LA DOULEUR DU SIDA/VIH [ Pain in HIV/AIDS ]
Rédaction : Dr Daniel B. Carr Edition : Dr Robert G. Addison
Edition 1996 ...
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LA DOULEUR DU SIDA/VIH [ Pain in HIV/AIDS ]
Rédaction : Dr Daniel B. Carr Edition : Dr Robert G. Addison
Edition 1996
LA DOULEUR DU SIDA/VIH
Comité de Direction
Dr Alain Serrie Président Dr Robert G. Addison Trésorier Dr N. Timothy Lynch Secrétaire Dr Daniel B. Carr Responsable Projets Dr Michel Dubois Ex - Président Dr Jacques Meynadier Dr Claude Saint-Maurice Dr Jean-Marie Besson
ADFA
Dr C. Saint-Maurice Département Anesthésie Réanimation Hôpital Saint-Vincent de Paul Av. Denfert Rochereau 75174 PARIS Cedex 14
2
LA DOULEUR DU SIDA/VIH
Rédaction : Dr Daniel B. Carr Professeur en charge de la recherche sur la douleur, Départements d’anesthésie et de médecine, Faculté de Médecine de l’Université Tufts, Centre médical de Nouvelle-Angleterre, Boston,Massachusetts,Etats-Unis
Compte-rendu d’un séminaire organisé par l’Association Douleur France Amérique (ADFA) au siège du Conseil de l’Europe, à Strasbourg, et à la Faculté de Médecine de l’Université de Strasbourg, les 7-9 octobre 1994.
Dr Robert G. Addison, Editeur © 1994, Association Douleur France Amérique,Washington,DC. Tous droits réservés. Aucune partie du présent ouvrage ne peut être reproduite,stockée dans un système de recherche documentaire ou transmise par quelque procédé que ce soit, mécanique,électronique,sous forme de photocopie, enregistrement ou autre - sans l’autorisation préalable écrite de l’Association Douleur France Amérique. PAIN IN HIV/AIDS Dr Daniel B. Carr, Rédacteur
LA DOULEUR DU SIDA/VIH Dr Jacques Wrobel, Coordinateur INSTITUT UPSA DE LA DOULEUR 128 rue Danton 92500 - RUEIL-MALMAISON
Les notions exposées dans ce livre sont destinées à compléter et non à remplacer les connaissances médicales des professionnels formés en la matière.Les auteurs, le rédacteur et l’éditeur déclinent toute responsabilitié directe ou indirecte dans l’usage pouvant être fait de cet ouvrage. ISBN : 2 910844-01 - 3 Conception A Editorial Paris (1) 42 40 23 00 Dépôt légal 1er trimestre 1996
TABLE DES MATIERES ■ Auteurs
6
■ Préface Dr Philippe Douste-Blazy
8
■ Introduction Dr Daniel B. Carr
9
1. Origines de la douleur du SIDA/VIH Dr Didier Bouhassira, Dr Matthew Lefkowitz, Dr Jacques Meynadier, Dr Alain Serrie 2. Exploration de la douleur chez les patients atteints de SIDA/VIH Dr Thomas De Broucker, Dr Elyse J. Singer, Dr Claude Thurel, Dr Dominique Valade 3. Traitement pharmacologique de la douleur du SIDA/VIH Dr Daniel B. Carr, Dr Michel Dubois, Dr Mai Luu, Dr Kirk V. Shepard 4. Prise en charge non pharmacologique de la douleur du SIDA/VIH Dr Robert G.Addison, Dr Paul Glare, Dr N.Timothy Lynch, Dr Brad Manning 5. Prise en charge des symptômes autres que la douleur au cours du SIDA/VIH Dr William Breitbart, Dr Leonidas C. Goudas, Dr Alan M. Harvey, Dr André Muller
10
15
26
38
49
6. La douleur chez l’enfant atteint de SIDA/VIH Lynn Czarnecki, Dr Catherine Dollfus, Dr Maureen Strafford
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■ Médicaments et posologies
65
■ Bibliographie
68
