LES ARCHIPELS ÉGÉENS ,
DANS L'ANTIQUITE
GRECQUE
(Ve - Ile siècles av. notre ère)
Unité de Recherche Associée au C.N...
107 downloads
872 Views
14MB Size
Report
This content was uploaded by our users and we assume good faith they have the permission to share this book. If you own the copyright to this book and it is wrongfully on our website, we offer a simple DMCA procedure to remove your content from our site. Start by pressing the button below!
Report copyright / DMCA form
LES ARCHIPELS ÉGÉENS ,
DANS L'ANTIQUITE
GRECQUE
(Ve - Ile siècles av. notre ère)
Unité de Recherche Associée au C.N.R.S. 0338 Identité, Différences, Intégration dans les Sociétés de l'Antiquité
© Annales Littéraires de l'Université de Franche-Comté 1996 LS.B.N. 2 25160616 5
Institut des Sciences et Techniques de l'Antiquité Centre de Recherches d'Histoire Ancienne - Volume 157
Patrice BRUN
,
,
LES ARCHIPELS EGEENS DANS L'ANTIQUITE"
GRECQUE
(Ve - Ile siècles av. notre ère)
Annales Uttéraires de l'Université de Franche-Comté, 616 Diffusé par Les Belles Lettres, 95 boulevard Raspail. 75006. PARIS 1996
ABREVIATIONS Agriculture in Ancient Greece : B. Wells éd. Agriculture in Ancient Greece, Stockholm, 1992 Babelon : E. Babelon, Traité des monnaies grecques et romaines, Paris, 1907, II, 1 Chios: J. Boardman - C.E. Vaphopoulou-Richardson édd., Chios. A Conference at the Homereion in Chios, Oxford, 1984 Cité grecque: O. Murray - S. Priee édd., The Greek City from Homer to Alexander, New York, 1990 (trad. ff. Paris, 1992) Classical Marble : N. Herz - M. Waelkens édd., Classical Marble: Geochemistry, Technology, Trade, Dordrecht, 1988 Les Cyclades: Les Cyclades. Matériaux pour une étude de géographie historique, Paris, 1983 GGM: C. Müller, Geographici Graeci Minores, Paris, 1861 GHI: M.N. Tod, Greek Historical Inscriptions, Oxford, 1949 Head, HN: V. Head, Historia Nummorum, Oxford, 1911 Human Landscapes: G. Shipley - J. Salmon édd. Human Landscapes in Classical Antiquity. Environment and Culture. Londres, 1996 LSCG: F. Sokolowski, Lois sacrées des cités grecques, Paris, 1969 Melos: C. Renfrew - M. Wagstaff édd., An Island Polity. The archaeology of exploitation in Melos, Cambridge, 1982 Northern Keos : J.F. Cherry - J.L. Davis - E. Mantzourani, Landscape Archaeology as Long-Term History. Northern Keos in the Cycladic Islands, Los Angeles, 1991 PCZen. : c.c. Edgar, Catalogue général des Antiquités égyptiennes du Musée du Caire, Zenon Papyri, 1925-1940,5 vol. Pozzi: S. Boutin, Catalogue des monnaies grecques antiques de l'ancienne collection Pozzi, Maastricht, 1979 PSI: Papiri greci e Latini. Publicazione delle Societa italiana per la ricerca dei papiri, Florence, 1917 Recherches dans les Cyclades: R. Dalongeville - G. Rougemont édd., Recherches dans les Cyclades, Lyon, 1993 SGHI : R. Meiggs - D. Lewis, A Selection of Greek Historical Inscriptions, Oxford, 1969 SNG Copenhague: Sylloge nummorum Graecorum. The Royal Collection of Coins and Medals ofthe Danish National Museum. Argolis - Aegean Islands. Réédition, New Jersey, 1982
2
PATRICE BRUN
N. B. La transcription des noms et lieux grecs suit l'usage en vigueur dans les publications françaises: l'èta donne normalement un è ("Thèra") mais on écrira "Ténos". De même, le kappa est retranscrit en k dès lors que le son guttural serait transformé
devant une voyelle ("Kéos", "Carthaia", "Chalcis"), à l'exception là encore des cas consacrés par l'usage ("Kythnos", mais "Cythère").
" J.lEO'll 'tllÇ EO'1tEtpE " , " Ka't EtKOVa " " Kat, 0''t1l KOO'J.l0UÇ J.ltKPOUÇ Kat' ( 0J.l0troO'll J.l0U . "11t1tot 1tÉ'tptvOt J.lÈ 'tl, xat'tll opal, Kat yaÀl1vtOt àJ.l<jlopEÎç Kat ÀoçÈç ÔEÀ<jltvtWV paXEç Ào ç "Ioç L1KtvOç LÉpt<jlOÇ
ft
ft
ft
ft Mll
Et au milieu, il sema de petits mondes à mon image et à ma ressemblance : Chevaux pétrifiés à la crinière droite, Amphores calmes, Echines obliques des dauphins, los, Sikinos, Sériphos, Mélos Odysseus Elytis (1911-1996), Ta Axian Esti
AVANT-PROPOS Quelques mots de remerciements aux nombreux collègues et amis qui m'ont régulièrement témoigné l'intérêt qu'ils portaient à mon travail sont indispensables avant de commencer. A ceux de Bordeaux et de Toulouse, Raymond Descat, qui n'a jamais été économe de son temps pour me fournir quelque éclairage sur tel point de numismatique ou me signaler des références bibliographiques qui avaient pu m'échapper, Pierre Debord, qui depuis vingt ans me prodigue avec patience ses encouragements, Alain Bresson et Pierre Briant, avec qui les discussions lors de nos prospections cariennes ou dans les couloirs de l'Université s'avérèrent toujours fructueuses. A Emile Kolodny, à maintes reprises sollicité pour des problèmes liés à la démographie insulaire et toujours disponible. A Alexandre Mazarakis-Ainian, qui m'a ouvert sans la moindre réticence ses dossiers archéologiques sur Kythnos. A Lina Mendoni et Panayotis Doukellis qui, à Athènes ou à Kéa, m'ont toujours fait le meilleur accueil, adressé les livres qui ne parvenaient pas jusqu'en France - ou avec quel retard ! - et avec lesquels tant de bons souvenirs nous lient. A Nathalie Junca-Tran dont la patience et la compétence m'ont permis de réaliser le travail cartographique et évité bien des écueils pour tout ce qui touche au traitement informatique. Remerciements aussi à cette terre insulaire grecque que j'arpente depuis plus de dix ans, seul ou avec Evelyne, à cette terre qui ne se livre pas, trop habituée qu'elle est désormais à n'accueillir un étranger que sur ses rivages; à la plus petite chapelle, digne héritière, comme l'a suggéré il y a peu Panayotis Doukellis, de ces tours qui forment aujourd'hui les vestiges archéologiques les plus fréquents et asile pour le promeneur; à la modeste spitaki dont la treille sauvage ou l'amandier offre pareillement quelques minutes d'ombre et de repos, dernier endroit peut-être de la Grèce où l'on peut s'imaginer la vie rude et frugale du temps passé, entre la succession des terrasses abandonnées et l'aire à battre délaissée, maisonnette balayée par le vent du nord ; à ces ruines ingrates, murailles ou tours isolées, musées de plein air sans gardien pour vendre un billet d'entrée. On ne saurait certes envisager aujourd'hui une étude de géographie historique sans un travail sur le terrain et dans ce domaine comme dans d'autres, Louis Robert a montré la voie : la bonne compréhension des sources et de la littérature de voyage en dépend étroitement même s'il n'est bien entendu pas envisageable de se passer de la recherche historiographique moderne. D'où sans doute, par le cumul de ces trois origines, l'afflux parfois gênant de notes de bas de pages pouvant accentuer le côté rébarbatif d'une étude de ce que je crois être les réalités insulaires antiques. D'où aussi
4
PATRICE BRUN
une accumulation d'exemples de détail qui pourront lasser mais qui sont indispensables pour prendre conscience de la variété égenne. Enfin, concernant les illustrations, j'ai privilégié des sites et des îles moins rebattus: une énième photographie de la tour d'Ayia Marina de Kéos ou d'Ayios Petros d'Andros ou des murailles d'Arkésinè d'Amorgos pour ne pas parler des vestiges déliens - n'aurait à mon goût guère de sens. Un dernier mot avant de commencer. Qu'il me soit ici permis de saluer la mémoire de Jacques Coupry, mort en décembre 1993 et qui m'avait, au cours d'une conversation amicale dans sa retraite d'Hyères, conseillé de voir "s'il n'y avait pas quelque chose à étudier du côté des petites îles de l'Egée". J'espère seulement que ce travail ne sera pas trop indigne de son souvenir.
INTRODUCTION Un guide touristique grec à destination du grand public présente l'île de Skyros en ces termes: "L'île, parmi les plus belles non seulement des Sporades, mais de l'Egée en général, se distingue par son architecture populaire, la richesse de sa tradition folklorique et la grande variété de son paysage, où alternent les rivages sablonneux, les rochers abrupts, les petits golfes pittoresques, les grottes aux eaux bleues, la verdure et les sites historiques" 1. Tel n'était pas, loin s'en faut, le jugement que l'île inspirait dans l'Antiquité: "Terre tout à fait triste, stérile et vide d'hommes" pour Elien, qui "doit son nom à son aspect rude et aux pierres qui la recouvrent" renchérit le commentateur Eustathe2 . Il s'agit pourtant bien de la même île et cette opposition flagrante, qu'il est commode d'expliquer par le développement récent du tourisme balnéaire égéen qui vante ce que le consommateur attend - les plages de sable, des paysages, un folklore - illustre la dichotomie qui règne dans la manière de penser les îles, aujourd'hui paradis perdu, protégé ou à protéger dans l'imaginaire occidental, imprégné d'un fantasme englobant tout à la fois les Seychelles et Bali ou, pour rester en pays grec, Myconos et Scorpios, mais monde hier marginal, mal touché par la civilisation bienfaisante. Nul besoin d'insister sur le fait que la vision de l'île-villégiature est toute nouvelle; longtemps a prévalu l'image inverse, celle d'un monde dur, encore ensauvagé si l'on approfondit les propos d'Elien. Telle était la vision des voyageurs de l'époque moderne, qui demeure jusque dans les années soixante, avant le grand boom touristique, quand Jacques Lacarrière, dans l'Eté grec, brosse de Sériphos ou de Pholégandros un triste et beau tableau dominé par le couple pauvreté-exode. C'est cette dernière image qui va faire l'objet dans les pages suivantes d'une analyse critique: valable pour une période donnée, doit-elle être étendue à l'Antiquité classique et hellénistique? Disons-le tout de suite, ce travail est une thèse, non pas au sens universitaire du mot mais dans son acception première, qui est de défendre une idée : les îles de l'Egée, et pas seulement les plus grandes, n'étaient pas, dans l'Antiquité grecque, ces zones de misère trop souvent décrites. Des recherches précédentes sur Athènes au IVO siècle m'avaient, à de multiples reprises, mis en contact avec des textes où la pauvreté insulaire était une métaphore naturelle s'appuyant sur des termes rhétoriques et des lieux communs dont la surabondance tardo-hellénistique et romaine, voire byzantine puis moderne ne 1. E. Karpodini-Dimitriadi, Les îles grecques. Un guide illustré de toutes les îles grecques, Athènes, 1988, p. 108. 2. Elien, Anim. IV, 59 ; Eustathe, Corn. Denys Pér. 525, GGM II, p. 317.
