Les nouvelles proximités urbaines
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Les nouvelles proximités urbaines
GÉOO1~APHmS EN LIBERTÉ sous la direction de Georges Benko GÉOGRAPHIES EN LIBERTE est une collection internationale publiant des recherches et des réflexions dans le domaine de la géographie humaine, conçue dans un sens très large, intégrant l'ensemble des sciences sociales et humaines. Bâtie sur l'héritage des théories classiques de l'espace, la collection présentera aussi la restructuration de cette tradition par une nouvelle génération de théoriciens. Les auteurs des volumes sont des universitaires et des chercheurs, engagés dans des réflexions approfondies sur l'évolution théorique de la discipline ou sur les méthodes susceptibles d'orienter les recherches et les pratiques. Les études empiriques, très documentées, illustrent la pertinence d'un cadre théorique original, ou démontrent la possibilité d'une mise en oeuvre politique. Les débats et les articulations entre les différentes branches des sciences sociales doivent être favorisés. Les ouvrages de cette collection témoignent de la diversité méthodologique et philosophique des sciences sociales. Leur cohérence est basée sur l'originalité et la qualité que la géographie humaine théorique peut offrir aujourd'hui en mettant en relation l'espace et la société.
Déjà parus: 26. Villes et régions au Brésil L. C. DIAS et C. RAUD, eds., 2000
27. Lugares, d'un continent l'autre... S. OSTROWETSKY,
ed., 2001
28. La territorialisation de l'enseignement supérieur et de la recherche. France, Espagne et Portugal M. GROSSETTI
et Ph. LOSEGO, eds., 2003
29. La géographie du XXIe siècle P. CLAVAL,
2003
30. Causalité et géographie P. CLAVAL, 2003
31. Autres vues d'Italie. Lectures géographiques d'un territoire C. V ALLA T, ed., 2004
32. Vanoise, 40 ans de Parc national. Bilan et perspectives L. LASLAZ,
2004
33. Le commerce équitable. Quelles théories pour quelles pratiques? P. CARY, 2004
34. Innovation socioterritoriale et reconversion économique: le cas de Montréal J.-M. FONT AN, J.-L. KLEIN, D.-G. TREMBLA Y, 2005
35. Globalisation, système productifs et dynamiques territoriales. Regards croisés au Québec et dans le Sus-Ousetfrançais. R. GUILLAUME, ed., 2005 36. Industrie, culture, territoire S. DA VIET,
2005
37. Chroniques de géographie économique P. CLAVAL,
2005
38. Les clusters de l'aéronautique. EADS, entre mondialisation et ancrage territorial V. FRIGANT,
M. KECHIDI,
D. TALBOT,
2006
39. Géographie de l'Espagne R. MENDEZ, ed., 2006
40. Géographies et géographes P. CLAVAL,
2007
41. Quelles proximités pour innover? A. RALLET,
A. TORRE, eds. 2007
42. La politique introuvable? Expériences participatives à Recife P. CARY, 2007
43. Les nouvelles proximités urbaines A. RALLET,
A. TORRE, eds. 2007
Sous la direction de ALAIN RALLET ET ANDRE TORRE
Les nouvelles proximités urbaines
L 'HARMATTAN
Couverture: Manel Marzo-Mart, La porta, 1993 (bronze, 28x18x12).
(Ç) L'HARMATTAN,
2008
5-7, rue de l'École-Polytechnique;
75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com harmattan 1@wanadoo. fr diffusion .harmattan@wanadoo.
ISBN: 978-2-296-04572-9 EAN : 9782296045729
fr
SOMMAIRE
Introduction Pourquoi les villes existent-elles? Mérites et limites de la proximité urbaine Alain Rallet, André Torre
7
Partie I Où commencent et finissent les villes? Chapitre I Les modes de vie périurbains François Madoré
15
Chapitre II Les Nouvelles formes urbaines: entre multipolarisation et suburbanisation des emplois. Le cas de la Communauté d'Agglomération Dijonnaise (1990 - 1999) Catherine Baumon!, Françoise Bourdon
33
Partie II Le processus de métropolisation Chapitre III Varsovie, une nouvelle métropole Lise Bourdeau-Lepage
73
Chapitre IV La dynamique urbaine des régions métropolitaines brésiliennes
Mauro Borges Lemos, Sueli Moro, Elenice Biazi, Marco Crocco 89 Chapitre V Globalisation et urbanisation en Chine Cécile Batisse, Jean-François Brun, Mary-Françoise Renard
119
Partie III Les villes productrices de richesse
Chapitre VI Entreprises, acteurs immobiliers et acteurs publics: des proximités à reconstruire Louis-M Boulianne, Olivier Crevoisier, Jean Ruegg
137
Chapitre VII Salvador de Bahia: de l'ancien au nouveau centre des affaires. Proximité, fonctionnalité et prestige Elaine Norberto, Paulo Henrique de Almeida
159
Chapitre VIII Les projets de régénération urbaine où comment recréer la proximité Aude Chasseriau
181
Liste des auteurs
191
INTRODUCTION
POURQUOI LES VILLES EXISTENT-ELLES? MERITES ET LIMITES DE LA PROXIMITE URBAINE
ALAIN RALLET ANDRÉ TORRE
Les économistes ne sont pas toujours rapides, mais ils sont persévérants. Alors que les firmes fleurissaient depuis les débuts de la révolution industrielle, il a fallu attendre les travaux de Coase dans les années 30 pour donner une explication théorique de l'existence des entreprises. On pourrait faire la même remarque pour les villes, si ce n'est que la réponse peine à s'élaborer, en dépit des travaux remarquables d'auteurs tels que Fujita ou Thisse sur ce sujet. A une époque ou la majorité de la population mondiale vit dans des agglomérations urbaines, cette interrogation n'est pourtant pas sans intérêt. On connait, à ce sujet, l'admonestation célèbre de Lucas, dans son adresse aux membres du Jury des Nobel: mais pourquoi les gens cherchent-ils à se localiser à Manhattan ou Downtown Chicago, alors que l'espace abonde ailleurs? Pourquoi vouloir s'installer dans un lieu encombré, cher et pollué, alors que d'autres espaces, porteurs de paysages remarquables, restent souvent vierges de présence humaine pennanente? Et sa réponse, un peu décevante: c'est parce qu'ils recherchent la proximité des uns aux autres... En fait, derrière cette interrogation s'en profile une autre, plus fondamentale, sur l'existence des villes et de leur nécessité: pourquoi les villes existent-elles? Les villes ont de multiples dimensions (historique, politique, culturelle, économique, sociale, symbolique.. .), de sorte que la réponse excède toujours celle qu'on peut lui apporter au travers d'une approche disciplinaire. C'est la source d'insatisfactions, à moins de prétendre à un savoir totalisant. Mais il n'est pas inutile de confronter un objet complexe à une découpe disciplinaire. Cette confrontation enrichit la connaissance de l'objet mais surtout pousse l'approche disciplinaire à ses limites et donc à modifier ses lignes, intégrer de nouveaux phénomènes, forger de nouveaux concepts, bref à s'enrichir aussi. C'est tout l'intérêt d'une confrontation de l'analyse économique à l'objet ville: s'obliger à penser des phénomènes qui relèvent à l'évidence aussi de l'économie (comme la dimension économique des interactions sociales de proximité) mais qui lui échappent en partie. C'est aussi tout l'intérêt
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A. Rallet et A. Torre
d'une confrontation des approches économiques à celles venues d'autres disciplines, comme dans le présent ouvrage. Pourquoi les agents économiques recherchent-ils la proximité des autres agents et des infrastructures urbaines? Autant de sujets qui intéressent directement l'économiste et, au-delà, les spécialistes des relations de proximité. Se poser la question de l'existence des villes, c'est en effet déjà se poser celle des proximités urbaines, qu'il s'agisse de la proximité géographique ou de la proximité organisée. C'est tout d'abord de la proximité géographique dont il est question, qu'elle soit recherchée ou subie par les acteurs économiques: - recherchée par les agents individuels, qui trouvent dans la ville des aménités nombreuses (rencontres d'autres personnes, distractions, ressources humaines...) mais également une concentration de services et de loisirs permettant de satisfaire une partie importante de leurs besoins dans un espace de déplacement restreint et dans un temps limité. Recherchée aussi par les entreprises, qui y voient un débouché en termes de consommateurs et la possibilité de réaliser des économies d'échelles au niveau de la distnbution, ainsi qu'un approvisionnement immédiat et une grande richesse de compétences en termes de marchés locaux du travail ; - subie par l'ensemble de ces acteurs économiques, qu'il s'agisse des problèmes de congestion, de voisinage, de pollution, d'encombrement ou de prix du foncier. Les agents individuels parce qu'ils doivent supporter les volontés divergentes et les actions de leurs voisins (constructions, bornages, passages...), mais aussi les émissions toxiques, les bruits, les embouteillages, les risques sanitaires. Les entreprises parce qu'elles se trouvent confrontées à des problèmes d'acheminement des produits, de prix de la location ou de la construction des infrastructures de production, mais aussi à une compétition importante de la part de leurs concurrents directs. On considère souvent que la recherche de proximité géographique est suffisante à expliquer l'existence des villes. Mais il ne suffit pas d'être côte à côte pour communiquer ou travailler ensemble. Et les villes en offient l'exemple le plus pertinent avec l'habitat vertica~ qui nous met à proximité géographique immédiate de parfaits inconnus que nous croisons parfois dans l'ascenseur alors que ce sont les personnes qui vivent à la plus faible distance de nous! Encore faut-il, pour valoriser le potentiel offert par la proximité géographique, entretenir des relations avec ces personnes proches, la même remarque s'appliquant aux relations de coopération entre entreprises. Il ne suffit pas, pour des start ups, d'être co-localisées dans le silicon quartier d'une grande métropole pour interagir, échanger des connaissances et des savoir faire. Encore faut-il que les membres de ces organisations se connaissent, et, plus encore, désirent échanger et travailler ensemble,
Les nouvelles proximités urbaines
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se projettent ensemble dans des projets et des constructions communes. C'est à ce point qu'intervient la proximité organisée, avec ses déclinaisons en termes de logiques d'appartenance ou de similitude. Elle permet d'expliquer l'autre facette de la constitution et de la pérennité des agglomérations urbaines, c'est-à-dire l'importance des interactions humaines et productives. - la logique d'appartenance de la proximité organisée révèle comment les liens tissés au sein des réseaux d'acteurs et de personnes contribuent à l'activation des potentialités offertes par la proximité géographique d'un grand nombre d'autres acteurs économiques et sociaux et à la constitution de groupes ou de chaines de personnes physiques ou morales. L'appartenance à un même réseau, à une même organisation, permet d'entamer la discussion entre voisins sur les règles de vie communes, sur les projets de construction ou d'aménagement d'un espace de vie, mais aussi sur les règles à produire au sein d'un collectif de travail et de discuter des modalités techniques de production. La ville prend corps et existe par le biais de ce processus constitutif du lien social et productif: et facteur d'actions communes porteuses d'interactions. - la logique de similitude est fondée sur les ressemblances entre acteurs appartenant à des communautés de destin ou adhérant aux mêmes types de représentation. Elle renvoie, sur son versant positif: à la possibilité de mettre en commun les expériences et les projections des acteurs locaux, afin de les faire adhérer à un projet partagé, en particulier au sein de groupes unis par des origines géographiques ou des confessions communes. Ici également, la proximité permet la production de règles collectives, acceptées par toutes les parties prenantes de la négociation, ainsi que la production de croyances et d'anticipation partagées par les acteurs, compromis provisoire et révisable qui permet de tracer un sentier commun à des collectifs d'acteurs. Sur son versant négatif: elle ouvre la porte aux ségrégations urbaines, aux groupes de personnes qui se regroupent au sein de zones géographiques détenninées, alors que les nouveaux arrivants vont s'avérer incapables de s'insérer dans des communautés dont ils ne partagent pas les règles fondamentales. Les groupes d'acteurs qui partagent les mêmes systèmes de représentation, les mêmes valeurs, les mêmes liens communautaires, ont tendance à écarter les individus qui ne partagent pas ces références, et à constituer des groupes homogènes et isolés socialement et spatialement. Ces éléments montrent qu'existent deux principaux enjeux à la mise en œuvre d'une analyse des villes en termes de proximités: Tout d'abord, rendre compte de la diversité contradictoire de la ville.
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A. Rallet et A. Torre
Analyser la ville à partir de la question de savoir pourquoi et comment les agents économiques sont proches permet d'éviter de la saisir au travers d'un primat accordé soit à l'agglomération, soit aux nuisances. Il est de tradition d'aborder la ville à partir des bénéfices de l'agglomération en introduisant les nuisances comme bornes de ces bénéfices, où de partir des nuisances que la ville génère en faisant de la sauvegarde des bénéfices de l'agglomération le point limite du combat contre les nuisances. Un des intérêts de l'analyse en termes de proximités est d'envisager les bénéfices et nuisances de la ville comme l'expression d'un même mouvement et non comme des limites réciproques dont il faudrait trouver le point d'équilibre (la fameuse et introuvable taille optimale des villes). Ensuite, progresser dans l'appréhension du phénomène croissant de métropolisation. On connaît la difficulté à définir et cerner ce qu'est la métropolisation, ce qui ne revient pas à caractériser un type particulier de villes (les métropoles). On peut naturellement l'entendre en ce sens : la métropolisation serait l'ère des métropoles. Mais ce serait à notre sens manquer ce qui se cherche au travers de l'emploi de ce terme, car la métropolisation est une forme de dépassement de la ville, de tous les types de ville. C'est pourquoi on ne peut la réduire à un seul type; il s'agit d'un processus d'extension de la ville au-delà de ce qui fait la nature d'une ville, d'où la difficulté à le qualifier. A l'urbanisation comme processus correspond la ville comme forme. A la métropolisation comme processus ne correspond pas la métropole comme forme mais bien davantage la région métropolitaine (certains parlent aussi de régions de villes). On est au-delà de la « edge city », de la ville s'établissant aux limites d'elle-même dans une configuration particulière de noyaux urbains reliés par des axes et un tissu urbain plus ou moins dense. Le terme de région métropolitaine exprime cela: un processus d'urbanisation ayant un espace régional comme cadre d'organisation. Une ville qu~ s'organisant en dehors d'elle-même, deviendrait autre chose qu'une ville. On pourrait, à cet égard, caractériser la région métropolitaine comme un jeu particulier de distances et de proximités. C'est par exemple une forme d'organisation marquée à la fois par la proximité et par l'éloignement géographiques. La proximité car l'organisation métropolitaine continue de conférer les avantages de la proximité géographique à ceux qui en font partie. La distance car la densité, la complexité et l'étendue du tissu métropolitain font écran aux interactions, ce que les individus expriment en disant qu'il est plus facile d'aller d'une ville de province à Paris que de relier deux points éloignés de la région parisienne. Dans une ville, la proximité géographique et la proximité organisée peuvent se superposer à l'échelle de la ville toute entière
Les nouvelles proximités urbaines
Il
pour en faire un espace potentiellement homogène d'interactions (potentiellement, car la proximité organisée n'existe pas nécessairement, et: les relations aux voisins). Cet avantage disparait dans le cas dans la région métropolitaine, dont la grande taille et la densité font écran physique aux interactions. La proximité organisée doit alors se coupler à la proximité géographique à des échelles plus petites, donnant naissance, par exemple, à des clusters locaux intramétropolitains, ou à des phénomènes de ségrégations sociale et spatiale comme dans les cités ou les condominiums. A cet égard, un des problèmes de la région métropolitaine est bien de savoir comment reconstituer en son sein des cadres localisés d'exploitation des bénéfices issus de la superposition des proximités géographique et organisée. Cela donne lieu à un intéressant paradoxe, qu'avaient déjà soulevé des auteurs tels que Chamboredon il y a quelques années. La proximité organisée, d'essence non géographique, est généralement utilisée pour expliquer que les relations issues d'agents ou d'individus localisés dans un espace géographique donné excèdent et débordent cet espace. Elle sert à combattre l'illusion localiste. Or, dans le cadre métropolitain, c'est l'inverse qui se produit. La proximité organisée se nourrit du repli local pour pouvoir fonctionner. Plus même, alors que c'est son absence qui provoque les difficultés de communication dans les villes, c'est justement sa présence qui entraine des phénomènes négatifs de ségrégations spatiale et sociale dans les métropoles. Expliquer une organisation métropolitaine, c'est analyser la formation d'espaces micro-locaux fondés sur l'exploitation conjointe de la proximité organisée et de la proximité géographique et reliés entre eux par un système de flux dont l'efficacité, plus ou moins grande, génère des avantages ou des contraintes de nature spécifiquement métro po litaine. Expliquer l'organisation de la région métropolitaine, son fonctionnement, ses gains et ses limites, est aujourd'hui une des principales tâches de l'analyse spatiale. L'analyser comme une combinaison de proximités peut y aider.