AUTEURS Dr Robert G. Addison, Rehabilitation Institute of Chicago, 345 E. Superior Street,Chicago, Illinois 60611, U.S.A. Dr Didier Bouhassira, INSERM U-161, 2 Rue d’Alésia, 75014 Paris, France Dr William Breitbart, Department of Psychiatry, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, 1275 York Avenue,Box 421, New Yo rk ,N ew York 10021, U.S.A. Dr Daniel B. Carr, Departments of Anesthesia and Medicine, New England Medical Center, Boston,Massachusetts 02111, U.S.A. Mme Lynn Czarnecki, Pediatric AIDS Program, United Hospitals Medical Center, 15 S. 9 Street, Newark, NJ 07101, U.S.A. Dr Thomas De Broucker, Neurologie, Hôpital de la Fontaine, 92200 Saint-Denis, France Dr Catherine Dollfus, Unité d’Hématologie et d’Oncologie Pédiatrique, Hôpital A. Trousseau, 26 Avenue du Docteur Arnold Netter, 75012 Paris , France Dr Michel Dubois, 2205 Foxboro Place, N.W.,Washington, D.C.20007, U.S.A. Dr Paul Glare, Royal Prince Alfred Hospital, Missenden Road, Camperdown, N.W.S. 2050, Australia Dr Leonidas C. Goudas, Department of Anesthesia,New England Medical Center, Boston, Massachusetts 02111, U.S.A. Dr Alan M. Harvey, Department of Anesthesia,Baystate Medical Center, 759 Chestnut Street, Springfield, MA 01199, U.S.A. Dr Matthew Lefkowitz, Department of Anesthesia, State University of New York Medical Center, 97 Amity Street,Brooklyn,New York 11201, U.S.A. Dr Mai Luu, Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur, Hôpital Saint-Antoine, 75012 Paris, France
6
Dr N. Timothy Lynch, Department of Anesthesia, Medical College of Wisconsin, 8700 W. Wisconsin Avenue,Milwaukee,Wisconsin 53226, U.S.A. Dr Brad Manning, Clinical Psychologist, 595 East Colorado Boulevard, Suite 635, Pasadena, California 91101, U.S.A. Dr Jacques Meynadier, Anesthésiologie,Centre Oscar Lambret,B.P. 307, 59020 Lille, France Dr André Muller, Hôpital Civil, Centre de Traitement de la Douleur, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, 68000 Strasbourg, France Dr Alain Serrie, Département de Diagnostic et de Traitement de la Douleur, Hôpital Lariboisière,2, Rue Ambroise Paré, 75010 Paris, France Dr Kirk V. Shepard, Roxane Laboratories, P.O. Box 16532, Columbus, Ohio 43216, U.S.A. Dr Elyse J. Singer, Department of Neurology W 127,Veterans Administration Medical Center,West Los Angeles, 11301 Wilshire Boulevard, Los Angeles, California 90073, U.S.A. Dr Maureen Strafford, Department of Anesthesia,New England Medical Center, Boston, Massachusetts 02111, U.S.A. Dr Claude Thurel, Département de Diagnostic et de Traitement de la Douleur, Hôpital Lariboisière,2, Rue Ambroise Paré, 75010 Paris, France Dr Dominique Valade, Centre de Traitement de la Douleur, Hôpital Cochin, 75014 Paris, France
7
PRÉFACE ■ Dr Philippe Douste-Blazy, ancien Ministre de la Santé
L
e Professeur Jean Bernard, de l’Académie Française, a déclaré : “La médecine a davantage évolué ces 50 dernières années qu’au cours des 50 siècles précédents”. Toutefois,“ … l’intérêt suscité par la douleur a été plus discret. Considérée comme un symptôme,celleci n’a pas focalisé l’attention des cliniciens et chercheurs ”. Je conviens qu’il doit cesser d’en être ainsi dans la mesure où les progrès scientifiques nous ont désormais mieux armés pour comprendre la douleur. Il n’est plus possible de se résigner ; nous devons permettre à tous les patients d’accéder à l’ensemble des traitements disponibles pour combattre la douleur. Tout clinicien est un Docteur ès douleur. Cette dernière constitue le premier motif de 67 % des consultations médicales en France. Chaque année dans notre pays,quatre millions d’interventions sont pratiquées et 200 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués, auxquels