Generated on 2011-09-04 23:24 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
ST...
26 downloads
1487 Views
12MB Size
Report
This content was uploaded by our users and we assume good faith they have the permission to share this book. If you own the copyright to this book and it is wrongfully on our website, we offer a simple DMCA procedure to remove your content from our site. Start by pressing the button below!
Report copyright / DMCA form
Generated on 2011-09-04 23:24 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
STUDIA NEOTESTAMENTICA
STUDIA 4
LES TENTATIONS DE JÉSUS
AU DÉSERT
JACQUES DUPONT
i
DESCLÉE DE BROUWER
Generated on 2011-09-04 23:29 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Generated on 2011-09-04 23:29 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
LES TENTATIONS DE JÉSUS
AU DÉSERT
^ Studia Neotestamentica /
StudialV J
ediderunt
A. DESCAMPS et B. RIGAUX
adjuvantibus
J. DUPONT - A. FEUILLET
Generated on 2011-09-04 23:29 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
É. MASSAUX - R. E. MURPHY - R. SCHNACKENBURG
Generated on 2011-09-04 23:30 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
JACQUES DUPONT
LES TENTATIONS DE JÉSUS
AU DÉSERT
DESCLÉE DE BROUWER
Imprimi potest Si Andreae, die 24» Julii 1967
+ Thkodorus Ghesquière
abbas
Imprimatur Brugis, die il1 Januarii 1968
+ M. De Keyzer
vic. gen.
Generated on 2011-09-04 23:30 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
© Desclée De Brouwer zç6S
v, V
AVANT-PROPOS
A l'invitation de Mgr A. Descamps, en février 1957, nous
avons fait deux leçons à l'Institut des Sciences religieuses, de
l'Université de Louvain. Il en est sorti un article: L'arrière-fond
biblique du récit des tentations de Jésus, publié dans New
Testament Studies, 3 (1956-57), pp. 287-304. Nous avons eu
à reprendre le même sujet pour un commentaire de l'évangile du
premier dimanche de carême: Les tentations de Jésus dans le
désert (Mt 4,1-11), dans la collection h. Assemblées du Seigneur »,
n° 26, Bruges, 1962, pp. 37-53. Par la même occasion, nous nous
sommes occupé des particularités de la version de Luc: Les tenta-
tions de Jésus dans le récit de Luc (Luc 4,1-13), dans Sciences
Ecclésiastiques (Montréal), 14 (1962), pp. 7-29. En sep-
tembre 1962, nous avons pris part à un «Symposium de Vita
Christi», présidé par Mgr J.-J. Weber; à la demande du P. P.
Benoit, nous avions à y exposer le parti qu'on peut tirer du récit
des tentations dans le cadre d'une présentation de la vie de Jésus.
Remis sur le métier, cet exposé est devenu un article: L'origine
du récit des tentations de Jésus au désert, paru dans la Revue
Biblique, 73 (1966), pp. 30-76.
En acceptant de réunir ces articles en volume, nous nous
sommes trouvé devant la difficulté résultant du fait que les deux
premiers traitent du même sujet. Sans doute, ils se plaçaient Ã
Generated on 2011-09-04 23:30 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
deux niveaux différents; mais celui qui s'adressait à un public
plus large avait fait l'objet d'un nouvel examen, dont il n'était
pas normal de faire abstraction en réimprimant le premier. Nous
L. 777
8
AVANT-PROPOS
nous sommes donc décidé à faire une troisième rédaction, basée
sur les deux premières mais tenant compte de ce qui a été publié
dans l'intervalle. C'est la première étude de ce recueil. Les deux
autres reproduisent les textes qui ont paru dans Sciences Ecclé-
siastiques et dans Revue Biblique, avec l'aimable autorisation
des directeurs de ces revues.
Generated on 2011-09-04 23:31 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
15 juillet igôj
Generated on 2011-09-04 23:31 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
I
LE RÉCIT DE MATTHIEU
Generated on 2011-09-04 23:31 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Les trois évangiles synoptiques rapportent qu'après avoir
reçu le baptême de Jean dans le Jourdain, Jésus fut poussé
par l'Esprit dans le désert, où il devait être tenté par le diable
(Mc 1,12-13; Mt 4,1-11; Lc 4,1-13). Marc se contente de signa-
ler le fait dans une courte notice énigmatique ; Matthieu et
Luc fournissent un récit circonstancié, où l'on voit trois assauts
se succéder, à peine interrompus par des changements de
scène: dans le désert, sur le pinacle du Temple, sur une très
haute montagne. Par trois fois, en chacune de ces situations,
Jésus triomphe du Tentateur au moyen d'une citation de
l'Écriture. Battu, le diable doit se retirer; les anges alors
s'approchent pour servir Jésus.
Page étrange, unique dans l'Évangile. Elle soulève bien des
questions1. S'il est clair que les versions de Matthieu et de Luc
ne sont que deux variantes d'un même récit, comment faut-il
comprendre le rapport entre ce récit et la notice de Marc? Pris
en lui-même, le récit constitue-t-il une unité réelle, ou bien
est-il fait du rapprochement d'éléments disparates? Quelles
1. Bibliographie en fin du volume. Pour un aperçu de l'histoire de l'exégèse
moderne de ce passage de l'Évangile, voir surtout E. Fascher, Jesus und der Satan.
Eine Studie zur Auslegung der Versuchungsgeschichte (Hallische Monographien, 11),
Halle, 1949, pp. 7-30. Bon état de la question dans R. Schnackenburg, Der Sinn
der Versuchung Jesu bei den Synoptikern, Theol. Quartalschr., 132 (1952), 297-326.
Abondants relevés d'opinions d'auteurs dans P. Ketter, Die Versuchung Jesu nach
Generated on 2011-09-04 23:32 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
dem Berichte der Synoptiker (Ntliche Abh., VI, 3), Munster i. W., 1918, et dans
A. Dondorp, De verzoekingen van Jezus Christus in de woestijn, Kampen, 1951.
Pour la période ancienne, voir K.-P. Kôppen, Die Auslegung der Versuchungsgeschichte
unter besonderer Berùcksichtigung der Alten Kirche. Ein Beitrag zur Geschichte der
Schrijtauslegung (Beitrà ge zur Geschichte der biblischen Exegese, 4), Tubingue, 1961 ;
d'un point de vue plus limité : M. Steiner, La Tentation de Jésus dans l'interprétation
patristique, de saint Justin à Origène (Études Bibliques), Paris, 1962; V. Kesich,
The Antiocheans and the Temptation Siory, dans Studio Patristica, Vol. VII, Papers...
Oxford, 1963, I (Texte und Untersuchungen, 92), Berlin, 1966, pp. 496-502.
12
LE RÉCIT DE MATTHIEU
sont les intentions qui s'y manifestent, les préoccupations qu'il
traduit? Veut-il nous faire pénétrer dans la psychologie de
Jésus, ou tend-il inculquer sa messianité? Faut-il penser enfin
que ce récit correspond à des faits réels, que Jésus a discuté
avec le diable à coups de citations bibliques, que la montagne
sur laquelle le diable a conduit Jésus est repérable sur la
carte?
Nous voudrions nous attacher ici à la signification du récit,
en le prenant tel qu'il nous est transmis dans le premier évan-
gile. Pour se rendre compte de ce qu'il veut dire, il importe
de reconnaître le rôle qu'y jouent différents textes de l'Ancien
Testament2. La liturgie romaine du premier dimanche de
Carême concentre toute l'attention des fidèles sur le Ps 91,
auquel le diable fait appel dans la deuxième tentation. Pour
se placer dans la perspective du récit, c'est évidemment aux
paroles attribuées à Jésus qu'il faut d'abord attacher de l'im-
portance. Il s'agit de trois citations du Deutéronome (8,3;
6,16 et 6,13), rappelant trois épisodes majeurs du séjour
d'Israël dans le désert pour en dégager des leçons religieuses.
L'influence de Dt 6-8 ne se limite pas aux citations explicites.
Nous pouvons dire que c'est là qu'il faut chercher le thème
fondamental du récit, la clé qui donne sa signification à l'épi-
Generated on 2011-09-04 23:32 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
sode 3. Mais d'autres textes bibliques ont également fourni leur
apport ; il faudra préciser la place qui leur revient : la citation
du Ps 91 faite par le diable, et quelques allusions ou réminis-
cences qu'on ne saurait négliger. Nous nous en occuperons
dans la seconde partie de cette étude.
Les quatre citations explicites sont empruntées à la Bible
grecque4. Dans la forme où nous le possédons, le récit nous
2. Nous reconnaissons volontiers que nos recherches sont parties de la lecture
de l'article de M. Sabbe, De tentation* Jesu in deserto, Coll. Brug., 50 (1954), 459-466.
3. A cet égard, un rapprochement s'impose avec 1 Cor 10,1-13, parénèse fondée
sur les événements du désert.
4. Cfr K. Stendahl, The School of St Matthew and its Use of the Old Testament
(Acta Semin. Neotest. Upsal., XX), Uppsala, 1954, pp. 88 s. Voir aussi A. W. Argyle,
The Accounts of the Temptations of Jesus in relation to the Q Hypothesis, Expository
Times, 64 (1952-53), p. 382; B. M. Metzger, Scriptural Quotations in Q Material,
ibid., 65 (1953-54), p- 125; réponse de Argyle, sous le même titre, pp. 285s. Admet-
tant tous les deux que les citations de la péricope sont empruntées à la LXX, ces
auteurs ne discutent que sur la portée exacte de cette constatation pour ce qui con-
cerne la source Q.
LES TENTATIONS D'ISRAËL DANS LE DÉSERT
13
parvient transmis par des hommes qui lisent la Bible en grec,
non en hébreu. Ce qui est vrai des citations peut être présumé
pour les allusions ou les réminiscences. C'est donc dans la
Bible des Septante que nous devons mener notre enquête, au
moins en ordre principal.
I. LES TENTATIONS D'ISRAËL DANS LE DESERT
I. Première tentation
Les quatre premiers versets forment une unité. Si le diable
invite Jésus à changer des pierres en pain (v. 3) et provoque
ainsi la réponse que l'homme ne vit pas seulement de pain
(v. 4), suggestion et réponse supposent la situation décrite
dans les deux versets qui précèdent: Jésus se trouve dans le
désert et, après un jeûne de quarante jours et quarante nuits,
il a faim. Toutes ces données se tiennent.
L'élément essentiel de ces versets est évidemment la décla-
ration de Jésus au v. 4 : « Il est écrit : Ce n'est pas de pain
seulement que l'homme vivra, mais de toute parole qui sort
de la bouche de Dieu. » La citation est empruntée à Dt 8,3.
La Bible hébraïque écrit, en faisant allusion à la manne : « Ce
n'est pas de pain seulement que vit l'homme; c'est de tout ce
qui sort de la bouche du Seigneur que vit l'homme. » Parfaite-
ment conforme au texte de la LXX5, la citation évangélique
Generated on 2011-09-04 23:33 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
s'écarte de l'hébreu sur trois points : au lieu de « tout ce qui »,
«toute parole qui»; au lieu de «sort de la bouche», «sort
par la bouche » (nous n'avons pas retenu ce « par » dans notre
traduction) ; enfin substitution du mot « Dieu » au tétragramme
sacré, qui se traduit normalement par « Seigneur6 ». C'est
3. D'accord avec A pour omettre l'article tô devant faonpeuonivw (BS).
6. Le codex D et quelques témoins occidentaux donnent la citation sous une
forme abrégée: « de toute parole de Dieu ». G. D. Kilpatrick a défendu le caractère
primitif de cette leçon: Matthew 4, 4, dans Journ. o/ Theol. St., 45 (1954), 176. Nous
pouvons nous contenter d'observer qu'on y trouve encore deux variantes propres Ã
la version grecque : les mots ■parole » et « Dieu ».
14
LE RÉCIT DE MATTHIEU
donc la Bible grecque qui a fourni la citation que nous lisons
dans l'évangile7.
L'influence du Deutéronome sur le récit évangélique ne se
limite pas à la citation explicite. La remarque est importante ;
pour en saisir le bien-fondé, il n'est pas inutile d'avoir le pas-
sage sous les yeux :
Tu te souviendras de tout le chemin par lequel le Seigneur ton
Dieu t'a conduit8 dans le désert, pour t'affliger et te tenter et savoir
ce qu'il y a dans ton cœur : allais-tu garder ses commandements ou
pas? Et il t'a affligé et t'a fait souffrir de faim, puis il t'a nourri de
la manne, que tes pères n'avaient pas connue; c'était pour te faire
comprendre que ce n'est pas de pain seulement que l'homme vit,
mais que l'homme vit de toute parole sortant de la bouche de
Dieu. Tes vêtements ne se sont pas usés sur toi et tes pieds ne se
sont pas enflés pendant ces quarante ans. Et tu peux reconnaître
dans ton cœur que, comme un homme éduque son fils, c'est ainsi
que le Seigneur ton Dieu t'éduque (Dt 8,2-5 LXX).
Pour éduquer Israël comme un père éduque son fils9, Dieu
l'a conduit (rjyayev) dans le désert (èv -qr) èp^picj) afin de le tenter
(èxTteipà aT)). La situation correspond à celle du récit évangé-
lique où l'on voit que Jésus, aussitôt après avoir été proclamé
Fils de Dieu (Mt 3,17), fut conduit (Lc : %eTo ; Mt : Ã v/jx^ ;
Generated on 2011-09-04 23:34 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Mc: èxpà XXei) par l'Esprit dans le désert (èv Tyj èp^^co10) pour
y être tenté (Mt: 7teipaaÔTjvai; Mc et Lc: 7teipa^6(xevoç). Le
Deutéronome précise encore la durée du séjour au désert:
7. On pourrait reconnaître une allusion à cette déclaration en Jn 4,34; le mot
« parole » est remplacé par « volonté », ce qui rend bien le sens dans lequel il faut
prendre la citation du Deutéronome.
8. L'hébreu ajoute ici « pendant quarante ans ». La Bible grecque ne fournit la
précision qu'au v. 4.
9. Le thème reparaît en Dt 1,31; 14,1, et surtout dans le Cantique de Moïse:
32,5.6.18.19.20 (cfr P. Winter, Der Begriff « Sôhne Gottes » im Moselied Dtn 32,1-43,
Zeitschr. filr die AUtestl. Wiss., 67, 1955, 40-48). Le point de départ du thème qui
fait d'Israël le « fils » de Yahvé doit être cherché en Ex 4,22-23 (tradition J). Sur ce
thème, qui assure un lien profond entre les tentations de Jésus et celles d'Israël,
voir B. Gerhardsson, The Testing of God's Son (Matt 4,1-11 and Par), fasc. 1 (Coniec-
tanea Biblica, N. T. Ser. 2: 1), Lund, 1966, pp. 20-24.
10. A noter que Mc n'emploie substantivement êpTinoç qu'en cet endroit (1,12-13),
et dans la péricope sur Jean-Baptiste (1,3-4), sous l'influence d'Is 40,3; ailleurs, il
traite lp7)t«>4 comme un adjectif, employé avec kSttoç (1,35.45 ; 6,32.35). L'exception
devant laquelle nous nous trouvons favorise l'hypothèse d'une source. Cfr M. Sabbe,
art. cit., p. 461.
LES TENTATIONS D'ISRAËL DANS LE DÉSERT
15
«pendant quarante ans»; ces quarante ans ne sont pas sans
analogie avec les quarante jours dont parle l'Évangile. On peut
rappeler à ce propos le principe « Chaque jour (vaut) pour une
année », en vertu duquel Nb 14,34 explique que les quarante
années d'épreuve du désert sont calculées d'après les quarante
jours qu'a duré l'exploration de la Terre Promise u.
Le parallélisme des situations ne va pas sans différences. Les
principales d'entre elles s'expliquent assez facilement si l'on
tient compte de l'évolution de la pensée théologique du
judaïsme. C'est Dieu qui conduit Israël dans le désert, tandis
que Jésus y est conduit par l'Esprit; mais Is 63,14 disait déjÃ
que c'est l'Esprit du Seigneur qui a conduit Israël lors de
l'Exode: quand Dieu agit, il le fait par l'Esprit12. D'après le
Deutéronome, c'est Dieu aussi qui, dans le désert, tente Israël
et le met à l'épreuve, tandis que Jésus est tenté par le diable.
Le changement de point de vue correspond aux préoccupations
du judaïsme postexilique : la tentation est attribuée, non
directement à Dieu, mais au diable13. C'est ainsi que, suivant
2 Sam 24,1, Dieu a poussé David à faire le dénombrement, qui
est considéré comme une faute grave; 1 Chron 21,1 attribue au
diable la même suggestion. Dans Gen 22,1ss., Dieu met
Abraham à l'épreuve, le « tente », en lui demandant de sacri-
Generated on 2011-09-04 23:36 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
fier Isaac; Jub 17,16 et 23,12 attribue à Mastéma (Satan)
l'initiative de cette épreuveu. Ex 4,24 rapporte une circons-
tance dans laquelle Yahvé chercha à faire mourir Moïse; la
LXX et le targum attribuent l'agression à l'Ange du Seigneur,
Jub 48,3 à Mastéma, le prince des démons15. Il n'est donc pas
11. Cfr Ez 4,6.
12. Cfr B. Gerhardsson, op. cit., pp. 36-38.
13. Cfr Gerhardsson, pp. 38-40.
14. Dans le Talmud de Babylone, une interprétation du 111e siècle cherche l'ori-
gine de cette épreuve dans une suggestion de Satan: Sanh. 89 b (H. L. Strack-
P. Billerbeck, Kommentar sum Neuen Testament aus Talmud und Midrasch, I,
Munich, 1922, p. 141). Cette présentation correspond à celle de Job 1-2 (cfr Zach
3,1). Voir B. Noack, Satanas und Soteria. Untersuchungen zur neutestamentlichen
Dâmonologie, Copenhague, 1948, p. 41 ; E. Fascher, Jesus und der Satan, pp. 30 s.
15. Même chose en certains manuscrits de Ned 3ib-32a: cfr G. Vermes, Scripture
and Tradition in Judaism. Haggadic Studies (Studia post-biblica, IV), Leyde, 1961,
p. 187; H. A. Kelly, The Devil in the Desert, Cath. Bibl. Quart., 26 (1964), 190-220
(198-202).
i6
LE RÉCIT DE MATTHIEU
étonnant, dans ce contexte, de voir reporter sur le diable une
tentation dont l'auteur était Dieu dans le récit biblique.
En voilà assez pour conclure que le récit évangélique de la
première tentation de Jésus au désert s'inspire de Dt 8,2-5.
Le contact ne se limite pas à la citation que Jésus fait du v. 3 ;
il s'étend à plusieurs termes caractéristiques et aux situations
elles-mêmes. Ce passage du Deutéronome s'appliquait Ã
dégager la leçon à retenir de l'épisode rapporté au ch. 16 de
l'Exode. Le peuple se plaignait d'avoir faim; le Seigneur
déclara alors à Moïse: «Voici que, du ciel, je vais faire pleu-
voir des pains ; le peuple sortira et ramassera ce qu'il faut pour
chaque jour, afin que je les éprouve (que je les tente) pour
voir s'ils suivront ma loi, ou non » (Ex 16,4). Cette tentation,
Jésus eut à la traverser à son tour; mais là où Israël avait
succombé, Jésus triomphe de l'épreuve, mettant à profit la
leçon du Deutéronome : « L'homme ne vit pas seulement de
pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
2. Deuxième tentation
Au diable qui l'engage à se jeter du haut du pinacle du
Temple, Jésus répond: « Il est écrit aussi: Tu ne tenteras pas
le Seigneur ton Dieu» (v. 7). La citation est empruntée Ã
Dt 6,16. Elle est encore faite d'après la LXX: alors que l'hébreu
Generated on 2011-09-04 23:36 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
s'exprimait au pluriel « Vous ne tenterez pas le Seigneur votre
Dieu », le grec emploie le singulier, et il recourt au verbe com-
posé èx7teipdcÇcû, repris par Matthieu (qui ne l'emploie qu'ici,
alors qu'il emploie six fois le verbe simple neipâZat1').
Le verset cité dit exactement : « Tu ne tenteras pas le Sei-
gneur ton Dieu, à la façon dont vous l'avez tenté à la Tenta-
tion. » Le rappel vise l'épisode de Massa, « la Tentation », rap-
porté en Ex 17,1-7 (cfr Nb 20,1-13). Souffrant de la soif, le
peuple avait réclamé de l'eau; il n'avait pas craint de « tenter
le Seigneur en disant : Le Seigneur est-il, ou non, parmi nous? »
16. Mt 4,1.3; 16,1; 19,3; 22,18.35.
LES TENTATIONS D'ISRAËL DANS LE DÉSERT
17
(v. 7). «Tenter» le Seigneur, c'est exiger de lui un signe de
sa présence, de sa protection, de sa fidélité à l'Alliance; c'est
le mettre dans l'obligation d'intervenir, lui imposer un
miracle17. En rappelant l'épisode de Massa, le Deutéronome
entend mettre Israël en garde contre un tel forfait.
A première vue, il n'y a guère de rapport entre la situation
d'Israël assoiffé et celle de Jésus invité à se lancer dans le
vide. L'analogie se trouve dans le sens des deux épisodes tel
qu'il se dégage de Dt 6,16: Israël a gravement offensé Dieu
en osant le mettre à l'épreuve, en le sommant de faire un
miracle ; au diable qui le pousse à renouveler la faute commise
par Israël à Massa, Jésus oppose la recommandation dont le
Deutéronome a tiré la leçon de cet événement : « Tu ne tenteras
pas le Seigneur ton Dieu !» Là où Israël avait péché, le Christ
reste fidèle.
3. Troisième tentation
Au diable qui lui propose de l'adorer, Jésus réplique : « Va-
t'en, Satan ! Car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu,
et à lui seul tu rendras un culte» (v. 10). Tirée de Dt 6,13,
la citation est encore conforme à la LXX; elle correspond
exactement au texte attesté par le codex A. L'hébreu dit
simplement: «Tu craindras le Seigneur ton Dieu, et tu le
Generated on 2011-09-04 23:37 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
serviras. » Le codex B se rapproche de l'hébreu en disant « tu
craindras », non « tu adoreras », et en ignorant le mot « seul18 »;
il s'accorde avec A pour traduire ta'abod, « tu serviras », par
XaTpeûoeiç, « tu rendras un culte19 ». L'emploi de ce verbe dans
17. Cfr B. Gerhardsson, The Testing of God's Son, pp. 28-31.
18. Même addition de A en Dt 10,20.
19. Le verbe Xonpeà o ne semble pas très familier aux évangélistes : il ne se ren-
contre ni chez Mc ni chez Jn; Mt ne l'emploie qu'ici, tandis que Lc l'utilise encore
en deux autres passages de l'Évangile de l'Enfance : Lc 1,74 (par référence aux événe-
ments de la sortie d'Égypte) et 2,37. On le trouve cinq fois dans les Actes. Sur son
emploi dans la Bible grecque, cfr H. Strathmann, Theol. Wôrterb. zum N. T., IV
(1942), pp. 59-6r. — Quant au verbe 7tpooxuveco, « adorer », il est tout à fait anormal
pour rendre yr'\ on retrouve la même anomalie en Dt 10,20, encore dans le seul
codex A.
Les tentations... 2
i8
LE RÉCIT DE MATTHIEU
le récit évangélique comme dans les principaux témoins de la
LXX témoigne d'une dépendance.
La recommandation du Deutéronome vise le moment où
Israël prendra possession de la Terre promise :
Lorsque le Seigneur ton Dieu t'aura introduit dans la terre qu'il
a juré à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de te donner..., garde-
toi d'oublier le Seigneur ton Dieu qui t'a fait sortir de la terre
d'Égypte, de la maison de servitude. Tu adoreras (B : tu craindras)
le Seigneur ton Dieu, et à lui (A: seul) tu rendras un culte; tu
t'attacheras à lui et tu jureras par son nom. Vous ne vous mettrez
pas à la suite d'autres dieux, parmi les dieux des nations qui vous
entourent, car le Seigneur Dieu au milieu de toi est un Dieu jaloux
(Dt 6,12-15).
Ces prescriptions reprennent l'essentiel de celles qui se
trouvent dans l'Exode, en prévision également de l'entrée dans
le pays de Canaan :
Voici que j'envoie mon ange devant ta face, afin qu'il te garde en
chemin et t'introduise dans la terre que j'ai préparée pour toi...
Si vous écoutez attentivement ma voix et faites tout ce que je vous
ai prescrit et gardez mon alliance, vous serez mon peuple particulier
parmi toutes les nations: car toute la terre est à moi... Mon ange
s'avancera à ta tête, et il t'introduira chez l'Amorréen, le Héthéen,
Generated on 2011-09-04 23:37 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
le Phérézéen, le Cananéen, le Gergéséen, le Hévéen et le Jébuséen,
et je les extirperai. Tu n'adoreras pas leurs dieux et tu ne leur
rendras pas de culte... Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et je bénirai
ton pain, ton vin et ton eau... Tu ne concluras pas d'alliance avec
eux et leurs dieux; ils n'habiteront pas dans ton pays, de peur
qu'ils ne te fassent pécher contre moi: car si tu sers leurs dieux, ils
te seraient un piège (Ex 23,20-33).
