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ruina ne iacentem subdealbet aigu danti frigore tu (le) couvriras pour éviter, quand il sera couché, que la gelée ne le blanchisse de sa froidure frigorifiante IV
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sapiens et bonum ferre potest modice et malum fortiter aut leuiter le sage peut supporter le courage ou facilité
bien avec modération, le mal avec
170 Nonius, p. 179, 1. 4 : TERTA pro tersa. Varrò "Εχω σε π. τ. : «aerea... galea». 171 Nonius, p. 72, 1. 8 : ALGV pro algore. Accius (...) Varrò Έχω σε π. τ. : «teges... frigore». 172 Nonius, p. 342, 1. 24 : MODICVM ueteres moderatum et cum modo dici uolunt. Plautus (...) Ennius (...) Accius (...) Turpilius (...) M. Tullius (...) Varrò Έχω σε π. τ. : «sapiens... leuiter» (p. 342, 1. 43 - 343, 1. 1). F1 torcues Roeper (loc. cit.) Bücheier torque Riese Brunetti Müller I aureae] aurea L1 Riese Brunetti aureos F1 aureas E F2 H1 L2 aureast Müller I et ante scuta add. E F H1 L·2 Junius Mercerus Popma Oehler Roeper Quicherat I Hibero ex Riese Brunetti Müller : Hibero codd. Roeper Quicherat Bolisani Bücheier Hiberon Buch. Della Corte Deschamps I argento graui crebra fulgent] graui crebra fulgent argento Bücheier argento auro et graui cr. f. Onions I Creticos instituit Riese. 170 aerea G H2 pleriq. edd. : area E F H1 L atrei Junius Lipsius Laurenberg aurea Havet I terta] testa Lac 1 galea] gelea G I 171 teges] leges codd. Quicherat tege sis Preller I pruina] ruina codd. Lindsay ruinam Onions I subdealbet F3 Hl Aldina Junius Mercerus Oehler Riese Quicherat Onions Brunetti Lindsay Deschamps : subdeabbet rell. codd. sub diu dealbet Buch. Bolisani Della Corte sub deo dealbet Müller sub deo albet Popma sub loue dealbet Vahlen 2, p. 7 sub dio ambesset Scaliger (Cat., I, p. 232) I algu] algo Ed. 1476 algus Scaliger (loc. cit.) Popma I danti] dante Popma Oehler Bolisani dentientem Scaliger (loc. cit.) Müller candicanti Buch. Della Corte I ruina ne iacentes subdealbet, algu deleantur (uel laedatur) frigore coni. Lindsay I 172 cum modo] commodum Β Bern. 347 Gen. L Ρ Quicherat I aut] ac edd. ante Mercer. Il ìeuiter] leniter Popma.
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Comme l'indiquent son sous-titre, Περί τύχης x, et la teneur de son fragment 172, la satire "Εχω σε roulait sur les caprices de la Fortune, divinité versatile qui se plaît à jouer aux hommes des tours imprévisibles2. Varron s'y inscrivait en faux contre l'opinion commune, qui admettait que la changeante déesse dispose de nous à son gré3. Il montrait que le Sage, loin d'être affecté par ses agressions ou ses volte-face, la brave et lui résiste victorieusement. A partir de ces prémisses, il n'est pas très difficile de déterminer la signification α'εχω σε, tour piquant et de prime abord mystérieux, qui attesterait à lui seul, s'il le fallait, que la pièce dont nous commençons l'examen appartenait au recueil des Ménippées4 : nombreuses sont les satires de ce recueil que Varron a dotées de titres analogues et pareillement destinés à frapper le lecteur par leur énigmatique singularité5. Voici comment Popma résout le petit problème posé par ce trait laco nique 6 : dans εχω σε, où εχειν est synonyme à'habere au sens de tenere, et qu'on doit donc rendre en français par « je te tiens, je t'ai en ma possession, à ma merci», le pronom σε représente, estime-t-il, la Fortune en personne et l'ensemble de l'expression évoque le cri célèbre de Métrodore de Lampsaque 7 : « Προκατείλημμαί σε, ώ Τύχη », « occupaui te, Fortuna » 8, « je t'ai réduite à l'impuissance en devançant ton attaque, Fortune » 9. 1 Quatre écrivains grecs, Aristippe de Cyrène, Démétrios de Phalère, Sphéros et Dion Chrysostome {Or., 65) publièrent des monographies qui portaient ce titre : cf. Diogene Laerce, 2, 8, 85; F. Wehrli, Die Schule des Aristoteles. Text und Kommentar, IV, Bale, 1949, p. 21; 28; J. von Arnim, Stoicorum ueterum fragmenta, I, Leipzig, 1903, p. 139, 24; Riese, p. 136-137; Norden 1, p. 104 (541); Bolisani, p. 98; Henriksson, p. 28. Sur le Περί τύχας attribué à Eurysos (Stobée, Ed., I, 210 H.; Clément d'Alexandrie, Strom., 5, 29, 662 Ρ) - vraisemblable ment une forgerie néo-pythagoricienne - voir E. Wellmann, s. u. Eurytos, dans RE, VI, 1, col. 1363. Eurysos est sûrement à identifier avec Eurytos, Pythagoricien renommé : cf. L. Robin, La pensée grecque, Paris, 1923, p. 58; 64; 71; 81; E. Wellmann, loc. cit. 2 Cf. Otto, s. u. fortuna, p. 142-143, 5 ; J. A. Hild, s. u. Fortuna-Τύχη, dans DA, II-II, p. 1264; 1267-1268; 1273-1277; Thés. l. L., s. u. fortuna, VI, 1, col. 1182, 1. 3 et suiv. ; Otto, Nachträge, p. 103; 164; 237; J.-P. Cèbe, Sur les fragments..., op. cit., p. 46, n. 3. 3 Voir Otto, s. u. fortuna, p. 143 ; Thés. l. L., loc. cit., 1. 19 et suiv. ; J.-P. Cèbe, Sur les fragments..., op. cit., p. 46, n. 5. 4 Cf. supra, p. 761, n. 2 et 3. 5 Cf. Pline, NH, Praef., 24; Astbury, p. 61-62; supra, 1, p. XIV; 3, p. 299. 6 Popma, ad loc. (et dans Ed. Bipontina, 1788, p. 278). 7 Métrodore, fr. 49 Körte = Plutarque, Περί εύΰνμίας, 18, p. 476 c. Métrodore continue ainsi : «και πασαν την σήν άφήρημαι παρείσδυσιν », «et je suis à l'abri de toutes tes incursions» (trad. J. Dumortier). 8 Cicéron, Tusc, 5, 27. 9 Traduction de J. Humbert pour le texte de Cicéron cité à la note précédente. L'inter-
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Ces éclaircissements ne sont pas du goût de L. H. Krahner 10. Selon lui, Popma impute indûment à Varron une redite maladroite, en suppléant après σε le mot τύχη qui reparaît dans le sous-titre ("Εχω σε, seil. Τύχη, περί τύχης). Aussi cherche-t-il ailleurs la clé ά'Έχω σε. Il croit la découvrir dans une anecdote que Diogene Laerce relate à propos de Clean the π : « on raconte », nous apprend Diogene Laerce, « que, comme il (Cléanthe) prétendait (...) que le caractère peut être inféré de l'apparence extérieure, des jeunes gens poussèrent devant lui un pédéraste aux mains rendues calleuses par le travail de la terre, et lui demandèrent quelle idée il se faisait de son caractère. Embarrassé, il enjoignit à l'homme de s'éloigner ; et, comme en s'éloignant il éternuait : ' je le tiens ' (εχω αυτόν), lança Cléanthe, ' c'est un efféminé'». L. H. Krahner tire de là que notre εχω σε veut dire «je te perce à jour », « je sais qui tu es », « te » et « tu » désignant le Sage, lequel se reconnaît à la façon dont il endure les cruautés de la Fortune. Cette exégèse n'est pas dénuée de finesse ; mais elle se révèle à la réflexion inacceptable. Son argument principal est plus que faible : inexistant. Nous avons vu en effet que les sous-titres grecs des Ménippées ne sont sûrement pas de Varron 12 et répètent parfois plus ou moins littéralement
prétation de Popma prolonge celle de Palmer, qui écrit (Spicilegium, Francfort, 1580, et Gruteri Lampas, 4, Francfort, 1602-1607, p. 857) : «habeo uirum - gaudet enim tactum (lenonem) quem dolis suis redegerit, irretiuerit, constrinxerit. In simili Plautus : habeo, inquit, uirum. Et prouerbii faciem habet». Sur cet emploi d'habere, cf. Plaute, Cist, 647; Mere, 439; 460; 898; 941; Mil., 770; Rud., 727. 10 Krahner, p. 6-7. 11 Diogene Laerce, 7, 173. 12 Cf. supra, 1, p. XTV; 97, n. 5; 3, p. 303, n. 40; 4, p. 480, n. 3; 485; Astbury, p. 59-60; R. Astbury, Varroniana, op. cit., p. 173-181 (étude complète et, à notre sentiment, définitive de la question). Contra M. Salanitro, Varrone poeta satirico, dans Cultura e scuola, 66, avril-juin 1978, p. 59 : « i dubbi restano poiché è lecito chiedersi come mai dei gram matici posteriori abbiano fatto ricorso al greco. Si aggiunga che Nonio per alcuni frammenti ci da solo il sottotitolo, come se esso costituisse parte integrante del titolo, e uno scrittore del secondo secolo, Gellio, cita in due luoghi diversi (VI, 16; XV, 19, 2) la stessa satira indicandola col sottotitolo (περί εδεσμάτων) di cui, almeno in un luogo (VI, 16) attribuisce chiaramente la paternità à Varrone. Inoltre, la presenza di un secondo titolo nella satira menippea di Seneca orienta nel senso di un'attribuzione dei sottotitoli a Varrone». Objections : l'emploi du grec par un grammairien tardif (ou un lecteur, ou un scribe de «Varron I», seul corpus qui présente des sous-titres) ne nous paraît pas faire problème : il peut s'expliquer par l'imitation de Varron lui-même. Il est vrai, en effet, comme le note M. Salanitro, qu'à l'exemple de nombreux hommes de lettres et philosophes grecs, Varron se servit de περί + génitif pour baptiser quatre de ses ménippées, dont περί εδεσμάτων; mais, contrairement à ce que dit M. Salanitro et à ce que nous avons cru un temps (cf. supra, 3, p. 356), il le
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le titre qu'ils accompagnent13. Quant à la valeur qu'y revêt εχω σε, bien que correcte en théorie 14, elle est impropre dans le contexte envisagé, car il serait bizarre que le titre d'une satire sur la Fortune décochât au Sage une telle saillie, dont personne ne serait capable de saisir sans un raiso nnement laborieux et quelque peu sinueux ni à qui elle s'adresse ni en quoi elle se branche sur le thème de l'ouvrage 15. Dans ces conditions, le mieux est, sans nul doute, d'adopter les vues très solides et pertinentes de Popma. Notons d'abord que ce dernier confère à εχειν une acception usuelle, donc irréprochable : il est normal de dire d'un Sage qu'il a la Fortune sous sa coupe, en son pouvoir (έχει την Τύχην), tandis que les hommes ordinaires sont dans la situation inverse (ύπο της Τύχης εχονται) 16 ; à ce propos, on se rappellera la réponse d'Aristippe interrogé sur sa liaison avec Laïs - εχω (Λαΐδα) άλλ' ούκ εχομαι, « Laïs est à moi, je ne suis pas à elle » 17 - et le développement dans lequel Sénèque établit que la locution diuitias habere, « avoir des richesses », est mensongère, car nous n'avons pas la richesse : à l'égal de la fièvre, c'est elle qui nous a, qui nous tient 18. Remarquons en second lieu que, rattachée au mot fameux, voire proverbial, de Métrodore, la proposition εχω σε, tout en offrant au premier regard l'ambiguïté qui, fréquemment, caractérise les titres de Varron, devenait limpide sitôt qu'on avait discerné l'objet de la satire, ce
fit dans des titres, non dans des sous-titres. D'autre part, il n'est pas du tout prouvé que Sénèque ait en personne donné un double titre à son Apocoloquintose : cf. Henriksson, p. 69. 13 Cf. Epitaphiones, Περί τάφων, Του πατρός το παιδίον, Περί παιδοποιίας, et surtout Testamentum, Περί διαϋηκών. 14 Au témoignage cité par L. H. Krahner, ajouter Sophocle, Ant., 9; Ph., 789; Tr., 318; Euripide, Or., 1120; Aristophane, Nub., 732; Cicéron, Rep., 2, 33. 15 Cf. Riese, p. 137. 16 Cf. Norden 1, p. 104 (541), n. 2. 17 Diogene Laerce, 2, 75. Cf. Cicéron, Tarn., 9, 26, 2 ; Platon, Conu., XIX, p. 196 C. 18 Sénèque, Ep., 119, 2. On comparera l'exhortation d'un député scythe à Alexandre : « Fortunam tuant pressis manibus tene : lubrica est, nec inuita teneri potest », « tiens ta fortune à pleines mains : elle glisse ; impossible de la tenir malgré elle » (Quinte-Curce, 7, 8, 24, trad. H. Bardon) ; le «teneo te, Africa», «je te tiens, Afrique», de César (Suétone, lui, 59, 1); le tour fortunam habere in potestate, «disposer, être maître de son destin», qu'on rencontre chez Sénèque {Ad Marc, de cons., 15, 1) ; l'affirmation de Salluste {Jug., 2, 3) : animus (...) habet cuncta neque ipse habetur, «l'âme (...) domine tout sans être dominée par rien » (trad. A. Ernout) ; l'expression εχειν τινά μέσον, « tenir quelqu'un par le milieu du corps» (cf. H. G. Liddell-R. Scott, A Greek-English Lexicon, Oxford, 1953, p. 750); et les formules εχειν την τυχην, fortunam habere, «avoir tel sort», ou «avoir de la chance» (cf. Norden 1, p. 104 (541); Thés. l. L., s. u. fortuna, 6, 1, col. 1184, 1. 53 et suiv.).
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qui, probablement, ne tardait guère. Signalons enfin que les apostrophes à la Fortune, dont le « Προκατείλημμαί σε » de Métrodore n'est qu'un des exemples les plus illustres, n'abondaient pas moins dans les lettres anciennes 19 que dans nos tragédies du XVIIe siècle20. La cause, au demeurant, paraît entendue de longue date : tous les commentateurs, depuis F. Oehler21, se déclarent pour la thèse de Popma, sans se soucier, quand ils en sont instruits, des critiques et suggestions de L. H. Krahner22. R. Hirzel prétend que, sur le plan doctrinal, Varron se rangeait dans Έχω σε sous la bannière d'Aristippe 23, non seulement parce qu'Aristippe était l'auteur d'un Περί Τύχης24, mais encore parce que le fragment 172 se relie à la morale cyrénaïque plutôt qu'à la morale cynique 25. Affirmation toute spécieuse. Dans la liste des motifs diatribiques dressée par A. Oltramare 26, on relève une série d'articles qui ne laissent là-dessus aucune incertitude : 12 :
« la possession de ce qu'on peut perdre ne procure pas le bonheur et n'est, par suite, pas un bien » 27 ; 12 a : « les présents de la Fortune sont des prêts sans valeur » 28 ; 12 b : « tout don de la Fortune est indifférent » 29 ; 27 : « l'homme indépendant se passe de tout ce qui ne dépend pas de lui » 30 ;
19 Voir Otto, s. u. fortuna, p. 142; Thés. l. L, s. u. fortuna, VI, 1, coi. 1191, 1. 35 et suiv.; J.-P. Cèbe, Sur les fragments..., op. cit., p. 50, n. 18. 20 Molière, La critique de l'Ecole des femmes, se. 6 : « car enfin je trouve qu'il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la Fortune, (...) que d'entrer comme il faut dans le ridicule des hommes». Voir par exemple Racine, Brit., II, 2; Mithr., I, 5. Cf. en outre La Fontaine, Fables, VII, 12; Musset, Barberine, II, 5 : «O Fortune! Tu es la reine du monde! Ο Hasard! Ο Providence, qui m'avez pris pour favori!»; Il ne faut jurer de rien, III, 4 : «Ah! Cruelle Fortune! Cruel Hasard! Que t'ai-je donc fait?». 21 Oehler, p. 128-129 (commentaire de deux années antérieur à la doctrine plus haut résumée de L. H. Krahner). 22 Riese, p. 136-137; Ribbeck, Poésie, p. 306-307; Norden 1, p. 104 (541); Bolisani, p. 98; Della Corte 1, p. 72; Della Corte 4, p. 183-184; Astbury, p. 61-62; Dal Santo 2, p. 268. 23 Hirzel, p. 451, n. 2. 24 Cf. supra, p. 777, n. 1. 25 R. Hirzel avance une troisième raison que nous venons de réfuter : pour lui, comme pour L. H. Krahner, on pourrait expliquer εχω σε par le récit de Diogene Laerce, 2, 75 : cf. supra, p. 778. 26 Cf. supra, p. XXI. 27 Diogene Laerce, 6, 6. 28 Antisthène, ap. Epici., 3, 24, 68. 29 Sextus Empiricus, Adu. Math., 11, 64. 30 Diogene Laerce, 6, 105.
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57 : « la Fortune n'a pas de prise sur le Sage » 31 ; 57 a : « le Sage défie la Fortune » 32 ; 57 b : « le Sage est reconnaissant d'avoir été frappé par le sort » 33. A cela s'ajoute que, dans un des dialogues « ménippéens » de Lucien, on voit Tychè dépouiller tantôt l'un tantôt l'autre, changer Crésus en esclave et investir un esclave des fonctions du tyran Polycrate34. Il ressort de ces rapprochements que Varron, dans "Εχω σε, restait fidèle à ses sources accoutumées 35 ; mais nous savons bien que celles-ci se combinaient dans son esprit aux leçons du Stoïcisme et du mos maiorum, qui s'accordaient avec elles sur beaucoup de points, singulièrement sur la définition des rapports du Sage et de la Fortune36. Trois des textes qui vont être analysés (169-171) 37 nous plongent dans une ambiance martiale. E. Bolisani en est déconcerté : comparant, étran gement, aux vers d'Alcée qui décrivent un local rempli d'armes38 le fra gment 169 qui nous fait, en réalité, assister aux préliminaires d'un combat, il avoue ne déceler aucune jonction nette entre les débris ά'Έχω σε qui parlent de guerre et la matière de la satire39. Ne soyons pas influencés par cette capitulation : les passages qui motivent la perplexité d'E. Bolisani ne jurent en rien avec l'orientation générale de la pièce dont ils sont issus, car chez les Anciens, Grecs et Romains, la Fortune était censée jouer un rôle capital sur tous les champs de bataille 40 ; on lit par exemple dans le De bello ciuili de César : Fortuna quae plurimum potest cum in omnibus rebus turn praecipue in bello 41.
31 Dion Chrysostome, Or., 64, 18. 32 Télés, p. 62, 3. 33 Zenon, ap. Diog. L., 6, 4. 34 Lucien, Necyom., 16. Cf. Helm, p. 251. 35 L'éthique de l'école cyrénaïque avait d'étroites affinités avec l'ascétisme cynique, bien qu'elle reposât sur d'autres bases (cf. L. Robin, op. cit., p. 207). Ces convergences sont à l'origine de la confusion commise par R. Hirzel. 36 Cf. supra, 1, p. 136-138 ; 2-4, passim ; Bolisani, p. 98 ; Della Corte 1, p. 72 ; Mosca, p. 49; Astbury, p. 40. 37 Deux seulement pour certains (169 et 170). Voir plus loin notre commentaire de 171. 38 Cf. Athénée, 14, 627. 39 Bolisani, p. 99. 40 Cf. Della Corte 1, p. 72. 41 César, BC, 3, 68, 1 : « la Fortune, qui a un pouvoir souverain en toute chose et spécialement à la guerre». Cf. aussi Thucydide, 1, 78; Cicéron, Q. fr., 1, 1, 4; César, BG, 6, 30, 2; 6, 35, 2; BC, 3, 10, 3; B. Alex., 43, 4; Cornélius Népos, Thras., 1, 4; Tite-Live,
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Des considérations qui précèdent il n'est pas illogique d'inférer, pensons-nous, qu'"Exaj σε comprenait au moins deux parties distinctes (on se souvient que Varron appréciait les plans précis et clairs, « sans surprise », d'une simplicité « professorale » 42) : l'une, qui englobait 169-171, avait trait aux agissements de la Fortune dans les divers domaines où ils s'exercent ; l'autre enseignait comment il faut accueillir les amabilités et les méchanc etés de cette puissance aveugle si on veut accéder à l'ataraxie et à la félicité du Sage. La loi de Lindsay ne s'applique pas aux vestiges subsistants ά'Έχω σε. Datation impossible.
169. - « Extra quotation ». La « leading quotation » a été procurée à Nonius par « Lucilius I » 43. Tétramètres crétiques originaux 44. Persuadés que l'armée ici campée par Varron est romaine, plusieurs éditeurs substituent russa tria45, russa trina46 ou russae alae47 à l'incom préhensible russatia des manuscrits, dont le premier élément, russa, est manifestement bon. Ils s'appuient sur une information de Polybe, qui indique que les Romains ornaient leurs casques de trois plumes pourpres ou noires48. Il serait à la rigueur loisible de leur donner créance - au moins quand ils proposent tria ou trina, car alae est paléographiquement
5, 26, 10; 9, 17, 3; 44, 10, 3; Sénèque, Phoen., 629 et suiv.; Thés. l. L, s. u. fortuna, VI, 1, col. 1182. Les Anciens percevaient donc la vérité que R. Girard (La violence..., op. cit., p. 434) énonce ainsi : «quand on laisse la violence se déchaîner, c'est le hasard, en fin de compte, qui règle le conflit », le hasard ne faisant ici qu'un avec le sacré. 42 Cf. supra, 3, p. 342. 43 Cf. Lindsay, Nonius, p. 65. Sur «Lucilius I», cf. supra, 3, p. 457. 44 Cf. H. A. Koch, Exerc. crit , op. cit., p. 23; Roeper, Eum., I, p. 6 (mais origine llement il avait opté pour le tetrametre trochaïque : Roeper 1, p. 246, n. 19; c'est H. A. Koch qui le fit changer d'opinion); Riese, p. 137; Bücheier, p. 568 (432-433); Müller 1, 2e éd., p. 543 ; Bolisani, p. 323 ; Dal Santo 2, p. 268. Pour F. Oehler (Oehler, p. 129) et L. Quicherat (Quicherat, p. 248), prose. 45 Junius, ad loc. 46 Roeper, Eum., I, p. 6 ; Müller 2, ad loc. ; Lindsay, ad loc. 47 Riese, Brunetti, ad loc. 48 Cf. Polybe, 6, 23, 12.
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nul - si deux détails de l'esquisse varronienne n'interdisaient pas d'imaginer que nous y avons devant nous une troupe romaine. Ces détails sont, on l'a deviné, Hibero . . . argento, où, quoi qu'en dise A. Riese 49, Hibero n'est pas une simple épithète décorative (epitheton ornans), et torquae (nous justifierons plus loin cette leçon) : en effet, le torque était une parure spécifiquement celtique ; seuls les Celtes, les Perses, et quelques peuples qui copièrent leurs voisins Celtes 50 l'arboraient au combat ; pour les Romains, il ne fut jamais qu'une récompense prise sur le butin enlevé à l'ennemi vaincu 51. E. Norden en conclut que Varron, dans nos quatre vers, pense à la bande de Cimbres, de Teutons et de Gaulois que Marius battit à leur retour d'Espagne. Déduction corroborée, juge-t-il, par le fait que, pour les Anciens, la destinée de Marius illustrait à merveille les revirements de la Fortune, comme en témoigne un logistoricus de Varron, Marius de fortuna, qui serait étroitement apparenté à notre ménippée "Εχω σε et dont l'essentiel viendrait de Posidonius 52. Sans tomber dans l'erreur de ceux qui croient romains les soldats que Varron met en scène, F. Della Corte rejette la théorie d'E. Norden53. D'après lui, Varron, dans "Εχω σε, a pour modèle non pas Posidonius, mais le Stoïcien Sphéros, auteur d'un Περί τύχης qu'imita Plutarque54, et fait vraisemblablement allusion à la bataille que, non loin de Valence, en Espagne, Pompée livra aux légats de Sertorius, Herennius et Perpenna55 - d'où P« argent ibérique ». En marge de sa conjecture, le critique italien souligne que Varron servait sous les ordres de Pompée durant la campagne contre
49 Riese, p. 61-62. 50 Cf. infra, n. 57. 51 Cf. Norden 1, p. 104 (541) ; S. Reinach, s. u. torques ou torquis, dans DA, V, p. 375 et suiv. A Rome, pendant la République, les torques d'or étaient réservés aux auxiliaires et aux étrangers ; les citoyens n'avaient droit qu'à des torques d'argent (S. Reinach, op. cit., p. 377). Il est donc à plus d'un titre impossible que les hommes qui, dans notre texte, ont au cou des torquae aureae soient des compatriotes de Varron. On trouve torques aureae dans un autre passage de cet écrivain {De uita pop. Rom., 2, 62 Riposati), où il s'agit des trésors restitués par les Gaulois après la grande invasion de 390 : cf. B. Riposati, M. Terenti Varronis de uita populi Romani, Milan, 1939, p. 165-167. 52 Norden 1, p. 103 (540) et suiv. 53 Della Corte 4, p. 183-184. Cf. aussi Dal Santo 2, loc. cit. 54 Cf. A. A. Buriks, The Source of Plutarch's Περί Τύχης, dans Phoenix, 4, 1950, p. 59-69. 55 Cf. Salluste, H., 2, 54; 98; Plutarque, Pomp., 18, 5; Appien, BC, 1, 110.
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Sertorius et que ce rebelle « poteva essere un chiaro esempio della volubilità della fortuna » 56. Ingénieuses et en apparence bien argumentées, ces deux interprétations, quand on les découvre, placent devant un dilemme : séduit autant par l'une que par l'autre, on n'arrive pas à décider laquelle mérite la palme. Mais, une fois qu'on a rassemblé tous les éléments du problème, on s'aperçoit que l'alternative sur laquelle on achoppait était illusoire ; que l'on n'a pas à prendre parti pour E. Norden ou pour F. Della Corte, car ils se fourvoient tous les deux ; que les guerriers, assurément étrangers, de 169 ne sont ni les barbares qu'écrasa Marius ni les Espagnols des lieutenants de Sertorius. Pourquoi cette conviction ? Simplement parce que, cédant à une tendance trop répandue chez les exégètes, surtout quand ils travaillent sur des œuvres dont nous ne possédons que de pauvres reliques, E. Norden et F. Della Corte n'ont pas mis en considération toutes les données de la question qu'ils voulaient résoudre. E. Norden ne tient compte que de torquae, F. Della Corte n'a d'yeux que pour Hibero 57. Or nous sommes certain qu'aucun de ces termes n'est indifférent et que, pour aboutir à la réponse exacte, il est obligatoire de les associer dans sa réflexion. En
56 Effectivement, Plutarque {Sertor., 1, 10, trad. Amyot) observe que Sertorius ne le cédait « en bonté d'entendement » à aucun des grands capitaines de l'Antiquité, « mais en faveur de la fortune à tous, laquelle luy ayant esté en toutes choses plus rigoureuse et plus dure qu'à ses ennemis»; ibid., 10, 7 : «Sertorius (...), quand la fortune luy vint à faillir et à estre rebourse, devint sauvage et farouche». 57 E. Norden voit dans cet adjectif une épithète de nature, « savante » et pittoresque (cf. supra, p. 783 et n. 49 le jugement approchant d'A. Riese), tout juste propre à marquer que les Cimbres et les Teutons arrivaient d'Espagne quand Marius leur barra la route («eos Marius ex Hispania reuersos pugna uicit»). Mais il serait étrange que ces Germains eussent profité de leurs brèves incursions en Espagne (où d'ailleurs ils n'allèrent pas tous : les Teutons ne quittèrent pas la Gaule) pour faire plaquer leurs boucliers d'argent local et que Varron eût pris soin d'enregistrer ce détail, dont Plutarque ne souffle pas mot. Si F. Della Corte néglige, lui, les «torques d'or», dont il laisse entendre implicitement que l'usage fut emprunté aux Celtes par d'autres peuples belliqueux de la péninsule ibérique, c'est peut-être parce qu'Ibères et Celtes cohabitèrent depuis la protohistoire dans ce pays, « s'acculturant » les uns aux autres comme toujours en pareille circonstance (des torques ont du reste été découverts dans plusieurs tombes ibériques : cf. A. Arribas, The Iberians, Londres, s. d. (1964), p. 186 et suiv.). Néanmoins il semble que lors de l'expédition contre Sertorius le torque était tombé en désuétude : cf. S. Reinach, op. cit., p. 376. D'autre part, si nous nous fions à Plutarque (Sertor., 14, 1), les contingents autochtones que Sertorius leva en Espagne furent par lui équipés à la romaine. Mais on concédera volontiers à F. Della Corte qu'il n'y a pas là de quoi ruiner sa théorie.
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appliquant cette méthode, on est conduit à poser en principe que si Varron, en 169, mentionne les torques et tient à fixer, par Hibero, l'origine géo graphique de l'argent qui recouvre les boucliers58 c'est afin de signifier que les gens dont il évoque l'équipement caractéristique sont des Gaulois et des Espagnols unis dans les mêmes rangs pour lutter au coude à coude. Dès qu'on s'est avisé de cette volonté, tout s'éclaire d'un seul coup : la journée dont Varron brosse ici les préparatifs n'est autre que celle de Cannes, dont il avait plus que n'importe quel Romain des raisons de se souvenir, puisqu'il descendait du consul C. Terentius Varrò qui commandait l'armée romaine lors de cette rencontre 59. A Cannes, qui l'ignore ?, les lignes puniques étaient ainsi organisées : les cavaliers gaulois et espagnols occupaient l'aile gauche, « l'aile droite étant confiée aux cavaliers numides », et le centre était « solidement tenu par l'infanterie, dont les Africains constituaient les deux ailes, tandis qu'entre eux, au milieu, étaient les Gaulois et les Espagnols. (...) Les Gaulois et les Espagnols avaient de grands boucliers presque de même forme60. Plus que l'attitude des autres combattants, celle des soldats de ces deux peuples, et par leur taille et par leur aspect, était terrible » 61. Comment s'étonner que Varron, dans un Περί τύχης, ait consacré un développement à la guerre contre Hannibal, guerre « si fameuse que tout le monde la sait » 62, et à la péripétie la plus saillante de cet affrontement, la calamiteuse défaite qui, en 216, faillit terrasser sa patrie ? Non moins que la vie de Marius ou de Sertorius, la
58 F. Bücheier sentait qu'Hibero a peut-être « eine besondere Beziehung zu den Kriegführenden Teilen» (Bücheier, p, 433 (569)). Mais il ne chercha pas à exploiter davantage son intuition. 59 Cf. Cichorius, p. 190. 60 Des scuta oblongs : cf. G. Vallet, Tite-Live, Ab u. c. livre XXII, Paris, Erasme, 1966, p. 157. Les Espagnols avaient, pour l'occasion, renoncé à leur petite caetra ronde (cf. supra, 3, p. 396; au Ier siècle avant J.C., ils utilisaient alternativement les deux types d'armes : cf. A. Arribas, op. cit., p. 78-80). Cette innovation nous procure un indice accessoire, mais pré cieux : si on se les représente brandis par les Espagnols de Cannes, les scuta du vers 3 ne font en rien difficulté. 61 Tite-Live, 22, 46, 2-5 (trad. E. Lasserre). Cf. Polybe, 3, 113-114 : «A sa gauche, près de la rivière, il (Hannibal) installa sa cavalerie espagnole et gauloise (...); à côté d'elle, une moitié de ses Africains lourdement armés, puis l'infanterie espagnole et celte, puis la seconde moitié des Africains et, enfin, à l'aile droite, la cavalerie numide. (...) Les boucliers des Espagnols et des Celtes étaient pareils, mais leurs épées étaient entièrement différentes». 62 Montesquieu, Considérations sur la cause de la grandeur des Romains et de leur décadence, IV.
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deuxième guerre punique passait, à bon droit, pour avoir mis en pleine lumière l'inconstance de la déesse qui mène le monde : au cours de ce conflit, dit Tite-Live, « il y eut de tels bouleversements dans la fortune de la guerre et chez Mars, divinité à double visage, que l'adversaire le plus près du désastre finit par avoir le dessus » 63. Abordons maintenant le texte sous un autre angle : voyons quels sont ses défauts dans la tradition de Nonius et légitimons les conjectures que nous avons choisies afin d'y remédier. - V. 1 : en dehors de tria, trina et alae qui ont été plus haut examinés, les éditeurs ont hasardé nombre d'émendations pour l'inintel ligible tia des manuscrits. Seules deux d'entre elles, lina d'E. Norden et signa de F. Bücheier 64, ne nous semblent pas indéfendables ; mais comme aucune d'elles ne s'impose sans réserves65 et comme nous n'avons pas trouvé mieux, nous préférons confesser notre irrésolution en gardant ce monstre tia, séparé du reste par deux croix. - V. 2 : il manque une syllabe brève avant insignibus. In fait, à tous égards, l'affaire ; sa disparition résulte d'une mélecture banale (haplographie entraînée par Vin- a' insignibus).
63 Tite-Live, 21, 1, 2. Cf. Silius Italicus, 1, 7-8; 12-14. 64 Biicheler, p. 432 (568) ; Norden 1, p. 108 (545). Russantia (Gerlach), russa ade (Oehlcr) et russa hastilia (Deschamps) ne conviennent pas pour le sens (en ce qui concerne russa hastilia, signalons que la hampe des lances antiques n'était pas rouge : cf. E. Cuq, s. u. hasta, dans DA, III, I, p. 36 et suiv.) ; russa sagula (Buch., Bolisani) et russa tunica (Della Corte) ont une syllabe de trop (et russa tunica contraint à biffer fâcheusement V-nd'emicant). De surcroît, ces corrections n'obéissent pas toutes aux règles de la paléographie. 65 En faveur de son lina, E. Norden (loc. cit.) allègue les lignes de Polybe (3, 114) aux quelles nous nous référons dans la note 61. L'historien grec révèle que les Gaulois qui furent engagés à Cannes étaient nus, alors que leurs camarades espagnols portaient, conformément à une coutume nationale, des tuniques bordées de pourpre (même remarque chez Tite-Live, loc. cit. Sur l'habitude, archaïque, qu'avaient les Celtes de se battre sans vêtements, cf. T. G. E. Powell, The Celts, Londres, 1958, p. 68; 108; elle disparut graduellement, «as successive tribes came under more sophisticated influences»). Néanmoins, vu que, dans cette tenue des Ibères, la blancheur attirait l'attention plus que la pourpre (cf. Tite-Live, loc. cit. : tunicis candore miro fulgentibus, «des tuniques resplendissant d'une merveilleuse blancheur»), nous tenons russa lina pour douteux. A l'appui du signa de F. Bücheier, on peut avancer ce qu'écrit A. J. Reinach, s. u. signum, dans DA, IV, II, p. 1314 : «la couleur ordinaire du vexille » («étendard», signum) «paraît avoir été le rouge, couleur du sang (...). Pourtant ce rouge devait être plutôt celui de la flamme, si l'on en croit le terme de russeum qui le ca ractérisait» (cf. Servius, ad Aen., 8, 1; Dion Cassius, 11, 18; Isidore, Orig., 18, 3, 5).
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Si on découpe comme nous le passage, la deuxième syllabe du mot qui précède aureae doit s'élider. De là notre torquae, un peu hardi, nous ne le nions pas. G. Roeper double Yi de Martis, achève le vers par un torcues trisyllabique et place aureae en tête du vers 3 66. Cette solution ne nous satisfait pas, car elle oblige à faire du quatrième vers une dipodie trochaïque {argento graui crebra fulgent). - V. 3 : l'addition d'ex à laquelle nous nous sommes résolu67 vise, elle aussi, à permettre une scansion régulière. Quelques éditeurs, dans le même but, rétablissent Hiberon, mais le vers est alors privé de césure. Les autres variantes ne méritent pas d'être discutées. Dans ce morceau brillant, expressif, où la couleur (russa) s'allie au mouvement (uibrant), aux lumières et aux scintillements (emicant, aureae, argento, fulgent), Varron copie le style noble ; il « fait de l'Ennius » 68. A cette fin, il recourt au tetrametre crétique, type de vers approprié à son dessein, puisque Plaute s'en était servi pour retracer par la bouche de Sosie, en pastichant comiquement l'épopée, la lutte des Thébains d'Amphit ryon contre les Téléboens69. A cette fin encore, il soigne ses rythmes, multiplie les jeux ou récurrences phoniques70, et emploie plusieurs termes ou tournures qui sont bien attestés dans l'histoire et l'épopée latines, ou même se rencontrent principalement dans ces deux genres71. En somme, il parodie, mais, à notre avis, sans le moindre désir de censure72 : s'il élève
66 Roeper, Eum., I, p. 6. 67 Après A. Riese, F. A. Brunetti et L. Müller. 68 Cf. Deschamps, p. 8; 110. 69 Plaute, Amph., 219-246. Cf. Bücheier, p. 568 (432). Pour J.Vahlen (Vahlen 1, p. 95), le tetrametre crétique se caractérise par sa «quasi turbulenta grauitas». Varron en use également dans une scène de la ménippée Parmeno où il décrit un abattage d'arbres : cf. Geller, p. 42. Notons toutefois qu'il ne fait dériver ni le crétique ni le bacchée de l'hexamètre dactylique, vers épique par excellence : cf. Della Corte 2, p. 137. 70 Isosyllabisme dans tela dextra uibrant et crebra fulgent; schéma syllabique ordonné au vers 3 (2-3-3-3-2) ; homéotéleutes régulièrement agencés au vers 1 {-a -a -ant, -a -a -ant) et au vers 3 {-a -a -o -o) ; accumulation de dentales, de gutturales sourdes et de r. 71 Spécialement dextra (cf. Quinte-Curce, 6, 1, 14; Virgile, Aen., 5, 497; 5, 692; 8, 354; 11, 556; 11, 652; 12, 50; Thés. l. L., s. u. dexter, V, 1, col. 929-930); uibrare (cf. Quinte-Curce, 3, 11, 4; 6, 1, 14); emicare (cf. Thés. l. L., s. u. emico, VI, 2, col. 484); Martis (voir plus bas); creber (cf. César, BG, 2, 17, 4; 5, 9, 5; 5, 12, 3 ; Tite-Live, 33, 6, 7; 37, 37, 11; 44, 39, 8; Lucain, 3, 494; Thés. l. L., s. u. creber, 4, col. 1118); fulgere (cf. Thés. l. L., s. u. fulgeo, VI, 1, col. 1509-1510). 72 Contra Deschamps, p. 110 : «Έχω σε peut se présenter comme une satire de la poésie épique ».
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le ton, c'est pour marquer que la gravité de l'événement relaté exige du sérieux, un peu d'emphase, et ne s'accommode pas de l'habituel spoudogeloion 73. - Russus, a, um : adjectif très rare. On le retrouve uniquement chez Lucrèce (4, 75), Catulle (39, 19) et dans quelques textes tardifs74. - Emicant : ce verbe, dont on a des exemples dans VAululaire de Plaute (627) et chez Lucrèce (2, 195), sera très usité sous l'Empire. Il s'agit donc peut-être d'un mot qui, au temps de Varron, était « confiné (...) dans certains cercles et qui, ces cercles prenant de l'importance, viendra par la suite à la mode » 75. - Insignibus = signis (« insignes, attributs »). Sur cette acception du substantif, cf. Cicéron, Verr., 2, 4, 48 ; Lucrèce, 2, 608 ; Ovide, Met, 3, 286 ; Valerius Flaccus, 6, 53 ; Pline, NH, 37, 5 ; Stace, Theb., 10, 254 ; 11, 83 ; Thés, l L, s. u. insigne, VII, 1, col. 1899. - Martis = «de la guerre, martiaux». Métonymie, comme dans les textes suivants : Ennius, Ann., 17 Vahlen ; Cicéron, Marceli, 6, 17 ; Virgile, Aen., 6, 165 ; Ovide, Met, 13, 27 ; Tite-Live, 2, 46, 3 ; 3, 62, 9 ; Pline, NH, 26, 4, 9, § 19; Stace, Ach., l, 401. - Torquae : hapax. Sur le genre de torques, qui est, comme torquae, féminin chez Properce (4, 10, 44) et Ovide (F., 1, 601) - particularité de la langue militaire ? -, cf. Deschamps, p. 138. - Scuta caelata : cf. Tite-Live, 9, 40, 1 et suiv. (présentation de l'armée samnite) : scuta alterius auro, alterius argento caelauerunt76. - Hibero : Yh- de ce mot est un hyperhellénisme : "Ιβηρ et Ιβηρικός ont un esprit doux. Cette marque d'affectation est en harmonie avec l'accent du passage. Mais elle demeure exclusivement graphique : à preuve l'élision de caelat(a) devant Hibero 1Ί .
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Cf. supra, 1, p. 32-33, n. 3 ; 76, n. 2. Val. Imp., αρ. Treb. Claud., 14; Flavius Vopiscus, Aux., 13; cf. Aulu-Gelle, 2, 26, 6. Deschamps, p. 532. «Le bouclier de l'un était incrusté d'or, celui de l'autre d'argent». Cf. Deschamps, p. 110; XXXII, n. 356.
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170. - « Leading quotation » probablement empruntée par Nonius à « Gloss. IV » 78. Fraction de vers selon toute apparence, mais nous ne discernons pas de quel mètre il s'agit (dimètre anapestique ?) 79. Quoi qu'il en soit, ce vers, si vers il. y a, est de Varron. L. Havet préfère aurea à Y aerea de la plupart des éditeurs : « au premier abord », explique-t-il, « rien qui choque dans ce casque de bronze, aerea. Mais, si l'on regarde les variantes, il est curieux de constater combien cette leçon (...) a peu d'autorité. Le manuscrit de Leyde a area. La première main de VHarleianus ne connaît aussi qu' area, Ve est de seconde main. Dans le Parisiensis, toute cette partie de Nonius manque. Seul le manuscrit de Wolfenbüttel semble avoir aerea, et encore (outre que nulle part je ne vois aerea certifié expressément80) la variante gelea pour galea prouve que, dans ce manuscrit aussi, un correcteur avait marqué quelque part un e à insérer dans le texte ; que ce correcteur, par conséquent, avait sous les yeux area. Conclusion : area seul est traditionnel, aerea n'est qu'une de ces conjectures faciles, qu'on peut croire écloses dans le cerveau des moines. Cela posé, si l'on remarque que, dans un autre fragment de la même ménippée, il est question de colliers d'or et de boucliers d'argent qui brillent dans la bataille, on lira aurea. La réduction graphique de au à a est bien connue. Auro dans un vers de Virgile (Nonius, p. 436, caelare) est écrit de première main aro dans Ρ » 81. Ce raisonnement pourrait faire impression et, à tout le moins, jeter le trouble dans nos esprits, s'il ne se heurtait à une objection dirimante : le fragment 170, L. Havet en a luimême conscience, est inséparable du fragment 169 ; le casque qu'il décrit est donc un casque de guerre, porté par un homme qui se bat ou va se battre. Est-il concevable qu'un tel couvre-chef soit en or, au même titre que les torques ? Manifestement non : certes, on fabriquait des casques
78 Cf. Lindsay, Nonius, p. 57. 79 Cf. Biicheler, p. 180 (432). Pour E. Bolisani (Bolisani, p. 323) et L. Dal Santo (Dal Santo 1, p. 40), commencement d'hexamètre dactylique ; mais que font-ils du tribraque galea (seule scansion possible : aèrea t'erta nitét gàlea) ? L. Dal Santo assure que, dans ces quatre mots, F. Biicheler avait «intravisto un colon esametrico». F. Bücheier ne dit rien de pareil. 80 Nous sommes en mesure de garantir qu'on lit effectivement aerea dans G. 81 Havet 2, p. 180.
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d'or dans l'Antiquité, mais ils n'étaient que votifs ou ornementaux82. Aussi est-ce très tranquillement que, malgré la mise en garde de L. Havet, nous proposons à notre tour aerea. L'objet dont nous avons ici l'image est-il gaulois, comme le torque ? Varron, en 170, renvoie-t-il toujours au contingent gaulois de l'armée d'Hannibal ? Peut-être : « ils (les Celtes) », note Diodore, « se coiffent de casques en bronze d'où partent de grandes saillies » 83. Mais on ne saurait le jurer, car ce type d'arme n'était pas en service uniquement chez les Celtes84. Bien qu'il soit sans doute d'un mètre différent, ce texte ne s'écarte pas sensiblement, pour le style, de 169. On y relève un archaïsme, terta, sur lequel nous allons revenir, trois homéotéleutes et une distribution soignée des mots en fonction du nombre de leurs syllabes (3-2-2-3). L'antéposition met en relief aerea et terta. - Terta : quand Varron rédigea ses Ménippées, l'adjectif en -to tersus, refait sur le parfait tersi par analogie de clausus en face de clausi, de sensus en face de sensi, etc., était depuis longtemps généralisé85. Tertus, forme étymologique ( άδιάφορον esse quod philosophia commalaxarem ea πάϋη ; neque irato mihi habenas dedi umquam neque cupidita/z non imposui frenos ... et que la douleur n'était pas une « chose indifférente » du fait que, grâce à la philosophie, j'atténuais ces sentiments ; jamais je n'ai lâché la bride à ma colère, toujours j'ai mis un frein à ma cupidité IV
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atque si addam quanti misericordia mea heredibus meis stet, quoi miseros subleuauerim et si j'ajoute ce que ma commisération coûte à mes héritiers, le nombre de misérables que j'ai soulagés
177 Nonius, p. 82, 1. 8 : COMMALAXARE est exercere ac maturefacere. Varrò Flaxtabulis π. έπ. : «nec... frenos». 178 Nonius, p. 391, 1. 40 : STARE ualere et constare et fixum esse. Varrò Flaxtabulis π. έπ. : «atque... subleuauerim». strambi E F G L Montepess. Müller Onions stambi Ρ I habet quiddam enim] habet quiddam Müller habet enim quiddam Turnèbe (Adu., X, 21) Scaliger Quicherat habet enim quoddam Laurenberg I έλκυστικόν edd. : hel quisticon (ques- G) codd. Il habet enim έλκυστικον quiddam Roeper. 177 commalaxare] commeilaxare Ρ I nec dolorem Junius Laurenberg Vahlen Riese Buch. Brunetti Della Corte Deschamps : nec dolore codd. Oehler nec dolere Mercerus nec dolere Roeper et dolere Quicherat I άδιάφορον] adiafuron codd. Vahlen I quod] quom Riese Brunetti quit Roth I commalaxarem] commalaxare Roth Riese Brunetti commalaxaram Vahlen I ea πάϋη Buch. Onions Bolisani Della Corte (sed ea om.) Deschamps : ea patrem codd. earn partem Junius mg. Quicherat me in earn partem Roth Oehler in earn partem me Roeper me apathem coni. Popma recep. Vahlen me pararem Riese Brunetti I habenas edd. (ab- Onions) : auenas codd. Il umquam] om. Quicherat unquam Oehler Roeper Deschamps I cupiditati] cupiditas codd. Junius Oehler Roeper cupiditatibus Onions I non] mihi Junius I imposui H1 pleriq. edd. : inposuit (aut im-) rell. codd. Junius Oehler Roeper I 178 quanti coni. Gulielmus (Verisim., 3, 18) Passerat recep. Oehler Riese Brunetti Lindsay Bolisani Della Corte : quanta codd. Deschamps quantei Müller quanto Buch. Quicherat I mea heredibus meis stet] heredibus stet mea meis Müller 1, sec. ed., p. 552-553 I meis del. Quicherat I quot coni. Gulielmus (loc. cit.) recep. Riese Buch. Brunetti Müller Lindsay Bolisani Della Corte : quod codd. Oehler Quicherat Deschamps tot Vahlen I subleuauerim] subleuarim Roeper 2, p. 279.
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V 179 (175)
quare, ο Marce, pransum ac paratum esse t<e> hoc minume oportet c'est pourquoi, Marcus, il te faut être fin prêt et paré en ce domaine au moins
VI 180(179)
quid! tu non uides in uineis quod tria pala habeant tripalles dici ? quoi ! tu ne vois pas que certaines vignes sont dites « à triple pieu » parce qu'elles ont trois échalas ?
179 Nonius, p. 458, 1. 30 : PRANSI non solum qui pranderint dicuntur, sed etiam quibus nihil desii. Varrò Flaxtabulis π. έπ. : «quare... oportet». 180 Nonius, p. 219, 1. 19 : PALI genere masculino. Neutro Varrò Flaxtabulis π. έπ. : «quid... dici». 179 pranderint edd. : pranderent codd. Il esse te hoc minume Roth Oehler Deschamps : esset hoc minume E G H L Ρ esset hec minime F esset hoc minumo Bamb. Paris. 7666 esse te hoc minumo Buch. Quicherat Della Corte esse hoc minumo Lindsay esse hominem Lipsius Riese Brunetti Müller Bolisani esse hoc munere Popma I 180 masculino E F2 edd. : feminino rell. codd. Il Neutro] neutri G L I inter uides et in, uites add. Riese per coni. Il tripalles codd. Deschamps : tripalis Onions tripales rell. edd.
Qui entreprend d'étudier cette composition acquiert très vite deux certitudes : 1) il s'agit bien d'une ménippée : le sous-titre grec περί επαρχιών le garantit1, ainsi que le passage de Pline l'Ancien où il est dit : paulo minus asserii Varrò in satins suis Sesculixe et Flaxtabula2 ; 2) cette ménippée avait trait aux gouverneurs de province. Le sous-titre, incontestable
1 Cf. supra, p. 761. 2 Pline, NH, Praef., 24 : «Varron a un peu moins d'affectation dans ses satires intitulées Sesculixes et Flaxtabula».
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malgré le flottement qui affecte sa forme dans les manuscrits de Pline et de Nonius, ne permet pas d'en douter. En revanche, le titre de l'ouvrage pose un de ces problèmes désespé rantsauxquels on est fréquemment affronté quand on travaille à grouper et à élucider les débris conservés des Ménippées varroniennes. A. Riese n'hésite pas à soutenir que personne ne pourra jamais se vanter de l'avoir résolu 3. Ce n'est pas nous qui ferons mentir sa prophétie ; que cela ne nous empêche pas de passer en revue et de discuter les diverses conjectures suscitées jusqu'ici par l'énigme en question. A. Turnèbe, s'inspirant des flaxabulus et flaxabulis de la tradition manuscrite, croit que l'authentique dénomination de la pièce était Flexabula (de flexabulum, -ï) 4 et que ce mot désignait les moyens coercitifs grâce auxquels les gouverneurs obligeaient leurs administrés à supporter leurs exactions (« flexabulum instrumentum ad flectendum est », écrit-il). Les principales faiblesses de cette doctrine n'ont pas échappé à F. Oehler5 et à F. A. Brunetti6 : ils font observer que le substantif dont Turnèbe admet l'existence n'est nulle part dans les lettres latines et ne convient pas pour le genre, car, dans le texte plus haut mentionné de Pline, le titre de la satire qui nous occupe est au féminin. A. Popma et E. Bolisani7 proposent l'un Flexibula, l'autre Flexibulae8, « l'inconstant » ou « les inconstants », et expliquent ainsi leur choix : « Varron », remarque Popma, « semble avoir accusé les proconsuls, les préteurs et les autres magistrats qui séjournaient dans les provinces avec les pleins pouvoirs de ne remplir aucun des devoirs d'une sou veraineté constante et modérée » ; E. Bolisani, de son côté, note que « les inconstants donnent une mauvaise image d'eux-mêmes dans toutes les contingences de la vie et aussi dans l'administration des provinces », car, « pour être un bon έπαρχος, il faut être αύτάρχης ». En dépit de son in géniosité, cette conjecture ne nous agrée pas : d'abord, malgré les alléga tions d'E. Bolisani, elle est paléographiquement critiquable ; en outre, le grief d'inconstance ne s'applique pas bien aux personnages placés sur la sellette dans notre περί επαρχιών : ce qu'on reprochait spécifiquement aux
3 Riese, p. 138. Cf. aussi Bücheier, p. 569 (433). 4 Turnèbe, Adu., XXVII, 24. 5 Oehler, p. 131. 6 Brunetti, p. 822. 7 Bolisani, p. 102-103. 8 II fait valoir que, dans un des manuscrits de Pline, on trouve flexibilia : cf. notre apparat critique.
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gouverneurs de provinces, ce n'était pas leur inconstance, mais au contraire la constance dont ils faisaient preuve dans la malhonnêteté et les exactions de toutes sortes : témoin Verres et le scandale qui avait éclaté en 77 au sujet de l'administration de la Macédoine9. Voilà qui suffit, selon nous, à disqualifier Flexibula(e). Le reste des spécialistes adopte soit Flextabula, soit, comme nous, Flaxtabulae (ou Flaxtabula) 10. Pour Scaliger n, il y aurait une affinité entre flaxtabulae et fraxare que Paul Diacre définit par uigilias circuire u : un doublet flaxare de ce verbe est attesté par Placidus 13. Brodant sur ces données, F. Oehler imagine que Flaxtabulae renvoie peut-être au manège de « l'espèce d'hommes qui, pour obtenir des provinces opulentes et des prétures florissantes, briguaient par toute la ville et quartier par quartier les suffrages des citoyens » (tabulas ou tabellas), « à la manière des veilleurs effectuant leurs rondes » 14. Cette suggestion saugrenue ne nous arrêtera pas longtemps. Bornons-nous à souligner que Varron, dans notre ménippée, n'en avait pas contre les menées électorales qui précédaient la nomination des gouverneurs, mais contre les méfaits des gouverneurs une fois rendus dans leurs pro vinces : tabulae ne signifie donc pas, dans Flaxtabulae, « les bulletins de vote ». Selon G. Heraus, ce deuxième terme du composé qui nous intéresse équivaudrait à « tablette de comptes, livre de comptes » 15. Il se fonde sur un passage de Y Apologie d'Apulée dont le protagoniste est un créancier mauvais payeur. Poursuivi par ses débiteurs {cum (...) tabulis flagitaretur 16), ce fripon répondrait, si on garde le texte des manuscrits f et φ 17, « flax, je puis m'acquitter » 18. En conséquence, le flax- de flaxtabula(e) serait
9 Cf. Plutarque, LuculL, 7, 5, 6 ; Coffey, p. 159. 10 De même que F. Oehler, J. Vahlen et L. Quicherat, nous aimons mieux le pluriel parce qu'on rencontre le plus souvent flaxtabulis dans les manuscrits de Nonius. F. Bücheier, F. A. Brunetti et F. Della Corte préfèrent, eux, le singulier parce qu'on a le singulier chez Pline. 11 Scaliger, ad Fest. Paul., s. u. conflages. 12 « Faire le tour des postes de veille», «faire des rondes». 13 Placidus, Gloss., p. 452. Comparer confrages - conflages, sufframen - sufflamen, fraxineae - flaxineae. 14 Oehler, loc. cit. 15 G. Heraus, dans Buch., p. 276. 16 «Comme (...) on lui présentait des billets» (trad. P. Vallette). 17 Laurentianus 68, 2 et Laurentianus 29, 2. 18 Apulée, Apol., 75, 5 et suiv.