Partie l
, OU COMMENCENT ET FINISSENT LES VILLES?
CHAPITRE I
LES MODES DE VIE PERlURBAINS
FRANÇOIS MADORE
INTRODUCTION
Un phénomène de dissociation relative entre la croissance démographique des aires urbaines et la localisation de l'emploi au sein de ces entités est observé depuis quelques décennies en France. D'un côté, la périurbanisation de l'habitat marque la fin de la ville européenne dense et compacte. De l'autre, «la périurbanisation de l'emploi est moins prononcée », même si le mouvement de diffusion centrifuge des activités économiques est également engagé, en particulier dans «les grandes aires urbaines de province les plus dynamiques» (Lainé, 2000). Cette évolution contrastée de la géographie résidentielle et de l'emploi est pour partie à l'origine d'un débat sur l'avenir de la ville, que celui-ci s'exprime autour du concept de la «métapole» (Ascher, 1995),de la «ville émergente» (DuboisTaine et Chalas, 1997) ou encore de la «ville éclatée» (May et al., 1998; Haumont et Lévy, 1998). La population périurbaine est bien évidemment au cœur de ce processus de dissociation relative entre résidence et emplo~ d'où l'intérêt d'observer ses pratiques spatiales, en cherchant à vérifier une double hypothèse. La première est que les pratiques citadines mises en œuvre par les périurbains sont toujours guidées pour partie par la recherche de la proximité, car certaines d'entre elles participent d'un ancrage dans la commune de résidence. La seconde hypothèse est que ce rapport à l'espace urbain s'accompagne d'un processus de « périphérisation » des modes de vie, autrement dit d'une fréquentation plus portée vers les polarités périphériques que vers le cœur de la ville, par comparaison avec celle des habitants des pôles urbains. Certes, de nombreux travaux visant à mieux comprendre le schéma de mobilité dite quotidienne des périurbains ont déjà été réalisés, en particulier au cours des années quatre-vingtt, mais il nous semble que les deux hypothèses qui sous-tendent cette réflexion n'y étaient pas véritablement posées de façon explicite. t On peut se reporter en particulier à l'ouvrage collectif Les périphéries urbaines, qui fait la synthèse, au milieu des années quatre-vingt, des recherches conduites sur le périurbain en France. Certaines contributions abordent plus spécifiquement la question de la mobilité quotidienne des périurbains, notamment celles de Nicole Croix et Jean Renard (1985), de Robert Hérin (1985) ou encore de Christian Pihet (1985).
16
1-
A. Rallet et A. Torre
METHODOLOGIE
Afin d'observer la dynamique de périurbanisation en France, l'Insee a mis au point, au milieu des années quatre-vingt-dix, une nouvelle approche territoriale de la ville fondée sur le zonage en aires urbaines (ZAD)(Le Jeannic, 1996). Celui-ci délimite en particulier des aires urbaines composées d'un pôle urbain et d'une couronne périurbaine. Les pôles sont des unités urbaines offiant plus de 5 000 emplois, sous réserve qu'elles ne soient pas sous la dépendance directe d'un pôle urbain plus important. Quant aux couronnes périurbaines, elles sont composées des communes où au moins 40% de la population active résidente ayant un emploi travaille dans le pôle urbain ou dans les autres communes de la couronne périurbaine. L'intérêt de ce découpage en aires urbaines est qu'illégitime statistiquement l'identité urbaine des communes marquées par le développement, depuis les années soixante-dix, de la périurbanisation, et qu'il offie de ce fait un cadre d'observation pertinent de la réalité des pratiques sociales en milieu urbain. C'est donc à l'échelle de ces aires urbaines que sera analysé ce phénomène de distanciation entre la résidence, qui se dilue dans les franges périurbaines, et l' emplo~ dont la concentration dans les aires urbaines reste nettement plus marquée. Quant à l'observation des pratiques spatiales de la population périurbaine, elle passe par la réalisation d'une enquête par questionnaire, qui permet d'appréhender, avec beaucoup de finesse, la diversité des schémas de mobilité mis en œuvre par la population et de vérifier la double hypothèse du maintien de la recherche de proximité dans certaines pratiques de l'espace et d'une «périphérisation» des modes de vie périurbains. D'où l'intérêt d'une approche monographique éclairée et mise en perspective par cette problématisation. Le matériau de recherche est donc constitué d'une enquête financée par la ville de La Roche-sur-Yon en Vendée, dans le but de saisir, à l'échelle de cette aire urbaine, les comportements de mobilité autres que ceux de nature résidentielle et la représentation de la centralité liée à ces pratiques. 1 000 enquêtes ont été réalisées en 2000 auprès de la population de l'aire urbaine, telle qu'elle a été définie par l'Insee en 19902.Celle-ci était composée, à l'issue de ce recensement, d'un pôle urbain constitué d'une ville isolée de 49 262habitants en 1999 et d'une couronne périurbaine rassemblant vingt communes et 44 624 habitants, soit 93 886 habitants pour l'aire urbaine (avec le zonage en aire urbaine de 1999,la couronne périurbaine a gagné quatre communes et atteint désormais 48 913 habitants). L'échantillon retenu pour cette enquête est représentatif de l'ensemble de la population occupant une résidence principale, les quotas ayant été établis en tenant compte du 2
Les 1 000 enquêtes ont été passées au cours des mois de mars et avril2000
du Deug
2 de géographie
au centre
universitaire
de La Roche-sur-Yon,
par treize enquêteurs étudiants
qui dépend
de l'Université
de Nantes.
17
Les nouvelles proximités urbaines
lieu de résidence en 1999,puis du sexe et de l'âge en 19903.L'objectif étant d'observer les pratiques spatiales d'une population périurbaine composée en majorité de couples biactifs ayant des enfants, ce sont les réponses données par les 475 individus enquêtés dans la couronne périurbaine qui vont être plus particulièrement exploitées. Trois types de pratiques vont retenir l'attention, car elles sont au cœur de la mobilité et du mode de vie des individus: les pratiques liées à l'emplo~ celles articulées autour de la ftéquentation des commerces et enfin les pratiques commandées par le recours aux services privés de base. Bien évidemment, l'adoption de la démarche monographique contient une mise en garde implicite, mais qu'il faut néanmoins rappeler, afin d'éviter tout risque de généralisation abusive. Chaque aire urbaine étant singulière, celle de La Roche-sur-Yon, par sa taille réduite, ne peut être considérée comme représentative de l'ensemble des aires urbaines ftançaises, a fortiori des plus peuplées. Toutefois, l'intérêt de la démarche tient à la mobilisation d'un vaste matériau d'enquêtes susceptible d'éclairer empiriquement certaines tendances des modes de vie périurbains. 11-
L'HABITAT ET L'EMPLOI DANS LES AIRES URBAINES FRANÇAISES: DES DYNAMIQUES CONTRASTEES
1. La dynamique de périurbanisation de l'habitat à partir des années soixantedix
La poursuite de l'urbanisation ne s'est jamais démentie en France tout au long des dernières décennies (Julien, 2001). En raisonnant à espace constant, c'est-à-dire en se référant à la définition des aires urbaines en 1990, l'intégralité des gains démographiques enregistrés dans l'hexagone depuis les années soixante est le fait de l'espace à dominante urbaine, dont la population a augmenté au rythme annuel moyen de +0,85%, alors que celle de l'espace à dominante rurale a été remarquablement stable à 13,6millions d'habitants (tableau 1).
3 Toutes les données du recensement en mars et avri12000.
de 1999 n'étaient
pas encore disponibles lorsque l'enquête a été réalisée
18
A. Rallet et A. Torre
Tableau J L'EVOLUTION
DE LA POPULATION DE L'ESPACE A DOMINANTE URBAINE EN FRANCE DE 1962 A 1999 (AIRES URBAINES 1990)
ET RURALE
Esp ace à dominante urbaine Esp ace à dominante rurale
32 812 13 613
71 29
44 891 13 627
77 23
+0,85 0,00
France métrop olitaine
46 425
100
58 518
100
+0,63
Source: Insee, recensement de la population 1962 et 1999
Néanmoins, cette poursuite de l'urbanisation a pris une nouvelle dimension au milieu des années soixante-dix, avec la dynamique de périurbanisation. En effet, toujours en se référant à la définition des aires urbaines françaises en 1990,le taux d'évolution annuel des pôles urbains est divisé par cinq entre 1962-1975et 1975-1990(+1,48% à +0,30%), alors que dans le même temps ce taux est multiplié par 1,7 (+1,34%à +2,28%)pour les couronnes périurbaines (tableau 2). Ainsi, la hiérarchie des taux s'est complètement inversée en peu de temps, la population des couronnes périurbaines augmentant quasiment huit fois plus vite que celle des pôles urbains entre 1975-1990.Au cours de la dernière période intercensitaire (1990-1999),les pôles urbains continuent à croître lentement (+0,27%), tandis que s'amplifie la poursuite du ralentissement de la périurbanisation déjà amorcé entre 1982-1990
(Choffe~2000): après avoir atteint son paroxysmeentre 1975-1982 avec +2,71%, le taux d'évolution annuel de la population des couronnes périurbaines recule à +1,89% entre 1982-1990, pour de nouveau diminuer entre 1990-1999 (+1,03%). Toutefois, les couronnes périurbaines progressent encore quatre fois plus vite que les pôles urbains et le ralentissement de la dynamique de périurbanisation, certes très sensible en taux, l'est beaucoup moins en effectifs.
19
Les nouvelles proximités urbaines
Tableau 2 L'EVOLUTION DE LA POPULATION DES POLES URBAINS ET DE LEURS COURONNES PERIURBAINES EN FRANCE DE 1962 A 1999 (AIRES URBAINES 1990)
Pôles urbains Couronnes p ériurbaines
+ 1,48 + 1,34
+0,30
+0,27
+0,71
+ 2,28
+ 1,03
+ 1,64
Rapport couronnes / pôles
0,91
7,60
3,81
2,31
Source:
Insee, recensement
de la population
1962 à 1999
La poursuite du dynamisme démographique des aires urbaines en France est donc moins le fait, depuis 1975, des pôles urbains, dont la progression est faible, que des couronnes périurbaines, qui enregistrent une forte augmentation de leur population, bien que ralentie depuis 1982. L'existence d'un solde migratoire légèrement négatif dans les pôles depuis 1975,mais fortement positif dans le périurbain (supérieur à +1% par an entre 1975-1990,voire à +2% entre 1975-1982)~ montre que la croissance de ces auréoles a été alimentée par des flux migratoires en provenance des pôles urbains, même si l'importance de la mobilité interne au périurbain n'est pas à négliger,,, comme l'a montré Martine Berger (1990) à partir du cas de l' Ile-de-France. Ainsi, l'essence urbaine de la périurbanisation ne fait pas de doute, ce phénomène n'étant en aucun cas révélateur d'une renaissance rurale. Même les chercheurs qui ont eu recours à un autre néologisme d'origine anglo-saxonne pour qualifier ce processus, en parlant de rurbanisation, dont la terminologie dit combien le sens profond du phénomène serait à chercher à la croisée de rural et de l'urbain, ont tendance, pour la plupart, à considérer ce fait géographique comme « l'une des modalités spatiales de la croissance urbaine» (Berger et al., 1980). D'ailleurs, il nous semble que l'usage équivoque de ce concept de rurbanisation a progressivement périclité au profit de celui de périurbanisation, sémantiquement plus proche de la signification socio-spatiale du phénomène. Sans doute faut-il voir dans cette substitution une forme de légitimation du postulat selon lequel la périurbanisation résulte bien du « développement d'une forme urbaine adaptée à l'état momentané des forces productives et des rapports sociaux» (Jaillet et Jalabert, 1982), postulat qui semble faire l'unanimité, ou peu s'en faut (Taffin, 1985; Chapuis, 1995; Jean et Calenge, 1997; Le Jeannic, 1997)4. 4 Quelques
extraits rendent compte de cette convergence d'appréciation sur le fait périurbain. Pour Claude Taffin (1985), « le développement des zones périurbaines n'est pas une nouvelle forme d'exode rural,
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A. Rallet et A. Torre
Quelles sont donc ces forces qui recomposent le système urbain à partir des années soixante-dix en France? Celles-ci relèvent d'abord des transformations de l'expression de la demande en logements des ménages. En première instance, toutes les études montrent que le moteur de la périurbanisation est l'accession à la propriété d'une maison individuelle neuve. Ce désir est fortement corrélé aux étapes du cycle de vie des individus, par un processus conjoint d'adaptation de la taille du logement et de la famille, notamment lorsque celle-ci s'agrandit. D'autre part, cette volonté d'accéder à la propriété d'un pavillon s'inscrit dans un contexte d'amélioration générale du niveau de vie des ménages. Ainsi, la progression beaucoup plus rapide, depuis les années soixante, des catégories moyennes et supérieures que des couches modestes au sein de la société française a été un puissant vecteur de développement de la propriété d'occupation du logement. Cette évolution, combinée au développement important de l'activité féminine et donc des couples biactifs, a accru considérablement la capacité d'autonomie économique des ménages, donc leur possibilité d'épargne et d'investissement. Les ménages ont donc développé des trajectoires résidentielles ascendantes en faisant correspondre à l'amélioration de leur statut socioprofessionnel une forme d'habitat plus valorisée, tant socialement que symboliquement, ce qui passe par l'accès à la propriété d'occupation d'une maison. Enfin, cette diffusion du modèle pavillonnaire en milieu périurbain n'a été rendue possible que par la généralisation de l'usage de l'automobile, qui «ouvre à chacun un vaste espace d'arbitrage en matière de localisation et d'enracinement résidentiel» (Orfeuil, 1995). Cependant, si la force du modèle résidentiel promotionnel axé sur l'accession à la propriété d'une maison semble consubstantielle au développement périurbain, ne négligeons pas l'évolution de la structure de l'offie. Pierre Bourdieu (1990)a bien souligné, à juste titre, combien « il est sans doute peu de marchés qui, autant que celui de la maison, so~ent non seulement contrôlés mais véritablement construits par l'Etat». Jamais la demande d'accession à un pavillon périurbain n'aurait pu s'exprimer avec autant de vigueur sans la mise en place de politiques d'encouragement à la propriété à partir des années soixante et soixante-dix (Heugas-Darraspen, 1994; Fribourg, 1998; Vorms, 1998).Les deux figures emblématiques de cette politique ont été d'une part l'instauration en 1977 du Prêt aidé à l'accession à la propriété (PAP) couplé à l'Aide personnaliséeau logement (APL)et, d'autre part, la mise en place du Prêt à taux zéro (PTZ), qui s'est substitué au PAP le mais bien le fait de la déconcentration des zones urbaines». Pour Robert Chapuis (1995), «la périurbanisation est une nouvelle forme de l'expansion urbaine, mais qui n'est plus, comme la banlieue traditionnelle, morphologiquement rattachée à la ville ». Pour Yves Jean et Christian Calenge (1997), il ne fait guère de doute que l'espace périurbain a« la qualité de sous-ensemble de la ville ». Enfin, pour Tholnas Le Jeannie (1997), «le phénomène de périurbanisation apparaît ainsi bien in fine comme un phénomène
local de débordement de la population d'un centre sur sa périphérie ».
