Enfin, on évitera d’associer le tamoxifène à la chimiothérapie, en simultané, car le risque thrombo-embolique se voit alors majoré (12).
Effets utérins De même que les effets sur l’épithélium vaginal, l’effet estrogénique sur l’endomètre a été rapidement mis en évidence (13-15). L’histologie la plus fréquente sous tamoxifène est néanmoins une atrophie glandulo-kystique qui correspond à une dilatation des glandes, avec un stroma fibreux. Le polype est la lésion endométriale la plus fréquente sous tamoxifène, constitué de glandes kystiques bordées par un épithélium atrophique avec un stroma œdémateux bien vascularisé. A noter que l’hyperplasie endométriale atypique, qui est la seule lésion précancéreuse directe, est extrêmement rare dans ce cas de figure (16). A noter qu’il existe également des effets sur le myomètre, avec plusieurs séries rapportant des cas de myomes utérins (17). L’effet carcinogène sur l’utérus est maintenant reconnu depuis la publication en 1996, dans une monographie du CIRC (18). Les premiers cas rapportés de cancers de l’utérus datent des années 85 (19). Il s’agissait de quelques cas isolés. Plusieurs articles ont ensuite été publiés, rassemblant les données collectées dans les essais thérapeutiques et les grandes études épidémiologiques. L’étude la plus importante est certainement celle de B. Fisher, NSABP B-14, qui confirme l’augmentation du risque du cancer de l’endomètre (20). De nombreux auteurs ont publié leurs données, mettant en évidence un risque de cancer de l’endomètre augmenté de trois à six fois (Anderson 1991), (Fornander, 1993) (Fisher 1994), (Mignotte 1998), (Bernstein 1999) (21). Ce risque serait a priori lié à la dose et à la durée d’exposition et ne répondrait pas à la même physiopathologie que celle des cancers induits par les estrogènes seuls. Réputés de bon pronostic, ces cancers de l’endomètre peuvent cependant être responsables de certains décès (22, 23). Il a été démontré qu’une surveillance systématique par échographie pelvienne n’était pas suffisamment performante eu égard aux nombreux faux positifs des images, et seule une surveillance gynécologique standard est de mise, avec une
404 Cancer du sein information à la patiente imposant des investigations complémentaires de qualité (hystéroscopie) en cas de saignements non expliqués sous tamoxifène (24, 25). Une attention particulière sera évidemment apportée aux femmes ayant spontanément, avant la prise du tamoxifène, un profil épidémiologique les faisant considérer à risque de cancer de l’endomètre, même sans prise de tamoxifène (obèse, hypertendue, diabétique). Malgré cette augmentation du risque de cancer utérin, la prescription du tamoxifène chez une femme atteinte d’un cancer du sein reste bénéfique.
Autres effets gynécologiques À noter que, sur le plan sexuel, une tendance à l’altération de la sexualité a été signalée par J. E. Mortimer (26). Ceci a été également retrouvé par R. Day dans l’étude de la qualité de vie de l’essai de prévention NSABP P1 (27). Sur le plan métabolique, on retrouve en général une baisse du cholestérol total et en particulier de la fraction LDL, baisse d’autant plus marquée que le taux initial avant traitement est élevé. En ce qui concerne les triglycérides, les résultats sont variables. Globalement, le tamoxifène est réputé comme ayant une activité protectrice sur l’athérome. Il réduit le risque de maladie coronaire (28, 29). Au titre des bénéfices du traitement, on rapporte une augmentation de la densité osseuse chez les femmes ménopausées. Cet effet sur l’ostéoporose serait particulièrement démontré au niveau de l’os spongieux (30-32). Effectivement, dans les études de prévention, on note une diminution de l’incidence des fractures (33). On a également décrit des effets oculaires du tamoxifène, tels que des neuropathies optiques, des rétinopathies et des kératopathies. Le taux de cataracte est significativement augmenté dans le groupe traité dans l’essai NSABP P-1. Enfin, si on a évoqué la possibilité de stéatose hépatique sous tamoxifène, généralement bien tolérée et sans conséquence thérapeutique, la notion de cancer du foie chez la femme n’a pas été démontrée.
Conclusion Globalement, le tamoxifène est un traitement qui a été bien supporté et pour lequel le rapport risque/bénéfice reste largement positif en situation adjuvante (34). Il n’en reste pas moins que la tolérance au long cours du traitement est liée à la durée de sa prise : en effet, au cours du temps, on note une progressive diminution d’observance (35).
Les anti-aromatases Les anti-aromatases sont connues depuis longtemps. Dans les années quatre-vingt, l’amino-eglutéthimide a été utilisé comme une hormonothérapie de deuxième et troisième ligne en situation métastatique. Elles n’avaient jamais été utilisées en situation adjuvante, compte tenu du manque de spécificité qui impliquait une corticothérapie associée, hypothéquant par des effets secondaires importants leur indé-
Tolérance de l’hormonothérapie adjuvante 405 niable efficacité. Les inhibiteurs d’aromatases de troisième génération se sont peu à peu imposés comme hormonothérapie de référence en situation métastatique et l’anastrozole a obtenu l’autorisation de mise sur le marché en novembre 2003 au vu des résultats de l’essai ATAC, mettant en évidence une supériorité par rapport au tamoxifène avec une tolérance immédiate meilleure (36). La tolérance et les effets secondaires des anti-aromatases, non stéroïdiens comme l’anastrazole ou le létrozole ou stéroïdiens comme l’exemestane, ont été étudiés à travers les essais en situations métastatiques et adjuvantes, qu’ils soient pris en première intention ou qu’ils soient pris en relais, après une prescription de tamoxifène (37-39). En situation métastatique, la fréquence comparée des bouffées vasomotrices est assez semblable entre tamoxifène et anti-aromatases. L’augmentation du risque de cancer de l’endomètre disparaît et on observe deux fois moins de thrombo-phlébites qu’avec le tamoxifène. Par contre, il existe une toxicité musculo-squelettique en défaveur des anti-aromatases, sous forme d’arthralgies et de myalgies. Il existe également une tendance à l’ostéoporose avec augmentation du nombre des fractures. En terme de conséquence à long terme, et donc de tolérance globale, c’est-à-dire au-delà de cinq ans (sans aller jusqu’à trente ans d’observation du tamoxifène), les données sont très insuffisantes. On ne connaît notamment pas les conséquences d’une hypo-estrogénie prolongée et profonde sur l’ensemble de l’organisme (l’aromatase étant distribuée de façon assez ubiquitaire). On ne connaît pas l’effet de cette carence à long terme sur le plan génito-urinaire, ni sur le plan cérébral. Sur ces deux sphères, les estrogènes ont fait la preuve de leur efficacité contre le vieillissement (40). On ne connaît pas non plus la tolérance cardio-vasculaire à long terme des anti-aromatases, ce d’autant qu’ils pourraient avoir une action athérogène. Il y a donc lieu de rester prudent en terme de conclusion sur la tolérance à long terme de ces molécules de troisième génération.
Chez la femme non ménopausée Le tamoxifène avant la ménopause Depuis la méta-analyse de 1998 confirmée en 2000, le traitement adjuvant de la femme non ménopausée, avec récepteurs hormonaux positifs, associe chimiothérapie puis hormonothérapie, l’hormonothérapie étant jusqu’alors le tamoxifène (1, 45, 46). La chimiothérapie induit dans un certain nombre de cas une aménorrhée transitoire, voire définitive (47). L’aménorrhée chimio-induite est variable selon l’âge de la patiente, les produits utilisés et les doses, mais le taux d’irréversibilité devient important après 40 ans. L’induction de l’aménorrhée est bien connue avec le protocole le plus fréquemment utilisé en France (FEC 100). Il semblerait que celle-ci soit moins fréquente avec les taxanes (48). Dans le cas où l’aménorrhée est définitive, ou supposée telle, la prescription de tamoxifène répond aux mêmes critères de tolérance que lorsque la patiente est ménopausée, majorant les signes climatériques de bouffées vasomotrices, si elles existent. Il faut cependant souligner qu’il est très difficile d’avoir des données
406 Cancer du sein exactes sur cette situation dans la mesure où cette notion d’aménorrhée et de statut hormonal est rarement explorée dans les différentes publications. Seule la notion de l’âge est généralement retenue, et il est communément admis que, en-dessous de 50 ans, la patiente est possiblement non ménopausée. Il est donc très difficile de définir dans la population des 40-45 ans la tolérance exacte du tamoxifène en fonction de l’éventuelle aménorrhée (49, 50). Lorsque la patiente n’est pas en aménorrhée ou en aménorrhée très transitoire (âge jeune en-dessous de 40 ans, et aménorrhée survenue tardivement au cours de la chimiothérapie), se pose alors la question de la prescription du tamoxifène avec ou sans analogues de la LH-RH. Peu d’études font état de la prescription du tamoxifène chez la femme non ménopausée en adjuvant. L. Ryden et coll. (51) viennent de publier leurs résultats à long terme d’un essai randomisé chez des femmes non ménopausées. Entre 1986 et 1991, 564 Suédoises ont été randomisées entre tamoxifène (276) et pas de traitement (288). A dix ans, la survie sans récidive était significativement meilleure chez les femmes traitées (64,8 % contre 53,5 %). Or ces patientes porteuses de récepteurs hormonaux positifs n’étaient pas ménopausées au diagnostic et seules 9 d’entre elles avaient reçu une chimiothérapie ou un analogue de la LH-RH. Cependant, alors que les analogues de la LH-RH ont fait la preuve de leur efficacité dans divers essais, faut-il encore se poser la question de la prescription du tamoxifène seul ?
Conséquences gynéco-endocriniennes liées à la prescription du tamoxifène seul Les partisans de l’association à une suppression ovarienne, quelles qu’en soient les modalités, évoquent le retentissement du tamoxifène sur les ovaires, conduisant à une estradiolémie fréquente pouvant atteindre des taux tels qu’ils peuvent faire supposer une perte d’efficacité du traitement dans le cadre d’un mécanisme compétitif (52-55). Certains auteurs ont même retrouvé une augmentation de risque de cancer bilatéral dans cette situation (56, 57). Si la notion d’hyper-estradiolémie circulante est connue, peu de données sont cependant disponibles concernant les taux, la durée et la fréquence, chez les patientes concernées (58-60). Associée ou non à cette augmentation du taux d’estradiol sanguin, l’apparition de kystes de l’ovaire, asymptomatiques ou compliqués, a été décrite, le plus souvent dans des petites séries, et leur incidence exacte n’est pas connue. Le mécanisme vraisemblable serait une hyperstimulation ovarienne (61, 62). L’utilisation d’analogues de la LHRH pendant trois mois les fait généralement régresser, sans qu’il soit nécessaire d’envisager d’explorations invasives (63). Sur une série de 142 cancers du sein traités par tamoxifène et survenus chez des femmes ménopausées ou non, M. J. Mouritst et coll. (64) ont corrélé la survenue de kystes de l’ovaire au taux d’estradiol plasmatique ainsi qu’à l’âge. Les femmes réglées sous tamoxifène présentaient majoritairement des kystes de l’ovaire, ceux-ci étant la plupart du temps asymptomatiques (diagnostic échographique).
Tolérance de l’hormonothérapie adjuvante 407 Dans l’essai de prévention anglais rapporté par T. J. Powles en 1994 (65), l’existence de kystes de l’ovaire est également rapportée, ainsi que d’autres signes gynécologiques (pertes vaginales, troubles de la libido, bouffées de chaleur, etc.).
Qualité de vie À partir de l’essai NSABP P-1, R. Day et coll. (66) ont mené une étude de la qualité de vie des patientes sous tamoxifène. Même si celle-ci est globalement satisfaisante, des désordres, de type phénomènes vasomoteurs, perturbations des cycles, troubles de la sexualité, ont été mentionnés, notamment dans les groupes des femmes les plus jeunes de 35 à 49 ans. (Curieusement, cependant, le groupe des femmes de 3549 ans sous placebo présentait des bouffées de chaleur dans 66 % des cas, ce qui paraît élevé pour des femmes non ménopausées.) Même si la tolérance du tamoxifène n’est pas parfaite, elle doit être comparée à celle du tamoxifène associé aux analogues de la LH-RH. Dans les études les comparant à la chimiothérapie chez des femmes jeunes, la tolérance des analogues de la LH-RH est plutôt satisfaisante. Néanmoins, les effets de la carence hormonale induite par ceux-ci, se conjuguant à ceux du tamoxifène, semblent altérer davantage la qualité de vie que le tamoxifène seul (67-69). Cette notion est plus héritée d’une expérience clinique que des résultats de la littérature, car il existe peu d’essais thérapeutiques comparant le tamoxifène au tamoxifène associé aux analogues de la LHRH en situation adjuvante (le vécu en situation métastatique est forcément différent). Cependant, l’étude de B. G. Berglund et coll. (70), ciblée sur la sexualité, semble être en faveur du tamoxifène seul. Analysées de façon comparative, après ou sans chimiothérapie par rapport à l’absence de traitement, les différentes modalités du traitement hormonal ne semblent pas équivalentes en terme d’effets secondaires : le vécu difficile de la chimiothérapie pendant et à distance (probablement par l’effet d’une aménorrhée induite persistante) est confirmé. Les analogues seuls induisent également des perturbations qui disparaissent à l’arrêt du traitement. Le tamoxifène seul dans cette étude n’occasionne pas d’effets secondaires. Les bouffées de chaleur sont majorées lorsque les analogues de la LH-RH sont prescrits avec le tamoxifène. Une étude récente préconise l’utilisation des analogues de la LH-RH dans cette situation (71). Les auteurs confirment, sur une série de 85 patientes d’âge moyen de 35 ans (25-43 ans), l’absence d’effets secondaires gynécologiques liés au tamoxifène lorsque les analogues de la LH-RH sont prescrits concomitamment. Après deux ans de suivi, aucune anomalie n’est notée. La densité osseuse reste inchangée. On sait cependant que la densité osseuse est élevée à cet âge (majorité des patientes < 40 ans) et que des variations minimes ne peuvent être mises en évidence sur un suivi court. Néanmoins, le tamoxifène a été montré dans des études de prévention (2) comme favorisant l’ostéoporose chez la femme non ménopausée, tout comme les analogues, ce qui va à l’encontre de ces résultats. Par ailleurs, les auteurs n’ont pas pris en compte le facteur qualité de vie, ne permettant pas de conclure sur ce point majeur concernant des femmes jeunes et déjà perturbées dans leur sexualité par la maladie et son traitement (72).
408 Cancer du sein La question reste donc d’actualité, même si la prescription d’analogues de la LHRH bloquant l’effet ovarien du tamoxifène simplifie indéniablement la surveillance, ce d’autant qu’elle règle alors la question délicate de la contraception. Même si S. Aebi et coll. (73) démontrent l’utilité chez des patientes de moins de 35 ans, avec des récepteurs positifs, d’associer un versant hormonal à la chimiothérapie, rarement pourvoyeuse d’aménorrhée, à cet âge, il n’y a pas de preuve actuellement, en situation adjuvante, de la supériorité du tamoxifène associé aux analogues par rapport au tamoxifène seul (74). La réponse à cette question devrait être disponible dans les années à venir, suite aux résultats des essais en cours, randomisant chez des femmes pré-ménopausées, après la chimiothérapie, plusieurs modalités hormonales (tamoxifène seul, tamoxifène et analogues de la LH-RH, anti-aromatases et analogues de la LH-RH (75).