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apparenté à flagitare et flaxtahula(e) voudrait dire « les livres de comptes réclamés ». Tentante à première vue, cette interprétation ne résiste pas à l'examen : le rapprochement de flax et de flagitare n'est pas satisfaisant ; on voit mal comment flax pourrait correspondre à flagitatae ; en tout état de cause, le composé flaxtabula{e), dans cette hypothèse, est curieusement bâti ; enfin, flax n'a été accepté par aucun des éditeurs de V Apologie, qui lui substituent pax, « assez ! » 19. Bien plus vraisemblable, eu égard au sujet de la satire, est la valeur attribuée à -tabula(e) par F. Della Corte20. A ses yeux et aux nôtres, ce mot se rapporte ici aux « tables de la loi » et précisément aux recueils qui renfermaient tous les règlements concernant les provinces, acception qu'il présente plusieurs fois chez Cicéron21. Quant à l'autre élément de flaxtabula(e), flax-, il peut être rattaché à flaccescere, « se décomposer, se faner, se corrompre », ou au grec φλάω-φλώ, « je froisse, je broie, je blesse, j'endommage », ou en dernier lieu, avec la même dissimilation que dans flaxo 22, à frax (le pluriel fraces désigne le marc d'olives ; en dérivent fracere, « être rance », fracescere, « devenir ran ce, se putréfier », et fracidus, « pourri » 23). Cette analyse amène à considérer que flaxtabula(e) évoque les multiples infractions des gouverneurs aux lois qu'ils étaient censés appliquer dans les territoires soumis à leur autorité ; non seulement ils violaient ces lois, mais ils les déformaient, les altéraient et les tournaient à leur avantage pour mieux réussir dans leurs malversations : telle est l'idée que résume notre traduction « lois corrompues ». Variante de flaxtabula(e), la leçon flextabula(e) 24, « loi(s) pliable(s) » 25, revient pratiquement au même pour le sens. Quand on remplace ainsi son premier a par un e, le titre de la satire a toujours trait aux mauvais trait ements infligés par les gouverneurs aux lois qu'ils ont la charge de faire respecter. Avec de pareils hommes, indique-t-il, ces lois ne sont pas in-
19 Cf. P. Vallette, Apulée. Apologie, Les Belles Lettres, Paris, 1924, p. 91; H. E. Butler A. S. Owen, Apulei Apologia, Hildesheim, 1967, ad loc. 20 Cf. Della Corte 1, p. 65; Della Corte 4, p. 185; Deschamps, p. 624-625; Dal Santo 2, p. 268. 21 Cicéron, Diu. in Caec, 7 ; Arch., 9 ; Phil., 2, 36. 22 Voir plus haut p. 811 et n. 13. Cf. Thés. I. L., s. u. fraxare, VI, 1, col. 1278. 23 Cf. Caton, Agr., 64: Columelle, 6, 13, 3; Aulu-Gelle, 11, 7, 6. 24 Cf. flexanimus, flexiloquus, flexipedes. 25 Et non « tablette pliante », comme le pense J. Beaujeu (Pline l'Ancien. Histoire na turelle, Les Belles Lettres, I, Paris, 1950, p. 54). Cf. Della Corte 1, loc. cit.; Della Corte 4, loc. cit. ; H. Smilda, dans Mnemosyne, 54, 1926, p. 268.
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tangibles, mais élastiques autant que leurs consciences. Ils les utilisent pour justifier les prévarications qu'elles devraient théoriquement interdire26. Il s'ensuit que Varron - tout le monde est d'accord là-dessus stigmatisait dans Flaxtabulae, comme il le fait dans Bimarcus27 et Papia papae28, en vertu de la déontologie officielle dont il était un ferme partisan, les agents scélérats de la puissance romaine, qui sévissaient dans l'empire et dont on essayait vainement d'entraver les forfaitures par des textes ré pressifs (pensons par exemple à la lex Iulia de repetundis de 59 avant J.C). Mais de ce réquisitoire il ne subsiste rien. Sur les six fragments de Flaxtahulae que nous possédons, quatre sûrement (176, 177, 178, 179) et peut-être cinq (les mêmes, plus 175) 29 sont prononcés par un gouverneur modèle, qui n'y fait pas le procès de ses collègues indignes, mais dit com ment il s'est personnellement comporté pendant son proconsulat ou sa propréture ; le sixième (180) ne se branche pas directement sur le thème général de la pièce. Nous déduisons de cette constatation que Flaxtabulae, en cela com parable à "Εχω σε et à d'autres ménippées varroniennes 30, comprenait sans doute deux grandes sections : l'une « négative » où Varron, peut-être par le truchement du bon gouverneur, son porte-parole, détaillait la conduite à éviter dans les provinces ; la seconde « positive », où ce personnage, alléguant sa pratique vécue, remplissait, mutatis mutandis, la fonction dont Varron s'acquitta en son nom propre lorsqu'il rédigea VEphemeris naualis51 et V Εισαγωγικός y2 à l'intention de Pompée, ou qu'assuma Q. Cicéron quand il écrivit le de petitione consulatus pour son frère candidat aux élections. Le fragment 179 nous apprend que ce discours s'adressait à l'auteur (o Marce). Il en résulte que Flaxtabulae, comme de nombreuses ménippées, avait la forme d'un dialogue33 ; que Varron y était instruit par un spécialiste
26 L. Deschamps (loc. cit.) estime que Flaxtahulae et Flextabulae se valent. 27 Varron, Men., 64 et 65 Buch. : cf. supra, 2, p. 200; 251-253. 28 Varron, Men., 378 Buch. 29 Et non un seul (176) comme le soutient F. Della Corte (Della Corte 4, p. 185), ni trois (176, 177, 178) comme le veut F. Bücheier (Bücheier, loc. cit.) 30 Cf. supra, p. 782. 31 Cf. supra, 3, p. 424. 32 Traité destiné à instruire Pompée de « ce qu'il devrait dire et faire quand il consult erait le sénat» (Dahlmann 1, col. 1249). C'est Varron qui introduisit dans la littérature latine le genre du λόγος εισαγωγικός : cf. E. Norden, dans Hermes, 40, 1905, p. 524. 33 Cf. supra, 1, p. 19-22; 26; 39; 2, p. 207; 213; 250; 251; 3, p. 299; 347; 363; 432; 4, p. 503.
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auquel il laissait la première place, tandis qu'il se cantonnait modestement dans l'emploi du disciple docile, de l'interlocuteur qui écoute, et parle peu. Plus tard, Horace usera de ce procédé (où on perçoit l'influence des Bionei sermones, « entretiens de Bion ») dans le second livre de ses Satires, mais, à la différence de Varron, qui, manifestement, approuve son vis-à-vis, il ne se fera pas faute de railler les « professeurs » dont il reproduit les ense ignements 34. Ménippéenne pour le cadre, la satire Flaxtabulae, on le voit, était certainement toute romaine et varronienne, donc foncièrement originale, pour le contenu35. F. Della Corte affirme qu'il n'est pas possible de la dater exactement, parce que les abus qu'elle dénonce avaient cours depuis le commencement du IIe siècle avant notre ère36. Nous sommes un peu plus optimiste : nous venons d'observer que, dans Flaxtabulae, Varron se met à l'école d'un homme du métier, qui lui communique les leçons de son expérience. Il se peut évidemment que cette conférence n'ait aucun lien avec le curriculum uitae de l'écrivain. Mais quand on sait que celui-ci fut proconsul d'Asie en 66 37, on est porté à croire que le dialogue de Flaxtabulae n'est pas indépendant de cet événement. Par suite, nous conjecturons que l'ouvrage fut élaboré par Varron peu avant qu'il ne partît pour sa province et annonçait le programme qu'il comptait y réaliser ; autrement dit, c'est d'après nous une des pièces les plus récentes du corpus auquel est consacré le présent travail38. Les fragments que nous allons examiner ne sont pas touchés par la loi de Lindsay. Aussi les avons-nous rangés dans l'ordre qui nous a paru s'adapter le mieux à la progression du dialogue tel que nous le concevons. * * * 175. - « Extra quotation ». La « leading quotation » est un fragment de la ménippée varronienne Prometheus extrait par Nonius de « Varron I » 39. La correction de L. Müller pour domo exeo n'est ni nécessaire ni défen dable. Prose. 34 Cf. Knoche, p. 54; Cèbe, p. 262; 301-302. 35 Cf. Ribbeck, Poésie, p. 324 ; Bücheier, loc. cit.; Astbury, p. 79; Coffey, p. 159; supra, 1, p. 6; 20-21, n. 3; 136-137; 2, p. 155; 249; 3, p. 357; 399; 4, p. 481; 501; 546; 551; 564; 612; 694; 706; 728; 745. 36 Della Corte 1, p. 65. 37 Cf. Cichorius, p. 203-205; supra, 1, p. XVII. 38 Cf. supra, 1, p. VIII ; XV-XVIII. 39 Lindsay, Nonius, p. 12.
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Ce texte obscur a très peu inspiré les exégètes. Du fait qu'on y trouve le verbe intrare (intro) comme en 176 (intrarunt), il ne nous semble pas déraisonnable de rapprocher les deux passages. Si cette liaison est légitime, l'homme qui s'exprime ici à la première personne ne fait qu'un avec le « bon gouverneur » qui tient la vedette dans Flaxtabulae. Pris à la lettre, ses propos sont insipides et déroutants. Mais l'optique change si on leur confère une acception figurée, si on estime qu'ils décrivent d'une manière imagée le combat livré par ce magistrat intègre à la tentation que révèle 176. Pedes corrigiis compedio, « je me lie les pieds », équivaut alors à « je reste cloué sur place, je résiste au charme de la jeune beauté à qui je rends visite ». Ce point de vue est, évidemment, douteux et invérifiable. Nous ne nourrissons là-dessus aucune illusion et sommes tout prêt à y renoncer pour un autre, plus plausible. Mais nous ne saurions en tout cas souscrire à l'avis de L. Deschamps qui, probablement induite en erreur par le dictionnaire de F. Gaffiot, se figure que pedes corrigiis compedio, traduit en clair, signifie « je lace mes chaussures » 40. E. Bolisani, de son côté, juge que Varron, par ces mots, « représente efficacement l'énergie que déploie le Sage pour se vaincre lui-même » 41. Opinion proche de la nôtre, mais trop vague et coupée du sujet de Flaxtabulae. Ce sont, pour 175, les seules prises de position que nous ayons à mentionner. - Exeo, intro, compedio : présents « historiques ». - Corrigiis : le fragment 267 Buch, de la ménippée Manius montre que ce mot est féminin chez Varron, de même que dans toute la litt érature «classique». Il deviendra neutre plus tard42. - On reconnaît dans notre phrase la technique caractérise les récits familiers43. Le style des autres est également d'une bonhomie sans façon destinée à de spontanéité que Varron veut en général donner
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Deschamps, p. 552. Bolisani, p. 103. Cf. Deschamps, p. 122. Cf. supra, 4, p. 663. Cf. supra, 1, p. 21 ; 3, p. 363 ; 4, p. 662.
par accumulation qui vestiges de la satire produire l'impression dans ses dialogues44.
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- Si notre texte est bon, Varron y viole la règle cicéronienne du polysyntheton : cf. supra, 3, p. 390 ; 4, p. 524. - On remarquera les jeux phoniques (homéotéleutes - domo, exeo, intro, compedio - et allitération corrigiis ~ compedio) ainsi que l'agenc ement des mots qui engendre une succession équilibrée de syllabes - 2-3-2-3 (à condition d'unir et à pedes) -4-4 : sous son apparent laisser-aller, la narration de Varron n'est nullement négligée ! * * * 176. - « Leading quotation » tirée par Nonius de « Varron I » 45. Texte irréprochable. Prose 46. F. Della Corte attribue à ce fragment un sens métaphorique47 : pour lui, la provinciale dont Varron y loue le charme symboliserait le « mariage de la carrière » des gouverneurs avec « les magistratures de la province ». Nous n'irons pas chercher d'aussi subtils sous-entendus dans une observa tion toute simple qu'il faut, d'après nous, prendre à la lettre. Serons-nous plus indulgent pour la théorie d'E. Bolisani, qui tient qu'en 176 Varron « se réfère probablement aux mésaventures peu agréables dont fut victime un proconsul flexibula qui s'était procuré une femme provinciale » 48 ? Assurément non : on n'a pas oublié que nous rejetons flexibula et que nous prêtons à un magistrat modèle les paroles ici com mentées. Cela étant, tout nous incite à penser que, dans notre passage, ce grand homme intègre se glorifiait de n'avoir jamais tiré parti de ses pré rogatives pour détourner de la fidélité conjugale les jeunes épouses i ndigènes de son territoire 49 ; en somme, que la continence et le refus des adultères, si faciles et attirants fussent-ils, étaient deux des vertus dont il se faisait un mérite.
45 Cf. Lindsay, Nonius, p. 12. 46 Selon G. Roeper (Roeper 2, p. 280), septénaires ïambiques (voir dans notre apparat critique les emendations qui autorisent cette scansion). 47 Della Corte 1, p. 66. 48 Bolisani, p. 103. 49 Cf. Ribbeck, Poésie, p. 324 (mais ce n'est pas au désir d'« épouser» une provinciale que le gouverneur avait résisté!); Riccomagno, p. 158. Le commentaire de R. Astbury (Astbury, p. 81) - 176 «décrit l'effet produit par une provinciale sur les hommes qui la rencontrent» est trop imprécis et tient trop de la paraphrase.
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Rien de moins hardi que cette doctrine : lorsque, dans sa huitième satire, Juvénal conseille Ponticus, un jeune noble appelé à gouverner bientôt une province, il le met en garde contre les amours irrégulières 50 ; plus nettement, dans une lettre fameuse qui est un vrai manuel des obligations du proconsulat et de la propréture, Cicéron félicite son frère Quintus de n'avoir succombé aux attraits d'aucune beauté quand il avait l'Asie sous sa coupe 51 ; ailleurs, le même Cicéron blâme violemment Verres d'avoir en Sicile gaspillé son temps à faire la noce avec des femmes 52. Ces quelques exemples confirment que le fragment 176 était pleinement dans la ligne de l'idéologie officielle touchant les rapports des Romains avec les po pulations de l'empire 53. Qui en eût douté ? La familiarité enjouée du tour, sur laquelle nous avons plus haut mis l'accent, est due ici d'une part à l'emploi de la locution imagée strabones sunt facti, du mot grec έλκυστικόν et du diminutif formonsula54, d'autre part à la construction paratactique de la phrase et à la répétition d'enim. - Strahones sunt facti : cf. Lucilius, 704 Marx. Comparer le grec ΐλιγγιδν προς τι55, l'allemand «schielen nach etwas», le français «loucher vers quelque chose », et l'expression praestringit oculos de 27 (30 Buch.) 5Ö. Sur le suffixe populaire et péjoratif -o de strabo, cf. supra, 2, p. 274 ; 4, p. 484 ; 521 ; 697.
50 Juvénal, 8, 144-145. 51 Cicéron, Q. Fr., 1, 1, 7-8 (trad. L. A. Constane) : «alors que tu résisteras, comme tu le fais, à l'argent, à la volupté, à tous les désirs (...). C'est chose rare, en effet, d'avoir exercé pendant trois ans le pouvoir suprême en Asie sans que ni une statue, ni un tableau, ni un vase, ni une étoffe, ni un esclave, ni la beauté de personne, ni aucune offre d'argent, toutes séductions dont abonde ta province, aient pu te détourner de l'intégrité la plus parfaite et la plus scrupuleuse». 52 Cf. Cicéron, Verr., 2, 5, 10, 26; 11, 28; 12, 29 - 13, 31; Cèbe, p. 134. 53 Les grands principes généreux de cette doctrine sont formulés avec netteté par Cicéron : pour lui, «il n'y a pas de droit absolu de la conquête, (...) l'hégémonie de Rome suppose un échange de droits et de devoirs, (...) Rome peut gouverner le monde sans effacer les particularismes». Il se dresse ainsi «de façon féconde» contre «l'utilisation égoïste de l'impérialisme que recommandaient les populaires » ; il comprend que la domination de son pays ne sera tolérée que si « elle est ressentie comme une chance et non comme une ser vitude » (Cl. Nicolet, Les idées politiques à Rome sous la République, Paris, 1964, p. 24 ; 55; 56; 68). 54 Cf. supra, 1, p. 139. 55 « Etre saisi de vertige par quelque chose ». 56 Cf. supra, 1, p. 112.
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- Dans έλκυστικόν, qui relève selon nous du sermo cottidianus, L. Deschamps décèle « une sorte de feinte pudeur, ironique cela va sans dire (...). L'auteur utilise » ce « terme grec (...) comme s'il cherchait son mot ou n'osait pas le dire ouvertement » 57. Cf. Athénée, 5, p. 185 c : δοκεΐ γαρ εχειν προς φιλίαν τι ό οίνος έλκυστικόν 58. - Formonsula : ce diminutif apparaît pour la première fois chez Varron59. Son -n- est incorrect - on a du reste formosam en 432 Buch. : « il faut (...) voir là où la nasale s'est insérée un hyperurbanisme de gens peu instruits, et peut-être aussi le désir de marquer la longueur de la voyelle60 et le caractère sourd de la sifflante récente. Mais ces formes sont sans conteste populaires et on les trouve dans les inscriptions (CIL, 4, 6885, etc.). Varron veut donc ici créer un effet par évocation » 61. - Enim : en bon savant, épris de rigueur et de méthode, Varron aime cette conjonction et n'hésite pas à la répéter : cf. supra, 27 (30 Buch.) ; 46 (60 Buch.) ; infra, 197 (197 Buch.) ; Woytek, p. 92 ; Zaffagno, p. 255. - Intrarunt : sur cette forme « écrasée », « syncopée », de parfait, cf. supra, 3, p. 401 ; Deschamps, p. 292. - L'antéposition fait ressortir le verbe habet. Mais cet agencement s'explique peut-être en partie par la longueur du groupe sujet (trois mots). - Noter les clausules : dispondée après crétique
(oculïs sträbones
sünt fäcti) et ditrochée (formönsül(a) üxör).
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177. - Citation unique extraite par Nonius de « Gloss. I » 62. Prose 63. La signification de cette phrase incomplète n'est partiellement en que par un de nos prédécesseurs, F. Biicheler. Passons sous silence
57 Deschamps, p. 638. 58 « Car le vin semble avoir une certaine propriété d'attirer vers l'amitié». 59 Cf. Woytek, p. 120. 60 Cf. supra, 2, p. 155-156 {thensaurus). 61 Deschamps, p. 65. Cf. Woytek, p. 27; Zaffagno, p. 233. O. Skutsch (dans Gioita, 2, 1910, p. 246) explique l'-ra- de formonsa par la contamination du substantif sponsa qui était souvent associé à cet adjectif. E. Woytek juge à bon droit ce raisonnement «un peu artificiel». Sposa existe dans l'épigraphie (cf. CIL, 6, 10013). 62 Cf. Lindsay, Nonius, p. 39. 63 Contra Roeper 2, p. 275-279; Roeper, Eum., 1, p. 6-7 : septénaires trochaïques. Sur les modifications qu'il apporte au texte en conséquence, voir notre apparat critique.
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les conjectures des autres - elles ne nous sont d'aucun secours - et les corrections incongrues que, pour y aboutir, ils ont faites au texte des manuscrits64. Contentons-nous de remarquer qu'ils ne se seraient pas égarés si, comme F. Bücheier65, ils avaient compris que l'homme qui parle ici est encore le bon gouverneur de 175 et 176. Cette identification est indubitable. Dès qu'on en a perçu la nécessité, il suffit de quelques petites retouches pour assainir la leçon des manuscrits qui ne peut être intégralement sauvée : substitution de dolorem à dolore66, de l'excellent ea πάΰη proposé par F. Bücheier à ea patrem, d'habenas à auenas 67, et de cupiditati non imposui à cupiditas non imposuit. Il n'y a rien là qui demande justification68. F. Bücheier note que l'interlocuteur de Varron lui dit en substance dans ce passage : « Lockungen und Kränkungen widerstand ich ». Il convient, estimons-nous, d'être plus explicite, quitte à gloser un peu, et, de plus, l'exégèse du savant allemand ne nous paraît pas entièrement juste pour le premier membre de l'énoncé. Ce que le personnage entend exprimer dans ce groupe de mots qui va de nec à πάθη peut, à notre sentiment, se paraphraser ainsi : ' « formé par la philosophie, je sais moi-même résister à la douleur ; mais je ne considérais pas pour cela comme indifférente, négligeable, la douleur des gens à qui je commandais » ; ou, en d'autres termes : « je n'imposais pas aux socii qui dépendaient de moi la rigueur stoïcienne que j'observe dans ma vie privée ; se conduire soi-même est une chose, mener les hommes en est une autre ». Les propos qui suivent s'accordent en tout point avec ce préambule, qu'ils éclairent et précisent; car une liaison directe unit dolorem à irato et cupiditas : c'est pour ne pas susciter par ses propres agissements la souffrance des autochtones de sa province que notre gouverneur ne s'est pas abandonné à la colère et à la cupidité. A. Oltramare commet donc une inexactitude quand il tire de ce fra gment 177 que « le Varron des Ménippées » ne connaît « qu'une science : celle de la sagesse » 69. En fait, Varron prend ici ses distances par rapport 64 C'est en particulier le cas de G. Roeper : cf. Vahlen 1, p. 74-75. 65 Bücheier, p. 569 (433). 66 Mais le dolere de Mercier, Roth et G. Roeper ferait aussi l'affaire. 67 Sur la confusion des b et des ν (u latins) dans les manuscrits de Nonius, cf. supra, p. xxiv. 68 J. Vahlen (loc. cit.) fait finement observer qu'avec cupiditas non imposuit, frenos est absurde : le contexte réclame alors en effet un mot qui signifie l'inverse de frenos, calcaria par exemple. 69 Oltramare, p. 103.
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à la philosophie et montre quelles limites doivent être assignées aux préceptes de la sagesse dans la direction des affaires humaines : le vrai chef, suggère-t-il, agit lui-même en sage ; mais il ne demande pas à ses subordonnés de savoir se dominer eux aussi, et ne dédaigne pas leurs malheurs sous prétexte qu'il est capable de résister à l'adversité. Une telle doctrine témoigne d'une conscience bien romaine des réalités politiques, d'un sens indéniable de la mesure 70, d'une bonne expérience de la psychologie du commun des hommes, et d'une méfiance typique envers le Cynico-stoïcisme dans le domaine de la vie collective 71. En tout cela, l'originalité de Varron à l'endroit de sa source diatribique est flagrante. Quel était le πάϋος qui, dans le morceau perdu de la phrase, faisait couple avec dolorem ? Peut-être uoluptas, comme l'imagine F. Bücheier 72. Mais, tandis que ce dernier restitue : neque enim uoluptatem obliuiscebar nil in me ualere75, nous préférerions, interprétant différemment nec . . . πάθη : non existimabam enim nec uoluptatem> nec . . . 74. Passons à la deuxième moitié, beaucoup plus limpide, du texte (neque . . . frenos). A peine l'avions-nous lue qu'un rapprochement auquel, curieuse ment, personne n'avait songé auparavant nous est venu à l'esprit : elle nous a rappelé certaines des exhortations qu'adresse Juvénal à l'aristocrate de sa huitième satire 75 : Exspectata diu tandem prouincia cum te rectorem accipiat, pone irae frena modumque, pone et auaritiae 76.
70 Cf. supra, 1, p. 137 ; 4, p. 483 ; 497 ; 580. 71 Cf. supra, 3, p. 362; 4, p. 567; infra, Longe fugit. Répétons cependant que le « Moi social » de Varron était combattu par une forte tendance à la retraite loin du monde : cf. supra, 4, p. 747. 72 Biicheler, p. 569 (433). La liste stoïcienne des αδιάφορα contenait notamment «la vie, la mort, la santé, la maladie, le plaisir, la douleur, la beauté, la honte, la force, la faiblesse, la richesse, la pauvreté, la gloire, l'obscurité, la basse naissance » (J. Brun, Le stoïcisme, Paris, 1963, p. 95). 73 «Je n'oubliais pas en effet que le plaisir n'avait aucun pouvoir sur moi». 74 « Je ne pensais pas en effet que le plaisir et la douleur fussent des indifférents ...» (dans ce cas, άδιάφορον s'accorderait avec un seul des deux sujets : cf. Ernout-Thomas, p. 110-111). 75 Cf. supra, p. 817. 76 « Puisque vient enfin le jour, longtemps attendu, où tu reçois le gouvernement d'une province, mets un frein et des bornes à ta colère, mets-en à ta cupidité » (trad. P. de Labriolle) ; J. E. B. Mayor, Thirteen Satires of Juvenal, Londres, 1900, II, p. 19.
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Ces vers, à eux seuls, corroborent notre interprétation du fragment. Mais il faut également citer, de nouveau, la lettre 1, 1 de Cicéron à Quintus : dans ce long message, l'écrivain pousse son frère à lutter contre la cupidité et l'irritabilité 77. Enfin il importe de renvoyer aux Verrines, où la rapacité 78 et la violence 79 du préteur concussionnaire sont vigoureusement flétries. Comme l'exige la gravité du sujet traité, l'accent se fait ici plus digne, plus solennel, plus oratoire. De ce point de vue, on relèvera en particulier les deux balancements nec> . . . nec ... ; neque . . . neque . . . , procédé spécia lement cher à Varron 80, le rythme marqué de neque . . . frenos 81, et le chiasme habenas dedi - imposui frenos, autre type de construction affectionné par l'auteur82. Néanmoins, l'interlocuteur de Varron ne renonce pas totalement à la familiarité expressive qui nous a déjà frappé chez lui : elle se manifeste dans l'emploi du verbe à préverbe populaire commalaxare 83 . Ce mot, dont nous n'avons pas d'exemple plus ancien, sera repris plus tard par Pelagonius (199) 84. Le simple, malaxo, fabriqué sur l'aoriste du verbe grec μαλάσσω/-ττω, est a peine moins rare . - Nec> . . . nec ... ; neque . . . neque ... : sur l'intensité de ces tours négatifs, voir supra, 2, p. 157, n. 5 ; cf. en outre Deschamps, p. 447 : Varron accumule « les négations qui se détruisent pour suggérer un fait au lieu de l'imposer ».
77 Cicéron, Q. Fr., 1, 1, 8; 11; 18; 37-39. 78 Cf. le De signis. 79 Cf. le De suppliciis. 80 Cf. J. Heurgon, L'effort de style dans les Res rusticae, dans RPh, 24, 1950, p. 64 : « même dans les passages les plus négligés, on a la surprise de le voir soudain s'amuser à des effets gratuits de concinnitas » ; Deschamps, p. 79. 81 Cette portion du fragment réunit deux membres presque égaux, qui comptent re spectivement vingt temps {neque... umquam) et vingt-et-un temps métriques {neque... frenos), et se terminent par des clausules (trochée-spondée pour le premier - habenas dëd(i) umquam -, choriambe-spondée pour le second - inpösüt frenos). 82 Cf. J. Heurgon, loc. cit. : « si vite qu'il écrive, Varron a le chiasme instinctivement au bout des doigts; c'est moins chez lui une figure de style qu'une habitude quasi inconsciente, qui s'impose même lorsque le reste de la phrase est peu soigné»; Woytek, Stil, p. 33. Le fait que les deux kola de notre texte offrent le même type de métaphore {habenas - frenos) prouve que le chiasme y est volontaire. 83 Cf. supra, 3, p. 325; 341 ; Woytek, p. 124-125. 84 Cf. Thés. l. L., s. u. commalaxare, III, col. 1819. 85 On le rencontre chez Laberius, Pline et Sénèque.
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- Αδιάφορον, πάθη : l'insertion de ces grécismes dans l'énoncé ne ressortit pas au s,ermo cottidianus comme celle α'έλκυστικόν en 176. Nous avons affaire à des termes techniques de la philosophie, que l'auteur évite de latiniser afin que le lecteur ou l'auditeur ne se trompe pas sur leur origine. « Effet par évocation », pour emprunter une expression de L. Des champs 86. - Commalaxarem : subjonctif de discours indirect87. - Habenas . . . frenos : ces images tirées du vocabulaire de l'équitation sont employées à bon escient, car les Cyniques comparaient, nous l'avons vu, les passions à des chevaux fougueux88. Les vers ci-dessus transcrits de Juvénal prouvent qu'elles étaient d'usage courant. Le masculin pluriel freni avait, on le sait, un doublet neutre frena (cf. Juvénal, loc. cit.). D'après E. Woytek, la première forme serait populaire (elle résulterait d'une substitution du masculin au neutre, de même que dans corius de 135 Buch.89). L'analyse plus circonstanciée et plus nuancée de L. Deschamps nous satisfait davantage : freni, dit-elle, est un vrai pluriel, frena un ancien collectif. Le masculin, plus fréquent, se justifie dans notre
86 Deschamps, p. 634. 87 A moins qu'il ne soit dû à ce que, dans quod... πάΰη, est repoussée «comme non valable » une raison qui ne pouvait pas être mise « au mode des faits réels » (Deschamps, p. 479). 88 Cf. Lucien, Cyn., 18; Bolisani, p. 103; supra, 4, p. 723-724. Cette assimilation marque leur perspicacité : l'herméneutique moderne confirme en effet que les chevaux de la mythol ogieet du folklore symbolisent P« impétuosité des désirs», les «désirs indomptés» (P. Diel, Le symbolisme dans la mythologie grecque, Paris, 1966, p. 75; 87; 134; 208; cf. C. G. Jung, L'homme à la découverte de son âme, trad. R. Cahen, Paris, 1962, p. 269). Aussi n'est-il pas étonnant qu'avec les Stoïciens (et d'autres écoles antiques) ils aient percé les arcanes du mythe et décelé sa fonction essentielle : comme le montre leur exégèse de la geste d'Héraclès, ils avaient senti que le mythe (y compris, par bien des côtés, la théogonie) représente d'une manière imagée le conflit intrapsychique, la bataille que chacun doit livrer à ses monstres, c'est-à-dire à ses pulsions impures, pour se libérer, s'accomplir, et orienter sa vie dans la bonne direction, vers la mesure qui naît de l'harmonisation des désirs et vers la victoire de l'Esprit. Somme toute, les mythologues d'aujourd'hui ne font qu'avancer plus loin qu'eux, en appliquant des méthodes et des moyens plus scientifiques (notamment ceux de la psycha nalyse et de l'ethnologie) sur une voie qu'ils avaient frayée : cf. supra, 1, p. 74-75; 91; 3, p. 321-322; 398-399; 4, p. 718; et le livre passionnant de P. Diel {op. cit., passim). Sur une interprétation un peu différente, mais convergente, du rôle des mythes, cf. R. Girard, La violence... , op. cit., p. 359 et passim : le mythe, selon lui, apprend d'abord aux hommes ce qu'il faut faire et ne pas faire pour échapper au chaos de la violence destructrice et interminable, qui se confond avec l'impureté, autrement dit avec le sacré maléfique. 89 Woytek, p. 31.
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texte : « ce n'est pas un ensemble de freins que » le gouverneur « met à sa convoitise, mais un frein devant telle tentation, puis un nouveau frein en une autre occasion, et peut-être pour quelque chose d'un peu différent, etc. » 90. rconstanciel e
- Irato mihi : participe apposé faisant fonction de proposition ci : cf. Ernout-Thomas, p. 239-240 91.
- Le premier m d'umquam est étymologique. Les Latins le maintenaient quand ils voulaient donner au mot du relief; sinon, ils le remplaçaient par -n- (unquam) 92. - Noter la clausule métrique (ditrochée) dans habenas dèd(i) ümquäm. * * 178. - « Extra quotation ». La « leading quotation » est peut-être de Titinius et vient peut-être de « Gloss. I » 93. Prose 94. Dans la lettre à laquelle nous nous sommes souvent référé, Cicéron proclame que le devoir principal de ceux qui exercent l'autorité est de « rendre aussi heureuses que possible les populations qu'ils auront à gou verner » 95. Il invite donc son frère « à penser au bien de tous, à guérir les maux » des indigènes, à désirer qu'on le nomme « le père de l'Asie » 96,
90 Deschamps, p. 126. 91 Voir également Deschamps, p. 408 : « c'est une question de style plutôt que de syntaxe». Dans 177 : «et je ne me suis pas laissé la bride sur le cou lorsque j'étais en colère», le participe a «un sens restrictif qui rappelle le tour de Plaute : celeriter mi hoc homine conuento opus est {Cure, 302) : 'il me faut cet homme en tant que rencontré', c'est-à-dire 'il me faut rencontrer cet homme'. En vieux latin, cette construction n'est re présentée que par quelques tours prépositionnels. Dans la prose classique, elle gagne le no minatif et le génitif. A l'époque impériale, elle devient fréquente. Ici, la construction s'explique par l'importance relative de chaque terme de la phrase. C'est mihi qui est primordial pour l'auteur. Le reste n'est qu'une addition, une précision apportée par la suite. C'est pourquoi ce 'reste' est exprimé par un adjectif en *-to en apposition». 92 Cf. Deschamps, p. 70-71 (elle lit unquam, mais tous les manuscrits ont umquam). 93 Cf. Lindsay, Nonius, p. 76. 94 Selon G. Roeper « mètre trochaïque » (Roeper 2, p. 279) et selon L. Müller octonaires ïambiques (Müller 1, 2e éd., p. 552-553). Mais pour arriver à ces scansions ils modifient incongrûment le texte. 95 Cicéron, Q. Fr., 1, 1, 8, 24 (trad. L. A. Constans) ; cf. aussi 1, 1, 9, 27. 96 Ibid., 10, 30 (trad. L. A. Constans).
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et il le complimente pour sa générosité : « il n'est pas », assure-t-il, « d'i ndigence ni de faiblesse sans appui qui ait été repoussée, je ne dis pas de ton tribunal, où tout le peuple est admis, mais de ta maison même et de ta chambre » 97. Juvénal, de son côté, engage Ponticus à prendre en pitié, quand il aura gagné sa province, « la misère des alliés de Rome » 98. Pour l'idée, le fragment 178 de Flaxtabulae doit de toute évidence être rattaché à ces passages. L'honnête gouverneur dont Varron a fait le protagoniste de la satire y évoque les libéralités qu'il a consenties à ses administrés dans la détresse. Loin de s'enrichir aux dépens de ces malheureux, il a perdu de l'argent pour améliorer leur existence. En somme, il est, comme le Quintus que peint Cicéron, le contraire de Verres et de presque tous ses collègues". Pour réaliser son œuvre charitable, il n'a même pas hésité à encourir les justes reproches de ses héritiers 10° : beau témoignage de désin téressement et d'humanité, qui illustre le neque non cupiditati imposui de 177. F. Bücheier note judicieusement à ce propos qu'un gouverneur avait mille occasions de déployer la munificence dont il est ici question, tant
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97 Ibid., 8, 25 (trad. L. A. Constans). 98 Juvénal, 8, 89. 99 Sur les causes matérielles des prévarications perpétrées par les proconsuls et pro préteurs, cf. M. I. Finley, L'économie antique, trad. M. P. Higgs, Paris, 1975, p. 65-66 : les membres de la classe dirigeante romaine dépensaient beaucoup (leur train de vie était somptueux ; leurs campagnes électorales et les jeux qu'ils donnaient coûtaient très cher). Comme leur «richesse consistait en terres, ces nécessités étaient exacerbées par un manque de liquidité, d'argent comptant. En conséquence, de nombreuses manœuvres politiques impliquaient un réseau compliqué de prêts et de garanties. L'emprunt créait une obligation politique jusqu'à ce qu'on reçût le gouvernement d'une province et la possibilité de se refaire une fortune. Aussi l'extorsion de fonds dans les provinces devenait-elle souvent une nécessité personnelle » ; P. Veyne, Y a-t-il eu un impérialisme...?, op. cit., p. 815 : «les fonctions des gouverneurs étaient annuelles par respect pour la tradition et parce que tous les membres de l'oligarchie voulaient avoir leur tour. Cette durée trop brève n'incitait guère les gouverneurs à prendre leur office au sérieux. Ils le considéraient trop souvent comme une sorte de pillage». Même ceux d'entre eux qui passaient pour des magistrats intègres et se flattaient de l'être n'étaient généralement pas moins riches à la fin qu'au début de leurs missions provinciales par exemple, Cicéron qui, en 51-50 avant J. C, géra «honnêtement» les affaires de la Cilicie en revint avec un bénéfice (estimé «légitime») de 2.200.000 sesterces, «plus de trois fois le chiffre de 600.000 sesterces qu'il donne lui-même (Parad. Stoic, 49) pour illustrer un revenu annuel qui permette une vie de luxe. Il s'agit ici de quelque chose qui touche à la structure de la société» (M. I. Finley, op. cit., p. 69). 100 Cf. supra, 2, p. 152, n. 5 : « dans les grandes familles romaines, la tradition voulait que l'on remît à ses descendants un patrimoine plus important que celui qu'on avait soimême reçu».
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étaient sévères et variées les infortunes des provinciaux - tremblements de terre, incendies, endettement, exactions des publicains, etc. 101. Ces remarques sont si obvies que nous ne nous expliquons pas pour quoi, une fois de plus, on ne les trouve préfigurées que chez F. Bücheier. A part lui, tous ceux qui, dans le passé, ont émis une opinion sur le texte étudié sont gravement dans l'erreur 102. L. Deschamps garde le quanta et le quod des manuscrits, alors qu'avec stet un complément de prix, donc quanti, est nécessaire 103 et que quoi est préférable à quod en raison du mode de subleuauerim 104. Aussi sa traduction n'est-elle de bout en bout qu'un contresens 105. Quant à F. A. Brunetti, E. Bolisani et F. Della Corte, ils rétablissent bien quanti, mais, y voyant à tort un génitif d'estimation, ils comprennent mal atque . . . stet, qu'ils rendent comme suit : - Brunetti : « e se io aggiunga in quanto onore sia la mia pietà presso i miei eredi » 106 ; - Bolisani : « e se aggiungessi quanto viva io senta la compassione per i miei eredi » 107 ;
101 Bücheier, p. 569 (433). Voir encore à ce sujet la lettre de Cicéron à Quintus (Q. Fr., 1, 1, passim). 102 Nous mettons à part F. Oehler, dont le commentaire est trop squelettique pour qu'on sache ce qu'il pensait au juste : il note seulement qu'en 178 stet équivaut à ualeat et que, partant, le quanti de Gulielmus est bon. 103 Ou, à la rigueur, quanto (mais voir Ernout-Thomas, p. 46-47). Il n'est pas rare qu'on trouve a pour i ou l'inverse dans les manuscrits de Nonius : cf. Varron, Men., 164 Buch. (dicatur pour dicitur); Nonius, p. 10, 1. 10 (uiuat pour uiuit); p. 43, 1. 11 (niti pour nati) ; p. 259, 1. 2 (rusticina pour rusticana) ; et surtout p. 505, 1. 30 (quanti pour quanta). 104 Pour la même raison, le tot de J. Vahlen (Vahlen 1, p. 63) n'est pas bon. Il est courant que les copistes de Nonius prennent t pour d ou d pour t : cf. Varron, Men., 8 Buch. (angit hac pour antidhac); 10 Buch, {redurant pour returant); 117 Buch, (adque pour atque); 157 Buch, (inquid pour inquit) ; Nonius, p. 10, 1. 2 (ad aedes pour at edes) ; p. 48, 1. 7 (laude pour laute) ; p. 186, 1. 7 (explotam pour explodam) ; F. Bertini, Errori nella tradizione manoscritta della Compendiosa doctrina, op. cit., p. 40. Avec quod, subleuauerim fait difficulté. Cf. Deschamps, p. 480 : « est-ce une attraction modale plus ou moins auto matique? Ou bien subleuauerim est-il envisagé d'une façon subjective, avec le sens de «moi qui ai voulu soulager»? On dirait en français «quand je pense que j'ai pu les aider...», à propos de gens à qui l'on est réellement venu en aide, car c'est l'éventualité d'un tel acte, le fait que la possibilité même ait pu en exister qui semblent exorbitants ! » Quot rend ces explications inutiles. 105 « Et si j'ajoutais quelle miséricorde est en moi à l'égard de mes héritiers, puisque je les ai aidés dans le malheur». 106 Brunetti, p. 686. 107 Bolisani, p. 103.
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FLAXTABVLAE 179 - Della Corte : « se aggiunga quanta pietà provo per i miei eredi » 108.
Comment, après cette bévue, auraient-ils pu discerner ce que Varron ex prime pour de bon en 178 ? Le tour, dans cet énoncé très simple, se définit par un mélange sympathique d'emphase légère ou, si on aime mieux, de chaleur, et de familiarité. La familiarité se manifeste dans mea . . . meis - on se souvient que l'accumulation des possessifs est une particularité du sermo uulgaris 109 ; le soupçon d'emphase est dans atque, d'autant que cette forme pleine est employée devant consonne no, et dans la succession de deux interrogatives indirectes en parataxe. - Addam : non pas subjonctif d'éventualité111, mais futur de l'i ndicatif annonçant un verbe principal au même temps, selon un schéma du type si hune librum leges, laetabor112. - On prendra garde à l'adnomination misericordia - miser os que nous avons essayé de conserver en français, et à la clausule (trochée-dactyle) constituée par sublèuauèrim. *
*
179. - Citation unique extraite par Nonius de « Varron I » 113. Prose m. Au prix d'une infime emendation (esse et pour esset), dont personne, espérons-nous, ne niera la validité 115, la leçon des manuscrits devient claire et s'intègre parfaitement dans le contexte que nous avons restitué 116. Encore
108 Della Corte 4, p. 185-186. 109 Cf. supra, 2, p. 234; 250; 3, p. 444; 4, p. 605; Woytek, p. 114. 110 Cf. supra, 1, p. 142; 2, p. 159; 4, p. 592, n. 247. 111 Contra Deschamps, p. 485. 112 Cf. Ernout-Thomas, p. 318. 113 Cf. Lindsay, Nonius, p. 22. 114 Pour G. Roeper, « Bacchisches Metrum» (Roeper 2, p. 279). 115 Avec esse hominem, paléographiquement plus hardi, le sens devient beaucoup trop général : cf. la traduction d'E. Bolisani (Bolisani, p. 103) : «perciò, o Marco, conviene che l'uomo sia sempre in ordine e pronto». 116 Eu égard à ce contexte, nous ne saurions admettre que Varron, en 179, dialogue avec lui-même, se dédoublant et disant «tu» à son double (cf. supra, 2, p. 210, n. 2; 219, n. 2). Contra Hirzel, p. 445-446.
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faut-il, bien sûr, entendre correctement le passage ainsi rectifié. L. Deschamps le libelle comme nous, mais l'interprète différemment. Il voudrait dire à l'en croire « c'est pourquoi, Marcus, peu importe que tu sois fin prêt en cela » 117, traduction sans doute inspirée par celle de F. Della Corte, qui, avec esse te, adopte, lui, minumo 118 et non minume : « perciò, o Marco, non occorre affatto che tu sia preparato a ciò » ng. Il serait superflu d'insister longuement sur l'invraisemblance de ces exégèses jumelles rapportées au cadre que nous avons dressé : si notre reconstruction de Flaxtabulae est exacte, Varron ne se faisait certainement enseigner nulle part dans la satire ce à quoi il ne devait pas se préparer 120. Le point de vue qu'implique notre propre traduction permet naturellement de ne pas tomber dans ce genre d'incohérence. Exposons-le en quelques mots : récapitulant par hoc les diverses questions qu'il vient de traiter, le gouverneur honnête presse ici l'écrivain, son interlocuteur, de se tracer une ligne de conduite ferme touchant ces questions, essentielles à ses yeux. La force de sa conviction et son désir de persuader sont rendus sensibles par le style de sa déclaration où, de même qu'en 178, la chaleur discrète (présence de ο devant le vocatif 121) se mêle à la familiarité prosaïque (emploi de quare 122, de la locution pransum ac paratum, de hoc et de minume). - Pransum ac paratum : sur cette expression fixée, cf. supra, 3, p. 406-407 ; 445 ; 476. Originellement, elle appartenait à la langue militaire et pransus y avait sa valeur propre 123, explicable en l'occurrence par le fait que « des soldats qui ont faim s'effondrent au combat » 124. Mais cette acception finit par n'être plus perçue et, au temps de Varron, pransus (ac) paratus correspondait pratiquement à notre « fin prêt ». - Hoc : cet accusatif de relation comparable à Y id de id gaudeo rentre, dans la catégorie des « referents », c'est-à-dire des anaphoriques ou démonstratifs « faisant référence » à ce qui précède - trait spécifique de
117 Deschamps, App., p. 47. 118 A vrai dire, nous ne distinguons pas nettement quelle fonction il assigne à ce mot. 119 Della Corte 4, p. 185. 120 Sur Marce, cf. supra, 2, p. 210 et suiv. (Bimarcus) ; 813. 121 Cf. Ernout-Thomas, p. 13. 122 Cf. Axelson, p. 48 ; 80, n. 67. 123 Cf. Aulu-Gelle, 15, 13, 5 : exercitum suum pransum paratum cohortatum eduxit foras, «il (Caton) fit sortir du camp son armée nourrie, prête, encouragée». 124 Otto, s. u. pransus, p. 286-287.
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la langue parlée 125. Notre exemple montre combien, à l'imitation du vieux latin, Varron s'en sert librement avec des adjectifs. - Minume : comme l'-w- de cette forme est phonétiquement ano mal 126, F. Sommer prétend qu'elle n'a jamais existé 127. Pourtant, force est d'admettre que Varron en a bel et bien usé. Voici par quels arguments E. Woytek l'établit 128: a) Annaeus Cornutus garantit que minume avait cours à date ancienne ; b) en 510 Buch., on a ducundi, qui n'est pas plus régulier que minume 130. Nous en déduisons que minume est un archaïsme, voire un hyper-archaïsme du sermo uulgaris m. L. Deschamps estime à juste titre que la deuxième voyelle de cet adverbe doit en réalité être étymologique : nous avons pro bablement affaire à « un superlatif bâti avec le suffixe simple (...) *-me/oajouté à la racine de minus 132 ». En ce qui concerne la signification que nous donnons à minume (« au moins, pour le moins » = saltern), cf. Celse, 2, 8 ; Columelle, Rust, 1, 6, 6 ; 5, 9, 12 ; Arb., 16, 3.
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- On prêtera attention à la clausule métrique (péon 1er - trochée : — " — hoc minüm(e) oportët) et au rythme de la phrase (spondée - deux crétiques - trochée - péon 1er - trochée).
125 Cf. Deschamps, p. 317-318; 331-332, à qui nous empruntons nos citations. 126 A. Meillet-J. Vendryès, op. cit., p. 113. 127 F. Sommer, Vergleichende Syntax der Schulsprachen, 3e éd., Leipzig, 1931, p. 106. 128 Woytek, p. 20. 129 Annaeus Cornutus, VII, p. 150 i6 K. 130 F. Sommer constate (op. cit., p. 617) que Plaute évite déjà -undus après une syllabe contenant une voyelle sourde. Cependant on relève sumundum et sumundi chez Salluste {Cat, 50, 4) et Cicéron (Verr., 3, 140). 131 Cf. Woytek, loc. cit. ; Deschamps, p. 15-16. 132 Deschamps, loc. cit. U-u- de ce mot se sera ensuite maintenu sous l'influence de minus et de maxumus. Sur la généralisation d'-i- en syllabe intérieure ouverte devant labiale, cf. supra, 2, p. 285.
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180. - Citation unique tirée par Nonius de « Varron I » 133. Prose m. Ce fragment, où se fait jour l'intérêt de Varron pour Pétymologie et les problèmes philologiques 135, visait probablement à expliquer la formation et le sens d'un terme que l'écrivain venait d'utiliser (tribunus, tributus 136 ?). Comme il est naturel en pareil cas, il n'y a dans sa comparaison interrogative que familiarité et vivacité. Cet aspect du passage tient au pronom personnel explétif tu 137, à la formule non uides 138, enfin au neutre pala et à la forme tripalles, dont nous allons reparler. A. Riese a eu tort d'insérer uites après uides : cette addition n'est pas nécessaire. Dans le texte que nous proposons, on reconnaît une anacoluthe dont les Ménippées varroniennes offrent, toujours avec non uides, deux autres exemples (d'où nous inférons que la figure en question est pour ainsi dire entraînée mécaniquement par ce genre de locution) 139. In uineis y équivaut à uineas quasdam ou bien à in uineis nonnullas, mot à mot « quelques-unes parmi les vignes » 140. Une telle tournure sollicite l'attention du lecteur par sa singularité et sa concision. - Pala : hapax, car partout ailleurs dans les lettres latines on ne rencontre que des formes du masculin palus, -i. Le pluriel neutre est ici clairement un pluriel collectif (comparer le doublet loci - loca) 141. Peutêtre faut-il y voir un rusticisme 142. - Tripalles : nous avons respecté l'orthographe des manuscrits bien que tous les autres dérivés de palus (palare, palatio, etc.) n'aient qu'un l. Pour rendre raison de cette particularité, on peut avancer, croyons-nous, que tripalles est vraisemblablement un mot de la campagne, dérivé non
133 134 135 136 137 138 139 140 141 142
Cf. Lindsay, Nonius, p. 63. Selon G. Roeper (Roeper 2, p. 279), «mètre trochaïque». Cf. Astbury, p. 76 ; supra, 1, p. 20 ; 133 ; 2, p. 223 ; 3, p. 444. Hypothèses de F. Bücheier (Bücheier, p. 569 (433)). Cf. supra, 2, p. 234 ; 250 ; 3, p. 444 ; 4, p. 585 ; 591 ; 597 ; 726 ; 770. Cf. supra, 4, p. 515. Varron, Men., 535 et 536 Buch. Cf. Woytek, p. 105 ; Deschamps, p. 434. Cf. Woytek, p. 32. Cf. Deschamps, p. 137.
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de palus mais d'un diminutif *pallus 143. Dans cette hypothèse, « la gémination, ici, serait (...) aux yeux de Varron doublement expressive, d'une part parce qu'elle révélerait une origine rurale, d'autre part parce que les diminutifs sont toujours, en eux-mêmes, expressifs » 144. Chez Varron, les thèmes en -i de la troisième déclinaison ont usuell ementun accusatif pluriel en -is (< -eis) 145. Tripalles fait, avec lateres de 474 Buch., exception à cette règle. Encore un rusticisme 146 ? - Habeant : subjonctif de discours indirect. La proposition quod . . . habeant énonce « une raison alléguée en général, mais que l'auteur ne prend pas à son compte » 147. - Remarquer la clausule métrique (dispondée) dans
tripâllës dici.
* * Sous prétexte qu'il figurait dans un livre de Varron intitulé Praetoriana selon Diomède (I, p. 372 Putsch) et que le grammairien, dans cette appellat ion, transposerait le Flaxtabulae de Nonius, F. Oehler 148 joint un septième fragment à ceux que nous avons analysés 149. Son initiative n'a eu aucun succès auprès des commentateurs plus récents. A juste titre : elle est inacceptable 150.
143 Cf. Deschamps, p. 52; 596 : «palus est (...) de la même racine que pango, *pa-gou *pa-k~. (...) De *pak-sle/o-, palus, le diminutif est *paxl-(e)le/o-, *pax°llus, paxillus. Après que >:'päxlus a donné palus et s'est ainsi éloigné de paxillus, on a pu, surtout à la campagne, éprouver le besoin de créer un autre diminutif dont le rapport avec palus fût plus évident. La différence entre palus et pallus viendrait de la variation entre l palatal et / vélaire. Et c'est sur ce pallus que les vignerons auraient créé tripallis (dans lequel la graphie -II- pour noter Ζ palatal ne s'impose plus devant -i) ». 144 Deschamps, p. 52. 145 Deschamps, p. 173. 146 La recherche phonique (rime uides... tripalles) dont L. Deschamps {ibid.) envisage la possibilité ne nous semble pas devoir être retenue. 147 Deschamps, p. 479. 148 Oehler, p. 66; 131; 133. 149 II se limiterait à deux mots : delitae litterae. 150 Cf. Brunetti, p. 823 ; R. Astbury, Varroniana, dans RhM, nouv. sér., 120, 2, 1977, p. 177.
ΓΕΡΟΝΤΟΔΙΑΑΣΚΑΛΟΣ Professeur pour vieillard
I 181 (181)
ergo turn sacra, religio, castaeque fuerunt res omnes ainsi donc, il y avait alors un sacré, une religion, et tout était pur II
182 (182)
in quibus Libyssa citrus fasciis cingit fores où des bandeaux de thuia libyque encadrent les portes
181 Nonius, p. 267, 1. 7 : CASTVM religiosum. Vergilius (...) Varrò Gerontodidascalo : « ergo . . . omnes » . 182 Nonius, p. 86, 1. 7 : CYTRVS Varrò Gerontodidascalo : «in quibus... fores», et p. 451, 1. 17 : FASCEAM pro cortice Varrò Gerontodidascalo : «in quibus... fores». Gerontodidascalo] Gerontodidascallo Ρ p. 543, l. 8 Geronthodidascalo CA DA E p. 451, l. 17 Gerontodidasculo Β Ρ2 p. 314, L 33 Geruntodidasculo F p. 261, l. 17, 543, L 8 Gerunto F p. 267, 1:9 Pontodidascalo AA p. 261, l. 7 Rontodidascalo L p. 261, l. 7 I 181 Pudicum add. F. post religiosum I ergo turn] ergo dum Gerlach I sacra] sacrae E2 Aldina Junius Mercerus (Dehler Koch (Exerc. crû., p. 25) Quicherat Müller Lindsay Deschamps I religio (relligio Bücheier Riese Brunetti)] del. Vahlen religiosae Β Ρ Oehler Koch (loc. cit.) Quicherat Müller Lindsay Deschamps religiose E F L religiosa coni. Gerlach regiose G I ergo religiosae turn sacrae Ko eh (loc. cit.) ergo turn Romae sacrae Vahlen I castaeque] casteque F L castemque G I Hexametrum Koch (loc. cit.) agnouit. Il 182 CYTRVS (in lemm.)] CITRVS DA I Libyssa] libissa AA CA DA E F p. 451 lybissa G L p. 451 Onions libia BA F L Montepess. p: 86 lybia E Paris. 7665 Paris. 7666 p. 86 I citrus (cytrus Paris. 7665) coda. p. 86 edd. : craturus H Ρ p. 451 craturi E F G Montepess. p. 451 Gerlach p. 451 cratury Bamb. H2 L Paris. 7665 Paris. 7666 p. 451 I fasciis] faciis L1 p. 451 fasces (faces F et faces H1) codd. p. 86 fasceis Bentinus Müller Onions Lindsay p. 86 I fores] frontem E H1 p. 451 fontem Ρ p. 451 forem rell. codd. p. 451 Oehler Quicherat Müller p. 451 I Septenar. troch. agnouit Meineke (p. 738). Antea, Junium secuti, senarium habebant.