Les nouvelles proximités urbaines
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1er octobre 1995. Au total, de 1977 à 1995, environ 1,5 million de ménages ont pu accéder à la propriété grâce à un prêt PAP,tandis que depuis sa mise en place en 1995,environ 950000 ménages ont bénéficié d'un PTZ. La périurbanisation de l'habitat est donc pour partie une conséquence de cette politique de solvabilisation de la demande, car il est clair que pour de nombreux ménages modestes candidats à l'accession à la propriété d'une maison, la seule alternative réaliste, compte tenu de la diminution de la rente foncière depuis le cœur du pôle urbain vers sa périphérie, a été de s'éloigner de la ville pour faire construire. Enfin, plus globalement, le développement de la propriété d'occupation de la résidence principale en France n'a été rendu possible que grâce à l'essor du crédit immobilier, qui a profondément modifié à la fois les modalités et le calendrier d'acquisition du logement. L'héritage, comme mode d'accession à la propriété, est en très net recul et l'âge auquel les ménages ftançais deviennent propriétaires a fortement diminué. Pour la génération 1908, l'âge médian d'accès à la propriété était de 56 ans, alors qu'il n'était plus que de 34 ans pour la génération 1952, soit un abaissement de 22 ans (Laferrère, 1999). 2. Une périurhanisation de l'emploi nettement plus limitée
Parallèlement à cette déconcentration des lieux de résidence à l'échelle des aires urbaines, la force d'attraction économique des pôles urbains s'est globalement maintenue, même si la géographie de l'emploi des agglomérations ftançaises a également été affectée par un mouvement centrifuge au profit des communes de banlieue mais aussi des couronnes périurbaines. En réalité, le choix de retenir comme espace de référence les aires urbaines en 1990occulte quelque peu la réalité de ce mouvement, dans la mesure où les pôles urbains ainsi définis comprennent des communes qui n'étaient pas encore incluses dans ce pôle au cours des années soixante. Ainsi, à l'échelle des aires urbaines ftançaises délimitées en 1990,le poids économique des pôles urbains, apprécié en nombre d'emplois, est passé de 90%en 1962à 92% en 1999,alors que, dans le même temps, le poids démographique de ces pôles s'est affaibli de cinq points, régressant de 87%à 82%. Or il ne fait aucun doute que si l'on raisonnait avec un référentiel spatio-temporel antérieur, on constaterait un déplacement plus net de l'emploi vers les périphéries urbaines. Néanmoins, malgré cette difficulté à apprécier de façon diachronique les dynamiques spatiales de la géographie économique des aires urbaines, il n'en demeure pas moins que le processus de périurbanisation concerne plus l'habitat que l'emploi (Lainé, 2000). L'inventaire communal réalisé en 1998 par l'Insee montre d'ailleurs bien le sous-équipement très marqué des communes
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A. Rallet et A. Torre
périurbaines prises dans leur totalité, c'est-à-dire englobant également les communes multipolarisées5, dont la population en 1990pèse pour un cinquième des communes périurbaines. 48 équipements, classés en trois groupes selon leur zone d'influence, ont été retenus pour hiérarchiser les communes. Le premier groupe est composé des six équipements de centres urbains, le second des vingt-six équipements de bo-qrgs-centres et le troisième des seize équipements de villages-centres. A l'aune de cette hiérarchie, on observe «le sous-équipement relatif des communes périurbaines en équipements de bourgs-centres» (Inra et Insee, 1998),définis comme les équipements intermédiaires. En fait, une proportion infime (4%) de communes périurbaines possède plus de la moitié des équipements de bourgs-centres, soit moitié moins que les communes du rural sous faible influence urbaine (7%)ou du rural isolé (8%)6: c'est dire si « le sous-équipement relatif» évoqué par l'Inra et l'Insee apparaît comme un doux euphémisme (tableau 3). C'est d'un véritable désert dont il s'agit, surtout que les communes périurbaines sont, en moyenne, plus peuplées que celles appartenant au rural sous faible influence urbaine ou au rural isolé, avec respectivement 850, 570 et 460 habitants en 1990. Quant aux équipements des villages-centres, définis comme les équipements de proximité, ils ne sont présents de façon significative que dans un quart des communes périurbaines : 24% d'entre elles seulement possèdent plus de la moitié de ces équipements. C'est, peu ou prou, la proportion observée également dans le rural sous faible influence urbaine et dans le rural isolé.
5
Les communes multipolarisées sont des communes rurales ou des unités urbaines situées hors des aires urbaines, dont au moins 40% de la population résidente ayant un etnploi travaille dans plusieurs aires urbaines, sans atteindre ce seuil avec une seule d'entre elles, et qui fonnent avec elles un ensetnble d'un seul tenant. Avec les couronnes périurbaines, elles fonnent les communes périurbaines. 6 Le rural isolé est fonné de l' ensetnble des communes rurales et des unités urbaines appartenant à l'espace à dominante rurale et n'étant ni pôle rural, ni sous faible influence urbaine, ni périphérie des pôles ruraux. Les pôles ruraux sont des communes rurales ou des unités urbaines appartenant à l'espace à dominante rurale, offumt de 2 000 à 5 000 etnplois et dont le nombre d'etnplois offerts est supérieur ou égal au nombre d'actifs résidents. Le rural sous faible influence urbaine est constitué de l'ensemble des colmnunes rurales et des unités urbaines appartenant à l'espace à dominante rurale, qui ne sont pas pôle rural et dont 20% ou plus des actifs résidents travaillent dans des aires urbaines. Quant à la périphérie des pôles ruraux, elle est constituée des communes rurales ou des unités urbaines appartenant à l'espace à dominante rurale, n'étant ni pôle rural, ni sous faible influence urbaine, et dont 20% ou plus des actifs résidents travaillent dans les pôles ruraux.
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Les nouvelles proximités urbaines
Tableau 3 LE NIVEAU D'EQUIPEMENT DES COMMUNES SELON A L'ESPACE A DOMINANTE URBAINE ET RURALE (AIRES URBAINES 1990)
LEUR APPARTENANCE EN FRANCE EN 1998
Espace à dominante urbaine Pôles urbains Communes p ériurbaines
47 4
81 24
13 300 850
Espace à dominante rurale Rural sous faible influence urbaine Pôles ruraux Périphérie des pôles ruraux Rural isolé
7 57 1 8
23 75 Il 22
570 3560 390 460
Source: Insee, inventaire communal 1998
Au total, il est clair que la périurbanisation est d'abord et avant tout un phénomène d'étalement résidentie~ alors que l'emploi est moins concerné par ce processus. Ce constat permet donc d'inférer l'hypothèse selon laquelle «la proximité des pôles urbains et l'importance des migrations entre les pôles et leur couronne contribuent probablement au sous-équipement relatif des communes périurbaines» (Inra et Insee, 1998), ce qui légitime pleinement notre questionnement portant observation des pratiques spatiales ou des modes de vie périurbains, à partir du cas de La Roche-sur- Yon. 111-
LES MODES DE VIE DES PERIURBAINS A LA ROCHE-SUR-YON
1. Les pratiques
spatiales des périurbains
Selon le découpage 1990de l'aire urbaine de La Roche-sur-Yon, la population du pôle urbain, dont les limites géographiques ont été pérennes d'un recensement à l'autre\ n'a augmenté que de 10%entre 1975et 1999,alors que celle de la couronne périurbaine a cru de plus de moitié: le poids démographique du pôle s'est donc affaibli de neuf points (tableau 4). En revanche, comme les évolutions enregistrées 7
Il est en effet constitué urbaines de l'Insee.
d'une ville isolée, soit d'une seule commune,
selon la nomenclature
des unités
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A. Ral/et et A. Torre
pour l'emploi ont été sensiblement identiques, avec une progression respective de +45% et +37%, le pôle concentre toujours plus des trois quarts de l'emploi de l'aire urbaine. Du fait de ce découplage entre une périurbanisation vigoureuse de l'habitat et, par contraste, l'inertie de la géographie des activités économiques, la sur-représentation de l'emploi par rapport à la population atteint 26 points en faveur du pôle en 1999,contre 16points en 1975. Tableau 4 L'EVOLUTION DE LA POPULATION ET DE L'EMPLOI DU POLE URBAIN ET DE LA COURONNE PERlURBAINE DE LA ROCHE-SUR-YON DE 1975 A 1999 (AIRE URBAINE 1990)
Pôle urbain Couronne p ériurbaine
44 713 28 407
61 39
49 262 44 624
52 48
24 179 7359
77 23
35 100 10 118
78 22
Aire urbaine 73 120 100 93 886 Source: Insee, recensement de la population 1975 et 1999
100
31 538
100
45218
100
Les données issues de l'enquête conduite en 2000auprès des 475 individus de la couronne périurbaine montrent que parmi les trois variantes de pratiques spatiales prises en compte pour apprécier le mode de vie des habitants de la couronne périurbaine de La RocheSUf-Yon8, celles liées aux achats sont les seules à être massivement orientées vers le pôle urbain (tableau 5).Pour 84% des ménages périurbains, les achats en grande surface sont généralement effectués dans l'un des trois hypermarchés ou l'un des neuf supermarchés yonnais9. Cette fréquentation des commerces du pôle urbain s'élève même aux neuf dixièmes pour les achats anomaux, mesurés à partir des achats de vêtements et de livres. Ces pratiques ne se différencient donc guère de celles développées par les habitants du pôle urbain, montrant bien l'uniformisation des comportements de consommation, appréciés en termes de lieux d'achat, entre les périurbains et ceux qui résident dans le pôle urbain.
8 Les tris croisés effectués pour mesurer les pratiques spatiales retenues (l'emploi, les achats et les services privés de base) selon le lieu de résidence (pôle urbain ou couronne périurbaine) sont tous fiables. Le résultat du test de Khi2 à 99% est très significatif pour les achats en grande surface et de vêtements, pour le lieu d'emploi, pour la fréquentation du salon de coiffure, de la pharmacie et du médecin généraliste. n est significatif pour les achats de livres. 9 Le terme «yonnais » fait toujours référence au pôle urbain de La Roche-sur-Yon. Il désigne soit les habitants de ce pôle (les Yonnais), soit des équipements (exemple, les hypermarchés et les supermarchés yonnais ).
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Les nouvelles proximités urbaines
Tableau 5 LES PRATIQUES SPATIALES (ACRA TS, EMPLOI, SERVICES) DES HABITANTS DE LA COURONNE PERlURBAINE DE LA ROCHE-SUR-YON EN 2000
Achats Grande surface Vêtements Livres
84 90 93
17 3 1
Emploi
54
21
Services Coiffeur Pharmacie Médecin généraliste
27 14 10
44 65 59
4 1 1
8 20 22
Il 20 5
473 472 357
17
343
9 6 9
459 473 471
Possibilité de réponses multiples dans certains cas: le total en ligne peut donc être supérieur à 100. Par ailleurs, pour le coiffeur, il faut compter également avec le domicile (12%) (Le résultat du test de Khi2 à 99% est très significatif pour les achats en grande surface et de vêtements, pour le lieu d'emploi, pour la fréquentation du salon de coiffure, de la pharmacie et du médecin généraliste. Il est significatif pour les achats de livres) Source: enquête auprès d'un échantillon 475 de la couronne périurbaine, 2000
de 1 000 habitants de l'aire urbaine de La Roche-sur-Yon,
dont
Les lieux d'emploi des périurbains de La Roche-sur-Yon sont également orientés, en majorité, vers le pôle urbain, même si celui-ci n'a plus l'exclusivité (tableau 5). En effet, parmi les actifs ayant un emploi interrogés lors de l'enquête, 54% travaillent à La Roche-surYon, contre seulement 21% dans leur commune de résidence. Le taux de migrants alternants est également très élevé, puisqu'il atteint les quatre cinquièmes, soit le taux observé à l'échelle des. couronnes périurb aines françaises, ce qui confirme la nature même du phénomène de périurbanisation, qui concerne essentiellement la résidence et peu l'emploi. En revanche, pour les services privés de base, les habitants de la couronne périurbaine de La Roche-sur- Yon fréquentent faiblement, voire rarement les services du pôle urbain (tableau 5). Seulement un quart a son coiffeur dans le pôle, le taux de fréquentation tombant même à un dixième environ pour la pharmacie ou le médecin généraliste. Ce sont les services situés dans les communes de la couronne périurbaine qui, pour l'essentiel, subviennent aux besoins de la population périurbaine, préférentiellement ceux de la commune de résidence à hauteur de la moitié ou des deux tiers.
