L’adolescent atteint de cancer et les siens Quelle détresse, quelles difficultés, quels souhaits d’aide ?
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Sarah Dauchy Darius Razavi
L’adolescent atteint de cancer et les siens Quelle détresse, quelles difficultés, quels souhaits d’aide ?
Sarah Dauchy Psychiatre (MD) Unité de psycho-oncologie Département de soins de support Institut de cancérologie Gustave-Roussy 39, rue Camille-Desmoulins 94805 Villejuif
[email protected] Darius Razavi Psychiatre (MD, PhD) Unité de recherche en psychosomatique et psycho-oncologie Université Libre de Bruxelles Institut Jules-Bordet 50, avenue Franklin-Roosevelt 1050 Bruxelles
[email protected] ISBN : 978-2-287-99042-7 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, 2010 Imprimé en France
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Maquette de couverture : Nadia Ouddane Mise en page : Arts Graphiques Drouais – Dreux
Liste des auteurs
Anne Auperin Biostatisticienne (MD) Département de biostatistiques Institut de cancérologie Gustave-Roussy 39, rue Camille-Desmoulins 94805 Villejuif
[email protected] Julie Beckers Psychologue Unité de recherche en psychosomatique et en psycho-oncologie Université Libre de Bruxelles et Institut Jules-Bordet CP191, avenue F.D. Roosevelt 50 1050 Bruxelles Belgique
[email protected] Laurence Brugières Oncologue (MD) Unité Adolescents Département de pédiatrie Institut de cancérologie Gustave-Roussy 39, rue Camille-Desmoulins 94805 Villejuif
[email protected] Cécile Charles Psychologue Unité de psycho-oncologie Département de soins de support Institut de cancérologie Gustave-Roussy 39, rue Camille-Desmoulins 94805 Villejuif
[email protected] 6
L’adolescent atteint de cancer et les siens
Sarah Dauchy Psychiatre (MD) Unité de psycho-oncologie Département de soins de support Institut de cancérologie Gustave-Roussy 39, rue Camille-Desmoulins 94805 Villejuif
[email protected] Marylène Deprêtre Psychologue Unité de recherche en psychosomatique et en psycho-oncologie Université Libre de Bruxelles et Institut Jules-Bordet CP191, avenue F.D. Roosevelt 50 1050 Bruxelles Belgique
[email protected] Sandy Deraedt Psychologue Unité de recherche en psychosomatique et en psycho-oncologie Université Libre de Bruxelles et Institut Jules-Bordet CP191, avenue F.D. Roosevelt 50 1050 Bruxelles Belgique
[email protected] Cécile Flahault Psychologue, Maître de Conférences (PhD) Institut de Psychologie Université Paris Descartes 71, avenue Edouard-Vaillant 92774 Boulogne-Billancourt Cedex cecile.fl
[email protected] Catherine Jousselme Pédopsychiatre (MD, PhD) Professeur de psychiatrie de l’adolescent et de l’enfant INSERM U669 Université Paris-Sud Chef de service Fondation Vallée 7, rue Benserade 94250 Gentilly
Liste des auteurs
Valérie Laurence Oncologue (MD) Département d’oncologie médicale Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 05
[email protected] Gabrielle Marioni Psychologue (PhD) Unité de psycho-oncologie Département de pédiatrie Institut de cancérologie Gustave-Roussy 39, rue Camille-Desmoulins 94805 Villejuif
[email protected] Darius Razavi Psychiatre (MD, PhD) Professeur de psychosomatique et de psycho-oncologie Unité de recherche en psychosomatique et en psycho-oncologie Université Libre de Bruxelles et Institut Jules-Bordet CP191, avenue F.D. Roosevelt 50 1050 Bruxelles Belgique
[email protected] Étienne Seigneur Psychiatre (MD) Unité de psycho-oncologie Département d’oncologie pédiatrique Institut Curie 26, rue d’Ulm 75248 Paris Cedex 05
[email protected] Élodie Tournay Biostatisticienne Département de biostatistiques Institut de cancérologie Gustave-Roussy 39, rue Camille-Desmoulins 94805 Villejuif
[email protected] 7
Sommaire
Remerciements ............................................................................................................................
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Préface .............................................................................................................................................
13
Introduction ..................................................................................................................................
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Partie I
Le contexte Tumeurs des adolescents et des adultes jeunes : aspects épidémiologiques et médicaux Laurence Brugières ..................................................................................................................
19
L’adolescence et ses enjeux Catherine Jousselme ...............................................................................................................
29
Être atteint d’un cancer à l’adolescence : aspects psychologiques Gabrielle Marioni .....................................................................................................................
37
Lieux et structures de prise en charge des adolescents atteints de cancer ? Étienne Seigneur, Cécile Flahault et Valérie Laurence ....................................................
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Partie II
Détresse, difficultés, souhaits d’aide : les données La détresse psychologique Julie Beckers ..............................................................................................................................
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La perception parentale des difficultés de l’adolescent atteint de cancer Sandy Deraedt ..........................................................................................................................
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Le souhait d’aide chez l’adolescent atteint de cancer et sa mère Marylène Deprêtre et Sandy Deraedt .................................................................................
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Partie III
Détresse, difficultés, souhaits d’aide : les résultats d’une étude franco-belge Introduction Sarah Dauchy et Darius Razavi ...........................................................................................
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Méthodes Sarah Dauchy, Cécile Charles, Elodie Tournay, Julie Beckers, Anne Auperin et Darius Razavi .......................................................................................................................
91
Les adolescents et jeunes adultes Sarah Dauchy, Cécile Charles, Elodie Tournay, Julie Beckers, Anne Auperin et Darius Razavi .......................................................................................................................
103
Les mères, leur détresse, leurs besoins psychosociaux Sarah Dauchy, Cécile Charles, Elodie Tournay, Julie Beckers, Anne Auperin et Darius Razavi .......................................................................................................................
129
La dyade mère-patient Sarah Dauchy, Cécile Charles, Elodie Tournay, Julie Beckers, Anne Auperin et Darius Razavi .......................................................................................................................
145
Synthèse des résultats Sarah Dauchy, Cécile Charles, Elodie Tournay, Julie Beckers, Anne Auperin et Darius Razavi .......................................................................................................................
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Partie IV
Recommandations pour l’organisation des prises en charge Recommandations pour l’organisation des prises en charge Darius Razavi et Sarah Dauchy ...........................................................................................
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Remerciements Les auteurs remercient très sincèrement en premier lieu l’ensemble des patients adolescents et jeunes adultes, ainsi que leurs proches, qui ont bien voulu donner un peu de leur temps pour participer aux deux études belge et française dont les résultats sont rapportés dans ce livre. Le recueil direct de leur vécu et de leur témoignage fait la richesse de cet ouvrage. Un remerciement particulier à Marie-Aude Sevaux, Présidente de l’association Jeunes Solidarité Cancer, qui s’est impliquée dès sa conception dans l’étude française, a aidé à sa mise en place puis assuré la première année du recueil de données. Elle a par la suite bien voulu assurer la relecture de cet ouvrage qui s’est enrichi de ses remarques et commentaires. Merci aussi aux enquêteurs qui se sont relayés pour recueillir les données des deux études française et belge, et en particulier pour la France, après Marie-Aude Sevaux, Céline Cerf et Delphine Decamps. Merci aux équipes oncologiques qui les ont accueillies et ont tout fait pour faciliter le déroulement des études. Enfin, cet ouvrage n’aurait pas pu exister sans le soutien financier et le lancement du Programme « Tous unis contre les cancers des adolescents » de la Ligue contre le cancer et des centres E. Leclerc, qui ont soutenu la réalisation de l’étude française puis la rédaction de ce livre. Pour la Belgique, il convient de mentionner que l’étude a été réalisée à la demande du ministère fédéral de la Santé et des Affaires sociales, les promoteurs principaux de cette étude sont Darius Razavi et les professeurs Isabelle Merckaert et Yves Libert de l’institut Jules-Bordet, Centre des Tumeurs de l’Université Libre de Bruxelles.
LA LIGUE CONTRE LE CANCER Créée en 1918, la Ligue nationale contre le cancer est une association loi 1901 à but non lucratif et reconnue d’utilité publique. Elle est une ONG indépendante reposant sur la générosité du public et sur l’engagement de ses militants. Forte de ses 740 000 adhérents, la Ligue est un mouvement populaire organisé en une fédération de 103 Comités départementaux. Ensemble, ils luttent dans trois directions complémentaires : la recherche, la prévention – promotion des dépistages et les actions pour les malades et leurs proches. Par le biais de ses trois missions sociales parfaitement imbriquées, la Ligue est le seul acteur indépendant dans le paysage français de la lutte contre le cancer à posséder une vue d’ensemble et à avoir une approche globale de la maladie. Sa pluridisciplinarité, son indépendance financière et politique, font d’elle l’observateur privilégié, capable de réunir un maximum de compétences œuvrant en faveur de la lutte contre le cancer. Parce que le cancer est un problème de santé mais aussi une question de société, la Ligue communique activement depuis plusieurs années sur la nécessité de modifier l’image sociale de la maladie.
Préface
La survenue d’un cancer est, à tout âge, une épreuve douloureuse pour la personne atteinte et pour ses proches. Chez les adolescents, cette épreuve ébranle le cheminement complexe, aux plans physique, psychique, familial et social, qui amène l’enfant vers l’âge adulte. L’adolescence est en effet une phase de « rupture » ou de « crise », durant laquelle la propre identité de chacun se construit, processus s’accompagnant d’un changement dans les relations avec ses parents, d’une appropriation de sa sexualité, d’une adaptation au regard des autres, d’une idéalisation de projets d’avenir scolaire ou socioprofessionnel. On sait que la survenue d’une maladie grave comme le cancer peut impacter voire entraver les processus qui accompagnent le cheminement de l’adolescence. Mais on connaît mal les composantes de cette entrave et les aides à y apporter. Cette méconnaissance résulte, entre autres, du fait qu’en France la prise en charge médicale des adolescents atteints de cancer est assurée à 5 % par des services d’oncopédiatrie et à plus de 90 % par des services d’oncologie adulte, services dans lesquels les besoins et souhaits spécifiques aux adolescents atteints de cancer ne sont en général pas intégrés. Le grand intérêt et le grand mérite de l’étude présentée dans cet ouvrage sont d’évaluer la détresse psychologique et les souhaits d’aide des adolescents atteints de cancer et de leurs proches, sur la base d’une enquête rigoureuse, de nature scientifique. L’utilisation d’une méthodologie quantitative classique, le recours à un large échantillon de patients, l’ancrage dans une revue de la littérature, sont autant de facteurs garants de résultats à même de restituer le contenu du discours des patients en dépassant les simples témoignages individuels. Fruit d’une collaboration exemplaire entre psychologues, psychiatres, oncologues et biostatisticiens français et belges, cette étude révèle des aspects inattendus dans les besoins d’aide des adolescents atteints de cancer, dans le domaine des relations familiales et sociales et dans celui des relations soignants-adolescents.
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Plusieurs chapitres théoriques précèdent les données et conclusions de cette enquête, faisant de ce livre un ouvrage que tous les oncologues de l’enfant et de l’adulte devraient lire pour être mieux informés sur les enjeux particulièrement complexes du cancer dans la phase de l’adolescence. Cet ouvrage devrait aussi servir de référence pour la mise en place, en France, d’équipes pluridisciplinaires dédiées spécifiquement à la prise en charge médicale, psychosociale et environnementale des adolescents atteints de cancer.
Professeur Jacqueline Godet Vice-Présidente de la Ligue contre le Cancer Chargée de la Recherche
Introduction
L’organisation de la prise en charge psychosociale des adolescents et des adultes jeunes en cancérologie se doit d’intégrer les besoins spécifiques de cet âge de la vie, ainsi que ceux des proches qui les accompagnent. À l’adolescence, les enjeux sont en effet nombreux : acquisition d’une autonomie physique, affective et morale, remodelage des relations parentales ; construction d’une identité psychique et sexuée, intégrant une nouvelle image de soi et des relations équilibrées avec l’autre et en particulier le groupe de pairs ; construction d’un projet de vie impliquant des choix d’orientation et l’acquisition de connaissances et de compétences nouvelles, etc. Les contraintes ici vont être multiples et souvent contradictoires, tout comme celles auxquelles seront exposés les proches et en particulier les parents, amenés à faire face en parallèle aux besoins de soutien de leur enfant et à leurs obligations professionnelles, familiales, matérielles. Mieux évaluer les difficultés auxquelles seront exposés l’adolescent et ses proches, ainsi que leur attente d’aide, est capital pour optimiser les ressources psychologiques, sociales et sociétales qui leur sont accessibles ; et pour mettre en place une offre de soins adaptée susceptible de leur assurer un soutien efficace durant et après la maladie. Cela passe par l’analyse et la compréhension des mécanismes d’ajustement psychique, mais également par la recherche de données quantitatives permettant de fonder le dispositif d’action et de soutien sur l’expression de leurs besoins par les patients et les proches eux-mêmes, au-delà des représentations des acteurs du soin, ou des opportunités de financement. Cet ouvrage collectif a pour objectif de contribuer à la mise en place d’un tel dispositif de soins pour les adolescents atteints de cancer et leurs proches. Il propose successivement au lecteur une synthèse des principaux enjeux et caractéristiques médicales, psychologiques et sociales de cette tranche d’âge, puis les résultats de deux études similaires, l’une belge, l’autre française. Celles-ci ont permis de décrire la détresse psychologique et les difficultés rencontrées par plusieurs centaines de jeunes patients et leurs mères. Le type d’aide attendue et reçue par les patients, le lien entre ces attentes d’aide et les difficultés psychologiques ressenties, tant par le patient que par son proche, ont
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aussi été explorés, faisant de cet ouvrage une base documentaire précieuse pour une structuration d’une offre en soins de support fondée sur les preuves. La synthèse des conclusions essentielles de ces deux études est suivie d’un bref chapitre de recommandations pour la structuration des prises en charge et l’amélioration de la prise en compte globale de la souffrance psychosociale en oncologie. Nous souhaitons que cette conjonction d’apports cliniques, théoriques et pragmatiques puisse contribuer à l’amélioration des soins apportés à cette population d’adolescents et de jeunes adultes et de leurs proches.
Partie I
Le contexte
Tumeurs des adolescents et des adultes jeunes : aspects épidémiologiques et médicaux Laurence Brugières
Introduction Le cancer est une pathologie rare chez l’adolescent et l’adulte jeune puisque les cancers diagnostiqués entre 15 et 24 ans ne représentent que 0,6 % de l’ensemble des cancers. Il constitue néanmoins la troisième cause de décès dans cette tranche d’âge après les accidents et les suicides. L’attention de la communauté médicale et scientifique a été attirée depuis plusieurs années sur cette pathologie, en raison d’une part des besoins spécifiques des patients de cette tranche d’âge en matière de support psycho-social, et d’autre part de la grande diversité de prise en charge de ces patients en fonction de leur lieu de traitement (oncologie adulte et pédiatrique) (1).
Épidémiologie Il n’existe pas d’enregistrement national des cancers de l’adolescent en France. Leur surveillance épidémiologique est réalisée par les registres généraux du cancer du réseau FRANCIM qui couvrent 13 % du territoire. Une étude des données collectées sur la période 1988-1997 a permis de produire les premières données françaises sur l’épidémiologie des cancers des adolescents et adultes jeunes (2, 3). Cette étude a permis d’estimer le nombre de nouveaux cas par an en France à 800 chez les patients de 15 à 19 ans et à 1 100 chez les 20-24 ans. Le taux d’incidence globale, estimé chez les patients français sur la période 1978-1997, est de 161,4 par million pour la tranche 15-19 ans et de 252,6 par million pour la tranche 20-24 ans. Pour l’ensemble des cancers de cette
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tranche d’âge, il y a une légère prédominance masculine avec un sex-ratio de 1,3 pour la tranche 15-19 ans et de 1,2 pour la tranche 20-24 ans. L’incidence du cancer chez les adolescents et les adultes jeunes ne semble pas avoir augmenté en France pendant la période 1978-1997 (2). À l’inverse, dans d’autres pays, l’incidence paraît augmenter annuellement de façon significative tant pour les tumeurs solides que pour les leucémies avec une augmentation de l’incidence de 3,6 % par an aux Pays-Bas sur la période 1973-1999 (4) et de 1,6 % par an en Angleterre sur la période 1968-1995 (5). La répartition des différents types de cancer est tout à fait particulière à cette tranche d’âge. Chez les patients de 15 à 19 ans, les tumeurs les plus fréquentes sont les pathologies hématologiques (leucémies, lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens), les sarcomes et les tumeurs cérébrales alors que dans la tranche 15-29 ans, ce sont les lymphomes, les tumeurs des gonades et les tumeurs épithéliales notamment les mélanomes et les cancers de la thyroïde (fig. 1). Les données épidémiologiques françaises sont tout à fait comparables aux données épidémiologiques américaines produites par le SEER (Surveillance Epidemiology and End Result Program) qui regroupe les données de cancer de cinq états et de cinq grandes métropoles ce qui représente 14 % de la population des États-Unis (6). 13 % 7 % .. .... .. . . .. .
20 %
10 %
1%
Leucémies Lymphomes
10 %
13 % 26 %
15-19 ans 32 %
Tumeurs cérabrales Tumeurs osseuses ..
Sarcomes des tissus mous Tumeurs germinales Carcinomes
20 % 1% . . .. . . .. .. . .
Autres
9%
6% 3% 6%
23 %
20-24 ans
Fig. 1 – Répartition des différents types de cancer en fonction de l’âge.
Tumeurs des adolescents et des adultes jeunes : aspects épidémiologiques et médicaux
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Étiologie et facteurs de risque Dans la majorité des cas, les cancers des adolescents et des adultes jeunes semblent survenir de façon spontanée et ne semblent liés ni à l’exposition à des carcinogènes de l’environnement ni à des syndromes de prédisposition héréditaire au cancer (7). Comme chez l’enfant plus jeune, les cancers associés à une prédisposition génétique héréditaire avérée sont rares et ne représentent que moins de 10 % des cas. Il faut noter cependant, que certains cancers plus fréquents chez les sujets plus âgés notamment les tumeurs cutanées, les cancers du sein et les tumeurs digestives peuvent survenir dans cette tranche d’âge chez les sujets porteurs d’une prédisposition génétique au cancer. Enfin, il existe certainement des situations plus complexes liées à la présence de polymorphismes de gènes intervenant dans le métabolisme des carcinogènes, dont la présence confère probablement une augmentation du risque tumoral. Ceci a été bien démontré pour les leucémies (8) et semble également pouvoir être en cause dans d’autres types tumoraux.
Diagnostic Les signes conduisant au diagnostic d’une tumeur dans cette tranche d’âge ne sont pas spécifiques et très variables en fonction du type de la localisation : douleurs, apparition d’une masse ou d’une adénopathie pathologique, symptômes neurologiques, altération de l’état général, etc. Plusieurs études ont montré que les délais entre les premiers symptômes et le diagnostic sont souvent plus longs dans cette tranche d’âge que chez les enfants et chez les adultes. Ces délais ont été particulièrement étudiés pour les sarcomes osseux et des tissus mous (9-11). Dans une étude anglaise réalisée sur une cohorte de patients âgés de 15 ans à 24 ans, le délai médian entre le diagnostic et les premiers symptômes avait été estimé à environ 15 à 25 semaines pour les tumeurs osseuses et 26 semaines pour les sarcomes des tissus mous. Les causes de ces longs délais sont multiples. Ils sont liés en partie à la méconnaissance de ces pathologies par les patients et par les médecins eux-mêmes. Dans certains cas, le délai est également en partie lié au déni par les patients des signes cliniques initiaux conduisant à retarder la consultation médicale (12).
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Modalités thérapeutiques Le traitement est adapté au type de tumeur et aux résultats du bilan d’extension. Le traitement des maladies hématologiques comporte toujours de la chimiothérapie et parfois de la radiothérapie. Ainsi, les lymphomes non hodgkiniens et les leucémies sont traités uniquement par chimiothérapie : traitement courts (quelques mois) et intensif pour les lymphomes de Burkitt et les lymphomes anaplasiques, traitement prolongé et semi continu pour les lymphomes lymphoblastiques et les leucémies aiguës lymphoblastiques (13). Les maladies de Hodgkin sont traitées par une association de chimiothérapie réalisable le plus souvent en hôpital de jour et de radiothérapie dont les doses et les volumes sont adaptés en fonction de la réponse (14). Chez certains patients avec une réponse métabolique complète au PET scan précoce, la radiothérapie peut être évitée. Le traitement des tumeurs solides associe le plus souvent chirurgie et chimiothérapie. Les ostéosarcomes sont traités par une chimiothérapie encadrant l’exérèse chirurgicale de la tumeur qui nécessite souvent une reconstruction en particulier la mise en place d’une prothèse de genou dans les localisations du fémur et du tibia qui sont les plus fréquentes (15). Les tumeurs d’Ewing sont également traitées par une chimiothérapie associée à un traitement local par chirurgie et/ou radiothérapie. Une chimiothérapie à haute dose avec greffe de moelle est parfois indiquée pour les patients avec des métastases ou une mauvaise réponse à la chimiothérapie conventionnelle (16). Les tumeurs mésenchymateuses malignes nécessitent un traitement local par chirurgie si la localisation le permet et/ou radiothérapie associé à une chimiothérapie pour les tumeurs chimiosensibles (17). Les tumeurs germinales malignes peuvent être traitées par chirurgie seule dans les formes très localisées. Dans les formes plus étendues, le traitement comporte une chimiothérapie basée sur les dérivés du platine et l’exérèse chirurgicale des résidus tumoraux. Le dosage des marqueurs (alphafœtoprotéine, HCG et βHCG) est un élément essentiel de la surveillance, leur élévation étant toujours un témoin de la présence de cellules tumorales. Dans certaines tumeurs, la chimiothérapie n’a que peu d’indications, comme les tumeurs cérébrales traitées le plus souvent par l’exérèse chirurgicale quand elle est réalisable suivie d’une irradiation, et les carcinomes dont le traitement est essentiellement chirurgical.
Complications des traitements Les complications immédiates dépendent des types de protocole utilisés. Les complications les plus fréquentes de la chimiothérapie sont : l’alopécie le plus souvent inévitable mais réversible, les nausées et les vomissements qui sont le plus souvent bien
Tumeurs des adolescents et des adultes jeunes : aspects épidémiologiques et médicaux
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contrôlés par les traitements anti-émétiques, l’aplasie transitoire au décours des cures de chimiothérapie qui peut nécessiter une hospitalisation en cas de neutropénie fébrile ou des transfusions en cas d’anémie ou de thrombopénie sévère, les mucites qui sont souvent douloureuses et peuvent nécessiter une hospitalisation pour mise en route d’une alimentation parentérale ou d’un traitement antalgique. Les traitements peuvent aussi entraîner des complications à long terme. C’est le cas de certains types de chimiothérapie notamment celles comportant des doses élevées d’alkylants qui peuvent entraîner un risque de stérilité. Ce risque est plus élevé chez les hommes que chez les femmes et conduit à proposer une conservation de sperme avant la mise en route du traitement à chaque fois que l’état du patient le permet (18). Chez les femmes, l’insuffisance ovarienne aiguë est rare. Par contre il existe probablement un risque de ménopause avancée dont la fréquence n’est pas encore bien connue (19). La conservation de tissu ovarien pose des problèmes plus complexes que la conservation de sperme et n’est proposée que dans les situations associées à un risque très élevé de toxicité ovarienne (20). Certains médicaments notamment les dérivés du platine et l’ifosfamide peuvent être responsables de complications rénales à long terme. Il s’agit le plus souvent d’insuffisances rénales ou de tubulopathies modérées ne justifiant qu’une simple surveillance. Les autres complications de la chimiothérapie sont rares (baisse de l’audition liée au cisplatinum, cardiopathies liées aux anthracyclines). Par ailleurs, le traitement local peut également entraîner des conséquences à long terme en fonction de ses modalités (troubles de croissance liés à l’irradiation, conséquences orthopédiques du traitement des tumeurs osseuses, etc.). Ce risque de complications tardives nécessite l’organisation du suivi à long terme de ces patients. Les modalités optimales de l’organisation de ce suivi sont encore discutées (21).
Organisation des soins Officiellement, en France, depuis 2004, les circulaires relatives à l’organisation des soins en cancérologie pédiatrique définissent la cancérologie pédiatrique comme « la discipline qui concerne l’enfant et l’adolescent jusqu’à 18 ans atteint de tumeur solide ou d’hémopathie maligne ». En fait, malgré ces circulaires, la prise en charge des malades de plus de 15 ans se fait soit dans les services d’oncologie pédiatrique, soit dans des services d’oncologie adulte publics ou privés. Le choix du type de structure dépend essentiellement de l’âge du patient, de sa pathologie (cancer de type adulte ou pédiatrique) et avant tout du circuit qui a conduit à faire le diagnostic. Il en résulte une
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certaine hétérogénéité dans leur prise en charge médicale et dans leur environnement hospitalier. Pour certaines pathologies, les traitements appliqués diffèrent en fonction du lieu de traitement. Des questions se posent dans le monde entier pour évaluer l’impact sur la survie de ces différentes modalités thérapeutiques. Dans certains pays notamment en Angleterre, des unités spécifiques pour la prise en charge de ces patients ont été créées avec un double objectif, d’une part l’harmonisation des pratiques et l’amélioration de la qualité des soins, d’autre part la mise à la disposition des malades d’un environnement psycho-social plus adapté aux besoins des patients de cette tranche d’âge (22). Ces unités nécessitent la création de liens forts entre les équipes pédiatriques et adultes. En France, des unités spécialisées pour la prise en charge des adolescents et les adultes jeunes ont été créées dans quelques centres à fort recrutement (23, 24).
Résultats thérapeutiques En France, la survie des adolescents et jeunes adultes atteints de cancer est de 81 % à 2 ans, 74,5 % à 5 ans et 73 % à 7 ans (2, 25). Ces taux de survie sont très comparables à ceux qui sont observés aux États-Unis (6) et dans les autres pays européens (26). Les taux de survie sont très variables en fonction du type de cancer (tableau I) avec un groupe de tumeurs de très bon pronostic (taux de survie à 5 ans supérieurs à 90 %) : les maladies de Hodgkin, les mélanomes, les cancers de la thyroïde et les tumeurs germinales. En revanche, pour d’autres types de cancer comme les rhabdomyosarcomes, les leucémies et les ostéosarcomes, les taux de survie à 5 ans ne dépassaient pas 50 % dans l’étude rétrospective menée par Desandes sur les données des registres français des cancers pour la période 1988-1997 (25). Dans certaines pathologies, les résultats obtenus chez les adolescents et les adultes jeunes étaient inférieurs à ceux obtenus chez l’enfant de moins de 15 ans (25). Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces différences de résultats. La première est une distribution différente des sous-types histologiques au sein d’un même groupe de tumeurs, comme c’est le cas par exemple des tumeurs du rein ou du foie dont la majorité sont des carcinomes au delà de l’âge de 15 ans. La deuxième hypothèse concerne les modalités thérapeutiques. En effet dans certains types de tumeurs les protocoles pédiatriques semblent plus efficaces que ceux utilisés chez l’adulte. C’est le cas en particulier des leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) : une étude réalisée chez les patients de 15 à 20 ans traités soit selon un protocole pédiatrique (FRALLE93) soit
Tumeurs des adolescents et des adultes jeunes : aspects épidémiologiques et médicaux
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selon un protocole adulte (LALA94) dans la même période a montré une différence importante dans les résultats thérapeutiques (survie sans événement à 5 ans de 67 % pour les patients de l’étude FRALLE et de 41 % pour les patients de l’étude LALA) (27). La prise de conscience des ces différences a conduit à une utilisation plus large des protocoles pédiatriques pour les adolescents et adultes jeunes traités pour LAL avec une nette amélioration des taux de succès. De façon plus générale, les oncologues adultes et pédiatriques se sont rapprochés depuis plusieurs années pour mettre au point des protocoles de traitement communs et des études prospectives destinées à évaluer les meilleures stratégies thérapeutiques pour les tumeurs de cette tranche d’âge (13, 16). Une troisième hypothèse explicative de ces résultats thérapeutiques différents est le faible taux d’inclusion de la population adolescente dans des essais thérapeutiques. Dans l’étude rétrospective menée par Desandes sur la période 1988-1997, seuls 9 % des adolescents étaient inclus dans un essai thérapeutique alors qu’à la même période, environ 60 % des enfants traités pour un cancer participaient à un essai (2). Ces faibles taux d’inclusion sont liés d’une part au faible nombre d’études ouvertes pour cette tranche d’âge, d’autre part au fait que les études ne peuvent pas être ouvertes dans tous les centres et que la proposition de transfert dans un centre habilité à inclure des patients dans un essai n’est pas toujours faite aux patients (28, 29). Une moins bonne tolérance de la chimiothérapie, conduisant à une réduction des doses, peut aussi être évoquée. Les protocoles de chimiothérapie mis au point pour les enfants sont souvent assez lourds et s’associent parfois à un risque important de complications hématologiques et muqueuses. La toxicité de ce type de chimiothérapie est parfois jugée comme inacceptable chez l’adulte, ce qui conduit à une réduction des doses et à une diminution de la dose intensité. En fait, la tolérance de la chimiothérapie évaluée dans les essais incluant à la fois des enfants, des adolescents et des adultes jeunes ne semble pas moins bonne chez les sujets plus âgés. Enfin, une moins bonne compliance au traitement est possible chez l’adolescent. Comme dans toutes les maladies chroniques, la lourdeur et le poids du traitement peuvent être associés à des réactions de révolte et d’interruption du traitement (22, 30) qui sont plus fréquentes chez l’adolescent et l’adulte jeune que chez les enfants. Ce problème de compliance est particulièrement important pour les chimiothérapies orales comme dans le traitement d’entretien des leucémies. Plusieurs études ont montré que 50 à 70 % des patients n’étaient pas parfaitement compliants, ce qui peut retentir de façon importante sur le risque de rechute. La prévention de ces problèmes de compliance doit débuter dès le diagnostic à l’occasion de l’information du patient pour obtenir son adhésion au programme thérapeutique proposé et se poursuivre tout au long du traitement par le soutien attentif du patient par l’ensemble de l’équipe soignante (31).
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
Tableau I. – Données françaises sur les taux de survie à 5 ans des enfants, adolescents et adultes jeunes.
Type de tumeur
0-15 ans 34 études France 1990-1999 % IC 95 %
15-19 ans 25 études France 1988-97 % IC 95 %
20-24 ans 2 études France 1978-97 % IC 95 %
Leucémies Leucémie aiguë lymphoblastique Leucémie aiguë myéloblastique
74,4 80,5 51,3
72-77 78-83 44-67
41,3 42,6 45,0
30-52 28-57 23-67
35,3 31,5 35,2
27-43 19-44 23-48
Lymphomes Maladie de Hodgkin Lymphomes non hodgkiniens
89,3 96,1 79,8
86-92 93-99 73-86
84,8 95,8 62,8
79-91 92-100 49-76
81,2 87,5 70,8
77-85 83-92 62-79
Tumeurs cérébrales
64,8
61-68
64,1
52-76
61,9
52-71
Tumeurs rénales
86,6
82-91
79
52-100
57,1
20-94
Tumeurs osseuses Ostéosarcomes Tumeur d’Ewing
71,6 68,1 74,4
65-78 58-77 65-84
55 48,9 52,6
43-67 33-65 30-75
59,8 46,7 55,6
46-74 23-71 33-78
Sarcomes des tissus mous
67,7
61-74
67,0
54-80
51,2
41-62
Tumeurs germinales
83,9
77-91
88,8
82-95
85,7
82-87
Carcinomes Carcinomes de la thyroïde Mélanomes
86,8 100 –
80-94 – –
94,4 100 96,7
90-98 . 92-100
83,5 98,2 85,6
80-87 96-100 80-91
Tous cancers
75,2
74-77
74,5
71-78
74,5
72-76
Conclusion Les cancers des adolescents et des adultes jeunes constituent un groupe hétérogène de tumeurs relativement rares dont le pronostic est dans l’ensemble favorable. La prise de conscience des problèmes spécifiques posés par ces tumeurs situées à la frontière de l’oncologie pédiatrique et de l’oncologie adulte a suscité depuis plusieurs années beaucoup d’intérêt de la part de la communauté scientifique et médicale. Une collaboration étroite de l’ensemble des acteurs impliqués dans la prise en charge de ces pathologies est indispensable afin de permettre non seulement une amélioration des résultats thérapeutiques mais également une amélioration de la qualité de vie des patients pendant le traitement et au décours de celui-ci.
Tumeurs des adolescents et des adultes jeunes : aspects épidémiologiques et médicaux
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
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L’adolescence et ses enjeux Catherine Jousselme
Introduction L’adolescence n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Même si elle est souvent définie comme une « crise », elle renvoie plutôt à un processus progressif, déclenché par un événement physique, la puberté. Celle-ci représente le véritable starter corporel de toute une suite d’étapes psychiques amenant l’enfant vers l’âge adulte. Bien entendu, ce cheminement compliqué est largement influencé par la tonalité psychique de l’enfance. Sans parler de la qualité des interactions précoces parents/bébé, ni du développement du très jeune enfant, la manière dont parents et enfants gèrent les événements de vie qu’ils traversent prédétermine en partie la façon dont les incontournables mécanismes de séparation/individuation se mettent, plus tard, en place entre eux (1).
L’adolescence : une phase de séparation L’enfant traverse une première étape de séparation primordiale autour de 9-10 mois. C’est la « position dépressive » décrite par Mélanie Klein (2), étape qui lui permet d’apprivoiser ses angoisses de perte, d’abandon. Peu à peu, en retrouvant régulièrement sa mère quand qu’il l’appelle, il fait l’expérience que se séparer, s’éloigner, ce n’est pas se perdre définitivement. Au contraire, il acquiert la certitude que des retrouvailles surviennent obligatoirement. Il peut ainsi, peu à peu, dépasser ses craintes de destruction de l’image idéalisée de sa mère, et se permettre de vivre des moments d’ambivalence vis-àvis d’elle. Il apprend qu’il peut aimer et détester la même personne selon les moments, assumer le conflit intrapsychique que cela représente, sans honte ni culpabilité tenace, puisque ce sentiment ne remet jamais en cause durablement le lien profond à l’image
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
maternelle. Celle-ci reste fiable, situant sa relation dans une continuité qui lui permet de constituer progressivement une identité solide, avec une intégration de bons objets internes auxquels il peut faire référence quand il traverse des périodes difficiles. Généralement, l’élaboration positive de cette position dépressive permet à l’enfant de devenir plus tard un adolescent « suffisamment confortable », capable de se séparer sans trop avoir peur de se perdre, ni de perdre la sécurité des liens fondamentaux à ses parents (indispensables bases de repli à cet âge). Il peut ainsi conflictualiser ces liens, attaquer les images parentales, sans trop craindre d’être abandonné. Bien entendu, le confort de l’adolescent dépend aussi grandement de la capacité de ses parents à se séparer de leur adolescent en dépassant eux-mêmes leur « crise du milieu de vie » et les difficultés de couple qui peuvent en résulter. Quand tout se passe normalement difficilement, c’est-à-dire sans trop d’angoisse, l’adolescent effectue des allers-retours qui l’amènent à peu à peu transformer la qualité et l’intensité de ses liens à ses parents. Pour cela, il partage avec eux des expériences pas trop excitantes, situées en « zone neutre », autour de sublimations communes (sports, activités de loisirs etc.), ce qui préserve leur complicité. Les parents trouvent alors la juste distance pour garder des moments d’intimité avec leur adolescent, lui montrant qu’ils sont là, se réjouissent de son évolution et peuvent l’aider s’il en a besoin, mais sans intrusion, sans étouffement, en respectant son intimité à lui. Plus les parents ont confiance dans leur capacité parentale, se confortent mutuellement en s’appuyant sur les acquis de leur enfant, moins leur nécessaire réajustement est douloureux. Ce processus de séparation peut cependant être entravé par la survenue d’un événement grave ou menaçant, comme une maladie grave de l’adolescent ; la confiance des parents en eux-mêmes peut être ébranlée : ils se sentent parfois coupables et ont du mal à « lâcher » leur adolescent de crainte de ne pas assez le protéger, de la même manière qu’ils n’ont pas su le protéger de la maladie. Ils peuvent alors le surprotéger, voire même nier ou dénier ses velléités d’autonomie, ce qui complique la mise en place du processus de séparation. Du côté de l’adolescent, la maladie est susceptible de majorer les angoisses d’abandon, indissociables des conflits propres à cette période de développement, en risquant alors de figer la dynamique familiale (3).
L’adolescence : une phase d’individuation Devenir adolescent, c’est peu à peu aussi s’individuer, c’est-à-dire devenir un individu à part entière, avec ses propres valeurs, ses propres Idéaux du moi. En effet, l’enfant garde des références parentales idéalisées, et fonctionne encore souvent dans un
L’adolescence et ses enjeux
31
registre proche de l’Idéal. Dans celui-ci, il veut être parfait, réparer ses parents, les satisfaire totalement, comme il imagine qu’ils sont parfaits eux-mêmes. Peu à peu, il doit trouver des possibilités de devenir lui-même, en adaptant ses projets à ses capacités : il bâtit alors patiemment des Idéaux du moi valorisants, mais accessibles. Par exemple, il peut faire du sport sans se sentir obligé de devenir un jour champion, ou bien trouver une orientation scolaire prenant en compte à la fois ses désirs et ses potentialités. Pour progressivement se constituer en individu, l’adolescent doit mettre à distance les images parentales, et pour cela il a besoin de les attaquer. Le groupe lui permet, comme écrit Rouaud, « d’échapper à son exil intérieur et de sortir de soi » (9). L’accès de l’adolescent, et ce depuis l’enfance, à des zones transitionnelles, c’est-à-dire à des aires de jeux, de sublimation, de plaisir partagé autour de médiation, facilite aussi ces mouvements. Le sport, la musique, l’art sont autant de possibilités pour lui de s’exprimer, de créer et donc de se réaliser en exprimant en même temps son agressivité, ses doutes et ses certitudes nouvelles. Le maintien de ces espaces de médiation est capital lorsque l’adolescent est mis en difficulté : elles permettent souvent, au-delà des mots, l’expression de la souffrance psychique, mais aussi des joies et des colères. Il ne faut pas oublier non plus que cet accès à sa propre identité renvoie, aujourd’hui plus que jamais sans doute, dans notre société qui privilégie « l’avoir » et non « l’être », à des enjeux sociaux fondamentaux : l’adolescence reste l’âge des orientations scolaires (cruciales actuellement), de la confrontation au réel du corps qui change et qui ne devient pas forcément celui que l’enfant aurait voulu avoir. L’adolescent est donc confronté à un bon nombre de deuils qu’il doit dépasser pour trouver de nouveaux modes de réalisation qui lui correspondent et le gratifient. Le risque s’il n’y parvient pas, si une maladie somatique par exemple rend les contraintes plus fortes et limite trop ses désirs, est qu’il se décourage totalement, comme ses parents.
