L'ENSEIGNEMENT ET LES LETTRÉS PENDANT L'ÉPOQUE DES PALÉOLOGUES (1261-1453)
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L'ENSEIGNEMENT ET LES LETTRÉS PENDANT L'ÉPOQUE DES PALÉOLOGUES (1261-1453)
ETAIPEIA TnN IAnN TOY AAOY KENTPON EPEYNH� BYZANTIOY AIEY9YNTlŒ: KA9HrHTlŒ IQANNm E. KAP ArIANNOIlOYAOl:
12, 105 59 'A8ii va\ 0�-321.66.26, 321.43.29, 321.02.95 Fax 01-321.76.19
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SOCIÉTÉ DES AMIS DU PEUPLE CENTRE D'ÉTUDES BYZANTINES DIRECIEUR: PROFESSEUR IOANNIS E. KARAYANNOPOULOS
12 GK 105 59 Athénes 01-321.66.26, 321.43.29, 321.02.95 Fax 01-321.76.19
Evripidou Tel.
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SOPHIA MERGIALI
L'ENSEIGNEMENT ET LES LETTRÉS PENDANT L'ÉPOQUE DES PALÉOLOGUES (1261-1453)
'A8fjvat
1996
ETAIPEIA TnN IAnN TOY AAOY KENTPON EPEYNH� BYZANTIOY 5: SOPHIA MERGIALI: L'Enseigne ment et les Lettrés pendant l'époque des Paléologues (1261-1453) EÙpt7t lOOU 12, 105 59 'A8iivat TllÂ.. 01-321.66.26, 321.43.29, 321.02.95 Fax 01-321.76.19 TU1t01Ç Buvtaç @EcrcraÂ.oviKll KEV-cptKTt OtU8EcrtÇ: ·APJ.1EV01tO UÂ.ou 26 TllÂ..: 031-219493 ISBN: 960-7352-11-4
« . ..
à savoir, qu'on ne perd pas son temps
en recherchant à quoi d'autres ont perdu le leur». A.
BOUCHÉ-LECLERCQ, L'astrologie grecque
AVANT-PROPOS Au terme de cette étude, je tiens tout d'abord à exprimer ma plus vive reconnaissance à Madame le Professeur Hélène Ahrweiler d'avoir bien voulu dirigé ce travail, dont la réalisation n'aurait pu être menée à bien sans son soutien et appui durant mon séjour à Paris. Puis-je aussi témoigné ma profonde gratitude envers feu Monsieur le Professeur P. Lemerle, spécialiste dans le domaine de l'enseignement, pour ses conseils savants et son concours lors de la redaction de ce tra vail dans ses premières étapes. Que Monsieur A. Failler trouve ici l'expression de mes remercie ments les plus sincères pour sa constante disponibilité et l'intérêt qu'il a porté à mon travail tout au long de son élaboration. Je ne saurais omettre à remercier vivement Monsieur le Professeur A. Markopoulos qui a contribué par ses remarques à l'amélioration de ce travail avant la publication. Enfin à Monsieur le Professeur J. Karayannopoulos s'adresse ma gratitude réitérée d'avoir accepté la publication de cet ouvrage dans la série de l'1tÈp 'trov À.oywv on ôi) ltO À.ùç aù'trov aÙXjloç Èv 'taiç 'trov àv9po)1twV ÈKpa'tEl 'l'uxaiç ôuaXEpaivov'toç, 'tl}V 'tE 'l'Uxi)v ltaaxov'toç, Kat P01l9Eiv Eiç ôUvajltv 9ÉÀ.ov'toç, aia96jlEvoç paatuùç àvillat 'trov ôlljlO aiwv cppoV'tiôwv Kat p01l9Eiv auyxwpEi». 5. GRÉGOIRE de CHYPRE, op. cit., 1. 12-3 1 ; il est évident que Georges Acropolite initiait ses disciples à la pensée d'Aristote suivant un certain ordre; la syllogistique et l'ana lytique, qui correspondait à l'Organôn, constituaient le premier degré de la science aristo télicienne enseignée par Acropolite; cf. ibidem, l. 20-23: «Tfiç 'toivuv aUÀ.À.oYla't\1cfiç Kat àvaÀ.u'tl1cfiç KaÀ.roç 'tep ôaaKaÀ.cp aacpllvla9Eiallç, roç ÈltfiÀ.9EV aù'tep Kat Eiç 'tà Pll'tOP1Kf\ç 'tOùç OjllÀ.ll'tàç ÈjlplpaÇEtv ltpiv nva ÔE\J'tEpOV 'trov àpla'to'tEÀ.1Krov pa9jlrov È1t1XElpEiV à vapaiVEtv, ... ». 6. Vers la fin de son autobiographie (p. 1 87, 1. 18-19), Georges de Chypre précise qu'il commença ses études auprè"s d'Acropolite à l'âge de vingt six ans et qu'il les acheva à trente trois ans; si nous acceptons comme date de sa naissance l'année 1 241, la période de ses études s'étend de 1267 à 1274. 7. Ibidem, p. 187, 1. 18-22.
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2. La formation d'un lettré: ses préoccupations, ses activités et sa rému:.. nération à travers la vie de Georges de Chypre (ca. 1241 - ca. 1290)
Parmi les élèves d'Acropolite, Georges de Chypre (ca. 1241 ca. 1 290) 8 de la fin de ses études, en 1 27 4 environ, jusqu'à son accession au trône patriarcal en 1 28 3, se trouve entouré d'un groupe d'étudiants. Comment est-t-il parvenu, originaire de Chypre, à donner des cours supérieurs à ConstantinoPle? Son autobiographie nous permet de suivre le cursus des études d'un enfant, vers le milieu du XIIIe siècle, à Chypre alors sous domination latine, puis à Nicée et à Constantinople autour de l'année 1 261 . Ayant terminé l'école élémentaire (fréquentant l'école du grammatistès) très jeune, il fut envoyé par ses parents à Nicosie pour faire ses études seconda,ires (pleiôn paideusis) 9; mais la renommée de cette ville dépassait son réel niveau intellectuel et durant soixante ans d'occupation latine lO , elle en avait subi les conséquences de cette tutelle, et surtout dans le domaine de l'enseignement, qui s'en tenait à un niveau rudimentaire. Une deuxième tentative pour faite ses études secondaires en fréquentant les écoles latines échoua aussi, du fait de la difficulté d'une langue étrangère pour comprendre la grammaire et la Logique d'Aristote enseignées dans ces classes l l . À l'âge de quinze ans, il aban donna tout espoir de s'instruire dans son île et il la quitta à l'insu de ses parents pour- aller s'instruire aux écoles renommées de Nicée. Après un long voyage, il arrive à Ephèse, où le rigoriste Nicéphore Blemmydès, ex-maître de Théodore II Lascaris et de Georges Acropolite, avait la ré putation d'un grand savant, difficile d'accès cependant. Les Ephésiens le persuadèrent que le philosophe ne daignerait pas de le voir, vu sa jeu nesse, sa condition d'étranger, et son dénuementl 2 . À sa grande décep-
8. Sur ce lettré, voir A. GARZYA, Observations sur l' de Grégoire de Chypre, Actes du Ier Congres International des Etudes Chypriotes, II, Nicosie 1972, p : 33-36; CONSTANTINIDÈ S, Higher Education, p. 35-38; WILSON, Scholars, p. 223-224; PLP 4590; E. TRAPP, Gregorios II. Kyprios, Patriarch. V. K/pel, Lex. d. Mittellalt. IV, 8, 1989, col. 1690. 9. GRÉGOIRE de CHYPRE, Autobiographie, p. 1 77, 1. 12-17. 10. En 1 1 9 1 , lors de la Ille croisade, l'île tombe dans les mains de Richard 1er Coeur, roi d'Angleterre. Un an après, Gui de Lusignan (1 129-1 194) s'empare à Chypre qui, sous sa dynastie, devient un royame latin. À ce sujet, voir St. RUNCIMAN, A History of the Grusades, III, Cambridge 1 955, p. 4�7 et 66-67; cf. K. M. SETTON, A History of the Crusades, II, Philadelphie 1962, p. 63-64 et 81-82. 1 1 . GRÉGOIRE de CHYPRE, Autobiographie, p. 179, 1. 1-15. 12. GRÉGOIRE de CHYPRE, Autobiographie, p. 1 81, 1. 1 1 -22; sur Nicéphore
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tion, à Nicée aussi, où il arrive ensuite, on n'enseignait que la gram maire et la poésie, et même d'une manière superficielle 1 3 Finallement, peu de temps après, ce f�t la reprise de Constantinople par les Byzan tins , et les cours supérieurs de Georges Acropolite offrent alors à Georges de Chypre la formation qu'il désirait l 4 . Nous ne disposons pas de précisions sur l'enseignement supérieur dispensé par Georges de Chypre. À plusieurs reprises dans sa correspo nance, il s'adresse à ses étudiants. Il a laissé des textes qui témoignent de son activité d'enseignan eS, qu'il paraît avoir exercée à titre privé, puis qu'aucun indice ne laisse supposer qu'il ait été engagé au service de l'em pereur. Nicéphore Choumnos, Théodore Mouzalôn et Jean Glykys sont ses élèves les plus connus. Les deux premiers furent de hauts fonction naires, le troisième un patriarche. Pendant cette période il vit dans le monastère du Sauveur Akataleptos l 6 , et il s'adonne avec ferveur à la collecte et à la copie de manuscrits. Ses étudiants et un certain nombre d'autres copient aussi des manuscrits pour son compte; parmi eux Stav rakios, homme très instruit en philosophie, géométrie et droit, diacre et chartophylax à Thessalonique, copie pour lui un Platon 17, et un certain moine Méthodios, Démosthène. Pourtant, le travail du copiste est sou vent rendu difficile par la pénurie de papier l 8 ; Georges de Chypre s'adresse au logothète du génikon Constantin Acropolite en lui deman•
Blemmydès, voir PLP 2897 et CONSTANTINIDÈS, Higher Education, p. 6-9 et 1 1-22; cf. Nicephori Blemmydae A utobiographia si ve Curriculum vitae necnon Epistula Univer salior, éd. J. A. MUNITIZ, Turnhout 1 984; cf. Nikephoros Blemmydes. A partial ac co unt, Introduction, translation and notes par J. A. MUNITIZ, Louvain 1988. 1 3. GRÉGOIRE de CHYPRE, Autobiographie, p. 1 8 1 , l. 24-30 et p. 1 83, 1. 8- 1 3, 1. 1 8-25. 14. Ibidem, p. 1 85, 1. 5-20. 1 5. Par exemple ses travaux sous le titre de mythoi édités par S. Eustratiadès, rp 77ro piou mü KUTrpiou OÎlCOUpEVlICOÜ IIœrpuipzou ÈmumÂai Kai pÜ(}OI, Alexandrie 1910, p. 21 5-230; cf. Sofia KOTSABASSI, Die progymnasmata des Gregor von Zypem. Fabeln, Erzâhlung und Ethopoie, 'EÂÂ77VlKÙ 43, 1993, p. 45-63; aussi un encômium maris, éd. PO 142, col. 433-444; trois déclamations, éd. M. SCHMIDT, Georgii Cyprii declamatio inedi ta, Oels 1 890; des antilogiae à deux déclamations de Libanius éditées par R. FOERSTER, Libanii Opera, VI, Leipzig 191 1 , p. 49- 82; VII, Leipzig 1913, p. 142-1 79. 16. GRÉGOIRE de CHYPRE, Lettres, no 20, p. 1 5- 16: «Èv tft J.1ovft ôÈ J.1cll..1O"ta tOÜ :EOltfjPOÇ, 'AKatcll..l17ttOÇ È7tOVOJ.1clÇEtal, Ëv8a Kat. iJ�iç Kata�VO�v». Sur ce monastère, voir JANIN, Églises et monastères, III, p. 5 1 8-520 et VOLK, Die byzantinischen Kloster bibliotheken, p. 99- 1 0 1 . 1 7. GRÉGOIRE d e CHYPRE, Lettres, n o 29, p . 20. 1 8. Cf. Vassiliki KRAVARI, Note sur le prix des manuscrits (IXe-XVe s.), dans: Hommes et richesses dans l'empire byzantin, VIIIe-XVe s., t. II, éd. Vassiliki KRAVARI, J. LEFORT et C. MORRISON, Paris 1 99 1 , p. 378.
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dant d'urgence du papier 1 9; puis la situation s'aggrave, puisqu'il de mande à Jean Phakrasès de lui procurer du papier bombycin déjà écrit sur une face20 . Nicéphore Choumnos (ca. 1260-1327), qui ne nous donne nulle part un récit détaillé de ses études, témoigne occasionnellement d'une ad miration et d'un dévouement sans bornes pour Georges de Chypre2 1 • Il nous informe que son maître enseignait la rhétorique en s'inspirant di rectement de Platon, de Démosthène et d'Aristide22 . Sa première mis sion diplomatique en Perse mongole, vers 1275, qu'il entreprend avec le titre de questeur, est due à son maître Georges de Chypre23 . Par ailleurs, les relations entre Georges de Chypre et l'épi tôn déè séôn Jean Glykys (ca. 1260-1319), à partir de 1282 à peu près, sont telles que le second est toujours prêt à servir le premier qui devait être son maître; notamment, il lui copie des manuscrits, et il est prêt à lui rendre tous les bons offices24 • Théodore Mouzalôn (+ 1294) fut tiré de la carrière militaire par l'empereur Michel VIII , pour occuper auprès de lui la charge de 10gothète du génikon2 5 . Entre-temps, il devait faire ses études, et pour cela fréquente les cours de Georges de Chypre. Or, d'après Pachymère, l'em pereur se soucia en même temps de l'instruction supérieure de Constan tin Acropolite, fils de Georges Acropolite. Suivit-il, lui aussi, les cours de Georges de Chypre avant de commencer sa carrière comme logothète du génikon (1282-ca. 1249)? Ce n'est qu'une hypothèse; elle est renfor cée néanmoins par le fait que le destinataire anonyme de sa lettre no 50 était le fameux élève de Georges de Chypre, Nicéphore Choumnos26 à qui Constantin souligne la ressemblance de leurs vies depuis leur nais-
19. GRÉGOIRE de CHYPRE, Lettres, no 39. 20. Ibidem, no 102. 2 1 . NICÉPHORE CHOUMNOS, IIpoç mùç ôvuzepaivov-raç, p. 367: «Ka911'YEJ.1cOV ÈJ.1ot Kat 1tatÔEUti)Ç Kat J.1UCJta'YID'YOç lmiipçE Kat ôt80:CJKaÀoç J.1ÉX,pt 1tavtOç tOÛ Kat' aù tOV �iou . . . »; cf. IDEM, Lettres, no 3, p. 4: «Kà'YcO CJU'YX,IDpro, Èep' oiç Ôl1ÀOVOtt, 1tatôdaç 1) 'YEJ.10Vt ÈKEiVCP ÈJ.10Û X,Pl1CJaJ.1ÉVOU, Kat ÇiiÀov ËX,Et tà 1tap' ÈJ.10Û tEivovta 1tpOç aùtov». 22. Ibidem, p. 369: «Kat 1tpoç pi]topaç ÈKEivouç ElÔE tOÙç 1taÀat, llÀatIDvaç, Al1J.1o CJ9ÉVEtÇ, 'AptCJtdôaç». 23. GRÉGOIRE de CHYPRE, Lettres, no 42; cf. VERPEAUX, Choumnos, p. 29, note 8. 24. IbideIrl, no 93, 94, 95, 96; bien qu'on ne dispose que d'indications au sujet d'une éventuelle relation de maître à élève entre Georges de Chypre et Jean Glykys, KOUROU SÈS (Glykys, p. 306-309) est tout à fait affirmatif. 25. PACHYMÈRE (A): VI, 26, p. 625, 1 . 1 5-22; PLP 19439. 26. KOUROUSÈ S, Glykys, p. 340, note 1 .
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sance27 . D'autre part, Choumnos adresse aussi une lettre à Acropolite2 8 où il parle de leurs forts liens d'amitié, datant probablement de leurs études communes. Constantin faisant mention de son maître, dans l'éloge qu'il composa pour S. Jean l'Eléèmôn, le présente comme un homme vénérable, qui faillit perdre la vue pendant son enfance, mais fut miraculeusement guéri par S. Jean l'Eléèmôn à Nicée. Ainsi, il devint plus tard le maître d'hommes remarquables qui appartenaient à l'entou rage de l'empereur29 . Toutefois, il ne mentionne pas son nom. Dans une lettre que Georges de Chypre adresse à Théodore Mouza lôn et à l'ensemble de ses étudiants, avant son patriarcat, il présente des excuses pour ne point aller les réjoindre le jour fixé pour le cours3 0 ; il est évident que, avant son patriarcat, il n'enseignait pas au monastère du Sauveur Akataleptos, où il demeurait. En plus, durant cette période, son auditoire était constitué d'un groupe de plusieurs étudiants qu'il appelait homilètai31• Cependant, on voit, dans d'autres cas, que durant son pa27. Cf. CONSTANTINIDÈ S, Higher Education, p. 4 1 , note 52: «Kotvà miv,ta tà KaS' ��aÇ Èç aùti'jç tà 7tpéiha 'YEvÉm:roç ... ». 28. BOISSONADE, Anecdota Nova, p. 104, no 83. 29. CONSTANTIN ACROPOLITE, Éloge de S. Jean Eléèmôn, p. 48, 1. 2-10 et 1921; p. 49, 1. 22-28. Évidemment Georges de Chypre fut le maître des futurs hauts fonction naires, mais à son arrivée à Nicée il avait déjà dépassé l'âge de quinze ans et par consé quent il n'était pas un enfant. Deux autres personnages connus de l'époque correspondent aux caractéristiques du maître d'Acropolite: Georges Pachymère qui était originaire de Ni cée, et Manuel Holobolos qui était apprecié par Constantin comme l'érudit le plus distin gué de son temps à côté de son père (KOUROUSÈ S, Galésiotès, p. 368, note 2, no 121). Holobolos se comptait d'ailleurs parmi les amis intimes de Constantin (KOUROUSÈ S, Galésiotès, p. 371, no 12, 1. 6-7) dont il avait reçu quatre lettres avant 1296 (KOUROU SÈ S, Galésiotès, p. 372), et aussi une oeuvre littéraire pour la juger (ibidem, p. 37 1 , no 12, 1. 4-5). Pourtant, la preuve qu'Holobolos fut en réalité son maître nous manque. Quant à son père, qui avait déjà joué un rôle important dans le domaine de l'enseignement, il prit soin de la formation de son fils et avait aussi l'habitude de contrôler ses progrès durant la période de son enkyldios paideia (CONSTANTIN ACROPOLITE, Éloge de l'église de l'Anastasis, p. 281) mais il ne fut pas son professeur (CONSTANTIN ACROPOLITE, Testament, p. 47- 48; CONSTANTINIDÈS, Higher Education, Appendix, p. 165, no 66, 1. 4-9); d'autre part, en lui léguant une grande fortune il lui permit de s'adonner aux étu des sans souci de la vie quotidienne. 30. GRÉGOIRE de CHYPRE, Lettres, no 9 1 , p. 71 -72: «'Ep�oü tp6Cj)1.�01 Kat. �ou crô)v, Bi �Èv llV Katà �ot)Â-TJmv ttlV È�OÜ 7tpoXropeiv Kat. to 7tpa,'Y�a, àôuvatov av llv �tl à Cj)1.KÉcrSal. ttlV ti!�EpOV 7tap' ��aÇ, TEtpa,ÔOÇ tE oücrTJç � �Épaç Kat. roplcr�ÉVTJÇ Biç Ëp'Yov � �iv... Kat ��Eiv ÔÈ av 7tOÙ �taçù O'K07tou�Évou ttlv 7tpOç ��aÇ SÉcrSal 7topEiav, ËtEpOV t1 Èmcru��àv È7tÉcrXE tE Kat OïK01 �VEtv �va,'YKacrEv ... ». 3 1 . Ibidem, p. 7 1 : «TIpoç tOV MouÇa,Â-rova Kat. tOùç iiÂ-Â-ouç O�1.Â-TJta,ç». Georges de Chypre utilise aussi le terme d'homilètai pour désigner les étudiants de son maître Georges Acropolite (cf. A utobiographie, p. 1 85 , 1 . 22).
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triarcat i l n'avait pas complétement abandonné son activité d'enseig nant, mais recevait des élèves en particulier dans son monastère. Tel est le cas d'un élève anonyme qui négligeait d'aller au cours; son comporte ment irrite à tel point Georges de Chypre qu'il lui signifie, première ment, qu'il ne recherche pas d'élèves, car l'activité d'enseignant n'est pas son unique ressource; deuxièmement, qu'il ouvre ses cours à tous ceux qui le désirent, mais n'a pas le loisir de se préoccuper uniquement de ses élèves3 2 . Par conséquent, on ne peut supposer qu'il était rémunéré par ses étudiants, mais que cette ressource n'était que complémentaire. La rénommée de Georges de Chypre comme professeur est telle que le chartophylax d'Ochrida, Jean Pédiasimos Pothos33 , lui envoie, avant 128 3, son élève Doukopoulos pour faire ses études auprês de lui. Cela provoque l'étonnement de Georges de Chypre qui, après avoir examiné Doukopoulos, constate qu'il a déjà appris à la perfection la grammaire, la poésie, la rhétorique, la syllogistique et la géométrie. Aussi déc1are-t-il à son ami et ancien condisciple Pédiasimos, avec une excessive modestie, qu'il n'y a aucune différence entre eux quant aux connaissances, puis qu'ils ont tous deux suivi les cours du même professeur; le fait même que Pédiasimos ait commencé ses études auprès d'Acropolite un peu plus tard que lui ne change rien, puisqu'il suivit aussi les cours d'un au tre professeur34 . L'allusion de Pédiasimos au fait que Georges possédait plus de livres et de meilleurs est un deuxième argument que Georges ré fute3 5 . Cependant la démarche de Pédiasimos pourrait s'expliquer, dans ces contrées lointaines, par le manque de livres d'un niveau supérieur et 32. GRÉGOIRE de CHYPRE, Lettres, no 195, p. 206: «i]J.Ùv 0' àya1tTJ't'Dv Kat Ei J.1TJ oÉva 1to't'È J.1a9TJ't'rov EïTJJ.1EV 1tE1tÂ.OU't'TJKO't'EÇ, J.10VOV Ei Kat aÂ.Â.roç Tjv KaÂ.roç àVa1tÂ.T]O'ElV 't'ov �iov' È1tE1 0' ËO''t'1.V OJ.1oÂ.oyOUJ.1Évroç, XalpOV't'rov 00'0l J.1a9TJ't'ai' ÈJ.1ot yàp où O'xoÂ.T) 't'O\J-rOlÇ 1tpOO'ÉXElV 't'DV voùV». 33. Sur la famille Pothos en général: AHRWEILER, Smyrne, p. 1 75. Il semble que Pédiasimos utilisait parfois le nom Pothos. Il n'y a pas de doute qu'il s'agit du même per sonnage, puisque dans ses manuscrits il utilise souvent les deux noms; cf. BASSI, 1 mano scritti Giovanni Pediasimo, p. 1406- 1407: 't'où �ouÂ.yapiaç 't'où xap't'ocpuÂ.aKoç 1to90u 't'où Kat \mcl't'ou 't'rov cplÂ.OO'Ocprov KUpOÙ iroclVVOU OlaKovou 't'où 1tEOlaO'iJ.1ou. 34. Sans doute l'hypatos dont Constantin Acropolite déplore la mort dans sa lettre no 121 (St. KOUROUSÈ S, Glykys, p. 337, note 2) est Jean Pédiasimos. Hormis d'autres précisions concernant la ville natale de Pédiasimos, Thessalonique, et l'instruction secon daire qu'il reçut dans la dite ville, on y trouve des renseignements sur l'instruction supéri eure qu'il reçut à Constantinople sous la direction de Manuel Holobolos premièrement et de Georges Acropolite par la suite, dont l'enseignement était de niveau supérieur (... 't'Oiç 1tEpll�OOJ.1ÉVOlÇ 't'rov Ècp'i]J.1rov O'ocpoiç O'UyyEVOJ.1EVOÇ ·OÂ.o�oÂ.Çl 't'é[> 1tclVU 't'é[> ÈJ.1é[> 't'E 1ta't'pi J.1E't'à 't'OÙ't'OV Ècp' Ô'I'TJÂ.O't'ÉpOlÇ J.1a9T]J.1aOl, ... ). Par conséquent le second maître de Pédiasi mos, à qui Georges de Chypre fait allusion, est bien Manuel Holobolos. 35. JEAN PÉ IMOS Lettres, p. 48-49. '
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l'absence d'un milieu intellectuel de qualité, puisque sa carrière et sa production littéraire et scientifique donnent l'image d'un lettré assez compétent. Ainsi dans sa carrière on peut distinguer trois étapes princi pales: le titre impérial d'hypatos des philosophes, puis la fonction ecclé siastique de chartophylax d'Ochrida, enfin, vers 1295, celle de grand sa cellaire de la métropole de Thessalonique3 6 . On ne peut obtenir qu'une idée assez vague du contenu de son titre d'hypatos dans sa lettre adres sée à son ami Phobènos; il lui explique que son activité l'oblige à fré quenter assidûment le palais3 7 , sans donner d'autres précisions. On pourrait identifier sous ce titre, un éventuel professeur de philosophie en se basant sur ses commentaires d'Aristote (Analytica Priora, Analytica Posteriora) écrits vers 1292/9338 , probablement à des fins didactiques. Pour former une idée plus précise du contenu réel de ce titre, on doit en examiner les autres détenteurs, connus de cette époque. Ainsi, le person nage qui porta ce titre par la suite est un certain Komès qui figure comme hypatos des philosophes et didascale de l' Évangile uniquement dans un éloge qu'il composa en l'honneur de saint Nestôr. Son nom, sans aucun titre, figure encore une fois dans la correspondance de Jean Pédiasimos. Il est suggéré qu'il était originaire de Thessalonique, devint didascale de l' Évangile après 128 3 et succéda à Jean Pédiasimos comme hypatos des philosophes3 9 . Nicétas Kyprianos , chartophylax de la Grande Église durant la période 1293- 97 , qui devint ensuite, probable ment vers 1300, hypatos des philosophes, jouit d'une autorité absolue dans les questions philosophiques. Nicéphore Choumnos lui adresse son traité philosophique sur la matière et les idées Que la matière n'existe pas a van t le corps, ni les formes de façon séparée, mais les deux ensem ble) pour juger de l'exactitude de sa théorie et se déclare prêt à accepter son opinion sans discussion40 . Le dernier personnage qui porta ce titre 36. TURYN, Dated mss. . . . Italy, p. 77; Pédiasimos figure comme grand sacellaire de la métropole de Thessalonique dans un document sous son deuxième nom de Pothos; cf. F. DO LGER, Aus den Schatzkammem des Heiligen Berges, Munich 1 948, document no 59/60, p. 1 63 et suiv.; "IOlalCeiJ.1 "IPllpitllÇ, "AytopEtttlCà àvaÂElCta, rpTJrOplOç flaÂ-aptiç 2, 1 9 1 8 , p. 253 et 257. 37. JEAN PÉDIASIMOS, Lettres, no 5, p. 48, 1. 4-6. D'après les listes auliques, l'hy patos se trouve au XIVe siècle au même rang que le rhéteur et le dikaiophylax (cf. VER PEAUX, Traité des Offices, p. 338, 1. 1 43- 145). C'est un titre impérial conféré à des clercs. 38. TURYN, Datcd mss... /ta/y, pl. 55/56: A. D. 1292/1 293, p. 74-75; V. DE FAL CO, Ioannis Pediasimos in Aristotelis Analytica scholia selecta, Naples 1 926; IDEM, Altri Scholü di Giovanni Pediasimo agli Analitici, BZ 28, 1 928, p. 25 1 -269. 39. Sofia KOTSABASSI, "Eva àVÉlCOOtO ÈylColJ.1tO O'tOV "Ay. NÉO'topa, MV1]pTJ Ai vou floÂ-irTJ, Thessalonique 1 988, p. 74-75. 40. L. BENAKIS, NtlCllCPopou XOUJ.1vou TIEpt tf1ç ÜÀ.llÇ Kat tmv iOEmv, l/J1Â-oaorpia
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fut Jean Amparès , le maître par excellence de l'enseignement de la rhét orique, comme nous apprend une lettre de Nicolas Cabasilas qui expose les détails d'un concours littéraire organisé par l'hypatos des philo sophes4 1 . Jean Amparès figure premièrement dans le «Tome Synodal» de 1 351 comme grand chartophylax, fonction qu'il occupa de 1 351 à 1 35442 . C'est vers 1 354 qu'il fut promu hypatos des philosophes. En somme, on remarque qu'il s'agit plutôt d'un titre honorifique de contenu difficile à définir: celui qui le portait pouvait se considérer comme spécialiste dans les questions philosophiques ou rhétoriques. Ce titre impérial était donné à des clercs, d'habitude à ceux qui remplissai ent la fonction de chartophylax. Pédiasimos est également l'auteur de commentaires sur Hésiode et Théocrite, apporta sa propre contribution au domaine de la géométrie et de l'astronomie de Cléomède et écrivit un traité juridique sur le ma riage, probablement vers 129043 . Kaloeidas, Mélitas et Markos faisaient aussi partie des étudiants de Georges de Chypre. Le premier était un protégé du métropolite d'Eph èse, Isaac; il apparaît que le maître était content du progrès de son élève, mais pensant que ses études étaient incomplètes, demanda au mé tropolite de lui procurer les moyens pour les parfaire4 �. Mélitas, qui était pendant son enfance au service de Georges de Chypre, fut ensuite instruit par lui et devint diacre du clergé patriarcat et fonctionnaire de la chancellerie; en même temps, il fit o ffice de scribe jusqu'à sa mort tragi que en 1 30345 . Un certain moine, Markos, fréquentait aussi le patri3, 1 973, p. 339-38 1 ; NICÉPHORE CHOUMNOS, Lettres, no 42, p. 5 1-52; sur Kyprianos voir PLP 1 3944, V. LAURENT, Le corpus des sceaux de J'empire byzantin, V, 1-3: J 'Église, Paris 1 963- 1972, no 1 07 et DARROUZES, 'Orprpùcza, qui parle d'un cumul du ti tre d'hypatos attesté dans le cas du chartophy1ax Kyprianos. 4 1 . LOENERTZ, Cabasilas, p. 325, lettre no 3: «Touç B' Èv'tau8a 1tEpi Moucraç Ëxo v'taç 'touç 'tE iiÂ.Â.ouç Kai 1tpO "(E mlv'tmv 'tov 'tOU xop.ou Kopucpaiov, eç 'toiç iiÂ.Â.01Ç mim 'tOU "(' EiBéva\ Â.É"(ElV aïnoç - CPTJ I.1i 'tov CP\Â.ocrocpmv ü1ta'tov ... ». 42. PG 1 5 1 , col. 763 B. 43. BASSI, 1 manoscritti di Giovanni Pediasimo, p. 1407-141 8; précisément, pour son apport aux sciences exactes. voir SARTON, History of Science, ch. IV, p. 682-683; pour son oeuvre juridique: A. SCHMINCK, Der Traktat des Johannes Pediasimos, Fon tes Minores l, 1 976, p. 1 26- 1 27 et 1 30; Manuel Philès adresse à un certain Pothos un poème dont le contenu se rapporte au mariage: MANUEL PHILÈS, Carmina, éd. MIL LER, p. 278. 44. GRÉGOIRE de CHYPRE, Lettres, no 9, p. 9-1 0; pour Kaloeidas, voir AHR WEILER, Smyrne, p. 1 58. 45. PACHYMÈRE (A): II, p. 385, 1. 1 1- 1 8; PLP 1 783 1 ; Cf. CONSTANTINIDÈS, Higher Education, p. 37-38.
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arche, qui l'instruisait. Toutefois, en lui soumettant un écrit dogmatique pour en corriger la langue et le style, il contribua à son abdication en 1289: en faisant circuler son écrit, il donna l'impression que le patriarche en approuvait aussi le contenu au lieu de le réfuter46 • Un autre élève était au coeur des préoccupations de Georges de Chypre, le prôtasècrètis (de 127 4 à 128 3) Manuel Néokaisaritès. Celui-ci reçoit de'son maître un très grand nombre de lettres qui visent à lui sti muler le zèle pour les études47 . La philosophiè d'Aristote était parmi les disciplines que Georges de Chypre lui enseignait48 , mais pas régulière ment, en raison de ses nombreuses et longues absences du cours49 . Il de vait être très jeune, comme Nicéphore Choumnos, son condisciple, car dans une querelle qui s'était élevé entre eux, Georges de Chypre intervi ent et les traite d'enfants mal élevés 50. Georges se montre d'ailleurs par ticulièrement serviable envers Néokaisaritès, notamment quand il lui propose de saisir l'occasion d'un entretien avec lui dans son monastère, à un moment où il en avait le loisir5l . Néanmoins, Georges de Chypre se montrait parfois assez strict avec ses étudiants; ainsi envers un certain Georges, que son élève Néokaisaritès lui avait recommandé 52, et dont il constate après quelque temps qu'il n'est pas digne qu'il s'occupe de lui, parce qu'il est paresseux et inintelligent; il se limitait à suivre son cours privé, deux fois par semaine, sans rien faire entre-temps. Durant son patriarcat, il adresse à Théodora Rhaoulaina des lettres révélatrices de leurs relations intellectuelles, et aussi de la sollicitude que cette femme savante montrait pour lui. À part sa grande piété, qu'expri ment la restauration du monastère de S. Andrè in Krisei et la protection qu'elle offrit au patriarche après son abdication en le logeant auprès de son monastère, Théodora Rhaoulaina montre un vif intérêt pour la cul ture classique 5 3 ; ainsi ell� copie de sa main les oeuvres d'Aelios Aris46. PACHYMÈRE (B): II, p. 1 1 7, 1. 14- 1 7 et p. 1 1 8, 1. 1- 1 1 ; PLP 1 7087; cf. A. PA PADAKIS, Gregory of Cyprus (ti 83-1 289) and Mark's Report again, The Greek Ortho dox TheoJogicaJ Review 21, 1 976, p. 147- 1 57. 47. GRÉGOIRE de CHYPRE, Lettres, no 3 1 et 41 ; PLP 20094. 48. Ibidem, no 1 7, p. 14. 49. Ibidem, no 24. 50. Ibidem, no 47, p. 39. 5 1 . Ibidem, no 67, p. 50: 'to u 'PU1Œv8U'tTl KUt. ,; O"XE't1Ki) àVÉKOO'tT] È1t1O"'toÂ.i) "COu Mlxui)Â. ru�pa, � va Ko{vO)aT/ a1'Tlv 'EÀÀT/VlKr1 'EtazpEia laTop{aç rifç 1arplKifç, Iuveôp{a rifç 26T/ç 1avouap{ou 1970, p. 7, 1.9-15 et p. 8, 1. 31-32. 256. S. G. MERCATI, Lettera deI monaco Sofonia al fllosofo Giuseppe, Collectanea Byzantina l, 1970, p. 346. 257. PENTOGALOS, op. cit., p. 10, note 2. 258. JEAN ZACHARIAS, De spiritu animali, p. 313, 1. 1-2 et p. 386, 1. 10-13.
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3. Le cercle des astronomes autour de Théodore Métochite
Suivant les époques, le domaine de ce que l'on peut nommer l'en seignement supérieur s'étend où se rétrécit d'après les orientations et le niveau des intellectuels qui mettent l'accent sur telle ou telle discipline. Si l'instruction au-delà d'un niveau élémentaire sert comme moyen de promotion sociale et ouvre une carrière dans la fonction publique, les charges du palais ou la hiérarchie ecclésiastique, elle ne s'arrête pas tou jours à cela. Chez une élite intellectuelle, il y a indiscutablement une re cherche de la connaissance pour elle-même et aussi la conviction que la science conduit à l'acquisition de la vérité ultime259 . Sous cet aspect, l'étude dépasse le niveau pratique et n'est pas l'affaire du grand public. À la tête d'une telle élite, durant le règne d'Andronic II, se trouve un homme politique, Théodore Métochite. Grand logothète d'Andronic II, qui l'honorait plus que tout autre de sa précieuse amitié, il est consid éré aussi comme le responsable d'une renaissance de l'astronomie260 . D'après Métochite, l'astronomie occupe dans l'ordre des choses sensi bles la position la plus honorable et la plus divine; c'est grâce à elle qu'on peut arriver à la connaissance des choses célèstes; par conséquent on doit lui accorder, dans l'ensemble des disciplines scientifiques, le rang suprême261 . Métochite n'est pas le premier à manifester de l'intérêt pour l'astronomie, puisqu'on a déjà constaté que le mouvement vers les scien ces exactes et surtout vers l'astronomie était apparu au cours de la der259. Le mot science ( È1tlo"tTII.l.l,) chez les Byzantins est synonyme du terme lla9TII.l.a'tU ( disciplines scientifiques), qui sont au nombre de quatre: l'arithmétique, la musique, la géométrie et l'astronomie; cf. la définition de la science donnée par PACHY MÈRE (Quadrivium, p. 8, 1. 1-4) vers 1300: «Car si la science vise à nous conduire vers le monde intelligible, on ne peut parvenir du sensible à l'intelligible que grâce à un pont; ce sont les disciplines scientifiques qui servent de ponts et d'échelles». Pour un aperçu du ni veau scientifique des Byzantins à la fin du XIIIe et au cours du XIVe siècle, voir l'article d'Anne TIHON, Enseignement scientifique à Byzance, Byzantion 63, 1993, p. 432-433, qui est basée sur l'étude des manuscrits scientifiques lus, annotés, édités et commentés à cette époque. 260. Lui-même se vante dans sa 4ème poésie d'avoir remis en honneur l'astronomie; cf. GUILLAND, Les Poésies de Métochite, p. 270, v. 169-172: «�tOl tilv IlÈv Èyrov crocpi TJV vÉav àvuElpa ü",oç Èç àpl8EiKE'tOV, ÈJCÂ.Ei1toucrav 1tUAat, cpuoç àvà IlEp01tEcrm Ppou taiç 1tOAAà lloY'lcraç ËK t' oAiymv ÈIl1tupEUllutmV cpAouya IlEyicrtTJv»; sur l'oeuvre astrono mique de Théodore Métochite, voir SEVCENKO, Polémique, p. 109-117. 261. Sur la conviction de Métochite que l'astronomie est la plus élevée de sciences, voir SEVCENKO, Polémique, Logos 14, 21, 7-11. =
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nière decennie du XIIIe siècle, avec un courant qui tentait d'adopter l'astronomie arabe et persane et dont l'instigateur était le médecin Gré goire Chioniadès 262 ; toutefois l'astronomie, étant donné son caractère occulte, était étudiée avec précaution, sinon rejetée par l'Église2 63 ; c'est surtout de la relation étroite entre l'astronomie et l'astrologie que surgis sait un péril énorme pour la foi d'après les autorités ecclésiastiques. Compte tenu de cela, Métochite prend soin de dissocier l'astronomie de l'astrologie en professant que l'astronomie seule «qui s'applique aux mouvements égaux et inégaux du soleil, de la lune et des cinq planètes et aux configurations des uns avec les autres», ne met pas à l'épreuve la foi chrétienne 264 ; par contre, la partie de l'astrologie qui s'occupe de la pré vision de l'avenir et des influences astrales sur le destin des hommes, a des conséquences néfastes sur la piété chrétienne265 . Attaché à l'héritage de l'ancienne Grèce, Métochite se considère comme le précurseur du courant qui étudie la pensée de Claude Ptolé mée et par conséquent comme le maître par excellence dans ce do maine266 . Il donne le ton à l'activité astronomique et assure sa protec tion à un petit nombre de jeunes qui sont groupés autour de lui267 . L'oeuvre majeure de Ptolémée constitue le matériel destiné à l'étude. À la base de transmission de l'astronomie se trouvent les études per sonnelles auprès d'un maître, qui ne sont pas le substitut des écoles ou universités et qui s'adressent à un milieu intellectuel clos et numérique ment très faible. Un esprit novateur et inquiet caractérise ceux qui s'adonnent à l'astronomie, ainsi que leur désir commun d'entrer à la fin de leurs études dans le cercle des astronomes dirigé par le grand 10gothète et encouragé par l'empereur. Toutefois, si l'astronomie byzan tine connaît son époque la plus brillante sous Andronic II, souverain particulièrement attaché à la tradition orthodoxe et animateur à la fois de cette science ésotérique, ses horizons restent limités plus ou moins à Constantinople et même au milieu aulique d'Andronic II, puisque ce souverain entend que cette doctrine sublime ne soit pas enseignée au
262. Voir supra p. 39-40. 263 . Le fait que Chioniadès fut obligé à la fin de sa vie de soumettre au patriarche une profession de foi est assez significatif à ce propos. 264. SATHAS, MB, l, p. o�r. 265. Ibidem, p. OE'. 266. CANTACUZÈNE (Historia, l, p. 55, 1. 1-10) affirme, non sans exagération, que Métochite a eu de nombreux disciples en astronomie. 267 . BOISSONADE, Anecdota Graeca, III, p. 374-375.
