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DU Ml!ME
AUTEUR
FflÉDÉRIC DE DIETRICH, premier maire de Strasbourg sous la Révo.. lution française, préface de Rodolphe Reuss. Berger-Levrault, Ed.,. Paris, 1919. 1 vol. de xXIv-358 p. in-B. (Ouvrage couronné par }'Aca-· démie des Sciences Morales et Politiques.: prix l\lichel Perret.) COMMENT « FAIRE LA PAIX ». Félix Alcan, Ed., Paris, 1925. (Prix du. Concours français de la Paix). LE PROJET DE LOI FRANÇAIS SUR LES ASSURANCES SOCIALES. Extrait, de la Revue Internationale du Travail, Genève, 1922.
1
GABRIEL
RAMON
HISTOIRE DE LA
BAN
DE
FRANCE D'APRÈS
LES SOURCES ORIGINALES
BERNARD GRASSET bI, Rue les Saints-Pères, VIe
A PARIS
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE: ONZE EXEMPLAIRES SUR PAPIER MONTVAL (GASPARD MAILLOL), NUMÉROTÉS MONTVAL _PAPIER GASCAR
1 à 6
à
ET 1
MADAGASCAR
1 à 8
ET 1
à
V; TREIZE EXEMPLAIRES SUR LAFUMA,
NUMÉROTÉS
MADA-
V; ET SOIXANTE EXEMPLAIRES
SUR PAPIER VÉLIN PtTR FIL LAFUMA, NUMÉROTÉS VÉLIN PUR FIL
1 à 50
ET 1
à x.
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays y compris la Russie. Copyright by Bernard Grasset, 1929.
A
MA
FEMME G. R.
LIVRE PREMIER
LE CONSULAT ET L'EMPIRE
CHAPITRE PREMIER
ÉTABLISSEMENTS AYANT PRÉCÉDÉ LA BANQUE DE FRANCE 1 LE « SYSTÈME» DE LAW. LA CAISSE D'ESCOMPTE. OPINION DE TALLEYRAND SUR LES BANQUES. LE DÉCRET DU 8 NOVEMBRE 1793. PROJETS DE BANQUE SOUS LE DIRECTOIRE. LA CAISSE DES COMPTESCOURANTS ET LA CAISSE D'ESCOMPTE DU COMl\IERCE. NOUVEAUX PROJETS DE BANQUE. JoJA SITUATION FINANCIÈRE AU DÉBUT DU CONSULAT.
le Régent accorda à Law, le 2 mai 1716, ies lettres
des banques de patentes qui créaient la Banque Générale L dépôt ou de circulation existaient depuis fort longtemps déjà en ORSQUE
«
»,
Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suède, en Grande-Bretagne, mais la France était complètement dépourvue de traditions et d'expérience en la matière. Captivée par les avantages de toutes sortes que lui faisait entrevoir l'ingénieux Ecossais, elle se livra à lui sans défense: l'histoire l'allait prouver 1., Quatre ans et demi s'étaient à peine écoulés, en effet, que le « Système >), innové dans la confiance et l'espérance, développé dans l'enthousiasme, se brisait contre la rigueur des lois économiques et s'achevait, par l'organisation méthodique de la banqueroute, dans une atmosphère de violences et de ruines. La déception, la rancœur, le souvenir de la lamentable expérience 1. Le nom de « Banque de France » se trouve pOUT la première fols, à notre connaissance, dans un pro] et de Banque Gén~rale du Royaume de France présenté il Henri IV par un avocat « en la court de Parlement de Paris ., 1\f- Pierre de Fontenu. L~s statuts de cette « Banque de France, par le moyen de laquelle la condition, tant des créanciers que des débiteurs, sera rendue beaucoup meilleure à l'advenir qu'elle n'est à présent•••• furent approuvés par le Conseil d'Rtat le 20 décemhre 1608 : ils sont extrêmement curieux et méritent d'être étudiés. D'après ~f. Fa~nie1., qui les a exhumés et puhlik dans le Bull~tin de la Société de l'Histoire de Parts et de l'Ile de France (22 e annp.p, 1895), « il est trk probable que la Banqne ne fut pas fondée -, sans quoi elle eOl précédé d'un an la fondation de la Banque d'Amsterdam, de quatrf'-vingt-six ans celle de la Banque d'Angleterre et d'un peu plus d'un siècle c~lle de Law!
LE
«
SYST~ME
• DE LAW
10
L.4. CAISSE D'ESCOMPTE
LE CONSULAT ET L'EMPIRE
demeurèrent si vivaces que cinquante-six années passèrent sans qu'il parût possible de fonder une nouvelle banque. Et, lors même que le Conseil d'État eut approuvé, par son arrêt du 24 mars 1776, le projet de banque présenté à ~I. de Maurepas par le Genevois Panchaud et l'Écossais Clonard, on évita judicieusement d'employer le mot tant décrié pour mieux faire accepter la chose. La « Caisse d'Escompte », pour l'appeler par son nom, avait pour but de faire le commerce des matières d'or et d'argent, d'escompter les lettres de change et « autres effets commerçables », à un taux ne pouvant excéder 4 p. 100 et de « se charger, en recette et en dépense, des deniers, caisses et paiemens des particuliers qui le désireront, sans pouvoir exiger d'eux aucune commission, rétribution ou retenue quelconque, et sous quelque dénomination que ce puisse être... » Elle s'interdisait toutes autres opérations commerciales ainsi que les entreprises coloniales et maritimes, mais elle fut autorisée, dès 1777, à émettre des billets au porteur, payables à vue. La circulation de ces billets, limitée à l'intérieur de Paris, augmenta rapidement, passant de 1.000.000 de livres en janvier 1778 à 4.000.000 environ au début de 1779, puis à 20.000.000 en 1781 et à plus de 40.000.000 en 1783. Dès cette époque, la prudence de son administration valait à la Caisse d'Escompte une confiance presque universelle; cependant, au mois d'août 1783, la simple promesse d'une avance de 6.000.000 de livres au Trésor provoqua une panique qui obligea la Caisse à suspendre le remboursement de ses billets. Le retrait de cette imprudente promesse et la publication d'un bilan en tous points satisfaisant suffirent toutefois à ramener la confiance, et le paiement à vue des billets fut repris. - La crise avait été brève, mais assez grave pour comporter d'utiles enseignements. Elle révéla que le crédit de la Caisse, heureusement servi par la publicité de ses opérations et de ses comptes, était lié de la plus étroite façon à son indépendance absolue vis-à-vis d'une Trésorerie exsangue et à la possession d'un encaisse 1 métallique suffisant pour faire face à des demandes massives de remboursement. Le principe d'une couverture métallique fut adopté sans délai par les actionnaires : elle devait atteindre, au moins, le quart du montant des billets en circulation. D'autre part, les administrateurs de la Caisse d'Escompte constituèrent une réserve destinée à accroître le capital des actions, en vue d'enrayer la spéculation provoquée par l'accroissement des dividendes. Imbus de la notion de leur responsabilité envers les actionnaires 1. En vue de respecter un llsa~e constant. qui n'a cessé de prévaloir, dans le vocabulaire technique de la Banque et de l'Économie Politique, jusqu'au début de la période contem.. poralne et, par Ut m~me, de ne pas créer de disparate entre le texte et les citations, on a cru devoir laisser au mot li encaisse. le genre masculin, jusqu'au moment où l'usage contraire - le seul d'ailleurs qu'enr~p;istrent les dictionnaires de Littré et d'Hatzfeld et Darmeostetcr - semble l'emporter définitivement.
LES PREMIÈRES BANQUES FRANÇAISES
11
et les porteurs de billets, ils s'appliquèrent avec intelligence, méthode et persévérance à asseoir la Caisse sur des bases saines, exigeant les plus sérieuses garanties pour les lettres de change admises à l'escompte et dotant l'institution d'une comptabilité si exacte et si claire que le Comité des Finances de l'Assemblée Constituante devait exprimer le désir « que la comptabilité du Trésor public offrît à l'avenir autant d'ordre et de précision ». Mais les événements l'emportèrent sur les résolutions humaines... En 1787, en échange de l'octroi d'un privilège de trente années, le capital de la Caisse d'Escompte, qui avait varié plusieurs fois déjà, fut porté de 15.000.000 à 100.000.000 de livres, dont 70 furent versées au Trésor royal. Puis, Necker demanda et obtint, en secret, une série de prêts qui détruisirent peu à peu l'indépendance des administrateurs. Leur patriotisme, dans lequel ils auraient dû puiser le secret et la force de la résistance, excusait et justifiait au contraire à leurs yeux des faiblesses impardonnables. Sous la Révolution, la Caisse fut rapidement amenée à suspendre ses escomptes et à consacrer le montant intégral de ses émissions aux besoins de l'État. La guillotine fit périr la plupart de ses administrateurs et quand un décret de la Convention la supprima, elle avait, en fait, cessé d'exister. Cette fin, misérable et héroïque à la fois, ne doit pas faire oublier les services extrêmement importants qu'a rendus la Caisse d'Escompte. On peut les résumer d'après le célèbre compte-rendu de ses opérations publié par Laffon-Ladébat, en 1807. Pendant la durée de son activité, les escomptes d'effets de commerce ont atteint plus de 4 milliards 250 millions. La Caisse a « prêté au Gouvernement 265.000.000 effectifs, outre les services particuliers qu'elle a successivement faits pour le Trésor public et qui se sont élevés à plus de 300.000.000 »; elle a fourni plu~ de 200.000.000 de numéraire aux Hôtels des Monnaies. Les comptes courants sont montés jusqu'à 28.000.000 de livres, les dépôts jusqu'à 45.000.000; le dividende moyen a été de 6,8 p. 100. Enfin,. la Caisse d'Escompte a réussi à maintenir le taux de l'intérêt à un niveau régulièrement bas, justifiant ainsi, par une politique de quinze années, le principe de son existence. Ces résultats sont d'autant plus remarquables, si l'on tient compte des circonstances de temps et de lieu, qu'ils ont été obtenus rapidement, dans un milieu peu propice, malgré l'influence néfaste des Ministres des Finances successifs. L'expérience de la Caisse d'Escompte - expérience directe, _ consciencieuse - devait être d'une grande utilité pour la France, car elle permit aux esprits logiques, dès avant la Révolution, de dégager les principes essentiels sur lesquëls la Banque de France reposera quelques années plus tard.
12 OPINION DE TALLEYRAND SUR IJES BANQUES
DÉCRET DU
8 NOVEAfBRE 1792
LE CONSULAT ET
L'E~fPIRE
Je n'en veux donner ou rappeler d'autre preuve que l' « opinion » de l'Évêque d'Autun sur les banques et sur le rétablissement de l'ordre dans les Finances, en 1789. TaIleyrand, avec sa perspicacité, son talent incisif et clair, se prononçait contre le cautionnement des banques par l'État. Il comportait, à ses yeux, un risque qui pouvait amener l'État soit à grever la propriété de contributions énormes, soit à faire banqueroute dans le cas où un malheur arriverait à la Banque. - « Une nation sage, disaitil, peut-elle consentir à courir une seule chance qui puisse la réduire à une pareille alternative? Une nation loyale peut-elle accorder une responsabilité qui pourrait devenir illusoire? » Selon lui, la Nation devait encore moins faire créer « la banque pour son propre compte »: si elle la faisait administrer par des employés, elle risquerait de ne pas être dirigée avec le soin qu'elle exige; si elle intéressait les administrateurs, il serait à craindre qu'ils ne se livrassent à la recherche de bénéfices exagérés. Talleyrand se prononçait aussi contre la multiplicité des banques, qui, se concurrençant mutuellement, rendraient très difficile le contrôle du papier par les particuliers: « les fautes de l'une de ces banques iraient frapper inévitablement sur le crédit des autres, par la correspondance qui existerait entre elles. Multiplier les lieux où ces fautes pourraient se commettre, c'est en multiplier la probabilité ». Enfin, ajoutait l'Évêque d'Autun, après avoir expliqué incidemment que la productivité d'intérêts était « absolument contraire à la nature des billets de banque », « il n'existe pas, du moins à mon avis, deux idées qui se repoussent davantage que celle d'un papier-monnaie et celle d'une banque, puisque l'un porte le caractère de la force et l'empreinte de l'autorité absolue, tandis que l'autre au contraire ne peut vivre que par la confiance la plus libre et la plus illimitée... La loi fondamentale d'une banque quelconque est d'acquitter ses engagements à l'époque fixée... » « Qu'est-ce qui fait le crédit des billets de banque? » disait de même Mirabeau dans son discours du 20 novembre 1789 : « la certitude qu'ils seront payés en argent, à présentation : toute autre doctrine est trompeuse ». La C'aisse d'Escompte disparue, des années passèrent sans qu'aucun projet de banque sérieux vît le jour. D'ailleurs, l'article 22 du décret du 8 novembre 1792 avait interdit, en fait, la constitution de banques d'émission en faisant défense « aux corps administratifs et municipaux et aux particuliers ou compagnies de souscrire ni d'émettre aucun effet au porteur sous quelque titre ou dénomination que ce soit, sous peine, pour les contrevenants, d'être poursuivis et punis comme faux-monnayeurs ».
LES PREMIÈRES BANQUES FRANÇAISES
13
Mais, dès le début du Directoire, la nécessité de recourir à une banque s'imposa au Gouvernement. La Terreur n'était plus qu'un affreux souvenir; ici, Bonaparte, là, Hoche avaient écrasé les royalistes; la victoire souriait à nos drapeaux; le moment était venu de reconstruire la maison et surtout de restaurer les finances. Parmi les ministres que nommèrent les Directeurs dès leur accession au pouvoir, Faipoult, ancien secrétaire de Roland, fut chargé d'administrer les Finances. Or, dans un Essai sur les Finances publié le 16 octobre 1795 (24 vendémiaire an IV), Faipoult avait recommandé, entre autres moyens de combattre les néfastes effets des assignats, la création d'une banque indépendante du Gouvernement, qui émettrait des billets payables à vue, en espèces, sans bénéfice du cours forcé. - Il pensait que cette politique faciliterait le retour à la monnaie métallique, par la substitution progressive d'un papier sain à une monnaie de papier 1. Eschassériaux, rapporteur de la Commission des Finances du Conseil des Cinq-Cents, partageait les vues du Ministre et demandait, notamment, l'abrogation de la loi du 17 germinal an II, qui avait supprimé les compagnies et associations de commerce, car « il convenait, disait-il, de favoriser l'établissement de banques libres, institutions ··qui, fondées par des citoyens honnêtes, en même temps qu'elles seconderaient le Gouvernement, serviraient à étendre nos relations commerciales, à relever le crédit public, à accroître les progrès du commerce, de l'agriculture et des arts, et deviendraient, en peu de temps, comme en Angleterre et en Hollande, la source de la prospérité nationale 2 ». Ces projets, d'ailleurs imprégnés de littérature, provoquèrent l'opposition des Robert Lindet et autres tenants farouches des assi-· gnats, qui dénoncèrent l'établissement d'une banque comme une entreprise « qui serait, sans doute, très avantageuse aux actionnaires, mais funeste à la France >). Néanmoins, les Cinq-Cents adoptèrent le programme d'Eschassériaux. et donnèrent mission au Directoire de provoquer et de recevoir les propositions de sociétés de banque et de commerce qui pourraient aider le Trésor public de leurs deniers, et de leur céder tout ou partie des cédules hypothéquées sur les biens nationaux· pour sûreté de leurs avances. -Mais la situation financière était désespérée et le Conseil des Anciens ne crut pas possible, dans un pareil moment, d'obtenir des secours appréciables pour le Trésor de « compagnies 3 non encore formées, d'une consistance incertaine >) ; l'accord des deux assemblées se fit sur la panacée de l'emprunt forcé. Le problème avait été mal posé, la gravité même des maux auxquels il fallait remédier engendrant des programmes disproportionnés aux moyens dont une banque nouvelle pouvait alors disposer. Mais, 1. Cf. Marion, Histoire Financi~re de la France, tome II), p. 384. 2. Cf. Marion, 0(1. cit.) p. 402. 3. Cf. Marion, Olt. cit., p. 403 et suivantes.
PROJETS DE
BANQUE SOUS LE DIRECTOIRE
14
LE' CONSULAT ET L'El\IPIRE
ramenée à des proportions raisonnables, 'une banque indépendante du Gouvernement devait être éminemment utile pour lutter contre la pénurie d'espèces, le discrédit du papier-monnaie et l'élévation de l'intérêt de l'argent, qui atteignait 3, 4 et jusqu'à 6 p. 100 par mois. Obstinés dans leurs projets, confiants dans leurs talents et leurs moyens, quelques citoyens réunis le 6 février 1796 (17 pluviôse an IV) sous la présidence de Lecouteulx de Canteleu, membre du Conseil des Cinq-Cents, ancien député à l'Assemblée Nationale Constituante, décidèrent de créer une banque dans laquelle seraient admis les anciens actionnaires de la Caisse d'Escompte. - Cette banque émettrait les billets à vue ou à échéance fixe nécessaires à son service, sans que leur montant pût jamais excéder les valeurs réalisables au moment de leur échéance. Lecouteulx de Canteleu, Perregaux, Fulchiron, Augustin Monneron, Parat de Chalandray, Foacier, Marigner, Maciet, en furent nommés administrateurs 1. Ils étaient assurés de l'appui du Gouvernement, mais ne purent vaincre l'opposition des assemblées et de la presse~ intimidées par le dernier carré des mystiques de l'assignat. Tout le mal ne venait-il pas des banquiers qui établissaient leur fortune en ruinant le peuple? Allait-on mettre la Constitution dans leur coffre-fort? Ce projet de banque ne pouvait être que le fruit du plan le plus perfide pour tuer l'assignat, mettre une bride au Corps législatif et placer la République sous la tutelle d'une banque! Quelques jours après, néanmoins, le 19 février 1796 (30 pluviôse an IV); la planche aux assignats était détruite: le montant de l'émission avait atteint 45.581.411.618 frcs, sur lesquels 34 à 35 milliards. restaient encore en circulation, chiffres astronomiques pour l'époque! LA CA.ISSE DES COMPTES COURANTS ET LA CAISSE D'ESCOMPTE DU
COIHIHERCE
Plus rien ne s'opposait désormais à l'établissement de banques : la première fut constituée au mois de juin 1796, sous le nom de Caisse des Comptes-Courants, et s'installa à l'ancien hôtel Massiac, place Notre-Dame-des-Victoires. Société en ~ommandite au capital de 5.000.000 fres effectivement versés, la Caisse des Comptes-Courants escomptait seulement les effets revêtus de trois signatures à l'échéance de trois mois au maximum; il semble que le taux d'escompte fut constamment de 6 p. 100. - La circulation de la Caisse atteignit 20.000.000 fres, en coupures de 500 et de 1.000 frcs. Dirigé par des banquiers, le nouvel établissement, dont les moyens étaient d'ailleurs très restreints, fonctionna surtout à leur profit, ce qui amena la création, le 24 novembre 1797, d'une Caisse d'Escompte' du Commerce ayant « plus pour but de procurer à ses actionnaires et aux marchands des facilités pour leur commerce, que de chercher des. bénéfices dans les opérations qui s'y faisaient ». Le capital effectif de· 1. [Arch. Nat., A D. XI 58.1
LES PREl\:IIÈRES BANQUES FRANÇAISES
15
cette « Union de Crédit » fut de 6.000.000 {res, pour un capital nominal de 24.000.000 fres ; la circulation atteignit également 20.000.000 fres 1. L'utilité de la Caisse des Comptes-Courants et de la Caisse d'Escompte du Commerce fut extrême, du point de vue psychologique, car leur gestion régulière et intègre contribua beaucoup à atténuer la méfiance alors générale pour le papier-monnaie, mais elle fut, économiquement, à peu près nulle. Aussi le besoin d'une véritable et puissante banque d'escompte, susceptible de secourir à la fois le Trésor public, l'industrie et le commerce, apparaissait-il à tous. - Les pétitions et projets adressés aux Assemblées législatives étaient, par exemple, si nombreux, que le Conseil des Cinq-Cents nomma une Commission spéciale pour les examiner. Le rapport, banal, que Lecointe-Puyraveau lui présenta, au nom de cette commission, le 1er avril 1799 (12 germinal an VII), dénotait l'indécision et la crainte d'abus; cependant, le Conseil invita le Directoire exécutü « à employer tous les moyens en son pouvoir pour assurer et favoriser l'établissement et l'indépendance de banques particulières propres à répandre dans tous les départements les signes monétaires, à éviter à la République des transports d'argent, à fournir au commerce et à l'agriculture les signes d'échange dont ils pourraient avoir besoin 2 ». Parmi les pétitions adressées vers cette époque aux Pouvoirs Publics, il s'en trouvait une 3, intéressante entre toutes, par sa teneur et la qualité des signataires, au nombre desquels figurait notamment Lecouteulx. Cette pétition exposait, en effet, qu'un capital de 10.000.000 fres en numéraire, souscrit par des associés, serait insuffisant pour donner à un établissement de banque toute l'influence qu'il pourrait avoir sur la prospérité publique, et elle invitait le Directoire à examiner s'il ne serait pas convenable que l'État encourageât la formation d'une banque d'escompte par le prêt d'une même somme de 10.000.000 frcs, prêt qui serait consenti par le Trésor public poùr quinze années, sans intérêt. Ainsi se trouvait directement posée la question de savoir si l'État devait commencer par étayer la banque d'escompte à laquelle il ferait lui-même appel et si ce concours n'était pas incompatible avec la réalité d'une indépendance qui semblait nécessaire à tous. Toutefois, les conditions de stabilité gouvernementale et la confiance indispensable à la réalisation d'une aussi grande entreprise firent défaut pendant tout le cours de l'été et de l'automne 1799 et ne se trouvèrent réunies qu'après le 18 Brumaire. 1. Cf. l ..éon Say, Dictionnaire des }lin'l.nces, t. 1, p. 301. de la Banque de France, p. 92. 2. [Arch. Nat., AD. Xl, 58.] 3. [Arch. Banque de France (s. d.).]
