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Sommaire Avant-propos ........................................................................................7 Introduction ..........................................................................................9 Chap. 1 - Populations et territoires en France dans les années 2000 .....11 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.
Un vaste territoire faiblement peuplé en Europe ...........................11 Un peuplement concentré..............................................................16 Les évolutions différenciées des « six » France ............................22 Une population dont le vieillissement s’accentue .........................26 Des migrations internes résultant d’un faisceau de processus interdépendants..............................................................................38 Les caractéristiques des migrations internationales en France ......46 Les effets territoriaux de l’addition des migrations internes et internationales ...............................................................................52 Les emplois plus concentrés que le peuplement............................53 Des systèmes familiaux différents selon les territoires .................56
Chap. 2 - Les projections démographiques courantes et leurs limites ...59 1. Les projections démographiques courantes et leurs enseignements .......................................................................................................59 2. Les limites des projections démographiques courantes.................95 Chap. 3 - Les sept risques majeurs : « prévoir pour ne pas voir » .......109 1. La segmentation démographique territoriale...............................109 2. Une France éclatée en territoires se spécialisant selon les niveaux de vie ...........................................................................................113 3. Des îles urbaines au milieu de territoires à l’abandon.................117 4. Un nouveau « scénario de l’inacceptable » .................................118 5. L’addition de fractures territoriales corrélatives .........................121 6. L’insuffisance de « boulangers » et « d’infirmières » .................124 7. Le risque d’effet boomerang de l’économie résidentielle ...........127 Chap. 4 - Quatre scénarios prospectifs ...................................................129 1. Les tendances lourdes et les ruptures pour les seize variables retenues........................................................................................129 2. Présentation générale des quatre scénarios..................................144 3. Les quatre scénarios ....................................................................148 4. Des quatre scénarios aux recommandations................................161
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Populations et territoires de France en 2030
Chap. 5 - Douze chantiers et 67 recommandations pour l’avenir ........163 1. Les cinq chantiers communs à l’ensemble des futurs..................163 2. Les sept chantiers pour un futur choisi........................................172 Conclusion .................................................................................................189 Glossaire ...........................................................................................193 Liste des membres du groupe de prospective ..................................197 Bibliographie ....................................................................................199 Table des figures...............................................................................207 Table des matières ............................................................................211 Index .................................................................................................221
Avant-propos Le présent ouvrage est le résultat d’une mission confiée au groupe de prospective « Populations et territoires », présidé par le recteur GérardFrançois Dumont, par le Délégué de la Datar, Nicolas Jacquet. Un extrait de la lettre de mission est donné ci-après : « Le CIADT de mai 2003 a donné mission à la Datar ‘d’anticiper les mutations économiques’. Or, les ressources humaines sont l’un des principaux facteurs d’attractivité des territoires pour le développement des activités existantes comme pour l’implantation de nouvelles activités. Le vieillissement de la population constitue une toile de fond lourde de conséquences pour l’avenir des territoires. C’est pourquoi le Conseil de Prospective l’a placé en tête des sept priorités pour le programme de prospective ‘Territoires 2030’. Si la question du vieillissement est abondamment documentée, ses effets différenciés entre les territoires constituent un enjeu central pour l’aménagement du territoire qui est resté assez peu étudié. Considérant l’étendue et la diversité des besoins d’information en matière de prospective démographique régionale et locale, la Datar souhaite confier une mission d’expertise et de prospective à un groupe de travail dont le rôle est de l’éclairer sur les implications quantitatives et qualitatives des tendances démographiques pour les territoires à l’horizon 2030, groupe dont nous vous demandons de bien vouloir assurer la direction. Nous attendons de ce groupe de travail qu’il capitalise l’état de l’art sur la question et émette des recommandations sur les besoins de connaissance nécessaires à la mise en œuvre des politiques publiques territoriales sur les questions suivantes : L’Insee a publié en juillet 2003 un jeu de projections démographiques par régions et départements à l’horizon 2030. Les hypothèses qui soustendent ces projections (fécondité, espérance de vie, mobilité résidentielle, migrations internationales) sont-elles satisfaisantes ? Quelles sont les incertitudes et les ruptures possibles à moyen et à long terme ? Quelles autres hypothèses essentielles faudrait-il approfondir pour les besoins de la politique d’aménagement du territoire ? Quels sont les impacts prévisibles de l’accroissement de la population âgée et très âgée (la gérontocroissance) sur les territoires, et les conséquences pour les politiques publiques territoriales ? Le groupe devra éclairer la Datar en particulier sur l’effet cumulé du vieillissement différencié des territoires et des migrations résidentielles des seniors sur
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Populations et territoires de France en 2030
l’évolution des besoins en services universels, marchands ou nonmarchands, en prenant en compte l’accroissement du nombre des personnes très âgées. Il devra s’intéresser aux conséquences de ces perspectives sur les besoins de péréquation de ressources entre les territoires. Quelles sont les conséquences de la tendance au non-remplacement des générations sur les politiques à destination des populations jeunes à l’horizon 2010-2030, et ses conséquences sur le déploiement territorial des services universels destinés aux enfants, adolescents et étudiants. Quels sont les potentiels attendus de population active régionale et locale entre 2010 et 2030. Ce thème transversal doit éclairer la Datar en particulier sur les enjeux que les perspectives de diminution et de vieillissement de la population en âge de travailler représentent pour les espaces ruraux (au sens large) et pour les villes moyennes. Comment la répartition géographique des nouveaux immigrants permet-elle ou ne permet-elle pas de répondre d’une région à l’autre à la situation de pénurie structurelle de main-d’œuvre et de talents qui menace la France à l’horizon 2030 ? Quelle géographie des territoires à enjeux pour l’aménagement du territoire résulte du croisement des questions qui précèdent ? Nous vous demandons de constituer un groupe d’experts et de praticiens, avec le soutien logistique de la Datar et en accord avec sa direction et le Conseil de prospective et dynamique des territoires. »
Introduction « Ce qui compte dans la décision à prendre, ce n’est pas la sincérité, c’est la lucidité » André Malraux La France compte, au milieu des années 2000, une population de 61 millions d’habitants, équivalente à celle du Royaume-Uni et de l’Italie, inférieure de 20 millions à celle de l’Allemagne mais dépassant de 18 millions celle de l’Espagne. La population de la France est caractérisée par une forte discontinuité géographique sur un vaste territoire, le plus vaste d’Europe après l’immense Russie ⎯ dont le territoire est plus eurasien qu’européen ⎯ et l’Ukraine. De la Méditerranée à la mer du Nord et de l’Atlantique au Rhin, la France comprend des territoires aux climats, altitudes et morphologies fort divers. Mais la démographie est un autre facteur essentiel de différenciation territoriale. Aux territoires métropolitains s’ajoutent de surcroît les départements, collectivités et territoires d’outre-mer, situés dans diverses régions du globe : Afrique orientale, Amérique du Nord, Amérique latine et Océanie. Ces différents territoires ont chacun leur identité géographique et, surtout, des spécificités démographiques liées à leur mouvement naturel et à leur système migratoire. Même si ces territoires partagent bien évidemment certaines logiques communes avec la métropole, quoique différemment selon qu’il s’agit des départements d’outre-mer faisant partie intégrante de l’Union européenne ou d’autres collectivités d’outre-mer n’en faisant pas partie, les particularités de la dynamique de leurs populations et de leurs tendances territoriales nécessiteraient pour chacun d’entre eux un travail prospectif ad hoc. Le présent rapport porte donc essentiellement sur la question des populations et des territoires de France métropolitaine. Même si l’appartenance de la France à l’Union européenne est d’une importance majeure, elle ne constitue pas, dans ce rapport, un facteur essentiel en raison d’un grand paradoxe : les pays de l’Union européenne, en dépit de leur logique d’intégration, demeurent fondamentalement différents. Par exemple, même si l’Europe connaît un processus de vieillissement de sa population ou se présente globalement comme un continent d’immigration, les facteurs se trouvant à l’origine de ces phénomènes, leurs intensités, leurs géographies, les calendriers de leurs évolutions diffèrent profondément selon les pays européens et selon leurs régions. De même, les territoires de l’Union européenne vivent tous dans le contexte de la globalisation régionale formée par cette Union et dans celui de la globalisation quasi planétaire développée
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Populations et territoires de France en 2030
dans le cadre de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Néanmoins, chacun d’entre eux suit des évolutions qui lui sont propres. C’est l’autre grand paradoxe : tout semble global ⎯ c’est ce que laissent penser les informations livrées quotidiennement dans les médias ⎯ mais, en même temps, le futur dépend du « local », donc de la capacité des populations et des territoires de France de construire efficacement leur avenir dans un sens conforme au bien commun. Autrement dit, à l’heure de l’Union européenne et de la globalisation, le futur des populations et des territoires français est essentiellement fonction, quel que soit le contexte européen et mondial, du génie propre à la France et à ses territoires ainsi que de leur capacité de mobilisation dans le but de stimuler leur développement. Comme toute prospective nécessite une bonne connaissance de la situation initiale, le premier chapitre de ce rapport décrypte les tendances majeures qui s’exercent en France dans les années 2000 sur les populations et les territoires. Puis la réflexion prospective peut se nourrir des projections démographiques disponibles dont le rôle est de fournir des éclairages sur le futur. Néanmoins, les enseignements de ces projections, présentés dans le chapitre 2, méritent un examen critique afin de bien comprendre pourquoi ils ne peuvent se substituer à l’analyse prospective. Cet examen conduit, dans le chapitre 3, à « prévoir pour ne pas voir », selon la formule d’Alfred Sauvy, c’est-à-dire à dresser l’inventaire des risques majeurs des populations et des territoires en France, risques qu’il est évidemment souhaitable de conjurer. C’est alors que peut être effectué le travail prospectif proprement dit, objet du chapitre 4, aboutissant à présenter quatre scénarios dont la dénomination retenue est conforme à leur logique propre : Aquilo, Auster, Eurus et Zephyrus. Les analyses et réflexions menées précédemment permettent in fine, dans un chapitre 5, de proposer des chantiers et des recommandations qui se présentent en deux volets : cinq chantiers impératifs, à entreprendre en toute hypothèse, et sept chantiers à déployer pour écarter les scénarios non souhaitables et se diriger vers le scénario d’un futur choisi. Ces douze chantiers nous conduisent à énoncer 67 recommandations.
Chapitre 1 ⎯ Populations et territoires en France dans les années 2000 1. Un vaste territoire faiblement peuplé en Europe 1.1. Le peuplement modéré de la France dans l’ensemble européen Une première caractéristique des territoires français tient à leur faible densité moyenne par rapport aux pays voisins de l’Hexagone, à l’exception de l’Espagne : la Belgique est trois fois plus dense que la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni le sont deux fois plus. Figure 1.1 ⎯ Population et densité de la France métropolitaine
parmi ses pays voisins
Pays par densité décroissante
Superficie (milliers de km²)
Population (milieu 2005, en millions)
Densité (habitants/km²)
Pays-Bas
41
16,3
398
Belgique
31
10,5
339
Royaume-Uni
245
60,1
245
Allemagne
357
82,5
231
Italie
302
58,7
194
Suisse
41
7,4
180
Luxembourg
3
0 ,5
167
France
552
60,7
110
Autriche
84
8,2
98
Espagne
507
43,5
86
1.2. Des niveaux de densité extrêmes dont l’éventail s’élargit Les densités régionales sont non seulement très contrastées, mais leur éventail s’élargit au fil du temps. Considérant l’écart entre la région la moins dense et la région la plus dense, la France apparaît en Europe comme le pays des extrêmes, davantage même que l’Espagne, qui connaît pourtant un faible peuplement dû en partie à la sécheresse, sur ce haut plateau hercynien qu'est la Meseta. Ces caractères extrêmes et les écarts qu'ils impliquent, avec, par
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Populations et territoires de France en 2030
exemple, 1'absence de région de niveau intermédiaire entre l’Île-de-France et les autres, donnent à la France une structure démographique régionale assez particulière. Figure 1.2 ⎯ Les 22 régions de France métropolitaine classées par densité décroissante Région Île-de-France Nord-Pas-deCalais Alsace PACA HauteNormandie Rhône-Alpes Bretagne Pays de la Loire Lorraine Picardie LanguedocRoussillon BasseNormandie Aquitaine FrancheComté PoitouCharentes Centre MidiPyrénées ChampagneArdenne Bourgogne Auvergne Limousin Corse
Population (au 01-012005, en milliers) 11 362 4 032 1 805 4 743 1 806 5 947 3 044 3 385 2 334 1 877 2 497 1 445 3 072 1 143 1 701 2 490 2 731 1 334 1 626 1 330 724 275
Densité Proportion Proportion Superficie (2005, en de la de la (en km²) habitants/ population superficie km²) (métropole) (métropole) 12 012 946 18,7% 2,2% 12 414
325
6,6%
2,3%
8 280 31 400
218 151
3,0% 7,8%
1,5% 5,8%
12 317
147
3,0%
2,3%
43 698 27 208
136 112
9,8% 5,0%
8,0% 5,0%
32 082
106
5,6%
5,9%
23 547 19 400
99 97
3,8% 3,1%
4,3% 3,6%
27 376
91
4,1%
5,0%
17 589
82
2,4%
3,2%
41 308
74
5,1%
7,6%
16 202
71
1,9%
3,0%
25 809
66
2,8%
4,7%
39 151
64
4,1%
7,2%
45 348
60
4,5%
8,3%
25 606
52
2,2%
4,7%
31 582 26 013 16 942 8 681
51 51 43 32
2,7% 2,2% 1,2% 0,5%
5,8% 4,8% 3,1% 1,6%
Populations et territoires en France dans les années 2000
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De surcroît, les écarts s’accentuent. Par exemple, au recensement de 1962, 1'écart maximum de densité entre les régions métropolitaines n’est que de 684 entre 1'Île-de-France (705 hab./km²) et la Corse (21 hab./km²), ou, si l’on considère seulement les régions continentales, de 662 entre l'Île-deFrance et le Limousin (43 habitants/km²). En 1990, ces écarts s’élèvent respectivement à 859 et 844, puis, en 1999, à 882 et 870. Ils passent, en 2005, à 914 et 9031. Figure 1.3 ⎯ Densité de population des 22 régions de France métropolitaine
Malgré sa densité limitée, la France connaît des problèmes de maîtrise du foncier. 1.3. Paradoxalement, des problèmes de foncier En dépit de la faible densité relative de la France, dans de nombreuses villes, y compris dans certains pôles ruraux, se pose de manière aiguë la question de la disponibilité ou du prix du foncier. De façon générale, les
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Chalard, Laurent, Dumont, Gérard-François, « France : des densités de plus en plus inégales », Population & Avenir, n° 679, septembre-octobre 2006.
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Populations et territoires de France en 2030
secteurs bien dotés (infrastructures, services, etc.) en comparaison de leur environnement voient le prix du foncier augmenter, notamment lorsque prévaut une situation de rationnement, situation résultant, sur certains territoires, des décisions d’urbanisme. Parfois, lorsque le prix du foncier augmente, la concurrence entre les différents acteurs s’accroît au détriment du logement et au profit des acteurs économiques. Ainsi, dans le centre de Paris2, exemple parfait de cette situation, le parc de logements parisien était beaucoup plus important en 1950 qu’aujourd’hui : dans le huitième arrondissement, il n’y a plus guère que des bureaux. À mesure que le prix du foncier augmente en zone centrale, la concurrence s’y accroît et la possibilité de l’allouer à des opérations de logement devient de plus en plus compliquée, sauf à densifier. Or, ceci est peu accepté, d’autant qu’il existe aussi des coalitions d’intérêt. Le vieillissement de l’électorat ne joue pas a priori en faveur d’une production élevée de foncier : les personnes âgées sont plus souvent propriétaires, les propriétaires sont attachés à la valeur des biens qu’ils détiennent et votent sans doute dans un sens qui favorise des valeurs foncières élevées. Et pour les obtenir, le moyen le plus simple est de limiter la constructibilité des terrains. L’autre question est celle de la production de logement social, puisque les offices HLM demandent, pour construire, que les communes leur offrent du foncier. En outre, certaines communes ont des difficultés à supporter les charges foncières ; en territoire dense, il faut considérer les coûts d’adaptation de l’urbanisme ; dans les territoires paraurbains, au-delà des agglomérations, la construction implique de réaliser de la voirie, des réseaux, entraînant des coûts élevés dans la production de logements, environ 20 à 25 % du coût du logement.
2
Précisément, pour l’ensemble de Paris, le nombre de logements est passé de 1,206 million en 1954 à 1,326 million en 1999. Dans le détail, il y a eu augmentation dans les arrondissements périphériques, mais diminution dans les arrondissements centraux, cette dernière s’expliquant pour les raisons évoquées. Le nombre de résidences principales a lui baissé, passant de 1,185 million en 1954 à 1,112 million en 1999. Cf. Dittgen, Alfred, « Logement et taille des ménages dans la dynamique des populations locales. L’exemple de Paris », Population, 3, pp. 307-348, 2005.
Populations et territoires en France dans les années 2000
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1.4. Des territoires plus construits que peuplés en raison d’un parc élevé de résidences secondaires La France compte davantage de logements que de ménages, car 10,1 % des logements sont des résidences secondaires. Ce pourcentage a progressé de 3,4 points entre les recensements de 1968 et de 1999. Selon le dernier recensement de 1999, cette part de résidences secondaires est plus inégalement répartie sur le territoire français qu’en 1968. La tendance est à la spécialisation des territoires : les territoires qui en comportaient relativement peu voient leur proportion diminuer tandis que ceux qui en comportaient une part importante voient leur proportion augmenter. Les territoires où les résidences secondaires ont un fort impact sur le logement sont ceux de toute la façade atlantique, le Sud-Ouest intérieur, avec une sorte de crête allant de la Charente au Gard en passant par le sud et l’ouest du Massif Central, le massif alpin, le massif pyrénéen ainsi, plus globalement, que le Massif Central et le Jura, mais de manière moins marquée. Figure 1.4 ⎯ Proportion des résidences secondaires en France métropolitaine
Ailleurs, notamment dans des rayons très larges autour des grandes villes, par exemple à 50 km autour de Lyon, on trouve de moins en moins de
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Populations et territoires de France en 2030
résidences secondaires, certaines s’étant converties en résidences principales avec le développement de la mobilité. Le massif alpin accroît incontestablement la pression à la demande, sachant en outre que le foncier y est rare. Dans des départements comme ceux de Savoie, existent d’importantes tensions sur les marchés du logement. 2.
Un peuplement concentré
2.1. Un territoire primatial Le peuplement de la France métropolitaine présente un premier constat géodémographique : la hiérarchie des peuplements des régions est davantage marquée en France que dans les autres pays d’Europe en raison du poids exceptionnel de la région comprenant la capitale politique, comme l’attestent des comparaisons internationales. En Île-de-France, région la plus peuplée, résident 18,7 % de la population métropolitaine, soit 11,362 millions d’habitants selon l’estimation au 1er janvier 2005 résultant des enquêtes de recensement 2004 et 20053. Ce pourcentage s’inscrit dans la progression historique qui a porté cette part à 4,8 % en 1801, à 11,64 % en 1901, à 14,49 % en 1921, 16,03 % en 1931 et 17,1 % en 1954 et 18,24 % en 1962. Au Royaume-Uni, le Greater London, avec plus de 7 millions d’habitants, rassemble 12 % de la population, soit une densité nettement inférieure à celle de 1’agglomération de Paris. Le Land le plus peuplé d'Allemagne, la Rhénanie du Nord-Westphalie, compte 21,9 % de la population allemande. En Italie, la région la plus peuplée, la Lombardie, regroupe 15,6 % de la population italienne. En Espagne, 1'Andalousie rassemble 18,1 % de la population espagnole. Mais ces régions européennes, qui sont les plus peuplées dans leurs pays respectifs, ne sont pas véritablement comparables à l’Île-de-France. D'une part, elles ne portent pas sur leur territoire de capitale politique nationale et, d'autre part, leur superficie relative est sans commune mesure avec celle de l’Île-de-France. Celle-ci représente en effet seulement 2,2 % du territoire de la France métropolitaine alors que la Rhénanie du Nord-Westphalie couvre 9,55 % du territoire allemand, la Lombardie 7,92 % du territoire italien et 1'Andalousie 17,29 % du territoire espagnol. En outre, l’Île-de-France, avec 946 hab./km2, présente l’une des densités les plus élevées des régions d’Europe. En Allemagne, exceptées les
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Insee Première, n° 1058, janvier 2006.
Populations et territoires en France dans les années 2000
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villes-États (Stadtstaaten) de Hambourg, Brême et Berlin, la densité la plus élevée est en Rhénanie du Nord-Westphalie, Land le plus peuplé, avec 524 hab./km². En Italie, le maximum est de 430 hab./km² en Campanie. En Espagne, la Communauté autonome de Madrid compte 610 hab./km². Même aux Pays-Bas, pays le plus dense d’Europe, difficilement comparable à la France, une seule des douze Provinces, la Hollande méridionale (dont la superficie est inférieure à la taille moyenne d’un département français) a une densité légèrement supérieure à celle de l’Île-de-France. La prééminence démographique de la région capitale est une caractéristique française et, même si 1'existence d'un système primatial est liée à de nombreuses raisons qui ne sont pas nécessairement de nature démographique, les chiffres de population offrent un des moyens de le mesurer. Le caractère primatial du système régional français est conforté par la faible importance relative de la population de la seconde région. En effet, Rhône-Alpes, avec 5 947 000 habitants, ne pèse que la moitié de l’Île-deFrance. En Allemagne, le second Land, la Bavière, représente près des deux tiers de la population du premier, et, en Italie, la Campanie représente également les deux tiers de la Lombardie. En Espagne, la Catalogne, seconde région par l’effectif des habitants, représente près de 90 % de la première, l’Andalousie. 2.2. Une forte hiérarchie territoriale Le territoire français peut être analysé à différentes échelles géographiques. Selon sa typologie communale, la France présente une armature à la fois spécifique par son caractère primatial, et assez courante dans les pays développés, avec une proportion importante de communes rurales regroupant une part minoritaire de la population. Le caractère fortement hiérarchique des villes, très largement dominé par la principale, est attesté à l’échelle des communes, à celle des unités urbaines, qui correspondent à l’armature morphologique du territoire, ou à celle des aires urbaines qui forment l’armature spatio-économique de la géographie de la France. a) Une armature communale très étagée Comme l’armature régionale, l’armature communale de la France s’inscrit dans une logique primatiale : la commune la plus peuplée (Paris) représente plus de 30 % de la population cumulée des vingt communes ayant le plus fort poids démographique, et presque autant que les cinq communes placées du 2e au 5e rang. Cette logique primatiale pourrait résulter d’une superficie communale particulière de la ville de Paris. Or, il n’en est rien pour deux raisons. D’une part, la superficie de Paris est moindre que celle de
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Populations et territoires de France en 2030
Marseille, de Toulouse ou de communes de moindre importance démographique, comme Arles. D’autre part, le poids démographique de Paris résulte d’une densité exceptionnelle, supérieure au double de la seconde grande commune dense, Lyon, et d’ailleurs supérieure à la densité des communes-centres des grandes agglomérations du monde, comme Tokyo, New York ou Londres. Figure 1.5 ⎯ Les territoires de France métropolitaine les plus peuplés
Aires urbaines 1 Paris 2 Lyon 3 Marseille-Aix 4 Lille 5 Toulouse 6 Nice 7 Bordeaux 8 Nantes 9 Strasbourg 10 Toulon 11 Douai-Lens 12 Rennes 13 Rouen 14 Grenoble 15 Montpellier 16 Metz 17 Nancy 18 ClermontFerrand 19 Valenciennes 20 Tours Total des 20 Total des aires urbaines (354) France métropolitaine
Proportion Population dans la délimitation population 1999 des 20
Proportion Unités Commune dans la urbaines centre population délimitation 1999 de la 1999 France 19,1% 9 644 507 2 125 246 2,8% 1 348 832 445 452 2,6% 1 349 772 798 430 2,0% 1 000 900 184 657 1,6% 761 090 390 350 1,6% 888 784 342 738 753 931 1,6% 215 363 544 932 1,2% 270 251 427 245 1,0% 264 115 1,0% 519 640 160 639 0,9% 518 727 42 796 0,9% 272 263 206 229 0,9% 389 862 106 592 0,9% 419 334 153 317 0,8% 287 981 225 392 0,7% 322 526 123 776 0,7% 331 363 103 605
11 174 743 1 648 216 1 516 340 1 143 125 964 797 933 080 925 253 711 120 612 104 564 823 552 682 521 188 518 316 514 559 459 916 429 588 410 508
45,1% 6,6% 6,1% 4,6% 3,9% 3,8% 3,7% 2,9% 2,5% 2,3% 2,2% 2,1% 2,1% 2,1% 1,9% 1,7% 1,7%
409 558
1,7%
0,7%
258 541
137 140
399 677 376 374 24 785 967
1,6% 1,5% 100,0%
0,7% 0,6% 42,4%
357 395 297 631 20 397 625
41 278 132 820 6 337 366
45 052 901
77,0%
58 518 748
100 %
© Gérard-François Dumont - Chiffres Insee RGP 1999
Populations et territoires en France dans les années 2000
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Au total, près de 12 % de la population de la France métropolitaine vit dans les vingt communes les plus peuplées, soit 0,24 % de la superficie de l’Hexagone. En outre, il faut souligner l’importance des différences de densité et de superficie des communes : Marseille, qui possède la seconde population communale de France, dispose de 241 km², et Lille, de 25,38 km²4. En France, au sens de l’approche morphologique, les communes rurales se caractérisent par la non-appartenance à une « agglomération multicommunale » ou par l’absence de « zone bâtie » atteignant 2 000 habitants. Selon les dernières délimitations résultant du recensement de 1999, 5 954 communes, soit 16,3 % des communes de France métropolitaine, sont considérées comme urbaines. Minoritaires en nombre, les communes urbaines le sont également par leur superficie, puisque cette dernière couvre, en 1999, 100 041 km², moins du cinquième de la superficie de l’Hexagone, 18,4 % exactement. En revanche, les communes urbaines sont dominantes par leur poids démographique, puisque y résident 75,5 % de la population de la France, contre 24,5 % pour les communes rurales. Pendant la dernière période intercensitaire 1990-1999, le pourcentage de la population vivant dans des communes urbaines a continué de croître, notamment sous l’effet de l’augmentation du nombre de communes urbaines5, tout particulièrement dans les territoires périurbains, puisqu’il n’était que de 74 % au recensement de 1990. b) Le large éventail des unités urbaines Au recensement de 1999, la France métropolitaine compte 1 000 unités urbaines unicommunales ou villes isolées, et 995 unités urbaines multicommunales, chacune additionnant le peuplement de toutes les communes liées entre elles par une suite d’habitat. Le nombre de communes des unités urbaines multicommunales est fort variable : deux communes jusqu’au maximum de 396 communes pour l’unité urbaine de Paris. Au total, additionnant villes isolées et unités urbaines multicommunales, la France métropolitaine compte, en 1999, 1 995 unités urbaines. L’échelle des unités urbaines offre une liste sensiblement modifiée des principaux espaces urbains par rapport au découpage communal. Ainsi Lille, Toulon et Douai-Lens, dont les noms ne figuraient pas parmi les dix
4
Superficie légèrement accrue depuis la fusion entre les communes de Lille et de Lomme. 5 5 297 commune urbaines en 1990, 5 954 en 1999.
20
Populations et territoires de France en 2030
communes les plus peuplées, apparaissent au détriment de Strasbourg, Montpellier et Rennes, dont les unités urbaines sont à un rang inférieur. En particulier, Lille, non incluse dans les dix premières communes, classe son unité urbaine au quatrième rang français derrière Paris, Marseille-Aix-enProvence et Lyon, et donc parmi les quatre unités urbaines millionnaires que compte la France. Le classement confirme le poids prépondérant de Paris, dont l’unité urbaine compte 9,644 millions d’habitants en 1999, soit 16,5 % de la population de la France métropolitaine, et sept fois plus que la deuxième unité urbaine française. Au total, plus du tiers de la population de la France métropolitaine réside dans les vingt unités urbaines les plus peuplées, qui totalisent 1 177 communes. L’unité urbaine de Paris, à elle seule, représente près de la moitié de la population de ces vingt premières. c) 77 % de la population dans 354 aires urbaines aux évolutions très disparates La notion d’aire urbaine appréhende le territoire français selon une logique spatio-économique. Elle repose d’abord sur l’existence d’un « pôle urbain », se définissant comme une unité urbaine offrant 5 000 emplois ou plus. Les petites unités urbaines, n’étant donc pas des aires urbaines, sont intitulées pôles ruraux et, en conséquence, incluses dans « l’espace à dominante rurale », à ne pas confondre avec les communes rurales, au sens de l’armature morphologique présentée ci-dessus. Chaque pôle urbain forme le périmètre central d’une aire urbaine qui s’étend de façon continue sur les communes dont 40 % ou plus de leurs actifs résidents vont travailler dans l’aire urbaine. La notion d’aire urbaine permet de diviser l’espace français en quatre types de territoires. Le dépouillement du recensement de 1999 inventorie d’abord en France métropolitaine 354 pôles urbains totalisant 3 100 communes et 35,7 millions d’habitants, soit 61 % de la population de la France. En deuxième lieu, les « couronnes périurbaines »6, qui regroupent l’ensemble des communes et des unités urbaines de l’aire urbaine considérée
6
Selon la terminologie de l’Insee. Mais en réalité, les territoires de ces couronnes ne sont pas périurbains, puisque non en continuité de cadre bâti, non dans une morphologie concentrée, mais paraurbains pour l’essentiel, additionnant des communes de morphologie rurale, habitées par une population active occupée dont
Populations et territoires en France dans les années 2000
21
à l’exclusion de son pôle urbain, comprennent 10 808 communes comptant au total 9,3 millions d’habitants, soit 16 % de la population de la France métropolitaine. L’addition des deux types d’espaces précédents composant les aires urbaines totalise 45,1 millions d’habitants et 77 % de la population de la France en 1999, contre 72,9 % en 1990, notamment sous l’effet de la paraurbanisation qui a vu des communes intégrer des aires urbaines. Néanmoins, même sans l’étalement des aires urbaines de la dernière période intercensitaire, le poids démographique relatif des aires urbaines a augmenté de 76,6 % en 1990 à 77 % en 1999 (et, sans doute, davantage compte tenu de la sous-évaluation du recensement de 1999). Le troisième type de territoire comprend les « communes multipolarisées » : il s’agit de communes ou d’unités urbaines situées hors des aires urbaines, dont au moins 40 % de la population résidante ayant un emploi travaille dans plusieurs aires urbaines, sans atteindre ce seuil avec une seule d’entre elles, et qui forment avec elles un ensemble d’un seul tenant. Ces communes multipolarisées sont au nombre de 4 122 et comptent 2,9 millions d’habitants. L’addition des pôles urbains, de leurs « couronnes périurbaines » et des communes multipolarisées compose « l’espace à dominante urbaine », qui diffère de l’espace urbain tel que précédemment défini en termes morphologiques. La concentration de la population dans les aires urbaines se constate dans toutes les régions, mais est particulièrement symptomatique dans le Bassin parisien. En effet, l’aire urbaine de Paris est désormais davantage peuplée que la région Île-de-France : elle couvre la quasi-totalité de la région et s’étend dans plusieurs départements voisins, comme l’Oise, l’Eure, l’Eure-et-Loir ou le Loiret. Cette aire urbaine dominante est près de sept fois plus peuplée que la deuxième, Lyon. La concentration de la population, tant au sein des aires urbaines qu’à celui de l’ensemble de l’espace à dominante urbaine, s’accentue donc globalement, mais l’évolution des aires urbaines est très différenciée. Une première catégorie comprend 112 aires urbaines, donc près du tiers, qui perdent, dans leur territoire de délimitation 1999, des habitants entre 1990 et 1999. Dans la deuxième catégorie, comptant également un autre tiers des aires urbaines, 106 exactement, la croissance est positive, mais inférieure à la moyenne nationale. À l’opposé, la troisième catégorie compte 143 aires urbaines à croissance démographique supérieure à la moyenne nationale.
au moins 40% effectuent des migrations pendulaires, et des unités urbaines isolées. (cf. glossaire).
22
Populations et territoires de France en 2030
Le nombre de communes du quatrième type de territoire, selon l’approche spatio-économique, l’espace à dominante rurale, s’élève en 1999 à 18 535 contre 23 341 en 1990. Cet espace totalise 10,55 millions d’habitants, soit seulement 18,0 % de la population en 1999, contre 23,6 % (13,38 millions d’habitants) dans sa délimitation 1990. Pour les communes faisant partie de cet espace en 1999 et y étant déjà en 1990, le taux annuel moyen d’accroissement 1990-1999 est nettement inférieur à la moyenne nationale : 0,07 % contre 0,37 %. Ce faible taux résulte d’un mouvement naturel négatif, lié au vieillissement de la population et à un faible indice de fécondité, et d’un mouvement migratoire positif compensant l’excédent des décès sur les naissances, notamment grâce à l’apport de retraités. 3.
Les évolutions différenciées des « six » France
Le système d’information statistique ne permettra de connaître de façon définitive les taux d’accroissement naturel et migratoire des territoires, y compris pour le début des années 2000, qu’en 2009, mais les résultats des années 1990 demeurent intéressants car ils soulignent les grandes diversités territoriales. Reprenons la méthode des « six France »7 et ses résultats. Considérée à l’échelle des départements, la répartition de la population de la France évolue profondément. Par exemple, dans la dernière période intercensitaire (1990-1999), des départements gagnent des habitants, d’autres en perdent. Une analyse affinée permet de distinguer six évolutions dissemblables, divisant la France en six catégories territoriales. 3.1. Départements gagnants ou se dépeuplant Une première distinction permet d’opposer, en métropole, 73 départements en croissance démographique et 23 en dépeuplement. Aux deux extrêmes, se trouvent la Haute-Garonne, avec 120 376 habitants supplémentaires en neuf ans, et Paris, à la fois commune et département, avec 27 177 habitants en moins. Outre la Haute-Garonne, deux autres départements comptent une variation absolue de population de plus de 100 000 habitants : la Seine-et-Marne et l’Hérault. Parmi les perdants se distinguent des départements qui avaient connu une haute activité industrielle, comme la Loire ou la Saône-et-Loire, et différents départements ruraux, comme la Haute-Marne, la Nièvre, le Cantal, la Creuse…
7
Dumont, Gérard-François, « Les ‘six’ France », Population et Avenir, n° 654, septembre-octobre 2001.
Populations et territoires en France dans les années 2000
23
Cette distinction première entre les départements dont la population augmente et ceux où elle diminue doit être approfondie. En effet, les causes des évolutions se combinent de façon diverse, conduisant à proposer une typologie de six France différentes, les trois premières bénéficiant d’une variation positive de population et les trois autres subissant une variation négative. 3.2. Les doublements gagnants Une première France correspond aux départements dont la croissance démographique provient à la fois d’une variation naturelle positive et d’un solde migratoire favorable. Parmi les 33 départements dans ce cas, quatorze correspondent au Sud-Est, formant un triangle Savoie–Var–Hérault auquel s’ajoute la Haute-Corse. Ce triangle n’exclut qu’un département à l’extrême sud-est : les Alpes-Maritimes. Les dix-neuf autres départements doublement gagnants ont également bénéficié d’un contexte favorable : les deux départements alsaciens grâce à l’ouverture européenne ; plusieurs départements profitant d’une diffusion de l’économie parisienne (Seine-et-Marne, Eure, Loiret) ou du TGV Atlantique (Sarthe avec Le Mans, Loir-et-Cher avec Vendôme, Indre-et-Loire, Vienne où s’additionnent les effets Futuroscope8 et TGV). S’y ajoutent quatre départements de la façade Atlantique, du Finistère à la Vendée. Enfin, l’essor d’une métropole régionale explique la situation doublement gagnante du Calvados (Caen), de l’Ille-et-Vilaine (Rennes), du Puy-de-Dôme (Clermont-Ferrand), de la Gironde (Bordeaux) et de la HauteGaronne (Toulouse). Métropole, façade maritime, ouverture européenne, position méridionale sont donc les principaux facteurs qui ont permis à des départements d’attirer des migrants ayant souvent contribué, par leur composition par âge, à favoriser un solde naturel positif. 3.3. Les croissances exclusivement naturelles Dans 25 départements, ceux de la deuxième France, la croissance démographique tient exclusivement à un excédent des naissances sur les décès, suffisamment élevé pour compenser les pertes migratoires. Dans leur quasi-totalité, ces départements se trouvent dans la moitié Nord de la France et ont exercé un rôle important pendant l’ère industrielle, comme la Seine-
8
Cf. supra.
24
Populations et territoires de France en 2030
Maritime, les deux départements de la région Nord-Pas-de-Calais, la Moselle et la Meurthe-et-Moselle en Lorraine, et les quatre départements de la région Franche-Comté. Cette catégorie offre des chiffres notables, comme dans le département du Nord, où l’excédent des naissances sur les décès (+127 032) compense un solde migratoire négatif (-103 867). Figure 1.6 ⎯ Les « six » France
Source : Gérard-François Dumont, Population & Avenir
S’ajoutent dans cette catégorie des départements connaissant le desserrement de grands pôles urbains, comme le Rhône, ou des départements de la couronne parisienne. Enfin, cette deuxième France comprend divers
Populations et territoires en France dans les années 2000
25
départements subissant des attirances extérieures, mais disposant d’une armature urbaine de seconde catégorie par rapport aux principales agglomérations françaises : il s’agit de la Marne, de l’Aube, de la Côte-d’Or, de la Manche, de la Mayenne et du Maine-et-Loire. 3.4. Les croissances exclusivement migratoires À l’inverse de la deuxième France, les 15 départements d’une troisième France se situent tous dans la moitié sud de l’Hexagone, à l’exception de l’Yonne dont le nord du département bénéficie de la proximité de Paris, et des Côtes d’Armor, le département breton le moins fécond et le plus vieilli. Cette troisième France enregistre plus de décès que de naissances, mais sa position méridionale lui permet d’attirer des populations. Parmi ces départements, on trouve le record de déficit des naissances en Dordogne avec, entre 1990 et 1999, 12 960 décès de plus que de naissances mais, dans le même temps, un solde migratoire positif de 14 888. L’attirance est plus intense lorsqu’il existe une façade littorale, comme dans les Alpes-Maritimes, l’Aude, les Pyrénées-Orientales, les PyrénéesAtlantiques, les Landes ou la Charente-Maritime. Ailleurs, l’attraction sur les populations est parfois stimulée par le contexte régional de proximité d’une grande agglomération, comme pour l’Ariège, le Tarn ou la HauteLoire. En Lozère s’exerce l’effet d’un certain désenclavement vis-à-vis de l’aire de Montpellier. Comme les départements en croissance démographique, ceux qui sont en décroissance démographique s’inscrivent dans trois catégories différentes. 3.5. Le dépeuplement exclusivement migratoire Les populations de dix départements diminuent exclusivement en raison de pertes migratoires non compensées par des soldes naturels positifs. La variation absolue négative la plus importante de cette quatrième France concerne Paris. À l’exception de la Loire, qui subit une « émigration industrielle », les départements de cette catégorie se caractérisent par une proportion de population rurale supérieure à la moyenne et, corrélativement, par l’absence de pôles urbains ou par des pôles urbains relativement modestes : c’est le cas, d’une part, de cinq départements contigus, l’Aisne, les Ardennes, la Meuse, la Haute-Marne et les Vosges, et, d’autre part, de l’Orne, des DeuxSèvres et de la Corse-du-Sud.
26
Populations et territoires de France en 2030 3.6. Le dépeuplement exclusivement naturel
Dans les six départements d’une cinquième France, le solde migratoire est positif, contrairement à la catégorie précédente. Mais le solde naturel atteint des valeurs négatives élevées qui provoquent une décroissance démographique. L’excédent des décès sur les naissances se constate dans un contexte de fécondité abaissée, mais surtout en raison d’une composition par âge vieillie, dépendant notamment d’un système migratoire caractérisé plutôt par le départ de jeunes et par la venue de retraités. Parmi les six départements concernés, trois se trouvent sur les bordures ouest du Massif central (Creuse, Corrèze et Aveyron), et trois forment une méridienne dans le centre du Sud-Ouest (Lot-et-Garonne, Gers et Hautes-Pyrénées). 3.7. Les doublements perdants Enfin, composant une sixième France, sept départements sont en décroissance démographique sous le double effet d’un excédent des décès sur les naissances et d’un solde migratoire négatif. Ces départements subissent un effet répulsif touchant essentiellement les jeunes adultes. En outre, leur fécondité abaissée, s’appliquant sur une population particulièrement vieillie, explique un nombre de naissances inférieur à celui des décès. Cinq des sept départements de cette sixième catégorie sont localisés au centre géographique de la France, couvrant les franges nord du Massif Central et le Morvan : il s’agit de l’Indre, du Cher, de l’Allier, de la Nièvre et de la Saône-et-Loire. Les deux autres se trouvent dans le Massif Central et en Poitou-Charentes : il s’agit du Cantal, qui pâtit sans aucun doute de son enclavement relatif, et de la Charente, qui a effectivement souffert de la situation de faillite de son chef-lieu de département, Angoulême, tout comme des conséquences qui en ont résulté en termes de développement ou d’image de marque. 4. Une population dont le vieillissement s’accentue Le vieillissement de la population de la France constitue une évolution démographique majeure. Important à l'échelle nationale, il connaît néanmoins de nombreuses disparités territoriales, régionales ou locales. Ainsi en 2000, alors que sur l’ensemble du territoire, une personne sur 5 a atteint la soixantaine, cette proportion varie de 16 % en Île-de-France à 29 % dans le Limousin. À l’échelle départementale, elle atteint un maximum de 32,7 % en Creuse.
Populations et territoires en France dans les années 2000
27
4.1. Un vieillissement très diversifié selon les territoires a) La redistribution générale de la composition par âge Si, en France métropolitaine, la proportion de personnes âgées de 60 ans ou plus — 20,9 % au 1er janvier 2006 — reste bien en deçà des valeurs observées dans la plupart des pays développés, le processus de vieillissement est néanmoins largement enclenché. Le vieillissement démographique, à savoir l’augmentation de la part des personnes âgées, a été due pendant longtemps principalement à la baisse de la natalité. Depuis quelques dizaines d’années, il résulte de plus en plus de l’allongement de la vie des personnes âgées. Ce vieillissement est accentué depuis 2006 du fait du passage au troisième âge des générations du renouveau démographique, nées entre 1945 et 1975. Figure 1.7 ⎯ Proportion des différents groupes d’âge dans la population de la France métropolitaine 54% 52% 50%
% des 20-59 ans
48% 46% 44%
moins de 20 ans
42% 40% 38%
60 ans ou +
36% 34% 32% 30% 28% 26% 24% 22% 20% 18%
Proportion dans la population totale au 1er janvier.
2006
2002
1998
1994
1990
1986
1982
1978
1974
1970
1966
1962
1958
1954
1950
14%
1946
16%
28
Populations et territoires de France en 2030 b) Les disparités territoriales du vieillissement par faible proportion de jeunes
Une mesure indicative9 du vieillissement « par le bas » consiste à considérer la proportion des moins de vingt ans dans la population totale. Elle diminue, en France comme en Europe, depuis la seconde moitié des années 1960, à un rythme régulier. En effet, après le renouveau démographique des années suivant la Seconde Guerre mondiale, la proportion des moins de vingt ans atteint en France un maximum en 1966, supérieur au tiers de la population totale, puis s’abaisse continuellement pour atteindre 24,8 % au 1er janvier 2006. Il est remarquable que, pour la période 1975-1980, la baisse de la proportion des personnes âgées de 60 ans ou plus, due aux effets de la guerre 1914-1918, n’ait même pas enrayé la diminution de la proportion des jeunes dans la population totale. Figure 1.8 ⎯ Les effectifs par âge en France (en millions) 35,861 35
32,136
30
1990
2006
25 20 16,418 15
15,148
10,035
10
7,052
5 0 moins de 20 ans
9
20-64 ans
65 ans ou plus
Seulement indicative puisque la proportion des jeunes dépend aussi de la composition par âge formée par les autres générations adultes et âgées.
Populations et territoires en France dans les années 2000
29
Cette proportion des moins de 20 ans est très contrastée selon les départements10 : 11 points séparent le département de métropole ayant le plus faible pourcentage de jeunes (la Creuse, avec 18,9 %) de celui ayant le plus élevé (le Val-d’Oise, avec 29,9 %). Les quatre départements d’Outremer comptent entre 30,3 % de moins de 20 ans en Martinique et 44,7 % en Guyane, pourcentages toujours supérieurs au maximum de la métropole. Figure 1.9 ⎯ Proportion des moins de 20 ans selon les départements
10
Population & Avenir, hors série « Vieillissement et territoires », n° 674bis, septembre-octobre 2005.
30
Populations et territoires de France en 2030
De façon générale, une sorte de « fer à cheval », allant de la LoireAtlantique et de l’Ille-et-Vilaine aux départements rhodaniens, en passant par le Nord-Ouest, le Nord, le Nord-Est et l’Est, compte une proportion de jeunes supérieure à la moyenne de la France métropolitaine, donc représentant un quart ou plus de la population totale des départements considérés. Parmi les huit pourcentages les plus élevés figurent un département de la petite couronne11, la Seine-Saint-Denis, et les quatre départements de la grande couronne francilienne, plus les deux départements de la région Nord-Pas-de-Calais. S’y ajoute l’Oise, où s’exerce un fort phénomène de « paraurbanisation12 ». Ce « fer à cheval » exclut Paris, département que les familles quittent pour trouver des logements plus grands. À l’opposé, un vaste Sud-Ouest (qui inclut aussi presque tout le Massif central), un extrême Sud-Est (Var, Alpes-Maritimes et Alpes-de-HauteProvence), ainsi que les Côtes d’Armor ont une proportion de moins de 20 ans inférieure à la moyenne nationale. Dans le vaste Sud-Ouest, font exception seulement des départements comptant une capitale régionale et un important réseau universitaire, comme la Gironde et la Haute-Garonne. Les départements ayant les plus faibles pourcentages de moins de 20 ans sont souvent de nature rurale, comme la Creuse, le Cantal ou l’Ariège. c) Les tendances territoriales du vieillissement par forte proportion de personnes âgées Quant au vieillissement « par le haut », une mesure indicative consiste à considérer la proportion des personnes âgées de 60 ans ou plus dans la population totale. La carte de la proportion des 60 ans ou plus est le quasi-négatif de celle des moins de 20 ans. La Creuse, qui a le plus faible pourcentage des moins de 20 ans, a également, assez logiquement, le plus fort pourcentage des 60 ans ou plus avec près du tiers de sa population. Suivent le Lot, le Gers, l’Aveyron, la Corrèze… Les proportions les plus faibles se constatent en métropole pour cinq départements franciliens, dont les quatre de la grande couronne. Dans plusieurs régions, comme le Midi-Pyrénées, l’Aquitaine, la Bretagne ou la Bourgogne, la proportion des 60 ans ou plus est relativement moindre, les
11
Ce terme englobe les trois départements limitrophes de Paris : Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne. 12 Cf. glossaire.
Populations et territoires en France dans les années 2000
31
départements sièges de capitales régionales bénéficiant notamment d’un attrait universitaire. Figure 1.10 ⎯ Proportion des 60 ans ou plus selon les départements
32
Populations et territoires de France en 2030 d) Les disparités spatiales du vieillissement selon le type spatioéconomique des territoires
Outre les critères géographiques fondés sur les découpages administratifs13, une autre approche confirme les différences territoriales de composition par âge14. La typologie proposée par l’Insee, regroupant les communes, à partir des données du recensement de 1999, selon le zonage en aires urbaines et des polarisations rurales15, constitue une base d’étude. En l’affinant à partir de la taille des pôles urbains autour desquels s’organisent ces aires16 et de la centralité des communes au sein de ces pôles urbains, on obtient 15 types d’espace offrant une grande variété de composition par âge qui peut se résumer ainsi. D’une part, la population est d’autant moins âgée qu’elle appartient à une aire urbaine de grande taille, le poids des 55 ans ou plus étant maximal dans l’espace à dominante rurale et bien moindre dans le pôle urbain de Paris, les pôles urbains de province présentant des situations intermédiaires. D’autre part, le poids des jeunes adultes est d’autant plus fort que le territoire occupe une position centrale au sein de son espace d’influence. De fait, quelle que soit la taille de l’aire urbaine, on observe une surreprésentation des 20-29 ans dans les villes centres et une surreprésentation des moins de 20 ans et des 30-54 ans dans les espaces désignés par l’Insee sous l’intitulé de « couronnes périurbaines ».
13
Découpages dont l’origine tient aussi à des critères géographiques : les découpages administratifs ont d’ailleurs tout leur intérêt comme cadre d’analyse démographique en raison des compétences décisionnelles attachées aux ensembles qu’ils forment. 14 Cf. Bergouignan, Christophe, Delmeire, Yohan, « L’hétérogénéité territoriale des compositions par âge » in Dumont, Gérard-François (dir.), Les territoires face au vieillissement, Ellipses, 2006. 15 Outre les aires urbaines et les communes multipolarisées, le territoire métropolitain comporte l’espace à dominante rurale qui comprend : les pôles ruraux, unités urbaines regroupant entre 2 000 et 5 000 emplois, et l’espace rural isolé. 16 On distingue ici : l’aire urbaine de Paris ; les aires urbaines des grandes villes s’agrégeant autour d’un pôle urbain comprenant entre 200 000 et 2 000 000 habitants ; les aires urbaines des villes moyennes s’agrégeant autour d’un pôle urbain comprenant entre 20 000 et 200 000 habitants ; les aires urbaines des petites villes s’agrégeant autour d’un pôle urbain comprenant moins de 20 000 habitants.