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grand public2 68 . Vraisemblablement les réunions des astronomes se tien nent dans le palais en présence de l'empereur. Bien évidemment, l'activité de Métochite en tant qqe chercheur et maître d'astronomie n'est pas professionnelle; il fut d'abord un haut fonctionnaire qui prit figure de grand savant et surtout d'astronome en marge de son rôle politique et à un âge relativement avancé. C'est à l'âge de quarante trois ans (1313) que Théodore Métochite (ca. 1269/701332), sous les auspices de l'empereur qui découvrait Bryennios, se met à étudier cette discipline269 ; néanmoins, l'activité politique et les affaires publiques absorbent la plus grande partie de son temps, et ses moments de loisir sont rares2 70 . Pour cela Métochite installe chez lui Bryennios et profite de ses connaissances, puisque, selon lui, sans maître il est impos sible de s'assimiler la sagesse contenue dans l'Almageste 271. 268. Témoignage contenu dans une lettre inédite de Oinaiôtès adressée à l'aktouarios Jean Zacharias, Laur. S. Marco 356, fol. 66v-67r: «Èm:i m:: KaÀroç EiM'ta oiBa 81' OO"l1Ç È1tlIlEÀEiaç 6 9Eléna'toç Kat a"(lOç �Ilrov �aO"lÀEùç 1tE1toi11'tal 'tO Iltl 1toÀÀoùç xmpav Àall�a VElV 'tOU Kopucpaiou tOUtOU lla9i1lla'toç . . . »; cf. KOUROUSÈS, Epistolarion, p. 1 32. 269. L'habituel cursus d'études, qui ouvrit à Métochite une place au service de l'em pereur, avait pris fin 23 ans avant; lui-même dans sa Préface sur l'Introduction à J'astrono mie, ainsi que dans son Poème 1 (éd. TREU, Dichtungen, v. 388 et ss), nous donne une es quisse de ses études, dont les étapes principales sont les suivantes: né à Constantinople en 1270, il Y suivit jusqu'à 1 3 ans ses classes élémentaires, basées principalement sur la gram maire (p. 1tç'). En 1 283, il suit son père, l'archidiacre Georges qui fut exilé, en Asie Mi neure et continue son enkyklios paideia, qui comprenait la rhétorique, la Logique d'Aristote, les mathématiques à travers l'arithmétique de Nicomaque, la géométrie d'Eu clide, ainsi que des travaux d'Apollonios de Pergè, de Serènos et les Sphairika de Théodo rios; cf. p. 1tç-1tÇ') et l'Harmonique d'Euclide (p. 1t11'), en autodidacte jusqu'à 20 ans. À cette époque-là, il fait la connaissance de l'empereur qui séjournait à Nicée (1 290/ 1) et s'at tache à sa cour; après un an il figure comme membre du sénat et titulaire d'une dignité; au sujet de ses études voir SEVCENKO. Polémique, p. 269-27 1 ; IDEM, Théodore Métochi tes, p. 1 9-20; cf. Eva DE VRIES-VAN DER VELDEN, Métochite, p. 60. 270. Dans sa l lème poésie intitulée «Au savant Xanthopoulos Théodore, et sur ses propres malheurs», Métochite regrette le fait de s'être laissé attirer par la vie politique, qui l'empêcha de se consacrer entièrement à sa jouissance de la vie intellectuelle; cf. GUIL LAND, Les poésies de Métochite, p. 294; il exprime les mêmes sentiments aussi dans son discours intitulé Ethikos ou sur la culture, écrit en pleine carrière politique (cf. THÉO DORE MÉTOCHITE, 1l0lKOÇ if Trcpi TralOeiaç, éd. 1. D. POLEMIS, Athènes 1 995, p. 196, 1. 14-28 et p. 1 98, 1. 1 -20; cf. aussi à ce sujet, SEVCENKO, Polémique, p. 141 et note 2), ainsi que dans sa 1 2ème poésie adressée à Nicéphore Xanthopoulos (éd. Mary CUN NINGHAM, J. FEATHERSTONE, Sophia GEORGIOPOULOU, Theodore Metochi tes's Poem to Nikephoros Kallistos Xanthopoulos, Okeanos, Cambridge-Massachusetts 1 983, p. 1 03- 1 1 1). 27 1 . MÉTOCHITE, Poèm � 1 vv. 6 1 5-628; M ÉTOCHITE, Préface, p. p-pP-; Alma geste est le titre en arabe de l'oeuvre majeure de Claude Ptolémée intitulé MaOTlIJam(� Iu vmçlç.
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D'ailleurs, Manuel Bryennios était un des rares Byzantins capables de lire Ptolémée à cette époque2 7 2 , Actif à Constantinople pendant la période 1300-1320, il s'était distingué surtout comme astronome, mathé maticien et auteur d'un ouvrage volumineux, l'«Harmonique»27 3 , Bryen nios a sans doute écrit un ouvrage astronomique qui ne fut pas con servé, Son intérêt pour les mathématiques et l'astronomie date déjà des quinze dernières années du XIIIe siècle274 , Quant à ses connaissances en astronomie, elles étaient dues à un maître qui les tenait de la Perse où, «comme chacun sait, l'astronomie fleurit depuis longtemps»27 5 , Au bout de trois ans, vers 1316, Métochite présente comme fruit de ses études le premier livre de son ouvrage monumental intitulé Introduc tion li l'astronomie 276, Il s'agit d'un traité raisonné, dépourvu toutefois d'observations personnelles, à travers duquel l'auteur visait à faire oeuvre utile et pratique en clarifiant, à l'intention de ses contemporains et de la postérité, la pensée de deux sommets de l'astronomie, Claude Ptolémée et Théon2 77 , Malgré le fait que sa production comprend des ouvrages dans toutes les branches de la science et de la littérature27 8 , seuls ses ouvrages astronomiques semblent compter à son avis; il sou ligne que l'astronomie fut rénovée grâce à l'empereur qui encouragea 272. Sur ce personnage qui devait avoir le même âge que Maxime Planude, dont il était correspondant et ami, voir PLP3260, SEVCENKO, Polémique, p. 1 1 6, no 6 et SAR TON, History of Science, III, p. 745-746; voir aussi ce que Métochite raconte à propos de lui dans son Poème 1 , vv. 630-643 et dans son Préface, p. p'. 273. Il s'agit d'un ouvrage extrêmement technique, divisé en trois livres et écrit selon toute vraisemblance vers 1 300; son auteur emprunta largement aux oeuvres anciennes d'Aristoxénos, Euclide, Nicomaque, Adrastos d'Aphrodisias et Théon de Smyrne, ainsi qu'à celle de son prédécesseur dans ce domaine Georges Pachymère; toutefois si la ressem blance entre l'oeuvre de Bryennios et celui de Pachymère est frappante, la première sur passe la seconde par des analyses plus amples et mieux systématisées; cf. JONKER, The Harmonies of Manuel Bryennios, p. 28-30. 274. Voir supra p. 39. 275. MÉTOCHITE, Poème 1 , vv. 64 1 -645. 276. Texte de la Préface de cet ouvrage chez SATHAS, MB, l, p. m;'-pta'. 277. L'astronomie grecque 'atteint son plein développement aux environs de 1 20-1 50 p. C. avec l'oeuvre de l'astronome alexandrin Claude Ptolémée intitulée Ma(}llJ.laflK� .Euvmqlç. Quant à Théon d'Alexandrie, astronome et géomètre qui vivait vers 354 p. c., il influença beaucoup la littérature byzantine par ses commentaires à Ptolémée; cf. Anne TI HON, L'astronomie byzantine, p. 604. 278 . Commentaires sur Aristote, discours rhétoriques, écrits hagiographiques, une collection de traités hétérogènes intitulés Miscellanea et vingt poésies en hexamètres de dialecte épique; cf. SEVCENKO, Polémique, p. 31 6-31 7; cf. Ninoslava RADOSEVIC, Sorne Autobiographical Elements in a Poem of Theodore Metochites, JOB 32/3, 1 982, p. 1 0 1 ; cf. sa 1 2ème poésie intitulée «Au savant Xanthopoulos Nicéphore et sur ses propres ouvrages», où Métochite fait un rapide exposé de son oeuvre entière, dont il parle plus
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son étude et grâce à ses études nombreuses sur les théories profondes de Ptoléméé79 . Cette élite d'intellectuels, quoique limitée, n'est pas sans diversité; l'unanimité n'y règne pas toujours et des courants différents s'opposent dont l'origine est plutôt personnelle qu'idéologique. Ainsi, le deuxième personnage dominant la vie politique et intellectuelle à cette époque -ap proximativement de 1315 à 13272 8 °_, Nicéphore Choumnos (ca. 1250/551327), mettra l'accent sur la connaissance de la physique. Haut digni taire, rhéteur2 8 1 et philosophe, plus âgé que Métochite, Choumnos appa rtient lui aussi à l'entourage immédiat de l'empereur282 . Ayant composé un certain nombre d'ouvrages dans d'autres disciplines, il se plaît avant tout à traiter les questions physiques2 83 . Son amitié initüile avec Méto chite, qu'on peut constater dans leur correspondance284 , s'interrompt vers 1305/6285 à la suite d'une série d'événements qui donnent la préémi nence à Métochite au détriment de Choumnos 286 . Choumnos qui se voit évincé dans le domaine politique par l'ambitieux Métochite s'adonne as sidûment à son activité intellectuelle pour gagner ici la première place; le fait que ses écrits les plus importants, philosophiques et scientifiques, da tent de la période 1305-1321 n'est pas un hasard. Leur querelle, qui date des années 1324/25-milieu 1326, est alimen tée d'abord par Choumnos et prend prétexte d'une dispute sur le style; Métochite toutefois n'avait guère l'intention de perdre sa renommée de savant qui, grâce à l'astronomie, s'accroissait jour après jour; c'est pour-
longuement dans sa 4ème poésie; voir GUILLAND, Les Poésies de Métochite, p. 295-296 et 273 et MÉTOCHITE, flepi nvv oÎKdmv avvraY/iarmv, (éd. CUNNINGHAM, FEATHERSTONE, GEORGIOPOULOU), vv. 235-326. 279 . SEVCENKO, Polémique, Logos 1 3, 1 3, p. 201 , 1. 5-9; cf. SATHAS, MB l, p. pta', 1. 4- 1 3; GUILLAND, Les Poésies de Métochite, p. 272, 1. 25 1 -254. 280. SEVCENKO, Polémique, p. 10. 28 1 . La rédaction des oeuvres rhétoriques préoccupa Choumnos durant toute sa vie, fait qui confinne l'importance de la rhétorique à cette époque; à propos des ces oeuvres voir VERPEAUX, Choumnos, p. 83- 1 22. 282. Sur la carrière politique de Choumnos, voir ibidem, p. 33-52. 283. BOISSONADE, Anecdota Graeca, no 40, p. 50, 1. 1 2- 1 6; sur ses ouvrages physiques, voir VERPEAUX, Choumnos, p. 1 26- 140. 284. SEVCENKO, Polémique, p. 1 1 - 1 9 . 285. Ibidem, p. 1 50. 286. En effet, Métochite, après avoir exercé de hautes fonctions à Thessalonique au près de l'impératrice Irène, de retour à Constantinople a été promu logothète du génikon et devint un important personnage de l'entourage impérial; deux ans auparavant il avait donné sa fille Irène en mariage à un membre de la famille impériale, le neveu de l'empe reur, Jean Porphyrogénète; cf. MÉTOCHITE, Poème 1 , vv. 757-775.
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quoi il ne manque pas de riposter et d'entraîner son adversaire à sa suite dans son propre domaine, l'astronomie, pour provoquer à la fin sa dé faite. On peut suivre les péripéties de leur rivalité, qui, derrière l'antago nisme idéologique, dissimule un antagonisme personnel, dans les pamph lets qu'ils ont échangés 287 . En lançant un premier pamphlet intitulé Sur la critique et la création littéraires; à quel genre de lettres il faut s'atta cher et comment le faire, quel genre il faut éviter 288, Choumnos engage
la polémique; en exposant les principes de son activité de rhéteur, il con seille au destinataire de les appliquer également; en outre, pour donner un exemple de beau style, il recommande la fidèle imitation des anciens orateurs et, avant tout, l'harmonie et la clarté du style 289 . Sous l'appar ence d'un enseignement normatif et général sur l'éloquence et la techni que oratoire se trouve une attaque bien calculée contre le grand 10gothète. Métochite lui rend le coup par son Logos 13 intitulé Réfutation des hommes de lettres incultes 290, où il le traite comme un ignorant, un envieux, un calomniateur de la vénérable science astronomique, un ob stiné du style clair29 1 et un connaisseur superficiel d'Aristote et de Pla ton29 2 . Un deuxième pamphlet, intitulé Contre ceux qui ne peuvent sup porter qu'on réfute les rh6teurs au style obscur et rebelle à l'Art et qUJ: en astronomie, professent des idées contraires à celles de Platon 293, suit
de la part de Choumnos, qui présente comme modèle d'éloquence son maître Grégoire de Chypre, ainsi que ses auteurs préférés, Platon, Dé mosthène et Aristide294 , et accuse son adversaire d'avoir un style obscur
287. SEVCENKO, Polémique, p. 50. 288. éd. BOISSONADE, Anecdota Graeca, III, p. 356-364 et analyse dans SEVCEN KO, Polémique, p. 22-25. 289. CHOUMNOS, flEpi Â6ymv ICpiuEmq lCai Èpyauiaq, p. 360: l:ù 8', El �OUAEt O'E O'ro0'8at Ka!. àptO''tEUEtV È1t!. AOYOtÇ, OAOÇ yEvoU 'tfiç È1t1O''tTtjlllÇ Ka!. 'trov 'tau'tll 8E80yjlÉvrov Ka!. VEvojl08E'tlljlÉVrov . . . Ka!. 'tfiç cprovfiç yEVOU Ka!. yAc.O't'tllÇ 'trov àpiO''trov ÈKEivrov Ka!. jlE yUAroV . . . Kat ïva È1t1'tun:avnç, ËO''tro O'Ot Bil mlO'a AÉÇ,tÇ àKpt�roÇ cl't't1KTt . . . »; ses idées sont partagées par un certain nombre de ses contemporains, parmi lesquels Joseph le Philo sophe, Jean Zacharias et Manuel-Matthieu Gabalas. 290. SEVCENKO, Polémique, p. 1 88-2 1 7 . 29 1 . Ibidem, p. 207, 1 6, 1. 3-5. 292. Ibidem, p. 1 9 1 , 4. 293. éd. BOISSONADE, Anecdota Graeca, III, p. 365-391 ; cf. analyse dans SEV CENKO, Polémique, p. 25-50. . 294. CHOUMNOS, flpoq mùq 8uuXEpaivovmq, p. 369.
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et tourmenté29 5 . En second lieu, Choumnos, n'osant pas diriger ses atta ques contre l'astronomie, se lance contre le prétendu astronome qui est son rival en soutenant que son oeuvre manque de valeur et n'a pas de lecteurs. De plus Choumnos trouve une bonne occasion d'incommoder son adversaire en lui reprochant des opinions contradictoires avec celles de Platon, et cela en se basant sur le fait que l'image de l'univers présen tée dans l'Almageste était différente de celle exposée dans l'Epinomis de Platon (allusion au passage suivant: 990a 5-b2). Métochite est mis dans l'embarras, car il ne parvient à nier ni Platon ni Ptolémée. Comme il n'a pas d'autre choix, il soutient les deux autorités à la fois dans son Logos 14 intitulé Seconde réfutation des mêmes auteurs, tout en dévoilant les intentions malveillantes et malignes de Choumnos contre lui296 . D'ail leurs, il trouve l'occasion' de défendre ses idées aussi dans le troisième chapitre du premier livre de l'Introduction à l'astronomie, en professant la supériorité des mathématiques sur la physique297 . En se basant sur cer taines phrases tirées de la Préface de l'Almageste qui suggèrent l'incerti tude de la physique face aux connaissances certaines et immuables des mathématiques, Métochite en profite pour dévaloriser la physique. En re vanche, Ptolémée considère ces dernières comme un stade= préparatoire à la théologie et à la physique. Métochite se montre bon orthodoxe en écartant la théologie de la sphère d'étude et en soutenant qu'on peut l'aborder uniquement grâce à l'inspiration divine, et ensuite il ne lui reste qu'à démontrer la supériorité des mathématiques 298 ; Métochite revient sur le même sujet dans sa 10ème poésie299 intitulée Sur la Mathématique, branche de la philosophie, et, plus particulièrement, sur l'Harmonique. 295. Les accusations de Choumnos sur la diction de Métochite étaient justifiées; mê me l'élève bien aimé de Métochite, Grégoras, rapporte l'obscurité de son style: «On pou vait lui faire un seule reproche: il ne voulait imiter dans son style aucun écrivain ancien; il ne cherchait ni à agrémenter la gravité de ses sentences par l'aménité et la grâce de la dic tion, ni à modérer par un frein quelconque la fécondité trop riche de son génie; se complaisant dans sa manière à lui, il jetait le torrent de sa faconde comme une mer ora geuse, et frappait et en quelque sorte piquait les oreilles de ceux qui le lisaient, comme les épines les doigts de ceux qui cueillent les roses»; cf. GRÉGORAS, Historia byzantina, VII. II, p. 272, 1. 6-1 2; trad. par, St. BEZDECHI, Le portrait de Théodore Métochite par Nicéphore Grégoras, Mélanges d 'Histoire générale, Cluj 1 927, p. 60-61 . 296. SEVCENKO, Polémique, Logos 1 4, p. 225-227, 5-6; p . 229, 9, 1 . 3-4: «Kat 1tpO OElKVUElV ti}v Èq>' iJ�aç KaKOVOlav Kat KaKocrxoÂOV 1tpOSECJlV àq>iTJ�l»' p. 247, 23, 1. 1 51 7 «Kàv Ei crù �i} �OUÂEl Kat Âoyoypaq>fjç KaS' it�cilv �l�Âia, roç tàvavtia toiç I1ÂIltrovoç 86y�aCJl 1tEpt ti}v àcrtpOVO�lKi}V È1tlcrt"�TJV q>POVOUVtroV». 297. SEVCENKO, Polémique, p. 69-73. 298. Ibidem, p. 75-76 et n. 1 . 299. La composition de cette poésie se place entre 1 330 et 1 332;= cf. GUILLAND, Les Poésies de Métochite, p. 266.
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Dans la première partie, Métochite traite les mathématiques et la physi que comme deux branches de la science dont le but est commun; cepen dant, l'infériorité de la physique est prouvée par le fait que son domaine est limité, puisqu'elle se situe au niveau des sens300 . Somme toute, Méto chite sort vainqueur de cette querelle, et son préstige comme celui de l'as tronomie deviennent inébranlables. Métochite sera à son' tour, l'initiateur de Nicéphore Grégoras à la science de l'astronomie. C'est dans le monastère de Chôra, dont il avait personnellement assuré la restauration (vers 1316-1321), qu'il installe son disciple pour lui enseigner cette science 30 I . Grégoras est bien conscient de la faveur qui lui est accordée, étant donné que le grand logothète n'avait pas l'habitude de révéler les biens de la philosophie au premier venu 302 . Grégoras regarde l'étude comme le plus grand des bonneurs 303 , et cela encourage son maître à l'initier aux moindres secrets de l'astronomie. Ef fectivement, à l'âge de vingt sept ans, Grégoras exprime sa satisfaction en ce qui concerne ses études astronomiques et souhaite être présenté à l'empereur. Contre toute attente il est admis auprès d'Andronic II et de vient vite son protégé; à l'occasion et suivant l'usage, il ne manque pas de lui adresser un éloge où il loue ses deux vertus principales, la sagesse et l'éloquence 304. Deux ans plus tard, l'empereur, le considérant compé tent en ce domaine, lui confie un traité sur la fixation de Pâques; en effet, vers 1324, lors d'une réunion de savants qui se passait comme d'habitude dans le palais305 , Andronic II, qui dirigeait la discussion sur l'astrono mie, invita Grégoras à prendre la parole; ainsi Grégoras expliqua com ment on peut, grâce à l'astronomie, corriger la date de Pâques pour la re ndre fixe. Son exposé, appuyé sur des calculs précis, plut beaucoup à 300. Ibidem, p. 288. 301 . GRÉGORAS, Historia byzantina, VIII. 5, p. 308-309. 302. D'après Grégoras, son maître partageait dans ce cas l'avis de Synésios et de Ly sis Pythagorius (RE, Band XIV, 1 , col. 64, 2); cf. GRÉGORAS, Historia byzantina, VIII. 7, p. 322, 1. 1 - 1 7. 103 . GRÉGORAS, EpistuJae, no 26, 1. 8-1 6. 304. GRÉGORAS, Historia byzantina, VIII. 8, p. 328, 1. 5-9. 305. Grégoras en louant l'empereur dans un autre passage de son Histoire (cf. GRÉ GaRAS, VIII. 8, p. 327, 1. 5-22; p. 328, 1. 5-9; p. 330, 1. 5-7), dit qu'il avait transformé le palais en un lieu de haute formation morale et intellectuelle; il est vrai qu'Andronic Il fut comblé d'éloges par les lettrés qui l'entouraient, à cause de son penchant littéraire et scien tifique; (cf. GRÉGORAS, Oratio l, éd. LEONE, 1. 34-35, 38-4 1 , 44-45, 7 1-74; GRÉ GOIRE de CHYPRE, Anecdota Graeca, l, p. 386, 1. 1 7ss; THÉODORE HYRTAKÈ NOS, ibidem, p. 248; CHOUMNOS, ibidem, II, p. 4, 1. 1 6ss; p. 38, 1. 6; IRÈNE-EULO GIA CHOUMNAINA, Lettres, no 5, p. 36, 1. 39-42) toutefois dans ce dernier passage nous constatons que ses louanges avaient une base réelle.
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si, Pachymère, tout en admettant l'importance des sciences mathéma tiques et la primauté de l'astronomie dans son Traité des quatres sciences, porte un jugement très sévère sur les astrologues et l'astrologie3 16 ; quant à Grégoras il se servait de l'astrologie pour prédire des faits importants dont la connaissance restait toutefois dans l'intimité de la cour, puisque le secours de l'astrologie était très souvent invoqué par les empereurs pour apprendre par avance les événements décisifs tant de la vie publique que de leur vie personnelle; ainsi, il prédit la mort imminente d'Andronic II par une éclipse solaire suivie d'une éclipse de la lune et d'un tremblement de terre317 ; pareillement, la veille cie la mort d'Andronic III, il a été invité à vérifier si les présages célestes sont conformes à ceux de la médecine 3 1 s. À ce propos, on doit signaler qu'un horoscope fut tiré pour la reconstruc tion des murs de Constantin ople en mai 133031 9 . Zacharias se révèle dans ce dialogue comme un connaisseur profond des questions concernant l'astrologie, dont il entreprend la défense en assurant que grâce aux étoiles on arrive uniquement à prédire et pas à déterminer les événements3 2 o. D'après sa théorie, il existe une dépen dance successive et harmonieuse dans l'univers selon laquelle la terre et le reste de la création dépendent de la nature, la nature dépend des étoiles et les étoiles du Créateur. En outre, il professe que l'âme, étant donnée sa substance divine, est liée directement au Créateur et que par conséquent les étoiles n'ont aucun effet sur elle. Ainsi, il arrive à élimi ner de l'astrologie la seule doctrine que proscrive le dogme chrétien, le fatalisme fondé sur les astres causes et non signes. Par contre le corps, qui participe à l'effort matériel, subit l'influence des étoiles 321 , quoique oVta IlUV9UVE1Ç, ïvu KUt. 7tpo8ûiuo"Knç a'Yvooikn . . . 7tEpt. 'tmv . . . a18irov KUt.. .. aIlEta�À:., 'trov»' cf. KOUROUSÈS, Epistolarion, p. 1 27. 3 1 6. PACHYMÈRE, Quadrivium, p. 39 1, 1. 12- 1 9. 3 1 7. GRÉGORAS, Historia byzantina, IX. 1 4, p. 460, 1. 4-9. 3 1 8. Ibidem, XI. 1 1 , p. 559, 1. 20-22. 3 1 9. Fr. CUMONT, Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1 9 1 9, p. 180. 320. Hermippos ou sur l'astrologie, §. 11 ', p. 1 1 , 1. 1 5- 1 8: «Ei 8è cpiJaEl nç, ffiç il aû.iJ vl1 �"'U�l1V ÈmcpÉpEl, Èv Otç av ÈK",ei7tOUau 'tux'n, roç nVEç KUKmç U7tEl"'l1CPO'tEÇ 7tupÉ8ro KUV, aKOIJaE'tul, ffiç où 7toeiv ËX,El llêi",,,,O V ft al1lluivEl 'YEvÉa8um; voir aussi §. 9'; cf. KOU ROUSÈS, Epistolarion, p. 1 65-1 66. 321 . Hermippos ou sur J'astrologie, p. 1 1 , 1. 1- 14: «il IlÈV 'l'ux,tl Ku8u7tuç KUt Ècp' 07t oicp 8iJ7tO't E aoollun avro9Ev 'ttlV a7toppotlV Ëx,ouau KUt. 'ttlV CPUatV a'Yu9tl oùau, ei Iltl 7tpOç 'to OiKeiOV È7tUVU'teiVE'tat, eiKO'troÇ a7to'tiaEl 'ttlV 8iKl1V' 'to 8è amll!l 'tfiç U"'lKfiç 7tpO a7tu9eiuç IlÉ'tox,ov rov 7tu811 'tE 7tuv'to8U7tà KUt. KpuaElç 8tacpopouç ucpia'tu'tat EÙ 'tE KUt. tOùvuv'tiov Èx,ouauç, KUt. 'tUU'tuç 8iJ CPUIlEV eiç 'ttlV 'tmv aa'tÉprov aviJKElV ÈVÉP'YEtaV, OÙK UÙ'ttlV 'ttlV oùaiuv KUt. BUvUlllV 'tfiç 'l'ux,fiç . . . »; pour une analyse complète du dialogue voir KOUROUSÈS, Epistolanon, p. 1 62-1 80. .
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l'écheance de la mort ne dépende pas uniquement d'eux. C'est peine per due, suivant lui, que de chercher dans les astres ouvaO'-u:iaç 11 o6çaç 11 ya� o u ç , Ën of: n:ÀO\houç KUt viKaç»322 . On peut retrouver le modèle de ce dialogue de Zacharias dans l'oeuvre ancienne de Lucien intitulée Sur l'astrologie qui exerça son influence non seulement sur le titre, qui est identique, mais aussi sur la structure et la diction. Suivant la tradition établie, Zacharias aura à son tour un élève. Ain si, Georges Oinaiôtès 3 23 adresse à l'aktouarios une série de lettres entre ca. 1321-ca. 1327, où il le prie de l'initier à l'astronomie considérée comme le sommet de la connaissance. Il n'y a pas de doute qu'il s'agit de Jean Zacharias, puisqu'il est le seul aktouarios connu durant cette période3 24 . En outre, une parenté entre eux semble engager plus Zachar ias envers Oinaiôtès 3 25 , dont la demande se réalise. L'intervention de Mélitèniôtès contribua aussi à cela puisqu'une lettre de remerciement lui fut adressée de la part de Oinaiôtès 3 26 . Zacharias aide son élève par tous les moyens et lui prête aussi ses livres d'astronomie, qu'il utilisait pour ses études personnelles 3 27 . Ainsi, dans la dernière lettre qu'Oinaiôtès adresse à Zacharias3 2 8 , il se présente comme un connaisseur de cette science et comme tel, il souhaite être admis dans le cercle des astro nomes; pour cela, il demande à Zacharias d'intervenir en sa faveur auprès du grand logothète3 29 . En dépit de son désir, il reconnaît la diffi-
322. Voir à A. BOUCHÉ�LECLERCQ, L 'astrologie grecque, Paris 1 899, p. 623, note 1 , qui ajoute que dans le cas de l'auteur d' Hermippos on est face à quelqu'un qui pro fesse une «astrologie édulcorée et déguisée en philosophie platonisante». 323. Sur les Oinaiôtai connus sous les Paléologues, voir KOUROUSÈS, Gabalas, p. 1 06- 1 08; à propos de Georges Oinaiôtès, voir aussi PLP 21026. 324. KOUROUSÈS, Epistolarion, p. 1 24. 325. Ibidem, p. 1 25- 1 26. 326. NE 1 2, 1 9 1 5, p. 9, 1. 9-22: ; cf. ibidem, VI, no 8 1 , p. 40, 1. 7-8 . '
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nic II. Le professorat est considéré comme une charge et est appelé ÀEt'toupyia; quant à lui, il ne peut s'affranchir de sa tâche sans le con sentement impérial. En outre, il est payé sans régularité par les parents de ses élèves. C'est justement cette irrégularité des paiements qui conduit Hyrtakènos à se plaindre auprès du grand logothète, en lui rappelant que ses prédécesseurs Hyaléas et Chalkomatopoulos avaient bénéficié d'une pension sur le trésor public grâce à l'intervention du grand 10gothète et protovestiaire Théodore Mouzalôn (1282-1294) et de l'épi tou kanikleiou Nicéphore Choumnos respectivement4 1 6 . C'était pour les deux bénéficiaires une situation privilégiée et il semble qu'ils n'étaient pas les seuls, puisque Hyrtakènos se limite à mentioner les exemples les plus récents. Somme toute, en finissant sa requête, Hyrtakènos, menace d'arrêter son enseignement si le grand logothète n'intervient pas auprès de l'empereur en sa faveur pour qu'il soit compté au nombre des fa vorisés du sort. D'ailleurs, Hyrtakènos s'était adressé, dans un temps antérieur, di rectement à l'empereur en lui demandant de le libérer de sa charge d'en seignant, puisqu'il n'avait rien gagné tout au long de sa vie; à moins qu'il consente de lui verser un traitement du trésor public4 1 7 . Il apparaît que l'empereur lui donna l'ordre de continuer son enseignement et lui promit d'accomplir sa requête; entre-temps, il était nécessaire que quel qu'un rappelle à l'empereur sa promesse et, selon Hyrtakènos, seul le pa triarche Jean Glykys pourrait être efficace; Hyrtakènos fait appel à son élève Basile Glykys pour convaincre son père d'intervenir à son sujet41 8 .
4 1 6. HYRTAKÈNOS, Lettres, VI, no 74, p. 35, 1. 1 3-24: «Oi 1tpO crou tà tfjç crfjç ùPX,fjç tautTJç ÈÂ,auVOVtEÇ aplla, 1toÂ,Â,tlV 1tEpt tOV 'Epllfjv Kat tOùç 'EpllOU 9Epa1tOVtaç È1tEt8dKVUVtO 1t povOtav, otKo9EV tE Kat tOOV pacrtÂ,tKOOV 1tputavdrov Ù1tocrttiÇOVtEÇ, . . . "Iv' oùv tOÙç 1taÂ,atotÉpouç Ë6.crOtllt, tOÙç Ècp' TJIlOOV Èpro. MouÇaÂ,rov ÈKEiVOÇ, 6 1tptV IlÉyaç IlÈV Aoyo9ÉtTJç, Elta 8È Kat TIprotOpEcrnaptoç, où tOV 'YaÂ,Éav, oùX, (,oKaVtKÂ,dou XaÂ, Krollat01tOuÂ,ov pacrtÂ,tKrov crttTJPEcrirov �çirocrav; .. :EycO 8É, 1tpOç tivoç, Kat 1t09EV· El Iltl crù Kat to crov 1tpOvoticrEtai lloU cptÂ,ocrocpov, Kat pacrtÂ,tKfjç ùçuocrEt KTJ8EIlOviaç». 4 1 7. HYRTAKÈNOS, Lettres, VI, no 64, p. 26, 1. 1-2: «MaKpoç ilOt Xpovoç 1tat8o tptpouvn 1tapcPxTJKE, KpancrtE pacrtÂ,EU, Kat tfjç È1tapatou Â,Ettoupyiaç ovallÉVCP IlTJ8Év»; p. 27, 1. 2-7: «TOtyapouv Ù1tEtpTJKOn 1tat8otptPEiv, Kat 80çav ù1taÂ,Â,ayfjvat, {laov où8Èv avEU tfjç crfjç 1t pocrtayfjç. �Éollai crou tOU KpatOUç 8uoiv 9atEpov· 11 tfjç Â,Ettoupyiaç ù1taÂ,Â,aytiv, 11 tOOV pacrtÂ,tKOOV 1tputavdrov crttTJPEcriav». 4 1 8 . Ibidem, VI, no 93, p. 47, 1. 1 -2, p. 48, 1. 3-9: «Kat 1taÂ,tV \mo çuyé!> 8ouÂ,Eiaç Ka ta8E8iKacrllat, pacrtÂ,Éroç ën 1tat8EUEtV vÉouç 1tpocrtacrcrovtoç. �ETJ9Eiç oùv tOOV pacrtÂ,t KOOV 1tputavdrov Ù1tOcrttiÇEcr9at, pacrtÂ,Eùç KatÉvEUcrE KEcpaÂ,fi . �Ei 8È tOU 1tpOç ëpyou ÈK PfjVat KtVticraVtoç ttlV KatavEUcrtv. Ttç 8È TIatptapxou yÉVOtt' uv 8tKatOtEpOÇ· Otcp llaÂ, Â,OV tOOV aÂ,Â,rov IlÉÂ,Et trov Â,oyrov».
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On pourrait dater cette requête à l'empereur des années 1315-1319, c'est-à-dire la période du patriarcat de Jean Glykys. Certes, Hyrtakènos ne pouvait omettre dans sa liste de pétitions l'épi tou kanikleiou Nicéphore Choumnos, qui avait déjà� fait preuve de bonne volonté pour les conditions des enseignants; compte tenu de cela, Hyrtakènos lui rappelle que son prédécesseur Chalkomatopoulos avait reçu de grands bienfaits grâce à lui et l'incite à agir de la même manière dans son cas également41 9 . À propos de Chalkomatopoulos et de son activité d'enseignant, qui se place au cours de la dernière décennie du XIIIe siècle, on trouve des renseignements supplémentaires dans la correspondance de Maxime Pla nude. Planude intervient auprès de lui à propos de l'enseignement secon daire du fils de son ami Phakrasès, prénommé Jean, dont il entrevoit dès le début les futurs progrès; il compte entreprendre lui-même l'instruction supérieure de Jean, car il le considère comme son fils spirituel. Avant que Jean fasse partie des élèves de Chalkomatopoulos, il fréquente un ÔtÔUO'KuÂElOV pour acquérir une éducation de basé20 . Quant à la pré férence de Planude pour Çhalkomatopoulos, elle est due à leur amitié et à la confiance qu'il avait dans son talent pédagogique421 . Néanmoins, l'efficacité de son école et ses méthodes pédagogiques déçoivent Pla nude, qui constate que le progrès de Jean n'est pas considérable; malgré ses capacités, Jean ne fait que perdre son temps, car les matières qu'on lui enseigne sont insignifiantes comparativement à celles qu'il est apte à assimiler422 . Planude demande avec instance à Chalkomatopoulos de prendre soin personnellement de Jean et de veiller à ce� que le travail donné par ses assistants à Jean ne soit pas aussi négligeable42 3 ; quant à la matière principale qu'on lui enseignait, elle comportait, semble-t-il, la poésie424 .
4 1 9 . Ibidem, VI, no 74, p. 3 5, 1. 20-23; no 77, p. 37, 1. 1 2-20: «'Eyro 0' È�au'tov 'taÂ.a viÇm 'ti)v È�i)v ouO'oal�oviav olavoou�EVOÇ. Kat ��v, ·YaÂ.Éaç ÈKEiVOÇ oloO:O'Kmv, 'toov �a0"1Â.1KOOV 1tpu'tavE1mv cl1tEO"1'tiÇE'tO, Kat x,puO'iov O'ux,vov È1tOpiÇE'tO, �ÉX,pl 'tep X,pEroV ÈÂ.El 'tOUPyT)O'EV. "OyE �Èv XaÂ.Km�a'té)1touÂ.oç· clÂ.Â.à 'tt oEi Kat Â.ÉyE1V 01tOO'ov EôOat�oviaç 'tclV opi 1tEptfjV olà O'OU. "Hv oùv Kat 1tpoç ��aÇ � �aO"1Â.Émç 1tpOVOla olà O'ou ota�aiT), . . . »; Ni céphore Choumnos fut promu à la dignité d'épi tou kanikleiou après la mort de Théodore Mouzalôn en 1 294; cf. PACHYMÈRE (B): II, p. 1 93, 1. 6-9; cf. SEVCENKO, Polémique, p. 147 et note 6. 420. PLANUDE, Lettres, no 8, p. 1 923_ p . 20 1 1 . 421 . PLANUDE, Lettres, no 66, p. 97, 1. 9-1 2. 422. Ibidem, no 66, p. 97, L 1 3- 1 9. 423 . Ibidem, p. 97, 1. 20-25. 424. Ibidem, p. 98, 1. 1 1- 1 4.