s’ajoutent plus de 24 000 cas de SIDA recensés depuis le début de l’épidémie. Il m’apparaît inacceptable, aussi bien en ma qualité de médecin que de responsable de la Santé Publique dans ce pays, que nombre de médecins généralistes n’aient toujours pas en leur possession les formulaires nécessaires à la prescription d’analgésiques forts. Qu’est-ce qui, dans l’enseignement sur l’utilisation des analgésiques, rend médecins et pharmaciens réticents à utiliser les opiacés, qui jouent pourtant un rôle important dans la lutte contre la douleur ? Cette réticence est en partie fondée sur un désir compréhensible d’éviter les effets secondaires et la dépendance, mais les stratégies thérapeutiques évoquées dans cet ouvrage peuvent permettre de surmonter ces problèmes. Peut-on justifier de ne pas soulager la souffrance de patients en fin de vie par la mauvaise connaissance de ces techniques ?
8
INTRODUCTION ■ Dr Daniel B. Carr
L
a prise en charge de la douleur constitue un élément fondamental de la qualité de vie chez tous les patients, notamment ceux atteints d’affections telles que le SIDA/VIH, pour lesquelles aucun traitement n’est encore disponible. La douleur est présente chez plus d’un tiers des individus infectés par le VIH. Elle peut avoir diverses origines, dont l’infection VIH elle-même, les traitements antiviraux, antibiotiques et anticancéreux, ou encore les infections secondaires et les traitements invasifs ou chirurgicaux qu’elles entraînent. Evaluer et traiter de façon optimale la douleur associée à l’infection VIH réclame, comme dans nombre d’autres contextes cliniques complexes, les connaissances et les talents de plus d’une spécialité. C’est la raison pour laquelle l’Association Douleur France Amérique (ADFA) a organisé un séminaire interdisciplinaire en vue d’élaborer un document consensuel sur le diagnostic et le traitement de la douleur et autres symptômes associés au SIDA/VIH chez l’adulte et l’enfant. Des locaux de réunion ont été généreusement fournis à cet effet les 7-9 octobre 1994, à Strasbourg, par le Conseil de l’Europe et la Faculté de Médecine de l’Université de Strasbourg. Les spécialistes conviés se sont assidûment employés à rédiger les manuscrits de chaque session avant la fin du séminaire. Les pauses ménagées par les petits-déjeuners et les dîners leur ont permis - si brièvement, il est vrai ! - de savourer l’admirable ambiance et l’excellente cuisine de Strasbourg. Au cours des quatre mois qui ont suivi,la collaboration franco-américaine s’est poursuivie pour compléter ce compte-rendu. Le produit final, ce traité de poche, est destiné à tous les médecins concernés par la prise en charge et le traitement de la douleur.
9
1. ORIGINES DE LA DU SIDA/VIH
DOULEUR
■ Dr Didier Bouhassira, Dr Matthew Lefkowitz, Dr Jacques Meynadier, Dr Alain Serrie La douleur est fréquente au cours de l’infection VIH (Tableau 1). De façon générale,trois types de douleurs peuvent être distingués : les douleurs nociceptives signalent une lésion tissulaire par l’intermédiaire de nerfs et de voies de conduction centrales par ailleurs intacts, les douleurs neuropathiques traduisent un dysfonctionnement des nerfs périphériques ou du système nerveux central, les douleurs idiopathiques se manifestent en l’absence d’atteinte organique connue, ou de façon disproportionnée par rapport à cette dernière (Lebovitz, 1989 ; O’Neill, 1993 ; Rozenbaum, 1993 ; Singer, 1993).