Voici que je chasse devant ta face l'Amorréen, le Cananéen, le
Héthéen, le Phérézéen, le Hévéen, le Gergéséen et le Jébuséen.
Garde-toi de conclure alliance avec ceux qui résident dans le pays
dans lequel tu vas entrer, de peur qu'il n'y ait pour toi un piège
parmi eux. Vous détruirez leurs autels, vous briserez leurs stèles,
vous couperez leurs pieux sacrés, vous jetterez leurs idoles au feu.
Car vous n'adorerez pas d'autre dieu: le Seigneur Dieu s'appelle
Jaloux, c'est un Dieu jaloux (34,11-14).
LES TENTATIONS D'ISRAËL DANS LE DÉSERT ig
Le moment de la prise de possession de la Terre promise
coïncide pour Israël avec une grave tentation, celle d'adorer
les dieux auxquels on rend un culte dans ce pays et qui en
sont considérés comme les maîtres (baalim). Israël a lamen-
tablement succombé à cette tentation. Il s'est imaginé qu'il
avait besoin de la faveur des dieux locaux pour jouir en paix
du fruit de sa conquête. Il n'a pas eu assez de foi en son Dieu,
le Dieu du lointain Sinaï, pour lui réserver exclusivement le
culte qu'il ne veut partager avec nul autre.
A son tour, Jésus affronte la dernière tentation. Il n'est plus
seulement question pour lui de posséder le territoire des sept
nations (cfr Act 13,19) qui occupaient le pays de Canaan. Il
s'agit maintenant de « tous les royaumes du monde » (Mt 4,8);
ce n'est pas trop pour le Fils de Dieu : « Le Seigneur m'a dit :
Tu es mon fils; moi-même aujourd'hui je t'ai engendré. Deman-
de-moi, et je te donnerai les nations pour héritage, et pour ta
possession les extrémités de la terre » (Ps 2,7-8). A une échelle
différente, la situation est parallèle à celle des Israélites au
moment de leur installation en Palestine. Eux s'emparaient
d'un pays qui était censé appartenir aux dieux des nations
qu'ils délogeaient; lui doit recevoir l'empire sur un monde
païen et idolâtre qui est au pouvoir du Prince des ténèbres.
Les accommodements que les Israélites ont cherchés avec les
Generated on 2011-09-04 23:37 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
dieux cananéens, ne serait-il pas normal qu'il les cherche, lui,
avec Satan, le Prince de ce monde20? Celui que Paul n'hésite
pas à appeler ô Geèç toû aiwvoç toùtou, « le dieu de ce monde »
(2 Cor 4,4) n'est-il pas aussi celui auquel Rome doit son pou-
voir : « Le Dragon lui transmit sa puissance et son trône avec
un empire immense » (Apoc 13,2)? Ne serait-il pas prudent, de
la part de Jésus, de compter avec lui, de s'assurer sa faveur 21?
20. Le parallélisme des situations ressort mieux si l'on se souvient que, dans la
pensée des Juifs, le culte rendu aux dieux païens s'adressait, en réalité, aux démons.
Témoignage de cette manière de voir dans 1 Cor 10,20 s. (faisant écho à Dt 32,17;
cfr Bar 4,7) et dans les nombreux textes que citent les commentaires de ce passage.
21. Dans son v. 6b, Lc explicite l'idée sous-jacente: «(toute cette puissance et
cette gloire) m'a été confiée, et je la donne à qui je veux ». Il ne s'agit pas là d'une
pure fanfaronnade, comme l'explique R. Schnackenburg, Die sittliche Botschaft des
Neuen Testamenies (Handbuch der Moraltheologie, VI), Munich, 1954, pp. 73 s. Le
judaïsme s'était habitué à reconnaître derrière les royaumes de la terre, qui lui étaient
hostiles et pratiquaient en même temps l'idolâtrie, l'action de forces surnaturelles,
20
LE RÉCIT DE MATTHIEU
Sous une forme plus grandiose et plus dramatique, Jésus
revit le tentation d'Israël à son entrée en Canaan. Là où Israël
avait succombé, il triomphe, en tirant parti de la leçon que le
Deutéronome a dégagée de la dernière tentation d'Israël: «Tu
adoreras le Seigneur ton Dieu, et à lui seul tu rendras un
culte. »
Conclusion
L'influence du Deutéronome sur le récit des tentations de
Jésus ne se limite pas aux trois citations par lesquelles Jésus
répond aux sollicitations du diable, ou à la scène du séjour au
désert décrite au début du récit. La relation est plus profonde.
La signification des événements est la même ; malgré l'évidente
différence des situations, les tentations auxquelles Jésus doit
faire face correspondent, par leur sens réel, aux tentations
rencontrées par Israël pendant la traversée du désert et lors
de la conquête de la Terre promise. Jésus revit au désert les
tentations du peuple élu; mais alors que celui-ci avait suc-
combé, lui remporte la victoire en mettant à profit les enseigne-
ments que le Deutéronome avait dégagés de l'expérience
d'Israël.
La conclusion à laquelle nous arrivons n'est pas nouvelle.
Le P. Jacques Guillet écrit : .
Generated on 2011-09-04 23:38 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Le récit de la tentation de Jésus au désert, durant les quarante
jours de jeûne, est un rappel manifeste des quarante ans de l'Exode.
Mais le parallélisme ne s'y borne pas au chiffre quarante. Il atteint
la substance même de ces quarante années, qui consistèrent en une
tentation. De même qu'Israël, après avoir été choisi par Yahvé
sataniques. Telle est aussi la pensée des auteurs du Nouveau Testament. Jean appelle
le diable du nom significatif de «prince de ce monde » (12,31; 14,30; 16,11); dans le
supplice de la croix infligé au Christ, Paul reconnaît, derrière l'action des hommes,
l'œuvre des « princes de ce monde » (1 Cor 2 fi), et il fait de la résurrection de Jésus
un triomphe sur ces puissances maudites (Éph 1,21 ; Col 2,15; cfr 1 Pt 3,22), contre
lesquelles les chrétiens doivent continuer à lutter (Éph 2,2; 6,12) et auxquelles il
donne des noms qui ne manquent pas de sens : puissances, principautés, trônes, domi-
nations. Le monde est bien le domaine de Satan ; rien de plus naturel que le pouvoir
terrestre dépende de lui. Sur la pensée de Paul à ce sujet, cfr O. Cullmann, Dieu et
César, Neuchâtel-Paris, 1956, pp. 60-75 et 97-120.
LES TENTATIONS D'ISRAËL DANS LE DÉSERT 21
comme son fils (Ex 4,22), fut conduit au désert par une colonne de
feu, c'est-à -dire, selon une interprétation consacrée en Israël, par
l'esprit saint de Yahvé (Is 63,11.14), pour y être, durant quarante
ans, tenté (Dt 8,2), de même aussi Jésus, le Fils de Dieu bien-aimé
(Mt 3,17), est poussé au désert par l'Esprit qui vient de se révéler
au Jourdain, afin d'y subir sa tentation. Or sa tentation est celle
de son peuple, d'attendre sa nourriture de la terre et non de Dieu
seul, d'exiger des signes à sa fantaisie, de tenter Dieu, enfin, suprême
épreuve, d'adorer un autre que Dieu. Si Jésus répond à Satan par
des textes scripturaires, ce n'est pas seulement pour repousser la
suggestion dangereuse par un argument sans réplique, bien moins
encore par une vertu magique des mots inspirés. C'est parce qu'il
est mis par le diable dans les situations où Israël avait succombé,
en exigeant de la viande à la journée des cailles (Nb 11,33), en
exigeant un signe à Massa (Ex 17,2.7), en reniant Yahvé devant le
veau d'or (Ex 32,1-35)... En repassant par l'Égypte, le Jourdain
et le désert, Jésus fait tout autre chose que de pieux pèlerinages aux
traces laissées par son peuple. Il refait pour son propre compte son
itinéraire spirituel. Triomphant de l'épreuve du désert, il se révèle
comme étant, à lui seul, le peuple fidèle, l'Israël authentique, le
Fils de Dieu M.
Le P. Guillet a bien vu que l'épisode des tentations de Jésus
doit se comprendre dans le rapport qui l'unit à l'histoire des
Generated on 2011-09-05 00:25 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
tentations d'Israël. Pour désigner ces tentations d'Israël, nous
pouvons nous appuyer sur les passages du Deutéronome aux-
quels le récit évangélique fait appel; ils nous renvoient à des
événements de l'Exode que nous pouvons indiquer avec plus
de précision: Dt 8,3 se réfère, non à l'épisode des cailles (Nb
il), mais à celui de la manne (Ex 16) ; Dt 6,16 se réfère évidem-
ment à Ex 17,1-7; Dt 6,13 veut qu'on réserve le culte au seul
vrai Dieu, par opposition, non pas au veau d'or par lequel les
Israélites avaient prétendu représenter Yahvé (Ex 32), mais
aux divinités honorées par les nations païennes qui habitaient
le pays de Canaan (Ex 23 et 34).
Les citations du Deutéronome dans le récit des tentations
22. J. Guillet, Thème de la marche au désert dans l'Ancien et le Nouveau Testa-
ment, Rech, de Sc. Rel., 36 (1949), 161-181 (178 s.), reproduit dans Thèmes bibliques.
Études sur l'expression et le développement de la Révélation (Théologie, 18), Paris,
I95I, pp- 23 s- Cfr J. Daniélou, Sacramentum futuri. Études sur les origines de la typo-
logie biblique (Études de Théologie Historique), Paris, 1950, p. 137.
22
LE RÉCIT DE MATTHIEU
sont donc tout autre chose que trois bouts de texte sans grand
rapport entre eux23. Derrière elles, c'est l'histoire de l'Exode
qu'on voit se profiler dans son ensemble. Ce n'est sans doute
pas par hasard que, présentées dans l'ordre inverse de leur
emplacement dans le Deutéronome (8,3; 6,16; 6,13), les cita-
tions retrouvent l'ordre réel des événements de l'Exode: l'épi-
sode de la manne, le miracle de l'eau, l'entrée en Canaan.
Cette observation plaide en faveur de l'ordonnance du récit
des tentations qui nous a été conservée par Matthieu ; en inter-
vertissant l'ordre de la deuxième et de la troisième tentation,
la version de Lc se détache en même temps de la succession
historique des épisodes qui doivent éclairer les tentations de
Jésus24.
23. Nous songeons à l'objection de M.-J. Lagrange, Évangile selon saint Matthieu
(Études bibliques), 3e éd., Paris, 1927, p. 65. Elle vise directement l'hypothèse de
H. J. Holtzmann, H and- Commentât zum Neuen Testament, I, 1. Die Synoptiker,
3* éd., Tubingue, 1901, p. 46. Holtzmann estime que le récit des trois tentations
de Jésus a été composé sur le modèle des trois tentations d'Israël dans le désert;
il découvre celles-ci: la première dans Ex 16,2-9 et Nb 11,4-10 (cfr 1 Cor 10,6), la
deuxième dans Ex 17,1-7 et Nb 21,4-7 (cfr 1 Cor 10,9), la troisième dans Ex 32,6
(cfr 1 Cor 10,7). A quoi le P. Lagrange réplique : « Il est toujours aisé, avec des livres,
de faire des extraits qui coïncident plus ou moins. » L'objection est juste si l'on doit
Generated on 2011-09-05 00:27 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
faire appel à tant de textes dispersés pour expliquer la composition du récit. Elle ne
porte plus si la reconstitution part des données fournies par le texte évangélique,
les trois citations du Deutéronome, qui se réfèrent elles-mêmes à trois tentations
d'Israël. Le récit s'appuie immédiatement sur les trois passages du Deutéronome
et ne fait appel que d'une manière lointaine aux récits de l'Exode et des Nombres
qu'ils évoquent. - Une mise au point encore. La première tentation de Jésus nous
renvoie à Dt 8,2-4, rappel de la journée des cailles et de la manne (Ex 16 et Nb n);
en parlant de « pain », c'est évidemment à la manne qu'on pense. La deuxième tenta-
tion renvoie à Dt 6,16: le miracle de l'eau (Ex 17,1-7 et Nb 20,2-13). Il n'y a pas
grande difficulté jusqu'ici. Il y en a davantage quand, à propos de la troisième tenta-
tion qui se réfère à Dt 6,13, on évoque l'épisode du veau d'or. Le texte du Deutéro-
nome ne le vise certainement pas, puisqu'il s'agit d'un conseil à mettre en pratique
lors de l'entrée dans la Terre promise (cfr Dt 12,29-31; Jos 23,6-16; Jg2,i2; Ps
104,35 ss.). Rien n'indique non plus que le récit évangélique ait vu dans le texte autre
chose que ce qu'il disait, et qu'il ait mis une relation entre l'adoration de Satan et
l'adoration du veau d'or. La troisième tentation d'Israël, tentation d'idolâtrie Ã
l'adresse des dieux païens, est liée par le Deutéronome au moment de la prise de
possession des territoires occupés par les nations cananéennes; elle est liée dans
l'Évangile à la prise de possession des royaumes du monde. Faire appel à l'épisode
du veau d'or dans ce contexte, c'est brouiller inutilement un parallélisme qui est
assez clair par lui-même.
24. B. Gerhardsson (op. cit., pp. 71-79) propose une considération qui fournirait
un autre argument en faveur de l'ordonnance de Mt: les trois tentations évangé-
liques constitueraient un développement du précepte de Dt 6,5 : « Tu aimeras le
Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. »
Compte tenu de l'interprétation rabbinique de ce verset, la première tentation mon-
trerait que Jésus a aimé Dieu « de tout son cœur », la deuxième qu'il l'a aimé « de
toute son âme », la troisième « de tout son pouvoir ». L'argument nous paraît fragile.
AUTRES TRAITS BIBLIQUES
23
A propos de la fuite en Égypte Mt avait déjà noté: « Il y
resta jusqu'à la mort d'Hérode, pour que s'accomplît ce que
le Seigneur avait dit par le prophète: D'Égypte j'ai appelé
mon fils» (2,15; cfr Os 11,1). Ce qui avait été dit d'Israël,
considéré par Dieu comme son fils, se renouvelle et s'accomplit
dans la destinée de Jésus, que Dieu, lors du baptême, a pro-
clamé son Fils bien-aimé. Dans le désert, Jésus revit pour son
compte l'histoire des tentations qui assaillirent le peuple élu
après la sortie d'Égypte; mais là où Israël avait succombé, le
Fils de Dieu triomphe. A chaque tentation, Jésus se réfère à la
leçon que le Deutéronome avait tirée de la tentation corres-
pondante. On ne saurait se contenter de voir là trois rappels
sporadiques du Deutéronome ; il faut reconnaître, dans le récit
évangélique, l'affleurement d'une référence constante et pro-
fonde aux événements de l'Exode, sans laquelle il perdrait le
plus clair de sa substance 25.
II. AUTRES TRAITS BIBLIQUES
A côté du rattachement fondamental qui fait voir en cha-
cune des trois tentations de Jésus la reprise et l'accomplisse-
ment des tentations d'Israël lors de la sortie d'Égypte, d'autres
indications, qui n'ont pas la même valeur centrale, ne sauraient
être négligées. Nous en relevons une dans chaque tentation;
Generated on 2011-09-05 00:27 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
25. A la suite du Christ, les chrétiens ont à refaire les expériences du désert et
de ses tentations, en tirant parti des leçons que l'Écriture a dégagées des défections
des Israélites. Les explications que donne sur ce point la catéchèse de i Cor 10,1-13
complètent fort bien le récit des tentations de Jésus. Paul rappelle que, lors de la
sortie d'Égypte, « tous les Israélites ont été baptisés en Moïse dans la nuée et dans
la mer, tous ont mangé le même aliment spirituel et tous ont bu le même breuvage
spirituel » (vv. 2-4). Leur situation était donc parfaitement semblable à celle des
chrétiens qui ont reçu les sacrements de l'initiation. Et pourtant ils ont été assaillis
par diverses tentations, y ont succombé et ont subi le juste châtiment de leurs péchés.
Ce souvenir doit inciter les chrétiens à une grande prudence ! Dans le rappel des
tentations du désert, l'Apôtre suit surtout le Livre des Nombres (14,16; 25,1-9;
21,5-6; 17,6-15); l'ordonnance des tentations et leur nombre ne sont pas ceux des
tentations évangéliques. Le principe est le même: l'histoire des événements de l'Exode
se renouvelle. Elle a reçu sa consécration suprême et son accomplissement dans le
Christ; elle se prolonge dans la vie de chaque chrétien, qui doit triompher à son
tour des tentations en profitant des leçons de l'Écriture et en suivant l'exemple du
Fils de Dieu.
24
LE RÉCIT DE MATTHIEU
rien ne nous obligeant à suivre l'ordre du récit, nous partirons
de la dernière.
i. La haute montagne
Le diable emmène Jésus « sur une montagne très élevée »
(de, Ôpoç ûif^Xà v Xtav); de là il «lui montre tous les royaumes
du monde et leur gloire » (Setxvixriv aÙTcp TOxaaç t<xç (3aaiXe£aç
toû x6djj.ou xal ty]v S6Çav aÙTôiv), et il lui déclare: «Tout cela,
je te le donnerai si... » (raGTa aoi 7iavTa Swaw, êà v... : w. 8-9).
Cette mention d'une montagne permettant de contempler tous
les royaumes du monde a fait difficulté très tôt. Où situer cette
montagne? Elle n'existe nulle part! Lc a déjà jugé prudent de
supprimer cette indication ; il lui substitue une autre précision :
la vision de Jésus s'est opérée « en un instant ». Pour lui, il
s'agit donc d'autre chose que de la contemplation d'un vaste
panorama du haut d'un belvédère fort élevé. Moins soucieux
des vraisemblances que Lc, qui réagit à la manière d'un Occi-
dental, Mt a maintenu la montagne, qui se trouvait dans sa
source. Il n'est pourtant pas naïf; il sait sûrement qu'on ne
doit pas chercher cette montagne sur une carte d'état-major.
C'est dans la Bible qu'il faut la chercher, au dernier chapitre
du Deutéronome26:
Moïse monta des steppes de Moab sur le mont Nébo, au sommet
Generated on 2011-09-05 00:27 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
de Pisga, qui est en face de Jéricho. Et le Seigneur lui montra toute
la terre (xal ëSeiÇev aÙTÔ) xûpioç 7tà aav tJjv yr^) de Galaad jusque
Dan, et toute la terre de Nephtali, et toute la terre d'Éphraïm et
de Manassé, et toute la terre de Juda jusqu'à la mer occidentale, et
26. Le rapprochement n'est pas nouveau, bien que ceux qui le font ne voient
souvent pas le parti qu'on peut en tirer. Cfr E. Hûhn, Die messianischen Weissagungen
des israelitisch-jûdischen Volkes bis zu den Targumim, II, Tubingue, 1900, p. 6;
A. Meyer, Die evangelischen Berichte iiber die Versuchung Christi, dans Festgabe
Hugo Bliïmmer, Zurich, 1914, pp. 434-468 (460) ; les commentaires de A. Loisv et de
E. Klostermann; E. Lohmeyer, Die Versuchung Jesu, Zeitschr. fur System. Theol.,
14 (1937), 619-650 (640, n. 3); Id., Das Evangelium des Maithâus. Nachgelassene
Ausarbeitungen und Entwiirfe (Krit.-exeg. Komm. iiber das N. T., Sonderband),
GÅ“ttingue, 1956, pp. 54 et 59; C. K. Barrett, The Holy Spirit and the Gospel Tra-
dition, Londres, 1947, p. 52 ; W. D. Davies, The Setting of the Sermon on the Mount,
Cambridge, 1964, p. 48, n. 1 ; B. Gerhardsson, The Testing of God's Son, p. 62.
AUTRES TRAITS BIBLIQUES
25
le désert et la région de Jéricho, la ville des palmiers, jusqu'à Ségor.
Et le Seigneur dit à Moïse: Voici la terre au sujet de laquelle j'ai
juré à Abraham, Isaac et Jacob, en disant: A votre descendance je
la donnerai (S&xjo) aÙ-r/jv). Je l'ai montrée (xaî ëSeiÇa) à tes yeux,
mais tu n'y entreras pas (Dt 34,1-4)27.
De toute évidence, la vue de Moïse s'étend beaucoup plus
loin que ne le fait celle du voyageur qui se trouve au sommet
du Nébo. Le panorama est large: la plaine désolée du Ghôr,
dont l'aridité est soulignée par l'opulente oasis de Jéricho et
le mince ruban du Jourdain, le saphir étincelant de la mer
Morte dans son écrin de sel, puis la haute muraille fauve et
crayeuse du désert de Juda. Ce n'est pas encore toute la Terre
promise. Pour que Moïse puisse la contempler avant de mourir,
jusque Dan et Nephtali et jusquà la Méditerranée, le Seigneur
exhausse quelque peu ce modeste piédestal28. Le diable en fait
autant pour montrer à Jésus non seulement la Terre promise,
mais le monde entier.
Le parallélisme des situations ne paraît pas contestable ; que
Satan prenne la place du Seigneur, on ne saurait s'en étonner
dans le contexte d'une tentation. Ce parallélisme s'accompagne
de rapprochements assez précis dans l'expression : Dieu montra
(ISeiÇev) la Terre promise à Moïse; le diable montra (Lc:
Generated on 2011-09-05 00:28 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
ISeiÇev; Mt: Seixwmv) le monde à Jésus. Dieu rappelle son ser-
ment: Je donnerai (Swaw) cette terre à la postérité des pa-
triarches; le diable déclare: Je te donnerai (Sœaw) tout cela29.
Cette vision de Moïse a frappé l'imagination des contempo-
rains de Jésus. On peut en trouver une preuve dans l'Apo-
27. Le thème était amorcé en Dt 3,27: « Monte au sommet du Pisga et élève tes
yeux vers l'Occident et vers le Nord, et vers le Midi et vers le Levant, et regarde
de tes yeux, car tu ne passeras pas le Jourdain. »
28. Voir les développements rabbiniques signalés par B. Gerhardsson, op. cit.,
p. 63. D'après Sifre Num § 136, R. Éliézer ben Hyrkanos, un contemporain de
Matthieu, comprenait la vision de Moïse dont parle Dt 3,27 comme s'étendant au
monde entier ; il en concluait que Dieu lui avait donné une vue spéciale.
29. On cherche souvent, dans la promesse du diable, une allusion au Ps 2,7. Ainsi,
récemment: P. Doble, The Temptation, dans Expository Times, 72 (1959-60), 91-93;
E. Lovestam, Son and Saviour. A Study of Acts 13,32-37. With an Âppendix:
« Son of God » in the Synoptic Gospels (Coniectanea Neotestamentica, XVIII), Lund-
Copenhague, 1961, pp. 97-101; K. H. Rengstorf, Old and New Testament Traces of
a Formula of the Judaean Royal Ritual, Nov. Test., 5 (1962), 229-244 (240-242). Cette
orientation nous paraît beaucoup moins significative.
26
LE RÉCIT DE MATTHIEU
cryphe de la Genèse découvert dans la grotte i de Qumrân.
Amplifiant une donnée de Gen 13,14s. d'après la finale du
Deutéronome, l'auteur fait ainsi parler Abraham :
Et Dieu m'apparut dans une vision nocturne et me dit : Monte Ã
Ramat-Hasor, qui est au Nord de Béthel, le lieu où tu habites, et
lève les yeux et regarde vers l'Orient et vers l'Occident et vers le
Sud et vers le Nord, et vois tout ce pays que moi je te donne, ainsi
qu'à ta postérité, pour tous les siècles. Et je montai le lendemain Ã
Hamat-Hasor, et de cette hauteur, je vis le pays depuis le fleuve
d'Égypte jusqu'au Liban et au Sanir, et depuis la Grande mer
jusqu'au Hauran, et tout le pays de Gebal jusqu'Ã Qadesh, et tout
le Grand Désert qui est à l'Orient du Hauran et du Sanir jusqu'Ã
l'Euphrate. Et il me dit: A ta postérité je donnerai tout ce pays-ci,
et ils en hériteront pour tous les siècles... Vois combien grande est
la longueur de ce pays et combien grande est sa largeur. Car à toi
et à ta postérité je le donnerai pour tous les siècles30.