Protocole de suivi Tous ces arguments réunis, ainsi que l’incertitude sur l’efficacité comparable des deux propositions thérapeutiques (tamoxifène ou tamoxifène et blocage ovarien), nous ont incité à proposer un protocole de suivi, prospectif, de patientes non ménopausées au diagnostic et soumises à un traitement par tamoxifène. Il s’agissait donc d’une étude d’enregistrement prospectif, de tolérance bio-clinique d’un traitement par tamoxifène 20 mg pendant cinq ans. L’objectif initial était d’évaluer les effets secondaires gynécologiques du traitement chez des patientes à axe gonadotrope conservé, ou en aménorrhée possiblement transitoire chimio-induite. L’objectif secondaire était l’évaluation de la tolérance fonctionnelle du traitement sur le climatère et en termes de qualité de vie. Le protocole a été ouvert en janvier 2001, après avoir reçu l’avis favorable du CCPRB en septembre 2000. Il a rassemblé 14 centres recruteurs et inclut 307 patientes en vingt-huit mois. Le protocole prévoyait une première consultation avant la mise en route du traitement par tamoxifène, afin de faire le point gynéco-endocrinien, avec notamment échographie pelvienne et dosages hormonaux au dixième jour du cycle (FSH-17 bêta-estradiol) et information. Ultérieurement, des visites étaient prévues à trois, six et douze mois, avec interrogatoire précis permettant de connaître les effets secondaires éventuels, la conservation ou non de cycles menstruels ou leur réapparition s’il existait une aménorrhée chimio-induite, les dosages au dixième jour du cycle, ainsi qu’une échographie pelvienne. Cette étude est en cours d’analyse et se heurte aux difficultés de collecte des différentes informations, avec notamment une perte importante de retour de données concernant les dosages hormonaux, et les renseignements purement gynécologiques. Cette constatation souligne la difficulté de réalisation d’études dans un protocole non randomisé en double aveugle, imposant une méthodologie stricte et un contrôle régulier par l’intermédiaire des attachés de recherche clinique. Les résultats préliminaires permettent cependant certaines constatations :
Tolérance de l’hormonothérapie adjuvante 409 – au-delà de 45 ans, chez des patientes en aménorrhée chimio-induite, on ne met pas en évidence d’augmentation du taux des 17 bêta-estradiol, la FSH est élevée et l’échographie sans particularité ; – chez les patientes plus jeunes, on constate une variation du taux de 17 bêta-estradiol, fluctuante au cours des mois de prise. Cette augmentation des estrogènes est en général en relation avec des kystes ovariens asymptomatiques, et peut être constatée alors qu’il n’y a pas de reprise des règles. Elle n’est curieusement pas liée à la présence ou l’absence de bouffées vasomotrices. Dans un petit pourcentage de cas (moins de 10 %), on constate des taux très élevés de 17 bêta-estradiol. Ils peuvent alors être associés à des kystes qui peuvent devenir symptomatiques, nécessitant alors un blocage par les analogues de la LH-RH pendant trois mois. Même si ces taux de 17 bêta-estradiol peuvent atteindre ceux vus lors de stimulations ovariennes pour fécondation in vitro, l’effet délétère n’a pas pu être mis en évidence. Ils ne sont notamment corrélés à aucune manifestation clinique particulière, générale ou gynécologique. Ces résultats nécessitent d’être affinés, l’analyse est en cours. L’incidence en augmentation du cancer du sein, tout âge confondu, laisse prévoir un nombre important de femmes non ménopausées, porteuses de petites tumeurs au pronostic globalement favorable. L’utilisation du tamoxifène sans blocage ovarien nous paraît une bonne alternative, sous réserve qu’elle soit correctement expliquée aux patientes et suivie avec des compétences gynéco-endocriniennes. Au vu des résultats de l’étude précédemment citée, la qualité de vie est satisfaisante, les effets secondaires du tamoxifène étant quasi inexistants.
Suppression ovarienne Celle-ci peut être envisagée dans trois situations : – dans le cadre de l’effet « castrateur » de la chimiothérapie (vu plus haut) : les effets secondaires se surajoutent alors à ceux de la chimiothérapie, mais persistent dans le temps. Ce sont ceux d’une ménopause précoce, avec son cortège de signes fonctionnels, variables en fonction des patientes ; – la suppression ovarienne peut être instaurée par administration d’analogues de la LH-RH après la chimiothérapie, s’il n’y a pas eu d’aménorrhée induite. Elle est rarement utilisée seule, et ses effets se surajoutent à ceux du tamoxifène, qui est associé ; – dans un certain nombre de cas, face à des tumeurs de petite taille avec des facteurs de pronostic favorables et des récepteurs hormonaux très positifs, la substitution d’une chimiothérapie classique par un traitement hormonal qui serait dans ce cas, soit des analogues de la LH-RH, soit du tamoxifène seul, soit du tamoxifène associé aux analogues, peut être proposée (76). En général, les analogues sont prescrits pour deux à trois ans, et les effets secondaires disparaissent habituellement à l’arrêt du traitement. Un certain nombre d’études mettent en évidence un retour plus fréquent des menstruations à l’arrêt qu’après une chimiothérapie.
410 Cancer du sein Le vécu de ces situations hormonales de type ménopause précoce définitive ou non est intimement lié à la façon dont le prescripteur a présenté le traitement, et au contexte psychologique et psychosocial de la patiente (77).
Conclusion La tolérance de l’hormonothérapie en situation adjuvante est une question importante puisque celle-ci est prescrite de plus en plus souvent, pour une durée d’au moins cinq ans. Alors qu’elle est prescrite chez des patientes de bon pronostic, les conséquences à long terme de celle-ci sont particulièrement importantes en prendre en compte chez des femmes jeunes qui seront privées tôt d’estrogènes. Même si, depuis deux ans, la compensation de la ménopause par les estrogènes a été très débattue chez une femme n’ayant pas de contre-indication cancérologique à leur utilisation, il n’en reste pas moins que les traitements dits de la ménopause sont pourvoyeurs d’une qualité de vie incontestée, chez les patientes qui présentent des troubles. Cette notion est à garder à l’esprit, ce d’autant que la démographie médicale ne permettra pas aux prescripteurs de l’hormonothérapie de juger les conséquences à long terme des patientes, qu’à distance ils ne suivront plus.
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La chimiothérapie adjuvante. Quels sont les nouveaux standards ? J. Bonneterre
Depuis les premières publications de B. Fischer en 1968 (1), puis de G. Bonadonna en 1976 (2), la chimiothérapie adjuvante a progressivement conquis sa place dans le traitement du cancer du sein ; les résultats plus ou moins solides du début ont été confortés par la méta-analyse d’Oxford en 1992 (3), qui a montré un gain sur la survie sans récidive et la survie globale, bénéfices améliorés par l’utilisation de produits plus efficaces comme les anthracyclines et tout récemment par les taxanes. Grâce à des populations incluses dans les essais de plus en plus importantes, le p fatidique est régulièrement atteint et, même si l’avantage est souvent limité (c’est plus évident lorsqu’il est exprimé en bénéfice absolu), la somme de ces avantages successifs devient cliniquement tout à fait nette. Le problème du choix des malades à traiter reste entier tant les consensus sont variables et les populations à l’intérieur de chaque groupe hétérogènes. Dans une optique de prévention, compte tenu du nombre de malades traitées et de la toxicité des produits de chimiothérapie, le rapport bénéfice-risque prend toute son importance.
Le paléo-adjuvant ou les statistiques au service du clinicien Les premières études de chimiothérapie adjuvante ont porté sur des populations de malades ayant un mauvais pronostic, quasi exclusivement avec envahissement ganglionnaire axillaire ; il s’agissait de monochimiothérapies ou de polychimiothérapies de type CMF (ce protocole étant décliné en plusieurs variantes) ; en deux décennies environ, il a été établi qu’une polychimiothérapie comportant six cures était un compromis acceptable, donnant les mêmes résultats que douze cures et une meilleure survie sans récidive et globale que des traitements plus courts. La métaanalyse de R. Peto en 1992 (3) a permis de conforter les résultats qui, pris individuellement, n’étaient pas tous convaincants, en affirmant le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante et en précisant qu’aucune catégorie de patientes ne tirait bénéfice de ce traitement ; les résultats étaient cependant meilleurs chez les patientes plus
418 Cancer du sein jeunes (moins de 50 ans). La diminution du risque de récidive ou de décès a stimulé la réalisation d’études avec de « nouveaux » produits pour « challenger » le CMF.
L’adjuvant classique : l’ère des anthracyclines Il a fallu plusieurs années d’utilisation des anthracyclines en phase métastatique pour que soient débutées les études en adjuvant. Les protocoles avec anthracyclines ont été comparés avec des chimiothérapies de type CMF ; c’est ainsi que quatre cycles associant doxorubicine et cyclophosphamide (AC) ont été trouvés aussi efficaces que six CMF (4, 5) et que six cures de l’association epirubicine, cyclophosphamide, fluoro-uracile (FEC) donnaient des résultats comparables ou supérieurs à six CMF. Là encore, la méta-analyse est venue au secours des cliniciens, montrant un avantage des protocoles comportant des anthracyclines du même ordre que celui du CMF par rapport à l’absence de traitement adjuvant (2005). Les protocoles comportant des anthracyclines sont devenus les traitements de référence, AC, FEC ou FAC. Si un effet dose n’a jamais pu être démontré avec la doxorubicine (ceci a été confirmé dans l’essai récent CALGB 9344 (11) comparant trois doses de doxorubicine), des études menées dans le cancer du sein métastatique ont montré qu’une posologie d’epirubicine supérieure ou égale à 90 mg/m2 donnait de meilleurs résultats qu’une posologie plus faible. Deux études ont testé une dose plus forte d’epirubicine ; la première étude, canadienne, a comparé le CMF « classique » avec le cyclophosphamide administré per os à un FEC administré à J1 et J8 à la posologie de 60 mg/m2/jour (6) ; la survie sans récidive et la survie globale sont plus longues chez les patientes ayant reçu le FEC, le bénéfice persistant à dix ans. La deuxième étude compare FEC 50 à FEC 100, la seule différence entre les deux protocoles étant la posologie d’epirubicine. Dans cette étude également, l’avantage du FEC 100 perdure jusqu’à dix ans (8) avec une toxicité à long terme, en particulier cardiaque, satisfaisante (7). À la suite des premières publications, le FEC 120 et le FEC 100 ont fait partie des protocoles de référence.
La chimiothérapie adjuvante moderne : les taxanes Après la démonstration de l’efficacité des taxanes dans le cancer du sein métastatique qui faisait de cette classe un traitement majeur à côté des anthracyclines, il était logique de les inclure dans des protocoles d’étude en adjuvant. Toutes les études pour lesquelles on dispose de résultats solides, mais pas tous publiés, ont porté sur des tumeurs N+. M. D. Anderson Buzar (10) a conduit une étude comparant chez 354 malades quatre cycles de paclitaxel à la posologie de 250 mg/m2 en vingt-quatre heures, suivis de quatre cures de FAC à huit cures de FAC. Il faut noter que 174 malades ont été traitées en pré-opératoire et que les résultats ont été combinés. L’avantage sur la survie sans récidive du
La chimiothérapie adjuvante. Quels sont les nouveaux standards ? 419 bras avec paclitaxel n’atteint pas la signification statistique (p = 0,09) ; aucun résultat de survie n’est présenté (10). Étude CALGB 9344 (11) Les patientes étaient randomisées une première fois entre trois doses de doxorubicine (60, 75 et 90 mg/m2) et une deuxième fois après les quatre cures de AC entre l’arrêt du traitement et la poursuite de quatre cures de Taxol® à 175 mg/m2 administré en trois heures ; les patientes dont les tumeurs étaient hormono-sensibles recevaient après la chimiothérapie une hormonothérapie par le tamoxifène 20 mg pendant cinq ans. Aucune différence n’a été constatée entre les différentes doses de doxorubicine ; en revanche, la survie sans récidive (p = 0,001) et la survie globale (p = 0,001) sont plus longues chez les patientes recevant du Taxol®. S’il est incontestable que le bras avec Taxol® est meilleur, il n’est pas possible de savoir si c’est dû au Taxol® (utilisé de façon sub-optimale puisqu’on sait que l’administration hebdomadaire est meilleure) ou à la durée de traitement plus longue ou au bras témoin qui est reconnu également comme sub-optimal. Étude NSABP B 28 (12) Les patientes étaient randomisées après quatre cures selon le protocole AC entre l’arrêt thérapeutique ou quatre cures de Taxol® à la posologie de 225 mg/m2 administré en trois heures. Toutes les malades de plus de 50 ans et les malades de moins de 50 ans avec une tumeur hormono-sensible recevaient du tamoxifène débuté en même temps que la chimiothérapie. Pendant les trois premières années, aucune différence n’est observée entre les deux bras de traitement. Avec un recul de cinq ans, il existe une différence significative en faveur du bras Taxol® sur la survie sans récidive (p = 0,008), mais pas sur la survie globale. La différence de résultats entre ces deux études est difficile à interpréter : les populations paraissent comparables ; en revanche, les modalités d’administration de la chimiothérapie et de l’hormonothérapie, ainsi que les indications de l’hormonothérapie, sont différentes. Étude BCIRG 01 (13) Les patientes étaient randomisées entre six cures de FAC et six cures de TAC ; le taxotère à la posologie de 75 mg/m2 étant administré à la place du fluoro-uracile ; les posologies de cyclophosphamide et de doxorubicine étaient les mêmes. Le tamoxifène était donné aux patientes ayant une tumeur hormono-sensible, le traitement débutant après la chimiothérapie. Un bénéfice sur la survie sans récidive (p = 0,001) et la survie globale (p = 0,008) est observé. Quand les patientes sont divisées en deux groupes en fonction de l’importance de l’envahissement ganglionnaire, la différence n’est significative que chez celles qui ont 1 à 3 ganglions envahis. Groupe US Oncology Jones (14) a présenté des résultats très préliminaires portant sur 1 015 malades de mauvais pronostic randomisées entre quatre AC et quatre cures associant le docé-
420 Cancer du sein taxel à la posologie de 75 mg/m2 et le cyclophosphamide à 600 mg/m2. A quarantetrois mois, aucune différence n’est observée sur la survie sans récidive et la survie globale (14). Étude PACS01 (15) Les patientes ayant un envahissement ganglionnaire axillaire étaient randomisées entre six cures de FEC 100 et trois cures de FEC 100, suivies de trois cures de Taxotère à la posologie de 100 mg/m2. Les patientes ayant une tumeur hormonosensible recevaient du tamoxifène débuté après la fin de la chimiothérapie et pour une durée de cinq ans. 1 999 patientes ont été randomisées ; les caractéristiques des patientes étaient comparables ; à noter cependant que davantage de malades dans le bras six cures de FEC 100 avaient une tumeur RE-RP-. Après un recul de cinq ans, la durée de la survie sans récidive est plus longue chez les malades du bras 3 cures de FEC 100-3 cures de taxotère (p = 0,01), de même que la survie globale (p = 0,02). Dans les analyses de sous-groupes sur des facteurs stratifiés a priori, il est surprenant de constater que le bénéfice sur la survie sans récidive n’est constaté que chez les malades de plus de 50 ans ; la différence n’est pas statistiquement significative chez les malades ayant plus de trois ganglions envahis, mais la tendance est la même. De façon tout à fait inattendue également, aucune différence n’est observée chez les malades ayant reçu du tamoxifène. Il faut noter que la prise de tamoxifène n’était pas un facteur de stratification. Les effets secondaires sont ceux qui étaient attendus avec le FEC 100 d’une part, le taxotère d’autre part. En divisant par deux la dose totale d’epirubicine, il n’est pas surprenant d’observer moins de toxicité cardiaque et de leucémies. D. Loesh En 2004, Loesh (16) a présenté les résultats préliminaires à cinq ans d’une étude comparant chez 1 830 malades à haut risque quatre cures de AC (60/600), suivies de quatre injections hebdomadaires de paclitaxel à la posologie de 175 mg/m2 en trois heures toutes les trois semaines, à quatre injections de doxorubicine-paclitaxel (50/200), suivies par douze injections hebdomadaires de 80 mg/m2 de paclitaxel. A trois ans, le bras recevant le paclitaxel en hebdomadaire a une survie sans récidive (p = 0,05) et une survie globale (p = 0,005) plus longue. S’il n’est pas surprenant que les résultats soient meilleurs chez les patientes recevant du paclitaxel hebdomadaire, l’interprétation des résultats est gênée par le fait que le nombre de variables entre les deux bras est important : posologies de doxorubicine et de paclitaxel données toutes les trois semaines, différence dans le traitement initial et dans la durée totale du traitement adjuvant. Plusieurs autres études sont en cours, aussi bien avec le paclitaxel qu’avec le docétaxel. Au moins trois d’entre elles avec le docétaxel sont fermées aux inclusions ; dans les années à venir, des informations portant sur plusieurs dizaines de milliers de patientes seront disponibles.