Alp. Courtois fils, I-listoire
NOUVEAUX PROJETS DE BANQUE
16 LA SITUAfION FINANCIÈRE AU DÉBUT DU CONSULAT
LE CONSULAT ET L'El\iPIRE
La situation dont hérita alors le Consulat était lamentable : les contributions directes, qui constituaient la principale source de revenus, n'étaient pas perçues et les dépenses étaient très supérieures aux ressources; les fonctionnaires n'étaient pas payés; les pensionnés et les rentiers ne recevaient qu'un papier avili: les bons d'arrérages, que les agioteurs - et il s'en trouvait même parmi les comptables du Trésor - se disputaient ainsi que les bons de réquisitions, délé.. gations et rescriptions, pour acquitter à vil prix les contributions publiques. Dans ces circonstances, les Consuls de la République appelèrent heureusement au ministère des Finances, Gaudin - le futur duc de Gaëte - qui, quelques jours seulement après sa nomination, proposait un remarquable programme de réalisations immédiates. Le programme de Gaudin, aussitôt adopté par les Consuls, comprenait la suppression de l'emprunt forcé progressü, la liquidation et le remboursement des divers papiers restant en circulation et l'ajustement des recettes aux dépenses afin de pourvoir, aussi vite et bien que possible, aux besoins des armées en campagne. Pour atteindre ses fins, Gaudin réorganisa l'Administration et créa l'Agence des Contributions directes; d'autre part, il exigea des Receveurs généraux le dépôt d'un cautionnement et l'engagement de verser - à partir du 22 mars 1800 (1 er germinal an VIII) - les contributions directes de l'année en cours en douze termes, pour chacun desquels ils étaient tenus de souscrire des rescriptions payables ,à date fixe. Enfin, la loi du 27 novembre 1799 (6 frimaire an VIII) créa la Caisse d'Amortissement, qui reçut c~mme première dotation les cautionnements des Receveurs généraux montant à 10.800.000 frcs : la direction en fut confiée à Mollien. - La Caisse devait rembourser les obligations des Receveurs protestées à l'échéance. Dans ce cas, les Receveurs généraux délivraient à la Caisse d'Amortissement, qui pouvait les négocier, de nouvelles obligations à deux mois de date. Ces diverses mesures, à la fois pratiques et habiles, furent exécutées sans perte de temps et complétées par l'organisation d'une loterie nationale extraordinaire. Quoique son activité s'étendît dès cette époque à presque tous les domaines, Bonaparte apportait une attention particulière à l'étude des problèmes financiers: il s'appliquait à perfectionner les projets de son ministre et son autorité s'exerçait constam·ment pour en assurer la réalisation. - Il estimait, en effet, comme il l'avait déclaré dans son message, que « chaque jour (devait) être marqué par un pas de plus vers la création d'un Système général de Finances ~.
CHAPITRE II
CRÉATION DE LA BANQUE DE FRANCE CRÉATION DE LA BANQUE DE FRANCE. RÉUNION A LA CAISSE DES 'COMPTES-COURANTS. LES STATUTS DE LA BANQUE DE FRANCE. VÉRITABLE CARACTÈH.E DE LA BANQUE.
Premier Consul, « à qui il était sans doute bien permis, selon le mot de l\101Iien, de ne pas connaître l'exacte théorie des banques >}, prit-il l'initia.tive des pourparlers dont sortit la. Banque de France ? Les historiens l'ont constamment admis. Il est vraisemblable, certain même, que le plan financier de Bonaparte et de Gaudin comportait l'existence d'Une grande banque d'escompte, mais rien, à notre connaissance, ne permet d'affirmer qu'ils sollicitèrent les principaux banquiers de Paris pour sa création. Les deux hommes qui présidèrent à la naissance de la Banque de France et exercèrent une influence prépondérante sur ses premières, ·destinées sont en effet ceux-là même qui, en 1796 et au début de 1799, en avaient conçu l'idée et s'étaient efforcés de la réaliser: Lecouteulx et Perregaux. Sans doute réussirent-ils, cette fois, grâce au concours empressé du Gouvernement consulaire, mais il est évident qu'ils n'attendaient ·que l'occasion favorable pour exécuter leur projet primitif, sous quelque Gouvernement que ce fût. Lecouteulx de' Canteleu, manufacturier rouennais, banquier, avait ·été, quoique noble, député par le Tiers-État à l'Assemblée Constituante : ses capacités techniques s'étaient notamment affirmées par la réorganisation de la société des mines d'Anzin, en 1794. - Théo'philantrope, il était ami personnel de Sieyès: Bonaparte en fit aussitôt un sénateur. Quant à Perregaux, banquier d'origine suisse, c'est une des figures les plus curieuses et, par certains côtés, mystérieuses, d'une époque -cependant fertile en individus d'exception 1.
L
E
1. Cf. Albert l'lathiez, .4ulour de Panlon. BANQUE DE FRANCE.
2
CRÉATION DE LA BA.NQUE. DE FR.. 4 NCE
18
LE CONSULAT ET L'EJ\1PIRE
Affilié dès le début de la Révolution à la section de sa résidence, capitaine d'une compagnie de fusiliers de la Garde Nationale, il s'était également signalé par des dons patriotiques importants. Chargé de mission en France et à l'étranger pour la découverte des « faussaires d'assignats >}, il avait été dénoncé et arrêté, mais relâché aussitôt. COlnment ne fut-il pas arrêté de nouveau et exécuté à la suite de Danton, c'est là que réside le mystère 1 On avait effectivement découvert, dans les papiers de Danton, une lettre qui prouvait que Perregaux remettait des sommes importantes, de la part du Gouvernement anglais, à des individus qui rendaient le service à ce gouvernement « de soumer le feu aux Jacobins et de les pousser au paroxysme de la fureur >}. Avait-il mis Robespierre dans son secret? Doit-on le considérer comme un agent de contre-espionnage? Les services qu'on en attendait étaient-ils si importants qu'ils dussent l'emporter même sur un crime? Quoi qu'il en soit, il ne fut pas inquiété. A peu près à la même époque, il était placé à la, tête du Comité des banquiers chargé de faciliter au Gouvernement révolutionnaire ses opérations de crédit et de change, pour solder les achats de vivres et d'armes que la France effectuait à l'étranger. En novembre 1798, Perregaux, d'ailleurs considéré comme un agent anglais, fut placé en surveillance, sur l'ordre du l\linistre de la Police, comme chercha.nt à nuire par ses discours à la Caisse des ComptesCourants... Un an plus tard, il était en tout cas en grâce auprès de Bonaparte, qui le nomma sénateur et lu.i donna, pendant plusieurs années, des preuves de sympathie 1. Le premier document relatif à la constitution de la Banque de France, do·nt nous ayons connaissance, est une lettre du fi janvier 1800 (16 nivôse an VIII 2), par laquelle Lecouteulx-Canteleu, Perregaux, Mallet, l\1autort, Périer et Perrée annoncent au Ministre des. Finances que les statuts de la Banque viennent d'être définitivement arrêtés et qu'ils ont été élus Régents, en exécution de l'article 10. - Comme ce projet de statuts avait été soumis, au préalable, à Gaudin, on peut supposer qu'il reçut l'approbation de Bonaparte. Sans plus attendre, les Régents exposèrent « les points généraux de protection et d'accession qu'ils (demandaient) au Gouvernement ~. Ils étaient intimement convaincus que le capital de 30.000.000 fres prévu ne pourrait pas se former assez vite, pour assurer le succès de la Banque, si le Gouvernement n'y contribuait pas. En conséquence, ils demandèrent : 1. Par la suite, Perregaux maria sa fille à 2. [Arch. NaL, A [0". IV, pla1. 221
~larnlont
et son fils it la fille de Macdonald.
CRÉATION DE LA BANQUE DE FRANCE
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1 ° Que les administrateurs de la Caisse d'Amortissement fussent autorisés à faire verser dans les caisses de la Banque les cautionnements des Receveurs généraux; 2° Que la moitié de ces fonds fût placée en compte-courant à la Banque pour y être à la disposition des administrateurs de la Caisse, et l'autre moitié convertie en actions de la Banque de France. La Banque s'engageait, d'autre part, à effectuer le remboursement de.s rescriptions non acquittées à l'échéance, jusqu'à concurrence tant des fonds versés à titre d'actions que de ceux qui existeraient dans ses caisses, à titre de compte-courant. C'était concilier les intérêts du nouvel établissClnent avec la sauvegarde des intérêts publics et le crédit des obligations des Receveurs généraux. 3° La Banque sollicita, enfin, l'autorisation d'installer ses services dans la maison nationale de l'Oratoire et la ci-devant église qui en faisait partie, rues Honoré et de l'Oratoire.
Deux décrets, en date du 18 janvier 1800 (28 nivôse an VIII), exaucèrent les vœux de la Banque de France. Ainsi, le Premier Consul accordait à la Banque la protection et le concours de son Gouvernement, mais il fit plus encore et lui donna son patronage personnel en s'inscrivant en tête des souscripteurs pour trente actions. Son entourage l'imita et on peut lire à la suite de son nom, sur la. liste de souscription, ceux de Joseph Bonaparte, de Sieyès, de Bourrienne, d'Hortense Beauharnais, de Clarke, Duroc, Grouvelle, Murat, Lemarois, etc... Quels mobiles incitèrent Bonaparte à soutenir aussi puissamment la nouvelle banque? Il était avant tout, semble-t-il, guidé par son intelligence et poussé par l'opinion. Un rapport de police du 28 nivôse an VIII déclare qu' « on ne voit de ressources que dans l'existence d'une banque formée par ùne association de particuliers et hors de la dépendance du Gouvernement )}, car «( les opérations de cette banque, en doublant le numéraire en circulation, faciliteraient toutes les rentrées et donneraient du mouvement au commerce 1 ». . A en croire Mollien, Bonaparte se serait aussi flatté de relever dans la Banque, qu'il appellera bientôt « ma Banque )}, une des ruines de la Révolution et il y aurait vu un moyen d'attirer à lui les principaux banquiers, en utilisant leur concours et en satisfaisant leurs désirs. La suite de cette histoire démontrera, s'il en était besoin, que Bonaparte devait rapidement ranger la Banque de France au nombre des institutions fondamentales de son prodigieux Empire 1 La protection consulaire, facteur incontestable de succès, provoqua cependant une assez vive inquiétude dans l'opinion publique. Si 1. (Aularrl, Paris sous le Consulat, t. l, p. 95).
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rudimentaire que fût l'éducation politique et financière des citoyens" l 'histoire des dernières années avait ancré dans les esprits le danger de toute compromission entre une Banque d'émission et l'État, touj ours tenté, par incapacité ou paresse, de recourir à des émissions immodérées de signes monétaires 1. L'inquiétude fut telle qu'elle motiva l'insertion d'une note au Moniteur du 27 janvier 1800 (7 pluviôse an VIII). Cette note expliquait que la Banque de France avait été comparée bien à tort à la Banque d'Angleterre, que son capital n'était point livré au Gouvernement, et que 30.000.000 fres en nature promettaient un crédit plus facile que 30.000.000 fres de créances, fût-ce sur le Gouvernement le plus exact à payer ses dettes. « La Banque de France, par la nature des opérations auxquelles elle se restreint, disait encore la note, ne court aucune chance de sc trouver en avance avec le Gouvernement: elle n'aura pour débiteurs que des particuliers solvables et contraignables. Elle offrira, par conséquent, toujours à ses créanciers l'avantage qui fait le mérite essentiel de toute créance : la solidité et l'exigibilité effective par le ministère de la loi )}. RÉUNION .(1 LA CAISSE DES COMPTESCOURA.NTS
Si la Banque de France naissait sous d'heureux auspices, certains motifs d'inquiétude n'en existaient pas moins, que les Régents devaient s'efforcer d'annihiler. C'est ainsi que le capital de la Banque était très faible. On a souvent écrit que les cautionnements des Receveurs généraux se montaient à 20.000.000 fres. Or, Mollien est absolument formel et les chiffre à 10.800.000 frcs, sur lesquels 5.000.000 frcs furent employés en actions de la Banque. Deux mille actions furent virtuellement souscrites par ailleurs dans les premiers temps, soit, au total, 7.000.000 frcs sur 30 1- D'autre part, une juste prudence incitait les individus à adopter vis-à-vis du nouvel établissement une attitude réservée. Il ne faut pas perdre de vue, enfin, que la coexistence de plusieurs autres établissements d'émission, dont les billets avaient acquis depuis longtemps droit de cité, était de nature à faire une concurrence assez redoutable à la Banque de France, qui allait avoir besoin de plusieurs mois pour s'organiser, recruter son personnel, imprimer ses billets. Dans ces conditions, il était naturel que ses, Régents recherchassent le double avantage d'une organisation existante et d'un crédit bien établi, par la réunion de la Banque de France à la Caisse des ComptesCourants. Dès le 19 janvier 1800 (29 nivôse an VIII), ils invitèrent les administrateurs de la Caisse des Comptes-Courants à examiner s'il ne leur conviendrait pas de réunir leur établissement à celui de la Banque, mais plusieurs conférences tenues alternativement chez Perregaux 1. Cf. Aulard, 01'. cit., t. l, p. 118, 121.
F....C-SIMII,I·; DES SIGN....TURES .... UTOGRAPHES DES PREMIERS ACTIONNAIRES DI'; LA BANQUE DE l"IliNCE. X RECO:-''''AlT. EX TÊTF.. CELLE DE N.ll'OL~ON (P. 19)
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et à l'Hôtel Massiac, et entrecoupées d'assemblées générales d.es actionnaires de la Caisse, ne permirent pas d'aboutir à un accord. La Banque acceptait de rembourser en numéraire les actions de la Caisse que leurs détenteurs ne vou}. La Banque ne négocie avec le Gouvernement que {< lorsqu'elle rencontre ses convenances et le complément de ses sûretés; enfin, elle est complètement hors de lui >}. 1. Cp,s diverses dispositions étaient inscrites, soit dans les statuts, soit dans le règlement intérieur. 2. Assemblée générale du 17 septembre 1800 (25 vendêmiaire an IX).
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Cependant, cette définition brillante laisse dans l'obscurité le caractère juridique de la Banque. Pouvait-on assimiler l'établissement à une société en commandite? Les actionnaires pouvaient-ils être obligés au delà de leur mise, les administrateurs tenus d'autre chose que d'une responsabilité morale et d'un compte d'administration? Autant de questions auxquelles le Conseil de Régence était fort embarrassé de répondre. C'est, en partie, pour s'éclairer sur cet objet qu'il constitua, dès le mois de mai 1800 (Floréal an VIII), un conseil contentieux composé de Berryer, Armey et Pérignon. Ces trois célèbres juristes déclarèrent, sans hésitation, que la Banque de France ne rentrait pas dans le cadre des sociétés générales ou ordinaires, ni dans celui des sociétés anonymes ou momentanées. En effet, les actionnaires n'avaient pas voulu contracter d'engagements absolus et illimités et la société n'était pas et ne pouvait pas rester secrète. La Banque rentrait-elle, du moins, dans la troisième catégorie de sociétés reconnue par les lois et les usages, la société en commandite? Pas davantage, semblait-il, car les auteurs qui en avaient écrit depuis la fameuse Ordonnance de 1673, étaient unanimement d'accord sur la nécessité de trouver, dans la société en commandite, un associé responsable, et la Banque n'en avait pas. Les sociétés qui s'étaient le plus rapprochées, dans le passé, de l'institution de la Banque : Compagnie d'Assurance, 1686; Compagnie des Indes Occidentales et Compagnie des Indes Orientales, 1664; Compagnie d'Afrique, 1696; Compagnie d'Occident, 1717, craignant l'extension de leur responsabilité, avaient obtenu des lettres patentes qui déclaraient que les directeurs de ces compagnies et les intéressés ne pourraient pas être inquiétés pour le paiement des sommes excédant celles qu'ils auraient versées dans l'établissement. Mais ces compagnies n'existaient que par la seule volonté royale et avaient un privilège. Or, « la Banque de France n'en a point et n'en veut pas avoir ». Les statuts de la Banque étant formels, comme nous l'avons indiqué, les conseils juridiques concluaient qu' « on ne paraît donc pas pouvoir craindre que les tribunaux... puissent jamais faire peser sur les Régents de la Banque et sur tous ceux qui y ont mis des fonds, des engagements plus considérables que ceux qu'ils ont entendu remplir ». Néanmoins, il ne suffisait pas que les statuts fussent enregistrés et reçussent date certaine par le dépôt chez un notaire 1; pour éviter tout aléa, le mieux serait que le Gouvernement provoquât une loi qui déterminerait le caractère trop longtemps controversé des sociétés par actions et qui, sans paraître s'occuper de la Banque, consoliderait pourtant son existence en faisant consacrer les formes et les principes d'après lesquels elle était établie. 1. Les statuts furf-nt déposés chez le 1800 (2P: prairial an VIIJ).
« ciloyt'n
Il
fie Mautorl, notaire et Régent, le 11 juin
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Un autre juriste, Delamare, que la Banque avait également 'consulté, concluait qu'elle aurait dû demander au Gouvernement une loi qui permît son établissement. Faute de l'a.voir fait, devait-elle solliciter une « loi immorale... destructrice du commerce et destructrice même du crédit de la B'anque )}, puisqu'elle permettrait à tous les intrigants d'échapper à 13, contrainte par corps? Non, la Banque ,de France devait se borner à demander une loi qui l'autorisât sous la forme adoptée 1 Le Conseil Général de la Banque chargea Perregaux, Ricard et Sabatier de communiquer les consultations des juristes à Camba~érès et à Lebrun, qui s'entourèrent des lumières de Tronchet, Muraire, Emmery, Portalis et Gorneau et se déclarèrent prêts à entendre la discussion de l'affaire dans une conférence. Cette conférence eut-elle jamais lieu? Nous n'en avons pas trouvé trace. Il semble que Portalis fut chargé de suivre l'a.ffaire, et c'est effectivement à lui et aux commissaires chargés de préparer la confection du ·Code de commerce que la Banque s'adressa, près d'une année plus tard, le 12 avril 1801 (22 germinal an IX), pour l'obtention des dispositions légales destinées à lui donner tous apaisements; mais lorsque fut promulgué le Code de commerce, la Banque avait été déjà dotée de deux statuts légaux: 1803, 1806 1 Il était intéressant de mettre en lumière ce curieux point de droit, d'où il résulte que la Banque de France fonctionna pendant trois années, en marge des lois existantes, avec le concours du Gouvernement.
CHAPITRE III
ACTIVITÉ DE LA BANQUE DE FRANCE DEPUIS SON ORIGINE JUSQU'A LA PAIX D'AMIENS PROMESSES DE BONAPARTE. LES « CORRESPONDANTS» DE LA BANQUE. ORGANISATION DE L'ESCO~fPTE. SERVICE DE I.JA LOTERIE NATIONALE. SERVICE DES RENTES ET PENSIONS. AUTRES SERVICES RENDUS PAR LA BANQUE DE FRANCE AU TRÉSOR PUBLIC. BARBÉ-MARBOIS, TALLEYRAND, l\fOLLIEN ET LA BANQUE DE FRANCE. COURS ET PLACEMENT DES ACTIONS DE LA BANQUE DE FRANCE.
L
Banque de France commença ses opérations le 20 février 1800 (1 er ventôse an VIII), comme l'avaient prévu les statuts.
A
Le premier geste des. Régents fut de présenter ces statuts aux Consuls réunis, le 25 février 1800 (6 ventôse an VIII). Bonaparte répondit à Lecouteulx, qui avait prononcé son éloge, « qu'on devait se persuader que le Gouvernement favoriserait de tout son pouvoir la Banque de France, non pour faire un usage particulier du créd~t qu'il pouvait obtenir, mais pour atteindre de grands résultats d'utilité générale dans la circulation et l'intérêt de l'argent; qu'on ne devait pas douter des vues du Gouvernement à cet égard, lorsqu'au milieu de ses besoins, il faisait le sacrifice d'une partie si importante de la recette qu'il obtenait par les cautionnements, pour la convertir ·en actions de la Banque }). La Banque de France avait hâte de recevoir les fonds mis à sa disposition par le Gouvernement pour constituer au plus vite une réserve .métallique importante : la sollicitude des Pouvoirs Publics répondit à son attente. Le 25 février 1800, la Caisse d'Amortissement effectue à la Banque un premier versement de 2.000.000 frcs en espèces et en billets de ;Caisse ; le 6 mars, un arrêté ordonne le versement à la Banque - qui .attribue ce nouvel avantage à la sollicitude de Cretet - des fonds
PROMESSES DE BONAPARTE
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déposés à la Caisse de réserve de la Loterie Nationale: ces fonds continuaient d'être spécialement affectés au paiement des lots échus, en cas d'insuffisance du produit ordinaire de la loterie; ils se montaient à 800.000 frcs. Enfin, le 19 mars (28 ventôse an VIII), un second arrêté prescrit. que tous les fonds existant dans la caisse du Receveur général du département de la Seine et provenant de la perception de l'octroi municipal de bienfaisance soient versés à la Banque, au crédit du compte-courant de l'octroi, ainsi q~alité des recettes ultérieures de l'octroi. Les dépenses imputables sur le produit de l'octroi devaient être acquittées dorénavant par la Banque, sur présentation des mandats tirés sur elle. « CORRESPONDANTS» DE LA BA.NQUE
La Banque se préoccupa ensuite de l'élaboration de son rè.glement intérieur, du recrutement de « correspondants >), puis de l'organisation de l'escompte, du service de la Loterie Nationale et du service des. rentes et pensions. Si la Banque de France voulait mériter réellement son nom et n'être pas seulement la Banque de Paris, il lui fallait prévoir, dès l'origine, l'extension de ses opérations à la France entière et même à certaines places étrangères. C'est dans cette idée qu'elle recruta un ou plusieurs correspondants par département et à l'étranger, n'accordant sa confiance qu'aux maisons les plus accréditées. Elle leur faisait, d'ailleurs, une obligation de devenir actionnaires, proportionnellement à l'importance des recouvrements qui leur seraient confiés. Dès le mois de mars 1800, la Banque était obligée de créer un bureau spécialement chargé des relations avec les correspondants, dont le nombre atteignait cent trente-quatre à la fin de l'année. Ceux-ci constituaient autant de « pierres d'attente pour le projet d'étendre aux grandes villes les avantages que la circulation (du) papier (de la Banque) procure au commerce de Paris ». Néanmoins; le zèle de ces correspondants était inégal; beaucoup tardaient à se rendre actionnaires et la Banque était obligée de nommer des « cOIIlmis-voyageurs » pour accélérer et surveiller leurs recettes. Cette activité de la Banque dans les départements n'était pas sans. provoquer des appréhensions inhérentes au particularisme provincial qui se traduisaient, par exemple, par un « mémoire sur les inconvénients de l'établissement d'une Banque à Lyon, sur les dangers des acceptations dans une ville de manufacture, etc... 1 ».