Autre témoignage des mêmes rêves: au début du 11e siècle,
l'Apocalypse de Baruch rapporte que, quarante jours avant sa
mort, Baruch reçut l'ordre de monter sur une montagne, d'où
il verra toute la terre : « Monte donc au sommet de cette mon-
tagne. Devant toi passeront toutes les régions de cette terre,
la forme du globe, le sommet des montagnes, la profondeur
Generated on 2011-09-05 00:30 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
des vallées, les abîmes de la mer, le nombre des rivières, afin
que tu voies ce que tu laisses et où tu vas 31. »
En même temps qu'il est soumis à la tentation qu'Israël a
connue au moment de la prise de possession du pays de
Canaan, Jésus se trouve dans une situation qui rappelle celle
de Moïse contemplant ce même pays du haut du mont Nébo,
situation où d'ailleurs il dépasse Moïse, comme cela ressort de
l'ampleur de la vue qui s'offre à ses yeux, s'étendant sur tous
les royaumes du monde. La situation diffère cependant en ceci
que Jésus se voit offrir le monde qu'il a sous les yeux32, alors
30. Col 21,8-14, dans la traduction de A. Dupont-Sommer, Les écrits esséniens
découverts près de la, mer Morte, Paris, 1959, pp. 302 s.
31. 76,3-4: Patrologia Syriaca, II, col. 1201. Cfr R. H. Charles, The Apocrypha
and Pseudepigrapha of the Old Testament, II, Oxford, 1913, p. 519.
32. D'après D. Daube (Studies in Biblical Law, Cambridge, 1947, pp. 24-39),
le diable se conformerait aux usages juridiques qui, lors d'un transfert de propriété,
veulent que le vendeur fasse voir à l'acheteur le domaine qu'il va acquérir. Cfr
W. D. Davies, The Setting of the Sermon on the Mount, p. 48, n. 1 ; B. Gerhardsson,
The Testing of God's Son, pp. 63 s.
AUTRES TRAITS BIBLIQUES
27
que Moïse ne peut pas entrer dans le pays qu'il contemple: il
reçoit simplement la réitération de la promesse par laquelle
Dieu s'est engagé à le donner aux descendants d'Abraham,
Isaac et Jacob. Dans la mesure où la tentation est liée à la pos-
session de ce qu'on voit du haut de la montagne élevée, la
situation de Jésus correspond mieux à celle d'Israël qu'à celle
de Moïse 33.
2. Quarante jours et quarante nuits
D'après Mc 1,13, Jésus fut « au désert, pendant quarante
jours, tenté par Satan ». De même Lc montre Jésus « au désert,
pendant quarante jours, tenté par le diable »; mais il ajoute:
« Et il ne mangea rien pendant ces jours-là » (4,1-2). Matthieu
est un peu différent : « Alors Jésus fut conduit au désert par
l'Esprit pour être tenté par le diable. Et ayant jeûné quarante
jours et quarante nuits, finalement il eut faim» (4,1-2).
Matthieu ne se contente pas de mentionner les « quarante
jours »; il tient à y ajouter « quarante nuits »; de plus, il met
cette période en relation directe, non avec la tentation, mais
avec le jeûne de Jésus.
Ce double changement a pour effet d'affaiblir le parallélisme
entre l'épreuve de Jésus et celle d'Israël telle qu'elle est décrite
dans Dt 8,2-5. Les quarante années du séjour d'Israël au
Generated on 2011-09-05 00:30 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
désert correspondent bien à quarante jours; la mention sup-
plémentaire des quarante nuits donne l'impression d'introduire
un élément étranger. Les quarante années passées par Israël
dans le désert ont été une période d'épreuve, de tentation,
mais pas précisément une période de jeûne34. La version
matthéenne invite à chercher dans une autre direction.
33. La réponse que Jésus fait au Tentateur étant empruntée à Dt 6,13, il n'est
pas sans intérêt que le v. 10 rappelait la promesse faite aux patriarches: « Lorsque
le Seigneur ton Dieu t'aura introduit dans le pays qu'il a juré à tes pères, Abraham,
Isaac et Jacob de te donner... » C'est à Israël, non à Moïse, que la Terre promise
devait être donnée.
34. Le verbe v7)otei3 pp- 85-92: 89). Est-il nécessaire de souligner que le récit évangélique renvoie
le lecteur, non pas à la tentation d'Adam en Éden, mais à celles d'Israël dans le
désert? Faut-il insister aussi sur le fait que l'appel au thème des trois concupiscences
(cfr 1 Jn 2,16) ne peut guère éclairer le lecteur sur le sens que les évangélistes attri-
buaient à l'épisode des tentations de Jésus?
57. R. Bultmann (Die Geschichte der syn. Trad., pp. 275 et 331), suivi notamment
par F. Hahn {Christologische Hoheitstitel, p. 175), croit trouver dans l'idée d'un
« Fils de Dieu » thaumaturge la preuve évidente que le récit des tentations a subi
l'influence des conceptions du paganisme hellénistique; la conception messianique
juive concernant le Fils de Dieu ignore complètement l'idée d'un Messie faiseur de
miracles. On peut opposer à ces explications ce simple fait : le personnage de Theudas,
auquel il est fait allusion en Act 5,36, et sur lequel Josèphe donne quelques précisions
(Ant. XX,5,1 s.). On ne nous dit pas qu'il se faisait passer pour le Messie; d'après
Josèphe, il se présentait comme « prophète ». Il entraîna une grande foule jusqu'au
Jourdain en annonçant qu'il allait en diviser les eaux (comme au temps de Josué).
Il semble obvie de rattacher ce personnage à la fermentation messianique de l'époque ;
c'est ce que font d'ailleurs les Actes, et le cas illustre fort bien l'avertissement de
Mt 24,26. La vérité est qu'on attendait du Messie qu'il se manifestât et fît la preuve
de sa mission divine par un prodige éclatant ; c'est le sens naturel de passages comme
Mt 12,38 s. par; 16,1 par. Inutile de faire appel ici au paganisme hellénistique.
58. Alors même qu'elles lui seraient présentées par Pierre : Mt 16,22-23. Comment
ne pas se souvenir ici des pages prestigieuses du « Grand Inquisiteur », dans Les
Frères Karamazov, où Dostoievsky fait une sorte d'exégèse « prophétique » de la
péricope qui nous occupe ? Les tentations dont Jésus a triomphé restent celles de son
Église: mettre les valeurs religieuses au service de réalisations temporelles et poli-
tiques.
42
LE RÉCIT DE MATTHIEU
aspirations de ses contemporains, qui se présente à lui comme
une tentation satanique, mais dans la fidélité à la mission que
Dieu lui a confiée et l'obéissance à sa parole. Cette page nous
apparaît ainsi comme un des sommets théologiques de l'Évan-
Generated on 2011-09-05 00:48 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
gile, un condensé du messianisme chrétien.
Generated on 2011-09-05 00:50 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
II
LE RÉCIT DE LUC
Generated on 2011-09-05 00:50 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Après avoir été baptisé par Jean dans le Jourdain, Jésus se
retira dans le désert pour y subir les assauts du diable. Cet
épisode nous est rapporté sous deux formes très différentes : la
brève notice de Mc 1,12-13, le récit détaillé dont Mt 4,1-11,
et Lc 4,1-13 ne sont que deux variantes. Il est naturel que
l'attention des exégètes1 s'attache aux deux formes fondamen-
tales de la relation, celle de Marc et celle de la source commune
à Matthieu et Luc, et qu'ils portent un moindre intérêt aux
particularités rédactionnelles de Matthieu, surtout de Luc. Ils
s'interrogent sur le rapport à établir entre la notice brève et le
récit développé: Marc ne donne-t-il qu'un résumé, ou bien
représente-t-il une tradition plus ancienne dont l'autre ne
serait qu'une amplification? Ils s'interrogent aussi sur la signi-
fication de l'épisode dans la relation courte et dans la relation
I. Pour l'histoire de l'exégèse de cette péricope, il faut se reporter à P. Ketter,
Die Versuchung Jesu nach dem Berichie der Synoptiker (Ntl. Abh., VI, 3), Munster
Westph., 1918, pp. 87-100 (surtout pour la période patristique) ; E. Fascher, Jesus
und der Satan. Eine Studie zur Auslegung der Versuchungsgeschichte (Hallische Mono-
graphien, 11), Halle, 1949, pp. 7-29 (période moderne); A. Dondorp, De verzoekingen
van Jezus Christus in de woestijn (Vrije Universiteit te Amsterdam, Diss.), Kampen,
I951, pp- 44-79 (renvois abondants à des auteurs souvent secondaires). Études
récentes: R. Schnackenburg, Der Sinn der Versuchung Jesu bei den Synoptikern,
Theol. Quartalschrift, 132 (1952), 297-326; C. Charlier, Les tentations de Jésus au
désert, Bible et Vie chrétienne, n° 5 (1954), 85-92; M. Sabbe, De tentatione Jesu in
Generated on 2011-09-05 00:50 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
deserto, Collationes Brugenses, 50 (1954), 459-465 ; H. Seesemann, Die Versuchungen
Jesu, Theol. Wôrterb. zum N. T., t. VI, fasc 1 (1954), pp. 33-37; J. Dupont, L'arrière-
fond biblique du récit des tentations de Jésus, New Testament Studies, 3 (1956-57), 287-
304; A. Feuillet, Le récit lucanien de la tentation (Lc 4,1-13), Biblica, 40 (1959),
613-621; P. Doble, The Temptations, Exp. Times, 72 (1959-60), 91-93; A. Feuillet,
L'épisode de la Tentation d'après l'Évangile selon saint Marc, Estudios Biblicos, 19
(1960), 49-73; A. B. Taylor, Decision in the Desert. The Temptation of Jesus in the
Light of Deuteronomy, Interpretation, 14 (1960), 300-309; G. H. P. Thompson,
Called - Proved - Obedient: A Study in the Baptism and Temptation Narratives of
Matthew and Luke, Journ. of Theol. St., N. S. 11 (1960), 1-12; B. van Iersel, Jezus
bekoord, Het Heilig Land, N. S. 14 (1961), 65-72; Id., Die Versuchungsgeschichte,
Mt 4,1-11 par., dans iDer Sohn* in den synoptischen Jesusworten: Christus bezeich-
nung der Gemeinde oder Selbstbezeichnung Jesu ? Leyde, 1961, pp. 165-171.
46
LE RÉCIT DE LUC
longue, en particulier sur sa portée messianique. Mais le point
de vue plus personnel des évangélistes, tel qu'il ressort du
contexte général de leur évangile ou des retouches pratiquées
dans le récit, mérite, lui aussi, qu'on s'y arrête. A cet égard,
Luc est particulièrement instructif. La comparaison avec le
passage parallèle de Matthieu permet d'établir avec une grande
probabilité les remaniements assez nombreux dus à l'évangé-
liste; reste à les interpréter en déterminant l'orientation de la
pensée à laquelle ils correspondent.
Une étude récente de M. l'abbé Feuillet2 pose excellemment
la question et prépare la réponse par une série d'indications
suggestives. Nous situons notre travail dans son prolongement,
cherchant simplement à serrer le problème de plus près, par
un examen plus rigoureux des traits qui sont propres à la
rédaction de Luc.
M. Feuillet consacre la première partie de son article à établir
l'ordre primitif des tentations3. Matthieu et Luc en effet,
d'accord sur le contenu des trois tentations, les présentent dans
un ordre différent : Matthieu parle d'abord de la tentation sur
le pinacle du Temple, puis de celle qui a lieu sur une haute
montagne; Luc adopte l'ordre inverse. Les exégètes prennent
parti pour l'un ou pour l'autre en fonction de considérations
Generated on 2011-09-05 00:51 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
souvent fort subjectives. L'indication la plus sûre doit être
cherchée dans les réponses de Jésus, toutes tirées du Deutéro-
nome: chez Matthieu, Dt 8,3; 6,16; 6,13 (Luc: Dt 8,3; 6,13;
6,16). Elles se réfèrent aux événements de l'Exode, mais en
renversant l'ordre des événements: Dt 8,3 tire la leçon qui se
dégage du miracle de la manne (Ex 16), Dt 6,16, celle qui se
dégage du miracle de l'eau (Ex 17,1-7), Dt 6,13 rappelle l'épi-
sode du veau d'or (Ex 32). En retournant l'ordre du Deutéro-
nome, le récit de Matthieu retrouve donc celui de l'histoire des
tentations d'Israël dans l'Exode. Le parallélisme entre les ten-
tations de Jésus et celles d'Israël doit remonter à la forme pri-
2. Biblica, 1959, pp. 613-631 - publié en même temps dans le recueil Studio.
Biblica et Orientalia, II. Novum Testamentum (Analecta Biblica, n), Rome, 1959,
pp. 45-63. Cette étude ne cite pas celle que M. Schnackenburg a publiée en 1952:
cinq pages y sont consacrées à la perspective propre du récit de Luc (pp. 321-326).
3. Biblica, 1959, pp. 613-616.
LE RÉCIT DE LUC
47
mitive du récit : c'est donc Matthieu qui en a conservé l'ordon-
nance, et Luc qui l'a modifiée.
Dans la deuxième partie de son article4, M. Feuillet cherche
à déterminer la raison d'être de l'ordre adopté par Luc, et par
contrecoup le sens fondamental de l'épisode dans le troisième
évangile. Sans beaucoup s'arrêter à cette idée, il observe : « A
la différence de Matthieu et de Marc qui situent le nouvel exode
au début du ministère public de Jésus, le troisième évangile
semble le rattacher à la Passion 5. » C'est dans une autre direc-
tion qu'il préfère chercher l'intention de Luc: dans le désir de
présenter le Christ victorieux du diable comme le modèle des
baptisés dans les luttes qu'ils ont à soutenir contre le tentateur.
D'où la tendance de Luc à estomper le caractère proprement
messianique des tentations du Christ et à les rapprocher des
tentations qui assaillent tout homme. Le Christ est tenté en sa
qualité de second Adam ; le diable ne le quittera qu'après avoir
épuisé « toutes les formes possibles de la tentation » (v. 13).
L'expression évoque assez naturellement une classification des
péchés, classification tripartite puisqu'il y a eu trois tentations :
il faut se souvenir des trois concupiscences de 1 Jn 2,16, dont
l'énumération peut se réclamer de Gen 3,6: « La femme vit que
(le fruit de) l'arbre était bon à manger, qu'il était agréable à voir
Generated on 2011-09-05 00:51 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
et qu'il était désirable pour l'entendement. » Sans se référer
directement à la tentation du paradis, Luc la rappelle simple-
ment en s'inspirant d'une théologie de la tentation et du
péché qui a ses racines dans ce récit. La lutte du Christ contre
le diable annonce ainsi celles que les chrétiens ont à soutenir,
et dont ils doivent triompher en suivant l'exemple de celui qui
est le prototype de l'humanité nouvelle.
Il ressortirait de ces explications qu'à la note théologique et
messianique, déjà présente dans le récit de Marc et dans celui
de la source commune à Matthieu et à Luc, note fortement
accentuée dans le récit de Matthieu, Luc superpose une note
4. Pp. 617-631.
5. P. 616. Voir aussi p. 630: « A la différence de ceux de saint Matthieu, qui
regardent vers le passé d'Israël pour montrer l'achèvement du plan divin, les récits
de Luc semblent orientés davantage vers les événements cruciaux qui ont véritable-
ment fondé l'économie nouvelle: la Passion, la Résurrection, la Pentecôte. »
48 LE RÉCIT DE LUC
parénétique qui lui est propre 8 ; à l'arrière-plan de cette orien-
tation nouvelle, on soupçonne une typologie tendant à montrer
en Jésus le nouvel Adam, point de départ d'une humanité
régénérée. Cette interprétation nous paraît, à priori, parfaite-
ment plausible. Notre hésitation vient simplement du fait
qu'elle n'accorde peut-être pas suffisamment d'attention à la
critique littéraire7 ; c'est sur ce point que nous voudrions tenter
une contre-épreuve.
L'introduction (w. 1-2)
Matthieu commence T6ts ô 'Ivjctoûç: la particule t6ts est un
tic de cet évangéliste8; Luc écrit 'Ir^aouc, Sé, le Sé qu'il emploie
volontiers 9. Viennent ensuite deux précisions plus importantes,
toutes deux attribuables à Luc. Luc dit d'abord de Jésus:
7iXif)pi)ç 7tveû(xaToç à ytou; même expression à propos d'Étienne
en Act 6,5 et 7,5510, et à propos de Barnabé, en Act 11,2411 ;
elle est plus fréquente à la forme verbale «être rempli de
6. Par des voies différentes, M. Schnackenburg aboutit à une conclusion assez
semblable: « ... so wird es klar, dass hier ein dringendes Interesse der Urkirche vor-
lag, und dass Lukas in seiner Darstellung auch ein starkes paradigmatisches und
parânetisches Anliegen spùren là sst » (p. 325).
7. La confrontation des récits pour déterminer ce qui est attribuable aux rédac-
teurs évangéliques et ce qui relève de leurs sources a été souvent faite. Une des meil-
leures études reste celle de A. Harnack, Sprûche und Reden Jesu. Die zweite Quelle
Generated on 2011-09-05 00:52 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
des Matthâus und Lukas (Beitrâge zur Einleitung in das N. T., II), Leipzig, 1907:
nous l'utilisons dans la traduction anglaise de J. R. Wilkinson, The Sayings of
Jesus. The Second Source of St. Matthew and St. Luke (N. T. Studies, II), Londres-
New-York, 1908, pp. 41-48 et 127 s. Outre bien d'autres travaux du même genre
(B. Weiss, A. Resch, F. Spitta, A. Meyer, M. Albertz), il faudrait citer les commen-
taires (A. Plummer, M.-J. Lagrange, etc.); contentons-nous de mentionner le dernier
exposé, celui de Schnackenburg, art. cit., pp. 300-305.
8. Cfr J. C. Hawkins, Horae Synopticae. Contributions to the Study of the Syn-
optic Problem, 2e éd., Oxford, 1909, p. 8: cette particule apparaît 90 fois chez Mat-
thieu, 6 fois chez Marc, 15 fois chez Luc, 21 fois dans les Actes.
9. Très nombreux exemples de substitution de 8t à xal (Mc ou Mt).
10. Voir aussi Act 6,3: «sept hommes remplis d'Esprit et de sagesse»; 6,8:
« Etienne, rempli de grâce et de force ».
n. En 5,12, Luc ne parle pas d'un « lépreux » (Mc 1,40; Mt 8,2), mais d'un
« homme rempli (nX^pinç) de lèpre • ; dans les Actes, il parle de Tabitha, « remplie
de bonnes oeuvres» (9,36), de Barjésus, «rempli de fourberie» (13,10), de gens
«remplis de colère» (19,28). Marc et Matthieu n'emploient l'adjectif nkfiçrru qu'Ã
propos de paniers «remplis » de morceaux de pain (Mc 8,19; Mt 14,20; 15,37) ou d'un
épi « rempli » de blé (Mc 4,28).
l'introduction (w. 1-2)
49
l'Esprit Saint »: Lc 1,15.41.67; Act 2,4; 4,8.31; 9,17; 13,9.52".
Cette manière de parler ne s'emploie pas ailleurs dans le N. T.
Deuxième précision: ùizéarpeev inh toG 'IopSà vou; dans le
N. T., le verbe Ô7to)p6u
qui, dans le N. T., ne se présente qu'en Lc 8,23; 9,51; Act 2,1.
52
LE RÉCIT DE LUC
d'une généalogie entre les deux récits qui devraient se suivre
et qui sont complémentaires.
La première tentation (vv. 3-4)
Le diable adresse la parole à Jésus : eÕ7rev Sè aÙTcji ô Sià jâoXoç ;
Matthieu écrit: xai 7tpoaeX6à >v 6 7teipâÇwv eïtov ocÙtw. L'indica-
tion que le diable « s'approche » de Jésus pour lui parler est
une précision typiquement matthéenne et ne peut remonter Ã
la source25. Le «diable» avait déjà été nommé et son nom
reviendra plusieurs fois dans la suite du récit; pour varier,
Matthieu l'appelle ici « le tentateur26 ». S'il l'avait trouvée dans
sa source, il est peu probable que Luc aurait supprimé cette
appellation pour revenir à « diable ». Sa seule retouche est le
remplacement de xod par Sé.
« Si tu es Fils de Dieu, dis à cette pierre de devenir un
pain »; chez Matthieu : « Si tu es Fils de Dieu, dis que ces pierres
deviennent des pains. » Différence principale : Luc ne parle que
d'une pierre et d'un pain, alors que Matthieu emploie le pluriel.
Différence accessoire: d'après Luc, Jésus devrait s'adresser Ã
la pierre et lui donner un ordre ; chez Matthieu, il s'agit simple-
ment d'un désir, exprimé en l'air. Sur le second point, la con-
struction de Luc est meilleure; on peut l'attribuer à l'évangé-
liste: si elle avait été employée par la source, Matthieu ne
Generated on 2011-09-05 00:54 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
l'eût probablement pas changée. Reste la différence du singu-
lier et du pluriel. Il est clair qu'on ne saurait dire: Matthieu
met le pluriel en songeant que le Messie doit pouvoir nourrir
tout le peuple, Luc, le singulier parce qu'il pense uniquement
à la nécessité dans laquelle Jésus se trouve. Il faut en laisser
pour la source ! Sur ce point encore c'est sans doute la version
de Luc qui a été revue: non seulement parce qu'il est assez
normal de mettre un rapport entre le changement de con-
struction et le changement de nombre, mais aussi parce que
le singulier est plus naturel et plus vraisemblable, mieux adapté
25. 52 fois chez Mt, contre 5 chez Mc, 10 dans Lc et 10 dans Act (Hawkins, 7).
26. Cette appellation ne revient qu'en 1 Th 3,5.
LA PREMIÈRE TENTATION (w. 3-4)
53
à la situation. Le passage du pluriel au singulier se comprend
mieux que l'inverse; car, même chez Matthieu, Jésus est seul
et un pain suffisait. Attentif à ce genre de détails, Luc l'aura
remarqué; sa retouche semble dictée par son souci de la vrai-
semblance.
Réponse de Jésus (v. 4) : xal à raxptOTj. Luc ajoute 7tpèç
ocût6v, qui révèle son style personnel27; qu'il ait ajouté le sujet,
ô 'Iy)ctoûç, est moins sûr28. Matthieu emploie la formule solen-
nelle à laquelle il recourt volontiers pour introduire une parole
du Seigneur : ô Sè à 7toxpi0elç eÕ7tsv 29.
Jésus cite l'Écriture: yéypaotTai (Ôti30). La citation (Dt 8,3)
est conforme à la version des LXX : « Ce n'est pas de pain
seulement que vivra l'homme. » La citation s'arrête là chez
Luc, tandis que Matthieu continue : « mais de toute parole
sortant de la bouche de Dieu ». Ici encore, il faut choisir ; on
ne saurait dire que Matthieu allonge en pensant au rôle mes-
sianique, avant tout doctrinal, qui appartient à Jésus, et que
Luc abrège en fonction de ses propres conceptions31. Il n'est
pas aisé de se prononcer. Nous savons cependant qu'il était
d'usage de ne citer que les premiers mots d'un texte, le reste
27. npiç et l'accusatif pour introduire la personne à qui l'on parle : jamais chez
Matthieu, 5 fois chez Marc, 99 fois dans Luc, 52 fois dans les Actes. Chiffres de
Generated on 2011-09-05 00:54 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Hawkins, p. 21 ; voir le détail pp. 45 s.
28. Les formules qui introduisent la réponse à la deuxième et à la troisième ten-
tation mentionnent explicitement « Jésus », aussi bien chez Matthieu que chez Luc.
Il est possible que la tournure adoptée ici par Matthieu lui ait fait omettre le mot.
29. 14 fois pour introduire une parole de Jésus, 5 fois pour la parole d'un autre ;
chez Marc, 4 fois pour Jésus; chez Luc, 1 fois pour Jésus, 3 fois pour un autre.
30. Marc fait un grand emploi du 6ti récitatif: étude détaillée dans M. Zerwick,
Untersuchungen zum Markus-Stil. Ein Beitrag zur stilistischen Durcharbeitung des
Neuen Testaments (Scripta Pont. Inst. Bibl.), Rome, 1937, pp. 39-48. Il est moins
fréquent chez Luc, où il n'est pourtant pas rare, et moins fréquent encore chez
Matthieu, qui l'évite manifestement : relever ces passages de Marc avec les parallèles
de Matthieu et de Luc, dans une étude de C. H. Turner, Marcan Usage, Journ. of
Theol. St., 28 (1927), 9-15 (corriger p. n, Ã propos de Mc 6,4: Mt omet, Lc con-
serve). Il faut reconnaître cependant qu'il y a des cas où Luc l'ajoute: cfr 4,32.36.
41-43; 5.36... Dans le cas présent, l'omission par Matthieu paraît plus vraisemblable.
