ANKARA ÜNIVERSITESI 11111IYAT FAKÜLTESI YAYINLARI
LXXV
HUMANISME CULTURES DE
Contribution â. la Recherche d'un Humani...
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ANKARA ÜNIVERSITESI 11111IYAT FAKÜLTESI YAYINLARI
LXXV
HUMANISME CULTURES DE
Contribution â. la Recherche d'un Humanisme Intgral
Hilmi Ziya ÜLKEN Professeur de Philosophie d'Ankara
IMPR'IMERIE DE L'UNIVERSITE D' ANKARA . 1967
ANKARA ÜNIVERSITESI
İLÂIIİYAT FAKÜLTESI YAYINLARI
LXXV
HUMANISME DES
CULTURES Contribution â la Recherche d'un Humanisme IntĞgral
Hilmi Ziya Ülken Professeur de Philosophie â l'Universite d'Ankara
IMPRIMERIE DE L'UNIVERSIT D' ANKARA . 1967
D E POT LEGAL 1967
1 re edition
Tous droits de traduction et d'adaptation ı.. serv6 pour tous les pays Imprimerie de l'Universite d' Ankara
IV
AVANT - PROPOS
La redaction de ce livre etait finie en 1932 et l'edition a paru en 1933 sous le titre de " İnsani Vatanpervelik" qu'il fallait traduire litteralement par le Patriotisme Humaine. Le theme que nous avions traite dans ce livre etait principalement un certain patriotisme visant les valeurs humaines, soutenu d'une part, contre un nationalisme clos et autarsique qui se reclame suffisant â lui - meme, d'autre part, contre toutes sortes de cosmopolitisme niant la diversite des cultures et par consequent il etait une recherche de l'humanisme integral. En tenant compte ces considerations, nous avons prefere le titre d'humanisme des cultures ou integral â celui de Pedition originale. Tous les âges ne connaissent pas l'humanisme, d'abord par ce que l'esclavage et la separation des hommes en citoyens et barbares emp'echent la naissance de l'idee d'humain; puis, par ce qu'un ideal base sur une croyance exclusiviste ne permet pas la formation d'une entente entre plusieurs humanismes, chacun ayant son propre proselytisme, qui seront par suite toujours en conflit. Alors, il s'ensuit de tout cela qu'il est necessaire qu'un humanisme soit integral, c'est â dire base sur la comprehension mutuelle entre les cultures differentes. Mais, aussitöt il nous faut faire cette Temarque que Pidee de Phomme ou humain sont extr'emement variables selon le degre de Pevolution sociale et culturelle. L'homme rationnel des grecs, l'homme dechu judeo-chretien, l'homme pragmatique de notre temps, le surhomme nietzscheen, etc., suggerent des humanismes divergents. La civilisation occidentale avec ses prerogatives culturelles et sa superiorite technique veut imposer le sien, mais malgre cela il parait que les autres humanismes ont la puissance de resister contre celle-lâ. Toutes sortes de discrimination sociale etant l'obstacle essentiel â la constitution de l'ideal humain, la sagesse antique aussi bien que l'imperialisme contemporain et la conception de la race blanche ou la discrimination "des classes empechaient autrefois et çontinuent encore d'empecher aujourd'hui V
la naissance d'un humanisme veritable. Declaration du droit de l'homme et du citoyen etait la premiere tentative pour depasser ces obstacles. Mais il faut tenir compte de la difference entre les points de vue des. cultures et, par suite, le conflit cree par eux. Alors, il est impossible de soutenir un point de vue proselytique -intolerant contre les autres. Cela veut dire qu'avant toute chose un humanisme integral exige la tolerance pour les autres croyances, afin d'atteindre â l'humanite entiere. Ensuite, il faut qu'il soit delivre de toutes sortes de discrimination. Enfin, il faut qu'il accepte la multitude des cultures dans une humanite commune pour que celle-ci soit la plus riche et la plus creatrice. L'homme peut se definir en tant qu'etre eduque et par suite, ayant acquis et cree le monde des valeurs. L'homme, en parcourant cette periode exerce une activite inverse â celle des animaux: il s'objective vers le futur et il se projette et cree ses ideaux, il s'objective vers le passe par la construction de sa tnemoire et de sa personnalite, il s'objective dans l'espace et le reel, il fabrique les outils et les concepts. Ainsi l'etape de homo sapiens precede celle de l'homo faber. Les activites tendant â la formation personnelle se realisent par ses attitudes qui progressent en s'emboitant par l'evasion du reel, la decouverte des valeurs, la creation de la technique. Lutter contre soi-meme est le caractere essentiel de l'homme qui se manifeste par le sacrifice de soi dans toutes les civilisations. C'est pourquoi on peut definir l'homme en tant qu'etre qui se cree en se sacrifiant. La nature de l'homme vient d'un principe oppose â la vie, irreductible â son evolution, c'est â dire l'Esprit. L'homme ne vit pas dans un milieu dont il depend, mais dans le monde qu'il cree et qui prend toujous son influence. Une attitude humaine n'emane que de la personne, elle se realise en refrenant ses penchants• l'homme est le theâtre d'un drame interieur. La eonscience de l'inquietude de l'etre concret precede la bipolarite axiologique: le bien et le mal. Au lieu de cherch /er la sublimation dans la lutte des contraires depassant l'homme, c'est â dire dans l'heteronomie, il est mieux de partir de Pinquietude et du besoin de Pare concret qu'est l'homme, au sujet de son existence dans le monde et qui le pousse â se transcender et conclure â la resistance contre soi —meme, et par suite, aux deux aspects de son 'etre que nous appelons corps et âme. Nous arrivons ainsi â une conception qui pose d'abord l'autonomie de l'homme dans son unite et en tire ses objectivations bivalentes aussi Men que ses manifestations vitales et spirituelles. ,
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L'humanite a fait un bond de six siecles avant l'ere chretienne parallelement en Inde, en Chine et au Proche-Orient. Ces trois mondes furent VI
le berceau de trois civilisations. Elles etaient arrivees par les memes poussees aux memes resultats. Elles avaient franchi les etapes de la mythologie, de l'hylozoisme, de la sophistique, de la decouverte de la conscience, enfin de l'esprit universel. Mais la Grece avait depasse les autres avec sa creation de Logos qui assura la superiorite de l'Occident par l'esprit scientifique. Mais, cependant il est impossible de faire une distinction radicale entre ces trois humanites, ni dans kur systeme de caste, ni dans leur essor pour le depasser, ni dans l'universalisme spirituel propages par le bouddhisme, le christianisme et l'Islam. Avant d'entrer en matiere je dois dire que cette preface et certains chapitres suivants ajoutes â la traduction française, paraissant apres trente quatre ans d'intervalle contiennent les idees nouvelles qui presentent l'evolution de la pensee de l'auteur: la plus importante est celle de l'autonomie de l'homme et de son caractere ambigü qui precede la naissance de la bipolarite axiologique. Apres avoir pris la bipolarite des valeurs et de la contrainte sociale comme l'effet de cette earacteristique de l'homme, il est tout de meme comprehensible d'etudier son influence sur la vie humaine, car l'effet joue â son tour le r ı5le de la cause. Mais pour rester fidele au texte redige en turc et en tenant compte de toutes les difficultes et les inconvenients de cette presentation, je m'empresse d'attirer l'attention des lecteurs sur ce point et je prie leur bienveillance.
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Nous proposons l'humanisme des cultures pour designer non pas un humanisme base sur Ime culture particuliere, mais l'ensemble des cultures du monde, et nous utilisons ce terme au lieu de l'humanisme patriotique. Quoique le mot "patriotique" dans notre conception, n'avait pas un sens romantique sigaifiant l'exaltation du sentiment natio, nal, nous entendions, de meme, dans le texte en turc l'humanite dans laquelle differentes cultures prendront place avec leurs caracteres originaux. Pour *eviter une equivoque nous anons prefere le terme d'humanisme des cid-tures dans le texte en français. Richard Mc Keon definit la culture comme des schemes resultant d'une evolution historique dans une societe donnee Une telle definition ne concerne pas seulement une culture nationale, elle s'applique1 R. Mc Keon, La philosophie devant la diversite des cultures (dans: L'Originalite des Cultures, Uneseo, 1953)
VII
rait encore â la communaute mondiale. C'est ce qui nous permet de l'interpreter selon notre conception quand il dit que le mouvement d'une culture reflete â la fois un attachement â des valeurs singulieres et un effort de les exprimer sous une forme universelle, l'auteur parle en des termes un peu differents de notre opinion que nous avions soutenue dans le texte en turc de ce livre. Le progres technologique moderne ont mis les nations en etroit contact. Ce progres tres rapide et ses consequences dans l'interpenetration des cultures ont ete prevus aux premieres deeades de ce siecle par l'auteur du Monde qui nait, fondateur de la sagesse de Darmstadt 2 Mais sa perspective de l'avenir en homme oecumenique et son ideal de l'homme moderne en type de chauffeur sont assez differents de notre conception. Il mettait l'accent sur la diffusion mondiale de la culture europeenne par l'effet du progres technique, mais non pas par l'interpenetration des cultures. Une communaute mondiale d'ideaux et d'aspirations surgit lentement. Selon N. K. Sidantha, le probleme de la comprehension internationale est un probleme de relations entre les cultures, de ces relations rıaitra une nouvelle communaute mondiale. 3 . .
Iiidee de sur-homme de Nietzsche est exprime par Gabriel - Rey en sur-humanisme, contre les humanismes de toutes sortes. Pour celui-ci, si l'on veut dire que toute chose est immanente â l'homme, que tout en lui est integre, la nature et l'es'prit, alors cet un sur-humanisme dans lequel l'homme a la tendance â se depasser 4. Mais selon Gabriel - Rey cette these parait le moins fonde, car s'il est hu ıpanitaire dans ses fins, il n'est humaniste â aucun titre. Pascal' disait que l'homme passe infiniment l'homme Selon Louis Lavelle, un philosophe tout recent l'homme est le seul etre qui ne puisse se realiser qu'en se depassant 5 . S'il s'agit un depassement ce serait, â vrai dire, le probleme de tension et le depassement de l'homme ailene de l'Orient et de l'Occident. Quand on parle de l'Orient et de l'Occident on n'entend pas des regions geographiques, mais on entend plutirit deux mondes dont l'esprit et la destinee ont evolue separement, deux mondes qui ont leur vie distincte 7 . L'homme d'aujourd'hui 2 Keiserling, Le Monde qui nalt, trad. en turc par Şekip Tunç, 1928 3 N. K. Sidantha, C. G. Berg, Mc Keon, etc., L'humanisme de demain et la diversite des cultures (L'Origi. des Cult. 1953, pp. 402 - 405) 4 Gabriel - Rey, Humanisme et sur-humanisme, Hachette, 1951, pp. 254 - 256 5 Blaise Pascal, Pensees 6 Louis Lavelle, Traite des Valeurs 7 Ed. Rochedieu, La Pensee occidentale en face de la sagesse de l'Orient, 1963
VIII
est ailene et en Orient et en Occident: le 'premier se dirige vers la na ure pour la dominer, le second vers soi-meme. Quant ö l'Islam qui n'appartient pas directement â Fun de ces pöles opposes, il est d'un cöte, enclin â l'esprit oriental° en tant qu'il signifie litteralement "soumission" devant la volonte de l'Absolu, d'un autre cöte il s'approche de l'esprit occidental en tant qu'il est base sur l'idee fondamentale de l'effort (Djand) et de la raison (Akl). L'homme aliene de l'Occident et de l'Orient ne trouve pas de place aussi importante que les autres dans le monde islamique, oû l'union avec le Tout est aussi Men tenu compte que l'eclosion personnelle. Une synthese prematuree, dirait-on, que d'avoir les aptitudes si distinctes et separement developpees. Mais il ne faut pas oublier que l'Islam a prevu cette crise d'alienation et debrouille non pas par un retour â l'etat primitif dans lequel le sujet et l'objet ne sont pas encore separes, l'etat mythique reelamant la pensee prelogique, mais par une synthese de deux aspects de l'homme dejö. evolue 8 . A notre temps, bien que les conditions actuelles soient demesurement changees du 8-11 eme siecles, l'Islam peut etre considere encore comme un exemple de la recherche de l'homme integral. L'homme parfait d'Ibn Arabi par son caraetere d'etre le pont entre le monde rationnel et le monde irrationnel, d'etre "isthme" par son propre terme, avait cree au 13 eme siecle le prototype de la civilisation islamique.
Un auteur turc, â l'aube de la revolution sovietique, cherchait la solution du conflit capitalisme - communisme d'une part, d'OccidentOrient de l'autre et il a soutenu que l'Islam non seulement par son role geographico- historique, mais en meme temps par son röle socio - economique qu'il avait joue entre les deux mondes, peut 'etre considere comme une solution proposee pour le probleme de tension d'aujourd'hui: obligation de donner le dinle 2,5 % de ses biens, Finterdiction de l'interet compose,l'organisation du cooperatisme et des Fondations Pieuses empechent selon lui les exces du capitalisme et les exces du courant oppose 9 Bien que les conditions economiques contemporaines soient tres differentes de celles du 7 eme siecle, il est tout de meme comprehensible l'existence de l'affinite entre ces idees avec le socialisme evolutioniste °°. .
8 H. Z. Ülken, L'Islam en face du probleme Orient et Occident, 1964 (ilahiyat Fak. Dergisi) 9 Ag8h Mazlum (ecrivain connu par le pseudonyme Abdül - Hak Hadi), Şark ve Garb, dans ıla revue Mihrab, 1922 10 Ajoutons que le cinquieme verset de Sourate Fussilet "Ceux qui ne donnent pas le dine seront ressusites le jour de jugement dernier en infidelea exprime que cette ohligation est capitale pour rislann.
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Il y a selon J. L. Fyot, une nouvelle source d'alienation pour l'homme: le proletariat en regime capitaliste peut assouvir aux autres proletaires former un groupe contre le capitalisme. La suppression du patron erıleve aux proletaires la derniere occasion de renouer des rapports humains ıı Le conflit des humanismes partiels est le probleme le plus actuel: humanisme chretien, humanisme positiviste, humanisme marxiste, humanisme existentialiste, etc. * sont en desaccord et en conflit â l'exces, parce qu'ils sont tous des humanismes partiels. Au lieu de ces humanismes, surgit au commencement de notre siecle l'idee de l'humanisme integral des philosophes tels que Jacques Maritain, R. Lacombe, Masson-Oursel, Rene Guenon, etc. A notre avis, une parallele entre les civilisations n'est pas suffisante. Nous devons laisser la conviction des mondes separes, parce que l'interpenetration des cultures n'est pas un ideal mais dejâ un fait. La renaissance orientale, selon Raymond Schwab, en est un exemple. 12 Cependant, nous ne pouvons partager son opinion qıı'apres avoir fait certaines remarques: 1) Quand cet auteur parle de l'Orient, il entend particulierement l'Inde et il ne tient pas compte de 1%lam et de l'Extreme - Orient, 2) il exagere l'influence indoue sur la Pensee islamique, en s'appuyant sur les recherches perimees de Max Horten dont elles sont critiquees et depassees pai• celle de Louis Massignon 13 3) Il ignore, par contre, l'influence de l'Islam sur la Pensee et la societe indoues: les ordres musulmanes ont introduit en Inde les idees de L'Unite de l'Etre (pantheisme) et de l'egalitarisme 14 qui ont influe sur le Satyagraha de Mahatma Gandhi et sur les tentatives de l'abolition du systeme des castes. 4) Il ne voit pas la necessite des etudes comparatives entre la Chine, L'Iran, l'Islam et l'Europe. Il faut ajouter aussi que les seules etudes faites de ce point de vue par Masson - Oursel, Fray, etc. sont insuffisantes. * Henri Lefevbre dans l'Humanisme marxiste,
J. P. Sartre dans L'Existentialisme est un
humanisme expriment ces tendances. 11 J. L. Fyot, Dimensions de l'homme et science economique 12 Raymond Schwab, La Renaissance orientale, Payot,.1950, pp. 13 - 17 13 L. Massignon, Essai sur le Lexique de la Mystique Musulmane, 1922 14 El - Biruni, Kitab-1 ma 111 - Hind, du meme auteur, Kitab- ı Patanjah al - kebir (publie dans la revue Oriens par Helmuth Ritter)
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5) Surtout ce qui manque dans le livre de Schwab, c'est l'etude du röle transitoire de la Pensee de l'Islam entre la Pensee grecque et la Pensee moderne. 6) Enfin, nous devons remarquer que le polygenisme et le diffusionisme ne se contredisent pas dans l'explication des differentes cultures du monde entier. L'humanisme des cultures que nous proposons dans ce livre n'est pas celui que nous avons jete un coup d'oeil qui est le rapprochement des sagesses et des philosophies des mondes differents, il n'est pas non plus une utopie, un projet politique, mais une constatation de l'evolution socio-culturelle du monde dont les effets sont apparents dans ses luttes contre les humanismes partiels, contre les tendances autarsistes, et dans son developpement progressif en des camps opposes.
Avant d'entrer en matiere, je dois remercier d'abord â Monsieur le Professur H. Yurdaydın, doyen de la Faculte de Theologie â l'Universite d'Ankara pour tout ce qu'il a fait pour la parution de ce livre, â Mme. S. Evrim, docent de psychologie â la Faculte des Lettres d'Istanbul pour sa collaboration dans la derniere revision des epreuves, et â l'Imprimerie de l'Universite d'Ankara, â ses correcteurs perspicaces qui n'ont pas manque tous les soins et la patience pour l'accomplissement de cette tâche penible dans nos conditions insuffisantes. Le 14 Jıillğet 1967 H. Z. Ülken
XI
İ NTRODUCTION LES DEGRES DE LA VERIT et
LA VERİTE. DİALECTIQUE
Rien n'est plus heterogene que les sens de l'idee de la verite. Il s'etend au genre humain. mais personne ne comprend ce qu'une autre vent exprimer, tandis qu'il n'y a aucune chose qu'il soit aussi necessaire de s'entendre. Non seulement celle du sens vulgaire, de la science et de la philosophie sont differents, mais aussi les sens donnes par les philosophes ne sont pas d'accord. En opposition avec la conception cartesienne, il n'est pas temeraire de dire que la verite n'est pas une chose la mieux partagee. Pour dissiper ce halo chaotique il nous semble qu'il ° faut commencer par la genese de l'idee. A l'origine la verite avait une signification cachee, religieuse, â l'encontre de sa signification moderne claire et evidente: nul ne peut la comprendre sauf Dieu qui est omniscient, ainsi que Dieu et Verite sont synonymes. En arabe les m9ts haq et haqiqa expriment janab ı Haq (Dieu). En tant que verite, elle est cachee et n'est accessible que par Dieu. Pour les pythagoriciens et les gnostiques le verite intime est esoterique, propre aux adeptes de l'Ordre, tandis que la verite exoterique est apparent pour tout le monde Le rapport de la verite religieuse avec les autres significations de la verite est etudie par les sociologues de deux points de vue differents: pour les marxistes la verite pragmatique prime la verite objective et exprime la conception du monde d'une classe sociale en opposition d'une autre classe sociale: la repartition des terrains entre les membres d'une tribu en lignes droites a pris, dit-on, plus tard le sens de droiture, dont sa generalisation fut la justesse (dikti) et le juste (dikaion). De meme que les sens de phronesis, le bien (agathon) et le vrai (logos) ou le langage 1
sont les derivatifs posterieurs de la signification originaire. Pour les sociologues français, particulierement pour E. Durkheim, la verite de la logique et la juste3se du droit sont les derivatives de la verite religieuse en fonction de la differenciation de la valeur religieuse. Il parait que ces deux theories genetiques de la verite sont presque semblables , â condition que la premiere se rapproche beaucoup plus de la conception pragmatique en partant des verites de classes antagonistes et les mettant Pune contre l'autre, tandis, que pour la seconde, bien que la verite soit derivee de la vie sociale, elle a cependant une place â part, independante des representations collectives, car elle distingue les jugements de valeur et les jugements de realite. Les grecs n'avaient pas forge le mot veritas dans le sens strict des latins, les arabes ont forge le mot Haq, deriye de sa signification religieuse en lui donnant plus tard le sens juridique, en pluriel Huquq. (les droits) pour le distinguer des sens logique et metaphysique (haqiqa). Cela montre que l'interpretation pragmatiste n'est pas toujours valable, et une iııterpretation opposee peut etre alleguee en disant - que la verite rationnelle provient de la signification elementaire religieuse dont les autres ne sont que ses derivatives. Les deux theories sociologiques, bien qu'elles soient opposees Pune â l'autre au point de vue de la genese de l'idee de verite, sont d'accord en co qu'elles affirment que la verite logique et religieuse sont heterogenes. Ici, nous prendrons en main partic,ulierement le sens rationnel de la verite. 1. Dans la verite de la logique formelle il s'agit des tautologies qui constituent les demonstrations d'une theorie deductive: elles sont vraies en vertu de leur propre forme et absolument independantes de l'experience °, dont la formule mathematique est A = A. La verite ainsi conçue n'implique pas les faits, elle ne cherche qu'une certitude formelle. Elle est la verite logico - mathematique, car elle a pour but que •lasequncdtiv hersacopndvelsfait. Elle ne consiste que par la coherence et la consequence entre les termes sans contenu. 2. Dans la verite hypothetico - deductive le systeme des faits se trouve confirme par la logique de non - contradiction: le systeme est verifie par la logique formelle. Pour affirmer une telle verite il faut qu'elle realise la correspondance entre les faits constates et le systeme de cohe ren1 Louis Rougier, Traite de la Connaissanc e, Gauthier - Villars , 1955, p. 40 - 42
„ ce formelle. Comment nous pouvons demontrer qu'un systeme deductif est conforme â la realite ? Cela exige une confirmation qui ne sera basee que sur une supposition. Nous etablissons une relation hypothetico deductive entre tes faits pour que nous puissions juger qu'ils seront toujours â l'avenir parce qu'ils etaient jusqu'â present ainsi. 3. Mais rien ne prouve la conformite entre la verite formelle et la verite empirique: la premiere est certaine, mais vide de contenu, tandis que la seconde a le contenu et depourvue de certitude. L'une donnant la forme, l'autre la matiere de la connaissance, elles constituent la validite de la science selon les logisticiens empiristes du cercle de Vienne. Est ce qu'un tel eclectisme peut - il combler la lacune laissee par la theorie hypothetico - deductive ? Nous pouvons en douter. 4. Ainsi que, certains adeptes de cette eeole, .trouvant la verification logique trop large ont essaye de la remplacer par la verification probabilitaire. Ils ont invente une logique plurivalente ayant une eehelle des valeurs probabilitaires continues dans laquelle la logique bivalente d'Aristote ne serait qu'un cas particulier 2 Mais la verite probabilitaire est-elle formelle ou materielle ? Puisqu'elle etait tiree du pan m ı de la mise sur la probabilite des evenements naturels comment elle pourrait etre formelle ? La formalisation progressive en evacuant le contenu ne serait - elle qu'un jeu de mot, car elle perdrait toute la certitude formelle ? .
5. La verite des systemes metaphysiques, des Aristote jusqu'â Spinoza, est edifiee sur Padequation de la connaissance â l'etre. Elle forme un degre plus eleve au point de vue de la conquete de Petre. Mais la preuve ontologique de Saint Anselme utilisee au Moyen âge et dans la Pensee moderne a ete severement critiquee par certains logisticiens 3, car rien ne prouve l'existence de la necessite objective et metaphysique en consequence de la necessite formelle. 6. Cette conception de la verite a trouve une forme nouvelle dans la methode phenomenologique de Husserl: celui - ci avançait la verite apophantique de l'ontologie vide (ontologie des ideaux) contre la verite tautologique de l'empirisme logistique, depourvue non seulement de contenu, mais en meme temps de tout fondement ontologique. Selon Husserl il y a deux categories d'essence visees par nos actes intentionnels: la câtegorie de signification telle que la proposition, l'exactitude, la 2 D'abord Lukasievitz, Tarski Kolmogoroff, plus tard H. Reichenbach et Carnap ont fait beaucoup d'efforts pour constituer une logique plurivalente. 3 Louis Rougier, Paralogismes du rationalime, Felix Alcan.
probabilite, etc., et la categorie des etres telle que l'etat de chose, l'unite, la multiplicite, etc. Tous les deux peuvent 'etre l'objet d'une logique apophantique qui presuppose la logique formelle et la logique transcendantale. Mais le meme philosophe, en aboutissant dans ses derniers ecrits, â l'egologie intersubjective 4 ne se montre-t-il pas tres eloigne de la conception ontologique materielle de la verite ? -
7. Dans la philosophie actuelle la crise de la phenomenologie a mis au monde l'ontologie moderne d'apres laquelle le probleme de la connaissance n'est autre chose qu'une branche dependante de la metaphysique 5 Mais par quel moyen nous pouvons demontrer la priorite de l'etre â la connaissance ? Celle-ci ne peut pas etre assuree par la methode naive de la metaphysique dcgmatique. Dejâ, le sophisme, le scepticisme, la dialectique hegelienne avaient demontre de plusieurs façons l'insucces de cette tentative. L'echappatoire unique pour la nouvelle ontologie est la prise de la subjectivite comme existence par excellence. Mais, en ce cas lâ elle se trouve entierement detachee de la verite objective materielle, car elle n'a pas de relation avec l'univers, condition sine qua non de la connaissance. Ainsi, l'unique objet de la philosophie devient l'homme, l'univers etant supprime. .
8. Pour battre en breche la derniere apparition de l'idealisme subjectif, un essor nouveau surgit du courant axiologique: celui-ci consiste par l'extension du concept de verite â tous les domaines de valeur en ne se contentant pas de se restreindre au regne logico - mathematique. Pour ce courant dont le pionnier est Nietzsche, l'objet de la verite n'est pas seulement la connaissance, mais la culture en general, c'est â dire le monde des valeurs, en d'autres termes le monde de la croyance. La reussite n'est pas seulement le critere de la connaissance scientifique, mais des valeurs en general. Ainsi le concept de verite a reconquis les champs que la pensee scientifique avait en vain separes de son territoire. Mais, en mettant la verite sous la domination du sujet qui croit, sujet individuel ou collectif, il l'a remis sous la dependance du subjectivisme. 9. Cependant, la verite axiologique peut - etre delivree de cette nouvelle crise de subjectivisme. Car, les recherches recentes dans la philosophie de notre jour, en depit de ses apparences chaotiques et desesperantes, nous ont donne de ılx supports sur lesquels nous pouvons compter: a) le premier est que dans tout acte cognitif nous visons une essence 4 Edmund Husserl ,Introduction ls la Phenomnologie, MMitations Cart6iennes, 1938, Paris. 5 Nicolai Hartmann, Maaphysique de la Connaissance, trad. franç. R Vancourt.
reelle ou ideale, un objet perçu, represente ou imagine. Cette conquete est incontestablement etablie depuis les recherches de Franz Brentano 6 de E. Husserl et de ses disciples orthodoxes et dissidents 7 b) le second est que nous nous trouvons dans la sphere des valeurs, dans laquelle le sujet est dirige vers un objet qui depasse le donne, le present. Il n'ya aucune sphere de valeurs dans laquelle nous pouvons nous contenter par le donne et le present. Une invention technique, une creation artistique, une action morale, une conviction ideologique, un jugement juridique, ete., sont toujours un objet de croyance. Tandis que celle-ci ne peut pas se contenter par le donne et le present, il se dirige vers ce qui est absent, vers ce qui depasse le donne, vers ce qui doit 'etre. Alors, dans la verite axiologique l'objet n'est pas seulement un objet donne, un ohjet represente ou imagine, il est un objet absent, un objet du besoin qui n'est que la demande de l'absence par le moyen des donnees et des presents, c'est â dire par les qualites sensibles: ainsi nous nous trouvons par un depassement du shjet axiologique devant l'objet transeendant. Mais pour affirmer cette priorite il ne suffit pas que l'objet du besoin soit conquis axiologiquement, il faut en meme temps que nous nous mettions dans l'etre, ce qui est impossible: nous nous trouvons ainsi, comme disait Jaspers, dans une situation - limite. ,
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10. Cela va sans dire que la recherche de la verite axiologique nous laisse sur la limite entre le sujet et l'objet, et cette limite nous montre qu'il ne s s'agit pas ici de la relation epistemologique qui reduit l'un de ces termes â l'autre, il s'agit ici du fait primitif, l'acte de sujet - objet qui est irreductible aux relations syntaxiques, logiques, psychologiques, physiques, etc., mais il est le fondement pour la comprehension de toutes ces relations. Il est une relation originale, par un terme propre â Yolkelt, alogique, car, il est ambigü, ayant deux aspects complementaires et contraires. D'une part, la realisation de l'un de ces aspects laisse l'autre dans l'ombre, d'autre part ils dependent l'un de l'autre, ainsi qu'il ıı'y a ni sujet sans objet ni objet sans sujet. D'oû, ses deux caracteres contraires et complementaires peuvent 'etre exprimes par le principe d'interdependance et le principe d'interexclusion. La realisation de l'objet interdisant le sujet et reciproquement, assure d'un cete l'objectivation qui est en meme temps la conceptualisation, de l'autre la subjectivation qui est en meme temps la constitution de la memoire et de l'imagination. Le premier etant la nai şsance de la pensee objective, le seeond de la pensee personnelle, ils forment reciproquement le monde objectif et spatial et le monde personnel et temporel. Ainsi nous pouvons considerer le fait primitif comme le fondement de la pensee logique et de la pensee historique. 6 F. Brentano, La Psychologie empirique. 7 Ce sont M. Scheler, N. Hartmann, Geiger, etc. 8 N. Hartmann, Metaphysique de la Connaissance, trad. par Raymond Vancourt, 1948, Aubier
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ORIGINE DE LIDES
Nous commençons par une expression chere â Gaston Bachelard pour faire voir Poriginalite et la profondeur de l'ambigü objectif: nous partons d'une epistemologie non-cartesienne. Ce qui saute aux yeux dans l'histoire de la science occidentale, c'est la decouverte progressive de la raison qui cherche ce qui est dair et distinct dans la nature, en reduisant les elements toujours de plus en plus simples. Si nous etions restes un moment sur une barriere de la reduction., c'est pour chercher un element beaucoup plus simple que les precedents: Democrite l'avait trouve dans l'atome, mais vingt cinq siedes plus tard Descartes avait invente la methode mathematique de la reduction ou bien du passage â la limite. Ce processus historique passant des sommites de la Renaissance, jusqu'aux debuts de notre siecle etait une victoire de la raison par rapport â l'ambigüite de l'observateur, provenant de la subjeetivite confuse des qualites sensibles. Du confus vers le dair, du complexe vers le simple, du subjectif vers l'objectif, telle etait la marche progressive de la Pensee moderne. Cependant, comme nous avons dejâ remarque que la science actuelle est en train de decouvrir l'ambigüite , ou bien la complexite irreductible de Pobjet qui n'a rien â voir avec la complexite ou la confusion subjec tive. Autant on penetre â la nature, autant la complexite augmente: avec notre propre expression, nous decouvrons dans le passage â la limite non plus le simple et le dair, mais l'ambigü et l'irrationnel; la nature nous apparait avec ses complementarites contraires. C'est ce qui est arrive au cours de l'evolution de la Pensee antique. Les premiers philosophes grecs, tout en ayant des conceptions englobant la diversite naturelle en unite primordiale, n'etaient pas cependant exempts de la confusion subjective des qualites sensibles; car ils avaient comme modele quatres elements naturels, ils etaient hylozoistes, c'est â dire ils mettaient la matiere, la vie et l'esprit dans une confusion du subjectif et de l'objectif, sans pouvoir entrer â la nature ni du premier ni du second. C'est 6
seulement apres les Eleates et Heraclite, surtout depuis Platon que la la Pensee antique a commence â penetrer dans l'objet, de le distinguer du sujet et de les traiter separement, en tenant compte, toutefois, de leur correspondance reciproque. Chez Heraclite, la realite profonde etant changement tandis que chez Platon elle est permanence; deux systemes diametralement opposes sont d'accord en ce qu'ils distinguent les mondes de l'apparence et de la realite, du sensible et de l'intelligible, le monde actif et contemplatif, les mondes inferieurs et superieurs (ou selon un terme propre â Platon: le monde des Idees,) Cette distinction qui n'a pas perdu sa valeur jusqu'â nos jours, avait servi comme cle d'une part â la speculation philosophique sur l'art, la morale et la religion, d'autre part, â une activite logique de l'intelligence et sur une application aux differentes sciences: ainsi sont nees les sciences mathmatiques et naturelles et toute la philosophie qui en deriye, ainsi se fo ı mNrent l'idealisme dans l'art, dans la morale et dans la religion. La recherche des types ideaux, des formes pures, des tions immediates sur les structures simples et claires, les decouvertes successives dans les sciences deductives et inductives ne furent possibles que par cette distinction du sujet et de l'objet; et cette penetration progressive â l'objet ideal est une conquete pour l'esprit humain. C'est aussi par ce moyen que la philosophie occidentale a pu passer de la pensee speculative â la pensee methodologique et technique. Cependant, cette tres precieuse distinction etait, â l'origine, artificielle. Distinguer l'objet du sujet, l'ideal du fait est une tâche ulterieure de l'attention dirigee vers une direction ou vers une autre direction de l'acte vecu dans le monde. Platon l'avait remarque â son âge m ısı r, depuis son dialogue Parmenide dans lequel il nous introduit dans une discussion interminable entre l'un et le multiple, surtout dans ses dialogues de vieillesse telle que Theetete, Philebe, le Politique, Les Lois, le Timee; et il a approfondi cette idee, il a vu Findistinetion originelle dans l'objet entre le meme et l'autre, indistinction radicale qu'elle n'est jamais comparable â la confusion subjective des premiers penseurs grecs. Cela veut dire que la decouverte de la complexite profonde provient de la resistance de l'Etre â notre ambition de reduire et d'analyser; les phenomenes naturels sont â la fois continus et discontinus. D'abord, Anaximandre avait montre la complexite originelle de retro: selon lui'il est en meme temps Ilin et infini, Apeiron et pera. Cette premiere vue naive etait completee par Platon. Zenon, avant lui, en alleguant son paradoxe celebre pour la rıegation du mouvement, liait en fait le mouvement et l'immobilite, le continu et le discontin, ou pour mieux dire, il marquait la limite 7
indeterminable entre ces deux termes. L'argument de Zenon peut etre transforme ainsi: en fait, ni la continuite ni la discontinuite, ni le mouvement ni le repos n'existent separement. Un mobile t ne peut parcourir une ligne bc. parce qu'il faut qu'il parcoure d'abord sa moitie, et 1 avant son 1/4 son 1/8, ainsi de suite, et avanttout- .Or en fait, le nombre oo est toujours en jeu au cours du mouvement. Car, autant qu'on divise le , non oo 1 reductible au zero.. Lâ, le continu et le discontinu s'unissent. Nous voyons la meme chose dans l'equation 2 = 1 1 /2 1 /4 1 /8+ .... nombre, il nous restera â la limite une quantite minime
1 oo Antiphron avait allegue le paradoxe de courbure = rectiligne, dans son argument sur le passage de polygone au cercle. En effet, il l'avait avance pour soutenir le sophisme; mais, au fond du fait, le cercle etant defini comme un polygone dont les câtes sont infinis, et son expression mathematique etant r 2 = 3,14159999... ce fut lâ plus qu'un sophisme, un des fondements des mathematiques elementaires. En d'autres termes, le nombre nous donne la dyade entre le continu et le discontinu. Dans les mathematiques en general, les notions telles que l'infinitesimal, la derivee, la limite, l'e, etc. sont de nature dyadique qui rattachent le continu et le discontinu, domaines si etrangement differents Fun de l'autre, Nous sommes devant un nouveau Platon, apres la redaction de Theetete, surtout dans ses dialogues qui le suivirent, le Sophiste, le Politique, Les Lois. etc. Dans le Sophiste en cherchant la definition du pecheur il aborde â son theme essentiel; c'est la position negative du Sophiste devant les contrastes et les antinomies. Les contraires n'appartiennent qu'â l'apparence. Platon y insiste sur la contrariete profonde entre l'etre et le non-etre; et pour se delivrer de son cauchemar, il tâche de reduire la contrariete de l'etre et du neant â la difference, telle que le chaud - le non chaud, le bien - le non bien, l'existant - le non existant, le present - le non present. Ainsi, surgit la complementarite des differences au lieu du contraste des contradictoires absolus. Cette idee sera plus tard soutenue par Benedetto Croce contre la dialectique de Hegel. Platon y semble guere couper ses rapports avec l'Ecole d'Elee. Il se passe de l'ancienne signification confuse de l'etre, et pour le rendre dair il la rattache â l'idee de forme.* De meme, *) Eidos signifie en meme temps icVe et forme.
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il s'eloigne de sa theorie classique des Idees, les essences eternelles ne sont pas inseparables, de la forme et du mouvement. Par consequent, elles sont actives et vivantes. Platon considere la separation de toutes choses les unes des autres comme quelque chose anti-philosophique. Au lieu de celle-ci, il avance la theorie de Finterpenetration des premiers modeles, communion des genres et des especes.Dans le Philebe il est plus dair: il soutient le mixte au lieu des essences separees. Dans le Sophiste, l'etranger, apres avoir fait la critique des cas contraires, conclut avec ses interlocuteurs; — Si vous appropriez Fare â l'un de ces contraires, vous dites qu'ils existent tous les deux Theetete - C'est vrai! Etranger -Alors, c'est â la Dyade que vous attribuez Theetete -Probablement." Cependant, Platon attaque â la fois ceux qui nient la diversite et ceux qui l'affirment sans reserves: Theetete - Si le mouvement et le repos etaient unis, ou le mouvement cesserait ou le repos se mouvera. Etranger -Sans contredit. Theetete-Alors, il ne nous reste qu'une troisieme hypothese, ou toutes choses sont melees, ou aucune chose n'est melee, ou bien telles choses etant melees, telles autres ne le sont pas." Platon, apres avoir montre l'impossibilite de deux premieres hypotheses, soutient la troisieme. La methode de Philebe, plus clairement que les autres, est la synthese de l'Un et du Multiple. Nous pouvons le nommer la philosophie du mixte ou du melange. İ ci, nous voyons apparaitre un nouveau Platon, apres le Platon rationaliste, Le plaisir est un et multiple â la fois. De meme, tous les etres intelligibles et sensibles sont un et multiple, fini et infini â la fois. Philebe propose un melange; une unite multiforme entre la raison et les sens. Selon lui, le fondement de la morale n'est ni dans la raison ni dans les sens, mais dans le mixte qui est une forme melangee entre eux. Ici, nous voyons la communion des Idees avec les sens, des Idees avec les Idees, et elles forment un ensemble ayant des aspects differents et complementaires. Avec les pythagoriciens il accepte que le monde soit un compose du fini et d'infini, il met le premier ata niveau des dieux et le sesond â celui des choses sensibles. 9
Si l'on se refere â Peclaircissement donne par Aristote dans sa Metaphysique, on voit que Platon explique la generation des nombres par la meme idee de mixte, que son disciple aimerait la nommer Dyade. Les nombres ideaux proviennent de deux principes, dont l'un est formel, l'autre materiel: le principe formel est l'Un, celui qui est pris non pas comme "le premier" dans la serie des nombres, mais comme le principe de leur generation. Il determine une matiere indefinie, une puissance simple d'augmentation et de diminution. A la Dyade de ces termes opposes Platon dit la Dyade de plus -moins, ou bien la Dyade d'inegal. Dans le Theetete, selon Platon, "La source de la necessite n'est pas dans les elements, mais dans Petre ambigü, qui unit en soi les caracteres opposes. Tandis que pour le Timee "la nature unit en soi les termes contraires et elle est mixte: elle se forme de limite et d'illimite, de pera et apeiron" "Le monde est Pensemble de cette nature divisible et indivisible â la fois. " Pour le completer, il cite d'autres formes suivantes de la. dyade indefiıııie: le vite -le lent, l'exces -le defaut„ le grand- le petit, etc. Chacun d'eux, en variant sans cesse et sans fin dans son domaine propre, tombe sous le gene de Fillimite ou de l'indefini; car, ses composants etant inachevesr, deviennent alors illimites. Le rele de l'autre principe est celui d'une limite qui empeche les composants de la Dyade "de se comporter contrairement" et le donne la deter ınination et la loi; Comme s'il est le principe logique qui tâche de reduire l'irrationnel au rationnel. Aristote consacre un chapitre de sa Metaphysique aux idees precedentes de Platon et les critique severement. Dans la septieme partie de son livre, il expose le systeme des dyades: cela, pour Aristote, appartient â la philosophie orale du maitre qui n'a pas pris place dans ses dialogues. La logique des categories immuables d'Aristote, basee sur une conception biologique du monde, conçue selon les especes et les genres ne peut jamais accepter une conception basee sur la complexite originelle et indecomposable de la nature, dont ses aspects differents ou opposes sont complementaires. Une telle philosophie n'avait pu trouver echo parmi les successeurs d'Aristote, surtout ceux du Moyen - âge, car ceux - ci prenaient particulierement un Platon des essences separees, un Aristote de PActe pur, ou un Plotin qui met tout â la puissance de l'Un. Mais , â la Renaissance Nicolas de Cusa a accentue cette idee par sa theorie de Docta ignorantia et de coin,cidentia oppositorum; de meme Giordano Bruno dans sa theorie qui rapproche et unit le fini avec l'infini. Cependant, la recherche passionnee de la simplicite â la Renaissance, a entrave le developpement de l'idee la plus originale de Platon. Surtout 10
apres la victoire de la Pensee methodologique de Descartes. Plus tard Kant l'avait retrouvee dans sa theorie des antinomies dans la Critique de la Raison Pure. Chez Hegel la notion de complexite originelle prend une place fondamentale; et le pousse â la constitution d'une nouvelle logique de contradiction pour se delivrer de sa crise speculative. Ainsi, les antinomies non resolues de Kant trouvent leur solution dans la syntkhese dialectique de Hegel pour expliquer, â sa maniere, rationnellement le devenir de l'Esprit universel concret. Mais Karl Marx qui le suivit bouleversa cette methode: celle - ci est pour lui, la synthese de la nature inanimee. Au lieu de voir au fond de retre la complexite pleine de contraste,il met les deux termes differents l'un vis â vis de l'autre et tâche d'atteindre par leur conflit â la synthese ulterieure: si les etres n'ont pas de crise profon de, s'ils ne sont pas dans une ambiguite des termes contraires et complementaires, pourquoi les termes homogenes produisent un resultat totalement oppose â leur nature? Pourquoi devons - nous imposer â la nature une logique inconciliable avec son principe essentiel de noncontradiction, tandis que la fonetion de la logique n'est autre chose que de reduire l'irrationnel au rationnel ? Alors, revenons â Forigine de l'idee et disons avec Platon que les termes opposes sont dans l'etre meme; et celui-ci, par son essence, depasse l'intelligible. Si nous sommes â rechelle du relatif, nous nous contentons de prendre un de ces termes et nous pouvons l'expliciter par notre logique usuelle; ainsi nous passons alternativement d'un terme â un autre pour objectiver la nature complexe, pour le rendr'e dair et distinct. Si nous parlons avec les termes de la logique cartesienne nous devons dire qu'il n'y a pas un etendu et un mouvement simples, mais il y a le processus de simplification et eVabstraction progressives, des etendus et des 111011vements ,/des espaces et ,des temps, des faits et des ideaux qui sont, au fond du fait deux aspects contraires et complementaires d'un meme • etre extra - rationnel. Il sera cependant equivoque de parler d'un mixte en dehors des essences separees. A quoi sert leur union si elles sont, au commencement, distinctes ? Platon ne l'avait-il pas remarque dans le Timee en exposant sa theorie cosmogonique selon laquelle le monde procede d'une origine mixte et ambigüe ? Donc, la distinction est ulterieure. Cela etait vu par Schelling dans sa theorie de l'Identite, par Schopenhauer dans sa theorie de Volonte aveugle, par Ed. von Hartmann dans sa theorie de l'Inconscient, enfin, par Bergson dans sa theorie de l'Evolution Creatrice. Ce qui nous importe, c'est qu'on avait bien vu la posteriorite de la pensee mediate, mettant â part le fait et l'ideal, l'un etant le produit d'une objectivation
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grossiere, de premiere approximation, touchant aux qualites sensibles, l'autre etant le produit des objectivations progressives beaucoup plus fines, se ,dirigeant vers des structurafions axiologiques, tout en gardant contact avec lesdites qualites. Ainsi, se forment d'une part l'experience du monde sensible, d'autre part les valeurs du vrai, du beau et du bien qui depassent le domaine du reel, entrent au domaine du possible, des valeurs, ceci parce qu'elles enveloppent non seulement la presencei, mais en meme temps l'absence de l'etre, c'est â dire qu'elles embrassent l' Etre en tant qu'etre et devoir. A cette objectivation â la fois destructive et constructive nous appelons l'eMn vers Pideal. Elle est destructive, en ce sens qu'elle se forme par la negation progressive des donnees des sens, elle s'acquiert en se delivrant de plus en plus de leurs chaines spatio - temporelles; mais, elle est en meme temps constructive, parce qu'elle cree des structures plus larges renfermant l'experience du monde sensible comme un cas particulier. ,
L'elan vers Pideal, â la premiere etape, bien qu'il fut une negation des faits, â la seconde etape, est son affirmation et, pour ainsi dire, la decouverte de son unite originelle avec ses aspects complementaires et contraires, de son dyade.
DEUX ASPECTS DES STRES Aux debuts de notre siecle, une des revolutions scientifiques les plus interessantes etait la naissance de l'atomistique de Niels Bohr; pour la premiere fois on proposait une conception de l'atome basee sur Pidee de complementarite. Depuis lors, on a beaucoup parle de cette idee revolutionnaire, surtout apres Penonce du principe d'incertitude de Heisenberg et l'interpretation complementariste de Louis de Broglie. İci, nous nous permettons d'etendre cette conception aux divers rangs de la nature et de chercher ses consequences philosophiques, sa relation avec la logique classique. Recemment un tel essai etait fait par. Lupasco, mais dans l'inhention de donner une nouvelle interpretatiort â la dialectique hegelienne; ainsi, selon lui, deux aspects de la nature sont contradictoires; tandis que nous croyons qu'ils sont differents ou contraires, car autrement ils ne pourraient etre complementaires. Une autre tendance de logique plurivalente representee par Reiser, Korzibski et Mme. Fevrier-Destouches, pretend que cette complementarite dite contradictoire correspond â la logique non-aristotelicienne qui renonce â accepter le principe de non - contradiction. Cette tentative implique 12
une extension de la logique qui va jusqu'â la comprehension du contradictoire et, qui nous parait mpossible. i Cependant, il nous semble que toutes les tentatives similaires peuvent se converger vers cette idee de complementarite, ainsi que le principe d'incertitude de Heisenberg nous en donne une interpretation profonde: l'Indeterminabilite simultanee de la position et de la vitesse d'un electron sur .sa trajectoire nous empeche de comprendre dans l'echelle microscopique les relations causales. De provenait le courage de certains physieiens de parler d'un certain indeterminisme naturel mais Papplication du calcul des probabilites revele que nous sommes non pas devant les lois causales mais devant les lois statistiques. La crise surgissant du principe d'incertitude n'etait pas seulement consacree aux fantaisies du libre-arbitre mais elle etait devenue en meme temps, chez certains penseurs contemporains le pretexte pour nier totalement notre logique classique. Quoi qu'on pretende que le deveıııir abolira tertium non datur, celui-ci subsise dans les alternatives du devenir - le non devenir; ou bien si Fon suppose que le probable ait une valeur logique entre le vrai et le faux, en ce cas lâ nous pouvons dire qu'une chose ne peut etre la fois et sous la meme condition probable et improbable ou non probable. Alors, la complementarite de deux aspects n'exclut pas la contradiction logique, meme dans un regressio infinitum. Les contradiçtoires ne peuvent jamais jouer le role des termes d'une synthese qui les englobe. La philosophie et la science classiques acceptaient deux substances distinetes dans tous les regnes de la nature: la matiere - l'energie, l'orga nisme - la vie, l'âme - le corps, l'individu - la societe. etc. Actuellement nous ne pouvons pas parler d'une telle dualite des substances. Au contraire la science d'aujourd'hui nous impose d'accepter une fusion profonde d'une unite originaire qu'elle n'est autre chose qu'un systeme d'interaction, une sorte d'unite dans la multitude, oü chacun depend du tout et reciproquement. Un electron, un infinitesimal de mouvement est en meme temps un ıinfinitesimal de matiere. Un mouvement sans corpuscule et une corpuscule sans mouvement est une pure abstraetion. Elles sont deux aspects d'une unite originaire inherente â. la nature. Pour s'initier â une telle conception, il faut se convaincre que la logique d'Aristote n'a aucune validite ontologique et elle n'est que l'axiomatique formelle que nous pouvons appliquer â l'un de ces aspects complementaires; ainsi, nous commençons de les considerer comme des realites â part et distinctes. 13
Pour designer cette particularite des phenomenes, nous nous permettons de proposer le mot Dyade, employe par Platon et Aristote, mais dans une signification assez differente. La dualite d'objet et de sujet n'est autre chose qu'une dyade transposee au domaine epistemologique. Les dyades sont des realites ultimes avant toute abstraction que la physique nomme le quantum d'action, le continuum d'espace- temps, la chimie la transmutation des matieres, la biologie les chromosomes ou les particules potentielles du developpement organique, la science humaine la personne. Mais les sciences qui appartiennent â l'un de deux aspects les distinguent toujours d'une part en corpuscule, en espace, en matiere, en organisme et en individu, d'autre part en onde, en temps, en energie, en fonction vitale, en societe ou courant social. De lâ surgissaient les disputes sans relâche entre les differentes branches des mathematiques, entre la physique de l'onde et la physique de corpuscule, enfin, entre la psychologie et la sociologie. Alors, il nous semble qu'il faut commencer par une certaine science universelle qu'on peut nommer la dyadologie, et d'entreprendre l'analyse de deux aspects par une logique d'alternance qui n'est que l'application de la logique classique. Le monde on nous vivons et les aspects que nous pensons sont presque deux mondes distincts. Cela veut dire que nous sommes en presence de deux echelles dont la premiere correspond âl'univers macrophysique et l'univers vecu; et la seconde, coupant en deux la dyade illimitee et primordiale, contient deux univers penses, pluttıt deux structures qui s'opposent et se completent. La crise du mecanisme surgissait de l'ambition d'expliquer la dyade indefinie, l'ensemble de l'etre ambigü et illimite par une des structurations de ses aspects differents. Le parallelisme n'a pas pu se delivrer de cette crise: la psycho-physique, la psycho-physiologie, le behaviorisme et le positivisme sont les consequences de cette negation de la dyade- personne, ou Men du sujet - objet, tandis que celle - lâ ne peut se comprendre que par la personne, existant en soi et en autrui.
On peut representer le monde comme une infinite de dyades dont chacune reflete l'ensemble â sa maniere, en tant qu'elle en depend comme une partie integrante. Les problemes d'heredite et de milieu, d'intrinseque et d'extrinseque, de changement et de permanence, d'individu et de societe, de responsabilite et de sanction peuvent etre rattaches â ce probleme essentiel. Ainsi, dans un systeme d'interaction on la sphere et le centre sont partout, la contrariete inconciliable entre ces notions complementaires s'efface; par consequent, il ne faut jamais avoir 14
Paudace metaphysique d'un Hegel pour les rapprocher avec la logique de contradiction. Nous nous sommes habitues toujours â abstraire d'abord les deux faces des etres, et puis â les envisager comme des termes distincts ou contraires; ce qui n'est autre chose que la consequence de la confusion faite, depıiis Aristote, entre la logique formelle et le probleme orıtologique. Dans le regne hu ırıain la dyade prend la forme de fait -ideal. En tant que fait ou evenement historique, l'etre humain est corpusculaire ou discontinu: il se realise discretement et indefiniment en des faits â parti En tant qu' ideal , valeur ou courant d'idees Petre humain est presque ondulatoire 'ou Men continu: il se realise par des elans successifs, par des bonds qui s'emboitent et qui continuent. Ces deux aspects de l'etre humain sont complementaires et contraires.
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HUMANİSME DES CULTURES 1. Tout chemin mene â Rome. Il est possible de penetrer dans les problemes philosophiques par des chemins plus divers, â condition que ceux-ci soient d'une,nature â pouvoir nous mener â la base de la philosophie c'est â dire qu'ils forment non pas le point d'arrivee, mais le point de depart de toute recherche; tandis que ce point nous servira de guide en nous conduisant aux problemes plus abstraits et plus generaux. Ce ne sera pas tout simplement un prologue, une introduction, mais il nous servira du meme coup comm .e clef de la recherche, de maniere qu'en marquant seulement la direction nous aurons ulterieurement trace la perspective de toute une philosophie, nous aurons dans ses grandes lignes, une idee sur les points que cette philosophie pourrait atteindre. Les idees d'initiation que je presente dans ce livre ont pour but de preparer une tendance pareille. 2. Compose d'une serie d'articles lies entre eux d'un rapport intrinseque, bien qu'ils offrent une apparence d'etre detachee l'un de l'autre, ce livre comme les precedents d'ailleurs prend comme point de depart le probleme de la Morale. Pour justifier ce fait, on pourrait montrer deux mobiles assez differents. Il y a des philosophies dont le centre de gravite est constitue par la science, telle que nous voyons chez Auguste Comte et des philosophies dont le fondement est l'action; l'exemple typique, â notre sens, se montre chez Nietzsche. Il est vrai que ce sont les temperaments personnels et les conditions sociales qui determinent cette distinction. Mais, tela n'empeche pas que ces deux types de philosophes existent chez differentes civili1 La Morale de l'Amour parue en 1931, et La Societe et la Conscience Morbide, parue la meme armee, tous les deux en turc, ne sont pas traduits en français.
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sations et qu'un ecrivain puisse avoir des tendances vers Pun ou vers l'autre Le second point c'est que, toute la valeur de la pensee philosophique consiste â donner un sens et une direction â notre vie. Toutes les pensees non pratiques, inutilisables, irrealisables sont des fantaisies vaines et des jeux d'imagination, opposees du vrai et par consequent du philosophique. Cela vcut dire, le point le plus important lorsqu'on -aborde aux problemes philosophiques doit etre le rapport de la theorie et de la pratique. La plupart des malentendus -et ce sont les plus profondsparmi les systemes philosophiques resultent de ce probleme. L'idee de faire preceder toujours le probleme de la morale qui domine l'esprit de ce livre est, pour ainsi dire, le resultat du meme souci. 3. Dans l'histoire de la philosophie, la theorie et la pratique ont ete considerees souvent comme independantes l'une de l'autre en des choses distinctes; et pour expliquer le rapport entre elles ou leurs actions reciproques, on a ete oblige de reduire l'une â l'autre, ou, attitude plus difficile, encore , de rattacher â des principes independants, pour eviter les contradictions que cette reduction aurait pu causer. En effet, d'apres les dogmatiques peripateticiens, savoir, agir et faire sont des actes successifs de l'esprit humain, agir et faire ne pouvant etre deduit q,ue des principes du savoir .L'Ethique, la Politique et la Technique sont des applications et les consequences necessaires de la reflexion theorique. Autant que l'on croit que les principes de la raison sont eternels, immuables et infaillibles, il n'y aurait aucun inconvenient'd'en attendre des preceptes absolus pour notre vie, d'en tirer la regle de conduite ou de lui demander etre le. guide de la vie morale . Mais, le dogmatisme metaphysique a perdu son prestige â la suite des critiques de Hume, de Kant et de ses successeurs relativistes, surtout â la suite des critiques faites par l'empirisme logistique ou Men la metaphysique irrationnaliste depuis* 1925. On s'est habitue, depuis lors, d'accepter des principes independants de la raison theorique et de la raison. fratique. L'idee de Pimpossibilite d'un accord entre la raison et la foi etait dejâ developpee sous diverses formes, depuis Imam Ghazali, en passant par Blaise Pascal jusqu'â l'ecole ecossaise et la metaphysique d'aujourd'hui. ,
* Cette date correspond approximativement â la parution dos livres capitaux de Max Scheler et de Nicalal Hartmann, ete.
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La necessite de resoudre, â nouveau, la dualite de theorie et de pratique qui est en opposition avec l'idee de l'unite et de Pintegrite de la personne humaine, a mis au monde une nouvelle forme d'interpretation â partir de Nietzsche jusqu'aux pragmatistes. 4. Pour que nous puissions affirmer, du meme coup, l'existence distincte et de la theorie et de la pratique, et pour dissiper la crise resul_tant de leur independance, il ne nous restait plus qu'un moyen, c'etait de reduire la theorie â la pratique, ou plutöt tirer de la pratique les principes de la raison. Cette conception, loin de faire progresser Pidee par l'action, faisait construire meme l'idee par l'action. En ce cas lâ, on avait risque la validite de la theorie, de la science, ou ce que nous appelons d'une façon plus generale, les principes de la raison. Et, on peut dire, malgre l'attitude negativiste de William James, qu'on deduisait le croire du vouloir et qu'on expliquait la verite par la volonte. ,
5. Cette crise de la theorie et de la pratique que nous constatons dans l'evolution de la Pensee moderne vient directement de ce que l'on acceptait deux existences â part, ayant leur champs autonomes. Avant toute chose, il faut tenir compte que la theorie et la pratique n'ont leur autonomie ni envers le monde, ni envers la personne humaine. Et ces deux champs apparemment independants ne sont que deux aspects d'un tout que nous appelons l'acte pur, ou l'acte intentionnel, deux manifestations obtenues â la suite d'un artifice d'abstraction, et considerees comme des faits distincts. En effet, de meme que le philosophe hegelien Benedetto Croce attirait l'attention sur l'artificialite de la distinction de theorie et de pratique; de meme la phenomenologie attestait que toute la conscience n'est qu'un processus d'actes, c'est â dire, lesdits actes sont la conscience de quelque chose, et il est impossible de distinguer la conscience de l'acte intentionnel de son objet vise. Cette nouvelle interpretation peut facilement s'accorder avec la conception unificatrice de la science. Car, ainsi, nous ne sommes pas seulement devant le probleme de la conscience, mais aussi devant le probleme de Pe.tre. Par suite de ce courant, nous avons atteste que, non seulement tous les problemes philosophiques commencent par la morale ou Men ils la visent , mais ils presentent, aussi, directement l'aspect d'un probleme moral. 6. Apres avoir determine notre point de depart, nous pouvons passer â l'etude du probleme qui occupe une place capitale dans l'histoire de la Pensee moderne, celui du rapport du sujet et de l'objet. 19
Il est certain que celui-ci fut pose depuis que les recherches seientifiques et philosophiques ı ont pri le sujet comme base, c'est â dire, depuis le moment oiı on a accepte qu'on ne pouvait penetrer les autres problemes qu'apres avoir resolu le probleme de la conscience. A travers toute l'histoire de la philosophie, le sujet et l'objet ont ete consideres comme des entites distinctes. Pour pouvoir expliquer la connaissance, le fait de la presence necessaire de l'un dans l'autre, ou la comprehension de l'un par l'autre a pris un caractere paradoxal; et differentes theories de la connaissance se sont constituees dans le but d'echapper â cette difficulte. 7. Hâtons - nous d'ajouter, cependant, que le sujet dont nous parlons ici n'est pas celui dont s'occupe la psychologie consideree comme une science naturelle. Car la psychologie ne considere le sujet que comme un processus psychologique, et elle tend â prendre devant ce processus, l'attitude d'une science naturelle quelconque. D'abord, le psychologue, comme tout naturaliste, comidere le sujet en dehors de soi et tel qu'il est; il n'a pas besoin de revivre le sujet qu'il etudie. Comme le physicien, il manifeste devant le sujet â observer, une indifference absolue, indifference dans le sens d'Ure impartiale en ce qui concerne un choix affectif. Tandis que le philosophe devra retourner â l'acte pur et de vivre la naissance du processus sujet - objet dans l'experience vecue. En second lieu, la psychologie empirique ou genetique cherche, avant toute chose, comment les faits de conscience se sont produits, d'o ıl et comment ils sont nes. Elle s'occupe de ces faits, exactement de la mememaniere qu'un,geologue ou paleontologiste veulent expliquer la formation de la terre. Tandis que le philosophe s'interessera exclusivement avec le sujet, n'etant que le point de depart pour la connaissance et pour l'action qui en deriye. fl Est ce qu'il est legitime de parler , en effet, d'un sujet independant comme le point de depart et de la connaissance et de l'action ? Comment expliquer la relation avec l'objet, c'est â dire avec le monde ? C'est justement l'idee qui nous pousse â rechercher la relation entre le sujet et et l'objet, independamment de toute tentative d'explication de la psychologie empirique ou genetique. 8. Si nous laissons de ciite les realistes naifs, anciens et modernes qui s'appuient sur le sens commun et qui pretendent que l'intelligence peut se transcender par un acte de perception pour toucher directement 1 Surtout depuis Nvolution de la physiologie et de la psychologie de la perception.
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au monde exterieur, ceux qui se deprecient en niant la difficulte du probleme, nous trouvons deux theories diametralement opposees su ı la relation du sujet et de l'objet. La premiere est la theorie representationniste, dont sa forme complete et consequente aboutit â l'idealisme. Dans cette theorie, la lacune qui existe entre le sujet et l'objet est comblee par une representation, une image et un contenu intellectuel: ce que nous connaissons, ce 'fest pas l'objet proprement dit, mais ce sont les representations et images qui ne sont que sa copie ou son simulacre. Ou, en d'autres termes, ce que nous connaissons, ce n'est pas l'objet, mais elle n'est que sa copie subjective. C'est pour cela que, la premiere theorie va toujours â la rıegation partielle ou totale du monde exterieur et â l'idealisme. 9. En somme, elle n'est que la reduction de l'objet au sujet comme nous voyons clairement chez Berkeley, chez Fichte et meme chez certains physiciens modernes. L'idealisme a utilise surtout des arguments qui ne sont que la reduction de la perception aux qualites sensibles, et il a montre la dependance de ces qualites aux conditions physiologiques. Mais, admettre l'existence des impressions c'est admettre, du meme coup, l'objet qui nous les donne. Il est, peut - 'etre vrai de dire que les donnees immediates des sens sont soumises aux conditions physiologiques, quant â leur existence. Mais, il est tout â fait errone de dire que ces objets sensibles immediats dependent de l'esprit, qu'ils ne sont pas reels, meme quand nous les voyons , et enfin, ila ne sont pas le fondement milque de notre connaissance sur le monde exterieur. L'idealisme qui reduit l'objet au sujet ne peut pas accepter une conscience universelle et immuable qui sera la base pour la validite de la connaissance. Car, chacun des sujets existants percevra les autres n'etant que la somme des impressions. Ainsi, la representation du monde sera reduite dans chaque sujet â lui-meme; et la connaissance ne sera qu'individuelle et anarchique. Le 'solipcisme est la consequence d'un idealisme pousse jusqu'au bout de ses limites. 10. C'est pour ces raisons - lâ que dans le probleme de la connaissance surgissent des theories absolutistes oppposees â la theorie representationniste. Nous pouvons les appeler theories transcendantalistes, par ce qu' elles veulent prendre l'objet comme un Absolu. Les theories transcendantalistes avaient compris que se transcender est impossible pour les intelligences limitees ou si Fon veut, pour les sujets individuels; et, afin ,
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d'accomplir cette tâche que les philosophies du sens commun n'avaient pas reussi, ils ont introduit â la philosophie le concept d'Absolu. Nous rencontrons les exemples divers de cette conception chez les mystiques indous, chez Plotin, chez Spinoza et Hegel eI surtout chez Malebranche, Jacob Boehme et maitre Ekhardt. Parmi les penseurs islaniiques nous pouvons citer le grand Ibn Arabi, Mevlana Djelâleddin Rumi, Bedreddin. Le point commun entre ces theories absolutistes est la reduction du sujet â l'objet, pris comme un etre absolu: chez eux, l'objet n'est plus le monde des impressions particulieres des qualites sensibles, mais l'etre absolu et universel. Le sujet prend contact avec l'objet qui n'est que la chose en soi, la substance, Dieu ou la Nature. En somme, ce contact n'exprime que le fait d'etre absorbe par l'absolu. Essentiellement, cette maniere d'explication de la connaissance est anti-intellectualiste: Car, elle repose sur l'idee selon laquelle les sujets particuliers ne peuvent pas penetrer dans l'objet, et pour assurer cette penetration, il faut selon cette theorie une sorte d'unification, de fusion du sujet et de l'objet, oû elles proposent comme methode de comprehension des etats affectifs, telle que l'extase, l'enthousiasme, l'etatmystique de l'experience vecue. La logique dans leurs mains est transformee en une dialectique absolue et anti-intellectualiste. Le mysticisme, aussi Men dans ses formes les plus enrichies par la dialectique idealiste ne peut pas assurer la clarte et la validite dont la connaissance exacte exige. Car, l'Absolu, en tant qu'etre illimite, inabordable nous empeche de voir les relations entre les realites telles qu'elles sont, de distinguer la diversite et les varietes de la verite. L'absolu ne signifie pas l'unite et la totalite des realites, mais le non-relatif, l'infini comme le contraire du relatif et du fini conquis par l'intelligence, bref un concept negatif et infranchissable pour l'intelligence. C'est pour cette raison, qu'une telle philosophie anti- intellectualiste et extra-scientifique est aussi kin du pluralisme relativiste que du monisme exprime par l'idee de l'unification de la science. 11. En somme, ces deux tendances, opposee l'une â l'autre, ne peuvent pas resoudre la difficulte. Car. la crise veritable, comme nous l'avons deja souligne, provient de la distinction artificielle et abstraite de l'objet et du sujet. Ainsi, un mouvement tout recent de la philosophie depassant cette distinction artificielle entre la conscience fermee et l'objet vise parait avoir resolu une grande part des difficultes surgissant dans la philosophie depuis le dualisme celebre de Descartes. 22
En effet, Husserl et ses continuateurs phenomenologues ont affirme que la conscience est toujours la conscience de quelque chose, elle n'est pas la substance distinete de l'objet vise. Elle est un processus, une sorte de faisceau lumineux des actes intentionnels. Tout acte de conscience est un acte de cogitation qui vise le cogitatum. Elle est sujet, en tant qu' elle est une orientation des experiences vecues, elle est objet en tant qu'elle est l'etat de chose (Sachverhalt) vise. L'objet n'est pas une impression venant de l'exterieur, mais quelque chose qui se trouve dans l'acte - meme, cependant heterogene â elle. Tout acte de perception implique en meme temps un perceptum, tout acte' de conception un conceptum. Quelques uns, en simplifiant cette theorie, veulent la reduire â la philosophie du sens commun. Mais cette interpretation ne nous parait pas admissible: parce que pour la philosophie ecossaise, aussi, le point de depart etait la separation rigoureuse entre le sujet et l'objet. 12. Pour Kant, les intuitions qui forment la base de la connaissance ne sont pas des elements simples, distincts et essentiels, mais elles sont la synthese des formes â priori et des phenomenes provenant de l'experience. Toute categorie qui construit un objet de connaissance a un pouvoir generateur. Selon notre conception, l'intuition qui forme la connaissance est un element total et essentiel. Elle n'est pas generatrice, elle n'est qu'un acte d'attention. Elle ne forme pas, mais elle fixe. D'apres Kant, chaque jugement est une relation ideale entre le sujet et le predicat, et elle forme la structure ideale de notre connaissance. Tandis que pour le phenomenologue le jugement est un acte intentionnel de second ordre. Il differe des autres de ce point que, l'intentionnalite est dirigee non pas sur une chose, mais sur l'etat d'existence (Sachverhalt) d'une chose. Par exemple, dans le jugement l'arbre est vert, intentionnalite est dirigee sur le Sachverhalt qui n'est que la verdure de l'arbre. Dans chaque jugement la copule "est" exprimant l'existence des choses est une categorie. Mais cette categorie n'est pas, comme l'avait compris Kant, une categorie ideale, ou bien, si l'on veut dire, subjective, de la conscience. Elle est inherente â la nature de l'acte, et uppartient aux objets. Les eategories sont les essences reelles exprimant les choses elles-memes. Elles sont â la fois eidetiques et intemporelles. Elles ne ressemblent pas aux categories ideales de Kant, parce qu'elles ont le contenu et elles sont reelles ı . Elles different en meme temps des faits 1 Quoique l'ontologie formelle de Husserl admet une forme vide, celle - ci est consideree dans sa logique transcendantale comme un objet vise par la conscience et qui la transcende.