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En outre, on remarque que même dans le cas de Chalkomatopou los, qui jouissait de la protection de l'empereur, sa rétribution provenait principalement de ses élèves; ainsi, Planude, en finissant sa lettre, touche le sujet de sa rémunération (Jlta90ç) en exprimant son espoir qu'elle sera plutôt conforme à leur amitié qu'à celle que les professeurs exigent d'ha bitude42 s. À travers sa correspondance Hyrtakènos utilise, pour qualifier son métier de professeur, les termes suivants: btba.mcUÀOÇ, 1tUtb E U 'tf]Ç , Ku91l Y ll'tf] ç; son école est désignée comme JloucrEiov et axoÀ" et l'enseigne ment dispensé comme 1tUtbEiu, 1tUi b E U at ç et Àoyot; en se rapportant, en fin, à ses élèves, Hyrtakènos les nomme cpot'tll 'tÈç et 1tUibEÇ. La carrière de ses anciens élèves, parmi lesquels Constantin Loukitès, haut fonction naire à la cour de Trébizonde426 , l'épi tôn déèséôn Rhadènos427 et Alexis Apokaukos, dont la carrière fut marquée par diverses fonctions et par son rôle actif dans la vie politique de son temps (1321-1354)42 8 , ainsi que sa nouvelle clientèle, parmi laquelle se comptent le fils du grand logothète Théodore Métochite et celui du patriarche Jean Glykys, permettent de supposer que l'école d'Hyrtakènos, comtp.e auparavant celle d'Hyaléas et de Chalkomatopoulos, était une pépinière de hauts fonctionnaires. Un tel enseignement s'adressait par conséquent principa lement à la classe qui était ou qui voulait être associée au pouvoir. Quant au contenu de l'enseignement, malgré le fait qu'Hyrtakènos ne s'y réfère pas, il comportait vraisemblablement la poésie et la rhétori que, les deux arts qui formaient, par l'acquisition de la langue attique, l'homme instruit. En outre, les propres intérêts d'Hyrtakènos, qui em brassent en principe la rhétorique et la poésie, portent aussi témoignage sur les matières enseignées 429 . 425. Ibidem, p. 98, l. 1 6- 1 8. 426. Sur Constantin Loukitès, prôtovestiaire à Trébizonde de 1 330 à 1 336, voir PLP 1 5 1 53; GUILLAND, Correspondance, p. 347; une lettre que le médecin et astronome Gré goire Chioniadès lui adressa (Lettres, no 4, p. 4 1 -42, 1. 1 - 1 6) met en évidence que Loukitès était un homme érudit et remarquable pour son habileté dans l'art de la rhétorique; Chio niadès évoquait avec nostalgie leurs relations intellectuelles passées. Aussi incitait-il de nombreux Constantinopolitains à se rendre à Trébizonde pour bénéficier de la fréquenta tion de Loukitès. Nicéphore Grégoras exprime d'ailleurs la même admiration au sujet de l'érudition et du langage de Loukitès (cf. GRÉGORAS, EpistuJae, no 143, p. 349, 1. 1 -7 et 1 9-24). 427. PLP 23984. Sur la famille Rhadènos en général, voir K. AMANTOS, 'PaoT)v6ç, 'EÂÂT7 VlKà 3, 1 930, p. 538-539. 428 . HYRTAKÈNOS, Lettres, no 69, p. 30-3 1 ; PLP 1 1 80. 429. Sa production rhétorique comporte une Ekphrasis, (éd. BOISSONADE, Anec dota Graeca, III, p. 59-70) et trois monodies composées lors de la mort d'Irène de Mont-
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Parmi les élèves d'Hyrtakènos, celui qui lui pose les plus grands pro blèmes est le fils de Théodore Métochite; d'après la lettre qu'Hyrtakènos adresse à son père43 o, celui-ci préférait, au lieu de fréquenter son cours, s'amuser dans les rues, à l'hippodrome et dans les théâtres. Hyrtakènos essaie de le corriger d'abord en lui faisant des remontrances et ensuite en lui infligeant des châtiments corporels; pourtant ses méthodes péda gogiques n'ont eu aucun résultat, puisque son élève non seulement n'a pas changé de conduite, mais en plus il n'a pas mis le pied à l'école pen dant cinq jours43 1 . En finissant, Hyrtakènos signifie à Métochite que c'est à lui maintenant de prendre des mesures. Quant au fils du patriarche Jean Glykys, Basile, Hyrtakènos lui donne toutes les qualités; toutefois, il n'hésite pas à lui demander à plu sieurs reprises d'influencer son père en sa faveur comme forsqu'il voulut prendre possession d'un petit monastère situé près de Cyziqué3 2. Les besoins d'Hyrtakènos ne prennent jamais fin, et il fait même souvent appel à ses anciens élèves pour les remplir; il sollicite Bardalès pour assurer la conservation de ses livres et pour lui procurer de la nour riture pour son cheval433 . En échange d'une copie de l'Odyssée d'Ho-
ferrat ( 1 3 1 7), de Michel IX ( 1 320) et de Nicéphore Choumnos ( 1 327); (éd. BOISSO NADE, Anecdota Graeca, l, p. 269-28 1 , 254-268 et 282-292); Hyrtakènos compose aussi des vers qu'il soumet à l'appréciation de Galèsiôtès (cf. HYRTAKÈNOS, Lettres, VI, no 52, p. 1 6, 1. 1 -5); il se déclare souvent un admirateur avoué des oeuvres rhétoriques de Choumnos qui furent présentées devant un auditoire appelé syllogos (HYRTAKÈNOS, Lettres, V, no 5, p. 727, 1. 1 - 10; VI, no 9 1 , p. 46, 1. 1 -4 et 8-1 2); on doit signaler à cet égard qu'Hyrtakènos en louant les aptitudes de son ancien élève Constantin Loukitès à l'imitation de la langue et du style attiques, ne fait qu'exalter le résultat de son enseigne ment; par extension, Hyrtakènos loue Constantinople comme un foyer de culture qui pro duit des rhétoriciens illustres, des philosophes, des astronomes et des théologiens (cf. HYRTAKÈNOS, Lettres, no 73, p. 34, 1. 1 - 1 2); les intérêts philosophiques d'Hyrtakènos sont secondaires et n'apparaissent que lorsqu'il demande à Choumnos son traité philoso phique Sur J'âme (cf. HYRTAKÈNOS, Lettres, V, no 6, p. 727, 1. 1-7 et no 7, p. 728, 1. 1 3, p . 729, 1. 1). 430. HYRTAKÈNOS, Lettres, no 19, p. 738, 1. 1 -1 2. 43 1 . Son nom n'est pas mentionné, mais on doit le reconnaître parmi les quatre ftls de Théodore Métochite dont les noms sont Alexis, Dèmètrios, Michel et Nicéphore (cf. PLP 1 7977, 1 7980, 1 7985, 1 7986 respectivement; le dernier est exclu du fait qu'Hyrtakènos lui adresse une lettre où il le nomme philosophe; cf. HYRTAKÈNOS, Lettres, VI, no 44, p. 12, 1. 1-3; au contraire CONSTANTINIDÈS (Higher Education, p. 93) mentionne Nicé phore comme élève d'Hyrtakènos; quant aux trois autres, ils pourraient tous être élèves d'Hyrtakènos. 432. HYRTAKÈNOS, Lettres, VI, no 67, p. 28, 1. 2-6 et p. 29, 1. 1 1 -1 4. 433. Ibidem, V, no 29, p. 744; sur Bardalès, voir PLP 2 1 77; sur la famille Bardalès, voir TREU, EpistuJae, p. 200.
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mère qu'il envoie à Loukitès, Hyrtakènos exige de lui des vêtements434 . À Rhadènos et à Phôkas, il demande aussi des faveurs comme signe de reconnaissance et de gratitude pour l'instruction qu'ils ont reçue auprès de lui435 . Selon toute vraisemblance, Hyrtakènos n'a jamais reçu satisfaction à ses pétitions; à un âge avancé il a voulu mettre fin à ses misères en em brassant la vie monastique; toutefois même ce désir ne fut pas réalisé436 ; il a dû finir sa carrière dans le rude métier de professeur et, malgré le fait qu'il a formé plusieurs fonctionnaires, l'empereur ne fut jamais cap able de lui assurer une vie digne de ses services.
434. HYRTAKÈNOS, Lettres, VI, no 37, p. 7, 1 . 2 1 -27. 435. HYRTAKÈNOS, Lettres, VI, no 3 1 , p. 3, 1. 4-8, no 1 0 et no 60; Phôkas était vraisemblablement un fonctionnaire au service de l'empereur, si on en juge d'après les let tres no 26, p. 752 et no 72, p. 34 qu'Hyrtakènos lui adressa. Peut-être on peut l'identifier avec Constantin Phôkas correspondant de Michel Gabras (cf. GABRAS, Lettres, no 254). 436. HYRTAKÈNOS, Lettres, VI, no 6 1 , p. 24-25 et no 93, p. 47, 1. 1 -2, p. 48, 1. 1 -4.
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7. Vers l'acquisition d'une conscience hellénique
L'image d'une petite élite adonnée aux études scientifiques, notam ment celles de l'astronomie, ne représente que partiellement les ten dances qui animent le mouvement intellectuel au cours de la première moitié du XIVe siècle. Les intellectuels dans leur ensemble s'orientent moins vers le perfectionnement des connaissances que vers la pratique de la rhétorique et l'acquisition d'un style. Penchant alors vers un classicisme plus littéraire que scientifique, ils se différencient de la large masse de la population par l'usage d'une lan gue savante. Il s'agit de la langue de l'antiquité qui, cultivée au cours d'un millénaire comme un héritage précieux, atteint à cette époque au purisme le plus intransigeOant. Une impulsion particulière vers cet arch aïsme a été déjà donnée par les travaux spécialisés de la génération des philologues (ca. 1290-ca. 1325)437 . En outre, la manifestation d'une con science hellénique, déjà repandue dans les textes de l'époque, vu le rétré cissement progressif de l'empire438 , entraîne une tentative tyrannique et obstinée de retrouver les qualités de style et de goût du dialecte attique dans sa pureté passée; or cette domination de l'hellénism_e , qui entraîne à l'excès les intellectuels, ne peut s'interpréter que comme une tentative de déguiser les humiliations du présent par l'appropriation d'un passé de grandeur43 9 : «n'est-ce pas par la race et la langue que nous sommes compatriotes et héritiers des anciens Hellènes?», écrit Théodore Méto-
437. Voir supra, p. 49-59. 438. Chez Théodore Métochite ce rétrécissement de l'empire fait l'objet de quatre thrènoi qui montrent qu'il n'a plus d'illusions sur le sort fatal de l'empire; cf. Miscellanea, ch. 37-40, p. 237-258 et spécialement p. 238-239 où il déplore la perte récente des parties orientales de l'empire. 439. Au sujet de la décadence politique et culturelle qui commence déjà à être percep tible, voir SEVCENKO, The Decline of Byzantium seen through the Eyes of its Intellec tuaIs, DOP 1 5, 1 96 1 , p. 1 72- 1 75; cf. P. LEMERLE, La notion de décadence à propos de l'empire byzantin, Classicisme et déclin culturel dans l'histoire de l'Islam, (Symposium de Bordeaux, 1 9 57), p. 263-277 et surtout p. 270-27 1 , où il soutient que les Byzantins réali saient la ruine de l'État mais ils n'étaient pas conscients d'une décadence culturelle. Voir aussi Sp. VRYONIS, Byzantine Cultural Self-Consciousness in the Fifteenth Century, dans: The Twilight of Byzantium. Aspects of Cultural and Religious History in the Late Byzantine Empire, éd. S. éURCIé, Doula MOURIKI, Princeton, New Jersey 1 99 1 , p. 51 4.
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chite en formulant ainsi la conviction qui domine et inspire déjà l'élite intellectuelle440 . Pour ce qui est de la langue parlée ou de la langue koinè, elles sont méprises par les hommes cuitivés; ceux qui n'arrivent pas à s'exprimer dans la langue attique sont considérés comme des gens ignares44 1 . Un sentiment de supériorité inspire les esprits cultivés qui s'oppo sent radicalement au reste de la population442 . Leur préoccupation ma-
440. Cf. THÉ ODORE MÉTOCHITE, Miscellanea, p. 595, 1. 1 4-20; à partir de cette époque le terme Hellèn devient très repandu dans les textes; cf. MICHEL GABRAS, Let tres, no 95, no 1 1 1 , 1. 7, 1 6, 1 8, 1 9, 20, 23, 24, 29, 3 1 , 32, 36, 37, 4 1 , 42, 45, 47, 50, 5 1 , 52; no 1 1 5, 1 . 43, 70, 7 1 ; no 1 22; no 1 46, 1. 57, 59; no 1 54, 1. 1 8, 47; no 1 6 1 , 1. 27 et no 300, 1. 298; NICOLAS KABASILAS, Lettres, no 4; IDEM, Éloge à Anne Paléologine, p. 1 1 81 1 9; NICOLAS LAMPÈNOS, Una lettera, éd. LEONE, p. 346; GRÉGORAS, Epistulae, no 32a, 1. 243; no 32b, 1. 2 1 6; no 4, 1. 83, 9 1 , 1 63 ; no 9, 1. 9; no Il, 1. 76, 77; no 1 5, 1 . 22, 92; no 2 1 , 1. 27, 65; no 24a, 1. 32; no 24b, 1. 33; no 34, 1. 24; no 4 1 , 1. 76; no 43, 1. 87; no 44, 1. 52; no 57, 1. 55; no 62, 1 . 47; no 63, 1 . 1 , 34; no 7 1 a, 1. 1 , 1 5, 41 ; no 7 1 b, 1. 1, 1 5, 41 ; no 73, 1. 25; no 76, 1. 67; no 85, 1. 72; no 1 05, 1. 1 1 6; no 1 07, 1. 7; no 1 09, 1. 57; no 1 1 3, 1. 1 , 7 ; n o 1 1 4, 1 . 58; n o 1 20, 1. 3 ; n o 1 26, 1. 50; n o 1 32, 1 . 1 ; n o 1 48, 1. 3 5, 2 1 9; n o 1 57, 1. 1 9 ; no 1 , 1. 8; no 4, 1. 35; no 5, 1. 1 0; no 7, 1. 1 2; no 1 0, 1. 4 1 ; no Il, 1. 9; no 1 8, 1. 8, 1 2, 18, 32; no 1 9, 1. 1 1 2; MATTHIEU D'EPHÈSE, Lettres, no 5, 1. 1 5; no 20, 1. 29, 35; no 56, 1. 78; no A 1 8 , 1. 292, 523; sur la naissance du patriotisme grec-byzantin, voir Hélène AHRWEI LER, L 'idéologie politique de l'empire byzantin, Paris 1 975, p. 61 -64; selon A. VAKALO POULOS ( The Origins of the Greek Nation: The Byzantine Period, 1204-1461, New Brunswick, New Jersey 1 970, p. 28 et 36-38) l'apparition d'une conscience hellénique re monte en 1 204 à l'empire de Nicée; sur le remplacement du terme traditionel Romaioi par celui de Hellènes, voir S. RUNCIMAN, Byzantine and Hellene in the Fourteenth Centu ry, TOfJoç Kmvcrra vdvov 'APfJ8V01WUÂ,OV, Thessalonique 1 959, p. 27-3 1 ; sur le terme 'EÂ,Â,1J VIŒfJOÇ à l'époque des Paléologues, voir D. ZAKYTHINOS, États-sociétés-cultures. En guise d'in troduction dans: Byzance: État-Société-Économie, London, Variorum Re prints, 1 973, ch. XII, p. 1 2 . 44 1 . Cf. Vie de S. Maxime le Kausokalybe, p. 7 1 , 5, 1. 1 2- 1 7, o ù Théodore Métochite méprise S. Maxime justement pour la langue qu'il utilisait; également le patriarche Atha nase 1er (1289- 1 293, 1 303- 1 3 1 0), qui n'était pas familiarisé avec la littérature et la langue classique, est considéré par GRÉ GORAS (Historia byzantina, t. 1, VI. 5, p. 1 80, 1. 1 8-20), comme un homme sans éducation; la langue utilisée par Athanase, comme cela se voit dans ses écrits et spéciallement dans sa correspondance, était une koinè qui abondait en mots empruntés de la langue parlée; cf. un autre exemple à ce sujet dans: MICHEL GA BRAS, Lettres, no 373, 1. 2-5: « . . .roç vuv O'Ot 7taptO'tUJlEVOÇ 6 7taiç Kahot OÙK oÀ.i'Ya tTJV 'YÀ.Ô.htav u7to�ap�apiÇmv . . . »; sur cette question en général, voir BROWNING, Literacy in the Byzantine World, p. 39. 442. GRÉ GORAS, Historia byzantina, t. l, X. 8, p. 5 1 7, 1. 24-25; cf. IDEM, Epistu lae, no 1 1 2, l. 46-5 1 .
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jeure demeure l'usage correct de la langue attique443 ; c'est un but tangi ble qui peut se réaliser plus ou moins selon le degré de la culture classi que de chacun et à condition qu'on se met à la composition de tout espèce d'écrit sans point décliner des modèles anciens. Cette production littéraire est destinée à un public cultivé et raffiné, seul capable d'estimer ce style maniéré et précieux. Toutefois, la réalisation des paraphrases des oeuvres archaïsantes témoigne de l'existence d'un autre public, qui, quoique étranger à la langue classique, n'est pas privé d'intérêts littér aires; à la lecture justement d'un tel public s'adresse la paraphrase du Basilikos Andnas de Nicéphore Blemmyde, réalisée entre 1324 et 1328 par Georges Oinaiôtès et Georges Galèsiôtès444 . Le degré de réussite d'une oeuvre littéraire est attesté par la critique littéraire qui fait partie des activités principales dans la vie d'un lettré; chacun fait circuler ses oeuvres et les soumet à l'appreciation de ceux qu'il considère compétents445 . Finalement, l'art de juger la production littéraire devient tellement en vogue que même des gens qui manquent de talent et de culture se prêtent à celle-ci446 . Les moyens qui facilitent la production littéraire ne font pas défaut; des manuels de rhétorique ou des traités établissant les règles théoriques pour l'usage correct du voca bulaire et du style sont mis à la disposition des lettrés. L'Abrégé de rhét orique de Joseph le Philosophe a été composé dans une telle perspec tive447 , ainsi que les traités de Nicéphore Choumnos qui s'élèvent contre tous ceux qui diffament les anciens Hellènes par leur style obscur et tourmenté448 . Comme l'intelligence a peu de part dans la production lit443 . Cf. NICÉPHORE CHOUMNOS, Péri }ogôn kriséôs, p. 360: « ... Kat tiiç cpIDviiç yevoù Kat yÂ-rottTJç trov àpiatIDV ÈKelVIDV Kat �eyaÂ-IDv. . . Kat ïva È7t1.tuYXavnç ËatID aot o� mlaa Â-ÉÇ1Ç àttlKTt»; cf. NICOLAS KABASILAS, Lettres, no 4, l. 1 4- 1 7 : Kabasilas se montre hésitant à l'appel de son père de lui envoyer l'éloge qu'il composa en l'honneur d'un martyr de peur que ses imperfections de style et de langue choquent les hellénisants de Thessalonique; cf. IDEM, no 1 7, l. 1 1 - 1 3 ; cf. MICHEL GABRAS, Lettres, no 72, 1. 4950; no 339, l. 2-7; cf. MATTHIEU D'EPHÈSE, Lettres, no 1 1 , l. 5 1-57; GUILLAND, Les Poésies de Métochite, p. 273, VV. 243-245. 444. Cf. H. HUNGER-1. SEVCENKO, Des Mkephoros BJemmydes BaalÂl1coç /t. voplàç und dessen Metaphrase von Georgios GaJesiotes und Georgios Oinaiotes, Vienne 1 986. 445 . GABRAS, Lettres, no 17, l . 44-45; no 24, l . 2-5, 1 3- 1 7; 5 1 -56; no 1 6, 1. 38-4; no 49, l. 6- 1 3; no 8 1 , l. 2-7; no 1 06, 1. 27-28; no 1 44, l. 7-8; no 2 1 3, 1. 1 09- 1 1 3 ; no 339, 1. 2-9; no 447, 1. 44-45; MATTHIEU D'EPHÈSE, Lettres, no 60. 446. Cf. GABRAS, Lettres, no 24, 1. 2-5, 1. 1 3 - 1 7 et 1. 5 1 -56. 447. Voir supra, p. 86 et (397); cf. aussi l'analyse de cet «Abrégé de rhétorique» faite par E. KRIARAS, Diglossie des derniers siècles de Byzance, p. 5. 448. Au sujet des traités de Choumnos, ainsi que de la querelle sur le style qui l'oppo sa à Théodore Métochite entre 1 324J25-milieu 1 326, voir supra, p. 65-67.
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téraire et que seule l'éloquence suffit à rendre célèbre un écrivain, le pro fil des lettrés dévoile de nombreux représentants provenant de tous les milieux sociaux: des ecclésiastiques, des moines, des laïcs, des riches fonctionnaires, des militaires, même quelques femmes; pourtant la proportion des ecclésiastiques est dominante. Faisant partie de cette catégorie d'ecclésiastiques dont la faveur pour les études classiques surpasse les besoins de leur fonction ecclésias tique449 , Manuel Gabalas (ca. 1271/72-1355-60) tient une place excep tionnelle par son oeuvre rhétorique et théologique. Originaire de Phila delphie, Gabalas y reçut une éducation profane et religieuse à la fois grâce à son père spirituel Théolepte de Philadelphie45o . Lors de son pre mier séjour à Constantinople en 1309/10, en tant qu'envoyé de Théo lepte en mission concernant la défense de Philadelphie contre les Turcs45 1 , il a eu l'occasion non seulement de contacter des personnages très haut placés, parmi lesquels Nicéphore Choumnos, Théodore Méto chite, le patriarche Jean Glykys et l'empereur452 , mais aussi de tirer un profit personnel de la vie intellectuelle de la capitale: d'une part, il s'adonne à l'étude des oeuvres classiques pour se perfectionner dans le vocabulaire et dans le style attiques; d'autre part, il s'entraîne à la rhét orique par des exercises fréquents d'éloquence; cette double activité que Gabalas développa à Constantinople au cours de l'année 1309/10 fait l'objet d'une lettre fort élogieuse (no 72) que Michel Gabras lui adresse en 1311; Gabras ne peut que féliciter son ami, car ses débuts littéraires ont déjà porté leurs fruits. Plus tard, pendant la période où il est chartophylax de Philadelphie (1321-1329), Gabalas séjourne dans un grand monastère de Constanti nople et participe plus fermement à la vie intellectuelle de la capitale. Le fait qu'il vit parmi les moines ne l'empêche pas de recevoir librement tous ceux qui souhaitent un entretient avec lui et parmi eux Georges Oi naiôtès qui le fréquente assidûment45 3. On a supposé que Gabalas don449. La première moitié du XIVe siècle offre plusieurs exemples de cette catégorie: Nicéphore Moschopoulos, métropolite de Crète ( 1 28 3- 1 322); Grégoire archevêque de Bul garie: voir KOUROUSÈS, rpTJ'Yopiou àPX1E:1tlCf1COltOU BouÂ.'Yapiaç È1tlCJtoÂ.ai, p. 5 1 8-5 19; Grégoire métropolite de Dyrrachium: cf. KOUROUSÈS, Gaba1as, p. 225-228; ce ne sont que quelques-uns. 450. MATTHIEU D'EPHÈSE, Monodie, p. 3 1 , 1. 5-8. 45 1 . Au sujet de l'histoire de Philadelphie durant cette période, Voir Hélène AHR WEILER, La région de Philadelphie au XIVe siècle ( 1 290- 1 390), dernier bastion de l'Hel lénisme en Asie Mineure, Comptes Rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Let tres (janvier-mars 1983), p. 1 75- 1 97 . 452. KOUROUSÈS, Gaba1as, p. 309-3 10. 453. Ibidem, p. 1 05.
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nait des cours dans ce monastère et que Oinaiôtès figurait parmi ses élèves454 . Quoique plausible, une telle éventualité ne peut être confirmée ni par le contenu de deux lettres que Gabalas adressa à Oinaiôtès455 ni par les quatres lettres qu'il a reçues de lui et qui révèlent que Gabalas le conseillait plutôt comme un directeur spirituel456 ; en outre, même le fait que Oinaiôtès nomme Gabalas maître (= didaskaJos) ne renforce pas cette éventualité, puisque la signification de ce mot est parfois équivo que. En fait, l'activité de Gabalas qui est relative à l'enseignement est prouvée dans le cas de Michel Philanthrôpènos. Précisément, en 1325 il envoie de Constantinople une lettre à Michel Philanthrôpènos, fils du pincerne Alexis, qui avait accompagné son père à Lesbos et à Philadel phie. Il lui fait des reproc�es parce que pendant un an il était absent et avait oublié son maître. Il en résulte que Michel, né vers 1293/95 à Phi ladelphie, a été confié par ses parents à Gabalas qui fut son précepteur et maître; plus tard , à une période proche à 1325, celui-ci suivit ses études auprès de Gabalas à Constantinople45 7. Jean Choumnos, le fils aîné de Nicéphore Choumnos4 58 , suivit aussi auprès de Gabalas son enkykJios paideia comme nous l'apprend la monodie que le maître composa pour déplorer la mort "prématurée de son ancien élève45 9 . Aucune autre source ne parle à ce propos et par conséquent les détails d'une telle relation restent inconnus. Quoi qu'il en soit, Jean Choumnos fit essentiellement une carrière militaire, sans aban donner ses intérêts littéraires460 . Tout jeune, après avoir remporté quel ques succès sur les Turcs en Bithynie et autour de Cyzique de l'Helles454. Ibidem, p. 1 04. 455. Cf. MATTHIEU D'EPHÈSE, Lettres, no 18 et 22. 456 . Voir surtout dans KOUROUSÈS, op. cit., p. 1 0 1 , note 2. 457. MATTHIEU D'EPHÈSE, Lettres, no 1 5, 1. 2-7, 1. 67-69; cf. KOUROUSÈS, GabaJas, p. 206-208. 458 . Sur Jean Choumnos, voir PLP 30954, R. GUILLAND Études sur l'histoire ad ministrative de l'empire byzantin. Le stratopédarque et le grand stratopédarque, HZ 46, 1 953, p. 78-79 et J. VERPEAUX, Notes prosopographiques sur la famille Choumnos, By zantinosJa vica 20, 1 959, p. 257-259. 459 . Cf. KOUROUSÈS, GabaJas, p. 1 90, note 3: MATTHIEU D'EPHÈSE, Oraison funèbre de Jean Choumnos dans Vindob. theoJ. gr. 1 74, fol. l 47v: « . . . àvayKuÇO�at yàp 9pTJvcp86ç yiw:a9al Kat TOU 1tu90uç aU��Eplat�ç àvtt 010aO"KUÂ.ou Kat 1tapatvÉtOU . . . àÂ.Â.à tt �� Â.Éyoo tOÙç oüç Èyro tE Kat aù K01VOÙÇ olT)9Â.Euaa�Ev 1tEpt Àayouç àyrovaç tà ÈyKUKÂ.ta �Et1aVtEç roa1tEp Kat aù 1tOÂ.Â.UK1Ç ��aÇ lJ7tE�i�vnaKEç Kat 1tOÂ.Â.UK1Ç ÈqnÂ.ot1�iJ am tn K01Vn trov Â.ayoov a1tOUon . . . ». 460. Cf. MICHEL GABRAS, Lettres, no 34, 1. 4 1 -42; cf. MATTHIEU D'EPHÈSE, Oraison funèbre de Jean Choumnos, fol. 1 47v: 6 atpatT)yaç, 6 piJtOOP, 6 �ouÂ.T)q>apoç, 6 oTJ�T)yapoç; sur la proportion des militaires dans le corps des lettrés au XIVe siècle, voir SEVCENKO, Society, p. 76.
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pont entre 1307 et 1311, il fut fait parakoimôménos tou koitônos et en suite du grand sceau461 . Hors de la rhétorique, il semble que Jean abor da aussi la médecine, puisqu'il figure aussi comme auteur d'un régime contre la goutte46 2. Un certain nombre de lettres qu'il a laissées le mon trent en relation, à part avec Matthieu d'Ephèse, avec le juge général Matarangos463 , le grand diocète Kabasilas et Joseph le Philosophe. Loin de Philadelphie et privé de ses livres, Gabalas fait appel à Ni céphore Moschopoulos 464 et à Grégoire, l'archevêque de Dyrrachium465 . Au premier il emprunte un livre contenant des synaxaires et du second Cyrille d'Alexandrie. Si on juge d'après l'ensemble de sa production466 , Gabalas était orienté vers la théologie et la rhétorique467 . Lors de la querelle sur le style entre Choumnos et Métochite, il s'engage en faveur de l'épi tou kanikleiou468 . Toutefois, au sujet de certaines faveurs qu'il veut obtenir de la part de l'empereur, il se sert de Joseph le Philosophe comme intermédiaire et n'hésite pas à lui indiquer d'implorer en cas de difficulté l'aide du grand logothète, dont il loue la culture et l'éloquence469 . Que Gabalas renonce si facilement à ses idées devant son intérêt personnel provoque l'indigna tion de Choumnos; Gabalas tentera de le calmer et même de le réconci-
461 . Cf. VERPEAUX, Notes sur la famille Choumnos, p. 257, note 4 1 et 42; GUIL LAND, Recherches, l, p. 209-2 10; Nicéphore Choumnos se montre très fier à propos de son fils et loue en lui un nouveau Thémistocle qui arrive à l'alliance harmonieuse d'une vie militaire et littéraire; cf. NICÉPHORE CHOUMNOS, Lettres, no MA', p. 57-58; cf. ibi dem, no ME', p. 6 1 . 462. JEAN CHOUMNOS, ,d {azm ;rporpvÂalCTl1C1] lCœrà TijÇ 1wt5tiypaç, éd. BOISSO NADE, Anecdota Nova, p. 220-222. 463 . Sur Nicolas Matarangos, katholikos kritès tôn Rômaiôn, voir PLP 1 7260 et P. LEMERLE, Recherches sur les institutions judiciaires à l'époque des Paléologues, An nuaire de l'Institut de philologie et d'Histoire Orientales et Sla ves 9, 1 949, p. 373-3 75 ( = Le monde de Byzance, ch. XI). 464. MATTHIEU D'EPHÈSE, Lettres, no 6 1 , 1. 2-4, 1. 1 0- 1 2 et 1. 2 1 -3 1 . 465. Ibidem, no 63, 1 . 2-4 et 1 . 24-30; Gabalas demande le livre de Cyrille d'Alexan drie intitulé eT]aavpo{ (PG 75, col. 9-656) et rÂarpvpti (éd. PO 69, col. 1 3-678). 466. Sur l'ensemble de sa production, théologique et profane, voir KOUROUSÈS, Oabalas, ch. V, p. 1 59-292 . 467. Son oeuvre rhétorique comporte douze voeux adressées à l'empereur, à la Vierge ou composées pour un certain événement; deux discours adressés à l'empereur et trois mo nodies; enfin sa correspondance; cf. KOUROUSÈS, op. cit., p. 1 72-292. 468 . MATTHIEU D'EPHÈSE, Lettres, no I l : son admiration pour l'épi tou kani kleiou date de sa jeunesse; il loue en lui l'homme qui arrive à cultiver toutes les parties de la philosophie. 469 . MATTHIEU D'EPHÉSE, Lettres, no 3, p. 84, 1. 28-4 1 .
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lier avec Métochite en lui . soulignant ses devoirs en tant que chrétien470 . Parmi les auteurs préférés de Gabalas, Homère imprègne même son . ' 1 ogIque par ses expressIons47 1 . oeuvre theo Commencée en 1310, l'activité littéraire de Gabalas prendra fin en 1329 lors de son élévation au trône métropolitain d'Ephèse; lui-même signale cet événement dans une lettré7 2 qu'il adresse entre 1329/30 à Ni céphore Grégoras; il explique qu'il a dû renoncer vu ses_ nouveaux de voirs spirituels. .
470. Ibidem, no 5. 47 1 . KOUROUSÈS, Gabalas, p. 68; Gabalas loue l'art poétique d'Homère, comme il se reflète dans l'Iliade, ainsi que l'utilité morale qui ressort de sa lecture, dans une lettre (no 20) qu'il envoie en 1 326 à Gabras. En outre, Gabalas s'inspire de l'Odyssée d'Homère pour composer en prose ses «TIÂ-avut 'tOU 'OôucrcrÉmç»; voir R. BROWNING, A Four teenth-Century Prose Version of the Odyssey, DOP 46, 1 992, p. 27-30. 472. MAITHIEU D'EPHÈSE, Lettres, no 32, l. 70-72.
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8. La femme face à la culture: le cas d'Irène Eulogie Choumnaina
Si l'éducation est un privilège réservé plus ou moins aux hommes, quelques femmes d'origine noble acquièrent une certaine culture473; pour que cela se produise, le milieu social dont elles font partie n'est pas la seule condition nécessaire; leur propre initiative est déterminante474 . Cela est prouvé dans le cas d'Irène Eulogie Choumnaina Paléologine (1291 -ca. 1 360). Fille de Nicéphore Choumnos et veuve du despote Jean Paléologue déjà à l'âge de seize ans, la princesse, sur le conseil de son père spirituel Théolepte de Philadelphie, se retire au monastère du Sau veur Philanthrôpe, dont elle venait d'assurer la restauration47 5 . Une fois qu'elle eut renoncé à son goût pour la vie mondaine, elle assumera jus qu'à la fin de sa vie la direction de sa communauté d'une main ferme; dorénavant Eulogia va chercher sa perfection spirituelle en se consolant au moins dans l'étude et l'effort littéraire. Secondée dans son penchant par Théolepte, elle reste après sa mort (1322) sans père spirituel presque durant dix ans; à la recherche d'un personnage qui allierait la vertu avec la culture, elle choisit enfin comme directeur un jeune moine anonyme qui est à sa portée; versé dans les deux cultures, théologique et pro fane476, ce nouveau directeur parvient à concilier son goût pour les let tres païennes et ses convictions hésychastes à la fois. Vingt-deux lettres conservées de l'ensemble de la correspondance qu'ils ont échangés au cours d'une année, entre 1 332 et 1 338, laissent apparaître leurs relations intellectuelles et spirituelles à la fois. Déjà dès la première lettre que le nouveau directeur envoie à sa diri gée, il gagne son admiration et son dévouement; son écriture pleine 473. Sur le niveau culturel des femmes au XIIIe et XIVe siècles, voir Angeliki E. LAIOU, The Role of Women in . Byzantine Society, JOB 3 1 , 1, 198 1 , p. 255-257. 474. Voir aussi infra, p. 1 2 1 - 1 22, le cas de Hélène Cantacuzène. 475. À propos de Choumnaina, voir PLP 30936, V. LAURENT, Une princesse by zantine au cloître, EO 29, 1930, p. 29-60; IDEM, La direction spirituelle à Byzance. La correspondance d'Irène-Eulogie Choumnaina Paléologine avec son second directeur, REB 1 4, 1956; LAIOU, The Role of Women, p. 243; Angela CONSTANTINIDES-HERO, Irène Eulogia Choumnaina Palaiologina Abbess of the Convent of Philanthropos Soter in Constantinople, Byzantinische Fors hungen 9, 1985, p. 1 1 9-1 47; aussÏ l'introduction de J. MEYENDORFF dans l'édition de sa correspondance effectuée par Angela CONSTAN TINIDES-HERO, A Woman's Quest for Spiritual Guidance. The Correspondance of Princess Irene Eulogia Choumnaina Palaiologina, Brookline, Massachusetts 1986 et NI COL, Byzantine Lady, p. 59-70. 476. CHOUMNAINA, Lettres, no 10, 1. 40-48; no 12, l. 1-2; no 1 3, l. 5 4-57.
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d'érudition et de grâce procure à Eulogia profit et plaisir à la fois. Elle se met à lui répondre tout en étant consciente qu'elle ne peut dissimuler ses fautes d'orthographe et ses itacismes; elle avoue que son éducation fut complètement négligée� même celle qui correspond au niveau élémen taire477. Elle se console qu'au moins elle a été dotée d'une certaine intel ligence478 et dorénavant elle met tout en oeuvre pour profiter de l'érudi tion de son directeur; sans retard elle lui envoie du papier et de l'argent pour qu'il lui transcrive ses oeuvres composées en l'honneur du patri arche Athanase 1 (1289-1293, 1 303- 1 3 10). Une fois que sa demande est accomplie479, elle néglige tous ses devoirs pour s'adonner à leur lec ture480 . Quant au directeur, il ne reste pas indifférent envers un tel en thousiasme pour ses oeuvres et, l'occasion apparue, il envoie à sa dirigée un autre écrit à lui; ce dernier comporte d'une part son traité qui défend la sagesse profane contre ceux qui contestent son utilité, composé avant son entrée dans la vie monastique, d'autre part des vers iambiques et héroiques qu'il composa comme moine48 1 . Lui aussi, il est attiré par la bibliothèque de sa dirigée, héritée d'une part de son père, enrichie d'au tre part par sa propre collecte de livres. Privé de livres, quoique biblio phile, il demande à sa dirigée de lui procurer une liste détaillée du conte nu de sa bibliothèque482 . Sa vie de nonne n'isole pas Eulogia du monde; outre ses parents qu'elle reçoit très souvent483, elle aime la fréquentation des hommes dis tingués dans la philosophie ( théologie) et parmi eux Manuel Gabalas qu'elle invite à lui rendre visite. Gabalas lui avait déjà envoyé sa mono die déplorant la mort de Théolepte, leur père spirituel; à son invitation, il répond par un livre contenant tous ses écrits théologiques, jugeant ain si qu'il lui sera plus utile avec son livre qu'avec sa présence484 . Après 1 341 Eulogia aura l'occasion de manifester ses propres con victions théologiques en se mêlant à la controverse hésychaste où elle =
477. Ibidem, no 1 , 1. 2- 12; au sujet de l'écriture et de la langue que Choumnaina utili sait, qui était une Koinè construite tantôt de phrases correctes tantôt d'expressions sponta nées abondant en fautes d'orthographe et de syntaxe, voir CONSTANTINIDES-HERO, Irene-Eulogia, p. 1 35 et note 48; cf. BROWNING, The Language of Byzantine Littera ture, p. 1 1 0- 1 1 1 . 478. CHOUMNAINA, Lettres, no 1 , 1. 7- 10. 479. Ibidem, no 4, 1. 3- 12. 480. Ibidem, no 5, 1. 25-28, 57-58. 48 1 . Ibidem, no 12, 1. 1 -5. 482. Ibidem, no 10, l. 40-50. 483. Ibidem, no 19, 1. 1 -3. 484. KOUROUSÈS, GabaJas, p . 163; MATTHIEU D'EPHÈSE, Lettres, n o 32, 1. 58, 1. 42-44 et 1. 56-57.
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professera l'antipalamisme. Ainsi, son penchant pour les lettres, sacrées et profanes, fut tel qu'elle réussit au milieu de toutes les vicissitudes de son existence à imposer sa présence féminine dans les cercles intellectuels de son époque et de gagner l'estime et l'admiration de ses contempor ains48 5 .
485. Cf. GRÉGORAS, Historia byzantina, t. III, XXIX. 21, p. 38, I. 2; p. 239, I. 1125; GRÉGOIRE AKINDYNOS, Lettres, no 60, I. 89-95; selon son deuxième directeur, Eulogia dépasse par sa culture .toutes les femmes d'origine noble de son époque et elle peut se placer même à côté des hommes qui ont atteint à l'hellénisme le plus pur; cf. CHOUMNAINA, Lettres, no 10, 1. 20-24.
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9. Préoccupations et activités des lettrés mineurs
Aux crochets du milieu aulique, une catégorie de lettrés mineurs es saie de vivre uniquement de son activité littéraire, confrontée à bien des préoccupations d'ordre matériel. Faisant étalage de son éloquence il la met au service du pouvoir sous la forme de flatterie: les grands digni taires laïques ou ecclésiastiques, les membres de la famille impériale, ain si que les représentants des grandes familles constituent ses protecteurs. Si les activités de ces lettrés mineurs ne diffèrent pas de celles du reste des intellectuels, leurs préoccupations demeurent plus angoissantes. Au sujet de celles-ci deux catégories de sources nous renseignent davantage: la correspondance volumineuse de Michel Gabras et les poésies de Man uel Philès. Ecrites entre 1 307 et 1 327, les lettres de Michel Gabras (ca. 1 290-ca. 1 350)486, tout en étant, pour le tiers au moins, des pétitions adressées au plus haut intermédiaire possible, ne laissent aucune illusion sur sa préoc cupation la plus constante et importante: celle de l'assurance d'un pro tecteur. D'appartenance sociale assez basse, il semble que Gabras n'avait pas le privilège d'un contact direct avec l'empereur487 . Ainsi, l'éloge qu'il compose en l'honneur d'Andronic II vers 1 322488 , n'arrive à son destinataire que par l'intermédiaire de Théodore Xanthopoulos489 . Bien qu'il visât à gagner les bons sentiments de l'empereur envers lui, Gabras a manqué son but: la lecture de son éloge a été interdite en pub lic en le laissant inconsolable490 ; il est le seul à être exclu de la bienveil lance impériale et il ne peut attribuer le fait qu'aux circonstances défa vorables, puisque autrefois il avait trouvé grâce devant l'empereur49 1 . Que l a cour impériale persiste encore à revendiquer le patronage des let486. Sur Michel Gabras, voir KOUROUSÈS, GabaJas, p. 41-97 et PLP 3372; sa cor respondance a été éditée par G. . FATOUROS, Die Bride des Michael Gabras (ca. 1290nach 1350 ), Vienne 1973. 487. Malgré le fait qu'il possédait un vignoble à Chalcédoine en Bithynie, la produc tion du vin était trop limitée pour qu'il se considère un propriétaire de biens; cf. GA BRAS, Lettres, no 173 et no 295, 1. 6-13. 488. À propos de la date de composition de cette éloge, voir KOUROUSÈS, Gaba las, p. 36. 489. GABRAS, Lettres, no 281, 1. 6-10 et 17-18. Sur Théodore Xanthopoulos, desti nataire de quinze letters de Gabras, voir GUILLAND, Correspondance, p. 386-387. 490. GABRAS, Lettres, no 284, 1. 3-9. 491. Ibidem, no 254, 1. 2-13.