Tableau 1. Syndromes douloureux couramment observés au cours du SIDA/VIH ■ ■ ■ ■ ■
■ ■ ■ ■
10
DOULEUR ABDOMINALE NEUROPATHIE PÉRIPHÉRIQUE DOULEUR LARYNGÉE CÉPHALÉES LIÉES AU VIH CÉPHALÉES NON LIÉES AU VIH : • Céphalées psychogènes • Migraine avec aura • Céphalées inclassifiables • Migraine sans aura CÉPHALÉES INDUITES PAR L’AZT ARTHRALGIES DOULEURS ZOSTÉRIENNES DORSALGIES
26 25 20 17
% % % %
63 % 12 % 10 % 5% 16 % 5% 5% 5%
La douleur nociceptive La douleur nociceptive est induite par un traumatisme tissulaire, ou encore par des stimuli thermiques, mécaniques ou chimiques (Serrie, 1994). L’activité nociceptive est renforcée par des substances : • libérées à partir des tissus lésés : potassium, histamine, acétylcholine, sérotonine et ATP ; • produites par les tissus lésés : bradykinine,prostaglandines ; • libérées par des nocicepteurs : neuropeptides, notamment la substance P (SP). La SP prolonge et intensifie la douleur ; elle provoque également la libération d’histamine, ellemême à l’origine d’une vasodilatation et d’un œdème. Le tableau 2 recense les quatre principales sources de douleurs nociceptives au cours du SIDA/VIH (Schoffermann, 1988 ; Lebovitz, 1989 ; Moss,1990). Les douleurs de la cavité buccale constituent l’une des manifestations douloureuses les plus déroutantes de l’infection VIH (Connolly, 1989). L’étiologie des ulcérations à type d’aphtes récidivants est obscure. Les candidoses et la colonisation directe de l’oropharynx ou de
Tableau 2. Sources de douleurs nociceptives au cours du SIDA/VIH ■ CAUSES
CUTANÉES
• Sarcome de Kaposi • Douleurs de la cavité buccale
■ CAUSES • • • • •
VISCÉRALES
Tumeurs Gastrites Pancréatites Infections Affections biliaires
■ CAUSES
SOMATIQUES
PROFONDES
• Manifestations rhumatologiques (par exemple, arthralgies) • Dorsalgies • Myopathies
■ CÉPHALÉES • Liées au VIH (par exemple, méningite, encéphalite, néoformation) • Non liées au VIH (par exemple, céphalées psychogènes, migraine) • Iatrogènes (par exemple, liées à l’AZT)
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l’œsophage par le Cytomégalovirus (CMV) ou le virus herpès simplex (VHS) sont autant de sources de dysphagie et (s’agissant des virus) d’infection douloureuse des glandes salivaires (Barone, 1986 ; Edwards, 1990). Le sarcome de Kaposi peut être asymptomatique ou engendrer diverses manifestations douloureuses, notamment des dysphagies. L’ œ s o p h agi t e u l c é ra n t e e s t ex t r ê m e m e n t d o u l o u re u s e e t s o u ve n t réfractaire au traitement symptomatique (Friedman,1989). Les arthrites réactionnelles et le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, souvent inaugurés par une diarrhée, sont des douleurs rhumatologiques fréquentes dans l’infection VIH. La douleur articulaire est intense et réfractaire aux AINS. Les patients présentent fréquemment une antigènémie HLA-B27 positive. Des polyarthralgies non spécifiques peuvent s’observer à la phase aiguë. Ultérieurement, un syndrome articulaire douloureux lié au VIH peut donner lieu à d’intenses douleurs aiguës intermittentes au niveau des grosses articulations des membres inférieurs et, parfois, des épaules. Dans cette arthrite à VIH, le liquide synovial ne permet pas de fonder de diagnostic. L’atteinte psoriasique liée au VIH se manifeste fréquemment avec la même intensité au niveau de la peau et des articulations.La douleur de l’arthrite psoriasique liée au VIH est souvent sévère,les patients pouvant développer des lésions érosives et autres handicaps invalidants. Les myopathies douloureuses observées aux stades précoces ou intermédiaires de l’infection VIH peuvent avoir une origine inflammatoire ou toxique ; dans ce dernier cas, elles sont souvent secondaires à un traitement par la zidovudine et caractérisées par une faiblesse de la musculature proximale. Une myopathie inflammatoire diffuse (polymyosite) peut s’observer à tous les stades de l’infection VIH. Les céphalées sont abordées au chapitre suivant. Douleur neuropathique Les principales causes de douleurs neuropathiques associées à l’infection VIH sont les neuropathies à VIH, les névralgies post-zostériennes, les neuropathies toxiques secondaires aux traitements antiviraux et (en raison de leur forte prévalence dans la population générale) les neuropathies diabétiques (Léger, 1990).
