ALFRED MORABIA
LA NOTION DE GIHAD DANS L�ISLÂM MEDIEVAL DES ORIGINES A AL-GAZÂLÎ
THESE PRESENTEE DeVANT L'UNIVERSITE D...
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ALFRED MORABIA
LA NOTION DE GIHAD DANS L�ISLÂM MEDIEVAL DES ORIGINES A AL-GAZÂLÎ
THESE PRESENTEE DeVANT L'UNIVERSITE DE PARIS IV -LE 1er JUILLET 1974-
SERVICE DE REPRODUCTION DES THESES UNIVERSITE OE LILLE III ·1975·
LA NOTION DE ÔIHAD DANS L ’ISLÂM MEDIEVAL DES ORIGINES A AL GAZÂLÏ
THESE PRESENTEE DEVANT L'UNIVERSITE DE PARIS IV -L E
1er JUILLET 1 9 7 4 -
SERVICE DE R E P R O D U C T I O N DES THESES UNIVERSITE DE LILLE III - 1975 -
{ I )
" La joie de chercher est supérieure à la satisfaction de trouver, parce que l'es poir subsiste. ■ (Ad-Oaqqâq, mystique mu sulman du X° siècle, apud Ibn al-^awzî, Huntazam, VIII, page 7)
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L*islamologie se veut science englobant l'ensemble des activi tés humaines de la société musulmane, analysée dans San évolu tion tant matérielle que doctrinale ou spirituelle{l). Elle est donc Sminemment redevable à l'histoire considérée comme instrument d'analyse et d'interprétation des données subtile ment imbriquées qui constituent la trame de la vie. L'une et l'autre s'efforcent d ’en dégager "la logique souterraine", pour reprendre une expression de Raymond Aron (2). Il nous paraît donc utile d'introduire cette étude par quel ques indications sur la méthodologie qui nous a permis de “met« tre du sens" dans les événements et les doctrines analysés. Une notion comme celle du ÿih3d est colorée par tout un ensem ble d'éléments ressortissant aux faits historiques, aux rela tions sociales, aux comportements individuels et collectifs, à la conjoncture internationale, au contexte géographique, aux influences culturelles et doctrinales,.... et la tftche de 1'islamologue qui veut tenter de la cerner, est de chernher ii déterminer l'apport de chacun de ces éléments, & chacun 4ea j moments de l'évolution historique de cette notion.
(1):
voir J.Chelhod.Introduction ù la sociologie de 1 1Islan.Parl». 195B:Actes du colloque sur la sociologie de 1'Islom.Bruxelles 1962jPareja,Hertling .Bausani ,Boi* .IslcwioloQie.Bevrouth.1964. dont le contenu ne correspond pas toujours au titre.
(2)!
Dix huit leçons sur la société industrielle.Pari».1962.p.25
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A certains égards, cependant, le sociologue se place à- un poin t d« vue différent de celui de l'historien < Pour lui, la vé racité des faits sur lesquels reposent, croient reposer ou affirment le faire, les comportements humains, n ’est pas une condition sine auo non de leur prise en considération, et 1' apocryphe n'est pas un empêchement dirimant dans sa comptabi lité des faits sociaux. La causalité sociologique englobe aus si bien ce qui s'est, effectivement, déroulé dans le cours de lftiistoire, que ce que les personnes et les groupes dont on étudie mentalités et conceptions, estiment s*8tre déroulé. L ’historique et le légendaire servent également de ressorts & la manière dont réagissent les etres humains. * L'histoire, disait Gustave Le Bon, fourmille d'exemples d'erreurs qui de vinrent des vérités premières, pour avoir été universellement acceptées cornue telles". Souvent d'ailleurs, les données 'his toriques" qui s'avèrent, h la suite d'un examen rigoureux, controuvées, offrent cette particularité de décrire, à défaut de la réalité événementielle, les * idées-forces*, les "idéesreflets", issues des conditions conjoncturelles. Somme toute, l'atmosphère dans laquelle ces événements baignaient, et ce que, b défaut d'avoir été, ils auraient pu 6tre. Elles reflè tent, tout autant, l'état d'esprit de ceux qui les ont trans mises, parce qu'ils les croyaient historiquement véridiques, ou qu'ils espéraient qu'elles l'avaient été. Est-il besoin de dire combien ces données peuvent, malgré leur inauthenti cité historique, être précieuses pour celui qui s'attache à cerner les mentalités et les motivations de ceux pour qui réalité objective et réalité subjective sont intimement mê lées et confondues ? Entendons-nous, On ne se propose pas d'accorder une confian ce aveugle aux données traditionnelles, sans avoir à les pas ser au crible de la critique, pour déterminer les conditions dons lesquelles elles ont pris naissance, et les motivations de leur transmission. Restriction encore plus ùnpérative dans un domaine corme celui de l'Isl&n, où l'hagiographie et 1’
( ni
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apologétique, pour des raisons historiques bien précises, tien nent une place considérable. Les comportements sociaux, ne pouvant échapper à certaines rè gles universelles, donnent par moments, l ’illusoire impression que l'histoire du genre humain n ’est qu'un éternel recommence ment. E» fait, les choses ne sont jamais tout à fait les mo ntes, et nulle situation ne se renouvelle d'une manière parfai tement identique, ni dans l'espace ni dans le temps. Et pourtant, quel domaine de l'investigation sociologique, se préterait-il mieux à cette tentation de 1'immuabilité et de 1* éternel recommencement que celui que nous nous proposons d'ana lyser dan* notre étude : l'affrontement entre les hommes au nom de principes ou de dogmes ? La guerre, en tant que phénomène social, dont Gaston Bouthoul a institué l'étude en une science qu'il a nommée "polémologie" (3), est l'une des constantes de la vie communautaire des hom mes. La plus caractéristique et, peut-8tre, la plus riche dan* l'analyse sociologique des comportements individuels et collec tifs. Le but de la polémologie est de déterminer les fonctions et l'étiologie de la guerre, que Bouthoul définit i "une fin qui se déguise en moyen". Le postulat fondamental de l'auteur est qu'il faut se refuser à considérer la guerre comme une évidence allant de soi, une institution inséparable de la vie des sociétés, mais au contraire, comme un phénomène "anormal", "pathologique" de la vie sociale, qui nécessite donc une ex plication. Pour ce faire, le polémologue doit démonter le pro cessus du déclenchement des conflits, et dégager l ’ensemble des facteurs et impulsions "belligèrres* dont la nature est
(3):
l’hypothèse polémologique optimiste de Bouthoul est exprimée dons des oeuvres comme'.Sauver lo guerre.Poris.1946 :Cent mil lions de mort»,Pari».1946 rHuit mille traités de paix.Paris. 1946;Les guerre».Poris.1951 :Eléments de polémolooie.Pari». 19561 La guerre,Paris.1956jLe~t>hénomène-guerre.Pari».1962iLa guerre A travers l’histoire.Pari» ,1 9 6 6 ;Avoir la paix.Pari», 1967;La guerre.Phénomène social.Pari».1ÿ67iTrolté de polémo logie.Paris ,1 971 .Voir également ses article* parus dan* la revue trimestrielle,"Guerres et paix"(depui» 1966) et "Etudes polémologiques*(depui» juillet 1971).
