LEXIQUE
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LEXIQUE
de la critique
COLLECTION JEAN-MARIE
DIRIGÉE
PAR
COTTERET
LEXIQUE
de la critique GÉRARD-DENIS FARCY Maître de conférences à l'Université de Limoges
PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE
// est possible, toutefois, que l'appareil de ces théories ne soit point familier à d'aucuns. Voici donc, à leur égard, en guise de viatique, certaines définitions sommaires. J. RICARDOU Une maladie chronique Je pense qu'il ne faut pas s'attarder à ces querelles de mots quand il y a tant de choses à faire. A.-J. GRElMAS Le Monde, 7 juin 1974
ISBN 2 13 0440290 Dépôt légal — 1 m édition : 1991, décembre © Presses Universitaires de France, 1991 108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris
introduction
QUEL LEXIQUE?
Le critique littéraire vient de vivre une période d'intenses bouleversements sur tous les plans : épistémologique, conceptuel et terminologique , une période contrastée et contradictoire, créative et crispée. Comme à toute époque révolutionnaire, cela s'est fait dans l'effervescence, l'intolérance et la résistance, dans un climat plus conflictuel que consensuel. Certains ont avancé à grands pas avec une jubilation volontiers iconoclaste, d'autres plus nombreux ont résisté et stigmatisé un chamboulement considéré comme une mode — et non comme un progrès. L'on a multiplié les polémiques, les procès d'intention, les palinodies, adoré ce qu'on venait de brûler1. Il y a eu des débats portés sur la place publique, des vulgarisations hâtives, des conversions tardives, des querelles d'écoles, des abus de langage2 ; il y a eu des contrefaçons et des surenchères. Le phénomène n'a rien épargné. Les objets ont été revisités ou actualisés, les méthodes se sont diversifiées et affinées, des concepts nouveaux se sont imposés, des mots nouveaux ont fait florès. Si l'on en juge aujourd'hui par les résultats, il est évident que le bilan est nettement positif — à quelques réserves près qu'il faut bien considérer comme la contrepartie quasi inévitable de ladite effervescence. En effet, même si la communauté scientifique en a pris son parti, la terminologie qu'elle a engendrée et que l'usage a ratifiée n'est pas toujours satisfai1. Ainsi de Lanson condamné pour lansonisme puis réhabilité comme fondateur de la critique textuelle et de l'histoire littéraire. 2. Voir J - P Weber, Néo-Critique et Paléo-Critique, Pauvert, 1966, et René Pommier, Assez décodé, Roblot, 1 978.
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santé. Le plus grave étant que l'embarras grandisse à mesure que l'on quitte les sphères spécialisées pour des milieux plus vulnérables ou moins avertis, autrement dit le laboratoire pour l'agora universitaire. Dans la mesure où la critique contemporaine se voulait un savoir-faire plutôt qu'une collection de chefs-d'œuvre, on pouvait imaginer qu'elle engendrerait un langage conforme à ses ambitions. Que ce langage serait cohérent, fiable, transparent en ce sens qu'il eût laissé passer la difficulté conceptuelle sans la doubler d'un problème terminologique. Peine perdue, et l'on ne peut que le regretter : si les mots sont fluc tuants, les choses qu'ils désignent risquent d'en pâtir ainsi que tout le processus scientifique (création, communication, applications). Que les spécialistes s'en accommodent ou s'en tiennent quittes, rien que de très normal (ce qui ne veut pas dire qu'il faille les approuver). Par contre, que les « honnêtes gens » et les néophytes soient embarrassés par le problème est plus grave — pour eux évidemment mais aussi pour la cri tique qui pourrait bien donner là du grain à moudre à ses détracteurs. On l'aura compris, ce Lexique de la critique s'adresse moins à ceux dont la responsabilité est pourtant engagée qu'aux usagers qui ont droit à une mise au point et à une mise en garde. Il n'y a d'ailleurs pas lieu d'at tendre plus longtemps : une décennie d'apaisement et de tassement nous donne le recul nécessaire ; à l'inverse, un attentisme prolongé — sous prétexte que la science finit par décanter son langage à mesure qu'elle échappe au spécialiste1 — serait d'autant plus risqué que rien en ce sens ne s'annonce. Evidemment, il est normal que des disciplines jeunes et impatientes aient voulu se donner une terminologie nouvelle, à la mesure des concepts qu'elles élaboraient ; les précédents d'ailleurs ne manquant pas dans les sciences humaines les plus récentes. On ne s'étonnera pas, non plus, qu'il y ait eu dans l'esprit de la néologie un malin plaisir ou un empressement qui tenait à la fois du coup de force et de la pétition de principe : appeler la chose non point tant pour l'attester que pour la créer2. La vieille garde s'en effaroucha et s'en gaussa, en faisant sem blant de ne pas comprendre que l'irrésistible poussée valait bien quel ques excès, que tout nouvel us est par définition abus. Le discours jour nalistique en profita pour galvauder quelques mots magiques et jeter de l'huile sur le feu. Vue de l'extérieur, l'affaire était controversée ; de l'in-
1. Selon J. Dubois, in Dictionnaire de linguistique, Larousse, 1973, p. ix. 2. La discipline existant dans la mesure où elle est nommée et sa marque déposée.
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térieur, elle était assez mal engagée. On sait que nombreux furent les emprunts directs à la linguistique ou indirects (via d'autres sciences humaines), c'est-à-dire à des disciplines dont le langage était à lui seul un problème. S. Moscovici en a fait état pour la psychanalyse1, G. Mounin pour la linguistique où de fait n'ont jamais régné l'unanimité et l'unité. Sans suivre entièrement l'opinion du gardien de l'orthodoxie, on trouve cependant dans son Dictionnaire de linguistique (PUF, 1974) l'expression de ce désaccord. L'inspiration des linguistes les plus sollicités par la critique littéraire (Jakobson, Benveniste) — ainsi que d'autres (Hjelmslev, L. Tesnière) — s'y voit critiquée, au motif qu'elle n'engendrerait que confusions et lourdeurs inutiles. Pour ce qui nous concerne, le fait est que le transfert technologique, déjà risqué en soi, l'était plus encore s'il avait à s'accompagner d'un contentieux terminologique. Et l'on aurait mauvaise grâce à renchérir ; qu'il suffise seulement de rappeler que la terminologie canonique de la linguistique saussurienne n'est même pas employée par Saussure lui-même. Mais si cela ne suffit pas, que l'on consulte l'ouvrage récent d'U. Eco qui fait le point sur quelques notions achalandées (signe, code, métaphore) et sur leurs vicissitudes lexicales et sémantiques tout au long de l'histoire de la pensée occidentale2. Toutefois, à la différence de l'illustre transalpin désireux d'intégrer les différences dans une « archéologie » de concepts, l'usager moyen aurait bien voulu s'en tenir à un lexique sans arrière-pensées ni chausse-trapes. Mais pouvait-il en être autrement dans cette vaste nébuleuse d'approches sophistiquées, métissées ou au contraire exclusives et jalouses de leur jeune identité ? Guettées qu'elles étaient par ces deux risques : la transdisciplinarité qui fait que le langage est importé et parfois en porte à faux ; la balkanisation qui peut entraîner des interférences fâcheuses. Un langage aussi spécialisé que son objet court en effet le risque d'être concurrencé par d'autres langages sur des terrains communs et — plus grave — de ne même pas s'en apercevoir. Dans le premier cas, l'inconvénient c'est qu'un seul terme corresponde approximativement à plusieurs concepts, dans le second que plusieurs termes désignent le même concept. Il va sans dire que ces inconvénients n'ont guère été évités et qu'ils ont été compliqués par l'internationalisation du phénomène et ses corollaires : d'une part les capacités néologiques qui peuvent varier d'une
1 In La psychanalyse, son image et son public, PUF, 1 9 6 1 . 2. Sémiotique et philosophie du langage, PUF, 1988.
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langue à une autre1 et d'autre part les aléas de la traduction (différée, indirecte2, approximative ou actualisée). C'est ainsi que les développements récents de la poétique et le regain d'intérêt pour Aristote ont abouti à retraduire muthos : non plus fable mais histoire a-t-on pu lire récemment3, intrigue et mise en intrigue dit ensuite P. Ricoeur4. Si l'on excepte le degré zéro (le contributeur insoucieux de néologie, genre Starobinski), l'activité terminologique est plutôt un signe des temps. Elle s'explique pour diverses raisons et s'ordonne autour de trois indications de tendance : emprunt à des savoirs contemporains ou à des nomenclatures strictement codifiées, souci de la cohérence, enfin invention et subversion. Ceci sans compter une originalité syntaxique ou stylistique — diversement comprise, c'est le moins qu'on puisse dire — dont on trouve l'exemple chez Lacan et Derrida. Les recours (jugés nécessaires) aux disciplines exogènes ont été intégrés sans grosses difficultés (la philosophie), ou bien ils ont été cantonnés dans des secteurs pointus (la logique pour la sémiotique, les mathématiques pour la sémanalyse). Mais le plus fréquent a été d'emprunter à la linguistique, soit en se basant sur la fameuse homologie : ce qui est vrai en deçà de la phrase l'est aussi de la grande phrase qu'est la littérature, soit en invoquant le cas de l'anthropologie et surtout de la sémiologie fortement emprunteuse comme l'on sait5. Outre la linguistique, la rhétorique a été prêteuse et sollicitée au nom de la même hypothèse : les mécanismes des figures sont transposables à une autre échelle. La seconde tendance est illustrée et défendue par le Genette de Figures III, ainsi que par une sémiotique qu'il faut bien créditer d'une terminologie certes difficile mais toujours cohérente — n'en déplaise à certains. Quant à Genette, il n'a jamais caché qu'il souhaitait donner à la narratologie un lexique spécifique et homogène, aussi justifiable d'ailleurs que l'éviction des termes traditionnels et approximatifs. Le profane pouvait renâcler, mais il lui suffisait de reconnaître les règles simples à partir desquelles se constituent le répertoire et la déclinaison6. La troisième solution émane
1 Et qui sont plus grandes en allemand et en anglais qu'en français. 2 Propp a d'abord été connu en traduction anglaise, et certains continuent d'utiliser les termes anglais (donator, helper). 3. In la version de R. Dupont-Roc et J. Lallot, Le Seuil, 1980. 4. Voir Temps et récit, I, Le Seuil, 1983. 5. Ainsi les créations en -ème ont été innombrables • plérème, kinème, vestème, philosophème (Derrida), biographème (Barthes). 6 Le plus souvent par préfixation à partir de diégétique (hétéro-jhomo-, extra-jintra-) ou de la racine grecque -lepse (ana-jpro-, meta-)
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de quelques francs-tireurs qui ont fait des émules ou inspiré quolibets et autres amabilités. L'on pense ici à Barthes, convaincu que la néologie permet d'échapper aux cuistres et de se procurer un plaisir inconvenant en l'occurrence : « Le néologisme est un acte erotique... »1 Or en débauchant les étymons grecs ou les tropes, en pratiquant si élégamment le dévoiement de sens, Barthes s'exposait à être mal entendu ou mal suivi. Mais on sait que le rôle de trouble-fête n'était pas pour lui déplaire, et qu'il lui fallait pour cela rester sur la brèche. Aussi dans S/Z prend-il à nouveau les devants — mais dans un autre genre, puisqu'il renonce au langage de la science (la sémiologie) pour une écriture inspirée, affranchie des codes universitaires et même structuralistes. Une autre contribution (dont Barthes se souvient dans Le plaisir du texte), plus systématique et plus raisonnée, émarge au même chapitre. Il s'agit de celle de Derrida, selon lequel l'écriture critique doit aussi donner l'exemple et se déprendre de ses habitudes (univocité, linéarité). Pour ce faire, il lui faut réactiver la catachrèse, laisser flotter la polysémie jusqu'à l'indécidable2, soumettre quelques termes prédisposés à « prélèvement, greffe, extension »3, recourir à l'impulsion homophonique voire au calembour. Bien entendu, nombreux furent ceux qui crièrent haro sur le patagon, sans vouloir comprendre la vocation subversive d'une telle activité ni d'ailleurs sa valeur poétique4. Enfin il y a le cas limite, c'est-à-dire la plus récente inspiration de J. Ricardou qui nous prodigue une néologie extraordinaire et proliférante à l'envi, mais le plus souvent autarcique et néoscolastique. La plupart des lecteurs s'agaceront sans nul doute du piège tendu par l'inventeur pince-sans-rire, sérieux jusqu'à la provocation. Le fait est que, séparé de sa famille et dépourvu de glose, ergasticohyperanti représentance paraît bien indigeste. C'est néanmoins un concept essentiel de la scriptique5. Suite à cet état des lieux, se présente le problème du mode d'emploi, avec le rappel des solutions dont on dispose puis l'amorce de celles que l'on propose. Première question (à réponse prévisible) : l'usager trouvera-t-il à l'embarras que lui inflige la terminologie un soulagement
1 Sade, Fourier, Loyola, Le Seuil, 1 971, p 87 2. Voir à Grammatologie. 3. Positions, Ed de Minuit, 1972, p. 96. 4. L'irradiation sémantique de ces termes (écart, entame, espacement, perte) évoque irrésistiblement J Gracq . « des foyers de condensation », « des creusets un peu effervescents » dit en effet Derrida {Positions, p 55). Par ailleurs il précise qu'il est impossible de les mettre au pas, de les entrer dans un Lexique Dont acte. 5. J. Ricardou, Une maladie chronique. Les Impressions nouvelles, 1989, p. 18.
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dans les ouvrages didactiques ? Tout d'abord pour ce qui est des dictionnaires de linguistique (qu'il serait pourtant inconcevable d'éviter), on peut faire observer deux choses : primo, qu'il n'était pas dans leur nature d'intégrer les singularités critiques , secundo, qu'ils ont été vite dépassés par des recherches entreprenantes et extensibles1. Notamment la sémiotique qui allait marcher sur les brisées aussi bien de la linguistique que de la critique. Trouve-t-on dans les récentes mises au point de la sémiotique davantage de satisfactions ? On y trouve au moins des définitions attendues et nécessaires, à ceci près qu'elles ne sont pas toujours suffisantes ni irréprochables. Dans un cas elles sont trop laconiques et trop éclectiques2, dans le second — certes plus décisif et plus représentatif de la discipline — elles sont indissociables d'une épistémologie stricte et sans inclination particulière pour la littérature3. Dès lors que celle-ci est cantonnée dans le figuratif et la manifestation et qu'elle est décomposée en niveaux pertinents et non pertinents, on doit craindre en effet que ses objets soient inégalement traités et appréciés. Reste la solution de l'ouvrage pluridisciplinaire, au sein duquel linguistes et consorts seraient assez attentifs à la problématique de la littérature et où les « littéraires » seraient assez experts en sciences du langage pour qu'on ne leur reprochât point leurs incursions. Un ouvrage de ce genre existe, dont le seul inconvénient— mais il est de taille en cette période accélérée — est de ne pas offrir une édition plus récente et mise à jour4. A défaut d'entrer dans le maquis terminologique via la linguistique, on peut tenter d'y accéder via des dictionnaires plus littéraires ou plus empiriques5. Or dans la mesure où ceux-ci couvrent de grands ensembles polymorphes (le théâtre, les littératures) et qu'ils disséminent les termes critiques dans des notices plus ou moins concises et harmonisées 6, îa prudence s'impose. La nécessaire consultation terminologique reste donc délicate et aléatoire lorsqu'elle ne bénéficie pas
1. Ceci vaut davantage pour G. Mounin (op cit.), et J. Dubois {Dictionnaire de linguistique, Larousse, 1973) que pour B Pottier (La linguistique, CAL, « Les Dictionnaires du savoir contemporain », 1973,). 2 Voir J Rey-Debove, Lexique de la sémiotique, PUF, 1979. 3 A.-J. Greimas et J. Courtes, Sémiotique, Dictionnaire..., I, Hachette, 1979. 4. O. Ducrot et T Todorov, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Le Seuil, 1972. 5. Notamment P. Pavis, Dictionnaire du théâtre, Ed. Sociales, 1980; J.-P. Beaumarchais, D Couty et A Rey, Dictionnaire des littératures de langue française, Bordas, 1984. 6 Sur ce, le dilemme reste entier : la pluralité des signatures garantit la qualité et restitue la complexité, mais elle n'exclut ni la divergence ni la redite
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d'une attention à part entière. A vrai dire, cette attention — que l'on chercherait en vain dans les panoramas de la critique — n'a engendré qu'un seul opuscule, un Glossaire de la critique littéraire contemporaine"'. Son mérite essentiel est de s'être préoccupé réellement du problème et d'avoir voulu faire œuvre utile. A sa décharge, il faut cependant noter : sa date de production (rétrospectivement) prématurée, son format qui l'obligeait par souci d'exhaustivîté à une excessive économie, son support éditorial peu favorable à une large diffusion. Il faut enfin dire un mot sur les critères qui ont présidé à l'élaboration de ce Lexique ; à commencer par ceux qui résultent de son objet et des nouvelles pratiques critiques (depuis approximativement 1960). On ne trouvera donc pas ici l'historique de ces vieux concepts récemment renouvelés — sauf en certains cas où le passif continue de peser sur l'usage moderne. A l'intérieur de ce champ aux limites indécises (comme on s'en explique plus loin), d'autres sélections sont apparues nécessaires. En vertu tout d'abord de l'hypothèque terminologique qui ne touche que certains concepts — assurément majoritaires. Le Lexique n'est point une encyclopédie, ni un catalogue aussi complet que possible ; aussi à ce titre écarte-t-il les termes concepts dont l'emploi et l'acception ne souffrent aucun malentendu, ainsi que ceux à usage éphémère ou privé et ceux empruntés scrupuleusement à des sciences où ils sont déjà définis2. Et inversement, il insiste sur tous les autres qui nécessitent parfois des notices substantielles et « raisonnées », voire des dossiers tels qu'on en rencontre dans des ouvrages à caractère encyclopédique. Compte tenu du contentieux — absorbé mais non liquidé pour autant — et de la teneur en quiproquos de certains termes {sémiologie, récit entre autres), c'est bien une mise au point qui s'imposait plutôt qu'une simple définition3. Qu'ils soient problématiques et à large rayon d'action, ou plus spécialisés, les termes retenus ressortissent en outre à deux catégories et à deux séries complémentaires de variables : l'objet et l'approche méthodologique. D'où parfois l'alternative offerte au Lexique, puisque l'on peut entrer dans un champ notionnel par l'objet ou par ses approches4. Enfin, mode de présentation et mode d'emploi se sont inspirés de ce principe cher au « génie structuraliste », à savoir le
1. Par M. Angenot, publié à Montréal aux éditions HMH en 1972. 2. La psychanalyse par exemple qui a son Vocabulaire 3. Comme le font J Rey-Debove et M. Angenot, op. cit 4 Gramme ou grammatologie ? avant-texte ou génétique ? Bien entendu, on n'entre pas indifféremment ou indistinctement d'un côté ou de l'autre.
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couplage de concepts (symétrie, complémentarité, différentiel). D'où ces divers cas de figure : la symétrie qui ne requiert qu'une rubrique pour deux concepts (analepse/prolepse), la forte primauté de l'un (le code) qui évince l'autre (le message), des rapports si complexes qu'il faut plusieurs entrées.
QUELLE
CRITIQUE?
Faute d'une synthèse qui donnerait entièrement satisfaction, et compte tenu de l'esprit et de la matière du Lexique, un essai de définitions s'avère indispensable ainsi qu'une mise en perspective. L'examen des critères définitionnels implique en premier lieu celui de la terminologie, dont on ne s'étonnera guère de l'élasticité et de la disparité. Il est ainsi évident que le terme consacré est devenu inadéquat au regard de la spécialisation et de la création. Les principaux acteurs ne s'y trompent pas : critique est à la fois trop général, trop solidaire de la tradition et trop affecté par ses connotations. Ils n'ont pas lieu de se montrer plus satisfaits d'un autre terme qu'ils n'emploient pas toujours et qui pourtant leur est administré massivement : structuralisme. On ne le sait que trop : il s'agit d'un fourre-tout charriant en plus un procès d'intention, à savoir l'allergie au sens et à l'Histoire. Quant à nouvelle critique, si le terme a eu sa raison d'être et son succès, il s'est progressivement banalisé. Cependant, il permet de distinguer l'innovation de la gestion, et au demeurant il paraît mieux s'associer dans l'esprit du public à la période observée que celui de critique contemporaine 1. En résumé, pour tenter de délimiter son objet, la terminologie critique oscille entre les deux extrêmes . l'archipel des termes spécialisés et les spécifications adjectivales ou bien le terme générique qui peut à la rigueur se maintenir pour désigner tout discours sur la littérature. Les critères chronologiques susceptibles d'identifier la période méritent aussi réflexion et circonspection. Car s'il est évident qu'aux alentours de 1970 (en amont comme en aval) on observe une forte densité et une véritable dynamique, il n'est pas aisé d'en définir les termes. Impossible même, inopportun diront certains — sauf exception (la date pertinente), ou bien à condition de substituer à la datation un balisage plus souple. Quoi qu'il en soit, la question vaut d'être posée : quand commence l'en1. Contemporaine, c'est-à-dire d'aujourd'hui ou jusqu'à aujourd'hui.
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semble contemporain et quand il donne les premiers signes de ralentissement ? L'historien épris de stricte périodisation serait tenté de répondre 1960-1980, ce qui serait trop beau et qu'il convient de nuancer. 1 980 est, à n'en pas douter, une date emblématique pour tous ceux qui déplorent (ou enregistrent) la disparition de Barthes. Etant disparu celui qui avait frayé les chemins, servi de levier (ou de levain) et dont la leçon venait d'être officialisée, il était probable que l'aventure et l'avancée devaient s'en ressentir. Mais bien d'autres raisons que l'état civil ou le deuil concourent à retenir l'orée de la décennie. D'une part l'évolution de certains contributeurs devenus moins radicaux ou moins inspirés, renouant à leur manière avec des objets classiques (le sujet, la mémoire, l'interprétation). Et d'autre part un changement global d'attitudes : la vérification et la fructification des hypothèses ont remplacé l'invention tous azimuts , et cela s'entend moins. Le décibel n'est certainement pas un critère sérieux, mais le fait est que les entreprises d'après 1980 sont moins bruyantes ; le cas échéant, elles sont trop proches pour que l'on puisse déjà tenter de les situer. Le problème est sensiblement le même pour ce qui est de l'acte de naissance. Une date s'impose, liée d'ailleurs à l'action de Barthes et aux réactions que déclenche Sur Racine: 1963. Mais d'un côté les prodromes ont été nombreux1, et de l'autre l'irruption des nouveaux venus a été échelonnée et pas nécessairement spectaculaire. Aussi, plutôt qu'une solution de continuité, c'est l'image d'un fondu enchaîné qui paraît devoir s'imposer. Sauf qu'une observation approfondie et la prise en compte d'une plus longue durée révèlent un important changement épistémologique. Comparées aux années 50, les années 60 voient en effet l'avènement de la linguistique comme modèle de la critique2 — avènement d'autant plus prometteur qu'il coïncide avec celui d'une génération porteuse. D'autre part, toute une série de critères topologiques conduit à relativiser la situation de l'ensemble. Ainsi l'internationalisation n'est pas seulement le fait de l'époque, c'est aussi la marque d'une activité vouée à franchir — parfois en différé — les frontières linguistiques, et qui en l'occurrence a bénéficié du savoir extra-hexagonal de ses acteurs (J. Kristeva, Todorov). D'où l'embarras de l'historien partagé entre l'objet qu'il construit et l'objet qu'il contemple, entre d'une part un souci de
1. Une bonne part de Sur Racine est connue dès 1960 , et dès 1957 (Le mythe aujourd'hui in Mythologies) le recours à la linguistique est décisif. 2. Laquelle ne fait que suivre l'exemple de l'anthropologie structurale et radicaliser les curiosités de Jakobson et de Benveniste.
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cohérence qui l'incite à circonscrire un tant soit peu et d'autre part une attention aussi ouverte que possible aux évolutions parallèles ou étrangères. Ainsi, comment ne pas entrer le formalisme russe, au titre des prémices ou comme composante naturalisée (dès traduction) ? Par contre, que faire de certains travaux de l'école morphologique allemande qui sont antérieurs à la narratologie française mais restent en leur temps confinés1 ? En principe la critique est apatride et décentrée ; mais en fonction de son analyse, elle peut admettre des limites opératoires et modulables : la traduction, l'actualisation, l'acclimatisation, le cadrage. De surcroît, s'ajoute à ces facteurs empiriques une localisation controversée (ou mal comprise). En effet, n'en déplaise à certains qui ont dénoncé une emprise parisienne2, il faut bien constater que les principaux foyers ont été logés à la même enseigne — ou presque. L'Ecole pratique des hautes études, une maison d'édition drainant l'essentiel du flux3, puis assez récemment une discipline de pointe qui afin de marquer son identité et sa pratique collective choisit le lieu de ses activités : l'Ecole de Paris4, ce sont là quelques éléments spectaculaires de la domiciliation. Loin de toute présomption culturelle, on peut y voir la reconnaissance d'un microcosme (certes circonstanciel) et d'une plaque tournante, ou tout simplement un repérage pratique5. Outre ces critères à géométrie variable, il faut tenir compte du problème de l'interdisciplinarité. En effet, sachant le rôle décisif de celle-ci à l'époque moderne — comme d'ailleurs dans tout découpage épistémologique —, la question doit être posée : existe-t-il ou non une ligne de démarcation pertinente entre la spécificité de la critique littéraire et les disciplines qui lui sont proches d'une manière ou d'une autre ? Abstraction faite de la coopération avec la linguistique, on évoquera ici la position de la philosophie et de la sémiotique. Ainsi, en tant que science pilote du sens, la sémiotique ne considère la littérature que comme un sous-ensemble qu'elle traite avec des instruments polyvalents. Autrement dit, entre la critique littéraire et la sémiotique générale, et en dépit de finalités différentes, des interférences sont à envisager. Quant à la philosophie, on sait qu'elle continue d'interroger la littérature avec des
1. Au début des années 60, la référence française est J. Pouillon, mais outre-Rhin l'on est beaucoup plus avancé sur la question (W. Kayser, G Muller). 2. L'offensive est venue d'outre-Atlantique in Etudes françaises, n° 20/2, 1984. 3 A la « sixième section » et au Seuil, on retrouve la plupart des protagonistes 4 Voir J.-C. Coquet in Sémiotique, l'Ecole de Paris, Hachette, 1982, p 5-6 5. Les précédents ne manquent pas, comme l'Ecole de Genève dans les années 50.
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concepts exigeants et ambitieux. La somme de P. Ricoeur (Temps et récit) en apporte la preuve, à tel point que son incorporation à une conception globale de la critique ne peut être exclue. Et puis, il y a ceux qui délibérément brouillent les lignes — plutôt d'ailleurs qu'ils ne les franchissent ; exemple : Derrida qui opère aux lisérés de la philosophie, de la littérature, de la critique et de l'épistémologie. Autant dire que, quels que soient les types de critères invoqués, les difficultés à circonscrire l'objet persistent ; et que la solution paraît bien relever du compromis, entre d'une part un resserrement à double tranchant1 et un élargissement dans le champ des sciences humaines et l'internationale critique délicat à gérer. Sinon, l'on s'expose d'un côté au complexe de Procuste ou de l'autre aux effets pervers du rhizome2. Pénétré de ces embarras topologiques, l'historien est alors conduit à (re)constituer une certaine succession. En première approximation, il peut distinguer trois périodes correspondant grosso modo à des décennies. La première qui va s'absorber dans la seconde et qui est antérieure à l'ensemble concerné ici (1960-1980) doit être reconnue comme telle, c'est-à-dire comme période préparatoire. L'étiquette qu'on lui applique souvent est d'ailleurs insuffisante : la critique en ce temps-là est loin de n'être que « thématique ». Et si elle l'était, il eût fallu de toute façon en appeler à d'autres labels pour restituer la pluralité des initiatives3. Et surtout, l'on ne s'est pas assez aperçu que des acteurs étrangers les uns aux autres (pour raisons idéologiques, esthétiques, géographiques) avaient pour dénominateur commun l'idée de structure. Outre le plus connu d'entre eux à cet égard (Goldmann), on retrouve là en particulier J. Scherer et G. Blin — aucun des deux ne regardant du côté du thématisme, ne s'intéressant à la Weltanschauung, n'accordant d'intérêt à l'histoire littéraire. Seules retiennent leur attention les procédures spécifiques à un genre et à un corpus (la dramaturgie classique, la narration stendhalienne). C'est pourquoi on leur reconnaîtra d'avoir accompli, dans un environnement universitaire plutôt conservateur4, une avancée qualifiable de préstructuraliste . Terme qui au demeurant se substitue avantageusement à d'autres pour indiquer ce qu'il y a de conducteur et
1. Circonscrire, c'est réduire même si pour cela on a de bonnes raisons. 2. Défini comme ensemble nomade et élastique. 3. Voir à Thématique 4 J. Pommier a la dent dure avec Mauron — lequel est enrôlable sous cette bannière essentiellement pour la procédure des superpositions (dégagement d'un paradigme ou des invariants)
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de germinatif dans cette tendance. A ceux qui font cavalier seul, on ne peut en demander plus, l'époque étant dans l'incapacité de leur offrir les concepts structuralistes et constitutifs de l'époque suivante. En d'autres termes, le préstructuralisme a surtout été une aventure artisanale et intuitive (ce qui n'a rien de péjoratif), nécessaire mais dépourvue d'assise théorique et d'assistance scientifique. Sauf peut-être chez Mauron, le thématisme contemporain est passible des mêmes observations. On l'a déjà dit : il n'y a pas de rupture tranchée et localisée entre cette période et celle qui s'amorce avec les années 60. Barthes 1 a déjà emprunté la linguistique (à Hjelmslev pour Mythologies ) et il ne renonce pas dans Sur Racine à des conjectures psychanalytiques ou anthropologiques qui prévalaient quelque temps auparavant. La nouvelle génération, plus homogène, moins dispersée (et en marge de l'institution), va donc se faire connaître par des travaux publiés dans la revue Communications, ainsi que par la polémique dont Racine est le prétexte et qui entraîne un débat général et une prise de conscience2. Principales caractéristiques : une forte tendance métacritique, un transfert des modèles linguistiques, l'hypothèse sémiologique et de nouvelles options critiques. Les passes d'armes « raciniennes » auront eu en effet le mérite de clarifier une situation, quitte à la radicaliser : d'un côté une critique universitaire récusée en ce qu'elle travaille hors littérature, dans la pseudo-histoire et l'illusion du sens (les lieux communs et l'impressionisme) 3 ; de l'autre une réflexion soucieuse de définir loyalement son objet et ses postulats épistémologiques. Quant à la linguistique, elle donne lieu de la part de Barthes à un bel exposé des motifs4 : phrase ou texte, quelle que soit son échelle, le discours est soumis à des opérations structurantes (hiérarchiques ou syntagmatiques). Mutatis mutandis, les outils sont disponibles ; parfois ils le sont directement tels le schéma de la communication (Jakobson) et la théorie des énonciations (Benveniste) ; ou encore ils sont adaptés par le linguiste lui-même 5 . Un
1 Bien entendu, il ne s'agit pas ici de culte mais de considérer cet itinéraire comme le révélateur par excellence. 2. L'essentiel s'accomplissant entre 1964 et 1966 {Communications, n° 4 et n° 8, Essais critiques et Critique et vérité de R. Barthes). 3. Moins connues mais non moins symptomatiques, les distances prises avec Goidmann et Mauron dont les approches seraient par rapport à la littérarité centrifuges et par rapport au réel analogiques. 4 In Introduction à l'analyse structurale des récits, Communications, n° 8, 1966. 5 A -J Greimas, {Sémantique structurale, Larousse, 1966) adapte les actants de L Tesnière et les propose à l'analyse littéraire.