12
Fréquemment, la douleur neuropathique : • apparaît en l’absence de lésions tissulaires évolutives décelables (Bailey, 1988) ; • donne lieu à des sensations désagréables de caractère anormal ou inhabituel,souvent à type de brûlures, de décharges électriques, d’élancements, ou de fulgurances et de tiraillements ; • peut survenir longtemps après un traumatisme favorisant,alors que les lésions sont cicatrisées ; • est ressentie dans une zone de sensibilité cutanée diminuée ; • est déclenchée par des stimuli de faible intensité tels qu’un frottement au niveau de la peau (“ allodynie ”) ; • s’aggrave et persiste sous l’effet de stimuli répétés (sommation). Une mononévrite multiple de stade précoce peut être la conséquence d’une lésion vasculaire auto-immune. Le stade tardif est souvent contemporain d’une infection à CMV et évolue sur un mode progressif, plus malin. Les neuropathies distales, essentiellement sensorielles et axonales, sont davantage responsables de symptômes sensitifs à type de brûlures ou de sensibilité diminuée (hypoesthésie) que de troubles moteurs tels qu’un déficit modéré. Les neuropathies distales peuvent directement résulter de la fixation du VIH-1 sur le nerf ou le ganglion de la racine dorsale,mais ne répondent que médiocrement, voire pas du tout, à la zidovudine. Les autres neuropathies incluent les polyradiculopathies ascendantes liées au CMV et les neuropathies périphériques d’origine toxique (induites, par exemple, par la didanozine (ddI) ou la zalcitabine (ddC) qui sont toutes deux responsables de dégénérescence axonale. Les symptômes, à type d’endolorissement, de brûlure ou de podalgies pseudo-contusionnelles,peuvent s’aggraver à l’arrêt de la thérapeutique. Les neuropathies végétatives peuvent provoquer une diarrhée chronique ou une hypotension allant du trouble léger ou postural au collapsus cardio-vasculaire déclenché à l’occasion de gestes médicaux. Le tableau 3 décrit les neuropathies susceptibles d’apparaître au cours de l’évolution d’une infection VIH. 13
Tableau 3. Neuropathies douloureuses selon le stade de l’infection VIH
■ PHASE
AIGUË OU DE SÉROCONVERSION
• Mononévrite, atteinte du plexus brachial • Polyneuropathie aiguë démyélinisante (syndrome de Guillain-Barré) ■ PHASE LATENTE ASYMPTOMATIQUE (CD4 + > 500/mm3) • Polyneuropathie aiguë démyélinisante (syndrome de Guillain-Barré) • Polyneuropathie inflammatoire chronique démyélinisante (PICD) ■ PHASE DE TRANSITION (200 < CD4 + < 500) • Herpès zoster (zona) • Mononévrite multiple ■ PHASE TARDIVE (CD4 + < 200/mm3) • Polynévrite à prédominance sensitive • Neuropathie végétative • Polyradiculonévrite à cytomégalovirus (CMV) • Mononévrite multiple (sévère) • Mononévrite associée à une méningite aseptique • Mononévrite secondaire à une méningite lymphomateuse • Neuropathie toxique liée aux nucléosides (ddI, ddC)
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2. EXPLORATION
DE LA DOULEUR CHEZ LES
PATIENTS ATTEINTS DE
SIDA/VIH