* IV )
aussi bien matérielle que spirituelle. Seule cette méthode permettrait de déterminer une thérapeutique pratique contre ta guerre, en déstmorçant l'effet des conditions les plus fa vorables i 1'agression. Phénomène 'normal*, au sens durkheimien du terme{4), de la vie sociale, la guerre dans les conceptions modernes de la sociolo gie occupe une place considérable. Pour les uns, tenants des doctrines "optimistes", cornue les appelle Bouthoul qui en fait partie, la guerre est la résultante de structures sociales et mentales, les unes subordonnées aux autres et en subissant 1' action tout en les colorant, bien définies, qui peuvent dispaf-aître, s'estomper ou subir des modifications, entraînant avec elles le déclin puis le renoncement b la violence. Selon la thèse "optimiste*, le but à atteindre est de prévoir, par la connaissance de leurs signes avant-coureurs, la montée des facteurs "belligènes" propres 0 attiser l'agressivité collec tive, et d'agir pour modifier rationnellement la complexion du moment, tant matérielle que spirituelle ou psychique(5). Pour d'autres auteurs, les ‘pessimistes* selon la classifica tion de Bouthoul, l’activité martiale est un trait constant de la vie humaine et animale, trait essentiellement “biologi-
(4}:
sur le caractère équivoque et confus du terme mSme de 'normal voir Lalande.Vocabulaire technique et critique de la philoso phie iPoris.1962,pp.668-90. Selon Durkheim,"un fait social est normal pour un type social déterminé.considéré h une phase cU terminée de son développement,quand il se produit dans la mo yenne des sociétés de cette espèce,considérées b la phase cor respondante de leur évolution"(Règles de la méthode sociolo gique.p.Bp)
(S):
"L'art de la guerre est d ’éviter la guerre en agissant sur 1< psychisme par le psychisme* estime Jean Guitton,dans son La Pensée et la Guerre.Paris.1969.Historien de la pensée,l'au teur s'est penché sur la philosophie politique,et découvert un lien entre la stratégie et l'activité intellectuelle.Le mécanisme de celle-ci consisterait Ji justifier le fait et lui donner l'auréale de la valeur,une fois qu'il o été un sue cès.Le projet essentiel de 1'"optimisme* guittonien est de poser les fondements d'une *métastratégie",qui serait à la strotégie ce qu'a été la métaphysique b la physique.Son ob jet serait de relier la rationalité de la conduite et de la préparation des guerres avec le problème philosophique ou psychologique des fins qu'elles poursuivent ou considèrent poursuivre.A certains égards,les démarches de Bouthoul et de. Guitton se rejoignent.
( V )
que* et "instinctiffé). Phénomène universel - bénéfique ou maléfique n'importe - impossible à déraciner ailleurs que dans l'esprit utopiste et idéaliste des ‘faiseurs de monde en vase clos*. Pulsion biologique innée et donc naturelle ? Stimulants nés d' un environnement culturel^donc acquis ? Depuis des siècles la question reste posée. Nul ne songerait à nier une évidence : la gperre, les affronte ments armés sont un des traits marquants et hélas durables de l'histoire de notre espèce, depuis les temps immémoriaux. For ce est de constater que c'est par la violence que l'humanité a tracé son histoire. Par elle, sociétés et Etats ont vu le jour. Par elle, ils ont disparu pour céder la place b d'autres édifices et institutions, condamnés eux aussi à subir le mSme sort{7). D'où ces facultés de "puissance régénératrice" et de "déesse de la fécondité tragique* dont elle o été souvent in vestie, et que lui signale Roger Caillois{8). Par elle se ^or-
(6):
1 1i1lustration de cette théorie,articulés sur l’étude des com portements animal et humain,nous est fournie dans l'oeuvre du zoologue autrichien Konrad Lorenz,L'agression.une histoire noturelle du mal(trad,fse.Paris.1969)«L'auteur a profondément marqué un courant de la pensée moderne.Il est l'un des maîtr« de l ’école d ’éthologie objactiviste et de psychologie animale Au terme d ’àne étude biologique serrée,Lorenz conclut que l'h omme est,par instinct,une créature agressive,C’est dans son penchant inné è la violence que nous devons chercher les mo biles de son agressivité.
(7):
nombreux sont les penseurs,parmi lesquels il suffira de citer Heraclite,Hobbes ou Hegel,qui ont vu dans 1 'agressivité et tfo manifestation extrême,la guerre,1'état normal de la conduite sociale.Le philosophe de l ’histoire que fut Ibn UaldOn a abon damnent développé,au XIV° siècle,cette théorie de la nécessi té historique de la violence.Plus près de nous,Karl Marx di sait que la violence était "accoucheuse de 1 'histoire"(I® Li vre du Capital.éd.Sociales.III.p.193)» On sait que selon la doctrine marxiste,la violence collective n ’est que la manifes tation paroxystique de l ’antagonisme permanent et ^on-violent qui oppose les classes sociales,Pour elle,1e rejet de toute agressivité c'est l'indifférence totale,le refus de créer.
(6):
voir les réflexions de cet auteur dan» L ’homme et le sacré» Paris,1963,pp.226sq. Un colloque organisé par 1 ’U.N,E.S.C.O, en mai 1970,sur l'agressivité humaine,a mis l'accent sur la connexion étroite entre le perfectionnement de l'agression et le développement culturel de l'espèce humaine.
{ VI )
ment» sous nos yeux, les nations modernes» Do nombreuses études ont mis en relief la port considérable qu' occupent, dans l'activité guerrière, la magie et le sens du sacté ancré dans £t8me humaine(9). Ils symbolisent et 'rituali sent* l ’hostilité. La guerre, comme la fête avec laquelle elle offre de nombreuses similitudes(10) , se présente comme un rite sacrificiel, marqué par une exaltation collective, et une mobi lisation, qui conduisent à un déplacement d ’énergies et de pro digalité, et parviennent à cet aboutissement purificateur, q u ’ est l'effusion du sang et l ’immolation de la victime. Quiconque a vécu en Orient, sait combien reste vivace, encore de nos jours ,1a conviction que le song qui coule a d 'indéniables vertus pu rificatrices. La guerre comporte donc un rite sacrificiel qui satisfait la prppension métaphysique des individus et des groupes. A un sta de plus avancé de l'évolution humaine, la notion morale y fut introduite. Epoque de passage de l ’individu à la personne, du tribal au national, puis à l’universel. N'est-il pas significa tif, à cet égard, que le mouvement humaniste et humanitaire tutr cité, au XVIIIe siècle, par les Encyclopédistes, ait été une prise de conscience concomitante des droits de l'horrme et des vertus de la paix ï Parmi les défenseurs de la thèse 'pessimiste* s ’est développée .... une théorie e des présupposés, d ’où procèdent l e s s pontanéités populaires et les ir;pujj»ioris collec tives,
Les enuses médiates des conflits, les faits événementiels,
les interférence?» de la con joncture, sont autant a'éléments, a ’étinceDes,
ayant trouvé un terrain propire h l 'enbrorvenent . Cn oc-
cordera r
revient dans une institution corme ln guerrc(1u )
(14):
Hl.es guerres prenant naissance non s l ’esprit des hormis ,c 'es t dans l’esprit des hommes que doivent 8tre élevées les dé^^rsc? de la paix"rdit l'acte constitutif ce l 'Orranisat icr. ces ..otiers Un i e s .