Populations et territoires en France dans les années 2000
33
Figure 1.11 ⎯ Répartition par âge selon quinze types d’espace (le total des lignes = 100) 20-29 ans
30-54 ans
55-69 ans
19,5
37,4
13,0
70 ans et plus 10,8
27,8
14,9
37,6
12,0
7,7
29,4
12,4
38,8
12,0
7,5
24,1
20,3
32,2
12,1
11,3
27,4
13,4
35,8
13,7
9,7
28,5
11,1
38,8
12,9
8,6
25,0
15,7
33,3
13,5
12,6
26,6
11,5
36,7
15,0
10,2
27,2
10,6
38,6
14,0
9,6
24,8
13,7
33,8
14,5
13,2
25,4
10,7
36,7
15,9
11,2
26,2
10,1
37,7
14,9
11,1
Communes multipolarisées
26,6
11,3
36,6
14,5
11,0
Communes rurales isolées
23,0
10,4
33,6
17,3
15,8
Pôles ruraux
24,0
11,7
33,7
16,1
14,5
25,6
13,8
35,3
14,1
11,3
Paris
Aires urbaines des grandes villes de province Aires urbaines
Espace à dominante urbaine
Aire urbaine de Paris
Aires urbaines des villes moyennes
Espace à dominante rurale
Aires urbaines des petites villes
Ensemble
moins de 20 ans 19,4
Banlieue parisienne Couronne périurbaine de Paris Centres des grandes villes de province Banlieues des grandes villes de province Couronnes périurbaines des grandes villes de province Centres des villes moyennes Banlieues des villes moyennes Couronnes périurbaines des villes moyennes Centres des petites villes Banlieues des petites villes Couronnes périurbaines des petites villes
34
Populations et territoires de France en 2030 4.2. Une gérontocroissance qui s’amplifie a) La vague montante des personnes âgées
L’augmentation du nombre de personnes âgées17 en France dans les années 2000 s’explique par deux grandes causes. La première, ordinaire, est quasi universelle ; la seconde, transitoire, touche particulièrement la France et les pays qui ont bénéficié d’un redressement de leur natalité après la Seconde Guerre mondiale. La première cause est la baisse des taux de mortalité aux différents âges. Développement de l’hygiène, vaccinations, découverte des antibiotiques, multiples progrès de la médecine et de la pharmacie en général, augmentation de la production agricole, diversification des produits nutritifs ont heureusement conduit, en moyenne dans le monde, à un abaissement, plus ou moins accentué et plus ou moins rapide, des taux de mortalité. D’où une augmentation bienvenue de la durée moyenne de la vie. Ainsi, en France, l’espérance de vie à la naissance18 est passée pour les hommes de 68,4 ans en 1970 à 76,8 en 2005 tandis que, pour les femmes, elle s’est élevée de 75,9 ans en 1970 à 83,8 en 2005. En trente-cinq ans, la durée moyenne de la vie s’est ainsi accrue de 8 ans, pour les hommes comme pour les femmes. Depuis 1970, l’espérance de vie à 60 ans a augmenté pour les hommes, passant de 16,2 ans en 1970 à 21,4 en 2005, et de 20,8 ans en 1970 à 26,4 en 2005 pour les femmes. Si les survivants des générations avaient pris leur retraite à 60 ans au cours de cette période, la durée des retraites aurait augmenté, ceteris paribus, de plus de 5 ans pour les hommes et de près de 5 ans pour les femmes. La seconde cause de l’augmentation de la population âgée en France réside dans l’avance en âge des générations plus nombreuses nées après la Deuxième Guerre mondiale, succédant à des générations moins nombreuses nées pendant et dans les années précédant la guerre. Pour la période des dix années 1936 à 1945, le nombre annuel moyen des naissances en France métropolitaine est de 604 000 ; de 1946 à 1950, il est de 864 000 (et de 843 000 en moyenne pour la période 1946-1973). Ainsi, c’est une véritable mutation démographique, à relier au phénomène des « trente glorieuses », dont bénéficie la France à partir de 1946 : la natalité demeure, pendant 28 17
Phénomène pour lequel Gérard-François Dumont a proposé le néologisme « gérontocroissance ». Cf. « Le vieillissement, un phénomène social majeur », Revue des Deux Mondes, mars 1993, et glossaire. 18 Nombre d’années que les nouveau-nés peuvent espérer vivre en moyenne si les conditions de mortalité de l’année de leur naissance perdurent.
Populations et territoires en France dans les années 2000
35
années, supérieure de 40 % au niveau constaté entre 1936 à 1945. Pendant les années 1970, 1980, 1990 et le début des années 2000, ces générations plus nombreuses, pour l’essentiel au travail, cotisent pour les retraites, tandis que le nombre des retraités est encore, dans la première moitié des années 2000, assez faible, car ils appartiennent aux générations creuses nées avant la Libération, ou même avant la guerre, et sont les survivants de la « petite France » de 40 millions d’habitants de 1945. Or, depuis 2006 et pendant des décennies, des « petites générations de 60 ans ou plus » font progressivement place à des « générations nombreuses de 60 ans ou plus ». b) Une augmentation quantitative, mais non relative, des personnes âgées dépendantes Cette gérontocroissance, qui se rapporte au gonflement des effectifs de la population âgée sur un territoire, est un phénomène d’abord quantitatif. Il s’accompagne d’une augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes, même si l’espérance de vie sans incapacité augmente davantage que l’espérance de vie en incapacité, une conjecture qui reste à vérifier. c) La géographie des retraités Dans ce contexte, il importe d’examiner la géographie des retraités en raison de ses effets territoriaux. Les plus fortes proportions de retraités19 par rapport à la population totale sont concentrées d’une part dans les départements ruraux de la « diagonale du vide », s’étendant des Pyrénées jusqu’aux plateaux de l’Est, d’autre part le long de la bordure méditerranéenne. Dans les deux cas, les départements sièges des métropoles régionales (Bordeaux, Toulouse, Clermont-Ferrand, Montpellier, Marseille et Dijon) comptent une proportion moindre de retraités. Quant aux départements franciliens, ils sont plus jeunes que la moyenne nationale. Cette répartition des personnes âgées souligne aussi le mouvement de métropolisation, en raison du double jeu des économies d’échelle et de la recherche d’une diversité des biens et des services offerts.
19
Roussel, Véronique, Vollet, Dominique, « La géographie du vieillissement en France sous l’influence des migrations : quand les vieux des villes remplacent les jeunes de villages », Population & Avenir, n° 675, novembre-décembre 2005.
36
Populations et territoires de France en 2030 Figure 1.12 ⎯ Répartition des retraités selon les départements de France métropolitaine
4.3. Les autres types de vieillissement a) Le vieillissement de la population active Le vieillissement concerne incontestablement la population de la France dans son ensemble et la très grande majorité de ses territoires. S’ajoute un vieillissement de la population active qui doit être examiné de façon fine en considérant les variations dans son intensité géographique et sectorielle.
Populations et territoires en France dans les années 2000
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b) Le vieillissement dans le vieillissement La catégorie des 60 ans ou plus doit être décomposée au moins en deux sous parties : les jeunes retraités, déployant beaucoup d’activité avec un budget tourné vers les biens de consommation et l’entretien du logement, et les retraités, souvent parmi les plus âgés, dépendants, ayant besoin d’aide à domicile, résidant dans une maison de retraite médicalisée, ou hospitalisés. Dans les années 2000, le rythme de gérontocroissance des 75 ans ou plus est supérieur à celui des 60-75 ans, avant comme après 2006. Figure 1.13 ⎯ Le « vieillissement dans le vieillissement » : les groupes d’âge en France, hormis les jeunes (base 100 = 2000) 130
125
75 ans ou plus 60 ans ou plus
120
20-59 ans 115
110
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
100
2000
105
38
Populations et territoires de France en 2030 5.
Des migrations internes résultant d’un faisceau de processus interdépendants
5.1. Les processus généraux des migrations internes a) La baisse de potentiel de l’émigration rurale des jeunes L’émigration rurale20, c’est-à-dire l’émigration liée essentiellement aux changements structurels intervenus dans la productivité agricole, a longtemps été le moteur des migrations internes. Une analyse de l’évolution du peuplement de la Bretagne sur la longue durée met, par exemple, en évidence les gains démographiques relatifs des villes et les pertes relatives des territoires ruraux. b) Les territoires spécifiques de l’émigration industrielle Depuis le milieu des années 1970, un autre type d’émigration, géographiquement plus ciblé que le précédent et qui concerne presque l’ensemble du territoire français, est apparu : une « émigration industrielle » touchant des territoires anciennement industrialisés, qu’ils soient localisés dans le Nord, en Lorraine, en Bourgogne, à l’exemple de la région du Creusot-Montceau les Mines, ou dans la moitié sud, à l’exemple de SaintÉtienne ou de certains petites bassins houillers (Decazeville, Carmaux, La Grand Combe…). Pour une région comme le Nord qui a été un fleuron de l’ère industrielle, le terme « d’hémorragie migratoire » a même été utilisé21. c) L’attirance territoriale due à la métropolisation Les métropoles connaissent un système migratoire spécifique où l'âge des immigrants (nationaux ou internationaux) est plus jeune que celui des émigrants. Le processus de métropolisation se traduit en effet par la concentration des activités et des hommes dans les espaces urbains les plus peuplés, tandis que nombre de villes moyennes et d’espaces à dominante rurale perdent, au moins relativement, de la vitalité. Les principales agglomérations françaises enregistrent ⎯ sauf exception ⎯ une évolution démographique supérieure à la moyenne nationale ou nettement plus
20
C’est à tort que la mauvaise habitude a été prise de parler d’exode rural alors qu’il convient d’utiliser l’expression émigration rurale pour désigner l’émigration liée à des changements structurels dans la productivité agricole. Cf. notamment Dictionnaire de Géographie, Paris, Ellipses, 2005. 21 Thumerelle, Pierre-Jean in Dumont, Gérard-François, Les spécificités démographiques des régions et l'aménagement du territoire, Éditions des Journaux officiels, 1996.
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favorable que celle de leur région. En outre, elles étendent leur territoire en absorbant des communes qui, auparavant, n'étaient pas en continuité du cadre bâti du cœur de l’agglomération. La métropolisation s’apprécie à d'autres caractéristiques que les effectifs globaux de la population. Les structures par âge font apparaître dans les grandes agglomérations une pyramide des âges plus jeune et une proportion supérieure de population d'âge actif. Par exemple, la proportion de population active des métropoles régionales dans leur région est généralement supérieure à leur poids démographique relatif. Deux des causes de ce processus de métropolisation méritent d'être soulignées : la montée du tertiaire et l'évolution des structures familiales qui se traduit notamment par le souci de pouvoir accéder à de larges marchés de l'emploi. d) La réduction d’intensité de la périurbanisation La périurbanisation consiste en un étalement urbain en continuité de cadre bâti des villes-centres, créant des auréoles de croissance autour des villes. Elle est plus étendue autour des grandes villes, et plus réduite autour des petites et moyennes villes. Son intensité a été forte lors de la période où l’émigration rurale a été particulièrement intense, dans les années 1950 et 1960. Figure 1.14 ⎯ Exemple de périurbanisation : le taux de construction dans la région Rhône-Alpes 1968-1975
40
Populations et territoires de France en 2030 e) La montée d’un processus de paraurbanisation
Depuis les années 1980, s’est enclenché un nouveau processus de migration interne au-delà des agglomérations. Alors que la périurbanisation offre comme morphologie une urbanisation qui s’étale sans discontinuité à partir de la ville-centre, la paraurbanisation est une périurbanisation d’agglomération, un processus conduisant au peuplement d’espaces de morphologie rurale situés au-delà des agglomérations et dont une proportion importante de la population active occupée vient quotidiennement effectuer ses activités professionnelles dans l’agglomération. Le terme « paraurbanisation » est justifié par ses racines grecques (para signifiant « à côté de ») et parce que les populations s’installant dans ces espaces peu denses situés dans le prolongement des agglomérations ont des comportements de consommation et de modes de vie essentiellement urbains. Figure 1.15 ⎯ Exemple de paraurbanisation : le taux de construction dans la région Rhône-Alpes 1990-1999
La paraurbanisation se développe en raison de l’évolution des transports (motorisation, voies rapides, autoroutes de contournement, réseaux ferroviaires régionaux et, même, trains à grande vitesse), qui raccourcissent l’espace-temps entre des territoires de morphologie rurale et
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des grandes villes, et grâce à l’essor des télécommunications qui minorent certains besoins de proximité. En outre, son développement s’explique notamment par des raisons financières (territoires urbains devenant inabordables, coût moins élevé du foncier paraurbain et, donc, possibilité d’avoir un terrain plus vaste), par l’attirance pour des zones peu denses où il est possible d’avoir une maison d’habitation avec un jardin, ou par le souci d’éloignement de certains territoires urbains à connotation négative. Les résultats de premières enquêtes de recensement de 2004 et 2005 confirment une nette poursuite de ce phénomène de paraurbanisation22. f) La litturbanisation, couplée ou non avec l’héliotropisme positif D’autres migrations internes tiennent à ce que le littoral maritime exerce un attrait particulier. La litturbanisation23, c’est-à-dire la préférence résidentielle pour le littoral ou le sublittoral, est souvent couplée avec l’héliotropisme positif, cette tendance à se tourner vers le soleil, mais non toujours, car la litturbanisation concerne des littoraux dont le taux d’ensoleillement n’a rien d’exceptionnel selon les données de la météorologie nationale. Avec près de 5 100 km de côtes ouvrant sur deux façades maritimes, la France métropolitaine a un patrimoine maritime exceptionnel en Europe, qui contribue largement à son attractivité. Les 871 communes littorales ayant un accès direct à la mer couvrent une superficie (cadastrale) de moins de 21 000 km², environ 4 % de la superficie totale de la France métropolitaine, inégalement répartie entre 11 régions24. Elles connaissent, non seulement une attraction migratoire résidentielle, mais aussi une urbanisation plus forte que leur croissance démographique. La part des communes littorales dans la population métropolitaine oscille autour de 10 %. Le rythme de croissance, très soutenu entre 1954 et 1975 (1,3 million de nouveaux habitants), s’est ensuite infléchi (0,4 million de nouveaux habitants seulement de 1975 à 1999). Entre 1954 et 1999, la densité des communes côtières a augmenté de 257 habitants supplémentaires par km² en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de 191 habitants
22
Chalard, Laurent, Dumont, Gérard-François, « Les évolutions des territoires français selon les enquêtes de recensement », Population & Avenir, n° 677, marsavril 2006. 23 Néologisme déjà utilisé dans Les spécificités démographiques des régions et l'aménagement du territoire, Éditions des Journaux officiels, 1996, op. cit. 24 Zaninetti, Jean-Marc, « L ‘urbanisation du littoral en France », Population & Avenir, n° 677, mars-avril 2006.
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Populations et territoires de France en 2030
supplémentaires par km² en région Haute-Normandie, et de 101 habitants supplémentaires par km² en région Nord-Pas-de-Calais. Il s’est construit 1,71 million de nouveaux logements sur le littoral entre les recensements de 1968 et de 1999, soit une progression de 86 % (France métropolitaine : 57 %). Cela représente 16 % des nouvelles constructions survenues en 31 ans sur 4 % du territoire, donc une densité de construction 4 fois supérieure à la moyenne nationale. Au recensement de 1999, les communes littorales regroupent 13 % du parc total de logements métropolitains pour 10 % de la population. La densité de logements y est de 176 au km² pour une moyenne de 53 logements au km² en France métropolitaine. La pression à l’urbanisation du littoral est donc supérieure à la pression démographique parce que le littoral reste la localisation privilégiée de la construction ou de l’acquisition de résidences secondaires. Figure 1.16 ⎯ Exemple de litturbanisation : variation de la densité des résidences secondaires
Les 4 753 communes situées à moins de 30 km du littoral représentent 15 % du territoire métropolitain. Durant la période 1936-1968, leur croissance démographique suit à peu près le rythme moyen national. Puis, entre 1968 et 1999, la croissance démographique de ces communes est deux
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fois plus rapide que la moyenne nationale, et elles polarisent ainsi 28 % de l’accroissement démographique total de ce pays. Les territoires sublittoraux sont plus densément peuplés que la moyenne, et l’écart entre elles et le reste du pays s’est accru. g) Le rôle essentiel de l’Île-de-France dans le système des migrations internes Les mouvements migratoires qu’entretient l’Île-de-France avec le reste du pays exercent un rôle essentiel pour les territoires français25. Les échanges migratoires de l’Île-de-France sont en effet intenses : 1,44 million de départs vers la province pour 0,87 million d’arrivées entre 1990 et 1999. La composition par âge diffère complètement selon le sens de la migration : les partants – vers la province – sont pour l’essentiel des familles avec enfants et des retraités tandis que les arrivées en Île-de-France sont surtout le fait de jeunes adultes en début de cycle de vie active. À cela s’ajoutent des apports permanents de personnes, jeunes également, en provenance des DOM-TOM ou de l’étranger : 0,5 million entre 1990 et 1999, dont une moitié de ressortissants de nationalité étrangère (54 %). Ce schéma migratoire, à savoir des échanges migratoires positifs avec l’étranger mais déficitaires avec le reste du pays, n’est pas spécifique à l’Île-de-France. Il se retrouve aussi bien à Londres que dans les très grandes métropoles nord-américaines. Il s’accompagne systématiquement d’un excédent naturel élevé26. Il explique que l’Île-de-France, qui regroupe 19 % de la population métropolitaine, accueille 40 % des ressortissants de nationalité étrangère vivant en France en 199927. h) Les variétés locales des processus migratoires Outre les processus migratoires généraux précisés ci-dessus, s’ajoutent des variétés locales de territoires attractifs, retenant les natifs ou ayant des effets répulsifs. Par exemple, dès les années 1980, le solde migratoire positif des Alpes-de-Haute-Provence s’accroît, notamment avec l’arrivée de
25
Louchart, Philippe, « Où vieilliront les résidents franciliens du ‘baby-boom’ ? » in Dumont, Gérard-François (dir.), Les territoires face au vieillissement en France et en Europe, Ellipses, 2006. 26 Louchart, Philippe, « Les dynamiques démographiques, reflet de l’attractivité francilienne », Note Rapide Population-Modes-de-vie, n° 393, Iaurif, septembre 2005. 27 Borrel, Catherine, « En France, deux étrangers sur cinq vivent en Île-de-France » in Atlas des Franciliens, tome 3, Iaurif-Insee, pp. 48-49, 2002.
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retraités attirés par le climat et la morphologie de montagnes en pente douce par opposition aux pentes souvent raides des Alpes du Nord. Dans le même temps, la valorisation du changement de nom du département, anciennement Basses-Alpes, lui donne une connotation positive et contribue à une attractivité accrue28. Un autre exemple de variété locale de système migratoire est fourni par la Vendée. Notamment parce que les Vendéens ont une propension limitée à émigrer et souhaitent tout particulièrement vivre et travailler au pays, l’histoire économique de ce département est celui d’une croissance endogène portée par le développement d’industries à la campagne qui a considérablement réduit l’émigration rurale. Ailleurs, dans l’Ain, la vallée d’Oyonnax connaît, elle aussi, son propre système migratoire. L’essor de l’industrie de la plasturgie, née sur place, retient en partie l’émigration rurale, voit le développement d’entreprises dans les bourgs de la vallée et appelle une main-d’œuvre extérieure compte tenu des besoins. Plus récemment, le département de la Vienne enregistre pendant la période intercensitaire 1990 à 1999, pour la première fois du XXe siècle, une croissance démographique supérieure à la moyenne nationale, que nous avons appelée « l’effet Futuroscope »29. En effet, cette croissance remarquable n’est nullement due au mouvement naturel, mais exclusivement au mouvement migratoire. La réalisation du Futuroscope, parc de loisirs ouvert en 1988, dans les plaines quasiment inhabitées du nord-est de Poitiers, et l’installation à proximité de diverses institutions d’enseignement et de recherche ainsi que de nouvelles entreprises ont engendré des effets directs et indirects sur l’attractivité migratoire du département. 5.2. Les migrations internes par âge a) La migration des jeunes vers les espaces urbains Pour préciser la migration par âge des jeunes, la méthode la plus claire consiste à partir de la notion d’itinéraire résidentiel, qui précise la séquence des logements successifs d’une personne au cours de sa vie.
28
Un phénomène d’amélioration de son attractivité s’est de même constaté pour les Côtes-du-Nord, améliorant leur identité en prenant le nom, à forte valeur historique, de Côtes-d’Armor, l’Armorique étant la désignation ancienne de la Bretagne. 29 Dumont, Gérard-François, La population de la France, des régions et des DOMTOM, Ellipses, 2000.
Populations et territoires en France dans les années 2000
45
Dans la période contemporaine, la plus fréquente est d’abord la suivante : - de 0 à 18 ans, les enfants habitent chez leurs parents et suivent les mobilités résidentielles de ces derniers. Ils forment parfois une première catégorie de bi-résidents lorsque leurs parents se sont séparés et vivent dans deux logements distincts entre lesquels les enfants partagent leur temps. - de 18 à 30 ans30, les jeunes vivent une double instabilité de statut social. Ils prolongent la durée de leurs études, puis enchaînent souvent une série d’emplois divers avant de pourvoir accéder à un contrat de travail à durée indéterminée (CDI). En même temps, les couples se forment et se séparent de manière aléatoire. Cette tranche d’âge se concentre fortement dans les villes universitaires et se loge dans des petits logements locatifs grâce à l’aide des générations précédentes. b) La migration des actifs vers les territoires denses en emploi ou en continuité d’espace-temps avec ceux-ci Autour de la trentaine, les jeunes couples se stabilisent doublement. L’accès à deux CDI, condition pour accéder à la propriété, ouvre la possibilité de réaliser le projet d’élever des enfants. Ces couples plébiscitent massivement le marché des logements périurbains ou des pavillons paraurbains, où ils représentent 90 % des acquéreurs. Leur mode de vie change radicalement, les activités de plein air et les spectacles à domicile remplacent les sorties en ville, les courses du samedi dans le centre commercial régional deviennent un rite. Le séjour dans le périurbain ou le paraurbain dure jusqu’à la fin des études des enfants, donc vers la soixantaine et la proximité de la retraite. Dans cette catégorie, on compte aussi environ 600 000 couples biactifs qui disposent de deux résidences permanentes, parce que leurs lieux de travail respectifs sont situés dans des villes trop éloignées l’une de l’autre. c) La migration résidentielle des seniors, notamment vers le littoral et le vert De 60 à 80 ans, les habitudes antérieures se modifient, notamment le « retour au pays » des fils de paysans qui s’étaient massivement urbanisés pendant les Trente Glorieuses. On observe deux tendances. Des jeunes retraités, en bonne santé et dotés de revenus réguliers, reviennent en ville pour profiter des loisirs urbains et militer dans des associations. Un autre flux se dirige vers le logement de la période de retraite dont l’emplacement
30
Ces chiffres ne sont que les moyennes dans une distribution assez dispersée.
46
Populations et territoires de France en 2030
est choisi notamment en fonction des préférences de loisirs, pour accueillir la famille pendant les week-ends et les vacances, ou de l’origine géographique. Prenons l’exemple de la Bretagne pour illustrer ces différents choix. Parmi les personnes s’y rendant à l’âge de la retraite, moins d’une sur deux est née dans la région ; ce n’est donc pas que du retour, l’installation étant souvent liée au choix de venir passer sa retraite dans le lieu où l’on venait passer ses vacances. Puis, au cours de leur retraite, les personnes âgées peuvent connaître des changements de résidence, soit vers la résidence secondaire, qui devient plus permanente, soit vers un habitat de proximité afin de se rapprocher de leurs enfants. Au-delà peut venir l’âge d’une dépendance croissante et des arbitrages difficiles entre maintien à domicile, solution la plus souhaitée, l’accueil au logement d’un tiers et les résidences spécialisées. À ces deux tendances s’ajoute le cas des retraités qui restent en ville mais passent une partie de l’année dans leurs résidences secondaires. 6.
Les caractéristiques des migrations internationales en France
6.1. Des migrations concentrées
internationales
géographiquement
très
Depuis la Seconde Guerre mondiale, en France, trois grandes périodes d’immigration peuvent être distinguées : - 1950-1975 : un important mouvement d’immigration intraeuropéen se déploie entre les pays pauvres de la périphérie (Italie, Espagne, Portugal) et la France, où la croissance économique nécessite un fort besoin en main-d’œuvre. À partir des années 1960, les flux en provenance d’Europe du Sud sont dépassés progressivement par ceux en provenance du Maghreb dans le cadre d’un phénomène de noria31. Cette période est aussi marquée en 1962 par l’arrivée des pieds-noirs ; - 1975-milieu des années 1990 : après la quasi-fermeture à l’immigration de travail, et en raison des restructurations économiques, de l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans un système démocratique et dans l’économie de marché, certains flux migratoires diminuent, mais se
31
Dumont, Gérard-François, Les migrations internationales. Les nouvelles logiques migratoires, Éditions Sedes, 1995.
Populations et territoires en France dans les années 2000
47
développe une immigration dans le cadre du regroupement familial ou des demandes d’asile ; - depuis les années 1990, même si cela n’apparaît pas toujours clairement dans les statistiques officielles, le solde migratoire s’accroît, notamment en raison de l’augmentation des entrées dans le cadre de la venue des familles32. En outre, depuis les années 2000, deux courants d’immigration augmentent nettement, celui des Ivoiriens et plus généralement des ressortissants de l’Afrique occidentale et celui des Chinois et, plus généralement, des Asiatiques. Dans le même temps, la globalisation, l’internationalisation et la mondialisation, processus respectivement politique, géographique et entrepreneurial, augmentent les mouvements migratoires. L’Insee révise d’ailleurs en février 2005 à la hausse le solde migratoire 2003, auparavant estimé en baisse, et décide deux ajustements (de 135 000 et 165 000) dont le premier porte officiellement sur le solde migratoire 1999-2003 ; puis l’Insee décide en janvier 2006 un nouvel ajustement de 140 000, à effet sur la population de la France au 1er janvier 2004, qui porte de facto sur le solde migratoire apparent. Le Maghreb est le principal pourvoyeur d’immigration en France et, fait nouveau, les flux en provenance d’Afrique Noire s’accélèrent du fait de la situation économique et politique que connaissent ces pays et de leur important potentiel migratoire33. La France maintient des relations migratoires privilégiées avec ses ex-colonies, même si l’on constate une diversification des pays d’origine des immigrés. Au milieu des années 2000, le nombre de demandeurs d’asile augmente. Avec le regroupement familial, la surreprésentation des hommes parmi les immigrants s’efface. En termes de structure par âge, l’immigration a d’abord un effet rajeunissant, en raison de l’arrivée de jeunes adultes et de leurs familles, mais cet effet n’est que temporaire. En effet, la France n’est plus dans des flux de noria, et les personnes qui entrent vieillissent sur place. Néanmoins, un second effet rajeunissant vient d’une fécondité des étrangers supérieure, dans un premier temps du moins, à la moyenne. La géographie de l’immigration en France étant insuffisamment collectée en raison de l’absence de registres communaux de domiciliation, elle peut être approchée indirectement, dans le cadre du recensement, par 32
Thierry, Xavier, « Évolution récente de l’immigration en France et éléments de comparaison avec le Royaume-Uni », Population, n° 5, 2004. 33 Lahlou, Mehdi, « Les causes de l ‘émigration africaine », Population & Avenir, n° 676, janvier-février 2006.
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Populations et territoires de France en 2030
celle des étrangers, qui présente une forte concentration. Selon les résultats du dernier recensement de 1999, la proportion des étrangers dans la population dépasse nettement la moyenne nationale dans les régions les plus urbanisées : Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Lorraine, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur ; en revanche, elle est faible dans les régions occidentales. Près de 40 % des étrangers résidant en France métropolitaine vivent en Île-de-France, et 11,2 % en Rhône-Alpes. Donc, plus de la moitié des étrangers vit dans les deux régions les plus peuplées et près de 60 % dans trois régions si l’on ajoute Provence-Alpes-Côte-d’Azur aux deux précédemment citées. Plus de la moitié des étrangers se concentre dans les principales agglomérations (Paris, Lyon, Marseille, Lille), et la grande majorité vit dans des villes. Figure 1.17 ⎯ Population étrangère selon les régions
La présentation géographique des étrangers doit être complétée par une approche géographique plus fine car, au sein même des agglomérations, les ressortissants de tel ou tel pays ont tendance à se concentrer dans certains quartiers ou dans certaines communes : les Chinois et les Asiatiques du sudest dans le XIIIe arrondissement de Paris ou à Marne-la-Vallée, les
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Maghrébins dans le quartier de la Goutte d’or à Paris, ou dans certaines communes des banlieues des grandes agglomérations, comme Roubaix, les Africains d’origine subsaharienne dans certains grands ensembles comme aux Mureaux. 6.2. L’importance de l’immigration familiale L’examen des entrées à caractère permanent en France34 met en évidence une double augmentation des migrations familiales, en flux et en proportion. Les entrées par les procédures de migrations familiales passent de 84 000 personnes en 2001 à plus de 111 000 personnes en 2003. Leur pourcentage augmente de 59,7 % des entrées à caractère permanent en 2001 à 64,5 % en 2003. 6.3. Une immigration à niveau de formation limitée Les immigrants en France sont dans une proportion importante des non ou peu diplômés, et leur taux d’emploi est limité. Sur la base des taux de 2003, l’Espagne compte un immigrant ayant un emploi sur 1,8 immigrant. L’Angleterre, avec ses taux d’emploi élevés, non seulement pour ses nationaux mais pour ses immigrés, en est à 1 pour 2,4 immigrés. La France et la Belgique sont en queue de peloton : à 1 pour 3,1 immigrants. 6.4. L’émigration de diplômés Pour autant qu’on le sache, les jeunes Français émigrant à l’étranger sont plutôt plus diplômés que la moyenne ; leur mobilité est donc plutôt liée au niveau de formation. 6.5. Les migrations étudiantes Dans l’Union européenne, où 7,7 % des étudiants sont étrangers, dont moins de la moitié provient d’un des autres pays de l’UE, la France se situe dans la moyenne. Le solde migratoire des étudiants est positif en France35, alors qu’il est négatif en Italie, et nul en Suède et en Belgique, mais la France se situe derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni. L’une des explications des différences est la présence de centres de recherches de qualité, une utilisation de la langue (le Français) qui est importante dans certains pays (les anciens pays colonisés essentiellement) et dans certaines organisations internationales, et l’existence d’accords de coopération. 34
Régnard, Corinne, Immigration et présence étrangère en France en 2003, La Documentation française, 2005. 35 Cf. notamment : Rapport d’information sur l’accueil des étudiants étrangers en France, Sénat, n° 446, 30 juin 2005.
50
Populations et territoires de France en 2030
Contrairement à l’Allemagne, le Royaume-Uni reçoit beaucoup d’étudiants français. 6.6. Les caractéristiques entrepreneuriales
territoriales
des
migrations
Outre les entrées à caractère permanent précisées ci-dessus et l’émigration de jeunes diplômés, il convient de considérer les migrations internationales en France sous l’angle des « migrations entrepreneuriales », liées aux décisions d’entreprises faisant migrer leurs collaborateurs pour répondre aux évolutions des marchés ou aux souhaits de ceux qui veulent s’installer dans des territoires professionnellement plus intéressants. Ces migrations entrepreneuriales expliquent des flux d’émigration et d’immigration, généralement temporaires, et concernent de la main-d’œuvre qualifiée ou hautement qualifiée. Depuis les années 1990, les champs géographiques de l’immigration entrepreneuriale accueillie en France et de l’émigration entrepreneuriale à partir de la France se sont étendus considérablement avec les changements géopolitiques, politiques, techniques et stratégiques intervenus. Par exemple, l’implosion soviétique, la suppression du rideau de fer, l’entrée de nouveaux pays dans l’Union européenne ou les réformes économiques et l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce ont ouvert de nouveaux marchés incitant des entreprises françaises à les conquérir en y envoyant des personnes qualifiées. En second lieu, la facilité accrue des transports aériens et des télécommunications, simplifiant les relations entre les sièges et les succursales ou filiales, conduit à davantage d’offres de mobilité géographique au sein des entreprises et entre les entreprises. Enfin, la nécessité pour les entreprises de mener des stratégies mondialisées impose de déplacer du personnel pour s’implanter, en s’ouvrant à des partenaires ou en créant des unités de production, de distribution ou de commercialisation. D’après les chiffres de l’Union européenne, le pourcentage de nonnationaux employés dans les activités qui demandent une haute qualification correspond à 4,5 % du nombre d’employés du secteur pour l’ensemble de l’UE, la France se situant dans cette moyenne. Ce type d’immigration concerne prioritairement des territoires français où sont implantés des entreprises à haute technologie ou des laboratoires de recherche, comme certaines technopoles, à l’exemple de Sophia-Antipolis. 6.7. Les migrations internationales de retraités Les migrations internationales de retraités sont un phénomène relativement récent, qui a commencé dans les années 1980 et 1990, dû à
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l’augmentation régulière de l’espérance de vie et aux progrès de la médecine permettant aux « jeunes » personnes âgées d’atteindre l’âge de la retraite en bonne santé. Elles s’expliquent aussi par des moyens financiers améliorés et la progression du pouvoir d’achat relatif permis par la migration. Par exemple, le coût moindre du foncier et de l’immobilier en France par rapport à la Grande-Bretagne est l’un des facteurs de la présence en France d’immigrants retraités britanniques. Ces migrations internationales de retraités se dirigent essentiellement vers les zones côtières, mais aussi vers certaines zones rurales de la France. Concernant l’émigration de retraités (à partir de la France), son intensité ne semble pas avoir d’effets territoriaux majeurs jusqu’à présent. En effet, les flux semblent assez limités et se dirigent notamment vers l’Espagne. Quant à l’émigration de retraités issus de l’immigration, elle est faible et semble diminuer. 6.8. Un nouveau phénomène migratoire : l’effet « Ryanair » De nouvelles migrations vers le Sud et le Grand Ouest de la France s’expliquent par l’essor des liaisons aériennes à bas coûts, nées dans les années 1990 aux États-Unis. Depuis les années 2000, le concept des compagnies aériennes offrant des voyages à prix réduits36 (low cost) se développe sur le marché français avec, par exemple, l’ouverture en 2002 de neuf liaisons nouvelles entre la Grande-Bretagne et la France par une compagnie aérienne à bas tarifs. L’existence de ces compagnies réduit considérablement le triptyque espace-temps-coût et permet ainsi à des Britanniques de venir habiter sur des territoires se situant dans un rayon de proximité des aéroports français desservis, tout en conservant des liens familiaux et amicaux avec leur pays d’origine, compte tenu de la facilité des liaisons aériennes à bas coûts. Ce phénomène peut être désigné comme l’effet « Ryanair »37. Il résulte de ce qui précède l’installation supplémentaire d’étrangers dans des territoires prisés de longue date, comme la Côte d’Azur, mais aussi
36
Grâce à un fonctionnement différent de celui des compagnies classiques, la réduction atteint en moyenne jusqu’à 40 % ; 95 % des ventes sont effectuées via les moyens propres à la compagnie, par téléphone ou par courriel, sans délivrance d’un billet. L’enregistrement s’effectue sur simple présentation du numéro de réservation et d’une pièce d’identité. 37 Selon la proposition de Gérard-François Dumont utilisant comme générique le nom d’une entreprise bien connue dont la caractéristique est d’être exclusivement implantée dans ce secteur aérien.
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dans des bourgs et des villages auparavant en dépeuplement, voire dans des hameaux totalement dépeuplés, du Limousin (aéroport de Limoges) ou du Rouergue (aéroport de Rodez), par exemple. Ces migrations internationales, aujourd’hui peu analysées dans les statistiques nationales, loin de ne comporter que des retraités, comprennent de nombreux actifs. Elles provoquent dans certains territoires un véritable renversement démographique dans l’évolution de la population, notamment de la population scolaire. En outre, le phénomène a tendance à s’auto-entretenir. L’arrivée d’une seule famille ou de quelques familles peut contribuer à attirer d’autres étrangers. Comme ces immigrants ont besoin de services qui n’existent pas sur place ou qui ne sont pas offerts par des actifs français, d’autres actifs viennent du même pays pour satisfaire les besoins des premiers. Par exemple, un artisan anglais vient s’installer pour effectuer des travaux chez d’autres Anglais installés dans une région française. Autre exemple, le développement d’activités journalistiques au service des étrangers habitants en France. Conformément aux règles européennes, des communes françaises ont déjà élu dans leur conseil municipal des immigrants britanniques. Mais cette évolution a aussi des effets moins positifs comme des phénomènes d’éviction de certaines catégories de natifs (les jeunes plus particulièrement) qui peuvent difficilement faire face à la montée des prix. 6.9. Des territoires connaissant des migrations internationales spécifiques Outre les différents aspects des tendances migratoires internationales s’exerçant sur les territoires français, énoncés ci-dessus, certains peuvent connaître des caractéristiques propres. Ainsi, quelques territoires frontaliers sont concernés par des migrations internationales spécifiques facilitées par la libre circulation dans l’Union européenne, dans l’espace Schengen ou par des accords internationaux. À titre d’exemple, il faut citer, pour l’immigration, l’installation d’Allemands du Bade-Wurtemberg en Alsace, de Suisses, principalement des cantons de Genève et de Vaud, dans l’Ain ou la Haute-Savoie, et, pour l’émigration, l’installation de personnes âgées du Nord-Pas-de-Calais dans des maisons de retraite en Belgique. 7.
Les effets territoriaux de l’addition des migrations internes et internationales
La combinaison des migrations internes et des migrations internationales met en évidence des fortes disparités selon les territoires. Alors que les effets répulsifs s’exercent davantage dans la moitié nord-est de
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la France, le sud et l’ouest bénéficient d’effets attractifs. L’ensemble prend, pendant la période intercensitaire 1990-1999, la forme d’un basculement géographique avec, fait nouveau par rapport à la période antérieure, un déplacement assez important sur la façade atlantique. Figure 1.18 ⎯ L’accroissement migratoire en France
8.
Les emplois plus concentrés que le peuplement
8.1. Des taux d’emploi forts différents selon les territoires L’étude de la population active occupée prend comme référent géographique le lieu de domicile. Or, économiquement, la France présente une autre géographie, celles des emplois, selon leur localisation. Son examen révèle que la concentration territoriale des emplois est nettement plus accentuée que celle des populations. Le caractère primatial de l’Île-deFrance38 parmi les régions françaises est non seulement confirmé, mais
38
Il l’est également par le type d’actifs. Par exemple, parmi les actifs, l’Île-deFrance compte 26,3 % de ménages de cadres et professions intellectuelles
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sensiblement accentué au regard des emplois puisque cette région compte 22,1 % des emplois de la métropole, alors que 18,7 % de la population y vit. Deuxième par le nombre d’emplois offerts, Rhône-Alpes pèse moins de la moitié de l’Île-de-France, 9,97 % des emplois en France, soit légèrement plus que son poids démographique relatif (9,6 %) dans la population de la métropole. Seulement deux autres régions présentent une caractéristique semblable, avec une proportion de leurs emplois supérieure à celle de leur population : il s’agit des Pays de la Loire et de l’Alsace, malgré l’importance des travailleurs frontaliers dans cette dernière région. Figure 1.19 ⎯ Taux d’emploi selon les régions
supérieures, les autres régions s’étageant dans une fourchette descendant jusqu’à 10,2 %.
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8.2. Un chômage très différencié selon les territoires Quant au nombre des demandeurs d’emploi et, en conséquence, au taux de chômage, qui rapporte le nombre des demandeurs d’emploi à la population active, il varie évidemment selon les données conjoncturelles, les comportements (durée des études, souhait ou non de choisir la formule de l’allocation parentale d’éducation) et les décisions administratives concernant le système des préretraites ou les différentes formules d’emplois subventionnés (contrat emploi-solidarité, contrat emploi-jeune…). Néanmoins, le chômage présente en France des disparités spatiales que les variations conjoncturelles n’effacent pas. Figure 1.20 ⎯ Taux de chômage selon les régions
Les écarts régionaux distinguent plusieurs France, avec des causes diversifiées de niveaux relatifs de chômage. Le plus faible taux, celui de l’Alsace, peut s’expliquer notamment par la dimension européenne de cette
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région et par l’apport d’emplois que représente l’Allemagne. Le chômage est relativement faible dans des territoires ayant su développer des activités importantes, soit par des qualifications socioprofessionnelles reconnues, comme la plasturgie dans le bassin d’Oyonnax ou le décolletage dans la vallée de l’Arve en Haute-Savoie, soit dans des territoires à fort dynamisme économique, comme les agglomérations de Lyon, de Grenoble, de Nantes, de Rennes ou d’Orléans. En revanche, le taux de chômage relativement faible du Limousin provient non d’une forte création d’emplois, mais d’un dénominateur du taux de chômage minoré car les actifs ont émigré vers d’autres bassins d’emploi. Une absente de taille est à signaler parmi les régions à faible taux de chômage : l’Île-de-France dont le taux de chômage est similaire à celui observé en moyenne en France. Parmi les régions à taux de chômage supérieur à la moyenne nationale, les taux les plus élevés se trouvent dans les trois régions méditerranéennes et dans le Nord-Pas-de-Calais, mais pour des raisons différentes. La région la plus septentrionale souffre tout particulièrement de son héritage de bassins anciennement industriels dont la reconversion reste à parfaire. Les taux de chômage des régions méridionales s’expliquent par l’importance des emplois temporaires liés au tourisme, par le travail au noir dans des activités de services aux personnes et par l’héliotropisme positif, qui attire des populations mais ne s’accompagne pas automatiquement d’emplois correspondants. En outre, ces régions ne disposent pas, contrairement à la région lyonnaise, d’une tradition entrepreneuriale ancienne, favorable à une croissance endogène des activités et des emplois. 9.
Des systèmes familiaux différents selon les territoires
La démographie des individus ne permet pas de prendre en compte l’ensemble des tendances des années 2000 : il convient aussi d’examiner celles des familles. En 2004, la France compte 8,6 millions de familles et 13 millions d’enfants de moins de 20 ans vivant parmi les 25,5 millions de ménages. Un ménage représente en moyenne 2,3 personnes, variant de 2,5 dans le Nord-Pas-de-Calais à 2,1 dans le Limousin. 9.1. Une diverse composition des familles Sur les 8,6 millions de familles, 42 % ont un seul enfant, 38 % en ont deux, 20 % sont des familles nombreuses d’au moins trois enfants. 85 % des enfants vivent avec leurs deux parents, 15 % avec un seul de leurs parents. Parmi ces familles, 6,5 millions sont constituées des deux parents avec enfants, soit 73,5 %, 1,4 million sont des familles d’un seul parent (18,6 %) ; 710 000 sont des familles recomposées (8 %).
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La moitié des enfants vit dans cinq régions : Île-de-France (20 %), Rhône-Alpes (10 %), Nord-Pas-de-Calais (8 %), Provence-Alpes-Côted’Azur (7 %) et Pays de la Loire (6 %). La proportion de familles nombreuses est plus élevée dans le Nord-Pas-de-Calais, l’Île-de-France et les Pays de la Loire. La Bretagne et les Pays de la Loire comptent la proportion la plus élevée de familles de deux parents. Le Sud (Provence-Alpes-Côted’Azur, Languedoc-Roussillon, Corse) se caractérise par la plus forte proportion de familles d’un seul parent. 9.2. Les disparités territoriales des comportements familiaux Les comportements familiaux diffèrent selon les régions. Considérons les quatre modes de garde des enfants : individuel, collectif, appel à une structure, retrait partiel du marché du travail. Les disparités régionales conduisent à distinguer quatre grands ensembles géographiques. Ayant un fort taux d’activité féminine et un fort taux d’emploi, la région Rhône-Alpes se caractérise par une préférence pour les retraits temporaires d’activité afin de s’occuper des enfants, compensés par la PAJE (prestation d’accueil du jeune enfant), associés à une forte demande d’équipements d’accueil temporaire. La Région parisienne et le Sud, dont la Corse, ont fortement recours aux crèches, ces équipements étant par ailleurs particulièrement bien implantés dans ces régions. L’Île-de-France se caractérise par le plus fort taux d’emploi des femmes de 25 à 50 ans (90 % pour une moyenne nationale de 80 %), les revenus les plus élevés, une forte concentration urbaine, un parc important d’équipements, des communes en moyenne relativement riches et l’éloignement des grands-parents – les retraités quittant la région parisienne. Aussi les familles ont-elles recours, dans une proportion assez élevée, aux modes d’accueil collectifs pour les enfants. De façon conjuguée et complémentaire, l’Île-de-France concentre également la plus forte proportion de bénéficiaires de la PAJE. Le Sud, avec une densité élevée de population urbaine, concentre également les équipements collectifs d’accueil des jeunes enfants, malgré un contexte différent de l’Île-de-France : activité féminine moins soutenue (65 %), offre d’équipements un peu moins dense, implantation historique de structures familiales particulières, les femmes étant plus souvent mères au foyer et s’occupant de leurs enfants. L’Ouest (notamment la Bretagne), moins dense et moins bien équipé en crèches collectives, a massivement recours aux assistantes maternelles. Cette situation singulière reflète également une préférence culturelle
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Populations et territoires de France en 2030
régionale pour privilégier l’éducation des jeunes enfants en milieu familial. Il faut souligner l’aspect générateur d’emplois de services de ces professionnels familiaux développés par les relais d’assistantes maternelles, et la forte tradition de présence de réseaux associatifs ruraux et urbains. La géographie des assistantes maternelles est largement rurale et paraurbaine. Dans le Nord, les taux d’activité féminine sont les plus bas, les communes moins riches. Les habitudes familiales de solidarité ou de voisinage, marquées par l’habitat en courées, malgré une forte urbanisation, privilégient le recours au réseau familial et amical, mode d’accueil dominant des jeunes enfants. En contrepartie, on observe une forte scolarisation des enfants de deux ans en maternelle. L La mise en évidence des tendances géodémographiques des années 2000 en France permet de fournir une base de réflexion pour l’analyse prospective. Cette dernière peut en outre se nourrir des projections démographiques publiées.
Chapitre 2 ⎯ Les projections démographiques courantes et leurs limites Lorsqu’on a inventorié les caractéristiques des populations et des territoires au début des années 2000, la réflexion sur les futuribles39 peut s’appuyer sur les projections démographiques, qui livrent un certain nombre d’enseignements. Néanmoins, il est également nécessaire de bien comprendre leurs limites pour conduire un véritable travail de prospective 1.
Les projections démographiques courantes et leurs enseignements
1.1 Les perspectives nationales de population : une croissance modérée escomptée au moins jusqu’en 2030 a)
Le choix de la méthode utilisée
La méthode de projection utilisée par l’Insee est dite « méthode des composantes » : elle consiste à réaliser des projections par sexe et par âge en faisant vieillir la population année par année. Cette méthode part d’une population telle qu’elle est observée à un moment donné et dont la structure par sexe et par âge est considérée comme connue. Puis elle fait évoluer ladite population, année par année, en ajoutant des naissances pour les plus jeunes, en retranchant des personnes par décès aux différents âges, en fonction de la mortalité du moment ou de la mortalité projetée, en faisant « entrer » ou « sortir » des personnes en fonction du solde migratoire qui est projeté. D’autres méthodes pourraient être utilisées pour faire des projections : les économètres utilisent des régressions et projettent les coefficients de leurs régressions. Mais, si on veut aller assez loin dans l’avenir, la régression prend en compte un certain nombre de variables qui, souvent, évoluent beaucoup dans le temps et sont délicates à choisir. Si, par exemple, on arrive à trouver des bonnes relations entre l’évolution du solde migratoire et la situation de l’emploi ou le dynamisme momentané d’une économie pour le présent, ces variables sont trop fragiles et trop sensibles à la conjoncture pour guider une projection à long terme, ce qui justifie l’emploi de la méthode dite « des composantes ».
39
Concept emprunté au jésuite espagnol Molina (XVIe siècle) par Bertrand de Jouvenel, formé par la contraction de « futur » et de « possible ».
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Populations et territoires de France en 2030 Les analyses du présent rapport et les nouvelles projections de population de la France établies en 2006
Ce livre est achevé lorsque l’Insee publie de nouvelles projections de population pour la France métropolitaine40. Ces projections, qui partent de 2005, prennent en compte les évolutions des années 1999-2005, soit une réduction plus importante de la mortalité entre hommes et femmes, une fécondité plus élevée et des immigrations externes plus nombreuses. Elles prennent également en compte les estimations issues des premières opérations du recensement dit rénové. Selon la projection centrale, la différence d’espérance de vie entre hommes et femmes est donc supposée se réduire davantage que dans les précédentes projections publiées en 2003, la fécondité centrale est supposée plus élevée, égale à 1,9 enfant par femme, contre 1,8 précédemment, avec des hypothèses alternatives de 1,7 et 2,1, contre 1,5 et 2,1, et le solde migratoire central est supposé plus important, égal à 100 000 personnes, contre 50 000, avec des hypothèses alternatives de 50 000 et de 150 000, contre une seule hypothèse alternative, de 100 000, précédemment. Très logiquement, ces hypothèses plus favorables à la croissance de la population aboutissent à des effectifs plus forts. Selon la projection centrale publiée en 2006, on passerait ainsi de 60,7 millions d’habitants (en France métropolitaine) en 2005 à 67,2 en 2030, terme envisagé dans le présent livre, contre 60,0 à 63,9 selon la projection centrale précédente de l’Insee publiée en 2003. Cela étant, si les nouvelles projections ont l’avantage, par rapport à celles étudiées dans le présent rapport, de prendre en compte certaines évolutions des années récentes, elles pourraient aussi, pour cela, être plus fragiles que les précédentes, dont les hypothèses étaient basées sur une période plus longue. Et surtout ces nouveaux résultats ne remettent aucunement en cause tout ce qui est analysé ici sur l’évolution à venir de la population de la France, particulièrement en ce qui concerne deux aspects parmi les plus importants : le vieillissement de cette population et l’augmentation du nombre de ménages. Avec une fécondité plus forte et des immigrations plus nombreuses, on aurait certes un vieillissement moindre : la proportion des personnes de 65 ans ou plus passerait de 16,4 % en 2005 à 23,2 % en 2030 contre 16,6 % à 24,9 % dans les projections précédentes. Cela ne remet en cause ni le phénomène ni son ampleur. Quant à la forte croissance du nombre de ménages et aux besoins de logements qu’elle induit, elle ne serait qu’accrue par une population plus forte, ce qui ne ferait que renforcer les recommandations exprimées ici concernant cette question.