La chimiothérapie adjuvante. Quels sont les nouveaux standards ? 421
Discussion Il est maintenant admis par la majorité des cliniciens que les protocoles de type CMF n’ont plus que des indications tout à fait exceptionnelles et que les traitements adjuvants doivent comporter des anthracyclines, soit doxorubicine à la posologie de 60 mg/m2, soit epirubicine à la posologie de 100 mg/m2. La discussion peut donc se focaliser sur l’usage des taxanes. Les études dont nous disposons souffrent actuellement d’insuffisances qui gênent l’interprétation des résultats : – la durée des traitements varie entre les deux bras dans plusieurs études (CALGB 9344, NSABP 28, étude de Loesh) ; il est donc difficile de savoir si la différence observée est due à l’introduction des taxanes ou à un allongement de la durée du traitement. Ces études peuvent remettre en question la durée optimale du traitement adjuvant. Faut-il passer à l’équivalent de huit cures ? De plus, si avec nos standards thérapeutiques européens on n’a aucune peine à concevoir que huit cures sont mieux que quatre cures, rien ne nous permet de dire que huit cures sont supérieures à six. Le problème du nombre de cycles est renforcé par l’utilisation fréquente, à la suite des résultats en néo-adjuvant du NSABP B 27 et de l’étude d’Aberdeen de huit cures (quatre avec anthracyclines et quatre avec taxotère). Est-il raisonnable de ne pas utiliser les mêmes protocoles en adjuvant et en néo-adjuvant ? – les bras témoins (en particulier quatre AC) sont sub-optimaux dans la plupart des études ; – les posologies et les modalités d’administration d’un même produit, en particulier le paclitaxel, sont variables d’une étude à l’autre et même au sein d’une même étude ; – les modalités de prescription de l’hormonothérapie sont variables entre les différentes études, qu’il s’agisse des indications ou du moment de début du traitement hormonal ; – enfin, les résultats de sous-groupes dans l’étude PACS01 laissent perplexes ; comment interpréter que le bénéfice de l’association FEC 100-taxotère ne soit perceptible que chez les femmes de plus de 50 ans, ce qui va à l’encontre des données classiques, et que ce même bénéfice disparaisse également chez les femmes ayant reçu du tamoxifène après la chimiothérapie ? Dans cette étude, il existe un déséquilibre dans la fréquence des tumeurs hormono-sensibles entre les deux bras de traitement (plus fréquentes dans le bras FEC 100 puis taxotère). Quoi qu’il en soit, pratiquement tous les résultats vont dans le même sens, objectivant un bénéfice de l’adjonction de taxanes à un protocole à base d’anthracycline ; le contraire aurait été surprenant dans la mesure où taxanes et anthracyclines constituent les deux familles de drogues majeures dans le traitement du cancer du sein. Reste le problème des modalités optimales de leur utilisation, posologie et rythme d’administration pour le paclitaxel (il est maintenant admis que l’utilisation hebdomadaire est la meilleure), association simultanée ou successive pour le docétaxel ; l’étude PACS01 apporte un élément important montrant un rapport bénéfice-risque favorable avec une utilisation successive, un autre argument viendra des
422 Cancer du sein résultats de l’étude BCIRG 005 qui compare de façon frontale le TAC à la séquence quatre cures de AC suivie de quatre cures de taxotère, avec la réserve d’un nombre de cures différent entre les deux bras. Même s’il manque quelques éléments pour vérifier si certains sous- groupes de malades pourraient ne pas bénéficier de l’association, on voit mal comment l’association, plutôt séquentielle pour des problèmes de tolérance, ne deviendrait pas à court terme la référence, pour les malades N+, puisque les études publiées concernent cette population. Mais quelle serait la logique de ne pas proposer un traitement optimal aux patientes N- considérées comme ayant un mauvais pronostic sur des facteurs autres que l’envahissement ganglionnaire ? Il est intéressant de noter que, dans le PACS 01 et plus encore dans le BCIRG 01, le bénéfice de l’association apparaît d’abord chez les malades ayant de un à trois ganglions envahis (donc avec un pronostic proche des N- avec taille tumorale importante ou grade III, par exemple). Peut-on faire mieux et si oui comment ? Les résultats obtenus dans les dernières études sont très bons ; le taux de survie à cinq ans des patientes N+ traitées par trois FEC 100, suivis de trois cures de taxotère sont de 90 % et il sera très difficile de les améliorer. Plusieurs pistes existent : – la dose-intensité : à notre connaissance, les résultats d’une étude comportant anthracyclines et taxanes ont été publiés (CALGB 9741-Citron 2002) ; cet essai posait deux questions, celle du séquentiel versus concomitant d’une part, celle de la dose-intensité d’autre part. Aucune différence n’a été observée entre le concomitant et le séquentiel ; en revanche, une différence significative a été constatée en faveur de la dose dense à la fois sur la survie sans récidive et sur la survie globale ; le PACS 01 en dose dense pourrait répondre à cette question ; – l’utilisation, en plus, d’autre produits, selon des modalités à définir : la capecitabine est sans doute le meilleur choix et des études sont en cours ; – bien sûr, les thérapeutiques ciblées : à court terme, on peut s’attendre à l’adjonction dans les protocoles, chez les patientes sur-exprimant HER2, de l’Herceptin®, mais il faut attendre les résultats des études cliniques, certaines étant fermées aux inclusions. L’Herceptin® posera le problème du maintien des anthracyclines dans les protocoles d’adjuvant compte tenu de la potentialisation de la toxicité cardiaque.
Conclusion En 2005, le protocole de chimiothérapie adjuvante standard, au moins pour les patientes N+, va très probablement devenir une association anthracyclines-taxanes, et notre préférence ira sans doute à leur utilisation séquentielle de type FEC 100, puis docétaxel. Il n’y a pas d’argument actuellement pour passer à huit cures, sauf par analogie avec une habitude prise en néo-adjuvant à la suite des publications du NSABP B27 et de l’étude d’Aberdeen. Il ne nous paraîtrait pas aberrant de généraliser l’utilisation de ce type de protocole aux patientes relevant d’une chimiothérapie adjuvante en raison de facteurs de mauvais pronostic différents de l’envahissement ganglionnaire.
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424 Cancer du sein
La chimiothérapie adjuvante. Quels sont les nouveaux standards ? 425
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L’hormono-chimiothérapie adjuvante. Dans quelles circonstances, cette association est utile ? M. Namer
La chimiothérapie adjuvante La chimiothérapie adjuvante améliore incontestablement la survie sans rechute et la survie des patientes qui ont présenté un cancer du sein. La méta-analyse d’Oxford menée par Richard Peto a quantifié récemment ce bénéfice (1). Analysée sur un suivi de quinze ans, la polychimiothérapie est responsable, globalement, d’une diminution relative du risque de rechutes de 23 % ± 2, de décès spécifiques de 17 % ± 2 et de décès, quelle que soit la cause, de 15 % ± 2. Néanmoins, ces résultats varient avec l’âge de la patiente : il est clair dans le tableau 1 que le bénéfice est beaucoup moins évident chez la patiente plus âgée : après 60 ans, la diminution relative est à peu près la moitié de celle obtenue entre 50 et 60 ans. Tableau 1 - Diminution relative des risques.
Global Age < 40 40 – 49 50 – 59 60 – 69 70 +
Rechute % 23 ± 2
Décès spécifique % 17 ± 2
Décès % 15 ± 2
40 ± 6 36 ± 4 23 ± 3 13 ± 3 12 ± 11
29 ± 7 30 ± 5 15 ± 4 9±4 13 ± 12
29 ± 7 27 ± 5 15 ± 3 7±3 12 ± 11
Exprimés en taux absolus, les bénéfices sont aussi différents suivants l’âge de la patiente : avant et après 50 ans (tableau 2).
428 Cancer du sein Tableau 2 - Bénéfice à quinze ans en taux absolu.
Avant 50 ans 50 – 69 ans
Rechute %
Décès spécifique %
Décès %
12,3 ± 1,6 4,2 ± 1,2
10,0 ± 1,6 3,0 ± 1,3
8,7 ± 1,6 2,1 ± 1,3
Dans toutes les circonstances, la différence reste significative : p < 0,0001. Ceci est probablement dû au grand nombre de patientes impliquées : avant 50 ans, 26 743, entre 50 et 69 ans, 30 139. Il est néanmoins objectif de faire remarquer qu’il faudra faire subir la chimiothérapie à 100 femmes ménopausées pour en faire bénéficier de 2 à 4.
Variations des diminutions relatives obtenues par une chimiothérapie suivant les caractéristiques de la tumeur ou du traitement Les diminutions relatives de risque ont été calculées dans différentes circonstances. Elles sont globalement moins importantes pour les patientes qui ont entre 50 et 69 ans. Si l’on se base sur la survie globale, les bénéfices ne sont pas significatifs pour les cancers du sein ménopausées ayant une tumeur RE+ (tableau 3). Tableau 3 - Diminution relative des risques. Rechutes % < 50 ans
50-69 ans
Décès % < 50 ans
50-69 ans
Protocole : CMF Anthracyclines
41 ± 4 37 ± 8
19 ± 3 21 ± 4
31 ± 5 25 ± 9
10 ± 3 14 ± 4
N moins N plus
36 ± 5 37 ± 5
22 ± 5 17 ± 5
26 ± 6 28 ± 5
20 ± 6 9±3
RE moins RE plus
39 ± 7 44 ± 7
22 ± 5 17 ± 3
30 ± 8 27 ± 10
25 ± 8 1±8
La diminution du taux absolu de rechutes à cinq ans est aussi influencée par l’âge des patientes, comme le montrent les tableaux 4 et 5. Tableau 4 - Bénéfice à quinze ans en taux absolu.
Avant 50 ans 50-69 ans
N moins %
N plus %
9,9 (SE 1,3) 5,3 (SE 1,0)
14,6 (SE 2,3) 5,9 (SE 1,0)
L’hormono-chimiothérapie adjuvante… 429 L’état ganglionnaire influence peu les bénéfices. Tableau 5 - Bénéfice absolu sur les rechutes à cinq ans.
Avant 50 ans 50-69 ans
RE moins %
RE plus %
12,8 (SE 2,5) 12,1 (SE 2,7)
7,6 (SE 1,7) 4,9 (SE 0,9)
La présence de récepteurs d’estrogènes conditionne l’efficacité de la chimiothérapie. Il est clair que la patiente RE+ perd à peu près 50 % du bénéfice obtenu par la patiente RE-. Parallèlement, la patiente ménopausée perd à peu près 50 % du bénéfice obtenu par la patiente âgée de moins de 50 ans. Il est légitime de se poser des questions sur l’utilité d’une chimiothérapie pour les patientes ménopausées RE+. La même réflexion peut se faire à partir de l’état de différenciation de la tumeur (tableau 6). Tableau 6 - Diminution relative des risques. Rechutes %
Décès %
Différentiation
< 50 ans
50 – 69 ans
< 50 ans
50 – 69 ans
Bonne Modérée Mauvaise
44 ± 15 38 ± 8 43 ± 9
8 ± 10 10 ± 5 22 ± 5
ND 29 ± 9 41 ± 11
11 ± 10 4±5 13 ± 7
ND : Non déterminé.
Il semble que pour les patientes ayant de 50 à 69 ans, seules les tumeurs de mauvaise différentiation pourraient, à la rigueur, profiter d’une chimiothérapie.
Influence de l’addition d’une anthracycline à la chimiothérapie adjuvante Les anthracyclines font partie actuellement de tous les protocoles modernes de chimiothérapie adjuvante. Il est intéressant de voir si ces protocoles vont subir la même influence suivant les caractéristiques de la patiente ou de sa tumeur (tableaux 7 et 8). Tableau 7 - Diminution relative du risque (CT avec anthracyclines).
Avant 50 ans 50-69 ans
Rechutes
Survie
10 ± 4 13 ± 5
15 ± 4 14 ± 6
430 Cancer du sein Tableau 8 - Diminution relative du risque (CT avec anthracyclines).
NN+
Rechutes
Survie
12 ± 6 11 ± 3
22 ± 7 13 ± 4
Les bénéfices procurés par l’utilisation de protocoles de chimiothérapie associant une anthracycline ne sont pas influencés par l’âge ou l’état ganglionnaire (tableau 9). Tableau 9 - Diminution relative du risque (CT avec anthracyclines).
RERE+
Rechutes
Survie
10 ± 4 11 ± 6
14 ± 4 13 ± 8
Les patientes dont la tumeur exprime la présence de récepteur d’estrogènes ne vont pas avoir d’amélioration significative de leur survie sans rechute et de leur survie générale. L’influence de la posologie de l’anthracycline a été explorée par l’étude CALGB 8541 (2). Toutes les patientes recevaient une chimiothérapie par le protocole CAF avec trois posologies d’adriamycine : faible, moyenne et forte. L’augmentation de la posologie n’a profité qu’aux patientes RE-. La diminution des rechutes est de 36 % pour les tumeurs RE- (IC de 15 % à 52 %) et de 14 % pour les tumeurs RE+ (IC de -18 % à 37 %). La diminution des décès est de 29 % pour les patientes RE- (IC de 3 % à 48 %) et de 8 % pour les patientes RE+ (IC de -27 % à 36 %).
Influence de l’addition d’un taxane à un protocole de chimiothérapie adjuvante comportant une anthracycline Il y a deux façons d’ajouter un taxane à un protocole de chimiothérapie comportant une anthracycline : soit en combiné avec l’anthracycline, soit en séquentiel avec presque toujours l’anthracycline donnée au début.
Protocoles combinés L’exemple presque unique se trouve dans l’essai thérapeutique du BCIRG 001 (3) comparant six cycles de FAC (fluoro-uracile : 500 mg/m2 + adriamycine 50 mg/m2 + cyclophosphamide 500 mg/m2) à six cycles de TAC (taxotère 75 mg/m2 + adriamycine 50 mg/m2 + cyclophosphamide 500 mg/m2). Ce groupe a randomisé 1 491 patientes entre ces deux bras. La moitié des patientes étaient ménopausées et 76 % avaient des récepteurs d’hormone positifs. Les résultats n’ont pas été analysés suivant l’état ménopausique. Néanmoins, l’analyse des résultats suivant l’état des
L’hormono-chimiothérapie adjuvante… 431 récepteurs d’hormones montre une diminution du risque de 31 % pour les RE(p < 0,03) et de 28 % pour les RE+ (p < 0,008). Il n’y a pas eu d’analyse des patientes suivant leur état ménopausique.
Protocoles séquentiels Deux essais thérapeutiques très semblables ont été réalisés avec le Taxol®. Essai du CALGB 9344 (4) Les 3 121 patientes N+ sélectionnées ont été randomisées entre un bras qui recevait quatre cycles de AC (adriamycine 60, 75 ou 90 mg/m2 + cyclophosphamide 500 mg/m2) et un autre bras où la chimiothérapie avec AC était suivie de quatre cycles de 175 mg/m2 de Taxol®. Les patientes RE+ ont reçu du tamoxifène qui a démarré après la fin de la chimiothérapie. Après soixante-neuf mois de suivi, les résultats ont été globalement positifs. Survie sans rechute : diminution des événements de 17 % (p = 0,002), survie globale : diminution des décès de 18 % (p = 0,006). Pour la survie sans rechute, le bénéfice n’a été retrouvé que pour les patientes RE- : diminution du risque de 25 % (IC de 11 % à 36 %), tandis que cette diminution n’est que de 12 % pour les RE+ (IC de -4 % à 25 %). Pour la survie globale, le bénéfice est de 25 % pour les RE- (IC de 11 % à 37 %) et de 10 % pour les RE+ (IC de -10 % à 26 %). Essai du NSABP B28 (5) Les 3 060 patientes qui ont été incluses ont été randomisées dans un essai de schéma assez proche. Les quatre AC n’ont eu qu’une posologie d’adriamycine. Le Taxol® était à la dose de 225 mg/m2. Le tamoxifène a été prescrit aux patientes RE+ et a été administré dès le début de la chimiothérapie. Après soixante-quatre mois de suivi, les résultats ont été positifs pour la survie sans rechute : diminution du risque de faire un événement de 0,83 avec un intervalle de confiance de 0,72 à 0,93. La survie globale n’a pas été modifiée d’une manière significative : Hazard ratio : 0,94, IC : 0,81-1,07. L’état des récepteurs d’hormones n’influence pas les résultats. Ces deux essais qui ont démontré la supériorité du bras où le Taxol® était rajouté à la fin des quatre AC mélangent en fait deux variables : l’addition du Taxol® et la prolongation du protocole, qui passe de quatre cycles à huit cycles. La prolongation d’un protocole de chimiothérapie adjuvante peut influencer les résultats, comme l’a montré la méta-analyse d’Oxford. Cette influence est variable suivant l’âge ou l’état des récepteurs d’estrogènes (tableau 10).
432 Cancer du sein Tableau 10 - Diminution des risques relatifs.
< 50 ans < 50 ans > 50 ans > 50 ans
RE RE + RERE+
Rechutes
Décès
40 ± 7 33 ± 8 30 ± 5 18 ± 4
35 ± 9 20 ± 10 17 ± 6 9±5
Il est clair que les patientes qui ont plus de 50 ans et des récepteurs d’hormones positifs ne bénéficient pas d’un allongement de la chimiothérapie. Un autre essai utilisant le taxotère en séquentiel a été récemment publié : c’est l’étude PACS 01 (6) : 2 000 malades N+ ont été randomisées entre un bras qui recevait six cycles de FEC 100 (fluoro-uracile 500 mg/m2 + epirubicine 100 mg/m2 + cyclophosphamide 500 mg/m2) et un autre bras qui recevait trois cycles de FEC 100, suivis de trois cycles de taxotère 100 mg/m2. La moitié des patientes étaient ménopausées. Les trois quarts avaient des RE+. Après un suivi de cinq ans, il a été montré que l’introduction du taxotère améliorait la survie sans rechute : HR : 0,83 (IC : 0,69-0,99). Contrairement aux résultats habituels dans les essais de chimiothérapie adjuvante, ce bénéfice ne se retrouve que pour les patientes qui avaient plus 50 ans (HR : 0,67 ; IC : 0,51 à 0,88). L’amélioration n’est pas significative pour les patientes qui ont moins de 50 ans (HR : 0,98 ; IC : 0,77 à 1,25). De la même façon, il n’y a pas eu de bénéfice pour les patientes qui ont des RE+ ou qui prenaient du tamoxifène. La survie globale a été améliorée (HR : 0,77 ; IC : 0,59 à 1,00).