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trés apparaît dans une lettre que Gabras adresse à l'ensemble de ses col legues en soulignant que tous réjouissent de la protection impériale492 . En outre, les hauts fonctionnaires veillent aussi chacun selon ses moyens aux intérêts des lettrés; parmi eux, le prôtostratôr Jean Phil ès joue un rôle prédominant49 3; Gabras flatte le prôtostratôr pour ses vic toires contre les Turcs, gr"âce auxquelles la tranquilité de la vie intellec tuelle a été assurée494; à la suite il ne manque pas de lui demander un cheval. Le fait que le fils du prôtostratôr vient de s'enrôler dans le cercle des lettrés offre une bonne occasion à Gabras pour solliciter de sa part une aide plus efficace et permamente tant pour lui-même que pour ses collègues495 . D'autant plus que le prôtostratôr, soucieux de vérifier le ta lent de son fils, confie le jugement de ses oeuvres à Gabras. Talentueux ou non, Théophylacte est encouragé par Gabras et fait ses premiers pas dans sa carrière littéraire. Théodore Patrikiôtès, fonctionnaire du fiSC496 pendant la période 1 3 1 9/20- 1 342, apparaît aussi comme bienfaiteur de certains lettrés, par mi lesquels Michel Gabras et Manuel Philès497 . À travers les douze let tres que Gabras lui adresse498 , tantôt il reconnaît ses actes de bienfai sance, tantôt il le traite en tant que débiteur; il semble qu'une grande partie de la production de Gabras était faite sur commande, mais qu'en contrepartie il n'était appointé qu'occasionellement. Ainsi, Gabras ne peut dissimuler son indignation contre un certain Simonidès, qui lui avait commandé un éloge sans le payer, et il s'emporte également contre Patrikiôtès pour un comportement identique499 . Quant au frère de Gabras, prénommé Jean, qui malgré sa mort pré maturée survenue en 1 3 1 9500 fut un écrivain fécond, de son vivant il avait comme protecteurs le grand sacellaire Alexis Kappadokès et Ibidem, no 286, 1. 2-6. Ibidem, no 1 13,1. 33-39. POLATOF, MaKpE/iPoJ.irTJç, p. 40; cf. KYRRIS, Makrembolitès, p. 188. GABRAS, Lettres, no 122, p. 199-200,1. 3- 14. Sur Patrikiôtès qui était chargé par Jean Cantacuzène de la recension générale des propriétés et de la levée des impôts, voir CANTACUZÈNE, Historia, t. II, p. 58236320 et p. 298, 1. 13- 14; cf. KOUROUSÈS, Gabalas, p. 29, note 2 et p. 30; cf. PLP 22077; cf. FATOUROS, Gabras, l, no 103, p. 63; sur les fonctionnaires du fisc en général, voir TAFRALI, Thessalonique, p. 59. 497. Cf. GABRAS, Lettres, no 327, I. 1 1- 13; PHILÈS, Carmina, t. l, p. 190- 195; p. 202-208; p. 2 10-2 13; p. 259-26 1; p. 33 1-351. 498. Voir GABRAS, Lettres, no 169, 170, 17 1, 172, 173, 174, 192, 196,252,323,327, 492. 493. 494. 495. 496.
328. 499. GABRAS, Lettres, no 323,1. 2-3 et 8-9. 500. Sur Jean Gabras, voir PLP 3362; KOUROUSÈS, Gabalas, p. 43, note 3.
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Georges Karbônès 50 1 . Après sa perte, Gabras essaie de propager son souvenir en faisant circuler ses oeuvres parmi les lettrés et en les confi ant également à ses protecteurs 502. En outre, cette perte aura des consé quences matérielles sur Gabras: il se déclare de plus en plus frustré de puis la mort de son frère qui entraîna l'indifférence totale des puissants envers ses pétitions 503. Manuel Philès (ca. 1275-1345), ancien élève de Georges Pachy mère504, est connu comme le plus grand versificateur du temps 505; il semble qu'il écrit chacun de ses poèmes sur commande et à une certaine occasion; ainsi, une série interminable des noms de destinataires défilant tout au long de ses poésies mettent en évidence qu'il était en position de s'adresser directement à l'empereur ainsi qu'à tous les membres de la fa mille impériale 506 . Parmi ses bienfaiteurs par excellence on compte le prôtostratôr Mi chel Glabas et Théodore Patrikiôtès; au premier il dédie son poème le plus long pour louer sa campagne en Bulgarie507; quant au deuxième, il
501. Sur ces personnages, voir respectivement PLP 11047 et 11154; cf. GABRAS, Lettres, no 210 adressée au grand sacellaire Alexis Kappadokès et no 190 adressée à Geor ges Karbônès, spécialement 1. 17-23. 502. GABRAS, Lettres, no 189: à Manuel Gabalas; no 210: au grand sacellaire Ale xis Kappadokès; no 222: à Georges Xanthopoulos; no 225: à tous les lettrés qui le fréquen taient; no 355: à Trikanas, le sakkeliou. 503. GABRAS, Lettres, no 374. 504. Voir infra, p. 33 et note 92 et PLP29817. 505. L'édition de ses poèmes a été faite par E. MILLER, Manuelis Philae Cannina, 1-11; A. MARTINI, Manuelis Philae Cannina inedita, Atti della R. Accademia di Archeo logia, Lettere e Belle Arti, vol. XX, Supplemento, Naples 1900; M. GEDEON, Mavou� 'toù tÂfj iU'tOptKà 1tOtTtlla'ta, 'E1(1().TJataa'w(� �).qBEla 3, 1883, p. 215-220; 1. SAKKE LION, Mavou� "COu lÂfj "COu Ecpeui ou u'ti X ot àVÉK 8 o'tot , DI EE3, 1890, p. 315-316. 506. Poèmes adressés à l'empereur: cf. PHILÈS, Cannina, t. l, p. 267-278; p. 282287; p. 299-306; p. 458-40; t. II, p. 6-11; p. 13-14; p. 27-58; p. 68-70; p. 72-77; p. 78-85; p. 87-93; p. 108-114; au despote Constantin Paléologue, le fils d'Andronic II: cf. t. l, CCXXXVI, p. 124, 1. 2; au neveu de l'empereur (il s'agit probablement du protovestiaire Michel Tarchaniôtès Paléologue, neveu de Michel VIII): cf. t. l, p. 39, XCI; à un autre ne veu de l'empereur: Andronic Asan Paléologue, t. l, p. 447-448; aux nièces de l'empereur: cf. t. 1, p. 121, CCXXX (Tfi Kav'taKOUÇT)vfi) et p. 123, CCXXXIII (Tfi �upytavvi'tn); au basileus Cantacuzène: t. II, p. 58; sans doute la classe sociale dont Philès faisait partie lui permettait un rapport direct avec la famille impériale; cf. SEVCENKO, Society, p. 75, note 17a. 507. MANUEL PHILÈS, Cannina, t. l, p. 93,1. 35-41; t. II, p. 14-16 et p. 240-255; sur ce personnage, voir A. FAILLER, R E R 37, 1979, p. 288; bien évidemment il s'adresse à lui à plusieurs reprises au sujet de ses besoins: ibidem, t. l, p. 91,1. 1-4; p. 93, 1. 31, 41; p. 282, 1. 54; t. II, p. 139-140; p. �14, 1. 18. '
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est mentionné à plusieurs reprises à travers ses vers soit au sujet d'une pétition508 soit pour le dénoncer, lui aussi comme Gabras, d'avoir man qué à ses promesses au sujet de la récompense509 . Du fait que les poésies de Philès sont très demandées, celui-ci n'a nullement l'intention de com poser gratuitement; les cas où Philès cherche à intimider ses débiteurs ne sont point rares dans ses poèmes d'autant plus qu'ils est décidé à obtenir sa récompense à tout prix5 1 O• Le prôtostratôr Philès, le pinceme Alexis Philanthrôpènos et Théodore Xanthopoulos sont aussi sommés de re mplir les exigences de Manuel Philès, qui ne se limitent pas toujours au strict nécessaire5 l l . Par ailleurs, Philès comme aussi Gabras assurent des bienfaiteurs même parmi les fonctionnaires les plus humbles; un témoignage en est donné par Michel Atzymès, domestique des thèmes d'Orient5 12, à qui font appel Gabras et Philès à la fois 5 1 3. Si l'on tient compte des plaintes exprimées dans la correspondance de Gabras et surtout dans les vers de Philès, la vie de cette catégorie de lettrés entraîne de multiples priva tions; Gabras se plaint pour le manque d'un cheval5 l 4, de la nourri ture5 l 5, des vêtements5 l 6 . Manuel Philès se plaint à son tour pour les mêmes choses5 1 7 . En contradiction avec l'intensité de la vie intellectuelle, le manque de livres est la préoccupation majeure pour la majorité des lettrés. Bien qu'elle ne concerne pas uniquement les lettrés mineurs, elle se manifeste, tout de même, avec plus d'intensité chez eux. De surcroît, chaque effort in tellectuel est rendu vain sans leur usage et les lettrés en ont conscience 5 l8. 508. 509. 510. 511.
MANUEL PHILÈS, Cannina, t. II, p. 202-208, 210-213. Ibidem, t. l, p. 190, VI, 1. 2; p. 191, IX, 1. 3-6; p. 194, XIV, 1. 1-2. Ibidem, t. l, p. 190, VI, 1. 2; p. 191, IX, 1. 3-6; p. 194, XIV. 1. 1-2.
Son penchant pour les mets délicats est très prononcé dans ses vers; cf. MA NUEL PHILÈS, Cannina, t. l, VIII, 1. 1-4; cf. p. 205, XXVIII et t. II, p. 347, CLXII, 1. 16. 512. GUILLAND, Recherches, l, p. 588; sur Atzymès, qui a été promu plus tard questeur, voir KOUROUSÈS, GabaJas, p. 28, note 2 et PLP1633. 513. Cf. GABRAS, Lettres, no 154,1. 2-5; MANUEL PHILÈS, Cannina, l, p. 104, p. 115. p. 130; t. II, p. 251,1. 7-8 et surtout p. 437-438. 51 4. GABRAS, Lettres, no 71, 76, 152, 153, 187, 282, 357. 515. Ibidem, no 44, 64, 101; 142, 298, 144, 141,454. 51 6. Ibidem, no 400, 426, 462. 517. MANUEL PHILÈS, Cannina, l, p. 99, CCI; p. 101, CCVIII, 1. 2; p. 104, CCXII, 1. 6; p. 115, CCXVII, 1. 4; p. 124, CCXXXVI, 1. 2; p. 130, CCLVII, 1. 1, p. 191, VIII, 1. 1-4; p. 205, XXVIII (nourriture); p. 94,1. 76; p. 264, LXXXVI, 1. 1-3 et 11-28; t. II, p. 89, XLVIII, 1. 7-10 (vêtements); p. 139-140, LXXIX, p. 312-313 (cheval). 518. Cf. NICÉPHORE CHOUMNOS, Lettres, no 77, p. 93, 1. 4-10: «Kàyro 8' 0).101..0yoo cpaüÀoç dVa1 cr1tou8acr't11ç 1tEpi Àoyouç ).1i! on 1tÀE1cr'ta Kat KuÀÀtcr'ta K'tTlcrU).1EVoç Pt-
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En dehors de rares cas d'individus qui peuvent envisager l'acquisition d'une bibliothèque privée5 19, la majorité des lettrés essaie d'affronter ce manque en les empruntant. À plusieurs reprises Gabras demande à Nicé phore Xanthopoulos de lui prêter un livre d'Hérodote520 et il semble que c'est celui qui lui procure chaque fois les auteurs dont il a besoin52 1 . Le fait que Xanthopoulos avait à sa disposition la bibliothèque patriarcale522, ne présuppose pas qu'il était en position de prêter ses livres; il est prob able toutefois que Xanthopoulos possédait certains auteurs classiques et les mettait aussi à la disposition de Gabras. En outre la tentative de Ga bras d'obtenir un livre d'Aelios Aristide par Alexis Philanthrôpènos échoue523 et il se tourne de nouveau vers Nicéphore Xanthopoulos 524 pour l'obtenir à la fin 525 . Sa persistance d'ailleurs à demander les oeuvres de cet auteur correspond parfaitement à ses préférences: fervent admira teur d'Aelios Aristide526, Gabras cherche avant tout à agrémenter son style suivant les règles proposés par lui. Sa familiarisation avec Lucien res sort du débat qui est soulevé entre lui et Théodore Phialitès à propos de son utilité pour l'apprentissage de la rhétorique; s'il est question de choisir entre la rhétorique et la piété envers Dieu, Gabras n'hésite pas à prendre
pÀia. Kat yàp om:p ÈKetVOlÇ dcrtv opyava 1tp0cr11Kovta tft tÉXVll, tOÙt' àtf:xvffiç plpÀia tO'iç 1tPOEÀOIlÉV01Ç tOÙç Àoyouç' Kat IllltalOl IlÈV oi KEva'iç XEpcrt Kat 1l0Va1Ç tàç pavau crouç Kat XElprovaKtlKàç IlEtlOVtEÇ, IllltUlOl 8i: rov � cr1tou8ij 1tEpt tàç ÀOY1Kàç È1t1crtT]llaÇ, oiç 8' aÙtal Katop90ùvtal, tOUtrov à1tOpoÙcrlV». 519. Cf. Le cas de Théodore Métochite: S EVC ENKO, Society, p. 91 et GRÉGO RAS, Epistulae, no 112, 1. 51-54; cf. GUILLAND, Les Poésies de Métochite, p. 277, v. 348-357; de Nicéphore Choumnos: CHOUMNAINA, Lettres, no 10 et LAURENT, Une fondation monastique, p. 40 et 41-42 et VOLK, Die byzantinischen Klosterbibliot heken, p. 37; de Nicéphore Moschopoulos: MANUEL MOSCHOPOULOS, Lettres, no 3, p. 61 et 63; cf. MANOUSAKAS, NllCllq>OPOU Mocrxo1touÀou È1t1ypallllata crÈ XElpoypaq>a tflç PlpÀl09T]KllÇ tOU, p. 232-246; cf. PAPAILIOPOULOU-FOTOPOULOU, N1Kllq>OPOÇ Mocrxo1touÀoç, p. 115-130. 520. GABRAS, Lettres, no 1, 1. 62-66; no 3,1. 2-4; no 15,1. 2-3,1. 5-7,1. 23-26. 521. GABRAS, Lettres, no 2, 1. 7-9. 522. Sur la bibliothèque patriarcale, voir DARROUZES, 'OrprpbCla, p. 426-465 et MANAPHÈS, BlfJÀIOBifKal, p. 132- 140; sur Nicéphore Xanthopoulos, connu comme au teur d'un ouvrage sur l'Histoire de l'Église, voir GUILLAND, Correspondance, p. 382386. 523. En fait c'était le fils d'Alexis Philanthrôpènos qui avait promis à Gabras de lui prêter son livre contenant les oeuvres d'Aelios Aristide; comme Michel était absent, Ga bras démanda le livre de son père qui consentit mais négligea complétement sa demande; cf. GABRAS, Lettres, no 259,1. 2-5 et no 260,1. 2-4 et 1. 25-27. 524. GABRAS, Lettres, no 266,1. 12-16; no 269,1. 3-5 et 1. 13-15; no 270, 1. 23-25. 525. Ibidem, no 303,1. 2-5. 526. Ibidem, no 223, p. 369.
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parti pour la deuxième527. Quant à Plutarque, il est dans la liste de ses au teurs préférés; soucieux dli sort du livre de Plutarque, Gabras charge Pa trikiôtès de le sauver528. Lui-même possède un nombre limité de livres et, suivant l'habitude de son temps, il les prête au prokathèménos de la cham bre Chatzikès 529 et aussi à Manuel Gabalas 530. L'effort de Gabras pour acquérir la formation hellénique se limite au domaine de la rhétorique53 1 ; il avoue à Théodore Métochite qu'il n'arrive pas à aborder son oeuvre as tronomique; par contre son intérêt se porte sur l'oeuvre littéraire du grand logothète532 . Parmi les personnages qui jouissent de l'estime de Gabras on compte Georges Lakapènos, le protonotaire Manuel Gabalas et Gré goire archevêque de Bulgarie; c'est surtout à eux que Gabras soumet ses oeuvres littéraires pour appréciation533. En fait, son invitation au sakel liou Manuel Koutalès à critiquer ses écrits en tant que spécialiste, n'est qu'un banal compliment pour attirer la faveur de cette personne534 . Si Michel Gabras et Manuel Philès sont représentatifs de cette ca tégorie des lettrés mineurs qui quêtent sans cesse au sujet de leurs be soins et s'intéressent uniquement à l'amélioration de leur propre situa tion, un autre lettré qui s'agrégea au moins pour une période de sa vie dans leur cercle, se révolta contre l'injustice sociale et l'exploitation des pauvres par les riches; il s'agit d'Alexis Makrembolitès auteur d'un texte unique dans son genre pour son apport aux idées sociales de l'épo que 535 . Ecrit après 1343 à Constantinople, son Dialogue entre les Riches et les Pauvres vise l'injustice sociale provoquée par le comportement des riches, qui ne pensent qu'à s'enrichir aux dépens de la population536 . Tout en étant pauvre, Makrembolitès se fait partisan de Jean Cantacu zène; bien qu'il ait su s'intéresser aux problèmes de sa classe, son dialo527. Ibidem, no 163, l. 25-34. 528. Ibidem, no 252, l. 2-4. 529. Ibidem, no 46, l. 8-11. 530. MAITHIEU D'EPHÈ SE, Lettres, no 2, l. 2-3. 531. GABRAS, Lettres, no 95, l. 15-20. 532. Ibidem, no 322, l. 177-180 et l. 183-186. 533. Ibidem, no 16, l. 13-20, l. 31-34 et l. 38-40; no 17, l. 32-33, 1. 44-45 et 1. 52-55; no 49,1. 6-13; no 447,1. 22-24 et 1. 44-45. 534. Ibidem, no 213,1. 109-113. 535. Sur ce lettré dont les détails de vie restent plus ou moins obscurs, voir PLP 16352; S EVC ENKO, Alexios Makrembolitès, p. 187-200; KYRRIS, Makrembolitès, p. 185-187; POLATOF, MaKpEfJPoÀl-rT]ç. 536. Pour l'édition de ce dialogue, voir S EVC ENKO, Alexios Makrembolitès, p. 203-215; sur son apport pour une analyse des idées sociales de l'époque, voir KYRRIS,
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gue reste un texte conservateur qui vise non au renversement de la struc ture sociale mais à la réforme des classes dirigeantes 537 . Hors de la péri ode où il travaille au service de Patrikiôtès en parcourant la cam pagne53 8, il réside à Constantinople où il fait partie des lettrés 539 . Son activité littéraire, d'une valeur médiocre, se place vers le milieu du XIVe siècle et est la cause de sa misère . Il a prétendu avoir donné des confér ences sur des sujets théologiques et ses écrits laissent apparaître sa famil iarité avec les Saintes Ecritures et spécialement le Psautier; l'éventualité qu'il fut didascale du Psautier n'est pas à exclure si l'on tient compte que lui-même mentionne avoir été didaskalos des paroles de Dieu 540. Les citations des auteurs profanes n'abondent pas dans ses écrits et le fait qu'il dédia un discours à Lucien ne l'empêche pas de le critiquer541 .'
Makïembolitès, p. 185- 1 88; à part Makrembolitès, le patriarche Athanase 1er avait cri tiqué la cupidité des archontes envers la population et avait essayé de venir en aide à la population affamée de Constantinople durant son deuxième patriarcat (1 303- 1 309); cf. MAFFRAy-TALBOT, Correspondance, Introduction; d'ailleurs, un autre personnage qui provenait du milieu des riches témoigna son appui pour le sort des pauvres; il s'agit de Nicéphore Choumnos qui a pris conscience de l'injustice sociale dominante surtout après avoir été gouverneur de Thessalonique; son «Discours aux Thesaloniciens pour les engager à pratiquer la justice» fut écrit en cette circonstance; voir éd. B01SSONADE, Anccdota Graeca, II, p. 1 37- 1 87. 537. POLATOF, op. cit., p. 40; KYRR1S, op. cit., p. 1 8 8 . 5 3 8 . I l a d û travailler auprès d e lui jusqu'en 1 3 42, date à laquelle Patrikiôtès était as sassiné; cf. �ŒVCENKO, Alexios Makrembolites, p. 190. 539. Ibidem, p. 1 9 1 , note 22; POLATOF (op. cit., p. 1 2 et p. 58), précise que son en trée dans les cercles cultivés de la capitale se place aux années 1 335- 1 3 40 et que son propre apport est limité au niveau théologique. 5 40. SEVCENKO, Alexios Makrembolites, p. 1 9 1 , note 25: 't'O\J-trov ('t'rov ÀO'Yirov 't'oü SEOÜ) 81M.crKUÀOÇ 'YE'Yovmç, cr't'EvaÇro 't'rov crroJ.lunKrov cr't'EpOUJ.lEVOÇ. Cf. aussi POLATOF (MUKpEJ.l�oÀhT)ç, p. 20) qui cite ce que Makrembolitès mentionne au sujet de son minis tère de didascale: Toü 8È SEOÜ à1tU'YOpEUOV't'OÇ clJ.lUp't'roÀov 81T)'YEicr9Ul 't'à Alnoü 81Katm J.lU't'U, È'YcO KUt 't'oü't'o KU't'U't'OÀJ.lro KUt 818ucrKaÀou 't'açw È1tI�Xro, �É�T)Àoç rov KUt 1tupavo J.loç KUt 't'rov Èv clJ.lup't'iulÇ çmv't'rov 6 KopuU)'EÇ 1Ï1t0 tft MtKpà 'Acria O'tft MEO'atOlVtKft KpTttTJ, MEÂE'r77pœra U'r7] pVTJP7] BaUlÂEiou Aaor5pt5a, Thessalonique 1 975, p. 307-3 12.
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parmi les conditions qui affectent le moral de la conscience collective et n'incitent nullement la population à considérer l'enseignement comme préoccupation majeure. Bien que Cydonès se fait observateur de la misère publique qui domine la vie quotidienne et qu'un certain pessimisme imprègne sa pen sée 557 , il est animé d'une r6elle volonté de redressement culturel. Tout au long de sa volumineuse correspondance il ne mentionne, et de façon as sez vague, qu'une seule initiative publique prise par Jean VIII vers 1 373/ 74 pour les villes de Constantinople et de Thessalonique; celle-ci visait à rétablir l'ordre, la justice et notamment à rehausser les études et la vie culturelle; pour ce faire l'empereur avait choisi comme conseiller le grand domestique Dèmètrios Paléologue558 . Influencé d'une part par la pensée occidentale et d'autre part par la tradition hellénique, Cydonès est conduit à réagir personnellement au profit de ses contemporains tout en étant persuadé que les circonstances exigent la bonne volonté de cha cun. Plus précisément, la période brève qui voit Cydonès à l'écart des af faires publiques, retiré dans le monastère de Saint-Georges des Man ganes (1 374-1 375)559 , lui offre la possibilité de transmettre son amour pour la littérature classique et la philosophie au thessalonicien Rhadè nos 560 ; en effet, celui-ci, recommandé par son ami Tarchaniôtès, se rend à Constantinople auprès de Cydonès et séjourne (de l'automne 1 374 à l'automne 1 375) dans le monastère du Pantokratôr561 ; pendant cette période il sera plus qu'un disciple pour Cydonès qui, impressionné par 557. CYDONÈS, Lettres, no 5, p. 27, 1. 41-43. 558. CYDONÈS, Lettres, rio 1 68, p. 39, 1. 4-8 et 1 0- 1 1 . 559. Sur ce célèbre monastère de l a capitale qui possédait une riche bibliothèque, voir JANIN, Églises et monastères, III, p. 75-8 1 ; cf. VOLK, Die byzantinischen Klosterbiblio theken, p. 34-35; quant aux causes de désaccord et de disgrâce de Cydonès dans ses rap ports personnels avec l'empereur Jean V Paléologue qui l'obligèrent de prendre congé de sa carrière politique entre 1 3 7 1 et 1 375 environ, elles étaient dues d'une part à l'échec de la politique de résistance aux Turcs avec l'aide de l'Occident tant soutenue par Cydonès, d'autre part à un différend entre l'empereur et son ministre; cf. LOENERTZ, Démétrius Cydonès, II, p. 6- 14. 560. Sur Rhadènos, qui était semble-t-il le disciple préféré de Cydonès, voir G. T. DENNIS, Rhadenos of Thessalonica, correspondent of Demetrius Cydones, Bu(avnvà 1 3, l , 1 985, p. 263-272; cf. R. LOENERTZ, Manuel Paléologue et Démétrius Cydonès. Remarques sur leurs correspondances, BO 36, 1 937, p. 274-276. 561 . CYDONÈS, Lettres, no 1 57, 1. 21-22 et note 1 ; sur le monastère du Christ Pan tokratôr, voir JANIN, Églises et monastères, III, p. 529-538; cf. VOLK, Die byzantini schen Klosterbibliotheken, p. 1 07; sur la bibliothèque de ce monastère, voir A. G. PASPA TES, Bu(avnvai jlSU'faI, Constantinople 1 877, p. 352; A. V. MILLINGEN, Byzantine Churches in Constantinople, London 1 9 1 2. �
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son intelligence et sa personnalité, manifestera dorénavant à son égard une affection quasi paternelle. Avant de quitter Constantinople, Rhadè nos fait la promesse à Cydonès d'y retourner au printemps suivant et avant tout de réfléchir au sujet de sa carrière qui, d'après la suggestion de son maître, devrait être consacrée à l'étude et à la philqsophie. Quand Rhadènos rentre à Thessalonique en 1 375, Cydonès écrit à son ami Dèmètrios Paléologue, le grand domestique, en lui demandant de l'encourager à poursuivre ses études de rhétorique562 . Dans une deux ième lettre qu'il adresse à son élève, Cydonès se montre soucieux de sa voir si son intérêt pour la littérature et la philosophie reste intact563 . Toutefois, Rhadènos, fils d'un commerçant prospère de Thessalonique, était destiné par son père à s'associer aux affaires familiales et ses pro jets concernant les études ne pouvaient que provoquer une réaction pa ternelle hostile564 . Tiraillé entre la volonté de son père et celle de son maître, Rhadènos n'arrive pas à prendre une décision. Huit lettres con sécutives de la part de Cydonès illustrent à quel point le choix de son élève le préoccupait565 • Or, Cydonès soupçonnant que Rhadènos re nonce à l'idée de poursuivre ses études de peur que celles-ci aillent de compagnie avec la pauvreté, essaie de stimuler son zèle différemment: si l'idéal d'une vie consacrée aux études n'est pas suffisamment estimé à Byzance et en Macédoine, Rome (c'est-à-dire la Curie pontificale en Avignon) reçoit avec enthousiasme les lettrés et leur procure d'abon dants moyens financiers 566 . Par conséquent, il n'a qu'à convaincre son père et, s'étant assuré de sa subsistance et de ses études 567 , suivre son maît.re qui pense s'établir en Italie. Quoi qu'il en soit, à l'arrivée du printemps de 1 376, Rhadènos, selon ses promesses, arrive à Constantinople et de nouveau demeure dans le monastère du Pantocratôr; toutefois les événements politiques qui inter viennent lors de l'usurpation d'Andronic IV en août 1 376, interrompent de nouveau son effort littéraire et l'obligent à partir précipitamment pour 562. 563. 564. 565. 268.
CYDONÈS, Lettres, no 1 57, p. 28, 1. 1 0- 1 2 et p. 29, 1. 1 3-23. Ibidem, no 1 87, p. 58, 1. 4-6. Ibidem, no 170, 1. 14- 1 7 et no 177, 1. 4- 1 1 . Ibidem, no 1 7 1 , 1 72, 173, 1 77, 1 69; cf. DENNIS, Rhadenos of Thessalonica, p.
566. CYDoNÈs, Lettres, no 1 77, 1. 35-37; cf. no 1 69, 1. 50-53; Barlaam de Séminara, Simon Atumanos et Jean Laskaris Kalophéros étaient trois cas exemplaires qui rendaient justes les affirmations de Cydonès; il n'y a aucune doute que Cydonès par Rome entendait la cour de Grégoire XI en Avignon, puisque le Pape retourna à Rome en 1 377; cf. DEN NIS, Rhadenos de Thessalonica, p. 269; cf. LOENERTZ, Démétrius Cydonès, II, p. 23, note 1 . 567. CYDONÈS, Lettres, n o 1 77, 1. 4-7; cf. 1 69, 1. 39-42.
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Thessalonique 568 . Pendant les années suivantes, plusieurs facteurs empê cheront la réalisation des plans que le maître et l'élève avaient faits en commun: les troubles politiques, l'interruption des communications, les tâches politiques de Cydonès, enfin le siège de Thessalonique par les Turcs (1 383-1 387). Toutefois, les lettres que Cydonès continua à envoyer à son ancien élève jusqu'en 1 387 nous renseignent sur le fait que celui-ci persista dans ses intérêts littéraires569 , autant que les circonstances le lui permettaient, et parallèlement se soucia du sort de sa patrie aux côtés de Manuel II qui en fit son conseiller. Après la prise de Thessalonique par les Turcs, Rhadènos suivra Manuel II à Lemnos et ensuite à Ténédos où il meurt soudainement laissant Cydonès inconsolable57o . Par ailleurs, Cydonès envoie des livres pour ses études à un certain Jacob Pyropoulos; Démosthène est parmi les auteurs qu'il lui fait parve nir. Quant à Pyropoulos, il s'adonne avec ferveur non seulement à la lec� ture mais aussi à l'imitation de cet auteur, comme Cydonès aura la satis faction de le constater dans une lettre qu'il reçoit de sa part571. Imiter Démosthène, devient un défi littéraire au cours de cette époque572 • Même un militaire comme le thessalonicien Tarchaniôtès, dont la vie favorise peu les préoccupations littéraires, essaie de régler son langage sur ce rhét eur. Cydonès ne tarde pas à découvrir son talent d'après� une lettre que celui-ci lui envoie en 1 376573 ; le fait que Tarchaniôtès fut privé de ses parents très jeune ne l'empêcha pas de veiller seul à son instruction57\ ainsi, il est en position de faire bénéficier sa patrie de ses services en tant que soldat et homme de lettres; Cydonès souhaite que ses compatriotes prennent exemple sur lui et se mettent enfin sur la même voie575 . Parmi les nouveaux talents, Andronic Asanès se révèle un rhéteur remarquable et Cydonès lui conseille de puiser quotidiennement dans la pensée des anciens pour cultiver davantage son esprit et enrichir sa lan gue; ainsi, il jouira d'un grand prestige, tout en contribuant à celui de sa 568. DENNIS, Rhadenos of Thessalonica, p. 269. 569. CYDONÈS, Lettres, II, no 1 96, p. 7 1 , l. 23-28; cette lettre est datée en 1 3 8 1 . 570. Pour les événements politiques d e cette période, voir G . T . DENNIS, The Reign of Manuel II Palaeologus in Thessalonica, 1 382-1387, Rome 1 960, p. 37-46; pour les dé tails des relations entre Cydonè� et Rhadènos, jusqu'à la mort de ce dernier, voir IDEM, Rhadenos of Thessalonica, p. 269-272. 571 . CYDONÈS, Lettres, no 2, p. 24, 1. 3-9. 572. Ibidem, no 82, p. 1 1 5, 1. 30-3 1 ; no 1 50, p. 20, 1. 7-9; no 1 66, p. 36, 1. 4- 13; no 1 74, p. 47, 1. 33-35; no 20 1 , p. 78, l. 1 6; no 239, p. 141 , 1. 2 1 ; no 266, p. 1 79, 1. 14; no 293, p. 21 1 , l. 8; no 304, p. 224, 1. 20. 573. Ibidem, II, no 1 74, p. 47, 1. 33-35. 574. Ibidem, no 4 1 3, p. 370, l. 70-74. 575. Ibidem, II, no 1 82, p. 55, 1. 33-38.
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patrie; quant à Cydonès, il sera récompensée de ses efforts pour lui avoir inspiré le goût littéraire576 . Originaire probablement de Thessalonique et né vers 1 340577 , Théo dore Potamios ou Potamès se montre aussi très attaché à la critique lit téraire provenant de Cydonès. Ameliorer son style rhétorique semble être parmi ses soucis principaux même dans des conditions de vie peu fa vorables. D'après une lettre qu'il envoya à Cydonès, probablement avant 1 370, date à laquelle il fut forcé de quitter son pays et d'aller vivre parmi des étrangers incultes, il apparaît clairement que Cydonès corri gea au moins une fois les discours de Potamios et que sa critique favor able remplit de joie et couvrit d'honneur Potamios, parce que la critique provenait du «premier rhéteur des Hellènes»578 . Peu après, la longue et obscure période de son exil forcé dans un territoire sous domination la tine ou turque579 et étranger à la culture hellénique, va commencer pour Potamios. Eloigné de sa patrie pour laquelle il avoue sa gratitude en ce qui concerne son éducation et sa culture580 , ainsi que de son milieu cul tivé, Potamios se sent encore plus frustré à cause de la perte de ses livres581. Dans le cercle de ses amis, à part Dèmètrios Cydonès et Dèmè trios Chrysoloras, se comptent Isidore Glabas, métropolite de Thessalo nique (1 380-1 396)582 , et un certain Pothos, personnage puissant de la cour dans la décennie de 1 380583 , tous deux amis de jeunesse et condisci ples de Potamios584 . Sa correspondance avec ses amis cultivés, auxquels 576. CYDONÈS, Lettres, no 209, p. 87, 1. 1 8- 1 9 et 38-44. 577. Sur ce personnage, dont on a la possibilité d'estimer le talent rhétorique unique ment par les treize lettres de sa correspondance, qui devait être plus étendue, et par une monodie composée pour la mort de l'empereur Jean VII Paléologue (éd. Sp. LAMPROS, Seooropoç TIotaJJ.1oç Kat 'Ii eiç 'IroavvTJv tOV TIaÂal0Âoyov J,lovcpoia aùtou, DIEE 2, 1 885, p. 48-62), voir DENNIS,' Letters of Manuel II, p. xviü-xx; cf. IDEM, Letters of Theodore Potamios, p. 2-4. 578. THÉODORE POTAMIOS, Lettres, éd. DENNIS, no 1, p. 5, 1. 9-14. 579. Ibidem, no 2, p. 6, 1. 24-28; ce territoire se trouvait près de la mer; cf. no 8, p. 1 3, 1. 38-39; voir aussi l'introduction de l'éditeur (et surtout p. 3-4), qui, essayant d'identi fier ce territoire, propose comme probables Mytilène, Corinthe, Ainos, Negroponte. 580. Ibidem, no 8, p. 1 3, 1. 47-5 1 . 58 1 . Potamios précise qu'il avait perdu une partie d e ses livres lors_ de l a guerre civile entre Jean V et son fils Andronic IV, et le reste à cause des invasions de pirates sur le lieu de son exil; cf. lettre no 8, p. 1 3 , 1. 35-39 et no 2, p. 6, 1. 28-30. 582. Sur Isidore Glabas, voir PLP 4223; cf. DENNIS, Letters of Theodore Potamios, p. 38-39. 583. Sur Pothos, voir DENNIS, Letters of Manuel II, p. I-Ii; IDEM, Letters of Theodore Potamios, p. 35-36. 584. Cf. THÉODORE POTAMIOS, Lettres, no 2, p. 6, 1. 1 5- 1 6; no 3, p. 7, 1. 30-32; no 9, p. 14, 1. 39-4 1 . .
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il ne cache pas ses sentiments d'infériorité585 reste le seul moyen pour qu'il préserve un certain niveau de sa culture d'autrefois. Pourtant le mérite de Cydonès ne se limite pas uniquement au rôle d'inspirateur parmi ses contemporains; encourager les jeunes talents dans l'effort littéraire est un aspect de son activité; présenter à l'emper eur les plus doués d'entre eux pour les engager à son service, est le deux ième; c'est le cas de Théodore Kaukadènos qui a été reçommandé par Cydonès à Jean V comme rhéteur compétent pour lui offrir ses ser vices586 . Quoique Cydonès s'occupe principalement de littérature et de philo sophie et les auteurs qui reviennent sans cesse à travers sa correspon dance sont Démosthène et Platon, une de ses lettres prouve qu'il toucha même au domaine des mathématiques; or, il procura des théorèmes de Diophante à quelqu'un qui étudiait les mathématiques587 ; il apparaît que Cydonès n'est pas spécialiste dans ce domaine, néanmoins il n'hésite pas à résoudre ces théorèmes suivant les règles proposées par Euclide sur les nombres. Vers 1371-1 374 Cydonès félicite l'impératrice Hélène Cantacuzène Paléologine (1 333-1 396) mère de Manuel 11588 , pour ses propos intellec tuels qui prouvent à Cydonès que le goût pour les études n'a pas com plètement disparu: si c'est parmi les gens d'origine noble que les études ont encore quelque crédit et sont tenues en honneur, il y a espoir que d'autres s'engagéront sur la même voie et la vie intellectuelle s'épanouira à nouveau589 . Comme contribution à ses recherches philosophiques, il lui fait parvenir une oeuvre de Saint Augustin. D'autant plus qu'il est persuadé que l'impératrice se moque de ceux «qui, lorsqu 'on parle de Christ, veulent distinguer le Grec et le Scythe et recherchent la patrie des écrivains de préférence à leur pensée» 590. D'autres let�res écrites par
Cydonès, antérieures et postérieures à celle-ci, laissaient apparaître d'une part le dévouement et l'amitié que l'impératrice lui témoignait,
585. À ce sujet, il écrit à son ami Pothos (no 2, p. 6, 1. 20-28 et à no 3, p. 7, 1. 25-32; no 4, p. 8, 1. 28-30; à Théodore Cantacuzène: no 8, p. 1 3, 1. 40-44; à Isidore: no 9, p. l3, 1. 2-6 et p. 1 4, 1. 1 7- 1 9 et 43-45. 586. CYDONÈS, Lettres, II, no 210, p. 88, 1. 4-1 3; sur Kaukadènos voir DENNIS, Letters ofManuel II, p. xivii-xiviii; cf. PLP 1 1 56 1 . 587. CYDONÈS, Lettres, II, no 347, p. 287, 1 . 3-17. 588. Sur Hélène Cantacuzène Paléologine, la troisième fille de Jean Cantacuzène, qui épousa en 1 347 Jean V Paléologue, voir NICOL, The Family of Kantakouzenos, p. l 351 38; cf. DENNIS, Letters ofManuel II, p. XIV; cf. PLP 2 l 365. 589. CYDONÈS, Lettres, no 25, 1. 4-1 2; cette lettre a été écrite vers l 371-1 374. 590. Ibidem, no 25, p. 55, 1. 29-33 et 1. 36-43; traduction empruntée à G. CAMMEL LI, Démétrius Cydonès, Correspondance, Paris 1 930, p. 29.