ORGANISATIOl\" DE L'ESCOMPTE
Dès le début de mars 1800, le Conseil de Régence donna à son Comité d'escompte des instructions précises. Provisoirement, le taux d'intérêt 1. [Arch. Nat., AF. TV·, 21fi.]
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fut fixé à 6 p. 100, l'échéance maximum des effets à soixante jours et la somme à consacrer à l'escompte à 1.900.000 frcs par décade. Le Conseil Général de la Banque demanda au Comité d'escompte de calculer ses opérations « de manière que les rentrées du portefeuille fussent conservées en quantité suffisante pour que, dans l'espace d'une décade, la proportion de l'argent en caisse fût d'un tiers avec les billets en circulation et d'une moitié avec le montant du débit en numéraire des comptes-courants ». Le 4 décembre 1800 (13 frimaire an IX), le Conseil Général substitua au principe de l'égalité des présentateurs devant la Banque de France, un nouveau mode d'escompte qui devait provoquer des critiques véhémentes de Mollien et de Bonaparte. Le Conseil partait de ce principe que l'actionnaire qui a lié son sort à celui de la Banque est en droit d'exiger plus que ceux qui y demeurent étrangers. En conséquence, les titulaires d'actions de la Banque reçurent le droit de présenter des effets à l'escompte à raison de 5.000 frcs par action, tandis que le droit à présentation était limité à 15.000 frcs, au maximum, pour les non actionnaires; les escomptes accordés aux présentateurs étaient donc à la fois fonction du nombre des actions et du montant global des effets présentés. Perregaux attribua à cette mesure la cessation des demandes indiscrètes d'escompte et l'augmentation des demandes d'actions (15.000 en 1801 contre 7.447 en 1800). L~s escomptes augmentèrent rapidement, passant de 110.500.000 frcs eu l'an VIII, à 320.700.000 fres en l'an IX et à 627.900.000 fres en l'gn X, tandis que l'encaisse, oscillant entre 5 et 15.000.000 frcs, se maintenait à 8.000.000 fres en moyenne. Par contre, la circulation des billets l' augmenta très lentement : 15.500.000 fres en l'an VIII; 20.600.000 fres en l'an IX et 29.100.000 frcs seulement en l'an X 2. Elle paraît encore plus faible, si on la compare à la circulation de la Caisse des Comptes-Courants. Bref, le rôle de la Banque de France comme banque d'é.mission fut à peu près nul pendant les trois premiers exercices. - On s'explique cependant la chose en considérant l'importance des opérations commerciales qui se traitaient au comptant, la pénurie de « bon papier », la valeur élevée des coupures (500 frcs au minimum) et l'étroitesse du champ de la circulation. La Loterie était, en 1800, une de nos plus vieilles institutions nationales. Établie par François 1er, interdite par Louis XIV (1687), rétablie par Louis XVI (1776), abolie par la Convention (15 novembre 1793), rétablie par le Directoire (30 septembre 1797- 9 vendémiaire an VI) 1. La Banque de France utilisa, à l'origine, les billets de la Caisse des Comptes-Courants légèrement modifiés. 2. Ces chiffr~s correspondent à la moyenne annuelle.
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et conservée par le Consulat, elle avait été constamment blâmée, au nom de la morale et des principes, et deux fois rétablie en considération des ressources qu'elle procurait au Trésor 1. C'est que ce « fléau >}, pour reprendre l'expression de Talleyrand, exerçait sur les « miseurs >} à la « roue de fortune » une attraction irrésistible, par les combinaisons passionnantes, sinon avantageuses extrait, ambe, terne, quaterne, et quine - qu'elle leur offrait. Par un traité passé le 6 avril 1800 (16 germinal an VIII) entre l'Administration de la Loterie Nationale et la Banque de France, sous l'approbation du Ministre des Finances, la Banque se chargeait du recouvrement de toutes les sommes à verser par les Receveurs de la Loterie dans tous les départements de la République, pays réunis et conquis, non compris le département de la Seine et quelques com~ munes de Seine-et-Oise. Les recouvrements devaient être effectués dans un délai de quarante jours et les comptes entre la Loterie et la Banque réglés tous les dix jours. Au début, la Banque envoya à la Loterie une simple lettre de reconnaissance de ses engagements, puis, par la suite, des valeurs à ordre, à échéance fixe et négociables, car le Trésor public désirait être à même de jouir de ces ressources avant l'époque fixée pour leur réalisation 2. Les correspondants de la Banque étaient autorisés, soit à fournir aux Receveurs de la Loterie les sommes nécessaires au paiement des billets gagnants qui excèderaient la recette, soit à acquitter directement les billets gagnants, sous réserve, dans l'un et l'autre cas, qu'ils fussent visés et timbrés par un inspecteur de la Loterie. C'est dire que la Banque de France faisait aussi des avances de fonds à la Loterie pour le paiement des lots, arrangement très précieux alors pour le Trésor public. La Banque recevait, comme rémunération, 2 p. 100 sur le total de ses recouvrements et 4 p. 100 d'indemnité sur les versements de monnaie de cuivre de billon excédant le 1/40 e des sommes remises par les Receveurs 3. Bien que les frais occasionnés à la Banque par ce service fussent élevés, elle y attachait de l'importance, en raison de la jouissance des fonds de réserve et des fonds du compte-courant de la Loterie, qu'elle en tirait. SERVICE DES RENTES ET PENSIONS
Au 18 Brumaire, 35.000 rôles restaient à établir pour les contributions de l'an VII, et celles de l'an VIII n'étaient pas décrétées. 1. Elle fut définitivement aholie le 21 mai 1836. 2. Le terme de ces valeurs, d'abord fixé à trois mois, fut réduit à 60 jours à partir du 1 el juillet 1801. 3. Cette disposition se justifiait parce que les luises modiques, qui représentaient les 2 j3 des recouvrements des départements, étaient en majeure partie pa~rées en monnaie de cuivre qui se vendait à Paris avec 4 ou ;) p. 100 de perte.
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Au mois d'août 1800, non seulement la perception des contributions de l'an VIII était partout en activité depuis plusieurs mois, mais tout était préparé pour que les rôles: de l'an IX fussent mis en recouvrement à partir de septembre. D'autre part, le système des obligations des Receveurs généraux s'asseyait et se consolidait. « Nous avons l'assurance de réunir, d'ici au commencement de l'an IX dans les coffres de la République, sur les se.ules &ontributions. directes, écrivait Gaudin, p.our plus de 200.000.000 frcs de valeur d'une rentrée bien assurée 1 )}. Le. Ministre des Finances s.'autorisait de ces résultats pour proposer avec confiance aux Consuls une mesure qu'il croyait « également importante et pour le crédit national et pour le rétablissement de l'ordre dans les finances...., (le) payement des rentes en numéraire ». Mais. comment. substituer ce mode de paiement aux « bons d'arrérages? )} - « La Banque de France, répondait Gaudin, nous offre un moyen facile et sûr de réaliser à des époques certaines le paiement en numéraire des rentes et pensions. Il suffira de prélever sur les deux cents et tant de millions d'obligations que les Receveurs généraux vont souscrire pour les contributions de l'an IX, la quantité nécessaire qui sera remise à l'avanc.e à la Banque chargée d'en faire le recouvrement J'ajouterai" comme une considération favorable à la proposition , le mouvement et la faveur que devra donner aux opérations de la Banque un s;ervice public auquel se rattac.hent de si nombreux intérêts »... La Banque était prête à assumer ce service'. Dès le 5 juillet 1800 (16 messidor an VIII), à la suite d'un échange de vues avec les Pouvoirs Publics, elle avait même proposé au lVIinistre des Finances, de s'en charger. - Le Conseil Général, considérant que le paiement des rentes était « destiné au soulagement de la classe. infortunée sur laquelle les malheurs de la Révolution ont le plus pesé >}, était d'ailleurs décidé à n'épargner aucun sacrifice pour effectuer ce service avec la plus exacte régularité~ Les C(}nsuls approuvèrent les suggestions de Gaudin et l'arrêté du 11 août 1800 (23 thermidor an VIII) mit à la charge de la Banque le paiement en numéraire du deuxième semestre an VIII des rentes et pensions de l'État. L'arrêté spécifiait que la Banque ne pourrait donner dans chaque paiement plus du vingtième en monnaie de cuivre, et qu'elle ferait payer par ses correspondants dans les départements, tous les' rentiers et pensionnaires qui y étaient alors payés et ceux qui voudraient l'être à l'avenir. L'arrêté du 11 août 1800 fut suivi d'un traité en date du 13 octobre 1800 (21 vendénliaire an IX) entre le Ministre des Finances et la Banque. Aux termes de ce traité, les paiements devaient s'ouvrir 1. Rapport de Gaudin aux Consuls, juillet-août 1800 (thermidor an VIII,. s.. quantième). [Arch. Nat., AF. IV, plaq. 103.]
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le 22 décembre 1800 (1 er nivôse an IX) pour ne prendre fin qu'en juillet 1801, et le Trésor public s'engageait envers la Banque à faire les fonds en obligations dont les échéances s'échelonneraient du 21 novembre 1800 (30 brumaire an IX) au 19 juin 1801 (30 prairial an IX). La Banque de France, qui allait avoir 300.000 « parties » de rentes et pensions à payer par semestre, reçut une commission de 1 1 /2 p. 100, rémunération qui semble modérée si l'on tient compte des difficultés qu'elle allait rencontrer au début du service 1. Dès le mois de brumaire an IX, le Trésor public, par suite « d'autres dispositions », ne put donner à la Banque de France la totalité des obligations qu'il s'était engagé à lui remettre et y suppléa, en partie, par des bons à vue sur les Receveurs généraux; les avances de la Banque atteignirent jusqu'à 900.000 frcs et elle évita de faire protester 8 à 10.000.000 fres d'obligations que les Receveurs étaient dans l'impossibilité de payer, accordant des délais de quinze, vingt et trente jours 2 et contribuant ainsi puissamnlent à 1'3~mélioration du crédit des obligations, en particulier, et du crédit public, en général. Enfin, la Banque se prêta à toutes les convenances de la Caisse d'Amortissement, en échangeant les obligations protestées contre d'autres obligations, sans autre intérêt que 1 /2 p. 100 par mois, du jour de la conversion à celui de l'échéance des nouvelles valeurs. Le Directeur Général de la Banque, Garat, estimait que le service des rentes pour le 2 e semestre de l'an VIII avait rapporté à la Banque 495.000 frcs et lui avait coûté 460.332 frcs: le bénéfice ressortait à 34.668 frcs 1 L'attribution du service de paiement des rentes et pensions à la Banque s'explique, selon l'aveu même du l\1inistre du Trésor public 3, par les difficultés qu'il éprouvait alors à recouvrer directement les obligations des Receveurs génér~ux, seule valeur qu'il eût à sa disposition. Ainsi, moins-d'un an après sa création, la Banque de France permettait au Gouvernement d'effectuer le paiement des rentes et pensions en numéraire, mesure indispensable au parfait rétablissement de la confiance publique. De nouveaux traités entre le Ministre des Finances, et la Banque de France pour le paiement des rentes et pensions 'furent ensuite passés: 1. Le traité' ne garantissait pas la Banque contre les « enl-?vements de force maj eure » des fonds destinés au paiement des rentes, tuais une lettre de Gaudin lui donna tous apaisements à ce sujet. 2. Il est assez vraisemblable que le Trésor donnait à la Banque les obligations les plus difficiles à recouvrer. 3. [Arch. Nat., AF. IV, 108ft]
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1 0 Le 17 juin 1801 (28 prairial an IX) pour le premier semestre de l'an XI. - La Banque avait consenti à accepter soit des bons à vue, -soit des obligations des Receveurs généraux, mais elle avait refusé de traiter pour une commission de 1 p. 100 et même de 1 1 /3 p. 100, car elle avait encore à couvrir des frais extraordinaires provoqués par le service. C'est ainsi qu'elle avait dû faire construire un bâtiment spécial assez considérable et créer plusieurs bureaux qui occupaient trente employés. La consommation d'espèces au moment des paiements était par ailleurs très importante et la Banque essayait d'y remédier en faisant venir, à perte, des écus des départements. 2° Le 17 décembre 1801 (26 frimaire an X), la Banque avait demandé à Barbé-Marbois, Ministre du Trésor public chargé de ces négociations, la conclusion d'un traité pour « plusieurs années », mais elle n'obtint qu'un engagement d'un an (deuxième semestre an IX, premier semestre an X) Inoyennant une commission de 1 1 /4 p. 100 1. 3° Le traité du 26 frimaire an X fut inopinément résilié avec le consentement de la Banque, après le paiement des rentes et pensions du second semestre de l'an IX, et un nouveau traité fut passé vers le début de juillet 1802 2, aux termes duquel la Banque renonçait au service dans les départ~ments et se contentait d'une commission de 3/4 p. 100. Le Trésor public s'engageait, pour sa part, à faire les fonds en billets ~NSIONS. A YEIL_L~ ~'VNE .N9UV~~L~ CRI~E.
LA
de temps après la conclusion de la PaiX, d'Amiens, la Banque de France avait éprouvé de vives inquiétudes au sujet de son encaisse, qui était tombé de 13.000.000frcs, le 30 juin .1802, à 7.000.000 frcs le 26 juillet. Elle avait alors obtenu l'exemption du droit de souveraineté ·sur la fabrication en espèc.es de France des piastres qu'elle réussissait à se prOCUf,er 1, mais, malgré des achats importants, la situation demeura préoccupante : le 5 février 1803 Pencaisse atteignait seulement 9.800.000 frçs. Lorsque la rupture de la paix apparut certaine, les Consuls prohibèrent l'exportation du numéraire (12 mars), et celle de toute espèce de matières d'or ou d'·argent (14 mars), mais l'encaisse diminua de nouveau, passant de 8.600.000 frc~ le 25 mars à 7.200.000 fres le l~r avril 2. La Banque redoubla alors d'efforts et de sacrifices, achetant toutes les piastres qu'elle pouvait se procurer, et invitant ses correspondants à lui envoyer toutes l~s espèces disponible~ dans leurs départements. Ainsi s'explique certainement le fait que la rupture effective avec l'Angleterre (20 mai 1803) n'ait pas aggravé la situation de l'encaisse; mais le cours du 5 p. 100 s'effondra à 47 fres, le 25 mai, çontre 65 frs 90, le 5 mars, et l'action de la Banque de France ne ,se comporta pas mieux, ~otant 1.072 fres 50, le 31 mai, contre 1,385 fres le 5 mars.
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1. Arrê't.é des Consu)~ dl} 16 juillet 180~ (~7mes_sido.r an X). 2. D'autre part, le l\1inistre du Trêsor public versa en espèces dans les caisses de la Banque de France. par les RecevE'urs ~éJléraux, 1.500.000 frçs. le 22 décerobre 1802 (1·~ nivp~
an XI)
~t
1.400.000
Irc~
le 13 avril 1803 (23 germinal.an
XI)~
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En même temps, des faillites éclataient de toutes parts, provoquées par ces spéculations maritimes qui inquiétaient si justement Bonaparte : toutes les lnaisons de Paris en éprouvaient plus ou moins les effets. Cependant, la prudence de la Banque' de France la plaça - selon le mot de Perregaux - dans une situation « brillante » : son encaisse remonta à Il.600.000 frcs, le 30 juin, à 13.200.000 fres, le 15 juillett et à 16.400.000 fres, le 1er août. Elle paraissait donc en mesure d'aider efficacement la place, mais ne réussissait pas à donner plus de latitude à ses escomptes, par les moyens ordinaires, tant le bon papier était rare et l'enchaînement des faillites redoutable. Vers la mi-août, on pouvait craindre que l'état de la place n'empirât de la Dlanière la plus alarmante, si la Banque ne se hâtait pas de venir au secours d'un grand nombre de fortes maisons dont la catastrophe était imminente; on pouvait même appréhender que le contre-coup de ces faillites n'ébranlât le crédit de la Banque, malgré la solidité des maisons dont elle avait escompté les effets. La Banque décida alors, en principe, le 16 août 1803 (28 thermidor an XI), qu'elle donnerait des secours aux maisons détentrices de marchandises dont l'état de gêne ne provenait que de la diffiLulté de trouver des acheteurs solvables. lVIais, comme ses statuts ne lui permettaient pas de prêter directement sur dépôt ou sur gage, il fallait trouver une combinaison qui rendît le secours à la fois utile aux emprunteurs et sans danger pour la Banque : une comnlission, composée de Delessert, Thibon, Sevène et Davillier, fut chargée de la rechercher. !..ja semaine suivante, l'escompte tomba à 6.846.200 frcs contre 9 à 10.000.000 frcs, en moyenne, les semaines précédentes, et la maison B?rillon et Cte suspendit ses paiements en même temps que MM. Gramagnac et CIe, ses associés. Le Régent Barillon demanda à la Banque, d'une part, un secours de 2.000.000 frcs, gagé par des denrées coloniales et les signatures de Fulchiron, Récamier, Grammont, Chegaray, Basterrèche ; de l'autre, un escompte extraordinaire de 1.000.000 fICS, garanti, en outre, par Desprez et Bastide. La Banque de France arrêta d'accorder un crédit extraordinaire sur les 800.000 frcs de marchandises existant à Paris, et d'escompter, à deux mois, les traites souscrites et garanties solidairement par les maisons sus-mentionnées, jusqu'à concurrence de 2.200.000 frcs, à la condition que la dette fût éteinte d'un tiers à chaque renouvellement et définitivement remboursée au bout de six mois. Par ailleurs, la Banque accorda des escomptes extraordinaires jusqu'au 24 septembre (1 er vendémiaire an XII) aux maisons établies à Paris « qui, étant au-dessus de leurs affaires, ne se (trouvaient) gênées que par la stagnation dans la vente de leurs marchandises et qui (avaient) beaucoup d'engagements dans le portefeuille de la Banque ». Ces maisons devaient vendre leurs marchandises à des commerçants patentés à Paris, ayant la confiance de la Banque et présenter ensuite
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la Banque, aux fins d'escompte, les traites acceptées par les acheteurs avec une troisième signature: le mode d'extinction était le même que celui adopté pour la créance Barillon et Cie. Or, quelque temps après, Perregaux pouvait déclarer à l'Assemblée générale des actionnaires (octobre 1803) : qu' « après avoir traversé une crise sans exemple, qui avait donné lieu à plus de 15.000.000 frcs de remboursements extraordinaires; qu'après avoir escompté au commerce plus de 510.000.000 frcs en capitaux », le compte des effets en souffrance à la Banque était de 66.000 frcs. La perte ressortait, à peu près, à 1 p. 100 1Dans le nombre considérable des traites admises à l'escompte, beaucoup avaient été acceptées par des commerçants qui avaient cessé leurs paiements, mais les cédants avaient remboursé la Banque sans délai, dans la presque totalité des cas 1. â
La loi du 24 germinal et la crise qui l'avait suivie faisaient un devoir à la Banque de France d'améliorer encore son mode d'escompte.
A partir du 21 septembre 1803 (4 e complémentaire an XI), elle admit en fait les effets à deux signatures notoirement solvables, à condition qu'ils fussent créés pour fait de marchandise et accompagnés d'un transfert d'actions de la Banque, prises pour leur valeur nominale 2. D'autre part, le Comité central de la Banque accepta le papier à soixante-quinze jours d'échéance et fixa, de concert avec les négociants du Conseil d'escompte, le crédit que méritait chaque négociant, compte tenu de l'état des affaires, de la conduite et de la moralité des individus. C'était là, écrivait Perregaux à Bonaparte, « un guide certain pour apprécier la classe commerçante 3 ». Désormais, « on ne pourra [donc] plus se plaindre que la Banque de France néglige le petit commerce pour réserver ses distributions à la haute banque ou aux commerçants de première ligne, disait le censeur Journu-Auber... La plus humble signature ayant (au Comité d'escompte) ses appuis et ses défenseurs, ne peut être repoussée si elle est notoirement solide, avec cet avantage encore, sur la ci-devant Caisse du Commerce, que celle-ci n'admettait à l'esçompte que ses actionnaires, tandis que la Banque de France n'en excluera personne 4 ». Cependant, cette réforme de l'escompte ne satisfit pas, du tout, Molli~n, dont l'influence sur l'esprit de Bonaparte allait croissant. « La Régence de la Banque, lui écrivait-il au début de 1804 (ventôse 1. Sur l'ensemble de la crise de 1803: Cf. Corresponrlance de Perregaux avec Bonap~rte. rAreh. Nat., AF. IV, 1070-1071.] 2. Les demandes d'escompte sur efTets à deux signatures devaient être appuyées d'un certificat d'individualité signé de trois personnes connues. La décision appartenait au Conseil Général, sur avis du Conseil d'escompte. S. 21 novembre 1803 (29 brumaire an XII). fArch. :Sut., AF. IV, 1071.] 4. Asseomhlée générale des actionnaires de 1RO:::l.