6
PATRICE BRUN
parvenait pas à dissimuler l'origine géographique et historique: l'Athènes des YO-IYo siècles avant notre ère, dont la puissance méprisait ce qui n'était pas à son échelle. C'est d'ailleurs un peu le sens du mot micropoliteia qui sert parfois pour définir une cité de petite taille, aux ambitions modestes et étriquées, méprisée par l'auteur ou le locuteur - et souvent insulaire. Certes, toutes les îles de l'Egée ne s'insèrent pas dans cette catégorie et l'on pourra être surpris d'y voir intégrées des cités ne correspondant pas tout à fait à l'idée que l'on se fait de l'insignifiance, mais le mot désigne le plus souvent un ensemble, conçu comme pauvre et faible. Cette quasi-unanimité des sources d'époque athénienne puis romaine et byzantine, corroborée par les réflexions des voyageurs d'époque moderne et par les conclusions de nombreux historiens contemporains est une "masse de granit" qu'il n'est guère facile d'ébranler. Et pourtant, une analyse poussée des documents de référence doit laisser place à davantage de nuances d'abord parce que l'unanimité n'est pas totale et qu'il est loisible de s'insérer dans cette brèche; ensuite parce qu'il est possible, à la lumière du contexte littéraire et historique des textes, d'offrir une interprétation différente des propos définitifs sur la pauvreté des îles. Enfin, parce que la vision que nous pouvons avoir aujourd'hui des îles grecques, montagneuses, dénudées, balayées par le vent et désertes dès lors que l'on s'éloigne tant soit peu des marines animées, ne doit en aucun cas être calquée sur la réalité antique. Je ne crois plus que les îles étaient alors pauvres, pas plus en tout cas que ne l'étaient la majorité des cités grecques continentales de taille équivalente, et peut-être moins. Aussi, après avoir tenté de démontrer que ces propos traditionnels ne reposaient pas sur des critères que nous jugeons aujourd'hui économiques, ai-je essayé de démonter le mécanisme qui fit des îles le paradigme de ce couple infernal pauvreté / faiblesse. Car ce n'est pas tout de nier la pauvreté des îles; encore faut-il pour admettre la fausseté de cette analyse et, sinon renverser, du moins nuancer ces jugements excessifs, expliquer les raisons qui ont amené les auteurs de l'époque classique et par-delà les sources postérieures, à dénaturer la réalité. Mais cela ne pouvait se faire avant d'étudier de manière détaillée tout ce qui faisait la richesse des îles dans l'Antiquité: son agriculture d'abord, décriée par les voyageurs modernes qui avaient sous les yeux le triste spectacle d'un monde opprimé par une puissance extérieure et mal mis en valeur, en proie aux exactions multipliées des corsaires et pirates de tout poil et de toute nationalité: les Yénitiens, les Génois, les Maniotes aussi - des Grecs, pourtant - ont souvent fait plus de mal aux Insulaires que les Turcs, guère intéressés par ces petites îles aux potentialités fiscales limitées, et qui laissaient aux archontes locaux le soin de lever le karaç. Agriculture qui, les récentes recherches archéologiques dans les îles jointes à l'étude minutieuse des sources écrites le prouvent, devait être beaucoup plus prospère que l'image de ces terres brûlées et désertes ne le laisse penser aujourd'hui et devait autoriser une forme d'autarcie dont je tâcherai de définir les contours exacts. Mais richesses minérales aussi, ainsi que celles tirées de la mer, la pêche, bien sûr, et ce fil conducteur commercial que l'Egée représente pour des îles dont la situation permettait l'essor dans un monde classique et hellénistique ouvert. Etudier la place exacte de ces îles en relativisant la portée des remarques fielleuses des sources athéniennes, c'est aussi partir à la recherche de la forme cellulaire de la cité grecque, l'unité de petite taille dont les centaines d'exemplaires sont occultés par la prédominance militaire, économique, culturelle, d'Athènes devenue le modèle inaltérable de cité grecque, la Cité grecque, comme l'écrivit, et avec quel talent même si les
LES ARCHIPELS ÉGÉENS DANS L'ANTIQUITÉ GRECQUE
7
perspectives de recherche ont aujourd'hui quelque peu changé, Gustave Glotz. A coup sûr devait-il y avoir dans le monde grec plus de citoyens vivant selon le modèle de la petite et la moyenne cité que dans le cadre de la grande, telle Sparte, Thèbes ou encore une fois, Athènes. Ces propos introductifs doivent nous permettre de situer le débat. Je justifie dans le premier chapitre les raisons - que d'aucuns trouveront discutables - ayant conduit à retrancher de mon domaine d'investigation les grandes îles proches des continents grec et asiatique ainsi que la Crète : disons dès l'abord que le rejet de ces unités insulaires majeures permettait de dégager une certaine cohérence géographique même si l'archipel égéen est riche d'abord de sa diversité - ce qui explique le titre pluriel d'archipels égéens. Un identique souci de cohérence, historique cette fois, m'a amené à privilégier la période VO-milieu 11° siècles et je m'en explique également. Mais la question primordiale demeure celle-ci: peut-on faire une synthèse sur le monde grec insulaire antique? Synthèse est, on s'en rendra compte au fil des pages, un bien grand mot car la rareté des sources événementielles interdit un véritable suivi chronologique. Les auteurs anciens se sont, il est vrai, peu intéressés à ce champ géographique mais, on le verra, ce ne sont pourtant pas les renseignements de tous ordres qui manquent. Ils sont par contre disparates aussi bien sur le plan géographique que chronologique et nous souffrons surtout d'une certaine incohérence de notre documentation, étalée sur plusieurs siècles. Cela a rejailli sur la recherche moderne et explique que nous disposions de peu de monographies quoique la route soit désormais ouverte3 ; des études historiques éclairent à présent le débat4 mais il existe toujours de graves lacunes: si l'on met de côté la brillante exception que représente Délos, bien sûr, mais encore Ténos, Mélos, Kéos et désormais KythnosS, une étude archéologique des fortifications urbaines par exemple reste à faire. Dans le meilleur des cas, elles ont été décrites plus ou moins succinctement (comme celles du Dodécanèse par Hope Simpson et Lazenby), voire le reste du temps à peine évoquées pour Andros, où deux campagnes sporadiques seules ont été menées sur le site de Palaiopolis aux murailles antiques encore visibles6 • L'autre insuffisance concerne la numismatique: il n'existe guère de synthèse sur les frappes insulaires qui permettraient de dater et d'expliquer arrêts et reprises des émissions monétaires. On le voit, c'est plus, infine, la réflexion méthodologique qui fait défaut que les sources. Quant à l'idée majeure selon laquelle il est impossible d'étudier et de comprendre le monde insulaire sans une prise en compte systématique des continents qui l'entourent, il va de soi que je l'entends et cela d'autant plus que l'opposition entre îles et continent est l'une des plus courantes de la pensée grecque, elle-même si avide d'établir parallèles et distinctions? Mais une telle position n'est pas incompatible avec une étude centrée sur les 3. Voir les lignes initiales de l'orientation bibliographique. 4. RS. Bagnall, The Administration of the Ptolemaic Possessions outside Egypt, Leyde, 1976 ; K. Buraselis, Das hellenistiche Makedonien und die Agiiis, Munich, 1982. Sans oublier bien sOr la riche bibliographie sur Délos avec les livres de Claude Vial, Philippe Bruneau et Gary Reger. 5. A. Mazarakis-Ainian, AE 1993 [1995] p. 217-253. 6. BCH 81, 1957, p. 610-612 ; Ill, 1987, p. 563. 7. Homère, lliade, II, 631-636, Odyssée, IV, 603-607 ; XIV, 97-98 ; Hésiode, Théogonie, 964 ; Hérodote, J, 171 ; Il, 97; III, 39 etc. Thucydide, J, 5,1 ; 9, 4; Isocrate, IV, 132; XI, 14. Cf. S. Vilatte,
8
PATRICE BRUN
îles. Pour des périodes différentes, E. Malamut et BJ. Slot ont pu montrer l'originalité historique de cet espace insulaire même si les frontières qu'ils ont choisies ne sont pas exactement les miennes. La grande synthèse géographique d'E. Kolodny permet enfin de s'assurer qu'une telle étude est légitime 8 .
L'insularité dans la pensée grecque, Paris-Besançon, 1991. Sur l'idée d'opposition conçue comme mode de pensée, P. Cartledge, The Greeks. A Portrait of Self and Others, Oxford, 1993. 8. B.l. Slot, Arcipelagus Turbatus. Les Cyclades entre colonisation latine et occupation ottomane, c. 1500-1718, Istanbul, 1982 ; E. Malamut, Les îles de l'Empire byzantin, Vl/lo-XIlo siècles, Paris, 1988 ; E. Kolodny, La population des îles de la Grèce, Aix en Provence, 1974.