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conventionnels et empiriques, parce qu'elles sent intemporelles et immuables. Cependant, il y a aussi des categories purement formelles. Ce sent sans doute, les formes separees par abstraction de leur contenu: tel que l'unite et la pluralite, la relation, le tout et la partie, etc. 13. Maintenant, pour etudier les principes universaux de notre connaissance, nous pouvons aborder l'analyse des jugements. Depuis Kant, les jugements ont ete an.alyses de plusieurs manieres. Leur division en jugements analytique et synthetique est valable seulement pour une philosophie idealiste affirmant que la connaissance n'est que constructive et synthetique. Selon Lachelier, les propositions peuvent 'etre divisees generalement en deux: a) proposition d'inherence: l'homme est mortel, Socrate est un homme, etc. b) proposition de relation: Ankara est bin d'Istanbul. Aristote avait etudie seulement le premier genre et toute sa logique etait basee sur celui-ci. Elle consiste par le concept de classe. Brunschwicg l'avait designe, non sans raison, comme la logique des classes. Tandis que les veritables propositions que la science utilise et celles qui expriment la relation de fonction entre les phenomenes sent du second genre. Ce que nous insisterons ici, ce sont surtout les jugements de relation. 14. En Turquie, depuis Ziya Gökalp, en suivant la sociologie durkheimienne, on s'est habitue de faire la distinction entre le jugement de realite et le jugement de valeur. On distinguait le jugement de realite par sa constance qui provient de son appartenance â l'existence et le jugement de valeur par sa variabilite selon les representations collectives. La terre tourne autour du soleil est un jugement de realite; cet acte est juste, ce monument est splendide sont des jugements de valeur. Tout jugement de valeur appartient, dit-on, non pas au contenu, mais â la forme de la representation. Toutefois, une telle distinction est-elle legitime ? Les caracteres qui les distinguent ne sont ils pas superficiels et apparents ? La sociologie française representee par Emile Durkheim etait basee, sans doute, sur cette distinction radicale: les jugements de valeur forment le fondement des representations collectives, tandis que les jugements de realite ou d'existence forment la base de la science. Mais, il nous semble que cette distinction n'est pas toujours valable; car, d'abord, les jugements de realite comme ceux de valeur sent aussi relatifs et variables. Le jugement tel que la terre tourne autour du soleil n'est valable que depuis Copernic. Ensuite, les jugements de realite aussi ont une forme et un contenu comme les autres: dans le jugement tel 24
que tous les corps tomhent, le contenu de la chute des corps se trouve dans la forme de tous. Enfin. la difference de subjectivite et d'objectivite est un critere confus. 15. Si la distinction n'est qu'apparente, il nous reste â eclaircir: lequel est reductible â l'autre. En effet, ce qui est le plus vraisemblable c'est reduire les jugements de realite â ceux de valeur. Puisque les arguments que nous avons exposes nous montrent qu'ils ne sont pas invariables, objectifs, il ne nous reste qu'â Bire qu'ils sont ideaux et relatifs comme les autres. Ainsi, quelques philosophes idealistes, par ex. J. M. Baldwin considerent le jugement de realite comme une sorte de jugement de valeur soumis â la categorie historique. Si c'est vrai, la science et la philosophie, aussi, sont des valeurs sociales parmi les autres. La science, etant une valeur sociale, est collectivement pragmatique pour la meme raison, la verite est, dans le sens social, ideal et pragmatique. Elle est transsubjective et universelle, parce qu'elle est communicable entre les individus, et parce qu'elle est plus ou moins constante dans des conditions determinees. Mais, elle est relative et praghı atique, parce qu'elle est variable suivant les besoins des eivilisations et soumise â. la categorie historique. Ainsi, la theorie sociologique de la verite, en la faisant une valeur parmi les autres valeurs, elle l'a detrene de son role d'arbitre objectif et voulut donner ce role â la Societe hypostasiee. Cette tentative de reduetion des jugements de valeur et de realite a-t-elle reussi? On peut veritablement en douter. Car, d'abord, la societe est une donnee empirique de nos experiences. Pour affirmer son existence, nous devons trouver une base a priori. Apres avoir admis la relativite de toutes les categories, vouloir les poser sur une donnee empirique ne nous donnera jamais le critere que nous voulons chercher. Ensuite, comme nous l'avons dejâ vu, tout jugement au lieu d'etre une relation entre deux concepts, est un acte intentionnel categorique visant un etat d'existence. Ainsi, dans chaque jugement le contenu existe inseparablement. Et, ce n'est pas seulement pour les jugements d'existence, mais aussi pour ceux de valeur. Dans le jugement tel que cette femme est belle, l'acte intentionnel vise la beaute de la femme. La beaute n'est pas une qualite venant de l'exterieur, mais une essence intrinseque. Elle n'est pas independante ni de l'objet ni du sujet. La beaute de la femme doit etre etudiee comme une essence (Wesenschau) 1 E. Durkheim, Sociologie et Pragmatisme
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de la meme maniere que la verdure de l'arbre. Alors, les jugements de realite et de valeur, correspondant â l'essence (Wesen) ont le meme caractere. Et par consequent, on ne peut pas les distinguer par nature. Tous les deux representent l' ınlion entre le sujet et l'objet. Tous les deux sont ideo-reels. Nous pouvons les distinguer, exclusivement de ce point de vue, que les jugements de realite appartiennent â la sphere de fait, c'est â dire les essences realisees dans les objets concrets, tandis que les jugements de valeur appartiennent â la sphere d'ideal, 'c'est â dire les essences abstraites dont leur realisation n'est que possible. C'est pour cela qu'il est preferable de nommer les premiers jugements de fait - et les seconds jugements d'ideal. 16. Les jugements de fait appartiennent â la sphere de la realite. La sphere du reel est limitee, finie, imparfaite. Dans cette sphere, il n'est pas possible de chercher ni l'universalite ni la perfection. Tandis que les jugements d'ideal appartiennent â la sphere du possible, laquelle, en oppositiorı â la premiere, est illimitee, infinie et parfaite. Cette sphere est le regne de l'universel. Cependant, la sphere du possible ne se distingue pas de la sphere du reel, comme l'idee se distingue des choses. Parce que, le reel et le possible correspondent tous les deux aux essences ideo - reelles. Ils different l'un de l'autre de la meme maniere que le fini et l'infini, le present et le futur, l'actuel et le virtuel. Dans notre point de vue, le concept infini n'est pas pris comme un concept negatif et privatif, mais, au contraire comme un concept essentiel et positif, de la meme maniere que le concept transfini dans les sciences mathematiques. Ainsi, nous nous trouvons dans un etat de recreer la conception de science du possible de Wolff, d'une façon tout â fait nouvelle. Conformement â notre point de vue, l'idee de perfection doit representer un monde dont la realisation est logiquement possible. 17. Emile Meyerson avait montre, non sans raison, dans son Identite et Realite que la distinction des jugements en anlytique et en synthetique n'est pas admissible. Le jugement mathematique de 5 + 7 = 12 n'exprime pas la proposition sept et cinq est douze, mais sept et cinq font douze. C'est pour cela que tout jugement, qu'il soit jugement de fait ou d'ideal, ajoute quelque chose â notre connaissance, et fait progresser notre pensee. L'identite n'est pas une simple tautologie.° D'autre part, suivant les memes principes que nous avons participe, la distinction des jugements en a priori et en a posteriori ne nous 1 Contrairement â la pensee du cercle de Vienne represente par Carnap, Schlick, etc... selon laquelle tous les enonces mathematiques sont tautologiques.
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parait pas soutenable. Car, etant donne que tout jugement est une constatation du contenu objectif (=Sachverhalt), mais n'est pas un acte synthetique et constructif de l'intelligence, des lors, on ne peut pas parler des conditions apriori de l'experience. İls sont inherents â l'experience, et procedent de lui. La condition qui ne se manifeste ni avant ni en dehors de l'experience ne peut pas etre corısideree comme a priori. Ils se trouvent inseparablement lies dans l'unite sujet - objet. Dans l'apprehension de l'essence des choses (=Wesenschau) la matiere et la forme font un tout originaire avant toute composition. Par consequent, on ne peut pas dire que la matiere depend de la forme, ou la forme de la matiere. En effet, les scolastiques en soutenant l'idee de dualite toute artificielle, cherchaient dans la matiere ou dans la forme un principium individui, et tombaient dans-un cercle vicieux. Tandis que Kant, par sa distinction celebre entre la matiere et la forme dans la sensibilite transcendentale creait une autre crise dans le probleme epistemologique: la separation des jugements en a priori et a posteriori l'avait pousse r ıecessairement â l'affirmation de la valeur ideale et constante des verites mathematiques; tandis que le progres des geometries non-euclidiennes, et surtout la concordance de ce progres avec la nouvelle physique a revele, dans toute son evidence, l'impossibilite d'une telle interpretation. 18. En somme, nous pouvons faire une autre distinction des jugements au point de vue du contenu objectif qu'ils viennent de yiser. En effet, un jugement vise ou hien l'etat d'existence ideale, ou Men l'etat d'existence reelle des choses. Entre ces deux etats, nous sommes enclins de voir une relation de complementarite qui nous parait donner la verite. Selon le sens commun, la verite se definit par la conformite de la connaissance au fait. Tandis que la verite n'est pas seulement dans le fait , mais dans le fait complete par l'ideal. Ainsi , tout jugement qui correspond exclusivement aux faits est un jugement contingent; s'il correspond au fait complete par l'ideal, il est un jugement necessaire. Pour ainsi dire, le fondement de l'induction n'est pas autre chose que de completer les jugements de faits par les jugements d'ideal. 19. Les jugements d'ideal constituent un systeme d'hierarchie des valeurs qui aboutissent, en definitive, au jugement de perfection. Au premier degre de cette hierarchie des valeurs se trouvent les jugements d'agreable et desagreable.Puis,viennent les jugements de vitalite,ensuite les jugements de beau et de laid. Au fur et â mesure qu'on monte dans la hierarchie, chaque degre devient beaucoup plus proche au jugement de perfection: l'agreable est un acte intentionnel dans 27
lequel nous est donne primitivement la conscience de la perfection par notre affectivite: alors, l'agreable est un jugement de valeur. La vitalite est un degre superieur â l'agreable, c'est â dire un jugement beaucoup plus proche au jugement de perfection. Le jugement de vitalite est un acte intentionnel par lequel nous- aspirons quelque chose par le pouvoir de nos instincts vitaux. Le beau est superieur â l'agreable et au vital. La beaute est une sorte de tentative pour la realisation de l'ideal par le moyen de l'agreable et du vital. Le beau est la manifestation partielle de la perfection formelle qui existe abstraitement dans les formes mathematique4 et logiques. Ainsi, Poincare en s'appuyant sur une opinion de Tolstoi l'avait prevu par une intuition mathematique dans la Valeur de la Science. ,
Tout jugement d'ideal repose sur un autre jugement d'ideal qui le precede, et il ne consiste que par ces precedents. Par consequent, si les jugements d'agreable et de vital n'existent pas, il n'y aura pas le jugement du beau. Le sentiment de beaute est un acte intentionnel dans lequel nous est donne la conscience de perfection par une intuition intellectuelle, mais qui englobe les jugements precedents: Une sequence logique ou une figure geometrique qui ne contiennent pas les jugements d'agreable et de vital sont des jugements abstraits 20. Le systeme de la hierarchie des jugements d'ideal exprime aussi en meme temps une extension des valeurs au point de vue de l'universahte. En effet, le jugement d'agreable appartient aux choses particulieres. Le jugement vital comprend seulement les etres animes, ou bien tous les etres consideres comme animes par metaphore. Le jugement esthetique est capable d'exprimer dans un sens kantien, la nature comme un tout organique. Les jugements d'ideal expriment, d'un autre cöte, l'evolution de l'affectif vers l'actif et intelleetuel. Les jugements d'ideal, au fur et â mesure qu'ils sont evolues et universalises, s'eloignent des jugements de faits. Par consequent, le jugement dû beau est affectif et intellectuel. Au degre le plus haut de cette hierarchie se trouve les jugements logiques et mathematiques. Elles forment le prototype pour tous les autres jugements. Au lieu de contenir les autres jugements d'ideal, ils sont au contraire depourvus de tout contenu, et ne sont que des jugements purement formels. Des lors, on ne peut pas les nommer exactements des jugements d'ideal. Ils ne sont que le prototype pour signaler le point ultime et abstrait de perfection des jugements d'ideal. Les jugements de fait sont contingents et empiriques; les jugements d'ideal, selon leur degre de perfection, sont plus ou moins necessaires et
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logiques. Etant le prototype des jugements d'ideal, la necessite ultime n'apparait que dans les jugements logiques et mathematiques. Autant qu'ils sont formels, autant qu'ils tendent â etre impersonnels. 21. Jusqu'ici nous avons etudie les jugements d'ideal impersonnels. En effet, le caractere commun de ces jugements est d'etre exterieur â la personnalite, et d'apparenter avec les choses. Etre agreable, etre vital ou beau ne correspondent pas â la personnalite, ils ne sont que l'apparition exterieure non-personnelle des valeurs. Maintenant, nous etudierons l'ideal manifeste dans la personne. Il ne correspond pas au corps humain, â son apparence, mais â l'essence, â l'acte de l'homme, il ne se realise que dans l'acte d'une personne. On peut meme dire que la personnalite consiste dans cette valeur: elle commence d'abord par l'utile et le nuisible que nous designons valeur economique. Elle est personnelle, parce qu'elle procede d'une personne; elle est subjective, parce qu'elle correspond aux besoins d'un sujet.* Un acte utile, en s'elargissant vers un cercle plus ou moins vaste de sujets, peutetre inter-individuel, mais il ne devient jamais collectif. Au second degre vient le jugement moral, que nous exprimons par le bien et le mal. Une bonne action est une valeur supra-subjective et personnelle. Le bien correspondant non pas au sujet d'agent moral, mais au moi d'autrui, est toujours supra - subjectif. Cependant, puisqu'il procede librement d'une personne, il est personnel. C'est pour tela qu'il est superieur â la valeur economique. Un acte de bonte etant toujours commun entre les individus et en dehors des sujets, est contagieusement collectif. La sanction du bien est toujours la conception collective qui n'est que l'opinion publique, sens commun, moeurs et coutumes, etc. Enfin, au degre plus haut vient la valeur juridique qui se manifeste en jugement de juste et d'injuste. La justesse est une valeur objective ideale et personnelle. La realisation de la justesse est la justice. La justice etant le supr'eme degre des actes de valeurs personnelles, implique virtuellement le bien et le mal. C'est pour tela que la Politique implique l'ethique et Peconomique. * İ ci nous prenons le sujet du besoin, mais non pas son objet qui est absent et qui depasse, par suite, la conscience. 1 Justifier cette conformite par l'intervention de Dieu, par la constance et l'immuabilite de la conscience, ou par l'utilite pratique de l'action sont des tentatives successives pour expliquer le concept de verite. Mais, toutes ces theories ne sont pas satisfaisantes, car, aucune ne peut progresser l'idee de conformite du jugement au fait , en tant qu'elle reste dans la sphere des doımees sensibles ou intelligibles.
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22. On voit que les jugements d'ideal se divisent en deux,groupespersonnel, impersonnel. Cette division, se basant d'un cete sur la distinction de formel et de materiel et l'existence de l'un impliquant, d'autre cöte, celle de l'autre, nous atteste une certaine hierarchie progressive. Un acte juste doit etre, vrai, bon et, dans une signification large de l'harmonie esthetique du monde spirituel, aussi beau. Mais, un jujement vrai ne doit pas toujours etre bon et beau, ou une bonne action n'est pas toujours juste. Car, dans le premier la valeur impersonnellc n'englobe pas la valeur personnelle; dans le second, un degre plus restreint des valeurs personnelles ne peut pas contenir le degre plus vaste. C'est pour cela que la justice englobe tous les jugements personnels et impersonnels. Ainsi, nous pouvons conclure que les valeurs impersonnelles dependent des valeurs personnelles. 23. Nous avions pose le probleme de l'etre et de l'homme, comme le probleme le plus essentiel de la philosophie; nous pouvons montrer aussi le probleme de la personnalite comme le probleme essentiel de l'ordre ideal. Dans cette conception, la personnalite est le point de depart de la philosophie de l'action. Pour comprendre en quoi consiste la personne, il faut envisager d'abord les theories opposees sur ce probleme. Selon la theorie intellectualiste, la personne n'est que la projection de la nature et de la societe dans la conscience de l'individu. Les valeurs appartiennent ou bien comme chez Leibniz â l'etre, ou bien comme chez Durkheim, â la societe; mais, pour tous les deux elles sont supra-individuelles et exterieures. L'homme n'est que le reflet ou le miroir de ce monde des valeurs q ııi lui est superieur. La personnalite est une monade. Selon la theorie vitaliste, la personnalite est le resultat de l'activite vitale de l'individu. La nature,et la societe la subordonnent et ne sont que son reflet. Les valeurs ne sont pas transcendantes et independantes de l'homme, mais, elles sont creees par l'homme. Elles sont creees ou bien par le surhomme, tel qu'on avait atteste par Nietzsche, ou bien par la collectivite, tel qu'on avait soutenu par certains pragmatistes. 24. Ces theories, aussi bien que les prededentes sont insuffisantes pour expliquer la personnalite comme l'origine et la source du monde des valeurs. Car, d'abord,la premiere conception rattache la personne aux valeurs impersonnelles et supra-personnelles. Cela va sans dire qu'elle veut expliquer le personnel par l'impersonnel. La seconde conception s'attache par contre â expliquer l'impersonnel par le personnel. Tandis que les valeurs ne sont ni la projection dans la conscience de l'individu, ni la creation 30
par l'esprit de l'individu. La valeur n'est qu'une essence qui surgit pendant l'interaction que nous disons indiviclu-societe, et qui exprime l'ordre ideal de la relation de l'homme et de Pare. 25. La personnalite etant un processus evolutif, une formation dynamique, il est impossible qu'elle surgisse de toute piece. En effet, elle a une perspective et une histoire.Jusqu'â present nous l'avons etudie comme un acte extra-temporel. Mais, considere comme un fait, nous devons l'etudier en tant qu'un etre temporel et conditionnel. De ce point de vue, la formation de toute personnalite depend d'un ensemble des • conditions complexes concernant la relation d'individu-societe; et, elle a double evolution phylogenique et ontogenique. La premiere dans 1'histoire de l'humanite et la seconde dans celle de l'individu attache â un groupement. En tete des conditions sociales, indispensables pour la formation de la personnalite, nous pouvons citer les formes de relations de l'homme avec la nature, les formes de productions, etc, bien que toutes ces conditions ne forment pas la personnalite, mais preparent le terrain inevitable pour sa formation. Nous voyons trois etapes dans l'evolution de la personnalite 1) le sujet est absorbe par l'objet, c'est la periode mystique dans l'histoire des peuples ou la periode animiste dans la croissance mentale de l'enfant. 2) l'objet est absorbe par le sujet: c'est la periode romantique dans l'histoire des peuples, ou la periode egocentrique chez l'adolescent. Dans tous les deux il ya subordination entre le sujet et l'objet. 3) Il ya une etape dans laquelle n'existe auc ırne subordination entre les deux termes. Il y a seulement coordination entre le sujet et l'objet. C'est la periode realiste dans la vie des peuples et des individus. 26. Les jugements, de fait, appartenant au meme plan, presentent les m'emes degres progressifs. Ce progres nous mo ıftre l'existence d'un temps ontologique. Le temps psychologique que nous avons experimente sous des formes du passe, present et futur n'est que la representation du premier. Le temps ontologique est un continuum d'espace -temps, selon la conception. d'Alexander °, dont tous ses points et instants inter1 Le philosophe anglais qui a pubW son livre capital Space, Time and Duty au &but de • notre siecle. -
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penetres dominent dans le monde physique, • organique et humaine, non comme une forme, mais eomme une emergence. Il est la realite du monde non pas dans l'eternel present, mais dans un devenir, un passage du passe vers le futur. C'est pour tela, les spheres de l'etre visees par les jugements de fait et d'ideal ne sont que des coupures faites par nous, par rapportâ notre point de repere.A mesure que celui-ci change,la distinction entre le fait et l'ideal aussi sera changee. Alors, les veritables jugements qui nous renseignent sur l'emergence du monde ne sont ni les jugements de fait, ni les jugements d'ideal. Il. sont les jugements de verite qui ne sont que la connaissance evolutive du continuum de l'espace temps, du passage concret et dialectique du monde. 27. Donc, la verite est dans la synthese du fait et de l'ideal. Mais, cette synthese n'est pas quelque chose de supra-logique telle qu' on voit dans la dialectique des philosophies transcendantalistes.Car, ici, le ş\choses composees, les termes de la synthese sont de la meme nature, deux parties qui se completent ou deux etapes d'une existence en progression. On ne juxtapose pas des choses originairement distinctes par une methode supra-intellectuelle; mais on expose et on demontre l'unite essentielle et evolutive des deux aspects des etres, artificiellement separes par l'introspection. En effet, ki l'intelligence pour demontrer cette unite commence par etudier les termes qu'elle contient. Par consequent, on peut parler ici d'une dialectique intellectuelle. Chez. Platon et chez " Hegel, la dialectiq ııe avait une nature ontologique, c'est â dire elle servait â construire la realite transcendantale. Tandis que chez nous la dialectique est de nature logique: 'c'est â dire, elle sert â demontrer. Chez eux la dialectique etait trascendante pour aboutir â l'Absolu; tandis que chez nous elle n'est qu'immanente et relative pour demontrer l'unite dans la multitude evolutive de la nature, et par suite elle nous suggere une vue mono- pluraliste. 28. Notre point de vue, bien qu'il presente beaucoup de ressemblance avec le moralisme de Max Scheler, en est assez different dai ıs ses consequences personnaliste theiste. Chez nous, la persokınalite n'est possible que par l'existence d'une sujet i ııdividuel et il n'y pas les personnes supra - humaines. Les societes, etant representees par des personnes reelles n'ont pas une personnalite independante des individus. A fortiori, il n'y pas des personnalites transcendantes de la nature, par exemple une personnalite divine incarnee sur laquelle M. Scheler insiste beaucoup. Cependant, notre attitude n'est pas conciliable avec celle de N. Hartmann, qui refusant le personnalisme de M. Scheler, admet pour32
tant les valeurs comme des essences au delâ de rexistence, en renouvelant, le platonisme dans une forme moderne. Dans ce dernier, il y a une sphere des essences de valeur, independante des hommes et de la realite exterieure. Il parait que nous sommes devant un spiritualisme metaphysique, s'inspirant partiellement de la theorie de l'esprit objectif de Hegel. Selon. Nicolai Hartmann, les essences des valeurs ont la meme nature que celles du monde logique et mathematique. 29. La forme la plus generale des jugements de fait, et le terme de leur objet est la Nature. En effet, la nature, bien qu'elle presente une variete et richesse en tant qu' objet de nos experiences, est toujours reelle et limitee. Elle delimite notre pensee, et nous oblige â etre conditionne. Dans la nature, l'existence de ces conditions se manifeste sous forme de renchaınement des faits dans l'espace et dans le temps en series causales. C'est pour cela que la nature nous pousse â la recherche des causes. Hamilton disait que penser c'est limiter. Tandis que c'est la nature qui delimite notre connaissance et qui l'encadre par des conditions d'd'espace et de temps. Pour que la nature soit admise comme un absolu, on est oblige qu'elle soit limitee en un systeme; c'est â dire en pantheisme. Donc, les philosophies qui ont pour objet la nature absolue tendent vers le pantheisme. Celui-ci est l'encadrement de la nature indefinie dans un systeme des deductions. 30. La forme la plus generale des jugements d'ideal est le concept. Le concept, malgre la ,diversite et la variete de nos observations reste identique; il est illimite et infini, tandis que les observations sont limitees et finies. Le concept, pour ainsi dire, est la porte ouverte pour le monde des possibilites. Il y a lâ des choses conciliables avec les faits, il y'en a d'autres qui ne le sont pas. Bref, le concept est, avant toute chose, extra - temporel et extra-spatial, Et, par consequent, la finalite domine dans le monde des concepts, au dessus de la succession et de la causalite. Toutes les recherches faites dans le monde des possibilites, les sciences philosophiques et mathematiques, sont developpees dans et par le concept. De ce point de vue, nous devons rappeler surtout les recherches de O. Hamilton, de A. Spaier et de l'ecole de Würzb ourg. Cependant, de meme que la nature, la forme la plus generale des jugements de fait nous pousse vers le pantheisme, de meme le concept, la forme la plus generale des jugements d'ideal, nous oblige â etre enferme dans ridealisme restreint. Voilâ, la crise gnoseologique dont nous avions dejâ parle. 33
31. La dialectique q ııi n'est que Pintegration d'une idee par une autre idee on par son contraire, a subi des grands changements depuis Platon. L'erreur essentielle de la dialectique platonicienne c'est de chercher Punification des essences, d'abord prise comme independantes et contraires Pune â l'autre. D'apres Platon il y a deux sortes de dialectiques: l'une se rapportant â la nature, l'autre se rapportant aux Idees. La premiere est entre le monde sensible et le monde intelligible. La seconde est entre les Dyades du monde intelligible. Toutes les deux, ensemble, forment les deux aspects de la dialectique platonicienne, transcendante et surnaturelle. De meme, les deux mondes qui restent d'abord separes l'un de l'autre dans la philosophie platonicienne ne sont concilies que par l'extase mystique chez Plotin. L'opposition de la philosophie moderne contre la dialectique ancienne provient de son caractere transcendant et surnaturel.° 32. Pour la premiere fois Hegel a immanentise et aboli la contrariete entre deux mondes. Cependant, sa dialectique, aussi, reste absolutiste. Celle-ci visait par la syr ıthese des contraires non pas pour demontrer la verite, mais pour construire la realite totale. Par consequent, elle est avant tout, un constructivisme, un systemu artificiel. Pour coroprendre la nature de cette artificialite il faut regarder de plus pres le fondement du systeme: celui qui n'est pas encore, devient ensuite, le devenir est Punite de Pare et du non - etre. Hegel, part de l'idee de l'Etre en soi absolument indetermine. Ainsi, en prenant le concept de l'Etre comme le fondement de la Pensee, en disant que sa caracteristique est indetermination, peut - on conclure le concept du Devenir. Hegel le confirme. Car, selon lui un etre comme tel est inconcevable. En le supposant comme clepourvue de tout contenu et absolument indetermine, il l'admet comme identique au non-etre; et, c'est ainsi que ce qui n'est pas encore se transforme en etre, c'est â dire il devient. Mais, en effet, si ce caractere d'indetermination absolue met l'etre en etat du non-etre, alors il faut que l'unite de Petre et du non-etre qui produit le devenir soit aboli. Car, si Petre est identique au non-etre en un sens, et tout â fait different de lui en un autre sens, alors il sera un etre qui n'est pas non-etre, et un non-etre qui n'est pas 'etre; ainsi l'unite dans la multitude du changement qui est indispensable pour le concept du devenir sera perdue. Par consequent, nous avons devant nous deux concepts morts, deux abstractions de Pintelligence qui sont 1 Ceux qu'il s'agit ce sont les dialogues de l'âge mûr du philosophe, mais non pas ceux de sa vieillesse que nous avions parM dans l'Introduction.
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contradictoires, cependant incapables
cl'integrer et de completet
l'un par l'autre. En somme il y a deux inconvenients qui surgissent de la dialectique hegelienne: le premier est ce qu'elle -S'efforce synthetiser les concepts abstraits, artificiels. Au lieu de prendre l'acte de pensee en lui-meme, elle prend son scheme ideel qui n'est que son produit. Le second, au lieu de faire la synthese des elements complementaires l'un par autre, en allant par une voie anti-intellectualiste, elle veut faire la la synthese des contradictoires, et pretend abolir les antinomies exposees par Kant Pour se delivrer des antinomies pareilles il ne fallait pas les concilier, il devrait "d'abord chercher s'il est legitime ou non de poser les antinomies. Ce petit essai est ecrit pour substituer â la dialectique hegelienne une autre qui n'est pas constructive, mais demonstrative; et pour synthetiser non pas les contradictoires, mais deux elements progressifs de la verite qui se suceedent et se completent l'un l'autre. 33. Maintenant, il ne nous reste qu'â appliquer cette dialectique au probleme de l'etre et de l'homme, c'est â dire â l'Ethique; et de chercher comment nous pouvons tirer de la verite d'Ethos la connaissance, la morale et la politique. En effet, c'est par l'eclaircisssement de ce point que nous avions dejâ vu comment- on peut se delivrer des crises de l'absolutisme et de l'idealisme; ainsi, nous nous eloignons de la meme façon des crises nees de la separation des valeurs et de la realite, et des vaines oppositions entre le • realisme et l'idealisme. D'abord, la connaissance n'est qu'un processus des actes intentionnels qu'on peut reconstruire intellectuellement comme la synthese du fait et du possible. Tout acte de ce processus est une intuition qui represente l'unite de sujet-objet. Ainsi, toute intuition, ou lieu d'etre une poussee de la conscience qui veut se transcender, en dehors de soi-meme, elle est un acte de conscience qui n'est que sujet et objet â la fois. Donc. la connaissance par sa nature meme est transsubjective. Car, n'etant pas inherente au sujet et ne dependant pas du sujet, toute intuition visant un objet se differe des etats de conscience, du sens intime, des images representatives, en un mot de tous les phenomenes qui sont l'objet de la psychologie empirique. 34. Mais, la connaissance totale et adequate, malgre la conception courante, est irrationnelle. Car, elle construit la continuite entre les phenomenes. Elle ne peut resider sur aucune essence et entite fixe et im-
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ınuable. Le point, la droite, la surface. le volume, le nombre ne sont pas des etres separes l'un de l'autre; mais, ils sont des phases successives du continu mathematique produit par le mouvement de l'infinitesimal qui est irrationnel en soi. De meme, dans le domaine sociologique et biologique on voit la suprematie de l'irrationnel. L'explication logique ne consiste que par l'existence des essences et entites discontinues, fixes et immuables. Toute explication logique exige le pluralisme des essences, comme chez Aristote et chez les logisticiens modernes. Tandis que le vrai monisme, la philosophie qui commence par constater la continuite entre les phenomenes et qui aboutit â affirmer un etre continu au lieu des essences independantes malgre qu'elle utilise la logique comme un moyen de demonstration et de construction, est toujours irrationnelle. Les nouveaux intuitionnistes, et quelques philosophes de la phenomenologie peuvent etre consideres, de notre point de vue , comme les partisants de cette categorie. Les mathematiques, de la meme raison, sont essentiellement irrationnelles. Ses points de depart sont des intuitions qui viennent avant toute demonstration. avant toute separation speculative et de construction intellectuelle. L'erreur fondamentale de la logistique consiste dans l'effort qu'il a fait pour reduire les mathematiques qui ne sont que le fondement de PintuitionniSme et de l'irrationnalisme â la logique qui est le fondement de la conception des classes irreductibles. 35. Alors, nous pouvons dire, avec certaine difference d'Emile Meyerson, que la science qui est irrationnelle par soi, n'aboutissant â aucune explication definitive, en restant toujours comme une serie d'expositions continuelles et infinies, produit une conception pessimiste du monde; tandis que la philosophie veut la reconstruire rationellement et demontrer par la dialectique. En d'autres termes, la philosophie est la tentative continuelle pour la rationalisation de l'irrationnel. * En depit de nos scrupules et incertitudes, la description adequate de Petre par l'irrationnel pour etre sişır que celui-ci est plus valide que le rationnel nous devons analyser la nature de la vraie cohesion entre l'homme et Pare. 36. Descartes, lorsqu'il disait Cogito ergo sum, voulait decouvrir l'existence de l'homme par la pensee. Lâ, la pensee. n'etait qu'un moyen pour se transcender vers Petrc ou pour demontrer l'etre. De la meme ma* Les tUoiries gene. tales de la science sont incluses dans cette conception de philosophie; tandis que les philosophies pessimistes ou mystiques ont le caracte're de rationalisation dans leurs formes de systkitatisation,
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niere, de l'existence de l'homme on avait conclu l'existence du monde. On comprend de ceci,de meme que l'etre pourrra se verifier par la pensee, de meme la pensee peut etre verifiee par Eetre. Par consequent, en s'eloignant des conclusions de Descartes, nous pouvons considerer la pensee comme un acte visant les choses, et au lieu de la definition celebre du philosophe français nous pouvons dire que "la pensee est un processus des faits intentionnels qui n'existe que par sa dependance au monde et sa nature ne consiste que par cette dependance!' Ainsi, la pensee n'a pas une existence distincte du monde exterieur, la connaissance n'est pas une intuition transcendante de la conscience ou la synthese des formes a priori de la conscience avec les objets de l'experience. Des lors, les courants de logicisme et d'intellectualisme qui veulent reduire le monde aux categories constantes de la conscience ou aux formes tautologiques de la pensee sont loins d'etre adequates â la nature des choses, aussi bien que les courants de mathematisme et anti-intellectualisme qui veulent expliquer le monde quantitatif par les fonctions et les continus. Cependant, le principe de continuite qui est, au fond, irrationnel ne peut etre applique et justifie que par un processus intellectuel, et c'est pour cela que les mathematiques, apres avoir pose ses postulats doivent etre rationalisees. De lâ, provient kurs ignorances de leur substratum et leur pretention â un logicisme strict. Et. c'est ici que commence le röle fondamental de la philosophie, le röle qui ne consiste qu'â eveiller les constructeurs de la science qui ne savent pas la nature de leur construction. 37. Ce n'est pas l'intelligence qui decouvre immediatement et totalement la verite, mais c'est la logique du coeur, si l'on veut utiliser l'expression propre â Pascal. Nous devons dire que nous partageons la tradition philosophique d'Augustin, de Ghazali, de Pacsal, de Scheler; que la connaissance commence par les intentionnalites affectives et que l'irrationnel n'est comprehensible que par ce moyen; que la pensee discursive n'intervient qu'apres coup et pour le verifier. Cependant, pour entrer en contact avec l'irrationnel, la matiere premiere dans tous nos raisonnements deductifs et dans nos procedes inductifs, ce n'est pas 1' etat de conscience decrit par la psyehologie empirique, par exemple les emotions, les sentiments, les tendances ou la sympathie; mais, leur presence qui nous guide ne provient pas parce qu'ils sont le mobile de la connaissance, au contraire, parce qu'ils sont engendres par la connaissance dans la conscience psycho-organique. Ce qui donne le caractere de continuite irrationnelle aux actes de connais37
sance, et pour ainsi dire, ce qui assure la comprehension toute particuliere de l'irrationnel, ce sont les intentionnalites affectives pures: leur presence n'est pas l'effet dse impressions passives, mais elles ne consistent qu'en tant qu'acte intentionnel visant le monde. Ainsi, nous designons ces intentionnalites les actes passionnels. Nous les distinguons des actes intentionnels ordinaires de telle maniere qu'ils sont autoteliques. C'est pour cela qu'ils apparaissent comme ateleologique. Dans tous les autres actes chaque tendance correspond â un but et â une fin. Ce but exige ou Men un jugement de fait , ou bien un jugement d'ideal. Tout acte intentionnel qui est teleologique implique la satisfaction affective ou intellectuelle d'une chose visee. Si cet acte intentionnel exprime l'etat d'existence, c'est â dire, s'il correspond â un jugement de fait, alors la satisfaction se produit par l'affirmation de cet kat d'existence. Tandis que, dans les actes possionnels la fM est inclue dans l'acte. C'est â dire ceux-lâ ne visent pas un objet qui les depasse et qui finit son fele chaque fois qu'on le possede. Regarder, par ex. ne vise que de voir un objet et quand il joue ce röle, l'acte doit recommencer une seconde fois, ainsi de suite. Attendre, se souvenir, comparer, juger, raisonner, •etc. sont des actes pareils. Tous ces actes finissent par posse-der un objet ou sensible, ou represente ou imagine et pense, qu'il soit un objet reel , une valeur ideale, ou une forme abstraite. Tandis que les actes passionnels ne finissent pas en possedant l'objet vise. Pour prendre un exemple banal, nous disons que l'acte passionnel de l'avare pour l'argent n'est pas interesse avec une satisfaetion materielle m ı. spirituelle quelconque. C'est â dire, cet acte ne vise pas un etat d'existence en dehors de lui, mais il ne vise que soi-meme: l'avare desire l'argent pour l'argent meme. C'est pour cela, on suppose que chez lui la fin est perdue. Ainsi que certains actes passionnels peuvent etre confondus avec les manies de la psychologie pathologique qui ne sont que des phenomenes morbides. En verite, la mana c'est le transfert de la fin et du moyen qui n'est aussi qu'un phenomene teleologique; en meme temps, elle est une conscience passive produit par des influences du milieu et depourvue d'intentionnalite. Tandis qu'etre la fM en soi c'est etre sans fin. Car, la fin est quelque chose qu'on attend sa realisation, c'est â dire quelque chose transcendant relativement â la chose realisee. Alors, les actes passionnels peuvent 'etre definis ainsi: ils sont les actes intentionnels affectifs sans fin, desinteresses et qui ne finissent pas par satisfaction. On comprend de cette definition qu'une continuite sans interruption est le caractere de ces actes. Et cette continuite assure une apprehension adequate sur les aspects et les moments consecutifs d'un objet vise. 38
Tandis que les actes intellectuels tels que la perception, la representation, etc. etant discontinus n'assurent qu'une adequation partielle et moMentanee de l'objet et quand ils veulent penetrer au fond du fait doivent etre completes par les actes passionnels et reposes sur eux. Par consequent, nous trouvons le fondement veritable de la connaissance dans les actes passionnels qui ont une intentionnalite pure. 38. Le monde que nous connaissons par la passion n'est qu'un monde en etat de matiere brute, non verifieJ1 est l'unite non-active et infinie qui se manifeste sous forme de continuum d'espace-temps. Tandis quo notre intelligence perçoit et represente le meme monde par la pensee discursive en des entites constantes et discontinues. Dans cette derniere conception que nous pouvons riommer logique, la vision rationnelle, selon le sens commun, l'etre apparait d'abord comme une pluralite rationnelle, finie et relative. La tâche de la dialectique est de rapprocher ces deux conceptions, pour aboutir â une sorte de mono-pluralisme. Mais la dialectique ne le fait pas, comme, nous avons dejâ dit, d'une maniere ontologique, mais d'une maniere logique. C'est â dire elle rationnalise par l'intellligence la nature irrationnelle de la passion. Pour demontrer rationnellement l'etie irrationnel qui est en etat d'unite et de continuite elle passe par la voie de synthese des elements que l'intelligence avaient dejâ pose comme la pluralite et discontinuite. En verite, elle ne s'efforce que de reconstruire ce continu qui n'est qu'un tout, comme s'il etait forme par la juxtaposition des elements. Si nous pouvons parler par le langage mathematique, elle verifie l'infini irrationnal par le transfini rationnel. On comprefid de tout ce qui precede que le föle de la pensee discursive dans la connaissance, relativement aux actes personnels n'est que secondaire. Mais sans elle, rationaliser l'irrationnel, donner la forme â la matiere brute de la nature, transformer en un monument de la Pensee le processus des actes de connaissance infinie, insurmontable et desesperee sont impossible. 39. Nous pouvons maintenant passer â la verification d'un probleme central: c'est de chercher un principe au probleme de la morale. En effet, le probleme de la morale prend une importance particulik-e, parce qu'on doit distinguer les valeurs personnelles et impersonnelles, et nous devons compter la morale parmi les premiere. Mais, ce n'est pas tout! Kant avait distingue la morale des autres valeurs, et lui avait consacre un domaine â part aupres celui de la connaissance qui n'est que le domaine de l'action. Bien qu'il ait raison de la donner cette importance, il a tort quand 39
il separe definitivement l'action de la connaissance. Le probleme de la morale comme celui de la connaissance correspond â la verite, c'est â dire tout acte de la conscience pure doit etre et la connaissance et l'action â la fois. La verite ne peut prendre l'aspect d'un probleme de la connaissance ou de l'action selon la maniere de poser la question. 40. Tout jugement moral est un acte de verite qui se realise dans la conscience d'une personne et d'une maniere personnelle. De meme que, tout acte de connaissance est un jugement de verite qui se realise dans la conscience d'une personne d'une maniere impersonnelle. Par consequent, il faut que tout acte morale soit concret, il faut qu'il realise une connaissance dans l'action; de meme il faut que tout acte de connaissance implique une moralite non personnelle. Cela veut dire que l'action sans la science, ou bien, etre le "savant immoral" n'est pas possible. Ce ne sont que des abstraction ou des realites caduques qui sont condamnees â etre estropiees. Car, dans ce cas lâ, il fallait, chose impossible, que la connaissance et l'action soient separees cotegoriquement l'un de Pautre. Tandis qu'il y a, en fait, des savants immoraux. Comment 1'expliquer ce contraste ? Sur ce point nous devons retourner au probleme de la verite devant l'acte moral. 41. Tout acte moral correspond â un jugement de verite. Si nous y appliquons notre dialectique, comme tout jugement de verite, un acte moral aussi peut etre exprime ou bien par un jugement de fait ou bien par un jugement d'ideal. Le realisme au sens restreint du mot, en d'autres termes toutes les theories inspirees du naturalisme veulent fonder la morale, particulierement sur le jugement de fait . Pour celles-ci il est toujours possible de tirer la regle de conduite de l'etude de la realite. Au XVIII eme siecle les theories qui voulaient fonder la morale sur la psychologie empirique, et aujourd'hui, comme nous avons vu l'exemple le plus typique dans la science des moeurs, le representent par excellence. Le point d'appui de ces theories realistes est, en general, le sens commun unanimement admis pour un certain temps par des peuples differents. La moralite, c'est ce qui est con.sidere comme licite par l'opinion de la majorite; tela revient au meme: agir conformement â l'opinion publique. Ainsi, les moralistes reahstes, bien qu'ils se separassent entre eux d'apres leur maniere d'explication, ils affirment, cependant, que l'acte moral est une chose commune, generale et impersonnelle. Cet acte peut etre Pinteret public, le bien social, l'altruisme, etc. Alors, ceux qui veulent 40
fonder la morale sur le jugement de fait , soit qu'ils partent de la psychologie ou de la sociologie, soit d'un principe extra-scientifique ne font toujours que la morale collectiviste sous des noms divers: par consequent, la morale chretienne, la morale humanitaire d'Auguste Comte ou la morale du Bien de Platon, la morale universaliste ont, de ce pointde vue, la meme nature. C'est pour tela que Durkheim, dans son Education Morale voulait rapprocher, non sans raison, les morales de Platon et de Kant dans sa conception sociologique. D'autre part, ce sont les idealistes dans le sens sociologique du mot qui veulent fonder la morale sur les jugements d'ideal. Pour ceux-ci il n'est pas possible de tirer la regle de conduite de l'etude des moeurs et du sens commun. On ne peut pas trouver le fondement de l'acte moral dans la nature, dans la realite non personnelle que nous acquerons ni par les etudes empiriques, ni par l'investigation des contenus de la conscience collective. Car le caractere de l'acte moral et ce qui le distingue de l'acte de la connaissance en general, c'est d'etre un acte qui se realise dans une personne et personnellement. Par consequent, l'acte moral est un acte sui generis, original, autonome possedant les caracteres de liberte et de creation relativement aux autres actes. C'est pour tela, quand un acte se differe des actes repetes et ordinaires du groupement et quand il developpe ses caracteres personnels d'une maniere parfaite, devient un acte ideal.Bref, nous pouvons dire que tout acte moral est un acte personnel, original, et tout acte original un acte ideal. Car, la realisation de l'acte relativement aux moeurs et coutumes, correspond â un avenir aspire , â l'objet ideal, â la perfection. On ne peut pas l'envisager comme une exception dans l'espece, ou l'assimiler â un cas paihologique. Mais, hien que sa realisation soit possible et desirable par rapport â une espece, il est un acte qu'il ne se realise qu'en un cas ideal dans des conditions tronquees du reel : par exemple, Socrate dans la cite d'Athenes, Bruno ou Luther dans la Renaissance des Papes, etc. Les partisans de ce courant, soit comme Max Stirner qui part de la dialectique introspective de la conscience, soit comme Nieztsche qui fait une philosophie vitaliste, soit comme Max Scheler qui arrive â une nouvelle conception personnaliste par des donnees sociologiques, soutiennent que l'acte moral est singulier, original personnel. C'est par la meme raison que nous pouvons mettre les anarchistes tels que Bakounine, Kropotkine dans le meme courant. Tous les idealistes dans le sens particulier du terme aboutissent, en derniere instance, â une morale personnelle. ,
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43. Cependant, nous devons remarquer que les eourants dont on avait expose ne representent que les aspects d'un tout, l'aspect individuel ou sociel de la totalite personnelle. La realite personnelle n'est pas le processus d'interaction entre l'individu et la societe. Le r ' croire chez l'homme de science en connaitre = croire. Mais, en fait, la croyance ne se disparait jamais: la croyance du primitif n'est pas celle du savant. Un penseur doit mettre le monde dans un systeme coherent et de croire â certains principes qui sont la base de ses connaissances. Bien que l'humanite soit en voie de passer de la pensee magique â la pensee logique, la croyance est toujours le fondement de l'esprit humain. Absence de la croyance provient de deux causes differentes: A) d'elargissement extreme et morbide du champ de la conscience; B) de l'ebranlement de l'ordre social dans les societes en transition ou bien en decomposition. 2. Croire, est le pouvoir essentiel de notre vie spirituelle. Savoir et agir (le pratiquer) ne se realisent que par lui. Mais, nous n'avons
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pas la volonte de croire tels qu'on a soutenu par les pragmatistes C'est â dire nous ne sommes pas si libre dans ce que nous voulons croire. Celles - ci sont predeterminees par le milieu social, par le temperament et meme par le niveau psychique. Cependant, croire nous donne une certaine volonte et nous rend efficace sur l'ambiance sociale, nous assure la domination sur la nature. Pourtant, pour profiter des choses, il faut en tout cas croire de quelque maniere. Une objection se presente: l'animal ne croit pas, mais utilise la nature. La reponse: D'abord, l'absence de croyance chez l'animal est une necessite ontologique. Puis, il s'adapte â la nature, mais ne la domine pas. La croyance se manifeste de plusieurs façons: la croyance magique, la croyance mythologique, la croyance religieuse, la croyance scientifique, la croyance pratique. La croyance aux valeurs sacres, la croyance â la nationalite, la croyance â l'humanite, la croyance â la personne humaine, etc. Quelqu'unes de ces croyances paraissent empecher de connaltre la nature les choses par exemple la magie. Mais celle ci aussi a pour but immediat de dominer les choses et les personnes, dans le cas d'absence ou d'insuffisance des donnees sur les proprietes reelles des choses. Par consequent, nous pouvons distinguer les croyances en deux categories: a) les croyances conformes â la connaissance des proprietes reelles des choses, b) les croyances qui ne sont pas conformes â celles ci. 3. Nous devons distinguer les croyances qui donnent un certain pouvoir â l'homme et qui assurent sa domination sur les choses et .sur les personnes, en deux classes generales: A) Les croyances qui incluent certaines choses et certaines personnes et en excluent les autres. Nous pouvons les nommer les croyances separatistes. 13) Les croyances qui s'etendent â toutes choses et toutes personnes, ou du moins, celles qui sont disposees â Petre. Nous pouvons les nommer les croyances unificatrices. Toute croyance est, au fond, absolue et categorique. Neanmoins, une partie est propre â certaines choses, ou â certaines proprietes des choses, â certaines personnes ou â certaines etats des personnes: Par exemple, les jugements tels que j'aime mon pere, ou je crois seul â la parole de mon ami, expriment des croyances separatistes. Car, ils delimitent l'amitie ou la croyance â une personne ou â un groupement social. Les jugements tels que j'aime les hommes, je crois 50
en Dieu ou â la justice, expriment des croyances unificatrices et universelles.* 4. Les croyances separatistes sont celles qui procedent de l'opinion, des moeurs et des coutumes particulieres. Celles lâ reposent sur les valeurs d'une societe et elles sont delimitees par cette derniere: leur fin est aussi l'integrite d'une societe quelconque. a) Toutes les religions de l'Antiquite prennent place dans cette categorie. Selon la croyance des Grecs les Dieux les ont cree et ils les gardent contre les barbares et font la guerre contre les dieux des peuples etrangers. A Rome, meme sous l'Empire, ces caracteres sont conserves. Jahveh, Dieu unique et abstrait des hebreux, aussi, est un dieu jaloux qui protege son peuple elu. b) Les philosophies et les morales de l'Antiquite sont restees separatistes, en depit de leur valeur rationnelle: les classes sociales, l'esclavage, l'inegalite sociale dans les conceptions de Platon et d'Aristote en sont des exemples typiques. L'idee de la separation des citoyens et des barbares •domine dans la philosophie grecque, laquelle chez les les stoiciens commence â disparaître. c) Toutes les religions des peuples primitifs entre dans cette categorie. Le totemisme, l'animisme, le fetichisme, l'animalisme sont des croyances separatistes, exclusives t un groupe des tribus. d) La tribu est une forme sociale dans laquelle il y avait et il y a toujours des croyances separatistes. Dans le regime feodal la fierte de la noblesse, la vanite tribale et ses manifestations satiriques sont des exemples de cet esprit seperatiste et exclusiviste. e) Le sentiment national engendre aussi une croyance separatiste comme les autres. La croyance nationale qui se forme par les souvenirs historiques, l'arrogance raciale, etc. sont des croyances separatistes qui separe les hommes categoriquement selon les frontieres et les langues. Pour celle - ci, nn homme exclusivement bon pour une senle societe doit etre considere comme vertueux. Toutes le croyances qui separent les hommes par des barrieres reposant sur la realite collective doivent etre considerees comme ls croyances de fait. * Mais les premiers exemples peuvent etre des croyances unificatrices si nous les exprimons en respect paternel ou l'amitie pour le prochain en general et se transforment en des cas particuliers de ces croyances universclle,
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5. Les croyances unificatrices sont celles qui procedent de l'esprit humain, de la personne do ııt ses principes sont en general les hommes et toute l'humanite et par suite l'univers et Dieu. A) Les mouvements du mysticisme, bien qu'ils naissent dans les societes primitives les rapprochent et trouvent facilement la possibilite de se propager parmi les peuples de meme niveau. Le cabbalisme, le mysticisme islamique, le fakirisme, etc. sont penetres dans plusieurs croyances continentales, meme inter - continentales. Les religions celestes et universelles sont des croyances qui B) propagerent l'idee de l'unite divine (monotheisme) ou l'unite humanitaire. Les plus importants sont l'islamisme, le christianisme evolue et le bouddhisme. Le dernier, en niant l'eschatologie fut une religion ouverte basee sur la croyance de l'humanite. A l'origine elles s'assemblent dans l'idee de l'universalisme et de l'humanisme. Bien qu'il y ait le role des circonstances historiques dans la diffusion de ces croyances, il est temeraire de la reduire seulement â ces circonstances. C) Les mouvements economiques internationaux: A notre temps, la plupart des courants internationaux apparait sous forme economique. Car, les societes contemporaines developpees sont constituees par des groupements d'activite et le role des groupements raciaux et locaux est de plus en plus amoindri. Nous pouvons citer parmi les courants actifs de notre temps le collectivisme, le syndicalisme, le socialisme, le communisme et l'anarchisme. Ces courants naissent et s'elargissent facilement parmi le societes modernes dans lesquelles le capitalisme est developpe. Cependant, ils naissent ou s'infiltrent aussi bien dans les societes sous - developpees qui ne sont pas encore pris la forme d'une nation veritable autonome, telles que la Chine, l'Inde et certains pays du Proche - Orient. D) Les mouvements intellectuels sont les poussees les plus importantes pour l'unite humaine L'humanite tend â l'unification sous l'influence d'une culture dominante dynamique et la plus contagieuse, par la transformation des societes humaines de la mentalite magique â l'esprit scientifique et rationnel: les religions rationnelles et universelles, la diffusion de la technique moderne en sont des moyens assez differents mais consolidaires dans la realisation de la notion d'humain. Actaellement, les courants intellectuels sont en train de s'universaliser: la democratie, l'humanisme, bien qu'ils prissent des couleurs differentes dans plusieurs regions selon leur niveau de comprehension n'attardent pas de trouver des adherents meme dans les pays les moins developpes 52
de l'Afrique et de l'Asie. Ces courants sont meles parfois avec des refor'nes religieuses, telles que le protestantisme, le bahaisme, l'ismailisme, etc. 6. Les croyances de fait nous rattachent â la realite, regularisent nos relations aves notre ambiance, assurent l'ordre et la solidarite de la societe dans laquelle nous vivons. Autant que ces croyances sont puissantes, autant nous sommes consolidaires avec toutes les institutions vivantes de notre eivilisation. Cependant, ces croyances nous obligent de rester dans un kat latent; ainsi que la vie est reduit â l'accomplissement des fonctions accoutumees de la societe qui n'attend le progres que dans le perfectionnement de ces fonctions. Les croyances de fait nous enchainent â notre ambiance telle qu'elle est donnee, et nous donnent, pour ainsi dire, une sorte de fatalisme. D'ailleurs, toute societe a sa croyance de fait determinee que nous pouvons nommer le mobile conservatif de cette societe. Mais, celui-ci n'est pas suffisant pour la vie de la personne humaine qui depasse toujours et jamais les circonstances de de tel ou tel cercle culturel; de lâ, la concurrence, la diffusion et la transformation des cultures et les relations elargissantes interculturelles. Les croyances d'ideal nous menent â nous depasser, nous obligent de completer notre insuffisance par le desir de l'unite; elles nous aident â nous delivrer de l'esprit fataliste, enchaine par des circonstances; elles nous rendent la croyance au progres. Elles deviennent le mobile conducteur et complement des structures restreintes et insuffisantes de la socike; elles nous assurent le contact direct avec l'esprit humain, la personne - dyade, elles nous menent aux principes de la morale humaine, en nous delivrant des influences variables et relatives des moeurs et des coutumes. Cependant, les croyances d'ideal negligent les necessites sociales, planent aux dessus des faits en perdant son contact avec la terre et la realite. Bien qu'elles partent de la nature humaine, elles arrivent â des resultats etrangers â la nature des choses. Elles aboutissent, en definitive, â un utopisme, par ce qu'elles ne rendent pas compte la grande influence des moeurs et des coutumes sur les caracteres des hommes, et la difference des niveaux culturels entre les societes humaines. Par suite de ces causes, les croyances de fait et d'ideal, ou bien sont toujours en lutte entre eux, ou bien l'une de ces puissances antagonistes a domine les hommes pour un certain temps en chassant l'autre du champ de bataille. Dans la lutte de Mohammed avec son oncle Abu Djahl, ou dans la lutte de Socrate avec la cite d'Athenes nous voyons des exemples pour les deux cas que nous avons expose. 53
7. On voit que les croyances de fait et d'ideal, bien qu'elles soient opposees, elles reposent, cependant, chacune sur un aspect de la realite et elles sont, par consequent, complementaires. Croyance de fait est toujours conservative, croyance d'ideal, par contre, est revolutionnaire. Dans les cites antiques elles etaient representees par les pretres et les oracles. Toute question se rapporte â leur distinction. Aucune croyance de fait ne peut pas devenir une croyance d'ideal et vice versa. Cependant, par une erreur de l'âme populaire, on confond l'une avec l'autre: le racisme et le nationalisme chauviniste en sont des exemples, que nous pouvons les nommer pseudo - ideaux. La race est un fait bio - social, une forme de separation basee sur certains types antagonistes. Une croyance s'appuyant sur celle - ci ne peut etre que la croyance de fait . La nation, aussi, est un fait social, une forme de separation constituee sur l'unite affective (linguistique) et economique. De meme, une croyance basee sur la nation, c'est â dire le sentiment national, l'amour patriotique, aussi, n'est autre chose qu'une croyance de fait transfiguree qui sert â separer strictement les hommes des nations etrangeres. Par consequent, on peut dire que les pseudo - ideaux, ou par son terme le plus convenable, la croyance de fait transfiguree aux ideaux du nationalisme et du racisme est en voie de disparaitre, est le nationalisme utopique (non limite) ou agressif est en train de se corriger pour laisser sa place â un patriotisme reduit â ses limites veritables et cela prouve qu'ils ne sont pas des croyances d'ideal. 8. Si nous voulons chercher une notion unissant toutes les croyances de fait et qui soit commun entre elles, nous pouvons trouver cette notion dans la patrie. Le mot partie nous donne l'ensemble des croyances regionales, locales, separatistes: par lâ on entend l'unite de tradition, de sang, l'unite de sentiment et d'activite sous le nom de nationalite, l'unite politique. Elle est capable d'exprimer l'un ou l'ensemble de ces facteurs, comme si elle est la puissance instinctive de toutes les societes humaines etablies et relativement developpees. Ainsi nous entendons par le mot patrie non seulement les croyances de fait des societes dites nationales, mais de la plupart de societes humaines tells que les Gaulois, les Iberes, les Berberes, les arabes, les kafirites etc. Nous entendons par ces croyances toutes celles de societes qui ont defendu leur patrie, par un elan social, sans etre, toutefois, developpee en une societe nationale. De la sorte que les defenses patriotiques sont des mouvements quasi - instinctifs qui procedent non pas de la croyance d'ideal, mais de la croyance de fait. 54
9. L'Humanite est la notion commune qui englobe toutes les croyances d'ideal. Car, ces croyances reposent plus ou moins sur l'esprit humain, et le prögres de celui - ci elargit aussi les limites de celles lâ: les mouvements du mysticisme, l'Islam, le bouddhisme et les ideaux rationnels sont des ideaux qui se propagent progressivement. De ce point de vue nous disons l'humanisme â tout ce qui est commun dans les croyances d'ideal. Mais il faut distinguer d'abord les pseudo—ideaux et les ideaux veritables. Le pseudo-ideal nait de la prise d'une croyance de fait comme une croyance d'ideal. Au fond de toutes les religions universelles et des mouvements economiques internationaux nous voyons l'idee de l'humanite. L'ideal humain etant tres reduit dans les societes primitives et dans celles qui ne sont pas developpees, s'elargit en rapport avec le niveau culturel et la croissance de l'esprit humain. Les courants de l'humanisme perdent leus formes essentielles quand ils entrent dans les societes primitives: le christianisme en Afrique, le bouddhisme en Mongolie sont en decadence. Par contre, tout mouvement humanitaire prend des couleurs differentes des cultures anciennes sur lesquelles il s'est propage. L'Islam en Iran et en Turkestan, le christianisme â Rome et â Athenes ont pris les formes des Eglises evoluees. A la Renaissance, nous envisageons les formes les plus claires de l'humanisme, tels qu'on voit chez Campanella, Reuchlin, Erasme, etc. Mais il faut attirer l'attention sur la difference entre l'humanisme et l'humanitarisme: l'humanisme commence avec la tendance d'exprimer les sentiments internationaux par le retour â la tradition paienne ou â la tradition d'une eroyance universelle. 10. Aucune croyance de fait ne peut assurer toute seule le developpement d'une societe. Elle est conservative et traditionnaliste, et par suite, il est necessaire d'attendre la reaction de l'esprit humain qui fait naitre la croyance d'ideal. Les societes dans lesquelles l'esprit humain n'est pas assez developpe, la croyance de fait a garde longtemps la stabilite sociale. On aperçoit cette situation dans les defenses patriotiques des gaulois, des iberes, des berberes, etc. Par suite, dans toute societe relativement evoluee dans laquelle commence l'autonomie de la conscience, nalt les croyances d'ideal. Mais, la croyance d'ideal, elle senle, est abstraite et utopique. Par consequent, elle doit entrer neces sairement sous des formes differentes de fait. L'unite abstraite se diversifie dans la pluralite concrete. Des exemples sur la diversite de l'Islam chez les Perses, les Tures, et les peuples africains, et la repartition du christianisme parmi les peuples mediterraneens justifient cette idee. 55
Alors, surgit un antagonisme entre les croyances d'ideal et la croyance de fait, d'o ı) se manifeste les idees suivantes: la consequence de la lutte entre la tradition et la liberte (ou la societe et l'individu) n'est, en defirıitive, que de produire deux types d'homme : 1) celui qui voit l'impossiblite de progres dans la croyance de fait, en s'enlisant â la croyance d'ideal, tombe dans l'utopisme et le cosmopolitisme. 2) Celui qui voit l'inadaptation â la realite dans la croyance d'ideal,tombe dans le pessimisme ou bien dans l'opportunisme. 3) La troisieme alternative est d'etre attachee aux pseudo - ideaux, telle que le touranisme en Turquie, ou le pangermanisme et le panslavisme dans les autres pays. 11. Alors, non seulement pour l'etape de la civilisation nationale, mais pour toutes les societes et les formes de la civilisation, la verite est dans l'Humanisme des nations qui est l'union du fait avec l'ideal. De meme que le fait est une verite ineomplete , l'ideal aussi est une autre verite incomplete. L'Humanisme des nations est la tendance pour se diri ger vers l'ideal humain par la realite de la patrie, de trouver l'humain dans la nation, et participer â la civilisation universelle par le patrimoine d'une culture regionale, en y decouvrant l'humain dans une personnalite nouvelle. La verite est dans l'union de la terre et du ciel, de retre et du devoir - etre, du reel et de l'ideal. Les nations puissantes sont celles qui creent un ideal humain et qui peuvent l'exprimer par un langage nouveau. La naissance d'une nation ne peut se realiser que grâce â sa creation d'un ideal humain, et par suite, â son entree â l'humanite par sa personnalite propre.