(15):
Bouthoul ri.g guerre 1 p ,46,
(16):
Célestin nouglé a f f ?m o i t ;"Les fins consciermcnt poursuivies por les intfividustne sont pas les causes suffisantes :;e tion scciale(..*).Les raisons que se donne l'homme pour expli quer sa condidte,expriment r a r o n e n t les causes veritorjrs = institut ions” .
( XI )
Suscités par un contexte précis, où interfèrent l'économique, le social, le démographique, le géographique, l’historique et le politique, qui constituent autant de "facteurs déclenchants" propres à attiser l'agressivité collective, et i déboucher sur une virtualité de conflagration, la gUerre ne passe à l’état de réalité concrète, qu ’en jouant sur tout un clavier d ’anté cédents subtils à discerner, où les notes psychologiques et passionnelles viennent lui donner tournure, et en rendre l*anolyse èi la fois si riche et si complexe. A l ’espoir nourri par des penseurs, depuis de nombreux siècles, de voir le genre humain évoluer vers le renoncement à lo vio lence, pour résoudre ses problèmes, le sociologue peut appor ter une contribution constructive, non pas en prêchant dos principes humanitaires, ou des considérations d ’ordre général, constamment battus en brèche par la pesanteur de
force» con
traignantes, mais par un effort de clarification des données S> aborder, i traiter, et b essayer d*élucider. Pour cette raison, nous dirons volontiers avec G.Bouthoul que •lo rSle essentiel de la sociologie doit 8tre de permettre de dominer les impulsion sociales, de détourner et de canaliser les forces aveugles de Ca fatalité. Mais encore faut-il d'a bord les connoîtr«*(l7).
(17):
ta guerre.p. 11Q.
( 1 )
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Le propos da ce travail est d ’étudier la place du ]Jih8d dans la doctrine islamique. Devant l ’étendue du sujet.il nous a paru opportun d ’en circonscrire le cadre chronologique et 1 ’ espace culturel, en concentrant notre attention sur le monde arabo-musulman. et en nous limitant a l’étude du $ih8d à 1* "8ge classique*. On s'est fixé comme terminus ad guem doctri nal, l ’oeuvre da grand théologien Abû UOmid al-àazôlî, mort en 505/1111 (1). Dès l’abord, un préalable s ’est posé à nous : celui de défi nir le ïihâd, terme qui a donné lieu à maintes interprétations . Est-il besoin de souligner combien il est malaisé de trouver , pour certaines notions écloses dans des contextes si loin tains du nôtre, aussi bien par le temps que par < ’espace, un équivalent sémantique dans notre terminologie actuelle ? Trois "traductions" possibles s ’offroient à nous : "guerre sainte", "guerre légale", "guerre ju5te*(2). Il faut l ’avouer, aucune n'est amplement satisfaisante. D ’abord parce que le ïihêd est bien davantage qu ’une guerre, comme on le verra. En suite, parce que le recours aux qualificatifs "légale" ou "juste*, mettrait trop l'accent sur des notions qui, manifes tement, be furent pas prépondérantes* La doctrine mus|tlmane, établie a posteriori. chercha davantage à apposer un cochet de légitimité
à des entreprises passées, qu’à établir des
normes pour l'avenir. Bien plus, toutes les norme» tracées pouvaient âtre oblitérées par la considération de la darOrii ("nécessité") et de l'intérit communautaire. La fin était
(1):
ce qui ne nous empêchera pas,au besoin,de faire référence à des auteurs postérieurs au XI® siècle.
(2);
on pense à cette doctrine de *guerra justa" que développa 1* Occident chrétien,notannent 6 la suite de la découverte des "Indes occidentales",et en vue d'en évangéliser la popula tion. Sur l'historique de cette notion de "juste guerre", voir Georges Hubrecht.in R e c . & * w . «■.— //.„ ^
( 2 )
d'assurer le triomphe de la Parole d ’Allâh, et -nous le ver rons— les besoins devaient être infléchis au regord d» cett« fin suprSme. On ne forcera pas le trait en affirmant que la guerre que poursuit l'IslSn» est toujours lBgale et juste. Et, comme son propos est d'assurer la victoire de la Faction d*AIlfih, elle ne peut 8tre que sainte. En définitive, rejetant le vocable “guerre" qui nous paraît trop restrictif, élargissant les qualificatifs "sainte", "lé gale", "juste", à l’étendue de l ’aire conceptuelle que recou vre le gihâd, nous avons opté, à défaut de meilleure transla tion, pour "le combat sacré", en veillant à montrer qu'en Ter re d'Islflm, toutes les initiatives humaines étant vouées, d' une manière ou d ’une autre, au cuite d'Allâh, l’adjectif *sacÿé" est è prendre dans une acception moins étroite que celle q u ’on serait tenté de lui donner de nos jours(3}. Au gré des circonstances, le "combat sacré" prit diverses tour nures. Ainsi, le £ihdd défini et systématisé par les traités juridiques, se rapproche énormément de la notion de "guerre sainte", avec le halo et la résonance qv'fveille cette notion dans nas esprits, Par contre, lorsqu’il s'intériorisa, et prit forme doctrinale, idéologique, éthique ou spirituelle, le ÎSihOd ft sabîli 1-Lflh(4) dépassa largement ce cadre res treint, pour englober une mobilisation de toutes les énergies en vue de veiller à la sauvegarde de la Religion de Vérité. A cet égard, on peut parler d ’une "défense et illustration de la Foi islamique". On sera surpris de constater qu ’une notion aussi fondamenta le que celle du ^ihâd, n’a guère retenu l'attention des spé-
(3):
le gihàd est sacré,avec les trois acceptions que propose Lalando au terme sacré;(a)iqui appartient à un ordre de choaes séparé,réservé.inviolable (b):d'une voleur absolue (c):qui appartient au culte(Dictionnoire technique et critique de la Philosoghie,p .937)
(4):
1* "combat dans la Voie d'AUSh" auquel convie la Révélation tout au long de l'apostolat de Mubamnad.
{ 3 )
cialistes de l’Isl&m en Occident, tandis que les auteurs musul mans s'efforçaient, pour la plupart d'entre eux, de l'analyser dans un esprit apologétique qui n'en respectait pas la perspec tive historique, quand il ne la contredisait pas trop manifes tement. Certes, lorsque le cours des événements mettait en relief cet te notion, orientalistes et juristes ne manquèrent pas de lui consacrer quelques pages. Mais, pour les oeuvres antérieures à la seconde moitié du siècle, nous avons cherché, en vain, une étude quelque peu approfondie sur ce su|et, qui échoppât aux impératifs historico-politiques.
11 faut reconnaître que
le caractère spécifique du $ihfid en favorisait l'utilisation dans ces domaines. Un bref Htatus auoestionis est indispensable, pour situer r»itre travail. Il s'en déjage une évidence : 1 ’intérêt porté b l'étude du ^ih&d se situe, pour l'essentiel, aux alentours des conflits qui opposèrent les empires coloniaux d'Europe, et qui entraînèrent, dans leur sillage, la remise à l'étude de 'La Question d'Orient". Le gihâd a fait l'objet de travaux, d ’importance inégale, dont les plus notables sont dus b B.Haneberg(s), Cl.Huart(é), E.Fagnan(7), O.Houdas(B), Chr.Snouck-Hurgronje(9),- O.Rescher(IO),
(5):
Pas Wusllmische Kriegsrecht.Munich,1870.