L’hormonothérapie adjuvante Pendant vingt-cinq ans, l’hormonothérapie adjuvante a été dominée par le tamoxifène. Ce produit a été prescrit sur une période de cinq ans et à la posologie de 20 mg/j. Dans ces conditions, les bénéfices ne sont pas influencés par l’âge ou par l’état ganglionnaire (tableau 11). Tableau 11 - Diminution relative des risques. Rechute %
Décès spécifique %
Décès %
Global
39 ± 2,8
32 ± 4
24 ± 3
Âge < 40 40-49 50-59 60-69 70 +
44 ± 10 29 ± 7 34 ± 5 45 ± 5 51 ± 12
41 ± 12 24 ± 9 24 ± 7 35 ± 6 37 ± 15
37 ± 12 18 ± 9 16 ± 7 27 ± 5 35 ± 11
NN+
39 ± 4
39 ± 4
31 ± 5 31 ± 5
20 ± 4 29 ± 5
L’hormono-chimiothérapie adjuvante… 433 Après quinze ans de suivi, la tamoxifène améliore les taux bruts de survie sans rechute de 11,8 % ± 1,3 et de survie générale de 7,9 % ± 1,3. L’influence de l’âge et de l’état ganglionnaire a été étudiée par l’évaluation des bénéfices bruts à cinq ans : – 9,7 % ± 1,5 pour les moins de 50 ans et 12,3 % ± 1,0 pour les plus de 50 ans ; – 9,1 % ± 0,9 pour les N- et 16,1 % ± 1,8 pour les N+. Contrairement à la chimiothérapie, le tamoxifène va être efficace pour les patientes ménopausées et dont la tumeur est différenCiée et exprime un taux positif de récepteur d’hormone.
L’hormono-chimiothérapie adjuvante Devant ces deux méthodes thérapeutiques différentes, la question qui se pose est de savoir si on doit les associer.
Addition d’une chimiothérapie au tamoxifène : chimiothérapie plus tamoxifène versus tamoxifène Plusieurs essais thérapeutiques ont été réalisés dans ce but. Le NSABP B-20 répond à cette préoccupation (7). Un total de 2 363 patientes ont été randomisées entre le tamoxifène seul ou associé à CMF ou à MF (melphalan + fluoro-uracyle). Globalement, les patientes qui ont reçu l’association d’hormonothérapie et de chimiothérapie ont eu, à cinq ans, une meilleure survie sans rechute (85 % versus 89 % : p = 0,0001) et une meilleure survie (94 % versus 96 % : p = 0,03). Une analyse récente avec n suivi de 11,8 ans a démontré que le bénéfice le plus important revenait aux patientes ayant moins de 50 ans. Ce bénéfice n’est plus significatif pour les patientes âgées de plus de 60 ans. Le groupe IBCSG (8) a inclus 1 669 patientes dans un essai qui a comparé la prise de tamoxifène à la prise de cette hormonothérapie associée à du CMF. Les patientes étaient RE- ou RE+ ! Après soixante et onze mois de suivi, la chimiothérapie n’a pas bénéficié aux patientes ménopausées RE+. Le groupe SWOG (9) a réalisé une étude dans le but d’explorer la même problématique : les patientes ménopausées N+, RE ou RPg+ ont été randomisées entre cinq ans de tamoxifène et la même hormonothérapie associée avec une chimiothérapie avec anthracycline (CAF). L’originalité de cette étude est qu’ils ont testé deux modes d’association : le tamoxifène était donné, soit avec (concomitant), soit après (séquentiel) la chimiothérapie. Après un suivi de dix ans, les résultats sont nettement en faveur de l’association en séquentielle. La survie sans rechute et la survie globale ont été améliorées de respectivement de 31 % et de 21 %. La différence absolue pour la survie sans rechute était de 12 % et pour la survie de 8 % (tableau 12).
434 Cancer du sein Tableau 12 - Survie sans rechute, survie générale. Tamoxifène CAF + tamoxifène CAF suivi de tamoxifène
48 % 53 % 60 %
60 % 62 % 68 %
Plus proche de nous, le groupe GFEA (10) a analysé récemment 457 patientes ménopausées de deux essais (GFEA 02 et 07) qui exploraient l’apport de l’addition du FEC 50 à une hormonothérapie par tamoxifène. Après un suivi de neuf ans, l’addition de la chimiothérapie a amélioré la survie sans rechute de 11,3 % (p = 0,008). La survie a été améliorée de 3,8 % et la différence n’est pas significative. Le groupe d’Oxford a quantifié l’association hormono-chimiothérapie dans sa méta-analyse (tableau 13). Tableau 13 - Diminution relative des risques.
Avant 50 ans 50-69 ans
Rechutes
Survie
35 ± 7 16 ± 3
31 ± 9 10 ± 3
Addition du tamoxifène à une chimiothérapie. Tamoxifène + chimiothérapie versus chimiothérapie Ceci a été réalisé beaucoup plus fréquemment. La bonne tolérance de l’hormonothérapie pose dans cette situation beaucoup moins de problèmes éthiques. La méta-analyse distingue l’association concomitante de l’association séquentielle, mais ne spécifie rien sur l’âge (tableau 14). Tableau 14 - Diminution relative des risques.
CT + tamoxifène vs CT CT puis tamoxifène vs CT
Rechutes
Survie
40 ± 8 31 ± 7
38 ± 8 24 ± 9
Nouvelles hormonothérapies Les inhibiteurs de l’aromatase ont démontré récemment leur supériorité sur le tamoxifène. Utilisés seuls ou en association séquentielle avec le tamoxifène ils améliorent la survie sans rechute de 3 a 4,5 %. Il n’y a pas de quantification précise de l’association d’une chimiothérapie moderne avec ces nouvelles hormonothérapies. Il serait très utile de lancer une étude dans ce but.
L’hormono-chimiothérapie adjuvante… 435
Références 1. Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group (2004). Effects of adjuvant chemotherapy and hormonal therapy on breast cancer recurrence and long term survival. Lancet 2004, in press 2. Wood WC, Budman DR, Korzun AH et al. (1994) Dose and dose intensity trial of adjuvant chemotherapy for stage II, node positive breast carcinoma. Initial results of CALGB 8541. N Engl J Med 330: 1253-9 3. Martin M, Pienkowski T, Mackey J, et al. (2003) TAC improves disease free survival and overall survival over FAC in node positive early breast cancer patients, BCIRG 001: 55 months follow-up. Breast Cancer Res Treat 82 (Suppl. 1): 43a 4. Henderson IC, Berry DA, Demetri GD et al. (2003) Improved outcomes from adding sequential paclitaxel but not from escalating doxorubicine dose in adjuvant chemotherapy regimen for patients with node-positive primary breast cancer. J Clin Oncol 21: 976-83 5. Mamounas EP, Bryant J, Lembersky BC et al. (2003) Paclitaxel following doxorubicine/cyclophosphamide as adjuvant chemotherapy for node positive breast cancer: results from the NSABP B-28. Proc Am Society Clin Oncol 22: 12a 6. Roché H, Fumoleau P, Spielmann M et al. (2004) 6 cycles of FEC 100 vs 3 FEC 100 followed by 3 cycles of Docetaxel for node-positive Breast cancer patients: analysis at 5 years of the adjuvant PACS 01. San Antonio Breast Cancer Symposium 7. Fisher B, Jeong JH, Bryant J et al. (2002) Findings from two decades of NSABP clinical trials involving breast cancer with negative axillary nodes. Breast Cancer Res Treat 76: 16a 8. Endocrine responsiveness and tailoring adjuvant therapy for postmenopausal lymph node negative breast cancer: a randomized trial. J Natl Cancer Inst 2002; 94: 1054-65 9. Albain K (2004) Mature outcomes and new biologic correlates on phase III adjuvant trial INT 0100 (S8814) San Antonio Breast Cancer Symposium 10. Namer M, Fargeot P, Roché H et al. (2004) Improved disease-free survival with Epirubicin-based chemoendocrine adjuvant therapy compared with tamoxifen alone in node-positive Breast Cancer patients: 9-years follow-up analysis from pooled FASG 02 and 07 trials. San Antonio Breast Cancer Symposium
Densité de dose et intensité de dose dans le traitement adjuvant du cancer du sein P. Saintigny, F. Selle, J. Gligorov, S. Assouad, C. Ségura, K. Chouahnia, D. Avenin, K. Beerblock, A. Estéso, J.-L. Breau, V. Izrael et J.-P. Lotz
Introduction La chimiothérapie à haute dose (CTHD), qui correspond à une augmentation de la dose d’un ou de plusieurs cytotoxiques d’un facteur 3 à 10 par rapport aux doses conventionnelles, a des indications reconnues dans certaines hémopathies comme le myélome multiple, les lymphomes non hodgkiniens agressifs de mauvais pronostic, la maladie de Hodgkin en rechute et la leucémie aiguë myéloblastique (LAM). Elle est évaluée depuis plus de vingt ans dans les tumeurs solides, en particulier dans le cancer du sein, de l’ovaire, les tumeurs germinales, le cancer bronchique à petites cellules, les sarcomes des tissus mous et le sarcome d’Ewing, les tumeurs cérébrales, sans que la preuve de son efficacité n’ait encore été démontrée de façon formelle dans aucune de ces indications (1). Elle porte en elle de nombreux détracteurs, phénomène qui s’est aggravé depuis l’affaire Bezwoda en 1999, médecin sud-africain condamné pour avoir falsifié deux essais randomisés évaluant l’impact de l’intensification thérapeutique dans les cancers du sein (2). Il n’en demeure pas moins que le concept de la chimiothérapie à haute dose (CTHD) reste d’actualité. La question reste posée du bénéfice éventuel de la CTHD dans les tumeurs solides. Si de nombreuses études de phase II ont été publiées avec des résultats encourageants, les études de phase III qui comparent une chimiothérapie à dose conventionnelle à une stratégie incluant une intensification thérapeutique avec support hématopoïétique sont, en dehors du cancer du sein, sporadiques. Dans certaines tumeurs, un avantage en survie sans récidive ou en survie sans progression a été observé avec la CTHD (3, 4). Certaines remarques peuvent cependant être faites sur les essais randomisés publiés à ce jour (5). La très grande majorité concerne des patientes traitées pour un cancer du sein en situation adjuvante ou métastatique. La plupart des essais n’ont sélectionné les patients que sur la chimio-sensibilité à une chimiothérapie d’induction, ce qui est probablement insuffisant ; la recherche de facteurs cliniques et biologiques permettant de mieux définir les groupes de patients pouvant bénéficier de la CTHD est devenue une nécessité, et des progrès ont été réa-
438 Cancer du sein lisés en ce sens dans les cancers du sein. De plus, les hypothèses statistiques des premières études publiées, en particulier dans le cancer du sein, ont été probablement trop optimistes, n’autorisant l’inclusion que d’un nombre de patientes insuffisantes pour espérer retrouver une différence statistiquement significative entre le bras expérimental et le bras contrôle. Ces hypothèses reposaient, d’une part, sur la « nécessité » pour la CTHD d’apporter un bénéfice important pour pouvoir contrebalancer un taux de décès toxiques entre 10 et 15 % lors des premiers essais, et, d’autre part, sur des bras contrôles probablement moins efficaces que ceux actuellement disponibles. La nécessaire période d’apprentissage des premières équipes impliquées dans l’évaluation des chimiothérapies intensives, en particulier dans le choix des drogues utilisées pour le conditionnement, couplée à l’amélioration des techniques de réanimation hématologique, au développement des facteurs de croissance hématopoïétiques et des autogreffes de cellules souches hématopoïétiques, a permis une diminution nette de la mortalité toxique. De plus, le recul est parfois insuffisant dans certaines publications pour juger de l’intérêt de la chimiothérapie haute dose, en particulier en situation adjuvante. Enfin, la plupart des études ont utilisé un cycle de CTHD incorporé à la fin d’un traitement d’induction à dose conventionnelle. D’autres stratégies comportant en particulier un à trois cycles de CTHD supplémentaires méritent d’être explorées. Il est donc difficile, sur la base des résultats actuellement publiés, de conclure à l’absence d’efficacité de la CTHD, que ce soit dans les cancers du sein ou dans les autres tumeurs solides. On assiste actuellement au développement important des thérapeutiques dites ciblées (rituximab, trastuzumab, gefitinib, imatinib, mesylate…), qui offrent dans les hémopathies et les tumeurs solides une nouvelle arme thérapeutique s’ajoutant à la chirurgie, à la radiothérapie et à la chimiothérapie à dose conventionnelle. L’immunothérapie, qu’elle soit ou non spécifique (interleukine 2, interférons, vaccination anti-tumorale, allogreffe de cellules souches périphériques (CSP) avec conditionnements atténués), est également en cours d’évaluation. On pourrait être tenté d’abandonner l’étude de la CTHD au profit de ces nouvelles stratégies thérapeutiques. Il ne faut probablement pas les opposer. L’échec des CTHD sous couvert d’une autogreffe de CSP pourrait être lié, d’une part, à l’existence de cellules résiduelles chimio-résistantes et, d’autre part, à la contamination du greffon autologue par des cellules tumorales. Les mécanismes moléculaires de la chimiorésistance sont de mieux en mieux connus. A côté des mécanismes spécifiques à chaque cytotoxique, il existe probablement des profils moléculaires caractérisant les cellules tumorales chimio-résistantes (6). Les rôles de p53 (le « gardien du génome ») et des protéines contrôlant le cycle cellulaire (gatekeeper), des protéines de la famille bcl-2 (régulateurs de l’apoptose), des SAPK (Stress activated protein kinases), des gènes de la réparation de l’ADN (care-keeper) sont maintenant connus dans les phénomènes de résistance aux cytotoxiques. Des thérapeutiques ciblant ces mécanismes moléculaires de chimiorésistance pourraient être utilisées en association avec la chimiothérapie à dose standard et/ou la CTHD pour potentialiser l’effet des cytotoxiques ou maintenir son effet le plus longtemps possible. De même, certains groupes ont évalué la faisabilité, après cytoréduction maximale par une chimiothérapie à dose conventionnelle suivie d’une CTHD avec
Densité de dose et intensité de dose dans le traitement… 439 autogreffe de CSP, d’une immunothérapie adoptive par la réalisation d’une allogreffe de CSP avec un conditionnement atténué pour en diminuer la toxicité (7). D’autres types d’immunothérapie sont envisageables dans cette situation de cytoréduction maximale telle que la vaccination anti-tumorale. L’autre cause d’échec des CTHD suivies d’une autogreffe de CSP est la contamination du greffon autologue. Là aussi, des stratégies innovantes basées sur la manipulation du greffon ex vivo doivent être mises au point, puis évaluées : détection des cellules tumorales, purge des cellules tumorales par sélection positive ou négative, expansion des CSP (8). On le voit, la CTHD n’est pas antinomique d’autres voies de recherche. Il nous est donc apparu opportun et utile de faire le point sur la place de la CTHD dans le traitement des tumeurs du sein. Les études publiées ces derniers mois ont démontré le bénéfice des anti-aromatases de troisième génération et des taxanes en situation adjuvante. Les essais évaluant le trastuzumab en adjuvant sont très attendus. Chez les patientes métastatiques, les progrès réalisés ont été plus modestes, en dehors des patientes dont la tumeur exprime fortement ou présente une amplification de l’oncogène HER2 (HER2+), chez qui l’association du trastuzumab au paclitaxel ou au docétaxel est devenu le standard de première ligne. Dans ce contexte, la CTHD, qui repose sur le concept d’intensité de dose, n’a à ce jour pas encore démontré sa supériorité par rapport à une chimiothérapie à dose conventionnelle, que ce soit en situation adjuvante ou en situation métastatique. A l’inverse, deux essais ont démontré l’intérêt de la densité de dose en situation adjuvante. L’évaluation de ces modalités thérapeutiques doit se poursuivre en améliorant la sélection des patientes et en tenant compte des nouveaux standards. Nous n’aborderons pas ici les premières expériences d’allogreffes de cellules souches hématopoïétiques (CSH) avec conditionnement atténué, qui reposent sur le concept d’immunothérapie et non sur celui d’intensité ou de densité de dose.