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LA CROYANCE DE VERITE
La verite est l'union progressif du fait et de l'ideal. Croire â la verite est de croire â l'objet reel et au concept, â l'existant et ce qui n'est pas encore existant. Chaque pas gagne dans le monde des faits est une nouvelle realisation de l'ideal, tout bâtiment construit dans le monde des concepts reposera sur retude profonde de l'existant. La synthese n'est pas en dehors, mais dans les elements meme. La verite n'est pas dans la relation entre le fait et rideal, ou dans leur fusion indeterminee, mais dans leur totalite inseparable (ou indecomposable). Cela veut dire que le fait et rideal ne forment pas en s'unissant la verite, mais celle ci etant d'ailleurs un tout homogene, unique, nous la distinguons, par abstraction, en sujet et en objet. Alors, la croyance non constructive et originaire est la croyance â la verite que nous la nommons croyance de runite. Cette unite n'est pas la juxtoposition des elements ou la conciliation des contraires , une somme ou une addition. L'unite n'est pas dans les actes de consciences qui procedent de ractivite totale dans le monde. C'est pour cela que rien n'est plus oppose â cette idee que la conception des mystiques selon lesquels la verite est la fusion du sujet dans l'objet, dans la synthese qui absorbe les elements, bref, dans l'union indeterminee entre ces deux pöles complementaires, mais distinets. L'unite est celle de la connaissance, elle n'est pas la synthese constructive de la matiere et de la forme, du sujet et de robjet, de la these et de rantithese, pris auparavant comme des ehoses â part; mais, elle est un tout homogene, originaire et intuitif. 12. Quand les croyances de fait forment une doctrine pratique visant l'ambiance sociale, elles deviennent une sorte de patriotisme, que nous pouvons alleguer beaucoup d'exemples en histoire. La defense de Thermopyles par Leonidas, les defenses et les accusations de Demosthenes â Athenes, Caton, Scipion. l'Africain, Cincinatus, Silvius, les Grac57
chus, Brutus et beaucoup d'autres â la Republique Romaine sont des exemples de la vertu patriotique. Nous pouvons citer aussi les defenses de Versingetorix contre Cesar, les defenses des Iberes contre le general Espanus, Annibal contre les Romains. A l'aube de l'Islam les defenses de Medine pour la foi nouvelle, les defenses de Salahaddin Eyyubi et de Kılı dj arslan contre les Croises, la defense de Nicolas Zerini contre les Ottomans, de Tiraki Hassan pacha et Gazi Osman pacha contre le autrichiens et les russes, la defense des Dardanelles contre l'Europe entier sont des exemples potriotiques du Proche - Orient. En Europe nous pouvons citer François I, Henri IV, Charles Martel, Jeanne d'Arc, Prince de Conde, Vallenstein, etc. Dans la litterature française, chez les obscurantistes, le patriotisme a pris une place capitale. En Allemagne et dans les autres pays de l'Europe le patriotisme et ses ideologues passionnes ont surgi assez tard. De l'Allemagne nous pouvons citer comme exemple les noms de Schiller de Herder, d'Uhland, de Hebbel, de l'Angleterre Walter Scot, Tennison, et dans une certaine mesure aussi, Shakespeare, de l'Amerique du Nord Longfellow, Walt Withman. En Turquie dans la periode classique chez les poetes de Divan le sentiment patriotique eiait tres reduit. C'etait Namık Kemal qui a cree, pour la premiere fois vers la fin du 19 eme siecle, les idees de patrie et de liberte, s'inspirant de la litterature romatique française: de ce point de vue Fikret, Mehmet Emin et Gökalp peuvent etre considerer comme les emules du celebre pionnier. Mais la tendance ulterieure n'a pas pu reveiller un echo aussi fort que chez Nam ık Kemal. 13. Les croyances d'ideal comme une doctrine visant l'unanimite de la vie terrestre, s'expriment par l'humanisme. Dans la periode paienne (En Grece et â Rome) nous n'avons pas d'exemples de cette croyance. En Antiquite, meme le judaisme monotheiste etait attache â la croyance de fait. En Inde, le mouvement de pensee cree par Jaina et par Bouddha, en Chine Lao - Tseu et Kong - Tseu, en Iran Mani et Mazdek, â Rome Jesus et ses Apötres, en Orient l'Islam, en Iran Husseyn et ses descendants representent un mouvement humaniste. A la Renaissance les grands penseurs, tels que Nicolas de Cusa, Campanelle, Giordano Bruno, Erasme, Montaigne etaient hunianistes. Les pionniers et les penseurs du prote8tantisme et puis Leibniz, Spinoza, Kant et Herder entrent dans cette categorie. Au 18 eme siecle Goethe et Schiller, deux amis inseparables, representaient le premier l'humanisme et le seond le patriotisme. Mais chez Goethe l'humanisme patriotique etait dejâ en voie de se former. Au 19 eme siecle nous voyons le renouveau du patriotisme, en un nationalis58
me avec les tendances extremes pseudo - ideales de racisme et d'utopisme nationaux oul'imperialisme national.Comme la reaction de ces tendances vers la moitie du siecle passe surgissents les mouvements anti - patriotiques et anti - humanistes. Ces dernieres, basees sur l'egoisme pur qui dedaignaient la vie morale, etaient is fruits des conceptions unilaterales et incompletes et du patriotisme et de l'humanisme. H. Ibsen, Max Stirner, Bakounine, Kropotkine, meme F. Nietzsche en sent des exemples. L'anarchisme nihiliste et revolte de ces derniers, forme une periode de transition entre la periode des attaques reciproques des deux courants de croyances et celle que nous sommes en train de parcourir. Depuis la fM du 19 eme siecle le nationalisme imperialiste, le racisme, la propagande populaire, l'anti-romantisme et la demagogie sous diverses formes sont accrus en un sythme progressif. Les consequences politiques de ces nouvements sociaux sent A) le materialisme militant le socialisme revolutionnaire, B) le fascisme ou le totalitarisme, dont leurs caracteres communs ne sent que l'opposition contre l'individualisme et le liberalisme. Mais ces deux courants, tres animes entre 1917 - 1945, resterent comme des propositions precaires pour l'ordre du monde en transition. Ils sent cependant depourvus d'une forme sociale stable, d'un ordre dans lequel la croyance de fait et d'ideal seront unis. 14. La croyance de verite est l'humanisme patriotique base sur l'unite de fait et d'ideal. L'humanite actuelle est en train de s'initier â cette periode nouvelle. Depuis le 15 eme siecle plusieurs peuples avaient dejâ commence de faire des tentatives, pour depasser la limite des faits et combler l'abime entre les faits et les ideaux. Hz. Muhammed, Ibn Arabi, Luther, Goethe, Tolstoi, Gandhi sent des personnes assez rares mais tres puissants de cette tentative. La voie ouverte avec l'Islam, surtout par les soins d'Ibn Arabi est formule exactement par Gandhi dans sa doctrine de Satyagraha dans laquelle il expose les principes de l'humanisme patriotique. Hz. Muhammed avait donne, par ses Traditions, la personnalite d'un peuple â l'ideal universel de L'Islam. Luther avait interprete le christianisme par Pesprit des moeurs germaniques. Goethe avait pu voir Punite profonde de l'esprit humain, malgre ses manifestations opposees dans le romantisme allemand et dans l'art classique des Grecs. Dante avait decouvert un ideal humain dans la vision des souffrances de son pays. Tolstoi a cree un nouvel ideal de l'humanite, vu dans l'etude dû paysan russe un aspect nouveau du caractere humain. Tout ideal base 59
sur l'etude de la personne humaine, tout humanisme dont les racines attachees au sol a .mis au monde une nation pleine de conscience et vigoureuse. La nation n'est pas seulement l'agregat d'une populace, la terre occupee par celle-ci, l'ensemble des conditions economico - demographiques; ce que Renan exprimait dans son " Qu'est ce qu'une nation ?" c'est la creation des valeurs humaines par l'elan de ses dispositions culturelles, tela revient au meme, par le patriotisme 'humaine. Gandhi a formule cette verite dans ses discours prononces en Inde: pour lui, la patrie n'est que le moyen pour se diriger vers la fin de l'humanite. L'amour patriotique n'est pas une fM en soi, mais un moyen pour realiser l'ideal humain, un moyen irremplaçable, et l'on ne peut s'approcher â l'unite humaine que par lui. Hz. Muhammed a fonde la religion, Goethe et Mevlânâ l'art, Tolstoi la morale et Gandhi la politique de l'Humanisme Patriotique. 15. La religion de Moise est celle de patriotisme. Lâ, nous voyons les preceptes fondamentaux bien organises de la morale patriotique, C'est par elle que le peuple juif garde en core son amour de patrie et sa solidarite sociale, meme qu'ils soient contre l'ideal humain. Aprs milliers d'annees de la perte de la Terre promise, les Israelites sont alles reconstruire le judaisme detruit. La religion de Jesus est celle de l'humanisme. Elle est la voix qui appelle tous les hommes par le meme langage et qui se base sur l'âme humaine au dessus des changements du temps et de l'espace, sans aucune dicsrimination de race ni de langage. L'esprit du christianisme repose theoriquement sur le coeur de l'homme en general, malgre toutes les differences de l'Eglise. Quand â la religion Mahometane, elle est celle de l'humanisme patriotique. Car, bien qu'il admisse l'unite humaine, a la conviction qu'il ne peut la realiser que par les varietes des peuples et des coutumes. Il concilia la morale avec la politique, la foi avec la Legislation, la theorie avec la pratique. l'ideal avec le fait, l'humanite avec le patriotisme.Et par suite, cette religion, bien qu'elle fusse un des plus grands elans vers l'universalite, a pris toute sa force des fondements des moeurs de la nation arabe. Cependant, la religion musulmane n'est pas attachee â la tradition d'un seul peuple, puisqu'elle accepte en principe l'unite dans la multitude et voit la realisation de l'unite de foi que par la diversite continuelle des moeurs ,et des coutumes des peuples. Si le droit coutumier arabe etait dominant pour longtemps dans certains pays, ce ne fut qu'un mouvement qui la transforma en un pseudo - ideal sous forme 60
de la Guerre Sainte, ce qui l'affaiblit dans son ideal veritable. (il ne faut pas oublier que la Guerre, meme au commencement de l'Islam etait une necessite de la defense contre les attaques, et fut un moyen d'unification nationale et plus tard d'invasion des pays environnants, sans aucune relation avec l'ideal de l'Islam. Cela se voit surtout dans la tolerance envers les peuples des pays conquis*; les conquerants laissaient ceux-ci libre dans le choix de leur religion; reaction de la secte d'Ali et de ses descendants = âl - i - Abâ d'une part, les ascetes d'abord, les soufis plus tard, par le mouvement mystique d'autre part peuvent etre consideres comme le renouveau de la verite de l'Islam.) 16. Schiller a cree l'art du patriotisme, s'inspirant du meme coup des idees humanitaires de la Revolution Française. Il etait surtout le chantre du sentiment patriotique mais s'appuyant comme Nam ık Kemal â l'idee de la liberte personnelle, idee propre de la Declaration de l'Homme et du Citoyen. La vertu pour Schiller ne peut etre qu'au nom de la patrie et pour elle. Racine et Voltaire avaient cEante conformement â l'art classique, c'est â dire â l'humanisme. La patrie ou 1'amour personnel etaient un pretexte pour exprimer Pâme humaine en general, vue dans , la societe bourgeoise du 17 eme et 18 eme siecles. Geothe a chante l'art de l'humanisme patriotique: il, s'appuyait d'une part â Pan classique, d'autre part â l'art romantique, il voulait unir Pâme moyenâgeux de l'Europe avec l'esprit classique des Grecs. Le Pre mier Faust represente le romantisme et le second Faust l'esprit classique. Dans la derniere partie, le mariage de Faust avec Helene et leur nouveau ne Euphorion, en un esprit ethere ephemere representait la civjlisation europeenne, produit de l'union de la patrie et de l'humanite. Goethe a senti profondement durant sa vie la lutte entre ces modes de pensee en conflit, il a aime de temps en temps Shakespeare ou les classiques grecs, mais il a trouve la serenite dans la sagesse moderne dont il est un des grands pionniers. Nul n'avait exprime clairement comme lui la these que nous avons allegue dans ce livre. La posterite est toujours sous son influence: Dostoiewski, Tolstoi, G. Haupmann, Bernard Shaw, Anatole France, etc. attestent plus ou moins Pinfluence de 1U sagesse moderne de Goethe. 17. B. Franklin a suggere, durant toute sa vie, la morale de la patrie. Personnellement, il etait un exemple de cette morale. Tout comme Namik Kemal, il considerait que la vertu, l'amour et la liberte sont eonsae* Apres avgir assur nationale de l'Arabie, les arnı es qui attaquaient et la Byzance 4tgient compos6es des tribus arabes, musulmans et ehr&iens,
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rees â la patrie. Il se donna â la science, â l'art, â la politique, exclusivement pour la patrie. Dans ses decouvertes il reflechissait principalement les besoins pratiques de ses compatriotes. J. J. Rousseau a suggere dans ses oeuvres la morale humaine Il ne se contentait pas de presenter une theorie de la morale telle que Kant ou Aug . Comte feraient plus tard. il entra personnellement en lutte pour ses idees humanitaires et resista en France et en Suisse contre les attaques de la reaction provenant des idees traditionnelles Tolstoi a suggere par son oeuvre et sa vie la morale de l'humanisme patriotique. Il vecut la crise de deux morales en opposition dans son pays, il a souffert de ses incertitudes et ses doutes. Dans son "Hadji Murad", "La Guerre et la Paix" on aperçoit cette crise morale. Mais, enfin, Tolstoi a reussi â unifier dans son esprit le fait et l'ideal, las morales patriotiques et humanistes, et il l'a exprime en ces termes: "Pour l'humanite, par la patrie!" rien n'est plus valabe que pour l'humanite; les religions universelles, les mouvements humanitaires sont nes pour cette fin. Mais on n'arrive â ce but que par le moyen de la patrie par ses propres valeurs. Sans aimer de toute force la patrie, sans etre associe â la souffrance intime et â la politique du peuple, il n'est pas possible d'arriver â la morale humaine. Pour Tolstoi, autant est oppose â la morale de sacrifier l'humanite pour la patrie, autant est oppose â celle - ci de sacrifier la patrie pour Phumanite. Car, en ce cas lâ, la voie -qui mene â l'ideal sera perdue et l'humanite elle - meme deviendra un mirage. 18. Mussolini, avec sa doctrine sociale avait soutenu la politique du patriotisme. Comme tous les courants qui prennent leur force des sources historiques de la tradition nationale, le fascisme aussi s'attachait au sol de la patrie. Jusqu'â nos jours le patriotisme n'etait qu'une croyance et un sentiment qui n'avait pas essaye de faire sa politique: il n'etait qu'un moyen d'orientation passager pour le pouvoir politique durant les periodes de revolution. Pour la premiere fois chez Mussolini le romantisme, le patriotisme, la croyance de fait prirent la forme d'une politique systematique. Lenine, par la revolution sociale qu'il avait accontpli voulait faire la politique de l'huinanisme. Il se ne contentait pas de propager directement l'idee de l'humanite comme les grands pionniers de la Revolution française, il niait categoriquement les limites des patries, les frontieres nationales pour realiser sa politique humaniste dans le cadre international. Et par consequent, il arrivait â la negation de la liberte personnelle, condition indispensable de tout humanisme, et au nom de l'humanisme, aboutissait â un imperialisme, c'est â dire â un pseudo - ideal. 62
Mais Gandhi, en se dirigeant â l'ideal humain par la croyance â la patrie, par le moyen de liberte nationale, a fait la politique de l'humanisme patriotique. Gandhi n'etait pas un penseur, un artiste, meme un moraliste comme Tolstoi:. Mais, il est un homme politique dans sa signification la plus moderne qui avait pousse la morale â ses consequences politiques. Il est par son propre terme, l'idealiste pratique. Pour Gandhi le probleme est quotidien. L'ideal n'est pas quelque chose loin de nous, mais il est la manifestation de l'esprit humain qui vit en nous et parmi nous. La patrie est notre Legislation, notre couleur, notre ambiance morale que nous ne pouvons pas nous en eloigner. Comment on peut parler d'un esprit qui ignore son milieu ? A quoi sert un milieu dont l'esprit est nie, et dont il a perdu sa relation avec l'unite. Pour Gandhi l'homme provient d'une substance commune avec ce milieu: sa vie, sa sante, sa respiration sont possibles grâce â la realisation de cette unite, l'accomplissement de l'humanisme patriotique. Pour lui, la civilisation europeenne n'a pas pu ajouter quelques choses nouvelles â l'humanisme; elle s'enlisa toujours dans la croyance de fait. La politique europeenne n'est qu'un imperialisme d'idee, une nouvelle sorte d'invasion. Pa suite, selon Gandhi on doit soutenir contre l'Europe non pas le patriotisme, mais l'humanisme patriotique. La methode de Gandhi est la "resistance passive","la non violence" et "la non-participation". Elle est une methode entierement opposee â celle de la civilisation moderne europeenne. Mais celle-lâ provient de ce qu'elle est nee dans une nation qui a perdu son independance. Tout â fait different de Jesus utopiste, en tenant compte de la hierarchie des personnes humaines avait dut suivre la politique de non - violence, politique des colonies envers les pouvoirs envahisseurs. 19. La non-violence est la methode necessaire, inevitable de la politique de Gandhi, elle est l'arme unique d'une nation qui ne peut pas acquerir sa liberte par violence. Mais, la non - participation est la plus grande leçon donnee par Gandhi â l'Orient, l'appel des nations qui acquierent leur volonte pour se delivrer des pseudo - ideaux ou de l'imperialisme de l'idee. La non - participation n'est pas comme la these de ceux qui ne comprennent pas Gandhi, la negation de participer â la civilisation europeenne qui est en voie de devenir civilisation humaine. Mais la nonparticipation est organisee pour ne pas etre dupe (esclave) des pseudoideaux, de l'imperialisme economique et ideel, pour ne pas perdre sa personnalite nationale dans une invasion ideologique et technique de l'Europe et ne pas rester comme un imitateur sans esprit. Donc, la doctrine de non-participation de Gandhi est exclusivement dirigee contre les imperialisrnes politiques et economignes, tandis qu'elle entend par lâ 63
une participation complete â la croyance d'ideal de l'humanisme. La politique de la Non participation est la realisation directe de l'humanisme patriotique: "Elle ne signifie que de rester sans participation avec toute sa force â la richesse, â la suggestion, aux produits et â l'ecole des nations egoistes qui ne servent qu'â fondre notre croyance de fait et dissoudre notre personnalite nationale." 20. L'humanisme patriotique sera le sujet et la base d'une philosophie nouvelle. Kant et Auguste Comte ont fonde la philosophie de l'humanite. Aug. Comte surtout alla jusqu'aux consequences ideologiques d'une philosophie basee sur la croyance d'ideal: l'humanite, pour Comte, est la realite spirituelle contenant les hommes tels qu'ils sont. Par suite de cette croyance il a invente le catechisme de la religion de l'humanite. La societe positiviste et le franc ' - maçonnerie renouvele sont ses fruits. Nous pouvons mentionner, â cet occasion, les mouvements d'anthroposophisme et la mystique de Rudolph Steiner. Par contre, les philosophes obscurantistes du 19 eme siecle, les romantiques tels que Fichte, Hegel, la philosophie pessimiste de l'histoire d'Oswald Spengler, et la sociologie d'E. Durkheim font entierement propagande en faveur de la philosophie du patriotisme. Ceux - ci ont contribue â la constitution d'une philosophie sociale fondee sur la croyance de fait. Ces courants sont, en plupart des cas, traditionnalistes, conservatifs, et quasi progressivistes. La philosophie de l'humanisme patriotique sera un monisme nouveau et cherchera la verite dans l'unite indecomposable du fait et de l'ideal. 21. La societe de patriotisme humaniste est la societe de la hierarchie morale. La hierarchie morale est le classement des personnes humaines selon un ordre dans lequel on va des faits â l'ideal , de la patrie â unite humaine Le peuple, en general, vit dans la morale de crainte; le citoyen dans la morale d'espoir; le patriote dans la morale de vanite (ou de fierte); le patriote - humaniste dans la morale de l'amour. Alors, dans la societe de l'humanisme patriorique, 'etre verteueux dans le degre de l'amour est le degre ideal. La liberte veritable ne se realise que dans ce degre. Dans une societe oû domine, exclusivement, la croyance de fait, les hommes sont classes d'apres leur richesse, leur noblesse, leur connaissance ou leur force physique. Dans une societe oû la croyance d'ideal est en vigueur au moins en apparence, les hommes sont conside'r6s comme libres et 6gaux et dans une societe o ı la croyance pseudo ideale est dominante les hommes Men qu'ils solent inegaux sent simu-
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les d'en etre par Phypocrisie de la propagande et de la demagogie: lâ, on est dupe de croire que les hommes depourvus de la liberte interieure sont libres. Les croyants de fait sont fatalistes et ceux de Fideal sont utopistes et les pseudo - ideaux sont hypocrites et demagogues. Un mouvement base sur l'humanisme patriotique evite absolument le fatalisme, l'utopisme et la demagogie. Il affirme la realite pour s'approcher â Pideal; et pour rendre possible le progres humain il revele les degres franchissables de la morale parmi les classes infranchissables des fatalistes. 22. Satya - graha ou la ki d l'Amour est le mot d'ordre de Gandhi: l'amour de l'humanite et l'amour de la patrie, ces deux amours complementaires et indispensables sont les fondements de satyagraha. Cependant, tout â fait different de notre conception, chez Gandhi et ses predecesseurs tels que Rama Krichna, un monisme mystique domine dans le prineipe de l'amour de l'humanite La base de la loi de l'amour est l'expefience morale: l'amour humain sera gagne par le sacrifice: " La vie nait de la mort. Pour que l'epi fleurisse il faut que le grain perisse. La ki de souffrance est indispensable pour notre existence." — "Autant que le sacrifice et la souffrance sont purs, autant le progres est grand. " —." Il faut apprendre â souffrir volontairement et d'y trouver la joie, on ne peut acquerir la liberte que par ce moyen". Est ce qu'il est un homme qui dedaigne le pouvoir, comme disaient la plupart de ses adversaires ? Non, au contraire! il exige les disciplines les plus dures qu'on applique jusqu'â present â peuple. Il a tendu la puissance humaine juqu'au point extreme. L'ecrtıcation de Satyagraha est une education que nous rencontrons dans l'histoire de tous les peup les qui appliquent â la volonte, â l'inhibition, â la souverainete de soi, aux desirs et tendances.,Selon ces bases, Pamour est une puissance de l'âme qui se dirige infiniment vers des objets de desir; et la puissance de l'amour est proportionnelle â la puissance du sacrifice. Au contraire, etre esclave de soi, se lier aux penchants precaires n'est pas l'amour, c'est etre le gibier des haines et d'obsession, etre pfive de la croyance d'ideal. C'est pour tela, d'apres Gandhi la non - violence, c'est â dire ne pas re sister est en realite la resistance la plus forte . La' non - violence est une guerre, mais une guerre sans arme, contre le mal immateriel. Gandhi, par sa methode de non-violence a dut suivre Jesus et faire la politique des nations esclaves. Laissons lui â ce point. 65
23. Swadeshi et Svaraj sont ıieux fondements qu'il suggere. Ils expriment l'acquisition de l'independance morale par la non - participation au mal, â l'imperialisme ideologique et economique. Svaraj veut dire chercher l'independance morale et materielle de la patrie en se dirigeant vers l'unite humaine, en se gardant des pseudo - ideaux sans etre renferme dans le cadre national. La voie de Svaraj est la voie qui mene de la patrie â l'humanite, de l'humain au national. Nous pouvons critiquer, seulement, la non - violence de Gandhi, car, elle est avant toute chose une certaine utopie et une croyance d'ideal ignorant la realite telle qu'on voit chez Jesus. Toute personne estelle au meme niveau spirituel et moral? Toute personne a-t-elle la puis- _ sance d'agir par la morale de l'amour? ou bien a - t - elle la puissance de comprehension de cette morale ? Par consequent, le Satya Graha, dans sa signification absolue n'est-t-elle pas une demagogie ? Gandhi, tout en evitant la demagogie durant toute sa vie y tombe par suite de sa generalisation du principe de non - violence. Il y a des societes qui sont â l'etape de l'enfance. Il y en a d'autres dans lesquelles la masse n'est pas encore passee de cette etape. Les hommes sont bons exclusivement par ce qu'ils craignent de quelque chose, ou par cequ'ils esperent avoir quelque chose. Il est faux de les prendre comme mûrs. Tout degre doit avoir son langage propre, et son education â soi. De meme que l'autorite sur l'enfant n'est pas pour l'ecraser mais pour le dresser, de meme l'autorite sur le peuple aussi, a pour mission le dressage et le developpement de ce peuple. A cause de tela Georges Sorel et Lenine font la politique de la morale des classes proletaires, utilisent la methode de violence. Gandhi en procedant d'une maniere opposee, conseillait comme Jesulia non - violence. Nous nions tous les deux quand il s'agit d'une societe de hierarchie morale. En commençant par la violence de l'amour affirmons la possibilite de faire elever les hommes, au moins une partie des hommes vers une conduite dans laquelle la non - violence sera realisee.
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L'HOMME DANS LE MONDE
Un courant actuel de philosophie ıı'a pas exagere en disant que la situation de l'homme dans le monde sera un jour un probleme essentiel. Dans la phenomenologie on parle de l'existence de l'homme Max Scheler dans "la Situation de l'homme dans le monde (Die Stellung des menschen im Kosmos) a insiste pour la premiere fois sur ce probleme. Le monde ne peut etre l'objet d'une etude ignorant l'exixtence de l'homme, et celui-ci ne peut etre etuclie comme un "Grand Miroir", abstraction faite du monde. La connaissance est l'apprehension du monde par 1'homme, par suite de son acte intentionnel. La croyance aussi nait de systeme des valeurs qui procede de la situation de la personne humaine dans le monde. Ainsi, nous pouvons exposer notre idee: l'homme et le monde ne peuvent pas 'etre etudie â part, le sujet et l'objet ne sont pas deux spheres separees. L'homme dans le monde est une unite que nous tâchons d'en abstraire l'interieur et l'exterieur. Or, tout interieur est en meme temps exterieur. Nous appelons objet toute chose que nous apercevons dans notre ambiance: les arbres, les oiseaux, les bâtiments, etc. Nous appelons sujet, l'acte de consience qui les perçoit, tels que la perception, l'attention et la contemplation. Tandis que toute chose est dejâ perçue par l'acte de conscience qui la vise (qui se dirige vers elle) et tout acte de cons cience n'est possible et n'existe que par la direction vers une chose exterieure â elle, par consequent, il n'y a pas un sujet et un objet distincts Il y a seulement un acte de conscience dans lequel nous trouvons, apres l'analyse, et le sujet et l'objet â la fois. Le monde spirituel ne se trouve ni dans la vie qui est point de depart, ni dans les choses qui sont points d'arrivee, mais dans l'unite de l'acte de conscience qui contient â la fois et le sujet et l'objet. La verite n'est pas dans la connaissance du sujet ou de l'objet, mais dans la connaissance de l'unite qui apparait dans l'acte de conscience. 67
La relation de l'homme avec le monde n'est pas celle d'une synthese, d'une composition ou d'une fusion, mais une relation en unite originaire et primaire. Cependant, cette unite est apte â se dissoudre par les abstractions de l'esprit. C'est â dire, les actes de conscience, des qu'ils tournent leur regard â eux - meme sont enclins â voir distinctement le soi et le monde. lteanmoins, puisqu'il n'est pas possible de separer l'homme du monde dans lequel il vit, cette . distinction produit une union nouvelle. Mais cette union n'est plus,une unite originelle, mais une synthese constructive et une fusion artificielle. Par suite, toute synthese posterieure n'aboutira qu'â l'absorption du sujet par l'objet, ou bien â la reduction de l'objet au sujet; en s'eloignant de l'unite elle se transformera en croyances de fait et d'ideal. L'unite de sujet - objet commence chez l'homme par le sentiment et se perfectionne par l'idee. De meme apres cette abstraction ulterieure, ou Men l'idee se dissoud dans l'idee meme, ou bien l'idee se fond dans le sentiment. Mais, dans la conscience originaire et normale il n'y a que l'union sentiment - idee. La conscience qui entre da ıts l'activite d'abstraction en concepts et en idees, la conduit â tout moment comme un tout lie aux faits concrets de Pexperience et de la vie. Cependant, par le retour de la conscience â soi - meme, elle distinguera le concret de l'abstrait : ou bien l'abstrait se perdra dans le concret, ou bien le concret sera reduit â l'abstrait. Au fur et â mesure qu'il augmente sa p ı:ırtee, le monde spirituel est en train de passer par trois etapes: 1) l'etape de sujet - objet; 2) Petape de sentiment - idee; 3 ) l'etape de concret - abstrait. L'homme, en passant successivement de ces etapes, elargit son ambiance des choses les plus proehes jusqu'â l'humanite t, et dans les limites de ce monde des valeurs le sentiment reunira ce que l'intellect avait separe, la croyance rapprochera ce que le savoir avait distingue. Ici, l'abstrait de la morale et du droit ne restera pas tout seul comme l'abstrait de la geometrie; il tâchera pour retourner â son unite initiale. Ce retour sera imparfait et erron.e dans sa premiere et seconde experiences, et souvent il ne trouvera son ancien but qu'apres avoir fait ces tâtonnements. 24. L'homme, des que son regard est retourne â soi a separe le sujet et l'objet, il a trouve un monde â part devant le monde observe. Mais il n'etait pas possible de continuer dans cette separation artificielle. Il a commence de voir les choses comme des ombres sans signification, distinctes de l'esprit. Il se lança â la matiere pour donner le sens â ces 1 Il Pa par le passage de la religion nationale â. la religion universaliste, de la conception mythique du monde ii la conception rationnelle.
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ombres et pour passer des tenebres â la lumiere. Il a vu,en soi l'emanation du monde, et dans chaque partie du monde sa projection. Ainsi, il a fondu le sujet dans l'objet, il a mis l'esprit dans les choses; cette attitude spirituelle est exprime par Ibn Arabi, Bedreddin Simavi, Younouss et Mevlânâ. A cette attitude que certains esthetes nomment la fusion affective (Einfühlung) nous disons l'heteropathie par un terme de Max Scheler. Mais celle -ci n'est qu'un kat dâme indetermine, un affaissement des actes de conscience, la confusion, la penombre, bref il est, un neant. 25. Mais quand le regard de l'homme est tourne vers soi, il y trouva le sujet distinct de son objet et le prit comme le centre du monde et le pivot de toutes choses; autant qu'il ne resta â ses yeux que la verite de la conscience: l'objet etait entierement reduit au sujet. I1 a considere les phenomenes comme des reflet§ des idees. En somme, il a fait du monde exterieur une creation de la conscience, son oeuvre et son ombre. Au lieu de la modestie des astronomes qui refutent le geocentrisme, il a substitue l'arrogance de l'anthropocentrisme. En niant dans la pensee lâ puissance de decouvrir les bis de la nature, il l'a rabaisse au nivçau qui n'a que le pouvoir de•les constituer comme une forme abstraite. Il a pretendu rendre le monde irrationnel un monde rationnel en donnant l'ordre â Petat chaotique des phenomenes: en ajoutant la forme â la matiere indefinie des choses. Et son arrogance accrut jusqu'â dire que "la connaissance est pour moi, la verite est ce qui est utile pour moi, et les bis naturelles existent par ceque je les desire". En fait, il a arrete les decouvertes et rehausse l'invention â son apogee extreme, il a reçu la derniere et la plus grande production du nombre et de la quantite. En croyant dominer les choses par sa culture de machinisme il a perdu sa propre puissance laquelle est assuree par un contact vivant et profond avec la nature. 26. Cette conception exprimee parfaitement par les philosophies idealistes n'est qu'une sorte d'idiopathie, si nous voulons utiliser-un autre terme cher â Max Scheler. Cet etat d'âme est diametralement oppose â celui des mystiques qui est l'heteropathie: au lieu de fondre le sujet dans l'objet il l'a reduit ce dernier au sujet. L'idiopathie se manifeste sous forme de l'esprit romantique; dans la philosophie il devient l'idealisme et dans la science il se manifeste sous forme de mouvement de rationalisation qui prepare la victoire technique. , L'esprit mystique se manifeste au Moyen - Age de l'Occident, du Proche - Orient et dans I'Inde contemporain. L'esprit romantique est le symbole de la civilisation europeenne, de l'homme moderne qui finit par se detruire comme Ugolino. Cet homme qui propage encore en delire la pretention de la race blanche comme le reve d'un mangeur d'opium, 69
la verite en lui est au bout du fouet; tandis que la verite propre est dans les cris de souffrance qui se perdent dans le gifflement des fouets, et cette voie rehausse de plus en plus la valeur de l'homme. L'esprit mystique etant evanoui dans la confusion de l'extase n'attendait pas de lui une chose nouvelle au nom de la verited'esprit romantique ayant vu soi - meme dans le miroir du geant, n'esperait pas qu'il retournera â la realite et qu'il en prendra sa force! Ce n'est pas leurs affaires! C'est seulement l'affaire de ce qui part de l'unite de l'homme et du monde Nous appelons sympathie, comme Max Scheler, cette coordination affective du sujet et de l'objet qui assure l'apprehension adequate des choses, en harmonie entre la connaissance et la croyance.
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LE PERSONNALİSME
27. L'homme perd sa liberte quand il est enferme en soi - meme, ou bien quand il est absorbe par la societe ou la nature. Dans les deux cas, il devient l'homme - machine par l'arrogance du premier cas et par 1'humiliation du second, qui le rendent un etre impersonnel: Autant sont loins de la realite les types d'homme des civilisations mystiques tels que l'humilie, l'ascete, le fataliste, le soufi, autant en sont loins les types de la civilisation mecanisee, tels que l'homme d'affaire, le fonctionnaire, le chauffeur, le demagogue. etc. Le citoyen en Antiquite, le chevalier au Moyen-Age, l'homme libre â la Renaissance, le compatriote aux temps modernes sont des exemples de l'homme integral revelant l'unite de l'esprit et de la nature, malgre toutes les transformations que la societe a passe dans l'histoire. Et il parait que le patriote - humaniste de la societe du demain prendra un jour sa place dominante en se delivrant des vicissitudes d'evenements de l'histoire. Nous nommons ce nouvel esprit le personnalisme et nous disons qu'il represente l'humanisme integral. 28. L'homme est libre autant qu'il projette le monde d'une maniere nouvelle, autant qu'il decouvre un champ de la nature et qu'il enleve une voile nouvelle. L'homme est libre autant qu'il entre au monde uniforme par les efforts successifs de sa passion intarissable. L'homme n'est pas un organisme enchaine â la terre, mais etant un enfant de la nature, il est un arbre sacre du paradis dont les racines procedent du Ciel et les fruits s'abaissent â la terre (Tobia). Ce qui donne le charme â la passion c'est la couleur et l'empreinte de la terre. Ce qui met le cachet au genie, c'est le jeu de la nature. N'est ce pas que toute la beaute de l'unite provient de la multitude, toute la signification de l'humanite procede de la difference personnelle ? L'humanite est l'union. des personnes et la personne veut dire etre distinct du troupeau, de l'uniforme, du monotone et de la machinisation. Celui qui fait parler le langage de la nature y decouvre ses beautes et ses mysteres. Mais ce qui donne la particularite de l'homme, ce 71
qui allume son genie, c'est sans doute, la nature. La personne est l'unite de l'homme et du monde, elle est l'homme dans le monde. La personne prend ses sources du passe et s'elance ,vers le futur avec toutes ses virtualites: elle repose sur la realite, se dirige vers Pideal. Voilâ pourquoi le progres social est le produit de la personne en lutte avec l'homme stereotype lequel est depourvu de la spontaneite. Pour qu'une societe prend part â la civilisation modern; il faut, y entre avec le mot d'ordre nouveau. Celles qui reussissent danscette action deviennent une personne. Pour qu'une societe soit une personne morale, il faut qu'elle touche â la verite non seulement dans 1' espace et le temps determines, mais pour tous les temps et toute l'humanite. Toutes les societes qui ont consacre leur vie pour la defense d'un ideal humain, Mit la plus grande chance d'avoir une existence perpetuelle. Celles qui consacrent leur lutte â leur existence â soi avec un certain egoisme social, ont ete condamne â subir la destinee de l'histoire ayant ete envahis et effaces par des civilisations ulterieures: les Assyriens, les Chaldeens, les Mongols, etc., malgre la grandeur de leur vie somptueuse ont dâ quitter la scene de l'histoire sans laisser aucune trace. Les societes qui ont touchees â la sagesse et la verite, dans lesquelles l'ideal et le reel se cumpletent l'un l'autre, seront membre de l'humanite. Le but de l'etude historique est de decouvrir l'esprit humain dans les couches profondes de l'âme nationale. Le but dans l'etude pupulafte est de trouver la puissance veritable de l'esprit dans la force aveugle de la masse; decouvrir une petite piece de diamant dans uns carriere de houille, arriver â une verite unique apres avoir fait des milliers d'experiences futiles.Toute nation, grâce â ses elans d'ideal, participe au aymposium de l'humanite avec une parole nouvelle, et sa personnalite est le produit de sa recherche d'existence. Les Français sont venus â la scene de l'histoire avec la raison et la liberte, les allemands _ avec la conscience et le devoir, les anglo - saxons avec le sentiment et l'action pratique, les russes avee la masse et l'humiliation. Nous avons vu q ııe la liberte est le plus grand ideal des hommes, mais on ne peut pas l'acquerir par la raison. La conscience est le tresor de notre vie, mais on ne peut pas arriver â la liberte par le devoir qui est la contrainte morale, et par l'imperatif de la conscience "malgre nous"; le sentiment est une source qui nous attache aux hommes et qui nous pousse au sacrifice, mais comment concilier le sentiment passif avec action actif. Et l'action est une puissance sans but, indeterminee La veracite est, sans doute, le fondement de la morale, et c'est elle qui nous conduit â la liberte. Mais comment concilier la masse avec 72
la veracite, alors qu 'elle n'a pas l'intelligence et l'amour et qui vit dans les illusions; est ce qu'on peut jeter des grains sur la terre non defrichees ? 29. Nous entrerons au monde par la passion et par l'amour. Nous ne compterons pas sur la force aveugle de la masse, mais nous compterons sur ceux qui ont depasse la crainte, l'espoir et la vanite, sur ceux qui ne font pas cas des dangers, qui ont la joie du risque et qui sont des vraies personnes. Nous ne classerons pas les hommes par rapport â leur richesse, leur noblesse, leur savoiretleur force physique, mais exclusivement selon 'kur degre de puissance spirituelle et morale. Nous partirons avec la passion pour la liberte; et nous arriverons par l'amour â l'humanite, â la veritable liberte. Notre these est desirer infiniment, depasser ainsi ses volontes minuscules et intermittentes, ses volontes depourvues de perptuites. Celui qui veut infiniment, sera delivre de la servitude de ses desirs, de ses manies qui sont le sujet d'insatisfaction et par suite de souffrance. Celui qui n'agit pas par la crai ııte d'un commandement, mais qui agit par l'amour de son action est libre dans son action. L'homme passionne est celui_ qui voit son objet avec toute sa - dairvoyance. L'homme ayant dans son âme l'amour et le risque n'hesite pas se sacrifier pour son objet. L'homme passionne est celui qui se consacre au Men d'autrui pour depasser les maux de l'egoisme.
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30. Gelui qui a la passion, domine le peuple et realise le mirage de la volonte. Ce sera la societe de hierarchie morale basee sur la passion qui conduirâ l'humanite â la democratie veritable, en la delivrant de Fillusion de la demagogie et de la voie caduque des totalitaires. Nous puiserons cette poussee humaine de Fesprit de notre propre patrie et des profondeurs de notre histoire; chaque peuple doit faire la meme chose. Mevlânâ nous a enseigne • L'Amour, Younouss nous a chante la profondeur de l'esprit avec ses inquietudes, ses espoirs et sa recherche de serenite. Fouzouli nous a suggere le charme du renoncement et de la souffrance. Nessimi nous a donne, par sa vie, l'exemple de la veracite et du courage dans l'humiliation. Bedreddin nous a presente le chef d'oeuvre de la puissance de foi et du courage civil. Nam ık Kemal nous a enseigne l'amour de la patrik, et la lutte pour la liberte. Ali Suavi nous a suggere par son action politique l'exemple du martyr contre la tyrannie. Nous nous presenterons devant l'humanite en passant des sie'cles de notre histoire qui s'est forme sur Fenclume de la conscience sociale par les coups des evenements. 73
Etudiant la misere de la masse de proche et du dedans, nous montrerons que le plus grand mal provient non pas de l'absence de l'argent, de la noblesse et du savoir, mais de la faiblesse de l'esprit. Nous declarerons que ce qui manque dans l'elite c'est la passion et l'amour. 31. Puisque toute personne nait d'une union nouvelle de la terre et du ciel, alors il n'y a aucun idealiste qu'il soit exctement similaire des autres, il n'y a aucun elan qui ne complete pas l'unite humaine d'une maniere nouvelle. Par consequent, la patrie deviendra une source in,epuisable pour aller vers l'humanite: pour qu'il vise l'unite humaine il faut qu'on penete profondement ,l'âme populaire et â l'histoire nationale. L'etude de l'âme populaire est importante, par ce qu'il est possible par ce moyen de parcourir des aspects nouveaux de l'esprit humain, d'y decouvrir les nouveaux besoins de l'homme et de completer l'unite humaine par une interpretation nouvelle. Ainsi, dans l'humanisme integrale, les etudes populaires et historiques servent deux sources fondamentales de la culture humaine. 32. Le premier effort pour l'humanisme integral, pour qu'on puis -se entrer â la civilisation moderne est de defricher le tresor de l'histoire nationale, decouvrir les cötes forts et faibles des souches de la patrie. 11 faut pui şer l'âme humaine non pas comme un fanatique chauvin ou comme un erudit indifferent, mais comme un architecte qui contribue â la consctruction de la civilisation humaine Voilâ pourquoi, aussi, il faut observer l'etat actuel de la patrie avec toutes ses vertus et ses vices, et en jetant par terre les lunettes du chauvin, connaitre profondement le terrain sur lequel on fera le mouvement du demain, regarder la patrie par une vue realiste. L'histoire de chaque pays et l'etude populaire de toutes les nations, voilâ deux fondements capitaux pour la constitution de la culture internationale de l'avenir.
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EVOLUTİON DES VALEURS
33. Il y a une etape de l'histoire oiı des societes humaines dans laquelle l'homme ne peut organiser ses reactions que comme un enfant, et n'exprime ses relations avec les choses que par des comportements impulsifs. Lâ-bas la conscience et les choses etant liees par des rapports affectifs, l'homme se corısidere comme un prolongement des choses et de meme nature et attribue â ces dernieres toutes les qualites propre â soi. Il croit â l'existence d'une force commune entre les etres animes et inanimes de la nature et lui. Cette force, consideree comme contraignante et vibrante qui se manifeste au cours de la guerre, de la chasse, de la fuite, de l'immigration et de l'etablissement sous forme d'actes emotifs se transforme facilement aux yeux des primitifs en une representation d'un monde mystique et fait croire que cette qualite mysterieuse est immanente dans toute la nature. 34. A cette etape de l'humanite nous appelons l'ambiance morale de de l'homme qui explique les phenomenes du monde d'une certaine maniere des valeurs immanentes. Cette ambiance mystique qui ne provient que de l'emotivite contagieuse, est en yerite le fruit de l'action reciproque entre l'homme et la nature, et un systeme des valeurs une fois nee en influant sur l'homme lui donne sa couleur et son empreinte. La valeur, dans eette conception du monde n'est que la force mysterieuse et cachee dans les choses. L'esprit des valeurs immanentes qui equivaut â la mentalite prelogique de L. Leyy - Brühl correspond, dans ses grandes lignes â la mentalite animiste de l'enfant constate par Jean Piaget. 35. Nous voyons une seconde etape historique et un second type social dans lesquels l'homme, ayant organise ou regularise ses reactions devant les phenomenes naturels avait commence de les exprimer par les comportements disciplines, de freiner ses tendances et de diriger ses actes impulsifs; nous pouvons dire qu'une partie des societes ont dejâ 75
parcouru et une autre partie est en train de parcourir l'etape d'inhibition. L'homme ayant atteint celle - ci, par suite des experiences de l'emotivite qu'il avait fait durant des siecles a gagne, en definitive, les aptitudes de maitrise de soi, la resistance â ses desirs, et pour ainsi dire, il s'est forme la vie i ııterieure, qui est le produit des tendances, et des emotions reprimees, une vie interieure n'ayant aucune relation avec l'acte et la realisation, laquelle est enclin â devenir de plus en plus un monde de l'esprit; ennemi de la realite exterieure. Lâ, toute la valeur est dans le monde spirituel, immateriel, non - sensible, transcendant - superieur qui est au dessus et â l'exterieur des experiences des sensibles, des choses observees et perçues dans son atmosphere etheree sans relation avec la realite, et tisse des images et des symboles. Cette activite immaterielle et imaginative, cette vie si pauvre et si fragile au point de vue de la realite conduit faeilement l'hamme â la representation d'un monde â part irreel et immuable au dess ııs et â l'exterieur des sensibles. 36. Nous appelons â l'ambiance morale qui forme l'etape d'inhibition et de resistance dans la seconde periode de l'evolution de l'esprit humain, le monde des valeurs - perfections. En effet, quand la resistance cree notre vie imaginative au dessus de notre vie reelle, le monde intelligible au dessus du monde sensible, l'ordre des formes et des idees immuables au dessus des phenomenes et des experiences, toutes le valeurs, en s'elevant vers une sphere depassant l'existence humaine, se concentrent autour d'un ptıle axiologique que nous nommons celeste. Ainsi, les dieux etaient les noms generiques des valeurs - perfections et le monde divin representait la spbere non - sensible et transcendante, formee par les valeurs -perfections. De meme, l'au-del4 vis â vis d'ici-bas, le cache vis â vis d'apparent, l'intelligible vis a du sensible, retre vis â vis du devenir, l'esprit devant la matiere, l'Esprit devant la nature sont des symboles de ce monde des valeurs - perfections. Cette periode phylogenique, representee d'abord par le monde rnythologique et ensuite par le spirituel que nous nommons etape d'inhibition et de resistance dans l'evolution sociale correspond â la grandeur et la decadence des cites, â la formation des grands pouvoirs imperiaux, â l'ordre de hierarchie primordiale entre les classes sociales. 37. Nous envisageons une troisieme etape de l'humanite dans laquelle Phomme cree une seconde nature, son esprit se transforme en un processus visant la nature, forme l'ordre naturel par son integration avec elle au lieu de se replier â soi - meme. A cette etape, dont la plupart des hommes ne sont arrives qu'â son seuil, nous appelons l'etape de person76
nalisme. Ici, l'homme a fait de ses tendances et de ses actes une seconde nature que nous nommons la passion, une seconde determination qui complete le destin (ou la determination) de la nature; et pour ainsi dire, il n'est oblige de se trouver ni dans le mysticisme qui est une certaine fusion indeterminee entre le sujet et l'objet,le produit des reactions emotives et repulsives, ni dans le romantisme des valeurs qui n'est que le sujet s'enfermant â soi-meme,le produit des inhibitions et des resistances. Au contraire, l'homme qui assure son adaptation active â la nature en developpant ses passions, a reussi pour la premiere fois â jeter le pont entre le monde et la personne. 38. Dans cette etape phylogenique de personne et de passion qui forme la troisieme et la derniere phase dans l'evolution de l'esprit humain nous pouvons nommer l'ambiance morale que l'homme avait cree, le monde des valeurs - fins. Lâ la valeur n'est ni une force mysterieuse immanente des choses, ni un monde parfait et inaccessible des choses. Mais la valeur est dans les buts et les fins vises par nos actions. Pour ainsi dire elle est la valeur - fin en tant qu' elle est açcessible, terrestre et realisable. Ainsi, les valeurs - fins ont assure â la vie spirituelle de depasser la dualite dans laquelle vivaient deux mondes heterogenes, superieure et inferieure, inpenetrables l'une â l'autre; elles la transformerent en un systeme coherent dans ses relations avec les choses, une persolinalite homogene, unique. En effet, le bien, le beau et le vrai n'appartiennent plus au regne transcendant qui dePasse le monde reel, mais ils sont des buts et des fins que nous tâchons de realiser par nos propres efforts dans notre propre vie. Nos activites economiques et juridiques ne sont pas des forces negatives en lutte avec le monde des valeurs etrangeres â la personne, c'est â dire la matiere qui tâche aneantir l'esprit ou hien le Satan en lutte avec l'ange. Mais, le monde des valeurs - fins est un monde qui concilie l'esprit et la matiere, c'est â dire efface le conflit entre l'homme et la nature, et par suite il les transforme en une unite de fin et de moyen, de la realite et de l'ideal, dans lesquels la technique, la politique et le droit ne sont que des moyens des activites humaines pour arriver au beau, au bien et au vrai ultimes.
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LA T~IIIE de L'ACTION RECIPROQUE
39. Quels sont la valeur et le rele de l'esprit humain devant les sciences contemporaines ? Quelle est la base de la vie morale, de l'art et de la philosophie? Est ce qu'on peut la regarder comme une realite â part, comme une existence? Des que la Pensee libre a pris la place de la pensee metaphysique, le monde imaginaire n'est-il pas substituee par la nature et par l'humanite? Si nous sommes obliges de croire â un monde parfait en dehors du monde ephemere et imparfait dans lequel les fins ne se realisent pas et dont le premier complete le socond, cette croyadce ne peut - elle pas mettre la totalite qui contient les fins de nos actions au meme niveau des religions ? Ces questions nous conduisent necessairement â poser le probleme de la totalite devant les donnees de la science. En effet, la totalite de l'esprit et de la nature est ou bien une representation, en ce cas lâ il ne s'agit pas d'une existence exterieure; ou bien un etre duquel nous devons avoir des donnes accessibles, dignes au temoignage. Parlons plus clairement: y a t-il une totalite qui est la base de la morale, de l'art et de la philosophie, bref dans laquelle se concentre des fins et des valeurs ?
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40. Selon Auguste Comte, l'humanite existe â part comme la realite sociale. Elle n'est pas une representation, mais elle est un fait. Cependant, le developpement actuel de la sociologie nous montre que la realite des groupements sociaux n'englobe pas l'humanite toute entiere, il n'y a que des groupernents humains avec certaines differences de st, ructure, de densite, de volume; ces groupements qui presentent des formes tres variees des les phratries jusqu'aux nations modernes sont des sources des representations et des emotions collectives et pour ainsi dire des interdictions et des commandements qui creentles volontes personnelles et toutes les valeurs sociales. Dans cette conception sociologique l'humanite a une existence variable et relative qui n'exprime qu'une coordination des valeurs et des fins entre les groupements ayant le meme type social. Par suite de la coordination entre certaines repre7a
sentations collectives elle existe en droit mais elle n'existe pas en fait. Une telle conception n'est - elle pas autre chose que de nier l'existence de l'hu ımanite ?De meme,une civilisation tribale ou citadine ne se considere -t-elle pas comme une partie d'humanite plus restreinte ? Mais, autant que nous nous mettons dans le point de vue du sociologue il y a une cause assez puissante pour nous empecher d'accepter une telle opinion: toutes les valeurs Isociales sont relatives et variables. Apres avoir mis ces faits en lumiere sous le regard de la science, est ce qu'il est possible de tirer des preceptes moraux universels d'une science des moeurs, ou Men les principes de la philosophie humaine des opinions publiques des groupements en transformation? Alors, dans la conception actuelle de la sociologie est ou Men existe en droit, ou bien n'existe pas du tout. 41. En consequence de ces difficultes, nous sentohs nous obliges de consulter â une realite d'outre des groupements humains, ayant l'existence effective pour constituer l'humanite en droit, c'est â dire â un monde dans lequel les ideaux trouvent leur integration. Selon certains auteurs, l'humanite est une structure, un Gestalt dans lequel les groupements humains prennent place et auquels elle don -ne la forme et le sens par son existence qui les precede. Cette .concep tion, on le voit tres bien, est entierement opposee â la conception premiere qui la considere comme une somme des groupements et des representations collectives_ Et pour la meme raison, elle est aussi loin que possible de la maniere de pensee que la sociologie nous presente. Ce Gestalt qui donne la forme aux groupements et le sens aux actes sociaux, oh peut-elle se trouver sinon dans la conscience? Par consequent, selon cette conception, il n'a qu'une existence representative. L'idee de l'identite de la nature humaine qui s'est affaiblie graduellement depuis Hume, est anime de nouveau, a pris une place privilegiee. D'apres cette idee, le Gestalt qui donne la forme et le sens aux actes sociaux, n'est pas autre chose que des categories constantes et universelles inherentes â l'esprit humain. En somme, l'humanite existe non pas en une realite â part, mais en un ideal. 42. On peut critiquer et refuter ces deux conceptions de plusieurs points de vue. D'abord, la negation de l'humanite ou sa mise comme une somme des valeurs sociales relatives nous laisseront dans les difficultes differentes: d'une part, les ideaux relatifs et incomplets nous conduiront â un scepticisme moral et esthe tique; d'autre part, cette conception ne pourra pas nous montrer comment on peut passer de l'existence sociale materielle telle que la densite, le volume, la structure â la vie spirituelle, 79
aux valeurs - fins, et par suite, meme dans la societe la plus primitive, elle devra admettre, prealablement, les repesentations collectives. Deuxiemement, il n'est pas possible de considerer l'humanite comme un Gestalt constant et universel. Car, les courants actuels des sciences humaines nous attestent que l'esprit humain est en devenir perpetuel. De quelle sorte qu'on entend l'activite psychique, les structures et les fonctions de l'âme ne sont pas identiques chez l'homme civilise et chez le primitif, chez l'enfant et chez l'adulte. Meme par une analyse epistemologique nous arrivons â la conviction que l'existence humaine est exclusivement representative, ndus devons trouver un substrat â cette existence. Bref, la facultg,d'abstraction qui fait la science, le sentiment et l'intelligence qui construisent l'oeuvre d'art, la volonte qui constitue la morale n'existent que dans et par l'esprit humain. Il n'y a pas lieu de voir les fondements de celui - ci ni dans les Idees comme chez Platon, ni dans le noumene comme chez Kant. Il est une realite concrete et effective, et comme toutes les realites il est en evolution. L'humanite n'est ni la somme des valeurs et des fins sociales, ni une forme ideale qui les precedIN un degre de perfection. Elle n'est que l'esprit humain en progres inconstant, mais continuel, et qui accroit son extension, c'est â dire elle est la realite,spirituelle.
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Le substratum de l'humanite est l'esprit humain en evolution. L'âme humaine n'est pas soumise directement aux necessites de l'organisme et. de la societe, mais elle les a subi que par le moyen de sa necessite et de ses propres lois. Dans ce sens, elle est libre par rapport l'organisme et â la societe. Le probleme du progres de l'esprit, si on laisse de eöte Pidee de l'esprit universel de Hegel, a cherche la solution sous le regard de la science, de deux façon differentes: A) l'explication biologique, B) l'explication sociologique. En effet ces deux sciences ont partage entre leurs domaines l'evolution des especes de l'homme et de l'animal. Par consequent, si l'on ne donne pas â Pesprit comme les idealistes, un sens metaphysique il est necessaires de rattacher son progres â Pevolution de l'organisme et de la societe, ou bien montrer, au moins, sa relation avec ces realites 80
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A) L'explication biologique est la plus ancienne. Vers le milieu du siecle passe les differents courants qui etudient la transformation des especes des etres animes, en reduisant leur theorie â la limite, ont tâche d'expliquer aussi notre vie psychique et spirituelle. Les plus saillantes de ces theories sont, sans doute, celles de Lamarck et de Darwin. Aux debuts de notre siecle Henri Bergson a pousse le lamarkisme jusquâ ses consequences philosophiques. interpretees par une vue spiritualiste, tandis que Nietzsche a fait la meme chose pour la theorie de lutte pour l'existence de Darwin et en a tire sa philosophie de la Volonte de Puissance. Selon Bergson la vie cree ses organes materiels et spirituels. -Le cerveau, meme l'intelligence sont des instruments crees par l'elan vital. Selon Nietzsche, le depassement de l'homme par lui - meme est le produit de la lutte pour l'existence, du risque, de la reussite et de la victoire. Outre ces deux courants biologiques bases sur des trefon.cts metaphysiques, nous pouvons mettre dans la meme classe les courants de psychologie, connus sous le nom de psychophysiologie et du behaviorisme. Mais â condition de ne pas oublier la difference essentielle entre ceux - ci et les premieres, selon laquelle les premieres co,nsiderent la vie comme un principe dynamique et creatrice, tandis que les secondes le prennent comme un produit mecanique„ La premiere conception est, avant toute chose, un anthropomorphisme. F. Nietzsche, H. Bergson et ses continuateurs attribuent â la vie certaines proprietes indemontrables, des qualites propres â l'homme._ Cette maniere de voir le probleme du point de vue metaphysique est aussi attrayante que dangereuse. Tous les efforts de la seConde conception, c'est â dire des psychophysiologistes ne peuvent nous edairer que 1'aspect instinctif et emotionnel commun entre l'homme et l'animal. B) L'explication sociologique est plus recente que l'autre. Apres avoir vu par suite d'experiences multiples, que les formes superieures de l'esprit humain sont inexplicables par la biologie, dans ces derniers temps ce courant est en train de dominer graduellement le champ de la science. D' abord comte de Bonald et plus tard Auguste Comte et Karl Marx, bien partent des points de vue opposes, ont tâche sans aucune influence l'un sur l'autre, d'expliquer notre vie morale et spirituelle par Pactivite et le mecanisme des groupements humains. Cette façon d'aborder le probleme fut plus fructueuse que les autres. Car, il etait impossible de concevoir le hiatus entre la vie psychique de l'homme et de l'animal, sans constater la formation exclusivement humaine de la passion, de la volonte et de l'abstraction. 81
Dans l'explication sociologique, aussi, nous apercevons deux courants, l'un celui d'Auguste Comte qui s'est developpe dans Pecole durkheimienne, selon lequel le fondement de la societe est une existence collectivement psychique et representative. Meme la societe la plus primitive est, tout d'abord, une representation collective, une existence pyschique commune entre ses individus., Elle est distinete par cette propriete des groupements animaux, instinctifs et denues de tout changement. L'autre courant sociologique considere la societe comme la matiere, les moyens de production, selon lequel toute notre vie spirituelle est le reSultat de cette existence materielle. Les representations collectives doivent 'etre etudiees comme les ideologies d'une societe en tant qu'elles sont des epiphenomenes de celle - ci. Ces deux points de vue, bien qu'ils soient la base aux etudes scientifiques, sont toutefois meles par des inteiets metaphysiques unilateraux. Tous les deux ont pris comme le point de depart un aspect de la vie sociale et ont tâche de reduire l'autre aspect â celui - ci. Cependant, quelle que soit la conception sociologique dans laquelle nous sommes installes, il n'est pas possible avec elle d'expliquer le developpement de l'esprit humain. Aucune de ces conceptions n'est pas apte â nous eclaircir comment les representations collectives dans les societes primitives ont pris naissance, ou Men comment on a passe de celles - ci â l'esprit passionne, volontaire et abstractionniste de l'homme evolue. La theorie la plus recente et la plus reussie de celles qui desirent rattacher l'esprit humain aux causes sociologiques est, sans contredit, la thearie contribuant â les expliquer par la differenciation des valeurs et la division du travail social. Selon cette theorie. nos fonctions psychiques sont les manifestations subjectives de notre adaptation aux institutions sociales. Autant qu'on a fonctionne dans une societe dont ses institutions et ses travaux sont differencies, autant on acquiert la per : 1 sonalitefcupresdl'âm. Ce point de vue qui nous parait satisfaisant au premier abord, releve cependant une difficulte tres importante: pour qu'il soit possible que la contrainte sociale cree les fonctions psychiques,11 faut d'abord un ecran dans laquel celle - lâ se projette et se manifeste. Cet ecran ne peut pas etre un organisme, conçu comme un recepteur, un organisme de1 Goblot dans sa Logique des valeurs et C. Bougle dans son Evolution des valeurs exposent ce point de vue inspire directement de la sociologie durkheimienne.
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pourvu de conscience ne pourra se contenter que de noter les activites meme les plus complexes, mais il ne pourra faire un choix, une preference entre ces aetivites et ne pourra reflechir interieurement celles .ci. Par suite, de quelle forme que soit on comprend la necessite d'une conscience prealable aux causes sociologiques pour l'explication de Pactivite psychologique. Autrement, ces causes sociologiques n'agiront pas sur la fonction de cette conscience et sans avoir une influence sur sa nature, elles ne formeront que son contenu.' D'autre cöte, les tentatives faites par le moyen de la biologie pour expliquer le progres de l'esprit humain, si elles ont un caractere metaphysique comme chez les vitalistes, elles animent les difficultes qui continuent depuis Aristote en admettant l'existence de la conscience virtuelle, meme dans les apparitions de la vie la plus elementaire. Quant aux psychophysiciens -ou les psychophysiologistes qui ont la conviction de faire disparaitre cet incovenient, ils doivent, en niant la conscience ou les manifestations originales propres â celle - ci, se contenter par l'etude de ses apparences. A tel ppint que l'opinion de ces theories sur la conscience etant qu'elle est "impenetrable" ou bien "impossible d'etre etucliee scientifiquement", leur situation, plutöt que d'etre negatrice, est d'etre agnostique. Leur plus grande necessite est de separer les phenomenes de la conscience en ses elements et, par suite, de montrer la cohesion entre le tout et ses partis. Mais tela n'empeche pas l'existence du tout en dehors et independamment de ces elements. Bref, toutes les tentatives biologiques et sociologiques pour expliquer le progres de l'esprit humain reste caduc et in.efficace. Cet echec poussant â la contradiction dans les systemes des sociologues avait oblige de faire accepter quelques uns, comme Emile Durkheim, une conscience presociale. Durkheim, dans une communication qui avait donne â l'Association française de Philosophie reduisait la dualite de la nature et de l'esprit â la difference entre l'organisme et la societe. Selon lui, tous les phenomenes que nous nommons materiels et psychiques sont soumis â cette distinction. Le spirituel et le social sont presque synonymes. Alors, Pactivite psychique est representee comme un mode, un accident, une qualite de la societe. Cette distinction parait etre trop simpliste et par sıtite erronee. D'abord, ce qui est psychique n'est pas toujours un mode ou un accident du social; car, de meme 'qu'il y a des phenomenes sociaux denues de l'apparition psychique, de meme qu'il ya des phenomenes 1 L'influence de la sociae sur l'organisme passif tait soutenu par Draghicesco dans son Re:alit de l'Espril par une alMgorie de virtuose et des touches de l'instrument musical.
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psychiques qui ne sont jamais sociaux. Deuxiemement, entre le social et l'organique n'existe pas le parallelisme et la coexistence, mais la relation d'action reciproque. En effet, de meme qu'il y a l'influence des tendances organiques en tant qu'un processus des faits dynamiques, de mememe que le mecanisme social influe sur l'organisme. La societe -apparait sous la forme de contrainte sur les individus. en variation continuelle, par exemple la densite, le volume, etc. La contrainte sociale en reprimant les inclinations de l'organisme, en arretant ls emotions organiques, ou en les accelerant, fait un contr ele permanent. La societe apparait en un processus de commandements et d'interdictions sur les penchants instinctifs de l'organisme. Contre l'accomplissement exagere de certains actes organiques se realise l'interdiction d'autres actes-de meme nature. Les jeenes, l'ascese, les ceremonies d'initiation tres severes des societes primitives, des ceremonies negatives, la vie de l'eselavage, les devoirs sociaux '(politiques, militaires, economiques) creent des sensations permanentes, produisent des effets de douleur et de souffrance. La repression alimentaire et sexuelle revele dans l'organisme les tendances organiques inconscientes, insatisfaites et refoulees. ,
Par contre, l'organisme -aussi influe sur la vie sociale. Les tendances qui se convertissent en se dirigeant vers les buts sociaux deviennent influentes sur la societe. Dans la lutte entre les hordes, les instincts servent de moteur le plus fort. Les tendances reprimees ou interdites, ou Men en enrichissant la conscience de l'organisme de l'homme primitif assure la formation de l'imagination, ou bien determine la constitution de l'inconscient qui se manifeste sous forme des reves, des automatismes, par suite de tendances refoulees. En somme, l'action reciproque de l'organisme et de la societe sus cite d'abord la flagellation de l'organisme sous l'effet de la contrainte sociale, eveille en lui des inadaptations et des-reactions, et par consequent, produit l'emotivite et l'imagination; et puis, la readion de l'organisme sur la societe le pousse â s'adapter â la contrainte sociale, et par suite, le processus de l'education met l'inhibition au lieu de l'emotivite, et engendre la volonte, le raisonnement et l'abstraction On voit que l'interaction entre la societe et l'organisme sera suffisante pour constater le progres de l'esprit humain. Si l'on supppose l'organisme ou la societe en etat de passivete l'un vis â vis de l'autre, il ne sera pas possible d'expliquer cette evolution. L'humanisme des cultures considere comme une verite spirituelle ne s'appuie que sur l'esprit humain qui est une realite progressive en 84
devenir. L'esprit humain n'etant pas une categorie constante et une for. me abstraite, l'humanisme des cultures, aussi, n'est pas un ideal formel, depourvu de contenu qui est identique dans tout lieu et en toute periode. Il est concret, par ce qu'il est, avant toute chcise, une partie de la ,realite progressive. Cependant, l'humanisme des cultures n'est pas relatif et singulier, different selon les circonstances. Etant disponible â depasser les frontieres des groupements limites et de s'etendre vers des cercles plus larges, virtuellement il -est universel. Voile pourquoi l'humanisme patrictique ou des cultures repose sur la personne, le substrat de l'esprit humain qui- est l'universel — concret.