(6):
"Le droit de la guerre",in R.H.M..19Q7t*Le califat et la guer> re sainte"iin R.H.R..1915.
(7):
"Le Pjihfld ou guerre sainte selon l'école mqlékite.Alger.1906
(8):
"La guerre sainte islanique*,in Rev.Sc.Pol..XXXII1.15.IV.1915
(9)>
The Holv War "made tn Germany".trad.anal. ,New-York-LondresJ19 15.Pour la seule année 1915,trois études ont été consacrées au $ih&d.Il faut les situer dans le contexte de la Grande Gue rre,et de la proclamation du 12.XI.1914:à 1'instigation du c« life-sultan ottoman,Mehmet V,le Kavb ql-Islflm de Constantin©ple lut,solennellement,une fotvnè conviant les Musulmans i me ner §ih8d aux côtés des Empires Centraux,
(10)i
Beitraae zur Pschlhod-Literatur.Stuttaart.1920»recueil de traditions prophétiques relatives au gih&d.
< « )
W.Heffening(11), Rudi Paret(12), M.Canard(13), A.Rechirf(14) , L.Merci*r(l5)» N.Khadduri(l6). Mubammad £adtd(17), Wahbit axZujfdylt(l8), A.Noth (19). Exception faits d* l'analyse de Louis Mercier, aucun* d* ces contributions n ’a saisi 1» Jihftd dans sa totalité,pour en dé gager Iss caractéristiques essentielles. C'est donc un peu sn
(11 )i
Pas Islawische Fremdenrecht.Hanovre.1925.
(12)»
Dis Leoendare Woahazl Llteratur:Arabl«ch* Dichtunaen flbsr die muslistlschon Kriegsrilae tu Mohammeds Zeit.TObinaen.1930.
(13) l
"La guerre saints dans le inonde islamique et dans 1s monde chrétien*,in R.A. .1936,pp.605-23.
(14)i
"L'Islan et 1s Droit des Gens»,in Acod.de Droit Intern.ire cueil ds cours.II.Poris.Sirey.1937.pp.373-502.
(15)s
"Introduction sur l'évolution de la doctrine de Guerre Sain ts en Xslaa*,in L'Ornement des flmes et 1a devis» de» habi tent». d'El-Andalus.traité de guerre sainte islamique d*Ibn Hodell El-Anéalusy,Paris,1939,pp.17-96.Ces quatre-vingts pa ges de Mercier sont la seule analyse du $ih(îd et ds son his torique,fai te d’une manière approfondie.Bien que dépassé à beaucoup d'égards,es travail mérite d'ttre consulté,et con tient des vues suggestives.
(16)»
War and Peoce in the Law of Islam.Baltimore,1955.L'auteur r« prend,en la complétant et 1 'enrichissant,la matière d* son Law of War and Peace in Islami.Londres.1941.
(17) i
nl-^ihfcl f t l-Isl8e«.Le Caire,1960.Ouvrage apologétique.Se lon 1 ‘auteur,les conquérants musulmans vinrënt,»n libérateur s,ramener dae» * 1 » droit chemin*,les populations monothéis tes et païennes "égarées*.L'Islàm constitue,à sss yeux,la seule voie de solutiil assure l'équité,sauvegarde la liberté,et préserve la paix.Il n'a recours ï la force qu'en cas de force majeure,et toujours dans l’intérêt du genre humain.
(18) i
Htflr al-barb ft 1-fiah al-islftmt.Panas. 1962.L'auteur.profes seur de droit h l'Université de Dtmas.s'est attaché 5mi«i»ton . Il fait avoir présent à l ’esprit que les auteurs musulmans d' époque classique, comme tant d ’autres dans les sociétés voisi nes "t«t synchroniques, ne cherchaient pas tant à faire oeuvre d ’histofrien qu’à servir la Religion, le régime ou l’idéal qu* ils avaient fait leur».On s'efforcera de parer à un écueil qui risque de fausser toute analyse des institutions musulma ne» : le double désir de ces auteurs, faisant fi de la réali té historique et de l’objectivité(20), de nettement trancher entre une Gentilité décrite avec les couleurs les plus som bres, et l ’époque glorieuse du Prophète et de ses disciples» dont ils font rejaillir le merveilleux; puis, postulat décou lant du premier, leur insistance h faire remonter à cette é-
(20):
notions très certainement anachroniques,dont il ne serait pas honnSte de reprocher aux auteurs musulmans,d’époque mé diévale, l ’absence; mais qu ’on est en droit d'attendre des auteurs contemporains.
( y )
P O que
prophétique idéale,
ou
6
celle que marquèrent les Epigo-
nes, des institutions et des notions manifestement antérieu res ou postérieures. Double refus de la continuité et de l'é volution historiques* Atomisme dont l'histoire et la pensée, en Jslfim, portent maintes traces. Pour qui recherche, au-delà des événements et des simples fait» i une représentation plus large et plus globale d'une "atmos phère historique", perçue à travers un ensemble d’approches de ses différents aspects, les données traditionnelles appa raissent très "signifiantes" et prégnantes, alors même qu'oti ne méconnaît nullement la part d ’apocryphe, d 1altéré au de sus pect q u ’elles recèlent. Cotte multitude d'informations signi ficatives, est susceptible d*é«lairer nos investigations, de même qu'elle est indispensable à qui veut saisir 11Ialâm "de £*intérieur"• Le domaine de 1 'islamologue, on l'a dit, embrasse un horizon plus vaste que celui de l'historien. La causalité sociologi que peut foire montre d ’un criticisme moins sourcilleux qu* l'historique. Un exemple nous permettra d'illustrer notre dé marche. Que les relations entre Mubammad et les Juifs de Médi na se soient sensiblement détériorées h un moment bien déter miné de l'histoire de la Communauté musulmane naissant*[ et que le Prophète ait appelé b livrer combat à ces Juif*, ain si d'ailleurs qu'à d'autres "opposants" médinois, semble ne devoir faire aucun doute. De nombreux éléments historiques concordent pour l'attester. Mais q u ’Allflh ait prévenu Son En voyé, alors que celui-ci, le dos appuyé sur un mur des lanO n-Nadîr, attendait l'issue de la délibération qui groupait 1* conseil d* cette tribu juive, que ce conseil tramait un com plot contre lui(21), afin de se débarrasser, en le tuant, d* la religion nouvelle et de son fondateur, peut faire l'objet
(21 }t
faut-il établir un rapprochement avec une menace semblable qui aurait plané sur Moïse î Cf. C. .81/XXVIIX»19/20,
( 6 )
de discussions, où l'avis d'un observateur non-musulman et celui d'un Fidèle attaché aux traditions de sa Foi, risquent fort de diverger. L'historien, partant de cette donnée de la Vie du Maître, pourra la rejeter purement et simplement, s ’il juge, après excxnen, que cette information n'est pas étayée par des fondements historiques valables. Dans sa quSfce des in terprétations et des attitudes, 1'islamologue y verra, lui, un élément significatif d'étude et de réflexion, sur la natu re des relations qui s'établirent à Médine entre le prophète arabe et les clans juifs de l'oasis, après la victoire musul mane de Badr, sur la manière dont ces relations ont été inter prétées ultérieurement, en considération d'un contexte bien différent, et sur l'écho que cette "donnée historique" ne peut cesser, le long des siècles, d'éveiller dans la sensibilité populaire du monde musulman, au gré des fluctuations de la conjoncture. Histoire et psychologie des comportements n ’y trouvent, assurément, pas leur compte de la m8me manière(22|. SLa loi musulmane, écrit un de ses meilleurs connaisseurs(23), est la moelle même de l'Islan. Pour la majorité des Musulmans, la loi religieuse a toujours été, et est encore, beaucoup plu; importante que le dogme". Cette formule à laquelle on ne peut que souscrire, tout en soulignant que Loi et Dogme procèdent en Isl&n des mêmes sources, et furent la chose des mSmes hom mes, explique l'importance capitale que nous accorderons à l'aspect juridique des problèmes sociaux et doctrinaux) pour mieux connaître les mentalités, et les répercussions psycho logiques des problèmes historiques. Pour ce qui concerne 1* étude du çfihJld et de son sibstrat sociologique, on ne pourra que s'appesantir sur sa doctrine juridique, pour essayer de
(22)i
"L'idée qu'un peuple se fait de son histoire peut Ctre infi niment plus iraportantc^de beaucoup de points de vue,que cet te histoire elle-mSme" ,noto Anderson("l-e droit contne force sociale",p.37).