■ Dr Thomas De Broucker, Dr Elyse J. Singer, Dr Claude Thurel, Dr Dominique Valade L’exploration de la douleur chez un patient atteint de SIDA/VIH peut constituer un processus potentiellement astreignant, complexe et onéreux, susceptible par lui-même d’accroître le mal-être du sujet. La mise en pratique des principes ci-après peut contribuer à réduire la gêne et les coûts occasionnés par ce processus : • Les patients VIH-positifs ambulatoires non immunodéprimés ont peu de risques de développer des tumeurs ou des infections opportunistes mettant en jeu le pronostic vital. Bien que la survenue occasionnelle d’affections auto-immunes ait été rapportée chez de tels sujets,nombre de manifestations douloureuses affectant cette population (par exemple, le zona) peuvent être traitées sans avoir à recourir à des explorations diagnostiques poussées. Dans ce groupe,le traitement des problèmes douloureux bénins (telles les migraines) peut être abordé de la même façon que chez les patients non infectés par le VIH. Chez les sujets infectés par le VIH et immunodéprimés, l’apparition d’une douleur peut être le signe avant-coureur d’une affection potentiellement fatale (par exemple, céphalées de novo marquant le début d’une méningite cryptococcique) dont le traitement est essentiel (Lipton, 1991). Les signes et symptômes cliniques présents lors de l’installation de certains syndromes douloureux chroniques chez les patients VIH-positifs immunodéprimés (par exemple, neuropathies sensorielles douloureuses des dégénérescences axonales distales liées au VIH) permettent le diagnostic sans avoir à recourir à des explorations biologiques approfondies et peuvent donner lieu à un traitement palliatif s’il s’agit de la seule option thérapeutique envisageable. • Le rôle du médecin de la douleur dans l’évaluation de celle-ci chez le patient atteint de SIDA/VIH, consiste à privilégier l’exploration des problèmes complexes de façon à pouvoir formuler un diagnostic per15
tinent en évitant les procédures inutiles, de faible valeur diagnostique ou susceptibles de causer au patient plus de désagrément que ne le justifie la gravité potentielle du problème médical. • Le personnel soignant doit faire de la prévention des douleurs iatrogènes (y compris celles induites par des gestes médicaux) une priorité chez tous les patients, en particulier ceux atteints de SIDA/VIH. • S’agissant de patients au stade terminal de SIDA/VIH, le confort est normalement plus important que le diagnostic. Il est hautement souhaitable que le moment où doit intervenir ce changement d’orientation dans la stratégie thérapeutique soit débattu à l’avance entre le patient, ses proches et le personnel soignant.
Exploration de syndromes douloureux spécifiques ❚ La céphalée constitue un symptôme aux multiples causes potentielles. L’évaluation d’une céphalée de survenue récente (Figure 1) doit prendre en compte la présence éventuelle d’une immunodépression, de signes et symptômes (convulsions,hémiparésie) témoignant d’une atteinte focalisée du système nerveux central (SNC), ou encore d’une fièvre (Rosenblum,1988). Le médecin doit également garder à l’esprit que les images radiologiques ne fournissent pas de diagnostic tissulaire ; ainsi, il n’existe actuellement aucun procédé totalement fiable permettant de différencier un lymphome du SNC d’une toxoplasmose en imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale.De même, l’étude des paramètres classiques du LCR, tels la numération des éléments cellulaires et la protéinorachie, peut être mise en défaut par l’infection VIH (Marshall, 1993) ; aussi,pour diagnostiquer l’infection cérébrale, est-il souvent plus utile de recourir à des explorations spécifiques du virus telles que la culture de LCR et la réaction de polymérisation en chaîne (RPC).