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peu plus tôt, la sémiologie avait fait l'objet d'une étude substantielle du même Barthes, à la fois état des lieux et programme de recherches1. Conformément aux enjeux de la discipline, la littérature n'était pas concernée au premier chef par un tel programme. Mais l'historien doit néanmoins dater son éclosion, ne serait-ce que pour marquer son anté riorité par rapport à la sémiotique dont les développements s'effectuent la décennie suivante Chemin faisant, l'analyse littéraire s'implique dans ce vaste chantier, s'ouvre à tout ce qui peut l'inspirer (notamment les formalistes russes et Bakhtine). Toutefois, même s'ils sont initiés dès cette époque (sous forme d'articles ou de communications), ces tra vaux devront attendre la suivante pour s'épanouir et se faire connaître2. Pour l'instant, un certain nombre d'entre eux s'orientent vers l'analyse du récit (comme discours et surtout comme histoire), mais il leur manque encore les concepts opératoires que vont leur offrir les narratologies3. Au seuil des années 70, paraissent s'installer la continuité et l'accli matation bon gré mal gré au « structuralisme »4. De fait, les épanouisse ments de la sémiotique, de la poétique narrative {Figures III de Genette) et de la « théâtrologie » (Lire le théâtre d'A. Ubersfeld) n'ont rien de véritablement surprenant. Le besoin s'en fait sentir, des jalons ont déjà été posés (Sémantique structurale) ; seul le retard de l'analyse théâtrale à utiliser les procédures structuralistes et à produire des spé cialistes constitue un motif d'étonnement Ces trois axes de travail vont donc se développer avec des fortunes diverses — la palme revenant, si l'on en juge par l'ampleur de ses travaux et le nombre de ses contributeurs, à la sémiotique qui a du reste complètement détrôné la sémiolo gie. Dans une moindre mesure et dans un secteur plus circonscrit, l'ana lyse narrative peut aussi témoigner de sa fécondité. La meilleure preuve en est fournie par Genette dans la mise au point et la recension qu'il fait en 19835. Le bilan des recherches ou des connaissances est d'ailleurs un signe qui ne trompe pas : la sémiotique (1979) et le théâtre (1980) publient respectivement leur Dictionnaire 6. Mais la décennie n'est pas
1. Eléments de sémiologie, Communications, n° 4, 1964 2 Logique du récit (Le Seuil, 1973) de C. Brémond approfondit et amplifie un article de Communications, n° 4, 1964. 3. Voir à Narratologie. 4. Terme qui fait alors recette. 5 Nouveau discours du récit. Le Seuil. 6 A -J. Greimas et J. Courtes, Sémiotique, Dictionnaire..., I, Hachette , P. Pavis, Dictionnaire du théâtre, Ed. Sociales
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seulement faite de cette gerbe de résultats intégrables à une dynamique désormais connue. En effet, depuis déjà un certain temps et d'abord dans une mouvance « postsoixante-huitarde », des offensives beaucoup plus radicales avaient été tentées. Regroupées sous l'étiquette de poststructuralisme \ impulsées par J. Kristeva et H. Meschonnic, elles avaient l'ambition d'en découdre avec la pensée occidentale classique et de travailler sur une autre conception du texte et de l'écriture. Or tout cela bouscule non seulement la ci-devant critique mais aussi des disciplines plus récentes et plus entreprenantes, telle la sémiotique déjà dénoncée au moment même où elle commence de s'affirmer au motif qu'elle vivrait sur ses illusions. L'on trouve un écho de cette dissidence chez le Barthes des années 70, lequel a bien changé depuis quelques années. Ainsi, la discontinuité, l'activité structuraliste comme jubilation, la connotation, la séduction qui animent S/Z et Le plaisir du texte sont autant de façons de prendre le contre-pied d'un savoir trop puissant, trop systématique et trop ascétique... Les raisons de cette rupture se cristallisent par ailleurs sur l'immanence postulée aussi bien par la sémiotique que par la poétique narrative. La sémanalyse venait précisément de ruiner ce postulat avec l'intertextualité et le rappel de l'Histoire ; bien d'autres travaux, venus d'horizons divers et sans aucune concertation, vont alors œuvrer dans le même sens d'une (ré)ouverture. La linguistique n'est pas en reste (praxématique2, pragmatique) ; mais, pour ce qui est de la critique, c'est plutôt de l'étranger et moyennant certains retards, que surgissent les tentatives les plus convaincantes. On veut parler ici de l'esthétique de la réception connue en France seulement en 1978 3 et de la politique coopérative de la lecture qu'il. Eco reprend à la fin des années 704. A rencontre des opinions les plus en vue, l'œuvre littéraire ne peut plus être considérée comme un objet autonome, puisque les conditions du sens ou de la narrativité s'effectuent en liaison avec les « horizons d'attente » (H. R. Jauss) ou avec un lecteur mandaté à appliquer les instructions textuelles (U. Eco). Peu de temps après, c'est au tour de P. Ricœur de donner sa version person-
1. Voir infra à ce terme. 2. Théorisée par R. Laffont {Le travail et la langue, Flammarion, 1978) et développée depuis l'Université Paul-Valéry de Montpellier, la praxématique fonde ses propositions sur la dialectique entre le langage et le réel ; voir infra à ce terme 3 Voir H. R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, Gallimard. 4. In Lector in fabula, Grasset, 1983 ; cet ouvrage rassemblant des études faites entre 1976 et 1978. En toute justice, rappelons pourtant de M Charles : Rhétorique de la lecture, Le Seuil, 1977, où il est dit d'entrée que « la lecture fait partie du texte ».
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nelle de l'herméneutique appliquée à la littérature et de désavouer encore une fois l'immanence structuraliste1. L'accueil que cet ouvrage considérable reçoit ainsi que l'écho des travaux de H. R. Jauss confirment cette tendance — certes moins virulente que ne l'était en son temps le poststructuralisme. Enfin, si le texte débouté de ses prétentions à l'autosuffisance est reconsidéré en aval, il l'est aussi en amont. Comme en témoigne la critique génétique soucieuse de se développer à partir du concept d'avant-texte (qui recoupe celui d'intertexte), et qui pour ce faire maintient le contact avec des disciplines chevronnées (poétique, stylistique). Tout ceci se passe donc aux alentours de 1980 — et se propage après —, à un moment où le jeu s'est calmé et où de nouvelles aventures critiques tardent à se manifester. Est-ce d'ailleurs un hasard si la terminologie est alors moins dévergondée qu'auparavant ? La sémiotique continue inlassablement son développement, mais son intérêt pour la littérature semble avoir diminué ; la génétique se montre industrieuse, et l'on peut observer les premiers fruits de l'herméneutique2 ; pour le reste, la critique gère (et digère) ses acquis les plus récents. De plus, elle n'hésite pas à en faire profiter des secteurs discrédités vingt ans plus tôt : par exemple la thématique (redéfinie comme syntaxe), l'histoire littéraire (reformulée comme histoire des formes ou des réceptions, ou seulement invitée à accueillir les progrès accomplis en dehors d'elle).
1 In Temps et récit, Le Seuil, 1983-1 985. 2. Notamment M. Collot, La poésie moderne et la structure d'horizon, PUF, 1989.
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Actant Concept opératoire que la sémiotique a systématisé et affiné — sans qu'elle en ait pour autant l'exclusive — et auquel l'analyse littéraire a porté le plus grand intérêt. Mais ce succès s'est accompagné d'ajus tements dont il faut prendre la mesure en rappelant d'abord que les actants ont varié en nature, en nom, en nombre, et en fonction de leur micro-univers. Le terme même vient du linguiste L. Tesnière qui s'en tient à la syntaxe et distingue dans la phrase élémentaire trois actants subordonnés au prédicat : prime, second et tiers actant. Mais la chose avait eu d'autres sources plus fécondes, à commencer par Propp qui avait travaillé sur un corpus narratif et déterminé sept « sphères d'action »1. La sphère d'action, étiquetée comme person nage type (l'agresseur, le mandateur), se définissant comme regrou pement circonstanciel de « fonctions »2 et de personnages. En dépit d'une certaine ambiguïté terminologique (le personnage-sphère d'action et le personnage participant ne sont pas de même nature) et surtout du rejet des objets et des valeurs, les fondements étaient déjà établis. : la fonction fait le personnage mais ne se fixe pas en lui, les relations entre celui-ci et celle-là sont modulables comme le seront les relations entre actants et acteurs. Avec E. Souriau qui s'intéresse au micro-univers du théâtre, changent la terminologie (la fonction à la place de la sphère d'action), la répartition et la définition (les valeurs comme le Bien font leur entrée). Mais le principe est le 1. In Morphologie du conte russe 2. Voir plus loin à ce terme, car il s'agit ici du sens proppien.
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même et l'idée fait son chemin : il y a moyen d'intégrer dans une simple configuration de fonctions un très grand nombre de situations ou réciproquement de les concevoir à partir d'elle1. Mais ces tentatives ponctuelles n'ont été au mieux que des préliminaires que Greimas a corrigés et complexifiés. Aussi est-il préférable de réserver à son entreprise la terminologie canonique : à strictement parler, il n'y a pas de modèle actantiel pas plus chez Propp que chez E. Souriau, et encore moins chez Brémond2. La sémiotique ayant considérablement progressé en une vingtaine d'années, il n'y a rien d'étonnant à ce que les actants aient subi améliorations ou évolutions. Première étape : un système extrapolé de la structure phrastique de L. Tesnière, redistribuant les postes de Propp et E. Souriau et proposé comme polyvalent. La terminologie est modifiée, et elle entre vite dans l'usage en dépit de son caractère hétérogène . Greimas emprunte à Jakobson (destinateur-destinataire), à Souriau (l'opposant) ; à G. Michaud (l'adjuvant). L'amélioration a d'abord porté sur l'extensibilité du système qui désormais peut intégrer praxis, discours de toutes sortes, idéologies, et convenir à n'importe quel micro-univers. Dans une large mesure, ses capacités nouvelles résultent d'une conception à la fois généralisante et minimale de l'actant : unité syntaxique (et non sémantique), entité fonctionnelle, anthropomorphe ou non, concrète ou abstraite, individuelle ou collective. Autre amélioration : le couplage des actants qui aboutit à trois axes dont la définition ne fait pas toujours l'unanimité3. L'essentiel étant de consacrer des relations différentielles : l'objet n'existe que comme désir du sujet (et inversement), l'adjuvant et l'opposant s'opposent par rapport à l'axe du désir et n'ont d'existence que dans ce rapport4. L'étape suivante a été rendue nécessaire à la fois par les risques d'amalgame actant-personnage5, par une certaine impatience à voir le personnage définitivement démantelé, et par le désir légitime d'opérer sur des unités descriptibles et de plus en plus sophistiquées. D'où l'entrée en lice des concepts d'acteur et
1 Barthes parle de « matrice actantielle ». 2. Comme B Dupriez semble le penser (in Gradus, LIGE, « 10-18 », 1984, p 25). 3. Voir à Destinateur (Destinataire). 4. Qualifié selon les cas d'axe de la lutte ou d'axe pragmatique. 5. C'est ainsi que Barthes {in Analyse structurale des récits, Commun/cations, n° 8, 1966) écrit imprudemment : « ... Greimas a proposé de décrire et de classer les personnages du récit (..) selon ce qu'ils font (d'où leur nom d'actants)... » phrase non corrigée en 1977 in Poétique du récit, Le Seuil).
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de rôle1 qui affinent l'objet et son analyse, et viennent à propos lorsqu'on examine un micro-univers aussi complexe et figuratif que la littérature. Reste enfin l'hypothèse de travail qui consiste à projeter l'actant sur le carré sémiotique de telle sorte qu'il devienne une structure à quatre pôles et six relations2. De son intégrité à son atomisation en passant par son affinement, telle est donc sa première évolution ; la seconde est symétrique et conduit à son absorption dans le cadre de la syntaxe narrative. Vu sous cet angle, on pourrait croire à un juste retour des choses — d'autant que Propp avait favorisé la fonction aux dépens de la sphère d'action. En fait, la sémiotique n'a jamais vraiment émancipé ni privilégié le système actantiel, alors que la critique et la vulgarisation ont été portées à l'attitude inverse. Chez Greimas, et dès l'origine, l'actant n'est pas une fin en soi. Il sert par exemple à définir contrat et épreuve, compétence et performance , puis il est mis à l'épreuve des modalités (vouloir, pouvoir, savoir) et intégré du même coup aux programmes narratifs. Ces opérations ont aussi pour conséquences la disqualification de l'adjuvant (réduit à figurer les attributs modaux du sujet) et de l'opposant (transformé en anti-sujet) et la promotion du destinateur-destinataire. Il ne reste plus alors de système autonome mais quatre actants distribués dans une autre organisation, syntagmatique cette fois. Une telle modification n'est pas innocente, et il faut la considérer comme la critique implicite du système dont elle rectifie les carences. Le système actantiel est en effet, comme l'a souligné P. Ricœur3 plutôt paradigmatique et il est modal : il se contente de programmer le désir et n'intègre pas la sanction. D'où l'intérêt de travailler sur une syntaxe narrative qui remédie à ces lacunes. Pour faire le point sur un objet aussi sollicité et aussi galvaudé, il faut se garder des solutions radicales : d'une part l'actant ne gagne rien à passer pour une panacée, d'autre part il mérite mieux que d'être absorbé dans les grandes manœuvres de la sémiotique. A cet égard, les contre-épreuves de la littérature ainsi que la prise en compte d'autres paramètres (en particulier l'échelle) ont permis d'envisager quelques solutions, dont celle de la programmation actantielle. En effet, confrontée aux « chefs-d'œuvre », l'analyse butait sur cette difficulté . est-il possible, en conformité avec l'esprit 1. Voir à ces termes 2. Il s'agit alors du « proto-actant » 3. Temps et récit II, Le Seuil, 1984, p. 71
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de la discipline fondatrice, de concevoir une programmation unique sans appauvrir pour autant la complexité de l'histoire, du personnel et du sens ? La réponse étant plutôt négative, la solution a consisté à dériver de cette programmation des sous-programmes essayés jus qu'à épuisement des laissés-pour-compte. D'où en définitive — et après moult expérimentations — un bilan qui fait de l'actant un grand ensemble hiérarchisé et décomposable. Du niveau microsco pique au niveau macroscopique, et selon une disposition arbores cente, on peut distinguer les unités subordonnées au proto-actant (antactant, négantactant, etc.), l'actant comme élément d'un ensemble duel (l'axe), triple (les « triangles actantiels » d'A. Ubersfeld), quadruple (le dernier carré), le sextuor comme partie d'un tout, et puis le macroprogramme qui subsume le tout. N'en déplaise à ceux qui ont brûlé les étapes, l'actant possède un potentiel sous-ex ploité. A défaut qu'on le reconnaisse, il peut enfin être homologué comme concept opératoire. C'est ainsi que de nombreuses analyses du théâtre y ont recours, soit pour mettre à jour des structures latentes ou formaliser des structures prégnantes ; soit pour affiner et actualiser des définitions : la mise en scène par exemple consistant à modifier les équilibres actantiels inscrits dans le texte.
Acteur Le terme est bien choisi en raison de son acception théâtrale et de sa parenté lexicale avec celui d'actant. Tous deux remplacent avanta geusement le couple sphère d'action - personnage de Propp et dési gnent les mêmes combinaisons : correspondance simple (un actant et un acteur) ou syncrétisme (un actant et plusieurs acteurs ou vice versa). L'enjeu, c'est de restituer la complexité d'un objet qui ne coïncide qu'en partie avec l'actant et que menace par ailleurs le retour du personnage. D'où l'intercalation entre eux de l'acteur, ce qui permet au passage de redéfinir l'un et de repousser l'autre hors champ. Tout le problème étant précisément de faire admettre comme rédhibitoire des différences qui ne tombent pas toujours sous le sens commun. Entre l'actant et l'acteur, la différence la moins contestable est inscrite dans le parcours génératif : celui-là ressortit au niveau sémionarratif, celui-ci au niveau discursif. Par contre, plus subtile est la distinction selon laquelle le premier n'aurait que l'animation tandis que le second aurait en plus l'incarnation et l'individuation. Mais 24
tout s'est compliqué lorsqu'il a fallu réagir à la contre-offensive du personnage. De crainte de le voir coïncider avec l'auteur, la théorie sémiotique a donc pris le risque d'insister sur les homologies entre ce dernier et l'actant : l'acteur, lui aussi, pourrait être collectif ou non figuratif (le destin). Les autres différences avec le personnage ne présentent pas les mêmes risques et elles sont évidentes : l'acteur est une instance discursive mais ni textuelle ni référentielle comme son rival, il a de surcroît le privilège d'être une structure d'accueil de rôles1. Enfin et comme de juste, il n'y a que lui qui puisse être qualifié de lexème2. Quant aux tentatives qui se recommandent du modèle sémiotique, elles restent pour la plupart partagées entre la solution théorique (dichotomie acteur-personnage) défendue par A. Ubersfeld3 et la solution pragmatique (plus en retrait et plus fréquente) illustrée par P. Pavis : « ... l'acteur est le personnage individualisé et caractérisé par un ensemble d'actions concrètes... »4. Il est vrai que dans ce second cas le terme d'acteur est préféré ; ou bien le personnage y est tenu pour un effet ou une fonction. Toutefois, l'amalgame fait perdre de vue que le personnage est un tout et non une partie (comme l'acteur), qu'il est un ensemble flou et non l'une de ces instances. Bien entendu, ces réserves ne s'adressent pas à ceux qui se situent délibérément hors sémiotique. Ainsi de bons auteurs emploient acteur et ses dérivés pour désigner le personnage dans le cadre d'une opposition diégétique/non diégétique : actoriel/auctoriel (pour personnage/narrateur)5, actorial/auctorial (pour personnage/ auteur)6. L'opposition conceptuelle y gagne une élégance et une précision terminologiques dont on ne peut que se réjouir.
Action Cette notion qui remonte aux origines de la réflexion sur le théâtre n'a jamais été sérieusement définie ni discutée. Et elle ne l'est toujours pas, soit que l'on s'en tienne aux lieux communs et au « cela va de 1 2. 3. 4. 5 6.
Voir à ce terme. Qualification d'ailleurs non pertinente pour l'actant aussi. In Lire le théâtre, Ed Sociales, 1978, p 108 sq. In Dictionnaire du théâtre, Ed Sociales, 1980, p. 26. J. Lintvelt, Essai de typologie narrative, José Corti, 1 981. G. Genette, Seuils, Le Seuil, 1987.
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soi », soit au contraire qu'on l'exclue jusque dans la terminologie1. Pourtant, il n'est pas rare que le terme resurgisse aujourd'hui hors théâtre, sans que l'on soit toujours convaincu de sa nécessité. En premier lieu, il convient de revenir sur la définition théâtrale et d'expliciter ses inconvénients. L'action, c'est d'abord la partie de l'histoire qui commence au lever du rideau et se termine au baisser ; le risque étant que sa partie antérieure soit sous-estimée par l'analyse. Or, d'un point de vue fonctionnel (ou syntaxique), le lever du rideau n'a aucune incidence sur l'histoire — laquelle ne fait que continuer selon des modalités différentes. D'autre part, action constitue une cote mal taillée qui accrédite l'idée qu'au théâtre l'histoire et sa présentation seraient entièrement fusionnées ; d'où le terme unique au contraire du roman qui en a deux (histoire et récit). Mais l'expérience prouve que cette idée est une contre-vérité, qu'au théâtre aussi il faut distinguer — même si cela est difficile — un contenu événementiel et sa dramaturgie, une histoire et un discours. De quelque manière que l'on retourne le problème, action est donc un terme inadéquat, bancal et ambivalent : il ne prend pas en compte la totalité de l'histoire, il confond ce que l'analyse sait et doit distinguer2. Dans la mesure où elle disposait de termes-concepts appropriés, la narratologie stricto sensu n'avait pas besoin d'importer du théâtre un terme aussi ambigu. Pourtant, c'est ce que fait parfois Genette en lui donnant le sens d'histoire : « ... l'action d'Eugénie Grandet commence en 1 789 et se termine en 1 833... »3. Là aussi, semble-t-il, l'introduction n'a d'autre raison d'être que la réticence à employer histoire. Pour être plus rare, la définition théâtrale n'en existe pas moins : l'action romanesque commencerait au début du récit, auparavant ce serait de l'histoire4. Au théâtre, il est vrai, la distinction non représenté/représenté pouvait accréditer les deux termes. Mais c'est surtout dans le cadre de la sémiotique — ou en concertation avec
1. Comme le fait systématiquement A. Ubersfeld dans Lire le théâtre (Ed. Sociales, 1978) ; sans doute que le mot (désuet) et la chose (confuse) lui paraissent incompatibles avec l'analyse structurale 2 J. Scherer dans La dramaturgie classique avait distingué la structure interne et la structure externe de l'action , malheureusement celle-ci était réduite au découpage ; le problème reste entier . quel terme correspondant à récit pour désigner un discours aussi composite et mixte (en partie narratif) ? 3 Nouveau discours du récit, Le Seuil, 1983, p. 23. 4 Cf. N Mozet, La Cousine Bette (Lecto-guide, Ed Pédagogie moderne), 1980, p. 13.
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elle — que la définition de l'action a été repensée ; le problème res tant toutefois le même : dans quelle mesure le terme est-il perti nent ? Le Dictionnaire du théâtre ne pouvait pas ne pas parler de l'action ; parmi ses définitions, retenons celle qui implique précisé ment les actants . l'action consiste en la modification de la configu ration actantielle, de surcroît elle est le niveau des actants, tandis que l'intrigue est celui des acteurs1. On voit donc poindre là une tentative plus intéressante que les précédentes : l'action n'est plus partie (ou tout) de l'histoire, ni sa forme, mais sa réduction logico-narrative. Bien entendu, cette hypothèse de travail va dans le sens des efforts de la pure sémiotique. Laquelle voit dans toute action un jeu de pro grammes narratifs (et non plus un processus actantiel), « articulant une transformation hiérarchique entre un état initial et un état final »2. Autant dire que, au gré de ses diverses expérimentations, elle rapproche l'action successivement des actants, de la syntaxe narra tive, de la narrativité, sinon du carré sémiotique. Or, sans avoir à le clamer sur tous les toits, elle en vient — ou en revient — là à conce voir l'action non plus sous l'angle fictif ou littéraire mais comme par tie ou tout de la praxis3. La sémiotique de l'action, lorsqu'elle recourt à J. Piaget, n'a en effet plus rien à voir avec la littérature ; ce qui est une façon de renouer avec la conception aristotélicienne selon laquelle la fable est l'imitation de l'action (praxeôs) .
Analepse
(prolepse)
Formant avec la prolepse un couple de procédures temporelles bien définies et partiellement symétriques, l'analepse mérite quelques pré cisions supplémentaires. D'abord, les termes n'ont pas manqué et ne manquent pas : anamnèse, rétrospection (Todorov, H. Weinrich), flashback (et sa traduction française), déchronologie (B. Du priez). Et puis, il y a la proposition de Genette qui n'avait pas pour ambition de faire l'unanimité mais d'être cohérente et conséquente. Cohérente : analepse se construit sur le modèle de prolepse (déjà employé en rhé torique avec idée d'anticipation) et sur la base d'un préfixe d'antério1. Op cit., p. 26. Actions et actants étaient déjà associés chez Barthes (in Introduction à l'analyse structurale des récits). 2. A -J. Greimas et J Courtes, Sémiotique, dictionnaire.. , II, Hachette, 1 986, p. 10. 3. Ibid., p. 10.
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rite1 ; conséquente : en s'en tenant à une terminologie formelle, la narratologie évacue tout psychologisme là où précisément il était à son affaire (durée, mémoire). Comme on le sait, il y a analepse (ou prolepse) dès lors que le récit transgresse l'ordre chronologique de l'his toire, revient dans le passé de celle-ci (ou anticipe sur son futur réel). Autrement dit, il s'agit d'une manœuvre effectuée par le narrateur ou le personnage (analepse) ou par le seul narrateur (prolepse) et de la séquence discursive qui en résulte. La symétrie entre les deux mouve ments ne résiste donc guère à un examen attentif : non seulement la pratique de la prolepse est plus rare (le traditionnel contrat de lecture recommande de ne pas tout dire d'emblée), mais sa disponibilité est moindre : le narrateur peut anticiper, tandis que le personnage est contraint de conjecturer ; or une conjecture n'est pas une prolepse. Si le personnage est interdit de prolepse, cela veut dire aussi que le théâ tre (avant le xxe siècle) devait s'en dispenser et se contenter d'analepses : tel le récit classique. Il conviendrait d'entériner cette distinc tion et de qualifier par exemple la prolepse d'auctoriale et l'analepse d'auctor/a/e ou d'actoriale2. Aussi, la terminologie n'ayant d'autres limites que celles de l'analyse, suffit-il de pousser celle-ci pour que surgissent quelques questions de définitions ou de dénomination. Entre autres celle-ci : l'analepse est-elle l'évocation de tout passé ou seulement du passé diégétique ? Dans la seconde hypothèse, il fau drait alors un autre terme pour désigner ce qui est en amont de l'his toire et qui peut remonter jusqu'au déluge sous une forme non anthropomorphisée3. L'évocation du temps figuratif de l'histoire est de l'analepse ; l'évocation de la longue durée et du temps monumental de l'Histoire pourrait être de l'analepse prédiégétique .
Anaphore Les diverses définitions (rhétorique, stylistique et linguistique) ont servi de point de départ et de modèle aux extrapolations de la critique. Bien entendu, cette diversité d'origine et la déperdition qui guette ce 1. Préfixe pourtant polyvalent c o m m e le déplore Genette ; il se peut aussi qu'ait joué la contamination avec épanalepse (une variété d'anaphore) Quant à analeptique, il nous importe peu ici d'en connaître le sens nosographique 2. Ces deux adjectifs remplaçant les substantifs narrateur et personnage. 3. Sylvie de Nerval mentionne ainsi un très vieux fonds historique bien antérieur à l'histoire des protagonistes.
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genre de transfert ont empêché que l'anaphore ne devienne un concept univoque et unanimement performant. A la stylistique, cer tains ont emprunté l'idée de répétition : Genette par exemple qualifie à'anaphorique récit ou événement à plusieurs occurrences1. Mais c'est le plus souvent à la linguistique que Ton a eu recours (sans faire le détail) : est anaphorique un terme de l'énoncé qui ne peut être compris qu'en fonction d'un autre terme antérieur ou postérieur. Fort de cette définition sommaire, P. Hamon baptise personnages-anaphores ceux qui « tissent dans l'énoncé un réseau d'appels et de rap pels à des segments d'énoncés disjoints... »2. Considérant qu'étymologiquement l'anaphore est ce qui reporte en arrière, L. Lonzi déclare anaphoriques les incipits de chapitre lorsqu'ils pallient un manque de consécution diégétique3. Des emplois singuliers se rencontrent chez J. Kristeva et Barthes, mais cette fois dans un cadre extralittéraire. L'anaphore (dans Le système de la mode) relie deux éléments situés dans des discours de nature ou de substance différente (vêtement écrit et vêtement représenté) ; ce faisant, elle se voit dépouillée de son habituelle fonction syntagmatique. La démonstration de J. Kristeva est plus complexe et beaucoup plus ambitieuse. Le point de départ en est le geste « primitif » court-circuitant les schèmes classiques de la communication et de la signification . « Avant et derrière la voix et la graphie il y a l'anaphore . le geste qui indique, instaure des relations...))* Par référence, l'anaphore devient l'un de ces processus qui disqualifie la pensée logocentrique et instaure une autre sémiotique. A l'anaphore adaptée mais encore fidèle à sa vocation classique, il convient donc d'ajouter l'anaphore transgressive de la sémanalyse.
Carré
(sémiotique)
Il n'est pas exagéré d'y voir la quintessence, l'alpha et l'oméga de la sémiotique. En effet, jusqu'à preuve du contraire, il semble difficile 1. Figures III, Le Seuil, 1 972, p 146-147. 2 Pour un statut sémiologique du personnage, in Poétique du récit. Le Seuil (« Points»), 1977, p 123. 3. In Anaphore et récit, Communications, n° 1 6, 1 970. 4. Semeiotikè, Le Seuil, 1969, p. 95.