Intensité de dose en situation adjuvante S. Rodenhuis et coll. (9) ont inclus 97 patientes présentant une biopsie ganglionnaire sous-claviculaire positive ; trois cycles de FEC 120 (5-fluoro-uracile, épirubicine à la dose de 120 mg/m2 et cyclophosphamide) étaient administrés en pré-opératoire. Les patientes en maladie stable ou ayant répondu à la chimiothérapie néoadjuvante (n = 81) étaient randomisées entre un quatrième cycle de FEC120 ou un quatrième cycle de FEC 120, suivis d’une intensification thérapeutique de type STAMP V (cyclophosphamide, thiotépa, carboplatine). Aucun décès toxique n’est à déplorer. Avec sept ans de recul, il n’existe aucune différence significative entre les deux bras. L’étude de G. N. Hortobagyi et coll. (10) a inclus deux groupes de patientes : dans le groupe 1 (plus de dix ganglions envahis), les patientes étaient randomisées entre huit cycles de FAC (5-fluoro-uracile, adriamycine, cyclophosphamide), suivis ou non d’une double intensification par deux cycles de CEP (cyclophosphamide, cisplatine, étoposide). Dans le groupe 2 (au moins quatre ganglions envahis après quatre cycles de FAC pré-opératoires), les patientes étaient randomisées, après la chimiothérapie néo-adjuvante et la chirurgie, entre quatre cycles de
440 Cancer du sein FAC ou quatre cycles de FAC suivis d’une double intensification par deux cycles de CEP. Le taux de décès toxiques a été de 5 %. Avec un recul médian de soixante-dixhuit mois, la survie sans rechute et la survie globale à trois ans ne sont pas statistiquement différentes. En dehors du faible effectif de l’étude (n = 58) et des déviations du protocole, le choix du conditionnement est critiquable car considéré par beaucoup comme non myéloablatif. Enfin, il faut noter que l’intensification thérapeutique était réalisée très tardivement, après huit cycles de FAC. L’hypothèse statistique dans ces deux études de phase II randomisées était une amélioration de 30 % en survie sans progression dans le bras expérimental, ce qui correspond en fait à un bénéfice supérieur à celui qu’apporte le traitement adjuvant standard à base de quatre à six cycles d’anthracyclines par rapport à l’absence de chimiothérapie adjuvante (11). Ces hypothèses ont été établies, d’une part, sur des bras contrôles moins efficaces que ceux actuellement disponibles et, d’autre part, sur une morbidité et une mortalité du bras intensif qui nécessitaient une différence importante pour que le traitement intensif soit considéré comme ayant un rapport coût-efficacité positif. Les essais présentés par W. P. Peters et coll. (12) et J. Bergh et coll. (13) sont caractérisés par un nombre important de patientes incluses, mais par un bras contrôle ne correspondant pas au standard actuel. P. Peters et coll. (12) ont inclus 875 patientes ayant au moins dix ganglions envahis histologiquement. Quatre cycles de FAC étaient administrés avant la randomisation entre un conditionnement de type STAMP I (cyclophosphamide, cisplatine, BCNU) et support de CSH ou une chimiothérapie de type STAMP I à dose intermédiaire avec support de G-CSF. Avec un recul de 7,3 ans, la survie sans événement (61 %) dans le bras HO versus (58 %) et la survie globale (71 %) dans les deux bras sont comparables à 5 ans dans les deux bras. Il y a eu moins de rechutes dans le bras CTHD (35 %) versus le bras contrôle (47 %), mais cet effet positif de la CTHD a pu être masqué par le taux de mortalités toxiques de 9 %. L’essai présenté par J. Bergh et coll. (13) a inclus 525 patientes opérées d’un cancer du sein avec au moins cinq ganglions envahis. Le bilan d’extension consistait simplement en une radiographie de poumon et une scintigraphie osseuse. Les patientes présentant une radiographie osseuse normale en lieu et place d’une hyperfixation scintigraphique étaient incluables ; de même, si les patientes devaient avoir une biopsie ostéo-médullaire bilatérale, la présence de métastases médullaires n’était pas un critère d’exclusion. Le bras contrôle consistait en neuf cycles de FEC à dose adaptée à la tolérance hématologique (tailored FEC), administrés toutes les trois semaines. Le bras expérimental consistait en deux cycles de FEC 60, suivi d’un troidième cycle de FEC renforcé permettant un recueil des CSP et d’une CTHD avec un conditionnement de type STAMP V. Avec un recul médian de trente-quatre mois, le taux de survie sans rechute à trois ans est supérieur dans le bras contrôle: 72 % versus 63 % (p = 0,013) ; le taux de survie globale est de 83 % versus 77 % (p = 0,12). Cette supériorité est confirmée par l’actualisation de l’essai avec un recul de soixante mois. Dans le bras contrôle de cet essai, dans lequel un nombre important d’hémopathies secondaires a été observé, les patientes ont reçu des doses cumulées de chimiothérapie supérieures au bras expérimental qui était censé représenter le bras haute dose.
Densité de dose et intensité de dose dans le traitement… 441 S. Rodenhuis et coll. (14) ont publié les résultats d’une étude de grande envergure incluant 885 patientes avec au moins quatre ganglions envahis et stratifiées selon l’âge, le nombre de ganglions envahis, et la taille de la tumeur. Le bras conventionnel consistait en cinq cycles de FEC 90 toutes les trois semaines. Le bras expérimental comprenait quatre cycles de FEC 90, recueil de CSP après le troisième cycle, puis intensification avec un conditionnement de type STAMP V. Les deux bras étaient bien équilibrés. Le taux de décès toxiques a été de 1,5 %, sans hémopathie secondaire. Les seconds cancers étaient au nombre de 21 dans le bras intensifié, et de 15 dans le bras standard. Trente mois après la randomisation, 59 % des patientes du bras conventionnel étaient ménopausées, contre 75 % dans le bras intensifié. Avec un recul de cinquante-sept mois, la survie sans récidive à cinq ans est de 59 % dans le bras contrôle et de 65 % dans le bras intensifié (p = 0,09). La survie globale n’est pas différente selon les deux bras. Chez les patientes ayant dix ganglions envahis ou plus, la survie sans récidive à cinq ans est meilleure dans le bras intensifié (61 % versus 51 %, p = 0,05). L’âge jeune, l’absence de sur-expression de HER2 et un grade histologique bas sont associés à un impact favorable de l’intensification. Parmi les patientes ne sur-exprimant pas HER2, le risque relatif de rechute dans le bras intensifié est de 0,66 (IC95 % : 0,46-0,94) (p = 0,002), et la survie globale montre un avantage pour le bras intensifié, sans atteindre la significativité statistique (p = 0,07). Cette étude bien conduite, la plus importante quantitativement, avec un taux de décès toxiques extrêmement faible, apporte un éclairage sur le profil des patientes pouvant bénéficier de l’intensification. Il faut noter que les courbes de survie globale commencent à se séparer après trois ans ; une analyse avec un recul plus important permettra peut-être d’atteindre un p statistiquement significatif dans le sous-groupe de patientes ne sur-exprimant pas HER2. Il n’a pas été fait d’analyse en fonction du statut des récepteurs hormonaux, et l’induction plus fréquente de la ménopause dans le bras intensifié peut être discutée dans l’observation des résultats. Une autre étude de grande envergure publiée par M. S. Tallman et coll. (15) a inclus 540 patientes opérées d’un cancer du sein avec plus de dix ganglions envahis. Le bras contrôle consistait en six cycles de FAC administrés tous les vingt-huit jours. Le bras expérimental consistait en six cycles de FAC, suivis d’une intensification thérapeutique de type CHUT (cyclophosphamide, thiotépa). Les auteurs rapportent environ 120 cas de violations protocolaires. De plus, dans le groupe contrôle, 7 % des patientes ont reçu une intensification, alors que 17 % des patientes du groupe expérimental n’ont pas été intensifiées. Le taux de décès toxiques dans le bras intensifié a été de 4,6 %. Les seconds cancers ont été au nombre de neuf pour le groupe contrôle et de quinze pour le groupe intensifié, dont six myélodysplasies et trois leucémies aiguës secondaires. Avec un recul médian de soixante-treize mois, la survie sans récidive et la survie globale sont comparables dans les deux bras. Si seules les 417 patientes respectant les critères d’éligibilité sont analysées, le taux actuariel de récidive est de 55 % dans le bras contrôle et de 45 % dans le bras intensifié (p = 0,045). L’étude de J.-P. Crown et coll. (16) a inclus 605 patientes avec au moins quatre ganglions métastatiques. Les patientes étaient randomisées après quatre cycles de
442 Cancer du sein doxorubicine 75 mg/m2, entre la poursuite d’une chimiothérapie conventionnelle par CMF (durée non précisée) et une intensification thérapeutique de type CHUT. Une chimiothérapie de mobilisation de type cyclophosphamide 4 000 mg/m2 permettait un recueil de CSP. Le nombre de décès toxique est de cinq, tous dans le bras intensifié. Avec un suivi médian de quarante-huit mois, les taux de survie sans récidive et de survie globale à cinq ans sont comparables dans les deux bras. Zander et coll. (17) ont présenté les résultats de 307 patientes ayant au moins dix ganglions envahis et randomisées après quatre cycles d’EC 90 entre la poursuite d’une chimiothérapie conventionnelle par trois cycles de CMF tous les vingt-huit jours et une intensification thérapeutique associant du cyclophosphamide 6 000 mg/m2, du thiotépa 600 mg/m2 et de la mitoxantrone 40 mg/m2. Avec un suivi médian de quarante-cinq mois, la survie sans récidive et la survie globale dans le bras expérimental et dans le bras contrôle sont comparables. Les patients ayant un suivi médian de soixante-douze mois ont une survie sans rechute actuarielle de 50 % (dans le bras expérimental) et 25 % (dans le bras contrôle) (p = 0,09). L’essai PEGASE 01 (18) a inclus des patientes ayant au moins huit ganglions axillaires, à l’exclusion des tumeurs inflammatoires. Le bras contrôle comprenait quatre cycles de FEC 100. Le bras expérimental comprenait quatre cycles de FEC 100, suivis d’une intensification thérapeutique de type CMA (cyclophosphamide, mitoxantrone, melphalan). Les patientes étaient stratifiées selon l’âge, le stade T, le grade histologique SBR, le nombre de ganglions envahis, la présence ou non d’emboles vasculaires et le statut des récepteurs aux estrogènes. Les deux groupes de patientes étaient bien équilibrés. Un seul décès toxique a été observé et aucune hémopathie n’a été observée. Les résultats avec un recul médian de soixante-deux mois figurent dans le tableau 1. Les risques relatifs en fonction du traitement reçu, calculés avec le modèle de Cox, donnent les mêmes résultats pour la survie globale (risque relatif (RR) 0,77 [0,51-1,18] p = 0,23), la survie sans récidive (RR 0,53[0,390,74] p < 0,001), la survie sans événement (RR 0,55 [0,4-0,76] p < 0,004), et la survie après l’apparition des métastases (RR 2,32 [1,44-3,75] p < 0,006). Les résultats de cet essai vont donc dans le sens que celui de S. Rodenhuis et coll. (14) avec une amélioration de la survie sans maladie et de la survie sans événement, sans différence significative avec le recul actuel pour la survie globale. Il faut noter que les courbes de survie commencent à se séparer après trois ans et qu’un recul plus long est nécessaire pour interpréter définitivement cet essai. Tableau 1 - Taux de survie sans événements (EFS) et de survie globale (SG) à trois ans et à cinq ans dans l’essai PEGASE 01 (communications personnelles). Bras de traitement
Contrôle Expérimental p statistique
EFS À 3 ans À 5 ans 52 % 40,2 % 70,3 % 58,8 % Globalement : 61,4 % vs 49,8 % (p < 0,001)
SG À 3 ans 84,1 % 86,7 % p = 0,18
À 5 ans 67,82 % 73,7 % Non disponible
Densité de dose et intensité de dose dans le traitement… 443 Tableau 2 - Les essais randomisés. Auteurs / Nombre de patientes
Induction
Chimiothérapie* CTHD conventionnelle
SSR**
SG***
p/p
Peters / 875 Bergh / 525 Rodenhuis / 885 Tallman / 540 Crown / 605 Zander / 307 Roché / 300 Nitz / 403
4 FAC 3 FEC 4 FEC 6 FAC 4 Dox 4 EC 4 FEC 2 EC
STAMP-int 9 FEC 1 FEC CMF 3 CMF 1FEC 2EC//3CMF
40 vs 60 72 vs 63 59 vs 65 46 vs 45 54 vs 51 42 vs 52 52 vs 70 68 vs 77
70 vs 70 83 vs 77 51 vs 61 62 vs 57 62 vs 63 62 vs 70 84 vs 86 71 vs 86
ns/ns s/ns s/s ns/ns ns/ns ns/ns s/ns s/ns
STAMP I STAMP V STAMP V CHUT CHUT CHUT + MTN CMA CHUT + EPI
*CT conv. : Chimiothérapie conventionnelle ; STAMP-int : STAMP à doses intermédiaires. **SSR : survie sans rechute ; ***SG : survie globale. ; s/ns : significatif / non significatif. CHUT : cyclophosphamide 1 500 mg/m2/j de J1 à J4 + thiotépa 200 mg/m2/j de J1 à J4. STAMP-int : STAMP à doses intermédiaires. STAMP I : cyclophosphamide 1875 mg/m2/j de J1 à J3 + cisplatine 55 mg/m2/j de J1 à J3 + BCNU 600 mg/m2/j à J4. STAMP V ou CTC : cyclophosphamide 1500 mg/m2/ de J1 à J4 + thiotépa 120 mg/m2 de J1 à J4 + carboplatine 400 mg/m2 de J1 à J4. CMA : mitoxantrone 12 mg/m2/j de J1 à J5 + cyclophosphamide 60 mg/kg/j J3 et J4 + melphalan 140 mg/m2/j J7 EPI : epirubicine.
A. Gianni et coll. (19) ont rapporté une étude originale comparant une chimiothérapie séquentielle à dose conventionnelle, à l’administration séquentielle en monothérapie de cytotoxiques à haute dose ou à dose intermédiaire. Les patientes (n = 382) avaient plus de trois ganglions axillaires envahis et étaient stratifiées suivant le nombre de ganglions envahis. Le bras contrôle associait trois cycles d’épirubicine 120 mg/m2, suivis de six cycles de CMF. Dans le bras expérimental, le traitement débutait par une chimiothérapie de mobilisation des CSP (cyclophosphamide 7 000 mg/m2), suivie de quatre cycles avec successivement : méthotrexate 8 000 mg/m2, épirubicine 120 mg/m2 répétée une fois, et une association de thiotépa 600 mg/m2 et de melphalan 160-180 mg/m2. Un décès toxique est à déplorer dans le bras haute dose. Avec un recul médian de cinquante-deux mois, les taux de survie sans progression et de survie globale sont comparables. L’étude présentée par Y. Tokuda et coll. (20) a inclus moins de 100 patientes avec au moins dix ganglions envahis, stratifiées suivant le nombre de ganglions envahis. Dans le bras contrôle, six cycles de FAC avec 40 mg/m2 de doxorubicine étaient administrés toutes les trois semaines, suivis dans le bras expérimental d’une intensification de type CHUT. Il n’a pas été observé de décès toxique. Avec un recul médian de quarante-huit mois, le taux de survie sans rechute et le taux de survie globale sont comparables dans les deux bras. Cet essai manque singulièrement de puissance et son recul est insuffisant. U. A. Nitz et coll. (21) ont évalué deux intensifications en tandem après une induction courte. Les 403 patientes randomisées avaient au moins neuf ganglions envahis. Le bras contrôle prévoyait des cycles tous les quatorze jours avec support de G-CSF et successivement quatre cycles d’EC 90 et trois cycles de CMF. Le bras expérimental prévoyait deux cycles d’EC 90 à trois semaines d’intervalle, suivis d’une
444 Cancer du sein double intensification en tandem avec un conditionnement de type : épirubicine 90 mg/m2, cyclophosphamide 3 000 mg/m2 et thiotépa 400 mg/m2 à vingt-huit jours d’intervalle avec réinjection de CSP. Les caractéristiques des patientes étaient bien équilibrées. Aucun décès toxique n’a été rapporté. La première analyse n’a été réalisée qu’avec un suivi médian de trente-quatre mois et demi. Les taux de survie sans événements sont à deux ans de 77 % (bras CTHD) versus 68 % (bras contrôle) et à quatre ans de 61 % (bras CTHD) versus 41 % (bras contrôle) (p = 0,0019). Les taux de survie globales sont de 86 % et de 71 % à respectivement deux et quatre ans, avec 44 décès dans le bras CTHD versus 54 décès dans le bras contrôle (p = 0,23). Davantage de recul est nécessaire pour analyser cette étude, dont les premiers résultats sont encourageants. Plus récemment, Coombes et al. (22) ont publié les résultats d’une étude internationale de phase III menée par l’International Collaborative Cancer Group (ICCG) chez les patientes atteintes de tumeurs du sein avec atteinte d’au moins quatre ganglion. Deux cent quatre-vingt-et-une patientes ont été randomisées pour recevoir soit 6 cycles de FEC soit 3 cycles de FEC suivis d’une intensification de type CTCb. Avec un suivi médian de 68 mois, 56 patientes du premier bras et 62 du bras intensif ont rechuté, parmis lesquelles 46 et 54 sont décédées. Aucune différence n’a été constatée en termes de survie sans rechute ou de survie globale. Au total, sur les treize essais publiés en situation adjuvante, deux sont des essais de phase II randomisés. Six essais ont inclus moins de 100 à 400 patientes et ont donc une puissance insuffisante. Par ailleurs, le recul médian de ces six essais (à trente-quatre et soixante-deux mois) est actuellement trop court pour apporter une conclusion définitive. L’essai de l’ECOG évalue l’intensification après une induction longue comme dans les essais du MD Anderson Cancer Center et du JCOG (de six à huit cycles de FAC), ce qui pourrait diminuer le bénéfice d’une CTHD en favorisant le développement de chimiorésistance des cellules résiduelles. Les résultats de l’essai de S. Rodenhuis et coll. démontrent que les patientes ayant plus de dix ganglions envahis et/ou ne sur-exprimant pas HER2 sont probablement celles qui bénéficient le plus d’une intensification.