PRESENTATION GEOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE Exista-t-il une vie grecque antique spécifiquement insulaire ? Et les contemporains, le cas échéant, en avaient-ils conscience ? Loin des joutes oratoires athéniennes, de l'entraînement militaire spartiate, des fastes de la cour de Pella ou de Pergame, le monde des îles de l'Egée donne une image austère et aride que je me propose d'étudier ici. Mais avant toute chose, il convient, comme toujours dans ce genre d'ouvrage, d'en expliquer l'économie et les contours, tant géographiques qu'historiques. L'Egée, on le sait, est parsemée d'une multitude d'îles, qui du simple îlot rocheux à "la plus grasse île de la mer", offrent un éventail bien diversifié. Mais moins qu'une étude de toutes les îles de la mer grecque, c'est une analyse du phénomène de l'insularité à une époque déterminée qui est le but avoué de ce travail. Aussi vais-je d'abord m'efforcer d'en définir l'espace géographique puis chronologique. LIMITES GEOGRAPHIQUES
Cette remarque paraîtra, dans un premier temps seulement je l'espère, un peu incongrue. Car enfin les limites de la mer Egée sont bien connues: l'Hellespont au nord, la ceinture en chapelet formée du sud du Péloponnèse, de Cythère, de la Crète, de Carpathos, de Rhodes et de la presqu'île de Cnide. Toutefois, ce n'est pas un travail sur l'Egée-mer dont il est question ici, mais sur l'Egée-îles. Alors, il nous faut définir et définir, c'est choisir, donc éliminer ce qui, dans l'optique générale choisie, s'écarte du sujet. Sans doute n'est-il guère besoin de s'étendre sur le fait que la Crète ne sera ici pas étudiée: sa superficie à elle seule, le grand nombre de cités dont un certain nombre n'ont pas d'accès à la mer, justifient que l'on ne puisse parler, à son égard et dans un contexte antique, d'une terre où le sentiment de l'insularité serait très développé. D'autre part, sa mise à l'écart de la vie politique et sociale du monde grec dans son ensemble jusqu'à la fin du I1I C siècle, en fait une terre originale que l'on étudie de préférence seule l . Mais d'autres retraits méritent des explications. L'Eubée est de ceux-là. Pourtant, la taille de l'île, son éclatement en cités puissantes, est déjà un signe de conditions particulières qui indiquent que "l'île aux boeufs" est parvenue à sublimer son cadre insulaire. C'est aussi le très faible espace qui . 1. H. Van Effenterre, La Crète et le monde grec de Platon à Polybe, Paris, 1948 ; R.F. Willets, The civilization ofAncient Crete, Londres, 1977 ; G. Harrisson, The Romans and Crete, Amsterdam, 1993.
10
PATRICE BRUN
la sépare du continent, une quarantaine de mètres aujourd'hui au niveau de Chalcis, tout au plus quelques centaines de mètres dans le nord. Historiquement, la mer ne fut guère un obstacle: en 411, l'Euripe est obstrué et l'Eubée reliée à la terre ferme par un pont de bois que Théramène ne peut détruirez. Au-delà de cette construction par essence fragile, l'Eubée était considérée comme une annexe du continent et au IVo siècle, Ephore affirme, réflexion intéressante pour notre problématique, que l'Eubée fait presque partie de la Béotie puisque le détroit qui les sépare n'est que de deux plèthres (une soixantaine de , )3 . metres D'autres indices tendent d'ailleurs à éloigner les cités de l'Eubée de la sphère égéenne : situées toutes, à une exception près, sur la façade occidentale de l'île qui regarde la Grèce centrale, elles sont presque institutionnellement absentes de Délos quand les théarodoques de Delphes y viennent souvent. C'est que la côte orientale, soumise de plein fouet aux forts courants qui viennent de l'Hellespont et aux vents violents, est une vraie côte sauvage4 • Histiée, au nord de l'île, ne se désintéresse pas de Délos 5 mais le reste de l'Egée semble n'avoir eu que très peu de rapports avec cette cité: la liste des proxènes IG XII 9, 1187 (+ XII Suppl. p. 198 ; Sylf.3 492) pour autant que cela puisse fixer un ordre d'idée des relations extérieures d'un Etat, sur vingt-deux ethniques conservés, ne donne que deux cités insulaires, Samos (1. 17) et Ténédos (1. 18, 33). Mais si la mise à l'écart de l'Eubée peut être acceptée, encore conviendrait-il d'en moduler la portée en ce qui concerne Carystos, la cité la plus méridionale. Sa situation, sur l'Egée et non pas sur le canal d'Eubée, son isolement du reste de l'île par des montagnes difficiles d'accès 6, faisaient d'elle presque un isolat. Mais ce sont surtout ses liens intimes avec Délos dès l'époque archaïque, c'est-à-dire en un temps où l'emporion n'attirait pas encore, qui font de Carystos une vraie cité égéenne, "qui appartient déjà au monde des Cyclades" pour Olivier Picard, et pour tout dire, presque une île de l'Egée qu'il est difficile d'éliminer7 • L'Eubée n'est pas la seule île à se rattacher davantage au continent qu'à la mer ou, en tout cas, ne vivant pas des seules richesses de son territoire et de son insularité. Je veux parler ici de toutes les îles possédant une pérée : cette dernière les autorise à dépasser le cadre étriqué de leur insularité, à ne pas rechercher dans les seules ressources insulaires les moyens de leur subsistance. Bien sûr, elles demeurent des îles, avec les 2. Diodore, XIII, 47, 3-5. Ce même pont de bois - ou un autre - est encore attesté en 200 : Tite-Live, XXXI, 24, 3. Le géographe Agathémère (GGM II, p. 486) : "L'Eubée est reliée à la Béotie par un pont". 3. FGrHist. II A 70 F. 119. 4. O. Picard, Chalcis et la Confédération eubéenne, p. 212. 5. On pense en priorité au célèbre décret des Histiéens en l'honneur d'Athénodoros de Rhodes découvert à Délos (Durrbach, Choix, 50), mais l'Index de 1. Tréheux prouve bien d'autres occurrences de la présence d'Histiéens à Délos. L. Robert a également montré les liens qu'il pouvait y avoir entre Délos et l'abondant monnayage d'Histiée au IIIO siècle (Etudes de numismatique grecque, p. 179-186). 6. Description du site par R. Meiggs, Athenian Empire, p. 123 ; 566. 7. O. Picard, Chalcis et la Confédération eubéenne, p. 210. C'est de Carystos que partent les offrandes des Hyperboréens pour Délos (en passant par Ténos) : Hérodote, IV, 33 ; là-dessus, J. Tréheux, "La réalité historique des offrandes hyperboréennes", Studies presented to D.M. Robinson, II, 1953, p. 758-774. Sur les multiples attestations de Carystiens à Délos tant au IVo siècle qu'à l'époque hellénistique (Carystos emprunte par exemple au sanctuaire au IVo siècle, ID 98 B 1. 10), voir l'Index de J. Tréheux.
LES ARCHIPELS ÉGÉENS DANS L'ANTIQUITÉ GRECQUE
11
contraintes et les avantages d'une telle position - aussi bien leur exclusion du cadre de cette étude ne peut être totale - mais une nouvelle mentalité naît de l'annexion d'une terre continentale. Thasos qui, déjà, sur le plan de la géomorphologie, se rattache au massif montagneux thrace du Rhodope 8 , fondée par les Pariens au VIIo siècle, vit son centre urbain s'élever sur la partie nord de l'île. Sans doute ce choix fut-il dicté par des impératifs d'ordre géographique, la côte sud se prêtant mal à une implantation portuaire que des liens maintenus au long de l'Histoire avec Paros 9 auraient pourtant, dans un premier temps au moins, favorisée. Très tôt en tout cas, cette situation septentrionale incita les Thasiens à occuper le continent tout proche qui, à cette époque, ne devait pas être densément habité, première preuve que l'insularité n'est pas, dans la mentalité grecque, un but en soi. Thucydide signale ainsi qu'il faut à peine une demi-journée pour rallier Amphipolis depuis le port de Thasos, soit moins de temps encore pour toucher le littoral thrace. La richesse de l'île, illustrée par les trente talents qu'elle verse au trésor athénien au Vo,~;Siècle (et 60 talents lors de la taxis phorou de 425/4) provient, certes, de la fertilité de l'île, vantée par de multiples sources 10, de son marbre 1l, mais aussi de ses mines et de ses emporia situés sur le continent l2 . Les Anciens paraissent à ce point avoir assimilé Thasos à une dépendance de la Thrace que c'est à ce secteur qu'est rattachée l'île dans l'Empire athénien. De même, au IVo siècle, Thasos est classée, dans les listes des théarodoques d'Epidaure avec les autres cités de la Thrace littorale, Acanthos, Skionè, Mendè, Néapolis, Abdère, Maronée, Ainos 13 . La référence à des chevaux dans des reliefs archaïques - des scènes de chasse à cheval gravées sur des terres cuites ont été trouvées à Thasosl 4 - si rare pour ne pas dire plus dans le monde insulaire, est à n'en pas douter à rattacher à la pérée. Ses possessions continentales mises à mal dans un premier temps par l'impérialisme athénien puis par la poussée macédonienne, Thasos n'en fut pas beaucoup
8. J.P. Sodini - A. Lambraki - T. Kozelj, Les carrières de marbre d'Aliki, p. 81-85. 9. En 411 ou 407 par exemple: IC XII 5, 109. Y. Grandjean - F. Saiviat, BCH 112, 1988, p. 272-274 (SEC XXXIX, 852) ; J.C. Moretti, BCH 111, 1987, p. 157-166. c. 350-340: IC XII 5, 114. Timbres amphoriques thasiens à Paros: IC XII 5, 468-469. 10. Son vin, bien sûr, sur lequel F. Salviat, "Le vin de Thasos. Amphores, vin et sources écrites", Recherches sur les amphores grecques, BCH Suppl. XIII, p. 145-196, mais aussi son vinaigre (Pline, HN XXXIV, 114 et F. Salviat, art. cit. p. 147 ; J. Pouilloux, Recherches, l, n° 7 = SEC XVIII, 347 ; XXXVI, 790), son orge (Athénée, III, 112 a) et plusieurs sortes d'arbres fruitiers considérés comme d'excellente qualité: noyers (Athénée, XIV, 647 b ; Aulu-Gelle, VI, 16,5 ; Pline, HN XXXVI, 44), amandiers (Athénée, II, 54 b), figuiers, myrtes, noisetiers (lC XII Suppl. 353 1. 12). 11. Les références et la bibliographie sont considérables. sur quoi je reviendrai. Dans un premier temps, notons Pline, HN XXXVI, 44 et J.P. Sodini - A. Lambraki - T. Kozelj, Les carrières de marbre d'Aliki. 12. Hérodote, VI, 46-47 ; VII, 109 ; Thucydide, l, 100 ; Plutarque, Cimon, 14. II a existé des mines d'or dans l'île même: J. des Courtils - T. Kozelj - A. Muller, "Des mines d'or à Thasos", BCH 106, 1982, p.409-417. 13. IC IV2, 94 1 b 1. 31 pour Thasos. 14. L.J. Worley, Hippeis. The cavalry in Ancient Creece, Oxford, 1994, fig. 3.3 p. 37.