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d'aller plus loin — et de faire mieux — dans la recherche d'une struc ture à la fois élémentaire et universelle de la signification. La place du carré dans le parcours génératif1 le confirme : il s'agit de l'articulation matricielle du sens antérieure à des manifestations plus tangibles ou plus évidentes (mise en orbite syntagmatique, anthropomorphisation, figurativité). D'où la perplexité d'une partie de la critique littéraire à s'aventurer dans une problématique aussi abstraite et aussi éloignée de son objet. A l'origine, cette simple figure permettait de représenter les relations logiques et les opérations génératrices de sens : contra riété, contradiction et complémentarité entre les deux termes (ou sèmes) d'une catégorie sémantique minimale2. Puis la discipline s'est efforcée d'extrapoler et de généraliser le carré de telle sorte qu'il soit exploitable comme modèle, concept opératoire ou test projectif. Désormais il est applicable à des univers sémantiques et à des prati ques socioculturelles, ou à une moindre échelle à des notions sémiotiques (actant, vérédiction, manipulation). Les modalités de cette expé rimentation étant en gros les suivantes : chercher et dégager le carré comme structure prégnante, projeter sur le carré lesdits objets, inscrire dans le carré un ensemble sémantique. Dès lors que ia littérature est aussi décomposable en objets et formes du contenu, elle est donc appréhensible en ces termes — du moins selon la sémiotique.
Clôture Même si elle n'est plus aujourd'hui considérée comme indice ou condition sine qua non de la littérarité, elle peut encore se maintenir dans le champ de l'analyse. Mais cette fois en tant que ressource infiniment modulable et concept plus large incluant l'ouverture (cette clôture inversée) et le degré zéro. Comme la littérature moderne en 1. Voir à ce terme. 2. Ex. à riche s'oppose son contraire pauvre et son contradictoire non riche ; pauvre et non riche étant par ailleurs impliqués réciproquement. Il suffit de partir de pauvre pour engendrer ses termes (contraire, contradictoire et impliqué). D'où la fameuse figure riche pauvre
4-
<non pauvre
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-» non riche
administre la preuve, il est possible de clôturer ou pas, plus ou moins, et d'opérer sur un quatuor de structures : récit et histoire certes mais aussi texte et diégèse. D'où ces multiples cas de figure affectés en outre de paramètres stylistiques et narratifs, fonctionnels et sémanti ques. Sont concernés au premier chef le récit et l'histoire qui peuvent être, en tête ou en fin de parcours, clos, suspendus ou cycliques, syn chronisés ou pas. Il est par exemple fréquent que Vincipit (phrase inaugurale) et le desinit (phrase terminale) ne coïncident pas avec les bornes de l'histoire. Quant à déterminer exactement ces dernières, c'est là une affaire délicate ; le bon sens consistant à envisager autant de clôtures qu'il y a de définitions de l'histoire. Ceci sans compter l'éventuel décalage avec la diégèse qui englobe l'histoire et peut se prolonger en aval comme en amont avec d'autres clôtures à l'avenant. Un décalage comparable existe dans la couche discursive lorsqu'elle est constituée d'un récit stricto sensu et d'un texte qui l'encadre jus qu'à l'excéder. Les débuts de romans du xixe siècle fournissent de bons exemples de cette désynchronisation et de son inscription verbale : le texte au présent, la diégèse à l'imparfait, l'histoire et le récit au passé simple. Comme on le sait, la clôture est la bête noire du poststructura lisme qui l'évoque toutefois pour y éprouver son besoin de transgres sion ou y déceler des présupposés idéologiques. L'intertexte et le génotexte — tout comme l'avant-texte des généticiens — rendent en effet illusoire la délimitation ne varietur. Il reste enfin un autre moyen de valider la clôture, c'est de ne plus la considérer comme une struc ture textuelle mais comme un concept opératoire : la circonscription participerait alors de la construction de l'objet.
Code Comme l'a souligné récemment U. Eco1, les spécialistes de la commu nication et de la sémiologie avaient déjà planché sur la question. H n'est donc guère surprenant que la réflexion littéraire ait été tentée d'exploiter un concept opératoire aussi fécond, d'autant que la priorité du code sur le message correspondait à d'autres priorités bien connues : la langue plutôt que la parole, la compétence plutôt que la performance. Or, si le code fait désormais partie du paysage critique et 1 In Sémiotique et philosophie du langage, PUF, 1980, p. 239 sq
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si son intérêt théorique est certain, son exploitation donne lieu toute fois à quelques réserves. Ainsi, dire que l'oeuvre moderne est à ellemême son propre code, c'est certes parler le langage de notre temps, mais cela ne suffit pas à lancer un programme de recherches Pas plus qu'elle n'est véritablement féconde, l'idée de code n'est nouvelle ; le terme ne faisant souvent que reformuler des notions connues, telles les règles et conventions inhérentes à un genre ou à une époque. De là à le vouer aux gémonies, il n'y a qu'un pas que franchissent les théori ciens de la modernité « Est mort l'écrivain qui parle code. . »1 Le code ne fait donc l'unanimité ni dans sa définition (éclectique ou approxi mative), ni dans son usage (contradictoire ou controversé) Autre ment dit, il vaut moins par ce qu'il est que par les solutions auxquelles il oblige la littérature (subir ou subvertir) et dont la critique essaie de mesurer les conséquences. L'exemple de S/Z est à cet égard révéla teur de ce que le code peut inspirer à un observateur qui est à la fois un connaisseur et un trouble-fête. Le spécialiste — déjà sémiologue dans Le système de la mode— y récuse la définition classique : « .. une liste, un paradigme... »2 Néanmoins, en des termes métaphoriques (et non plus scientifiques), il essaie une définition plus neuve dans sa for mulation qu'elle ne l'est dans le fond : « ... le code est le sillon de ce déjà. Renvoyant à ce qui a été écrit, c'est-à-dire au Livre (...) il fait du texte le prospectus de ce Livre. »3 Puis, dans la foulée, il en vient à ce qui l'intéresse : non plus un objet scientifiquement descriptible mais des opérations constitutives de la dynamique du texte et imputables aux codes, non plus un ensemble d'unités homogènes et structurées mais une noria et une structuration repérables dans le texte. Le terme consacré convient-il encore pour désigner un phénomène aussi sin gulier (pluriel, labile, infini) ? Sans doute que non puisqu'il est sou vent— et à juste titre — remplacé par voix ou voix off.
Connotation Si l'on excepte la mode et nonobstant d'autres acceptions (scolastique, logique), il reste l'attention (inégale) que lui accorde la linguis tique et surtout le problème de son exportation. L'intérêt de la ques1. H. Meschonnic, Pour fa poétique, I, Gallimard, 1970, p. 41 2. R. Barthes, S/Z, Le Seuil (« Points »), 1976, p. 27. 3. Ibid., p. 28.
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tion tant sur le plan théorique qu'opératoire étant imputable à Barthes, alors que l'orthodoxie linguistique se contente de définitions molles1 et qu'une bonne part de la critique structuraliste l'assimile à un avatar de la critique thématique En premier lieu, c'est chez Hjelmslev que l'on trouve une stricte définition et une description du mécanisme connotatif ; lequel permet d'articuler deux systèmes de signification (dénoté et connoté) qui sont l'un par rapport à l'autre décrochés et en relation hiérarchique2. La sémiologie de Barthes y voit alors la grille explicative qui lui manquait et qui peut s'appliquer à échelle variable et bien au-delà du signe et de la langue. Or, le crédit accordé à la connotation (programme de recherches3, lieu d'exercice de l'idéologie, mais aussi matière à inspiration) ne fait pas l'unanimité, notamment dans l'orthodoxie linguistique (G. Mounin). La contre-attaque qui s'ensuit dans S/Z est intéressante dans la mesure où elle concerne des principes et des enjeux littéraires, et qu'elle rajeunit la définition. Qu'on l'accepte ou non dans toutes ses implications, il y a selon Barthes une politique de la connotation et une fécondité opératoire qui justifient amplement la profession de foi. La connotation est certes indispensable à la lecture pénétrée de la polysémie plutôt qu'empressée à la mettre au pas ; mais elle l'est aussi à ces textes classiques dont elle constitue la marge de manoeuvre. Aussi, dans ces conditions et compte tenu de l'esprit novateur de l'ouvrage, ne peut-elle être redéfinie qu'autrement : non plus didactiquement (comme dans Eléments de sémiologie) mais par approximations et déferlements, non plus comme objet mais comme dynamique. Quelques années plus tard, dans un contexte moins conflictuel, la sémiotique à son tour s'interroge mais reste circonspecte : si elle admet le principe d'une sémiotique connotative, elle en mesure aussi les difficultés théoriques et analytiques4.
1. « Tout ce qu'un terme peut évoquer, suggérer, exciter, impliquer de façon nette ou vague », dit A. Martinet, apparemment peu intéressé à en dire plus En 1972 le Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage (O. Ducrot et T. Todorov) en dit encore moins... 2. « Un système connoté est un système dont le plan d'expression est constitué lui-même par un système de signification », précise Barthes, in Eléments de sémiologie, ( Communications, n° 4, 1964, p 130 3 « . l'avenir est sans doute à une linguistique de la connotation... », in article cité note précédente. 4 Voir A.-J. Greimas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire.., I, Hachette, 1979, p. 63
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Destinateur
(destinataire)
Avant de désigner l'axe majeur de la configuration actantielle, le cou ple avait déjà servi au schéma de la communication où il nommait ses deux protagonistes. Le succès aidant, des réserves furent émises qui portaient sur la pertinence des termes ou encore sur l'idéologie impu table au schéma. A ce titre, l'on a pu dénoncer la position du destina teur équivalent à celle d'un sujet logocentrique, et déplorer que la paire terminologique ne restituât pas davantage « l'épaisseur énonciative » de la communication. Et puis le champion de l'orthodoxie lin guistique considéra qu'il y avait déjà locuteurauditeur et que destinateur était un terme importé et inadéquat1. Le fait est que, si l'on fait abstraction de l'ensemble du schéma de Jakobson — sur lequel il n'y a rien à redire — et que l'on s'en tienne aux destinateur et destinataire, les difficultés et les divergences sont considérables. Bon nombre de termes préexistaient ou continuent de coexister, d'où la question : définissent-ils exactement les mêmes concepts et dans les mêmes conditions ? Certains ont pensé que non et préféré maintenir des ter minologies particulières : interlocuteur-interlocutaire, encodeurdécodeur, narrateur-narrataire. D'autres au contraire ont retenu la ter minologie unique, au risque d'uniformiser et d'occulter des différentes ; leur démarche consistant à envisager tous ces processus comme autant de variantes de la communication. Ainsi, Barthes, exa minant hâtivement la communication narrative, substitue-t-il à narrateur-auteur: donateur ; terme qu'il utilise (à tort) comme synonyme de destinateur2. Quant à la sémiotique, elle ne dit rien de plus, se contentant de justifier les deux cas de figure (pluralisme ou unité ter minologique) selon les points de vue adoptés (spécifiques ou géné ral)3. Pourtant, elle est bien tentée d'affirmer ses préférences et de considérer la question dans sa plus grande généralité — auquel cas destinateur et destinataire deviendraient des architermes (et non pas des termes passe-partout) pour des archiconcepts. Peu de temps après, Greimas mettait au point le système et la termino logie des actants. Or, pour reprendre à Jakobson une part de la sienne, il ne fallait pas moins que revoir la définition de la communication. A la communication stricto sensu est donc substituée la communication 1. G. Mounin, Dictionnaire de linguistique, PUF, 1974, p. xn 2. Introduction à l'analyse structurale du récit, Communications, n° 8, 1966 3. A.-J. Greimas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire..., I, Hachette, 1 979, p. 94.
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élargie qui inclut échange, transfert, don, acquisition ou privation. Mutatis mutandis, destinateur et destinataire désignent toujours les instances d'origine et d'arrivée qui déclenchent et enregistrent le processus. Comme pour confirmer et l'emprunt et l'homologie, la sémiotique, soucieuse de coupler ses actants, parle alors d'axe de la communication . Ce qui, soit dit en passant, ne fait pas l'unanimité ; notamment chez ceux qui, souhaitant insister sur l'investissement idéologique, préfèrent axe du pouvoir ou axe du savoir1. Plus que les autres couples actantiels, et parce qu'il est apparu peu à peu comme plus stratégique, celui-ci a bénéficié de promotions d'autant plus spectaculaires que les travaux antérieurs ne lui accordaient que peu d'attention (Propp ignorait la fonction de destinataire, L. Tesnière les considérait comme circonstants et non comme actants). Bien entendu, c'est dans le cadre sémiotique que cette évolution a été la plus radicale. Il a fallu pour cela que l'on reconnaisse que le couple en question était « beaucoup plus chargé sémantiquement »2 que la paire subjet-objet, et que Ton explore davantage la syntaxe narrative. Le fait est que dans trois des quatre séquences types (manipulation, compétence, reconnaissance) destinateur et destinataire jouent un rôle décisif. Mais la sémiotique ne s'en est pas tenue à ce premier résultat qui faisait du destinataire l'égal et le pendant du destinateur. Certainement parce qu'elle devenait plus attentive à la circulation des valeurs (ou du savoir) qu'à la simple performance, elle a voulu considérer audelà du bénéficiaire pragmatique la sanction axiologique (ou cognitive). Sans entrer dans le détail d'une démonstration sophistiquée, disons que dorénavant le destinateur tient les deux bouts. Il est à la fois le destinateur initial (et manipulateur) et le destinateur terminal (et judicateur). Pour sa part, l'analyse théâtrale qui n'est pas allée si loin avait contribué à la promotion du couple en se contentant d'insister sur sa responsabilité idéologique et sur la perte d'autonomie du sujet désormais sous son contrôle3. Reste enfin, pour tenter de remédier au caractère modal de la communication actantielle, la possibilité de distinguer le destinataire programmé (ou contractuel) du destinataire effectif. Le fait est que celui qui tire les marrons du feu ou profite inopinément de l'acte réussi n'est pas toujours celui qui était prévu à cet effet. 1. Voir P. Pavis, Dictionnaire du théâtre. Ed. Sociales, 1980, p 20. 2. A Hénault, Narratologie, sémiotique générale, PUF, 1983, p 67. 3. Selon A. Ubersfeld, Lire le théâtre. Ed. Sociales, 1977, p. 81 -82
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Pour éviter toute confusion entre les deux acceptions (linguistique et actantielle), la sémiotique a cru bon de conférer à la sienne des majuscules.
Dialogique L'inconvénient avec ce terme en apparence anodin, c'est qu'il peut être rapporté à dialogue ou à dialogism ê. Ainsi, faute d'un ancrage contextuel suffisant, peut-on se demander ce qu'est un roman dialo gique : un roman dialogué (Le vol d'Icare de Queneau), ou bien un roman avec pluralité de discours, de modes et de voix et à vision du monde hétérogène et non centrée ? Il y a une vingtaine d'années (lorsque Bakhtine a été connu en France), la seconde hypothèse a prévalu. Or, les analyses du dialogue s'étant considérablement déve loppées depuis, la première acception est devenue plus fréquente — aussi bien d'ailleurs en théâtre qu'en roman. Bien entendu, en appliquant au roman une terminologie théâtrale, Bakhtine maniait le paradoxe, mais c'était pour procéder à des révisions fructueuses : un roman dialogique n'a pas besoin de dialogues, et réciproquement : un roman dialogué n'est pas ipso facto dialogique. Les mêmes para doxes se rencontrent au théâtre : un monologue peut être dialogique tandis qu'une pièce de théâtre peut être un monologue camouflé sous un dialogue factice. A l'aide de la lecture qu'en fait J. Kristeva, on mesure mieux la transgression que constitue le dialogisme par rapport au « monologisme », et du même coup la portée idéologique de cette transgression. Le monologisme étant défini comme théolo gique (dans l'épopée) et dogmatique (dans le roman réaliste), à l'œuvre aussi bien dans l'épistémologie que dans l'axiologie de la lit térature, tout effort pour s'en déprendre prend un caractère subversif.
Didascalies La chose n'est pas nouvelle, le terme l'est davantage puisque jusque dans les années 60 il est barré par indications scéniques2. L'intérêt 1. Ou encore au programme éponyme de F Jacques (in Dialogiques, PUF, 1979) ; mais dans ce cas ce sont les conditions logico-intellectuelles du dialogue (y compris philosophique) qui sont envisagées. 2. Même s'il est employé par P.-L. Courier dès le début du xixe siècle.
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qu'elle suscite est par contre récent et il résulte de plusieurs fac teurs : attention renouvelée (et réoutillée) à la spécificité du théâtre, prise en compte d'objets auparavant négligés ou mal dégrossis. L'analyse et l'usage des didascalies dépendent de leur définition qui est variable et de leur statut qui est instable. Pour certains, elles ressortissent au texte à part entière ; pour d'autres, elles s'en distin guent assez pour être qualifiées de paratexte ou de texte secondaire ; pour ceux qui n'ont d'estime que pour le dialogue, elles sont bien évidemment hors champ et hors littérature. Le fait est qu'il s'agit d'une frange du texte à caractère bancal et transitoire : le texte didascalique est réputé non littéraire, et en tant que texte il est appelé à s'abolir et à se convertir en pur théâtre. Pourtant et para doxalement, il se recommande aux dramaturges qui ne souhaitent pas démissionner : ni s'effacer devant leurs personnages, ni renoncer à leur propre mise en scène. Ce peut donc être à la fois un texte nar ratif (préservant l'omniscience) et un texte scénographique (prenant les devants) ; mais un texte périssable et facultatif dont la paternité est parfois partagée1 et les instructions plus ou moins respectées.
Diégèse A l'origine de ce néologisme — et des problèmes qu'il ne pouvait alors imaginer — se trouve E. Souriau qui cherchait un vocabulaire neuf en vue d'analyser l'esthétique cinématographique2. Le souci était tout à fait légitime ; toutefois, pour qualifier l'univers dans lequel l'histoire advient, l'auteur naturalise un terme (diégèsis) qui en grec désignait quelque chose de complémentaire, certes, mais d'absolument différent, à savoir le récit. Donnons acte à E. Souriau de ce qu'il n'avait guère le choix : histoire (comme l'explicitera plus tard Genette) était hors de question en raison de son sens historiographique ; quant à muthos, il était (en grec comme en français) aussi polysémique3. Une vingtaine d'années plus tard, Genette (dans Figures III) adopte le terme, à ceci près qu'il emploie le plus souvent 1. Eventuellement avec le metteur en scène et les comédiens si le texte est représenté avant d'être publié. 2 In La structure de l'univers filmique et le vocabulaire de la filmologie, Revue internationale de Filmologie, n° 7-8, 1 951. 3. La récente édition de La Poétique (Le Seuil, 1980) traduit en effet muthos par histoire.
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l'adjectif (diégétique) pour désigner ce qui fait (ou non) partie de l'histoire, et que substantivement il semble préférer histoire. Bien que n'étant pas le seul responsable de l'usage de diégèse comme synonyme ou substitut 6'histoire, Genette a cru bon de faire ensuite une mise au point. C'est ainsi que Nouveau discours du récit précise que la diégèse est l'univers de l'histoire (ce que pensait aussi E. Souriau), autrement dit que celle-là est un espace et un ensemble et celle-ci une trajectoire et un enchaînement. L'embarras étant que diégétique se rapporte à la fois à diégèse et à histoire. Hors du cadre de la narratologie stricto sensu, le concept a parfois donné lieu à des malentendus — c'est le moins qu'on puisse dire. En effet, comme figure du contenu, la diégèse pouvait fort bien intéresser la sémiotique. Délimiter un univers, fixer des règles logiques en vertu desquelles un objet serait diégétique ou pas : ces tâches étaient de son ressort. Faute de quoi, l'ouvrage de référence se contente d'une définition expéditive qui entretient la confusion et dont il pouvait assurément se dispenser1. Comme on l'a déjà vu, cette acception couramment admise procédait d'un détournement de sens. Le problème, sinon le quiproquo, a donc surgi lorsque certains sont ensuite revenus au sens littéral : puisque le terme vient de diégésis, la diégèse c'est du récit ; ce n'est plus un univers mais son mode de présentation, c'est-à-dire une modalité. A qui se fier ? pourrait alors se demander l'usager perplexe ; à qui donner raison ? Philologiquement, il y a d'un côté un contresens et de l'autre l'argument étymologique. Pratiquement, les choses sont bien différentes : le « contresens » tient lieu de précédent, il fait autorité dans les milieux de la poétique narrative et il s'accompagne d'une mise au clair terminologique et conceptuelle : la diégèse n'est ni l'histoire ni la diégésis. Mais d'un autre côté, pourquoi exiger que d'autres, ignorant (dans un sens ou dans l'autre) la filière E. Souriau-Genette, se soumettent à cet usage et renoncent à la simple traduction2? Reste enfin le problème de la dérivation, étant entendu que les dérivés l'ont été à partir du radical [diégèt]. Or, toute la question est de savoir si ce radical vient de diégèse ou de diégésis. Une
1 A.-J. Greimas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire..., I, Hachette, 1979, p 99 Par contre, le second tome de cet ouvrage (1986) s'intéresse au problème dans l'article « Monde possible ». 2. A quoi on pourrait rétorquer que mimésis reste le plus souvent indemne dans l'usage contemporain.
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fois de plus, Genette a répondu clairement en faisant dériver diégétique de diégèse^ ; mais, comme on pouvait s'y attendre, bien des spécialistes ont fait le contraire. Là aussi, la duplicité sémantique des termes est gênante : la diégétisation par exemple consiste dans un cas à intégrer à la diégèse un personnage qui lui était étranger, dans l'autre elle consiste à accroître l'emprise de la diégésis sur la relation d'un événement. Bien entendu, personne ne s'est avisé de recourir au radical [diégès] ; atypique certes, il aurait pourtant rendu bien des services.
Diégésis Une fois diégèse attribué, il n'était plus question de l'appliquer à un autre concept, c'est-à-dire de s'en servir pour traduire diégésis. Mimésis ayant par ailleurs droit de cité dans le métalangage contempo rain (dans un sens souvent plus large), la transplantation littérale de diégésis était concevable — d'autant plus qu'elle permettait de reconstituer en couple une très importante alternative. Rappelons que les Anglo-Saxons avaient retenu showingftelling, ce à quoi Genette renonçait puisque avec des mots l'on ne montre pas et parce qu'il jugeait plus pertinentes la référence et la terminologie platoniciennes. Selon la narratologie stricto sensu, la diégésis consiste donc en une relation explicitement médiatisée de l'histoire ; au contraire de la mimésis qui laisse en principe celle-ci s'exposer d'elle-même, sans médiation ni médiateur. L'opposition entre le roman qui raconte et le théâtre qui présente peut en partie s'inscrire dans cette alternative, tout comme d'ailleurs celle des énonciations de Benveniste. En roman, comme le montre bien Genette, on ne peut parler de mimésis que dans le cas du dialogue et à condition qu'il soit intégralement rapporté. Dans le cas d'événements, l'écriture romanesque n'est que « diégésique » ; et si elle prétend au mimé tisme, ce n'est qu'au prix de ce que Genette appelle de « l'illusion mimétique »2. Ces « effets » de mimésis ainsi que la diégésis résul tant du traitement (diamétralement opposé) des mêmes éléments : soit le narrateur s'esquive, laisse l'événement exprimer tout son jus et multiplie les détails « inutiles » ; soit il travaille l'histoire, la condense 1. Nouveau discours du récit Le Seuil, 1983, p. 13. 2. Ibid., p. 3 1 .
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et s'engage dans son récit. Selon les spécialistes, la diégésis a ses degrés : B. Mac Haie en distingue sept qui vont du sommaire à taux maximum de condensation au « discours direct libre »1. Enfin, il faut savoir que la diégésis (comme la mimés/s) est non seulement un mode — ou une « distance » dit Genette — mais aussi un critère de découpage et d'identification du récit. Autrement dit, tout récit peut alterner séquences diégésiques et séquences mimétiques. Différance Cette création due à Derrida2 est une réussite en ce qu'elle condense tout un programme qui touche à la fois la philosophie et la littérature, l'épistémologie et l'écriture. Il a suffi pour cela d'un clignotement de la lettre (infini, intraduisible, imprononçable) et d'un jeu de mots de grande portée : la différence (qui immobilise les oppositions) n'est pas la différance (qui diffère indéfiniment leur résolution, même dialecti que). Applicable aux couples canoniques et aux grandes adéquations de la pensée occidentale (dont signifiant/signifié, langue/parole, parole/écriture), la différance les écartèle et les dévoie. Mais l'entre prise ne serait pas conforme à ses résolutions si elle délaissait son pro pre langage qui est à la fois son être et sa scène. La différance est aussi et surtout une autre écriture apte à jouer des différences, à garder des traces et à générer de l'indécidable3.
Discours Rappelons dans le vaste chantier des sciences humaines contempo raines plusieurs conceptions : le discours est une production interphrastique (selon S. Z. Harris), transphrastique (pour la sémiotique), infralinguistique (en psychanalyse) ou translinguistique (dans les tra vaux socio-historiques qui s'intéressent aux discours religieux et poli tique). Cette dernière conception permettant une distinction perti nente en analyse de la littérature : contrairement au texte (auréolé et clôturé), le discours subsume une nébuleuse de textes hétérogènes et non finis4. A examiner de plus près le problème, on voit apparaître sous 1. 2. 3. 4.
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Voir G. Genette, Nouveau discours du récit, p. 38 Qui s'en explique simplement dans Positions, Ed de Minuit, 1972. Voir à Grammatologie. Ne confondons pas, par exemple, le discours et les textes romantiques.
le même terme des divergences considérables, des acceptions in compatibles et parfois des amalgames. Le discours est soit énoncé, soit énonciation1 ; il est synonyme de texte, ou au contraire il se distin gue du texte en ce sens que celui-ci est plus abstrait que les discours réels2. La plupart des disciplines concernées ont fait un choix logique : la pragmatique s'intéresse aux conditions de production et dénoncia tion ; l'analyse théâtrale lui emboîte le pas à propos du dialogue ; la sémiotique rapproche le niveau discursif du niveau de manifestation textuelle mais les délaisse au profit de l'analyse des « formes pro fondes » dont précisément le discours résulte. D'autres y renoncent : la narratologie stricto sensu ayant à sa disposition narration pour l'acte producteur et récit pour le texte produit. Pourtant, lorsqu'on s'est avisé que récit pouvait avoir deux acceptions, c'est bel et bien discours qui lui est arrimé pour désigner l'énoncé3. Enfin et surtout, il y a la contri bution de Benveniste sur les énonciations telles qu'elles se manifes tent dans l'énoncé. Schématiquement, on en retiendra que l'histoire (en tant qu'énonciation) qui utilise l'aoriste et la troisième personne s'y oppose au discours qui admet toutes les formes verbales (sauf l'aoriste) et penche — sans exclusive — pour le couple je-tu 4 . Bien entendu, les textes littéraires en particulier narratifs misent largement sur ce double jeu et ses implications affectives : l'histoire objectivise et distancie l'événement passé au contraire du discours. Discours est donc, lui aussi, un terme bisémique qui a l'inconvénient de désigner à la fois un objet (l'énoncé) et l'une de ses composantes (un type dénonciation non obligatoire). Aussi, à supposer qu'on la rencontre, n'y aurait-il rien d'incongru dans ce genre d'assertion : un roman peut être un discours sans discours.
Dramaturgie Outre l'objet, il y a le sujet (le dramaturge). Ce dernier terme ayant tour à tour désigné l'auteur de théâtre, le même travaillant sur sa spécialité (la théâtralité) et enfin le médiateur entre l'écriture et la 1 Comme le rappelle Benveniste (voir n. 4). 2. Selon T Van Dijk, in Dictionnaire des littératures de langue française. Bordas, 1984, p. 2286 3 Todorov en effet distingue le récit comme discours et le récit comme histoire. 4 Les relations de temps dans le verbe français, in Problèmes de linguistique générale, Gallimard, 1986
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mise en scène. Quant aux problèmes focalisés sur dramaturgie , ils relèvent du procès d'intention : amalgame de l'objet et de son ana lyse, emploi connoté, application à un concept devenu suspect. Pas sons sur le sens figuré qui n'intéresse pas le théâtre ni forcément la littérature, non sans souligner les risques d'une acception floue pour la réputation du paradigme : dramaturgie du politique, de l'imagi naire, du ça. Le plus gênant, c'est la répudiation du concept par la critique contemporaine sous prétexte qu'il serait indissociable d'une approche démodée et d'une esthétique fortement codifiée1. Or, au-delà de ce problème conjoncturel, restent un fait et ses consé quences : la dramaturgie est consubstantielle au texte théâtral. C'est donc un objet d'étude en soi, quelles que soient les modalités de l'analyse : structurale, sémiologique ou même mathématique2. Bien entendu, la sémiotique est muette sur la question dès lors qu'elle se détourne des manifestations génériques.