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ΓΕΡΟΝΤΟΔΙΔΑΣΚΑΛΟΣ III
183 (183)
ubi graues pascantur atque alantur pauonum greges où on engraisse, nourrisse, alourdisse des troupeaux de paons IV
184 (184)
uel decem messis ubi una saepiant granaria où un seul silo renferme jusqu'à dix récoltes V
185 (185)
uineis ubi ampia cella torculum respondeat où le vaste cellier et vignobles
le
pressoir
soient proportionnés aux
183 Nonius, p. 314, 1. 17 : GRAVE multum [ualde] significare ueteres probant. Titinius (...). Nam et grauiter multum intellegitur. Caecilius (...) Accius (...) Sallustius (...) M. Tullius (...) Varrò Gerontodidascalo : «ubi... greges» (1. 34), et p. 440, 1. 12 : PASCERE et ALERE ; hoc distai auctoritate Varronis Gerontodidascalo ut sit alere sufficiendi generis curam habere, pascere natos cibo saginare : «ubi... greges». 184 Nonius, p. 47, 1. 14 : GRANARIA loca in horreis seruandis seminum granis. Varrò Gerontodidascalo : «uel... granaria». 185 Nonius, p. 47, 1. 17 : TORCVLVM (quod usu torcular dico) quod intortum laticem uitis uel oleae exprima[n]t. Varrò Gerontodidascalo : «uineis... respondeat». 183 distai (p. 440)] distant E F G L Ρ I Varronis (p. 440) edd. : Varrò codd. Il alere] alare Paris. 7666 I Post saginare, Varrò Gerontodidascalo add. G, Varrò in Geruntodidascalo add. F I ubi] uerbi BA Lp. 314 I graues] grues Keller Anderson Astbury graue Bolisani praegraues Junius I pascantur F G Ρ p. 440 edd. : pascuntur reit codd. p. 440 codd. p. 314 I atque alantur om. codd. p. 440 I atque] utque AA I alantur] aluntur AA L I pauonum] paonum AA L p. 314 et 440 I pauonum alantur atque pascantur Müller I Septenar. troch. agnouit Meineke (p. 738); antea, Junium secuti, senarium habebant. Il 184 messis Buch. Müller Onions Lindsay Della Corte Lenkeit : mensis codd. Riese Quicherat Brunetti Bolisani Astbury Deschamps menses Turnèbe Oehler I saepiant] sepiant Oehler I Septenar. troch. agnouit Meineke (p. 738); antea, Junium secuti, senarium habebant. Il 185 uitis] uitist Montepess. Il exprimât edd. : exprimant codd. Il in add. Della Corte post ubi I et add. Quicherat post cella I torculum] torculare Poenicum Scaliger (Conii, app., p. 101) I respondeat] respondeant Ed. 1476 reponant Aldina Junius Popma Laurenberg I Septenar. troch. agnouit Meineke (p. 738); antea, Junium secuti, senarium habebant.
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ΓΕΡΟΝΤΟΔΙΔΑΣΚΑΛΟΣ VI 186 (186)
quotiens priscus homo ac rusticus Romanus inter nundinum barbam radebat ? combien de fois un homme de jadis, un Romain de la campagne, se rasait-il la barbe entre deux marchés ? VII
187 (187)
nouos maritus tacitu/us taxim uxoris soluebat cingillum en silence, en douceur, de sa femme
le jeune marié dénouait la
ceinture
VIII 188 (188)
uehebatur cum uxore uehiculo semel aut bis anno, cum arceram, si non uellet, non sterneret il se faisait voiturer avec sa femme en voiture une ou deux fois l'an, sans garnir le chariot de tapis s'il ne le voulait pas
186 Nonius, p. 214, 1. 19 : NVNDINAE generis sunt feminini. Varrò (...). Masculini Lucilius (...). Varrò Gerontodidascalo : «quotiens... radebat». 187 Nonius, p. 47, 1. 20 : CINGILLVM a cingendo : quod incingulum plerumque dicitur. Varrò Gerontodidascalo : «nouos... cingillum». 188 Nonius, p. 55, 1. 3 : ARCERA plaustrum est rusticum tectum undique, quasi arca. Hoc uocabulum et aput Varronem et aput M. Tullium inuenitur. Hoc autem uehiculi genere senes et aegroti uectari soient. Varrò Gerontodidascalo : «uehebatur,.. sterneret». 186 nundinum] nundino H2 I 187 CINGILLVM] CINGVLVM CA DA I nouos] nouus Oehler Quicherat nouo' Roeper 2, p. 283-290 I maritus] maritos F1 I tacitulus corr. Mercerus : taciturus coda. Aldina junius tacitus Turnèbe (XXI, 17) Sealiger (ad Fest, s. u. cingulum) Roeper (loc. cit.) taciturnus Popma I uxoris] uxosis F1 L2 Aldina Junius uxori Wahlen 1, p. 225 I soluebat] exoluebat Vahlen (loc. cit.) soluit Koch soluet Roeper (loc. cit.) Il cingillum] cingulum E G Roeper (loc. cit.) Quicherat I Varios uersus quidam edd. instituerunt. Il 188 in add. Deschamps ante uehiculo I uehiculo del. Duentzer (Diar. litt, ant., 1848, p. 491) I semel aut] se mala aut H I in add. Ed. 1476 Aldina Mercerus Popma ante anno I arceram] marcerà H1 arcera BA macera F L I non uellet] non plueret Bentley (RhM, 33, p. 465) I si... sterneret del. Mercerus Popma.
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ΓΕΡΟΝΤΟΔΙΔΑΣΚΑΛΟΣ IX
189 (189)
non uides apud <Ennium> esse scriptum : « ter sub armis malim uitam cernere quam semel modo parere » ? tu ne vois pas qu'il est écrit chez Ennius : « j'aimerais mieux risquer trois fois ma vie sous les armes qu'enfanter une seule fois » ? X
190 (190)
sed simul manibus trahere lanam nec non simul oculis obseruare ollam pultis ne aduratur mais en même temps des mains elle filait la laine et en même temps des yeux elle surveillait la marmite de bouillie pour l'empêcher de brûler XI
191(191)
confluii mulierum tota Roma; quae noctu fieri initia solita etiam nunc pinea faxs indicai toute la Rome féminine y afflue ; la torche de pin montre aujourd'hui encore que ces mystères se déroulaient la nuit
189 Nonius, p. 261, 1. 7 : CERNERE amittere. Varrò Gerontodidascalo : «non uides... parere». 190 Nonius, p. 543, 1. 5 : AVLA uel olla, quam nos ollam dicimus. Et est capacissimum uas. Plautus (...). Varrò Gerontodidascalo : «sed... aduratur». 191 Nonius, p. 112, 1. 19 : FAXS pro face. Varrò Gerontodidascalo : «confluii... indicai». 189 non] nam Bolisani I Ennium ont. coda. Il nam add. Della Corte ante ter I malim] mali F I quam semel modo] semel quam modo coni. Porson (ad Eurip. Med., 252) I parere] parare F padre Porson (loc. cit.) Quicherat parire etiam Planck I 190 aula uel (est F) olla] aulam uel olam Della Corte I et] del. Quicherat sed codd. Il sed] se Della Corte I secundum simul del. Müller I oculis obseruare ollam] oculis ollam obseruare ollam F I 191 FAXS] FAX F H Montepess. Paris. 7665 Paris. 7666 I face] faces Quicherat facula coni. Lindsay I ante confluii, turba suppl. Vahlen (Vahlen 1, p. 80) Riese Brunetti Lenkeit coetus suppl. Müller uulgus suppl. Bücheier I confluii] confluxit Ρ Ι post confluii, quidquid suppl. Vahlen (Vahlen 2, p. 24) I mulierum] mulierem G I post mulierum, turba suppl. Quicherat I Roma] croma Ρ Romae Quicherat I lacunam post Roma coni. Müller I initia] initio Riccoboni Riese Vahlen (loc. cit.) Brunetti Müller I pinea] spinea Scaliger (Conii, app., p. 28) Riese Brunetti Müller Onions Lindsay Bolisani I faxs] fax F3 H1 Oehler Quicherat Brunetti.
ΓΕΡΟΝΤΟΔΙΔΑΣΚΑΛΟΣ
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XII 192 (192)
rapta a nescio quo mulione raptoris ramicis rumpit ravie par je ne sais quel muletier, elle crève son ravisseur XIII
193 (193)
utrum oculi mihi cecuttiunt, an ego uidi seruos in armis contra dominos ? est-ce que mes yeux voient trouble, ou est-ce que j'ai vu, oui vu, des esclaves en armes contre leurs maîtres ? XIV
194 (194)
uilico quod nunc satis uix, si putant lautum ce qui aujourd'hui est à peine suffisant pour l'intendant, on le trouvait somptueux pour soi
192 Nonius, p. 166, 1. 3 : RAMICES dicuntur pulmones uel hirnea. Plautus (...). Idem (...). Varrò (...). Lucilius (...). Varrò Gerontodidascalo : «rapta... rumpit» (1. 14). 193 Nonius, p. 86, 1. 9 : CAECVTTIVNT. Varrò Gerontodidascalo : «utrum... dominos». 194 Nonius, p. 337, 1. 15 : LAVTVM abundans competens. Varrò Gerontodidascalo : « uilico . . . lautum » . 192 RAMICES] RAMYTES H mg. L1 Lindsay Della Corte remices Montepess. Il pulmones G H2 edd. : pamones rell. codd. Il hirnea] hirenea G I a /73 ut uidet. edd. : an rell. codd. Il raptoris] rapturis codd. raptori coni. Lipsius (Ep. quaest., IV, 23) recep. Quicherat I ramicis codd. Riese Onions Deschamps : ramites Astbury ramices rell. edd. (sed ramites coni. Buch.) Il rumpit] rupit coni. Lipsius (loc. cit.) Il ea ramices rumpit raptoris Maehly (Varroniana, p. 14) I 193 Post utrum, cecuttiunt lippiunt add. F3 mg. H1 I mihi] mei F H1 Müller Onions I caecuttiunt (caecutiunt Oehler Quicherat) edd. : cecuttiunt (cecutiunt Montepess. *) codd. Il an ego] ango H1 I ego uidi seruos] ego seruos uidi Vahlen Roeper (Roeper 3, p. 81) Brunetti uidi ego seruos Roeper (loc. cit.) Il 194 Inter lautum et abundans, mundum add. DA I inter abundans et competens, aut add. F uel add. DA I Varrò] Verro Β1 L1 I ante uilici (u. infra), tune suppl. Bolisani, olim uel tune suppl. Vahlen I uilico] uillico F Quicherat uili eo L1 uilici Vahlen Riese Brunetti Bolisani Astbury uilicos Bücheier (p. 570, n.) uideo Aldina Junius I nunc Vahlen Riese Quicherat Brunetti Müller Bolisani Astbury Lenkeit Dal Santo : hanc AA BA E L Ρ Mercerus Buch, habeat F Aldina Popma habent Oehler Bücheier (loc. cit.) Della Corte Deschamps habeant coni. Gerlach Lindsay tune Havet I satist Müller Lenkeit : sat esset Havet satis codd. rell. edd. I uix sibi Havet Müller Lenkeit : si (se F) uix codd. Buch. Dal Santo sibi uix Oehler Vahlen Riese Brunetti Bolisani Astbury ciues Della Corte ciui Deschamps I uilico, quod domino satis sit, uix coni. Buch. I putabant Müller Lenkeit : putat Mercerus exputant Della Corte Deschamps putant codd. rell. edd. I post lautum, habebant suppl. Vahlen Riese Brunetti putabant suppl. Bolisani.
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ΓΕΡΟΝΤΟΔΙΔΑΣΚΑΛΟΣ XV
195 (195)
Manius Curius consul Capitolio cum dilectum haberet nee citatus in tribu ciuis respondisset, uendidit tenebronem comme le consul Manius Curius faisait une levée au Capitole, un citoyen enrôlé dans sa tribu ne répondit pas à l'appel : il vendit ce triste sire XVI
196 (196)
hoc est magnum : censorem esse ac non studere multos aerarios facere il est grand d'être censeur et de ne pas chercher à faire beaucoup d'éraires XVII
197 (197)
noctu cultro coquinari se traiecit ; nondum enim inuecti erant cultelli empestati e Bithynia
[mi]hi
il (elle) se transperça de nuit avec un couteau de cuisine ; car on n'avait pas encore importé de Bithynie ces couteaux ornés d'incrustations métalliques 195 Nonius, p. 18, 1. 24 : NEBVLONES et TENEBRIONES dicti sunt qui mendaciis et astutiis suis nebulam quamdam et tenebras obiciant aut quibus ad fugam et furta haec erant accommodata et utilia. Pomponius (...) Lucilius (...) Afranius (...) Varrò Gerontodidascalo : «Manius... tenebrionem» (p. 19, 1. 11). 196 Nonius, p. 190, 1. 33 : AERARIVM neutri est generis, ut saepe. Masculini Varrò Gerontodidascalo : «hoc... facere». 197 Nonius, p. 195, 1. 14 : CVLTER et CVLTELLVS generis sunt masculini. Varrò Gerontodidascalo : «noctu... Bithynia». 195 qui] quia F L P qui a Quicherat I fugam et furta DA edd. : fugam fugitiuis et furta BA CA F L I erant] erunt Montepess. Il utilia] uilia Paris. 7666 I Capitolio codd. Junius Mercerus Oehler Deschamps : in Capitolio mil. edd. Il dilectum] delectum Junius Oehler Quicherat Müller I haberet] haberent Eac I in tribu] a tribunis Perottus I tenebrionem edd. e lemmate : tenebronem codd. Il 196 ut] et L1 I studere] striderem L Aldina stridorem F1 I multos aerarios] aerarios multos Onions Lindsay I 197 cultellus] cultelle L1 cultelli L2 I cultro] culto G1 I coquinari] coquinario coni. Guyet Junius mg. Wackernagel I enim hi Onions Lindsay Della Corte Lenkeit Deschamps : enim mihi codd. enim illi Oehler Vahlen 1, p. 80 Roeper 2, p. 86 enim ibi Popma enim inibì Lipsius (Var. lect., II, 24) Palmer Riese Brunetti enim Buch. Quicherat Müller Bolisani Astbury I inuecti erant Bücheier Riese Buch. Brunetti Müller Bolisani Della Corte Astbury Lenkeit : inuenti
ΓΕΡΟΝΤΟΔΙΔΑΣΚΑΛΟΣ
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XVIII 198(198)
putas eo<s> non citius tricas Tellenas quam id extricaturos ? tu penses qu'ils ne débrouilleront pas plus vite des « embrouil lements de Tellène » que ce problème ?
198 Nonius, p. 8, 1. 11 : TRICAE sunt inpedimenta et inplicationes ; et intricare inpedire morari : dictae quasi tricae, quod pullos gallinaceos inuoluant et inpediant capilli pedibus inplicati. Plautus (...) Lucilius (...) Turpilius (...) Varrò Gerontodidascalo : « putas . . . extri caturos ». erant (inuenerant F1) codd. Oehler Vahlen (loc. cit.) Roeper (loc. cit.) Quicherat Lindsay Deschamps in usu Onions I empaestati Riese Brunetti Lindsay Deschamps Lenkeit : empestati codd. Aldina importati coni. Lipsius (loc. cit.) recep. Oehler Vahlen (loc. cit.) Roeper (loc. cit.) eupetasti Quicherat empaestei Müller empaestoe Onions έμπαιστοί Buch. Bolisani Della Corte Astbury ella tempestate Palmer I e] ae F1 F3 H L I Bithynia] bithia F1 bithiam E I 198 intricare] intricenare (inticenare L1) F G L2 P intrichenare ris. 76661 intricaenare Paris. 76662 I gallinaceos L1 edd. : gallinacios rell. codd. Il eos edd. : eo codd. Il non citius] concitius Bamb. Il Tellenas Turnèbe (Adu., XVII, 21) Müller Astbury : tellenas Junius mg. Mercerus Quicherat tellanas codd. Nettleship (JPh, 24, 1896, p. 225) Lindsay Atellanas Aldina Junius Oehler Riese Buch. Brunetti Onions Bolisani Marzullo Della Corte Deschamps Lenkeit I extricaturos] extrinsecaturos Della Corte.
On se souvient peut-être qu'un élève d'H. Dahlmann, P. Lenkeit, a consacré naguère un ample commentaire à la pièce dont débute ici l'examen 1. Il va de soi que nous ferons de nombreux emprunts à ce travail de grande qualité. Avec son auteur et d'autres spécialistes2, nous sommes persuadé que le corps, sinon la totalité, de Γεροντοδιδάσκαλος avait la forme d'un dialogue, forme chère à Varron et déjà souvent rencontrée dans notre étude 3. Certains critiques refusent cette façon de penser : pour eux, rien ne laisse croire que Varron, dans le texte considéré, reproduisait une discussion à deux ou à plusieurs, et le mieux est de conjecturer qu'il y mettait en scène un
1 Cf. supra, 1, p. VI. 2 Lenkeit, p. 92. Cf. Ribbeck, Poésie, p. 315 et suiv. ; Riccomagno, p. 168; Mosca, p. 71-72. 3 Cf. supra, 1, p. 19-22; 26; 39; 2, p. 207; 213; 250 et suiv.; 3, p. 299; 347; j6j> ; 432; 4, p. 503; 813.
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ΓΕΡΟΝΤΟΔΙΔΑΣΚΑΛΟΣ
orateur unique, lequel débitait un exposé continu, une sorte de diatribe4. Nous ne saurions, de toute évidence, réfuter catégoriquement la doctrine de ces contradicteurs, n'ayant pas pour cela les preuves qu'il faudrait5. Cependant, il nous semble patent que la solution à laquelle nous accordons notre préférence offre de précieux avantages : non seulement elle n'oblige pas à passer par des hypothèses en l'air pour expliquer putas de 198 et non uides de 189, mais elle donne un accent beaucoup plus naturel à 186 et 193, et permet une reconstitution raisonnable de l'ouvrage, au moins en ses grandes masses. La conversation qui, d'après nous, sert de charpente à Γεροντοδιδάσκαλος a lieu à Rome entre deux personnages aux naturels fortement tranchés : l'un de ces hommes, qu'on imaginera jeune ou, à la rigueur, d'âge mûr, marche avec son temps ; partisan du changement qu'il nomme progrès, il approuve en bloc toutes les manifestations du modernisme ; les évolutions dont son pays a été le théâtre depuis l'époque des maiores et principalement depuis le milieu du IIe siècle avant notre ère lui paraissent toutes orientées dans la bonne direction. Son compagnon ne s'entend avec lui sur rien : à l'actualité qu'il abomine et censure sans indulgence il oppose le lointain passé, qu'il pare de toutes les vertus et de toutes les grandeurs. Un tel affrontement ne nous déconcerte pas : Varron, en le présentant, nous ramène au débat de fond qui commande si souvent l'inspiration de ses Ménippées6, à l'antithèse du tune et du nunc7 ; il prend parti, avec son ardeur coutumière, dans le permanent conflit qui dresse partout les tenants de la tradition contre, les adeptes de l'innovation. Comment s'articulaient les tirades et les répliques des champions qu'il faisait ainsi jouter ? Pour résoudre cette question, il est indispensable de déterminer d'abord auquel d'entre eux appartient chacune des bribes conservées de leurs discours. Tâche délicate, qui n'aboutit pas dans tous
4 C'est l'opinion de Th. Mommsen (Mommsen, p. 610, n.), A. Riese (Riese, p. 139 et suiv.), B. P. Me Carthy (Me Carthy, p. 100), E. Bolisani (Bolisani, p. 108), et R. Astbury (Astbury, p. 130). 5 D'où l'irrésolution de F. Della Corte, qui estime impossible de choisir entre leur exégèse et la nôtre (Della Corte 1, p. 35-37). 6 Cf. en particulier Agatho, Bimarcus, Manius, Sesculixes, Sexagessis, Τάφη Μενίππου : voir Riccomagno, p. 168; B. Riposati, Sulla poesia di Varrone, dans Aevum, 15, 1941, p. 260; Knoche, p. 39; Alfonsi 2, p. 26; Della Corte 4, p. 186-187; Lenkeit, p. 6. On comparera Varron, De uita pop. Rom., 114-129 Riposati; Juvenal, 6, 287 et suiv. 7 Cf. supra, 1, p. 8; 57; 125; 2, p. 276; 4, p. 571; et, dans Γεροντοδιδάσκαλος, les fragments 181 {turn), 186 (priscus homo), 191 et 194 (nunc).
ΓΕΡΟΝΤΟΔΙΔΑΣΚΑΛΟΣ
839
les cas à des réponses indiscutables. Nous nous y appliquerons surtout dans nos analyses de détail. Pour le moment, bornons-nous à noter qu'en respectant le sage axiome de P. Lenkeit - il serait inconcevable que le moderniste louât sérieusement l'ancien temps et que le passéiste se déclarât favorable aux usages de l'heure, mais l'un et l'autre pouvait prôner iron iquement des traits qu'il condamnait en réalité - on arrive à répartir avec certitude quatorze des dix-huit fragments connus de Γεροντοδιδάσκαλος : - fragments dits par le moderniste : 182-185 8 ; - fragments dits par le passéiste : 181, 187, 188, 190-195, 197; - douteux : 186, 189, 196, 198. La loi de Lindsay apporte le moyen de compléter ce premier class ement et de fixer avec une suffisante précision la succession des thèmes dans ce que nous avons reçu de la satire. Elle indique en effet que le fragment 184 précédait les fragments 185 et 187, et que le fragment 182 était situé avant le fragment 193 9. Il s'ensuit : 1) que F. Della Corte se trompe quand il dit que, dans Γεροντοδιδάσκαλος, Varron célébrait le passé avant de critiquer le présent 10 ; 2) que les propos du passéiste et du moderniste alternaient, comme il est normal, dans le dialogue, Varron laissant probablement, en général, le dernier mot au passéiste ; 3) que, tout compte fait, il serait vain de modifier l'ordre de F. Bücheier qui, sans violer la loi de Lindsay, distribue logiquement les sujets traités, selon le schéma que voici : a) 181 : le passéiste définit la ligne de son intervention ; b) 182-185 : luxe des nouvelles demeures et aménagements « up to date » d'une riche exploitation agricole ; c) 186-187 : mœurs des cultivateurs antiques ; d) 188-192 : femmes d'autrefois et femmes d'aujourd'hui ;
8 Ces textes vont ensemble, leurs parentés métriques et syntaxiques l'attestent (ils sont tous en septénaires trochaïques et il y a corrélation entre l'ubi de 183 et l'in quibus de 182). Il est certes loisible de se figurer qu'ils étaient émis sur le mode sarcastique par le laudator temporis acti singeant les panégyristes du luxe ; mais ils rendent un son bien plus vrai si on les interprète comme nous faisons : cf. Ribbeck, Poésie, p. 315; Mosca, p. 71; Lenkeit, p. 99 ; infra, p. 854 et suiv. 9 Cf. Della Corte 1, p. 35; Della Corte 4, p. 186; Astbury, p. 131; Lenkeit, p. 5. 10 Della Corte 1, p. 36-37.
840
ΓΕΡΟΝΤΟΔΙΔΑΣΚΑΛΟΣ e) f) g) h)
193-194 : les esclaves modernes ; 195-196 : bons et mauvais magistrats ; 197 : le luxe de la vaisselle ; 198 : ? n.
Pour une fois, la méthode en vertu de laquelle F. Biicheler dispose les fragments de nos Ménippées se révèle donc payante. Mais c'est l'effet du hasard : ailleurs, en particulier dans le cas d'Eumenides, on a vu quelles aberrations elle pouvait entraîner 12. Grâce aux données qui viennent d'être assemblées, il est facile de rétablir le sens du titre Γεροντοδιδάσκαλος. Contrairement aux assertions de F. Della Corte dans sa Poesia . . . ricostituita 13, ce mot n'est pas synonyme d'oiJn^aÎ^ç, «qui apprend sur le tard». Il n'est pas à rendre non plus par « le vieux professeur » 14. Il veut dire « le professeur du ou des vieillards » 15,
11 B. Riposati (Sulla poesia..., loc. cit.) est d'avis que, dans Γεροντοδιδάσκαλος, Varron avait organisé sa matière en fonction d'une «formule antithétique», allant, au gré de sa fantaisie, d'une coutume à l'autre. R. Astbury (Astbury, p. 131) affirme, lui, que, faute de posséder « l'intrigue » de Γεροντοδιδάσκαλος, nous n'avons pas la faculté d'assigner un ordre aux vestiges subsistants de la satire. Mais il concède que quelques-uns de ces vestiges sont à grouper à cause des affinités de leurs motifs (183-185, 187-192, 193, 195 et 196). 12 Cf. Zaffagno, p. 196 : «il Buecheler (...) usava l'accorgimento di disporre primo i frammenti in versi e poi quelli in prosa. (...) È stato osservato che, seguendo il Buecheler, il lettore non ha la successione esatta dei frammenti, perché in realtà i versi si alternavano con la prosa». 13 Della Corte 1, p. 36 : « chi mai sia questo Gerontodidascalo che da il titolo a questa satira, neppure Ateneo (8, p. 336 a), il quale pure non fu digiuno di cultura menippea (p. 32 d; p. 160 e) ci sa dire, poiché usando un tale vocabolo non ci attesta che il significato etimologico : non maestro di vecchi bensi chi impara da vecchio (= όψιμαυής) ». Les informations que ces lignes nous livrent sur Athénée sont fausses : à la page 336 a du livre 8 d'Athénée, on ne relève rien qui ait une relation avec Γεροντοδιδάσκαλος ; et les observations de l'érudit italien ne cadrent pas avec ce qu'on lit plus loin (8, p. 336 d) : «'Alexis, dans le Professeur de libertinage (Άσοτοδιδασκάλω) ', dit Sotion d'Alexandrie dans son livre sur les satires de Timon ; moi-même, je n'ai pas mis la main sur cette pièce : bien que j'aie lu plus de huit cents pièces de la Comédie dite Moyenne et en aie fait des extraits, je n'ai pas découvert le Professeur de libertinage et même je ne connais personne qui ait jugé bon de le cataloguer». u Traduction d'A. Riese (Riese, p. 139-140), Β. Mosca (Mosca, p. 71), et E. Bolisani (Bolisani, p. 108). Mais l'opinion d'A. Riese est équivoque : d'après lui, γεροντοδιδάσκαλος n'implique pas exclusivement que le professeur est vieux; il annonce aussi que les leçons dudit professeur seront inefficaces, comme il arrive toujours quand on se mêle d'enseigner à des vieillards (voir plus bas). 15 Cf. Oehler, p. 133; Mommsen, p. 610, n. ; Ribbeck, Poésie, p. 315; Brunetti, p. 686; B. Riposati, Sulla poesia..., op. cit., p. 260-261; Henriksson, p. 17; 28; Lenkeit, p. 6; 87-89; 99; 101; Coffey, p. 152. On voit le rapport qui unit γεροντοδιδάσκαλος et όψιμαυής : le
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acception corroborée par plusieurs composés similaires 16 et par le seul passage de la littérature grecque où il soit employé, à savoir un paragraphe de VEuthydème de Platon. Socrate, dans ce texte, révèle qu'en dépit de son âge avancé il prend des cours de cithare et qu'amusés par cet apprent issage hors de saison ses jeunes condisciples ont surnommé leur maître commun, Connos, « le professeur pour vieillard », Γεροντοδιδάσκαλος 17. Reste à fixer qui, dans Γεροντοδιδάσκαλος, tient l'office du διδάσκαλος et auprès de quel γερών il exerce ses talents. Pour une partie de la critique, ce professeur serait Varron lui-même : Varron ne s'employait-il pas, avec un insuccès dont il avait conscience, à éduquer ses contemporains ? N'est-il pas avéré que, dans le monde corrompu qui l'entourait, on n'avait plus besoin de « maîtres des jeunes gens », mais de « maîtres des vieillards » 18 ? Cette théorie est incompatible avec notre conception de la satire : des observations qui précèdent il ressort en effet qu'à nos yeux, dans Γεροντο διδάσκαλος, c'est le γέρων, alias notre passéiste, qui partage les idées de Varron ; en revanche, le διδάσκαλος, qui ne fait qu'un avec notre « mod erniste », est, sur le plan des principes, aux antipodes de l'écrivain. Autre ment dit, si nous le comprenons bien, le titre même de la pièce renvoie aux disputeurs dont nous avons admis l'existence : voilà un argument de plus à l'appui de notre reconstitution.
γεροντοδιδάσκαλος est l'homme, d'âge indéterminé, qui se charge d'instruire des όψιμαυεΐς. Signalons que, dans son édition des Ménippées parue en 1953, F. Della Corte, tout en con tinuant de soutenir que, dans Γεροντοδιδάσκαλος, un όψιμαυής est la cible de la moquerie, renonce à l'équation γεροντοδιδάσκαλος = όψιμαυής et traduit, ainsi qu'il convient, γεροντοδιδάσκαλος par senum praeceptor (Della Corte 4, p. 41; 186; cf. Dal Santo 2, p. 268 où on retrouve, en gros, le même point de vue). 16 Cf. notamment άσωτοδιδάσκαλος, « professeur de libertinage » (cf. supra, n. 13) ; δημοδιδάσκαλος, « qui enseigne le peuple, prédicateur » (Synes., 1553 b Migne) ; δουλοδιδάσκαλος, « précepteur d'esclaves » (Phérécrate, ap. Athen., p. 262 c) ; παιδοδιδάσκαλος, « maître d'école » (Schol. Eux., Or., 1481), et χοροδιδάσκαλος, «directeur des chœurs» (Aristophane, Eccl, 809; Platon, Leg., 655 a; 812 e). Voir C. D. Buck - W. Petersen, A Reverse Index of Greek Nouns and Adjectives, Chicago, 1945, p. 358. Dans les composés qui commencent par γεροντ-, ce premier terme a régulièrement la valeur d'un complément d'objet ou de nom : cf. γερονταγωγεΐν, «guider un vieillard» (Sophocle, O.C., 348; Aristophane, Eq., 1009), dérivé de *γερονταγωγός, et γεροντοκόμος, « personne qui soigne des vieillards » (Iustiniani nouellae, VII, 1 = Corp. iur. ciuilis, 3e éd. de Mommsen, revue par Schoell et Kroll, Berlin, 1895 ; cf. γεροντοκομεΐον : Cod. lustin., 1, 3, 45, 1 = Corp. iur. ciuilis, 2e éd. de Mommsen, Berlin, 1877) ; voir Lenkeit, p. 87, n. 1. 17 Platon, Euthyd., 272 c. 18 Cf. Mommsen, p. 610, n. ; Brunetti, p. 283; Bolisani, p. 108; Astbury, p. 131.
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Avec l'enthousiasme des prosélytes, le διδάσκαλος s'efforce d'attirer à ses vues son « disciple » traditionaliste qui, tel le héros de Sexagessis, est aussi malheureux et dépaysé dans sa patrie que si on l'avait exilé sur une terre étrangère où tout le stupéfierait et le scandaliserait 19. Bien entendu, ce prêcheur perd sa peine : premièrement parce que sa cause est mauvaise et parce qu'au lieu de jouer les conseilleurs il devrait se mettre à l'école de celui qu'il tente d'endoctriner ; ensuite parce qu'il s'adresse à un vieillard, à une espèce de Strepsiade : or les Anciens jugeaient ridicule qu'on s'initiât à une science ou à un art vers la fin de sa vie20 et tenaient pour assuré qu'on était alors incapable d'acquérir même les rudiments d'une discipline que l'on n'avait jamais pratiquée jusque-là21; enfin parce que son inte rlocuteur ne saurait être sensible à ses raisons, ayant pour les mœurs de jadis un inébranlable attachement que Varron approuve. Il en résulte que, dans le contexte où il s'insère, notre substantif γεροντοδιδάσκαλος est quasiproverbial22 et teinté d'ironie23 : il raille finement l'homme qu'il désigne24, suggérant que les prétentions de cet homme sont extravagantes et con firment la dégénérescence de la société dont il se réjouit d'être membre : si cette société n'avait pas basculé dans le dérèglement, si elle ne marchait
19 Nous avons assez insisté dans nos volumes antérieurs sur cette inadaptation de Varron au présent pour ne plus en reparler ici : cf. supra, 2, p. 276 et suiv. 20 Ce jugement se rattache au dogme de Γεύκαιρία ou opportunitas, qui enjoignait d'avoir en toute chose égard aux situations et occasions. C'est aussi au nom de ce dogme qu'on blâmait les barbons amoureux : cf. supra, 2, p. 191-192; 3, p. 395; 799; 801; 805. 21 Cf. Aristophane, Nub., 129 et suiv. ; 790 ; 854 ; Théophraste, Char., 27 ; Cicéron, Fam., 9, 20, 2; Horace, Sat., 1, 10, 21 (seri studiorum, «écoliers attardés», trad. F. Villeneuve); Aulu-Gelle, 11, 7. 22 Cf. Oehler, p. 56 : « namque si uerbi causa aliquem dicimus γέροντα διδάσκειν, quum constet senes eruditu difficiles esse, commode eam locutionem usurpamus de eo qui laborem grauem ac fere inutilem suscipit». De l'opinion contraire, nous avons également, pour l'Anti quité, plus d'un document aphoristique. Les uns tournent autour du mot de Solon : «γηράσκω δ' αίεί πολλά διδασκόμενος», «je vieillis en m'instruisant toujours beaucoup»; un bon spécimen des autres est cette réflexion de Sénèque (Ep., 76, 3) : tamdiu discendum est quamdiu nescias : si prouerbio credimus, quamdiu uiuas, «il faut apprendre tant que dure l'ignorance et, si l'on en croit le proverbe, tant que dure la vie» (trad. H. Noblot). Cf. Sophocle, Ant, 711; Platon, Lach., p. 188 B; Res p., 7, p. 536 D; AmaL, 133 C; Plutarque, Solon, 2; Zenobius, 3, 4 ; Cicéron, Sen., 8, 26 ; 14, 50 ; Valère-Maxime, 8, 7, 14 ; Otto, s. u. senex, 3, p. 317; Eschyle, fr. 396 N.; Caton, Dist, 3, 1; Otto, s. u. discere, 3, p. 118. 23 Cf. Lenkeit, p. 6; 89; 99; 101; Coffey, p. 255-256, n. 29. 24 Comparer le titre à surprise de la satire sur le désir de vaincre, Deuicti, qui raille plaisamment les soi-disant vainqueurs : cf. supra, 3, p. 388.
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pas sur la tête, un personnage de cet acabit n'y serait pas professeur mais élève et apprendrait à honorer les valeurs ancestrales, dont il tâche de dégoûter son vis-à-vis ; il écouterait ce sage à cheveux blancs qu'il a le front de catéchiser, mais qui, loin de gober passivement ses palabres nocives, contre-attaque et affirme sans timidité ses propres convictions. Pour rendre la dérision plus frappante, Varron joue peut-être sur les deux acceptions du mot - « le vieux professeur (du jeune) » et « le pro fesseur du ou des vieux ». Nous avons plus haut écarté la première parce que, s'agissant de donner une traduction (et une seule), le sens de VEuthydème s'impose ; mais elle reste, dans l'absolu et au second plan, possible. De là une ambiguïté qui n'était pas pour déplaire à Varron. Quoi qu'il en soit, le choix d'un pareil terme aux connotations diverses prouve que nous avons bien affaire à une ménippée25 - personne, au demeurant, n'en a jamais douté. Autres signes convergents : les thèmes, le ton et le style (prosimetrum) des fragments subsistants de l'ouvrage. Revenons à l'identité du γέρων. Tablant sur les affinités de pensée que nous avons soulignées, beaucoup de commentateurs reconnaissent en lui Varron26. Nous ne nous rangeons pas sous leur bannière, car nous considérons avec P. Lenkeit que rien ne nous autorise à mettre un nom sur les personnages que campe la satire27. Supposons cependant que l'assimilation à laquelle nous nous refusons soit juste. A-t-on le droit d'en tirer que Varron écrivit Γεροντοδιδάσκαλος après avoir atteint la soixantaine, qui marquait pour les Romains le début de la senectus ? Certainement non, quoi qu'on en ait dit 28. Pour reprendre la judicieuse observation d'A. Riccomagno 29, même si Varron intervenait dans notre pièce, il "n'en découle pas obligatoirement qu'il était alors, pour de bon, un γέρων. Comme les écrivains trichent sur leur âge non moins que sur le reste, γέρων, dans l'hypothèse envisagée, ne devrait pas être pris automatiquement au pied de la lettre30 : pourquoi Varron, qui se définit comme un antiquus homo dans Εύρεν ή λοπάς . . . , n'aurait-il pas
25 Cf. Pline, NH, Praef., 24; Astbury, p. 61-62; supra, 1, p. XIV; 3, p. 299; 4, p. 499. 26 Cf. Vahlen 1, p. 111; Riese, p. 48; 139-140; Ribbeck, Poésie, p. 315; Mosca, p. 71; Bolisani, p. 108; B. Riposati, Sulla poesia..., op. cit., p. 261. 27 Cf. Lenkeit, p. 102. 28 Voir Mommsen, p. 610-611, n. ; Riese, p. 48; 139-140. 29 Elle vaut aussi contre la théorie selon laquelle Varron aurait composé Sexagessis à plus de soixante ans : cf. M. Salanitro, op. cit., p. 59-60. 30 Riccomagno, p. 106-107; cf. Bolisani, p. L.
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adopté dans ΓεροντοδιδάσκαΑος l'attitude que se donnera plus tard Horace quand, avant même d'avoir trente ans, il imitera dans ses Satires les vieux sages expérimentés et rendus sereins par le spectacle de la vie 31 ? Cet argument théorique se double, grâce à C. Cichorius, d'un argument de fait : dans ses Römische Studien, le savant allemand démontre que Varron rédigea Γεροντοδιδάσκαλος vers 71, donc à quarante-cinq ans environ 32. Voici comment : les couteaux ornés, cultelli empaestati, de 197 avaient sûrement été importés dans l'Urbs depuis peu quand Varron publia cet ouvrage. Il ne s'agissait pas d'une production de série des orfèvres bithyniens, mais de joyaux rares et prestigieux fabriqués pour les rois du pays. Le dernier de ces souverains, Nicomède, légua tous ses biens aux Romains. Aussi Q. Pompeius Bithynicus fit-il transférer à Rome quand il fut mort, en 73, les trésors de ses palais33. Les fameux cultelli furent naturellement du voyage. En conséquence, Γεροντοδιδάσκαλος pourrait remonter à 73 ou 72. Mais attendu que Varron, ces années-là, séjournait en Espagne, il est raison nable d'admettre que l'écrivain s'y attela seulement une fois rentré à Rome, en 71 ou peu après. Cette chronologie est accréditée par le fragment 193 : en effet, la rébellion d'esclaves évoquée dans ce passage doit être celle, illustre entre toutes, dont Spartacus fut l'instigateur et le chef (73-71). Varron participa probablement aux ultimes combats de cette affaire, car les troupes de Pompée ramenées d'Espagne y coopérèrent avec celles de Crassus et de Lucullus. Un troisième indice auquel C. Cichorius n'a pas prêté attention (et que personne n'a repéré après lui) nous semble procuré par le fragment 183. Ce texte a trait à un grand élevage de paons. Or nous savons par Pline l'Ancien34 que M. Aufidius Lurco, le premier Romain qui engraissa des troupeaux de paons, prit cette initiative vers 67 (et non en 67 comme on le prétend généralement35). Nous en concluons que Γεροντοδιδάσκαλος est une des Ménippées les plus récentes 36 et que le « maître des vieux » à qui Varron y cède la parole se tient, comme Varron lui-même, au courant des dernières nouveautés, puisqu'il fait état d'un événement vieux tout au plus de quelques mois à l'instant où il récite sa profession de foi.
31 Cf. supra, 1, p. 15, n. 3. 32 Cichorius, p. 213-214; cf. Della Corte 1, p. 37; Bolisani, p. 109; Astbury, p. 18-19; Lenkeit, p. 85-86. 33 Cf. Festus, p. 262 Müller (320 Lindsay). 34 Pline, NH, 10, 45. Cf. Varron, RR, 3, 6, 1. 35 Cf. Pline, loc. cit. : circa nouissimum piraticum bellum. 36 Cf. supra, 1, p. vni; xv-xvin.
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Ε. Bolisani, on l'a noté, accepte lui aussi le raisonnement de C. Cichorius, mais le trouve incomplet en ce qui concerne les fragments 183-185 : dans ces vers, allègue-t-il, Varron fait preuve d'une grande compétence touchant l'élevage des animaux domestiques, la conservation des moissons et la vini fication ; il est donc vraisemblable, à son sentiment, qu'ils ont été « ajoutés à une époque ultérieure », quand, retiré sur ses terres, Varron commençait à préparer son célèbre traité d'agriculture 37. Nous ne discuterons pas longue mentcette suggestion. Pour assurer qu'une œuvre a été faite en deux temps, il faut un motif solide. Or celui qu'avance E. Bolisani ne l'est pas : n'importe quel citadin, si médiocrement versé qu'il fût dans les choses de l'agriculture, aurait été capable, qualité du style mise à part, de brosser les tableaux dont le philologue italien admire la technicité. Comment croire, dans ces conditions, que Varron attendit de songer au De re rustica pour introduire ces esquisses dans les harangues de son διδάσκαλος ? En tout état de cause, qu'on se décide ou non pour la datation de C. Cichorius, il est indéniable que l'entretien de Γεροντοοιδάσκαλος était censé s'être déroulé dans la Rome du Ier siècle avant J.C. D'où il suit : 1) que cette ménippée se caractérisait tout spécialement par la « romanité » et l'originalité qui constituaient, comme nous ne cessons d'y insister, deux des propriétés les plus saillantes et les plus attachantes du corpus où elle est incluse ; 2) que F. Della Corte s'abusait quand il voulait, dans La poesia . . . ricostituita, que le héros de la pièce fût . . . Caton le Censeur 38. Assurément, il prenait soin de spécifier que ce grand Romain avait été, pour la circonstance, « ressuscité », mais cette précision ne rend pas sa conjecture plus plausible : on ne découvre nulle part le moindre témoignage portant à soupçonner que Varron, dans Γεροντοδιδάσκαλος) recourait à une de ces évocations (εκκλήσεις) qui, pour une brève période, ramenaient sur la terre « un défunt remonté du monde infernal » 39. 37 Bolisani, p. 108. Avant E. Bolisani, qu'il a peut-être influencé, A. Oltramare avait écrit (Oltramare, p. 98, n. 2) : «les fragments 183-185 me semblent contemporains des Rer. rust, libri». Remarquons en passant que les Res rusticae ne furent pas entièrement élaborées après 37, comme E. Bolisani en est persuadé. L'ouvrage fut mis en chantier dès 55 ou 54 et mené à bien en trois étapes : cf. R. Martin, Recherches sur les agronomes latins, Paris, 1971, p. 223-228 ; 233 ; J. Heurgon, Varron. Economie rurale, I, ParL, Les Belles Lettres, 1978, p. XXI-XXVI. 38 Della Corte 1, p. 36-37. F. Della Corte a sans doute changé d'idée depuis. Toujours est-il qu'il ne souffle pas mot de Caton dans son édition de 1953 (Della Corte 4, p. 186-188). 39 J.-P. Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, 1971, 1, p. 87. Cf. B. Riposati, Sulla poesia..., op. cit., p. 260-261 ; G. Funaioli, compte rendu de Della Corte 1, dans Athenaeum, 19, 1941, p. 187; Lenkeit, p. 102.
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181. - «Extra quotation». La «leading quotation» est un vers de l'Enéide que Nonius a tiré de « Virgil » 40. Hexamètres dactyliques 41 ou distique élégiaque (le deuxième vers, incomplet, peut être un pentamètre). Création originale de Varron. Comme le montre la conjonction par laquelle il débute, ce fragment ouvrait un paragraphe de conclusion, particularité qui confère une bonne vraisemblance à la deuxième branche de l'alternative que nous venons de poser - les poètes achèvent volontiers un développement ou une œuvre par un distique élégiaque42. Avec F. Bücheier et P. Lenkeit43, nous le plaçons au terme de l'exorde où le traditionaliste de la satire définissait le sujet des discours qu'il allait tenir dans le corps de l'ouvrage. Mais on est libre, évidemment, de le mettre plutôt à la fin d'un de ces discours ou de la pièce entière. Manifestement corrompu dans toute la tradition de Nonius, où il est ainsi libellé : ergo turn sacra religiosae castaeque fuerunt res omnes, il a reçu des éditeurs modernes, depuis Aldus Manutius, différentes emend ations. Il nous aurait incombé de retracer dans son déroulement historique ce long travail de réfection textuelle si P. Lenkeit ne s'en était pas chargé
40 Cf. 41 Cf. Della Corte tétramètres disposés :
Lindsay, Nonius, p. 68. Sur «Virgil», voir supra, 3, p. 457; 4, p. 601. Vahlen 1, p. 6-7; Bücheier, p. 189 (443-444); Riccomagno, p. 59; Bolisani, p. 323; 6, p. 154; Astbury, p. 89; Lenkeit, p. 8-12. Pour L. Müller, avec un autre libellé, aristophaniens (Müller 1, Ie éd., p. 146), puis septénaires anapestiques ainsi m sacrae relligiosae castaeque fuerunt res omnes
(Müller 1, 2e éd., p. 157; mais, dans cette seconde version de son traité, il se demande si, tout compte fait, le passage est bien poétique; du reste, un peu plus tôt, il l'avait transcrit en prose dans son édition du De compendiosa doctrina : Müller 2, ad /oc). M. Crain, dont L. Müller reproduit la leçon, s'était déjà, quelque trente années auparavant, prononcé lui aussi, non sans réserves, pour la scansion anapestique {Zu Varro's saturae Menippeae . . . , dans Zeitschr. f. d. Gymnasialwesen, 1866, p. 606-610). 42 Cf. Varron, Men,, 488 Buch.; Lenkeit, p. 13. Mais J. Vahlen a tort d'en déduire (Vahlen 1, p. 6-8) que toutes les satires de Varron finissaient par un distique. 43 Cf. Buch., ad loc. ; Lenkeit, p. 8.
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avant nous44. Dispensé par ses analyses très complètes d'une partie de notre tâche en la matière, nous limiterons nos considérations paléographiques au minimum indispensable pour légitimer l'énoncé qu'après beaucoup d'autres45 nous avons retenu. Notre choix nous a été dicté d'abord par la métrique, c'est-à-dire par la certitude que Varron recourt ici au rythme dactylique. Mais cette conviction ne mène pas sans détours à la lecture qui nous agrée : au siècle dernier, trois auteurs, H. A. Koch, J. Vahlen et F. Bücheier en étaient pénétrés ; des trois, seul F. Bücheier inventa une restitution qui n'offre pas de défaut majeur. H. A. Koch, à qui revient le mérite d'avoir détecté la mesure « héroïque » dans le passage, crut bon de conserver religiosae et de corriger sacra en sacrae. En conséquence, il fut contraint de bouleverser la suc cession des mots qu'on lit chez Nonius, et d'écrire : religiosae turn sacrae castaeque fuerunt res omnes 46 .
Ergo
Cette initiative trop hardie, qui fait dissocier fâcheusement les composants, ailleurs unis, du groupe ergo turn 47 et aboutit à une « mise en vers » pour le moins discutable, lui valut les justes critiques de J. Vahlen 48. Mais celui-ci ne sut pas éviter les erreurs qu'il lui reprochait : à son tour, il infligea des violences imméritées à la phrase de Nonius, substituant Rotnae à religiosae, qu'il expliqua comme une glose inspirée par le lemme, religiosum49. F. Bücheier lui en fit à bon droit grief 50 ; mais il se tint, lui, à l'écart des bévues qu'il reprenait chez autrui. Grâce à une infime retouche qui ne soulève pas d'objection - religio au lieu de religiosae, dont la syllabe parasite est due sans doute à l'influence du lemme - il régla élégamment le problème sur lequel avaient buté Koch et Vahlen. Cette réussite obtint
44 Cf. Lenkeit, p. 8-13. 45 F. Biicheler (cf. Biicheler, loc. cit.; Buch., ad loc); A. Riese (Riese, p. 141); F. A. Brun etti (Brunetti, p. 685; 824); E. Bolisani (Bolisani, p. 105); F. Della Corte (Della Corte 4, p. 39); A. Marzullo (Marzullo, p. 36); R. Astbury (Astbury, p. 89; 131-132); P. Lenkeit (Lenkeit, p. 12-13 ; 106). 46 H. A. Koch, Exercitationes . . . , op. cit., p. 25. 47 Cf. notamment Varron, Men., 488 Buch. 48 Vahlen 1, p. 7. Cf. Biicheler, loc. cit.; Astbury, p. 131; Lenkeit, p. 8-9. 49 Vahlen 1, loc. cit. 50 Biicheler, loc. cit. ; cf. Lenkeit, p. 9.
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sans tarder sa récompense, puisque la plupart des érudits approuvèrent son point de vue, auquel nous nous rangeons nous-même. L'accord, néanmoins, ne fut pas unanime et aujourd'hui encore quelques dissidents rejettent l'opinion majoritaire. Cette résistance, dont M. Crain donna le signal 51, se fonde sur la règle édictée par Varron dans les Disciplinae au sujet de l'hexamètre dactylique : dans ce type de vers, y disait-il au témoignage d'Aulu-Gelle, la césure doit être penthémimère, pour des motifs qui ressortissent à la géométrie52. Or le vers 1 de F. Bücheier, s'il est très normalement coupé après turn et religio, n'a pas de penthémimère, absence d'autant plus remarquable que, sur les trente-trois hexamètres dénombrés dans les vestiges des Ménippées varroniennes, on en compte en tout et pour tout deux, dont celui-ci53, qui dérogent à la loi des Disciplinae et qu'il s'agit, dans l'un et l'autre cas, de textes rectifiés par la critique moderne. On comprend que de pareilles constatations aient fait réfléchir. Mais s'appuyer sur elles pour refuser la formule, si heureuse, de F. Bücheier, c'est, nous semble-t-il, accorder un poids exagéré aux indications d'AuluGelle : il n'est pas certain que la doctrine des Disciplinae concernant l'hexamètre était déjà fixée dans l'esprit de Varron quand il travaillait à ses Ménippées54 ; et de plus, même si elle était alors arrêtée, rien ne garantit qu'il avait la volonté de ne jamais l'enfreindre, par exception, dans la pratique55. Quoi qu'il en soit, on observera que, dans la solution de F. Bücheier, ergo turn, res omnes et fuerunt ont la place qui leur convient le mieux, en tête de vers pour ergo turn et res omnes, en bout de vers pour fuerunt. Du texte ainsi établi56, la signification exacte n'est pas obvie. Plus précisément, il se prête à deux traductions différentes. Alors que F. Bücheier
51 Cf. supra, n. 41. 52 Aulu-Gelle, 18, 15, 2 : M. etiam Varrò in libris disciplinarum scripsit obseruasse sese in uersu hexametro quod omnino quintus semipes uerbum finirei et quod priores quinque semipedes aeque magnam uim haberent in efficiendo uersum atque alii posteriores septem, idque ipsum ratione quadam geometrica fieri disserit. Cf. Della Corte 6, p. 154; supra, 1, p. 71; 2, p. 156; 4, p. 578. 53 Le second se trouve en 122 (126 Buch.) : cf. supra, 4, p. 578. 54 Cf. Lenkeit, p. 13. Sur la date des Disciplinae, cf. Dahlmann 1, col. 1255-1256 : «... wird man nach dem Charakter des Werkes am liebsten an späte Entstehungszeit denken». 55 Nonobstant ce que déclare M. Crain (loc. cit.), nous n'avons pas assez d'exemples pour prendre catégoriquement position là-dessus. 56 L'orthographe de religio pose un petit problème sur lequel nous ne nous étendrons pas. Quelques-uns de nos prédécesseurs doublent sans nécessité 17 de ce mot. Nous ne les
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et P. Lenkeit mettent sacra et religio sur le même plan, les séparent au moyen d'une virgule, et en font les sujets d'un « il y avait » non exprimé 5y, A. Riese, F. A. Brunetti, E. Bolisani, F. Della Corte, A. Marzullo et R. Astbury prennent les deux mots ensemble, regardent sacra comme l'attribut de religio et suppléent un fuit copulatif, qu'ils tirent du fuerunt de castaeque fuerunt58. Pour trancher cette question et rallier l'un des camps en con naissance de cause, il importe de scruter les valeurs et les emplois respectifs de sacer, religio et castus. P. Lenkeit en a eu conscience et s'y est attaché avec toute la minutie désirable. Il n'est donc pas utile que nous refassions après lui l'enquête en détail : il nous suffira de reprendre ses principales conclusions, que nous jugeons pleinement démonstratives. Voici la plus importante : dans aucun texte latin il n'est parlé d'une sacra religio et jamais un Romain n'aurait eu l'idée de dire, comme on voudrait que Varron l'eût dit, « la religion est (ou était) sacrée », en se servant de l'adjectif sacer59. Sacra n'est donc pas ici le prédicat de religio et il n'existe qu'une construction acceptable de sacra religio : celle de F. Bücheier. Sacra y englobe tout ce qui revient aux puissances surnaturelles, tout ce qui dépend d'elles, tout ce qui leur est consacré, tout ce qui est étranger au domaine du profane 60 ; religio, en revanche, désigne l'attitude des hommes envers les divinités et ce qui relève d'elles ; somme toute,
avons pas suivis ; mais nous ne souscrivons pas pour cela aux vues de L. Deschamps qui, adoptant ici religiosae, l'oppose à relligiones de 36 : les relligiones, «superstitions qui ligotent l'homme» (valeur soulignée par la «gemination de la liquide liante »), contrasteraient avec religiosae et il faudrait peut-être déceler dans cette antithèse « une manifestation de l'inconscient de Varron», une comparaison de «la vraie religion, celle des ancêtres, pure, sainte», avec «les folles superstitions astreignantes (...) qui troublent les âmes et les empoisonnent». Nous n'estimons pas judicieux de chercher des sous-entendus aussi profonds dans une simple variante orthographique ; au demeurant, il n'est pas vrai que relligiones soit en 36 la bonne leçon : vérification faite, nous pouvons assurer que les manuscrits et tous les éditeurs, sauf Scaliger, Junius et L. Deschamps, donnent religiones pour ce fragment. 57 Bücheier, loc. cit.; Lenkeit, p. 10; 14-18. 58 Riese, p. 141 (cf. sa ponctuation : ergo turn sacra relligio, castaeque...); Brunetti, p. 686 («era allora adunque tenuta come cosa sacra la religione»); Bolisani, p. 104 («dunque sacra era allora considerata la religione»); Della Corte 4, p. 187 («dunque allora la religione era sacrosanta»); Marzullo, p. 36 («allora era sacra la fede»); Astbury, p. 132 («accordingly at that time religion was sacred»). 59 Quand il détermine religio, sacer est toujours au neutre pluriel. Ainsi dans les tours du genre de religio sacrorum (Cicéron, De lege agr., 2, 7, 18; Flac, 28, 69). 60 L'iepa des Grecs a le même sens : cf. S. Freud, Totem et tabou, trad. S. Jankélévitch, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1977, p. 29; J.-P. Vernant, Mythe et pensée..., op. cit., I, p. 228.