40
Robert-Bobée, Isabelle, « Projections de population pour la France métropolitaine à l’horizon 2050. La population continue de croître et le vieillissement se poursuit », Insee Première, n° 1089, juillet 2006.
Les projections démographiques courantes et leurs limites b)
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Le choix des hypothèses
L’Insee adopte plusieurs variantes, assez abusivement, dénommées scénarios, dont l’un est intitulé « scénario central »41, avec des hypothèses variables sur la fécondité, la mortalité et le solde migratoire, exprimées par des taux par sexe et par âge (taux de fécondité par âge des femmes, taux de mortalité, taux de solde migratoire). L’Insee s’est limité à six scénarios principaux, leur intérêt étant de montrer la sensibilité aux hypothèses des résultats, plus que le résultat lui-même. • Les trois hypothèses de fécondité : − pour la fécondité, l’hypothèse centrale retenue dans les projections publiées en 2003 est de 1,8 enfant par femme ; − l’hypothèse haute est de 2,1, niveau correspondant au simple remplacement des générations ; − l’hypothèse basse de 1,5 correspond au niveau observé pour l’ensemble de l’Union européenne à quinze. • Les trois hypothèses de mortalité L’espérance de vie s’est accrue en France de plus de 25 ans en un siècle, avec une évolution très régulière au cours du XXe siècle, si l’on exclut les épisodes des guerres. Il y a d’ailleurs eu des rattrapages rapides après ces dernières. Depuis les années 1980, l’espérance de vie continue d’augmenter de manière presque aussi rapide que durant les décennies précédentes : 2 à 3 mois de plus par an, pour les hommes comme pour les femmes. Si, sur l’ensemble du XXe siècle, les femmes ont gagné davantage, ce n’est plus vrai depuis les années 1990. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les facteurs à l’origine de cette augmentation de l’espérance de vie ont eux-mêmes évolué. Dans la première partie du XXe siècle, une bonne part des progrès provenait de la baisse de la mortalité infantile, qui était encore au-dessus de 100 ‰ en 1901 (elle est passée à 20 ‰ en 1970 et se situe en 2005 à 5 ‰). Avec une espérance de vie de 50 ans environ au début du vingtième siècle, la seule régression de la mortalité infantile de 100 ‰ à 10 ‰ a fait gagner 4 à 5 ans d’espérance de vie. Aujourd’hui, la baisse de la mortalité infantile, qui se situe désormais à un niveau quasi incompressible, ne contribue guère aux gains. Si l’on descendait de 5 ‰ à 2 ‰, par exemple, le gain d’espérance de 41
Brutel, Chantal et Omalek, Laure, « Projections démographiques pour la France, ses régions et ses départements à l’horizon 2030 », Insee résultats, n° 16, société, août 2003.
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Populations et territoires de France en 2030
vie à la naissance ne serait que de 2 ou 3 mois. Depuis les années 1960, la baisse de la mortalité a été plus forte pour les âges les plus élevés, et c’est là que se situe désormais le principal facteur de l’augmentation de l’espérance de vie. Autre élément, depuis les années 1990, l’écart d’espérance de vie entre hommes et femmes se réduit, mais reste plus important en France que dans les pays voisins. L’hypothèse centrale consiste à projeter les taux de mortalité avec un léger ralentissement au fil du temps, en considérant qu’il n’y a pas de raison de modification de l’évolution actuelle. Même l’épidémie de Sida n’a pas eu d’influence notable, en France, sur l’espérance de vie puisque, après avoir culminé à 5 000, le nombre annuel de décès dus au Sida est descendu à moins de 2 000. L’hypothèse centrale maintient donc la régularité de l’évolution observée depuis la Seconde Guerre mondiale, mais avec une certaine décroissance, toutefois. Cette décélération projetée de la progression de l’espérance de vie a un côté mécanique et sans doute inévitable car, on a beau baisser les quotients de mortalité, tout le monde finit quand même par mourir : l’espérance de vie ne peut progresser à l’infini. Figure 2.21 ⎯ Projections de l’espérance de vie en France métropolitaine selon trois hypothèses
L’hypothèse « basse » correspond à une mortalité plus haute due à un fléchissement immédiat de l’impact des progrès sur la mortalité ; Eurostat tend d’ailleurs à retenir ce type de schéma. L’hypothèse « haute » correspond à une réduction plus soutenue des taux de mortalité que dans l’hypothèse centrale. Elle s’expliquerait par un « effet de génération » : des générations ayant peu à peu adopté un
Les projections démographiques courantes et leurs limites
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comportement les conduisant à mieux se soigner, cela pourrait avoir un effet cumulatif favorable. • De la méconnaissance des migrations au choix des deux hypothèses de solde migratoire La projection du solde migratoire est difficile parce que sa mesure elle-même est malaisée en raison de données parfois lacunaires. La différence entre deux recensements successifs permet de calculer le solde apparent, puisqu’on connaît le mouvement naturel et la population aux deux moments considérés. Mais le solde migratoire ainsi obtenu est sujet à des erreurs car les problèmes de comparabilité des recensements nuisent à la mesure. Cela peut provenir soit de la qualité du recensement, soit des concepts utilisés qui font que la population mesurée n’est pas exactement la même d’une période à une autre. Beaucoup de mouvements contribuent aux migrations : des mouvements d’étrangers du Sud, ceux qu’on nomme les immigrés en général, mais aussi des mouvements auxquels on ne pense pas assez, comme ceux des cadres venant d’autres pays européens pour quelques années42, ou encore des étudiants étrangers ; il y a également les mouvements des Français. L’Insee cherche à revoir ses méthodes d’estimation et de construction d’une comptabilité globale du solde migratoire, en considérant toujours que ce solde résulte de la différence entre les entrées et les sorties. Pour les entrées, il existe des informations sur les pays tiers, c’est-à-dire hors espace économique européen (UE-15), à l’Office des migrations internationales (OMI), au ministère de l’Intérieur avec les titres de séjour, et à l’OFPRA pour les demandes d’asile. En ce qui concerne l’émigration, il est très difficile d’avoir des données. Quelques informations peuvent provenir de la Caisse d’assurance vieillesse sur les pensions versées à l’étranger, mais elles ne permettent pas d’établir une véritable comptabilité. Sont donc considérées des informations par différence, en utilisant par exemple les données de recensements. Mais le problème essentiel des projections concernant les migrations, vient de ce qu’elles se fondent, en ce qui concerne la situation de départ, sur une situation non cohérente, avec deux éléments non reliés entre eux. En effet, l’Insee se base, d’une part, sur des chiffres du recensement de 1999,
42
Ce que Gérard-François Dumont appelle « les migrations entrepreneuriales » dans : Les migrations internationales, Les nouvelles logiques migratoires, Paris, Éditions Sedes, 1995.
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notoirement sous-évalués43, et, d’autre part, sur un solde migratoire 19901999 estimé à 50 000 par an, qui n’est pas inclus dans les chiffres de 1999. C’est pourquoi les résultats publiés par l’Insee pour la période 19901999 montrent un solde apparent, c’est-à-dire obtenu en faisant la différence entre les populations et le mouvement naturel, qui est pratiquement nul, à 40 059 exactement pour les 9 ans en France métropolitaine. Si nous nous en tenions rigoureusement à ce chiffre, nous dirions que le solde migratoire a été quasiment nul dans cette période, même s’il était possible de préciser que le solde a été légèrement positif pour les étrangers et légèrement négatif pour les Français. Mais nous sommes sûrs que cela n’est pas la réalité. En effet, certaines questions posées dans le recensement de 1999 sur les années d’entrée en France ou la résidence en 1990 ont permis de conforter un solde migratoire de l’ordre de 520 000 pour la période 19901999, donc loin du 40 059 retenu. L’Insee considère que la différence observée entre les deux recensements est liée à la qualité des mesures et à l’application de concepts comme le traitement des étudiants, par exemple. Pour ces derniers, en effet, l’Insee a tenté de réduire au maximum le nombre de doubles comptes, car les étudiants étaient assez souvent dénombrés deux fois ⎯ une fois là où ils résident durant l’année académique et une autre fois chez leurs parents ⎯ ce qui n’était évidemment pas justifié dans les calculs statistiques. Cela a peut-être réduit d’une centaine de milliers le chiffre de 1999. En outre, l’Insee reconnaît avoir peut-être sous-estimé les sorties des Français. Enfin, il pourrait y avoir une dégradation de la qualité du recensement, les enquêteurs ayant rencontré plus de difficultés à joindre les habitants et à se faire ouvrir les portes, sans compter que de plus en plus de personnes vivent seules, sans parler des couples actifs qu’il est difficile de joindre aux heures habituelles. Finalement, les hypothèses de solde migratoire retenues par l’Insee sont : une reconduction de ce qui a été observé (mais non intégré dans les chiffres du recensement de 1999) sur les 20 dernières années (environ 50 000/an) ; une hypothèse haute à 100 000/an ; avec, dans les deux hypothèses, un solde migratoire constant dans le temps.
43
Dumont, Gérard-François, « Les ‘disparus’ du recensement », Population & Avenir, n° 647, mars-avril 2000. Six ans après, Insee Première de janvier 2006 reconnaît un chiffre équivalent à l’analyse citée de –480 000.
Les projections démographiques courantes et leurs limites c)
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Les résultats nationaux selon les jeux d’hypothèses
• Les résultats tendanciels du scénario central : 2011 et 2040 seraient des années de retournement Avec le scénario central, les résultats sont les suivants : − la population augmenterait jusqu’en 2040, atteignant les 64 millions en France métropolitaine à partir de 2031 (contre 60 millions en 2005) ; − la population jeune (< 20 ans) diminuerait régulièrement ; − la population d’âge actif (20-64 ans) augmenterait jusqu’en 2011, puis diminuerait. Ce serait également le cas en raisonnant sur la tranche 1564 ans, plus communément utilisée en Europe. Mais, avec la tranche des 20-59 ans, le plafond serait atteint dès 2006 car l’évolution est surtout fonction des groupes d’âge élevé. − la population âgée (60 ans ou plus) s’accroîtrait fortement (35 % de la population en 2050 contre 22 % en 1999). Figure 2.22 ⎯ La pyramide des âges de la France métropolitaine en 2000 et 2050 selon le scénario central
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Populations et territoires de France en 2030
La régularité du contour de la pyramide des âges de la France métropolitaine en 2050 selon le scénario central ne doit pas faire illusion, car elle tient au caractère linéaire des hypothèses. En revanche, on peut être sûr de l’importance prise dans le haut de la pyramide par les âges avancés. Elle est quasiment dictée par les effectifs d’aujourd’hui, puisque les personnes au-dessus de 50 ans sur la pyramide de 2050 sont déjà nées et que ce n’est pas à ces âges qu’il y a beaucoup de migrations internationales. Pour ces âges, la seule marge de variation concerne la mortalité, mais l’éventail des hypothèses de mortalité retenues n’a pas un grand effet. Par contre, la base de la pyramide dépend de la fécondité des prochaines décennies, ainsi que des migrations de jeunes ou d’adultes avec enfants. • Les résultats selon les différents jeux d’hypothèses Le scénario de fécondité basse conduirait à un maximum de population à peine supérieur à 61 millions vers 2025. En effet, quand l’indice synthétique de fécondité (ISF) passe de 1,8 à 1,5, cela fait chuter chaque année le nombre de naissances d’environ 150 000, sur les quelque 750 000 ou 800 000 du départ (ISF à 1,8). La sensibilité des effectifs de la population est beaucoup plus forte aux hypothèses de fécondité qu’aux hypothèses migratoires, dont l’écart n’est que de 50 000 par an. Les hypothèses de mortalités haute et basse produisent assez peu d’effets en termes de population totale ; elles en ont par contre sur les tranches d’âge à l’intérieur de la population. Figure 2.23 ⎯ La population totale de la France métropolitaine selon divers scénarios (en millions d’habitants)
Les projections démographiques courantes et leurs limites
67
1.2 Les perspectives spécifiques concernant le vieillissement de la population a)
Des dimensions à différencier : le vieillissement et la gérontocroissance
Pour présenter44 les résultats relatifs aux personnes âgées et au vieillissement, deux aspects importent : − le nombre absolu des personnes âgées ainsi que son évolution dans le temps ; − la part que ces personnes représentent dans la population totale ainsi que son évolution. On confond souvent ces deux aspects, comme s’il allait de soi que l’accroissement du nombre des personnes âgées entraînait un accroissement de leur part dans la population : il n’en est rien, comme on peut s’en convaincre en regardant par exemple le cas de la Guyane, région très jeune, et qui va le rester, bien que le nombre des personnes âgées doive y augmenter fortement. Retenant la terminologie du Professeur GérardFrançois Dumont, on parlera de « gérontocroissance » pour désigner l’augmentation du nombre des personnes âgées, et de « vieillissement » pour désigner l’augmentation de leur part dans la population totale. b)
Les perspectives nationales du vieillissement de la population : un processus certain
Selon le scénario central de l’Insee, les évolutions de la gérontocroissance et du vieillissement entre 2000 et 2030 devraient être concentrées sur la période 2005-2025 (augmentations moins fortes entre 2000 et 2005 et entre 2025 et 2030). Concernant les variantes calculées autour de ce scénario tendanciel en 2001, celles de fécondité ne changent pas le nombre de personnes âgées en 2030, mais modifient leur part dans la population totale : l’hypothèse de fécondité haute (indice de fécondité à 2,1 à partir de 2015) abaisserait cette proportion à 30 % en 2030 (au lieu de 31,1 %). La variante d’immigration haute (solde externe de 100.000 par an à partir de 2005) porte à 20 millions le nombre de 60 ans ou plus en 2030, et abaisserait leur part à 30,6 %. Ce sont des différences peu marquées. En revanche, les variantes de mortalité jouent davantage.
44
Cette partie reprend tout particulièrement un texte de Jean-François Royer (Insee).
68
Populations et territoires de France en 2030
Le vieillissement et la gérontocroissance sont donc attendus dans tous les scénarios, même dans celui tendant à les minimiser le plus, qui correspondrait à une interruption de tout progrès d’espérance de vie en France au XXIe siècle. Dans ce scénario, le nombre des personnes âgées augmenterait de 43% entre 2000 et 2030. Figure 2.24 ⎯ La population des 60 ans ou plus en 1970, 2000 et 2030 (scénario central) en France métropolitaine
1970 Population de 60 ans ou plus (millions d’habitants) Part des 60 ans ou plus
2000
Accroissement 2000-2030
2030
Valeur
%
9,1
12,1
19,9
7,8
64
17,6 %
20,6 %
31,1 %
10,5
51
Figure 2.25 ⎯ Espérance de vie et de la population des 60 ans ou plus dans divers scénarios (France métropolitaine)
Type de scénario
Population de Espérance 60 ans et plus de vie en 2030 en 2030 Hommes/Femmes (millions)
Part de cette population dans la population totale
Accroissement 2000-2030
Scénario central
81/88
19,9
31,1%
65%
Mortalité basse
82/90
20,5
31,7%
70%
Mortalité haute
80/87
19,6
30,8%
62%
Mortalité très haute45
75/83
17,3
28,2%
43%
45
Mortalité maintenue à son niveau de 1998.
Les projections démographiques courantes et leurs limites
69
En prenant en compte les tendances démographiques recueillies depuis 2001 (solde migratoire externe plus élevé que 50 000 par an, fécondité estimée supérieure à 1,846, poursuite de la baisse de la mortalité, malgré l’accident dû à la canicule de 2003), la population des 60 ans ou plus en France métropolitaine, évaluée à 13 millions début 2005, atteindrait 20,5 millions en 2030, et représenterait alors 30 % de la population totale. 1.3 Les perspectives territoriales de population : des hausses et des baisses a)
La méthode de projection utilisée
La méthode de projection utilisée, intitulée Omphale47, est un modèle démographique classique par composantes à pas annuel, c’est-à-dire s’appuyant sur une population par sexe et âge annuelle. Pour que ce modèle fonctionne, il faut choisir une période de référence à deux dates passées : dans les projections centrales de l’Insee, la période de référence est généralement 1982-1999 et parfois 1990-1999. Outre la population, les naissances et les décès de cette période de référence sont également connus. Le modèle requiert chaque année, pour chaque âge et sexe, des quotients de mortalité, de fécondité et de migration nette relatifs à la zone considérée. Pour bien faire comprendre le fonctionnement de ce modèle, il faut distinguer la valeur de ces quotients à la date de départ (à la date terminale de la période de référence) et celle pendant toute la période de projection (« valeurs courantes »), notamment pour ce que l’Insee appelle le scénario central, même s’il y a des variantes possibles. Omphale n’est pas un modèle de flux, mais un modèle simple : il se fonde sur l’idée que, si vous avez initialement 100 personnes âgées avec un coefficient migratoire qui en rajoute 10, le jour où elles seront 200, le coefficient migratoire en rajoutera 20. Et, puisque le coefficient choisi dans cet exemple est positif, c’est la zone d’arrivée qui compte ; il y a un effet de proportionnalité. Puisque ce n’est pas un modèle de flux, il n’existe aucun effet qui vérifierait la cohérence de ces flux sur l’ensemble des zones. Omphale est un modèle qui projette les quotients migratoires et, donc, projette les effets de solde d’arrivées proportionnellement aux masses là où elles se trouvent ; c’est manifestement son point le plus faible.
46
Cf. Rochas, Jean-Edouard, « Une question délicate : quel est le niveau réel de l’indice de fécondité en France », Population & Avenir, n° 677, mars-avril 2006. 47 Outil méthodologique de projection d'habitants, d'actifs, de logements et d'élèves.
70
Populations et territoires de France en 2030
La formule de base est simple : pour une zone z donnée, une année a, un sexe s et une classe d’âge annuel i donnés, on fait le pas d’un an en appliquant la formule : P(z,a+1,s,i+1) = P(z,a,s,i) x ((1-QD(z,a,s,i)).(1+QM(z,a,s,i)) (QD = quotients de mortalité et QM = quotients migratoires) Cela permet de reconstituer une population à tous les âges annuels pour les deux sexes, pour l’année suivante, pour la zone considérée, et de progresser ainsi d’année en année. À cela s’ajoute un calcul analogue annuel des naissances, avec des quotients de fécondité sur les femmes. Mais ce sont les quotients de migration qui sont le cœur du modèle. En effet, ils constituent une composante qui est, au niveau régional, plus importante en valeur relative qu’au niveau national. L’un des points les plus délicats est de parvenir à produire des quotients par sexe et âge annuels de migration relatifs à la zone donnée. Ils sont obtenus en comparant les pyramides des âges de la zone aux deux dates extrêmes de la période de référence, en tenant compte de la mortalité. Si l’on prend par exemple une projection régionale, nous avons une pyramide par âge détaillé en 1982 et une autre en 1999. En comparant génération par génération et en prenant en compte la mortalité qui frappe les générations de départ, on obtient une espèce de solde migratoire apparent 1982-1999, génération par génération. Le modèle, avec une hypothèse de transformation du longitudinal en transversal, transforme cette information en un quotient migratoire annuel de départ pour la région. Selon le principe d’Omphale, l’Insee tient donc compte du profil migratoire du territoire entre la date de départ et la date de fin de la période de référence, en ramenant à un an ce qui était sur 9 ou 17 ans. Ceci est effectué en tenant compte de l’information disponible sur les cent générations. Donc, sous certaines hypothèses, qui sont des hypothèses de constance de ce qui se passe à chaque âge au cours de la période de référence, cela permet de calculer des quotients annuels. Ces quotients étant extrêmement « chahutés », ils font l’objet de lissages afin de ne pas reproduire le « chahut » dans les années de projection, ce qui constitue aussi l’une des principales difficultés d’élaboration du modèle. Pour les quotients courants, dans la projection centrale, on maintient les quotients déduits de ce qui a été observé dans la période de référence. On réalise aussi, assez souvent, une variante « migrations nulles » qui ne possède aucune vraisemblance, mais dont l’intérêt consiste à permettre, par différence avec l’hypothèse centrale, par exemple, d’estimer le poids des
Les projections démographiques courantes et leurs limites
71
migrations. En effet, ce poids est difficile à évaluer puisqu’il est cumulatif : les migrations d’une année font évoluer les naissances et les décès des années ultérieures. Le fait de calculer sur toute la période un scénario sans migration permet donc d’évaluer cet effet. b)
L’influence des migrations avec l’exemple de trois régions
Considérons d’abord la région Île-de-France : les quotients migratoires y sont extrêmement positifs entre 10 et 29 ans, nettement négatifs entre 30 et 49 ans et fortement négatifs entre 50 et 59 ans, ce qui correspond aux départs assez massifs hors de la région lors du passage à la retraite, avant de revenir aux alentours de zéro aux âges extrêmement élevés. Quant aux enfants de moins de 10 ans, ils se trouvent dans les quotients entraînés par les adultes. La courbe des comportements migratoires de la Bretagne est à peu près l’inverse de celle de l’Île-de-France : on y assiste à l’arrivée de jeunes ménages, entre 30 et 49 ans, souvent accompagnés d’enfants, et donc aussi entre 0 et 9 ans. Les quotients sont par contre fortement négatifs entre 18 et 35 ans48, s’expliquant essentiellement par la migration des jeunes diplômés ; ils sont les plus positifs à l’âge de la retraite, entre 50 et 69 ans. Enfin, le Nord-Pas-de-Calais présente des quotients uniformément négatifs, mais faibles en valeur absolue. Cette région se caractérise par une immigration et une émigration faibles. Les mouvements y sont donc moins marqués que dans d’autres régions, y compris périphériques, comme elle. c)
La dysharmonie entre projection régionale et nationale avec l’exemple de Provence-Alpes-Côte-d’Azur
• Les hypothèses retenues et les difficultés rencontrées Pour la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA), l’Insee a adopté l’hypothèse nationale de fécondité de 1,8 enfant par femme, et une hypothèse de décroissance tendancielle pour la mortalité. Mais, pour le solde migratoire, l’hypothèse en PACA est spécifique, car les scénarios nationaux posaient de sérieux problèmes : la tendance 1982-1990 paraissait totalement invraisemblable aux services Insee de la région PACA car les migrations ont beaucoup baissé dans la région durant cette période, puis pendant la période 1990-1999.
48
Octant, n° 104, Insee Bretagne, janvier 2006.
72
Populations et territoires de France en 2030
Prendre la moyenne 1982-1999 ne paraissait donc pas souhaitable. Prendre la tendance 1990-1999 paraît plus opportun en global, mais, dans la répartition spatiale, suscite des interrogations, notamment parce que la période 1990-1999 a été assez particulière dans les Alpes-Maritimes, avec des basses eaux démographiques. Or on sait que, au début du XXIe siècle, se constate une remontée. En fin de compte, l’Insee PACA a retenu deux scénarios : − un scénario de baisse des migrations, scénario relativement bas où l’on prolonge la baisse observée des soldes migratoires de la région ; − un scénario dit « tendanciel rééquilibré » qui se veut un scénario alternatif, mais non en ce qui concerne la répartition spatiale. • Les résultats selon les deux scénarios Pour la population totale, la projection présentée sur la figure 2.29 montre, à partir de l’existant, le scénario de baisse des migrations et le scénario dit « tendanciel rééquilibré ». Figure 2.26 ⎯ Projections de population totale en région Provence-Alpes-Côted’Azur selon deux hypothèses migratoires
Concernant les soldes migratoires annuels, toujours selon les deux scénarios, sur la figure 2.30, les barres en noir sont le rétrospectif, c’est-àdire les intervalles intercensitaires précédents, avec les soldes migratoires exprimés en moyenne annuelle, puisque ces intervalles intercensitaires n’ont pas la même durée. Le scénario 1999-2030 de baisse des migrations et le scénario 1999-2030 tendanciel rééquilibré apparaissent en plus clairs.
Les projections démographiques courantes et leurs limites
73
La décroissance du solde migratoire semble une tendance lourde illustrant le déclassement structurel de la région PACA. Cette région s’est trouvée depuis assez longtemps en tête des régions françaises pour les soldes migratoires. Puis elle a vu son attractivité reculer au fil des années au bénéfice, dans un premier temps, du Languedoc-Roussillon et de MidiPyrénées et ensuite, d’autres régions du Sud-Ouest. En 1997-1998, encore, l’Académie de Nice, comprenant le Var et les Alpes-Maritimes, avait les plus fort taux d’accroissement de population scolaire de toute la France. Figure 2.27 ⎯ Évolution et projection des soldes migratoires en région PACA Moyenne annuelle 45 000 40 000 35 000 30 000 25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 0
Cet exemple de PACA montre que les scénarios nationaux de l’Insee sont délicats à appliquer à l’échelle régionale. Et l’on ne peut plus se caler sur un total national, dès qu’on utilise pour des régions un scénario spécifique avec des arguments spécifiques.
74
Populations et territoires de France en 2030 d)
Les projections régionales de population 2030 selon le scénario central
• Les évolutions disparates des populations et du vieillissement Le scénario central des projections régionales 2030, sur fond d’un accroissement de la population de la France métropolitaine de 9 % entre 2000 et 2030, établit que : − 7 régions verraient leur population baisser : Lorraine (-10 %), Auvergne, Champagne-Ardenne, Limousin (-8 %), Bourgogne, FrancheComté et Nord-Pas-de-Calais (-3 %) ; − les croissances maximales s’observeraient en LanguedocRoussillon (34 %), PACA (21 %), Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées (16 %). En ce qui concerne le vieillissement, une des questions consiste à se demander si les contrastes interrégionaux se resserreront ou augmenteront. Toujours sur la période 2030, on observerait : − pour la France métropolitaine, +5,6 ans d’âge moyen, +10,5 points de part des 60 ans ou plus (de 20,6 % à 31,1 %) ; − pour les régions, un vieillissement partout dans une fourchette entre +7 à +13 points de la part des 60 ans ou plus ; +7 en Île-de-France, +13 en Auvergne, Basse-Normandie, Bourgogne, Champagne-Ardenne, FrancheComté, Lorraine, Pays de la Loire et Poitou-Charentes. Donc, les contrastes régionaux de vieillissement augmenteraient dans l’ensemble. • L’accentuation des contrastes d’âge moyen et leurs causes Considérons les régions en 4 catégories selon, en abscisse, leur âge moyen au 1er janvier 2000 et, en ordonnée, l’accroissement de l’âge moyen dans la projection centrale entre 2000 et 2030. En 2000, l’Île-de-France est la région qui, avec le Nord-Pas-de-Calais, a l’âge moyen le plus faible (36 ans). Et c’est celle aussi qui aurait l’accroissement 2000-2030 de l’âge moyen le plus faible (moins de 4 ans). À l’opposé, des régions comme Poitou-Charentes ou l’Auvergne, parmi celles ayant l’âge moyen le plus élevé en 2000 (41 ans) pourraient connaître une augmentation des plus fortes (7 ans). Il y a donc, grosso modo, une augmentation de la dispersion. Bien sûr, les régions (situées dans les deux autres quadrants) contrarient cette affirmation, notamment les régions méridionales qui ont en 2000 un âge moyen fort mais dont l’accroissement serait assez faible ou, à l’inverse, les régions du Nord et de l’Est dont l’âge moyen est faible en 2000, mais qui pourraient connaître un fort accroissement d’ici 2030.
Les projections démographiques courantes et leurs limites
75
Car il existe deux effets, un effet migratoire et un effet de structure de départ, qui ne jouent pas toujours dans le même sens. Pour l’Île-de-France, ce rajeunissement est accentué par les hypothèses migratoires retenues (migrations de la période 1982-1999) qui supposent à la fois le maintien d’un départ relativement important des Franciliens au moment du passage à l’âge de la retraite (alors que l’intensité de ces départs a jusqu’à présent eu tendance à diminuer au fil des recensements49), des arrivées nettes de jeunes adultes à un niveau supérieur à celui observé depuis le début des années 1990 et à l’inverse des départs nets de familles avec enfants inférieurs à ceux observés depuis 1990. À l’opposé, certaines régions, comme PoitouCharentes, combinent l’accueil de personnes âgées à un vieillissement intrinsèque relativement fort. Figure 2.28 ⎯ Âge moyen par région de France métropolitaine au 1er janvier 2000 et évolution entre 2000 et 2030
En 2030, si les échanges migratoires constatés au cours des décennies 1980 et 1990 se poursuivent de la même manière (ce qui constitue pour certaines régions, comme l’Île-de-France ou PACA, une hypothèse plutôt
49
Laroche (Nadine), Louchart (Philippe), 2002, « Baisse de l’intensité des départs vers la province au moment de la retraite », Atlas des Franciliens, Tome 3, pp. 76, IAURIF-Insee.
76
Populations et territoires de France en 2030
contraire aux évolutions récentes), et si les tendances récentes en matière de fécondité et de mortalité se prolongent, la part des retraités varierait selon les régions de 23 % en Île-de-France à 40 % en Limousin. Le département du Cantal compterait la proportion la plus élevée de personnes âgées : près d’un habitant sur deux (47 %) y serait âgé de 60 ans ou plus. L’impact des migrations internes est donc décisif sur l’accroissement des contrastes de vieillissement dans les projections régionales. Il suffit, pour s’en persuader, de regarder l’impact quantitatif des scénarios sans migrations. Même s’ils n’ont aucune vraisemblance ni validité en tant que tels, ils permettent néanmoins d’apprécier l’importance du paramètre migration : dans le scénario « sans migration », la part des 60 ans ou plus serait supérieure de 8 points en Île-de-France, et inférieure de 3 ou 4 points dans l’Ouest, en Bourgogne et en Basse-Normandie. À l’inverse, il n’existe qu’un impact modéré des variantes de fécondité : les variantes étudiées modifient l’indicateur de fécondité de 0,3 enfant par femme en plus ou en moins, en 2015. Dans la variante haute, 5 régions perdent de la population d’ici 2030 au lieu de 7 (Bourgogne et Franche-Comté deviennent stables). Quant à l’impact sur la part des 60 ans ou plus, il est compris entre 1 et 2 points, à comparer aux 10 ou 11 points de croissance évoqués plus haut. e)
Les perspectives régionales du vieillissement de la population : entre deux extrémités
Des projections par région établies par l’Insee en 2001, cohérentes avec ces projections nationales, permettent de différencier les régions selon le rythme de leur accroissement de vieillissement et, donc, le niveau final de leur vieillissement. À la traditionnelle opposition Nord-Est « jeune »/Sud-Ouest « vieilli », se substituerait progressivement une opposition entre l’Île-deFrance et le reste de la métropole. L’Île-de-France est déjà en 2000 la région la plus jeune de France, mais l’écart avec le Nord-Pas-de-Calais est à peine supérieur à 2 points ; en 2030, selon ce scénario, l’Île-de-France serait de 5 points moins vieillie que le Nord-Pas-de-Calais, toujours deuxième. Du fait du jeu des migrations intérieures, les régions qui vieillissent le moins, en plus de l’Île-de-France, seraient trois régions du Midi de la France, relativement âgées au départ ; et celles qui vieillissent le plus seraient soit des régions déjà âgées du centre du pays, soit des régions relativement jeunes du Nord-Est. Il en résulterait un resserrement de l’éventail des pourcentages de population de 60 ans ou plus entre les régions, avec deux
Les projections démographiques courantes et leurs limites
77
exceptions opposées : l’Île-de-France qui trancherait par sa jeunesse, le Massif Central où l’on compterait 38 % à 40 % de 60 ans ou plus50. Figure 2.29 ⎯ Évolution projetée (scénario central) de la population des 60 ans ou plus dans les régions de France métropolitaine À une extrémité : les régions À l’autre extrémité : les jeunes, ou celles qui régions âgées, ou celles qui vieillissent le moins vieillissent le plus Minimum 15,9 % : Île-deFrance 24 % à 28 % : Situation 2000 16 % à 19 % : HauteAquitaine, Auvergne, (part de la Normandie, Nord-Pas-deBourgogne, Corse, population Calais, Picardie, Alsace, Languedoc-Roussillon, Midide 60 ans ou plus Rhône Alpes Pyrénées, Poitou-Charentes en 2000, en %) 20 à 22 % : ChampagneMaximum 28,6 % : Ardenne, Franche-Comté, Limousin Lorraine, Pays de la Loire Minimum +7,3 : Île-de-France Évol. 2000-2030 Plus de 13 points : Auvergne, 8 à 10 points : Languedoc(accroissement de Bourgogne, ChampagneRoussillon, Midi-Pyrénées, cette part, en points Ardenne, Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d’Azur de pourcentage) Lorraine, Poitou-Charentes 10 à 11 points : Corse, NordPas-de-Calais, Rhône-Alpes Minimum 23,2 % : Île-deSituation 2030 Plus de 37 % : Bourgogne, France (part de la Auvergne, Poitou-Charentes 28 % à 31 % : Nord-Pas-depopulation de 60 Maximum 40 % : Limousin Calais, Rhône-Alpes, Alsace, ans ou plus en Picardie, Haute-Normandie 2030, en %)
f)
Les perspectives régionales de la gérontocroissance : des résultats différenciés
L’aspect « gérontocroissance » donne des résultats bien différents. Sur les 7,8 millions d’accroissement du nombre des personnes de 60 ans ou plus 50
Des simulations plus fines sur le plan géographique montreraient en fait une exacerbation des différences entre les espaces métropolitains et les autres, ce que les simulations régionales ne permettent pas d’apprécier, l’Île-de-France étant la seule région française à former une région économique intégrée organisée autour d’une métropole mondiale, dont le périmètre déborde sensiblement ses limites administratives. Cf. Dominique Lecomte, « Comparer les métropoles européennes dans les limites des régions administratives », Atlas des Franciliens, Tome 1, p. 18, IAURIF, Insee, 2000.
78
Populations et territoires de France en 2030
entre 2000 et 2030 en France métropolitaine, l’Île-de-France en recueillerait plus de 1 million, soit une augmentation de 60 % du nombre de ses 60 ans ou plus ; Rhône-Alpes en recueillerait 840.000 (+76 %) ; le Limousin accueillerait seulement 59.000 personnes de 60 ans ou plus supplémentaires (+30 %). Les croissances absolues les plus fortes sont à attendre dans les régions ou les départements densément peuplés, avec toutes les conséquences que cela comporte en termes de services et d’équipements. Figure 2.30 ⎯ Personnes de 60 ans en plus en 2030 en France métropolitaine (part en %). Source : Insee, projections 2030 (à la suite du recensement de la population 1999)
Les données démographiques récentes ne permettent pas de déceler d’inflexion significative par rapport à ces tendances annoncées : elles sont encore affectées d’une forte marge d’imprécision due aux enquêtes de recensement par sondage. Et, surtout, nous sommes entrés seulement en
Les projections démographiques courantes et leurs limites
79
2005 dans la période de vieillissement rapide de la France, au sens donné à ce mot ici. Figure 2.31 ⎯ Personnes de 60 ans en plus en 2030 en France métropolitaine (évolution 2000-2030 en nombre). Source : Insee, projections 2030 (à la suite du recensement de la population 1999)
Les projections régionales et départementales sont infiniment plus fragiles que la projection nationale, car les comportements de changement de domicile à l’intérieur du territoire métropolitain peuvent évoluer plus vite et plus fort que la fécondité ou la mortalité ; or la composante « migrations internes » est déterminante pour comprendre le plus ou moins fort vieillissement d’une région à l’horizon 2030. En particulier, les choix que feront dans les prochaines années les personnes nées pendant les « vingt glorieuses » des années 1945-1965 pour leur domicile de retraite pèseront lourd dans la démographie des régions françaises. La tendance au vieillissement démographique est une tendance lourde, sur laquelle toutes les projections de population montrent que, à l’horizon
80
Populations et territoires de France en 2030
2030, on peut effectivement connaître des variations sur le niveau, mais non sur la tendance au vieillissement proprement dite. En revanche, vieillissement démographique – vers 2030, on aurait environ 30 % (+ ou - 4 ou 5 points selon les scénarios) de 60 ans ou plus – et gérontocroissance n’ont pas les mêmes conséquences en termes de financements, retraites, santé ; c’est surtout en termes d’effectifs que les scénarios présentent des différences importantes. Si l’on convertit en places de maisons de retraite, en logements, ce n’est pas la même chose d’avoir un rapport de vieillissement de 24 % ou du 25 %, avec 15 millions de 60 ans ou plus, ou d’avoir un rapport de 30 % avec 13 ou 14 millions de 60 ans ou plus. 1.4 Les projections de population active : un retournement annoncé En ce qui concerne les projections d’actifs à l’horizon 201551, considérons quelques résultats nationaux de long terme provenant d’une projection par zone d’emploi, avec scénario central et variantes sur l’activité féminine et sur l’activité des 55-59 ans. Il convient de préciser que ces projections de population active ne préjugent pas des taux d’activité occupée. Figure 2.32 ⎯ Population active observée et projetée en France métropolitaine
51
« Les projections de population active 2003-2050 », Insee Résultats, Société, n° 13, juillet 2003.
Les projections démographiques courantes et leurs limites a)
81
La projection nationale de population active selon le scénario central
La projection tendancielle nationale de la population active au sens du BIT présente un retournement vers 2007-2008. b)
Les perspectives régionales de population active : la diffusion de la baisse
La deuxième phase, de 2006 à 2015 permet d’observer une généralisation du recul de la population active. Seules demeurent quelques zones de croissance de la population active. La baisse de population active résulte de l’effet démographique général et de celui des migrations. Dans les zones d’emploi des grandes villes, le premier effet est fort, mais le second joue en sens inverse, les migrations permettant de maintenir une croissance de la population active jusque vers les années 2010-2015. Dans les autres zones d’emploi, les deux effets jouent dans le même sens, à la baisse. Figure 2.33 ⎯ Évolution de la population active projetée de 2006 à 2015 en France métropolitaine (scénario I)
c)
Les perspectives pour la population active selon les scénarios
La population d’âge actif culmine en 2011 dans toutes les hypothèses.
82
Populations et territoires de France en 2030
Afin d’examiner l’indice de dépendance des 60 ans et plus sur les 2059 ans, il convient préalablement de constater les projections concernant la population des 60 ans ou plus. Quelles que soient les hypothèses retenues, même très ouvertes en termes de fécondité ou de migrations, la population âgée croît très fortement. Selon l’indice de dépendance des 60 ans ou plus sur les 20-59 ans, compte tenu des projections moyennes réalisées en Europe, l’Espagne et l’Italie se trouveraient dans une situation plus défavorable que la France ou l’Allemagne. Seul le Royaume-Uni semble pouvoir faire un peu mieux, car il devrait connaître à la fois des migrations un peu plus fortes et un calendrier de la mortalité un peu moins tardif. Figure 2.34 ⎯ Nombre de personnes de 60 ans ou plus pour mille personnes de 20 à 59 ans 895 855 815 775 735 695 655 615 575 535 495 455 415 375 2000
2005
2010
France
2015
2020
Allemagne
2025
2030
Royaume Uni
2035
2040
italie
2045
2050
espagne
Ce qui précède concerne la population d’âge actif, notion qui doit évidemment être complétée par les questions de population active, de population active occupée, de population active potentielle (comprenant des personnes non présentes sur le marché du travail) et de taux d’emploi, variables selon les territoires. La question qui se pose en France est davantage celle de l’amélioration des taux d’emploi que celle de l’évolution quantitative de la population d’âge actif52.
52
Dumont, Gérard-François, Zaninetti, Jean-Marc « Perspectives démographiques de la France et de l’Europe à l’horizon 2030 : analyse économique », in : Pavy, Béatrice, Faire face au vieillissement démographique et à la stagnation démographique : une responsabilité politique d'aujourd'hui, Rapport d'information n° 2831, Assemblée nationale, Documents d'information, Paris, mars 2006.
Les projections démographiques courantes et leurs limites
83
1.5 Les projections concernant les ménages et la question du nombre de logements a)
La méthode suivie
La méthode53 est démographique dans la mesure où elle s’appuie sur une projection démographique54 : à partir d’une pyramide, l’Insee suppose que, selon leur sexe et leur âge, les individus adoptent des modes de cohabitation dans des proportions qui évoluent au cours du temps. La prise en compte de l’environnement économique est implicite. En effet, comme la projection est tendancielle, cela signifie que, en matière économique, elle suppose implicitement que le revenu des ménages et, plus généralement, l’environnement économique, vont également évoluer de manière tendancielle. La méthode ne prend donc pas en compte ni un éventuel déséquilibre initial ni des besoins non satisfaits. Des personnes ont un logement à la date initiale de la projection t = 0 ⎯ ici, 1999, en l’occurrence ; on observe qu’il y a aussi des personnes qui ne sont pas logées, des sans-abri, tandis que d’autres sont hébergées par des proches, parents ou amis. La méthode suppose donc, que, à l’avenir, d’autres personnes continueront d’être hébergées ainsi et d’autres resteront à la rue. C’est une approche tendancielle. Les travaux sur les projections de ménages et la demande potentielle de logement se fondent sur les données du recensement de 1999, et s’articulent sur la projection de population réalisée par le département de la démographie de l’Insee. Il s’agit d’une problématique démographique et sociologique, étudiant l’impact sur la demande en logement de : − la croissance et du vieillissement de la population. Pour cela, on part des hypothèses de pyramide des âges de la projection de population, en examinant ce que cela va impliquer en termes de nombre de ménages ; − « l’effritement » des modes traditionnels de cohabitation. Il s’agit, pour résumer, de la désaffection pour la vie en couple.
53
Dekneudt J., Jacquot A., Macrakis B., « Projections des ménages pour la France métropolitaine, ses régions et ses départements (horizon 2030) », Insee Résultats, n° 19, 2003 ; Jacquot A., « Vieillissement de la population et demande potentielle de logements », L'Observateur de l'Immobilier, n ° 56-57, pages 2-12, 2003. 54 Mais on applique des taux de personnes de référence du ménage aux effectifs par sexe, taux qui évoluent tendanciellement, selon la variation des modes de cohabitation, ce qui relève de la sociologie.
84
Populations et territoires de France en 2030
Figure 2.35 ⎯ Taille moyenne des ménages auxquels les individus appartiennent selon leur âge en France métropolitaine 5,00 4,50 4,00 3,50 3,00 2,50 2,00
Hommes
95 10 0
85 90
70 75 80
60 65
50 55
40 45
30 35
20 25
5 10 15
0
1,50
Femmes
Les effectifs de personnes par ménage dépendant beaucoup de l’âge. Les ménages de personnes âgées regroupent un nombre plus réduit de personnes que les autres. À 10 ou 15 ans, on vit dans un ménage comportant en moyenne 4,4 personnes (soi-même + 3,4 autres personnes). À 30 ans, la taille des ménages est moindre (2,6 personnes en moyenne), puis l’effet de la présence des enfants est maximum à la quarantaine, la taille moyenne des ménages s’élevant alors à 3,6 personnes. Après, cette taille décroît régulièrement jusqu’en fin de vie parce que les enfants quittent d’abord le foyer ; puis les personnes âgées sont frappées par le veuvage. L’interprétation des différences par sexe est assez obvie : aux âges élevés, le veuvage est plus fréquent chez les femmes ; la légère remontée après 90 ans peut être due à des effets de sélection ou d’appariement. Ces données illustrent la mesure des comportements par un pur effet de structure. On pourrait objecter qu’il s’agit d’une moyenne et que ce sont les écarts à la moyenne qui vont faire les suppléments de demandes de logements : à trente ans, par exemple, le nombre moyen de personnes par ménage est de 2,6, mais les écarts à la moyenne sont certainement plus importants qu’ils ne le sont à 50 ou, a fortiori, à 75 ans. Or, on peut très bien imaginer qu’à 30 ans, on ait soit des ménages de 4 personnes (couples mariés avec deux enfants) soit des ménages d’une personne. Compte tenu du nombre, selon qu’on est sur une hypothèse ou une autre, la demande de logement peut être très différente. Mais, en fait, la méthode consiste à simuler le mode de cohabitation et non à appliquer directement cette moyenne en procédant en deux temps.
Les projections démographiques courantes et leurs limites
85
Dans une première étape, on ventile la population, au départ répartie par sexe et âge, par mode de cohabitation, en distinguant les personnes hors ménage ordinaire, les personnes en couple, les adultes à la tête d’une famille monoparentale, les enfants et les autres personnes dans un ménage de plusieurs familles, et les personnes seules. Il serait possible d’affiner en distinguant au sein des couples ceux qui ont des enfants dans le ménage de ceux qui n’en ont pas. b)
Ménages et comportements de vie en famille
En ce qui concerne les comportements de cohabitation, ils ont beaucoup évolué depuis les années 1970 et même depuis un siècle et demi. La désaffection pour la vie en couple va croissante, notamment aux âges intermédiaires du cycle de vie, puisque le divorce et les séparations, dans les couples non mariés, progressent. L’indicateur de divortialité, qui était de 33 % au début des années 1990, avoisine 45 % : ce n’est plus un mariage sur trois qui aboutit à un divorce, mais près d’un sur deux. L’indicateur de divortialité qui stagnait est en augmentation ces dernières années, mais comment l’interpréter ? Cette augmentation peut être liée, d’une part, à des personnes qui se sont hâtées de divorcer sous l’emprise de l’ancienne réglementation et, d’autre part, à des personnes qui ont trouvé un effet d’aubaine à divorcer dès le début de la nouvelle réglementation. Cela étant, si on observe ce qui se passe dans les cohortes de mariages, on arrive bien à environ deux sur cinq. Mais il faut rester prudent dans l’interprétation de ces 45 %. De même, on a vu une poussée de l’indicateur de divortialité en Suisse lorsque la législation sur le divorce y a été modifiée. Néanmoins, l’idée des chercheurs de l’Insee, au début des années 1990, selon laquelle les 33 % de divorces étaient déjà beaucoup et qu’on ne pouvait guère monter plus haut, était erronée. Elle l’était aussi bien dans le temps, avec la progression observée dans les années 1990, que dans l’espace, en comparant avec d’autres pays européens ou développés qui ont des indicateurs de divortialité plus élevés : États-Unis (> 50 %), Suède, Allemagne ou Royaume-Uni (entre 40 et 45 %), même si le passage de la Suisse au-dessus de 50 % n’est sans doute que passager. La France conserve donc une "marge de progression". Les jeunes quittent le domicile des parents à peu près au même âge : l’âge médian de décohabitation, qui est de 23 ans, est demeuré stable depuis
86
Populations et territoires de France en 2030
les années 1990. Il existe cependant des différences notables55. En effet, les jeunes quittent le domicile parental de moins en moins fréquemment pour se mettre en couple, et de plus en plus pour vivre d’abord une période, au moins transitoire, de solitude, ce qui influe naturellement sur la taille des ménages. En outre – et cela est important en matière de logement – la prise d’un premier logement n’est pas financièrement autonome, mais de plus en plus fréquemment aidée par les parents. Cela est lié à la progression du nombre des étudiants dans les années 1990, comme aux aides personnelles au logement qui ont permis aux étudiants ou à leurs familles de bénéficier d’une aide financière. Du côté des personnes âgées, il y a de moins en moins de cohabitation entre ascendants sous le même toit. Quant au départ en institution, il ne joue pas massivement sur la projection parce qu’il s’effectue en général à un âge assez avancé, lorsque de gros problèmes de santé se posent, au-delà de 75 ou 80 ans. Les premières générations du baby boom étant nées à compter de 1946, elles arriveront à 75 ans aux alentours de 2020. Cela n’a donc pas d’effet massif sur la projection. Il est délicat de prévoir l’évolution des comportements de cohabitation des individus. Il y a probablement encore une marge de progression pour la solitude, pour des dissolutions de couples plus fréquentes et pour une désaffection à l’égard de la vie en couple en général. Il semble en effet exister des "coûts de promiscuité", des coûts spécifiquement générés par la vie à deux, même si la cohabitation présente aussi des avantages économiques, notamment des économies d’échelle, sans parler des avantages affectifs. Avec la progression du revenu des ménages, les individus semblent davantage disposés à payer pour vivre seuls et ne pas subir des coûts de promiscuité. Il semble pourtant que les économies d’échelle liées à la mise en couple ou à la présence d’enfants soient plus importantes aujourd’hui que par le passé. Parmi les échelles d’équivalence utilisées dans les années 1970-1980, et jusqu’au milieu des années 1990, l’échelle d’Oxford prédominait pour l’essentiel. Elle attribuait une unité de consommation à la première personne, 0,7 aux adultes suivants et 0,5 aux enfants. Les ré-estimations d’échelle d’équivalence sur l’enquête budget des familles56 ont abouti à passer à 0,5 pour les adultes suivants et 0,3 pour les enfants, ce qui correspond à des économies d’échelle plus importantes, qui
55
Villeneuve-Gokalp (Catherine), 2001, « Les jeunes partent toujours au même âge de chez leurs parents », Économie et Statistique, n° 337-338, février. 56 Conduite par les chercheurs de l’Insee Lucile Olier et Jean-Michel Hourriez.
Les projections démographiques courantes et leurs limites
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traduisent en particulier le poids accru du logement dans le budget des ménages et le poids réduit des dépenses alimentaires. Mais en dépit de cela, les gens semblent disposés à payer pour ne pas avoir à subir ces « coûts de promiscuité ». C’est, d’un point de vue normatif, peut-être inquiétant, mais c’est une réalité. c)
24 % de ménages supplémentaires en 2030 selon le scénario central
En 1975, la France (métropole) compte 17,7 millions de ménages, 23,8 millions en 1999 et aux alentours de 25 millions en 2004. Le nombre de personnes par ménage, proche de 2,9 en 1975, chute à 2,40 en 1999 et pourrait passer à 2,1 en 2030, soit une baisse qui s’inscrit dans une tendance séculaire. En effet, dans l’étude réalisée en 195757 intitulée « Les conditions du logement depuis 100 ans », Lucienne Cahen montrait que, en 1850, le nombre de personnes par ménage était de 4,0 ; en 1954, soit un siècle plus tard, il était descendu à 3,0. Entre 1954 et 1975, ce nombre n’a guère évolué car le baby boom et la forte fécondité des Trente glorieuses ont induit un grand nombre de ménages de taille importante. Puis, de 1975 à 1999, par contre, la baisse s’est fortement accélérée. Figure 2.36 ⎯ Nombre de ménages supplémentaires en 2030 en France métropolitaine selon le scénario central
d)
1975
1999
2030
Nombre de ménages (en milliers)
17 745
23 808
29 522
Nombre de personnes par ménage
2,88
2,40
2,10
Nombre des ménages et composition par âge de la population
La projection centrale conduit à une croissance de près d’un quart du nombre des ménages entre 2000 et 2030. Cela s’explique d’abord par le fait que la population de la France va croître et vieillir. Il s’agit d’un effet mécanique de la pyramide des âges qui accroît le nombre de ménages.