31. Les explications de M. Feuillet pourraient donner le change sur sa pensée:
« Peut-être est-ce en vertu de conceptions analogues (Luc songe aux tentations qui
assaillent quotidiennement les baptisés) qu'est passée sous silence (en 4,4) la seconde
partie de la citation du Deutéronome qui semble faire allusion au rôle messianique
de Jésus, dispensateur de la parole de Dieu » (p. 619); « Dans le premier évangile,...
la citation du Deutéronome qui sert de réponse à la première tentation (et qui n'est
rapportée qu'incomplètement par saint Luc) semble être en rapport avec le rôle
messianique, d'ordre avant tout doctrinal, joué par Jésus dans le premier évangile »
(p. 629).
54
LE RÉCIT DE LUC
étant sous-entendu32; il faut noter aussi que Matthieu connaît
bien sa Bible (grecque) et complète volontiers une citation ou
une allusion33. Il ne serait donc pas prudent de supposer que
Luc abrège la citation en raison d'une conception personnelle
qu'il se ferait de cette tentation.
La seule retouche importante attribuable à Luc dans ces
w. 3-4 est donc celle qui le fait parler, au singulier, d'une
pierre et d'un pain. Cette retouche s'explique suffisamment
par le désir de proportionner le miracle au besoin immédiat
éprouvé par Jésus, qui a faim. Aucune insistance cependant.
Après la suggestion « Dis à cette pierre de devenir un pain »,
il eût été facile de préciser : « afin que tu puisses manger ». Une
précision de ce genre, en attirant l'attention sur la satisfaction
personnelle de Jésus, aurait facilité un rapprochement avec la
tentation d'Ève (Gen 3,6) et avec les tentations auxquelles les
chrétiens sont soumis. En fait, la satisfaction de la faim reste
au second plan ; l'intérêt se porte essentiellement sur le pouvoir
miraculeux qui appartient en propre à celui qui, lors de son
baptême, vient d'être proclamé Fils de Dieu. Il faut avouer
que, parmi les tentations qui nous assaillent, nous ne rencon-
trons guère celle qui nous porterait à changer une pierre en
pain.
Generated on 2011-09-05 00:54 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
La deuxième tentation (w. 5-8)
Matthieu, qui donne cette tentation en troisième place,
l'introduit par ces mots: toxXiv TOxpaXa(x(3ixvei aÙ-rèv ô Sià ^oXo?
eîç 6poç ôtJ;7)Xèv Xtav; Luc se contente d'écrire: xal à vayayà v
ocût6v. L'adverbe 7tà Xiv caractérise surtout le style de Marc;
Matthieu l'emploie assez volontiers dans des transitions de
son cru, mais Luc l'évite presque toujours34. Il n'est donc pas
32. Cfr K. Stendahl, The School of St. Matthew and Its Use of the Old Testament
(Acta Seminarii Neotest. Uppsal., XX), Uppsala, 1954, p. 88.
33. Cas analogue pour la citation de Gen 2,24 en Mt 19,5 ; voir à ce propos nos
explications dans l'ouvrage Mariage et Divorce dans l'Évangile (Matthieu 19,3-12 et
parallèles), Bruges-Louvain, 1959, pp. 31 s., avec indication d'autres passages.
34. mJ&w revient 17 fois dans Mt, 28 fois dans Mc, 3 fois dans Lc, 4 fois dans
Act (Hawkins, p. 13). Cas d'addition rédactionnelle par Mt: 5,33; 22,1.4 (cfr notre
ouvrage sur Les Béatitudes, 2e éd., t. I, Bruges-Louvain, 1958, p. 147).
LA DEUXIÈME TENTATION (vv. 5-8)
55
certain qu'on doive l'attribuer à une retouche de Matthieu;
c'est seulement vraisemblable35. Le verbe 7tapaXa(x($<xvco, con-
struit avec stç, est employé par Matthieu dans les introductions
de la deuxième et de la troisième tentation; même verbe et
même construction dans une transition rédactionnelle de Mt
27,27. Mais ici encore, l'attribution à Matthieu n'est pas cer-
taine; Luc peut avoir eu ses raisons d'éviter l'expression:
parce que TOxpaXajxjîâvw évoque plutôt, chez lui, l'action du
supérieur qui « prend avec soi » un inférieur **, et parce que la
construction de ce verbe avec etç est d'un style discutable37.
Quoi qu'il en soit, Luc reprend ici le verbe à và yco, auquel il
avait substitué, dans l'introduction, le verbe simple &y èà v 0éXw StSeojju. ocÙttjv. Remarquons d'abord
que le troisième évangile contient un certain nombre d'expli-
cations du même genre. En 11,18, par exemple, où Luc rap-
porte une parole de Jésus : « Si Satan s'est, lui aussi, divisé
contre lui-même, comment son royaume se maintiendra-t-il? »
(Mt 12,26; Mc 3,26), il est seul à ajouter: « car vous dites (6ti
XéyeTe) que c'est par Béelzéboul que j'expulse les démons ».
L'explication veut éclairer non les auditeurs de Jésus mais les
lecteurs de l'évangile; elle remplace une note que nous met-
trions en bas de la page. Luc est d'accord avec Marc et Matthieu
Generated on 2011-09-05 00:56 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
pour rapporter qu'après le miracle accompli par Jésus dans
leur voisinage, les Géraséniens lui demandèrent de s'éloigner;
Luc est seul à donner l'explication de cette attitude : « car
(6ti) ils étaient en proie à une grande peur » (8,37). Dans un
récit, l'évangéliste n'a aucune peine à insérer la remarque qui
lui paraît utile (cfr 6,19b; 9,34^38.48^ ; dans un discours, il
n'interrompt pas celui qui parle mais présente l'explication
comme si elle venait de luiB0.
46. Forme particulièrement chère à Luc, mais soulevant souvent des problèmes
de critique textuelle.
47. Contre Mt 10,19; 24,9; Mc 13,9; Lc 21,12.
48. Formulation notablement différente de celle des parallèles, Mc 10,42 ; Mt 20,25.
49. Voir encore l'emploi du terme en Lc 10,19 (logion propre à Luc) ; 12,5 (contre
Mt 10,28), et aussi 4,36 (présenté autrement qu'en Mc 1,27).
50. Voir encore 21,22 (paroles de Jésus). Il est possible que 5,39b relève du même
procédé: voir notre article Vin vieux, vin nouveau (Luc 5,3g), Cath. Bibl. Quart.,
25 (1963). 286-304.
58
LE RÉCIT DE LUC
L'idée qui s'exprime dans le v. 6b est familière au judaïsme
et à l'Église primitive51: le monde, plus précisément le monde
païen, idolâtre et hostile au peuple de Dieu, est soumis au
pouvoir de celui qu'on appelle « le prince de ce monde5S ».
L'Apocalypse n'hésite pas à dire que Rome tient de lui son
empire: « Le Dragon lui donna sa puissance (à lui), son trône
et une grande èÇouata » (Ap 13,2). Assurément le diable ne
tient pas ce pouvoir de lui-même; Luc précise bien qu'il lui a
simplement été remis53. Du moins en dispose-t-il à son gré Ã
l'égard de ceux qui le servent. Jésus n'avait sans doute pas
besoin de ces explications; si elles s'étaient trouvées dans sa
source, Matthieu n'avait guère de raison de les omettre. Mais
Luc doit penser à ses lecteurs, dont tous ne comprendraient
peut-être pas l'offre du diable ; c'est probablement à leur inten-
tion que le v. 6b a été écrit.
La promesse est conditionnelle. Matthieu écrit: èà v raaà v
7tpoauvxr)ir également, avec itpooxuviu, 8,2; 9,18;
14,33; 15,25; 20,20; 28,9.17.
55. Contrairement à Marc, qui lie peu les éléments de son récit et n'emploie oOv
que 4 fois, Luc et Matthieu établissent la liaison et recourent volontiers à cette con-
jonction: Luc 21 fois, Matthieu 57 fois.
56. Nous sommes en désaccord avec M. Feuillet : « En saint Luc, l'accent est mis
sur la possession (Iotcu 0oO nScra) » (p. 619) ; « Ne dirait-on pas qu'à la différence de
saint Matthieu il (Luc) a mis autant l'accent sur la possession (fotai 0oO nâoa, propre
à Luc, v. 7) que sur la royauté? » (p. 624). En réalité, c'est Matthieu qui parle de
possession et, c'est de l'iÇouola que Luc écrit ïotai 0oO n&oa.
LA DEUXIÈME TENTATION (w. 5-8)
59
chez Marc ni chez Matthieu, mais qui apparaît 22 fois dans
Lc et 13 fois dans les Actes57.
Au v. 8, la réponse de Jésus est introduite par la formule:
xocl à 7ioxpi8elç ô 'Itjctoûi; elrav <xÙtû> ; chez Matthieu, plus simple-
ment: T&ze Xéyei aÙTcji ô 'Itjo-oôç. On laissera à Matthieu la
paternité du t6ts, à Luc l'emploi de l'aoriste et le soin de pré-
ciser que Jésus « répond58 » au diable. Cette réponse consiste
en une citation scripturaire (Dt 6,13) précédée par le lemme:
« Il est écrit » ; mais Matthieu a d'abord une interpellation :
« Va-t'en, Satan, car il est écrit ». Les mots en surplus se trou-
vaient-ils dans la source, et auraient-ils été omis par Luc?
Les exégètes sont divisés: certains59 pensent que Luc ne pou-
vait pas reprendre un ordre enjoignant à Satan de s'éloigner,
puisque, chez lui, les tentations ne sont pas finies; d'autres60
croient plutôt à une addition de Matthieu, peut-être par assimi-
lation avec l'épisode de Césarée de Philippe (Mc 8,33; Mt
16,23). Les arguments tirés du vocabulaire et du style ne per-
mettent pas de trancher; pas davantage le fait que le verset
final tient compte de l'injonction de Jésus: le diable se retira.
Reconnaissons donc qu'il ne paraît pas possible d'arriver Ã
une certitude sur ce point61. Si le trait se trouvait dans la
source, Luc l'aura omis parce qu'il n'était plus en situation
Generated on 2011-09-05 00:57 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
dans son ordonnance des tentations; cette omission pourrait
avoir sa contrepartie dans les précisions qu'il apporte dans la
rédaction de l'épilogue (v. 13).
La citation biblique, KiSpiov Tèv 0e6v erou 7tpooxuvTjareiç xal
57. Hawkins, p. 18.
58. Même précision au v. 12, pour introduire la réponse de Jésus à la troisième
tentation. Pour se rendre compte de la manière de Luc, comparer Lc 3,16 avec
Mc 1,7; Lc 5,22.31 avec Mc 2,8.17; Lc 6,3 avec Mc 2,25; Lc 8,21.50 avec Mc 3,34;
5,36; Lc 9,12.49 avec Mc 8,28; 9,38, etc.
59. Notamment A. Feuillet, art. cit., p. 616, n. 1. Dans le même sens, les com-
mentaires de H. J. Holtzmann, A. Plummer (Mt), W. C. Allen, A. H. M'Neile,
M.-J. Lagrange (Lc), etc.
60. Notamment R. Schnackenburg, art. cit., pp. 301 et 321; voir aussi A. Har-
nack, op. cit., p. 42; J. Schmid (Dos Ev. noch Matthâus); B. M. F. van Iersel
« Der Sohn » in den synoptischen Jesusworten, p. 171, etc.
61. A noter que cette injonction est la seule parole de Jésus qui ne soit pas
empruntée à l'Écriture. A ce point de vue, elle tranche sur l'ensemble de ses réponses
au diable; mais cette constatation ne saurait suffire à la faire considérer comme
secondaire.
6o
LE RÉCIT DE LUC
aÙTôi (jl6vw XaTpeûaeiç,2, s'écarte légèrement de l'hébreu : « Tu
craindras le Seigneur ton Dieu et tu lui rendras un culte. »
En ce qui concerne la LXX, le MS B est d'accord avec l'hébreu,
tandis que A est d'accord avec le texte évangélique pour sub-
stituer « adorer » à « craindre » et ajouter « à lui seul », (j.6vcp.
Ajoutons que les MSS de Luc ne sont pas d'accord sur l'ordre
des mots; le sens reste le même, et il n'y a pas lieu de songer
ici à une intention particulière de l'évangéliste.
Dans sa relation de la deuxième tentation, Luc a opéré deux
changements importants. D'abord, nous l'avons dit, pour ce
qui concerne la scène: la vision de Jésus n'est pas de celles
qu'un promeneur peut avoir du haut d'une montagne; elle
est d'un autre ordre. Cette mise au point répond moins, semble-
t-il, à la préoccupation d'accentuer le côté merveilleux qu'au
désir d'éviter l'invraisemblance d'une montagne d'où l'on pour-
rait contempler la terre entière. L'autre changement se trouve
dans les paroles du diable: il s'engage à donner à Jésus une
èÇouata totale sur le monde habité, et justifie son offre en faisant
valoir le pouvoir dont il dispose. Chez Matthieu, le diable
prononce huit mots; chez Luc, vingt-huit. De toute la péricope,
c'est le passage qui a été le plus profondément transformé. Luc
précise qu'il s'agit d'une tentation de « puissance », ayant pour
Generated on 2011-09-05 00:57 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
objet un pouvoir de type poli tique; par contre-coup, il est
amené à rappeler qu'un pouvoir de ce genre relève immédiate-
ment de celui qui est appelé ailleurs « le prince de ce monde ».
Il est trop tôt pour saisir la raison qui a provoqué ces
retouches; leur portée apparaîtra plus clairement quand nous
pourrons les rapprocher de la conclusion que Luc a donnée Ã
cet épisode. Contentons-nous pour l'instant de retenir l'intérêt
que l'évangéliste porte à une conception qui reconnaît au
diable la libre disposition des pouvoirs politiques qui régissent
le monde habité.
62. Cfr K. Stendahl, op. cit., p. 89.
LA TROISIÈME TENTATION (w. g-I2) 6l
La troisième tentation (vv. 9-12)
Le récit de Luc commence ainsi: ^yayev Sè aÙTèv sic, Tepou-
aocXifjjx; chez Matthieu: t6ts roxpaXa(xPavei aÙTèv ô §ià (3oXoç eîç
ttjv à ytav toSXiv. Il faut attribuer à Luc la conjonction 8é et
l'emploi de l'aoriste; à Matthieu la conjonction tôts et l'expres-
sion « la Ville sainte » pour désigner Jérusalem (cfr 27,53, et
aussi 24,15: «le Lieu saint»). Pour 7tapaXa(j$à vco sic,, même
problème que dans le récit de la deuxième tentation. - A
Jérusalem, le diable place Jésus sur le pinacle du Temple:
xal I«ttt]osv [<xût6v] è7tl to 7tTepûyiov toû îepoG; les deux textes
sont identiques, à part l'omission du pronom aÙTov, jugé super-
flu par Luc.
Le diable « dit » alors (Luc substitue l'aoriste au présent) :
si xAbc, si tou 0eoû, (3à Xe asauTov èvTeOGev xà fw. Mêmes termes
chez Matthieu, à part l'adverbe èvTeO0ev, qui pourrait être une
précision de Luc (on le retrouve en Lc 13,31, pas ailleurs dans
les Synoptiques). Le diable justifie sa suggestion par une cita-
tion du Ps 90,11-12 (LXX) : « Car il est écrit qu'il a donné des
ordres à ses anges à ton sujet... » Matthieu omet la deuxième
partie du v. 11; Luc en donne les premiers mots: «pour qu'ils
te gardent », mais il ne transcrit pas la suite : « dans toutes tes
voies ». Chez Matthieu, le v. 12 du psaume est enchaîné au
v. 11a par la simple conjonction xat: «et ils te porteront sur
Generated on 2011-09-05 00:58 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
leurs mains, de peur que tu ne heurtes du pied quelque pierre ».
Luc sait qu'il manque quelque chose; il l'indique en donnant
le v. 12 comme une nouvelle citation: «et que (xal 6ti) ils te
porteront... » Dans la première tentation, c'est Matthieu qui
cite plus longuement l'Écriture; ici, c'est Luc qui fait preuve
d'un scrupule d'exactitude. Il est fort possible que ce scrupule
soit attribuable à l'évangéliste plutôt qu'à sa source63. En
tout cas, fait frappant, chacune des réponses de Jésus est un
peu plus longue chez Matthieu que chez Luc, alors que Luc
s'attarde davantage aux interventions du diable; il développe
très fort la deuxième et lui prête une citation plus complète
63. A la citation d'Is 40,3 (Lc 3,4 = Mc 1,3; Mt 3,3), Luc ajoute les vv. 4 et 5
(Lc 3,5-6).
62
LE RÉCIT DE LUC
dans la troisième. L'attention de Matthieu se concentre mani-
festement sur les paroles de Jésus; Luc s'intéresse visiblement
au diable et à ses propos.
Pour introduire la réponse de Jésus, Matthieu écrit : l<pr) aôTcj>
ô 'I-rçaoOç; Luc précise une fois de plus que Jésus «répond»:
xal à 7toxpi0elç eïrev aÙT ô 'Iyjaouç. Avant de citer les paroles,
il maintient la conjonction (m, comme il l'a fait dans la réponse
de Jésus à la première tentation.
C'est encore le Deutéronome qui fournit la réponse : « Tu ne
tenteras pas le Seigneur ton Dieu » (Dt 6,16). D'accord pour
les termes de la citation, les évangélistes diffèrent par le lemme
d'introduction ; d'après Matthieu : toxXiv yéYpaTtTai, d'après Luc :
eïp7)Tai. Le 7t«Xiv de Matthieu est répété à la ligne suivante:
c'est le premier mot du récit de la tentation qui revient en
dernier lieu. Nous avons admis qu'Ã cet endroit l'addition par
Matthieu est vraisemblable; elle s'expliquerait assez bien
comme la répétition involontaire d'un mot qui avait d'abord
été transcrit d'après la source. Il serait moins plausible d'attri-
buer à l'évangéliste l'insertion du même adverbe deux fois
coup sur coup. Il est d'ailleurs en excellente situation dans la
réponse de Jésus au diable: le diable vient de citer un texte
biblique, Jésus oppose à ce texte un autre texte, suivant la
Generated on 2011-09-05 00:58 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
meilleure tradition scolaire. Le diable a introduit les paroles
du psaume par «il est écrit»; Jésus réplique: «il est écrit
aussi ». Luc n'a pas saisi la force de ce tac au tac ; il a supprimé
le 7ià Xiv, comme il le fait généralement, et a substitué au lemme
primitif un lemme à sa façon: eïpTjTai64. Ainsi, après avoir
64. elpTiTat, au parfait passif, n'est pas employé ailleurs dans le N. T. pour intro-
duire une citation scripturaire ; mais cette formule correspond à la tournure parti-
cipiale t6 etp7)nivov de Lc 2,24; Act 2,16; 13,40 et Rom 4,18. Matthieu emploie
l'aoriste: tppéfh) (5,21.27.31.33.38.43; cfr Rom 9,12.26), ou tô 6t)84v (1,22; 2,15.17.
23; 4,i4; 8,17; 12,17; 13,35; 21,4; 22,31; 24,15; 27,9; voir aussi 3,3). L'Épître aux
Hébreux s'exprime à la voix active, elpjpm (2,13; 4,3; 10,9; 13,5; cfr 10,15). _ Chan-
gement analogue en Lc 22,22, où, au lieu de xa9ùç yirfficmtM irapl aûtoô (Mc 14,21 ;
Mt 26,24), Luc écrit xotTdt tô copioiUvov (hapax évangélique, ce verbe iplÇoi revient
5 fois dans les Actes). Luc ne fait pourtant pas difficulté à utiliser le lemme ■xtrpaarzai,
avec et sans indication de l'endroit précis où la chose « est écrite » : à preuve, le fait
que, dans le récit des tentations, il l'emploie dans les w. 4,8 et 10 (cfr 7,27; 19,46;
24,46; Act 23,5, etc.). On peut penser que c'est justement parce qu'il a déjà écrit
trois fois ytnttanm qu'il n'a pas voulu aller jusque quatre (en 22,22, c'est en chan-
geant le style du verset tout entier qu'il a été amené à substituer une autre formule
à yiyiMiiiw).
l'épilogue (v. 13)
63
appuyé sur les paroles du diable, il affaiblit la réponse de Jésus.
L'intérêt que Luc porte au diable est moins frappant dans
cette dernière tentation que dans la précédente; les traits qui
manifestent cet intérêt sont cependant significatifs: souci de
précision dans l'addition de l'adverbe èvTeOOev et soin apporté
à l'exactitude de la citation du Ps 90. Ces détails prennent leur
valeur quand on les compare à une certaine négligence de
l'évangéliste dans la relation des paroles de Jésus.
Les observations que nous venons de faire appellent un com-
plément, purement négatif: le texte qui rapporte la troisième
tentation ne nous a fourni aucune indication sur le motif
pour lequel Luc a voulu laisser cet épisode pour la fin; aucun
trait, par exemple, pour accentuer l'importance du lieu où
la tentation se situe: Jérusalem, le Temple. Pour éclairer ce
point, il faudrait sans doute faire appel à un contexte plus
large; avant cela, il est préférable d'achever notre lecture.
L'épilogue (v. 13)
Luc commence par noter que les tentations sont finies, le
diable a épuisé tous ses moyens: xal auvTeXéaaç roxvTa raipaa-
(x6v85. Rien de pareil chez Matthieu. Le participe ouvTeXéeraç
fait écho à l'expression aovTsXeffOeiffôv aÛTcôv, dont Luc s'est
servi dans l'introduction (v. 2). Le substantif 7reipaa(x6ç corres-
Generated on 2011-09-05 00:59 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
pond au participe 7isipa^6(xevoç du début (ibid.) et se prend
dans le même sens moral, «tentation» (cfr Lc 8,13; 11,4;
22,40.46), non dans le sens plus général où l'on parle
65. rtdtvtoc ipanpft»: explications justes, mais un peu embrouillées, dans Feuillet,
Biblica, 1959, p. 620. Il est exact que l'expression ne signifie pas ■toute la tentation »,
« la tentation tout entière » (sans qu'il y manque rien) : ce qui se dirait nâcmt t6v
tmpoto|i6v, ou t6v nupaoïtà v nivta (adjectif en position attributive). Ici l'adjectif est
en position spécificative : « toute tentation », au sens (habituel quand il n'y a pas
d'article) de < chaque tentation ». La traduction < ayant épuisé toute tentation »
(Osty, Nouveau Testament) n'est pas inexacte ; mais il est plus clair de dire : « ayant
épuisé toutes les formes de la tentation » (Osty, Bible de Jérusalem), « ayant épuisé
tous ses moyens de tentation » (f Centenaire »), < après avoir épuisé tous les moyens
de le tenter » (Botte), « when the devil had exausted every way of tempting » (Bauer-
Arndt).
64
LE RÉCIT DE LUC
«d'épreuves» (cfr Lc 22,28; Act 20,19)M. Arrivé au bout de
son récit, Luc rappelle le début, qui indiquait déjà la significa-
tion générale.
Le texte poursuit: ô Sià (3oXoç inéart] à 7t'aÙToû; Matthieu
écrit : t6te à cptTjeriv aÙTôv ô Sià (3oXoç. Mis à part le t6ts, employé
pour la quatrième fois dans cet épisode, la rédaction de Mat-
thieu reflète sans doute mieux l'original. Luc se devait d'éli-
miner le présent historique et de lui substituer un aoriste. Il
modifie en même temps la construction un peu désinvolte,
«le diable le laisse» en remplaçant à . »
72. Op. cit., p. 67.
73. Die Gleichnisse Jesu, 6e éd., Gœttingue, 1962, p. 123.
io8
l'origine du récit
Jésus aucune déclaration messianique, on ne saurait en con-
clure qu'il n'a pas de signification messianique. Jésus est tenté
en sa qualité de Fils de Dieu et de prétendant à une souveraineté
universelle; ses tentations sont en même temps une réactuali-
sation des tentations auxquelles le peuple élu a succombé
après sa sortie d'Égypte. Le récit veut montrer comment Jésus
a repoussé l'idée d'une réalisation terrestre de sa fonction mes-
sianique, comment il a refusé de tirer parti de ses prérogatives
pour s'assurer des avantages temporels. En fin de compte, la
question dont il s'agit est celle de savoir pourquoi Jésus n'a
pas réalisé ce que le judaïsme attendait du Messie, pourquoi il
ne s'est pas présenté dans un appareil de puissance et de gloire.
En cela, nous tombons assez facilement d'accord avec les par-
tisans de l'explication « apologétique ». Mais nous regrettons
qu'ils ne prennent pas garde au fait que, dans les termes où
il est posé dans cette histoire, le problème n'existe plus pour
les premiers chrétiens. Ceux-ci attendent le Fils de Dieu qui
doit venir du ciel (i Thess 1,10) ; ils proclament qu'Ã son retour
il se manifestera comme le Juge des vivants et des morts, il
établira un règne qui n'aura pas de fin; ils aspirent de toute
leur âme à ce glorieux avènement : Marana tha !