L’adolescence : la problématique du corps ancrée dans le passé de l’enfant Le corps de l’adolescent se transforme plus au moins rapidement. Ces transformations, notamment au niveau de ses organes génitaux, peuvent le plonger dans une inquiétante étrangeté, comme s’il ne se reconnaissait pas, comme s’il ne savait plus qui il est. L’enjeu narcissique est ici majeur. Alors, pour assumer son image par rapport aux autres il reste souvent en quête d’images identificatoires possiblement atteignables. Ces images dépendent étroitement, bien entendu, du monde familial, de ses Imagos parentales, mais aussi de la culture dans laquelle il baigne.
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
L’adolescent a besoin d’une reconnaissance parentale par rapport à cette souffrance que son corps lui donne. Il a besoin de temps pour reprendre confiance et se sentir en sécurité pour apprivoiser sa nouvelle image corporelle. Quand il est en trop grande difficulté face à ces transformations, il peut chercher à contrôler ce corps qui le dépasse de façon négative. Il peut l’attaquer, directement (scarifications, accidents par prises inconsidérées de risques, tentatives de suicide, manipulation ou refus de ses traitements en cas de maladie grave, etc.), entrer dans le cercle vicieux de l’ascétisme (régimes, anorexie) ou du remplissage (boulimie, obésité), qui nie ou masque les transformations corporelles et abrase les inéluctables conflits qui en découlent. En revanche, quand les choses vont bien, l’image du corps qu’il s’est construite dans l’enfance est assez fiable, solide, et positivement investie (par lui et ses parents) (4), pour qu’il ait envie de l’entretenir, d’apprendre à le parer. Il s’adapte peu à peu à lui-même et finit par trouver son style. Le rôle du regard parental est majeur dans la capacité de l’adolescent à accepter ce corps qui change. En effet l’enfant se constitue avant tout dans le regard de ses parents remplis de sollicitude pour lui dès sa naissance. Ce regard lui permet de se construire en s’appuyant sur leur investissement narcissique de lui (l’enfant est une prolongation d’eux-mêmes) et sur leur investissement objectal (les parents peuvent être agréablement surpris par leur enfant). Finalement, entre enfant et parents, le jeu des miroirs réciproque joue (1, 2) : l’enfant fait ses parents, bons parents, et eux lui renvoient qu’il est bien celui qu’ils attendaient. Ainsi, chacun peut trouver sa juste place confortable et gratifiante. Parfois, l’enfant ou l’adolescent est dans une telle difficulté que le miroir devient déformant. La confrontation de l’enfant réel à l’enfant imaginaire est alors beaucoup trop distante et des éléments dépressifs peuvent venir teinter la relation parents/enfant. Certaines étapes précoces sont essentielles pour constituer les fondations qui permettront de se confronter aux nouveaux changements corporels à l’adolescence. C’est le cas de la « sollicitude maternelle primaire » décrite par Winnicott (5), qui renvoie à des fonctions de holding (la façon dont l’enfant est porté), de handling (la manière dont l’enfant est soigné) et à l’object presenting (la façon dont le monde extérieur est présenté à l’enfant). Le dépassement de cette position et la frustration de l’enfant qu’elle suppose permet à ce dernier de constituer un espace de pensée différencié, qui lui permet de tolérer ces frustrations. La mise en danger d’un adolescent, par exemple par une maladie grave, peut réactiver les enjeux vécus à la période de « sollicitude maternelle primaire » par les parents, comme si le seul moyen de guérison pouvait être de régresser assez ensemble pour que le cours des choses reprenne sans le cauchemar de la maladie. Un autre stade important du développement précoce est le stade du miroir, stade fondamental du développement (6) qui se divise en trois étapes se déroulant entre 6 et
L’adolescence et ses enjeux
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18 mois : première étape, l’enfant commence à appréhender dans le miroir l’impression qu’un autre existe, et tente de l’attraper ; deuxième étape, l’enfant se rend compte que l’autre n’est qu’une image dans le miroir ; troisième étape, il perçoit que c’est sa propre image qui se reflète dans le miroir. Il se constitue alors une image symbolique de lui-même, une véritable représentation, en étant tenu dans les bras de sa mère ou de son père. Il se reconnaît après avoir reconnu l’image de ses propres parents. À l’adolescence, le jeu du miroir reprend autrement, mais il s’appuie sur ces moments fondateurs de l’image de soi : l’adolescent qui change se scrute, s’observe, cherche à faire sienne cette nouvelle image de lui qui le surprend, le déroute. Si l’image de soi constituée à ce stade est solide, l’adolescent peut s’appuyer sur cette solidité passée de l’image de lui-même pour affronter les changements liés à sa puberté. Si l’image de soi est fragile, précaire, douloureuse, il sera mal armé pour affronter les processus d’adolescence. C’est parfois le cas lorsque l’adolescent, enfant, a été confronté à une stigmatisation physique (handicap, maladie, etc.) : alors qu’une mère heureuse ou un père heureux sont en général particulièrement joyeux de confronter l’enfant au miroir et de lui montrer son image en lui disant « voilà, tu es mon bébé, le plus beau des bébés », la confrontation au miroir est d’autant plus difficile que l’enfant a été atteint physiquement et que sa maladie et/ou les effets secondaires des traitements ont été visibles. La plupart des parents ont alors beaucoup de mal à se confronter à tous ces reflets qui les font souffrir, les agressent. Dans toutes ces situations, le danger apparaît lorsque les transformations corporelles génèrent une angoisse qui déstructure les relations. Cette angoisse, cette inquiétante étrangeté, peut être vécue par l’adolescent confronté à son propre corps. Elle peut également être vécue en miroir par les parents lorsque le corps de l’adolescent se transforme, comme par une maladie. Les parents sont alors difficiles à atteindre : certains se dépriment ou fuient, et leur adolescent se retrouve seul, inquiet, déprimé ; ou bien ils le surprotègent tellement qu’il bloque son adolescence, ou régresse quand il l’avait entamée.
L’adolescence : identité sexuée et sexuelle Le fait, pour tout un chacun, de savoir s’il est un garçon ou une fille, est bien entendu intégré depuis bien longtemps quand l’adolescence survient. Pourtant, si la résolution de l’Œdipe a permis à l’enfant de comprendre à quoi servait son sexe, à intégrer le tabou de l’inceste, à savoir qu’il doit choisir son objet sexuel en dehors de la famille, en général dans le sexe opposé, elle ne lui a pas donné accès à la réalisation de ses pulsions
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
sexuelles et l’a poussé à attendre la puberté pour pouvoir les mettre en pratique avec une sexualité adulte. Cette dernière intervenue, le plonge dans l’envie, la crainte et le doute quant à ses capacités. Cette insécurité peut s’intensifier dans certaines circonstances comme la maladie grave. L’adolescent ou l’enfant qui a été malade craint toujours de ne pas « être aimable », voudrait avoir un répit pour aimer quand il est atteint d’une maladie à rechute, doit penser qu’il a un avenir pour aimer quand il a une maladie potentiellement létale, doit pouvoir penser qu’il aura un jour des enfants, ce qui est difficile quand il a une maladie dont les traitements provoquent éventuellement une stérilité. La relation à l’autre passe également par le corps, ce qui renvoie l’adolescent à son estime de lui. Dans Le monde à peu près, Rouaud écrit « la question lancinante est : est ce qu’une fille jamais ne s’intéressera à moi, c’est la seule question, en comparaison de laquelle toutes les autres paraissent sans importance et même le sort de la planète à condition bien sûr, qu’il ne remette pas en cause la dite question » (9). Pour avoir confiance en lui, il reste donc étroitement dépendant du regard que les autres lui renvoient de lui-même. Les modèles portés par notre société compliquent encore ce regard, que l’adolescent soit malade ou non. Notre culture fonctionne dans le registre du narcissisme et de l’Idéal, ce qui renvoie aux plus fragiles et aux plus attaqués dans leur corps, notamment par la maladie grave, une image plus négative très difficile à assumer. Dans la majorité des publicités, des films, des sitcoms, des émissions de télé-réalité, les héros sont minces, parfaitement proportionnés, même s’ils doivent cette perfection à la chirurgie esthétique, ou à des morphing informatiques transformant leur image réelle en une image virtuelle plus vraie que vraie. La sexualisation permanente des messages médiatiques n’aide pas non plus les adolescents à entrer progressivement dans le monde de la sexualité. Entre la crainte du sida, la diffusion de films pornographiques consommés souvent bien avant l’adolescence et d’émissions reality-show qui exhibent la sexualité adulte à travers des liens plus pervers qu’amoureux, ils ont souvent bien du mal à trouver leur juste place. Dans ce monde dans lequel l’imperfection est mal acceptée, la maladie grave et sa cohorte d’attaques corporelles complexifient grandement la tâche de l’adolescent pour trouver des images identificatoires atteignables… et les campagnes montrant des patients atteints de cancer en photos sur les murs de nos villes pour vulgariser ces images et nous faire accepter la différence, sont encore bien rares. Avancer à son rythme n’est pas simple non plus dans une société gouvernée par une accélération exponentielle qui fait souvent penser aux parents que les enfants sont des adultes en miniature, qui se doivent d’être précoces et même ados avant l’âge. Ceci n’aide pas du tout les adolescents à dérouler, étape par étape, les processus de séparation/individualisation.
L’adolescence et ses enjeux
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Conclusion Le corps à l’adolescence est le lieu des changements, lieu au sein duquel se concentrent les angoisses, les douleurs, les blessures narcissiques et les deuils, mais aussi lieu de contrôle possible visant à contrecarrer l’impuissance ressentie face à l’emballement de la puberté. Il est aussi le lieu de possibilités nouvelles liées à l’exercice d’une sexualité adulte, le lieu du regard des autres, essentiel dans la consolidation du narcissisme de l’adolescent. Ce fragile équilibre des processus d’adolescence peut être ébranlé par la survenue d’une maladie grave, il est alors important de reconnaître la souffrance de chacun et d’accompagner parents et adolescent dans ce chemin particulièrement difficile. Sans doute l’essentiel est que l’adolescent, en s’appuyant sur sa confiance en l’équipe médicale, puisse faire sien le corps du réel, accepter de régresser par moment pour mieux grandir ensuite, et peu à peu, aménager une image confortable de luimême essentielle pour qu’il s’adapte le plus souplement possible aux évolutions de sa maladie. Les parents, eux, ont la lourde tâche de se faire assez confiance dans leur rôle de parents, pour transmettre assez de confiance à leur enfant, pour que, malgré la maladie, il puisse penser devenir un adolescent à part entière. La prise en charge peut aussi impliquer l’intervention d’un psychologue ou d’un psychiatre, en intégration avec la prise en charge médicale, pour l’adolescent comme pour ses parents. Le psy peut aider les parents à accompagner leur adolescent, et notamment les aider à réanimer leurs capacités parentales en revisitant l’enfance et même les tout premiers moments d’interaction avec leur enfant. Cela permet en général de mieux comprendre les variables qui compliquent les processus d’adolescence et/ou provoquent une douleur morale trop intense, destructrice, chez eux, et/ou chez leur adolescent. Il peut également voir l’adolescent pour l’aider à faire sienne sa maladie, à ne pas abandonner son espoir de grandir, à trouver sa juste place entre une régression indispensable à certains moments de la maladie, et la reprise des processus de séparation/individuation propre à l’adolescence dans les périodes d’accalmie. Ainsi, l’adolescent, étayé par des parents comprenant et encadrant ses allers-retours, peut se forger des Idéaux du moi atteignables, situés entre ses rêves et sa réalité, maladie grave compris. Il peut dès lors développer sa créativité, trouver plus facilement des stratégies d’adaptation, relancer ses identifications, accepter son corps tel qu’il est, penser qu’il peut aussi ressentir grâce à lui du plaisir. Pour peu qu’on les soutienne, les adolescents malades font preuve d’une fabuleuse envie de vivre et d’exister, dès qu’ils sortent des moments d’épuisement dus à leur maladie grave ou à ses traitements.
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
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Être atteint d’un cancer à l’adolescence : aspects psychologiques Gabrielle Marioni
Introduction Être atteint d’un cancer à l’adolescence suppose de se confronter à la conjonction de ces deux événements difficiles que sont la maladie et l’adolescence, l’épreuve du cancer et le travail psychique qui lui est lié entrant en résonance avec les réaménagements psychiques de la puberté et de l’adolescence. Dans ce contexte, la spécificité des enjeux psychologiques chez les adolescents atteints de cancer repose sur deux problématiques principales qui se font écho. La première est que la survenue d’un cancer en période pubertaire prend le contre-pied des exigences développementales de l’adolescent. L’adolescent devra mener parallèlement un « travail de la maladie » et un « travail d’adolescence » dans lesquels corps malade et corps sexué doivent conjointement faire l’objet d’un travail de représentation. Ce travail d’élaboration est difficile, dans la mesure où le « travail de la maladie » et le « travail d’adolescence » engagent des enjeux différents, susceptibles de s’opposer, voire de s’effacer l’un l’autre (1, 2). L’adolescence peut alors masquer la maladie ; ou bien, ce qui est plus fréquent, la maladie masque l’adolescence : l’adolescent met en latence ses interrogations conscientes et inconscientes sur la transformation de son corps et sur l’avènement d’un corps sexué, et remet à plus tard la nécessité d’un remaniement des liens avec son entourage. La deuxième problématique est l’impact de l’adolescence et de ses questionnements sur l’adaptation à la maladie et à ses traitements. Ceux-ci peuvent, dans certains cas (de non-compliance par exemple), devenir, pour l’adolescent, des terrains privilégiés sur lesquels vont se jouer et s’exprimer les conflits pubertaires. Il apparaît donc fondamental d’analyser et de mieux comprendre la spécificité des difficultés psychologiques que peuvent rencontrer les adolescents atteints de cancer, afin d’aider les équipes soignantes à répondre le mieux possible, et de façon pluridisciplinaire, aux besoins et aux attentes de cette population.
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L’impact sur la structuration de soi à l’adolescence Hypothèses étiologiques et fantasmes pubertaires Afin de la rendre plus tolérable et pensable, l’adolescent essaie de relire et de réécrire sa maladie en fonction de son histoire individuelle et familiale. Devenant historien et chroniqueur du passé, il se demande pourquoi la maladie est « tombée sur lui », essayant par là-même d’inscrire l’événement dans la continuité d’une quête identitaire plus profonde et inhérente à cet âge. La fantasmatique pubertaire infiltre les théories que l’adolescent se forge sur l’éclosion du cancer et lui donne une coloration toute particulière. Le cancer, d’une part, peut être vécu comme une punition des premiers élans amoureux, des désirs sexuels et de la réactualisation des mouvements œdipiens, cette punition venant sanctionner l’adolescent dans un corps qui se sexualise et qui devient adulte. L’adolescent, d’autre part, peut inconsciemment percevoir et comprendre la survenue de la maladie comme un événement venant punir son aspiration à devenir autonome, à se distancier de ses parents, et à investir l’extérieur du cocon familial : peut-être aurait-il pu éviter le cancer s’il avait mieux accepté la protection parentale et une certaine dépendance ? Dans ce contexte et afin de se protéger, l’adolescent peut inconsciemment choisir de renoncer aux besoins et aux désirs qui fondent les enjeux de son « travail d’adolescence », et régresser à des positions de dépendance infantile. Les représentations que l’adolescent construit sur son cancer et son étiologie sont par ailleurs en partie fonction de l’organe ou de la partie du corps malades, l’atteinte des sphères génitale et périnéale convoquant des problématiques pubertaires particulièrement complexes.
Vécu corporel : un corps étranger doublement persécuteur Le « travail d’adolescence » concerne particulièrement le corps (3), que les transformations physiologiques liées à la puberté ont fait évoluer vers un corps adulte en mesure, dorénavant, d’agir les pulsions dans leur double dimension libidinale et agressive. L’émergence de ce corps nouveau – sexué et désirant – contraint l’adolescent non seulement à intégrer une nouvelle image de lui-même, mais surtout à subir et à assister, impuissant, à d’importantes transformations qu’il n’a pas décidées et qui l’obligent à un travail d’élaboration difficile. L’adolescent se demande quand ces changements vont s’arrêter, à quoi il va finalement ressembler. Les manifestations et les sensations parfois incontrôlables de ce corps nouveau peuvent être vécues avec une profonde angoisse.
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Dans ce contexte, les transformations corporelles engendrées par la survenue d’un cancer et par les traitements qui lui sont liés, viennent s’ajouter et se superposer aux transformations pubertaires, voire les effacer. L’éclosion d’un cancer à l’adolescence vient donc compliquer voire entraver le travail d’élaboration permettant l’appropriation psychique du corps sexué (ainsi que toutes les problématiques pubertaires qui lui sont corrélées), corps nouveau que l’adolescent doit pourtant adopter, apprendre à aimer, et reconnaître comme sien. En outre, le cancer et les traitements qui lui sont liés, peuvent venir alimenter le sentiment de l’adolescent d’être devenu étranger à luimême, voire augmenter le vécu préexistant d’avoir un « corps étranger » persécuteur, qui l’inquiète et qui fait effraction. Finalement, l’adolescent doit mener de front un travail psychique important qui le confronte à un double traumatisme : celui de la violence liée à l’effraction pubertaire (4, 5) et celui de la maladie. Ce travail d’élaboration psychique apparaît particulièrement complexe et difficile, dans la mesure où il confronte l’adolescent, de façon presque simultanée, à la découverte d’un corps érogène, sexué et de plaisir, très vite (re)transformé, voire effacé par la maladie et les traitements en un corps agressé, défaillant et douloureux. Les modifications pubertaires et la maladie représentent ainsi deux phénomènes inédits qui coexistent brusquement, avec la menace toujours présente que le « corps malade » finisse par occulter le « corps sexué », avec toutes les conséquences que cela peut comporter sur le plan du développement psycho-sexuel.
Effets secondaires des traitements et appropriation du corps sexué L’appropriation psychique du corps sexué est un enjeu majeur du travail d’adolescence. La possibilité de s’identifier au parent œdipien de même sexe, l’élaboration de la bisexualité psychique, la mise en place d’une identité sexuelle définitive et d’une orientation sexuelle, la reconnaissance et l’intégration psychique de l’appareil génital du sexe opposé ainsi que l’acceptation de la masturbation comme moyen de découverte et d’appropriation du corps sexué, représentent différents éléments qui conditionnent et favorisent l’accès à une sexualité et à une position subjective adultes. Dans le contexte de la survenue d’un cancer, l’appropriation du corps sexué est compliquée voire entravée par les effets secondaires des traitements (perte des poils et des cheveux, amaigrissement, fonte musculaire, endolorissement de certaines zones érogènes, atrophie mammaire chez les filles). Ces effets secondaires peuvent en effet être vécus consciemment ou inconsciemment par l’adolescent comme venant effacer voire attaquer son corps sexué (6), ce fantasme pouvant induire celui d’un retour à un corps prépubère, infantile et immature ou encore celui d’avoir un corps asexué ou androgyne. Ainsi, l’effacement du corps sexué par les traitements peut comporter cela
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de traumatique qu’il vient non seulement concrétiser et cautionner, par une inscription corporelle, le désir inconscient et ambivalent de l’adolescent de conserver une position et une sexualité infantiles – et donc de renoncer à une sexualité adulte – mais aussi confirmer et/ou renforcer sa peur inconsciente d’être « incomplet » ou « anormal » sur le plan sexuel, freiner sa tentative de dépasser l’angoisse sexuelle et pubertaire et enfin, justifier l’interdit fantasmatique, surmoïque et œdipien, de se confronter à l’éveil de la sexualité et de prendre plaisir aux mouvements libidinaux et érotiques qui lui sont liés. Dans certains cas plus rares, les effets secondaires des traitements peuvent masquer voire renforcer, chez l’adolescent, des difficultés psychopathologiques d’appropriation du corps sexué qui préexistaient à la survenue du cancer. L’attaque du corps sexué par les effets secondaires des traitements vient alors recouvrir et/ou renforcer un rejet déjà présent, conscient ou inconscient, de la sexualité, qui se traduisait jusque-là par des troubles des conduites alimentaires ou des conduites à risque à dimension suicidaire, comportements qui tous témoignaient d’une agressivité exprimée à l’égard du corps sexué (7). Ce dernier peut en effet être perçu inconsciemment comme un ennemi ou un persécuteur car source d’éprouvés et de désirs sexuels vécus comme angoissants ou dangereux. Il importe donc que l’équipe soignante pluridisciplinaire tienne compte de l’inscription et de la résonance fantasmatique des traitements dans le développement psycho-sexuel et affectif de l’adolescent atteint de cancer ainsi que de leurs conséquences parfois traumatiques. Parmi ces effets secondaires potentiels des traitements, la question de la préservation de la fertilité a une place particulière. Les propositions qui visent à préserver la fertilité (recueil de sperme, préservation ovarienne) sont habituellement abordées avec l’adolescent dès l’annonce du diagnostic, alors que de nombreuses informations concernant le cancer et son traitement doivent également être données. Ces propositions suscitent des questions complexes qui dépassent les enjeux médicaux soulevés par les traitements (8, 9) : sont en effet en jeu la sexualité de l’adolescent et son éventuel désir de devenir parent. Les interrogations liées à l’avenir et à la parentalité (autrement dit au fait de pouvoir un jour « donner la vie ») se télescopent alors avec celles, opposées, liées à l’annonce du cancer et des traitements, qui mobilisent chez l’adolescent d’éventuelles angoisses de mort et une difficulté à se projeter dans le futur. En l’occurrence, l’adolescent peut avoir du mal à composer avec des questions qui concernent sa sexualité, alors qu’il n’a pas encore nécessairement eu d’expériences sexuelles. L’état de sidération dans lequel le plonge l’annonce du cancer peut par ailleurs freiner la réflexion difficile dans laquelle l’engagent les médecins. La préservation de la fertilité convoque également des questions éthiques et psychologiques complexes qui concernent la place des parents dans les décisions de l’adolescent. Il s’agit, pour eux, d’accompagner leur enfant dans ses choix, tout en respectant l’intimité (psychique et corporelle) et l’autonomie dont il a besoin.
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Construction identitaire et sentiment de valeur L’adolescence constitue une étape majeure de la construction identitaire. En témoignent d’importantes questions qui apparaissent à cet âge et que l’adolescent se pose de façon répétitive : « Qui suis-je ? », « Qui souhaiterais-je être ? », « Qui serai-je effectivement plus tard ? ». En effet, les changements corporels induits par la puberté entraînent une interrogation anxieuse sur l’identité, une peur concernant la cohésion et l’unité internes ainsi qu’un sentiment d’inadéquation ou d’étrangeté devant la nouvelle image du corps. Dans ce contexte, la survenue du cancer à l’adolescence, par l’atteinte corporelle qu’elle suppose et la perte de fonction qu’elle engendre parfois (amputation, par exemple), renforcent les doutes anxieux de l’adolescent sur son identité. Il existe notamment une rupture et une discontinuité entre celui qu’il était avant la maladie et ce que celle-ci a fait de lui. Atteint dans son corps par la maladie, par les traitements et leurs effets secondaires (mucites, alopécie, cicatrices, amaigrissement ou surpoids, séquelles physiques liées à certaines opérations, etc.), l’adolescent ne se reconnaît plus physiquement. Ces changements n’apparaissent certes pas brusquement mais sont progressifs et jalonnent le parcours médical de l’adolescent. Au cours des traitements, ce dernier doit successivement composer avec différentes images de lui-même, les assumer et se les approprier pour ensuite les désinvestir : ceci correspond, par exemple, aux périodes d’amaigrissement et de prises de poids successives que l’adolescent subit et qui le mettent en souffrance. L’adolescent se trouve ainsi dans l’obligation d’un perpétuel réaménagement de l’image physique qu’il a de lui-même, la difficulté consistant pour lui à trouver un sentiment de continuité identitaire malgré cette discontinuité et dans cette discontinuité. Par ailleurs, l’adolescent ne se reconnaît pas toujours dans ce qu’il est devenu, psychologiquement, du fait du cancer, et peut en être déstabilisé : « Qu’est-ce que le cancer a fait de moi ? Qui suis-je à présent ? Mon identité se réduit-elle à celle d’un cancéreux ? ». Certains adolescents se sentent plus forts et disent que la maladie leur a donné de l’assurance, une plus grande confiance en eux-mêmes et en les autres, une certaine solidité et qu’elle leur a permis de mieux se connaître et de savoir désormais qui ils sont. D’autres, au contraire, disent se sentir fragilisés par le cancer et craignent que cette vulnérabilité ne touche de façon durable différents aspects de leur vie. L’adolescent va donc devoir mener un travail psychique particulièrement important, afin que la maladie et le corps (même abîmé), puissent malgré tout s’intégrer dans son identité voire participer à la construction de celle-ci.
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L’adolescent et sa mort « possible » Les problématiques relatives à la mort, à la séparation et à la perte, occupent une place et une fonction particulièrement importantes dans le développement psychique de l’adolescent. Les questions existentielles et la quête de sens, sont particulièrement présentes : « Pourquoi je vis et pour quoi je vis ? », « La vie/ma vie a-t-elle un sens ? », « Que vais-je faire de ma vie et dans la vie ? » et « Quel est mon but dans la vie ? ». De plus, la mort et le deuil apparaissent au cœur de la dynamique et des problématiques pubertaires. L’adolescence représente en effet le deuil de l’enfance, aussi bien sur le plan physique que psychologique : l’adolescent doit accepter de « naître » adulte et de renoncer progressivement à des positions infantiles. Par ailleurs, les transformations du corps et l’accès à une sexualité adulte notamment, ravivent la problématique œdipienne de l’enfance et obligent l’adolescent à prendre ses distances par rapport à ses parents. L’adolescent se trouve alors confronté à la nécessité d’un « meurtre parental » symbolique, qui passe par une « désacralisation des parents » et par leur mise à distance physique et psychique. Avec la survenue d’une maladie grave telle que le cancer, ces questions conscientes et inconscientes autour de la mort, de la perte et de la séparation, passent du statut de fantasme ou de question plus ou moins abstraite ou symbolique, au statut de réel possible. Cette mort possible interfère avec la dynamique adolescente, l’ébranle et la complique. Le besoin de maîtrise et le sentiment de toute-puissance qui lui est corrélé, habituellement très présents chez les adolescents, sont bouleversés par la survenue de la maladie et de la mort possible. Par ailleurs, la problématique de la « limite », particulièrement importante à l’adolescence, prend une résonance particulière avec la survenue du cancer : la maladie confronte l’adolescent à la question de la limite du vivant, du pensable, du corps, du temps mais, surtout, à la « limite des limites » qui est la mort. L’adolescent atteint de cancer peut se demander jusqu’où ira la dégradation physique engendrée par la maladie et par les effets secondaires des traitements. Enfin, et c’est sans doute l’une des dimensions les plus importantes, l’éventualité d’une mort possible ébranle l’adolescent dans ses projets d’avenir, à un âge où tout est encore à construire. L’adolescent se demande s’il va devoir faire le deuil d’un devenir adulte, s’il pourra construire une famille, avoir des enfants… Ces questions, du reste, convoquent de façon latente d’autres questions en lien avec la sexualité : pourra-t-il expérimenter une sexualité adulte ? Pourra-t-il aimer et être aimé, désirer et être désirable, malgré l’expérience du cancer et la connotation de mort qui lui est corrélée ? Pourra-t-il avoir des enfants ou bien devra-t-il y renoncer, de peur, par exemple, qu’ils soient eux aussi atteints d’un cancer ? La possibilité d’une mort proche ébranle, en effet, la confiance que l’adolescent peut avoir en lui-même et dans la vie.
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L’adolescent et son environnement Que signifie « être l’adolescent de parents d’un adolescent malade » ? La survenue du cancer engendre, chez l’adolescent, un « double traumatisme » (10) : un trauma direct, d’une part, surdéterminé fantasmatiquement, lié aux conséquences psychologiques de l’atteinte somatique sur l’adolescent ; un trauma indirect, d’autre part, lié au retentissement psychique des réactions parentales sur l’adolescent. L’impact traumatique de la maladie, en effet, n’est pas uniquement lié à l’affection corporelle dont l’adolescent est atteint mais à ce qu’il suppose être, à tort ou à raison, consciemment ou inconsciemment, le vécu de ses parents face à la maladie. Ce qui est éprouvant, pour l’adolescent, c’est d’être « l’enfant de parents d’un enfant malade ». Ce qui est traumatique pour lui, c’est peut-être de percevoir, dans le regard de ses parents, la difficulté de le regarder parce qu’il incarne et leur renvoie une double blessure : d’avoir fait du mal à leur enfant en le « faisant » malade, et d’avoir fait un enfant qui leur fait du mal en étant malade. Ce qui est traumatique, finalement, pour l’adolescent, c’est d’être un traumatisme pour ses parents. L’adolescent s’accuse d’être à l’origine de leur effondrement, d’être leur malheur, un poids et un souci. Et bien qu’il ne connaisse pas nécessairement l’origine de sa maladie, il sait néanmoins qu’elle fait partie de lui. De là à penser que la maladie ou plutôt le mal, c’est lui, il n’y a qu’un pas. Cette identification à un mauvais objet – cette incarnation du mal – recouvre une blessure narcissique et une culpabilité importantes. Le mal (supposé ou réel, conscient ou inconscient) que l’adolescent pense avoir fait à ses parents en étant malade fait l’objet d’un travail d’élaboration psychique, un « travail du mal » (11), qui apparaît comme un ensemble d’opérations psychiques inconscientes permettant l’élaboration du mal engendré par la maladie et qui affecte la relation du sujet à ses objets internes. Ce concept est directement inspiré des travaux de Pédinielli sur le « travail de la maladie » (12), le « travail du mal » étant au mal psychique, ce que le « travail de la maladie » est au mal somatique. L’adolescent tentera de mener ce travail psychique du « mal » durant toute l’épreuve du cancer, et même bien après la fin des traitements. Le mal fait aux parents entrave, à plusieurs titres, le travail psychique de réaménagement des liens de l’adolescent et notamment ce que P. Blos appelle le « travail de “désengagement” » (13). L’expression de l’agressivité inhérente au travail d’adolescence est en effet rendue difficile, chez l’adolescent atteint de cancer, par la préexistence de la maladie et du mal : elle grève notamment l’expression des mouvements pulsionnels agressifs, la mise à distance de l’objet œdipien et, de manière plus générale, la séparation.
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L’éclosion de mouvements agressifs, la destructivité et la gestion de la haine sont en effet afférentes au travail normal d’adolescence : « Si, dans le fantasme de la première croissance, il y a la mort, dans celui de l’adolescence, il y a le meurtre », rappelle Winnicott (14). À la base de toute adolescence en effet, il y a le meurtre des imagos parentales, condensé fantasmatique de l’agressivité liée à toute croissance : « grandir (en effet) est par nature un acte agressif » (15). L’attaque des objets internes conditionne donc la possibilité de distanciation de l’adolescent et sa subjectivation. Chez l’adolescent atteint de cancer, parents et adolescent demeurent prudents dans la lutte à mort symbolique que suppose le travail d’adolescence car la mort réelle, toujours possible, pourrait donner réalité à leurs fantasmes (16). L’expression de l’agressivité est également entravée chez l’adolescent par le lien de souffrance qui s’est établi avec les parents du fait de la maladie. Inconsciemment coupable du mal qu’il pense leur avoir fait en étant malade, l’adolescent ne peut que difficilement laisser s’exprimer ses mouvements pulsionnels agressifs pubertaires, qui majoreraient son sentiment de culpabilité : comment peut-il les agresser après tout le mal qu’il leur a déjà fait en étant malade ? N’ont-ils pas déjà suffisamment payé ? Ces mouvements risqueraient d’augmenter encore la souffrance et la fragilité de ses parents, eux qu’il perçoit déjà parfois désarmés et déstabilisés par sa faute. Les endommager plus encore, ce serait par ailleurs risquer de les perdre alors même qu’il a besoin d’eux pour se construire. Ayant le sentiment d’avoir déjà fait suffisamment de mal à ses parents, l’adolescent peut alors choisir de ne pas aggraver une peine déjà lourde et chercher à protéger ses parents de ses attaques. L’emprise de la maladie et du mal sur sa vie pulsionnelle peut ainsi retarder, réprimer, inhiber, interdire les motions pubertaires, voire conduire l’adolescent à y renoncer, empêchant ou entravant tout mouvement de séparation et de subjectivation. La maladie et le mal peuvent également compliquer le désengagement du lien aux objets œdipiens. À l’adolescence, le réveil pulsionnel et la possibilité d’une réalisation sexuelle confrontent le sujet à la menace incestueuse. Cette résurgence des conflits œdipiens éveille des désirs parricides, l’expression d’une certaine agressivité visant à mettre à distance les objets œdipiens et certains mouvements incestueux. Chez l’adolescent atteint de cancer, de nombreux paramètres compliquent le dépassement de ce conflit œdipien. La forte présence et l’implication des parents (et notamment des mères) auprès de leur enfant, et la proximité corporelle que cette situation induit, donnent une coloration particulière aux liens instaurés. Ceci complexifie notamment le travail psychique du garçon atteint de cancer par rapport à ses désirs incestueux et rend par ailleurs compliqué, dans la relation mère-fille, le travail de distanciation et l’affrontement œdipien. D’autre part, le peu de présence voire parfois l’absence d’un tiers séparateur dans la relation mère-enfant ne fait que fragiliser l’accès à la triangulation œdipienne.
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La maladie et le mal peuvent enfin entraver la séparation de l’adolescent d’avec ses parents. Pour pouvoir se séparer, l’adolescent doit, d’une part, avoir pu intérioriser des imagos suffisamment bonnes, et d’autre part, éprouver un sentiment de sécurité interne. Or, le mal qui a été fait constitue, chez l’adolescent atteint de cancer, une entrave à ces deux conditions. Nous savons, en effet, dans la problématique de la conflictualité inhérente au travail d’adolescence, combien le couple parental interne/réel suffisamment bon représente un support indispensable dans l’accès à l’autonomie et à l’âge adulte. Or, chez l’adolescent atteint de cancer, l’expérience traumatique de la maladie et du mal atteint la solidité des objets internes. Dans ce contexte, il s’avère difficile de quitter des parents perçus comme fragilisés et en souffrance, surtout lorsqu’on se sent responsable de leur vulnérabilité. Et c’est finalement la culpabilité et le besoin de réparer ses parents intérieurs qui entrave, en partie, chez l’adolescent atteint de cancer, la renonciation aux liens qui l’unit à eux. L’un des points qui conditionne la possibilité de tout adolescent à se séparer, est par ailleurs le sentiment de sécurité interne, celui-ci dépendant en partie de la qualité des intériorisations et de l’édification de bases narcissiques solides. Or, ces deux points peuvent apparaître défaillants chez l’adolescent atteint de cancer. Le sentiment d’insécurité vient notamment du défaut d’introjection d’objets internes protecteurs et sécurisants, capables d’atténuer les angoisses de l’adolescent. Les parents peuvent en effet être représentés comme peu rassurants car eux-mêmes vulnérables, anxieux et envahis par des angoisses de mort vis-à-vis de leur enfant malade, la séparation étant représentée comme un danger car susceptible de s’accompagner d’une mort réelle. L’attitude souvent surprotectrice des parents fait par ailleurs obstacle à la confiance que l’adolescent atteint de cancer peut avoir en lui-même. En effet, l’hyperprotection parentale peut entraver la constitution d’un pare-excitation et d’un sentiment de sécurité internes, qui permettraient à l’adolescent de puiser dans ses propres ressources intérieures pour devenir autonome. Percevant par de multiples canaux que ses parents l’estiment vulnérable, il peut finalement inconsciemment faire le choix de rester sous leur protection. La difficulté propre aux parents à se séparer de leur enfant malade représente un autre point susceptible d’entraver le travail de séparation de l’adolescent atteint de cancer. En effet, tout pas vers l’autonomisation est fantasmatiquement anticipé par les parents comme une séparation dangereuse car perçue comme une menace de perte voire comme une menace de mort. L’adolescent, du reste, peut avoir peur de réellement mourir s’il s’éloigne de ses parents, la mort pouvant venir comme punition d’avoir voulu prendre de la distance et assouvir ses besoins pubertaires et justifiant, par là-même, les craintes parentales. Angoisse de séparation, angoisse de mort et angoisse de disparition sont donc ici entremêlées.
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Finalement, bien qu’ils ne voient apparemment pas d’inconvénients à ce que l’adolescent exprime des besoins d’autonomie, les parents demeurent ambivalents, oscillant entre leurs propres besoins de dépendance et d’indépendance, ces mouvements rendant difficile l’accès de l’adolescent atteint de cancer à une certaine autonomie.
Le retentissement sur la relation aux pairs L’implication dans un groupe de pairs constitue une tâche importante du travail d’adolescence. La capacité à établir des relations de qualité avec les autres jeunes (du même sexe ou du sexe opposé) et à s’identifier à eux, représente en effet un facteur important qui contribue à la distanciation et à la différenciation de l’adolescent d’avec ses parents ainsi qu’à son autonomisation sociale. Or, la survenue d’un cancer à l’adolescence peut engendrer des difficultés dans le maintien ou la construction d’une relation aux pairs. Les périodes en effet répétées et parfois longues d’hospitalisations, les restrictions de sorties liées aux aplasies et aux problèmes médicaux, la fatigue physique et psychique, ainsi que les liens accrus de dépendance aux parents, peuvent majorer le sentiment d’isolement. Les retombées physiques de la maladie, notamment, contraignent l’adolescent à pratiquer moins d’activités physiques, sociales, culturelles et de loisirs, et peuvent le mettre en souffrance. Par ailleurs, les relations aux pairs se complexifient. L’adolescent atteint de cancer peut craindre, à tort ou à raison, que les autres le rejettent du fait de sa maladie. Il en vient donc parfois à s’isoler lui-même pour se protéger d’un éventuel rejet ou bien de certaines réflexions qu’il juge parfois maladroites. L’impact de la maladie et des effets secondaires des traitements sur l’apparence du corps (et du corps sexué tout particulièrement) viennent également accentuer le décalage entre l’adolescent et ses pairs et la tentation de s’isoler. D’autre part, ne participant plus concrètement à leur quotidien (dans le meilleur des cas, il prend des nouvelles par téléphone, mail ou msn), l’adolescent peut avoir l’impression de ne plus partager les mêmes préoccupations et d’être en décalage, ce qui renforce encore chez lui le sentiment d’être seul et différent. Enfin, la confrontation à sa propre mort possible donne à l’adolescent un savoir que les autres peuvent inconsciemment avoir peur de partager. Ce savoir peut modifier le regard que l’adolescent porte sur sa vie, et générer par là même un décalage entre les aspirations qui l’occupent et celles des autres. Ses camarades perçoivent alors l’adolescent comme différent, transformé voire préfèrent le penser inaccessible du fait de ce savoir.