Ecriture Sauf cas d'espèce3, ce n'est que récemment que le terme a fait l'objet d'investissements considérables — mais d'ordre surtout spé culatif. L'inévitable et rédhibitoire désapprobation venant de la sémiotique qui lui dénie toute efficacité opératoire et toute chance de l'intéresser — ce qui n'a rien d'étonnant4. Auparavant, et tout particulièrement chez Barthes, le concept avait occupé une place importante. Au départ, celui-ci fait un distinguo devenu célèbre . le style est subjectif et pulsionnel tandis que l'écriture est définie en termes sartriens de choix et d'engagement5. Un peu plus loin, il entremêle les deux par la force des choses, mais sans crier gare : l'écriture n'est pas seulement choix mais ce qui en résulte, c'est-à1. Toutes deux fusionnées in J. Scherer (La dramaturgie classique, Nizet, 1 950). 2 Telle qu'envisagée par les mathématiciens roumains M. Dinu et S. Marcus. 3. Plutôt que l'écriture « artiste » de la fin xixe, on doit retenir l'écriture automatique (acte psychique qui coïncide avec le geste d'écrire et sa trace). 4 II est de fait impossible de le définir en tant qu'objet ou structure immanente sur laquelle l'analyse aurait prise; voir A - J . Greimas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire..., I, Hachette, 1979, p. 115. 5. Le degré zéro de l'écriture, Le Seuil, 1953
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dire un style avec ses déterminations historiques et ses codes (écritures classique, révolutionnaire, « blanche »). A l'orée des années 70 et dans la mouvance poststructuraliste, une conception plus radicale se propage corroborée par la floraison terminologique : scriptible, scriptural, écrivance. Il s'agit alors de reconnaître quelque chose d'essentiel (et d'emblématique) qui n'est ni l'écriture (système de notation), ni le style (codifié, connoté), mais une pratique scrutée à l'aide des savoirs les plus neufs et repérée chez des écrivains limites (Artaud notamment). Une pratique « intransitive » (Barthes), matérialiste et « moniste » selon H. Meschonnic1, substituant un « pouvoir-écrire » à un « vouloir-dire » (J. Kristeva), larguant les vieux démons (le sujet, la vocation à représenter ou à exprimer) et renouant avec le plus profond d'elle-même (le corps, la libido). En filigrane ou en tant que catalyseur de ces propositions, figure Derrida. On en retiendra ici l'enjeu global et amplement philosophique : renverser la primauté (sur laquelle se fonde l'histoire de l'Occident) de la parole sur l'écriture2, ainsi qu'une multitude d'efforts sans cesse repris qui visent à « produire un nouveau concept d'écriture »3. C'est la fameuse différance4 grâce à laquelle il est possible de relire, d'ébranler ou de critiquer la philosophie, la littérature et la science (linguistique). Qui plus est, cette « archi-écriture » (F. Whal) antérieure logiquement à tous les dualismes de la pensée occidentale n'est pas seulement utopie et concept, c'est aussi (et conjointement) une activité — à preuve celle de Derrida à la fois travail et trace de l'Ecriture, écriture de l'Ecriture. Avec le Barthes de 1973, le mouvement se précipite et la subversion se déplace : l'écriture est à elle-même sa propre science5 , au lieu et en plus de déconstruire, elle ravit (dans tous les sens du terme). Loin de plaire donc, elle porte aux excès ; le fameux plaisir du texte a pour horizon et enjeu la jouissance de l'écriture.
1 Pour la poétique, I, Gallimard, 1 970, p. 160. 2. L'écriture étant du même coup exclue du champ de la linguistique rappelle J. Derrida, in Positions, Ed de Minuit, 1972, p. 36. 3. Ibid., p 37. 4. Voir à ce terme. 5. Le plaisir du texte, Le Seuil, 1973, p. 14.
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Fable D'Aristote à Brecht en passant par le classicisme, le terme est employé dans des contextes et des projets fort différents1. Pour sa part, la criti que contemporaine reprend le plus souvent l'acception du formaliste Tomachevski : la fable, c'est ce qui s'est effectivement passé. Ce qui n'est après tout qu'une reformulation de la définition même de l'his toire. Qu'y gagne-t-on ? sinon un terme de plus pour remplacer le terme en disgrâce, un terme d'autant mieux admis qu'il bénéficie du double parrainage des formalistes et de la Poétique. Pourtant, à y regarder de près, la définition aristotélicienne : « assemblage d'actions accomplies » élargit sensiblement le concept ; la fable, ce sont des événements mais dans la mesure où ils sont assemblés. Avec Brecht, les choses sont plus claires : fable ne définit plus que la reconstruction et le montage de l'histoire. De là à penser que la fable peut être non seulement la forme donnée à l'histoire mais sa structure discursive, il n'y a pas loin2. Les auteurs les plus récents — et non des moindres — répercutent l'alternative tout en essayant de prendre leurs distances avec le terme usé. P. Ricceur, à la suite d'une substantielle explication de texte, refuse de traduire muthos par fable et lui préfère mise en intrigue2. Quant à U. Eco, il s'en tient à fabula pour désigner l'histoire et sa logique fonctionnelle4. Dans la culture théâtrale contemporaine, le terme désigne non point un donné mais un objectif : l'histoire réduite à des actions et à des faits et délestée des sentiments et des discours5.
Focalisation Une importante littérature a été consacrée à ce phénomène dans les années 50 ; puis il y a eu la mise au clair de Figures III, suivie peu de temps après par des tentatives d'affinements qui n'ont pas mis un point final à la discussion. C'est dire la complexité du problème que Genette a eu le mérite de trancher. Primo : en proposant une termi nologie en général bien acceptée et sensiblement plus convenable que les précédentes , secundo : en faisant justice de la confusion 1. 2. 3. 4 5
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Voir P. Pavis, Dictionnaire du théâtre. Ed. Sociales, 1980, p. 167 sq Ibid,p. 171. Temps et récit, I, Le Seuil, 1983, p. 57 sq. Lector in Fabula, Le Livre de poche (« Biblio essais »), 1989, p. 130. Voir J -P Ryngaert, Introduction à l'analyse du théâtre, Bordas, 1991, p. 50-52.
que même les spécialistes ont entretenue entre focalisation et narration ; tertio : en posant des questions sommaires mais claires : « Qui voit ? » « Qui parle ? » D'un point de vue pédagogique, il fallait certes poser ce genre de question ; mais pour ce qui est de la définition, on n'en était pas plus avancé pour autant. En fait le phénomène concerne l'ensemble du procès narratif, y compris le lecteur qui perçoit ce qu'on lui propose de percevoir et la diégèse qui peut être elle aussi focalisée. Pourtant l'essentiel réside dans les relations qu'entretiennent le narrateur et les personnages sur le chapitre du savoir et du voir ; encore que narrateur soit ici un terme inadéquat puisqu'il ne s'agit pas de raconter mais de focaliser. Mieux vaut donc parler de focalisateur qui selon les cas reste extérieur au personnage focalisé ou coïncide avec son intériorité et sa propre focalisation. Bien entendu, ce qui change d'un cas à l'autre, ce n'est pas seulement la connaissance du personnage mais aussi la perception de l'univers diégétique. Autrement dit, la focalisation externe est réputée objective et la focalisation interne est subjective. Quant au troisième type qui cumule les avantages des précédents et s'octroie toutes les libertés du changement, on peut le qualifier de focalisation mobile plutôt que de parler de degré zéro1. En 1983, Nouveau discours du récit fait le bilan des progrès réalisés. Il est globalement positif : un amalgame tenace ayant été écarté, les vicissitudes de la focalisation sont désormais descriptibles (infractions, changements, brouillages, incertitudes). Il convient aussi d'associer à ces progrès des contributions qui ne sont pas aussi somptuaires que Genette le pense et qui ne font d'ailleurs que compléter la sienne. La plus intéressante d'entre elles paraît être celle de P. Vitoux2. Elle consiste en préalable à décomposer le phénomène et à ne plus l'envisager comme modalité du récit. La focalisation devient alors une activité et un partenariat associant sujet et objet, focalisateur et focalisé, et faisant intervenir la notion de délégation. La fonction de focalisateur peut en effet être déléguée à un personnage qui n'aura droit à l'égard de ceux qu'ils focalisent qu'à une focalisation externe. Une telle redéfinition de la focalisation a entre autres deux avantages : d'une part elle facilite l'analyse microscopique et le suivi d'un phénomène qui a plus d'un tour dans son 1. Le narrateur omniscient est en effet quelqu'un qui focalise trop plutôt que pas du tout. 2. Le jeu de la focalisation, Poétique, n° 51, 1982.
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sac (surtout dans le roman moderne), d'autre part elle alerte le spécialiste sur les fonctions modales du personnage. Et puis récem ment la recherche sémiotique s'est penchée sur la question, et bien entendu elle lui a fourni une réponse aux antipodes de celle de la narratologie stricto sensu'1. Aussi convient-il de distinguer deux types de focalisation (incompatibles sinon contradictoires) et deux conceptions (étroite ou large) qui résultent de deux approches du même phénomène. C'est ainsi que la sémiotique refuse de limiter la focalisation aux discours littéraires et qu'elle délaisse les modalités du voir au profit de celles du savoir (détention, circulation, filtrage). D'autre part, elle se montre soucieuse non seulement de généralisa tion mais aussi (en contrepartie) de sophistication. La focalisation est en effet placée entre deux limites : « l'occultation » et « l'aspectualisation ». Quant au focalisateur, il est considéré comme un rôle actantiel en concurrence avec celui d'aspectualisateur ; l'un et l'autre étant subsumés dans la catégorie nouvelle de « l'observateur »2.
Fonction Le concept est abondamment exploité tant par la critique que par la linguistique, au même titre que celui de structure dont il n'est d'ail leurs pas tant éloigné. De fait, la critique dite structuraliste aurait pu s'appeler fonctionnaliste dès lors qu'elle s'intéressait à l'usage plutôt qu'à la nature de ses objets, et qu'elle considérait le sens comme une fonction et le produit de corrélations. Dans un cas comme dans l'au tre, le paradigme lexical n'était pas plus vague, ni plus précis , d'où la nécessité d'un ancrage dans la lettre ou dans l'esprit3. A défaut, le terme incertain a pu être remplacé (par actant ou rôle), ou maintenu avec risques et périls, ou encore réinvesti. C'est ainsi que Propp bap tise sphère d'action ce que nous appellerions plutôt fonction, et qu'il réserve ce dernier mot pour désigner les segments canoniques de l'histoire — que P. Ricœur appellera « abstraits d'action »4. Autre ment dit, la fonction propienne est une séquence type décantée et 1. Laquelle à l'occasion est épinglée et voit ses efforts (à distinguer focalisateur et narrateur) invalidés 2 Voir pour plus de précision A.-J Greimas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire..., Il, Hachette, 1986, p. 93-94, 155-158. 3. Ancrage adjectival, contextuel ou méthodologique. 4. Temps et récit II, Le Seuil, 1984, p. 56.
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dissociée de celui qui l'accomplit. Quant au Barthes de 1966, il prend d'abord soin de séparer ses fonctions des « actions » qui sont liées aux actants1. Puis, à l'intérieur de la première catégorie, il dis tingue les « fonctions » à sanction horizontale, syntagmatique et pragmatique des « indices » à incidence verticale, personnelle ou sémantique. Les fonctions — à vrai dire peu définies, variables en nature et en amplitude — sont alors subdivisées en « noyaux » qui dynamisent l'histoire et en « catalyses » qui font office de liaisons et de liant. Elles sont donc des unités de l'histoire, mais leur distribu tion, leur montage et leur impact font qu'elles appartiennent aussi au récit. Pourtant, malgré l'ardeur de Barthes et le crédit de Propp, cette conception de la fonction, comme unité syntagmatique et déperson nalisée est battue en brèche par la conception opposée qui, sous le nom d'actant ou de rôle, en fait une unité paradigmatique intégrant (plus ou moins directement) le personnage.
Fréquence L'analyse des relations temporelles entre l'histoire et le récit permet de mettre en évidence plusieurs séries de distorsions, dont celles qui affectent la « fréquence ». Ce terme neutre ne convenant guère au demeurant pour désigner à la fois un rapport entre deux fréquences — inégales puisque l'itération narrative est discrétionnaire au contraire de l'itération événementielle — et la séquence discursive générée par ledit rapport. Moyennant quoi, la narratologie stricto sensu distingue deux espèces de séquences, d'ampleur variable et en général alternatives, régies soit par un véritable processus de fré quence (régime itératif) soit par le degré zéro (régime singulatif) Dans le second cas, l'événement unique donne lieu à relation uni que ; dans le premier qui a retenu toute l'attention des spécialistes, la relation est aussi unique mais l'événement est à plusieurs occur rences. En bon poéticien, Genette envisage de surcroît plusieurs taux de fréquence possibles, à défaut d'être pertinents ou courants2. Et il examine aussi le cas du récit répétitif qui le plus souvent ne l'est qu'en partie ou en apparence. En effet, à côté de la répétition litté rale, il existe des moyens de faire varier la perception de l'invariant 1. In Introduction à l'analyse structurale des récits, Communications, n° 8, 1966 2. In Figures lit, Le Seuil, 1972, p 146 sq
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événementiel, par exemple la focalisation plurielle, la reprise analep tique ou la variante stylistique. Mais le cas majeur reste celui du régime itératif, de ses modalités et de ses capacités synthétiques. Raconter une fois ce qui s'est répété exige un écrémage, une condensation (à ne pas confondre avec le sommaire) et — dans le cas d'une scène dialoguée — un artefact de dialogue 1 . Evidemment, le problème se corse lorsque Ton quitte le roman pour d'autres sémiologies (théâtre, cinéma, bande dessinée). La répétition discur sive y est concevable (Robbe-Grillet ne s'en prive pas), mais la fré quence itérative y devient — sauf à maintenir un support verbal — difficile à percevoir.
Génératif
(parcours...)
Si le carré est une belle réussite intellectuelle (mais une limite), le parcours est une réussite pédagogique dont la pertinence explicative dépasse largement le cadre qui l'a vu naître. Comme l'on sait, le mé rite en revient à une sémiotique déjà expérimentée, redevable en par tie à la linguistique générative, mais éprise de généralisation : « ... le parcours génératif est une construction idéale, indépendante des (et antérieure aux) langues naturelles ou des mondes naturels... »2. L'idée en est simple et ambitieuse : schématiser et spatialiser3 l'engendrement du sens (la signification) depuis sa structure élémen taire et abstraite jusqu'à sa manifestation4. Pour ce faire, il faut donc passer par des articulations et des niveaux intermédiaires que la sémiotique hiérarchise soigneusement. Bien entendu elle exploite ces distinctions, d'une part pour circonscrire ses interventions, d'au tre part pour y positionner ses exclusions. Autrement dit, elle acca pare le niveau sémionarratif— lui-même subdivisé en structure pro1. C'est le dialogue itératif induit de plusieurs dialogues à la fois identiques et différents d'une fois sur l'autre. 2. A -J. Greimas et J Courtes, Sémiotique, dictionnaire..., I, Hachette, 1979, p 1 60. 3. Deux spatialisations nous sont proposées : celle du Dictionnaire (p. 160) et celle d'A Hénault {Narratologie, sémiotique générale, PUF, 1983, p 124) qui inverse l'ordre vertical et préfère la poussée depuis le carré nucléaire .. 4. L'ensemble du parcours est lui-même subdivisé en volets syntaxique et sémantique ; le parcours syntaxique devant intéresser davantage l'analyse littéraire.
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fonde (le carré) et structures de surface (actants et syntaxe narra tive). Et elle abandonne à la poétique, à la stylistique ou à la « lec ture » le soin de travailler sur les structures textuelles et manifestes qui appartiennent pourtant au parcours. Quant aux structures dites discursives (le moyen terme), elles donnent lieu à quelques projets sémiotiques — mais non exclusifs — dont le plus avancé concerne l'actorialisation 1. Enfin, non content de découper le champ critique en engagements spécifiques, le parcours découpe mutatis mutandis l'objet qu'est le texte — ses couches étant diversement sollicitées selon qu'elles sont discursives, génériques, narratives (au sens sémiotique du terme) ou nucléaires.
Génétique
Remonter aux origines ou, à défaut, contribuer à mieux connaître la genèse : L'ambition n'était pas nouvelle , seulement la démarche vient d'être renouvelée et circonscrite. Et là aussi, l'évolution lexi cale est révélatrice puisque l'on est passé de la genèse (objet d'étude que l'on croyait saturé par la tradition universitaire) à la génétique (méthodologie consacrée par la substantivation). Entre temps, il y avait eu le terme forgé par Goldmann . structuralisme génétique pour définir la recherche de la problématique sociocultu relle et idéologique à l'origine de la production littéraire. Aujour d'hui, la génétique est une discipline fort active et bien outillée qui (ré)concilie la perspective historique (la protohistoire des formes) et les analyses textuelles les plus sophistiquées, réhabilite rebuts et ratures et recourt de surcroît à d'autres technologies (graphologie, laser, chimie des encres) — sans exclure pour autant la contribu tion de la philologie. La génétique ne s'intéresse donc pas au texte ne varietur mais à un ensemble de processus (la textualisation) et à ses manifestations successives ou dispersées (les avant-textes). Dans ce sens, elle entend bien ne plus considérer le texte réputé définitif comme un apogée en fonction duquel des états précé dents seraient appréciés, voire dépréciés. D'autre part, l'hétérogé néité, du corpus avant-textuel est généralement telle que, pour de1. Voir A. Hénault, op. cit., p 131 -132.
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venir objet d'étude, il faut l'élaborer à cet effet1. Quant à y voir — comme J. Bellemin-Noël 2 — les symptômes d'un travail inconscient : la rature serait dénégation, la variante un lapsus ou du refoulé par la version princeps, ce n'est là qu'une approche parmi d'autres. Autre hypothèse cette fois-ci négligée . l'avanttexte n'a-t-il point des affinités avec le génotexte — bien que celui-ci soit sans limites et qu'il l'englobe nécessairement ?3
Génologie Terme proposé jadis par P. Van Tieghem4 — mais sans succès — pour parler de la théorie générale des genres, laquelle n'a cessé de préoccuper les observateurs depuis Platon et Aristote jusqu'à la poétique d'aujourd'hui. Si les réponses aux questions ont divergé au cours de l'Histoire, par contre ces mêmes questions sont quasi ment restées identiques : quels critères permettent de distinguer et de classer les genres? Bien entendu, ces questions impliquent d'accorder un tant soit peu de crédit à la notion même de genre. Or sur ce point capital, la critique contemporaine est partagée : contrairement à la poétique, la sémiotique s'y refuse ; et c'est nor mal puisqu'elle renonce à opérer sur les manifestations. S'y refu sent aussi bien d'autres observateurs qui prennent acte de ce que la création moderne brouille et transgresse les genres et que de toute façon les critères proposés depuis l'origine sont insuffisants, incomplets et hétérogènes. Pourtant, la génologie n'a pas désarmé — à preuve l'étude récente de J.-M. Schaeffer qui met à profit l'ar senal de la critique structuraliste (pragmatique et communication) pour déterminer autant que faire se peut des critères de catégories génériques 5.
1. Voir P.-M. de Biasi, in Littératures, Encyclopaedia Universalis, 1990, p. 25 2. In Le texte et l'avant-texte, Larousse, 1972 3. De fait, il ne semble pas que la génétique ait très envie de se souvenir de l'activisme forcené de la sémanalyse. 4. In La question des genres littéraires, Helicon, I, 1938. 5. Qu'est-ce qu'un genre littéraire ? Le Seuil, 1989.
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Génotexte
(phénotexte)
Même lorsqu'il est décapé et balisé par la critique structuraliste, le texte reste un concept insatisfaisant dans l'esprit de la sémanalyse. Ce qui importe à cette dernière, ce n'est plus l'objet stratifié et statu fié mais un « objet dynamisé » ; non plus un texte docile à l'analyse mais un ensemble d'opérations qui l'engendrent ; non plus une œuvre finie (un produit) mais une pratique infinie (plus qu'une pro duction : une productivité). D'où cette terminologie affinée1, afin de distinguer le texte actualisé (phénotexte) de ses processus de génération (génotexte ). Les différences entre ceux-ci sont multiples comme se plaît à le souligner J. Kristeva2 : surface/volume, linéarité/décentrement, axe/zone, structure/germination, concaténa tion/dissémination, unité/pluralité. Toutefois, on aurait tort de considérer ces différences comme des oppositions irréductibles. Phénotexte et génotexte sont en effet complémentaires : le phéno texte est engendré par le génotexte mais le génotexte n'est appréhensible qu'à partir du phénotexte qui le traduit (et le trahit). Certes le génotexte excède et traverse le phénotexte qui n'est que reste, trace, écran ; mais c'est pourtant là qu'il est possible de repérer cet excès, décalé3, affaibli, voire oblitéré. Comme de juste, c'est le géno texte (subversif par nature) qui bénéficie de toute la sollicitude et tout le savoir-faire de la sémanalyse. Un savoir-faire qui prend ses distances avec d'autres disciplines (grammaire générative, linguisti que et psychanalyse) dont l'intervention pourrait restreindre (ou fausser) le sens même du génotexte ; lequel n'est ni la structure pro fonde de Chomsky, ni un paradigme prêt à commuter, ni « l'autre scène »4.
Grammatologie Même s'il paraît irréaliste de vouloir résumer une démarche aussi ambitieuse, virtuose et controversée que celle de Derrida, il reste 1 Empruntée aux travaux russes de grammaire générative 2 In Semeiotikè, Le Seuil, 1969. 3 J Kristeva {ibid., p 218) parle de « la signifiance comme opération dont la structure n'est qu'une retombée décalée » 4 Mais l'ensemble des autres scènes {ibid, p. 222) , cette terminologie étant à l'évidence lacanienne.
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qu'une mise au point minimale s'impose1 — à l'abri des thuriféraires, détracteurs et vulgarisateurs qui n'ont pas manqué. Mais cela ne peut se faire ici que dans la perspective forcément oblique — et un tantinet dérisoire — de la critique littéraire ; alors que l'entreprise, subvertissant les habituels découpages épistémologiques, n'a cessé de se déplacer à travers philosophie, linguistique et littérature. Affirmer que la grammatologie est la science de l'écriture est en l'occurrence risqué, car ces termes ont pour l'auteur un sens précis à forte teneur philosophique. En effet, la démarche qu'il essaie consiste à démystifier la scientificité classique, à libérer la science des « hypothèques métaphysiques » 2 — sans pour autant régresser ou se situer hors science. D'autre part, ce n'est pas une science chevronnée ou arrivée, mais une hypothèse, un travail critique et l'établissement des conditions qui la rendent possible. Quant à l'écriture, il ne s'agit pas bien évidemment de l'envisager selon les critères habituels, ni de lui restituer un droit d'aînesse3, li est vrai pourtant qu'il y a dans le projet grammatologique une mise en accusation des privilèges de la voix et de l'écriture phonétique et une inscription de ce réquisitoire dans un terme fameux et pas toujours bien compris : le logocentrisme*. Dans ces conditions, l'écriture n'est plus une simple pratique mais un nouveau concept capable de subsumer phonème et graphème et même de débloquer la linguistique et consorts : « On peut l'appeler gramme ou différance5. Tout discours, tout procès de signification comporte donc des éléments à valeur « différentielle », portant « trace » d'autres éléments avec lesquels ils entretiennent des rapports instables, non finis et non définitifs. Rapports qui ne sont guère évidents — et pour cause — et qui doivent être activés et débusqués par une déconstruction ; rapports enfin qui sont « indécidables »6 parce qu'ils refusent de s'inscrire plus longtemps dans des
1. Redevable pour une large part à Positions (Ed. de Minuit, 1972) où l'auteur rectifie les interprétations précipitées ou erronées et rappelle clairement l'esprit et les enjeux de la grammatologie à la fin des années 60. 2. Positions, p 48. 3. L'antériorité qu'on lui prête n'est pas chronologique mais logique , en d'autres termes il n'y a pas d'archie, de commencement utopique de l'écriture 4 C'est d'abord un phonocentrisme tant que l'on ignore ses présupposés méthaphysiques et son rapport au logos. 5. Positions, p. 37 , voir ici à Différance 6 Est indécidable l'objet non pas ambivalent mais indéfiniment ambigu et travaillé par le « ni/ni » {ibid., p. 59) ; lequel n'a rien à voir avec celui de Sartre (la contingence) ou de Barthes (le pseudo-raisonnement petit-bourgeois).
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oppositions duelles ou dans une synthèse qui les neutraliserait. Cette indécidabilité, Derrida en fournit la preuve de plusieurs façons : d'une part en procédant à une analyse « interminable » qui, à la mesure de ses objets et de ses enjeux, n'en a jamais fini ; et d'autre part en l'expérimentant sur de grands savoirs dépossédés de leur impunité et sommés d'avouer leur non-dit. Ainsi toutes les oppositions conceptuelles sur quoi se fonde la pensée occidentale jusqu'au structuralisme contemporain (écriture/parole, diachronie/synchronie, matière/esprit), et quelle qu'en soit l'échelle (signifiant/signifié), sont à revoir dans cette perspective critique certes mais aussi féconde. D'où chemin faisant, un immense et patient travail qui ne consiste pas à faire table rase, mais à faire un tri ou à exploiter contre elles des disciplines dont le manque d'homogénéité est la faille où s'engouffrer. Telle est d'ailleurs l'attitude à l'égard de la linguistique saussurienne et de la sémiologie récusées pour leur « métaphysique » mais susceptibles de faire mieux si l'on sait solliciter et forcer les points névralgiques1. On le voit, l'entreprise derridienne est éminemment subversive, mais elle n'est en aucune façon une destruction comme on a pu le croire. « Stratégie générale de la déconstruction », dit l'auteur2, qui consiste à démasquer et à démanteler des mécanismes idéologiques à l'œuvre dans des épistémè réputées, puis à prouver la compétence et la fécondité intellectuelle de ce geste interminable qu'est le geste grammatologique. Que ce geste et ce travail textuel procurent aussi un « grand plaisir » — terme prophétique en 1967 — et qu'ils élaborent ce symptôme de quelque chose qui hante un philosophe pourtant sur ses gardes3, en dit long sur l'horizon de la grammatologie. La critique littéraire peut se sentir concernée ou interpellée par ce travail, indirectement d'abord. En effet, la remise en cause des assistances méthodologiques qui constituent l'ensemble structuraliste ne peut qu'ébranler ses fondements les plus récents ou au contraire séduire certains de ses acteurs les plus impatients (J. Kristeva vers 1967). Le territoire même de la littérature et a fortiori la littérarité accusent le choc : celui-là est envahi par des problématiques exo-
1. « Il faut sans doute, à l'intérieur de la sémiologie, transformer les concepts, les déplacer, les retourner contre leurs présuppositions . » {ibid., p 35) 2. Ibid., p. 56. 3. Voir à la fois Positions, p. 15, et l'entretien avec R -P Droit, in Le Monde, 16 novembre 1990
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gènes, celle-ci en tant que quintessence et avatar idéaliste est dis qualifiée. Et puis, Derrida effectue à sa façon un geste critique lors qu'il s'attelle, pour montrer la déconstruction et le défi aux limites, à des textes littéraires portés à dépasser leurs propres excès (Artaud, Bataille). Mais la meilleure façon d'accomplir ce travail est encore d'opérer à l'aide et à l'intérieur de sa propre écriture. Ce qu'il en dit à l'époque de De la Grammatologie^ est révélateur à la fois de ses allergies (au texte unilinéaire et clôturé) et de ses intentions : sauve garder si possible sous forme de traces scripturales le travail de sape et le jeu des différences, le chantier et la recherche2.
Herméneutique Il n'était pas rare dans les années 60 d'opposer l'heuristique à l'her méneutique, la description des faits observables à l'interprétation d'un sens ineffable, autrement dit la visée scientifique de la nouvelle critique à l'impensé théologique de l'ancienne. Ce manichéisme est heureusement passé de mode, et l'étiquette péjorative et condes cendante a fait place aujourd'hui à une acception nouvelle et plus féconde. Les résultats à ce jour les plus considérables de l'hermé neutique littéraire sont à mettre au compte de P. Ricœur3, mais bien d'autres auteurs4 y sont intéressés sans qu'ils se croient d'ailleurs obligés d'utiliser l'étiquette, tel U. Eco dans Lector in Fabula. Car il s'agit moins de découvrir des territoires inconnus que de redéfinir à l'aide d'une problématique d'origine philosophique5 la littérature et sa finalité. La littérature non pas comme fin en soi mais comme mé diation avec le réel et négociation des grandes apories (le temps par exemple), et pourtant scrutée dans sa littérarité (métaphore et récit) non refermée sur elle-même. En effet, à contre-courant de l'imma nence structuraliste et de l'épistémologie sémiotique, l'herméneu1 Ed.de Minuit, 1967. 2. Positions, p 24", voir ici à Ecriture 3. Surtout in Temps et récit. Le Seuil, 1983-1985. 4. Tels H.-R Jauss, P. Szondi {Introduction à l'herméneutique littéraire. Cerf, 1 989) ou (ponctuellement) K Hamburger lorsqu'elle examine le « genre lyrique » (in Logique des genres littéraires. Le Seuil, 1986, p. 242-243). 5. Références principales : Husserl et H.-G. Gadamer.
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tique réactive à sa manière des dimensions naguère disqualifiées . l'expérience du monde, le réfèrent et l'activité de lecture, qu'elle tient pour indissociables de l'appréhension du sens. Et, contrairement à l'ancienne version soucieuse d'exégèse et d'interprétation, elle se nourrit cette fois-ci de phénoménologie et se veut compréhension. Si tant est qu'on puisse le résumer, l'enjeu d'un projet aussi monu mental est « de reconstruire l'ensemble des opérations par lesquelles une œuvre s'enlève sur le fond opaque du vivre, de l'agir et du souf frir, pour être donnée par un auteur à un lecteur qui la reçoit et ainsi change son agir »1. Conjointement à des démonstrations décisives, P. Ricœur multiplie les formules programmatiques destinées (entre autres) à confirmer l'identité de l'entreprise2 : « ... le pouvoir détenu par le récit de fiction de découvrir et de transformer le monde effectif de l'action (...) Alors seulement, l'oeuvre littéraire acquiert une signi fication au sens plein du terme, l'intersection du monde projeté par le texte et du monde de vie du lecteur. »3 Auparavant, le terme (adjectivé) avait été employé par Barthes pour désigner l'un des codes qui tressent le récit de Balzac, mais il l'était alors dans un sens plus restreint et plus restrictif. En effet dans S/Z, le code herméneutique est défini comme le code de l'énigme posée et perpétuée à l'aide de « morphèmes dilatoires » « herméneutèmes ». Autrement dit, est herméneutique tout élément discursif qui interroge ou suscite une interrogation et qui, ce faisant, participe de la vérité sans la dévoiler. A d'autres endroits, Barthes est plus expli cite sur ses réserves : le code herméneutique est alors considéré comme un agent réducteur du pluriel du texte.