RÉORGANISATION DB L'ESCOMPTE
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LE CONSULAT ET L'EMPIRE
an XII), n'a pas suffisamment amélioré son système d'escompte; elle reste fort au-dessous des devoirs que lui impose la nouvelle loi. La Banque de France, au lieu de devenir un grand instrument public, reste le comptoir à peu près exclusif de quelques banquiers... Qu'attendre de mieux d'une réunion de quinze chefs de maisons de commerce qui ne portent à la Banque que le souci de leurs affaires propres, qui n'y cherchent que des préférences d'escompte, qui ne mesurent l'avenir de la Banque que par leur avenir personnel: l'inconvénient est dans l'institution même! La Banque de Londres n'y échappe que parce qu'elle est administrée par un chef unique, sous le nom de Gouverneur, mais quel homme, en France >}, pourrait remplir ce poste 1 ? Deux ans à l'avance, cette lettre fait déjà pressentir le régime de 1806... SECOURS AU TRÉSOR
PUBI..IC
Les préparatifs de guerre, joints à la crise commerciale, aggravèrent rapidement la situation du Trésor public, qui fit aussitôt appel à la Banque de France, sous une forme nouvelle, en partie. Bonaparte avait trouvé l'entremise des banquiers escompteùrs d'obligations trop coûteuse, leurs services gênants peut-être, par leur importance même, et il les avait remplacés, en août 1802 (30 thermidor an X), par l'Agence des Receveurs généraux, qui s'était fait ouvrir aussitôt un compte à la Banque de France. En fait, les Receveurs généraux prêtaient au Trésor ses propres fonds, puisqu'ils pouvaient verser en seize, dix-sept et dix-huit mois, des contributions qu'ils avaient la faculté de recouvrer en douze 2. Parfois, ils s'adressaient eux-mêmes à la Banque pour en tirer des secours, arguant, à l'origine, de leur qualité d'actionnaires 3. C'est ainsi qu'ils demandèrent, le 13 août 1803 (25 thermidor an XI), l'ouverture d'un crédit de 5 à 6.000.000 fres, demande portée à 10 ou 12.000.000 frcs le 16 août, sans préjudice et sans diminution de l'escompt~ ordinaire que l'Agence était dans le cas de recevoir toutes les semaines. Lorsqu'on connaît l'acuité de la crise à cette date, on comprend que la Banque se soit d'abord refusée à prendre des engagements, tant que le commerce n'aurait pas été suffisamment secouru. j\Jlais, le 17 août (29 thermidor an XI), elle consentit à escompter du papier souscrit par les douze Receveurs composant l'Agence, sur garantie supplémen1. [Arch. Nat., AF. IV, 1070.1 2. L'agence des Receveurs généraux recevait aussi dc~ particulien tout(l:S les sommes qu'ils désiraient faire passer dans les départements et leur en délivrait, sur les Receveurs des contributions, des mandats payables sur tous les points des divers départements. (Almanach National de l'An XII.) 3. Les titres détenus par l'Agence étaient divisés entre les Receyeurs généraux, qui déclaraient conjointement n'en pas avoir la propriété, et promettaient d'en passer transfert à la premiè-re réquisition. En octobre 1803, l'Agence des Receveurs généraux était propriétaire de 1.726 actions de la Banque de France.
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taire d'une égale somme en obligations et jusqu'à concurrence de 5.000.000 frcs. Le même jour, la Banque accorda au Trésor public un prêt de 10.090.000 fres pour le service des rentes et pensions en vendémiaire an XII, à condition que ce prêt ne fût pas détourné de son affectation, que la Banque reçût des valeurs à court terme et qu'il ne fût rien:.changé aux modalités du service 1. Le 25 août (7 fructidor an XI), le Consul Lebrun, sans doute encouragé par ces succès, demanda à la Banque un escompte illimité pour le montant de la somme dont elle pourrait disposer en vue d'aider la Place : la Banque accorda de nouveau 10.000.000 frcs, contre des « obligations volontaires » (sic) des Receveurs généraux sur les contributions volontaires pour l'armement contre l'Angleterre, moyennant 1 /2 p. 100 par mois d'intérêt et les frais de recouvrement~ Le Régent Delessert s'était opposé à ces trois derniers prêts qui, en remplissant le portefeuille de la Banque de valeurs se négociant à un taux inférieur à celui du papier du commerce, auraient, tôt ou tard, disait-il, « l'inévitable effet de rendre le crédit de la Banque entièrement dépendant des événements politiques, de l'assimiler au crédit incertain et chancelant des fournisseurs ». Deux mois passent, à peine, et Barbé-Marbois demande encore à la Banque un prêt de 10.000.000 frcs. Elle s'y refuse (22 octobre 1803 -29 vendémiaire an XII), observant qu'elle a en portefeuille 20.000.000 frcs d'obligations provenant des opérations pour le service du Trésor public, sur lesquels 3.900.000 frcs seulement sont disponibles 2 ; mais le Gouvernement insiste et la Banque décide de lui donner 5.000.000 frcs dans le courant de brumaire, contre des obligations échéant en frimaire. Toutefois, la Banque pose des conditions : elle réclame, outre l'escompte ordinaire, une indemnité pour les pertes résultant de cette négociation (frais de commission et de transfert, risques de route, non jouissance des fonds qui ne peuvent être' encaissés que dans le mois suivant l'échéance) et surtout, elle demande au lVlinistre de diminuer la masse des obligations de la Banque et de fixer le terme le plus prochain au recouvrement de celles qui n'existent dans ses caisses qu'à titre de dépôt, subordonnant tout nouvel escompte à la réalisation de ces deux dernières conditions. l\lais le Trésor est insatiable et, le 23 novembre 1803 (1 er frimaire an XII), le Gouvernement réclame un escompte de 20.000.000 fres que là Banque de France refuse, en faisant remarquer qu'il entraînefait la suspension, pendant deux mois, de l'escompte commercial. Toutefois, un arrangeme:p.t se conclut le surlendemain : le Gouvernement réduit sa demande à 10.000.000 frcs, échange des obligations 1. Dans ces 10.000.000 frcs, étaient colnpris les 4.400.000 Ires qui se renouvelatent depuis plusieurs mois. Cf. Sllpra, 'P. 53. 2. C'est-à-dire susceptibles d'être négociées par la Banque.
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LE CONSULAT
ET
L'EMPIRE
non disponibles contre des valeurs disponibles. Un mois plus tard, le 28 décembre (6 nivôse an XII), la Banque accorde au Ministre du Trésor la faculté de faire escompter, éventuellement, 3.000.000 frcs d'obligations de pluviôse et 3.000.000 frcs d'obligations qui étaient encore en arriéré sur les crédits précédemment accordés. On calcule alors qu'il restera dans le portefeuille de la Banque, - après la réalisation des obligations de l'échéance de nivôse une somme de 27.100.000 frcs~ tant en obligations des Receveurs qu'en traites de coupes de bois. Enfin, à cette même date, la Banque consent encore un escompte de 5.000.000 frcs à l'Agence des Receveurs généraux, contre un transfert d'actions. INTENTIONS ET EXIGENCES DE N.4POLÉON ENVERS LA BA.NQUE DE FRA.NCE
Vers cette époque, le 24 novembre 1803 (2 frimaire an XII) exactement, Bonaparte écrivait à Perregaux une lettre qui dénote à la fois l'intérêt qu'il portait à la Banque, la conception qu'il en avait et les services toujours accrus qu'il en attendait. « J'ai compris, disait-il,... 10 Que la Banque avait en suspens des affaires avec le Trésor public : j'ai ordonné qu'elles fussent terminées, mon intention n'étant pas, dans aucun cas, d'emprunter de l'argent à la Banque. 20 Que la Banque ne jouissait pas du capital dont elle devrait jouir: j'ai chargé le Consul Lebrun de vous proposer divers moyens pour aider la Banque et la mettre à même de marcher avec plus de hardiesse et d'assurance, mon intention étant telle que je vous l'ai communiquée, il y a un an, d'aider la Banque dans toutes les circonstances. Mais je ne saurais penser que les Régents méconnussent le principe qu'ils doivent escompter les obligations, lorsqu'elles sont à deux mois d'échéance, et ne fussent pas pénétrés de l'obligation où ils sont de donner à leur privilège toute l'expansion dont il est susceptible: l'intérêt de l'État, du commerce, des actionnaires, tout en fait une loi. « Je fonde un grand espoir sur la Banque; je l'aiderai dans toutes les circonstances, mais il faut qu'elle se pénètre de sa puissance et de SO:l utilité 1 ». La pensée de Bonaparte apparaît avec plus de netteté encore dans une lettre dictée par lui, mais adressée aux Régents de la Banque de France par l'intermédiaire de Barbé-Marbois, le 25 janvier 1804 (4 pluviôse an XII). La lettre rappelait que la rédaction primitive des statuts prévoyait dans son art. 5 § 1 des avances à l'État, mais que cette disposition avait été rejetée par Bonaparte, afin qu'on ne pût pas croire qu'elle avait été rédigée « dans l'intérêt et par l'inspiration du gouvernement ». Le Premier Consul, ajoutait la lettre, « a voulu que je vous déclarasse positivement que son intention était que, dans quelque circons1.
[Cort~spondance de
Napoléon let, t. IX, p. 134.]
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tance que pût se trouver le Trésor public, il ne fût rien demandé à la Banque, ni à titre d'emprunt, ni à titre d'avances, et que cette détermination s'appliquait également à tous les établissements publics. Mais le Premier Consul a toujours pensé que les effets appartenant au Gouvernement, tels que les obligations et autres effets organisés de la même manière doivent de plein droit être escomptés à la Banque lorsqu'ils n'ont plus qu'un ou deux mois à parcourir pour atteindre à leur échéance... Vous voudrez donc bien me déclarer positivement que les effets de cette nature seront escomptés sans difficulté. « Quant aux obligations qui seraient à plus de deux mois d'échéance, l'escompte ne doit en être fait que de gré à gré et quand la Banque ne trouvera pas l'emploi de ses fonds dans les effets de commerce... Le vœu du Premier Consul est que la Banque trouve elle-même son intérêt à toujours avoir une centaine de millions de ses billets en circulation, et, si le commerce n'en fournissait pas l'emploi jusqu'à concurrence d'environ cette somme, il pourrait y être en partie suppléé par un escompte d'obligations appartenant au Trésor public, quand cette opération devrait donner quelque perte au Trésor public même... Le Premier Consul m'a chargé de déclarer aux Régents de la Banque qu'il donnerait toujours à cet établissement tout l'appui qui pourrait dépendre du Gouvernement, soit en prenant toutes les mesures que la justice et l'intérêt public pourraient autoriser, soit même en prenant les actions encore invendues, s'il arrivait qu'elles fussent au-dessous du pair. « Le Premier Consul n'a fait de sacrifices, n'a pris tant de soins pour fonder et consolider la Banque que pour amener la réduction de l'intérêt, sans laquelle ni le commerce, ni les manufactures ne peuvent prospérer. Ce résultat ne peut être atteint qu'en multipliant autant qu'il sera possible les escomptes... 1 ». Escomptes, avances, emprunts, Bonaparte jouait sur les mots mais n'était pas homme à plaisanter sur les réponses. Afin d'arriver plus vite à ses fins, il chargea Cretet de négocier avec la Banque de France 2. La Banque accepta d'escompter les obligations des Receveurs généraux à un ou deux mois d'échéance, « en proportion des fonds disponibles... successivement applicables à l'escompte », lnais maintint sa demande d'indemnité pour les recouvrements effectués dans les départements : elle obtint gain de cause, au moins partiellement. Peu de temps après, un nouvel incident surgit entre la Banque et le Gouvernement, au sujet du service des rentes et pensions. La Banque repoussa les nouvelles conditions proposées par le Gouvernement et fut déchargée de ce service aussi peu rémunérateur que délicat. 1. 25 janvier 1804 (4 pluviôse an XII). [Corre~pondancede ..V apoléon ]er, t. IX, p. 277.] 2. Lettres de Cretet il Bonaparte, 24 et 29 ianvier 1804 (3 et 8 pluviôse an XII). [Arc,h. Nat., AF. IV, 10il.]
LA BANQUE DE FRANCE RENONCE AU SERVICE DES
RENTES ET PENSIONS
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LE CONSULAT ET L'EMPIRE
Les paiements effectués par la Banque avaient atteint au total 270.478.660 frcs 80, pour lesquels elle avait reçu une commission de 2.042.291 frcs 66. - Pendant quatre ans l'ordre le plus parfait n'avait cessé de régner dans le service, au point que la comparaison des comptes du Trésor et de la Banque de France fit apparaître une différence de 191 frcs 28 1 1 A LA VEILLE D'UNE
NOUVELLE CRISE
Bonaparte ne comprenait pas ou feignait de ne pas comprendre la politique de prudence qui s'imposait à la Banque: il en supportait mal les manifestations, mais il appréciait à leur valeur les services importants qu'elle avait déjà rendus au Gouvernement et au pays. Perregaux et Journu-Auber traduisaient certainement le sentiment général lorsqu'ils disaient, l'un: « Après une telle épreuve, la Banque sortant d'une crise qu'on a cru si dangereuse sans être pour ainsi dire atteinte, donne aux plus timides la juste mesure de sa solidité et de sa bonne administration » ; l'autre: « On ne pourra s'empêcher de rendre justice à la sagesse d'une institution qui prépare de tels résultats et à la scrupuleuse fidélité avec laquelle les statuts ont été exécutés par la Régence ». 1. Les comptes fnrent définitivement arrêtés le 13 mars 1805 (22 ventl\se an XIII). [Arch. Nat., AF. IV~ 988.]
CHAPITRE VI
LA CRISE DE 1805 ET
LA LOI DU 22 AVRIL 1806
DIMINUTION DE L'ENCAISSE DE LÀ BANQUE DE FRANCE. LA COl\IPAGNIE DES NÉGOCIANTS RÉUNIS. ESCOl\IPTES EXTRAORDINAIRES DE LA BANQUE. NAPOLÉON BLA:ME SA CONDUITE. SITUATION CRITIQUE DE LA BANQUE . - l\1ESURES DE SAUVEGARDE. NOUVEAUX ESCOMPTES EXTRAORDINAIRES. -AUSTERLITZ t RETOUR DE NAPOLÉON. MESURES RELATIVES AUX NÉGOCIANTS RÉUNIS, A BARBÉ-MARBOIS ET A LA BANQUE DE FRANCE. OPINION DU MINISTRE DE LA JUSTICE ET DU CONSEIL D'ÉTAT SUR LE « COURS FORCÉ DES BILLETS ». ÉLABORATION DU NOUVEAU STATUT DE LA BANQUE. - LOI DU 22 AVRIL 1806. - TABLEAU DE L'ACTIVITÉ DE LA BANQUE DE FRANCE DEPUIS SES ORIGINES.
27 février 1804 (7 ventôse an XII), l'encaisse de la Banque de France, qui n'avait cessé d'augmenter depuis plusieurs mois, atteignait 27.216.803 frcs, se décomposant ainsi: argent, 24.605.045 frs ; or et piastres, 2.551.758 fres. - Or, il diminua rapidement au cours des semaines suivantes, tombant à 20.957.868 fres le 19 mars, à 14.322.911 frcs le 2 avril et à 11.455.547 fres.le 9 avril (19 germinal an XII). C'était à peu de chose près, il est vrai, le chiffre de l'encaisse un an auparavant, mais le montant des billets en circulation avait presque doublé dans l'intervalle, passant de 34 à 62.000.000 fres 1. La Banque réussit par de petits moyens, dont la suppression des escomptes au-delà de soixante jours qu'elle avait autorisés quelques jours auparavant, à arrêter momentanément la diminution de sa
L
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1. Lettre de Perregaux à Bonaparte: germinal an XII. [Arch. Nat., AF. IV, 1071.]
DIMINUTION DE L'ENCAISSE' DE LA BA.NQUE DE FRANCE.
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LE CONSULAT ET L'EMPIRE
réserve, mais le mouvement reprit, avec une intensité accrue, vers le mois d'août 1804. Les causes de cet appauvrissement étaient multiples: armements contre l'Angleterre, besoins des armées en numéraire, levées d'argent du Trésor public à la Banque, paiement du premier semestre de l'an XII des rentes et pensions, service des loteries, difficulté et insuffisance des moyens de transport qui immobilisaient les écus dans les paniers des messageries, insuffisance de la l\fonnaie de Paris pour la fabrication des espèces, balance déficitaire du commerce, incapacité des Receveurs généraux d'acquitter leurs obligations en espèces, interdiction faite à la Banque de demander des retours en écus aux villes manufacturières où la pénurie d'espèces se faisait également sentir, trafic des pourvoyeurs de monnaie reprenant à Paris les écus qu'ils avaient fourni à grands frais à la Banque en province, manœuvres des bureaux de changeurs qui offraient aux porteurs d'argent chargés des recettes vingt sous de prime par sac de 1.200 frcs contre des billets de banque; enfin, différence du taux d'intérêt entre Paris et les départements et thésaurisation des écus. Des spéculateurs profitaient de cette différence des taux d'intérêt pour envoyer dans les départeme~ts, où ils se faisaient à leur tour escompteurs, les écus obtenus par l'escompte à Paris de leur propre papier. Qua.nt à la thésaurisation, résultat de l'inquiétude générale des esprits, elle était surtout le fait des paysans, qui, à en croire des témoins contemporains, vendaient fort cher leurs denrées et ne laissaient reparaître leur argent que lorsqu'ils trouvaient à acquérir des terres à leur convenance. Pendant quelques mois encore, la Banque lutta avec succès contre cette pénurie d'espèces. L'encaisse, qui était tombé à 4.744.000 frcs le 22 août 1804 (4 fructidor an XII), remontait à 8.698.635 frcs le 18 septembre, à 10.575.426 frcs le 13 octobre et à 23.000.440 frcs le 3 avril 1805. lVlais, dans le même temps, le montant des billets en circulation continuait d'augmenter de façon ininterrompue jusqu'à atteindre 86.936.000 frcs : la Banque doublait, en effet, quand elle ne les triplait pas, ses escomptes extraordinaires au Trésor et accordait jusqu'à 15.000.000 frcs d'escompte par semaine au commerce, contre 10.000.000 frcs en moyenne, au cours des mois précédents: la situation restait donc fort critique, qu'allait aggraver à l'extrême la carence de la Compagnie des Négociateurs Réunis. LA COMPAGNIE DES NÉGOCIANTS RÉUNIS
La difficulté des préparatifs contre l'Angleterre et les besoins énormes de la Trésorerie, avaient amené le Gouvernement à traiter des fournitures militaires et de l'escompte des obligations des Receveurs généraux avec la Compagnie des Négociants Réunis. Cette compagnie avait à sa tête un banquier intelligent, Desprez~
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-Régent de la Banque de France, Vanlerbcrghe, munitionnaire remarquable, et un homme de génie, Ouvrard, l'âme de la cOinbinaison 1 Ils allaient vendre au Trésor « l'illusion de leur crédit 1 » Type du spéculateur né, chercheur d'occasions, amateur de risques, toujours prêt à embrasser l'univers dans ses combinaisons, Ouvrard n'assignait aucune limite à son activité ni à son ambition. Successivement négociant en denrées colonJales, spéculateur sur le papier, banquier privé et banquier du Gouvernement, fournisseur des armées, auteur de projets de canaux et de moulins, bâtisseur de systèmes de finances, il était riche à dix-neuf ans par sa propre industrie. En 1800, il avait alors trente ans, sa fortune atteignait 30.000.000 frcs 1. La Compagnie des Négociants Réunis ne limita pas ses opérations à la France. La disette sévissant au-delà des Pyrénées, elle vendit du blé au Gouvernement espagnol, puis, lui consentit des avances dont ce Gouvernement la couvrit par des traites libellées en piastres mexicaines. Les piastres étant décomptées sur la base de 3 frs 75 alors qu'elles valaient 5 frcs en France, les profits de l'opération promettaient d'être magnifiques, à la condition de pouvoir extraire ces espèces du Mexique, malgré l'Angleterre souveraine des mers 1 Ouvrard essaya de forcer les passages par la ruse, en chargeant des maisons anglo-hollandaises de l'opération, mais ses espoirs furent constamment déçus et, partant, tous ses calculs déj oués. Comme, d'autre part, l'État ne payait pas les fournitures des Négo·ciants Réunis ou ne les payait qu'avec un grand retard, et comme la 'Colllpagnie - bâtissant sur les richesses inaccessibles du l\1exique ne savait pas proportionner l'ampleur de ses opérations à l'importance ·de ses moyens réels, Ouvrard et Desprez furent bientôt réduits aux ,.expédients. Dès le 27 septembre 1804 (5 vendémiaire an XIII), Desprez avait ·denlandé à la Banque des escomptes extraordinaires. Le 29 mai 1805 (9 prairial an XIII), le Conseil Général arrête qu'au,cun escompte extraordinaire ne pourra être accordé à l'avenir que par arrêté de la Régence et que l'escompte ordinaire sera réduit de manière à ne donner que les 5 /6 des sommes disponibles. Toutefois, le 5 juin (16 prairial), le Conseil Général met 1.000.000 fres par semaine à la disposition du Comité central pour distribuer des secours d'urgence. Les besoins du Gouvernement et de la Compagnie des Négociants Réunis augmentant sans cesse, la Banque, ballottée par les événements, ·:donne bientôt des signes de nervosité. Le 12 juin 1805 (23 prairial an XIII), le Conseil Général accorde 1. A en croÎl'e les mémoires fort intéressan1s qu'il nous a laissés (Paris, Moutardier, 1827. 3 vol. in-S"), tous ses futurs nlalheurs, ses empnsonnelnents - d'ailleurs supportés avec :un beau courage .- auraient eu pour ~'ause premi~re l'inimitié de Bonaparte. BANQt'E DE FMNCE.