Densité de dose L’augmentation de la densité de dose a également été évaluée pour améliorer les résultats du traitement des cancers du sein. Il consiste à diminuer l’intervalle entre les cycles, et pour certaines études à augmenter la dose des cytotoxiques d’un facteur 1 à 2, sous couvert de G-CSF. En situation néo-adjuvante, K. Dhingra et coll. (23) ont publié les données d’un essai incluant 112 patientes de stades II et III, mais également des cancers du sein de stade IV. Les auteurs comparaient quatre cycles de FAC toutes les trois semaines (5FU 1 000 mg/m2, doxorubicine 50 mg/m2 et cyclophosphamide 500 mg/m2) à la même association administrée tous les dix-huit jours sous couvert de G-CSF à des doses un peu plus élevées (5FU 1 200 mg/m2, doxorubicine 60 mg/m2 et cyclophosphamide 1 000 mg/m2). La réponse objective était supérieure dans le bras expérimental (77 % versus 53 %, p = 0,02), mais le taux de réponses complètes histologiques était identique dans les deux bras. Les données de
Densité de dose et intensité de dose dans le traitement… 445 survie ne sont pas disponibles. P. Therasse et coll. (24) ont publié les résultats d’une étude comparant six cycles de l’association cyclophosphamide 75 mg/m2 PO de J1 à J14, épirubicine 60 mg/m2 J1 et J8 et 5FU 500 mg/m2 J1 et J8 sur un rythme J1 = J28 versus six cycles de l’association épirubicine 120 mg/m2 J1 et cyclophosphamide 830 mg/m2 sur un rythme J1 = J14 avec support de G-CSF. Un total de 448 patientes a été inclus, dont des formes inflammatoires. Les caractéristiques des patientes étaient bien équilibrées. Chez 281 patientes évaluables, le taux de réponses complètes histologiques était de 14 % (bras contrôle) versus 10 % (bras contrôle). Avec un suivi médian de soixante-six mois, les médianes de survie sans progression étaient dans le groupe contrôle et le groupe expérimental respectivement trentequatre mois versus trente-trois mois et une semaine (p = 0,68) et les taux de survie globale à cinq ans respectivement 53 % versus 51 % (p = 0,94). Cette étude est décevante, d’une part, en raison du schéma choisi dans le bras « contrôle » et, d’autre part, en raison du taux de réponse très faible observé dans les deux bras. Dans une analyse du sous-groupe de tumeurs non inflammatoires non prévue initialement, les médianes de survie sans progression étaient dans le groupe contrôle et le groupe expérimental respectivement quarante-quatre mois versus 23,5 mois (p = 0,0019) et les taux de survie globale à cinq ans respectivement 59 % versus 44 % (p = 0,0043). Les taux de réponses histologiques complètes dans ce sous-groupe ne sont pas disponibles. E. Baldini et coll. (25) ont publié un essai randomisé chez 150 patientes, comparant l’administration d’une chimiothérapie néo-adjuvante et adjuvante toutes les trois semaines (bras A) ou toutes les deux semaines (bras B). La chimiothérapie associait trois cycles de FEC 60 pré-opératoire, suivis après le traitement loco-régional (chirurgie ou radiothérapie) de six cycles, en alternant un cycle de FEC et un cycle de CMF. Les caractéristiques des patientes étaient bien équilibrées. Le taux de réponses cliniques complètes était de 62,3 % (bras contrôle) versus 61,6 % (bras expérimental), et le taux de réponses complètes histologiques de 2,6 % (bras contrôle) versus 4,1 % (bras contrôle) (p = 0,95). Avec un suivi médian de soixante mois, les taux de survie sans progression à cinq ans étaient dans le bras A et le bras B respectivement 52 % versus 56 % (p = 0,3) et les taux de survie globale à cinq ans respectivement 52 % versus 54 % (p = 0,64). Une analyse multivariée utilisant le modèle de Cox montre l’influence du stade de la maladie et en particulier de la forme inflammatoire sur la survie sans progression, sans impact significatif sur la survie globale. Les taux de réponses complètes histologiques observés dans cette étude sont décevants dans les deux bras. Trois essais ont évalué la chimiothérapie administrée selon un schéma dosedense en situation adjuvante. R. Basser et coll. (26) ont évalué une chimiothérapie avec augmentation de la dose-densité nécessitant un support de CSP et administrée en front-line. Cet essai a inclus 344 patientes présentant au moins cinq ganglions envahis. Le bras contrôle prévoyait quatre cycles d’AC 60 ou d’EC 90 toutes les trois semaines, suivis de trois cycles de CMF tous les vingt-huit jours. Le bras expérimental prévoyait trois cycles d’épirubicine 200 mg/m2 associés au cyclophosphamide 4 000 mg/m2. Les CSP étaient collectées sous G-CSF seul avant le début de la chimiothérapie. Les caractéristiques des patientes étaient bien équilibrées. On déplore quatre décès toxiques dans le groupe expérimental. Avec un recul médian
446 Cancer du sein de quarante-sept mois, les résultats sont intéressants bien que non significatifs : le taux de survie sans rechute et le taux de survie globale à quatre ans sont respectivement de 57 % (bras expérimental) versus 46 % (bras contrôle) (p = 0,12), et de 73 % (bras expérimental) versus 64 % (bras contrôle) (p = 0,20). La stratégie évaluée dans cet essai est comparable à celle évaluée dans le PEGASE 06. Le recul de l’étude est cependant encore insuffisant. M. L. Citron et coll. (26) ont comparé chez plus de 2 000 patientes ayant un envahissement ganglionnaire et selon un plan factoriel 2 x 2, d’une part, l’administration séquentielle de doxorubicine (A), de paclitaxel (P) et de cyclophosphamide (C) à l’administration concomitante de doxorubicine et de cyclophosphamide (AC), suivie de l’administration de P, et, d’autre part, une administration toutes les trois semaines à une administration toutes les deux semaines. Les patientes étaient randomisées entre quatre régimes. Les groupes étaient bien équilibrés. Le recul médian était de trente-six mois. Une analyse multivariée selon le modèle de Cox montre un impact significatif du nombre de ganglions envahis, de la taille tumorale, du statut des récepteurs aux estrogènes et de la densité de dose (toutes les deux semaines versus toutes les trois semaines) pour la survie sans maladie et la survie globale. Les taux de survie sans maladie suivant l’administration dose densifiée ou non de la chimiothérapie étaient respectivement de 82 % et 75 % à quatre ans, avec un intervalle de confiance très petit. Curieusement, les neutropénies de grade 4 étaient plus fréquentes pour les régimes administrant la chimiothérapie toutes les trois semaines (33 % versus 6 %, p < 0,0001). Les nausées et vomissements de grade 3 étaient plus fréquents dans les régimes concomitants que séquentiels (7 % versus 3 %, p = 0,0002). Les décès toxiques (n = 6), la cardiotoxicité (moins de 2 %) et l’incidence à deux ans des hémopathies secondaires (0,18 %) étaient répartis dans les quatre bras. Enfin, V. J. Möbus et coll. (27) ont présenté récemment les résultats de l’essai AGO qui a comparé, chez plus de 1 200 patientes ayant plus de quatre ganglions axillaires envahis, quatre cycles d’EC 90, suivis de quatre cycles de paclitaxel 175 mg/m2 administrés toutes les trois semaines, à l’administration séquentielle tous les quinze jours avec support de G-CSF de trois cycles d’épirubicine 150 mg/m2, suivis de trois cycles de paclitaxel 225 mg/m2, suivis de trois cycles de cyclophosphamide 2 500 mg/m2. Avec un recul médian de vingthuit mois, une supériorité en survie sans récidive (94 rechutes versus 124 rechutes, p = 0,0009) et en survie globale (43 décès versus 60 décès, p = 0,03) est observé dans le bras dose-dense, quel que soit le nombre de ganglions envahi.
Discussion Deux essais (27, 28) consacrent la densité de dose avec l’utilisation séquentielle d’une anthracycline et du paclitaxel comme une des options thérapeutiques dans le traitement adjuvant des patientes présentant un envahissement ganglionnaire. En dehors des facteurs pronostiques d’ordre clinique ou histologique, il est sûr que les études doivent maintenant faire appel à une sélection des malades sur des facteurs biologiques. Dans les cancers du sein à haut risque de rechute, les deux facteurs biologiques les plus étudiés ont été l’expression d’HER2 et de p53 évaluée en immunohistochimie. M. Hensel et coll. (29) ont étudié rétrospectivement chez 149 patientes
Densité de dose et intensité de dose dans le traitement… 447 Tableau 3a - Analyse multivariée pour la survie globale et la survie sans rechute des patientes traitées par chimiothérapie à haute dose pour un cancer du sein à haut risque de rechute en fonction du taux de ganglions envahis, du statut des récepteurs hormonaux (RH), de la taille de la tumeur et de l’expression de l’oncogène HER2, d’après (30). Facteurs clinico-biologiques
Taux de ganglions envahis§ (> 0,9 versus ≤ 0,75) Statut des RH (RO+/RP+ versus RO-/ RP-) Taille de la tumeur (> 5 cm versus < 2 cm) Hyper-expression de HER2 (oui versus non)
Survie sans rechute p Risque relatif
Survie globale p Risque relatif
< 0,001
7,23
< 0,05
9
0,01 0,9 versus ≤ 0,75)
< 0,001
7,23
< 0,05
9
Statut des RH (RO+/RP+ versus RO-/ RP-)
0,01
3,35
< 0,05
3,13
Taille de la tumeur (T > 5 cm versus < 2 cm)
< 0,05
4,44
< 0,05
0,01
3,92
< 0,05
3,28 Hyper-expression de HER2 (oui versus non)
3,26
intensifiées pour un cancer du sein à haut risque de rechute, l’impact de l’hyperexpression de HER2, de p53, du Ki67, de Bcl-2, du contenu des cellules tumorales en ADN et de la prolifération cellulaire tumorale évaluée par cytométrie en flux. En analyse multivariée, l’hyper-expression de HER2 et de p53 sont les seuls facteurs indépendants délétères pour la survie globale et permettent de définir trois groupes pronostiques avec des courbes de survie très différentes (p = 0,000002) : les patientes hyper-exprimant HER2 et p53 ont le pronostic le plus péjoratif, suivies d’un groupe de pronostic intermédiaire hyper-exprimant HER2 ou p53 et d’un groupe de bon pronostic n’hyper-exprimant ni HER2 ni p53. Y. Nieto et coll. ont validé dans deux études rétrospectives un score pronostique permettant de classer les patientes en fonction de leur risque de rechute suivant quatre paramètres cliniques et biologiques indépendants en analyse multivariée pour la survie sans récidive et la survie globale : le taux de ganglions envahis, la taille de la tumeur, le statut des récepteurs hormonaux et l’expression d’HER2 (tableaux 3a-3d) (30, 31). S. Rodenhuis et coll. ont confirmé l’impact péjoratif de l’hyper-expression d’HER2 chez les patientes traitées par une CTHD (14). Ces études soulignent l’importance de certains facteurs anatomo-cliniques et biologiques dans la sélection des patientes. On sait qu’il existe une synergie entre certaines thérapeutiques ciblées et les cytotoxiques. L’utilisation du trastuzumab en association avec un conditionnement de type STAMP I a été évaluée chez 20 patientes hyper-exprimant HER2 et à haut risque de rechute ou métastatiques. Il ne semble pas exister d’interaction pharmacocinétique avec le régime d’intensification utilisé. Aucun décès toxique n’a été observé, et l’incidence de la cardiotoxicité (5 %) n’est pas apparue supérieure dans une comparaison rétrospective avec 442 patientes chez qui une intensification par STAMP I avait été réalisée. Il s’agit de la première expérience de l’utilisation d’un traitement ciblé en association à la CTHD (31). Que ce soit en situation métastatique ou en situation adjuvante, plusieurs stratégies devraient être évaluées dans des
Densité de dose et intensité de dose dans le traitement… 449 essais de phase II randomisée. La durée de la chimiothérapie d’induction et le nombre d’intensifications réalisées sont probablement des éléments importants à prendre en compte pour optimiser les stratégies de CTHD. A. D. Elias et coll. (33) ont repris les données de 188 patientes en situation métastatique traitées dans trois essais de phase II évaluant plusieurs stratégies : induction longue et intensification unique (essai I), induction longue et double intensification (essai II) et induction courte suivie d’une double intensification (essai III). Le suivi médian à partir de la dernière intensification était de respectivement quatre-vingt-douze mois, cinquante-cinq mois et trente-six mois pour les essais I, II et III. Les caractéristiques des patientes étaient comparables dans les trois essais. Les analyses de survie sont présentées dans le tableau 4. L’analyse multivariée montre que les facteurs de bon pronostic en survie globale et en survie sans événement sont l’inclusion dans l’essai III et l’absence de chimiothérapie adjuvante antérieure. Dans quelques essais, la CTHD est utilisée en situation de front-line. Cette stratégie pourrait avoir l’avantage de prévenir l’émergence de chimiorésistance ; cependant elle ne peut s’adresser qu’à des patients en bon état général lors du diagnostic, ne permet pas de sélectionner les patients chimio-sensibles en l’absence de critères biologiques actuellement disponibles, et n’autorise pas de purge in vivo avant le recueil de CSP. Enfin, soulignons la qualité des études françaises PEGASE caractérisées par un très faible taux de décès iatrogènes (moins de 2 %) lorsque l’on se réfère par exemple à l’étude de W. P. Peters et coll. Dans cette étude, le taux de décès toxiques est proche des 10 % et ce en raison de l’utilisation de molécules inadaptées à la haute dose pour le traitement des tumeurs du sein (BCNU, CDDP), que ce soit par les effets secondaires observés et attendus (syndrome hémolytique et urémique, toxicités rénale et pulmonaire), ou l’inadéquation de l’écart de dose entre les posologies conventionnelles et les schémas de type STAMP I et V.
Tableau 4 - Médianes de survie sans événement et de survie globale des patientes traitées pour un cancer du sein métastatiques dans les essais I (induction longue, intensification unique), II (induction longue, double intensification) et III (induction courte, intensification double), d’après (32). Médianes de survie sans événement Essai I Essai II Essai III
13 mois 19 mois 27 mois
Essai I Essai II Essai III
Médianes de survie globale 30 mois 29 mois 57 mois
III versus I + II p = 0,0004 III versus I p = 0,0005 III versus II p = 0,005 I versus II p = 0,25
III versus I + II p = 0,002 III versus I p = 0,003 III versus II p = 0,009 I versus II p = 0,47
450 Cancer du sein
Conclusion Les essais publiés à ce jour permettent de proposer aux patientes ayant un envahissement ganglionnaire une chimiothérapie adjuvante à base d’anthracyclines et de paclitaxel, administrée séquentiellement et dose-densifiée. En dehors de cette situation, l’administration d’une CTHD ou d’une chimiothérapie dose-densifiée ne doit s’envisager que dans le cadre d’un essai clinique. Les essais randomisés publiés à ce jour ne permettent pas de dégager de facteurs pronostiques reconductibles puisque des désaccords apparaissent sur le critère « nombre de ganglions atteints » et sur le grade histo-pronostique. Il est important désormais de mieux sélectionner les patientes selon des critères cliniques et/ou biologiques et/métaboliques qu’il reste à définir, puis à valider dans le cadre d’essais prospectifs. Sur le plan thérapeutique, les études doivent s’orienter sur des schémas séquentiels et des intensifications multiples, à l’instar de ce qui se fait en matière de tumeurs germinales (34). Le temps de l’intensification unique et finale semble être révolu. Une autre cause possible d’échec de la CTHD avec réinjection de CSP est la fréquente contamination tumorale du greffon. Les techniques de purge ou d’amplification des progéniteurs hématopoïétiques ex vivo doivent être validées expérimentalement avant d’être évaluées dans des études prospectives. Après réduction tumorale maximum obtenue grâce à une CTHD ou à une chimiothérapie dose-densifiée, l’administration de thérapeutiques ciblées (trastuzumab, inhibiteurs de tyrosines kinases du récepteur à l’EGF, anti-Cox 2 par exemple) mérite également d’être évaluée. Il n’en reste pas moins qu’une volonté scientifique et « politique » doit relancer les études de hautes doses en France, les schémas que doit proposer le groupe européen de greffe de moelle (EBMTG) étant, là aussi, inadaptés.