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d'autre part l'admiration de celui-ci pour ses succès littéraires et pour la pureté de sa langue attique auxquels il avait contribué personnellement, semble-t-il, par son expérience, ses conseils et ses livres591 . Dans sa vie si agitée, où les luttes entre les membres de sa famille l'avaient tellement éprouvée l'impératrice par sa passion pour les études, ainsi que par son implication dans les événements politiques de son temps, arrivait à réfu ter la phrase de Sophocle qui prétendait que le silence est l'unique orne ment pour une femme 592. Son talent littéraire et sa forte personnalité font l'objet de louanges même après sa mort: Manuel Chrysoloras célè bre en sa personne une nouvelle Aspasie593 . Dans plusieurs lettres qu'il adressa à Cydonès, Manuel II Paléolo gue montre qu'il était reconnaissant envers lui pour son initiation à l'étude de la littérature classique; précisément une lettre de Manuel adressée à Cydonès avec une oeuvre littéraire (son discours écrit à l'oc casion de la siège de The�salonique en 1 383/84), ne laisse aucun doute sur le fait qu'il était son maître594 • Ayant hérité du penchant pour les lettres de sa mère Hélène Cantacuzène, qui veilla personnellement à l'in struction de son fils595, en plus de toutes ses responsabilités, Manuel ne cessait de le cultiver et de soumettre au regard de Cydonès ses oeuvres littéraires596 . Ce dernier redoublait de zèle pour orienter et encourager ses efforts dans les études de la rhétorique, de la poésie et de la philoso phie597 . D'autant plus que Manuel a été empêché par les circonstances de suivre le cycle habituel des études en fréquentant prémièrement un grammatistès et ensuite un rhéteur. Bien que personne ne lui ait servi de maître, celui-ci, joignant à ses dons naturels sa passion pour les lettres, 591 . Que l'impératrice Hélène Cantacuzène Paléologine devait beaucoup à Cydonès pour son progrès dans la langue et la littérature classiques est un fait indéniable qui res sort des lettres qu'elle a reçues de la part de Cydonès (no 28, 1 34, 222, 256, 389), notam ment par les no 389 et 222; cf. LOENERTZ, Démétrius Cydonès, 1, p. 51 -52, KlANKA, Demetrius Cydones, p. 75-76 et EADEM, The Letters of Demetrios Kydones to Empress Helena Kantakouzene Palaiologina, DOP 46, 1 992, p. 1 55- 1 64. 592. Cf. CYDoNÈs, Lettres, no 389, 1. 1 0- 1 3 ; cf. SOPHOCLE, Ajax, 293: «ruvat, 'Yuvalçt KOO'jJ.OV T) O'l'Yi) cpÉpEl». 593. Cf. le discours inédit que Manuel Chrysoloras adressa à Manuel II en 1414, dont l'extrait rélatif voir dans BEES, Les manuscrits des Météores, l, no 1 54, fol. l.ç' a: « ..."EO'xojJ.Ev 'Yàp Kat T)jJ.Eiç Èv 'toiç XPOVOlÇ 'tOU'tOlÇ, 'AO'1taO'iav vÉav, 'ti)v O'i)v jJ.'l'tÉpa Kat �aO'lÂ-Œa Â-É'Ym, �uvajJ.Év'lv Kat aù'ti)v iiplO''ta Â-É'YElV». 594. MANUEL PALÉOLOGUE, Lettres, no I l , p. 3 1 , 1. 22-28. 595. CYDONÈS, Lettres, no 398, 1. 20-25. 596. MANUEL PALÉOLOGUE, Lettres, no 1 1 , p. 3 1 , 1. 1 6-24; no 62, p. 1 73, 1. 21 0. 597. CYDONÈS, Lettres, no 302, p. 2 1 2; no 380, p. 321 ; no 39 1 , p. 344; no 392, p.346.
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arrivait à faire un usage brillant de la langue attique et à imiter à la per fection Démosthène et Platon598 . Son archaïsme, loin d'être pédant et monotone, surprenait Cydonès par son originalité et sa beauté. Le désir de Manuel d'approfondir la langue attique est secondé par le diction naire de Suidas qu'il vient d'obtenir. À l'occasion il écrit à Cydonès: «Le Suidas est arrivé, et, dans la pénurie d'argent où nous sommes, il nous a du moins enrichi d'une grande abondance de mots». Sans tarder, il fait appel à l'aide de Cydonès pour profiter de sa richesse linguistique599 . En outre, Manuel voulait puiser dans ses ancêtres non seulement au niveau de la langue, mais aussi approfondir leurs idées; sa familiarité avec Théognis, dont la poésie décourageait le lecteur, vue sa langue extrême ment difficile, en témoignait; ayant surmonté cet obstacle, Manuel était en position de saisir, derrière le symbolisme des mots, les idées volon tairement cachées par le poète au grand public et destinées seulement au lecteur éveillé60o . Cydonès conseille à Manuel d'approfondir sa connaissance de la pensée de Platon autant qu'il lui est possible; son contact avec le grand philosophe doit être direct, loin de toute influence de ses commenta teurs. La cause de ces remarques se trouve dans le fait que Cydonès con stata l'influence de Prodikos dans une lettre de Manuel601 . En outre, Platon fait l'objet d'autres lettres échangées entre Cydonès et Manuel. Ce dernier se montre particulièrement fier d'avoir reussi à obtenir un vieux manuscrit de Platon au Mont Athos vers 1 382/84 et il l'offre à Cy donès tout en étant persuadé qu'il contribue ainsi à faire revivre la pen sée du grand philosophe qui jusqu'alors était inconnue602 • Quant à Cy donès, il ne partage pas la même opinion; demeurant convaincu que tant lui que ses contemporains sont inférieurs par rapport à Platon, il explique à Manuel que si le philosophe pouvait s'exprimer, il aurait été mécontent de fréquenter des gens incultes qui arrivent à peine à saisir son esprit. Quant à Cydonès, il se considère «barbare» face à Platon, au trement dit, il a conscience d'une décadence culturelle603 . L'activité littéraire de Manuel est d'une telle intensité qu'elle donne à Cydonès l'impression que celui-ci se trouve à l'Académie et que son 598. CYDONÈS, Lettres, no 82, p. 1 14, 1. 8-20; II, no 262, p. 1 67, 1. 1 2- 1 7; no 380, 329, 1. 23-26; au sujet de son style qui rappelait Démosthène et Platon, voir les éloges de Cydonès dans ses lettres no 82, p. 1 1 5, 1. 30-3 1 et no 276, p. 1 94, 1. 4-7. 599. MANUEL PALÉOLOGUE, Lettres, no 4, p. 1 3, 1. 8-9. 600. CYDONÈS, Lettres, II, no 302, p. 219, 1. 4-12. 601 . Ibidem, no 392, p. 346, 1. 51-60. 602. MANUEL PALÉOLOGUE, Lettres, no 3, p. 7, 1. 2-8 et p. 8, 1. 9. 603 . CYDONÈS, Lettres, II, no 258, p. 1 62, 1. 4-6; p. 1 63, l. 7- 1 3.
p.
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seul souci demeure de satisfaire ses auditeurs par la beauté de ses écrits. Pourtant ce n'est pas le cas puisque l'on est en pleine guerre604 . Deux ans plus tard, en 1 385, Cydonès commence à s'inquiéter; il souligne le fait à Manuel que les Turcs qui assiègent Thessalonique ne lui permet tent pas de s'exercer à l'art de la rhétorique; les circonstances exigent de lui qu'il consacre la totalité de son activité à la lutte contre les enne mis 605 .
604. Ibidem, no 284, p. 205, 1. 1 3-20; lettre datée en 1 383. 605. Ibidem, II, no 304, p. 223, l. 4-1 1 ; p. 224, L 29-30.
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2. Dèmètrios Cydonès et le courant du Thomisme à Byzance
L'attirance que la pensée occidentale exerce sur l'esprit de Dèmè trios Cydonès, ainsi que les besoins de ses fonctions de mésazôn606 le conduisent à apprendre le latin; un grand nombre de missionnaires, de négociants et de mercenaires occidentaux affiuent au palais et Cydonès est chargé par l'empereur de les recevoir; cependant, les interprêtes qui sont à son service le décoivent par leur médiocrité607 et il prend la déci sion d'apprendre lui-même le latin608 . Ainsi, de 1 347 à 1 354 il se met sous la direction d'un moine dominicain de Péra609 et arrive très vite à un niveau tel qu'il lui permet de s'exprimer presque avec la même facil ité en latin qu'en grec, ainsi que de saisir le sens des textes à l'exception de certaines expresions utilisées parmi les poètes et les rhéteurs les plus profonds 6 1O. Finalement, son maître le jugeant capable d'accéder à la pensée philosophique et d'en tirer profit, lui confie la Somme contre les 606. CYDONÈS, Lettres, II, no 333, p. 267-268, 1. 37-42. 607. CYDONÈS, Apologie, 1. 41-42 et 1. 47-52. L'Apologia pro vita sua, dont le titre latin a été ajouté postérieurement d'après le contenu de ce texte, est l'autobiographie de Cydonès composée vraisemblablement dans la décennie 1 360; elle abonde en détails pré cieux à propos de sa jeunesse, sa formation, sa carrière politique et son activité de traduc teur qui favorisa à la fois la diffusion du Thomisme et de l'Aristotélisme; en outre la plus grande partie de cette oeuvre n'est qu'une argumentation continue concernant son attitude comme promoteur de la théologie latine; pour l'édition de ce texte, voir -MERCATI, Noti zie, p. 359-403; sa traduction en allemand a été faite par G. BECK, Die «apologia pro vita sua» des Demetrios Kydones, Ostldrchliche Studien 1, 1952, p. 208-225 et 264-282; cf. F. KIANKA, The Apology of Demetrius Kydones: A Fourteenth-Century Autobiographical Source, Byzantines Studies 7, 1 98 1 , p. 57-7 1 ; cf. IDEM, Demetrius Cydones, p. 16-18, où il y a une présentation des trois autres Apologies que Cydonès écrivit pour défendre ses thèses théologiques. 608. Cf. Chrysa MALTEZOU, Diversitas linguae. 'H È1t1KOlvrovia o'to BuÇ avno. Ac tes du IIème Congrès International «'H É1uKolvOJv{a OTO BuÇav'rz o», Athènes 1 993, p. 931 02. 609. CYDONÈS, Apologie, 1. 63-72; au sujet de la date, voir LOENERTZ, Les re cueils, p. 109; une identification du maître de Cydonès en la personne du dominicain Phi lippe, connaisseur de la langue grecque et actif au milieu du XIVe siècle, a été proposée par MERCATI, Notizie, p. 514 et PAPADOPOULOS, 'Ell17vIKai jJ8mrppau8lç @OJjJIOTI Kmv ËprOJv, p. 27; sur le couvent des Dominicains à Péra où il s'est établi en 1 299, voir R J. LOENERTZ, Les établissements dominicains de Péra-Constantinople, EO 34, 1 935, p. 336. Bien que Cydonès ne précise pas que son maître était un dominicain, MERCATI (Notizie, p. 5 1 4) tira cette conclusion du fait que celui-ci voulut initier son élève à la pen sée de Thomas d'Aquin. 6 10. CYDONÈS, Apologie, 1. 89-93.
126 Gentils de Saint Thomas d'Aquin; bien qu'il vise dans un premier temps à familiariser son élève avec la langue de cet auteur61 1 , celui-ci constate qu'il maîtrise parfaitement le latin et entreprend la traduction de cer tains chapitres en grec. À l'occasion, il donne aussi lecture de certains passages à l'empereur qui l'encourage à achever la traduction de ce livre au profit de ses contemporains612 . Sa version intégrale de la Somme con tre les GentJ1s est terminée le 24 décembre de 1 3 54 et l'empereur la fait transcrire aussitôt613 ; son exemple est suivi par une partie de la cour im périale614 . En persistant dans l'approfondissement du latin, Cydonès s'im prègne successivement de la pensée latine et sa compétence est reconnue tant par les Latins que pa,r une partie de ses compatriotes. Les premiers essaient de rendre populaires grâce à lui d'autres Latins, étant conscients que son rôle politique facilitera la diffusion de leur idéologie; les seconds soumettent à son regard chaque texte latin qui leur est incompréhensi ble61 5 . C'est ainsi que Cydonès entreprend succesivement la traduction
61 1 . Ibidem, 1. 98-1 06 et p. 363, 1. 1-2. 612. Ibidem, p. 363, l. 9-1 3 et l. 1 9-23; il faut remarquer l'attitude contradictoire de Jean Cantacuzène qui joua d'une part un rôle décisif pour la diffusion du Thomisme, en encourageant l'initiative prise par son ministre de traduire l'oeuvre du chef de la Scolas tique Thomas d'Aquin, tandis que d'autre part, il fut le protecteur par excellence du chef de l'Hésychasme Grégoire Palamas et l'organisateur de son triomphe au concile des Bla chernes en 1 35 1 . 6 1 3 . D'après PAPADOPOULOS ( 'E).).1J VlKai jlE'rarppauElç emjllCJTlKmV Ëpymv, p. 28-32), la traduction aurait été finie avant le 29 novembre 1 354, date de l'abdication de Jean Cantacuzène (d'après A. FAILLER, REB 34, 1 976, p. 120-12 1), quant à la date de 24 décembre 1 354 qui est mentionnée dans la notice latine du Codex Vaticanus gr. 616, fol. 7v, elle se réfère au temps d'une deuxième édition améliorée de la traduction de Cydo nès. Bien évidemment ce n'est pas Jean Cantacuzène qui la trancrivit de sa propre main, comme il a été suggéré (cf. JUGIE, Démétrios Cydonès et la théologie latine à Byzance, p. 391 et SETTON, Renaissance, p. 53), mais des copistes impériaux; un copiste qui travailla pour le compte de Jean Cantacuzène est Manuel Tzykandylès comme il le déclare dans le folio 7v du Codex Vaticanus graecus 6 1 6 contenant la dite oeuvre; cf. TURYN, Codices Graeci Vaticani, p. 1 5 1 : «Tou'to ' 'to �l�Â.iov j.1E8Epj.1TtVEUO'EV j.1Èv EIC 'tou Â.anvllCou Eiç 'tllV ÉÂ.Â.aôa q>OlVllV ATlj.1Tt'tpl0(Ç) 't1.ç 0EO'O'aÂ.ovllŒùÇ j.1E'tEypa'l'a'to ôÈ MavoullÂ. TÇuICavMÂ.Tl ç o BuÇavno(ç) IC(a)'t(à) npoO''taç1V 'tou x:ùp aù'tolC pcltO po(ç) 'tou Kav'taICouÇTlv(oü)>>; sur Manuel Tzykandylès, qui appartenait à l'entourage de Jean Cantacuzène et dont les inté rêts étaient beaucoup plus étendus que ceux d'un simple bibliographe, voir LOENERTZ, Chronologie de Cabasilas, p. 210-21 9 et p. 309; cf. ZAKYTHINOS, Le Despotat, p. 3 1 6321; GAMILLSCHEK-HARLFINGER, Repertorium, I, no 255; II, no 35 1 , 358; E. TRAPP, Die Etymologie des Namens Tzikandeles, JOB 22, 1 973, p. 233. 614. CYDONÈS, Apologie, l. 1 8-29. 6 1 5 . Ibidem, 1. 30-36.
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des autres oeuvres; dès 1 3 55 616 il aborde la traduction de la Somme théologique dans le but de présenter fidèlement et intégralement la pen sée de Saint Thomas d'Aquin; cela parce qu'il admire la vigueur philoso phique de ses raisonnements et l'abondance des textes scriptuaires qu'il apporte pour démontrer les vérités chrétiennes617 ; quoique Cydonès reste plus ou moins fidèle au texte latin, il s'efforce de dépasser la simple tâche du traducteur; si les grands docteurs dominicains, Albert le Grand et Thomas d'Aquin, veulent concilier Aristote et l'Écriture, lui il tend à concilier à la fois Aristote et Thomas d'Aquin, sans y parvenir toujours. Toutefois, en procédant par comparaison constante du texte d'Aristote et de celui de la Somme théologique Cydonès n'hésite pas à reconstituer le texte aristotélicien qui était déformé dans la traduction latine de Moerbeke adopté par Thomas d'Aquin618 • Son apport est remarquable du point de vue stylistique, philosophique et théologique; quant à son but, celui-ci demeure la conciliation du rationalisme théologique occi dental et de la tradition aristotélicienne grecque619 . La Somme théologi que ne sera achevée que par son frère Prochoros (ca. 1 330-ca. 1 368/69), vers 1 3 58, le second promoteur fervent de la théologie scolastique à By zance au cours de cette époque62o • En traduisant l' Improbatio Alcorani de Ricoldo de Monte Croce, traité qui réfutait les croyances islamiques en se basant sur les thèses de 6 1 6. Sur le problème de la datation de la traduction de la Somme théologique, qui était probablement entreprise dès 1 350, voir l'introduction de E. MOUTSOPOULOS, L'Hellénisation du Thomisme au XIVe siècle, p. 10, dans: CYDONÈS, empli �KUl Vl.z.rOU: Iouppa eeOÂOYIKr1 ÈçeÂÂ" vlaOeiaa, II 1 5, éd. G. LEONTSINIS, A. GLYKOFRYDOU LEONTSINI, Athènes 1 976; cf. aussi son introduction dans: Ibidem, II 1 6, éd. Ph. A. DE METRAKOPOULOS, Athènes 1 979, p. 7 et note 1 . 617. Cf. A. PALMIERI, Cydonès, dans: DTC 3, col. 2457. 6 1 8 . E. MOUTSOPOULOS, Thomisme et Aristotelisme à Byzance: Démétrius Cydo nès, JOB 32, 4, 1 982, p. 307-3 1 0, et surtout p. 308. 6 19. Cf. CYDONÈS, empli �KUl Va'fOu: IoupJla eeOÂoylKr1 ÈçeÂÂ"vlaOeiaa, II 17, éd. Ph. A. DEMETRAKOPOULOS, Introduction par E. MOUTSOPOULOS, p. 7- 1 1 ; voir aussi à E . MOUTSOPOULOS, Thomisme et Aristotelisme à Byzance: Démétrius Cy donès, JOB 22, 4, 1 982, p. 307-3 1 0 et à Ph. A. DEMETRAKOPOULOS, Demetrius Ky dones' translation of the summa theologica, JOB 22, 4, 1 982, p. 3 1 1-3 19. 620. Dèmètrios traduisit de la Somme théologique la première partie (prima pars) di visée en 1 1 9 chapitres (quaestiones) et la deuxième partie (la secunda pars) qui est divisée en prima secundae (ch. 1-1 1 4) et secunda secundae (ch. 1 - 1 89) ; son frère Prochoros tradui sit de la troisième partie (tertia pars) le Supplementum, le De potentia, le De aeternitatae mundi contra munnurantes et le Commentaire à la Métaphysique d'Aristote; la traduction se réalisa entre 1 350- 1 357; cf. 1. N. KARMlRÈS, empli �KUI Va'fOU Iouppa eeOÂoylKT" t. l, Athènes 1 935, p. 35 et note 2; cf. aussi JUGIE, Démétrios Cydonès et la théologie la tine à Byzance, p. 392; PAPADOPOULOS, 1jÂÂ"vIKai pemrppaaelç empUITIKmV lpymv,
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Thomas d'Aquin, Cydonès contribua même indirectement à la propaga tion du Thomisme62 1 . Pourtant, son attachement profond à la pensée de Thomas d'Aquin souleva même la critique de son ami Georges le Philo sophe, installé après 1 362 dans le Péloponnèse et connu pour ses préoc cupations philosophiques et théologiques. Il semble que celui-ci l'accu sait de donner la primauté à Thomas d'Aquin au détriment de Platon et de Socrate et de mépriser ainsi la pensée qu'il avait héritée de ses ancê tres. Un débat est ouvert entre eux où Cydonès défend, à travers la sa gesse étrangère, la foi chrétienne, tandis que Georges le Philosophe ris que de se montrer, à cause de son philhellénisme, défenseur du paga nisme. Précisément, Georges accuse Cydonès d'admirer un «ignorant» en la personne de Thomas d'Aquin et trouve que son effort d'approfon dir la connaissance de sa pensée n'était que «de chercher les traces des puces»622 . Cydonès d'autre part réplique à Georges que si Thomas d'Aquin n'est pas réellement une autorité dans le domaine de la théolo gie, dans ce cas tous les Occidentaux, qui le suivent, ont perdu la rai son623 . Le débat est davantage animé dans une lettre postérieure que Cy donès lui adresse entre 1 365 et 1 369; il Y exprime sa satisfaction de le voir enfin réconcilié avec le grand maître dominicain, bien qu'il demeure toujours très attaché à la pensée hellénique, notamment celle de Platon. Au sujet de l'obscurité voulue de Thomas d'Aquin que Georges le Philo sophe évoque, celle-ci provient, d'après Cydonès, du fait que le maître de la Scolastique exprime des notions divines à l'aide du raisonnement philosophique; or, il est évident que les vérités chrétiennes dépassent la raison humaine, parce qu'elles proviennent de la révélation divine et de ce fait Thomas ne peut éviter l'obscurité dans ses écrits; en outre, si le raisonnement philosophique de Platon lui paraît plus vigoureux, c'est parce que le philosophe grec exprime des vérités pré-chrétiennes, dont les syllogismes sont allégés par la mythologie. Cydonès soutient qu'en p. 47. Sur Prochoros Cydonès, moine au monastère de Lavra au Mont Athos, qui subit l'influence de son frère dans le domaine théologique, et sur son activité de traducteur des oeuvres latines, voir PAPADOPOULOS, op. cit., p. 90-91 ; cf. H. HUNGER, Prochoros Kydones, Ubersetzung von acht Brielen des Hl. Augustinus, Vienne 1 984; Prochoros réa lisa une seule traduction de contenu philosophique, celle de l'oeuvre de Boèce intitulée De differentiis topicis; cf. NIKÈTAS, oH �UÇUV't1Vtl j.1E'tUq>PUO'l1 'tou Ëpyou 'tou B0118iou, p. 275-3 1 5. 621 . Cf. PAPADOPOULOS, 'EÂÂT/VIKai j.l&-rarppaU&lç @OJj.llaTIKroV ËpyOJv, p. 28; sur ce scholastic latin, voir KIANKA, Demetrius Cydones, p. 1 1 5- 1 17; pour la traduction de Cydonès, voir PO 1 54, col. 1 035-1 1 52, où il existe aussi une version latine, mais qui n'est pas le texte original de Ricoldo de Monte Croce. 622. CYDONÈS, Lettres, no 97, p. 1 34, 1. 55-57. 623. Ibidem, 1. 57-59.
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tant que chrétiens, ils doivent persévérer dans la compréhension de Tho mas d'Aquin624 . Enfin, il invoque une série d'arguments pour justifier ses préférences pour la sagesse étrangère et fait une tentative pour réfu ter les reproches de son ami en lui affirmant qu'il n'a jamais pensé com parer Thomas avec Platon et Socrate; s'il en est question toutefois, Cy donès ne se laisse pas influencer par ses origines mais par sa foi, et dans cette perspective, il prend partie davantage pour Thomas, représentant de la foi chrétienne, que pour les philosophes grecs qui représentent l'esprit païen625 . Finalement, il ajoute: «Si Platon et tous les Péripatéti ciens étaient présents et si Thomas devait argumenter face à eux sur l'espoir qui est en nous, ils seraient à tel point impuissants devant ses ar guments, qu'ils auraient immédiatement choisis l'Église à la place de l'Académie»626 . Suivent les traductions des oeuvres mineures de Thomas d'Aquin627 , Saint Augustin628 , Saint Fulgence, Saint Anselme de Cantorbery, du chancelier de Paris ( + 1 205) Pierre de Poitiers, du Dominicain Ricoldi de Monte Croce629 qui contribueront largement à la diffusion de la théo logie latine à Byzance et seront à la base d'un premier dialogue entre les deux Églises. L'apport de Cydonès dans cette voie prend une significa tion particulière si l'on songe que les Byzantins depuis le schisme des Églises (1054) méprisaient le monde latin faute de pouvôir le connaître ou le comprendre; ils considéraient tous les Occidentaux comme bar bares et étaient convaincus que ceux-ci n'étaient talentueux que dans le domaine du commerce et à la guère630 . En outre la connaissance des thèses de la théologie latine entraînera une très forte réaction et aboutira à un durcissement des positions ecclé siastiques: si celle-ci, fondée sur la Scolastique, faisait appel à la raison et avait recours aux arguments de la science, la tradition orthodoxe, im prégnèe par les expériences mystiques de l'Hésychasme, ne pouvait que s'en différencier. Les deux confessions, qui s'étaient plus ou moins ignor624. Ibidem, no 33, l. 46-50 et 56-57. 625. Ibidem, no 33, p. 65, l. 46-70 et p. 66, l. 7 1-72. 626. Ibidem, no 33, p. 66, l. 73-76. 627. Cf. St. PAPADOPOULOS, BuÇav'tlov. I:X.ÉcrE1Ç 1tpOÇ tftV AU'tlKft 9EoÂ.oyia, ThEE 3, 1 963, col. 1 093- 1094; cf. JUGIE, Démétrius Cydonès et la théologie latine à By zance, p. 392. 628. Précisément sur ses traductions des textes de Saint Augustin, voir M. RACKL, Die griechischen Augustinusübersetzungen, (Miscellanea Francesco Ehrile 1), Cité du Vati can 1 924, p. 1 8-28; cf. KIANKA, Demetrius Cydones, p. 107-1 12. 629. Sur ses traductions en général, voir JUGIE, Démétrius Cydonès et la théologie latine à Byzance, p. 391 -396; cf. KIANKA, Demetrius Cydones, p. 1 07-1 1 7. 630. CYDONÈS, Apologie, l. 77-88.
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ées mutuellement au cours des siècles précédents, commencent alors s'af fronter. La réaction contre la diffusion du Thomisme fut très forte et le fait qu'un concile a été réuni par le patriarche Philothée Kokkinos en 1 368 en vue de condamner les thèses de Prochoros Cydonès 631 le prouve amplement. Par ailleurs, des ouvrages antithomistes ont été composés pour réfuter la théologie latine. Panni ceux-ci, celui de l'ancien maître de Dèmètrios Cydonès, Nil Kabasilas, archevêque de Thessalonique (1361-1 363), qui réfuta les thèses latines sur la procession du Saint Esprit632 .
63 1 . PAPADOPOULOS, 'EÂ-Â-l1VtKai j.l8'taq>pu0'8tÇ ®roj.ltO''t\Kmv ëpyrov, p. 91; cf. PG 1 52, col. 694-7 1 6: Topoç avVOÔl1COÇ Kœrà IIpozopov iepopova.Zov mu KvôoJVT/, mu rppo vqO"ll vmç 'l'à Baplaàp Kai �KI VÔUVOV. 632. Cf. M. CANDAL, NiJus Cabasilas ct TheoJogia S. Thomae de processione Spi ritus sancti, Vatican 1945; sur les autres auteurs qui représentent le courant antithomiste, voir PAPADOPOULOS, "EllT/ VIKai pemrppauelç @mplmlKmv éprmv, p. 1 8 et p. 1 1 71 49; cf. 1. N. KARMlRÈS, empli mu �Kl va.mv Iouppa (JeolorIKq, t. l, Athènes 1935, p. 45-48; sur l'antithomiste le plus acharné, l'hésychaste Kallistos Angélikoudès Mélènikiô tès, voir PAPADOPOULOS, op. cit., p. 1 56-1 72 et IDEM, Kall{mov � rrelIKOUÔT/ Ka 'l'à empli �KI Vlhov, Athènes 1 970.
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3. Rapprochement culturel . et influences réciproques entre Byzantins et Occidentaux
L'idéal d'un rapprochement religieux, politique et culturel avec l'Oc cident, dans lequel Dèmètrios Cydonès et une partie latinophile de sa génération avaient investi tant d'efforts, ne verra sa réalisation qu'au ni veau purement culturel. Du côté byzantin, malgré les efforts déployés de la part de Cydonès dans le but de familiariser ses compatriotes avec la pensée latine, ceux-ci dans leur ensemble étaient fiers de leur héritage hellénique et, sauf un petit cercle de latinophiles ou latinophrones, rest èrent repliés sur eux-mêmes 633 . Pourtant, c'est grâce à un petit groupe, demeurant ouvert à l'influence occidentale au niveau de la théologie et de la philosophie, que les idéaux grecs seront transmis aux premiers hu manistes Italiens. Ainsi, après sa conversion au catholicisme en 1 357 au plus tard634 Cydonès manifeste de plus en plus son désir de connaître de près l'Occi dent et d'entrer en contact avec ses milieux intellectuels. Dans une de ses lettres adressée à son ami Simon Atumanos, archevêque de Thèbes ( l 366-ca. 1 383)635 en 1 367/68, il précise que tandis que les autres qui se réfugient en Italie visent à acquérir richesses et dignités, ses propres mo tivations sont tout à fait différentes: lui, il ne s'intéresse qu'à la science de la théologie cultivée là-bas; il ajoute finalement que tant les incita tions de plusieurs amis que l'invitation personnelle du pape Urbain V en 1 367 l'encouragent, plus que jamais, à réaliser ce voyage636 . L'occasion se présentera en 1 369 lorsque l'empereur Jean V, dans le but d'obtenir une aide de l'Occident pour lutter contre la menace turque, se rend en 633. Voir supra, p. 1 29, note 630. 634. La date exacte reste inconnue; à ce sujet, voir KIANKA, The Apology of Deme trius Cydonès, p. 60 et note 19, qui situe à une date proche de 1 360 d'après les lettres du pape Urbain V adressées à Cydonès au cours des années 1 365 et 1 367 qui attestent la conversion de celui-ci aux doctrines de l'Église latine. Toutefois dès 1 357, fr. Philippo In contri le considère comme catholique; cf. LOENERTZ, Démétrius Cydonès, l, p. 55; cf. IDEM, Démétrius Cydonès, II, p. 1 0 et note 3. 635. Sur Simon Atoumanos, voir G. FEDALTO, Simone A tumano, monaco di Stu dio, arcivescovo di Tebe, secolo XIv, Brescia 1 968; cf. SErrON, Renaissance, p. 50-5 1 ; PLP 1 648. 636. CYDONÈS, Lettres, no 103, 1. 72-73, 1. 76-78, 1. 82-85; au sujet de la datation de la lettre que le pape lui a envoyée, voir ibidem, p. 141, note.
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Italie pour faire sa profession de foi au pape637 . Alors e� visite à Rome (la Curie romaine) en 1 369- 1 370, Cydonès exprime son mécontentement du fait que ses devoirs auprès de l'empereur l'empêchent d'être en con tact avec les cercles intellectuels, de se consacrer à la lecture des livres la tins, enfin d'acquérir une idée du niveau de la culture et de l'enseigne ment dispensé dans ce pays en écoutant les savants converser, enseigner ou discuter638 . De retour d'Italie en 1 37 1 Cydonès vient de débarquer dans le Pélo ponnèse, d'où il écrit ses impressions à Jean Laskarès Kalophéros à Chypre639 ; impressioné par les gens qu'il a eu l'occasion de connaître durant son séjour à Rome, Cydonès approuve la décision de son ami de quitter Chypre et de se rendre en Italie; quant à lui, il est revenu unique ment parce qu'il ne voulait pas laisser revenir seul l'empereur; à l'occa sion il lui annonce son projet de visiter la France au printemps pour ex plorer le pays, entrer en contact avec ses dialecticiens et en apprendre la langue et l'invite à venir l'y rencontrer640 . Jean Lascarès Kalophéros n'est pas le premier à être encouragé par Cydonès à aller s'installer en Italie; à la même date, en 1 37 1 , Jean Kyparissiôtès (ca. 1 3 1 0- 1 378)641 , réfugie à Chypre depuis 1 365 à cause de ses convictions antipala mites642 , reçoit une lettre de sa part pleine de pessimisme sur la situation 637. Au sujet du séjour de Jean V en Italie, voir O. HALECKI, Un empereur de By zance à Rome, Varsovie 1 930 et A. VASILJEV, Il viaggio dell'imperatore Bizantino Gio vanni V Paleologo in Italia (1 369- 1 37 1) e l'Unione di Roma deI 1 396, Studi bizantini e neoellenici 3, 1 93 1 , p. 1 5 1- 1 93. 638. CYDONÈS, Lettres, no 39, 1. 6-1 2; au moins, il a eu l'occasion de faire la connaissance du Romain Agapet Colonna, évêque de Brescia, plus tard cardinal ( + 1 380), et de Pierre Roger, le cardinal de Beaufort, le futur Grégoire XI, auquel il promet de reve nir à Rome plus tard; cf. LOENERTZ, Démétrius Cydonès, l, p. 66. 639. Sur Jean Laskarès Kalophéros et son frère Maxime, voir A. ESZER, Das aben teuerliche Leben des Johannes Laskaris KaJopheros, Wiesbaden 1 969; D. JACOBY, Jean Lascaris Calophéros, REB 26, 1 969, p. 189-228; R.-J. LOENERTZ, Pour la biographie de Jean Lascaris Calophéros, REB 28, 1 970, p. 1 30- 1 39; PLP 1 0732. 640. CYDONÈS, Lettres, no 37, 1. 1 6- 1 8, 1. 28-34 et 1. 41 -47; ce voyage en Italie, pro jeté pour l'hiver 1 37 1 - 1 372, fut renvoyé au printemps suivant et remplacé par le projet d'un voyage en France; puis, il n'en fut plus question; cf. LOENERTZ, Démétrius Cydo nès, II, p. 8 et note 6; en fait ce voyage n'a eu lieu que vingt ans plus tard; cf. LOE NERTZ, Démétrius Cydonès, l, .p. 69. 641 . Sur ce personnage qui fut le représentant le plus remarquable de la théologie an tipalamite et l'ennemie le plus obstiné de Grégoire Palamas et de Nicolas Kabasilas, voir B. L. DENTAKÈS, 7mavvT/ç KUTrapluauo'rT/ç, 0 uorpoç ICa; rplÂOUOrpOç, Athènes 1 965; cf. PLP 1 3900. 642. Toute l'oeuvre de Kyparissiôtès réfutait et combattait les idées mystiques de Grégoire Palamas et de ses partisans; cf. DENTAKÈS, op. cit., p. 6 1- 1 1 3.
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régnant à Constantinople; confinés dans les murailles de la capitale les habitants essaient de survivre en dépit de la pauvreté, des révoltes et de mille autres maux; Cydonès avertit ainsi son ami qui, fatigué par les conditions de vie à Chypre, pense revenir à Constantinople; seule l'Italie est en mesure d'assurer la subsistance de ses habitants et il lui conseille vivement d'y aller à condition qu'il en connaisse la langue643 . En effet, Kyparissiôtès se rendit à la cour du pape Grégoire XI ( 1 370- 1 378), où il séjourna probablement de 1 371/72 à 1 377/78. Une allocation que le pape lui attribua pendant la période 9 novembre-1 2 décembre 1 377 lui vint en secours, toutefois, elle n'atténua pas les difficultés de sa vie là bas; désirant de nouveau rentrer à Constantinople, il demande conseil à son ami Cydonès qui lui répond par une lettre (no 1 61) vers 1 377/78 d'en décider lui-même. Son retour à Constantinople est probable, toute fois les détails de sa vie par la suite restent plus ou moins obscurs644 • Finalement, pendant la dernière période de sa vie (1390- 1 398), Cy donès entreprendra deux autres voyages en Italie; en effet, vers la fin de 1 389 ou au début de 1 390, il quitte Constantinople, en compagnie de Dèmètrios Chrysoloras, pour aller s'établir à Venise, où il espérait d'ail leurs rencontrer son vieil ami Jean Laskarès Kalophéros645 • Lors de leur séjour à Venise un disciple du florentin Coluccio Salutati, l'humaniste Roberto Rossi, fera leur connaissance et ils lui donneront des cours de grec646 ; puis, il fera connaître le nom des deux Byzantins parmi les au tres humanistes de Florence en stimulant ainsi leur désir de devenir hel lénistes. Après un an, Cydonès décide de quitter la République, qui, peu avant son départ, l'honorera en lui conférant le droit de cité647 . De re643. CYDONÈS, Lettres, no 35, 1. 25-36 et 42-48. 644. DENTAKÈS, op. cit., p. 29-30. 645. Kalophéros, ami et correspondant de Dèmètrios Cydonès avait nommé exécu teurs de son testament, fait à Venise le 5 juillet 1 388, Cydonès et Manuel Chrysoloras au cas où ils seraient présents à Venise; toutefois, ce voyage eut lieu en 1 390/9 1 ; c. LOE NERTZ, Correspondance de Calécas, p. 64. 646. Cf. SETTON, Renaissance, p. 57, où il y a la traduction en anglais de la lettre que Coluccio Salutati écrivit à Cydonès à ce sujet: .. and because it is God who summo ned you to Italy (Latium), when you and Manuel (Chrysoloras) beheld Venice, where as soon as you took on and began to teach Roberto (Rossi) in your frieD{fly fashion, you fi red many hearts with the desire to learn the language of the people of old Hellas, so that already 1 perceive there will be many earnest students of Greck literature within a few years. 647. LOENERTZ, Démétrius Cydonès, p. 1 25- 1 26, où est cité le texte de la ducale du 20 janvier 1 39 1 par laquelle Antonio Venier (doge 1 382-1400) accorde à Cydonès les droits et les immunités des citoyens de la Republique; Cydonès fait des références à son sé jour à Venise dans ses lettres no 441 , p. 405, 1. 28-30 et no 443. .
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tour à Constantinople en . 1 391 et jusqu'à 1 396, date à laquelle il quitta définitivement la capitale pour des motifs religieux648 , il entre en rela tions avec Manuel Kalékas, connu comme grammairien, rhéteur et théo logien hostile à la doctrine de Grégoire Palamas649 . En lui, Cydonès trouvera un disciple prêt à partager ses préférences dogmatiques et phi losophiques, ainsi que ses vues plus générales concernant le rapproche ment avec l'Occident. L'attitude de Georges Scholarios qui, en mention nant le nom de Cydonès, ajoute celui de Kalékas qu'il qualifie de disci ple, semble assez justifiée650 . Kalékas suivra une formation scolastique basée sur l'oeuvre de Thomas d'Aquin, notamment le Contra Genti1es et l' Ad cantorem Antiochenum 651, avant d'adhérer au dogme catholique en 1 396 et de prendre le froc dominicain dans le monastère Saint-Do minique de Péra. Toutefois, ses connaissances du latin, d'un niveau rudi mentaire, même en 1 395 652 , ne lui permettaient pas d'avoir un accés di rect aux écrits du grand maître dominicain; alors il aura recours aux tra ductions effectuées par Cydonès les années précédentes. En outre, l'oeuvre théologique de Manuel Kalékas, qui le fait l'apologiste fervent de la méthode scolastique en théologie après la mort de Cydonès, et qui jouira d'une postérité653 , devait aussi beaucoup à Cydonès. Précisément, son manuel de théologie intitulé De /ide deque principiis /idei catholi cae 654, rédigé avant 1 396 et le premier en date de ses écrits théologiques où Kalékas défend les vérités du dogme latin, avait largement emprunté aux traductions de Cydoriès655 • Quant à son florilège Sur la Procession 648. Cf. KALEKAS, Lettres, no 17, no 2 1 , no 46, où il considère son départ comme un exil; sans doute après la défaite de Nikopolis (1 396) le climat à Constantinople devint particulièrement défavorable pour les latinophiles et les latinophrones dont faisait partie Cydonès; quoi qu'il en soit, Cydonès accompagna Manuel Chrysoloras en Occident dans le but de demander de nouveau une aide militaire contre les Turcs; cf. GEANAKOPLOS, SchoJars, p. 28. 649. Sur Kalékas, voir R-J. LOENERTZ, Manuel Kalékas, sa vie et ses oeuvres d'après ses lettres et ses apologies inédites, Archivum Fratrum Praedicatorum 1 7, 1 947, 1. 1 95-207. 650. SCHOLARIOS, Oeuvres, II, 447, 1. 23-24; 486, 1. 7-9 et 1 7-20; III, 1 3, 1. 34; 14, 1. 1 7- 1 8; 94, 1. 1 - 1 0. 65 1 . SETTON, Renaissance, p. 56. 652. LOENERTZ, Correspondance de Manuel Calécas, p. 23; en 1 395 Kalékas fit la connaissance de Jacopo Angeli de Scarperia et il «balbutiait» dans cette langue avec lui. 653. J. GOUILLARD, Les influences latines dans l'oeuvre théologique de Manuel Kalékas, BO 37, 1 938, p. 36-52. 654. Edité dans PO 1 52, col. 429-661 , IIspi -rfjç rr{GTsOJç Kai rrspi -rmv âpXmv -rfjç Ka (}OlIKfjÇ rr{GTsOJç Ka-rà -r� v rrapa80cTlv -rfjç (}daç rparpfjç Ka; -rrov Ka(}ol,Krov 818amcalOJv -rfjç 'EKKlquiaç. 655. LOENERTZ, Correspondance de Calécas, p. 22.