12
PATRICE BRUN
plus attirée par l'Egée : les Thasiens sont rares à Délos et ils semblent avoir été, à l'époque hellénistique, plus attirés par l'Asie Mineure lS et le grand large. Dans un registre similaire, mais sur un mode mineur, Samothrace possédait elle aussi une pérée et cela jusqu'à l'époque hellénistique l6 même s'il est clair que celle-ci n'avait pas l'importance qu'elle revêtait à Thasos en raison de son moindre intérêt économique (aucune mine n'y est attestée), de relations difficiles avec la terre ferme compte tenu de l'éloignement plus grand et d'une mer souvent difficile l7 . Il n'empêche que la ville de Samothrace avait été, à l'instar de celle de Thasos, bâtie au nord de l'île. On trouve, ce n'est pas une surprise, peu de témoignages de l'intégration de l'île à la vie de l'Egée I8 . Le cas de Lesbos est aussi net que celui de Thasos et permet d'affirmer que l'île attendait plus du continent asiatique que de la mer Egée. Elle est, on le sait, l'une des rares îles à ne pas être parvenue à un synoecisme. Des cités originelles - la tradition rapportée par Pline faisait état de neuf cités - il n'en restait plus que trois à l'orée de la domination romaine, Mytilène, Méthymna, Erésos, les deux premières étant, et de loin, les plus dynamiques: c'est ainsi que Méthymna absorba, sans doute dans le courant du n° siècle, Antissa l9 . Leur succès a au moins une part d'explication dans leur proximité de l'axe commercial nord-sud reliant Alexandrie au Pont-Euxin, particulièrement emprunté, on s'en doute, durant la période hellénistique. C'est ainsi qu'un itinéraire est-égéen peut être déduit de la description d'une cargaison débarquée à Péluse: noisettes du Pont, vin et fromage de Chios, terre de Samos, miel de Théangéla et de Rhodes. Mais nous avons, dès le V O siècle, des témoignages de son activité comme en 409, lorsque la flotte syracusaine alliée des Spartiates longe depuis Ephèse jusqu'aux détroits la côte d'Asie2o et la fréquentation assidue de cette voie de passage maritime dans la première moitié du IV o siècle explique encore les liens de proxénie qui unissent Cnide à deux cités de la région hellespontique, Abydos et Lampsaque21 . Sans que la première explication soit exclusive, on peut trouver un autre élément de réponse dans la situation des deux principales villes, à l'est de l'île, juste en face du littoral asiatique22 , à peine distant de cinq kilomètres, qu'elles convoitèrent tôt: la pérée 15. Une Thasienne inhumée à Rhénée, EAD XXX, p. 88. A Histiée, un proxène des Thasiens, IG XII 8, 267. Décrets mettant en scène des Thasiens à Assos (/K 4, Il a), Lampsaque (IK 6, 7 = SEG XIII, 458), Smyrne (/K 24, 582). 16. Hérodote, VII, 108 ; [Skylax], 67. Cf. P. Roussel, "La pérée de Samothrace au Ille siècle", BCH 63, 1939, p. 133-141 ; L.D. Loukopou1ou, Contribution à l'histoire de la Thrace propontique, p. 64. Cette occupation n'est pas sans hiatus, un certain nombre de ces places lui étant retirées au ve siècle pendant la domination athénienne: ATL IV, p. 111. 17. Denys Halicar. Ant. rom. l, 61, 4. E. Kolodny, La population des îles de la Grèce, l, p. 260. 18. Deux stèles de Délos rapportent des honneurs rendus par le koinon des Nésiotes à des Samothraciens qui deviennent proxènes de ce dernier: IG XI 4, 1023 ; 1044-1045. 19. Pline, HN V, 139. 20. Pline, HN II, 45 ; Flavius Josèphe, Ant. judo XVI, 17-20. PCZen. 59012. Xénophon, Helléniques, 1,2, 12. Pour Re. Semple, The Geography of the Mediterranean Region, p. 60-61, le succès de cette route à partir de l'époque hellénistique s'explique par les populations nombreuses que l'on y trouve et par l'adoucissement, entre les grandes îles de l'est égéen et la côte micrasiatique, des vents du nord. 21. IK 41, 603-604. 22. A. Bresson, "La dynamique des cités de Lesbos", Cahiers du Centre Georges-Radet, 3, 1983.
LES ARCHIPELS ÉGÉENS DANS L'ANTIQUITÉ GRECQUE
13
de Mytilène est bien connue et on peut suivre la pérennité de l'occupation mytilénienne en Asie jusqu'à la période romaine 23 . Un certain nombre de faits (on pense au célèbre traité monétaire conclu entre Mytilène et Phocée, aux démêlés de la cité vers 340 avec le tyran d'Atarnée Hermias 24), prouvent à l'envi que ses orientations, pour être internationales comme il sied à un Etat de son importance, étaient d'abord asiatiques. On néglige aussi le fait que Méthymna avait probablement sa pérée. D'après un poète local, Myrsilos, Assos aurait été fondée par les Méthymnéens, ce qui peut passer pour une vieille revendication territoriale. On a découvert aussi à Ilion un décret de Méthymna tandis que J.M. Cook a publié un décret de cette cité entreposé au Musée de Çannakale25 • Chios montre des caractères assez identiques car la ville, là encore, est bâtie face au continent et dès l'archaïsme, et jusque sous la domination romaine, la cité y possède des territoires 26 . Cela, pas plus que pour Mytilène, n'autorise à penser que Chios se désintéresse du reste du monde grec car les relations avec Délos sont intenses27 mais les proxénies connues par l'épigraphie montrent que Chios est en priorité attirée par l'Asie Mineure et pour Thucydide, Chios, à l'instar de Samos, est à rattacher à l'Ionie et non au groupe insulaire égéen28 . De même Samos donc. Aux temps épiques, la région d'Anaia est partie intégrante de Samos et l'histoire de la cité a toujours montré les intérêts qu'elle entendait y maintenir, que ce soit en 440 lorsque les Samiens exilés après la défection manquée s'y réfugient et lancent depuis cette base des attaques contre les possessions athéniennes ou la longue querelle entre Samos et Priène, arbitrée une première fois au début du n° siècle par les Rhodiens, une seconde en 135 par les Romains 29 • La ville antique est bâtie sur le chenal qui, au sud, la sépare de l'Asie. A l'instar des îles précédentes, Samos a une politique que nous appellerions "tous azimuts", parfois d'ailleurs orientée en priorité vers la mer Egée : à l'époque hellénistique, on note une expansion samienne à l'ouest30, qui rend impossible le retrait total de Samos du cadre de notre étude.
23. Les territoires continentaux durant la Guerre du Péloponnèse: Thucydide, III, 50, 2 ; IV, 52, 2-3 ; IV, 75, 1. Cf. R. Meiggs, Athenian Empire, p. 311-317. Au IV o siècle, Théopompe, FGrHist. II B 115 F. 291. Au début du no siècle, Tite-Live, XXXVII, 21, 6. Vers 138,1. Perg. 245 (= IG XII Suppl. 142). 24. Théopompe, FGrHist. II B 115 F. 291. Cf. G.S. Shrimpton, Theopompus, p. 125-126. 25. Fondation d'Assos par Méthymna, Strabon, XIII, 1,58. Décret d'Ilion: IK 3,213. Décret du Musée de Çannakale : J.M. Cook, The Troad, Oxford, 1973, n. 5 p. 396. Sur la probabilité d'une pérée méthymnéenne, L. Robert, Etudes de numismatique grecque, p. 95-97. 26. Période archaïque, Hérodote, l, 160 ; VIII, 106 ; Pausanias, IV, 35, 10. En 397, Xénophon, Helléniques, III, 2, Il. En 340, Théopompe, FGrHist. II B 115 F. 291. En 188, la cité obtient en Asie des terres sur les dépouilles d'Antiochos: Polybe, XXI, 46. 27. Dès l'époque archaïque, ID 9 (SEG XIX, 510 ; XXXIII, 633). De 314 à 166, 14 décrets honorifiques et tout un ensemble de donateurs, locataires et entrepreneurs: J. Tréheux, Index. 28. Voir la carte des proxénies établie par Chr. Marek, Die Proxenie, p. 84. Thucydide, VII, 57, 6. 29. Pausanias, VII, 4, 3. Cf. G. Shipley, Samos, p. 31-36. Sur les relations de Samos avec Anaia et la pérée, U. Fantasia, Serta historica antiqua, Rome, 1986, p. 113-143. Thucydide, 1,115,4; III, 32, 2; IV, 75, 1. Samos et Priène, I. Priene, 37 ( = Syll.3 599) et I. Priene, 41 ( = Syll.3 688). 30. Les Samiens colonisent Minoa d'Amorgos (IG XII 7, 221-245 [237 = Sy/l.3 1047], 269. 1. Magnesia, 50 1. 80 montre les Samiens de Minoa en 206). Au temps de Strabon, 1caria est occupée par les Samiens, sans doute depuis le milieu du 11° siècle: Strabon, X, 5, 13 ; XIV, l, 19; cf. infra, note 57.