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Les conséquences sur la scolarité et sur les projets professionnels Les adolescents atteints de cancer rencontrent d’importantes difficultés dans leur cursus scolaire, que ce soit sur le plan des apprentissages ou sur celui de la réussite scolaire. Ces difficultés résultent de différents éléments : problèmes neuropsychologiques induits par la maladie et/ou par les traitements (difficultés de concentration, problèmes d’attention ou de mémorisation, lenteur, etc.), difficultés scolaires préexistant à la maladie et renforcées par elle, survenue de la maladie à une période clef des apprentissages, absentéisme scolaire répété et prolongé (du fait des hospitalisations, des aplasies, de la fatigue, de séquelles physiques empêchant l’adolescent de se déplacer, etc.), difficultés psychologiques (peur du regard des pairs, peur de se montrer sans cheveux, sentiment de ne pas pouvoir être compris, etc.), ou encore réactions inadaptées de la part des parents (sous-estimation du rôle de l’école dans le développement intellectuel, psychologique et social de leur enfant, surprotection, etc.) et, dans certains cas, manque de soutien de la part de l’équipe hospitalière pour préserver une scolarité. Les absences, voire les interruptions scolaires, peuvent être lourdes de conséquences, pas uniquement en termes d’apprentissage mais également sur le plan du développement psychologique. L’école, en effet, représente un lieu privilégié où se jouent et s’élaborent d’importantes problématiques pubertaires. La confrontation aux pairs et à l’autorité notamment, mettent l’adolescent en position de travailler certains enjeux psychologiques centraux : l’élaboration des identifications, la construction du sentiment de valeur, l’élaboration d’une bonne image de soi, le travail de séparation d’avec les parents avec la nécessité d’investir des liens extrafamiliaux, etc. Encourager la scolarité et, indirectement, le projet professionnel, n’a donc pas uniquement pour but d’éviter à l’adolescent un retard scolaire ou un décalage avec les pairs (dans le cas d’un redoublement) ni de favoriser ou de prévenir une meilleure insertion après la fin des traitements, mais de l’aider dans ses enjeux psychiques pubertaires. Préserver la scolarité, c’est également soutenir chez l’adolescent l’espoir d’un avenir possible, malgré la gravité de la maladie. Par ailleurs, dans les cas d’adolescents dont le pronostic est très mauvais, la poursuite d’une scolarité garde tout son sens : elle s’inscrit dans une démarche de soins palliatifs (dont l’un des objectifs est de rendre décentes les conditions de fin de vie), mais elle trouve également sa place dans la perspective d’un accompagnement psychologique des problématiques psychiques pubertaires qui occupent l’adolescent jusqu’à ses derniers instants.
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Particularités de l’après-traitement à l’adolescence Grâce aux progrès médicaux de ces dernières années, les taux de survie ont augmenté chez les adolescents atteints de cancer. Ces résultats conduisent aujourd’hui de nombreux cliniciens et chercheurs à s’intéresser au vécu des adolescents durant la période qui suit la fin des traitements et à interroger la manière dont cette population pourrait être encore mieux aidée psychologiquement. En effet, la fin des traitements ne constitue pas, sur le plan psychologique, la fin de l’histoire du cancer, et ce que les adolescents font de l’expérience traversée dépend en partie de la manière dont elle s’est déroulée (16). L’intensité de leur souffrance n’est par ailleurs pas nécessairement proportionnelle à la gravité du pronostic, à la lourdeur des traitements qu’ils ont subi ni aux séquelles physiques dont ils sont atteints. Il importe donc que les adolescents puissent bénéficier d’une aide pendant la période de rémission, au moment de la rechute et même après la guérison. La période de rémission est marquée par la nécessité de trouver de nouveaux repères identitaires, familiaux, affectifs, sociaux, scolaires, relationnels, culturels, loin de l’univers hospitalier et de la maladie. Il s’agit d’une période de réadaptation progressive à la vie « normale », néanmoins infiltrée par l’expérience du cancer et qui ne peut donc plus tout à fait correspondre à celle d’« avant la maladie ». Les difficultés que l’adolescent rencontre sont notamment liées aux séquelles physiques et psychologiques du cancer, à l’atteinte du corps et de l’image de soi, à la qualité de la communication avec l’entourage et au sentiment de décalage ou de différence qu’il peut ressentir dans sa relation avec ses pairs. L’adolescent évoque parfois la difficulté à retrouver une juste distance dans la relation à ses parents mais également sa peur de l’avenir (familial, scolaire/professionnel, amoureux) et de la récidive. La récidive, lorsqu’elle survient, est toujours une expérience difficile. L’adolescent a éventuellement eu le temps de voir ses cheveux repousser, de retrouver une image physique de lui-même proche de celle d’avant la maladie, d’instaurer de nouveaux liens avec ses pairs, de rattraper son éventuel retard scolaire et de retrouver des activités de loisirs… La récidive vient briser toute cette dynamique de réaménagements importants qui s’étaient instaurés sur les plans physique, psychologique et social. L’adolescent peut la vivre comme le signe d’un destin négatif qui s’impose à lui, malgré lui : il ne pourra jamais se déprendre du cancer, qui ne lui laisse aucun espoir de guérison. Dans tous les cas, l’adolescent compose avec ce nouvel événement selon la manière dont il a vécu, compris et toléré la première période de maladie et de traitements. L’annonce de la guérison, au même titre que l’annonce d’une récidive ou de l’impossibilité de poursuivre des traitements curateurs, suscite des réactions psychologiques complexes chez l’adolescent. Ce dernier peut en effet se sentir déstabilisé par les mouvements ambivalents qu’il éprouve, entre la joie que l’expérience du cancer soit
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enfin derrière lui et la difficulté à se détacher de cette expérience qui l’a occupé pendant très longtemps et qui a partiellement forgé son identité. Le cancer laisse en effet des traces importantes dans différents aspects de la vie de l’adolescent : dans sa façon d’être, dans ses choix, dans l’image qu’il a de son corps et de lui-même, dans sa sexualité, dans son sentiment de valeur, dans son identité et son rapport aux autres, dans son sentiment de sécurité et son rapport au temps, dans sa place sociale et familiale… Ces traces peuvent être positives ou négatives : sentiment d’être devenu fragile ou plus fort, besoin de parler de l’expérience traversée ou au contraire peur de se confronter au regard des autres, désir d’inscrire l’expérience du cancer dans son histoire et dans son identité mais également peur d’être réduit à une identité d’« ancien cancéreux », désir de mettre à distance la maladie voire de l’oublier et besoin de trouver néanmoins une continuité et une cohérence dans son histoire individuelle… Même guéri, l’adolescent peut être porteur de séquelles physiques, neuropsychologiques et/ou psychologiques importantes, qui pèsent sur sa vie et la limitent parfois. Les « marques psychologiques » du cancer, qui ont notamment laissé des traces dans la vie relationnelle et sexuelle de l’adolescent, ainsi que certaines questions conscientes et inconscientes restées en suspens, referont parfois surface à l’occasion d’étapes importantes de la vie de l’adolescent : entrée dans le monde du travail, engagement dans une vie de couple, désir de devenir parent, etc. Ces questions pourront parfois s’exprimer par des moyens détournés (conduites à risque, autodestructrices ou délinquantes), signes que l’expérience du cancer n’a pu être complètement élaborée. Il importe donc que l’adolescent guéri devenu adulte puisse trouver des interlocuteurs susceptibles de l’accompagner dans ses questions. Il importe de réfléchir aux modes d’accompagnement psychologique qui peuvent être offerts aux adolescents après la fin des traitements. Proposer, par exemple, de façon systématique, un entretien psychologique à l’occasion des consultations médicales de surveillance, ou développer mieux encore les réseaux extra-hospitaliers susceptibles d’offrir un espace d’écoute et d’élaboration, pourraient constituer des solutions possibles pour aider les adolescents en rémission ou guéris d’un cancer.
Modalités pubertaires d’expression de la souffrance psychique C’est ainsi à chaque temps du traitement que la survenue du cancer à l’adolescence peut engendrer une souffrance psychique importante, qui entre en résonance avec les émotions et les conflits psychologiques inhérents au travail d’adolescence. Dans ce contexte, la difficulté pour les soignants consiste à parvenir à différencier les problèmes
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psychiques qui relèvent de la maladie et ceux qui sont propres à l’adolescence. Il importe en effet que les équipes soignantes demeurent vigilantes à ne pas réduire toute expression de souffrance à la seule maladie. De façon générale, les adolescents n’expriment pas nécessairement leur détresse de façon explicite. Dans le contexte du cancer, il arrive que certains se murent dans un silence, disent ne pas rencontrer de difficultés ni se poser de questions, comme si ne pas penser pouvait magiquement les protéger d’une mort possible. La suspension des processus de pensée, le refoulement massif voire le déni constituent, dans ce cadre, des « outils » privilégiés de protection psychique pour essayer de composer avec les angoisses que suscitent la maladie, les traitements et la menace de mort qui leur est liée. C’est d’ailleurs après la fin des traitements, lorsque le potentiel létal de la maladie est mis en suspens, que les adolescents apparaissent les plus disponibles pour parler de ce qu’ils ont vécu et l’élaborer. Mais chez l’adolescent atteint de cancer, comme chez tout adolescent de la population générale, ce sont le corps et le comportement qui représentent des terrains et des outils privilégiés d’expression de la souffrance psychique. L’adolescent, en effet, agit plus qu’il ne recourt à la parole pour exprimer ses préoccupations et ses questions conscientes et inconscientes (17). Ainsi, la maladie et les traitements pourront être utilisés pour exprimer des conflits qui préexistaient à la maladie, qui sont inhérents au travail d’adolescence ou qui sont engendrés par la survenue du cancer. L’adolescent pourra également mettre en avant ses difficultés par des moyens détournés qu’il s’agira de décoder : plaintes somatiques, douleurs et problèmes alimentaires non expliqués médicalement et qui seront majorés ou minimisés, troubles du sommeil, maux de tête… Par ailleurs, l’adolescent peut recourir à des conduites plus bruyantes comme la colère, l’opposition et la non-compliance. Les conduites agressives envers les soignants et les parents, habituellement proportionnelles à la détresse et aux peurs conscientes et inconscientes de l’adolescent, sont souvent destinées aux imagos parentales et recouvrent de multiples dimensions enchevêtrées qui demandent à être analysées : peur de devenir, aux yeux de ses parents, le mauvais enfant qui n’a pas su répondre à leurs attentes, peur de les décevoir ou de ne plus être aimé, réinterrogation du désir parental qui fut à l’origine de sa vie… Ces comportements sont à entendre comme des moyens de donner une expression à l’angoisse et aux conflits psychiques liés à la maladie, aux problématiques pubertaires, et/ou à l’histoire individuelle de l’adolescent. Ils risquent de fragiliser les relations de l’adolescent à sa famille et à l’équipe soignante s’ils ne sont pas analysés et accompagnés psychologiquement.
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Conclusion La survenue d’un cancer suppose, pour un adolescent, de pouvoir composer avec deux événements inédits que sont la maladie et l’adolescence. Dans ce contexte, il importe que l’équipe pluridisciplinaire qui accompagne l’adolescent puisse tenir compte, d’une part, des besoins liés à la maladie et aux traitements, d’autre part, des enjeux psychiques soulevés par le travail d’adolescence, et enfin, des interactions que l’adolescent entretient avec son environnement. Le cancer, en effet, est susceptible d’entraver le travail d’adolescence – et réciproquement – et d’engendrer des séquelles psychologiques sur le long terme. La réalité d’une mort possible, par ailleurs, ainsi que la culpabilité d’être malade, peuvent freiner le remaniement des liens aux parents, et compromettre l’accès à l’autonomie et la construction identitaire de l’adolescent. Ce dernier doit donc pouvoir être aidé psychologiquement durant toute l’épreuve du cancer et même après la fin des traitements, afin de pouvoir composer le mieux possible avec les enjeux psychiques du travail d’adolescence, malgré la maladie. La structuration de dispositifs consacrés à la prise en charge spécifique d’adolescents atteints de cancer doit contribuer à la prise en compte des besoins et des attentes particulières de ces jeunes, dans toutes leurs dimensions : médicales, psychologiques et sociales.
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Lieux et structures de prise en charge des adolescents atteints de cancer ? Étienne Seigneur, Cécile Flahault et Valérie Laurence
Introduction La survenue d’un cancer chez un adolescent pose des problèmes spécifiques sur le plan médical mais aussi psychologique, scolaire, social ou encore familial. À cette période de la vie, marquée par une transition délicate de l’enfance vers l’âge adulte, le traitement d’un cancer nécessite une reconnaissance et une prise en compte de l’ensemble de ces différents besoins afin d’aider au mieux l’adolescent et ses proches à traverser cette expérience. Cette tâche n’est pas toujours aisée pour les soignants en oncologie qui ne sont pas forcément familiers de ces enjeux liés à la survenue d’un cancer à l’adolescence. La prise en charge de ces adolescents atteints de cancer reste encore assez hétérogène, principalement du fait de la survenue de la maladie à une période frontière entre enfance et vie adulte, ce qui fait que les adolescents sont traités soit dans des unités de cancérologie pédiatrique, soit dans des services d’oncologie ou d’hématologie adulte (1). Afin de mieux prendre en compte les besoins psycho-sociaux de ces adolescents, de leur offrir un environnement adapté et enfin d’optimiser la qualité et l’efficacité des traitements, la création d’unités dites « dédiées » aux adolescents et/ ou aux jeunes adultes, le plus souvent âgés de 15 à 25 ans, est discutée, programmée ou parfois encore aboutie dans bon nombre de structures hospitalières de soins (2, 3). Il apparaît également que ces unités dédiées correspondent à un souhait relativement majoritaire parmi les adolescents étant ou ayant été traités pour un cancer (4, 5). Nous allons présenter ici quelques réflexions ayant trait à cette question des lieux et modalités de traitement des adolescents atteints de cancer.
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Incidence des différents types de structures de soins sur les aspects médicaux Il semble utile de rappeler tout d’abord que, selon les résultats d’une étude française relativement récente (6), le traitement d’un adolescent atteint de cancer est assez rarement géré par un pédiatre. Le plus souvent, il relève d’un oncologue ou d’un hématologue d’adultes, aidé le plus souvent de spécialistes, chirurgiens en particulier pour les tumeurs solides, et parfois du médecin généraliste. Ainsi, on estime qu’environ 5,5 % des adolescents sont traités dans une unité pédiatrique et que seulement 4,2 % de ces cancers survenant chez des adolescents (15-19 ans au moment du diagnostic) sont traités de façon conjointe par des équipes pédiatriques et adultes collaborant ensemble dans cet objectif. Dans près de 90 % des cas le traitement est donc instauré dans un service d’adulte (1, 6). Classiquement on avait l’habitude de dire que les taux de survie étaient un peu moins bons pour cette tranche d’âge, les adolescents et jeunes adultes ayant moins bénéficié des avancées thérapeutiques que les enfants ou les adultes plus âgés, notamment du fait d’une moindre inclusion dans les essais thérapeutiques (7). Il semble que les résultats très récents mettent en évidence un accroissement des taux de survie plus marqué pour les adolescents et adultes jeunes, même si leur survie globale reste toujours un peu moins bonne (8). Nous renvoyons sur ce point au premier chapitre de cet ouvrage. Certains articles médicaux offrent une réflexion sur l’organisation des soins et ses effets sur l’inclusion dans les essais cliniques, encore peu développés dans ce champ (9, 10). D’autres soulignent que les adolescents et jeunes adultes sont désavantagés dans leur prise en charge du fait du délai diagnostique et du fait qu’ils reçoivent fréquemment des traitements sous-optimaux (11). La collaboration entre pédiatres et oncologues semble fondamentale pour inclure davantage de sujets dans les essais, améliorer les connaissances sur les traitements et à terme améliorer la survie et la qualité de vie. Les auteurs recommandent de recueillir les souhaits spécifiques des adolescents, et de les impliquer dans les décisions thérapeutiques (12). Pour ce faire, ils recommandent des prises en charge par des équipes formées aux attentes des adolescents et la constitution de groupes de travail spécifiques qui incluent les soignants et les adolescents.
Quelles compétences spécifiques pour les équipes prenant en charge les adolescents et jeunes adultes ? La capacité des équipes soignantes à repérer les besoins et souhaits des adolescents a fait l’objet de plusieurs études. Certains auteurs ont ainsi comparé les souhaits
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repérés par les soignants à ceux décrits par les adolescents ayant eu un cancer plusieurs années auparavant (13). La méthode de l’étude consiste à repérer au sein du discours de chacun les thèmes les plus pertinents, puis à les classer. Il ressort de la comparaison de ces classements entre adolescents et soignants qu’il n’y a généralement pas de différence quant aux catégories concernant les traitements, les soins de support, les souhaits psychologiques pendant les traitements et en post-traitement. Cependant, il apparaît que les adolescents donnent moins d’importance au support familial que les soignants et mettent davantage en avant le souhait d’être en contact avec des pairs qui ont été touchés par le cancer, contacts leur permettant de développer de nouvelles stratégies adaptatives et de partager leurs ressentis. De plus, la comparaison de l’évaluation de la détresse psychologique, de l’anxiété et de la dépression des adolescents en traitement par les infirmières et les médecins met en évidence un consensus entre médecins et infirmières quant à l’évaluation des effets secondaires somatiques des traitements, mais des difficultés à évaluer les problèmes d’ordre psychologique (14). Globalement, on retrouve une moins bonne estimation par les médecins de la détresse psychologique en comparaison à l’évaluation par les infirmières, qui pour leur part évaluent moins pertinemment les difficultés somatiques. Cependant, les médecins tout comme les infirmières surestiment cette détresse, alors que certaines craintes, comme celles liées à la scolarité et à certains problèmes médicaux comme la mucite, sont sous estimées. Les auteurs soulignent l’importance de la communication pour une meilleure évaluation et prise en charge des souhaits des adolescents. Enfin des études de type qualitatives sont intéressantes afin de dégager ce qui est source de difficultés mais également ce qui est potentiellement aidant pour ces jeunes patients ainsi que pour les équipes soignantes (15).
Des unités spécifiques dédiées aux adolescents Exemple du Teenage Cancer Trust au Royaume-Uni Le Teenage Cancer Trust (TCT) est une fondation de charité dont l’objectif est de permettre l’accès aux adolescents et jeunes adultes atteints de cancer aux meilleurs soins possibles afin que leur expérience du traitement du cancer reste la plus positive possible (16). Ses missions découlent donc de l’importance d’envisager des prises en charge spécifiques dédiées aux adolescents atteints de cancer dont les souhaits ne relèvent ni des unités pédiatriques ni des unités adultes (17, 18). Le TCT permet la construction, en lien avec le système public de santé, d’unités spécialisées qui sont
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reconnues comme centres de référence pour la prise en charge des adolescents atteints de cancer. Ces unités veillent à répondre de manière adéquate aux souhaits spécifiques de cette tranche d’âge : souhaits médicaux, psycho-sociaux, relationnels, financiers, éducatifs, professionnels et au niveau des assurances. Ces nombreuses spécificités nécessitent d’envisager de former les professionnels à la prise en charge spécifique de ces adolescents et à partager une réflexion sur les pratiques, d’où les nombreuses actions de formation et de sensibilisation du TCT (www.teenagecancertrust.org). À l’heure actuelle, il existe neuf unités TCT au sein du Royaume-Uni ; il devrait en exister vingt-deux d’ici l’année 2012.
Évaluations et réflexions concernant les unités dédiées aux adolescents Les objectifs de ces unités sont donc mixtes : médicaux (possibilité de traitements adaptés aux spécificités de cette tranche d’âge, facilitation de l’inclusion des essais cliniques), psychosociaux (personnels spécifiques et donc formés, facilitation des contacts entre patients et parents de patients) et environnementaux (environnement adapté, en termes de matériel ou de fonctionnement – horaires, visites, etc.). Ils sont loin d’avoir tous été évalués. En ce qui concerne les aspects psychosociaux, une évaluation qualitative de la première unité dédiée aux adolescents en Grande-Bretagne a été publiée (19, 20). Cette évaluation par des entretiens semi-structurés a concerné les adolescents atteints de cancer, leurs parents et des professionnels de santé. Elle a fait émerger six catégories thématiques : les unités de cancérologie et les angoisses qui s’y rattachent, les points principaux du parcours des adolescents atteints de cancer, les souhaits et les réponses spécifiques attendues, le contexte social qui doit être adapté, la place de la famille et le souhait d’une équipe spécialisée. Ces regroupements thématiques confirment certains arguments en faveur de ce type d’unité : cette unité se structure autour des souhaits spécifiques de l’adolescent et de sa famille, d’où une expertise particulière des soignants. Les parents et adolescents de l’étude évoquent le fait que, dans leur expérience, les services adultes, tout comme les services pédiatriques, ne sont pas tout à fait appropriés. Les adolescents soulignent le souhait d’être entourés par des pairs de leur âge traversant les mêmes difficultés. La famille, quant à elle, trouvera une écoute adaptée auprès d’une équipe pluridisciplinaire formée, et les unités dédiées permettent aux équipes d’avoir des lieux d’échanges et d’entraide. Cet environnement spécialisé peut cependant renforcer la sensation d’être différent des adolescents bien portants, et confrontera forcément l’adolescent à l’évolution de la maladie et à la mort.
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Le bénéfice des aspects environnementaux a également été évalué. Une étude menée auprès de 31 adolescents en cours de traitement ou l’ayant récemment achevé montre que les adolescents sont globalement satisfaits vis-à-vis des soins qu’ils ont reçus quel que soit le type de service (unité dédiée versus unité pédiatrique ou adulte) (21), mais sont en revanche significativement plus satisfaits de l’environnement des soins dispensés dans les unités dédiées (possibilités de détente, espace de travail, ambiance sonore et proximité de jeunes du même âge) ; en revanche, ils restent tous insatisfaits, quel que soit le type de structure, de la nourriture de l’hôpital et des menus proposés. Au plan médical, ces unités semblent pouvoir répondre adéquatement aux souhaits médicaux spécifiques et, ce, autrement que par une orientation selon l’âge vers des unités pédiatriques ou adultes. Les techniques médicales relèvent généralement des deux domaines et doivent pouvoir être rassemblées autour de l’adolescent. L’évaluation des unités dédiées aux adolescents reste à poursuivre et trop peu de données existent encore permettant de statuer sur le meilleur type de prise en charge et sur la légitimité de ces unités (22). Par ailleurs, certains points restent capitaux et insuffisamment travaillés, comme l’amélioration du passage entre les différents services, pédiatriques, adolescents puis adultes, le développement des formations pour les équipes confrontées aux difficultés engendrées par le travail auprès des adolescents atteints de cancer, la détermination de la limite entre les adolescents et les adultes jeunes et leurs souhaits spécifiques (3).
Conclusion Sur le territoire français, peu d’unités dédiées existent encore actuellement, mais de nombreuses équipes réfléchissent et construisent des modèles sensés répondre de façon la plus adéquate possible aux souhaits de ces adolescents et jeunes adultes malades tout en leur assurant la meilleure qualité de soins possible en fonction des connaissances scientifiques actuelles (4, 25). Les unités dédiées ne sont pas la seule réponse possible à la prise en charge des adolescents cancéreux, et d’autres modèles doivent être expérimentés (23, 24). Quel que soit le type de solution proposée et donc le type de structure disponible, tous devraient au moins avoir en commun la possibilité de collaboration entre spécialistes de la pédiatrie et spécialistes de l’adulte, la prise en charge par une équipe pluridisciplinaire formée et de taille suffisante pour répondre aux différents souhaits des patients et de leurs proches, et la capacité à travailler en collaboration avec les référents non hospitaliers.
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Partie II
Détresse, difficultés, souhaits d’aide : les données
La détresse psychologique Julie Beckers
Définition Une littérature abondante est consacrée à la détresse psychologique ; il reste cependant difficile d’en donner une définition claire et précise. La détresse psychologique est liée à l’adaptation émotionnelle, au fonctionnement psychologique. La tristesse, l’inquiétude, l’anxiété, la colère, la dépression et/ou les troubles de l’adaptation y sont souvent associés. Dans la définition de Massie et Holland (1), la détresse émotionnelle est considérée comme une réponse normale au diagnostic de cancer. L’annonce de la maladie représente un événement catastrophique, il est dès lors normal que l’individu présente des symptômes anxieux ou dépressifs. Pour ces auteurs, les symptômes de détresse s’estompent en général 7 à 10 jours après le diagnostic, mais peuvent chez certains patients rester présents et justifier l’intervention d’un professionnel. Le National Comprehensive Cancer Network (2) définit, quant à lui, la détresse psychologique comme étant « une expérience émotionnelle désagréable qui influe sur la capacité à « faire face », de façon efficace, au cancer et à ses traitements, et qui s’inscrit dans un continuum allant de sentiments « normaux » de vulnérabilité, tristesse, craintes, jusqu’à des difficultés pouvant devenir invalidantes, telles que l’anxiété, la dépression, l’isolement social ou la crise spirituelle ». Il reste en effet difficile de faire la distinction entre des troubles de l’humeur pathologiques (troubles dépressifs et anxieux) et des réactions naturelles face à un événement traumatique (tristesse, incertitude/doute, inquiétude, peur). La tristesse est un sentiment habituel et tout à fait compréhensible suite à l’annonce de la maladie ou de mauvaises nouvelles concernant le traitement et/ou le pronostic futur. L’inquiétude est fréquente lorsque le patient doit participer au choix thérapeutique, doit prendre une décision quant à l’orientation de son traitement. La tristesse et l’inquiétude ne peuvent
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être évitées complètement à certaines périodes de la maladie. Certains auteurs pensent d’ailleurs qu’une période limitée de détresse émotionnelle est pour beaucoup de patients nécessaire afin qu’un ajustement à long terme réaliste puisse avoir lieu (3). Certains auteurs considèrent que la détresse émotionnelle se traduit principalement en termes d’anxiété et de dépression (4). Même si les symptômes d’anxiété et de dépression peuvent être distincts et séparés, ils sont souvent associés, ce qui a été observé dans plusieurs études s’intéressant aux maladies physiques. Razavi et ses collaborateurs (5) soulignent que l’anxiété et la dépression coexistent chez la plupart des patients cancéreux. Elles pourraient donc être deux modes d’expression d’un seul et même concept (la détresse psychologique) (5). La détresse psychologique est donc un terme utilisé pour parler à la fois de réactions jugées normales et de troubles psychiatriques. Il est important de tenir compte de la variabilité des définitions et des outils de mesure de cette détresse pour comprendre le caractère souvent peu comparable d’études dont certaines mesurent des symptômes isolés et d’autres des désordres cliniques en se basant notamment sur les critères du DSM IV.
Prévalence La plupart des études rapportent que les adolescents atteints d’une affection cancéreuse présentent de bas niveaux de dépression, d’anxiété et de détresse (6-8) et qu’ils ne sont pas plus en détresse que leurs pairs « tout-venant » et ce quelle que soit la phase de la maladie : au moment du diagnostic (9, 10), quand ils sont en rémission (11) ou plusieurs années après la fin de leurs traitements (12-14). Certains auteurs (7, 9) soulignent cependant que la mesure des symptômes émotionnels comme l’anxiété et la dépression n’est peut-être pas la meilleure traduction de la difficulté des adolescents et jeunes adultes, difficultés qui peuvent s’exprimer notamment par des troubles des conduites, des plaintes somatiques, etc. Ainsi, dans l’étude d’Hedström (7) les bas niveaux de détresse psychologique d’adolescents récemment diagnostiqués contrastent avec un bas niveau de bien-être physique et psychologique. En revanche, les parents d’adolescents atteints d’une affection cancéreuse rapportent de hauts niveaux de dépression, d’anxiété et de détresse surtout dans les mois qui suivent l’annonce du diagnostic (15-17). Au moment du diagnostic et lors des traitements anti-cancéreux de l’enfant, plus de la moitié des mères (55 %) et plus d’un tiers des pères (41 %) expérimentent de hauts niveaux de détresse (18). La durée de ces niveaux de détresse élevés reste controversée (19), certaines études retrouvant
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chez les parents des niveaux élevés un an après le diagnostic (20, 21). L’impact de cette détresse émotionnelle sur l’ajustement quotidien est aussi discuté, certaines études ayant observé que les parents s’adaptaient bien et arrivaient à remplir leurs tâches quotidiennes de manière adéquate (22). Les différences observées d’une étude à l’autre doivent être rapportées aux différents instruments de mesure utilisés, mesurant des aspects différents de la détresse psychologique. Ainsi, dans l’étude de HoekstraWeebers et de ses collaborateurs (17), les parents ne rapportent pas plus de symptômes psychiatriques que la population générale 12 mois après l’annonce de la maladie mais indiquent ne pas avoir retrouvé leur équilibre psychologique d’avant la maladie.
Facteurs de risque de la détresse psychologique des adolescents La plupart des études n’ont pas trouvé de lien entre les caractéristiques sociodémographiques (telles que l’âge, le genre, le nombre de frères et sœurs, la place au sein de la fratrie) et la détresse psychologique des adolescents atteints d’une affection cancéreuse (6, 9, 23-25). De plus, aucune relation n’a été trouvée entre l’âge, le niveau éducationnel, le statut professionnel des parents et le niveau de dépression des adolescents atteints d’une affection cancéreuse (25-26). Certaines études ont néanmoins montré que les filles rapportaient de plus hauts niveaux d’anxiété et de dépression que les garçons (7, 10, 26). Les caractéristiques liées à la maladie (telles que le type de cancer, l’âge au moment du diagnostic, le temps écoulé depuis le diagnostic, le pronostic) ne sont en général pas ou peu associés à l’adaptation émotionnelle des adolescents atteints d’une affection cancéreuse (6, 7, 24, 25). La détresse psychologique apparaît cependant liée à certaines stratégies d’adaptation ou de coping. La plupart des études portant sur les stratégies de coping dans des populations d’enfants et d’adolescents considèrent les efforts actifs (essayer de résoudre le problème, se confronter au problème, rechercher de l’information, rechercher du soutien social, etc.) comme étant adaptés. Les stratégies de coping actives sont, en effet, associées à de bas niveaux de détresse et ce aussi bien dans une population d’adolescents tout-venant que d’adolescents malades chroniques ou atteints d’un cancer (6, 27, 28). En revanche, les stratégies de coping passives (de type évitement) sont généralement associées à de la dépression et à de l’anxiété chez les adolescents atteints d’un cancer (29). Certaines difficultés sont considérées par les adolescents comme étant particulièrement pénibles et source de détresse. C’est le cas des nausées, des mucites et des
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douleurs reliées aux traitements ou aux procédures diagnostiques ; des modifications de l’image corporelle et des absences scolaires (7, 30). Dans l’étude d’Enskär et de ses collaborateurs (31), c’est l’attente (pour recevoir les traitements, pour avoir des informations, pour voir un membre de l’équipe médicale, etc.) qui est considérée par les adolescents confrontés au cancer comme l’un des problèmes les plus pénibles auxquels ils doivent faire face. La dépendance vis-à-vis des parents est également considérée par ces adolescents comme un problème majeur (31).
Facteurs de risque de la détresse psychologique des parents La plupart des études se sont consacrées aux mères ; très peu de données sont donc disponibles sur les pères. Lorsque les études concernent les deux groupes de parents, elles mettent en général en évidence une détresse du père moins importante que celle de la mère, ce qui correspond à ce qui se passe dans la population générale. En effet, les femmes ont tendance à rapporter plus de plaintes et de détresse psychologique que les hommes (32-33). L’ensemble des données citées ci-après concerne les mères. Certaines caractéristiques sociodémographiques apparaissent liées à un moins bon fonctionnement psychologique des mères d’un adolescent atteint d’une affection cancéreuse : être jeune, avoir un niveau d’éducation bas, avoir un statut socioprofessionnel peu élevé, avoir de bas revenus, ne pas être mariée et ne pas être croyante (15, 32-34). Dans certaines études, les mères de garçons et de jeunes enfants ont un plus grand risque de connaître des difficultés d’adaptation (15, 16, 35). Ces données restent cependant inconstantes selon les études (36). Les résultats portant sur l’impact des caractéristiques de la maladie (telles que le nombre de jours d’hospitalisation, les limitations fonctionnelles de l’adolescent, le pronostic) sur l’adaptation maternelle sont trop contradictoires pour pouvoir en dégager des facteurs de risque clairs (15, 33-38). Le mode d’adaptation ou coping apparaît potentiellement lié à la détresse émotionnelle des mères. Apparaissent ainsi défavorables pour la détresse émotionnelle les stratégies de coping centré sur l’émotion ; ainsi que les stratégies de coping qui consistent en des pensées magiques, des comportements de retrait, de l’autocritique et des attentes négatives sur l’évolution de la maladie (6, 35, 39). Les stratégies de coping actives telles que le fait de résoudre le problème et de chercher de l’information, ou les
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stratégies de coping qui consistent à être optimiste sont associées à une bonne adaptation maternelle (35, 39, 40). Cependant, certaines études n’ont pas trouvé de relation entre les stratégies de coping actives et l’adaptation maternelle (6).
Conclusion Il est important de détecter les troubles psychiatriques et/ou de l’adaptation car ceux-ci compromettent la réhabilitation psychologique et sociale. Ils ont un impact négatif sur la qualité de vie du patient cancéreux, le bien-être psychologique étant une importante composante du concept de qualité de vie (4). Newport et Nemeroff (41) soulignent les graves conséquences que peut avoir une dépression non traitée : en plus de réduire la qualité de vie, elle est associée à une diminution de la compliance aux soins médicaux, à des hospitalisations de plus longue durée et à un risque plus élevé de mortalité. Bien que ce concept de détresse psychologique reste par certains aspects mal défini, en particulier dans sa signification psychopathologique, il apparaît cependant un indicateur pertinent pour décrire la difficulté émotionnelle d’un patient ou d’un groupe, et aider à déterminer des facteurs de risque ou de vulnérabilité d’une population.
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La perception parentale des difficultés de l’adolescent atteint de cancer Sandy Deraedt
Introduction Les parents tentent généralement d’aider au mieux leur adolescent atteint d’un cancer, amenant au premier plan la question de leur capacité à percevoir les besoins et les difficultés de celui-ci. En effet, c’est entre autres en se basant sur cette perception que le parent pourra d’une part évaluer la situation de son enfant, et d’autre part lui proposer de l’aide ou en rechercher pour lui. Quelles que soient les capacités physiques, cognitives et affectives de l’adolescent à exprimer directement ses difficultés, cette perception reste un élément fondamental pour définir la manière dont les parents vont appréhender son état. Comment les parents perçoivent-ils les difficultés de leur enfant ? Quels sont les mécanismes en jeu ? C’est ce que nous allons explorer à travers ce chapitre, en nous penchant d’abord sur le concept de perception, avant de faire le tour des études déjà réalisées sur ce sujet, et de leurs résultats.
Qu’est-ce que la perception ? La perception est « l’ensemble des mécanismes et des processus par lesquels l’organisme prend connaissance du monde et de son environnement sur la base des informations élaborées par ses sens » (1). La perception ne se résume cependant pas à l’ensemble des stimulations frappant nos récepteurs sensoriels ; en effet, elle organise les informations reçues selon nos désirs, besoins et expériences. Mais pour être perçu, un événement doit déclencher ou maintenir chez l’individu une réaction d’orientation, qui lui permet de concentrer ses sens sur lui. Sans attention, il ne peut y avoir
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perception. Par ailleurs, un objet ou un événement aura plus de chance d’attirer notre attention s’il est nouveau, complexe et inattendu. L’intensité, le contraste et la répétition des stimulations sont d’autres déterminants de l’attention (2). Il convient de préciser la spécificité de la perception sociale qui, comme nous l’apprennent Bloch et al. (2), « se distingue de la perception des objets par le fait que la cible du jugement est elle-même un sujet percevant. Les enjeux diffèrent parce qu’on se trouve face à une cible qui s’affirme comme source d’action et de réaction. »
« Prise de perspective » et autres concepts Selon la théorie sur la « prise de perspective » en psychologie sociale, nous construisons du sens social grâce à nos théories implicites à propos de ce que l’autre sait, ressent, pense et croit. Comprendre les états d’esprit d’autrui requiert donc la prise en considération de la perspective de celui-ci. Cependant, nous faisons fréquemment des erreurs qui pourraient provenir d’une tendance automatique à attribuer aux autres notre propre perspective (3). Un effort conscient est donc nécessaire pour différencier sa propre vision de celle d’autrui. Dans le contexte de la relation de soin et d’après Lobchuk (4), la prise de perspective est un processus interpersonnel empathique, qui peut rapprocher les points de vue du preneur en charge et du patient. Elle jouerait un rôle clé en favorisant la compétence communicationnelle, l’exactitude perceptuelle et la capacité des preneurs en charge à répondre aux besoins du patient. Grâce à diverses références, Lobchuk (4) s’est attaché à préciser quatre concepts liés à la prise de perspective : l’empathie, la sympathie, la détresse personnelle et la projection. L’empathie, dans le domaine des soins, implique chez le preneur en charge l’habilité à séparer les aspects de lui-même de ceux du patient, et à percevoir correctement les émotions et sentiments de celui-ci. La sympathie provient de ce que le preneur en charge ressent face à la situation du patient, sans prendre en compte l’individualité de celui-ci. La différence majeure avec l’empathie est donc que le preneur en charge éprouvant de la sympathie voit le patient en termes de comment il se serait lui-même senti, s’il se trouvait dans la même situation, et non de comment le patient doit se sentir dans cette situation. La détresse personnelle consiste aussi en une réponse émotionnelle orientée vers soi, mais plutôt de nature aversive, qui peut surgir chez les preneurs en charge lorsqu’ils sont témoins de la souffrance des patients, et peut les amener à aider ceux-ci dans l’optique d’apaiser leur propre détresse. Enfin, la projection indique également une absence de différenciation entre ses propres sentiments et pensées, et ceux du patient. Le preneur en charge tend alors à imposer sa propre interprétation
La perception parentale des difficultés de l’adolescent atteint de cancer
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de la situation du patient, basée sur son propre cadre de référence, sans reconnaître ni comprendre celui du patient. Selon Lobchuk (4), la prise de perspective est donc un processus où les preneurs en charge s’imaginent symboliquement ou métaphoriquement « dans les chaussures du patient » afin d’acquérir une compréhension multidimensionnelle des pensées et sentiments du patient. Il s’agit pour cela de faire un effort conscient de décentration et de différenciation entre son point de vue personnel et celui du patient. De cette façon, la prise de perspective va permettre au preneur en charge de prédire correctement les pensées et sentiments du patient.