Dans cette perspective, l'histoire des tentations répond Ã
Generated on 2011-09-05 01:30 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
une difficulté complètement dépassée, dépourvue d'actualité
aussi bien pour la catéchèse chrétienne que pour les discussions
avec les Juifs. La préoccupation qui se fait jour dans le récit
n'a plus d'intérêt immédiat pour des chrétiens qui croient à la
résurrection de Jésus et attendent avec impatience sa parousie.
Sachant que Jésus est Seigneur, siégeant à la droite de Dieu,
prêt à arriver sur les nuées du ciel, comment pourraient-ils
rester sur une impression de déception devant l'humilité de son
premier avènement?
En voilà assez pour se rendre compte que l'hypothèse de
l'origine communautaire de cette histoire, insuffisamment
étayée par ses défenseurs, se heurte à des difficultés réelles. Il
est temps d'aborder l'autre hypothèse, celle qui fait remonter
le récit à Jésus.
RAISONS D'ATTRIBUER LE RÉCIT À JÉSUS IOÇ
III. RAISONS D'ATTRIBUER LE RÉCIT À JÉSUS
Notre effort a consisté jusqu'ici à déblayer le terrain, en
écartant l'une après l'autre les considérations qui ne per-
mettent pas d'arriver à une solution satisfaisante. Cette
besogne n'est pas finie. Nous allons la poursuivre en examinant
rapidement les objections qu'on fait habituellement contre
l'hypothèse qui attribue le récit des tentations à Jésus. Nous
passerons ensuite aux raisons positives qu'on peut avoir pour
penser que ce récit remonte à Jésus.
1. Les difficultés
a) La difficulté majeure vient du fait que cette histoire ne
nous est pas donnée comme venant de Jésus; le récit n'est pas
placé sur les lèvres de Jésus, il ne s'y exprime pas à la première
personne.
La réponse dont se contente M. Albertz74 peut paraître assez
faible: Jésus a fort bien pu parler à la troisième personne,
comme s'il s'agissait d'un autre75; c'est sa manière de faire
dans les paraboles, où il ne se met en scène que d'une façon
voilée.
Une autre remarque serait peut-être plus utile. A supposer
que Jésus ait raconté lui-même cette histoire, il ne l'a évidem-
ment pas fait au moment même; de ce qui lui était arrivé au
désert, il n'a pu parler que plus tard, en un temps où ses dis-
Generated on 2011-09-05 01:30 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
ciples avaient appris à concentrer sur lui leur espérance mes-
sianique, et où ils ne pouvaient manquer de s'étonner de le voir
agir d'une manière si peu conforme à ce qu'ils attendaient du
Messie. Un récit de ce genre, toujours à supposer qu'il vienne
de Jésus, ne se conçoit guère avant l'épisode de Césarée de
Philippe76. Il faudrait donc admettre qu'en plaçant les tenta-
74. Loc. cit. (n. 69).
75. Le procédé employé par Paul en 2 Cor 12,2-5.
76. Cfr T. W. Manson, The Sayings of Jesus as Recorded in the Gospels according
to St. Matthew and St. Luke, Londres, 1949, p. 46, et surtout The Servant-Messiah.
A Study of the Public Ministry of Jesus, Cambridge, 1953, p. 55.
110
l'origine du récit
tions au début du ministère de Jésus, juste après le baptême,
la tradition les a détachées de l'occasion dans laquelle elles ont
été racontées pour les situer au moment où l'événement aurait
eu lieu. Pareil changement de contexte entraîne assez naturelle-
ment des modifications de style. En plaçant le récit là où on le
met, on ne pouvait conserver le discours à la première personne
qu'en indiquant la circonstance dans laquelle Jésus a rapporté
ces faits; on aurait donc dû renvoyer le lecteur à des événe-
ments postérieurs. Il était beaucoup plus simple d'omettre
l'occasion dans laquelle le récit avait été fait et de rapporter
l'anecdote à la troisième personne.
Du fait que le récit n'est pas directement attribué à Jésus
on ne saurait donc conclure que ceux qui nous le rapportent ne
pensaient pas pouvoir le lui attribuer; la transposition dont ce
récit a fait l'objet rendait pratiquement nécessaire la manière
dont on le présente.
b) Il n'y a, dans cette histoire, aucune parole originale de
Jésus: elle ne lui prête que des citations scripturaires, aux-
quelles Matthieu ajoute les mots « Arrière, Satan », qui pour-
raient venir de la scène de CésaréeNe faut-il pas reconnaître
là l'effet d'un scrupule des chrétiens, qui évitent de prêter au
Maître des paroles qu'il n'aurait pas prononcées?
Generated on 2011-09-05 01:31 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Il est facile de répondre que cette particularité s'explique
aussi bien dans un récit fait par Jésus, qui veut attribuer sa
victoire sur Satan à la parole de Dieu plutôt qu'à ses propres
paroles.
c) Quelques auteurs78 insistent sur la singularité de ce pas-
sage au point de vue de sa forme littéraire. La tradition évan-
gélique ne présente pas d'autre exemple de dialogue à épisodes.
On en conclut que, contrairement à l'ensemble des données
évangéliques qui reposent sur une tradition orale, ce récit est
une pièce savante, une composition en chambre.
77. Cfr B. M. F. van Iersel, « Der Sohn », pp. 166 et 170 s.
78. Cfr W. E. Bundy, Jesus and the First Three Gospels, p. 64; Van Iersel,
op. cit., p. 166.
RAISONS D'ATTRIBUER LE RÉCIT À JÉSUS
III
Il faut commencer par accorder que la part de l'élaboration
littéraire ne saurait être minimisée. Au niveau de la dernière
rédaction, Matthieu et Luc ont revisé soigneusement, chacun
de son côté, le texte de leur source; plus tôt déjà , le narrateur
avait eu recours à la Bible grecque pour calquer sur son texte
les citations qui forment la charpente du récit. Ceci reconnu,
il n'y a aucune raison de refuser à la tradition orale le fond
même du récit, construit suivant un schéma très simple: trois
citations bibliques, placées dans un cadre approprié. Très fré-
quent dans l'Évangile, le schéma ternaire correspond à un
procédé d'exposition qui n'a rien de livresque et qui a toutes
chances de remonter à Jésus79: ainsi dans la parabole où un
serviteur se voit confier cinq talents, un autre deux, un troi-
sième un seul (Mt 25,14-30) ; celle où des invités à un banquet
se dérobent en présentant trois sortes d'excuses (Lc 14,16-20);
celle de la semence qui tombe dans trois espèces de terrains
stériles, mais qui tombe aussi dans la bonne terre, où elle donne
trois rendements différents (Mc 4,3-8). Rien n'empêche que le
même schéma ne mette en œuvre, plutôt que des détails anec-
dotiques, trois courtes citations bibliques provenant d'un
même contexte.
d) Mais on se demande si le recours à l'Écriture n'est pas le
Generated on 2011-09-05 01:31 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
fait de la communauté judéo-chrétienne plutôt qu'une pra-
tique de l'enseignement de Jésus 80. Il est clair que les chrétiens
scrutent les Écritures, pour y chercher une intelligence plus
profonde du mystère du Christ ; la manière de faire de Matthieu,
jalonnant son texte de citations, est le meilleur exemple de
cette attitude. On ne saurait cependant refuser à Jésus une
excellente connaissance des Écritures et un recours à leur
témoignage pour faire comprendre à ses auditeurs le sens de
sa mission : qu'on pense, par exemple, à sa réponse aux envoyés
de Jean-Baptiste, faisant allusion aux prophéties du Livre
79. Cfr. E. von Dobschûtz, Paarung und Dreiung in der evangeKschen Ober-
Ueferung, dans Neutestamentliche Studien G. Heinrici (Untersuchungen zum N. T.,
6), Leipzig, 1914, pp. 92-100; G. Bonaccorsi, Primi saggi di filologia neotestamentaria,
t. I, Turin, 1933, p. 549; R. Bultmann, Geschicht e der syn. Trad., p. 207.
80. Cfr B. M. F. van Iersel, < Der Sohn », pp. 168-170.
112
l'origine du récit
d'Isaïe (Mt 11,4-581), ou aux paroles prononcées sur la coupe,
lors de la dernière Cène, avec leur allusion à Ex 24,8 (Mc
14,24 par).
e) On soulève encore bien d'autres objections, qui peuvent
paraître assez futiles et auxquelles il n'est pas nécessaire de
s'attarder. Ainsi celle de W. E. Bundy82 : Jésus n'était pas
enclin aux confidences intimes; il est clair qu'il y a tout autre
chose qu'une confidence dans cette histoire. Celle du P. van
Iersel83 : l'Évangile ne connaît pas d'autre exemple de rencontre
personnelle entre Jésus et Satan. Pas plus que Paul ne men-
tionne de randonnées au troisième ciel en dehors de celle dont
il est question en 2 Cor 12,2-4. Nous allons d'ailleurs constater
qu'il y eut d'autres occasions où Jésus a « vu » le diable. -
E. Percy84 estime que cette histoire ne pouvait avoir aucun
intérêt pratique pour les disciples auxquels Jésus l'aurait
racontée. Nous allons précisément montrer qu'elle était pleine
de sens pour eux, étant donné les idées qu'ils se faisaient dans
le courant du ministère public de Jésus.
En voilà assez pour conclure, de façon encore toute négative,
que les objections qu'on soulève contre l'attribution du récit
à Jésus n'ont rien de contraignant. Elles ne sauraient dispenser
d'examiner les raisons positives qu'on peut avoir de faire
Generated on 2011-09-05 01:32 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
remonter, au moins pour la substance, cette histoire jusqu'Ã
Jésus. Nous ne reviendrons pas sur quelques raisons auxquelles
il a déjà été fait allusion. Celle, en particulier, qui revient assez
souvent85: aux origines du christianisme, la personnalité de
Jésus est, à notre connaissance, la seule à allier la vision reli-
gieuse si profonde et l'imagination poétique dont témoigne
le récit des tentations. Ou la remarque de T. W. Manson86: le
récit dénonce comme diaboliques les espérances messianiques
partagées par l'ensemble du judaïsme; une telle violence ne
81. Cfr J. Dupont, L'ambassade de Jean-Baptiste (Mt 11,2-6; Lc 7,18-23), dans
Nouv. Rev. Theol., 83 (1961), 805-821; 943-959 (946-951).
82. W. E. Bundy, Jesus and the First Three Gospels, p. 64.
83. B. M. F. van Iersel, zDer Sohn », p. 168.
84. E. Percy, Die Botschaft Jesu, p. 17.
85. Nous avons cité: J. Weiss, M. Albertz, W. Grundmann, E. Fascher, V. Taylor.
86. T. W. Manson, The Sayings of Jesus, p. 46; The Servant-Messiah, pp. 55 s.
RAISONS D'ATTRIBUER LE RÉCIT À JÉSUS
"3
se rencontre guère qu'en Jésus, tel qu'il nous apparaît, en
particulier, sur le chemin de Césarée de Philippe 87. Nous limite-
rons notre attention à trois considérations qui font appel au
milieu de vie de ce récit.
2. Jésus refuse le « signe » qu'on réclame de lui
La demande de signe constitue une situation typique du
ministère de Jésus ; le récit des tentations y trouve assez natu-
rellement ses attaches et sa raison d'être 88.
L'Évangile nous renseigne fort bien sur cette situation. Jésus
fait preuve, en matière religieuse, d'une autorité qui étonne
d'autant plus ses contemporains qu'il ne craint pas de heurter
de front les traditions les plus vénérées89. Par toute son atti-
tude, il montre qu'il s'estime investi d'une mission divine.
Détenteurs légitimes de l'autorité religieuse, les dirigeants spi-
rituels d'Israël revendiquent le droit de vérifier les titres de
créance de Jésus. Ils le somment de justifier l'autorité qu'il
s'arroge (cfr Mc 11,28 par) ; ils exigent de lui un « signe venant
du Ciel » (Mc 8,11; Mt 12,38; 16,1; Lc 11,16.29 ■•), c'est-à -dire
un acte accompli dans des circonstances telles que l'interven-
87. On peut signaler encore l'étude de S. L. Edgar, Respect for Context in Quota-
tions from the Old Testament, dans New. Test. St., 9 (1962-63), 55-62. L'auteur s'attache
à montrer que, contrairement aux écrivains du Nouveau Testament, en particulier
Generated on 2011-09-05 01:32 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Paul et Matthieu, qui citent des textes scripturaires sans tenir compte du contexte,
Jésus n'emploie des textes de l'Ancien Testament qu'en les prenant dans le sens qui
est le leur dans le contexte original. On trouverait donc là un indice d'authenticité
permettant de reconnaître les citations qui remontent à Jésus. Cet indice joue en
faveur de l'attribution à Jésus des trois citations du Deutéronome dans le récit de
la tentation (pp. 59 s.).
88. Cfr T. W. Manson, The Sayings of Jesus, p. 45.
89. Jésus fait preuve de beaucoup de liberté à l'égard des règles traditionnelles
concernant le repos sabbatique ; les nombreux textes évangéliques qui caractérisent
cette attitude ne sauraient être tous ramenés à une controverse dans laquelle l'Église
chrétienne, qui s'est libérée du précepte du sabbat, défend sa pratique contre le
judaïsme (cfr E. Lohse, art. oigPaTov, Theol. Wôrterb. zum N. T., VII (1964), pp. 1-
35: 21-29). A propos des règles de pureté concernant les aliments, il faut citer au
moins la sentence de Mc 7,15 par: « Il n'y a rien d'extérieur à l'homme qui, pénétrant
en lui, puisse le rendre impur... »; une déclaration de ce genre est si neuve et caracté-
ristique qu'on ne saurait hésiter à l'attribuer à Jésus: R. Bultmann, Geschichte der
syn. Trad., p. 110. Dans sa manière d'enseigner, Jésus tranche sur l'usage des docteurs
en parlant d'autorité, sans faire appel à l'argument de tradition: cfr Mc 1,22. Il
n'hésite même pas à remettre les péchés, usant d'une prérogative strictement divine:
Mc 2,5-11 par; Lc 7,48 s.
90. Cfr K. H. Rkngstorf, art. o7)|ieïov, Theol. Wôrterb. zum N. T., VII (1964),
pp. 199-268 (232-234).
Lm tenUtiou... 8
H4
l'origine du récit
tion divine soit évidente81. Cette mise en demeure est consi-
dérée par l'Évangile comme une « tentation » (raip<xÇovTeç, Mc
8,11 ; Mt 16,1; Lc 11,16M); Jésus la rejette, refusant la preuve
indubitable qui accréditerait sa mission. Au moment de la
Passion, l'exigence se fait plus pressante, soit de la part d'Hé-
rode, qui espère voir Jésus accomplir un signe (Lc 23,9), soit
de la part des grands prêtres et des scribes, qui suggèrent eux-
mêmes le signe décisif: « Le Christ, le Roi d'Israël! Qu'il des-
cende maintenant de la croix, pour que nous voyions et
croyions! » (Mc 15,32; cfr Mt 27,42-43; Lc 23,35.37).
Le refus de Jésus avait de quoi surprendre les disciples.
Témoins de ses miracles, ils devaient penser, non sans quelque
apparence de raison, qu'il lui était facile d'accéder à pareille
demande. En donnant satisfaction aux autorités religieuses,
ne se serait-il pas évité bien des embarras? Il peut donc sembler
normal que Jésus ait cherché à faire comprendre son attitude
à ses disciples déconcertés.
Le récit des tentations correspondrait bien à cette situation.
Zahn93 souligne fort justement que la première tentation ne
suggère pas seulement à Jésus le moyen de satisfaire sa faim;
elle l'invite à fournir en faveur de son interlocuteur, la preuve
de sa filiation divine. De même la deuxième tentation: il ne
Generated on 2011-09-05 01:33 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
s'agit pas seulement pour Jésus de mettre à profit la protection
dont Dieu l'entoure, mais de faire reconnaître au tentateur
qu'il est vraiment Fils de Dieu94. Entre ces sollicitations et
celles des dirigeants juifs l'analogie est trop frappante pour ne
pas être voulue95. Si bien que les réponses faites par Jésus au
91. Le terme « Ciel » désigne Dieu. Il ne s'agit pas d'un prodige qui s'accomplirait
dans les airs, comme on l'entend parfois.
92. Cfr Van Iersel, < Der Sohn », pp. 166-167.
93. Th. Zahn, Dos Evangelium des Matthâus (Komm. zum N. T., I), 4e éd., Leipzig-
Erlangen, 1922, pp. 155 et 158.
94. Le cas de la troisième tentation est un peu différent, puisqu'elle ne suggère
l'accomplissement d'aucun signe. En offrant à Jésus une royauté universelle, le diable
ne s'adresse pas à lui comme il le ferait à n'importe qui : il s'agit d'une royauté qui
revient de droit au « Fils de Dieu » ; le diable indique à Jésus le moyen d'entrer immé-
diatement en possession de ce qui lui revient: s'il est vraiment Fils de Dieu, qu'il le
montre en régnant sur les nations, et en acceptant ce règne des mains de celui qui
est le Prince de ce monde.
9J. Cfr R. H. Fuller, The Mission and Achievement of Jesus. An Examination
of the Presuppositions of New Testament Theology (Studies in Biblical Theology, 12),
Londres, 1956, pp. 38-39.
RAISONS D'ATTRIBUER LE RÉCIT À JÉSUS 115
diable expliquent en même temps les raisons du refus qu'il
oppose à ceux qui lui réclament un signe comme preuve de sa
mission divine : son seul signe est sa fidélité à Dieu, le fait qu'il
ne veut s'appuyer que sur la parole de Dieu, qu'il ne tente
pas Dieu, qu'il ne sert que Dieu seul.
S'il est vrai que cette situation caractéristique du ministère
de Jésus donne tout son sens au récit, il faut reconnaître qu'il
n'en va plus de même après Pâques. A ce moment-là , le Ciel
a donné son signe: Jésus est ressuscité d'entre les morts. La
résurrection fournit la garantie divine de la seigneurie de
Jésus. Pour les chrétiens, qui regardent Jésus comme leur
Seigneur, comme le Messie et le Fils de Dieu, le problème du
« signe » auquel correspond le récit des tentations n'est plus
un problème actuel; il a été dépassé par l'événement de Pâques.
Répondant à un problème, à une situation, à des préoccupa-
tions qui caractérisent le temps du ministère public de Jésus,
le récit des tentations ne se comprend bien que s'il a été com-
posé avant Pâques.
Cette conclusion est si obvie que J. Schmid96 en vient à se
demander comment le récit a pu se conserver. C'est sans doute,
répond-il, parce que les chrétiens y ont trouvé un encourage-
ment dans leurs propres difficultés97. On ne retiendrait donc
cette histoire qu'en vertu d'une application parénétique, somme
Generated on 2011-09-05 01:33 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
toute assez secondaire 98.
3. L'espérance messianique des disciples
Le récit des tentations se présente encore à nous comme une
mise au point des espérances messianiques que les disciples de
96. Dos Evangelium nach Matthâus, p. 67.
97. Cfr E. Fascher, Jesus und der Satan, pp. 29 et 41-42.
98. Il convient cependant de rappeler l'observation de H. Schûrmann (art. cit.
n. 7, p. 358) : la conservation des paroles de Jésus par la communauté ne nécessite pas
une utilité actuelle immédiate de ces paroles. La foi des disciples en Jésus, l'autorité
qu'ils reconnaissent à sa parole considérée comme un message divin, suffisent Ã
rendre compte du soin avec lequel on garde le souvenir de ce qu'il a dit. On ne saurait
leur refuser une préoccupation qu'on reconnaît aux disciples des prophètes, des
docteurs de sagesse et des rabbins, qui avaient le souci de répéter les paroles de leurs
maîtres.
116
l'origine du récit
Jésus partageaient encore avec leurs contemporains à l'époque
du ministère public, espérances qui n'ont plus de prise sur la
communauté chrétienne ".
Il n'est guère besoin de prouver que Jésus a éveillé les espé-
rances messianiques de son entourage. Jésus est mort sous un
écriteau qui le désignait comme « le Roi des Juifs » (Mc 15,26
par 10°) ; ses ennemis n'ont pas été les seuls à se rendre compte
de ses prétentions messianiques.
Ce qu'évoquait alors la pensée du Messie, les textes nous
l'apprennent sans ambiguïté. Peu après la prise de Jérusalem
par Pompée, en 63 avant Jésus-Christ, un pieux Pharisien
supplie Dieu:
Vois, Seigneur, et suscite-leur leur Roi, fils de David,
au temps que tu sais, toi, ô Dieu,
pour qu'il règne sur Israël, ton serviteur.
Et ceins-le de la force, pour briser les chefs injustes,
pour purifier Jérusalem des païens qui la foulent, en les perdant,
pour chasser, par la sagesse de la justice, les pécheurs de l'héritage,
pour fracasser l'orgueil des pécheurs comme des vases de potier,
pour briser avec une verge de fer toute leur substance,
pour détruire les païens impies d'une parole de sa bouche,
pour mettre en fuite, par sa menace, les païens loin de son visage,
Generated on 2011-09-05 01:33 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
et pour reprendre les pécheurs par la parole de leur cœur.
99. Nous reprenons ici une considération proposée par T. W. Manson, The Serv-
ant-Messiah, pp. 55-56.
100. Cette inscription, qui est attestée par les quatre évangélistes, est considérée
comme inauthentique par Bultmann, qui y voit une création de Marc {Geschichte
der syn. Trad., pp. 293-295 et 307). La faiblesse de la position de Bultmann a été
fort bien mise en valeur par N. A. Dahl, Dos gekreuzigte Messins, dans Der historische
Jesus und der kerygmatische Christus. Beitrâge mm Christusverstândnis in Forschung
und Verkundigung, Berlin, i960, pp. 149-169 (159 s.); sur le fond de la question,
Dahl reste cependant réticent. La plupart des auteurs ne montrent aucune hésitation :
voir, par exemple, M. Dibelius, Die Formgeschichte, p. 214; Jesus (Samralung
Goschen, 1130), 3e éd., Berlin, 1960, p. 81; W. E. Bundy, Jesus and the First Three
Gospels, p. 540; E. Stauffer, Messias oder Menschensohn ? dans Nov. Test., 1 (1956),
81-102 (88: «Die Kreuzesinschrift ist zweifellos historisch »); G. Bornkamm, Jesus
von Nazareth (Urban-Bûcher, 19), 2e éd., Stuttgart, 1957, p. 152 ; T. A. Burkill,
The Trial of Jesus, dans Vigiliae Christianae, 12 (1958), pp. 1-18 (14-17); P. Winter,
Marginal Notes on the Trial of Jesus, dans Zeitschr. fur die Neutestl. Wiss., 50 (1959),
pp. 14-33; 221-251 (250 s.); On the Trial of Jesus (Studia Judaica, I), Berlin, 1961,
pp. 107 ss.; J. Blinzler, Der Prosess Jesu, 3e éd., Ratisbonne, 1960, p. 270, n. 36;
F. Hahn, Christologische Hoheitstitel (cité n. 24), p. 178: «Es besteht nicnt der
geringste Anlass die Historizitât der Kreuzesinschrift zu bezweifeln »; E. Dinkler,
Petrusbekenntnis und Satanswort. Dos Problem der Messianitât Jesu, dans Zeit und
Geschichte. Dankesgabe an Rudolf Bultmann, Tubingue, 1964, pp. 127-153 (147 s.).
RAISONS D'ATTRIBUER LE RÉCIT À JÉSUS
117
Alors, il rassemblera le peuple saint, qu'il conduira avec justice,
et il jugera les tribus du peuple sanctifié par le Seigneur son Dieu.
Et il aura les peuples païens pour le servir sous son joug,
et il glorifiera le Seigneur à la vue de toute la terre,
et il purifiera Jérusalem par la sanctification, comme au com-
[men cernent,
pour que les nations viennent du bout de la terre pour voir sa
[gloire,
en apportant comme offrande ses fils à elle, privés de force,
et pour contempler la gloire du Seigneur, dont Dieu l'a glorifiée...
(Ps Sal. 17,21-31)
Même note, à Qumrân, dans la bénédiction prévue à l'inten-
tion du Roi messianique (1 QSb, 5, 20-29). On la retrouve dans
le Nouveau Testament, en particulier dans l'hymne de Zacha-
rie : « Il nous a suscité une corne de salut dans la maison de
David, son serviteur,... pour nous sauver de nos ennemis et
de la main de tous ceux qui nous haïssent... » (Lc 1,69-71).
On rêve d'un roi glorieux et puissant, libérateur de son peuple
et assurant la suprématie d'Israël sur les nations païennes.
Cette attente éclaire singulièrement plusieurs épisodes de
l'Évangile. Celui, notamment, de la démarche des fils de Zébé-
dée, demandant à Jésus : « Fais que, dans ta gloire, nous sié-
Generated on 2011-09-05 01:34 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
gions l'un à ta droite et l'autre à ta gauche» (Mc 10,37101).