57
Cahen Lucienne (1957), « L’évolution des conditions de logement depuis cent ans », Insee, Études et Conjoncture, n° 10-11.
88
Populations et territoires de France en 2030
Néanmoins, cette projection centrale est peut-être un plancher, à l’échelon de la France métropolitaine, si l’on considère les données les plus récentes. En effet, sur la période 1999-2004, la croissance du nombre de ménages apparaît plus forte et la baisse du nombre de personnes par ménage plus prononcée que celle du scénario central. Le nombre de personnes par ménage projeté à 2,1 selon la projection centrale en 2030, pourrait atteindre ce chiffre entre 2015 et 2020. La baisse du nombre de personnes par ménage s’est donc poursuivie à un rythme plus soutenu que celui de la projection centrale. En 2004, ce nombre serait de 2,30 ou 2,31 au lieu des 2,33 projetés. Cela ne fait qu’un écart de 1%, mais c’est en réalité considérable puisque, pour 25 millions de ménages, cela fait 250 000 ménages (soit à peu près 580 000 personnes). Figure 2.37 ⎯ Pyramide des âges en 1999 et les contours projetés de la pyramide en 2030 en France métropolitaine
hommes 1999
femmes 1999
hommes 2030
femmes 2030
Cette différence des nombres de personnes par ménage projeté et constaté doit se comprendre du fait même des mécanismes de projection. Ce n’est pas une erreur de prévision. La projection n’est qu’une prolongation de tendance où l’on détecte mal les inflexions du rythme de croissance ou de décroissance du nombre de personnes par ménage. Une partie de l’écart semble aussi due à la projection démographique qui a sous-estimé la croissance de la population en raison d’une sous-estimation initiale.
Les projections démographiques courantes et leurs limites e)
89
Les variantes par rapport au scénario central
Les variantes permettant de tester la sensibilité aux hypothèses sont les suivantes. Dans l’hypothèse de fécondité haute, fondée sur une remontée et une stabilisation de l’indice synthétique de fécondité (ISF) aux alentours de 2,1 enfants par femme, le nombre de ménages ne serait guère plus élevé que dans le scénario central. En effet, les enfants supplémentaires, y compris à l’horizon 2030, se trouveraient encore intégrés aux ménages des parents, et la baisse du nombre de personnes par ménage serait par conséquent plus faible (2,18). Figure 2.38 ⎯ Nombre de ménages et nombre de personnes par ménage en 2030 en France métropolitaine selon diverses hypothèses Nombre de ménages (en milliers)
Nombre de personnes par ménage
Scénario central
29 522
2,10
Fécondité haute
29 634
2,18
Fécondité basse
29 303
2,03
Mortalité haute
29 289
2,11
Mortalité basse
29 822
2,09
Pas d’évolution du comportement de cohabitation
28 713
2,16
Évolution soutenue du comportement de cohabitation
29 851
2,08
Selon l’hypothèse de fécondité basse, correspondant à une baisse progressive de la fécondité à 1,5 enfant par femme, l’effet sur le nombre des ménages n’est pas non plus considérable, mais il est plus marqué sur le nombre de personnes par ménage (2,03). Selon l’hypothèse de mortalité haute de ralentissement des gains d’espérance de vie, les tendances sont inverses de celles des hypothèses de fécondité : l’effet sur le nombre moyen de personnes par ménage est négligeable, tandis qu’il est plus substantiel sur le nombre de ménages. Concernant l’hypothèse alternative des projections de population sur le solde migratoire, passant de 50 000 à 100 000 par an, elle n’est pas examinée. En effet, quand on fait une projection sur le nombre des ménages,
90
Populations et territoires de France en 2030
il est difficile d’intégrer des évolutions du solde migratoire, les immigrés ayant des comportements de cohabitation assez différents de ceux de la population autochtone ou même de la population immigrée de plus longue date, en particulier à cause de comportements de fécondité assez différents. Par exemple, l’hypothèse selon laquelle, à chaque âge et pour chacun des deux sexes, les immigrés supplémentaires adopteraient les comportements de cohabitation des métropolitains ne va nullement de soi. Ce qui précède ne remet pas en cause l’enseignement fondamental, à savoir qu’il y a, dans toutes les hypothèses, une augmentation significative du nombre de ménages. Certes, l’hypothèse d’un solde migratoire à 100 000 (conforme à l’évolution récente) entraînerait encore une augmentation supplémentaire. Mais cela ne serait pas forcément proportionnel au doublement de l’hypothèse faite sur le solde car les nouveaux immigrants vont en général se retrouver, du fait de leurs revenus, en situation de suroccupation de leur logement, voire en foyers pour certains travailleurs et donc hors ménage ordinaire, ce qui aura un impact assez limité sur le nombre de ménages. Cela peut néanmoins poser des problèmes de logement liés aux conditions d’occupation de ces derniers, et parce qu’il faut évidemment trouver des places en foyer, mais cela ne pose pas le problème du logement dans les mêmes termes. L’hypothèse d’absence d’évolution des comportements de cohabitation signifie le maintien de ceux de 1999, traduits par le nombre de personnes par ménage selon l’âge, puisqu’on raisonne à âge donné. Donc, les personnes qui ont 40 ans en 2030 adopteraient le même comportement de cohabitation que celui des personnes qui avaient 40 ans en 1999. Même selon cette hypothèse, le nombre de personnes par ménage, en 2030, connaîtrait une baisse substantielle (2,16). Cela signifie que l’essentiel de la baisse projetée du nombre de personnes par ménage est due aux déformations de la pyramide des âges et non à l’évolution des modes de comportement de cohabitation à sexe et âge donnés. f)
Des logements moins peuplés, mais des besoins en logements plus grands
La France va donc avoir des ménages plus petits, mais néanmoins des besoins de logements plus grands, pour trois raisons. D’abord, la consommation d’espace habitable, ne serait-ce qu’en raison du départ des enfants, augmente généralement avec l’âge. Comme la France aura davantage de ménages seniors, les ménages occuperont probablement davantage de surface habitable.
Les projections démographiques courantes et leurs limites
91
Ce qui caractérise la France est le peu de pièces disponibles par personne : il arrive par exemple que deux enfants partagent la même chambre. Quand les enfants quittent le foyer, lorsque les parents arrivent à la cinquantaine, ceux-ci restent souvent dans la même demeure et l’espace disponible par tête s’accroît. Aux âges élevés, la différence entre hommes et femmes résulte directement du veuvage plus important des femmes. Figure 2.39 ⎯ Nombre de pièces par personne en 1999 selon l’âge, tous modèles de cohabitation confondus (France métropolitaine) 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0
10
20
30
40
Hommes
50
60
70
80
90
Femmes
Deuxièmement, il existe un effet mode de cohabitation. Quels que soient l’âge et le sexe, les personnes seules occupent un plus grand nombre de pièces par personne que les autres types de ménages. Comme, selon la projection de l’Insee, il y aurait de plus en plus de ménages de personnes seules, cela pourrait mécaniquement augmenter la consommation d’espace habitable. Troisièmement, à presque tous les âges, la consommation d’espace habitable s’accroît au cours du temps : cet accroissement de l’espace disponible pour les personnes seules se vérifie à tous les âges, à l’exception notable des jeunes ménages, qui n’ont pas aujourd’hui de logements plus spacieux que leurs devanciers, comme si ces générations avaient été affectées par une insertion sur le marché du travail beaucoup plus difficile que les générations précédentes. Concernant les personnes en ménage d’au moins deux personnes, il existe aussi une progression de l’espace habitable pour les jeunes. Ceux les plus touchés par les difficultés croissantes d’insertion sur le marché du travail sont les jeunes vivant seuls. On ne sait dans quel sens joue la causalité ⎯ si elle existe ⎯ mais c’est à relever.
92
Populations et territoires de France en 2030
Figure 2.40 ⎯ Nombre de pièces par personne en 1999 selon l’âge, hommes et femmes confondus (France métropolitaine) 4,0 3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
Enfants
En couple
Parents monoparentaux
En ménage, hors famille
Personnes seules
Figure 2.41 ⎯ Nombre de pièces par personne selon l’âge, personnes seules, en 1982, 1990 et 1999 (France métropolitaine) 4,0 3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 15
25
35
45 1982
55 1990
65
75
85
1999
Il est question ici du nombre de pièces, non de la taille des logements parce que, au recensement, on observe la surface en tranches. En fait, il y a à la fois une augmentation de la taille et du nombre des pièces puisque le phénomène s’observe dans les enquêtes logement. Évidemment, la mesure en nombre de pièces laisse un peu à désirer car il est évident qu’une pièce de 10 m² n’est pas une pièce de 20 m². Mais la mesure en termes de surface n’est pas parfaite non plus parce qu’il y a des économies d’échelle : un sanitaire dans un appartement suffit, une cuisine suffit. Il y a en effet des coûts fixes. En raisonnant en termes de surface par personne, on ne tient pas compte des tailles inégales des ménages qui font qu’un ménage d’une personne a de toute façon besoin d’une surface minimale avec douche,
Les projections démographiques courantes et leurs limites
93
sanitaire, coin cuisine, etc. Un ménage de deux personnes n’a pas besoin de deux fois cette surface minimum. Figure 2.42 ⎯ Nombre de pièces par personne selon l’âge, personnes en ménage d’au moins deux personnes, en 1982, 1990 et 1999 (France métropolitaine) 2,2 2,0 1,8 1,6 1,4 1,2 1,0 0,8 0
10
20
30 1982
40
50 1990
60
70
80
90
1999
Par ailleurs, on constate une différence significative entre les villes et leurs périphéries, ce qui peut avoir un sens dans le cadre d’une réflexion sur la construction puisque nous savons que l’habitat paraurbain est typiquement constitué de maisons individuelles. Ces dernières sont d’ailleurs de plus en plus grandes puisque les maisons construites en 1996 et 2002 ont une surface moyenne de 110 m². g)
La projection du nombre de ménages au niveau régional et ses variantes
Cet exercice de projections du nombre de ménages, décliné au niveau régional, donne les résultats liés à l’influence des migrations interrégionales, avec comme hypothèse une prolongation des flux migratoires observés entre 1982 et 1999. Ces flux se sont accomplis au bénéfice des régions du sud-est, pour l’essentiel (Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes et PACA), et, à un moindre degré, des régions de l’Arc Atlantique, et au détriment des régions de la « diagonale du vide ». Il faut noter que toutes les régions connaîtraient une progression du nombre de ménages, y compris celles qui perdraient de la population. Au niveau départemental, par contre, quelques départements verraient leur nombre de ménages décroître : Aveyron, Cantal, Allier, Haute-Marne et Creuse. Mais l’incertitude entourant cette projection au niveau régional est bien plus grande que celle entourant la projection nationale parce que,
94
Populations et territoires de France en 2030
comme précisé ci-dessus, les flux migratoires entre régions pèsent beaucoup plus qu’au niveau national. Figure 2.43 ⎯ Progression (en %) du nombre de ménages entre 1999 et 2030 par région de France métropolitaine
Par ailleurs, selon les hypothèses de projection, les différences de taille des ménages entre les régions sont supposées se résorber progressivement au cours du temps en convergeant vers des profils de cohabitation par sexe et âge de la moyenne métropolitaine. Néanmoins, comme ce n’est pas le cas quel que soit leur niveau de vieillissement, le scénario intègre l’effet différentiel du vieillissement. Donc, les régions du Sud-Est, par exemple, qui vieillissent beaucoup, auront, à l’horizon de la projection, un nombre moyen de personnes par ménage plus faible que les régions plus jeunes. En conclusion des projections des ménages pour 2030, trois enseignements fondamentaux doivent être retenus : − un quart de ménages en plus en 2030 ; − l’augmentation de la proportion des ménages plus âgés, liée au vieillissement général de la population ; − des logements moins peuplés, mais plus grands.
Les projections démographiques courantes et leurs limites
95
Quel est donc l’enjeu pour les politiques publiques ? D’abord, les projections n’expriment pas des besoins en logements. D’ailleurs, nombre d’économistes n’apprécient guère la notion de besoins, car ils sont a priori infinis, et se penchent plutôt sur les besoins solvables. Ensuite, il y a, implicitement, derrière cette projection, un fonctionnement des marchés, une offre et une demande, ce qui ne nécessite pas forcément une inflexion significative des politiques publiques, que ce soit en matière d’aides personnelles ou d’aide à la pierre, tout en ayant des conséquences sur les enveloppes financières de ces politiques. Par contre, l’enjeu est fort en matière d’aménagement du territoire, surtout aux niveaux géographiques plus fins. En effet, avec 25 ou 30 % de ménages en plus, il faut bien construire des logements sur les territoires français. C’est une question difficile en termes de politique publique et les ménages expriment leur propre préférence, avec des réticences à la densification comme à la construction dans des espaces non construits. En outre, se pose la question du comportement des collectivités locales qui peuvent freiner ou accélérer la production du foncier, limiter ou encourager la densification. Les projections courantes examinées ci-dessus fournissent des éclairages d’une grande importance et sont donc d’une utilité essentielle. Mais cela ne doit pas empêcher d’en mesurer les limites afin de nourrir le travail de prospective et aussi de la justifier. 2.
Les limites des projections démographiques courantes58
2.1 Des projections nationales « in vitro » réductrices d’incertitude a)
Les limites techniques des projections institutionnelles
Un des problèmes provient de ce que les projections se fondent sur des bases initiales imparfaites et incontestablement sous-évaluées pour certaines. • Des données parfois insuffisantes et délicates à manipuler En effet, en France, le problème de la disponibilité de certaines données se pose avec acuité. Le mouvement migratoire n’y est pas mesurable dans le détail : on l’estime de manière très approximative à partir des résultats de deux recensements successifs et des données d’état civil. Il s’agit donc d’estimations qui, étant par définition déjà floues au niveau national, sont encore plus sujettes à caution au niveau régional.
58
Cette partie a bénéficié tout particulièrement de l’apport d’Alain Parant.
96
Populations et territoires de France en 2030
Or la dynamique démographique des territoires est fondamentalement dépendante des phénomènes migratoires, de la mobilité résidentielle, et, plus accessoirement, de la fécondité, les différentiels de mortalité observés dans un pays comme la France n’induisant que de faibles écarts de dynamique démographique globale des territoires. Rappelons que l’exercice de projection est fortement conditionné par l’existence des données initiales. Et ces données sont difficilement comparables, par exemple entre la Belgique et la France. Car, en Belgique, comme dans d’autres pays européens, il y a des registres de population. En leur absence, en France, il y a un problème de sources statistiques. En outre, il faut éviter le formatage, notamment des données, tant au niveau français qu’au niveau européen : lorsque des données sont redistribuées par Eurostat, c’est forcément du formatage de masse, qui gomme tous les particularismes. Ce besoin de données qui remontent de la base vers le niveau européen est le même que celui, au niveau français, remontant des territoires les plus petits, les communes, vers les territoires les plus centraux. C’est aussi vrai pour la fécondité : celle des départements en France ne peut être évaluée que pour les années autour du recensement. • L’indépendance postulée des différentes hypothèses Outre les questions précisées ci-dessus, un autre problème posé par les travaux de projection est l’indépendance postulée des différentes hypothèses : on réalise une hypothèse sur les migrations, une hypothèse de mortalité et une hypothèse de fécondité comme si elles étaient indépendantes les unes des autres, comme si chacune d’elles était exogène et indépendante. À ces différentes limites techniques s’ajoutent des raisonnements sans doute trop prudents. b)
Le tendanciel entre le Charybde du récent et le Scylla de la longue durée
Dans le choix des hypothèses de projection, un premier risque est de ne considérer que les tendances récentes, de raisonner sur une (ou des) tendance(s) moyenne(s) constatées. Imaginons que, sur la fécondité, on étudie la France entière. En 1960, revenant sur les dix ans écoulés, on peut extrapoler et déduire que la France va avoir une fécondité qui va remonter jusqu’à celle du XVIIIe siècle ⎯ puisqu’elle est à la hausse. Au contraire, en 1970, on peut imaginer que la fécondité va replonger dans l’abîme. Enfin, en 1980, on peut aboutir à une prévision de stabilité. Quel scénario privilégier ?
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Un seul scénario est donc toujours insuffisant : il faut en faire plusieurs, au risque d’avoir une fausse lecture de l’avenir ou, en tout cas, une fausse idée de ce que pourrait être l’avenir. En conséquence, on extrapole souvent les tendances les plus récentes plutôt que des moyennes. Simplement, le présent étant par définition davantage source de changement que les données plus anciennes, tout l’avenir que l’on projette se trouve alors dans le présent que l’on observe. On risque ainsi d’extrapoler des événements récents qui ne seraient pas nécessairement durables parce que conjoncturels. Aussi, avec des projections qui se font sur les tendances récentes, est-il essentiel de se poser la question : « Si les choses continuaient comme elles ont l’air d’aller, où cela nous mènerait-il ? » La réponse à cette question doit permettre de comprendre où l’on ne peut pas aller parce que tel comportement projeté crée une situation non gérable ou peut aboutir à des situations absurdes. À l’inverse, un second risque dans le choix des hypothèses de projection consiste à omettre les tendances récentes et à se contenter d’une vision conservatrice qui consiste à prendre une évolution moyenne des 25-30 dernières années tout en faisant fi de ce qui s’est passé récemment, en prolongeant finalement des tendances qui ont un passé relativement long. Le risque est alors de manquer les tournants ou les ruptures possibles. Le choix du tendanciel long comporte une certaine dimension « autiste » dans la mesure où il ne prend notamment pas en compte l’influence de l’environnement international, de la conjoncture internationale, qui constituent des facteurs pouvant introduire des ruptures. Or, importent, au moins autant que la projection elle-même, les inflexions qu’elle est susceptible de faire apparaître. D’où l’intérêt de disposer éventuellement de deux projections pour lesquelles on a des jeux d’hypothèses qui correspondent à des tendances différentes et, finalement, à des prolongements de passés différents parce que cela permet de bien enrichir ce qui relève de l’inflexion et ce qui relève d’éléments qui ont une certaine solidité. Cela peut aussi enrichir des questions sur le pourquoi et sur le fait qu’il faut chercher des facteurs qui expliquent une évolution caractéristique d’une certaine période et qui ne sont pas susceptibles de se prolonger au-delà. Face à ce double risque du Charybde du récent et du Scylla de la longue durée, les projections de l’Insee sont inévitablement très classiques, il s’agit d’un phénomène assez général pour ce genre d’institution. En effet, que l’on prenne les projections de l’Insee, celles de la Division de la population de l’ONU ou celles de l’US Census Bureau, on constate que les
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instituts officiels ont des projections une conception « administrativement correcte ». Ils effectuent des projections au niveau régional en se basant sur des comportements d’une période antérieure longue, ce qui est une forme de prudence. Par exemple outre-Atlantique, pour les projections au niveau des États américains, le Census Bureau considère les profils de mobilité des années 1974-1999, donc sur 25 ans, prenant par exemple en compte les rushes des années 1980 vers la Californie. Mais ces rushes ont diminué de manière tout à fait significative dans les années 1990. Si l’on fait jouer les profils de mobilité par âge des années 1980, cela aboutit à projeter, pour l’avenir, des croissances soutenues pour la Californie. Mais si l’on ne considère que des périodes plus récentes, les projections pour la Californie aboutissent à des évolutions beaucoup plus modérées. C’est la même chose pour la France, pour les différents scénarios de projection de l’Insee, selon les périodes de référence prises pour les profils de mobilité. En choisissant 1982-1999, l’Île-de-France a des croissances plus soutenues. En considérant les profils de mobilité 1990-1999, l’enjeu, à l’horizon 2020, est de l’ordre de 300, 400 ou 500 000 personnes en moins pour la population de l’Île-de-France. Finalement, une des pistes permettant de naviguer éventuellement entre les deux gouffres consiste à essayer de poser les conditions à partir desquelles les projections sont un tant soit peu "probabilisables". En effet, il existe quand même des éléments objectifs d’analyse, et il faut se demander ce que nous apprend la période récente comme les précédentes. c)
Les variantes trop étroites des hypothèses tendancielles
• Fécondité, mortalité et migration Dans les projections de population, pour la France métropolitaine, élaborées par l’Insee sur la base du recensement de 1999, le spectre des futurs possibles, concernant les trois variables démographiques fondamentales pour toute projection que sont la fécondité, la mortalité et les migrations, est d’autant plus réduit que la dispersion des cheminements envisagés pour les trois variables est faible. Certes, ces projections se distinguent des précédentes (fondées sur le recensement de 1990), qui n’anticipaient qu’un seul cheminement pour deux des variables clés de la dynamique démographique : la mortalité et la migration internationale nette. Outre les trois mêmes futurs possibles de la fécondité, l’Insee a, en effet, imaginé deux variantes pour le solde migratoire (50 000 et 100 000 immigrants nets par an) et trois variantes d’allongement du calendrier de la mortalité.
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Sur ce dernier point prédomine l’idée que, demain, dans l’Hexagone, nous vivrons tous plus longtemps et en meilleure santé, au sein d’une population dont le renouvellement, par la base et par apport extérieur, sera beaucoup plus régulier, à défaut d’être complet. Pourtant, si les niveaux de vie baissaient, on arriverait à une augmentation du nombre de décès. Or il semble que l’on parte du principe que les niveaux de vie ne peuvent qu’augmenter. Est-ce un mythe ? Il faut attendre de voir en 2030 s’ils ont vraiment augmenté. Si on se pose la question d’imaginer l’absence d’augmentation, quelles en seraient les premières victimes : les très jeunes ? Les vieux ? Des personnes ayant un accès limité aux soins ? De même, en posant que la fécondité pourrait, soit se maintenir cinquante ans durant au niveau de 1,8 enfant en moyenne par femme, soit évoluer progressivement vers les niveaux 1,5 ou 2,1 (des niveaux supposés être atteints vers 2015), l’Insee a fait un choix de futuribles démographiques auxquels correspondent des morphologies sociétales contrastées. Mais c’est un champ cependant réduit à sa plus stricte expression, notamment par la survalorisation de la variante centrale des projections ? En effet, cette dernière suppose implicitement que la société française pourra dégager tous les moyens — financiers, notamment — lui permettant tout à la fois de bénéficier d’une avancée continûment rapide contre la mort, d’attirer à elle tous les immigrants aptes à lui garantir un développement durablement harmonieux et de s’assurer d’une postérité démographique minimale. À l’inverse, on peut imaginer un niveau de fécondité qui, comme dans les années 1950, serait égal à celui ressortant des enquêtes sur le nombre idéal d’enfants. Jusqu’où imaginer des variantes possibles dans l’évolution des indicateurs donnés ? Par exemple, concernant l’espérance de vie, une hypothèse, au moins comme test de sensibilité, devrait être la suivante : mortalité constante. Dans ce cas, le constat entre l’impact différencié de la mortalité et de la fécondité change : en incluant une hypothèse de la mortalité constante, l’impact est probablement aussi important, sinon plus, que les hypothèses sur la fécondité. En entrant dans cette dynamique-là, il convient de proposer des analyses qui permettent de dire jusqu’où l’on peut étendre les bornes du possible. • L’attractivité excessive de l’hypothèse centrale Il résulte des hypothèses faites 18 variantes de projections possibles parmi lesquelles l’Insee en a privilégié six : la variante centrale (qui associe les hypothèses centrales des trois composantes) et les variantes qui diffèrent de cette variante centrale par l’hypothèse sur une seule composante.
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Il n’y a pas là l’effet - pervers - d’un choix essentiellement ternaire d’hypothèses. Mais le passage de 3 à 6 variantes de projections confine à une vraie fausse ouverture. En effet, la communication se focalise sur la variante centrale, et force est de constater qu’aucun des grands travaux de réflexion à long terme menés officiellement en France depuis 2000 (par exemple, la réforme des retraites de la fonction publique de 2003) ne s’est articulé sur une autre variante. D’où vient cette attractivité du jeu d’hypothèses central ? Au plan national, la sensibilité des résultats des hypothèses à l’horizon 2050 est plus grande pour la variation de la fécondité que pour la variation de la mortalité. Mais nous n’avons pas l’un contre l’autre, on a un mélange des deux et, là, les différences peuvent se compenser. Si la fécondité est à 1,5 ou à 2,1, cela donne, en 2050, 6 millions d’écart entre les deux projections ; mortalité basse ou mortalité haute, cela donne, en 2050, 3 millions d’écart. Mais la France aura-t-elle mortalité basse et fécondité haute ou l’inverse ? Selon les cas, des compensations interviennent ou non. D’où l’attractivité de l’hypothèse centrale : finalement ⎯ indépendamment du fait que l’on a des choix ternaires ⎯ c’est une structure médiane ; on insinue ainsi l’idée que le futur serait tissé de peu d’incertitude. Certes, cela peut se comprendre dans le cas français, car, en examinant l’évolution de la structure par sexe et par âge, à l’horizon de 50 ans, on a une très grande détermination du passé. Or, considérer que la fécondité va moins jouer que la mortalité dans le futur, c’est extrapoler ce que l’on a observé dans les années 1950 et 1960 en France, où le facteur essentiel du vieillissement démographique a été l’allongement de la durée de vie. En effet, la France connut à cette époque un renouveau démographique rajeunissant la population et des apports migratoires plus jeunes que l’âge moyen de la population. Donc, c’est l’allongement de la durée de vie qui a fait vieillir la population. Mais, d’ici 2050, le facteur premier du vieillissement démographique devrait être le poids de la fécondité passée, donc un vieillissement hérité59. Les effets du baby-boom gonflent le numérateur du rapport de vieillissement ⎯ le nombre de personnes âgées ⎯ tandis que le dénominateur ⎯ la population totale ⎯ évolue moins vite parce que la fécondité a baissé. La mortalité, quelle qu’elle soit, va forcément exercer des effets sur le vieillissement si l’on se trouve dans ces scénarios d’allongement de la durée de vie, puisque les réserves de survie sont dans les âges élevés, mais ne va
59
Selon la typologie de Gérard-François Dumont. Cf. Les territoires face au vieillissement, Paris, Ellipses, 2006.
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jouer que d’une façon secondaire. La sensibilité des projections aux changements d’hypothèses faits sur la fécondité est donc deux fois plus importante que leur sensibilité aux changements d’hypothèses sur la mortalité. Mais ce n’est pas l’un contre l’autre : c’est un mixte des deux. Le danger est de faire paraître la variante médiane pour la variante du juste milieu. Une autre difficulté se rencontre dans les projections territoriales : estimer le vieillissement futur des territoires et ses impacts paraît illusoire tant est grande, aujourd'hui, la capacité de mobilité résidentielle des nouvelles générations de seniors. • La population active et la prise en compte des flexions possibles dans les taux d’activité Dans une comparaison européenne, la France s’illustre par deux caractères singuliers60 : la très faible participation des jeunes sur le marché du travail, notamment du fait de la rareté du cumul emploi-formation en raison du manque d’emplois à temps partiel ; la très faible participation, également, des 55-64 ans au marché du travail, caractéristique que la France partage avec des pays méditerranéens. Il existe donc en France des marges de manœuvre en termes de participation au marché du travail, avec des effets de flexion pouvant se produire dans les années à venir, notamment sur les seniors. Ces effets pourraient contredire l’idée que, à terme, la population active va baisser, du moins à moyen terme61, donc d’ici 2020. L’Insee montre ainsi que la population active progresserait régulièrement jusqu’en 2020, et même audelà, si l’âge effectif de cessation d’activité était reculé de 5 ans (+2,724 millions d’actifs entre 2002 et 2020 dans ce scénario). Après 2025, l’effet démographique finit toujours par l’emporter en raison des effets de génération62. En conséquence, il convient de rester très prudent sur l’interprétation et la lecture des projections de population active. D’ailleurs, par rapport aux projections de l’Insee, celles données par The Bureau of Labor Statistics aux États-Unis, par le BIT au niveau mondial ou par l’OCDE au niveau européen, choisissent des hypothèses généralement plus larges. Ces institutions font preuve de davantage d’audace dans leurs hypothèses sur cet aspect-là. Tout se passe comme s’il existait en 60
Dumont, Gérard-François, Zaninetti, Jean-Marc « Perspectives démographiques de la France et de l’Europe à l’horizon 2030 : analyse économique », op. cit. 61 Démographiquement parlant. 62 Cf. Nauze-Fichet, Emmanuelle, Lerais, Frédéric, Lhermitte, Stéphane, « Les projections de population active 2003–2050 », Insee Résultats, Paris, 2003.
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France, non seulement une sorte de consensus sur le refus d’envisager l’allongement de la vie active dans l’hypothèse statistique, mais aussi un refus, peut-être prudent, d’envisager que des tendances lourdes se retournent brusquement. Une position fondamentalement prudente conduit à considérer avant tout que les tendances lourdes sont aussi des tendances stables. d)
Des projections tendancielles ne peuvent être prévisionnelles
• Des projections in vitro d’un intérêt limité pour l’action Les projections tendancielles ont, bien entendu, le mérite d’exister, et un intérêt pédagogique certain, contribuant à nourrir des réflexions. Si elles n’existaient pas, il faudrait bien sûr en réaliser. Néanmoins, très fortement déterminées par le présent, fondées sur des hypothèses largement convenues, ces projections de population pour la France, présentées ci-dessus, ne couvrent qu’une partie restreinte du champ des possibles et sont très loin de pousser à son paroxysme l’exploration — pourtant éminemment instructive — du futur. Elles sont donc faussement réductrices d’incertitude. En outre, ce sont de purs exercices de démographie in vitro, les variables clés étant considérées comme exogènes et non comme des soussystèmes complexes. Les hypothèses sont établies sans préoccupation des conditions de leur réalisation, et donc les projections ne relèvent pas d’une optique stratégique, ce qui limite leur utilité pour l’action. • Ignorez la possibilité de ruptures, elles reviennent au galop En outre, les limites à l’exercice des projections présentées peuvent être accrues par le fait que ces limites n’apparaissent pas reconnues. Or, à partir du moment où l’on explore le futur, il faut ouvrir au plus large le spectre des futurs possibles, pour chercher où peuvent se trouver les ruptures dans un champ donné et, éventuellement, à la rencontre de plusieurs champs, par exemple, l’économie et la démographie, le social et la technologie, éventuellement. Autrement dit, il ne faut pas craindre d’ouvrir les spectres d’investigation. Lorsque des projections ne vont pas chercher les ruptures, évidemment on n’en trouve pas. L’impression est que le futur sera effectivement celui décrit parce que, raisonnant sur du tendanciel, on évacue tout ce qui se rapporte à des ruptures. Or, pour faire de la prospective, il faut intégrer des ruptures, par exemple, des ruptures politiques. Ainsi les élus favorisant exclusivement l’économie résidentielle peuvent changer de politique s’ils s’aperçoivent qu’à un certain niveau, leur territoire entre dans la « déséconomie résidentielle ». D’autres phénomènes peuvent exercer une influence drastique. Émettre dans les années 1990 l’hypothèse d’un prix du
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baril de pétrole à 50 $ exposait à se faire traiter de « doux naïf ». La suite est connue… De même, pour la question du logement, plus particulièrement dans les territoires à marché immobilier tendu, il se pourrait que des héritiers ne puissent faire face aux droits de succession ; il se produirait alors des ruptures dans les coûts. Autre hypothèse, des personnes âgées pourraient, pour anticiper ou assumer les frais de leur dépendance, vendre massivement sur le marché immobilier. Autre possibilité, la vague du baby boom, qui contribue au vieillissement par le haut depuis 2006, pourrait présenter des comportements individuels et des valeurs différents de ceux des générations précédentes comme des suivantes, par exemple un attachement moindre au patrimoine immobilier, volontaire ou financièrement contraint. De même, sur la question des finances publiques, certaines collectivités connaîtront probablement une rupture compte tenu des phénomènes de dépendance des personnes âgées. Certains pensent que, après celle ayant instauré l’APA63, la loi sur le handicap, si souhaitable soit-elle, pourrait entraîner dans les départements 10 à 15 points d’impôts supplémentaires, hors phénomène de gérontocroissance et de vieillissement. 2.2 La méthode de projections territoriales : une « fabrique à malices » ? Pourquoi nommer la méthode de projections territoriales Omphale une « fabrique à malices » ? a)
Une méthode de projection par les stocks et non par les flux
Le travail de projection selon la méthode Omphale, si essentiel et indispensable qu’il soit, présente des limites, d’abord à cause de la méthode choisie, méthode de projection par les stocks et non par les flux, ce qui
63
Allocation personnalisée d’autonomie. Ce dispositif de prise en charge de la dépendance des personnes âgées en perte d’autonomie vise à leur permettre de bénéficier des aides nécessaires à l’accomplissement des actes de la vie courante. Fin septembre 2004, 837 000 personnes âgées dépendantes bénéficiaient de l’APA, dont 58 % vivant à domicile et 42 % en établissement. Gérée par les Conseils généraux, elle est financée conjointement par ceux-ci, par l’État et par les organismes de Sécurité sociale. Voir à ce sujet : http://www.premierministre.gouv.fr/IMG/pdf/APA.pdf.
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restreint forcément les perspectives possibles et la réflexion sur celles-ci64. L’Insee a d’ailleurs bien volontiers reconnu, lors des auditions pour ce rapport, qu’il est tenu d’avoir une démarche relativement prudente et ne peut donc pas prendre en compte toutes les éventuelles ruptures susceptibles de se produire. b)
Des indicateurs territoriaux assez grossiers
En outre, il y a des exigences à respecter dans le choix des indicateurs. Il n’est pas sûr du tout, par exemple, que l’indicateur du taux d’accroissement soit un bon indicateur de la vitalité démographique d’une région. Sans doute serait-il préférable de raisonner en termes de taux de renouvellement, qui s’obtient en plaçant au numérateur la somme des valeurs absolues des entrées (naissances plus immigrations) et des sorties (décès plus émigrations) et, au dénominateur, la population présente en début de période. De même, un taux brut de natalité ⎯ ou un taux brut de mortalité ⎯ surtout quand on élargit le spectre géographique, est un indicateur qui subit une influence des structures par âges. Si l’on ne s’affranchit pas de ces réalités, on va trouver qu’il est forcément plus faible dans une région vieillie ; en déduire des potentialités plus ou moins restreintes de migration serait risqué. c)
Le principal facteur des projections territoriales est difficilement mesurable
Modèle démographique classique par composantes, le modèle Omphale utilisé pour les projections territoriales (et donc notamment pour les régions et départements) a pour cœur des quotients de migration, puisque l’incidence du mouvement naturel au niveau infranational est marginale en regard de celle de la balance migratoire. À titre illustratif, les projections réalisées par l’Insee avec Omphale à l’horizon 2030, pour la région Languedoc-Roussillon, conduisent à un déclin de 2 % des effectifs totaux en l’absence de migrations. Mais, toutes choses égales par ailleurs (évolution tendancielle de la fécondité et de la mortalité), ce déclin fait place à une croissance de 36,2 % dans l’hypothèse d’une poursuite des mouvements migratoires observés entre les recensements de 1982 et 1999. Tout autant fondées sur le précédent, l’analogie et l’extrapolation peu ouverte que les projections établies au niveau national, celles issues d’Omphale souffrent des mêmes lacunes. Et, en outre, le principal
64
Par exemple, les immigrants arrivant sur un territoire sont rapportés non au potentiel de migration des territoires d’origine, mais aux effectifs existant auparavant sur le territoire de destination.
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combustible dont elles se nourrissent — les quotients migratoires — n’est pas le plus parfait qui soit. En démographie, il est une équation que d’aucuns tiennent pour fondamentale : Pt = Pt-i + (N-D)t,t-i + (I-E)t,t-i, Dans cette équation, Pt et Pt-i désignent les effectifs absolus de population aux dates t et t-i ; (N-D)t,t-i et (I-E)t,t-i symbolisent respectivement l’accroissement naturel et le solde migratoire entre les dates t et t-i. Fondamentale, cette équation l’est tout particulièrement en France parce qu’elle y est utilisée, compte tenu d’un état civil permettant de connaître le solde des naissances et des décès et de l’absence d’un système permanent de mesures des migrations, d’estimer, à partir des effectifs de population donnés par les recensements, les soldes migratoires intercensitaires. Or, cette façon d’évaluer les échanges de population entre un pays, ou une partie de celui-ci, et le reste du monde est très insatisfaisante notamment parce que toute l’incertitude associée aux dénombrements se retrouve obligatoirement dans le solde migratoire apparent. Elle dépend, en effet, de la qualité des dénombrements et de la variabilité de celle-ci dans le temps ; une amélioration de la couverture des recensements induirait, par exemple, une immigration fictive dans l’hypothèse d’une minoration initiale des effectifs. En outre, la connaissance — par nature, déjà discontinue ou en pointillé — revêt un flou qui grandit en relation inverse de la taille démographique des territoires étudiés. Et la fin des recensements classiques et leur remplacement (imposé aux démographes des collectivités territoriales) par le recensement dit « rénové » ne manque pas d’ajouter sa dose d’incertitude et d’illisibilité statistique65. d)
Le risque d’invalidité des hypothèses migratoires tendancielles aux échelles locales les plus fines
Concernant le flux migratoire externe de l’Hexagone, l’Insee a longtemps persisté à dire qu’il était de 50 000 par an alors que nombre d’indicateurs prouvaient le contraire66. Or, au niveau d’une région et, a 65
Chalard, Laurent, Dumont, Gérard-François, « Une méthode de correction des évolutions démographiques », Population et Avenir, n° 675, novembre-décembre 2005. 66 En janvier 2004, l’Insee a affiché un solde migratoire en baisse en 2003 par rapport à 2002. Puis en janvier 2005, il a révisé à la hausse ce solde migratoire 2003
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fortiori, d’un département, puis, au fur et à mesure qu’on descend à des échelles plus fines ⎯ par exemple au niveau communal ⎯ 80 voire 90 % de la variation démographique d’une zone dépend des migrations et guère du solde naturel. On ne peut donc se contenter, au risque d’aboutir à des erreurs impressionnantes, d’extrapoler avec des lignes droites les tendances migratoires pour faire de la prévision démographique à un niveau régional ou départemental. e)
Le tendanciel territorial n’est pas durable
Ce n’est pas, par exemple, parce qu’un territoire a enregistré un fort apport de population de jeunes adultes durant plusieurs années consécutives — expliqué, par exemple, par un fort développement d’activités industrielles ou de services, ou bien encore par la création d’un pôle résidentiel important — que son attrait est forcément pérenne, pour la population déjà présente (native et allochtone) comme pour celle susceptible de venir grossir ses rangs. L’afflux de population a pu, en effet, correspondre à des aménagements spécifiques67, saturer le territoire, ou le dénaturer, ou faire naître une trop vive spéculation foncière... Les possibilités d’emploi, sur le territoire même ou dans son environnement peu ou prou distant, peuvent ne plus pouvoir continuer au même rythme, ou se réduire en cas de difficultés économiques. La qualité de vie sur le territoire considéré peut être jugée, en cas d’urbanisation mal réalisée, moins attirante qu’auparavant. Par exemple, nombre de jeunes adultes ont migré en couple vers le Languedoc-Roussillon parce que, même s’il n’y en a qu’un qui travaille, il leur paraît plus intéressant de migrer : « la misère est moins pénible au soleil ». Ainsi l’Hérault est-il le département qui a créé le plus d’emplois sur la dernière période intercensitaire 1990-1999, mais aussi celui où le taux de chômage se maintient à l’un des niveaux les plus élevés de France ⎯ avec celui du Pas-de-Calais ⎯, où la population de RMIstes s’accroît rapidement et où les jeunes adultes en situation de pauvreté/précarité sont également très nombreux. Donc, est-ce que, parce qu’on a observé les tendances des années 1990, on est habilité à penser qu’on va durablement les observer d’ici 2030 ?
et même décidé, pour l’estimation de la population de la France métropolitaine au 1er janvier 2004, un ajustement migratoire de 135 000 pour la période 1999-2003, un ajustement statistique de 165 000 en janvier 2005, puis de 135 000 en janvier 2006. 67 Par exemple la réalisation d’un nouveau quartier, la construction d’un lotissement… ou la réalisation d’une centrale nucléaire, entraînant un flux d’actifs pendant quelques années puis une stabilisation.
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De même, ce n’est pas parce que le monde rural, en Limousin, semble avoir connu la croissance migratoire de 1990 à 1999 par apport de population retraitée, que cette tendance est pour autant pérenne à l’horizon 2030. Car le Limousin fait partie intégrante de la diagonale du vide (laquelle tend plutôt à s’élargir, au fil du temps, qu’à se resserrer) et constitue une zone au vieillissement démographique avancé. Le futur y est donc incertain et il faut examiner un large éventail des possibles, y compris une augmentation des taux d’accroissement migratoire qui proviendrait par exemple d’un apport accru des retraités ou de l’effet « Ryanair ». Autre exemple, ce n’est pas parce que la Lorraine a enregistré un déficit migratoire conséquent du recensement de 1975 à celui de 1999 que cette situation, fortement liée aux restructurations industrielles passées, va perdurer avec la même intensité jusqu’en 2030. L La connaissance des méthodes et des résultats des projections de population nationale, de population active et des populations territoriales est nécessaire. Mais les différentes limites mises en évidence justifient de dépasser la démarche de projections pour entrer dans une analyse prospective. Néanmoins, avant d’élaborer des scénarios, il convient d’inventorier les risques majeurs, qui sont des éléments de réflexion pour la prospective territoriale, puis pour les recommandations.
Chapitre 3 ⎯ Les sept risques majeurs : « prévoir pour ne pas voir » Conduire un travail de prospective ne consiste évidemment pas à examiner uniquement le futur dans ses évolutions négatives éventuelles. Mais cela nécessite aussi d’inventorier les risques majeurs afin de réfléchir aux politiques qui permettront d’y parer. Il convient donc d’analyser les risques majeurs de la question populations-territoires en appliquant la méthode qu’Alfred Sauvy avait si bien définie : « prévoir pour ne pas voir ». 1. La segmentation démographique territoriale Un premier risque provient de la ségrégation démographique territoriale, c’est-à-dire de l’existence de spécificités de composition par âge, associées aux différents types d’espaces. Considérons68 les quinze types d’espaces qui différencient les territoires français : Paris, banlieue parisienne, « couronne périurbaine »69 de Paris (ces trois formant l’aire urbaine70 de Paris), centres des grandes villes de province, banlieues des grandes villes de province, couronnes périurbaines des grandes villes de province, centres des villes moyennes, banlieues des villes moyennes, couronnes périurbaines des villes moyennes, centres des petites villes, banlieues des petites villes, couronnes périurbaines des petites villes, communes multipolarisées71, communes rurales isolées72 et pôles ruraux.
68
Ce point s’inspire notamment du travail de Christophe Bergouignan et Yohan Delmeire, « L’hétérogénéité territoriale des compositions par âge en France : tendances et perspectives », in : Dumont, Gérard-François (direction), Les territoires face au vieillissement, préface de Pierre Mirabaud, délégué de la DIACT, Paris, Ellipses, 2006. 69 La « couronne périurbaine », selon la terminologie et la définition de l’Insee, est formée de communes dont au moins 40 % des actifs occupés vont travailler dans le pôle urbain ou dans d’autres communes de l’aire urbaine déjà agrégées au pôle urbain. En fait, cet intitulé « couronne périurbaine » prend en compte des unités urbaines périphériques et, surtout, des territoires de paraurbanisation, donc à morphologie rurale. 70 L’aire urbaine est un ensemble de communes d’un seul tenant et sans enclave composé : d’un pôle urbain, constitué par des communes formant une agglomération regroupant au moins 5 000 emplois ; d’une couronne périurbaine, formée de communes dont au moins 40 % des actifs occupés vont travailler dans le pôle urbain ou dans d’autres communes de l’aire urbaine déjà agrégées au pôle urbain. 71 Les communes multipolarisées ont au moins 40 % de leurs actifs occupés travaillant dans plusieurs aires urbaines, mais aucune de ces aires n’atteint — seule
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1.1 À même comportement migratoire, segmentation démographique
augmentation
de
la
Si les comportements migratoires entre les quinze types d’espace observés de 1990 à 1999 se prolongeaient à l’horizon 2030, le maintien de la mobilité résidentielle observée de 1990 à 1999 entre types d’espace se traduirait en 2030 par une légère augmentation de l’hétérogénéité de composition par âge au sein du territoire métropolitain, augmentation constituant un minimum dans la mesure où la définition géographique des types d’espace utilisés repose sur des données de 1999. Or, la mobilité résidentielle contribuant à modifier la définition géographique des types d’espace, un nouveau découpage serait alors mieux adapté pour mettre en valeur des différences démographiques plus nettes. Par exemple, avec un maintien de la mobilité résidentielle observée de 1990 à 1999, la sur-représentation des 60 ans ou plus dans les espaces à dominante rurale s’accentuerait légèrement. Dans les petites et moyennes aires urbaines, notamment leurs couronnes périurbaines, on aurait un profil par âge proche de l’espace à dominante rurale. On passerait alors d’une surreprésentation des adultes d’âge parental avec leurs enfants à une surreprésentation des plus âgés. 1.2 En cas de migrations résidentielles plus intenses : accentuation de la segmentation démographique Supposons, à partir de 1999, une augmentation progressive de la mobilité résidentielle, avec des migrants supplémentaires se dirigeant à chaque âge vers le type d’espace déjà privilégié, entre 1990 et 1999, par les migrants de cet âge originaires du type d’espace considéré. Elle entraînerait une hétérogénéité plus importante du territoire métropolitain en termes de composition par âge. La segmentation démographique s’en trouverait renforcée, notamment dans les espaces à dominante rurale au sein desquels la surreprésentation des personnes âgées atteindrait un niveau très élevé. Ces espaces compteraient alors en 2030 près de 50 % de 55 ans ou plus et plus de 25 % de 70 ans ou plus.
— ce seuil ; aussi les communes multipolarisées sont-elles situées hors des aires urbaines. 72 L’espace à dominante rurale comprend les pôles ruraux, unités urbaines regroupant entre 2 000 et 5 000 emplois, et l’espace rural isolé.
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Ce n’est pas tant le niveau de la mobilité résidentielle qui engendre l’hétérogénéité de composition par âge, mais l’extrême spécialisation des mouvements migratoires en fonction de l’âge, du sexe et du type d’espace d’origine. Autrement dit, l’hétérogénéité spatiale des compositions par âge est d’autant plus forte que les parcours de vie migratoire (et, donc, professionnels et familiaux) sont peu diversifiés pour les natifs d’un même type d’espace. 1.3 Le risque d’une segmentation démographique qui tend à se renforcer d’elle-même Souvent causée par la structuration spatiale des marchés de l’emploi et du logement ainsi que par l’offre éducative, la concentration des parcours migratoires a pour effet de renforcer la spécificité spatiale des logements. En effet, attirés par l’offre éducative supérieure ou les opportunités professionnelles des types d’espace centraux, les flux migratoires de très jeunes adultes, dont les effectifs sont variables du fait de l’irrégularité de la pyramide des âges de leurs types d’espace d’origine, des fluctuations économiques et des politiques éducatives, n’ont pas toujours un volume correspondant aux logements disponibles dans la catégorie qu’ils recherchent (petits logements en location). De ce fait, leur surnombre éventuel par rapport au parc de logement qui leur serait adapté se traduit par des constructions de logements de cette catégorie ou par des subdivisions de logements anciennement plus grands, renforçant ainsi l’attrait des espaces centraux pour les populations de cet âge. D’autres évolutions sont envisageables comme le montrent celles en cours à Paris où l’insuffisance de grands logements conduits une fraction croissante des familles qui en ont les moyens à s’agrandir « sur place », en annexant le studio ou le deux pièces d’à côté, d’en-dessous ou d’au-dessus, augmentant l’accession à la propriété au centre, réduisant d’autant l’offre locative privée de petits logements et reportant en dehors de la ville-centre ce type de produits. De même, les migrants d’âge parental en cours de projet familial sont attirés par les espaces périphériques, en raison des opportunités d’accession à la propriété passant parfois par des constructions neuves de maisons individuelles. Ces constructions neuves ont alors tendance à accroître la spécificité déjà existante du parc de logements et, ainsi, l’attrait des types d’espace périphériques pour les familles en cours de constitution. Au total, la concentration des parcours migratoires entre types d’espace accroît la spécificité des parcs de logements et engendre, de ce fait, son propre
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renforcement, base de la segmentation démographique actuelle et peut-être future, ainsi, également, que d’une moindre solidarité intergénérationnelle. 1.4 Le risque d’une segmentation démographique faisant obstacle à la solidarité intergénérationnelle Un maintien, voire un renforcement, de l’hétérogénéité territoriale des compositions par âge, entretenu par la concentration des parcours migratoires, pose plusieurs questions. Ainsi, la moindre diversité des populations en termes d’âge pourrait s’avérer un facteur de moindre cohésion intergénérationnelle et un obstacle à la mise en œuvre de solidarités non marchandes. Plus précisément, le regroupement spatial des personnes de même âge rend plus rare la vie à proximité des membres des différentes générations d’une même famille, alors qu’une telle proximité de résidence constitue un facteur important d’entraide et de lutte contre l’isolement des plus âgés. 1.5 Le risque d’une gérontocroissance différentielle créant des surcoûts territoriaux Dans un contexte de vieillissement global de la population, la persistance de parcours migratoires fortement concentrés entre les types d’espace, créant de la segmentation démographique, se traduirait par des différences très importantes de croissance de l’effectif des personnes âgées. On assisterait alors à une gérontocroissance différentielle selon le type d’espace. Certains de ces types d’espace (communes rurales isolées et couronnes paraurbaines), qui seraient fortement touchés par la gérontocroissance, sont aussi caractérisés par une faible densité de population et donc une moindre proximité des équipements collectifs et des services publics ou privés. Dans un contexte de segmentation démographique qui éloigne les unes des autres les différentes générations au sein des familles, cette moindre proximité des services et équipements peut impliquer pour la personne âgée des besoins plus précoces d’aide professionnalisée. Par exemple, en milieu urbain dense ou dans un autre milieu, la personne âgée, si elle bénéficie de comportements familiaux d’accompagnement par des plus jeunes de sa famille, peut n’avoir aucun besoin d’aide professionnalisée pour faire ses courses ou ses démarches administratives. En revanche, en milieu paraurbain ou rural isolé, le recours à des professionnels pourrait s’avérer indispensable. Outre cette possible demande plus précoce de prise en charge collective de certains des besoins de la personne âgée, la dispersion de
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l’habitat dans les types d’espace les moins densément peuplés peut renchérir le coût de cette prise en charge en raison des déplacements qu’elle implique. Au total, la segmentation démographique issue de la concentration des parcours migratoires engendre une gérontocroissance différentielle favorisant l’accroissement du nombre de personnes âgées là où les besoins de prise en charge par la collectivité pourraient s’avérer non seulement plus précoces mais aussi plus coûteux. La combinaison de la gérontocroissance, de la précocité des besoins et des surcoûts de déplacement pourrait ainsi poser le problème du financement collectif de cette prise en charge dans un contexte de difficulté globale de financement de la protection sociale. Il existe donc un risque de multiplication de fractures entre des territoires jeunes et des territoires vieillis. Ne déboucherait-on pas alors sur des déséquilibres territoriaux de peuplement qui nuiraient à la cohésion sociale et à la solidarité entre les générations qui se trouvent au cœur du pacte social nécessaire au bon équilibre de la société ? 2. Une France éclatée en territoires se spécialisant selon les niveaux de vie Ce risque de dualisation, voire de ghettoïsation, qui se trouvait au cœur des réflexions lors de la préparation de ce rapport, a été illustré par les violences urbaines intervenues en France à l’automne 2005. Les écrits et les commentaires cherchant à décrypter ces violences ont été très nombreux. Il importe de citer quelques arguments pour mieux mettre en évidence combien la question fait l’objet d’un dénominateur commun : le territoire. Les émeutes qui se sont déroulées dans nombre de banlieues françaises à la fin de 200573 ont effectivement confirmé avec force la réalité d’un problème de ségrégation urbaine en France. Avant ces événements, un auteur74, ayant corrélé la performance scolaire et les conditions d'existence (niveau d'études des parents, espace disponible pour les enfants, nature du voisinage), concluait au « séparatisme social ». Les politiques du logement, de la ville, des zones franches et d'éducation prioritaire de ces vingt-cinq dernières années n'y auraient rien changé : « Dans un pays où le discours
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Les émeutes et les violences urbaines de 2005 ont commencé le 27 octobre à Clichy-sous-Bois, puis se sont répandues dans un grand nombre de banlieues à travers la France. L'état d'urgence, déclaré le 8 novembre 2005, fut prolongé par le Parlement à partir du 21 novembre pour une durée de trois mois maximum. Il a été finalement levé par un décret du gouvernement le 3 janvier 2006. 74 Maurin (Eric), 2005, Le ghetto français, Paris, Le Seuil.