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A. Rallet et A. Torre
Ainsi, parmi les trois types de pratiques spatiales retenus, deux sont structurés par un effet de mobilité à destination du pôle urbain (l'emploi et de façon encore plus nette les achats), alors que le troisième est au contraire marqué par un ancrage dans la commune de résidence (services privés de base). Cette pratique différenciée, de l'espace traduit pour partie la répartition très contrastée de l'offre. A la concentration du commerce et de l'emploi dans le pôle urbain s'oppose la diffusion beaucoup plus large des services privés de base dans la couronne périurbaine. En effet, une seule commune périurbaine sur les vingt possède une librairie et trois seulement ont une grande surface et un commerce de vêtements en 2000, alors que douze ont une pharmacie, quinze un médecin généraliste et dix-huit un salon de coiffure. Aussi, avec une offre commerciale marginale dans la couronne périurbaine, alors que celle-ci rassemble près de la moitié de la population, les pratiques d'achat des périurbains obéissent pour l'essentiel à la force d'attraction commerciale du pôle yonnais. En revanche, le développement des services basiques ayant suivi le déplacement du centre de gravité démographique du cœur de l'aire urbaine vers ses franges, leur fréquentation obéit pour l'essentiel à un principe de proximité géographique avec le domicile, ce qui réduit considérablement la mobilité à destination du pôle urbain. L'importance de l'effet de mobilité dans les modes de vie des périurbains yonnais va bien évidemment de pair avec un usage quasiexclusif de l'automobile comme moyen de déplacement. D'une part, la multi-motorisation est devenue la règle au sein de la population de la
couronne périurbaine: 70% des ménages enquêtés possèdent deux voitures ou plus, contre 45°A> pour les ménages du pôle urbain. D'autre part, l'usage exclusif de la voiture s'impose dans les déplacements urbains: 99% des habitants de la couronne périurbaine utilisent généralement la voiture lorsqu'ils effectuent un déplacement dans la ville de La Roche-sur- Yon, contre 80%des habitants du pôle urbain. 2. L'influence du lieu d'habitat des périurbains
antérieur sur les pratiques
spatiales
Plusieurs variables peuvent avoir une influence sur les pratiques spatiales des périurbains. L'incidence de trois d'entre elles a été mesurée pour la fréquentation des commerces et des services privés de base, car elles sont susceptibles d'avoir un impact sur ces pratiques: il s'agit du lieu de travail des habitants de la couronne périurbaine, de la distance entre leur commune de résidence et le pôle urbain et de leur lieu de résidence antérieur. Pour les deux premières variables, les tests du khi2 sont peu significatifs, ce qui veut dire que le lieu de travail des périurbains et la distance entre leur commune de résidence et le pôle urbain n'a qu'une
Les nouvelles proximités urbaines
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influence limitée sur leurs pratiques d'achat et de fréquentation des services, du moins à l'échelle de l'aire urbaine de La Roche-sur-Yon. Ce résultat apporte une double confirmation: d'une part, la fréquentation massive des commerces du pôle urbain yonnais par les habitants de la couronne périurbaine est largement déconnectée du lieu d'emploi ou de la distance à parcourir entre le domicile et ce pôle; d'autre part, même lorsque les périurbains fréquentent quotidiennement, dans le cadre de leur travail, le pôle urbain, ou qu'ils en sont proches géographiquement, ils optent majoritairement pour les services privés de base de leur commune de résidence. En revanche, le fait d'avoir déjà résidé dans le pôle urbain a une influence sur certaines pratiques spatiales des périurbains, en favorisant leur mobilité à destination du pôle. C'est le cas des achats en grande surface et de la fréquentation des services basiques, où le test du khi2 est significatif à très significatif, alors qu'il est peu significatif, au contraire, pour les achats anomaux. Un examen approfondi des pratiques spatiales liées à la fréquentation des services, selon la localisation du précédent logement, se révèle particulièrement instructif, à double titre. D'une part, si l'on retient comme fort probable l'hypothèse selon laquelle les périurbains dont le précédent logement était situé à La Roche-sur- Yon utilisaient les services du pôle urbain dans les mêmes proportions que ceux qui continuent d'y résider, soit à plus des quatre cinquièmes, on peut alors mesurer l'ampleur du transfert de fréquentation du pôle vers la couronne qui accompagne une mobilité résidentielle de même sens. En effet, le recours aux services privés du pôle urbain est toujours minoritaire pour ces anciens habitants de La Roche-sur- Yon, oscillant entre un cinquième (pharmacie et médecin généraliste) et, au plus, un tiers (coiffeur). On peut donc en conclure que si l'installation en couronne périurbaine n'a guère modifié les habitudes d'achats des néo-résidents périurbains, elle s'est en revanche accompagnée, pour la grande majorité d'entre eux, d'un changement de fréquentation des services privés de base. La distance-temps à parcourir entre le domicile et le service, autrement dit la proximité géographique entre l'offre et la demande, semble donc déterminante pour comprendre les pratiques spatiales des usagers de ces services. D'autre part, même si la fréquentation des services privés du pôle urbain reste toujours minoritaire quel que soit le lieu de résidence antérieur, le fait d'avoir résidé auparavant dans ce pôle s'accompagne d'un surcroît de fréquentation significatif de ces services. Des trois services considérés, le test du khi2 est le plus significatif pour le coiffeur et le médecin généraliste, la fréquentation étant la plus discriminée pour ce dernier: si 3% seulement des habitants de la couronne ont leur généraliste situé à La Roche-sur- Yon parmi ceux qui n'y ont pas résidé antérieurement, ce taux monte à 21%pour ceux dont le précédent logement était yonnais. Cette observation nuance le
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A. Rallet et A. Torre
rôle déterminant joué par la proximité géographique entre l'offre et la demande et laisse supposer qu'une autre dimension permet de rendre compte d'une partie de ces pratiques. En effet, de la pharmacie au coiffeur et au médecin généraliste, on passe d'une relation essentiellement basée sur un échange commercial à une relation marquée par une forme d'intrusion dans l'intimité de l'individu, qui touche à la fois au corps et à l'esprit. La relation de confiance devient alors essentielle. Aussi, selon l'importance accordée à cette relation et sa solidité, lorsque l'individu s'installe dans le périurbain après une étape résidentielle dans le pôle urbain, si dans la majorité des cas il choisit un nouveau coiffeur et un nouveau médecin parmi ceux de sa nouvelle commune de résidence, dans d'autres cas, il opte pour la fidélité, ce qui implique alors une mobilité dès qu'il recourt à ce service. Quant à la différence de fréquentation entre le coiffeur et le médecin généraliste, avec respectivement un tiers des anciens habitants du pôle urbain qui ont gardé leur coiffeur dans le pôle urbain, contre un cinquième pour le médecin, elle s'explique probablement par une question de temporalité dans le recours au service. On programme à l'avance son rendez-vous chez le coiffeur, ce qui est d'autant plus facile que pour les trois quarts des périurbains ayant résidé auparavant à La Roche-sur-Yon et qui ont gardé leur coiffeur dans cette ville leur lieu d'emploi est situé précisément dans le pôle urbain. En revanche, le recours au médecin généraliste est, le plus souvent, non programmé, d'où l'intérêt d'en choisir un qui soit proche du domicile. 3. La « périphérisation )) des pratiques spatiales des périurbains
Lorsque les pratiques spatiales des habitants du périurbain de La Roche-sur- Yon sont orientées en majorité vers le pôle urbain, elles sont plus souvent tournées, au sein de ce pôle, vers les centres commerciaux et les zones d'emploi périphériques, si on les compare aux pratiques des habitants du pôle yonnais. Les tests du khi2 sont notamment très significatifs pour les achats de vêtements et pour l'emploi, où la diversité spatiale de l'offre est très marquée, alors qu'ils sont peu significatifs pour les achats de livres, du fait sans doute d'une offre beaucoup plus limitée en périphérie. Ainsi, 58% des périurbains effectuent leurs achats de vêtements aux Flâneries, centre commercial situé au nord de la ville, le long de la voie express menant à Nantes, contre 42% des Yonnais (tableau 6). Ce centre, composé de grandes surfaces spécialisées ouvrant sur une rue intérieure et couverte, est au cœur d'une polarité périphérique emblématique des nouveaux lieux de vie qui ponctuent la «ville émergente» (Dubois-Taine et Chalas, 1997), puisqu'il jouxte un hypermarché, de nombreux autres magasins spécialisés, un multiplex cinématographique et sept restaurants. Fort logiquement, à cette plus
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Les nouvelles proximités urbaines
grande pratique de la polarité des Flâneries est associée une moindre fréquentation des commerces du centre, avec respectivement les deux tiers contre les trois quarts, la différence devenant encore plus significative lorsque l'on observe la fréquentation exclusive de ce cœur de ville: un peu plus du quart seulement despériurbains achètent en général leurs vêtements exclusivement dans le centre, contre pratiquement la moitié des habitants du pôle urbain. Au total, pour les habitants de la couronne périurbaine, les Flâneries font presque jeu égal avec le centre-ville pour les achats de vêtements (8 points de différence seulement au profit du second espace), ce qui est loin d'être le cas pour les habitants de La Roche-sur- Yon, qui continuent d'accorder une nette préférence aux commerces situés en cœur de ville (33points de différence). Tableau 6 LES LIEUX D' ACRA T DE VETEMENTS A LA ROCHE-SUR-YON PAR LES HABITANTS DE L'AIRE URBAINE SELON LEUR APPARTENANCE A LA COURONNE PERIURBAINE OU AU POLE URBAIN EN 2000
Centredont
centre-ville
ville exclusivement
Les Flâneries (p olarité p érip hérique) dont Flâneries
exclusivement
65,5 27,7
74,9 48,1
57,7 20,4
41,8 15,4
Total rép ondant s 426 474 (Le résultat du test de Khi2 à 99 % est très significatif) Source: enquête auprès d'un échantillon de 1 000 habitants de l'aire urbaine de La Roche-sur-Yon, 475 de la couronne périurbaine, 2000
dont
Cette tendance à la « périphérisation » de la pratique de la ville, observée à partir de l'étude du comportement d'achat de vêtements des habitants de la couronne périurbaine yonnaise, se retrouve également au niveau de l'emploi. Pour près de la moitié (440/0 exactement) des périurbains qui viennent travailler à La Roche-surYon, leur lieu d'emploi est situé dans l'un des cinq grands pôles d'activités périphériques10, alors que cette proportion n'atteint que le quart pour les habitants du pôle urbain, sachant que la part de ces cinq pôles périphériques dans l'emploi total de La Roche-sur- Yon est 10 Ces cinq pôles périphériques correspondent aux trois concentrations de zones d'activités économiques, soit la zone Nord (Acti-Nord et les Flâneries), la zone Sud (Acti...Sud, Les Jaulnières et Bene-Place) et la zone des Ajoncs au Nord-Est, et aux deux centres hospitaliers, à savoir le Centre hospitalier départemental (CHD) au Nord-Est et le Centre hospitalier sud (CHS) au Sud.
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A. Rallet et A. Torre
d'environ 38%en 1999.En revanche, le centre-ville est sous-représenté comme lieu d'emploi: parmi les périurbains dont l'emploi est situé à La Roche-sur- Yon, un cinquième seulement travaille dans le centre, contre plus du tiers pour les habitants du pôle urbain (35%),alors que cet espace central concentre un quart de l'emploi total de ce pôle. Au total, cette « périphérisation » des pratiques de la ville de la part des périurbains peut être lue comme une autre manifestation de cet effet de proximité géographique déjà évoqué et, corrélativement, comme une recherche d'optimisation de l'usage du temps (Desse, 2001), dans la mesure où les périurbains privilégient l'offre la plus accessible par rapport à leur domicile, donc la plus proche au termes de distance-temps. Ce phénomène ressort bien à l'examen du choix, par les périurbains, d'une grande surface à La Roche-sur- Yon: ceux-ci optent généralement pour celle qui est la plus proche de leur domicile. Ainsi, les habitants de la couronne périurbaine Nord fréquentent d'abord, à hauteur des deux tiers, le centre Carrefour Bellevue situé au Nord de La Roche-sur- Yon. Ceux de la couronne Est choisissent, pour près des trois quarts, le centre Leclerc des Oudairies situé également à l'Est de la ville. Les quatre cinquièmes des habitants de la couronne périurbaine Sud optent, quant à eux, pour le centre Leclerc de Toumefou situé au Sud. Enfm, les périurbains de la couronne Ouest fréquentent à hauteur des deux tiers le centre Carrefour de Saint-André situé également à l'Ouest, tandis que près de la moitié se dirigent vers le centre Leclerc de Toumefou, rapidement accessible depuis la route des Sables-d'Olonne à l'Ouest. CONCLUSION
Le mouvement de desserrement résidentiel des villes générateur d'un processus de périurbanisation s'inscrit dans une nouvelle structuration de l'espace urbain, où la ville traditionnelle axée autour d'un noyau central historique captant à son profit l'essentiel des flux de mobilité, notamment ceux liés à l'emploi et au commerce, s'efface au profit d'une polynucléarisation de l'espace géographique des villes. Dans ce nouveau système territorial, l'analyse des modes de vie des périurbains se révèle être un miroir et en même temps un facteur des mutations socio-urbaines. En effet, croissance spatiale des villes, développement de nouvelles centralités périphériques articulées autour du commerce ou des loisirs, délocalisation périphérique de l'emploi, multiplication des motifs et des parcours de déplacement sont autant de processus intriqués et qui expliquent et découlent tout à la fois d'un essor des mobilités quotidiennes, dessinant ainsi l'image de cette ville mobile et polycentrique. Toutefois, la notion de proximité géographique n'a par perdu tout sens au sein de cet espace urbain largement distendu et marqué
Les nouvelles proximités urbaines
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par la mobilité. Les modes de vie des périurbains oscillent ainsi toujours entre un effet de mobilité à destination du pôle urbain et un effet de proximité géographique avec le domicile, dessinant une multiterritorialisation révélatrice de la pluralité des ancrages socioterritoriaux. Cet effet de proximité se décline à différentes échelles, depuis la commune de résidence jusqu'à la polarité périphérique, véritable porte d'entrée dans la ville, à la fois d'un point de vue fonctionnel, commercial, ludique et donc social. Cette « périphérisation» des modes de vie se déroule selon une double logique, associant développement de I'habitat mais aussi des services à la personne dans les couronnes périurbaines et cristallisation d'une partie de l'activité et du commerce aux franges des pôles urbains. Cette double logique auto-corrélée révèle combien les dynamiques résidentielle et économique des aires urbaines, au-delà d'un antagonisme plus apparent que réel, s'auto-alimentent, reconfigurant le système urbain en lui offrant une nouvelle cohérence. REFERENCES Ascher F. (1995), Métapolis ou l'avenir des villes, Paris, Odile Jacob, 345 p. Berger M., Fruit J.-P., Plet F. et Robic M.-C. (1980), « Rurbanisation et analyse des espaces ruraux péri-urbains », L'Espace géographique, 4, 303-313. Berger M. (1990), « Les périurbains d'Île-de-France : stratégies de localisation », in Bonvalet C. et Fribourg A.-M. (eds.), Stratégies résidentielles, Paris, Ined, 369..383. Bourdieu P. (1990), «Un placement de père de famille. La maison individuelle: spécificité du produit et logique du champ de production », Actes de la recherche en sciences sociales, 81-82, 6-33. Chapuis R. (1995), «L'espace périurbain. Une problématique à travers le cas bourguignon », L'information géographique, 59, 113-125. Choffel P. (2000), «Les transformations des espaces urbains dans les années 90 : une périurbanisation au ralenti », Regards sur l'actualité, 15-28. Croix N. et Renard J. (1985), « Recherches préliminaires sur les populations et les espaces périurbains nantais », in Collectif: Les périphéries urbaines, Caen, Presses universitaires de Caen, 33-44. Desse R.-P. (2001), Le nouveau commerce urbain. Dynamiques spatiales et stratégies des acteurs, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 198 p. Dubois-Taine G. et Chalas Y. (eds.) (1997), La Ville émergente, La Tour-d'Aigues, L'Aube, 285 p. Fribourg A.-M. (1998), «Évolution des politiques du logement depuis 1950 », in Ségaud M., Bonvalet C. et Brun J. (eds.), Logement et habitat, l'état des savoirs, Paris, La Découverte, 223-230. Haumont N. et Lévy J.-P. (eds.) (1998), La ville éclatée. Quartiers et peuplement, Paris, L'Harmattan, 261 p. Hérin R. (1985), « Les espaces périurbains : des projets et des systèmes de valeurs inscrits dans l'habitat et les pratiques sociales », in Collectif, Les périphéries urbaines, Caen, Presses universitaires de Caen, 140-143.
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A. Rallet et A. Torre
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CHAPITRE Il
LES NOUVELLES FORMES URBAINES: ENTRE MULTIPOLARISATION ET SUBURBANISATION DES EMPLOIS LE CAS DE LA COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DIJONNAISE (1990 ; 1999)11
CATHERINE BAUMONT FRANÇOISE BOURDON
INTRODUCTION
Au cours des années 90, de nombreuses analyses théoriques et empiriques des espaces urbains ont pennis d'orienter fortement les débats sur la nature des configurations urbaines vers la question du passage d'une configuration urbaine monocentrique à une configuration multicentrique (Anas et al., 1998; Baumont et Le Gallo, 2000, Papageorgiou et Pines, 1999). D'un côté, le courant multicentrique, initié au début des années 1970 (Papageorgiou et Casetti, 1971, Papageorgiou et Mullally, 1976,Romanos, 1977)analyse comment le passage d'un centre à plusieurs centres affecte les distnoutions des densités résidentielles ou des valeurs foncières et s'interroge sur les formes fonctionnelles prises par ces fonctions de densités multicentriques en vue de les estimer (Griffith, 1981). Parallèlement, les théories de la formation des agglomérations, sous l'impulsion notamment des modèles non-monocentriques initiés en économie urbaine par Borukhov et Hochman (1977), Odland (1976)et Fujita et Ogawa (Fujita et Ogawa, 1982; Ogawa et Fujita, 1980; 1989), s'interrogent sur les mécanismes de formation de centres secondaires et sur les caractéristiques des configurations urbaines polycentriques: Il
Cette étude s'intègre dans le programme de recherche du LEG « Analyse écon01nique des nouvelles fonnes de suburbanisation dans les espaces urbains» soutenu par le contrat d'étude 2000-2002 de la Région Bourgogne « La recomposition urbaine dans la société de services et d'informations)) (sous la direction de Catherine Baumont et Jean-Marie Huriot), le Programme Aide à Projet Nouveaux 2000 du CNRS « Analyse économique des nouvelles formes de suburbanisation dans les villes françaises)) (sous la direction de Catherine Baumont) et le programme DARES-PUCA «Services, eInplois, territoires)) du Ministère de )) l'Equipement, des transports et du logetnent « Services aux entreprises et nouvelles centralités urbaines (sous la direction de Jean-Marie Huriot). Nous retnercions la Direction Régionale de l'INSEE Bourgogne et la Communauté d'Agglomération Dijonnaise pour les différentes informations qu'elles nous ont fournies. Nous reInercions égaletnent Julie le Gallo pour le géocodage de certaines données utilisées dans cette étude. Une pretnière version de cet article a été présentée aux 3èmesJournées de la Proximité« Nouvelles croissances )) et Territoires organisées par l'INRA-SAD et par la Faculté Jean Monnet de l'Université Paris Sud, Paris, 13-14 décetnbre 2001.