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Cinétique de prolifération tumorale et efficacité de la chimiothérapie adjuvante. Étude de l’activité mitotique M. Spielmann, A. Khalil et F. André
La chimiothérapie adjuvante est devenu un traitement majeur du cancer du sein au stade précoce (1). En une vingtaine d’années, le pourcentage de malades soumis à cette thérapeutique est passé de 20 % à environ 80 %. La chimiothérapie n’est malheureusement pas toujours efficace, raison pour laquelle il est essentiel d’identifier des outils pouvant indiquer à qui ne pas faire de chimiothérapie inutilement. Il existe de nombreux facteurs pronostiques qui déterminent le risque de récidive du cancer du sein. Certains d’entre eux peuvent être aussi utilisés comme des facteurs prédictifs.
Introduction Il est clair que la chimiothérapie adjuvante est donnée à l’aveugle sans savoir si elle est nécessaire pour traiter de virtuelles micro-métastases et sans avoir d’idée sur son efficacité. Dans la majorité des cas, ce traitement est fait inutilement, soit parce qu’il est non actif, soit par ce que la malade est déjà guérie par le seul traitement local. Nous n’avons malheureusement pas encore à notre disposition de moyens d’investigation suffisamment précis et fins nous permettant de diagnostiquer des métastases de très petit volume (inférieures à 5 ou 6 mm) nous imposant de faire un traitement adjuvant indispensable. Si nous disposions de facteurs prédictifs de « chimio-sensibilité » reproductibles d’une patiente à l’autre, nous devrions, point essentiel, ne plus prescrire de chimiothérapie aux patientes « identifiées comme peu ou pas chimio-sensibles » et ce d’autant que la tolérance des chimiothérapies est souvent médiocre, parfois mauvaise.
Pour qui la chimiothérapie adjuvante ? Si on observe avec attention une population standard soumise à une chimiothérapie, on individualise un groupe majoritaire de patientes chez qui le traitement est
456 Cancer du sein inutile car les patientes sont déjà guéries par la chirurgie, un autre groupe qui va rechuter malgré le traitement et le groupe le plus petit qui va bénéficier de cette chimiothérapie. Ce traitement, s’il est efficace, est essentiel car c’est au stade adjuvant qu’il est possible de guérir un faible pourcentage de malades ayant une faible masse tumorale micro-métastatique. Il est très difficile de faire la preuve de l’efficacité d’une chimiothérapie adjuvante car on ne sait sur quoi juger, en dehors d’une diminution du risque de rechute ou de décès dans des essais randomisés. En phase néo-adjuvante, il est actuellement admis que le taux de rémission pathologique complète est l’élément de jugement majeur. Il est souvent en contradiction avec le taux de réponse clinique (2, 3) ou radiologique. Le taux de conservation mammaire n’est pas, à l’évidence, un bon moyen d’évaluation de l’efficacité de la chimiothérapie.
Facteurs prédictifs de réponse thérapeutique La décision de faire un traitement adjuvant repose sur l’étude des facteurs pronostiques qui permettent d’évaluer approximativement le risque de rechute de chaque malade. Depuis le consensus de Saint-Gall (4), on estime qu’un risque de récidive supérieure à 10 % peut constituer le seuil à partir duquel il est licite de donner un traitement adjuvant. Si les différents facteurs pronostiques et leur poids respectif sont bien connus, il n’en va pas de même des facteurs prédictifs de réponses aux traitements médicaux (3). Le facteur prédictif le plus puissant reste la positivité des récepteurs hormonaux pour l’hormonothérapie et de HER2 pour l’utilisation en phase métastatique du trastuzumab. Pour la chimiothérapie, de nombreux facteurs prédictifs ont été individualisés. Leur rôle exact reste encore controversé et leur niveau de preuve peu élevé. Beaucoup sont en cours d’évaluation, nous ne parlerons ici que des facteurs de prolifération tumorale.
Les récepteurs hormonaux Aucun facteur prédictif n’est aussi pertinent que les récepteurs hormonaux pour prédire une réponse à un traitement. Ils sont avant tout prédictifs d’une efficacité de l’hormonothérapie et l’on n’imagine plus à présent de donner une hormonothérapie à une patiente n’exprimant pas des récepteurs positifs. En ce qui concerne la chimiothérapie, le statut négatif des RH semble un élément important, qui laisse espérer un bénéfice supérieur (1, 15).
Cinétique de prolifération tumorale et efficacité de la chimiothérapie… 457
Cinétique de prolifération tumorale L’activité mitotique évaluée sur le nombre de mitoses par grands champs, la phase S, le KI 67, etc., sont utilisés comme facteurs pronostiques (5) et, avec un niveau de preuve moindre, comme facteurs prédictifs (6). La cinétique de prolifération tumorale peut être explorée par plusieurs facteurs : – le grade SBR modifié Elston-Ellis (7), dont l’index mitotique est devenu l’élément principal ; – le compte des mitoses (2, 8, 9) sur dix champs au fort grossissement (x 400), semble être un facteur précis et reproductible. Qui est à présent très utilisé. Ces deux éléments, initialement facteurs de pronostic de rechute, sont aussi, avec la négativité des récepteurs hormonaux, les meilleurs outils de prédiction d’une efficacité de la chimiothérapie. – Le KI 67, réalisé en immuno-histochimie, évalue le nombre de cellules engagées dans le cycle division cellulaire. Le seuil de positivité, encore discuté, est le plus souvent de 20 % (3, 10). – La phase S est plus compliquée à réaliser et son coût est plus élevé. Elle n’est pas utilisée en pratique quotidienne (9).
En néo-adjuvant La chimiothérapie néo-adjuvante a pour objectif principal d’accéder à un traitement chirurgical conservateur pour les tumeurs dont la taille est supérieure en général à 30 mm. Le taux de réponse pathologique complète observé selon les études varie de 5 à 30 %. Il est étudié le plus souvent aujourd’hui selon la méthode Sataloff (11). Il a été démontré que la réponse pathologique complète est un élément pronostique important de la survie des malades (3, 12, 13). La chimiothérapie néo-adjuvante est un véritable laboratoire d’évaluation in vivo des drogues utilisées. Elle permet sans doute de choisir au mieux la chimiothérapie à utiliser en postopératoire. L’étude rétrospective de T. Petit portant sur 119 malades a étudié la corrélation entre la réponse clinique à la chimiothérapie néo-adjuvante, la réponse pathologique et certains facteurs biologiques potentiellement prédictifs (grade SBR, récepteurs hormonaux, KI 67, HER2 et la sur-expression de la topo-isomérase II alpha. Après six cycles de FEC 100, on note en analyse multivariée (tableau 1) une efficacité de la chimiothérapie significativement plus importante, en terme de réponse clinique, chez les patientes récepteurs hormonaux négatifs et celles ayant un KI 67 supérieur à 20 %. Seul le grade SBR élevé est significativement prédictif de la réponse pathologique complète (RPC). Ceci conforte l’hypothèse du caractère prédictif d’une cinétique cellulaire rapide. L’analyse n’a pas porté spécifiquement sur l’index mitotique, mais celui-ci est, à l’évidence, l’élément qui a le plus de poids dans le grade tumoral de Elston et Ellis (7).
458 Cancer du sein Le grade tumoral est ici le seul facteur indépendant pouvant prédire une réponse pathologique complète, avec un taux de RPC selon Sataloff de 42 % pour les grades III, de 10 % pour les grades II et de 0 % pour les grades I. Si on associe chez la même malade le statut RH- et taux de prolifération cellulaire élevé (KI 67 > 20 %), le taux de réponse clinique complète atteint 64 %. La négativité des récepteurs hormonaux apparaît prédictif de réponse uniquement en analyse univariée. Il apparaît comme un facteur de différenciation tumoral lié au grade élevé. Tableau 1 - Analyse multivariée (T. Petit).
Rémission complète clinique Rémission complète pathologique
Grade SBR
RH négatifs
Ki-67 élevé
0,44
0,009
0,003
0,0001
0,32
0,49
D’autres études de chimiothérapie néo-adjuvante ont permis d’identifier des facteurs de réponse au traitement. Les facteurs de prolifération semblent prendre une acuité particulière par rapport aux autres éléments prédictifs, avec un large faisceau d’arguments dans la littérature scientifique. Le grade tumoral élevé et surtout le compte des mitoses ont été individualisés par d’autres équipes comme facteur de réponse pathologique (14, 15). Une négativité des récepteurs hormonaux et une forte prolifération semblent corrélées avec une bonne sensibilité à la chimiothérapie (6, 15, 17, 18).
En adjuvant Étude de l’IGR Une étude rétrospective de l’IGR en cours de publication (19), portant sur 937 patientes incluses dans deux essais randomisés de chimiothérapie adjuvante versus observation, a eu pour objectif d’évaluer l’intérêt de l’index mitotique pour prédire le bénéfice de la chimiothérapie à base d’anthracyclines. Cette population correspond, sur le plan pronostique, à celle des mauvais pronostics de Saint-Gall (4). La chimiothérapie adjuvante a consisté en six cycles de FEC 50 pour 84 % des patientes et de FAC 50 pour 16 %. L’index mitotique est disponible pour 888 patientes. Le suivi médian est de neuf ans. Un index mitotique élevé est retrouvé dans 49 % des cas. Celui-ci est associé statistiquement à un grade SBR III (p < 0,001) et à des RH(p < 0,001). Les caractéristiques des patientes ne sont pas significativement différentes dans le groupe chimiothérapie et le groupe observation. Aucune patiente N- ne présentait d’association grade SBR I et RH -.
Cinétique de prolifération tumorale et efficacité de la chimiothérapie… 459 - La survie globale à cinq ans est respectivement de 91 % et de 87 % pour les patientes avec chimiothérapie et sans chimiothérapie (p = 0,09). - La survie sans métastase à cinq ans est de respectivement de 85 et 80 % (p = 0,08).
Bénéfice de traitement en fonction de l’index mitotique (tableaux 2a et 2b) Pour le groupe de patientes avec index mitotique faible et moyen, la survie globale à cinq ans est de 95 % pour les patientes traitées ou non par chimiothérapie (p = 0,56). Par contre, pour le groupe de patientes avec index mitotique élevé, la survie globale est respectivement de 86 % pour le groupe chimiothérapie et de 79 % pour le groupe observation (p = 0,02). Dans ce même groupe, le pourcentage de métastases est respectivement de 23 et 33 % (p = 0,03). Il apparaît donc une différence importante en cas de forte prolifération. Tableau 2a - Survie globale des patientes avec index mitotique faible et moyen en fonction du traitement.
Tableau 2b - Survie globale des patientes avec index mitotique élevé en fonction du traitement.
460 Cancer du sein
Corrélation avec le grade SBR - Pour le groupe SBR I et II, la survie à cinq ans est respectivement de 94 % et de 91 % (p = 0,28). - Pour le groupe SBR III, la survie est respectivement de 84 % et de 79 % (p = 0,25). - On ne retrouve aucune différence statistiquement significative. Ceci suggère que le grade SBR n’est pas un facteur prédictif puissant de la chimiothérapie adjuvante.
Discussion et autres études Dans cette étude, seule une faible proportion de malades, celles avec un index mitotique élevé, ont réellement bénéficié de la chimiothérapie adjuvante. Les autres auraient dû ne pas en recevoir. On doit se poser la question du type de chimiothérapie reçue et surtout de la dose. Dans ce travail, la très grande majorité des malades a reçu du FEC 50, alors que le protocole FEC 100 a démontré depuis quelques années une supériorité en terme de survie sans récidive et en survie globale (20). Cette chimiothérapie FEC 50 n’est plus représentative du traitement d’aujourd’hui et apparaît comme sub-optimale et désuète. Plus récemment, les taxanes ont démontré encore une plus grande efficacité que le FAC ou le FEC 100 dans les essais du BCIRG 01 (21) et dans le PACS 01 (22). L’index mitotique aurait-il plus ou moins d’impact avec ces nouvelles chimiothérapies ? Ceci est essentiel à savoir et reste à démontrer. Il faudra confirmer ces résultats et les intégrer dans la recherche actuelle pour connaître leur importance par rapport aux autres facteurs prédictifs. La prolifération cellulaire a été retrouvée prédictive d’une bonne « chimiosensibilité » dans d’autres publications qui vont dans le même sens en néo-adjuvant ou les publications sont nombreuses (14, 15, 16, 23). À partir des résultats obtenus en néo-adjuvant, situation idéale pour évaluer l’efficacité d’une chimiothérapie in vivo, il est possible et logique d’extrapoler l’hypothèse d’une activité supérieure de la chimiothérapie en phase adjuvante, en présence d’un index mitotique élevé. En situation adjuvante, aucune publication n’a autant de patientes que l’étude de l’IGR. Plusieurs équipes retrouvent une corrélation entre facteurs de prolifération élevée et sensibilité à la chimiothérapie adjuvante. C’est le cas de D. Amadori (24) utilisant le labeling index, qui a retrouvé, dans un essai randomisé de chimiothérapie adjuvante N-, une amélioration significative de la survie sans récidive chez les malades avec prolifération élevée ayant reçu du CMF. Dans l’étude suédoise (25) comparant douze cycles de CMF à radiothérapie loco-régionale postopératoire, seuls les patientes avec une phase S élevée ont un bénéfice significatif en termes de survie sans récidive et de survie globale sur un effectif relativement modéré (176 patientes) avec étude de la phase S.
Cinétique de prolifération tumorale et efficacité de la chimiothérapie… 461 M. G. Daidone (6), rapportant des résultats d’analyse d’études prospectives en situation N-, conclut à un bénéfice avec les chimiothérapies comportant des antimétabolites pour les tumeurs à forte prolifération cellulaire. P. Pronzato (26), dans une étude Italienne randomisée portant sur 197 malades en péri-opératoire, retrouve une forte prolifération cellulaire comme facteur prédictif, alors que les malades ont reçu un unique cycle à base d’anthracyclines. La prolifération dans cette étude est mesurée par le labeling index.
Conclusion La prolifération tumorale, dont l’index mitotique est très probablement le meilleur représentant, apparaît comme un élément important dans la décision de faire ou non une chimiothérapie adjuvante. Il manque encore pour affirmer ce fait une étude randomisée qui le ferait classer en facteur décisionnel de niveau de preuve I. A côté de l’index mitotique facteur, dont déjà certains se servent en pratique clinique, apparaissent d’autres outils prédictifs de sensibilité à la chimiothérapie, dont la place doit être précisée. Parmi ceux-ci, UPA et PAI I sont en cours d’évaluation. Les études de phase III en cours avec ces facteurs sont actuellement les plus en avancées. La topo-isomérase II alpha est un facteur peut-être intéressant, mais son expression étant rare, il faudra encore du temps pour valider son intérêt. Plus prometteur est le profil génétique (27, 28) ou protéomique dont l’espoir est d’identifier les patientes « non chimio-sensibles », à qui il ne faut pas faire de chimiothérapie. Plus intéressant encore, la possibilité d’ajuster au mieux, pour chaque malade, les drogues les plus efficaces à qui la chimiothérapie devait apporter un réel bénéfice.
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Comment concilier et harmoniser les données nationales contenues dans les SORs et les données locales ou régionales contenues dans les référentiels des différents centres de soins ou de réseaux ? É. Luporsi
Introduction La prise en charge des patients a toujours été liée aux données acquises de la science (essais thérapeutiques, guides de bonnes pratiques cliniques). Depuis ces dix dernières années, plusieurs éléments convergent vers une homogénéisation de cette prise en charge du fait de l’importance des données actuelles de la science dans la décision médicale et du fait de l’apparition de plusieurs choix thérapeutiques. Dans la relation médecin-patient, on assiste à une évolution vers une meilleure information et vers un dialogue impliquant les patients dans les choix thérapeutiques.
Les SORs L’intérêt était de partir sur des recommandations de pratiques cliniques qui sont des éléments importants pour améliorer ces pratiques et réduire les délais entre les résultats des essais thérapeutiques et l’utilisation de ces données en pratique clinique. Cependant, il fallait que ces recommandations soient basées sur une méthodologie rigoureuse à partir de données de la littérature et des données actuelles de la science. Depuis 2001, le Conseil de l’Europe a recommandé aux gouvernements des États membres de soutenir l’élaboration, l’utilisation et l’actualisation des recommandations de pratiques cliniques (RPC) pour améliorer la prise en charge globale des patients et la qualité des soins. Ainsi, la plupart des plans cancer publiés en Europe et dans le monde comportent l’élaboration et l’utilisation des RPC. Les SORs ont été mis en œuvre en 1993 par la FNCLCC (Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer) et les CRLCC (centres régionaux de lutte contre le cancer) (1). Il s’agit d’un travail de collaboration national regroupant des acteurs de la cancérologie, des secteurs publics et privés, notamment la Fédération hospitalière de France, la Fédération de cancérologie des CHU, la Fédération des centres hospi-
466 Cancer du sein taliers et de nombreuses sociétés savantes. Actuellement, il y a vingt partenaires qui ont des collaborations avec les SORs. Deux grands thèmes ont été retenus : – les SORs spécialistes selon les spécialités d’organes : il s’agit d’une base de connaissances de qualité sur la prise en charge de la plupart des localisations cancéreuses ; – les SORs savoir patients qui proposent une information validée compréhensible et systématiquement actualisée concernant les maladies cancéreuses et leur prise en charge.