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politique est régulièrement marqué par les incantations sur le thème de l'égalité républicaine et le rejet du "modèle américain", la réalité et l'étendue de la ségrégation territoriale font figure de mal social inassumé et de démenti cinglant ». Le leurre consiste, d’après l’auteur, à « cibler » une population, puis à administrer la solution qui réduira la pauvreté, l'échec scolaire, le chômage. Or, l'exclu n'est pas si aisément identifiable. De plus, en temps de crise, l'inclus craint de bientôt souffrir le sort de l'exclu. Lasses de l'incapacité de la puissance publique, des familles recherchent le meilleur « entre soi » possible et adoptent des « stratégies d'évitement ». À qui jeter la pierre : aux parents qui préfèrent inscrire leurs enfants dans un établissement mieux noté que celui désigné par la carte scolaire ou à la République qui laisse se creuser le lit de l'inégalité ? L'amplitude des disparités est pourtant plus faible qu'autrefois, ainsi qu'en témoigne la diminution de l'écart des revenus entre ouvrier et cadre, mais c'est le raidissement de la dynamique inégalitaire qui explique que, de l'échec scolaire, de la pauvreté ou du chômage, il est toujours plus difficile de sortir. Dans les tout premiers jours des émeutes de 2005, certains ont émis l’idée qu’il ne se passait rien de très original. La presse s’est rappelé les terribles émeutes de Los Angeles qui avaient débuté le 29 avril 1992. Mais leur déclenchement, leur durée, leur géographie n’avaient pas grand-chose à voir avec la France de 2005. On sait que les violences urbaines ont démarré en France à la suite de la mort de deux jeunes électrocutés dans un transformateur électrique et d’un troisième grièvement brûlé, les circonstances de cet accident, en marge d’une intervention policière, faisant l’objet d’une controverse. À Los Angeles, les émeutes de 1992 sont déclenchées par un verdict inique : trois des quatre policiers blancs vus, grâce à un film vidéo amateur, sur toutes les télévisions du monde en train de tabasser un contrevenant noir, sont acquittés. Il faudra un tribunal fédéral convoqué par le président George H. Bush pour corriger la décision judiciaire. Les émeutes de Los Angeles ne durent que trois jours, mais après un bilan horrible, plus de 50 morts, plus de 4 000 blessés, elles restent circonscrites à Los Angeles. Dans la France de l’automne 2005, les nuits d’émeutes urbaines s’ajoutant les unes aux autres, l’embrasement apparaît sans équivalent par sa durée et le nombre de communes concernées : trois cents. Puisque le phénomène est sans comparaison dans l’histoire française ou dans d’autres pays, la recherche de causalité, de l’explication magique qui va permettre de tout comprendre, est allée bon train : tour à tour ont été notamment citées des causes religieuses (mais l’Union des organisations islamiques de France a diffusé une fatwa précisant qu’un bon musulman ne
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doit pas se comporter comme un délinquant), politiques (mais les partis d’extrême gauche comme d’extrême droite n’ont eu aucune prise sur les événements, tandis que l’opposition parlementaire a soutenu, par ses votes au parlement, le retour au calme), sociales (mais aucun syndicat ne s’est associé à ces événements nocturnes, syndicats qui ont plutôt l’habitude de se montrer en plein jour pour viser une meilleure couverture médiatique) ou ethniques (mais nombre de quartiers des grandes agglomérations de France, dont la population est incontestablement d’une large diversité ethnique, n’ont pas participé aux violences). Nombre d’observateurs ont cherché à distinguer trois niveaux de compréhension : d'abord, la matérialité des événements eux-mêmes, ensuite la situation sociale, enfin le malaise français. Sur le premier point, c’est le critère d’âge qui a prévalu. Les événements sont liés aux actions de gens très jeunes, adolescents en quête et en crise d’identité. Leurs actions ont le plus souvent été très violentes et sans revendication évidente : les incendies concernent un quotidien immédiat, les voitures du quartier, leur école, etc. Le contexte urbain a également été fortement souligné. D’aucuns se sont inquiétés de la densité de population existant dans les quartiers sensibles. Elle n’a rien d’exceptionnel : souvent moindre que celle de beaucoup de quartiers urbains, elle est même nettement inférieure à celle de la majorité des quartiers de Paris. La plupart des commentateurs ont aussi souligné que les émeutiers habitent dans des quartiers issus des idéologies fonctionnalistes des années 196075. Toutefois, de nombreux quartiers similaires n’ont pas connu d’agitation pendant les émeutes. Si le contexte architectural peut jouer, il est donc fondamental de le replacer dans un contexte urbain plus large : les populations de ces quartiers ont toutes en commun d’être « à l’écart de la ville »76, de ses réseaux physiques (rues, transport, internet, etc.) et immatériels (sociaux, professionnels, etc.). Insistant sur le deuxième point, des commentateurs considèrent que les émeutes condensent de façon paroxystique et très violente le problème du chômage et celui de la désaffiliation, c'est-à-dire la déstructuration familiale, mais aussi celui de la déstructuration de l'appartenance de classe et à la
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Issues de l’idéologie anti-humaniste de la charte d’Athènes de 1932. Expression que Le Monde utilise par exemple pour qualifier la Rose-des-Vents ou Cité des 3000, à Aulnay-sous-Bois, 18 novembre 2005, p. 25.
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Nation. Dans les années 1930, même si l'on était pauvre et victime du chômage, on était inséré dans des collectifs et capable de canaliser sa révolte. Ce n'est pas vraiment le cas aujourd'hui. Beaucoup pensent que, comme cela fait trente ans que la France se trouve dans une situation de chômage de masse, le problème n'est pas simplement économique et social : dans sa dimension anthropologique, le travail est l'une des conditions indispensables pour retrouver l'estime de soi ; il est un élément décisif de confrontation avec le réel, de l'apprentissage de la limite. Le discours généreux de la citoyenneté coupée du travail est une impasse. Les associations dites citoyennes seraient devenues des accompagnatrices sociales du chômage de masse. Dans ce contexte, la désaffiliation familiale et nationale accentue l’ampleur des crises identitaires vécues par les jeunes, en particulier immigrés ou français descendants d’immigrés récents. Certains auteurs77 notent ainsi que la géographie des émeutes diffère profondément de celle des émeutes de 1990. En 1990 comme en 2005, l’absence de revendications (pas de « marche des Beurs » comme après les événements de 1981) signale une absence de référents. Mais, dans le premier cas, ce sont les quartiers d’immigration maghrébine importante et récente qui sont concernés, dans le second ce sont les quartiers d’immigration subsaharienne. Loin d’une crise générale du modèle d’intégration, ils en appellent donc à une crise récurrente relative à l’intégration de populations récemment arrivées sur le territoire. Cela ne doit évidemment pas masquer l’existence de discriminations envers des populations installées depuis plus longtemps, qui expliquent en partie la résonance médiatique des événements. Selon d’autres analyses, c’est un malaise français plus général qu’il faut incriminer. Tout se passerait comme si l'idée républicaine ne pouvait que très difficilement devenir une réalité quotidienne, parce que l'idéologie freinerait sa mise en pratique. Une théorie générale de la République empêcherait des mini-expériences pratiques : la République ne fonctionnerait pas comme une incitation à imaginer des pratiques courageuses, mais comme une espèce d'idéologie disqualifiante, excuse pour ne pas agir. Au-delà de ces trois approches explicatives, constatons qu’on ne parle de mixité sociale que depuis qu’elle s’est réduite. Une spécialisation accrue
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Lagrange, Hugues et Oberti, Marco (dir.), Émeutes urbaines et protestations, Paris, Presses de Sciences Po, 2006.
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des territoires se diffuse, et à des niveaux très fins78, ce qu’attestent les événements qui s’y sont déroulés à l’automne 2005 pendant 20 jours, du 27 octobre au 17 novembre. Face aux nombreuses explications proposées, le principal dénominateur commun de ces violences urbaines nocturnes apparaît : le territoire et ses fractures79 ; des populations habitant sur des territoires qui manquent tout simplement d’urbanité. Il s’agit donc d’une illustration du risque de ghetto par le bas dont le corollaire est le risque de ghetto par le haut, le double phénomène étant nocif à la concorde sociale pour tous les territoires français. 3. Des îles urbaines au milieu de territoires à l’abandon Dans la période intercensitaire 1990-1999, la concentration de la population de la France dans les grandes aires urbaines a été de plus en plus intense, même si l’extension du périmètre de ces aires urbaines dans le temps est parfois trompeuse comme le montre l’exemple de l’aire urbaine de Paris80 ou les travaux de Philippe Julien81. En effet, les évolutions des années 1990 peuvent se résumer ainsi : − l'importance82 de l'aire urbaine de Paris confirme le caractère primatial du système urbain français ;
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Les seuls niveaux pertinents pour articuler l’observation et l’action permettant un aménagement local adapté. 79 Cf. Dumont, Gérard-François, « Violences urbaines : quel dénominateur commun ? », Population et Avenir, n° 676, janvier-février 2006. 80 L’extension de l’aire urbaine de Paris est due pour l’essentiel au rattachement de l’agglomération de Melun à celle de Paris par le biais d’une construction qui a assurée la continuité urbaine le long d’un filament urbain. Cf. Louchart, Philippe, Beaufils, Sandrine et Tiratay, Laetitia, « L’extension de l’aire urbaine de Paris n’est pas synonyme d’étalement urbain », Note Rapide le Bilan du SDRIF, n°333, mai 2003 http://www.iaurif.org/fr/savoirfaire/nr_sdrif/pdf/nr_333.pdf 81 Cf. Julien, Philippe, « Analyse critique de la pertinence de l’aire urbaine pour étudier l’étalement urbain », Commande Certu, Groupe d’études périurbain et programme IUD 8, 4ème trimestre 2005, Certu, 30 pages http://www.certu.fr/ROOT/customer/acteurs/documents/pdf00000532.pdf 82 Importance relative d’ailleurs un peu plus importante à la lumière des corrections nécessaires des résultats apparents. Néanmoins, le poids démographique en France métropolitaine de l’Île-de-France, qui domine le paysage urbain français, n’évolue guère. La population francilienne s’accroît depuis plus de 40 ans, en moyenne, au même rythme que celle de la France métropolitaine dans son ensemble. Conséquence : son poids démographique en France semble à peu près stable depuis le début des années 1960 (entre 18 et 19% de la population métropolitaine). Les
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− les dix aires urbaines les plus peuplées représentent le tiers de la population métropolitaine ; − la croissance de la population des aires urbaines se concentre sur les plus grandes : huit aires urbaines totalisent à elles seules la moitié de l'accroissement de la population des 361 aires urbaines ; − les aires urbaines de villes d'industrialisation ancienne perdent des habitants : Valenciennes, Lens, Saint-Étienne, Le Havre, Béthune, Douai, Montbéliard, Thionville... ; − beaucoup d'aires urbaines moyennes (entre 50 000 et 100 000 habitants) perdent des habitants : Nevers, Saint-Chamond, Châteauroux, Châlons-en-Champagne, Vichy, Soissons, Castres, Moulins ou Saint-Dizier. En revanche, l'espace à dominante rurale, même lorsqu’il bénéficie d’apports migratoires, perd du poids relatif. On a beau dire que, sur le plan quantitatif, « la population y augmente », il n’en reste pas moins vrai que la comparaison des cartes des densités au niveau communal entre 1954 et 1999 montre que la « diagonale du vide » tend non à se résorber, mais à s’élargir. Si une telle évolution se perpétuait, le peuplement de la France évoluerait vers un archipel urbain dont les interstices perdraient de la vitalité. Le riche paysage français se transformerait en un archipel de villes entre lesquelles il n'y aurait qu'une déprise rurale. Si donc, le processus de métropolisation ⎯ essentiellement au profit des grandes métropoles ⎯ se poursuivait au même rythme, la France se trouverait soumise à ce qu’Arnold Toynbee appelait les « schismes verticaux », résultant de « communautés séparées sur le plan géographique », d’où une « perte d’harmonie territoriale conduisant à l’éclatement d’une discorde sociale »83. 4. Un nouveau « scénario de l’inacceptable » Selon les données des années 1990, le quart nord-est de la France conserve des soldes migratoires négatifs tandis que le Midi et la façade atlantique se distinguent par leur attractivité. Comme ce sont les structures résultats de l’enquête de recensement de 2005 apparaissent confirmer cette tendance : une croissance provisoirement estimée à +0,62 % par an depuis 1999, en France métropolitaine comme en Île-de-France. Le caractère primatial et dual de l’Île-de-France ressort plus encore de sa proportion de catégories socioprofessionnelles supérieures, de chercheurs, de sièges sociaux…, mais aussi par exemple de bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (40 % au 31 décembre 2004), 83 Toynbee, Arnold, L’histoire, Oxford University Press, 1972, Paris, Payot, 1996.
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de population qui importent, plus que les effectifs, une évolution d’ici 2030 des migrations internes selon les mêmes tendances que celles constatées depuis 1975 aboutirait à un véritable retournement territorial de la France, le Nord se vidant au profit du Midi et de l’Ouest atlantique. En outre, dans le cadre de l’Union européenne et de son élargissement, il faut intégrer des mouvements de population inédits qui semblent participer à cet écartèlement puisque, par exemple, les immigrants britanniques, dans le contexte de ce que nous avons désigné comme l’effet « Ryanair », né avec les années 2000, privilégient aussi le Midi et l’Ouest atlantique Indépendamment du niveau d’ajustement de l’offre et de la demande, se produirait un nouveau calibrage géographique caractérisé par une demande de logements qui pourrait probablement s’étioler en Lorraine, Picardie, Champagne-Ardenne ou Normandie tandis que, à l’inverse, les besoins en Languedoc, PACA, dans les Pays de la Loire ou en Aquitaine seraient de plus en plus forts. Cette sorte d’écartèlement géographique aurait pour conséquence que les deux tiers de la demande de logements se concentreraient sur 40 à 45 % du territoire, posant des questions aiguës à l’ensemble des acteurs de la filière du logement. Cela poserait aussi la question de l’implantation et des besoins locaux dans le secteur de l’habitat social ou encore celle du choix de l’implantation de leurs établissements pour tous les fournisseurs de la filière construction – notamment ceux de briques, de tuiles ou d’éléments en béton – si possible à proximité des régions où la demande est forte. Dans le même temps, la question foncière s’accentuerait, puisque la demande s’accroîtrait dans des régions où la contrainte foncière est déjà forte. Le risque d’écartèlement géographique provient de ce que les facteurs attirant des personnes venant de différentes régions pour s’installer dans une autre sont l’océan Atlantique et la mer Méditerranée ainsi, plus globalement, que le grand Ouest et le Sud. D’où des enjeux en termes d’aménagement dans tous les espaces littoraux et sublittoraux Plus généralement, l’enjeu est fort, non point tant au niveau des régions ⎯ les chiffres régionaux sont soumis à des aléas extrêmement importants du fait des migrations interrégionales ⎯ qu’à des niveaux plus fins. Avec un quart de ménages en plus du seul fait du vieillissement de la population, le risque d’écartèlement géographique accroît tout particulièrement la demande de logements dans la moitié attractive. Il sera donc nécessaire de mettre en œuvre trois solutions, qui peuvent évidemment se trouver combinées :
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− construire dans des espaces qui ne sont actuellement pas construits ou dévolus à d’autres usages (industriel, commercial, agricole, récréatif…) ; − construire davantage dans l’espace urbain, par densification progressive des tissus existants. Cela ne veut pas forcément dire en hauteur (les immeubles haussmanniens parisiens accueillent bien plus d’habitants à l’hectare que les grands ensembles des années 1960). En revanche, cela suppose d’intensifier l’usage du sol dans les tissus urbains avec des modalités variables selon le type d’espace considéré ; − valoriser, optimiser, réhabiliter l’existant, améliorer les logements indécents et leur environnement, ou les reconstruire. Cette triple nécessité est une question difficile en termes de politique publique parce que l’opinion semble réticente tant à la densification qu’à la construction dans des espaces disponibles. D’ailleurs, les comportements des collectivités locales ont parfois pour effet de freiner la production du foncier. On peut se demander si ce risque d’écartèlement géographique ne doit pas être considéré comme un nouveau « scénario de l'inacceptable », pour reprendre le sous-titre d'un rapport intitulé « Une image de la France en l’an 2000 », publié en 1971, à la demande de la Datar, et qui était, comme 1’écrivait Jérôme Monod dans son introduction, le « fruit d'une réflexion libre d'un groupe de travail ». Scénario tendanciel, le scénario de 1'inacceptable formulé en 1971 constate (il est volontairement écrit au présent) « le renforcement des zones de polarisation » et « 1'apparition de micro-zones le long du « littoral ouest ». Selon lui, « 1'ensemble de la population est concentré dans des zones de polarisation qui regroupent 70 % de la population totale ». Ainsi, « la France est formée de deux pays, d'un côté un territoire entièrement dépendant et ne vivant que des subsides octroyés par 1'État central, de 1'autre côté un territoire intégré dans un large ensemble européen auquel il est étroitement lié ». Trente-cinq ans après, faut-il parler d’un nouveau « scénario de 1'inacceptable » qui se dessine ? Il est semblable dans la mesure où les forces de polarisation paraissent aussi intenses, voire davantage, mais nouveau parce que d'autres facteurs sont apparus, comme 1'émigration industrielle, un potentiel accru de migrations de seniors, 1'attraction du Sud, alors que le rapport de 1971 n'évoquait que « le littoral ouest ».
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5. L’addition de fractures territoriales corrélatives Un autre risque majeur proviendrait de l’addition de fractures territoriales corrélatives. 5.1 Les fractures sociales selon l’accès à la mobilité Il existe un risque de fracture provenant d’une sorte de nouvelle division sociale fondée sur l’aptitude au déplacement84, avec de nouvelles catégories sociales qui s’excluent les unes les autres en fonction de la mobilité. Ainsi, au moins quatre catégories sociales pourraient se différencier, au sein desquelles les personnes âgées sont présentes dans des proportions très variables. Une première catégorie sociale regroupe les personnes à fixité et mobilité choisies. Ces personnes bougent aisément lorsqu’elles le souhaitent, se déplacent loin et rapidement parce qu’elles ont des revenus suffisants (les distances-temps sont aussi des distances-coûts). Elles peuvent aussi se ressourcer fréquemment dans des lieux agréables : résidences secondaires ou destinations touristiques85. Ce sont principalement les cadres supérieurs, tout particulièrement ceux sans charge de famille, qui appartiennent à cette catégorie. Les personnes âgées qui en font partie sont, le plus souvent, les plus jeunes des personnes âgées, celles qui ont du temps et des moyens. Une deuxième catégorie se caractérise par une fixité subie et une mobilité choisie, avec des personnes qui résident loin de la ville. Des cadres travaillant à Paris vivent au Mans, à Rennes ou à Lille, devenant des « migrants TGV », ce qu’avait déjà constaté une enquête menée dans les TGV, en 1997, auprès de 390 passagers de première classe. L’appartenance à cette catégorie est parfois liée à l’exclusion foncière des grandes métropoles. La bi-résidentialité entre également dans cette catégorie.
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Cette partie doit tout particulièrement à l’apport de Jean Ollivro. À l’étranger, un exemple de ce genre de lieu « paradisiaque » est constitué par le projet d’île artificielle de Pearl Qata, île en forme de palmier sur laquelle les personnes richissimes possédant des villas auront un accès direct à la mer avec leurs yachts. L'île artificielle (4 km²) est conçue en forme de baie, dans les eaux du Golfe, au nord de Doha (Qatar). Les promoteurs du projet, estimé pour le moment à 2,5 G$, prévoient la construction de villas et d'immeubles devant accueillir jusqu'à 30.000 personnes, de 3 hôtels et de 4 ports de plaisance pouvant accueillir plus de 700 embarcations. Les étrangers peuvent investir et devenir propriétaires dans le projet, mené par la firme qatariote privée United Development Company (UDC). Les premières résidences sur l'île sont annoncées pour cette année et le projet devrait être achevé en 2009. Voir à ce sujet le site http://www.thepearlqatar.com/intro.htm. 85
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Bien que la mobilité des personnes appartenant à cette catégorie soit choisie, leur fixité est plutôt subie car leur domicile se trouve sur un territoire dont ils ne bougent plus guère pendant les week-ends, saturés qu’ils sont par leurs navettes quotidiennes durant leur semaine de travail. Contrairement à la première catégorie, leurs loisirs se développent préférentiellement en dehors de la mobilité. Cette catégorie semble se développer avec la paraurbanisation. Les personnes âgées y sont très rares puisque les migrations pendulaires ne se conçoivent que dans une logique d’emploi, guère dans une logique de retraite. Une troisième catégorie est à fixité choisie et mobilité subie. Elle regroupe essentiellement les personnes plus âgées ayant parfois des difficultés de déplacement ou se méfiant d’un monde devenu trop rapide pour elles. Elles font donc le choix de demeurer chez elles, éventuellement dans des gated communities86, qui commencent à apparaître en France et qui sont des lieux d’isolement surveillés par des caméras afin de se protéger de l’extérieur. L’architecture, parfois en forme de niches successives, manifeste aussi, symboliquement, ce souci de protection avec des paramètres sécuritaires dans les choix de la localisation. Cette catégorie peut aussi regrouper les personnes rencontrant des difficultés d’accès aux services dans le monde rural. Enfin, une quatrième catégorie, à fixité et mobilité subies, concerne essentiellement des personnes âgées qui n’osent ou ne peuvent plus sortir de chez elles. Les informations sur l’extérieur, qu’elles reçoivent par les médias, les inquiètent, voire les affolent, surtout en raison de la prédilection affichée par nos sociétés pour les faits divers et les flash infos, détachés de toute temporalité comme de toute réflexion. Dans des cités, ces personnes se replient sur elles-mêmes et ne sortent plus : elles demandent à d’autres de
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« Communautés clôturées » : quartiers résidentiels enclos, gardés 24h/24, au mode de vie fondé sur les loisirs, constituant des ensembles homogènes et gérés sur le modèle des villes privées. Ce phénomène immobilier est très développé en Amérique du Nord puisque, selon le 2001 American Housing Survey du US Census Bureau, environ 7 millions de ménages américains, soit 6 % du total national, y vivraient. Voir à ce sujet : Blakely and Snyder, Fortress America : gated communities in the United States (Cambridge, Mass. : Lincoln Institute of Land Policy ; Washington, D.C. : Brookings Institution, 1997) et Le Goix, Renaud, Les « Gated Communities » aux États-Unis. Morceaux de villes ou territoires à part entière ? Thèse de doctorat (19 mai 2003), UMR 8504 Géographie-cités, Université Paris I-Panthéon-Sorbonne in http://tel.ccsd.cnrs.fr/documents/archives0/00/00/41/41/index_fr.html.
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faire leurs courses. Les personnes à mobilité réduite et certains grabataires peuvent également être rangés dans cette catégorie, avec tous les problèmes de solitude que cela induit, particulièrement dans le monde rural, où des personnes vivent sur place dans des zones très isolées dont l’accès peut être difficile. Ces quatre catégories constituent un mode de fracture sociale potentielle lié à la mobilité des populations. Si les frontières entre elles s’accentuent, le risque d’éclatement social semble loin d’être négligeable, surtout dans un cadre privilégiant toujours plus le jeunisme et l’activité, tout comme l’importance de l’image : la première catégorie serait exhibée et valorisée dans les médias et par les entreprises de transports tandis que les autres seraient délaissées. Il en résulterait une société fracturée selon l’accès à la mobilité, avec des conséquences négatives sur les relations intersociales et intergénérationnelles. 5.2 Les fractures territoriales sanitaires Il existe aussi un risque spécifique de fracture liée aux différentes formes de pauvreté dans les territoires. En effet, la géographie de la pauvreté, notamment liée à l’éducation et aux revenus, peut se doubler d’une fracture dans les comportements d’hygiène, les attitudes sanitaires préventives et l’accès aux soins de santé. À moins d’une croissance très forte et pérenne du produit intérieur brut — conjecture éminemment optimiste — le financement du surcroît de dépenses de santé lié à l’avancée future de la vie sur la mort pourrait aller de pair avec une médecine à deux vitesses selon les territoires. Des territoires privilégiés quant à leur éducation sanitaire, à leur réseau de soins, à leurs revenus, à leur patrimoine et donc à leur état de santé, pourraient toujours se prendre (ou se faire prendre) largement, sinon totalement, en charge, et seraient de plus en plus privilégiés au regard de la mort. Les autres territoires, avec des habitants ayant bénéficié d’une éducation sanitaire médiocre, habités par des personnes à faibles revenus, voire par des exclus, disposant d’un réseau sanitaire peu dense et diversifié (en raison de leur faible attractivité pour les professions libérales médicales ou paramédicales, de la suppression d’équipements médicaux, voire d’une insécurité décourageant de nouvelles installations médicales ou pharmaceutiques) ne pourraient que partiellement, sinon pas du tout, dépenser pour leur santé, et auraient en conséquence des espérances de survie plus réduites. Jusqu’à un certain point — et sous réserve que la « fracture sociale » ne s’élargisse pas au delà du seuil collectivement supportable — la cohabitation des deux groupes n’entraverait pas nécessairement la
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progression des durées de vie moyennes. Mais au-delà d’un certain seuil, différents facteurs pourraient s’exercer négativement : le maintien dans la pauvreté-précarité d’une fraction non négligeable de la population ; la persistance, voire la progression, de certains comportements (alcoolisme, tabagisme, prise de médicaments psychotropes ou de drogues, refus de rapports sexuels protégés, pratique de sports dangereux...) ; l’apparition de nouvelles pathologies liées au développement économique, au progrès technologique, aux changements de certaines pratiques et de modes de vie. L’existence de territoires, additionnant des comportements sanitaires peu favorables et se trouvant relativement délaissés par les mailles trop larges des réseaux de soins, pourrait être à l’origine d’une progression de la durée de vie moyenne plus ralentie que celle communément projetée. 6. L’insuffisance de « boulangers » et « d’infirmières » Une autre fracture peut provenir des choix résidentiels des actifs et, notamment, des jeunes qualifiés. En privilégiant certains territoires, ils privent d’actifs les autres, ajoutant des déséquilibres à ceux dus à l’évolution différenciée de la population active, d’où une fracture des besoins territoriaux d’emploi. La concentration des flux migratoires d’actifs sur certains territoires entre types d’espace pourrait donc engendrer un problème de main-d’œuvre pour les autres sous l’effet d’une baisse importante des effectifs d’âge actif. Ce problème pourrait se trouver aggravé dans les territoires les plus touchés par la gérontocroissance ou le vieillissement. Le maintien à domicile de certaines catégories de personnes âgées pourrait alors devenir difficile à satisfaire, non faute de moyens financiers, mais faute de main-d’œuvre susceptible d’assumer les différents types d’emplois permettant le maintien à domicile. Pour certains territoires, le risque du dépeuplement peut ne pas se poser en termes de population totale, mais en termes de savoir qui peut satisfaire les besoins des différentes catégories de la population, c’est-à-dire en termes de main-d’œuvre disponible. En effet, si un territoire se caractérise par des effets de repoussement des plus jeunes alors que, par ailleurs, il y a des besoins en services spécifiques aux personnes âgées, le maintien dans certains lieux de vie va devenir de plus en plus hypothétique, même si la volonté politique et les moyens budgétaires existent, simplement parce que ces territoires n’auront plus la population active nécessaire.
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Une façon de comprendre ce risque consiste à présenter la « parabole des boulangers et des infirmières »87 en la déclinant du point de vue territorial. Les « boulangers » symbolisent l’ensemble des professions, de l’agriculteur au technicien d’entretien des ascenseurs, qui concourent à la production des biens et des services indispensables à la société, et notamment aux retraités. Les « infirmières » symbolisent l’ensemble du personnel social et médical, du chirurgien à l’aide à domicile. Rappelons que les analyses proposées concernant les retraites restent le plus souvent trop financières : il est question du nombre des cotisants (les actifs ayant un emploi), des montants de cotisations, de celui des pensions. Or, l'argent ne joue que le rôle de l'huile dans la machine : il permet à chaque élément de la mécanique sociale d’entraîner les autres, en exprimant les priorités et les besoins de chacun. Il ne doit pas masquer que la réalité territoriale tient aux hommes, actifs ou inactifs avec, parmi ces derniers, les retraités. En effet, dire que le rapport cotisants-retraités va se dégrader n'est pas seulement une mauvaise nouvelle financière : cela signifie que, en moyenne, chaque membre de la population, et d'abord le retraité, sera moins bien « servi », aura moins de personnes pour s’occuper de lui. La parabole des « boulangers » et des « infirmières » éclaire cette réalité. Dans une première période, supposons un territoire comptant une population de 380 personnes composée de 80 jeunes, de 100 « boulangers », de 100 « infirmières » et de 100 retraités. Cette population considérée, avec une proportion de jeunes de 21 %, ne remplace pas ses générations, car la base de sa pyramide des âges est trop étroite. Pour simplifier, supposons également que les jeunes, les « boulangers » et les « infirmières » n’ont pas de besoins médicaux ou sociaux. En conséquence, les « infirmières » se consacrent exclusivement à la population retraitée. Dans une seconde période, grâce à l’augmentation de la longévité, la population du territoire reste sensiblement constante car l’allongement de la vie y favorise le nombre de personnes âgées. Le rythme des naissances et des décès demeurant semblable, ainsi que l’âge de départ à la retraite, la population compte, à la période suivante, toujours 80 jeunes, mais désormais 87
Cette parabole pourrait également s’intituler la parabole des boulangères et des infirmiers. Néanmoins, les dernières statistiques montrent que les boulangers sont en majorité de sexe masculin et les infirmières de sexe féminin. Cf. Dumont, GérardFrançois et Montenay, Yves, « Retraites : la parabole des boulangers et des infirmières », Population & Avenir, n° 662, mars-avril 2003.
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80 « boulangers », 80 « infirmières » et 140 retraités. Supposons que, par miracle, la question du financement des retraites ne se pose pas et, donc, que le pouvoir d’achat relatif des retraités n’ait pas baissé. Pour que les retraités disposent des mêmes services qu’avant au plan médical et social, il faudrait alors 140 « infirmières ». Comment y parvenir ? La première tentative de solution consiste à former davantage « d’infirmières », par exemple en rendant cette profession plus attirante par des salaires plus alléchants. Mais d’où viendront-elles ? Cela suppose de diminuer le nombre de « boulangers ». Or, ces derniers sont également en nombre inférieur par rapport à la première période. En outre, ils ont dû accroître considérablement leur productivité, puisqu’ils ne sont plus que 80 pour satisfaire les besoins d’une population équivalente. La deuxième tentative de solution consiste à recourir à l'immigration interne ou internationale. Les « infirmières » (ou les « boulangers ») viendront donc d’ailleurs. Il faut alors égoïstement déshabiller ces territoires d’origine, en attirant leurs meilleurs éléments. En outre, cette possibilité suppose d’attirer et d’intégrer des apports migratoires de façon récurrente, à l’image du tonneau des Danaïdes. En outre, d’autres territoires sont certainement dans une situation démographique semblable ou pire, d’où une concurrence pour attirer les « infirmières ». La solution est loin d’être parfaite. Par conséquent, si l’âge de la retraite reste figé et si le recours à l’immigration interne ou internationale n’offre pas une solution pleinement satisfaisante pour le territoire, il faut trouver d’autres réponses, faute de disposer de suffisamment de professionnels ⎯ en l’espèce des « infirmières ». L'homme étant adaptable, des solutions, contraintes ou proactives, se mettront en place : les actifs consacreront davantage de temps à leurs parents retraités, réapprendront à faire la cuisine pour eux, les aideront à diverses tâches. Au mieux, les adultes seront moins efficaces que les professionnels pour certains services et, au pire, les retraités seront privés d’autres services. De toute façon, on ne pourra pas augmenter le nombre des « boulangers » et des « infirmières », et la proportion actifs/retraités sera plus faible que naguère. Les retraités ne pourront donc bénéficier des mêmes services que dans la première période. Bref, malgré des ressources financières équivalentes par hypothèse, les conditions de vie de la population retraitée régresseront. Or, si les évolutions démographiques territoriales des années 1990 se prolongeaient d’ici 2030, une telle éventualité pourrait se produire sur les trois quarts des territoires français.
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7. Le risque d’effet boomerang de l’économie résidentielle Sur certains territoires, on observe un dépeuplement freiné ou inversé par l’arrivée de retraités, notamment dans des zones rurales : on parle alors de « l’économie résidentielle » et de ses bienfaits. Aujourd’hui, des acteurs locaux perçoivent l'arrivée de retraités (nouvelles générations de retraités issues du renouveau démographique des « vingt glorieuses ») sur leur territoire comme une véritable opportunité de revitalisation. Par exemple, des retraités mobiles n'hésitant pas à s'installer dans des territoires éloignés des grands centres urbains, tout en conservant des habitudes de consommation urbaines, concourent à des activités sur leurs territoires d’installation. Dans certains territoires, l'accueil de ces nouvelles populations contribue largement à la lutte contre les effets de seuils audessous desquels le maintien de certaines activités économique devient très difficile. Pour des territoires, l’essor de l’économie résidentielle est un facteur positif apportant des revenus largement exogènes. Les retraites, les transferts sociaux qui vont dans des territoires ayant peu d’activités productives constituent pour eux un revenu basique et essentiel. Ce dernier permet de maintenir, voire de créer des emplois. La déformation de l’emploi vers les services à ces personnes, par l’économie résidentielle, semble un grand moteur de dispersion de la population sur le territoire français. En fait, dès son commencement, cette économie résidentielle crée déjà localement des effets d’éviction s’exerçant sur les jeunes, par exemple en augmentant les prix du foncier et de l’immobilier. En revanche, les nouveaux et jeunes retraités arrivants n’ont pas d’importants besoins en services publics et ne posent guère de problèmes de dépendance. Mais qu’en sera-t-il dans les années 2025-2030 ? Il n’est en effet pas sûr que l’on puisse faire de l’économie résidentielle un projet de développement territorial pour le futur, notamment lorsque les arrivants sont essentiellement des personnes âgées retraitées. Autrement dit, des retraités viennent s’installer dès 60/65 ans sur certains territoires, qui en tirent profit au début, avec du pouvoir d’achat supplémentaire et des retraités en bonne santé susceptibles de contribuer à la vie associative et sociale. Mais, 20 ans après, la demande sociale de ces personnes en matière d’aide à domicile ou de santé devient différente et beaucoup plus importante, ce qui poserait, en l’état actuel des modes de financement, des problèmes à ces mêmes territoires : manque de places dans les structures d’hébergement ; problèmes de recrutement de personnel qualifié ; problèmes de financement des politiques publiques... En outre,
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d’une manière plus générale, le pouvoir d’achat relatif des retraites ne devrait pas augmenter d’ici à 2030, limitant les ressources territoriales dues à l’économie résidentielle des retraités. Dans ce contexte, il deviendrait difficile de satisfaire les besoins des personnes âgées par une offre adaptée, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, et cela pour différentes raisons : déficit en personnel médical, notamment libéral (pénurie de médecins, d’infirmières, de kinésithérapeutes) ; difficultés à recruter sur place du personnel qualifié ou à pourvoir des postes pourtant créés ; image souvent dégradée des métiers sociaux. La « rente » de territoires ayant vécu quasi exclusivement de l’économie résidentielle sans l’utiliser comme levier pour en faire émerger de nouvelles dynamiques ou sans déployer d’autres projets de développement local se retournerait. L La mise en évidence de risques majeurs est un premier levier permettant de réfléchir à des recommandations. Anticiper de tels futurs négatifs invite en effet à définir les moyens permettant de les écarter. Un second levier, nécessaire pour ouvrir la voix à des recommandations, consiste à élaborer des scénarios prospectifs.
Chapitre 4 ⎯ Quatre scénarios prospectifs La prospective consiste à élaborer les évolutions possibles de la question étudiée à travers une réflexion sur les conséquences de différentes possibilités, à imaginer des stratégies permettant la réalisation des futurs les plus souhaitables, ainsi que le calendrier des actions à entreprendre. Elle conduit d’abord à élaborer un système global de variables sur lesquelles fonder le raisonnement. Elle nécessite ensuite de préciser les tendances, dont certaines ont été éclairées par les analyses des chapitres précédents, et que la prospective intitule tendances lourdes88, puis les éventuelles ruptures89 qui pourraient se produire. Le maintien des tendances lourdes, comme les ruptures possibles, dépend du jeu des acteurs, c’est-à-dire des personnes physiques ou morales impliquées dans la vie des territoires et y exerçant une influence, ne serait-ce que par leur comportement individuel90. Ce chapitre présente d’abord les tendances lourdes et les ruptures étudiées pour seize variables formant système. Il devient alors possible d’éclairer les futurs éventuels en élaborant des scénarios91 prospectifs que nous présenterons de façon générale avant de les expliciter l’un après l’autre. 1. Les tendances lourdes et les ruptures pour les seize variables retenues Une première démarche consiste à construire un système en retenant des variables exerçant des effets spatiaux. Les variables retenues privilégient d’abord la sphère démographique, au cœur des évolutions territoriales, puis comprennent des caractéristiques politiques, économiques ou sociales qui se trouvent en interaction avec les variables démographiques et les dynamiques spatiales.
88
Une tendance lourde est une évolution qu’on estime durable à l’horizon de plusieurs années. Il s’agit donc d’un phénomène qui a une telle inertie qu’il ne peut, sauf changement structurel brutal, s’arrêter ou subir une inflexion qu’au bout d’un laps de temps. Exemples : le vieillissement, l’allongement de la durée de vie. 89 Une rupture est une variation affectant une tendance lourde ; événement à l’origine de cette variation. 90 L’acteur est donc le décideur politique, le lobby, la population, l’individu, le responsable associatif… 91 Le scénario peut se définir comme une combinaison des tendances lourdes, des ruptures, des signaux faibles et du jeu des acteurs ou comme une évolution globale contrastée.
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Populations et territoires de France en 2030
Pour chaque variable, est examinée la tendance lourde actuellement constatée au milieu des années 2000, puis deux facteurs d’évolution possibles conduisant donc à deux ruptures. Par exemple, la stabilisation de la fécondité est rangée parmi les tendances lourdes, et les ruptures possibles sont l’augmentation ou la baisse de la fécondité. Pour chaque variable, le point de départ consiste donc à observer les tendances lourdes, celles ayant suffisamment d’inertie pour s’exercer plusieurs années avec une forte probabilité. Il s’agit ensuite d’imaginer des parcours différenciés, des ruptures dont les facteurs d’origine peuvent être soit subis, soit voulus lorsqu’ils sont par exemple le produit d’une volonté politique. Pour chaque variable exogène, élaborons donc trois cheminements possibles : la tendance lourde et deux ruptures contrastées. 1.1 La natalité Les évolutions de la natalité dépendent des niveaux futurs de la fécondité dont on peut distinguer trois tendances possibles. La tendance lourde de la fécondité est, dans les années 2000, une relative stabilité des indicateurs en France, avec, au plan local, des écarts territoriaux en terme relatif. Cette tendance pourrait perdurer à condition du maintien d’investissements minimaux dans la politique de la famille et de la poursuite du caractère de plus en plus féminin de l’immigration. Une première rupture possible combinerait des facteurs de hausse de la fécondité comme : − une politique familiale facilitant le logement des familles et une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ; − un changement de norme sociale plus favorable à l’accueil des enfants et des familles nombreuses ; − le renforcement de l’immigration, notamment féminine. À l’inverse, une seconde rupture possible consisterait en une baisse de la fécondité provenant des facteurs suivants, s’additionnant ou non : − une formation tardive des couples limitant la fécondité en raison de la hausse de l’infertilité avec l’âge ; − des difficultés accrues de conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, dans le logement des familles, dans les systèmes de garde des enfants, dans l’insertion des jeunes dans l’activité professionnelle ; − un refus de l’enfant tel qu’il s’exprime en Allemagne (selon un sondage de novembre 2005, 40% des Allemands ne veulent pas d’enfants) ; − un surinvestissement dans l’enfant limitant au minimum la fratrie ;
Quatre scénarios prospectifs
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− les difficultés persistantes d’insertion des jeunes générations sur le marché du travail et leur faible espérance de niveau de vie. Ces trois évolutions possibles de la fécondité en déterminent également trois pour la variable natalité. Selon la tendance lourde à fécondité stable, le nombre de naissances diminuerait, parallèlement à la tendance baissière des effectifs des femmes en âge de féconder, sauf apport migratoire compensant totalement cet effet ; dans les territoires où la fécondité est faible, les naissances baisseraient de manière plus importante avec une intensité également fonction de la composition par âge des flux migratoires. La première rupture possible, se traduisant par une hausse de la fécondité, entrainerait une hausse des naissances et pourrait même en accroître le nombre de façon significative. La seconde rupture possible de diminution de la fécondité verrait le nombre de naissances diminuer plus que proportionnellement à la fécondité. 1.2 La mortalité La tendance lourde actuelle de la mortalité est à l’augmentation de l’espérance de vie, surtout pour les personnes âgées, due notamment à la diminution de la pénibilité de certains métiers, aux progrès sanitaires et aux changements du comportement (tabagisme en diminution, moindre consommation d’alcool, alimentation plus diversifiée…). Se constate néanmoins un maintien des écarts territoriaux. Une première rupture possible consisterait en une progression encore plus grande de l’espérance de vie, notamment pour le sexe masculin, et peut se résumer par la formule : « tous plus vieux et en meilleure santé ». Les facteurs en seraient une politique sanitaire plus préventive, de nouvelles avancées médicales permises par la recherche, un réseau sanitaire encore amélioré, des comportements encore plus préventifs en matière de soins, un recul de la consommation de tabac, d’alcool ou de drogue, une diminution des accidents dus à la circulation automobile, de meilleurs choix nutritionnels... Certains des facteurs d’une telle rupture supposent des capacités de financement et nécessitent donc une forte création de richesses.
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À l’inverse, selon une seconde rupture possible, on constaterait l’arrêt, voire la baisse de l’espérance de vie92. En effet, rien n’assure que les progrès soient indéfinis ; leur rythme pourrait diminuer, voire s’inverser ; il existe d’éventuelles bombes à retardement (tabagisme, alcoolisme féminin, drogue, consommation de produits de mauvaise qualité, pauvreté, précarité, montée de l’obésité, etc.) qui pourraient porter sur les générations du baby-boom, donc avec un effet de masse important, ou sur leurs enfants, sous les effets, combinés ou non, des facteurs suivants : − des causes exogènes (problème de démographie et de géographie sanitaire, épidémies, pollutions, bouleversements géopolitiques…), − des causes endogènes (comportements, pauvreté et précarité durable, moindres soins pour certaines catégories de population…). 1.3 Les migrations d’étudiants Dans un contexte où les flux du mouvement naturel, donc de natalité et de mortalité, sont généralement peu élevés, les facteurs migratoires ont une importance essentielle dans l’évolution du peuplement des territoires. Il importe donc d’affiner tout particulièrement les tendances migratoires. Or, d’une part, comme la migration est dépendante de l’âge, il convient de traiter les migrations en fonction des âges, en décomposant les comportements de mobilité des individus selon le cycle de vie. Cinq catégories d’âges sont donc examinées : étudiants, jeunes actifs, actifs en famille, âges autour de la retraite et personnes au-delà de l’âge de la retraite, intitulées ci-après quatrième âge, sans que cette dénomination signifie nécessairement une situation d’incapacité. D’autre part, la migration concerne au moins quatre champs géographiques sur lesquels doit porter la réflexion, soit les territoires de France métropolitaine, ceux des DOM-TOM, les pays de l’Union européenne et ceux des pays non membres de l’Union européenne, appelés ci-après le reste du monde. Il convient aussi de réfléchir aux différents types de mobilité : quotidienne (déplacements), saisonnière, définitive (migration), sachant que le potentiel de mobilité résidentielle est lié au niveau de conception utilitariste du logement ; cette mobilité résidentielle inclut la mobilité
92
Voir par exemple : Parant, Alain, « ‘Tous toujours plus vieux et en meilleure santé’ : une conjecture hardie », SEVE. Les tribunes de la santé, été 2005, pp. 3742 ; Aubert, Claude, Espérance de vie : la fin des illusions, Terre vivante, 2006.
Quatre scénarios prospectifs
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quotidienne (déplacements) et a donc un coût intrinsèque. Mais, en même temps, les critères d’attractivité, par exemple des grandes villes, sont de plus en plus variés, et non seulement économiques. Examinons d’abord les migrations d’étudiants. Selon la tendance lourde, les comportements se caractérisent majoritairement par un phénomène de captivité géographique en partie volontaire, donc une migration de tendance limitée, sauf pour les grandes écoles ou les hauts niveaux d’études. Au sein de l’Union européenne et, plus généralement, des pays du Nord, le solde migratoire des étudiants est, pour la France, négatif. Figure 4.44 ⎯ Les tendances lourdes et ruptures relatives aux migrations d’étudiants France
DOM-TOM
UE
Tendances actuelles : Diminution des effectifs malgré l’allongement des études ; abandons de scolarité ; grandes différences selon les territoires ; hiérarchisation des territoires par maintien du maillage universitaire. Rupture 1 : système éducatif satisfaisant mieux les besoins, plus attractif, plus adaptable
Proximité immédiate (captivité géographique) sauf très haut niveau d’études
Proximité immédiate (captivité géographique) puis éventuellement métropole en cas d’études plus longues.
Émigration nette vers des pays de l’Union européenne
Augmentation de la mobilité étudiante avec des impacts très variés selon les territoires (spécialisation s locales).
Augmentation de la mobilité étudiante avec des impacts très variés selon les territoires.
Rupture 2 : recul du système éducatif français dans les classements internationaux
Captivité géographique pour la grande majorité des étudiants.
Captivité géographique pour la grande majorité des étudiants.
Inversion de la tendance (rendue difficile par la concurrence des autres pays enregistrant une baisse du nombre de jeunes) Hausse de l’émigration nette
Reste du monde Augmentatio n sensible des Africains francophones
Concurrence accrue avec les autres pays de l’Union européenne ou de l’OCDE
Perte de l’attractivité, y compris sur l’Afrique francophone
Selon une première rupture, se combineraient davantage de mobilité interne et moins de repoussement migratoire ; les migrations durables
134
Populations et territoires de France en 2030
d’étudiants français vers l’étranger plafonneraient ou régresseraient : la mise en œuvre de principes d’autonomie et de responsabilité dans les établissements d’enseignement supérieur permettrait une émulation et une dynamique, avec une nette diminution des sorties sans diplômes, et des résultats d’excellence attestés par des reconnaissances internationales. La compétitivité de l’enseignement supérieur français s’améliorerait. A l’inverse, selon une seconde rupture, il y aurait amoindrissement de la qualité du système éducatif et recul relatif de l’enseignement supérieur français en Europe et dans le monde, encourageant nombre d’étudiants à partir effectuer une période substantielle ou l’ensemble de leurs études à l’étranger. Même le vivier de l’Afrique francophone se mettrait à privilégier d’autres pays européens ou l’Amérique du Nord. 1.4 Les migrations de jeunes actifs La tendance actuelle concernant les migrations de jeunes actifs combine des effets de repoussement et d’attirance selon les territoires avec, approximativement, une stabilisation globale des effectifs. Une première rupture résulterait d’un taux d’emploi plus élevé des jeunes actifs, auquel cas leurs migrations internes seraient plus intenses. Cette rupture s’inscrirait dans un contexte d’amélioration des possibilités d’insertion des jeunes dans l’économie. L’émigration de jeunes actifs vers l’Union européenne ou le monde s’effectuerait dans une logique de migrations entrepreneuriales profitant à l’économie française tout autant qu’aux pays de destination, car s’effectuant dans une logique de durée limitée impliquant des retours réguliers en France. Une seconde rupture proviendrait d’une aggravation du taux d’emploi des jeunes actifs sous l’effet de rigidités accrues, ce qui diminuerait les migrations internes de jeunes actifs. En revanche, la France connaîtrait une forte émigration de jeunes actifs à la recherche de marchés dynamiques de l’emploi. Il s’agirait généralement de migrations de longue durée n’impliquant pas de retours réguliers en France.