Études réalisées sur la perception parentale des difficultés de l’enfant Précisons que chaque fois que nous parlerons d’accord, de concordance, de congruence, de corrélations ou même de différence parent-enfant ou parent-adolescent, il s’agit du rapport entre la qualité de vie ou les difficultés rapportées par l’enfant lui-même d’une part, et ce qu’en disent ses parents d’autre part. Le but est uniquement d’éviter d’alourdir les phrases. La littérature est généralement assez confuse en ce qui concerne le degré d’accord parents-enfant, celui-ci allant de pauvre à modéré ou élevé (5-9). Le degré d’accord parents-enfants varie tout d’abord selon l’état de santé de l’enfant. Globalement, lorsque l’adolescent est en bonne santé, les parents tendent à surestimer sa qualité de vie (6, 8-12). Dans ces cas, les adolescents rapportent donc plus de problèmes que n’en perçoivent leurs parents, notamment pour les difficultés psychologiques comme la dépression et l’anxiété (10, 13). Ceci pourrait être expliqué par l’indépendance croissante typique de la phase d’adolescence (13). À l’inverse, les parents ont tendance à sous-estimer la qualité de vie de leur enfant, lorsque celui-ci est atteint de maladie chronique (6, 8, 14). Ils rapportent donc plus de difficultés physiques (9, 15) et psychologiques chez leur enfant malade, par rapport à l’enfant lui-même (5), et notamment de dépression (13). Ceci pourrait résulter d’une focalisation des parents sur la détresse de leur enfant (5) ou d’un type de coping masquant la détresse chez l’enfant, ce dernier ne rapportant pas toutes ses difficultés (16). Deux études concernant des enfants et adolescents cancéreux divergent dans leurs résultats : celle de Levi (5) rapporte un degré de différence plus élevé, à un niveau global, entre les rapports parents-enfant cancéreux, par rapport aux enfants en bonne
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santé, alors que Russel et ses collaborateurs (8) trouvent une plus grande congruence entre les rapports parents-enfant cancéreux, par rapport aux enfants en bonne santé. La perception par les parents des difficultés de l’enfant apparaît également modulée par le domaine de difficultés concerné. Il y a généralement plus de concordance parents-enfant pour tout ce qui a trait au domaine physique, par rapport aux aspects psychologiques ou sociaux (6, 10). Notons que les résultats vont dans le même sens pour les adultes cancéreux et leur preneur en charge (17-18). Ceci viendrait du fait que les symptômes physiques seraient non seulement plus observables, car accompagnés de plus d’indices visuels, mais également de nature plus objective (6, 17). Ces résultats restent cependant controversés, certaines études retrouvant des rapports inverses avec des difficultés pour le fonctionnement social et cognitif mieux identifiées que pour les autres domaines (6-7). La perception pourrait également varier selon l’âge et le sexe de l’enfant, mais là encore les résultats sont contradictoires (6). En ce qui concerne l’âge, certains auteurs ne trouvent aucun effet de celui-ci (6, 19) tandis que d’autres obtiennent une moindre différence parents-enfant lorsque l’enfant est plus âgé (7) ; ou une meilleure concordance chez les plus jeunes pour le fonctionnement cognitif, et chez les plus âgés pour ce qui a trait au physique (14). Pour ce qui est du sexe, certains auteurs ne rapportent aucune influence de celui-ci sur la perception parentale des difficultés (6-7, 19), tandis que d’autres mettent en évidence une moindre concordance parents-enfant au niveau de la santé mentale pour les filles (10) ; ou un fonctionnement social estimé plus pauvre par les parents pour les garçons (7, 11). La perception des difficultés de l’enfant pourrait également être influencée par certaines caractéristiques des parents eux-mêmes. Ainsi la mauvaise qualité de vie des parents eux-mêmes amoindrit leur perception de la qualité de vie de leur enfant (19), éventuellement par un mécanisme de projection (13, 14). Cependant, la dépression ou la santé mentale des parents ne modifie pas leur perception de la qualité de vie de leur enfant ; elle réduit en revanche la qualité de vie rapportée par l’enfant lui-même (7).
Conclusion Des résultats hétérogènes et globalement peu solides : la perception des besoins et difficultés de l’adolescent atteint d’un cancer par ses parents reste mal connue. La divergence des résultats pourrait être la conséquence des différences méthodologiques existant entre les études : non seulement les questionnaires utilisés varient, mais également le type d’analyse statistique ou la forme de la variable dépendante (concordance
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versus degré de différence parents-enfant). De plus, l’emploi de corrélations semble insuffisant, car celles-ci, même si elles sont élevées, n’assurent pas l’interchangeabilité des rapports parents-enfant en termes de valeurs moyennes (6). Il n’en reste pas moins nécessaire de poursuivre l’acquisition de connaissances sur ce thème : en oncologie, c’est souvent le rapport des parents qui est au premier plan des demandes faites pour l’enfant ou l’adolescent. Un des objectifs des deux études présentées ci-après est précisément de mieux décrire les différences de perception entre parents et enfant, ainsi que ce à quoi elles peuvent être associées.
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Le souhait d’aide chez l’adolescent atteint de cancer et sa mère Marylène Deprêtre et Sandy Deraedt
Introduction La survenue d’un cancer chez l’adolescent génère pour lui et sa famille, et notamment sa mère, qui est souvent la personne la plus présente auprès de lui, de nouveaux besoins et de nouvelles demandes, très spécifiques à cette population particulière. Quelle(s) aide(s) ces adolescents et leurs mères souhaitent-ils ? Quelles sont les données disponibles dans la littérature, sachant que celle-ci traite généralement de la recherche d’aide, plutôt que du souhait d’aide en tant que tel, qui constituerait une étape antérieure et, considérant que peu d’études s’y sont intéressées dans le cas précis de maladies chroniques de l’adolescent ? Ce chapitre traitera donc essentiellement de la démarche générale de recherche d’une aide, d’abord d’un point de vue théorique, avant d’envisager cette problématique chez l’adolescent et chez sa mère.
Distinction entre le besoin, l’intention, le souhait et le comportement D’après le sens commun, le besoin rejoint la notion de « nécessité », l’intention suggère un désir d’accomplir quelque chose, le souhait renvoie à une volonté, et le comportement suppose la réalisation d’une action. Il est clair que ces termes diffèrent et se nuancent mutuellement. Si nous appliquons ces notions au concept d’« aide », nous pouvons penser qu’une personne ayant besoin d’une aide, quelle qu’elle soit, n’a pas forcément l’intention ou le souhait de la recevoir, de la rechercher et de la solliciter concrètement.
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La littérature nous montre que, bien que la demande d’aide soit en lien avec un meilleur ajustement et une diminution de la détresse émotionnelle et des problèmes émotionnels et comportementaux (1), la plupart des personnes ayant besoin d’aide ne la recherchent pas concrètement (2), et ce même si elles ont l’intention ou le souhait de se faire aider. Cette divergence entre intentions et comportements peut s’expliquer par de nombreux facteurs dont le déni, l’évitement, la peur, la crainte de découvrir ce dont on souffre (3), ainsi que les coûts et les bénéfices perçus (4). Un degré de complexité supplémentaire est lié au fait que cette ambivalence n’est pas forcément consciente.
Définition de la recherche d’aide La littérature offre différentes définitions de la recherche d’aide. Ces dernières diffèrent entre elles mais considèrent toutes ce comportement comme étant un processus. Certains auteurs (5) la définissent comme un processus de communication avec les autres, se centrant sur un problème spécifique ou sur une difficulté émotionnelle qui a besoin d’être prise en charge et suscite suffisamment de détresse pour chercher de l’aide. D’autres (6) déterminent la recherche d’aide comme le moment entre l’initiation de l’effort de chercher une aide et la formation réelle de contacts. Enfin, Broadhurst (7) considère la recherche d’aide comme un processus dynamique dans lequel la personne cherchant une aide opère activement un choix concernant les différentes sources d’aide, qu’elles soient formelles ou informelles. La recherche d’aide s’effectue donc auprès de sources de type formel et informel. Les sources d’aide formelle regroupent des professionnels tels que des travailleurs sociaux, des psychologues et des médecins (généralistes et/ou spécialistes). Les sources d’aide informelles, quant à elles, regroupent notamment la famille ou des amis (1, 5, 8). La recherche d’aide informelle apparaît la plus fréquente (9) ; et lorsqu’une aide formelle est recherchée, elle n’est pas forcément orientée de façon adéquate : ainsi la demande d’aide psychologique concerne majoritairement les professionnels n’exerçant pas dans le domaine de la santé mentale (10).
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Modèles théoriques de la recherche d’aide Il existe différents modèles théoriques expliquant le processus de recherche d’aide. Certains d’entre eux se focalisent sur les facteurs cognitifs intervenant dans ce processus, tandis que d’autres proposent une lecture plus comportementale. La littérature sur le concept d’help-seeking regorge de modèles théoriques reprenant les aspects cognitifs du processus de recherche d’aide. Bien que ces modèles varient entre eux, notamment en ce qui concerne le nombre d’étapes et leur dénomination, ils présentent toutefois des aspects relativement similaires. En effet, trois étapes semblent faire partie intégrante de la majorité des modèles (7, 11). Il s’agit tout d’abord de l’étape de définition et de reconnaissance du problème rencontré. Vient ensuite celle de la décision de rechercher une aide. Enfin, la dernière étape est celle de la recherche active de cette aide. Certains modèles sont plus complexes. Ainsi, le modèle de Fischer (12) comporte cinq étapes : la perception et l’identification du problème (reconnaissance du problème et parfois de la nature psychologique de ce dernier), le passage en revue des différentes options (vivre en tolérant son problème, chercher des informations ou une aide formelle, etc.), la décision de rechercher une aide, le vécu d’un événement qui confirme les intentions de rechercher une aide (encouragement des proches, aggravation des symptômes, etc.) et la recherche d’aide concrète (fig. 1). Perception et identification du problème
Passage en revue des différentes options
Décision de rechercher une aide
Vécu d’un événement confirmant les intentions de rechercher une aide
Recherche concrète d’une aide Fig. 1 – Modèle de Fischer et al.
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Il est évident que, bien que ces modèles soient décrits comme séquentiels par commodité, les étapes peuvent présenter des interrelations, des chevauchements et des permutations, l’ensemble devant être envisagé comme un « cycle dynamique » (13). Andersen et al. (12, 14) proposent, quant à eux, un modèle comportemental de l’utilisation des services de soins de santé (fig. 2). Selon celui-ci, la recherche d’une aide subit trois grandes influences. La première est le besoin d’aide, évalué à travers un statut clinique et/ou des perceptions subjectives concernant l’état de santé de l’individu recherchant une aide (par exemple la sévérité des symptômes). Il s’agit du prédicteur le plus important de la recherche d’aide. Les deux autres facteurs influençant la recherche d’aide potentielle sont d’une part ses caractéristiques personnelles (telles que les facteurs sociodémographiques, les croyances sur la recherche de soins, ainsi que les ressources sociales et psychologiques), et d’autre part des variables situationnelles (telles que les ressources sociales et structurelles facilitant l’accès aux services formels de soins).
Recherche d’une aide
Besoin d’aide
Caractéristiques personnelles
Variables situationnelles
Fig. 2 – Modèle d’Andersen.
L’ensemble des modèles théoriques traitant de la recherche d’aide envisagent la personne cherchant de l’aide comme prenant une part active dans le processus ; elle perçoit et prend des décisions concernant son problème, ses besoins et négocie son accès aux sources d’aide. Ces modèles mettent également en évidence le fait que si la recherche d’aide est une activité qui ne se limite pas aux sources formelles d’aide, elle apparaît comme une activité socialement organisée (7).
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Facteurs influençant la recherche d’aide Il existe de nombreux facteurs influençant, dans le sens d’une inhibition ou d’une facilitation, le processus de recherche d’aide lors des différentes étapes de la modélisation théorique. Ces facteurs, ainsi que leur influence, sont complexes, nombreux et insuffisamment compris (11). Parmi ces facteurs, nous retrouvons notamment la définition et l’appréciation du problème, l’influence des facteurs démographiques, l’influence des facteurs psychologiques et des caractéristiques de la personnalité, ainsi que l’impact que peut avoir le réseau social (7, 15). D’autres auteurs y ajoutent également les facteurs intrinsèques aux services d’aide (11), la sévérité des symptômes ou du trouble (10, 15, 16), la présence d’une comorbidité (10) et le système de croyances concernant la santé (16). Certains facteurs, tels qu’une expérience antérieure négative avec un professionnel de la santé, ou l’intime conviction que personne ne peut rien pour soi, influencent probablement aussi le processus de recherche d’aide, dans le sens d’une entrave (17).
Caractéristiques personnelles de l’individu
Variables situationnelles
Définition et appréciation du problème
Réseau et soutien social
Facteurs sociodémographiques Facteurs intrinsèques aux services d’aide Facteurs psychologiques et caractéristiques de personnalité
Recherche d’aide Fig. 3 – Principaux facteurs influençant le processus de recherche d’aide.
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La figure 3 reprend les principaux facteurs influençant le processus de recherche d’aide. En référence au modèle d’Andersen, les facteurs ayant trait à la définition et à l’appréciation du problème, aux caractéristiques sociodémographiques, et aux caractéristiques psychologiques et de personnalité ont été considérées comme constituant les caractéristiques personnelles de l’individu. Les facteurs relatifs au réseau et au soutien social ainsi qu’aux caractéristiques intrinsèques des services d’aide ont été regroupés sous le vocable « variables situationnelles ».
La recherche d’aide chez l’adolescent La littérature a peu exploré la recherche d’aide chez les adolescents atteints d’une maladie chronique telle que le cancer. Nous nous sommes donc intéressés au processus de recherche d’aide tel qu’il s’opère habituellement dans la population adolescente. La recherche d’aide chez l’adolescent est décrite comme un comportement nécessaire lorsqu’il s’agit de faire face aux problèmes développementaux rencontrés pendant l’adolescence (5). Toutefois, ce comportement est rendu difficile par les tâches développementales propres à cette période. En effet, selon Logan et King (12), rechercher une aide est en contradiction avec l’établissement d’une autonomie et d’une relative indépendance par rapport aux adultes. Cependant, Boldero et Fallon (18) constatent qu’environ la moitié des adolescents sains de leur échantillon recherchent de l’aide pour les problèmes rapportés. Les sources d’aide auxquelles ils recourent sont : le groupe de pairs, la famille, les enseignants et les autres professionnels. Pour de nombreux auteurs, l’aide recherchée par les adolescents est essentiellement constituée par le groupe de pairs, plus de 90 % des adolescents partageant leur détresse avec leurs pairs plutôt qu’avec des sources formelles (11, 18). Cette source d’aide informelle apparaît en effet comme moins menaçante, plus naturelle et socialement plus acceptable (1). Notons par ailleurs que la manière dont les adolescents prennent l’initiative d’aller chercher de l’aide au-delà du groupe de pairs est encore actuellement un sujet à investiguer (11). Malgré le rôle important que joue le groupe de pairs en tant que soutien, la famille reste toutefois une source d’aide majeure (15, 18) voire, pour certains auteurs, la plus prégnante (19). Cette importance pourrait varier selon l’âge de l’adolescent. Ainsi, le jeune adolescent se tournerait davantage vers ses parents que l’adolescent plus âgé, pour lequel le groupe de pairs devient la source principale d’aide (5). D’autres auteurs soutiennent l’idée selon laquelle les parents constituent une source d’aide majeure,
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quel que soit l’âge de l’adolescent, et que les autres sources, dont fait partie le groupe de pairs, font office de soutien complémentaire. Notons qu’au sein de sa famille le plus grand soutien apporté à l’adolescent provient tout particulièrement de sa mère (19). Une autre source d’aide à laquelle recourent les adolescents est le corps enseignant (18). Cependent, Rothi et Leavey (11) constatent que les enseignants éprouvent des difficultés à reconnaître et à gérer la détresse psychologique de leurs élèves. De plus, ils éprouvent des difficultés à distinguer détresse psychologique, trouble comportemental ou émotionnel, problème de discipline ou de santé mentale. Les adolescents sont alors souvent orientés vers des services inappropriés, retardant ainsi l’initiation d’une intervention adéquate. Les adolescents ne recherchent donc que très rarement de l’aide auprès de professionnels, peut-être car ces derniers sont considérés comme une source d’aide de deuxième ligne, intervenant lorsque les sources informelles ont failli (5, 18). Néanmoins, cette tendance semble s’inverser chez les adolescents qui présentent une compétence émotionnelle faible (confusion émotionnelle, par exemple). En effet, ceux-ci, par difficulté d’expression émotionnelle, pourraient éviter de rechercher de l’aide auprès de personnes qu’ils connaissent, et se diriger plutôt vers des personnes relativement inconnues (professionnels de la santé mentale, médecin généraliste, etc.) (20). Quelle que soit la source de l’aide envisagée, différents facteurs peuvent influencer sur le comportement de recherche d’aide. Le premier de ces facteurs est le type de problème (18), et en particulier sa nature émotionnelle ou non. Lorsqu’il s’agit de faire face à un problème de type émotionnel, il semble que la recherche d’aide soit la stratégie de coping à laquelle les adolescents recourent le moins (11). Selon certaines études, cette recherche d’aide ne serait jamais utilisée par les adolescents face à des difficultés émotionnelles (20-21) ; pour d’autres ce ne serait que pour les difficultés concernant la famille et les amis que cette recherche d’aide n’aurait pas lieu (21). Dans l’étude de Rickwood et Braithwaite (15), près d’un quart des adolescents en détresse psychologique ne recherchaient aucune aide, tandis que seulement 17 % d’entre eux recherchaient une aide auprès de professionnels de santé mentale. Le second facteur influençant le choix de la source d’aide est le sexe de l’adolescent. Ainsi, comme c’est le cas chez les adultes, les adolescentes recherchent davantage d’aide que leurs homologues masculins (18, 21). Les adolescentes ont, en effet, tendance à se confier et à discuter de leurs difficultés, notamment émotionnelles, avec d’autres personnes, tandis que les adolescents tentent de résoudre seuls leurs problèmes (21). Enfin, le troisième facteur est l’âge. Les adolescents plus jeunes recherchent davantage d’aide que les adolescents plus âgés, ce qui pourrait être lié à la perception par les plus jeunes d’un impact plus grand de leurs difficultés sur leur vie personnelle (21).
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Il semble que ces trois facteurs interagissent entre eux, malgré des résultats divergents au sein de la littérature. En effet, il existe des différences en fonction du sexe et de l’âge dans le type de problèmes rapportés par les adolescents. Ainsi, les adolescentes rapportent davantage les problèmes rencontrés avec la famille, au sein de leurs relations interpersonnelles mais également ceux concernant leur santé, tandis que les adolescents rapportent plus fréquemment d’autres types de difficultés, notamment celles en lien avec l’éducation (18). Par ailleurs, les plus jeunes rapportent davantage de problèmes familiaux que les plus âgés, mettant en évidence les difficultés liées aux relations interpersonnelles ou à l’éducation. Ceci est sans doute dû au temps passé, pour les premiers, avec la famille et, pour les seconds, avec le groupe de pairs. Notons enfin que la source d’aide choisie sera aussi fonction du type de problème rencontré (18). Comme pour les adultes, il existe aussi, chez les adolescents, une multitude d’autres facteurs influençant leur comportement de recherche d’aide, notamment la disponibilité des services (15), les attentes concernant l’aide reçue et la peur liée à un traitement de type psychologique (11).
La recherche d’aide chez les mères d’adolescents Les modèles théoriques de la recherche d’aide explicités précédemment s’appliquent autant à la recherche d’aide des parents au profit de leur enfant que d’eux-mêmes. Il n’existe par contre à notre connaissance que très peu d’études traitant de cette recherche d’aide des mères, qu’elle concerne leur enfant ou leur propre santé, et plus particulièrement des mères d’adolescents atteints d’une maladie chronique telle que le cancer. La plupart des travaux effectués dans ce domaine prennent en considération les parents en tant qu’entité, sans les envisager individuellement, et concernent les parents d’enfants ou d’adolescents atteints de pathologie psychiatrique. Quelques données sont disponibles en ce qui concerne la recherche d’aide psychologique des parents pour leur enfant. Rothi et Leavey (11) affirment que les parents, lorsqu’ils sont confrontés à la possibilité que leur enfant ait des difficultés psychologiques, n’agissent pas toujours dans l’intérêt de ce dernier, c’est-à-dire en recherchant une aide pour lui auprès des services de santé mentale. Ceci peut s’expliquer par différents facteurs parentaux : une compréhension limitée de la santé mentale et des problèmes qui lui sont associés ou des sources d’aide disponibles, mais également par les difficultés personnelles des parents, une éventuelle maladie de l’un d’eux, une stratégie de recherche d’aide inadéquate chez ces derniers, ou dans
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de rares cas, une négligence parentale (11). Par ailleurs, les adultes faisant partie de l’entourage de l’enfant recherchent davantage de l’aide auprès de leur réseau social (famille, amis, personnes de la communauté religieuse, guérisseur de la culture d’origine) ou auprès de professionnels n’exerçant pas dans le domaine de la santé mentale : ainsi les parents recherchant pour leur enfant une aide de type psychologique ou psychiatrique s’en remettent le plus souvent à leur médecin généraliste. C’est alors ce dernier qui réoriente l’enfant vers le psychologue ou le psychiatre, afin qu’il reçoive une aide plus adéquate (6). Certains auteurs ont adapté la définition générale du help-seeking afin qu’elle s’applique plus précisément aux mères et au rôle qu’elles jouent auprès de leur enfant. Ainsi, dans une étude portant sur la recherche d’aide des mères d’enfants ayant un petit poids à la naissance, May et Hu (22) se réfèrent à la définition de Gourash qui décrit la recherche d’aide comme un « processus initiant une interaction avec un aidant potentiel, professionnel ou non, afin d’obtenir un soutien, des informations, des conseils, une assistance ou un traitement en lien avec le soin des enfants ». Les formes d’aide que les mères recherchent sont une information, une évaluation, un traitement, des conseils pour alléger le « poids » des soins et un soutien. Par ailleurs, les mères recherchent une aide auprès de professionnels de la santé lorsqu’elles sont face à un problème urgent ou sérieux. Cette étude conclut sur la constatation suivante : les mères percevant leur enfant comme étant en bonne santé se perçoivent elles-mêmes comme plus confiantes dans les soins qu’elles lui dispensent. Dès lors, la « charge » relative aux soins est ressentie comme moins importante. Dans le cas contraire, lorsque les perceptions de la mère concernant la santé de son enfant sont négatives, lorsque sa confiance en elle diminue et que la sensation de « charge » augmente, l’utilisation des sources d’aide peut lui donner un sentiment de protection (22). Nous reviendrons sur ces données lors de l’analyse, dans les deux études française et belge présentées plus loin dans cet ouvrage, des associations retrouvées entre l’état psychologique des mères et leur perception des besoins de leur adolescent.
Conclusion Comme nous l’avons vu, il n’existe pas ou peu d’études explorant le souhait d’aide en tant que tel chez les adolescents cancéreux et leurs mères. Mieux connaître ce souhait est cependant indispensable à la structuration d’une offre de soins adaptée aux besoins spécifiques de l’adolescent et de la dyade qu’il constitue avec sa mère. Nous avons pu
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voir la complexité de ce processus de demande d’aide, élément nécessaire au ciblage de l’offre, mais insuffisant à refléter la détresse et les difficultés de l’adolescent. Une étude conjointe de ces différents facteurs était donc nécessaire, cette conjonction seule étant à même de nous permettre de mieux comprendre les mécanismes en jeu. Les deux études suivantes se sont données ce but, en intégrant de surcroît comme un système l’adolescent atteint de maladie et sa mère.
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Partie III
Détresse, difficultés, souhaits d’aide : les résultats d’une étude franco-belge
Introduction Sarah Dauchy et Darius Razavi
Introduction Il existe donc dans la littérature certaines données sur la détresse, les besoins et les attentes d’adolescents ou de jeunes adultes atteints de cancer ; ces données empiriques restent cependant peu nombreuses au regard de l’abondante littérature théorico-clinique (1). Des données existent également en ce qui concerne les proches des patients, en particulier leurs mères : elles montrent l’importance du rôle de la mère dans l’adaptation psychosociale de l’adolescent et du jeune adulte atteint de cancer. La plupart des études ont cependant concerné de façon distincte l’adolescent ou l’adulte jeune d’une part, sa mère de l’autre. De plus, nous ne disposions pas de données adaptées culturellement à la population qui nous concerne ici, celle des jeunes patients français et belges. Les éléments nécessaires à la structuration d’une offre de soins adaptée à cette population n’étaient donc pas suffisants : c’est l’objet de la double étude belge et française dont les résultats sont présentés ici. Celle-ci s’est donc donnée pour objectifs non seulement de décrire la détresse et les besoins psychosociaux d’une telle population mais également d’étudier en parallèle les besoins et attentes de leurs mères, en se focalisant sur les trois dimensions essentielles que sont la détresse, la description des difficultés perçues et le souhait d’aide. Cette partie rapportera donc successivement les résultats concernant la détresse, les difficultés et les souhaits d’aide des adolescents et jeunes adultes, puis ceux de leur mère. Nous avons ensuite souhaité étudier dans sa dimension de système la dyade formée par le patient et sa mère. Nous étudierons ainsi dans le fonctionnement de cette dyade les facteurs associés à la détresse de l’adolescent et du jeune adulte d’une part et à celle de leur mère d’autre part. Nous analyserons ensuite la perception par les mères des besoins de leur enfant, puis nous nous intéresserons aux facteurs associés au
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souhait d’aide de chacun. L’analyse de ces données, qui vient compléter les éléments issus de la littérature et de l’expérience clinique présentés dans les deux premières parties de ce livre, nous permettra dans la dernière partie de cet ouvrage de formuler quelques recommandations pour l’organisation de prises en charge psychologiques adaptées à cette population spécifique et à ses proches.
Référence 1. Zebrack B, Bleyer A, Albritton K (2007) Assessing the health care needs of adolescent and young adult cancer patients and survivors. Cancer 107: 2915-23
Méthodes Sarah Dauchy, Cécile Charles, Elodie Tournay, Julie Beckers, Anne Auperin et Darius Razavi
Objectifs L’étude belge a été réalisée entre avril 2004 et janvier 2006, en réponse à une commande du ministère fédéral de la Santé publique et des Affaires sociales. Le projet avait pour objectifs généraux d’évaluer, quantitativement et qualitativement, les souhaits des patients atteints d’un cancer et de leurs proches en matière de soutien psychosocial, les interventions psychosociales qui leur sont proposées et les souhaits des intervenants psychosociaux assurant ces interventions. Au sein de cette étude, un volet a spécifiquement évalué l’état émotionnel et les difficultés psychosociales des adolescents atteints d’un cancer et de leurs parents, ainsi que l’aide dont ils bénéficient (en termes d’attentes et d’aide reçue). C’est ce même objectif qu’a poursuivi l’étude française de janvier 2006 à février 2008, qui a pour sa part été réalisée en réponse à un appel d’offres spécifiquement dédié à l’adolescent de la Ligue nationale contre le cancer, en partenariat avec les Centres Leclerc. Dans ces deux études, le proche était défini comme celui principalement en charge du patient pendant la durée de l’étude. Il pouvait s’agir de la mère, du père, d’un beauparent ou du tuteur légal, ou encore pour l’étude française d’un conjoint ou ami. Nous n’avons retenu pour les résultats présentés ici, dans les deux études, que les résultats concernant les mères, afin de décrire une population homogène et surtout d’analyser, dans le fonctionnement du système formé par le patient et le proche qui le prend en charge, des dyades comparables par leur nature. Le premier objectif dans ces deux études était donc d’évaluer la détresse psychologique de jeunes patients atteints de cancer, leurs difficultés psychosociales, ainsi que leur demande d’aide pour faire face aux difficultés rencontrées, et l’aide reçue en réponse de la part de différents intervenants psychosociaux. Notre deuxième objectif
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concernait les mères de ces patients : leur détresse, leurs propres difficultés, l’évaluation de l’aide souhaitée et reçue par elles. Le troisième objectif était d’évaluer la perception par les mères des difficultés des patients, donnée indispensable pour décrire le fonctionnement de la dyade mère-adolescent.
Recrutement Ces deux études descriptives et transversales ont été réalisées chacune de façon bicentrique. L’étude belge a concerné le service d’hémato-oncologie de l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (HUDERF) et le service d’oncologie pédiatrique et universitaire Ziekenhuis Gent. L’ensemble des patients âgés de 10 à 18 ans atteints d’un cancer, hospitalisés ou se rendant à une consultation oncologique durant la période de recueil des données, ainsi que leurs parents (ou tuteurs légaux) ont été invités à prendre part à la recherche, sous réserve d’éligibilité. En France, les patients ont été recrutés parmi les patients traités à l’Institut de cancérologie Gustave-Roussy à Villejuif (IGR) et à l’Institut Curie à Paris. Tous les patients âgés de 12 à 25 ans hospitalisés en conventionnel ou en ambulatoire ont été invités à participer à l’étude. À l’IGR, ces patients étaient pris en charge soit dans l’unité adolescents du département de pédiatrie, soit dans l’unité adultes jeunes et les unités d’hématologie du département de médecine. Pour l’Institut Curie, il s’agissait de patients hospitalisés dans les départements d’oncologie médicale et d’oncologie pédiatrique. Les études belge et française sont relativement similaires dans leurs conditions d’éligibilité, les patients sollicités devant être atteints de cancer, à l’exclusion de la première phase d’investigation diagnostique et de la phase palliative terminale ; avoir une connaissance de la langue française (et/ou néerlandaise) suffisante pour participer à l’étude, être exempt de troubles cognitifs empêchant la bonne compréhension des outils ou des finalités de l’étude. L’âge des deux échantillons diffère en revanche, les patients belges étant tous mineurs. Les deux études concernent les patients hospitalisés en conventionnel, mais les adolescents belges venant en simple consultation étaient inclus à la différence des adolescents français qui devaient au moins être en hospitalisation ambulatoire. Les proches devaient être majeurs et être identifiés comme impliqués dans la prise en charge de l’adolescent ou du jeune adulte concerné, soit parce qu’identifié par le patient comme étant la principale personne à le prendre en charge au moment de l’étude et lors du mois précédant l’inclusion (pour l’étude française), soit parce qu’étant l’un des parents ou le tuteur légal de l’enfant (pour l’étude belge). Ils devaient
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être informés que le patient souffrait d’un cancer ; avoir une connaissance de la langue française (et/ou néerlandaise) suffisante pour participer à l’étude ; être exempt de troubles cognitifs empêchant la bonne compréhension des outils ou des finalités de l’étude. Les patients et leurs proches étaient inclus après recueil de leur consentement écrit, et pour l’ensemble des mineurs après celui de leurs responsables légaux (parents ou tuteurs).
Évaluation de la détresse, des difficultés et du souhait d’aide L’évaluation des sujets s’est faite au moyen d’autoquestionnaires standardisés. Différentes échelles ont ainsi été remises aux patients et à leurs proches.
Évaluation de la détresse, des difficultés et du souhait d’aide des patients La détresse a été mesurée à l’aide de la traduction française (et néerlandaise) du questionnaire Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS), évaluant l’état émotionnel (1). Celui-ci a été initialement développé pour être administré à des adultes, permettant d’obtenir des données descriptives sur le niveau d’anxiété, de dépression et de détresse émotionnelle au cours de la semaine précédant l’entretien. Ce questionnaire validé auprès de malades atteints de cancer (2-4) reste un des plus utilisés pour l’évaluation de l’état émotionnel des patients atteints de maladie somatique grave, adultes comme adolescents (5). L’instrument présente en effet de nombreux avantages : son remplissage est rapide et facile (de 2 à 5 minutes), réduisant au minimum les efforts d’attention et de concentration ; et l’élimination des items somatiques (exemple : perte d’appétit, trouble du sommeil), souvent influencés par la maladie cancéreuse ou par ses traitements et non spécifiques des pathologies anxio-dépressives, évite que des symptômes d’étiologie physique ne soient confondus avec les manifestations d’un trouble émotionnel. L’échelle globale contient 14 items, 7 items évaluant la dimension anxieuse, 7 évaluant la dimension dépressive. Chaque item est coté de 0 à 3. L’addition des scores permet de calculer deux sous-scores, un pour l’anxiété, un pour la dépression, et un score global, qui permet une évaluation de la détresse émotionnelle globale du patient. Les scores possibles pour chacune des sous-échelles, anxiété et dépression, vont de 0 à 21 : le score maximal possible pour le score global est de 42. Il est possible de catégoriser les scores d’anxiété, de dépression et de détresse à l’aide de valeurs seuils ou cut-offs.
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Les études de validation ont permis de préciser selon l’âge de la population étudiée les valeurs seuils les plus adéquates. Pour les patients de plus de 18 ans, les valeurs seuils utilisées sont 8 (trouble modéré) et 11 (trouble avéré) pour les sous-échelles anxiété et dépression (1). Elles sont de 13 (détresse modérée) et 19 (détresse avérée) pour le score global de détresse (3). Pour les patients de moins de 18 ans, les valeurs seuils utilisées sont 9 (trouble anxieux modéré) et 12 (trouble anxieux avéré) pour la sous-échelle anxiété, et 7 (trouble dépressif modéré) et 10 (trouble dépressif avéré) pour la sous-échelle dépression (5). Dans cette tranche d’âge, il n’existe malheureusement pas de valeurs seuils pour le score global de détresse. Dans cette étude, on a donc additionné d’une part les valeurs seuils des sous-échelles anxiété et dépression, recommandées pour détecter un trouble modéré, et d’autre part celles recommandées pour détecter un trouble avéré. Les valeurs seuils utilisées sont donc 16 (détresse modérée) et 22 (détresse avérée) pour l’échelle globale. L’évaluation des difficultés et des besoins psychosociaux s’est basée sur l’adaptation du questionnaire Cancer Rehabilitation Evaluation System (CARES) permettant l’appréhension des difficultés d’ordre physique, familial, psychosocial, sexuel et financier, ainsi que les difficultés liées aux traitements et aux interactions avec l’équipe soignante (6-9). Le CARES est un outil d’autoévaluation spécifique du cancer qui comporte à l’origine 139 questions, certaines concernant l’ensemble des patients, d’autres non (patients sous chimiothérapie, patients entretenant une relation de couple, etc.). Les items explorés sont sous forme d’affirmations dont le patient doit dire si elles s’appliquent à lui et dans quelle mesure. Les questions se répartissent en un score global et en 5 sous-scores explorant les domaines (1) physique (difficultés dans les activités quotidiennes), (2) psychosocial (communication et vie relationnelle), (3) sexuel (intérêt et satisfaction) (4) conjugal (problèmes posées par le relation de couple) et (5) les relations avec les soignants (communication et interactions). Dans chaque domaine sont explorées plusieurs difficultés, regroupées en sous-catégories. Chaque difficulté correspond à une question, notée sur une échelle de 5 points (de 0 – pas de difficulté – à 4 – beaucoup de difficultés). Les scores les plus bas indiquent le moins de difficultés. Dans la version anglaise le CARES, ou sa forme abrégée le CARES-SF, sont bien acceptés par les patients et ont été utilisés dans de nombreux types de cancer (8-11). Les domaines explorés comme les fonctionnements sexuel, marital et relationnel, dont le retentissement en termes de souffrance psychologique est potentiellement majeur, ne sont pas accessibles par la plupart des questionnaires de qualité de vie relative à la santé (11). La faisabilité dans une population européenne de ce type d’évaluation a été montrée par une première étude néerlandaise (10), utilisant le CARES-SF ; 90 % des patients ont pu compléter sans aide le questionnaire ; 82 % des patients rapportaient cependant avoir été en difficulté avec un item au moins (item concernant des dimen-
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sions considérées comme intimes, comme la sexualité, ou considérés comme difficiles à comprendre dans leur formulation). Les scores ici présentés correspondent à la fréquence des difficultés rencontrées par les patients, soit le pourcentage de patients ayant répondu avoir rencontré au moins une difficulté au cours du mois écoulé dans les différents domaines ; et à l’intensité moyenne des difficultés pour les patients, soit la somme des intensités totales des difficultés identifiées par le patient divisée par le nombre de difficultés potentielles (le nombre de difficultés potentielles est le nombre de difficultés qui potentiellement concernent le patient). Par ailleurs, afin de pouvoir étudier le souhait d’aide, deux modalités de réponses ont été ajoutées après l’évaluation de chaque catégorie de difficulté par le CARES : une modalité évaluant le souhait d’être soutenu et une évaluant la présence déjà existante d’une aide extérieure. La provenance de l’aide souhaitée ou reçue devait être précisée parmi une liste d’acteurs potentiels (proches : père/beau-père, mère/bellemère, fratrie, petit(e) ami(e), amis ou autres – et/ou professionnels : médecins généralistes, médecins spécialistes, infirmiers, assistants sociaux, psychologues, psychiatres ou autres). On peut donc évaluer le souhait d’aide global (et l’aide reçue) : cette variable continue correspond ainsi au nombre de patients ayant souhaité et/ou reçu de l’aide sur l’ensemble des patients ayant fait part d’au moins une difficulté dans la catégorie sus-mentionnée. On étudiera aussi le souhait d’aide spécifique, variable dichotomique définie comme le fait d’avoir souhaité de l’aide au moins une fois de la part d’un intervenant particulier quelle que soit la difficulté concernée. Ce souhait d’aide dit spécifique sera particulièrement évalué pour l’aide attendue de la part des professionnels de santé mentale et des proches (incluant père/beau-père, mère/belle-mère, fratrie, amis, petit(e)-ami(e) et autre(s) proche(s)). Enfin, pour tenir compte des caractéristiques de cette population adolescente, les difficultés dans le CARES incompatibles à l’oncologie pédiatrique ont été supprimées et l’évaluation d’éventuelles difficultés dans la relation à la mère et au père, ainsi qu’à la fratrie, a été ajoutée sur le modèle des autres difficultés déjà explorées par cet outil. Un questionnaire spécifique a évalué les caractéristiques sociodémographiques des patients et de leurs familles (âge, sexe, état civil, nationalité, langue maternelle/courante, origine culturelle, religion, niveau d’études, activité actuelle, lieu de résidence, nombre et âge des différents membres de la famille, présence à domicile des deux parents, prise en charge financière). Les informations médicales concernant les patients ont été recueillies à partir de leur dossier médical et auprès des équipes soignantes responsables de leur prise en charge.