Celui surtout de Césarée de Philippe (Mc 8,27-33 par), auquel
l'étude des tentations ramène constamment. Après avoir pro-
clamé que Jésus est le Messie, Pierre s'insurge en l'entendant
parler de ses souffrances et de sa mort; dans cette réaction,
Jésus reconnaît une tentation diabolique : « Arrière, Satan ! Tes
101. A propos des w. 35-37 et 40, qui lui paraissent former la base de cette péri-
cope et constituer un tout homogène, Bultmann {Geschichte, p. 23) écrit que ce
morceau « braucht als Gemeindebildung nur dann beurteilt zu werden, wenn man die
Selbstverstândlichkeit, mit der hier Jesu Messianitât vorausgesetzt wird, erst in der
christlichen Gemeinde fur môglich hâlt, und das ist allerdings meine Meinung ».
Pour satisfaire au dogme bultmannien, il faudrait donc que la communauté ait inventé
non seulement la demande des fils de Zébédée, mais aussi la réponse de Jésus : « De
siéger à ma droite ou ma gauche, il ne m'appartient pas de l'accorder; c'est à ceux
pour qui cela a été préparé » (v. 40). Rien d'étonnant à ce que les exégètes renâclent
devant l'acte de foi qu'on réclame d'eux. En faveur de l'historicité de ce passage,
voir, outre les commentaires: E. Percy, Die Botschaft Jesu, pp. 236 s., et surtout
W. Pbsch, Der Lohngedanke in der Lehre Jesu verglichen mit der religiôsen Lehre des
Spâtjudentums (Mûnchener theol. St., 1/7), Munich, 1955, pp. 68-70.
n8
l'origine du récit
pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
De toute évidence, Pierre juge la perspective des souffrances
de Jésus incompatible avec la dignité messianique qu'il vient
de lui reconnaître; c'est justement parce que l'idée qu'il se fait
du Messie est celle du diable102. Dans la pensée de Pierre, le
Messie ne peut pas souffrir - le diable de la tentation précise:
pas même de la faim -; le Messie doit régner sur Israël - sans
doute en opérant le signe du Ciel qui ralliera le peuple autour
de lui - et dominer les nations païennes - qui lui ont été mon-
trées sur la haute montagne. La parenté entre la scène des
tentations qui ont suivi le baptême et la scène de Césarée de
Philippe, où Pierre affirme sa foi au Christ mais pour faire
aussitôt l'office de tentateur, n'a pas manqué d'attirer l'atten-
tion des exégètes, et il n'est pas étonnant qu'on ait regardé
l'incident de Césarée comme l'occasion dans laquelle Jésus
aurait raconté à ses disciples l'histoire des tentations103.
Nous n'avons pas à faire d'hypothèses sur la circonstance
précise qui a pu donner naissance au récit qui nous occupe.
Nous intéressant à une situation typique à laquelle ce récit
correspond, à un problème et à une préoccupation des disciples
appelant une explication que Jésus aurait donnée au moyen
de ce récit, nous croyons trouver ce que nous cherchons dans
Generated on 2011-09-05 01:34 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
les conceptions messianiques de ce temps-là , et dans le con-
traste qu'elles formaient avec la manière dont Jésus envisageait
sa mission. En racontant ses tentations, Jésus aurait voulu
faire comprendre à ses disciples que ce qu'ils attendaient de lui
n'était à ses yeux qu'une tentation du diable.
Ajoutons que si, avant Pâques, les idées messianiques des
disciples rendent facilement compte de l'intention dans laquelle
102. L'importance de ce passage explique les études, les discussions et les hypo-
thèses dont il fait l'objet. Énumérer ces études et examiner les interprétations qu'elles
proposent ne pourrait se faire avec un peu de sérieux qu'en sortant des limites de
cet article. Contentons-nous de conseiller la confrontation des résultats auxquels
aboutissent trois études qui viennent de paraître à peu près simultanément et qui
renseignent sur bon nombre de travaux antérieurs: l'excursus de F. Hahn, Analyse
von Mk 8,27-33 dans Christologische Hoheitstitel, 1963, pp. 226-230; l'article de
E. Haenchen, Die Komposition von Mk £,27-9,1 und Par., dans Nov. Test., y (1963),
81-109 (81-96), et celui, déjà cité (n. 100), de E. Dinkler, dans Zeit und Geschichte,
1964, pp. 127-153-
103. Cfr T. W. Manson, The Servant-Messiah, p. 55.
RAISONS D'ATTRIBUER LE RÉCIT À JÉSUS
119
Jésus a pu faire ce récit, il serait beaucoup plus difficile de
trouver l'occasion du récit dans des conceptions analogues qui
auraient eu cours dans l'Église primitive. Les chrétiens savent
bien que le Christ devait souffrir pour entrer ensuite dans sa
gloire, et que cette gloire n'a rien à faire avec celle d'un souve-
rain politique : le règne qu'il doit établir lors de son avènement
est d'un tout autre ordre.
4. Jésus et le diable
Il nous reste à faire observer que le rôle assigné au diable
dans le récit des tentations s'accorde fort bien avec la manière
dont Jésus envisage le rôle de ce personnage par rapport à sa
mission. Que cela plaise ou non, il faut reconnaître le fait:
Jésus prend le diable au sérieux; il le considère comme son
antagoniste, celui dont il doit déjouer les manœuvres et qu'il
lui faut vaincre104.
Nous venons de parler de l'épisode de Césarée, où Jésus
repousse durement Pierre: « Arrière de moi, Satan! » (Mc 8,33).
Ce ne sont pas des chrétiens qui ont inventé cette parole, Ã
l'adresse d'un chef vénéré105. Jésus traite Pierre de « Satan »
parce qu'il reconnaît dans sa démarche pour le détourner des
souffrances qui l'attendent une tentation dans laquelle se mani-
feste l'action du Tentateur par excellence; Pierre joue le jeu
Generated on 2011-09-05 01:35 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
de Satan, il est entré dans le rôle de Satan en voulant détourner
Jésus de ce qui fait essentiellement partie de sa mission divine.
Jésus ajoute: « Car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais
104. « Jesus himself assigned to these demonic powers a significance beyond the
merely accidentai, discerning in the background the mystery of spiritual evil, and a
recognition that this fact can lead us towards a truer idea of His interpretation of
His own mission «: A. Fridrichsen, The Conflict of Jesus with the Unclean Spiriis,
dans Theology, 22 (1931), 122-135 (122), cité par T. Ling, The Significance of Satan.
New Testament Demonology and its Contemporary Relevance (Bibl. Monographs, 3),
Londres, 1961, p. 2.
105. Cfr W. E. Bundy, Jesus and the First Three Gospels, p. 299: «The majority
of critics feel that this little episode must be historical and that Mark here is doing
some realistic reporting. This little scene puts the famous apostle in such an unfavo-
rable and uncomplimentary light that it could hardly be an invention. It would
invite suppression (Luke) rather than fabrication. Like the story of Simon's deniai,
this little fragment testifies to the basic honesty of Christian tradition. »
120
l'origine du récit
celles des hommes » fibid.) : n'envisager sa mission que d'un
point de vue humain, incompatible avec les intentions de
Dieu, c'est justement là , à ses yeux, la tentation diabolique108.
Derrière l'intervention malheureuse du prince des apôtres,
Jésus dénonce la manœuvre de son irréductible adversaire, le
diable.
Une autre parole de Jésus dont on ne saurait raisonnablement
contester l'authenticité nous a été conservée par Luc; elle
montre en Satan le tentateur qui va mettre en péril la foi des
disciples : « Voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler
comme le froment» (Lc 22,31107). La tribulation qui va les
secouer et les ébranler jusqu'au fond de l'âme ne peut être que
l'Å“uvre de Satan, qui doit d'ailleurs obtenir d'abord l'autorisa-
tion de Dieu108.
La parabole de l'ivraie (Mt 13,24-30) semble devoir s'en-
tendre comme un appel à la patience109 : la séparation des bons
et des mauvais se fera en son temps, le temps de la moisson,
106. Si le point de vue de Pierre reste purement humain, en contradiction avec la
manière de voir de Dieu, ce n'est pas simplement en raison de l'horreur naturelle
que lui inspire l'idée de la souffrance : « Wenn Jesus darauf hin den Petrus einen Satan,
einen Versucher nennt, dann deswegen, weil Petrus vom Ideal des leidlosen Lebens
- nach dem sich aile Menschen sehnen - verfûhrt ist und verfùhren will » (E. Haen-
Generated on 2011-09-05 01:36 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
chen, dans Nov. Test., 1963, p. 91). Excès opposé chez E. Dinkler (Zeit und GeschickU
pp. 140-142, etc.) : en Mc 8, les vv. 30-32 seraient des interpolations rédactionnelles,
de telle sorte que Pierre serait entré dans le rôle de Satan en attribuant à Jésus le
titre de « Christ » (voir aussi F. Hahn, Christologische Hoheitstitel, 226-230). Explica-
tions plus satisfaisantes chez A. Vôgtle, Messiasbekenntnis und Petrusverheissung.
Zur Komposition Mt 16,13-23 Par., dans Bibl. Zeitschr., N. F. 1 (1957), 252-272;
2 (1958), 85-103 (cfr 1957, p. 256), et chez W. Foerster, art. oaTavâç, Theol. Wôrterb.
zum N. T., VII (1964), pp. 151-164 (158s.).
107. Cfr W. Foerster, Lukas, 22,31 f., dans Zeitschr. fur die Neutestl. Wiss., 46
(^Sî). 129-133 ; Id., Theol. Wôrterb. zum N. T., VII, pp. 156 s. ; E. Fuchs, art. owdcÇu,
ibid., pp. 290 s.; W. E. Bundy, Jesus and the First Three Gospels, pp. 500 s., et les
commentaires.
108. Même conception qu'en Job 1-2.
109. Nous avons indiqué sommairement les résultats de nos recherches sur cette
parabole dans «Le Royaume des Cieux est semblable à ... », dans Bibbia e Oriente,
6 (1964), 247-253 (250 s.). En dehors des commentaires de Matthieu et des ouvrages
sur les paraboles, il faut signaler surtout les études de N. A. Dahl, The Parables of
Growth, dans Studia Theol., 5 (1951), 132-166 (151 s.) et de R. Schnackenburg,
Gottes Herrschaft und Reich, Fribourg-en-Br., 1959, pp. 107 s., ainsi que W. G. KCmmel,
Verheissung und Erfiillung. Untersuchungen zur eschatologischen Verkiindigung Jesu
(Abhandlungen zur Theol. des A. und N. T., 6), 3e éd., Zurich, 1956, pp. 125-128;
H. Conzelmann, Gegenwart und Zukunft in der synoptischen Tradition, dans Zeitschr.
fiir Theol. und Kirche, 54 (1957), 277-296 (284 s.) ; E. Grasser, Dos Problem der Parusie-
verzôgerung in den synoptischen Evangelien und in der Apostelgeschichte (Beih. zur
Zeitschr. fur die Neutestl. Wiss., 22), Berlin, 1957, pp. 145-148.
RAISONS D'ATTRIBUER LE RÉCIT À JÉSUS
121
qui ne coïncide pas avec le temps du ministère de Jésus; le
moment de « purifier l'aire » (3,12) n'est pas encore venu. On
n'en est qu'à la phase qui prépare le jugement, celle où l'ivraie
et le bon grain deviennent parfaitement reconnaissables, où
l'attitude de chacun à l'égard du message de Jésus permet de
distinguer entre les bons et les mauvais. Au point de vue de
la leçon de cette parabole, la question de savoir d'où vient
l'ivraie (13,27) ne constitue qu'un trait accessoire ; la réponse
que lui fait Jésus n'est cependant pas dépourvue de significa-
tion: « C'est un ennemi qui a fait cela » (v. 28110). Il n'y a pas
lieu, par crainte de verser dans l'allégorie, de nier que cette
explication, donnée en passant, vise l'œuvre du diable, celui
qui est pour Jésus l'Ennemi par excellence m.
Jésus n'a pas seulement conscience de l'action du diable
visant à contrecarrer l'accomplissement de sa mission; il con-
sidère que sa mission divine est directement opposée à l'empire
de Satan. C'est dans cette perspective qu'il convient de donner
leur vrai sens aux expulsions de démons, qui apparaissent,
dans l'Évangile, comme des épisodes plus saillants de sa lutte
contre Satan112. A cet égard, trois sentences sont particulière-
ment significatives.
La première fait des expulsions de démons le signe de la
Generated on 2011-09-05 01:38 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
venue du Règne : « Si c'est par le doigt de Dieu (Mt : par
l'Esprit de Dieu) que j'expulse les démons, c'est donc que le
Règne de Dieu est arrivé pour vous » (Lc 11,20; Mt 12,2811S).
110. L'affirmation est préparée par le récit: v. 25.
in. Dans l'explication de la parabole du Semeur, les oiseaux qui emportent le
grain tombé au bord du chemin représentent Satan, qui vient enlever la parole à ceux
qui l'ont entendue (Mc 4,15). L'insuccès de la prédication est attribué au diable ; mais
s'agit-il de la prédication de Jésus? Les problèmes que soulève ce passage n'invitent
pas à lui demander plus qu'il ne peut donner. Voir notre étude Le Semeur, dans
Dimanche de la Sexagésime (Assemblées du Seigneur, 23), Bruges, 1964, pp. 37-54
(43-45)-
112. C'est ce que cherche à mettre en valeur l'article, déjà cité, d'A. Fridrichsen,
dans Theology, 1931, pp. 122-135.
113. Sur ce logion, il nous semble qu'on doit retenir surtout les études de:
W. G. Kûmmel, Verheissung und Erfullung, 3e éd., 1956, pp. 98-102; R. H. Fuller,
The Mission and Achievement of Jesus, 1956, pp. 25-26; R. Schnackenburg, Gottes
Herrschaft und Reich, 1959, pp. 84-85; E. Jûngel, Paulus und Jesus. Eine Unter-
suchung zur Prâzisierung der Frage nach dem Ursprung der Christologie (Hermeneu-
tische Untersuchungen zur Theologie, 2), Tubingue, 1962, pp. 185-188; E. Rasco,
H ans Conzelmann y la « Historia Salutis ». A proposito de « Die Mitte der Zeit » y
•■Die Apostelgeschichte », dans Gregorianum, 46 (1965), 286-319 (313 s.).
122
L'ORIGINE DU RÉCIT
Jésus a pour mission non seulement d'annoncer par sa parole
que «le Règne de Dieu est proche» (Mc 1,15 etc.), mais de
manifester par son action l'imminence de sa venue. L'expulsion
des démons prend ici valeur de signe, car elle met en œuvre
une puissance qui est déjà celle du Règne; elle manifeste ainsi
que le Règne «est là » (éqjôawev), faisant déjà sentir ses effets:
un peu comme le soleil qui commence à éclairer la terre avant
son lever. En mettant en œuvre une force qui relève du Règne
de Dieu, Jésus fait comprendre par les faits que la venue de
ce Règne ne peut plus tarder. Ainsi interprétées, les expulsions
de démons constituent un élément essentiel de sa mission
d'annonciateur du Règne; rien d'étonnant à ce que, lorsqu'il
associe ses disciples à sa mission de proclamer le Règne de
Dieu, Jésus leur donne en même temps le pouvoir de chasser
les démons et de guérir les malades (Mt 10,1.7-8; Lc 9,1-2.6;
10,9): la parole ne saurait être séparée des signes, et c'est sa
valeur de signe qui donne à l'expulsion des démons l'impor-
tance que Jésus lui attache.
De la sentence que nous venons de citer, Matthieu et Luc
en rapprochent une autre, qui se trouve également chez Marc :
« Nul ne peut, après s'être introduit dans la maison de l'homme
fort, mettre ses affaires au pillage, s'il n'a d'abord ligoté cet
Generated on 2011-09-05 01:39 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
homme fort ; et alors il mettra sa maison au pillage » (Mc 3,27 ;
cfr Mt 12,29; Lc 11,21-22114). Jésus fait appel au bon sens de
ses auditeurs: pour emporter ce qu'il veut de la maison d'un
homme vigoureux, un cambrioleur commence par maîtriser le
propriétaire. La tradition évangélique met cette sentence en
relation avec les expulsions de démons, et les exégètes s'ac-
114. Sur les problèmes littéraires soulevés par la péricope de Mc 3,22-30 et ses
rapports avec les matériaux parallèles ou complémentaires de la double tradition
Matthieu-Luc, bonne vue d'ensemble dans F. Hahn, Christologische HoheitstUel,
p. 298, n. 1. Pour le logion qui nous occupe, la version de Mt 12,29 est à peu près
identique à celle de Mc 3,27, mais celle de Lc 11,21-22 est fort différente. La plupart
des auteurs estiment que Luc utilise une version parallèle; cependant E. Percy
(Die Botschaft Jesu, pp. 181-187) pense que la version de Luc représente la forme
primitive, dont dériverait la forme de Matthieu et de Marc; à l'inverse, S. Légasse
croit pouvoir montrer que la forme de Luc résulte d'un remaniement rédactionnel
de celle de Marc: L'« homme fort' de Lc 11,21-22, dans Nov. Test., 5 (1962), 5-9. -
Pour ce qui concerne l'interprétation de ce logion, il faut signaler surtout, outre les
commentaires de Marc (W. Grundmann, E. Klostermann, J. Schmid, V. Taylor),
W. G. Kûmmel, Verheissung uni ErfiiUung, pp. 101-102.
RAISONS D'ATTRIBUER LE RÉCIT À JÉSUS
123
cordent à penser que tel a dû être effectivement son contexte
primitif. En délivrant les possédés, Jésus enlève à Satan des
gens qui étaient devenus son bien ; tel un cambrioleur, il pénètre
chez Satan pour lui enlever ce qu'il lui plaît. Il ne pourrait
évidemment pas agir comme il le fait si Satan n'avait d'abord
été maîtrisé115. Ses exorcismes prouvent donc que Satan n'est
plus maître chez lui, son empire a été brisé. Compte tenu des
conceptions juives, la fin du règne de Satan ne peut que coïn-
cider avec le début du Règne de Dieu; c'est au moment de la
venue de ce Règne que Satan doit être enchaîné et ligoté. La
manière de faire de Jésus suppose qu'on en est là : les premiers
effets du Règne de Dieu commencent à se manifester. Les expul-
sions de démons opérées par Jésus ne sont pas seulement des
faits épisodiques, qu'on peut admirer sans en tirer les consé-
quences ; elles signifient que la fin des temps est arrivée, que le
Règne de Dieu est là , que son action se fait déjà sentir. En
les accomplissant, Jésus remplit sa mission qui prélude à la
venue du Règne de Dieu et qui en commence l'établissement
sur la terre116.
La troisième sentence ne nous a été conservée que par Luc:
« Je voyais Satan précipité du ciel comme un éclair » (Lc 10,18).
Le contexte dans lequel l'évangéliste a inséré cette parole est
Generated on 2011-09-05 01:39 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
celui des exorcismes opérés par les disciples au cours de leur
tournée missionnaire ; ils disaient au verset précédent : « Sei-
115. Interprétation toute différente chez R. H. Fuller, The Mission and Achieve-
ment of Jesus, p. 38 : « The exorcisms of Jesus are the preliminary assault on the
kingdom of Satan, preparatory to his final overthrow at the End. The strong man
must first (npûTov) t>e bound, and then (tà te) his goods can be spoiled. The tipStov
refers to the ministry of Jesus, the r6ra to the decisive event of the future. » Cette
explication s'accorde mal avec la nature du logion, qui se présente comme un appel
à l'expérience, presque comme un proverbe. Jésus ne dit pas: il faut bien que je
commence par ligoter Satan, pour pouvoir mettre ensuite ses affaires au pillage ; mais
bien: le fait que je mets les affaires de Satan au pillage montre que Satan est déjÃ
ligoté. De nombreux auteurs se sont interrogés sur le moment précis auquel Jésus a
ligoté Satan, et ils ont cru pouvoir faire coïncider cet événement avec la tentation
au désert (C. J. Cadoux, W. Foerster, W. Grundmann, J. Jeremias, J. Schniewind,
B. Weiss, Th. Zahn); d'accord avec Kûmmel et Percy (loc. cit.), nous considérons
cette hypothèse comme dépourvue de tout fondement. S'il y a lieu de préciser, il faut
dire simplement que l'enchaînement de Satan coïncide avec la mission de Jésus.
116. « L'idée est que les guérisons et les expulsions de démons opérées par Jésus
supposent la défaite préalable de Satan : ainsi le règne du mal touche à sa fin et le
Royaume de Dieu est proche. De là l'importance que l'évangile attache à ces guéri-
sons »: M. Goguel, dans M. Goguel-H. Monnier, Le Nouveau Testament. Traduction
nouvelle d'après les meilleurs textes, avec introduction et notes, Paris, 1929, p. 66,
124
l'origine du récit
gneur, même les démons nous sont soumis en ton nom » (v. 17).
Il faut sans doute faire la part de l'évangéliste dans la manière
dont le dialogue nous est présenté, et rien n'empêche d'ad-
mettre, avec la plupart des auteurs117, que le logion du v. 18
n'a qu'un lien fort lâche avec son contexte actuel. Mais on doit
reconnaître aussi que ce contexte correspond bien au sens
naturel du logion: dans les expulsions de démons, Jésus voit
se réaliser la défaite de Satan, le prince des démons118. Faisant
écho à la satire d'Is 14 contre le roi de Babylone119, les termes
de la sentence de Jésus décrivent la destruction du pouvoir de
Satan sous l'image d'une chute soudaine et instantanée, pareille
à celle de l'éclair180; celui qui, du ciel, régnait sur le monde
présent121, se voit brusquement jeté à terre. Dans le cadre des
conceptions juives, cette chute de Satan, qui met fin à son
règne, est naturellement liée à l'avènement du Règne de Dieu.
117. Ainsi notamment R. Bultmann, Geschichte der syn. Trad., p. 174; F. Hauck,
Dos Evangelium des Lukas (Theol. Handkomm. zum N. T., III), Leipzig, 1934, p. 142 ;
C. K. Barrett, The Holy Spirit and the Gospel Tradition, Londres, 1947 (repr. 1954),
p. 64; E. Percy, Botschaft Jesu, p. 186; W. G. Kûmmel, Verheissung und Érfiillung,
p. 106; R. Schnackenburg, Gottes Herrschaft und Reich, pp. 85-86; W. Grundmann,
Dos Evangelium nach Lukas (Theol. Handkomm. zum N. T., III, 2e éd.), Berlin,
1961, p. 212; E. Jûngel, Paulus und Jesus, p. 189.
Generated on 2011-09-05 01:39 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
118. Ainsi tous les auteurs cités dans la note précédente (pour Bultmann, voir
la note additionnelle). De même J. Schmid, Dos Evangelium nach Lukas (Regens-
burger N. T., 3), 4e éd., Ratisbonne, i960, p. 187; W. Foerster, Theol. Wôrterb.
zum N. T., VII, 157.
119. « Comment es-tu tombé des cieux, astre du matin, fils de l'aurore? Comment
as-tu été jeté par terre, toi qui subjuguais les nations?... Ceux qui te voient te consi-
dèrent; ils fixent leur regard sur toi: Est-ce là l'homme qui faisait trembler la terre,
qui renversait les royaumes? » (Is 14,12.16).
120. La soudaineté de cette chute brusque et irrémédiable ressortirait du contraste
des temps grecs : Jésus « voyait » MMbpotw, à l'imparfait, le temps qui suppose la
durée; mais la chute de Satan, à l'aoriste (7teo6rax), est instantanée. Ainsi M. Zer-
wick, « Vidi satanam tient fulgur de caelo cadentem » (Lc jo,j7-2o), dans Verbum
Domini, 26 (1948), 110-114. Peut-être ne faut-il pas forcer la nuance de l'aoriste, Ã
propos duquel les grammairiens parlent d'un « aoriste intemporel »: J. H. Moulton,
A Grammar of New Testament Greek, I. Prolegomena, 2e éd., Edimbourg, 1906, p. 134;
A. T. Robertson, A Grammar of the Greek New Testament in the Light of Historical
Research, 3e éd., New York, 1919, pp. 843, 864, 1114, 1116, 1123; B. Botte, Gram-
maire grecque du Nouveau Testament, Paris, 1933, p. 70. L'anomalie de la construc-
tion n'est pas pour autant dépourvue de signification ; on ne saurait minimiser l'accent
triomphant du participe aoriste; cfr Apoc 18,2 (Moulton).
121. En fonction de Job 1-2 et Apoc 12,10, plusieurs auteurs supposent que Satan
se trouvait dans le ciel pour y accuser les hommes devant Dieu; par sa chute, il perd
ses fonctions d'accusateur (Hauck, Grundmann, Foerster, loc. cit.). Cette explication
fait appel à un thème qui s'accorde mal avec le contexte de l'expulsion des démons:
il ne s'agit pas ici du pouvoir dont Satan jouirait devant Dieu, mais de celui qu'il
exerce sur les hommes. Il semble donc préférable de ne pas faire intervenir de telles
conceptions à cet endroit (cfr Schmid).