(23)s
J.Schocht.Esquisse d'une histoire du Droit musulman.trod. Tse,p.£,
( 9 )
déterminer la mesure dans laquelle elle a été conditionnés et a, elle-mftme, conditionné les rapports des Musulmans avec les peuples qu ’ils soumirent, au cours de leur prodigieuse expan sion. Ce monvment que constitue le fiqh (la science du droit musulman), est le fruit d ’une foisonnante activité intellec tuelle et doctrinale, qui s ’étendit sur plusieurs siècles. Il recèle en lui toutes les virtualités de la pensée épanouie don» le vaste empire que se constituèrent les Arabes. En lui s ’est systématisée cette pensée, pour élaborer des normes représen tant l’idéal religieux de l ’intelligentsia musulmane, mais aus si et surtout, la réponse aux problèmes de la vie quotidienne qui refusait, elle, d'Ôtre enserrée dans des limites trop abs traitement idéale*. D ’où son double aspect théorique et con cret, qui a quelquefois rebuté les chercheurs, mais dont on De doit pas misestimer la valeur(24) . Ces normes formèrent le corps d'une doctrine qui fut, comme toute activité musulma ne, projetée en arrière, et ramenée à la période idyllique de 1 ’ApStre et du proto-lslôm. Qui dit fiqh dit Coran et Tradition prophétique, les deux sour ces vives sur lesquelles on s'affirme qu'il s*appuie. Ce qui nous conduit à poser un problème de principe. L 1islamologie est une science relativement jeune. Sa caractéristique essen tielle réside dans le fait que ce sont surtout des non-Musulman» qui lui ont donné forme, et ses lettres de noblesse. A cette "anomalie" s'ajoute un arrière-plan psychologique em preint d ’ambiguïté, dû au fait que la plupart des pays musul mans ont été colonisés par les nations européennes et “infidè* les* auxquelles appartiennent, dans leur majeure partie, les
(24);
*Nous sommes,en effet,convaincu que la méditation des trai tés de fiqh qui ont formé des générations de fidèles,loin d'ître une vaine discipline,conine des jugements trop super ficiels peuvent le laisser croire,est indispensable à qui conque porte quelque curiosité è une étude historique ou sociologique des peuples musulmans -î> plus forte raison quand de tels traités conservent une indéniable valeur d ’ actualité* a justement remarqué H.LaoustfPrécis de Droit d'Ibn Qudatna.p. LVIl).Nous verrons combien les traités de gihfid restent d'actualité.
( 10 )
islamologues. D'où lo complexité des rapports, dans bi«n des cas, entra adeptes de l'Isl&n et observateurs européens de cette religion, qui se sentent si souvent tenus pour "intrus" dans un domaine réservé. Sur un autre plan, une différence fondamentale de méthodes d ’ investigation, aboutit souvent & des malentendus et des mépri ses. S'il est exact que, dans certains cas, quelques orienta listes ont pu donner, à leurs lecteurs musulmans, une impres sion d'acribie excessive à l'égard de convictions chères au coeur de tout Fidèle, il n ’en reste pas moins que, dans l'en semble, le souci d'objectivité, de sérénité à l'égard des cho ses de l'IslSm, des spécialistes occidentaux, a été trop sou vent reçu avec une suspicion née de conditions historiques et politiques bien évidentes, par un grand nombre de penseurs mu sulmans, conscienaent ou non tentés par une vision apologéti que ou défensive des institutions et des valeurs tirant leur source de la Religion» D'ici à voir dans 1'islanologie "non pas une ancillo theoloqiae. mais l'auxiliaire plus ou moins rédemptrice de l ’iinpérialisme"(25), le pas fut, par moments, allègrement franchi. Loin de nous l'idée de circonscrire les positions h des extrê mes. C ’eut été désespérer d'un dialogue entre Musulmans et islanisants, dialogue qui se devrait d'être fécond pou* les deux parties. Et, à un récent colloque de sociologie musulmane, un de» maîtres de cette science, regrettant ces "refus", ces "sar casmes", ces "invectives", appelait de ses voeux, des sugges tions et des points de vue musulmans "qui puissent 8tre pris en considération sur des bases sérieuses, ne serait— ce qu'à titra d'hypothèses ou de synthèses provisoires"(26).
(25)î
formule extraite des réflexions de J.Berque (p.87) dans sa communication "Pour l'étude des sociétés orientales contem poraines*. Voir Actes du Colloque sur la sociologie de l'Isloan.pp. 85-102. 457-9.