16
LES CÉPHALÉES
Figure 1
IMMUNOCOMPÉTENT
CHEZ TOUS :(VDRL/FTA), ANTIGÈNE CRYPTOCOC-
IMMUNODÉPRIMÉ
CIQUE
CUTIRÉACTION
E XAMENNEUROLOGIQUE NORMAL ; ABSENCE DE FIÈVRE, CONVULSIONS, SIGNES MÉNINGÉS
EXAMEN
NEUROLOGIQUE ANORMAL, FIÈVRE , CONVULSIONS, SIGNES MÉNINGÉS
E XAMENNEUROLOGIQUE NORMAL ; ABSENCE DE FIÈVRE, CONVULSIONSET SIGNES MÉNINGÉS
PAS D’AZT
LA PROBABILITÉ D’INFECTIONOPPORTUNISTE OU DETUMEUR DU SNC EST FAIBLE
TDM
ELIMINER UNESYPHILIS ( VDRL/FTA), UNE
SI
OU
IRM
PAS D’AMÉLIORATION
SI SOUS AZT, ARRÊTEROURÉDUIRE LA POSOLOGIE
SI AMÉLIORATION, RÉDUIRE LA POSOLOGIEOU TRAITER LACÉPHALÉE PAR LESAINS
ANORMAL
TUBERCULOSE
SI
NÉGATIF, ÉLIMINER UNESINUSITE
SI NÉGATIF, TRAITER COMME UNECÉPHALÉE BÉNIGNE
NÉOFORMATIONOU HYPERTENSION INTRACRANIENNE
PAS
DEPONCTION LOMBAIRE
EXAMEN
NORMAL OUABSENCE D’EFFET DEMASSE
PL,
COMPTAGE CELLULAIRE , PROTÉINORACHIE, GLYCORACHIE, VDRL, CULTURES (BACTÉRIES , LEVURES, BACILLE ACIDORÉSISTANT), RPCPOUR CMV/HERPÈS, CYTOLOGIE.
TRAITEMENT EMPIRIQUE D’UNETOXOPLASMOSE , ANALGÉSIQUES
SI
AMÉLIORATION, TRAITER À VIE
SI LETRAITEMENT ÉCHOUE, BIOPSIE CÉRÉBRALE STÉRÉOTAXIQUE
DIAGNOSTICSPÉCIFIQUE : TRAITERLA CAUSESOUS JACENTE ET PRESCRIREDES ANALGÉSIQUES
PAS DE DIAGNOSTIC SPÉCIFIQUE
TRAITER PAR ANALGÉSIQUES
17
❚ Les neuropathies périphériques douloureuses (Figures 2 à 5) doivent être explorées en se fondant sur une anamnèse approfondie et un examen neurologique ciblé (fonctions motrices,sensorielles,réflexes et neuro-végétatives) (Miller, 1988 ; Schaumburg,1992). Cette approche permet au médecin d’éliminer des affections simulant une neuropathie, telles que myélopathie, myosite,arthrite ou vasculopathie périphérique. La démarche diagnostique doit être orientée en s’attachant clairement au diagnostic différentiel. Par exemple, si un électromyogramme avec étude de la vitesse de conduction nerveuse (EMG/VCN) est programmé, il convient de demander à l’électromyographiste de bien distinguer entre neuropathie et radiculopathie,entre mononévrite et polynévrite, et entre lésions démyélinisantes et axonales. L’identification précise du processus neuropathique circonscrit le diagnostic différentiel et limite les ex p l o ra t i o n s c o m p l é m e n t a i re s . L e s s u j e t s V I H - p o s i t i f s n o n immunodéprimés sont davantage enclins à développer des neuropathies démyélinisantes auto-immunes et des processus neuropathiques caractéristiques des individus non infectés par le VIH ; de leur côté, les patients immunodéprimés sont également exposés au risque de neuropathies axonales liées au VIH et de neuropathies secondaires à des infections opportunistes telles que le CMV (Rosenblum,1988 ; Académie Américaine de Neurologie,1991).
MONONÉVRITE
Figure 2
IMMUNODÉPRIMÉ
IMMUNOCOMPÉTENT
ELIMINERSYPHILIS , TUBERCULOSE , HERPÈS, COMPRESSION MÉCANIQUE
SI
UNE CAUSETRAITABLE ESTDÉCOUVERTE
TRAITER, SI POSSIBLE, LA CAUSE SOUS-JACENTE (PAR EX. ZONA) ETPRESCRIRE DES ANALGESIQUES.