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religio évoque la conduite qu'observe l'homme pieux à l'égard des sacra61. L'adjectif castus rentre dans la même aire linguistique et, s'il a souvent des connotations d'ordre moral, reste toujours plus ou moins nettement rattaché au surnaturel, forces occultes dont le magicien cherche à capter le pouvoir, ou dieux personnifiés de la religion dont le fidèle implore la faveur et le secours. Etait à Rome qualifié de castus celui qui, n'ayant contracté aucune souillure, corporelle ou spirituelle, vivait en paix avec les dieux et les puissances invisibles auxquels tout, dans le monde, est, croyait-on, assujetti. On n'ignore pas le rôle capital que joue la pureté dans toutes les relations de l'humanité avec le surnaturel, « numineux » sans nom, sans effigie et sans histoire62, immortels individualisés, ou dieu créateur unique 63. C'est sur ce terrain que nous conduit le troisième terme de notre série. En l'appliquant aux choses, res omnes 64, Varron nous ramène du séjour des dieux sur notre planète. Les trois mots essentiels du fragment nous situent donc sur trois plans distincts, mais unis par un tissu serré de correspondances et d'inter-connexions. Sacra se rapporte aux dieux, religio aux devoirs des hommes envers les dieux, castae . . . res à la façon dont les hommes en usent avec leurs semblables et leur « environnement », dans l'obéissance au fas qui préserve de la pernicieuse impureté. Bref, dans l'espace d'un vers et demi, s'esquisse devant nous en raccourci la totalité de l'univers tel que le voyait un homo religiosus de l'époque. Comment douter que la piété qui émane de cette esquisse ne soit authentique ou, du moins, n'ait toutes les apparences de l'authenticité ? Comment y discerner avec B. Mosca65 la preuve de l'hypocrisie de Varron,
61 Cf. M. Kobbert, De uerborum religio atque religiosus usu apud Romanos quaestiones selectae, Diss. Königsberg, 1910, p. 44 et suiv. 62 Sur ce terme lancé par R. Otto, cf. J. Cazeneuve, L'ethnologie, Paris, 1967, p. 131 : «le numineux (...) correspond à un 'sentiment originaire et spécifique', dont la notion de sacré serait le résultat final. Le numineux, c'est ce qui fait qu'une chose, un être ou un événement se présente comme mystérieux et comme révélant qu'il y a 'autre chose' que le simple donné. On peut dire aussi que le numineux est ce qui se révèle comme surnaturel». 63 Voir à ce propos R. Caillois, L'homme et le sacré, 3e éd., Paris, 1972, passim (n otamment p. 37-70); J. Cazeneuve, op. cit., p. 184; 186 et suiv.; 194; R. Girard, La violence..., op. cit., p. 48; 59; 88; J.-P. Vernant, Mythe et société..., op. cit., p. 121-140. 64 D'après L. Preller (Ien. litt. Zeitung, 1847, η. 157), res aurait ici trait au commerce des hommes et des femmes. C'est clairement limiter à l'excès la portée de ce substantif : cf. Vahlen 1, p. 7. Sur la valeur de castus quand il détermine des noms d'objets inanimés («conforme aux exigences rituelles»), cf. H. Fugier, Recherches sur l'expression du sacré dans la langue latine, Strasbourg, 1963, p. 27. 65 Mosca, p. 68.
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qui aurait eu deux langages, l'un, sceptique, d'homme de science, l'autre, dévot, d'homme politique ? Varron, nous l'avons dit, ne mérite pas ce juge ment désobligeant. Que son respect du polythéisme officiel, qui le pousse à se désolidariser de ses maîtres cyniques, procède dans une large mesure de son traditionalisme, rien de plus probable66. Que sa foi dans la religion des poètes ait été plus voulue que vraiment éprouvée, on est en droit de le supposer. Mais rien n'autorise à l'accuser de duplicité quand il défend les croyances de ses pères67. Avec quelle fermeté calme il s'engage dans ce débat ! Pour toucher les esprits et forcer le chemin des cœurs, il ne s'embarrasse ni d'atténuations ni de nuances. Sa vérité, vérité de Satirique et de polémiste, non d'historien, tient en une sentence : « autrefois, tout était pour le mieux, aujourd'hui rien ne va plus ». Il sait bien que cette schématisation est simpliste, mais que lui importe, pourvu qu'elle impressionne le lecteur ? Il n'hésite donc pas, une fois de plus, à idéaliser outrageusement, mensongèrement, le passé, affirmant d'un ton sans réplique (ou faisant affirmer par son porte-parole) : turn . . . castae . . . fuerunt res omnes 68, avant de peindre ou après avoir peint le présent aussi noir qu'il montre ici l'ancien temps radieux69, en un réquisitoire qui devait rendre le même son, parodie et vulgarité exceptées, que les doléances de l'affranchi Ganymède dans le Satyricon : nemo enim caelum caelum putat, nemo ieiunium seruat, nemo Iouem pili facit (...). Itaque dii pedes lanatos habent, quia nos religiosi non sumus70. L'époque révolue qui lui inspire tant de regrets n'était pas, on s'en souvient, si lointaine 71. Il est même permis de conjecturer qu'il en vécut, dans son âge tendre, l'ultime période. Dès lors, le zèle qu'il déploie pour
66 Oltramare, p. 106. 67 Cf. supra, 1, p. 92-93; 3, p. 348-349; 4, p. 515; E. Norden, Agnostos theos, Leipzig Berlin, 1923, p. 94; 343, n. 1 ; M. Salanitro, op. cit., p. 62. 68 Cf. J. Granarolo, D'Ennius..., op. cit., p. 231. 69 Cf. supra, 3, p. 322-323. 70 Pétrone, 44, 17 et suiv. (trad. A. Ernout) : «personne ne croit plus que le ciel est le ciel, personne ne fait cas pour un sou de Jupiter. (...) Je vous le dis, les dieux ont les pieds en laine parce que nous n'avons plus la foi». Cf. également Varron, Men., 488 Buch.; Ant. diu., 18 Cardauns; Β. Cardauns, M. Terentius Varrò. Antiquitates rerum diuinarum, Wiesbaden, II, 1976, p. 148; les récriminations du vigneron de Lucrèce (2, 1170 et suiv.), qui attribue à l'impiété de sa génération la stérilité du sol qu'il cultive; Horace (Carm., 3, 5, 10-12), pour qui « la décadence contemporaine est le salaire de l'impiété, de l'indifférentisme » (J.-M. André, Le siècle d'Auguste, Paris, 1974, p. 111; voir aussi Horace, Carm., 3, 6, 1-8); et l'introduction de la sixième satire juvénalienne. 71 Cf. supra, 1, p. 29; 2, p. 154; Cicéron, Off., 2, 75.
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l'embellir se saisit mieux encore. Aux mobiles purement rationnels que nous lui connaissons, il faut unir, pour l'expliquer à fond, la nostalgie, si répandue, de l'enfance 72. Or est-il sentiment plus réfractaire à l'objectivité, à la froide logique, à la soumission aux faits ? Pour être un grand savant, Varron n'en était pas moins homme et cet homme, notre étude l'enseigne à chaque instant, se livre tout entier dans les Ménippées, avec ses con tradictions, ses conflits intérieurs, ses fantasmes ... et ses puérilités. Tournons-nous maintenant de nouveau vers les mots sacra, relìgio et castae res dont nous avons plus haut analysé le sens. Leur association suggère l'existence d'un cosmos organisé dont rien, du temps des maiores, ne perturbait l'harmonie. Une telle vision des choses se relie selon nous à la notion d'ordre qui, dans les cultures archaïques, a une fonction essentielle 73, embrasse la totalité de la création 74 et a engendré les multiples prohibitions que l'on nomme tabous75. Bien entendu, Varron et ses con citoyens éclairés ne se figuraient certainement pas, à l'inverse des « primit ifs », que toute souillure, toute atteinte à l'équilibre du monde, humain ou naturel, est contagieuse76 et déclenche automatiquement, à moins d'être expiée, des fléaux redoutables ; qu'en enfreignant les règles qui constituent
72 C'est probablement à Rome qu'il passa le plus clair de ses jeunes années (cf. Saint Augustin, CD, 4, 1 : Romae natus et educatus). Mais sa «petite patrie», le berceau de sa famille, était bien, comme nous l'apprennent Symmaque (Ep., 1, 2, 2) et Sidoine Apollinaire (Ep., 4, 3, 1), la ville de Réate (Rieti) en Sabine : cf. supra, 1, p. 3 ; R. Astbury, Varro's Birthplace, dans Latomus, 36, 1, janv.-mars 1977, p. 180-181. 73 Sur son importance dans la civilisation de la vieille Rome, cf. Cl. Nicolet, Les idées politiques..., op. cit., p. 20; 22. 74 Cf. R. Caillois, L'homme..., op. cit., p. 91; 98-99; 101; 118; 127; 145; J. Cazeneuve, op. cit., p. 142-146; 175; 217; J.-P. Vernant, Mythe et société..., op. cit., p. 109 : «les puis sances surnaturelles permettent d'intégrer l'individu humain à des groupes sociaux ayant leur règle de fonctionnement, leur hiérarchie; d'intégrer à leur tour ces groupes sociaux dans l'ordre de la nature, de rattacher enfin le cours même de la nature à un ordre sacré. Les dieux ont ainsi une fonction de régulation sociale». 75 Cf. J. Cazeneuve, op. cit., p. 142-146; 148; 183 et suiv. R. Girard exprime sous une forme différente une doctrine similaire quand il soutient que les interdits des peuples archaïques visent à empêcher la réapparition de la violence en chaîne, qui risquerait de provoquer «l'effondrement de l'ordre culturel» (La violence..., op. cit., p. 181; 208; 300; cf. infra, η. 328). S. Freud, pour sa part, interprète le tabou comme «une prohibition très ancienne, imposée du dehors (par une autorité) et dirigée contre les désirs les plus intenses de l'homme » (Totem et tabou, op. cit., p. 46; cf. p. 42-45). 76 Cf. J. Cazeneuve, op. cit., p. 184; 186 et suiv.; 194; 198; 209; R. Girard, La violence..., op. cit., p. 48 et suiv. (d'après lui, l'impureté transmissible émane toujours, en dernière analyse, de la violence meurtrière).
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le « sacré de respect » dont parle R. Caillois 77, l'homme met en péril, à la limite, jusqu'au grand Tout fabriqué par les dieux ou les ancêtres c ivil sateurs. Mais des affirmations comme celle que nous examinons font apparaître, à nos yeux, fût-ce parfois à l'état de trace, et sous une forme aussi évoluée qu'on voudra, aussi influencée qu'on voudra par l'avancement des mœurs et de la pensée religieuse 78, quelque chose de cette antique peur du retour au chaos. Nous rejoignons ainsi les réflexions auxquelles nous a mené l'échange de vêtements du fragment 133 des Eumenides79. Quelques mots, pour terminer, sur le style du passage. On est frappé, avons-nous observé, par sa calme fermeté 80. Cette impression ne vient pas uniquement de sa concision et de sa simplicité, mais des procédés auxquels Varron y recourt : sacra, religio et castaeque . . . omnes composent un trikolon à membres croissants81, dont les trois éléments principaux, sacra, religio et castae, sont à dessein groupés ; l'ellipse du verbe et l'asyndète accentuent sacra et religio ; enfin l'enjambement met en relief res omnes et la postposition fait ressortir omnes82.
77 R. Caillois, L'homme..., op. cit., p. 73; 119. 78 Dans l'optique de l'homo religiosus, l'équilibre universel fondé, maintenu et garanti par les immortels, est fonction de la pax deorum que les individus et les nations doivent à tout prix sauvegarder. 79 Cf. supra, 4, p. 622-623; M. Eliade, Le mythe de l'éternel retour, Paris, 1949, p. 201 : « chaque fois que les événements historiques accentuaient leur cadence catastrophique, les Romains croyaient que la Grande Année était sur le point de se terminer et que Rome était à la veille de l'écroulement». Voir notamment Virgile, G., 1, 466-471 (crainte d'une plongée dans la «nuit éternelle» lors du meurtre de César); Lucain, 1, 70-72; 644-645; 650-651; 666-672 (menaces que fait peser la guerre civile sur Rome et le cosmos). Précisons toutefois que la catastrophe qui angoisse Virgile a aussi des côtés positifs : c'est en quelque sorte un mal nécessaire, la condition d'une renaissance de Rome et de l'avènement d'un ordre nouveau, créé et conservé par un nouveau maître (Auguste). En quoi nous reconnaissons l'ambiguïté fondamentale qui, dans la mentalité archaïque et antique, caractérise le chaos, abîme sans lois ni règles, lieu de la mort, du néant, du vide, et en même temps matrice de la vie : cf. supra, 4, p. 502 ; 622. Pour ses sujets, Auguste, second Romulus, répète la cosmogonie et ramène le monde à ses débuts, à l'âge d'or : cf. M. Eliade, Le mythe..., op. cit., p. 202; J. Bayet, La religion romaine, Paris, 1969, p. 184. 80 Cf. Lenkeit, p. 103 («ruhige Schlussfolgerung»). 81 Cf. Lenkeit, p. 17. 82 Cf. Deschamps, p. 443-444.
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182. - A la page 86 et à la page 451, citations uniques, provenant l'une et l'autre de « Varron II » 83. Septénaire trochaïque 84. Cette scansion, que tous les éditeurs adoptent avec raison depuis qu'elle a été préconisée par A. Meineke85, oblige à refuser le frontem d'un de nos manuscrits86 et à retenir fores qu'ont proposé la plupart de nos prédécesseurs87. La métrique nous commande également de rétablir Libyssa et non Libya88. Dans la tradition de Nonius, cet adjectif n'est nulle part orthographié correctement. De là et du cytrus fautif de Paris. 7665, nous déduisons que les scribes qui copièrent les archétypes de nos manuscrits (page 451) ou ces manuscrits eux-mêmes (page 86) écrivirent ce passage sous la dictée 89. En revanche, on est libre de garder indifféremment fasceis ou fasciis, fascea étant un doublet bien attesté de fascia. Nul ne s'y est trompé : ce vers s'insérait dans un tableau, probable ment long et circonstancié, des parures qui embellissaient les riches de meures de l'époque, domus des cités ou partes urbanae 90 des uillae rustiques 83 Cf. Lindsay, Nonius, p. 21 ; 40. 84 Cf. supra, p. 839, n. 8. 85 Meineke, col. 738. 86 Avec frontem, en effet, le septième pied de notre septénaire ne serait pas pur comme il doit l'être. Pour le sens, frontem peut s'admettre, mais non sans gêne (il voudrait dire «face d'une porte», acception dérivée d'une des significations générales du mot frons, «façade d'un édifice ou d'une partie d'édifice » ; quibus, dans ce cas, renverrait aux vantaux de ladite porte, lesquels seraient agrémentés d'incrustations de bois précieux en bandes verticales ; mais, une porte ayant deux faces et ces deux faces étant nécessairement décorées dans l'hypothèse envisagée, on ne comprendrait pas alors pourquoi Varron aurait employé frontem au singulier) : cf. Lenkeit, p. 20. 87 Forem ne convient pas : au singulier, on utilisait le substantif foris pour les portes à un seul battant et c'étaient les formes du pluriel, fores, -ium, nettement plus fréquentes que celles du singulier, qui désignaient les portes à deux battants. Or les portes auxquelles songe Varron, c'est-à-dire les lourdes et majestueuses portes des grandes maisons, avaient deux battants, tous deux ouvragés : cf. Lenkeit, loc. cit. Avec fores, l'antécédent, à suppléer, de quibus est domus, uillae, ou aedes. 88 En prose, ou dans un autre type de vers, Libya serait recevable : cf. Tacite, Ann., 2, 60 : terramque Libyam, «et la terre libyque». 89 Cf. supra, 1, p. 63 ; 82 ; Lenkeit, p. 19. Nous avons déjà remarqué qu'une certaine anarchie règne chez Nonius dans le vocalisme des mots grecs latinisés : cf. scyphus (7 Buch.) ; Phrygius (131 Buch.); Dionysia (142 Buch.); Lenkeit, p. 19, n. 4. 90 On appelait ainsi, dans les grandes propriétés, la maison du maître, le « château » : cf. R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 366.
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(le fait que les fragments 183-185, où il est question d'un domaine agricole, se trouvaient, on l'a vu, dans la même section de la satire incite à supposer que nous avons plutôt affaire à une résidence campagnarde91). L'en thousiasme et la légère pédanterie que l'on y sent ne laissent aucune hésitation quant à la personnalité du discoureur qui le débite : cet homme qui use de la poésie pour agrémenter sa peinture, qui enjolive son ébauche d'un epitheton ornans (Libyssa), d'allitérations croisées et d'assonances adroitement combinées (in qui- Li- ci- ; ci- f- ci- /-), qui, par la technicité de sa description, cherche à éblouir son interlocuteur92, n'est certainement pas Varron ou son porte-parole, mais le διδάσκαλος ami du progrès qui donne son titre à la pièce. Cela dit, il n'est pas moins certain que, reproduisant les paroles de cet adversaire, Varron ne désire pas qu'elles soient prises pour argent comptant. Au contraire, il veut qu'on les accueille avec le sourire ; en d'autres termes, il les assaisonne d'une subtile ironie, en sorte qu'elles insinuent l'inverse de ce qu'elles expriment : l'idée qui s'en dégage est que les raff inements auxquels il y est fait allusion sont frivoles et dignes de mépris, non d'admiration. A ce titre, elles ont leur place parmi les multiples t émoignages qui, au nom du mos maiorum et en accord avec l'éthique cynico-stoïcienne 93, stigmatisent, chez Varron 94 et tant d'autres 95, le luxe des habitations. Sur ce thème de base s'y greffe un motif subsidiaire, lui aussi banal, qui est la critique des importations de matériaux exotiques très coûteux (Libyssa citrus) ; ces importations n'avaient pas cours à date ancienne : alors les Romains se contentaient des ressources de leur terroir96. Quand on confronte le texte ainsi élucidé avec la situation et le mode d'existence que la biographie de Varron révèle, on retombe sur une des contradictions que nous évoquions précédemment97 : en effet, Varron possédait plusieurs de ces logis somptueux auxquels il s'en prend dans notre 91 Cf. Lenkeit, p. 93. 92 Cf. Lenkeit, p. 20-21; 93. 93 Cf. le thème 35 Oltramare : « il faut fuir le luxe des habitations » et ses corollaires ; Musonius, p. 108, 7; Plutarque, De cupid., 8, 527 B; Oltramare, p. 109; Bolisani, p. 109; Astbury, p. 135. 94 Cf. supra, 1, p. 107; 2, p. 250; Varron, Men., Ταφή Μενίππου, 524-526; 531-536 Buch.; De uita pop. Rom., 4, 128 et 129 Riposati; RR, 1, 13, 6-7; R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 221. 95 Cf. par exemple Cicéron, Off., 1, 140; Sénèque, Ep., 8, 5; 16, 8; 86, 4-12; Juvénal, 11, 118-135. 96 Cf. Juvénal, 11, 117-119; Lenkeit, p. 94. 97 Cf. supra, p. 852.
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persiflage 98. On pourrait donc, cette fois, l'accuser légitimement d'hypocrisie, comme font ceux qui se scandalisent de voir un Sénèque prêcher l'ascétisme, lui qui habita des palais et buvait « le Falerne dans l'or ». Il est vrai, répétons-le, que de telles inconséquences, dont nous rencontrerons bientôt un deuxième exemple particulièrement saisissant, sont usuelles et normales en littérature autant que dans la vie, et qu'il serait naïf d'attendre d'un écrivain, fût-il philosophe, qu'il mît en pratique les principes dont il se réclame dans ses œuvres". Mais force est d'avouer qu'une leçon perd de sa vigueur persuasive quand elle n'a pas davantage d'effet sur la conduite de la personne qui l'administre, qu'on est fondé à s'interroger sur l'honnêteté de cette personne et qu'on ne saurait donner tort aux Cyniques et à Lucien, pour qui ce genre d'imposture disqualifiait la majorité des soi-disant sages qu'ils coudoyaient 10°. Sans doute est-ce, jusqu'à un certain point, pour cette raison que les moraliseurs qui, à l'instar de Varron, s'efforcèrent de perpétuer ou de ressusciter à Rome les mœurs qu'ils attribuaient aux maiores n'obtinrent que de piètres résultats 101. Mais leur échec eut d'autres causes plus fondamentales : quelles que fussent leurs « motivations » in times - conformisme immobiliste, peur du changement, fixation à l'enfance, refus du présent 102, réaction contre leurs pères et la société 103, ou contre une évolution économique dont ils étaient les victimes 104, résidu laïcisé et
98 II avait en particulier une splendide maison près de Réate : cf. Varron, RR, 3, 2, 3 ; 5 ; 6. 99 Cf. supra, 1, p. 15. 100 Cf. supra, 4, p. 550, n. 25; 570; 703. Voir également Cicéron, Tusc, 2, 4, 11-12; Juvénal, 11,56-69. 101 Cf. supra, 2, p. 283, n. 4. 102 Cf. supra, 2, p. 283-284, n. 3 ; 3, p. 360-361, n. 33; M. Tubiana, Le refus du réel, Paris, 1977, p. 51 : «le passéisme, au même titre que le futurisme, est un recours fréquem ment utilisé pour esquiver les problèmes posés par des changements rapides. Il apparaît comme le symptôme d'un essoufflement, ou même d'une angoisse devant la rapidité des évolutions. (...) Il n'est qu'une façon d'exprimer son désaccord avec le monde actuel» ; 267 : «de nombreux faits (...) montrent qu'une transformation (...) rapide suscite le regret d'une époque où tout était permanent et l'inquiétude pour l'avenir, car en un monde instable rien n'apparaît solide. Si l'homme aime le changement, il aime aussi la sécurité. L'esprit humain est angoissé par l'i nconnu et rassuré par ce qu'il connaît, les habitudes, la possibilité de prévision. (...) Biologiquement, l'homme fixe ses goûts, ses structures intellectuelles, au cours de son enfance ; un monde trop différent de celui où il a été élevé provoque crainte ou hostilité. Dans presque toutes les cultures, l'idéal est pris dans le passé et la tradition la règle d'or». 103 Cf. supra, 2, p. 277-279. 104 Ce fut le lot des petits paysans italiens ruinés par le « bond en avant de l'économie rurale » qui eut lieu après la deuxième guerre punique et se traduisit surtout par le « déve loppement du mode d'exploitation esclavagiste » que rendaient possible les conquêtes de Rome.
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rationalisé du culte primitif des ancêtres, alibi pour la galerie ... et leur propre conscience, désir intéressé d'entretenir chez leurs concitoyens, en déclarant le partager, un état d'esprit qui profitait à leur groupe socio logique 105 - ils essayaient stérilement de stopper ou d'infléchir le mouve mentde l'histoire, sans chercher ou sans arriver à forger une idéologie qui s'adaptât aux réalités du moment 106. Dans ces conditions, il est com préhensible qu'ils n'aient pas mieux réussi 107 et se soient permis de tourner plus ou moins, en privé, un code auquel ils s'affirmaient en public obstinément fidèles, mais qu'ils savaient dans leur for intérieur condamné par la marche du temps et les transformations de leur pays, transformations dont les plus influents d'entre eux étaient d'ailleurs bénéficiaires. Arrêtons là ces remarques beaucoup trop rapides et schématiques - pour traiter décemment le sujet qu'elles nous ont fait survoler, il faudrait un gros article, voire une monographie - et observons simplement, pour clore ce paragraphe, que l'opposition antérieurement relevée entre le Moi communautaire de Varron et sa secrète envie de fuir ses semblables 108 n'est qu'un des conflits dissimulés sous son apparente tranquillité de sage aux convictions inébran-
Sur ce tournant de l'histoire romaine, on consultera l'excellente thèse de R. Martin (Recherches..., op. cit., p. 85-90), où nous avons pris les formules citées ci-dessus entre guillemets. Lorsque Varron entame la rédaction de Γεροντοδιδάσκαλος, la « classe paysanne » (c'est-à-dire les agri culteurs besogneux qui, sur leurs domaines exigus, pratiquent, selon l'usage ancestral, le fairevaloir direct), cette classe, «bien que travaillant avec acharnement, (...) a du mal à subsister et dès lors, par un réflexe bien naturel, (...) a tendance à idéaliser le passé » (R. Martin, Recherches ..., op. cit., p. 271; cf. p. 17). Ainsi s'explique le passéisme qui perce dans les revendications les plus révolutionnaires des populäres romains : par exemple, les Gracques voyaient « dans la plèbe appauvrie d'anciens propriétaires»; ils se référaient à P« image idyllique d'une Rome où chacun avait sa juste part de biens et que seules les guerres successives, l'introduction du luxe, la cupidité des grands avaient fait disparaître» (Cl. Nicolet, Les idées..., op. cit., p. 52; cf. p. 59 ce qui est dit de Salluste). Sur la précarité du sort des paysans libres dans l'Antiquité, cf. M. I. Finley, L'économie..., op. cit., p. 142-143. 105 II va de soi que cette liste n'est pas exhaustive et que les raisons énumérées ne sont pas exclusives l'une de l'autre. 106 Cf. R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 17 : en face du mos maiorum «passéiste, irréaliste, et, pourrait-on dire, onirique», il n'y a pas d'« idéologie adverse clairement formulée»; supra, 2, p. 293-294 (jugement de R. Syme sur le conservatisme romain et le culte des maiores). 107 Néanmoins, par un piquant paradoxe, leur doctrine était peut-être « porteuse de plus de promesses d'avenir qu'il ne semble, s'il est vrai qu'elle se réalisera (...) dans ce 'retour à la terre' des clarissimi du IVe siècle sur lequel M. Gagé insiste à juste titre (Les classes sociales dans l'Empire romain, Paris, 1964, p. 391-395) et qui sera l'un des traits par lesquels se man ifestera l'instauration progressive du régime féodal» (R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 18). 108 Cf. supra, 3, p. 362 ; 456, n. 35 ; 4, p. 747.
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labiés et qu'il n'était nullement l'être à l'humeur unie, tout d'une pièce, sans complication ni mystère, dont les commentateurs, confondant son masque avec sa vraie figure, ont trop souvent dessiné le portrait 109. - Libyssus : cf. Catulle, 7, 3 : Libyssae arenae no ; Lucain, 8, 666 : terraeque... Libyssae111 ; Columelle, 10, 418; Silius Italicus, 8, 206; Paul Diacre, s. u. Libycus campus. Libyens est plus commun. - Citrus : le citre, ou « thuia articulé » m, passait pour être prat iquement indestructible 113. On le trouvait surtout en Maurétanie et on s'en servait principalement pour faire des tables 114, des charpentes ou des plafonds 115. Comme il poussait lentement et comme il fallait, avant de le travailler, le soumettre à divers traitements, c'était le plus cher de tous les bois 116. De même que celui qui nous occupe, les passages où il en est question stigmatisent presque toujours le luxe et exaltent en contraste la simplicité des abris qui suffisaient aux vieux Romains 117. - Fascia : selon Nonius, ce mot serait synonyme ici de cortex, « écorce », d'où la traduction de F. A. Brunetti : « in cui le imposte sono rinterzate con corteccie di libico cedro » 118. Mais il est plus satisfaisant, nous semble-t-il, de lui conserver sa valeur usuelle, savoir « bande, bandeau » 119,
109 Cf. supra, 2, p. 279-280. 110 «Les sables libyques». 111 « Et les terres libyques». 112 « Thuya articulata » Vahl ou « Callitris quadriualuis » Ventenat. Cf. Olck, s. u. citrus, dans RE, 3, 2, col. 2621; A. Ernout, Pline l'ancien, Histoire Naturelle, 13, Paris, Les Belles Lettres, 1956, p. 99; Thés. I. L, s. u. citrus, III, col. 1208. 113 Cf. Théophraste, Hist, plant, 5, 3, 7; Pline, NH, 13, 101. 114 Sur la vogue des tables de citre, qui commença dès la fin de la République, cf. Cicéron, Verr., 2, 4, 37; Pétrone, 119, 27 et suiv. ; Martial, 14, 89; Lucain, 9, 426 et suiv.; J. E. B. Mayor, Thirteen Satires..., op. cit., I, p. 150 et suiv.; Olck, op. cit., col. 2623 et suiv. 115 Cf. Caton, ap. Fest, p. 242, 1. 21 Müller (p. 282, 1. 8-9 Lindsay); Varron, RR, 3, 2, 4; Horace, Carm., 4, 1, 20; Apulée, Met., 5, 1. Dans un texte à rapprocher du nôtre, Diodore de Sicile, d'après Evhémère, indique (5, 46, 6) que les portes du temple de Panchaea étaient en or, en argent, en ivoire et en thuya. 116 Cf. Pline, NH, 13, 92; 37, 204. 117 Cf. Lenkeit, p. 23. 118 Brunetti, p. 688; cf. Palladius, 3, 17, 2; Thés. l. L., s. u. fascia, VI, 1, col. 297, 1. 83 et suiv.; Bolisani, p. 104; Della Corte 4, p. 186. L. Deschamps, on ne sait pourquoi, rend, elle, fasciis par «de ses branchages» (Deschamps, App., p. 49). 119 Cf. Lenkeit, p. 24. Autre interprétation dans le dictionnaire de C. T. Lewis et C. Short (Oxford, 1966, p. 726), dont s'inspire R. Astbury (Astbury, p. 134) : fasciae signifierait dans
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car ce n'est pas avec l'écorce, mais avec le bois de l'arbre que se con fectionnaient les placages dont on garnissait les portes. - Dans des vers célèbres, Virgile soulignera pareillement la somptuosité des portes qui fermaient les hôtels particuliers et les châteaux des riches : Virgile, Georg., 2, 461 : foribus domus alta superbis120; 463 : uarios (...) pulchra testudine postis 121. * * * 183-185. - Ces trois textes au dire de F. Bücheier 122, les deux derniers seulement pour Th. Mommsen 123 devraient être attribués à Varron ou à l'homme qui, dans la satire, présente ses idées : en antithèse avec la peinture du luxe moderne dont il nous reste le fragment 182 - et aussi, suivant Th. Mommsen, le fragment 183 - l'écrivain y évoquerait les ex ploitations rurales telles qu'il les aime et, ajoute Th. Mommsen, telles qu'elles étaient jadis. On sait déjà que nous n'acceptons pas ces exégèses. Il importe main tenant que nous expliquions pourquoi. Même quand il y est tenu compte de la lettre des passages étudiés (ayant leur verbe au présent, ceux-ci ne renvoient sûrement pas au temps des maiores comme le pense Th. Mommsen), leurs auteurs ne mettent pas assez en considération le contexte de ces passages. Dans notre ménippée, où il prend parti, en personne ou par le truchement d'un porte-parole, pour les coutumes de la vieille Rome, Varron ne pouvait approuver qu'un type d'exploitation agricole : le type archaïque, glorifié à l'envi par les chantres du mos maiorum après qu'il eut périclité, sans jamais disparaître totalement 124, à la suite de la « crise » économique
notre fragment «chambranles de portes», acception dérivée du sens premier, «bande» (fascia « refers to that portion of bark which is liable to be broken when twigs for grafting are inserted between it and the hard wood of the tree»). Cette identité fasciae = «chambranle» ne nous semble pas légitime, mais il est probable que les fasciae de Varron décoraient bien des chambranles. 120 «Les portes imposantes d'une haute demeure» (trad. E. de Saint-Denis). 121 «Des chambranles incrustés de belle écaille» (trad. E. de Saint-Denis). Cf. R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 131-134. 122 Bücheier, p. 555 (420). 123 Mommsen, p. 610, n. Cf. également L. Robinson, Marcus Terentius Varrò, Sexagesis, or Born Sixty Years too Late, dans Atti, II, p. 481. 124 Cf. Varron, RR, 1, 17, 2; J. Toutain, L'économie antique, Paris, 1927, p. 354-357; Cl. Mossé, Le travail en Grèce et à Rome, Paris, 1966, p. 65 ; R. Martin, L'histoire sociale
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du IIe siècle avant J.C. 125 ; autrement dit, il se déclarait favorable aux exploitations familiales « hésiodiques » 126, que le propriétaire cultivait luimême, aidé par deux ou trois esclaves, et où on vivait en autarcie, sans rien acheter ni rien vendre, et sans avoir la moindre notion ni de la division du travail ni de l'économie de marché. C'est à cette sorte d'existence, poétisée à plaisir, que se réfèrent, on ne l'ignore pas, les hommes de lettres qui, en Grèce et à Rome 127, célèbrent les joies et la dignité de la rusticatio, regardée comme « un idéal de vie morale et même spirituelle, dans la mesure où elle implique une soumission à l'ordre éternel du monde et, finalement, une communion avec la volonté divine » 128. Or il est manifeste que les fragments 183-185 de Γεροντοδιδάσκαλος illustrent une tout autre conception des choses de la terre : ils ne nous conduisent pas chez un petit propriétaire de l'ancienne école, mais sur un des grands domaines (cinquante à cent hectares, quinze à vingt esclaves) qui se constituèrent à partir des années 200 avant J.C. au détriment de la paysannerie traditionnelle chère aux adeptes du mos maiorum. Il saute aux yeux que les pauvres campagnards qui, vers 70, tiraient une maigre subsistance de leurs quelques arpents de terre ne possédaient pas des troupeaux de paons (183). Mais il ne tombe pas moins sous le sens qu'ils n'avaient pas non plus de vastes silos, de grandes caves à vin et de puissants pressoirs (184, 185). Th. Mommsen a donc eu tort d'imaginer que 183 d'une part, 184 et 185 de l'autre ont trait à deux catégories différentes de domaines que Varron mettait en parallèle ; les trois passages concernent sans discussion un genre unique de fundus qui, contrairement à l'opinion de F. Bücheier et de Th. Mommsen, était forcément l'objet des attaques de Varron dans Γεροντοδιδάσκαλος. du monde romain antique, dans L'histoire sociale : sources et méthodes, Paris, 1967, p. 65-66; Recherches..., op. cit., p. 343 et suiv. ; 381 et n. 6; 388; Cl. Nicolet, Rome et la conquête du monde méditerranéen, 1, Paris, 1977, p. 109; 111. 125 Cf. supra, n. 104. Ce qu'on qualifie en général de «crise» fut en réalité une mutat ion inévitable et bénéfique pour l'économie agricole de l'Italie et de l'empire. Cependant il y eut effectivement « crise » si on envisage non plus la situation globale de l'économie, mais celle de la petite paysannerie et des structures agraires traditionnelles, qui firent les frais du bouleversement et de tout ce qu'il provoqua (concurrence, écarts de rendements, etc.). Voir R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 85-90 (notamment 88, n. 1). 126 Cf. l-V.Vernant, Mythe et pensée..., op. cit., II, p. 18-29; 38-39; R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 55. 127 Outre Hésiode ... et Varron, citons Xénophon, Théophraste, Aristote et Cicéron : cf. supra, 1, p. 7; 4, p. 712; J.-P. Vernant, loc. cit.; R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 63; 67-69; 71-72; M. I. Finley, L'économie..., op. cit., p. 128; 162-163. 128 R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 71.
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Dès lors, la logique et la vraisemblance prescrivent d'attribuer ce groupe 183-185 au διδάσκαλος, non au γερών, de la satire129 et d'y découvrir, comme en 182, un éloge du modernisme et des progrès qu'il fait accomplir aux hommes. L'orateur qui prononçait cet éloge décrivait une ferme-modèle ou, plus exactement, disait comment il convenait que procédât un pro priétaire compétent (et riche) s'il souhaitait aménager sa ferme conformé ment aux lois d'une chrématistique rationnelle et des impératifs de la technique la plus récente (cet aspect normatif de l'exposé est impliqué par le mode de ses verbes 130). Bref, il imitait à sa manière le Caton du De agri cultura, dont il partageait les opinions : l'agriculture n'avait d'intérêt à son avis que si elle rapportait gros et un propriétaire n'avait droit à son estime que s'il cumulait les qualités de l'homme d'affaires et du chef d'entreprise 131. Nous sommes, on le constate, à l'opposite du mos maiorum. Dans cette partie du plaidoyer pour le temps présent qu'il prête au personnage, Varron, cela va de soi, donne autant qu'en 182 carrière à son ironie. Il y a donc lieu de la rapprocher des nombreux documents qui, dans les lettres latines, dénoncent, non sans inexactitude, les méfaits des latifundia, considérés comme la cause des guerres civiles 132, ou, à tout le moins, des difficultés qui, dès le début du IIe siècle avant notre ère, assail lirent les paysans italiens 133. Personne ne niera qu'une pareille attitude ne soit dans le droit fil de la « doctrine » des Ménippées ; mais on concédera aussi facilement qu'elle est en discordance avec ce que Varron écrit ailleurs et avec ce que nous connaissons de sa vie. Il avait en effet des praedia comparables à celui de 183-185 et ses Res rusticae montrent qu'il tâchait d'en tirer le plus d'argent possible : dans ce traité, qui s'adresse aux « riches propriétaires esclavagistes», il s'exprime en «exploitant agricole 'moderne', soucieux avant tout de méthodes rationnelles » et, par la bouche de Scrofa (1, 3, 1 ; 1, 18, 8), définit l'agriculteur comme un «technicien, qui applique une science en vue du profit maximum » 134. C'est en cela, le lecteur l'aura 129 Cf. supra, p. 839 et n. 8. 130 Le subjonctif est ici, selon nous, consécutif. Contra Lenkeit, p. 25 (il serait soit final, soit amené par le discours indirect ou l'interrogation indirecte). 131 Cf. Ph. Salomon, Essai sur les structures agraires de l'Italie Centrale au IIe siècle avant J.C., dans Recherches d'histoire économique, Paris, 1964, p. 64; Cl. Nicolet, Les idées..., op. cit., p. 24-25; R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 85-87. 132 Cf. Lucain, 1, 167-170. 133 Cf. Sénèque le Rhéteur, Controu., 5, 5 ; Sénèque, Ep., 89, 20 ; 90, 39 ; Tacite, Ann., 3, 53; Pline, Ep., 2, 44, 3. Voir R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 10-11. 134 R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 82; 160; 245 : «Scrofa inaugure véritablement la science agronomique à Rome. (...) Il estimait qu'en qualité comme en quantité les rende-
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saisi, que réside la grosse contradiction annoncée à la page 856 - con tradiction au demeurant banale : on la retrouve au cœur des Res rusticae 135 et chez plusieurs autres auteurs, singulièrement Caton, Cicéron et Salluste 136. De même que Caton, qui n'était pas en toute chose, malgré une légende longtemps admise, un fanatique du mos maiorum, tous ces écrivains étaient fidèles à la tradition sur le plan moral, hommes de progrès et novateurs sur le plan économique 137. Peut-être avec un peu d'inconfort intellectuel, mais sans déchirement visible, ils conjuguaient ainsi en eux des inconcil iables, leur catéchisme rétrograde et leur sens de l'intérêt 138. Quoi de plus humain et, mutatis mutandis, de plus ordinaire ?
183. - A la page 314, «extra quotation». La «leading quotation» est de Titinius et vient de « Gloss. I » 139. A la page 440, citation unique extraite de « Varron II » 140. Septénaire trochaïque dont la césure n'est pas après le quatrième pied, mais, comme il arrive parfois chez Plaute et Térence, après le cinquième 141.
ments avaient très nettement augmenté par rapport au temps jadis » ; 247 : Scrofa est « un savant, un technicien, on serait tenté de dire un ingénieur » ; 254 : avec lui prévaut, dans Vagricolatio, «un rationalisme froidement calculateur». 135 Cf. R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 216 (voir aussi p. 222-223; 232) : «le déséquilibre si frappant entre l'agriculture, réduite en fait à la portion congrue et les diverses sortes d'élevages, ainsi que la contradiction entre l'idéal 'vieux Romain' et 'paysan' nettement affirmé » (dans la préface du livre I surtout) « et le contenu d'un traité qui met en scène de riches propriétaires et concerne en majeure partie les aspects les plus spécialisés et les moins rustiques de l'économie rurale, font des Res rusticae un ouvrage étrange » (pour R. Martin, la proclamation traditionaliste du livre I aurait été ajoutée après coup, afin de « désamorcer les critiques des agricolae hostiles aux éleveurs» : ibid., p. 233). 136 Quand ils ne prennent pas « le masque du mos maiorum » (expression de R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 101), Cicéron et Salluste n'hésitent pas à traiter Vagricolatio d'illiberalis labor ou d'officium seruile (ils veulent alors parler, naturellement, du travail de la terre, non de sa possession : cf. Cicéron, Fin., praef. ; Salluste, Cat., 4, 1 ; R. Martin, Recherc hes..., op. cit., p. 98-99; sur Salluste, voir aussi supra, n. 104). De son côté Columelle, tout en rendant hommage au mos maiorum, sera « le théoricien de la grande exploitation » (R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 384). 137 Nous démarquons ici une formule de R. Martin (Recherches..., op. cit., p. 91, n. 1). 138 En dépit de leurs allégations, cette cupidité leur venait des maiores : cf. supra, 2, p. 151-154. 139 Cf. Lindsay, Nonius, p. 71. 140 Cf. Lindsay, Nonius, p. 19. 141 Cf. Astbury, p. 138. Cette particularité et la succession, qu'il tenait pour illogique, des verbes pascantur et alantur dans pascantur atque alantur poussèrent L. Müller à modifier
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Qu'il importe de conserver atque alantur dont les copistes, au mépris du lenirne, se sont débarrassés à la page 440 des manuscrits, de substituer ubi et pauonum aux coquilles uerbi et paonum, enfin de remplacer par le subjonctif alantur l'indicatif aluntur d'une partie de la tradition ma nuscrite 142, c'est l'évidence même. En revanche, la leçon graues pose un problème assez délicat. Certains éditeurs ont en effet jugé nécessaire de la corriger. E. Bolisani, pour accorder le libellé du fragment avec le lemme de Nonus, biffe son -s final et traduit : « dove molto s'ingrassino e si allevino sciami di pavoni » 143. O. Keller 144, suivi par W. B. Anderson 145 et R. Astbury 146, rétablit grues. Il s'appuie sur une phrase du De re rustica où Varron mentionne les greges magnos . . . gruum, pauonum de Seius 147 ; W. B. Anderson et R. Astbury notent, eux, que, nonobstant les assertions de Nonius, graues ne pouvait pas être et n'a jamais été synonyme de multi. Dans la perspective où se placent ces trois auteurs, le passage étudié comprend deux éléments en chiasme : pascantur y a pour sujet grues, alantur greges. L'une et l'autre conjecture nous semble irrecevable : la première est clairement inutile et injustifiée ; dans la seconde, il n'est fait aucun cas du lemme de Nonius qui, pour négligent et obtus qu'il ait été. n'aurait Das cité notre septénaire là où
comme suit, dans son édition de Nonius, l'ordre des mots du fragment (Müller 2, II, p. 29) : ubi graues pauonum alantur atque pascantur greges. Mais, outre qu'elle ne s'impose ni pour la métrique ni, on va le voir, pour le sens, cette manipulation contraint à dissocier indûment pauonum de greges. L. Müller en eut sans doute conscience, puisque, dans son traité de métrique (Müller 1, 2e éd., p. 538), il revient à la leçon des manuscrits et note que la césure y est après le quatrième arsis, de même que dans certains textes de Lucilius. Cf. Lenkeit, p. 26. D'après L. Dal Santo (Dal Santo 1, p. 133), octonaire ïambique. 142 Cf. les fragments 184 et 185, où on a sans conteste des subjonctifs dans des pro positions bâties, comme celle-ci, avec ubi. Si on en croit P. Lenkeit (Lenkeit, p. 25), la difficulté rencontrée par quelques scribes pour justifier le subjonctif alantur expliquerait Yutque qu'on trouve, au lieu d'atque, dans AA. Cette théorie ne tient pas, car AA donne aluntur et non alantur. 143 Bolisani, p. 104-105. La traduction de F. Della Corte (Della Corte 4, p. 186) est presque identique (seule différence : «greggi» à la place de «sciami»), bien qu'il sauve, lui, graues. 144 Ο. Keller, Zu Varros Saturae, dans Jahrb. f. Class. Philoi, 149, Fleckeisen, 1894, p. 48; Antike Tierwelt, II, Leipzig, 1913, p. 151. 145 W. B. Anderson, Some «Vexed Passages» in Latin Poetry, dans CQ, 5, 1911, p. 181. 146 Astbury, p. 136-137. 147 Varron, RR, 3, 2, 14.
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il figure dans son dictionnaire si le vers en question ne renfermait pas une forme de l'adjectif grauis 148. Voilà pourquoi nous n'avons pas touché à graues. Essayons à présent de déterminer ce qu'il signifie. Selon F. Oehler, qui accepte l'interprétation de Nonius, grauis serait à rapprocher ici de l'allemand « schwer » qu'on rencontre dans les locutions « die schwere Menge », « à foison », ou « schweres Geld », « beaucoup d'argent » 149. Graues . . . grèges équivaudrait donc à magni greges, « de grands troupeaux ». Cette hypothèse a l'avantage de la simplicité ; mais on ne saurait donner tort à W. B. Anderson et R. Astbury quand ils soutiennent que le graue multum de Nonius est mensonger 150. Cela étant, graues ne peut avoir que deux valeurs : ou bien, attribut de grèges, il rentre dans la catégorie de ces adjectifs proleptiques qui expriment non un état permanent, mais un résultat acquis 151, en l'occurrence le résultat des soins indiqués par pascantur 152, ou bien, solution moins plausible, il se rattache par hypallage à un pauones qu'on tire de pauonum grèges 153. F. Bücheier a bien fait de ranger ce fragment avant ceux qui ont trait à la culture des céréales (184) et de la vigne (185). En effet, lorsque de grands propriétaires romains pratiquaient en même temps l'agriculture et l'élevage selon la formule, relativement répandue, que présente ici le γεροντοδιδάσκαλος 154, l'élevage, beaucoup plus rémunérateur, était leur activité principale et ils ne s'adonnaient à l'agriculture que pour faire rendre à leurs domaines tout ce qu'ils étaient capables de produire 155. Le paon était une des bêtes qui leur procuraient les plus gros bénéfices depuis que sa chair était devenue pour les gourmets romains une nourriture savoureuse entre toutes 156. Cette dernière remarque montre qu'en 183 Varron fait,
148 Cf. K. Mras, dans Bursians Jahresb., 192, 1922, p. 88. 149 Oehler, p. 136. 150 Cf. également K. Mras, loc. cit. 151 Ci. supra, 2, p. 247; 3, p. 384; 4, p. 650. 152 Cf. K. Mras, loc. cit. ; Lenkeit, p. 29 ; Deschamps, p. 424-425. 153 Cf. Lenkeit, loc. cit. 154 Varron lui-même était à la fois grand éleveur (RR, 2, praef., 6) et agriculteur (RR, 1, 1, 11). 155 Cf. Cicéron, Off., 2, 25; R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 215; 222; Cl. Nicolet, Rome..., op. cit., p. 110; F. Charpin, Lucilius..., op. cit., p. 230-231. La petite paysannerie, qui se consacrait principalement à l'agriculture, n'avait que des élevages modestes et destinés à la consommation domestique : cf. R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 234. 156 Cf. Varron, RR, 3, 6, 1 ; Pline, NH, 10, 43-45 : supra, n. 34; Varron, RR, 3, 66 (Macrobe, 3, 13, 1-2) : le célèbre Q. Hortensius Hortalus fit le premier servir du paon au repas de réception qu'il donna, conformément à la coutume, après son admission dans le collège
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comme si souvent, coup double : non content de censurer les agissements intéressés des riches exploitants agricoles, il condamne indirectement le luxe de la table, sacrifiant une fois de plus à ce topos de la satire latine que nous avons déjà eu l'occasion de commenter 157. La recherche d'expressivité qui caractérise l'exposé du διδάσκαλος se traduit dans ce texte par la rime centrale pascantur - alantur 158 et par un jeu travaillé d'allitérations symétriques gr - pa- a- I a- pa- gr- 159. - Pascantur et alantur : dans l'absolu, la distinction que Nonius introduit entre ces deux verbes (alere = « élever » ; pascere = « engraisser ») n'est pas fausse ; mais A. Riese 16° nous paraît voir juste quand il écrit qu'ainsi mariés par Varron ils ont des acceptions analogues et que leur union crée un effet d'abondance, d'ubertas ; un tel trait cadre bien avec notre précé dente observation stylistique.
184. - Citation unique provenant de « Varron II » 161. Septénaire troDoit-on maintenir le mensis des manuscrits ou, après Th. Mommsen ]62, F. Bücheier et d'autres, restituer messis ? Voilà le problème textuel unique 163, mais non dénué d'importance, que pose ce fragment. des augures ; Cicéron, Fam., 9, 20, 2 : en 46 avant notre ère, ne pas offrir du paon à ses hôtes dans les banquets passait pour une effronterie; Horace, Sat., 1, 2, 115-116; 2, 2, 23 et suiv. Voir J. E. B. Mayor, Thirteen Satires..., op. cit., 1, p. 154-155; Steier, s. u. Pfau, dans RE, 19, col. 1414 et suiv.; J. André, L'alimentation..., op. cit., p. 134-136; D'Arcy Wentworth Thompson, A Glossary of Greek Birds, Londres, 1936, p. 279; Astbury, p. 137-138; Lenkeit, p. 27. 157 Cf. Lucilius, 1. 4, 5, 13, 20, 21; Horace, Sat, 2, 2, 4; 2, 2, 8; Sénèque, Ep., 24, 16; 30, 16; 60, 2-4; 66, 43; Juvenal, sat. 5 et 11; supra, 1, p. 107; 2, p. 228; 260; 4, p. 716; Oltramare, p. 109; Bolisani, p. 109; Knoche, p. 39; Astbury, p. 138; Lenkeit, p. 94. Varron dénigre ailleurs, dans le même esprit, la mode des viviers (RR, 3, 3, 9-10) : cf. supra, 4, p. 556-557; 716. 158 Cf. Woytek, Stil, p. 48-49. 159 Cf. Lenkeit, p. 26. 160 Riese, p. 70 ; cf. Lenkeit, p. 26-27. Voir Ernout - Meillet, s. u. alo, p. 36 ; s. u. pasco, p. 737. 161 Cf. Lindsay, Nonius, p. 15. 162 Mommsen, p. 610, n. 163 Menses et saepiant de Turnèbe et F. Oehler (Oehler, p. 134) ne méritent pas d'être étudiés.
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F. Bücheier légitime ainsi sa solution 164 : si on accepte decem mensis, il faut comprendre, en se référant au calendrier des paysans : « d'une récolte à l'autre ». Or cette manière de mesurer le temps n'était pas de mise et n'avait pas de sens dans les grandes fermes du genre de celle où Varron nous fait pénétrer en 184. De surcroît, dans cette hypothèse, l'énoncé du fragment n'est pas complet et il importe de suppléer, au vers suivant, un mot comme triticum, objet de saepiant. La correction messis supprime ces inconvénients et n'a rien de choquant ni d'audacieux, puisque Varron écrit dans le De re rustica (3, 2, 6) : uidit (...) nec uindemiam in cella neque in granario messim 165. Malgré la renommée de ses adeptes, cette théorie n'a pas plu à tout le monde 166. Mais un seul de ses adversaires, R. Astbury, a pris la peine de dire pourquoi elle ne le satisfaisait pas 167. Le blé, remarque-t-il, se corrompt en moins de dix ans, si bien que le decem messis de Th. Mommsen et F. Bücheier ne peut pas renvoyer à dix récoltes consécutives et désigne obligatoirement les récoltes obtenues en dix endroits différents. F. Bücheier, à qui cela n'échappait certainement pas, songeait-il aux entrepôts que C. Gracchus fit édifier à Rome pour avoir le moyen d'appliquer sa politique frumentaire ? Dans l'affirmative, il se contentait d'une « connection some what tenuous ». Si R. Astbury avait lu plus attentivement F. Bücheier, il se serait avisé que ce dernier va au-devant de son objection essentielle : de fait, F. Bücheier signale, en s'appuyant sur un texte de Varron, que le blé se garde sans dommage une cinquantaine d'années, si on prend dans ce but les précautions voulues 168. Rien n'empêche, dès lors, de rendre decem messis par « dix récoltes successives » et non, comme R. Astbury, par « les récoltes de dix terres ». Ainsi entendue, la leçon de Th. Mommsen et F. Bücheier
164 Bücheier, p. 555 (420). 165 « II ne vit pas de vendange dans le cellier, pas de récolte dans le grenier». 166 On ne sait pas de qui F. Della Corte est l'allié en ce débat : il opte pour messis (Della Corte 4, p. 39), mais traduit : « ο dove un solo granaio custodisca il raccolto per dieci mesi» (Della Corte 4, p. 186). La traduction de F. A. Brunetti est, elle, proprement aberrante. Qu'on en juge : «ο dove tengano chiusi per dieci mesi i granai» (Brunetti, p. 688). 167 Astbury, p. 138. 168 Varron, RR, 1, 57, 2 : sic conditum triticum manet uel annos L, milium uero plus annos C, « ainsi ensilé, le blé poulard reste jusqu'à cinquante ans, mais le millet dure plus de cent ans » (trad. J. Heurgon) ; cf. Pline, NH, 18, 307. R. Astbury se trompe d'ailleurs quand il pose la correspondance : dix récoltes = dix années, vu que certains champs de blé, en Campanie notamment, produisaient jusqu'à trois récoltes par an : cf. Denys d'Halicarnasse, Rom. Ant, 1, 37, 2.
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n'est pas critiquable 169. Au rebours, le decent mensis de la tradition sou lève d'embarrassantes questions : pourquoi le moderniste de la satire ferait-il l'éloge d'un grenier capable d'abriter du grain pendant dix mois ? Où serait la performance, eu égard à ce qui vient d'être mentionné sur les possibil ités de conservation du blé ? Et quel critère une pareille notation fourniraitelle pour distinguer les silos bien aménagés des autres ? Mais il y a plus : en écrivant una granaria, « un seul silo » 170, Varron désirait, pensons-nous, mettre ces mots en antithèse avec decem et le substantif qui l'accompagne. Or, si on choisit decem mensis, on détruit l'antithèse : impossible de com parer un espace, granaria, et une durée, mensis. Si, à l'inverse, on choisit decem messis, on a une excellente corrélation entre deux volumes dont l'un, granaria, est le contenant, l'autre, messis, le contenu, et le passage insiste logiquement sur l'ampleur d'un local adapté à sa fonction et aux besoins de ses utilisateurs. Joints à ceux de F. Bücheier, ces arguments nous semblent devoir emporter l'adhésion. A quelle fin les riches propriétaires romains installaient-ils sur leurs domaines ces énormes silos ? « Pour n'être jamais pris au dépourvu par les mauvaises années », eussent-ils dignement répondu. Mais, s'ils avaient été d'une franchise totale, ils auraient ajouté, estiment des commentateurs, « et aussi pour vendre à meilleur compte en période de disette » m. C'est au second mobile, inavouable mais bien réel, que Varron ferait implicitement allusion dans notre vers. Telle serait la pointe qu'il y aurait dissimulée sous la louange. Nous souscrivons à cette opinion, qu'accrédite le témoignage de Cicéron : ce dernier, dans le De domo, prend à partie les producteurs et les marchands qui, en cas de pénurie ou de crise annonaire, spéculaient sur le prix des céréales - l'Etat, de son côté, s'employait à maintenir la fixité du cours du blé, dans le but, très compréhensible, d'éviter l'agitation de la plèbe urbaine 172. Quoi qu'il en soit, on se souvient que la possession de vastes greniers remplis de grain était traditionnellement rangée au nombre
169 Paléographiquement, elle ne fait pas difficulté. Il est courant qu'on trouve η pour s ou s pour η dans les manuscrits de Nonius. Cf. par exemple Nonius, p. 64, 1. 18 : accensu pour accessit; p. 473, 1. 19 : ni pour si; p. 489, 1. 27 : nonus pour sonus; p. 552, 1. 21 : uigisti pour uiginti. 170 Moins naturelle, la construction una saepiant, «abrite ensemble», est à écarter : cf. Bücheier, loc. cit. 171 Cf. Bolisani, p. 110; Astbury, p. 138; Lenkeit, p. 94. Sur les famines dans le monde antique, cf. M. I. Finley, L'économie..., op. cit., p. 226-227. 172 Cf. Cicéron, De domo, 11; Cl. Nicolet, Rome..., op. cit., p. 170; 203. Voir égal ement infra, p. 923.