RAISONS D'ATTRIBUER LE RÉCIT À JÉSUS
125
Les expulsions de démons témoignent du fait que le prince des
démons a perdu son pouvoir, fait qui est confirmé par la
« vision122 » de Jésus ; elles attestent en même temps que le
Règne de Dieu commence déjà à déployer sa puissance123.
Elles constituent ainsi le signe concret de la bonne nouvelle
annoncée par Jésus : « Le Règne de Dieu est proche ».
Un même enseignement se dégage des trois sentences que
nous venons d'examiner. Elles témoignent du rôle essentiel
que Jésus attache aux expulsions de démons dans l'accomplisse-
ment de sa mission divine. Il ne lui suffit pas de proclamer que
le Règne de Dieu est proche; il lui faut montrer que la puis-
sance de ce Règne s'exerce dès à présent. En mettant cette
puissance en branle, il commence déjà l'établissement de ce
Règne sur la terre. Impliquant la destruction du règne de
Satan, la venue du Règne de Dieu se manifeste par les victoires
que Jésus remporte sur Satan en expulsant les démons des
hommes qui étaient tombés en leur pouvoir. La mission de
Jésus se présente ainsi comme un combat contre Satan, combat
permettant de constater que le prince des démons est vaincu
par un plus fort que lui.
122. On peut douter qu'il s'agisse ici d'une vision de type extatique, comme le
supposent trop facilement plusieurs auteurs (Bultmann, Creed, Barrett, Grundmann).
Generated on 2011-09-05 01:40 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Le verbe Oecopico ne s'emploi pas nécessairement à propos d'une expérience vision-
naire (cfr W. Michaelis, art. ôpiw, Theol. Wôrterb. zum N. T., VI, pp. 315-381:
345, n. 161). En évoquant la chute de Satan par allusion à Is 14, le logion veut
essentiellement indiquer le sens profond des expulsions de démons, manifestations
concrètes d'un événement supra terrestre que Jésus « voit » autrement que par ses yeux,
même s'il le présente d'une façon imagée et biblique. On pourrait comparer cela au
pilote qui « voit », grâce à son radar, ce que les yeux ne perçoivent pas à cause du
brouillard. Il n'y a pas lieu de supposer ici autre chose qu'une vision purement spiri-
tuelle (Schmid).
123. La chute de Satan coïncide avec le ministère de Jésus: « Yet it is entirely
congruent with other passages of the Gospels (e. g., Mk 3,27) to suppose that the fall
belongs to the period of the Messianic work of Jesus » (C. K. Barrett, toc. cit.).
On ne saurait donc reporter la vision de Jésus à un acte de sa préexistence : l'accord
se fait assez facilement sur ce point. On ne saurait davantage y reconnaître une
simple anticipation sur une victoire encore à venir, comme le veut R. H. Fuiaer,
The Mission and Achievement of Jesus, p. 27: « Their success (of the Seventy) is inter-
preted by Jesus as a sign of the approach of Satan's final overthrow at the End (cfr
Rev. 12,9, etc.), which with vivid, prophetic imagination, he sees as an already
accomplished fact. » Jésus ne se contente pas de prévoir la chute de Satan au moment
de l'avènement du Règne (Fuller) ou quand se fera le jugement dernier (R. Leivestad,
Christ the Conqueror. Ideas of Conftict and Victory in the New Testament, Londres,
I954. p. 49; T. Ling, The Significance of Satan, p. 18); il sait qu'elle se réalise au
moment même où il exerce son ministère, et par l'exercice même de son ministère.
Cfr Kûmmel, Verheissung uni Erfiillung, p. 107.
126
l'origine du récit
Virtuellement acquise, la victoire sur Satan n'est cependant
pas encore achevée. Le diable s'efforce de contrecarrer le succès
de la mission de Jésus : c'est lui l'ennemi qui sème l'ivraie parmi
le bon grain; c'est lui qui secoue les disciples de Jésus comme
dans un crible pour leur arracher leur foi; c'est lui aussi qui,
par la bouche de Pierre, cherche à détourner Jésus de la fidé-
lité à son Père. C'est bien encore le même personnage qu'on
reconnaît dans l'histoire des tentations, cherchant à prévenu-
la défaite qui le menace. Le rôle que cette histoire prête Ã
Satan correspond à celui que Jésus lui attribue habituellement
en voyant en lui son adversaire.
Nous pouvons ajouter que le point de vue de l'Église pri-
mitive n'est plus exactement le même. Les événements de
Pâques ont quelque peu modifié les perspectives. Alors que
Jésus fait coïncider la défaite de Satan avec la mission qui lui
a été confiée par Dieu, les premiers chrétiens auront tendance
à la faire coïncider avec la résurrection de Jésus124. Quand ils
se représentent l'action du diable pendant le ministère terrestre
de Jésus, ils ne l'envisagent pas comme tendant à fourvoyer
le Fils de Dieu, mais comme cherchant à le perdre et à provo-
quer sa mort. Les retouches de Luc sont fort significatives Ã
cet égard : à la fin de l'épisode des tentations, le diable se retire
Generated on 2011-09-05 01:40 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
« jusqu'au temps marqué » (Lc 4,13), pour rentrer en scène au
moment de la trahison de Judas (22,3).
Par le rôle qu'il attribue au diable, aussi bien que par les
problèmes auxquels il veut apporter une réponse, le récit des
tentations se comprend mieux comme fait par Jésus au cours
de son ministère que comme une création chrétienne après le
triomphe de Pâques.
124. A propos de Mc 3,27, W. Grundmann (Dos Ev. nach Markus, p. 84) note
très justement : « Da die urchristliche Botschaf t dies (die Ueberwaltigung des Starken)
dem Tod und der Auferstehung zuweist, muss dieses Wort in die Geschichte Jesu
selbst gehôren und ist ein Stiick Urchristologie. » Voir D. A. Frôvig, Die Sendungs-
bewusstsein Jesu und der Geist (Beitrâge zur Fôrderung christl. Theol., 29), Gûtersloh,
1924, p. 162.
CONCLUSION
127
CONCLUSION
1. Au point de vue de l'historien, la question fondamentale
concernant l'histoire des tentations de Jésus est celle de l'ori-
gine du récit. Beaucoup d'auteurs croient qu'il est né dans la
catéchèse chrétienne. D'autres estiment plus raisonnable de
faire remonter le récit jusqu'à Jésus lui-même; non sans doute
dans les termes exacts où il nous parvient chez Matthieu et
chez Luc, mais du moins sous une forme circonstanciée et déve-
loppée dont la teneur se serait assez bien conservée dans la
tradition que Matthieu et Luc ont utilisée. Nous avons vu les
difficultés que soulèvent les explications qui attribuent ce récit
à la communauté chrétienne ; nous avons aussi indiqué quelques
raisons permettant de penser que le récit se comprend mieux
s'il vient de Jésus : il reflète ses préoccupations et répond à des
problèmes qui sont ceux de son ministère public. L'origine de
cette histoire se justifie plus difficilement dans le contexte de
la vie de l'Église primitive.
2. Si le récit est né dans la communauté, on ne saurait évi-
demment y voir qu'une fiction didactique, vraie uniquement
par l'enseignement qu'elle veut inculquer. S'il remonte à Jésus,
la question est plus complexe. Il ne suffit pas que Jésus ait
raconté une histoire pour que ce soit de l'histoire. Il peut avoir
Generated on 2011-09-05 01:40 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
voulu rapporter un événement réellement et objectivement
vécu; mais il peut aussi avoir eu l'intention de proposer un
enseignement doctrinal sous une forme imagée, plus ou moins
apparentée à celle des paraboles. Il n'est pas douteux que ce
récit a en tout cas une portée doctrinale. Mieux que des consi-
dérations abstraites, il caractérise l'attitude de Jésus à l'égard
des rêveries messianiques de ses contemporains et en face des
requêtes de ceux qui réclament de lui des signes. Cette remarque
ne tranche pas encore la question de savoir si cette histoire
a des attaches dans un événement réel. La réponse à cette
question devrait sans doute se situer entre deux positions
extrêmes :
128
l'origine du récit
a) D'abord, celle qui prendrait le récit à la lettre, jusque dans
ses derniers détails125. Cette histoire fait manifestement appel
à des éléments figurés, que le lecteur de l'Évangile ne s'étonne
pas de retrouver dans le langage de Jésus, toujours très imagé.
La haute montagne d'où l'on voit tous les royaumes de la
terre n'existe évidemment pas sur la carte; elle relève d'une
« géographie » qui pourrait rappeler celle de la parabole de
l'homme riche et du pauvre Lazare, avec son dialogue entre le
riche et Abraham d'un côté à l'autre de l'abîme qui sépare
l'Hadès du séjour des élus (Lc 16,23-26).
b) L'autre extrême serait d'assimiler purement et simple-
ment cette histoire à une parabole, et de déclarer a priori
qu'elle est entièrement fictive. Parlant à ses disciples d'une
expérience qu'il a faite, Jésus pourrait difficilement s'exprimer
ainsi s'il n'avait fait aucune expérience de ce genre. Du point
de vue psychologique d'ailleurs, rien de plus vraisemblable
que le fond de cette histoire126. Jésus ne pouvait pas ignorer
ce que son entourage attendait de lui; il lui fallait prendre
position devant des espérances trop humaines, se rendre compte
de leur opposition à la volonté de Dieu concernant sa mission,
y reconnaître une tentation nécessairement attribuable à Satan,
l'adversaire de Dieu et de ses desseins de salut.
Generated on 2011-09-05 01:41 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Entre les deux positions extrêmes, celle qui fait du récit des
tentations une relation historique au sens strict, et celle qui lui
refuse tout fondement réel dans la vie de Jésus, c'est une posi-
tion moyenne qui aurait sans doute le plus de chances de
correspondre à la réalité: Jésus parle d'une expérience qu'il
a vécue, mais en la traduisant en un langage imagé, propre Ã
frapper l'esprit de ses auditeurs.
125. Un exemple récent, qui est aux limites de la caricature: c Alors le Diable
saisit le Christ et le transporta sur le pinacle du Temple, le point le plus élevé des
remparts de Jérusalem, qui dominait à pic et de quelque cent quatre-vingts mètres
le lit du Cédron. Le Diable aussi fait des miracles. Apparaître sous forme corporelle,
transporter un fardeau à travers les airs jusqu'au sommet d'une tour, c'est pour lui
jeu facile... Il saisit (Jésus) dans un rapt sacrilège, le soulève et l'emporte à travers
les airs, il le tient serré contre lui dans un embrassement terrible. Cette possession
physique du Saint, Satan a dû la pousser aussi loin qu'il lui a été permis, jusqu'aux
puissances inférieures de l'âme... » (R.-L. Bruckberger, L'histoire de Jesus-Christ,
Paris, 1965, p. 161).
136. Cfr A. Loisy, Les évangiles synoptiques, t. I, Ceffonds, 1907, p. 437.
CONCLUSION 129
3. Tant qu'on reste dans les généralités, l'accord est assez
facile. En voulant préciser davantage, on arrive aux questions
de détail qui, naguère encore, passionnaient certains exégètes.
Elles se ramènent à deux:
a) Il y a d'abord les changements de scène. Au lever du
rideau, Jésus se trouve au désert. Où se trouve-t-il au moment
où le diable se retire et où, d'après Matthieu, les anges s'ap-
prochent pour le servir? Ce n'est probablement pas sur la haute
montagne, d'où l'évangéliste ne dit pas que Jésus descendit
pour arriver en Galilée. On a bien l'impression que les tentations
se terminent au désert, où elles avaient commencé. Rien
n'oblige à penser qu'entretemps Jésus a voyagé d'un endroit
à l'autre, et on peut laisser les graves docteurs discuter grave-
ment sur la question de savoir si les voyages se sont faits Ã
pied ou par la voie des airs.
b) On s'interroge encore sur la manière dont le diable se
présente à Jésus. Le récit ne parle pas d'apparition; il ne dit
même pas que Jésus a vu le diable, comme le dit le logion de
Lc 10,18: «Je voyais Satan précipité du ciel comme l'éclair. »
Il n'est pas question d'une forme sensible, d'un déguisement
du diable. Simplement, le diable s'adresse à Jésus. Il ne le
fait pas nécessairement comme un homme parle à un autre
homme; il peut fort bien parler avec Jésus comme il le fait
Generated on 2011-09-05 01:41 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
avec nous tous les jours. Rien n'empêche donc de penser à un
dialogue purement spirituel127.
4. Dernière question : celle de la place à faire à l'histoire des
tentations dans une Vie de Jésus. Si l'on admet que, pour le
127. Le P. L. de Grandmaison parle du « drame spirituel » des tentations {Jésus-
Christ. Sa personne, son message, ses preuves, t. I, 6e éd. [sic], Paris, 1927, p. 307).
Le P. J. Lebreton (La vie et l'enseignement de Jésus-Christ Notre-Seigneur. Verbum
salutis, 11e éd., Paris, 1935, pp. 77-8o), suivi par Daniel-Rops (Jésus en son temps,
réimpr. Paris, 1959, p. 187), ne voit pas d'inconvénient à ce que les tentations relèvent
de la vision. D'après le P. J. Bonsirven, les tentations se présentent « non pas en
idées générales et comme abstraites, mais en des gestes symboliques, sortes de para-
boles en acte, propres à frapper des intelligences simples, comme étaient celles des
disciples à qui le Maître raconta ses tentations » : Les enseignements de Jésus-Christ
(Verbum salutis), 4e éd., Paris, 1946, pp. 104-105. Voir aussi J. Schmid, Dos Evange-
Hum nach Matthâus, pp. 67-68, pour qui les tentations constituent non pas un événe-
ment extérieur réel, mais un événement spirituel.
Les tentations... 9
130
l'origine du récit
fond, cette histoire peut raisonnablement se réclamer de Jésus,
il convient de lui faire une place dans un exposé historique de
la vie de Jésus. Mais à quel endroit?
Les évangélistes l'ont placée après le baptême et avant le
commencement du ministère public. Cette ordonnance se
justifie par des motifs chronologiques: l'événement aurait eu
lieu à ce moment-là ; elle peut aussi se fonder sur des considé-
rations thématiques: le séjour au désert et la tentation suivent
naturellement le baptême, comme, pour le peuple d'Israël, les
événements correspondants ont suivi le passage de la mer
Rouge; la tentation précède logiquement l'inauguration du
ministère public.
Le point de vue de l'historien moderne serait sans doute un
peu différent. S'intéressant surtout au fait que le récit a été
rapporté par Jésus lui-même, il se préoccupera davantage du
moment auquel Jésus a raconté cette histoire. Ce moment,
nous l'ignorons. Nous pouvons cependant dire que, vu le con-
tenu et la signification du récit, on n'imagine pas que Jésus
ait raconté cette histoire au début de son ministère. Il suppose
les disciples inquiets de la manière de concilier leurs espérances
messianiques avec la façon dont Jésus entend accomplir sa
mission terrestre; il les suppose déconcertés par le refus que
Generated on 2011-09-05 01:42 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Jésus oppose à ceux qui lui réclament un signe du Ciel. Tout
cela ne se comprend guère qu'à la dernière étape du ministère
de Jésus: concrètement, dans l'économie de l'histoire évangé-
lique, ce récit ne saurait se placer avant l'épisode de Césarée
de Philippe. On pourrait ajouter que, dans l'état de nos con-
naissances, cet épisode fournit au récit le cadre qui l'éclairé le
mieux et lui assure sa pleine signification, en même temps
d'ailleurs que l'histoire des tentations permet de mieux com-
prendre la vivacité avec laquelle Jésus repousse l'initiative
malheureuse du prince des apôtres.
BIBLIOGRAPHIE
Hônig, W., Die Versuchungsgeschichte, Protestantische Monatshefte,
4 (1900). 331-337. 382-394-
Hastings, J., The Temptation of Our Lord, Expository Times, 14
(1902-03), 389-392.
Spitta, F., Beitrâge zur Erklà rung der Synoptiker, Zeitschr. fur die
Neutestl. Wiss., 4 (1903), 303-326 (323-326: Die Tiere in der
Versuchungsgeschichte).
Willrich, H., Zur Versuchung Jesu, Zeitschr. fur die Neutestl.
Wiss., 4 (1903), 349-350.
Harnack, A., Spruche und Reden Jesu. Die zweite Quelle des Matthdus
und Lukas (Beitrâge zur Einleitung in das Neue Testament, II),
Leipzig, 1907 = The Sayings of Jésus. The Second Source of
St. Matthew and St. Luke (New Testament Studies, II), Londres-
New-York, 1908 (pp. 41-48).
Spitta, F., Zur Geschichte und Literatur des Urchristentums, III, 2.
Die Versuchung Jesu, GÅ“ttingue, 1907.
Id., Steine und Tiere in der Versuchungsgeschichte, Zeitschr. fiir die
Neutestl. Wiss., 8 (1907), 66-68.
Wendling, E., Synoptische Studien, I. Die Versuchungsgeschichte,
Zeitschr. fur die Neutestl. Wiss., 8 (1907), 256-273.
Hastings, J., The Driving of the Spirit, Expository Times, 20
(1908-09), 555-557 (sur Mc 1,12 s.).
Huby, J., Sur un passage de saint Marc. Marc 1,13, Rech. de Sc.
Generated on 2011-09-05 01:42 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Rel., 1 (1910), 66-67.
Meyer, A., Die evangelischen Berichte iiber die Versuchung Christi,
dans Festgabe Hugo Blummer, Zurich, 1914, pp. 434-468.
Vôlter, D., Die Versuchung Jesu, Nieuw Theologisch Tijdschrift, 6
(1917). 348-365-
Bôkxen, E., Zu der Versuchung Jesu, Zeitschr. fur die Neutestl.
Wiss., 18 (1917-18), 244-248.
Ketter, P., Die Versuchung Jesu nach dem Berichte der Synoptiker
(Neutestl. Abhandlungen, VI, 3), Munster i.-W., 1918.
Albertz, M., Die synoptische Streitsgesprà che. Ein Beitrag zum
Formengeschichte des Urchristentums, Berlin, 1921, pp. 41-48.
132
BIBLIOGRAPHIE
Fonck, L., Jesus tentatur, Verbum Domini, i (1921), 10-15.
Meyer, E., Ursprung und Anfânge des Christentums, I. Die Evange-
lien, Stuttgart-Berlin, 1921, pp. 94-97.
Violet, B., Der Aufbau der Versuchungsgeschichte Jesu, dans Har-
nack-Ehrung, Leipzig, 1921, pp. 14-21.
Knight, J. H. T., The Temptation of Our Lord, considered as related
to the Ministry and as a Revelation of His Person, Londres, 1922.
Eitrem, S., Die Versuchung Christi (Bihefte til Norsk teologisk
tidsskrift, 25), Christiania, 1924.
Fridrichsen, A., Le problème du miracle dans le christianisme primi-
tif (Études d'hist. et de philos, religieuses, 12), Strasbourg-Paris,
1925, pp. 84-90.
Freese, N., Die Versuchunglichkeit Jesu, Theol. Studien und Kri-
tiken, 96-97 (1925), 313-318.
Vogels, H. J., Die Versuchung Jesu, Bibl. Zeitschr., 17 (1925-26),
238-255-
Sattler, W., Die Anawim im Zeitalier Jesu Christi, dans Festgabe
fur A. JiUicher, Tubingue, 1927, pp. 1-15 (10).
Clarke, W. K. L., New Testament Problems. Essays, Reviews,
Interpretations, Londres, 1929.
Hirsch, S., Taufe, Versuchung und Verklà rung Jesu, Berlin, 1932.
Jeremias, J., art. 'ASà jx, Theol. Wôrterb. zum N. T., I (1933), 141-
Generated on 2011-09-05 01:42 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
143-
Doncœur, P., La tentation de Jésus au désert, Études, 239 (1934), 5-17.
Vosté, J. M., De Baptismo, Tentatione et Transfiguratione Jesu
(Studia Theol. Bibl. N. T., II), Rome, 1934 (pp. 51-114).
Manson, T. W., The Teaching of Jesus. Studies in its Form and
Content, 2e éd., Cambridge, 1935, p. 196.
Jeremias, J., Die « Zinne » des Tempels, Zeitschr. Deutsche Palà stina-
Vereins, 59 (1936), 195-208.
Korn, H. J., IIEIPASMOE. Die Versuchung des Glà ubigen in der
griechischen Bibel (Beitr. zur Wiss. vom A. und N. T., IV, 20),
Stuttgart, 1937.
Lohmeyer, E., Die Versuchung Jesu, Zeitschr. fiir system. Theol., 14
(1937), 619-650.
Kadic, A., Momentum messianicum tentationum Christi, Verbum
Domini, 18 (1938), 93-96, 120-128, 151-160.
Thielicke, H., Jesus Christus am Scheidewege. Eine biblische Besin-
nung, Berlin, 1938.
Seidelin, P., Zur Christologie der Versuchungsgeschichte bei Mat-
thà us und Lukas, Deutsche Theologie, 6 (1939), 127-139.
Andrews, M. E., Peirasmos. A Study in Form-Criticism, Anglican
Theol. Rev., 24 (1942), 229-244.
BIBLIOGRAPHIE
133
Houghton, H. P., On the Temptation of Christ and Zarathustra,
Anglican Theol. Rev., 26 (1944), 166-175.
Kilpatrick, G. D., Matthew iv. 4, Journ. of Theol. St., 45 (1944),
176.
Herranz, A., Penitencia y tentaciones de Jesus, Cultura Biblica, 2
(1945), 193-199, 225-228.
Bonnard, P., La signification du désert selon le Nouveau Testament,
dans Hommage et reconnaissance... Karl Barth, Neuchâtel-Paris,
1946, pp. 9-18.
Barrett, C. K., The Holy Spirit and the Gospel Tradition, Londres,
1947. PP- 46-53-
Daube, D., Studies in the Biblical Law, Cambridge, 1947, pp. 24-39.
Van den Bergh Van Eysinga, G. A., De derde verzoeking, Neder-
lands Theologisch Tijdschrift, 1 (1946-47), 280-294.
Murray, A. V., The Temptation of Jesus, Expository Times, 60
(1948-49), 99-101.
Noack, B., Satanas und Soteria. Untersuchungen zur neutestament-
lichen DÃ monologie, Copenhague, 1948.
Fascher, E., Jesus und der Satan. Eine Studie zur Auslegung der
Versuchungsgeschichte (Hallische Monographien, 11), Halle, 1949.
Guillet, J., Le thème de la marche au désert dans l'Ancien et le
Nouveau Testament, Rech. de Sc. Rel., 36 (1949), 161-168.
Generated on 2011-09-05 01:42 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Manson, T. W., The Sayings of Jesus as Recorded in the Gospels
according to St. Matthew and St. Luke, Londres, 1949, pp. 41-46.
Daniélou, J., Sacramentum futuri. Études sur les origines de la
typologie biblique (Études de Théologie Historique), Paris, 1950,
pp. 136 s.
Eitrem, S., Some Notes on the Demonology in the New Testament
(Symbolae Osloenses, Fasc. Suppl., 12), Oslo, 1950.
Butler, B. C, The Originality of St. Matthew. A Critique of the
Two-Documents Hypothesis, Cambridge, 1951, pp. 112 s.
Dondorp, A., De verzoekingen van Jezus Christus in de woestijn
(Vrije Universiteit te Amsterdam. Diss.), Kampen, 1951.
Guillet, J., Thèmes bibliques. Études sur l'expression et le développe-
ment de la Révélation (Théologie, 18), Paris, 1951, pp. 23 s.
Holzmeister, U., « Jesus lebte mit den wilden Tieren » Mk 1,13,
dans Vom Worte des Lebens. Festschrift fur M. Meinertz, Munster,
1951, pp. 85-92.
Schmauch, W., In der Wilste, dans In memoriam E. Lohmeyer,
Stuttgart, 1951, pp. 202-223 (213-216).
Kuhn, K. G., Ileipao(i.6ç-â(xapTia-aà pÇ im Neuen Testament und die
damit zusammenhà ngenden Vorstellungen, Zeitschr. fur Theol. und
Kirche, 49 (1952), 200-222.
134
BIBLIOGRAPHIE
Schnackenburg, R., Der Sinn der Versuchung Jesu bei den Synop-
tikern, Theol. Quartalschrift, 132 (1952), 297-326.
Argyle, A. W., The Accounts of the Temptation of Jesus in Relation
to the Q Hypothesis, Expository Times, 64 (1952-53), 382.
Carbone, V., Tentazioni di Gesù Cristo, Enciclopedia Cattolica, XI
(1953) , col. 1917-1919.
Manson, T. W., The Servant-Messiah. A Study of the Public
Ministry of Jesus, Cambridge, 1953, p. 55.