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L'EMOTIVITE ET L'INHIBITION
La cause de notre choix de ces concepts qui expriment deux processus psychiques' est de montrer leur r6le important dans la formation de l'esprit humain, et de penetrer aux sources profondes de ce probleme que nous avons presente dans le chapitre precedent. En fait , nous avions note que l'humanite repose sur la realite spirituelle. La realite psychique se progresse, avec les termes propre â Ch. Darwin, sous l'effet d'un "heureux hasard". (Ici le mot progres etant exclusivement propre â l'homme, nous l'avons prefere au mot evolution. Le progres de l'esprit n'exige aucune evolution dans les lois naturelles.) Il y a le progres contingent de l'esprit, mais non une loi dynamique de la nature, comme disait Auguste Comte dans les Cours de Philosophie Positive. Le progres de l'esprit n'est pas le resultat des facteurs biologiques et sociologiques, mais il est un processus nouveau produit par l'action reciproque entre Porganisme et la societe. Les phenomenes surgis de l'interaction de deux spheres de phenomenes determines a fait naitre l'esprit humain des la conscience primitive de l'homo faber. 1. L'actionreciproque de deux realites considerees, engendre l'activite psychique de plus en plus complexe, et par contre, l'activite psychique influe sur l'organisme et la societe: deux processus importants qui sont l'imagination et la volonte, bien qu'elles soient le resultat d'un progres commun, elles sont en meme temps la condition et l'une des causes de l'evolution sociale. C'est â dize l'imagination qui est le res. ultat des actions reciproques est en meme temps un mobile dans le deVeloppe ment de l'ere mythologique. D'autre part, les puissances d'inhibition et de volonte, nees dans les societes de castes et de classes sont devenues des mobiles dans le developpement des societes democratiques, connues par ses caracteres economico - pragmatiques. 2. Au point de vue naturaliste, ce qui nous explique la formation de l'imagination et de la volonte est le processus bio - psychologique 86
d'emotivite et d'inhibition. Alors, approfondissons d'abord la relation entre l'imagination et l'emotivite: la relation de reaction - adaptation entre l'organisme et le milieu naturel produit deux processus bio - psyschologique: l'emotion, l'interet. L'animal est attache â son milieu par des interets multiples au moment du developpement de ses instincts. Tout intetet anime une emotion. Tout objet qui fait na ıtre pour l'animal un interet - emotion est un objet significatif. Nous pouvons le nommer l'image generique. Chez l'animal et chez l'enfant les images generiques sont discontinues et saccadees comme l'interet et l'emotion, et finissent chaque fois par satisfaction discrete. Or, l'motivite qui est une emotion permanente et qui n'est que l'aptitude â produire des reactions pareilles de l'emotion precedente en absence de l'excitant ou en cas de son existence disproportionnee avec la reponse a le pouvoir d'engendrer la signification des choses animees par l'interet et l'emotion, c'est â dire l'image generique en absence de l'excitant. La forme la plus elementaire de l'imagination est celle de llomme primitif et de renfant qui est passive et emotionnelle. 3. Quelle est remotivite ? Pour certains auteurs elle est une disposition constitutionnelle °. Pour les autres elle est un etat morbide 2 Ces definitions n'impliquent que certaines formes determinees et limitees de l'emotivite. L'emotivite est un etat d'inadaptation en cas de l'inexistence d'un stimulant exterieur qui produit cette emotion. Alors, on peut dire qu'elle est une emotion qui continue sans cause, ou bien une aptitude de faire des reactions exagerees envers des actions exterieures insignifiantes. Sans doute, comme l'emotivite qui se transmet hereditairement engendre la disposition constitutionnelle d'emotion, Femotivite qui n'a aucune signification utilitaire et biopsychologique produit l'etat morbide que nous disons l'hyperemotivite. A cette emotivite morbide, nee par l'effet des intoxications internes, des maladies infectieuses et contagieuses, de l'alcool, etc. ne correspond, en son principe, aucue image generique. L'emotivite est le produit du milieu social chez l'enfant et chez le primitif. Car, la vie sociale est entirement differente de la vie naturelle. La societe oblige l'organisme de freiner une multitude d'emotions, d'abolir une multitude de desirs et de cacher certains mouvements impulsifs. Par contre, la societe, declenche enormement certaines tendances, les rend sublimes pour un temps deter-
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1 Dupre", La doctrine des constitutions [dans : Pothologie de l'Imagination et de l'Emotivite; pp. 487 - 501, 1925, Paynt] 2 Ch. Blondel, La Conseiene?, morbide, F. Alcan
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mine, eveille certains instincts, interets et emotions, Comme nous avons dejâ parle, la societe primitive anime l'emotivite par ses rites magiques, par ses ceremonies d'initiation, par ses- fetes et ses Piraurus. De meme l'organisme de l'enfant aussi, dans la societe moderne n'est pas encore adapte â la contrainte sociale qui n'est que l'ensemble de commandements et d'interdi tions.
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4. L'inhibition est un processus, produit par l'emotivite et qui suit celle - ci dans des conditions normales. La situation de l'enfant qui fait certaines reactions irregulieres pour ne pas prendre le medicament donne par le medecin est une sorte d'emotivite. Ea situation ıle l'enfant qui s'habitue â boire le medicament et qui le. fait meme en absence de notre intervention, est l'inhibition. Nous appelons â notre intervention, la societe; â la situation de l'enfant, l'organi§me. L'acquisition de l'inhibition est analogue â Peducation, de l'enfant sous la, contrainte de la societe. Ve ınotivite, exactement de la meme façon que le moule se transforme â la main du sculpteur apres certaines resistances et indecisions, se transforme en definitive â l'inhibition. L'inhibition, en general, est l'aptitude de faire des reactions determinees envers certaines stimulations, arreter quand on est oblige une partie de ces reactions, inviter les images qui sont les signes des emotions et des interets et constituer une relation entre eux. L'inhibiton correspond â la partie corticale du cerveau; et elle se foime ulterieürement avec le cortex. Mais, est ce que celui-ci engendre-t - il l'inhibition? Ou bien le processus psychique dite inhibition n'est - il pas surgi sur le cortex, en le trouvant le milieu le plus favorable pour sa realisation? Les experiences nous montrent que chez les animaux deeerebres les manifestatinns d'inhibition se forment de nouveau. Selon la conception de la psychologie physiologique d'aujourd'hui l'inhibition est le produit des habitudes cerebrales, nees des mouvements du flux nerveux. D'apres Head et Riwers, l'inhibition est purement physiologique. On ne peut pas pretendre que les animaux sont depourvus de l'inhibition. Mais celle-ci n'est pas de nature â engendrer des consequences psychologiques. Parce qu'elle est le moyen d'adhesion des nerfs contracteurs et dilatateurs et un instrument simple d'association. L'inhibition chez l'homme etant le pouvoir d'arreter les tendances et les emotions, meme de les cacher, elle est une sorte de barrage, un obstacle pour les courants desordonr ıes du psychisme unferieur. L'imagination, dont l'origine est aux instincts et emotions de l'organisme, mais cependant par l'emotivite etant accu88
mulee sous le barrage de l'inhibition, devient un tresor de plus en plus enrichi. On voit que l'oeuvre la plus importante de l'inhibition est, de premier abord, de faire passer l'imagination de sa forme utilitaire â la forme intellectualisee et sublimee. Deuxiemement, l'inhibition a trouve la voie pour la formation de la volonte en preparant la possibilite de maitriser notre organisme, de preferer les tendances superieures aux inferieures, de deckler, de difiger la lutte entre deux instincts pour assurer les prerogotivs de l'un sur l'autre. ,
Si nous definissons la volonte en une faculte d'agir conformement â la raison, nous comprenons que l'inhibition est un processus qui a deux r'nles simultanes, d'une part dans la formation de la raison impersonnelte et humaine, d'autre part dans la formation de la volonte. 5. Les causes sociales de l'inhibition sont, tout d'abord, la lutte entre is sncietes hun ıaines et la forma^tion des caracteres de domination dans les classes superieures; secundo, l'encerclemer ıt plus proche de l'individu par la societe et l'augmentation de ses contröles sur celui-lâ, par suite de la complexite croissante de la vie sociale (telle que la tribu, la cite, les castes, les corporations, la famille, etc); tertio, en consequence de la complexite sociale lâ participation d'un meme individu aux plusieurs groupements sociaux et son acquisition de possibilite de discernement et de comparaison-entre ses diverses impressions. Ainsi, en ne se contentant pas par des caracteres utilitaires et emotionnels des choses on a commence d'apercevoir ses caracteres plus abstraits et generaux. Bref, le developpement social a assure progressivement la transition de l'imagination â l'activite d'intellection. Il est possible de voir comment cette transition est accomplie, en etudiant l'evolution de la pensee mythologique â la pensee philosophique en Grece. Les consequences sociales de l'inhibition sont l'interiorisation des puissances collectives, la formation des sentiments de responsabilite et d'obligation morales. L'inhibition qui n'est autre ehose que le progres de remotivite a fait naitre deux cansequences psychologiques impor tantes: l,) la formation de l'imagination intellectuelle et de l'intellect; 2) la formation de la volonte. Tout acte d'inhibition a deux elements: l'un est l'instinct, l'en ıotion ou l'image iıı hibee; l'autre est la puissance d'arreter la poussee de cet instinct et de cet image. L'un de ces elements est, sans doute, intellectuel, l'autre moteur et actif. 89
• La faculte de raisonnement et d'intellection est formee par suite de la mise en discipline des images reprimees, de la constitution des rapports d'association habituelles entre eux, sous l'effet des detetminations naturelles et sociales. D'autre cöte, l'exercice de la maitrise sur les instincts et emotions a fait naitre toute sorte d'aptitude de domination et, par consequent, la volonte qui n'est que la possibilite d'agir conformement aux principes de la raison impersonnelle et hurrı aine, c'est â dire de preferer le sublime, l'intelligible et le necessaire 4 l'ordinaire, le sensible et le contingent. Deux institutions sociales, l'Eglise et l'Armee, dont leur naissance correspondent â la periode religieuse - rationnelle au cours de la formation ds grandes cites, ont nourri cette aptitude. 6. La personne, c'est â dire l'activite psychique integrale repose sur l'evolution des processus d'emotivite et d'inhibition. Elle est l'ac: tivite unie de l'imagination et de la volonte. En d'autres termes, elle est l'imagination creatrice. Elle n'est plus l'action utilitaire qui est la caracteristique de la periode economico - pragmatique. Le pragmatime, dont les pionniers sont Nietzsche et W. James, n'est pas suffisant pour expliquer l'integrite de la personne. Il faut chercher ses sources dans le processus d'interaction entre les realites organiques et sociales, et son essence dans la passion et dans l'imagination creatrice.
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LA PERSONNALİTE
Nous tâcherons, dans ce chapitre, de chereher en quoi consiste la personnalite integrale et comment elle se distingue de la personnalite en deficit, et quelles sont les conditions sociales qui contribuent au developpement de la personne humaine. Quand nous disons personne, nous devons entendre une telle unite ar ice moyen on superieure des proprietes psychiques et morales que part est enclin â se voir autonome envers les autres, mais cependant soumis â la nature humaine En ce cas lâ, il faut tenir compte deux caracteres importants apparemment opposes de la personne humaine : le caractere qui la distingue des autres et qui la rend son autonomie, le caractere qui la fait soumis et dependant â son humanite L'un de ces caracteres qui sont opposes mais complementairs, separe la personne de la societe, et l'autre la rattache. Selon cette definition, la 'personnalite n'est pas un reflet, une certaine projection subjective . des valeurs sociales dans la conscience de l'individu. Par ce que, en ce cas 14, il faudrait d'une pan negliger son premier caractere qui est le plus saillant; d'autre part, elle n'est pas la creatiiee des valeurs, tel qu'on voit dans la philosophie de Nietzsche ou chez les pragmatistes, c'est â dire la base d'une vie spirituelle particuliere devant la vie sociale universelle. Car, si c'est vrai, il faudrait negliger l'autre caractere qui n'est que la socialite. En effet, Ziya Gökalp definissait la personnalite par le premier mode que nous avons expose ci - dessus. Pour lui, l'individualite est l'aspect psycho - organique de 1' homme, et la personn.alite son existence sociale qui est superposee au premier. Acquerir une personnalite, siginifie la socialisation; en d'autres termes, l'institutionalisation, ou bien 1'adaptation aux fonctions sociales. Il n'y a pas une personnalite unique, mais une multitude des personnalites correspondant chacune aux differentes institutions ou professions sociales: telles que les personnalites artistique, morale , juridique, technique, politique ou domestique. 91
L'existence d'une de celles-ci n'exige pas necesnairement l'existence des autres. Etre eduque signifie l'institutionalisation, c'est â dire, la fonc tionalisation et acquerir (acquisition) de la personnalite '. A cette conception de la personnalite nous pouvons dire le monadisme social: de meme que dans la philosophie de Leibniz toute monade est un miroir qui reflete le monde â sa maniere, de meme dans cette philosophie sociale tout individu est une monade qui projette le monde selon son mode personnel 2. Sans entrer aux details qui depassent la portee de notre chapitre, nous voulons remarquer que la theorie monadiste de la personnalite est entierement intellectuftliste. Toutes les objections qu'on peut avancer contre elle sont les memes des objections dirigees contre toute sorte d'd'intellectualisme. En dchors de çâ, le monadiSme sociologique ne peut pas expliquer les proprietes d'autonomie et d'independance de la per- sonne humaine Les valeurs ne sont pas des choses creees par elle, mais celle - ci les reflete dans s'a conscience comme dan's un diapaicin, tandis qu'une grande partie de ces valeurs ne se realisent que dans et par la conscience: telles que les valeurs morales, juridiques. politique ş , etc. Par contre, le personnalisme est enclin â definir la personnalite d'une maniere tout â fait differente. En Turquie, surtout dans le domaine de l'application pedagogique, ce courant a trouve certains echos, selon lesquels l'individualite et la personnalite sont inalienables 2 La personne est l'individu pris dans toute.-son existence et son ambianee. La personne cree son milieu moral, c'est de dire ses valeurs et ses croyances. Sa grandeur et sa portee dependent â la puissance de sa creation. Selon F. Nietzsche, precurseur romantique de ce courant, la personnalite la plus grande est le surhomme qui fait des valeurs dont il a cree les croyances communes d'une societe humaine. Le pragmatisme, etant la forme "democratisee" de cette conception, tout individu est, pour lui, une personnalite de la- petite mesure et un element de la creation collective des valeurs. .
Nous pouvons dire l'individualisme â cette conception de la personnalite qui est diametralement opposee â la premiere. Dans une philosophie absolument individualiste la verite n'a aucun substrat universel et necessaire, aussi bien que la'morale n'en a qu'une regle constante. Tandis que le caractere le plus important de la personnalite, comme nous avons montre ci-dessus, t?est pas seulement son independance et sa 1 Ziya Gökalp, Ferdiyat ve Şahsiyet [Yeni Mecmua, 1917]; 2 I. H. Baltac ıoğlu, Pedagoji ve Şahsiyet [Felsefe Yılhğı I. 1932]
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non - similarite â l'egard des autres personnes, mais surtout de rester ficlele â sa nature, et d'etre identique â elle - meme, s'appuyer sur les valeurs humaine3. Voilâ pourquoi ce point de vue qui est oppose au premier n'a pas reussi de l'expliquer . Kant avait releve le second caractere, c'est â dire son fondement qui consiste de reposer le moral sur un principe universel et absolur-Nietzche et Neumann ont releve> particu- lierement le premier caractere, c'est â dire celui d'etre dissemblable et exclusive â elle-meme. Ces deux idees, bien qu'elles sont insuffiantes dans Pexplication de la personne en tant qu'elles sont pris separement, deviennent plausibles et satisfaisantes si elles s'unissent dans, une conception de la personnalite que je suis en train d'exposer. Il ne sera pas raisonnable de traiter la personne ni comme une formation morale, creee exclusivement par Vindividu, ni comme un monde des valeurs que la societe projette â la conseience individuelle. Nous avons dejâ vu Pinsuffisance de ces conceptions opposees l'une â l'autre. La personne humaine n'etant pas l'union ou la synthese des elements psychiques, elle .ne sera pas expliquee, aussi, par la coneiliation de ces idees oppposees ou bien par la composition des elements qu'elles viennent d'exprimer. Par consequent., il ne, sera possible de comprendre sa nature que par ses caracteres opposes et complementaires dans une conception dialectique, et de l'expliquer que par Paetion reciproque de ses facteurs opposes. En effet, au fur et â mesure que .l'interaction entre la societe et l'organisme se developpe et se complique, la personnalite, aussi ent plus saillante. Elle ne peut etre ni le resultat de la differenciation sociate, consideree comme le substrat de Pensemble des valeurs, ni -1'horizon moral que tout individu cree tout scul par sa propre activite, et qui presente un aspect particulier dans chaque individu, denue de Plinite et d'universalite. Cette oeuvre, produit de Paction reciproque est la personne qui unifie les proprietes de deux facteurs, cependant c'est un 'etre nouveau, dgferent de tous les deux par un processus nouveau. C'est seulement dans une societe on les i ııteractions sont tres developpees, tout individu se considerera de plus en plus comme independant et libre, et de meme tout individu sentira plus profondement la responsabilite, le devoir et l'obligation morale qui le rendent attache plus consciemment â Puniversalite. Ou comprend de ce qui precede que la formation de la personnalite n'est pas Pceuvre des conseiences professionnelles et des organisations perofessionnelles qui 1' inventent, mais au contraire, la formation des organismes professionnels sont les produits 93
de la personnalite, la plus haute apparition psychique, dependant du developpement du processus de l'action reciproque. Car, l'esprit de l'organisation professionnelle procede de la conscience de responsabilite et de devoir, c'est â dire, il repose sur la morale de l'Amour. Si le processus d'interaction qui se developpe entre l'organisme et la societe n'existe pas dejâ dans la structure de 1 personne humaine, l'organisation prefessionnelle artificiellement forgee n'a pas le pouvoir de faire naitre la personnalite, de meme qu'une co. nscience professionnelle ne peut en sortir. Ainsi poser le probleme de la personnalite est de se delivrer d'un cercle vicieux, par ce qu'il est impossible d'arriver â la societe en s'appuyant sur l'individu, ou â l'individu en procedant de la societe. On comprendra qu'en posant d'abord le probleme de la personne humaine sous l'angle de l'action reciproque qu'on pourra obtenir et de l'individu et de la societe qui sont deux aspects complementaires et opposes de celle - ci.
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EVOLUTION DE LA PERSONNALITE L'homme, au vrai sens du mot, est tout d'abord une personne saine telle qu'elle est donnee dans la nature physique et sociale. Bien que les ideaux des epoques et l'ideal de l'homme de differentes civilisations soient changes, au fur et â mesure que la personne normale et veritable sort, parmi ses vicissitudes, avec tous ses traits et ses caracteristiques. Sage de l'Antiquite, chevalier et saint du Moyen - Age, homme - libre de la Renaissance, honnete homme des monarchies, enfin patriote humain dans les temps modernes, tous ces types de l'homme, malgre les differences enormes qu'ils presentent forment toujours l'exemple de l'homme authentique de letur periode. Dorenavant, nous avions jete un coup d'oeil sur les proprietes fondamentales de la personne et les bases sur lesquelles elle repose. Dans ce chapitre nous voulons etudier les phases de la formation psychique de la personnalite comme un type authentique d'une periode historique et l'exemple de l'homme imparfait ou en deficit qui nait de l'insuffisance de cette formation. Si l'on etudie seulement comme un effet social -un produit social-, sans tenir compte de son evolution psychologique, il est necessaire de ne voir aucune difference entre la vie d'un fonctionnaire superieur et celle de Rembrandt. Emile Durkheim disait ainsi: "Chacun de nous est un point de rencontre d'une quantite de forces exterieures determinees, et de ce conflit surgit notre personnalite" Alors, est ce qu'on doit expliquer de la meme façon la gense d'un genie et celle d'un homme ordin.aire ? Freud et ses emules qui ont l'ambition de re soudre certaines difficultes grâce â leur methode fascinante, parlent ainsi: "La personnalite etant un produit, ne de la richesse de la vie interieure, elle est tout d'abord l'oeuvre des refoulements des tendances sexuelles". 2 Ce point de vue qui tâche d'interpreter les tableaux d'1 E. Durkheim, De la Divisiou du Travail social, pp. 327 - 342. Paris, F. Alcan, 1922 2 S. Freud, Nouvclles couferences sur la Psychanalyse, III De la personnalile psychique, pp. 81 - 111, Gallimard, 1936
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Ingres par les tendance ş refoulees n'est - il pas aussi errone que le premier. 3 Enfin, en tenant compte les grandes differences entre les personnes afin de decouvrir les proprietes qui les distinguent du moyen et d'ordinaire, Charles Blondel vent chercher ses origit ıes dans la conscience morbide. Encore, par la poussee de cet opinion audackkuse l'art moderne cherche parfois l'origninal dans l'excentrique, idealise les types patholologiques et montre les hommes anormaux comme l'exemple de l'homme integral. Mais en depit que cette opinion est beaucoup plus valable que l'autre, tous les deux confondent la personnalite avec Fordinaire et le mediocre, nous pouvons Bire qu'ils ont le meme defaut. 4 En effet, la personnalite est un etat de sante psychique. Mais, cette sante n'est pas l'oeuvre d'une equilibre de constitution et de temperament; elle est le produit d'une cre-ation nouvelle que Pon acquiert âpres avoir perdu par suite d'une evolution psychologique, en etapes de conversions successives. L'homme, pour devenir une personne morale doit passer de trois etapes psychologiques. On aperçoit cette transition dans l'evolution de grande eehelle de l'esprit humain et dans 1Wolution de petite echelle de l'enfant. Par suite d'une multitude de conditions qu'un giand no ırıbre de groupements sociaux ne se trouvent qu'â la premiere ou la seconde etape de cette evolution. Nous les etudierWS non pas comme -des phases necessaires, mais seulement comme des formes contingentes qu'on peut passer. Dans la premiere forme l'homme est en etat d'emotivite. Le processus des reactions qui se produit en tant que groupement social ou entant qu' individu n'a qu'un aspect repulsif et emotif. Sa relation avec son milieu ambiant n'est pas bien adapte et logique; une fusion affective rattache reciproquement lui â son milieu et son milieu â lui. En _ consequence 'des craintes, des fureurs des interets collectifs, ce qui • l'exprime le mieux, c'est l'instinct gregaire ou social. Sans chercher une identite entre eux al ı point de vue de l'esprit et de conception de vie, nous pouvons dire que l'enfant, le primitif et l'homme moderne ayant de conscience morbide se trouvent dans la phase d'emotivite. Leurs reactions etant repulsives et affectives, la sanction qui les lie aux regles d'une discipline morale, aussi, est un etat affectif passif qui n'est autre chose que la morale de crainte. L'homme, â cette phase, fait des exercices necessaires pour ordonner ses rapports avec son milieu Elle est une phase 3 Ch, Baudouin, Psychanalyse de Pan, F. Alcan, 1929 4 Ot, Bfondel, La Conscience morbide, F. Akan, 1915, 2. edit, 1925
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d'experience, de formation et d'examen. En se debarassant graduellement des maladresses, des reactions indeterminees et sans mesure, des essais et erreurs, en se delivrant des defectuosites, elle commence â prendre l'etat de reactions plus adaptees et rationnelles. C'est pour cela que dans la formation de la personnalite, le processus d'emotivite est la phase d'apprentissage de l'homme etcelui ci, dans une certaine ınesure, est un ailene en esprit. La conception du monde d'un emotif est une conception i ııadequate qui n'a pas le pouvoir de distinguer l'objet du sujet et qui confond le monde avec l'esprit. La mentalite mythique primitive, le hylozoisme des grecs qui considerent l'âme comme une chose melee avec le matiere reclament une puissance diffuse au monde. Les courants mystiques de soufisme, de fakirisme et d'anthroposophisme moderne doivent etre traite dans cette categorie. Bien que l'esprit humain sorte delivre de cette vue confuse pre-rationnelle quand il a pris la forme de la personne humaine, son influence a survecu dans les masses et sur les âmes faibles qui n'ont pas l'autonomie personnelle et elle a pris parfois l'apparence philosophique de sophisme. Dans la seconde phase, l'homme est en etat de resistance. Lui qui acquiert la puissance de repression sur ses actes psychiques par suite des reactions repulsives et emotives, qui apprend de barrer ses desirs et ses impulsions, de diriger ses tendances, commence aussi â se for mer de nouveau. Il a reussi de se separer de l'ambiance grâce â ses reactions adaptees, et par suite on peut dire que l'etape la plus importante dans la formation de la personnalite est celle de la resistance. C'est un processus qui assure, generalement d'arreter ses desirs et de dire: Non!â ce qui vient de la nature organique et sociale, et lui fait une existen ce â part. Mais, ce processus est en meme temps la cause de ce qu'il est emprisonne dans une vie interieure, indifferente et parfois ennemi â son milieu, de ce qu'il vit un monde des reves ignorant la realite; et par suite, un homme qui reste en etat de resistance ne pourra jamais avoir une integrite personnelle.De meme, par la psychologie de l'adolescent qui nous expose la crise d'une vie en lutte avec ses instinets et en croissance mentale par des deviations et, redressements successifs, la pensee moyenâgeuse qui represente typiquement l'evasion de la realite dans l'histoire de l'humanite et la psychologie pathologique qui etudie la schizoidie et le cas morbide de schizophrenie, le type absolument replie en soi-meme nous attestent des points communs dans le probleme qui nous occupent ici, malgre les differences non moins importantes entre eux. 97
Dans la phase de resistance, se soumettre aux regles d'une discip-
line morale est le produit d'abord de l'ethi'que s'inspirant de l'espoir, â peine intellectualisee, et plus tard, en consequence de l'interiorisatian croissante des valeurs il devient reffet de l'ethique basee sur la fierte, qui va en exces ju;qu'â la vanite. L'homme dans cette phase a pu organiser en fait, toutes ses reactions impulsives et ses conduites elementaires qui ne sont pas encore ajustees salon les exigences des milieux sociaux differents, ses maladresses en ces matieres sont de plus en plus supprimees, Mais, par contre, il a perdu ses relations avec ses prochains, par suite de ses resistances et ses recueillements, et il est devenu un monde â part par rapport â son milieu La conception de vie dans la phase de resistance se revele en distinction de l'objet et de sujet, mais elle a tellement augmente ses efforts pour la conquete de soi qu'en definitive elle est arrivee jusqu'au point d'hypertrophier le sujet en le developpant â l'extreme, reduire le monde â celui-ci et de dire comme si le monde n'est autie chose que de sujet. Dans la premiere phase de l'esprit, nee au cours du processus de resistance apparurent le stoicisme et l'ascetisme, tandis que dans la seconde phase surgirssent le romantisme, dans la signification la plus large du mot, fonde sur l'appreciation ou l'evaluation exageree de l'homme, et par suite, plusieurs courants de subjectivisme et d'idealisme sous des formes differentes. Ces tendances qui satisfairent l'explication de la formation d'une sorte de la personnalite sont en train de trouver des partisans jusqu'â nos jours. L'.homme, dans la troisieme etape de son developpement se trouve au point de vue affective, en etat de donner libre olan â ses passions. La vie interieure enrichie par l'accumulation des tendances reprimees, cesse d'etre un tresor -cache et inutile, et commence â se diriger de nouveau â la nature, aux evenements dans lesquels elle vit. L'homme, dans cette etape possede les qualites particulieres propres â soi - meme et reussit de se rattacher â son milieu, et vivre par un interet intense et regulier, suscite par les passions. Ainsi, il est delivre d'un simple processus d'efforts gaspilles comme une roue qui tourne dans l'espace , mais en dirigeant toute son energie vers un but determine, vers un systeme de tendances .conscientes et regulieres, il a pris la forme d'un pouvoir le plus fructueux et le plus efficace. Car, exelusivement par ce moyen que la maitrise de l'homme sur les idees et les choses se realise , la personnalite veritable se forme dans cette etape, et la civilisation qui est son produit domine le monde. 98
En effet, Promethee eleve par ses passions â l'aube de Tere antique etait l'annonciateur de la naissance d'une personnalite .revoltante et creatrice. Pour rapprocher deux points de vue sur un stade de personnalite en evolution dont l'un est celui de la psychologie de l'adolescent qui etudie la piilarisation de la vie interieure vers une tendance maitresse se transformant en une vie creatrice, l'autre est celui de la pensee moder ne qui reussit â diriger le pouvoir investigateur de l'intelligence vers la nature par la methode et la technique, ces deux points de vue assez loin l'un de l'autre comme ceux de l'individu et la societe, il nous semble qu'il est necessaire de proceder d'un point de vue ambigü, dichotomique, mais de caractere dyadique, englobant les autres comme des aspects d'un tout.
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LES CONDITIONS SOCIOLOGIQUES DE LA PERSONNALITE
En etudiant le developpement de l'esprit humain, nous avions vu que la personnalite est la forme la plus haute de ce developpement. Jusqu'â present nous avons traite le probleme comme une formation psychologique et nous avons vu que toute structure psychique est le produit de l'action reciproque entre les processus sociaux et organiques. Dans ce chapitre nous avons l'intention de nous arrter sur les conditions sociales, ou pour mieux dire, sur la part des facteurs sociaux qui sont en jeu au cours de sa formation. Nous avions dejâ avance que la personnalite vient de prendre son expansion veritable dans les societes contemporaines: elle vient de prenre son existence en passant de trois etapes successives. Dans la premiere, elle apparait comme la soumission du sujet â l'objet, en d'autres termes, comme la mentalite mystique. Cette apparition primitive de la personnalite correspond, en general, aux formes sociales dites primitives. Uu tel esprit ne permettait jamâis d'opposer l'honme â l'animal, ni meme â la nature infra - humaine dans son eusemble nous trouvons ses exemples non sculement chez les peuples primitifs, mais aussi dansla civilisation de l'Inde. Cette connexion entre la societe et la constitution psychique provient de ce qu'elle est nee du processus d'interrelation de la constitution psychologique elle - meme. A cette conception mystique du monde certains sociologues disent la representation collective. Mais celle-ci, au lieu d'etre la base, parait comme un resultat des actions reciproques entre les elemerıts des groupes sociaux. Pour comprendre les relations ainsi exprimees, il faut penetrer au fond de la vie sociale des peuples primitifs. 1 M, Scheler, L'homme et l'his toire, Aubier
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La primitivite de ces peuples, ainsi nomrnee, est relative et ne provient que de ce qu'ils sont plus ou moins retardes par rapport aux societes contemporaines, dites developpees, au point de vue technique et economique. Pour employer un terme plus adequat, il est preferable de dire "les societes primitives de notre temps". Dans ces societes l'homme procure sa nourriture par la cueillette, la chasse et la peche, et an lieu d'utiliser la terre comme un moyen de production, il se contente par l'economie destructive._ Ainsi que cette forme de production pousse l'homme necessairement â travailler en collectivite. • La cueillette et la chasse ne peuvent 'etre accomplies par des travaux particuliers. Par ce qu'ils sont consacres aux temps tres limites, c'est â dire â la saison de croissance des etres - animes et inanimes, les hommes aussi neeessairement sont concentres et disperses, et de lâ on decoule leur vie collective et intense dans les periodes saisannieres de l'annee et kur dispersion en dehors de ces periodes. Encore, la concentration periodique et saisonniere explique la periodicite et la regularite de leur concentration. Dans telle3 s3cietes, la nature dirige l'homme. L'etat extremement re duit des conditions geographiques et ecologiques encadre aussi l'activite des hommes d'une maıııiere serree, qui n'est pas -convenable â reur developpement. Voilâ dans telles circonstances la dependance abs alue de l'homme â l'ambiance et â la nature en general, la fusion dusujet dans l'objet, la conception mystique du monde qu'on connait parfois sous le nom de prelogique qui ne laisse pas lieu â l'autonomie personnelle, se ınanifestent dans le jeu d'interaction entre l'organisme de l'homme et ses conditions sociales. En effet, cette discipline serree .et incommode pour le developpement personnel fait naitre le tabou magique, les guerres, les ceremonies d'initiation, les rites mimetiques et de communion, etc. toutes ces regles de contrainte et d'interdiction qui produisent l'emotivite intense dans l'organisme de l'homme et qui le mettent en etat de personne desintegree; et ces dernieres forment â leur tour les conditions psycho-sociologiques dans la premiere etape de la personnalite. Dans la seconde etape de la personnalite, nous apercevons, au contraire, l'homme romantique qui se manifeste dans la reduction de l'objet au sujet. L'homme romantique n'est pas seulement un type d'une periode historique ou d'un genre litteraire; il apparait dans differentes civilisations et sous des aspects multiples toujours avec son caractere egocentrique. Cette forme relativement evoluee de la personnalite imparfaite clepend des conditions et des structures sociales determinees, dans lesquelles elle vit. Nous nous permettons ici de passer en revue cette forme avec ses conditions environanntes. 101
Des que l'homme commence â exploiter la nature dans une situation dominante, c'est â dire, des que ses relations avec la terre a pris des formes plus vastes et plus developpees la societe aussi commence â se represeıııter comme la souverainete sur les hommes, sur la nature et sur elle-meme. Ainsi, dans ces societes l'action reciproque parmi les groupes et entre les groupes et la nature augmente la production par la force de la contrainte. Comme les civilisations de l'Egypte, de l'Assyrie, de l'Iran, de Rome et de la Chine sont entres dans un genre de ce groupe, la civilisation europeenne du Moyen Age, aussi, peut 'etre place dans un autre genre du meme groupe. Les plus grandes formes d'exploitation humaine, l'esclavage, les dominations de classe, le servage, etc. surgissent aussi dans cette categorie. L'agriculture est le mode de vie principal de ces societes dans lesquelles se trouve une classe attachee au sol dans le sens le plus large et une autre classe dominant qui la dirige et qui organise la production. En Egypte les fellahs, â Rome les esclaves, au Moyen - âge de l'Europe les serfs, malgre les differences plus ou moins importantes, presentent ce caractere general et commun. On constate facilement que ces societes sont organisees en des grandes Empires, dans lesquelles le sommet de la hierarchie des valeurs est represente par une famille preconisant Pideal d'une ascension sociale. L'Inde, au point du vue de la hierarchie des castes exceptee les parias, garde encore les vestiges de ce regime social. La classe attachee au sol et soumise passivement aux conditions de la nature ayant l'esprit mystique, les classes qui dirigent la production dominent, dans une certaine mesure, les conditions naturelles et revelent l'esprit romantique. En Grece, la croyance â la souverainete absolue de la raison, de l'Pordre et de la hierarchie naturels, â Rome la croyance aux droits et aux regles juridiques de l'Empire, au Moyen - âge de l'Europe la croyance â la saintete et â la foi chevaleresque sont des exemples caracteristiques de l'esprit romantique. Le romantisme litteraire et philosophique qui est une des apparitions de l'esprit imperialiste parallele avec l'expansion economique de l'Europe du 19 eme siecle est un effet beaucoup plus accentue de ces conditions sociales. Il est possible de trouver les origines de cet esprit romantique qui se manifeste â la Restauration sous forme de "retour â la nature", "l'amour de la nature", "Le culte de l'homme" (deification) au point de vue de sa maitrise sur la nature dans la periode des pharaons. des rois de Chaldee et de l'Iran et des empereurs Romains. Car, nous entendons par l'esprit romantique non pas le 102
sens restreint d'un genre litteraire et philosophique, propre â un- temps determine, mais un type de l'homme universel qui se revele dans des conditions similaires des structures sociales differentes." La troisieme phase de Pevolution de la personnalite, comme nous avons dejâ vu, est l'acquisition de l'autonomie morale par l'homme et son independance relative dans la societe oû il se forme. Ici, la personnalite apparait en une eohesion et meme en une union entre le sujet et l'objet, l'homme- ainsi forme est, de prime abord, realiste. L'homme realiste se revele dans les societes oû les interrelations entre le groupement et le milieu naturel sont le plus fovarable au developpement : lâ, le mode de vie est en train de passer de l'agriculture â l'industrie et â la commerce. De meme les hommes sont adaptes chacun â un milieu de production, de meme le groupement social a- organise ses relations reciproques avec les autres groupemens. Par suite, la production n'est plus une activite quasi - adaptee sous la domination et la discipline d'un groupement social: au contraire, elle est en train de prendre la forme d'une .activite adequate et adaPtee, favorable au developpement de tous les individus dans des conditions naturelles et sociales. Ces societes, ci - dessus mentionnees ne se constituent pas senlement dans des regions les plus convenables au developpement industriel et commercial, dans des meilleurs conditions pour les relations interindividuelles, mais, en meme temps le developpement social suscite Paugmentation graduelle de ces conditions sociales, ou bien il les favorise â son compte. Ainsi que les grandes routes commeriales, les champs d'echange entre les differentes regions de production, les terres littorales disponibles aux relations commerciales donnent des conditions les plus sûrs pour le developpement de ces societes. Cependant, celles-ci ne sont pas le resultat direct de la - dite condition, mais Pevolution structurelle et historique de la societe assure la possibilite de profiter de celles - lâ, sans quoi elles ne pourront pas infueneer directement â la vie sociale. Voilâ pourquoi le type de la personnalite integrale que nous appelons realiste se manifeste dans ce type social, sous l'effet de son interaction avec la structure organique. La personnalite veritable, dans le sens que nous donnons â ce mot dans nos propres civilisations, a tout d'abord la conscience de responsabilite et d'obligation, elle est moralement autonome en egard â l'ordre social, un peu differemment de la conception kantienne. Pour que ces caracteres soient realises faut que les hommes puissent vivre par leur propre entreprise, qu'ils soient delivres de la soumission abolue â uns classe ou â un groupement social, et surtout qu'ils puissent ehoisir une des differentes alternative4: 103
D'autre part, la personne veritable a la conscience d'egalite et de solidarite, c'est â dire, en apercevant que les autruis sont aussi des personnes comme Ini, elle affirme non pas une relation de subordination entre le superieur et l'inferieur, mais une relation de coordination entre les personnes autonomes Pour que ces personnes soient developppees il faut que ladite societe donne la possibilite d'etre libre et solidaire aux individus qui l'informent. Et ces conditions sont frequentes surtout dans les pays de l'Europe occidentale et de l'Amerique du nord, tandis que dans d'autres pays tels que l'Europe du sud et de l'est, qui sont encore assez loin de ces conditions, le type romantique est en vigueur non senlement dans la vie intellectuelle et litteraire mais aussi dans la vie politique et economique. La personne veritable est celle qui represente les caracteres de son groupement et de sa classe sociale, c'est â dire l'homme - le plus adapte aux exigences d'une classe sociale est la personne parfaite de cette clas se. Tandis que la fausse personnalite est celle qui est evadee des exigences de son groupement, celle qui se cache de la rigueur de celui - ci, tout en subissant toute sa contrainte. Dans une societe on le conflit des dasses et des groupements sociaux est extremement tendu, l'homme souffre dans des circonstances tres variees de ce changement de personnalite dans lequel les differents ideaux, la lutte entre eux et la wise psychologique qui en deriye, la fausse personnalite qui accable la personne veritable produisent l'anxiete profonde.
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LE CONFLİT des FORCES OPPOSEES
Il y a beaucoup de temps qu'on donne une importance capitale au conflit des forces opposees: le darwinisme cherche Pevolution dans la lutte des organismes: pour le marxisme Pevolution sociale est l'effet de la lutte des classes, pour certains sociologues, tel que Gumplovicz, elle est l'effet de la lutte des races. L'i4e commune chez eux peut etre exprimee de la façon suivante: Le conflit des forces öpposees ne servira qu'ecraser . le faible par le fort, que de rendre une partie toujours plus forte aux depenses des autres. Pour Hegel et Bunge le droit c'est la force. Les latins et plus tard Hobbes disaient: homo homini lupus. En somme, pour la plupart des penseurs du 19 eme siecle, tout conflit des forces opposees est une acquisition nouvelle pour une de ces forces. Les forces peuvent etre aveugles dans la nature, ou bien elles peuvent etre aussi conciences intensives des groupements humains quand ceux - ci sont bien organises. Toute creation dans la nature est l'effet d'un conflit nouveau, de meme tout creation ideelle est le produit d'un conflit entre les idees oposees et tendues au cours du temps. Nous nous permettons d'etudier la creation des idees opposees, particulierement dans la formation de l'homme moderne. A notre avis, l'effet du conflit des forces opposees n'est pas unila terale. C'est â dire, il ne nait pas par le developpement â Poutrance d'une partie aux depenses de la destruction et de Patrophie de l'autre. Tont conflit ne produit qu'une existence nouvelle sui generis, originale, en dehors des elements. Il faut chercher le cheminement des idees non pas dans Pecrasement du faible par le fort, de la masse par la masse, mais dans le conflit des forces opposees qui engendre les consciences de la liberte, du droit, de la responsabilite, du devoir, de l'amour, bref de la 105
vie interieure. Il est dificile de trouver l'ensemble de ces caracteres de l'homme moderne dans les civilisations anciennes de l'Antiquite, meme dans les religions anciennes. La liberte est une source puisee par la Renaissance; apres avoir noye beaucoup d'alteres a forme par des luttes ulterieures une de bases du ciyoyen moderne. Quand la feodalite fut une puissance non negligeable contre l'Eglise, la lutte pour la liberte de croyance surgit comme une oeuvre nouvelle de ces forces opposees. L' ideal de la Renaissance etait l'homme libre. Celui-ci, en s'echappant de toute contrainte, voulait vivre s'appuyant â ses puissances psychologiques personnelles. Aucune societe ne pouvait reposer sur cette conception extr'eme de la liberte. De meme que ce type de l'homme-libre, pris dans son sens absolu, est efface apres la Renaissance, et l'idee de liberte a pris graduellement des formes progressives moderees. Cette liberte absolue idealisee par les âmes revoltees de l'ere moderne, est limitee â la Reforme en liberte de conseience, de confession et de secte, dans la Revolution française a pris la forme de liberte politique, apres la Revolution la liberte de pensee, enfin, apres la troisieme Republique, la liberte de presse. Une des plus importantes des luttes de liberte au cours du dernier siecle est, aussi, celle qui se rapporte â l'emancipation des femmes. Celle-ci a commence vers la fin du siecle passe, a convoque surtout l'idee de participation des femmes au suffrage universel dans le domaine politique. Ainsi se forma en Angleterre et puis en France les courants et les partis politiques counnus sous le nom de suffragettes. L'idee de l'emancipation des femmes, soutenue d'abord par Stuart Mill est encore en voie de se former dans divers pays. La derniere des luttes pour la liberte est celle qui se rapporte â la vie de l'art. Ce mouvement connu par le nom de futurisme est un courant qui veut,une liberte absolue de forme dans les arts plastiques, dans la musique et dans la poesie en s'affranchissant totalement des formes traditionnelles. Le facteur dominant de la liberte est le conflit des forces opposees; l'eq-uilibre instable surgie temporairement de ce conflit met l'une de ces deux forces en etat de ne pas pouvoir detruire l'autre et, pour ainsi dire, il la donne la possibilite d'agir en dehors des necessites absolues, de choisir et de preferer une des differentes alternatives. Cet equilibre a pris, actuellement, sa forme parfai dans le gouvernement parlementaire. La democratie qui est un ordre plus ou moin.s etabli, est en train de garder la liberte relative des societes contemporaines grâce â cet equilibre des forces. En commençant par l'equilibre entre 4a fecaalite et l'Eglise, 106
cette evolution bien qu'elle ait atteint â nos jours â l'equilibre entre la conscience de classe et la solidarite professionnelle, produisant parfois des courants fructeueux de pensee, d'art et de technique, est corrompu ou bien par la suprematie de la conscience de classe â la solidarite professionnelle, ou bien par le cas contraire: ainsi les libertes assurees par la democratie est en train d'etre menacees et a failli tomber par les coups du totalitarisme, fruit de ce desequilibre des forces. ,
Une des caracteristiques de l'homme moderne est l'idee de droit. tre sujet de droit, defendre un droit et lutter pour le droit est une idee toute neuve. Bien qu'elle prenne ses sources des cultures plus anciennes, elle est developpee comme l'autre, avec un grand essor, â la Renaissance. Le mot droit exprime en fran'çais le cûte oppose de la gauche, et figurativement.la droiture, en arabe, comme on voit dans le mot al-haq prend le sens de Dieu, comme le symbole du droit et de la verite, deux sens synonymes. Bien que l'enonce "je suis dans le droit chemin" est assez ancien, l'enonce "j'ai le droit" est tout recent. Et le mot apres la Renaissancee et la Reforme, a commence de prendre le sens de la competence de possession d'une personne sur une idee, un acte ou une chose. On peut alleg-uer deux causes qui produisent l'idee moderne de droit et le droit evolutif qui en deriye: a) la premiere est l'equilibre des forces. Il n'y a pas la possibilite de dire "c'est le mien", quand une force 'unique domine toute seule sur les hommes Alors, toutes les idees et toutes les personnes sont inclues dans cette force, tandis que celle-ci n'a pas besoin de dire pour les choses et les personnes: "c'est le mien". De meme il ne s'agit pas du droit, quand les hommes croient â un certain pouvoir absolu et â l'inexistence d'un autre pouvoir rivalisant le premier. L'homme n'a pas le droit envers Dieu ou la nature, de meme la nature n'en a pas envers Dieu. A la Renaissance, - quand la feodalite s'est renforae jusqu'â etre un second pouvoir devant L'Eglise, celle - ci a senti le besoin de dire : "c'est le mien". Ainsi, se forme le droit de l'Eglise, et par contre le droit de l'epee, le droit successoral des monarques. etc. B) La seconde est le subjectivisme: la naissance du sentiment de moi comme le point d'appui de tout acte social, la constitution de la hierarchie des valeurs se groupant autour du centre de sentiment de nioi est le second facteur qui cree l'idee de droit. Sans doute, lui aussi, est le resultat du premier. Oû le conflit des forces a pris la forme d'un equilibre, oû l'existene de l'une de ces forces depend de celle de l'autre au 107
lieu qu'une senle force detruise les autres, le subjectivisme ou le sentiment de moi sont en rivalites. En apparence, le mysticisme en Iran (le soufisme) apparait comme le point d'appui du sentiment de moi. Mais, la devise tres connue de Halladj Mansour, "Ana-1 Haq" veut dire non pas "je suis le -droit", mais "je suis en droit (on bien en Verite)" ; c'est â dire elle n'est que l'absorpsion du sujet par l'objet absolu, du moi personnel par l'Etre absolu de Dieu. C'est pour cela qu'on ne peut aller au subjectivisme par la voie de soufisme , ou Men il ne peut prendre qu'un rele transitoire au point de vue de subjectivisme. Celui - ci prend le Moi comme un point d'appui, d'abord dans la religion, puis dans la morale et dans vie juridique, telle qu'on voit dans la conscience morale. Cette revolution, qui commence avec le lutherianisme sous sa forme religieuse avait rapidement cree les idees modernes du droit. Car, pour qu'on puisse dire "c'est le mien", "cela appartient â moi", il faut avant toute chose, avoir le sentiment du moi et de dire "je suis". Dans k droit romain, le droit de l'Islam, et dans toutes les institutions juridiques des cites antiques les principes d'individualite, de moi, de bonne volonte et de conscience morale_ne sont pas leur clef de voûte, et le droit chez ces peuples n'est que la regle objective se rapportant aux actes humains et aux choses. Un des sentiments les plus forts qui rattachent le citoyen â la socie te est celui de devoir. Car, le citoyen ne se verra oblige de faire certains actes que grâce â cette conscience. Il est inutile de dire que l'homme est soumis aux lois de la societe et de la nature. Celui qui agit contre ces lois subira leurs reactions. Par consequent, l'homme n'a pas une liberte ontologique â l'egard de son milieu dans lequel il vit. La liberte n'existe que dans son action consciente et volontaire. Il est expose â l'ordre dicte par ces lois et ne peut vivre que dans leur cadre, strict ou probabilitaire. Cependant, les phenomenes sociaux changent beaucoup plus rapidement que les phenomenes de la nature animes et inanimk L'homme peut prevoir ces changements et sentir les necessites et les obligations plus pressantes de l'avenir, en un jour oii le groupement social vit dans ses coutumes engourdies. Alors, le devoir pour celui - ci est tout â fait autre chose des actes ordinaires de ses prochaines qui n'ont comme regle que d'etre conforme- â la coutume. Et la communaute ne peut dire â cet homme• "Pourquoi tu te considere comme dependant des obligations d'un monde plus vaste que le notre ?"; s'il vient de l'accuser parce qu'il pense ainsi, qui sera, en fait l'accuse envers le destin de l'evolution de la vie ?
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LE CONFL İT des FORCES OPPOSEES II
Un autre effet du conflit des forces opposees est l'idec de l'interet creee par la democratie anglaise. L'idee de liberte, nee en Italie," avait passe en France de plusieurs etapes, des le sentiment vague d'humanisme jusqu'â devenir une philosophie sociale bien daire et çlefinie, et en Allemagne du subjectivisme xeligieux jusqu'â l'etude metaphysique profonde de l'ideal de devoir. Comme le principe de devoir est le terme du societarisme subjectif et rationnel, le principe de l'interet aussi, est le terme de l'individualisme subjectif et intellectuel. Les ianglais, avant - gardes de l'ambition edenialiste en Europe, apres la defaite de l'Espagne et de la France au 17 eme et 18 eme siecles, avaient commence d'acquerir un developpement economikfue sans egal et sür de- leur avenir; voilâ pourquoi Pevolution de l'industrie, du commerce et de la famille, de la tradition et de l'individu furent accompli parallelement dans une pleine harmonie. Lâ, on ne ren contre ni le conflit entre le paien et le sacre de la Renaissance, ni les luttes entre l'Eglise et la feodalite de la Reforme, ni Pantagonisme entre la technique progressive et l'esprit mystique de l'Allemagne du 19 eme siecle. L'equilibre des forces opposees en Angleterre a atteint â une couciliation harmonieuse entre l'individu et le groupepıent. Le conflit des forces resolu dans la liberte en faveur de l'individu et dans le devoir en faveur de la societe, a trouve dans l'interet une solution graduellement profonde entre les deux termes, au moins, en apparence opposes. Adam Smith, Bentham, Stuart Mill ont tâche de constituer les fondements d'une morale basee sur l'idee d'utilite et d'interet. Celui- ci se manifeste sous deux formes individuelle et sociale. En apparence elles sont en conflit l'une avec l'autre. Mais la tâche essentielle des moralistes anglais etait
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cöncilier les interes generaux et particuliers, les premiers etant les conditions de la realiation des seconds. Cependant, cette idee si habituelle et chere â l'âme anglaise a commence, vers le milieu de notre siecle, etre deconsideree par des causes suivantes 1) Au fur et â mesure que les bourgeois sont presses d'en bas par une classe qui se declare 'opprimee, le gaM personnel et la somme qui en deriv`e perdent de leur importance devant les menaces et les espoirs collectifs. 2) Tandis que le morale d'interet est une vue entierement organiciste. Dictant la conservation de la finalite organique, les tendances nouvelles se sont developpees vers le vitalisme ou le materialisme militant qui ont pour but d'ecrouler toutes les barrieres. 3) La morale d'interet s'appuie particulierement sur l'intellectualisme; or, la philosophie du dernier siecle est dirige tantiit vers le volontarisme anti - intellectualiste, tant6t vers le • materialisme dyrramique. 4) Enfin, la morale d'interet est passive; car, ses regles sont limitees par l'interet personnel, tire du sens commun conservatif. Les Grecs voyaient le seul but pratique de rhomme dans le bonheur personnel, tandis que la fM de celui-ci n'est pas seulement de vivre conformement â l'ordre etabli, il doit agir sur sa vie, sur son milieu, les changer ou les creer par son action. Au lieu de vivre passivement telles qu'elle est posee par la nature, il veut l'agir et la donner des formes nouvelles. Voilâ pour ces raisons la morale d'interet est en train de perdre graduellement son importance qu'elle avait en Angleterre du 19 eme siecle. L'idee principale de la philosophie americaine pour exprimer 1'homme moderne est celle de l'action. Il est certain que l'esprit americain qui represente une jeune nation sans histoire, dans un pays plein daventures appreciera plus que les autres la valeur de l'action, du praxis et de la vitesse. Pour l'esprit americain le promoteur de l'homme moderne n'est que l'action Materielle et morale, rutilite pratique dans un sens le plus large du mot. La conception de vie americaine a declare franchement la guerre contre la conception classique de vie de l'Europe du 19 eme siecle. Elle est diametralement opposee â. la conception de vie de la philosophie grecque. Pour les grecs, le bonheur etait dans la serenite de l'âme, tandis que pour l'homme moderne il n'est que dans l'effort continuel, meme dans l'inquietue de la passion. Selon le premier, le degre ultime est la contemplation des essences immuables, et pour l'accomplir il fallait renoncer d'agir, le travail etant considere comme oppose â la reflexion, parce qu'il est consacre aux esclaves. Tandis
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que selon le second la vertu par excellence est d'etre actif, car la pensee est inseparable de l'action. Le grec, pour assurer le loisir, condition indispensable de la pensee, donnait le travail â celui qui est depourvu de la vie contemplative; tandis que l'americain tâche de donner â chaque citoyen son loisir et son travail unis L'humanisme et le pragmatisme ont releve la morale d'action et font une nouvelle interpretation de l'ideal de l'hornme moderne: William ,James, Schiller, John Dewey sont les fondateurs de cette ideologie recente qui a la tendance de deborder Ie continent et d'etre l'ideologie du monde. Elle prime l'utilitarisme par la superiorite de l'actif sur le passif, de la volonte sur l'intellect, de l'humain sur la communaute close. Le principe d'action est le dernier terme atteint par les democraties modernes. Celui - ci a releve cependant beaucoup d'inconvenients aupres des privilege's nouveaux. L'activite, d'abord, est indeterminee; son but n'est pas bien limite Pres des activites utiles pour la societe, les nuisibles peuvent facilement prendre place. Il faut que les activites rentrent dans un. cadre de finalite sociale• dans un systeme des valeurs il faut distinguer l'action dirigee vers les valeurs - moyen de celle qui est dirigee vers les valeurs - fin. Les valeurs - moyen, telles qu'oh voit dans l'activite economique et politique, ayant une force agissante et pratique dans une societe qui a perdu son contröle sur le systeme des valeurs, se transforment facilement et de preference en des valeurs - fin, eller deviennent fin en soi pour la masse qui cherche librement satisfaire son but egoiste. Au contraire les valeurs - fin, telles qu'on voit dans l'activite esthetique, intellectuelle et morale, ayant une puissance potentielle et intrinseque, se transforment, en definitive, sous la pression de la masse au pouvoir dans laquelle tout est anonyme et impersonnel, en des valeurs - moyen. Un, savant n'est plus qu'un instrument d'un fabricant, un artiste createur des valeurs devient un affichiste â la main des entrepreneurs. Dans cette situation incontrûlee des societes oû le principe d'activite indeterminee est en vigueur, il sera convenable de parler du renversement de la table des valeurs; â cette difference que, ce renversement n'est pas un changement par l'effet de la maturite spirituelle telle que F. Nietzsche suggerait dans sa theorie de surhomme mais une des caracteristiques de la decadence et du puerilisme social. Qu'est ce qu'on peut faire autre chose que d'attendre la venue d'uneere de maturite nouvelle apres ce puerilisme social ? Gagner l'argent n'est qu'un moyen pour assurer une vie plus riche en spiritualite et en morale. Mais, il est devenu maintenant une valeurs' 111
une fin en soi: accumuler l'argent pour lui - meme, l'argent pour l'argent. Gouverner est un moyen pour le developpement de la vie sociale; mais dans les pays ou domine le renversement du systeme 'des valeurs, la politique est devenue une valeur en-soi, la politique pour la politique, c'est â dire, une pseudo-valeur-fin. Par consequent, dans telles societes, il est necessaire de noter qu'il y a une deviation intellectuelle et morale Une des definitions de la manie etant de mettre le moyen au lieu de la fin, on peut dire que dans ces societes la manie est en vigueur.
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L'elargissement iudetermine de l'action etant abouti â l'anarchisme, elle est en train d'eveiller des reactions dans les pays democratiques. Ces reactions se manifestent en Allemagne sous forme de socialisme national (le nazisme), en Autriche sous forme de social - fascisme, en Pologne et en Espagne la dictature militaire, en Russie la dictature de proletariat. Toutes ces reactions sont les produits de la Premiere Guerre mondiale, par l'effet de renversement du systeme des valeurs. Bien qu'elles soient divergentes et parfois dans les direetions opposees, elles se concentrent en ce qu'elles sont hostiles â la democratie liberale et activiste. Leur but est de supprimer de differentes manieres les initiatives personnelles, les libertes economiques et politiques. Pour eux, la democratie est degeneree en demagogie, perdant l'egalite et la justice par les abus de la liberte d'action incontrölee. Pour empecher la chute qui peut suivre cette decadence, la seule mesure â prendre est de mettre l'action en discipli ıie. Il faut les 'diriger vers les buts sociaux determines, ne tolerer que des actions qui seront fondues dans le moule destine, â leur epanouisement dans un, systeme organise des valeurs. Ainsi, les avocats du principe_de contrainte qui n'a pour fin que de supprimer la liberte et la personnalite, et qui aboutit aux dictatures des differentes classes sociales ont cette ferme convietion qu'il abolit toutes les crises et les incovenients provenant de la democratie de l'action. Car, pour ce principe il ne restera plus une activite qui corrompe l'utilite pratique et qui mettent les moyens au lieu des fins. Dans ces regimes les activites politiques et economiques libres n'auront pas place. Le principe de contrainte prend ses bases des sociologies materialiste ou spiritualiste. Bien qu'il y ait des grandes differences entre la sociologie spiritualiste selon laquelle la societe est une contrainte collective et la sociologie materialiste qui prend la societe comme un ensemble des besoins materiaux et des moyens de production, il y a cependant ce rapport commun que toutes les deux nient l'individualite, ou pour mieux dire, elles la considerent comme le produit de la vie collective. En Russie les ecrivains sovietiques etaient inspires du materialisme his112
torique, en Franee la sociologie durkheimienne tâchait de differentes manieres constituer la discipline sociale. Cependant, le principe de discipline n'a pas pu eliminer les ificon‘re nients surgis de l'application du principe d'action; meme il les a fait con tinuer d'une autre façon. Le principe de discipline est ne en reaction de l'activite extreme et nuisible. Mais, â quoi sert toutes les reactions que de creer un second p'öle extre ırıe ? De meme que le devoir contre la liberte est une reaction venant de la societe, de meme la discipline contre le principe d'action est une autre reponse societariste, nee des exces de desequilibre qui n'est, en somme, qu'un mouvement reactionnaire. L'oeuvre humaine, creee par le conflit des forces opposees, apres des essais et erreurs, un peu en avant, un peu en arriere, continue dans son progres ,
Le principe de discipline n'etend pas sa contrainte seulement aux valeurs - moyens. Alors, dans les pays ci - dessus mentionnes la liberte de pensee, d'art et de morale aussi, avec la liberte eeonomique et politique sont limitees et reprimees, et par suite, la societe a perdu sa puissance creatrice. L'extension du principe de discipline aux , valeurs-fin est une deviation nouvelle. Car, dans ces societes, les trava ıfx intellectuels, les produits artistiques ne sont pas l'effet d'une concurrence exixtant pour atteindre au point ultime des valeurs; mais ils sont reduits aux moyens d'une fi ııı delimitee. Par suite, le principe de discipline, aussi, n'est pas disponible tout seul â developper la democratie moderne. Meme on peut dire que dans un milieu oiı ce principe est dominant, on n'a pas besoin â la pensee philosophique qui doit reposer sur la personnalite, sur les actes et tentatives moraux, sur les creations artistiques. Car, la dite discipline pretendra qu'on n'aura pas besoin â cette sorte de creations, elle apportera sa• pensee uniforme, son go ısit monotone, sa morale coercitive sans tenant compte la liberte des intentions. ,
Heureusement, cet elan reactionnaire est oblige de lutter contre un adversaire â l'outrance de la partie opposee et du conflit nouvel des forces contraires, il est facile de prevoir qu'un pas est gagne vers l'ordre nouveau du monde. Cette nouvelle ideologie, nee du conflit entre l'action individualis te et la discipline societariste, est l'ideologie de la hierarchie personnaliste. La hierarchie veut substituer les degres moraux et intellectuels au ucu des classes economiques. Ce n'est pas une societe dejâ constituee, mais un but vers leqııel on se dirige necessairement par l'effet de l'evolution sociale. La hierarchie n'est pas un (lesir, une aspiration, mais un but et un 113
ideal vers lequels on est dirige par l'effet des determinismes sociaux et psychiques. L'humanisme patriotique est l'art de concentrer en un point les buts reels et les aspirations ideelles, l'art qui cree en chaque nation un idealisme pratique, â sa maniere, pour etre une technique de la reunion. La hierarchie est la fin que nous souhaitons atteindre et nous nous dirigeons vers elle, mais en meme temps une etape vers laquelle les determinations sociales et psychiques xloivent nous amener. La civilisation actuelle qui voit dans l'americanisme et dans le totalitarisme les etapes de crise juvenile de son ideologie, acquerera son âge mi ır et sa personnalite avec l'Etat de Hierarchie. De meme que l'etape d'infantilisme de l'ancienne ideologie representee par la bourgeoisie du 18 eme siecle etait d'abord apparu en deux piiles opposes de la Renaissance et de la Refornıe, et apres avoir joue son. riile'avait laisse sa place au rationalisme, â la morale de prevoyance. Car, toutes les activites sociales reposent en meme temps et â la matiere et â l'esprit: elles sont materielles au point de vue technique, et spirituelles au point de vue de conscience. Dans une societe developpee les valeurs morales, esthetiques, intellectuelles et religieuses forment les fins de Pactivite sociale, tandis que les valeurs economiques, politiques et juridiques sont des moyens qui servent â. la realisation des premieres. L'ensemble des valeurs fin et moyen constituent le systeme social. L'americanisme est l'etape d'infantilisme et d'effcrt le plus safin de la civilisation. occidentale. Car, c'est par lui que la liberte d'action en faisant la technique la fin du systeme social etait arrive â la reussite, mais il avait risque les valeurs-fin, de perdre leur rang dans la hierarchie axiologique. La diotature de classe est la force motrice de la nouvelle ideologie. Elle est une certaine reaction contre l'esprit infantiliste, exaltee et sans discipline. Parce que c'est en elle que la necessite de la discipline en dirigeant le sens et la conscience a reussi de l'affranchir du desordre des caprices individuelles. Mais, par suite, elle a risque la creation individuelle, c'est â dire Pactivite psychologique qui se dirige vers des valeurs - fin. Cependant, Phumanite pour acquerir de nouveau sa maturite intellectuelle a passe et passera des etapes que nous avons ci-dessus expose. Ce qui prepare la naissance d'une societe de hierarchie est, avant toute chose, la formation des valeurs-fin et des valeurs-moyen qui proeedent de la structure sociale. La conciliation de la nouvelle technique avec la science et la philosophie moderne sera aussi le fruit de ladite societe.
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Lâ, la technique entrera sous la tutelle de la discipline sociale; l'economie, la politique et le droit seront des activites organisees selon la fin et la justite sociale qui ne risquent pas les valeurs-fin. Mais, lâ aussi, la pensee, l'art et la morale seront des objets dans lesquels les grandes concurrences et libertes sont en vigueur. Ainsi, la societe de hierarchie sera basee ni seulement sur la liberte et l'activite, ni seulement sur le devoir et la discipline; mais toute personne aura en meme temps et le devoir et la liberte. L'union de la discipline et de l'action en une personne ne sera que l'effet de l'education de la hierarchie, naissant des passions dirigees vers des valeurs-fin. Toute societe, apres avoir fait sa reforme economique se dirige neçessairement â cette etape ultime de l'evolution humaine.
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LES VOIES QUI MENENT A LA LİBERTE
La liberte est la puissance d'agir conformement â la conscience morale, sans etre opposee â la nature physique et sociale. De cette definition, on conclut done, de prime abord, que l'opposition faite â la nature physique entrave la liberte de l'homme par la maladie ou par la mont; de meme, l'opposition contre la nature- sociale delimite la liberte par l'action du châtiment. C'est â dire, la liberte n'est possible que dans l'ordre naturel et social et ne se realise qu'en se soumettant â lui. Deuxiemement, la liberte n'est pas tout acte de l'homme qui est conforme â la nature et â la societe, Car, l'homme peut agir par la crainte de quelque chose, d'une norme ou d'une personne, par l'espoir d'un gain ou d'une promesse, d'une recompense, enfin, par sa propre fierte, qui n'est qu'uue vanite cachee, produit de l'espoir d'un succes gagne par l'effet de l'opinion publique. Dans tous ces actes l'homme est heteronome par rapport â la nature ou â la societe: il depend des influences exterieures et n'est pas libre. Troisiemement, la liberte est l'effet d'une poussee provenant de nous - meme. Mais, cette poussee n'est pas un instinct, une simple impulse, elle n'est ni automatique ni inconsciente. Elle doit,etre accompagnee avec la conscience, avec la volonte de faire le choix entre plusieurs alternatives. Enfin, elle doit preferer une de ces alternatives par son simple attachement â l'autonomie de toute personne comme lui. Il faut que notre acte soit accompli en connaissant la cause et en la preferant par l'amour de la personne. Un tel acte n'est pas seulement le produit de l'intelligence • dans çe cas lâ, il serait seulement une constatation de la valeur; il n'est pas, non plus un simple produit de la volonte, car en ce cas le, il serait seulement une action aveugle. Il est â la fois intellectuel, actif et affectif et avec tous ces caracteres il apparait dans la passion.
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La liberte est l'ideal dernier et ultime de l'humanite. C'est elle qui est le fondement de tous les courants de la democratie et de tous les mouvements patriotiques et humains . Elle est un but avec lequel aucun autre ideal est irremplaçable, elle est un terme dans lequel toutes les personne3 trouvent leur realisation, et la veritable egalite ne prend corps qu'apres sa realisation effeetive et totale. Les revolutions sont des efforts humains pour l'atteindre, les philosophies et les systemes d'education sont des eları s d'idees pour preparer les hommes â sa conquete definitive. La liberte est le ciel descendu â la terre, la derniere etape qu'on doit parcourir, le plus grand but qu'on doit aboutir. Par consequent, le probleme essentiel de notre temps est le probleme de la voie qu'on choisit, de la methode qu'on suit pour aller â la liberte. Ce qui importe â nous, ce n'est pas croire â la liberte et de la prendre comme une fM ultime, mais de trouver le meilleur chemin qui conduira â sa recherche. Jusqu'â present, on a lıropose trois chemins pour nous conduire â la liberte.