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A. Rallet et A. Torre
nombre et localisation des centres, caractéristiques du gradient des valeurs foncières et des fonctions de densités de populations... Ces différentes avancées théoriques ont fortement orienté les recherches empiriques sur les espaces urbains, afin notamment de tester la nature de la configuration spatiale (multicentrique vs monocentrique) et d'apprécier l'impact du phénomène de recomposition des centralités urbaines sur les fondamentaux de l'économie urbaine, i.e. la répartition spatiale des densités résidentielles et des valeurs immobilières (Baumont et Le Gallo, 2000).En retour, l'analyse empirique des espaces urbains polycentrique, en s'interrogeant sur la composition sectorielle des centres secondaires et sur les caractéristiques du système des centres économiques urbains, a permis d'approfondir ou de soulever des questions théoriques sur les facteurs d'agglomération et les logiques sectorielles de localisation des emplois dans les villes contemporaines (Boiteux-Grain et Guillain, 2004; Boiteux-Grain et Huriot, 2002,). En particulier, si l'on souhaite étudier les phénomènes contemporains de suburbanisation des emplois on s'attachera à évaluer à la fois l'ampleur quantitative de la déconcentration des emplois et à en cerner l'évolution qualitative: modification de la hiérarchie des centres, mouvements de spécialisation ou de diversification des centres, segmentation spatiale des emplois... Dans cette optique, il est intéressant de connaître, à différentes périodes, la composition par secteurs des activités économiques présentes dans chaque centre et de lier cette composition au caractère central ou périphérique des zones économiques. La suburbanisation des emplois sera alors marquée par différents phénomènes: un accroissement des emplois plus important en périphérie qu'au centre, l'émergence de nouvelles concentrations d'activités économiques dans la périphérie de la ville-centre initiale et un processus de différenciation des centres12.L'émergence de centres économiques concurrents du centre « historique» amène par ailleurs à étudier la composition sectorielle des centres périphériques et à repérer si les activités aujourd'hui considérées comme centrales comme les activités tertiaires supérieures tendent à se localiser davantage en périphérie (Boiteux-Grain et Guillain, 2004; Coffey et al., 1996; McMillen et McDonald, 1997; Sivitanidou, 1996). Si les phénomènes que nous venons de décrire sont assez bien documentés pour les grandes villes, il paraîtrait néanmoins hasardeux de conclure que seules les métropoles sont aujourd'hui concernées, car peu d'études ont en fait été réalisées sur des espaces urbains de taille plus modeste. En analysant l'organisation de la centralité au sein de la Communauté de l'Agglomération Dijonnaise et son évolution entre 1990 et 1999 nous souhaitons ici nous inscrire dans ce domaine d'investigation et étudier si certaines tendances préfigurant les 12 En toutes généralités, le phénomène de suburbanisation touche également la population un étalement urbain (cf Boiteux-Orain et Hunot, 2002 pour plus de détails).
et se manifeste par
Les nouvelles proximités urbaines
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d'investigation et étudier si certaines tendances préfigurant les phénomènes contemporains de suburbanisation des emplois y sont présentes. Par ailleurs, en nous référant aux méthodologies empiriques développées dans les études anglo-saxonnes, notre recherche s'appuie sur des décompositions sectorielles et géographiques fmes des activités économiques à une échelle intra-urbaine et se situe parmi les rares recherches menées en France selon cette grille d'analyse (cf Aguiléra, 2002, pour Lyon, Gaschet, 2000, pour Bordeaux et BoiteuxDrain et Guillain, 2004, pour l'Ile...de-France). Dans cet esprit, elle contribue aux études comparatives françaises (Bourdeau-Lepage et Hurlot, 2004). Pour analyser la multipolarité de l'espace urbain dijonnais, nous caractérisons dans un premier temps (Section 1) l'organisation spatiale des emplois et de la population en faisant référence aux modèles théoriques de la microéconomie urbaine et nous montrons qu'une organisation multicentrique de l'emploi total est bien présente sur le territoire de la COMADI(Communauté d'Agglomération de Dijon),
aussi bien en 1990 qu'en 1999.Nous observons un renforcement des pôles d'emplois périphériques au détriment des pôles d'emplois centraux. Une analyse plus qualitative de ce phénomène est alors réalisée à partir de l'étude des liens entre la localisation des pôles d'emplois, leur caractère mixte (résidentiel et économique) ou non et leur composition sectorielle (Section 2). A l'aide d'Analyses en Composantes Principales, nous pouvons préciser différents profils de pôles d'emplois opposant les pôles centraux, mixtes et plutôt spécialisés dans les activités tertiaires, aux zones économiques périphériques spécialisées dans les secteurs traditionnels (industries, commerces de gros, construction, services à la consommation). En confrontant, dans un dernier temps (section 3), ces différents résultats avec les schémas explicatifs et les formes de la suburbanisation, deux tendances sont mises en évidence: un phénomène de suburbanisation des emplois de services et un dynamisme marqué des zones périphériques à l'Est de l'agglomération dijonnaise. S'ajoute à cette tendance un rééquilibrage de la répartition des activités tertiaires entre les pôles centraux et les pôles périphériques. Ces observations nous conduisent, en conclusion, à une réflexion plus large sur les techniques mobilisées et sur les possibilités d'évaluer si les phénomènes de suburbanisation des emplois s'accompagnent d'un déclin de l'attractivité des zones centrales et d'une réorganisation résidentielle de l'espace urbain.
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1-
A. Rallet et A. Torre
L'ORGANISATION ET DES EMPLOIS
SPATIALE DE LA POPULATION DANS LA COMADI
Nous nous intéressons ici à l'organisation générale de l'emploi et de la population et nous souhaitons montrer que la configuration
urbaine de la COMADIest de type multicentrique. Pour cela nous nous appuyons sur les grands traits de l'organisation spatiale, issus des modèles de la microéconomie urbaine, pour rechercher à quel type de configuration urbaine théorique celle de la COMADIs'identifie le mIeux. 1. Principes théoriques
Les modèles de la microéconomie urbaine fournissent un cadre analytique pour saisir certains traits de l'organisation spatiale des activités économiques et de la population dans les espaces urbains. Les choix de localisation des agents sont ainsi définis sur la base d'arbitrage entre les avantages et les inconvénients de la centralité, ces avantages et inconvénients découlant en particulier du niveau des coûts de transport et des valeurs foncières, du degré des extemalités positives ou négatives générées par l'agglomération... Les modèles non monocentriques par exemple (Fujita, 1990,Fujita et Ogawa, 1982, Ogawa et Fujita, 1980, 1989), montrent sous quelles conditions, impliquant certains des éléments précédents, différentes configurations urbaines d'équilibre de type mono centri que, multicentriques ou mélangées peuvent émerger. En s'appuyant sur la valeur du ratio o/t où a exprime la sensibilité de l'activité productive aux économies d'agglomérationl3 et t la valeur des coûts de transport, Fujita et Ogawa (Fujita et Ogawa, 1982, Fujita, 1990) identifient les conditions d'émergence de ces différentes configurations. Ainsi, lorsque les bénéfices retirés de la concentration décroissent linéairement quand la distance entre les firmes augmente, alors aucune configuration d'équilibre de type multicentrique ne peut émerger tandis que la configuration monocentrique (a) émerge pour des valeurs élevées de alt et que la ville tend vers une structure mixte quand les valeurs de olt diminuent. Si les bénéfices retirés de l'agglomération décroissent de façon exponentielle avec la distance entre les firmes, alors des configurations d'équilibre multicentriques de type (b) ou (c) sont possibles. Dans ce cas, l'effet très local des économies
13Ce paramètre peut s'interpréter comme les bénéfices retirés par une fmne des interactions non marchandes avec d'autres finnes et on suppose que ce bénéfice diminue quand la distance entre les finnes s'accroît (cf par exemple, Fujita, 1990, 1994 ou Fujita, Thisse, 2000).
- -
37
Les nouvelles proximités urbaines
d'agglomération que traduit la forme exponentielle négative pennet la constitution de centres secondaires. a) Configuration
monocentrique
Ménages
(b) Configuration
M
duocentrique
Ménages
Firmes
(c) Configuration
M
Firmes
Ménages
Firmes
Firmes
M
tricentrique
Ménages
Firmes
Ménages
Firmes
M
Plus généralement, ces configurations correspondent à différents schémas d'associations géographiques des zones d'activités économiques et des zones résidentielles et elles peuvent être caractérisées par les grandes tendances suivantes: les zones d'emplois sont centrales et/ou périphériques, la concentration spatiale de l'emploi est très forte (dans les cas monocentrique ou multicentrique) et les densités résidentielles tendent à diminuer quand on s'éloigne du centre de l'espace urbain. Ce sont ces grandes caractéristiques qui nous intéressent ici. Autrement dit nous ne cherchons pas à tester les déterminants des choix de localisation ni à estimer leur impact sur l'organisation économique et résidentielle de la COMADI. 2. L'espace urbain de la COMADI: caractéristiques et données utilisées
La COMADIse compose en 2000 de 16 communes contiguës: la ville-centre Dijon et 15 autres communes-banlieues encerclant Dijon (cf Carte 1) : Ahuy, Chenôve, Chevigny Saint-Sauveur, Daix, Fontaine lès Dijon, Longvic, Marsannay la Côte, Neuilly lès Dijon, Ouges,
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A. Rallet et A. Torre
Perrigny lès Dijon, Quetigny, Saint-Apollinaire, Sennecey lès Dijon et Talant. Avec une surface totale de 172,4km? et une population totale de près de 239 000 habitants, la COMADIest un espace urbain de taille moyenne à l'échelle des agglomérations françaises et de taille très modeste comparativement aux aires urbaines généralement étudiées dans les recherches internationales. Carte 1 LES COMMUNES ET LES IRIS DE LA COMADI
Les données utilisées concernent l'emploi salarié et la population totale sans double compte pour les années 1990 et 1999. Elles proviennent des fichiers du recensement de la population et des fichiers SIRENE foumis par la direction régionale de l'INSEE Bourgogne. Les données d'emploi salarié dont nous disposons pour cette étude correspondent essentiellement à l'emploi privé. Ces données sont identifiées à la fois au niveau communal et à un niveau infra-communal (IRIS-2000@' voir Annexe) pour les communes de plus de 5 000 habitants (cf Annexe 1). Parmi les 16 communes de la COMADI, 9 sont irisées (Carte 1) et notre échantillon comprend finalement 114 unités spatiales d'observation (cf Annexe 2). Les procédures d'irisage des données sont très récentes et nous avons
pu bénéficier pour 1990 de cette possibilité. Finalement, l'emploi salarié du secteur privé, recensé et identifié au niveau des IRIS dans la base de données SIRENE s'élève à 74 493 emplois en 1990 et 70 770 emplois en 1999. A partir des données démographiques, économiques
39
Les nouvelles proximités urbaines
et cartographiquesl4, nous avons pu construire une base de données originale, tant au niveau des décompositions sectorielles que de l'échelle géographique, nécessaire à l'étude intra-urbaine des schémas de multipolarisation (les variables sont décrites en Annexe 3). 3. La nature de la configuration
urbaine de la COMADI
D'une manière générale, la configuration urbaine de la COMADI est marquée par une répartition inégale de l'emploi: les valeurs de l'indice de Gini sont respectivement de 0,77 pour 1990 et de 0,745 pour 1999. On remarque par ailleurs (Tableau 1) que 25% des emplois se regroupent sur seulement 6% du territoire, que 50% des emplois occupent 15 à 16,4% du territoire et que seuls 29 à 34% du territoire suffisent à capter 75% des emplois. Tableau 1 L'INEGALE REPARTITION
GEOGRAPIDQUE
DES EMPLOIS DANS LA COMADI
Des Analyses en Composantes Principales menées sur les 114unités urbaines de la COMADI,caractérisées par leurs coordonnées géographiques et les valeurs d'emplois et de population mesurées en niveaux et en densités, révèlent une nette opposition entre les unités spatiales centrales et périphériques. Pour 1990et 1999,la configuration urbaine est marquée par une répartition spatiale de l'emploi et de la population de type radioconcentrique où les unités spatiales se répartissent entre: des zones centrales plutôt riches en emplois et en population (IRIS dijonnais centraux), des zones intermédiaires moins densément peuplées et pauvres en emplois et des zones périphériques soit plutôt riches en emplois et pauvres en population (ZAC,ZI et Parcs tertiaires) soit plutôt pauvres en emplois et en population (Communes et IRISpériphériques résidentiels)15. Cette organisation peut être rapprochée d'une configuration urbaine théorique de type multicentrique où un centre économique est entouré d'une couronne résidentielle puis d'une couronne occupée par 14
Les données cartographiques ont été traitées par le logiciel ArcView(Ç)3.2 à partir de fond de carte à
l'îlot fournies par la direction régionale Bourgogne de l'INSEE. 15 Les résultats détaillés sont disponibles dans Baumont et Bourdon,
2002.