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des signes extérieurs de Yauaritia, cible favorite de Varron et de nombreux autres auteurs 173. Par exemple, quand il passe en revue, dans VOde 1, 1, les divers modes de vie (βίοι) que les hommes embrassent d'après leurs goûts, Horace dit du cupide : il est heureux « s'il enferme dans ses propres greniers tout le grain balayé sur les aires libyques » m et Sénèque, dénonçant les méfaits de l'avidité, s'exclame : « qu'importe ce que tel homme compte d'or dans son coffre, de blé dans ses granges, de bétail dans ses pacages (...), s'il convoite le bien d'autrui ? » 175. L'affectation que nous avons relevée en 182 et 183 n'est pas absente de ce fragment. On l'y sent dans le verbe imagé saepiant et dans l'organisa tion de l'énoncé : conjonction uhi transposée après uel decent messis, qui est par là mis en relief, et hyperbate d'una . . . granaria 176. - Vel est susceptible de recevoir deux acceptions : 1) « ou bien » ; 2) « même, jusqu'à ». La seconde s'accorde mieux avec l'ordre des mots et confère au texte un sens plus riche 177. - Messis : sur cet accusatif pluriel en -is, cf. supra, 4, p. 523-524 ; Woytek, p. 37. - Granaria : ce pluriel 178, dû au fait que les silos romains étaient divisés en compartiments, est ici traité comme un nom sans singulier. D'où l'emploi d'una, indispensable pour la clarté, s'agissant d'un seul bâtiment : cf. Ernout-Th ornas, p. 151 ; Woytek, p. 46. - La diphtongue -ae- de saepiant - à la campagne on disait sepiant a inspiré à L. Deschamps un commentaire que nous ne citons qu'en note, car nous le trouvons irrecevable 179. Nous nous bornerons à souligner quant à nous qu'il serait étrange que le « progressiste » qui parle en 184 imitât la prononciation rustique. 173 Cf. supra, 1, p. 15-16; 28; 77; 79-80; 98-99; 106; 121; 124; 125; 2, p. 146; 149, n. 3; 151-154; 164; 174; 4, p. 569; 575; 724. 174 Horace, Carm., 1, 1, 9-10 (trad. F. Villeneuve). 175 Sénèque, Ep., 2, 6 (trad. H. Noblot). 176 Sur ces procédés, cf. supra, 3, p. 434; 4, p. 521; 619; 718; 746. 177 Cf. le uel de la phrase citée à la n. 168. 178 Cf. Ernout-Meillet, s. u. granum, p. 432. 179 Deschamps, p. 27 : «Varron 'écrit' saepio en Γερ. 185» (notre 184). «La satire semble évoquer la campagne à l'âge d'or. Cette forme, entre autres détails, prouve-t-elle qu'il s'agit d'une évocation littéraire ? Il se pourrait que l'auteur reproduisît ici des modèles orphiques ou pythagoriciens» (!) «dont on» percevrait «un écho aussi chez Virgile, ou chez Tibulle. Mais on n'a pas le vrai parler de la campagne avec son 'accent', cette campagne où les réalités sont moins poétiques et plus dures! Est-ce ironique de la part de Varron?».
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185. - Citation unique prise par Nonius dans « Varron II » 180. Sep ténaire trochaïque. F. Della Corte glisse un in après les deux premiers mots de ce fra gment qu'il interprète ainsi : « dove nell'ampia cantina il torchio sia rispon dente al prodotto delle vigne » 181. P. Lenkeit qualifie cette addition d'« inut ile » (« unnötige ») 182. Il faut aller plus loin : elle est indéfendable. Il suffit en effet de se livrer à une rapide enquête sur les mots cella et torculum pour acquérir la certitude que cella ne peut pas être ici un ablatif -locatif 183 : dans les fermes romaines, le torculum, pressoir à vin ou à huile (à vin dans notre cas, uineis l'atteste), avait son logement propre, le torcularium, qui jamais ne se confondait avec une cella 184. Dans le torcularium étaient souvent montés deux pressoirs ou davantage. Les cellae, qui, d'habitude, le jouxtaient 185, n'étaient pas autre chose que des magasins qui abritaient « des denrées ou des objets quelconques » 186. A ces resserres on assignait en général des usages précis : ainsi, la « vaste cella » de notre texte est une cella uinaria, un cellier occupé tout entier par des tonneaux et des amphores vinaires 187.
180 Cf. Lindsay, Nonius, p. 15. 181 Della Corte 4, p. 39 et 86. Les autres emendations, proposées par les plus anciens éditeurs (respondeant et reponant), ne sont pas dignes qu'on les discute. 182 Lenkeit, p. 33. 183 Contra (outre F. Della Corte) P. Lenkeit (loc. cit.) qui, tout en refusant in, croit cette construction acceptable - de fait, elle l'est, grammaticalement : cf. Ernout - Thomas, p. 84 -, et L. Deschamps (Deschamps, p. 368. Mais elle traduit curieusement, à la p. 49 de son Appendice : «là où, avec un ample cellier, le pressoir réponde aux vignes»). Selon R. Astbury (Astbury, p. 124), l'ablatif-locatif serait uineis et respondeat aurait pour complément ampia cella («in the vineyards where the wine-press matches the full cellar»). Mais respondere se construit avec le datif, non avec l'ablatif! 184 Cette spécialisation des locaux avait spécialement pour objet de préserver la cella des mauvaises odeurs qu'exhalait le pressoir. Sur (uas) torculum, torcularium, torcular, leurs rapports et leur évolution sémantique, cf. Hörle, s. u. torcular, dans RE, 2e sér., VI, A 2, col. 1727-1728. 185 Id., ibid., col. 1741. 186 E. Saglio, s. u. cella, dans DA, I-II, p. 988. 187 Id., ibid.
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Cela posé, que ferons-nous d'ampia cella ? Un ablatif-instrumental ? C'est la formule préconisée par P. Lenkeit 188, dont voici en substance l'argumentation : « le pressoir est proportionné au vignoble parce que la cella uinaria peut recevoir tout le moût qu'il permet d'extraire ». Mais on avouera que ce raisonnement est bien alambiqué et que son ablatifinstrumental ne manque pas de maladresse. Aussi aimons-nous mieux, à la suite de L. Müller189, de W. M. Lindsay190, de F. A. Brunetti191, et d'E. Bolisani 192, tenir ampia cella pour le premier sujet de respondeat, ce verbe s'accordant avec le deuxième, torculum. En somme, nous voyons dans ampia cella torculum une asyndète. Cependant, quelle que soit l'exégèse retenue sur ce point, il est sûr que cella et torculum représentent l'e nsemble des salles consacrées, dans la pars fructuaria 193 du domaine décrit par le moderniste, à la fabrication et à l'emmagasinement du vin. Les dimensions imposantes de cet équipement - dimensions que Varron indique (ampia) 194 ou laisse deviner (uineis . . . respondeat) - n'étonnent pas : nous comprendrions mal que la cella uinaria et le pressoir à vin de la riche propriété ici dépeinte ne fussent pas à l'échelle du silo de 184, c'est-à-dire prévus grands et « fonctionnels », dans la perspective d'un ren dement maximal et d'une utilisation intensive. Nous le comprendrions d'autant moins que la culture de la vigne était, dit-on, plus rentable que celle du blé dans l'Italie du Ier siècle avant notre ère 195. Or il va de soi, selon nous, qu'inséparable du précédent le fragment 185 satirise pareillement, en filigrane, Yauri fames qui a fini par gâter même le plus beau métier du monde et les « améliorations » techniques dont elle a été le moteur 196
188 Lenkeit, p. 33 (pourtant, à la p. 34, il traduit comme si ampia cella était à ses yeux un ablatif-locatif : «wo in einer geräumigen cella uinaria die Kelter den Weinbergen entspricht»). 189 Müller 2, I, p. 64. 190 Lindsay, ad loc. 191 Brunetti, p. 688. Mais sa traduction, à lui aussi, renferme une anomalie : « dove la vasta cantina ed il torchio rispondono all'ampiezza della villa » (c'est, bien entendu, nous qui soulignons). 192 Bolisani, p. 104. 193 La pars fructuaria d'une ferme romaine groupait tous ses locaux d'exploitation : cf. Columelle, 1, 6, 9-20; R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 119. 194 Cet adjectif n'est évidemment pas l'epitheton ornans qu'y voit A. Riese (Riese, p. 62). 195 Cf. R. Scalais, Horace et la situation économique de son temps, dans LEC, 3, 1935, p. 121-129; R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 119. 196 Sur cette antinomie du progès technique et de la morale, cf. supra, 1, p. 5.
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(toutefois nous ne croyons pas qu'on doive aligner strictement les deux textes l'un sur l'autre : rien n'autorise à conjecturer que le vin de 185 était objet de spéculation comme le blé de 184). - Les vignerons romains commençaient par fouler le raisin avec les pieds. Le jus qu'ils exprimaient de cette manière donnait le meilleur vin. Ils ne versaient qu'ensuite dans le pressoir, pour parachever l'opération, les fruits en partie vidés de leur suc par ce traitement initial 197. - Sous l'angle de la stylistique, on notera la rime interne d'ampia cella (cf. pascantur - alantur de 183) et la postposition d'ubi, qui a ici même office et même effet qu'en 184.
186. - « Extra quotation ». La « leading quotation » est de Lucilius et a été tirée par Nonius de « Lucilius II » 198. Texte sûr. Prose (?) 199. Selon F. Oehler200 et F. A. Brunetti201, ce fragment aurait trait à une superstition sur laquelle nous sommes renseignés par une phrase de Pline l'Ancien : ungues resecari nundinis Romanis tacenti atque a digito indice multorum persuasione religiosum est202. Leur conjecture n'a pas eu de succès et ne mérite pas d'en avoir : non seulement elle est coupée du sujet de la satire, mais elle ne respecte pas l'information de Pline : celui-ci parle de nundinae, non d'internundinum, d'ongles, non de barbes203.
197 Cf. A. Jardé, s. u. torcular, dans DA, V, p. 361-362; Hörle, op. cit., col. 1728. 198 Cf. Lindsay, Nonius, p. 63. 199 Contra Vahlen 1, p. 80 ; Roeper 2, p. 286-287 : octonaires ïambiques. Sur le plan de la métrique, cette hypothèse est correcte. Mais nous croyons, comme R. Astbury (Astbury, p. 133-134), que l'accent prosaïque du passage plaide contre elle. Voir aussi Lenkeit, p. 37. 200 Oehler, p. 135. 201 Brunetti, p. 823. 202 Pline, NH, 28, 28 (texte et trad. A. Ernout) : « se couper les ongles au temps des Nones romaines, quand la lune est invisible et en commençant par l'index, est considéré généralement comme étant d'un mauvais présage». Cf. Pétrone, 104, 5 : «il n'est permis à aucun mortel de se couper ni ongles ni cheveux à bord d'un navire, sauf quand le vent est en fureur contre la mer » (trad. A. Ernout). 203 Cf. Astbury, p. 132; Lenkeit, p. 37.
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E. Bolisani rappelle que les premiers barbiers apparurent à Rome, venant de Sicile, l'année 454 de l'Urbs (300 avant J,C.) 204. Antérieurement, les maiores laissaient pousser librement leur barbe, de même que les Grecs jusqu'à la période macédonienne205 - à preuve, entre autres témoignages, l'emploi fréquent d'intonsus pour caractériser les Romains à l'ancienne mode206. En conséquence, pour E. Bolisani, Varron, dans notre passage, flétrirait « la coutume répandue à son époque parmi les paysans de venir en ville les jours de marché pour faire leur toilette, chose que le priscus homo ac rusticus ignorait complètement » 207. Plus proche de la vérité que celle de F. Oehler et de F. A. Brunetti, cette théorie ne peut néanmoins être retenue. Trompé sans doute par F. A. Brunetti208, E. Bolisani commet un gros faux-sens sur inter nundinum, qu'il traduit par « durante il mercato », tandis qu'il faut comprendre : « dans l'intervalle de temps qui séparait deux marchés, pendant les jours ou vrables » 209. D'autre part, il sollicite indûment la chronologie, d'où il infère à tort que nos prisci hommes sont les Romains d'avant 300, qui ne se rasaient absolument pas. Enfin et surtout, il prête au fragment un sens invraisemblable : Varron n'était pas homme à trouver scandaleux un rasage et une « toilette » hebdomadaires ! Son rigorisme n'atteignait pas à l'extr avagance 210 et il aurait été mal venu, traditionaliste comme il l'était, de déclarer choquant qu'un campagnard passât tous les neuf jours quelques heures à la ville, puisque cette coutume remontait aux origines de Rome211. Une fois éliminée l'erreur sur nundinum, si on se remémore que l'ère des maiores se prolongea pour Varron bien au-delà de 300 212, on arrive, avec P. Lenkeit, à une interprétation très pertinente213. Varron a ici en
p. 669.
204 Cf. Varron, RR, 2, 11, 10; Pline, NH, 7, 59; E. Saglio, s. u. barba, dans DA, I, 1,
205 Cf. E. Saglio, s. u. barba, op. cit., p. 667 ; 669. 206 Cf. Horace, Carm., 2, 11, 15; Tibulle, 2, 1, 34; Ovide, F., 6, 264; Pline, loc. cit.; E. Saglio, s. u. barba, op. cit., p. 669. 207 Bolisani, p. 109. 208 Cf. Brunetti, loc. cit. : «mentre durava il mercato». 209 Cf. Lucilius, 637 Marx; Varron, Men., 528 Buch.; M. Besnier, s. u. nundinae, dans DA, 4, 1, p. 120; Lenkeit, p. 37. 210 Cf. supra, 4, p. 497. 211 Cf. M. Besnier, loc. cit. : les nundinae furent « établies par Romulus, ou Servius Tullius, ou les premiers consuls». 212 Ci. supra, 1, p. 29; 2, p. 154. 213 Lenkeit, p. 37.
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vue les années qui s'écoulèrent entre le début du IIIe siècle et là fin, relativemant récente, du mos maiorum. Les Romains avaient alors com mencé à se raser, mais il était pour eux inimaginable qu'une pratique de cette nature empiétât le moins du monde sur la durée normale de leur travail. Si, à ce qu'on rapporte, Scipion, le deuxième Africain, tondait quotidiennement le poil qui avait crû sur son visage et son menton214, les ruraux italiens du temps, Varron le garantit, ne procédaient à la même opération que les jours de marché ; nous apprenons par Sénèque qu'ils profitaient aussi de l'occasion pour se payer un bain dans les thermes publics215. Jamais ils n'auraient eu la fantaisie de quitter leurs champs en cours de « semaine » pour prendre soin de leur corps. Ils auraient regardé cette façon d'agir, dont Varron insinue qu'elle était courante vers 70, comme un trait de fainéantise et d'effémination 216. Le goût du luxe et de la facilité ne les avait pas encore pervertis, ils plaçaient le devoir et le labeur par dessus toute chose et, très différents de leurs descendants dégénérés, sen taient le plus souvent mauvais mais sentaient l'homme217, tels ces cow-boys qui, dans nos westerns, attendent d'avoir congé pour redevenir, en ville, propres et nets : voilà des leitmotive qui, au stade où nous en sommes de notre étude, se passent de commentaire. La question de 186 - « combien de fois ...» - est, naturellement, oratoire : qu'y répondre, sinon « aucune » ? Cependant, elle change de ton suivant qu'on l'imagine posée par le γερών de la satire ou par son διδάσκαλος (on n'a pas oublié que, d'après nous, il n'est pas possible d'attribuer en toute certitude le fragment à l'un de ces personnages218) :
214 Cf. E. Saglio, s. u. barba, op. cit., p. 669. 215 Cf. Sénèque, Ep., 86, 12. Comparables à nos dimanches, les nundinae «rassemb laientautour du marché la population entière de la ville et de la campagne » (M. Besnier, op. cit., p. 120). Elles mariaient l'utile (affaires, transactions commerciales) à l'agréable (détente, distractions variées). 216 Cf. Mosca, p. 69, η. 3; 71; Riccomagno, p. 169; G. Becatti, Arte e gusto negli scrittori latini, Florence, 1951, p. 64; Knoche, p. 39; Marzullo, p. 36; Lenkeit, p. 37. En Grèce, lorsque le port de la barbe était de règle, on raillait les coquets qui, souhaitant se rajeunir, se rasaient et s'épilaient : cf. Aristophane, Thesm., 218; Athénée, 6, p. 260 e; E. Saglio, s. u. barba, op. cit., p. 669. Sur l'effémination et la «mollesse», bêtes noires des Romains, cf. supra, 1, p. 69; 2, p. 187; 3, p. 310-311; 4, p. 616; 622; P. Veyne, La famille..., op. cit., p. 38; 52; 54. 217 Cf. Sénèque, loc. cit. (trad. H. Noblot) : «il est permis que l'on dise : 'évidemment, ces gens étaient d'une malpropreté sans nom '. Quelle était, à ton avis, l'odeur de ces gens-là ? Ils sentaient la guerre, le labeur, ils sentaient l'homme. Depuis l'invention de ces bains si propres, l'homme est plus sale » ; supra, 2, p. 276. 218 P. Lenkeit donne, lui, 186 au διδάσκαλος (cf. Lenkeit, p. 93-94; 99-100).
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- émise par le διδάσκαλος, c'est un persiflage à verser au dossier des moqueries que s'attiraient, pour leur saleté et leur grossièreté, les rustici romains219; mais, comme les éloges de 183-185, ce persiflage se retourne contre son auteur ; - lancée per le γέρων, elle loue sans ambages les maiores, tout en égratignant tacitement les contemporains de Varron. Dans les deux hypothèses, elle participe de la glorification, partout présente dans les Ménippées et spécialement dans Γεροντοδιδάσκαλος, des grands ancêtres et des gens de la campagne220; même s'ils sont au premier degré chargés de dérision, priscus et rusticus y ont, profondément, une valeur laudative ; en somme, elle est à rapprocher de la célèbre préface du livre II des Res rusticae, où Varron explique ainsi la supériorité des rustici sur les urbani : « nos ancêtres, ces grands hommes, préféraient, non sans raison, les Romains de la campagne à ceux de la ville. De même en effet qu'à la campagne les personnes qui vivent à la ferme sont moins actives que celles qui sont sur les terres à faire quelque travail, de même ils considéraient que ceux qui résidaient en ville étaient plus oisifs que ceux qui habitaient la campagne. C'est pourquoi ils divisèrent l'année de telle sorte qu'ils s'adonnaient seulement tous les huit jours aux affaires urbaines et demeuraient à la campagne les sept jours restants » 221.
219 Cf. H. Bléry, Rusticité et urbanité romaines, Paris, 1910, passim; E. S. Ramage, Early Roman Urbanity, dans AJPh, 81, 1, janv. 1960, p. 65-72; Cèbe, p. 63-64; 66; 138-140; 168-169; 183; 220; R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 34. 220 Cf. supra, 1, p. 7; 106. Contra Labitte, p. 463 : Varron malmènerait «sans merci» les «campagnards des anciennes tribus rustiques qui ne se rasaient qu'aux Nondines» (!). 221 Varron, RR, 2, praef., 1. Sur l'opposition de la ville corruptrice et de la campagne vertueuse, cf. supra, 1, p. 7, n. 1. Elle rentre dans la catégorie des opinions reçues qui se perpétuent depuis la nuit des temps et ont cours jusque dans nos civilisations «avancées». A ce propos, recueillons par exemple le témoignage de P. de Boisdeffre qui, analysant la doctrine de l'Eglise catholique vers 1930, écrit {La foi des anciens jours et celle des temps nouveaux, Paris, 1977, p. 119) : l'Eglise de ces années-là était «enfermée dans le cadre - et le mythe - d'une chrétienté rurale, post-adamique et préscientifique. L'éloge des campagnes et de la vie paysanne qui a bercé mon enfance me faisait déjà l'effet d'une mystification. A entendre ma mère et les prédicateurs, tout se passait comme si la campagne, seule, était restée pure : l'air y était limpide, la vie simple et bonne, l'esprit plus près de Dieu. Mais Satan régnait sur la ville. Mauvais esprits, mauvais maîtres, presse stipendiée, affaires louches, domination de l'argent, prostitution en tout genre. Et, couronnant le tout, l'orgueil de l'esprit». On comprend que, dans des milieux frustes et fanatisés, de telles convictions puissent pro voquer des sévices aussi barbares que l'exode forcé qui, naguère, vida Phnom Penh de ses habitants : comme l'a bien montré J. Lacouture (voir Le nouvel observateur, n° 725, 2-8 octobre
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- Quotiens : comme la majorité des Romains du Ier siècle avant J.C., Varron ne disait pas quotiens, mais quoties : la nasale dentale η avait alors cessé, en général, d'être prononcée devant / et s (amuissement régulier). Cependant, moins novateur dans ses œuvres littéraires que dans sa théorie grammaticale222, l'écrivain maintient presque toujours η en pareille situation dans les Ménippées (une seule exception : fros de 390 Buch.). Il peut s'agir d'une simple survivance orthographique, donc d'un archaïsme, ou d'une imitation de la haute société qui, par souci de l'étymologie, avait, d'abord dans ses écrits, puis dans son parler même, rétabli la consonne disparue 223. - Sur ac, voir supra, 1, p. 142. Rusticus Romanus développe et précise priscus homo, si bien que, dans notre exemple, cette conjonction correspond pratiquement à un « c'est-à-dire ». Cf. Cicéron, Verr., 5, 184 : donum dignum Capitolio atque ista arce omnium nationum, « cadeau digne du Capitole, de cette citadelle de toutes les nations » (trad. F. Gaffiot) ; Thés. I. L., s. u. atque, II, col. 1059-1060 ; supra, 3, p. 353 (emploi similaire de et ; -que a aussi, parfois, cette valeur : cf. César, BG, 1, 27, 4 : ad
1978, p. 112), cette évacuation fut sûrement causée dans une large mesure par la haine que les Khmers rouges, hommes de la rizière, vouaient à la capitale dissolue et maudite. Rappelons cependant que la conception inverse, qui valorise la ville aux dépens de la nature vierge, n'est pas moins ancienne et n'a pas une moindre place dans l'histoire des idées : pour les «primitifs», le centre et, par suite, la ville (ou le village) appartient au cosmos organisé, où tout est lumière, ordre et harmonie (cf. M. Eliade, Le sacré et le profane, Paris, 1965, p. 21 et suiv.) ; la périphérie (la «brousse») est au contraire le domaine du chaos, des «ténèbres extérieures, (...) des embûches et des pièges, qui ne connaît ni autorité ni loi, et d'où souffle une constante menace de souillure, de maladie et de perdition. (...) La configuration des villes modernes rend (...) perceptible, sur un certain plan», le sens «de cette disposition : au centre, l'église (...), les bâtiments officiels (...), les théâtres, les musées (...). Autour de ce noyau rassurant, chaud, officiel, les grandes agglomérations développent une ceinture d'ombre et de misère» (R. Caillois, L'homme..., op. cit., p. 62-63; cf. J.-P. Vernant, Mythe et pensée..., op. cit., I, p. 161 et suiv.; 164 et suiv.; R. Girard, La violence..., op. cit., p. 369). Voilà pourquoi, dans la série archétypique de C. G. Jung, la ville apparaît comme «le symbole de la totalité parfaite (...), de l'existence éternelle» (cf. la Jérusalem céleste : L'homme à la découverte de son âme, op. cit., p. 316). Il est de surcroît manifeste que tous les termes associés à la notion «de culture, de raffinement, ont pour racine étymologique le mot 'ville' : civilisation, politesse, urbanité» (M. Tubiana, op. cit., p. 52). Dans l'Antiquité (et de nos jours encore), les deux points de vue ont leurs défenseurs et coexistent fréquemment - ou alternent dans une même pensée : cf. M. I. Finley, L'économie..., op. cit., p. 165-166. 222 Cf. supra, 3, p. 410; 4, p. 578; 582; 735. 223 Cf. Deschamps, p. 63-64.
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Rhenum finesque Germanorum contendere, « se diriger vers le Rhin, c'està-dire vers le territoire des Germains » ; Virgile, Aen., 4, 452 ; 455). - Sur le singulier collectif (priscus homo, rusticus Romanus), à mettre ici en relation avec la langue châtiée, la « langue des cultivés », cf. supra, 2, p. 164 ; 3, p. 364 ; 419 ; 437 ; 4, p. 641. - Inter nundinum : locution archaïque toute faite, où inter semble avoir sa vieille fonction adverbiale (« pendant ce temps ») et où nundinum (« intervalle de huit jours entre deux marchés ») est sans doute un accusatif de durée (« durant les huit jours de travail, oui, durant ces jours-là ») 224. '
- On prendra garde à la clausule (spondée-dactyle : barbam radèbat) et à l'harmonieuse distribution des syllabes après quotiens (2 - 2 - 1 3-3 I 2-3-2-3), qui donne un rythme équilibré, sans monotonie.
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187-188. - Ces deux fragments, répétons-le, sont issus à notre avis du discours tenu par le γερών de la satire. Ils traitent en partie, sur le mode laudatif, des relations qu'avaient avec leurs femmes les Romains de jadis (prisci homines ac rustici Romani) aussitôt après les épousailles (187), puis au cours de leur vie conjugale (188). On les unira par conséquent aux développements qui, dans les Ménippées, roulent sur les questions matrimoniales225. Mais ils s'apparentent plus directement encore, cela va de soi, aux nombreux vestiges de ce recueil qui se rapportent en général au mos maiorum.
224 Cf. Deschamps, p. 307-308 ; 340-341 ; 497. 225 Cf. supra, 3, p. 354-364 {De officio mariti) ; 759-774 (Ενρεν ή λοπας το πώμα) ; infra, Lex Maenia, Τοϋ πατρός το παιδίον. Le goût des épithalames et hyménées que Varron exprime en 187 et ailleurs est une des raisons alléguées par L. Alfonsi (Poetae novi, Còme, 1945, p. 177-178) pour associer son œuvre à celle des néotéroi. Cette assimilation nous paraît superf icielle et illusoire : communauté de thèmes (ou de sources) ne signifie pas communauté de tendances ou d'orientation littéraire. Nous avons du reste déjà relevé tout ce qui séparait Varron des tenants de la «nouvelle poésie» : cf. supra, 1, p. 62, n. 1 ; 139-140; 2, p. 214-215; 229.
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187. - Extrait par Nonius de « Varron II » 226. Citation unique. Texte sûr227. Prose228. L'objet de cette peinture ne paraît pas douteux : elle rend hommage au tact, à la timidité respectueuse des jeunes mariés d'autrefois lors de leur nuit de noces229. Se conduisaient-ils ainsi par égard pour la pudeur de leur compagne 230 ? Evidemment. Mais on peut être certain qu'aux yeux de Varron leur retenue venait aussi de leur inexpérience des choses de l'amour : il nous engage implicitement à les imaginer chastes jusqu'au jour où, en bons citoyens, ils fondaient un foyer et à les comparer aux adolescents dévergondés de son siècle qui, de très bonne heure, assouvissant à leur guise leurs appétits sexuels avec des maîtresses ou des partenaires de ren contre, n'avaient plus rien à apprendre en matière d'érotisme 231.
226 Cf. Lindsay, Nonius, p. 15. 227 Seuls y font paléographiquement problème tacitulus et cingillum. Mais, à la réflexion, ces deux mots s'imposent sans contredit : le premier parce qu'on le retrouve accolé à taxim en 318 Buch, (hanc eandem uoluptatem tacitulus taxim consequi lapatio et ptisana possim); l'erreur qui a changé son I en r est courante dans les manuscrits de Nonius (cf. par exemple Nonius, p. 12, 1. 17 : inscituram pour inscitulam; p. 165, 1. 11 : fructus pour fluctus; p. 374, 1. 5 (Varron, Men., 399 Buch.) : parmam pour palmam; inversement : Nonius, p. 51, 1. 14 : ludere pour rudere; p. 69, 1. 24 : flumenti pour frumenti; p. 111, 1. 1 : flangi pour frangi; p. 202, 1. 13 : meletricem pour meretrice) ; le second parce que c'est, on le verra, un terme technique et donc, en l'occurrence, l'unique forme appropriée au contexte. 228 Comme nous l'avons indiqué dans notre apparat critique, plusieurs éditeurs anciens se sont évertués à fabriquer des vers avec cette phrase (ou ce membre de phrase). Junius et G. Roeper (cf. Roeper 2, p. 283-290; Roeper, Eum., I, p. 7 ; III, n. de la p. 41) en font un tetrametre ïambique, J. Vahlen (Vahlen 1, p. 68-69 ; 224-225) un septénaire ïambique, L. Müller (Müller 1, Ie éd., p. 415) un sotadéen avec épitrite au troisième pied (hypothèse à laquelle il renoncera plus tard : dans son édition de Nonius - Müller 2, ad loc. - le passage est en prose). Mais ils sont obligés pour cela de modifier abusivement son libellé (G. Roeper rétablit soluit ou soluet et cingulum ; de plus, dans sa dernière leçon, il substitue nouu' à nouos et tacitus à tacitulus; J. Vahlen choisit d'abord la version que nous présentons nous-même, mais, s'avisant qu'uxoris y a deux accents, il écrira dans un second temps uxori exoluebat; quant à L. Müller, dans son sotadéen, il remplace nouos par nouu', uxoris par uxori' et cingillum par cingulum). Ces tentatives, blâmées à bon droit par F. Bücheier (Bücheier, p. 181 (433-434)), n'ont maintenant qu'un intérêt historique : depuis longtemps, on n'essaie plus de plier aux lois de la versification un énoncé que nous n'avons aucun motif de croire poétique : cf. Astbury, p. 139 (une exception récente, pourtant : sans corriger le texte des manuscrits, L. Dal Santo (Dal Santo 1, p. 10-11) y reconnaît des saturniens). 229 Cf. Marzullo, p. 36 ; Lenkeit, p. 96. 230 Cf. Mosca, p. 71. 231 Cf. Knoche, p. 39; Lenkeit, p. 41. L'exégèse de L. Riccomagno (Riccomagno, p. 160) et d'E. Bolisani (Bolisani, p. 110-111) est trop étroite et inexacte : d'après eux, Varron souli-
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S'il est légitime de gloser ainsi le fragment, Varron, à son habitude232, y altère la vérité pour idéaliser le passé de son pays233. Car au temps des maiores les jeunes Romains n'étaient pas aussi prudes, aussi rangés qu'il le suggère et n'attendaient pas d'avoir convolé pour goûter les jouissances de la chair. Tandis que, dans la Grèce hellénistique, prévalait la règle de la « Vénus tardive » (sera Venus) 234, dans la vieille Rome républicaine l'usage commandait qu'un garçon cessât d'être vierge dès l'âge de quatorze ans, sitôt après son admission dans le groupe des hommes faits235. A preuve, entre autres témoignages, les encouragements adressés par Caton l'Ancien à des jouvenceaux gaillards qui allaient jeter leur gourme dans les lupanars de la Ville236. Le puritanisme des ancêtres, dont Varron cherche à nous convaincre et dont il était probablement persuadé lui-même, n'est qu'un mythe de plus : en fait, les mœurs des Romains de l'âge héroïque étaient licencieuses - quoi d'étonnant à cela, puisqu'ils prisaient par-dessus tout la vigueur virile 237 ? - et la chasteté des mâles n'avait rien pour eux d'une vertu238. Comme on voudrait pourtant qu'une pochade si délicate n'illustrât pas simplement une vue de l'esprit, la chimère d'un traditionaliste ! Dans son dépouillement, elle recèle un charme discret239, une grâce désuète, avec ses archaïsmes (désinence de nouos240, emploi adverbial de l'adjectif tacitulus241), sa locution familière, proverbiale et allitérante tacitulus taxim,
gnerait en 187 que «le mariage antique visait à la procréation» et que, du temps des maiores, «les femmes aspiraient surtout à être mères». 232 Cf. supra, 2, p. 154; 3, p. 322. 233 Même falsification pieuse chez Properce (2, 32, 43 et suiv.). 234 Cette règle résulte peut-être d'une rationalisation moralisante du principe qui, dans beaucoup de sociétés archaïques, interdit aux garçons de toucher une femme avant le mariage, « car il importe que substance masculine et substance féminine ne soient mises en contact qu'à bon escient» (M. Mauss, Manuel d'ethnographie, 2e éd., Paris, 1967, p. 176). 235 Voir P. Veyne, La famille..., op. cit., p. 56-57. Semblablement, dans plusieurs sociétés «primitives», les jeunes «guerriers» célibataires ont une vie sexuelle très libre avant de «faire une fin » en se mariant : cf. R. Lowie, op. cit., p. 56-57. 236 Cf. Horace, Sat, 1, 2, 31-35. 237 Cf. supra, 2, p. 151-152, n. 4; 193; 4, p. 623; 629; 859, n. 216; P. Veyne, La famille..., op. cit., p. 54-55. 238 Cf. P. Veyne, La famille..., op. cit., p. 39. 239 Cf. Astbury, p. 139. 240 Cf. Woytek, p. 36; Deschamps, p. 239 ; Zaffagno, p. 218. 241 Cf. Woytek, p. 69; supra, 1, p. 71, n. 1; 141; 3, p. 338; 470.
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dont le diminutif renforce l'effet242, et le rythme harmonieux de ses trois derniers mots, tous trois de trois syllabes, qui s'achèvent sur une belle clausule (spondée - trochée : soluebàt cingillum). - Nouos maritus : expression consacrée, à laquelle fait pendant, pour les femmes, noua nupta ; cf. Varron, De uita pop. Rom., II, 78-79 Riposati ; supra, 1, p. 60. - Tacitulus taxim : tacitulus n'est attesté que dans les Ménippées de Varron ; mais on lit tacitus taxim dans le Bucco adoptatus de Pomponius (23 Ribbeck3). Dans Agatho, 9 Buch., Varron combine pareillement des adjectifs à valeur adverbiale et un adverbe (citu' celsu' tolutim : cf. supra, 1, p. 38; 69-71). On rapprochera en outre des locutions populaires toutes faites que nous avons plus haut commentées : purus (ac) putus (91 et 98 Buch.), nee uola nec uestigium (110 Buch.), pransus ac paratus (175 Buch.) 243. - Cingillum : cf. Festus, p. 63, 5 M. : « la jeune mariée {noua nupta) portait une ceinture {cingillum) que son mari déliait au lit ; cette ceinture était en laine de brebis afin que, tout comme les brins de cette laine, ramassés en peloton, sont agglomérés entre eux, de même son mari lui fût uni et attaché. C'est en manière de présage que le mari déliait cette ceinture attachée par un nœud d'Hercule244 pour être heureux dans l'engendrement d'enfants, comme le fut Hercule, qui laissa soixante-dix enfants ». Cf. également Varron, LL, 5, 114245; Pétrone, 67 246 ; Thés. l. L, s. u. cingillum, III, col. 1062.
242 Cf. Otto, s. u. tacitus, p. 339 ; Woytek, p. 62-63 ; 120 ; 128 ; Zaffagno, p. 226 ; 245. Dans tacitulus, le suffixe *-°le/o- doit accentuer «l'idée d'intimité» (Deschamps, p. 620). Sur les diminutifs, cf. supra, 1, p. 139. 243 Cf. Woytek, Stil, p. 40; Woytek, p. 128; Deschamps, p. 630; Zaffagno, p. 245. 244 On prêtait à ce type de nœud des pouvoirs apotropaïques et curatifs (Hercule passait pour faire fuir la maladie et les autres maux). Cf. Pline, NH, 28, 17, 63-64 (trad. A. Ernout) : « il est surprenant de voir avec quelle plus grande rapidité guérissent les blessures dont le pansement est fixé avec le nœud d'Hercule ; et l'on dit aussi qu'attacher chaque jour sa ceinture en la nouant de cette façon comporte une certaine utilité ...» ; E. Saglio, s. u. nodus, dans DA, IV-I, p. 87-88. La laine, matière dont était fait le cingillum, avait, se figurait-on, les mêmes vertus : cf. A.-M. Tupet, La magie dans la poésie latine, Paris, 1976, p. 45; 303. 245 «Cinctus ('pagne') et cingillum ('ceinture') viennent de cingere ('ceindre'); le premier terme est assigné aux hommes, le second aux femmes» (trad. J. Collari). 246 Fortunata, galbino succincta cingillo, « Fortunata, la taille serrée par une ceinture jaune... ».
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188. - Citation unique prise par Nonius dans l'ouvrage que W. M. Lindsay intitule « Gellius » 247. Prose 248. Ce texte, comme le montre notre apparat critique, a subi de la part des éditeurs différentes emendations dont aucune ne nous semble néces saire ni satisfaisante. Spécialement choquante est la décision de Mercier et de Popma, qui n'hésitèrent pas à supprimer toute sa fin, de si à sterneret, alléguant qu'elle a des affinités - nous en parlerons plus loin - avec une prescription des Douze Tables. Mais celles de Bentley, qui change uellet en plueret, et de Diintzer, qui se débarrasse de uehiculo sous prétexte que ce serait une glose d'arcera249, ne valent pas tellement mieux. Dans ces conditions, nous avons préféré, après d'autres, garder la leçon des manuscrits que nous estimons acceptable sans retouche. Prenant toujours ses désirs pour la réalité d'hier ou d'avant-hier, Varron nous offre ici de l'existence des maiores un aperçu qui en dit long sur le rigorisme et l'austérité de ces gens-là : absorbés par leur besogne quotidienne, ils ne s'octroyaient guère de loisirs (qu'on se souvienne de 186) et ne se rendaient qu'exceptionnellement assez loin de chez eux pour être obligés de voyager en voiture. Dans ces déplacements, ils étaient accompagnés par leurs femmes, qu'ils ne ménageaient pas plus qu'eux-mêmes, les privant, s'ils l'avaient résolu, du modeste confort dont ils se dispensaient aussi ; et elles, dociles à leur vouloir - qu'étaient-elles, sinon des mineures qui leur devaient obéissance 250 ? -, habituées autant qu'eux à la peine et à la dure, contentes au demeurant de leur sort, n'auraient jamais eu le front de protester contre le traitement qui leur était infligé, trop heureuses qu'on
247 Cet ouvrage contenait l'ensemble des Nuits attiques d'Aulu-Gelle (cf. Lindsay, Nonius, p. 9 et 15). 248 Pour G. Roeper (Roeper 2, p. 286-287), octonaires ïambiques; mais ses vers ne sont pas pleinement réguliers : le premier n'a pas de césure et le sixième pied du deuxième n'est pas pur comme il faudrait. 249 Cf. H. Diintzer, Über Dittographien im Texte des Nonius, dans Zeitschr. f. d. Altertumswissenschaft, 1848, p. 491. Un passage du De lingua Latina (5, 140), où Varron explique l'étymologie d'arcera, plaide contre la théorie de Diintzer : il renferme à la fois uehiculum et arcera, ce qui n'a rien de bizarre, vu que uehiculum a une extension plus grande qu'arcera (quod ex tabulis uehiculum erat factum ut arca, arcera dictum, «parce que cette voiture était faite de planches, comme un coffre {area), on l'appela arcera»). 250 Voir P. Veyne, La famille..., op. cit., p. 41.
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les gratifiât d'une petite distraction qui tranchait avec la rude monotonie de leur train-train ordinaire. Tels sont, à notre sentiment, les thèmes que l'on peut dégager, en explicitant ses sous-entendus, de la phrase qui nous occupe251. Mais il faut ajouter que Varron, lorsqu'il l'écrivait, ne laissait probablement pas de songer, avec réprobation, à ses contemporains dégénérés, qui circulaient le plus souvent en voiture, trop indolents ou trop sybarites pour aller à cheval ou à pied252. Pareille à une caisse, arca 253, Varcera était une voiture toute fermée 254. Il n'était donc pas possible, n'en déplaise à L. Deschamps 255, de lui « mettre une bâche » - sternere n'a pas ici cette valeur, mais, de même que dans les locutions lectum, triclinium sternere, veut dire « garnir de tapis, de couvertures ». Usuellement, Nonius le signale, elle était réservée aux vieil lards et aux malades256. D'autres engins de transport (en particulier la lectica) la supplantèrent assez rapidement257 et, du temps de Varron, le substantif qui la désigne était une curiosité désuète258. Le tableau que trace le fragment 188 nous fait donc remonter à une période reculée de l'histoire romaine. Il est compréhensible que l'écrivain ait souhaité donner, dans son expression même, un air vieillot à cette peinture de coutumes surannées. Pour cela, et aussi pour égayer l'exposé de son passéiste, il a joint à l'archaïsme arcera une brève parodie du recueil de lois dit des Douze Tables (lequel, entre parenthèses, lui a peut-être également inspiré l'emploi de l'archaïsme en question) : en effet, nous savons par Aulu-Gelle 259 qu'à l'article « assignation en justice » (si in ius uocat) on lisait dans ce code vénérable et vénéré, que tous les écoliers romains apprenaient par cœur :
251 Cf. Mommsen, p. 610, n.; Riccomagno, p. 159-160; Mosca, p. 71; Astbury, p. 139; Lenkeit, p. 42; 96. 252 Cf. par exemple Cicéron, Mil, 55; Marzullo, p. 37; Astbury, loc. cit. 253 Cf. supra, n. 249. 254 F. A. Brunetti (Brunetti, p. 686), E. Bolisani (Bolisani, p. 104), et F. Della Corte (Della Corte 4, p. 187) ont donc tort de traduire l'arceram de notre fragment par «litière» (mais ailleurs, p. 824, F. A. Brunetti définit bien le mot). 255 Deschamps, App., p. 49-50. 256 Cf. supra, p. 833. 257 La lectica est mentionnée pour la première fois dans un discours de C. Gracchus (cf. Aulu-Gelle, 10, 3, 5). 258 Cf. Varron, LL, 5, 140 {supra, n. 249); Aulu-Gelle, 20, 1, 25; E. Saglio, s. u. arcera, dans DA, 1-1, p. 367; J. Collari, Varron, De lingua Latina, livre V, op. cit., p. 234. 259 Aulu-Gelle, loc. cit.
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si morbus aeuitasue uitium escit, qui in ius uocabit iumentum dato ; si nolet, arceram ne sternito260. On prêtera encore attention à la figure étymologique uehebatur . . . uehiculo, à la répartition équilibrée des syllabes dans cum . . . sterneret (4 _ 4 _ 4) et à la clausule (spondée - dactyle) de uelïët non stërnërët.
189-192. - Après les ménages exemplaires, voici les femmes, en deux groupes, celles des anciens âges et celles des années 70 avant J.C. Les pre mières, qui ne l'avait présagé ?, incarnent les vertus que les traditionalistes exigeaient de leur sexe et, conscientes de leurs responsabilités immémoriales, accordent tous leurs soins aux tâches domestiques, si nobles dans leur humilité routinière, qu'elles tiennent pour leur lot normal et leur ministère attitré (190) ; les secondes, en avait-on douté ?, sont leur contraire : avec le reste du monde qui les entoure, elles ont perdu la tête, font tout au rebours du bon sens et, foulant aux pieds leurs obligations les plus natur elles et les plus saintes, se vautrent dans la turpitude et l'extravagance : ainsi, elles refusent la maternité (189), commettent sans remords des adultères sordides (192) et renoncent aux sages croyances de leurs aïeux pour adhérer à des religions folles (191). Ces traits, que plusieurs autres de la même veine accompagnaient probablement dans la satire intacte, nous ramènent à une ligne de pensée que nous avons mise en lumière dans nos analyses antérieures : ils vérifient que Varron opposait en un mani chéisme élémentaire et fallacieux les « bonnes mères » de la Rome héroïque aux « mauvaises mères » de l'heure présente 261. Ne revenons pas sur ces motifs, dont nous n'avons plus rien d'important à dire, et bornons-nous à constater qu'ils font partie des lieux communs tenaces qu'on voit se passer de génération en génération durant des siècles. Abondamment attestés dans les lettres latines « classiques » 262, ils apparaîtront sous leur aspect le
260 « S'il (le défendeur) est diminué par la maladie ou par l'âge, celui qui l'assignera en justice lui fournira une monture; s'il refuse, on n'équipera pas de chariot couvert pour lui». 261 Cf. supra, 1, p. 44-45, n. 3 ; 2, p. 277; 3, p. 362. 262 Cf. par exemple le portrait de la femme moderne que Cicéron trace dans le Pro Caelio (Clodia); G. Boissier, Cicéron et ses amis, Paris, 1865, p. 172-186; les chapitres où Tite-Live relate les événements qui suivirent, en 195 avant notre ère, l'abrogation de la loi Oppia (35, 1, 8); et les vers très caractéristiques (17-32) de l'Ode 3, 6, d'Horace qui imputent le courroux des dieux et les malheurs de Rome à la disparition de la décence féminine :
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plus radical, le plus outrancier, dans la sixième satire de Juvénal. Pe rmanence frappante, mais non singulière, dans un pays où la misogynie ne perdit jamais ses droits263, même lorsque s'y développèrent, sous l'Empire, l'idéal de l'amour conjugal et la « soumission chevaleresque aux dames » 264. 189. - « Extra quotation ». La « leading quotation » vient d'« Accius I » 265. Texte indiscutable 266. Prose de non à scriptum, puis vers trochaïques (fin de septénaire et début d'octonaire). P. Lenkeit attribue ces paroles au γεροντοδιδάσκαλος progressiste267. il a raison, à notre avis. Toutefois, nous ne nous reconnaissons pas la liberté d'exclure une deuxième hypothèse : il se peut que Varron fasse ici répéter par son laudator temporis acti scandalisé les déclarations d'une Romaine affranchie de la « nouvelle vague » 268. C'est pourquoi nous avons
« Des âges féconds en crimes ont souillé tout d'abord mariages, races, maisons ; de cette source a découlé le fléau qui s'est répandu sur la patrie et sur le peuple. Elle apprend avec joie les danses d'Ionie, elle se forme aux artifices, la vierge trop précoce, et voici déjà que, dès la plus tendre enfance, elle se prépare à d'impures amours. Par la suite, elle cherche à la table même où boit son mari des amants plus jeunes ; et elle ne choisit pas l'homme qui recevra d'elle, à la hâte, des joies interdites, loin des flambeaux, mais, sur un ordre, elle se lève ouvertement, devant son mari complice, que l'appelle un courtier, ou bien le patron d'un navire espagnol, qui paie richement son déshonneur» (trad. F. Villeneuve). 263 Cf. supra, 1, p. 44-45, n. 3 ; 2, p. 193, n. 3; 277; 3, p. 359; 362; 4, p. 623; 726, n. 1021. Nous ne prétendons pas nier par là, bien entendu, la progressive émancipation des matrones romaines à partir de la seconde guerre punique, et les conséquences qu'elle entraîna sous l'angle de la morale et des comportements (voir là-dessus J.-M. André, Le siècle d'Auguste, op. cit., p. 58-62; P. Veyne, La famille..., op. cit., p. 44 et suiv.). Simplement, nous croyons que les bien-pensants de Rome, Varron en tête, ont démesurément exagéré son ampleur et ses méfaits, méconnu ses bons côtés et, volontairement ou non, caché ses causes véritables (cf. supra, 3, p. 360). Mais était-ce nécessaire de le préciser, après ce que nous avons écrit à maintes reprises sur l'étroitesse et la fausseté des jugements que Varron, en bon Satirique, porte sur la société de son époque ? 264 ρ yevne> £a famille..., op. cit., p. 37; 45; 48. L'antiféminisme procède alors d'une réaction inévitable des hommes qui craignent d'être dominés, humiliés, par des êtres qu'ils méprisent et redoutent au fond d'eux-mêmes. 265 Cf. Lindsay, Nonius, p. 67. Sur «Accius I», cf. supra, 3, p. 341. 266 En ce qui concerne le parire de Porson (voir notre apparat critique), cf. Müller 2, I, p. 406 : « Ennius emploie cette forme dans les Annales. Mais, comme ailleurs (Fab. I), il se sert de parere, et, comme cette forme ne soulève pas d'objection métrique, j'ai répugné à modifier la leçon des manuscrits». 267 Cf. Lenkeit, p. 96, n. ; 100. 268 Hypothèse de M. Salanitro, Sopra alcuni modelli di lingua e di stile nella poesia menippea di Varrone, dans Studi di Poesia latina in onore di Antonio Traglia, Rome, 1979,
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classé le fragment 189 parmi ceux dont nous ignorons qui au juste les disait dans la pièce. En revanche, nous n'avons aucune perplexité quant à l'impression que produisait une prise de position comme celle-là sur l'esprit de Varron et des conservateurs de son espèce. Dans leur optique, nous l'avons noté, un homme se mariait principalement pour avoir une progéniture et attendait de sa femme qu'elle lui donnât de beaux et solides enfants269. Il est donc aisé d'imaginer l'horreur qui s'emparait d'eux quand on leur tenait des discours anticonceptionnels, surtout si, comble d'impudence, on invoquait comme dans notre exemple la caution de leur poète favori, du grand Ennius 270. Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette façon de voir et de sentir, parce que nous en avons assez parlé plus haut et parce qu'il ne s'agit nullement d'une spécificité de la civilisation romaine, encore qu'ailleurs, par la force des choses et en fonction de la disparité des « environnements culturels », motivations et visées soient quelquefois plus ou moins dif férentes 271.
p. 357. La technique à laquelle Varron recourrait dans ce cas est communément adoptée par Juvénal, en particulier dans sa sixième satire (cf. Juvénal, 6, 219-223; 281-284; 638-642). 269 Cf. M. Mauss, Manuel..., op. cit., p. 154; 169 : «à Rome, la femme n'est pas parente de ses enfants, elle est simplement leur cognate, achetée par le mari pour avoir des enfants » ; P. Veyne, La famille..., op. cit., p. 39-40 : «dans la société païenne, (...) le mariage, quand on se mariait, répondait à un objectif privé : transmettre le patrimoine aux descendants plutôt qu'à d'autres membres de la famille ou à des fils d'amis, et à une politique de caste : perpétuer la caste des citoyens»; supra, 1, p. 42; 3, p. 357; 762. Ne soyons pas dupes des généralisations pessimistes de la littérature moralisante et de la satire latines : à la fin de la République et sous l'Empire, beaucoup de Romaines continuaient d'assumer leur rôle de mères avec plaisir et fierté. Cf. Sénèque, ad Helu., 14-16, spécialement 16, 3 : «jamais tu n'as rougi de ta fécondité (...); bien différente de celles qui ne savent tirer gloire que de leurs charmes, jamais tu n'as caché tes grossesses comme un fardeau disgracieux ni rejeté le fruit formé dans tes entrailles» (trad. R. Waltz). 270 Cf. supra, 1, p. 62, n. 1. 271 En Grèce, les personnes mortes sans descendance (άπαιδες) étaient censées nourrir d'aigres ressentiments et vouloir se venger des vivants (cf. A. -M. Tupet, op. cit., p. 12). Pour les Chrétiens à l'ancienne mode, «la procréation justifiait, sanctifiait l'union. (...) Dans la bourgeoisie, l'homme se mariait (...) pour rompre une liaison, pour disposer d'un héritage; la jeune fille pour s'établir et pour avoir des enfants. (...) Jusqu'à la première guerre mondiale, le mariage était resté - il reste encore souvent - un acte social » ; ce qui poussait un Chrétien à se marier, « c'était la volonté d'avoir des enfants, de les élever conformément à l'ordre voulu par Dieu, afin de les amener un jour au Paradis » (P. de Boisdeffre, op. cit., p. 32-33).
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- Non uides : ces mots, qui appartiennent à la rhétorique du Cy nisme272, rendent un son ironique, à l'égal des vers qui les suivent : pour mieux caricaturer l'aplomb de l'adversaire, Varron prête à ce dernier un tour de sa propre langue, tour dont il accuse l'effet en l'antéposant. - Ter... parere : phrase empruntée à la Medea exul d'Ennius273. Elle traduit deux vers de la Médée d'Euripide (251-252) : ώς τρις αν παρ' ασπίδα υελοιμ' άν μάλλον στήναι ή τεκείν άπαξ274. Ce passage de la tragédie grecque est repris par Lucien dans Le coq (19). Il devait donc, suppose R. Helm, figurer dans une œuvre de Ménippe que Varron et Lucien imitèrent tous les deux275, conjecture indémontrable et, en tout état de cause, sans grand intérêt. - Cernere : quand il écrit cernere amittere, Nonius se méprend sur le sens de ce verbe, dont il propose une deuxième explication, non moins erronée, dans un autre article de son dictionnaire où il renvoie pourtant au même extrait d'Ennius276. Le développement sémantique qui a fait aboutir uitam cernere à la valeur que nous lui conférons peut être ainsi reconstitué 277 : à l'origine, cernere voulait sans doute dire : « séparer, trier ». De là, au figuré, il en vint à signifier « distinguer » (par les yeux ou par l'intelligence), puis « trancher, décider », acception largement répandue dans toute la latinité278. Il n'est donc pas illégitime de rendre, littéralement, uitam cernere par « trancher quant à ma vie, décider par la lutte quant
272 CL supra, 4, p. 515; 829. 273 Ennius, Scaen., 222 Ribbeck3. 274 « Comme j'aimerais mieux trois fois me tenir près d'un bouclier plutôt que d'enfanter une seule fois!». Dans le monologue d'où vient cette exclamation, l'héroïne, délaissée par Jason, se plaint de la cruelle condition des infortunées qui, comme elle, ont reçu du sort un mauvais mari; et elle réfute, par les mots qui nous intéressent, une accusation lancée par les hommes contre les femmes - elles sont, disent-ils, à l'abri dans leurs foyers, alors qu'euxmêmes risquent leur vie sur les champs de bataille. 275 Helm, p. 329, n. 1. 276 Nonius, p. 261, 1. 22 : cernere rursum dîmicare uel contendere. Ennius in Medea exule : nam ter... 277 Cf. Deschamps, p. 493-494. 278 Cf. Accius, Tr., 326 Ribbeck3 (armis cernere); Virgile, Aen., 12, 709; Sénèque, Ep., 58, 3 (ferro cernere).
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à ma vie », en regardant uitam comme un accusatif restrictif ou de limita tion279. Mais il semble qu'à la longue, dans des groupes tels qu'armis cernere, le verbe soit devenu synonyme de notre « risquer » 280 (glissement auquel contribua sans doute l'évolution du substantif certamen) et qu'on ait pris pour des compléments directs les accusatifs qui lui étaient associés. - Pour d'autres citations dans les Ménippées, cf. supra, 26 Buch. ; 40 Buch. *
*
190. - « Extra quotation ». La « leading quotation » a été procurée à Nonius par « Plautus II » 281. Prose 282. Le texte des manuscrits pour ce fragment est irréprochable. L. Müller n'a manifestement pas bien fait de biffer son deuxième simul285, car on rencontre ailleurs dans la littérature latine le groupe simul... simul... qui, synonyme du grec αμα μεν ... άμα δε, sert à marquer que les procès notés par deux verbes sont rigoureusement simultanés284. Par exemple, on trouve chez Tite-Live (1, 9, 5) : adeo simul spernebant, simul tantam (...) molem (...) metuebant2*5. L'interprétation du tableau qui nous est ainsi offert ne fait pas davan tagedifficulté. Varron y esquisse l'image idyllique et conventionnelle des matrones modèles dont, pensait-il, la Rome ancienne était peuplée, alors que, de son temps, elles étaient déjà des oiseaux rares, si elles n'avaient pas entièrement disparu. Comme il se doit, cette vertueuse personne se
279 Cf. Ennius, Ann., 6, 196 Vahlen (cf. Cicéron, Off., 1, 12, 38) : ferro non auro uitam cernamus utrique, «décidons de notre vie les uns et les autres par le fer, non par l'or». 280 Cf. Brunetti, p. 688; Bolisani, p. 106; Della Corte 4, p. 187; Astbury, p. 126; Deschamps, loc. cit. et App., p. 50. 281 Cf. Lindsay, Nonius, p. 33. Sur «Plautus II», cf. supra, 2, p. 246, n. 3. 282 D'après G. Roeper (Roeper 4, p. 448), octonaires trochaïques. 283 Müller 2, II, p. 212. 284 Cf. Lenkeit, p. 47-48. Voir également infra, n. 300. 285 «Tant ils méprisaient et craignaient à la fois une telle puissance». Cf. en outre César, BG, 4, 13 ; ß. Hisp., 42 ; Tite-Live, 3, 5, 2 ; 9, 25, 8.