La premiere voie est celle de la democratie demagogique: c'est le moyen d'arriver en un jour â la derniere etape, emmener la liberte aux pieds de la masse, jeter aux bras du peuple le fruit cueilli dans mille et mille difficultes. Ce n'est que de donner une arme dangereuse â la main de l'enfant novice. Laisser seule â ceıte des gouffres l'homme qui monte â peine au chevel. La liberte n'est pas le pain rationne dont on peut l'acquerir en distribuant au peuple. Elle n'est qu'un fruit ultime de l'education de l'humanite qu'on pourra acquerir par des efforts interminables. Nul ne se sentira libre, en disant: soyez libre! et personne n'avancera meme un pas vers la veritable egalite en disant : nous avons donne regalite! La demagogie detruira tous nos desirs d'effort et nos aspirations humaines en ramenant tout d'un coup l'ideal le plus lointain au bout de nos jenoux. Puisque nous la possedons dejâ, â qui nous tâcherons d'arriver ? La demagogie, sans passer d'une education morale, avait fait cadeau la liberte en opulence, voilâ pourquoi elle avait ouvert la voie â la domination de la ruse, de la corruption et de la debauche, et â la fM, elle avait mis aux fers ceux qui sont arrives â la liberte personrrelle par ses propres efforts. ,
En disant: Qu'est ce que vous voulez ? la liberte ?. Voilâ! Est ce que vous pouvez la souffler â l'âme de personne ? Ese ce que vous pou 117
vez mettre la passion au coeur des hommes et les enflammer Ceux qui font le bien exclusivement par ce qu'ils ont la crainte ou l'espoir, ceux qui sont vertueux par ce qu'ils attendent d'applaudissements et d'estime, pourquoi vous voulez qu'ils fassent la vertu et soient bons quand la pression est enlevee de leurs epaules et n'atteingnent pas ce qu'ils ont espere ? La liberte n'est jamais un simple mot, une parole vaine et une affiche de mur! Dans les articles des journaux et aux coins de la rue, en faisant la charlatanerie â son nom, on ne possede pas la liberte. Par cette voie on n'arrive qu'au desordre, â un etat chaotique et â l'anarchie. Prendre le defectueux au lieu du parfait , mettre l'erreur au lieu de la verite, voir egaux ce qui n'ont qu'une intelligence infantile avec ceux qui sont miirs, est de rester enfin dans l'egarement. Le premier chemin que nous consultons pour aller â la liberte est tombe, donc, par suite de, ces causes, dans l'impasse et dans les erreurs .
* La seconde voie est celle du communisme: puisqu'il faut que l'homme soit totalement instruit et la societe mere pour qu'on atteint la liber; te, puisqu'il faut 'etre eduque celui qui est au niveau de la morale d'espoir pour atteindre la morale de l'Amour, alors, il est necessaire de dresser ceux qui sont imparfaits par le moyen des adultes, de les mettre dans la discipline jusqu'au temps ofı l'on conduit â la liberte veritable. Qui sont les adultes ? Quel est le critere de l'educateur et de l'edu que ? La societe du demain est basee sur l'activite. Le pivot de la societe de l'avenir sera seulement le travail. Les ouvriers, pour cette conception, sont les plus affranchis de la tradition, ceux qui ont brise tes chaines du passe. Alors ceux qui atteignent â l'âge mûr, ceux qui sont organisateurs et qui ont une puissance sociale ne sont, pour cette doctrine, que des travailleurs. La seule force, pour nous conduire â une societe sans contrainte et sans Etat, selon cette opinion, ne sera que l'Etat des ouvriers et l'education donnee â la masse sous la contrainte de celui- ci. Car, seulement le peuple voudra la maturite. L'acquis de conscience des travailleurs ne sera consenti encore que par ceux - ci. Mais, l'organisation des ouvriers a-t-elle vraiment atteint â l'âge misır ? est-elle disponible (capable) de rouler le cylindre de civilisation et d'elever la masse ?
Certainement nous avons raison de l'en douter. Les travailleurs ne sont-ils pas ceux qui souffrent le plus et qui vivent dans le besogne ? Ne sont-ils pas ceux qui sont depourvus de l'occasion d'elaborer leur
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pensee dans les fers rouilles et des sombres cabanes, ceux qui ont la haine et la rancune contre la classe aisee ? Le proletariat'n'est-il pas la classe qui ne pardonne jamais, celle qui garde â son coeur l'amertume et la fatuite de la vie, et par suite, attend l'occasion pour prendre vengeance et vivre en aisance. Alors, comment des gens pousses par l'idee-fixe de la haine, leurs coeurs enflammes par elle peuvent avoir une vue saine et forte pour redresser le peuple tout entier ? Comment ils peuvent etre impartiaux et justes envers tout le peuple, avoir ces qualites extremement rares qu'on peut s'approcher que par la morale de l'Amour ? Pour atteindre la liberte peuvent - ils prendre en main la discipline sociale ? Quel est le sens et la valeur d'un Rembrandt au d'un Beethoven aux yeux d'un homme inculte ? Quelle est la valeur d'une discussion philosophique si ce n'est qu'un jeu de mots ? On dit qu'il y aura parmi les ouvriers, aussi, des penseurs et des heros. Mais, ceux - ci que peuvent - ils faire s'ils n'agissent pas conformement â l'ideologie fanatique du proletariat, s'ils ne deforment pas leurs idees, leurs goûts et leurs actions ? Alors, le communisme ne sera jamais fidele â ses promesses d'eduquer la masse pour atteindre â la liberte!
La troisieme voie est celle du fascisme. Puisque tout ideal n'est autre chose que de donner conseience â la masse, redresser la societe â un tel niveau pour qu'elle soit digne â la liberte; alors, il faut consulter aux gens eleves, laisser le gouvernement â leur main, et de consentir la contrainte d'aujourd'hui pour avoir la liberte du demain Toute la la crise de la societe actuelle provient de ce qu'elle a la volonte et l'esprit tout â fait separes l'un de l'autre. Celui dont le poing est fort il est faible d'intelligence. Celui qui a une pensee vigilante, est depourvu du pouvoir. Celui qui peut ce qu'il veut, n'a pas le pouvoir de souhaiter des belles choses. Toutes les idees proposees pour le bonheur de la societe, pour la liberte des hommes sont restees comme le reve et le mirage. Quant aux grands hommes de volonte qui ont le pouvoir de conduire les masses, pour eux rien n'a de valeur que pour leur propre souverainete. La pensee humaine n'est pas le reve d'un naif. C'est pour tela, selon le fascisme toute la tâche doit etre dans l'union du cerveau et du poing; c'est par ce moyen qu'il veut organiser les penseurs et gouverner toute la societe par la discipline de cette organisation. L'education qui peut donner la liberte du demain n'est, pour lui, que l'education de la classe des intellectuels. 119
Le fascisme a-t-il raison dans sa these ? L'organisation de la classe intellectuelle, traditionnaliste •et reactiormaire, peut - elle vraiment ameliorer la societe ? La domination de la pensee assurera-t-elle la justice et nous conduira-t-elle vers la liberte? Si la classe des intellectuels reactionnaires est, surplus, celle qui n'a pu l'occasion pour satisfaire son egoisme. accablee de sa vanite, une classe enlisee dans la corruption du passe, alors, non! Il est tres facile de repondre â cette question. Car, la classe des in tellectuels reactionnaires n'est jamais passee d'une selectiow morale. Pour beaucoup de personnes la science est un moyen d'accaparement et une arme d'agression. Il n'est jamais raisönnable de les subir â une organisation et les ameliorer sous la eontrainte. Comment peuvent former la societe et viennent de la donner l'arme, ceux qui n'ont pas la liberte dans leurs coeurs et n'ont pas atteint â la morale de l'Amour ? On dira que le veritable penseur est, d'ailleurs. celui qui est moralement par, fait. Mais, combien de gens qui portent â leur tete une colJection de dip sont tres kin de perfection et de morale de l'Amour. Si vous decidez de donner le pouvoir â la main des intellectuels de la tradition, comment et par quel droit vous pouvez les priver de cette competence ? Alors, le gouvenement faseiste, c'est â dire la domination intellectuelle traditionnelle, n'ayant aucun eritere pour la morale de l'homme moderne sera entierement insuffisante pour atteindre â la liberte veritable du demain. Vous avez bien vu que les voies qui veulent nous mener â la liberte sont pleines d'erreurs. L'une donnant l'occasion â l'anarchie, l'autre en aboutissant parfois â la domination de l'ignorance, la troisieme en ouvrant la porte aux detriments de la science incredule, immorale et pleine de prejuges sont eloignees du but. Il n'est pas possible de parvenir â la liberte par ees voies, d'eduquer le peuple par eux et d'entrainer la societe de l'avenir. La Revolution française, la revolution russe et be, aucoup d'autres qui sont en train de se realiser revelent chaque jour plus clairement cette verite. Donc, pour atteindre la liberte il fai ıt eduquer la masse dans la discipline; pour eduquer la masse,. il faut entrainer une classe qui a sa rectitude et sa droiture. Pour s'initier â la societe libre des travailleurs du demain, il faut donner la conscience â cette classe, il faut organiser la classe intellectuelle selon le but de l'humanite moderne; mais donner la solidaxite et l'organisation â celle - ei, il faut, de prime abord, creer la so lidarite morale et de classer les hommes en un ordre de hierarchie morale. 120
On conclut de tout ce qui precede, qu'au commencement vient la societe moralement hierarehisee. C'est seulement dans ces conditions que les intellectuels seront affranchis d'etre un simple instrument des aventures des groupes belliqueux et hostiles les uns les autres. Ils pourront entrer dans le cadre d'une solidarite de profession et de classe; et par suite, la masse pourra acquerir la conscience et l'edueation pour qu'elle soit capable d'elever au niveau d'une societe composee de personnes libres.
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III EDUCATION de L'HUMANİSME DES CULTURES Nous avons traite notre probleme, des les premiers chapitres, de points de vue philosophique et psychologique, et nous avons tâche, surtout, de l'attacher â un probleme plus general de l'etre ambigü, la dyade. Ce qui nous reste encore en ce qui concerne l'application, ou du moins la comprehension d'un humanisme multiforme qui aura pour but de rapprocher les differentes cultures du monde, au lieu de les suprimer au detriment d'une seule, la plus forte au point de vue technique, c'est de chercher les moyens d'inculquer cet humanisme polyculturel â tous les peuples dans la mesure ou ils sont capables d'utiliser un systeme d'education; commün dans ses grandes lignes. Education de l'Humanisme des cultures ou bien le systeme d'education basee sur celui-ci est une tentative de haute portee pour la comprehension internationale, si nous utilisons un terme tout nouveau; tentative qui doit tenir compte des differents aspects sociologiques, economiques, anthropologiques, psychologiques du probleme: ce qui nous parait depasser la possibilite de l'embrasser d'un seul coup. Des lors, nous nous sommes obliges de ne pas nous laisser entrainer dans les sinuosites des recherches scabreuses et arides dont la plupart sont en conflit, et de se consacrer â un champ delimite et plus precis pour que nous puissions trouver la voie eclairee par nos devanciers. D'abord,nousdevons constater les tendances patriotiques des regions telles qu'elles sont posees dans l'espace et au cours du temps,parfois en une agglomeration des tribus, une nation diffuse, parfois en un groupe des cites en voie de concentration, ou en empire, parfois aussi en une nation organisee, ou meme une region se composant des nations. Toute for123
mation sociale et politique a, des ses origines, une tendance de faire affirmer aux autres sa superiorite culturelle et de constituer son hegemonie. D'oiı vienr le caractere particulariste de tout patriotisme, et les conflits qui en derivent.' Les vanites raciales, ethniques, nationales, le caracteres presomptueux de tout peuple et leurs prejuges envers les autres peuples, surtout leurs misoneismes, leurs usages deprimes pleins de superstitions et de mauvaises habitudes qui les empechent du progres sont les causes principales de leur ethnocentrisme 2 et de leur fermeture au monde entier, qu'ils soient deveroppes ou non au point de vue technique; Classer les societes actuelles en developpees et non - developpees, etre fier d'appartenir au pemier groupe ne change rien de ce que nous constatons ici. Avoir une morale fermee, 3 consacrer la vertu et la dignite humaine â ses popres concitoyens et de considerer les autres comme depourvus de ces biens, bref, la surestimation sociale qui n'est, â v.rai dire que l'hypertrophie du moi ethnique revelent le caractere romantique et agressif des peuples, dont l'evolution intellectuelle en caractere natioonal (rationnel) ne les empechent pas d'etre contamine par ces inconvenients. Au contraire, elle les rend plus efficace dans leurs agressivites, plus tenace çlans leurs dominations sur les autres qui les pousse, en defiııitive, â rester senle et sans rival dans le monde. Ainsi, il est banal de dire qu'un conflit des peuples autant qu'on est soumis â une morale fermee et egocentrique, autant il augmente l'immoralite fondamentale. La puissance d'extension du caractere rationnel egoiste engendre le nationalisme agressif et l'imperialisme. On conclut, de la sorte, la resistance des caracteres romantiques des peuples plus faibles contre l'invasion du nationalisme technique. Maintenant, c'est le tour de faire passer en revue les tendances strictement humanistes des regions qui procedent d'une lutte ouverte contre les premieres. Sans faire aucune repartition geographique et historique, nous pouvons envisager les types suivants: humanisme ancien assyro-chaldeen et egyptien, humanisme de la Perse antique, les humanismes indous, l'humanisme chinois, ou bien Plusieurs tentatives d'humanisme â mi-chemin des morales en Chine, humanisme greco - latin, humanisme chretien et Musulman, humanisme moderne de- l'Europe, etc. Ce qui est remarquable, c'est le caractere, au fond, universaliste de toutes 1 Edmond Privat, Le choc des patriotismes, le sentiment collectif et la morale entre les nations, Paris, Fdix Alcan, 1931 2 Bulletin International des Sciences Sociales, No. 2 - 3, 1949 3 H. Bergson, Les sourees de la morale et de la- religion.
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ces tendances qui est en opposition au caractere particulariste des premieres. Nous avons fait passer en revue les deux aspects du probleme dans leurs formes entieren ıent distinetes, aux points ultimes de leurs evolutions respectives, afin qu'il soit possible de les examiner separeme ıııt. Dans ce cas lâ, il parait que la resolution du conflit e ııtre les patriotismes ou bien les conflits entre les humanismes regionaux sont impossibles. Car, l'hostilite surgie de la concurrence des puissances regionales ne pro .. vient pas seulement de l'antagonisme entre leurs interets, mais e ıi meme temps de celui de leurs pseudo - ideaux qui les poussent â l'inimitie reciproqüe. Exactement nous pouvons ,dire avec Kant: "s'il n'existe pas la loi morale fondee sur la liberte, et si tout ce qui arrive ne peut arriver d'un pur mecanisme de la nature, dans ce cas lâ, la politique constitue toute la sagesse pratique et la notion du droit n'est plus qu'une idee depourvue de toute realite".° Mais nous devons ajouter que meme dans ces conditions, certains pseudo - ideaux existent tels que la victoire definitive d' ıine seule ,nation, sa şuperiorite raciale aux autres peuples, etc. pour enflammer la haine et pour rendre inaccessible la comprehension mutuelle. Quunt provenant des antagonismes entre les hurnanismes, ou les vrais ideaux universels, il n'est pas moins important que les precedents. Les luttes entre le manicheisme et le christianisme, entre le bouddhisme et le taoisme, entre le christianisme .et l'Islam, enfin, les luttes entre l'humanisme de la Renaissance et celui de la Reforme etaient beaucoup plus excessives que les luttes entre les peuples paiens ou les nations imperialistes de notre temps. Car, ils portent le drapeau d'un proselytisme, croyant â la voie unique, la verite unique et n'ayant pour but que d'exterminer les autres croyances. Il est incontestable que les deux antagonismes, qu'ils soient particulier ou nniversel, sont la cause de toute i ıacomprehension mutuelle et par consequent de tout pessimisme pour un ideal humanitaire. Mais, nous nous permettons d'attirer l'attention que cette attitude negative provient de l'etat distinct et abstractif des deux aspects de l'etre humain, etat qu'on a acquis au cours du temps par des efforts alternants des hommes, mais qui ne peut jamais perdre le contact avec la source originaire, la dyade de l'etre humain: l'homme sent, se souvient, pense, aspire et vit son existence de dyade , de personne qui se roule dans le temps indetermine, se composant toujours des sujets vecus et des objets aspires, des durees reelles, essors vers des ideaux qui se suivent et qui s'emboitent ,
1 Emmanuel Kant, Projet de Paix Perp6tuelle, 1795, trad. J. Gibelin, 1948, J. Vrin.
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leş uns les autres et il est vain de separer ces deux moments de l'etre humain, car ils s'interpenetrent dans une meme existence, â mesure qu'ils forment deux aspects contraires et complementaires. Si nous pouvons aborder cette source commune, nous voyons que la cause du pessimisme est illusoire. L'opinion decourageante ne provient que de l'etat distinet abstractif de la realite totale; et pour retourner â cette meme source , la decouverte de son existence immediate n'est pas suffisante; il faut , en meme temps, un second elan de l'intellect pour rendre ces etats distinctifs â leur source commune par une synthese ulterieure de la raison. Alors, notre intuition sur les donnees immediates de la dyade humaine ne sera claire et comprehensible que par une tentative de synthese de la raison• ainsi la dyade indefinie est transformee en une monade definie qui est la synthese du fait et de l'ideal. Or, Paction n'est pas detachee de la contemplation, ni la seconde de la premiere. Bien qu'on n'enseignasse pas la vertu suivant la doctrine de Platon, il ne faut pas la chercher seulement dans les actes, tel que Diogene voulait suggerer. L'action unie avec la volition, le fait qui retrouve l'ideal forment le domaine d'une education dans laquelle enseignement et entrainement ne sont qu'une senle et meme chose.
Quel est le domaine de cette education ? il est si large qu'il est presque impossible de faire une enumeration complete. Il s'etend â toute la vie collective et individuelle. Pour citer que les plus significatives, nous pouvons dire qu'il faut commencer par l'ecole, parce qu, elle est la plus organisee et de tenir compte toutes les institutions de travaux organises tels que la garnison, l'atelier, l'usine, la fabrique, les champs d'agriculture, les champs sportifs, les lieux de loisir et de jeu, les clubs, les cinemas et les theatres, la rue, le domicile, sa relation avec l'ecole, avec les voisins et la ville, les jardins d'enfants, les jeux d'enfants. etc. Quels doivent - etre les fondements de notre education ? 1. Notre premiere regle que nous voulons proposer est de faire connaitre que notre etre humain repose sur une tradition profonde, il tire son existence de cette tradition, accumulee d'experiences vecues d'un sujet qui dure et d'un objet auquel on aspire; la possibilite de d ıesser l'enfant en s'appuyant sur cette tradition illimitee, mais toujours presente â l'etat actuel de notre existence. 126
2. La seconde regle dont nous souhaitons tenir eompte dans Peducation de l'enfant est de ne pas se laisser entrainer aux limites infranchissables de la nature tracees, soit disant, par le destin, et de croire â la possibilite de progres de resprit humain; ce qui est la consequence necessaire de la premiere regle qui consiste en une progression continuelle dans la traclition. 3. La troisieme regle que nous proposons est, en consequence de deux premieres, ne pas forcer les choses pour qu'elles puissent prendre une autre existence; c'est â dire, de ne jamais chercher une chose toute nouvelle qui ne se trouve pas dans les etats vecus, mais, en tenant compte que toute aspiration vers l'objet est une limite de l'existence (se composant du passe et du present) et par consequent un commencement de recreation. 4. La quatrieme regle de notre conduite est de savoir que l'education est attachee â l'exercice, â l'entrainement des actes, plus q&â l'enseignement des connaissances, suivant en ceci les cyniques Antisthene et Diogene plutet que Socrate et Platon. Cependant, en considerant les seconds comme les complementaires des premiers. Alors le probleme de la relation entre l'education et l'enseignement se pose. Celui - ci etait toujours le sujet d'une controverse dans la matiere de pedagogie et, de la meme raison, dans les autres sciences humaines. Sans aucune pretention de la resoudre avec tous ses aspects discutes et etudies par les dites sciences, nous voulons ici, seulement enumerer les relations significatives entre l'education et l'enseignement qui seront le guide pour notre sujet: A) d'abord le champ d'application de l'education est beaucoup plus vaste que celui de l'enseignement: car, celui-ci etant limite par scolaire et post - scolaire (enseignement des adultes. etc.) , le premier, comme nous avons ci - dessus remarque, embrasse toutes les activites des groupements humains; B) L'education eveille toutes les facultes de l'âme: ou bien une bonne education doit connaitre les puissances de Pare humain, l'âme consciente et inconsciente, sans faire la distinction artificielle entre l'âme et le corps et sans exciter les unes aux detriments des autres qui restent engourdies; tandis que l'enseignement n'appartient qu'â l'intelligence et â l'activite manuelle qui la depende. C) Il faut passer non pas -de l'enseignement â l'education, mais de la seconde au premier. Car, un procede â l'inverse, en consequence de la 127
seconde regle, n'influe pas sur l'ensemble de retro humain, en tenant compte â la fois de sa vie spirituelle et physique. D) L'education appartient et â la connaissance et â la croyance, ou bien elle se developpe par la cooperation de Pir ıtelligence et du coeur (au sens pascalien du mot), tandis que l'enseignement n'appartient qu'au domaine de la connaissance et il developpe exclusivement la faculte intellectuelle. E) L'education doit etre en harmonie avec Penseignement; n ıais leur accord ne peut jamais etre ni total ni absolu: car, reducation depasse l'autre en objet dont'elle sera appliquee, et en instruments qu'elle utilisecette fiıı, et ne peut pas assurer une correspondance. adequate avec Penseignement; mais , en le depassant elle a, tout de meme, la capacite de Penglober comme un cas particulier. Quels sont nos edueateurs elus ? Cette question sera posee pour tous les temps et pour toutes les personnes ,qui se co ınsidereront comme digne de Petre, mais doit 'etre exami' ııee, au moins, de point de vue de la morale de l'humanisme des cultures. a) D'abord, ceux qui ont passe de Pentrainement aride et scabreux de Feducation morale peuvent etre habiles â donner la meme education aux autres. b) Puis, ceux qui connaissent le mieux leurs sujets et croient â cette connaissance avec tout leur coeur. Il est inutile d'ajouter que cette connaissance et cette croyance doivent etre lâ consequence d'un entrainement moral. e) Ceiıx qui connaissent le mieux les moyens de suggerer kurs croyances et surtout ceux qui sont aptes â la suggestion non seulement par la connaissance, mais en meme temps par la disposition psychologique. d) Ceux qui ont prouve qu'ils ont dejâ depasse effectivement le niveau de l'enseignement qu'ils avaient donne. e) Ceux qui possedent les methodes et les procedes que Peducation exige. ( İls peuvent etre competents dans une ,seule branche de Pactivite humaine, un specialiste.) f) Ceux qui prennent la tâche d'eduquer les enfants les Plus doues doivent etre les meilleurs educateurs. Si cette situation privilegiee se revele dans certaines ecoles on aura, sans contredit, le meilleur resultat. Maintenant, il est permis de demander quels seront les moyens de notre systenıe d'education ? D'abord, toutes les activites sociales, des 128
la vie scolaire jusqu'aux coins les plus infimes de la vie du groupe, telle que la rue, les terrains disponibles pour se reunir, et' surtout le domicile avec ses sinuosites. Pour l'educateur perspicace qui est curieux de tout voir, de suivre l'enfant dans toutes ses phases de la vie quotidienne, non pas pour le menacer ou pour haranguer des discours fastidieux et ennuyeux, mais pour l'observer dans ses actes reussis et bienveillants ou tronques et malveillants et de le donner l'exemple avec son propre action, afin d'eveiller en lui une curiosite interrogatoire pourquoi il fait telle ou telle action, et de l'interpreter par des courtes phrases en avisant les les consequences; dans le cas contraire, l'education n'est pas une affaire de profession, mais une tâche perpetuelle de la vie. Ses moyens immediats et opportuns sont les contes infantiles oraux, proceclant de la mythologie des peuples: bien qu'ils soient meles avec des elements heterogenes et abstrus disponibles d'etre modele aux actions futures de l'en fant, avec leur caractere allegorique et projectif, et une litterature bien consciemment organisee et adaptee â notre but doit les completer. Il nous faut noter que cette tâche n'est pas prise en main avec toute son envergure et son importance ni en Turquie ni dans la plupart des pays du monde: les litteratures infantiles qui seront le berceau de la conscience de l'humanisme patriotique polycuturel sont loin encore de faire cette fonction. Ni les epigrammes, ni les eloges allegues au nom de l'humanisme ne peuvent jouer le rele d'une education bien organisee de la litterature infantile. Un autre moyen de l'educateur sera la provocation des conflits et l'attente de leurs denouments spontanes par l'enfant lui - meme. Creer un conflit veut dire preparer le milieu dans lequel Penfant entrera en lutte interieure qui le pousse â une sollicitude pour le succomber; et reducateur ne Pinterviendra que par son rele de preparateur du milieu et sera tres meticuleux en laissant au sujet la tâche d'en ressortir les consequences. Une serie de denouments spontanes, deliberement choisie par le sujet et enchainee en une sequence pratique sera beaucoup plus efficace sur celui - ci que des discours ou des discussions prematurement provoquees par l'educateur. Quand on met en route en ce qui concerne le denoument des conflits moraux, l'educateur peut commencer â poser des problemes se rapportant non pas â la personne du sujet, mais â la troisieme personne; et il attend de lui des solutions de plus en plus impartiales. L'enfant est enclin d'abord â les resoudre au point de vue de son egotisme, mais les experiences acquises permettront â l'educateur de l'eloigner de ce champ 129
limite, de le mettre â la place d'un autrui et de le faire raisonner dans ce champ plus vaste. Ainsi la solution altruiste et morale de l'enfant sera la consequence de son denoument pratique, au lieu d'etre exdusivement discursif et inoperant. Enfin, l'educateur fera le contriile des attitudes de l'enfant envers toutes sortes de commandements et d'interdictions sociaux, ceux qui se rapportent â la vie religieuse, â la magie, aux superstitions, â la vie domestique, â la municipalite, â la vie juridique, politique et intellectuelle. Durant ces attitudes multiformes, successives ou simultanees, l'enfant sera dejâ preserve des influences des actions nefastes par son entrainement dans le denoument spontane des conflits et de solution impartiale des problemes; et par suite, il ne sera pas facilemen.t dupe de la vie malveillan.te de la societe tronquee, pleine- de vices, ce qui le delivrera ou d'etre un simple adapte aux ignominies et deficits sociaux, ou bien d'etre un utopiste naif condamne â succomber durant sa vie les harcelements de la grande societe. L'entrainement precite lui donnera la puissance de resister aux evenements inopinements surgis et de les depass -er par sa propre initiative.
Quels seront les fondements psychologiques et sociaux sur lesquels l'action de l'educateur repose ? D'abord, c'est la conception modeme de la conscience ouverte contre la conception substantialiste et fermee des cartesiens, selon laquelle la conscience est detachee du monde et se suffisant â elle - meme. Si nous employons un terme tres connu de Husserl, elle est toujours la conscience de quelque chose,' d'un objet extrinseque qui la depasse. Si l'objet est une personne, l'intentionnalite de la conscience devient reciproque entre res consciences ouvertes les unes aux autres. L'intentionnalite est en meme temps affective, telle que Max Scheler l'avait decrit 2 et devient la reciprocite des consciences par une expression chere â Nedoncelle. 3 Les reciprocites des cultures et leur comprehension mutuelle, appreciation, estime, sympathie et antipathie, amour et haine entre les peuples sont les consequences necessaires de ces attitudes interpersonnelles 4. Au fond du fait, les attitudes des peuples envers les uns les autres ne 1 E. Husserl, Recheches Logiques, yol. I, trad. franç. par Hubert Elie, 1959, PUF 2 Max Scheler, Nature et Forme de la Sympathie, trad. franç. 3 1Wdoncelle, REciprocit4 des Consciences, Essai sur la nature de la personne, Aubier, 193 4 Education et Humanisme en Orient et Occident, symposium de l'Unesco ri New - Delhi, 1952
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sont pas indifferentes dans la mesure d'une connaissance possible, elles sont ou bien hostiles ou bien amicales. Car, des les formes les plus rudimentaires, les cercles culturels revelent des normes communes• entre elles: l'echange des valeurs entre ces peuples, des valeurs non seulement economique, mais religieuse, esthetique, etc. est en train d'avoir lieu entre eux sous differentes formes que les polynesiens l'appellent potlatch: lâ , on est en presence d'une concurrence permanente des groupements sociaux, des clans, des phratries, des tribus ou des couches • sociales au point de vue de l'echange des valeurs. Cette reciprocite des groupes est la source de l'infiltration, de l'interpenetration des cultures et de la comprehension internationale. Si leur nivçau est approximativement egal, cette interpenetration ne se reduit pas â la technique et elle englobe toutes les activites humaines Par consequent, il n'est pas vrai de separer la culture et la civilisation, en considerant la premiere comme quelque chose propre â un peuple ou â une nation, sans aucune relation avec les autres peuples, et la seconde comme quelque chose commune entre les peuples exactement de la meme maniere de la distinction entre matiere et forme. Au contraire, elles sont une et meme chose relative â la reCiprocite des peuples, et gagne sa richesse et son evolution, exclusivement par cette reciprOcite. Ces deux termes peuvent etre appropries, pour designer par la premiere la creation dynamique des valeurs entre les regions, les peuples et les continents, et par la seconde son produit statique en une coupure du temps qui circule parmi les peuples et regions; mais, il faut ajouter que la creation des valeurs suscitee par la concurrence axiologique des groupements humains est une affaire collective qui exige un certain degre de maitrise des participants â ce concours des groupes, et par consequent ceux qui sont depourvus de cette maitrise n'auront pas la capacite de cooperer â l'activite de creation; tandis que leurs produits statiques que nous nommons civilisation sont aptes â entrer en circulation meme parmi les peuples qui n'ont aucun röle dans cette cooperation. De lâ, provient la circulation tres rapide des produits de la civilisation dans le monde entier, de l'apparence trompeuse de la distinetion entre celle - ci et la culture.' Maintenant, nous voulons nous a ıyeter un moment sur les causes des resistances contre toute reciprocite entre .les peuples, resistances 1 Pour la distinction de civilisation et culture voir "Les Fondements du Turkisme" de Ziya Gökalp' s'inspirant article de Durkheim sous le meme titre para dans L'Annee Sociologique vol. 12; discute par nous dans "La Nation et la Conscienee de l'Histoire" et particulierement dans un article sous le titre Culture et Civilisation (Kültür ve Medeniyet) para dans la Revue Türk Düşüncesi, en 1952
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qui ne proviennent, â contre coeur, que d'une influence cle desaccord et de crise qui les eloignent, tour â tour, les uns les autres: nous disons tour â tour, car, elles surgissent dans certaines periodes et par des evenemcnts accidentels, en deviant le cours de l'extension progressive de la culture humaine (il est inutile de dire que la concurrence des peuples qui finissent par la guerre est une sorte de reciprocite culturelle; sauf les cas de l'invasion de certains peuples dans les regions inexplorees et leur lutte • d'extermination qui n'a rien â voir avec les premieres.) Une de ces causes est l'ethno - centrisme : si la couleur, le guat, meme l'odeur de la peau d'un peuple est different des autres, cette difference produit un rapprochement entre les semblables et un eloignement entre les dissemblables; mais, l'ethno - centrisme provient plutöt de la surestimation de ses propres valeurs, ou de l'absence provisoire d'une comparaison avec les autres; il va jusqu'â etre avec l'insolence, et subrepticement une desappreciation des autres valeurs. Un peuple presomptueux et vaniteux ne fait qu'accentUer l'inimitie contre les etrangers; il suscite la haine exorbitante en eveillant les sntiments roturiers. Mais, ce qui est pire, c'est d'etre enferme â soi - meme, ignorer les autres peuples et de considerer ses devanciers et son monde comme les limites de la connaissance. Ainsi, la culture est figee, elle a perdu toute sa puissance creatrice et est condamnee â repeter ses creations dans une forme restreinte, strereotypee: elle est la scolastique de toutes periodes, des la fin du monde antique jusqu'â nos jours; elle est la domination absolue de l'autorite des maitres â iaquelle nul n'a le pouvoir de protester, ni d'ajouter une connaissance nouvelle; et par suite, l'esprit fige des elites empeche le peuple de se redresser, d'ameliorer sa situation sociale et le pousse â un fanatisme, tel qu'on voit dans certaines periodes des religions et des cultures modernes: le fanatisme issu de la haine reciproque entre l'Islam et le christianisme sont les consequences de deux scolastiques dont la seconde etant depassee depuis des siecles, n'a pas pu abolir le fanatisme du peuple chretien contre les confessions etrangeres; le fanatisme de la Revolution française a dure presque un siecle avec ses terreurs sanglantes, enfin, le fanatisme de la Revolution sovietique a fait les. memes choses depuis une quarantaines d'annees. Par contre, nous devons rappeler l'utilitarisme agressif des classes aisees qui n'ont d'autre but que de faire passer une vie lucrative fastueuse: cependant, dans les periodes passees, l'exuberance de ces classes aisees n'avaient pas produit le meme resultat, car une telle inegalite de richesse etait compen.see toujours par une egalisation du pouvoir, par la 132
circulation des elites °. Tandis que depuis la fin du 18 eme siecle la consequence de la machinisation etait la dominatiön de la loi mecanique, de la concentration du capital et la separation progressive de celui - ci et du travail; ainsi, se formerent, sans aucune intervention de la volonte humaine une tension sociale entre les capitalistes du monde et les ouvriers, qui ont declare comme devise leur union internationale, union qui n'avait aueune relation avec l'union veritable des societes humaines; car, elle separait les nations au lieu de les unir, en leur repartissant d'abord en des clasşes en lutte, puis l'humanite tout entiere en plusieurs parties hostiles, et creait ainsi une situation irremediable de tension excessive. L'utilitarisme agressif se manifeste dans le domaine intellectuel et affectif sous forme de romantisme, et dans le domaine politique sous forme d'imperialisme. La domination de la machine sur l'homme ne peut pas se transformer facilement â l'inverse; car, l'homme a dejâ perdu son pouvoir sur le mecanisme naturel. Cependant, en suivant l'adage de Francois Bacon pour acquerir le pouvoir sur l'etat actuel de Fare humain, il faut avoir la connaissance la plus large, laquelle depasse celle qui est proposee par Max Scheler et ses successeurs, car, elle doit chercher non seulement la loi mecanique de Paccumulation, mais les lois ou bien les interdependances entre l'etre humain et ses produits •materiels et spirituels. C'est seulement par ce moyen qu'on peut elucider la crise actuelle surgie de la separation du capital et du travail. Enfin, nous parlerons en q-uelques mots de la lutte contre les resistances differentes par Peducation universelle des cultures ouvertes. On repete souvent que les conseils et les suggestions sans sanctior ı n'ont aucune influence sur le pouvoir magistral de la loi mecaniçiue. Mais, il faut rappeler qur notre methode est tont â fait autre: elle consiste en une action qui se releve de la connaissance profonde de l'etre humain, et qui s'accroit par la cooperation des sciences humaines• la sociologie, la psychologie sociale, l'anthropologie culturelle, Peconomie politique, l'histoire et la geographie, rapprochees dans un but commun de chercher les relations de Petre hunı.ain avec ses produits materiels et spirituels. L'entrainement acquis par notre education 'c'est â dire l'action reflechie et organisee sera le point de repere de tohs les materiaux de ces —sciences qui nous aident â eclaircir une interdependance universelle. A la fin de l'Antiquite l'education de Phumanisme n'existait que rudimentairenıent. Les grands philosophes grecs ne connaissaient pas 1 Vilfredo Pareto a pris d'abord ce probleme et plus tard Corrado Gini l'avait suivi dans sa th&rie, ıMmographique
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l'humain. Exactement soumis â l'opinion vulgaire, ils separaient les hommes en citoyens et barba'res. Pour la premiere fois les cyniques et un peu plus tard les stoiciens parlaient du citoyen du monde.' Leur morale etait cosmopolite. Mais ce qui ne savaient pas c'etait l'interet pour la patrie, interet qui est reste dans l'ombre apres la destruction des cites antiques par les Empires. Ils representaient la chute d'une periode: voilâ pourquoi leur humanisme n'avait pas un indice de virulence. C'est seulement apres la Renaissance que l'humanisme a pris son essor veritable. Il etait ne partout, en Italie, en Allemagne, en France et en Espagne. Une cooperation des jeuncs pouvoirs en concurrence vers un but commun etait le promoteur du mouvement nouveau. Ainsi il a revetu une multitude de formes qui est le caractere de l'humanisme polyculturel ou patriotique: il etait d'abord humanisme chretien, puis quand les nations en formation commencent â cooperer, il devint humanisme paien marıifeste par plusieurs demarches en Allemagne, en France, etc. cequi l'a rendu sa richesse et son opulence. 2 Son dessein principal, depassant la scolastique, etait atteindre â la source de la culture antique, mais il etait beaucoup plus avance; il avait cree le monde nouveau, avec toutes ses varietes culturelles qui furent les noyaux des nations de 1'-
Occident. En somme, il avait cree la culture occidentale, et par consequent, il etait un humanisme d'une region, d'un continent öu d'une religion unique. 3 Au fur et â mesure qu'il avance, en depit de concurrence economique entre ses adherents, il devint un humanisme exclusiviste, par sa conception de race, de religion et de tradition: meme quand il a pris la forme d'une civilisation rationnelle, oecumenique la plus accessible par tout le monde, ses emules s'enorgueillissaient d'etre - superieurs aux autres cultures et pretendaient qu'aucun peuple qui ne soit ni de race blanche, nî chretien, ni de la tradition greco-latine ne peut etre occidentalise. 4 Cependant, l'humanisme chretien est dejâ depasse par celui de la Lumiere du 18 eme siecle, de la Revolution de la fin du meme siecle et du marxisme du 19 eme siecle. Mais tolites ces formes, y compris le marxisme qui est fier de briser les barrieres ci - dessus, conservent encore les memes inconvenients d'etre uniforme, rigide, de se propager par 'voie 1 E. Br‘hier, Histoire de la Philosophie, vol. 1, p. II 2 M. P. Gibnore, Le Monde de l'humanisme, trad. de A. H. Cabrini, Payot, 1955 3 Fichte, comte de Gobineau, Wagner, etc. 4 A. Siegfried, L'Orient et L'Occident, article paru dans la Revue Esprit. 1958
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coercitive, et par contre, de pousser certaines cultures hors continent de s'enfermer dans un cadre restreint, ou certaines autres â la singerie. Il faut avouer toutefois, que la forme envahissante de l'humanisme agressif bien qu'il nous paraisse contradictoire, vraiment a fait naitre des reactions chez les peuples soumis â cette pression scabreuse: l'helenisme d'Alexandre avait suscite la tendance de resistance presque dans la plupart des peuples de l'Orient - Moyen: l'Islam avait eveille le sentiment national en Iran, Napoleon qui voulait emmener partout les principes du droit de l'Homme n'avait fait qu'accentuer le nationalisme en Allemagne, en Espagne et en Italie. Les soviets d'aujourd'hui sont en train de faire la meme chose en Europe et en Asie. Le nationalisme est le produit d'une invasion ideologique, meme sous forme d'un humanisme uniformisant. Ces reactions legitimes et inevitables, hien entendu, ne peuvent pas cependant donner une eclucation convenable pour le developpement de la culture nationale et humaine; autant qu'elles s'aggravent, autant les mouvements reactionnaires du fanatisme, de la scolastique et du chauvinisme deviennent plus profonds; et tela jusqu'â l'isolation mortelle des cultures regionales archaiques. Alors, il n'y a qu'un seul moyen pour se delivrer de ces deux alternatives, l'une aussi pire que l'autre: humanisme polyvalent, ou par notre propre terme humanisme patriotique. D'abord, il sera circonspect de chereher toujours ailleurs les elements d'une humanite qui nous reste etrangere et d'y voir les points communs avec la nötre. Mettre le relatif au lieu de l'absolu, l'historique au lieu de la presence eternelle, nous donnent la possibilite de passer d'un humanisme uniforme et contraignant â un humanisme base sur la multitude des patries et des cultures. Sans noter les cultures retrogrades ou effacees de l'histoire, nous devons tenir compte de l'importance d'un humanisme de la Perse antique et möderne (des l'Avesta jusqu'â Cheyh Saadi), plusieurs humanismes de 1"Inde, humanisme de Lao - Tseu et de Kong - Tseu, etc. En outre, il faut reiterer qu'une recherche serieuse de l'humain aura besoin de tous les elements culturels, aussi bien actuels qu'historique, dans les mythologies, folklores, litteratures, arts et pensees comparees pour qu'on les laisse libres les points de vue multiples vers une humanite commune, pour qu'on les embrasse sans forcer ni molester aucune diversite humaine. L'education de l'humanisme patriotique doit passer de ces etapes successives qui correspondent et â la croissance mentale de l'homme et â l'evölution des couches sociales. 135
A. A la premiere etape se trouve l'enfant et le peuple inculte; ils sont au stade de la morale de crainte: ils feront le bien parce qu'ils ont peur de la ki, de l'opinion publique et de Dieu. C'est le degre le plus bas de la morale humaine; car, n'ont pas peur, ou bien si la cause de leur crainte est evanouie, alors il n'y aura aucune raison pour qu'ils ccontinuent â leur bonte. Donc, l'educateur les prendra â ce degre et tâchera de les redresser â un degre superieur. Il a une fonction entierement differente des autres carrieres: pour celles - ci la tâche essentielle etant garder l'ordre social tel qu'il est donne, il doit utiliser çette faiblesse de l'homme• les organisateurs, les administrateurs, les elus, les dictateurs, memes les chefs des partis liberaux ne font qu' exploiter la crainte de la masse, de la foule, l'anxiete des communautes, la terreur des bandes et des escortes. Mais seul l'educateur a pour mission de redresser le peuple de ce niveau bas vers un niveau plus haut. B. A la seconde etape se trouve le citoyen et la jeunesse â l'âge de la puberte. Ils sont au stade de la morale d'espoir, celle qui etait le but du redressement du premier degre. Ils font le bien, parce qu'ils aspirent quelque chose dont ils sont prives, ils esperent un bien qui ne le possedent pas: leur soumission â la loi, au devoir moral et au commandement religieux proviennent de cette esperance. Mais , si la cause de leur espoir n'est pas supprimee, alors il n' y aura pas la raison pour qu'ils gardent encore leur bonte. L'educateur doit les suivre â ce degre et kur suggerer un degre plus haut, celui de la morale du patriote, morale -qui est basee sur l'affirmation de soi, sur la fierte et les valeurs personnelles. L'educateur a une tâche extremement delicate, car, il doit tenir compte et les qualites actuelles qui ne sont pas nuisibles, sauf en cas de les abuser, et les qualites qui veut les inculqUer au sujet par le moyen des premieres. Les sujets des groupements d'activite, des classes sociales, les citadins et particulierement les cliques manifestent ce caractere d'espoir du citoyen. C. A la troisieme etape se trouvent le patriote, et l'homme â Page de l'adolescence, ceux qui sont au degre de l'affirmation de soi. Ils sont arrives au seuil de la personnalite et â la couche sociale des dirigegeants, ils commencent de conduire les masses. Ils sont au stade de la morale de fierte et qui finissent par etre une morale d'arrogance. Ils feront le bien pour qu'on dise qu'ils sont les meilleurs du monde, ceux qui sont les plus aptes, les plus doues dans toutes les fonctions. Ils attendent l'estime de l'opinion publique pour renforcer leur affirmation de soi; et de la sorte, ils deviennent bienveillants pour leurs prochains. Mais, s'ils rencontrent une resistance de la part de l'opinion publique ou 136
de la part de leur groupement ils s'exasperent et leur fierte se transforme ou bien en une vanite, une surestimation de soi, ou bien en une perte absolue de confiance de soi et de pessimisme. Alors, ils seront hostiles et malveillants pour leurs prochains. La tiâche de l'educateur est de connaitre cette periode transitoire tres dangereuse, sans la confondre avec les cas morbides, de savoir les redresser â un degre superieur, en profitant toutefois dans son redressement de leurs conditions favorables.
D. A la quatrieme etape nous trouvons "le patriote humain": en une personne. morale autonome, tout eri etant membre des plusieurs groupements de la societe moderne, un citadin, un membre d'une classe sociale ou d'une professio-n, il garde toutefois sa liberte de choix' (de preference) entre les differentes situations, et consequemment, il est apte â ordonner une echelle hierarchisee des valeurs dans laquelle sa progression morale sera possihle. C'est seulement dans ces .situations qu'un effort pour le depassement de soi de Frederic Nietzsche ou d'une preference des valeurs hierarchisees de Max Scheler peuvent se realiser. Un patriote humain est un bomme attache â la patrie, ayant une aspiration vers des valeurs ideales, d'egalite, de liberte et de justice. Etre soumis â la loi morale et etre membre d'un groupement ne se contredisent plus: au moins la ferme decision d'elever celui ci au niveau de la IM morale. Le bien et le devoir, les deux aspects de la vie morale reposent sur la morale de l'Amour du patriote humain. Il fait le bien pour le bien mais non pas pour s'assurer l'estime de Popinion publique, on :dans 1'espoir d'une recompense, enfin, par la crainte de la ki. La fin de son action est imminente â elle - meme, c'est â dire elle est dirigee par la force de la passion qui depasse toutes les satisfactions, elle est auto telique et elle donne â la 1M morale la maxime d'etre desinteressee, infinie et impartiale. Pour l'educateur celle - ci est la fin ultime: il doit preparer le terrain, favoriser les conditions pour que l'homme moderne l'approche de l'âge nutir puisse passer des etapes successives jusqu'â Peveil des passions le berceau de la concurrence des valeurs ideaks et de la vie morale ideale, sous la forme exprimee par Kant.
Pour parler de Peducation en vue de la comprehension internationale, il faut d'abord s'entendre sur la reciprocite des esprits. La comprehension mutuelle ne se realise qu'en s'appuyant sur la comprehension affective. Pour commencer de comprendre, il faut d'abord avoir une attitude ouverte envers autrui; il faut se preparer pour le recevoir. C'est 137
l'attitude affective de l'amour et de la sympathie qui donne la disposition de la comprehension intellectuelle. La diffusion de la technique et des symboles ne rapproche pas tout seul les hommes, car cette diffusion sert ou bien â la domination de ceux qui les possedent, ou bien â la revanche de ceux qui sont domines et et dans les deux cas, elle augmente la tension au lieu de la supprimer. Un tel ideal ne peut reussir que s'il abolit totalement les differences ethniques, linguistiques, culturelles, au nom de la propagation d'une seule culture, en un humanisme uniforme, mais'cela ne peut pas se realiser, car les cultures meme les plus archaiques ont la puissance pour resister aux evenements les plus durs de l'histoire. Par consequent, il est vain de soutenir un humanisme uniformise dans une hnmanite polymorphe. Il est souhaitable qu'une comprehension basee sur la sympathie mutuelle, cree un humanisme polycylturel, une unite dans la multitude dont les interpenetrations non sealement entre les cultures de niveau egal, meme entre les cultures de niveau inegal, en sont des temoins eloquents. Le probleme du contact entre les cultures s'impose. C'est le probleme de l'education non seulement des enfants, mais en meme temps des peuples. L'education scolaire, l'education des adultes, Feducation de base en general sont les moyens des niveaux differents pour inculquer aux peuples les idees et les sentiments necessaires pour la comprehension mutuelle entre l'Orient et l'Occident. Je crois qu'un humanisme polyculturel do'it etre suggere aux enfants et aux adultes des peuples par des methodes communes. Je me permets de parler de certains points pratiques qui touchent â ces methodes. A) de trouver toujours, dans chaque pays un equilibre entre l'education de la raison et -du coeur, afin que la culture originale des pays respectifs ne corrompe, pas l'equilibre qu'un humanisme diversifie exige. B) İnculquer aux generations futures un patriotisme en ce sens que les enfants de chaque pays sachent qu'ils sont les membres de l'humanite toute entiere, qu'ils sont soumis aux imperatifs d'une morale universelle, qu'ils ont ou bien devront avoir presque les memes ideaux humains, la liberte, l'egalite, la justice, la meme raison qu'ils peuvent avoir une consci'ence nationale, en s'appuyant exclusivement sur ces valeurs ideales. 138
C) Le troisieme point est de teni ı compte essentiellement dans l'enseignement du second degre des humanismes differents des cultures respectives, de faire des paralleles entre ces humanismes pour y puiser les valeurs communes entre les cultures, et de ne jamais se contenter d'un enseignement strictement pragmatiste n'ayant pour but que des valeurs techniques. **
Nous envisageons deux sortes de- solution dans le probleme des valeurs: 1) La premiere reduit toutes les valeurs â la raison, â la connaissance rationnelle. D'apres cette conception, tauteS les valeurs surgissent de la connaissance. La regle de notre conduite se trouve dans la connaissance. Toutes les autres tentatives affectives, imaginatives ou actives sont restees â mi - chemin et n'arriveront â la perfection qu' au degre de la connaissance rationnelle. Cette conception est exprimee depuis Confuciu-s et Socrate par plusieurs penseurs, surtout dans la pensee moderne par Vico et Aug. Comte et par les philosophes scientistes. 2) La seconde distingue les domaines des valeurs et de la connaissance. L'evidence de la raison ne peut pas jouer le föle de- l'evidence du coeur. Cette seconde vue, bien qu'elle profite de toutes les conquetes du rationalisme, de la science„ de la technique et de la pensee abstraite, bien qu'elle les apprecie tous„ a cette conviction ferme que le probleme ne peut pas trouver la solution par eux. Cette vue large qui est nee de la distinction de deux formes de l'evidence a donne la possibilite de regarder plus profondement au probleme des valeurs et empecher pour ainsi dire la crise provenant de la reduction des valeurs â la science et â la technique. Nous trouvons les origines de cette vue dans la Pensee occidentale chez saint Augustin. Mais nous les trouvons aussi sous une forme tres developpee chez Ghazali. Celui = ci distinguait avec precision l'oeil exterieur de l'oeil interieur et nommait le second l'oeil du coeur. L'oeil du coeur a la puissance d'aniour , la vision profonde se rapportant aux valeurs et il completera de ce point de vue l'oeil exterieur. Sans entrer aux details comment la Pensee occidentale a profite de Ghazali 1 je me permets de remarquer qu'en Occident cette vue a pris sa forme parfaite chez Pascal. Il est inutile de dire que la distinction de l'esprit geo1 L'inquence de la pensee islamique en Occident est etudie par nous dans un livre collectif History of muslim Philosophy publie par M. M, Sharif, 1967 (Influence of Muslim Thought) Harrassowita.
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metrique et de la lögique du coeur est devenue un point de depart important dans la pensee moderne, en depit de la revolution cartesienne qui etait le createur de la conception du mecanisme extreme. Kant, en repartissant les domaines de la connaissance, de la morale et de l'art a prepare le terrain le plus large pour penetrer â la nature des valeurs. L'ecole ecossaisele suivit par la distinction de la raison et et de la foi en la mettant au niveau du sens commun. A notre temps, la necessite de repartir et de completer les spheres du rationnel et de l'extrarationnel est, imposee d'une part par la science positive, d'autre part par la philosophie. Il est certain que tout le monde est d'accord sur les points communs de l'experie ııce et de la justification mathematique. Mais, les resistances que la In science subit dans le domaine de l'observation et de l'experience,' la pertubation des phenomenes par Pobservateur, le developpement tautologique du raisonnement mathematique, independemment de l'empirisme probabilitaire etaient des coups mortels au dogmatisme optimiste et arrogant de Phomme de science d'hier. Au fur et â mesure qu'on aperçoit les obstacles devant la science dans chaque etaiA de son progres, il est bien entendu que ceux - ci ne proviennent pas seulement de l'insuffisance des instruments de precision, mais de la nature de la realite, des essences des phenomenes; Phornme de de science doit reconnaitre le ferment extrarationnel qui se trouve au fond de la nature qu'il utilise. D'un autre cötee, le regard retourne vers soi - meme montre qu'il fallait prendre de nouveau en main le monde des valeurs. Quel est ce monde des valeurs ? Pour les occidentaux aussi bien que pour les orientaux, la valeur n'est pas une donnee, un 'etre dejâ realise. une chose presente â la conscience. Les occidentaux et les orientaux, dans toutes les religions et les morales comprennent la valeur comme un acte de la conscience qui veut se depasser. Lâ l'etre est complete par le devoir - etre. L'homme est l'existence qui fait l'effort incessant pour se realiser dans le temps. De lâ vient le mouvement dialectique entre le reel et Video' qui se suivent pour completer l'un l'autre. Le monde des valeurs n'existe que dans ce dveloppement. Une simple analyse de la duree de la conscience ne peut pas nous donner la clef des valeurs. Car cette analyse ne peut donner que le present attache au passe le plus proche par une intuition actueile. Lâ, l'avenir sera toujours separe du present et du passe; par consequent le sujet de l'objet, le reel de Ceux qui veulent faire une analyse positiviste des valeurs, etudient non 1 Perturbat ıon tr's connue dans la micro - physique qui a ete formuMe par le principe d'incertitude de Heisenberg
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pas l'aspiration vers mais seulement les vestiges que le processus des valeurs avait laisse derriere lui. Tandis que celui - çi n'est qu'une paleontologie du monde des valeurs. Bien que la science des moeurs, la sociologie des valeurs, la psychologie de l'opinion publique soient precieuses eller ne peuvent pas nous reveler la valeur, l'ideal, l'aete d'evaluation, etc. ,
Cependant, etant donne que l'intuition actuelle ne vise que la conscience imminente, elle n'est pas suffisante pour penetrer aux valeurs. D'une part les existentialistes en insistant sur la subjectivite, d'autre part les idealistes en s'appuyant sur l'objet, l'ideal de l'avenir considere comme absolu, tâchent de trouver une solution au probleme des valeurs. La philosophie de la' science occidentale vit cette crise de l'antagonisme de ces'deux manieres de voir. Pour les depasser on a fait des efforts successifs. Le suicide moral du nihilisme menace la pensee d'aujourd'hui. La Pensee qui veut se delivrer de la precarite. de la relativite, et l'aspect fuyant de la realite toujours en changement dans le temps veut s'appuyer sur l'immuable, sur l'essentiel et sur le fonde ınent. Il est possible que l'Orient n'avait pas les ın'emes soucis. Car la conscience de l'histoire est sensiblement different en Orient et en Occident. Mais chez l'oriental l'aspiration de l'immuable devant la precarite de la vie est plus fondamentale. Cette aspiration etait developpee peut - etre chez lui pour l'eternel et l'imimuable et contre la conseience de l'histoire. Mais la crise qui est nee en Occident de l'affaiblissement du sens de l'eternite devant la richesse de la conscience de l'histoire, a pris la forme de la crise d'affaiblissement de la conscience de l'histoire devant le sens de l'eternite. Ainsi nous envisageons deux mondes qui sont en apparence opposes, mais qui sont en realite complementaires. Vraiment ces deux mondes ont besoin l'un de l'autre. L'Occident doit renoncer aux pretentions du rationalisme, du pragmatisme: car la pensee d'aujourd'hui, malgre la productivite de ses efforts, prepare son declin par sa tension exageree. Ce declin a exprime sa parole definitive sous forme de nihilisme. Tandis que l'Orient malgre ses acquisitions du passe par son retour â soi-meme qui assure la communication, la participation â l'etre, il est pauvre au point de vue de la conquete de la nature. L'un extraverti, l'autre introverti, ces deux mondes mutiles et alienes de façons differentes n'ont qu'un seul echappatoire: c'est kur unite dans la multitude qui est l'humanisme des cultures. Les nations, structures les plus developpees des societes humaines, sont les foyers createurs de culture dont leur puissance provient des tra141
ditions profondes. D'une part elles sont en changement continuel, de l'autre elles ont une base permanente. Cette base assure leur integrite personnelle. L'invasion des rıomades, le flux des idees et des croyances, la domination imperialiste ne peuvent pas detruire ces traditions, et celles-ci mettent leurs cachets dans tous les âges de l'histoire. Etant donne que les mouvements d'humanisme se sont repandus parmi les zones des cultures traditionnelles, ceux-lâ ne peuvent pas creer l'homogeneite qu'ils avaient voulu donner. Ils prennent des particularites aussi nombreuses que les facteurs participants. Toute culture evoluee a son propre humanisme. L'ideal humain unanime y prendra differents aspects selon la diversite culturelle. En outre, ces traditions ne se composent pas des moules figees, leurs elements sont des symboles vecus et sentis de la vie humaine. Differentes formules expriment les attitudes humaine ş de points de vue differents. Une an.cienne culture en participant â un humanisme nouveau y prend part non pas par ses regles rigides, mais par ses symboles qui enrichissent l'experience humaine L'ofiginalite d'une culture ancienne dans une humanite nouvelle depend de ce qu'elle y apporte un symbolisme reellement vecu. La variete des Epopees, des denouments dramatiques, des expressions dans les arts plastiques et dans la poesie lyrique, la nouveaute de l'interpretation des idees se mesurent par la puissance des cultures traditionnelles renovee en tant qu'elles prennent part â l'humanisme. Aucune nation ne- peut s'initier â l'humanisme sans elaborer sa culture de toute piece, avec sa matiere et sa forme, sans se transformer en une culture creatrice conformement aux exigences de la vie nouvelle. En d'autres termes, la nation ne peut pas gagner sa puissance creatrice en adoptant les formes vides d'un cercle anonyme soit - disant international, et en y mettant le contenu des survivances d'une culture ancienne qui a perdu sa vitalite. La creation culturelle ne peut pas naitre du rapprochement arbitraire des materiaux bruts folkloriques avec les formes creees par une culture consideree faussement comme internatior ıale. Une telle experience ratee sera l'obstacle essentiel au developpement culturel. Ce qui l'engendre n'est qu'un rapieçage qui est la juxtaposition des elements heterogenes.La veritable creation provient exclusivement de l'experience perpetuellement renouvelee des cultures traditionnelles. Dans tous les cercles culturels il y a beaucoup d'elements stereotypes. Ceux - ci apparaissent dans les contes populaires, dans les chansons, dans les danses, dans les motifs des bâtiments et des tenues, enfin dans 142
les mimiques et les expressions linguistiques des gens. Ces elements ne continuent pas durant des siecles sans subir auçun changement. Ils forment la personnalite de base, mais tres malleable.° Ils changent sensiblement apres le contact avec les cultures voisines: on adopte des nouveaux et on laisse les autres. Autant que la culture garde sa puissance creatrice, autant qu'elle aura une tradition dynamique en evolution. Jusqu'â present l'humanisme s'etait enferme dans un cercle: de l'humanisme classique â l'humanisme marxiste il y a un retrecissement progressif dit Roger Bastide. 2 Car, l'homme etait eonsidere partout comme identique â lui - meme. Mais en tenant compte les variations culturelles, l'anthropologie sociale nous oblige de prendre une nouvelle attitude dans la conception de l'humanisme. 3 ,
Cependant, nous devons constater un point que R. Bastide n'a pas pris en consideration. Ce qu'il s'agit ici ce n'est pas tous les cercles culturels, mais ceux qui sont developpes dans leur structure sociale: si les moeurs de certains peuples ne sont pas evoluees des institutions sauvages du cannibalisme et de torture vers des comportements moraux, il n'est pas possible que ces peuples prennent part â une ideologie humanitaire. L'idee de l'humanite nait en une etape sociale tres eVoluee. Les cultures sauvages doivent rester dans un cadre ferme dans lequel elles forment une communaute elose. Elles ne peuvent pas depasser cette barriere. Seulement certaines personnes se convertissent individuellement et s'integrent en une societe superieure. .
Si un cercle culturel veut jouer un röle actif dans une ideologie humaine, il faut qu'il soit d'abord suffisamment developpe au point de vue de sa structure sociale. Il y en a qui n'ont pas fait cette evolution et cellesci n.'auront pas de place dans un humanisme integral. En terminant ce chapitre nous dirons que la pedagogie actuelle doit poser le probleme d'un humanisme base sur la multitude des cultures et de l'introduire dans les programmes de l'enseignement.
1 Mikel Dtdrenne, La Personnalite de base, P. U. F. 1966 2 Roger Bastide, L'Ethnologie et le nouvel humanisme, (Revue Philosophique, 1964, No. 4 Octobre-Decembre) 3 R. Bastide dans le meme article dit que "l'anthropologie conçue comme le tresor des inventions culturelles humaines donne la possibilite de voir le dynamisme humain. Chaque trait culturel signifie que la civilisation est l'ensemble des symboles â penetrer."
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les mimiques et les expressions linguistiques des gens. Ces elements ne continuent pas durant des siecles sans subir aucun changement. Ils forment la personnalite de base, mais tres Ils changent sensiblement apres le contact avec les cultures voisines: on adopte des nouveaux et on laisse les autres. Autant que la culture garde sa puissance creatrice, autant qu'elle aura une tradition dynamique en evolution. Jusqu'â present l'humanisme s'etait enferme dans un cercle: de l'humanisme classique â l'humanisme marxiste il y a un retrecissement progressif dit Roger Bastide. 2 Car, l'homme etait considere partout comme identique â lui - meme. Mais en tenant compte les variations culturelles, l'anthropologie sociale nous oblige de prendre une nouvelle attitude dans la conception de l'humanisme. 3 Cependant, nous devons- constater un point que R. Bastide n'a pas pris en consideration. Ce qu'il s'agit ici ce n'est pas tous les cercles culturels, mais ceux qui sont developpes dans leur structure sociale: si les moeurs de certains peuples ne sont pas evoluees des institutions sauvages du cannibalisme et de torture vers des comportements moraux, il n'est pas possible que ces peuples prennent part â une ideologie humanitaire. L'idee de l'humanite nait en une etape sociale tres eVoluee. Les cultures sauvages doivent rester dans un cadre ferme dans lequel elles forment une commun.aute close. Elles ne peuvent pas depasser cette barriere. Seulement certaines personnes se convertissent individuellement et s'integrent en une societe superieure. Si un cercle culturel veut jouer un rtde actif dans une ideologie humaine, il faut qu'il soit d'abord suffisamment developpe au point de vue de sa structure sociale. Il y en a qui n'ont pas fait cette evolution et cellesci n'auront pas de place dans un humanisme integral. En terminant ce chapitre nous dirons que la pedagogie actuelle doit poser le probleme d'un humanisme base sur la multitude des cultures et de l'introduire dans les programmes de l'enseignement.
1 Mikel Dtı frenne, La Personnalite de base, P. U. F. 1966 2 Roger Bastide, L'Ethnologie et le nouvel humanisme, (Revue Philosophique, 1964, No. 4 Octobre-D6cembre) 3 R. Bastide dans le meme article dit que "l'anthropologie conçue comme le tr6sor des inventio ıas culturelles humaines donne la possibilit6 de voir le dynamisme humain. Chaque trait culturel signifie que la civilisation est l'ensemble des symboles â p6n6trer."