(26) :
R.Brunschvig dans sa comunication "Situation de 1 'islcrnolo* gie",in Actes du Colloque sur la sociologie de 1 'Islam.p»79
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( zs )
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A.I.E.O. ! Annales de l ’institut d'Etudes Orientales,Alger• Al-Andolus , Madrid. Annales , Economie,Société,Civilisation, Paris. A.O. : Acta Orientalia.Leyde-Copenhague. A.O.H. : Acta Orientalia Hungaricae,8udapest. Arabica , Paris^Leyde B.E.P. : Bulletin d'Etudes Orientales,Inst.Français de Damas. B.I.F.A.O. : Bulletin de 1'Inst.Français d'Archéol.Orientaie. Le Caire. B.S.O.A.S. : Bulletin of the School of Oriental and Asiatic Studies «Londres. 8.S.O.S. : Bulletin of the School of Oriental Studies,Londres, Bvzantion , Bruxelles B.2. t Byzantinisehe Zeitschrift,Leipzig, Çah^HistjMondi : Cahiers d'Histoire Mondiale,Paris-Neueh8tel. C.T. ! Cahiers de Tunisie,Tunis. Der- Islam, Strasbourg-Berlin. Dumbarton Oaks Fooers , Cambridge.Mass.(Etats Unis) Hespéris , Robot. I.B.L.A. : Institut des Belles Lettres Arobes,Tunis. I.C. : Islamic Culture.Haiderabad-Deccan. ■I.Q. s Islamic Quarterly.Londres. I»lomica , Leip2ig. I.S. > Islonic Studies,Karachi. J.A. : Journal Asiatique,Paris. J.A.O.S.; Journal of the American Oriental Society,New-Haven, Conn. (Etats Unis)
( 29 )
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Ai», ( voir ABC ^UBAYD. A.Y./F. : voir «30 YOSUF 8 ad. : voir Al-KASRNÎ Bayh. : voir BAYHAQÎ Bid. s voir IBN R U & C. : voir CCRAN Caliphs : voir TRITTON Concord. ; voir WENSINCK Conversion s voir DENNETT D o 1. : voir NU^MftN E.I. et E.I..n.e. s voir Encyclopédie de l'Islam Esquisse ! voir SCHACHT Essai t voir LAOUST Fut. : voir BALADURÎ G./B. j voir &AZÏL1 G,/Be. : voir GAZALt Gedqnkenwelt : voir VAN ESS
( 30 )
Uolwù : voir MUUASIBÎ H./B. ■ voir Al-UALtL ti./Be, : voir BERCHER Hid. : voir MARÊINAfdî Milvà : voir ABO NU*AYM I.G./K. : voir IBN 2 a MA*A I.L.N. : voir KHADDURI Knnz : voir Al-MUTTAQÎ Khaw. : voir SALEM L.M.E. : voir Law in the Middle East M./F. : voir AI-MAWAROÎ ' Méthodologie : voir LAolJST iM. Wuh. : voir IBN WAZM «M/JWMa. Huw. : voir HALIK Origins : voir SCHACHT Orn. : voir IBN HUOAYL Politioue : voir LÂOUST Précis voir LAOUST Profession : voir LAOUST Q./B. ! voir A1-QUD0R1 Qud, : voir QUDAMA B.GA«FAR Radd : voir ABO YOSUF Rabniq : voir IBN «ABD AR-RAMMAN AD-DIMASQÎ RQsâ>iI r voir IHWAN AS-SAFA» Ri ^8yà : voir Al-MUHASIBÎ Ris. : voir IBN ABt ZAYD AL-QAYHAWANÎ r 7 S 7 s voir A3-SAFI*Î Sar. : voir Al-blILLI Sorb : voir As-SARAMSl Schismes : voir LAOUST Str& : voir IBN HISAM Statut : voir FATTAL Tob. : voir IBN SA*D Tahdîb : voir MISKAWAYH Taxation : voir L0KKEGAARD Traité : voir LAOUST T./S. : voir At-TABARl Umm ; voir AÏ-SAFI4! W.a.P. : voir KHADDURI Y ata. : voir YAUYA B. ADAM.
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( 32 ) 4-X
CHAPITRE KREHIER : L ’ARAUIE PRE-ISLAilQUE ET LA PLACE Ql- Y o c c u p a i e n t les a ctivités g u e r r i e h s s .
Il serait inconcevable d ’étudier une notion sociologique sans la rattacher à i ’arrière-plan qui lai sert «lo racine et de support. Le j$ihfld n'est pas issu du seul fait de 1' apparition de l'IslOm. De multiples apports anté-islamiques ont contribué à lui donner sa forme. C'est donc à l'étude du "terreau* du Jihôd -si l'on nous permet cette formuleque seront coiycrées les quelques pages qui suivent. La connaissance- des conditions sociales, économiques, poli tiques et religieuses de l'Arabie pré-islamique, n'est pas des plus aisées, malgré les réels progrès qu'elle a connus depuis quelques décennies(1), Les sources musulmanes ont souvent été tendancieuses, animées qu'elles étaient par le désir d ’exalter la transformation radicale des mentalités et des moeurs qu raurait suscitée la Foi nouvelle et la Révé lation. Les indications dont nous disposons, concourent à démontrer
(l):
ai-A^-.
sur l'Arabie pré-islamique,on pourrait se reporter à s J.WelIhausen,Reste arobiscfren Heidentums,BerIin,1B97,réimpr.,1961 ; Cqetani .Annali ,1.1 ;le ratme.Studi , ~ I iLamroens .Berceau;le mfime, L'Ar.Occid.;I.Guidi.L ’Arabie ontéislamique.Paris.1911;De Locy O'Leorv.Arabia toefore Muhamnad.Londres.1927iG.Levi Délia Vida,"Pre-Islamie Arabia*in The Arob Héritage.N.A.Fgris éd., Princeton,1944;J .B.Philbv.The Bockground of Islam.Alexandrie, 1947jGaw8d rîh al- des Sabéens (5), le Qa^abâç (6)et
(3):
voir E.1.,II.pp.3*9-31.s.v.MimyartJ.H.Mordtmonn):ibid..IV. pp.1218-22.s.v.Ycmon(A.Srohmann).
(4):
au XV°siècle avant notre ère,cet empire s ’étendait jusque l'Arabie septentrional*»Les Minéens sont le plus ancien peu ple connu d'Arobie*Ils furent supplantés par les Sabéens aa X° siècle avant notre ère■Caetani{Studi.tt.pp,248-9)établit un rapprochement entre un poissant roé mirréen et le Abida, fils de Madian,mentionné par Genèse,XXV/4«
(5) î
£« I» ».IV »pp ,3-1 £fjTfrirenn^,LQ Grèce et 5obùtParist1 955.L'em pire de Sabo connut son éclat au Vlll° siècle avant notre èr«*Sa capitale était Mareb/Ma*rib.Vers la fin du 11° siècle avant notre ère,la suprématie en Arabie Méridionale passa des Sabéens aux ÿimyarites(Homérites)#dont les rois étoient nommés Tobbft* «
(6):
£♦ I» >Ilapp«958-63{J ,Tkatsch) .Ce royaume rayonna entre tCO a»* et 200 apaJ«C, 5a capitale était Turrviâ* «Voir Phillips ,Qotaban et Sgbg,Paris#1956; J .Pirenne tLe royaume sud-arabe de Qotjbân,Louvain,1961 *
le yadramawt(7) attestent de ce passé prestigieux, dont 1* oeuvre la plus dufcable fut la fameuse digue de Ma*rib{8)dont la rupture au IV0 et au V° siècle, eut des conséquences dé sastreuses pour la civilisation yéménite. De nombreux Arabes du Sud avaient essaimé dans le Centre et le Nord de lo Pénin sule! et jusque sur les limes du désert syro-mésopotamien/jfi^ Les Médinois qui accueillirent Kuhammad, en 622, étaient pour la plupart, de souche yéménite. Le Centre du pays, domaine des steppes et du désert, était, occupé par des Bédouins qui vivaient essentiellement de leurs troupeaux, et se déplaçaient, h la recherche de pftturages, à travers le plateau granitique et désertique du Na§d, il avait connu, vers la fin du V ” siècle, une tentative de regroupe ment sous 1 'emprise du Royaume de Kindà{9), dont lo désinté gration rapide favorisa l'essor du ^lijSz et de la Kekke. Entre la mer Rouge et la chaîne montagneuse qui la borde, s' étend l'étroite plaine côtière du Tihf)mà, au-delà de laquelle •é'iitde le yi§8z(lO). Cette région, où naquit l ’IslSm, est lo “barrière" (sens littéral du terme biàftz)montagneuse qui occupe la moitié Nord-Ouest de la Péninsule. Par là passaient les routes reliant la Syrie au Yémen, et une voie vers la Mé sopotamie, axes essentiels du commerce de l'Arabie à cette époque. Des ports syro-palestiniens partaient, à destination de l'Occident, les riches denrées provenant de l'Orient asiatique(n). Des lignes d'oasis s'y échelonnaient, correspon-
(?)!