Quatre scénarios prospectifs
135
Figure 4.45 ⎯ Les tendances lourdes et ruptures relatives aux migrations de jeunes actifs France
DOM-TOM
UE
Tendances actuelles : stabilité globale du volume, et modification de la répartition géographique des jeunes actifs
Métropolisation forte par les capitales régionales avec filtrage socioprofessionnel
Métropolisation (hexagonisation)
Émigration nette de France due à l’attractivité accrue des métropoles étrangères (économique, démographique), sauf travailleurs saisonniers.
Rupture 1 : augmentation du nombre de jeunes actifs par augmentation du taux d’emploi
Migrations accrues entre les territoires selon leurs besoins d’emploi ; métropolisation plus concurrentielle
Migrations accrues entre les territoires selon leurs besoins d’emploi
Émigration nette due aux implantations et aux besoins accrus de maind’œuvre qualifiée des pays européens (nouveaux entrants) Émigration des actifs les plus diplômés à la recherche de marchés dynamiques de l’emploi ; immigration nette
Rupture 2 : diminution du taux d’emploi des jeunes actifs
Faibles migrations, mais recherche d’aménités (accentuation des différences territoriales)
Reste du monde Statistiquemen t réduit en ce qui concerne la migration de travail, mais immigration indirecte via le regroupement familial, les demandeurs d’asile ou les clandestins Immigration nette (fonction de l’évolution du développemen t dans les pays du Sud et de la politique migratoire) Immigration nette (fonction de l’évolution du développemen t dans les pays du Sud et de la politique migratoire)
1.5 Les migrations d’actifs vivant en famille Examinons désormais les actifs vivant en famille et ayant déjà une certaine ancienneté dans la population active. Les tendances actuelles de leurs migrations additionnent trois éléments : les difficultés de logement des familles dans les métropoles, les actifs vivant en famille concernés par les migrations entrepreneuriales qui nourrissent les mouvements au sein de l’Union européenne et le regroupement familial concernant le reste du monde.
136
Populations et territoires de France en 2030 Figure 4.46 ⎯ Les tendances lourdes et ruptures relatives aux migrations d’actifs vivant en famille France
Tendances actuelles : difficulté de logement des familles ; bi-résidentialité
Rupture 1 : forte accentuation de la dispersion des logements, soit par la poursuite du mitage de l’espace soit par développement d’un polycentrisme généralisé Rupture 2 : dans les métropoles, reconcentration relative en raison de la fin de la quasi-exclusion des familles du cœur des métropoles
Départ des centres des grandes métropoles avec paraurbanisation ; migrations de retour (minoritaires) dans sa région d’origine (effet retard des migrations des jeunes actifs) ; rôle primatial de l’Île-de-France Paraurbanisation accrue (coût de l’énergie)
DOM -TOM
UE
Reste du monde
Migrations entrepreneuriales des cadres ou des techniciens pour des durées temporaires (effet local sensible) ; installation de Britanniques (effet Ryanair)
Migrations entrepreneuriales et immigration liée aux regroupements familiaux
Densification privilégiant les espaces les mieux desservis
Selon une première rupture, la France évoluerait comme la logique anti-urbaine de la mentalité américaine. La dispersion considérable de l’habitat, autour et de plus en plus loin des centres urbains, s’accroîtrait de façon exponentielle sous l’effet d’une paraurbanisation plus intense. On aurait un dépeuplement des centres urbains, qui n’attireraient plus que des immigrants internes ou internationaux, et un étalement du peuplement, une occupation du territoire plus « horizontale ». À l’inverse, selon une seconde rupture, les possibilités pour les familles vivant dans les métropoles d’habiter, si elles le souhaitent, dans le
Quatre scénarios prospectifs
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cœur de ces métropoles seraient réelles sous l’effet des politiques publiques facilitant l’investissement dans le logement urbain, déverrouillant certains plans locaux d’urbanisme urbains et/ou d’une hausse considérable du prix des transports. À nouveau, on assisterait dans le cœur des métropoles à une reconcentration urbaine relative avec un urbanisme plus dense, sans être forcément vertical. 1.6 Les migrations à l’âge de la retraite Pour les populations à l’âge de la retraite, la tendance lourde est à la stabilité, voire à la baisse, des taux de migrations définitives, couplée avec une augmentation en volume des ménages retraités mobiles ; s’ajoute pour certains une augmentation de la mobilité saisonnière, notamment entre la résidence urbaine au lieu du dernier emploi et la résidence secondaire pour ceux qui en possèdent. Figure 4.47 ⎯ Les tendances lourdes et ruptures relatives aux migrations à l’âge de la retraite
Tendances actuelles : stabilité, voire baisse, des migrations définitives (en taux) ; augmentation en volume des ménages retraités mobiles, augmentation de la mobilité saisonnière Rupture 1 : migration accrue par la valorisation du capital urbain, combinée à une baisse relative des revenus des retraites Rupture 2 : migration diminuée par relèvement de l’âge de la retraite et/ou par l’augmentation des coûts d’accessibilité
France
DOM-TOM
UE
Départ des métropoles vers le Sud et la façade atlantique
Migrations de retour
Immigration de Britanniques (une partie de l’effet Ryanair), de Néerlandais notamment
Accroissement des tensions spatiales dans les zones attractives
Tensions sur le marché du logement urbain ; ségrégation sociale renforcée
Diminution des arrivées de l’étranger
Reste du monde Migrations de retour peu intenses
Migrations de retour plus fréquentes car améliorant davantage le niveau de vie Diminution des migrations de retour
Une première rupture proviendrait d’une augmentation du coût de l’immobilier, notamment urbain, accentuant les phénomènes de rareté. La valorisation importante du patrimoine urbain, dans un contexte de pouvoir
138
Populations et territoires de France en 2030
d’achat relatif des retraites en diminution, pourrait majorer les migrations de domicile à l’âge de la retraite, incitant soit à la vente d’un logement urbain ou périurbain dégageant une confortable plus-value, soit à l’abandon d’un double domicile, le domicile secondaire non urbain devenant le domicile exclusif. À l’inverse, une seconde rupture proviendrait d’une diminution considérable des migrations à l’âge de la retraite. Le relèvement de l’âge de la retraite exercerait au moins un effet de calendrier. En outre, différents éléments encourageraient le maintien dans le domicile urbain face à l’augmentation des coûts de la dispersion géographique : coûts d’accessibilité des services sociaux ou de santé, coûts des dépenses de transports et énergétiques, souci de facilité d’accès aux services administratifs, offre diversifiée d’activités culturelles, maintien de contacts avec la famille ou les amis… Ceux qui possèdent une résidence secondaire l’abandonneraient pour un domicile urbain jugé plus avantageux. Et la faible mobilité résidentielle augmenterait les tensions sur le marché immobilier urbain et accentuerait la ségrégation sociale dans les quartiers. 1.7 Les migrations liées au quatrième âge Les tendances lourdes des migrations liées au quatrième âge (défini comme les années au-delà de celles du départ à la retraite) mettent en évidence peu de migrations sauf, lorsque la situation de la personne le nécessite, des migrations contraintes. Leur cheminement est soit fonction de l’offre en structures d’accueil pour personnes âgées ne pouvant rester seules à domicile, soit dépendant de la localisation de la famille, soit les deux. Une première rupture proviendrait d’une fréquente prise en charge par la famille des personnes en incapacité partielle du quatrième âge, auquel cas les migrations du quatrième âge dépendraient de celles des familles. La rupture inverse tiendrait à la rareté de la prise en charge par la famille imposant des migrations du quatrième âge en fonction de la géographie de l’offre.
Quatre scénarios prospectifs
139
Figure 4.48 ⎯ Les tendances lourdes et ruptures relatives aux migrations liées au quatrième âge France Tendances actuelles
Rupture 1 : prise en charge du quatrième âge par la famille Rupture 2 : non prise en charge du quatrième âge par la famille ; socialisation entraînant une spécialisation territoriale
DOMTOM
UE
Migrations dispersées et totalement contraintes (fonction de l’offre des structures) ; migrations à proximité de la famille Migrations qui s’alignent sur celles des actifs en famille ou des retraités
Quelques migrations frontalières (France vers Belgique)
Spécialisation de certains territoires avec effet de détente sur le marché de l’immobilier
Émigration de France vers des pays frontaliers mieux organisés (du Nord-Pas-deCalais vers la Belgique par exemple)
Reste du monde
1.8 Les migrations internationales Cette variable permet de faire la synthèse des différents aspects des migrations internationales exposés précédemment. Selon la tendance lourde, le système migratoire français se caractérise par un solde positivement significatif avec le « reste du monde » (même si certaines estimations de l’Insee l’ont minoré, au moins temporairement) résultant d’arrivées migratoires significatives (regroupement familial, demandes d’asile, essentiellement) et de départs de jeunes, généralement qualifiés, vers des pays qu’ils considèrent comme présentant de meilleures opportunités, ou de cadres et de techniciens s’expatriant pour des raisons entrepreneuriales. Une première rupture possible verrait un accroissement du solde migratoire net en raison d’une arrivée plus importante de migrants, couplée ou non avec une minoration de l’émigration d’actifs. À l’inverse, une seconde rupture traduirait un tassement du solde migratoire additionnant deux facteurs : d’une part l'augmentation des départs
140
Populations et territoires de France en 2030
des plus jeunes sous l’effet d’un marché international de la formation et du travail relativement plus attirant dans certains pays ; d’autre part, même si les causes structurelles de l’émigration africaine ou asiatique ne changent pas forcément, la France serait moins attractive que d’autres pays du Nord pour ces émigrés. 1.9 La composition par âge Selon la tendance lourde actuelle, la composition par âge se caractérise par un vieillissement quasi général des territoires, mais son intensité est très hétérogène selon l’attractivité et la structure du parc de logements. En particulier, deux types de territoires s’opposent : d’abord, des territoires urbains ou périurbains enregistrant un vieillissement in situ (vieillissement « par le bas » naturel sous l’effet d’une fécondité affaiblie, vieillissement « par le haut » hérité et vieillissement « par le haut » naturel, par augmentation de l’espérance de vie) parfois enrayé par un apport migratoire de jeunes et le départ de personnes âgées ; ensuite, les territoires de l’espace à dominante rurale, qui ont généralement un faible potentiel de vieillissement (car déjà vieillis), mais le voient augmenter par suite de migrations (vieillissement migratoire). La tendance lourde est à un maintien des écarts territoriaux de composition par âge sous l’effet des migrations internes. Quant à la gérontocroissance, elle est le plus souvent davantage urbaine et périurbaine car de type hérité ou naturel et ce, malgré une tendance à la gérontodécroissance de nature migratoire. L’espace à dominante rurale se caractérise assez souvent par une gérontocroissance migratoire. Une première rupture tiendrait à un vieillissement fort, cumulant de nouvelles améliorations dans l’espérance de vie (vieillissement « par le haut » naturel) et une fécondité abaissée (vieillissement « par le bas » naturel), avec des apports migratoires ne compensant pas l’intensité des deux effets indiqués. À l’inverse, une seconde rupture consisterait en un vieillissement modéré sous les effets, combinés ou non, de progrès faibles ou nuls dans l’espérance de vie, accompagnés d’une fécondité rehaussée et d’apports migratoires jeunes. 1.10
La structure des ménages
La tendance lourde actuelle de la structure des ménages est une baisse du nombre moyen de personnes par ménage sous plusieurs effets : fécondité
Quatre scénarios prospectifs
141
abaissée, diminution de la proportion des familles nombreuses, cohabitation ou nuptialité réduites, divortialité, monoparentalité, augmentation du nombre de personnes âgées vivant à deux après le départ des enfants ou vivant seules, notamment en raison des différences d’âge entre conjoints et d’espérance de vie entre les sexes. Néanmoins, se constate un maintien de l’importance des réseaux familiaux. Selon une première rupture, la baisse du nombre de personnes par ménage serait limitée sous l’effet de divers facteurs, combinés ou non : fécondité rehaussée, insuffisance de logements entraînant des phénomènes de « recohabitation », baisse du revenu des personnes âgées pouvant inciter à la densification de l’utilisation de leurs logements. Selon une rupture inverse, la baisse du nombre de personnes par ménage s’accélérerait pour diverses raisons : diminution de la fécondité, poursuite des tendances actuelles dans la sociologie familiale, d’où une forte augmentation des ménages d’une seule personne, avec un nombre de logements suffisant accompagnant cette baisse. 1.11 Les systèmes administratifs et réglementaires français et européen La tendance actuelle est au maintien de la complexité des réglementations (qui souvent se contredisent) et du système administratif territorial, souligné par exemple dans un rapport de la Cour des Comptes paru en 2005. L’écart entre les territoires vécus et les territoires administratifs est non seulement net, mais souvent illisible compte tenu du millefeuille territorial administratif. Et le « nul n’est censé ignorer la loi » encore plus utopique. Selon la tendance lourde, aucun changement n’interviendrait ni dans les modes de réglementation territoriaux, ni dans les découpages administratifs et leurs multiples zonages imbriqués. Une première rupture proviendrait d’un toilettage des dizaines de milliers de textes (inventoriés par un rapport du Conseil d’État, sous la signature de Françoise Chandernagor), de l’arrêt de la tendance réglementaire à vouloir redéfinir périodiquement des normes sans véritable changement, de la simplification des législations, des procédures, des régimes d’intercommunalité aujourd’hui éclatée entre différentes formules qui créent de l’opacité pour les citoyens, du système de financement caractérisé par la complexité des multiples financements croisés. S’y ajouterait un droit effectif à l'expérimentation locale et une gouvernance améliorée des institutions publiques, leur donnant une meilleure capacité d’assurer le fonctionnement des services en direct ou par le biais de régies.
142
Populations et territoires de France en 2030
Selon une rupture inverse, le maintien d’un système opaque, avec la montée en charge de nouvelles complexités déjà actées, ainsi que l’ajout d’autres contraintes procédurales fortes à la réglementation française ou européenne (immigration, environnement) aggraveraient la lourdeur et les coûts administratifs ou territoriaux. Les incohérences, inefficacités, réductions des marges de manœuvre, les incompréhensions (qui décide ? qui paye ?) se généraliseraient à tous les niveaux territoriaux. Engoncés, les systèmes administratifs et réglementaires français et européen seraient non seulement une collection d’usines à gaz, mais un handicap écrasant toute innovation, donc facteur d’immobilisme. 1.12 La capacité de financement des politiques publiques La tendance actuelle de la capacité de financement des politiques publiques peut s’interpréter comme un transfert continu de charges sur les générations futures, puisque l’augmentation de l’endettement de la France concerne aussi des dépenses de fonctionnement. Selon une première rupture, l’endettement s’accroît de façon imparable car rien n’est décidé pour enrayer son évolution ; or, faute de réformes, les dépenses engendrées par les décisions réglementaires prises antérieurement impliquent logiquement une augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités publiques. En outre, dans le contexte de la zone euro, une politique de maîtrise des dépenses publiques peut être retardée, car une dévaluation nationale n’est plus possible, d’autant que le pacte de stabilité permet désormais des assouplissements rendant possible le maintien, voire l’accroissement d’un endettement public. À l’inverse, un autre type de rupture proviendrait d’un endettement allégé de façon significative grâce à une réforme de l’État et de ses modes de fonctionnement, et à une meilleure gestion des services publics facilitant la création de richesses. 1.13 Le mode de financement des politiques publiques Dans le mode de financement des politiques publiques, la tendance actuelle peut être définie comme un recul de la péréquation, dans la mesure où les décisions de décentralisation, depuis 1982, ne se sont pas accompagnées des transferts correspondants en moyens humains (les effectifs de la fonction publique d’État auraient théoriquement dû diminuer, compte tenu des compétences transmises aux collectivités territoriales) ni de véritables gestions territoriales incontestablement décentralisées. Ainsi, avec l’exemple des « TOS » (personnel technicien ouvrier et de service) de
Quatre scénarios prospectifs
143
l’Éducation nationale, on peut davantage parler d’une « centralisation décentralisée » que d’une véritable décentralisation. Une première rupture proviendrait du développement de partenariats de type public-privé (PPP), rendant possible la mise en œuvre de la satisfaction de besoins collectifs en étalant la question du financement par les collectivités publiques sur plusieurs années. Un autre type de rupture, une péréquation accrue, proviendrait, d’une part, de transferts de moyens et de marges de gestion dans le cadre de la décentralisation et, d’autre part, d’une politique de transferts en fonction des contraintes des territoires. 1.14 La création de richesses La tendance actuelle est caractérisée par une faible création de richesses, d’où des contraintes sociétales fortes. Selon une première rupture, la création de richesses serait en hausse, les entreprises innovantes et dynamiques, le contexte mondial stimulant pour les exportations françaises, et la demande interne serait soutenue par une confiance durable. À l’inverse, un autre type de rupture conduirait à une création de richesses affaiblie dans un contexte de moindre compétitivité de l’économie française. Les risques seraient alors : aggravation de la précarité ; paupérisation des retraités ; baisse des revenus moyens et augmentation des écarts de revenus ; dualité face à la vieillesse/dépendance entre les personnes ayant un patrimoine pouvant la financer et ceux qui n’en disposent pas. 1.15 La création d'emplois La tendance actuelle est à une faible création d’emplois malgré un taux d’emploi relativement bas dans l’Union européenne, en dessous de la moyenne pour les jeunes et les seniors actifs, le plus faible pour les diplômés de l’enseignement supérieur. Une première rupture forte proviendrait de l’augmentation des taux d'emploi de la France vers les niveaux de l’Europe septentrionale. Un autre type de rupture serait la baisse continue de ces taux dans le contexte d’une économie créant peu d’emplois d’entraînement et d’un fort vieillissement de la population, générant une structure de la demande peu stimulante.
144
Populations et territoires de France en 2030 1.16 Le parc de logements
Selon la tendance actuelle, le parc de logements demeure inadapté aux besoins ou insuffisant, de façon inégale selon les territoires, malgré l’augmentation de l’offre observée depuis 2005. Néanmoins, la question du parc de logements doit être examinée en fonction des attitudes. Quelle fonction les individus et les familles donneront-ils au logement principal : capital ou bien de consommation ? Quelle que soit la réponse à cette question, une alternative se présente. Une première rupture proviendrait d’une réhabilitation) assurant la satisfaction des besoins.
construction
(ou
À l’inverse, un autre type de rupture verrait l’aggravation de la situation des années récentes, avec un parc de logements durablement insuffisant. 2. Présentation générale des quatre scénarios L’analyse prospective des 16 variables retenues a permis de proposer systématiquement 3 hypothèses, soit une tendance lourde et deux ruptures opposées. La combinaison des analyses ci-dessus conduit à synthétiser les éléments du système de base fondant les scénarios, puis à une présentation générale des quatre scénarios élaborés. 2.1 Un système pouvant combiner 256 avenirs possibles La synthèse des tendances lourdes et des deux types de ruptures possibles sur 16 variables conduit à établir un espace morphologique inventoriant les hypothèses prospectives (cf. figure 4.55). 2.2 À la recherche de scénarios cohérents et contrastés La combinaison des hypothèses, compte tenu du nombre de variables, conduit mathématiquement à 256 scénarios théoriques possibles. Un tel nombre supposerait de considérer que chaque hypothèse concernant chaque variable est indépendante de chacune des quinze autres hypothèses retenues pour les quinze autres variables du système élaboré, ce qui est évidemment faux en raison des interrelations dans la dynamique des variables. En conséquence, en retenir et en étudier autant serait inutile non seulement en raison de l’impossibilité de trouver des critères objectifs permettant de les hiérarchiser, mais surtout du fait que certains scénarios combineraient des hypothèses prospectives contradictoires.
Quatre scénarios prospectifs
145
Figure 4.49 ⎯ Synthèse des variables retenues et de leurs hypothèses contrastées d’évolution Variables
Tendance lourde
Natalité
Fécondité stable
Mortalité
Hausse de l’espérance de vie
Tous plus vieux en meilleure santé
Arrêt, voire baisse, de l’espérance de vie
Migrations (étudiants)
Diminution des effectifs
Système éducatif satisfaisant
Recul du système éducatif
Migrations (jeunes actifs)
Stabilité globale du volume
Migrations (actifs en famille)
Difficultés de logement
Migrations (retraités)
Hausse de la mobilité saisonnière, baisse des migrations définitives
Migrations (quatrième âge)
Migrations dispersées et contraintes
Migrations internationales
Arrivées migratoires plus Accroissement du solde Tassement du solde migratoire net importantes
Structure par âge Structure des ménages
Vieillissement général
Rupture (1)
Rupture (2)
Hausse de la fécondité Baisse de la fécondité
Hausse (augmentation Baisse (taux d'emploi affaibli) du taux d'emploi) Dispersion des logements
Dans les métropoles, re-concentration relative
Valorisation du capital Baisse des migrations urbain Prise en charge par la famille
Vieillissement fort
Socialisation
Vieillissement modéré
Baisse accélérée du Baisse du nb de personnes Baisse limitée du nb de nb de personnes par par ménage personnes par ménage ménage Complexité du système administratif
Simplification, expérimentation et gouvernance
Immobilisme
Capacité de fin. des Transfert de charges sur pol. pub. les générations futures
Endettement accru
Endettement allégé
Systèmes administratifs et réglementaires
Modes de fin. des pol. pub.
Recul de la péréquation
PPP
Péréquation accrue
Création de richesses
Faible
En hausse
Durablement faible
Création d'emplois
Faible
Forte (augmentation du taux d'emploi)
Baisse continue du taux d'emploi
Construction de logements
Insuffisant
Satisfaction des besoins
Durablement insuffisant
146
Populations et territoires de France en 2030
La réflexion sur les avenirs possibles ne conduit donc ni à considérer tous les scénarios mathématiquement possibles, ni à prendre par exemple la tendance lourde de chacune des 16 variables, puisque nous avons démontré précédemment qu’il est exclu que le futur soit systématiquement conforme au présent. En outre, il est toujours souhaitable d’éviter une recherche sur un nombre impair de scénarios, car cela dégage inévitablement un scénario « central » qui risque d’être privilégié. Quatre scénarios cohérents sont donc proposés. Et comme la grande question est de savoir quel vent favorable ou défavorable pourrait souffler sur le futur des populations et territoires français, nous avons désigné chaque scénario par un nom de vent correspondant à quatre points cardinaux différents Aquilo, Auster, Eurus et Zephyrus, dénominations qui, comme précisé ci-dessous, ne sont pas arbitraires. Chaque scénario consiste donc à réfléchir pour chaque variable, sur l’un des trois choix qui est, selon le cas, le tendanciel, l’hypothèse de rupture 1 ou l’hypothèse de rupture 2, avec le souci que les choix des seize hypothèses retenues, propres à chaque variable, soient cohérents entre eux. Plus généralement, les tendances et les ruptures des seize variables considérées peuvent se dérouler ou se combiner différemment selon les évolutions sociétales, la progression ou le recensement de tendances à la gérontocratie, les profils comportementaux sociétaux des générations du baby-boom (génération Robinson, pouvoir gris, etc.). Chaque scénario conduit ensuite à l’examen de ses conséquences pour les territoires. 2.3 Présentation générale des scénarios Résultat d’une combinaison d’hypothèses réalisées sur les différents sous-systèmes, chaque scénario décrit une morphologie possible de la société à l’horizon 2030 et son ambiance générale. La première démarche, la plus aisée, consiste donc à bâtir deux scénarios contrastés, soit le premier scénario Aquilo et le troisième Eurus. Le premier scénario, sous ce nom d’Aquilo, apparaît comme le scénario « rose », celui d’un printemps sociétal, économique, démographique et territorial. Il marie un dynamisme démographique et un redémarrage économique avec une refondation du modèle social sur un mode plus décentralisé, et un fort volontarisme politique envers la famille et le logement, facilité par davantage de création de richesses. À l’inverse, le troisième scénario, Eurus, est « noir », dans un contexte que nous avons dénommé « d’hiver démographique », c’est-à-dire de fécondité nettement et durablement abaissée en dessous du seuil de remplacement des générations. Eurus se caractérise par une crise du modèle social, une hausse du coût de
Quatre scénarios prospectifs
147
l’énergie, une hausse, sous contrainte d’insuffisance des revenus, de l’âge réel de prise de la retraite, et l’absence de volonté d’engagement politique pour réformer. La seconde démarche, plus affinée, consiste à examiner deux scénarios plus nuancés, ni roses ni noirs, mais en même temps s’inspirant de logiques différentes. Ce sont les deuxième et quatrième scénarios : Auster et Zephyrus. Le deuxième scénario, Auster, est celui d’un État-providence ségrégatif, s’effectuant prioritairement au profit des personnes âgées. Avec Auster, existent des filets serrés de protection sociale pour les personnes âgées, mais des filets lâches pour le reste de la société qui se voit contrainte de se prendre en charge, et réussit à créer des richesses qui servent au développement économique des territoires, mais dans un contexte de forte inégalité. Le quatrième scénario, Zephyrus, présente une économie du bien-être minimum généralisé sous perfusion avec une forte logique étatique : des politiques de solidarité existent - emplois aidés (publics pour les jeunes), politiques du logement pour le quatrième âge -. Mais elles se limitent à mettre en œuvre des minima dans une logique à la Beveridge et ne parviennent pas à des objectifs qualitatifs, faute de volonté et de moyens suffisants puisque la dynamique économique est limitée. Au-delà des minima sociaux dont le financement est en partie assuré par des reports sur les générations futures, de fortes inégalités existent, par exemple entre les retraités riches et les retraités pauvres. Sous l’angle de la création de richesses, les scénarios se classent ainsi : le premier Aquilo et le deuxième Auster connaissent les niveaux les plus élevés d’augmentation des richesses ; en revanche, la création de richesses est plutôt en diminution avec les troisième et quatrième scénarios, Eurus et Zephyrus, d’où notre présentation ci-après qui traite dans cet ordre les scénarios. Ce qui précède éclaire combien les dénominations retenues correspondent au contenu des scénarios. En effet, Aquilo est un vent du Nord et peut faire penser à une France qui s’inspirerait largement des réformes opérées en Europe septentrionale. Auster est un vent du Midi qui peut faire songer à la priorité du souci d’un héliotropisme positif qui est souvent celui des personnes âgées, donc une situation où règne le pouvoir gris. Eurus est un vent du levant qui peut renvoyer aux fortes difficultés de certains États du Moyen-Orient à se réformer, et donc exprime un immobilisme conduisant à un déclin relatif, voire absolu. Enfin, Zephyrus est
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Populations et territoires de France en 2030
un vent d’Ouest, venant donc des États fédéraux de l’Amérique du Nord, et qui susciterait par réaction à l’Amérique des réflexes jacobins. 3. Les quatre scénarios 3.1 Aquilo, un printemps démographique et territorial Selon ce scénario, le dynamisme démographique et économique, avec refonte du modèle social centralisé, donne des résultats favorables à la vitalité des territoires. Les éléments de cohérence du scénario tiennent à l’inversion du rapport de force entre les aspirations collectives et la somme des intérêts économiques ainsi qu’à des politiques volontaristes dans les domaines de la famille, du logement ou de l’emploi. a) Présentation générale Ce scénario favorable se place dans l’idée d’une France connaissant un redémarrage économique, dans le cadre d’un modèle social remis à jour. L’État retrouve ses forces parce qu’il a su simplifier son administration, ses procédures, être plus efficient, tout en permettant des actions territoriales efficaces grâce à une décentralisation éclairée, avec des collectivités territoriales pouvant conduire de véritables expérimentations locales. Avec la création d’emploi, et grâce à sa réforme, l’État a retrouvé des marges de manœuvre qui permettent notamment, dans le cadre de la politique nationale d’aménagement du territoire, de faire de la péréquation (financière, fiscale, réglementaire, en équipements…) au profit de territoires à favoriser. Le volontarisme de la politique familiale concourt à assurer le remplacement des générations. Aquilo est un scénario optimiste relativement à une France qui connaît des facteurs de délitement au début des années 2000, comme l’ont montré la question européenne, les violences urbaines, la montée du nombre des Rmistes… Il suppose des interactions favorables entre des impulsions politiques, des créations de richesses en forte hausse et une société accueillante et innovatrice. Selon ce scénario Aquilo, la dynamique démographique des territoires est globalement positive sous l’effet d’une fécondité rehaussée et d’une poursuite de l’augmentation de l’espérance de vie (« Tous plus vieux, en meilleure santé »), et de l’augmentation du solde migratoire net international. Ces deux derniers facteurs conduisent à un vieillissement modéré, à une baisse limitée du nombre de personnes par ménage, ce qui est l’une des explications de la satisfaction globale des besoins en logement.
Quatre scénarios prospectifs
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Figure 4.50 ⎯ Synthèse des hypothèses du scénario Aquilo Variables
Tendance lourde
Natalité
Fécondité stable
Mortalité
Hausse de l’espérance de vie
Tous plus vieux en meilleure santé
Arrêt, voire baisse, de l’espérance de vie
Migrations (étudiants)
Diminution des effectifs
Système éducatif satisfaisant
Recul du système éducatif
Migrations (jeunes actifs)
Stabilité globale du volume
Migrations (actifs en famille)
Difficultés de logement
Migrations (retraités)
Hausse de la mobilité saisonnière, baisse des migrations définitives
Migrations (quatrième âge)
Migrations dispersées et contraintes
Migrations internationales
Arrivées migratoires plus Accroissement du solde Tassement du solde importantes migratoire net
Structure par âge Structure des ménages Systèmes administratifs et réglementaires
Vieillissement général
Rupture (1)
Rupture (2)
Hausse de la fécondité Baisse de la fécondité
Hausse (augmentation Baisse (taux d'emploi affaibli) du taux d'emploi) Dispersion des logements
Dans les métropoles, reconcentration relative
Valorisation du capital Baisse des migrations urbain Prise en charge par la famille
Vieillissement fort
Socialisation
Vieillissement modéré
Baisse accélérée du Baisse du nb de personnes Baisse limitée du nb de nb de personnes par par ménage personnes par ménage ménage Complexité du système administratif
Simplification, expérimentation et gouvernance
Immobilisme
Capacité de fin. des Transfert de charges sur les générations futures pol. pub.
Endettement accru
Endettement allégé
Modes de fin. des pol. pub.
Recul de la péréquation
PPP
Péréquation accrue
Création de richesses
Faible
En hausse
Durablement faible
Création d'emplois
Faible
Forte (augmentation du taux d'emploi)
Baisse continue du taux d'emploi
Construction de logements
Insuffisant
Satisfaction des besoins
Durablement insuffisant
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Populations et territoires de France en 2030
Le système éducatif ⎯ satisfaisant ⎯ limite l’émigration étudiante aux échanges universitaires, attire des étudiants étrangers et rend les territoires français attractifs. Parallèlement, les multiples réformes intervenues donnent une évolution favorable : réforme politico-institutionnelle (simplification, droit à l’expérimentation locale, gouvernance accrue) ; augmentation des taux d’emploi ; création de richesses en hausse. Si l’endettement est accru, il finance de l’investissement laissant escompter des retours et non du fonctionnement. Un État fort fait en sorte que vive une véritable décentralisation permettant au local de se mobiliser pour œuvrer en faveur d’une croissance endogène, sans perdre de temps dans des procédures constamment changées ou dans de multiples démarches imposées par un fonctionnement jacobin. La logique républicaine de l’État permet une péréquation accrue sous diverses formes possibles. Les politiques sociales sont volontaristes et innovantes (famille, logement, emploi). Les dynamiques migratoires par groupe d’âges sont favorables aux territoires car la mobilité est importante. Contrairement à la situation des années 2000, les actifs vivant en famille peuvent, s’ils le souhaitent, habiter dans le cœur des métropoles, ce qui facilite notamment la création de richesses par diminution des temps de transports. Mais la mobilité des retraités est réelle car le patrimoine urbain se valorise. La prise en charge du quatrième âge en incapacité est socialisée. b) Les conditions de réalisation du scénario Les conditions de réalisation d’Aquilo portent d’abord sur l’attitude des pouvoirs publics et le contexte général : − une politique volontariste vis-à-vis de la famille, du quatrième âge et du logement ; − une volonté avérée de simplification institutionnelle et administrative ; − la priorité donnée à un contexte économique favorable conduisant à des créations d’emplois et de richesses ; − une reprise de la mobilité géographique permise par une relance de l’emploi et de la construction de logements, notamment de locatif intermédiaire pour les cadres mobiles dans les principales métropoles ; − La dynamique démographique s’appuie sur les comportements et l’attitude d’accueil des familles, des enfants et des personnes immigrées, soit :
Quatre scénarios prospectifs
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− un changement de valeurs de la société suite à une rupture majeure (financements, vie quotidienne, etc.), la nécessité de changer certaines équations « philosophiques » parfois présentées comme « rentables » alors qu'elles minent le lien social (nouvelles formes de socialisation) ; − la facilité de la venue du troisième enfant (logement, accès au premier emploi pour les femmes, conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle dans tous les territoires) ; − l’arrêt, rendu possible par une meilleure place donnée dans la société aux jeunes adultes, du recul de l'âge de la mère lors de la venue du premier enfant ; − la possibilité de concilier des temps différents ; − une ouverture renforcée aux frontières (qui permettrait l'accroissement du solde migratoire net). Aquilo suppose également : − une organisation et une gouvernance territoriales (urbaines comme rurales) décentralisées et déconcentrées adaptées pour répondre aux besoins ; − une paraurbanisation dont l’évolution demeure relativement limitée ; − la modification du mode de production des logements (redensification des tissus déjà constitués). c) Les conséquences : diffusion et l’attractivité de tous les territoires
émulation
favorables
à
Les conséquences sur les territoires ne sont pas forcément des conséquences automatiques et équivalentes car elles dépendent du jeu des acteurs. Il apparaît néanmoins qu’Aquilo permettrait de valoriser les territoires les plus dynamiques qui seraient particulièrement créateurs d’emplois d’entraînement, ce qui profiterait d’abord aux territoires proches des premiers, tandis que les autres, encouragés par une ambiance de recherche du progrès et d’amélioration de la qualité de vie, déploieraient une politique proactive dans une logique de croissance endogène. Donc, ce qui bénéficie à certains territoires aurait des répercussions favorables sur d’autres. La politique nationale d’aménagement du territoire et les décisions de péréquation donneraient la possibilité de développement local aux territoires les moins compétitifs. En ne prônant ni la concentration ni l'étalement, le scénario Aquilo permet une meilleure distribution des dynamiques démographiques sur une France riche de ses territoires, armés par des pays structurés autour de villes de dimension variable, aux activités économiques spécifiées pour plus de
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Populations et territoires de France en 2030
performances, et en les faisant fonctionner en réseau pour davantage de solidarité. La reprise de la mobilité géographique est permise par une relance de l’emploi et de la construction de logements, notamment du locatif intermédiaire pour les cadres mobiles dans les principales métropoles. Une redistribution des logements diffuse les dynamiques territoriales dans des pays aux activités économiques variées et complémentaires, ce qui permet de limiter la propension actuellement très forte au zoning social et générationnel, et l'établissement d'un réel tamis social en fonction de l'éloignement urbain. 3.2 Auster : un pouvoir gris attentif à la défense de ses intérêts Selon le deuxième scénario, Auster, l’absence de changements s’effectue dans un contexte de relatif laisser-faire pour tout ce qui ne profite pas aux générations les plus nombreuses en terme électoral, donc aux populations âgées. Dans ce dessein, on n’effectue aucune des réformes qui pourraient mécontenter le pouvoir gris, mais on change ce qui permet d’assurer la défense de ses intérêts en lâchant du lest ailleurs, en dehors de la sphère étatique. L’évolution économique est peu favorable, mais néanmoins progressiste ; elle permet de financer les politiques sociales pour les personnes âgées, mais non l’ensemble des dépenses sociales souhaitables. Les éléments de cohérence du scénario tiennent à un recul des politiques sociales concernant les jeunes et les familles (emploi aidé, famille, logement), à une généralisation d’un emploi précaire chez les jeunes, contraints de travailler même à vil prix faute de filets sociaux, à la satisfaction globale des demandes (logement, emploi), mais avec des inégalités croissantes. Les nouvelles générations ont intériorisé l’idée qu’elles ne pourront atteindre le niveau de vie de leurs aînés et elles intègrent en conséquence une rhétorique de déclin générationnel. Il est difficile d’anticiper ce que pourrait être à terme la réaction de ces groupes d’âge entre le fait de subir une situation relativement désavantageuse ou, au contraire, s’y opposer. a) Présentation générale Le deuxième scénario Auster se réalise si tout est centré sur les générations âgées, d’où, en particulier, une baisse de fécondité. Il conduit à une économie inégale dans laquelle les pouvoirs publics ne veulent pas introduire davantage de justice stimulante car ce n’est pas leur priorité. Les jeunes sont en quelque sorte les « exploités ». Les générations jeunes ont
Quatre scénarios prospectifs
153
donc des conditions de vie relativement peu favorables et ne peuvent conduire des projets de vie dans la durée. Ce scénario se caractérise également par l’incapacité de l’État de se réformer. Au plan politico-institutionnel, c’est l’opacité et la complexification qui dominent. Au plan démographique, le recul de la politique familiale contribue à la baisse de la fécondité, tandis que le souci de privilégier la formule « Tous plus vieux, en meilleure santé » est la grande priorité sanitaire, conduisant notamment à la socialisation du quatrième âge. Le vieillissement s’intensifie par le bas et par le haut. Le nombre de personnes par ménage continue de baisser. Le solde migratoire net international s’accroît parce que les causes externes demeurent semblables et que la France crée des emplois, mais de façon peu intense. La satisfaction globale des besoins en logement provient de la socialisation du quatrième âge, qui a libéré des logements, et des effectifs réduits des jeunes générations. L’endettement est allégé puisqu’on réduit toutes les politiques qui ne concernent pas les personnes âgées (politiques éducatives, politiques sociales…). Le recul du système éducatif minore les migrations étudiantes. On développe des formules de partenariat public-privé sur le dos des politiques familiales et des générations futures. Les dynamiques migratoires par âge se caractérisent par une hausse des migrations de jeunes actifs en raison de la précarité qui caractérise la faible hausse du taux d’emploi. La société dominée par le "pouvoir gris" ne favorise pas le logement urbain des familles, car elle monopolise les ressources publiques au profit des seniors. b) Les conditions de la réalisation du deuxième scénario Les conditions de réalisation du deuxième scénario sont les suivantes : − les systèmes administratifs et réglementaires restent figés et n’innovent pas ; − la politique familiale est limitée (pas d’allègement d’impôt pour les familles) ou diluée (universalité des aides aux familles d’un enfant) ; − la politique de santé pour le quatrième âge est renforcée ; − le déploiement d’une politique et l’aménagement d’équipements pour le quatrième âge ; − une politique d’immigration active.
154
Populations et territoires de France en 2030
Figure 4.51 ⎯ Synthèse des hypothèses du scénario Auster Variables
Tendance lourde
Natalité
Fécondité stable
Mortalité
Hausse de l’espérance de vie
Tous plus vieux en meilleure santé
Arrêt, voire baisse, de l’espérance de vie
Migrations (étudiants)
Diminution des effectifs
Système éducatif satisfaisant
Recul du système éducatif
Migrations (jeunes actifs)
Stabilité globale du volume
Migrations (actifs en famille)
Difficultés de logement
Migrations (retraités)
Hausse de la mobilité saisonnière, baisse des migrations définitives
Migrations (quatrième âge)
Migrations dispersées et contraintes
Migrations internationales
Arrivées migratoires plus Accroissement du solde Tassement du solde migratoire net importantes
Structure par âge Structure des ménages
Vieillissement général
Rupture (1)
Rupture (2)
Hausse de la fécondité Baisse de la fécondité
Hausse (augmentation Baisse (taux d'emploi affaibli) du taux d'emploi) Dispersion des logements
Dans les métropoles, reconcentration relative
Valorisation du capital Baisse des migrations urbain Prise en charge par la famille
Vieillissement fort
Socialisation
Vieillissement modéré
Baisse accélérée du Baisse du nb de personnes Baisse limitée du nb de nb de personnes par par ménage personnes par ménage ménage Complexité du système administratif
Simplification, expérimentation et gouvernance
Immobilisme
Capacité de fin. des Transfert de charges sur les générations futures pol. pub.
Endettement accru
Endettement allégé
Systèmes administratifs et réglementaires
Modes de fin. des pol. pub.
Recul de la péréquation
PPP
Péréquation accrue
Création de richesses
Faible
En hausse
Durablement faible
Création d'emplois
Faible
Forte (augmentation du taux d'emploi)
Baisse continue du taux d'emploi
Construction de logements
Insuffisant
Satisfaction des besoins
Durablement insuffisant
Quatre scénarios prospectifs
155
c) Les conséquences : de très fortes inégalités La spécificité territoriale de ce scénario est que les variables ont de fortes différences de degrés selon les territoires : il entraîne des conséquences très contrastées selon les lieux. Ainsi, les hypothèses retenues peuvent, elles-mêmes, exister de façon très contrastée dans les territoires. Par exemple, l’hypothèse « d’endettement allégé » peut varier fortement selon les territoires concernés. Auster envisage une différenciation sociale croissante des territoires. D’une part, les seniors monopolisant le capital et le pouvoir suscitent une ségrégation résidentielle accrue par souci de sécurité avec multiplication de quartiers privés (« gated communities ») et une spéculation immobilière qui contraint les familles à rechercher des solutions de logement à moindre prix dans les couronnes périurbaines. D’autre part, se constate une très forte opposition entre une vive gérontocroissance dans les territoires urbains et un fort vieillissement pour les territoires ruraux. 3.3 Eurus, le vent froid d’un hiver démographique Le troisième scénario est « noir » : engoncée dans une complexification politico-institutionnelle et un endettement accru, portant sur des dépenses de fonctionnement, tandis que le taux d’emploi connaît une baisse continue dans un contexte de contraction démographique, la France crée peu de richesses et les territoires s’enfoncent dans une crise. Les éléments de cohérence du scénario tiennent à une concentration de ce qui reste des mécanismes redistributifs sur les populations en grande difficulté. L’absence de toute politique en faveur des jeunes et en faveur des vieux implique un transfert des charges sur les familles. a) Présentation générale Ce troisième scénario additionne les éléments suivants : crise du modèle social, forte hausse de l’âge à la retraite, pas d’engagement politique, baisse du taux d’emploi des jeunes actifs, crise du modèle social, vieillissement par le bas accentué. Les réponses politiques ne sont nullement adaptées aux besoins tandis que le coût de l’énergie augmente sensiblement. La contraction démographique du scénario Eurus additionne trois éléments régressifs : une baisse de la fécondité ; un arrêt, voire une baisse, de l’espérance de vie ; un tassement du solde migratoire net international dû
156
Populations et territoires de France en 2030
au départ des plus jeunes. Il en résulte un fort vieillissement et une baisse accélérée du nombre de personnes par ménage. Figure 4.52 ⎯ Synthèse des hypothèses du scénario Eurus Rupture (1)
Rupture (2)
Variables
Tendance lourde
Natalité
Fécondité stable
Mortalité
Hausse de l’espérance de vie
Tous plus vieux en meilleure santé
Arrêt, voire baisse, de l’espérance de vie
Migrations (étudiants)
Diminution des effectifs
Système éducatif satisfaisant
Recul du système éducatif
Migrations (jeunes actifs)
Stabilité globale du volume
Migrations (actifs en famille)
Difficultés de logement
Migrations (retraités)
Hausse de la mobilité saisonnière, baisse des migrations définitives
Migrations (quatrième âge)
Migrations dispersées et contraintes
Migrations internationales
Arrivées migratoires plus Accroissement du solde Tassement du solde migratoire net importantes
Structure par âge Structure des ménages
Vieillissement général
Hausse de la fécondité Baisse de la fécondité
Hausse (augmentation Baisse (taux d'emploi du taux d'emploi) affaibli) Dispersion des logements
Dans les métropoles, reconcentration relative
Valorisation du capital Baisse des migrations urbain Prise en charge par la famille
Vieillissement fort
Socialisation
Vieillissement modéré
Baisse accélérée du Baisse du nb de personnes Baisse limitée du nb de nb de personnes par par ménage personnes par ménage ménage Complexité du système administratif
Simplification, expérimentation et gouvernance
Immobilisme
Capacité de fin. des Transfert de charges sur pol. pub. les générations futures
Endettement accru
Endettement allégé
Systèmes administratifs et réglementaires
Modes de fin. des pol. pub.
Recul de la péréquation
PPP
Péréquation accrue
Création de richesses
Faible
En hausse
Durablement faible
Création d'emplois
Faible
Forte (augmentation du taux d'emploi)
Baisse continue du taux d'emploi
Construction de logements
Insuffisant
Satisfaction des besoins
Durablement insuffisant
Quatre scénarios prospectifs
157
Malgré la contraction démographique, les besoins en logements sont insatisfaits car la construction et la réhabilitation sont insuffisantes. Les territoires français ne sont guère attractifs en raison du faible dynamisme économique et du recul du système éducatif (baisse des migrations étudiantes). Il y a désertification des zones rurales dans un contexte de baisse des migrations des retraités et de reconcentration urbaine des logements des actifs en famille. Les pouvoirs publics mettent des rustines ou font du replâtrage sans avoir de stratégie ni se donner les moyens de faire davantage : ni le système sanitaire ni le système éducatif ne progressent et la prise en charge du quatrième âge reste entièrement à la charge des familles. La péréquation est accrue, mais pour un service minimum. b) Les conditions de réalisation du scénario Les conditions de réalisation de ce scénario sont : − pas de changement de valeurs de la société, pas de réformes administrative et réglementaire, absence de politique de l’emploi ; − un désengagement de l'État faute de réformes et de moyens, pas d’investissement dans la jeunesse, déclin des politiques familiales, dégradation relative du système des soins ; − une émigration internationale des jeunes diplômés, l'essor d'une émigration des cerveaux (brain drain) au détriment de la France ; − une baisse de la compétitivité internationale de la France qui défavoriserait l'emploi et entraînerait la dégradation du rapport actif/inactif ; − une émergence de nouvelles formes de socialisation ou de cohabitation face à la crise du logement ; − un essor d'une sorte de « système D » pour les populations face à un État rigidifié. c) Les conséquences : des territoires en grande difficulté à même des territoires en perdition L’évolution la plus probable est la montée de difficultés à toutes les échelles territoriales, y compris dans les grandes métropoles. La situation est particulièrement critique dans l’espace à dominante rurale, qui ajoute le dépeuplement à la dépopulation93 dans un contexte d’appauvrissement
93
On distingue en effet le dépeuplement « diminution de la population d’un territoire donné », et la dépopulation, « excédent des décès sur les naissances ». Cf. Dictionnaire de géographie, Paris, Ellipses, 2005.
158
Populations et territoires de France en 2030
économique et de baisse des revenus relatifs. Les territoires qui vivaient correctement d’une économie résidentielle ne sont plus que des poches de pauvreté puisque les revenus de transferts se sont considérablement réduits, tandis que les services collectifs se détériorent ou doivent fermer (écoles), entraînant à leur tour d’autres pertes d’attractivité. Autre questionnement : le maintien des personnes âgées, nécessitant une aide à domicile, un accès aux soins et aux services, sur leur territoire, pourrait être plus difficile à préserver en cas d’insuffisance de ressources locales, en raison de fortes disparités territoriales ; cette tendance pourrait conduire rapidement à des concentrations et à une spécialisation des territoires. 3.4 Zéphyrus : un jacobinisme de minima sociaux par un endettement accru Ce quatrième scénario s’exerce dans le cadre d’un fort interventionnisme étatique qui organise des politiques sociales minimales de l’emploi ou de la protection. Il en résulte des dividendes en termes démographique (maintien de la fécondité et hausse de la longévité des personnes âgées) et économique avec une augmentation des taux d’emploi. Néanmoins, l’endettement s’accroît et le maintien de la complexité politico-institutionnelle obère la liberté d’innovation des territoires ou du système éducatif qui ne s’adapte pas aux besoins territoriaux. Alors que le scénario Auster laisserait faire une partie de la société afin de dégager des moyens suffisants pour le pouvoir gris, c’est ici l’ensemble de la société qui est sous perfusion d’un pouvoir central dont le souci de redistribution passe par un endettement accru. La société et les territoires ont des difficultés à toutes les échelles. Les territoires sont peu dynamiques tout comme leurs populations. Les poses de rustines étatiques ne suffisent pas et la redistribution centralisée ne remet pas en cause les inégalités. Un élément de cohérence du scénario est donc le refus des mécanismes de décentralisation d’une part, ou de marché d’autre part (du moins pour la partie protégée de l’économie) dans un esprit de jacobinisme. Mais la redistribution ne peut remettre en cause des différences générationnelles existantes.
Quatre scénarios prospectifs
159
Figure 4.53 ⎯ Synthèse des hypothèses du scénario Zéphyrus Variables
Tendance lourde
Natalité
Fécondité stable
Mortalité
Hausse de l’espérance de vie
Tous plus vieux en meilleure santé
Arrêt, voire baisse, de l’espérance de vie
Migrations (étudiants)
Diminution des effectifs
Système éducatif satisfaisant
Recul du système éducatif
Migrations (jeunes actifs)
Stabilité globale du volume
Migrations (actifs en famille)
Difficultés de logement
Migrations (retraités)
Hausse de la mobilité saisonnière, baisse des migrations définitives
Migrations (quatrième âge)
Migrations dispersées et contraintes
Migrations internationales
Arrivées migratoires plus Accroissement du solde Tassement du solde importantes migratoire net
Structure par âge Structure des ménages
Vieillissement général
Rupture (1)
Rupture (2)
Hausse de la fécondité Baisse de la fécondité
Hausse (augmentation Baisse (taux d'emploi affaibli) du taux d'emploi) Dispersion des logements
Dans les métropoles, reconcentration relative
Valorisation du capital Baisse des migrations urbain Prise en charge par la famille
Vieillissement fort
Socialisation
Vieillissement modéré
Baisse accélérée du Baisse du nb de personnes Baisse limitée du nb de nb de personnes par par ménage personnes par ménage ménage Complexité du système administratif
Simplification, expérimentation et gouvernance
Immobilisme
Capacité de fin. des Transfert de charges sur les générations futures pol. pub.