135 du Saint Esprit, il marque un progrès également, grâce aux traductions de Cydonès dans lesquelles il avait puisé656 . La conception d'une communauté de religion et de civilisation entre Latins et Byzantins, formulée la première fois par Cydonès, sera perpé tuée aussi par Kalékas qui se soucia aussi du rapprochement et de la connaissance réciproque des deux cultures. Sa correspondance avec Ja copo Angeli de Scarperia, qu'il a eu l'occasion de connaître lors du sé jour de ce dernier à Constantinople en 1 395/96, en vue d'apprendre le grec à l'école de Manuel Chrysoloras, le prouve. Ainsi, dans une lettre que Kalékas lui adresse à Florence en 1400, il le considère en quelque sorte comme son compatriote d'après le syllogisme suivant: Rome, fon dée par les Grecs, a fondé à son tour Florence, qui est la patrie de Jaco po, et Constantinople, la Nouvelle Rome, qui est la patrie de Kalékas. Quant au voyage de Jacopo à Constantinople pour apprendre le grec, en dépit des dangers qu'il courrait, est interprété par Kalékas à la lumi ère de cette conviction: la . connaissance de la langue permettra à Jacopo d'approcher davantage ses «compatriotes» et ainsi de retrouver ses origi nes 657 • Ami de Manuel Kalékas et de Manuel Chrysoloras, Maxime Chry sobergès se consacre à la lecture de l'oeuvre de Thomas d'Aquin à tra vers les traductions de Dèmètrios Cydonès. Entré, probablement vers 1 390, dans l'ordre des frères Prêcheurs et après un séjour au couvent Saint-Dominique de Péra, à Mytilène et en Crète, Maxime Chrysobergès se rend à Venise au couvent Saints-Jean-et-Paul avant 1 396 pour étudier et peut-être enseigner la philosophie 658 . Le 1 0 juillet 1 396 il sera envoyé de Venise à Pavie comme étudiant en théologie. Ses frères, Théodore et André, suivirent le même itinéraire que lui en tant que dominicains au service du Saint-Siège659 • Chez les Occidentaux, en dehors de leurs relations politiques, ecclé siastiques et commerciales avec Byzance, l'intérêt pour la langue et les lettres grecques étaient pratiquement inexistant jusqu'au milieu du XIVe siècle. Toutefois, il apparaît que des visites diplomatiques antérieures d'érudits byzantins en Occident avaient laissé des traces au niveau cul turel. Par exemple, la présence du texte de Plutarque chez Pace, maître de grammaire et de logique à Padoue, est due, selon toute vraisem656. GOUILLARD, op. cit., p. 37-40. · 657. KALEKAS, Lettres, no 64, p. 257, 1. 3-8. 658. MERCATI, Notizie, p. 1 0 1 -105 et p. 49 1 ; cf. LOENERTZ, Correspondance de Calécas, p. 58; sur ce personnage en général, voir F. TINNEFELD, Maximos Chrysober ges, Lexikon d. MitteJalt. II, 1 0, 1 983, 2049-2050 et PLP 3 1 123. 659. LOENERTZ, Pour la chronologie des oeuvres de Joseph Bryennios, p. 21 -22.
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blance, à la visite diplomatique de Maxime Planude à Venise en 1296 66° . Aussi, le manuscrit grec de l' []jade que Pétrarque possédait, lui avait été offert par l'ambassadeur byzantin Nicolas Sigèros en 1 353/54661 . Néan moins, la redécouverte de la littérature grecque antique qui suscita en thousiasme créateur et émulation artistique chez les humanistes italiens, est due à Pétrarque et Boccace et commence vers le milieu du XIVe siè cle. Dans leur désir d'apprendre le grec, ces deux humanistes auront re cours à Barlaam et à son élève Léonce Pilate, tous deux Italo-Grecs de l'Italie de Sud662 . Sur l'initiative de Boccace, Léonce Pilate entreprit la traduction en latin des deux poèmes d'Homère de 1 3 58 à 1 362663 . Pion nier dans ce domaine, Pilate donna aux Occidentaux la première traduc tion des ces poèmes épiques, toutefois son travail d'interprétation basé sur la méthode du mot à mot ne fut pas à l'abri de contresens et par conséquent de mauvaises critiques, même de la part de ceux qui l'utili sèrent le plus 664 . Quoi qu'il s'en soit, Boccace, faisant preuve d'un esprit plus tolérant, lui rendit hommage pour sa bonne maîtri�e de la langue homérique en l'invitant du printemps de 1 360 à l'automne de 1 362 à Florence pour enseigner le grec à la première chaire créée en Occi dent665 . Aussi, Pilate se mit à la traduction des tragédies d'Euripide qui restèrent inachevées et prépara des commentaires sur la mythologie grec que666 . Le terrain ainsi préparé, le charme du grec classique commence à s'exercer sur les Occidentaux, qui prennent l'habitude soit de séjourner pendant quelque temps à Constantinople pour se familiariser avec la 660. STADTER, Planudes, p. 1 59- 1 60. 661 . A. PERTUSI, L'Omero inviato al Petrarca da Nicola Sigero ambasciatoro e let terato bizantino, Mélanges Eugène Tisserant 3, 1964, p. 1 1 3-1 39; PELLEGRIN, Léonce Pilate, p. 321 ; GEANAKOPLOS, Scholars, p. 21 et note 24. 662. Précisément Pétrarque a eu une première initiation au grec grâce à Barlaam, lors de son séjour à Avignon d'août "à septembre 1 342; à ce sujet, voir H. BARON, From Pe trarch to Leonardo Bruni. Studies in Humanistic and Political Literature, Chicago 1968, p. 60, note 27. 663. PERTUSI, Leonzio Pilato fIa Petrarca e Boccaccio, p. 522; il est à signaler ici que Pilate traduisit Homère dans le manuscrit d'un juriste de Padoue, probablement d'ori gine grecque, et non grâce à celui de Pétrarque; cf. GEANAKOPLOS, Scholars, p. 22, note 29; cf. PELLEGRIN, Léonce Pilate, p. 322. 664. Un tel fut Salutati qui trouvait la traduction horn'da et inculta; cf. PELLE GRIN, Léonce Pilate, p. 321 . 665. PERTUSI, Leonzio Pilato fIa Petrarca e Boccaccio, p . 17; CAMMELI, Ma nuele Crisolora, p. 8 et 44. 666. A. PERTUSI, La scorpeta di Euripide nel primo Umanesimo, Italia Medioevale e Umanistica 3, 1 960, p. 1 0 1 - 1 52.
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langue et la littérature grecques, soit d'inviter des érudits byzantins à en seigner le grec chez eux. À ce titre, en 1 3 8 1 l'espagnol Stéphanos Garcias vient à Constanti nople en vue d'apprendreîa langue grecque. Cydonès prend soin de lui et le recommande à l'empereur Jean VIII pour qu'il lui assure une bourse d'études 667 . En 1 389/90 Cydonès prie Tarchaniôtès, qui avait l'habitude de venir au secours de jeunes et pauvres étudiants, d'offrir l'hospitalité à un certain Paul, qui était venu de Milan à Constantinople en espérant qu'il pourrait mieux étudier la philosophie de Platon et la rhétorique de Démosthène. Mais la realité déçut ses espérances et, ayant gaspillé son argent auprès de divers professeurs, il se trouvait dans l'im possibilité aussi bien de rester que de partir668 . Six ans plus tard, en 1 395/96, c'est l'humaniste Jacopo Angeli de Scarperia qui entreprend un séjour d'un an à Constantinople en dépit du fait que la capitale était bloquée par les Turcs (de 1 394 à 1 402) 669 . Disciple du fameux huma niste florentin Coluccio Salutati, qui était le chef reconnu des huma nistes après la mort de Pétrarque, Jacopo Angeli suit pendant un an des cours de grec auprès de Manuel Chrysoloras. Or, derrière la décision de Jacopo d'apprendre le grec à Constantinople, on peut déceler l'influence indirecte de Cydonès 670 . En tant qu'étudiant de Chrysoloras à Constan tinople, Jacopo travailla parallèllement sur la traduction en latin des oeuvres de Plutarque et de Ptolémée671 . Au bout d'un an, il quitta Con stantinople mais en compagnie de son maître Manuel Chrysoloras. Il aurait joué sans doute un rôle dans la décision de la commune de Flor ence d'inviter Manuel Chtysoloras pour enseigner là-bas la langue et les lettres grecques. La présence de Chrysoloras à Florence de février 1 397 à mars 1 400 souleva un tel enthousiasme que son élève Leonardo Bruni saluait, lors de son arrivée, la réapparition des études helléniques en Oc cident disparues depuis sept sièc1es672 . De même, selon un témoignage tardif, Chrysoloras est considéré comme le responsable du rétablisse ment des lettres (renata humanitas) et des études les meilJeures en Italie
667. CYDONÈS, Lettres, II, no 22 1 , p. 1 02, 1. 6- 12 et 1 5-21 . 668. Ibidem, II, n o 435, p . 392, 1. 4-5 et 1. 7- 12; p . 393, 1. 16-17, 1. 23-25 et 1. 32-33. 669. Sur cette personne, voir R. WEISS, Jacopo Angeli da Scarperia c. 1360-14 10, Medioevo e Rinascimento, Studi in onore di Bruni Nardi II, Florence 1 955, p. 803-837. 670. Voir supra, p. 1 33. 67 1 . SETTON, Renaissance, p. 56; COLUCCIO SALUTATI, Ep., IX, 1 6; XII, 14, éd. NOVATI, 3: 1 29- 1 32, 520-523. 672. SETTON, Renaissance, p. 50, note 49; cf. GEANAKOPLOS, Interaction, p. 201-202.
138 (optima studia) 673. Des personnages puissants de Florence seront re
groupés autour de Manuel Chrysoloras, parmi lesquels Jacopo Angeli de Scarperia, Roberto Rossi, Niccolo Niccoli, Leonardo Bruni, Carlo Marsuppini, Ambrogio Traversari, Vergerio Poggio, en fonnant le pre mier cercle d'humanistes hellénisants674 . Chrysoloras réussit à leurs in spirer l'amour de la culture hellénique grâce à sa forte personnalité et à sa méthode pédagogique, qui sera adoptée à la suite par ses élèves ita liens; quoique lui-même n'ait laissé aucun écrit relatif à sa méthode péd agogique, on connaît les détails de sa méthode à travers un traité de son élève Bruni intitulé De studiis et litteris adressée à Battista Malatesta, fille du comte d'Urbino. Or, ce traité est un exposé substantiel du pro cédé adopté par Chrysoloras pour l'apprentissage de la langue et de la littérature grecques. Ainsi, on apprend que l'accent était mis sur la pro nonciation correcte, l'analyse exhaustive de chaque texte, premièrement au niveau de la grammaire, de la morphologie et du vocabulaire, ensuite au niveau historique; enfin la répétition régulière était accentuée particu lièrement comme moyen infaillible de retenir la matière enseignée675 . Dans la même voie, son manuel de grammaire intitulé BpOJ'CrJJ1.a'Ca, une sorte de grammaire sous la fonne de questions et de réponses, a joué un rôle important pour la familiarisation des Occidentaux avec la langue grecque676 . Utilisée au début dans les manuscrits, cette grammaire sera imprimée en 1 484 à Venise et sera en usage jusqu'au XVIe siècle677 . 673 . Il s'agit de Guarino, qui fut l'élève de Chrysoloras à Constantinople au début du XIVe siècle et qui lui voua un vrai culte; cf. THOMSON, Manuel Chrysoloras, p. 70. 674. Pour ce qui est la liste des noms des élèves de Chrysoloras, voir R. R. BOL GAR, The ClassicaJ Heritage and its Beneficiaries, Cambridge 1 954, p. 403; en ce qui concerne Ambrosio Traversari, qui a été considéré par Bolgar comme élève de Manuel Chrysoloras, les preuves ne sont pas suffisantes; d'autant plus que Traversari vint à Flo rence à la fin de 1 400, quand Chrysoloras avait déjà quitté la ville et qu'il declare d'avoir appris le grec en autodidacte (voir à ce sujet, STAIKOS, Xap-ra, p. 30); sur l'enseignement de Chrysoloras à Florence en général, voir CAMMELLI, Manuele Crisolora, p. 77-98. 675. Cf. LEONARDO BRUNI ARETINO, De studiis et litteris liber. Ad dominam Baptistam de Malatestis (1422-1429), dans: H. BARON, Leonardo Bruni Aretino. Huma nistisch-Philosophische Schriften, I, Leipzig 1 928, p. 5-19; un autre traité postérieur, celui du fils de Guarino, intitulé De modo et ordine docendi et discendi (traduit par W. H. WOODWARD, Vittorino da Feltre and Other Humanist Educators, Cambridge 1905) nous donne aussi des détails sur cette méthode et de même Censio de' Rustici, un autre élève de Chrysoloras; voir à L. BERTALOT, Cincius Romanus und seine Briefe, Quellen und Forschungen aus ital. Archiven 2 1 , 1 929-1 930, p. 209-255, surtout p. 210. 676. Voir PERTUSI, 'Epro'tTU.l.a'ta. Per la storia e le fonti delle prime grammatiche greche a stampa, p. 328 et 340. Cf. ROBINS, The Byzantine Grammanans, p. 236-237. 677. Cf. GEANAKOPLOS, Scholars, p. 286; cf. THOMSON, Manuel Chrysoloras, p. 74; STAIKOS, Xap-ra, p. 1 1 8 et note 52.
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La renommée de Chrysoloras se prolonge en Italie aussi au XVe siè cle et ses méthodes concernant l'approche des textes grecs seront adop tées par les humanistes aussi pour les textes latins. Ainsi, son mérite in contestable est d'avoir remis en honneur, en Italie, l'étude des textes classiques faisant preuve d'un pur humanisme. Il est à signaler, néan moins, que ces premiers humanistes italiens restèrent plus attachés aux textes latins et ils empruntèrent uniquement certains extraits aux auteurs attiques. L' «Atticisme» en Italie aura lieu plus tard, à partir du milieu du XVe siècle, lors de l'arrivée de plusieurs lettrés byzantins678 . Malgré le succès de son enseignement à Florence, qui avait d'ail leurs provoqué par deux fois une augmentation de son salaire, et malgré son contrat de cinq ans, au bout de trois ans, Chrysoloras quitte Flor ence. Ses élèves, qui lui étaient particulièrement reconnaissants, essayèr ent de le retenir, en lui montrant leur dévouement et leur gratitude et parmi eux notamment Bruni et Vergerio 679 . Toutefois, Chrysoloras, guidé par son patriotisme exemplaire, donnera la priorité à la diploma tie et s'efforcera particulièrement de provoquer l'intérêt et d'obtenir du soutien au profit de l'empereur Manuel II, alors en visi�e en Occident. Or, l'hypothèse que, derrière sa décision d'enseigner le grec à Florence, se trouvaient des motifs politiques, ne semble pas être loin de la réalité; ainsi, Chrysoloras a dû accepter ce poste avec l'arrière pensée d'éveiller, à travers la culture hellénique, l'intérêt des puissants Florentins pour le sort des Byzantins et d'assurer leur aide militaire contre les Turcs. Une fois qu'il eut réalisé l'échec de son entreprise, du point de vue diplomati que, il quitta Florence68 o . Un de ses élèves, Leonardo Bruni, précise avoir suivi les cours de Chrysoloras pendant plus de deux ans, jusqu'au moment où l'empereur grec vint en Italie et son maître quitta Florence pour aller retrouver son souverain à Milan. Il en fixe la date en 140068 1 . Bien que sa présence ne fût pas permanente, Chrysoloras enseigna pen dant quelque temps aussi à Pavie (de 1 400 à 1402) où il eut comme élève, entre autres, l'humaniste Uberto Decembrio682 . 678 . Cf. THOMSON, Manuel Chrysoloras, p. 70, note 33. 679. THOMSON, Manuel Chrysoloras, p. 68. Pour Vergerio, Chrysoloras représen tait le plus grand érudit de Grèce qui était invité par Florence pour disséminer les études grecques en Italie; cf. VERGERIO, Epistolario, Ep. 86, éd. L. SMITH, dans: Ponti per la storia d'Italia 74, 1 934, p. 243-246. 680. THOMSON, Manuel Chrysoloras, p. 78-80. 68 1 . E. LEGRAND, Bibliographie hellénique, l, Paris 1 962, p. xxiii , note 1 . 682. CAMMELLI, Manuele Crisolora, l, p . 1 16 e t 122; Uberto Decembrio adoptera la méthode proposé par son maître pour traduire en latin la Republique de Platon; cf. CAMMELLI, op. cit., p. 1 23; STAIKOS, Xapm, p. 1 1 2 et note 26.
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Sa personnalité impressionnante, ainsi que le succès de son enseigne ment ont exercé une telle influence en Italie que son nom devint un sym bole parmi les humanistes; ceux-ci passaient d'ailleurs sous silence le fait que Chrysoloras n'était pas le premier à enseigner le grec à Florence, puisque cette chaire avait été inaugurée par Léonce Pilate en 1 361 683 . D'autre part, Simon Atumanos précéda aussi Chrysoloras dans l'en seignement du grec en Italie, et précisément à Rome entre 1 380- 1 3 8 1 684 . Promoteur fervent de la Croisade, Simon contribuera également grâce à sa grande culture à la diffusion de la langue et de la culture grecques auprès de la cour papale en Occident685 . Ami intime de Dèmètrios Cydonès, l'ex-moine de Stoudios, après avoir montré sa sincère préférence pour le dogme latin auquel il fut con verti aura une carrière exceptionnelle au sein de l'Église catholique comme évêque de Gérace d'abord et ensuite archevêque de Thèbes (1366-ca. 1 383). Parallèlement, il montra un vif intérêt pour la collection des manuscrits de la littérature classique; le codex Plut. 32, 2, qui con tentait six tragédies de Sophocle, huit tragédies d'Eschyle et les Tra vaux et Jours d'Hésiode portant ses annotations en est une preuve, bien qu'elle ne fut pas la seule686 ; dans sa collection se trouvaient également un Platon et un Homère687 . Sa parfaite maîtrise de deux langues, latine et grecque, même au ni veau de la rhétorique, objet d'éloge de la part de Cydonès688 , ainsi que son érudition classique ne restèrent pas inaperçues parmi les humanistes Italiens. Sur la demande du cardinal florentin Pietro di Tommaso Corsi ni, il entreprend la traduction en latin de l'oeuvre de Plutarque De reme diis irae (= IIepi àOPYTJG'(aç). Toutefois, dans son effort de rester fidèle au texte grec, il traduit mot à mot et donna une version latine obscure et incompréhensible689 . Quoi qu'il en soit, les humanistes comme le flor entin Coluccio Salutati, correspondant de Pétrarque et de Boccace, lui 683. CAMMELLI, Manuele Crisolora, p. 8, 44; GEANAKOPLOS, Interaction, p. 66. 684. G. MERCATI, Se la versione dall'Ebraico del Codice Venetogreco VII sia di Si mone Atumani, Vatican 1 9 1 6, p. 40-41 ; SETTON, Renaissance, p. 50. 685. FEDALTO, Simone Atumano, p. 1 1 6. 686. Sur ce codex qui était eu à la possession de Simon, voir TURYN, Dated mss... Italy, pl. 170, p. 209. 687. FEDALTO, Simone Atumano, p. 1 1 1 et note 6 et 7. 688. CYDONÈS, Lettres, II, no 226, p. 1 1 7-1 18; qu'il était bilingue est attesté aussi par Francesco Bruni; cf. FEDALTO, Simone A tumano, p. 1 1 1 . 689. Des sentiments d'indignation ainsi que de reconnaissance au sujet de la traduc tion de Simon se trouvent chez le Florentin humaniste Coluccio Salutati; voir sa lettre adressée au Cardinal Pietro di Tommaso Corsini dans: SETTON, Renaissance, p. 50.
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restaient reconnaissants, parce qu'ils avaient en quelque sorte connu grâce à lui Plutarque et souhaitaient connaître le reste de son oeuvre. Si mon dédia sa version latine au cardinal Corsini et l'accompagna d'une lettre envoyée d'Avignon le 20 janvier 1 373; quelques mois après, il reçut de la République de Venise le droit de cité690 . Simon Atumano connaissait aussi l'hébreu d'après le témoignage de l'archevêque d'Athènes Antonio Ballester691 . C'est ainsi qu'il a pu réa liser sa Biblia Triglotta qu'il dédia au pape Urbain VI; il s'agissait de la traduction d'une partie de l'Ancien Testament de l'hébreu en grec et en latin et aussi de la traduction d'une partie du Nouveau Testament du grec en hébreu et en latin692 . Finalement, on trouve chez Simon l'artisan assidu du rapproche ment des deux cultures: il a introduit dans la Scolastique occidentale et l'humanisme italien naissant le solide apport d'une culture ultra millén aire où coexistaient harmonieusement l'idéal romain et l'héritage grec. _
690. SETTON, Renaissance, p. 51 . 691 . Antonio Ballester avait attesté la connaissance suffisante du grec, du latin et de l'hébreu chez Simon; celui-ci aurait appris l'hébreu dans la petite colonie juive nouvelle ment établie à Thèbes; cf. FEDALTO, Simone Atumano, p. 1 1 1 . 692. SETTON, Renaissance, p. 5 1 .
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4. Aspects de la vie intellectuelle du Despotat de Mistra
En face de la principauté franque d'Achaïe, la province byzantine de Morée commence à présenter les premiers signes d'une vie intellec tuelle à partir de la seconde moitié du XIVe siècle lorsqu'elle sera érigée en Despotat sous les Cantacuzènes. À Mistra, capitale administrative et intellectuelle, et autour de la cour du despote Manuel Cantacuzène (de 1 348 à 1 380)693 et de son frère, le basileus honoraire Matthieu qui lui succéda (jusqu'en 1 382) 694 , s'est regroupé un petit cercle de lettrés, s'y sentant plus proches des anciennes traditions de l'hellénisme et plus à l'abri du péril ottoman: Georges Gabrièlopoulos, surnommé le Philo sophe, Manuel Raoul Métochite, Emmanuel Raoul, Jean Laskarès Ka lophéros, Angélos Kalothétos, Constantin Amanteianos, le moine Aga thias, Manuel Tzykandylès sont les représentants les plus connus de cette classe cultivée de la cour de Mistra, formée dans son ensemble de personnes qui ne sont pas des autochtones695 . Que ce territoire exerce déjà un attrait particulier parmi les milieux cultivés de Constantinople est attesté par la lettre que Dèmètrios Cy donès adresse vers 1 363-1 365 à Georges le Philosophe: « ... tu t'imaginais que l'île des Péloponnésiens était comme l'ombre de celles des bienheur eux . . . Dans ton amour excessif de l'hellénisme, tu pensais que seul le sol même de Sparte pouvait te faire voir Lycurgue. Tu croyais que tu pour rait le fréquenter et l'entendre promulguer ses lois fameuses pour leur sagesse. Et, tout joyeux à cette idée, tu t'es embarqué sur la trière, tout joyeux, tu t'es éloigné de tes amis»696 . Or, le «philhellénisme» n'est pas la seule raison qui conduit certaines personnes à quitter Constantinople pour Mistra; ce territoire sert de refuge à tous ceux dont les idées théolo giques, philosophiques ou politiques sont peu conformes à celles qui 693. Sur Manuel Cantacuzène (ca. 1 326- 1 3 80), voir NICOL, The Family of Kanta kouzenos, no 25, p. 1 22- 1 29; cf. ZAKYTHINOS, Le Despotat, l, p. 95- 1 1 3; St. RUNCI MAN, Mistra. Byzantine Capital of the Pe1oponnese, London 1 980, p. 53-56. 694. Sur Matthieu Cantac�ène (ca. 1 325-1 391), voir NICOL, op. cit., no 24, p. 1081 22; ZAKYTHINOS, Le Despotat, l, p. 1 14-1 1 7; RUNCIMAN, Mistra, p. 55-57. Mat thieu se fit aussi un nom dans la littérature byzantine en tant que théologien et philo sophe, bien que sa production fut limitée et peu originale; à ce propos, voir D. STIER NON, Matthieu Cantacuzène, empereur et écrivain byzantin ( + 1 383 ou 1 39 1), Dict. de Spiritualité 66-67, 1 978, 802-804 et GUILLAND, Correspondance, p. 3 1 5-3 16. 695. ZAKYTHINOS, Le Despotat, II, p. 225-226, 3 1 0-3 1 1 et 3 1 3. 696. CYDONÈS, Lettres, l, no 32, p. 63, 1. 1 6-22; la traduction de ce passage est due à MASAI, Pléthon et le Platomsme, p. 49- 5 1 .
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dominent dans la capitale. Ainsi, Georges le Philosophe a dû quitter Constantinople en 1 360 à cause de ses convictions qui l'opposaient à la théologie mystique dominante697 . Après une série de déplacements à Chypre, en Paléstine et en Crète698 , il vient s'établir à Mistra. Bien que son séjour là-bas n'est pas permanent, Georges est considéré comme une autorité intellectuelle dans cette cour minuscule de lettrés699 . Par ail leurs, sa renommée n'est pas due uniquement à sa formation philosophi que et théologique, mais également à son habileté dans l'art de la méde cine7oo . Emmanuel Raoul qui fait partie de ce cercle, se référant à Georges, précise qu'il est le plus grand parmi les philosophes701 ; de même, Dèmètrios Cydonès, dans une lettre qu'il adresse à Raoul Méto chite vers 1 362/65, bien qu'il le guide dans ses études et lui prodigue des conseils, lui conseille qu'en cas de difficultés il peut s'adresser à Georges le Philosophe et il trouvera en lui un ami et un maître702 • En outre, Cydonès encourage notamment Manuel Raoul Métochite 697. AUBERT, Georges surnommé le Philosophe, ami de Démétrius Cydonès (XIVe s), DHGB, fasc. 1 1 5- 1 1 6, 1 983, col. 650; sur l'antipalamisme de Georges, voir CYDO NÈs, Lettres, l, no 3 1 , p. 62, 1. 64-74; pourtant, Georges n'est pas le seul exemple à ce propos: Emmanuel Raoul avait quitté Thessalonique et ses milieux hésychastes probable ment à cause de ses convictions antipalamites; Manuel Kalékas après sa rupture avec l' Église grecque et son exil volontaire à Péra envisagea l'éventualité d'aller s'établir à Mis tra auprès du despote Théodore 1er; avec sa lettre no 49 (cf. KALÉKAS, Lettres, p. 237), qu'il adressa vers 1 398 au despote, Kalékas essaie de préparer le terrain en lui faisant des compliments; Jean Laskarès Kalophéros, après avoir voulu épouser Marie Cantacuzène, une nièce de Jean V Paléologue, est tombé en disgrâce et il ne pouvait plus rentrer dans la capitale; bien qu'il ne résidât pas constamment dans le Péloponnèse, il y retournait très souvent (cf. JACOBY, Jean Lascaris Calophéros, p. 189); de même dans la première moi tié du XVe siècle, Jean Eugénikos fut obligé de se réfugier dans le Péloponnèse à cause de ses idées anti-unionistes qui l'opposaient aux idées dominantes dans la capitale après le Concile de Florence (1439) (cf. ZAKYTHINOS, Le Despotat, II, p. 213, note 4 et p. 334335) et Mazaris après une carrière brève et infortunée auprès de l'empereur (Mazaris, p. 40, 1. 1 1 , 14- 1 5). Enfin, le personnage le plus célèbre de h cour de Mistra, Georges Gémis tos Pléthon, a été éloigné de la capitale par l'empereur Manuel II et les autorités ecclésias tiques pour ses idées païennes (ZAKYTHINOS, Le Despotat, II, p. 323-325). 698. Sur ses déplacements continuels qui font l'objet de plaintes de la part de Cydo nès, du fait qu'il ne sait jamais où son ami se trouve pour lui adresser s�s lettres, voir CY DONÈS, Lettres, l, no 32, p. 63 14_6437; no 97, p. 1 33, 1. 23-39. 699. CYDONÈS, Lettres, no 33, p. 66, 1. 73-76. 700. CYDONÈS, Lettres, no 1 10, p. 1 49, 1. 38-46; Cydonès, après le départ de son ami de Constantinople, se déclare frustré tant d'être privé de leurs conversations philoso phiques que de ses soins médicaux, d'autant plus que depuis un an il souffrait d'asthme et de vertiges; cf. LOENERTZ, Démétrius Cydonès, l, p. 60. 701 . EMMANUEL RAOUL, Lettres, no 6, p. 1 5 1 , 1. 34-35. 702. CYDONÈS, Lettres, p. 60, 1. 28-3 1 .
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qui fait, semble-t-il, ses premiers pas littéraires; ami proche du despote Manuel Cantacuzène, celui-ci sera distingué par son penchant littéraire uniquement connu par les lettres que Dèmètrios Cydonès lui adressa; ainsi, vers 1 374/75, Cydonès lui assure que sa tentative d'imiter Dé mosthène est couronnée de succès d'après l'avis unanime d'autres lettrés de Constantinople auxquels il confia son écrit703 ; or, cette lettre de Cy donès nous laisse entendre que les rapports intellectuels �ntre les lettrés de Constantinople et ceux de Mistra étaient constants en dépit des con ditions défavorables de cette période, notamment le gouvernement du Despotat par la dynastie déchue des Cantacuzènes et la guerre vénéto génoise (1 373- 1 3 8 1)704 qui avaient entraîné son isolement de la capitale. Suit une autre lettre de la part de Raoul Métochite qui offre à Cy donès l'occasion de constater une autre qualité de son protégé en ma tière littéraire: l'harmonie entre le style et le contenu de ses écrits; d'au tant plus que cette qualité fait défaut à ses contemporains, qui portent leur effort uniquement sur un style recherché705 . Toutefois, l'acquisition du style attique n'est pas le seul but de Raoul Métochite; une lettre qu'Emmanuel Raoul lui adresse déjà en 1 362 le qualifie de Platoni sane06 et nous apprend qu'il séjourne à Mistra avec Georges Gabrièlo poulos; la fréquentation des deux hommes rappelle à Emmanuel Raoul l'Académie à laquelle il désire en faire partie; néanmoins, il en est em pêché par sa vieillesse707 . On ignore complètement les autres détails con cernant les origines, la vie et la carrière de Manuel Raoul Métochite à part le fait que Cydonès se soucia de son sort lors de l'avènement au pouvoir des Paléologues en 1 383 708 . Néanmoins, on a la preuve que l'in térêt pour la philosophie de Platon, qui arrivera à son point culminant au siècle suivant avec Georges Gémistos-Pléthon, est manifeste déjà au
703. Ibidem, no 1 50, l. 4-9; sur Manuel Raoul Métochite, voir PLP 1 7984 et FAS SOULAKlS, The Family ofRaoul, p. 54, no 38. 704. CYDONÈS, Lettres, éd. CAMMELLI, no 26, p. 61, l. 1 8-23: cette lettre que Cy donès adressa à Kalophéros en 1 378/80, nous apprend qu'à cette date-là les communica tions entre la capitale et le Despotat étaient interrompus; cf. ZAKYTHINOS, Le Despo tat, II, p. 79, note 5. Toutefois, les contacts continuels de Cydonès avec les lettrés du Des potat avant et après cette date prouvent qu'en général ce n'était pas le cas; par contre ZA KYTHINOS (Le Despotat, II, p. 391) soutient que le contact avec la capitale a été inter rompu durant toute l'époque qui voit au pouvoir les Cantacuzènes (1 348- 1 382) et il fut ré tabli lors de l'avènement des Paléologues en 1 383. 705. CYDONÈS, Lettres, II, no 1 66, 1. 4- 1 3 . 706. EMMANUEL RAOUL, Lettres, n o 6, p. 1 50, l. 4 . 707. Ibidem, p. 1 52, l. 67-69 e t 1. 73-74. 708 . FASSOULAKIS, The Family ofRaoul, p. 55 et note 4.
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cours de la seconde moitié du XIVe siècle et fait l'objet de . l'activité des lettrés de Mistra709 . Par ailleurs, Manuel Raoul Métochite et Georges le Philosophe ne sont pas les seuls à être attirés par la philosophie; parmi les amis les plus intimes de Cydonès, Jean Laskarès Kalophéros, lors de son séjour en 1 38 1 /82 dans le Péloponnèse, s'adonne lui aussi à l'étude de la philoso phie7 1 0 . Après être tombé en disgrâce sous Jean V, Kalophéros quitte définitivement la capitale; en dépit de ses nombreux voyages, dus à ses devoirs comme grand commerçant, agent diplomatique du Saint Siège et promoteur de la Croisade, la Morée a constitué pour lui un point d'ap pui, bien qu'après sa conversion au catholicisme vers 1 365, il fût honoré du droit de cité par Gênes et par Venise. Le moine Agathias, ami et correspondant de Cydonès, montre aussi des préoccupations philosophiques. Après avoir quitté Constantinople, Agathias donne l'impression d'avoir à tel point assimilé les traditions helléniques du Péloponnèse qu'il incite Cydonès de le qualifier de Laké daimonios. Par son séjour sur un territoire hellénique, Agathias, qui avait déjà donné des preuves de son talent littéraire à Constantinople, se trouve dans des conditions favorables pour la culture des lettres grec ques71 l . Un autre personnage de ce cercle de Mistra, Emmanuel Raoul, dont l'apogée se situe environ de 1 355 à 1 369, était, selon toute vraisem blance, et contrairement aux autres lettrés résidant ici, un indigène712 . Pourtant, il avait passé la période de sa jeunesse à Thessalonique où il effectue aussi ses études713 . De cette époque date sans doute sa rencon tre avec Jean VI Cantacuzène, qui lui montra une bienveillance excep tionnelle et lui rendit des honneurs, comme en témoigne une lettre d'Em manuel Raoul, adressée de Thessalonique à Constantinople à l'ex-em pereur après son abdication714 • À Thessalonique, Emmanuel Raoul aur ait été mis en relations avec un certain Tzakonopoulos, qui devint plus
709. Selon ZAKYTHINOS (Le Despotat, II, p. 3 1 9), la manifestation de l'intérêt pour la philosophie et précisément pour Platon ne commence qu'avec Pléthon. 7 10. CYDONÈ S, Lettres, II, no 223, p. 1 1 0, l. 4-7 et p. 1 1 8, l. 9-1 0 et 1 4- 17. 7 1 1 . CYDONÈS, Lettres, no 4, p. 26. 7 1 2. EMMANUEL RAOUL, Lettres, no 1, p. 1 3 1 , l. 14: «Èj.1au'tov dB mç on 'tÉ dj.11. A(l1crov iivrogev,. . » et l. 21-22: « ... OÙK ÈK Arop1.Érov, mç aÙ'toç d,U, .. »; sur cette personne, qui est le premier 'PaoùÀ dont la présence est attestée dans le Péloponnèse, voir F ASSOU LAKIS, The Family ofRaoul, no 34. 7 1 3 . EMMANUEL RAOUL, Lettres, no 8, p. 1 58, 1. 48-51 . 714. Ibidem, n o 5 , p . 1 49, l . 6-9. .
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tard son correspondant71 5 . Antipalamite dans ses convictions, il n'a pas pu séjourner longtemps à Thessalonique716 ; il revint s'établir dans le Pé loponnèse en occupant le poste de secrétaire717 . Parmi ses correspon dants, le médecin et parakoimoménos Angelos Kalothétos718 , qui rési dait à la même époque à Mistra, provoque son admiration pour son penchant littéraire et philosophique, ainsi que pour ses études de méde cine qui font de lui un profonde connaisseur de l'oeuvre d'Hippocrate et de Galien et lui valent une carrière brillante auprès des despotes; Emma nuel Raoul en ressent un sentiment d'inférioté, puisqu'il n'arrive plus à remplir même ses devoirs de secrétaire à cause de la faiblesse de sa vue719 . L'impression d'une vie intellectuelle locale à Mistra est renforcée par l'activité des copistes, dont le plus fameux est Manuel Tzykan dylès720 . Originaire de Constantinople, Tzykandylès appartenait à l'en tourage de Jean Cantacuzène; sur son ordre, il avait déjà transcrit en 1 3 54 à Constantinople le Codex Vaticanus graecus 6 1 6 contenant le Contra Gentiles de Thomas d'Aquin traduit par Cydonès721 . Il avait sui vi l'ex-empereur dans sa retraite de Mistra en 1361 722 et sa présence dans cette ville est attestée entre 1 362 et 1 370. Son nom sera lié avec la copie du premier auteur classique effectuée à Mistra: il s'agit bien des Vies Parallèles de Plutarque contenues dans le codex Ambrosianus 1000
7 1 5. Sur Tzakonopoulos qui était probablement moine, voir CONSTANTINIDES HERO, Letters of Aldndynos, p. 389. Il était ami de jeunesse et condisciple de Grégoire Akindynos (GRÉGOIRE AKINDYNOS, Letters, no 49, 1. 3-6) qui fit ses classes à l'école de Grégoire Bryennios et de Thomas Magistros (cf. GRÉGOIRE AKINDYNOS, Lettres, no 56 et 58). L'éventualité qu'Emmanuel Raoul fut aussi condisciple de Grégoire Akindy nos et de Tzakonopoulos sous les mêmes maîtres, n'est pas à écarter. 7 1 6. FASSOULAKIS, The·Family ofRaoul, p. 52, note 5. 7 17. Ibidem, no 4, p. 147, 1. 30-33. 7 1 8 . Sur cette personne, voir PLP 209 et FASSOULAKIS, The Family of Raoul, p. 56, no 40 et note 1. Il était probablement le fils de Stéphanos Kalothétos, panhypersébas tos (PLP 10622). 7 19. EMMANUEL RAOUL, Lettres, no 4, 1. 1 1- 1 5, 24-29 et 30-33. 720. Sur le copiste Manuel Tzykandylès, voir supra, p. 126, note 6 1 3 . 721 . TURYN, Codiees Graeci Vaticani, p. 1 5 1 . 722. En 1 36 1 Jean Cantacuzène accompagna son fils Matthieu avec toute sa famille dans le Péloponnèse et y resta un an avant de rentrer à Constantinople; la date exacte de leur arrivée dans le Péloponnèse, est connue grâce à deux lettres d'Emmanuel Raoul (no 3, p. 142- 145 et no 5, p. 148- 149) qui mentionnent cet événement, contemporain de la peste qui atteint Constantinople en 1 3 6 1 .
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(D 538 inf.)723 , qu'il transcrit en 1 362 aux frais de Dèmètrios Kassandrè nos. Celui-ci724 , originaire de Thessalonique, avait suivi Matthieu Can tacuzène en Morée en 1 36.1 , et meurt en 1 362; une épitaphe sera compo sée en son honneur par Constantin Amanteianos, archiâtre de la cour de Mistra725 . De septembre 1 369 à juin 1 370, Tzykandylès copie quatre autres manuscrits (Paris. gr. 1 241, Vatie. gr. 673 et 674 et un manuscrit du cou vent de Roussanou aux Météores) contenant, entre autres, le texte com plet de la correspondance de Jean Cantacuzène avec le patriarche en ti tre Paul ainsi que ses écrits théologiques. C'est sans doute sur la com mande de l'ex-empereur lui-même, qu'il entreprit ce travail. Or, Jean Cantacuzène était absent de la capitale pendant l'année 1 370/7 1 : en ef fet, il séjournait auprès de son fils Manuel à Mistra et c'est pendant ce séjour que Tzykandylès travailla à la transcription de ses écrits susmen tionnés 726 . En 1 370, Tzykandylès transcrit l'Anabase d'Arrien727 pour entre prendre deux ans plus tard, sur l'ordre du despote Manuel Cantacuzène, en collaboration avec l'hiéromoine Markianos728 la copie de Thucydide. Pour que la pensée du grand historien soit reconstituée aussi fidèlement que possible729 , Georges Gabrièlopoulos (ou le Philosophe) collation nera le texte et le manuscrit aidé par l'hiéromoine Markianos. La copie des Histoires d'Hérodote, réalisée à Astros par un certain Constantin, prêtre et chartophylax à l'évêché de Pissa en 1 372, laisse apparaître un intérêt pour l'héritage c1a� sique plus étendu qui dépasse parfois les lim-
723. LAMPROS, AmCEOatJ.10Vl.Ot PtpÂto'Ypacpot, p. 168; cf. ZAKYTHINOS, Le Des potat, p. 3 1 6 et TURYN, Dated mss... Italy, pl. 1 83 et 1 84: A. D. 1 362, p. 229; dans le mê me manuscrit ont été conservés sept épigrammes, dont six ont été composés par le méde cin Constantin Amanteianos et l'autre par Georges le Philosophe; pour l'édition de ces épigrammes, voir BASSI, Sette epigrammi greci inediti, Rivista di filologia e d'istruzione cJassica 62, 1 898, p. 385-398. 724. Sur Dèmètrios Kassandrènos, voir PLP 1 1 3 1 5 et BASSI, op. cit., p. 386 et suiv.; cf. ZAKYTHINOS, Le Despotat, II, p. 3 1 6, note 3 et p. 321 . 725. Sur Constantin Amanteianos, voir PLP 740; cf. BAS SI, op. cit., p . 392 e t 394397. 726. Cf. E. VOORDECKERS, Quelques remarques sur les prétendus «chapitres théologiques» de Jean Cantacuzène, Byzantion 29, 1 964, p. 620-621 et note 2. 727. LAMPROS, op. cit., p. 1 70. 728. Sur cette personne, dont la présence est attestée à Mistra de 1 369 à 1 372, voir PLP 1 6994, TURYN, Cod.iœs Graeci Vaticani, p. 1 65 et OMONT, Fac-similés des manu scrits. . . XIVe siècle, tab. XCIV et notice des planches, p. 1 8 729. TURYN, Codiœs Graeci Vaticani, Tabulae 142 e t 143: A . D. 1 372, p . 1 65.