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A. Rallet et A. Torre
des activités économiques. Il existe, bien sûr, différentes nuances entre les configurations multicentriques théoriques et la configuration observée: les modèles non-monocentriques « décrivent» des espaces urbains simplifiés et cherchent à établir dans ce contexte certaines tendances à l'agglomération des firmes, qui sont le plus souvent considérés comme identiques. Ainsi, la non-isotropie de l'espace réel quant aux possibilités d'occupation du sol conduit dans notre cas à une asymétrie dans les localisations périphériques: la couronne périphérique est plutôt composée de zones économiques à l'est et de zones résidentielles à l'ouest. Nous constatons également que le centre de la COMADIest plutôt composé de zones mixtes, alors que le schéma multicentrique théorique suppose que les emplois s'agglomèrent au centre. L'identification des centres économiques permet de préciser le schéma multipolarisé des activités économiques de la COMADI. 4. L'identification
des pôles d'emplois
Les méthodes standards d'identification des centres s'intéressent principalement à la concentration des activités économiques et différents indicateurs de cette concentration peuvent être retenus: nombre d'emplois, densité brute ou nette d'emplois, ratio emploipopulation. Ces indicateurs sont calculés à partir de l'emploi total mais peuvent également être définis seulement par rapport à certaines catégories d'activités ou de fonctions économiques qualifiées de centrales (c'est le cas par exemple des activités tertiaires, des activités administratives ou des fonctions de décision). La méthode proposée par McDonald (1987)et enrichie par Guiliano et Small (1991)définit un centre comme «une zone ou un ensemble de zones contiguës dont l'emploi total est supérieur d'une part à un seuil donné E et d'autre part à l'emploi des zones qui l'entourent et dont la densité d'emplois est supérieure d'une part à un seuil donné D et d'autre part à la densité des zones qui l'entourent». Cette méthode est aujourd'hui la plus utilisée mais elle pose un certain nombre de questions relatives notamment à la fixation des valeurs des seuils et à la pertinence des concentrations d'emplois détectées (Baumont et al., 2004b). Des amendements nombreux ont été proposés, notamment pour tenir compte des spécificités des espaces urbains étudiés et des données disponibles. Dans notre cas, les éléments qui ont guidé nos choix sont les suivants: la taille modeste de l'espace urbain, l'hétérogénéité du découpage IRISvs communes et l'hétérogénéité de l'occupation emploi vs population. En effet, les zones centrales sont petites et souvent mixtes, tandis que les zones périphériques sont plus vastes et souvent mono-fonctionnelles. Ceci nous amène à privilégier des seuils
individuels d'emplois et à étudier la concentration avec deux indicateurs:
le ratio emploi/population et la densité d'emplois. En
41
Les nouvelles proximités urbaines
effet, si le ratio emploi/population permet de faire ressortir la mixité d'usage (McDonald, 1987, McDonald et McMillen, 1990), il s'avère délicat à utiliser compte tenu de la défmition du zonage IRIS (cf Annexe 1). Celui-ci est défini selon un critère de population et distingue les IRISde population des IRIS« inhabités» comme les zones d'activités économiques, les zones récréatives ou autres (cimetières, gares, étendues d'eau...). Le ratio emploi-population sur un tel zonage tend donc à faire ressortir les zones d'activités économiques au détriment des IRIS mixtes. La densité d'emplois permet de compenser cet effet pour les petites zones comprenant beaucoup d'emplois. C'est pourquoi nous considèrerons qu'une zone peut être identifiée comme un centre si elle satisfait le critère de seuil d'emplois età l'un au moins des critères de densités d'emplois ou de ratio emploi-population. Pour le seuil de densité d'emplois, nous avons retenu a priori la valeur de 10emplois par acre (soit environ 2 470 emplois au km2) suggérée par Giuliano et Small (1991).Pour fixer les seuils d'emplois, nous avons étudié la distribution de l'emploi total en 1990 et en 1999 et avons repéré, d'une part les valeurs indiquant une rupture dans cette distribution et d'autre part la valeur médiane de l'emploi de telle sorte que la moitié au moins des emplois de la COMADIsoit contenue dans les centres ainsi identifiés (Tableau 2). Tableau 2 ANALYSE DE LA DISTRIBUTION
[5000 - 5357]* 3 [4000 - 4999] 5 [3000 - 3999] 6 [2000 - 2999] 9 Il **[1600 - 1999] * valeur observée maximale ** valeur minimale pour regrouper
21,26 33,51 37,65 46,28 50,63
DES EMPLOIS ET SEUILS
[5000 - 5558]* [4000 - 4999] [3000 - 3999] [2000 - 2999] **[1400 - 1999]
au moins 50% de l'emploi
2 6 6 7 Il
15,28 39,21 39,21 42,98 51,23
cumulé
Il apparaît que pour identifier au moins 50% de l'emploi de la COMADI,il faut retenir un seuil de 1600 emplois en 1990 et de 1400 emplois en 1999: ce qui correspond dans les deux cas à Il zones. Ces seuils d'emplois apparaissent adaptés à la taille de notre territoire d'étude: pour l'aire métropolitaine bordelaise, Gaschet (2000)retient un seuil de 2000 emplois et pour l'lIe de France, Boiteux-Orain et Guillain (2004)retiennent un seuil de 5000 emplois. Toutes les zones qui satisfont le critère de seuil d'emplois satisfont les seuils choisis soit pour la densité d'emplois soit pour le ratio emploilpopulation. La localisation de ces zones sur le tenitoire de la COMADIpermet de
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A. Rallet et A. Torre
visualiser les contiguïtés entre les zones d'emplois (cf Cartes 2a pour 1990 et 2b pour 1999).
Carte 2a
Carte 2b LES paLES DE LA COMADI EN 1999
LES paLES DE LA COMADI EN 1990
Centres
90
IIIIIIII!!II
IIIIIIIIII
Centres
99
Nous observons alors que la multipolarisation de l'espace urbain de la COMADIs'organise autour de 5 pôles d'emplois, qualifiés soit de Pôle Central (à l'instar du CBD), soit de Pôle Multicommunal lorsqu'ils occupent de façon continue tout ou partie du territoire d'au moins deux communes, soit enfm de Pôle Isolé. Pour 1990(Tableau 3), il s'agit du regroupement des zones centrales de la ville de Dijon (Dl, D4, D6 et D64), du regroupement des zones d'activités périphériques au Nord (D63et Sapo3), du regroupement des zones d'activités au Sud (CoS, D27et L04), de la zone isolée QU5et de la zone isolée Perry. Tableau3 POLES D'EMPLOIS
Sud
« CBD » Ville-Centre (Dijon) « Multi -communes»
Nord
« Multi -communes»
Quétigny Perrigny
« Pôle isolé» « Pôle isolé»
Centre- Ville
EN 1990
Monge (D 1) ; Grangier (D4) Darcy (D6) ; La Gare (D64) Zone d'activités de Chenôve (Co8) Arsenal (D27 ; Dijon) Zone d'activités de Longvic (Lo4) Zone d'activités Nord-Est de Dijon (D63) Zone d'activités de Saint-Apollinaire (Sapo3) Zone d'activités de Quétigny (Qu5) Perrigny les Dijon
13 364 12 608
6957 3073 1 633
Pour 1999 (Tableau 4), on trouve également 5 pôles, cependant, le regroupement central ne comporte plus que 3 zones (Dl, D4 et D64), tandis que le regroupement Nord en comporte maintenant trois (D62,
43
Les nouvelles proximités urbaines
D63 et Sap03). Le regroupement Sud comprend 3 zones (COS,Lo4 et Ma3), la zone isolée QU5subsiste et une seconde zone isolée apparaît: la zone économique de Chevigny (Chs) tandis que la zone isolée Perry a disparu. Tableau4 POLES D'EMPLOIS
Sud
«Multi-communes»
Centre- Ville Nord
« CBD » Ville-Centre (Dijon) «Multi-communes»
Quetigny Ch ev igny
« Pôle isolé» « Pôle isolé»
EN 1999
Zone d'activités de Chenôve (Co8) Zone d'activités de Longvic (Lo4) Zone d'activités de Marsannay (Ma3) Monge (D 1) ; Grangier (D4) La Gare (D64) Zone d'activités Nord-Est de Dijon (D63) Zone d'activités la Toison-D'Or de Dijon (D62) Zone d'activités de Saint-Apollinaire (Sapo3) Zone d'activités de Quétigny (Qu5) Zone d'activités de Chevigny (Ch5)
Il 540
9644 9634
4014 1 421
On observe une certaine évolution de la hiérarchie des centres entre 1990et 1999: le pôle d'emplois Sud est devenu le centre le plus important tandis que le pôle d'emplois Nord concurrence très fortement le Centre-Ville. La faiblesse du centre Perrigny en 1990se confnme en 1999tandis que le centre Quetigny a gagné des emplois mais reste petit par rapport aux autres centres de la COMADI.Si nous comparons les zones retenues en 1990et en 1999,nous pouvons voir que, sur Dijon, une zone centrale a disparu (D6 : Darcy) ainsi qu'une zone au sud (D27: Arsenal) qui constituait une partie du pôle Sud de la COMADI.
En revanche, 3 zones périphériques
sont apparues (D62 : La
Toison d'Or, Ma3: ZAC de Marsannay la Côte et Ch5: Zone économique de Chevigny Saint Sauveur). Le poids des zones d'activités économiques s'est ainsi renforcé à la fm des années 90. Si ces différents résultats soulignent le caractère multicentrique de la COMADI et suggèrent un mouvement de recomposition de l'organisation de la centralité des zones centrales vers les zones périphériques, ils ne donnent cependant qu'une vision partielle de ce phénomène. Ses aspects qualitatifs notamment sont indéterminés puisque nous ne savons pas quels types d'activités économiques occupent quels pôles. Les analyses sectorielles que nous présentons maintenant permettent d'étudier cette question. ll-
LES LOGIQUES SECTORIELLES
DE LOCALISATION
Les modèles de la microéconomie urbaine permettent de décrire les logiques de localisation des activités économiques sur la base d'arbitrages entre les besoins de proximité géographique vis à vis des
44
A. Rallet et A. Torre
ménages et/ou vis à vis d'autres activités économiques, les besoins en accessibilité liés aux infrastructures de transport ou de communication et les besoins en emprise foncière. La proximité fait référence aux interactions non marchandes qui unissent les firmes, leurs fournisseurs et leur clientèle (firmes et ménages) et qui sont ainsi facilitées par la concentration. L'accessibilité est liée aux coûts de déplacement et de transport des individus, des marchandises et de l'information. La tendance à la diminution de ces coûts rend, toutes choses égales d'ailleurs, la concentration moins intéressante. Ogawa et Fujita (1980, 1989)examinent par exemple le cas où existent des interactions non marchandes entre les firmes et des coûts de déplacement entre les firmes et les ménages. Ota et Fujita (1993)distinguent par ailleurs les unités back-office des unités front-office: l'accessibilité conditionne les relations de front-office à back-office tandis que la proximité influence les interactions entre les front-office uniquement. Nous pouvons constater, d'une part, que le CBD et les centres périphériques répondent de manières différentes à ces besoins et que ces manières peuvent, d'autre part, évoluer dans le temps. Ainsi, l'organisation multicentrique des espaces urbains peut intuitivement être perçue comme une organisation économique efficace où les activités qui recherchent fortement les avantages de la centralité se regroupent au CBD tandis que les autres activités plus sensibles à l'accessibilité liées aux grandes voies de communication périphériques et à la disponibilité en sol en périphérie s'installent dans les centres périphériques. Par exemple, si on étudie pour chacune des zones composant les pôles d'emplois identifiés dans la section précédente, le nombre d'établissements et le nombre moyen d'emplois par établissement, on s'aperçoit que les zones centrales sont composées d'établissements nombreux et plutôt de petites tailles, tandis que les zones d'emplois en périphérie sont constituées de moins d'établissements mais de plus grande taille en moyenne. Ainsi, conformément à l'arbitrage opposant les avantages de la proximité aux coûts fonciers et compte tenu de la disponibilité en sol plus faible au centre qu'en périphérie, les petits établissements privilégient les localisations centrales et les grands établissements les localisations périphériques. Cependant, rien n'est encore dit sur la nature des activités qui sont sensibles à tels ou tels déterminants de localisation et si les pôles d'emplois périphériques, dont nous avons observé le poids croissant, ne pouvaient pas répondre également à certains aspects de la centralité. En effet, l'implantation, au cours des années 90, de Parcs Technologiques ou de Pôles Tertiaires d'Excellence en périphérie amène à s'interroger aujourd'hui sur l'attractivité de ces nouveaux
centres et sur la concurrence qu'ils peuvent faire au CBD. Les questions du déclin du CBDet de l'émergence des Edge Cities entrent par exemple dans cette problématique. Bien sûr, l'espace urbain que
45
Les nouvelles proximités urbaines
nous étudions est d'une taille très réduite par rapport aux aires métropolitaines dans lesquelles les créations de Edge Cities se manifestent et il n'est pas de notre propos d'essayer de transposer une telle manifestation à la COMADI.Nous allons simplement chercher à appréhender certains phénomènes liés aux logiques de multipolarisation des espaces urbains: quels secteurs occupent quels centres? Les centres sont-ils spécialisés ou diversifiés? Des phénomènes de recomposition économique de l'agglomération dijonnaise peuvent-ils être observés? 1. Analyse de la composition
sectorielle des zones d'emplois
L'application de notre méthode d'identification des centres, conduit, pour les raisons évoquées précédemment, à ne retenir qu'un nombre réduit de zones dfemplois centrales, alors qu'elles présentent des densités d'emplois souvent très fortes. Afin d'améliorer la représentativité des zones centrales dans notre étude sectorielle, nous avons diminué le seuil minimum d'emplois à 1000,tout en conservant la satisfaction d'au moins un des critères «densité d'emplois» et «ratio emploi-population». Comme nous souhaitons en outre pouvoir comparer l'organisation économique de la COMADIen 1990et en 1999 et en apprécier l'évolution entre ces deux dates, nous avons retenu les mêmes zones d'emplois pour ces deux années16: au total, notre échantillon comprend maintenant 22 zones, dont 9 zones centrales (Cartes 3). Disposant de données d'emplois répertoriées selon la nomenclature NAF700,nous avons pu construire 7 secteurs d'activités: l'industrie (IND), la construction (CONST), le commerce de gros (COMGR), les infrastructures de transport et de communication (INFTR),les services aux particuliers (SPART),les activités financières, immobilières et d'assurance (FIA) et les services aux entreprises (SENT)17.
16
Travailler sur un échantillon constant nous amène à retenir des zones qui ne satisfont pas les critères sur une des deux dates: il s'agit pour 1990 des zones D62 et FoS, pour lesquelles le seuil de 1 000 emplois n'est pas atteint, et pour 1999 des zones Perry et D27, pour lesquelles ni le seuil de 10 emplois par acre ni le ratio emploi-population égal à 1 ne sont satisfaits. 17 La composition de ces secteurs est donnée en Annexe 1. Notons que les emplois dans le secteur agricole et dans les administrations publiques n'ont pas été retenus compte tenu de l'incomplétude de la base de données dans ces secteurs.
46
A. Rallet et A. Torre
Carte 3 LES ZONES D'EMPLOIS DE LA COMADI (SEUIL A 1000 EMPLOIS)
Zones
d'emplois
90-99
Le choix de ces secteurs et le niveau de désagrégation auquel nous avons souhaité travailler permettent d'apprécier par exemple les choix de localisation des activités de bureaux (FIA,SENT),des activités nécessitant la proximité des consommateurs (SPART)ou des autres fmnes (SENT) ou des moyens de transport et de communication (INFTR)et des activités à forte emprise foncière (IND ou CONSTRou COMGR).Ces différentes variables sectorielles sont mises en relation avec des variables de localisation (DCENTRE),de population (pOP et DPOPAC), d'emploi global (EMP et DEMPAC) et d'établissements (NETABet MOETAB)18. L'étude des profils de localisation est réalisée à partir d'analyses en composantes principales complétées par une Classification Ascendante Hiérarchique. Pour 1990, les résultats des ACP (Tableau 5 et Carte 4) font ressortir trois types de profils de localisation.: 1/ le lien entre le secteur FIA, la forte population, le grand nombre d'établissements et les zones centrales (Axe 1),2/ le lien entre l'emploi et le commerce de gros (Axe 2) et 3/ le profil particulier de la zone de la Gare (D64),qui concentre les infrastructures de transport de la COMADI(Axe3).
18
Les caractéristiques
économiques
et sectorielles
de ces 22 zones sont données en Annexe 4.
47
Les nouvelles proximités urbaines
Tableau 5 ACP SECTORIELLE
(1990)
40,85
DPOP AC, POP, FIA,
Axe2 Axe3
22,03 18,50
NETAB vs DCENTRE EMP et COMGR INFTR, MOETAB et DEMPAC
Total
81,39
Axe 1
(+) Ch5, D63, Lo4 vs (-) Dl, D2, D4, D5, D6 (-) D63, D4, Co8, Lo4 (-) D64
Carte 4
ACP SECTORIELLE - 1990 : GRAPHE DES OBSERVATIONS ET CERCLE DES CORRELATIONS
Une Classification Ascendante des 22 zones d'emplois.