5
ESCOMPTES RXTRA-
ORD1N..1 1RES DE LA BANQl.lE DE FRA.NGB
LE
CONSU~AT
ET L'El\1PIRE
U.~
escom·pte de 1.000..000 frcs au Trésol: public, puis, revenant sur SO.il arrêté antéri~ur,. il autorise le Comité central à escompter directement et successivemeI;lt au Trésor" jusqu'à con~'ijrrence de 12.000·~QOO fres d.' oblig~tions.,
L'alJgme:uta.ti.oIJ. d~~. ~sooIJlptes e~traQrdinaires' e'ntr.aî~le la réduction: des escomp,tes commerciap.~ : le: 21, août 18Qo, La. BanquG décide· de· ne c.onsacrer ~ l.'escoWP,te que la.. ll1Q~ti~ d~$' fo@s dj~pOflibles·,. san~· faiTe. porter 1~'S rédtlctiouSi $Ur le.s. petites detna:Fltde~ du commerce. C'es~ un. moment de. gr.al).Q..e inq:lJiétu.'l~ 1 L'~·pinioa appréhend~· la desc.~nte' en l\ngleterre,_ ~t ~s. d~clar~tioo..s qqe· Nap.oléQn fait faire par Barbé"'"MarlDois a.~·x « hQmmeJS à argent, ~, s~~vant son e.xpression" n'~~t pas pOUf la. calmer.. «. Sans· dOfute que de ma~ personne· Je· débarquerai avec mon ~œée, dit~il, tO~.t le Ul:ünd:e· d{)i~ e,'Il &entiF la néeessité" nlai~ nloi et. mon armée ne débarq&erQUs; qu;'avec; t0tut~.s. l~' chances: COI;lV~l)able&; 1: )}.,
D'ailleurs, ces déclarations visent sans doute à donner le ch3llllge" L'Autriche. et la Russie f(}rment, CoIl effet, une troisième coalition· et les regards. de Napoléo.n. se détQ:urnent du Camp de Boulogne., Au' proJet de débarq.lJ.ement,. se substitM.e la préparatio.a d'une· nouyelle campagne terrestre· q.ui doit être Il.1enée avec· une. extraordinaire rapiclité. NAPOLÉON BLAJ\.1E L~4 CONDUITE DE LA. BANQUE
CeJ?.endant"l'Empereur reste; attentif à la conduite_ de la Banque de .France,. il. critiq,ue avec vivacité. « Si la réserve est petite, écrit-il à: Barbê-.l\tlarbois l" c'est lIaI. faute [d.e la Ba.n-que li; c'e.st qu'on; négocie. un grand no,mbre de petits- papier.s.. de circulationl- qui n'ont point de· m-archau.dises derrière. Cela 'seras ainsi tant qu'on .escomptera par actions, ce qui est contraire- à la loi.. l\fon intention est que cette manière d'escompte finisse. C'est là où est tout le m~ )}. « La Banque c_st. m~al orgflnisée, l'escompte s_e. fait mal" éCl;it-il le 20 août 1805 (2 fructidor a.n XIII)_ Tant q,ul"on escomptera par actions, il n'y aura, jamais de réserves. Dite$ et. redite.s cette vérité. Tâchez d-'y trouver re:mèd~. On. viole l~ loi, on détrqit le crêdit public et l"on mécontente tout. le mpnde, 2 )}. Le 24 août 1.805 (6. frac.tidor an. XIII)" n.ouvelles plaintes.!. Napo~, léon accuse Ba;(bé-M;lrbois d'avoir permis. à la BaJlque de traIlsgres:~ ser la loi et lw.: pré}. S~r l'avis de cette conlmission, qui reconnaît que les engagements de Desprez sont de 45.000.000 frcs pour le mois, la Banque lui ouvre un crédit global de cette somme (2 octobre-lO vendémiaire an XIV) sur lequel 1,1.000.000 frcs lui avaient été déjà donnés. Le montant du total des emprunts contractés par Desprez atteint alors 105.000.000 frcs 1 Le 23 octobre 1805 (1 er brumaire an XIV), la Banque porte à 70.000.000 frcs le crédit accordé à Desprez; elle estime alors « que tout est assuré », mais quelques jours après, l'agent du Trésor lui demande un crédit supplémentaire de 1.800.000 frcs. A peine l'a-t-elle accordé que Desprez la prie de porter ce crédit à 2.800.000 fres : elle y consent encore, mais, en même temps, décide la suppression de tout escompte extraordinaire et invite Barbé-Marbois - qui s'y engage - à modérer ses demandes. Il ne devra pas être pris, désormais, plus de 1.500.000 frcs par jour d'escompte, y compris 500.000 frcs pour le Trésor Public (8 novembre) : les réductions d'escompte ont notamment pour but la réduction du montant des billets en circulation. Or, le 12 novembre (21 brumaire an XIV), le Ministre denlande à la Banque de porter les escomptes en faveur du Trésor à 1.200.000 fres et 1.500.000 fres par jour. Cette fois, il se heurte à un refus. Jusqu'à présent, lui écrit le Conseil Général, « la Banque a tout sauvé : elle s'est résignée à toutes les inquiétudes, à tous les sacrifices, et, ce qui 1. Lettres de Barbê-Marhois aux Régents de la Banque et à Pen'egaux du 30 septen1br 1805 (8 vendémiaire an XIV). [Arc.h. Nat., AF. IV, 1071.J e
LA CRISÈ DE 1:805
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prouve l'étendue -et l'importance de 's'on dévoùemèht. elle a consenti --à compromettre ron propre crédit ;)}. Grâce à ses eff'ÜTts, la situation s'améliore; le's rentrées de billets 'promettent d'excéder les 'sorties de 16.000.000 frcs par mois, plusieurs millions de billets ont été détruits, maîs la 'crise n'e'stp'as terminée
~t
le Ministre doit permettre
,à la Banque qu'e1le ne s'écarte plus des mesuresqu'e1le a adoptées pour la faire cesser au plus tôt. Le diserédit du bill-et, notamment, n~ s'attenuait pas 1. Au début de novembre, la force armée 'avait été débordée, trois jours tl'e suite, par la foule -« tumultueuse et mutine »,et la poliee s"attendait, parait-il, -{< à tout >}. Dans le passé, la Trés'Oretie €t la 'Caiss,e d'Èseompte avaient connu les mêmes difficultés et employé, pour les combattre, 'des procédés plus curieuxqu'~ffiC'ace's. C'est ainsi qu'au moment d',ouvrir les portes aux porteurs de billets, 00 tirait au sort qui entrerait d'abord,de la tête ou de la queue; ou bien, on coupait la qu-eue en deux, d'après sa longu'eur, et on tirait encore au sort pour chaque tronçon. Finalement, -après d'interminables conférences av:ec les Pouvoirs Publics, la Banque de Fran1cechargea les mairies (7-8 novembre 1805) d'effectuer le remboursement de ses billets, ·auquel elle affecta 6'00.000 frcs par jour 2. Elle réussit ainsi à supprimer des attroupements, dont l'importance même c·ontribuait à entretenir le discrédit de seS billets.
On se souvient que la Banque avait décidé, au début de novembre, la suppression de tout eSCOlnpte extraordinaire; mais p'eu importe ~ Desprez, qui '8Q]iicite un nouveau secours de 1.500.000 frc'S, le 16n'o'vembre (25 brumaire an XIV). Une fois de plus, Barbe-l\larbDis appuie la demande : « Les demandes faites pour le servièe de ~I. Desprez, écrit-il à la B:anque, se rapp-ortent toutes aU~üpératibns courantes du Trésor. Il est de la plus grande importance pour toutes les affaires que ce service ne soit pas arrêté >}. La Commission spéciale chargée par la Banque de surveiller les services.de Desprez, refuse d'accorder le secours, mais, à la suite d'une press'ante intervention du lV!inistre du Tresor, le Comité eentral 'tonsent 700.000 frcs. e'n éch-ange d-'ohligations, et le Conseil Général porte cette somme à '2.600.000 frcs. Quatre jours ,après, Desprez demande à la Bu.nque de France de t',aider :à faire face aux engagenlents qu'il a coiltractés, engagements qui se montent à 21.805.000 frcs et ne dépassent pas le 31 décembre 1. Selon la Banque, il atteîgnit iO p. 100 nia date du 14 novembre 180~ (2:~ brumaire ·an XIV).
2. Au début de la crise, on avait conçu quelques craintes ponr l'approvisionnE'ment ùe :Patis, les marchands de bestiaux ct les fatmîè'rs refusant d'accepter des billets en paie-ment .; mais la Ban"que de France èt le Comptoir Commercial avalent àùssitôt donné toutes .lès facilité's nécessaires. La Banque àvalt aüssi pris eh consîdétatîonJes demandes des grandes administrations, des conlmerçants et de's industriels, qni éproùvaient de5 diffi..cuItés réelles pour le paiement de léùt personnel.
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LE CONSUL.A.T ET L'EMPIRE
(10 nivôse an XI"). La Banque y consent, sous certaines conditions~ mais comme 8.174.000 fres d'engagements figurent déjà dans son portefeuille, le crédit supplémentaire qu'elle accorde ne s'élève, en fait, qu'à 13.631.000 fres pour quarante jours 1. Cette générosité incite Barbé-lVlarbois à s'adresser derechef à la. Banque. Le 26 novembre 1805 (5 frimaire an XIV), il lui demande l'échange de 2.000.000 frcs d'obligations échues contre 2.000.000 frcs d'obligations à échoir; la Banque refuse, puis accepte d'échanger 1.000.000 frcs (1 er décembre); enfin, elle accorde au Trésor un escompte extraordinaire de 1.000.000 fres le 24 décembre. AUSTERLITZ
RETOUR
DE
N.:1POLÉON. -
IHESURES
REL.ATIVES AUX·
:bIÉGOCIANTS RÉUNIS,
A BA.RBÉ·· lH.4.RBOIS ET A LA BANQfJE
DE FR.ANCE
Dans l'intervalle, l'éclatant soleil d'Austerlitz a dissipé toutes lesbrumes! Le 18 décelnhrc 1805 (27 frimaire an XIV), le Conseil Général met 2.000.000 frc.s par jour à la disposition du Comité d'escompte; la commission spéciale chargée de secourir les maisons exposées à suspendre leurs paiements, bien qu'elles soient « au-dessus de leurs affaires », est reconstituée et autorisée à consentir, provisoirement, les « escomptes extraordinaires )} qu'elle jugera pouvoir leur accorder. D'autre part, l'encaisse augmente; il atteint 12.030.962 frcs, le 30 décembre 1805 ; 14.846.659 frcs, le 6 janvi-er 1806, et, le 25 janvier,. la Banque de France rapporte toutes les mesures exceptionnelles qu'elle avait été obligée de prendre. Le lendemain, l'Empereur rentre triomphalement à Paris. Depuis plusieurs mois, il se rend compte que les finances « vont mal », mais, a-t-il déclaré il Mollien avant son départ pour Ulm, Austerlitz, Vienne~ « cc n'est pas ici que je puis y mettre ordre >~. Déchargé de ses soucis extérieurs, il convoque pour le 27 janvier un Conseil de Finances dont on a souvent fait le récit, d'après lVlollien, qui y assistait en compagnie de Gaudin, Barbé-l\Jarbois, Defermon et Cretet. Napoléon laissa libre cours à sa violence naturelle, traitant Ouvrard,. « immobile comme un roc », Desprez et Vanlerberghe avec la dernière. brutalité. Enfin, il révoqua. Barbé-Marbois, auquel il avait annoncé' depuis plus d'un an sa disgrâce, et le remplaça par l'Ionien, qui fut chargé de liquider le débet des faiseurs de service 2. Dès cet instant, le statut de la Banque de France· était condamné,. car Napoléon attribuait la crise aux mauvais principes qui avaient. régi l'escompte. « Un même banquier, disait-il au Conseil d'État le· 27 mars 1806, a eu la faculté de se faire escompter jusqu'à 7 ou. 1. Au 31 décen1bre 1805, les engagelnents de Desprez figurant dans le portefeuille de lu Banque étaient réduits à 497.000 fres que garuntissaicnt 901.000 fres d'obligations des Rece,'~urs généraux. 1\lsis la Banque était cr6ditrice de plus 1.000.000 fres d· intérêts. qui donnpr{'nt lieu il un interminable litige : il durait effectivement encore en 1838 ! 2. Le débet des faiseurs de ser"iee s'élevait à 141.800.000 fres.
LA CRISE DE 1805
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8.000.000 frcs, tandis qu'aucune maison ne devrait avoir un crédit de plus de 900.000 frcs ou 1.000.000 frcs. On devrait surtout s'interdire d'escompter les billets de circulation )}. La Banque de France avait certes commis des imprudences graves et répétées en accordant à Desprez des escomptes aussi importants, mais elle n'avait fait qu'obéir aux demandes, sinon aux ordres, du Ministre du Trésor Public. Encore les repoussa-t-elle souvent 1 Napoléon fut mis par le menu au courant de toutes les opérations de la Banque, qui avait consacré, depuis le milieu de mai 1805 jusqu'à la fin de la crise, 225.000.000 frcs, environ, pour le service de Desprez et du l"1résor public. Elle avait surmonté des difficultés extraordinaires, consenti de lourds sacrifices 1, et elle se croyait autorisée à affirmer qu'elle n'avait eu, dans la circonstance, « qu'un but, celui de soutenir par son zèle et son dévouement le service du Trésor public et le commerce, et surtout, le désir de mériter la bienveillance et l'approbation de l'Empereur 2 )}. lVIais Napoléon en jugeait autrement: il ordonna au l\linistre de la Justice de lui présenter un double rapport, d'une part sur le parti qu'il convenait de prendre envers les agents de la Banque « paul' raison de la conduite qu'ils ont tenue en dernier lieu )}, et, d'autre part, sur la question de savoir si les billets de la Banque de France pouvaient avoir « cours forcé de monnaie )}. - Le l\1inistre remplit sans délai sa mission. Les « agents de la Banque )}, disait-il dans son rapport, « ont été généralement accusés d'avoir manqué de patriotisme et de zèle et d'avoir beaucoup plus consulté leur intérêt particulier que les grands intérêts de l'État. On a cru qu'avec plus de dévouement ils auraient pu facilement prévenir la crise qui est arrivée... Ce qui est certain, c'est que la suspension de paiement a occasionné des pertes publiques et particulières. R~ste à savoir si les agents de la Banque en sont responsables d'après les lois existantes )}. Leur responsabilité pouvait se déduire, soit de la loi du 24: germinal an XI, soit des statuts fondamentaux de la Banque; or, la loi ne la vise nulle part, et les statuts et règlements déclarent, en termes exprès, que la responsabilité des Régents, Censeurs et membres du Conseil d'escompte ne peut avoir d'autre objet que l'exécution des statuts et règlements. 1. C'est ainsi que la Banque de France avait pris à Desprez d~s obligations à 3/4 p. 100 par mois, quand on les plaçait avec bien de la peine à 1 1/2. Forcée d'en nêgocier pour faire rentrer des billets, elle avait dt\ supporter un escompte de 1, 1 3 18 et même 1 1 12 p. 100. D'autre part, l'un des expédients employés par la Compagnie (les Négociants Réunis, au d~trÎlnent de la Banque, était Je suivant: Barbé-Marbois avait donné l'ordre aux RecevelUS gÉ'néraux de verser aux faiseurs de services les fonds qui leur rE'ntreraient, sur un shnple récépissé de Desprez. -- Quand la Compagnie escomptait des obligations des Receveurs généraux à la Banque de France, celle-ci lui rernettait des billets, mais quand, ensuite, la Banque présentait les obligations au paiClnent, les Receveurs généraux ne lui remettaient souvent que l~s récépissés donnés par Despre1. en échange des fonds qu'il s'l"tait fait verser, bien qu'ils dussent garantir ses engugenlents. 2. Lettres de Perregaux à Napoléon, le 4 février 1806. [Arch. Nat., AF. IV, 1071.]
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LE CONSULAT ET L'EMPIRE
.D'où provenait ·done le mal'? 11« prend sa source, -expliquait le rapport, dan:s cette 'Sorte 'd'autorité législative qui a =été attribuée à la Banque sur elle-même; :grande l'eçon pour l'avenir 'ct qui ·doit .faire sentir à jamais, malgré ies prétextes et les raisonnements spécieux des parties intèressées, la nécessité de l'intervention et de la surveillan.ce "Continue de l'autorité publique sur cet établissement '». Enfin~ ajoutait le .~Iinistre de la Justice., si les statuts avaient été littéralement exécutés, mais s'il y avait ~contre les agents de la Banque « preuve de malversation, de frallde ou de ,nl3,'chination tendant cà s':enricnir plaT des voies iniques au détrinle.nt des "fortunes publiqu€s et p'artieulières, il n'y a pas de doute que les statuts seraient incapables de les sauver 'et qu'ils seraient passibles tout à la fois et de l'act.ioll du .l\linistère public et ·de celle des particuliers lésés ». Cette hypothèse reposait sur l'accusation portée par la rumeur publique contre certains Régents, accusation d'avoir acheté des piastres pour leur propre compte et de les av()ir revendues,quelques heures après, à la Banque, :avec un énorme bénéfice, alors qu'ils connaissaient, par leurs fonetions mêmes, les achats inlmin~entsde la Banquell Le rapport concluait qu'il ne serait possible de se prononcer sur tous 'ces 'Objets qu'après un examen approfondi de la conduite et des opérations de la Banque, examen qui était du ressort du Conseil d'État. Bien que Napoléon ait repris l'accusation portée contre les Régents 1, il se rendit compte, la colère tombée, que le Conseil Général a,,~it été consmmment couvert par Barbé-l\'larbois, et que lui-même portait nne lourde responsabilité dans la cl.ise, pour ,n'avoir pas mis fin plus tôt à :des opérations dont il avait compris tout le danger. Ainsi s'exp1iquerait que l'avis du Conseil d'État ne mentionne comme objet du Rapport du Grand-Juge, Ministre de la Justice, que « la question de savoir si une lettre de change peut être payée cn billets de banque, autrement que du consentement de celui qui en est porteur ». OPINION DU MINISTRE DE LA JUSTICE ET DU CONSEIL D'ÉTAT SUR LE COURS FORCÉ DES BILLETS
Les réponses faites à cette question par le l\linÎstre de la Justice et par le C-onseil d'État sont d'un haut intérêt. {< Je n'hésite pas à penser que les billets de la Banque de France ne peuvent avoir cours forcé de monnaie, disait le Ministre à l'Empereur, puisqu'ils manquent des caractères essentiels de toute ul0nnaie publique; ils ne sont revêtus ni de l'autorité de la loi, ni du sceau du Prince; ils ne sont empreints d'aucun des signes qui puissent command~r obéissance et confiance: ce ne 'Sont, en un Inot, que de simples effets de commerce d'une espèce particulière, dont le crédit ne saurait 1. Paroles prononcées au Conseil d'État, le 2.7 mars 1806. - l\f:algré nûs recherches., i nous a été impossible de trouver le moindre commencement de preuve quant à c~tte accusation.
LA LOI DU
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AVRIL 1306
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·être fondé que sur une co.nfiance spontanée et de pure convention... Une expérience récente, dont toutes les imaginations étaient encore frappées, proscrivait toute idée d'un nouveau papier-monnaie et Votre Majesté, lorsque j'eus l'honneur de lui demander ses ordres, relativement à la perplexité où se trouva le Tribunal de Commerce de Paris dans les prenlîers moments de discrèdit qu'éprouvèrent les billets de la Banque de France, m'a manifesté, d'ailleurs, de la manière la plus énergique, sa résolution bien prononcée contre le retour de toute espèce de papier·-monnaie ». La réponse à la question, disait, de son côte, le Conseil d~État, « ne p€ut souffrir aucune difficulte. Le porteùr d'une lettre de change a le droit d'exiger son paiement en nunléraire. Les billets de la Banque, établis pour la conlffiodité. du commerce, ne sont que de simple confiance 1 ». Il a paru nécessaire de donner ici un récit particulièrement détaillé de la crise de 1805, assez mal connue jusqu'à présent, du moins en 'Ce qui concerne le rôle de la Banque de France 2.. Les derniers événements de l'année 1805 avaient définitivement le statut de la Banque de France. Avec sa continuité de vues et sa rapidité de décision ordinaires, Napoléon demanda à la Banque, le 24 février 1806, de -désigner quatre membres dnConseil de Régence pour se concerter avec le Gouvernement sur les réformes à réaliser. Le Conseil délégua Perregaux, Mallet, Thibon et Delessert, tandis que Cretet était chargé par l'Empereur des négociations. Dès le 12 mars, Cretet aboutit à un projet inspiré des avantages de commodité, de sûreté et d'économie que présenterait, pour le Trésor public, la négociation ,de ses valeurs avec la Banque de France exclusivement. D'après ce projet, le service général du Trésor était divisé en trois -classes:
~ondamné
a) Service des Re.ntes. - La Banque paierait la dette publique, perpétuelle et viagère, les fonds étant faits d'avance en effets échus ou à échoir, en valeurs commerciales des douanes. b) Service des obligations. La Banque se chargerait de 100.000.000 fres d'obligations à échéance de douze à dix-huit mois, moyenrant un escompte de 1/2 p. 100 par mois et une commission pour les frais de service. c) La Banque ~-e chargerait, accessoirement, de « services variables» ,comprenant, entre autres, l'escompte d'obligations à courte échéance, 1. [Arch. Nat., AF. IV, plaq. 1192.1 2. Sur cette crise, Cf. Mémoire de la Banque de France à Napoléon, du 4 février 1806. -{Arch. Nat., AF. IV, 1071.1
ÉlJABORATION DU NOUVEAU STATUT DE LA BANQUE
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LE CONSULAT ET L'ElVIPIRE
des renlises extraordinaires de fonds dans certains départements et des remises à l'étranger.
Elle devait accepter, enfin, une loi organique conciliant « ses intérêts avec l'intérêt général )} et consentir que ses statuts fussent mis en harmonie avec le nouveau régime. Chose extraordinaire, le projet de Cretet senlblait faire de l'objet même de la réforme, de sa véritable raison d'être, un accessoire. La Banque de France répondit à Cretet que ces propositions ren· traient parfaitement dans ses intérêts et ses convenances, « si on considère qu'en d~rnière analyse, ce n'est qu'avec ses moyens et son secours que, jusqu'à présent, les intermédiaires employés par le Gouvernement ont pu suffire aux services du Trésor public )}. Les services envisagés soulevaient la question, d'ailleurs posée par Cretet, d'une augmentation du capital de la Banque et celle de savoir si la Réforme n'exigerait pas l'assentiment préalable des actionnaires. - Le Conseil de Régence, qui désirait se couvrir par une décision de l'Assenlblée générale des actionnaires, estimait qu'un capital de 100.000.000 frcs serait nécessaire à la Banque pour lui permettre d'assumer les charges du service. envers le Trésor. Cependant, il souhaitait que cette augmentation ne fût pas impérativement ordonnée par la loi, mais laissée à l'initiative de la Banque, ce qui constituerait un « puissant attrait )} à offrir à la confiance publique 1 Il semble que les dispositions du projet relatives au service des rentes et des obligations furent repoussées, en définitive, sous l'in!. fluence de Mollien, qui ne concevait pas que les obligations des Receveurs généraux pussent entrer dans les escomptes réguliers de la Banque, à. cause de leur échéance, du lieu de leur recouvrement et de la qualité des souscripteurs, qui les plaçait hors la loi du commerce. « La prétention d'avoir des recettes à faire et des correspondances à entretenir dans les départements, devait dire le nouveau l\1inistre du Trésor dans ses Mémoires, ne pouvait apporter à la Banque que des frais et des risques de plus >}••• D'ailleurs, ajoute-t-il, « comment la Banque de Paris qui, par le résultat de ses escomptes réguliers, ne pouvait pas alors émettre et entretenir dans la circulation plus de 50.000.000 frcs de billets, aurait-elle pu escompter en faveur du Trésor plus de 100.000.000 frcs de valeurs nouvelles 1? ) Le seul moyen qui parût à Mollien dans les règles de la Banque était que, « sur le gage et le dépôt des valeurs à long terme du Trésor, la Banque lui fit temporairement le prêt de la portion du capital de ses actionnaires dont elle ne pouvait faire d'autre emploi que de le placer à intérêt )}. Ainsi débarrassé de l'accessoire, qui, dans l'esprit de Cretet, était apparu comme le principal, le projet sur la Banque fut sounlis au 1. l\lo11ien, Mémoires, t. II p. 26-30.