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Évaluation de la détresse, des difficultés et du souhait d’aide des mères Les proches désignés par les patients comme étant la personne les prenant principalement en charge au moment de l’étude ont reçu également plusieurs autoquestionnaires. On rappelle que n’ont été conservés dans cette analyse, parmi les résultats des proches, que les résultats des mères. La détresse émotionnelle a été mesurée, comme pour les patients, à l’aide de la traduction française (et néerlandaise) du questionnaire Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS), évaluant la symptomatologie anxieuse et dépressive (1), avec les normes de la population adulte. L’évaluation des difficultés et des besoins psychosociaux des mères s’est basée sur l’adaptation du questionnaire Cancer Rehabilitation Evaluation System (CARES) par l’unité de recherche en psychosomatique et psycho-oncologie (Université Libre de Bruxelles) permettant l’appréhension des difficultés d’ordre physique, familial, psychosocial, sexuel et financier, ainsi que les difficultés liées aux traitements et aux interactions avec l’équipe soignante (12). Ce questionnaire modifié appelé le CARESparent permet de fournir plusieurs scores : la fréquence des difficultés rencontrées par les mères, soit le pourcentage de mères ayant signalé avoir rencontré au moins une difficulté au cours du mois écoulé, dans les différents domaines ; l’intensité moyenne des difficultés pour les mères, soit la somme des intensités totales des difficultés identifiées par la mère divisée par le nombre de difficultés potentielles (le nombre de difficultés potentielles est le nombre d’items qui potentiellement concernent la mère). Pour chaque difficulté signalée, les mères étaient également invitées à indiquer si elles avaient souhaité de l’aide et si elles en avaient reçu de la part de leur entourage (conjoint, parents, fratrie, enfants, amis ou autres) et/ou de professionnels (médecins généralistes, médecins spécialistes, infirmiers, assistants sociaux, psychologues, psychiatres ou autres). Les informations sociodémographiques ont été évaluées par un questionnaire spécifique évaluant les caractéristiques sociodémographiques des mères incluses et de leurs familles (âge, état civil, nationalité, langue maternelle/courante, origine culturelle, religion, niveau d’études, activité actuelle, nombre et âge des enfants, cohabitants, niveau d’études et profession du conjoint, source principale de revenu familial, cohabitation avec le patient).
Méthodes
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Étude de la dyade patient-mère Un des intérêts majeurs des deux études présentées ici réside dans l’évaluation conjointe du patient et de sa mère, afin d’analyser les interactions au sein du système relationnel formé avec le patient. Pour cela nous avons sélectionné au sein des proches le groupe des mères : cela concerne 101 des 171 patients français, et les 64 patients belges. On s’est ensuite intéressé à ces interactions de deux façons : en cherchant à déterminer les liens entre certains paramètres mesurés chez le patient et les paramètres mesurés chez sa mère, et réciproquement (en particulier facteurs associés à la détresse ou au souhait d’aide de l’un et de l’autre) ; en évaluant la perception par les mères des difficultés de leur enfant. Pour cette étude du fonctionnement dyadique on a donc utilisé, en plus des outils précédemment présentés, plusieurs questionnaires. L’étude des stratégies d’ajustement aux difficultés (coping) a été réalisée à l’aide de la traduction française (13) et néerlandaise du questionnaire Ways of Coping Checklist (WCC), comprenant 27 items. Il s’agit d’une échelle de coping valide et fidèle qui permet d’évaluer trois types de stratégies de coping : le coping centré sur le problème (essayer de résoudre le problème, suivre un plan d’action, trouver des solutions, etc.), le coping centré sur l’émotion (éviter, s’autoblâmer, se culpabiliser, avoir recours à la pensée magique, etc.) et la recherche de soutien social (rechercher de l’aide et/ou des informations, exprimer ses émotions, etc.). Ainsi, il est demandé aux patients de penser à un événement récent qui les a particulièrement bouleversés, troublés, et d’indiquer pour chacun des comportements proposés s’ils les ont utilisés pour faire face à cet événement (score allant de 1 à 4 : 1 signifiant « non », 2 « plutôt non », 3 « plutôt oui » et 4 « oui »). L’évaluation de la perception des besoins du patient par les mères a été réalisée par une adaptation du CARES permettant d’interroger les mères sur leur appréhension des difficultés rencontrées par leur enfant, difficultés d’ordre physique, familial, psychosocial, sexuel et financier, ainsi que les difficultés liées aux traitements et aux interactions avec l’équipe soignante. On a donc recueilli : la fréquence des difficultés estimées par les mères pour leur enfant (soit le pourcentage de mères considérant que leur enfant a rencontré au moins une difficulté au cours du mois écoulé rapporté au nombre de mères ayant donné réponse aux items proposés) ; l’intensité moyenne des difficultés estimées par les mères pour leur enfant lorsqu’elles considèrent que celui-ci présente au moins une difficulté (soit la somme des intensités totales des difficultés identifiées par la mère divisée par le nombre de difficultés potentielles, c’est-à-dire le nombre d’items dont la mère pense que potentiellement ils concernent le patient).
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
Deux évaluations ont donc été réalisées pour les mères avec un questionnaire dérivé du CARES : pour l’une, abordée au paragraphe précédent, il s’agissait d’étudier la mère elle-même, et la consigne portait sur ses éventuelles difficultés propres à faire face aux problèmes perçus chez l’adolescent ; pour l’autre, permettant l’étude de la dyade, il s’agissait d’évaluer la perception par la mère des difficultés rencontrées par le patient. On a ensuite effectué une comparaison pour chaque difficulté du CARES entre les réponses des patients et les réponses des mères questionnées sur la perception qu’elles ont des difficultés rencontrées par leur enfant. On a cherché à évaluer le degré de concordance de ces réponses. Les réponses ont été considérées comme concordantes si le patient et sa mère avaient tous deux répondu « non » (0) ou si les deux avaient répondu de « un peu » (1) à « énormément » (4). Ainsi, ce qui a été évalué est la perception correcte de l’existence d’un problème quelle qu’en soit l’intensité, la comparaison de l’intensité des difficultés perçues ayant été abandonnée parce que considérée comme trop subjective. L’ensemble des domaines a été pris en considération pour cette analyse, mais seuls ont été retenus les items évalués par l’adolescent et sa mère (et ce pour chaque dyade). La concordance globale a été analysée en continu (pourcentage de réponses concordantes). Cette valeur de la concordance en variable continue permet de définir la qualité de la perception par la mère des difficultés de son enfant : on considère que plus grand est le pourcentage de réponses concordantes, meilleure est la perception (à l’inverse un pourcentage faible de réponses concordantes signe une mauvaise perception). Une recherche d’associations entre variables intéressant la dyade patient-mère a ensuite été réalisée. Trois variables à expliquer ont été retenues. La première est la détresse émotionnelle du patient et de la mère (qui correspond pour l’un et l’autre au score de détresse émotionnelle global ressortant de l’HADS, utilisé en continu à partir de l’ensemble des données disponibles pour chacun des échantillons). La deuxième variable à expliquer est le souhait d’aide du patient et de la mère ; on a ici considéré d’une part l’ampleur du souhait d’aide global, soit le nombre de difficultés identifiées pour lesquelles le patient / la mère a souhaité de l’aide ; et d’autre part le souhait d’aide spécifique à l’égard des interlocuteurs particuliers que sont les psychiatres/psychologues et les proches (tous proches confondus), soit le nombre de patients ou de mères ayant au moins une fois souhaité de l’aide de la part de ces personnes sur l’ensemble du questionnaire. Le souhait d’aide global est une variable continue dans le calcul de celui-ci ; pour les patients français, seules les difficultés physiques, psychosociales, médicales et parentales (mère uniquement) ont été retenues pour ce calcul car concernant l’ensemble des patients. Pour les mères françaises, l’ensemble des domaines a été conservé, à l’exception des difficultés conjugales car n’intéressant qu’une partie des
Méthodes
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mères. Le souhait d’aide spécifique est une variable dichotomique (« a souhaité versus n’a pas souhaité de l’aide »). Enfin, la troisième variable à expliquer est la perception des besoins par la mère, définie par le pourcentage de concordance entre les réponses de la mère et celles du patient. On a donc cherché à expliquer ces variables par des variables explicatives, qui peuvent appartenir au patient ou à la mère. Les variables appartenant au patient sont en premier lieu les données sociodémographiques (sexe, âge (en continu), état civil (seul/en couple), lieu de résidence (chez ses parents, chez lui) , parents partageant le même domicile, prise en charge financière par les parents (totalement/partiellement/pas du tout), niveau d’étude (primaire, lycée, supérieur), activité actuelle du patient (scolarisé/activité professionnelle/invalidité-arrêt de travail)) ; puis les données médicales (métastatique, en rechute, en traitement, nombre de jours d’hospitalisation, délai écoulé depuis le diagnostic à l’inclusion (en continu) , âge au moment du diagnostic (en continu)). Ont aussi été considérés comme variables explicatives la détresse émotionnelle (scores des échelles d’anxiété, de dépression et de détresse émotionnelle, en continu) et le mode de coping (scores moyens de la WCC pour chacune des sous-échelles de coping, soit le coping centré sur la recherche de solution, sur l’émotion et la recherche de soutien social – score brut total/nombre d’items évalués). Les variables explicatives appartenant à la mère sont de même en premier lieu les données sociodémographiques : état civil (seul/en couple), nombre d’enfants (en continu), habitation commune avec le patient (oui/non), niveau d’étude (primaire, lycée, supérieur), activité actuelle (activité professionnelle à temps plein/temps partiel, aucune activité professionnelle). Ont ensuite été considérées comme pour le patient la détresse émotionnelle et le mode de coping. On a choisi ici de ne pas intégrer la fréquence ou l’intensité des difficultés rencontrées parmi les variables explicatives potentielles, une interprétation judicieuse de ce lien paraissant extrêmement complexe puisque en partie tautologique. Le tableau I récapitule les questionnaires utilisés.
100
L’adolescent atteint de cancer et les siens
Tableau I – Récapitulatif des questionnaires utilisés. Paramètre mesuré
Échelle
État émotionnel
HADS
Dimensions
Patients
Proches
X
X
Anxiété Dépression Détresse émotionnelle
Physiques (difficultés dans les activités quotidiennes) Psychosociales (communication et vie Difficultés Adaptation du relationnelle) et besoins CARES-SF psychosociaux Sexuelles (intérêt et satisfaction) Conjugales (problèmes posées par la relation de couple) Relationnelles avec les soignants (communication et interactions) Centré sur le problème Coping
WCC
Centré sur l’émotion
Propres
Perçues chez le patient
X
X
X
X
X
X
X X X
X
X
X
X
X
X
Centré sur la recherche de soutien social Données sociodémographiques et médicales
Questionnaire ad-hoc
Recueil des données Dans les deux études, le recueil des données s’est fait de façon similaire. Il s’est déroulé pour l’étude belge d’avril 2004 à juin 2006 et pour l’étude française de janvier 2006 à février 2008. L’inclusion a été systématiquement proposée à l’ensemble des patients éligibles hospitalisés durant la durée de l’étude. Une lettre d’information était donnée aux parents lorsqu’il s’agissait de patients mineurs, aux patients eux-mêmes lorsqu’il s’agissait de patients majeurs. Le recueil écrit du consentement et, le cas échéant, l’autorisation de participer, précédaient la remise des questionnaires. Seuls les enfants dont au moins un des deux parents avaient donné leur consentement éclairé (et ce par écrit) étaient
Méthodes
101
invités à participer à l’étude (nécessité des consentements des deux parents pour les patients belges). Les patients ou leurs parents étaient sollicités dès le premier jour d’hospitalisation jusqu’à 7 jours maximum après cette date. Les refus étaient documentés, les non-sollicitations comptabilisées. Dans le cas de patients mineurs, le proche était systématiquement un des parents, le plus souvent celui sollicité pour donner son consentement. Dans le cas de jeunes adultes, il était demandé au patient de désigner un proche auquel serait proposée l’inclusion dans l’étude. Après accord de celui-ci, les questionnaires d’évaluation étaient transmis par le patient ou bien adressés par voie postale. Le remplissage des questionnaires durait environ une heure, et pouvait se faire soit à l’hôpital, soit à domicile pour les patients en hôpital de jour par exemple. Lorsque le patient le demandait, il pouvait bénéficier de l’assistance de l’enquêteur pour le remplissage du questionnaire (ce paramètre étant documenté). Cette assistance était systématique pour les enfants les plus jeunes pour le début du questionnaire, puis lorsqu’il avait compris le principe le patient pouvait continuer seul. Afin de limiter les biais, notamment de désirabilité sociale, l’enquêteur essayait cependant au maximum de favoriser le fait que le patient réponde seul, et lui proposait alors essentiellement de revoir avec lui, parfois en plusieurs fois, les questions qui pouvaient lui paraître plus difficiles. L’investigateur était également joignable par téléphone pour les patients ou les proches qui complétaient le questionnaire à domicile s’ils avaient des questions. Le retour des questionnaires s’effectuait sous pli fermé confidentiel, remis à l’équipe soignante ou envoyé par courrier (enveloppe préaffranchie). Si les questionnaires n’étaient pas renvoyés dans le mois suivant l’inclusion des sujets ou si des données manquaient, les enfants et/ou les mères étaient contactés par téléphone. L’enquêteur était une personne n’intervenant pas dans la prise en charge des répondants (psychologue extérieur ou attaché de recherche clinique).
Analyse statistique Pour les données belges, les analyses statistiques ont été réalisées à l’Unité de recherche en psychosomatique et psycho-oncologie (Université Libre de Bruxelles). En France, elles ont été réalisées par le département de biostatistiques de l’Institut de cancérologie Gustave-Roussy à Villejuif. Dans les deux pays, l’analyse statistique a consisté d’abord en une analyse descriptive de tous les adolescents inclus et de leurs mères séparément. Ensuite, pour mettre en relation les différentes variables étudiées, les tests statistiques suivants ont été utilisés : corrélations de Spearman, tests de Mann-Whitney and Kruskal-Wallis. Lorsque cela a été possible des tests paramétriques ont été utilisés.
102
L’adolescent atteint de cancer et les siens
Aspects éthiques L’étude a été soumise en Belgique aux comités d’éthique de chaque hôpital concerné. En France, elle a été soumise à la Commission scientifique des études thérapeutiques de l’Institut Gustave-Roussy et à la relecture du Comité de patients de la Ligue nationale contre le cancer.
Références 1. Zigmond AS, Snaith RP (1983) The Hospital Anxiety and Depression Scale. Acta Psychiatr Scand 67: 361-70 2. Razavi D, Delvaux N, Farvacques C, et al. (1989) Validation de la version française du HADS dans une population de patients cancéreux hospitalisés. Rev Psychol Appliquée 39: 295-308 3. Razavi D, Delvaux N, Farvacques C, et al. (1990) Screening for adjustment disorders and major depressive disorders in cancer in-patients. Br J Psychiatr 156: 79-83 4. Razavi D, Delvaux N, Bredart A, et al. (1992) Screening for psychiatric disorders in a lymphoma out-patient population. Eur J Cancer 28A: 1869-72 5. White D, Leach C, Sims R, Atkinson M, Cottrell D (1999) Validation of the Hospital Anxiety and Depression Scale for use with adolescents. Br J Psychiatr 175: 452-4 6. Schag CA, Heinrich R, Ganz PA (1983) The cancer inventory of problem situations: an instrument for assessing cancer patients’ rehabilitation needs. J Psychosoc Oncol 1: 11-24 7. Schag CA, Heinrich RL (1990) Development of a comprehensive quality of life measurement tool: CARES. Oncology 4: 135-8 8. Schag CA, Ganz PA, Heinrich RL (1991) CAncer Rehabilitation Evaluation System-short form (CARES-SF). A cancer specific rehabilitation and quality of life instrument. Cancer 68: 140613 9. Ganz PA, Schag CA, Lee JJ et al. (1992) The CARES: a generic measure of health-related quality of life for patients with cancer. Qual Life Res 1: 19-29 10. Te Velde A, Sprangers MAG, Aaronson NK (1996) Feasibility, psychometric performance, and stability across modes of administration of the CARES-SF. Ann Oncol 7: 381-90 11. Hjermstad MJ, Evensen SA, Kvaloy SO et al. (2003) The CARES-SF used for prospective assessment of health-related quality of life after stem cell transplantation. Psycho-Oncol 12: 808-13 12. Merckaert I, Libert Y, Messin S et al. (2009) Cancer patients’ desire for psychosocial support: prevalence and implications for screening patients’ psychological needs. Psycho-Oncol (epub) 13. Cousson F, Bruchol-Schweitzer M, Quintard B et al. (1996) Analyse multidimensionnelle d’une échelle de coping: validation française de la WCC (Ways of Coping Checklist). Psychol Fr 41: 155-64
Les adolescents et jeunes adultes Sarah Dauchy, Cécile Charles, Elodie Tournay, Julie Beckers, Anne Auperin et Darius Razavi
Description des échantillons En Belgique, 95 dyades mère-adolescent éligibles ont été contactées pour participer à l’étude entre avril 2004 et janvier 2006. Parmi celles-ci, 4 adolescents n’ont pas désiré participer à l’étude (motifs des refus non répertoriés) et 8 parents ont refusé que leur enfant participe à l’étude, craignant que la passation prenne trop de temps (n = 2), que l’enfant ne soit pas capable physiquement de répondre (n = 1) ou ne le souhaite pas (n = 1), ou parce que ne voyant pas l’intérêt de l’étude (n = 1). Trois parents n’ont pas souhaité motiver leur refus. Huit dyades n’ont pas répondu au questionnaire dans le temps imparti (dossiers incomplets). Soixante-quinze dyades mère-adolescent ont donc participé à l’ensemble de l’étude. L’analyse statistique n’a cependant porté que sur les dyades dont l’adolescent était en rémission complète au moment de l’inclusion à l’étude : au final, soixante-quatre dyades mère-adolescent ont donc fait l’objet d’une analyse statistique, 40 recrutés au service d’hémato-oncologie de l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (62 %) et 24 au service d’oncologie pédiatrique de l’Universitair Ziekenhuis Gent (38 %) (fig. 1). 95 dyades mère-patient éligibles
64 dyades incluses (patient en rémission complète)
• 12 refus • 8 abandons • 11 dyades (patient en phase aiguë de la maladie)
Fig. 1 – Résultats du recrutement des dyades patient-mère belges.
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
En France, le recrutement des patients a précédé celui des dyades puisqu’un certain nombre de patients majeurs n’avaient pas besoin de fait d’un parent pour être inclus. Trois cent soixante-treize patients éligibles consécutifs ont été recensés entre janvier 2006 et février 2008. Parmi eux, 336 ont pu être contactés pour participer à l’étude. Cinquante-deux refus ont été enregistrés, 48 provenant des adolescents et jeunes adultes eux-mêmes (14 %), 4 de leurs parents. Les motifs de refus des 48 adolescents et jeunes adultes étaient (plusieurs réponses possibles) surtout liés à la longueur de la passation (n = 29), au refus de participer à une étude (n = 26), à une incapacité physique à répondre (n = 17). Six refus furent liés à la perception du questionnaire comme une violation de la vie privée ; 2 à un désintérêt, 2 à la participation à une autre étude, 2 à un refus de parler de la maladie. Quatre parents se sont également opposés à ce que leur enfant participe à l’étude, jugeant que le remplissage des questionnaires prendrait trop de temps (n = 2) ou que les questions posées étaient inadéquates, voire trop intrusives (n = 2). Quatre-vingt dix-huit patients (29 %) n’ont pas répondu au questionnaire dans le temps imparti et 15 (4 %), bien que n’étant pas en phase palliative terminale à l’inclusion, sont décédés entre l’inclusion et la récupération des questionnaires. Au final, cent soixante et onze patients ont participé à l’ensemble de l’étude française : 126 recrutés à l’Institut de cancérologie Gustave-Roussy (74 %) et 45 à l’Institut Curie (26 %). L’analyse statistique a porté sur l’ensemble des patients participants. Sur cent soixante et onze patients participants, 134 ont pu associer un proche à l’étude. Il s’agit pour une majorité de mères (101, soit 75 %) (fig. 2).
171 patients participants
37 patients sans proche inclus
134 dyades patient-proche • 8 dyades patient-père • 10 dyades patient-conjoint/petit-ami • 5 dyades patient-proche « autre » (tante, sœur, tuteur) 101 dyades patient-mère Fig. 2 – Résultats du recrutement des dyades patient-mère françaises.
Les adolescents et jeunes adultes 105
Les tableaux I, II et III décrivent les caractéristiques sociodémographiques des adolescents et jeunes adultes belges et français. Les échantillons sont majoritairement masculins (belge : 56 % ; français : 60 %), originaires d’Europe occidentale (B : 92 % ; F : 84 %) et de langue française (B : 62 % ; F : 93 %). La plupart des patients vivent au domicile familial (B : 100 % ; F : 84 %) avec leurs deux parents (B : 58 % ; F : 62 %). Les deux populations se distinguent essentiellement par l’âge, la moyenne belge étant de 14 ans (σ = 2) et la moyenne française de 19 ans (σ = 4), ce qui explique notamment les différences en termes d’état civil, de niveau d’études et d’activité. Ainsi, l’échantillon français compte 12 % de patients en couple, l’échantillon belge aucun. Par ailleurs, si l’ensemble des patients belges est encore scolarisé, 18 % des patients français sont déjà engagés dans la vie active. En ce qui concerne le niveau d’études, la plupart des patients belges fréquentent l’enseignement primaire ou secondaire inférieur (81 %) alors que la moitié des patients français ont un niveau baccalauréat (25 %) ou un diplôme d’enseignement supérieur (Bac +2 et au-delà, 25 %). Tableau II – Caractéristiques sociodémographiques des patients belges inclus. Total (n = 64) % Âge (années) Moyenne Écart-type
14 2
Sexe Masculin Féminin
56 44
Langue courante Français Néerlandais
62 38
Origine culturelle Europe occidentale Autre
92 8
Lieu de résidence Au domicile familial (présence des 2 parents) Au domicile de la mère Au domicile du père
58 40 2
Fratrie Compte au moins un frère Nombre de frères (moyenne/écart-type) Compte au moins une sœur Nombre de sœurs (moyenne/écart-type)
60 0,7 (0,7) 61 0,8 (0,9)
Niveau d’étude École secondaire inférieur ou moins École secondaire supérieur ou plus
81 19
106
L’adolescent atteint de cancer et les siens
Tableau III – Caractéristiques sociodémographiques des patients français inclus. Total (n = 171) % Âge (années) Moyenne Écart-type
19 4
Sexe Masculin Féminin
60 40
Langue maternelle Français Autre
93 7
Origine culturelle Europe occidentale Autre
84 16
État civil Célibataire ou seul(e) Marié(e) ou en couple Séparé(e) ou divorcé(e)
87 11 2
Lieu de résidence Au domicile familial (présence des 2 parents) Au domicile de la mère Au domicile du père Ne vit plus chez ses parents
62 20 2 16
Fratrie Compte au moins un frère Nombre de frères (moyenne/écart-type) Compte au moins une sœur Nombre de sœurs (moyenne/écart-type)
60 1,5 (0,7) 68 1,4 (0,7)
Niveau d’étude Primaire, collège, CAP, BEP ou moins Lycée, Baccalauréat ou équivalent Diplôme d’études supérieures
50 25 25
Activité actuelle Scolarité en cours Activité professionnelle En arrêt maladie/invalidité
74 18 8
Les adolescents et jeunes adultes 107
La différence d’âge des échantillons conditionne également en partie une différence de caractéristiques médicales entre les deux échantillons. Ces différences concernent la répartition diagnostique d’une part (figs. 3 et 4) : les maladies hématologiques sont particulièrement présentes dans l’échantillon belge (leucémies : 47 %, lymphomes : 23 %), tandis que l’échantillon français compte davantage de tumeurs solides (sarcomes : 45 % , tumeurs germinales : 19 %) ; la phase de la maladie d’autre part : les patients en rémission complète constituent la totalité de l’échantillon belge, mais ne représentent que 3 % de l’échantillon français ; les traitements reçus, liés à cette différence de phase de la maladie : seuls 20 % seulement des patients belges reçoivent une chimiothérapie, qui est exclusivement à visée de consolidation, alors que la quasi-totalité des patients français (97 %) reçoit une chimiothérapie ; et le délai écoulé depuis l’annonce du diagnostic, 5 ans en moyenne (ó ≈ 4 ans) pour les patients belges, un peu moins d’un an et demi pour les patients français (ó ≈ 3 ans). Les patients belges étaient donc âgés en moyenne de 9 ans lorsque leur cancer est survenu (tableau IV). Les différences constatées entre les échantillons belge et français offrent ainsi la possibilité d’investiguer l’état émotionnel et les difficultés rencontrées à deux phases de la vie (adolescent et jeune adulte) et à deux stades de la maladie cancéreuse (en phase aiguë ou en rémission). Il est important de garder à l’esprit ces dissemblances et leurs possibles répercussions sur les résultats obtenus dans la lecture descriptive des données recueillies. L’ampleur de leur impact fera par la suite l’objet d’une discussion critique.
Fig. 3 – Répartition diagnostique des patients belges.
108
L’adolescent atteint de cancer et les siens
Fig. 4 – Répartition diagnostique des patients français.
Tableau IV – Caractéristiques médicales des patients belges et français. Patients belges (n = 64)
Patients français (n = 171) %
Mois écoulés depuis le diagnostic Moyenne Écart-type
62 47
16 35
9 4
ND ND
100 20 0 0
3 97 30 16
Âge au moment du diagnostic (en années) Moyenne Écart-type Statut médical au moment de l’inclusion En rémission complète En traitement Métastatique En rechute ND : Non défini
Les adolescents et jeunes adultes 109
Évaluation de la détresse Celle-ci est mesurée par l’échelle HADS et peut être analysée par le score total (détresse émotionnelle) ou par les sous-scores anxiété et dépression. Cette analyse permet de distinguer par sévérité grandissante des cas de trouble émotionnel mineur, modéré ou sévère (tableau V). L’analyse du score total permet de constater que la plus grande partie des patients (83 % de l’échantillon belge et 68 % de l’échantillon français) ne rapporte aucune détresse émotionnelle particulière. Une minorité de patients présente un score de détresse émotionnelle modéré (B : 16 % ; F : 21 %). La proportion de patients avec une détresse émotionnelle sévère est moins importante encore (B : 2 % ; F : 11 %). Si l’on considère la dimension anxiété seule (par l’analyse des sous-scores d’anxiété), on retrouve chez environ un tiers des patients une symptomatologie anxieuse modérée (B : 27 % ; F : 34 %), qui se révèle sévère pour environ la moitié d’entre eux (B : 14 % ; F : 15 %). Ces résultats sont identiques entre les échantillons belge et français tant du point de vue de la fréquence que de la sévérité des troubles présentés. Si on considère la dimension dépressive seule (par l’analyse des sous-scores de dépression), on constate que la symptomatologie dépressive est moins fréquente et moins intense que la symptomatologie anxieuse : dans les deux échantillons moins de 10 % des patients présentent une symptomatologie dépressive sévère. Ici, les deux échantillons diffèrent, puisque la proportion de patients belges présentant un trouble dépressif avéré (2 %) est de moindre importance que celle des patients français (8 %).
Tableau V – Fréquence et sévérité des troubles émotionnels chez les patients belges et français (HADS). Patients belges (n = 64)
Patients français (n = 171) %
Détresse émotionnelle Absente Modérée Avérée Anxiété Absence d’un trouble Symptômes anxieux modérés Symptômes anxieux avérés Dépression Absence d’un trouble Symptômes dépressifs modérés Symptômes dépressifs avérés
83 16 2
68 21 11
73 13 14
66 20 15
89 9 2
80 12 8
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
Évaluation des difficultés rencontrées par les patients Les difficultés rencontrées par les patients belges et français au cours du mois précédant leur inclusion sont présentées par leur fréquence (tableau VI) et leur intensité moyenne (tableau VII). Dans l’échantillon belge comme dans l’échantillon français, les difficultés se concentrent essentiellement dans les sphères physique et psychosociale. Elles apparaissent à la fois plus nombreuses et plus fréquentes parmi la population française. Les difficultés dans la sphère physique traduisent le poids symptomatique de la maladie et de ses traitements, chez les patients en cours de traitement (la majorité de l’échantillon français) comme en fin de traitement (la majorité de l’échantillon belge). Parmi ces difficultés, celles liées à la mobilité sont centrales (B : 58 % ; F : 87 %) et se retrouvent dans les difficultés liées à la scolarité/au travail (B : 55 % ; F : 77 %) et plus généralement les activités de la vie quotidienne (difficultés à accéder aux loisirs, B : 55 % ; F : 71 %). Ces difficultés font également partie de celles dont l’intensité est parmi les plus importantes dans les deux populations. On retrouve également, dans ces difficultés physiques, une forte proportion de patients en difficulté avec des symptômes somatiques : 92 % des 156 patients français en chimiothérapie décrivent des difficultés en lien avec les effets secondaires des traitements ; 68 % des patients rapportent des difficultés en lien avec des douleurs, 61 % en lien avec une perte de poids. Des douleurs liées aux procédures diagnostiques sont également rapportées par les patients des deux échantillons, peu fréquentes (B : 32 % ; F : 37 %) mais parmi les plus intenses. Parmi les difficultés psychosociales, la souffrance psychologique est rapportée par une majorité de patients (B : 56 % ; F : 75 %), y compris dans le groupe belge où les patients sont en rémission et alors que dans ce même groupe les difficultés physiques sont moins fréquentes. Cette détresse émotionnelle s’accompagne dans les trois quarts des cas de troubles cognitifs comme des troubles de la concentration (B : 38 % ; F : 51 %). Une forte proportion de patients belges et une majorité de patients français se disent également préoccupés par leur image corporelle (B : 36 % ; F : 57 %), chiffres qu’il convient de rapprocher non seulement de la différence d’âge des deux échantillons mais aussi de la différence de moments par rapport aux traitements (on rappelle que l’échantillon français est non seulement plus âgé mais encore plus proche de la période des traitements). Sur le plan des difficultés relationnelles, les constats se rejoignent très étroitement entre patients belges et français. Les difficultés relationnelles les plus fréquentes sont les difficultés de communication avec l’équipe soignante, qui concernent près de la moitié des patients dans les deux échantillons (B : 44 % ; F : 43 %). Elles sont à comprendre en tenant compte des particularités de la communication avec un monde d’adultes à cet âge de la vie. Elles sont, de façon intéressante, identiques quel que soit le lieu de prise en charge des jeunes patients, qu’il s’agisse de la pédiatrie (ce qui est le cas pour
Les adolescents et jeunes adultes 111
l’ensemble des patients belges) ou des services adultes. Elles n’apparaissent pas davantage diminuées par la durée écoulée depuis le début de la maladie. Elles sont d’autant plus gênantes que plus de la moitié des patients rapportent des préoccupations relatives aux situations médicales (B : 64 % ; F : 75 %), pour lesquelles précisément une bonne communication pourrait être nécessaire. Dans les deux échantillons, moins d’un quart des patients décrivent des difficultés dans leurs relations familiales. Un tiers cependant se sentent surprotégés par leur mère – ces chiffres étant à interpréter là encore en tenant compte du caractère propre à cet âge des questions relatives à la prise d’autonomie. En revanche, les relations amicales paraissent plus touchées, avec en moyenne près de 40 % de patients en difficulté dans ce domaine quel que soit l’échantillon considéré. Les difficultés les plus remarquables, soit par leur fréquence, soit par leur intensité, soit par les deux, ont été représentées sous forme de schémas intégrant ces deux caractéristiques (figs. 5 et 6). Il s’agit pour leur fréquence des difficultés liées à la chimiothérapie, de la détresse psychologique, des difficultés liées à la communication avec les soignants ; et pour leur intensité des difficultés liées à l’impact sur l’activité les déplacements au quotidien. Les difficultés liées à l’image corporelle, les douleurs liées aux procédures diagnostiques… ont été également considérées car à la fois fréquentes et intenses. Les deux schémas permettent de visualiser la répartition de ces difficultés dans les échantillons belge et français, ce dernier on le rappelle étant constitué de patients plus âgés majoritairement en cours de traitement.
3 2,5 Douleurs/ examens
Intensité
2
Travail études
1,5 Image du corps
1
Anxiété/ situations médicales
Communication/ soignants
0,5 0 0
20
40
60
80
100
Fréquence Fig. 5 – Ampleur des difficultés rencontrées par les patients belges en fonction de leur fréquence et de leur intensité (n = 64).
112
L’adolescent atteint de cancer et les siens
3 2,5
Travail études Douleurs/ examens
Intensité
2 1,5
Chimiothérapies
Image du corps
Anxiété/ situations médicales
1 Communication/ soignants
0,5 0 0
20
40
60
80
100
Fréquence Fig.6 – Ampleur des difficultés rencontrées par les patients français en fonction de leur fréquence et de leur intensité (n = 171). Tableau VI – Fréquence des difficultés rencontrées au cours du dernier mois par les patients. Fréquence des difficultés (%)* Patients belges Patients français (n = 64) (n = 171) Difficultés physiques Mobilité Activités de la vie quotidienne Loisirs Perte de poids Travail/études Douleurs Habillement Difficultés dans les interactions médicales Obtenir des informations Communiquer avec l’équipe Contrôler les actes médicaux Difficultés psychosociales Image du corps Détresse psychologique Fonctionnement cognitif Communication avec les amis Relations avec les amis Anxiété par rapport aux situations médicales Inquiétudes liées à la maladie Soucis à l’école1
58 33 55 33 41 47 34
87 53 71 61 77 68 34
14 44 17
17 43 21
38 56 36 36 48 64 30 55
51 75 57 42 44 75 56 77
Les adolescents et jeunes adultes 113
Difficultés dans les relations à la mère Communication avec la mère Contacts physiques avec la mère Entente avec la mère Surprotection de la mère Manque d’attention de la mère Difficultés dans les relations au père2 Communication avec le père Contacts physiques avec le père Entente avec le père Surprotection du père Manque d’attention du père Difficultés dans les relations à la fratrie3 Communication avec les frères et sœurs Relations avec les frères et sœurs Autres difficultés Douleurs lors de procédures diagnostiques Prise de poids Diarrhée/énurésie Chimiothérapie4 Radiothérapie5 Stomie5 Prothèse5 Adhésion aux traitements Déplacements Rencontres amicales
19 22 24 32 6
22 13 15 38 5
25 10 17 19 6
31 16 11 16 8
26 28
23 22
32 21 18 100 . . . 22 5 32
37 18 27 92 80 50 43 16 25 42
* Les pourcentages sont calculés sur le nombre de patients ayant répondu à l’item. 1. 33 patients belges et 62 patients français ont été à l’école au cours du mois écoulé. 2. 48 patients belges ont eu des contacts avec leur père au cours du mois écoulé. 3. 58 patients belges ont au moins un frère et/ou une sœur. Parmi les patients français, 102 ont au moins un frère et 116 au moins une sœur. 4. 9 patients belges et 156 patients français ont reçu des séances de chimiothérapie au cours du mois écoulé. 5. Aucun patient belge n’a reçu de séances de radiothérapie et aucun d’entre eux n’est porteur d’une prothèse ou d’une stomie. À la différence des patients français parmi lesquels 10 ont suivi des séances de radiothérapie, 23 sont porteurs d’une prothèse et 4 d’une stomie.
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
Tableau VII – Intensité moyenne des difficultés rencontrées au cours du dernier mois par les patients. Intensité moyenne des difficultés* Patients belges (n = 64)
Patients français (n = 171)
1,4 1,1 1,2 0,7 2,3 0,8 0,8
1,6 1,5 1,7 1,0 2,6 1,1 1,4
0,8 0,6 1,5
1,1 0,9 1,7
1,2 1,1 1,6 0,6 0,6 1,2 0,8 0,9
1,5 1,2 1,4 0,9 0,8 1,2 1,4 1,3
0,9 0,9 0,9 1,1 1,0
1,4 0,9 0,7 1,3 0,9
1,5 2,4 1,0 1,1 0,7
1,6 1,6 1,0 1,1 1,6
0,5 0,6
0,8 0,7
Difficultés physiques Mobilité Activités de la vie quotidienne Loisirs Perte de poids Travail/études Douleurs Habillement Difficultés dans les interactions médicales Obtenir des informations Communiquer avec l’équipe Contrôler les actes médicaux Difficultés psychosociales Image du corps Détresse psychologique Fonctionnement cognitif Communication avec les amis Relations avec les amis Anxiété par rapport aux situations médicales Inquiétudes liées à la maladie Soucis à l’école1 Difficultés dans les relations à la mère Communication avec la mère Contacts physiques avec la mère Entente avec la mère Surprotection de la mère Manque d’attention de la mère Difficultés dans les relations au père2 Communication avec le père Contacts physiques avec le père Entente avec le père Surprotection du père Manque d’attention du père Difficultés dans les relations à la fratrie3 Communication avec les frères et sœurs Relations avec les frères et sœurs
Les adolescents et jeunes adultes 115
Autres difficultés Douleurs lors de procédures diagnostiques Prise de poids Diarrhée/énurésie Chimiothérapie4 Radiothérapie5 Stomie5 Prothèse5 Adhésion aux traitements Déplacements Rencontres amicales
2,0 1,6 0,9 1,1 . . . 0.7 3.7 0.7
2,1 1,7 0,8 1,6 1.4 1.5 2.1 0.5 2.3 1.1
* Données tenant uniquement compte des patients ayant signalé au moins une difficulté dans la souscatégorie 1 = Un peu ; 2 = Modérément ; 3 = Beaucoup, 4 = Énormément. 1. 33 patients belges et 62 patients français ont été à l’école au cours du mois écoulé. 2. 48 patients belges ont eu des contacts avec leur père au cours du mois écoulé. 3. 58 patients belges ont au moins un frère et/ou une sœur. Parmi les patients français, 102 ont au moins un frère et 116 au moins une sœur. 4. 9 patients belges et 156 patients français ont reçu des séances de chimiothérapie au cours du mois écoulé. 5. Aucun patient belge n’a reçu de séances de radiothérapie et aucun d’entre eux n’est porteur d’une prothèse ou d’une stomie. À la différence des patients français parmi lesquels 10 ont suivi des séances de radiothérapie, 23 sont porteurs d’une prothèse et 4 d’une stomie.