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IV LA POLITIQUE DE L'HUMANİSME DES CULTURES De meme qu'une ideologie doit avoir un systeme d'education propre â la realiser dans les generations futures, de meme qu'elle doit avoir un ordre politique par lequel elle cherchera pour etre maintenu en s'assimilant aux circonstances de temps et de lieu. Toute ideologie, bien quelle soit homogene dans ses formules, prend des aspects varies au fur et â mesure qu'elle tâche de conquerir le terrain des faits. Alors, notre politique sera une certaine unite dans la multitude. La politique de Platon visait l'unite de la cite ideale; la politique d'Aristote la pluralite des structures sociales. Tandis qu'une philosophie sociale qui vise Punite dans la multitude aura, neeessaiiement, un systeme de politique exactement conforme â sa nature. L'acceptation d'une telle politique provient de Pimpossibilite d'isoler les societes et les communautes de leurs traditions, malgre leurs relations techniques et culturelles entre elles. Ainsi, notre idee prend place entre deux pöles dont l'un est atissi extreme que de l'autre: d'une part une vue fataliste sebn laquelle les societes et les communautes sont irreductibles les unes les autres et resteront enfermees en elles - memes;_ d'autre part, la vue extreme progressiste qui croit que les societes actuelles seront effacees un beau jour avec toutes les varietes traditionnelles pour laisser leur place â une spciete mondiale, par suite de l'avancement des interrelations techniques et culturelles. Toutes les deux nous paraissent egale-ment inadequates au deroulement de realite. Car, la premiere exprime dans retre que son aspect de fait et n'y voit pas son aspect ideal, la seconde ne le considere que comme formee des ideaux en niant, pour ainsi dire, son caractere de facticite. Par consequent, une politique moniste aussi bien qu'une politique pluraliste ne paraissent pas conformes â la nature de Petre humain. 145
L'etre humain, dans toutes les etapes de son devenir, sous toutes ses formes dans lesquelles il se presente revele les caracteres de Fun et du multiple, une ııııite concrete dans le temps et dans l'espace sous la multiplicite des contenus vecus. Les relations des dans et des phratries forment le cercle culturel de la civilisation primitive. Cette civilisation peut avoir une telle puissance de diffusion par les routes de caravane, les invasions, les exodes et les immigrations qu'elle se repand dans des regions tres vaste et elle forme un certain niveau de l'humanite entre les peuples similaires Les etudes paleethnologiques, les recherches comparees folkloriques et mythologiques, l'histoire des religions confirment de plusieurs points de vue la these selon laquelle ces civilisations forment une certaine huminite extremement vaste. Dans la civilisation des empires qui repose sur la structure rurale ces relations sont relativement Rffaiblies, chacune ayant une unite d' economie autarsique peut rester close durant des siecles. Mais il faut d'abord tenir compte que chacune de ces regions est suffisante pour qu'elle forme une humanite â part, telle que la Chine, I'Inde et le Monde mediterraneen. Leur evolution parallele presente des ressemblances etonnantes, outre les infiltrations reciproques accidentelles. Kong - tseu, Bouddha, Zoroastre, Socrate, Jesus sont nes presque dans la meme periode comme des pionniers d'une morale universelle par l'effet des conditions analogues dans des mondes differents. Dans la civilisation europeenne ces relations sont beaucoup plus etendues: la technique a tellement rapproche les continents que ceux-ci ne peuvent plus rester isoles. L'esprit scientifique a forme une classe d'intellectuels ayant le pouvoir d'attenuer les divergences entre' les cultures. C'est par ce moyen, l'interrelation parmi les peuples est beaucoup plus avancee que celle des periodes passeeS. D'autre part, la grandiose activite productrice de la civilisation moderne a mis au monde, hormis ses reussites, une crise tres importante pour le monde entier: elle a separe le travail et le capital, et par l'exploitation de la main d'oeuvre elle a pousse celle-ci jusqu'â organiser une classe â part. Pour les marxistes ce fait a une envergure mondiale et il est le mobile essentiel de l'union des nations. Mais la civilisation moderne aussi bien que les autres civilisations dans l'histoire se trouve repartie en cercles culturels qui se forment de types remarquablement differents. En depit de la richesse des relations internationales, ces differences reposant sur des moeurs et des coutumes tres anciennes sont kin d'etre effacees. Bien que l'esprit scientifique 146
rapprochasse les intellectuels des divers peuples, les masses alphabetes ou analphabetes restent au fond du fait, attachees â leus traditions irrationnelles. La devise: "Unissez -vous les travailleurs!" n'est valable, en fait , que dans le cadre d'une culture, ou bien dans une partie diversifiee d'un cercle culturel. Ce mot d'ordre est, en verite, celui d'une elite qui a le meme esprit scientifique et la meme mentalite rationnelle.Celle - ci en utilisant les masses selon son interet et son point de vue garde la divergence plus qu'elle assure le rapprochement. Et ces divergences ne provienıaent pas seulement d'etre illetre, depourvu de l'esprit positif. Parce que les dites differences existent parmi ceux qui ont le meme esprit. Penser positivement est autre chose, le vivre en est une autre. Les dirigeants, s'ils veulent conduire les masses par des plans rationnels agissent comme si les differences irrationnelles n'existent pas. Mais, enfait, celles - ci survivent et dans les masses et meme chez la plupart des intellectuels. Alors, bien que la civilisation moderne soit repandue â la surface de la terre dans des conditions plus favorables qu'autrefois, elle n'a pas le pouvoir d'aneantir le fond inconscient et irrationnel. L'ambition de rapprocher les cultures provient de la conviction qu'il sera possible d'instruire les masses humaines par la puissance de la technique. Mais les societes ont des paliers tres profonds qui depassent la vie intellectuelle. On ne peut pas les reduire aux structures logiques. Cependant la grande part de l'esprit scientifique est evidente. Au fur et â mesure que cet esprit domine les classes dirigeantes, les caracteres communs seront plus accentues. Aussitet, ajoutons â cela les considerations suivantes: la diffusion de l'esprit scientifique parmi les societes developpees n'est pas suffisante pour la naissance d'une comprehension internationale. Au contraire, grâce â cet esprit la concurrence entre les classes dirigeantes peut prendre des formes plus saillantes, la lutte entre les classes capitalistes des diverses nations peut 'etre sans merci. La guerre entre les humanismes en conflit peut etre appuyee sur les armes plus tranchantes. De meme, la grande tension socio - politique de notre temps surgit non pas entre les peuples, mais entre les Etats gouvernes par des minorites intellectuelles: la technique et la science servent de la meme maniere aux deux camps opposes, les ouvriers des diverses nations n'agissent pas seulement par l'interet, mais par un complexe des mobiles: l'exemple typique est donne par incomprehension et la tension entre l'Etat sovietique et ses satellites. 147
Pour penetrer â la vie politique il faut prendre en main non sealement l'esprit, mais l'etre humain dans sa totalite. Car, l'etre humain dans les formes organisees de differentes cultures ne peutpas etre expltque par des facteurs biologiques, psychologiques et sociologiques, ou par leurs additions. Pour relever les reles de ces trois paliers de l'homme, il faut tenir compte d'abord les caracteres ontologiques de celui - ci. Au fond se trouvent les impulsions qui sont communes entre l'homme et les animaux: les impulses de conservation, de sexualite et de puissance. Le premier assure la procuration des aliments: le second la reproduction et la construction, le troisieme la domination et le parasitisme. Cependant, ces impulses qui ne proviennent pas des origines divergentes donnent â l'etre humain son caractere ambivalent, complementaire et contraire: ils sont d'un cöte la force de lutte destructive, d'autre cete la force de solidarite constructive. Mais, on ne peut pas dire que ces impulses ambivalents sont les causes d'un seul phenomene: par ex. on ne peut pas expliquer avec eux la guerre, telle que chez Darwin, ou la paix telle que chez Kropotkine. Il nous faut ajouter en outre que ces complexes d'impulses sont spontanes d'une part, provoques de l'autre, et cette differen ce surgit en taht qu'on entre en relation avec les autres individus ou groupements. La superstructure de l'etre humain ne revele pas ces caracteres, elle se manifeste en ideation et objectivation °, c'est pour tela qu'il apparait en une personne qui resiste contre le milieu et qui se met â part de celui - ci. Par suite de ses caracteres infra- et super - structurels sa vie se concentre en deux sens opposes: la tension et l'extension. Par la premien elle devient la tendance, le besoin, l'effort, l'attention, l'intelligence, la volonte, la vie consciente. Par la seconde elle devient la sensation, le sentiment, la contention, la suggestion, l'imagination, la vie subconsciente. L'etre humain, dans sa superstucture ontologique est different de tous les etres animes d'abord par le langage, le moyen de communication, puis par sa resistance contre le milieu qui prend la forme d'un systeme de commandements et d'interdictions. Ainsi, il entre dans un mode de vie que nous appelons les travaux et les representations Cependant, nous remarquons que ce mode de vie est centre en deux peles opposes et garde son caractere ambigü: d'une part en tension, de l'autre en extension sociales. La premiere apparait â l'enfance en jeux de combat, chez les primitifs en rites sauvages, chez l'evolue en chasse et sous la forme la plus attenuee en concurrence. La seconde 1 H.Z. İnkerı, Bilgi ve De ğer (Counaissance et Valeur), Aytemiz nı . 1965 Max Scheler, La situation de l'homme dans le monde, Aubier, 1948 trad. de l'alle.
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en jeux de camaraderie, les rites d'extase et de sublimation, rhospitalite et la solidarite. Dans tous ces degres Fare humain garde dans l'histoire de la race et durant la vie personnelle ses caracteres contraire et complementaire, et les realise conformement â son alternance rythmique. Ainsi, une periode de tension est suivie par une periode d'exte ı sion, dont leur origine commune empeche leur separation radicale. En tenant compte la nature complexe de retre humain, il ne sera pas difficile de comprendre que cette realisation alternante se revele dans des conditions differentes et sous des aspects divers. A. Dans une situation donnee l'equilibre se perd au detriment de l'extension: ici la tension sociale est en exces et les masses entre elles en lutte extreme B. Dans une autre situation requilibre se perd au detriment de la tension: ici, l'extension sociale est en exces, oi ı les masses sont depourvues de puissance creatrice, par suite la detente aboutit â rimmobilite C. Une trioisieme situation apparait en cas de reconstruction de requilibre entre les deux aspects. Celle - ci, bien qu'elle soit rare, n'est que racquisition de l'alternance du rythme. D'abord, jetons un coup d'oeil sur les relations unilaterales. La premiere, si elle n'est pas interrompue par un obstacle prend la situation d'epuisement. Celui-ci engendre non seulement le relâchement, mais une autre tension extreme, c'est la debâcle des forces accumulees. L'etat de tension extreme entre en lutte avec une autre tension, et cette lutte est une reaction emotive qui n'est que l'etat de guerre. Chez les primitifs tout etat tendu se transforme en une agression combative frequente, presque permanente, elle prend avec ses rites et ses ceremonies une place importante dans la vie religieuse. Dans les societes developpees les tensions sont accompagnees avec la force d'inhibition de longue duree. Par consequent, dans la derniere la tension est le moyen fondamental de reducation et de la culture. Pour ne pas prendre la for ıne d'explosion belliqueuse il faut que ces societes fassent un dressage en alternance rythmique. Si les forces an,tagonistes prennent le meme dressage, le rythme considere peut engendrer un equilibre permanent. Mais , cet equilibre ne peut etre assure que tres difficilement dans les courants d'humanisme partiel 2 2 H. Z. Llken, L' İ slam en face du probleme Orient et Occident, Ilahiyat Fakültesi Dergisi, 1964
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Nous disons que l'humanisme polyculturel peut etre le fondement de l'humanite â yenir.' En fait, le conflit des patriostismes 4 n'est pas seulment l'effet des causes economiques. Les antipathies entre les groupemei:as sociaux, leus ethnocentrismes, leus arrogances sont attaches aux causes plus profondes et tres cornpliquees. Entre autres nous pouvons citer les differences de langue, le mauvais temoignage de l'histoire, 'influence des traditions qui inculque la haine , meme, les differences de cuisine, etc. L'ensemble de ces survivances et de ces prejuges fait des discriminations tellement extremes qu'il engendre le conflit des patriotismes. Cependant, ces conflits ne sont pas si profonds.- Une politique et une education de comprehension internationale peuvent attenuer leurs influences. Mais la plus importante est le conflit entre les humanismes, 5 unhmaisept-rncoileavutrhmnise tandis qu'une patrie peut s'entendre et rester longtemps en relation amicale avec d'autres patries. Car, l'humanisme est propage non seulement dans une region du globe, mais dans toute l'humanite. Par sa nature il est proselytique, son but etant d'unifier l'humanite sous le drapeau de certaines idees universelles. Les humanismes ayala de points de vue differents existent simultanement, 6 il est evident qu'il aurait une lutte sans merci pour la propagation de leurs idees. Cela veut dire que les conflits des patries peuvent etre apaises, mais le conflit des humanismes, qu'il soit mystique, rationnel ou scientifique ne peut pas facilement etre apaise 7 .
Alors, avant de reflechir sur les suggestions pour des mesures â prendre, il est preferable d'etudier les caracteres des humanismes consideres. Le premier humanisme â l'aube de l'histoire des la naissance du Dieu - Soleil d'Akhoun -Aton peut etre pris comme Peveil de l'idee universelle. 3 Denis de Rougemond, L'Aventure occidentale de l'homme; Ed. Roehedieu, La Pensee occidentale face â la Sagesse de l'Orient, Payot, 1963 4 Edmond Privat, Le choc des patriotismes, Paris . Felix Alcan, 1931 5 Nous ne parlons pas de 1' humanisme litteraire, designaut un ideal de culture selon les traditions de l'Antiquite greco- latine. En ce sens l'humanisme est, â peu pres, synonyme de I'esprit classique (Auguste Etcheverry, Le conflit actuel des Humanismes, o p. 2, P. U. F. 1955, Paris) 1 Max Scheler, Die Stellung des Menschen im Kozmos (trad. franc. La situation de l'homme dans le monde, 1948, Aubier, trad. en turc Insan ın Kainattaki Yeri, Takiyettin Mengü şoğlu, 1948) 6 Un Nouvel Humanisme, La IV eme Rencontre Internationale de Geneve, 1949, Geneve 7 Auguste Etcheverry, Le conflit actuel des Humanismes, 1955
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L'humanisme judeo - chretien mediterraneen,s l'humanisme bouddhique en Extreme - Orierıt,9 l'humanisme manicheerı de l'Iran, repandu en deux continents, l'humanisme islamique," la lutte entre le christianisme et l'Islam, entre l'Islam et le manicheisme sont les temoins d'impossibilite de conciliation entre les humanismes. Si le bouddhisme n'est pas entre en scene en un conflit pareil, c'est parce qu'il n'a pas rencontre un autre humanisme proselytique. Lâ, il faut chercher, â notre.avis, le denouement du probleme Orient - Occident." Apres la Renaissanee l'Europe a mis au monde l'humanisme bourgeois avec son ideal de Lumiere et son esprit positiviste, et plus tard l'humanisme proletaire avec sa methöde marxiste. Ces derniers ont leur ideal rationnel, de points de vue divergents. Actuellement, le conflit entre les humanismes positiviste et marxiste qui se manifestent dans les 8 L'humanisme chretien commence ü peu pres avec Saint Augustin, et plus tard par les tentatives de Reymond Lulle il fut la croisade spirituelle, qui serait le noyau de l'organisation des missionnaires. Mais surtout it la Renaissance, apres les travaux de Thomas, de Kempen Standonck et Savonarole, Phumanisme chretien a revetu une forme nouvelle selon laquelle la nature de l'l'homme est foncierement bonne, quoi que corrompu par le peche originel, pouvait etre amelioree par une discipline intellectuelle. La confiance dans les possibilites d'une reforme pedagogique etait la caracteristique de cette ecole des reformateurs (M. P. Gilmore, Le Monde de L'humanisme, le probleme de l'humanisme chretien, p. 255 - 282, Payot, 1955, Paris) 9 Raymond Schvab, La Renaissance Orientale, 1948 10 Existe-t-il un humanisme musulman? demande Louis Gardet, que sera le contenu nouveau donne â İnsaniyya ? Si nous prenons humanisme en son sens historique venu d'Occident, il s'agirait de determiner les points de rencontre de la calture greco-latine et de la culture musulmane, la penetration de la premiere â Ia seconde. Pour Gardet il s'agit d'un probleme historique et culturel de premiere importance dont Badawi traite dans son "Humanisme et exis,tence dans la Pensee arabe" religion monotheiste, l' İ slam non moins que le christianisme va vers les dogmes de foi. Le musulman ne desinteresse pas de la cite terrestre En İslamla personne Aux droits de Dieu (;2' J.7z)repondent lesdroitsdes hommes d'abord le temoin de l'unicite de Dieu. Tousles croyants sont freres
31 11-4.1 )
L Gardet, Humanisme musulman, p 71 - 92. Les Mardis de Dar el - Islam, 1956). A notre sens, l'humanisme de l'Islam, par contre de l'opinion de Gardet, se menafeste dans les courants de tasavvuf qui soutiennent la these de l'unite humaine en s'appuyant sur les dogmes du Koran (L. Massignon La Passion d'al Hallaj, 1921; Nicholson, Jalal ed-din Rumi) 11 II est tres difficile de montrer oû l'Occident finit et on l'Orient commence; cependant ils doivent avoir quelque realite. Il existe deslangues propes a l'Asie: le chinois, le japon, le turc, l'arabe. Le continent, identique dans le sens avec Porient contient des races, des langues, des cultures differentes. La distance entre celui - ci est Poccident n'est pas moins importante entre ces differentes cultures. Des les grandes decouvertes commence le temps des malentendus entre les deux mondes. Aux yeux des malais et de l'Indou les hommes d'occident, agites et entreprenants n'etaient pas venu pour comprendre et apprecier. Mais, vers la fin du 19 eme siecle les orientaux se sentent obliges modernises. Le probleme de coraprehension mutuelle s'in ıpose (Georges Fradie, Orient et Occident peuvent-ils se comprendre? Unesco, 1958)
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interpretations de la democratie est le sujet le plus anime de notre temps: bien qu'ils soient si opposes, ils tirent leurs arguments du meme progres scientifique. Tandis que le conflit entre les hunianismes rationnel et mystique est plus accentue: nous voyons l'exemple typique dans la lutte entre l'Eglise catholique et le parti communiste qui parait le plus inconciliable. Nur edaircir les luttes entre les humanismes les plus repandus en des camps opposes, il faut que nous cherchons leurs caracteres communs. Les ideaux humains que nous avons passe en revue jusqu'â present revelent qu'ils naiss£nt d'un centre pour se propager en dissipant les autres croyances. Autant qu'ils restent en etat d'exclusivisme, autant qu'ils ne peuvent pas se delivrer de leus conflits. A ceux qui possedent ce caractere agressif nous donnons le nom d'humanisme partiel. En consequence de ce que nous avions expose qu'un humanisme veritablement unificateur doit faire cesser ledit caractere, et cela nous parait de prime abord, la demande de l'impossible. Car, toujours on soutient une certaine conception d'un point de vue determine, et par suite , on aura une croyance reductiviste. Il ne faut pas confondre l'expose d'une veritIS logique avec l'humanisme. Celle - lâ ne peut pas etre exprimee de plusieurs façons, dans laquelle tout le monde doit 'etre d'accord et cela ne veut pas dire la contrainte d'un point de vue. Tandis que la conception du monde, bien qu'elle ait des arguments scientifiques, elle les utilise en tant que simple moyen pour suggerer ses principes emotionnels: İl n'y a aucun humanisme qu'il se contente par une affirmation d'une verite logique, autrement il serait un enonce de fait. Reduire un humanisme â un simple jugement de fait le rend depourvu de sa puissance suggestive. Ainsi, dans tout humanisme il y a une part de connaisssance et une part de croyance. L'Islam, tout â fait different des autres humanismes, propo şe son ideal, mais ne l'impose pas. Le Koran repete en maints endroits qu'en religion il n'y a pas la contrainte (lâ ikrâhe fid-din) "Vous avez votre religion et nous avons la notre"(leküm dinüküm veliye-din),"proposez, mais n'insistez pas" Efforcez vous pour la Voie divine" (Câhidû). Mais l'effort n'exprime jamais la contrainte, car une propagation tolerante est citee partout, dans plusieurs Sourates. Outre la declaration tres daire du Koran,les evenements historiques qui le suivirent confirment cette tolerance pour les autres croyances: bien qu'il ait un ideal universel, il n'a fait que precher pour le propager, mais il a respecte les croyances et les cultures anciennes en gardant leur autonomie dans les domaines qû il s'est repandu. 152
A l'origine les combats etaient toujours le moyen de defense des croyants contre les attaques de ceux qui ne pouvaient pas arreter la diffusion pacifique- de la nouvelle religion. Plus tard, c'est la nation arabe rassmblee sous le meme drapeau qui a fait l'invasion, mais non pas l'ambition d'etendre la croyance par la force des armes: la participation d'une grande quantite de tribus arabes chretiennes aux armees envahisseurs en est le temoin le plus dair." En reaction contre les croisades qui sont des veritables guerres saintes avait commence la lutte melee avec l'enthousiasme religieux. Voilâ pourquoi, la tradaction de mot "Jihad" de certains arabisants tels que Masse par la "guerre sainte" est une fausse imputation qui n'a rien ii voir avec les faits et l'ideal de la religion. Par suite, pour qu'un humanisnIe soit valable pour tout le genre humain, il doit etre non pas impose, mais propose aux differentes cultures, interprete de diverses façons, tolere envers ceux qui ne veulent pas le croire. C'est seulement dans ces conditions qu'un humanisme integral peut ecarter le conflit des humanismes partiels. Dans le domaine social un humanisme integral se realise en un tout dans lequel les cultures originales prennent place pour voir l'humanite sous des angles differents. En tenant compte de la nature combative de l'homme cette integration peut paraitre" illusoire," mais l'evolution de la conception de l'homme dans l'histoire 14 et particulierement l'avenement de 1'Is12 Louis Gardet, La cite Musulmane, edit. J. Vrin, 1954 13 Selon Jessie Bernard â la base de la conception socio - psychologique du conflit se trouve la theorie des tensions. Cette theorie date de Breuer et de. S. Freud, d'apres laquelle le souvenir refoule d'un emotif non resolu serait ii l'origine du comporte ınent nevrosique. Dans la conception sociologique le conflit est considere comme un cas particulier des relations entre les systemes. La conception sociologique implique une theorie du "coût". Il y a conflit lorsque des etres humains se proposent des fins ou admettent des valeurs inconciliables. Chacune de deux fins peut etre valable en soi, mais il est impossible de les servir si ınultanement. Si l'on choisit l'une on exclut l'autre. (Jessie Bernard, L'etude sociologique des conflits, ch. 1 , p. 37 - 130, De la nature des conflits. Unesco, 1957) Nous avons traite le meme sujet d'un point de vue pareil dans le texte turc de ce livre para en 1932. 14 La divergence des definitions de l'homme est la cause essentielle de la divergence des humanismes, en tenant compte toutefois les varietes des milieux sociaux et des periodes. Selon M. Scheler nous envisageons cinq conceptions de l'homme et par suite nous pouvons distinguer cinq humanismes: A) l'indou se considere comme identique avec la nature animee et inanimee, il trouve certaine consubstantialite entre celle-ci et soi-meme; B) pour la theologie judeo-chretienne l'homme est un ange deChn, sujet ,du peche originel qui est condamne â la penitence de son erime dans toute l'histoire; C) pour le grec l'homme est ayala toute chose le logos ou le ratio, et il explique tout par son caractere rationnel; D) l'homme moderne est un etre naturel, non pas dans le sens de l'indou, mais dans le sens de la suprematie de technique et des sciences naturelles qui sont considerees comme la de de tous les problemes. E) Cependant, l'homme contemporain revele des caracteres plus saillants: selon M. Scheler il se croit comme une existence deçue par rapport aux autres etres du monde. Cette derniere oo ıaception est la caracteristique de l'homme nouveau (M. Scheler, L'homme et l'histoire, tra3. Dupuy, Aubier, 1955)
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1am, du bouddhisme, de la mission chretienne entierement distincte de la force brutale, des organisations ideologiques des pays developpes confirment de plus en plus l'espoir de sa -realisation. Ce qui est propre â une ideologie c'est d'exclure les autres: Pideologie democratique est basee sur la liberte, mettant Pegalite â un avenir lointain, tandis que l'ideologie socialiste est basee sur l'egalite mettant la la liberte hors du cadre. Une ideologie qui admet la liberte dans le cadre des valeurs-fin, et Pegalite dans celui des valeurs-moyen est une ideologie d'une societe hierarchisee au point de vue des capacites et devoirs. Meine dans un humanisme integral les manieres de pensee restent distinctes: ainsi l'esprit positif et la raison dialectique, la connaissance . scientifique et la foi religieuse son.t inconciliables, seulement ils peuvent etre rapproches, chacune garde son autonomic, ce qui est une large interpretation du principe de laicisme. Il reste un probleme. Meme si les ideaux â niveau egal s'entendent entre eux, disons par une organisation internafıonale des intellectuels de toutes les nations, â quoi sert un humanisme integral, s'il n'a pas la chance d'etre realisee ? Alors, ce qu'il s'agit ici c'est de co ınpleter l'entente des humanismes avec l'entente des patries. Si un ideal prend corps sur les patries reconciliees, on peut parler veritablement d'un humanisme integral. En effet, celui - ci accepte la pluralite des vues, et chacune de ces vues correspond â un cercle de culture, â une patrie autonome. Lâ il ne s'agit ni Pideal positiviste d'un groupe d'elite, ni l'ideal militant d'un groupement d'ouvriers; l'humanite est consideree comme la totalite de ses varietes, de ses experiences dans l'histoire: chacune aura sa place dans cet humanisme avec leur religion, leur mythologie et leur litterature. La raison donne â celui - ci sa forme universelle, l'experience sa richesse, la dialectique son evolution et sa puissance creatrice. Mais aucune de celles - ci ne peuvent donner le contenu de cet humanisme multicolore, et nu] ne peut entreprendre â une reduction qui appauvrit ce contenu. Au point de vue des mythologies Valmiki est aussi humain que Homere, Kong - tseu aussi bien que Socrate adresse la parole â l'homme L'humanite se realise dans la multitude de ces vues. ,
S'il est necessaire de reposer la politique de l'humanisme patriotique sur la confederation des nations, cette politique doit etre eloignee de deux p 61es aussi nuisibles l'un que l'autre. Le premier est la politique qui considere la Societe des Nations comme une tentative illusoire et qui constitue le nationalisme sur l'idee de lutte des,forces. 154
aveugles. L'autre est la politique utopiste selon laquelle il y a une humanite uniforme qui ne voit pas les frontieres nationales. *
* *
L'etre humain vit dans un rythme de tension et d'extension. Les deux aspects de ce rythme repsresentent la guerre et la paix. L'humanite est en un flux et reflux perpetuel. Mais beaucoup de penseurs dans l'histoire ont soutenu l'un ou l'autre de ces aspects: il y en a qui sont strictement pacifiste ou belliqueux. Les uns sont aussi loin de la verite humaine que les autres. L'avenir de l'humanite n'est ni dans un utilitarisme pacifiste, ni dans un marxisme militant. Ce que l'humanite attend c'est l'attitude heroique qui est un pacifisme base sur la puissance. Un tel pacifisme n'est possihle que dans une societe des valeurs - fin et des valeurs- moyen. Dans les premieres la liberte, dans les secondes la discipline egalitaire seront le fondement de l'Etat de Hierarchie. Un veritable Etat de Hierarchie peut assurer â l'humanite l'harmonie qui le delivrera de la crise des humanismes partiels, c'est â dire de la democratie et du communisme. İl y a dans l'histoire, des peuples developppes qui n'ont pas fait la guerre, tela ne provient pas de l'absence de la volonte ou de l'absence de la connaissance. Cela provient du courage et de l'attitude keroique qu'ils ont pris contre le desastre de la guerre. Exactement comme disait Max Scheler "arriver â la paix par le moyen de la revolution mondiale est le danger le plus grand pour la paix, entre les nations". " Les pacifistes conseillent le desarmement pour eviter la guerre. Mais dans une humanite en extreme tension reciproque un tel conseil n'est que le suicide. Selon les autres c'est la guerre qui nous delivrera de la guerre: l'extension des guerres abolira un beau jour la guerre toute entiere. Mais cette vue est aussi erronee que l'autre. De meme que fuir de la guerre rend l'homine aboulique, de meme qu'attiser la guerre le pousse au desastre. La senle vue soutenable est le pacifisme bas. e sur la puissance, elle assurera d'une part la tension de l'etre humain, de l'autre la possibilite de la detende. Le pacifisme puissant est la voie pour aller au federalisme des nations, la politique de l'humanisme patriotique. Il faut etudier en outre les facteurs qui empechent de voir Punion des cultures, de s'elever de multiple â un. Cela provient d'abord de croire que l'hume anite est une unite independante des varietes des peuples. Cette vue illusoire sera dissipee par la comprehension de l'originalite des cultures et par l'extreme variete des conditions geographique et 15 Max Scheler, L'Ide'e de Paix et le Pacifisme, trad. R. Tandonnet, 1953, Aubier, Paris
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historique. Puis, cela provient de ne pas voir les caracteres communs des etres humains, tandis qu'en depit des differences sociales, partout l'âme humain n'en a pas moins des caracteres similaires.* Troisiemement, cela provient qu'en partant `d'un point de vue on croit qu'on peut, reduire les autres â celui-ci. Enfin, d'une conception fataliste de l'histoire qui, depuis Ibn Khaldoun, n'a pas cesse de trouver des emules jusqu'aujourd'hui, tel que J. B. Vico, O. Spengler, etc. Une entente des peuples peut 'etre realisee par une comprehension mutuelle entre les humanismes partiels: l'ideologie socialiste doit affirmer que dans la totalite des valeurs - fin et des valeurs - moyen, l'absence de liberte rabaisse la force creatrice peronnelle, et Pideologie democratique doit savoir que dans un systeme de fins et de moyens Pabsence d'egalite meme si elle assure en apparence la liberte, fait les hommes les plus doues un instrument de ceux qui possedent les biens et aneantit, en definitive, la liberte. Par consequent la premiere est aussi deficiente que l'autre. Tandis que dans un systeme de hierarchie des capacites et des obligations, les valeurs technique, juridique et politique se soumettront â une discipline egalitaire, puisqu'elles ne sont que des moyens, et les valeurs morale, artistique et intellectuelle seront realisees dans la liberte de concurrence, puisqu'elles sont des valeurs. -fin. Ceux qui sont arrives â l'ultime degre dans les valeurs -fin auront la competence et l'obligation les plus hautes. Au fur et â mesure que la concurrence dans le domaine des fins cree la hierarchie des capacites, chacun aura un devoir respectif: selon le rang qu'il occupe dans cette hierarchie, le plus grand devoir correspondra, pour ainsi dire, â la plus grande capacite. Dans un systeme de hierarchie la societe ne sera gouvernee ni par les bourgeoisie ni par les ouvriers, elle sera gouvei.nee par les hommes les plus doues dans la creation des valeurs-fin, et la discipline egalitaire dans le domaine des valeurs - moyen empechera l'exploitation de la masse par une minorite. La hierarchisation des capacites et des obligations sociales, bien qu'elle soit disposee d'etre repsesentee par une echelle des valeurs continues, elle aura, au moins, quatre degres. Ce sont ceux du peuple, du citoyen, du patriote et du patriote humain. Au degre le plus bas nous trouvons le peuple avec son esprit campagnard et artisanal, son âme infantile et impulsive qui est le plus attache aux (*) Cependant conme nous avons parle en maints endroits, l'existence des caracteres communs des etres humains ne veut pas dire que toutes les societes sont arrivees d Pidee d'humain, Platon et Aristote ne connaissaient pas l'hurnain, car ils vivaient dans une societe close ayant l'institution d'esclavage.
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moeurs et le moins aptc â prendre les formes nouvelles, mais par le changement des conditions sociales et par l'effet de son âme impulsive il passe demesurement aux formes citadines . Le systeme politique doit etre chez lui base sur le regime de violence educative. En tenant compte les exemples tires de l'histoire nous pouvons dire qu'en lui est en vigueur un Etat de violence et une Morale de crainte. Le degre du peuple n'est pas consacre aux paysans, il faut l'etendre â tous ceux qui vivent dans cet esprit impulsif et infantile. Ce degre correspond dans la genese de le pensee humaine â la mentalite prelogique. Au degre de citoyen, ou pour mieux dire, de citadin nous trouvons l'esprit de profession liberale, imbu d'une mentalite circonspecte, eponvantee et cnservative qui est apte â un changement le plus lent, mais ces caracteres ne sont pas seulement le produit des conditions economiques des classes moyennes; on peut les trouver chez les paysans et meme parmi les gens de classe aisee. Chez eux l'utilitarisme est en vigueur, et le systeme politique doit etre applique par la discipline qui encourage l'espoir. Les exemples tires de l'histoire nous presentent les Etats commerçants et les morales utilitaires qui .correspondent â la morale de l'espoir de certaines religions et â l'âge de la puberte en education. Dans la genese de la pensee l'esprit du citadin correspond â la naissance de l'empirisme. Au .degre de patriote, degre plus developpe au point de vue de psychologie genetique et de Pevolution sociale, nous envisageons Pâme de l'adolescent pleine d'imagination et l'esprit romantique du patriotisme. Ils ne sont pas propres â. la naissance de la classe bourgeoise, on peut les trouver chez les tribus nomades et parmi les peuples qui avaient courageusement defendu leur patrie. L'heroisme est le theme principal de leur litteraiure populaire, de meme que la tendance de l'originalite egocentrique domine chez l'adolescent. Celui - ci exige une discipline quasipersonnaliste et une politique d'encouragement de l'amour - propre et de la fierte juv&ıile en l'initiant â la morale d'exemple. L'histoire de Pâge antique, la premiere periode de l' İslam et dans toute la duree de l'Empire ottoman de meme qu'apres la periode de grandes decouvertes en Europe nous trouvons les exemples de la morale patriotique. Le systeme politique qui le represente le mieux est le gouvernement d'election. -Au degre du patriote humain nous voyons Peveil de l'esprit de l'humanisme patriotique, polyculturel dans lequel la comprehen.sion internationale basee sur la discipline personnelle est en vigueur. Conformement aux exemples tires de l'histoire et de la psychologie genetique, 157
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de meme que de l'anthropologie culturelle nous pouvons dire que le patriote humain n'est pas un type general, dirigeant les societes humaines, mais partout il est en etat de naissance sous des formes differentes par des efforts de la liberte personnelle et de la volonte de l'homme Les heros et les martyrs de la morale de l'Amour sont nes dans les religions universelles, dans la sagesse grecque et plus tard dans les humanismes modernes. Il est rare que ce type dirige effectivement les societes humaines, mais par le developpement psychique et culturel il est tres probable que dans 1' humanite â yenir il sera beaucoup plus frequent jusqu'â degre de prendre le pouvoir politique. Au point de vue de la guerre et de la paix, ainsi nous pouvons passer en revue les etapes de l'education politique 16 :
A) Le militarisme populaire qui' est, au fond, mystique correspond aux tendances emotives du peuple et â la deification de l'homme Il considere l'Etat comme une force divine, il s'appuie sur les legendes et son art est le lyrisme barbare belliqueux ". B) Le pacifisme utilitaire, dont la base est l'empirisme, est attache aux coutumes qui sont le produit des experiences accumulees et qui changent en fonction de cette experience; le pacifisme utilitaire evite particulierement la rationalisation. Ses moyens de propagation sont la litte-, rature populaire et la science empirique. Partout il prend sa puissance du gouvernement parlementaire, le fruit des experiences de la societe bourgeoise. C) Le militarisme heroique qui est base, au fond, â l'esprit romantique prend sa force de la philosophie idealiste et de l'art romantique, il procede 16 Dans l'ouvrage How Nations See each other, W. Buchanon et H. Cantril ont recueilli les donnees sur les stereotypes et les attitudes nationales fournies par les sondages effectues par les instituts d'opinion publique de neuf pays. İls ont compare ces donnees avec celles qui avaient ete recueillies par l'Unesco en 1948. Profs. Beagelehile et. J. R. Creary ont applique e un echantillon approprie de la population neo - zelandaise. Otto Klineberg dans son "Etats de tension et Comprehension international„ e" a erıtrepris de donner un aperçu complet des differents types de recherches sociales applicables â l'etude des tensions qui existent sur le plan international. 17 Dans la legende populaire Dede Korkut en Turquie, dans le Kalevala en Finlande nous trouvons les contes sur le lyrisme barbare. Haggerty Krappe a etudie ce probleme dans la Mytho -logie universelle, 1930, Payot. La voie qui conduit â l'etude scientifique des guerres est celle qui passe par l'etude des relations tribales ou nationales. Ces relations ont ete toujours marquees par la possibilite de la guerre.Dans les civilisations superieures la conduite de la diplomatie a implique l'insuffisance d'un recours e la guerre comme un moyen normal de resoudre les conflits. (Raymond Aron, Les Tensions et les Guerres, dans le livre: Les tensions et les conflits. p. 201 - 226)
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par un esprit scientifique anthropomorphise 18
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D) Le pacifisme heroique, essentiellement ideo - realiste, s'appuie sur le personnalisme et il se developpe par la science symbolique la plus abstraite et par l'art excellemment humain. La-verite diaiectique qui englobe les differents degres de la verite est le fondement de sa conception du monde 19 . **
18 Pour Robert C. Angell, les Etats nationaux ont beaucoup d'interets inconciliables qui les poussent parfois â la guerre. Cette conception sociologique de la paix doit etre distinguee de ce .que J.Bernard appelle "conception sociologique du conflit".La seule chance pour eviter la guerre est de prevenir toute situation qui donne â un Etat l'impression que c'est sur la guerre il a in -teret â parier. Selma Angell, R. Aron se rapproche un peu plus que les autres de sa propre position. Angell etudie les rapports commerciaux, des organisations non gouvernementales, les migrations internationales, etc. Les chemins qui menet â la paix sont nombreux; en somme, la paix est quelque chose de positif et en eherchant dans le monde un systâme social plus large qu'on pourra l'etablir. (Robert C. Angell, Les Chemins de la Paix, dans le meme livre, p. 227 - 250 Unesco) 19 Selon Kant, Petat de paix entre les hommes n'est pas un etat de nature; celui - ci est plutet un etat de guerre. Cet etat de guerre doit âtre institue; car le fait de ne pas faire la guerre ne constitue pas une garantie, et celle - ci n'est pas fournie par un voisin â *n autre , l'une peut traiter l'autre en ennemi. Les armees permanentes sont pour les Etats une perpetuelle menace de guerre. İl en va tout autrement les exercices mllitaires volontaires des citoyens entrepris par eux periocliquement par kur propre sûrete et celle de leur patrie contre les attaques de Petranger. (Emmanuel Kant, Projet de la Paix perpetuelle, 1795, trad . de J. Gibelin, 1948. J. Vrin) n'y aurait plus de guerre, les * La guerre doit etre, garde en raison de Pideal heroique: hommes perdraient de leurs vertus les plus nobles, les peuples perdraient de leur valeur totale de vie, s'amolliraient de corps et d'âme, sombreraient dans le luxe et dans la eupidite ( İ bn Khaldoun, Machiavel, Hobbes, Hegel, Ch. Darwin. K. Marx, etc.) La guerre est la valeur educative par le service obligatoire militaire. Telles sont les opinions de ceux qui soutiennent en faveu de militarisme heroique. ** Contre les arguments de militafisme heroique il y en a ceux de pacifisme heroique: la guerre peut fournir occasion pour des vertus patriotiques, mais l'agresseur en fait autant. Tqus les hommes cruels pour affliger les autres donnent l'occasion de manifester les caracteres agressifs qu'on appelle parfois "heroique" Il y a un heroisme de paix plus grand et plus profond que celui de guerre : Pheroisme des adeptes de la non - violence, celui des martyrs, des soufis; des sages et des philosophes. Regardons l'oeuvre politique et morale de Muhammed qui a uni les hommes, et l'exemple de Gandhi qui a aboli, au moins dans une certaine mesure, la discrimination des castes. Il y a un heroisme de travail, des professions oû l'on risque sa vie, Pheroisme calme de la vie quotidienne. Le heros agressif n'est pas le modele supre ıne de l'imırıme, le modele c'est le bienfaiteur, le saint, le sage de l'humanisme integral qui lutte par la puissanee du coeur et de l'esprit.
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LA V E RITE LOGIQUE et LA VERITE HUMAINE
Bien que la verite, selon la definition classique soit la conformite de la connaissance â conformite de jugement et de juge, elle ne se trouve pas en une region delimite pour toujours dont la possession sera possible une fois pour toutes Elle ressemble plut6t â une trajectoire sur laquelle le jugement - projectile change continuellement sa place et prend des valeurs variables par rapport â sa fonction progressive: â mesure qu'elle s'eloigne d'un extreme s'approche â l'autre. Supposons que cette trajectoire soit perpendiculaire, et le bout en haut consacre â la certitude et l'exactitude formelles, Pautre bout en bas â la probabilite plus ou moins frequente des evenements que nous attendons pour voir comment ils se opasseront. Oiı est la verite ? Elle est partout et nulle part. Car, sur le point
extreme en haut, elle a la certitude formelle, par suite, elle a la forme ideale, tandis qu' â l'autre extreme, en bas, elle n'est que dans le r .egne de fait qui est depourvu de constance par ce qu'elle est mis en mouvement par des mobiles exterieurs, comme un pecheur â la ligne qui attend le rapprochement des poissons qui est hors de sa decision et depend des conditions dans lesquelles son attente prend place. S'il y a la convergence dans l'apparition des poissons par suite du hasard heureux, le pecheur dit qu'il y a la probabilite frequente pour son attente. Et celle-ci ne devient jamais certaine, meme si l'on admet que la - dite convergence est extreme, sauf en infinite des cas qu'elle doit aboutir â la certitude, cas imposssible qui sera affirme seulement comme mle forme ideale. Cela va sans dire qui notre situation envers le jugement de verite est celle du pecheur â la ligne qui oscille toujours entre deux bouts de son echelle: le fait, depourvu d'exactitude et plein d'experiences, l'ideal plein d' exactitude et depourvu d'experiences realisables. En ce cas lâ, nous devons Bire que la verite est notre constatation mouvante et dynamique qui unit sur tous les points de la trajectoire l'ideal et le fait, la certitude 160
formelle et la probabilite effective. Il dira â tout moment de son attente qu'il a la conviction certaine pour la formulation ideale et qu'il attend patiemment un degre progressif de la probabilite empirique. Voilâ pourquoi nous avions parle de la synthese dialectique des jugements d'ideal et de fait dans le jugement de verite. Sur tous les points de la trajectoire de notre constatation de verite , nous possedons Pideal et le fait â la fois: pour tout evenement particulier chacun de nous a son jugement de verite dans lequel il y a une part d'ideal et une parti de fait , mais les hommes en general, dans leurs jugements de verite ont un part d'ideal yersel et une part de faits universaux. Toutes les constatations ayant pour but les valeurs humaines, valeurs esthetique, technique, morale, etc. auront aussi bien la part d'ideal que la part de fait. C'est le cas du juge dans le -bribunal qui prend la decision conformement â l'ideal de justice, en meme temps aux faits juridiques variables selon leur degre de probabilite dans les conditions considerees. Mais le jugement de verite declare par le juge â la fin du proces depend toujours d'une part â l'ideal de la justice, de l'autre aux faits dont il avait pu constater. Nous dirons les memes choses pour les jugements esthetique, morale, et dans tous nos jugements de valeur nous nous mettons dans une echelle des grades continuels pour etre capable en un degre quelconque de rattacher le point d'ideal au point de fait qui s'eloigne du premier et s'approche au second. Il nous semble d'abord que le point ideal est constant, tandis que le point - fait est variable. Mais cela n'est qu'une apparence, car le point - ideal etant illimite et infini par rapport au point de fait, autant que nous nous approchons â l'exactitude ideale autant qu'elle s'eloigne de nous. Et, de lâ decoule la mobilite reciproque de l'ideal et du fait. Il y a une proportionnalite entre les deux cas: â mesure que la probabilite s'aceroit l'exactitude aussi s'approche de nous, â mesure que la probabilite diminue l'exactitude s'eloigne. Bien` que le formalisme de la logique classique nous paraisse entierement etabli, independant des conditions de temps et de lieu, il varie cependant en fonction des changements de conditions de fait de meme ces conditions varient en fonction de notre situation envers l'ideal. Ce qui est constant, en derniere instance, c'est la constatation de verite qui depend â la fois â l'ideal et au fait reciproquement variables; la somme des distances entre celui qui donne le jugement de verite et les bouts d'ideal et de fait sont toujours constantes, par consequent, en depit des conditions variables, le jugement a la chance de garder sa situation privilegiee qui le donne une constance dans sa synthese dialectique de la verite. 161
Il ne nous reste que d'ajouter un mot: la verite ne depend pas senlement aux facteurs qui influent sur le jugement. - projectile, c'est â dire aux facteurs extrinseques, mais il depend en meme temps â l'effort du sujet qui fait le jugement, â la croyance de celui - ci, â l'exactitude de l'ideal, c'est â dire aux facteurs intrinseques. Alors, la verite est determinee par l'action reciproque entre l'homme et le monde. De lâ provient son röle dialectique, outre la dialectique que nous avons decrit ci - dessus entre le fait et l'ideal: il s'agit dans la premiere l'interaction de deux entites homme monde comme la dyade inseparable en etre de personne, etre dont son existence ne consiste que par autrui; tandis que la seconde par son aspect superieur ou bien par l'ideal correspond â l'âme, au monde intelligible, par son aspect inferieur, ou bien par le fait coppespond au corps, au monde sensible, Exactement eomme l'unite de l'âme et du corps en existence personnelle, les deux aspects de la verite forment ainsi une unite iııseparable. En somme, l'ideal etant l'un et les faks le multiple, ils representent l'unite dans la multiplicite de la personne humaine qui n'est autre chose qne la dyade homme - monde. Il y a une tendance philosophique qui a l'ambition de distinguer categoriquement la verite formelle et la verite empirique, la premiere etant basee sur la coherence deductive des symboles sans aucune relation avec les faks, la seconde sur la correspondance entre les enoces et les faits. Louis Rougier, un des avocats hardis de cette tendance logiciste parle dans la preface de son Traite de la Connaissance (Gauthier - Villars, 1955) d'une "revolution philosophique qui a procede â une veritable nuit du 4 aont, en substituant â la conception monarchique des notions privilegiees, la conception demoeratique de symboles, de conventions, d'hypotheses librement choisies en vertu de leur aptitude â classer le plus commodement les donnees appartenant aux differentes domaines, etc".' R&olution (Mmocratique dit - il, au divorce de la pensee et des faits d'abord, ensuite â la dissolution de la certitude formelle en differents essais de logique plurivalente, de logique hypothetieo deductive, de logique de probabilite, etc. qu'il a voulu faire l'eloge. A notre avis, les bouleversements et cataclysmes de ces dernieres decades ne revelent que la diffusion d'un esprit anarchique, produit des causes socio - culturelles de notre temps, mais non pas le resultat d'une evolution pleine d'accumulations des travaux des siecles, sauf Leibniz, declare par certains logiciens d'aujourd'hui comme le pionnier de leur ecole. A notre sens, il n'est que le promoteur de la tendance ontologique 1 C'est nous qui avons souligne les mots en italiques.
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irrationnaliste, car, il avait prepare le terrain â l'idee de contingence et â la hierarchie des etres. En outre, le logicisme recent, malgre tout son effort pour renforcer le formalisme logique parait toujours mele avec le commodisme et le pragmatisme dont il avait attaque en maints endroits. Il est faut de parler des verites differentes, mais il y a une seule verite dans laquelle la coherence et la consequence des symboles forment l'ideal de la convergence des faits, par suite, au lieu de faire une distinction entre les faits et Pideal, il serait mieux de les considerer comme deux aspects d'une meme verite. D'ailleurs, une telle distinction ne montre-telle pas que ces logicistes reposent leur these implicitement sur une logique de certitude bi-valente, car ils affirment fausse la these contraire. Il ne s'agit pas de la probabilite des symboles, mais seulement celle des evenements qui vont arriver dans l'avenir, ou celle qui sont arrives dans le passe,cela veut dire les faits, mais non pas l'ideal formel. Dans notre conception, l'unite intime des faits et de l'ideal permet la verification deductive d'une recherche inductive et les etudes faites sur les probabilites ne seront fructueuses que si elles sont basees sur la logique bivalente, et si elles sont considerees non pas comme une logique revolutionnaire detr6nant l'ideal deductif, mais en restant dans le domaine des faits, comme un cadre de probabilite utilise au nom de la logique (ou de la logistique), malleable selon nos besoins pratiques, le cadre que nous pouvons retrecir ou elargir dans l'application aux faits. Car, la dimension de celui-ci depend des cas choisis et des besoins du sujet, ainsi qu'un cadre quelconque etabli conformement aux besoins des circonstances contient toujours certains nombres de faits pröbables et laissent les autres hors du cadre, c'est â dire non - probable ou improbable, et il distingue les faits en probable improbable, il se donne particulierement â l'etude de ce qui aura lieu dans le cadre. Mais notre action peut nous imposer un beau jour Papparition inattendue d'un evenement qui n'etait pas inclu dans le cadre de probabilite et aussittit survient un conflit entre nos opinions habitues et ce nouveau ne. En ce cas lâ nous devons ou bien nier l'existence de l'evenement inattendu, ou bien changer notre cadre et etablir un autre plus large qui contiendra les evenemer ıts survenus et consideres jusqu'â ce dernier moment comme improbable. La substitution d'un cadre au lieu d'un autre n'est pas seulement soumise â nos besoins pratiques, mais elle est en meme temps imposee par la necessite de depasser l'opposition entre la these precedente et celle qui est survenue plus tard, autrement dit, de la dialectique entre l'habituel et l'inattendu, qui nous donnera la possibilite d'avoir une connaissance 163
progressive. Une telle conception affirme la certitude ideale sous - jacente comme un cas - limite de nos creations successives des cadres de probabilite. La bifurcation de 1' homme par Descartes en deux substances cor porel et spirituel, en consequence de la particularite de son systeme, a ete abandonne depuis longtemps. Elle a ete depassee ou bien par la dependance de Pesprit au corps qui rendit celui - lâ â un epi - phenomene ,ou bien par la superiorite de l'esprit qui deborde le corps-avec son caractere dynamique et createur, depassement qu'on ne peut pas considerer comme la fusion de deux aspects dans une totalite. Meme aux debuts de ce siecle nous trouvons des auteurs tres connus partageant cctte conception dualiste dans une forme nouvelle: Durkheim et Dilthey, bien qu'ils aient des vues assez divergentes peuvent etre pris de ce point comme des exemples typiques. Pour le premier la dualite de la nature humaine provient de sa realite organique et sociale â la fois,' tandis que pour le second elle est le resultat de la distinction radicale entre le monde de l'esprit et le monde nature1. 2 Desormais, dans la situation actuelle des sciences de l'homme il est tres difficile de rencontrer ces tentatives de distinction. Les recherches recentes dans la biologie humaine, dans la medecine psycho - somatique et dans la psychologie dynamique se convergent en un point: l'homme doit etre pris en une totalite dont ses aspects spirituels et corporels sont indecomposables. A cette occasion, nous pouvons citer les noms de Kurt Goldstein, Jacob v. Uexküll, Thure v. Uexküll, Van Bolk, Weiss et English, Arnold Gehlen, Merleau-Panty, W. B. Cannon, von Weizsecker, etc. 3 Humeur et preparation pour Cannon sont des attitudes de l'homme qui comprend â la fois esprit et corps, et il faut interpreter le comportement du behavirosme et le reflexe conditionnel de Pawlov de ce point de vue totalitaire. Dans le regne de la vie sociale, apres tant de discussions faites parmi les ecoles sociologiques sur la determination du facteur dominant entre 1 E. Durkheim, La dualit6 de la nature humaine, conf6rence et discussions de la Societ6 franç. de Philosophie. 1912 2 Dilthey, Le Monde de l'Esprit, Aubier, 1947 3 Kurt Goldstein , La structure de l'organisme, trad. de l'alle. E. Burkhardt et Jean Kuntz, 15 Gallimard, 1951 J. v. Uexküll, Streifzüge durch.die Umwelten von Tieren und Menschen, 1958; Thure v. Uexküll, M6decine Psycho-somatique, trad. de Fall. par Laureillard 1966. Gallimard; Edward Weiss et O. -Spurgeon English, M6decine Pyscho-somatique, Delachaux et Niest16, trad. par D. Bourquin, 1952 Arnold Gehlen, Insan, İstanbul üniversitesinde verilmi ş konfranslar, 1954 Maurice Merleau - Ponty, Structure du comportement,.1942 , Presses Universitaires de France; W. B. Cannon, The Wisdom of Body,
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les faits sociaux, apres la lutte irremediable de deux courants idealiste et materialiste, il paral ı qu'ils doivent se reculer respectivement , ile font des retouches â titre d'avance, dans leur conception primordiale, et prennent 'des formes presque similaires exprimees en termes divers. Mis â part le differend qui provient de l'interet des groupes sociaux, dans l'explication scientifique la distance n'est pas si enorme: Karl Marx, qui etait connu par sa form* "Ls idees ne determinent pas les conditions d'existence, mais les conditions d'existence determinent les idees" (Introduction â l'Economie politique,), dans l'embarras de trouver la reponse aux controverses avait dü l'attenuer en disant dans ses lettres adressees â Engels qu'il faut tenir compte l'action reciproque entre les idees et les conditions d'existence et de connaitre le role de la conscience dans l'action sociale. De meme, l'ecole durkheimienne, apres avoir soutenu avec insistance la these dela representation colketive, n'avait-elle pas tenu compte les facteurs morphologiques, demographiques, ecologiques dans l'explication des phenomenes sociaux? Les ideaux incorpores â l'etre social, consideres non pas comme ses causes ou ses effets, mais un aspect dont l'autre ne serait que le corps social (le travail collectif, la population, etc.) est en train de prendre le lieu des vairws - discussions et deviendra la methode d'une science delivree des infiltrations ideologiqnes. Dans une cooperation mondiale, il s'agirait evidemment le role des cultures traditionnelles qui ont une histoire plus ancienne que les cultures mediterraneennes et gardent presque tout leur tresor. Que deviendra leur role dans un avenir prochain? Est-ce qu' eller peuvent imposer leurs caracteres originaux â la civilisation future , ou Men pour ront-elles prendre part apres avoir subi l'influence de la culture occidentale ? Cet un probleme qui attire l'attention de la plupart des peuples orientaux, en meme temps occidentaux. Le Japon a cherche la solution dans une synthese de deux mondes, un cert'ain eclectisme selon l'apparence, mais assurant le progres technique tres rapide a donne l'exemple aux autres peuples dans la meme situation tfansitoire, indecis pour la conservation de son ancienne culture ou l'adoption d'une nouvelle. C'est le cas presque de tous les pays de l'Orient - Moyen. La Turquie, apres une hesitation durant plus d'un siecle entre la culture europeenne et sa tradition islamique moyenâgeuse, a accelere le rythme d'europeanisation avec les Reformes d'Atatürk et a montre pour quelques temps l'exemple d'une decision radicale ? Mais depuis lors le probleme se pose: que deviendra la part apportee par le orientaux occidentalises â la cooperation mondiale 165
Toynbee, historien anglais tres connu, voyait deux types orientaux: il appelle les premiers les zelotes qui ont une resistance opiniatre contre l'influence occidentale; leur situation ressemble, pour lui, â celui de l'autruche qui s'enlise au desert en croyant qu'on ne voit pas, tandis que les seconds, les herodiates coupent la tete de kur prophete pour se delivrer de ses preceptes.' Ces rapprochements ne nous paraissent pas heureux, d'abord parce qu'ils sont trop schematiques 4 laissent certains types singuliers hors du cadre, par exemple l'experience turque malgre ses meandres et ses sinuosites, sa demarche decisive et ses reactions poltrones, a fait sans contredit, des progres non negligeables, puis ils ne s'arretent pas particulierement sur l'experience japonnaise et russe. Ruth Benedict avait ecrit un livre sur le Japon pour montrer quela conservation dela culture traditionnelle n'empeche pas l'occidentalisati on. 2 Jean Stoetzel l'a repondu par une etude faite au Japon,pour montrer, au contraire, le changement profond dans l'ancienne culture apres avoir subi l'influence occidentale. 3 De ces theses en controverse chacune a une part de verite, car l'occidentalisation avec ses effets d'infiltration du capital etranger et de la crise economique qui en decoule est en face de la resistance des facteurs traditionnels ou leur fusion de differentes manieres avec le changement social. Il est difficile de prevoir toutes les forrnes de ce changement et l'apport culturel de chaque pays dans lequel ce changement est en vigueur. Au cours des dernieres annees un groupe d'auteurs ont entrepris une etude compârative sur les effets d'occidentalisation dans les pays de l'orient particulierement en Turquie et au Japon. 4 Eisenstadt, â Jerusalem, a publie un autre livre consacre aux pays du Proche - Orient.' Pour N. Sastri, l'histoire donne beaucoup d'exemples pour la„fusion et le melange des cultures. Ainsi, il est comprehensible, dit - il, la conception de certains anthropologues sur la naissance d'une nouvelle culture du monde qui ne sera ni oriental ni occidental. Pour cet auteur nous nous trouvons dans une crise de changement social, devant laquelle on peut prendre trois attitudes: 1) on peut rester attache â l'ancien ordre social en soutenant qu'il est inutile d'essayer le nouveau, 2) en admettant que le dernier est toujours le meilleur, on peut substituer le nou1 Toynbee, Civilization on Trial, trad. en franç: Civilisation it l'Epreuve 2 Ruth Benedict, The Chrysanthemum and the Sword, Boston, 1946 3 Jean Stoetzel, Jeunesse sans chrysantheme ni sabre, Paris, Plon, 1954 4 Ward and D. Rustow, etc., Political Modernisation in Japan and Turkey 5 Eisenstadt, Mc Iver's lecture, A social Transformation in Modernisation, p. 659 - 673 (American Sosiological Review, October, 1965)
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veau au lieu de l'ancien, 3) on affirme la conciliation de la culture traditionnelle avec les conditions econorniques et techniques modernes. L'industrialisation ne produit pas necessairement la decadenee de la culture traditionnelle; au contraire , dans n'importe quel system° economique, la fusion des elements traditionnels dans le mode de vie moderne engendre des formes originales dans I'art, dans le droit et dans les moeurs du pays. Les peintres indous, selon Sastri, prennent leur modele de Adjanta, les artistes modernes font la copie des pauses de danseuses sur les bas - reliefs de l'Inde et de Cambodge. 6 En Turquie aussi, la musique et la peinture, depuis une quarantaine d'annees portent l'empreinte de tels essais de synthese hesitants, parfois reussi et,malheureussement parfois non reussis. Cela provient d'une conception erronee, â notre avis, de la distinction radicale qu'on fait entre la civilisation et la culture. On suppose que la premiere donnera la forme et la seconde le contenu: la civilisation etant internationale, procure des methodes dejâ preparees dont chaque nation n'aura pour tâche que les utiliser dans l'elaboration de ses matieres premieres. Si oda est vrai, alors le compositeur ne fera que de mettre les melodies folkloriques dans le cadre de l'harmonisation de la musique europeenne, le peintre l'architecte, le poete, etc. feront des efforts pareils dans leurs domaines pour obtenir des oeuvres artistiques. Mais le resultat de ces essais n'est pas si fructeux. Ce qu'on gagne par ce moyen, ce n'est pas une synthese veritable, mais des oeuvres composes d'elements juxtaposes, car les methodes soi - disant internationales et moulees une fois pour toutes ne sont, en verite, que des formes des activites creatrices des nations et de leur interrelations. Cela veut dire qu'elles surgi şsent de la creation culturelle et elles sont toujours en evolution , elles naissent non pas comme des formes distinctes, separees de leurs matieres mais comme des formes d'un contenu en progression continuelle. Une nation apres avoir acquis l'activite productrice peut entrer en contact d'une maniere fructueuse avec les autres nations, pour ainsi dire, elle doit participer â la cre ation des formes qui seront obtenues en moulant sa propre matiere, Le probleme d'acculturation change parmi les societes, meme parmi les classes sociales. Le systeme de colonisation du 19 eme siecle avait une grande influence dans la suppression des cultures traditionnelles. Autant que la conscience nationale et la resistance contre la domination du capital etranger sont eveillees, autant qu'une synthese entre l'indus6 Nilakanta Sastri, L'avenir des cultures traditionnelles (dans: Traclitional Cultures in South-East Asia, 1958)
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trialisation et la culture traditionnelle deviennent possible. Mais il faut ajouter aussi que la resistance aveugle des anciennes institutions affaiblissent l'influence de la culture moderne. L'eveil de l'industrialisation nationale renforce la creation culturelle et l'apport de la culture ancienne, tandis que l'invasion du capital etranger des pays developpes rabaisse la puissance creatrice de la culture nationale et la laisse dans une simple imitation. Un tel pays sera incapable de prendre place dans le symposium de la culture mondiale, et par suite, il ne pourra pas participer â l'humanisme des cultures. ,
L'exces d'unite dans la culture, c'est â dire une autarcie pousse au barbarisme et â la tyrannie, de meme que l'exces de diversite culturelle engendre la decadence et la domination etrangere € t r e clos â toutes les influences produit la premiere forme, etre subi aux influence divergentes n'ayant pas la force de les assimiler, la seconde. Toutes les deux sont les cas des pays depourvus de puissance de participer â la creation culturelle du monde: ou bien par la crainte d'etre assimiles ils s'enferment en eux memes et perdent de plus en plus leur vitalite, ou Men par l'insuffisance d'absorber les elements reçus, ils perdent leur personnalite. Ainsi, nous devons dire que toute culture est une unite dans la diversite, en d'autres termes, elle est une region de la culture mondiale, un aspect regional de la puissance creatrice de la culture moderne, sans tenir compte les distances entre les continents. Voilâ pourquoi nous parlons de l'humanisme des cultures.
7 T.S. Eliot, Notes towards the Definition of Culture, p. 50, Faber and Faber, 1948.
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L' HUMANİSME et LE PROBLEME DES VALEURS
Nous envisageons deux sortes de solution dans le probleme des valeurs: 1) la premiere reduit toutes les valeurs â la raison, â la connaissance rationnelle. D'apres cette conception, toutes les valeurs surgissent -de la connaissance. La regle de notre conduite se trouve dans la connaissance. Toutes les autres tentatives affectives, imaginatives ou actives sont restees â mi chemin et n'arriveront â la perfection qu'au degre de la connaissance rationnelle. Cette conception est exprimee depuis Confucius et Socrate par plusieurs penseurs. 2) La seconde distingue les domaines des valeurs et de la connaissance. L'evidence de la raison ne peut pas jouer le role de l'evidence du coeur. Cette seconde vue, bien qu'elle profite de toutes les conquetes du rationalisme, de la science, de la technique et de la pensee abstraite, bien qu'elle les apprecie tous a cette convietion ferme que le probleme ne peut pas trouver la solution par eux. Cette vue large qui est nee de la distinction de deux formes d'evidence a donne la possibilite de regarder plus profondement au probleme des valeurs et empecher pour ainsi dire la crise provenant de la reduction des valeurs â la science et â la technique. Nous trouvons les origines de cette vue dans la Pensee Occidentale, chez Saint Augustin. Mais nous la trouvons aussi sous une forme tres developpee chez Ghazali. Celui - ci distinguait avec precision l'oeil exterieur de l'oeil interieur et nommait le second Poeil du coeur. Je me permetsde remarquer qu'en Occident cette vue a pris sa forme parfaite chez Pascal. Il est inutile de dire que la distinction de l'esprit geometrique et de la logique du coeur est devenue un point de depart important dans la la pensee moderne,en depit de la revolution cartesienne qui etait le createur du mecanisme exagere*.
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Kant, en repartissant les domaines de la connaissance, de la morale et de l'art a prepare le terrain le plus large pour penetrer â la nature des valeurs. L'ecole ecossaise le suivit par la distinction de la science et de la foi en le mettant au niveau du sens commun. A notre temps,la necessite de repartir et de completer les spheres du rationnel et de l'extrarationnel est impose d'une part par la science positise, d'autre part par la philosophie. İl est certain que tout le monde est d'accord sur les points communs de l'experience et de la justification mathematique. Mais, les resistances que la meme science subit dans le domaine de l'observation et de l'experien ce, la perturbation des phenorr ı nes par l'observateur, les recherches cytologipues et paleontologiques avaient ebranle le dogmatisme optimiste de l'homme de science d'hier. Au fur et â a mesure qu'on aperçoit les obstacles devant la science dans chaque etape de son progres, il est bien entendu que ceux-ci ne proviennent pas seulement de l'insuffisance des instruments de precision, mais de la nature dichotomique des phenomenes; Phomme de science est oblige d'affirmer dans une echelle l'exactitude et la generalite des lois, dans une autre Penigme qui se trouve au fond de la nature qu'il utilise. -D'autre cöte, le regard retourne vers soi - meme montre qu'il fallait prendre de nouveau en main le monde des valeurs. La valeur n'est pas une donnee, un etre dejâ realise, une chose presente â la conscience. Les Occidentaux et les Orientaux, dans toutes les religions et les morales comprennent la valeur comme un acte de la conscience qui veut se depasser. Lâ Petre est complete par le devoir - etre. L'homme es; l'existence qui fait l'effort incessant pour se realiser dans le temps. De lâ vient le mouvement dialectique entre le reel et l'ideal qui se suivent pour completer l'un l'autre. Le monde des valeurs n'existe que dans ce developpement. Une simple analyse de la duree de la conscience ne peut pas nous donner la clef des valeurs. Car cette analyse ne peut donner que le present attache au passe le plus proche par une intuition actuelle. Lâ, l'avenir sera toujours separe du present et du passe; par consequent le sujet de l'objet, le reel de l'ideal. Ceux qui veulent faire une analyse positiviste des valeurs etudient non pas l'aspiration vers Pideal, mais seulement les vestiges que le processus * L'influence de lo spiritualite d'Al-Ghazali sur la Peuse'e chraienne qui va jusqu' il Pascal est etudie profonde.ment par Migoel Asin Palacios dans plusieurs livres eruditionnels.