LA LOI DU 22 AVRIL 1806
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Conseil d'État où Napoléon fit, à deux reprises, des déclarations mémorables. « La Banque n'appartient pas seulement aux actionnaires, dit-il le 27 mars 1806 ; elle appartient aussi à l'État puisqu'il lui donne le privilège de battre monnaie... Je veux que la Banque soit assez dans les mains du Gouvernement et n'y soit pas trop. Je ne demande pas qu'elle lui prête de l'argent, mais qu'elle lui procure des facilités pour réaliser, à bon marché, ses revenus aux époques et dans les lieux convenables. Je ne demande en cela rien d'onéreux à la Banque puisque les obligations du Trésor sont le meilleur papier qu'elle puisse avoir... » Et le 2 avril, il ajoute: « Il n'y a pas en ce moment de banque en France; il n'yen aura pas de quelques années, parce que la France manque d'honlmes qui sachent ce que c'est qu'une banque. C'est une race d'hommes à créer. Je ne vois pas pourquoi les Régents répugnent à recevoir un traitement; leur travail est un travail comme un autre. Il vaut mieux, au reste, ne point déterminer le taux des traitements dans la loi et en laisser la fixation à l'Empereur, qui les règlera tous les ans et les fera payer sur les fonds de réserve. Quant à la nomination du Gouverneur, je ne veux point présenter des candidats au Comité des Actionnaires 1. Ce serait restreindre la liberté de mon choix et me mettre dans une position avilissante vis-à-vis de ce comité... Je pourrais tout au plus consentir à ce que le Comité désignât un Gouverneur et soumît ce choix à mon approbation. Cela se fait ainsi pour les places d'académicien. Mais je dois être le maître dans tout ce dont je me mêle, et surtout dans ce qui regarde la Banque, qui est bien plus à l'Empereur qu'aux actionnaires, puisqu'elle bat monnaie 2 ». - Selon Pelet de la Lozère, la préoccupation dominante de Napoléon au cours des discussions auxquel.les il prit part, fut d'organiser « la sécurité de la Banque 3 ». L'élaboration et la discussion du projet de loi sur la Banque de France furent conduites rapidement et, le 10 avril 1806, Napoléon décréta que le projet serait présenté au Corps Législatif le surlendemain. Il nonlma pour le porter et en soutenir la discussion: Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Bérenger et Bergasse, Conseillers d'Etat. L'exposé des motifs du projet, rédigé par Regnaud, rappelait les fautes commises par l'Administration de la Banque et les attribuait, notamment, au fait que le Conseil de Régence était formé en entier de banquiers, à la fois administrateurs, actionnaires et escompteurs, affirmation tout à fait inexacte d'ailleurs. L'essentiel de la réforme 1. L' c Assemblée générale des actionnaires 'l. 2. Que voulait dire au juste Napoléon lorsqu'il ajoutait que la Banque avait failli tomber c dans les mains d'un envoyé de Pitt, de 1\1:. Talon D, et qu'il av~it fallu détourner par la force un danger qui provenait du peu d'influence de l'autorité publique clans les élections de la Banque? Nous n'avons pas réussi à élucider ce détail. S. Renouvellement du Privilè~e de la Banque. Chambre des Députés : Séance du 1!l mai 1840.
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LE CONSULi\T ET L'EMPIRE
tenait donc dans· les règles qui présideraient, désormais, au ehoix du Gouverneur et des Sous-Gouverneurs, dont Regnaud traçait le· portrait en ces ternIes: « La loi... place~ à la tête de la Banque un homme: légalement revêtu [du] pouvoir nécessaire pour faire marcher son admi-nistration, sans déviation et sans. faiblesse,. sur la ligne, tracée par la loi ;, un homme qui n'ait et ne p,uisse prendre aucun intérêt à ses opé-. rations et. q.ui puisse d"autant. mieux commander à tous. les intérêts.. qui s'agiteront encore autour de: lui; un homme uniquement livrê aux soins de l'importante affaire qui lui~ sera confiée et qui ait pourperspective, après des services d'ailleurs généreusement rétribués., la reconnaissance du Gouvernement et des citoyens ». La nomination par l'Empereur du Gouverneur et des deux SousGouverneurs de la Banque constituait-elle. une atteinte aux droits des actionnaires? Absolument p.as, car le GouveTneur et. les SonsrGouverneurs étaient resp~tivement tenns. de justifier de. la prop.riété de cent et de cinquante actions, « proportion qui a toujours suffi pour être classé parmi les deux cents plus forts actionnaires »•. - ~. En outre, disait Regnaud, paraphrasant Nap.oléon, il ne. faut pas se laisser alle'r à cette erre.ur <JlfI!i a fait regarder les actionnaires comme~ possédant la propriété de la Banque ou la possêdant au même titre qu'une. pro,-· priétê ordinaire. La Banque est un établissement publie.. Elle, a reçu d'abord pour quinze a·ns et on veut lui cûnfinner aujourd'hui pour vingt-cinq années un privilège précieux. Elle l'a reçu, elle. doit en user·· pour l'intérêt commun du Gouvernement,. des. citoyens; et des action-naires. Ces trois intérêts. doîv'ent avoir leur garantie indépendante..... La propriété' de· 1~ Banque est à l'État et au Gonvernement~ alirtant_ qu'aux actionnaires 1 »... . Le' projet, adopté sans modificatio.ns, après une discussion banale" devint la loi du 22 avril' 1~t)6 2~ LOI DU
22 .4 VRIL 1806
Aux ternles de cette loi, le privilège d'e la Banque est prorogé de, vingt-cinq ans au delà des quinze premières anné'es, c'est-à-dire jusqu'au 24 septembre 1843 3: ' Le capital est portë de 45 à 90.000'.000 fres, mais l'Administration de la Banque est libre de réaliser cette augmentation- par etapes suc-· cessives. Des dispositions, beaucoup plus libérales et avantageuses pour les'. actionnaires régissent le calcul du dividende. CemÏ-ci se compose, désormais, dtune répartition de base, fixée à 6 p. 100 du' capital pri-. 1. rArch. Nat., AD. Xl, 59.1 2. Les actionnaires ne turent, à aucun moment, consultés, caF Napoléon ne l~aurait pas' peymls. Durant la période d'élaboration de la for, la· thèse de' l~indêt)en.dance de la Banque de, Franee avait été soutenue dans' une brochu-re de· DupOO'lt do'NemOUll"S intitulée': Sur la: Banque de- Franee-, les C(lU.ses de la crise qutelle a épl'fJltl"'e, les' fi"isMS' effets: qui en sont résultés et les mOl1en.it d'en Ilrévenirle retoar. A P:lris- 18()6, ss. nOtn ). Telle était la loi du 22 avril 1806, qui laissait subsister la loi du 24 germinal an XI dans tout ce qui ne lui était pas contraire. - Sa simplicité dispense du plus bref commentaire. Nous nous bornerons à remarquer qu'elle créait une dualité de pouvoirs, Gouverneur et Conseil Général, sans rien prévoir pour les départager en cas de conflit. TABLEAU DE L'ACTIVITÉ DE L'A BANQUE DEPUIS SES ORIGINES
Avant d'étudier l'activité de la Banque de France sous le signe de 1806, nous voudrions montrer, en un raccourci saisissant, les résultats extraordinaires auxquels elle était parvenue depuis ses origines.
Encaisse Années
Circulation
(119Jenne)
(Moyerne)
millions de fres
millions de frcs
Mouvemen.ts de caisse (Total) millions de fres
1
l
Escomptes
~roduits
(Total) millions de Ires
(Total)
Bénéfices nets à répartir
Di"idende net
en frcs
en frcs
en fres
1
1
An VIII
1
(23 sept. :1799 - 22 sept. :1800)
8
15,5
576,8
110,5
1.326.681
1.033.209
50
an IX
8,1
20,6
1.236,2
320,7
2.208.103
1.754.915
100
an X
8,7
29,1
2.683,8
627,ü
4.199.048
3.099.094
90
an XI
10,9
44,5
3.560
654,6
4.793.769
3.462.271
113,70
an XII
14,3
60,4
3.650
734,2
6.487.460
4.586.118
80
an XIII
11
69,8
4.247
847,5
8.033.320
5.441.898
71
an XlVi
28,4
56,3
2.802,5
488,7
7.791.281
4.198.727
72
1. Depuis les origines de la Banque jusqu'en 1806, le taux d'escompte était resté invariablement fixé à 6 p. 100. Le nombre des employés était de 190, dont les appoilllelnents annuels se montaient à 550.000 fres environ.
CHAPITRE VII
SOUS LE SIGNE DE 1806 CRETET NOMMÉ GOUVERNEUR DE LA BANQUE DE FRANCE. JUSTIFICATION DU .RÉGIME DE 1806. RIVALITÉ DE CRETET ET DE :M:OLLIEN. PROJET DE CONFIER A LA BANQUE LE SERVICE DU TRÉSOR PUBLIC. CRÉATION DE LA CAISSE DE SERVICE. RAPPORTS DE LA BANQUE ET DE L'ÉTAT. LOTERIE NATIONALE. COMPTES OUVERTS PAR LA BANQUE AU TRÉSOR PUBLIC. CRISE COMMERCIALE. L'ESCOl\IPTE A 5 POUR CENT. RECHERCHE DE NOUVEAUX ESCOMPTES. L'ESCOMPTE A 4 POUR CENT. DOUBLEMENT DES ACTIONS DE LA BANQUE. JOUBERT REMPLACE CRETET. INTENTIONS BIENVEILLANTES DE NAPOLÉON ENVERS LA BANQUE. LA BANQUE DE FRANCE CONSENT UN PRET DE 40.000.000 DE FRANCS AU TRÉSOR. NOUVELLES MARQUES DE BIENVEILLANCE DE L'EMPEREUR. ÉTABLISSEl\IENT DE LA BANQUE DE FRANCE A L'HOTEL DE TOULOUSE.
avait donné à Napoléon trop de motifs de mécon':' tentement pour être nommé Gouverneur: l'Empereur confia la fonction à Cretet, qui avait lui-même ciselé les ornements de son nouveau fauteuil (25 avril 1806 2). Thibon et Rodier furent nonlmés Sous-Gouverneurs 3.
CRE TET NOMMÉ GOUVERNEUR DE LA BA.NQUE
Cretet prit la direction effective de la Banque le 13 mai 1806, et prononça, à cette occasion, un mémorable discours. Il s'efforça d'abord de calmer toute inquiétude au sujet du nouveau régime de la Banque. A la suite des imprudences commises, dit-il, il est apparu nécessaire de mettre la Banque « sous le régime positif de la loi et sous la garde d'une administration comptable envers l'autorité publique de l'exécution de cette même loi >}, mais, « à quelques
JUSTIFICATION
P
ERREGAUX 1
1. Perregaux mourut Réaent de la Banque, le 20 février 1808. 2. Cretet ne se souvenait plus, alors, des objections qu'il avait faites, en 1803, contre
la nomination d'un Commissaire du Gouvernement auprès de la Banque! 3. [Arch. Nat., AF. IV, plaq. 1308, 1311 et 1318.1 BANQUE DE FRANCE.
fi
DE FRANCE
DU RÉGIIHB
DE lSOf)
84
LE CONSULAT ET L'EMPIRE
Napoléon en sens inverse de ses conclusions écrites, par jalousie envers Cretet, ou par courtisanerie? Quoi qu'il en soit, il est certain que l'Empereur éleva des objections nombreuses contre les projets qui lui étaient présentés. Il se demandait s'il n'y avait pas quelque danger à confier à la Banque la totalité du service, à la rendre dépositaire de 40 à 50.000.000 frcs, qui lui auraient été confiés par les Receveurs généraux; s'il ne « pourrait pas arriver que la Banque, ayant escompté dans une confiance de paix, se trouvât, par le renouvellement subit d'une guerre maritime, munie d'un portefeuille sinon mauvais, au moins équivoque, et d'une réalisation incertaine et difficile ? » La Banque pourrait-elle remplir régulièrement, dans toute leur étendue, les engagements que lui imposerait le Trésor? Enfin et surtout, ces projets ne mettaient-ils pas « en danger » l'État lui-même, puisque « l'organisation de la Banque de France est encore telle qu'on ne pourrait pas y placer un secret qui ne devînt celui des principales maisons de commerce ? » Cretet s'efforça de répondre victorieusement à toutes ces objections. Il insista, en particulier, sur ce que « la nouvelle organisation de la Banque donnait tous les gages du secret et du désintéressement ». « Le Gouverneur, disait-il, n'est pas dans les affaires, les deux SousGouverneurs s'en sont positivement détachés; quant à la Régence, elle n'a à connaître que les conditions d'un traité général dont l'exécution lui deviendra étrangère ». A la fin du dixième ou onzième Conseil de Finances, Napoléon retint, paraît-il, Mollien, en lui déclarant qu'une seule chose lui paraissait claire, « c'est qu'il ne devait pas y avoir d'alliance entre les affaires du Trésor et celles de la Banque; que, parmi beaucoup de bons motifs il s'aITPtait à celui-ci: que souvent un simple mouvement de deniers publics portait avec lui le secret de l'État, et, qu'en pareille matière, il ne devait pas augmenter le nombre de ses confidents... » Napoléon espérait, au surplus, que le service de 1807 serait encore plus facile que celui de 1806 1. CRÉATION ~"" DE LA CAISSE DR SER\lICE
C'est alors que l\1011ien, pour renlplacer le concours des faiseurs de service et de la Banque, créa la Caisse de Service 2 avec le concours des comptables du Trésor. La Caisse donna au Trésor la disponibilité des revenus publics, non plus à l'échéance des engagements souscrits par les comptables, mais au fur et à mesure de leurs recouvrenlents effectifs. L'intérêt des comptables assura le succès de la Caisse qui remplit bientôt l'office de caisse de compensation et offrit d'amples facilités aux particuliers, soit pour leurs paiements ou recouvrements à distance, soit pour leurs placements à court terme 3. 1. (Mollien, Mémoires, t. II, p. 52.) 2. La Caisse de Service fut rempla~~f:', en 181-4, par la Direction du Mouvement tonds. 3. (Marion, op. cft., t. IV, p. 290-~9;t)
d~
SOUS LE SIGNE DE 1806
85
La réserve d'espèces de la Banque s'élevait alors à plus de 46.000.000 frcs qui pouvaient être considérés comme inactifs, au grand préjudice des actionnaires, aussi le Conseil de Régence était-il prêt à examiner, avec reconnaissance, toutes les offres de placement qui lui seraient faites. Cependant, il se refusa à escompter des traites de douane, estimant qu'elles ne présentaient pas les garanties nécessaires. Napoléon en conçut une assez vive humeur. « Il n'y a rien, écrivait-il à Mollien le 20 juin. qui soit davantage un papier sûr et de commerce. Si (la Banque) persiste dans cette résolution, mon parti est pris, je me formerai une banque par les Receveurs généraux, qui recevra ces billets 1 ». Mais le nuage se dissipa aussi vite qu'il s'était formé... Le 27 juin 1806, en effet, le Conseil Général, pressenti pour un escompte de 13.350.000 frcs, décida d'accorder jusqu'à 12.500.000 frcs ; l'opération fut réalisée le 4 juillet, à concurrence de 6.500.000 frcs. D'autres escomptes, de moindre importance, suivirent d'ailleurs celui-là.
RAPPORTS
DE LA BANQUE ET nE L'ÉTAT
En juin 1805, un décret impérial, que l'on connaît seulement par une lettre des administrateurs de la Loterie Nationale au Conseil de Régence, avait enlevé le service de la Loterie à la Banque pour le confier aux Receveurs généraux. En août 1806, par suite de la suppression du Comité des Receveurs généraux, le service fut de nouveau donné à la Banque de France, qui le remplit jusqu'au 31 décembre 1807. Cretet y voyait pour la Banque un moyen de plus d'étendre ses opérations, de prendre de la consistance, de fournir du travail à ses bureaux et d'alimenter ses relations avec ses correspondants.
LOTEfllB NATIONALE
Jusqu'en 1806, la Banque de France avait ouvert au Trésor des » correspondant à ses escomptes extraordinaires. Du 24 mars au 30 juin 1806, la Banque lui ouvrit un nouveau compte intitulé : « Trésor (Compte de Recouvrements) »; le Trésor y versa les espèces provenant de ses agences situées dans un rayon de quatrevingts lieues de la capitale, afin d'aider la Banque à triompher d'une crise monétaire passagère qui s'était produite alors. Un peu plus tard, le 14 aOllt 1806, la Banque prit l'initiative d'ouvrir au Trésor un compte-courant au Grand-livre de la Banque. Il s'agissait là d'un simple compte de dépôts, fonctionnant selon les règles habituelles et ne procurant à la Banque aucune rémunération 2. Enfin (de 1806 à 1832), la Banque ouvrit encore au Trésor des comptes spéciaux pour les opérations extraordinaires d'avances et
C01\1PTBS OUVERTS PAR
« comptes temporaires
1. [Correspondance de Napoléon 1"", t. XII, p. 579.] 2. Ce compte-courant prit successivement les titres suivants: • Caisse de Service du Trésor public ., d'août 1806 à mars 1812; • Caisse de Service du Trésor impérial., puis 1 Caisse de Service du Trésor royal., de mars 1814 à janvier 1918; • Caisse Centrale et dc Service du Trésor royal., de Janvier 1918 à janvier 1832.
LA BANQUE AU TRÉSOR
PUBLIC
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LE CONSULAT ET L'EMPIRE
En vérité, si le Trésor avait facilité le placement d'une partie des capitaux de la Banque, il ne fallait voir là qu'une des formes de l'assis.. tance réciproque dont Napoléon avait lui-même, à plusieurs reprises, affirmé la nécessité! L'ESCOMPTE A 4 P. 100
Quelques jours après, l'Empereur remportant le prix de sa dernière campagne, des victoires d'Eylau et de Friedland, imposait à nos enne~ mis la paix de Tilsitt, à laquelle il voulut ajouter un bienfait pour le commerce. « Je désire, mande-t-il à Gaudin le 31 juillet, que vous causiez avec le Gouverneur de la Banque pour provoquer une déli... bération qui mette l'escompte à 4 p. 100» et, le mê.me jour, à Defer~ mon: « Je désire que la section des finances [du Conseil d'État] rédige un projet de loi pour déclarer que l'intérêt légal est à 5 p. 100 1 »). La Banque de France exauça sans délai le vœu de Napoléon (5 août 1807) et décida, le même jour, le doublement des actions de la Banque, ordonné dans les conditions qu'on sait par la loi du 22 avril 1806 2.
DOUBLEMENT DES ACTIONS DE LA BA.lVQUE
Énlises au prix de 1.200 frcs (1.000 frcs correspondant au capital primitif et 200 frcs à la réserve acquise aux anciennes actions), les actions nouvelles furent réservées de préférence aux anciens action... naires. 3
JAUBERT REJ\,IPLA.CE CRETET
C'est à cette époque que se produisit le premier changement de Gouverneur. Cretet ayant" été nommé Ministre de l'Intérieur,' preuve de haute confiance de la part de l'Empereur, fut remplacé par Jaubert, Conseiller d'État 4, mais le véritable maître demeurait le même. La Banque fit graver ·sur une médaille, qu'elle remit à Cretet" l'expression de sa reconnaissance 5.
INTENTIONS BIENVEILLANTES DE NAPOLÉO.7'V ENVERS L.1 BANQUE
Au début d'octobre 1807, Mollien faisait part à Jaubert des inten.. tions bienveillantes de N~poléon envers la Banque, et de son désir « que le Trésor public concoure, d'une manière efficace, à la prospérité de cet établissement important, en lui donnant la préférence pour les négociations que le Trésor public pourrait être dans le cas de faire d'une partie d'obligations des Receveurs des contributions publiques ».. 1. (CorreSTJondance de Napoléon ln, 1. XV, p. :;73.] 2 Lettre de Gaudin à Napoléon; du 3 aoftt 1807. [Arc.h. Nat., AF. IV, 1071.J 3. Les souscriptions devaient ~tre reçues du 20 ao"Ot au 31 décernhre 1807. Elles furent satisfaites dans l'ordre suivant : 1 0 doublement des anciennes actions; 2 0 demandes des. actionnaires excédant le doubletnent; 3 c autres demandes. Le paiement devait en ~tre· effectué à partir du mois de janvier 1808, en cinq termes é~nux, de six mois en six mois,. les sommes versées portant intérê\t il 4 p. t 00. Toutefois. les actions entièrement libérécsJ par anticipation avaient droit à la jouissance du dividende, dès le semestre suivant la. lil>ération. 4. DëcTE't du 9 aoOt 1807. [Arch. Nat., AF. IV, plaq. 1844.J 5. [Arch. Nat., F12, 971.]