Histoire Le terme n'a pas bonne presse et il est en général tenu à l'écart du métalangage contemporain. Le concept en revanche étant incontour nable, il a bien fallu le rebaptiser ; d'où ces termes plus ou moins compris qui ont fait florès : récit, diégèse, action, fable, intrigue. Mais, comme on peut le constater à ces diverses entrées, aucun d'entre eux 1. Temps et récit, I, p. 86 2. Afin aussi qu'on ne soit pas tenté d'y subodorer un nouvel avatar des vieilles disciplines (esthétique, histoire de la littérature). 3. Temps et récit. II, p 234
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n'est un substitut satisfaisant. Faute de néologisme, devait-on alors faire confiance au terme proscrit ? En tout cas en français, histoire est embarrassant dans la mesure où il peut qualifier le récit des événements et ces événement eux-mêmes (fictifs ou effectifs), la fiction et Clio1. En revanche, la langue anglaise dispose du couple storyhistory ; aucune ambiguïté donc lorsqu'un auteur titre :A Grammarof stories2. Au nombre des rares spécialistes décidés à parler histoire, on compte Genette et Benveniste. En référence à l'Histoire qui en fournit le modèle, Benveniste définit ainsi renonciation concurrente du « discours ». Dès lors le terme ne désigne plus un contenu événementiel mais la manière — présumée objective — dont celui-ci est traité par le texte et le narrateur3. Quant à Genette, il maintient contre vents et marées histoire* en l'opposant à récit qui signifie la relation discursive et narrative de l'histoire et à diégèse qui désigne un simulacre d'univers et non une trajectoire d'événements. Pourtant, la plupart de ses confrères es structuralismes qualifie l'histoire de récit... Quoi qu'il en soit du terme, le concept dans son acception courante reste bien présent en tant qu'objet transgénérique et translittéraire, passible de multiples analyses structurales5. Or celles-ci sont l'occasion de poser la question de la définition même de l'histoire. Faut-il s'en tenir à sa définition figurative ou fondamentale ? à l'écume événementielle ou à la narrativité ? Dans le second cas qui a les faveurs de la sémiotique, l'histoire se réduit à un processus de transformation (univers troublé - univers rétabli, disjonction-conjonction). Autre réduction compatible cette fois avec la figurativité celle qui consiste à ne prendre en compte que le noyau de l'histoire. Par ailleurs, cette définition peut dépendre d'une autre variable, à savoir le nombre de protagonistes. Si quelquefois cette quantité est fixée (l'individu dans la biographie, le collectif dans l'épopée), en revanche elle ne l'est pas
1. Ces deux dernières acceptions sont confondues en substantif sauf à employer dans un cas la majuscule, ce qui n'est pas tant fréquent. Elles le sont bien entendu en adjectif (historique) ; pour y remédier, Genette emploie diégétique, et P. Ricœur oppose à récit historique récit de fiction. 2. G. Prince, op cit., Mouton, 1973 3. Mais bien souvent Benveniste emploie récit historique {in Les relations de temps dans le verbe français, Problèmes de linguistique générale, Gallimard, 1966) 4 On en interviendrait en historiographie que l'on pourrait lui reprocher sa définition sommaire P. Ricœur (in Temps et récit, I, 1983, Passim) rappelle en effet que les historiens contemporains considèrent t'Histoire comme une disposition ou une mise en scène des événements 5. Généralement qualifiées d'analyses du récit.
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dans la majorité des cas. D'où les conséquences sur la délimitation de l'histoire : faut-il ne retenir que le fonds commun aux participants accrédités comme protagonistes ? ou bien prendre en compte tout ce qu'ils n'ont pas en commun et qui entre cependant dans l'histoire de chacun d'entre eux ?
Incipit C'est l'un de ces micro-objets auxquels l'analyse n'a prêté attention que récemment et dont la prise en compte exige un changement d'échelle et un affinement des procédures. Définir Y incipit c'est d'abord essayer de le délimiter — ce qui de fait pose problème. Certes il s'agit du début du texte, mais où finit ce début ? au terme de la première phrase est-on tenté de répondre, jamais au-delà comme le suggèrent certains1. Encore faut-il une ponctuation en - guise de clôture, laquelle fait souvent défaut dans le roman moderne. Quant à l'initiale, dont le minimum est la lettrine2 et le maximum les premiers mots qui ne soient pas émoussés par le régime de l'écriture, elle a surtout une valeur emblématique. C'est bel et bien une méta phore de la création, l'abolition du silence, l'irruption de la parole génératrice. Si Vincipit a surtout affaire à la micronarratologie (c'est le début du texte, parfois du récit et pas souvent de l'histoire), il requiert aussi l'attention de l'analyse dramaturgique. Le théâtre en effet n'y échappe pas, à cette seule différence que l'opération tend à s'y accomplir autrement et selon une autre sémiologie. C'est en d'autres termes le lever du rideau au cours duquel la pluralité des langages paraverbaux et le silence peuvent induire du sens ou des affects. Homologue de Vincipit et passible d'observations symétri ques, le terme final est qualifié selon les spécialistes à'excipit ou de desinit
1. B Valette in Dictionnaire des littératures de langue française, Bordas, 1984, p. 1087. 2. Avant laquelle on peut lire parfois une ponctuation (suspension, interrogation en espagnol).
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Intertextualité
Plutôt que l'objet, l'on a préféré nommer ainsi le processus. Toute fois, pour voir clair dans une problématique (que la sémanalyse n'a fait que radicaliser), il importe de prendre en compte l'objet (l'inter texte), puis l'éventail de ses approches méthodologiques ; sans oublier que l'intégrité et l'individuation du texte sont alors disquali fiées. A titre expérimental, on peut distinguer l'intertexte inscrit à l'intérieur du texte de la relation (apparemment classique) entre textes. Mais dans un cas comme dans l'autre, l'identification de l'ob jet fait problème. Sur quels critères en effet se baser . le témoignage de l'auteur, la preuve discursive (la citation), la référence non délibé rée, ou en aval l'intervention incontrôlable du lectorat (Barthes) ? D'autre part, si l'intertexte n'est pas le corpus ou qu'il ne se mani feste pas ouvertement comme tel, il doit être cherché — à défaut construit. Non content d'être à la merci d'une définition versatile, l'intertexte a engendré des résolutions qui constituent une seconde série de variables. En gros, cela va de ia solution minimale (la moins compromettante) au programme le plus ambitieux (et le plus sub versif), en passant par l'option sémiotique (la plus rigoureuse). Réservée sur une notion dont elle n'apprécie guère la portée que lui donne la sémanalyse, l'histoire littéraire y a néanmoins vu une occa sion de renouveler la fameuse étude des sources et des influences. Simple lifting diront certains, lente évolution penseront d'autres vers une conception plus moderne de la littérature dans laquelle l'interac tion des textes s'apprécie en soi, sans égard pour les causalités exté rieures et les anciennes autorités (auteur, milieu). Pressée sinon aga cée par l'activisme de la sémanalyse, la sémiotique a dû intervenir dans un problème qui pourtant ne lui est pas spécifique1. Aussi, se gardant bien de toute extrapolation intempestive, recherche-t-elle les corrélations structurant tout intertexte — sous réserve de pouvoir les vérifier et les formaliser ; conjointement elle recommande d'exploiter le concept de transformation2. Pour sa part, l'entreprise de J. Kristeva considère (à la suite de Bakhtine) l'intertexualité comme une forme de dialogisme . un « dialogue intertextuel »3. Bien 1. Puisqu'il concerne la discursivation et la textualisation et non les structures plus profondes du parcours génératif 2. Ce qu'a fait M Arrivé dans Lire Jarry, Complexe, 1976 3. Selon J. Kristeva, Semeiotikè, Le Seuil, 1969.
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entendu, il lui appartient de dégager cette hétérogénéité discursive, de repérer chemin faisant ces absorptions, traversées et collisions textuelles. L'enjeu, en l'occurrence plus idéologique que critique, c'est la remise en question du texte. Enfin, avec Barthes et Genette, on quitte l'idéologique pour l'hédonisme sans abandonner pour autant l'idée de modernité — mais en la déplaçant. L'intertextualité, ou l'hypertextualité1, est alors subjective, aléatoire, réversible, voire infinie. Et surtout, elle ne ressortit plus à l'analyse mais au plaisir du texte et à l'acte de lecture : le texte lisible lit lui-même un autre texte « et ainsi de suite jusqu'à la fin des textes », dit joliment Genette. Quant à Barthes, il savoure et lit Proust à travers des textes antérieurs (Flaubert); tout en sachant que cette lecture créatrice est la seule qui puisse coïncider avec son objet : « ... l'intertexte : l'impossibilité de vivre hors du texte infini... »2.
Intrigue
On aurait pu croire le terme tombé en désuétude en même temps que cette esthétique théâtrale acharnée à distinguer l'action en tant qu'épure de l'intrigue ostensible, incarnée et compliquée. Il faut donc prendre acte de ces réactualisations récentes dont aucune ne s'en tient spécialement au théâtre. C'est, en dépit des apparences, le cas de P. Pavis qui s'efforce de radicaliser et de hiérarchiser, à l'aide de la sémiotique, l'opposition traditionnelle : l'action est le niveau des actants et l'intrigue celui des acteurs3. Dans l'esprit de P. Ricœur4, la mise à contribution de la Poétique d'Aristote devait s'accompagner de nouvelles options terminologiques. Ainsi pour traduire muthos, recourt-il à intrigue plutôt qu'à fable (comme le veut la tradition) ou à histoire qu'il utilise par ailleurs dans son sens historiographique. Seul en effet intrigue (et surtout mise en intrigue) restituerait l'idée capitale d'agencement lisible dans muthos : « l'agencement des faits en système ». Ou pour être encore plus précis : la mise en intrigue recèle un dynamisme intégrateur et elle transforme un « divers d'incidents » 1. 2. 3. 4.
Selon l'expression de G. Genette in Palimpsestes, Le Seuil, 1982 Le plaisir du texte, Le Seuil, 1973, p. 59. Dictionnaire du théâtre. Ed. Sociales, 1980, p. 27. Cf Temps et récit, I, Le Seuil, 1983, p. 57.
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en une histoire une et complète1. Et puis il y a le précédent anglais (plot) qui accrédite — mieux semble-t-il que dans l'usage français — la même idée. On peut, en termes de sémiotique, expliciter ce dis tinguo ; l'histoire ressortit au contenu et l'intrigue plus précisément à la forme du contenu ; certains allant même jusqu'à laisser entendre que l'intrigue est aussi forme de Y expression, c'est-à-dire « discours racontant» 2 . A oublier ou à ignorer ces précisions (qu'autorise une logistique sophistiquée), on en revient à identifier l'intrigue à l'histoire3.
Lecture Ce concept offre une évolution comparable à celui d'écriture : à l'origine il en est symétrique dans la communication littéraire et il reste, lui aussi, hypothéqué par son sens le plus courant4. Puis la lec ture a obtenu des responsabilités nouvelles et le terme les a assu mées. L'on est ainsi passé d'une lecture active et (re)créatrice dont Bachelard fut l'initiateur à cette lecture critique qui a été dans les années 70 le nec plus ultra et fait office de modèle. Il s'agissait pour ses partisans (dont Barthes en premier lieu) d'éliminer critique (trop péjoratif), de se démarquer de la poétique (réputée théorique ou générale), et de baptiser ainsi une approche du texte qui ne soit pas exclusive, mais au mieux cohérente, au pire (diront ses détracteurs) libre de toute sujétion ou dilettante. Quoi qu'il en soit, le terme — cette fois-ci au pluriel — est retenu pour définir cette option majeure de la critique contemporaine, à savoir l'analyse spectrale ou panora mique, l'interrogation tous azimuts d'un objet, l'addition infinie et non contradictoire de ses lectures5. Certains vont encore plus loin (dès lors que l'option est couramment admise) et envisagent la lec ture-écriture. H. Meschonnic y voit une activité à nulle autre pareille 1. Ibid., p 102. 2. Cf. P. Pavis, op. cit., p 222. 3. Ce que fait T. Pavel in Le déploiement de l'intrigue, Poétique, n° 64, 1985 4. Barthes s'en débarrasse clairement : « Lire cependant n'est pas un geste parasite, le complément réactif d'une écriture que nous parons de tous les prestiges . » (S/Z, Le Seuil, 1970, p. 1 7) 5. Ex • J.-J. Roubine, Lectures de Racine, Armand Colin, 1971.
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« qui vise à transformer dans et par les textes la pensée d'entrée dis continue en une pensée de l'unité prise au fonctionnement de l'écri ture... » ; activité qu'il oppose à la « lecture-littérature », celle qui ramène un texte à des catégories préexistantes1. Et Barthes lui fait écho au début de S/Z : « ... j'écris ma lecture... »2 , évidemment pas n'importe quelle lecture puisqu'il s'agit alors d'ouvrir des sens et non plus de les fixer une fois pour toutes. A ce point, la lecture coïncide effectivement avec l'écriture — dans son mouvement, ses enjeux et ses rejets, autrement dit dans sa modernité.
Lexie Il n'y a pas trace dans l'usage qu'en fait Barthes de vassalité à l'égard des initiatives de la linguistique. Bien plus, le divorce est total entre la définition atypique de S/Z et la volonté du spécialiste B. Pottier de concevoir une unité lexicale voisine du lexème et substituable au mot. En 1 964 déjà, lexie est intégrée au vocabulaire de la sémiologie nais sante et désigne indistinctement l'image publicitaire3 ou cette « grande unité de lecture » — ce qui nous laisse sur notre faim4. Plus tard, le terme reçoit une acception beaucoup plus décisive ■ il définit alors toute séquence discursive répondant à des conditions singu lières, à la fois discrétionnaire et aléatoires. C'est en effet au « lecteur » de découper le texte en lexies avec pour unique critère la présence en chacune d'entre elles d'une certaine densité sémantique5. Dès lors que cette densité est jugée suffisante et pertinente, la lexie est accrédi tée ; aucun autre critère (narratif, stylistique, événementiel) ne venant — comme c'est le cas d'habitude — imposer un découpage rigide ou définitif. La terminologie de Barthes va d'ailleurs en ce sens : moins qu'une unité en soi, la lexie devient zone de lecture, fragment, mo ment, et ses articulations sont dites « postiches ». Chemin faisant, la manie de la segmentation (classique ou structuraliste) est déconsidé rée : autant qu'une proposition séduisante (pour lire le pluriel du texte), la lexie est donc une arme de guerre contre les savoirs canoni ques et leurs exercices systématiques 1. 2 3 4. 5.
Pour la poétique, I, Gallimard, 1 970, p 160. Op cit., p. 17. In Rhétorique de l'image, Communications, n° 4, 1964, p. 48. In Eléments de sémiologie, Communications, n° 4, 1 964, p 109. S/Z, Le Seuil (« Points »), 1976, p. 20
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Littérarité C'est là un de ces problèmes qui hantent les années 70 et qui en caractérisent à la fois les convictions et les illusions. En effet, assu rée que la littérature a pour noyau dur des textes et souhaitant éta blir les principes de leur spécificité, la critique croit alors trouver dans la littérarité1 sa réponse à la question : « Qu'est-ce que la lit térature ? A l'origine, il y avait eu Jakobson qui dès 1919 em ployait le terme et postulait le concept : « ... la littérarité, c'est-àdire ce qui fait d'une œuvre donnée une œuvre littéraire. »2 Mais ce n'est que beaucoup plus tard que l'on s'efforce de préciser les conditions sine qua non et ne varietur du texte littéraire , pour ce faire, l'on dispose bien évidemment des nouvelles méthodologies infiltrées de linguistique. Parmi les conditions retenues, reviennent le plus souvent la clôture, l'absence de réfèrent (ou l'autoréférence), la teneur en connotations ; ainsi que des grandeurs que l'on ne peut mesurer : l'écart stylistique, la stratification réputée insurpassable de la syntaxe littéraire3. La mise en cause de ces cri tères est venue du poststructuralisme (J. Kristeva, H. Meschonnic), et la mise au point de la sémiotique4. En effet, certains d'entre eux ne sont pas nécessaires à la littérature, d'autres ne lui sont pas exclusifs puisque présents dans d'autres discours que littéraires, et surtout aucun n'est à l'abri des paramètres socio-historiques qu'une définition immanente tend à occulter. Le rappel des fac teurs externes (dont la mobilité et la diversité sont infinies) ainsi que la relativisation des facteurs internes aboutissent à ce verdict : la littérarité comme essence est insoutenable, et à cette juste défi nition : il ne s'agit que d'une « connotation socioculturelle, variable selon le temps et l'espace humains »5. il est vrai que pour la sémio tique, seules échappent à la contingence et à la conjoncture les structures profondes. Or la littérarité n'en fait pas partie, au contraire de la narrativité.
1. Non sans confondre un temps — et à juste titre — littérarité et littéralité : la littérature est dans la lettre et non dans l'esprit (qu'elle partage) 2. In La nouvelle poésie russe 3 Ou « polysyntaxe » selon M. Mansuy, in L'enseignement de la littérature, Nathan, 1977, p. 133 sq 4. Sémiotique, dictionnaire..., I, Hachette, 1979, p 214 5. A.-J. Greimas, in Essais de sémiotique poétique, Larousse, 1972, p. 6
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Micronarratologie Sous ce terme pour l'instant en réserve, on veut identifier et ranger des tentatives ponctuelles, une proposition globale et un besoin qui se fait sentir à la lecture de Figures III. Comme son nom l'indique, la micronarratologie résulte d'un changement d'échelle et surtout d'une prise en compte de l'échelle. Pour ne prendre qu'un exemple, la longueur de l'analepse chère à Genette peut varier — en gros du syntagme à l'ensemble du récit. Or il est impossible de placer sur le même pied des séquences discursives aussi disproportionnées, les minuscules n'ayant évidemment pas leur place à l'échelle macrosco pique. En revanche, adopter une échelle microscopique implique de faire crédit à la lettre du texte et de surveiller minutieusement la ma nifestation syntaxique. D'où le recours à des moyens appropriés, comme ceux de la « linguistique textuelle » de H. Weinrich 1 . Rappe lons que ce dernier, en s'appuyant sur la répartition des temps ver baux en catégories oppositives, examine les ruptures que constitue le passage d'une catégorie à une autre, d'un terme à l'autre de l'alter native2 ; et qu'il montre que ces ruptures de l'isomorphisme verbal ont aussi un impact narratif ou affectif. En moins spectaculaire et plus subtil, retenons ia tentative de R. Debray-Genette qui s'efforce dans Un cœur simple de déchiffrer la présence du narrateur, sinon dans son absence, du moins dans ses traces les plus volatiles : point d'exclamation, comparaisons, asyndètes. Sous couvert de s'en excu ser, l'auteur finit en rappelant les scrupules de la micronarratologie : « ... passer au crible chaque ligne du texte, plusieurs fois sous plu sieurs aspects. »3
Mimésis 4 Les développements de la poétique contemporaine ont largement profité d'une relecture des textes fondateurs. Parfois ils ont donné 1. In Le Temps, Le Seuil, 1 973 2. Le caractère systématique de l'analyse et le dénudement du texte (il n'en reste qu'une suite de formes verbales) sont autant de réserves qui ne remettent cependant pas en question la finalité et la validité du projet. 3. Du mode narratif dans Les Trois contes, Littérature, mai 1971. 4. De quel accent affecter ce mot célèbre ? Genette l'assortit d'un accent aigu, P Ricœur et K Hamburger d'un accent grave, P. Pavis n'en met aucun
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lieu au rappel de certains termes hypothéqués par les gloses et traductions. C'est le cas de mimésis qui n'entre tel quel dans la terminologie moderne — à commencer par celle en langue allemande — qu'au milieu du XXe siècle1. Le transfert littéral du terme l'emportant, on pouvait en déduire que la traduction classique (imitation) était désormais inadéquate ; ou bien, que la mimésis de nos modernes n'était plus exactement celle de la tradition. Ce qu'il convient de reprocher à imitation selon P. Ricœur, c'est d'accréditer l'idée d'enregistrement passif ou de « calque d'un réel préexistant » ; alors qu'il faut y voir une opération et son résultat : un artefact de « quasichoses »2. Avant le philosophe, le narratologue avait considérablement investi dans mimésis. Dans Figures ii, Genette mêle la mimésis d'Aristote et la diégésis de Platon pour aboutir à cette cursive et paradoxale conclusion : « ... l'imitation parfaite n'est plus une imitation, c'est la chose même, et finalement la seule imitation, c'est l'imparfaite. Mimésis, c'est diégésis. »3 Cependant dans Figures ilh cette « imparfaite » deviendra — moyennant le rappel de ses obligations de littérarité — essentielle, à la fois comme processus narratif et comme terme4. En concurrence (ou en alternance) avec la diégésis, la mimésis est alors l'un des deux modes de la représentation romanesque, c'est-à-dire de la manière dont le récit et le narrateur rapportent toute fiction d'événements. Genette distingue deux cas de figure ou degrés selon qu'il s'agit de paroles ou de faits. La mimésis est considérée comme réalisée dans le cas de paroles rapportées qui correspondraient littéralement aux paroles prononcées. Dans l'autre cas, il y a « effet de mimésis » grâce à un faisceau d'initiatives : effacement discursif ou stylistique, mais aussi affectif ou intellectuel du narrateur, développement du sommaire, injection de détails inutiles ou incongrus qui ne peuvent avoir été inventés (donc ils sont vrais ou font vrai). Avec P. Ricœur (in Temps et récit), la mimésis se dégage de la diégésis et de toute réduction au champ narratif ou à la littérarité pour devenir un concept d'une très grande portée spéculative. Il 1. Grâce à Auerbach qui en fait surtout un paradigme de la littérature occidentale 2 Temps et récit I, Le Seuil, 1 983, p. 76 3. Op. cit., Le Seuil, 1969, p 56. P. Ricœur {Temps et récit II, p. 121) prendra soin de préciser que Platon et Aristote ne parlent pas exactement de la même chose, ou du moins qu'ils ne mettent pas les deux concepts sur un pied d'égalité. 4 C'est l'occasion de régler son compte à showing : on ne montre pas avec des mots.
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s'agit en effet de mettre en valeur les médiations entre le récit (luimême médiateur) et le monde (circonscrit ici au temps et à l'action) et de considérer que la mimésis assure cette médiation. Or elle le fait successivement de trois façons différentes et complémentaires ; d'où la triade qui sous-tend le parcours et l'enjeu herméneutiques : mimésis \ en amont constitue une précompréhension du monde de l'ac tion (et un préalable), mimésis II reste la fonction pivot d'invention et de création telle que les poétiques (ancienne ou moderne) l'envi sagent, mimésis III en aval conjoint les deux premières phases dans l'expérience du lecteur et assure sous forme de synthèse la réussite du procès. Autrement dit, mimésis I est la préfiguration du champ pratique, mimésis It la configuration textuelle et mimésis III la refigu ration par la réception de l'œuvre1.
Narrataire C'est l'une des découvertes importantes de la narratologie stricto sensu2, particulièrement représentative de la sophistication de ses procédures. En première approximation, il s'agit de l'instance symé trique et corrélative du narrateur au sein de la communication narra tive : si l'une des deux instances est effacée (ou non), appelée à tourner ou change de niveau diégétique, l'autre s'aligne. En principe du moins, car il faut bien reconnaître que dans la pratique ie narra taire est souvent plus discret et par conséquent qu'il tend à moins susciter l'intérêt que son interlocuteur. Dès 1966, Barthes, prenant acte de cette dissymétrie, attirait l'attention sur les manœuvres plus retorses qui engendrent et signalent le narrataire : « ... chaque fois que le narrateur (...) rapporte des faits qu'il connaît parfaitement mais que le lecteur ignore, il se produit, par carence signifiante, un signe de lecture... »3 Autrement dit, le narrataire est à la fois homolo gue et différent du narrateur, de droit comme de fait. Tout comme le narrateur n'est pas l'auteur, le narrataire n'est pas le lecteur — sauf 1. Temps et récit I, p 86. 2. Dont on trouve déjà la trace chez W. Kayser (en allemand dès 1958, en français in Poétique, n° 4, 1970 « Qui raconte le roman ? ») 3. Introduction à l'analyse structurale des récits, Communications, n° 8, 1966.
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exceptions ou flottement terminologique En effet, il ne se confond ni avec le lecteur réel qui n'est que potentiel (contrairement à l'auteur), ni avec le lecteur idéal ; certains spécialistes allant même jusqu'à invoquer lecteur virtuel et lecteur impliqué pour l'en distinguer ou l'y assimiler1. Ou alors, il faut préciser qu'il s'agit du lecteur interpellé dans le texte ou extrapolé de celui-ci, avec lequel le narrateur dialogue et dont il fait le siège. Sans entrer dans le détail de la typologie, on peut néanmoins relever un large éventail de possibilités Cela va du narrataire incognito ou invisible (mais qui n'en existe pas moins) au narrataire constamment sollicité (chez Fielding, Balzac), du narrataire extradiégétique au narrataire intradiégétique (ce personnage qui lit ou écoute un récit second), du narrataire de soimême (dans le journal intime) au narrataire collectif (l'auditoire dans l'Heptaméron ). Bien entendu, certaines de ces dispositions peuvent donner lieu à des infractions (Genette signale chez Sterne cette invite faite au narrataire extradiégétique d'entrer dans la diégèse), à des cas limites (le narrataire-héros de La Modification) ou encore aux cases vides si chères à la poétique. En premier lieu, le narrataire extradiégétique joue un rôle de médiateur dans la mesure où il est en contact d'un côté avec le narrateur et de l'autre avec le lecteur, mais à l'un et l'autre il peut aussi servir de cobaye. En amont, il réceptionne l'information relative à l'histoire, il est le premier témoin et le premier test des ratiocinations du narrateur, et il est censé réagir aux signaux qu'on lui envoie2. Quant au lecteur réel, il pourra profiter des réactions du narrataire pour prendre ses distances ou amorcer autrement les siennes ; les égarements de l'un servant alors de leçon à l'autre. Il pourra à l'inverse, moyennant les incitations du narrateur, être tenté par les jeux de l'identification. En revanche, le narrataire intradiégétique est dans une situation bien différente qu'il doit à sa qualité de personnage. Le fait est qu'il s'éloigne du lecteur (dont il est séparé par la frontière diégétique) pour pencher de l'autre côté vers la diégèse, vers le narrateur qui peut lui donner la parole (et procuration) ou s'en servir pour brouiller les pistes. Autant dire qu'il n'est pas seulement une oreille mais aussi une voix3.
1. Voir G. Genette, Nouveau discours du récit, Le Seuil, 1983, p. 91-95, 103. Lequel trouve, à juste titre, que cela fait beaucoup de monde du côté du destinataire .. 2 Voir à l'article « narrateur » pour ce qui est des fonctions conative et phatique. 3 Ceci dit pour reprendre un distinguo de G Genette (in Nouveau discours du récit, p. 95).
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Narrateur
Cette instance a fait l'objet de nombreuses réflexions et discussions dont les plus récentes sont évoquées dans Nouveau discours du récit. Un peu auparavant, l'on était convenu que le narrateur n'est pas l'auteur (ce que le narrateur du Père Goriot connaît, son auteur l'imagine), qu'il ne se confond ni avec le scripteur (raconter et écrire ne sont pas identiques) ni avec le focalisateur (amalgame consacré par l'expression narrateur omniscient). Les principales mises au point ont plutôt porté sur les relations du narrateur à l'histoire et au récit (présence ou absence) ainsi que sur ses fonctions. Elles n'ont pas ignoré pour autant la liberté et l'ingéniosité de la pratique roma nesque en vertu de quoi le narrateur peut changer de statut, de mas que, ou de niveau. La métalepse est l'une des procédures transgres sées à sa disposition1. Selon qu'il est présent ou non dans l'histoire, le narrateur est qualifiable d'homodiégétique ou d'hétérodiégétique ; l'homodiégétisme étant d'ailleurs graduel puisque l'on peut ren contrer un narrateur-héros {autodiégétique selon Genette) ou témoin (péridiégétique si l'on veut). Quant à la question des « niveaux narratifs » qui conduisait à distinguer narrateur extradiégétique (d'un récit premier) et intradiégétique (d'un récit second), elle ne paraît plus avoir aujourd'hui le même crédit2. Par rapport au récit, la situation du narrateur est elle-même variable : soit il y est présent à des degrés divers, soit il semble en être absent. Ce dernier point a toutefois fait l'objet d'une controverse parmi les spécialistes. Ainsi, après avoir défendu l'idée d'un récit pur (in Figures il) et campé du côté de P. Lubbock et Benveniste (renonciation historique), Genette en est venu au point de vue opposé qui paraît devoir l'em porter : il n'y a pas de récit sans narrateur, le narrateur prétendument absent ou non-existant n'est qu'une illusion, une utopie, une ruse ou mieux : un « effet ». Restent les fonctions affectées — ne l'oublions pas — d'un coefficient généralement sous-estimé : la vérédiction. En effet, ce n'est qu'une fois levée cette hypothèse que l'on peut à coup sûr faire confiance aux activités du narrateur. Outre le fait qu'il 1. Figures III, Le Seuil, 1 972, p. 243-246 2 Comme si le jeu n'en valait plus la chandelle dans Nouveau discours du récit, Genette répond soigneusement à ses détracteurs mais finit par constater que l'enchâssement, si séduisant soit-il, n'est pas une constante de la politique romanesque.
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raconte, il peut convaincre ou interpeller (fonctions phatique et conative), faire part de ses propres impressions (fonction émotive), apprécier son propre récit (fonction métalinguistique), déboucher et enclencher sur le réel (fonction référentielle). Bien entendu, ces fonctions — à l'exception de la première — sont discrétionnaires et de surcroît extranarratives. Et leur marge de manœuvre varie en fonc tion des esthétiques (Balzac ou Flaubert), des focalisations (la foca lisation interne est à cet égard restrictive et même exclusive) et des situations (le narrateur intradiégétique subit plus ou moins des contraintes diégétiques qui limitent les « extras »). C'est sans doute pour ces raisons que l'on parle peu du personnage théâtral qui raconte en tant que produisant un récit ; moins certes que du narra teur extradiégétique dont le théâtre du XXe siècle entre autres fait un large usage. Outre le débat circonscrit à la narratologie stricto sensu, le concept de narrateur a donné lieu de la part de la plus récente sémiotique à une critique en règle : la définition classique manque de généralité, elle est trop liée à un genre spécifique et à des niveaux du parcours génératif qui se dérobent en effet à certains types d'analyse1. Criti que qui aboutit à une redistribution des cartes : le narrateur n'est plus qu'une sous-espèce subsumée dans la catégorie à vocation extra littéraire de l'observateur.