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ites de Mistra73 o . Or, c'est autour des évêchés et de sièges métropolitains du Péloponnèse qu'on peut retracer une certaine effervescence intellec tuelle dans le cadre de la formation du futur clergé73 l . À partir de 1 383 le pouvoir du Despotat passe des Cantacuzènes aux Paléologues. Théodore 1er, fils cadet de Jean V et d'Hélène Cantacuzène, y règne jusqu'à sa mort en 1407 732 . En poursuivant une politique qui vi sait à soumettre toute la péninsule au pouvoir byzantin, Théodore fit pre uve de ses capacités politiques et administratives, au détriment toutefois de ses valeurs morales. Homme de guerre, il s'intéressait aussi à la littéra ture, comme nous le laissent entendre certaines lettres de Cydonès. Ainsi, Cydonès loue en lui le rhéteur caché derrière le soldat733 , et le félicite d'avoir réussi, sans fréquenter aucun maître, à purifier sa langue et à imiter avec succès Démosthène; d'autant plus qu'avant de quitter Con stantinople pour le Péloponnèse, Théodore parlait comme un «bar bare»734 . Quant à Cydonès, il se montre soucieux d'obtenir le livre de Plu tarque que le despote possède; toutefois, celui-ci néglige systématique ment sa demande. Cydonès n'arrive pas à expliquer un tel comportement; il sait bien que Théodore,. vu ses responsabilités du moment, n'a pas le temps de se pencher sur sa lecture; quant aux Péloponnésiens, ils sont loin de prêter attention à un auteur attique, encore plus d'apprécier sa va leur; livrés au brigandage, aux complots et à la guerre, ils n'auraient point hésité à le vendre pour quelque argent735 . Il est clair que Cydonès par le mot Péloponnésiens entend surtout les couches sociales les plus basses, qui représentent la quasi-totalité de la population, après la dispari tion de la classe moyenne736 . Sa remarque assez amère flous donne un aperçu qui correspond à l'état moral et intellectuel des Péloponnèsiens. Or, comme dans le reste de l'empire, dans le Péloponnèse aussi la culture n'atteint pas la grande masse de la population (formée dans son ensemble de travailleurs agricoles), qui vit dans des conditions particulièrement dé730. OMONT, Fac-similés des manuscrits. . . XIVe s., tab. XCVI et notice de plan ches, p. 1 8 : «OH 1tapoücra pipÂ.oç E'YpacpT) EV 't41 'J\.cr'tpep olà Xe1poç EJ.10Ü 'toü eùtEÂ.oüç Krovcrtavtivou iepÉroç Kat Xap'tocpUÂ.aKoç IIicrcrT)ç u1tT)petoüvtoç EV t41 pamÂ.1K41 KÂ.i} pep . . . ». 731 . ZAKYTHINOS, Le Despotat, Il, p. 3 1 3. 732. Sur Théodore 1er, voir ZAKYTHINOS, Le Despotat, l, p. 1 25-1 65; RUNCI MAN, Mistra, p. 58-65; PAPADOPOULOS, Genealogie der Palaiologen, no 85, p. 56 et suiv. 733. CYDONÈS, Lettres, Il, no 322, p. 250, l. 4-8. 734. Ibidem, no 293, p. 21 1 , l. 4-1 4. 735. Ibidem, p. 21 1 , l. 23-24, 29-32; p. 212, 1. 33-35. 736. Sur l'articulation de la société du Péloponnèse, voir ZAKYTHINOS, Le Despo tat, p. 225.
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favorables à son développement intellectuel et demeure inculte ou illet trée737 . L'enseignement, abandonné à l'initiative privée, est payant et par conséquent accessible seulement à l'autre partie de la société du Pélopon nèse: l'aristocratie fonctionnariste ou terrienne; pourtant, celle-ci propor tionnellement ne représente qu'une puissante minorité, dont l'intérêt pour l'enseignement est fonction du rôle qu'elle va jouer. Un exemple typique, à ce propos, est celui de Léon Paléologue Ma mônas (ca. 1 37 1 - 1 452), issu d'une famille noble de Monemvasie738 . Fils d'André Mamônas, gouverneur général du Péloponnèse sous Andronic IV (1 376- 1 379f 39 et de Théodora Paléologine, fille du dit empereur, Léon ne pouvait que recevoir la meilleure éducation possible à cette épo que: il reçoit une instruction rudimentaire et secondaire dans le Pélopon nèse740 , sans aucun doute auprès de maîtres privés, et, destiné par sa fa mille à faire une carrière dans l'administration, il se rend à Constantino ple, d'une part pour parfaire ses études, d'autre part pour s'habituer aux manières du palais où il demeure. Ses progrès dans le domaine du sa voir, ainsi que ses qualités morales ne restent pas inaperçus et provo quent même l'admiration de l'empereur Manuel 11741 . Mais la mort de son père l'oblige à retourner dans le Péloponnèse où il prend plus tard, en dépit de son érudition et de sa fortune, l'habit monastique et le nom de Léonce; il mènera une vie austère, rétiré dans une grotte jusqu'à sa mort et sera vénéré comme un saine42 . 737. ZAKYTHINOS, Le Despotat, II, p. 225-226, 3 1 0-3 1 1 et 3 1 3. 738. Sur cette personne, voir A. PAPADOPOULOS, n arlOç AEOV'l'lOÇ IIaÂalOÂo roç MajlOJvtiç (1377-1452), Thessalonique 1 940, p. 1 5-35; cf. L. POLITIS, 'H jlovi] Ta ç,lapxmv Aiyiou, 'EÂÂTJ Vl1CÙ 1 1 , 1 939, p. 68-72. 1. BOGIATZIDÈS, TIpocr8fjKal Eiç tà 7te pi 'Ocriou Aeovtiou tOU Movejl�acr1(otou, Aa1cOJvl1cai I1rov8ai 7, 1 983, p. 70-74; IDEM, '0 00'10ç Aeovnoç 6 Movejl�aO'1cOtTJç, ibidem, p. 75-83. Sur la famille Mamonas en géné ral, voir A. MILLIARAKIS, OÎ/COrÉVEla MajlOJvti, Athènes 1 902, ZAKYTHINOS, Le Despotat, II, p. 87, 1 1 7, 222 et Sophia MERGIALI-FALANGAS, 1;tà ixvTJ jllàç àPlcrtO KpanKfjç oiKoyÉvelaç tou BuÇavnvou Mopui: vÉeç 7tpocrfil7toypacplKÈç 7tpocreyyicrelç yu pro à7t() tOÙç Majlroveloeç tfjç Movejl�acriaç, BvÇav'rl vai MEUml 5, 1 993, p. 522-530. 739. 'Yjl VOÂOrIOV Èv rfi � . âKoÂov(}{a mu ou{ov 1rœrpàç �jlôjv AEovdov, Athènes 1 835, p. 14: «'0 oÈ tOUtOU 7tati] p 'AvopÉaç toüvojla, Kat 7telcrTJç tfjç TIeÂo7tovviJcrou ti]v àpxi]v Èjl7tlcrteUetal 7tapà tOU eùcre�ouç 'AvopoviKOU, tfjç �aO'1Âeiaç 'Projlairov tà crKfj7ttpa iSuvovtoÇ». Sur ce titre du gouverneur général, voir PAPADOPOULOS, op. cit., p. 25-26 et ZAKYTHINOS, Le Despotat, II, p. 64-70. 740. ·Y.uVOÂOrlO, p. 14- 1 5; cf. aussi l'éloge qui fut écrit en son honneur, publié par LAMPROS dans IIaÂaIOÂ. Ka{ IIEÂo1rov. II, Athènes 1 9 12- 1 924, p. 1 67. 741 . Ibidem, p. 1 5; cf. PAPADOPOULOS, op. cit., p. 29. 742. Cf. BHG3 no 2234, 2235; sa renommée était si grande que les despotes Thomas ( 1430- 1 460) et Dèmètrios ( 1 449- 1 460) Paléologues fondèrent en son honneur, à la place de la grotte, un monastère (cf. 'YjlVOÂOrIOV, p. 1 6).
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Cydonès qui ne perd jamais le contact avec le Despotat, se soucie constamment de son niveau intellectuel: ses relations avec les despotes, ainsi qu'avec les lettrés de leur cour, qui étaient jadis ses amis proches de Constantinople, justifient un tel intérêt. Toutefois, si les éloges abon dent dans sa correspondance en ce qui concerne la cour des Cantacu zènes, ce n'est pas le cas pour celle de Théodore 1er. Précisément, en se référant à Trivolès 743 , personnage qui avait donné des preuves de son ta lent littéraire et qui, faisant partie de la cour de Théodore, préféra échanger sa carrière littéraire pour une carrière militaire, Cydonès ap porte un exemple assez significatif des priorités du despote; celui-ci, très préoccupé par la guerre, incite les savants de sa cour par son exemple personnel à un même changement. Cydonès veut attirer ainsi l'attention ' de Théodore sur le fait qu'il règne sur un territoire où la tradition grec que était si glorieuse qu'elle ne lui permet pas de la diffamer744 . Par ailleurs, Cydonès ne s'abstient pas d'une comparaison entre les deux frères, Théodore 1er et Manuel II; contrairement à l'indifférence du premier, le second s'empresse de lui procurer un livre de Platon et cela malgré les conditions peu favorables; ainsi, deux ans plus tard Cy donès est toujours à la recherche d'un Plutarque; encore une fois il es saie d'expliquer à Théodore que l'auteur attique sera plus utile à lui qu'aux Péloponnésiens qui sont adroits seulement à garder les chèvres745 . En essayant de stimuler le zèle de Théodore pour les lettres, Cydonès visait sans doute à rehausser le niveau intellectuel du Despotat. Vers 1 388/89 Cydonès donne en exemple à Théodore son frère Manuel, qui saisit chaque occasion pour exercer son talent littéraire et notam ment en composant des lettres destinées à ses amis; ce moyen l'aide beaucoup à ameliorer son style attique et Théodore il n'a qu'à suivre l'habitude de son frère746 • En somme on constate que la vie intellectuelle dans le Despotat au cours de la seconde moitié du XIVe siècle se limite à cette élite restreinte des lettrés qui trouvent auprès de la cour de Mistra un réfuge; par leurs préoccupations philosophiques et littéraires, ils annoncent déjà le rayon nement intellectuel du Despotat en tant que foyer de culture au siècle 743. Sur ce personnage, voir PLP 29295, DENNIS, Letters of Manuel II, p. liii; les Trivolis appartenaient aux grandes familles moréotes. À part celui-ci, d'autres Trivolis se distinguèrent à Mistra: Dèmètrios Trivolès, copiste et bibliophile (GAMILLSCHEK/ HARLFINGER, Repertorium, 1, no 1 03 et PLP 29298) et Michel Trivolès qui sera le célè bre Maxime le Grec des Russes; cf. ZAKYTHINOS, Le Despotat, II, p. 21 5-216. 744. CYDONÈS, Lettres, II, no 293, p. 2 1 3, 1. 75-83. 745. Ibidem, no 3 1 3, p. 239, 1. 1 3- 1 8. 746. Ibidem, no 414, p. 37 1 , 1. 25-30.
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suivant, avec la présence du célèbre philosophe Georges Gémistos Plé thon.
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5. Tendances et activités au sein de l'Église
Devant l'effondremement politique tout au long de la seconde moi tié du XIVe siècle, où la culture est aussi compromise, les moeurs s'altèr ent également. Au moment même où une élite de la pensée éprouve le besoin d'élargir ses horizons intellectuels et s'ouvre à l'influence occiden tale, la majorité de la société byzantine cède aux superstitions, à l'occul tisme et aux survivances païennes. L'Église qui se considère comme re sponsable des moeurs de la population ne reste pas inactive, quoique la portée de son rôle demeure limitée vu la corruption de ses propres mem bres. Dans le cadre de ses .activités, on peut retrouver quelques exemples qui laissent apparaître qu'un enseignement a été procuré d'une part, en vue la formation théologique et profane des ecclésiastiques, d'autre part, au profit de la formation morale du peuple selon le dogme orthodoxe. Or, c'est derrière les différentes mentions de didascales avec divers quali ficatifs (didascaJe de J 'Église, didascaJe des didascaJes, Katholikos didas kaJos), qu'on soupçonne un enseignement, soit en matière de foi, soit en matière profane. À part le titre bien connu de didascaJe' de J 'Église, les titres de didascaJe des didascaJes et de katholikos didascaJos apparais sent pour la première fois dans la hiérarchie ecclésiastique, dus, selon toute vraisemblance aux nouveaux besoins de l'Église ou plutôt adaptés au processus de son organisme qui est en état de repli. Ainsi, en ce qui concerne le dernier titre, on peut constater qu'il suggère l'enseignement à la fois par une seule personne des matières différents. De même, une certaine évolution peut être attestée pour le titre du didascaJe de J 'Église: bien que son détenteur eût la possibilité de passer de la carrière d'enseig nant à l'épiscopat lors du XIIe siècle, celui du XIVe siècle ne suivait pas toujours le même itinéraire. À ce propos, un exemple nous est procuré durant le premier patriarcat de Calliste 1er (1350- 1353) par Macaire Chrysoképhalos (1 300-1382f47 , qui est qualifié de didascaJe · de J'Église 748. Métropolite de Philadelphie 747. Au sujet de sa biographie, voir PLP 3 1 1 38; C. PASSARELLI, Macario Crisoce Falo (1300-1382), L 'omelia sulla [esta deJJ' Ortodossia e la basilica di S. Giovanni di Fila delfja, Rome 1 980, p. 25-45; D. STIERNON, Macaire Chrysoképhalos, Dict. de Spiritua lité 10, col. 6-1 0; L. PETIT, Macaire Chrysoképhalos, DTC 1 0, 1445-1449. GAMILL SCHEG-HARLFINGER, Repertorium, l, no 242. La mention du métropolite de Phila delphie en tant que didascaJe oecuménique par DARROUZES, 'Orprp{Kla, p. 249, est à corriger. 748. PASSARELLI, op. cit., p. 36, note 50.
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depuis 1 336/37, Macaire sera connu également comme prédicateur, exé gète et juge générat749 . En 1 345, il vient à Constantinople750 et lors de l'ascension au trône patriarcal de Calliste (10 juin 1 350) il jouit d'une grande faveur auprès du nouveau patriarche. Or, le patriarche, ayant des difficultés pour faire la prédication lui-même, nomme à sa place le métro polite de Philadelphie751 . Une lettre d'un certain Sophianos752 , adressée à Macaire, nous renseigne davantage sur son activité de didascale753 qui semble être celle de prédicateur. Or, Sophianos compare Chrysoképhalos aux didascales les plus fameux du passé, notamment avec Manuel Holo bolos et un certain Sophônias, célèbres autrefois pour leur enseignement profane, et il lui attribue la supériorité pour le caractère divin de son en seignement; cet enseignement, désigné sous le terme de OlOŒO'KŒÂiŒ, a lieu dans un OlOŒO'KŒÂEiOV . La production littéraire de Chrysoképhalos doit être envisagée dans le cadre de son enseignement. Or, celui-ci s'est fait un nom dans la littérature sacrée en composant trois Chaînes considérables: l'une sur la Genèse754 , l'autre sur Saint Matthieu755 et la troisième sur 749. Il figure comme juge général des Romains dans le Tome Synodal d'août 1 3 5 1 , concernant l a controverse palamite; cf. PG 1 5 1 , col. 762A: '0 'ta1tE\Voc; 1J.11'tp01toÀ\'t11C; 1. ÀaBEÀ. 820. Ibidem, no 52, p. 149, 1. 25-26; pour d'autres exemples dans sa correspondance, voir no 33, p. 9 1 , 1. 2-6, 1. 28-30; no 44, p. 1 1 7, 1. 28-34, p. 1 19, 1. 35-40; no 64, p. 1 79, 1. 813. 82 1 . Ibidem, no 52, p . 149, 1. 1 9-24 e t p . 1 5 1 , 1. 33-35. 822. L'usage de ce tenne en vue de désigner un auditoire expérimenté qui, lors de réu nions littéraires, donne lecture d'oeuvres rhétoriques, remonte à l'antiquité tardive. Déjà à l'époque de Libanios les lettres sont récitées devant un «théâtre» qui est chargé d'apporter un jugement et dès lors cette habitude se perpétue dans la société byzantine. Cf. H. HUN GER, BVÇaYflY� AOyo'rEzyia, l, Athènes 1 987, p. 3 1 8 . 823. MANUEL PALÉOLOGUE, Lettres, n o 27. 824. Ibidem, no 9, 1. 7: «'tOÙ 8EIl'tpou O"E\OIlÉVOU KUt. EÙCPllIl0UV'tcov 'tov O"ocp1.O"'tl]V»; no 27, 1. 2: «'tà EÏPllllÉVU 0"01. Èv J.11.KPép IlÈv où cpuuÂql 0' àVE'YvID0"811 8EIl'tpql»; no 28, 1. 1 819: «àEi oÈ O"Uph'tE1.V 1tUpÉXcov 'to 8Éu'tpov olç 'YEvvuioç à8Âll'ti]Ç a1tuO"tv àvucpuivn».
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ciale de son règne825 . Certes, on rencontre des mentions antérieures du terme, toujours à l'époque des Paléologues 826 , dans l'oeuvre d'un certain nombre de lettrés; néanmoins, elles abondent notamment à travers la correspondance de Nicéphore Grégoras et de Dèmètrios Cydonès; en fait, le premier emploie le terme tantôt pour désigner une réunion littér aire, comme dans le cas où il invite Jean Basilikos à venir au «théâtre des savants» pour faire la critique de ses ouvrages 827 , tantôt il lui donne le sens de l'exhibition rhétorique, ou celui d'un exposé détaillé828 . Quant au second, il utilise ce terme dans la plupart des cas dans son sens habi tuel de réunion littéraire829 , souvent par rapport à Manuel n 830 et une 825. Pourtant, l'existence d'un théâtre autour de Manuel II remonte déjà à l'époque où il gouverne Thessalonique en tant que despote (1 383-1 387). Trivolès, alors établi à la cour de son frère Théodore 1er à Mistra, lui fait parvenir à cette époque une lettre dans le but qu'elle soit présentée devant son théâtre. En fait, la lecture publique de l'écrit de Tri volès soulève un grand enthousiasme et les auditeurs, à l'unanimité, qualifient Trivolès de grand rhéteur et louent le sophiste dont il fut le disciple; cf. MANUEL PALÉOLOGUE, Lettres, no 9. 826. Sur le rôle et l'importance des théâtres à l'époque des Paléologues en général, voir H. HUNGER, Klassizistische Tendenzen in der byzantinischen Literatur des 14. Jah rhunderts, Actes du XIVe Congrès Intem. des études byzantines, l, Bucarest 1 974, p. 1 391 5 1 ; cf. 1. P. MEDVEDEV, Tendances vers une renaissance dans la culture byzantine tar dive, BuÇavnaKà 4, 1 984, p. 1 17- 1 19; IDEM, Vizantiijsldj gumanism XIV-XV VV., Leni grand 1 976, p. 1 3- 1 7. 827. GRÉGORAS, Lettres, no 60, p. 1 82, 1. 60-61 : «Èm:i. ô' Èp��wv Tt'Ywvicrw lCatà tOÙ �ou 'Ypa��atoç, à'Ywvicral lCà�où 1tapovtoç, Ei �OUÂ.El, lCàv 9Eatpcp crocprov». Le terme se rencontre dans le même sens dans les lettres suivantes: no 1 5, 1. 72 et 86; no 37, 1. 25; no 53, 1. 1 04-1 05; no 57, 1. 58-59; no 90, 1. 24-25; no 1 1 7, 1. 4-5; no 1 19a, 1. 4-5; no 1 19b, 1. 46; no 4, 1. 14- 1 5. De même, Michel Gabras, contemporain de Grégoras, utilise une fois dans sa correspondance le terme sous ce sens; cf. MICHEL GABRAS, Lettres, no 358, 1. 26-27: «9Éatpov 1tEpi. autov Ka9iÇwv toùç cru'YlCopu�avt1civ Eiôotaç 1tEpi. tOUtwv»; leur contemporain, Nicolas Lampènos, précise avoir réuni un tel théâtre pour présenter des oeuvres littéraires, dont l'auditoire était formé par des gens qualifiés et non-qualifiés; té moignage contenu dans le Cod. Vat. gr. 1 596, f. 4r et signalé par HUNGER, BuÇavnvr; Aoyof"Bzvia, p. 3 1 9, note 1 6. 828. GRÉGORAS, Lettres, no 20a, 1. 45: «tO tfiç 'YÂ.olttllÇ 9Éatpov ucpaivElç»; no 38, 1. 5-6: «9Éatpov 'YÂ.olttllÇ àKOUWV»; no 62, 1. 7-8: «9Éatpov tfiç 9au�acriaç crou 'YÂ.olt tllÇ ÈVôEiçacr9at»; cf. no 7 1 a, 1. 64-67; no 7 1 b, 1. 64-67; no 1 22, 1. 2; no 1 32, 1. 1 4- 1 5; dans le sens d'un exposé détaillé, cf. no 69, 1. 45-46: «È'Yol crOl Â.a�1tpov ÉtÉpW9EV crU'YKpOt�crW tO 9Éatpov, iv' ÈVtEù9EV 'YvoillÇ 01tWç toiç oùpavi01ç cruVa1ttEtal tà È1ti'YElU». Gabras em ploie une deuxième fois le terme dans le sens du simple auditeur; cf. no 355, 1. 20-21 : «à va'YlvwcrlCo�EvoV tE ôllÂ.aôil È1t!. crautoù lCat 9Éatpov ÔEXO�VOV tilv crilv àlCO�V ... ». 829. Ibidem, no 5, p. 28, 1. 59-60; no 78, p. 1 1 1 , 1. 20-2 1; no 1 29, p. 166, 1. 1 3-14; no 210, p. 88, 1. 8-9; no 376, p. 325, 1. 29-3 1 ; no 422, p. 377, 1. 5-6. Une seule fois Cydonès donne au théâtre le sens d'un seul auditeur; cf. no 400, p. 355, 1. 8-9. 830. CYDONÈS, Lettres, no 262, p. 169, 1. 78-79; p. 1 70, 1. 82-83 ; no 326, p. 250, 1.
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fois en relation avec Jean VI Cantacuzène831 . Enfin, il compare Rome à un théâtre qui accueille les bons rhéteurs les bras ouverts et les récom pense abondamment en or et en gloire832 . Il s'ensuit que chaque lettré avait le pouvoir de réunir autour de lui un «théâtre», néanmoins c'est sous Manuel II que cette réunion littéraire prend une dimension excep tionnelle du fait que c'est l'empereur lui-même qui l'anime. Le rayonnement du «théâtre» réuni autour de Manuel II semble dé passer les limites de la capitale, et l'approbation du talent d'un lettré de sa part a valeur d'un certificat de haute culture. Ainsi, Manuel Raoul, Byzantin émigré à la cour du roi de Chypre Jacques 1er Lusignan (1 38298), où il suit une carrière administrative, en faisant parvenir un de ses écrits à Constantinople, surprend Manuel et son cercle par son style et sa langue; entouré comme il est de gens qui parlent un dialecte différent et au service d'un roi qui se préoccupe peu des lettres, Manuel Raoul ré ussit à préserver son niveau littéraire et à jouir de l'estime de l'élite con stantinopolitaine833 . Aussi, un ecclésiastique qui dispense un enseigne ment théologique et profane au sein de l'Église, le prôtekdikos Michel Balsamon, ne se montre point indifférent envers les critiques de ce mili eu; en faisant parvenir ses lettres à l'empereur, il aura à son tour la certi tude que son style ne dévie pas des modèles attiques et que, malgré les circonstances peu favorables, ses écrits sont dignes du passé. Finale ment, l'empereur fait allusion à la timidité de Balsamon, qui est en con tradiction avec l'exercice rhétorique; alors, il l'incite à ne plus hésiter à exhiber son talent pour gagner la place dont il est digne parmi le milieu littéraire de l'époque834 . Si les réunions littéraires sont une sorte de délassement s'adressant à peu de monde, et si leur but final est la gloire littéraire, parfois elles ser vent à des fins plus pratiques. Par exemple, Théodore Kaukadènos, qui était à la recherche d'un poste à la cour pendant des années 835 , confie une oeuvre littéraire à l'empereur qui la fait lire devant ce «théâtre». Ses 1 7- 1 8; no 388, p. 340, 1. 43; les trois lettres sont toutes antérieures au règne de Manuel II; les deux premières portent la date de 1 383, la troisième celle de 1 388. 83 1 . Ibidem, no 40, p. 73, 1. 1 3-14: «oü'troç 1ÏJ.1iv 'to 8Éa'tpov ËO'E10'aç, àno 'tOü nav'ta àpiO''tou paO'1Â.Éroç àpçaJ.1EVOç»; cette lettre date entre 1 347 et 1 3 54. 832. Ibidem, no 1 69, p. 42, 1. 50-52. 833. MANUEL PALÉOLOGUE, Lettres, no 32, p. 87, 1. 2-1 3; sur Manuel Raoul, antipalamite qui trouva refuge à la cour de Lusignan et dont l'acmé se place de 1 396 à 1 402 environ, voir DENNIS, The Letters ofManuel II, p. li-lü; LOENERTZ, Correspon dance de Manuel Calécas, p. 77; FASSOULAK.È S, The Family of Raoul, no 47, p. 62-63. 834. MANUEL PALÉOLOGUE, Lettres, no 34. 835. CYDONÈS, Lettres, no 2 10, 21 5 et 357.
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qualités rhétoriques ne passent pas inaperçues. Quant à l'empereur, il apprécie avant tout que Kaukadènos fit preuve de mesure dans son écrit et décide de le récompenser pour ses qualités rhétoriques en lui confiant la place de précepteur de ses fils836 . À cet égard, Dèmètrios Chrysoloras, qui est membre de ce cercle et ami intime de l'empereur, lui envoie un recueil de cent lettres en guise de supplique837 . Connu pour sa carrière administrative et littéraire, Chryso loras travailla au service de Jean VII comme mesazôn de 1 403 à 1408. Engagé auprès de Manuel II par la suite, il fut accusé par un dignitaire de la cour d'avoir manqué à la révérence envers l'empereur838 . D'une part pour implorer son retour en grâce, d'autre part pour montrer ses qualités littéraires. Dèmètrios compose ces cent lettres qui, après avoir été récitées en public, contribuent à sa gloire littéraire tout en lui re ndant la bienveillance de l'empereur839 ; en échange, celui-ci lui confie un discours qu'il composa en l'honneur de la Vierge pour appréciation et amélioration 840 . En outre, Dèmètrios semble jouir d'une certaine popu larité parmi les jeunes comme philosophe et astronome841 , et sa contri bution est souvent sollicitée de leur part en matière littéraire ou scientifi que. Précisément, pendant la période où il était mésazôn de Jean VII à Thessalonique, Jean Chortasménos essaya de le convaincre de devenir son professeur. Éprouvant certaines difficultés pour parvenir à ses fins, il lui adressa des plaintes concernant sa négligence vis à vis des jeunes étudiants de philosophie depuis qu'il était devenu familier de l'empereur, 836. MANUEL PALÉOLOGUE, Lettres, no 27, p. 7 1 , 1. 2-1 0. Sur Théodore Kauka dènos, voir PLP 1 1 561 et DENNIS, op. cit., p. xlvii-xlvü. Cette lettre doit être datée après le retour de l'empereur de l'Occident en 1 403; quant à ses ms en question, ils sont deux aî nés, Jean et Théodore; cf. DENNIS, op. cit., p. 70. 837. DÈMÈTRIOS CHRYSOLORAS, Lettres, éd. Ferrucio Conti BIZZARRO, De metrio Crisolora. Cento Epistole a Manuele II PaJeologo, Napoli 1 984. 838. Cf. M. TREU, Demetrios Chrysoloras und seine hundert Briefe, BZ 20, 1 9 1 1 , p. 1 06- 1 28; HUNGER, Chortasmenos, p. 90-94. 839. Sur Dèmètrios Chrysoloras, voir PLP 3 1 1 56; Sp. LAMPROS, Die Werke des Demetrios Chrysoloras, BZ 3, 1 894, p. 599-601 ; M. TREU, Demetrios Chrysoloras und seine hundert Briefe, BZ 20, 1 9 1 1 , p. 106- 128; CAMMELLI, Manuele Crisolora, p. 198201 ; DENNIS, op. cit., p. xxxiv-xxxv; CHRYSOSTOMIDÈS, Manuel II PaJaeologus fu neral oration, p. 244, n. 1 6 1 ; J. VERPEAUX, Contribution à l'étude de l'administration byzantine: 0 J,lEO'Ilçmv, Byzantinosla vica 1 6, 1 955, p. 286-287. 840. MANUEL PALÉOLOGUE, Lettres, no 6 1 , p. 1 7 1 , 1. 2-5, 1 1- 1 6. 841 . Cf. TREU, op. cit., p. 1 14: «{P1Â.OcrO O'ocpov t1.va ÈJ.1autOv Kai 1tEP\ttOV tàç È1t1.O'tllJ.1aç È1tllyyEÂ0J.111V, O'Ù BÉ J.1E oùx oütmç ÈXpf\v O'E BllJ.100'1c;t B1.EÂÉYXE\V 1tE\pii0'8a\, cpiÂov ovta Kai aÂÂmç cp1.ÂoO'ocpiaç clVt1.1t01.0UJ.1EVOV, clÂÂ' iBiq. 1tapaÂapovta VOU8EtEiv». .
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1453, mais de toute évidence Georges Scholarios1152. Déclenchée sous le prétexte d'un discorde sur la dialectique1153, la querelle entre ces deux savants nous rappele une fois de plus une attitude assez habituelle dans les cercles intellectuels de la capitale: l'antagonisme permanent entre les lettrés renommés, qui se manifeste à travers une polémique acharnée pour la prééminence intellectuelle. Dans le cas précis, on peut discerner comme véritable motif de rivalité le statut priviligié dont jouit Argyro poulos comme professeur et la protection impériale prodiguée envers son école. En apparence, la querelle se rapporte au domain des connais sances: Argyropoulos soutiendra que les études grammaticales, latines ou grecques, ne diffèrent qu'à la divergence de la langue1154, tandis que Scholarios, imprégné par la méthode scolastique, qui est à base de gram maire, suggèrera le caractère spéculatif de la grammaire latine qui opère par la méthode dialectique. On y apprendra par la même occasion que Scholarios était rémunérée par ses élèves, désignés comme adolescents (JlEtpaKicrKOt) 1 1 55 et qu'il se faisait passer pour un philosophe et un homme de sciences I l 56. Sous cette qualité, il se considérait qualifié pour porter un jugement sur les connaissances scientifiques d'Argyropoulos et de déclarer qu'elles étaient inexistantes. Quant à ce dernier, il acceptait cette critique en évoquant comme excuse que tous habitants de Constan tinople partageaient son sort1157. Pourtant, sa décision d'aller suivre des 1 1 52. J. MONFASANI (Georges of Trebizond. A Biography and a Study ofhis Rhe toric and Logic, Leiden 1 976, p. 369-378), après un rapprochement des données émises par Argyropoulos dans ses lettres invectives au sujet de son rival, ainsi que des détails sur l'iti néraire professionnel de ce dernier, identifie le destinataire de ses pamphlets comme étant Scholarios. 1 1 53. JEAN ARGYROPOULOS, Discours et Lettres, p. 89, 1. 3-5: « EpT)O'oJlut 1:oi vuv O'E, 1tEpt. ÔtUÂ,EKtlKflç TtJliv KUt. È1ttO'ttlJlTJç Tt KUt' àpXàç Ëptç O'uvÉO'tTJ». 1 1 54. Ibidem, p. 90, 1. 9 et suiv. 1 1 55. Ibidem, p. 85, 1. 1 8-20: «EÜ tflç JlUtuto1toviuç Kui tflç KEVflç Ôtutptpflç trov u1t0 O'È cpottroVtrov JlEtpuKiO'KroV KUt. trov àôiKroÇ UÙtOÙç EiO'1tPUtto!lÉvrov Jlt0'8rov». 1 1 56. Ibidem, p. 69, 1. 1 8-22: « . . .Toüto yàp O'ocptO'trov tlvrov Ëpyov, àÂ,Â,' OÙK àvôprov cptÂ,oO'ocprov KUt. È1ttO'tTJJlovrov, oioç UÙtOç ElVUt ôuO'xupiÇU»' cf. p. 83, 1. 29-30: «'AÂ,Â,' 0\8' Otl yE CPtlO'EtÇ PPUXÉu O'ot trov Â,ÉÇEroV JlÉÂ,EtV, cptÂ,oO'ocpcp yE OVtl, 1tPUYJlcltroV KUt. JlO voy cppovtiÇovtl». 1 1 57. Ibidem, p. 7 1 , 1. 9- 1 2: «'AÂ,Â,à yàp Kd0'8ro KUt. JlTJÔOtlOÜV EiôÉvut JlE trov È1tt O'tTJJlrov Kutà O'É. nupà tOÜtO O'ot ÔtEÂ,ÉYXE0'8ut. OÙKOÜV OÙK ÈJlÈ Jlovov' 1tclVtEÇ yàp oi Èv tU nOÂ,Et 1tUpu1tÂ,TJO'iroç ÈJlot. tO\l'trov àJluTJtot». Il semble que Scholarios posa à Argy ropoulos aussi des questions qui relevaient du domaine des mathématiques et de l'astrono mie comme le laisse entendre le passage suivant; ibidem, p. 9 1 , 1. 1 8-21 : «'E1td KUt. Jlu8TJ JlUtlKOV O'EUUtOV ÈJlcpflvut POUÂ,0JlEVOÇ KUt. 1tEpi àO'tÉprov ËXOVtcl tl Â,ÉyEtV, È1tltTJÔEÇ TtJlUç ÈprotTJ8Évtuç lmo tOU trov O'ocprov ÔtapclÂ,Â,EtÇ 1tEpt. 1tprotTJV tflç VUKtOÇ ropuv 1tEpi tlVOç à O'tÉpoç KUt' àvutoÂ,àç CPUtVo!lÉvou... ». '
·
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études supérieures en Italie quelques années plus tard, aurait été prise lors de cette occasion, comme réponse au défi que Scholarios avait mis à son autorité intellectuelle. À son tour, Argyropoulos attaque Scholarios dans les domaines de la grammaire, de la rhétorique et de la théologie tout en le traitant d'analphabète 1158. La période de la querelle entre les deux savants, autrefois située dans les années ca. 1444-1452, a été re mplacée dans la décennie 1 4301159. Comme motif principal à cela, il a été évoqué l'absence d'une quelconque mention de la par! d'Argyropou los dans les lettres en question, à son séjour et à ses études philosophi ques en Italie; d'autant qu'Argyropoulos n'y fait pas preuve de modestie au sujet de ses qualités intellectuelles. En fait, à l'appui de cette thèse, la véritable preuve ressurgit après un examen des titres et des fonctions d'Argyropoulos; celui-ci apparaît comme diacre et archôn des Églises dans ses trois lettres invectives, tandis qu'en 1441, en tant que destina taire d'une lettre de François Filelfe, il est prêtre et juge du trésor pub lic. Il en résulte que la polémique a eu lieu avant 1441, c'est-à-dire avant le départ d'Argyropoulos pour Padoue où il obtint son doctorat. Or, lui-même précise, dans une de ses lettres, qu'il a été chargé par l'emper eur Jean VIII Paléologue de la direction d'un établissement destiné à dispenser un enseignement supérieur1l60, qu'il désigne sous le terme de didaskaJeion, sans laisser entendre nulle part qu'il s'agissait du Xenôn de Kra!. Dans ce cas, on ,en vient à constater que l'itinéraire d'Argyro poulos dans sa carrière de professeur public présente trois phases: a. La période d'avant 1425 pendant laquelle Argyropoulos exerçait comme professeur dans un établissement public et dispensait un en seignement de niveau secondaire, notamment la rhétorique. Il était ré munéré à travers d'une pronoia importante procurée par Manuel II et Jean VIII1161. b. La période ca. 1425-1441, qui le voit à la tête d'un didaskaleion subventionné par Jean VIII, où il enseigne la philosophie d'Aristote et la syllogistique. Pendant cette période, une bonne partie de son activité sera consacrée à sa dispute avec Scholarios dans le cadre de laquelle il 1 1 58. Ibidem, p. 68, 1. 1 1- 1 5; p. 77, 1. 1 -4; p. 78, 1. 1-5; p. 80, 1. 1 5- 1 9; p. 85, 1. 1 8-24; 95, 1. 9-1 5; p. 1 06, 1. 1 7-24. 1 1 59. MONFASANI, Georges of Trebizond, p. 369. 1 1 60. JEAN ARGYROPOULOS, Discours et Lettres, p. 74, 1. 1-6: «oloa(JJcaÂdou 1tpoO'tiiVal tiçlCo9TJv 1tapà paO'lÂÉmç, Kai taüta O'ocpmtcltou, Ëv9a 1toÂÂoi Kai trov Ëç 'lta Âiaç O'ocprov �Ilrov àKTJKOOtEÇ Ë1tnVEO'av tE Kai ttlV 1tEpi ÂO'Youç �Ilrov Ë1tlO'ttlIlTJV ti'YclO'a VtO, Kai IlclÂlO'ta ilv 1tEpi tà cpuO'lKà Kai tOÙç O'UÂÂ,o'YlO'J.10Ùç 'APlO'tOtÉÂouç Ë1tEodKVU IlEV, ... ». 1 1 6 1 . Voir infra, p. 1 90, note 932.
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composa ses lettres pamphlétaires. Par ailleurs, à partir de 1439, Fran çois Filelfe lui enverra son fils Marius auquel il enseignera le grec, et en 1441 il lui recommandera son protégé Pierre Perleôn1162. c. La période ca. 1444-1453, où, diplômé de l'université de Padoue dans le domaine des arts et de la médecine, il enseigne dans le Xenôn du Kral où la plupart de ses disciples étaient des médecins. Bien qu'il ait été soutenu que ses cours n'avaient aucune relation avec la médecine, il ' semble que son enseignement dans cette troisième phase devait s'intégrer dans le cadre d'une formation procurée pour les médecins. Comme tel, il correspondait à la partie théorique de la formation médicale ('tD <jmcrt KDV JlÉpoç 'tfiç cptAocrocpiaç) qui était toujours considérée comme indis pensable et couronnait les connaisances acquises par la pratique et l'ob servation dans cet art1163. À partir de 1450, Argyropoulos envisage sérieusement la perspective de quitter sa patrie et d'entamer une nouvelle carrière en Italie. Dans ce but, il entreprend un voyage à Rome en automne de la même année pour rentrer une année plus tard1164. Il est évident que son activité d'en seignant prend fin en 1452, quand il quitte définitivement Constantino ple. C'est son élève Michel Apostolios qui lui succédera comme profes seur au Xenôn de Kral au cours de la dernière année avant la chute de Constantinople. Il nous le dit de façon indirecte dans le discours qu'il adressa aux Italiens afin de critiquer leur méthode inadéquate de l'en seignement du grec. En faisant connaître son intention de quitter la Crète pour aller enseigner le grec en Italie, il depeint parallèlement les conditions que doivent remplir ses futurs élèves et le régime de son école (JloucrEiov) qu'il projette de fonder. Il y procédera de la même façon qu'à Byzance et en Crète où, malgré sa jeunesse, il avait plusieurs élèves, Grecs et Italiens. Alors, il précise que les élèves doivent être âgés de quinze ans, déjà initiés à la langue grecque et posséder impérativement les manuels nécessaires que lui-même leur indiquera. La durée des cours est aussi définie et couvre presque toute la journée, avec un intermède pour le déjeuner comme c'était l'habitude. Contrairement à la coutume des maîtres d'Italie qui enseignent debout derrière une chaire dominant 1 1 62. FRANÇOIS FILELFE, Cent dix lettres, no 24, p. 50-5 1 . 1 1 63. La physique constituait le couronnement des études de médecine à Byzance; voir à ce propos, la formation de Jean Zacharias, dans IDELER, Medici graeci, II, p. 190, ' 1. 7. 1 1 64. Le premier texte qui fait connaître son projet de s'expatrier est la lettre qu'il adressa au pape Nicolas V, écrite en 1450; cf. LAMPROS, 'ApyvpoKouÂ.&la, p. 1 3 1 : 1mav vov mü /! pyVpOKOUÂOV mü Kplmü mü 8TJj.louiov 'rfiç KmverravnvovKoÂ&mç &Îç 'rDV j.la KapWJmmv KâKav KÜp NIKoÂaov; cf. ibidem, p. 'A:y'-Â,a'.