SOUS LE SIGNE DE 1806
89
Il résultait des états de prévision remis par l\Jollien à Napoléon que, sur le revenu de 720.000.000 frcs auquel se montait le budget de 1808, il Y avait à peu près 120.000.000 frcs qui ne viendraient pas à échéance dans l'année; aussi Napoléon conseilla-t-il à Mollien, le 6 octobre 1807, de négocier 40.000.000 frcs à 4 p. 100 à la Banque de France, 40.000.000 frcs à 6 p. 100 aux Receveurs et le surplus à la Grande Armée 1. J..Ja Banque accueillit la proposition avec empressement, mais les négociations furent assez longues; le traité intervint le 22 décembre 1807 seulement. La Banque s'engageait à verser 24.381.000 frcs en une seule fois, sous forme d'obligations lui appartenant et venant à échéance de janvier à avril 1808, et le surplus, soit 15.619.000 frcs, dans le courant des six derniers mois de 1808, à raison de 2.500.000 frcs par mois : elle comptait tirer ces 15.619.000 frcs du produit de la souscription des actions nouvelles. Le taux d'intérêt était fixé à 4 p. 100 l'an et l'échéance la plus lointaine, au 31 mars 1809, mais le prêt ne fut complètement remboursé à la Banque, comme on le verra par la suite, qu'au début de 1818. Comme il serait très difficile d'en suivre les mouvements selon les règles chronologiques, nous les indiquerons dès maintenant, pour la période qui s'étend jusqu'à l'invasion de 1814. Napoléon ayant mis peu après (décret du 6 mars 1808) 84.000.000 frcs, au lieu de 40.000.000 frcs, à la disposition du Trésor, sur les fonds de la Grande Armée, Mollien estima que le traité passé avec la Banque devenait sans objet, constituait une charge inutile et onéreuse pour le Trésor et qu'il n'y avait pas lieu de l'exécuter complè- . tement. l\1ais la Banque protesta, alléguant qu'elle avait fondé l'espérance du placement de ses 45.000 nouvelles actions en 1808 sur les profits de ses relations avec le Trésor public, et que l'inexécution du traité compromettrait gravement son crédit et le cours de ses actions. Mollien soumit le différend à l'Empereur, en se livrant à une attaque assez vive contre la Banque, qu'il accusait de gérer un capital de 90.000.000 frcs comme un « petit propriétaire administrerait un capital de quelque mille francs >). « La Banque, disait-il, ne se dissimule pas les difficultés et l'embarras de sa position, mais elle ne les atténue que par des espérances vagues dans l'avenir; elle ne fait pas d'efforts pour en sortir. Elle convoite peut-être secrètement encore le service du Trésor public, en se rappelant que c'est sur l'espérance des profits de ce service et des lucratives relations qu'il pouvait mettre à sa disposition, qu'elle avait fondé, en 1806, l'accroissement de son capital ». Mollien reconnaissait tout au plus à la Banque le droit à une indemnité 2. 1. [Correspondance de NaIJoMon 1 er , t. XVI, p. 7n.] 2. Lettre et Rapport de Mollien à Napoléon, le 5 mai 1808. [Arch. Nat., AF. TV,1083 A .,
L ..4 BAl\,TQUE DE FRANCE CONSENT UN PRIlT DE 40.000.000 DE FRANCS .4U TRÉSOR
90
LE CONSULAT ET L'ElVIPlRE
En octobre 1808, le traité n'était toujours' que partiellement exécuté: le lVlinistre du Trésor demanda alors à la Banque, qui accepta, une avance complémentaire de 9.000.000 frcs garantie par des obligations ou des traites données en paiement des, droits de douane. Le Conseil Général décida de renouveler le prêt le 22 décembre 1808 ; il atteignit 37.693.255 frcs 99, le 2 février 1809, puis fut réduit à 30.523.727 fres 08 et effectivement porté à 40.000.000 frcs, le 5 juin 1809. Le lendemain, un règlement d'ensemble confirma le droit de la Caisse de Service d'échanger, suivant ses convenances, tout ou partie des valeurs données en nantissernellt contre d'autres valeurs de ~ommes égales et d'écl?éances différentes, et, à la fin de la même année (décembre 1809), lVlollien reconnut que c'était grâce au secours de la Banque qu'il avait pu {( entretenir les caisses de réserve de Strasbourg, de Bayonne et des Ports; pourvoir aux dépenses extraordinaires qui ont eu lieu sur les côtes de la Belgique; couvrir en partie le- déficit du budget de 1808... et maintenir les paiements sur l'exercice 1809 au niveau des besoins, quoi qu'il y ait aussi et retard et déficit probable sur les recettes de ce dernier budget... 1 ». - Dans le cours de l'année 1809, les avances de la Banque au Trésor dépassèrent de 9.000.000 frcs le maximum prévu. Un traité des 11-22 janvier 1810 renouvela les conventions antérieures pour l'année; le Il janvier 1811, le prêt fut prorogé pour 20.000.000 frcs seulement, mais bientôt un autre traité autorisa un second prêt de 20.000.000 frcs (10 avril 1811). Les prêts furent encore renouvelés,pour des montants variables, par les traités des 24 décembre 1811, 31 mars, 23 juillet 1812 et 21 janvier 1813, mais, lors de ce dernier traité, l'intérêt fut porté à 5 p. 100 sur les bons de la Caisse d'Amortissement et les obligations de l'Administration des Droits réunis; seul l'intérêt sur les obligations des Receveurs généraux resta fixé à 4 p. 100. NOUVELLES MARQUES DE BIE.NVEILL.4NCE DE L'EMPEREUR
Si l'importance de cet emprunt était une preuve de ,confiance de la part de Napoléon, toute sa conduite, à la fin de .1807 et au cours de 1808, fournit l'éclatante confirmation de ses sentiments envers la Banque de France. En décembre 1807, l'Empereur décide que la Caisse d-'Amorti~se ment doublera le- nombre des actions de la Banque qu'elle possède; le 1er mars 1808, il admet l'affectation des actions de la Banque,à la dotation des majorats, dont il vient de décider la création. Dans le courant du mois suivant, il fait acheter par Gaudin, pour ,son compte per~onnel, quatre cents actions de la Banque; toutefois, l'opération est réalisée -avec une extrême diserétion et :demeure secrète 2. 1. Rapport de Mollien à Napoléon, du 13 décembre 1800. [Arch. Nat., AF. l'T, plaq. 171.] 2. Lettre de Gaudin à Napoléon, du 11. avril 1808. [Areh-. Nat., AF. IV, 1071.]1
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SOUS LE SIGNE DE 1806
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La réserve d'espèces de la Banque s'élevait alors à plus de 46.000.000 frcs qui pouvaient être considérés comme inactifs, au grand préjudice des actionnaires, aussi le Conseil de Régence était-il prêt à examiner, avec reconnaissance, toutes les offres de placement qui lui seraient faites. Cependant, il se refusa à escompter des traites de douane, estimant qu'elles ne présentaient pas les garanties nécessaires. Napoléon en conçut une assez vive humeur. « Il n'y a rien, écrivait-il à Mollien le 20 juin. qui soit davantage un papier sûr et de commerce. Si Qa Banque) persiste dans cette résolution, mon parti est pris, je me formerai une banque par les Receveurs généraux, qui recevra ces billets 1 )}. Mais le nuage se dissipa aussi vite qu'il s'était formé... Le 27 juin 1806, en effet, le Conseil Général, pressenti pour un escompte de 13.350.000 frcs, décida d'accorder jusqu'à 12.500.000 frcs ; l'opération fut réalisée le 4 juillet, à concurrence de 6.500.000 frcs. D'autres escomptes, de moindre importance, suivirent d'ailleurs celui-là. En juin 1805, un décret impérial, que l'on connaît seulement par une lettre des administrateurs de la Loterie Nationale au Conseil de Régence, avait enlevé le service de la Loterie à la Banque pour le confier aux Receveurs généraux. En août 1806, par suite de la suppression du Comité des Receveurs généraux, le service fut de nouveau donné à la Banque de France, qui le remplit jusqu'au 31 décembre 1807. Cretet y voyait pour la Banque un moyen de plus d'étendre ses opérations, de prendre de la consistance, de fournir du travail à ses bureaux et d'alimenter ses relations avec ses correspondants. Jusqu'en 1806, la Banque de France avait ouvert au Trésor des « comptes temporaires )} correspondant à ses escomptes extraordi-
naires. Du 24 mars au 30 juin 1806, la Banque lui ouvrit un nouveau compte intitulé : « Trésor (Compte de Recouvrements) )}; le Trésor y versa les espèces provenant de ses agences situées dans un rayon de quatrevingts lieues de la capitale, afin d'aider la Banque à triompher d'une crise monétaire passagère qui s'était produite alors. Un peu plus tard, le 14 aoîlt 1806, la Banque prit l'initiative d'ouvrir au Trésor un compte-courant au Grand-livre de la Banque. Il s'agissait là d'un simple compte de dépôts, fonctionnant selon les règles habituelles et ne procurant à la Banque aucune rémunération 2. Enfin (de 1806 à 1832), la Banque ouvrit encore au Trésor des comptes spéciaux pour les opérations extraordinaires d'avances et 1. [Correspondance de Napoléon l"', t. XII, p. !l79.] 2. Ce compte-eourant prit successivement les titres suivants: c Caisse de Service du Trésor public ., d'août 1806 à mars 1812; • Caisse de Service du Trésor impérial., puis • Caisse de Service du Trésor royal », de mars 1814 à janvier 1918; c Caisse Centrale et dc Service du Trésor royal., de Janvier 1918 à Janvier 1832.
RAPPORTS
DE LA BANQUE ET nE l./ÉTAT
LOTERIE NATIONALE
C01\fPTES OUVERTS PAR
LA BANQUE AU TRÉSOR PUBLIC
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. LE CONSULAl' ET L'EMPIRE
d'eScOlnpte qu'elle traitait avec lui. Les comptes spéciaux, fonctionnant pendant la durée de chacune de ces opérations, permettaient d'en suivre plus facilement la marche. Ils étaient productifs d'intérêts pour la Banque. Quant au Trésor, il utilisait les ressources ainsi mises à sa disposition, soit en les faisant passer par virements du compte spécial à son compte-courant, soit en délivrant directement des mandats sur le ·compte spécial. Les remboursements s'effectuaient de la même manière, soit directement, soit par virement de compte à compte. CRISE COMMER· CL4LE
La paix co.ntinentale, sur laquelle Napoléon comptait pour faciliter le service de sa trésorerie, fut de nouveau rompue par l'alliance de la Prusse et de la Russie. Il en résulta une recrudescence de difficultés commerciales, dont Cretet ne s'inquiétait nullement. Il espérait même qu'elles auraient pour contre-partie heureuse: la disparition des agents imprudents, indiscrets et inhabiles (< nés des désordres de la Révolution », la renaissance du crédit, (< récompense invariable des commerçants honnêtes, intelligents et économes », bref, le retour à la moralité commerciale. Mais la Banque payait cette crise, qui était 'peut-être un bienfait, de l'inemploi 'accru de ses capitaux, et cela, bien qu'elle prît ,à l'escompte tout le 'bon papier présenté, notamment par le Comptoir 'Commercial, qui lui remettait souvent des masses de petits effets 1. Afin de ne pas trop diminuer le montant de ses dividendes par le nombre des titres -à rémunérer, le 'Conseil Général fit acheter, au début d'octobre 1806, 3.000 actions de la Banque,mais les revendit à la fin du mois.
L'ESCOMPTE A·/j P. 100.
Malgré la pénurie d'effets de commerce, la Banque maintenait à 6 p. 100 'le taux de son escompte. Ce fut, pour Napoléon, l'occasion d'une lettre très vive, caractéristique de l'intérêt qu'il portait à la réduction du loyer de l'argent. Le 14 novembre, après les batailles d'Iéna et d'Auerstaedt, l'Empereur est à Berlin; il écrit à Gaudin: (< Vous devez dire au Gouverneur de la Banque que je pense que, dans les circonstances actuelles, il est scandaleux d'escompter à 6 p. 100. Elle nedoît pas oublier qu'elle .escomptait déjà à 6 p. 100, lorsque les maisons de commerce faisaient leurs opérations sur le taux de 9 p. 100. Il est donc convenable de revenir à l'intérêt légal de 5 p. 100 2 ». Or, le même' jour, devançant le désir de l"Empereur, la Banque réduisait s.on taux d'escompte à '5 p. 100 et décidait d'admettre les effets à '90 jours sans en publier, toutefois, l'avis officiel. Quelque temps auparavant, elle avait aussi donné des ordres, dans
RECHERCHE .DE NOUVEAUX ESCOMPTES
'1 .. Les escomptes ·de l'année 1806 furent inférieurs 'à tous 'ceux ,des 'années précédentes 'depuis octobre 1802. 2. [Correçpondance de Napoléf)n, t. XIII,p. 652~]
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toutes les villes commerçantes, afin qu"on tirât sur elle à vue et qu'on lui fît des remises à trois mois, « ce qui équivalait, dit Cretet, à l'ouverture d'un bureau d'escompte dans chacune de ces villes ». Le Gouverneur de la Banque pensait que cette initiative avait agi efficacement sur le taux de l'intérêt en province, à Bordeaux et à Lyon notamment, que la Banque s'était créé par cette opération un nouveau moyen d'escompte et que, s'il lui convenait de le perpétuer, « on verrait moins de motifs de désirer des établissements de banques locales dans les départements, ce qui présente beaucoup de difficultés dans l'exéeution, au moins quant à présent 1 >}. Napoléon applaudit à la mesure. Elle se présente, écrivait-il de Posen à Cretet, « comme extrêmement avantageu[se], pour l'universalité des villes de l'Empire, et comme très avantageu[se] à la Ville de Paris, en tendant à centraliser le paiement dans cette ville et c'est peut-être le seul moyen de porter la Banque de Paris à un certain degré d'élévation >}. l\iais l'Empereur se préoccupait des conséquences que comporterait l'escompte de papiers de circulation, et se demandait s'il ne conviendrait pas d'établir, dans chaque ville, un Conlité d'escompte 2. Au 5 décembre 1806, les obligations du portefeuille de la Banque s'élevaient à 30.979.159 frcs; en vain avait-elle essayé d'obtenir de nouvelles valeurs à terme, en échange des obligations prêtes à échoir, pour assurer le remploi de ses capitaux, et elle s'inquiétait de nouveau de leur inaction, lorsque Mollien promit à Cretet d'échanger, à concurrence de 20.000.000 fres, les ()bligations venant à échéance pendant le premier trimestre de 1807, contre des obligations de l'exercice 1807. L'abondance des capitaux résultait de l'excellente administration du Trésor, de son amélioration constante; elle était si grande que le très bon papier de commerce se négociait à Paris, en février et mars 1807, à 3 et 4 p. 100. Dans les départements, l'amélioration du taux de l'intérêt était moins rapide; cependant, la Banque faisait escompter sur plusieurs places, du papier long à 4 p. 100. Pour ces escomptes, les présentateurs passaient par l'intermédiaire de correspondants de la Banque qui, en retour des avantages retirés de l'opération, garantissaient à la Banque la bonne fin de tous les effets qu'ils lui remettaient 3. Grâce au produit de ses escomptes en province, la Banque put servir à ses actionnaires, pour le premier semestre de 1807, un dividende correspondant à un revenu annuel de 9 p. 100 du capital primitif. Napoléon en éprouva un vif étonnement. « Je crains bien, écrivait-il à Cretet, que ce soit moi qui aie payé tout cela 4 ». 5
1'. Lettre de Cretet à Napolé{}n, du 15 novembrE' 1806. [Arch. 2. Lettre du 29 novenltre 180t3. [Correspondance de Napoléon 3. Lettre de Cretet à Napoléon, du ~ mars, 1807. [Arch. Nnt., 4. Lettre du 18 iuillet 1807. [Correspondan.ce de Napoléon 1 er ,
Nat., AF. IV. 1071.] 1 er , t. XIII, p. 719.] AF. lV, 1071.] t. XV, p. 531.]
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LE CONSULAT ET L'EMPIRE
En vérité, si le Trésor avait facilité le placement d'une partie des capitaux de la Banque, il ne fallait voir là qu'une des formes de l'assis.. tance réciproque dont Napoléon avait lui-même, à plusieurs reprises, amrmé la nécessité 1 L'ESCOMPTE
A 4 P. 100
Quelques jours après, l'Empereur remportant le prix de sa dernière campagne, des victoires d'Eylau et de Friedland, imposait à nos enne.. mis la paix de Tilsitt, à laquelle il voulut ajouter un bienfait pour le commerce. « Je désire, mande-t-il à Gaudin le 31 juillet, que vous causiez avec le Gouverneur de la Banque pour provoquer une déli.. béra-tion qui mette l'escompte à 4 p. 100)} et, le mê.me jour, à Defer.. mon: « Je désire que la section des finances [du Conseil d'État] rédige un projet de loi pour déclarer que l'intérêt légal est à 5 p. 100 1 ». La Banque de France exauça sans délai le vœu de Napoléon (5 août 1807) et décida, le même jour, le doublement des actions de la Banque, ordonné dans les conditio~s qu'on sait par la loi du 22 avril 1806 2.
DOUBLEMENT DES ACTIONS DE LA BANQUE
Énlises au prix de 1.200 frcs (1.000 frcs correspondant au capital primitif et 200 frcs à la réserve acquise aux anciennes actions), les actions nouvelles furent réservées de préférence aux anciens action.. naires. 3
JAUBERT RE1\JPLA.CE CRE TET
C'est à cette époque que se produisit le premier changement de Gouverneur. Cretet ayant été nommé Ministre de l'Intérieur,' preuve de haute confiance de la part de l'Empereur, fut remplacé par Jaubert, Conseiller d'État 4, mais le véritable maître demeurait le même. La Banque fit graver .sur une médaille, qu'elle remit à Cretet, l'expression de sa reconnaissance 5.
INTENTIONS BIENVEILLANTES DE NAPOLÉO.zV ENVERS L.'! BANQUE
Au début d'octobre 1807, Mollien faisait part à Jaubert des inten.. tions bienveillantes de Napoléon envers la Banque, et de son désir « que le Trésor public concoure, d'une manière efficace, à la prospérité de cet établissement important, en lui donnant la préférence pour les. négociations que le Trésor public pourrait être dans le cas de faire d'une partie d'obligations des Receveurs des contributions publiques ».. 1. [Correspondance de NO'loMa':" lU, 1. XV, p. =>73.] 2 Lettre de Gaudin à Napoléon, du 3 aoftt 1807. [Arch. Nat., AF. IV, 1071.] 3. Les souscriptions devaient ~tre reçues du 20 aot\t au 31 décemhre 1807. Elles furent satisfaites dans l'ordre suivant: 1 0 doublement des anciennes actions; 2 0 demandes des. actionnaires excédant le doublement; 3«:' autres demandes. Le paiement devait en être· effectué à partir du mois de janvier 1808, en cinq termes é~n\lx, de six mois en six mois,. les somrnes versloes portant intér~t il 4 p. 100. Toutefois. les actions enti~rement libérées. par anticipation avaient droit à la jouissance du dividende, dès le semestre suivant la lit>ération. . 4. D(acr~t du 9 août 1807. [Arch. Nat., AF. IV, plaq. 1844.] 5. [Arch. Nat., F12, 971.]
SOUS LE SIGNE DE· 1806
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Enfin, l'Empereur autorise la Banque de France à acquerlr l'hôtel de Toulouse, dont le cadre magnifique et les vastes proportions répondent au rôle de l'établissement et au développement de ses services. On a vu que la Banque de France, renonçant à la maison nationale de l'Oratoire, avait installé, dès le début, ses services dans l'hôtel Massiac, place des Victoires. En juillet 1800, lorsqu"elle proposa au IVlinistre des Finances de se charger du service des rentes et pensions, elle demanda l'autorisation de s'établir dans la « Maison de Toulouse », où le Gouvernement conserverait, d'ailleurs, « la faculté de former et faire construire une bourse ». L'autorisation sollicitée ne fut catégoriquement refusée qu'en juin 1803; la Banque envisagea alors l'achat de l'hôtel de Richelieu, de l'hôtel d'Ogny et enfin de l'hôtel Grange batelière, mais, vu l'exagération des prix demandés, préféra acheter un terrain situé entre les rues Pinon, Boulanger, de Provence et le jardin de la Grange batelière, dans l'intention d'y construire. Napoléon s'opposa à ce projet et fit étudier, par les architectes des travaux publics (janvier 1804), la possibilité de réunir la Banque de France et la Bourse, à la « Magdeleine ». - Syndics et adjoints des agents de change, d'une part, Régents de la Banque, d'autre part, firent valoir contre le projet de l'Empereur de multiples arguments. Il ne convenait pas, disaient-ils, de réunir dans un même immeuble un établissement public et un établissement privé; la Banque, « étant essentiellement le centre du mouvement du numéraire >), ne serait plus « dans la convenance du public >) si elle s'installait à l'une des « extrémités >) de la capitale; enfin, l'abandon du service des rentes l'obligeait à renoncer {( à toute idée d'un établissement fastueux et d'une grande étendue >). Une année passa sans que Napoléon abandonnât son plan: il l'élargit même et, au début de 1805, projeta de réunir à la l\1adeleine, en lui faisant subir les aménagements nécessaires, la Banque, la Bourse, le Tribunal de Commerce et la Caisse d'Amortissement. Toutefois, en décembre 1806, il décida d'établir sur l'emplacement de la Madeleine un monument dédié à la Grànde Armée, mais ne renonça toujours pas à son grandiose projet. « Je désire, écrivait-il de Dresde à Cretet, le 18 juillet 1807, que la Banque soit moins avare; il faut qu'elle concoure à un grand monument, et je reste dans mon idée que la Banque, la Chambre de Commerce, le Tribunal de Commerce et la Bourse soient réunis dans le même emplacement... Je veux un grand monument qui tende à embellir Paris et quand, dans plusieurs années, ce monument devrait coûter quelques millions au commerce de Paris, je ne refuserai pas d'y concourir en en payant une partie. L'habitude qu'a pris le commerce de centraliser à Paris presque tous les paiements a fait de Paris, pour le
ÉTABLISSEl\lENT
DE L.4 BA.NQUE DR FR.A.NeE
DE
.4 L'HOTEL TOULOUSE
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LE CONSULAT ET L'EMPIRE
commerce, ce que la Tamise a fait pour Londres... » C'est en dénaturant cette phrase, que Thiers a fait dire à Napoléon que la Banque de France devait « devenir pour Paris ce que la Tamise, qui apporte tout à Londres est pour Londres » 1 La Banque, dont les locaux étaient si exigus qu'on n'avait pas trouvé de cabinets, en 1806, pour loger les Sous-Gouverneurs, ne pouvait pas attendre davantage pour s'agrandir; Napoléon le comprit enfin et, le 6 mars 1808, l'autorisa à acheter l'hôtel de la Vrillière et de Toulouse - où était installée l'Imprimerie Impériale - moyennant le versement à la Caisse d'Amortissement de 2.000.000 frcs, payables: moitié avant le 1er avril 1808, et, le solde, avant le 1er janvier 1809 1. L'hôtel de Toulouse était alors isolé sur les rues Neuve des Bons. Enfants 2 et de La Vrillière, mais non sur les rues Baillif et Croix-des. Petits-Champs. Afin d'en augmenter la sécurité, la Banque fut autorisée, par une décision impériale du 16 juin 1808, à acheter les propriétés. à sa convenance pour compléter l'isolement de son hôtel, et à vendre celles dont elle n'avait plus besoin. Ainsi la Banque, si elle n'en exécutait pas la lettre, se conformait du moins à l'esprit de l'article XVII de ses statuts qui disait: « La Banque fera construire un Palais proportionné à la grandeur de son établissement et à la magnificence de la Ville de Paris 3 ». t.