14
PATRICE BRUN
Est-il alors indispensable d'évoquer la situation de Rhodes? Sans doute du fait de son synoecisme tardif mit-elle du temps à s'ouvrir à des horizons autres que strictement égéens (les Rhodiens sont cependant présents à l'Hellénion de Naucratis), mais, dès le début de son expansion en Carie au IV o siècle, expansion induite pourrait-on dire par la situation de la nouvelle ville construite face à elle, Rhodes est parvenue à dépasser son statut d'insulaire, à s'affranchir du cadre fini de son propre rivage. De "Pérée intégrée" en "Pérée sujette", l'occupation rhodienne en Carie fut à ce point profonde que les habitants de la Pérée sujette, la plus éloignée de l'île, au nord du Golfe Céramique, continuaient, au 11° siècle après J.C., de se désigner sous l'ethnique de Rhodiens. Nous avons souligné que tous les sites urbanisés des îles proches du continent ont été bâtis sur la côte qui le regarde. Cette localisation n'est pas spécifique des îles de l'Egée : les îles ioniennes de Corcyre, Leucas, Képhallénie et Zakynthos ont ainsi vu leurs cités développer leur habitat à l'est, face à la proche péninsule balkanique. Et cet habitat s'est maintenu aux autres époques. Sur ce plan-là, déjà, on devine l'une des originalités de l'espace insulaire que je tente de dessiner: le choix de l'habitat y a été déterminé par d'autres critères que la simple relation de proximité avec le continent. Dans l'arc occidental des Cyclades, alors que Kythnos a implanté sa ville à l'ouest, Sériphos l'a fait au sud et Siphnos à l'est. Pour le choix du site urbain, c'est tout un ensemble de composantes qui joue, ensemble dans lequel les éléments maritimes ou dépendant de la mer (qualité du mouillage, protection contre les vents dominants) ont une place déterminante. On voit que le domaine défini prend ainsi des allures originales et peut-être incohérentes si l'on devait s'enfermer dans un cadre trop étroit tant il est vrai que la définition de l'île, espace entouré d'eau, ne s'accorde pas toujours à celle, plus sociale, plus humaine, d'une mentalité insulaire. Mais l'appropriation d'une pérée ne modifie pas toujours et en tout lieu les données du problème car la condition insulaire pouvait se faire sentir, et de façon brutale. C'est le cas lors des sièges, que l'on pense à celui de Mytilène en 428 ou de Rhodes sous Démétrios Poliorcète. On peut certes objecter à cette remarque le fait que toute cité investie devient dans la pratique une île, à ceci près qu'une cité insulaire assiégée cherche le salut vers la mer: vieux réflexe sur lequel on reviendra. En tout état de cause, il sera difficile, ne serait-ce que pour comparer les situations, d'évacuer entièrement la situation de ces îles majeures. Mais précisons: la pérée n'est pas tout, on l'a vu avec l'Eubée. Prenons le cas de Ténédos. "Du rivage troyen, on aperçoit Ténédos" dit Virgile, Enéide, II, 21. Dans l'Antiquité, cela l'amena à rechercher une implantation continentale. Dès le IV o siècle, elle entre en conflit avec Sigée, ce qui montre que des intérêts la poussaient en Eolide et nombreux sont les textes qui y attestent l'intervention de Ténédiens. C'est sans doute la marque de territoires continentaux qui ne devaient pas être vastes. Pourtant, la cité ne se considère pas bien puissante et, pendant l'époque hellénistique, la cité rechercha le synoecisme avec Alexandrie de Troade3 !. Mais la possession de ces territoires en Asie fit31. Strabon, XIII, 1, 32 et 46-47. Conflit avec Sigée : Aristote, Rhétorique, II, 15 1375 b. Ténédiens en Asie Mineure: D. Knoepfler, "Un décret de Kymè d'Eolide au Musée National d'Athènes", BCH 95, 1971, p. 533-542. Décret d'Ilion pour des proxènes ténédiens : Syll.3 355. Décret de Kymè : IK 5,4. Arbitre ténédien à Erythrées : IG XII Suppl. 147. Synoecisme avec Alexandrie: Pausanias, X, 14,4.
LES ARCHIPELS ÉGÉENS DANS L'ANTIQUITÉ GRECQUE
15
elle de Ténédos une île qui était parvenue à sublimer son insularité? On en doutera et une autre définition de notre espace s'impose désormais: notre étude portera surtout sur les îles petites et moyennes de la mer Egée dont la comparaison des tableaux 1a et 1b montre l'originalité par rapport aux grandes îles, tant dans la superficie que pour la population. C'est à coup sûr une autre dimension et déjà un autre monde. Même la présence de Thasos n'est pas incongrue dans le groupe des grandes îles si l'on se souvient de l'importance de sa pérée dans l'Antiquité. Le domaine dont je précise les contours est donc d'abord celui des Cyclades, mais pas de manière exclusive car les Sporades du nord, le chapelet de terres entre Chios et Rhodes, Carpathos, le Golfe Saronique, font partie intégrante de l'espace nésiotique égéen. L'ensemble géographique des îles de l'Egée, chose aggravante, n'a pas été perçu homogène par les Anciens et il n'a que rarement, au cours de son histoire, été réuni sous une bannière commune : empire athénien - mais pas avant 425/4, lorsque les îles doriennes du sud de l'Egée deviennent tributaires - puis romain, byzantin, enfin ottoman à partir de la fin de la présence vénitienne à Ténos. A la Grèce moderne il manque Imbros et Ténédos. Mais à l'intérieur de ces grands ensembles politiques, il n'a jamais été question d'intégrer les îles dans un seul sous-ensemble. Il suffira pour notre propos de prendre l'exemple de la vision athénienne lors de la première Confédération. Si parfois, le terme nèsiôtai peut désigner plus que les insulaires, l'ensemble des alliés 32 , il est en général beaucoup plus restrictif et, pour les hellénotames, le nèsiôtikos phoros ne représente pas, loin s'en faut, le versement de toutes les îles: on note au contraire que tous les secteurs fiscaux de l'Empire comportent au moins une île de l'Egée. Ainsi, au secteur carien ont été rattachées Amorgos, Astypalaia, Calymna, Cos, Carpathos, Rhodes, Symè ; au secteur ionien, Nisyros, Léros, !caria ; au secteur hellespontique, Ténédos ; au secteur thrace, Péparéthos, Skiathos, !Cos, Thasos et Samothrace. Dans la pensée fiscale des Athéniens du y o siècle, n'étaient des îles, à l'exception notable de l'Eubée, mais de toute évidence rattachée au secteur insulaire par défaut (où la placer ?), que celles qui étaient assez éloignées du continent. Dans un tout autre registre, la nomenclature faite par Athénée, au n° siècle de notre ère, des différents vins de Grèce, est éclairante: il parle des qualités des divers crus et pour cela, évoque les qualités des vins de Rhodes, de Lesbos, de Chios, de Thasos puis, dans une phrase séparée, définit celles du vin insulaire, du v11crtoo't11Ç otvoç33, montrant ainsi que dans sa pensée, les grandes îles dont il vient de parler n'entrent pas dans la catégorie des îles. Il n'est d'ailleurs pas interdit de penser que, pour Athénée comme pour les Athéniens du y o siècle, "les îles" ne s'identifient aux Cyclades. En effet, lorsqu'un auteur veut parler d'autres îles égéennes que de celles de l'Archipel, il prend soin d'indiquer, par une précision supplémentaire, leur localisation et c'est ainsi que l'auteur anonyme du second argument du Contre Timocratès démosthénien souligne que Mausole maltraitait "les îles proches du continent" ('tàç nÉpav V'J1O"ouç). Tous ces témoignages égrenés permettent de recouper certaines réflexions déjà faites. Il est néanmoins intéressant de souligner que le découpage fiscal du y o siècle n'est que le premier d'une série qui n'est jamais parvenue à fixer un ensemble homogène et surtout reconnu. Les Romains ont ainsi rattaché les îles à trois provinces distinctes, 32. Aristophane, Paix, 296-298 ; 760. 33. Athénée, I, 32 e.
16
PATRICE BRUN
l'Achaïe, la Macédoine, l'Asie et ce n'est que sous Dioclétien que les îles de l'Egée furent toutes réunies dans une même province avec Rhodes pour capitale 34 . Les Cyclades, qui ne sont pas a priori les plus difficiles à individualiser, n'ont ainsi jamais pu bénéficier d'une définition canonique : on trouve chez les géographes antiques un éventail d'îles réputées telles allant de sept à vingt-trois avec des attributions parfois surprenantes comme celle de Diodore et d'Hésychius qui rangent Péparéthos et Skiathos parmi les Cyclades35 . A l'époque médiévale, le thème byzantin de la mer Egée est loin de regrouper l'ensemble des îles puisque seul l'espace méridional des Cyclades, Naxos, Chios, Lemnos et Lesbos en font partie, les autres îles étant rattachées au thème de l'Hellade et les îles septentrionales à celui de Macédoine et déjà, pour Hésychius, Imbros et Lemnos sont appelées "îles de Thrace"36. Lors des nombreux redécoupages qui eurent lieu jusqu'au XIIo siècle, jamais le pouvoir byzantin n'eut plus que ses prédécesseurs l'idée de rassembler la totalité des îles en une seule circonscription. Le duché de Naxos, fondé au moment de la quatrième Croisade par le Vénitien Marc Sanudo, principauté qui subsista tant bien que mal jusqu'en 1579, date officielle de sa disparition, ne put jamais contrôler toutes les Cyclades et le groupe nord-occidental Kéos - Andros - Ténos lui échappa. En restant chez les géographes antiques, et illustrant bien notre propos, les îles ne sont jamais étudiées ou citées pour elles-mêmes, mais dans le prolongement du continent dont elles s'approchent et dont elles sont, pour ainsi dire, une dépendance: ainsi procède [Skylax], qui débute son analyse avec le Péloponnèse et les côtes lacédémoniennes pour finir avec l'Hellespont et Imbros. Ainsi encore pense Ptolémée qui classe les Cyclades - ses Cyclades - avec l'Achaïe alors que, de toute évidence, elles étaient rattachées à la province d'Asie 37 . On comprend que la démarche de Strabon s'inscrit dans une tradition géographique séculaire et dans son chapitre sur l'Egée, il dit réserver "à la description de l'Asie, comme un complément, les îles les plus importantes attenantes à ce continent, Chypre, Rhodes et Cos et celles qui les suivent le long du littoral, Samos, Chios, Lesbos et Ténédos". Dans cette démarche, le géographe ne fait que suivre Eschyle qui, faisant parler le choeur des Perses, évoque les "îles baignées par les flots qui, groupées autour d'un cap, s'attachent à notre terre d'Asie, telles Lesbos, Samos, qui nourrit l'olivier, Chios"38. Il est visible, dans ces conditions, que la notion même d'île n'avait pas, dans l'Antiquité grecque, la valeur géographique que nous lui connaissons aujourd'hui. Pour les Athéniens, les îles se confondent avec les Cyclades - vision réductrice, certes, mais qui, pour l'essentiel, a peu été remise en cause. Il paraît donc que l'île antique doit, pour mériter son nom, être assez éloignée du continent et, par voie de conséquence, correspondre à un mode de vie donné. Sans vouloir manier le paradoxe, je pense que les 34. CIL III 1,450 (cf. R. Etienne, Ténos II, p. 151-154). 35. Diodore, XV, 30, 5 ; 95, 1 ; Hésychius, s. v. Skiathos. Sept Cyclades pour une scholie de Denys le Périégète (GGM II, p. 457), neuf pour Hygin (F. 296), dix pour Denys le Périégète (135-150), douze pour Mela (II, 11), quatorze pour Pline (RN IV, 65-67) et Ptolémée (III, 14,23-24) - ce ne sont pas les mêmes - vingt-trois pour [Skylax] (§ 48, 58). F. Hiller von Gaertringen, lG XII 5, Testimonia, nO 13951407. Même imprécision pour l'époque byzantine: E. Malamut, Les îles de l'Empire byzantin, p. 47-48. 36. Hésychius, S.v. ; E. Malamut, Les îles de l'Empire byzantin, p. 311-317. 37. Ptolémée, ib. (cf. R. Etienne, Ténos II, p. 151-152). 38. Strabon, X, 5, 14. Eschyle, Perses, 878-885.