Narratif Rarement un terme aura été mis à toutes les sauces autant que ce lui-ci, avec à la clé les inconvénients de la polyvalence dans un secteur sensible et pointu. On peut donc y voir un abcès de fixa tion terminologique parmi d'autres. Tout d'abord l'adjectif se rap porte au roman (romanesque étant par ailleurs péjoratif) mais sur tout à ses structures spécifiques qui sont, comme chacun sait, nombreuses et subtilement distinctes : le récit2, la narration : le lieu où elle est effectuée est « narratif » selon Genette3, la narrativité 1. A.-J. Greimas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire..., Il, Hachette, 1986, p 151. 2. Récitatif est inexistant sauf J. Gritti in Un récit de presse. ., Communications, n° 8, 1966, p. 95 3 Figures III, Le Seuil, 1972, p. 228 ; mais allez donc demander à celui qui n'est pas au parfum ce qu'est un lieu narratif.
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(l'essence du narratif). Récit et narration étant non seulement de grands ensembles mais aussi des modalités particulières, narratif s'adapte et reste disponible . le narratif (dérivé de diégésis) s'op pose au mimétique ou encore au descriptif. Mais ce n'est pas tout, car narratif peut renvoyer, autant qu'au narrant, au narré, à toute structure, abstraction ou précipité de l'histoire. D'où son emploi fréquent en sémiotique narrative pour qualifier syntaxe1, schémas, parcours. Reste au bout du compte à renverser les termes de la définition d'A. Rey : « ... la narrativité est la qualité abstraite du genre narratif »2 pour déceler de la narrativité dans n'importe quel genre et le déclarer narratif ; à ce compte, la poésie (même non figurative) est narrative. L'Histoire aussi dès lors qu'elle ordonne et configure plutôt que de romancer ou de se faire chronique ; encore faut-il pour cela faire preuve de ce que P. Ricœur appelle « l'intelli gence narrative, ou de ce que J.-P. Faye qualifie pour sa part de « raison narrative »3.
Narration
Que le sens commun confonde narration et récit, on ne s'en éton nera pas. Mais que le langage critique contemporain donne parfois dans le même travers, on ne peut que le regretter tout en rappelant que cette confusion procède d'une substitution. En effet, dès lors que récit est employé dans le sens d'histoire — ce qui est fort ré pandu 4 — il ne reste plus qu'à se rabattre sur narration. C'est ce que font Barthes5 et le groupe de rhétorique de Liège qui titre « Les figures de la narration » pour parler de celles du récit6. Plus graves sont au regard de la narratologie stricto sensu quelques interpréta tions glissées subrepticement dans l'analyse sémiotique et son ou vrage de référence. Ainsi à lire certain article, il apparaît que narrataire et narrateurs ressortissent à renonciation, tandis que la 1. Ainsi T. Pavel peut titrer La syntaxe narrative dans les tragédies de Corneille, Klincksieck, 1976 ; la syntaxe annoncée étant celle de l'histoire. 2. In Dictionnaire des littératures de langue française, Bordas, 1984, p 1608. 3. Tel est le titre du grand bilan qu'il publie en 1990 chez Balland. 4. Voir à récit. 5. Introduction à l'analyse structurale des récits, Communications, n° 8, 1966 6. In La Rhétorique générale, Larousse, 1970.
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narration est devenue synonyme d'énoncé1. L'attention de Genette rencontre au moins à deux reprises le concept de narration. La première fois, c'est pour affiner la vieille distinction de Marmontel : la narration expose des faits et la description des choses ; c'est du même coup en faire une alternative structurant le discours romanesque. Dans ces conditions, la narration est moins une activité qu'une espèce du récit qui résulte de cette activité et l'atteste ; ce que l'on peut dire avec Barthes : « ... le discours s'identifie à l'acte qui le délivre... »2 La seconde fois, c'est dans Figures III : la narration, soigneusement identifiée et délaissée comme produit discursif, est alors considérée comme un acte producteur. Pas question bien entendu de reprocher à Genette de s'en tenir au roman, mais le fait est que le théâtre classique recourt aussi à la narration (intradiégétique évidemment). Une fois écartés (à titre méthodologique) les acteurs que sont le narrateur et le narrataire, il importe de préciser les modalités propres à la narration et en particulier ses coordonnées spatio-temporelles. Où et dans quelles circonstances est produit le récit ? se demande le narratologue fort embarrassé, et pour cause. En effet, sauf dans des cas particuliers (narration intradiégétique ou littérature orale), le lieu de la narration est « rarement spécifié, et n'est pour ainsi dire jamais pertinent... »3. La raison en serait que l'attention est d'abord requise par les nécessités de la spécification temporelle. Pour ce qui est du moment de la narration, de deux choses l'une . ou bien il est mentionné explicitement, ou bien — ce qui est beaucoup plus fréquent — il ne vaut que par son rapport au temps de l'histoire, lequel est extrapolable des marques verbales (et adverbiales) du récit. L'orfèvre en la matière distingue quatre cas de figure, dont certains sont largement modulables : la narration ultérieure (qui peut l'être plus ou moins et faire varier son rapport à l'histoire en fonction de renonciation qu'elle adopte), la narration antérieure (qui ne l'est officiellement que si l'histoire a bien lieu après), la narration simultanée (mais le présent du récit est ambigu et ambivalent) et la narration intercalée (le roman épistolaire). Enfin, dans la mesure où la topique narra-
1. Sémiotique, dictionnaire..., I, Hachette, 1979, p 3. A quoi on peut ajouter : « Si l'on considère maintenant la narration dans sa perspective syntagmatique... », in F. Nef, Structures élémentaires de la signification, Complexe, 1976. 2. « Introduction à l'analyse structurale des récits », p. 21. 3 Figures III, Le Seuil, 1 972, p. 228
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tive a fait l'objet de procédures de stratification, il convient de rappe ler que le niveau de la narration est radicalement différent de celui de la diégèse. La narration primaire est extradiégétique par rapport à la diégèse qu'elle génère ; si cette dernière est elle-même le lieu d'une narration (intradiégétique donc), le produit sera une métadiégèse, niveau auquel il n'est pas interdit de raconter...
Narrativité Quelles sont les conditions prérequises et sine qua non pour qu'un objet soit narratif ? Y a-t-il un invariant, une essence ou une quintes sence du narratif ? De quoi est faite cette compétence ? Telles sont les questions inhérentes à un concept qui ne fait pas l'unanimité. En effet, tout comme il y a plusieurs narratologies, il y a plusieurs narrativités1. Mais curieusement, la narratologie stricto sensu n'a guère revendiqué la sienne qui est pourtant évidente. On aurait aimé qu'elle nous dise noir sur blanc qu'il s'agit de la spécificité du roman, basée sur les relations entre histoire, narration et récit, et sur un jeu complexe de modalités. De fait, ni la poésie, ni le théâtre (à lui la théâtralité) n'ont à leur disposition de tels moyens constitutifs et consubstantiels. Par contre, la sémiotique s'est longuement penchée sur la question jusqu'à en faire sa spécialité ; chemin faisant, elle a fort bien expliqué en quoi elle se démarquait de l'autre option. Les différences entre ces deux options sont évidentes : dans un cas la narrativité est associée aux niveaux discursif et générique, dans l'au tre aux niveaux sémionarratifs ; dans un cas elle ressortit à la forme de l'expression, dans l'autre à la forme du contenu (selon la termino logie de Hjelmslev). Or, avec les facultés et les exigences d'abstrac tion de la discipline, on ne s'étonnera pas de ses définitions à la fois élémentaires et généralisantes : « ... il y a narrativité lorsqu'un texte décrit, d'une part, un état de départ sous la forme d'une relation de possession ou de dépossession avec un objet valorisé et d'autre part un acte ou une série d'actes producteurs d'un état nouveau, exacte ment inverse de l'état de départ. »2 Rien d'ailleurs n'interdit d'aller plus loin encore et de traquer la narrativité jusque dans le carré 1. Dont certaines extra littéraires (philosophique ou historiographique) auxquelles s'est intéressé P. Ricœur depuis une dizaine d'années. 2. A. Hénault, Les enjeux de la sémiotique, PUF, 1 979, p. 145.
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sémiotique, puisque ce dernier ne formalise pas des états mais des parcours. Après quoi, on a tout le loisir de vérifier la pertinence de ces conditions minimales hors littérature, quelque soit le support ou l'échelle. Arrivée à ce stade, la narrativité n'a plus rien à voir avec la littérarité ; et bien entendu la sémiotique y est pour beaucoup. Cer taines voix se sont élevées contre cette polyvalence à toute épreuve qui dilue et banalise ce qu'elle touche, se réduit à des opérations for melles et tourne en vase clos1. U. Eco, en particulier, a suggéré de faire rentrer dans l'espace et les enjeux de la narrativité le « lecteur coopérant» 2 . Et puis, tout récemment, le même Eco bousculait nos doctes distinctions pour placer la question dans le champ de l'expé rience : « Le roman comme genre peut disparaître. Mais la narrativité, elle non. C'est une fonction biologique. »3 Aussi nécessaire donc que la procréation.
Narratologie C'est la science du récit, peut-on dire faute de mieux — puisque ni l'approche « scientifique », ni la nature même du récit4 ne font l'una nimité. Tout comme dans le cas de la narrativité, il y a donc plusieurs narratologies que tout distingue : l'épistémologie comme l'objet, et ce en dépit de la terminologie et d'une propension à minimiser le problème. Par exemple, l'ouvrage récent de J . - M . Adam annonce qu'il « veut introduire aux recherches qui ont fondé la narratologie comme théorie du récit... »5. Une quinzaine d'années auparavant, Todorov avait engendré le terme, en l'assortissant de définitions iné vitablement approximatives : « une théorie de la narration », « une science du récit »6, et en l'appliquant ensuite à une étude de syntaxe narrative. Il est vrai qu'en 1969 ces concepts opératoires n'étaient pas encore bien maîtrisés ni pleinement développés. Parmi les ten dances de la narratologie, il en est une que l'on mettra de côté, non sans avoir souligné des recoupements avec les espèces qui nous 1 Voir J.-M. Adam, Le récit, PUF (« Que sais-je ? », n° 2149), 1987, p. 120 2 Lector in Fabula, Le Livre de poche (« Biblio essais »), 1989, p. 9 3 In Le Nouvel Observateur, n° 1318, février 1990 4 Voir à ce terme. 5. Le récit, PUF («Que sais-je ? », n° 2149), 1987, p 3 ; ce qui est fâcheux en l'occurrence, c'est le singulier corrigé toutefois dans la suite de l'étude 6. Grammaire du Décaméron, Mouton, 1969, p 10.
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intéressent. Il s'agit de ce que P. Ricœur appelle « une grande narratologie, où un droit égal serait reconnu au récit historique et au récit de fiction »1. Pour en arriver là, l'auteur a pu constater que l'historiographie — principalement anglo-saxonne — recourt à des opérations configurantes (la mise en intrigue) empruntées ou homologues à celles de l'expérience littéraire. Et puis plus simplement, toute historiographie qui s'interroge sur la manière de rendre compte d'un événement devient narratologie2. Or elle le fait souvent avec une rigueur dont l'analyse littéraire pourrait bien s'inspirer. Restent en présence deux courants contemporains et diamétralement opposés que l'on connaît aussi sous d'autres termes plus explicites : poétique narrative et semiotique narrative. Malgré tout, la concurrence d'emplois et d'acceptions persiste : au début des années 70 Genette envisage une narratologie tandis que Greimas annonce la sienne3 ; un peu plus tard, M. Bal renchérit dans un sens et A. Hénault dans l'autre4. A vrai dire, le problème ressortit davantage à la terminologie qu'au fond ; là en effet les choses sont claires : les acteurs, les méthodes, les objets et les échelles sont à l'évidence distincts. D'un côté, l'entreprise de Genette qui s'intéresse au récit (au sens strict du terme) et à cette spécificité romanesque que ses « adversaires » récusent comme figurative ou trop manifeste. De l'autre, celle de Greimas qui s'intéresse à des niveaux plus profonds où l'histoire (au sens strict du terme) a sa place même si elle s'y décompose, ainsi qu'à des objets transgénériques et même translittéraires. Dans un cas, il s'agit d'un discours sur le narrant, dans l'autre sur le narré et sur tout ce qui recèle de la narrativité. Aussi, dans cette seconde acception, n'y a-t-il pas lieu de s'étonner d'apprendre que l'analyse semiotique de conduites psychotiques relèverait aussi de la narratologie5. Semiotique et narratologie sont alors équivalentes. En définitive, si l'on n'a pas d'autres choix que de conserver ce terme fâcheusement ambivalent, un ancrage s'impose, du genre : narratologie figurative et narratologie profonde (ou générale), narratologie stricto sensu et narratologie lato sensu. 1. Temps et récit, II, Le Seuil, 1984, p. 230. 2. Voir à ce sujet Temps et récit, I, Le Seuil, 1983, p. 2 0 3 sq 3 In Un problème de semiotique narrative : les objets de valeur, Langages, n° 3 1 , 1973. 4. M. Bal, Narratologie, Klincksieck, 1 9 7 7 ; A. Hénault, Narratologie, semiotique générale, PUF, 1983. 5 Voir A H é n a u l t op. cit., p 11
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Paradigme
Moins que le sens de modèle, c'est l'idée de déclinaison qui a d'abord guidé cette nomination ignorée de Saussure1 et promise au plus grand succès. Quant au concept, il appartient à l'héritage de ce dernier puis aux grandes manoeuvres de la linguistique où il se combine plus (Hjelmslev) ou moins (Martinet) avec celui de syntagme. Comme on pouvait s'y attendre, les sciences humaines (anthropologie, sémiologie) et la critique littéraire ont été tentées de travailler sur les mêmes bases. Or ce transfert a donné des ré sultats inégaux : la paradigmatique apparaît certes comme une indication de tendance, voire comme une définition synthétique ; mais dans le détail les extrapolations ne sont pas toujours rigou reuses. Par exemple, cette réduction du paradigme à un simple réservoir d'éléments alors qu'il était pour les linguistes un ensemble complexe constitué de corrélations, d'oppositions et de sélections2. Sur un plan plus général et en vertu de toute une série d'équiva lences molles, le structuralisme littéraire qui se recommandait de la langue (plutôt que de la parole), du code (plutôt que du mes sage), du modèle (plutôt que de l'échantillon) s'est donc posi tionné du côté des paradigmes3. Avec le risque en plus que le concept ne devienne un fourre-tout susceptible d'accueillir tout ce qui ne serait ni diachronique, ni actualisé, ni a fortiori syntagmatique. Pourtant, toute tentative de l'incorporer à l'analyse n'est pas découragée par ces risques. De fait, entre le sens large à vocation épistémologique et le sens strict de la linguistique, il y a place pour des usages ponctuels et parfois judicieux. A preuve cette remarque de Genette qui d'un mot (du mot) résume parfaitement la démarche de Bachelard : « ... cette espèce d'œcuménisme paradig matique qui le fait penser devant une image à toute une série d'au tres images possibles dans la totalité du champ littéraire. »4
1. Qui emploie associations ou champs associatifs. 2. Voir la présentation q u ' e n fait Barthes in Eléments de sémiologie, Communications, n° 4 , 1 9 6 4 . 3 In Temps et récit, II, Le Seuil, 1984, P Ricœur traite précisément des dernières avancées de la sémiotique en termes de paradigmatique et de syntagmatique. 4. In Les chemins actuels de la critique, UGE, « 1 0 - 1 8 », 1 9 6 0 , p. 3 8 8 - 3 8 9 .
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Paratexte Ce baptême récent consacre l'accréditation et la fédération d'une nébuleuse d'objets parfois sous-estimés : titres, épigraphes, pré faces, didascalies 1 . S'il est acquis aujourd'hui que ces objets ne sont pas de l'ordre du contexte, il n'est pas pour autant admis qu'ils ressortissent tous au texte. D'où ce moyen terme choisi par Genette mais qui n'est pas irréprochable 2 . De fait cet ensemble est trop hété rogène et ses frontières avec le texte trop indécises pour qu'il fasse l'unanimité et qu'il soit vraiment opératoire. N'empêche qu'il permet de poser quelques questions embarrassantes et qu'il hypothèque la clôture et l'intégrité d u texte : le titre est-il textuel ou paratextuel ? et les didascalies ? Sur ce dernier point, Genette est partisan ferme de la première solution. En revanche le spécialiste théâtral est de l'avis contraire, et il plaide par ailleurs pour une définition différente du paratexte 3 .
Poétique Depuis l'origine, la poétique a été associée à la poésie, soit pour des raisons conjoncturelles : aux époques classiques les chefs-d'œuvre ne pouvaient être que des « poèmes » , soit en vertu d ' u n e définition scolaire, oublieuse de l'étymologie (qui pensait fabrication et composition). A u xx e siècle, de bons auteurs p e n c h e n t encore pour les liens consubstantiels ou les affinités profondes — m o y e n n a n t toutefois des différences considérables. Différences méthodologi ques dès lors que la poétique est définie c o m m e « une science d o n t la poésie est l'objet » 4 ; différences de perspective lorsque le terme, au lieu de s'appliquer à des techniques, ressortit au c o n t e n u . les figures de l'imaginaire 5 ou la quintessence de la poésie 6 ; différences 1. Voir sur toute cette question G. Genette, Seuils, Le Seuil, 1987 2. Le même Genette corrige par péritexte et prend acte (tardivement) de metatexte {op. cit., p 377). 3. En effet, pour J.-M Thomasseau {in Pour une analyse du paratexte théâtral, Littérature, n° 53,1984) le paratexte exclut préfaces et épigraphes, mais inclut — on se demande pourquoi ? — la notion d'entracte. 4. J. Cohen, Structure du langage poétique, Flammarion, 1 966, p 7. 5. Avec Bachelard (La Poétique de l'espace) 6. Avec l'esthéticien M. Dufrenne qui parle, il est vrai, du poétique
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idéologiques si l'on considère que la poésie moderne est par excellence le foyer de subversion du langage que la poétique se doit de dégager et d'activer1. Après 1960, la découverte des formalistes russes, le parrainage de Valéry et les propositions de Jakobson précipitent la rupture : la poétique n'a plus pour objet exclusif la poésie — si tant est qu'elle l'ait eu. La poétique que Todorov qualifie de structurale ne se confond donc pas avec le genre, ni même avec la critique au sens habituel du terme. Cette distinction est importante : contrairement à cette dernière, la poétique n'a pas pour finalité des œuvres particulières mais des propriétés générales. D'autre part, à la différence de la sémiotique fixée sur le contenu, elle localise ces propriétés au niveau de Yexpression. Dans la mesure où elle cherche à dégager des lois, elle s'institue donc science (de la littérature, du discours) ; qui plus est, elle cherche à établir des principes d'engendrement d'une infinité de structures. Genette parle d'ailleurs à son sujet de « poétique ouverte » (par opposition à la « poétique fermée des classiques »), et cela pour deux raisons . elle envisage des possibles, elle est descriptive et non prescriptive. Globalement, la perspective épistémologique est celle de la linguistique qui choisit la langue, plutôt que la parole, le système plutôt que ses actualisations ; aussi en bonne logique les procédures particulières lui seront-elles empruntées, mutatis mutandis2. Cela dit, il convient de souligner des distinctions importantes — en fonction de la nature et de l'amplitude de l'objet — entre une poétique générale et des poétiques génériques. La première s'intéresse à la littérarité et à la question : quelles sont les conditions minimales pour qu'il y ait littérature ? Les secondes s'intéressent aux genres canoniques et leur posent le même genre de questions : qu'est-ce que la théâtralité, la narrativité, la poéticité ? et que faut-il pour qu'elles soient réalisées ? A chaque jeu de questions-réponses correspondent des logistiques spécifiques : la poétique théâtrale (qualifiée parfois de sémiologie) la poétique narrative (la narratologie stricto sensu), la poétique poétique3. Enfin, il se peut que des sous-genres donnent lieu à un traitement comparable : le récit spéculaire (Dallënbach), le fantastique (Todorov). Dans ce dernier cas, le changement de cap méthodologique est considérable, et 1 Grâce à H Meschonnic dont l'entreprise est mentionnée plus loin. 2. Ce n'est pas exactement le cas de la sémiotique qui ratisse plus large 3. Ce qui n'est pas un pléonasme dès lors que la partie n'est pas le tout.
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il est bénéfique à la fois pour le fantastique (passible jusque-là d'analyses esthétiques et historiques : R. Caillois et P.-G. Castex) et pour la poétique qui comble un vide et se montre indispensable. Bien qu'elle soit solidement implantée et bien identifiée, la poéti que structurale a tôt fait l'objet de très vives réactions (de H. Meschonnic en particulier) et de réserves venues de la sémiotique. Cette dernière en effet récuse la poéticité, décompose le discours poétique en un niveau abstrait et un niveau figuratif (décrété non pertinent) ; et par voie de conséquence elle en disqualifie l'approche spécialisée. L'avantage avec H. Meschonnic, c'est qu'il y a non seulement les critiques mais aussi des propositions pour une autre poétique qui n'a pas jugé bon de se donner un autre nom1. Ambitieuse et globale, engagée et critique, recherche et programme plutôt que méthode, il n'est pas aisé de la résumer. Ce qui est sûr, c'est qu'elle se refuse à établir des universaux, qu'elle ne se conçoit pas comme une « science naïve » et qu'elle ne s'intéresse pas à des virtualités ; ceci dit (et redit) pour se démarquer et de son homonyme et de la sémio tique. Le plus souvent elle se définit comme lecture-écriture, comme projet englobant l'oeuvre objet et l'œuvre sujet, l'étude de l'œuvre et des conditions de cette étude. Les affinités avec les travaux de J. Kristeva sont sensibles (enjeux, références), mais celle-ci a eu le mérite de fournir une intitulation exclusive et nouvelle : la sémanalyse.
Poststructuralisme Le terme est trompeur et historiquement inexact ; mais, faute de mieux, il sert aujourd'hui à fédérer quelques tendances rebelles aux structuralismes des années 70. Mieux aurait valu, avec M. Arrivé2, parler à'antistructuralisme puisqu'il s'agit d'une synergie contem. poraine et non postérieure à ce qu'elle récuse. Les travaux de J. Kristeva étant même antérieurs à la sémiotique de Greimas et prêts d'avance à déstabiliser ses concepts et sa scientificité3. Quoiqu'il en soit, sont enrôlables sous la bannière poststructuraliste : J. Kristeva, H. Meschonnic, Barthes à partir de S/Z, et le déconstructionnisme 1 Pour la poétique, I, II, III, Gallimard, 1970-1973 2. In La sémiotique littéraire, Sémiotique, l'Ecole de Paris, Hachette, 1 982, p. 143 3. Voir la critique de Hjelmslev, in Semeiotikè, Le Seuil, 1 969, p. 22-23.
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américain 1. La référence majeure est Derrida, la cible privilégiée est la linguistique structurale à qui il est reproché d'être beaucoup moins novatrice qu'elle ne le paraît et la démarche consiste à faire table rase. En langue française, l'offensive est venue de la sémanalyse qui l'a solidement théorisée et amplifiée ; mais elle a aussi infiltré et animé des pensées moins démonstratives. Celle de Barthes en parti culier qui, en substituant le plaisir au savoir, la lecture déliée à l'ana lyse lourde, court-circuite la lente acclimatation des esprits au struc turalisme. Il est piquant de constater combien le front de la riposte a été éclectique : U. Eco q u i y voit « un retour à l'orgie de l'ineffable » 2 , Genette qui feint de n'y comprendre goutte 3 , et le porte-parole de la sémiotique. Seul celui-ci a le mérite de répliquer (tardivement) point par point et d'exposer chemin faisant les arguments adverses 4 . On ne saurait mieux faire pour en reconnaître, sinon le bien-fondé, du moins le crédit.
Praxématique
Ce c h a m p de recherches se développe p l u t ô t dans les années 1 9 8 0 mais le programme et les fondements théoriques sont connus quel que temps auparavant 5 . D'autre part, l'impact sur la critique littéraire est tardif et somme toute peu connu ; ce qui n'a rien d ' é t o n n a n t lors qu'on sait la position excentrée de la praxématique tant sur le plan épistémologique que géographique 6 . Son originalité réside tout d'abord dans le croisement de ses références et dans des résolutions qui ne sont pas monnaie courante en linguistique et dont on ne retrouve certains antécédents que dans la mouvance poststructura liste. Les principales références sont de trois sortes : marxisme, f r e u disme et guillaumisme. La première conduit la discipline (attentive à la production et au réglage du sens) à s'intéresser à la praxis définie c o m m e « activité h u m a i n e de p r o d u c t i o n matérielle, linguistique et 1 Lequel semble en laisser plus d'un sceptique de ce côté-ci de l'Atlantique. 2. Sémiotique et philosophie du langage, PU F, 1988, p 274. 3. Nouveau discours du récit, Le Seuil, 1983, p. 104-105. 4 Le Dictionnaire de A.-J. Greimas et J. Courtes est muet sur la question en 1979 , par contre le second tome consacre en 1986 une entrée à Déconstruction (p 62-63). 5. In R Laffont, Le travail et la langue. Flammarion, 1978. 6. On ne saurait en effet mieux l'appeler que Y Ecole de Montpellier.
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cognitive » et à des objets adéquats d o n t le praxème 1 . L'un de ses sous-titres est d'ailleurs éloquent : « linguistique matérialiste ». Ce qui, soit dit en passant, est une façon de prendre le contre-pied des linguistiques immanentistes ou idéalistes et de la sémiotique. Quant à la psychanalyse, elle est invoquée entre autres pour ce qui est du sujet (lui-même évincé par Saussure). Un sujet qui est un être de langage, producteur de représentation linguistique, instance qui se construit selon un schéma inspiré de Lacan. Enfin, le guillaumisme reprend ici d u service — à ceci près qu'il est critiqué pour son idéa lisme (lui aussi) et violenté par l'irruption en première ligne de la topogenèse au détriment de la chronogenèse. Les Cahiers de praxématique2 témoignent de la vitalité et de l'originalité d'un travail qui questionne de plus en plus l'écriture, les textes littéraires ou non, la narrativité ou encore la communication orale.
Psychorécit
Néologisme traduit de l'anglais et proposé par D. C o h n pour définir le discours du narrateur sur la vie intérieure du personnage, le dis cours du narrateur sur sa propre vie intérieure étant qualifié 6'auto récit3. Cette proposition est-elle un simple remembrement, une substitution terminologique, voire un pas en arrière ? Là-dessus Genette est loin d'être c o n v a i n c u et ses arguments ne sont guère surprenants : structurellement le c o n c e p t est c o m p o s i t e puisqu'il regroupe ce qui avait été dissocié (distance, perspective, personne), et bancal en ce sens qu'il est mal articulé aux concepts complémen taires ou différentiels 4 . Sur le f o n d , les choses sont différentes : le récit de pensées n'est plus une clause de style ou un « effet », et sur t o u t il doit être apprécié en f o n c t i o n de son aptitude à figurer la « vie psychique » de l'autre. A u t r e m e n t dit, la pertinence du psychorécit . paraît résider davantage dans sa fonction affective que dans sa structure narrative ; ce q u i explique assez bien les réserves de la narratologie française à son égard. 1 réglé 2 3. 4
Défini comme unité de production du sens, comme signifiant libre en amont mais (et étranglé) en aval par l'acte social de communication Publications de la Recherche, Université Paul-Valéry, Montpellier La transparence intérieure. Le Seuil, 1981 Nouveau discours du récit. Le Seuil, 1983, p. 39 sq
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Récit
Il est peu de termes aussi galvaudés que celui-ci ; le comble étant que les spécialistes s'en accommodent sans sourciller. En gros, trois acceptions sont retenues dont la plus précise est loin d'être la plus courante. Il s'agit de celle, défendue et illustrée dans Figures III, selon laquelle le récit, c'est ce qui se lit de l'histoire, ce qui en est raconté et la manière dont on nous le raconte : « ... énoncé, discours ou texte narratif... »1 La seconde est la plus répandue et émane de spécialistes fort dissemblables par ailleurs (Brémond, Todorov, Greimas) : le récit, c'est l'histoire — comme l'atteste Logique du récit. Quelque peu et tardivement embarrassé, Brémond tentera bien de distinguer « récit racontant » et « récit raconté »2. Malheureusement, le distinguo ajoutait à l'embarras le pléonasme (le récit ne peut être que racontant) et l'aporie (le récit ne peut être raconté qu'en cas de mise en abyme). Enfin troisième solution : considérer récit comme un terme polyvalent. C'est ce que font entre autres Barthes (Analyse structurale des récits) et plus encore J.-M. Adam dont l'ouvrage au titre singulier couvre tant bien que mal un vaste pluriel3. Quant à Todorov il propose dès 1 966 la distinction entre récit comme histoire et récit comme discours4 ; ce qui aurait pu entraîner la mise à l'écart de récit. Mais histoire étant décidément insupportable, on en retient le couple récit-discours — avec de surcroît la référence inexacte à Benveniste 5. Inexacte pour deux raisons : d'une part Benveniste ne parle que d'énonciations (histoire et discours) et non pas de conte nus, d'autre part il n'emploie que rarement récit sauf pour qualifier de récit historique l'énoncé correspondant à renonciation historique. Fallait-il faire le détour par là pour en arriver à ce résultat ? Discours (appliqué à l'une des énonciations et à son produit) vaut désormais pour tout énoncé ; et surtout récit, barré par discours, dégagé de ses relations à renonciation historique, prend du galon et désigne doré navant l'histoire comme contenu. Parmi les vicissitudes d'une telle acception, on peut citer cette permutation, véritable quiproquo ; récit 1 Op. cit., p. 72 2. Op. cit., p. 321. 3. Le récit, PUF (« Que sais-je ? », n° 2149), 1987. 4. In Les catégories du récit littéraire, Communications, n° 8, 1966 5 Les relations de temps dans le verbe français, Problèmes de linguistique générale, Gallimard, 1966.