Endettement accru
Endettement allégé
Systèmes administratifs et réglementaires
Modes de fin. des pol. pub.
Recul de la péréquation
PPP
Péréquation accrue
Création de richesses
Faible
En hausse
Durablement faible
Création d'emplois
Faible
Forte (augmentation du taux d'emploi)
Baisse continue du taux d'emploi
Construction de logements
Insuffisant
Satisfaction des besoins
Durablement insuffisant
160
Populations et territoires de France en 2030 a) Présentation générale
L’État redistribue exclusivement par une politique de minima sociaux et n’intervient donc pas sur les écarts structurels : par exemple, le clivage entre les retraités riches et pauvres s’accentue, entre les emplois protégés ou aidés et les emplois confrontés à la compétitivité internationale. Ce scénario Zephyrus diffère de la situation actuelle par une prise en charge plus importante du quatrième âge (socialisation) et une politique plus volontariste pour les logements collectifs (reconcentration en zone urbaine). On peut parler d’une société sous perfusion, avec une création de richesses durablement faible. Il faut donc un endettement accru pour satisfaire un Beveridge94 généralisé en termes de transferts sociaux. En terme démographique, le maintien de politiques publiques de la famille et de la santé conduit à une fécondité stable et à une hausse de l’espérance de vie. En conséquence, le vieillissement est seulement tendanciel, entraînant une baisse également tendancielle du nombre de personnes par ménage. L’endettement public dû aux politiques de distribution écorne la politique du logement et les besoins en logements sont durablement insatisfaits. Ce scénario n’est pas défavorable à un accroissement du solde migratoire net international en raison d’une immigration de pauvreté. Les territoires français ne sont guère attractifs, sauf pour cette immigration internationale contrainte venant de pays en difficulté. Le recul relatif du système éducatif n’attire pas des migrations d’étudiants étrangers de qualité. Notamment en raison de la valorisation du capital urbain, les actifs en famille doivent se disperser dans les espaces périurbains. Face à la complexification politico-institutionnelle, l’État se donne peu de marge de manœuvre, sauf en usant de partenariats public-privé, et impose une socialisation a minima de la prise en charge du quatrième âge. b) Les conditions de réalisation du scénario Le quatrième scénario se réalise compte tenu des conditions suivantes : − l’absence de réforme du système administratif et réglementaire ; 94
Le nom de Lord Beveridge (1879-1963) est associé à un système social qui assure à chaque retraité un minimum de revenus, indépendamment de sa carrière professionnelle antérieure, contrairement au système bismarckien qui fonde les mécanismes collectifs de retraite de façon à verser des pensions dépendantes des revenus professionnels antérieurs. Le principe vaut aussi pour la lutte contre la maladie et le chômage.
Quatre scénarios prospectifs − − − − − − −
161
une politique sociale de l’emploi absente ou ciblée ; le statu quo de la politique familiale ; une politique de santé active ; un recul du système éducatif ; une politique d’emploi active pour les jeunes et les chômeurs ; une politique d’équipements pour le quatrième âge ; une politique d’immigration ouverte. c) Les conséquences : survie métropolitaine et ruine du rural
Ce scénario Zephyrus entraîne des difficultés à toutes les échelles géographiques, y compris dans les grandes métropoles et dans les territoires de litturbanisation qui ne touchent plus les dividendes de l’économie résidentielle. Néanmoins, les territoires urbains des grandes métropoles sont relativement bénéficiaires car c’est là que se concentrent les emplois et qu’est moins mal assurée la satisfaction des besoins collectifs. Mais Zephyrus conduit certaines collectivités territoriales à la ruine sous le double effet de l’immobilisme et d’un endettement qui s’alourdit. C’est un scénario catastrophe pour le monde rural et certains espaces ruraux. La France connaît de profondes factures territoriales sans réponses politiques. Les familles sont contraintes à rechercher des solutions de logement à moindre prix dans les couronnes périurbaines 4. Des quatre scénarios aux recommandations La connaissance des évolutions actuelles, la narration des quatre scénarios inventoriant les risques majeurs et de leurs conséquences territoriales nourrissent les réflexions sur le futur. Cet ensemble conduit à émettre un certain nombre de recommandations dans le souci de considérer les territoires français comme un capital à valoriser. Ces recommandations ont pour objet d’écarter les scénarios les moins favorables et de promouvoir le futur le plus souhaitable.
Chapitre 5 ⎯ Douze chantiers et 67 recommandations pour l’avenir La réflexion prospective, suivie dans les précédents chapitres, conduit à souhaiter l’ouverture de chantiers se déclinant chacun en un certain nombre de recommandations. Ces chantiers sont de deux natures. Les cinq premiers sont indispensables, car les territoires doivent pouvoir disposer des outils et d’un contexte permettant la conduite des actions futures, quelles que soient les évolutions de la France vers tel ou tel scénario. Il s’agit donc de chantiers impératifs à entreprendre en toute hypothèse, que les territoires connaissent des futurs conformes aux tendances lourdes présentées, soit au contraire des ruptures comme celles analysées dans le quatrième chapitre, et donc quel que soit le scénario du futur. Les sept autres chantiers sont d’une autre nature car ils présentent un caractère normatif. En effet, les quatre scénarios ne sont pas neutres, mais peuvent être connotés positivement ou négativement. En particulier, il est clair que les actions à conduire doivent écarter le scénario le plus inquiétant, Eurus, celui du vent froid d’un « hiver démographique » qui conduit à des territoires en difficulté et même à des territoires en perdition. En revanche, un futur choisi conduit à privilégier Aquilo, le scénario d’un printemps démographique et territorial. Les sept chantiers pour un futur choisi énoncent les recommandations permettant d’écarter le risque d’un scénario Eurus et de tendre vers un scénario Aquilo. 1. Les cinq chantiers communs à l’ensemble des futurs 1.1 Fluidifier et aérer le marché du logement sur tous les territoires Parce qu’elle en améliore la situation globale, la fluidification du marché du logement permet une meilleure adaptation entre les besoins, le souhaitable et le possible. Toutes les voies allant dans ce sens doivent être explorées. 1) Encourager la mise sur le marché des logements durablement vacants Appliquer une contrainte financière aux logements durablement vacants, moyen de contraindre, par exemple, les situations d’indivision qui s’éternisent à aboutir. Cette action ne doit pas, bien entendu, nuire aux vacances nécessaires et justifiées, comme celles requises pour réhabiliter un logement ou le remettre en état entre deux occupants.
164
Populations et territoires de France en 2030 2) Privilégier l’utilisation territoriale du parc des logements sociaux
Sur de nombreux territoires, compte tenu des besoins, la question du logement social est davantage managériale que quantitative. Il faut faciliter une meilleure gestion du parc existant. En particulier, il faut instaurer un fichier véritablement territorialisé des demandes de logements et pas seulement le numéro unique qui, fondé sur une base institutionnelle, est fait pour les organismes, non pour les territoires, et dont l’impact semble très faible, voire nul. 3) Faciliter le renouvellement rapide (ou le financement de la construction) du logement social Pour conserver au logement social sa mission, les avantages qu’il procure (faibles coûts de loyers dans des quartiers souvent proches des centres et bien desservis, avec des revenus hors des plafonds et souvent en situation de sous-occupation consécutive à la décohabitation) doivent être levés dès lors qu’ils ne sont plus justifiés en raison de la baisse du nombre de personnes dans le ménage ou de revenus améliorés pour les locataires. Il convient sans doute de rappeler que les plafonds d’accès au parc social englobent près de 70 % des ménages. Autrement dit, un ménage logé dans le parc social et qui dépasse les plafonds appartient au groupe des 30% de ménages les plus aisés… Il faut alors mettre en œuvre des surloyers incitatifs ou vendre le logement à l’occupant, permettant ainsi de dégager des ressources pour améliorer l’offre de logement social. 4) Encourager l’offre de location des grands logements pour les familles Les besoins de logement devant surtout se poser pour les jeunes générations, les 25-45 ans, les actifs avec famille, il faut faciliter la mobilité résidentielle des personnes occupant un logement dont elles sont propriétaires, et dont elles n’ont plus nécessairement besoin par suite de la diminution du nombre de personnes constituant leur ménage. Il faut donc encourager à la libération de certains grands logements occupés par des ménages de petite taille, ou devenus petits à la suite du départ de leurs enfants devenus adultes, pour des familles avec enfants. Dans ce dessein, des incitations fiscales pourraient supprimer les biais fiscaux incitant l’occupation de la résidence dont les personnes sont propriétaires, en effaçant les distorsions dans le traitement des personnes propriétaires de leur résidence principale et celles qui sont bailleuses pour un bien et locataires pour un autre.
Chantiers et recommandations pour l’avenir
165
En effet, les personnes âgées propriétaires de leur logement ont une faible mobilité résidentielle, notamment parce que les coûts de mobilité de tous ordres (monétaires, psychologiques, etc.) sont assez élevés, mais aussi parce qu’elles n’ont pas forcément la possibilité de mettre en location leur logement dans des conditions qu’elles jugeraient satisfaisantes pour aller occuper un logement locatif ailleurs. La fiscalité pénalise, en effet, ce genre de comportement. Il existe donc un biais fiscal jouant en faveur du maintien des personnes dans les habitations dont elles sont propriétaires et pénalisant les personnes qui souhaiteraient être locataires de leur résidence principale et donner à bail leur habitation antérieure. Cette démarche est encore plus nécessaire dans les territoires peu denses et vieillis, où le parc de logements se renouvelle encore moins rapidement parce que les plus âgés migrent peu. Il peut donc exister un décalage entre le rythme de renouvellement de la population et celui du parc de logements. Il faut s’efforcer de réduire cet écart en incitant les gens, via des contraintes financières ou des incitations positives, à quitter leurs logements devenus trop grands, en créant de la fluidité sur le marché. 5) Développer le marché locatif privé Il faut sortir de l’alternative « tous propriétaires » ou « tous en HLM » qui semble inscrite dans le marbre des lois, ces dernières ne laissant qu’une place résiduelle au parc locatif privé. Or, le développement d’un parc locatif privé est d’autant plus essentiel que les besoins de logement futurs concernent surtout les jeunes générations. 6) Combiner les incitations nationales et les initiatives locales Parce que le logement, régi par la loi, est une question éminemment territoriale, il faut tout particulièrement combiner sur ce sujet les incitations nationales et les initiatives locales de manière à éviter les incohérences et à renforcer l’efficacité de ces politiques à travers un urbanisme de haute qualité environnementale. En outre, les perspectives démographiques de la France imposent, en toute hypothèse, dans la majorité des territoires, une augmentation de l’offre de logements, une solvabilité des logements, une réhabilitation, une amélioration ou un relogement, et une construction ou une adaptation des logements à la gérontocroissance, notamment pour les plus âgés, donc d’aérer le marché des logements. Il en est de même à l’attention des jeunes et des familles, en particulier les jeunes familles, les familles nombreuses, ou celles en difficultés. Les personnes sans domicile ou habitant des logements indécents doivent pouvoir accéder à des programmes adaptés.
166
Populations et territoires de France en 2030 7) Développer l’information et la pédagogie sur l’importance des besoins en logement à venir
Du seul fait du vieillissement de la population et de la diminution du nombre de personnes par ménage qui en résulte, et sans compter les éventuels autres facteurs de cette diminution, la France aura besoin d’un quart de logements en plus pour 2030. Un tel besoin implique à la fois des logements collectifs suffisants et la production de foncier à bâtir disponible pour agrandir ou construire de nouveaux logements. 8) Oxygéner le foncier Il faut préempter, accumuler des réserves foncières et y organiser du locatif pour des jeunes, notamment dans les territoires où l’économie résidentielle entraîne des hausses de prix qui créent des effets d’éviction pour les jeunes. À cet effet le développement des agences foncières doit être stimulé par l’État. 9) Lutter contre les fractures territoriales qui se manifestent en termes de logement Trop de communes freinent l’agrandissement des logements, la restructuration d’un terrain, la reconfiguration d’un quartier par des règles malthusiennes qui limitent l’offre de logements. Elles augmentent ainsi artificiellement la valeur vénale des logements existants, pesant sur la solvabilité de la demande et pénalisant tout particulièrement les jeunes générations. Des spécialisations territoriales ségrégatives séparent par exemple les logements sociaux des quartiers aisés (même dans des communes respectant la loi Gayssot), et la liberté territoriale de choix du logement se restreint. Si rien ne change, les logements nécessaires ne pourront être ni agrandis ni construits dans des territoires fermés ainsi au renouvellement démographique. Des règles permettant de combattre les pratiques territoriales malthusiennes et spéculatives doivent être élaborées. Il faut notamment lutter contre ces fractures territoriales qui traduisent l’absence de mixité sociale et relèguent les plus pauvres dans des quartiers spécifiques tout en excluant une partie des classes moyennes des territoires les mieux dotés. Trop de personnes, bien qu’en activité, ne peuvent se loger ni en centre ville ni dans les premiers territoires ni dans des quartiers « sociaux ». Autrement dit, il faut réduire ces fractures qui opposent des territoires dont la structuration immobilière est figée à d’autres se trouvant dans la situation inverse, fractures qui limitent considérablement les mobilités sociale et générationnelle.
Chantiers et recommandations pour l’avenir
167
1.2 Assurer une élévation générale des niveaux de qualification selon les besoins territoriaux 10) Élever les niveaux de qualification : un besoin d’abord nécessaire à la compétitivité des entreprises et des territoires Assurer un niveau général de qualification suffisant, favorisant la capacité à apprendre et à entreprendre tout au long de la vie, moyen essentiel d’adaptabilité aux évolutions économiques et sociales, sachant que : − tous les métiers évoluent et évolueront, ne serait-ce qu’avec l’existence de nouvelles technologies de l’information et de la communication, ou autres ; − l’éventail des métiers s’élargit ; − dans l’économie de la connaissance, la croissance globale de l’emploi et de la productivité dépend de niveaux éducatifs plus élevés, permettant une haute valeur ajoutée ou une haute spécialisation. 11) Élever les niveaux de qualification, un besoin ensuite nécessaire face au tassement du nombre d’actifs Dans une société cognitive, avoir la technologie adaptée à sa démographie est nécessaire. Lorsque le nombre des hommes évolue peu ou diminue, il faut faciliter la qualité des ressources humaines, donc des stratégies de formation vers le haut, tout en cessant de fonctionner dans une sorte de sacralisation du plus haut niveau. 12) Rendre possible l’adaptation ou la création de formations qualifiantes selon l’évolution des besoins et des technologies Fermer des formations concernant des métiers n’existant plus, ce qui n’a pas été fait dans les régions industrielles en crise. Faire évoluer rapidement les formations existantes, par exemple d’une formation aux métiers de la construction vers une formation à ceux de la réhabilitation, sur un territoire où la demande porte sur cette dernière, ou l’inverse, si nécessaire. En particulier valoriser les passerelles et la validation des acquis de l’expérience. Pouvoir rapidement organiser des formations dès qu’un nouveau besoin apparaît, comme par exemple celui de webmaster ou de web designer, nouveaux métiers des années 2000.
168
Populations et territoires de France en 2030 13) Des qualifications selon des logiques complémentaires aux logiques de branches
territoriales,
En écartant toute recherche d’une adéquation stricte entre formations et emplois, les temporalités et la durée de vie des uns et des autres n’étant pas en cohérence, il convient cependant de prendre en compte les besoins des territoires qui sont fortement différents en matière de qualifications. Il faut donc promouvoir des logiques territoriales, complémentaires aux logiques de branches, en inversant la tendance à faire prévaloir les seules priorités nationales sur des priorités territoriales lorsqu’elles existent. Le développement nécessaire de la formation en alternance implique d’ailleurs une logique territoriale, cadre préférentiel des liens école-entreprise. 14) Développer la formation tout au long de la vie, impératif d’adaptation au vieillissement de la population active Un des moyens de cette recommandation consiste à transformer les lycées professionnels en lycées d’enseignement initial et continu, les expériences conduites de mixage intergénérationnel ayant mis en évidence d’excellents résultats. 1.3 De nouvelles méthodes de péréquation 15) Dans un contexte de composition par âge très différenciée selon les territoires, instaurer une péréquation fondée sur les réalités démographiques territoriales Mettre en œuvre des différenciations positives, par des péréquations au profit des territoires ayant les besoins non satisfaits en raison de leurs caractéristiques démographiques. Par exemple, envisager des péréquations au prorata de la gérontocroissance. Prendre en compte également le cas des équipements d’accueil des jeunes enfants, de loisirs des enfants et adolescents, d’accompagnement des familles, et de l’ensemble des équipements de voisinage. 16) Dans un contexte d’écarts élevés de densité selon les territoires, prendre en compte l’inverse de la densité de la population pour certaines péréquations Le versement de subventions par l’État, premier contribuable local, via la dotation globale de fonctionnement notamment, en fonction des effectifs, donne aux communes les plus denses des moyens accrus par unité de superficie. C’est pourquoi des péréquations inversement proportionnelles à la densité doivent être envisagées pour certains projets qui concernent prioritairement le monde rural.
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1.4 Améliorer considérablement la connaissance des réalités territoriales 17) Pour une révolution copernicienne de notre système statistique français Nous devons inverser une situation aujourd’hui pénalisante pour la connaissance locale et tout particulièrement pour l’échelle infra-communale, alors que nombre d’interventions publiques ont pour champ de petits territoires. Le besoin de mesurer des réalités proprement locales, dont la compréhension ne peut passer que par l’établissement d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs locaux ⎯ qui divergent éventuellement fortement de la moyenne nationale ⎯ se heurte à une réalité centrale à laquelle se réfère habituellement l’esprit courant, pour des raisons liées à l’histoire de l’Hexagone, et à une organisation statistique de plus en plus centralisée. Revoir l’appréhension de plus en plus centralisée des réalités démographiques, illustrée par le recensement dit rénové, avec ses coefficients d’interpolation et d’intrapolation dont les bases de calcul demeurent opaques. Faire évoluer le système d’information statistique en privilégiant l’implication des territoires, d’où les recommandations suivantes. 18) Instaurer des registres domiciliaires, outils indispensables à la connaissance des flux et donc à la gestion en temps réel et au développement des territoires Ces dernières années, s’observent des résultats incohérents, des inquiétudes sur les bases desquelles seront calculés les coefficients d’intrapolation et d’extrapolation du recensement rénové, la difficulté grandissante de traiter la question des doubles comptes, la persistance de la méconnaissance des migrations internes et internationales et un décalage temporel durable dans les informations démographiques territoriales, pourtant indispensables à la bonne gestion et au développement des territoires. La production statistique ne doit plus négliger la question pourtant fondamentale des flux. Il est aujourd’hui quasiment impossible de disposer de données sur les flux « réels » de population qui gouvernent pourtant fortement la dynamique des territoires. Pour prendre l’exemple des quartiers relevant de la politique de la ville, la stabilité des indicateurs choisis (chômage, taux de jeunes…) ne signifie pas nécessairement celle de la population. Ces approches de comparaisons de stock aboutissent à une réelle méconnaissance de ces territoires et des dynamiques qui les fondent.
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Pour une connaissance en temps réel par les territoires de leur nombre d’habitants, de la composition de leur population et de leur géographie, indispensable à la bonne organisation et à l’optimisation des services communaux, l’instauration de registres domiciliaires est indispensable. Elle l’est, par exemple, pour la politique en faveur de la petite enfance qui impose une connaissance exacte de la géographie de cette catégorie de population, ou pour la politique territoriale vers les personnes âgées, comme les plans canicules qui impliquent, entre autres, une connaissance exacte de la géographie des personnes âgées pour identifier celles qui sont isolées et ne pourront être prises en charge par leur famille. Autre exemple : il faut pouvoir savoir, en temps réel, pour des territoires, combien il y a de femmes entre 25 et 35 ans pour projeter le nombre d’enfants dans les deux ou trois ans (en appliquant les caractéristiques de fécondité locales) et, donc, prévoir les besoins de garde, d’école etc. 19) Créer des banques d’indicateurs territoriaux Créer dans les territoires des banques d’indicateurs territoriaux organisées en local, collectant et mutualisant les informations venant des différentes sources existantes : Caisses d’assurance maladie, Mutualité sociale agricole, DDE, DDA, CAF, etc. En particulier, il faudrait mettre à la disposition des citoyens, et en temps réel, l’information complète sur l’état des finances publiques locales et nationales. 20) Disposer d’outils territorialisés à l’échelle des territoires pertinents Alors que les moyennes nationales n’ont guère de sens, les moyennes régionales sont insuffisantes pour l’observation fine des territoires. Il faut pouvoir, par exemple, observer les besoins de formation professionnelle dans le champ géographique au sein de l’espace-temps où elles ont un sens. Il est nécessaire de pouvoir construire des outils permettant de mesurer les spécificités et les différences entre les territoires, analyser les populations et les territoires à l’aune du regard local. Cela appelle des statistiques qui s’appuient sur des échelles territoriales fines (adresse, îlot, section cadastrale) permettant par la suite l’adaptation des zonages d’analyse à l’évolution des territoires. 21) Promouvoir des observatoires territoriaux efficaces Réunissant les éléments précédents, il faut mutualiser la connaissance avec une double structuration des données : des indicateurs communs respectant des règles de standardisation et d’utilisation de concepts
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communs, de manière à faciliter les échanges et les comparaisons ; localement, selon leurs besoins, des indicateurs permettant de suivre et de replacer les territoires dans leur trajectoire propre. 22) Disposer d’un annuaire statistique des villes Comme cela existe dans divers pays, disposer d’un annuaire statistique permettrait de faciliter les comparaisons entre les villes françaises, comme avec d’autres villes européennes. 23) Promouvoir l’analyse territoriale par les acteurs locaux Fournir aux territoires des outils d’analyse, en se défiant des pensées un peu généralistes consistant à partir d’une statistique nationale pour l’appliquer homothétiquement sur les territoires, ce qui est parfois fait à tort, car en méconnaissance des diversités locales, par exemple pour calculer les besoins en maisons de retraite. 24) Organiser l’émergence de la demande sociale en la fondant sur la concertation des acteurs et la participation de la population Les enseignements des analyses territoriales par les acteurs locaux sont confrontés à l’avis, à l’expression de la demande sociale des personnes concernées : ils permettent ainsi leur contribution à l’émergence et à la conduite d’actions et de projets. L’information ainsi relayée est appropriée pour l’action durable. 1.5 Développer étrangères
la
connaissance
des
situations
territoriales
25) Étudier tout particulièrement les territoires de faible superficie Alors que la France connaît des débats périodiques sur la dimension optimale des régions ⎯ ce qui s’apparente à des discussions sur le sexe des anges ⎯ analyser et comprendre la situation et la dynamique de régions européennes, et notamment de celles qui ont un faible peuplement ou une faible superficie, comme le Val d’Aoste, la Navarre ou le canton suisse de Saint-Gall. 26) Étudier les solutions territoriales retenues par des pays étrangers pour les territoires peu denses Examiner et s’interroger sur les solutions territoriales choisies, par exemple en Suède ou en Australie, pour leurs régions les moins denses.
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Populations et territoires de France en 2030 27) S’inscrire dans la réflexion et l’action européennes du développement régional et interrégional
L’exemple de l’Arc atlantique montre la nécessité d’une approche européenne interrégionale des projets. Il en est de même pour les autres régions. Plus généralement, l’aménagement du territoire en France doit s’articuler avec les projets interterritoriaux associant divers pays européens. 28) Stimuler l’observation de ce qui se passe à l’étranger Stimuler d’une manière formelle l’observation des territoires à l’étranger, de leurs expériences, de leurs réussites comme de leurs échecs. Par exemple, étudier le succès (apparent ?) des maisons de retraite belges, qui attirent des clients jusqu’en France. 2. Les sept chantiers pour un futur choisi 2.1 Les technologies de l’information et de la communication pour tous les territoires Une politique nationale d’aménagement du territoire consiste à lutter contre toute fracture technique créant des inégalités territoriales. Dans les années 1970, l’automatisation temporairement inégale du téléphone avait déjà créé, au moins pendant des années, de grandes fractures dans les territoires, à l’origine d’écarts de développement. La fracture numérique actuelle se résorbe progressivement grâce notamment à l’effort des collectivités territoriales, mais sans pouvoir rattraper les opportunités qui ont échappé à certaines d’entre elles en raison de leur retard numérique. Cela doit servir de leçon et explique les recommandations suivantes. 29) Accentuer l’implication de l’État pour combattre les fractures technologiques Au nom d’une politique nationale d’aménagement du territoire, l’État doit s’impliquer davantage et plus rapidement pour combattre les fractures technologiques existantes ou en cours, temporaires ou durables, qui créent des inégalités entre les territoires. Par exemple, malgré les efforts des collectivités territoriales, dans certains territoires, les débits Internet sont encore à de très bas niveaux, les téléchargements pouvant s’éterniser. Le défi territorial du très haut débit doit, dès à présent, être relevé.
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30) Anticiper des méthodes permettant d’empêcher d’autres fractures territoriales dues aux progrès des techniques Les nombreux progrès en cours ou à venir en matière de techniques d’information et de communication (TIC) doivent être anticipés afin de donner des chances égales aux territoires. Une veille portant sur les effets territoriaux des évolutions techniques est indispensable pour prévenir d’autres fractures territoriales ou, du moins, en modérer les intensités et les durées. 31) Développer l’appropriation et les usages des techniques dans tous les territoires Aux fractures techniques s’ajoutent celles concernant l’appropriation des usages, dont les différences selon les territoires sont très fortes, voire beaucoup plus fortes. Par exemple, la proportion des personnes abonnées à des hauts débits Internet est très variable selon les territoires. Or, l’appropriation, même si elle doit s’inscrire dans des politiques nationales volontaristes, se concrétise localement. Des politiques publiques doivent donc être déployées pour développer les usages des techniques actuelles ou imaginer des réponses appropriées pour celles à venir. 32) Encourager les liens intergénérationnels, outils de facilitation des usages des TIC Un des leviers du développement des usages consiste à faciliter les liens intergénérationnels au cours de la formation, dans le cadre associatif ou dans le cadre des quartiers. Surmonter le différentiel des territoires, qui est aussi un différentiel des générations, les jeunes considérant par exemple que le téléphone mobile est un outil positif, à la différence des personnes âgées qui s’en défient, alors qu’elles en auraient peut-être davantage besoin pour leur sécurité ou leur maintien à domicile. 33) Susciter la fabrication de matériels utilisables par toutes les catégories de population Pour adapter la société à une gérontocroissance inéluctable, l’État doit susciter, par exemple par des concours, l’adaptation des matériels dédiés aux nouvelles technologies à toutes les catégories de population, dont les familles nombreuses ainsi que les handicapés de tous âges et les personnes âgées. Il faut veiller à l’ergonomie des équipements pour tous les usagers et non poursuivre uniquement la logique de miniaturisation qui empêche, partiellement ou totalement, l’usage de ces matériels par les personnes ayant la vue basse ou des gestes parfois incertains. Il s’agit de promouvoir des passerelles technologiques.
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Populations et territoires de France en 2030 2.2 Faciliter les mobilités en faveur de l’emploi et de la cohésion sociale
Les freins à la mobilité engendrent un coût social facteur d’inégalités, des fractures entre les territoires inégalement desservis et un coût économique pour les entreprises. Le développement d’une politique publique des mobilités et des transports est une clé du développement économique et social. Elle doit dégager des axes prioritaires à la fois pour combattre les processus générateurs d’immobilité et pour répondre aux besoins des différentes catégories de populations et d’acteurs à l’échelle nationale et aux besoins différenciés exprimés à l’échelle régionale et locale des territoires. Tous les types de mobilités des personnes doivent donc être encouragés à chaque phase du cycle de vie, y compris en luttant contre les obstacles symboliques à la mobilité (intimidation sociale…). Cela vaut notamment pour les jeunes, les personnes âgées et les personnes subissant des contraintes d’immobilité. 34) Favoriser indirectement les mobilités dans une optique de développement durable par une fiscalité adaptée Dans une optique de développement durable (économique, social et environnemental), l’ensemble des dispositions fiscales concernant le budget de l’État et celui des collectivités locales doit viser à mettre en cohérence les incitations et dissuasions fiscales avec une réduction de la consommation d’énergie, en particulier les énergies les plus polluantes et les énergies non renouvelables. Cette recherche de cohérence nécessite un toilettage fiscal touchant aussi bien la fiscalité directe et indirecte des entreprises que celle des particuliers. Les modifications de la fiscalité, dans les domaines de la consommation (particuliers), celui de la production et celui des transports doivent : faciliter le recours aux transports collectifs, encourager les usages les moins polluants (motorisation électrique, nouveaux carburants, cycles…), développer la multimodalité, inciter aux économies d’énergie et développer la recherche sur les économies d’énergie. 35) Agir directement sur les modes de transport des personnes mais aussi des marchandises Assurer la fluidité des trafics et réduire les risques, qu’il s’agisse d’accidents ou de pollution en soutenant le développement des transports publics. Impulser le rééquilibrage entre le rail et la route par le développement du ferroutage et le développement des plates-formes multimodales.
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Encourager le développement des transports urbains et interurbains collectifs (métro, tramway, chemin de fer, autocar…) dans les déplacements des particuliers domicile-travail, domicile-école, loisirs et développer des expérimentations multimodales tarifaires (ticket multimodal unique…). Encourager le développement du transport maritime et fluvial, développer le cabotage… Stimuler la coopération entre les collectivités territoriales pour la mise en place de schémas de transport collectifs pour les voyageurs. 36) Favoriser les mobilités économiques et sociales aux différentes phases du cycle de vie L’immobilité des individus a un coût économique, car elle fige le potentiel de créativité, de développement et de compétitivité conditionné par le brassage et le mouvement. Elle présente également un coût social en freinant les possibilités d’ascension, en figeant les situations, pérennisant les clivages sociaux et les exclusions jusqu’à conduire à la création d’îlots générateurs de processus de ghettoïsation. Sous une apparence de calme, l’immobilité engendre et développe des tensions dont l’expression se traduit sous forme de crises sociales et économiques, par l’implosion ou l’explosion sociale, et des relégations territoriales avec des délocalisations d’entreprises. Favoriser les mobilités doit s’accompagner d’une sécurisation des parcours qui doit être recherchée en associant formation initiale, formation continue, emploi et requalification dans un continuum pour éviter les ruptures en terme de revenus ou de protection sociale. En particulier, les réglementations doivent faciliter les transitions dans les mobilités professionnelles et géographiques. 37) Encourager la mobilité des jeunes L’augmentation du taux d’activité des jeunes suppose une incitation à la mobilité, qui préparera à une meilleure adaptation aux mobilités tout au long de la vie par : − l’organisation de la mobilité collective dans le cadre des déplacements domicile-école, pour les périodes scolaires, mais également dans le cadre des stages en entreprise et les périodes de formation continue ; − le soutien aux initiatives de mobilité à l’échelle européenne dans le cadre des formations comme dans celui des stages professionnels, des échanges scolaires et étudiants ; − l’encouragement à l’apprentissage et à la pratique des langues tant pour favoriser la mobilité intra-européenne et internationale que pour mieux accueillir les migrants ;
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− l’aide au développement des échanges de type humanitaire et des coopérations internationales de solidarité ; − l’encouragement au déplacement pour la recherche d’emploi. 38) Aider à la mobilité des seniors et des plus âgés Pour les seniors, une mobilité réduite peut s’avérer discriminante et, pour les plus âgés, entraîner parfois des conséquences sociales ou vitales dramatiques. Favoriser la mobilité des seniors suppose notamment : − un encouragement aux déplacements récréatifs et touristiques des seniors ; − le développement de nouveaux services à la personne pour favoriser les poursuites de mobilité avec l’avancée en âge ou le handicap physique (transport des bagages personnels, accompagnement, orientation des personnes…) ; − l’aménagement des dispositifs collectifs de transport afin de favoriser le déplacement des plus âgés, plus fragiles : simplification, orientation, ergonomie, douceur (ascenseurs adaptés, tapis roulants ralentis, freinages en douceur…) ; − la prise en compte des difficultés de déplacement des plus âgés dans l’ensemble des politiques publiques, par le développement de l’offre de services mobiles allant vers l’usager et ne nécessitant pas son déplacement ; − la compensation de l’immobilité physique subie par des systèmes de télé-accès et par des mobilités organisées, allant vers leur public : sanibus, bibliobus, collecte du courrier à domicile… 39) Favoriser des mobilités de substitution pour des personnes subissant des contraintes d’immobilité L’immobilité, lorsqu’elle est contrainte, doit être compensée par des mesures appropriées. En complément des dispositifs favorisant la mobilité physique, le développement des services allant vers les personnes et des substituts à la mobilité physique, comme les technologies de l’information et de la communication, doivent permettre d’offrir une gamme de solutions alternatives, pouvant compenser le handicap de l’immobilité physique, afin notamment : − de développer des services aux personnes, en particulier en innovant dans les formules permettant de résider dans les zones les moins peuplées, pour les populations les moins mobiles ; − d’effectuer des activités à distance : télétravail, téléachat, guichet de service public… ; − d’échanger de visu avec un interlocuteur compétent permettant de résoudre une difficulté par ses conseils à distance ;
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− de solliciter la venue rapide d’une personne ou d’un service indispensables (sécurisation des personnes isolées, âgées ou handicapées). 2.3 Des services présents et fonctionnant en réseau sur l’ensemble des territoires Quels que soient les modes de peuplement futurs des territoires français, les besoins des populations en services collectifs seront de plus en plus variés et complexes, imposant un fonctionnement adapté aux populations locales et une souplesse d’organisation. 40) Des services collectifs présents et accessibles selon des modalités souples adaptées à la diversité de peuplement des territoires La satisfaction des besoins collectifs (au sens économique de cet adjectif) ne signifie pas nécessairement un service géré par des administrations publiques, même s’il appartient aux pouvoirs publics de définir les conditions permettant cette satisfaction. Sa mise en œuvre peut aussi s’effectuer par des régies, comme c’est le cas aux Pays-Bas pour les services hospitaliers, par des associations (privé non lucratif) ou par des entreprises dans le cadre de cahiers des charges dûment précisés. Dans des territoires peu denses, l’existence de services satisfaisant les besoins collectifs n’implique donc pas nécessairement celle de nombreuses administrations publiques. Il est nécessaire d’y stimuler les regroupements et mutualisations de services, ainsi que les offres diversifiées de services pour favoriser ainsi les efforts de développement local d’autres activités économiques. 41) Promouvoir le fonctionnement en réseau des services pour répondre aux besoins complexes et évolutifs des territoires Le fonctionnement en réseau doit devenir la pratique courante : réseaux administratifs, réseaux médicaux, de transports, d’aide à domicile… Ce bon fonctionnement en réseau peut bénéficier des nouvelles techniques de l’information et de la communication. Il appelle non seulement un équipement adapté facilitant la communication entre les membres du réseau, et s’adaptant au fur et à mesure aux évolutions technologiques, mais aussi et surtout l’appropriation d’un mode de travail en équipe, transversal aux différentes administrations, aux associations ou aux entreprises privées concernées. Pour assurer les passerelles nécessaires entre les grandes sphères de l’action publique (logement, emploi, social, santé…), nombre de services
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publics mériteraient d’être refondés sur la base du principe du « service à l’usager » qui se trouve aujourd’hui, dans bien des cas, à devoir gérer la complexité d’un système inadapté aux besoins de la population, générateur de surcoûts de gestion et parfois guère efficace. 42) Tout particulièrement dans des territoires peu denses, développer les téléservices et des formes d’accessibilité complémentaires Pour répondre aux besoins des populations, il faut développer des formes d’accessibilité complémentaires, comme des équipements itinérants ou le transport collectif à la demande, pour accéder à des activités à l’extérieur, car la relation humaine est un vecteur indispensable au maintien des liens et à l’organisation en réseau. En outre, à l’exemple de la télémédecine, à développer notamment dans les territoires peu denses mais aussi sur l’ensemble des territoires, il faut également diffuser l’usage des téléservices. 2.4 Libérer les énergies créatrices des populations et des territoires 43) Faire une pédagogie du développement territorial libérée des raisonnements de la concentration dite raisonnée Trop de discours présentent la majorité des territoires français comme un « tiers-espace », éventuellement vivable pour les retraités, mais guère attractif pour les actifs, alors que le modèle de la concentration dite « raisonnée » n’a pas empêché les fractures sociales et territoriales constatées en France. C’est pourquoi nous devons écarter les raisonnements ou discours fatalistes consistant à désespérer de tout avenir prometteur sur certains territoires. Au contraire, valoriser les atouts et les expériences positives est un objectif structurant pour tous, en particulier pour les jeunes générations qui ont besoin de se projeter dans l’avenir. 44) Passer d’une décentralisation « centralisée » à une véritable décentralisation Corsetés par des règles nationales s’immisçant parfois dans les moindres détails, par des procédures s’additionnant les unes aux autres, et d’une complexité croissante, les territoires subissent une décentralisation « centralisée » qui leur enlève de l’oxygène et nuit à leur véritable responsabilisation, comme à une implication volontaire de l’ensemble des acteurs locaux. Il faut libérer les énergies créatrices des acteurs locaux, publics et privés, notamment en assouplissant certaines règles de la décentralisation.
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En particulier, il faut fortement encourager les expérimentations rendues possibles par la Constitution depuis 2004. 45) Diffuser les connaissances sur les expériences, notamment européennes, de développement territorial Les territoires français, impliqués dans l’Union européenne et concernés par la globalisation, puisque cette Union est membre de l’Organisation mondiale du Commerce, doivent pouvoir être informés que tout territoire dispose de possibilités de développement local comme l’attestent des exemples étrangers. 2.5 Assurer sur chaque territoire l’emploi et le renouvellement de la population active 46) Encourager la création d’emplois correspondant aux besoins et aux projets des territoires Sur chaque territoire existent des besoins d’emplois, ne serait-ce que pour le renouvellement de la population active d’artisans, de commerçants, d’actifs salariés, ou pour les nouveaux métiers appelés par l’évolution démographique du territoire. Il est nécessaire de créer les conditions d’utilisation de toutes les possibilités d’emplois pour pouvoir en créer localement, et, plus généralement, d’encourager toute initiative locale permettant d’en susciter ou d’en accueillir. 47) Orienter vers les métiers en difficulté de renouvellement Développer des politiques territoriales, encouragées nationalement, orientant vers les métiers dont le taux de renouvellement est élevé et non satisfait, notamment dans l’artisanat ou le commerce, qui connaissent non seulement une perte quantitative par non reprise, mais aussi une perte de savoir-faire par non transmission des compétences. 48) Orienter vers les territoires en difficulté de renouvellement de certains actifs Dans un contexte où la France renouvelle globalement sa population active, ne serait-ce qu’en mobilisant ses considérables réserves de population active, il faut prendre en compte les réalités territoriales parce que le renouvellement moyen n’est pas assuré partout, et demander aux chargés d’orientation de présenter des informations non seulement sur les besoins des métiers, mais aussi sur les besoins territoriaux.
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Populations et territoires de France en 2030 49) Mettre l’accent, dans chaque territoire, sur un emploi pour tous
Dans ce dessein, relancer, par exemple, dans les quartiers concernés, l’expérience des emplois villes, dont l’efficacité n’a pu être jugée en raison de son arrêt prématuré. Développer la continuité du processus associant les périodes d’emploi, de formation professionnelle, à travers des formules originales sécurisant les personnes (contrat d’activité). 50) Permettre le renouvellement de la population active médicale et paramédicale Permettre les conditions du maintien d’un service médical efficace dans tous les territoires. 2.6 Des équipements, des services, et des offres de formation au service de la dynamisation des territoires La dynamisation des territoires dépend du potentiel de ses habitants, des ressources locales, des acteurs, des capacités de formation. La politique familiale représente des enjeux dont les effets retour sur investissement sont durables et largement reconnus. Elle crée les conditions de stabilité dans le temps dont les jeunes ont besoin pour fonder des projets sociétaux et familiaux, et les familles pour éduquer leurs enfants dans les meilleures conditions et s’ancrer dans la vie sociale. Cette stabilité sociale durable intègre le changement, l’adaptation, la souplesse, la mobilité, l’expérimentation, nécessaires à la continuité et à la souplesse de la politique. Elle a des effets structurants sur la dynamisation et le développement des territoires. 51) Pérenniser une politique familiale forte Il est nécessaire de poursuivre une politique nationale de compensation des charges familiales qui participe de la justice intergénérationnelle et contribue à une fécondité nettement moins abaissée en France que dans les autres pays européens. Le développement de la politique familiale atténue les effets du vieillissement. L’évolution de la structure par âge des enfants et des jeunes, ainsi dynamisée, relativise l’importance du nombre des plus âgés. La population des familles, composant l’essentiel de la population active, représente un potentiel dynamique pour les territoires. L’impact de la politique familiale sur la démographie est multiple et interactif.
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De même la politique familiale infléchit et régule l’économie des familles et celle des territoires, en développant en contrepartie l’amélioration des conditions de vie, la consommation et l’activité. Elle contribue à la prévention des risques sociaux et familiaux par l’accès au droit, la prévention, la diffusion de l’information, l’accompagnement des enfants et des familles, à la fonction parentale. Elle contribue, complétée par des actions individualisées et collectives, à développer des projets et équipements d’accueil des enfants, d’animation, de loisirs, de développement. Pérenniser une politique familiale forte conforte un contexte social stable favorable à la réalisation de projets pour les jeunes, de sécurité pour les familles, d’émergence de projets d’avenir territoriaux éducatifs, sociaux, d’activité, pour chaque territoire et pour la collectivité. En particulier, l’objectif de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle doit prendre en compte le partage des rôles, des tâches et des responsabilités entres les hommes et les femmes. 52) Réaliser des équipements et des services pour les enfants et les jeunes en fonction des réalités territoriales. Les choix territoriaux de réalisation des équipements et des services pour les enfants et leur famille, et pour les jeunes doivent, au delà des critères démographiques et économiques, par définition fluctuants, prendre en compte : l’influence des structures familiales, leurs évolutions, les comportements sociaux, culturels, régionaux, de mobilité, d’attractivité des territoires, la transformation des conditions de vie, du contexte politique et social… L’objectif est de s’adapter aux besoins des familles pour articuler vie familiale et professionnelle, vie sociale : accueil des jeunes enfants, congés parentaux, loisirs pour les enfants et adolescents, animation sociale, maintien ou amélioration des conditions de vie. Permettre aux parents d’anticiper et d’organiser les conditions de leur vie familiale par la prévention et l’accompagnement, aux enfants et aux jeunes de se construire, est facilité à la fois par la concertation de l’ensemble des acteurs et par l’écoute, le recueil des aspirations, et la participation de la population. Les conditions de réalisation sont anticipées par rapport à la répartition interrogée des équipements et services sur l’ensemble du territoire. Elle est adaptée aux besoins de la population, conditionnée à la qualité des projets pédagogiques et de développement, à la compétence des professionnels, l’accès à la formation, l’implication de la population, des familles et des jeunes concernés.
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La programmation des équipements et services tient compte de l’équité entre régions. Elle s’appuie sur les diagnostics et évaluations partagés, la mutualisation, l’approche pragmatique fondée sur les enseignements et la valorisation de l’expérience, faisant se rencontrer offre et demande. La prise en compte des demandes actuelles et futures des familles avec enfants est adaptée aux contextes. 53) Privilégier les actions collectives et intergénérationnelles Parce qu’elles sont fortement structurantes, porteuses de solidarités et d’échanges, qu’elles optimisent l’activité et les coûts, les actions d’information, de conseil, de prévention, d’accompagnement, collectives et intergénérationnelles sont à privilégier. Elles contribuent à l’animation et au développement des quartiers et des villages. Elles n’excluent pas l’action individuelle, complémentaire et incontournable, pour améliorer les conditions de vie des familles et de leurs enfants. Les actions collectives contractuelles avec les collectivités, associations, entreprises, institutions, personnes concernées, démultiplient les énergies, les moyens, l’observation et la connaissance, le repérage d’indicateurs de veille, les impacts, contribuent à l’émergence de projets de territoires et au maillage du réseau des services et équipements. Elles impliquent la participation de tous aux observatoires régionaux et locaux pour anticiper et adapter en permanence l’offre d’équipements aux besoins sociaux. Elle favorise la programmation anticipée des équipements et services d’accueil de la petite enfance, équipements scolaires, culturels et sportifs, pour les enfants, adolescents et jeunes, familles, seniors, grands-parents, articulée avec les programmes de logement et leur environnement. Elle est croisée avec les projections démographiques, par structures d’âges, de population active, les comportements des familles, leur structure familiale et économique, avec une attention à l’égard des familles nombreuses, monoparentales, fragilisées, pauvres. 54) Remplacer une politique défensive des formations territoriales par une politique offensive et ouverte Il faut abandonner cette idée absurde consistant à « retenir », durant une ou quelques années supplémentaires, les jeunes au pays en installant dans des villes moyennes ou petites des premiers cycles généralistes d’enseignement supérieur, souvent sans lien réel avec le tissu économique local, et parfois de qualité limitée. Cette idée n’est qu’une politique défensive dont le combat est perdu d’avance.
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Sans sous-estimer le rôle parfois positif, en particulier en matière de démocratisation, des formations et de distribution sur les territoires, de l’implantation de certains premiers cycles universitaires dans certaines villes moyennes, il s’agit aujourd’hui prioritairement que chaque territoire soit encouragé à implanter ou soutenir des établissements d’enseignement offrant des formations dynamisant le tissu économique local, susceptible d’accélérer l’entrée des jeunes dans un premier emploi et, dans certains cas, d’attirer par leur intérêt des jeunes d’ailleurs, de France comme d’Europe… 55) Privilégier la parole des habitants pour faire émerger la demande sociale des populations sur les territoires Les expériences de participation impliquant les citoyens dans des consultations participatives doivent être multipliées et étendues, qu'elles soient institutionnelles (Conseils économiques et sociaux régionaux, Conseils de développement des Pays, Conseils de quartiers, Conseils municipaux de jeunes) ou qu'elles s'adressent en direct au citoyen (commission nationale du débat public, enquêtes d'utilité publiques, débats citoyens...) pour favoriser un meilleur fonctionnement de la démocratie. 2.7 Favoriser une mixité des générations, d’importance égale à la mixité sociale 56) La mixité générationnelle territoriale, nécessité économique impérative pour satisfaire les besoins des inactifs Tout territoire a besoin d’actifs pour satisfaire les besoins des inactifs, qu’il s’agisse des enfants, des jeunes, des familles, des personnes âgées ou des personnes handicapées vivant sur le territoire. 57) La mixité générationnelle territoriale, besoin sociétal au service des solidarités de voisinage, des liens intergénérationnels Faciliter la solidarité entre les générations, les services quotidiens réciproques, la cohésion sociale requiert des territoires bénéficiant d’une mixité générationnelle. 58) La mixité générationnelle territoriale au service des besoins éducatifs Dans une société où les parents ont des contraintes professionnelles et où les foyers monoparentaux sont nombreux, la mixité générationnelle territoriale offre un terreau permettant aux seniors d’aider les plus jeunes comme tuteurs ou formateurs.