LES ARCHIPELS ÉGÉENS DANS L'ANTIQUITÉ GRECQUE
17
grandes îles de l'est égéen, l'Eubée, n'étaient pas pour les Grecs à proprement parler des îles, c'est-à-dire n'étaient pas pensées ainsi. Alors, avec une argumentation et des objectifs différents, c'est un peu la démarche que je propose et qui, à défaut peut-être de porter sa propre logique géographique et sa cohérence interne, s'inscrit dans un schéma que n'auraient renié ni les créateurs du pharos, ni Strabon, ni Pline.
LE CADRE CHRONOLOGIQUE Une fois établi le cadre géographique de cette étude, disons quelques mots de son cadre chronologique, les périodes classique et hellénistique. Dès que l'on sort de l'histoire événementielle, les frontières traditionnelles entre siècles s'estompent. Que peut signifier l'expression "début du V O siècle" pour les îles telles que je viens de les définir? Dès l'expédition de Datis en 490, la plupart des îles de l'Egée sont sous le contrôle d'une puissance extra-insulaire qui, si elle change, existe désormais en permanence à l'exception de quelques périodes d'indépendance assez confuses pour nous. Dans mon esprit, c'est cette emprise extérieure à l'espace insulaire qui est constitutive du début de l'ère classique en Egée. Mais bien entendu, cela a varié selon les îles, dans la date d'intégration à un Empire ou dans leur acceptation plus ou moins résignée de cette association. Les plus petites ont subi l'éphémère présence perse et la durable hégémonie athénienne de la même façon qu'elles avaient accepté les dominations naxienne et samienne durant l'époque archaïque. Pour beaucoup néanmoins, 480 marque une date importante, grosse d'avenir, mais Naxos ne se décide vraiment à admettre l'ordre nouveau qu'après sa révolte manquée vers 47039 • Le monde insulaire archaïque reflète un idéal positif, beaucoup plus que durant la période qui va du V O au début du 11° siècle et c'est tout le mérite du livre de S. Vilatte, L'insularité dans la pensée grecque, que d'avoir montré à quel point l'insularité, dans la pensée grecque d'Homère à Pindare, est vécue comme un bienfait, un principe d'essence quasi-divine. L'île est protection. Et de fait, des îles, telles Naxos ou Paros, vivent à ce moment leur heure de gloire. Ce que l'on peut en savoir évoque pour nous un monde et une société assez proches de ceux du continent: les tiraillements sociaux à Naxos de la seconde moitié du VI O siècle nous montrent que de grands propriétaires terriens dirigeaient l'île, préparant par leurs excès l'arrivée au pouvoir de Lygdamis. Certes, à la chute du tyran, l'oligarchie reprit ses droits mais, en 500, les riches, surnommés de façon imagée "les Gras", furent expulsés de Naxos et l'on sait que leurs plaintes auprès d'Aristagoras furent à l'origine de la révolte de l'Ionie4o • Il est vrai que la puissance naxienne occulte quelque peu le reste des îles et, si l'on suit Hérodote, l'île contrôlerait plusieurs de ses voisines. Mais elle n'est pas la seule à bénéficier d'un contexte favorable. Si tant est que la frappe des monnaies constitue un élément de richesse, on ne peut que remarquer la surprenante concentration des émissions monétaires insulaires à la fin du VI O siècle : Egine, bien sûr, mais encore de multiples Cyclades, Andros, Délos, 39. Thucydide, l, 98, 4 ; Aristophane, Grenouilles, 355 ; Népos, Thémistocle, 8. R. Meiggs, Athenian Empire, p. 70-71. 40.
Oligarchie au milieu du VIa siècle et arrivée de Lygdamis : Hérodote, l, 64 ; Aristote, Politique, V,
6, 1 1305 a-b ; Const. Ath. XV, 3. Chute de Lygdamis : Plutarque, de malign. Herod. 859 d. "Les Gras" expulsés de Naxos en 500: Hérodote, V, 30.
18
PATRICE BRUN
Carthaia, Corèsia et Iulis de Kéos, Mélos, Naxos, Paros, Sériphos, Siphnos, Ténos et Thèra sont dans ce cas ce qui, on en conviendra, fait beaucoup. Seulement, avec l'apparition d'une thalassocratie puissante, la situation générale se modifie en mer Egée et, pour reprendre la terminologie de S. Vilatte, de refuge, l'île est devenue prison. A l'autre bout de l'éventail chronologique, la difficulté est encore plus grande car la notion de Grèce égéenne romaine est mal définie, plus précoce que celle d'Asie romaine et plus encore, bien sûr, d'Egypte. Cependant, concernant les îles, le monde romain constitue sinon une rupture, du moins une modification sensible. Passons sur les oligarchies civiques favorisées par les Romains - qui ne sont sans doute que . l'accomplissement politique des transformations en profondeur de la société et viennent en bout de course de l'évolution - et insistons davantage sur les problèmes en amont41 • Il n'y a pas, durant la période romaine, d'apparition de quelque technique ou culture nouvelle susceptible de transformer les données agricoles des campagnes égéennes, rien qui, de près ou de loin, ressemble à l'introduction dans l'Europe moderne du tabac, de la pomme de terre, de la tomate ou du maïs. Mais, et en se gardant de toute systématisation, il apparaît que la structure de la petite propriété, bien installée, nous le verrons, au Ive siècle, a nettement décru dans la seconde moitié de l'époque hellénistique. Les soubresauts que l'on constate dès le milieu du Ille siècle en Egée doivent être liés, de près ou de loin, au problème de la terre42 et ces troubles intérieurs ont été aggravés par les attaques piratiques qui se multiplient dans les îles. Même - nous aurons l'occasion d'en reparler - si toutes ne doivent pas être exagérées ni dans leur importance ni dans leur impact sur la vie économique et sociale, certaines de ces attaques ont dû être terribles comme celle menée en 153 par les Crétois sur Siphnos et qui, entrés par ruse dans l'enceinte de la ville, se livrèrent à un pillage méthodique de la ville et revinrent en Crète chargés de prisonniers et de butin43 • La domination romaine, marquée en Grèce par l'apparition des negotiatores, aurait aussi accentué le phénomène de concentration des terres 44 • En tout état de cause, la constitution d'immenses domaines dans les îles - chose que l'on retrouve dans le reste de la Grèce - n'est pas une vue de l'esprit : à preuve, l'exemple célèbre et caricatural de l'île de Cythère qu'Auguste accorda dans sa totalité au
41. Sur les transformations politiques du monde grec à partir du milieu du 11° siècle, qui correspond au début de la domination romaine, Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Paris, 1985. 42. C'est dans ce sens qu'il faut interpréter les interventions de juges étrangers pour mettre fin à des situations difficiles: à Carthaia (lG XII 5, 1065), los (XII 5, 7 et XII Suppl. 168), Naxos (l. Cos, 16 = GGIS 43 = IG XII 5, p. XVI nO 1310), Syros (lG XI 4, 1052 = Durrbach, Choix, 45), Kimolos (Hesperia, 37, 1968, p. 188-189), Minoa (lG XII 7, 221) et Arkèsinè d'Amorgos (XII 7, 15-16), Thèra (XII 3, 320). Cf. P.M. Nigdelis, IloÂ,trevj.la, p. 265-268 ; Ph. Gauthier, IS 1994, p. 165-195. 43. Siphnos : Diodore, XXXI, 45. Des témoignages d'attaques sur Ténos, Syros, Kythnos, Paros et Naxos sont rassemblés par R. Etienne, Ténos II, p. 136-138 ; n. 17 p. 143. Rappelons néanmoins que, dès le début du no siècle, Andros par les Romains (Tite-Live, XXXI, 15, 8 ; 45), Skiathos et Péparéthos par Philippe V (XXX, 28, 6), avaient été durement pillées. Sur les conséquences de la piraterie qu'il convient de moduler, P. Ducrey, Les Cyclades, p. 143-148 ; G. Reger, Independant Delos, p. 262-263. 44. J. Hatzfeld, Les trafiquants italiens; M.H. Crawford, EHR 30, 1977, p. 42-52 ; S. Alcock, Graecia capta, p. 75-76.