18
SI
TDM /IRMPOUR SYMPTÔMES INHABITUELS
SI
AUCUNE CAUSE TRAITABLE N’EST DÉCOUVERTE
TRAITEMENTSYMPTOMATIQUE DELA DOULEUR PARANALGÉSIQUES
ÉLIMINER UNENÉOFORMATION ( PAR EX. LYMPHOME)
ABSENCE DE NÉOFORMATION, PL (COMPTAGE CELLULAIRE GLYCORACHIE), VDRL ; CULTURES ( CMV, VZV, BACILLE ACIDORESISTANT, LEVURES)
TRAITERSI
POSSIBLELA CAUSE SOUS -JACENTE
PARALYSIES MULTIPLES DES NERFS CRANIENS
Figure 3
CHEZ
TOUS : VDRL/FTA, CUTIRÉACTION, LDH
CHEZ
TOUS
SI
:
TDM/ IRM AVEC P. DE CONTRASTE
ABSENCEDE NÉOFORMATION
CHEZ
TOUS : PL AVEC COMPTAGE CELLULAIRE, GLYCORACHIE, PROTÉINORACHIE, VDRL, CULTURES, PCR, CYTOLOGIE
ENVISAGER
UNEBIOPSIENERVEUSE
AT RAITER, SI POSSIBLE, LACAUSE SOUS-JACENTE TRAITERLA DOULEUR PAR LESANALGÉSIQUES
;
MONONÉVRITE MULTIPLE
Figure 4 CHEZ
TOUS : VDRL/FTA, CUTIREACTION, B 12, ANTICORPS ANTINUCLÉAIRES
IMMUNOCOMPÉTENT
IMMUNODÉPRIMÉ
ELIMINER
CAUSES MÉCANIQUES DE COMPRESSIONNERVEUSE ENVISAGEREMG , VCN
;
EXPLORATIONSPLUS APPROFONDIES À LA RECHERCHE D’AUTRES CAUSESDE NEUROPATHIE (P. EX. DIABÈTE)
ELECTROMYOGRAMME VITESSE DE CONDUCTION NERVEUSE ( TOUS)
ENVISAGER BILAN VASCULAIRE À LA RECHERCHE D’UNE AFFECTION AUTO- IMMUNE ; RECHERCHE DE CMV/ HERPÈS : PONCTION LOMBAIRE, BIOPSIENERVEUSE
19
POLYNÉVRITES
Figure 5 C HEZ
TOUS : VDRL/FTA, CUTIRÉACTION , B 12, FOLATES, VS
IMMUNOCOMPÉTENT
IMMUNODÉPRIMÉ
L’EXAMENMETEN L’EXAMEN
MET EN ÉVIDENCE UNE NEUROPATHIE A DOMINANTE SENSORIELLE
L’EXAMEN
MET EN ÉVIDENCE UNE NEUROPATHIE À DOMINANTE MOTRICE OUMIXTE
EMG/ VCN, PONCTIONLOMBAIRE (COMPTAGE CELLULAIRE PROTÉINORACHIE, ETC.)
EMG, VCN FACULTATIFS
EN CASDE NEUROPATHIE DÉMYÉLINISANTEAUTO IMMUNE AVEC INFLAMMATION, TRAITER LA NEUROPATHIE PAR PLASMAPHÉRÈSE, IgG IV ET TRAITER LA DOULEUR E N CAS DE NEUROPATHIE AXONALE NONLIÉE À UN PROCESSUS PATHOLOGIQUE SPÉCIFIQUE AUTREQUE L’INFECTION VIH, TRAITER PAR ANALGÉSIQUES , TRICYCLIQUES, ETC .
20
ÉVIDENCE UNE NEUROPATHIE MIXTE, UN FAIBLE TAUX DECD 4 (