Percy, E., Die Botschaft Jesu. Eine traditionskritische und exege-
tische Untersuchung (Lunds Universitets Aorsskrift, N. F. Avd. I,
Bd 49, Nr. 5), Lund, 1953, pp. 13-18.
Metzger, B. M., Scriptural Quotations in Q Material, Expository
Times, 65 (ig53-54). «5-
Argyle, A. W., Scriptural Quotations in Q Material, Expository
Times, 65 (1953-54). 185 s.
Boucquemiaux, Jésus et Satan, Vie Spirituelle, 90 (1954), 240-250.
Charlier, C, Les tentations de Jésus au désert, Bible et Vie chré-
tienne, n° 5 (1954), 85-92.
Robilliard, J. A., Les trois combats du Fils de Dieu, Vie Spirituelle,
90 (1954), 351-366.
Sabbe, M., De tentatione Jesu in deserto, Collationes Brugenses, 50
(1954) . 459-465-
Generated on 2011-09-05 01:43 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Seesemann, H., Die Versuchungen Jesu, dans Theol. Wôrterb. zum
N. T., VI (fasc. 1: 1954), pp. 33-37.
Stendahl, K., The School of St. Matthew and its Use of the Old
Testament (Acta Semin. Neotest. Upsal., XX), Uppsala, 1954,
pp. 88 s.
Taylor, V., The Life and Ministry of Jesus, Londres, 1954, p. 52.
Valloton, P., Essai d'une doctrine chrétienne de la tentation, Paris,
1954-
Boulogne, C. D., La tentation de Jésus-Christ au désert. La «poli-
tique», ici-bas, du Fils de Dieu fait homme, Vie Spirituelle, 92
(1955) . 364-380.
Casey, R. P., et Thomson, R. W., A Dialogue between Christ and
the Devil, Journ. of Theol. St., N. S. 6 (1955), 49-65.
Schulze, W. A., Der Heilige und die wilden Tiere. Zur Exegèse von
Mk 1,13b, Zeitschr. fiir die Neutestl. Wiss., 46 (1955), 280-283.
Thielicke, H., Zwischen Gott und Satan. Die Versuchung Jesu und
die Versuchlichkeit des Menschen, 3e éd., Halle, 1955.
Buse, L, The Marcan Account of the Baptism of Jesus and Isaiah
LXIII, Journ. of Theol. St., N. S. 7 (1956), 74-75.
Fuller, R. H., The Mission and Achievement of Jesus. An Exam-
BIBLIOGRAPHIE
135
ination of the Presuppositions of New Testament Theology (Studies
in Biblical Theology, 12), Londres, 1956, p. 84.
Jeremias, J., Jesu Verheissung fiir die Vôlker, Stuttgart, 1956,
P- 37-
Morgenthaler, R., Roma-Sedes Satanae. Rom 13,1 ff. im Lichte
von Luk. 4, 5-8, Theol. Zeitschr., 12 (1956), 289-304.
Schmauch, W., Orte der Offenbarung und der Offenbarungsort im
Neuen Testament, GÅ“ttingue et Berlin, 1956.
Bultmann, R., Die Geschichte der synoptischen Tradition (For-
schungen zur Rel. und Lit. des A. und N. T., 29), 3e éd., Gœttin-
gue, 1957, pp. 270-275.
Cywinski, E., A Tentaçâo de Jesus, Mt 4,1-11, Revista di Cultura
Biblica, 2 (1958), 137-148.
Doble, P., The Temptations, Expository Times, 72 (1959-60), 91-93.
Feuillet, A., Le récit lucanien de la tentation (Lc 4,i-i3), Biblica,
40 (1959), 613-631 = Studia Biblica et Orientalia, II: Novum
Testamentum (Analecta Biblica, 11), Rome, 1959, pp. 45-63.
Funk, R. W., The Wilderness, Journ. of Bibl. Lit., 78 (1959), 205-
214 (211 s.).
Feuillet, A., L'épisode de la tentation d'après l'Évangile selon saint
Marc (i,i2-i3), Estudios Biblicos, 19 (i960), 49-73.
Taylor, A. B., Decision in the Desert. The Temptation of Jésus in
Generated on 2011-09-05 01:43 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
the Light of Deuteronomy, Interpretation, 14 (i960), 300-309.
Thompson, G. H. P., Called-Proved-Obedient : A Study in the Bap-
tism and Temptation Narratives of Matthew and Luke, Journ. of
Theol. St., N. S. 11 (i960), 1-12.
Vann, G. - Meagher, P. K., Changer les pierres en pain. La grande
tentation (trad. M. Chavanon), Tours, i960.
Brown, R. E., Incidents that are units in the Synoptic Gospels but
dispersed in St. John, Cath. Bibl. Quart., 23 (1961), 143-160 (152-
155)-
Duquoc, C, La tentation du Christ, Lumière et Vie, n° 53 (1961),
21-41.
Graham, E., The Temptation in the Wilderness, Church Quart. Rev.,
162 (1961), 17-32.
Hyldahl, N., Die Versuchung auf der Zinne des Tempels (Mt
4,5-j — Lk 4,ç-i2), Studia Theologica, 15 (1961), 113-127.
Kesich, V., Christ's Temptation in the Apocryphal Gospels and Acts,
St. Vladimir's Seminary Quart., 5 (1961), 3-9.
Kôppen, K. P., Die Auslegung der Versuchungsgeschichte unter
besonderer Beriicksichtigung der alten Kirche (Beitrâge zur Gesch.
der bibl. Exégèse, 4), Tubingue, 1961.
136
BIBLIOGRAPHIE
Licier, Péché d'Adam et péché du monde. Bible-Kippur-Eucharistie,
t. II (Théologie, 48), Paris, 1961, pp. 11-24.
Ling, T., The Significance of Satan. New Testament Demonology
and its Contemporary Relevance (S. P. C. K. Biblical Monographs,
3), Londres, 1961.
Lövestam, E., Son and Saviour. A Study of Acts 13,32-37. With
an Appendix : « Son of God » in the Synoptic Gospels (Coniectanea
Neotestamentica, XVIII), Lund-Copenhague, 1961, pp. 97-101.
Nisin, A., Histoire de Jésus, Paris, 1961, pp. 139-154.
Powell, W., The Temptation, Expository Times, 72 (1960-61), 248.
Van Iersel, B., Jezus bekoord, Het Heilig Land, N. S. 14 (1961),
65-72.
Zehndorfer, P., Die Versuchung Jesu und die Versuchung Israels,
Vienne, 1961 (dissertation non publiée).
Cooke, B., The Hour of Temptation, Way, 2 (1962), 177-187.
Edgar, S. L., Respect for Context in Quotations from the Old Testa-
ment, New Test. St., 9 (1962-63), 55-62 (59 s.).
Jeremias, J., Die Gleichnisse Jesu, 6e éd., Gœttingue, 1962, p. 123.
Riesenfeld, H., Le caractère messianique de la tentation au désert,
dans La Venue du Messie. Messianisme et Eschatologie (Recherches
Bibliques, VI), Bruges, 1962, pp. 51-63.
Steiner, M., La Tentation de Jésus dans l'interprétation patristique,
Generated on 2011-09-05 01:44 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
de saint Justin à Origine (Études Bibliques), Paris, 1962.
Strange, M., Temptations, Worship, 36 (1962), 227-234.
Folch Gomes, C, As Tentaçôes do Senhor, Revista Gregoriana, 10 •
(1963) , 4-18.
Mauser, U. W., Christ in the Wilderness. The Wilderness Theme
in the Second Gospel and its Basis in the Biblical Tradition (Studies
in Biblical Theology, 39), Londres, 1963.
Bertrangs, A., Jesus in de woestijn, Het Heilig Land, N. S. 17
(1964) , 68 s.
Bohren, R., Konflikte und ihr Ende. Drei Bibelarbeiten über die
Versuchung Jesu (Luk 4,1-13) und eine Predigt über das Kommen
Gottes (Off 21,1-5), Zurich-Stuttgart, 1964.
Brändle, M., Die Versuchung Jesu, Der grosse Entschluss, 19 (1963-
64), 245-248, 295-297.
Davies, W. D., The Setting of the Sermon on the Mount, Cambridge,
1964, pp. 45-48, 194 s.
Kelly, H. A., The Devil in the Desert, Cath. Bibl. Quart., 26 (1964),
190-220.
Van Iersel, B. M. F., «Der Sohn » in den synoptischen Jesusworten.
Christusbezeichnung der Gemeinde oder Selbstbezeichnung Jesu?
(Suppl. to Nov. Test., III), 2e éd., Leyde, 1964, pp. 165-171.
BIBLIOGRAPHIE
137
Best, E., The Temptation and the Passion: The Markan Soteriology
(Soc. for N. T. Studies, Monograph Séries, 2), Cambridge, 1965.
Caballero, J., Tentaciones de Jesûs, Enciclopedia de la Biblia, VI
(1965) , col. 926-929.
Farrer, A., The Triple Victory, Londres, 1965.
Fascher, E., Jesus uni die Tiere, Theol. Literaturzeitung, 90 (1965),
56I-570-
ORate, J. A., Las tentaciones del Senor, Cultura Bîblica, 22 (1965),
218-226.
Schnackenburg, R., Versuchung Jesu, Lexikon fur Theologie uni
Kirche, 2e éd., T. X (1965), 747 s.
Silva, R., Las tentaciones de Jesûs, Compostela, 10 (1965), 483-513.
Voss, G., Die Christologie der lukanischen Schriften in Grundzûgen
(Studia Neotest., Studia, 2), Bruges, 1965, pp. 94-97.
Davies, W. D., The Sermon on the Mount, Cambridge, 1966, pp. 73-
74-
Dignath, W. - Wibbing, S., Taufe-Versuchung-Verklârung (Hand-
bticherei fur den Religionsunterricht, 3), Gûtersloh, 1966.
Gerhardsson, B., The Testing of God's Son (Matt. 4:1-11 and Par.).
An Analysis of an Early Christian Midrash, fasc. 1 (Coniectanea
Biblica, N. T. Ser., 2/1), Lund, 1966.
Johnson, S. L., The Temptation of Christ, Bibliotheca Sacra, 123
Generated on 2011-09-05 01:44 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
(1966) , 342-352.
Kesich, V., The Antiocheans and the Temptation Story, dans Studia
Patristica, Vol. VII. Papers presented to the Fourth Intern. Con-
ference on Patristic Studies held at Christ Church. Oxford, 1963.
Part I (Texte und Untersuchungen, 92), Berlin, 1966, pp. 496-502.
Swanston, H., The Lukan Temptation Narrative, Journ. of Theol.
St., N. S. 17 (1966), 71.
La tentation!... 1o
Generated on 2011-09-05 01:44 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
INDEX DES AUTEURS
Albertz, M., 37, 48, 106, 109, 112,
131-
Allen, W. C, 59.
Andrews, M. E., 132.
Antoniadis, S., 81.
Argyle, A. W., 12, 77, 134.
Arndt, W. F., 63.
Barrett, C. K., 24, 35, 40, 124, 125,
133-
Bauer, W., 63.
Benoit, P., 85.
Bertrangs, A., 79, 136.
Best, E., 32, 34, 137.
Beyer, H. W., 34.
Billerbeck, P., 15.
Bjôrck, G., 80.
Black, M., 80.
Bltnzler, J., 116.
BOKLeN, E., 131.
BOHReN, R., I36.
BOIsMARD, M.-E., 94.
Bonaccorsi, G., m.
BONNARD, P., 133.
Generated on 2011-09-05 01:44 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
BONsIrveN, J., 129.
Bornkamm, G., 39, 100, 116.
Botte, B., 63, 81, 82, 124.
BOuCQUeMIAuX, I34.
Boulogne, C. D., 134.
Bousset, W., 36, 97, 98.
Brândle, M., 32, 76, 136.
Brown, R. E., 105, 135.
Bruckberger, R.-L., 128.
Bultmann, R., 34, 36, 39, 40, 41, 78,
87, 88, 95, 100, 101, 102, ni, 113,
116, 117, 124, 125, 135.
Bundy, W. E., 91, 92, 93, 110, 112,
116, 119, 120.
Burkill, T. A., 116.
Buse, I., 134.
Butler, B. C, 85, 133.
Caballero, J., 137.
Cadoux, C. J., 123.
Carbone, V., 134.
Casey, R. P., 134.
Charles, R. H., 26.
Charlier, C, 41, 45, 134.
Clarke, W. K. L., 132.
Conzelmann, H., 66, 67, 120.
Cooke, B., 79, 136.
Creed, J. M., 67 125.
CuLLMANN, O., 20, 78, 95.
Cywinski, E., 135.
DahL, N. A., 116, 120.
Daniel-Rops, 129.
Daniélou, J., 21, 31, 133.
Daube, D., 26, 133.
Davies, W. D., 24, 26, 29, 32, 136.
Deissler, A., 30.
Dibelius, M., 78, 88, 98, 116.
DlGNATH, W., 137.
Dinkler, E., 116,118,120.
Doble, P., 25, 45, 79, 92. 135-
Dobschûtz, E. von, 111.
DONCÅ’ur, P., 132.
Dondorp, A., 11, 45, 75, 133.
DOsTOIeVsky, F., 41.
Dupont, J., 31, 45, 49, 5°. 54. 57. 5»,
67, 69, 76, 79, 85, 86, 112, 120, 121.
DupONT-SOMMer, A., 26, 92.
140
INDEX DES AUTEURS
Farrer, A., 137.
Fascher, E., 11, 15, 32, 45, 75. 78-
106, 112, 115, 133, 137-
Feuillet, A., 29, 32, 45, 46, 47, 49,
5°. 53. 58- 59. 63, 64, 66, 67, 68, 72,
75, 76, 85, 86, 94. 102. »35-
FOBrsTer, W., I20, 123, 124.
Folch Gomes, C, 79, 136.
Fonck, L., 132.
Freese, N., 132.
Fridrichsen, A., 36, 99, 100, 101,
I02, 119, 121, 132.
Friedrich, G., 91.
Frôvig, D. A., 126.
Fuchs, E., 120.
Fuller, R. H., 37, 114, 121, 123, 125,
134-
Funk, R. W., 135.
Gerhardsson, B., 14, 15, 17, 22, 24,
25, 26, 27, 67, 137.
Gogukl, M., 63, 81, 95, 123.
Grâsser, E., 120.
Generated on 2011-09-05 01:45 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Graham, E., 79, 135.
Grandmaison, L. de, 129.
Grégoire le Gr., 56.
Grundmann, W., 81, 106, 112, 122,
123, 124, 125, 126.
Guillet, J., 20, ai, 133.
GUNKeL, H., 78.
Haenchen, E., 35, 118, 120.
Hahn, F., 34, 41, 87, 116, 118, 120,
122.
Harnack, A., 48, 59, 131.
Hartman, L., 80.
Hastings, J., 131.
Hauck, F., 81, 124.
Hawkins, J. C, 32, 48, 49, 52, 53, 54,
56. 59-
Herranz, A., 133.
Hirsch, S., 34, 87, 132.
HÔNIG, W., 131.
HOLTZMANN, H. J., 22, 59, IO4, IO5.
HOLZMEIsTeR, U., I33.
HOuGHTON, H. P., 133.
Howard, W. F., 80.
Huby, J., 131.
Hûhn, E.. 24.
HyldahL, N., 135.
Jeremias, J., 29, 34, 37, 40, 72, 76,
91, 107, 123, 132, 135, 136.
JerOMe, 91.
Johnson, S. L., 137.
JÛNGeL, E., 121, I24.
Kadic, A., 132.
Kelly, H. A., 15, 79, 93, 94, 136.
Kesich, V., 11, 135, 137.
Ketter, P., 11, 45, 65, 75, 131.
KlLPATrICK, G. D., 13, 80, 133.
Klostermann, E., 24, 72, 81, 122.
Knight, J. H. T., 132.
Kôppen, K. P., 11, 75, 135.
Korn, H. J., 132.
Kraus, H. J., 30.
KÛMMeL, W. G., I20, 121, 122, 123,
124, 125.
Lagrange, M.-J., 22, 48, 56, 58, 59,
67, 106.
Lebreton, J., 129.
INDEX DES AUTEURS
MlCHAeLIS, W., 125.
MONTEFIORe, C. G., 8l, IO4.
MORGeNTHALER, R., I35.
Moule, C. F. D., 82.
Moulton, J. H., 80, 124.
MurrAy, A. V., 133.
Nisin, A., 107, 136.
Noack, B., 15, 133.
OfiATB, J. A., I37.
Origène, 91.
OsTy, E., 63, 8l.
Percy, E., 34, 39. 89, 102, 112, 117,
122, 123, 124, 134.
Pesch, W., 117.
Pldmmer, A., 48, 59.
POWeLL, W., 136.
Preisker, H., 105, 106.
Rasco, E., 121.
Rengstorf, K. H., 25, 92, 113.
Rescb, A., 48.
Rienecker, F., 80.
RleseNFeLD, H., 40, 79, I36.
ROBerTsON, A. T., 80, 124.
Generated on 2011-09-05 01:45 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
Robiixiard, J. A., 134.
ROBINsON, J. M., 75.
Sabbe, M., 12, 14, 29, 35, 45, 50, 76,
79, 82, 85, 86, 134.
Sattler, W., 89, 132.
Scbick, E., 78.
SCHLATTer, A., 39, 85.
SCHMAuCH, W., 67, 133, 135.
Schmid, J., 39. 59. 81, 107, 115, 122,
124, 125, 129.
SCHMIDT, K. L., 78.
SCHNACKeNBurG, R., II, 19, 34, 45,
46. 48, 59, 64, 65, 75, 80, 120, 121,
124, 134, 137-
SCHNIeWIND, J., 40, 72, 123.
SCHUrMANN, H., 78, 115.
SCHuLZe, W. A., 134.
SCHWEIZEr, E., 75.
Seesemann, H., 45, 64, 134.
Seidelin, P., 132.
SlLvA, R., 137.
Spitta, F., 48, 131.
Stauffer, E., 116.
Steiner, M., 11, 75, 136.
StendahL, K., 12, 54, 60, 77, 98, 134.
Strack, H. L., 15.
Strange, M., 79, 136.
Strathmann, H., 17.
SWANsTON, H., 35, 137.
Taylor, A. B., 45, 79, 135.
TAyLOr, V., 37, 80, 93, 106, 112, 122,
134-
Thielicke, H., 132, 134.
Thompson, G. H. P., 45, 50, 79, 135.
Thomson, R. W., 134.
Turner, C. H., 53, 80.
Vaganay, L., 37, 85, 86.
Vaixoton, P., 134.
Van den Bergh van Eysinga, G. A.,
133-
Van IerseL, B. M. F., 45, 59, 7°. 79,
95,103,105,110, m, 112,114,136.
Vermes, G., 15, 94.
Violet, B., 132.
Vôgtle, A., 120.
VÔLTEr, D., 131.
Generated on 2011-09-05 01:45 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES
Genèse
20, I-13
16, 22
21. 4-7
23
2, 24
54
5-6
23. 70
3.6
47. 54
25, 1-9
23, 70
7. 412.17
28
13. 14-15
26, 92
22, 1 ss.
15, 93
Deutéronome
Exode
1. 30-31
14. 32
25
Generated on 2011-09-05 01:46 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
3. 27
4. 19-20
29
6.5
aa
22-23
14, 21
10
27
24
15, 93. 94
12-15
18
14. 19
31
13
12, 17, 31,
32,
27. 46,
16
16, ai, 46
59, 60, 103
a-9
22
16
12, 16, 17,
31,
22, 31,
17. i-7
16, ai, 22, 46
46, 62, 103
1
3i
8, 1-6
103
23. 20-33
18, 21
2-5
14, 16, 22,
»7.
83. 93
20.23
3i
a-3
27
144
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES
Josui
Isaie
23.6-16
22
14, 12.16
124-125
29. 5
55
4°. 3-5
61
Juges
3
H. 85
63, 11
31
' Samt"1
22
14
15, 21
*4. 1
15, 93
Baruch
4. 7
Generated on 2011-09-05 01:46 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
1 Rois
19. 5-8
33
Ézéchiel
8
38
4.6
»5
1 Chroniques
Osée
ai, i
15, 93
11. 1
«3
2 Maccabées
Zacharie
9, Il
53
3. 1
94
Matthieu
1-3
94, 120, 124
1, 22
63
2, 11
58
15
23. 29, 62
PsdtitHâs
17
62
19-21
39
2, 7-8
19, 25, 92, 107
33
63
21. 9
3i
3. »
5i
77. 25
86
3
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES
145
5, 1
21.27.31
33
38.43
6, 13
7, 22
8, 1
2
15
»7
«3
9, 1
M
13
18
10, 1.7-8
10-13
19.28
4-5
18
12, 9
17
a8
29
38
13. 1
24-30
35
Generated on 2011-09-05 01:46 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
26
3940-49
M. 13
20
33
15, 21
25
37
16, 1
13-20
21-23
17, 1-8
6
18, 26.29
19, 3
5
20, 20
25
83
62
54. 62
62
94
51
83
48, 58
33
62
55, 83
83
5i
36
58
122
5i
57
112
51
83
62
146
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES
I, 22
"3
14. 10-11
66
27
57
21
62
35
M. 85
24
1x2
4°
48
27.29
65
45
M. 85
49
66
2. S-"
113
51
8.17
59
15, 26
116
18.20
5»
32
"4
«5
59
Generated on 2011-09-05 01:47 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
57
3. 22-30
122
26
57
Luc
27
37, 104, 122-123.125.
126
1. 15
49
34
59
17
50
4. 3-8
ni
41.67
49
'5
121
74
17
28
48
2, 1
51. 56
35
51
22
49
36
55
«4
62
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES
147
8. 13
63
19, 11.28
69
21
59
46
62
22
49. 55
20, 9
55
*3
51
20-26
66
27
55
20
57
30
56
51
37
57
32
51
39
56
Generated on 2011-09-05 01:47 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
3*
21, 12.22
57
50
59
9. 1-2.6
122
23
51
7-9
65
24
65
12
59
26
56
31
68, 70
34
51
34
57
22, 3-6
66
36
51
3
82, 126
38.48
57
15.16
51
49
59
22
62
51-53
69
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES
Actes des Apôtres
a, i
Si
4
49
16
6a
18.41
5»
4. 8.31
49
5. 3
49
36
4»
6. 3-5-8
48
7. 4»
49. 51
55
48
7. 57-8. 3
49
5»
4
49
11
55
»7
81
29-39
50
9. 1.17
49
36
48
37
5»
39
49
10, 19
S»
11, 12
S»
19
49
«4
48
12. 7
55
Generated on 2011-09-05 01:47 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
8.1
13. 2-3
36. 5°
4
50
9
49
10
48
11
65
19
19
40
62
5»
49
M. 3
55
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES
Hébreux
2, 13 62
4. 3 62
15 38
10,9.15 62
13. 5 62
1 Pierre
3, 22 20
r Jean
2, 16 41, 47
Apocalypse
12, 9 125
10 124
13. 2 19. 58
Generated on 2011-09-05 01:47 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
18, 2 124
Generated on 2011-09-05 01:48 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos 7
I. LE RÉCIT DE MATTHIEU 9
I. Les tentations d'Israël dans le désert 13
1. Première tentation 13
2. Deuxième tentation 16
3. Troisième tentation 17
Conclusion 20
II. Autres traits bibliques 23
1. La haute montagne 24
2. Quarante jours et quarante nuits 27
3. Le ministère des anges 30
Conclusion 34
II. LE RÉCIT DE LUC 43
L'introduction (w. 1-2) 48
La première tentation (vv. 3-4) 52
La deuxième tentation (w. 5-8) 54
La troisième tentation (vv. 9-12) 61
L'épilogue (v. 13) 63
La dernière tentation 67
Conclusion 7°
m. l'origine du récit 73
I. Les deux traditions 80
1. Les données 80
Generated on 2011-09-05 01:48 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
2. Formation de la tradition 84
152
TABLE DES MATIÈRES
3. Deux traditions
4. Le problème
II. L'hypothèse de l'origine communautaire . . . .
1. Une pièce apologétique
2. Un fragment de catéchèse
3. Une explication théologique
4. Un raccourci dramatique
5. Difficultés contre l'attribution à la communauté .
III. Raisons d'attribuer le récit à Jésus
1. Les difficultés
2. Jésus refuse le « signe » qu'on réclame de lui . .
3. L'espérance messianique des disciples
4. Jésus et le diable
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
INDEX DES AUTEURS
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES
Achevé d'imprimer sur les presses de l'Imprimerie Saint-Augustin
à Bruges (Belgique), le 15 février 1968, pour les Éditions Desclée De Brc
92
95
97
99
102
104
106
109
109
113
115
119
127
131
139
143
Generated on 2011-09-05 01:48 GMT / Public Domain, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-google
97