Méthodologie La méthodologie repose sur l’evidence based medecine (médecine fondée sur les données acquises et actuelles de la science) et sur l’aspect pluridisciplinaire des différents éléments de diagnostic, de traitement et de suivi. Cette méthode d’expertise repose non seulement sur une revue systématique et une analyse critique des résultats de la recherche clinique, mais également sur les jugements argumentés des experts cancérologues et spécialistes d’organes. Les documents comportant à la fois des textes et des arbres décisionnels reposant sur des algorithmes sont des outils pratiques d’aide à la décision pour le médecin. Les SORs sont basés sur les meilleures preuves scientifiques disponibles au moment de leur rédaction ou sur un consensus des experts lorsque les preuves scientifiques faisaient défaut pour un point particulier. Le document est ensuite revu par des experts indépendants d’univers variés publics et privés. La mise à jour est prévue en fonction de nouvelles données scientifiques et de nouveaux accords d’experts. La méthodologie des SORs est expertisée et validée par son conseil scientifique composé d’experts externes à la Fédération et aux CRLCC : experts en santé publique, représentants de la cancérologie des hôpitaux publics et privés, représentants des partenaires (Ligue, ministère de la Santé et la Protection sociale, CNAM, sociétés savantes). La révision et la mise à jour régulière des SORs sont une condition essentielle de qualité. Aussi, une veille scientifique et technologique est indispensable à l’actualisation des SORs avec identification régulière et prospective de nouvelles données. Cette analyse de veille bibliographique doit se faire en collaboration avec les experts. Ainsi, il peut y avoir des processus d’urgence qui, selon des données récentes de la littérature, peuvent modifier les recommandations. Les SORs savoir patients ont pour but d’aider les patients et les proches à mieux comprendre la maladie et ses traitements en expliquant avec des mots simples et clairs les moyens de diagnostic, les traitements et les conséquences. La mise à disposition de ces informations compréhensibles et adaptées doit permettre aux patients de mieux vivre leur maladie. Le guide SORs savoir patients est constitué de chapitres indépendants qui peuvent être consultés en fonction des besoins d’information de chacun ; les informations clés et les noms essentiels identifiés et formulés par les patients et d’anciens patients sont présentés en fin de chapitre. Des fiches complémentaires spécifiques expliquent le déroulement pratique des différents examens et traitement possibles, un glossaire explique le vocabulaire médical employé dans le
Comment concilier et harmoniser… 467 guide, ainsi que les mots le plus souvent utilisés par les médecins et les équipes soignantes.
Utilisation effective des SORs et des recommandations Bien que les SORs fournissent actuellement un référentiel national des pratiques en cancérologie validé par la communauté scientifique et reconnu pour sa qualité, des difficultés existent encore pour une plus grande utilisation en pratique clinique quotidienne. Les principales limites à l’utilisation des SORs sont : – le retard de certaines mises à jour ; – la nécessité d’une adaptation locale et régionale (par exemple les noms des protocoles de chimiothérapie) ; – le manque de temps des cliniciens dans la pratique quotidienne pour avoir une lecture critique de la littérature ; – l’absence de mesures d’évaluation. Il faut considérer les SORs comme un outil de dialogue des professionnels de la cancérologie, une base pour l’élaboration des référentiels développés et adaptés aux réseaux régionaux et aux sociétés savantes. Ces processus d’adaptation requièrent une participation active des utilisateurs, seul moyen pour favoriser l’appropriation des recommandations par les cliniciens. En particulier, les SORs peuvent être utilisés lors de réunions pluridisciplinaires et même être intégrés dans les systèmes d’information. Des points sont essentiels : – la diffusion large des SORs et recommandations par Internet, l’édition de plaquettes au format de poche reprenant les informations principales détaillées dans un document de référence et non plus des monographies (car leur coût est important et il y a des difficultés pour actualiser certains chapitres) ; – le développement des réseaux régionaux, par exemple ONCORA (réseau RhôneAlpes), ONCOLOR (réseau lorrain) et d’autres réseaux qui utilisent depuis plusieurs années les SORs pour l’élaboration des référentiels régionaux. Des études ont permis de démontrer la capacité des SORs à modifier les pratiques par l’évaluation de l’utilisation des recommandations de pratiques cliniques ; – l’accessibilité de documents spécifiques aux patients car l’information du patient constitue également un moyen important d’influencer les pratiques cliniques ; – la définition d’indicateurs cliniques qui seront à la base de l’évaluation des pratiques. Ces indicateurs définis au niveau national serviront à l’élaboration de données minimales à recueillir pour les activités d’évaluation. Un intérêt important est d’avoir des évaluations, inter-réseaux et intra-réseaux. Si les recommandations sont disponibles et doivent être évaluées dans chaque groupe local multidisciplinaire, il faut pouvoir disposer d’outils d’évaluation des pratiques et d’analyses de l’adhésion aux recommandations. Il est utile d’avoir une auto-évaluation régulière des pratiques et de prendre en compte d’éventuels dysfonctionnements et ainsi de mettre en œuvre des mesures correctrices si nécessaire.
468 Cancer du sein
SORs et plan cancer La définition de référentiels de pratiques et d’informations des professionnels et du public font partie des missions principales qui seront confiées à l’Institut national du cancer (INCA). L’INCA devra permettre, à travers les mesures du plan cancer, de créer l’environnement indispensable à une intégration pertinente, rapide et réfléchie des nouvelles données scientifiques (en particulier des essais thérapeutiques et de la recherche clinique d’une manière plus globale), dans les pratiques cliniques, et ainsi de renforcer la participation des SORs à l’organisation et à l’amélioration de la qualité des soins (notamment dans le cadre des réseaux et de la concertation pluridisciplinaire).
La place des réseaux L’objectif d’un réseau est : – d’améliorer la prise en charge du patient au cours des différentes phases de sa maladie ; – de favoriser l’accès de tous à des soins de qualité ; – d’harmoniser les pratiques à partir des référentiels basés sur la pratique et son évolution au cours du temps, du fait des données récentes de la bibliographie, en insistant sur le fait que tous les éléments nouveaux de la recherche clinique ne vont pas immédiatement être promus comme un changement, car parfois il est nécessaire d’avoir plusieurs études concordantes ; – d’évaluer les pratiques et leur évolution ; – de contribuer ainsi à une réduction de la morbidité, de la mortalité liées aux affections cancéreuses. Les axes de ces référentiels concernent le diagnostic, les bilans, les thérapeutiques, le suivi et les complications. Dans le futur, un recueil d’information par pathologie sera nécessaire avec : – la mise en œuvre de procédures nationales d’évaluation comparatives des pratiques ; – le développement et l’accessibilité à la recherche clinique, en particulier en notifiant les situations pour lesquelles un essai thérapeutique est nécessaire ; – l’harmonisation, par exemple celle des échanges avec les pathologistes, largement en cours de développement ; – la formation continue médicale et paramédicale ; – la prévention, l’épidémiologie et le dépistage des pathologies cancéreuses ; – l’information et l’éducation des patients.
L’implémentation des référentiels La publication de travaux d’implémentation, c’est-à-dire l’évaluation de l’impact des référentiels sur les pratiques, favorisera un fonctionnement national et homogène de la cancérologie au sein des réseaux par la mise à disposition de procédures
Comment concilier et harmoniser… 469 validées, basées sur des expériences régionales. La confrontation et l’enrichissement inter-réseaux des expériences favorisera une harmonisation et une homogénéisation nationales. Ainsi, l’actualisation des connaissances sera multidisciplinaire et inter-réseaux, ce qui sera un gain de temps. La diffusion des différentes recommandations est intégrée dans une démarche qualité qui doit ainsi être évaluée. Les pratiques médicales dépendent du contexte local, de nombreuses études montrent l’absence de modifications des pratiques liée à des référentiels (2, 3). Cependant, il existe des facteurs de succès : – la participation des cliniciens à l’élaboration des référentiels est un élément important ; – les méthodes de diffusion ; – les relais par des leaders d’opinion (4). Il est important également d’avoir un versant économique, d’évaluer les impacts financiers et les modifications des pratiques par une étude économique basée sur une expérience antérieure (suivi des patients en particulier) (5). Les résultats de cette étude ont montré que le non-respect du référentiel entraîne des charges supplémentaires, des dépenses essentiellement liées à des examens faits en dehors des bilans prévus. La détection plus précoce de métastases n’augmente pas la survie et le respect du référentiel a permis de diminuer des deux tiers les charges liées au bilan. Il est important de mettre en place un référentiel interne à chaque groupe d’établissement (réseaux), de développer le support scientifique à ce référentiel. Pour modifier les pratiques, l’étape locale est essentielle (6). Une étude avant et après a été réalisée. L’objectif était de mettre en évidence le rôle d’un référentiel sur les modifications de pratiques. Les résultats ont montré que les modifications de pratiques sont plus importantes dans les établissements qui ont un référentiel local que dans les autres, et ces modifications concernent les différentes phases de la prise en charge. Les facteurs qui déterminent les pratiques médicales peuvent être regroupés en deux catégories : les connaissances professionnelles et les facteurs institutionnels. Dans cette étude (7), l’objectif était d’évaluer l’impact d’une structure de soins sur les pratiques. Ainsi, la prescription médicale dépendait de la situation clinique, des prix du marché des médicaments et de la structure dans laquelle travaillait le médecin.
Évaluation des pratiques professionnelles L’évaluation des pratiques professionnelles est essentielle car : – les enjeux liés à la prise en charge sont identifiés ; – les processus et les pratiques liés à la prise en charge sont analysés ; – les recommandations et les données de la littérature sont prises en compte ; – les objectifs d’amélioration sont définis et les actions mises en œuvre ; – les données et indicateurs sont définis, permettant le suivi des actions d’amélioration ;
470 Cancer du sein – les processus de prise en charge et les résultats font l’objet de comparaisons. Cette évaluation repose sur l’audit qui consiste à comparer les pratiques professionnelles à différents référentiels de pratiques provenant de sources documentaires validées en recueillant des indicateurs de pratiques validés. Cependant, le développement des indicateurs mesurables, sensibles, spécifiques et reflétant une pratique pour laquelle existe un potentiel d’amélioration important est difficile, mais essentiel.
Changement des pratiques La mise en place d’un réseau est plus apte à changer les pratiques médicales que la diffusion simple de recommandations par des experts extérieurs. Il faut que les cliniciens s’approprient les SORs et les adaptent à leurs pratiques. Il est possible de modifier les pratiques par un référentiel. Celui-ci doit être développé localement. L’étape d’élaboration est essentielle, l’étape de diffusion par les leaders locaux est également importante. Les référentiels doivent se maintenir dans le temps par une mise à jour régulière. Environ 30 à 40 % des patients reçoivent un traitement non conforme aux données actuelles de la science (8), le changement des pratiques dépend des outils et caractéristiques des recommandations, des stratégies de diffusion et de mise à jour, du contexte culturel et organisationnel, des mécanismes d’incitation professionnelle.
Conclusion La rédaction de recommandations complétées de l’avis structuré des médecins et diffusé par les leaders peut changer les pratiques des médecins. L’organisation des réseaux de soins est un support pour la diffusion de ces recommandations. Il est essentiel d’avoir pour objectif l’amélioration de la qualité des soins liée à l’évaluation des pratiques. Les modifications des pratiques sont plus importantes dans les établissements qui ont mis en place un référentiel local que dans les établissements avec diffusion seule des recommandations nationales.
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Plan Cancer. Quels changements attendre dans notre pratique oncologique quotidienne ? D. Serin
Que de chemin parcouru entre la publication du rapport de l’IGASS sur l’état de la cancérologie française en 1994 et janvier 2005, où la communauté médicale, les structures administratives et les associations de patients se sont engagées dans une mobilisation générale au travers du Plan Cancer annoncé en mars 2003 ! Rappelons que ce rapport réalisé à la demande du ministère de la Santé après le scandale Crozemarie relevait, entre autres, cinq points essentiels : – une absence de politique concertée contre le cancer en France ; – un éparpillement des moyens ; – une absence de coordination des acteurs ; – des inégalités, des retards importants dans certains domaines ; – et enfin, question polémique, faut-il fermer les centres de lutte contre le cancer ? Ces constatations, établies en 1994 par les experts du Conseil d’État, firent l’effet d’une bombe et elles furent à l’origine d’une intense réflexion de la part de tous les professionnels concernés par cette affection, soignants, responsables politiques, de santé publique, et même des malades, ce qui était nouveau à l’époque. Cependant, il faut remarquer que ce rapport de 1994 ne relevait pas l’impéritie chronique de nos gouvernants successifs à envisager l’évolution démographique catastrophique des soignants en France. Aucune mesure en 2005. On ne pourra rapidement et efficacement pallier l’absence de vision à moyen ou long terme de ces responsables de tous poils qui n’ont fait que gérer leurs intérêts électoralistes ou corporatistes et leurs divers fromages syndicaux. Le Plan Cancer est issu de ce long travail de réflexion qui a été mené dans de nombreuses instances ou dans des groupes informels comme le Cercle. Avec soixante-dix mesures, le Plan Cancer balaie tous les champs de la cancérologie : de la prévention aux soins de tous ordres, de la recherche à la formation, de la psycho-oncologie à la création de l’Institut national du cancer. Certaines de ces mesures n’auront pas d’impact avant plusieurs années, voire plusieurs décennies sur les pratiques médicales et sur la vie des malades, d’autres, au contraire, devraient avoir un retentissement rapide sur notre quotidien et la circu-
474 Cancer du sein laire d’organisation des soins du 22 février 2005 précise les modifications organisationnelles voulues par le législateur.
Introduction L’objet de cette présentation est d’essayer d’envisager les probables implications des différentes mesures du Plan Cancer sur la pratique quotidienne des oncologues de terrain. La coordination des soins médico-techniques, au travers de réunions de concertation pluridisciplinaires comme la coordination des soins de support au travers de l’unité de soins de support (USO) ou des DISSPO (départements interdisciplinaires de soins de support pour les malades en oncologie) s’intègrent dans une mesure phare voulue par les patients : le dispositif autour de l’annonce. D’autre mesures, dont on ne peut pas prévoir pour l’instant l’importance, auront un impact certain sur nos pratiques : le nouveau mode de valorisation par tarification à l’activité (T2A), le comité de coordination de cancérologie (3C), le contrat de bon usage du médicament (CBUM), le pôle régional de cancérologie ou encore le réseau régional de cancérologie ou l’Institut national du cancer (INCA). Nous entamons tous aujourd’hui une démarche en cancérologie qui aura probablement des conséquences dont nous mesurons difficilement l’importance sur les pratiques médicales dans leur ensemble.
Plan de la présentation Plan Cancer, un peu d’histoire Ancienne Récente Très récente Quelles sont les exigences actuelles des patients et de leurs proches ? Verbatim Enquêtes Parcours de femmes EPAC FNCLCC Club Sainte-Agathe Les réponses du Plan Cancer Mesures générales Mesures spécifiques
Plan cancer. Quels changements attendre dans notre pratique… 475 Le dispositif autour de l’annonce La coordination pluridisciplinaire des soins médico-chirurgicaux La coordinations des soins de support Le dispositif autour de l’annonce Autres mesures ou structures à impact direct ou indirect sur nos pratiques La T2A Le 3C Le CBUM Le pôle régional de cancérologie Le réseau régional de cancérologie L’Institut national du cancer
Conclusions transitoires Ces dix ans marquent un véritable changement à la fois culturel, structurel et organisationnel de la cancérologie française qui a peut être aujourd’hui l’occasion d’effectuer une véritable mue pour aborder les défis posés par la volonté exprimée d’une véritable prise en charge globale des malades atteints de cancer. La convergence de la volonté des soignants, des malades et des politiques d’engager des réformes de fond est un atout essentiel pour la réussite du Plan et sa pérennisation au-delà de 2007. Les efforts de tous les acteurs nécessitent des engagements clairs de la part de l’Etat, ce qui à ce jour est effectif. Cependant, les réalités démographiques des soignants sont incontournables et constituent un handicap qui ne se résoudra pas en allant chercher des cancérologues francophones dans des pays qui en ont un besoin essentiel.