Hiérarchique
est effectuée
sur les 3 premières
coordonnées
factorielles
Tableau 6 CLASSIFICATIONS l(ijrounes Groupe Groupe Groupe Groupe Groupe Groupe
1 2 3 4 5 6
ASCENDANTES mERARCIDQUES
Dl, D2, D5, D6, D8, D9, DIO D4 D64 Co8, D63, Lo4 Qu5, D27, DI4 Ch5, D62, Fo5, Ma3, Peny, Sapo3, Sapo4
(1990)
DCENTRE vs POP, DPOP AC et SENT La Poste La Gare COMGR, CONST, IND et EMPTOT DCENTRE vs NETAB, DPOPAC et POP
48
A. Rallet et A. Torre
Le regroupement en 6 classes (Tableau 6) montre les particularités sectorielles des zones centrales ou périphériques ainsi que le caractère spécifique des zones de la Gare (D64)et de la Poste (D4). Les zones d'emplois centrales affichent leur caractère attractif pour les secteurs FIA et SENT. Deux types de zones périphériques apparaissent. Celles du premier type affichent leur caractère attractif pour les secteurs consommateurs d'espace comme l'industrie, le commerce de gros ou la construction. L'autre type de zones périphériques se constitue par opposition aux spécificités des zones centrales. Tableau 7 CARACTERISTIQUES
GENERALES DES GROUPES (1990)
Groupes
MDCentre
EMP90*
POP9O*
NETAB90*
MOETAB90
groupe 1
666,96
20,05
65,52
48,57
5,15
D4
206,88
8,58
9,05
17,53
6,10
D64
573,93
9,59
0,29
0,85
141,38
~roupe4
3971,95
31,53
1,60
13,26
29,65
2roupe 5
2633,66
13,14
14,94
9,75
16,80
17,10
8,60
10,05
21,22
groupe 6
5580,58
MDCentre : distance moyenne au centre des zones composant * en % par rapport à l'ensemble des 22 zones MOET AB : nombre moyen d'emplois par établissement.
les groupes
Les caractéristiques générales des groupes (cf Tableau 7) mettent en avant le pouvoir discriminant des critères de localisation,
d'emploi, de population et d'établissements entre les groupes 1 et 2 (centraux, les plus peuplés et avec le plus d'établissements), le groupe 5 (couronne intermédiaire et assez peuplé) et les groupes 4 et 6 (périphériques, les plus riches en emplois et avec les plus gros établissements). Pour 1999, les résultats des ACP font ressortir les profils suivants: II le lien entre les zones économiques périphériques peu peuplées et les secteurs industriels, de commerce de gros, de construction (Axe 1), 21le lien entre les secteurs FIA, les services aux particuliers et le nombre d'établissements (Axe 2) et 31les caractéristiques spécifiques de la zone D64 (Gare) en termes d'infrastructures de transport et de communication qui comporte très peu d'établissements (Tableau 8 et Carte 5).
49
Les nouvelles proximités urbaines
Tableau 8 ACP SECTORIELLE
Axe I
36,82
Axe2
23,99
Axe3 Total
19,33 80,14
(1999)
POP et DPOPACvs CONS T, IND, COMGR et DCENTRE ~TAJB,SPARTetFL\ INFTR, MOETAB et DEMPAC
(+) Co8, D63, Lo4 vs
(-) D4,
Dl D2, D5, D6, D8
(+) D4, Qu5, Co8 vs (-) Cb5, Perry, Sapo4 (+) D64
Carte 5
ACP SECTORIELLE - 1999 : GRAPHE DES OBSERVATIONS ET CERCLE DES CORRELATIONS
La Classification Ascendante Hiérarchique montre que le regroupement en 6 classes (Tableaux 9 et 10) permet encore de distinguer les zones centrales des zones périphériques, ce qui rend compte de l'importance du facteur localisation et des caractéristiques qui lui sont liées et isole à nouveau, du fait de leurs caractéristiques atypiques, les zones D4 et D64. Les zones des groupes 4, 5 et 6 sont à des distances moyennes assez élevées du centre, elles concentrent le plus d'emplois et les plus gros établissements. Le poids des zones
centrales du groupe 1 et de la zone D4 se retrouve au niveau de la population et du nombre d'établissements. La Classification ne fait pas ressortir de façon nette des spécificités sectorielles pour les différents groupes sauf pour les zones périphériques du groupe 4 qui apparaissent spécialisées dans les activités fortement consommatrices de sol et affichent le lien entre ces activités et les services aux entreprises.
50
A. Rallet et A. Torre
Tableau 9 CLASSIFICATIONS
ASCENDANTES mERARCmQUES
Groupe 1
Dl, D2, D5, D6, D8, D9, DID, D14
Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4
D4 D64 Co8, D63, L04
Groupe 5 Groupe 6
D62, Qu5 Cb5, D27, Fo5, Ma3, Perry, Sapo3, Sap04
(1999)
DCENTRE et EMPTOTvs POP et DPOPAC La Poste La Gare COMGR, CONST, IND, SENT, EMPTOT SPART DCENTRE vs NETAB et DPOPAC
Tableau 10 CARACTERISTIQUES GENERALES DES GROUPES (1999) Groupes
MDCentre
EMP99*
POP99*
NET AB99*
MOETAB99
eroupe 1
715,60
17,55
74,24
43,81
4,49
D4
206,88
8,58
8,38
15,31
6,29
D64
573,93
8,55
0,55
0,42
225,72
2roupe 4
3971,95
32,80
1,43
15,55
23,66
eroupe 5
4605,29
14,06
0,81
12,10
13,03
eroupe 6
5242,63
18,46
14,59
12,81
16,16
MDCentre : distance moyenne au centre pour les zones composant en % par rapport à l'ensemble des 22 zones * MOETAB: nombre moyen d'emplois par établissement.
le groupe
Il faut noter que la composition des groupes 1, 5 et 6 en 1999 n'est plus identique à celle de 1990.Ainsi, la zone D14rejoint le groupe 1, la zone D62 quitte le groupe 6 et s'associe avec la zone QU5tandis que la zone D27rejoint le groupe 6. Ces modifications s'expliquent par les changements dans la structure générale et sectorielle des zones d'emplois entre ces deux dates. Par exemple, nous avions signalé que la zone D62 apparaissait dans l'échantillon commun alors qu'elle ne satisfaisait les critères qu'en 1999, alors que la zone D27 ne les satisfaisait qu'en 1990. La première zone a fortement gagné des emplois entre ces deux dates, alors que la seconde en a fortement perdu. Les résultats des ACPet les classifications se révèlent ainsi être un outil intéressant pour souligner ces modifications. Une analyse plus fme de la composition sectorielle des zones d'emplois nous pennet maintenant d'appréhender la composition des zones d'emplois en termes de spécialisation ou de diversification. 2. La spécialisation
des zones d'emploi
Pour chacune des zones d'emplois, nous avons calculé les coefficients de spécialisation et nous avons retenu les secteurs de spécialisation qui avaient les plus fortes valeurs. Nous avons indiqué,
51
Les nouvelles proximités urbaines
pour chaque secteur de spécialisation, la part que ces activités occupent dans l'emploi de la zone. Tableau 11 REPARTITION DES SECTEURS DE SPECIALISATION DANS LES ZONES D'EMPLOIS EN 1990
GROUPES ZONES Nbsect spec Groupe1
3
% (sect) 41,5 SPART)
coeff. spéc.
1,76 25,4 (SENT)
02
3
05
3
D6
3
2,88 ~6(SPART) 9 45,1 1,97 SPART) 1 40,5 1,77 SPART) 1 3,82 42,1 (SENT) 9
D8
3
30,3 (FIA)
Dl
2
09
4
47 (SPART)
D10
3
38,6 (SENT)
Groupe2
04
2
57 (SPART)
Groupe3
D64
1
97,6 INFTR)
% (sect)
13,3 (FIA) 27,2 (FIA)
coeff. spéc.
% (seet)
2,24 17,3 (FIA)
2,83
2,24 2 4,59 5 16,5 (SENT)
1,50 5
1,48 1,37 31,3 (SPART) l 2,48 5,12 27,3 (SENT) 5 2,05 1,87 6 20,6 (SENT) 1 3,50 2,92 9 17,3 (FIA) 7 2,49 3,95 23,4 (FIA) 8 3 6,38 9 15,6 1,78 1,97 COMGR) 16 (SENT)
8,1 (FIA) 13,7 (FIA)
Co8
3
28,6 (IND)
Lo4
3
b5,2 (!ND)
063
3
39,5 (!ND)
2
36,2 (IND)
1,42 26,8 (SPART) 1,15
014
2
b9,8 (IND)
D27
1
Qu5 Groupe6
2 4
37,4 (IND)
ChS
2
062
2
Fo5
4
Ma3
3
Perry
2
Sapo3
4
43,1 (IND)
Sapo4
1
82,6 (IND)
79,32 88,81
1,36 2,31 1
64,58 87,1 81,4 1,81 2
89,53 65,43
1,34
74,18
2,03 1 1,20 8
67,12 86,25
2,65
81,46 63,02
l,Dl 1
75,76 38,75
1,22 8
70,81
1,49 14,9 (CONST) 1,40 18,1 (INFTR) 1,18
2,69 b7,9 (!ND) 9 39,8 3,75 CONST) 8 36,4 l,59 SPART) 3 43,9 1,92 SPART) 1 4,87 74,4 (INFTR) 2
84,23
97,57
44,4 (IND)
2,78 7 b (FIA) 2,53 38,8 (INFTR) 8 40,1 1,75 SPART) 3 30,8 (!ND)
coeff. % emploi spéc.
80,42
3
GroupeS
% (seet)
23,8 (SPART) 1,04 11,2 1,42 COMGR) 2 10,7 (FIA) 1,20 9,5 (COMGR) 8
14,2 CONST) 1,14 16,1 3 22,4 (INFTR) 1,47 COMGR) 2,60 1,08 6 Il,5 (CONST) 3 9,6 (COMGR) l,57 1,98 20,9 9 21 (CONST) 3 COMGR)
Groupe4
coeff. spéc.
1,29 13,7 (CONST) 5 15,3 1,93 COMGR) 3 1,34 33,8 (!ND) 8 2,29 24,3 (CONST) 8 1,01 10,7 (CaNST) 3 20,1 2,53 1,72 COMGR) 8 3,29 8
8,8 COMGR)
1,11
79,2 81,28 75,22
16 (CaNST) 12,5 COMGR)
1,51 9,6 5 COMGR) 1,20 9
1,20 9
12,1 (SENT)
1,10 11,4 4 CaNST)
1,08 1
95,75 80,77 85,12 86,69 82,55
52
A. Rallet et A. Torre
Pour 1990 (cf Tableau Il), on remarque ainsi que les zones centrales D4 et celles du groupe 1 sont spécialisées dans les secteurs FIA, des services aux particulier et des services aux entreprises. Les plus forts coefficients de spécialisation pour chacun de ces secteurs sont respectivement enregistrés pour la zone République (D8), Monge (Dl) et Darcy (D6).Les zones des groupes 4 et 6 sont spécialisées dans les secteurs de la construction, du commerce de gros et de l'industrie. Les zones possédant les plus forts coefficients de spécialisation pour chacun de ces secteurs sont, dans le groupe 4, la zone industrielle de Longvic (L04) pour l'industrie et la zone industrielle nord-est de Dijon (D63)pour la construction et le commerce de gros. Dans le groupe 6, les plus forts coefficients de spécialisation sectorielle sont enregistrés pour l'industrie par la zone industrielle sud-est de Saint-Apollinaire (Sapo4), par la zone industrielle nord-est de Saint-Apollinaire (Sapo3) pour le commerce de gros et par la zone d'activités de la Toison-d'Or (D62)pour le secteur construction. Les zones du groupe 5 sont surtout spécialisées dans l'industrie (le plus fort coefficient de spécialisation est pour la zone Voltaire à Dijon (DI4)). Ces résultats, repris de façon synthétique pour les 6 groupes, montrent par ailleurs que le groupe 6 est aussi globalement spécialisé dans les infrastructures de transport et de communication tandis que le groupe 5 est aussi globalement spécialisé dans les services aux particuliers. Pour 1999, l'analyse des coefficients de spécialisation (Tableau 12)révèle une forme de recomposition sectorielle des zones d'emplois. Ainsi, les zones centrales du groupe 1 sont toujours fortement spécialisées dans les activités FIA et restent également spécialisées dans les services aux particuliers, mais elles conservent de justesse leur spécialisation dans le secteur des services aux entreprises. La zone Darcy (D6) présente le plus fort coefficient de spécialisation dans le secteur FIA et la zone Monge (D1) présente le plus fort coefficient de spécialisation dans les services aux particuliers. Les profils sectoriels de la Poste (D4),de la Gare (D64)et celui du groupe 4 qui contient les mêmes zones d'emplois qu'en 1990,restent inchangés. En revanche, les profils des groupes 5 et 6 se modifient entre 1990et 1999et l'explication n'est qu'en partie seulement liée à la modification de leur composition. En effet, si on réunit, pour chaque année, les groupes 5 et 6, on obtient globalement les mêmes zones (à l'exception de la zone D14). Ainsi, si ces zones gardent leur spécialisation dans les secteurs IND, CONST et COMGR,elles sont désormais plus nombreuses à être spécialisées dans les services aux particuliers (5 en 1999 contre 3 en 1990) et dans les services aux entreprises (5 en 1999contre 3 en 1990).Dans ces deux secteurs, les plus forts coefficients de spécialisation sont enregistrés dans la zone d'activités de la Toison-d'Or (D62) pour le secteur SPARTet dans la
53
Les nouvelles proximités urbaines
zone industrielle sud-est de Saint-Apollinaire (Sapo4) pour le secteur SENT. Tableau 12 REPARTITION DES SECTEURS DE SPECIALISATION DANSLES ZONES D'EMPLOIS EN 1999 GROUPES zones Nbsec spéc Groupe1
3 Dl
2
D2
3
D5
1
D6
3
D8
3
D9
2
D10
3
D14
1
Groupe2
D4
3
Groupe3
DM
1
Groupe4
4
% (sect) 46,4 (SPART) r74,1 SPART) 63,5 SPART) ~7,7 SPART) ~2,5 SPART) 133,9 SPART)
134(IND) ~1,8(IND)
D63
3
30,7 (IND)
GroupeS
3 D62
3
QuS
3 3
Groupe6 CbS
3
D27
4
FoS
3
Ma3
4
Perry
3
Sapo3
4
Sapo4
3
1,69 13,5 (SENT) 2,803 15,9 (FIA)
coeff. spéc.
% (sect)
coeff. spéc.
1,08
Il,7 (FIA)
2,16
48,2 (!ND) 49,7 SPART) 54,1 SPART) 46,4 SPART)
% (sect)
coeff'. % emploi spéc. 71,64 90,01
3,055
2,401 13,3 (SENT) 1,104 10,9 (FIA)
87,6
2,087
47,69
1,804 1,986 ~5,0(FIA)
4,797 12,8 (SENT)
1,068
90,33
1,281 60,4 (SENT)
2,53 20,1 (FIA)
3,853
84,34
K>5,5(INFTR) 3,687 Iso,s 1,911 ~1,0(FIA) ~SPART) 197,1 5,463 ~INFTR)
4
4
% (sect)
145,9(INFTR) 2,582 12,2 (SENT) 1,016 11,3 14,9 2,205 CaNST) 125,7(SENT) 2,13~ COMGR)
Co8
Lo4
coeff. spéc.