Évaluation du souhait d’aide Souhait d’aide et aide reçue selon les difficultés Dans cette première partie, nous nous intéressons au souhait d’aide et au fait que cette aide ait été reçue. La provenance de cette aide sera étudiée dans le prochain paragraphe. Le tableau VIII rapporte certains de ces résultats ; la première colonne rapporte la fréquence avec laquelle ont été éprouvées les difficultés au cours du dernier mois ; la deuxième, la fréquence avec laquelle une aide a été souhaitée. La première constatation est l’absence de correspondance systématique entre difficulté ressentie et souhait d’aide réel : la demande d’aide est globalement bien inférieure à l’expression de la difficulté puisque, selon celles-ci, 30 à 78 % des patients en difficulté ne demandent aucune aide. La deuxième constatation est le caractère très variable de l’aide attendue en fonction des problèmes présentés. Ainsi, c’est essentiellement dans le domaine physique que les patients belges et français sont les plus demandeurs d’aide, en particulier pour les difficultés de mobilité (B : 57 % ; F : 72 %
116
L’adolescent atteint de cancer et les siens
des patients concernés), les douleurs (B : 62 % ; F : 62 % des patients concernés), les activités de la vie quotidienne (B : 69 % ; F : 66 % des patients concernés), les loisirs (B : 60 % ; F : 55 % des patients concernés). En revanche, pour certaines difficultés d’ordre psychosocial ou médical, la demande d’aide est plus faible et le décalage entre la proportion de patients signalant une difficulté et celle souhaitant une aide pour pouvoir y faire face s’accroît. C’est le cas par exemple pour les troubles cognitifs (B : 48 % ; F : 26 % des patients concernés), les difficultés dans les relations avec les amis (B : 48 % ; F : 24 % des patients concernés), les préoccupations relatives aux situations médicales (B : 46 % ; F : 44 % des patients concernés). Les résultats des échantillons belge et français sont globalement comparables sur ce point, à quelques différences notables près : par exemple l’aide pour les difficultés de communication avec l’équipe médicale (difficultés retrouvées en proportion équivalente dans les deux échantillons, soit chez 44 % des patients) est attendue davantage par les patients belges (65 % de ceux en difficulté) que les patients français (38 % de ceux en difficulté). Les patients étaient également interrogés à propos de l’aide reçue lorsqu’ils l’avaient souhaitée. Les réponses à cette question sont plutôt rassurantes : globalement l’aide attendue a été reçue, quels que soient les domaines et les intervenants. Les quelques différences (minimes) ne sont à l’évidence pas significatives. Nous n’avons donc pas rapporté ici ces résultats dans leurs détails.
Tableau VIII – Aide souhaitée et reçue par les patients pour leurs difficultés. Patients belges (n = 64)
Difficultés physiques Mobilité Activité de la vie quotidienne Loisirs Perte de poids Travail/études Douleurs Habillement Difficultés dans les interactions médicales Obtenir des informations Communiquer avec l’équipe Contrôler les actes médicaux
Patients français (n = 171) Fréquence Aide des souhaitée difficultés (%)** (%)*
Fréquence des difficultés (%)*
Aide souhaitée (%)**
58 33 55 33 41 47 34
57 67 60 33 48 62 68
87 53 71 61 77 68 34
72 66 55 55 43 62 47
14 44 17
56 65 27
17 43 21
48 38 34
Les adolescents et jeunes adultes 117
Difficultés psychosociales Image du corps Détresse psychologique Fonctionnement cognitif Communication avec les amis Relations avec les amis Anxiété par rapport aux situations médicales Inquiétudes liées à la maladie Soucis à l’école1 Difficultés dans les relations à la mère
38 56 36 36 48 64 30 55
52 61 48 35 48 46 53 65
51 75 57 42 44 75 56 77
47 58 26 32 24 44 49 44
Communication avec la mère Contacts physiques avec la mère Entente avec la mère Surprotection de la mère Manque d’attention de la mère Difficultés dans les relations au père2
19 22 24 32 6
64 8 47 30 50
22 13 15 38 5
38 14 16 26 38
Communication avec le père Contacts physiques avec le père Entente avec le père Surprotection du père Manque d’attention du père Difficultés dans les relations à la fratrie3 Communication avec les frères et sœurs Relations avec les frères et sœurs
25 10 17 19 6
18 . 13 33 67
31 16 11 16 8
32 13 38 21 .
26 28
53 19
23 22
27 23
32 21 18 100 . . . 22 5 32
40 67 40 56 . . . 36 67 20
37 18 27 92 80 50 43 16 25 42
44 43 39 63 50 100 70 25 55 26
Autres difficultés Douleurs lors de procédures diagnostiques Prise de poids Diarrhée/Enurésie Chimiothérapie4 Radiothérapie5 Stomie5 Prothèse5 Adhésion aux traitements Déplacements Rencontres amicales
* Les pourcentages ont été calculés sur l’ensemble des patients ayant répondu à l’item. ** Les pourcentages ont été calculés sur le nombre de patients ayant rencontré au moins une difficulté au cours du mois écoulé. 1. 33 patients belges et 62 patients français ont été à l’école au cours du mois écoulé. 2. 48 patients belges ont eu des contacts avec leur père au cours du mois écoulé. 3. 58 patients belges ont au moins un frère et/ou une sœur. Parmi les patients français, 102 ont au moins un frère et 116 au moins une sœur. 4. 9 patients belges et 156 patients français ont reçu des séances de chimiothérapie au cours du mois écoulé. 5. Aucun patient belge n’a reçu de séances de radiothérapie et aucun d’entre eux n’est porteur d’une prothèse ou d’une stomie. À la différence des patients français parmi lesquels 10 ont suivi des séances de radiothérapie, 23 sont porteurs d’une prothèse et 4 d’une stomie.
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
Souhait d’aide et aide reçue par intervenants Les figures suivantes mettent en parallèle l’aide souhaitée et l’aide reçue par les patients, tous domaines confondus, de la part de quatre type d’intervenants sur lesquels nous avons focalisé notre attention : les médecins (fig. 7), les infirmières (fig. 8), les psychologues/psychiatres (fig. 9) et les proches (regroupant père/beaupère, mère/belle-mère, fratrie, amis, petit(e)-ami(e) et autres proches) (fig. 10). L’attente d’aide spécifique correspond ainsi au nombre de patients ayant souhaité au moins une fois de l’aide auprès de chacune de ces catégories d’interlocuteurs. De même, l’aide spécifique reçue correspond à l’aide reçue au moins une fois de la part d’une catégorie donnée d’interlocuteur.
Fig. 7 – Souhait d’aide – aide reçue de la part des médecins (%).
Fig. 8 – Souhait d’aide – aide reçue de la part des infirmières (%).
Les adolescents et jeunes adultes 119
Fig. 9 – Souhait d’aide – aide reçue de la part des psychiatres/psychologues (%).
Fig. 10 – Souhait d’aide – aide reçue de la part des proches (%).
Comme on peut s’y attendre auprès d’une telle population, une aide importante est attendue, toutes difficultés confondues, de la part des médecins (B : 46 % ; F : 68 %) comme de la part des infirmières (B : 22 % ; F : 54 %). La différence entre les attentes de l’échantillon belge et de l’échantillon français peut être rapprochée du fait que la majeure partie de l’échantillon belge est constituée de patients en rémission et en ambulatoire (seuls 13 % des patients belges étaient hospitalisés au moment de l’inclusion dans l’étude). Dans les deux échantillons, une très grande majorité des patients attend de l’aide de la part de leurs proches (B : 69 % ; F : 84 %). Il faut aussi tenir compte dans la
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
tranche d’âge étudiée de la situation d’autonomie encore très partielle des patients, qui renforce sûrement ces attentes. Cela étant, cette attente est en général remplie, ce qui confirme l’intérêt dans cette étude d’avoir étudié en parallèle la situation des proches. Cette forte attente par rapport aux proches contraste avec le souhait limité d’aide de la part des psychiatres et/ou des psychologues. Parmi les patients présentant des difficultés psychologiques, seul un patient belge sur 5 (18 %) et un patient français sur 3 (29 %) l’ont souhaitée. Il est par ailleurs intéressant de constater que, dans cette étude, les patients français ont majoritairement bénéficié de l’aide attendue, alors que seul un patient belge demandeur de cet aide sur deux en a bénéficié. Ce chiffre peut sans doute être rapproché du plus jeune âge des patients belges et d’un suivi en ambulatoire, pour ces patients en rémission, qui peut rendre moins accessibles les éventuelles ressources psycho-oncologiques spécialisées.
Discussion Globalement, et malgré quelques différences qu’il apparaît possible de rapporter aux différences d’âge et d’état médical entre les deux échantillons, les résultats que nous venons de rapporter indiquent un faible niveau de détresse émotionnelle qui contraste avec des difficultés physiques et une souffrance psychosociale importante, comme des difficultés relationnelles bien présentes, au sein de la population approchée. Le souhait d’aide issu de ces difficultés est inconstant, mais globalement satisfait lorsque existant. Dans ce cadre, il reste essentiellement dirigé vers l’équipe oncologique et les proches. Ces résultats appellent un certain nombre de commentaires, notamment au regard de la littérature internationale. Nous reviendrons donc successivement dans cette discussion sur les différentes dimensions étudiées. Le niveau de détresse émotionnelle des adolescents et jeunes adultes inclus dans cette étude est faible et globalement en cohérence avec les résultats obtenus auprès de populations de patients adolescents et jeunes adultes (1, 2 et 3). Ce niveau de détresse émotionnelle, dont l’interprétation tient pourtant compte des bornes spécifiques de l’échelle HADS pour l’adolescent, reste bien inférieur à ce qui peut être rapporté par des patients adultes dans des études similaires : les scores de détresse émotionnelle modérée y sont le plus souvent de 25-40 %, avec des symptomatologies anxieuses et dépressives sévères dans respectivement 20-30 % et 10 % des cas. Ce faible taux de troubles émotionnels est en contraste avec le fort pourcentage de patients exprimant des difficultés psychologiques (grossièrement trois quarts des patients français et la moitié des patients belges). Ceci peut s’expliquer par l’existence d’autres modes
Les adolescents et jeunes adultes 121
d’expression de la souffrance psychique à l’adolescence ; celle-ci peut notamment s’exprimer dans un registre comportemental (d’où diverses traductions comportementales de la plainte, évitement scolaire, comportements à risque, non-compliance médicamenteuse, etc.) ou somatique (4, 5). Par ailleurs, l’expression de la détresse émotionnelle peut être minimisée par un certain degré de répression émotionnelle ou par déni (4, 6), celui-ci pouvant être favorisé par le souhait de protéger les proches ou l’équipe médicale. La détresse émotionnelle peut aussi rester limitée, comme chez l’adulte, par la capacité de transformation de l’expérience de la maladie en expérience positive, grâce à des mécanismes de résilience ou de valorisation de l’expérience qui peuvent venir atténuer le vécu émotionnel négatif (4, 7-9). Certaines études qualitatives ont ainsi rapporté chez certains patients un sentiment positif de maturation plus rapide que celle de la classe d’âge, une meilleure confiance en soi, une capacité accrue à apprécier les bons moments (10, 11). Certains adolescents décrivent aussi des bénéfices secondaires à la maladie, comme des liens renforcés avec leur fratrie ou leurs amis, ainsi qu’un accroissement de la liberté laissée par les parents (10). Un autre facteur limitant potentiellement la détresse émotionnelle et notamment l’anxiété peut être, chez des patients encore souvent dépendants de leur entourage et n’ayant pas encore fait l’expérience des limites de la médecine, la confiance dans le monde des adultes et dans le pouvoir médical (10). Cette confiance viendrait faire écran à la peur de la mort et pondérer ainsi la difficulté de l’expérience du cancer, au moins lorsque ou tant que les traitements sont efficaces. Le discours volontairement très positif de certaines équipes médicales pourrait peut être ainsi protéger le patient, au moins temporairement, de l’angoisse au profit d’un discours de confiance partagée dont la vulnérabilité est exclue. On peut s’interroger sur le caractère éthique d’un tel optimisme affiché lorsqu’il est excessif : protégeant peut-être le patient d’une certaine détresse émotionnelle (mais pour combien de temps, et à quel prix), il pourrait aussi protéger son entourage et l’équipe médicale de l’expression de sa détresse… Retenons de cette analyse d’une part que la possibilité chez l’adolescent et le jeune adulte d’une expression de la souffrance psychologique par de multiples symptômes n’appartenant pas au registre émotionnel doit inciter à ne pas baser, à tort, la prise en charge de cette souffrance sur la seule évaluation émotionnelle de leur détresse. Retenons aussi que cette détresse émotionnelle, même peu fréquente, reste bien présente chez une minorité de patients en souffrance ce qui en justifie la recherche systématique – même si nous savons maintenant qu’elle ne sera pas suffisante. En ce qui concerne les difficultés physiques, notre étude rapporte leur existence chez la majeure partie des adolescents et jeunes adultes interrogés au cours du mois précédant l’inclusion. L’importance des symptômes physiques chez les adolescents atteints de cancer a été soulignée par plusieurs études (12), avec en tête les mêmes symptômes
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
que chez les patients adultes (douleur, fatigue, nausées et vomissements, perte d’appétit) (13). Le mode d’évaluation proposé par cette étude permet d’en appréhender le poids majeur sur la vie quotidienne (mobilité, accès à l’école, au travail, aux loisirs, etc.). Ces difficultés physiques diminuent sans disparaître dans le groupe de patients en rémission, comme les difficultés émotionnelles qui concernent encore plus de la majorité des patients de ce groupe. Une telle constatation avait été faite dans l’étude suédoise d’Enskar (13), comparant deux petits groupes de patients en rémission ou en cours de traitement, et retrouvant une tendance à la régression des plaintes somatiques mais la persistance de niveaux élevés de difficultés émotionnelles chez plus de 50 % des adolescents concernés, comme dans nos échantillons. On est par ailleurs frappé par l’ampleur de la plainte cognitive des patients ; cette plainte est connue chez les patients adultes, avec une fréquence très variable selon les études et les critères utilisés puisqu’elle est rapportée par 16 à 75 % des patients ayant été traités par chimiothérapie, tout cancer confondu (14). Lorsqu’il repose sur un déficit cognitif objectif, ce phénomène est appelé chemofog ou chemobrain (15) et peut persister plusieurs mois après le traitement (16) avec un impact potentiel majeur sur la qualité de vie et la réhabilitation (retour à l’emploi, reprise des rôles sociaux et familiaux, etc.) (14, 17). Il a cependant été décrit chez l’adulte une discordance entre la plainte cognitive (se plaindre spontanément d’une sensation de diminution des performances cognitives, comme ici dans ce questionnaire, ce qui peut par exemple être lié à une anxiété élevée) et l’atteinte cognitive objective (telle que mesurable par les tests cognitifs). Altération cognitive objective ou plainte témoignant d’une souffrance psychologique plus globale, le sentiment d’un moins bon fonctionnement cognitif est bien majoritaire dans la population étudiée et doit être davantage investigué, en tenant compte des enjeux de performances cognitives à l’adolescence et à l’entrée dans l’âge adulte. Parmi les difficultés particulièrement fréquentes et intenses dans la population étudiée, figurent également les difficultés liées à l’image corporelle, qui atteignent plus d’un tiers des patients belges et plus de la moitié des patients français. Cette fréquence de difficultés liées à l’image corporelle augmentée dans l’échantillon de patients les plus âgés est similaire, mais sur une plus grande population, aux résultats retrouvés dans l’étude suédoise d’Enskar (13). Cette préoccupation est à comprendre en tenant compte du caractère physiologique à cet âge des préoccupations relatives à l’image de soi et de leur importance dans l’identification à la classe d’âge, soulignées dans la première partie de cet ouvrage. Les modifications de l’image corporelle induites par le cancer et ses traitements vont concerner en particulier l’image sexuée du corps, qui peut se modifier voire s’effacer : modification des caractères sexuels secondaires (pilosité, la taille des organes sexuels), atteinte capillaire contribuant à entraver l’identification à la classe d’âge et l’intégration dans celle-ci. L’impact de cette atteinte de l’image
Les adolescents et jeunes adultes 123
corporelle est telle que ces changements ont pu être considérés par certains comme un réel traumatisme psychologique (13). La fréquence de cette atteinte et l’ampleur de cet impact potentiel doit amener à l’interroger de façon systématique et à essayer d’y apporter des réponses adaptées. Une relativement faible proportion de patients (moins d’un quart des patients, dans les deux échantillons) décrit des difficultés dans leurs relations familiales ; un tiers évoque une surprotection maternelle. Ces chiffres plutôt rassurants sont à interpréter en tenant compte du caractère propre à cet âge des questions relatives à la prise d’autonomie. On a vu comment cette prise d’autonomie est rendue plus complexe par la maladie cancéreuse, tant sur le plan matériel (autonomie physique et financière) que sur le plan psycho-affectif (autonomie affective et existentielle). Mais le sentiment de surprotection, ou l’inadéquation entre les attentes en termes d’autonomie et la réalité, est de toutes façons un sentiment attendu à l’adolescence. Ici, ce résultat est donc plutôt en contradiction avec des données antérieures qui rapportent que, chez les adolescents atteints d’un cancer, la dépendance vis-à-vis des parents constitue l’un des pires problèmes auxquels ils soient confrontés du fait de la maladie (18) ; et que la maladie représente une menace majeure pour leur autonomie et leur indépendance (19), pouvant amener à des relations tendues et conflictuelles entre adolescents et parents. Les adolescents interrogés ici sont peut-être partiellement conscients qu’un certain degré de protection est sans doute nécessaire, voire bien investi, même si la difficulté est retrouvée, déplacée, sur la difficulté à accéder aux loisirs ou à avoir une vie quotidienne normale. Parmi les difficultés fréquemment présentées par les adolescents, mentionnons les difficultés dans les relations amicales, signalées par près de 40 % de patients quel que soit l’échantillon considéré. De telles difficultés relationnelles avaient déjà été rapportées dans des études réalisées chez des patients adolescents et adultes jeunes en rémission, qui soulignaient la fréquence de relations affectives/amoureuses marquées par l’évitement (plus brèves, sans engagement) et de relations amicales plus pauvres (20). Dans une autre étude l’accent avait été mis sur l’existence, chez des jeunes adultes à 2 ans de la fin des traitements, d’un sous-groupe présentant une insatisfaction sociale plus grande (moins bonne insertion, moindre satisfaction relationnelle) (21). La fréquence de ces difficultés relationnelles doit être rapprochée de la fréquence des difficultés physiques et de la limitation de la mobilité, qui restreignent la participation aux loisirs et rendent de fait complexe l’inclusion dans un groupe de jeunes du même âge. Certains auteurs ont ainsi décrit un véritable confinement des jeunes patients (11), tout autant cause que conséquence de leurs difficultés, par son impact sur l’intégration dans un groupe souvent déterminé par le partage des activités (groupe sportif, scolaire, universitaire… groupe rapproché par les sorties conjointes). Compte tenu de l’importance plusieurs fois soulignée des liens amicaux à l’adolescence et du groupe de pairs, une réflexion doit être envisagée pour intégrer dès
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
le début de la prise en charge la préservation de cette vie relationnelle, et tenter de limiter les processus défensifs qui contribuent à générer l’isolement (22). Dans ce domaine, une prise en compte efficace des difficultés liées à l’image corporelle peut également aider l’adolescent. Les structures associatives qui permettent la mise en lien des patients entre eux sont aussi une opportunité de lutter contre le repli, mais certains adolescents ne souhaitent pas y avoir accès de crainte d’être confrontés à leur image auprès d’autres patients du même âge. Le renforcement de l’accessibilité des services aux pairs des jeunes patients peut également être une option à étudier : adaptation des horaires de visites, possibilité de lieux adaptés ou de chambres seules, etc. (22). Ces difficultés dans les relations sociales peuvent aussi indiquer l’importance dans l’éducation des citoyens d’une véritable formation à la santé intégrant une information suffisante des jeunes sur les affections cancéreuses. Cette information pourrait permettre de diminuer les sentiments d’étrangeté, d’altérité qui ne font que renforcer la barrière invisible entre bien-portants et malades et isoler ceux-ci. Enfin, dans ce domaine des difficultés relationnelles, il faut se pencher sur l’ampleur des difficultés de communication avec l’équipe soignante, qui concernent un peu moins de la moitié des patients dans les deux échantillons, patients on le rappelle logiquement préoccupés par leur situation médicale (respectivement 64 et 75 % des patients dans les échantillons belge et français). De telles difficultés peuvent être approchées de deux façons : l’une en améliorant la capacité des médecins et des équipes oncologiques à communiquer avec cette tranche d’âge, l’autre en augmentant la possibilité des patients de recevoir une information adaptée à leur âge, ce qui pourra de plus dans un deuxième temps réduire l’écart de compréhension avec le langage médical. La première approche suppose des équipes assez identifiées pour qu’une formation adaptée puisse être proposée. Celle-ci devra en particulier tenir compte de la complexité de la situation à trois autour de l’adolescent et de son parent accompagnant. Dans ces entretiens souvent triangulaires, les mécanismes de protection et de censure peuvent être renforcés par le désir de chaque protagoniste de protéger l’autre et entraver l’échange d’information. Le processus décisionnel est lui aussi particulier à l’adolescence, entre droit de décider seul et nécessité de tenir compte de l’avis parental. La complexité de ces enjeux requiert une formation adaptée, en règle générale absente dans les équipes prenant en charge les adolescents et les adultes jeunes. Elle requiert également des équipes un certain degré de compétence sociale, des relations ouvertes, chaleureuses et respectueuses étant citées par les adolescents comme un facteur d’ajustement positif important, tout comme la possibilité de continuité dans la relation de soins avec des intervenants stables (11). La deuxième approche vise à améliorer le caractère adapté des outils d’information à l’intention des adolescents et jeunes adultes atteints de cancer. Une revue récente (23) a retrouvé pour la France cinq programmes ou projets d’information spécifiques
Les adolescents et jeunes adultes 125
aux adolescents, qu’ils soient matériels (création de support d’information de type documents papier ou audio-visuels, espace de discussion Internet, etc.) ou éducationnels (éducation individuelle ou éducation par les pairs). Dans ce domaine, certaines associations de patients comme en France Jeunes Solidarité Cancer, ont accompli un travail considérable. Comme le soulignent Toutenu et Chauvin (23), ce domaine de l’information adaptée à ce groupe d’âge spécifique des adolescents et jeunes adultes est au début de son développement et doit encore être évalué pour que derrière le caractère innovant ou séduisant d’un support soit mise en évidence une amélioration réelle de l’information des patients. Rappelons enfin que dans ce domaine des besoins en matière d’information, de communication et de relation avec l’équipe soignante, l’investissement dans des supports matériels apparaît complémentaire des investissements en matière de formation évoqués ci-dessus et ne saurait s’y substituer. Le rôle bénéfique potentiel de cette éducation renforcée et adaptée a été souligné comme facteur de diminution potentielle de la non-compliance. Celle-ci peut en effet autant s’ancrer dans un désordre émotionnel que dans des représentations erronées de la maladie ou de ses traitements (24). L’ampleur et la diversité de ces difficultés vont de pair, on l’a vu, avec un souhait d’aide réduit, s’adressant à des interlocuteurs bien spécifiques. La complexité de la démarche consistant à demander de l’aide a été soulignée dans la première partie de cet ouvrage. On rappelle que cette démarche complexe implique au-delà de la prise de conscience d’une difficulté : le fait de penser que le problème puisse être abordé, amoindri ou résolu ; le fait de penser qu’une aide existe (et qu’il est possible que quelqu’un soit une ressource pour cette question) ; le fait de considérer qu’une aide puisse même être nécessaire (et qu’on ne va pas s’en sortir seul, ou qu’on s’en sortira mieux avec cette aide) ; la possibilité de formuler cette demande d’aide, qui implique une certaine relation à l’autre, une capacité à formuler le besoin, une capacité à accepter que la satisfaction dépende d’autrui… Cette démarche ne va pas de soi, nous en reparlerons lorsque les liens entre la demande d’aide, l’état émotionnel et le mode d’adaptation des patients seront évoqués. On retrouve ici une faible tendance à demander de l’aide (22 à 70 %), résultat déjà décrit dans des échantillons de patients atteints de maladie somatique, et mis en relation avec un certain nombre de caractéristiques propres à l’adolescent comme le besoin d’autonomie (qui va à l’encontre de l’hétéronomie de la demande d’aide) (25). On peut aussi interroger dans cette étude l’accessibilité de l’aide qui pourrait être proposée, accessibilité réelle mais aussi perçue (liée aux représentations associées à la maladie, aux connaissances objectives sur celle-ci et sur les ressources potentielles). Il en est ainsi du relativement faible nombre de patients qui attendent de l’aide pour les douleurs lors des procédures diagnostiques ou pour des difficultés d’ordre cognitif dont on sait que dans certains cas elles peuvent être liées aux effets secondaires de
126
L’adolescent atteint de cancer et les siens
certains traitements, en particulier antalgiques. Ces difficultés doivent faire interroger là encore les besoins en matière d’information mais aussi d’éducation à la santé, et d’une éducation à la santé adaptée aux besoins et au niveau éducatif global de cette tranche d’âge (22, 23). Le faible souhait d’aide dans certains domaines comme l’accès à l’école et au travail peut aussi refléter une vision hélas réaliste du peu d’adaptabilité à ces adolescents et jeunes adultes touchés par la maladie, dont les performances et la disponibilité vont être parfois réduites, d’une société axée vers la performance et l’excellence. Dans ces domaines en effet, l’aide permettant de diminuer la difficulté à laquelle est confronté le patient ne dépend pas tant de son souhait d’aide mais d’une réelle mutation sociétale, lui permettant de maintenir une insertion sociale, familiale et professionnelle malgré l’entrave de la maladie et de ses traitements. Il est un domaine dans notre étude où le souhait d’aide apparaît très supérieur aux données issues des études antérieures auprès d’adolescents en bonne santé : c’est le domaine des difficultés affectives et relationnelles, pour lesquelles le souhait d’aide est habituellement décrit comme faible (26) à absent (27), y compris chez des adolescents présentant dans ce domaine d’importantes difficultés (28, 29). Dans notre étude, un adolescent sur deux environ souhaite de l’aide pour ces difficultés du registre psychologique. Une hypothèse pouvant rendre compte de cette attente d’aide relativement importante pour ce domaine serait une facilitation de l’expression de celle-ci par le fait d’être atteint par une pathologie socialement affichante comme le cancer. En effet, cette pathologie est assez socialement synonyme de souffrance psychique pour que, dans ce contexte, une demande d’aide apparaisse plus légitime, et en tous les cas puisse ne pas renvoyer à une faiblesse ou à une incompétence personnelle. Il pourrait de ce fait être plus facile d’exprimer auprès de son entourage, notamment une attente d’aide. L’analyse du souhait d’aide spécifique montre que les adolescents et jeunes adultes atteints de cancer attendent beaucoup de leurs proches (ici on rappelle que le terme « proches » désigne autant les amis que les parents). Ce résultat est cohérent avec les données de la littérature, tant en ce qui concerne des adolescents en bonne santé que des adolescents atteints d’autres pathologies somatiques (28). Dans certaines études, ce besoin d’aide de la part de la famille et des amis est même le premier besoin mis en avant, avant même la compétence de l’équipe oncologique (30). Le besoin de soutien apporté par les pairs malades rapporté par certaines études (30) n’a pas été spécifiquement investigué dans notre étude. En revanche, l’aide attendue de la part des psychologues et des psychiatres ne s’exprime que dans 1 cas sur 5 pour l’échantillon belge et un peu moins d’1 sur 3 pour l’échantillon français, donnée qui peut être mise en lien avec la difficulté d’identification du caractère pathologique de certaines difficultés psychologiques, ainsi qu’avec une perception encore négative des structures d’aide psychologique. Qu’une
Les adolescents et jeunes adultes 127
aide psychologique reste attendue par les patients même après la rémission a déjà été souligné dans la littérature (13), et doit être intégré dans l’organisation des prises en charge. Certaines études (30) ont même mis en évidence comment rétrospectivement le besoin d’aide psychologique était considéré comme plus important par des patients en rémission que par des patients en cours de traitement ; comme si ce n’était qu’a posteriori que les patients parvenaient à réaliser leurs difficultés et l’aide qui aurait pu leur être apportée. Dans notre étude, ce résultat n’a cependant pas été retrouvé, les patients belges en rémission restant moins demandeurs d’aide psychologique spécialisée que les adolescents français en chimiothérapie. Enfin, les fortes attentes d’aides de la part de l’équipe oncologique apparaissent cohérentes avec l’ampleur des difficultés présentées dans les domaines physiques ainsi qu’en matière de communication. C’est plutôt dans ce domaine, mais cela a déjà été souligné, que la discordance entre le fait de ressentir la difficulté et celui de souhaiter de l’aide doit nous interroger, comme si cette aide était considérée comme impossible ou improbable. Ces résultats indiquent la nécessité non seulement de développer une offre en soins de support qui tienne compte des difficultés exprimées, mais encore de communiquer à son propos et de la rendre accessible pour les adolescents et jeunes adultes qui en auraient besoin. Il s’agit ici par exemple de la prise en charge des troubles de l’image corporelle, dans ses aspects multidisciplinaires : socio-esthétiques, mais aussi psychologiques et nutritionnels.
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
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Les mères, leur détresse, leurs besoins psychosociaux Sarah Dauchy, Cécile Charles, Elodie Tournay, Julie Beckers, Anne Auperin et Darius Razavi
Description des échantillons Les tableaux I à VI décrivent les caractéristiques sociodémographiques des mères belges et françaises. Les échantillons sont majoritairement originaires d’Europe occidentale (B : 92 % ; F : 93 %) et de langue française (B : 64 % ; F : 92 %). La plupart des mères vivent avec leur enfant malade (B : 98 % ; F : 96 %), leur partenaire (B : 73 % ; F : 79 %) et au moins un autre enfant (B : 86 % ; F : 78 %). Les mères belges ont en moyenne deux enfants (σ= 1), les mères françaises trois (σ = 1). Le niveau d’études des mères est globalement comparable, même si les systèmes scolaires des deux pays diffèrent : la plupart des mères belges (63 %) ont un diplôme de l’enseignement secondaire supérieur, plus de la moitié des mères françaises ont atteint ou dépassé le niveau baccalauréat (58 %). Dans les deux échantillons, la catégorie professionnelle la plus représentée est celle des employées (B : 55 % ; F : 47 %). Les deux populations se distinguent par contre par leur activité professionnelle : le travail à temps plein domine au sein de l’échantillon français (55 %), alors qu’il ne concerne qu’une minorité parmi l’échantillon belge (20 %).
130
L’adolescent atteint de cancer et les siens
Tableau I – Caractéristiques sociodémographiques des mères belges incluses. Total (n = 64) % Âge (années) Moyenne Écart-type
41 5
Nombre d’enfants Moyenne Écart-type
2 1
Langue courante Français Néerlandais
64 36
Origine culturelle Europe occidentale Autre
92 8
Niveau d’étude École secondaire inférieur ou moins École secondaire supérieur ou plus
37 63
Activité actuelle Activité professionnelle à temps plein Activité professionnelle à temps partiel Autre
20 38 42
Dernière profession exercée Artisan, commerçant ou chef d’entreprise Cadre ou profession intellectuelle supérieure Employée Ouvrière Femme au foyer, sans emploi, étudiante
12 2 55 17 14
Partage du domicile avec le patient Oui Non
98 2
Cohabitants Conjoint/Partenaire Un/vos autre(s) enfant(s) Au moins un de vos parents/beaux-parents
73 86 3
Les mères, leur détresse, leurs besoins psychosociaux
Tableau II – Caractéristiques sociodémographiques des mères françaises incluses. Total (n = 101) % État civil En couple Célibataire
79 21
Nombre d’enfants Moyenne Écart-type
2.6 1
Langue maternelle Français Autre
92 8
Origine culturelle Europe occidentale Autre
93 7
Niveau d’étude Primaire, collège, CAP, BEP ou moins Lycée, Baccalauréat ou équivalent Diplôme d’études supérieures
41 20 38
Activité actuelle Activité professionnelle à temps plein Activité professionnelle à temps partiel Aucune activité professionnelle
55 19 26
Dernière profession exercée Artisan, commerçant ou chef d’entreprise Cadre ou profession intellectuelle supérieure Profession intermédiaire Employé Ouvrier
2 12 14 47 3
Partage du domicile avec le patient Oui Non
96 4
Cohabitants Conjoint/Partenaire Un/vos autre(s) enfant(s) Au moins un de vos parents/beaux-parents
79 78 4
131
132
L’adolescent atteint de cancer et les siens
Évaluation de la détresse des mères Comme pour les patients, celle-ci est mesurée par l’échelle HADS, qui peut être analysée selon le score total (détresse émotionnelle) ou les sous-scores anxiété et dépression. Cette analyse permet de distinguer par sévérité grandissante des cas de trouble émotionnel mineur, modéré ou sévère. L’analyse du score total permet d’objectiver une détresse émotionnelle importante, qui concerne la grande majorité des mères, quel que soit l’échantillon : 31 % des mères belges et 44 % des mères françaises présentent une détresse sévère. Un quart des mères présente une détresse modérée (B : 28 %, F : 26 %). Seules 41 % des mères belges et 29 % des mères françaises ne rapportent aucune détresse émotionnelle particulière (tableau III). Cette détresse émotionnelle est majoritairement liée aux symptômes anxieux, qui sont modérés chez à peu près un quart des mères (B : 25 % ; F : 21 %) et sévères chez près de la moitié (B : 45 % ; F : 54 %). La symptomatologie dépressive est moins fréquente mais concerne quand même près d’une mère française sur deux (25 % de symptômes dépressifs modérés, 18 % de sévères) et une mère belge sur 5 (11 % de symptômes dépressifs modérés, 9 % de sévères). La détresse émotionnelle apparaît ici plus élevée dans l’échantillon français que dans l’échantillon belge, ce qui peut être rapproché de la différence de statut médical entre les patients des deux échantillons, les patients de l’échantillon belge étant en rémission à la différence des jeunes patients français majoritairement en cours de traitement. Tableau III – Fréquence et sévérité des troubles émotionnels chez les mères belges et françaises (HADS). Mères belges (n = 64)
Mères françaises (n = 101) %
Détresse émotionnelle Absente Modérée Avérée
41 28 31
29 26 44
30 25 45
25 21 54
80 11 9
57 25 18
Anxiété Absence d’un trouble Symptômes anxieux modérés Symptômes anxieux avérés Dépression Absence d’un trouble Symptômes dépressifs modérés Symptômes dépressifs avérés
Les mères, leur détresse, leurs besoins psychosociaux
133
Évaluation des difficultés rencontrées par les mères Le tableau IV présente la fréquence des difficultés rencontrées par les mères belges et françaises au cours du mois précédant l’inclusion. Une majorité de mères rencontre des difficultés dans le domaine dit physique, qui concerne aussi bien l’activité professionnelle (B : 43 % ; F : 75 %) que l’accès aux loisirs (B : 51 % ; F : 69 %). Les mères françaises, qui travaillent plus souvent à temps plein, sont également majoritairement en difficulté au niveau du travail (B : 43 %, F : 75 %). Dans les deux échantillons, une part importante des mères (42 %) est touchée par des difficultés économiques. La quasi-totalité des mères se disent, au moins un peu, en difficulté sur le plan psychologique avec des difficultés émotionnelles assez attendues dans une situation comme la leur (B : 84 % ; F : 94 %). La plupart se plaignent également de troubles cognitifs (B : 49 % ; F : 74 %). Sur le plan relationnel, 30 à 50 % des mères en moyenne sont confrontés à des problèmes de communication, que ce soit dans le cercle familial (en particulier avec leur partenaire et l’enfant malade) ou amical. Elles ne décrivent que rarement un manque d’information (B : 16 % ; F : 5 %) mais leurs préoccupations au sujet de la maladie du patient restent fortes, notamment pour les mères françaises qui se déclarent à plus des trois quarts en difficulté sur ce point (B : 52 % ; F : 85 %). Une partie d’entre elles, plus importante dans l’échantillon français, a des difficultés à communiquer avec l’équipe médicale (B : 16 % ; F : 38 %). L’évaluation de l’intensité moyenne des difficultés rencontrées est présentée dans le tableau V. C’est dans la sphère professionnelle que les difficultés rencontrées par les mères s’expriment avec le plus d’intensité (B : 2.2 ; F : 2.3). Arrivent également au premier rang les troubles cognitifs (B : 2 ; F : 1.7), qu’il faut sans doute rapprocher de l’intensité des préoccupations liées à la maladie (B : 1,6 ; F : 1,6). Les difficultés liées aux actes médicaux (sentiment de ne pas avoir un contrôle suffisant sur ceux-ci) sont également particulièrement intenses (B : 2.6 ; F : 1.9). Les difficultés relationnelles, si elles ne concernent qu’une partie des mères dans les deux échantillons, sont également parmi les plus intenses. Les figures 1 et 2 permettent de visualiser certaines des difficultés à la fois fréquentes et intenses parmi celles présentées par les mères des patients belges et français.
