JACQUES BOUVERESSE
CHEZ LE M£ME EDITEUR
- Pierre Bourdieu, Sur la television, suivi de L'emprise du journalisme, 1996 ...
24 downloads
1097 Views
4MB Size
Report
This content was uploaded by our users and we assume good faith they have the permission to share this book. If you own the copyright to this book and it is wrongfully on our website, we offer a simple DMCA procedure to remove your content from our site. Start by pressing the button below!
Report copyright / DMCA form
JACQUES BOUVERESSE
CHEZ LE M£ME EDITEUR
- Pierre Bourdieu, Sur la television, suivi de L'emprise du journalisme, 1996 - ARESER (Association de reflexion sur Les enseignements superieurs et la recherche), Diagnostics et remMes
urgents pour une universite en peril, 1997 - Serge HaLimi, Les nouveaux chiens de garde, 1997 - JuLien DuvaL, Christophe Gaubert, Frederic Lebaron, Dominique Marchetti, Fabienne Pavis, Le « dtkembre»
des intel/ectue/s
fran~ais,
1998
Prodiges et vertiges de l'analogie
- Pierre Bourdieu, Contre-feux. Propos pour servir
a la resistance contre l'invasion neo-liberale, 1998 - Keith Dixon, Les evangelistes du marche, 1998
De L'abus des beLLes-Lettres dans La pensee
RAISONS D'AGIR EDITIONS Les manuscrits non publies ne sont pas renvoyes.
II n'y a point de meilleur moyen pour mettre en vogue ou pour difendre des doctrines etranges et absurdes, que de les munir d'une legion de mots obscurs, douteux et indetermines. Ce qui pourtant rend ces retraites bien plus semblables it des cavernes de brigands ou it des tanieres de renards qua des forteresses de genereux guerriers. Que lil est malaise den chasser ceux qui s'y rifugient, ce n'est pas it cause de Ia force de ces lieux-la, mais it cause des ronces, des (pines et de l'obscurite des buissom dont ils sont environnes. Car Ia foussete etant par elle-meme incompatible avec lesprit de l'homme, il n'y a que lobscurite qui puisse servir de difeme it ce qui est absurde. JOHN lOCKE
Un des traits les plus etonnants des pemeurs de notre (poque est qu'ils ne se sentent pas du tout lies par ou du moim ne satisfont que mediocrement aux regles jusque-la en vigueur de Ia logique, notamment au devoir de dire toujours precisement avec clarte de quoi Ion parle, en quel sens on prend tel ou tel mot, puis d'indiquer pour quelles raisons on affirme telle ou telle chose, etc. BERNARD BOlZANO
Editions RAISONS D'AGIR 27, rue Jacob, 75006 Paris
©
EDITIONS RAISONS D 'AGIR, oetobre 1999
Le mal de prendre une hypallage pour une decouverte, une metaphore pour une demomtration, un vomissement de mots pour un torrent de connaissances capitales, et soi-meme pour un oracle, ce mal nait avec nous. PAUL VALERY
Avant-propos*
Je crois que Ie mauvais usage des sciences et les mauvais rapports avec les sciences ne sont, pour la philosophie, que Ie reSet et la consequence d'un probleme beaucoup plus general qu' elle a avec elle-meme, avec ce qu' elle est ou pretend etre et avec ce qu' elle veut. Il ne faut donc pas commettre l' erreur de prendre l' effet pour la cause ou un des symptomes, aussi visible et remarquable qu'il puisse etre, pour la maladie elle-meme. Lichtenberg, qui cherche a encourager la tolerance en matiere de comprehension, dit qu' « entre comprendre et ne pas comprendre il y a un bon nombre de classes, dans lesquelles les 9/lO e des gens sejournent tres commodement» I. Cette question de la comprehension est, dans Ie cas de la philosophie, particulierement cruciale, non seulement parce qu' on y est rarement certain de comprendre comme il faudrait ce qu' on lit, mais egalement parce qu'il est possible apparemment de d'installer de falee ni par la logique ellememe, ni par les exigences de l' analyse conceptuelle, ni par une forme quelconque de confrontation avec les faits, on se demande bien par quoi elle pourrait I'etre et de quel droit on poutrait encore oser lui demander des comptes sur ce qu' elle fait. On est donc oblige d' admettre que, comme Ie disait Lacan de la psychanalyse, la philo-
38
PRODIGES
ET
VERTIGES
DE
L'ANALOGIE
sophie ne s'autorise que d'elle-meme et des principes d'un methodologie et d'une deontologie qu'elle est la seule a connaitre et qu' on ne doit surtout pas lui demander de formuler. Il suffit que les vrais philosophes sachent a quoi s' en tenir et se reconnaissent clairement entre eux. Ceux qui formulent des questions et des objections comme celles de Sokal et Bricmont montrent surtout qu'ils n'appartiennent pas et n'ont aucune chance d'appartenir un jour a cette categorie*. On aimerait pourtant voir ouvrir une bonne fois cette boite de Pandore de la difference qualitative non precisee qui est censee exister entre la philosophie et tout Ie reste, et avoir une idee de ce qu'dle contient. Mais personne ne tient reellement a ce qu'dle Ie so it. Il faudrait, bien entendu, etre tout a fait naIf pour croire que 1'inculture scientifique ou Ie manque total de serieux et la desinvolture avec lesquds sont traites certains des resultats de la science constituent la source principale de la mauvaise philosophie. Si c' etait vrai, cda rendrait surement les choses beaucoup plus simples. Mais, bien que ce so it ce que l' on a parfois affecte de comprendre, Sokal et Bricmont ne suggerent evidem-
• Je ne sais pas si je peux dire que je me pose, justement,
a peu
pres les memes questions, en tant que philosophe. Car je ne suis
justement pas sur d'etre un vrai philosophe, au sens indique, et encore moins de vouloir
,'etre. Je
crois avoir une formation
philosophique convenable et je ne considere surement pas que Ie recours au bon sens pourrait etre suffisant dans des questions comme celles dont nous parlons. Mais, malgre cela, les passages que Sokal et Bricmont trouvent inintelligibles Ie sont a peu pres autant pour moi. Si les gens qui les defendent n'thaient pas habitues it ce point a identifier leurs propres entreprises a la philo sophie elle-meme, ils s'apercevraient qu'un bon nombre de philosophes ne sont pas mains cheques que les scientifiques par certaines des absurdites que denoncent Sokal et Bricmont.
PRODIGES
ET
VERTIGES
DE
L'ANAlOGIE
39
ment pas comme remede aux maux dont souffre la philosophie la transformation de to us les philosophes en scientifiques avertis. Un minimum de competence technique est une condition necessaire, mais surement pas une condition suffisante, pour eviter les usages abusifs du langage scientifique. (La connaissance que Badiou a de la logique et des mathematiques est reelle et autrement plus devdoppee que celle de Debray. Mais cda ne l' a pas empeche, par exemple, de faire assez regulierement de la formalisation logique, par laquelle il est reste manifestement obsede, des usages parfaitement incongrus et qui auraient pour Ie moins sidere un vrai logicien comme Godel, qui pensait que les techniques logiques peuvent rarement etre appliquees de fa