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tient dans sa maison - à Rome autant qu'en Grèce et dans toutes les sociétés « patristes », l'usage ancestral voulait que la femme régnât sur l'i ntérieur du logis familial et que l'homme passât le plus clair de ses journées à l'extérieur286. Comme il se doit aussi, elle est absorbée par ses fonctions de bonne ménagère. Et d'abord elle file la laine, à l'instar de la grande Lucrèce, que les jeunes princes de la Rome étrusque, lors de leur légen daire visite impromptu, surprirent travaillant sagement, en pleine nuit, au milieu de ses servantes287. Passons très vite sur ce poncif archi-connu, en rappelant seulement que, vivace entre tous et tenu, dans toute l'histoire de Rome, pour expressif des mœurs archaïques, il faisait encore vibrer (de nostalgie) les cœurs des rétrogrades sous l'Empire, quand la coutume à laquelle il a trait était tombée, de longue date, en désuétude288. Mais une activité unique ne suffit pas à notre fileuse : énergique, diligente, elle mène, pour abattre plus de besogne, deux tâches de front (simul. . . simul. . . ). Sa seconde occupation, non moins attendue que la première, consiste à préparer le repas des siens, repas très simple, qui témoigne lui aussi de l'antique puritanisme. Car il est fait de puis, ainsi qu'on aurait pu le deviner grâce à cette observation de Varron : de uictu antiquissima puis289. Or la puis, plat de résistance qui constituait l'ordinaire des maiores avant l'invention du pain, n'avait rien de recherché ni de délectable, quelque soin qu'on mît à la confectionner (ne aduratur). C'était une sorte de porridge
286 Cf. J.-P. Vernant, Mythe et pensée..., op. cit., I, p. 151-153 (la femme vit «dans les salles ombreuses » ; dans le domaine économique, elle « représente la thésaurisation, l'homme l'acquisition ; (...) elle range, conserve et distribue » dans Voikos « les richesses que le second a gagnées par son labeur au dehors»). 287 Tite-Live, 1, 57, 9. Cf. Varron, De uita pop. Rom., 1, 12 Riposati; Ovide, F., 2, 741-746. 288 Cf. Plaute, Men., 796-797; Terence, Andr., 75; CIL, 1, 1007; 6, 1527 (laus Turiae); 6, 11602; 6, 15346; Columelle, 12, praef., 9; Juvénal, 2, 54-55; 6, 287-291; Arnobe, 2, 67; J. Marquardt, Das Privatleben der Römer, 1, 2e éd., Leipzig, 1886, p. 58; H. Thédenat, s. u. lana, dans DA, III, 2, p. 290; U. E. Paoli, Vita romana, éd. française revue et augmentée par J. Rebertat, Paris, 1955, p. 205; J. P. V. D. Balsdon, Roman Women, Westport, 1962, p. 207; 270-271; L. Friedlaender, Roman Life and Manners, trad, anglaise par L. A. Magnus de Sittengeschichte Roms, Τ éd., Londres, 1965, 1, p. 229-230; Cl. Nicolet, Rome..., op. cit., p. 144-145. Cette tradition quasi symbolique eut, naturellement, une place d'honneur dans le programme de restauration éthique d'Auguste ; celui-ci imposa le travail de la laine à sa fille; quant à sa femme, elle «ne dédaignait pas de filer et de tisser» (J.-M. André, Le siècle..., op. cit., p. 65; 247). 289 Varron, LL, 5, 105 : «s'agissant d'aliments, rien de plus vieux que la bouillie».
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d'épeautre concassée et additionnée d'eau, de sel, d'huile, ou d'autres in grédients290. A partir de l'époque où Rome s'enrichit, on ne la vit plus que sur la table des pauvres291. Tels étant, à l'évidence, les caractères et la signification du passage, qui pourrait croire, avec L. Müller, qu'il était débité par un quidam plaignant ou raillant la matrone de jadis 292 ? Il est bien préférable de le mettre, à la suite de P. Lenkeit, dans la bouche du laudator temporis acti de notre dialogue293. Il ne sied donc pas de sous-entendre nimis est molestum ou maius est uiribus après aduratur294 et il faut voir dans trahere et obseruare des infinitifs historiques ou de narration295, qui contribuent à donner au tour vie et nervosité296. Si ce qu'affirment les auteurs de certaines gram maires normatives était juste, cette exégèse achopperait sur une impossibilité ou, du moins, sur une grave irrégularité syntaxique : en effet, selon eux, l'infinitif de narration correspond toujours à un passé pour la concordance des temps 297 ; par conséquent, le présent aduratur serait dans notre hypo thèse aberrant. Mais, pour peu qu'on creuse la question, il apparaît très rapidement que la « règle » ci-dessus énoncée réclame de sérieux a s ouplis ements : « après un infinitif historique », écrivent M. Leumann, J. B. Hofmann et A. Szantyr, « la concordance au passé est appliquée sans exception chez Cicéron298; mais en vieux latin (...), en poésie (cf. Virgile, Aen., 10, 458) et dans la prose post-classique, la concordance au présent est également attestée » 2". Conclusion : avec nos infinitifs de narration, aduratur n'est pas un solécisme et introduit dans la phrase une touche d'archaïsme qui, eu égard au contexte, n'y est pas incongrue. N'y jurent pas non plus, pour le même motif, la forme populaire oliarti, où la diphtongue au étymologique est remplacée par ο (sur cette graphie, cf.
290 Cf. A. Hug, s. u. puis, dans RE, XXIII, col. 1971 et suiv. ; Masquelez, s. u. cibaria, dans DA, I-II, p. 1143. 291 Cf. Juvénal, 11, 58; 14, 171; F. Charpin, Lucilius..., op. cit., p. 257-258. 292 Voir Müller 2, loc. cit. 293 Cf. Lenkeit, p. 49. 294 Hypothèse de L. Müller (Müller 2, loc. cit.). 295 Cf. Lenkeit, loc. cit. ; Deschamps, p. 395-396. 296 Cf. supra, 2, p. 184. 297 Cf. par exemple Abbé J. Oudot, Syntaxe latine, Strasbourg, 1964, p. 264; M. Bizos, Syntaxe latine, Paris, 1965, p. 157. 298 Cf. J. Lebreton, Etudes sur la langue et la grammaire de Cicéron, Paris, 1901, p. 242. 299 Leumann - Hofmann - Szantyr, II, p. 551; cf. C. E. Bennett, Syntax of Early Latin, Boston, 1914, I, p. 345.
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supra, 2, p. 287 ; Woytek, p. 17-18 ; Deschamps, p. 33 ; Zaffagno, p. 230) et l'emploi « poétique » de nec non, équivalent d'etiam 30°. - Trahere lanam : expression technique. Avant de filer la laine, on retirait et on en faisait avec les doigts de la charpie, pour la démêler et l'amollir. - Olla (ou aula) : grand récipient d'argile ou de bronze que l'on installait sur le feu sans doute au moyen d'un trépied et où on cuisait, outre la bouillie (puis), de la viande ou des légumes301. - Il reste, pour en finir avec lui, à saluer la « remarquable concision du fragment » 302 et la clausule qui l'achève (crétique et trochée annoncés par trois spondées : dbsëruâr(e) dllâm pïâtïs n(e) ädurätür). * * #
191. - Citation unique tirée par Nonius de « Varron II » 303. Prose. Est-il souhaitable, voire indispensable, comme l'ont cru la plupart de nos prédécesseurs, de suppléer avant ou après confluii le déterminant de mulierum (coetus, uulgus, turba ou quidquid), qu'auraient omis les copistes ou Nonius lui-même, et, en conséquence, de tenir tota Roma pour un ablatif-locatif ? Assurément cette adjonction est raisonnable et sans reproche sur le plan de la correction grammaticale304. Mais on peut très bien en faire l'économie : rien n'empêche de considérer tota Roma comme le sujet
300 Cf. Lenkeit, p. 47 : « chez Cicéron et dans la prose classique, nec non au sens affirmatif est utilisé exclusivement pour unir des phrases entières, non des mots isolés. De plus, les deux mots nec et non ne sont employés accolés que si nec est en relation avec un nec ou un neque qui précède ou qui suit. En contraste avec cette pratique, Varron (...), la langue poétique et la prose tardive utilisent l'ensemble nec non presque avec la valeur d'etiam pour relier des phrases entre elles même en l'absence d'un deuxième nec ou neque. Souvent nec non est renforcé par et, quoque ou etiam. Le simul correspondant remplit ici cet office. Il importe donc de conserver le deuxième simul». 301 Cf. Juvénal, 14, 171; Pline, NH, 31, 46; F. Wotke, s. u. olla, dans RE, XVII, col. 2485 et suiv. 302 Knoche, p. 43. 303 Cf. Lindsay, Nonius, p. 45. 304 Cf., pour coetus, uulgus, etc., Varron, Men., 146 Buch. : ... uulgus confluii non furiarum... (supra, 4, p. 529); Apulée, Met., 8, 6 : confluunt ciuium maestae cateruae,
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au nominatif de confluii et mulierum comme le complément de ce sujet, tota Roma mulierum signifiant quotquot sunt Romae mulieres305 ou omnes mulieres Romanae306. Dans cette perspective, mulierum a la valeur d'un génitif explicatif ou de définition307, analogue à frugum dans alimenta frugum, « des aliments consistant en fruits » ou à fidei dans uirtus fidei, « la vertu de loyauté » 308. Ainsi élucidée, la formulation du fragment présente, avouons-le, une petite hardiesse, à mettre au compte du désir d'expressivité, mais demeure pleinement régulière. Deuxième problème, plus ardu et plus important : avons-nous le droit de conserver Yinitia des manuscrits ? Cinq critiques - A. Riccoboni 309, A. Riese310, J. Vahlen311, F. A. Brunetti312, et L. Müller313 - pensent que non et rétablissent initio314. Pour eux, tout ce qui va de quae à indicai se rapporte au mariage romain et ils l'expliquent par Servius, ad Verg. Ed., 8, 29 : Varrò in Aetiis dicit sponsas ideo faces praeire quod antea nonnisi per noctem nubentes ducebantur a sponsis315. L. Müller affirme de surcroît que, dans la satire varronienne, quae . . . indicai n'était pas, comme chez Nonius, directement raccordé à confluii . . . Roma qui, de son point dé vue,
«des troupes affligées de citoyens affluent» (voir aussi 10, 19 et 11, 23); Thés. l. L., s. u. confluo, IV, col. 243; et, pour tota Roma, Plaute, Merc, 51 : tota urbe; Terence, Andr., 342 : toto... oppido; Cicéron, Verr., 5, 93 : urbe tota; Ernout - Thomas, p. 87; Astbury, p. 144; Lenkeit, p. 52. 305 Cf. Oehler, p. 136. 306 Cf. Bolisani, p. 110. 307 Et non partitif, contrairement à ce qu'affirme L. Deschamps (Deschamps, p. 353) qui, en vertu de ce mauvais argument, refuse de rattacher mulierum à Roma et en fait un génitif partitif sujet, sans déterminé (cf. επιπτον έκατέρων dans Xénophon, Hell., 4, 2, 20), solution à notre avis indéfendable (voir J. Collari, dans REL, 55 (1977), 1978, p. 435). De son côté, P. Lenkeit, commentant la thèse de F. Oehler (supra, n. 305), rapproche (Lenkeit, p. 51) Roma mulierum de Lutecia Parisiorum (César, BG, 6, 3, 4; mais Parisiorum est un génitif d'ap partenance). 308 Müller 309 310 311 312 313 Cf. Riccoboni, A. Riese, Vahlen Brunetti, Ernout p.2,1,142. I,p.loc. p. 825. - 157. Thomas,hist. Fragm. cit. p. 37. uet. lai, Bâle, 1569; cf. Vahlen 1, p. 80.
314 Tout en maintenant initia dans son édition, F. Della Corte, dans son commentaire, traduit comme s'il avait choisi initio : « ancor oggi una face di pino indica che in origine gli sponsali avvenivano di notte» (Della Corte 4, p. 187). 315 «Varron, dans les Aitia, dit que les fiancées marchent derrière des torches parce qu'auparavant, quand elles se mariaient, elles n'étaient épousées que de nuit par leurs fiancés».
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ne concerne pas le mariage, mais les cérémonies en l'honneur d'Isis ou d'autres solennités de ce genre : Nonius, d'après lui, aurait, volontairement ou non, sauté le passage qui, dans l'original, séparait les deux tronçons de sa citation. Cette dernière opinion est invraisemblable. Quelque désinvolte qu'ait été Nonius dans son travail de transcripteur, on ne saurait admettre qu'il ait opéré la soudure imaginée par L. Müller : il n'avait vraiment besoin, pour illustrer son lemme (faxs) par un exemple, que de quae . . . indicai ; cela étant, si confluii . . . Roma se trouvait disjoint, dans Γεροντοδιδάσκαλος, de quae . . . indicai, pourquoi serait-il allé chercher plus haut ces quatre mots qui ne lui étaient pas utiles et qui, selon L. Müller, n'ont pas de rapport avec la phrase dont ils sont suivis ? Ce n'est pas tout : L. Müller a beau dire, il existe sans nul doute une corrélation entre les deux éléments de l'énoncé, entre le mouvement de foule dépeint par confluii . . . Roma et la cérémonie évoquée par quae . . . indicai. Repoussons donc avec vigueur la théorie du manque avancée par L. Müller. Initio mérite-t-il alors nos suffrages ? Incontestablement non. Il est impossible de croire, même en faisant la part belle à l'exagération, que Varron, en 191, montrait toutes les femmes de l'Urbs se rassemblant massivement pour assister à un mariage et, du reste, on se demande à quoi rimerait une telle scène dans notre pièce. Ainsi, la chose est claire, nous ne sommes pas en présence d'une noce316. Partant de ce fait, avons-nous la faculté de donner un sens con venable au passage, sans renoncer à initia ? Oui, et le plus simplement du monde, à condition de rendre initia par « mystères », acception usuelle de ce mot317. Nous aboutissons de cette manière à une exégèse solide, qui
316 Corollaire : L. Alfonsi s'égare quand il découvre dans le fragment ici étudié un signe de l'inclination que Varron aurait éprouvée, conjointement avec les néotéroi, pour les hyménées et les épithalames (Poetae novi, op. cit., p. 178). Sur cette théorie, cf. supra, p. 876, n. 225. 317 Cf. Thés. l. L., s. u. initium, VII, 1, col. 1662; H. Le Bonniec, Le culte de Cérès à Rome, Paris, 1958, p. 433 : « mysteria et initia s'emploient comme synonymes, mais le mot latin avec nuance d'initiation (aux mystères)». Tout en gardant initia, E. Bolisani persiste à soutenir que Varron, en 191, parle bien du mariage. Cette obstination le contraint à des jongleries grammaticales {initia interprété comme une apposition à quae, qui serait lui-même un vrai relatif; ellipse de sunt après solita) et à une traduction boiteuse : «l'uso della fiaccola di spino attesta quello che soleva avvenir di notte la prima volta». L. Deschamps (Deschamps, App., p. 50), qui accepte, elle aussi, et le thème du mariage et initia, écrit quant à elle : « de nos jours encore, une torche de résine indique que ces débuts avaient lieu de nuit d'habitude».
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intègre bien tous les détails du texte et n'offense ni la logique, ni la syntaxe 318, ni la véracité historique. Répétons-la en deux mots319 : Varron attaque en 191, par la voix du réactionnaire de la satire - à qui d'autre que lui prêter cette mercuriale ? -, ses concitoyennes qui, au lieu de s'acquitter chez elles des devoirs de leur état (cf. 190), courent la ville320 pour se livrer à de regrettables dévotions et peut-être, sous le couvert de la religion, à d'ignobles débauches (on n'a pas oublié les rumeurs calomnieuses qui se colportaient à Rome sur les fêtes pour initiés des cultes à mystères321). Puisque nous n'avons pas affaire à un cortège matrimonial, la sub stitution, souvent préconisée, de spinea à pinea ne s'impose pas plus que celle d'initio à initia : si la torche d'aubépine était de rigueur à l'occasion des mariages322, on utilisait banalement des torches de pin en dehors de cette circonstance particulière. Enfin, il ne convient pas de biffer, comme d'aucuns, V-s de faxs. Cette graphie pléonastique, fréquente dans les inscriptions anciennes323, met dans la description une nuance d'archaïsme rituel qui n'y détonne pas.
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Jl8 Seule petite bizarrerie un ordre des mots passablement tourmenté (voir plus bas). 319 Cf. supra, p. 882. 320 Confluii est un présent véritable, non un présent de narration. J. Granarolo se fourvoie donc lorsqu'il déclare (D'Ennius . . . , op. cit., p. 247) : «dans le Gerontodidascalos, un vieux laudateur des coutumes antiques souligne qu'au temps d'Ennius seules les femmes affluaient aux thiases dionysiaques nocturnes». Plus critiquable encore est l'interprétation de L. Deschamps (Deschamps, p. 90) : Varron, dans notre texte, présenterait des mœurs « pures à ses yeux » ! 321 Cf. le fameux épisode des Bacchanales de 186 avant J.C. (Tite-Live, 39, 8-19 ; J. Bayet, La religion..., op. cit., p. 152-153) et Juvénal, 6, 306-345. Toutefois, il n'est pas fait mention d'indécences dans le passage commenté, en sorte qu'on va trop loin quand on assure que Varron y stigmatise la corruption des femmes, le luxe et les orgies de Rome (Oltramare, p. 109; Riccomagno, p. 159; Bolisani, p. 110; Astbury, p. 145). 322 Cf. Varron, De uita pop. Rom., 78 Riposati : cum a noua nupta ignis in face adferretur e foco eius sumtus, cum fax ex spina alba esset et earn puer ingenuus anteferret, «tandis que la jeune mariée apportait sur une torche le feu pris à son foyer et que la torche, portée devant elle par un enfant de naissance libre, était d'aubépine blanche»; Festus, p. 282 L. : patrimi et matrimi pueri praetextati très nubentem deducunt; unus, qui facem praefert ex spina alba, quìa noctu nubebant; duo qui tenent nubentem, «trois enfants vêtus de la prétexte et ayant encore leur père et leur mère font cortège à la mariée : un qui, devant elle, porte une torche d'aubépine blanche, parce qu'on se mariait de nuit, deux qui tiennent la mariée»; E. Pottier, s. u. fax, dans DA, II, 2, p. 1029; J. G. Frazer, Publii Ouidii Nasonis Fastorum libri sex, Londres, 1929, II, p. 438 et suiv. 323 Cf. CE, 383, 2; CIL, f, 1490 (sexs); Leumann - Hofmann - Szantyr, I, § 11, p. 50; Woytek, p. 28; Deschamps, p. 90-91; Zaffagno, p. 218.
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Somme toute, on s'en aperçoit, la leçon de la tradition manuscrite, que plusieurs de nos devanciers ont malmenée sans nécessité, ne réclame ni complément ni rectification. Si l'analyse qui précède est bonne, le fragment 191 de Γεροντοδιδάσκαλος participe du combat mené par Varron contre les religions étrangères qu'il voyait avec angoisse concurrencer victorieusement les vieilles croyances et les vieux rites de son pays324. Certes, l'écrivain, s'autorisant d'une licence concédée aux Satiriques, force la note quand il laisse entendre que toutes les Romaines étaient à son époque les sectatrices zélées d'un culte à mystères ; mais il n'en demeure pas moins que ces cultes, à Rome et en Grèce, ren contrèrent un très vif succès auprès de la gent féminine, qui, bien vite, y occupa une place prépondérante325. On sait pourquoi : ils procuraient aux femmes ce que la religion officielle était incapable de leur offrir - extase, intensité de l'émotion mystique, communion avec la divinité, contemplation du monde supérieur, bonheur par l'ascétisme, promesse d'une éternelle félicité après la mort - et les faisaient échapper à un ordre qui n'était pas le leur : beaucoup moins engagées que les hommes dans la vie de la cité, exclues du gouvernement et, dans une très grande mesure, de la re ligion d'état, dont on n'ignore pas les aspects politiques326, elles trouvèrent dans les religions à mystères, en marge des structures institutionnelles, un « cadre de groupement » où elles s'épanouissaient, où leur dignité de person nes humaines était mieux reconnue et où elles étaient appelées à jouer le rôle auquel elles aspiraient327. Elles parvinrent de la sorte à s'affranchir des servitudes de l'existence quotidienne, à s'émanciper de la condition inférieure dans laquelle on les enfermait auparavant, à fuir un univers bâti par et pour les hommes, à refuser sans mauvaise conscience l'idéal masculin de sagesse et de maîtrise de soi, en cultivant l'enthousiasme, le délire divin, la folie. On conçoit l'hostilité que cette libération complète
324 Cf. supra, 1, p. 92-93; 109; 3, p. 337-338; 348; 4, p. 615. 325 Cf. Tite-Live, 25, 1, 7; 39, 13, 8; Plutarque, Coni, praec, 19, p. 166 Diibner ; J. Marquardt, Das Privatleben..., op. cit., I, p. 65; H. Graillot, Le culte de Cybèle à Rome et dans l'empire romain, Paris, 1912, p. 98; 146; L. Friedlaender, op. cit., p. 255 et suiv.; J.-P. Vernant, Mythe et pensée..., op. cit., I, p. 80-81; Mythe et société..., op. cit., p. 119. Varron apprit un peu plus tard par expérience à quoi s'en tenir sur leur compte si, comme l'assure B. Cardauns, il se fit initier en 67 à ceux de Samothrace (cf. Varron, LL, 5, 58 ; B. Cardauns, Varros Logistoricus über die Götterverehrung, Diss. Cologne - Wurzburg, 1958, p. 14 et suiv.). 326 Cf. J.-P. Vernant, Mythe et société..., loc. cit. 327 J.-P. Vernant, Mythe et pensée..., loc. cit. : «thiases, confréries, mystères constituent des formes de» communautés extérieures à «l'organisation familiale, tribale, civique».
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et, sur le plan individuel au moins, franchement révolutionnaire, vu qu'elle bafouait les valeurs « normales » et amenait à vivre dans une espèce de monde à l'envers, inspirait aux tenants de l'ordre et du mos maiorum. Leur réaction en l'occurrence était loin de tenir exclusivement à la force de leurs convictions religieuses : elle mettait en jeu l'ensemble de leur « idéologie » et avait un sens proprement politique 328. Cette animosité, cependant, ne se perçoit pas, dans notre texte. Il ne manque pas de relief, avec son verbe imagé en tête, son audacieux Roma mulierum, l'ordre voulu frappant de son groupe quae . . . solita (l'agencement ordinaire serait : quae initia noctu fieri solita), son relatif de liaison (trait de la langue soutenue), et ses clausules 329 ; mais il demeure sobre et sans passion. C'est la constatation d'un homme de science amateur de beau style, non le cri d'un polémiste indigné. On a naturellement cherché de quels initia il y était question au juste. Pour L. Preller, il s'agirait des Bacchanales330, pour F. Bücheier, des mystères, essentiellement grecs et classés parmi les sacra peregrina™', de
328 Ainsi s'explique notamment l'horreur d'un Tite-Live pour les mystères «venus d'Asie ou de Grèce, en passant parfois par l'Etrurie » (cf. Tite-Live, 39, 8) : tout comme Varron, il voit « entre la piété traditionnelle et la moralité antique, entre le scepticisme ou la pratique des cultes étrangers et les » mauvaises « mœurs modernes une relation de cause à effet » (E. Lasserre, Tite-Live. Histoire romaine, I, Paris, Garnier, 1950, p. XV-XVI). Cf. aussi, sur un plan plus général et théorique, le grand livre de R. Girard (La violence..., op. cit., p. 180 et suiv.). Il montre que « l'éruption dionysiaque, c'est la ruine des institutions » et des sociétés, car elle recrée la tragique situation des origines, c'est-à-dire la propagation sans fin de la violence destructrice, menace absolue dont les rites des populations archaïques et des civilisations antiques, y compris le diasparagmos lui-même, ont pour première mission d'éviter le retour (ibid., p. 149; 164; et passim). Peu importait aux conservateurs rassis que le dieu restaurât, par le sacrifice d'une « victime émissaire » (Penthée), la paix qu'il avait lui-même troublée. Seul comptait à leurs yeux ce trouble terrifiant, qui jetait les Bacchantes dans la frénésie, la fureur homicide, et mettait par là en péril la survie de leur communauté. Il est probable toutefois que, dans le mythe dionysiaque, la participation des femmes thébaines au lynchage de Penthée résulte d'une falsification destinée à délivrer d'un affreux souvenir les hommes, principaux sinon uniques responsables de la crise achevée par ce meurtre rituel : dans la réalité, le départ des femmes vers le Cithéron dut être une fuite loin de la violence qui ensanglantait leur cité. Nous serions donc en présence d'un transfert cathartique (et malhonnête) de culpabilité, opéré, cela va de soi, par la gent masculine, honteuse après coup de ses dé bordements (ibid., p. 197 et suiv.). 329 Tota Roma (ditrochée) et pinëà faxs indicat (choriambe - dactyle). 330 L. Preller, Rom. Mythologie, 3e éd. (par H. Jordan), II, Berlin, 1883, p. 368, I. 331 Cf. F. Lenormant, s. u. Ceres, dans DA, I-II, p. 1078. Ils furent importés d'Italie du Sud, sans doute de Campanie, au début du IIIe siècle avant notre ère : cf. H. Le Bonniec, op. cit., p. 396; 423; 426.
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Cérès-Déméter 332. La deuxième identification nous paraît, de beaucoup, la meilleure. Vers 70 avant J.C., le culte de Bacchus - Dionysos ne s'était pas remis de la répression qui l'avait frappé en 186 et, malgré de discrètes résurgences333, ne comptait pratiquement plus à Rome : pour reprendre une judicieuse remarque de F. Lenormant, « l'interdiction » (de 186) « était trop sévère et fut pendant trop longtemps (...) maintenue pour que l'on ait pu alors voir se produire » dans l'Urbs des fêtes du genre des Bacchanales « capables de faire dire à Varron confluii mulierum tota Roma » 334. La religion de Cérès - Demeter était au contraire florissante lorsque fut composé Γεροντοδιδάσκαλος335 ; le mot initia, quand il a le sens que nous lui con férons, s'applique le plus souvent à ses mystères 336 ; et, au cours de sa cérémonie principale, le sacrum anniuersarium 337 strictement réservé aux femmes338, les matrones mimaient le voyage qu'entreprit la déesse pour retrouver Proserpine, en s'éclairant comme elle d'une torche de pin 339. Voilà, sans contredit, un faisceau d'arguments qui plaident fortement pour la thèse de F. Bücheier. On pourrait songer encore aux Isia, fête du culte d'Isis célébrée en novembre, laquelle comportait une procession analogue de prêtres et de fidèles s'élançant à la recherche d'Osiris340, mais cette conjecture bute sur l'obstacle de la chronologie : la religion d'Isis n'eut droit
332 Bücheier, p. 569 (433). 333 Cf. A. Bruhl, Liber pater, Paris, 1953, p. 123. 334 F. Lenormant, s. u. Bacchanalia, dans DA, I, I, p. 591. 335 Cf. H. Le Bonniec, op. cit., p. 436. 336 Cf. Varron, RR, 3, 1, 5 (trad. H. Le Bonniec) : « avec ces faits concorde l'usage de donner de préférence le nom d'inilia aux rites qui se célèbrent en l'honneur de Cérès » ; Cicéron, Leg., 2, 14, 36; Tite-Live, 31, 14, 7; 31, 47, 2; Arnobe, 5, 18; Justin, 5, 1, 1. Mais il arrive parfois qu'il désigne les Bacchanales : cf. Tite-Live, 39, 8, 5 ; 39, 13, 5. 337 Cf. H. Le Bonniec, op. cit., p. 415 et suiv. A ce sacrum, H. Le Bonniec l'a prouvé (p. 424), se rattachent les initia Cereris. 338 Cf. H. Le Bonniec, op. cit., p. 419-422. Sans qu'on ait le moyen de rien garantir à ce sujet, il est tentant d'inférer du Roma mulierum de Varron que le rite de 191 est un rite excluant les hommes. 339 La torche (ou le flambeau) était un des accessoires attitrés de Cérès - Demeter : cf. F. Lenormant, s. u. Ceres, op. cit., p. 1070 et suiv.; E. Pottier, s. u. fax, op. cit., p. 1028; Mau, s. u. Fackeln, dans RE, 6, 2, col. 1953; H. Le Bonniec, op. cit., p. 415; 420. Du reste, c'est en l'honneur de Cérès, antique divinité matrimoniale, qu'un enfant portait une torche d'aubépine devant la mariée lors de la domum deductio (cf. supra, n. 315; 322; Ch. Lécrivain, s. u. matrimonium, dans DA, III, 2, p. 1656; H. Le Bonniec, op. cit., p. 82-83). 340 Cf. Instit. Epitome, 18, 7; Diu. Inst, 1, 21, 4; G. Lafaye, s. u. Isis, dans DA, III, 1, p. 577; H. Le Bonniec, op. cit., p. 413; Lenkeit, p. 56-57.
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de cité à Rome que dans les dernières années du Ier siècle avant J.C. et, à la date qui nous intéresse, n'y remuait pas les foules 341 ; qui plus est, le mot initia n'est jamais attesté en liaison avec elle et la torche ne figure pas au nombre de ses instruments liturgiques. De cette discussion et des considérations développées dans nos paragraphes antérieurs nous déduisons que les mystères de Cérès n'inspiraient pas aux défenseurs romains de l'ordre et de la tradition autant de sympathie qu'on l'a prétendu342. Abordons maintenant un problème que nous avons dû laisser en suspens jusqu'ici, faute de disposer des données qu'exige sa résolution : quels sont la fonction et le sens précis de quae . . . indicai ? P. Lenkeit dont, pour tout le reste, nous partageons les vues regarde quae initia comme le com plément direct d'indicai et noctu fieri solita comme une apposition à initia. Voici, en effet, sa traduction : « noch immer zeigt eine Pinienfackel die gewöhnlich nachts stattfindenden kultischen Feiern an » 343. Cette exégèse achoppe sur deux objections : 1) au temps de Varron, seules les cérémonies du culte de Bona Dea étaient célébrées de nuit344; 2) P. Lenkeit néglige etiam nunc, qui implique visiblement une opposition entre les états actuel et ancien de la solennité vers laquelle accourent les femmes de Rome. Si l'on fait état de ces observations, on tire du fragment, en glosant un peu, l'idée suivante : bien que les choses aient changé depuis, il est manifeste, la torche de pin le prouve, qu'autrefois cette cérémonie se déroulait de
341 Cf. G. Lafaye, s. u. Isis, loc. cit. : « ce fut seulement au temps de Sylla que, pour la première fois, ils (les Isiaques) essayèrent d'y fonder un collège. En dépit des influences puissantes dont ils disposaient, ils eurent à soutenir, avant d'arriver à leurs fins, une lutte acharnée contre le Sénat et contre les magistrats de la République ; les autels, qu'ils avaient élevés jusque sur le Capitole, furent renversés par ordre des consuls en 58, en 54, en 50, et en 48. Cette persécution, certainement approuvée par beaucoup de Romains, et non des moindres, risquait malgré tout de prendre fin à bref délai, tant était ardent le zèle du parti contraire. La défaite de la reine d'Egypte à Actium retarda le triomphe des dieux alexandrins » ; O. Seeck, Zur Geschichte des Isiskultus in Rom, dans Hermes, 43, 1908, p. 642; supra, 4, p. 560-561. 342 H. Le Bonniec, op. cit., p. 438 : « le mysticisme de Cérès, sagement réglementé, réservé aux femmes et intégré dans la religion officielle, n'a jamais fait parler de lui : quand Cicéron légifère, il peut en toute sécurité en permettre l'exercice aux Romains. Mais il félicite le Sénat d'avoir réprimé impitoyablement les désordres des Bacchanales. (...) Le scandale n'a pas rejailli sur la chaste Cérès, qui avait la sagesse, comme Bona Dea, de proscrire de ses rites secrets toute présence masculine». 343 Lenkeit, p. 58. Cf. Astbury, p. 127. 344 Cf. H. Le Bonniec, op. cit., p. 414-415. Les peruigilia Cereris, notamment, ne sont pas antérieurs à l'Empire.
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nuit. Quae . . . solita est donc forcément une proposition infinitive comp létant indicai, où solita note la répétition dans le passé345. Varron se trompe s'il s'imagine qu'avant son époque Rome eut des fêtes nocturnes de Cérès346, mais c'est peut-être au culte grec de Demeter qu'il renvoie par noctu fieri solita. Autre petite inexactitude : il apparaît, à en juger par ce qu'il écrit ici, que les torches, brandies dans un très grand nombre d'actes religieux en Grèce et en Italie, n'étaient à ses yeux que des luminaires sans signification symbolique. Or il est notoire qu'on leur attribuait une valeur lustrale due aux vertus purificatrices du feu347 (c'est pour cela qu'on s'en servait même dans les rites diurnes et non parce que ces rites, originellement, étaient accomplis la nuit). * * 192. - « Extra quotation ». La « leading quotation » a été tirée par Nonius d'«Alph. Verb.»348. Prose349. Outre l'addition d'ea et l'interversion des mots raptoris ramices rumpit, proposées, comme nous venons de le mentionner en note, par J. Maehly
345 Cf. Deschamps, p. 383. Avec cette interprétation, on s'accommoderait évidemment sans peine de Yinitio proposé par Riccoboni et d'autres (on traduirait alors : « la torche de pin prouve aujourd'hui encore que primitivement - initio - ces fêtes - quae - avaient lieu la nuit»). Mais, comme cette correction n'est pas indispensable, dispensons-nous en. 346 Cf. A. Keseberg, Quaestiones Plautinae et Terentianae ad religionem spectantes, Diss. Leipzig, 1884, p. 37 ; A. Ernout, Flaute. Comédies, 5e éd., I, Paris, Les Belles Lettres, 1963, p. 195, n. 1. 347 Cf. Tibulle, 1, 2, 63 ; E. Pottier, s. u. fax, op. cit., p. 1027 ; Mau, s. u. Fackeln, loc. cit. ; A.-M. Tupet, op. cit., p. 42 ; 148 ; 342. 348 Cf. Lindsay, Nonius, p. 55. 349 D'après J. Vahlen (Vahlen 1, p. 80), G. Roeper (Roeper 2, p. 285; Roeper 3, p. 90-91) et L. Dal Santo (Dal Santo 1, p. 159), septénaires trochaïques scazons (le premier vers étant terminé par raptoris). Suivant O. Ribbeck (Ribbeck, p. 103), raptoris ramices rumpit consti tuerait la fin d'un choliambe. Quant à J. Maehly (Varroniana, Bâle, 1865, p. 14), il obtient des sotadéens en rétablissant : rap ta a nescio quo mulione <ea> ramices rumpit raptoris. Mais il avoue lui-même que cette solution n'est pas heureuse : « denn eine Umstellung auch nur eines Wortes, den Vers zu lieb, dessen Schema wie hier erst noch problematisch ist, hat immer etwas Missliches».
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et clairement défectueuses, trois corrections ont été apportées par les éditeurs au libellé que ce fragment présente dans les manuscrits. Deux d'entre elles sont incontestables : elles concernent an nescio et rapturis, auxquels il faut sans hésitation substituer a nescio 350 et raptoris 351 ; la troisième, superflue selon nous, est relative à ramicis, que certains remplacent par ramices : avec L. Deschamps, nous sommes d'avis que rien n'autorise à rectifier sur ce point la tradition et qu'il n'est pas déraisonnable de voir en ramicis une forme anomale pourvue par analogie d'une désinence de thème en-/352. Quoi qu'il en soit, ramices (ou ramicis) rumpere est une locution toute faite, qui se rencontre ailleurs dans les Ménippées553 et aussi chez Plaute i54. Elle veut dire habituellement « rompre les bronches » 355, mais, par une extension facile à comprendre, équivaut ici à Vilia rumpere de Catulle356 et au rumpere membra de Properce357, acception dérivée que rendent bien, nous semble-t-il, nos verbes « crever » ou « éreinter ». Car il saute aux yeux que la dame dont parle Varron ne se bat pas courageusement pour sa vertu, comme se le sont figuré avec une touchante candeur G. Boissier358, L. Riccomagno 359 et L. Deschamps360. Loin de
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j5ü Erreur provoquée par une dittographie banale. 351 Ο et « sont très fréquemment confondus dans les copies conservées du De com pendiosa doctrina. Cf. par exemple Varron, Men., 123 Buch, (intunsa pour intonsa) ; 125 Buch. (porcus pour porcos) ; 126 Buch, (morbu pour morbo) ; 135 Buch, (corios pour corius) ; Nonius, p. 27, 1. 19 {potando pour pittando) ; 78, 1. 15 {tondere pour tundere) ; 78, 1. 20 (nomine pour numine) ; 82, 1. 14 (curuo pour coruo). 352 Cf. Deschamps, p. 179; supra, 4, p. 523-524. 353 Cf. Varron, Men., 561 Buch. 354 Cf. Plaute, Mere, 138 ; Poen., 540. 355 A. Walde et J. B. Hofmann traduisent rames (ramex) par « hernie » au singulier et par «poumon» au pluriel (ramices) : cf. Walde - Hofmann, s. u. rames, p. 416. A. Ernout et A. Meillet pensent, eux, que le mot ne change pas de signification en changeant de nombre. Au singulier comme au pluriel, il voudrait dire d'après eux soit « vaisseaux du poumon » soit «hernie» (Ernout - Meillet, s. u. rames, p. 850). 356 Catulle, 11,19-20 : identidem omnium ilia rumpens, «sans cesser d'épuiser leurs flancs à tous » (trad. G. Lafaye) ; cf. Catulle, 6, 13 : latera eefututa, « flancs épuisés par la débauche» (trad. G. Lafaye); 80, 7-8 : rupta... ilia; Oehler, p. 135; Astbury, p. 146; Woytek, p. 128 ; Lenkeit, p. 59. 357 Properce, 2, 16, 14 : rumpat (...) adsiduis membra libidinibus, «à force de plaisir, qu'il s'épuise et qu'il crève » (trad. D. Paganelli) ; cf. aussi Priap., 82. Voir Lenkeit, p. 59. 358 Boissier, p. 95. 359 Riccomagno, p. 159. 360 Deschamps, p. 630 et App., p. 50.
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« couper la gorge » de son ravisseur, ou bien de le « poignarder », pour n'avoir pas à subir ses outrages, elle se donne à lui et y met tant du sien qu'elle l'épuisé. C'est à se demander si elle n'a pas ourdi elle-même toute son aventure. Ainsi, notre texte a sa place parmi les grivoiseries et obscénités des Ménippées, dont nous avons plus haut défini la fonction361. Il campe une caricature de Lady Chatterley nymphomane qui, libérée de tout préjugé, n'hésite pas à s'unir à des hommes de rien, pourvu qu'elle y trouve l'a s ouvis ement de son désir362 : le partenaire qu'exténue son tempérament de feu appartient à la dernière catégorie de la population servile363 ou, du moins, en a les façons, et ne mérite pas même qu'on cite son nom Varron se contente de le désigner par un dédaigneux nescio quo564. La faute incriminée passait traditionnellement pour une ignominie majeure, pour le pire des adultères. L'exemple fameux de Lucrèce l'atteste : avant de la violenter, Sextus Tarquin menaça l'héroïque jeune femme, au cas où elle lui résisterait, de la tuer, puis de faire coucher près de son corps le cadavre nu d'un esclave, pour qu'on crût à l'issue macabre d'une liaison infâme365. Mais plus d'une matrone, à la fin de la République et sous l'Empire, se moquait de ces vieilles convenances366, nées du souci de préserver la pureté du sang367 et du mépris de l'esclave, ce sous-homme, cette chose368. Témoin Sulpicia qui aima Cérinthus bien qu'il fût d'un rang inférieur369 et principalement les dévergondées qu'on voit chez Martial
361 Cf. supra, 2, p. 287-288. 362 Cf. Bolisani, p. 110; Astbury, p. 146; Lenkeit, p. 60; 96-97; Dal Santo I, p. 160 (mais pourquoi ajoute-t-il que rumpit pourrait faire allusion à des « costole sfondate per energica difesa»?). 363 Cf. Sénèque, Ep., 47, 15; Aulu-Gelle, 15, 4; G. Lafaye, s. u. mulio, dans DA, III, 2, p. 2010-2011. 364 Sur cet emploi dépréciatif du tour, cf. Cicéron, Fam., 12, 18, 1; Q. Fr., 1, 1, 19; Phil., 13, 26; Varron, Men., 562 Buch. 365 Cf. Tite-Live, 1, 58, 4 ; Ovide, F., 2, 808 et suiv. ; Denys d'Halicarnasse, 4, 65, 3 ; Diodore de Sicile, 10, 20, 2. 366 Cf. J. Geffcken, Studien zur Grieschischen Satire, Neue Jahrb. f. d. klass. Alt, 27, 1911, p. 480; M. Rosenblüth, Beiträge zur Quellenkunde von Petrons Satiren, Diss. Kiel Berlin, 1909, p. 51 et suiv.; L. Friedlaender, op. cit., I, p. 244. Elles avaient certainement eu des devancières dans les premiers siècles de Rome (cf. Tite-Live, 10, 31, 9, où il est question de matrones citées devant le peuple et condamnées pour leur conduite dissolue). 367 Cf. P. Grimai, L'amour à Rome, Paris, 1963, p. 127. 368 Cf. supra, 2, p. 249. 369 Cf. P. Grimai, op. cit., p. 137; J.-M. André, Le siècle..., op. cit., p. 62-63.
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et Juvénal 370 octroyer leurs faveurs à des cuisiniers, des lutteurs, des bouffons, des gladiateurs ou des porteurs de litière. Il était inévitable qu'une telle inconduite excitât l'ire du conservateur de Γεροντοδιδάσκαλος et fût par lui fustigée avec vigueur. Le thème du fragment 192 n'a donc rien d'inattendu. La forme de ce fragment ne surprend pas non plus. Elle n'en est pas moins frappante, avec sa quadruple allitération en r qui souligne la r éprobation sarcastique et grondeuse du discoureur 371 et son schéma métrique soigné, qui se décompose comme suit : 1) spondée - trochée - spondée trochée ; 2) crétique - spondée - crétique - trochée, ces deux derniers pieds constituant une excellente clausule. - Raptor : cf. Horace, Carm., 4, 6, 2; Ovide, AA, 1, 679-680 372 ; Quintilien, Deci, 270 ; Sénèque, Contr., 1, 5 ; Martial, 12, 52 ; Servius, ad Verg. Aen., 4, 198. - Sur a et non ab devant n, cf. supra, 3, p. 318, n. 21 ; 4, p. 658; Deschamps, p. 72-73. En écrivant a nescio, Varron n'applique pas la « règle » des phonéticiens modernes, qui garantissent qu'on doit avoir ab dans cette situation. - Sur le suffixe péjoratif -ö de mulio, cf. supra, 2, p. 274 ; 4, p. 484 ; 521 ; 697 ; 817 ; Zaffagno, p. 210.
370 Cf. Martial, 6, 39; 12, 58; Juvénal, 6, 76 et suiv.; 82 et suiv.; 279 et suiv.; 331-332. 571 Cf. Woytek, Stil., p. 41; Lenkeit, p. 102. Au sujet du son r, cf. supra, 4, p. 726, n. 1023. 372 Passage qui n'est pas sans analogie avec le nôtre : Vim passa est Phoebe; uis est aliata sorori; et gratus raptae raptor uterque fuit, « Phébé fut violée; sa sœur fut victime d'un viol; l'une et l'autre n'en aimèrent pas moins celui qui les avait prises» (trad. H. Bornecque).
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193. - Citation unique, extraite par Nonius de « Varron II » . Texte sûr374. Prose375. Non contents de séduire des matrones, les esclaves du Ier siècle avant J.C. donnèrent dans la rébellion armée. Pareille audace plongeait bien entendu les passéistes du temps dans la stupeur et l'indignation376. Ce fragment 193 exprime avec netteté leur point de vue en la matière. Nul doute qu'il ne soit prononcé par le laudator temporis acti du dialogue. Nous avons indiqué qu'il fait très vraisemblablement allusion à la révolte de Spartacus 377. Résumons la genèse et le déroulement de cette mémorable affaire. Tout nous fait croire qu'elle eut essentiellement pour foyers les régions montagneuses de l'Italie, contrées sauvages où des esclavespâtres, précurseurs des cow-boys et gauchos d'Amérique, gardaient dans les saltus les grands troupeaux transhumants378. Ces hommes rudes, armés en permanence et très peu recommandables, auraient-ils bougé si l'esclavegladiateur Spartacus n'avait pas joué auprès d'eux le rôle du meneur ? On peut s'interroger là-dessus. Toujours est-il que, sous sa direction, ils se soulevèrent avec une violence extrême : l'ayant rejoint, alors qu'il avait commencé à comploter avec environ soixante-dix camarades gladiateurs et d'autres esclaves fugitifs, ils remportèrent plusieurs succès sur les légions romaines, même après que leurs divisions les eurent affaiblis, et menacèrent un moment la capitale. Rejetés dans le sud de la péninsule par Crassus, ils n'étaient pas encore vaincus. Pour en venir à bout, on dut, nous l'avons
373 Cf. Lindsay, Nonius, p. 40. 374 La graphie caecuttiunt est préférable à caecutiunt. Sa gemination expressive a peutêtre été favorisée par l'influence du grec τυφλώττω : cf. Deschamps, p. 50. Mieux vaut, d'autre part, opter pour mihi, leçon des meilleurs manuscrits, que pour mei, d'autant que ce mihi est en corrélation avec l'ego qui suit (cf. Lenkeit, p. 62) et qu'on a également mihi chez Plaute dans un énoncé analogue (voir plus loin). 375 Contra Vahlen 1, p. 79 (septénaires trochaïques, moyennant une légère transposition : seruos uidi au lieu de uidi seruos) ; Roeper 3, p. 80-81 (septénaires trochaïques - cf. Vahlen ou sénaires ïambiques, avec substitution de uidi ego seruos à ego uidi seruos). 376 Malgré la naturelle inimitié des esclaves envers leurs maîtres : cf. les proverbes variés dont le quoi serui tot hostes de Festus (p. 261 M.) peut être regardé comme le modèle (Otto, s. u. seruus, p. 319). 377 Cf. supra, p. 844; Mosca, p. 71; Bolisani, p. 111; Knoche, p. 39; Astbury, p. 147; Lenkeit, p. 62; Coffey, p. 152. 378 Cf. Varron, RR, 2, 10, 3; R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 175, n. 3; 361-362, n. 4.
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dit, faire appuyer les troupes de Crassus par celles de Lucullus et de Pompée. Sous le choc de cette force imposante, ils cédèrent et, finalement, furent tous exterminés. Il va de soi que, tant qu'elle dura et resta dangereuse, leur action suscita plus d'effroi que d'étonnement dans l'esprit des citoyens romains. Mais il semble bien que, le péril passé, cette frayeur se dissipa dans une large mesure et que subsista surtout l'ébahissement réprobateur dont nous faisions plus haut état : dans un passage du De re rustica où il adapte un texte d'Aristote relatif à l'agriculture esclavagiste, Varron ne reprend pas à son compte les inquiétudes qui se donnent carrière dans son modèle, touchant les luttes que les esclaves sont capables de mener contre leurs maîtres379. Il est donc excessif d'assurer comme beaucoup d'historiens, marxistes pour la plupart, que le souvenir de Spartacus hanta les grands propriétaires romains380. Il n'échappait pas à ces derniers que le danger signalé par Aristote était médiocre : « le plus caractéristique (...) de l'histoire de l'esclavage », a-t-on justement remarqué, « ce ne sont pas les révoltes, c'est l'absence de révolte » 381. Toutefois, il est probable que l'ave rtissement de 73-71 ne resta pas sans répercussion sur leur politique à l'endroit des esclaves : il fut, à notre avis, une des sources et peut-être la source première du paternalisme libéral que prônent un Tremelius Scrofa et un Columelle 382. Ne perdons pas de vue, au surplus, que le déclin du monde antique résulta sûrement en grande partie de la crise du système esclavagiste 383.
379 Varron, RR, 1, 17, 3 et suiv.; cf. R. Martin, Recherches.,., op. cit., p. 68-69. En revanche, Columelle n'est pas sans appréhension à cet égard : cf. R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 360. 380 Cf. R. Martin, loc. cit.; contra M. I. Finley, L'économie..., op. cit., p. 111. 381 J. C. Dumont, compte rendu de l'ouvrage de M. Capozza, Movimenti servili nel mondo romano in età repubblicana, Rome, 1966, dans REL, 45 (1967), 1968, p. 97. La dispersion des esclaves les empêchait de tramer une insurrection générale. Mais, dans les collectivités qu'ils formaient, des mouvements locaux étaient sans cesse à redouter (cf. R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 361-362). On sait que jamais ces mouvements, non plus d'ailleurs que les grandes révoltes comme celle de Spartacus, ne visèrent l'esclavage en tant qu'institu tion : les esclaves mutins ne voulaient pas abolir l'esclavage, mais seulement améliorer leur propre sort : cf. J.-P. Vernant, Mythe et société..., op. cit., p. 27 et suiv.; M. I. Finley, L'économie. .., op. cit., p. 85-86. 382 Voir R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 250-252. 383 Cf. J.-P. Vernant, Mythe et société..., loc. cit. (cette crise a pour motifs principaux « l'opposition des esclaves à leurs maîtres, leur résistance, leur inévitable mauvaise volonté dans l'exécution des tâches fixées » et l'impossibilité de multiplier indéfiniment le nombre des
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P. Lenkeit note à bon droit l'emphase que Varron, sous le coup de l'indignation, a mise dans l'interrogation double et oratoire de notre phrase 384. Mais il aurait dû ajouter que cette emphase est toute familière. Non seulement le fragment étudié ressemble étroitement à des vers de la comédie comme celui-ci : Numnam mihi oculi caecultant ? esine hic noster Hermio ? 385, mais on y relève deux traits typiques de la langue parlée et populaire : l'emploi du datiuus sympatheticus archaïque mihi au lieu de l'adjectif possessif mei586 et du pronom personnel pléonastique ego qui accuse la vivacité et l'affectivité de l'expression387. On remarquera encore la clausule finale rare (spondée - chorïambe, après un ïambe ou un crétique : armîs contra dominos). - Sur caecuttiunt, cf. supra, 1, p. 123-124 (où on remplacera Apol., 2 par Flor., 2, 6) ; Woytek, p. 132 ; Deschamps, p. 604 ; Zaffagno, p. 253. * *
194. - Citation unique dont nous ignorons la provenance. Prose388. Dans la tradition manuscrite, ce fragment est libellé, on l'a vu, en ces termes : uilico quod hanc (ou habeat) satis si (ou se) uix putant lautum. Sous cette forme, il ne veut rien dire. Aussi presque tous les éditeurs se sont-ils à l'envi efforcés de l'amender, en partant du principe, inattaquable,
esclaves sans mettre en danger l'équilibre de la société); R. Martin, Recherches..., loc. cit. Sur les questions effleurées dans ce paragraphe, voir aussi A. Michel, La philosophie politique..., op. cit., p. 112-113. 384 Lenkeit, p. 102. 385 Plaute, Fab. inc., fr. X Lindsay : « est-ce que je n'y vois pas clair ? Est-ce là notre maître Hermion?». 386 Cf. Woytek, p. 66; Deschamps, p. 361; Zaffagno, p. 237; supra, 2, p. 176; 3, p. 331; 405. 387 Cf. Woytek, p. 113; Deschamps, p. 416-417; XXXV, n. 370; Zaffagno, p. 240; supra, 2, p. 243-250; 3, p. 444; 4, p. 585; 591; 597. 388 Contra Havet 2, p. 183-184 : voir infra, η. 398; L. Dal Santo (Dal Santo 1, p. 9) : saturniens.
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qu'une opposition y est faite entre un ou des intendants (uilico) et des personnages dont l'identité doit être déterminée389. Leurs conjectures, si on néglige les menues variantes, peuvent se diviser en quatre groupes. Pour quelques-uns390, Varron comparerait ici l'intendant de son siècle à ceux du bon vieux temps. En conséquence, ils suppléent soit tune ou olim en tête de la phrase, soit habebant ou putabant après lautum, et remplacent uilico par uilici, hanc par nunc et si uix par sibi uix391. Pour d'autres, c'est entre deux catégories de la société contemporaine - les intendants et leurs maîtres ou les citoyens en général - que le Satirique établirait son antithèse. Ils substituent donc habent à hanc (qui serait une mélecture d'hânt, abréviation d'habent) et sibi uix putant392, dues exputant393, ou dui exputant394 à si uix putant. Le fragment signifie alors : «ce qu'ils jugent à peine suffisant pour eux leur semble somptueux pour un intendant », ou bien « i cittadini ritengono che quello che è per loro appena sufficiente per il fattore sia abbondante » 395, ou enfin : « ce qu'on considère comme à peine suffisant pour un citadin, on pense que
389 Seul F. Bücheier garde dans son édition la leçon de la plupart des manuscrits. Mais il précise dans son apparat critique : «requiro tale quod domino satis sit, uix». Auparavant (Bücheier, p. 570 (434), n.), il avait hasardé : uilicos, quod habent satis, si uix putant lautum, énoncé paléographiquement satisfaisant (pour habent, voir plus bas), mais défectueux parce qu'il offre un sens médiocre et parce qu'il est bizarrement lacunaire - il y manque le verbe dont dépendrait uilicos; or, comme le remarque justement P. Lenkeit (Lenkeit, p. 64, n. 4), « es nicht die Angewohnheit des Nonius war, einen Akkusativ für sich stehen zu lassen». 390 J. Vahlen (Vahlen 2, p. 37), A. Riese (Riese, p. 141), F. A. Brunetti (Brunetti, p. 685), E. Bolisani (Bolisani, p. 102), R. Astbury (Astbury, p. 129; 149). 391 II est permis d'imputer à une transcription sous la dictée l'omission du -bi de sibi (cf. supra, 1, p. 63; 82; 2, p. 231, n. 6; 3, p. 306; 309). En ce qui concerne le passage de nunc à hanc, cf. par exemple Varron, Men., 8 Buch, (haec pour nee) ; Nonius, p. 323, 1. 6 (hinc pour nunc); Varron, Men., 99 Buch, (lataui pour lutaui); 121 Buch, (ostrinam pour ostrinum); 255 Buch, (dam pour dum); Nonius, p. 516, 1. 7 (utque pour atque); 531, 1. 1 (mediam pour medium) ; F. Bertini, Errori nella tradizione manoscritta della Compendiosa doctrina, dans Studi Noniani, I, Gênes, 1967, p. 38-40. 392 Oehler, p. 133. 393 Della Corte 3, p. 73 : « je lirais donc : uilici, quod habent satis dues, exputant lautum, ou uilico quod habent satis, dues exputant lautum » ; Della Corte 4, p. 40 (où la deuxième de ces lectures est seule conservée). 394 Deschamps, App., p. 51. 395 Della Corte 4, p. 187.