LES ARCHIPELS ÉGÉENS DANS L'ANTIQUITÉ GRECQUE
19
Spartiate Euryclès45 , ou bien de Mytilène, dont le cadastre du Bas-Empire laisse apparaître des toponymes directement empruntés à des anthroponymes d'origine latine46 • Mais d'une part, les Romains ne furent pas les seuls à en profiter. On a cité le cas d'Euryclès pour Cythère. Lorsqu'Antoine confia Ténos, Andros et Naxos aux Rhodiens, on imagine mal qu'une forme ou une autre de confiscation et d'appropriation du sol par les Rhodiens n'a pas eu lieu. D'autre part, la saisie de terres dans les îles n'est pas une nouveauté : on sait bien les habitudes prises par les Athéniens durant la Ligue de Délos (clérouquies, acquisitions de domaines par des particuliers). A l'époque hellénistique encore, des cas de confiscation sont connus, comme à Thèra où il est fait allusion dans une inscription à l'oikonomos "de la terre royale"47. Toutefois, si l'accaparement d'une partie de la terre par les puissants du temps n'est pas une particularité romaine et s'il y a eu des précédents, ce qui change, c'est d'abord l'ampleur du phénomène et ensuite son côté irréversible. Il semble bien que sous l'Empire certaines îles - évitons toute généralisation - ont, bon gré, mal gré, privilégié des aspects de leurs richesses. J'entends par là, non une spécialisation à outrance, mais une tendance vers celle-ci. Le cas n'est peut-être pas aussi flagrant que lors de l'occupation génoise ou vénitienne qui couvrit les îles ioniennes ou Lesbos d'immenses oliveraies destinées à l'exportation d'huile, mais certains indices convergent. Ainsi, Mélos, prise désormais dans une civilisation romaine avide de produits pharmaceutiques ou cosmétiques divers et dont les mines voient, sous le HautEmpire, leur apogée48 mais qui, confisquées par le pouvoir romain, fonctionnent pour le bénéfice unique de celui-ci et de ses représentants sur place, et non point dans l'intérêt de la cité de Mélos. Celle-ci pouvait néanmoins en espérer de substantielles retombées ainsi qu'on peut l'inférer des trouvailles archéologiques de la basse époque hellénistique et des constructions de l'époque impériale49 . Moins facile à prouver parce que s'appuyant sur la fréquence des mentions dans les sources littéraires, la viticulture de certaines îles, non pas celles qui produisaient les plus grands crus de la Grèce mais les autres, a bénéficié de l'intérêt que pouvaient lui porter les Romains. C'est ainsi que Columelle, au début de notre ère, affirme que les importations de vin des Cyclades à Rome sont au niveau de
45. Strabon, YIII, 5, 1. Cf. R. Cartledge - A. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta, Londres, 1989, p. 104 ; R. Baladié, Strabon, T. Y (CUF), p. 232. Pour Ténos, R. Etienne, Ténos Il, p. 222-224, en vient prudemment à opposer un monde de petite paysannerie des Iyo-I10 siècles à une structure impériale latifundiaire. De fait, à Kéos au III° siècle, chaque fennier possédait quelques têtes de bétail: Elien, Anim. XYI, 32. Les auteurs de la prospection archéologique autour de Corèsia parviennent aussi à cette conclusion d'un recul de la petite propriété au bénéfice de la grande: J.F. Cherry - J.L. Davis E. Mantzourani, "Greek and Roman Settlement and Land Use", Northem Keos, p. 342-346. Sur les petites et grandes propriétés, cf. infra, chapitre YI. 46. 1G XII 2, 76 k 1. 8 : Lê/l1tprovîou ; 78 cI.l : OùttêÀ.À.îou. Sans doute s'agit-il de domaines concédés à un moment ou à un autre à des Romains, comme le cas est bien attesté pour l'Egypte: A. Déléage, La capitation du Bas-Empire, p. 177-178. 47. Appien, Civ. Y, 7 ; IG XII 3, 327 l. 9 : dç tO l3uç oivov i1to"'tv", AE 1976, p. 164181 = SEG XXVII, 249 (cf. BEp 1978,297), fin Vlo-déb. Vos. Pythagoriciens: Polyen, V, 2, 22. 205. SGHI 5 ; Hérodote, IV, 147-164 ; Strabon, X, 5, 1 ; Salluste, Jugurtha, 19, 3 ; F. Chamoux, Cyrène sous la dynastie des Battiades, Paris, 1953, p. 105-111. Présence des Rhodiens : Tit. Cal. 105, 1. 12-14 ; Lindos, 2 B 1. 109-111. Hérodote, VII, 153 (Géla). Egine : Strabon, VIII, 16, 6 (mais la présence éginète en Ombrie a été mise en doute par F. Cordano, AFLM 22-23, 1989-90, p. 651-658). Kythnos : Hérodote, VII, 90. Mélos : Plutarque, de mu!. virt. 246 d - 247 a : rflç XpUÇOV'tEÇ. Cf. Polyen, VIII, 54. E.M. Craik, Dorian Aegean, p. 157; 162; 1. Malkin, REA 95, 1993, p. 365-381. 206. L'affaire n'est pas très claire: Hellanicos, FGrHist. 14 F. 82, indique la participation des Naxiens à la colonisation de Naxos de Sicile avec les Chalcidiens mais Thucydide, VI, 3, ne parle que de ceux-ci. Néanmoins le nom même de la colonie sicilienne paraît évoquer au moins un contingent de Naxos. 207. G. Shipley, Samos, p. 49-51 et L.D. Loukopoulou, Contribution à l'histoire de la Thrace propontique, n. 2 p. 116, optent pour cette colonisation, alors que G. Rougemont, "Amorgos, colonie de Samos ?", Les Cyclades, p. 131 sqq. réfute cette idée. L'occupation naxienne est quant à elle certaine: Etienne Byz. S.v. 'Al!opyaç; colonisation pour Schol. Denys Pér. 525. F. Bechtel, SGDI 5349-5352, attribue aux Naxiens de très anciens textes trouvés à Arkésinè (XII 7, 78, 141, 144) et Aigialè (442) ; cf. aussi L.H. Jeffery, LSAG p. 239 et N.M. Kontoléon, "Une stèle funéraire d'Icarie", p. 4-5, pour qui la colonisation d'Amorgos illustre la concurrence que se font Milet, Samos et Naxos. 208. D. Berranger ne cite que Paros, Naxos, et Thèra (Paros archaïque, p. 216). A sa liste, il faut donc ajouter Andros, Kythnos, Mélos et sans doute d'autres, intégrées sous le terme générique de Nèsiôtai.
108
PATRICE BRUN
une tribu des Nèsiôfai est intégrée à la nouvelle cité fondée par les Athéniens en GrandeGrèce, Thourioi : est-ce à l'intérieur de cette tribu que sont rangés les gens de Chios dont on sait qu'ils participèrent à la fondation 209 ? En 385, les Pariens, avec l'aide de Denys de Syracuse, et sur ordre oraculaire, à l'image de l'ancien temps, peuplèrent l'île de Pharos en Adriatique et l'on notera au passage que le modèle insulaire n'est pas, pour les Pariens, répulsif, puisque c'est sur une île qu'ils fondent leur colonie21O . Enfin, dernière trace d'une colonisation d'origine égéenne, des habitants de Cos aidèrent, sous l'égide de Timoléon, au repeuplement de la Sicile211 . Autant l'époque archaïque et, à un degré moindre, l'époque classique, virent un fort mouvement d'émigration, autant l'on ne retrouve plus cette tendance dans les prosopographies militaires hellénistiques. Déjà, dans l'armée des Dix-Mille, à l'exception d'un Samien et d'un Chiote212 , Xénophon ne mentionne aucun insulaire. Mais cette absence vient selon toute probabilité de la composition de l'armée enrôlée par Cyrus, à base d'hoplites, ce qui ne devait pas être une spécialité insulaire, même si des fantassins sont attestés dans les îles 213 . Nous avons certes connaissance d'un soldat originaire de Siphnos, mort en Lycie dans son service de mercenaire au début du Iye siècle, mais son départ de l'île n'est pas dû à des considérations de manque de terre. Bien au contraire, membre des classes les plus riches, il a été banni de Siphnos, après le retour, dans le sillage de l'expédition de Conon, des anciens exilés démocrates 214 . En tout cas, étudiant la composition des armées hellénistiques, M. Launey peut affirmer que "les Cyclades ne sont pas une terre à soldats"215, aussi peu ajoute-t-il, que les autres îles de la mer Egée, à quelques exceptions près. A Ténos, R. Etienne souligne que si l'île a des contacts multiples avec le monde extra-insulaire, elle le doit d'abord au sanctuaire de Poséidon et d'Amphitrite et aux textes d'asylie que l'on y a trouvés. Pour le reste, il ne note guère d'expatriation sinon à Athènes, Délos, Carystos et Egine pour la période lye-Ille s. av. J.c., ce qui n'est pas le signe d'une forte poussée migratoire. Les Téniens, malgré 209. Les Nèsiôtai à Thourioi : Diodore, XII, Il, 3 ; mention des Chiotes : Platon, Euthydème, 271 c. 210. Diodore, XV, 13, 4 ; Ephore, FGrHist. II A 70 F. 89. Les liens entre Paros et Pharos furent réactivés à l'époque hellénistique: L. Robert, "Inscriptions hellénistiques de Dalmatie", Hellenica, XI-XII, p. 508-541 ; J. Bousquet, BCH 85, 1961, p. 589-600 ; SEG XXIII, 489 1. 29-30 : Ë1tEl[Bn Bk ' cp IlÉya xpn q>povEÎv ùu'tOÛÇ), n'aient pas encore aujourd'hui donné le droit de cité à Lampis, qui possède la plus grande entreprise de nauclère de toute la Grèce et qui a fait tous les travaux d'aménagement de leur ville et de leur port ?" : Démosthène, XXIII, 211.
leos: "La petite terre d'kos" (~paxû~
Anaphè
Cha1kè
1
casso)p ,
Carpathos
o 1
100 km 1
222
PATRICE BRUN
IŒOS c#JGYAROS
LES CYCLADES OCCIDENTALES ~ EPHYRA ::
o Site antique • Site médiéval
~OLYAIGOS
* Site modeme
5OOm. 2oom. Dm.