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nommant l'histoire, c'est narration qui servira pour le récit 1 . Autre inconvénient de taille, cette fois dans le domaine du théâtre où récit a déjà un sens précis. Qu'à cela ne tienne ' récit aura aussi le sens d'histoire ou d'action • « ... un temps de récit de v i n g t - q u a t r e heures pouvait se réduire à une durée de discours de quelques heures. » 2 Sans perdre pour autant son identité et son apparentement à discours, la première définition est appelée à se diversifier ou encore à subir les questions les plus pointilleuses. Ainsi de l'identité texte-ré cit qui peut fort bien être remise en question dès lors que le critère du narratif est strictement fixé : ce q u i se raconte de l'histoire serait le récit stricto sensu, ce q u i ne l'est pas — par exemple les excur sus — ressortirait au texte 3 . On ne s'étendra pas sur de nombreuses sous-espèces annoncées par le terme canonique mais assorti d'un ancrage adjectival. La plupart sont c o n n u e s et o n t leurs spécia listes : le récit spéculaire (L. D a l l e n b a c h ) , le récit enchâssé q u i donne lieu de la part de Genette à taxinomie et scrupules terminolo giques 4 , le « récit ordinaire » mieux c o n n u grâce à J . - M . A d a m et que l'on peut définir comme récit oral non fictionnel, le récit histori que et enfin le récit théâtral.
Réfèrent Selon l'idée communément admise, il s'agit du vécu et du réel aux quels renvoient tout simplement mot, signe, énoncé. Mais cette définition est insatisfaisante : l'imaginaire et le s y m b o l i q u e peuvent être aussi référents, le renvoi automatique et univoque ne résiste guère à l'analyse 5 . En linguistique où les divergences ont été n o m breuses, on connaît l'obstination de la tradition saussurienne à évin cer la réalité extralinguistique 6 . Par contre, des disciplines plus récentes se sont penchées sur la question pour aboutir à des résul tats convergents. Pour la sémiotique, le réel n'est pas une donnée brute mais une construction ; autrement dit, le m o d e naturel co'in1 En témoignent Barthes et J . - M . A d a m (voir dans son ouvrage cité le chapitre III qui annonce de la narration mais parle de récit...) 2. Groupe y., La rhétorique générale, Larousse, 1 9 7 0 , p 178. 3. Autre couple possible . discours, narratif ! discours extranarratif 4. Voir Nouveau discours du récit. Le Seuil, 1 983, p. 55 sq. 5 Voir U. Eco, Sémiotique et philosophie du langage, PU F, 1 9 8 8 , p 6 4 . 6 A u contraire du pragmatisme américain et de la sociolinguistique
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cide avec sa propre sémiotique. Pour la praxematique, le réfèrent ne renvoie pas au réel objectif mais à la réalité qui est un réel catégorisé et médiatisé1. Quant à Jakobson, il lui confère une acception qui n'est pas aussi extensible qu'on l'a dit. En effet, la fonction référentielle du message consiste en un renvoi au contexte — et non à l'ensemble du réfèrent classique ; et encore ne s'agit-il que du contexte verbal, au détriment — déplore la praxematique — du contexte situationnel (la situation dénonciation). En critique littéraire, la problématique du réfèrent a donc remplacé celle de l'ancienne mimésis. La vogue de la linguistique saussurienne aidant et compte tenu d'une certaine modernité fictionnelle (Roussel, Lewis Caroll) ou critique (les formalistes russes), c'est d'abord son exclusion qui a été prononcée : la spécificité de la littérature consisterait entre autres à n'avoir pas de réfèrent. Ce que l'on prend pour le réfèrent ne serait qu'une illusion référentielle, un effet de réel (Barthes), un simulacre construit et dépendant de divers paramètres socioculturels (contrat de lecture, de représentation). Mais bien vite, cette prise de position qui allait dans le sens d'une approche immanente — et qui n'était au demeurant qu'une suspension — est apparue inadéquate. En effet, entre l'éviction du réfèrent et sa réflexion fidèle dans le texte, de nombreuses analyses ont insisté (à nouveau et avec une nouvelle logistique) sur les relations entre le réel socio-historique et le texte, dans lesquels le réfèrent ferait office de médiateur. Et puis, certains ont à juste titre récusé l'amalgame réfèrent-réel et considéré qu'il y avait un réfèrent fictif — dont la diégèse constitue un bon exemple2. Enfin, l'analyse théâtrale outillée de sémiologie et excédant la littérature a décelé l'existence d'un double réfèrent : l'univers fictif extrapolé du texte et l'univers scénique qui n'est qu'une version (une référence) du premier3. Bien entendu, dans la sémiologie des arts figuratifs (ce que n'est pas la littérature), le problème se pose en d'autres termes : signifiant et réfèrent accaparent l'attention ; et l'on est fondé avec J. Peytard à estimer que le réfèrent y dévore le signifié4.
1 En particulier par la « logosphère » qui est la « grille du langage interprétant le réel » (Concepts de la praxematique, Cahiers de praxematique. Université Paul-Valéry, Montpellier, 1989, p 56). 2. Voir à ce terme. 3. A. Ubersfeld, Lire le théâtre, Ed Sociales, 1978, p. 164-165. 4. Cité/Zvtt, p. 165
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Rôle
Comme acteur, et pour des raisons comparables, ce terme commun a donné lieu à deux types de sollicitations qu'il importe de ne pas confondre ; sans compter les quelques spéculations de l'analyse théâtrale. D'un côté, Brémond a proposé le concept de rôle narratif ; de l'autre, la semiotique s'est crue obligée de recourir au rôle à deux reprises — et différemment. On ne sait pas assez que dans Logique du récit le rôle occupe une place aussi importante sur le plan fonc tionnel que la séquence ; et qu'à la syntagmatique des séquences, Brémond adjoint une « table paradigmatique des postes principaux susceptibles d'être tenus par n'importe quel personnage »1. En fait, le rôle défini comme « l'attribution à un sujet-personne d'un prédicatprocessus »2 équivaut à la fonction. C'est du moins la version qu'en propose Brémond, distincte de la conception actantielle3. Les diffé rences sont évidentes : aux actants en petit nombre et portés à l'abs traction, s'oppose la liste des rôles plus diversifiée et ramifiée4, struc turée en « champs » et apparemment plus proche de la complexité de la praxis. Enfin, beaucoup plus que l'actant, le rôle se prête à une pensée diachronique, et sa formulation (parfois délayée) l'apparente même à un microcosme narratif. Au profit cette fois-ci d'une semio tique dont on sait combien elle fut évolutive et minutieuse, et à l'insu de la définition précédente, Greimas a requis le rôle une première fois vers 1 970. Il s'agissait alors de cerner la spécificité de l'actant et de l'acteur en leur ajoutant un troisième terme, et d'établir entre eux une hiérarchie. D'où ces distinctions entre les actants (unités du « récit »), les acteurs (unités du discours) et les rôles définis comme des « unités actantielles élémentaires correspondant à des champs notionnels cohérents »5. Outre cette différence hiérarchique, le rôle est distingué de l'acteur en ce qu'il est dépourvu du « sème d'indivi1. Selon l'expression de P Ricœur, Temps et récit. II, Le Seuil, 1984, p 67 ; lequel rend justice à ce volet de l'analyse beaucoup plus que la plupart des spécialistes fixés sur le schéma séquentiel alternatif 2. Logique du récit Le Seuil, 1 973, p 134. 3. Sauf qu'il y a des analogies entre les combinaisons personnage-rôle et actant-acteur. 4 Ce qui donne notamment les rôles d'agent, patient, améliorateur, dégradateur, rétributeur de récompenses et de punitions , mais il est vrai que la semiotique aurait vite fait de remodeler et de synthétiser cette liste en termes actantiels 5. Du sens, Le Seuil, 1970, p. 256.
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dualisation ». C'est entre autres ce que retiennent les spécialistes du théâtre : le rôle est la part codée (anonyme et sociale) de cette ins tance démantelée qu'est le personnage1. Bien entendu, la formalisa tion d'un tel démantèlement est une aubaine pour l'analyse de la mise en scène contemporaine. Quelques années plus tard, la sémio tique fait la différence entre ce rôle qu'elle qualifie de thématique et considère encore comme un modèle de « cohérences sociocultu relles »2 et le rôle dit actantiel. Même si l'un et l'autre ont leur par cours respectif et se conjoignent pour définir l'acteur, c'est le second qui semble retenir davantage l'attention. Il s'agit de toute position occupée par un actant dans son parcours3, au moment où il s'investit dans une fonction pragmatique, cognitive ou modale. Le parcours narratif type est donc fait d'une succession de rôles canoniques et réalisables.
Sémanalyse Les tout premiers contacts avec les « Essais » de J. Kristeva, via la terminologie et l'intitulation, sont trompeurs. Il serait ainsi erroné de lire dans le néologisme la position dominante de la psychanalyse (en fait pas plus exclue qu'exclusive). L'auteur s'en explique d'ailleurs, • avec recours au sens étymologique d'analytique : « ... une dissolu tion des concepts et des opérations qui représentent aujourd'hui la signification... »4, et avec insistance lorsqu'il lui faut définir la disci pline : « ... critique du sens, de ses éléments et ses lois... »5 Quant à la sémiotique, elle n'est pas en dépit de son annonce une référence irréprochable ; non pas qu'elle soit prématurée : J. Kristeva subodore fort bien l'héritage de Hjelmslev, mais elle est jugée insuffisante et insatisfaisante telle quelle. Il lui manque en effet la puissance criti que (et autocritique) et l'ouverture vers la praxis auxquelles elle renonce pour s'en tenir à un « métalangage final et saturé ». La 1. Voir A Ubersfeld, Lire le théâtre, Ed Sociales, 1978, p. 117. 2 A Hénault, Narratologie, sémiotique générale, PUF, 1983, p. 137 ; le tentateur, le valet fourbe, le forçat (Balzac) en sont quelques avatars 3. Voir à Syntaxe narrative. 4. Semeiotikè, Le Seuil, 1 969, p. 278. 5. Ibid., p. 19.
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sémiologie ne vaut guère mieux1, dans la mesure où lui est reprochée entre autres sa vision idéaliste du signe. Pourtant le terme retenu entre en concurrence avec ceux des disciplines visées : il s'agit toujours de se mesurer avec la signification. Selon des procédures qui divergent, cela va de soi, mais aussi en fonction des différences de l'objet : non plus la forme de l'expression ou du contenu, ni d'ailleurs la signification structurée que décrit la linguistique, mais un processus exigeant un autre terme : la signifiance2. En contrepartie, la sémanalyse croise hardiment un large éventail de savoirs (scientifiques, philosophiques), d'hypothèses neuves ou étrangères3, réactive à son tour Freud et Marx — sans ignorer pour autant une linguistique forcément violentée. Puis, une fois proclamé l'intention de construire une « gnoséologie matérialiste », elle polarise ses efforts sur le texte à la fois bouc émissaire, révélateur, « autre scène ». Texte compris dans une perspective stratégique et subversive, qu'il faut déconstruire pour débusquer l'idéologie qui le protège et les opérations qui le dynamisent. Texte considéré comme travail et traversée de la signifiance, comme productivité, comme trace de sa propre germination. Texte qui de surcroît ne s'actualise que dans l'expérience poétique moderne, moyennant des procédures que seules d'autres logistiques peuvent prendre en compte. D'où ces concepts plus ou moins bien compris (génotexte, intertextualité) ou connus (le paragrammatisme inspiré d'un Saussure anticonformiste, le nombre en ce qu'il s'oppose au signe, l'indécidable) ; théorisés certes mais surtout testés, et rapportés constamment aux enjeux. Bien entendu, ta critique littéraire — même dans ses manifestations les plus récentes — a été interpellée par l'entreprise qui la dévoie et l'emporte loin de ses bases. Prise dans son ensemble, comme machine de guerre et carrousel pluridisciplinaire, ladite entreprise était donc ambitieuse ; elle est restée unique en son temps et en son genre4. Et l'on peut considérer qu'elle a été menée sans défaillir, mais pas jusqu'à son terme — puisqu'elle ne peut en avoir — ni d'ailleurs dans les règles de l'art, puisqu'elle préfère l'exposé éclaté ou déferlant.
1. Il n'est pas courant en 1969 de distinguer aussi bien sémiologie et sémiotique. 2 Voir à ce terme 3. Non francophones, non occidentales, non consacrées... 4 Elle en a laissé pantois plus d'un et n'a guère fait d'émulés — ce qui bien entendu n'était pas une obligation
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Sémiologie
Tant de contre-vérités ont été dites — et subsistent — sur cette dis cipline aujourd'hui en perte de vitesse qu'une mise au point s'im pose, notamment à l'égard de la sémiotique avec laquelle on l'a trop souvent confondue. Mais les choses ne sont pas simples : certes la sémiologie n'est pas la sémiotique, et pourtant elle en fut proche vers 1970 ; d'autre part, si elle n'est pas cette panacée ou cette dis cipline ouverte à tous vents que certains ont stigmatisée, il reste qu'elle s'est parfois prêtée à ces tentations — quitte à y perdre son identité ou son crédit. Sans remonter aux origines de la réflexion sur les signes1, un rappel s'impose. Au départ, sémiologie est le terme français proposé par Saussure et semiotics le terme anglais avancé par Peirce. Or, rares sont ceux qui soulignent les divergences entre ces deux projets ; les plus décisives étant que l'un émane d'un lin guiste épris d'immanence et l'autre d'un philosophe qui ne renonce pas à l'empirisme2. Puis ces différences (auxquelles contribuent d'autres acteurs : la sémiotique américaine, Hjelmslev) sont négli gées lors de l'institutionalisation des recherches en 1969. Sémiotique est alors retenu3 avec l'aval des sémiologues : Barthes qui pense déjà à autre chose (S/Z) et U. Eco qui se conforme sagement à la décision de l'aréopage4. Mais la préférence n'exclut pas la coexis tence, et cette cote mal taillée perdure vaille que vaille tant que la sémiotique de l'Ecole de Paris n'est pas encore identifiée. Quand elle le sera, l'équivalence deviendra de plus en plus difficile à défendre : ce qui est acceptable en 1968 5 l'est beaucoup moins en 1985 6 . Entre-temps, ladite équivalence avait continué de donner lieu à di vers amalgames, quiproquos et déclarations contradictoires. La plus étonnante venant de Greimas lui-même qui en 1 974 s'inscrit en faux contre la différence et qui en 1979 démontre le contraire7. Entre 1. Voir à ce propos U. Eco, Sémiotique et philosophie du langage, PUF, 1988. 2. Ce qui entraîne des conceptions différentes du signe : Peirce prend en compte le réfèrent, contrairement à Saussure. 3. Sémiologie était trop lié au courant français, tandis que sémiotique a l'appui du courant anglo-américain et de Jakobson. 4 Voir La structure absente. Mercure de France, 1972, p 11. 5. Voir J. Kristeva, Encyclopaedia universalis, t. 14, 1968, p. 860. 6. De la part de J -Y. Tadié in La critique littéraire au XXe siècle, Pierre Belfond, 1987. 7. Soit dans Le Monde du 7 juin et dans Sémiotique, dictionnaire..., I, p. 336.
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autres quiproquos, on citera celui d'U. Eco, victime de son engagement qui le contraint à parler des « premiers ouvrages sémiotiques » de Barthes1 et d'une manière générale à traiter sous un titre trompeur des principaux concepts de la sémiologie. Le mieux, face à tant de confusions, au désintérêt grandissant pour la discipline ou à ses risques de dissolution, est de pouvoir disposer d'une définition élémentaire, opposable à une définition homologue de la sémiotique. La sémiologie se caractérise donc par ses références épistémologiques, sa méthodologie, ses objets d'étude et ses principaux artisans. Plus précisément, elle emprunte ses outils à la linguistique saussurienne et postsaussurienne : langue-parole, signifiant-signifié, paradigme-syntagme, double articulation. Et elle tente de les expérimenter sur des objets plus complexes que la langue (littérature, théâtre, mythes, pratiques sociales) ou autres que linguistiques (peinture, cinéma, gestuaire). Mais l'intense diversification de la discipline que l'on observe aux alentours des années 70 ne tient pas seulement à la nature de ses objets ou aux circonstances, elle dépend aussi des options méthodologiques. D'où la distinction entre une sémiologie générale (insensible à la substance des signifiants) et des sémiologies particulières qui y sont sensibles et se trouvent parfois entraînées hors champ2. D'où surtout la distinction entre une sémiologie de la communication empruntant aux théories de l'information (redondance, ancrage) et une sémiologie de la signification3 recourant si nécessaire aux procédures de la connotation. Cette dernière d'ailleurs, théorisée et illustrée par Barthes, ne fait guère l'unanimité : l'orthodoxie linguistique (G. Mounin) y dénonce l'absence d'une communication réversible et l'investissement idéologique, et la sémiotique refuse l'aventure décrétée impressionniste. D'autre part, les développements de la sémiologie ont été ponctués de prises de positions et exposés à des tendances centrifuges ou dissolvantes, de telle sorte que la définition s'en est trouvée modifiée ou hypothéquée. L'offensive la plus radicale venant de la 1. Sémiotique et philosophie du langage, p 272. 2. Le signifiant s'affinant en forme et substance, on constate que la forme (descriptible par exportation linguistique) ressortit aux sémiologies, tandis que la substance (ou la matière) exige d'autres procédures (kinésique, acoustique par exemple). 3. Tel est l'usage terminologique qui prévaut ; en fait sémiologie critique ou sémioclastie (employé par Barthes) serait aussi approprié.
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sémanalyse qui procède, comme l'on sait, à une attaque en règle du signe et disqualifie d'emblée son approche non critique. Et puis la sémiotique a été obligée de se prononcer — ne serait-ce que pour conforter sa différence , il n'y a pas lieu d'entrer ici dans la com plexité des classifications amorcées par Hjelmslev et révisées ensuite par l'Ecole de Paris1. Tout au plus faut-il en retenir la marginalisation de la sémiologie, liée soit à des objets non scientifiques, soit à des manifestations figuratives dont précisément la sémiotique se détourne au profit des niveaux sémionarratifs2. Pourtant, il advient à des semioticiens écoutés de spéculer sur une définition beaucoup moins péjorative selon laquelle la sémiologie serait la théorie ou la discipline globale et la sémiotique un sous-ensemble diversifié3. Certes, l'on n'a pas donné suite à cette proposition qu'un Saussure n'aurait pas désavouée, mais on ne peut l'ignorer totalement compte tenu de la personnalité de son auteur et du lieu de sa publication4. Il faut donc en prendre son parti : la sémiologie a souvent été divisée, aspirée, controversée — en tant que concept mais aussi en tant que terme par trop accueillant. Cette hospitalité lexicale étant bien entendu encouragée par les carences ou les désaccords des défini tions spécifiques. Aussi n'y a-t-il rien d'étonnant à ce que le terme soit sollicité pour coiffer trois sémiologies dont deux bénéficient cependant d'autres étiquettes : herméneutique et philosophique, métalogique et mathématique5. Quant à l'analyse théâtrale, après s'être voulue une sémiologie scrupuleuse et stricto sensu, elle a essayé de se renouveler et de s'ouvrir à des pratiques signifiantes plus complexes6 ; mais elle n'a pas changé de nom pour autant.
Sémiotique Rappelons la situation qui prévaut vers 1970 : la sémiotique est soit confondue avec la sémiologie, soit considérée comme une spécialité d'outre-Atlantique ; et les prodromes constitués par Sémantique 1. Voir A.-J. Greimas et J Courtes, Sémiotique, dictionnaire..., I, Hachette, 1979, p 341 sq 2 Voir à Parcours génératif. 3. In A. Hénault, Les enjeux de la sémiotique, PUF, 1979, p. 184 4. A.-J. Greimas, in Le Monde du 7 juin 1974. 5 Voir G.-G. Granger, Essai d'une philosophie du style, Armand Colin, 1968. 6. Voir P. Pavis, Dictionnaire du théâtre, Ed. Sociales, 1980, p 363-364
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structurale de Greimas (qui n'emploie pas le terme) et par les travaux de Hjelmslev (qui l'emploie) ne sont pas encore intégrés, ni intégrables dans une évolution à venir1. Au regard des critères différentiels déjà utilisés, l'on peut commencer par ébaucher une définition contrastive. Les références épistémologiques en particulier ne sont plus les mêmes, et de surcroît elles s'étendent à autre chose qu'à la linguistique : la logique anglo-saxonne et les langages formels. Pour ce qui est de la linguistique, le parrainage majeur est celui de Hjelmslev — et non celui de Saussure qui n'est pas récusé mais systématisé et radicalisé. Autres références que l'on serait bien en peine de retrouver en sémiologie : N. Chomsky (pour la problématique générative), L. Tesnière (pour les actants). Une seconde série de différences ressortit aux objets : l'unité canonique qu'était le signe est éliminée au profit, d'une part d'unités variables, plus petites (le sème) ou plus complexes (la signification en discours), et d'autre part d'une extrapolation féconde. On sait que Hjelmslev se proposait de substituer à la bipartition (du signe) une quadripartition (non limitée au signe) dans laquelle l'expression et le contenu sont eux-mêmes scindés en forme et substance2. Cette nouvelle structuration est de fait tout indiquée pour accuser des différences : la sémiotique opère principalement sur la forme du contenu — comme d'ailleurs le signalait sa première étiquette : Sémantique structurale2. A cette divergence, s'en ajoute une autre tout aussi décisive qui concerne les procédures d'analyse : selon Barthes la forme de l'expression est descriptible lin guistiquement, selon la sémiotique la forme du contenu est passible d'opérations extralinguistiques d'une très grande capacité d'abstraction. Enfin, la polarisation des acteurs et des recherches est une confirmation subsidiaire de ces différences. Qu'il suffise de rappeler que si Barthes fut un temps le pionnier d'une sémiologie ensuite dispersée et diffuse, Greimas a toutes chances de rester pour la postérité le spécialiste d'une sémiotique pure et dure4, qui a fait école et possède dorénavant ses ouvrages de référence.
1. L'histoire des débuts est esquissée par J.-C Coquet in Sémiotique, l'Ecole de Paris, Hachette, 1982, p. 7 sq. 2. D'après les explications de Barthes in Eléments de sémiologie, Communications, n°4, p. 105 3. Larousse, 1 966. 4 C'est pourquoi, le fait d'affirmer tout récemment que Greimas est « . le grand spécialiste français (. .) de la sémiologie » (L -J Calvet, Roland Barthes, Flammarion, 1990, p. 120) laisse songeur — c'est le moins qu'on puisse dire
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Cette dissociation étant acquise, il reste à envisager de l'intérieur le problème de la définition — problème lié, cela va sans dire, à la terminologie ainsi qu'à raffinement progressif de la discipline. En effet, le terme consacré est insuffisant en particulier parce qu'il confond l'objet et son analyse. Hjelmslev s'en était bien aperçu et avait proposé : sémiotique-objet et métasémiotique , Greimas et Courtes précisant ensuite que le « monde naturel » est bien un ensemble signifiant, qu'il y a aussi une « sémiotique naturelle » passible d'un métalangage 1. Pourtant, bien que le souci de la hiérarchisation et de l'adéquation terminologique soit essentiel à la sémiotique, cette proposition a fait long feu. La plupart des intitulations concernent en fait l'analyse ou la théorie, et souvent elles bénéficient d'un ancrage adjectival : sémiotique littéraire, narrative. Par contre, sémiotique générale n'est guère employé — comme s'il y avait là un pléonasme à éviter. Sous ce terme paradigmatique (en dépit de ses hypothèques), sont néanmoins à regrouper des principes, des enjeux et des concepts opératoires ; lesquels sont astreints à des exigences constitutives : généralisation, abstraction, formalisation, modélisation. Bien entendu, à ce niveau d'intelligence, le champ d'intervention et la puissance explicative de la discipline sont infinis. La raison en est simple : les différences substantielles ou « manifestes » des objets examinables sont neutralisées — ou laminées diront les détracteurs — au profit des opérations « profondes » qui les informent. L'on est donc loin des sémiotiques particulières ainsi que de l'analyse littéraire — du moins celle qui postulerait la spécificité de son objet. Mais l'expérience apporte sur la question un autre son de cloche. En effet, cette patiente élaboration épistémologique s'est faite conjointement à des recherches appliquées où la littérature était partie prenante. Autrement dit, une sémiotique narrative a très tôt vu le jour et conçu un outillage approprié (actants, trio de contratsépreuves), mis au point à partir de Propp, et susceptible d'être reversé ou subsumé dans la théorie d'ensemble. Or, à y regarder de près, cette sémiotique n'est pas aussi spécialisée que son épithète ou que la pratique le laisse accroire. Toute histoire2, quelle que soit sa substance (scripturale, picturale, filmique), pouvant lui être soumise avec succès, il est clair que la sémiotique narrative est translittéraire. 1. Pour toutes ces distinctions, voir A.-J. Greimas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire..., I, Hachette, 1979, p. 339 sq. 2. Récit selon sa terminologie.
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Ce qui ne remet pas en cause sa compétence en critique, mais la distingue encore davantage de la sémiologie et de la poétique, mieux armées ou mieux disposées à l'égard de la spécificité substantielle et de la littérarité. Ce jeu de définitions doit également tenir compte des plus récentes indications de tendance. Concernant tout d'abord les sémiotiques extralittéraires (visuelle, spatiale), la question est de savoir s'il s'agit encore de stricte sémiotique ou s'il n'y aurait pas là ouverture en direction de la sémiologie. D'ailleurs, le terme même de sémiotique figurative qui eût paru naguère inconvenant, voir inconcevable, a désormais droit de cité. Si l'on se fie au texte programmatique sur le sujet, la réponse n'est pas des plus claires. En effet, cette sémiotique aurait pour mission de se maintenir à l'écart de la substance de l'expression et de travailler sur la forme, mais forme de l'expression semble-t-il1. Et ce n'est sans doute pas par hasard si la jeune discipline bat le rappel de la sémiologie de Barthes et des concepts fondateurs (signe, connotation, syntagme)2. Dès lors elle s'expose, sinon à des méprises, du moins à des questions embarrassantes : la sémiotique ne risque-t-elle pas de devenir une sémiologie au second degré3 ? D'autre part, ses développements considérables conduisent à ne pas négliger d'autres risques. Car sa marge de manœuvre est somme toute étroite : polyvalente, elle risque d'être taxée d'expansionnisme ; prête à dire son mot sur n'importe quel objet4, on lui reprochera volontiers de se l'approprier, de l'annexer ou de le diluer dans une topique étrangère. Si elle se contente par exemple de rencontrer Barthes ou Genette, de leur emprunter ou de les radicaliser, il n'y a rien à redire. Par contre, lorsqu'elle les qualifie de « sémioticiens »5, elle donne dans la récupération et le grief d'impérialisme n'est pas loin. Mais ces risques sont inévitables : ils sont la rançon du succès, de la généralisation et de ce work in progress.
1 Voir J.-M. Floch, Les langages planaires, in Sémiotique, L'Ecole de Paris, p 199-206. 2. Lesquels sont sensiblement rajeunis 3. Ce que tend à faire J.-M. Floch lorsqu'il traite de « la dimension visuelle d'un récit littéraire » {op. cit., p. 201 ). 4 Même récusé, l'objet peut en effet être classé ou hiérarchisé — par exemple dans le parcours génératif. 5. A -J Greimas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire .., I, p. 99, 11 5
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Séquence
Le découpage en unités homogènes est une activité familière au structuralisme linguistique — cela va sans dire — mais aussi litté raire. Or celui-ci étant extrêmement diversifié, la définition même de la séquence s'en ressent. Premier constat : l'emploi du terme est beaucoup plus fréquent dans les analyses de l'histoire que dans celles du récit. Et pourtant, le récit passé au crible par Genette ou par H. Weinrich 1 est lui aussi découpable selon différents critères narra tifs et discursifs. Ainsi l'analepse est-elle une séquence parmi d'au tres dans l'ordre temporel dont Figures III esquisse la formule et la segmentation 2 ; dans l'ordre de la vitesse, ce sont la scène et le som maire qui alternent le plus souvent. Mais la segmentation discursive paraît intéresser davantage l'analyse théâtrale telle que la pratique A. Ubersfeld. De fait, elle emploie le terme, distingue des types de séquences en vertu de l'échelle, puis s'attarde sur la microséquence. Cependant, au lieu de maintenir exclusivement des critères discur sifs, l'auteur préfère adopter des critères fonctionnels et laisser à la mise en scène le choix de les fixer. Autrement dit, la microséquence ne dépend plus du discours mais de la fonctionnalité de l'histoire et de la détermination de ses « noyaux »3. Prenons-en acte et consta tons la duplicité qui guette le terme ; en effet si la microséquence est pour A. Ubersfeld définie en termes quantitatifs : c'est une petite unité dont la dimension n'affecte pas la fonctionnalité, en revanche elle est selon Barthes définie en termes qualitatifs (et péjoratifs) : c'est une séquence « futile »4. Pour ce qui est de la séquence consi dérée comme unité de l'histoire, les spécialistes à avoir planché sur la question sont nombreux. S'ils s'accordent sur le principe de subordonner la séquence à des unités de niveau supérieur ou infé rieur, ils se séparent sur le reste. Il y a ceux qui emploient le terme et ceux qui l'ignorent tout en segmentant selon les procédures les plus sophistiquées ; après tout, la triade d'épreuves de la sémiotique constitue bien un lot de séquences canoniques. Il y a Propp qui fait de la séquence le tout et des fonctions les trente et une parties de la « séquence ». Ceci sans compter Todorov qui en fait une suite de 1. 2. 3. 4.
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Voir à micronarratologie. Op. cit., p. 80 sq. Lire le théâtre, Ed. Sociales, 1972, p. 237 sq Introduction à l'analyse structurale des récits, Communications, n° 8, 1966.