fU);
E. I . ,n.«,.III .pp.53-5(Beeston) .Sa capitale était Sabwfl(Ë.I,, IV,p p .253-4,A.Grohmann)
(8): E.I..III.pp.296-311 (A.Grohmann) lU*. J, * — ( 9 j ! v o i r G.Olinder.The Kings of Kinda of the Fawily of Akil alMurflr,Lund,1927;E,I,.II .pp.1Q77~e(F.Krenkow);ibid P£^2Q5-7(S.8oustany) ,f 8
(11}j
»pp.373-5(G«Rentz).Comme le remorque R.Blachère ÇPrôbl,,p,19.n«1) »"chez les géographes musulmans*le terme Hedjaz a varie dans son extension"pdébordant largement la barrière montagneuse.Voir la remarque de Lammens in Tftif,p, 7 6 fqui place la Mekke dans le Tih&ma* voir Roger Paret,-Les villes de Syrie du Sud et les routes comité rciol es d'Arabie à la fin du VI° siècle",extrait de Akten des II International Byzantinisten-Konaress,Munich, 1960 rpp«438-44,
( ?r } M dant, assez fréquemment, à d'anciens Tito de
coups
d'eau de**-
fléchas, Cette zone de sédentarisction s'appelait l/6dt 1-Qurfi (la Vallée des Oasis). Des clans arabes et juifs s'y étoient installés à rjemeure. Mais, a couse de 1 'aridité du sol, et des conditions régnant dans la Péninsule, ils vi-*voient en synbiose avec le milieu nomade environnant. Les guerres incessantes qui, depuis le 111° siècle, opposai ent Grecs et
Perses, et qui devaient ‘. ‘ominer, quatre siè
cles durant, 1 ‘histoire de l ’Orient, avaient entraîné la rup ture cfe la voie commerciale de l’Euphrate nu golfe Persique et o la Méditerranée, Le Çi^âa en avait tifcé profit,et était devenu une voie caravanière classique, vers cette Méditerra née orientale qui était, depuis la cfcute de 1 'empiré romain, le coeur battant du monde civilisé(12) Quelques agglomérations, grosses oasis rassemblées autour d'un ou de plusieurs points d'eau, et abritant quelquefois un sanctuaire religieux, s'étaient formées le long de l'ar tère commerciale qui longeait la mer Rouge au gré des con tours de la chaîne montagneuse. L ‘activité caravanier*, une agriculture médiocre et un artisanat rudimentaire, avaient favorise le développement de villes comme la Mekke, Yqtrib (la future Médine) et IÜLUf{l3) La Mekke (14) r la seule de ces agglomérations à véritable ment mériter le nom de ville, bénéficiait de conditions par-
(12):
dès le 111° siècle, les gronas centres de 1 ‘économie dans le bassin méditerranéen,étoient situés en Orient : Alexan drie ,Antioc$e,Ep&èse,5alonique,Trébi^onde. Lorsque Oioclétien abandonna Rome en 2ü4F et créa sa nouvelle capitale h Nicomédie (en Bithynie), il ne faisait qu'entériner le déplacement du centre de gravité en Orient* Un demi-sièclo plus tard,Constantinople en sera la consécration.Face à un Occident "barbarisé",la civilisation urbaine connais sait,dès le IV*. siècle,un grand essor en Méditerranée orientale,Au début différentes tribus, mal gré les traditionnelles rivalités qui les dressaient souvent les unes contre les autres(l6), En certaines circonstances, le temple était l'objet de rites révérentiels de station et de circumumbulation, ainsi que de sacrifices rituels, corme les pratiquaient habituellement les peuples sémitiques. Ceux qui séjournaient dans le baram étaient assurés de protection et de sécurité en certaines périodes de l'année. Ils pouvai ent, de la sorte, échapper aux razzias, règlements de comptes et vendettas qui marquaient les relations intertribales. La L-fi).-
saison du pèlerinage était également celle d'une grande fpi-
Aj-j\m (■
f
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commerciale que politique et littéraire, qui se defi. M4. Xf.
(15):
E.I.,II,pp.622-30{Wensinck);T.Fahd.Panthéon.pp.203-36. Pour A.Godard^Çflk^H^stjJiJgmi..,1954,p.559} .cette "bâtisse rudimentaire.....n'appartient à l'architecture à aucun degré";et T.Fahd(Divination.p.523)parle,lui.de "pauvre té monumentale d'obord,pauvreté de trésor ensuite*.
(16)i
M.J,Kister{in Le Huséon.LXXXIV/3-4.1971^p.487)voit dans certains caractères du KaaSm IbrShimfun des monuments du baran de la Mekke),une confirmation de la possibilité que des tribus d'Arabie Méridionale aient effectué le pèlerii nage à la Mekke,dans 1'Anté-Islôm.
( 38 ) roulait à
(17), au sud de la Mekke. La caractéristique
essentiêlle de la foire de ~. w « v C , SîSj:------- ~ -----------
(22) :
E. I« ■IV,pp.284-5(A.Cour) iLammens,Berceau,pp.206-0 ;V.'.R.Smith, Kinship and Marriaqe in Early Arobia.Cambridge. 1 885,pp.36sq, ,55 jT.Ashkenazi .art .cit. «p.667,'
(23)!
quelquefois il s'agissait de- la même personne.Le "poète" était doué d'un pouvoir magique et imprécatoire qu'exprime bien son nom de Sâ*ir(littéralement :"celui qui sent,qui per çoit") .A ses panégyriques et à ses satires étoit attachée une valeur mystique«Voir £«I.,IIapp»979-81(J «Pedersen):ibid. ,lB,pp.294-5(F.Krenkow) :6LjJku U-lJi. .-*:
(24):
on interrogeait le "voyant* qvant toute entreprise importan te: eazzia,expédition,vendetta,alliance,..«L'attribution à un personnage "religieux* d'un pouvoir de trancher sans appel, préparait la voie c la Mission de Ku^anmad.Sur le kfihin de l'Arabie anté-islamique,et la prose dans laquelle il vatici nait,voir E.I.,II,pp.665-7(A.Fischer);Blachère,H.L.A..II.pp. 168-95.
( 40 ) Une hostilité, réelle ou potentielle, nourrissait les rela tions intertribales: ce qui se comprend aisément dans le ca dre ingrat que nous venons d'évoquer, où il fallait lutter pour l ’acquisition des maigres ressources à se partager. La dispute des points d ’eau et des pâturages, les tensions et ri valités perpétuéèiepar tout un enchaînement de vendettas(ta^r (25) et de représailles pour "sauver l ’honneur" ciu clan agrès sé, un sentiment aigu des particularismes ethniques et de 1* orgueil généalogique, entretenaient cette atmosphère de con flit. Les recueils et anthologies arabes nous ont transmis, sous le non de Avvim al-^Arab ("les grands) Jours des Arabes")(26) des relations, en prose ou en vers, des combats que se livrè rent las différents groupes tribaux, et qu ’ont perpétué la littérature et la mémoire collective des Arabes. Comme le no te Mittwoch(27}, ces récits nous "familiarisent surtout avec l ’esprit chevaleresque qui animait les anciens héros arabes. Le souvenir de ces héros de l ’antiquité resta vivant pendant des siècles dans 1 ’esprit du peuple*. Plus tard, un lien se ra établi entre les motivations psychologiques du ^ihâd et celles des Ayy8m al-^Arab: le héros arabe est enoaaé. et son engagement est soutenu par les puissances surnaturelles; il ne se limite pas à prendre position : il agit par la force des armss(2S), en faisant montre de fermeté dans les épreu ves, et d ’endurance face à 1 *adversaire(29).