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des valeurs avait laisse derriere lui. Tandis que celui - ci n'est qu'une archeologie du monde des valeurs. Bien que la science des moeurs, la sociologie des valeurs, la psychologie de l'opinion publique soient precieuses elles ne peuvent pas nous reveler la valeur, l'ideal. Cependant, etan.t donne que l'intuition actuelle ne vise que la conscience imminente, elle n'est pas suffisante pour penetrer aux valeurs. D'une part les existentialistes en insistant sur la subjectivite, d'autre part les idealistes (Schelling, Hegel, etc.) en s'appuyant sur l'objet, l'ideal ou l'avenir considere comme absolu tâchent de trouver une solution au probleme des valeurs. Mais ces deux vues nous paraissent egalementinsuffisantes car, si l'on est reduit au point de vue de la subjectivite, le monde transcendental, l'extrarationnel, l'etre en soi restent comme des domaines inabordables. Tandis que la philosophie idealiste est depourvue de la riehesse de l'experience des sciences et de l'experience vecue car elle ne se base que sur des concepts abstraits. La philosophie de la science occidentale vit cette crise de l'antagonisme de ces deux manieres de voir. Pour la depasser on a fait des efforts successifs. Le suicide spirituel du nihilisme menace la pensee d'aujourd'hui. La Pensee qui veut se delivrer de la precarite, de la relativite, de l'aspect fuyant de la realite toujours en changement dans le temps, veut s'appuyer sur l'immuable, sur l'essentiel et sur le fondement. Il est possible que l'Orient n'avait pas les memes soucis. Car la conscience de l'histoire est sensiblement different en Orient et en Occident. Mais chez l'Oriental l'aspiration de l'immuable devant la precarite de la vie est plus fondamentale. Alors, il ya deux mondes qui sont en apparence opposees, mais qui sont en realite complementairrs. Vraiment ces deux mondes ont besoin l'un de l'autre.Nous sommes arrives au moment de la recherche de l'homme integral. Et ce sera possible â notre avis que par la collaboration de la science et de la philosophie en ce qui concerne le rationnel et l'extrarationnel pour arriver â l'homme integral, perdu dans une humanite dechiree. Completer le reel par l'ideal, l'etre par le devoir - etre, c'est de completer la presence par l'absence. Car nous ne sommes pas devant une Presence totale *, mais une Presence dynamique toujours completee par l'absence. Tous les actes intentionnels visent un objet present: un objet d'experience, un objet abstrait, un objet d'histoire, etc. Seulement le besoin vise un objet absent. Nous avons besoin d'un objet qui n'est pas present, mais qui peut le devenir. *) Nous entendons par ces termes l'idee principale de Louis Lavelle expritnee dans son livre La Pre'sence totale
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C'est par le besoin que la presence vise l'absence et par son dynamisme qu'il cherche incessasmment la realisation de l'absence. C'est grâce au besoin que nous rattachons ce qui existe comme la duree veeue â ce qui peut et doit etre. Ainsi, nous sommes devant le mouvement continuel de l'etre vers le devoir - etre, du sujet â l'objet, du present â l'avenir, du reel â l'ideal. En commençant des valeurs vitales les plus simples jusqu'aux valeurs transcendantes (religieuse et morale) nous sommes conduits par le besoin non pas dans le sens phenomenologique, mais dans le sens ontologique qui vise un objet absent, transcendant la conscience. Par consequent, le probleMe des valeurs ou l'axiologie n'est pas un probleme epistemologique et empirique, mais un probleme ontologique ou metaphysique des valeurs.
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ENCORE UN MOT sur HUMANISME ET EDUCATION Pour parler de l'education en vue de la comprehension inter-culturelle, il faut d'abord s'entendre sur la reciprocite des esprits. La comprehension mutuelle ne se realise qu'en s'appuyant sur la comprehension affective basee sur la connaissance reciproque entre les cultures respective. Pour commencer de comprendere, il faut d'abord avoir une attitude ouverte envers autrui; il faut se preparer pour la recevoir, C'est l'attitude affective de la sympathie qui donne la disposition de la comprehension intellectuelle. La diffüsion de la technique et des symboles ne rapproche pas tout seul les hommes car cette diffusion sert ou bien â la domination de ceux qui les possedent, ou bien â la revanche de ceux qui sont domines et dans les deux cas, elle aligmente la, tension au lieu de la supprimer. Un tel ideal ne peut reussir que s'il abolit totalement les differences ethniques, linguistiques, culturelles, au nom de la propagation d'uue seule culture, en un humanisme uniforme, mais tela ne peut pas se realiser car les cultures meme les plus archaiques ont leur puissance pour resister aux evenements les plus durs de l'histoire. Alors, le probleme du contact des cultures s'impose. C'est le probleme de l'education non seulement des enfants, mais en meme temps des peuples. L'education scolaire, l'education des adultes, reducation de base, en general, sont les moyens de niveaux differents pour inculquer aux peuples les idees et les sentiments necessaires pour la comprehension mutnelle entre l'Orient et l'Occident. Je crois qu'un humanisme des cultures doit etre suggere aux enfants et aux adultes des peuples par des methodes communes. a) Jl faut tâcher de trouver dans chaque pays un equilibre entre l'education de la raison et du coeur, afin que la culture originale des pays respectifs ne corrompe pas l'equilibre qu'un humanisme diversifie exige. 173
b) Inculquer aux generations futures un patriotisme humaniste en ce sens que les enfants de chaque pays sachent qu'ils sont les membres de l'humanite toute entiere, qu'ils sont soumis aux preceptes d'une morale universelle, qu'ils ont ou bien devront avoir presque les memes ide-aux humains, la liberte, l'egalite et la justice, la meme raison qu'ils peuvent avoir une conscience nationale, en s'appuyant exclusivement sur ces valeurs ideales. c) Le troisieme point est de tenir compte essentiellement dans l'enseignemerıt du second degre des humanismes differents des cultures respectives, de faire des paralleles entre ces humanismes pour y puiser les valeurs communes entre les cultures, et de ne jamais se contenter d'un enseignement strictement piagmatiste n'ayant pour but que des valeurs techniques.
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SUPPLEMENT POUR LE PATRIOTISME HUMAINE '
Objection Je ne comprends pas le refus de la distinction des jugements d'existence et de valeur. L'exemple que vous avancez "tous les corps tombent" est un jugement d'existence. Reponse Quand nous disons "tous corps" nous exprimons non pas un fait tout court, mais en meme temps une totalite „dont elle n'est pas realisee, done un ideal. C'est un jugement qui englobe le fait et l'ideal, par consequent un jugement de verite qui englobe l'existence et la valeur. Objection N'est - il pas la meme chose de dire "cette pierre tombe" ou Men "il est vrai que cette pierre tombe" ? Reponse .- Il paralt que non. Dans la seconde proposition nous generalisons notre assertion et nous nous sentons que nous sommes obliges d'admettre une telle assertion. En tout cas, pour qu'un jugement de verite soit valable, il faut qu'il comprenne deux critere â la fois : la correspondance du sujet â l'objet, la coherence des differentes parties dans le sujet meme. Objection — D'oı) vient la necessite de chercher une synthese entre le fait et l'ideal. Reponse — Comme j'avais insiste en maints endroits que mon point de depart est l'idee de dyade puisee dans les derniers dialogues de Platon. ,
Je me permets alors de completer certains points qui ne me paraissent pas suffisamment eclaires. La tâche essentielle de ce petit livre etait une consideration critique sur la distinction radicale et courante que l'on fait d'habitude, entre le jugement de realite et le jugement de valeur, et par suite, sontenir l'idee suivante: les jugements de fait et d'ideal 1 Discussion faite en 1936 avec M. von Astsr, ancien professeur â 1'Universis6 de Giessen, â l'Universite l'Istanbul
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se completent l'un l'autre et il n'y pas entre eux une difference de nature; car, le premier ne consiste que par le reel et le second par le possible. Ils ne sont ni contraires ni coniradictoires, mais ils sont complementaires, et par suite de cette complementarite, ils forment un domaine plus large, celui de la verite. Objection-Est ce qu'il est legitime de trouver le contact entre le possible et l'ideal ? Reponse-L'ideal est le possible axiologique, Mais non pas epistemologique Le second n'est que la forme abstraite du premier. 1) Les vies affective, active et intellectuelle forment inseparablenient notre unite psychique. Par exemple- je perçois que cette fleur est fanee, je suis desole, ou je decide de faire certaine action. Mais dans le domaine du possible nous nous trouvons devant un ideal affectif, ce qui est possible affectivement; un ideal actif ce qui est activement possible; enfin, un ideal intellectuel, ce qui est intellectuellement possible. Quand nous les' exprimons par le langage axiologique, nous pouvons dire que le premier est le Beau, le second le Bien, le troisieme l'Intelligible. Dans l'ordre de fait nous avons les jugements partieuliers et contingents, dans l'ordre d'ideal les jugements universaux et necessaires. Alors, viennent cette universalite et cette necessite ? Par quel droit nous pouvons soutenir qu'ils sont valables dans tous les temps et pour tous les lieux? Quand nous envisageons les jugements au point de vue de leur realisation dans les cadres differents, nous pouvons distinguer, non sans raison deux spheres differentes dont la premiere est l'Etre et la seconde le Devoir. La premiere correspond, â notre avis, â celle que nous avons nomme la sphere de fait et la seconde correspond â celle de l'ideal. Nous entendons par Etre une existence effective, par Devoir une existence de droit. La science prend de la premiere son contenu, sa matiere et de la seconde sa legalite. Dans la premiere nous avons seulement le critere de correspondance, dans la seconde celui de coherence. Mais, il nous faut faire cette remarque que nous ne prenons pas le mot Devoir dans le sens restreint utilise par la science morale, mais nous entendons par ce mot un sens beaucoup plus large qui comprend en meme temps celui de l'esthetique et de l'intelligible. Nous nous permettons alors exprimer les - dits jugements de la façon suivante: 1) On doit sentir de telle maniere qu'elle soit valable pour tous les temps et pour tous les lieux; 2) on doit agir de telle maniere qu'elle soit une maxime pour tous les temps et pour tous les lieux (Kant); 3) on doit penser de telle maniere qu'elle soit intelligible, mais qu'elle ne correspond pas aux faits (Systemes 176
inathematico-logiques). Ce que nous avons cite ci - dessus sont, â notre sens, les possibilites logiques et ontologiques. Mais par le Devoir, nous sommes en train de depasser le domaine strictement logique et de penetrer le domaine ontologique et irtationnel ou si nous preferez, l'extrarationnel. Conforımement â la conception de Wundt, nous pouvons dire que L'Esthetique, la Morale et la Logique sont des sciences normatives; elles forment des systemes consequents et coherents, supra - temporels: en tant qu'ils doivent etre consideres chacun comme un systeme consequent et independant. De la meme façon, les geometries euclidiennes et non - euclidiennes gardent leur validite extra - temporelle, car elles sont des systemes deductifs qu'elles n'ont pas besoin d'etre verifies par des faits. vient leur necessite ? de la consequence. D'oi ı vient leur con sequence ? De leur caractere obligatoire et, contraignante. Il y a une obligation esthetique, une obligation morale et une obligation intellectuelle. Le sujet se sent oblige (devant l'objet) d'admettre la consequence de ses premisses C'est pour cela que nous disons qu'elle est universelle. Alors, il nous semble q•' il ya lieu de chercher l'origine de cette obligation, et sans entrer aux details de ce probleme qui depasse la portee de notre discussion, nous pouvons dire que cette origine est la croyance. La croyance nous impose cette obligation. La croyance, vue d'un point extrinseque et exterieur est la contrainte du groupement sur l'individu ou de l'individu sur le groupement Mais, l'obligation imposee par la croyance n'est pas universelle et elle se forme parfois des elements incompatibles.° Cependant, il faut adrriettre, â notre avis, qu'elle sert un point de depart et un stimulant pour la naissance de l'obligation universelle et consequente. Contrairement â l'acceptation usuelle du terme, nous voulons etudier la croyance au point de vue de sa genese dans la conscience: au premier nbord, â l'enfance et dans la mentalite primitive on est oblige par la force exterieure; mais, au fur et â mesure que cette obligation s'interiorise, nous passons graduellement de qua tre etapes successives: 1) d'abord, nous nous sentons obliges de faire quelque chose que par la menace d'une crainte, 2) mais, si nous nous sentons plus fort et si nous pouvons diriger notre regard vers le futur, nous nous sentons oblige de faire certaines choses dans l'espoir de gagner la recompense materielle ou spirituelle; 3) quand nous sommes beaucoup plus fort, et nous avons le courage d'affronter les risques, nous entrons en concurrence avec les autres, nous voulons les depasser, mais ce qui importe â ce moment c'est d'etre apprecie par les autres: c'est â dire ce qui nous pousseâ 'etre oblige de faire certains actes bienveillants, ce qui est la base 1 L. Levy-Brühl traite cette question dans La Science de, Moeurs.
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de notre croyance c'est l'estime des autres. 4) Enfin, nous pouvons arriver en un point sur lequel nous agissons non pas par l'appreciation des autres, mais par nous meme, par la force de notre affirmation de soi. Nous n'agissons plus que par l'amour de notre action. L'Amour, la base la plus developpee de notre croyance, n'est qu'une passion idealisee. Dans la passion, nous agissons, nous sentons et nous pensons que pour elle - meme, c'est â dire le but de notre passion est inherent en soi. Elle n'a pas un but en dehors de soi: elle n'est que sentir pour sentir, penser pour penser, agir pour agir. Elle n'est pas relative, elle ne depend pas d'une autre chose, elle est independante et absolue. Voilâ pourquoi dans l'Amour seulement nous nous sentons obliges par nous meme, et par suite, c'est lâ seulement que nous agissons librement. La passion etant une atti tude autotelique dont le but est en soi - meme, elle est la base d'une morale, d'un art et d'une logique absolus qui ne depe ıııdent d'aucune condition empirique. Etant autotelique, elle deborde toutes les considerations teleologiques et de mediatetes. C'est la passion qui exige la conscience de l'infini, par elle que nous entrons en relation avec l'infini irrationnel (Sans aucune relation avec l'infini mathematique). C'est par elle que nous aurons une connaissance immediate et intuitive: l'intuitionisme de H. Bergson et le pancalisme de J. M. Baldwin ne peuvent etre interpretes, â mon avis, que par l'apprehensior ı passionnee des objets vecus. Notre entendement travaille sur ces possibilites ontologiques et tâche de les intellectualiser par des cha ınes de jugements d'ideal. Il s'ensuit de ce qui precede que le fondement profond -du Beau, du Bien et de l'Intelligible est irrationnel. Il est conquis par la passion, rentre dans la sphere du Devoir et prend la forme de systeme coherent de croyance: cependant, ce fondement etant irrationnel, la croyance, de telle façon qu'elle soit, a son origine dans l'irrationalite; mais elle est entouree par les autres degres de l'experience vecue, les degres heteronomes, impersonnels, stereo types et logicises, et pir suite elle doit etre exprimee par elles, c'est dire intellectuâisee: c'est la logicisation de l'irrationnel, l'impersonnalisation du personnel, socialisa tion de l'experience vecue. .
Quand nous entretenons une certaine dialectique entre le fait et l'ideal, ou pour mieux dire, entre l'ordinaire et l'original, nous nous trouvons juste dans la sphere de la verite. C'est la sphere du Devoir - Etre. Elle est, en termes dialectiques, contingent - necessaire, singulier - universel. Par exemple; cette fleur est belle, cette action est juste, l'eau bout â 100 degre , etc. Tout ce qui est concret, tout ce qui est en progression est l'objet de la verite qui exige la correspondance et la coherence â la fois. Il est l'objet d'un devenir qui englobe le present et le futur, ce 178
qui est et ce qui deviendra, edin le reel et l'ideal. L'induction n'est autre chose que cette synthese meme: en s'appuyant sur le donne, elle est un elan vers ce qui devra etre. Elle est la synthese de l'etre et du devoir. Elle prend sa matiere du domaine de l'etre et sa legalite du domaine du devoir, â condition de tenir compte que cette legalisation n'est possible que par une autre synthese entre le rationnel et l'irrationnel, entre l'experience vecue et l'anonymat logique. C'est pour cela que nous l'appelons la theorie de la verite axiologique, et nous la designons par un terme propre, ideo - realisme. Objection - Comment vous rapprochez la methode dialectique avec la description phenomenologique ? Rep.- Nous commençons par une certaine description phenomenologique de la connaissance en une correlation du sujet et de l'objet, bien qu'ils restent transcendant par rapport â la conscien.ce. L'acte de connaissance comprend le sujet - l'image - l'objet. Si nous voulons faire une theorie de la connaissance au point de vue de sujet, celui - ci empechant la juste comprehension de la connaissance prend le nom de psychologisme; si nous nous appuyons sur l'image representative, nous nous trouvons dans l'impasse du logicisme. Si nous tenons compte que la connaissance repose particulierement sur l'objet, nous sommes devant l'impasse de l'ontologisme, lequel, refutant les premieres prend presque la meme attitude dans la solution du probleme de la connaissance. La phenomenologie n'a pas l'ambition d'expliquer, mais seulement de decrire. Par consequent elle doit prendre en consideration tous les aspects de l'acte de la connaissance. Quand il s'agit d'une explication, nous devons profiter de tous ces courants, pour completer l'un par l'autre, et pour ainsi dire, ils seront utilises et integres s'ils ne restent pas unilateraux. La phenomenologie se dispense d'une methode genetique, tandis que dansune theorie axiologique de la verite nous devons utiliser la methode dialectique et d'integrer dans l'explication du devenir de l'esprit humain les donnees differentes des sciences de l'homme. Objection - Qu'est ce que vous entendez par ideo - realisme? Re- Il y a deux attitudes opposees dans la philosophie: Pour Aristote la connaissance n'est que l'empreinte de l'objet sur le sujet, tandis que pour Kant elle est constructive et active. Mais pour tous les deux il y a la subordination entre l'objet et le sujet, Dans une conception recente que nous partageons ici, soutenue de plusieurs façons par Gonseth, Destouches, Bachelard, etc, distincte du realisme strict et de Videalisme pousse â ses consequence, il n'y a qu'une correlation et une coordination entre ceux - ci. C'est pour cela que nous utilisions le terme ideo - realisme.
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IDEOLOGIE ET IDEAL
Le mot ideologie, forgee par Desputt de Iracy, a ete definie comme (Projet d'Wments d'Id6logie, 1801) "la science qui a pour objet l'etude des idees". Mais plus tard, elle a pris un sens restreint: Les ideologues sont ceux qui esperent un etat social sans relation avec la realite. 1 Marx appelait ideologique, par opposition aux faits economiques tout ce qui est representation ou croyance, systeme philosophique ou religieuse. 2 Au sens pejoratif, elle est discussion d'ide-es abstraites qui ne correspondent pas aux faits reels. Ideologie est le systeme qui considere les idees prises en elles - memes, abstraction faite de toute metaphysique. 3 Selon Mannheim "les ideologies sont les idees qui depassent la situation qui ne reussissent jamais de facto â realiser leur contenu. Bien qu'elles deviennent les motifs i ııtentionnes de la conduite subjective de l'individu, dans la pratique leurs significations sont tres frequern.ment deformees". 4 L'ideologie se definit, en general, comme un systeme d'idees propre â un groupe determine et conditionne par des centres d'interets de ce groupe: les doctrines politiques, religieuses, economiques et philosophiques remplissent, dit - on, des fonctions ideologiques. 5 Ideologie est utilisee parfois comme la recherche de ce qui doit etre, en opposition avec la science qui est la recherche de ce qui est. Mais cette definition est confuse et ne donne pas la possibilite de distinction entre, l'ideal et l'ideologie. Le premier, etant toujours•attache au fait et prenant son essor de lui, s'elance pour le depasser exactement comme la vie qui deborde continuellement le present vers l'avenir, il est 1 A. Lalande, Vocabulaire de Philosophie, vol. 1 2 K. Marx, Lettres philosophiques 3 Nouveau Larousse 4 Karl Mannheim, Ideologie et Utopie 5 Emilio Willems, Dictionnaire de Sociologie, adapt. franç. par A. Cuvillier, p. 126, Marcel Riviere, 1961
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le devenir pan rapport â l'etre, et pour ainsi dire, ce qui doit etre par rapport â ce qui est. Tandis que la seconde, l'ideologie est une aspiration que l'on veut realiser en choisissant arbitrairement ses moyens et que l'on veut substituter au lieu de la realite estropiee. Par consequent, elle se confond facilement avec Putopie, meme si l'on allegue comme un projet tire des etudes des faits. C'est le point le plus delicat qui rend impossible la distinction entre la plannification et Pideologie, dont la premiere est vraiment un projet, tire des etudes des faits, la technique des science naturelles et humaines, tandis que la seconde est un projet imaginaire substitue arbitrairement au lieu de la realite, et qui provient de l'ignorance des faits ou de la surestimation de la volonte humaine dont on croit â sa puissance de dominer et de changer la nature des choses. De lâ vient l'aventure utopiste des ideologies et leur caractere pseudo idealiste. Les ideologies apparaissent oû des assertions systematiques relatives â la societe contiennent des evaluations sur la distribution du pouvoir au sein des societes dans lesquelles ces assertions sont developpees et propagees. 6 L'ideologie est conçue comme un element de superstructur4 La conception marxiste de Pideologie ne peut pas etre comprise sans une reference aux notions d'alienation et de mystification. Dans une societe de classe celle - ci contrele, comme les moyens de production, aussi bien la fin de l'ideologie. Apres la definition de Marx reposant sur sa conception des classes sociales, les ideologies sont interpretees par la plupart des auteurs marxistes, meme par ceux qui ont pris une attitude resistante contre ce courant, tels que Max Weber, K. Mannheim. etc., comme une superstructure d'une classe, ou bien d'une generation, d'un groupement, d'une nation, etc. Mais, les critiques recentes faites par Adorno, Schelsky, LeviStrauss, R. Aron, etc. nous paraissent insuffisantes de ce point de vue, car elles sont centrees â l'etudier comme un fait, comme une structure. Bien qu'il soit tres utile de la traiter ainsi, nous ne pouvons pas laisser sous silence son role comme un facteur dans la vie sociale: car elle est toujours en vigueur. Ce qui est essentiet de ce point, repetons le, c'est la distinction entre l'ideologie et l'ideal: la premiere est façonnee toujours par les agitateurs politiciens ou par ceux qui font les coups d'Etat d'un certain groupe ou de classe en devises provoquant l'esprit des foules tandis que l'autre procede de Petre humain, et forme avec lui une unite dynamique sans se trainer par les flots de la propagande superficielle de de Popinion publique, il est etabli au fond de la vie sociale, enracine 6 Ncırman Birnbaum, L'etude sociologique.de l'ideologie (1940-1960), 1962, Basil Blackwell
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dans le tradition profonde et cree les valeurs humaiane$, propagande ideologique est Pattitude agressive d'une organisation politique, sous pretexte d'etre persecutee d'une classe ou d'une nation veut provoquer les impulsions de revanche pour prendre le pouvoir ou envahir les autres pays. Des la domestication des animaux jusqu'â la construction des grandes usines, l'art a-t-il fait une evolution irreversible? La peinture des primitifs n'est-t-elle pas ressuscitee plusieurs fois et dans tous les âges n'a-t-elle pas fait des elans similaires ? Nous pouvons dire les memes choses pour la morale qui a proclame toujours l'heroisme et le courage contre la lâchete, le caractere veridique contre le mensonge, l'altruisme contre l'egoisme en depit de tous les changements des structures sociales. L'existence et meme l'acceleration de toutes sortes de conflits entre les groupements humains, n'empechentpas, par suite, de montrer des exemples communs pour des valeurs ideales dans les camps opposes; on estime le heros de l'ennemi, mais non pas le fripon. C'est ce qui rend possible, malgre les inimitiees la comprehension mutuelle entre les hommes, et la consideration de l'etre humain comme un ideal commun par tous les humanismes de l'histoire.
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APPENDICE Nous avons parle dans cet expose, en plusieurs endroits, de la methode dialectique et nous avons insiste sur la necessite de distinguer les conceptions logique et metaphysique, en voulant s'appuyer particulierement sur la premiere. Pour l'eclaircissement de ce point, nous sentons nous obliges de dire quelques mots sur ses differentes significations. Ou'est ce que nous entendons par dialectique? C'est un terme peut-etre le plus use et en meme temps abuse de la philosophie. Ehcore il y a beaucoup d'auteurs qui l'utilisent sans faire une definition exacte. Platon qui l'avait fait l'armature de son systeme, la definisSait de deux manieres: 1) une methode de discussion qu'il tient de Socrate et 2) une methode metaphysique qui lui est propre 1 . Dans la deuxieme conception, celle — ci est la montee penible vers la contemplation des Idees eternelles. Elle est bien plute ıt rationnelle que mystique. Par des termes de G. Gurvitch, elle est apologetique, ascendante, positive et rationnelle 2 .
Apres les critiques severes d'Aristote cette methode a perdu de son importance capitale. Mais, par la synthese grandiose de Plotin, elle l'a reconquis sa place, â condition d'ouvrir la voie â la conception mystique. C'est la conception de la synthese des contraires qui sera developpee par Nicolas de Cusa, â la Renaissance, dans sa theorie de Cancidentia oppositorum : ainsi, la methode embryonnaire de triade de Plotin etait utilisee par les philosophes romantiques post- kantiens, non seulement par Hegel, mais par ses predecesseurs Fichte et Schelling. Pour ce dernier, elle joue le röle apres l'explicitation des caracteres contraires de l'etre ambigü et indefini. Elle n'est pas la synthese des contradictoires, mais la reconstruction de ce qui est decompose. Tandis que pour Hegel, bien qu'il ait presente plusieurs significations de la dialectique dans ses publications successives, celle — ci est le panlogisme dans lequel il s'agit de decrire "l'ensemble du 1 Paul Foulquie, - La Dialectique - P.U.F. 1949, pp. 18-23 2 G. Gunitch, Dialectique et Sociologic, Fla ınmarion, 1962, pp. 31 - 38
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mouvement immanent de l'etre se revelant comme esprit": elle a l'ambition de faire la synthese des contradictoires, ce qui pousse le philosophe de prendre la position contre la logique de non — contradiction d'Aristote. Karl Marx, en renversant la philosophie hegelienne, avait utilise sa methode dans sa eenception materialiste: les contradictioires, pour lui, ne sont que des moments en lutte de la realite materielle qui finissent par traverser une etape revolutionnaire de cette realite dynamique. Mais, lui aussi, comme Hegel n'avait pas separe la dialectique consideree comme la conception metaphysique et comme la methode de la recherche. Il avait pretendu la transformer de la conception idealiste en "scientifique". Mais il n'avait pas pu se delivrer d'etre un metaphysicien materialiste, car il soutenait, avec son collaborateur Engels, qu'il pouvait expliquer en meme temps et la nature et l'histoire humaine 4.
J. P. Sartre a pris une attitude negative en sepaxant ces deux domaines et en consacrant celle — lâ qu'au second 5 D'autre part, certains neo—hegeliens tels que Benedetto Croce, en faisant une revision sur la dialectique de leur maitre, ils substituerent l'idee de la synthese des differences au lieu de la synthese des contradictoires 6 La science d'aujourd'hui, d'abord par des recherches recentes sur la microphysique et aussi par celles que nous trouvons dans differentes branches de la biologie nous attestent les paliers de la nature animee et inanimee ayant des origines ambigües par ses caracteres complementaires et contraires qui evoluent non 'pas du simple vers le complexe, mais du complexe vers les simples, distincts et differents. .
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Le rele de la dialectique sera reduit alors â l'etude de cette explicitation des caracteres originairement ambigüs et â l'application par alternance de la logique de non contradiction aux aspects explicites de l'etre. Ainsi conçue, la dialectique tirant sa source de la philosdphie la moins etudiee de Platon, de ses derniers dialogues 7 ne sera pas metaphysique, mais logique, en ce sens qu'elle n'aura pour rele que d'etre le guide dans l'utilisation de la logique bivalente ou plurivalente dans l'explication des regnes de la realite, ou pour mieux dire dans la rationalisation, de l'irrationnel. ,
3 le meme livre, pe 78 - 90 4 Engels, Dialectique de la Nature, Marcel Riviere, 1950 (Trad. franç par D. Naville) 5 Jean-Paul Sartre, Critique de la Raison dialectique, 1960, Gallimard 6 B. Croce, Ce qui est mort et ce qui est vivant de ffigel, 1915. 7 Paul Kuckarski, Les Chemins dee savoir dans les derniers dialogues de Platon, 1949, P.U.F. Victor Goldschmidt, Les Dialogues de Platon, 1947, P.U.F. Zeliko Markovic, La The'orie de Platon sur l'Un et la Dyade indOfinie (Beyne d'Histoire des Sciences, extr. t. VIII. No. 4 1955); le meme auteur, Sur la thS'orie de la mesure de Platon (Bulletin Intern. de l'Academie des Sciences yougoslave, 1940) H.Z. Ulken,Deux aspects de O'tres(communication donnee au Congres Intern. de Philos. 1948, Amsterdam) Nous avions parle des Dyades indefinies en coincidence avec Z. Markovic.
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V TÜRKÇE ÖZET KÜLTÜRLER HÜMANİZM'İ Bölüm 1
Felsefe tarihinde teori ve pratik ço ğu kere birbirinden ba ğımsız alanlar gibi görülmü ş , aralarındaki münasebeti incelemek için biri ötekine irca edilmiş, yahut daha gücü, bu irca ın doğwıracağı güçlüklerden kurtulmak için onlar ba ğımsız ilkelere ba ğlanmış tır. Aristocu do ğmatiklere göre bilmek, tesir etmek, yapmak zihnin ardarda fiilleridir ki tesir etmek ve yapmak bilmenin ilkelerinden çıkarılabilir. Akıl ilkelerinin başsız ve sonsuz, de ğişmez ve yanılmaz oldu ğuna inanıldıkça onlardan hayat ımız için mutlak düsturlar beklemede, oradan davran ış kuralın çıkarmada, ondan ahlaki hayatta rehber olmas ını istemede hiç bir sakınca olmıyacaktır. Fakat metafizik dogmatizm Hume, Kant ve ard ından giden rölativist'lerin ba şlıca mantıkçı empirism veya son yüzyılda akıldışı 'na dayanan metafiziklerin tenkitlerinden sonra itibar ını kaybetmiştir. O zamandan beri teorik ak ıl ile pratik aklın .bağımsız ilkelerine al ışildı . Akıl ile inanç aras ında uyuşma imkansızlığı fikri eskiden beri Gazali'den Pascal ve Skoçya ekolüne ve bugünkü ırıetafiziklere kadar bir çok şekillerde geli şmişti. İnsan kişiliğinin birliği ve bütünlü ğü fikri ile zıthk halinde olan teori ve pratik ikili ğini yeniden çözme zarureti Nietzsche den pragmatist'lere kadar yeni bir yorumlama şekli meydana getirdi. ,
Gerek teori gerek prati ğin varlığım kabul edebilmemiz ve onlar ın bağımsızlığından do ğan buhranı ortadan kald ırmamız için tek bir vas ıtamız kalıyor, o da teoriyi prati ğe irca etmek, veya ak ıl ilkelerini pratiktel'n çıkarmak idi. Bu görü ş , fikri eylemle (actionla) ilerletecek yerde, fikri eylemin kendisi ile kuruyordu. Bu halde teorinin, ilmin ve umumi olarak 185
akıl ilkeleri dediğimiz şeyin geçerli ği tehlikeye düşüyordu. James'in menfi davranışına rağmen, denebilir ki inanma istemeden ç ıkarılıyor ve hakikat iradeyle aç ıklanıyordu. Modern Düşüncenin evriminde tesbit etti ğimiz bu teori ve pratik buhranı doğrudan do ğruya muhtar alanlar ı olan iki ayrı varlığı kabul etmeden ileri geliyordu. Önce teori ve prati ğin ne aleme karşı , ne insan kişiliğine karşı muhtarlığı olmadığını gözönüne almalıdır. İlk bakışta bağımsız olan bu iki alan saf fiil veya kastl ı fiil dediğimiz bir bütünün iki manzaras ından, sun'i bir soyutlama ile elde edilen ve seçik olgular gibi görülen iki görünüşten ibarettir. Vakaa Hegel'ci filozof Croce teori ile prati ğin ayrılmasındaki sun'ilik üzerinde dikkati çekiyordu. Fakat 6nun gibi düşünce ve varl ığın aynılığina dayanan idealism'e düsmeden Fenomenoloji de şuurun bir fiiller süreci oldu ğunu, her şuur fiilinin "bir şeyin şuuru" olduğunu, ve burada kastl ı fiili çevrildiği hedeften ayırmanın imkansız bulunduğunu ileri sürüyordu. Bu yeni yorumlam a ilmin birleştirici görüşü ile kolay uzla ş abilir. Çünkü biz yaln ız şuur problemi değil, aynı zamanda varl ık problemi kar şışındayız. Bu felsefi cereyanın sonucu olarak, biz bütün problemlerin Ahlâkla ba şladığını, hatta doğrudan do ğruya bir ahlâk problemi manzaras ını aldığını ileri sürdük. Hareket noktam ızı belirttikten* sonra modern Dü şünce tarihinde esaslı bir alan problemine, yani süje ile objenin münasebetleri problemine geçebiliriz. Şüphesiz bu problem ilmi ve felsefi ara ştırmaların süjeyi temel olarak ald ıkları zamandan, ancak şuur problemini çözdükten sonra başka problemlere n,ufuz edilece ği kabul edildi ği anden beri konmuştur. Bütün felsefe tarihinde süje ve obje ayr ı "ayn"lar gibi görülmüştür. Bilgiyi açıklamak için birinin öteki içinde b ıilunuşu yahut birinin öteki ile anlaşılması olgusu paradoksal bir vas ıf aldı . Bir çok bilgi teorileri bu güçlükten kurtulma maksad ı ile kurulmuştur. Hemen şunu katalım ki, burada söz konusu olan süje bir tabiat ilmi gibi görülen psikolojinin u ğraştığı süje de ğildir. Çünkü psikoloji süjeyi yalnız psikolojik bir süreç olarak görür ve bu süreç kar şısında her hangi bir tabiat ilmi gibi davranır. Önce psikolog her natüralist gibi süjeyi kendi dışında ve olduğu gibi görür. Tetkik etti ği süjeyi tekrar ya şamaya ihtiyacı yoktur. Fizikçi gibi gözlenecek süje önünde mutlak bir ilgisizlik, duygusal bir seçme söz konusu olunca tarafs ız, olma alamında bir ilgisizlik gösterir. Halbuki filozof saf fiile dönmeli ve ya şanmış tecrfibede -süje - obje sürecinin do ğuşunu yaşamalıdır. İkinci nokta empirik veya genetik psikoloji şuur fiillerinin nasıl meydana geldiklerini, nereden ve nasıl doğduklarını arar. Bir jeolog veya paleontolojistin dünyan ın kuru186
luşunu açıklamak ietdikleri gibi bu olgularla u ğraşır. Halbuki filozof yalnız bilgi ve ondan çıkan eylem için hareket noktas ı bakimından süje ile ilgilenecektir. Hem bilgi hem eylemin hareket nokts ı olan bağımsız bir süjeden bahsetmek me şru mudur? Objeyle yani alemle münasebetini nasıl açıklamalı ? Empirik veya genetik psikoloji aç ıklamalarından bağıra sız olarak süje ve obje aras ındaki münasebeti aramaya bizi götüren fikir budur. Ortak duyuya dayanan ve zekâmn d ış aleme do ğrudan do ğruya dokunmak için bir algı fiili ile kendini a ş abildiğini iddia eden safdil realistleri bir yana koyacak olursak süje - obje münasebeti hakk ında tamamen kar şıt teoriler buluyoruz. Birincisi, tam sonuçlu şeklinde idealizme ula şan tasavvurcu teoridir. Burada süje ile obje aras ındaki boşluk tasavvurla, bir hayal ve bir zihin m ııhtevasiyle doldurulmu ştur: bildidiğimiz asıl obje değil, onun kopyalarmdan ibaret olan tasavvurlard ır. Başka deyişle bildiğimiz obje de ğildir, onun sübjektif kopyasıdır. Bunun için birinci teori daima dış alemin kısmi veya tam inkârma ve idealizme gider. Kısaca, bu teori Berkeley'de, Fichte'de, hatta baz ı modern fizikçilerde gördü ğümüz gibi objenin süjeye ircaından ibarettir. İ dealizm algının duyu niteliklerine irca ından başka bir şey olmayan kanıtlar kullanmış ve bu niteliklerin fizyolojik ş artlara ba ğlı olduğunu göstermiş tir. Fakat izlenimlerin varl ığını kabul etmek onlar ı bize veren objenin varlığını da kabul etmek demektir. Duyular ım doğrudan do ğruya yerlerinin varlık bakımından belki de fizyolojik ş artlara tabi oldu ğunu söylemek doğrudur. Fakat do ğrudan doğruya duyularla kavranan bu objelerin zihne (ruha) tabi olduklar ını, gerçek olmadıklarını, onları görmediğhniz zaman dahi dış alem hakkındaki bilgimizin tek temeli olmadıklarını söylemek yanlıştır. Objeyi süjeye irca eden idealizm bilginin geçerligi için temel olacak üniversel ve de ğişmez bir şuur kabul edemez. Çünkü var olan süjelerden her biri, izlenimlerin bütünü olma bak ımından, başka süjeleri algılayacaktır. Böylece alem tasavvuru her süjenin kendi sine irca edilecektir; ve bilgi yaln ız ferdi ve'anar şik olacakt ır. Solipsicme denen bu meslek hudutlar ının sonuna kadar götürülmü ş bir idealizmin sonucudur. Bu sebeplerden, bilgi probleminde tasavvurcu teoriye z ıt bir mutlakçı teori meydana ç ıkar. Onlara a şkınlık teorileri diyebiliriz. Zira objeyi mutlak diye almak istiyorlar. A şkınlık teorileri çok iyi anlamışlardır ki kendini a şmak sınırlı zekâlar için veya ferdi süjeler için imkâns ızdır. Ortak duyu felsefelerinin ba şaramad ıkları bu işi başarmak için felsefeye "mutlak" kavramını sokmuşlardır. Bu görüşüp türlü misallerini Hind mistiklerinde, Plotin'de, Spinoza ve Hegel 'de, ba şlıca Malebranche'da, 187
Jaeob- Beohme 'de buluyoruz. İ slam düşünürleri aras ında İbn i Arabryi Mevlânâ ve "Bedreddin'i zikr edebiliriz. Bu mutlakç ı teoriler aras ında ortak nokta süjenin mutlak bir varlık gibi alınan objeye irca ıdır. Onlarda obje artık duyu niteliklerinin parçalı izlenimlerinin alemi değildir, mutlak ve üniversel varlıktır.Süje as ıl şeyle,Cevher, Allah veya tabiattan ibaret olan obje ile temasa gelir. K ısaca, bu temas Mutlak tarafından yutulmu ş olmayı ifade eder. ,Esas ında, bilgiyi bu açıklama tarz ı ziliinciliğin Çünkü özel süjelerin objeye nufuz edemedikleri ve bunun için, bu teoriye göre, süje ile obje ars ında bir nevi birle şme, kayna şma gerekti ği fikrine dayanır, ve burada vecd, istigrak, ya ş anmış tecrübe, sırri hal gibi duygu hallerinin anla şılması metodunu ileri sürerler. Mant ık ellerinde mutlak ve zihin - dışı bir diyalektik halini almıştır. Mistisizm, idealist diyalektikle en zengin şeklini aldığı zaman dahi sarih bilginin istedi ği aydınhğı ve geçerli ği sağlayamaz. Çünkü mutlak yakla şılmaz, sınırsız varlık olması bakımından gerçekler ars ındaki münasebetleri görmeye, hakikatın çeşitliliğini ve nevilerini ayırdetmeye engeldir. Mutlak, gerçeklerin birli ği ve bütünlü ğüne delâlet etmez. Fakat zekâile kavranan göreli (relatif) ve sonlunun z ıttı olarak göresiz, sonsuz, yani zekâ için menfi ve geçilmez bir kavramd ır. Bu sebepten, böyle bir zihincilik - z ıttı (anti - intellectualiste) ve ilim - d ışı felsefe göreci (relativiste) çokçuluktan oldu ğu kadar, ilmin birli ği fikri ile ifade edilen bircilikten (monisme) uzakt ır. Kısaca, birbirine z ıt olan bu iki e ğilim güçlüğ ü çözemez Çünkü hakiki buhran obje ile süjenin yapma ve soyut ayr ılışından geliyor. Böylece, kapalı şuur ile hedef edinilen obje aras ındaki bu yapma ayırışı aşan büsbütün yeni bir felsefe hareketi Descartes' ın düalizminden beri felsefede meydana çıkan güçlüklerden büyük bir k ısmını çözmüş görünüyor. Vakaa Husserl ve bütün fenomenologlar şuurun daima "bir şeyin şuuru" olduğunu, hedef edinilen objeden ayr ı bir cevher olmad ığını kabul etmişlerdir. O bir sürectir. Bir nevi kastl ı fiillerin ışıkh huzmesidir. Her şuur fiili bir "dü şünülen" i hederedinen "dü şünce" fiilidir. Ya şanmış tecrübelerin yönelişi olması bakımından " şeyin hali" (Sachverhalt) hedef edinilen objedir. Obje dıştan gelen bir izlenim de ğildir. Fiilde bulunan, fakat onunla ayr ıcinşten olan bir ş eydir. Her algı fiili aynı zamanda bir algılanan'ı, her kavrayış fiili bir kavrananı gerektirir. Baz ıları bu teoriyi basitleştirerek ortak duyu felsefesine irca etmek isterler. Fakat bu yorumlama kabul edilemez: çünkü Skoçya felsefesi de süje ile objenin özden ayrılışından hareket eder. Kant'a göre bilginin temeli olan sezgiler basit, seçik ve öze ait unsurlar de ğildir; a priori ş ekillerle tecrübeden gelen olaylar ın terkibidirler. 188
Bir bilgi objesini kuran her kategoride do ğurucu bir güc vardır. Bizim anlayışımıza göre, bilgiyi te şkil eden sezgi total ve öze ait bir unsurdur. Do ğurucu de ğildir, bir dikkat fiilinden ibarettir. O te şkil etmez, tesbit eder. Kant'a göre her hüküm konu ile yüklem aras ında ideal bir ba ğlantıdır ve bilgimizin ideal bünyesini te şkil eder. Bize göre hüküm ikinci dereceden bir kastl ı fiildir. O başka kastlı fiillerdtn şu noktada ayrılır ki, orada kastlılık bir şey üzerine de ğil, bir ş eyin "oluş hali" üzprine çevrilmiştir. Meselâ, a ğaç ye şildir hükmünde kastlılık, oluş hali olan "ağacın yeşilliği" üzerine çevrilmi ştir. Her hükümde ba ğlantı (copule) varlığı ifade etti ği için bir kategoridir. Fakat bu kategori Kant' ın anladığı gibi bilginin ideal veya isterseniz sübpktif bir kategorisi O filin tabiat ındadır ve objelere aittir. Kategoriler şeylerin kendilerini ifade eden gerçek özlerdir. Onlar ayn ı zamanda hem eidetique (İ dee'ye ait), hem zaman-d ışı'dırlar. Kant' ın ideal kategorilerine benze mezler, çünkü muhtevalan vard ır ve gerçektirler. Ayn ı zamanda itibari ve empirik olgulardan da farkl ıdırlar. Çünkü zaman - dışı ve hareketsizdirler. Ancak s ırf şekle ait (formel) kategoriler de vard ır. Bunlar söyutlama ile muhtevalrından ayrılmış şekillerdir: birlik, çokluk, nisbet (ilişiklik), bütün ve parça gibi. Bilgimizin üniversel ilkelerini tetkik için hükümlerin incelenmesine yaklaşabiliriz. Kant'dan beri hükümler bir çok tarzda incelenmiştir. Onların analitik ve sentetik hükümlere ayr ılmasının, yalnız bilgiyi kurucu (inşai) ve terkibei diye kabul eden idealist bir felsefe için geçerli ği vardır. Lachelier'ye göre önermeler umumi olarak ikiye bölün ebilir: 1) içinde olma (inherence) önermesi: insan ölümlüdür, Sokrat bir insandır gibi. 2) Nisbet önermesi: Ankara İ stanbulun doğusundadır. gibi. Aristo yalnız birinci sınıfı tetkik etti ve onun mantığı sırf bu önermelere-dayamr. Orada "s ınıf" kavramı vardır. Brunschvicg, haklı olarak, -buna sımflar mant ığı dedi. Halbuki ilmin kullandığı ve olaylar aras ında fonksiyon münasebetleri ifade eden hakiki önermeler ikinci einstendir. Başlıca israr edece ğimiz de bu nisbet (ili şik) hükümleridir. Türkiye'de Gökalp'tan beri Durkheim sosyolojisine göre gerçek hükmü ile de ğer hükmünü ayırmaya alışılmıştırs Gerçek hükmü sabitli ği, gerçe ğe ait olu şu ile, değer hükmü kollektif tasavvurlara göre de ğişirliği, maddeye de ğil şekle ait olması ile ayrılıyordu: Dünya güne şin etrafında döner bir gerçek hükmüdür. Şu misaller de de ğer hükümleridir: bu fül haklı dır, bu anıt muhteşemdir. Bununla birlikte, bu ayırış meşrumu dur? Onları ayırdeden vasıflar yapma ve görünü şte de ğil midir? Durkheim'in temsil ettiği Fransız sosyolojisi bu kökten ayırış üzerine kurulmu ştu. De ğer hükümleri kollektif şuurların temelini teşkil ediyorlar, gerçek veya var189
lık hükümleri ise filmin temelidirler. Fakat bize öyle geliyor ki bu ay ırışın geçerliği yoktur. çünkü önce gerçek hükümleri de ğer hükümleri gibi görelidirler,ve de ğişebilirler.Dünya güne şin etrafında döner hiikmünün an cak Copernic'den beri geçerli ği vardır. Sonra de ğer hükümlerinin de öteki ler gibi bir muhtevası ve bir şekli vardır. Bütün cisimler dü şerler gibi bir hükümde cisimlerin 'düsmesi muhtevas ı "bütün ş eklinin içindedir. En sonra sübjektiflik ve objektiflik fark ı da mübhem (bulamk) bir kriterdir. Eğer ayrılış yalnız görünüşte ise şu noktayı aydmlatmallyız : hangisi ötekine irca edilebilir? Vakaa en do ğruya yakın olan gerçek hükümlerini değer hükümlerine irca etmektir. Madem ki anlatt ığımız kanıtlar onların değişmez, objektif olmad ıklarını gösterdi, artık onların ötekiler gibi ideal ve göreli olduklarını söylemek kalıyor. Nitekim baz ı idealist filozoflar, meselâ James Mark Baldwin gerçek hükmünü tarihi kategoriye tabi bir nevi de ğer hükmü gibi görür. E ğer bu doğru ise, ilim ve felsefe de başka içtimai kurumlar aras ında birer kurum&ur. Ilim bir toplum değeri olunca, kollektif bak ımdan pragmatiktir'. Aynı sebepten hakikat sosyal anlamında ideal ve pragmatiktir. O, süjeleri a şar ve üniverseldir, çünkü fertler aras ında yayılabilir, çünkü belirli ş artlarda az çok sabittir. Fakat göreli ve pragmatiktir. Çünkü medeniyetlerin ihtiyacına göre değişebilir.Tarihi kategoriye tabidir. Böylece, sosyolojik hakikat teorisi, onu de ğerler aras ında bir değer saymak üzere objektif hakenEdik rolünden indirmi ş ve bu rolü tan.rılaştırılan topluma vermi ştir. Değer ve gerçek hükümlerini bu irca te şebbüsü başarılı midir? Bundan cidden şüphe edilebilir. Zira, önce toplum, tecrübelerimizin empirik bir verisidir. Onun varl ığını kabul etmek için a primi bir temel bulmalıyız. Bütün kategorilerin göreli ğini söyledikten sonra onları empirik bir veriye dayandırmak bize asla arad ığımız kriteri vermiyecektir. Sonra her hüküm iki kavram aras ında bir münasebet olacak yerde, bir varlık halini hedef edinen kategorik bir kastl ı füldir. Böylece her hükümde muhteva ayrılmaz bir halde vard ır. Ve bu yalnız varlık hükümleri için değildir, aynı zamanda de ğer hükümleri içindir. Bu kadın güzeldir gibi bir hükümde kastl ı fiil kadının güzelli ğini hadef ediniyor. Güzellik dış ardan katılan bir nitelik de ğil, içteki bir özdür. O hem obje hem süjeden ba ğımsızdır. Kadının güzelliği ağacın yeşilliği gibi ve aynı tarzda bir öz olarak tetkik edilmelidir. 0 zaman gerçek ve de ğer hükümleri öze ait olunca ayn ı karakterdedirler. Bundan dolay ı, onlar tabiatça ayr ılamaz. Her ikisi de süje ile obje aras ında birliği temsil ederler. Her ikisi de 1 J. M. Baldwin, Theorie genetique de la realite
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ideo -
Onlar gerçek hükümlerinin olgu alan ına, yani somut objelerde gerçekle şmiş özlere, de ğer hükümlerinin ise ideal alan ına, yani gerçekle şmeleri yalnız mümkün olan soyut özlere ait olmalar ı ile ayrılırlar. Bunun için birincilere olgu hükümleri, ikincilere ideal hükümleri demek daha yerinde olur. Olgu hükümleri gerçeklik alan ına aittir. Gerçek sferi s ımrlıdır, sonludur, de ğişiktir. Bu sferde ne üniversellik, ne yetkinlik aramak mümküdür. Halbuki ideal hükümleri mümkün sferine aittir ki o birinci ile kar şıttır: s ınırsızdır, sonsuzdur ve yetkindir. Bu sfer ürliversel alemidir. Bununla birlikte mümkün sferi gerçek sferinden fikrin şeyden ayrıldığı gibi ayrılmaz Çünkü gerçek ve mümkün, her ikisi de ideo - reel özlere kar şılıktır. Birbirilerinden sonlu ve sonsuzun, şimdi ve gelece ğin, aktüel ve virtüel'in ayr ılığı gibi ayrılırlar. Bizim görü şümüzde sonsuz kavramı menfi ve yoksunla ştırıcı (privatif) bir kavram gibi al ınmamıştır; tersine, öze ait ve müsbet bir kavram gibi al ınmıştır: tıpkı matematik ilimlerdeki transfini kavram ı gibi. Böylece, biz Wolff'un "mümkün ilmi" görü şünü tamamen yeni bir tarzda tekrar yaratma halinde bulunuyoruz. Görüşümüze uygun olarak yetkinlik fikri, gerçekle şmesi mantıçka mümkün olan bir alemi temsil etmelidir. Emile Meyerson, hakl ı olarak, "Özde şlik ve Gerçeklik" adlı kitabında göstermi şti ki 1 hükümlerin analitik ve sentetik olarak ayr ılması kabul edilemez. 5+7=12 matematik hükmü yedi ve be ş onikidir önermesini de ğil, yedi ve be ş oniki eder önermesini ifade eder. Bunun için her hüküm, ister olgu ister ideal hükmü olsun, bilgimize bir şey katar, ve dü şüncemizi ilerletir. Özde şlik basit bir tautologie de ğildir. Öteden, aynı ilkelere göre hükümlerin apriori ve a posteriori diye ayrılışı da bize akıledilir görünmüyor. Çünkü her hüküm objektif muhtevamn tesbiti oldu ğu, zekânın sentetik ve kurucu bir fiili olmad ığı için, tecrübenin a priori ş artlarından söz edilemez. Onlar tecribede dahildir. ve onunla ortaya ç ıkarlar. Tecrübeden ne önce ne sonra görünen ş art a priori sayılamaz. Süje - obje birli ğinde ayrılmaz surette ba ğlı bulunurlar. Şeylerin özünün kavranmas ında madde ve şekil her türlü terkipten (composition) önce asil bir bütün yaparlar. Vakaa skolastikler s ırf yapma olan ikilik fikrini savunurken maddede veya şekilde bir principium individui (el-mebde - üt ta ş ahhus) arıyorlardı ve bir kısır döngüye düşüyorlardı . Halbuki Kant a şkınca (transcendantal) duyarl ıkta madde ve ş ekil aras ındaki çok tanınmış ayırması ile bilgi teorisi probleminde başka bir buhran yarat ıyordu: hükümlerin a priori ve a posteriori diye 1 E. Meyerson, Idendite. et R&tlite., F. Alcan
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• ayrılması onu ister istemez matematik hakikatlar ın ideal ve kararl ı de ğerini kabule götürmü ştü. Halbuki Euklidesci - olm ıyan geometrilerin ilerlemesi, ba şlıca bu ilerlemenin yeni fizikle uyu şması apaçık olarak böyle bir yorumlamamn imktınsızlığım ortaya koymuştur. Sözün kısası, hükümleri hedefleri olan objektif muhteva bak ımından da ayırabiliriz. Vakaa bir hüküm ya şeylerin ideal.varl ık halini, ya da gerçek varlık halini hedef edinir Bu iki hal aras ında bize galiba hakikat" verecek olan bir tamamlay ıcılık münasebeti görmeye meylediyoruz. Ortak duyuya göre hakikat bilginin olguya uygunlu ğu diye tan ımlanır. Halbuki hakikat yalnız olguda de ğildir. İ dealle tamamlanan olgudadır. Öyle ise yalnızca olgulara kar şılık olan bir hüküm zorunsuz bir hükümdür, idealle tamamlanan olguya kar şılık ise o zorunlu (necessaire) bir hükümdür. Demek ki tümevar ışın temeli olgu hükümlerini ideal hükümleri ile tamamlamaktan ba şka bir şey de ğildir. İ deal hükümleri yetkinlik hükmüne ula ş an bir de ğer hükümleri hiyerar şisi kurar. Bu de ğerler hiyerar şisinin birinci derecesinde ho ş ve hoş - değil hükümleri bulunur. Sonra canl ılık 'hükümleri, daha sonra güzel ve çirkin hükümleri gelir. Hiyerar şide yükseldikçe her derece yetkinlik hükmüne daha yakın olur. Ho ş öyle bir kasıtlı füldir ki oradayetkin lik şuuru duygululu ğumuz tarafından ilkel (primitif) olarak verilmi ştir: o zaman ho ş bir de ğer hükmüdür, canl ılık hoşdan üstün bir derecedir, yani ytkinlik hükmüne daha yak ın bir hükümdür. Canl ılık hükmü öyle bir kasıtlı fiildir ki onunla biz hayati içgüdülerimizin gücü ile bir şeye kar şı şevk duyarız. Güzel ho şa ve canlıya üstündür. Güzellik idealin hoş ve canlı vasıtası ile gerçekle şmesi için bir nevi te şebbüstür. Güzel matematik ve mantık şekillerinde soyut olarak bulunan formel ( şekle ait) yetkinlik idealinin duygululuk tarafından gerçekle şmsi için bir nevi te şebbüstür. Nitekim H. Poincare, Tolstoi'un bir san ısına dayanarak "İlmin De ğeri" adlı kitabında bunu matematik bir sezgi ile görmü ştü (1). Her ideal hükmü ondan önceki ba şka bir ideal hükmüne dayanır, ve yalnız öncekilerle kaimdir. Bundan dolay ı eger hoş ve canlı var olmasaydı güzel hükmü olmayacakt ı . Güzellik duygusu öyle bir kastlı fiildir ki orada yetkinlik şuuru bize öncekileri ku ş atan zihni bir sezgi ile verilmi ştir. Mantıki bir sonuçluluk veya bir geometri şekli (figure) ho ş ve canlı hükümlerini ihtiva etmezler, soyut ideal hükümleridir. İ deal hükümleri hiyerar şi sistemi aynı zamanda de ğerlerin üniverselliği da genişleme gösterir. Ho ş hükmü şeylere aittir. Canlı (hayati) hükmü yalnız canlı varlıklar', yahut mecaz olarak canl ı gibi görülen varlıklar' içine alır. Estetik hüküm Kant' ın anlamında tıpkı 1 Henri Poineare, La Valeur de la Se ı-ence,
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p. 274, 1938, Flammarion
bir organik bütün gibi ifadeye elveri şlidir. İ deal hükümleri ba şka bir yönde duyguya ait olandan eyleme ve zihne ait olana do ğru evrimi ifade eder. İdeal hükümleri geli ştikçe ve üniverselle ştikçe olgu hüktimlerinden uzaklaşırlar. Bundan dolay ı güzel hükmü duygusal - zihni'dir. Bu hiyerar şinin en yüksek derecesinde mant ık ve matematik hükümleri bulunur. Onlar bütün başka hükümler için ilk örnek (prototype) te şkil eerler. Ba şka ideal hükümlerini ihtiva edecek yerde, tersine , her türlü muhtevadan yoksun ve sırf formel hükümlerdir. Şu halde onlara tam ideal hükümler denemez. Yaln ız ideal hükümlerin yetlçinli ğıinin en üstün ve soyut noktasını gösteren ilkörnekdirler. Olgu hükümleri zorunsuz ve empirikdir; ideal hükümleri yetkinlik derecesine göre az veya çok zorunlu ve mantıkidir. İ deal hükümlerinin ilkörne ği olduğu için üstün zorunluluk yalnız mantık ve matematik hükümlerinde görünür. Onlar ne kadar formel iseler o kadar ki şi - dışı (gayri ş ahsi) olmaya meylederler. Buraya kadar ki şiliğe ait ( ş ahsi) olmayan ideal hükümlerini tetkik ettik. Bu hükümlerin ortak vasfı kişiliğin dışında, şeylere ait olmaları idi. Hoş olmak, canlı veya güzel olmak ki şiliğe ait de ğildir, değerlerin yalnız kişidışı görünü şüdürler. Şimdi ki şide görünen ideali tetkik edece ğiz. O insan bedenin, onun görünüşüne de ğil, insanın özüne, fiiline aittir. Ancak bir kişinin fiilinde gerçekle şir. Hatta kişiliğin bu değerle kaim oldu ğu söylenebilir. O iktisadi de ğerle gösterdiğimiz faydalı ve zararlı ile başlar. O kişiye aittir, çünkü bir kişiden do ğar. Sübjektiftir, çünkü bir süjenin ihtiyaçlarına karşılıktır.' Faydalı bir fül süjelerin az veya çok geni ş bir çevresine do ğru genişledikçe ferdler-aras ı olabilir, fakat asla kolektif olmaz. İkinci derecede ahlaki hüküm gelir ki, onu iyi ve kötü ile ifade ederiz. İyi bir hareket (eylem) süje - üstü ve ki şiye ait bir de ğerdir. Iyilik ahlaki failin süjesine de ğil, başkasının benliğine ait olduğu için, daima süje - üstü'dür. Bununla birlikte bir ki şiden hür olarak ç ıktığı için kişiye ait ( şahsi) dir. Bunun için de iktisadi de ğerden. üstündür . Bir iyilik fiili daima ferdler ve süjelerin d ışında ortak olduğu için yayılıcı olarak kollektiftir. Iyili ğin yaptırıcı gücü kamu sanısından, ortak duyudan, örf ve adetlerden ibaret olan kolektif görü ştür. Daha yüksek derecede haklı ve haksız hükümleri halinde görünen hukuki de ğer gelir. Do ğruluk (haklılık) objektif, ideal ve ki şiye ait bir de ğerdir. Hakhlığın gerçekleşmesi adalettir. Adalet ki şiye ait de ğer fiillerinin en yüce derecesi olduğu için, güc halinde iyilik ve kötülü ğü içerir. Bunun için Siyaset Ahlak ve İktisad'ı içerir. 1 ihtiyaç hakkında görüşümüz 1946 - 50 yılı derslerimizde ve Bilgi ve De ğer adlı kitabımızda değişmiştir. Burada 1933 deki görüşe sadık kaldık.
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Görülilyor ki ideal hükümleri iki zümreye ayrılıyor: kişiye ait olan (ş ahsi), kişiye ait olmayan (gayri ş ahsi). Bu bölünü ş bir yandan formel ve maddi ayrılışma dayandığı, öte yandan birinin varl ığı ötekinin varlığını içerdiği için, bize ilerleyici bir hiyerar şi gösterir. Haklı bir hareket do ğru, iyi ve manevi âlemin estetik ahengi şeklindeki geni ş bir anlamda güzel olmal ıdır. Fakat do ğru bir hükmün daima iyi ve güzel olması gerekmez, yahut iyi bir eylem daima hakl ı değildir. Çünkü birincide kişi - dışı değer kişiye ait de ğeri ku ş atmaz; ikincide ki şiye ait de ğerlerin daha dar bir derecesi daha geni ş bir dereceyi içine alamaz. Bunun için Adalet bütün ki şiye ait olan ve olmayan de ğerleri kuşatır. Böylece kişiye ait olmayan de ğerlerin kişiye ait de ğerlere tabi olduklar ı sonucunu çıkarabiliriz. Varlık ve insan problemini felsefenin en esash problemi olarak koymuştuk. Kişilik problemini de ideal düzenin esasl ı problemi olarak gösterebiliriz. Bu görü şte kişilik eylem felsefesinin_ hareket noktas ıdır. Kişinin neyle kaim olduğunu anlamak için, önce bu problemde z ıt teorileri gözden geçirmeliyiz. Zihinci teoriye göre ki şi, tabiat ve toplumun ferdin şuurundaki aksinden ibarettir. De ğerler ya Leibniz'de oldu ğu gibi varlığa, ya da Durkheim'da oldu ğu gibi topluma aittirler; fakat her ikisi için de onlar ferd - üstü ve d ıştandırlar. İnsan kendisinden üstün olan bu de ğerler aleminin aynas ı veya reflet'sidir. Ki şilik bir monade'dır. Vitalist teoriye göre ki şilik ferdin hayati faaliyetinin neticesidir. Tabiat ve toplum ona tabidirler ve onun reflet'sinden ibarettirler. Değerler a şkın değildir. Insandan ba ğımsız de ğildir, insanlar tarafmdan yaratılmıştır. Ya Nietzsche'nin iddia etti ği gibi Üst - insan tarafından, ya da baz ı pragmatistlerin savundu ğu gibi kollektif heyet tarafından yaratılmıştır. Bu teoriler de de ğerler aleminin kökü ve kayana ğı olmak üzere kişiliği açıklamada yetmezler. Çünkü önce birinci görü ş kişiyi kişi - dışı ve kişi - üstü de ğerlere ba ğlar. Söylemeye lüzum yok ki bu teori ki şiliğe ait olanı kişilik - dışı olanla aç ıklamak istiyor. Halbuki değerler ne ferdin şuurundaki akislerdir, ne de ferd ruhunun yara dışıdır. Değer ferd-toplum dedi ğimiz karşılıklı etki sırasında meydana çıkan ve insanla varlık münasebetinin ideal düzenini ifade eden özden başka bir şey de ğildir. 2 1 Burada insan, hayvan gibi konkre de ğil, eski metafiziklerdeki gibi abstre varl ık söz konusudur. 2 Bu konuyu Bilgi ve De ğer adlı kitapta buradakinden oldukça farkl ı bir şekilde ele aldık. Fakat "insani Vatanperverlik" teki fikir sistemini bozmamak için fikrimizin sonraki geli şmelerini buraya aksettirmekten çekir'
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Kişilik evrime bağlı bir süreç olunca, dinamik bir kurulu ş olunca onun birden bire meydana ç ıkması imkânsızdır. Vakaa onun bir perspektivi ve bir tarihi vard ır. Şimdiye kadar onu zaman - dışı bir fiil olarak tetkik ettik. Fakat bir olgu gibi görünce, onu zaman ve ş artlı bir varlık olarak tetkik etmeliyiz. Bu bak ımdan her ki şiliğin kuruluşu ferd - toplum münasebetine ait karma şık bir ş artlar bütününe tabidir ve onun philogenique ve ontogenique türlü evrimi vard ır. Birincisi insanlığın tarihinde ikincisi bir zümreye ba ğlı olan ferdin tarihindedir. Ki şiliğin kuruluşu için zaruri olan toplum ş artlarının başında insanın tabiatla münasebet şekillerini, üretim şekillerini, v. s. zikredebiliriz: vakaa bütün bu şartlar kişiliği te şkil etmez, yalnız onun kurulmas ı için kaçnulmaz zemini haz ırlar. Kişiliğin evriminde üç merhale görürüz: 1) süje obje taraf ından yu tulmuştur. Bu, kavimlerin tarihinde mistik devir veya çocu ğun zihni gelişmesinde animist devirdir. 2) Obje süje tarafından yutulmu ştur: bu, kavimler tarihinde romantik devir, çocu ğun erginlik ça ğında bencilik (egocentrisme) safhas ıdır. Her ikisinde de süje ile obje aras ında tabilik münasebeti vard ır. 3) Üçüncü safhaada iki had aras ında hiç bir tabilik yoktur; yalnız süjeyle objenin uygunlu ğu vardır. Bu, kavimlerin ve ferdlerin hayatında realist devirdir. Olgu hükümleri aynı plana ait iseler de, ilerleyici dereceler arz ederler. Bu ilerleme bize ontolojik bir zaman ın varlığını gösterir. Geçmi ş , hal ve gelecek şeklinde tecrübe etti ğimiz psikolojik zaman bilincinin tasavvurundan ibarettir. Ontolojik zaman, Alexander'in görü şüne göre bir mekân - zaman süreklisidir ki bütün noktalar ı ve anleri biribiri içindedir. Fiziki, organik ve insani âlemde bir şekil olarak de ğil, bir gerçek olarak hüküm sürer. O ezdi hal içinde de ğil, oluş içinde, geçmi şten geleğe doğru geçi ş halinde âlemin. gerçekli ğidir. Bunun için olgu ve ideal hükümlerinin hedef edindi ği varlık sferleri, repere noktam ıza göre tarafımızdan yap ılmış kesitlerden ibarettir. Bu repere noktas ı değiştikçe olgu ve ideal ayrılışı da de ğişir. O halde, âlemin geçi şi hakkında bilgi veren hakiki hükümler ne olgu hükümleri, ne ideal hükümleridir. Onlar mel4n - zaman süreklisinin , âlemin somut ve diyalektik geçi şinin evrimli bilgisinden ibaret olan hakikat hükümleridir. Öyle ise hakikat olgu ile idealin terkibindedir. Fakat bu sentez a şkıncı (transcendantaliste) felsefelerin diyalekti ğinde görüldü ğü gibi mantık - üstü bir şey de ğildir. Çünkü burada terkip edilen şeyler, sentezin hadleri ayn ı tabiattadır. Birbirini tamamlayan iki kısım veya ilerleme halindeki bir varl ığın iki merhalesidir. Zihin - üstü bir metodla,
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özünde ayrı olan şeyler yanyana konmaz. Içebak ış metodu ile yapma olarak ayrılmış olan varhkların iki manzaras ımn özden ve evrimli birliği gösterilir ve isbat edilir Vakaa burada zeka bu birli ği kanıtlamak (isbat etmek) için içindeki terimleri tetkikle i şe başlar. Bundan dolayı, burada zihinci bir diyalektikten söz edilebilir. Eflatun'da ve Hegel'de diyalektiğin ontolojik bir tabiat ı vardı, yani o aşkın (transcendantal) gerçekli ği kurmaya yanıyordu. Halbuki burada diyalektik mant ıki tabiattadır; yani isbat etme ğe yarıyor. Onlarda diyalektik mutlak'a ula şmak için "aşkın" idi. Halbuki burada tabiat ın evrimli çoklu ğundaki birli ği kanıtlamak için o yalnızca içkin (immanent) ve göreli (relatif) dir, ve bundan dolayı da bize mono - pluraliste bir görü şü telkin eder. Görüş noktamız Max Scheler'in ahlakc ılığı ile bir çok benzeyi şler gösterse de, onun hıristiyan anlayışından gelen ve ki şiliği olan Tanrıcı sonuçlarından oldukça farkl ıdır. Bizde ki şilik ancak ferdi bir süjenin varlığı ile mümkündür, ve insan - üstü ki şiler yoktur. Toplumlar gerçek kişiler tarafından temsil ediliyorsa da, ferdlerden ba ğımsız bir kişilikleri yoktur. Haydi haydi tabiat ın aşkın kişilikleri, mesela Max Scheler in üzerinde çok israr etti ği insan gibi ilahi bir kişilik yoktur. Tanrı insan kişiliğine benzetilemez: mekan ve zamandan ar ınmıştır. Mutlak varlıktır. Bunun için onda birbirinden ayr ı olan ve varlıkları birbirlerile kaim bulunan ferdi varhklarm ki şilikleri asla aranamaz. Felsefi tavr ımız Nicolai Hartmann' ınki ile de uzla ştırdamaz. O Scheler'in kişiciliğini reddediyorsa da, de ğerleri varolu ş üstünde özler gibi görüyor ve Eflatunculuğu modern bir şekilde canlandırıyor. Bu filozofta insan ın dış gerçekten bağımsız bir de ğer özleri sferi vardır. Öyle görünüyor ki burada Hegel'in Objektif Ruh teorisinden kısmen ilham almış metafizik bir spiritüalizm önünde bulunuyoruz. Nicolai Hartmann'a göre de ğerlerin özleri mantık ve matematik aleminin özlerinin ayn ıdır. Olgu hükümlerinin en umumi şekli, yahut olanrın objelerinin sonu Tabiattır. Vakaa, Tabiat tecrübelerimizin objesi olarak bir çe şitlilik ve zenginlik gösteriyorsa da, daima gerçek ve suurl ıdır. Düşüncemizi sınırlar ve bizi ş artlı olmaya mecbur eder. Tabiatta bu şartların varlığı mekân ve zamanda sebeplik serileri halinde olgu zincirlenmesi şeklinde görünür. Bunun için Tabiat bizi sebepler ara ştırmasına götürür. Hamilton, düşünmek sınırlamaktır diyorduk. Halbuki bilgimizi s ınırlayan ve onu mekan ve zaman şartlariyle kadrolayan. tabiatt ır. Tabiatın bir mutlak gibi kabul edilmiş olması için , onu bir sistem, yani panteizm halinde sınırlandırmaya mecbur olmu şlardır.' halde objesi mutlak tabiat olan
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1 Panteizmde sensuzluk varsa da kapah sistem olu şu ona bir nevi sinirlilik vermektedir.