o LI
20km. 1
DONOUS~
OLIARO~
f' {]~
PREPESINTIIOS
o
PHACOUSSAI
1\ _ '<J
SCHINOUSSA
lŒRAv Nf]crrov Kat iôia 't"ç l;tta 'tllç vo'ttoava'toÂ.llCroÇ KÉaç", E1re't71plç E'talpefaç KVK:Àaollaôv MeÀe-rmv, 13, 1985-1990, p. 311-328 Mendoni (L.), "Addenda et Corrigenda ad inscriptiones Ceae", MeÀe-r71Jla'ta, 10, 1990, p. 287-307 Mendoni (L.), "The Organization ofthe Countryside in Kea", Structures Rurales et Sociétés Antiques, p.147-161 Mendoni (L.) - Kolaïti (E.), "Human Intervention in the Keian Landscape", DHA 19-1, 1993, p. 93-118 Mendoni (L.) - Mourtzas (N.D.), "An archaeological approach to coastal sites: the example of the ancient harbor af Karthaia", IIapvaauoç, 22, 1990, p. 387-403 Merker (LL.), "The harbor ofloulis", AJA 72, 1968, p. 383-384 Merker (LL.), "The Ptolemaic OfficiaIs and the League of the Islanders", Historia, 19, 1970, p. 141-160 Migeotte (L.), L'emprunt public dans les cités grecques, Paris-Quebec, 1984 Migeotte (L.), Les souscriptions publiques dans les cités grecques, Genève-Quebec, 1992 Morris (1.) éd., Classical Greece : Ancient histories and modem archaeologies, Cambridge, 1994 Murray (O.), "The ecology and agrarian history of ancient Greece", Opus, Il, 1992, p. 11-24 Murray (O.) - Priee (S.) éd., The Greek City from Homer to Alexander, Oxford, 1990 (tr. fr. Paris, 1992) Murray (W.M.), "Do modern winds equal ancient winds ?", MHR 2, 1987, p. 139-167 Newell (E.T.), The coinage ofDemetrios Poliorcetes, 1927 Nicolet-Pierre (H.), "Remarques sur le monnayage de Naxos (Cyclades) à l'époque classique", IIpal\'tlK:à 'fOV XII LlleOvovç KÀaal1diç ApxaIOÀor{aç, Athènes, 1988, n, p. 159-162 Nigdelis (P.M.), IIoM'tevJla K:Ut K:Olvœv{a 'tœv 1roÀeœv 'tœv KVK:Àaoœv K:a'tà 'tT1V eÀÀT1vIU'tlJO] K:al aV'tOK:pœroplK:77 e1r0X7], Thessalonique, 1990 Nigdelis (P.M.), "Patrons romains et temps d'adversité: observations sur l'inscription SEG 32, 895 de Paros", Hellenica, 40, 1989, p. 34-49 Nowieka (M.), Les maisons à tour dans le monde grec, Wroclaw, 1975 Oberhummer (E.), "Imbros", Festschriftfür H. Kiepert, 1898, p. 277-304 Orlandos (A.K.), Les matériaux de construction et la technique architecturale des anciens Grecs, Paris, 1966-1968 Onnerod (RA.), Piracy in the Ancient World, Oxford, 1924 Osborne (R.), "Buildings and Residence of Land in Classical and Hellenistic Greece : the Contribution of Epigraphy", ABSA 80, 1985, p. 119-128 Osborne (R.), "Island Towers : the case of Thasos", ABSA 81, 1986, p. 167-179 Osborne (R.), Classical Landscape withfigures, Londres, 1987
236
PATRICE BRUN
Osborne (R.), Social and Economie Implications of the Leasing of Land and Property in Classical and Hellenistic Greece", Chiron, 18, 1988, p. 279-323 Panessa (G.), Fonti greche e latine per la storia dell'ambiante e deI clima nel mondo greco, Pise, 1991 Papageorgidou (Ch.), "'H opyavwerT) 'WV ayport/mv Xmpov arT)v IIo111eerera TT)Ç Kiaç K"aTà TT)V eltltT)vlernKïjnep{080 ", Melted'J1a-ra, 10, Athènes, 1990, p. 309-319 Papalas (A), "Pramnian Wine and Wine ofIcaria", Platon, 35-36, 1982-83, p. 49-54 Papalas (A.), Ancient Icaria, Oak Park (Illinois), 1992 Pecirka (J.), "Homestead farms in Classical and Hellenistie Hellas", Problèmes de la terre en Grèce ancienne, M.I. Finley éd., Paris, 1973, p. 113-147 Philippson (A), Die griechischen Landschaften IV. Das Aegaeische Meer und seine Inseln, Francfort, 1959 Picard (O.), Chalcis et la Confédération eubéenne, Paris, 1979 Pittinger (J.), "The mineraI products of Melos in Antiquity and their identification", ABSA 70, 1975, p. 191-197 Pouilloux (J.), Recherches sur l'histoire et les cultes de Thasos, Paris, 1954 Price (M.) - Waggoner (N.), Archaic Greek Coinage. The Asyut Hoard, Londres, 1975 Pridik (M.), De Cei rebus insulae, Dorpat, 1892 Pritchett (W.K.), Studies in Ancient Greek Topography l, Berkeley, 1965 Rackham (O.), "Land-Use and the native vegetation of Greece" , Archaeological Aspects ofWoodland Ecology, M. Bell - S. Limbrey éd. BAR 146, 1982 Rackham (O.), "Ecology and pseudo-ecology : the example of Ancient Greece", Human Landscapes, p. 16-43 Rackham (O.) - Moody (J.A), "Terraces", Agriculture in the Ancient Greece, 1992, p. 123-130 Reger (G.), "The Decree of Adramytteion for an Andrian Dikast and his secretary [IG XII 5,7221. 1244]", EA 15, 1990, p. 1-5 Reger (G.), "The Political History of the Kyklades 260-220 B.C.", Historia, 43, 1994, p. 32-69 Reger (G.), "The Date and historical Significance of IG XII v 714 of Andros", Hesperia, 63, 1994, p. 309-321 Reger (G.), Regionalism and Change in the Economy of Independant Delos, Berkeley, 1994 Renfrew (C.) - Wagstaff (M.), An Island Polity. The archaeology of exploitation in Melos, Cambridge, 1982 Rich (J.) - Wallace-Hadrill (A), City and Country in the Ancient World, Londres, 1991 Richter (G.M.A), "Silk in Greece", AJA 33, 1929, p. 27-33 Robert (L.), "Les Asklepieis de l'Archipel", OMS l, p. 549-568 Robert (L.), "Epitaphe d'un berger à Thasos", Hellenica, VII, 1949, p. 152-160 Robert (L.), "Les chèvres d'Heracleia", Hellenica, VII, 1949, p. 161-170 Robert (L.), Etudes de numismatique grecque, Paris, 1951 Robert (L.), "Décret d'Andros", Hellenica, XI-XII, 1960, p. 116-125 Robert (L.), "Sur un décret des Korésiens au Musée de Smyrne", Hellenica, XI-XII, 1960, p. 132-176 Robert (L.), Noms indigènes dans l'Asie Mineure gréco-romaine, Paris, 1963 Robert (L.), "Une monnaie de Rhodes contremarquée", OMS VI, p. 169-211 Ross Holloway (R.), "The crown of Naxos", ANSMusN 10, 1962, p. 1-8 Rougé (J.), Recherches sur l'organisation du commerce maritime en Méditerranée sous l'Empire romain, Paris, 1966 Rougemont (G.), "Amorgos, colonie de Samos ?", Les Cyclades, p. 131-134 Rougemont (G.), "Géographie historique des Cyclades: l'homme et le milieu dans l'Archipel", JS 1990, p. 199-220 Roussel (P.), "La population de Délos au no s. av. J.C.", BCH 55, 1931, p. 438-449 Roussel (P.), "La pérée de Samothrace au lno siècle", BCH 63, 1939, p. 133-141 Rubensohn (A), "Paros", RE XVIII 4, col. 1781-1872
LES ARCHIPELS ÉGÉENS DANS L'ANTIQUITÉ GRECQUE
237
Runne1s (C.N.) - Van Andel (T.H.), Beyond the Acropolis: The archaeology ofthe Greek Countryside, Stanford, 1987 Ruschenbusch (E.), "IG xn 5, 609 : eine Bürgerliste von Iulis und Koresia auf Keos", ZPE 48, 1982, p. 175-188 Ruschenbusch (E.), "Tribut und Bürgerzahl im ersten athenischen Seebund", ZPE 53, 1983, p. 125-143 Ruschenbusch (E.), "Die Bevolkerunszahl Griechenlands im 5 und 4 Jh. v. Chr.", ZPE 56, 1984, p. 5557 Ruschenbusch (E.), "Modell Amorgos", Hommages à Henri Van Effenterre, Paris, 1984, p. 265-271 Ruschenbusch (E.), "Die Zabl der griechischen Staaten und Arealgrosse und Bürgerzahl der "Normalpolis", ZPE 59, 1985, p. 253-263 Sabbas (K.), IIepl TIjç èv 'EÀÂlXOl /Cal Kpf/'rT/ O'vxvonl'roç TIjç 'EÀovoo{aç, Athènes, 1909 Sallares (R), Ecology ofthe Ancient Greek World, Londres, 1991 Salviat (F.), "Le vin de Thasos. Amphores, vin et sources écrites", Recherches sur les amphores grecques, BCH Suppl. Xlll, Paris, 1990, p. 145-196 Sarpaki (A), "The Palaeoethnobotanieal Approach. The Mediterranean triad or is it a quartet ?", Agriculture in the Ancient Greece, p. 61-76 Sarpaki (A) - Jones (G.), "Ancient and modem cultivation of Lathyrus Clymenum L. in the Greek Islands", ABSA, 85, 1990, p. 363-368 Sauciuc (Th.), Andros, Untersuchungen zur Geschichte und Topographie der Insel, Vienne, 1914 Schaus (G.P.) - Spencer (N.), "Notes on the topography of Eresos", AJA 98, 1994, p. 411-430 Semple (E.C.), The Geography ofthe Mediterranean Region. Its Relation to Ancient History, New York, 1931 Sherwin-White (S.M.), Ancient Cos, Gottingen, 1978 Shipley (G.), A History of Samos c. 800-188 Re., Oxford, 1987 Shrimpton (G.S.), Theopompus, Montréal, 1991 Slot (BJ.), Arcipelagus turbatus. Les Cyclades entre colonisation latine et occupation ottomane, c. 1500 - 1718, Istanbul, 1982 Sodini (J.P.) - Lambraki (A) - Kozelj (T.), Les carrières de marbre d'Aliki à l'époque paléochrétienne, Etudes thasiennes IX, Paris, 1980 Snodgrass (AM.), "The rurallandscape and its politieal significance", Opus, 6-8,1987-1989, p. 53-70 Spencer (N.), Asty and Chora in Early Lesbos, Londres, 1993 Stanislawski (D.), "Dionysos Westward : Early Religion and Economie Geography of Wine", Geographical Review, 65, 1975-4, p. 427-444 Susini (G.), "Supplemento epigrafico di Caso, Scarpanto, Saro, Caldri, Alimnia et THo", ASAA 41-42, 1962-1963 [1965], p. 203-292 Svoronos (J.N.), "Bu'tpaxoe; lept