58,08 51,88
1,189
65,5 18,1 4,031 INFTR)
IS,6 1,69 17,9 (INFTR) 1,01 CONST) 12,4 1,088 ~0,2(SENT) 1,681 COMGR) 16,8 ~4,0 2,528 COMGR) 1,534 CaNST)
2,405 ~3,5(INFTR) 1,322 12 (CaNST) 1,87 12,6 (SENT) 1,04 10 'CO MGR) 12,1 2,046 18,5 (SENT) 1,54 COMGR) 11,1 8,5 1,754 CaNST) 1,169 COMGR) 14,6 ~,8 33,1 (lND) 1,63 l,51 (CONST) ~COMGR) 10,7 51,2 (!ND) 2,552 126(INFTR) 1,485 CONST) tn,3 31,4 (IND) 1,565 SPART) 1,183 13 (CaNST) 17,4 ~O,2(IND) 2,004 19,9 (SENT) 1,661 CaNST) 36,7 19,6 1,39 I/CONST) 2,063 16,7 (SENT) SPART) 14,2 129,4 1,114 CONST) ~8,6(INFTR) 2,737 SPART) 16,6 29,7 (IND) 1,479 ItCOMGR) 2,453 13,7 (SENT) 11,9 64,5 (IND) 3,219 122,7(SENT) 1,892 CONST)
89,61
1,018
97,07 12,4 1,64 COMGR)
1,83
79,9
1,829 9,5 (CaNST)
1,003
63,88
2,479 7,7 1,265 COMGR)
71,52 1,146
67,98
1,47
72,33
1,785
84,64
1,265
66,02
1,14
55,S
1,126
87,9
~,8 1,373 COMGR)
1,31
78,03
1,828 14,8 1,389 COMGR)
2,193
1,253
87,84 92,31
1,499 13,3 1,143 CaNST)
84,54
1,4
73,26 99,16
54
A. Rallet et A. Torre
Le groupe 5, composé des zones d'activités de Quetigny et de la Toison-d'Or à Dijon, présente un profil de spécialisation nouveau où se retrouvent à la fois des activités dites centrales (SENT et SPART) et des activités dites périphériques (COMGR).
Finalement, si l'on étudie la part occupée par les secteurs de spécialisation dans l'emploi des zones (Tableaux Il et 12),on s'aperçoit qu'ils représentent une part très importante (près de 80% en moyenne
pour chacune des deux années) allant des deux tiers à plus de 90% des emplois dans chaque zone. Une part très réduite des emplois se répartit ainsi dans les secteurs restants. Les secteurs les plus représentés en termes d'emplois sont les services aux particuliers pour les zones centrales et l'industrie pour les zones périphériques. Au contraire, dans les zones centrales, les plus forts coefficients de spécialisation sont enregistrés pour le secteur FIA. De même, lorsqu'une zone est spécialisée dans le secteur des infrastructures de transport et de communication, elle enregistre généralement de forts taux de spécialisation. D'une manière générale, plus le secteur est concentré sur l'agglomération et plus les coefficients de spécialisation sont élevés pour les zones concernées, alors que le secteur des services aux particuliers étant plus dispersé sur l'agglomération, il est plus difficile pour une zone d'être fortement représentative dans ce secteur, même si elle compte beaucoup d'emplois. De ces différents éléments, on peut fmalernent conclure que la plupart des zones d'emplois marquent fortement leur spécialisation dans un nombre réduit de secteurs et qu'elles font face à une absence de diversification de la part des autres secteurs (Combes, 2000). Une première synthèse de ces différents résultats montre que les logiques de localisation standard sont respectées en 1990.Les activités
« centrales» des secteurs FIA, des services aux particuliers et des services aux entreprises cherchent à exploiter les avantages de la centralités en termes d'accessibilité et d'interactions non marchandes. Les zones périphériques sont spécialisées dans les secteurs d'activités qui cherchent à éviter les coûts de la centralité (l'industrie, le
commerce de gros et la construction). En 1999, deux modifications intéressantes apparaissent: les services aux entreprises perdent leur image de secteur «central» et certaines zones économiques périphériques se diversifient par la localisation de services aux particuliers et de services aux entreprises. Cette évolution introduit une rupture dans les logiques de localisation du type «jobs follow jobs» observées dans les décennies précédentes. Elle traduit le dynamisme économique de quelques zones d'activités ainsi que le développement d'une zone d'activités économiques (la Toison d'Or) en périphérie. Seules les activités FIArestent « centrales ». L'analyse locale et sectorielle précédente met l'accent sur l'opposition bien marquée entre le centre et la périphérie et sur les
Les nouvelles proximités urbaines
55
tendances d'évolution différentes des zones centrales et périphériques. Ces résultats sont à rapprocher du contexte particulier dans lequel se situe notre étude. D'une part, elle s'inscrit dans un contexte de tertiarisation très forte de l'économie. D'autre part, notre période d'étude se situe dans les premières phases d'observation des mouvements de suburbanisation des emplois tertiaires supérieurs (Boiteux-Orain, Huriot, 2002), tels que les services financiers ou certains services aux entreprises comme le conseil, l'expertise, la R&D, les services juridiques et informatiques, la communication... Enfm, la tendance globale de l'emploi salarié privé sur la COMADIprésente une diminution de 5% entre 1990 et 1999. Dans un tel contexte, nous pensons que cette diminution globale peut masquer des variations sectorielles et géographiques: certains secteurs ont perdu des emplois tandis que d'autres en ont gagné et nous nous attendons à ce que le secteur tertiaire soit dynamique; certaines zones ont perdu des emplois alors que d'autres en ont gagné et nous pouvons rechercher si des phénomènes de suburbanisation des emplois sous-tendent ces évolutions. ill-
L'EVOLUTION TEMPORELLE: ENTRE MULTIPOLARISA TI ON ET SUBURBANISA TION
Les phénomènes de suburbanisation des emplois sont généralement caractérisés à partir de deux critères: II un accroissement plus important des emplois dans les zones périphériques que dans les zones centrales et 21une forte représentativité des activités tertiaires supérieures dans les zones d'emplois périphériques. Nous avons examiné ces deux critères pour la COMADI.
Compte tenu de la répartition géographique des zones d'emplois sur la COMADI(évaluée par la distance au centre: DCENTRE)et sur la base d'une représentation radioconcentrique de l'espace urbain, une décomposition en trois couronnes apparaît la plus pertinente (Tableau 13).Les zones d'emplois centrales composant le « Centre-Ville» sont comprises dans un rayon de 1 km et celles composant la « Périphérie» occupent une couronne située au-delà d'un rayon de 4 km. Seules 4 zones d'emplois se situent dans une couronne «Intermédiaires» mais il n'est pas pertinent de les rattacher soit au Centre-Ville soit à la Périphérie, compte tenu de leur localisation, sans introduire trop d'hétérogénéité dans ces 2 groupes. Néanmoins, nous gardons à l'esprit que les zones Intermédiaires sont plutôt éloignées du CentreVille et plutôt proches de la Périphérie.
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A. Rallet et A. Torre
1. L'évolution Centre-Périphérie de l'emploi
L'analyse de la recomposition économique de la COMADIentre 1990et 1999est menée en travaillant à la fois sur l'emploi global et sur l'emploi par secteur et les résultats sont donnés en taux de croissance (Tableau 14). Tableau 13 DECOMPOSITION RADIOCONCENTRIQUE DE LA COMADI Couronne Centre-Ville
4 (206); D2 (306); Dl (344); D6 (449); D64 (574) 5 (676); D8 (776); D9 (1049); D14 (1056); DI0 1069)
Intermédiaire
27 (2233); F05 (3428); D63 (3638); Co8 (3906)
Périphérie
04 (4371); Sap04 (4381); D62 (4599); Qu5 (4612) a 03 (4652); Ma3 (5548); Perry (7529); Ch5 (8926)
Tableau 14 EVOLUTION
CENTRE-PERIPHERIE
rrX9099
EMP
NET AB CONST
K:entre Ville
-19,61
-8,98
Intermédiaire
8,27
15,61
Périphérie
16,16
COMADI
-4,79
DE L'EMPLOI
IND
COMGR
-28,79
-53,30
7,81
-19,24
56,54
2,26
1,42
-14,52
(1990 ; 1999)
INFTR
FIA
SPART
SENT
-41,85
22,83
-35,22
-12,16
-59,40
-22,62
-36,65
-43,10
-3,57
190,02
-25,57
14,03
26,00
101,81
105,14
127,46
-23,76
-18,62
10,77
-16,22
10,09
4,08
Globalement les zones d'emplois du Centre-Ville ont connu une forte dégradation de l'emploi (-19,61%),alors que les zones des pôles d'emplois périphériques sont caractérisées par un taux de croissance
de
16,16%
de l'emploi total. Ces résultats très contrastés, mis en
relation avec la baisse globale de l'emploi de 4,79%sur l'ensemble de la COMADI,révèlent bien une tendance à la ditninution de l'attractivité du centre contre une tendance au dynamisme de la périphérie. Deux explications, non exclusives, sont possibles. Ne disposant pas, dans notre base de données, des informations sur les destructions et créations d'entreprises et les changements de localisation, nous ne pouvons discriminer ces différents effets. Ainsi, certaines activités
Les nouvelles proximités urbaines
57
économiques peuvent se délocaliser et quitter le centre pour la périphérie où les charges foncières sont moins élevées et l'accessibilité meilleure: on assiste alors en partie à un simple transfert des emplois. Les activités concernées valorisent plus les facteurs précédents que les avantages retirés de la centralité. On peut également considérer qu'entre 1990et 1999,les activités traditionnelles occupant le centre ont été plus touchées par les difficultés économiques tandis que la périphérie a accueilli de nouvelles activités, notamment des activités tertiaires. La tertiarisation croissante des économies, la restructuration des systèmes productifs liée aux difficultés économiques et à l'essor des NTIC sont ainsi autant d'éléments qui concourent à expliquer les dynamiques différentes des zones centrales et des zones périphériques. L'évolution sectorielle des emplois entre 1990 et 1999 apporte un éclairage qualitatif à ces tendances. On constate que le Centre-Ville perd des emplois dans tous les secteurs, y compris les secteurs tertiaires traditionnellement centraux comme les secteurs FIAet SENT, sauf pour les activités de transport et de télécommunication (rappelons que les zones de la Gare et de la Poste occupent le Centre-Ville). En revanche, les zones périphériques gagnent des emplois dans tous les secteurs, sauf pour l'industrie. Nous constatons en particulier des taux de croissance positifs des emplois dans les secteurs tertiaires FIA, des services aux particuliers et des services aux entreprises. Les zones intermédiaires perdent globalement des emplois dans tous les secteurs sauf dans le secteur de la construction et des services aux entreprises. Face à ces évolutions économiques, on peut se demander si un phénomène plus complexe d'évolution de la configuration spatiale des emplois et de la population n'est pas en train de se produire. 2. Une recomposition
urbaine complexe
Mm d'appréhender les logiques de concurrence pour l'occupation des sols à l'œuvre au cours de la période d'étude, nous avons comparé l'évolution, entre 1990et 1999,des emplois par secteurs à celle de l'évolution de la composition résidentielle vs économique des différentes zones prises individuellement (Tableau 15). Nous pouvons alors observer quelques phénomènes de recomposition intéressants. En premier lieu, il apparaît que les pertes d'emplois dans les secteurs traditionnellement localisés au centre concernent pratiquement toutes les zones du Centre-Ville. Ceci est particulièrement sensible pour les services aux entreprises et les services aux particuliers. On observe parallèlement une progression de l'occupation résidentielle des zones centrales au cours de la période. De la même manière, les secteurs périphériques traditionnels comme l'industrie ou le commerce de gros sont en déclin dans pratiquement toutes les zones périphériques ou intermédiaires. En revanche, bon nombre de zones périphériques gagnent des emplois dans les services
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A. Rallet et A. Torre
aux entreprises et dans les services aux particuliers, tandis que seules quelques-unes d'entre elles gagnent des emplois dans le secteur FIA. Ces dynamiques positives sur les services concernent principalement les zones économiques de la Toison-d'Or (D62),du nord-est dijonnais (D63), de Chevigny (Cb5), de Marsannay (Ma3) et de Quetigny (Qu5). Ces différents mouvements s'accompagnent naturellement d'une diminution (resp. augmentation) du nombre d'établissements dans la plupart des zones centrales (resp. zones périphériques). Il ressort ainsi de ces différents constats que les mouvements de recomposition sectorielle au sein des différents pôles d'emplois ne sont pas le fait de zones isolées, mais s'inscrivent au contraire dans une tendance plus globale. L'ensemble de ces résultats conforte, d'une part, la tendance quantitative de recomposition de la centralité au sein de la COMADIau bénéfice des zones économiques périphériques et au détriment des zones économiques centrales et suggère, d'autre part, une forme de recomposition qualitative (i.e. sectorielle) de cette centralité. Nous devons néanmoins nuancer nos propos sur trois points. En premier lieu, nous devons souligner que les analyses en taux de croissance doivent être relativisées par rapport aux volumes des emplois concernés. Ainsi les forts taux de croissance dans les services enregistrés dans les zones périphériques s'expliquent par le faible
niveau de ces emplois en 1990. Le deuxième point concerne le fait que nous ne disposions pas de l'emploi du secteur public, ce qui sousestime sûrement la réalité économique des zones d'emplois centrales. Le troisième point est que nous ne pouvons qu'évoquer ce phénomène de recomposition qualitative de formation de centres économiques tertiaires susceptibles de concurrencer les zones économiques centrales car ces phénomènes sont encore seulement naissants dans les grandes métropoles européennes. Un facteur explicatif important de la recomposition de l'espace dijonnais est sûrement la création de la Zone d'Activités Tertiaires et Commerciales de la Toison-d'Or au nord-est de la COMADIet ceci à proximité de zones économiques déjà existantes et faisant partie des zones les plus riches en emplois. La présence de voies de communication rapides à l'est de la COMADIest également un facteur important pour expliquer le dynamisme du pôle d'emploi Nord. De même l'implantation d'un échangeur auto-routier au sud-est de la COMADIconstitue sûrement un facteur explicatif du développement global de l'emploi dans la partie Est de la COMADI. Enfm, on peut noter que l'émergence en 1999du pôle d'emplois de Chevigny à proximité du pôle d'emplois de Quétigny (cf Carte Ib) permet de profiter de l'effet « boule de neige» créé conjointement par l'amélioration de l'accessibilité et de la proximité aux zones d'emplois. Dans cette perspective, la décision de créer un pôle d'excellence consacré aux activités tertiaires sur la commune de Chevigny ne peut qu'accentuer la dynamique positive de l'emploi à
Les nouvelles proximités urbaines
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l'est de la COMADI.Ce dernier point illustre certes le rôle des grands agents dans l'aménagement de l'espace mais montre également comment les logiques économiques de localisation des activités interagissent avec ces actions. CONCLUSION
Notre étude de la recomposition économique de la COMADInous a conduits dans un premier temps à examiner le caractère multipolarisé de cet espace. Nous avons ainsi identifié plusieurs centres d'emplois pertinents, à la fois en 1990 et en 1999,confIrmant une tendance à l'organisation multicentrique de l'espace urbain dijonnais: le pôle d'emplois historique du centre-ville, 2 pôles d'emplois périphériques au Sud et au Nord de l'agglomération et 2 zones d'emplois isolées. Pour étudier l'éventualité d'un phénomène de
suburbanisation des emplois au cours des années 1990, nous avons recherché les liens existant entre la localisation des emplois et les secteurs d'activités. Nous avons ainsi mis en évidence un phénomène traditionnel de spécialisation des pôles périphériques dans les emplois industriels et de spécialisation du centre-ville dans les emplois de services aux particuliers et de services financiers, d'assurance et d'immobilier. Nous avons par ailleurs observé une recomposition de cette organisation spatiale des emplois en 1999: les pôles périphériques gagnent des emplois tertiaires alors que l'emploi au centre-ville tend globalement à diminuer. Ce phénomène reste à nuancer car nous ne disposions pas des données d'emplois du secteur public. Néanmoins, nous montrons qu'il existe un déséquilibre de la répartition des emplois dans la COMADIopposant l'ouest à l'est aussi bien en 1990 qu'en 1999. L'évolution sur cette période révèle de surcroît un dynamisme économique important au nord-est de la COMADI,ce qui tend à renforcer l'image d'un «vide» économique à l'ouest de l'agglomération.
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