(25)!
cf.O.Procksh.Ober die Blutroche bei den vorlslomischen Ara be rn und Mohammed» Stellunq zu ihr.Leipzig,1899 ;H .Lammens , •Le caractère religieux du *t&r* ou vendetta chez les Ara bes préislamites",in L ’Ar.Occ..pp.181-236:J.Chelhod.Intrcd. à la soc.»pp.47
(26).
W.Caskel,'Aij&iâ al-^Arab" in Islamica.XII.Snppl..1931 .pp. 1 -99:E. I. .n .e. ,t,pp.816-7(E.Mittwoch) j k+ir*.. Î+.
(2?ji
art.cit..p.817 a.
(29):
cf.Sravmann,"Heroic motives",£assim et notanment XXXV,pp. 10 sq.,23 Sq.
(29) I
H.Ringgren{"The Concept of $abr in Pre-Islamie Poetry and in the Qur>ân* in I.C..XXVI/1.1952,pp.75-90) a montrf 1* emprise considérable de cette notion d'endurance,de contrô le de soi,dans lo psychologie arabe pré et proto-islamique.
{ 41 ;
Au gré des circonstances, les tribus pouvaient faire ou défai re, entre Allés, des alliances pour affronter un commun enne mi ou entreprendre une offensive de vaste envergure. Un réseol complexe de solidarités et de sourdes hostilités tissait la vie tribale. Les conditions de vie facilitaient l'éviction des individus ou des croupes qui ne pouvaient défendre leurs biens. Ulles soudaient également les membres d'un même groupe qui partageaient le même lot. 01 fallait pourvoir & la subsis* tance en s'emparant, manu militari, dos biens que l'on convoi* tait, ou bien faire bloc pour venger le sang d'un contribule tué sans raison. D'où l'existence de deux catégories d'entre prises guerrières: lors de la vendetta, on s ’attaquait au clan du meurtrier, et l'on s'efforçait de mettre à ir.ort celui -ci, ou à défaut l'un des membres de son clan. Ainsi était "lavé dans le sang’ l'outrage subi, Ch.Pgrjs, 1932; le mÉme ir, H. I, .gUfjnfc ,pp, -♦. s. v. tlri .La thèso essentielle de l'auteur es-t l'idée d'hoqneur se subrtituait.chez les Arabes préifioniques,o lo religion.
(33)r
la formule est de Von Grur,ebaum( "The n a t u r e p .1 â ) ,
( 43 ) 41-x voulu voir le "sport national des Arabes"(36), répondaient vraisemblablement, à une impulsion psychologique où le combat servait de contrepoids a la solitude du Scdouin farouchement indiscipliné, et nouait une fraternité d ’armes dont le ,.rotoIslâm fera un des éléments de la “fraternité en Islâm*. En définitive, la destinée de l'honune se confondait avec celle du groupe auquel il appartenait ou était rattaché, et hors du quel il pouvait difficilement survivre{37), tout comme ce grou pe ne pouvait se préserver et résister au inonde extérieur que par sa cohésion. Si la valeur de la vie où de la personne humaine n'était pas perçue stricto sensu en vertu de critères éthiques bien éta blis, il n'en restait pas moins que l'existence de chacun était préservée par la loi du talion et la certitude que toute atteinte portée à vh individu serait implacablement vengée par son clan. D*o& une sorte de "démocratie" égalitaire en Vertu d'un Weltanschauuna essentiellement fondé sur la loi de la guerre(3#). Sur le plan des biens, les notions de possession et de pro priété tendaient a se confondre, en vertu d'une vision du mon-
( 36):
Mah.à la rttebue.■P.4Q . Lorcimens.1u i(Be rceau.pp.247 sq.;L 'Ar . Occ. .p.190yiarle de "jeu élégant",de "sorte de tournoi".
(37):
on appartenait à son clan soit par droit de naissance,soit par affiliotion(walfl*).soit par alliancefbilf.tatoflluf)■L 1 individu rejeté par les siens menait l'existence précaire du sujet hors-clan(h a i t ou du tnaraudeur( étrangers,nonm6 ÿiwflr.sur lequel nous reviendrons et qui, contrairement au S i ü iétait aisément résiliabîe*Voir Smith* Kinship.pp.49-52jet passim;I .Lichtenstadter ,"From particula risai* ,pp.252-7.
(38):
•Ainsi,toute la loi des anciens Arabes se romenait.en réalitéra une loi de la guerre:la vendetta,1 'esprit de parenté par le sang,et le butin,sont les points autour desquels toul gravite,Et il en fut de l’organisation tribale comme de la loi tribale sjusque de nos jours,parmi les Bédouins,ce n ’est qu'a l ’occasion de la guerre,ou durant la rnarchefqui est cor duite avec toutes les précautions de la guerre,que le sheikt d ’une tribu exerce une quelconque autorité active"(W.R» Smith.Kinship■p.55)
(
44
) 4Ï-*.
de, répandue dans l'univers nomade, et dont l'IslAm ne sera pas toujours dégagé» On y reviendra. Une éthique, un code moral, s ’ôtaient établis & partir des con ditions que nous venons d'évoquer. Les Arabes de la Gentilité glorifiaient, nous dit-on, un ensemble de règles de conduite qu'ils dénommaient muruwwà ou murO*è(littéralement "virilité") (39), et que M.Watt{40)considère corme un “humanisme tribal". Les qualités essentielles du héros de l'ancienne poésie arabe étaient la mâle assurance, la bravoure, la maîtrise de soi, le respect scrupuleux des liens de sang et des lois sacrées de l ’hospitalité, la projection de l’individu dans son groupe, l'orgueil, le mépris des richesses, l ’esprit chevaleresf* que, l ’endurance, la magnanimité,.,.. Ensemble de traits pous sés à l ’excès et auxquels l'Islüm aurait -à suivre ses apolo gistes- apporté le correctif de la modération^! ). Quels qu( aient pu être les modifications apportées par la religion nou velle, il importe de souligner que celle-ci a opéré sur un univers psychologique et conceptuel fondé sur la lutte, l’a venture, le défi è la mort et aux vicissitudes du sort, et qu ’elle en a gardé profondément la marque. La religion, à tout le moins sous son aspect métaphysique,ne semblait pas Stre la préoccupation essentielle des Bédouins d'Arabie. La vie du désert imposait un sens des réalités et du concret, dans lequel magie et religion coexistaient. D'où un certain indifférentisme religieux dans une société fondo-
(39)s
E.I..Suppl..pp.169-71-Voir également E.I..n.e..III.p p .4034Tch .Pellat ) ■a.v.Milnfft-'assimilât ion de la muruwwii avec la svertu" latine,a été suggéré* par Goldziher.
(40)i
Hoh.à la Mecque.pp.4