« propositions narratives »1, Brémond un trio de fonctions 2 et Barthes « une suite logique de noyaux, unis entre eux par une rela tion de solidarité... »3. Barthes dont on retiendra aussi qu'une telle unité peut être discontinue sur le plan discursif, contrairement aux unités du récit. Quant à parler d'analyse séquentielle, on ne peut s'y aventurer qu'à deux conditions : préciser de quel type de séquence l'on veut parler, mais aussi de quelle analyse. Deux tâches en effet sont envi sageables : segmenter et s'en tenir à une découpe et à un suivi syntagmatiques, ou bien s'appuyer sur ce premier résultat pour entre prendre une analyse paradigmatique ; c'est ce qu'ont tenté de faire Lévi-Strauss et Greimas. A moins que pour d'autres raisons (une dif ficulté méthodologique, une réticence idéologique (Barthes), une autre tâche) l'on ne renonce à l'intangibilité et à la fiabilité de la séquence. Ainsi Barthes (SJZ) et Greimas (Maupassant...) ne crai gnent-ils pas de découper le texte (récit et/ou histoire) de manière purement empirique ou circonstancielle.
Signifiance Mis à part l'acception linguistique due pour l'essentiel à Benveniste4, c'est dans la mouvance poststructuraliste que ce terme a été sollicité. Selon celle-ci en effet, il n'est pas question de s'en tenir à des termes concepts déjà compromis : la sémiosis ou la signification. Non pas qu'ils ignorent l'idée essentielle de procès, d'acte de signifier, mais ils ont l'inconvénient de l'établir sur la base de notions suspectes ou statiques (signifiant et signifié, formes de l'expression et du contenu). La praxématique abonde d'ailleurs dans le même sens en considérant que même la signification, en tant que légalité du sens, « gèle » la signifiance 5 . A l'origine de l'affectation subversive du terme, il y a un Lacan soucieux d'investir la linguistique dans sa relecture de Freud. La signifiance est alors l'opération par laquelle le signifiant franchit la barre du signe (métaphore du refoulement) et 1. Grammaire du Décaméron, Mouton, 1969, p. 20. 2 In Logique du récit, Le Seuil, 1973. 3. Voir note 4 4. Problèmes de linguistique générale, II, Gallimard, 1974, p. 51 sq 5 Concepts de la praxématique, Cahiers de praxématique (Université Paul-Valéry, Montpellier), 1989, p. 85.
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passe à l'étage du signifié pour y travailler et miner le terrain1. J. Kristeva n'ignore pas l'hypothèse lacanienne, mais elle la dépasse consi dérablement : la signifiance entendue comme travail des signifiants dans leur pluralité combinatoire et repérable dans le génotexte2, de vient l'enjeu spécifique de la sémanalyse. Enfin, et comme souvent en la matière, il y a la définition limite de Barthes selon laquelle la signifiance, c'est le sens « en ce qu'il est produit sensuellement »3. C'est là évidemment une façon de nous détourner de tout ce qui vise à formaliser la génération du sens et à la confiner dans un savoir sans saveur.
Surface
Moins que le concept, c'est le terme qui est ambigu , tout comme d'ailleurs structures superficielles qui fait généralement double em ploi. A l'origine de la chose, il y a la linguistique générative dont le non-spécialiste retiendra qu'elle distingue la forme perceptible des énoncés de leur organisation profonde. En fait, l'ambiguïté s'est développée à partir du parcours génératif4 et en raison de sa termi nologie. C'est ainsi que le niveau des actants et de la syntaxe narra tive a été qualifié de niveau de surface et celui du carré sémiotique de niveau profond. Cette distinction n'étant pertinente qu'à l'inté rieur des structures sémionarratives qui sont loin d'être les plus apparentes ; autrement dit, la surface n'est pas à la surface... Le ris que à l'oublier est donc plus sensible hors de la sémiotique, notam ment dans les applications ou vulgarisations littéraires. A preuve les amalgames que l'on constate dans des ouvrages qui font autorité et qui pourtant considèrent les structures manifestes, discursives ou génériques (personnages, discours, scènes et dialogue) comme structures superficielles5. Le nivellement, sinon le dévoiement, du parcours génératif auquel on aboutit ainsi a certes pour circonstance 1 J Lacan, Ecrits, I, Le Seuil, 1 966, p 249 sq 2 Voir à ce terme 3. Le plaisir du texte, Le Seuil, 1973, p. 97. Est-ce un hasard si signifiance rime avec jouissance ? 4. Voir à ce terme. 5. Voir A. Ubersfeld, Lire le théâtre. Ed. Sociales, 1978, p 61 , et P. Pavis, Dictionnaire du théâtre, Ed Sociales, 1980, p. 27
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atténuante l'imprécision terminologique, mais il n'en est pas pour autant exonérable. Seul P. Ricoeur s'est aventuré, sans conviction, à proposer un substitut : structures médianes^.
Syntaxe
narrative
Plutôt que de s'accommoder de termes apparemment vagues, le profane aurait certes mieux compris si on lui avait parlé de l'ordre structurel, fonctionnel et logique de l'histoire. Or l'analyse (depuis Propp) s'est polarisée sur cette question de diverses manières et s'est exprimée selon des terminologies à l'avenant. Sous l'étiquette de syntaxe narrative, se placent en fait la sémiotique et dans une moindre mesure l'option méthodologique de T. Pavel2. Intéressé à un univers et à un corpus particuliers, recourant à des procédures éclectiques, celui-ci élabore le concept de « structure narrative », sorte de macroséquence qui assure la transformation d'un univers troublé en un univers rétabli et se ramifie en sous-espèces enchâs sées. L'autre version, conçue par la sémiotique, bénéficie d'une logistique plus élaborée et d'une compétence accrue (approfondie et extensible). Elle s'accompagne d'un positionnement dans le par cours génératif qui permet de distinguer des niveaux syntaxiques3. Et elle implique au préalable le rappel du « schéma narratif », ce premier algorithme issu de la refonte de Propp. Le schéma est ainsi basé sur l'itération des trois épreuves (qualifiante, réalisation, glorifiante), et il est extrapolable : « ... tout récit figuratif entraîne, selon un ordre fixe, trois syntagmes de même structure... »4 Mais fidèle à elle-même, la sémiotique a dépassé (et dégrossi) ce premier stade, soit en y repé rant des opérations plus profondes, soit en lui substituant une orga nisation jugée plus prometteuse : le « parcours narratif ». Celui-ci comprenant des séquences élémentaires : des « énoncés narratifs » qui, combinés entre eux par présupposition ou modalisation, engen drent des « programmes narratifs ». Aussi est-ce dans le cadre de ces structures — moins figuratives que les épreuves, moins abstraites 1. Temps et récit. II, Le Seuil, 1984, p 77 2. In La syntaxe narrative des tragédies de Corneille, Klincksieck, 1976. 3. A.-J. Grejmas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire., Il, Hachette, 1986, p 220-232. 4. A. Hénault, Narratologie, sémiotique générale, PUF, 1 983, p 78.
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que le carré et moins statiques que les actants — que se profilent de nouvelles orientations et avancées. Au nombre desquelles on compte la manipulation, les modalités, la performance, le parcours accrédité spécialement comme cursus de l'actant (le sujet)1 et enfin une typologie des programmes2. L'intérêt particulier que chacune d'elles requiert s'exerce alors au détriment du parcours global, mena cé désormais de n'être plus qu'un niveau d'analyse. D'où aussi cette terminologie actualisée pour désigner non plus un objet mais un ensemble d'opérations, ce que Greimas qualifie d'intelligence syntagmatique .
Textanafyse Terme opportunément proposé par J. Bellemin-Noël pour désigner moins une méthode qu'une approche adéquate à son objet : l'in conscient du texte. Approche qui se démarque de la psychocritique de Mauron pour d'évidentes raisons autant historiques qu'épistémologiques. En effet, l'activité critique des années 70 délaisse l'énigme de la personne au profit de l'interrogation du texte, se détourne des grandes synthèses au profit des lectures. Qui plus est, elle bénéficie des recherches les plus sophistiquées, de la relecture de Freud, et de l'hypothèse selon laquelle letexte et le rêve auraient même structure. Rien d'étonnant dès lors à ce que le pionnier en la matière soit plus subtil ou plus aventureux que le fondateur de la psychocritique3. Dans une postface programmatique (en dépit de sa modestie), J. Bellemin-Noel pose « qu'/V y a inconscient du texte »4. Inconscient qui n'est en aucune façon appréhensible comme objet achevé, traitable comme discours d'un sujet ou passible d'une grille préétablie. Moyennant ces précautions, il reste à tenter de repérer dans l'écriture même un travail plutôt qu'une pensée, des processus ponctuels si habilement camouflés qu'il faut pour les débusquer (et 1. A.-J. Greimas et J Courtes, Semiotique, dictionnaire.., p. 243. 2 Semiotique, dictionnaire..., Il, p 178-179. 3 Dont au passage il signale les dilemmes et les avancées. 4. Vers l'inconscient du texte, PUF, 1979, p. 193.
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I, Hachette, 1979,
les décrypter) patience, talent, bagage culturel et même esprit ludi que. En s'attachant à la manière dont cet inconscient informe une forme signifiante et travaille une écriture et en utilisant pour ce faire les moyens les plus fins, la textanalyse affirme son originalité, sa nécessité et sa modernité. Dans le droit fil de cette hypothèse, P. Glaudes a tout récemment proposé le « contre-texte » (sur le mo dèle du contre-transfert)1. Lequel est défini comme l'ensemble des réactions inconscientes affectant le sujet lisant. « L'analyse » ne peut se faire alors que sur la base d'un va-et-vient entre texte et contretexte. La coopération lectoriale que postule l'herméneutique littéraire trouve ici une autre raison d'être.
Texte Cet objet réputé connu et respectable a fait l'objet d'analyses et de remises en cause qui coïncident— et ce n'est pas par hasard — avec l'activisme récent de la critique. Toutefois, quelques rares linguistes se sont aventurés au-delà de la phrase et penchés sur la question, soit en confrontant le texte auyconcept de discours, soit en s'engageant dans l'examen des structures internes (linéarité, cohérences). Or, comme d'habitude, l'approfondissement et la radicalisation ont entraîné des divergences : ou bien le texte est confondu avec le dis cours en tant qu'énoncé, ou bien il s'oppose au discours dès lors que celui-ci ressortit à renonciation, possède une substance phoni que (et non graphique) et constitue un objet empirique2. Dissocia tion que confirment par ailleurs les sciences sociales pour lesquelles le discours est hétérogène et diffus — au contraire du texte. A l'inté rieur de la sémiotique, le texte a dû supporter des définitions spécifi ques et modulées selon les types d'intervention : en tant que repré sentation sémantique, le texte est indifférent à la manifestation ; en tant qu'abstraction et résultat d'un dégraissage, il coïncide avec ses structures pertinentes ; en tant que processus, la textualisation est opératoire à d'autres niveaux qu'à celui de la seule manifestation3. 1 Contre-textes, Ombre (Toulouse), 1990. 2. Par opposition au texte-objet abstrait qu'envisage T Van Dijk, in Dictionnaire des littératures de langue française. Bordas, 1984, p 2282 3. A.-J Greimas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire..., I, Hachette, 1979, p. 391.
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Reste alors la spécificité littéraire de certains textes qui est, soit ignorée, soit tenue pour une variante sur laquelle on a peu de prise scientifique. Dans l'évolution moderne de la réflexion sur la littérature, la notion de texte occupe une place relative. Par rapport à la tradition classi que qui s'en tient à l'œuvre (avec toutes ses connotations), il mar que un progrès considérable1. Pourtant, à peine ce progrès était-il ratifié que déjà le texte était battu en brèche, soit par la poétique qui subsume les actualisations en architexte, soit par le poststructura lisme qui lui substitue l'intertexte ou l'écriture. Comme si celui-ci craignait un retour du refoulé, un déplacement de l'aura mystique de l'œuvre vers le texte2. C'est à la sémanalyse que l'on doit l'attaque en règle contre la clôture et l'idéalisme du texte, avec comme consé quences : sa libération, sa dissémination ou sa perméabilité. Autre ment dit, le texte est une dynamique centrifuge, un bouillon de cul ture (génotexte et intertexte) ; il ne se réduit pas à l'énoncé manifeste (le phénotexte), il ne peut être appréhendé comme objet mais comme procès scriptural, jeu de différences, dépôt et transit de la signifiance3. Quelque temps après, Barthes renchérit et multiplie à sa manière les hypothèses sur ce texte autre. Par opposition au texte de plaisir (culturel et lisible), se profile le texte de jouissance (atopique, hors critique mais scriptible, par le truchement des métaphores du corps et d'Eros4). Monument, objet solide et polymorphe, proces sus dissident et dissolu, telles sont donc les grandes définitions du concept.
Thématique Il y a loin de la prolifique critique thématique telle qu'on la pratiquait vers 1960 à la thématique velléitaire relancée sans tapage après 1980. Seul point commun : le discrédit infligé à l'étude tradi tionnelle des thèmes qui a sévi pendant longtemps et pesé lourd 1. Une fois circonscrit, on pouvait penser avant-texte, péri- et paratexte. 2. « Une mystique du texte » dit Barthes (Le plaisir du texte. Le Seuil, 1973, p. 93), qui ajoute que l'on nomme ainsi ce que l'on serait incapable de concevoir autrement (ibid,p 96). 3 P Sollers (in Logiques, 1968) ajoute d'ailleurs que le texte n'est qu'une « fonction dont dispose l'écriture ». 4. Voir Le plaisir du texte, passim.
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dans les tentatives de réexamen de la question. Il faut donc en prendre son parti : critique thématique est bel et bien une expression fourre-tout appliquée à bon nombre d'approches apparues au cours d'une décennie les plus stricts nommant Bachelard et J.-P. Richard, les plus laxistes enrôlant Mauron et même Goldmann1. Le fait est que ces activités ne parlent pas de la même chose (complexe d'images, trauma initial (J.-P. Weber), archétype, substance), ni de la même manière : la psychanalyse entre autres les divise ainsi que la notion d'unité2. Ce qui les rapproche est tout aussi négatif : le thème n'est en aucune façon une abstraction, ni un objet docile à la rationalité et à l'anatomie critiques. La reconversion commence pourtant avec les griefs à l'endroit d'un thématisme jugé impressionniste et avec l'engouement pour les structures strictement formelles destinées à accueillir ou à configurer. Puis, avec les développements de ia sémiotique, l'on prend acte de ce que le contenu est structuré en forme (selon la terminologie de Hjelmslev), et l'on profite du désaveu de la littérarité pour battre le rappel des catégories présumées extralittéraires. Dès lors, rien n'empêche le thème considéré comme objet du contenu d'être repris par l'analyse élargie et théorisé3. Pour l'instant, ia thématique « structurale » s'efforce de poser des questions qu'elle importe et adapte de la linguistique, de la narratologie ou de démarches attentives à la réception ou au réfèrent. Entre autres résolutions, on retiendra le désir d'affiner la spécificité du thème en le différenciant du topos, du concept et du motif, la proposition de le démonter (puisque c'est une construction) et de formaliser ses phases génératives, l'hypothèse d'une syntaxe thématique. Bien entendu, la sémiotique — qui est aussi une sémantique — a compétence pour intervenir, ne seraitce qu'en envisageant la projection du thème sur le carré ou son actantialisation 4.
1. Comme le fait P. Cryle in Sur la critique thématique, Poétique, n° 64, 1985. 2. Il y a le monothématisme de l'un (J.-P Weber) et le polythématisme flottant des autres. 3. Voir à ce sujet le numéro spécial de Poétique (n° 64, 1985) issu d'un Colloque de 1984 Pour une thématique. 4. A défaut, elle confère aux termes (substantif et adjectif) un sens hautement spécialisé (voir A.-J Greimas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire..., I, Hachette, 1979, p. 393-394.
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Topique En raison du terme commun (alternativement adjectif et substantif), des précisions s'imposent. Il faut distinguer les lieux (topoï) dont on parle et les discours que l'on tient sur eux, d'une part l'ensemble des lieux communs (qui persuadent selon Aristote et aliènent selon Barthes), et d'autre part leur théorie ou leur examen. Ceci sans compter d'autres acceptions : celle de Freud, celles que l'on exporte et extrapole de la terminologie anglo-saxonne1, celle qui s'inspire librement de l'étymologie, et la plus sophistiquée que l'on rencontre en sémiotique. En ce cas, est dit topique le lieu de la performance (dégagé du figuratif), de la transformation des états. Cette tendance à considérer le lieu comme un espace abstrait, formel ou épistémologique, où se positionnent des ensembles et s'effectuent des opéra tions, est aujourd'hui couramment admise2. Comme de juste, Barthes se singularise et exploite subtilement l'ambivalence du terme. Topique, c'est en effet le lieu qui structure et régit son objet — en l'occurrence la vie du langage ; mais atopique rime avec atypique3. De là à penser que tout lieu est menacé de devenir lieu commun, il n'y a pas loin...
Vérédiction On doit à la sémiotique d'avoir attiré l'attention sur une question logique qui concerne aussi le discours : non pas le vrai mais le direvrai et ses modalités. Or, en dépit de cette contribution, il ne semble pas que l'analyse littéraire ait bien pris conscience de l'enjeu de la question — laquelle pourtant ressortit moins au réfèrent (la réalité) qu'à la cohésion interne (la vérité). Ladite contribution était cepen dant prometteuse, elle constituait même une base de travail avec ses concepts opératoires4. Par exemple le contrat de vérédiction en vertu 1. Notamment linguistique le thème (topic) s'oppose au rhème (comment). 2. Et la sémiotique est partie prenante le carré et le parcours génératif sont en effet des structures topotogiques 3 Le plaisir du texte, Le Seuil, 1973, p. 47, 49 4. Voir A - J . Greimas et J. Courtes, Sémiotique, dictionnaire..., I, Hachette, 1979, p 417-419.
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duquel l'énonciataire peut croire vrai ce que l'énonciateur s'efforce de lui présenter comme tel. Par ailleurs, la projection sur le carré sémiotique confirme que la vérité est logiquement indissociable non seulement de la fausseté mais aussi du secret et du mensonge et qu'elle est affectée par les catégories de l'être et du paraître. D'où cet intérêt qu'il convient de porter, autant qu'au dire-vrai, au « faire paraître vrai » ; c'est-à-dire à ce faire persuasif dévolu à l'énonciateur, mais inutile s'il y a au préalable contrat culturel (comme c'est le cas dans la littérature classique). N Adaptées au théâtre, ces hypothèses sont à la fois séduisantes et embarrassantes : le personnage théâtral dit-il vrai et qu'est-ce qui permet d'en être certain en l'absence d'un ancrage ou d'un narrateur omnipotent ?1 Appliquées au roman, elles sont non moins intéressantes dès lors que l'on quitte le roman classique et que l'on est incité à douter du crédit de son narrateur. Rendons justice à W. C. Booth d'avoir pris en compte ce problème : « ... je dirai d'un narrateur qu'il est digne de confiance quand il parie ou agit en accord avec les normes de l'œuvre » ; « Parfois il est presque impossible de décider si le narrateur se trompe, et à quel degré il le fait, parfois, il est facile d'en décider... »2 A partir de quoi, une typologie de la vérédiction romanesque est envisageable : le narrateur dit vrai (par postulat ou décret, à condition de ne pas se contredire) ; il ne dit pas vrai : inconsciemment, délibérément (calcul, jeu, provocation), explicitement ; il pêche par omission, il brouille les pistes3. Quant au dire-vrai des personnages, il dépend d'une autre série de facteurs narratifs. Outre le cas bien connu du narrateur intradiégétique dépourvu de surveillance extradiégétique, on doit retenir les trois cas de figure correspondant aux focalisations. Faute de pénétrer dans le personnage, le narrateur ne peut savoir s'il ment ou pas ; il adopte son point de vue et n'en dit pas plus ; enfin il s'en tient à l'omniscience et dénonce les contrevérités de son héros au nom de la vérité qu'il ne peut que détenir...
1 Bien entendu, la mise en scène a beau jeu de lever — ou d'exploiter — ce genre d'ambiguïté. 2 Distance et point de vue, in Poétique du récit, Le Seuil (« Points », n° 78), 1977, p. 105, 107 3 U. Eco (in Lector in fabula, Grasset, 1985) tente d'y voir clair à propos d'une nouvelle d'A. Allais.
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Vitesse
A ce problème déjà envisagé1 et parfaitement dans les attributions de la narratologie stricto sensu, Figures III a consacré de substantielles analyses. Nouveau discours du récit n'y apportait que quelques scru pules bien légitimes et une correction terminologique : vitesse plutôt que durée , quant à mouvement, il se maintenait pour désigner toute séquence déterminée entre autres par sa vitesse. Définir et homolo guer ces vitesses, identifier les mouvements canoniques qu'elles engendrent, puis éventuellement découper la syntagmatique du récit en mouvements . telles sont les tâches d'une analyse tachymétrique. Or pour l'entreprendre, il convient de préciser ce que l'on entend par « vitesse narrative ». Une chose est sûre, ce n'est pas le rapport entre une longueur de récit et sa durée de lecture : cette « vitesse de perfor mance » (Genette) n'étant pas mesurable objectivement — contraire ment à ce qui se produit au théâtre ou au cinéma. La vitesse narrative s'entend plutôt comme le rapport entre une durée d'histoire et la lon gueur du récit correspondant2. Mais cette vitesse n'est pas constante ; aussi, pour mesurer ces accélérations ou ralentissements, Genette recourt-il au mouvement et à sa définition en termes de durées. Durée d'histoire certes, mais mise en relation avec ce qui suscitait pourtant bien des réserves, à savoir la durée de lecture qualifiée improprement de temps du récit3. Se basant sur l'isochronie approximative de la scène dialoguée (l'on y mettrait autant de temps à la lire qu'elle en met à s'accomplir), Genette en déduit d'autres mouvements (que la scène) : le sommaire à temps de lecture moindre que le temps d'his toire, l'ellipse à temps de lecture nulle pour un temps d'histoire élidé, la pause descriptive qui au contraire requiert une durée de lecture mais suspend l'histoire. Cela fait donc quatre mouvements auxquels devrait pouvoir s'ajouter un cinquième qui ne paraît pas séduire l'orfèvre en la matière : une durée de lecture plus grande que la durée d'histoire4. Une 1. Mais passé inaperçu, hors d'accès et sans doute prématuré il s'agissait d'un article de G. Mùller publié en allemand en 1948. 2 Autrement dit, ce qui compte, ce n'est plus dix pages à l'heure de lecture mais dix pages pour une heure d'histoire. 3. Ou laborieusement de « pseudo-temps, ou temps conventionnel, de récit » {Figures III. Le Seuil, 1973, p. 129). 4 Sa prétendue rareté n'est pourtant pas pour la poétique une raison suffisante pour le tenir à l'écart et le laisser dans l'anonymat ; au contraire, pourquoi ne pas le qualifier de récit excédentaire ?
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réflexion plus approfondie et la contre-épreuve des textes dévoilent bien évidemment toute une série de problèmes, la vitesse en effet n'est pas un phénomène isolable d'autres modalités et des principaux acteurs (narrateur et/ou personnage). Si la pause est imputable au seul narrateur, l'ellipse et le jeu du sommaire relèvent en revanche ou du narrateur ou du personnage — étant entendu que la suppression et la condensation peuvent résulter de raisons affectives (indifférence, inattention, esquive) autant que de stratégies narratives. Ces deux mouvements inspirent d'ailleurs au narratologue diverses précisions et résolutions. Notamment la nécessité (et la possibilité) de mesurer la vitesse du sommaire qui par définition varie entre ses deux limites . l'ellipse et la scène. Quant à la pause descriptive, Genette s'efforce de lui faire une place et de marquer sa spécificité : ce n'est ni la description focalisée sur un personnage ni la pause non narrative (l'excursus) ; si c'est bien une suspension du cours de l'histoire, c'est pourtant une continuation diégétique dès lors que ces lieux décrits pour le compte du lecteur appartiennent à la diégèse. Les vidéastes appelleraient cela « un arrêt sur image».
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Index nominum
Cet index ne retient que les auteurs critiques de la période concernée, ceux qui y ont contribué par anticipation et les spécialistes contemporains des disciplines connexes et impliquées.
Arrivé M , 58 Auerbach E., 64 n. 1. Bachelard G , 60, 74, 75, 99. Bakhtine M , 17, 36, 58 Bal M., 73. BarthesR,8n 5, 9, 13, 1 6, 18, 22 n. 1, n. 5, 27 n. 1, 29, 32 n. 2, 33, 34, 42, 43, 47, 52 n. 6, 55, 58, 59, 60, 61, 65, 69, 70, 74 n. 2, 77, 78, 80, 86, 87, 89, 91,92,93,94,98,100 Bellemin-Noël J., 50, 96. Benveniste E„ 7, 13 n. 2, 16, 39, 41, 56, 67, 80, 93. Blin G., 15 Booth W. C, 101. Brémond C, 17 n. 2, 22, 80, 83, 93.
Genette G., 8, 17, 25 n. 6, 26, 27, 28 n 1, 29, 37, 38, 39, 40 n 1, 44, 45, 47, 56, 59, 63, 64, 66, 67, 68, 70, 73, 7 4 , 7 5 , 7 8 , 7 9 , 8 1 , 9 1 , 102,103. Glaudes P, 97. Goldmann L, 15, 16 n 3, 49, 99 Granger G.-G., 88 n. 5. Greimas A -J., 10 n. 3, 16 n. 5, 17 n 6, 22, 23, 27 n. 2, 33 n. 4, 34, 38 n. 1, 42 n. 4, 46 n. 2, 48 n 2, 62 n 5, 68 n. 1, 73, 78 n. 4, 80, 83, 86, 88 n. 1, 89, 90, 91 n 5, 93, 95 n 3, 96 n 1, 97 n 3, 99 n. 4,100 n 4. Hamburger K., 54 n 4. Hamon P , 29 Hénault A., 48 n. 3. Hjelmslev, 7, 1 6, 71, 74, 77 n 3, 84, 86, 89, 90.
Charles M , 18 Cohen J , 75 n. 4. Cohn D„ 79. Courtes J., (cosignataire de Sémiotique, Dictionnaire...), voir à Greimas
Jakobson R, 7, 13 n. 2, 16, 22, 34, 62, 76, 82. Jauss H R., 18, 19, 54 n. 4.
Dallënbach L, 76, 81. Derrida J., 8, 9, 15, 40, 43, 51, 53, 54. Dinu M., 42 n. 2
KayserW, 14 n. 1,65n. 2 Kristeva J., 13,1 8, 29, 36, 43, 51, 58, 62, 77, 86 n. 5, 94.
Eco U , 7, 18, 31, 44, 54, 72, 81 n 5, 86, 87,101 n. 3.
Lacan J., 8, 79, 93. Laffont R., 18 n. 2
105
Lévi-Strauss C, 93. Lintvelt J., 25 n. 5. Lubbock P., 67. Lonzi L, 29. Mac Haie B., 40. Marcus S., 42 n. 2. Mauron C , 15 n. 4,16 n. 3, 99. Meschonnic H., 18, 32 n. 1, 43, 60, 62, 76 n. 1,77. MùllerG., 14 n. 1,102 n.1.
n. 4, 59, 64, 69, 71 n. 1, 73, 74 n. 3, 83 n. 1,95. Schaeffer J.-M., 50. SchererJ., 15, 26 n. 2 , 4 2 n . 1. Souriau E., 21,22, 37, 38. Starobinski J., 8. Szondi P., 54 n. 4. Tesnière L, 16 n. 5, 21, 22, 35, 89. Thomasseau J.-M., 75 n. 3. Todorov T., 13,27,41 n. 3,72,76,80,92. Tomachevski B, 44.
Pavel T., 60 n. 3, 69 n. 1, 95 n. 2. Pavis P., 17 n. 6, 25, 35 n. 1, 59, 88 n. 6. Prince G., 56 n. 2. Propp W., 8 n. 2, 21, 22, 23, 24, 35, 46, 90, 92, 95.
VanDijkT.,41 n. 2, 97 n. 2. Vitoux P., 45.
Ricardou J., 9. Ricœur P., 8, 14, 18, 23, 44, 46, 54, 56
WeberJ.-P.,5n. 2, 99. Weinrich H., 27, 63, 92.
106
Ubersfeld A., 17, 24, 25,26 n. 1,35 n. 3, 82 n. 3, 84 n. 1,92.
Table
Introduction Quel lexique ?, 5 — Quelle critique ?, 12 Actant, 21 Acteur, 24 A c t i o n , 25 Analepse (prolepse), 27 Anaphore, 28 Carré (sémiotique), 29 Clôture, 30 Code, 31 Connotation, 32 Destinateur (destinataire), 34 Dialogique, 36 Didascalies, 36 Diégèse, 37 Diégésis, 39 Différance, 4 0 Discours, 40 Dramaturgie, 41 Ecriture, 42 Fable, 44 Focalisation, 44 Fonction, 46 Fréquence, 47 Génératif (parcours), 48 Génétique, 4 9 Génologie, 50 Génotexte (phénotexte), 51 Grammatologie, 51 Herméneutique, 54 Histoire, 55 Incipit, 57 Intertextualité, 58 Intrigue, 59 Lecture, 60
Lexie, 61 Littérarité, 62 Micronarratologie, 63 Mimésis, 63 Narrataire, 65 Narrateur, 67 Narratif, 68 Narration, 69 Narrativité, 71 Narratologie, 72 Paradigme, 74 Paratexte, 75 Poétique, 75 Poststructuralisme, 77 Praxématique, 78 Psychorécit, 79 Récit, 80 Réfèrent, 81 Rôle, 83 Sémanalyse, 84 Sémiologie, 86 Sémiotique, 88 Séquence, 92 Signifiance, 9 3 Surface, 9 4 Syntaxe narrative, 95 Textanalyse, 96 Texte, 97 Thématique, 98 Topique, 100 Vérédiction, 1 00 Vitesse, 102
Index nom/nu m, 105
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