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c'est du luxe pour un fermier » 396. D'une manière analogue, L. Dal Santo, qui se borne à corriger en nunc Vhanc des manuscrits, développe ainsi la pensée de Varron : si dues quod nunc putant uix satis (esse) uilico lautum (esse ducunt) et traduit : « se i cittadini ritengono che per il fattore sia già una cospicua richezza quello che ora è appena bastevole (per loro) » 397. L. Havet, quant à lui, pense que l'écrivain veut blâmer l'insatiabilité des esclaves « modernes » en la confrontant avec la modération des anciens intendants. Voici son texte : uilico quod tune sat esset, uix sibi putant lautum, « ce qui, en ce temps-là, était suffisant pour un intendant, ils l'estiment a peine somptueux pour eux » Enfin L. Müller399 et P. Lenkeit400, dont nous approuvons la doctrine, croient que Varron trace un parallèle entre les intendants contemporains et les maîtres d'autrefois. Aussi proposent-ils la leçon que nous avons retenue nous-même. Si on écarte les thèses de F. Oehler, F. Della Corte, L. Deschamps et L. Dal Santo qui sont sans discussion erronées, ne serait-ce qu'en raison
396 Deschamps, loc. cit. On ne voit pas d'où F. Della Corte et L. Deschamps tirent F« appena» et F« à peine» de leurs traductions. N'auraient-ils pas oublié, quand ils traduisaient, qu'ils avaient troqué le si uix putant des manuscrits contre dues exputant ou dui exputant? Le « per loro » de F. Della Corte est également inexplicable. 397 Dal Santo 1, loc. cit. 398 Havet 2, loc. cit. : « Varron, dans cette ménippée, se plaint de l'insolence des esclaves : cf. 193 B. (...). Ceci nous indique le sens général de notre fragment : les simples esclaves, aujourd'hui, ne trouvent pas assez bien pour eux» (telle n'est pas, en fait, la valeur précise de uix lautum) « ce dont se contentait jadis un uilicus, chef d'esclaves. Le mot corrompu hanc doit être corrigé en tune. J'étais arrivé à cette conclusion en n'examinant que le passage de Varron : je cherchai si une correction fourvoyée n'aurait pas fait passer ce tune dans quelque ligne du voisinage. Je n'eus pas à chercher longtemps : le tune qui figure devant unctum dans le vers du Phormio (2, 2, 25) y est dénué de sens, y fausse la mesure et manque dans les manuscrits de Térence. Il a été introduit là, sans doute, aux lieu et place d'une syllabe -une destinée à corriger la faute nuctum conservée dans P. La restitution de tune après quod peut donc être considérée comme certaine. Le sens appelle en outre un sibi faisant antithèse avec uilico et une forme du verbe être à un temps passé. La place de quod après uilico indique d'ailleurs que notre fragment est poétique; uilico au commencement et putant lautum à la fin montrent que le mètre est le septénaire trochaïque scazon, que Varron a souvent employé. (...) On peut supposer que sat esset uix sera devenu satis setuix et que setuix sibi aura ensuite été lu siuix». 399 Müller 2, 1, p. 542. 400 Lenkeit, p. 63 et suiv.; 97. Cf. Mosca, p. 71.
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du contexte dans lequel s'insère notre phrase 401, ces solutions diffèrent somme toute assez peu l'une de l'autre. Il aurait été vain pour nous d'en chercher une nouvelle, car nos prédécesseurs ont essayé toutes les voies possibles, tant pour l'amélioration du passage que pour son elucidation. C'est pourquoi nous nous sommes contenté de faire nôtre celle de leurs conjectures qui, à nos yeux, fournit le meilleur sens, tout en respectant les lois de la paléographie402. L'opinion à laquelle va notre préférence est selon nous justifiée notamment par le fait que, dans la très ancienne Rome, il n'y avait pas de uilici : les tâches que remplirent plus tard ces esclaves de confiance étaient assumées par les propriétaires eux-mêmes qui, pra tiquant le faire-valoir direct, habitaient sur leurs terres au milieu de leurs gens. A ces antiques agriculteurs, chers au cœur de Varron403, renvoie sibi putabant lautum : ils vivaient, nous apprend l'écrivain, plus pauvrement que les esclaves qui, dans les années 70 avant notre ère, géraient les grands domaines pour leurs maîtres absents, et ils considéraient comme un luxe ce qu'à la fin de la République les uilici tenaient pour le strict nécessaire. On ne saurait nier que cette exégèse ne soit dans le droit fil du thème central de Γεροντοδιδάσκαλος ; si elle est exacte, l'affirmation à laquelle elle se rapporte ne pouvait être lancée que par l'homme qui faisait dans la pièce l'apologie des maiores404. - Sur le uilicus, cf. supra, 4, p. 708-710 405. VI géminé qu'on trouve parfois dans la graphie de ce substantif est couramment supplanté, comme dans notre exemple, par un / unique, phénomène provoqué par Yi qui suit la liquide et la rend palatale406.
401 Sur d'autres imperfections, cf. supra, n. 396. Ajoutons que la théorie de L. Dal Santo oblige à compléter exagérément - et gratuitement - la citation de Nonius. 402 De ce dernier point de vue, les tentatives que nous avons classées en première et en troisième position laissent beaucoup à redire : cf. Lenkeit, p. 64. 403 Cf. supra, p. 859-860. 404 Bien que son texte et sa traduction soient assez éloignés des nôtres (il traduit : « [at that time] bailiffs [thought] sumptuous what they now think barely sufficient for themselves »), R. Astbury aboutit en définitive à la même explication que nous : «the sense», écrit-il, «seems to be that today even the lower classes would think insufficient what the upper class in the past thought sumptuous » (Astbury, p. 149). 405 Voir aussi Schneider, s. u. uilicus, uilica, dans RE, VIII A, col. 2136-2141; Orth, s. u. Landwirtschaft, dans RE, XII, col. 647 ; 654 ; H. Dohr, Die italischen Gutshöfe nach den Schriften Catos und Varros, Diss. Cologne, 1965, p. 129; 137; R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 16 ; 96. 406 Cf. Deschamps, p. 48.
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Vilico est un singulier collectif, plutôt populaire qu'abstrait et « in » 407.
- Vix peut être ici une négation atténuée, un synonyme faible de non. Sur cet emploi propre à la langue littéraire, où, fréquemment, « on dit le moins pour faire entendre le plus », cf. Marouzeau, Aspects, p. 65. - Le sujet de putabant était probablement énoncé avant notre pas sage. S'il ne l'était pas, le verbe a un sujet indéfini, équivalent de notre « on », que rend la troisième personne du pluriel (trait de la langue fa milière408). - Varron maintient toujours la diphtongue au de lautus, « riche, élégant, somptueux », tandis que, dans d'autres mots, il simplifie à l'instar du peuple cette diphtongue en 5409. Il le fait pour éviter qu'on ne con fonde cet adjectif avec lotus, « lavé, baigné » 410. - On remarquera la clausule (spondée - trochée) de putabant laïdum et l'ordre des mots qui met en relief le couple uilico - sibi, uix et lautum. Sur la place du relatif quod (archaïsme qui, au Ier siècle avant J.C., sentait l'affectation et le procédé de style), cf. supra, 2, p. 217. * * 195. - « Extra quotation ». La « leading quotation » a été prise par Nonius dans le recueil que W. M. Lindsay intitule « Pomponius » 4n. Texte sûr412. Prose.
407 Sur cette distinction, cf. supra, 2, p. 164. 408 Cf. supra, 3, p. 352 ; 4, p. 508. 409 Cf. A. Meillet - J. Vendryès, op. cit., p. 118-119. 410 Cf. Woytek, p. 18-19; Zaffagno, p. 231. 411 Cf. Lindsay, Nonius, p. 12. Ce recueil contenait les atellanes de Pomponius dont le titre commence par un Ρ : ibid., p. 7. 412 La correction de tenebronem en tenebrionem ee passe de justification. Plusieurs éditeurs glissent un in devant Capitolio. Bien que, dans les autres textes où il figure, cet ablatif-locatif soit toujours accompagné d'une préposition (cf. Lenkeit, p. 68), ce n'est pas indispensable à notre sentiment : Varron a pu imiter ici, un peu audacieusement sans plus, la construction usitée pour les noms de villes (cf. Ernout - Thomas, p. 84; Deschamps, p. 368). Rien ne force à remplacer dilectum par delectum.
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C'est sûrement le laudator temporis acti que Varron fait parler ici encore. Ce personnage, dans une sorte de « chrie » 413, rappelle le geste courageux d'un consul du IIIe siècle avant J.C., le grand Manius Curius Dentatus, qui avait un des tout premiers rangs parmi les modèles quasilégendaires des vertus antiques 4M ; du même coup, il rend hommage à tous les magistrats du passé qui, par leur intégrité, leur abnégation, leur désin téressement, et la haute idée qu'ils avaient du service public, furent les principaux artisans de la grandeur romaine. L'anecdote dont il se fait l'écho nous est aussi transmise par d'autres sources. On lit en effet dans une des Periochae de Tite-Live : « Curius Dentatus, alors qu'il procédait à une levée de troupes415, fut le premier à vendre les biens d'un homme qui n'avait pas répondu à sa convocation » 416 ; et, moins avare de détails, ValèreMaxime écrit : « le consul Manius Curius, obligé d'ordonner soudain une levée, et voyant qu'aucun des citoyens mobilisables n'avait répondu à l'appel, fit tirer au sort entre toutes les tribus et convoquer le premier nom extrait de l'urne pour la tribu Pollia, qui venait d'être désignée par le sort ; comme l'intéressé ne répondait pas à l'appel, il fit mettre ses biens à l'encan. Averti, l'homme courut au tribunal du consul et en appela au collège des tribuns. Alors Manius Curius déclara que l'Etat n'avait que faire d'un citoyen qui ne savait pas obéir et fit vendre ses biens et sa personne » 417. Comment les Romains n'auraient-ils pas vu dans cette décision un témoignage éloquent de l'intransigeance dont les dirigeants de la période héroïque étaient capables ? Elle était, Tite-Live l'atteste, sans précédent et ne fut pas imitée par la suite418. Beaucoup la trouvaient même exagérément dure lorsque Rome,
413 Cf. supra, 99 Buch. ; Hermogène, Progymnasmata, 3 : « la chrie est la mention concise d'un mot, d'une conduite ou des deux, le plus souvent dans un but utilitaire » ; Astbury, p. 69-70. Ce genre de leçon était surtout utilisé par les Cyniques et les Stoïciens. 414 Cf. Ennius, Ann., 373 Vahlen : Manius Curius, «l'homme que personne n'a pu vaincre, ni par le fer, ni par l'or » ; Cicéron, De sen., 15 ; 43 ; 55 ; Varron, Hebdom., ap. Symm., Ep., 2, 4 : « Curius qui était pauvre mais commandait aux riches » ; Pline, NH, 16, 185 ; Valère-Maxime, 4, 3, 5 ; Juvénal, 11, 78 et suiv. ; Münzer, s. u. Curius, n° 9, dans RE, IV, col. 1844; Oltramare, p. 106, n. 2. 415 Cette opération incombait bien aux consuls (cf. Cenderelli, p. 115; 131; 135) et avait bien lieu au Capitole : cf. Tite-Live, 26, 31, 11; Polybe, 6, 19, 6. 416 Tite-Live, Epit., 14. Cet événement se produisit pendant la guerre contre Pyrrhus, en 275 avant J.C., et non en 290 comme le prétend F. Della Corte (Della Corte 4, p. 187) : cf. Tite-Live, loc. cit. 417 Valère-Maxime, 6, 3, 4. 418 Cf. Lenkeit, p. 68-69. Sur les punitions encourues à Rome par ceux qui tentaient de se dérober à leurs obligations militaires, cf. Th. Mommsen, Rom. Staatsrecht, 3e éd., Leipzig,
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grâce à la réforme de Marius, n'eut plus de peine à recruter le nombre de soldats dont elle avait besoin. Comme le demande son sujet, cette allusion à l'inflexibilité de Curius est émaillée de termes empruntés aux langues juridique et politique dilectum habent, citatus, in tribu, ciuis, respondisset. Voulant sans doute en compenser la sécheresse, Varron agrémente cette formulation technique d'une sextuple allitération en c419 et d'une anastrophe élégante de la con jonction cum 420, figure amenée en partie par le jeu de sonorités qui la précède ; de plus, il achève sa phrase par un mot long, rare, expressif et po pulaire, tenebrionem 421. Ce mot, où on reconnaît le suffixe dépréciatif -o déjà étudié422, désigne proprement un « homme sombre », un « noir individu ». Il figure ailleurs dans les Ménippées (377 et 539 Buch.) et une fois chez Afranius (Corn., 109 Ribbeck3). - Sur la graphie de consul (maintien de Yn devant s), cf. supra, p. 875 (à propos de quotiens). - Vendidit a vraisemblablement une valeur factitive (« il fit vendre »). Cette forme est aussi employée dans les textes cités de Tite-Live et de Valère-Maxime. - Remarquer la clausule (péon 1er - trochée : uendidît tënëbrionëm).
196. - Citation unique tirée par Nonius de « Gloss. I » 423. Texte sûr. Prose424. De même que le précédent, ce fragment se relie, pour le motif, à Flaxtabulae et à certains passages de Birmarcus ou de Papia papae425. E. Bolisani, qui le croit dirigé contre les censeurs du Ier siècle avant notre ère, le commente ainsi : ces mauvais magistrats « di tutt'altro si
1887, I, p. 152, 2; Strafrecht, Leipzig, 1899, p. 44, 1; Liebenam, s. u. dilectus, dans RE, V, col. 600 et suiv. 419 Cf. Woytek, Stil, p. 41. 420 Cf. supra, p. 794. Contra E. de Saint-Denis, Syntaxe du latin parlé dans les Res rusticae de Varron, dans RPh, 73, 1947, p. 143 et suiv. ; Woytek, p. 101-102 (selon eux, trait familier). 421 Cf. Alfonsi, Aufstieg, p. 37; Deschamps, p. 605. 422 Cf. supra, p. 900. 423 Cf. Lindsay, Nonius, p. 59. 424 Selon J. H. Onions et W. M. Lindsay (ad loc), septénaires trochaïques. De là leur interversion de multos aerarios. 425 Cf. supra, 2, p. 248-250 ; 812 et suiv.
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preoccupano fuorché di arrichire l'erario. Multos aerarios facere = moltiplicare gli erari, dice iperbolicamente V. nel senso di arrichime uno » 426. Cette doctrine n'est pas recevable pour une simple mais excellente raison : nonobstant le lemme de Nonius invoqué par E. Bolisani, multos aerarios facere n'a pas l'acception que lui donne l'érudit italien, dont l'exégèse, au demeurant, est assez acrobatique. Comme l'indique justement F. A. Brunetti427, nous devons rapprocher cette expression où, n'en déplaise à E. Bolisani, aerarios n'est pas un doublet à'aeraria, « les trésors », des locutions juridiques aerarium aliquem facere, aerarium relinquere, in aerariis relinquere, in aerarios referre428, qui désignent une prérogative des censeurs romains : ceux-ci étaient habilités à imposer plus lourdement que le reste des citoyens quiconque avait manqué à son devoir, spécialement dans le domaine moral (aerarius est dérivé d'aes) 429. A cette sanction pouvait s'en joindre une autre, qui consistait à exclure le coupable de sa tribu (après 304, on le reléguait dans une des quatre tribus urbaines), mais P. Fraccaro a montré que les deux peines étaient distinctes et que la première n'entraînait pas automatiquement la seconde430. Il semble qu'au moment où Varron rédigea Γεροντοδιδάσκαλος personne n'avait plus été depuis longtemps - exactement depuis 142 - fait éraire à Rome. Cela posé, la phrase qui nous intéresse admet trois explications différentes. Ou bien elle est prononcée par le passéiste de la satire. Dans cette hypothèse, elle peut : - soit railler les modernistes, pour qui un bon censeur est un censeur laxiste, évitant de châtier et d'humilier ses administrés, même s'ils le méritent 431 ;
426 Bolisani, p. 111. 427 Brunetti, p. 825-826. 428 Cf. Thés. l. L., s. u. aerarius, I, col. 1055. 429 Cf. E. Meyer, Römischer Staat und Staatsgedanke, 2e éd., Darmstadt, 1961, p. 169; 264. Sur les responsabilités des censeurs en matière de finances, cf. Cenderelli, p. 118; 130. 430 P. Fraccaro, Tributes ed aerarli. Una ricerca di diritto pubblico romano, dans Athenaeum, η. s., 10, 1933, p. 150-172. Sur les éraires, voir également A. H. J. Greenidge, Infamia, Oxford, 1894 (réimpr. 1977), p. 105 et suiv. ; M. Nowak, Die Straf v erhängungen der Censoren, Diss. Breslau, 1909; Th. Mommsen, Rom. Staatsrecht, op. cit., Il, p. 392-406 (thèse aujourd'hui périmée) ; Kubitschek, s. u. aerarius, dans RE, I, col. 674 ; E. Meyer, op. cit.; J. Suolahti, The Roman Censors, Helsinki, 1963, p. 40; 43-44; 53; 275; 323; 330; 397; The Oxford Classical Dictionary, 2e éd., Oxford, 1970, s. u. aerarii, p. 15. 431 Cf. Mommsen, p. 610, n. ; Riccomagno, p. 173 (mais il survole de trop haut et fausse le texte : au temps de Varron, se borne-t-il à observer, « le cariche erano cedute a gente indegna, che rubava a man salva, preoccupandosi di impinguare le proprie finanze più che
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- soit décerner un satisfecit à ceux des anciens censeurs qui usèrent de leurs pouvoirs avec modération et s'abstinrent de punir exagérément432. Ou bien elle est émise par le moderniste. Elle loue alors l'évolution qui a fait tomber en désuétude un règlement trop sévère et engage les censeurs futurs à ne pas le remettre en vigueur. C'est la deuxième conjecture, la conjecture du satisfecit aux anciens censeurs, qui nous paraît la plus pertinente. Mais, comme nous n'avons pas le moyen de la vérifier, nous nous résignons, on s'en souvient, à classer 196 avec les vestiges « douteux » de l'ouvrage 433. Quoi qu'il en soit, notons que l'homme qui s'exprime ici le fait sur le ton de la constatation, peutêtre ironiquement, on vient de le voir, mais sans emphase ni véhémence 434. Autre incertitude : faut-il ponctuer le passage et, dans l'affirmative, comment ? Sur ce point encore, nos devanciers sont divisés. Plusieurs ne ponctuent pas 435, ou se contentent d'une virgule entre esse et ac 436. L. Müller et P. Lenkeit écrivent : hoc est : magnum censorem esse...437. Enfin A. Riese et L. Deschamps glissent une virgule après magnum438. Nous avons nous-même choisi ce dernier agencement (en remplaçant la virgule par deux points) parce qu'il conduit au sens le plus naturel et le plus riche, sans contraindre, comme celui de L. Müller et P. Lenkeit, à renvoyer pour la compréhension du fragment au contexte perdu 439. Dans notre interprétation, hoc est un anaphorique et annonce cen sorem . . . facere. Cette construction paratactique appartient à la langue de la conversation familière : cf. infra, 345 et 431 Buch.; Piaute, As., 509;
quelle dell'erario pubblico»); Mosca, p. 72 (il suppose que Varron songe à un personnage en vue); Astbury, p. 149; Della Corte 4, p. 187 (il traduit avec beaucoup d'imprécision : «esser censore e non occuparsi di rimpinguare le casse»). 432 Cf. Lenkeit, p. 73. De son côté, F. Bücheier (Bücheier, p. 570 (434), η.) imagine qu'un peu auparavant dans la pièce Varron évoquait la mémoire d'un censeur illustre de jadis, Scipion l'Africain par exemple (plutôt que Fabius ou Claudius). 433 Cf. supra, p. 839. 434 Cf. Lenkeit, p. 102. 435 Cf. Buch., ad loc; Onions, ad loc; Lindsay, ad loc; Della Corte 4, p. 40-41 (mais il traduit plus loin comme s'il avait une virgule ou deux points avant censorem : Della Corte 4, p. 187 : «questa è una gran cosa : esser censore...»). 436 Gerlach - Roth, éd. de Nonius, ad loc; Oehler, p. 133; Quicherat, p. 203. 437 Müller 2, I, p. 280 ; Lenkeit, p. 73-74. 438 Riese, p. 143; Deschamps, App., p. 51. 439 Cf. Lenkeit, loc. cit. : « hoc sich auf vorhergehende Bemerkungen über das Amt des Censors bezieht» (il rend, cela va sans dire, hoc est par «das heisst»).
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Capi., 750 ; Cure, 670 ; Terence, Ad., 964 ; Cicéron, Tusc, 3, 30 ; Thes. I. L, s. u. hic, VI, 2-3, col. 2732 ; Deschamps, p. 331-332 ; 397. - Censorem esse, . . . facere : propositions infinitives où l'accusatif censorem résulte d'un « phénomène d'accord automatique » : il est en effet « entraîné par le sentiment qu'il s'agit de l'attribut du sujet, sous-entendu parce qu'indéfini » de ces propositions 440. - Dans ac non studere, non fait corps avec studere : pour Varron, « c'est le fait de non studere (...) qui est important » 441. Voilà pourquoi il ne dit pas : nec studere. Cf. Ernout - Thomas, p. 374. Sur ac, voir supra, 1, p. 42. - On prendra garde à la simplicité du vocabulaire442 et à la clausule (trochée - péon 1er : aerârios fàcërë).
197. - Citation unique de provenance incertaine 443. Prose 444. Dans nos manuscrits de Nonius, le texte de ce fragment - noctu cultro coquinari se traiecit, nondum enim mihi inuenti erant cultelli empestati e Bithynia - contient trois mots défectueux : mihi, inuenti et empestati. Mihi : ce datif (éthique) incongru fut probablement substitué, dans l'archétype d'où descend la tradition conservée du De compendiosa doctrina 445, à son doublet bref mi, lui-même fruit d'une mélecture 446. Partant de cette bonne analyse, certains éditeurs suppriment mihi (ils interprètent le mi qui lui a donné le jour comme une dittographie des lettres finale et initiale d'enim et â'inuenti447), tandis que d'autres le remplacent par hi, UH, ibi
440 Deschamps, p. 350. 441 Deschamps, p. 429. 442 Pour studere, en particulier, cf. Axelson, p. 107. 443 Cf. Lindsay, Nonius, p. 59 : « (?) Gloss. I-III-V». 444 Suivant J. Vahlen (Vahlen 1, p. 80) et G. Roeper (Roeper 2, p. 286), septénaires trochaïques. Cf. supra, p. xxiv. 446 Cf. Bücheier, p. 187 (440) ; Lenkeit, p. 74. 447 Cf. Bücheier, loc. cit.
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ou inibì. De ces diverses emendations, hi nous paraît être la plus sati sfaisante à tous égards448. Inuenti (erant) n'est pas recevable, car avec e Bithynia nous attendons un verbe qui note un transfert449. La conjecture de F. Bücheier, qui se borne à changer en c le deuxième n annuenti, résout excellemment la question 450. L'adjectif en -to empestati réclame pareillement une petite rectifica tion, car il se rattache clairement au grec έμπαίω, έμπαιστός. Il suffit pour le corriger d'ajouter un a devant son second e451. Ceux qui n'hésitent pas à lui préférer έμποαστοί ou empaestei vont trop loin à notre gré. La forme que nous retenons n'a rien de choquant : comparable à Ventheatus que Martial tire d'ëvûeoç452, empaestati est un dérivé à suffixe latin du verbe έμπαίω également latinisé453. Bien entendu, il fallait être instruit pour comprendre et goûter ce genre de fabrication 454 ; mais qui oserait avancer que les Ménippées furent écrites pour des incultes ? Il est au premier regard curieux que, traitant d'un suicide, Varron fasse référence aux couteaux ouvragés du legs bithynien 455, qui étaient destinés à la montre, non à l'usage. Il y a là, certainement, une plaisanterie 456 ; mais elle se révèle à la réflexion moins coupée de la réalité qu'on n'était d'abord enclin à l'imaginer : en effet, ces bijoux dont parle l'auteur permett aient sûrement très bien de se tuer, sinon en se perçant la poitrine ou
448 L'hypothèse de la dittographie est peu plausible et, si on rétablit comme nous inuecti au lieu d'inuenti, ibi et inibì deviennent impossibles (on ne saurait avoir dans ce cas qu'un adverbe marquant le mouvement, eo par exemple). Paléographiquement, hi ne fait pas difficulté, encore que nous n'ayons pas rencontré ailleurs chez Nonius d'h pris pour un m - mais la con fusion d'h et d'n, d'n et d'm y est courante : cf. supra, n. 391; Varron, Men., 7 Buch. (nummam pour numnam); 233 Buch, (comuisset pour tonuisset); Nonius, p. 81, 1. 15 {yen pour rem); 163, 1. 14 (rinis pour rimis); 210, 1. 28 (tibicem pour tibicen). Sur l'hyperbate hi... cultelli, voir plus bas n. 471; enfin il est normal que Varron ait employé avec cultelli le démonstratif «de l'objet le plus rapproché du sujet parlant» (Ernout - Thomas, p. 159), attendu que ces couteaux étaient à Rome, cadre de notre satire (cf. Lenkeit, p. 75). 499 Contra Della Corte 3, p. 73, qui renvoie à Plaute, Ba., 472 : unde esse earn aiunt? - ex Santo, «d'où dit-on qu'elle est? - de Samos». 450 Sur la confusion d'n et de c chez Nonius, cf. supra, 4, p. 652, n. 613. 451 Sur la latinisation de la diphtongue ai, cf. supra, 3, p. 421; 4, p. 683. 452 Martial, 12, 57, 11. Cf. Vahlen 1, p. 80; Lenkeit, p. 76. 453 Cf. Deschamps, p. 626 ; Lenkeit, loc. cit. 454 Cf. Lenkeit, loc. cit. 455 Cf. supra, p. 844. 456 Cf. Lenkeit, p. 77.
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l'abdomen, du moins en s'ouvrant les veines ou en se tranchant la gorge. Notre passage peut donc se paraphraser ainsi : autrefois, quand on vivait sans faste, on se supprimait de même, au moyen de vulgaires ustensiles de cuisine ; maintenant qu'on nage dans le raffinement, on recourt (ou on est tenté de recourir), fût-ce pour s'ôter l'existence, à des outils précieux et, singulièrement, aux élégants couteaux que l'importation des trésors bithyniens a depuis peu mis à la mode. Corollaire : c'est le luxe des intérieurs, du mobilier, de la vaisselle que Varron prend ici, de nouveau, pour cible et c'est à Γ« intégriste » de la pièce qu'il confie le soin d'exposer ses idées sur ce motif rebattu de la satire latine457. Quelques commentateurs se sont demandé si notre phrase ne viserait pas plutôt, ou simultanément, la religion de Cybèle et d'Attis458, ou les mauvais effets des philosophies qui toléraient, voire conseillaient le suicide en certaines circonstances459. Ces suppositions ne sont pas absurdes - on connaît l'hostilité de Varron envers la Grande Mère orientale460, son amant mutilé, son clergé d'eunuques excités, ses cérémonies orgiastiques 461, et on apprendra plus loin, si on ne le sait pas déjà, qu'il consacra une ménippée
457 Cf. supra, 1, p. 50; 107; 2, p. 250; 3, p. 439, n. 66; 4, p. 616; 622; 844; Bücheier, p. 569-570 (433-434), n. ; Bolisani, p. 109; Knoche, p. 40; Astbury, p. 136; Lenkeit, p. 95; Juvénal, 11, 128 et suiv. (trad. P. de Labriolle) : «Je me gare d'un convive orgueilleux qui (...) méprise les fortunes modestes. Chez nous, pas une once d'ivoire (...). Les manches mêmes de mes couteaux sont en os». 458 Vahlen 1, p. 80; Brunetti, p. 824; Bolisani, p. 109; Lenkeit, p. 77. Lors de la fête du sang célébrée le 24 mars en l'honneur d'Attis, l'archigalle et les galles se tailladaient les bras et les épaules avec des couteaux de métal pointus et à double tranchant. Les galles se servaient parfois aussi de ces armes rituelles pour s'émasculer (mais, le plus souvent, ils prenaient pour ce faire des pierres taillées, des tessons de poterie ou des lames de terre cuite, car, en théorie, les instruments de bronze et surtout de fer étaient prohibés dans le culte de la déesse phrygienne) : voir J. Marquardt, Römische Staatsverwaltung, 2e éd., Leipzig, 1885 (réimpr. New York, 1975), III, p. 372; H. Graillot, Le culte de Cybèle..., op. cit., p. 127; 129; 140; 296; 304-305; J. Bayet, La religion..., op. cit., p. 216; M. J. Vermaseren, Cybèle and Attis, the Myth and the Cult, trad. A. M. H. Lemmers, Londres, 1977, p. 96-97; 115. Certaines pièces du trésor de Nicomède appartenaient peut-être, initialement, à ce matériel liturgique : la religion de Cybèle jouissait d'une grande vogue en Bithynie, où Attis était adoré comme dieu du ciel et assimilé à Zeus (cf. Ed. Meyer, s. u. Bithynia, dans RE, III, col. 523 ; Lenkeit, p. 77). 459 Labitte, p. 459; Riccomagno, p. 129; Mosca, p. 70, n. 1. 460 II vénérait en revanche Cybèle romanisée, patronne de la nobilitas : cf. supra, 4, p. 562; 616. 461 Cf. supra, 4, p. 562; 616; 618; 620 et suiv.; 625 et suiv.; 629; 647 et suiv.; 652; 656; 658-660.
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entière, Περί εξαγωγής, au problème du suicide. Mais nous les jugeons inopportunes, parce qu'elles sont indémontrables et ne se raccordent pas assez étroitement aux grands sujets de Γεροντοδιδάσκαλος 462. On a aussi essayé de découvrir le nom de la personne dont Varron, avec une sorte d'humour noir, évoque la fin brutale. Il s'agirait, selon F. Della Corte, de Lucrèce plus haut citée463. Nous n'acceptons pas non plus cette identification : assurément, chez Tite-Live, Lucrèce se tue avec un couteau464, mais il ressort de tous les témoignages qui la concernent qu'elle n'accomplit pas de nuit (cf. noctu . . . se traiecit) son acte d'héroïsme 465 et la mention de cet acte détonnerait, à nos yeux, dans le persiflage étudié466. - Cultelli empaestati : vrai diminutif467, cultelli a sans doute en même temps ici une valeur péjorative468. Quant à empaestati, nous y verrions volontiers un de ces grécismes par lesquels les Satiriques, et Varron en particulier, aiment à parodier l'hellénomanie de leurs compat riotes snobs469. Ce néologisme exotique, l'hapax coquinari470, et l'hyperbate
462 Cf. Astbury, p. 136 ; Lenkeit, p. 77. 463 Della Corte 4, p. 187-188. S'il disait vrai, il conviendrait d'associer 197 à 187, 188 et 190. 464 Cf. Tite-Live, 1, 58, 11 : cultrum (...) in corde defigit, «elle se plonge un couteau dans le cœur ». 465 Cf. Tite-Live, 1, 58, 5-11; Denys d'Halicarnasse, 4, 64, 4-4; 67, 4; Diodore de Sicile, 10, 20, 1-3; Ovide, F., 2, 813-834; Valère-Maxime, 6, 1, 1; Kroll, s. u. Lucretia, dans RE, XIII, 2, col. 1692 et suiv. 466 Cf. Lenkeit, p. 80 : « dass diese Frau, die als Beispiel römischer Sittenstrenge galt, ein Küchenmesser nehmen musste, um sich zu entleiben, weil ihr die fein vergierten Messerchen aus dem bithynischen Königshause noch nicht zur Verfügung standen, ist ein schon fast geschmackloser Witz, der Della Cortes Vermutung doch sehr fragwürdig erscheinen lässt». 467 On peut le déduire de l'opposition cultro - cultelli. 468 Cf. supra, 1, p. 59-60, n. 3 ; 131; 139; 3, p. 419; J. S. Th. Hanssen, Latin Diminutives. A Semantic Study, Bergen, 1951, p. 213; Lenkeit, p. 79. 469 Varron, RR, 2, praef., 2 (R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 215); supra, 2, p. 215; Lucilius, 1, 14-17 Marx (Cèbe, p. 198; F. Charpin, Lucilius..., op. cit., p. 197-198). 470 Cf. Astbury, p. 135; Lenkeit, p. 78; Woytek, p. 131; Zaffagno, p. 252. On utilisait régulièrement coquinarius, -a, -um (cf. Pline, NH, 33, 140; Apicius, De re coquinaria) et nous devrions avoir coquinali au lieu de coquinari : en effet, le vieux suffixe -a-ri- « ne s'est maintenu pour former des adjectifs que sous la forme allongée -ârius » et a été ailleurs supplanté par -alis ; là où il apparaît en latin classique - dans familiaris, puellaris, stellaris par exemple - il résulte d'une dissimilation due à 17 qui précède : cf. J. Wackernagel, Lateinischg riechisches, dans Indogerm. Forschungen, 31, 1912-1913, p. 256; A. Meillet - J. Vendryès, op. cit., p. 395, à qui nous empruntons notre citation. Peut-être Vn de coquinaris a-t-il joué
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de hi... cultelli471 relèvent un peu une expression au demeurant simple et familière (on remarquera spécialement la structure paratactique de l'énoncé et la liaison par enim de ses deux propositions472). Empaestati est à rapprocher de Yimpaestatori qu'il faut certainement lire dans une inscription mise au jour à Cesaree de Maurétanie 473. Le travail de 1'έμποαστική (τέχνη) consistait à fixer en saillie sur des objets de métal, par rivetage et non par soudure ou damasquinage, des ornements d'un métal différent et d'une autre couleur 474. C'est, naturellement, le manche de nos cultelli qui était décoré de cette manière 475. Les ateliers les plus réputés se trouvaient à Pergame et dans le Pont, mais les productions de la Bithynie ne manquaient pas d'amateurs à Rome476. Du reste, Boëthos, un des meilleurs toreutes de tous les temps, était vraisemblablement de Khalkèdôn, en Bithynie477.
le même rôle que 17 de familiaris, puellaris et stellaris. Autre exception : Yextaris de Plaute, Rud., 135 (aulam extarem, «marmite pour entrailles»), où le suffixe est probablement conservé à cause de 17 à'aulam. Quoi qu'il en soit, coquinaris et extaris semblent être des survivances populaires. Sur les adjectifs en -arts et -alis chez Varron, cf. L. Stuenkel, De Varroniana uerborum formatione, Strasbourg, 1875, p. 40-43. 471 Sur cette figure en général, cf. supra, 4, p. 521; 619; 718; 746; avec hic, haec, hoc, cf. Varron, Men., 26; 112; 162; 443; 562 Buch.; Thés. l. L., s. u. hic, VI, 2-3, col. 2740, 1. 21 et suiv. 472 Cf. Varron, Men., 30; 60; 176 Buch.; Woytek, p. 92. Sur enim, cf. supra, 2, p. 221. 473 CIL, VIII, 9427 : Sodales fecerunt de suo monimentu Felici in pae statori uixsit annos XXX h. s. e., « ses compagnons ont fait bâtir à leurs frais ce monument pour l'ouvrier plaqueur Félix; il a vécu trente ans; il gît ici». Cf. G. Heraus, dans Buch., p. 276; Bolisani, p. 109; Astbury, p. 136; Lenkeit, p. 79. 474 Cf. Athénée, 11, 488 b; Perse, 2, 52 et suiv. : Si tibi crateras argenti incusaque pingui auro dona feram ... , « si je t'apportais des cratères d'argent et des présents aux lourds placages d'or ...» ; J. Marquardt, Das Privatleben..., op. cit., II, p. 684; H. Blümner, Technologie und Terminologie der Gewerbe und Künste bei Griechen und Römern, Leipzig, 1887 (réimpr. Hildesheim, 1969), IV, p. 255 et suiv. ; id., s. u. Έμπαιστική, dans RE, V, 2, col. 2506. 475 Cf. Juvénal, 11, 133-134 {supra, n. 457). 476 Cf. Festus, p. 262 Müller (320 Lindsay). 477 Cf. Bücheier, p. 569-570 (433-434), n. 1 ; C. Robert, s. u. Boëthos, n°12, dans RE, III, 1, col. 604-606.
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198. - « Extra quotation ». La « leading quotation » vient de « Plautus I»478. Prose. Nous modifions légèrement, on s'en est aperçu, deux formes de l'énoncé que procure, pour ce fragment, la tradition manuscrite de Nonius : eo et tellanas. La première opération n'a pas besoin d'être légitimée. Le problème auquel répond la seconde est, malheureusement, moins aisé à trancher. Nous ne saurions l'examiner sans nous être remémoré les acceptions du substantif tricae. Suivant les contextes, ce terme du parler familier désigne soit des riens, des vétilles, des bagatelles, des fadaises, des fariboles, des sornettes - il équivaut alors à nugae - soit des embrouillements, des enchevêtrements et, par extension, des embarras, des contrariétés479. Parmi ses dérivés figure le verbe extricare, « faire disparaître les tricae », d'où « débrouiller, déchiffrer, débarrasser, défricher, extraire », avec lequel, dans notre passage, il crée une espèce de paronomase ou de figure étymologique. Muni de ces données, voyons pour commencer s'il est permis de garder tellanas. H. Nettleship le croit. D'un texte où Pline, citant Varron, mentionne des figues « tellanes (tellanae) noires, à long pédoncule » 48° il tire l'existence d'un adjectif tel(l)anus, bâti sur telum, « trait », ou sur tela, « toile », et voulant dire par conséquent « long comme un telum » ou « en toile, en tissu ». Pour l'exemple qui nous occupe, c'est la deuxième valeur qu'il choisit : il traduit donc tricas tellanas par « les fils d'une toile » 481. Cette inter prétation, assurément, ne manque pas de subtilité ; mais il n'est pas étonnant qu'elle n'ait été défendue que par son inventeur (qui, d'ailleurs, la présente comme purement conjecturale) : le sens qu'y revêt tricae n'est pas bon ; d'autre part, les rapprochements verbaux sur lesquels elle se fonde sont fantaisistes et pareils aux etymologies populaires des Romains482.
ficus,
478 Cf. Lindsay, Nonius, p. 11. Sur « Plautus I», cf. supra, 2, p. 175, n. 1. 479 Cf. Ernout - Meillet, s. u. tricae, p. 1057. 480 Cf. Caton, De agri cult, 8, 1 ; Pline, NH, 15, 72 ; Ernout - Meillet, s. u. tellana 481 482 4e Pour éd., Nettleship, H. 1959, telum, p. 679. cf.Notes Ernout on Nonius, - Meillet, dansloc.Journ. cit. of (cesPhiloL, auteurs 24, sont 1896, d'avis p. 225.que tellanus
«semble provenir d'un nom propre»).
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L'entreprise infructueuse de H. Nettleship était dirigée au départ contre l'émendation d'Aide Manuce, Atellanas 483'. Au rebours du philologue anglais, la plupart des éditeurs et commentateurs sont favorables à cette leçon484. L'expression tricas Atellanas qu'ils adoptent se rapporterait d'après eux (quand ils prennent la peine de l'expliquer) ou bien aux devinettes qu'aimaient à lancer les bouffons de Patellane 485, ou bien aux canevas rudimentaires de l'atellane primitive486, ou encore aux imbroglios des atellanes du Ier siècle avant notre ère487, ou enfin, tout simplement et en bloc, aux farces atellanes (tricae, dans cette dernière exégèse, serait un synonyme de fabulae ou de ludi, employé pour créer avec extricaturos la figure que nous avons dite) 488. Nous nous serions nous-même rallié, avec quelque scepticisme, à cette opinion majoritaire, s'il n'y avait pas dans VAduersus gentes d'Arnobe un passage qui, à notre sentiment, la condamne : iamdudum me fateor haesitare, écrit le polémiste chrétien, (...) tergiuersari, tricas, quemadmodum dicitur, conduplicare Tellenas . . . 489. Impossible de ne pas prendre en considération ce tricas . . . Tellenas ; impossible, en bonne règle, de lui substituer tricas . . . Atellanas, car il est sans variante dans tous les manuscrits490. Il nous paraît dès lors obligatoire, malgré qu'on en ait, de ne pas céder à la tenta-
483 Aldina, col. 1232. 484 Sur l'adjectif Atellanus (qui est très bien attesté), cf. Thés. l. L, s. u. Atella, II, 1, col. 1016 et suiv. ; Lenkeit, p. 83. 485 Voir Astbury, p. 149-150. Dans cette optique, notre texte peut se relier à ces mots de Quintilien (6, 3, 47) : Ma obscura quae Atellanì e more captant, «l'obscurité à la manière des acteurs d'atellanes » (trad. J. Cousin ; mais W. Teuffel et L. Radermacher remplacent Yobscura des manuscrits par obscaena ou obscena : cf. L. Radermacher, Quintiliani op., Leipzig, Teubner, 1965, ad loc). 486 Cf. Scherbantin, p. 99; P. Frassinetti, Fabula atellana. Saggio sul teatro popolare latino, Gênes, 1953, p. 43; 54; id., Atellanae fabulae, Rome, 1967, p. 5. 487 Cf. E. Munk, De fabulis atellanis, Breslau, 1840, p. 47; Oehler, p. 134; Brunetti, p. 826 : « le favole atellane erano per sé semplicissime da principio, dopo, per difetto d'arte, si aggrovigliarono per modo che facea mestieri riescire ad una soluzione così fuori d'ogni espettazione e d'ogni apparenza di vero, che passarono meritamente in proverbio » ; Bolisani, p. Ili; Marzullo, p. 38; E. Paratore, L'aspetto poetico della personalità di Varrone, dans Atti, I, p. 264. 488 Lenkeit, p. 83. 489 Arnobe, Adu. gentes, 5, 28 : «depuis longtemps, je l'avoue, j'hésite, (...) je tergiverse, je redouble les Obstacles tellènes', comme on dit». 490 Cf. notamment l'édition Reifferscheid d'Arnobe; Astbury, p. 150. Contra Oehler, p. 134; Bolisani, p. 111.
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tion de la facilité et de rétablir, comme Junius et quelques autres, Tellenas à la place de notre tellanas. On a cherché à élucider ce mystérieux adjectif Tellenas. On l'a mis en relation avec le nom d'un mauvais flûtiste contemporain d'Epaminondas, Tellène, dont le souvenir était perpétué par un proverbe, άειδε τα Τέλληνος 491 ; cette filiation en soi peu vraisemblable, eu égard aux sens de tricae et d'extricare, ne serait digne d'attention que si nous avions Tellenias, non Tellenas*92. On a également songé à la ville de Tellène, dont notre tour évoquerait l'infortune - les Romains pensaient qu'elle avait été prise et détruite par Ancus Martius 493 ; cette thèse n'emporte pas davantage la conviction et ne respecte pas non plus les lois de la dérivation 494. N'ayant rien de meilleur à suggérer, nous nous arrêterons à ce constat d'échec. Mais, quoi qu'il en soit, comme l'observe R. Astbury, « the fact remains that the Romans seem to have said Tellenas or Tellanas tricas in speaking of ways of escaping from an unpleasant or difficult task » 495. Passons à la signification générale de la phrase. Pour U. Knoche, elle censurerait les esprits frivoles qui se laissent absorber par des questions superficielles (tricas atellanas) et négligent les choses sérieuses (id) 496 : ainsi entendue, elle rappelle 181 ; citius y équivaut à potius, ce qui n'est pas rare497. Pour E. Bolisani, en revanche, nous aurions ici affaire aux Romains (eos) « qui ne savent plus à quel moyen recourir pour guérir les
491 «Chante les chansons de Tellène». Cf. Paroem., 1, p. 18 (Zenob., 1, 45) : «ce proverbe s'adresse aux railleurs ; Tellène était en effet un joueur de flûte et un compositeur de chansons ; il a laissé des poésies légères pleines d'harmonie et de grâce et des railleries très spirituelles»; p. 35 (Zenob., 2, 15); Diogenianos, 1, 44; Prou, e cod. Bodl, 75; Libanius, Ep., 633 (p. 581, 16 Förster, X); Plutarque, Mot., 193, 20; Pseudo-Plutarque, Prou. Alex., 27 Diibner. Conjecture de Turnèbe (Adu., 17, 21) et de Junius (Adagia Cent, 5, 68). 492 Cf. Astbury, p. 150; Lenkeit, p. 82. 493 Cf. Strabon, 5, 231; Tite-Live, 1, 33; Denys d'Halicarnasse, 1, 16; 3, 38; 43; 5, 61; Pline, NH, 3, 68; H. Philipp, s. u. Tellenae, dans RE, VAI, col. 405. Conjecture d'A. Popma, Notae ad Varronis fragmenta, II, p. 350, éd. Bipont. (1788) : «tricae Tellenae (inquid ille) παροιμιωδώς dicuntur res impeditae et intricatae, a Tellena, urbe antiqua Latinorum, quam Ancus Martius rex ui cepit», «on appelle proverbialement tricae Tellenae (dit-il) les affaires embarrassées et embrouillées, du nom de Tellena, ville ancienne du Latium, que le roi Ancus Martius prit de vive force». 494 Cf. Lenkeit, p. 82. 495 Astbury, p. 151. Cf. Otto, s. u. opina, p. 29-30. 496 Knoche, p. 40. 497 Cf. Ernout-Meillet, s. u. cieo, p. 186; Deschamps, p. 490.
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misères de tout genre qui affligent leur cité » 498 (les ennuis qui les assaillent sont devenus plus insolubles que des tricae Tellenae). Etant donné la façon dont nous comprenons tricas Tellenas, c'est le point de vue d'E. Bolisani qui nous convient le mieux ; mais nous n'y adhérons pas sans réserve, parce qu'il est, autant que celui d'U. Knoche, impossible à confirmer. En définitive, ce dernier vestige de Γεροντοδιδάσκαλος demeure, on le voit, énigmatique, et nous ne sommes pas même en mesure de l'attribuer avec assurance à l'un des protagonistes du dialogue. Dieu merci, ce n'était pas un texte-clé de l'ouvrage. - Putas ... : sur l'interrogation marquée par le ton seul (trait de la langue familière), cf. supra, 2, p. 250 ; 4, p. 515 ; 597 ; 599 ; 600. - Tricae : mot rapproché par les Anciens de τρίχες ou de Trica, ville d'Apulie. Ces deux etymologies sont populaires. En fait, il est probable que tricae « appartenait d'abord à la langue rustique, où il devait désigner quelque chose comme des ' mauvaises herbes ' » 4". - On prendra garde à la clausule (spondée - crétique : extncätürös) précédée d'un trochée. * * *
Si Varron, dans Γεροντοδιδάσκαλος, ressassait ses habituelles rengaines, il faisait en sorte, notre analyse l'a prouvé, d'y varier, à la manière de Ménippe 500, ses tons, ses tours, et ses peintures 501. Ainsi alternent dans les bribes subsistantes de la pièce une affirmation sans réplique (181), des descriptions colorées (182-185), des questions directes (186, 189, 198), des tableaux nostalgiques de l'ancienne Rome (187, 188, 190), une citation uti-
498 Bolisani, p. 111. 499 Ernout-Meillet, s. u. tricae, p. 1057; cf. Deschamps, p. 108; 596; 606. 500 Mais sans servilité à l'endroit de ses sources grecques : les Cyniques n'avaient nullement le culte du bon vieux temps (cf. Hirzel, p. 450); voilà une preuve essentielle de l'originalité sur laquelle nous mettions plus haut l'accent : cf. supra, p. 845. 501 Cf. supra, 1, p. 62-63, n. 1 ; 4, p. 547 ; 747. Jusque dans ses écrits techniques, il s'emploie de même à fuir la sécheresse et l'austérité pour apparaître comme un auteur « plein de charme, de pittoresque et d'enjouement» (R. Martin, Recherches..., op. cit., p. 24, n. 2); cf. J. Heurgon, L'effort de style..., op. cit., p. 57-71.
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lisée pour la mauvaise cause (189), des sorties indignées contre la décadence des mœurs (193-194), des exemples de l'intégrité des magistrats d'autrefois (195-196), et une raillerie visant le goût contemporain du luxe exotique (197) 502. L'écrivain n'aurait certainement pas soigné à ce point sa présen tation s'il n'avait pas eu l'espoir d'amener le lecteur à ses idées et de le moraliser. En d'autres termes, par cette recherche de la bigarrure et de l'effet, non seulement il se soumet aux principales règles du genre latin de la satire, mais il confirme l'optimisme conscient et volontaire qui nous a déjà frappés dans son œuvre503 : c'est son Moi social et communautaire qui s'exprime ici, une fois encore, pour défendre et illustrer les dogmes de son conservatisme intransigeant504.
502 Cf. Lenkeit, p. 103. 503 Cf. supra, 1, p. 8-9, n. 4 ; 2, p. 278 ; Lenkeit, loc. cit. 504 Cf. supra, 3, p. 362 ; 456, n. 35 ; 4, p. 747.
NOTES COMPLEMENTAIRES
P. 762, 772, 884 Touchant les problèmes démographiques auxquels il est fait allusion dans ces passages, cf. Cl. Nicolet, Rome et la conquête du monde méditerranéen, 1, Paris, 1977, p. 76-90; 126-128. P. 852 Qu'on ne s'y méprenne pas : quand nous attribuons à des motivations personn elles, comme l'identification aux maiores et la nostalgie de l'enfance, la sévérité du jugement que Varron porte sur son époque, nous ne voulons en aucune façon dire que cette sentence n'était pas dictée aussi par d'autres considérations moins intimes et n'avait pas de prolongements « politiques » : ainsi que nous le fait r emarquer P. Gros, la position de Varron en la matière procède clairement de l'idée selon laquelle la neglegentia deorum, sous toutes ses formes, « est le fondement éthicoreligieux de l'irruption dans la vie de la cité de la violence fratricide». Si cette convic tionn'avait pas été largement répandue dans la Rome du Ier siècle avant notre ère, il est certain qu'Octave-Auguste n'aurait pas entrepris sa fameuse restauration re ligieuse, dont on connaît les aspects «archéologiques», et qui trouvait justification et appui précisément dans l'œuvre de Varron (à ce sujet, cf. supra, 1, p. 81; voir aussi supra, 2, p. 280, n. 1 ; 3, p. 346-348). P. 856, n. 104, 859 et suiv. Sur la diminution du nombre des petits et moyens propriétaires en Italie au cours du IIe siècle avant J.C., voir la très bonne mise au point de Cl. Nicolet, Rome..., op. cit., p. 108 et suiv. Précisons avec lui, afin qu'on ne soit pas abusé par notre formulation peut-être trop « varronienne » en cette partie de l'étude, c'est-à-dire trop influencée par la thèse à commenter, que le tableau d'une antique agriculture italienne pratiquée exclusivement dans de minuscules propriétés autosuffisantes (7 jugères) ne ressemble que de loin à la réalité; en d'autres termes, que la «petite paysannerie traditionnelle» dont les champions du mos maiorum chantaient les louanges appart ient dans une grande mesure au domaine du mythe édifiant et qu'ici encore il faut distinguer entre l'histoire et son exploitation idéologique, entre les faits et l'image d'Epinal qu'en tire une littérature orientée (cf. Cl. Nicolet, Rome..., op. cit., p. 95 et suiv., 103 et suiv.).
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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Sur le problème épineux de la main d'œuvre agricole au Ier siècle avant notre ère, on lira, dans le même ouvrage, les p. 111-116 et 206 qui permettront de corriger ce que notre note 104 a de trop schématique et, partant, d'inexact (l'auteur y montre en particulier qu'à côté des petits propriétaires indépendants et des esclaves il existait alors déjà une main d'œuvre libre - ouvriers saisonniers, fermiers, métayers et qu'on aurait tort de croire que, vers 27, «avec la 'disparition' de la petite et moyenne propriété (sic)» ne demeurait en Italie «que le 'faire-valoir direct esclava giste'»). P. 858 et n. 119 Les bandeaux que désigne le mot fasciae ornaient les piédroits et le linteau architrave de la porte décrite par Varron (indication que nous devons à P. Gros). P. 861, n. 132 Sur la condamnation des latifundia, cf. Cl. Nicolet, Rome..., op. cit., p. 108. P. 861-862 Plutôt que la «contradiction» et P« hypocrisie» auxquelles nous sommes sensible, on préférera peut-être découvrir, avec P. Gros, dans l'attitude ici analysée, la marque d'un «pragmatisme conscient et efficace». P. Gros nous rappelle notamment que la façon d'agir d'un Caton était très «souple et astucieuse» et qu'en définitive «c'est lui qui avait raison, car c'est lui qui a réussi, du point de vue historique comme du point de vue idéologique». P. 864, n. 154-155 Aux références présentées dans ces deux notes, on joindra Cl. Nicolet, Rome..., op. cit., p. 102 : «de Caton à Columelle, Pexploitation-type qui assure le meilleur revenu et reste l'idéal des agronomes romains est plutôt la ferme-mixte, qui produit d'abord tout ce qui est nécessaire à l'autoconsommation et qui tente d'harmoniser productions céréalières, légumineuses, arbustives et élevage». P. 867 et n. 172 Techniquement, l'installation de silos dans les grandes propriétés s'explique sans doute avant tout par le changement d'habitudes alimentaires qui intervint dans l'Italie du ΙΓ-ΓΓ siècle avant J.C., suscitant ou du moins aggravant les risques de pénurie dont nous avons fait état (à cette époque, les Romains qui auparavant se contentaient de bouillies - puis : cf. supra, p. 887 - ou de galettes se mirent à manger du pain; or «pour une consommation individuelle égale le procédé de la panification exige une augmentation sensible de la quantité de céréales » : Cl. Nicolet, Rome..., op. cit., p. 104. Il s'ensuivit probablement, comme le suggère R. Martin {Recherches..., op. cit., p. 259), que, du IIe au Ier siècle, la production de céréales augmenta dans la péninsule : cf. Cl. Nicolet, Rome..., op. cit., p. 102).
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
P. 870 On nuancera notre affirmation trop péremptoire sur la rentabilité de la vigne : l'accord n'est pas fait à ce sujet entre les spécialistes de l'économie antique : cf. Cicéron, De lege agr., 2, 48; Cl. Nicolet, Rome..., op. cit., p. 105. P. 874 Sur la valeur de priscus, voir en dernier lieu E. Evrard, Vieux et ancien chez Tibulle, dans Latomus, 37, 1978, p. 122-147 (spécialement p. 144-146). P. 878-879 Dans tacitulus taxim, nous fait observer J.-P. Chausserie-Laprée, il y a plus qu'une simple allitération : «c'est tout le début du premier terme (en ses quatre premiers phonèmes) qui se réentend dans le second». P. 900 Autre note de J.-P. Chausserie-Laprée : dans raptoris ramicis rumpit, «c'est surtout la succession de trois mots de sens plein à consonne initiale r qui est expressive. Il ne s'agit donc pas de n'importe quelle allitération». P. 901-902 Les esclaves qui se révoltèrent à l'instigation de Spartacus étaient environ 150.000 : cf. Cl. Nicolet, Rome..., op. cit., p. 84.