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Du parrainage entre des écoles ou des collèges et des clubs du troisième âge peuvent naître des liens intergénérationnels utiles au bien commun. 59) Un habitat permettant la mixité générationnelle territoriale Accentuer la mise en œuvre des politiques publiques de mixité sociale. Inclure dans tous les quartiers des appartements habitables pour des personnes âgées à mobilité limitée. Réfléchir à des chartes de bon voisinage entre les générations. Multiplier les aménagements permettant aux personnes âgées de vivre dans tout type de territoire sans être confinées uniquement dans des territoires spécifiques. Développer, y compris dans des immeubles collectifs, un habitat pour personnes âgées incluant des portes adaptées pour le passage des lits ou des systèmes de soins, etc. S’y prendre, dès à présent, permettra à la société de demain de faire des économies et de faire l’économie de crises possibles. 60) Une adaptation territoriale au service de l’inclusion dans la citoyenneté des personnes âgées Le vieillissement des territoires doit être utilisé comme un élément déclencheur d’une réforme de fond menant à moins d’inégalités territoriales, notamment en ce qui concerne la géographie des pouvoirs décisionnels, puisque la typologie du vieillissement et de la gérontocroissance est fortement différenciée selon les territoires. Le vieillissement d’un territoire doit aider à définir son projet, à faire évoluer les rapports qui existent entre les classes d’âge pour faciliter l’inclusion de chacun au profit de l’ensemble. La gérontocroissance doit s’accompagner d’une attention particulière à favoriser la mobilisation des plus jeunes qui pourraient se trouver mécaniquement écartés des positions de décision par l’effet du vieillissement. Des dispositions correctrices en faveur de cette implication doivent être élaborées pour éviter la montée de tensions intergénérationnelles. 61) Une logique d’aménagement territoriale prenant en compte les personnes âgées À l’échelle locale, il faut raisonner selon une logique d’accès pour les personnes âgées qui sont effectivement mobiles, en favorisant leur présence pour qu’elles soient et qu’on les voie dans la société. Sans doute faut-il, à l’inverse, offrir la possibilité de limiter leurs déplacements à ceux pour qui la mobilité est difficile, sinon dangereuse, et à certaines personnes à mobilité réduite. Des stratégies permettent aux personnes âgées de se regrouper
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volontairement dans des lieux de rencontre et où les personnes un peu moins dépendantes aident les autres, où il existe des aménagements architecturaux ou domotiques intéressants, avec des pièces spécifiques permettant aux personnes âgées de se retrouver, avec des tables pour discuter. Il s’agit d’aménager de façon humaniste l’espace à l’échelle locale afin d’intégrer les personnes âgées à la société. L’objectif est de substituer des aménagements et des dispositifs d’inclusion intergénérationnelle à des lieux d’exclusion parce qu’ils ne sont pas aménagés de manière assez fine, en réalisant des micro-aménagements permettant d’intégrer les personnes âgées. 62) Des logiques d’aménagement de la mobilité des personnes âgées selon les territoires La mobilité est un facteur de santé et de bien-être pour les seniors. Par exemple, les feux de croisement tricolores doivent être suffisamment longs pour permettre la traversée des voies, les installations sportives plus accessibles et les transports publics plus conviviaux pour les usagers. Dans les villes denses, l’aménagement doit s’effectuer dans une logique de concentration de certains équipements facilitant leur accès et les échanges intergénérationnels. Dans des territoires peu denses, il faut privilégier les logiques d’itinérance, organiser des transports publics à la demande pour les personnes âgées, réinventer certains services itinérants ⎯ comme des commerces qui se déplacent de village en village ⎯ pour assurer une plus grande proximité des soins et des services à l’égard des populations âgées. Ainsi, dans les grandes villes, il faut organiser les pôles d’échanges urbains, favorisant la vitesse et la mise en connexion des différents territoires de la mobilité, afin que les personnes âgées puissent être orientées par un personnel d’accueil leur montrant le fonctionnement des billetteries automatiques et la logique de la signalétique. Cette dernière doit bénéficier de caractères suffisamment grands pour être simplement adaptée à des yeux fatigués. 63) Application territoriale de la politique nationale Les politiques définies à l’échelon national doivent être appliquées de façon différentielle selon les réalités territoriales. Par exemple, dans le cas de l’allocation personnalisée à l’autonomie (APA), les territoires, plus précisément les départements, doivent respecter les règles nationales d’attribution. Mais ils doivent agir sur les modalités
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d’accompagnement des personnes en fonction des réalités locales, sachant que l’APA est faite pour permettre à la personne de bénéficier d’un accompagnement soit en personnel soit sous la forme d’une adaptation du logement. Une telle adaptation ouvre tout le champ de l’action publique territoriale : la collectivité peut décider de le faire elle-même, elle peut soustraiter ou laisser la personne s’organiser avec des services privés. Les territoires, autorités déconcentrées des services de l’État et collectivités territoriales, doivent utiliser les marges d’adaptation dont ils disposent. 64) De nouveaux modes d’appréhension des besoins et de construction de l’offre territoriale Dans un contexte où la grande majorité des territoires connaît une gérontocroissance des plus anciens, les besoins en équipements sont potentiellement très supérieurs à l’offre. Les territoires sont tentés de faire la photographie de leur population âgée et de démontrer que leurs différents taux d’équipement ne trahissent pas un « retard » de leur politique vieillesse par rapport aux territoires voisins. Or, les besoins en établissements d’hébergement doivent être évalués non à partir de ratios nationaux, mais par le biais de méthodes prenant en compte les contextes locaux. Projeter les taux d’équipement futurs à partir des taux actuels, et exclusivement sur le nombre prévisible de personnes âgées pour les années à venir, intégrer une prévision d’accroissement du nombre de personnes âgées dépendantes, en considérant implicitement que la dépendance induit automatiquement une demande d’hébergement en institution, est une vision technocratique de la demande sociale. Il ne faut pas identifier les besoins en codifiant la demande à travers une grille de lecture en grande partie prédéterminée et orientée par l’offre. Il faut donc interroger les attentes de la population âgée locale afin de construire des indicateurs adaptés et orienter le type d’offre proposée en fonction de la demande, mieux prendre en compte les caractéristiques individuelles et sociales des personnes présentes sur chaque territoire considéré. Il est devenu nécessaire d’appréhender le vieillissement moins comme un état défini à partir de critères uniformes (en particulier, le critère de l’âge) que comme un processus concernant de manière différenciée l’ensemble des habitants, afin de concevoir une action publique ambitieuse ⎯ parce que plus proche de la réalité sociale ⎯ ayant un réel ancrage sur le territoire.
Chantiers et recommandations pour l’avenir
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65) Impliquer tous les acteurs locaux dans la politique territoriale concernant la gérontocroissance La question du vieillissement devenant générale dans la quasi-totalité des territoires, son examen et les réponses à y apporter doivent associer l’ensemble des acteurs nouveaux, notamment non issus du secteur gérontologique. Il s’agit de viser des objectifs de développement local et de consolidation d’un lien social plus intergénérationnel, non de se contenter d’une vision centrée sur une catégorie de personnes âgées. 66) Former du personnel adapté à l’action gérontologique Même si l’espérance de vie sans incapacité augmente, les besoins en personnel, pour l’aide à domicile comme pour les établissements de personnes âgées, devraient s’accroître, d’où la nécessité d’augmenter le nombre et la formation du personnel pour l’action gérontologique. 67) Poursuivre et affiner le maintien à domicile des personnes âgées Poursuivre l’accent mis sur le maintien à domicile des personnes âgées selon les principes suivants : − prise en charge à domicile tenant compte du degré de dépendance de la personne âgée, mesuré à partir d’échelles, d’indicateurs ou de grilles désormais validés (test de Lawton, qui est une échelle instrumentale de la vie quotidienne, indicateur de Colvez, grille AGGIR -autonomie gérontologique groupe iso-ressources- qui détermine l’éligibilité à l’APA…). − faire travailler en synergie l’ensemble des professionnels de santé et de terrain (infirmières, masseurs-kinésithérapeutes, médecins et aides à domicile) dans le cadre d’une coordination gérontologique afin de mieux évaluer les besoins de chaque personne âgée et d’apporter une aide spécifique. Pour les personnes âgées très dépendantes, privilégier l’accueil en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), lieu de fin de vie très médicalisé qui comporte parfois des unités spécialisées de soins traitant des maladies cognitives du type Alzheimer.
Conclusion « Celui qui n’a pas d’objectifs ne risque pas de les atteindre » Sun Tzu (vers le IIIe siècle avant J.-C.) En considérant les travaux de prospective réalisés en France, qui ont laissé une marque durable en raison de leur aspect novateur, deux méritent d’être rappelés. Le premier est le fameux rapport intitulé Une image de la France en l’an 2000, exercice de prospective conduit sous la houlette de la Datar par une équipe formée au sein du Sésame, Système d’études du schéma d’aménagement de la France. Le second est le rapport 1985, élaboré par un groupe de travail du Commissariat au plan, composé de quatorze personnalités de renom95. Ce rapport faisait novation dans les travaux du Commissariat général au plan par son souci prospectif puisque, jusqu’à lui, le Plan avait essentiellement dressé de simples projections macroéconomiques en volume ou s’était seulement exercé à identifier des faits porteurs d’avenir. Or, 1985 avait une véritable ambition prospective. Ce qui frappe dans ces deux travaux fondateurs de l’exercice prospectif en France, c’est la tonalité semblable de leur sous-titre. Une image de la France en l’an 2000, publié en 197196, était sous-titrée le « scénario de l’inacceptable ». Quant au rapport 1985, publié en 197297, il était sous-titré « la France face au choc du futur ». Dans les deux formulations, l’avenir est donc présenté comme un lit d’épines ou, tout au moins, comme un risque. Concernant le scénario de l’inacceptable, il s’agissait, en présentant une évolution tendancielle pouvant conduire à des résultats insupportables, d’encourager une mobilisation pour un autre aménagement du territoire. Le sous-titre du rapport 1985 peut être considéré comme plus inquiétant. Parler du choc du futur, en reprenant le titre du livre alors publié par l’américain Alvin Toffler, exprime une véritable crainte, alors que le futur ne peut être qu’espérance, car nulle société, nul territoire, nul homme n’ont d’avenir s’ils n’ont pas de futur. Le futur, c’est la vie. Le no future, selon l’expression venue du basic English, c’est l’enterrement de tout avenir.
95
Paul Delouvrier comme Président, Raymond Aron, Michel Crozier, Jacques Delors, Jacques Monod…comme membres. 96 Paris, La Documentation française, collection « Travaux et recherches prospective », n° 20. 97 Paris, Armand Colin, collection « Plan et prospectives ».
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Il n’est pas certain que la méthode consistant à sous-titrer ces importants travaux de prospective selon une formulation plutôt catastrophique ait engendré les résultats escomptés, à lire et entendre les informations données sur les territoires français au cours de ces dernières années, qu’il s’agisse des taux d’emploi, des violences urbaines, des questions de logement… Aussi avons-nous décidé de choisir un sous-titre qui retourne la formulation prospective en proposant « le scénario d’un futur choisi ». Après les changements institutionnels intervenus en France dans le cadre de la décentralisation ou de la construction d’une Europe unie, dans le contexte d’une globalisation régionale, celle de l’Union européenne, et planétaire, dont l’institution est l’Organisation mondiale du commerce, les acteurs qui font et feront l’avenir des populations et des territoires français sont multiples et divers. Ni un aménagement centralisé, ni une planification nationale, qui ont été pensés comme les clés de l’avenir dans des périodes précédentes, ne peuvent être la seule réponse au nécessaire développement des territoires dans un environnement globalisé, internationalisé et mondialisé, où doit s’imposer la « glocalisation », la double capacité de penser globalement et d’agir localement. Il s’agit de mobiliser les acteurs, tous les acteurs de chaque territoire, et aux différentes échelles géographiques, sur un avenir choisi formant un objectif commun, après avoir clairement inventorié et écarté les futurs à ne pas retenir, c’est-à-dire les risques majeurs et les scénarios non souhaitables. « Celui qui n’a pas d’objectifs ne risque pas de les atteindre », écrivait il y a 24 siècles le chinois Sun Tzu. Dans cet esprit, ce rapport choisit un scénario et émet deux ensembles de recommandations visant à sa réalisation. Le premier tient à ce qu’il importe d’abord, quels que soient les futurs possibles, d’améliorer considérablement la connaissance en temps réel des caractéristiques propres à chacun des territoires, en se rappelant la phrase écrite il y a plus de deux siècles, en 1778, par Jean-Baptiste Moheau : « Il ne peut y avoir de machine politique bien montée, ni d’administration éclairée, dans un pays où l’état de population est inconnu ». Il ne s’agit donc pas de rêver d’un grand soir, mais d’abord de disposer de façon pragmatique des outils permettant aux territoires de conduire leur avenir. Le second ensemble de recommandations a pour objet de baliser un futur choisi, et doit sans plus attendre balayer la première objection courante, celle du financement. Le risque est toujours de trouver un argument permettant d’écarter telle ou telle recommandation en raison de son coût initial éventuel : ce ne serait qu’une analyse à courte vue et même, souvent, un simple refus rhétorique. En effet, les recommandations avancées sont de trois natures. Certaines recommandations supposent des investissements qui
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mériteraient d’être évalués, mais impliquent à terme des retours sur investissements et, donc, des gains sociétaux ; d’autres n’imposent aucune dépense nouvelle, mais des réallocations des ressources ; d’autres, enfin, dont le coût est nul, en donnant de l’aération aux territoires français, peuvent engendrer dès leur mise en œuvre des économies directes ou indirectes. Finalement, il s’agit de permettre aux acteurs des territoires, donc à tous leurs habitants, puisque chacun d’entre eux participe à leur vitalité, de mettre en œuvre les atouts de leur territoire, existants ou potentiels, connus ou encore méconnus, car n’attendant qu’à être révélés.
Glossaire Acteur
Personne physique ou morale impliquée dans la vie des territoires et susceptible d’y exercer une influence. Exemples : décideur politique, groupe de pression, population, individu.
Aire urbaine
Ensemble de communes d’un seul tenant et sans enclave formant une aire spatio-économique composée : d’un pôle urbain, constitué par des communes formant une agglomération regroupant au moins 5 000 emplois ; d’une « couronne périurbaine », formée de communes dont au moins 40 % des actifs occupés vont travailler dans le pôle urbain ou dans d’autres communes de l’aire urbaine déjà agrégées au pôle urbain.
Commune multipolarisée
Commune ou unité urbaine située hors des aires urbaines, dont au moins 40 % de la population résidante ayant un emploi travaille dans plusieurs aires urbaines, sans atteindre ce seuil avec une seule d’entre elles, et qui forment avec elles un ensemble d’un seul tenant.
Commune rurale
Commune dont moins de la moitié de la population appartient à une zone bâtie s’étendant sur plusieurs communes ou dont la partie de leur population résidant dans une zone bâtie ou dans la plus grande zone bâtie atteint au total moins de 2 000 habitants.
Commune urbaine
Commune formant ou appartenant à une unité urbaine.
Couronne périurbaine
Selon la terminologie de l’Insee, espace comprenant des communes dont au moins 40 % des actifs occupés vont travailler dans le pôle urbain ou dans d’autres communes de l’aire urbaine déjà agrégées au pôle urbain. En réalité, les territoires de ces couronnes ne sont pas périurbains, puisqu’ils ne se trouvent pas en continuité de cadre bâti (morphologie non concentrée), mais paraurbains pour l’essentiel, additionnant des communes de morphologie rurale et des unités urbaines isolées, habitées par une population active occupée dont au moins 40 % effectue des migrations pendulaires.
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Effet « Ryanair »
Terme générique pour qualifier des mouvements migratoires internationaux intra-régionaux facilités par l’installation de liaisons aériennes à tarifs réduits. Ce phénomène a commencé en France dans les années 2000.
Émigration industrielle
Déficit migratoire constaté dans des territoires et dus à leur nature anciennement industrielle.
Émigration rurale
Émigration liée à des changements structurels dans la productivité agricole ; c’est à tort que la mauvaise habitude a été prise de parler d’exode rural alors qu’il convient d’utiliser l’expression émigration rurale98.
Espace à dominante rurale
Espace comprenant les pôles ruraux, unités urbaines regroupant entre 2 000 et 4 999 emplois, et l’espace rural isolé.
Gérontocroissance
Modification à la hausse des effectifs des personnes âgées, simultanée ou non avec un vieillissement. L’inverse est la gérontodécroissance, baisse du nombre de personnes âgées dans une population. Néologisme retenu, sachant que les mots relatifs à la vieillesse sont formés à partir du grec gérôn ou gérontos.
Litturbanisation
Développement de la construction et/ou du peuplement des espaces littoraux et sublittoraux.
Ménages
Ensemble des occupants d'une résidence principale, qu'ils aient ou non des liens de parenté. Ne font pas partie des ménages les personnes vivant dans des habitations mobiles (y compris les mariniers), les personnes sans-abri et la population des communautés. À partir de 2004, les élèves ou étudiants majeurs vivant en internat, lycée agricole, école militaire ne sont plus comptés dans le logement de leurs parents, mais dans la communauté dans laquelle ils résident. Les enfants mineurs logés en cité universitaire sont comptés dans le logement de leurs parents, alors qu'ils étaient comptabilisés dans la catégorie des communautés en 1999.
98
Cf. Dumont, Gérard-François, Les spécificités démographiques des régions et l'aménagement du territoire, Paris, Éditions des Journaux officiels, 1996 et Wackermann, Gabriel (dir.), Dictionnaire de géographie, Paris, Ellipses, 2005.
Glossaire Migration entrepreneuriale
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Migration liée aux décisions d’entreprises faisant migrer leurs collaborateurs pour répondre aux évolutions des marchés ou aux souhaits de ceux voulant s’installer dans des territoires professionnellement plus intéressants.
Paraurbanisation Ou périurbanisation d’agglomération : processus conduisant au peuplement d’espaces de morphologie rurale généralement situés au delà des unités urbaines et dont une proportion importante de la population active occupée vient exercer quotidiennement ses activités professionnelles dans l’agglomération. Néologisme retenu, le préfixe « para » signifiant en grec « à côté de » (cf. Les spécificités démographiques des régions et l'aménagement du territoire, 1996, op. cit.). Périurbanisation
Urbanisation qui s’étale sans discontinuité à partir de la ville-centre.
Pôles ruraux
Unités urbaines regroupant entre 2 000 et 5 000 emplois.
Prospective
Réflexion pour éclairer l’action présente à la lumière des futurs possibles99.
Rupture
En prospective, variation brusque affectant une tendance lourde ; événement à l’origine de cette variation.
Unité urbaine
Commune ou ensemble de communes liées par la continuité de l’habitat, sur la(es)quelle(s) s’étend une zone bâtie peuplée de 2 000 habitants au moins, et où habite au moins la moitié de la population de chaque commune lorsque cette zone bâtie est multicommunale.
Unité urbaine unicommunale
Unité urbaine composée d’une seule commune (ville isolée).
Unité urbaine Unité urbaine composée de plusieurs communes. multicommunale Scénario
99
En prospective, combinaison des tendances lourdes, des ruptures, des signaux faibles et du jeu des acteurs.
Godet, Michel, De l’anticipation à l’action, Manuel de prospective et de stratégie, Paris, Dunod, 1991.
196 Signal faible
Populations et territoires de France en 2030 En prospective, événement mineur, intermédiaire entre les ruptures et les indicateurs, susceptible d’exercer à terme une influence sur une tendance.
Tendance lourde En prospective, évolution qu’on estime durable à l’horizon d’au moins une quinzaine d’années ; phénomène ayant une telle inertie qu’il ne peut a priori s’arrêter ou subir une inflexion qu’au bout d’un important laps de temps. Exemple : la gérontocroissance en France dans les années 2000 et 2010. Vieillissement de la population
Modification de la composition par âge d’une population, due à une augmentation de la proportion des personnes âgées, le vieillissement provient de quatre facteurs et de leurs multiples combinaisons possibles. Le premier est la baisse de la fécondité, ayant pour effet ce qu’on appelle le vieillissement « par le bas », en minorant le nombre de jeunes, donc, généralement, la proportion des jeunes, et en majorant, inversement, la proportion des personnes âgées. Le deuxième facteur possible de vieillissement vient de la baisse de la mortalité des personnes âgées résultant de l’augmentation de leur espérance de vie, avec pour effet ce qu’on appelle le vieillissement « par le haut ». Le troisième facteur du vieillissement provient des échanges migratoires, par exemple : une émigration composée de jeunes adultes accentue le vieillissement, alors qu’une immigration également composée de jeunes l’empêche ou le freine. Le quatrième facteur tient à l’héritage des évolutions démographiques passées de la population du territoire étudié.
Zone bâtie
Ensemble de constructions avoisinantes formant un ensemble tel qu’aucune ne soit séparée de la plus proche de plus de 200 mètres et comprenant au moins 50 habitants. Les terrains servant à des buts publics, tels que jardins publics, aérodromes, routes, cimetières, constructions publiques, ceux utilisés à des fins industrielles ou commerciales, tels qu’usines, magasins, édifices commerciaux, voies ferrées, parcs de stationnement…, ainsi que les cours d’eau traversés par des ponts, ne sont pas pris en compte lors de la détermination de la distance séparant les habitations.
Liste des membres du groupe de prospective Ce rapport, dirigé et rédigé par Gérard-François Dumont, est le résultat d’un travail d’équipe et de dynamique de groupe auquel ont participé les membres et les personnes suivantes. Les analyses et les recommandations faites dans ce document reflètent fidèlement les travaux effectués par le groupe, et aucun membre n’a en conséquence souhaité présenter un commentaire particulier. Néanmoins, cela ne signifie nullement qu’il y ait une unanimité systématique sur la formulation de chaque analyse ou recommandation.
Membres permanents du groupe (ordre alphabétique) : − − − −
− − − − − − − − − − −
Mme Christiane Crépin (CNAF) M. Alain Dalbavie (Population & Avenir), secrétaire du groupe M. Alfred Dittgen (Université Paris I) M. Gérard-François Dumont (Université Paris IV-Sorbonne), président M. Patrick Faugouin (Institut Atlantique d’Aménagement des Territoires) M. Georges Gadel (Drees, Ministère de la Santé, mission animation régionale et locale) Mme Michelle Gancel (CESR Île-de-France) Mme Dominique Gandon (Desco, Ministère de l’Éducation Nationale) Mme Nathalie Garrigues (SGAR Limousin) M. Pierre Le Foll (CESR Bretagne) M. Jean-Marie Lelièvre (DGA Conseil général du Loir-et-Cher) M. Philippe Louchart (Iaurif) M. Jean Ollivro (Université Rennes II - Haute Bretagne) M. Alain Parant (INED – Futuribles) M. Pierre-Jean Thumerelle (Université Lille I)
Personnes ayant contribué à une partie des travaux du groupe : − − − −
− −
M. Laurent Chalard (doctorant à l’Université de Paris IV) M. Géry Coomans (GéoLabour) M. Philippe Durance (collaborateur extérieur Diact) M. Marc-Antoine Estrade (Commissariat au Plan, groupe de prospective Métiers et qualification) M. Vincent Fouchier (Iaurif) M. Frédéric Gilli (DGTPE, Ministère des Finances)
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Populations et territoires de France en 2030 − − − − − − −
M. Michel Godet (CNAM) M. Hubert Jayet (Université Lille I) M. Sébastien Maujean (Ministère de l’Équipement, Drast, CNS) M. Bernard Morel (Diact, Insee) M. Christophe Noye (Géographe consultant) M. Vincent Piveteau (Diact) M. Jean-Marc Zaninetti (Université d’Orléans)
Liste des experts auditionnés par le groupe de prospective : − M. Olivier Barlogis (Insee) − M. Guy Desplanques (Insee) − M. Alain Even (CESR Bretagne) − M. Pierre Grapin (BIPE) − M. Grégory Hamez (Orate) − M. Alain Jacquot (Insee) − M. Patrick de La Morvonnais (BIPE) − M. Jean Laganier (Insee) − Mme Ludivine Neveu-Chéramy (Insee) − M. Jean-François Royer (Insee)
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Table des figures Figure 1.1 ⎯ Population et densité de la France métropolitaine parmi ses pays voisins.........................................................................................11 Figure 1.2 ⎯ Les 22 régions de France métropolitaine classées par densité décroissante ........................................................................................12 Figure 1.3 ⎯ Densité de population des 22 régions de France métropolitaine ............................................................................................................13 Figure 1.4 ⎯ Proportion des résidences secondaires en France métropolitaine.....................................................................................15 Figure 1.5 ⎯ Les territoires de France métropolitaine les plus peuplés .....18 Figure 1.6 ⎯ Les « six » France ..................................................................24 Figure 1.7 ⎯ Proportion des différents groupes d’âge dans la population de la France métropolitaine .....................................................................27 Figure 1.8 ⎯ Les effectifs par âge en France (en millions).........................28 Figure 1.9 ⎯ Proportion des moins de 20 ans selon les départements ........29 Figure 1.10 ⎯ Proportion des 60 ans ou plus selon les départements .........31 Figure 1.11 ⎯ Répartition par âge selon quinze types d’espace (le total des lignes = 100) .......................................................................................33 Figure 1.12 ⎯ Répartition des retraités selon les départements de France métropolitaine.....................................................................................36 Figure 1.13 ⎯ Le « vieillissement dans le vieillissement » : les groupes d’âge en France, hormis les jeunes (base 100 = 2000) .......................37 Figure 1.14 ⎯ Exemple de périurbanisation : le taux de construction dans la région Rhône-Alpes 1968-1975..........................................................39 Figure 1.15 ⎯ Exemple de paraurbanisation : le taux de construction dans la région Rhône-Alpes 1990-1999..........................................................40 Figure 1.16 ⎯ Exemple de litturbanisation : variation de la densité des résidences secondaires ........................................................................42 Figure 1.17 ⎯ Population étrangère selon les régions.................................48 Figure 1.18 ⎯ L’accroissement migratoire en France..................................53 Figure 1.19 ⎯ Taux d’emploi selon les régions ...........................................54 Figure 1.20 ⎯ Taux de chômage selon les régions .....................................55 Figure 2.21 ⎯ Projections de l’espérance de vie en France métropolitaine selon trois hypothèses .........................................................................62
208
Populations et territoires de France en 2030
Figure 2.22 ⎯ La pyramide des âges de la France métropolitaine en 2000 et 2050 selon le scénario central.............................................................65 Figure 2.23 ⎯ La population totale de la France métropolitaine selon divers scénarios (en millions d’habitants) .....................................................66 Figure 2.24 ⎯ La population des 60 ans ou plus en 1970, 2000 et 2030 (scénario central) en France métropolitaine........................................68 Figure 2.25 ⎯ Espérance de vie et de la population des 60 ans ou plus dans divers scénarios (France métropolitaine)............................................68 Figure 2.26 ⎯ Projections de population totale en région Provence-AlpesCôte-d’Azur selon deux hypothèses migratoires ................................72 Figure 2.27 ⎯ Évolution et projection des soldes migratoires en région PACA .................................................................................................73 Figure 2.28 ⎯ Âge moyen par région de France métropolitaine au 1er janvier 2000 et évolution entre 2000 et 2030 .....................................75 Figure 2.29 ⎯ Évolution projetée (scénario central) de la population des 60 ans ou plus dans les régions de France métropolitaine..................77 Figure 2.30 ⎯ Personnes de 60 ans en plus en 2030 en France métropolitaine (part en %). Source : Insee, projections 2030 (à la suite du recensement de la population 1999) ............................................78 Figure 2.31 ⎯ Personnes de 60 ans en plus en 2030 en France métropolitaine (évolution 2000-2030 en nombre). Source : Insee, projections 2030 (à la suite du recensement de la population 1999) 79 Figure 2.32 ⎯ Population active observée et projetée en France métropolitaine.....................................................................................80 Figure 2.33 ⎯ Évolution de la population active projetée de 2006 à 2015 en France métropolitaine (scénario I) .................................................81 Figure 2.34 ⎯ Nombre de personnes de 60 ans ou plus pour mille personnes de 20 à 59 ans .....................................................................................82 Figure 2.35 ⎯ Taille moyenne des ménages auxquels les individus appartiennent selon leur âge en France métropolitaine ......................84 Figure 2.36 ⎯ Nombre de ménages supplémentaires en 2030 en France métropolitaine selon le scénario central .............................................87 Figure 2.37 ⎯ Pyramide des âges en 1999 et les contours projetés de la pyramide en 2030 en France métropolitaine.......................................88 Figure 2.38 ⎯ Nombre de ménages et nombre de personnes par ménage en 2030 en France métropolitaine selon diverses hypothèses .................89
Table des figures
209
Figure 2.39 ⎯ Nombre de pièces par personne en 1999 selon l’âge, tous modèles de cohabitation confondus (France métropolitaine) .............91 Figure 2.40 ⎯ Nombre de pièces par personne en 1999 selon l’âge, hommes et femmes confondus (France métropolitaine) ...................................92 Figure 2.41 ⎯ Nombre de pièces par personne selon l’âge, personnes seules, en 1982, 1990 et 1999 (France métropolitaine) ......................92 Figure 2.42 ⎯ Nombre de pièces par personne selon l’âge, personnes en ménage d’au moins deux personnes, en 1982, 1990 et 1999 (France métropolitaine)....................................................................................93 Figure 2.43 ⎯ Progression (en %) du nombre de ménages entre 1999 et 2030 par région de France métropolitaine ..........................................94 Figure 4.44 ⎯ Les tendances lourdes et ruptures relatives aux migrations d’étudiants ........................................................................................133 Figure 4.45 ⎯ Les tendances lourdes et ruptures relatives aux migrations de jeunes actifs..................................................................................135 Figure 4.46 ⎯ Les tendances lourdes et ruptures relatives aux migrations d’actifs vivant en famille ..................................................................136 Figure 4.47 ⎯ Les tendances lourdes et ruptures relatives aux migrations à l’âge de la retraite .............................................................................137 Figure 4.48 ⎯ Les tendances lourdes et ruptures relatives aux migrations liées au quatrième âge.......................................................................139 Figure 4.49 ⎯ Synthèse des variables retenues et de leurs hypothèses contrastées d’évolution .....................................................................145 Figure 4.50 ⎯ Synthèse des hypothèses du scénario Aquilo ....................149 Figure 4.51 ⎯ Synthèse des hypothèses du scénario Auster.....................154 Figure 4.52 ⎯ Synthèse des hypothèses du scénario Eurus ......................156 Figure 4.53 ⎯ Synthèse des hypothèses du scénario Zéphyrus ................159
Table des matières Avant-propos ........................................................................................7 Introduction ..........................................................................................9 Chap. 1 - Populations et territoires en France dans les années 2000 .....11 1. Un vaste territoire faiblement peuplé en Europe ...........................11 1.1. Le peuplement modéré de la France dans l’ensemble européen.........................................................................11 1.2. Des niveaux de densité extrêmes dont l’éventail s’élargit .......................................................................................11 1.3. Paradoxalement, des problèmes de foncier ....................13 1.4. Des territoires plus construits que peuplés en raison d’un parc élevé de résidences secondaires .............................15 2. Un peuplement concentré..............................................................16 2.1. Un territoire primatial.....................................................16 2.2. Une forte hiérarchie territoriale ......................................17 a) b) c)
Une armature communale très étagée............................. 17 Le large éventail des unités urbaines.............................. 19 77 % de la population dans 354 aires urbaines aux évolutions très disparates................................................ 20
3. Les évolutions différenciées des « six » France ............................22 3.1. Départements gagnants ou se dépeuplant.......................22 3.2. Les doublements gagnants..............................................23 3.3. Les croissances exclusivement naturelles ......................23 3.4. Les croissances exclusivement migratoires....................25 3.5. Le dépeuplement exclusivement migratoire...................25 3.6. Le dépeuplement exclusivement naturel ........................26 3.7. Les doublements perdants ..............................................26 4. Une population dont le vieillissement s’accentue .........................26 4.1. Un vieillissement très diversifié selon les territoires......27 a) b)
c) d)
4.2.
La redistribution générale de la composition par âge..... 27 Les disparités territoriales du vieillissement par faible proportion de jeunes ....................................................... 28 Les tendances territoriales du vieillissement par forte proportion de personnes âgées........................................ 30 Les disparités spatiales du vieillissement selon le type spatio-économique des territoires................................... 32
Une gérontocroissance qui s’amplifie ............................34 a) b) c)
La vague montante des personnes âgées ........................ 34 Une augmentation quantitative, mais non relative, des personnes âgées dépendantes ......................................... 35 La géographie des retraités............................................. 35
212
Populations et territoires de France en 2030 4.3.
Les autres types de vieillissement ..................................36 a) b)
Le vieillissement de la population active ....................... 36 Le vieillissement dans le vieillissement ......................... 37
a) b) c) d) e) f)
La baisse de potentiel de l’émigration rurale des jeunes 38 Les territoires spécifiques de l’émigration industrielle .. 38 L’attirance territoriale due à la métropolisation ............. 38 La réduction d’intensité de la périurbanisation .............. 39 La montée d’un processus de paraurbanisation .............. 40 La litturbanisation, couplée ou non avec l’héliotropisme positif.............................................................................. 41 Le rôle essentiel de l’Île-de-France dans le système des migrations internes ......................................................... 43 Les variétés locales des processus migratoires............... 43
5. Des migrations internes résultant d’un faisceau de processus interdépendants..............................................................................38 5.1. Les processus généraux des migrations internes ............38
g)
5.2.
h)
Les migrations internes par âge......................................44 a) b) c)
La migration des jeunes vers les espaces urbains........... 44 La migration des actifs vers les territoires denses en emploi ou en continuité d’espace-temps avec ceux-ci ... 45 La migration résidentielle des seniors, notamment vers le littoral et le vert .............................................................. 45
6. Les caractéristiques des migrations internationales en France ......46 6.1. Des migrations internationales géographiquement très concentrées.....................................................................46 6.2. L’importance de l’immigration familiale .......................49 6.3. Une immigration à niveau de formation limitée.............49 6.4. L’émigration de diplômés ..............................................49 6.5. Les migrations étudiantes...............................................49 6.6. Les caractéristiques territoriales des migrations entrepreneuriales ............................................................50 6.7. Les migrations internationales de retraités .....................50 6.8. Un nouveau phénomène migratoire : l’effet « Ryanair »51 6.9. Des territoires connaissant des migrations internationales spécifiques......................................................................52 7. Les effets territoriaux de l’addition des migrations internes et internationales ...............................................................................52 8. Les emplois plus concentrés que le peuplement............................53 8.1. Des taux d’emploi forts différents selon les territoires...53 8.2. Un chômage très différencié selon les territoires ...........55 9. Des systèmes familiaux différents selon les territoires .................56 9.1. Une diverse composition des familles............................56
Table des matières 9.2.
213
Les disparités territoriales des comportements familiaux .......................................................................................57
Chap. 2 - Les projections démographiques courantes et leurs limites ...59 1. Les projections démographiques courantes et leurs enseignements .......................................................................................................59 1.1 Les perspectives nationales de population : une croissance modérée escomptée au moins jusqu’en 203059
1.2
a) b) c)
Le choix de la méthode utilisée ...................................... 59 Le choix des hypothèses................................................. 61 Les résultats nationaux selon les jeux d’hypothèses....... 65
a)
Des dimensions à différencier : le vieillissement et la gérontocroissance ........................................................... 67 Les perspectives nationales du vieillissement de la population : un processus certain ................................... 67
Les perspectives spécifiques concernant le vieillissement de la population..............................................................67 b)
1.3
Les perspectives territoriales de population : des hausses et des baisses ..................................................................69 a) b)
c) d) e) f)
1.4
Les projections de population active : un retournement annoncé ..........................................................................80 a)
b) c)
1.5
La méthode de projection utilisée................................... 69 L’influence des migrations avec l’exemple de trois régions ............................................................................ 71 La dysharmonie entre projection régionale et nationale avec l’exemple de Provence-Alpes-Côte-d’Azur ........... 71 Les projections régionales de population 2030 selon le scénario central............................................................... 74 Les perspectives régionales du vieillissement de la population : entre deux extrémités ................................. 76 Les perspectives régionales de la gérontocroissance : des résultats différenciés....................................................... 77 La projection nationale de population active selon le scénario central............................................................... 81 Les perspectives régionales de population active : la diffusion de la baisse ...................................................... 81 Les perspectives pour la population active selon les scénarios......................................................................... 81
Les projections concernant les ménages et la question du nombre de logements .....................................................83 a) b) c)
La méthode suivie .......................................................... 83 Ménages et comportements de vie en famille ................ 85 24 % de ménages supplémentaires en 2030 selon le scénario central............................................................... 87
214
Populations et territoires de France en 2030 d) e) f) g)
Nombre des ménages et composition par âge de la population....................................................................... 87 Les variantes par rapport au scénario central ................. 89 Des logements moins peuplés, mais des besoins en logements plus grands .................................................... 90 La projection du nombre de ménages au niveau régional et ses variantes................................................................ 93
2. Les limites des projections démographiques courantes.................95 2.1 Des projections nationales « in vitro » réductrices d’incertitude ...................................................................95 a) b)
c) d)
2.2
Les limites techniques des projections institutionnelles . 95 Le tendanciel entre le Charybde du récent et le Scylla de la longue durée ............................................................... 96 Les variantes trop étroites des hypothèses tendancielles 98 Des projections tendancielles ne peuvent être prévisionnelles.............................................................. 102
La méthode de projections territoriales : une « fabrique à malices » ?....................................................................103 a)
b) c) d) e)
Une méthode de projection par les stocks et non par les flux ............................................................................... 103 Des indicateurs territoriaux assez grossiers.................. 104 Le principal facteur des projections territoriales est difficilement mesurable................................................ 104 Le risque d’invalidité des hypothèses migratoires tendancielles aux échelles locales les plus fines........... 105 Le tendanciel territorial n’est pas durable .................... 106
Chap. 3 - Les sept risques majeurs : « prévoir pour ne pas voir » .......109 1. La segmentation démographique territoriale...............................109 1.1 À même comportement migratoire, augmentation de la segmentation démographique ......................................110 1.2 En cas de migrations résidentielles plus intenses : accentuation de la segmentation démographique.........110 1.3 Le risque d’une segmentation démographique qui tend à se renforcer d’elle-même .............................................111 1.4 Le risque d’une segmentation démographique faisant obstacle à la solidarité intergénérationnelle .................112 1.5 Le risque d’une gérontocroissance différentielle créant des surcoûts territoriaux ...............................................112 2. Une France éclatée en territoires se spécialisant selon les niveaux de vie ...........................................................................................113 3. Des îles urbaines au milieu de territoires à l’abandon.................117 4. Un nouveau « scénario de l’inacceptable » .................................118
Table des matières
215
5. L’addition de fractures territoriales corrélatives .........................121 5.1 Les fractures sociales selon l’accès à la mobilité .........121 5.2 Les fractures territoriales sanitaires..............................123 6. L’insuffisance de « boulangers » et « d’infirmières » .................124 7. Le risque d’effet boomerang de l’économie résidentielle ...........127 Chap. 4 - Quatre scénarios prospectifs ...................................................129 1. Les tendances lourdes et les ruptures pour les seize variables retenues........................................................................................129 1.1 La natalité.....................................................................130 1.2 La mortalité ..................................................................131 1.3 Les migrations d’étudiants ...........................................132 1.4 Les migrations de jeunes actifs ....................................134 1.5 Les migrations d’actifs vivant en famille .....................135 1.6 Les migrations à l’âge de la retraite .............................137 1.7 Les migrations liées au quatrième âge..........................138 1.8 Les migrations internationales......................................139 1.9 La composition par âge ................................................140 1.10 La structure des ménages .............................................140 1.11 Les systèmes administratifs et réglementaires français et européen.......................................................................141 1.12 La capacité de financement des politiques publiques...142 1.13 Le mode de financement des politiques publiques.......142 1.14 La création de richesses................................................143 1.15 La création d'emplois ...................................................143 1.16 Le parc de logements....................................................144 2. Présentation générale des quatre scénarios..................................144 2.1 Un système pouvant combiner 256 avenirs possibles ..144 2.2 À la recherche de scénarios cohérents et contrastés .....144 2.3 Présentation générale des scénarios..............................146 3. Les quatre scénarios ....................................................................148 3.1 Aquilo, un printemps démographique et territorial ......148 a) b) c)
3.2
3.3
Présentation générale.................................................... 148 Les conditions de réalisation du scénario ..................... 150 Les conséquences : diffusion et émulation favorables à l’attractivité de tous les territoires ................................ 151
Auster : un pouvoir gris attentif à la défense de ses intérêts..........................................................................152 a) b) c)
Présentation générale.................................................... 152 Les conditions de la réalisation du deuxième scénario. 153 Les conséquences : de très fortes inégalités ................. 155
Eurus, le vent froid d’un hiver démographique............155
216
Populations et territoires de France en 2030 a) b) c)
3.4
Présentation générale.................................................... 155 Les conditions de réalisation du scénario ..................... 157 Les conséquences : des territoires en grande difficulté à même des territoires en perdition ................................. 157
Zéphyrus : un jacobinisme de minima sociaux par un endettement accru ........................................................158 a) b) c)
Présentation générale.................................................... 160 Les conditions de réalisation du scénario ..................... 160 Les conséquences : survie métropolitaine et ruine du rural ...................................................................................... 161
4. Des quatre scénarios aux recommandations................................161
Chap. 5 - Douze chantiers et 67 recommandations pour l’avenir ........163 1. Les cinq chantiers communs à l’ensemble des futurs..................163 1.1 Fluidifier et aérer le marché du logement sur tous les territoires ......................................................................163 1)
2) 3) 4) 5) 6) 7) 8) 9)
1.2
Encourager la mise sur le marché des logements durablement vacants ..................................................... 163 Privilégier l’utilisation territoriale du parc des logements sociaux.......................................................................... 164 Faciliter le renouvellement rapide (ou le financement de la construction) du logement social.............................. 164 Encourager l’offre de location des grands logements pour les familles ................................................................... 164 Développer le marché locatif privé .............................. 165 Combiner les incitations nationales et les initiatives locales........................................................................... 165 Développer l’information et la pédagogie sur l’importance des besoins en logement à venir.............. 166 Oxygéner le foncier...................................................... 166 Lutter contre les fractures territoriales qui se manifestent en termes de logement.................................................. 166
Assurer une élévation générale des niveaux de qualification selon les besoins territoriaux..................167
10) Élever les niveaux de qualification : un besoin d’abord nécessaire à la compétitivité des entreprises et des territoires ...................................................................... 167 11) Élever les niveaux de qualification, un besoin ensuite nécessaire face au tassement du nombre d’actifs ......... 167 12) Rendre possible l’adaptation ou la création de formations qualifiantes selon l’évolution des besoins et des technologies.................................................................. 167 13) Des qualifications selon des logiques territoriales, complémentaires aux logiques de branches.................. 168
Table des matières
217
14) Développer la formation tout au long de la vie, impératif d’adaptation au vieillissement de la population active . 168
1.3
De nouvelles méthodes de péréquation ........................168
1.4
Améliorer considérablement la connaissance des réalités territoriales ...................................................................169
1.5
15) Dans un contexte de composition par âge très différenciée selon les territoires, instaurer une péréquation fondée sur les réalités démographiques territoriales ...................... 168 16) Dans un contexte d’écarts élevés de densité selon les territoires, prendre en compte l’inverse de la densité de la population pour certaines péréquations ........................ 168 17) Pour une révolution copernicienne de notre système statistique français ........................................................ 169 18) Instaurer des registres domiciliaires, outils indispensables à la connaissance des flux et donc à la gestion en temps réel et au développement des territoires ....................... 169 19) Créer des banques d’indicateurs territoriaux ................ 170 20) Disposer d’outils territorialisés à l’échelle des territoires pertinents ...................................................................... 170 21) Promouvoir des observatoires territoriaux efficaces .... 170 22) Disposer d’un annuaire statistique des villes................ 171 23) Promouvoir l’analyse territoriale par les acteurs locaux ...................................................................................... 171 24) Organiser l’émergence de la demande sociale en la fondant sur la concertation des acteurs et la participation de la population ............................................................ 171
Développer la connaissance des situations territoriales étrangères .....................................................................171 25) Étudier tout particulièrement les territoires de faible superficie ...................................................................... 171 26) Étudier les solutions territoriales retenues par des pays étrangers pour les territoires peu denses....................... 171 27) S’inscrire dans la réflexion et l’action européennes du développement régional et interrégional ...................... 172 28) Stimuler l’observation de ce qui se passe à l’étranger.. 172
2. Les sept chantiers pour un futur choisi........................................172 2.1 Les technologies de l’information et de la communication pour tous les territoires.................................................172
29) Accentuer l’implication de l’État pour combattre les fractures technologiques............................................... 172 30) Anticiper des méthodes permettant d’empêcher d’autres fractures territoriales dues aux progrès des techniques 173 31) Développer l’appropriation et les usages des techniques dans tous les territoires ................................................. 173
218
Populations et territoires de France en 2030
2.2
2.3
2.4
2.5
32) Encourager les liens intergénérationnels, outils de facilitation des usages des TIC ..................................... 173 33) Susciter la fabrication de matériels utilisables par toutes les catégories de population ......................................... 173
Faciliter les mobilités en faveur de l’emploi et de la cohésion sociale ...........................................................174
34) Favoriser indirectement les mobilités dans une optique de développement durable par une fiscalité adaptée ......... 174 35) Agir directement sur les modes de transport des personnes mais aussi des marchandises ........................................ 174 36) Favoriser les mobilités économiques et sociales aux différentes phases du cycle de vie ................................ 175 37) Encourager la mobilité des jeunes................................ 175 38) Aider à la mobilité des seniors et des plus âgés ........... 176 39) Favoriser des mobilités de substitution pour des personnes subissant des contraintes d’immobilité......................... 176
Des services présents et fonctionnant en réseau sur l’ensemble des territoires .............................................177
40) Des services collectifs présents et accessibles selon des modalités souples adaptées à la diversité de peuplement des territoires ................................................................ 177 41) Promouvoir le fonctionnement en réseau des services pour répondre aux besoins complexes et évolutifs des territoires ...................................................................... 177 42) Tout particulièrement dans des territoires peu denses, développer les téléservices et des formes d’accessibilité complémentaires........................................................... 178
Libérer les énergies créatrices des populations et des territoires ......................................................................178
43) Faire une pédagogie du développement territorial libérée des raisonnements de la concentration dite raisonnée .. 178 44) Passer d’une décentralisation « centralisée » à une véritable décentralisation.............................................. 178 45) Diffuser les connaissances sur les expériences, notamment européennes, de développement territorial 179
Assurer sur chaque territoire l’emploi et le renouvellement de la population active .......................179
46) Encourager la création d’emplois correspondant aux besoins et aux projets des territoires............................. 179 47) Orienter vers les métiers en difficulté de renouvellement ...................................................................................... 179 48) Orienter vers les territoires en difficulté de renouvellement de certains actifs ................................. 179 49) Mettre l’accent, dans chaque territoire, sur un emploi pour tous ............................................................................... 180
Table des matières
2.6
2.7
219
50) Permettre le renouvellement de la population active médicale et paramédicale ............................................. 180
Des équipements, des services, et des offres de formation au service de la dynamisation des territoires ...............180
51) Pérenniser une politique familiale forte........................ 180 52) Réaliser des équipements et des services pour les enfants et les jeunes en fonction des réalités territoriales. ........ 181 53) Privilégier les actions collectives et intergénérationnelles ...................................................................................... 182 54) Remplacer une politique défensive des formations territoriales par une politique offensive et ouverte ....... 182 55) Privilégier la parole des habitants pour faire émerger la demande sociale des populations sur les territoires...... 183
Favoriser une mixité des générations, d’importance égale à la mixité sociale.........................................................183
56) La mixité générationnelle territoriale, nécessité économique impérative pour satisfaire les besoins des inactifs .......................................................................... 183 57) La mixité générationnelle territoriale, besoin sociétal au service des solidarités de voisinage, des liens intergénérationnels ....................................................... 183 58) La mixité générationnelle territoriale au service des besoins éducatifs .......................................................... 183 59) Un habitat permettant la mixité générationnelle territoriale..................................................................... 184 60) Une adaptation territoriale au service de l’inclusion dans la citoyenneté des personnes âgées............................... 184 61) Une logique d’aménagement territoriale prenant en compte les personnes âgées.......................................... 184 62) Des logiques d’aménagement de la mobilité des personnes âgées selon les territoires............................. 185 63) Application territoriale de la politique nationale .......... 185 64) De nouveaux modes d’appréhension des besoins et de construction de l’offre territoriale ................................ 186 65) Impliquer tous les acteurs locaux dans la politique territoriale concernant la gérontocroissance ................. 187 66) Former du personnel adapté à l’action gérontologique187 67) Poursuivre et affiner le maintien à domicile des personnes âgées............................................................................. 187
220
Populations et territoires de France en 2030
Conclusion .................................................................................................189 Glossaire ...........................................................................................193 Liste des membres du groupe de prospective ..................................197 Bibliographie ....................................................................................199 Table des figures...............................................................................207 Table des matières ............................................................................211 Index .................................................................................................221
Index A aménagement, 7, 8, 38, 41, 95, 117, 119, 148, 151, 153, 172, 176, 184, 185, 189, 190, 194, 195 armature, 17, 20, 25 C chômage, 55, 56, 106, 114, 115, 160, 169 composition par âge, 23, 26, 27, 28, 32, 43, 87, 109, 110, 111, 131, 140, 168, 196 D décentralisation, 142, 143, 148, 150, 158, 178, 190 densité, 11, 12, 13, 16, 17, 18, 19, 41, 42, 57, 112, 115, 168 dépeuplement, 22, 25, 26, 52, 124, 127, 136, 157 dépopulation, 157 E emploi, 21, 39, 45, 49, 53, 54, 55, 56, 57, 59, 80, 81, 82, 101, 106, 111, 122, 124, 125, 127, 134, 135, 137, 143, 145, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 161, 167, 174, 175, 176, 177, 179, 180, 183, 190, 193 espérance de vie, 7, 34, 35, 51, 60, 61, 62, 68, 89, 99, 131, 132, 140, 141, 145, 148, 149, 154, 155, 156, 159, 160, 187, 196
F famille, 46, 52, 85, 112, 121, 130, 132, 135, 136, 138, 139, 145, 146, 148, 149, 150, 152, 154, 156, 157, 159, 160, 164, 170, 181 fracture, 121, 123, 124, 172 G gérontocroissance, 7, 34, 35, 37, 67, 68, 77, 80, 103, 112, 113, 124, 140, 155, 165, 168, 173, 184, 186, 187, 196 H héliotropisme, 41, 56, 147 I incapacité, 35, 114, 132, 138, 150, 153, 187 L logement, 14, 15, 16, 37, 45, 46, 83, 84, 86, 87, 90, 92, 103, 111, 113, 119, 130, 132, 135, 136, 137, 138, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 159, 160, 161, 163, 164, 165, 166, 177, 182, 186, 190, 194, 202 M ménage, 56, 83, 84, 85, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 140, 141, 145, 148, 149, 153, 154, 156, 159, 160, 164, 166
222
Populations et territoires de France en 2030
métropolisation, 35, 38, 39, 118, 135 migration, 40, 43, 44, 45, 51, 69, 70, 71, 76, 98, 104, 132, 133, 135, 137 mixité, 116, 166, 183, 184 mobilité, 7, 16, 49, 50, 96, 98, 101, 110, 111, 121, 122, 123, 132, 133, 137, 138, 145, 149, 150, 152, 154, 156, 159, 164, 165, 174, 175, 176, 180, 181, 184, 185, 203 mortalité, 34, 59, 60, 61, 62, 66, 67, 69, 70, 71, 76, 79, 82, 89, 96, 98, 99, 100, 104, 131, 132, 196 N natalité, 27, 34, 104, 130, 131, 132 P paraurbanisation, 21, 30, 40, 109, 122, 136, 151 périurbanisation, 39, 40, 195 peuplement, 11, 16, 19, 38, 40, 53, 113, 118, 132, 136, 171, 177, 194, 195 population active, 8, 20, 36, 39, 40, 53, 55, 80, 81, 82, 101, 107, 124, 135, 168, 179, 180, 182, 193, 195
Q qualification, 50, 167 R réseau, 30, 58, 123, 131, 152, 177, 178, 182 rupture, 103, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 146, 151 T technologies de l’information et de la communication, 167, 172, 176 tendance lourde, 73, 79, 129, 130, 131, 133, 137, 139, 140, 141, 144, 146, 195 V vieillissement, 7, 8, 9, 14, 22, 26, 27, 28, 30, 32, 34, 35, 36, 37, 43, 60, 67, 68, 74, 75, 76, 79, 82, 83, 94, 100, 103, 107, 109, 112, 119, 124, 129, 140, 143, 148, 153, 155, 156, 160, 166, 168, 180, 184, 186, 187, 194, 196
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