134
L’adolescent atteint de cancer et les siens
Tableau IV – Fréquence des difficultés rencontrées au cours du dernier mois par les mères. Fréquence des difficultés (%)* Mères belges Mères françaises (n = 64) (n = 101) Difficultés physiques Mobilité Activités de la vie quotidienne Loisirs Travail Difficultés dans les interactions médicales Obtenir des informations Communiquer avec l’équipe Contrôler les actes médicaux Difficultés psychosociales Détresse psychologique Fonctionnement cognitif Communication avec les amis et/ou membres de la famille Relations avec les amis et/ou membres de la famille Inquiétudes liées à la maladie Relations avec les autres enfants1 Soucis au travail2 Difficultés dans les relations avec l’enfant malade Communication avec l’enfant malade Contacts physiques avec l’enfant malade Entente avec l’enfant malade Difficultés dans les relations de couple3 Communication avec le/la partenaire Contacts physiques avec le/la partenaire Entente avec le/la partenaire Surprotection du/de la partenaire Manque d’attention du/de la partenaire Difficultés sexuelles Intérêt sexuel Dysfonctions sexuelles Autres difficultés Difficultés économiques Difficultés à l’embauche4 Rencontres amoureuses5
59 24 51 43
58 34 69 75
5 16 18
16 38 24
84 49
94 74
33 38 52 19 27
44 40 85 45 39
36 7 29
38 13 23
47 24 33 10 28
43 32 35 10 25
36 40
45 61
42 67 70
42 60 75
* Les pourcentages sont calculés sur le nombre de mères ayant répondu à l’item 1. 53 mères belges et 95 mères françaises ont au moins un autre enfant que celui ayant une affection cancéreuse. 2. 34 mères belges et 56 mères françaises ont travaillé au cours du mois précédant leur inclusion. 3. 73 % des mères belges vivent avec un partenaire ; 79 % des mères françaises sont en couple. 4. 6 mères belges et 5 mères françaises ont rapporté avoir cherché du travail au cours du mois précédant leur inclusion. 5. 10 mères belges et 21 mères françaises sont célibataires.
Les mères, leur détresse, leurs besoins psychosociaux
135
Tableau V – Intensité moyenne des difficultés rencontrées au cours du dernier mois par les mères. Intensité moyenne des difficultés* Mères belges Mères françaises (n = 64) (n = 101) Difficultés physiques Mobilité Activités de la vie quotidienne Loisirs Travail Difficultés dans les interactions médicales Obtenir des informations Communiquer avec l’équipe Contrôler les actes médicaux Difficultés psychosociales Détresse psychologique Fonctionnement cognitif Communication avec les amis et/ou membres de la famille Relations avec les amis et/ou membres de la famille Inquiétudes liées à la maladie Relations avec les autres enfants1 Soucis au travail2 Difficultés dans les relations avec l’enfant malade Communication avec l’enfant malade Contacts physiques avec l’enfant malade Entente avec l’enfant malade Difficultés dans les relations de couple3 Communication avec le/la partenaire Contacts physiques avec le/la partenaire Entente avec le/la partenaire Surprotection du/de la partenaire Manque d’attention du/de la partenaire Difficultés sexuelles Intérêt sexuel Dysfonctions sexuelles Autres difficultés Difficultés économiques Difficultés à l’embauche4 Rencontres amoureuses5
1.2 0.7 1.6 2.2
1.1 1.0 1.9 2.3
0.5 0.5 2.6
1.1 0.7 1.9
1.8 2.0 1.0
1.7 1.7 0.8
0.9 1.6 1.5 1.8
0.6 1.6 1.4 1.0
1.1 1.3 1.1
1.3 0.8 0.7
1.4 1.4 1.4 1.5 1.7
1.7 1.6 1.3 1.1 1.6
1.3 1.8
1.8 1.8
1.5 2.1 1.7
1.3 1.7 1.5
* Données tenant uniquement compte des patients ayant signalé au moins une difficulté dans la souscatégorie. 1 = un peu ; 2 = modérément ; 3 = beaucoup, 4 = énormément. 1. 53 mères belges et 95 mères françaises ont au moins un autre enfant que celui ayant une affection cancéreuse. 2. 34 mères belges et 56 mères françaises ont travaillé au cours du mois précédant leur inclusion. 3. 73 % des mères belges vivent avec un partenaire ; 79 % des mères françaises sont en couple. 4. 6 mères belges et 5 mères françaises ont rapporté avoir cherché du travail au cours du mois précédant leur inclusion. 5. 10 mères belges et 21 mères françaises sont célibataires.
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
3 2,5
Contrôle des actes médicaux Travail Troubles cognitifs
Intensité
2
Inquiétude/ maladie
1,5
Détresse psychologique
1 0,5 0 0
20
40
60
80
100
Fréquence Fig. 1 – Ampleur des difficultés rencontrées par les mères des patients belges en fonction de leur fréquence et de leur intensité.
3 2,5 Travail
Intensité
2 Contrôle des actes médicaux
1,5
Troubles cognitifs
1
Détresse psychologique Inquiétude/ maladie
0,5 0 0
20
40
60
80
100
Fréquence Fig. 2 – Ampleur des difficultés rencontrées par les mères des patients français en fonction de leur fréquence et de leur intensité.
Les mères, leur détresse, leurs besoins psychosociaux
137
Évaluation du souhait d’aide Souhait d’aide et aide reçue selon les difficultés Dans cette première partie, nous nous intéressons au souhait d’aide et au fait que cette aide ait été reçue. La provenance de cette aide sera étudiée dans le prochain paragraphe. Le tableau VI rapporte certains de ces résultats ; la première colonne présente la fréquence avec laquelle ont été éprouvées les difficultés au cours du dernier mois, la deuxième la fréquence avec laquelle une aide a été souhaitée. Comme pour les patients, la première constatation est l’absence de correspondance systématique entre difficulté ressentie et souhait d’aide réel, avec une différence encore plus marquée globalement pour les mères que pour les patients, y compris pour les domaines signalés comme les plus à problèmes (mobilité, travail, loisirs, détresse psychologique, inquiétudes relatives à la maladie du patient). Lorsque la mère ressent une difficulté, le souhait d’aide n’est globalement présent que dans un quart à la moitié des cas environ. La proportion de mères en demande d’aide est par ailleurs très variable selon les difficultés présentées. Comme pour leurs enfants, c’est dans le domaine physique que la demande d’aide est la plus présente : la majorité des mères en difficulté ont attendu de l’aide pour leurs difficultés de mobilité (B : 62 % ; F : 54 % des mères concernées) et la souffrance psychologique ressentie (B : 60 % ; F : 57 % des mères concernées). En revanche, pour les difficultés de relation avec le milieu familial, les amis, le conjoint, le souhait d’aide ne concerne que 30 à 40 % des mères en difficulté. Pour les difficultés de communication avec l’équipe soignante, une mère belge sur trois, une mère française sur deux a souhaité de l’aide au cours du mois précédent. Les mères ont également été interrogées sur l’aide reçue lorsqu’elle avait été souhaitée. Les réponses à cette question sont plutôt rassurantes : globalement l’aide attendue a été reçue, quels que soient les domaines et les intervenants. Les quelques différences (minimes) ne sont à l’évidence pas significatives, c’est pourquoi nous n’avons pas rapporté ici les résultats dans leurs détails.
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
Tableau VI – Ampleur de l’aide souhaitée parmi les mères belges et françaises en difficulté. Mères belges (n = 64)
Mères françaises (n = 101)
Fréquence des difficultés (%)*
Aide souhaitée (%)**
Fréquence des difficultés (%)*
Aide souhaitée (%)**
59 24 51 43
62 47 53 56
58 34 69 75
54 33 40 41
5 16 18
67 30 46
16 38 24
19 54 29
84 49 33
60 36 43
94 74 44
57 36 30
38
38
40
30
52
44
85
42
27
56
39
41
36 7 29
41 50 35
38 13 23
37 15 9
47 24 33 10 28
38 33 29 20 29
43 32 35 10 25
40 12 18 . 25
36 40
23 32
45 61
21 33
Difficultés physiques Mobilité Activités de la vie quotidienne Loisirs Travail Difficultés dans les interactions médicales Obtenir des informations Communiquer avec l’équipe Contrôler les actes médicaux Difficultés psychosociales Détresse psychologique Fonctionnement cognitif Communication avec les amis et/ou membres de la famille Relations avec les amis et/ou membres de la famille Inquiétudes liées à la maladie Relations avec les autres enfants1 Soucis au travail2 Difficultés dans les relations avec l’enfant malade Communication avec l’enfant malade Contacts physiques avec l’enfant malade Entente avec l’enfant malade Difficultés dans les relations de couple3 Communication avec le/la partenaire Contacts physiques avec le/la partenaire Entente avec le/la partenaire Surprotection du/de la partenaire Manque d’attention du/de la partenaire Difficultés sexuelles Intérêt sexuel Dysfonctions sexuelles
Les mères, leur détresse, leurs besoins psychosociaux
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Autres difficultés Difficultés économiques Difficultés à l’embauche4 Rencontres amoureuses5
42 67 70
31 25 14
42 60 75
40 . .
* Les pourcentages ont été calculés sur l’ensemble des mères ayant répondu à l’item.. ** Les pourcentages ont été calculés sur le nombre de mères ayant rencontré au moins une difficulté au cours du mois écoulé. 1. 53 mères belges et 95 mères françaises ont au moins un autre enfant que celui ayant une affection cancéreuse. 2. 34 mères belges et 56 mères françaises ont travaillé au cours du mois précédant leur inclusion. 3. 73 % des mères belges vivent avec un partenaire ; 79 % des mères françaises sont en couple. 4. 6 mères belges et 5 mères françaises ont rapporté avoir cherché du travail au cours du mois précédant leur inclusion. 5. 10 mères belges et 21 mères françaises sont célibataires.
Provenance de l’aide souhaitée/reçue Les figures suivantes mettent en parallèle l’aide souhaitée et reçue par les mères, tous domaines confondus, de la part de quatre type d’intervenants : les médecins (fig. 3), les infirmières (fig. 4), les psychologues/psychiatres (fig. 5) et les proches (regroupant père/beau-père, mère/belle-mère, fratrie, amis, petit(e)-ami(e) et autres proches) (fig. 6). L’attente d’aide spécifique correspond ainsi au nombre de mères ayant souhaité au moins une fois de l’aide auprès de chacune de ces catégories d’interlocuteurs. De même, l’aide spécifique reçue correspond à l’aide reçue au moins une fois de la part d’une catégorie donnée d’interlocuteur. En situation de difficultés, l’aide est principalement attendue des médecins et des proches. Globalement une mère sur deux a souhaité et reçu de l’aide de la part d’un médecin au cours du mois écoulé. Le souhait d’aide vis-à-vis des infirmières est très faible, une mère belge sur 10, une mère française sur 5, et contraste avec l’attente plus élevée des patients à leur égard. En revanche, l’aide attendue auprès des psychiatres et des psychologues s’exprime dans des proportions très similaires au sein des deux échantillons, soit environ un quart des mères (B : 29 % ; F : 26 %). Cette aide n’a pas été toujours obtenue (B : 19 % ; F : 18 %). L’aide attendue des proches reste majeure : plus d’une mère sur deux a souhaité et reçu de l’aide d’un de ses proches au cours du mois écoulé.
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
Fig. 3 – Souhait d’aide – aide reçue de la part des médecins (%).
Fig. 4 – Souhait d’aide – aide reçue de la part des infirmières (%).
Les mères, leur détresse, leurs besoins psychosociaux
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Fig. 5 – Souhait d’aide – aide reçue de la part des psychiatres/psychologues (%).
Fig. 6- Souhait d’aide – aide reçue de la part des proches (%).
Discussion Globalement, les résultats que nous venons de rapporter indiquent un niveau de détresse émotionnelle très élevé, d’importantes difficultés notamment dans le domaine physique, des difficultés relationnelles, des difficultés de communication médicale chez les mères des patients inclus. Le souhait d’aide issu de ces difficultés est inconstant, mais globalement satisfait lorsqu’il est existant. Comme pour les patients, il est en grande partie dirigé vers l’équipe oncologique et les proches, mais concerne cependant
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L’adolescent atteint de cancer et les siens
un psychiatre/psychologue chez un quart des mères. Ces résultats appellent un certain nombre de commentaires, notamment au regard de la littérature internationale. Nous reviendrons donc successivement dans cette discussion sur les différentes dimensions étudiées. La prévalence de la détresse émotionnelle chez les mères de patients adolescents et jeunes adultes atteints de cancer apparaît donc élevée dans cette étude, ce qui vient confirmer les résultats d’études antérieures analogues (1, 2), bien que ceux-ci soient inconstants (3-6). Cette détresse s’exprime notamment par une symptomatologie anxieuse dont il est intéressant de constater la persistance même dans l’échantillon de patients belges qui sont on le rappelle en rémission. On sait cependant que la peur de la récidive chez les parents peut persister plusieurs années, entretenue par une inquiétude exagérée devant le moindre symptôme même banal comme une virose ou des douleurs anodines (1, 7). Les évaluations ayant été conduites en grande majorité à l’hôpital, même s’il s’agissait de simples hospitalisations de jour, on peut aussi évoquer l’importance des phénomènes de stress post-traumatique : la correspondance d’une grande partie des hospitalisations avec des phases de bilan, y compris pour des patients en rémission, viendrait ainsi réactiver l’angoisse de la récidive. Même si ces symptômes anxieux sont donc compréhensibles, ils n’en signent pas moins un inconfort émotionnel des mères. La symptomatologie dépressive apparaît en revanche comme moins présente chez les mères de patients en rémission (échantillon belge), ces symptômes dépressifs pouvant comme cela est rapporté pour les patients euxmêmes régresser plus ou moins spontanément après la fin des traitements. Par ailleurs, le contraste entre la détresse émotionnelle des mères, globalement fréquente et intense, et les scores de détresse faibles chez la majorité des patients sera abordé un peu plus loin lors de l’étude des corrélations au sein des dyades. La fréquence des difficultés du registre psychosocial doit être rapprochée de l’importance de la détresse émotionnelle exprimée par les mères lors de l’autoévaluation par l’échelle HADS. On rappelle que les scores obtenus à cette échelle HADS montraient une détresse significative chez environ 60-70 % des mères ; l’anxiété en particulier n’était faible que chez 20 à 30 % d’entre elles. Ici, l’évaluation par le CARESparent reflète le même phénomène : une écrasante proportion de mères présente non seulement une souffrance psychologique (dont l’absence totale serait étonnante dans ce contexte) mais également une détresse émotionnelle, ce qui traduit un inconfort au quotidien dépassant les simples préoccupations ou cognitions anxieuses adaptées. Il faut rapprocher de cette anxiété, en tant que surcharge cognitive, la grande fréquence des troubles de concentration rapportés par les mères. Cette souffrance psychologique ne s’accompagne d’un souhait d’aide psychologique que dans un cas sur trois environ (un sur quatre pour les mères belges). Comme pour
Les mères, leur détresse, leurs besoins psychosociaux
143
les patients, on peut évoquer l’absence de reconnaissance d’un caractère pathologique des troubles, et la non connaissance de la possibilité d’une aide adaptée. Cette absence de connaissance est cependant moins probable chez la mère que chez son enfant. Il a aussi été évoqué chez la mère la difficulté à rechercher de l’aide pour soi alors que c’est son enfant qui est malade. La mère, mise en position d’aidante principale par son enfant et souvent en parallèle confrontée à la nécessité de continuer à faire face aux multiples sollicitations du quotidien, n’est pas vraiment en position pour s’interroger sur ses propres besoins et la possibilité d’y répondre. Cela peut de fait diminuer un souhait d’aide qui ne serait alors même pas imaginé, ou intégré comme non seulement possible mais légitime. Le simple fait d’être en détresse et en particulier déprimée peut de plus entraver l’expression du souhait d’aide ; ce point sera réabordé plus loin dans le chapitre de recherche de corrélations en particulier entre l’état émotionnel et le souhait d’aide. Cette limitation du souhait d’aide pour une population d’aidantes aussi vulnérabilisées que peuvent l’être les mères d’adolescents ou de jeunes adultes atteints de cancer interroge sur le dispositif qui pourrait être mis en place pour d’une part répondre totalement à l’aide attendue et d’autre part faire suffisamment connaître les dispositifs d’aide psychologique et leurs indications. Proposer des dispositifs réellement accessibles, en termes d’horaires et de localisation par exemple, apparaît également un enjeu majeur. Cette accessibilité a été recherchée par de nombreuses associations dans le domaine du soutien psychologique non spécialisé, et du soutien entre pairs : création d’événements ou de lieux de rencontres, autour d’un café, d’un petit déjeuner… L’utilisation de la communication électronique et du web a aussi permis d’améliorer l’accessibilité, avec des dispositifs par exemple de type forum de parole. Le cadre de soin qui est celui du soutien psychologique spécialisé a encore peu investi ces modalités, ce qui peut se comprendre en termes organisationnels mais en limite de facto l’accessibilité par les proches et en particulier les mères. Les résultats présentés ci-dessus mettent également en évidence l’ampleur des répercussions sur l’activité professionnelle et les activités de loisirs (voire la simple communication avec le cercle amical), comme la forte prévalence des difficultés économiques. Cet impact lourd permet de mesurer certains des aspects matériels du « fardeau » de l’accompagnement. Aider un adolescent ou un jeune adulte atteint de cancer est une charge financière d’autant plus lourde que le jeune est rarement autonome à cet âge de la vie : cet impact doit pouvoir être pris en compte de façon adéquate, en gardant à l’esprit le fait qu’il s’agit là d’un soutien indirect au patient lui-même. Les difficultés relationnelles avec le partenaire ou avec l’enfant malade sont d’une interprétation plus complexe car on ne dispose pas de chiffres de comparaison avec une population non marquée par la maladie, dans laquelle la communication avec des enfants adolescents ou entre les conjoints eux-mêmes peut être à certains moments
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déjà difficile. Il a été souligné dans la première partie de cet ouvrage combien complexe était la dynamique de séparation-individuation dans le contexte de la maladie grave, et comment l’accès à l’autonomie pouvait être entravé par la maladie tant pour le patient que pour ses parents, dans une menace permanente du narcissisme de chacun et avec une grande ambivalence vers une régression parfois nécessaire mais parfois aussi culpabilisée ou délétère. C’est dans ce contexte complexe que s’ancrent les difficultés relationnelles rapportées par les mères avec leur enfant ou leur partenaire, difficultés à comprendre voire de façon optimale à aborder dans une prise en charge familiale globale. Enfin, la plus grande difficulté des mères de l’échantillon français à communiquer avec les équipes médicales doit être entendue en gardant en mémoire la différence de stade de maladie entre les deux échantillons étudiés ici, mais aussi d’éventuelles particularités culturelles de la relation entre le médecin et la famille. Ce qui est interrogé ici ce sont autant les difficultés à communiquer ses préoccupations ou émotions que les difficultés à obtenir de l’information. Comme on l’a évoqué pour l’adolescent, les particularités de la relation médecin-malade à cet âge où la relation de soin est triangulaire plus que duelle implique potentiellement un degré de compétence médicale et soignante à la communication que la formation n’assure pas ou peu aujourd’hui.
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La dyade mère-patient Sarah Dauchy, Cécile Charles, Elodie Tournay, Julie Beckers, Anne Auperin et Darius Razavi
Introduction Il s’agit ici de décrire les facteurs associés à la détresse de l’adolescent et du jeune adulte d’une part, à celle de sa mère d’autre part ; de décrire la perception par la mère des difficultés présentées par son enfant ; enfin, d’analyser les facteurs associés au souhait d’aide tant des patients que de leurs mères. Rappelons à ce niveau que l’étude ici porte uniquement sur les dyades mère-patient, soit 64 dyades belges et 101 dyades françaises. L’intérêt de l’analyse de cette dyade mère-patient est de rendre possible l’étude des interactions en son sein. Ainsi, les facteurs associés à la détresse, à la perception des difficultés et au souhait d’aide seront recherchés parmi les caractéristiques du patient mais aussi parmi les caractéristiques maternelles, nous permettant d’appréhender la dyade qu’ils constituent comme un système.
Étude des variables associées à la détresse des patients Certaines variables associées à la détresse des patients ont été retrouvées dans les deux échantillons belges et français. Ainsi, sont significativement associés à une détresse émotionnelle plus grande d’un patient : en ce qui concerne les patients eux-mêmes, un mode d’adaptation (coping) centré préférentiellement sur l’émotion ; en ce qui concerne les mères, l’inactivité professionnelle (figs. 1 et 2).
146
L’adolescent atteint de cancer et les siens
+
Fig. 1 – Facteurs associés à la détresse des patients belges.
Fig. 2 – Facteurs associés à la détresse des patients français.
La dyade mère-patient 147
Dans l’échantillon français, d’autres variables se sont révélées significativement associées à la détresse des patients. Certaines sont des caractéristiques des patients eux-mêmes. Parmi celles-ci, une seule caractéristique sociodémographique, le sexe (les filles ont en moyenne un score de détresse plus élevé que les garçons) ; une seule caractéristique médicale, le délai depuis le diagnostic (plus le délai écoulé est long et plus la détresse est élevée) ; ni le type de maladie, ni son statut (métastatique, en rechute) n’entrent en compte. Le mode d’adaptation du patient apparaît également lié à sa détresse émotionnelle : à côté du caractère défavorable d’un coping centré sur l’émotion on retrouve chez les patients français un lien négatif entre le coping centré sur le problème et la détresse (le fait que l’adolescent ait tendance à recourir à un mode d’adaptation centré sur la résolution de problèmes est ainsi associé à une détresse moins importante). Certaines caractéristiques psychologiques maternelles apparaissent également liées dans l’échantillon français à une détresse plus grande du patient, en plus de l’inactivité professionnelle de la mère : un mode d’adaptation ou de coping préférentiellement orienté vers l’émotion (plus les mères ont une adaptation orientée vers l’émotion, plus les patients sont en détresse), l’état émotionnel (globalement plus les mères apparaissent en détresse plus les patients le sont eux-mêmes, ceci étant vrai pour le niveau d’anxiété maternel, comme pour l’intensité des symptômes dépressifs). Le jeune âge de la mère est apparu, mais dans l’échantillon belge seulement, associé à une détresse émotionnelle plus grande de l’adolescent.
Étude des variables associées à la détresse des mères On a de la même façon cherché à corréler la détresse des mères à un certain nombre de variables les concernant ou concernant leur enfant. De même que pour la détresse des patients, certains facteurs se sont révélés significativement associés à une détresse plus grande des mères dans les deux échantillons belges et français. Il s’agit, parmi les caractéristiques maternelles, de l’inactivité professionnelle de la mère, et d’un mode d’adaptation maternel centré sur l’émotion. Un facteur apparaît par contre potentiellement protecteur dans les deux échantillons : c’est un coping maternel centré sur la recherche de soutien social, qui est associé à des taux de détresse maternelle plus faibles (figs. 3 et 4).
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Fig. 3 – Facteurs associés à la détresse des mères belges.
De même que pour les facteurs associés à la détresse des patients l’analyse de l’échantillon français a permis de mettre en évidence d’autres corrélations parmi les caractéristiques du patient lui-même. Une seule caractéristique sociodémographique du patient est ainsi apparue liée à la détresse maternelle, le sexe (comme pour la détresse du patient lui-même, le fait que le patient soit une fille est associé à un score de détresse maternelle plus élevé). Le mode référentiel d’adaptation du patient apparaît également lié à la détresse maternelle, certains modes d’adaptation des patients apparaissant protecteurs (c’est-à-dire liés à une détresse maternelle moins élevée), comme le coping centré sur le soutien social et le coping centré sur la résolution de problèmes. En revanche, comme pour la détresse du patient, un coping du patient centré sur l’émotion apparaît péjoratif et lié à une détresse maternelle plus grande. Enfin, un lien existe entre l’état émotionnel du patient et la détresse de sa mère : plus le patient est anxieux, déprimé, ou en détresse et plus la détresse de sa mère est élevée.
Étude de la perception par les mères des difficultés des patients Pour rappel, on a défini la perception en lien avec la concordance des réponses entre la mère et l’enfant. Cette concordance est issue de la comparaison entre l’évaluation des besoins du patient par la mère et l’évaluation des besoins de celui-ci par lui-même.
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Fig. 4 – Facteurs associés à la détresse des mères françaises.
Les réponses ont été considérées comme concordantes si le patient et sa mère indiquaient tous deux l’existence d’un même problème quelle qu’en soit l’intensité (si tous deux avaient répondu « non » (0) ou si tous deux avaient répondu de « un peu » (1) à « énormément » (4)). Le pourcentage de réponses concordantes, analysé en continu, a été établi sur l’ensemble des difficultés évaluées par les deux membres de la dyade patient-mère. Plus le pourcentage de réponses concordantes augmente, plus la perception par les mères des difficultés de leur enfant sera considérée comme bonne ; au contraire plus ce pourcentage est faible, plus la perception par les mères des difficultés de leur enfant sera considérée comme mauvaise.
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Un premier résultat important est le bon taux de perception des difficultés des patients par leurs mères : la perception globale moyenne tous domaines confondus est de 75 % dans l’échantillon français comme dans l’échantillon belge (c’est-à-dire que 75 % des réponses sont concordantes : 75 % des difficultés des adolescents et adultes jeunes sont identifiées par leurs mères dans les deux échantillons). On a ensuite cherché à identifier les facteurs associés à une moins bonne perception par les mères des besoins de leur enfant, tant parmi les caractéristiques maternelles que parmi les caractéristiques du patient. Un lien ressort clairement dans les deux échantillons ; il s’agit de la détresse émotionnelle de la mère: plus celle-ci est élevée, moins la capacité de la mère à percevoir les difficultés de l’enfant est bonne. Cette association est vérifiée tant pour la détresse émotionnelle globale que pour les symptômes anxieux ou dépressifs (figs. 5 et 6).
Fig. 5 – Facteurs associés à la bonne perception par les mères des difficultés rencontrées par les patients belges.
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Fig. 6 – Facteurs associés à la bonne perception par les mères des difficultés rencontrées par les patients français.
Par ailleurs, il faut souligner l’absence de corrélation, dans les deux échantillons, entre la qualité de la perception et les caractéristiques socioprofessionnelles ou le niveau d’éducation, tant de la mère que de l’adolescent ou du jeune adulte. Il n’existe pas non plus de corrélation significative avec la situation médicale du patient, en particulier la gravité de celle-ci. Un lien a en revanche pu être établi dans l’échantillon belge, globalement on le rappelle plus jeune et constitué de patients en rémission, avec l’inactivité professionnelle de la mère, l’âge du patient (plus l’adolescent est âgé, moins bonne est la perception maternelle) et le délai écoulé depuis le diagnostic (plus ce délai est long, meilleure est la perception maternelle). Deux corrélations ont également pu être retrouvées, mais de façon inconstante, l’une dans l’échantillon français, l’autre dans l’échantillon belge. Ainsi, dans ce dernier, la perception maternelle est apparue liée à la détresse émotionnelle des patients (mais avec une corrélation plus faible que celle qui concernait la détresse maternelle) : plus la détresse des patients est élevée, moins bonne est la perception maternelle. Dans l’échantillon français, en revanche, un lien a été établi entre perception maternelle et mode de coping préférentiel maternel : plus le coping de celle-ci est centré sur l’émotion, moins la perception est bonne.
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Étude des variables associées au souhait d’aide des patients Variables associées au souhait d’aide global des patients Dans l’analyse du fonctionnement dyadique, il est apparu également intéressant de chercher si certaines caractéristiques du patient ou de sa mère étaient liées au souhait d’aide des patients. C’est l’objet de ce paragraphe. On considère ici le souhait d’aide global ; le souhait d’aide dirigé spécifiquement vers telle ou telle catégorie d’aidant sera étudié au paragraphe suivant. Certains facteurs sont apparus associés à l’ampleur du souhait d’aide des patients dans les deux échantillons (figs. 7 et 8). Il s’agit, parmi les caractéristiques du patient luimême, du sexe (les filles souhaitent significativement plus d’aide que les garçons) et du mode d’adaptation centré sur l’émotion ou sur la recherche de soutien social. Le niveau de détresse émotionnelle du patient apparaît également lié à son souhait d’aide : plus le patient est en détresse et plus il est anxieux, plus son souhait d’aide est important.
Fig. 7 – Facteurs associés au souhait d’aide global des patients belges.
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Fig. 8 – Facteurs associés au souhait d’aide global des patients français.
Certaines caractéristiques maternelles apparaissent également liées au souhait d’aide du patient. La seule retrouvée ici dans les deux échantillons est, comme pour la détresse, l’inactivité professionnelle de la mère. Dans l’échantillon belge, l’âge maternel, un coping maternel centré sur l’émotion et l’ampleur du souhait d’aide de la mère pour elle-même sont également apparus associés positivement à l’ampleur du souhait d’aide du patient. Certaines corrélations sont apparues significativement liées à l’ampleur du souhait d’aide dans le seul échantillon français. C’est le cas parmi les facteurs liés au patient du niveau d’étude (un niveau d’étude plus élevé étant associé à un souhait d’aide plus important), et d’un lien entre détresse émotionnelle et souhait d’aide qui, ici, est vérifié non seulement pour la détresse globale et l’anxiété, mais aussi pour la dépression.
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Parmi les caractéristiques maternelles liées au souhait d’aide des patients, on retrouve aussi dans cet échantillon français le fait que les parents soient séparés (caractéristique associée à un souhait d’aide plus important de la part des jeunes patients). Un lien est également apparu pour les mères françaises entre l’ampleur du souhait d’aide des patients et l’état émotionnel de leur mère : plus la mère est en détresse, et plus particulièrement déprimée, plus les patients souhaitent de l’aide.
Variables associées au souhait d’aide spécifique des patients Les corrélations potentielles avec le souhait de l’aide par une catégorie spécifique d’aidant ont été recherchées pour deux catégories seulement, les professionnels de santé mentale ou les proches. On a donc analysé successivement, dans les deux échantillons, les caractéristiques du patient qui peuvent être associées à un souhait d’aide psychologique ou à un souhait d’aide par un proche. En ce qui concerne le souhait d’aide psychologique (on rappelle que celui-ci concerne 18 % des patients belges et 29 % des patients français), les seules variables associées dans les deux échantillons sont les modes de coping centrés sur l’émotion ou sur la recherche de soutien social. Dans l’échantillon français, d’autres facteurs sont apparus associés à ce souhait d’aide par un psychologue ou un psychiatre. C’est le cas pour certaines données sociodémographiques : les patients de parents séparés, comme ceux qui ont un niveau d’étude élevé (lycée ou supérieur), sont plus nombreux à souhaiter de l’aide d’un psychiatre/psychologue. C’est le cas aussi pour certains paramètres psychologiques et en particulier l’état émotionnel : ainsi, plus les scores de dépression et plus les scores de détresse émotionnelle globale sont élevés, plus le souhait d’aide psychologique est important. Le souhait d’aide de la part d’un proche concerne lui 69 % des patients belges et 84 % des patients français. Aucun facteur associé à ce souhait n’a pu être mis en évidence dans l’échantillon de patients belges. En ce qui concerne les patients français, seul un mode d’adaptation du patient ciblé sur la recherche de soutien social a pu être mis en lien avec ce souhait d’aide dirigé vers les proches, ce qui apparaît assez logique. Les figures suivantes représentent, côte à côte, les facteurs conditionnant dans les échantillons belges et français cette orientation du souhait d’aide vers un professionnel de santé mentale (colonne de gauche) ou un proche (colonne de droite) (figs. 9 et 10).
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Fig. 9 – Facteurs participant à l’orientation du souhait d’aide des patients belges.
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Fig. 10 – Facteurs participant à l’orientation du souhait d’aide des patients français.
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Étude des variables associées au souhait d’aide des mères Variables associées au souhait d’aide global Le seul facteur qui apparaît corrélé au souhait d’aide des mères dans les deux échantillons est leur degré de détresse émotionnelle : plus la détresse émotionnelle de la mère est élevée, plus elle souhaite recevoir de l’aide (figs. 11 et 12).
Fig. 11 – Facteurs associés au souhait d’aide global des mères belges.
Fig. 12 – Facteurs associés au souhait d’aide global des mères françaises.
La dyade mère-patient 157
Dans l’échantillon belge, une corrélation existe également, parmi les caractéristiques maternelles, avec un coping centré sur l’émotion : plus la mère a un coping centré sur l’émotion, plus elle souhaite recevoir de l’aide. Certaines caractéristiques des patients sont également apparues corrélées au souhait d’aide des mères : ainsi le souhait d’aide de l’adolescent ou de l’adulte jeune, et le fait que celui-ci présente un coping centré sur la recherche de soutien social (nous avons vu que ces deux variables étaient liées entre elles), sont associés à un souhait d’aide maternel plus important. Dans l’échantillon français, c’est en revanche un coping du patient centré sur l’émotion qui apparaît associé au souhait d’aide de la mère : plus le coping du patient est centré sur l’émotion et plus la mère souhaite de l’aide pour ses difficultés personnelles.
Variables associées au souhait d’aide spécifique Les corrélations potentielles avec le souhait de l’aide par une catégorie spécifique d’aidant ont été recherchées pour deux catégories seulement, les professionnels de santé mentale ou les proches. On a donc analysé successivement, dans les deux échantillons, les caractéristiques de la mère qui peuvent être associées à un souhait d’aide psychologique ou à un souhait d’aide par un proche. Seule une corrélation a été retrouvée, dans l’échantillon belge, entre le souhait d’aide psychologique de la mère et un coping centré sur la recherche de soutien social de son enfant, corrélation non retrouvée dans l’échantillon français. Aucune corrélation significative n’a pu être mise en évidence avec l’orientation du souhait d’aide de la mère vers un proche.
Discussion Les premiers résultats que nous souhaitons commenter sont ceux concernant les facteurs associés à la détresse des adolescents et jeunes adultes. Parmi les facteurs qui ont pu ici être mis en évidence, ceux concernant le mode d’adaptation des adolescents et adultes jeunes ne sont pas surprenants et confirment les résultats d’autres études chez des adolescents atteints d’affection cancéreuse ou en population normale (1-5). Ainsi, un mode de coping centré sur l’émotion apparaît associé à une détresse plus grande, alors qu’un mode de coping comme la résolution de problème apparaît protecteur. Ces données sont cependant encore en France peu utilisées dans les prises en charge psychologiques ou éducationnelles de ces jeunes patients.