ADDENDA ET CORRIGENDA POUR LE VOLUME 3
P. 298 Sur les adjectifs en -inus, cf. J. L. Butler, Latin -inus, -ina, -inus and -ineus, from Proto-Indo-European to the Romance Languages, Berkeley, 1971. P. 311-312 Sur la pédérastie (moins mal vue à Rome que nous ne l'avons laissé entendre, sauf quand elle était «passive»), cf. en dernier lieu J. Griffin, Augustan Poetry and the Life of Luxury, dans JRS, 66, 1976, p. 100 et suiv.; P. Veyne, La famille et l'amour sous le Haut-Empire romain, dans Annales, 33, 1, janv.-févr. 1978, p. 38; 50; 52; 54; 56. P. 314 Sur Γόνομαστί κωμωδείν, voir Ν. Rudd, The Names in Horace's Satires, dans CQ, 10, 1960, p. 161 et suiv. P. 324 A la 1. 13, lire «280 Buch.» au lieu de «250 Buch.». Sur les tabulae ceratae, cf. W. Schubart, Das Buch, 3e éd., Leipzig, 1961, p. 28 et suiv.; E. G. Turner, Greek Papyri. An Introduction, Oxford, 1968, p. 6 et suiv. P. 333 A la fin de la 1. 20, ajouter : «s. u. mutabiliter, VIII, col. 1715, 1. 72 et suiv.». P. 339 D'après H. Dahlmann (dans Gnomon, 50, 1, mars 1978, p. 74-75), nous avons eu tort de corriger, dans le fragment 80, ei en ea et d'écrire : «F. Bücheier tient que cet ei 'représente le mort pour lequel on prend le deuil'. Mais vraiment en
ADDENDA ET CORRIGENDA
926
quoi les morts ont-ils besoin (...) des habits que portent les vivants? La conjecture de Bücheier aboutit donc à une absurdité». En effet, dit-il, «die beim funus für die Trauernden vorgeschriebenen schwarzen Kleider, die nigra uestis (...), toga pulla (...), atra toga (...), die pullae pallae der Frauen (...) dienen einem Bedürfnis des Toten, sind für diesen erforderlich : uestimenta ei opus sunt. Da dem so ist, d. h. der Trauernde mit der schwarzen Kleidung einem für den Verstorbenen erforderlichen Anspruch genügt, erscheint es dem Sprecher des Satzes als ein Widerspruch, dass er die nigra uestis alsbald zerreist : cur conscindis? ». Cette critique ne nous ébranle pas : un mort, dans les civilisations antiques (et en général dans toute société archaïque), n'a pas besoin - même si on donne à cette expression un sens figuré - des vêtements de deuil que portent les vivants. Ces derniers prennent le deuil non pas pour le mort, mais pour eux-mêmes et pour leur communauté : ils s'isolent ainsi des autres habitants de leur village ou de leur cité afin de ne pas les contaminer tant qu'ils ont sur eux la souillure de la mort, et s'infligent une auto-punition pour n'avoir pas eu à l'endroit du disparu que de bons sentiments (ambivalence) : cf. R. Caillois, L'homme et le sacré, 3e éd., Paris, 1950, p. 52; J. Cazeneuve, L'ethnologie, Paris, 1967, p. 114-115, 195; S. Freud, Totem et tabou, trad. S. Jankélévitch, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1977, p. 65 et suiv. D'autre part et surtout, contrairement à ce qu'affirme H. Dahlmann, les anciens Romains lacéraient à l'occasion non pas leurs habits de deuil, mais les habits qu'ils portaient avant le deuil, lorsqu'ils voulaient manifester par ce geste spectaculaire la douleur que leur causait le trépas d'un proche. Autrement dit, les pullae ou nigrae uestes dont parle H. Dahlmann ne se caractérisaient que par leur couleur sombre et ne présentaient pas de déchirure voyante : cf. P. Gachon, s. u. luctus, dans DA, III, II, p. 1350; Kubier, s. u. luctus, dans RE, XIII, 2, col. 16981705. Les textes latins mêmes que le savant allemand allègue à l'appui de sa thèse confirment en fait sans discussion notre point de vue : ils prouvent qu'à Rome les lacérations de vêtements ne relevaient pas de la coutume du luctus, mais du désir d'extérioriser un désespoir, une grande frayeur ou une déchéance (cf. Ovide, Met, 10, 386; Suétone, Nero, 42; VitelL, 17) ... à moins qu'elles n'eussent pour but de dévoiler des cicatrices ou des marques de coups (cf. Cicéron, De or., 2, 195; Tite-Live, 3, 58, 8). Nous pouvons donc reprendre à notre compte l'observation qu'inspire à P. Gachon (loc. cit.) l'habitude qu'avaient les femmes romaines d'arracher leurs cheveux au moment des cérémonies funèbres ou des supplications dans les temples (cf. la locution scissa coma que H. Dahlmann rapproche de nos scissae uestes) : « on ne voit pas que le deuil proprement dit ait donné lieu à des usages semblables». Dans ces conditions, nous ne renonçons ni à ea ni au commentaire que nous avons proposé pour le justifier; mais nous croyons utile d'ajouter à ce com mentaire que les confusions entre a et i sont fréquentes dans les manuscrits de Nonius : cf. par exemple Varron, Men., 164 Buch, (dicatur pour dicitur) ; Nonius, p. 30, 1. 27 {imperate pour imperite); p. 43, 1. 11 (niti pour nati); p. 211, 1. 20 (pala pour pila); p. 259, 1. 2 (rusticina pour rusticana). P. 372 Trois lignes avant le bas de la page, fermer la parenthèse.
ADDENDA ET CORRIGENDA
927
P. 404 Epigr animation : cf. έπιγραμμάτιον qu'on lit chez Plutarque (Cato ma., 1, 4; Mor., 785 B) et qui signifie clairement «poésie satirique dirigée contre une personne déterminée» (H. Dahlmann, loc. cit.). P. 408 A la 1. 9 de l'apparat critique, lire «Burman». P. 422-425 Sur Ecdemeticus, cf. en dernier lieu R. Astbury, Varroniana, dans RhM, nouv. sér., 120, 2, 1977, p. 183-184. Ce serait le titre d'un livre groupant plusieurs ménippées que Varron aurait écrites alors qu'il voyageait hors d'Italie. Quadriga (fr. 93) se serait trouvé dans l'introduction de ce livre et non dans une des satires qu'il rassemblait. P. 446 et 457-458 H. Dahlmann (op. cit., p. 75-76) et R. Verdière (dans AC, 47, 1, 1978, p. 270) ont raison contre nous : Yinuitati d'A. Riese, qui nous avait paru satisfaisant, ne l'est ni paléographiquement ni pour le sens. Il faut sûrement, comme F. Bücheier, garder le mussati, «en silence», des manuscrits. Sur la valeur et la fonction de ce mot dans la pièce, cf. H. Dahlmann, loc. cit. : «gewiss ist es nicht das Reguläre, sich schweigend zu Tisch zu legen. S. Men. 336 Β. : nee loquaces ... conuiuas nee mutos legere oportet, quia eloquentia in foro ... silentium uero non in conuiuio sed in cubiculo esse débet. Wenn also in Fr. 101 vom ungewöhnlichen silentium der conuiuae die Rede ist, so hat das hier seinen besonderen Grund, etwa in der gespannten Erwartung der Dinge, die alsbald kommen sollen». Explication à compléter (ou à remplacer ?) peut-être par celle de Pline l'Ancien (NH, 28, 5, 27) : «on a (...) noté que le silence ne s'établit soudain parmi les convives que s'ils sont en nombre pair et que cette occurrence est une menace pour la réputation de l'un quelconque d'entre eux» (trad. A. Ernout). P. I de l'index A la 1. 12, ajouter «-ai du grec» après «Diphtongue». P. J de l'index A la 1. 2 de l'art. «Folie», ajouter «451 (- des philosophes) ».
-
P. L de l'index A l'art. « Originalité », ajouter : « 357 ».
P. Ν de l'index A la 1. 2 de l'art. «Suffixe», lire «332» au lieu de «333».
ADDENDA ET CORRIGENDA POUR LE VOLUME 4
P. 496, n. 2 Aux textes antiques cités dans cette note (1. 2 et 3), on joindra Philemon, 85 Kock. P. 499, n. 32 Dans la mesure même où, aux yeux des Anciens, la poésie passait pour une possession divine (par la Muse), il est normal qu'ils aient associé poésie et ivresse : pour tous les peuples archaïques, ou proches encore de l'archaïsme, l'ébriété fait entrer en communication directe avec les forces surnaturelles, provoquant extase . et inspiration : cf. A. Westphal, Les dieux et l'alcool, Montauban, 1903, passim ; A. Lods, Israël. Des origines au milieu du VIIIe siècle avant notre ère, rééd., Paris, 1969 (lère éd. 1930), p. 304, 410, 445; G. Dumézil, La religion romaine archaïque, 2e éd., Paris, 1974, p. 196 : «le vin n'est pas un produit comme les autres (...). Il n'est pas nourricier, il est enivrant, il a des puissances merveilleuses. L'ivresse n'est pas seulement une débauche plébéienne; par elle, dans une illusion plus forte que la réalité, l'homme se dépasse. (...) Indra, dieu guerrier, accomplit ses exploits dans l'ivresse». Sur les relations du poète et des Muses, cf. J.-P. Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, 1971, I, p. 82 : Mnèmosunè, mère des Muses, «préside à la fonction poétique. Que cette fonction exige une interprétation sur naturelle, cela va de soi pour les Grecs. La poésie constitue une des formes typiques de la possession et du délire divins, l'état d'« enthousiasme» au sens étymologique. Possédé des Muses, le poète est l'interprète de Mnèmosunè, comme le prophète, inspiré du dieu, l'est d'Apollon». Voir aussi J.-P. Vernant, op. cit., II, p. 108. Notons incidemment que le vin, dans le symbolisme archaïque, est aussi un substitut du sang qui s'identifie, lui, avec la vie : cf. S. Freud, Totem et tabou, trad. S. Jankélévitch, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1977, p. 154 (le vin est le «sang de la vigne»); A.-M. Tupet, La magie dans la poésie latine, Paris, 1976, p. 125. P. 500 L. 1 des notes : lire «bachique». P. 505 L. 10 : lire «pastiche».
ADDENDA ET CORRIGENDA
929
P. 510 L. 3 des notes : ajouter «à la fin de la ligne, après le point. P. 519 N. 128, 1. 2 : lire «Maxime». P. 543 L. 3 : rapprocher philosophiae alumna de Attices. P. 543 et suiv. Sur les Eumenides, voir en dernier lieu D. L. Sigsbee, The Paradoxa Stoicorum in Varro's Menippeans, dans CPh, 71, 3, juillet 1976, p. 245 et suiv. P. 546 N. 16, 1. 6 : lire «Mais» au lieu de «mais». P. 547 L. 29 : remplacer le premier «en» par «et». P. 552 L. 36 : lire «scène». P. 565 L. 7 : remplacer la première virgule par un point. P. 567 N. 97 : lire «362». P. 568 L. 25 : mettre « HONESTITVDO » en italique. P. 577 N. 138 : après «... iudicium) », ajouter : « ; p. 544, n. 8 ». P. 587 L. 13 : supprimer le point après le premier «fou».
930
ADDENDA ET CORRIGENDA
P. 610 L. 6 : lire «p. 142». P. 641 N. 536 : remplacer «Haydn» par «Mahler». P. 646 L. 19 : mettre «vers» en romain. P. 678 La croyance dans les vertus curatives de l'ail s'est perpétuée presque jusqu'à l'époque moderne (si tant est qu'elle ait entièrement disparu de nos jours) : dans la Grèce du XVIIIe siècle, on mangeait de l'ail pour s'immuniser contre la peste (cf. A. Lods, op. cit., p. 293). P. 681 Faire passer la n. 754 à la p. suivante. P. 688 et suiv. Sur le fr. 127 Buch. d'Eumenides, cf. en dernier lieu L. Deschamps, Quelques clins d'oeil de Varron, dans J. Collari (al.), Varron grammaire antique et stylistique latine, Paris, 1978, p. 96-100 (elle commente sa leçon an de Albuci mulabus Athenis). On rapprochera de ce fragment le passage suivant d'Empédocle {Purifications, fr. 117), cité par J.-P. Vernant {Mythe et pensée..., op. cit., I, p. 94), dont nous empruntons la traduction : «je fus autrefois déjà un garçon et une fille, un buisson et un oiseau, un muet poisson dans la mer...». Le rôle attribué aux plantes dans le Pythagorisme n'est pas étonnant : n'oublions pas que, tout comme les animaux (quoique à un moindre degré), les plantes sont facilement, pour l'imagination primitive, des «représentants du mana» (J. Cazeneuve, L'ethnologie, Paris, 1967, p. 160). P. 699 Faire passer la n. 856 à la p. précédente. P. 715, n. 956 L'article de L. Havet que nous n'avions pas réussi à localiser se trouve dans Arch. lat. Lex., 1, 1894 (p. 194). Nous remercions R. Astbury d'avoir bien voulu nous l'indiquer.
ADDENDA ET CORRIGENDA
931
P. 747, η. 1143 Lire «567». Index des mots latins, p. C Remplacer «coepere» par «coepi». Index des mots latins, p. F Lire « somniare », avec un seul n. Index général, p. J Ajouter « 622 » à la fin de l'art. « chaos ». Index général, p. M Ajouter «746 (- avant le nom)» à la fin de l'art, «génitif» et «582; 735» à la fin de l'art, «hardiesse». Index général, p. Ρ Ajouter «567» avant «747» à l'art, «moi». Index général, p. Q A la 2e col., 1. 11, remplacer, après «706», la parenthèse par deux points. Index général, p. Τ Ajouter «629» à l'art, «virilité».
TABLES
ET
«INDICES»
TABLES DE CONCORDANCE Nous ne retiendrons ici que les trois grandes éditions modernes des Ménippées varroniennes, celles de Bücheler-Heräus, Bolisani et Della Corte. Comme c'est à la première que renvoient presque toujours les commentateurs, nous la prendrons pour base de référence dans la table I. Les nombres correspondent évidemment aux numéros des fragments. I BücheierHeraus 166. . 167. . 168. . 169. . 170. . 171. . 172. . 173. . 174. . 175. . 176. . 177. . 178. . 179. . 180. . 181. . 182. .
Bolisani
. . . . . . . . . . . . . .
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.169. .170. .171. .172. .173. .174. .175. .176. .177. .183. .182. .178. .180. .181. .179. .189. .190.
. . . . . . . . .
. . . . . . . .
Della Corte . .166. . .167. . .168. . .170. . .171. . .172. . .173. . .174. . .175. . .176. . .177. . .178. . .179. . .180. . .181. . .182. . .183.
. . . . . . . . . . . . . .
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. . . . . . . . . .
BücheierHeraus 183. . 184. . 185. . 186. . 187. . 188. . 189. . 190. . 191. . 192. . 193. . 194. . 195. . 196. . 197. . 198. .
Notre édition .166 .167 .168 .170 .169 .171 .172 .174 .173 .179 .176 .177 .178 .180 .175 .181 .182
Bolisani
. . .
. . . . . . . . . . . . .
.191. .192. .193. .184. .197. .187. .196. .188. .194. .195. .198. .186. .199. .200. .185. .201.
. . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . .
Della Corte .184. .185. .186. .187. .188. .189. .190. .191. .192 .193. .194. .195. .196. .197. .198. .199.
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Notre édition .183 .184 .185 .186 .187 .188 .189 .190 191 .192 .193 .194 .195 .196 .197 .198
II Notre édition 166. 167. 168. 169. 170. 171. 172. 173. 174. 175.
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BücheierHeraus .166. .167. .168. .170. .169. .171. .172. .174. .173. .180.
Bolisani . . . . . . . . . .
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.169. .170. .171. .173. .172. .174. .175. .177. .176. .179.
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Della Corte .166 .167 .168 .171 .170 .172 .173 .175 .174 .181
Notre édition 183. 184. 185. 186. 187. 188. 189. 190. 191. 192.
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BücheierHeraus .183. .184. .185. .186. .187. .188. .189. .190. .191. .192.
Bolisani . . . . . . . . . .
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.191. .192. .193. .184. .197. .187. .196. .188. .194. .195.
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Della Corte .184 .185 .186 .187 .188 .189 .190 .191 .192 .193
INDEX DES METRES
169 : 170 : 171 : 174 : 181 :
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BücheierHeraus .176. .177. .178. .175. .179. .181. .182.
Bolisani .
Notre édition 176. 177. 178. 179. 180. 181. 182.
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.182. .178. .180. .183. .181. .189. .190.
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Della Corte .177 .178 .179 .176 .180 .182 .183
Notre édition 193. 194. 195. 196. 197. 198.
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BücheierHeraus .193. .194. .195. .196. .197. .198.
Bolisani . . .
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.198. . .186. . .199. . .200. . .185. . .201. .
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Della Corte .194 .195 .196 .197 .198 .199
INDEX DES MÈTRES Les nombres correspondent aux numéros des fragments dans notre édition. tétramètres crétiques. 182-185 : septénaires trochaïques. dimètre anapestique (?). 189 : fin de septénaire trochaïque et fin d'octonaire trochaïque et sepdébut d'octonaire trochaïque après ténaire trochaïque (?). scriptum (citation d'Ennius). hexamètre dactylique. hexamètres dactyliques ou distique élégiaque. INDEX DES MOTS LATINS
Les nombres correspondent aux numéros des fragments dans notre édition. a, ab : 173 (ab), 192 (a). bis : 188. bonum, -i : 172 (bonum). ac, atque : 169 (atque), 178 (atque), 179 (pransum ac paratum), 183 (atque), caecuttire : 193 (caecuttiunt). 186 (ac), 196 (ac). caelare : 169 (caelata). ad : 173. castus, -a, -um : 181 (castae). cella, -ae : 185 (cella). addere : 178 (addam). censor, -oris : 196 (censorem). adducere : 173 (adductae). adurere : 190 (aduratur). cernere : 189. aerarius, -ii : 196 (aerarios). cingere : 182 (cingit). aereus, -a, -um : 170 (aerea), cingillum, -i : 187 (cingillum). citare : 195 (citatus). alere : 183 (alantur). cito : 198 (citius). aigu, -us : 171 (aigu), amplus, -a, -um : 185 (ampia), citrus, -i : 182 (citrus). an : 193. ciuis, -is : 195 (ciuis). annus, -i : 168 (annis), 188 (anno), coepi : 166 (coepimus). cognoscere : 173. antiquus, -a, -um : 167 (antiquorum), commalaxare : 177 (commalaxarem). apud : 189. arcera, -ae : 188 (arceram). compedire : 175 (compedio). argentum, -i : 169 (argento), confluer e : 191 (confluit). arma, -orum : 189 (armis), 193 (armis). consul, -is : 195 (consul). aureus, -a, -um : 169 (aureae). contra : 193. aut : 172, 188. coquinaris, -is, -e : 197 (coquinari). corrigia, -ae : 175 (corrigiis). balnea, -ae : 166 (balneis). barba, -ae : 186 (barbam). creber, -bra, -brum : 169 (crebra).
INDEX DES MOTS LATINS cultellus, -i : 197 (cultelli). culter, -tri : 197 (cultro). cum, conj. sub. : 188, 195. cum, prép. : 188. cupiditas, -atis : 177 (cupiditati). cursus, -us : 173 (cursum). dare : 171 (danti), 177 (dedi). decem : 184. dexter, -tra, -trum : 169 (dextra). dicere : 167 (dicam), 180 (dici). dilectus, -us : 195 (dilectum). dolor, -oris : 177 (dolorem). dominus, -i : 193 (dominos). domus, -us : 175 (domo). e, ex : 169 (ex), 197 (e). echinus, -i : 174 (echinos). ego, me, mihi : 167 (ego), 177 (mihi), 193 (mihi; ego), emicare : 169 (emicant). empaestatus, -a, -um : 197 (empaestati). enim : 176 (bis), 197. ergo : 181. esse, «être» : 177 (esse), 179 (esse), 181 (fuerunt), 194 (satist), 196 (est; esse). et : 166, 172 (bis), 173 (bis), 174, 175. etiam : 191. exire : 175 (exeo). exodium, -ii : 173 (exodium). extricare : 198 (extricaturos). facere : 196. fascia, -ae : 182 (fasciis). fax, facis : 191 (faxs). ferre : 172. fieri : 176 (sunt facti), 191 (fieri), flaxtabulae : titre de satire, foris, -is : 182 (fores), formonsulus, -a, -um : 176 (formonsula). fortiter : 172. frenus, -i : 177 (frenos). frigus, -oris : 171 (f rigor e), fulgere : 169 (fulgent), galea, -ae : 170 (galea), granarium, -ii : 184 (granaria), grauis, -is, -e : 169 (graui), 183 (graues), grex, gregis : 183 (greges). habena, -ae : 177 (habenas).
habere : 176 (habet), 180 (habeant), 195 (haberet). heres, -edis : 178 (heredibus). hic, haec, hoc : 179 (hoc), 196 (hoc), 197 (hi). homo, -inis : 167 (hominum), 186 (homo), lacere : 171 (iacentem). imponere : 177 (imposui). in : 166, 169, 180, 182, 193, 195. indicare : 191 (indicai), initium, -ii : 191 (initia), insigne, -is : 169 (insignibus). integer, -gra, -grum : 176 (integris). inter : 186. intrare : 175 (intro), 176 (intrarunt). inuehere : 197 (inuecti erant). inuenire : 168 (inuentum est), iratus, -a, -um : 177 (irato). is, ea, id : 177 (ea), 198 (eos; id), ita : 166. lana, -ae : 190 (lanam). lautus, -a, -um : 194 (lautum). leuiter : 172. libertas, -atis : 173 (libertatis). limen, -inis : 176 (limina). magnus, -a, -um : 196 (magnum), malle : 189 (malim). malum, -i : 172 (malum). manus, -us : 190 (manibus). maritus, -i : 187 (maritus). masculus, -i : 168 (masculi). messis, -is : 184 (messis). meus, -a, -um : 178 (mea; meis). min urne : 179. miser, -a, -um : 178 (miseros). misericordia, -ae : 178 (misericordia), modice : 172. modo : 189. mulier, -ris : 191 (mulierum). mulio, -onis : 192 (mulione). multus, -a, -um : 168 (multis), 176 (multi), 196 (multos). murmur ari : 166. ne, conj. sub. : 171, 190. nec, neque : 177 (nec; neque... neque), 190 (nec), 195 (nec). nescire : 192 (nescio). nitere : 170 (nitet).
INDEX DES MOTS LATINS noctu : 191, 197. non : 174, 177, 180, 188 (bis), 189, 190, 196, 198. nondum : 197. nouus, -a, -um : 187 (nouos). nunc : 191, 194. nundinum, -i : 186 (nundinum). ο : 179. obseruare : 190oculus, -i : 176 (oculis), 190 (oculis), 193 (oculi). olla, -ae : 190 (ollam). omnis, -is, -e : 181 (omnes). oportere : 179 (oportet). origo, -inis : 173 (origine), ostreum, -i : 174 (ostrea). palum, -i : 180 (pala), paratus, -a, -um : 179 (pransum ac paratum). parere : 189. pascere : 183 (pascantur). pauo, -onis : 183 (pauonum). pes, pedis : 175 (pedes). philosophia, -ae : 177 (philosophia). pineus, -a, -um : 191 (pinea). plodere : 166. posse : 172 (potest), 173 (possem), 174 (posse), praebere : 174. pransus, -a, -um : 179 (pransum ac paratum). priscus, -a, -um : 186 (priscus). prouincialis, -is, -e : 176 (prouincialis). pruina, -ae : 171 (pruina), puls, pultis : 190 (pultis). putare : 194 (putabant), 198 (putas). quam : 189, 198. quantum, -i : 178 (quanti), quare : 179. -que : 181. qui, quae, quod : 168 (cuius), 173 (quae), 176 (qui), 182 (quibus), 191 (quae), 192 (quod), 194 (quod), quidam, quaedam, quoddam, quiddam : 176 (quiddam). quis, quae, quid : 180 (quid), quod, «parce que» : 177, 180. quot : 178.
quotiens : 186. radere : 186 (radebat). ram ex, -icis : 192 (ramicis). raperè : 192 (rap ta). raptor, -oris : 192 (raptoris). religio, -onis : 181 (religio). res, rei : 181 (res). respondere : 185 (respondeat), 195 (respondisset). rumpere : 192 (rumpit). russus, -a, -urn : 169 (russa), r usti eus, -a, -um : 186 (rusticus). sacer, sacra, sacrum : 181 (sacra), saepire : 184 (saepiant). sapiens, -tis : 172 (sapiens), satis : 194. scilicet : 167. scribere : 189 (esse scriptum), scutum, -i : 169 (scuta), se, sibi, sui : 174 (se), 194 (sibi), 197 (se), sed : 190. semel : 188, 189. seruitus, -utis : 173 (seruitutis). seruus, -i : 193 (seruos). si : 178, 188. simul : 190 (bis). solere : 166 (soliti eramus), 191 (solita), soluere : 187 (soluebat). stare : 178 (stet), sterner e : 188 (sterneret). strabo, -onis : 176 (strabones). studere : 196. sub : 189. *subdealbare : 171 (subdealbet). subducere : 167 (subductis). subleuare : 178 (subleuauerim). supercilium, -ii : 167 (super ciliis). tacitulus, -a, -urn : 187 (tacitulus). taxim : 187. te, tibi, tu : 179 (te), 180 (tu), tegere : 171 (teges). telum, -i : 169 (tela), tenebrio, -onis : 195 (tenebrionem). ter : 189. tergere : 170 (terta). torculum, -i : 185 (torculum). *torqua, -ae : 169 (torquae). totus, -a, -urn : 191 (tota).
INDEX DES MOTS GRECS trahere : 190. traiicere : 197 (traiecit). très, tria : 180 (tria). tribus, -us : 195 (tribu). tricae, -arum : 198 (tricas). tripallis, -is, -e : 180 (tripalles). turn : 181. ubi : 168, 183, 184, 185. uehere : 188 (uehebatur). uehiculum, -i : 188 (uehiculo). uel : 184. uelle : 188 (uellet). uendere : 195 (uendidit).
uestigium, -ii : 168 (uestigium). uibrare : 169 (uibrant). uidere : 180 (uides), 189 (uides), 193 (uidi). uilicus, -i : 194 (uilico). uinea, -ae : 180 (uineis), 185 (uineis). uita, -ae : 173 (uitae), 189 (uitam). uix : 194. umquam : 177. unus, -a, -um : 167, 184. ut : 173. uti, conj. sub. : 166. utrum : 193. uxor, -is : 176(uxor), 187 (uxoris), 188 (uxore).
INDEX DES MOTS GRECS Les nombres correspondent aux numéros des fragments dans notre édition. αδιάφορος, -ος, -ov : 177 (άδιάφορον). ό, ή, το : titre de la satire Ενρεν ή λοπας Βιθυνία, -ας : voir index des noms propres το πώμα; 167 (ό). et des noms de lieu, s. u. Bithynia. οστρεον : voir index des mots latins, γαμεΐν : 167 (γαμήσει). s. u. ostreum. Γεροντοδιδάσκαλος : titre de satire. πάϋος, -ους : 177 (πάθη), ελκυστικός, -ή, -όν : 176 (έλκυστικόν). περί : sous-titres des satires Ενρεν ή λοπας έξόδιον, -ου : voir index des mots latins, το πώμα (περί γεγαμηκότων), Έχω σε s. u. exodium. (περί τύχης), Έως πότε (περί ωρών), et επαρχία, -ας : sous-titre de la satire FlaxFlaxtabulae (περί επαρχιών). tabulae {περί επαρχιών). πότε : titre de la satire Έως πότε. εύρίσκειν : titre de la satire Ενρεν ή λοπας το πώμα, -ατός : titre de la satire Ενρεν ή λοπας πώμα. το πώμα. εχειν : 167 (έχων) ; titre de la satire στραβών, -ωνος : voir index des mots "Εχω σε. latins, s. u. strabo. έχΐνος, -ου : voir index des mots latins, συ, σοΰ, σοί, σε : titre de la satire Έχω σε. s. u. echinus. τύχη, -ης : sous-titre de la satire Έχω σε εως : titre de la satire "Εως πότε. (περί τύχης). λοπάς, -άδος : titre de la satire Εύρεν ή φιλοσοφία : voir index des mots latins, λοπας το πώμα. s. u. philosophia. νους, νου : 167 (νουν). ώρα, -ας : sous-titre de la satire Έως πότε (περί ωρών). INDEX DES NOMS PROPRES ET DES NOMS DE LIEUX (OU DE LEURS DÉRIVÉS) FIGURANT DANS LE TEXTE DES MÉNIPPÉES Les nombres correspondent aux numéros des fragments dans notre édition. Bithynia : 197. Marcus : 179 (Marce). Capitolium : 195 (Capitolio). Mars : 169 (Martis). Ennius : 189 (Ennium). Roma : 166 (Romae), 174 (Romae), 191 Hiberus, -a, -um : 169 (Hibero). (Roma). Libyssus, -a, -um : 182 (Libyssa). Romanus, -a, -um : 186 (Romanus). Manius Curius : 195. Tellenus, -a, -um : 198 (Tellenas).
INDEX GENERAL INDEX GENERAL Les nombres renvoient aux pages. A : 825, n. 103 (confusion d'- et d'i dans les manuscrits de Nonius) ; 900 (- et non ab devant n). Ablatif : 774 (- du type annis multis) ; 794 (- en -i de participe présent). Abondance d'expression : 865. Ac, atque : 826; 875 (- signifiant «c'est-à-dire») ; 912. Accius : 883 (- I de Lindsay). Accusatif : 827 (- de relation) ; 830, 868 (- pluriel en -is ou -es à la 3eme dé clinaison) ; 912 (- résultant d'un accord automatique). Adjectif : 878 (- en fonction d'adverbe) ; 879 (- combiné avec un adverbe). Adultère : 882; 899. Âge d'or : 853, n. 79. Agriculture : 859-871. Alimentation : 923 (changement d' dans l'Italie du If mc - Ier siècle avant J.C.). Amour : 817 (- s irrégulières); 877; 883 (- conjugal). Amphitryon : 787 (récit de combat pa rodique dans Γ - de Plaute). "Απαιδες : 884, n. 271. Arcera : 881. Archaïsmes : 770; 790; 795; 828; 876; 878; 881; 888; 892; 903; 907. Archigalle : 914, n. 458. Archiloque : 795. Aristippe de Cyrène : 777, n. 1; 779; 780. Aristote : 860, n. 127. Asie : 814 (proconsulat de Varron en -). Atellane : 918. Attis : 914. Aufidius Lurco (M.) : 844. Autarcie : 803 (- du Sage cynique). Bacchanales : 892, n. 321; 894-895; 896, n. 342. Bacchus : 894, n. 328. Bains : 766-767. Banquet : 767 (-dans Εύρεν ή λοπάς.,.Ί). Barbe : 872-873.
Barbiers : 872. Bimarcus : 813; 909. Bion : 814. Bithynie : 914, n. 458 (religion de Cybèle en -); 916. Blé : 866 (conservation du -). Bona Dea : 896. Boucliers : 785 et n. 60 (- des Gaulois et des Espagnols combattant à Cannes). Brousse : 874-875, n. 221. Bücheier : 840 (ordre des fragments de Ménippées dans l'édition de F. -). C : 913, n. 450 (confusion de n et de dans les manuscrits de Nonius). Caetra : 785, n. 60. Campagne : 874 et n. 221 (opposition de la ville et de la -). Cannes : 785 (bataille de -). Casque : 789-790. Castration : 762, n. 13. Castus : 850 (valeur de l'adjectif -). Caton l'Ancien : 845; 861; 878; 923. Catulle : 898. Cave (à vin) : 860. Ceinture : 879. Célibat : 762-763, n. 14 (- des prêtres catholiques). Cella : 869 (- e d'exploitations agricoles). Celtes : 783-784; 786, n. 65; 790. Censeur : 909-910. Centre : 874-875, n. 221 (le - dans les cultures primitives). Cérès : 895; 896, n. 344 (Peruigilia de -). Cerinthus : 899. Chaos : 822, n. 88; 853 et n. 79; 874-875, n. 221. Chevaux : 822 (passions comparées à des -). Chiasme : 821. Chrie : 908. Cicéron : 763, n. 14 (- et le mariage) ; 817, 821 (lettre de - à Quintus sur le gouvernement des provinces) ; 824 (générosité de Quintus - dans sa
INDEX GENERAL province) ; 824, η. 99 (bénéfice réalisé par - en Cilicie); 825, n. 101 (cf. 817); 860, n. 127 (éloge de l'agriculture chez -) ; 862, n. 136 (critique de l'agriculture chez -); 888; 899, n. 300. Cimbres : 783-784. Citations : 886 (- dans les Ménippées de Varron). Citre : 858. Cléanthe : 778. Columelle : 862, n. 136; 902. Comédie : 903. Concinnità^ : 821. Concordance des temps : 888 (- avec l'infinitif historique). Conflits : 852, 857 (- intérieurs de Varron). Conjonctions : 794, 803-804, 869, 871, 909 (anastrophe des - de subordination). Contradictions : 852, 855, 861, 862, 923 (- de Varron). Coquillages : 804-805. Cosmos : 852; 874-875, n. 221. Couteaux : 844; 913; 914, n. 457 et 458; 915. Crassus : 844; 901. Cratès : 762-763, n. 14. Crise : 859-860 (- économique du IIème siècle avant J.C.) ; 902 (- du système esclavagiste). Cupidité : 862 et n. 138 ; 867 ; 870. Curius Dentatus (M'.) : 908. Cybèle : 914. Cyniques : 762 (les - et le mariage) ; 767 (discussions des - dans les ban quets); 780-781 (les - et la Fortune); 795; 801 (les - blâment l'infantilisme des stulti) ; 802 ; 803 ; 820 (méfiance de Varron envers les -) ; 822 (les - com paraient les passions à des chevaux) ; 851 (les - et la religion) ; 855 (les - crit iquent le luxe des habitations) ; 856 (les critiquent les inconséquences des soidisant philosophes); 885; 908, n. 413; 920, n. 500. Cyrénaïques; 780; 781, n. 35. D : 825, n. 104 (confusion de - et de t dans les manuscrits de Nonius). Datif : 903 (- sympatheticus). Demeter : 895.
Démétrios de Phalère : 777, n. 1. Démographie : 762, n. 13 (- de Rome) ; 772; 922 (cf. 762). De officio mariti : 761 (- Ménippée de Varron). Déponent : 768 (verbes -s; - murmurari). De re rustica : 845, 862, 874 (- de Varron). Deuicti : 842, n. 24 (titre de la ménippée -). Devinettes : 918 (- dans l'atellane). Dialogue : 813 (- dans Flaxtabulae); 837 (- dans Γεροντοδιοάσκαλος). Dictée : 854, 904, n. 391 (manuscrits copiés sous la -). Diminutifs : 817; 818; 830; 879; 915. Diogene de Sinope : 799. Dion Chrysostome : 777, n. 1. Dionysos : 894, n. 328 (religion de -). Diphtongue : 768 (- au de plaudere) ; 868 (- ae de saepiant) ; 889 (- au de aulla) ; 907 (- au de lautus) ; 913, n. 451 (latinisation de la - ai). Disciplinae : 848 (- de Varron). Disette : 867 ; 923. Distique élégiaque : 846. Douleur : 819. Effemination : 772; 873. Εισαγωγικός (λόγος) : 813. Elevage : 860; 862-865. Emancipation : 883, n. 263 (- des matrones). Έμπαιστική τέχνη : 916. Endymiones : 802. Energie : 887 (- des femmes d'autrefois). Enfance : 852, 922 (nostalgie de 1' - ; - de Varron). Enim : 818; 916. Ennius : 787; 884; 885. Enthousiasme : 893. Ephemeris naualis : 813. Epictète : 762, n. 14. Epilation : 873. Epithalame : 876, n. 225 ; 891, n. 316. Epopée : 787 (parodie d' -). Epoques (de la vie) : 800. Eraire : 910. Esclavage, esclaves : 802-803 (esclavage des stulti) ; 844 (révolte d'esclaves) ; 899900 (liaisons de femmes libres et d'esclaves); 901 (cf. 844); 901, n. 376
INDEX GENERAL (inimitié des esclaves envers leurs maîtres); 902 et n. 381, 924 (crise du système esclavagiste; révoltes d'esclaves). Espagnols : 785 ; 786, n. 65. Etymologie : 829 (intérêt de Varron pour 1' -)· Ευκαιρία : 799; 801. Eumenides : 840; 853. Eurysos : 777, n. 1. Evocation : 845 (- de morts). Exploitation : 859 (type d' - agricole cher à Varron). Famille : 763-764, n. 17 (mesures en faveur des - s). Fas : 850. Fasciae : 858; 923. Femme : 876; 880-881 (- s des maiores); 882-900 (- s modernes et - d'autrefois) ; 884, n. 269 (statut de la - romaine) ; 887 (- confinée à l'intérieur de la maison) ; 892, n. 321 ; 893 (les - s et les cultes à mystères; statut des - s). Féodal (régime) : 857, n. 107. Ferme : 861, 923 (- -modèle). Feu : 897. Flaxtabulae : 909. Folie : 893 (- divine). Fortune : 777; 779; 780-782 (apostrophes à la - ; les Cyniques et la - ; le Sage et la - ; rôle de la - à la guerre) ; 783 (Marius et la -); 786; 793; 795 (la - et le Sage). Freni-frena : 822-823 (doublet -). Futur : 793 (- jussif). Galles : 762, n. 13; 914. Gaulois : 783; 785; 786, n. 65; 790. Gellius (de Lindsay) : 880. Géminées (consonnes -) : 830 (- de tripalles) ; 848-849, n. 56 (- de reilìgio); 906 (- de uillicus). Générosité : 824 (- des gouverneurs de provinces). Génitif : 770 (- partitif avec unus) ; 773 (- partitif avec ubi) ; 890 (- explicatif). Gouverneurs : 810, 811, 812, 813, 824 (-de provinces). Gracques : 856-857, n. 104; 866 (en trepôts de C. Gracchus).
Grande Année : 853, n. 79. Grec, grécisme : 817; 822; 854, n. 89 (mots grecs latinisés chez Nonius) ; 915. Grèce : 766 (séjour de Varron en -). Grenier : 867. Guerre : 780-782 (rôle de la Fortune à la -); 785-786, 793 (deuxième punique) ; 793, n. 100 (- arrêtée en hiver) ; 856, n. 104 (cf. 785-786). Guerres civiles : 861; 922. H : 788 (- de Hiber) ; 913, n. 448 (con fusion de - et de n dans les manuscrits de Nonius). Hannibal : 785; 790; 793. Hardiesse : 875 (Varron a plus de comme grammairien que comme écri vain). Hebdomades : 801 (périodes de la vie dans les - de Varron). Hercule : 822, n. 88; 879 (nœud d' -). Herennius : 783. Hésiode : 860. Hexamètre dactylique : 848 (théorie de Varron sur Γ -). Horace : 814; 844; 851, n. 70; 868; 882, n. 262. Hortensius (Q.) : 864, n. 156. Huîtres : 804-806. Humour : 770 (- de Varron). Hyménée : 876, n. 225; 891, n. 316. Hyperbate : 773; 868; 913, n. 448; 915-916. Hyperhellénisme : 788 (- dans Hiber). Hyperurbanisme : 768 (- dans plaudere). Hypocrisie : 850-851 (- prétendue de Varron); 856, 923 (- vraie de Varon). / : 825, n. 103 (confusion d'à et d' dans les manuscrits de Nonius). Ibères, Ibérie (voir aussi Espagnols) : 784, n. 57. Identification : 769-770, 922 (- de Varron aux maiores). Idéologie officielle : 817 (- touchant les devoirs des gouverneurs). Impureté : 822, n. 88; 850; 852. Inadaptation : 842, n. 19 (- de Varron au présent). Inceste : 763, n. 17.
INDEX GENERAL Inconnu : 856, η. 102 (peur de Γ -). Inconstance : 810. Indéfini (sujet) : 907 (- rendu par la troisième personne du pluriel). Indifférentes (choses -, αδιάφορα) : 819 (- dans le Stoïcisme). Infinitif : 888 (- de narration). Intendant : 904-906. Intérieur : 887 (femmes vivant à F de la maison). Interrogation : 920 (- marquée par le ton seul). Isia : 895. Isis : 891; 895. Juvénal : 762 (- et le mariage) ; 817, 820, 824 (satire 8 de -); 851, n. 70; 883; 884, n. 268; 892, n. 321; 900 (liaisons de femmes libres et d'esclaves chez -). L : 791, n. 92 (confusion de - et de t dans les manuscrits de Nonius) ; 877, n. 227 (confusion de - et de r dans les manuscrits de Nonius). Laine : 879 (valeur apotropaïque de la -) ; 887 (femmes filant la -). Langue familière : 767; 773; 806; 815; 821; 826; 827; 829; 879; 907; 911; 916; 917; 920. Langue juridique : 909. Langue militaire : 827. Langue parlée : 818; 822; 828; 903. Langue populaire : 768; 770; 790; 794; 803; 817; 826; 828; 903. Langue rustique : 829-830; 920. Langue soutenue : 894. Latifundia : 861; 923. Lectica : 881. Lex Iulia de repetundis : 813. Liberté : 803 (- du Sage). Logistoricus : 783 (- Marius de Fortuna). Loi de Lindsay : 765, n. 25. Loisirs : 880 (- des maiores). Lucien : 781 (peinture de Tychè chez -); 856 (- critique les inconséquences des soi-disant philosophes) ; 885. Lucilius : 762 (- et le mariage). Lucilius I (de Lindsay) : 782 ; 804. Lucilius II (de Lindsay ) : 871.
Lucrèce (femme de Tarquin Collatin) : 887; 899; 915. Lucrèce (poète) : 851, n. 70 (2, 1170 et suiv.). Lucullus (L. Licinius) : 844 ; 902. Luxe : 855 (- des habitations); 856-857, n. 104; 858 (cf. 855); 892, n. 321; 914 (- des intérieurs). M : 913, n. 448 (confusion de - et de n dans les manuscrits de Nonius). Macédoine : 811. Magicien : 850. Magistrats : 908 (- d'autrefois). Main d'œuvre agricole : 923. Maiores, mos maiorum : 772; 781 (Varron et le mos maiorum) ; 796 ; 852 ; 856; 857, n. 106; 861; 862, n. 136 et 138; 871-889; 874 (éloge des -); 876; 878 (libertinage des -) ; 880 (loisirs des -); 894; 922. Maison : 854 (ornements des riches -) ; 858 (simplicité des - d'autrefois). Maîtrise de soi : 893. Mariage : 762-774 (le - dans Ευρεν ή λοπάς...); 762 (le - dans les Ménippées ; dans l'Antiquité en général ; Varron et le -; les Cyniques et le -); 763, n. 17 (- entre cousins croisés); 876; 884, n. 271 (le - acte social visant à la procréation); 891; 892. Marié : 877 (jeunes - s). Marius : 783-784; 792; 909 (réforme militaire de -). Martial : 900 (liaisons de femmes libres et d'esclaves chez -). Matériaux : 855 (- exotiques dans les maisons romaines). Maternité : 882. Matrone : 771; 883, n. 263 (émancipat ion des -) ; 886 (- modèle). Maurétanie : 858. Μεμψιμοιρία : 799-801; 805. Ménandre : 769 (parodie de - en 167). Ménippe : 885 ; 920. Mère : 882 («bonne» et «mauvaise» -); 884, n. 269 (- s romaines heureuses de l'être).
J
INDEX GENERAL
Mesure : 820; 822, η. 88. Metellus Numidicus : 763. Métonymie : 788. Métrodore : 777, 779. Misogynie : 762; 883. Modernisme : 838; 861. Moi : 820, η. 71, 857, 921 (- social de Varron). Mollesse : voir effémination. Monstres : 822, n. 88. Moralisme : 772, n. 74 (- des Anciens). Mystères : 891 (initia = -); 892-893 (cultes à -) ; 893, n. 325 (Varron initié aux - de Samothrace) ; 896 (- de Cérès). Mythe : 822, n. 88 (sens profond du -). N : 818 (- de formonsula) ; 867, n. 19 (confusion de - et de s dans les manuscrits de Nonius); 875 (- de quotiens); 909 (- de consul); 913, n. 448 (confusion de - et de h, de - et de m dans les manuscrits de Nonius); 913, n. 450 (confusion de et de c dans les manuscrits de Nonius). Nec non : 889. Négatifs (tours) : 821 (intensité des -). Néotéroi : 876, n. 225; 891, n. 316. Nicomède : 844. Noble : 787 (style -). Nœud d'Hercule : 879. Nominatif : 803 (- pluriel en -is à la 3ème déclinaison). Non uides : 829 ; 885. Nuit : 896-897 (cérémonies célébrées la -). Nunc : 839 (opposition tune- -). Nundinae : 872; 873. Ο : 767-768 (- de plodere) ; 827 (- devant vocatif); 889 (- de olla); 898, n. 351 (confusion d' - et d'u dans les man uscrits de Nonius). Obscénité : 899 (- dans les Ménippées). Observatoire (specula) : 802 (thème de Γ - dans le Cynisme). Octave-Auguste : 853, n. 79 ; 887, n. 288 ; 922. Octonaires trochaïques : 791, n. 90 (combinaison d' - et de septénaires trochaïques).
Opportunitas : 799. Optimisme : 921 (- de Varron). Ordre : 852; 893-894. Ordre des mots : 767 (- dans la phrase varronienne). Originalité : 814, 820, 845, 920, n. 500 (- des Ménippées de Varron). Orphisme : 868, n. 179. Osiris : 895. Oursins : 804 ; 805 ; 806. Pain : 923. Paons : 844, 860, 864 et n. 156 (élevages de -). Papiapapae : 813; 909. Parataxe : 911; 916. Paresse : 873. Parfait : 818 (formes syncopées de -). Parodie : 769 (- d'une formule de Ménandre); 787; 881 (- d'une loi des Douze Tables) ; 915. Parricide : 762, n. 13 (castration assimilée au -). Pars fructuaria : 870. Partes urbanae : 854 (- des uillae rustiques). Participe : 794 (goût de Varron pour le - présent) ; 823 (- apposé en fonction de proposition circonstancielle). Passéisme : 838; 856, n. 102 et 104. Passions : 803 ; 822 (- comparées à des chevaux). Paternalisme : 902 (- des grands pro priétaires romains). Patrimoine : 824, n. 100; 884, n. 269. Patristes (sociétés) : 772 ; 887. Pax deorum : 853, n. 78. Paysans : 856, n. 104, 860, n. 125, 864, n. 155 (petits - italiens) ; 874 (éloge du -); 922 (cf. 856, n. 104). Pergame : 916. Περί Τύχης : 777 et η. 1 (ouvrages in titulés -). Perpenna : 783. Peruigilia Cereris : 896, n. 344. Philosophes, philosophie : 767 (école de philosophes); 819; 820 (limites à fixer aux préceptes de la philosophie dans le gouvernement des provinces); 822; 914.
iί
INDEX GENERAL Plan : 782 (- des Ménippées); 813 (- de Flaxtabulae). Platon : 841 (Euthydème de -). Plaute : 787 (- parodie un récit de bataille dans Amphitryon) ; 898. Plautus I (de Lindsay) : 795; 917. Plautus II (de Lindsay) : 886. Pluriel : 829 (- collectif). Plutarque : 783; 792; 793. Politique : 893-894 (- et religion) ; 922. Polysyntheton : 816. Pompée : 783; 813; 844; 902. Pomponius (de Lindsay) : 907. Pont-Euxin : 916. Portes : 859 (- des riches demeures). Posidonius : 783. Possessif : 826 (accumulation de - s). Pressoir : 860 ; 869. Prévarications : 824, n. 99 (causes des de gouverneurs). Préverbe : 794 (composé à double -); 821 (- com-fcon-). Procréation : 762-763; 884, n. 271. Progrès : 838; 861; 870, n. 196 (- et morale). Proleptique : 864 (adjectifs - s). Pronom : 770, 829, 903 (- personnel d'insistance). Properce : 878, n. 233 ; 898. Propriété : 855 (- s de Varron). Proverbe : 761 (- s dans les titres de Ménippées); 764 (- Εύρεν ή λοπάς...); 798; 805; 842; 901, n. 376; 919. Psychanalyse : 822, n. 88. Puérilité : 801, 803 (- des stulti selon les Cyniques). Puis : 887; 923. Punition : 909, n. 418 (- de l'insoumission militaire et de la désertion). Pureté : 850; 899 (- du sang). Puritanisme : 878, 887 (- des maiores). Pyrrhus : 908, n. 416 (guerre contre -). Pythagorisme : 801, n. 20; 868, n. 179. Quare : 827 (- mot prosaïque). R : 877, n. 227 (confusion de - et de / dans les manuscrits de Nonius). Reate (Rieti) : 852, n. 71 (- patrie de Varron).
Récit : 815 (- familier). Referents : 827. Relatif (pronom) : 803, n. 28 (- article déterminatif) ; 894 (- de liaison); 907 (anastrophe du -). Religio : 849 (sens du mot -). Religion : 850 (- de Varron); 882; 893 (Varron hostile aux - s étrangères; les femmes et la - d'Etat ; aspects politiques de la - d'Etat). Renaissance : 853, n. 79 (- de Rome). Révoltes : 844, 901-902, 924 (- d'esclaves). Révolution : 893 (- dans les cultes à mystères). Rusticatio : 860, Rusticité : 874 (critique de la·-). S : 867, n. 169 (confusion de - et de n dans les manuscrits de Nonius). Sacer : 849 (sens du mot -). Sacré : 781-782, n. 41; 822, n. 88; 853 (- de respect). Sage : 762-763, n. 14 (le - cynique ne se marie pas); 777, 779, 781 (le - et la Fortune) ; 782 ; 793, 795 (cf. 777 etc.) ; 799; 803 (liberté du -); 815; 820. Sagesse : 893. Saisons : 798-800. Salluste : 862 et n. 136 (critique de l'agriculture chez -). Samothrace : 893, n. 325 (mystères de -). Sang : 899 (pureté du -); 914, n. 458 (fête du -). Satyricon : 767 (92, 6-8); 851 (44, 17 et suiv.). Science : 861, n. 134 (- agronomique). Scipion : 873; 911. Scrofa : 861 ; 902. Sénèque : 856; 868; 873. Sentence : 795-796 (- s de Varron). Septénaires trochaïques : 791, n. 90 (combinaison de - et d'octonaires trochaïques). Sertorius : 783-784; 793. Sexagessis : 842; 843, n. 29. Sexuelles (mœurs) : 877-878 (- des jeunes Romains). Silo : 860; 867; 870; 923. Simul... simul... : 886.
INDEX GENERAL Singulier collectif : 876; 907. Socrate : 841. Soldat : 792, 793, η. 100 (souffrances du - en hiver). Souillure : voir Impureté. Sous-titres (des Ménippées) : 761 ; 778779; 800. Spartacus : 844; 901; 902; 924. Spéculation : 867 (- sur le prix des céréales). Sphéros : 777, n. 1 ; 783. Spontanéité : 815 (Varron veut donner l'impression de la -). Spoudogeloion : 788. Stoïciens, Stoïcisme : 763 (les Stoïciens et le mariage); 781 (Varron et les Stoïciens) ; 795 ; 803 ; 819 (choses indif férentes pour les Stoïciens) ; 820 (mé fiance de Varron envers le Stoïcisme) ; 822, n. 88 ; 855 (les Stoïciens critiquent le luxe des habitations); 908, n. 413. Strepsiade : 842. Stulti : 798, 801 (μεμψιμοιρία des -); 803 (esclavage des -) ; 805. Style : 920, n. 501 (- de Varron). Suffixe : 817, 900, 909 (- péjoratif -δ); 915, n. 470 (- -ari). Suicide : 913-915. Sulpicia : 899. Surnaturel : 850. Symposion : 767, Syncope : 767 (- dans balneum). Τ : 791, η. 92 (confusion de l et de - dans les manuscrits de Nonius). Table : 812 (- s de la loi); 858, n. 114 (- s de citre); 881 (recueil de lois dit des Douze - s). Tabous : 852. Taedium uitae : 798 ; 800. Tellène : 919. Terre : 857, n. 107 (retour à la -). Tetrametre crétique : 787. Teutons : 783-784. Théophraste : 860, n. 127 (éloge de l'agriculture chez -). Tite-Live : 882, n. 262; 894, n. 328 (religion de -).
Titres : 761 (- proverbiaux dans les Ménippées de Varron); 777, 779 (énigmatiques dans les Ménippées de Varron) ; 798 (cf. 761) ; 842, n. 24, 843 (- ambigus dans les Ménippées de Varron). Torche : 892; 895; 896; 897 (significa tion symbolique de la -). Torcularium : 869. Torque : 783-785 ; 789. Travail : 873, 880 (- sacré pour les maiores) ; 887. Trésor : 844, 913-914 (- de Nicomède). Tricae : 917; 920. Tune : voir nunc. Turpilius (de Lindsay) : 769. U : 828 (- de minume); 898, n. 351 (confusion d'o et d' - dans les man uscrits de Nonius). Vbi est, ubi sunt : 771 (tour rhétorique -). Vmquam : 823 (- et unquam). Variété : 921 (- dans la satire latine et les Ménippées de Varron). Venus : 878 (- tarda). Verres : 811; 817; 821; 824. Vêtements : 853 (échange de -). Vieillards : 801, 805 (- imitant les jeunes gens) ; 842 (- s'initiant à une science ou à un art) ; 842, n. 20 (- amoureux) ; 843; 881. Vigne : 870 ; 924. Villa : 854-855. Ville : 874 et n. 221 (- et campagne). Vin : 871 (fabrication du -). Violence : 822, n. 88; 852, n. 76; 894, n. 328. Virgil (de Lindsay) : 771; 846. Virgile : 853, n. 79 ; 859. Virilité : 878 (culte de la - à Rome). Viviers : 865, n. 157. Vix : 907 (- = non). Voiture : 881 (usage des - s à Rome). Voyages : 880 (- des maiores). Xénophon : 860, n. 127 (éloge de l'agr iculture chez -).
TABLE DES MATIÈRES
Liste des abréviations conspectvs siglorvm Stemmata des manuscrits de Nonius Répartition des livres de Nonius ΕυΡΕΝ Η ΛΟΠΑΣ ΤΟ ΠΩΜΑ (166 : p. 765; 167 : p. 769; 168 : p. 771) Εχω σε (169 : p. 782; 170 : p. 789; 171 : p. 791; 172 : p. 795) Εως ποτέ (173 : p. 802; 174 : p. 804) Flaxtabvlae (175 : p. 814; 176 : p. 816; 177 : p. 818; 178 : p. 823; 179 : p. 826 ; 180 : p. 829) Γεροντοδιδασκαλοσ (181 : p. 846; 182 : p. 854; 183-185 : p. 859; 186 : p. 871; 187-188 : p. 876; 189 : p. 883; 190 : p. 886; 191 : p. 889; 192 : p. 897 ; 193 : p. 901 ; 194 : p. 903 ; 195 : p. 908 ; 196 : p. 909 ; 197 : p. 912 ; 198 : p. 917) Notes complémentaires . Tables et indices (Tables de concordance : p. a ; index des mètres : p. β ; index des mots latins : p. β ; index des mots grecs : p. e ; index des noms propres et des noms de lieux : p. e ; index général : p. f)
PAGES xix xxiv xxvii xxix 759 775 797 807
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