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bütün felsefeler bir nevi panteizme meylederler. Panteizm, belirlenmemiş (indefini) tabiat ın bir sonuçlar sisteminde kadrolanmas ıdır. Ideal hükümlerinin en umumi ş ekli kavramdır. Çünkü kavram güc halinde bir hükmü içine al ır. Gözlemlerimizin çe şitliliği ve farklılığına rağmen o aynı kalır. O sınırsız ve sonsuz oldu ğu halde gözlemler sınırlı ve sonludur. Kavram imkânlar âlemine aç ılmış kapıdır. Orada olgularla uzla şabilen ş eyler oldu ğu gibi uzlaş amıyan şeyler de vardır. Kısaca, kavram zaman - d ışı ve mekan - dışı'dır. Bundan dolay ı kavramlar âleminde ardardal ık ve sebeplik üstünde gayelilik hüküm sürer. Imkânlar âlemindeki her ara ştırma, felsefi ve matematik ilimler kavramda ve kavramla geli şmişlerdir. Bu noktadan, ba şlıca Hamilton, A. Spaier ve Würzburg ekolünün ara ştırmaların! hatırlatmahpz. Bununla birlikte olgu hükümlerinin en umumi şekli olan Tabiat bizi nasıl panteizme götürürse, ideal hükümlerinin en umumi ş ekli olan kavram da bizi dar bir idealizm içine kapanmaya mecbur eder. İşte bahsetti ğimiz gnoseologique buhran buradan gelir. Bir fikrin ba şka bir fikirle veya z ı ddı ile tamamlanmasından ibaret olan diyalektik Eflâtun'dan beri büyük değişikliklere u ğramıştır. Eflâtun diyalekti ğinin esaslı buhranı, önce bağımsız ve biribirine z ıt gibi alınmış olan özlerin birle ştirilmesinden geliyor idi. Eflâtuna göre iki türlü diyalektik vard ır: biri fikirlere, öteki varl ığa aittir. Birincisi duyular âlemi ile ak ıledilir Mem arasındadir. İkincisi akıledilirler aras ındadır. Her ikisi de a şkın, tabiat-üstü olan Eflâtun diyalekti ğini teşkil eder. Nitekim Eflâtun felsefesinde birbirinden daima ayrı kalan iki âlem, filozofun Parmenides diyalo ğundan ba şlayarak kendi içinde devaml ı bir tartışma konusu oldu; son diyaloglar ında, başlıa Philebos, Politikos ve Nomoi'de z ıtları birleştiren ilk varl ık, müphem çiftde ğerli varlık, Dyade halini ald ı . Fakat metafizik karakterini sakladı . Modern felsefenin eski diyalekti ğe karşı oluşu onun aşkın ve tabiat - üstü vasfından ileri gelir. İlk defa Hegel iki âlem aras ındaki karşıtlığı yer yüzüne indirdi. Fakat onun diyalekti ği de mutlakç ıdır. Bu diyaklektik zıtların sentezi suretile hakikatı kanıtlamayı (isbatetmeyi) de ğil , total gerçekli ği kurmayı hedef ediniyordu. Bundan dolayı o herş eyden önce bir kuruculuk (constructivisme) idi. Yapma bir sistemdi. Bu yapmal ığın tabiatım anlamak için sistemin temeline daha yakından bakmalıdır; henüz var olmayan sonradan oluyor; olu ş varlıkla varlık - de ğil'in (yoklu ğun) birliğidir. Hegel mutlak surette gerektirilmemi ş (belirlenmemi ş ) olan kendi başına (en soi) varlık fikrinden hareket ediyor. Böylece varl ık fikrini düşünce'nin temeli diye alarak, karakterinin gerektirilmemi şlik olduğunu 197
söyliyerek oluş kavramı çıkarılabilir mi? Hegel bunu tasdik ediyor. Çünkü ona göre "olduğu gibi" varlık düşünülemez. Onu muhtevadan tamamen yoksun ve mutlak belirlenmemi ş farz etmekle, yoklu ğun aynı olduğunu kabul etmiş oluyor. Böylece var olmayan varl ık aluyor, yani oluyor. Fakat e ğer bu mutlak gerektirimemi şlik karakteri varl ığı yokluk haline koyuyorsa, o zaman Olu ş'ır doğuran Varhk'la Varlık - de ğil'in birliği ortadan kalkmış olur. Çünkü e ğer Varlık bir anlamda Yokluğun aynı ise, başka bir anlamda ondan büsbütün farkl ı ise, o zaman o yokluk olmayan bir varhk ve varl ık olmayan bir yokluk olacaktır. Böylece, Oluş kavramı için zaruri Man de ğişmenin çoklu ğunda Birlik kaybolmuş olacaktır. Bundan dolayı, önümüzde iki ölü kavram, zekanın çelişik olan iki soyutlamas ı vardır ki, birbiri içinde erime ve birbirini tamamlama gücünde de ğildir. Kısaca, Hegel diyalekti ğinden do ğan iki sakınca vardır: biri onun soyut ve yapma kavramlar ı terkip etmeye çal ışmasıdır. Asıl düşünce fülini ele alacak yerde, onun mahsulü olan fikir şemasını almasıdır. İkincisi, birbirini tamamlayan unsurlar ın sentezini yapacak yerde çeli şiklerin sentezini yapmak istemesidir. K ant' ın anlattığı antinomi'leri ortadan kaldırdığı iddias ı dır. Böyle antinomilerden kurtulmak için onları uzlaştırmak lazım gelmez. Önce antinomileri koyman ın meşru olup olmadığını aramak gerekir. Bu küçük deneme Hegel diyalekti ği yerine kurucu (constructive) olmayan, kan ıtlayıcı (demonstrative) olan bir başkasını koymak ve çeli şiklerin sentezini de ğil, birbirini tamamlayan ve ardarda gelen hakikat ın ilerleyici (müterekki) iki unsurunun sentezini yapmak için yaz ılmıştır. Şimdi bu diyalekti ği Varlık ve İnsan problemine, yani Etik'e tatbik bilgi, ahlak ve siyaseti ç ıkarmaetmemiz ve Ethos'un . hakikat ından mız kalıyor. Bu noktanın aydınlatılmasıyle mutlakcılık ve idealizmin buhranlarmdan nas ıl kurtuldu ğumuzu daha önce görmü ştük. De ğerler ve gerçeklik aras ındaki ayırıştan do ğan buhrandan, realizm ile idealizm arasındaki boşuna zıtlıklardan da aynı suretle kurtuluyoruz. Önce bilgi, olgu ile mümkünün sentezi halinde zihinde tekrar kurulabilen bir kasth filller sürecinden ibarettir. 13u sürecin her fiili süje - obje birli ğini temsil eden bir sezgidir; nitekim her sezgi kendi d ışında kendini a şmak isteyen bir şuur hamlesi olacak yerde, ayn ı zamanda hem süje hem obje olan bir şuur fiilidir. O halde, bilgi tabiatı bakımından süjeyi - aşıcı (transsubjective) dir. Çünkü süjenin içinde olmad ığı ve süjeye tabi bulunmadığı için, bir objeyi hedef edinen her sezgi şuur hal lerinden, içduyudan, tasavvur hayallerinden, has ılı empirik psikolojinin objesi olan bütün olaylardan ayr ılır. Fakat total ve upuygun bilgi, ortalıktaki umumi kanaate ra ğmen, akıldışı (irrationnel) dır.,Çünkü olay-
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lar arasında süreklilik kurar. Hiç bir sabit ve de ğişmez ayn (entite) ve öz üzerinde duramaz. Her mantiki aç ıklama Aristo'da ve modern mantıkçılarda olduğu gibi özlerin çokluğunu (pluralisme) gerektirir. Halbuki hakiki monisme ba ğımsız _özler yerine olaylar aras ında sürekliliği tesbitle işe başlayan ve sürekli bir varl ığı tasdike ulaşan felsefe, mant ığı bir kanıtlama ve kurma (construction) vas ıtası gibi kullanmasına rağmen daima akıldışı (irrationnel) d ır. Yeni - sezgiciler ve baz ı fenomenoloji filozofları, bizim görü şimüzde bu kategorinin tarafl ıları gibi görülebilirler. Matematik ilimler,ayn ı sebepten dolayı, öz bakımından akılchşıd ırlar. Hareket noktalar ı her türlü kanıtlamadan önce gelen, her türlü zihni kuruş ve spekülatif ayırıştan önce gelen sezgilerdir. Lojistik'in esaslı yanılışı sezgicili ğin ve akıl - dışı felsefenin temeli olan matematik ilimleri irca edilemez s ınıflar görü şünün temeli olan mant ığa irca için yaptığı çabadan ileri gelmektedir. Öyle ise, Emile Meyerso ıfdan bazı farklarla i diyebiliriz ki ilim, daima sürekli ve sonsuz exposition'lar serisi halinde kalmak üzere âlem hakkında kötümser (pessimiste) bir görü ş do ğuran ve hiç bir kesin aç ıklamaya ula şmamak üzere, asl ında, akıldışıdır; halbuki felsefe alemi akli olarak yeniden kurmak ve onu diyalektikle kan ıtlamak ister. Ba şka deyişle , felsefe akıldışının aklileştiribıaesi için sürekli bir te şebbüstür. Tasalarımız ve kesinsizliklerimize ra ğmen varlığın akıldışı ile upuygun tasvirinin akli'den daha çok geçerli ği olduğundan emin olmak için insanla varlık arasındaki bağlantı= (eohesion) tabiat ım tahlil etmeliyiz. Descartes, Düşünüyorum o halde varım dediği zaman insanın varlığını düşünce ile keşfetmek istiyordu. Burada Dü şünce Varlığa do ğru kendini a şmak veya Varlığı kanıtlamak için bir vasıtadan ibaretti. Ayn ı tarzda, insan ın varlığından âlemin varlığı çıkarılmıştı . Burada şu anlaşılır ki: Varlık Düşünce ile do ğrulanabilece ği gibi, Düşünce de Varlık'la do ğrulanabilir. Bundan dolayı Descartes' ın sonuçlarından uzaklaşmak suretiyle, biz Düşünceyi şeyleri hedef edinen bir fiil gibi görebiliriz. ve filozofun tanınmış cümlesi yerine "Dü şünce ancak aileme tabili ği ile varolan ve tabiat ı bu tabilikle kaim olan bir kastlı fiiller sürecidir" diyebiliriz. Böylece, Dü şüncenin dış âlemden ayrı bir varlığı yoktur. Bilgi, şuurun aşkın bir sezgisi, veya şuurun a priori şekillerinin tecrübe objeleriye sentezi de ğildir. Bundan dolayı alemi şuurun sabit (istikrarl ı) kategorilerine veya Dü şüncenin tautologique şekillerine irca etmek isteyen mant ıkçılık ve zihincilik cereyanları, nitelik âlemini fonksiyonlar ve süreklilerle aç ıklamak isteyen mathematisme ve anti - intellectualisn ıe cereyanlarım da olduğu kadar 1 E. Meyarson, De l'Explication dans les Sciences, P.U.F.
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şeylerin tabiatına upuygun olmaktan uzakt ır. Fakat esasmda ak ıldışı olan süreklilik ilkesi ancak zihni bir süreçle tatbik edilebilir ve hakl ı gösterilebilir. Bunun için matematik ilimler postülalar ını koyduktan sonra aldileşmeleri gerekir. Onlar ın kendi dayanakları hakkındaki bilgisizlikleri ve kat'î bir mant ıkcılık iddiaları bundan ileri gelir. Felsefenin esaslı rolü, yaptıklarının tabiatını bilmeyen ilim yapıcılarını uyandırmadan ibaret olan rol burada ba şlar. Hakikati do ğrudan doğruya ve total olarak ke şf eden zekâ de ğildir, Pascal'in tabiri ile"kalbin mant ığı"dır. Burada Augustin,Gazali,Pascal ve Scheler'in gelene ğine katıldığımızı, duygusal kasthlıklarm ve akıldışımn ancak bu vasıta ile anla şılır olduğunu, discursif dü şüncenin sonradan ve onu doğrulamak için i şe karıştığını söylemeliyiz Bununla birlikte ak ıldışı ile temasa girmek için bütün sonuçlay ıcı alulyürütmelerimiz ve tümevanşcı usullerimiz için ilk madde, empirik psikolojinin tasvir etti ği şuur halleri, mesela heyecanlar, duygular, e ğilimler veya sempati de ğildir, fakat onların bize rehberlik eden varl ığı bilginin amili olmalarından ileri gelmez. Tersine, psiko-organik şuur ve bilgi tarfından do ğurulnıuş olmalarından ileri gelir. Bilgi füllerine ak ıldışı süreklilik vasfını veren, böylece aluldışımn tamamen özel anla şılmasını sağlayan saf duygu kastl ılıklandır. Onların varlığı pasif izlerin eseri de ğildir. Fakat onlar alemi hedef edinen kasth fiil olarak vardırlar. Böylece, bu kasthl ıklara biz tutku (ihtiras) diyoruz. Onlar ı umumiyetle kasthlıktan şu suretle arrıyoruz ki, onların gayeleri kendi içlerinde (autotelique) dir. Bunun için onlar a-teleologique (gayesiz) gibi görünürler. Bütün ba şka füllerde her e ğilim bir hedefe ve bir gayeye kar şıliktır Bu hedef ya bir olgu hükmünü, ya bir ideal hükmünü gerektirir. Gayeli olan her kastl ı fiil hedef edinilen bir şeyin duygulu veya zihnitatminini içerir. E ğer bu kastlı fiil varlık halini ifade ederse yani bir olgu hükmüne karşılık ise, o zaman tatmin bu varl ık halinin tasdiki ile meydana gelir. Halbuki tutku (ihtiras) füllerinde gaye, fiilin içindedir. Yani bu fiiller kendilerini a şan ve her elde edili şte rolü biten bir objeyi hedef edinmezler. Mesela bakmak yaln ız bir objeyi görmeyi hedef edinir ve bu rolü görünce fül ikinci sefer tekrar ba şlamandır ve bu böylece gider. Beklemek, hat ırlamak, kar şılaştırmak, hiikmekınek, akılyürütmek, v. s. böyle fiillerdir. Bütün bu fiiller ya duyuya ait, ya tasavvur edilmi ş veya hayaledilmi ş , düşünülmüş (ister gerçek bir obje ister ideal bir de ğer, veya soyut bir şekil olsun) bir objeye sahip olmakla sona ererler. Halbuki ihtiras filleri hedef edinilen objeye sahip olmakla bitmezler. Âdi bir misal almak için diyoruz ki, hasiste paraya kar şı ihtiras fiili herhangi maddi veya manevi bir tatminle ilgili de ğildir. Yani bu fiil kendi dışında bir varhk halini hedef edinmez, yaln ız kendi kendi,
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sini hedef edinir Hasis paray ı para için ister. Bunun için onda gayenin kayboldu ğu farzedilir Böylece baz ı ihtiras fiilleri patolojik psikolojinin düşkünlük (manie) leriyle kar ıştırıhr ki, bu marazi olaylarda, asl ında, gaye ile vasıtanın yer de ğiştirmesi hali vardır, bunun için onlar yine gayeli olaylardır. Aynı zamanda dü şkünlük çevrenin tesiri ile meydana gelen, kasthlıktan yoksun, empirik bir şuur fiilidir. Halbuki kendi ba şına (en soi) gaye olmak, gayesiz olmakt ır. Çünkü gaye gerçekle şmesi beklenen bir şeydir. Yani gerçekle şmiş şeye göre a şkm olan bir şeydir. O halde ihtiras fiilleri şöyle tammlanabilir: onlar gayesiz, fayda gütmez, duygu cinsinden kastlı fiillerdir ve tatminle sona ermezler. Bu tan ımdan anla şılır ki, kesintisiz bir süreklilik bu fiillerin karakteridir, ve bu süreklilik hedef edinilen bir objenin ardarda . manzaralar ı ve anleri hakkında upuygun bir kavray ışı sağlar. Halbuki algı, tasavvur, v. s. gibi zihin fiilleri süreksiz olduklar ı için objeye ait ancak k ısmi ve bir anlık upuygunluk sağlarlar ve işin esasına nufuz etmek istedikleri zaman tutku fiilleriyle tamamlanmal ı ve onlara dayanmal ıdırlar. Bundan dolay ı, bilginin hakiki temelini saf kastl ılıkları olan tutku fiillerinde buluyoruz. İhtirasla bildi ğimiz âlem ham madde halinde do ğrulanmamış bir âlemdir. O mekan - zaman süreklisi şeklinde görünen etkisiz (non - actif) ve sonsuz birliktir. Halbuki zeka= ayn ı alemi istikrarlı ve süreksiz aynlar halinde dü şünce ile kavrar ve tasavvur eder. Mant ık' diyebileceğimiz bu son aldi görü ş (vision) te ortak duyuya göre varl ık önce akli, sonlu, göreli bir çokluk olarak görünür. Diyalekti ğin işi bu iki anlayışı yaklaştırmak ve bir nevi mono-pluralisme'e ula şmaktır. Fakat diyalektik, daha önce söyledi ğimiz gibi, bunu ontolojik bir tarzda yapmaz, lojik bir tarzda yapar. Yani ihtiras ın akıldışı tabiatını zekâ ile aklile ştirir. Birlik ve sürklilik halinde ak ıldışı varlığı aldi olarak kanıtlamak için, zekanin daha önce çokluk ve süreksizlik olarak koydu ğu- unsurların sentezi yolundan geçer, Hakikatte, bütünden ibaret olan bu sürekli sanki unsurların yanyana gelmesi imiş gibi, onu yeniden kurmaya çal ışır. Matematik dili ile söyleyebilirsek, o ak ıldışı sonsuzu akli olan Transfini ile do ğrulatır. Bu söylediklerimizden, bilgide discursif dü şüncenin kişiliğe ait fiillere göre rolünün ikinci derecede oldu ğu anlaşıhr. Fakat o olmadan akıldışım aldileştirmek, ham maddeye şekil vermek, sonsuz, aşılmaz ve gayesiz bilgi filleri sürecini bir dü şünce anıtı haline koymak imkansızdır. Şimdi merkezi bir problemin do ğrulanmasma geçebiliriz; bu, ahlak problemine bir ilke aramakt ır. Vakaa ahlak problemi özel bir önem alır. Çünkü kişiye ait olanla olmayan de ğerleri ayırmak gerekir. Ahlaki birinciler arasına koymalıyız. Fakat hepsi bu kadar de ğil! Kant ahlak]. ba şka 201
değerlerden ayırmıştı ve ona bilgi alanının yanında eylem(action) den ibaret ayrı bir alan vermi şti. Ona bu önemi vermede hakl ı ise de, eylem ve bilgiyi kat'i olarak ay ırdığı zaman haks ız idi. Ahlak problemi de bilgi problemi gibi hakikata aittir. Yani her saf şuur fiili aynı zamanda hem bilgi hem eylemdir Hakikat bir bilgi veya eylem problemi manzaras ını alır: soruyu koyuş tarzına' göre, her ahlaki hüküm bir ki şinin şuurunda ve kişilik tarzında gerçekle şen bir hakikat fülidir. Nitekim her bilgi fiili bir kişinin şuurunda ki şiliği olmayan bir tarzda (impersonnel) gerçekleşen bir hakikat hükmüdür. Bundan dolay ı her ahlaki filin somut (concret) olmas ı, bir bilgiyi eylemde gerçekle ş tirmesi gerekir. Nitekim her bilgi fiili kişiye ait olmayan (impersonnel) bir ahlakhl ığı içerir İlimsiz fiilde bulunmak, ba şka deyişle "ahlaksız bilgin" olmak mümkün değildir. Çünkü bu halde, bilgi ve eylemin birbirinden ayr ılmış olması lazımdır. Halbuki ahlaksız alimler vard ır. Bu zıtlığı nasıl açıklamalı ? Bu noktada ahlaki fiil önünde hakikat problemine dönmeliyiz. Her ahlaki fül bir hakikat hükmüne kar şılıktır. Diyalekti ğimizi tatbik edersek, her hakikat hükmü gibi bir ahlaki fiil de bir olgu hükmü ve bir ideal hükmü ile ifade edilir. Realizm, yahut natüralizmden mülhem olan bütün teoriler ahlaki, özel olarak olgu hükmü üzerine kurmak isterler. Bunlar için daima gerçe ğin tetkiki ile davranış tarzına (conduite) ait kuralı keşf etmek mümkündür. Eskiden ahlaki empirik psikoloji üzerine kurmak isteyenler, bugün en tipik misalini adetler ilminde gördüğümüz denemeler ı bunu temsil eder. Realistlerin hareket noktas ı ortak duyudur. Ahlakhlık, çoğunluğun "ahlaki" gibi gördü ğü şeydir, yani kamu sanısına ve halka uygun hareket etmektir. Realist ahlakç ılar birbirlerinden açıklama tarzlar ına göre ayrılsalar da, yine ahlak filinin ortak, umumi ve kişi - dışı bir fiil oldu ğunu tasdik ederler. Bu fiil kamunun faydası, toplumun iyili ği başkacılık (altruisme), v. s. olabilir. O ,zaman ahla kı olgu hükmü üzerine kurmak isteyenler, ister psikoloji, ister sosyolojiden, hatta ilim - di şi bir ilkeden hareket etsinler, daima türlü adlar altında kollektif ahlak yaparlar. Bundan dolay ı hiristiyan ahlaki veya Auguste Comte'uıı. insaniyetci ahlâki Eflâtun'un Iyilik ahlaki., hatta kişi fikrine dayandığı halde yükümlülüğü kişi -üstü formel ve metafizik bir ilkeye dayandıran Kant ahlaki ayn ı tabiattadır. Bunun için Durkheim "Ahlak E ğitimi" 2 adlı kitabında haklı olarak, Eflatun ve Kant ahlaklarım kendi sosyolojik görü şü içinde uzlaştırmak istiyordu. ,
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Ahlaki ideal hükmü üzerine kurmak isteyenler idealistlerdir. (Idealist kelimesi burada sosyal anlam ında kullanılmıştır. ) Onlara 1 L. Uvy-Brühl La science des moeurs 2 E. Durkheim, Education marale
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göre âdetlerin veya ortak duyunun tetkiki ile bir davran ış (conduite) kuralı bulmak mümkün de ğildir. Ahlaki fiilin temeli tabiatta, empirik filmlerin tahlili ile elde etti ğimiz kişiye ait olmayan gerçekte bulunam az. Çünkü ahlaki fiilin karakteri ve onu adi bilgi fülinden ay ıran şey bir kişide ve kişiye ait olarak gerçekle şen bir fiil olmas ıdır. Bundan dolayı ahlaki fül, nevi kendine vergi, orijinal, özerkli, ba şka füllere göre hürlük ve yaradış karakterlerine sahip bir fiildir. Bunun için, bir fiil zümrenin tekrarlı ve adi fiillerinden ayr ıldığı ve yetkin_ olarak kendine vergi karakterleri kazand ığı zaman ideal olur. K ısaca; diyebiliriz ki her ahlaki fiil kişiye ait, orijinal bir fiildir. Her orijinal fiil ideal bir fiildir. Zira onun örf ve adetlere göre gerçekle şmesi gelece ğe, ideal objeye, yetkinliğe aittir. O kendi nevinde istisna gibi görülemez, yahut patolojik bir hale benzetilemez. Fakat gerçekle şmesi bir nev'e nisbetle mümkün ve arzu edilir ise de, o gerçekle şmeyen bir fiildir: mesela Atina sitesinde Sokrat, papalar Renaissance'ında Bruno gibi. Bu cereyan ın taraflıları, gerek M. Sümer gibi idealist felsefeden hareket etsinler, gerek Nietzsche gibi vitalist bir felsefe yaps ınlar, gerekse Max Scheler gibi fenomenolojik tasvirle kişici (personnaliste) bir görü şe ulaşsınlar, ahlâki fiilin özel, orijinal ve kişiye ait olduğunu savunurlar. Bunun için anar şistleri de aynı grupta sayabiliriz. Bütün idealist ahlakç ılar ferdci bir ahlaka ula şırlar. Fakat göstermeliyiz ki anlatt ığımız bu ceryanlar yaln ızca soyutlamamıa, ferd veya toplumun mahsülüdürler. - Ayr ı ayrı ele alınan içtimai ve ruhi gerçek ferd-toplum ayr ılmaz birliğinde do ğan karşılıklı - bağlılıklar süreci de ğildir. Diyalekti ğin rolü bu yapma parçalan ışı orijinal bütünlüğü haline koymak ve ahkaki hakikat ın göründü ğü bu ilk birliği göstermektir. Böylece, o kadar z ıt gibi görülen sistemler, yani topluma ve feda edişe (sacrifice) ait olan iyilik ve sevgi ahlaklar ı ile ferde ve ki şiye ait olan hürriyet ve ihtiras ahlallar ı o kadar uzak ve uzla şmaz görünmelerine ra ğmen mantıki diyalektik ile ahlaki hakikatte birle şmişlerdir. Ahlaki diyalektik asla zihni bir usulden faydalanmamal ıdır. Çünkü senteze giren iki had varl ık düzenine aittir, yani ayn ı tabiattadır; biri gerçek öteki mümkün oldu ğu için aralarında zıthk münasebeti de ğil, ardardahk ve tamamlanma münasebeti vard ır. Matematikteki cümle ve serinin, sonlu ve sonsuzun, insandaki hal ve gelece ğin münasebeti gibi. Ahlâki fiil istikrarl ı bir ideali gösterirse de, bir norm veya kural ile formüllenemez. Fiillerinde daima yenile şmeye meyleden sürekli bir olgular sürecine aittir. Süreklilik ve variation'un ayr ılmaz karakteri ak ıldışı olmaktır. Bundan dolayı, ahlaki fül bir norm ile tesbit edilmeden önce, veya bir ideal ile ifade edilmeden önce öz bak ımından zihin işlemlerini aşan bir fiildir. Onun için ona, yani ahlaki eyleme özel bir tecrübe içinde bir ahlâki sezgi ile nufuz etmek gerekir. 203
Şimdi ahlaki sezgiyi bilgi sezgisinden veya ontolojik sezgiden ay ıran karakterleri arayal ım: her ikisi de akıldışı sferine aittir, hepsi şuur süresinin (duree) fiilleridir. Bununla birlikte, bilme fiili ki şiye ait olmayan bir hakikat hükmünü içerir: orada olgu hükmü ideal hükmünü hedef edinir; e ğer lojik bir terimle i ş aret edilirse denebilir ki birincisi konu ikincisi yüklemdir. Halbuki ahlaki fiil ki şiye ait bir hakikat hükmünü içerir. Burada tersine, ideal hükmü bir olgu hükmünü hedef edinir Ba şka deyişle o adeta idealim bir fiilde gerçekle şen olguya alçalmas ıdır. Mantık dili ile ifade edilirse ideal konudur, olgu yüklemdir. O zaman ahlaki fiili kavrayan bilgi sezgisinin idealle ş tirilmiş bir fiil olmas ı lazımdır. Görmüştük ki akıldışı objeyi hedef edinen bilme sezgisi saf kastl ıhkalanına giren ihtiras fiilidir. Akıldışı ahlaki fiili do ğrudan do ğruya elde etmek tasas ında olan ahlaki sezgi de idealle ştirilmiş bir kasth fül veya yüceltilmi ş bir fiil olmalıdır. Nitekim bu fiil bir zümrenin, ortak duyunun, örf ve adetin olgusu oldu ğu gibi, kişi olarak görülen ferdin insani karakterlerin umumi tipi gibi anla şılan idealidir. O zaman ahlaki sezgi ancak zümreden ki şiliğe, örf ve adetlerden insani ahlaka , itaat ve uygunluktan ideal kahramanl ığa yükselen kasdı fiillerle gerçekle şecektir. Bu hal de, bu ilerleyici fiillerin süreci nedir? Bilme fiillerinde olgu hükümleri gerçe ğe, ideal hükümleri mümküne karşılıktır. Halbuki ahlaki fiillerde olgu hükmü yaln ız kollektif gerçeği hedef edinir ideal fıükmü de kişiye ait mümkünü hedef edinir Kişiye ait mümkünün, veya kişiye ait fiillerin mümkün gerçekle şmesi alan/nın başka mümkün alanlarından tamamen farkl ı bir sferi vardır. Kollektif gerçe ğe yani örf ve adetlere meyleder. Ahlaki fiiller kurban (sacrifice), vazgeçme fiileridir ki süjenin obje „içinde erimesini gösterirler. Burada süjenin obje tarafından yutulması hali bir nevi vecd veya duygusal erimedir. Çevreden do ğmuş veya ona ba ğlı ahltaki fiiller bundan dolayı daima kollektif ve bazen mistiktir. Süjeyi yutan obje ya kollektif heyet veya mutlak varl ıktır. Buna kar şı kişiliğe ait mümküne, yani spontane ki şinin virtüelliğine, bütün gücleriyle insana meyleden ahlaki fiiller egemenlik, tahakküm, irade fiilleridir ki, objenin süje taraf ından yutulmsından ibarettirler: bu, kendi varl ığının tasdiki halidir. Bunun için ideallere do ğru çevrilen ahlaki fiiller subjectiviste, romantique, ethno-centrique, fakat daima egot ıtste cereyanlar ın çekirdeğini ',teşkil eder. Zira objeyi yutan süje alemde hakim bir iktidar, tabiata 'üstün bir irade olarak görünür. Bunun için birinci ahlakların en tipik misalini isâ'da, ikinciııiııkini Nietzsche'de buluyoruz. Vakaa bu hareket noktas ı ile bu ulaşma noktas ı arasında kesinti ve fas ıla yoktur. Onlar birbirlerine sürekli ve ilerleyici yaşanmış sürenin kasth fiilleriyle ba ğlıdırlar. 204
Hakiki ahlaki fiilleri bütün kasthli ği ve süreklili ği ile orada buluyoruz. Bunlar Aşk fiilleri, yani süjelilikle objelili ğin birli ğini, yahut ahlaki alanda ferd - toplum birli ğini ifade eden yüceltilmi ş ihtiras fiilleridir. Vakaa Aşk fiilleri bir ki şi halinde insaniyi, yahut konkre bir objede üniverseli hedef edinen ihtiras fiilleridir. A şk fiilleri kişiye ait fiillerin bütün özelliklerine sahiptirler, her hangi bir objeyi de ğil, kişiye ait olan ve olmayan terakki halinde ideal bir düzeni, yani hayati, bedii, manevi de ğerleri hedef edinir Bundan dolay ı diyoruz ki bu fiiller yüceltilmi ş ihtiras fiilleridir. Onlar gerçek düzenden ideal düzene geçi ş rolü oynarlar, ferd - toplum bütününü ifade edebilirler. Ayn ı zamanda ihtiras fiilleri oldukları için 'sonsuz, fayda gütmez arzu olarak tan ımlanabilirler. Bunun için bir yandan sahibolmayı, egemenliği, iradeyi temsil ederler. Öteden bu iradeden vazgeçmeyi ve kurban ı temsil ederler. Böylece sonsuzu istemek, ister istemez. sonlunun feda edilmesini gerektirir. O zaman A şk fiilleri hem feragat ve kurban fiillerini , hem de sahibolma ve egemenlik fiillerini içine alır. Aşk fülleriııin tahlili ile akıldışı olduklarını gösterdi ğimiz ahlak fiillerini aklileştirmek için, oraya şimdi zihinci diyalekti ği tatbik etmeliyiz. Bu akıldışı temelleri A şk Ahlaki adlı kitabımda açıklamıştım. Burada olgu hükümleri alan ı olan Vatan, Millet, toplum zümresi ile ideal hükümleri alan ı olan insanlık ve insaniyetçilik aras ındaki pratik birliği tetkik ile kanaca ğım. Bazı felsefelerin teorik ak ılla. pratik ak ıl arasında esaslı bir fark kabul ettikleri bilinir. Onlara göre teorik ak ıl ş eylere ait oldu ğu halde pratik akıl kişilere aittir. Teorik ak ılda insan şeyleri ve tabiat ı tanımak için hareket ederken ba şkalarının da kendisi gibi bir şuura sahib olup olmad ığını arama zorunda de ğildir. Halbuki pratik akılda insan başka kişilerle münasebet halinde oldu ğu için, onların şuuruna nufuz etmelidir. Bunun için, ba şkasının şuuru hakkındaki bilgi ş eylere ait bilgiden farkl ıdır. ikincisinde insan ba şkasını yalnız aletler ve vasıtalar gibi gördü ğü halde, birincisinde ba şkalarının da kendisi gibi bir şuura ve bir âlem görü şüne sahib olup olmadıklarını doğrulamak zorunad ır. Fakat, o kadar kökten olan bu ay ırma makbul de ğildir Çünkü teorik ak ıl hükümlerinin zorunlu ve üniversel olmas ı için başka şuurlar tarafından ve ayn ı tarzda tasdik edilmi ş olmaları lazımdır. Bu ise ancak ba şka şuurlar hakkındaki bilgi ile mümkündür. Teorik akıl hükümleri solipcisme'den ancak bu suretle kurtulabilir. Öte yandan hukuk alanında pratik akıl hükümlerinin bütün insanlar için geçerligi olması için onların gerçekten do ğrulanmış olmaları lazımdır. Buradan anlaşılır ki teorik ak ıl ve pratik akıl ahlak alanında birle şirler. Her ikisi de şeylerin ve ki şilerin bilgisine aittirler. Ahlaki fiilde teorik akl ın hakim 205
olduğu alan Hakikat oldu ğu halde, pratik akl ın hakim olduğu alan Adalettir. O halde her şeyden önce, başkasının varlığına ait bilgi teorisi problemine yer verilmesi gerekti ği meydandadır. Transandantal idealizm, süjeleraras ı anlayışın güçlü ğünü çözmek için ferdi şuurların üzerinde epistemolojik ve ahlâki akıledilirlik dayana ğı halinde istikrarlı ve ünivervel bir şuur tasarlıyordu. İnsan tabiatımn üniverselliği fikrine ba ğlı olan bu tasdik sosyolojinin, genetik psikolojinin veya yeni fizi ğin, başlıca Heisenberg ve Einstein teorilerinin hücumlar ı önünde dayanma kuvvetine sahib görünmüyor. Bugünkü halde kollektif şuur görüşü Kant teorisinin yerini alma iddiasındadır. Bu yeni görüşde, kollektif tasavvur ferdi tasavvurlarm üstünde ve d ışındadır. Bütün bu ferdi şuurları ihtiva etse de onları aşar. Ve kendini terkip eden bu tasavvurlar ın toplamından fazla bir şeydir. İnsan üniversel kavramlar imal edebilir, ve ba şkasının varlığı hakkında ancak bu vasıta ile ilgi edinebilir. Kollektif şuur görüşü yeni bir mistisizme ula şıyor, çünkü hiç bir ferdle şme (individuation) isbat etmez, ve ancak ferdlerüstü ve mahalle şmemiş kollektif şuuru belirleyebilir. Burada, ba şka durumlarda olduğu gibi süje kollektif heyetten ibaret olan objeye irca edilmi ştir. Fakat, işin aslında ne sosyolojik teori, ne psikolojik teori yetebilirler. Çünkü birincisi süjeyi objeye ircaa çalıştığı halde, ikincisi aksine çalışmaktadır. İşte bunun için başkasının varlığına ait epistemolojik problem gerek bilgi teorisi için gerek ahlak için ancak süje - obje düal birliğine ait kişilerarası münasebetlerle çözülebilir. Kişileraras ı münasebet çözümü b a şkasmın da bizim gibi bir şuuru oldu ğunu ve ortak şuurun ancak bir çok ki şiler arasın6 duygu uygunluğu (coordination), duygudaşlık (sympathie) ile ba şladığını bize öğretir. Bu, süjenin obje içinde duygusal erime (Einfühlung) halinden büsbütün farklı bir vaziyettir ki özel şeklinde sempati ve üniversel şeklinde Aşk'dan ibarettir'. Mekân ve zaman şuurun iki a priori şekli ve tecrübenin iki tecanüslü ve kararlı şartı değildir. Kasdı şuur fiillerivle kavrad ığımız süreklinin objektif ş artlarıdır. Birbirinden ayr ı mekan ve zaman zihnimizin soyutlamasından ibarettir. Biz mekan - zaman sferini ancak gerçek süreklide buluruz. Bu neticeye ula şmak için mekân ve zaman hakk ındaki felsefi doktrinlerin evrimine bir göz atmally ız.Pamenides'in söyledi ği gibi değişmez zaman - d ışı bir âlem tasarlayamay ız. Ve böyle bir âlem Gorgias' ın dediği gibi değişmeyi ve olu şu açıklayamaz. Evren hakk ında herhangi bir görü ş bize orada mekani bir çokluk oldu ğunu gösterir ve de ğişme aynı suretle zaman alg ısını içerir. Öteden, Heraklit gibi mekani çokluk d ışında 1 Bu Einfühlung görü şü Estetik'te Lipps tarafından ileri sürülmüş ve ba şka değer alanlarına da yayil ım şt ı.
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sırf de ğişme ve olu ş halinde bir âlemin varl ığı da mümkün de ğildir. Mutlak ve ideal olu ş hakkındaki Hegel'in görü şü de kabul edilemez. Çünkü de ğişme şuuru ancak de ğişmeyen bir şeye göre mümkündür. K ısaca ne ideal ve tecanüslü mutlak mekan, ne de birinciden ba ğımsız mutlak ve ideal bir zaman vard ır. Şuurun a priori şekilleri halinde tecanüslü ve kararl ı mekan ve zaman da kabul edilemez. Çünkü Euklidesci olmayan geometriler bize bir çok mekanlar ın aynı zamanda mümkün olduğunu gösterdi. Öteden mekan alg ısı bize ş eylerin çe şitliliği ve çoklu ğu hakkındaki sezgimizin de toplum de ğişmelerinin tesiri altına olduğunu gösterdi. Zamana gelince, o da çe şitlilik ve çokluk halinde fülile şen mekan algısına ait virtüelliklerin gerçekle şmesidir. Gentile gibi, zaman mekanın mekanile şmesidir dersek, bu suretle kesif ve tek bir sezgide şeyleri kavradığımızı ifade edebiliriz. Fakat şeylerin çokluğuna ait algımız ardarda ve birteviye sezgilerin mahsulüdür. Mekan alg ımız bu çokluğun sezgisinden do ğduğu gibi, zaman algımız da ayn ı çokluğun güclerinin gerçekle şmesidir. Bütün bunlardan anla şılır ki ayrı ayrı mekan ve zaman görü şü imkansızdır ve bizde yalnız Alexander'in dedi ği gibi mekan '-zaman süreklisine ait bir sezgi vard ır. Hakikat ne soyut üniverselde, ne de somut tikeldedir. Fakat ki şiden ibaret olan tikellemi ş (özelle şmiş) ünivereldedir. Böyle konan problem bizi ister istemez skolastiklerin nominalizm ve realizm tart ışmasına götürür. Nominalistlere göre tümeller sonsuz çe şitlilikte şeyleri ifade için verilmi ş isimlerden ibarettir ki, bu da özlerin inkarma ve şüphecili ğe varır. Çünkü onlara göre yaln ız tikellerin gerçekli ği vardır. Bunun hakkında ise sabit ve de ğişmez bilgimiz yoktur. Realistler tümellerin gerçekli ğini kabul ederler. Tikelin hiç bir gerçek de ğeri yoktur. O görünü ş ten ibarettir. Realistler tikeli inkar ederek hakikati donmu ş ve sabit bir lavha haline koyarlar. Bütün tart ışma duyu-üstü üniversel İ dee'ler teorisinin yorumlanmasmdan geliyordu. Fakat cevherin ferdîli ği ş eklindeki Aristo'nun çözüm yolu da yetmezdi. Çünkü ferd de insana göre kozmik bir dış ilke olarak alınmıştı . Bu halde bilginin tenkidini yapmadan tümel ile tikelin birle şmeleri ferdde nas ıl gerçekle şebileckti ? Descartes'dan beri yeni bir yola girildi. Cogito, dü şünen bir süjeyi temsil etmesi bak ımından tikel, umumi dü şünce olmas ı bakımından tümel idi. Fakat bu iğreti uzla şma da hemen da ğildı . Tikel ş eylerden ibaret olan şuur muhtevasının tahlili Locke'dan Hume'a kadar empirizm ve şüphecili ği geliş tirdi ği gibi, soyut düşüncenin tahlili de Leibniz ve Wolff'da gördü ğümüz üzere dogmatik rationalizm'e ula ştı . Bu suretle tikel ve tümel kavgas ı yeniden do ğdu. Kant'm a prioriste teorisi çat ışmayı çözmek için büyük bir ilerleme gibi görülebilir: bilginin şekil ve maddesi ona göre tikel ile 207
tümelin sentezini meydana getiriyor. Tümel kavrama, yani bilginin şektikel de sezgiye yani bilginin maddesine aittir. Bilginin hem üniversel hem de tikel olduğu buradan anla şılır. Vakaa Kant' ın çözüm yolu öncekilerclen üstündür. Fakat o da yeni sak ıncalar ortaya koymu ştur: tikellerin kökü olan tecrübe kavranam ıyan tümel aleminden ç ıkıyor. Halbuki bu âlem menfi bir kavram, yani bilinmez'dir. Kant'dan sonra görecilerin (relativiste) ço ğu Noumene'i inkâra çalıştılar. idealistler tikel ile tümelin objektif veya mutlak ruhi (Spirituel) sentezini arad ılar. Burada yeniden nominalism ve realism çat ışması uyandı. (Bir yanda fictionisteler, solipciste'ler, öte yanda Hegelciler ve objektif ruhcular olmak üzere). Modern felsefede bu problemi çözmek için yeni bir te şebbüs pragmatisme'de görülüyor. Ona göre üniversel denen mefhumlar insan ın tecrübelerinden faydalanmak için imal etti ği etiketler, semboller, hafıza özetleridir. Fakat hemen hat ırlatmalı ki bu görü ş bir nevi yenile ştirilmiş nominalism'den başka bir şey değildir. Bize göre hakikat Eflâtun'un son diyaloglarında ileri sürdü ğü gibi, tikelle şmiş üniversel halindeki bir personne - dyade'dir. (Bundan önceki bölümde bahsettik). Fakat bu Dyade - kişi dış âleme ait bir ayn de ğildir, o her türlü ayırmadan önce, aynı zamanda süjeyi ve objeyi ihtiva eden bir fiildir. Her fül- bir hüküm olması bakımından tikelle şmiş üniverseldir.
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İDEOLOJİ VE IDEAL
İdeoloji kelimesi Desputt de Tracy taraf ından yaratılmış ve Projet d'elements d'ideologie adl ı kitabında şöyle ifade edilmi ştir: "Konusu fikirlerin tetkikinden ibaret olan ilim." Fakat sonradan o dar bir anlam aldı : ideologlar gerçekle ili şiği olmayan sosyal bir hali bekleyen kimselerdir.° Marx, iktisadi olgulara z ıt olarak tasavvur veya inanç, felsefi sistem veya dini sistemlere ideolojik diyordu. 2 Alaylı bir anlamda o, gerçek olgulara kar şıhk olmayan soyut fikirlerin tart ışılmasıdır. Larousse'un tarifine göre ideoloji, her türlü metafizikten ayr ılmış olarak kendi ba şına gözönüne alınan fikirler sistemidir. Karl Mannheim'a göre ideolojiler muhtevalarm ı fiilen gerçekle ştirmeyi ba şaramayan durumdaki fikirlerdir. Ferdin sübjektif hareket tarzm ın kasth saikleri olsalar da, pratikte anlamlar çok defa şeklini kaybeder.' İdeoloji umumiyetle belirli bir sisteme has olan ve bu sistemin ilgi merkezleri ile şartlandırılmış bulunan bir fikirler sistemi olarak tarif edilir 4 İ deoloji bazen, olanın aranmas ından ibaret olan ilme z ıt olarak olması gerekenin ara ştırılması diye kullanılmıştır. Fakat bu tarif karışıktır, ve ideal ile ideolojiyi ayırma imkanı vermiyor. Birincisi daima olguya bağlı olduğu ve hamlesini ondan ald ığı, geleceğe do ğru hali biteviye aşan hayat gibi onu a şmak üzere at ıldığı için, o varlığa ıiisbete oluştur, olana nisbetle olmas ı gerekendir. Halbuki ikincisi, yani ideoloji, vasıtalarını indi olarak seçmek suretile gerçekle şmesi ve sakat gerçe ğin yerine konması istenen bir i ştiyaktır. Bundan dolayı, olguların tetkikinden çıkarılan bir proje gibi ileri sürülse bile, kolayl ıkla ütopi ile karışır. Bu, planlaştırma ile ideolojinin ayrılmasını imkansız bir hale koyan çok nazik bir noktadır: birincisi hakikaten olgunların tetkikinden ç ıkarılmış bir proje, tabiat ve insan filmlerinin bir tekni ği olduğu halde, ikincisi (1) (2) (3) (4)
A. Lalande, Vocabulaire de philosophie. pol. 1. K. Marx, Lettres philosophiquec, Karl Mannheim, Id6ologie et utopie. Emillio Willems, Dictionnaire de sociologie, adap. franç. par A. Cuvillier p.126, Marcel Rivrere, 1961.
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gerçek yerine indi olarak konmu ş, ve olguniarm bilinmemesinden veya şeylerin tabiatına hükmetme ve de ğiştirme güçünde olduğuna inanılan insan iradesinin fazla de ğerlendirilmesinden ileri gelen hayali bir projedir. Ideolojilerin ütopiye kap ılan sergüzeşti ve onlar ın sözde idealist karakteri buradan ileri geliyor. İdeolojiler, topluma ait sistemli hükümlerin, bu hükümlerin geli ştiği ve yayıldığı toplumlarda iktidar ın dağılmsma ait de ğerlendirmeleri ihtiva etti ği yerlerde meydana ç ıkar.' İ deoloji bir üstyap ı unsuru gibi görülmüştür. İdeolojinin Marx'cı görüşü alienation ve mistikme şme kavramlarına baş vurmadan anlaşılamaz. Sınıfh bir toplumda o istihal vasıtaları gibi ideolojinin gayesini de kontrol eder. Max Weber, Mannheim gibi baz ı yazarlarca ideoloji bir s ınıfın, bir neslin, bir zümrenin veya bir milletin üstyap ısı gibi görülmüştür. Fakat Adorno, Schelsky, R. Aron gibi bazı yeni tenkitciler bize bu bak ımdan yetmez görünüyor, çünkü onlar bunu bir olgu, bir bünye olarak görme noktas ına saplanmışlardır. Onu böyle tetkik etmede fayda varsa da, sosyal hayatta bir faktör olan rolünü ihmal edemeyiz, çünkü o daima faaldir ve revaçtad ır. Bu noktadan esaslı olan cihet, tekrar edelim ki, ideoloji ile ideal aras ındaki ayrılıktır: birincisi daima tahrikçi politikac ılar tarafından, ve halk ruhunu gıcıklayan slogan'larla belirli bir sınıf veya zümrede hükümet darbesi yapanlar tarafından hazırlanmış olduğu halde, ikincisi insani varlıktan çıkar ve onunla dinamik bir bütün te şkil eder; kamu san ısının sathi propaganda dalgalar ıyle sürüklenmez. Sosyal hayatın esasına, derin gelece ğe aittir. Ideolojik propaganda, bir s ınıf veya bir milletin zulme u ğradığı bahanesiyle, iktidar ı ele almak veya başka memleketleri istilâ etmek için öcalma heyecanlar ını uyandıran siyasi bir te ş kilatın saldırısı bir tavrıdır. Hayvanların ehlile ştirilmesinden büyük fabrikalar ın kurulmasına kadar sanatta tersine dönmeyen bir evrim var m ı lır ? ilkellerin resmi bir çok defalar canlanm ış değil midir ve bir çok devirlerde benzer hamleler yapmamış midir? kahramanlığı ve cesareti daima korkakl ığa karşı, doğru sözlülüğü yalana kar şı, başkacılığı bencilliğe karşı, sosyal yapıların bütün de ğişmelerine ra ğmen, savunan Ahlak için de aynı şeyleri söyleyebiliriz. İnsan zümreleri aras ındaki her türlü çat ışmaların varlığı, hattâ artmas ı zıt cephelerde ideal de ğerlerin ortak misallerini göstermeğe mani de ğildir. Düşmanın kahramanı takdir ediliyor, yoksa hilekür ı değil. Düşmanhklara ra ğmen, insanlar arasında karşılıklı anlaşmayı müm kün kılan ve insani varl ığı tarihin bütün hümanizm'lerinde ortak bir ideal gibi görmeye sebep olan budur. (5) Norman Birnbaum, L'etude sociologique de PiUologic (1940-- 1960) Basil Blackwell
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EK Bu kitab ın birçok yerinde Diyalektik metod kelimesi geçti. Onun mantıki, metafizik anla şıh şım ayırma zarureti üzerinde israr ettik, ve başlıca birincisi üzerinde durduk. Bu noktan ın aydınlanmas ı için, onun çeşitli anlamları hakkında bir kaç kelime söyleme zorunda oldu ğumuzu his E e diyoruz . Diyalektik deyince ne anl ıyoruz ? Bu, belki de Felsefede en çok kullanılan, ayn ı zamanda kötüye kullanılan bir terimdir. Bugün de bu kelimeyi sarfeden bir çok yazar var ki, onun hakk ına kat'i bir tarif vermiyor. Sisteminin temel ta şı haline koyan Eflâtun Diyalektiki iki tarzda tarif ediyordu: 1) Sokrat'dan alm ış olduğu bir tart ışma metodu olarak, 2) kendisine mahsus olan metafizik bir metod olarak. İkinci görüşte o, ezeli İ dea'lerin tema ş asına do ğru zahmetli bir yükseli ştir. Diyalektik burada mistik olmaktan ziyade akli (rationnel))dir. Gurvitch'in tabiriyle söyleyecek olursak, o ir ş adcı dır, yükselidir, müsbettir ve aklidir. Aristo'nun a ğır tenkitlerinden sonra bu metod esasl ı surette önemini kaybetti. Fakat, Plotin'in muazzam sentezi üzerine, bu sefer mistik görü ş e yol açmak ş artiyle, eski yerini yeniden kazand ı : bu art ık Nicolas de Cusa'nın Renaissance'ta "z ıtlarm uzla şması" teorisinde geli şecek olan zıtların terkini görü şüdür. Bu suretle Plotin'in rü ş eym halindeki üçleme (triade) metodu Kant'dan sonraki romantik filozoflar taraf ından, yalnız Hegel de ğil onun öncüleri olan Fichte ve Schelling taraf ından kullanılmıştı . Bu sonuncu filozofa göre Diyalektik müphem ve belirsiz varl ığın zıt karakterlerinin meydana ç ıkmasından sonra rol oynama ğa başlar. O çelişiklerin sentezi de ğildir, fakat çözülmü ş olanı n yeniden kurulmas ı, ancak şuura çıkmış olarak kurulmas ıdır. Halbuki Hegel'e göre, birbiri arkasından yazdığı eserlerinde bir çok anlamlarm ı vermekle beraber, Mantık adlı kitabına göre Diyalektik "Ruh (Geist) halinde görünen varlığın içkin hareketinin bütününü tasvir etmekten ibaret" tümel mant ıkcılık (panlogisme)d ır. O çelişiklerin sentezini yapmak iddias ındadır. Bu iddia da filozofu Aristo'nun çeli şmezlik mantığına karşı vaziyet alma ğa götürür. 211
K. Marx, Hegel felsefesini tersine çevirirken, bu felsefenin metodunu kendi maddeci görü şü içinde kullanmıştı : "çelişikler ona göre, akibet dinamik gerçe ğin devrim halindeki bir merhalesini a ş acak olan, maddi gerçe ğin savaşmalar halinde lahzalar ından" ibarettirler. Fakat o da Hegel gibi metafizik görüş olarak anla şılan Diyalektik ile ara ştırma metodu olarak anla şılan Diyalektiki ayırmadı . Idealist felsefeyi "ilmi" görü ş haline koyduğunu iddia etti. Ancak, meteryalist bir metafizikci olmadan kurtulamadı Çünkü, çalışma arkada şı Engels'le birlikte, o Diyalektikin aynı zamanda hem tabiat ı hem insan tarihini izah edebilece ği fikrini savunuyordu. J.P. Sartre, bu iki sahay ı ayırmak ve Diyalektikin yalnız inan taririhine ait oldu ğunu söylemek suretiyle bu görü şe karşı menfi bir tavır aldı . Öte yandan B. Croce gibi baz ı yenihegelciler üstadlarınnı Diyalektiki üzerinde düzeltmeler yaparak farklar ı snetezi fikrini çeli şiklerin sentezi fikri yerine koydular. Bugünkü ilim, önce mikrofizikteki yeni ar ştirnıalarla, aynı zamanda biyolojinin türlü dallarında rastladığımız araştırmalarla bize, tamamlayıcı ve zıt karakterleri ile müphem kökleri olan cansız ve canlı tabiat tabakalar ının basitten mürekkebe do ğru de ğil, müphemden ve mürekkepden basitlere, seçiklere ve farld ılara, do ğru evrim geçirdi ğini gösteriyor. O halde diyalektikin rolü asl ıda müphem olan karakterlerin bu suretle meydana ç ıkışının tetkine ve çeli şmezlik mantığımn, varhğm açığa ve şuura çıkmış manzalarının nöbetleşe tatbikine inhisar edecektir Bu tarzda anla şılan Diyalektik, köklerini Eflâtun felsefesinin en az tetkik edilmiş kısmından, son diyaloglar ından çıkarmak üzere,( 1 ) artık metafizik değil, lojik (mantiki) olacakt ır: şu anlamda ki, rolü realite sahalar ının izahında iki-de ğerli veya birçok-de ğerli mantıkların kullanılmasına, daha doğrusu akıldışı'mn akileştirilmesine rehber olmadan ibaret olacakt ır.
1. P. Kuckarski, Les chemins du savoir dans les derniers dialogues de Platon, 1949 Y. Goldschmidt, Les dialogues de Platon, 1947; Z. Markovic, La theorie de Platon sur l'Un et la Dyade indffinie (Revue d'Histoire des Sciences, N. 1955); Meme auteur, Sur la tMorie de la mesure de Platon (Bulletin intern. de l'Academie Yougoslave, 1940); H.Z. -Men, Deux aspects des etres (10 ncu Milletleraras ı Felsefe Kongresinde okunan tebli ğ, Amsterdam, 1948) Dyade'lardan M. Markovic ile tevarüd halinde bahsettik.
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INDEX
Abdülhak Hadi 6 Agâh Mazlum 1 Adam Smith 109 Adorno 181 Alexander 31 Anatole France 61 Anaximandre 7 Anselm, Saint 72 Angel, C.R. 169 Antiphron 8 Aron, R. 158, 159 Aster 175 Aristote 2, 10, 14 Angustin 38, 138, 161, 15, 151, 779 Atatürk 164 Baltacıo ğlu, I.H. 11,92 Bakounine 59 Bacon, F. 133 Baudouin, Ch. 91 Bastide, Roger 143 Bergson, H. 11, 48, 81 Bentham 109 Birnbaum, N. 181 Biruni El- 4. Baehelard, G. 179 Benedict, Ruth 164 Bernard Shaw 61 Beagelhile 158 Bernard, Jessie 153 Bedreddin Simavi 22, 69 Beethoven, L. Van 119 Boehme, Jacob 22 Bougle, C. 82 Brentano, F. 3 Bonald, C. de 81 Brdıier, E. 134
Bouddha 58, 146 Broglie, L. de 12 Bruno, G. 10, 41, 48 Bunge 105 Blondel, Ch. 87, 96 Baldwin, J. M. 178 Campanella, Th. 55, 58 Cannon, W.B. 164 Carnap 2 Comte, Aug. 17, 62, 78, 81, 82, 86, 139, 161 Creary 158 Cantril 158 Croce, B. 8, 19 Darwin. Ch. 81, 86, 148, 159 De"mostUnes 57 Descartes, R. 22, 36, 47, 164 Destouches 179 Desputt de Tracy 180 Dewey, John 111 DioOne 126, 127
•
Dilthey 164 Durkheim, E. 1..24,25 30, 41, 64, 83 95, 131 164 Dostoiwski 61 Dufrenne, M. 143 Dupre 87 Ekhardt, M. 22 Erasme 55, 58 Emin, M. 58 English 164 Escheverry, A. 150 Fichte 6, 64, 134 Franklin, B. 61 Fouzouli, 73 Fren& S. 95, 153
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Lukaziewitz 2 Fikret, Tevfik 58 Luther 41, 59 Fevrier-Destouches 12 Lipps, Th. 56 Fray 4.. Locke, J. 47 Fyot, J. L. 4.. Leibniz. G.W. 48, 58. 92 Foulquie Longfellow, 58 Gabriel-Rey 5.. Lao-Tseu 58, 135 Gandhi, M. 4..,59, 60 63, 66 Lenine 66 Gazali, E. 18, 37, 138 169 Levy-Brühl, L. 75, 177 Gardet, L. 150 Lamarck 81 Gökalp, Z. 24, 58, 91, 92, 131 Lalande, A. 180 Gumplovicz 105 Levi-Strauss 181 Goethe 58, 60, 61 Mc Keon 3.. Gehlen, A. 164 Maritain, J. 4.. Gonseth 169 Masson-Oursel 4.. 4 Goldstein, K. 164 Massignon, L. 4..150 Gilmore, M.P. 134 Malebranche 22 Goblot 82 Mevlanâ, C.R. 22. 64, 69, 73 Guenon, R. 4.. Meyerson, E. 26, 36, 37 Gurvitch, G. Goldschmidt Mach, E. 48 Mohammed, Hz. 53, 58. 60 Hartmann, N. 2, 11, 18 33 Mani 58 Heisenberg 12, 45, 140 Hegel 8, 11, 15, 22, 32 34, 64, 80, 105 159, 171 Mazdek 58 Montaigne 58 Hauptmann, G. 61 Mussolini 62 Hamilton, O. 33 Mill, J. S. 106 Homere 154 Mansour, H. 108 Hume, D. 18, 47 Masse 153 Hebbel 58 Machiavel 159 Herder 58 Merleau-Ponty.M. 164 Hobbes 105, 159 Mannheim, K. 181 Heraclite 7, 46 Marx, K. 11, 81, 159, 165, 180 Husserl, E. 2, 23, 130 Nicolas de Cusa 10, 58 İbn-i Arabi 6.., 22, 59, 69 Namık Kemal 58, 61, 63 İ bn Khaldoun 154, 159 Jesus 58, 60, 65, 66, 146 James, W. 19, 90, 111 Kant, E. 11, 18, 23, 35, 39, 48, 58, 62, 64, 80, 93, 125, 137, 140 Keiserling 5.. Korzibski 12 Kropotkine 41, 59, 148 Kong-Tseu 58, 135, 146, 154, 169 Klineberg, o. 158 Krappe, H. 158 Kempen Standock 150 Kucharski, P. Lacombe, R. 4.. Lefervbre, H. 4.. Lavelle, L. 4. 5. . 171
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Nedoncelle 140 Nicholson 150 Nessimi 73 Nietzsche, F. 5, 17, 19, 43, 59, 81, 92, 93, 111, 137 Privat, E. 124, 150 Pareto, V. 133 Pascal, B. 5..18, 37, 138 Parmenide 7 Platon 7, 10, 14, 32, 33, 34, 47, 51, 80, 126, 127,15 Piaget, J 75 Plotin 10, 22 Poincare, H. 28, 48
l'awlov 164 Reuchlin 55 Ritter, H. 4 Rochedieu, Ed. 5..150 Reichenbach, H. 2 Reiser 12 Racine 61 Rousseau, J.J. 62 Rama Krishna 65 Rembrandt 95, 119 Rougemonde, D. 150 Rougier, L. 2, 161 Rustow, D. 164 Sastri, J. P. 4..157 Sidantha, N.K. 5.. Schwab 5..150 Schopenhauer, A. 11 Spinoza, B. 22, 58 Spaier, A. 33 Stirner, M. 41, 59 Socrate 41, 53, 127, 146, 154, 169 Shakespeare 61 Spengler, O. 64, 156 Steiner, R. 64 Sorel, G. 66 Suavi, Ali 73 Saadi, Sheyh 135 Sharif, M. M. 138
Siegfried, A. 134 Sehelling 171 Schelsky 181 Schiller 58, 61, 111 Stoetzel, J. 164 Seheler, M. 3, 32, 36, 41, 57, 69, 70, 100, 130 133, 137, 148, 150, 153, 155 Tolstoi, 4, 28, 59, 60, 61, 612, 63 Tennison 58 Thomas, S. 750 Toynbee 164 Uhland 58 rlken 6..138, 148, 149 Uexküll, T.v. 164 Uexküll, J.v. 164 Valmiki 154 Voltaire 61 Weizecker 164 Weiss 164 Ward 164 Wundt, W. 177 Willems, E. 181 Weber, M. 181 Wolff 26, 48 Whiteman, W. 58 Walter Scot 58 Zoroastre 146 Zenon 7
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TABLE DES MATFERES Avant-Propos Introduction: Les Degres de la Verite et la Verite dialectique I . Humanisme des Cultures II . La Croyance de Fait et la Croyance d'Ideal La Croyance de Veri te L'Homme dans le Monde Le Personnalisme Evolution des Valeurs La Theorie de l'action reciproque Emotivite et Inhibition La Personnalite Evolution de la Personnalite Les Conditions sociologiques de la Personnalite Le Conflit des forces opposees Les Voies qui menent â la Liberte
V —XI 1— 16 17— 48
57— 66 67— 7 0 71— 74 75— 77 78— 85 86— 90 91— 94 95— 99 100-104 105-115 116-121 .
III . L'Education de l'Humanisme des Cultures
123-143
IV . La Politique de l'Humanisme des Cultures La Verite logique et la Verite humaine L'Hmanisme et le Probleme des Valeurs Supplement Ideologie et Ideal Appendice
145-159 110-168 169-174 175-179 180-182 183-184
V . Türkçe Özet (Resume en turc) Index Table des Matieres
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185-212 213-215 216