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Les liens retrouvés, au moins dans l’échantillon français, entre le sexe féminin et la détresse émotionnelle, sont aussi des résultats déjà retrouvés dans d’autres études (6) et apparaissent liés au moins en partie à une expression émotionnelle plus importante. Un autre facteur associé à la détresse, le délai depuis le diagnostic, pourrait être contreintuitif si on ne le lisait à la lumière à la fois des caractéristiques de la maladie cancéreuse, avec sa potentialité de récidive, et de la constitution de l’échantillon de patients français (30 % des patients de l’échantillon français sont métastatiques, 16 % sont en rechute). Ainsi, dans cet échantillon, les patients les plus à distance du diagnostic sont très probablement ceux dont la maladie est la plus complexe ou la plus évoluée. Notre étude confirme en revanche l’absence de facteur de risque sociodémographique ou médical de la détresse émotionnelle, en particulier lié au niveau socioéconomique, ou éducatif. Ce résultat va dans le sens de la nécessité d’une recherche systématique de la souffrance psychologique et de la détresse émotionnelle qui ne soit pas focalisée sur un ciblage subjectif de populations apparaissant plus vulnérables que d’autres. Cette conclusion est néanmoins à pondérer par la constitution de nos échantillons qui, compte tenu des critères d’éligibilité notamment linguistiques, sont constitués en majorité de patients originaires d’Europe occidentale. Certains patients plus vulnérables n’ont peut-être pas été inclus. Des liens ont également pu être établis entre certaines caractéristiques de la mère et la détresse de son enfant. Peu de données objectives existent sur ce point dans la littérature, avec des résultats controversés. L’étude française a montré un lien entre la détresse du patient et certaines caractéristiques sociodémographiques, comme l’inactivité professionnelle de la mère et pour l’étude belge, son plus jeune âge. Le lien avec l’inactivité professionnelle peut surprendre : on aurait pu émettre l’hypothèse inverse et penser qu’une mère inactive professionnellement serait plus protectrice parce que plus disponible. Il semble plutôt que l’inactivité professionnelle maternelle laisse celleci plus en prise avec la maladie de son enfant, plus dépendante de son évolution, moins entourée socialement et valorisée aussi, critères de vulnérabilité que peut percevoir l’enfant et auxquels est associée une tendance à une détresse accrue. Une association est apparue également entre une détresse plus grande de l’adolescent ou de l’adulte jeune et la détresse émotionnelle de sa mère ainsi qu’un mode d’adaptation de celle-ci centré sur l’émotion. Quelques données inconstantes existent sur ce point dans la littérature. En population générale globalement, on retrouve une association entre la dépression des mères et une qualité de vie plus pauvre (7) ou une dépression de l’enfant (8). Le même type de résultat a été observé chez les adolescents atteints d’une affection cancéreuse, les niveaux de détresse maternelle étant corrélés positivement avec les niveaux de détresse des adolescents (5). En revanche, Grootenhuis et Last (9) n’ont pas trouvé de relation entre l’adaptation émotionnelle des mères et celle de leur adolescent atteint d’une affection cancéreuse. Ce résultat est à rappro-
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cher des théories sur l’effet pare-excitation de la mère, qui protège l’enfant tant qu’il est assumé. Une mère plus anxieuse, plus déprimée, renverrait par contre à l’enfant un désarroi amplifiant potentiellement en réaction la détresse émotionnelle de celuici. Le type d’étude transversale réalisé ici ne permet cependant pas d’affirmer ce type d’inférence causale. Quelle qu’en soit l’hypothèse explicative, cette donnée renforce de toutes façons l’opportunité d’une prise en charge psychologique centrée sur la mère, non seulement parce que la détresse et le fardeau de celle-ci sont importants, mais aussi parce que cette détresse est susceptible d’aggraver l’état émotionnel de son enfant. Une même recherche d’associations a permis de déterminer un certain nombre de facteurs associés à une plus grande détresse des mères. Aucun facteur sociodémographique en dehors de l’inactivité professionnelle n’est apparu associé à une détresse maternelle plus forte. Cette donnée négative rejoint celle concernant la détresse de l’adolescent et est importante pour une activité clinique quotidienne où il s’agira de ne pas focaliser l’attention des soignants sur tel ou tel groupe socialement stigmatisé mais de rester vigilant à la détresse émotionnelle de tous. On retrouve par ailleurs chez la mère les liens déjà établis, bien que de façon inconstante selon les études (5, 10 et 11), entre adaptation et détresse émotionnelle, les stratégies d’adaptation centrées sur l’émotion étant associées à une détresse maternelle plus importante alors que la recherche de soutien social, qui est une stratégie dite active, est en règle associée à une détresse moins importante. Là encore, il faut souligner l’intérêt de ces résultats dans une optique de prise en charge psychothérapeutique qui, dans une certaine mesure, peut viser à accroître, soutenir et diversifier les différentes stratégies d’adaptation disponibles pour l’individu. L’étude française a également permis de faire un lien entre des facteurs liés à l’enfant et une détresse maternelle accrue : c’est le cas en particulier pour le mode d’adaptation de l’enfant, qui apparaît protecteur pour la mère lorsqu’il est centré sur la recherche de soutien social ou la résolution de problème alors qu’il est défavorable lorsqu’il est centré sur l’émotion. On peut exprimer autrement ce résultat en considérant que la tendance de l’adolescent ou du jeune adulte à chercher de l’aide dans son environnement social ou à résoudre seul ses difficultés, est associée à une moindre détresse maternelle. À l’inverse, lorsque les aspects émotionnels sont au premier plan de l’adaptation de l’adolescent ou du jeune adulte, la détresse maternelle s’accroît. Avoir le sentiment qu’en plus de la maladie son enfant souffre psychologiquement est potentiellement un facteur plus déstabilisant pour la mère que ne le sont certaines caractéristiques médicales, comme le fait d’être métastatique ou en rechute par exemple. La deuxième partie des résultats rapportés ici porte sur la capacité de perception par les mères des difficultés de leur enfant. Deux études portant sur ce thème chez
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des adolescents atteints de cancer retrouvaient sur ce point des résultats divergents (12, 13) et la littérature a rapporté à plusieurs reprises chez des adolescents atteints de maladie somatique chronique une tendance des parents à surestimer leurs difficultés (ou des enfants à les minorer) ; les parents semblent aussi avoir montré une meilleure capacité à repérer les difficultés physiques que les difficultés émotionnelles. Notre méthodologie ne nous permet pas d’analyser la perception en fonction du type de difficultés considérées. En revanche, nous avons pu montrer que cette perception est globalement bonne, puisque les trois quarts des difficultés présentées par les adolescents et adultes jeunes sont correctement identifiés dans leur existence par leurs mères. Nous avons également montré que cette perception maternelle des difficultés de l’adolescent et de l’adulte jeune était influencée par son propre état émotionnel comme par celui de l’adolescent, cette dernière association n’ayant pu être mise en évidence que dans la population belge. Globalement, plus la mère apparaît anxieuse, déprimée ou en détresse, moins sa perception est bonne. Ce résultat renvoie aux données théoriques exposées plus haut, et notamment à la composante projective de la perception des difficultés, avec le risque d’attribuer à l’autre ses propres difficultés, ou à en majorer la sévérité au prisme de son propre état émotionnel. En pratique, cela signifie qu’une mère déjà en difficulté et dans un état de détresse plus important va moins bien percevoir les difficultés de son enfant, et potentiellement donc formuler pour lui des demandes inadaptées ; dans la complexité de la relation triangulaire entre le médecin, l’adolescent et sa mère, ce facteur est à prendre en compte car source de difficultés, d’incompréhension et d’insatisfaction potentielle. Une des difficultés est que, même si on suppose une perception inadéquate des difficultés de l’adolescent ou de l’adulte jeune par une mère en difficulté émotionnelle, il apparaît difficile de mettre en avant ces difficultés pour mettre en doute les perceptions maternelles… En revanche, cela peut justifier que, quelles que soient les difficultés pressenties pas la mère et la demande que celle-ci peut formuler, une évaluation directe auprès du patient soit systématique ; et renforcer l’enjeu fort d’une attention portée à l’état émotionnel de la mère, et un renforcement de l’aide qui lui est proposée. Un lien a également pu être établi entre la perception maternelle des difficultés de l’adolescent ou du jeune adulte et l’état émotionnel de celui-ci : plus celui-ci est anxieux, déprimé ou en détresse, moins bien la mère perçoit ses difficultés. On peut penser que ce lien est médié par la détresse émotionnelle de la mère, renforcée lorsqu’elle perçoit son enfant en difficulté, ce qui en retour la rend moins apte à un repérage adéquat. En tout état de cause, cela souligne combien la perception des difficultés par autrui est un processus subjectif, soumis à des influences diverses, et combien le processus de repérage des difficultés doit être attentif, répété et fondé sur l’évaluation directe du patient.
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Cette perception des difficultés est par ailleurs apparue meilleure, au sein de l’échantillon belge, pour les patients les plus jeunes et ceux le plus à distance du diagnostic. Ce résultat peut permettre d’éclairer certaines absences de corrélations retrouvées dans l’échantillon français par rapport à l’échantillon belge : en effet, les patients de cet échantillon français étaient globalement plus âgés et plus proches du diagnostic que les patients belges. Le troisième volet de cette recherche de corrélations portait sur les facteurs associés aux différents souhaits d’aide dans la dyade, aide attendue par le patient ou aide attendue par la mère. On rappelle la complexité de ce processus de demande d’aide, telle qu’elle a pu être illustrée dans les différents modèles théoriques exposés dans la première partie de cet ouvrage. Cette complexité a été confirmée par les résultats de l’analyse descriptive dans laquelle nous avions noté le relativement faible pourcentage de patients demandeurs d’aide lorsque confrontés à une difficulté (dans notre étude 30 à 78 % des patients ne demandent aucune aide). On attend donc de cette recherche de corrélations de mieux comprendre ce qui peut déterminer le souhait d’aide, en tenant compte là encore du fait que ce type d’étude transversale n’autorise pas d’inférence causale. Ainsi, il est intéressant de constater que le souhait d’aide des adolescents et jeunes adultes atteints de cancer n’est ni superposable au fait de ressentir des difficultés ni proportionnel ; il apparaît en revanche corrélé à bon nombre d’autres caractéristiques des patients comme le sexe (féminin), le niveau d’éducation (élevé), le niveau de détresse émotionnelle (élevée) et le coping. Sur ce dernier point, l’association positive avec un coping centré sur le soutien social est attendue mais riche de sens, venant confirmer que finalement les plus demandeurs d’aide sont non pas simplement ceux qui en ont le plus besoin, mais ceux qui savent le mieux où la trouver et surtout qui ont tendance par leur personnalité à rechercher de l’aide dans les difficultés. Ce résultat va dans le même sens que le caractère subjectif de la perception des besoins de l’adolescent ou de l’adulte jeune par sa mère, et l’impact sur cette perception de son état émotionnel : l’attribution préférentielle des ressources d’aide disponible est un processus complexe qui ne peut se suffire d’une simple adéquation avec la demande exprimée par l’intéressé lui-même ou par celui qui le prend en charge. Les caractéristiques maternelles associées à l’importance du souhait d’aide des adolescents et jeunes adultes sont d’interprétation plus complexe, car plus variables selon les échantillons considérés. Le fait que, dans l’échantillon de patients belges, plus jeunes, en rémission et globalement malades depuis plus longtemps, le souhait d’aide des patients soit associé au souhait d’aide des mères pourrait faire évoquer un apprentissage progressif de la demande d’aide tout au long de la maladie, hypothèse explicative putative qui demande cependant à être vérifiée mais résonne avec les résultats de
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l’étude de Zebrack (14) montrant une demande d’aide au moins psychologique qui croît avec l’antériorité de la maladie. En revanche, chez les patients français, globalement plus âgés et en phase de traitement, c’est surtout la détresse émotionnelle de la mère qui va, pour ces facteurs maternels, être associée au souhait d’aide du patient : comme si, à l’inverse, le jeune patient était plus enclin à demander de l’aide lorsque la mère témoigne par l’expression de sa détresse émotionnelle que ses ressources d’aidante peuvent être limitées. On pourrait ainsi postuler les facteurs potentialisateurs suivants pour expliquer le passage de la difficulté ressentie au souhait de recevoir de l’aide. Ce passage serait ainsi facilité par : la tendance habituelle pour le patient à demander de l’aide (ce recours étant plus aisé notamment dans le coping centré sur la recherche de soutien social) ; l’ampleur, non de sa souffrance psychologique, mais de son désordre émotionnel (on rappelle la relativement faible proportion de patients présentant une détresse émotionnelle par rapport à ceux qui disent ressentir une souffrance psychologique), comme si l’émotion ressentie venait témoigner de ses ressources internes limitées et du fait qu’il allait falloir compter sur un autre ; l’indisponibilité de l’entourage (mères françaises avec un haut niveau de détresse émotionnelle, parents séparés, mères belges plus jeunes, mères ayant un coping centré sur l’émotion). L’analyse du souhait d’aide des patients par un psychologue ou un psychiatre révèle un lien avec leur détresse émotionnelle, au moins chez les patients français. On rappelle qu’en population générale la proportion d’adolescents demandeurs d’une aide psychologique lorsqu’ils présentent des difficultés de ce type est classiquement très faible (15-17). Que ce lien existe ici est plutôt rassurant en termes d’accessibilité potentielle à une aide adaptée. Les a priori sont peut-être moins importants chez ces patients jeunes que chez d’autres plus âgés à reconnaître la légitimité de la souffrance psychologique et l’apport potentiel de spécialistes de la santé mentale, en tout cas dans ce contexte de la maladie cancéreuse. Parmi les facteurs associés à une demande spécifique d’aide de la part d’un professionnel de santé mentale, on retrouve par ailleurs un lien avec certains modes de coping de l’adolescent (notamment le coping centré sur la recherche de soutien social et le coping centré sur l’émotion). Ce dernier résultat va dans le sens d’une étude précédemment citée (18) retrouvant une tendance à demander de d’aide auprès de professionnels plus importante chez les adolescents moins compétents émotionnellement. Enfin, en ce qui concerne l’aide souhaitée par les patients de la part de leurs proches, l’absence de corrélation retrouvée dans notre étude est en phase avec l’absence de données publiées sur ce thème. Les mécanismes de cette demande d’aide de l’entourage restent donc mal connus et n’apparaissent en tout cas pas en lien avec des facteurs objectifs simples tels que notre étude aurait pu les appréhender.
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Par ailleurs, l’étude des facteurs associés au souhait d’aide des mères montre deux liens majeurs, plutôt rassurants dans une perspective de mise en place d’une offre de soin adaptées. Le premier de ces liens est l’association retrouvée dans les deux échantillons entre le souhait d’aide des mères et leur propre détresse émotionnelle : il semble ainsi que non seulement la mère est capable d’identifier sa propre détresse comme étant l’objet potentiel d’une demande d’aide, mais aussi que les difficultés émotionnelles en elles-mêmes n’entravent pas cette demande d’aide. Le deuxième est le lien entre le souhait d’aide de la mère et la demande d’aide du patient (et, dans une certaine mesure, sa demande de soutien social) : comme si cette attente d’aide du jeune par rapport à sa mère était source d’une charge plus lourde, que la mère reportait sur son propre besoin de soutien. Enfin, l’absence de corrélations retrouvées avec l’orientation spécifique du souhait d’aide de la mère vers telle ou telle catégorie d’intervenant marque sans doute, au-delà de la complexité de ces processus, les limites du recueil quantitatif de notre étude : si celui-ci offre une analyse riche par le nombre de patients inclus et la possibilité d’analyser comme un système la dyade patient-mère, il se heurte aussi aux limites de questionnaires standardisés devant des comportements résultant de processus psychopathologiques complexes et déterminés par la singularité de chaque situation.
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Synthèse des résultats Sarah Dauchy, Cécile Charles, Elodie Tournay, Julie Beckers, Anne Auperin et Darius Razavi
À l’issue de ces deux études, un certain nombre de résultats ont pu être mis en évidence ; certains viennent confirmer des données antérieures, d’autres permettent d’ouvrir des perspectives cliniques ou de recherche, en particulier ceux qui mettent en lumière des besoins non ou insuffisamment pris en charge ou ceux qui rendent compte des liens entre l’adolescent et sa mère autour de l’expression conjointe de leurs difficultés ou de leurs souhaits d’aide. Nous en résumons ici les principales conclusions, en renvoyant pour plus de détail le lecteur aux chapitres concernés. L’ordre suivi est pour plus de cohérence l’ordre des chapitres ci-dessus, et non une hiérarchisation par ordre d’importance, qui serait de toutes façons difficile à établir. La première conclusion est l’omniprésence et l’intensité de la détresse des mères : parmi les mères d’adolescents et de jeunes adultes en traitement, une sur deux présente une anxiété sévère, et une sur quatre une symptomatologie dépressive avérée. Cette importante détresse psychologique s’ancre dans l’association de difficultés multiples, liées à l’accumulation des charges familiales, professionnelles et sociales, et pose la question de l’adéquation non seulement des dispositifs d’aide psychologique mais également de l’offre en soins de support – et, derrière l’offre en soins de support, de la disponibilité d’un corps social, plus axé sur la performance que sur la tolérance du handicap, à aider un de ses membres à supporter la charge de la maladie d’un enfant. La souffrance psychologique des adolescents et jeunes adultes est bien présente aussi, puisqu’elle est rapportée par deux à trois patients sur quatre. Elle ne se traduit par une détresse émotionnelle telle qu’une symptomatologie anxieuse ou dépressive
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que dans une bien plus faible proportion. Prendre en charge ces patients implique de savoir repérer cette minorité (10 à 15 %) en zone d’inconfort au plan émotionnel, tout en sachant ne pas limiter son intérêt à cette symptomatologie et entendre la souffrance psychologique susceptible de se traduire par d’autres ressentis (difficultés relationnelles, difficultés liées à l’image corporelle, etc.) ou d’autres comportements (observance du traitement, conduites à risque, etc.). Les patients sont apparus présenter d’importantes difficultés dans le domaine physique, en particulier en ce qui concerne les symptômes, et les conséquences de la maladie ou de ses traitements. Malgré un développement accru de la prise en charge globale ces dernières années, une majorité de patients continue à rapporter des difficultés liées à la douleur, à la fatigue, à la perte de poids. Même si un contrôle entièrement satisfaisant des symptômes est probablement impossible aujourd’hui, deux conséquences fortes peuvent être retirées de ces données : la nécessité d’une réelle amélioration de la formation des soignants au contrôle des symptômes, et à la détection de ceux-ci, et la nécessité d’une information adéquate des patients qui pourront d’autant mieux demander à être aidés qu’ils sauront cette aide possible. Le nombre de patients rapportant des douleurs liées aux procédures diagnostiques est un bon exemple de ces progrès qu’il nous reste à accomplir dans cette voie. L’impact de la maladie sur l’insertion sociale, scolaire et professionnelle des patients, en termes d’accès à la scolarité ou au travail, mais aussi d’accès aux loisirs, de difficultés relationnelles avec l’entourage, est majeur. Ces enjeux sont à la fois difficiles à aborder car touchant le lien à autrui et derrière celui-ci la possibilité d’assumer une identité de malade que le patient peut souhaiter essayer de masquer par l’isolement même s’il en souffre. En même temps, et précisément parce qu’ils impliquent le lien à autrui, il est capital de savoir les prendre en compte et de préserver malgré la maladie les mouvements de séparation, d’individuation et de constitution d’une identité et d’une autonomie qu’ils conditionnent en partie et dont nous avons vu qu’ils sont fondamentaux à cet âge de la vie. La préservation de ces enjeux doit être partie intégrante d’une prise en charge attentive, qui pourra à la fois les aborder précocement avec l’adolescent (pour éviter le décrochage relationnel) et veiller à une organisation des soins et des lieux de soins aussi facilitante que possible des liens et des rythmes (adaptation des traitements aux événements importants, accessibilité des horaires de visite et des lieux de soins, soutien aux liens entre les patients, etc.). Il faut sur ce point souligner le travail remarquable d’un certain nombre d’associations qui ont ciblé leur activité vers les jeunes patients (Cheer Up, Jeunes Solidarité Cancer…).
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Ces résultats témoignent de l’importance pour les patients et leurs proches d’enjeux pourtant peu connus des équipes oncologiques, ou en tout cas pour lesquels ces équipes sont peu formées ; il s’agit notamment des questions posées par la communication avec les équipes médicales, pour laquelle on rappelle que plus de 40 % des patients et 16 à 38 % de leurs mères disent avoir été en difficulté le mois écoulé. Parmi ces difficultés, figurent aussi des difficultés dont nous n’avons pas rapporté les résultats dans cet ouvrage (parce qu’elle n’ont pas été explorées de façon similaire dans les deux populations française et belge) : il s’agit des difficultés sexuelles, qui touchent deux tiers des adolescents en âge de se sentir concernés par celles-ci. Ces deux aspects sont aussi des aspects pour lesquels la formation des équipes oncologiques, médicales ou paramédicales, est aujourd’hui limitée ; et pour lesquels la capacité d’échange, de relation, d’un savoir-être tout autant voire plus que d’un savoir-faire, est fondamentale. Être capable d’intégrer ces enjeux dans le cursus de formation initiale ou continue des différents acteurs est essentiel si on veut être à même de répondre aux besoins des malades et de leurs proches. Le souhait d’aide apparaît un processus complexe et il faut retenir ici que le simple ressenti d’une difficulté ne saurait en rien être l’équivalent d’un souhait d’être aidé pour celle-ci, et encore moins d’être aidé par les soignants. Les adolescents et jeunes adultes, comme leurs mères, ont des attentes ciblées, selon les difficultés et selon les interlocuteurs (avec dans certains domaines moins d’attente vers les soignants que vers leurs proches). Cette conclusion appelle plusieurs commentaires : le premier est qu’il importe que notre système de recueil des difficultés et besoins prenne en compte cette complexité, et qu’il serait non seulement illusoire de penser pouvoir répondre à tout mais probablement pas souhaitable de le faire. Le deuxième est que l’attente forte des adolescents vers leurs proches, et notamment leurs mères, résonne avec l’ampleur des difficultés et de la détresse présentée par celles-ci : il s’agit peut-être plus aujourd’hui de renforcer le soutien aux mères (à la fois par des professionnels de santé et par des moyens pragmatiques, comme des aides financières par exemple) que d’accroître sans limite le soutien apporté aux adolescents, surtout lorsque celui-ci prend la forme d’investissements matériels dont l’utilisation n’est pas toujours effective (comme par exemple le renforcement d’un équipement informatique récréatif, parfois plus aisé à financer qu’une action de formation à la communication de l’équipe oncologique). Un dernier point tient au caractère potentiellement dynamique de ce souhait d’aide, qui pourrait être modifié par, par exemple, une information accrue sur le type d’aides disponibles, ou la disponibilité de celles-ci. Mais, en tout état de cause, tenir compte de la complexité de cette demande est indispensable à la structuration d’une réponse adaptée.
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L’analyse des liens au sein de la dyade mère-enfant a aussi permis de mettre en évidence les liens forts entre la détresse et l’adaptation de la mère et celles de l’adolescent ou du jeune adulte malade. Ces liens sont attendus mais pas forcément intégrés dans la réalité des dispositifs d’aide : ils renvoient à la nécessité d’une prise en compte de l’adolescent au sein de son système familial, et à l’intégration de la dynamique relationnelle de la dyade dans le ciblage de l’aide apportée : un adolescent dont la détresse est en lien avec le désarroi émotionnel de sa mère pourra peut-être être plus aidé par une aide concrète, matérielle et psychologique apportée à celle-ci, que par l’inflation d’un dispositif supposé lui être adapté et pas forcément ciblé sur ses spécificités. Ces études ont montré d’une part une relativement bonne perception de l’existence des difficultés des adolescents ou des jeunes adultes par les mères, d’autre part le lien entre la qualité de cette perception et leur état émotionnel ou celui de leur enfant. Le fait que tant la souffrance émotionnelle des mères que celle des enfants péjore la perception maternelle des besoins est un argument de plus pour une attention systématique portée à cet état émotionnel : le risque d’une moins bonne perception maternelle est en effet le renforcement négatif de la détresse par inadéquation entre la mère et l’enfant ou insatisfaction de la prise en charge. Enfin, la recherche de facteurs explicatifs du souhait d’aide, tant des adolescents ou des jeunes adultes que de leurs mères, a montré que ce souhait, non seulement n’est pas en lien linéaire avec les difficultés ressenties, mais dépend aussi de facteurs individuels tels que le sexe, le niveau d’éducation, le niveau de détresse émotionnelle et le mode d’adaptation. Ce point doit être connu pour venir relativiser un mode d’attribution des ressources d’aide qui, certes, doit s’ancrer dans la demande, mais ne peut se suffire d’une simple adéquation avec la demande exprimée par l’intéressé lui-même ou par celui qui le prend en charge. Ces résultats permettent ainsi manifestement d’enrichir la quantité de données disponibles sur cette population de patients adolescents et jeunes adultes et sur leurs mères. Ces études ont cependant naturellement des limites. Celles-ci sont notamment représentées par la lourdeur des questionnaires utilisés, qui rend compte d’une proportion importante d’abandons en cours d’étude de patients dont les besoins ne sont pas rapportés par notre analyse. Cette lourdeur est cependant garante du caractère extensif des informations obtenues, permettant une analyse quantitative détaillée d’une population exposée à des difficultés multiples et dont les comportements reposent sur des processus complexes. Nous avons utilisé des questionnaires dont certains sont des standards pour les paramètres étudiés et la population considérée (l’échelle HADS par exemple) mais dont d’autres ont dû être adaptés pour les besoins spécifiques de
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l’étude : c’est le cas pour le CARES, qui a été modifié pour s’adapter à une population adolescente d’une part, à une population de preneurs en charge d’autre part (les mères), et enfin à l’évaluation de la perception des besoins des patients par ces preneurs en charge. Mais dans l’optique qui était la nôtre d’une évaluation de la dyade patientmère, il était nécessaire d’utiliser des outils aussi superposables que possible et un tel questionnaire explorant tant les besoins d’un patient que leur évaluation n’existait pas à notre connaissance. Enfin, comme cela a déjà été souligné, le design transversal de cette étude ne permet pas lorsque des corrélations sont établies d’en préjuger du sens causal. Cette limite a été respectée dans l’analyse. En revanche, ces résultats ont l’intérêt d’être issus de deux groupes de patients d’une taille plus importante que celle décrite dans la majorité des études. La méthodologie identique de ces deux études est identique, et si leurs résultats ne sont pas comparables au sens strict du terme puisque les deux échantillons diffèrent, ils permettent de valider certaines hypothèses d’autant plus solidement qu’ils sont constants dans les deux populations. Surtout, c’est à notre connaissance la première étude dans une population de ce type à avoir réalisé en parallèle l’étude des patients et de leurs mères, ce qui permet l’analyse de la dyade mère-patient dans son ensemble.
Partie IV
Recommandations pour l’organisation des prises en charge
Recommandations pour l’organisation des prises en charge Darius Razavi et Sarah Dauchy
Nous souhaitons à l’issue de cette synthèse, et pour clore cet ouvrage, lui adjoindre quelques recommandations plus générales pour une amélioration de la prise en charge psycho-oncologique des adolescents et jeunes adultes atteints de cancer et de leurs mères.
Vers une organisation structurée des prises en charge en psycho-oncologie Actuellement, une grande partie des patients atteints de cancer en détresse psychologique ne se voit pas proposer de prise en charge adaptée, pour diverses raisons. La détresse psychologique est peu détectée par des équipes soignantes parfois peu sensibilisées ou non formées pour cette tâche (1-4) ; et les effectifs des équipes de psycho-oncologie ne permettent pas, en règle générale, aux psychologues d’assurer eux-mêmes cette charge. Par ailleurs, même si la détresse est identifiée, il n’y pas toujours de psychiatre et/ou de psychologue compétents en oncologie dans l’hôpital ou la région où est traité le patient. La diminution de la durée des hospitalisations et la fatigue consécutive aux traitements diminuent aussi la possibilité de rencontrer les patients et leurs proches. Et en fonction du stade de la maladie et des traitements nécessaires, les patients sont souvent amenés à fréquenter différentes structures hospitalières. Ceci a pour conséquence de disperser les patients dans des prises en charge multiples, ce qui entrave la cohérence et la continuité de la prise en charge psycho-oncologique. Le relais et la coopération de plusieurs acteurs (psychologues de différents hôpitaux, psychologues à
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domicile) semblent nécessaires pour garantir une continuité des prises en charges, qui manque cruellement à l’heure actuelle, où chaque institution a tendance à fonctionner de manière isolée, sans travail de liaison. La difficulté de trouver des psychologues, des psychiatres travaillant en dehors des hôpitaux et spécialisés dans le soutien psychologique des patients cancéreux constitue également un obstacle. Ces troubles psychologiques non pris en charge vont influer directement sur la qualité de vie du patient, l’adhésion au traitement, la morbidité et la mortalité (5-6). Ils vont influer également sur les coûts des soins de santé, par l’augmentation du nombre des hospitalisations ainsi que de la durée de celles-ci (7). La qualité de vie des soignants est également potentiellement affectée car les difficultés relationnelles surviennent plus fréquemment avec ces patients en difficulté psychologique (8). Il devient donc essentiel de développer une organisation de la prise en charge en psycho-oncologie qui n’intervienne pas seulement sur le mode du « secours » quand les troubles sont installés et qu’ils posent des problèmes importants dans la prise en charge médicale ou chirurgicale ; qui fasse partie intégrante de l’équipe pluridisciplinaire qui entoure un patient et sa famille ; qui travaille en réseau et en collaboration avec l’ensemble des acteurs intervenant dans la prise en charge psychologique des patients ; qui permette de rendre systématique la détection et le traitement des troubles psychologiques et psychopathologiques. Le tableau I résume les objectifs des interventions psycho-oncologiques dans une prise en charge ainsi structurée. Ces unités nécessitent des moyens humains (psychologues et psychiatres) et des moyens financiers (tableau I).
Tableau I – Objectifs des interventions en psycho-oncologie. Prévention primaire : prévenir le développement des symptômes psychologiques et/ou psychopathologiques par une détection précoce. Prévention secondaire : traiter précocement les troubles psychologiques et psychopathologiques associés au cancer suite à une détection précoce et systématique. Prévention tertiaire : poursuivre le suivi pour éviter les complications. Information et soutien : informer et soutenir les intervenants non professionnels de la santé mentale de l’équipe médicale ou chirurgicale en vue d’augmenter leur capacité à évaluer, détecter et traiter les troubles psychologiques et psychopathologiques.
Plusieurs étapes peuvent être individualisées dans la structuration d’une prise en charge en psycho-oncologie intégrant une dimension de prévention et la prise en compte du patient dans son environnement. La première étape repose sur le repérage
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systématique pour tous les patients de la détresse psychologique et de l’aide souhaitée (9, 10). Des outils efficaces et utilisables en consultation et en hospitalisation existent actuellement (échelles d’auto-évaluation) (11-13). Des soignants formés et disposant du temps nécessaire peuvent aussi assurer cette fonction mais, même dans les dispositifs structurés pour cela (consultation d’annonce, avec ou sans consultation infirmière par exemple), il n’est pas toujours simple de consacrer assez de temps à cette tâche : c’est entre autres l’intérêt de l’utilisation d’échelles. Un des intérêts du caractère généralisé de ce repérage est qu’il permet d’informer et de sensibiliser systématiquement les patients et leur famille sur l’impact psychologique du cancer ; mais aussi de lever le stigmate de la détresse psychologique qui ne doit pas être perçue comme une faiblesse ou une anomalie psychopathologique. Les patients repérés en détresse seront interrogés sur leurs difficultés et les différents facteurs individuels ou médicaux qui peuvent contribuer à cet état (difficultés financières ou financières, symptômes non contrôlés, etc.). Leur demande d’aide sera explorée ; ceci implique de s’être auparavant assuré que le patient est correctement informé des différents types d’aides possibles, afin que ses attentes soient adaptées. Ainsi, dans nos deux études, le fait qu’un patient avec des difficultés psychologiques exprime une attente d’aide essentiellement dirigée vers les proches et somaticiens pourrait relever d’une ignorance de la possibilité d’une aide spécialisée. La deuxième étape sera l’identification du réseau de soutien social, qui le plus souvent est représenté par la famille, et le renforcement de ces ressources. La famille, si elle est présente, est souvent la première ressource du patient. Il est donc capital qu’elle puisse lui proposer un soutien adapté à ses attentes et à ses difficultés. Par ailleurs, la découverte d’un cancer chez un membre d’une famille peut être source de crise pour chacun de ses membres. Idéalement, une détection systématique des problèmes psychologiques du preneur en charge principal devrait être effectuée. Idéalement aussi, toutes les familles qui le souhaitent devraient pouvoir être au moins rencontrées une fois, dans une réunion familiale qui pourrait inclure en plus bien entendu du patient, le médecin et le cas échéant le psychologue ou le psychiatre en charge de celui-ci. Ces réunions devraient permettre aux familles de faire le point sur la situation médicale du patient, d’exprimer leur vécu et éventuellement d’entamer une prise en charge individuelle et/ou familiale, au sein de la structure de soins du patient ou à l’extérieur. La possibilité pour les psychologues et psychiatres intégrés dans les structures hospitalières de cancérologie de travailler en lien avec des intervenants extérieurs doit ainsi être recherchée, tant au niveau de la prise en charge psychologique que de la mise en place d’aides diverses notamment au domicile.
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La troisième étape est celle des prises en charge psychologiques ou psychiatriques à proprement parler. Celles-ci doivent s’adapter au contexte de l’oncologie, aux aléas des traitements et des allées et venues du malade. Elles devraient être assez structurées et tracées pour permettre, à défaut d’un relais entre intervenants toujours complexe en matière de soins psychiques, au moins la transmission et la continuité des soins. Par ailleurs, dans une perspective d’utilisation rationnelle des ressources et dans le contexte médico-économique contraint de la santé aujourd’hui, une hiérarchisation des difficultés doit permettre d’attribuer les ressources les plus spécialisées aux patients qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire à ceux dont la pathologie est la plus complexe au plan psychopathologique. Cette hiérarchisation repose sur l’identification de la nature des troubles, et donc sur une démarche structurée réalisée par des intervenants formés. Or dans la pratique quotidienne aujourd’hui la souffrance psychologique n’est souvent identifiée que par son expression émotionnelle, et hiérarchisée en fonction de l’intensité de cette expression : c’est ainsi souvent les patients les plus démonstratifs et les plus demandeurs qui sont adressés facilement au spécialiste alors que leurs troubles sont peut-être à la portée de la prise en charge d’un intervenant moins spécialisé. On peut schématiser ainsi différents niveaux de prise en charge, chaque niveau possédant les compétences du niveau précédent en termes d’évaluation et d’intervention (tableau II). Tableau II – Caractéristiques des principaux niveaux de prise en charge des patients cancéreux et de leurs proches. Intervenants
Action
Compétences
Niveau 1
Professionnels de la santé
Repérage de la détresse et des besoins
Compétences de base en communication destinées à évaluer, informer et soutenir
Niveau 2
Psychologues
Soutien et accompagnement
Techniques de base comme l’écoute, le conseil, l’aide à la résolution de problèmes
Niveau 3
Psychologues cliniciens formés à la psychothérapie et à la psycho-oncologie
Diagnostic et prise en charge des principaux troubles psychologiques
Techniques psychothérapeutiques spécialisées en individuel, couple, famille et groupe
Niveau 4
Psychiatres formés en psycho-oncologie
Diagnostic et prise en charge de toutes les formes de troubles psychopathologiques
Idem si formé à la psychothérapie, et traitements psychopharmacologiques
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Un corollaire important de cette structuration des prises en charge est la possibilité d’enregistrer l’activité des intervenants, ce qui a pour but au-delà des nécessités administratives de constituer un outil de liaison entre les acteurs (équipes de psycho-oncologie, de soins de support, d’oncologie) et de faciliter la représentation de l’activité des unités et services de psycho-oncologie par les autres acteurs du soin. Une telle structuration de l’activité de psycho-oncologie implique de disposer d’intervenants formés, non seulement au champ de la psychologie ou de la psychiatrie, mais aussi au champ de l’oncologie. Le psycho-oncologue doit pouvoir concevoir la réalité médicale du patient et en tenir compte dans son diagnostic comme dans sa prise en charge. Cela suppose le développement des programmes de formation spécifiques destinés aux psychologues et psychiatres ayant une pratique en oncologie. Cette formation doit être initiale et continue, parce que les intervenants doivent pouvoir intégrer dans leur pratique clinique non seulement les évolutions de l’oncologie mais aussi celles de la psycho-oncologie, de la psychologie médicale, de la psychiatrie et de la psychiatrie de liaison. L’évaluation des prises en charge en psycho-oncologie, si elle se heurte aux mêmes difficultés que l’évaluation des psychothérapies en général, n’en est pas moins nécessaire ; tout comme la structuration et la diffusion de bonnes pratiques ancrées dans de solides références théoriques et validées par l’évaluation clinique. Par exemple, l’évaluation de l’efficacité de différentes propositions de prise en charge psychothérapeutiques de patients adolescents et jeunes adultes atteints de cancer a été publiée (14, 15), montrant que des études randomisées et contrôlées des modèles de prise en charge psychothérapeutique sont possibles dans ce contexte, avec un impact positif en termes de réduction de l’anxiété et de la détresse, d’amélioration de l’image du corps, d’augmentation de l’information. Ancrer la pratique clinique dans l’échange, la réflexion théorique et une évaluation rigoureuse est ainsi incontournable si on souhaite apporter une réponse aux trois questions fondamentales pour la psycho-oncologie aujourd’hui que sont le type de thérapie mise en place, le type de patient qui peut en bénéficier, et le moment le plus important pour l’instaurer. Seuls de solides liens de collaboration et d’intégration entre pratique clinique et structures de recherche pourront permettre d’y apporter une réponse. Cela passe par un réseau de collaboration entre les universités et les unités de référence en psycho-oncologie, qui permettrait dans le même temps de faciliter cette formation des intervenants.
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Vers une réelle intégration des dimensions sociales et familiales du patient adolescent et jeune adulte Une telle organisation des prises en charge en psycho-oncologie ne saurait résumer l’intégralité de la prise en compte de la souffrance psychologique et des remaniements générés par le cancer pour le patient et ses proches. La reconnaissance, dès le début de la maladie des dimensions sociales, professionnelles et familiales du patient est capitale pour non seulement permettre d’accroître les capacités de soutien de son milieu naturel, mais aussi pour respecter toutes les composantes de son identité, audelà de la maladie dont l’irruption ne peut justifier l’interruption de toutes les autres perspectives. Le soutien des investissements scolaires, professionnels, des intérêts personnels et des investissements relationnels peut passer chez des patients adolescents ou jeunes adultes par des éléments matériels comme l’accessibilité à Internet, la souplesse d’un cadre d’hospitalisation accessible à l’entourage si le patient le souhaite, ou la possibilité de personnaliser le lieu d’accueil ; ou encore la possibilité d’hospitalisations programmées moins disruptives et respectant autant que possible les engagements extérieurs (16). Cela implique aussi des lieux de soins ouverts sur l’extérieur, et dans lesquels une attention soit portée à la richesse d’échanges d’informations bilatéraux : de l’extérieur vers l’intérieur, comme pour l’actualité (revue de presse, par exemple) ou les événements du groupe familial ou social. L’importance de dispositifs d’information ou d’aide à l’information qui ne soient pas simplement faits pour transmettre de l’information aux patients mais qui lui permettent aussi de sensibiliser et d’impliquer ses proches a été également soulignée (importance de supports d’information adaptés pour la fratrie par exemple). De nombreux auteurs soulignent par ailleurs l’importance d’un réseau relationnel entre pairs malades ; cet enjeu a été un des fondements de groupes de support entre adolescents ou jeunes adultes. Ces groupes offrent aux patients la possibilité de parler avec d’autres qui ont traversé la même expérience, de se soutenir mutuellement, de retrouver un groupe comme tous les autres adolescents. Leurs bénéfices peuvent être limités par la difficulté de confrontation à certains enjeux, comme la dégradation physique ou le décès d’un membre du groupe (17). L’utilisation de l’outil Internet permet parfois de moduler cette confrontation difficile aux pairs, de se préserver d’un contact visuel, d’interrompre librement une relation qui devient trop difficile (patient dont l’état s’aggrave).
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Développer l’implication du lien social dans la prise en charge des patients atteints de maladie cancéreuse passera aussi par une réelle intégration de la prise en compte du risque cancéreux, et de sa fréquence, dans l’éducation à la santé de l’ensemble des individus. Cette éducation s’est ouverte dans les dernières années à d’autres risques (maladies sexuellement transmissibles, risques nutritionnels, addictions, etc.), avec pour mérite d’ancrer certaines préoccupations dans une perspective de groupe, où chacun est potentiellement concerné par un risque commun. Bien sûr, le degré d’intégration de la vulnérabilité est individuel et repose sur un processus complexe, qui ne dépend pas bien loin s’en faut d’un simple apport éducatif. Mais ce degré minimal d’intégration et d’attention est capital, par exemple pour que chaque individu ait la possibilité d’anticiper à l’échelon individuel certaines conséquences possibles d’une maladie (18) ; mais aussi pour, à l’échelon du groupe, permettre à l’entourage social d’un patient d’être assez sensibilisé pour rester présent et lui garantir la continuité d’un lien dont on a vu l’importance identitaire à cette période de la vie. Préserver cette intégration réelle des patients dans le tissu social qui doit rester le leur est un enjeu complexe qui peut passer ainsi par une véritable éducation sociétale à la « conduite à tenir » face à celui qui est affecté par la maladie, à l’échelon du groupe restreint (famille, entourage amical) comme du tissu socio-professionnel. Garder son rôle, son statut à l’autre ; continuer à le regarder, à l’inviter, à lui garder ses responsabilités. Être capable de lui parler de sa maladie… comme de respecter qu’il ne veuille pas en parler, sans pour autant l’isoler. L’amélioration des prises en charge en psycho-oncologie repose donc sur une organisation structurée de prises en charge qui doivent s’ancrer dans de bonnes pratiques évaluées et rigoureuses méthodologiquement. Mais la prévention de la détresse et des difficultés psychologiques fait appel à une dimension bien plus large, où le corps social est interpellé dans son ensemble pour que l’individu malade puisse garder sa place – ou parvenir à la trouver, comme c’est souvent le cas pour ces patients adolescents et jeunes adultes qui ont leur vie à construire alors qu’ont lieu traitements du cancer et remaniements psychiques.
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