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leur auditoire, Apostolios professera à la manière byzantine, assis sur un siège à trois pieds, au même niveau que ses élèvesl165• Or, la prise de Constantinople par les Turcs va mettre un terme à toute activité intellectuelle et achèvera une civilisation depuis longtemps en décrépitude. La majorité des savants cherchera réfuge en Occident où ils transplanteront l'héritage de l'Antiquité, contribuant ainsi à l'essor de la Renaissance.
1 1 65. LAMPROS, :4 PyupoHouÀ&la, p. KS'.
C O N CLUSION
Évaluer l'état de l'enseignement et décrire la vie intellectuelle a été le but de notre étude. Nous pensons avoir mis en évidence, grâce à une nouvelle interprétation des sources de l'époque, la portée limitée du rôle de l'empereur et du patriarche en tant que promoteurs de l'enseignement et de la culture et avoir démontré l'aspect essentiel de la contribution de certaines personnes agissant à titre individuel dans les milieux intellec tuels de l'époque des Paléologues. Les données des sources nous ont conduit à démythifier les deux établissements d'enseignement supérieur dans la capitale, connus traditionnellement sous les termes d'«Université impériale» et d' «Académie patriarcale», qui apparaissent n'avoir été que des institutions de moyenne importance, dont le fonctionnement n'est attestée que périodiquement, étant donnés les moyens restreints de l'em pereur et du patriarche à cette époque. L'instabilité qui domine la vie quotidienne au long de cette période, atteint le domaine de l'éducation; celle-ci, laissée surtout à l'initiative personnelle ou privée, ne fait pas l'objet de réglementation officielle. En fait, la manifestation de l'intérêt impérial porté à l'éducation est plutôt symbolique et limitée à Constantinople. Même, lorsque l'empereur man ifeste son intérêt pour un établissement d'enseignement dans la capitale, il n'étend pas son autorité au delà du domaine administratif et n'a pas toujours les moyens d'assurer la subsistance des enseignants. Pourtant, le professorat est considéré comme une charge (ÀE1'toupyia) et son titu laire ne peut s'en affranchir sans le consentement impérial. Dans le meil leur des cas, le maître d'une école publique est rémunéré à travers une pronoia� mais d'habitude sa récompense dépend de la bonne volonté de ses élèves ou de leurs parents. Les noms de Théodore Mouzalôn, de Ni céphore Choumnos et de Théodore Métochite fournissent successive ment la preuve de l'habitude bien établie, au moins durant le règne d'Andronic II, selon laquelle le grand logothète et l'épi tou kanikleiou protègent les enseignants et les lettrés et interviennent auprès de l'emper eur pour leurs besoins. De même, on peut retrouver la même pratique dès le début de l'époque des Paléologues, puisque sous le règne de Mi-
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chel VIII, c'est son grand logothète qui prend en main les études supér ieures; cette tradition qui voit les hommes publics au service des études se perpétue jusqu'à la fin de l'empire avec Dèmètrios Cydonès, Dèmè trios et Manuel Chrysoloras, Georges Gémistos Pléthon, Georges Scho larios et Jean Argyropoulos successivement. Si le devant de la scène intellectuelle est occupé d'habitude par des hommes publics, ceux-ci dans leur majorité, même s'ils ont une activité relative à l'enseignement, préfèrent assurer leur subsistance par les hautes charges ecclésiastiques ou laïques. En dépit du fait qu'on recrute la classe dirigeante parmi les hommes instruits et que, par conséquent, le rôle de l'éducation dans l'ascension sociale reste primordial, la profes sion d'enseignant n'attire qu'une faible minorité, à laquelle elle procure des soucis. De même, ceux qui essaient de vivre uniquement de leur acti vité littéraire sont confrontés à bien des préoccupations d'ordre matéri el. Faisant montre de leur éloquence, ils la mettent au service du pou voir sous la forme de flatterie. Une grande partie de leur production est faite sur commande, mais en contrepartie ils ne sont retribués qu'occa sionnellement. Il s'ensuit que leur préoccupation la plus constante est de s'assurer la protection d'un grand dignitaire laïque ou ecclésiastique ou d'un membre d'une grande famille. Principalement, c'est la cour impér iale qui persiste à revendiquer le patronage des lettrés, notamment celle d'Andronic II (1282-1328) et de Manuel II (13 91-1425), qui incarnent le modèle de l'empereur-philosophe. Or, durant leur règne, on constate une activité intellectuelle plus intense autour de la cour impériale: le pre mier est l'animateur du cercle des astronomes dirigé par son grand 10gothète Théodore Métochite, le second se trouve à la tête des réunions littéraires (théâtres), et fait valoir le mérite de la composition littéraire en professant que la capacité d 'écrire est. . . . supérieure à la richesse, plus agréable que toutes les choses charmantes, celle qui apporte la plus grande gloire 1166. Pourtant, même dans leur cas, l'effort pour préserver le goût pour les études demeure limité à l'entourage aulique de la capi tale. L' Église persiste dans son rôle qui vise à former des fonctionnaires compétents pour la servir et en même temps se considère comme respon sable de la formation morale du peuple selon le dogme orthodoxe. D'au tant plus que les moeurs et le niveau intellectuel d'un Byzantin moyen transparaissent à travers les textes de l'époque sous les couleurs les plus sombres. Enclin à la corruption, à la superstition et au paganisme, le peuple essaie de modifier le destin en ayant recours sans discernement à 1 1 66. MANUEL PALÉOLOGUE, Lettres,
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I l , p.
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tous les moyens: magie, astrologie, religion, interprétation des songes, présages. Le fonctionnement de l'école patriarcale, interrompu pendant l'occupation latine (1204-1261), reprend, mais son statut et son organisa tion sont difficiles à définir. Derrière les différentes mentions de titres (rhéteu� didasc.ale de l'Église, didascaJe des didascales et Katholikos di daskalos), on soupçonne l'existence d'une hiérarchie enseignante qui dé pend du patriarche et dispense un enseignement soit en matière de foi, soit en matière profane. Or; le titre de rhéteur est conféré durant le pa triarcat de Germain III (1265-66) à celui qui était chargé de l'enseigne ment profane des futurs ecclésiastiques (Â.OytKTt 1tuiôeucrtc;). Quant aux titres de didascaJe des didascales et de Katholikos didaskalos, ils appa raissent pour la première fois dans la hiérarchie ecclésiastique, dus, se lon toute vraisemblance ·aux nouveaux besoins de l'Église ou plutôt adaptés à son lent processus de repli. Or, ce dernier titre, attesté durant le patriarcat de Matthieu 1er (1397-1410), suggère à la fois une personne chargée d'enseigner les matières théologiques et profanes, dispensées au trefois par des maîtres différents, et révèle avant tout l'importance plu tôt modeste de l'école patriarcale à la fin du XIVe siècle. Une série d'ex emples de dignitaires de l'Église qui exercent comme maîtres de l'en seignement primaire et secondaire au cours du premier ·quart du XVe siècle, laisse entendre que l'enseignement à ce niveau-là, au moins pen dant cette période, est assuré en grande partie par l'Église. Il s'agit bien des didascales de l'Église qui enseignent au nom du patriarche, dans le but de former le peuple dans la foi et le savoir; l'activité d'enseignant fait figure d'étape dans leur carrière ecclésiastique qui finit par une pro motion à l'épiscopat ou aux premiers rangs de la hiérarchie ecclésias tique. Sous le titre de didascale de l 'Église on trouve aussi des personnes qui assument la charge de prédicateur. Le rôle des monastères dans la vie intellectuelle de cette période semble être assez important. L'activité de certains maîtres, qui enseig nent à titre privé, se rattache à un monastère de la capitale, la raison en est l'existence d'une bibliothèque procurant les livres nécessaires pour les besoins didactiques. Ainsi, Grégoire de Chypre sera lié avec le monas tère du Sauveur Akataleptos, Maxime Planude avec le même monastère ainsi qu'avec celui de Chôra, qui abritera aussi le local de l'école privée de Nicéphore Grégoras. Par ailleurs, c'est dans le monastère de Chôra que ce dernier sera préalablement initié à l'astronomie par Théodore Métochite. Manuel Moschopoulos enseigne probablement pour quelque temps dans le monastère de Pantokratôr et Manuel Gabalas, pendant la période qu'il est chartophylax (1321-1329), séjourne dans un grand mon astère de la capitale et y reçoit ses étudiants. Barlaam de Séminara, à
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son arrivée à Constantinople, sera logé dans le monastère du Christ Sau veur et là il analyse les traités sur la Logique d'Aristote et attire des étu diants. Enfin, Dèmètrios Cydonès, pendant la période qu'il est retiré dans le monastère de Saint-Georges des Manganes enseigne la littérature et la philosophie au thessalonicien Rhadènos. Ces mêmes personnes ne peuvent pas dispenser leur enseignement que si elles disposent de la fa. veur du pouvoir. Les deux principaux cercles de lettrés se trouvent à Constantinople et à Thessalonique et à partir de la seconde moitié du XIVe siècle dans le Despotat de Morée. Trébizonde, Chypre, la Crète, Philadelphie, Ver roia, Lemnos, Lesbos et Serrès sont représentées dans le domaine littér aire par quelques individus, qui maintiennent un contact étroit avec les lettrés de la capitale. À Constantinople, l'élite intellectuelle n'est pas sans diversité; l'unanimité n'y règne pas toujours et des oppositions dont l'origine est plutôt personnelle qu'idéologique se font jour. Des débats littéraires ont lieu pour la prééminence intellectuelle, d'habitude entre les personnes qui font partie de l'entourage immédiat de l'empereur, et don nent lieu à une production littéraire ou scientifique remarquable. Des textes pamphletaires alimentant ces débats laissent entrevoir que dans le milieu aulique de la capitale, où la vie intellectuelle s'épanouit, il n'y a pas de place pour tous; s'assurer la suprématie est une question d'impor tance vitale. La création et la critique littéraire sont les deux activités principales dans la vie des lettrés au cours de cette période. Leurs écrits sont des tinés à un auditoire cultivé et raffiné, qui émet son jugement lors des ré unions littéraires. D'habitude, le but final de la création est la gloire lit téraire, mais parfois l'approbation du talent d'un lettré par un auditoire expérimenté de Constantinople sert des fins plus pratiques, notamment l'obtention d'un poste au service de l'empereur. Néanmoins, la pénurie de papier et la rareté des livres ne facilitent guère l'activité intellectuelle et préoccupent constamment l'ensemble des lettrés. En dehors de rares cas d'individus qui peuvent envisager l'acquisition d'une bibliothèque privée (Jean d'Héraclée, Théodore Métochite, Nicéphore Choumnos, Ir ène Eulogie Choumnaina, Nicéphore Moschopoulos, Théodora Rhaou laina, Théodore Potamios, Joseph Bryennios, Jean Dokeianos), la ma jorité des lettrés essaie de pallier ce problème en pratiquant soit l'em prunt d'ouvrages, soit la collecte et la copie des manuscrits. Le prix des livres est trop élevé et le seul moyen pour qu'un lettré acquière les ouv rages de ses auteurs préférés est de se mettre à l'oeuvre. Cette activité se manifeste avec une intensité particulière au cours de la seconde moitié du XIIIe siècle et se poursuit pendant la première moitié du XIVe siècle.
239
À partir de la seconde moitié du XIVe siècle, la décadence politique af fecte les lettrés, qui ne cessent de s'interroger sur la finalité de la produc tion littéraire. Ils ont conscience non seulement de la réalité politique dé sespérante qui les environne, mais aussi de leur propre décadence cul turelle. «Si quelqu 'un souhaiterait comparer les écrits des Anciens avec la production contemporaine, il donnerait l'impression de comparer l'or avec le bronze» 1167. Pourtant, ils persistent à cultiver les� lettres tout en restant attachés aux modèles anciens; leur activité littéraire fait figure de diversion grâce à laquelle ils arrivent à travestir la réalité angoissante. Manuel II mentionne à ce propos: «à tra vers mes succès littéraires j'es sayais d'endurer les malheurs et de même j'essayais de faire face aux malheurs pour m 'adonner aux études» 1168, Quoique les circonstances ne permettent pas de tels loisirs, ce même empereur justifie son goût pro noncé ainsi: «Dans ces conditions je persiste à écrire, pas autant que je devrais, mais en fonction du temps disponible, de sorte que je serve à mes sujets d'exemple pour l'amour des lettres et qu 'ils ne soient pas as similés à la barbarie par leur fréquentation des barbares» 1 169. Dans l'ensemble des lettrés, un petit groupe de latinophiles, demeur ant ouvert à l'influence occidentale dans le domaine de la théologie et de la philosophie, transmettra aux premiers humanistes Italiens les idéaux grecs et stimulera leur désir de devenir hellénistes. Des contacts culturels seront établis entre Byzantins et Occidentaux à partir de la seconde moi tié du XIVe siècle et ces derniers adopteront l'habitude soit de séjourner à Constantinople pour se familiariser avec la langue et la littérature grecques, soit d'inviter des érudits byzantins à enseigner le grec chez eux. Dèmètrios Cydonès, Manuel Chrysoloras et Simon Atumanos ser ont les trois artisans assidus du rapprochement des deux cultures. Or, l'enseignement de la langue grecque à Florence par Manuel Chrysoloras de 1397 à 1400 soulèvera l'enthousiasme des premiers humanistes et les poussera vers la redécouverte de l'héritage grec. Son nom deviendra un symbole parmi les humanistes et sa méthode pédagogique sera adoptée par la suite par ses élèves italiens pour appréhender les textes grecs et la tins, en contribuant ainsi à la remise en honneur des textes classiques. Le terrain sera ainsi déjà bien préparé lors de l'arrivée de plusieurs lettrés byzantins à partir du milieu du XVe siècle, lettrés qui contribuer ont à l'essor de la Renaissance italienne.
1 167. Ibidem, no 52, p. 149, 1. 25-26. 1 1 68. MANUEL PALÉ OLOGUE, Lettre-Discours à Alexis Iagoup, p. 530, 1. 82-83. 1 1 69. IDEM, Lettres, no 52, p. 149, 1. 1 9-24 et p. 1 5 1 , 1. 33-35.
ANNEXES
243 Α. LISTEDES TERMES TECHNIQUES Ι. ETUDES PRIMAIRES Enseignement Notίons par categοήes:
Γράμματα 'Ιερά γράμματα Πεζά γράμματα Παίδευσις Γράμματα θείας παιδεύσεως Παιδεύματα Γραμματικά παιδεύματα Expressions:
Φοιτώ είς γραμματιστου 'Εκδίδομαι γραμματιστΤί 'Εκπαιδεύομαι το τών ίερών γραμμάτων πεζαίτερον και άπλουν και είσαγωγικόν. 'Εκπαιδεύομαι τά ίερά γράμματα Διδάσκομαι την τών θείων γραμμάτων τέχνην 'Εκδίδομαι είς μαθητείαν ίερών γραμμάτων Τελφ τά τής γραμματικής προοίμια και τάς άρχάς Ή τών γραμμάτων μάθησις 'Εκλογισμοι γραμματικής -- Όρίσματα περι την λέξιν Enseignants
Γραμματιστής Παιδευτής Μυσταγωγός Χαμαιδιδάσκαλος Ecoles
Φροντιστήριον Παιδευτήριον Σχολη γραμματικευομένων
ll.ETUDESSECONDAIRES Enseignement
Μαθήματα. Τά έλληνικά μαθήματα - Τά θειότερα μαθήματα. Τά έξω μαθήματα ou Τά έξωθεν μαθήματα. Μαθήματα έλληνικής προπαιδείας. Μείζονα μαθήματα. Ή τών μαθημάτων τετρακτύς. Ή έπτάς τών μαθημάτων: 1. Τρείς τεχνικαι δυνάμεις (Γραμματική, 'Ρητορική, Διαλεκτι κή).
244 2. Τέσσαρες έπιστημαι (Αριθμητική, Γεωμετρία, Μουσική,
Άστρονομία). Σύνταγμα τεσσάρων μαθημάτων: Άριθμητική, Γεωμετρία, Μουσική, Άστρονομία. Παίδευσις. Ή καθ' 'Έλληνας παίδευσις και σοφία. 'Η πλείων παίδευσις. Ή των έλευθέρων παίδευσις. Ή λογικη παίδευσις. Πάσα έγκύκλιος: ποιητές, ρήτορες, γραμματική, τεχνολογία, σύνταξις, έτυμολογία. Ή έγκύκλιος παίδευσις: ρητορική, λογική, γεωμετρία, άριθμων άναλογία, άστρονομία. Παιδεία. Ή έξω παιδεία ου Ή έξωθεν παιδεία. Ή έλευθέρα παιδεία. Ή έλληνικη παιδεία ου Έλλάδος τε παιδείας θείας και ήμετέρας. Ή των έλληνικων λόγων παιδεία. Ή έγκύκλιος παιδεία: ρητορική, ποιητική. Ή θύραθεν παιδεία. Λόγοι. Οί θύραθεν λόγοι Οί ένδοθεν .καΙ θείοι λόγοι. Οί λόγοι των έξω. Οί είσαγωγικοι καΙ προτέλειοι των λόγων Οί άκριβέστεροι των λόγων. Γυμνάσια λόγων. -
-
Expressions:
. φοιτω είς διδασκάλους. φοιτω διδασκαλείοις. Τρέφομαι έν μαθήμασι καΙ λόγοις. χρωμαι διδασκάλους. Μεταλαγχάνω λόγων παιδείας καΙ άρετης. Έκδίδομαι λόγοις παιδόθεν. Έκδίδομαι μουσείοις παιδόθεν. 'Άπτομαι μαθημάτων. Πρόσκειμαι παιδόθεν λόγοις. Enseignants
Διδάσκαλος Οί διδάσκαλοι των τε θύραθεν των τε καθ' ήμάς. Οί τεχνίται καΙ διδάσκαλοι των έξω μαθημάτων. Ό διδάσκαλος γραμματικης έπιστήμης καΙ λόγων των έξωθεν. Οί έπίσημοι των διδασκάλων. Ό παιδευτης των έξω μαθημάτων. Expressions:
Το σχημα τού διδασκάλου. Ό της διδασκαλίας ζυγός. Έπιβαίνω διδασκαλικού σχήματος. Μεταδίδωμι διδασκαλικον λόγον. Τάξις διδασκάλου. Μοίρα διδασκάλου.
245 EcoIes
Μουσε ίον. Σχολή. Διδασκαλείον. ΠΙ. ETUDES SUPERIEURES Enseignement
Όμιλία. Μείζονες άκροάσεις. Έπιστημες. Άστρονομική έπιστήμη. Έπιστήμη της μουσικης. Ή έπιστήμη περί λόγους. Τό της έ πιστήμης έντελές. Enseignants
Διδάσκαλος. Ήγεμων παιδείας. Καθηγητής της φιλοσοφίας Καθηγητης λόγων. :EcoIes
Σχολή. Σχολαί λογικαί.
TER:MINOLOGIE CONCERNANT L'ENSEIGNEMENT PROFANE. PROCURE PAR L'EGLISE Enseignement
Enseignants
:Ecoles
Λογικη παίδευσις
Διδάσκαλος 'Ρήτωρ Καθολικός διδάσκαλος. Διδάσκαλος. Καθηγητής.
Διδασκαλείον μαθημάτων
Έλληνικά μαθήματα et
Τά της έκκλησίας δόγματα
246 B. LISTE DE NOMS PROFESSEURES
Seconde moitié du XIlle siècle CONSTANTINOPLE
OCHRIDA
Georges Acropolite.
Jean Pédiasimos.
Georges de Chypre. Manuel Holobolos. Théognôstos (médecin de Georges de Chypre).
XIlle-XIVe siècle CONSTANTINOPLE
THESSALONIQUE
Jean Glykys.
Isidore Boucheiras. Nicolas-Nil Kabasilas.
Manuel Moschopoulos
Thomas Magistros Grégoire Bryennios.
Première moitié du XIVe siècle CONSTANTINOPLE
VERROIA
Manuel Bryennios
Grégoire Akindynos
Théodore Métochite Nicéphore Grégoras Jean Zacharias Maxime Néamonitès Karbônès Barlaam de Séminara Hyaleas Chalkomatopoulos Théodore Hyrtakènos Manuel Gabalas
Seconde moitié du XIVe siècle CONSTANTINOPLE Dèmètrios Cydonès Manuel Chrysoloras Manuel Kalékas
XIV e-XVe siècle CONSTANTINOPLE Michel Balsamôn Georges Eugénikos
247
Première moitié du XVe siècle CONSTANTINOPLE
THESSALONIQUE
Jean Chortasménos Alexis Phorbènos Marc Eugénikos Constantin Ivankos Georges Chrysokokkès Katablattas Georges Theodore Agallianos Jean Argyropoulos Georges Scholarios
DESPOTAT DE MOREE
MONT ATHOS
Theodore Antiochitès Moine Harménopoulos Michel le sacellaire Georges Gémistos Pléthon
C. DISTRffiUTION GÉOGRAPIDQUE DES LETTRÉS DANS LE MONDE BYZANTIN Seconde moitié du Xme siècle CONSTANTINOPLE
THESSALONIQUE
PÉLOPONNÈSE
Acropolite Georges Autôreianos Arsenios Doukopoulos Georges de Chypre Gorianitès Thomas Holobolos Manuel Kassianos Nikandros Kyprianos Nicètas Moschabar Georges Mouzalôn Théodore Planude Maxime Rhaoulaina Théodora Zaridès Jean
Beaskos Dèmètrios Pédiasimos Jean Phobènos Georges Stavrakios Jean Tziskos Pierre
Basilakès Moschopoulos Nicéphore TRÉBIZONDE
Chioniadès Grégoire OCHRIDA Pédiasimos Jean
xme-XIVe siècle CONSTANTINOPLE
THESSALONIQUE
PffiLADELPHIE
Acropolite Constantin Bardalès Léon Bekkos Georges Bryennios Manuel Choumnos Nicéphore Gabras Jean Galésiotès Georges Glykys Jean Grégoire, archévêque de Bulgarie Grégoire, archévêque de Dyrrachium Joseph le Philosophe Manouilitès Métochite Théodore Moschopoulos Manuel Moschopoulos Nicéphore
Boucheiras Isidore Kabasilas Nil Kokkinos Philothée Magistros Thomas Triklinios Dèmètrios
Gabalas Manuel Théolepte de Philadelphie THESSALIE
Lakapènos Georges
248
Pachymère Georges Philès Manuel Zacharias Jean
XIVe siècle CONSTANTINOPLE
THESSALONIQUE
Abramios Jean Acropolite Andronic Akindynos Grégoire Ambarès Jean Apokaukos Alexis Argyros Isaac Armenopoulos Constantin Asanès Constantin Atumanos Simon Avalantès Barlaam de Séminara Basilikos Jean Cantacuzène Hélène Cantacuzène Jean Cantacuzène Matthieu Chloros Dèmètrios Choumnaina Irène Eulogie Choumnos Jean Chrysobergès André Chrysobergès Maxime Cydonès Dèmètrios Denys, astrologue Diasôrènos Nil Elios Eleuthérios Gabalas Manuel Gabras Michel Galésiotès Georges Glykys Basile Grégoras Nicéphore Holobolos Manuel Hyrtakènos Théodore Kabasilas Andronic Kabasilas Basile Kabasilas Dèmètrios Kabasilas Nicolas Kabasilas Théodore Kalarchôn Kalékas Manuel Kaloeidas Michel Karbônès Georges
Akindynos Grégoire Balsamôn Blastarès Matthieu Blatès Dorothée Boucheiras Isidore Bryennios Grégoire Choumnos Macaire Glabas Isidore Holobolos Manuel Kaniskès-Kabasilas Dèmètrios Lampènos Nicolas Paléologue Dèmètrios Rhadènos Symeon de Thessalonique Tarchaniôtes
DESPOTAT DE MORÉE
(2nde moitié du XIVe s.)
Agathias, moine Amanteianos Constantin Cantacuzène Manuel Cantacuzène Matthieu Gabrièlopoulos-Kydonès Georges Kalophéros-Laskaris Jean Kalothétos Angelos Kassandrènos Dèmètrios Mamonas-Paléologue Léon Markianos Michel le sacellaire Pépagomenos Dèmètrios Raoul-Métochite Manuel Tzykandylès tJanuel
TRÉBIZONDE
Chrysokoklœs lieorges Libadènos André Loukitès Constantin Manuel, prêtre PHILADELPHIE
Chrysoképhalos Macaire SERRES
Zaridès Andronic CHYPRE
Gabrièlopoulos-Kydonès Georges Kalophéros-Laskaris Jean Lapithès Georges Lépentrènos Athanase Raoul Manuel CRETE
Athanase, moine Bryennios Joseph Philagrios Joseph
249 VI(NIUIIA
Katrarès Jean Kaukadènos Théodore Kyparissiotès Jean Logaras Philippe Makrembolitès Alexis Mélitèniôtès Théodore Métochite Nicéphore Néamonitès Maxime Oinaiôtès Georges Pépagoménos Nicolas Philès Manuel Pothos Manuel Rhabdas-Artabasdos Nicolas Sophianos Xanthopoulos-Kalliste, Nicéphore Xanthopoulos Théodore Xénè, nonne Zaridès Andronic
Eustache, métropolite Tarrônas Jean
XIVe-XVe siècle CONSTANTINOPLE
THESSALONIQUE
Balsamôn Michel
Gabriel, métropolite
Bryennios Joseph
Ivankos Constantin
Chortasménos Jean Chrysoloras Dèmètrios David, moine athonite Denys, astrologue Eugénikos Georges Euthyme II, patriarche Manuel II Paléologue Matthieu 1er, patriarche
Première moitié du XVe siècle CONSTANTINOPLE
DESPOTAT DE MORÉE
Agallianos Théodore Agallôn Apostolis Michel Argyropoulos Jean Bessarion Boullotès Branas Chrysokokkès Georges Eugénikos Marc Jean, élève de Scholarios Kamariotès Matthieu
Agallôn-Boullotès Nicolas Antiochitès Théodore Bessarion (de 1431 à 1436) Cheilas Nicéphore Dokeianos Jean Dosithée, métropolite Eudaimonoioannès Nicolas Eugénikos Jean Gémistos Pléthon Georges Grégoire, moine Hermonyme ou Hermitianos Charitonyme
250
Laskaris-Angelos Dèmètrios Lascaris Constantin Makrès Macaire Notaras Luc Panaretos Jean Pyropoulos André Pyropoulos Antonios Pyropoulos Manuel Scholarios Georges Syropoulos Sylvestre Tarchaniôtès Manuel -
Holobolos Manuel Isidore, hiéromoine Kavakès-Raoul Dèmètrios Malakès Ducas Paléologue Nicéphore Mazaris Moschos Jean Pépagoménos-Savromatès Dèmètrios Sphrantzès Georges Trivolès Dèmètrios THESSALONIQUE
Chrysoloras Dèmètrios Ivankos Constantin Katablattas Phorbènos Alexis
MONT ATHOS
David, hiéromoine Makrès Macaire CRETE
Plousiadènos Jean Trapezuntios Georges
D. RELATIONS ÉPISTOLAIRES DES LE'ITRÉS DANS LE MONDE BYZANTIN CONSTANTINOPLE
-+
Nicéphore Grégoras Nicéphore Grégoras Georges de Chypre Jean Pédiasimos Nicolas Kabasilas Nicolas Kabasilas Joseph Bryennios Jean Chortasmenos Dèmètrios Cydonès Dèmètrios Cydonès Dèmètrios Cydonès THESSALONIQUE
Joseph le Philosophe Thomas Magistros Jean Stavrakios Tziskos et Phobènos Son père Synadènos Manuel Holobolos Dèmètrios Chrysoloras Tarchaniôtès Dèmètrios Paléologue Rhadènos -+
Nicéphore Grégoras Jean Chortasménos
CONSTANTINOPLE
Théodore Métochite Nicéphore Grégoras Nicéphore Grégoras Nicéphore Grégoras Nicéphore Grégoras Nicéphore Grégoras
Thomas Magistros Thomas Magistros Grégoire Akindynos Balsamôn Bryennios le sacellaire Lampènos CONSTANTINOPLE
THESSALONIQUE
-+
DESPOTAT DE MORÉE
Manuel Cantacuzène Théodore Antiochitès
251
Jean Chortasménos Dèmètrios Cydonès Dèmètrios Cydonès Dèmètrios Cydonès Dèmètrios Cydonès Dèmètrios Cydonès DESPOTAT DE MOREE
Dèmètrios Pépagoménos Moine Agathias Manuel Raoul Métochite Georges Gabrièlopoulos-Kydonès (Georges le Philosophe) Jean Lascaris Kalophèros Théodore Paléologue �
Isidore, hiéromoine Isidore, hiéromoine CONSTANTINOPLE
Jean Chortasménos Manuel II Paléologue �
Grégoire Chioniadès Nicéphore Grégoras Théodore Hyrtakènos Manuel II Paléologue Georges Scholarios CONSTANTINOPLE
�
�
�
�
�
�
Georges Lapithès
PHILADELPHIE
Théolepte de Philadelphie �
Nicéphore Grégoras Dèmètrios Cydonès Dèmètrios Cydonès CHYPRE
VERROIA
Métropolite Eustache (pLP 6339)
Nicéphore Grégoras CONSTANTINOPLE
THESSALIE
Georges Lakapènos
Jean Chortasmenos CONSTANTINOPLE
CONSTANTINOPLE
Andronic Zaridès Jean Zaridès Michel Gabras
Andronic Zaridès CONSTANTINOPLE
CONSTANTINOPLE
Nicéphore Grégoras
Georges Lakapènos Georges Lakapènos Georges Lakapènos CONSTANTINOPLE
SERRES
Andronic Zaridès
Andronic Zaridès THESSALIE
TRÉBIZONDE
Constantin Loukitès Constantin Loukitès Constantin Loukitès Manuel II Comnène Jean IV Kaloioannès
Nicéphore Grégoras SERRES
CONSTANTINOPLE
CHYPRE
Athanase Lépentrènos Georges le Philosophe Jean Laskaris Kalophéros �
CONSTANTINOPLE
Nicéphore Grégoras
252
CONSTANTINOPLE
--+
Joseph Bryennios Dèmètrios Cydonès CONSTANTINOPLE
Jean (pLP 8564) Moine Athanase --+
Grégoire de Chypre CONSTANTINOPLE
--+ LESBOS
Georges Gabrièlopoulos-Kydonès (Georges le Philosophe) Théodigis Kolybas --+
--+
--+ITALIE
Guarino de Verona
Isidore FLORENCE
--+
--+
--+
--+
François Filelfe
CONSTANTINOPLE
Georges Scholarios
François Filelfe MILAN
CONSTANTINOPLE
Prochoros Cydonès
Dèmètrios Cydonès FLORENCE
THEBES
Simon Atoumanos
Dèmètrios Cydonès ROME
VENISE
Marc Lipomanos
Georges Scholarios CONSTANTINOPLE
LEMNOS
Manuel Paléologue Maxime Chrysobergès
Dèmètrios Cydonès Dèmètrios Cydonès PÉLOPONNÈSE
CONSTANTINOPLE
Manuel Paléologue Rhadènos
Dèmètrios Cydonès Dèmètrios Cydonès CONSTANTINOPLE
OCHRIDA
Jean Pédiasimos
Dèmètrios Cydonès Jean Chortasménos LESBOS
CRETE
--+
CONSTANTINOPLE
Jean Argyropoulos
BmLIOGRAPffiE-ABREVIATIONS Α.
SOURCES
Acolouthie de Marc Eugenikos, ed. L. ΡΕΤΙΤ, Studi bizantini 2, 1927, ρ. 212-217. ACROPOLITE, Constantin, Lettres: ed. Η. DELEHAYE, An. ΒοlΙ. 51, 1933, ρ. 272-278; quatre autres lettres sont editees par St. KOUR OUSES dans /1θηνα 75, 1974-75, ρ. 370-371. IDEM, Testament: Διαθήκη τού μεγάλου λογοθέτου Κωνσταντίνου τού /1κροπολίτου, DIEE 4, 1892, ρ. 45-49. IDEM, Eloge de S. Jean Eleemon: Λόγος είς τον αγιον Ίωάννην τον Έ λεήμονα τον νέον, ed. D. Ι. POLEMIS, The Speech of Constantine Akropolίtes οη St. John Merciful the Young, An. ΒοlΙ 91, 1973, ρ. 43-53. IDEM, Eloge de l'Eglise de l'Anastasis: Λόγος είς ηΊν ανακαίνισιν τοϋ ναοϋ της τοϋ κυρίου ήμών 'Αναστάσεως διαθητικός, An. ΒοlΙ. 51, 1933, ρ. 279-284. ACROPOLITE, Georges, Opera: ed. Α. HEISENBERG, Georgii Acro politae Opera, ι-π, Stuttgart 1978. AGALLIANOS, Theodore, Λόγοι: Τού μεγάλου χαρτοφύλακος διακό νου Θεοδώρου τού /1γαλλιανού Λόγοι, ed. Ch. G. PATRINELIS, �O Θεόδωρος /1γαλλιανός ταυτιζόμενος πρός τόν Θεοφάνην Μη δείας καί οί ανέκδοτοι λόγοι του, Athenes 1966. AKINDYNOS, Gregoire, Lettres: ed. Angela CONSTANTINIDES HERO, Letters of Akindynos, Washίngton D. C. 1983. ΑΝΟΝΥΜΕ, Πανηγυρικός είς Μανουήλ καί 'Ίωάννην Η' τούς Πα λαιολόγους, ed. Sp. LAMPROS, Παλαιολ. καί Πελοπον, πι, ρ. 132199. ΑΝΟΝΥΜΕ, Έγκώμιον είς τον μέγαν βασιλέα κϋρ Μανουηλ τον Πα λαιολόγον και τον εύσεβέστατον αύτοκράτορα τον κραταιον και α γιον ήμών αύθέντην και βασιλέα κϋρ Ίωάννην τον Παλαιολόγον, ibidem, ρ. 200-221. APOSTOLES, Michel, Lettres: ed. Ε. LEGRAND, Lettres de Michel
Apostolios, Bibliographie hellenique des XVe et XVle siecles,
π,
254
Paris 1885, ρ. 233-259; ed. Η. NOIRET, Lettres inedites de Miche1 Apostolis, Paris 1889.
IDEM, ΛόΥος: ΛόΥος παραινετικός έκ Γορτύνης είς Ίταλίας Ρώμην, ed. NOIRET, ορ. cit., ρ. 148-153. IDEM, Προσφώνημα: Προσφώνημα πρός τόν αύτοκράτορα Κωνστα ντίνον τόν ΠαλαιολόΥον έν τφ αύτφ δέ κα; όμολΟΥία τής αύτου πί στεως ύποπτευομένης, ed. Sp. LAMPROS, Παλαιολ. κα; Πελοπον. , IV, ρ. 83-87.
IDEM, Μιχαήλ �πoστόλη του Βυζαντίου προσφώνημα είς τόν αύτου διδάσκαλον Ίωάννην τόν �ρyυρόπoυλoν ότε ήρξατο διδάσκων προτροπfj βασιλέως έν τφ του Ξενώνος Καθολικφ μουσείφ, ed. Sp. LAMPROS, �ρyυρoπoύλεια, Athenes 1910, ρ. 227-231. ARGYROPOULOS, Jean, Discours et Lettres: ed. LAMPROS, ορ. cit., ρ. 187-201 et 216-226.
IDEM, του σοφωτάτου κα; λΟΥιωτάτου κυρου ίωάννου διδασκάλου του �ρyυρoπoύλoυ μονφδία είς τόν αύτοκράτορα Ίωάννην τόν πα λαιολόΥον, ed. LAMPROS, Παλαιολ. κα; Πελοπον. , ΠΙ, ρ. 313-319. IDEM, La comedie de Katab1attas: Ίωάννης τφ ιlκoλάστφ Πριάπφ τφ Σκαταβλαττij, ed. Ρ. CANIVET-N. OIKONOMIDES, La comedie de Katablattas. Inνectiνe byzantine du XVe s., Δίπτυχα 3, 1982-83, ρ. 5-97.
IDEM, Προλεγόμενα είς τα της ρητορικης προγυμνάσματα, ed. LAM PROS, �ρyυρoπoύλεια, ρ.175-180. IDEM, Είς τόν μακαριώτατον πάπαν κυρ Νικόλαον, ibidem, ρ. 129-141. ARGYROS, Isaac, τφ σοφωτάτφ Οίναιώτη κυρίφ � νδρονίκφ, μεθό δους αίτήσαντι λΟΥικάς έκθέσθαι ήλιακών καί σεληνιακών κύκλων, κα; τών τούτοις έπομένων, ρσ 19, co1. 1279-1316. IDEM, Ίσαακ μοναχ'οϋ τοϋ Άργυροϋ μέθοδος κατασκευης άστρολαβι
κοϋ οργάνου, ετι δε καί άπόδειξις λογικη των εν αύτφ καταγραφο μένων μεταφορικως άπό των εν τη σφαιρικη έπιφανεί� είς επίπε δον, Bib1iotheque de 1a Faculte de Philosophie et Lettres de l'Univer site de Liege-Anecdota Atheniensia et Alia ΙΙ, 1939, ρ. 236-253. ΑTHANASE Ier, patriarche de Constantinople, Lettres: ed. Alice-Mary MAFFRY TALBOT, The cοπeSΡοndence of Athanase Ι, Patriarch ofConstantinop1e, Washington D. C. 1975. AUTQREIANOS, Arsenios, �νέκδoτoς λόΥος είς �ρσένιoν Αύτω ρειανόν Πατριάρχην Κωνσταντινουπόλεως, ed. Ρ. NIKOLOPOU LOS, EEBS 45, 1981-1982, ρ. 406-461. BARLAAM le CALABRAIS, Bar1aam Ca1abro, Episto1e greche. Ι pri mordi episodici e dottrinari delle 10tte Esicaste, ed. G. SCHIRO, Pa lerme 1954.
255
BESSARION, Lettres: ed. MOHLER, Bessarion� ρ. 415-571. BRYENNIOS, Joseph, Lettres: ed. Ν. TOMADAKES, ro 'Ίωσήφ Βρυ έννιος καί ή Κρήτη κατά τό 1400� Athenes 1947, ρ. 124-132; aussi Ίωσηφ μοναχου του Βρυεννίου επιστολαι Λ' και αί πρός αυτόν Γ', ed. Ν. Β. TOMADAKES, EEBS 46, 1983-86, ρ. 279-364. IDEM, Oeuvres: ed. Ε. BULGARIS, 'Ίωσήφ μοναχού τού Βρυεννίου τά εύρεθέντα� Leipzig 1768-1784. � IDEM, Τι νές αΙτίαι τών Kαθ ήμας λυπηρών� ed. L. OECONOMOS, L'etat intellectuel et moral des Byzantins vers le milieu du XIVe siecle d'apres une page de Joseph Bryennios, Melanges Charles Diehl 1,
1930,
ρ.
225-233.
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