1. Les paipments furent efTcctués le 30 mars 1808 et le l:-l janvier 1809. Avec le premiermillion, on rlécida de faire construire un « palais pour la Bourse et le 1 ribunal de Com·merce, le surplus de la dépense devant être supporté par le coml!lcrce de Paris. Sur le second' n,illion, on ac1leta l'hôtel Soubise et le Palais Cardinal pour, respectivement, y installerl'Imprinleric Impériale et toutes les archives existant à Paris Il sous quelque dénomination que ce puisse être lt. 2. Rue nad7.iwill actuelle. 3. LArch. Nat., AF. IV, 955; AF. IV, 1071 ; AF. IV, 1955, pièces nn 1, 2, 3, 4, G, 7, 8, 9,. 10, ct AF. IV, plaq. 2250. - Correspondance de Napoléon 1 er , t. IX, p. 542 ; t. XIV, p. 16 ;; t. XV, p. 531.] J)
CHAPITRE VIII
LES COlVIPTOIRS D'ESCOMPTE PR~T A L'ESPAGNE. RECOURS UNIVERSEL A LA BANQUE DE FRANCE. NOTE DE SAINT-CLOUD. CONCOURS DE LA BANQUE AU MAINTIEN DES FONDS PUBLICS. STATUTS FONDAMENTAUX. RÉGLEl\IENTATION DE L'ESCO~IPTE. CRÉATION DES COMPTOIRS D'ESCOMPTE. NOUVELLES CRITIQUES DE NAPOLÉON ENVERS LA BANQUE : LA NOTE DU HAVRE. EXTENSION DU PRIVILÈGE DE LA BANQUE. FAVEUR DU PUBLIC ET DE NAPOLÉON. JUGE~IENT DE JAUBERT.
juillet 1807, la Banque de France avait été sollicitée, presque simultanément, de consentir une avance au Royaume de Naples, sur le montant d'un emprunt à émettre à Amsterdam, et de prêter .3.500.000 frcs aux Deux }\Ji arches de Brandebourg, qui offraient en ~garantie les propriétés des états et les biens-fonds des villes 1. Sans doute ces opérations étaient-ellcs étrangères à l'activité statutaire de la Banque, mais il est à peu près certain que le Conseil de Régence ne les aurait pas repoussées si Napoléon en avait manifesté le désir. Cretet se demandait d'ailleurs et demandait à l'Empereur s'il ne convenait pas de voir dans les sollicitations dont la Banque était l'objet, « un premier effet des destinées de la place de Paris, relativement au continent de l'Europe? » Napoléon jugea que les demandes d'emprunts n'avaient « point de sens }), et les repoussa. « Partez toujours de ce principe, écrivait-il à ,Cretet, que je n'approuve jamais tout ce qui serait proposé de contraire aux bases sur lesquelles la Banque est établie. Or, je vois ici un emprunt sur dépôt... je me renfermerai dans mon adage : « Vous êtes banque, restez banque »••• la Banque de France n'est pas une banque territoriale et ne peut pas recevoir des effets hypothéqués sur des terres 2 ».
E
N
1. [Arch. Nat., AF. IV, 1071.] 2. [Correspondance de Napoléon 1 er , t. XV, p. 531.J
PR!J:T .0.4. L'ESPAGNE
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LE CONSULAT ET L'ElVIPIRE
Au mois de mars 1808, un projet de prêt de la Banque de France au Danemark fut aussi envisagé, qui ne reçut pas de suite 1 ; cependant, le 3 juin 1808, Napoléon, désireux de se porter au « secours de l'Espagne », n'hésita pas à demander pour elle à la Banque un prêt de 25.000.000 frcs garanti par un dépôt d'égale valeur en diamants de la couronne. - Peu importaient principes et statuts si la Banque, en y manquant, facilitait la politique extérieure de l'Empereur. D'ailleurs, Napoléon avait pressenti que la Banque de France préfèrerait intervenir comme intermédiaire, et il offrit, dès le début, de faire les fonds, à condition de prêter sous le nom de la Banque, car il ne lui convenait pas, selon sa propre expression, de « prêter sur gages 2 ». Mollien proposa à Napoléon des mesures excessivement habiles pour faire faire les fonds par la Caisse de Service, et pour que les sommes recueillies sur les diverses places fussent acheminées sur Bayonne, de telle façon que ces mouvements ne donnassent lieu à aucuncommentaire malveillant. Le l\1inistredu Trésor reçut les derniers ordres de Nap'oléon le 30 juin, et, mettant aussitôt au point le projet de traité entre la Banque et le 'banquier Baguen~ult, chargé de pouvoirs de la Cour d'Espagne, fit signer le traité le 1er juillet. La Banque de France obtenait, « pour ses services relatifs à la direction dudit emprunt, à la garde de son gage en diamants et des reconnaissances qui le représenteront, une commission de 1/2 p. 100 sur le capital de l'emprunt, indépendamment du remboursement qui lui serait fait, de tous frais extraordinaires et non prévus, auxquels la suite de cette opération pourrait donner lieu 3 )}. Un an plus tard, la Cour de Russie ayant certainement 'eu vent du prêt consenti à l'Espagne, fit sonder Jaubert, par .son ambassadeur à Paris, sur la possibilité d'obtenir un prêt de la Banque, mais ne réussit pas 4. RBCOURS UNiVERSEL A LA BANQUE
Ainsi, la Banque de France rayonnait déjà au-delà des frontières; c'est assez dire qu'on devait -avoir, à l'intérieur, une tendance excessive à y recourir. En juin 1808, par exemple, Cretet en appelle à la Banque, complè1. [Arch. Nat., AF. IV, 1083.] 2. [Correspondance de Napaléon 1 er , t. XVII, p. 303.] 3. Le gage qui devait seconlposer de ,32.000.000 frcsen valeurs de diamants, savoir 25.000.ûOO fres pour le capital et?.200.000frcs pour les .intérêts ne fut pas fourni,cal' la vieille :reined'Espagne'avRit enlevé les princip'3ux diamant5de la couronne :un :second traité ,avait réduit le dépôt en diamants à 5.000.000 frcs;aussi Mollien demanda-t-il avec insistance à Napoléon qu'il fasse en sorte d'ûLtellir de l'Espagne la garantie, en diamants ou en objets aussi facilem'ent Inégociables, des int~rêts, à défaut de ,quoi on ne ;,pourrait pas faire c que la Banque n'en sache pas plus qu'elle n'en doit savoir sur cet emprunt 11 et que le nlinistère espagnol ne découvrît lui-même bientôt le véritable prêteur. (L~ttres de Mollien à Napoléon des 9, 28 juin, 1 u, 7, 18 juillet 1808). {Areh. Nat., AF. IV,1083A .l 4. Lettre de Jaubert à Napoléon, du 6 août 1809. {Arch. Nat., AF. IV, 1071.]
LES COMPTOIRS D'ESCOMPTE
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tement irresponsable, de "rélévation du taux des escomptes :à lVlontpellier 1. Un peu plus tard, Napoléon exprime la volonté de la faire concourir au maintien ·des "fonds publics : c'est l'objet réel de la note de Saint-Cloud (8 septembre 1808) 2. Cinq jours avant, d'ailleurs, Mollien avait déjà fait savoir à Jaubert que « l'Empereur verrait avec plaisir que le Gouvernement de la Banque pût prémunir les actions contre la baisse qui '[semblait] les menacer... >) ({ Le bout de l'institutÎon d'une Banque »,ditla note, « est de produire la réduction de l'intêrêt et de le maintenir au taux le plus modéré. En thèse générale, c'est à cette modération du taux de l'intérêt que tient la prospérité des manufactures et du commerce ». Si les banquiers s'en écartent, il appartient à la Banque publique de les ramener à ce résultat d'utilité commune. ({ Ces principes convenus, il est facile de démontrer qu'aujourd';hui la Banque, par la manière dont elle opère, ne donne pas à la place tout le secours qu'il était permis d'en attendre, et que même, sous quelques rapports, elle e.n auglnente les embarras >) ; les moyens d'escompte de la Banque et la matière escomptable ne se sont pas accrus dans la proportion de ses actions, qui encombrent la place, et n'ont pu s'élever à 1.300 frcs que par artifice... llfaut donc, continue le rédacteur de la note, engageant alors seulement le fer, que la Banque augmente la quotité de ses escomptes ou qu'elle se crée une réserve qui en tienne lieu. Rentes, actions de la Banque, billets de la Caisse de Service, bons de la Caisse d'Amortissement sont solidaires. La Banque de France ne peut pas racheter ses propres actions, mais elle peut avec utilité désencombrer la place en achetant des 5 p. 100, ({ lorsqu'elle paie 83 ce qui vaut réellement 100 ». « On ne regarde pas comme démontrée l'assertion qui établit que la Banque ne peut pas augmenter ses escomptes, parce que la matière escomptable manque. Il est probable, au contraire, que la Banque en étendant utilement ses escomptes, en allant saisir dans les lieux propres la matière escomptable, en usant pour ses escomptes de son privilège, qui l'autorise à en créer clle-même la nl0nnaie.. . pourra augnlenter peut-être de moitié ses escomptes. Mais, dans cette hypothèse, qui cst la seule où la Banque peut judicieusement .et régulièrement se placer, la Banque ne trouvera plus d'emploi pour le capital de ses actions, puisqu·'elle escomptera avec ses billets ». Ainsi, ({ la Banque ne peut faire aucun meilleur emploi de la surabondance de son capital que de l'employer en achat de 5.p. 100, tant que leur cours n'excèdera pas 83 frcs ». ({ De la concordance et de la réciprocité de devoirs et d'intérêts de [la Banque de France, de la Caisse de Service et de la Caisse d'Amortissement], continue la note, naît la nécessité d'un concordat entre 1~
r Arch.
Nat.., 1"12, 971]
2. [Correspondance de Napoléon l('r,
t. XVII, p.
578~]
NOTE DE INT-CLOUD
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LE CONSULAT ET L'El\IPIRE
elles pour que le cours du 5 p. 100 soit tel qu'il n'excède jamais 6 p. 100, lorsque la Banque escompte à 4, lorsque la Caisse de Service emprunte à 4 et à 5 et lorsque la Caisse d'Amortissement donne aussi le même taux d'intérêt. Le système de finances de la France est tel qu'elle n'a pas recours à des emprunts, que ses revenus fixes égalent ses dépenses; l'intérêt public n'exige dans aucun cas et il proscrit, au contraire, dans tous les cas, ces écarts et ees variations de cours dont peut s'aider, quelquefois, un Gouvernement qui emprunte. Une sorte de fixité dans le prix vénal du 5 p. 100, est donc un élément de l'harmonie qui doit se maintenir entre l'escompte de la Banque, le taux des emprunts de la Caisse de Service, le taux des intérêts que donne la Caisse d'Amortissement ». Pour réaliser cette harmonie, Napoléon projetait de constituer un fonds de 60.000.000 fres, « destiné à enlever .de la place tous les 5 p. 100 offerts au-dessous du cours qui promet 6 p. 100 d'intérêt ». « Il est hors de doute, disait la note, que jamais ce capital de 60.000.000 frcs ne serait employé, qu'il serait à peine entamé, mais il constituerait une digue qu'aucune prétention contraire ne pourrait tenter de franchir. La présence de ce capital, son action toujours immédiate, lorsque le cas le requerrait, mettrait enfin les opérations de la Bourse à l'abri de cette fluctuation des cours, qui est absurde, et qui n'est pas moins dangereuse pour les intérêts publics et privés ». CONCOURS DE LA BANQUE AlI MAINTIEN DES FONDS PUBLICS
L'investissement des capitaux disponibles de la Banque en 5 p. 100 constituait un excellent placement et, dès le 13 septembre, le Conseil de Régence arrêta que la Banque concourrait, avec les Caisses d'Amor- . tissement et de Service, au maintien des 5 p. 100 consolidés et de l'action de la Banque aux cours respectifs de 80 frcs 50 à 83 frcs et de 1.211 à 1.240 frcs. Il ouvrit en même temps au Gouverneur un crédit provisoire de 5.000.000 frcs qui fut porté, le surlendemain, à 10.000.000 fres.. Le concurdat entre les trois établissements fut préparé par la Banque et adopté sans modification par les Caisses. Ils s'engageaient à fournir les fonds nécessaires pour maintenir le cours du 5 p. 100 entre 80 frcs 50, au détachement du coupon, et 83 frcs avant, et celui des actions de la Banque à 1.240 frcs au moins, pendant le deuxième semestre de 1808. Chaque établissement concourrait pour un tiers. Si les cours dépassaient les bases fixées, les trois établissements devraient vendre une même quantité de titres, jusqu'à les ramener au niveau adopté; enfin, les achats et les ventes devaient être alternativement dirigés, pendant un mois, par le chef de chaque établissement. Au 2 décembre 1808, les achats effectués pour le compte de la Banque atteignirent 10.000.000 frcs, et Mollien tint à remercier Jaubert du zèle avec lequel il avait concouru à l'action de soutien. Le service rendu par la Banque était d'autant plus considérable qu'elle n'avait pas fait entrer en ligne, pour le calcul de ses investissements, le prix
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LES COMPTOIRS D'ESCOJ.\tIPTE
de ses propres actions, dont J'achat résultait cependant du traité les 10.000.000 frcs avaient donc été employés en totalité en 5 p. 100. Ce fut le 19 juin 1807, seulement, que le Conseil Général de la Banque décida la rédaction de nouveaux statuts, car il avait voulu se donner le temps de recueillir les enseignements de l'expérience 1. Il confia (10 juillet) leur élaboration à une commission spéciale composée de Cordier, Delessert, Roux, Davillier et Ollivier. Le projet, achevé le 11 septembre, fut discuté par le Conseil Général en de nombreuses séances et définitivement arrêté le 4 novembre. Jaubert, qui trouvait le chapitre relatif au Gouverneur « décharné », prit les avis de Cretet 2, et en discuta avec les ministres. Gaudin s'entretint également de la matière avec Mollien, et soumit les statuts à Napoléon, en lui en recomnlandant l'approbation, car ils lui avaient paru « entièrement conformes aux lois qui régissent la Banque ». « Le temps viendra peut-être bientôt », ajoutait Gaudin, anticipant de près d'un siècle sur les événements, « d'examiner si la Banque, ne pouvant pas employer tous ses capitaux aux besoins du commerce et de l'escompte, une somme quelconque et déterminée ne pourrait pas être employée dans les départements, à secourir l'agriculture par des prêts sur hypothèques ». Comme le terme de la souscription des 45.000 nouvelles actions de la Banque était fixé au 31 décembre 1807, et comme il n'yen avait pas encore 9.000 de souscrites au début du mois, Gaudin déclara à Napoléon « qu'un des moyens d'en faire augmenter le nombre, serait .que [sa] volonté... sur le projet des nouveaux statuts de la Banque » fût rapidement connue 3••• L'Empereur renvoya les statuts au Conseil d'État, dès le 7 décembre 1807, et le décret d'approbation intervint le 16 janvier 1808. Les statuts précisent que les actions de la Banque peuvent être acquises par des étrangers, que les actionnaires qui voudront donner à leurs titres la qualité d'immeubles en auront la faculté, et que la transmission des actions s'opère par simple transfert. Les règles relatives à l'administration de la Banque ne présentent 1. Dès le 15 juin 1800, préludant à une longue suite d'exemples de bienveillance dont son histoire abonde, le Const'il Général avait affecté certaines sommes à la constitution de retraites en faveur de ses a~ents ; puis une Caisse de réserve spéciale fut créée le 11 janvier lf(04 (20 nivôse an XII). Il n'existait alors de semblable institution que dans les administrations des Postes et de l'Enregistrement, tandis qu'il ~'en créa au cours des années suivantes - peut-~tre m~me sous l'influence de l'initiative de la Banque - dans les administrations des Hospices, des Droits réunis, des Ponts et Chaussées et l('s hureaux des ministères et de la Préfecture de Police. Un nouveau système de Caisse de réserve, adopté par la Banque le 12 mai 1808 et approuvé \l)ar décret impérial du 28 aoftt, reproduisit, à quelques changements près, les dispositions -des rè~lements décrétés pour les administrations publiques. La principale dilJérence étai t dans la quotité de la retenue sur les traitements, fixée à 2 1/2 p. 100 partout ailleurs, et .à 2 p. 100, seulement, à la Banque. 2. Lettre de Jaubert à Cretet, s. d. [Arch. Nat., AF12, ~71.] 3. Lettre de GaudIn à Napo!éon, décelnbre 1807. [Arch. Nat., AF. IV, ptaq. 2016.) BA 'SQUE DE FR.~:'1CR.
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STATUTS F'ONDA-
MENTAUX
LE CONSULAT ET L'El\tIPIRE
pas de dispositions qui vaillent d'être rapportées; elles sont toutes dictées par le souci rigoureux d'une gestion légale et d'un contrôle perpétueL Les statuts prévoient plusieurs Comités: Comité des escomptes, Comité des billets, Comité des livres et portefeuilles, Comité des caisses, Comité des relations- avec le Trésor public et les Receveurs généraux. Les opérations statutaires prévues peuvent être gronpées sous cinq chefs principaux : escompte des lettres de change et autres effets de commerce à ordre, à des échéances déterminées; recouvrement d'effets pour le compte des particuliers et des établissements publics; ouverture de comptes-conrants, avec toutes les opérations qui en découlent; ouverture d'une caisse de dépôts volontaires pour tous· titres, lingots, monnaies d'or et d'argent de teute espèce 1 ; avances sur les effets publics remis en recouvrement, lorsque leurs échéances sont déterminées et avances sur les dépôts de lingots ou de monnaies étrangères d'or et d'argent. RÉGLEMENTATION DE L'ESCOMPTE
Enfin les nouveaux statuts édictaient une réglementation précise de l'escompte, fruit de sept années d'expériences, dont certaines. avaient été coûteuses. Les efl'ets admis à l'escompte, dont les échéances ne doivent pas excéder trois mois, peuvent être souscrits par toutes les personnes notoirement solvables; seuls les faiilis non réhabilités sont impitoyablement exclus 2. Leur acceptation par la Banque est subordonnée à la garantie de trois signatures 3; toutefois, la Banque admet des· effets garantis par deux signatures seulement, mais notoirement solvables, après s'être assurée qu'ils sont créés pour fait de marchandises, si le présentateur ajoute la garantie d'un transfert d'actions de la Banque ou de 5 p. 100 consolidés, valeur nominale. La classification des crédits, revisable tous les ans, est faite par le 1. Les dépôts volontaires admis par le décret du 3 septembre 1808 étaient : les effets publics nationaux et étrangere, les actions, contrats et obligations de toute esp~ce, les lettres de change, billets et tous engagements fi ordre ou au porteur, les lingots d'or et d'argent, toutes monnaies d'or ou d'argent, nationales ou étran~ères, enfin les diamants. Au moment du dépôt, et pour chaque période de six mois, la Banque percevait un droit de 1/8 p. 100 de la valeur estimative du dépôt. rArch. Nat., AF. IV, plaq. 2.38ft] 2. l.es non commerçants et les étrangers étaient admis ft souscrire des effets, mais cettefaculté résultait impliciterrlent des textes. - A. partir de fêvrier 1810, Je Conseil Général tendit à restreindre cette faculté; cependant, les effets portant deux signatures françaises - voire une, dans certains CRS - il côté d'une ~ignature étrangt're, furent cOllstamment admis par ln Banque, sous réserve des c.onditions statutaires s'entend. Vers la même époque, la Banque reçut un assez grand nombre de valeurs endossées et cédées il l'escompte pRr des courtiers de commerce. Considêrant que le Code de Commercestipulait qu'agents de change et courtiers ne pouvaient dans aucun cas et sous aucun pré-texte faire des opérations de commerce ou de banque pour leur propre compte, ou se rendre· garants de l'exécution des marchés dans lesquels ils intervenaient, la Banque arrêta qu'ils. seraient également exC'1us de l'escompte (juin 1810). 3. Certains conseillers de Napoléon ayant présenté des objections contre ·la n~~le destrois signatures, l'Empereur demanda à la Banque si elle y était fermement attachée :.. une réponse affirmative suffit, semble-t-il, à clore la discussion.
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Gouverneur et les Sous-Gouverneurs, assistés du Conseil Général et du Conseil d'Escompte; le taux des escomptes et les sommes à y employer sont fixés par le Conseil Général l • Enfin, l'examen des effets présentés à l'escompte et le choix de ceux qui offrent les conditions voulues pour la sûreté de la Banque, est effectué par un Comité spécial, le Comité des escompte~ 2, lui-même soumis au contrôle du Comité des livres et portefeuilles 3. D'autre part, une disposition remarquable des statuts de 1808 était celle qui décidait, en principe, l'établissement de Comptoirs d'EsCOlnpte dans les villes des départements où les besoins du commerce en feraient sentir la nécessité (art. 10). Nous avons vu, au cours de cette histoire, que Napoléon 1er et les chefs de la Banque avaient envisagé, à plusieurs reprises, la création de ces succursales et adopté une série de mesures préparatoires. Le 30 mai 1804 (10 prairial an XII), notamment, l'Empereur avait entretenu une délégation de la Banque - qui était venue le féliciter" et le remercier d'avoir accepté une dignité héréditaire - de la création de succursales; en août 1806, le préfet du Cher avait pris l'initiative de demander l'établissement d'une succursale de la Banque à Bourges -- on pourrait citer maints autres exemples - mais des intérêts nombreux s'étaient ligués contre l'innovation projetée, et avaient réussi, jusqu'alors, à en retarder la réalisation. Les règles relatives aux succursales furent fixées, le 18 mai 1808, par un décret, et complétées par un règlement intérieur spécial. La création des succursales, qui devaient prendre le titre de « Comptoirs d'Escompte de la Banque de France », était laissée à l'initiative du Conseil Général de la Banque, mais subordonnée à l'approbation de l'Empereur donnée en Conseil d'État. On s'était inspiré, pour leur gestion, d'idées assez originales, qui conciliaient l'application des principes d'autorité et de centralisation avec le respect des autonomies provinciales. L'administration des Comptoirs était confiée à un Directeur, entouré de six à douze Administrateurs et de trois Censeurs, mais tandis que le Directeur était nommé par l'Empereur, sur le rapport de son I\1inistre 1. Un article des statuts prévoyait que l'escompte se ferait « po.rtout au m~me taux qu'à la Banque Dlêlne, s'il n'en est pas autrelnent ordonné sur l'autorisation spéciale du Gouvernement 2. I.e Comité des escomptes est cOlnposé de R6gents et de membres du Conseil d'es· compte, alternativemenL choisis suivant l'ordre du tableau. Ce Conseil est composé de douze actionnaires exerçant le commerce à Paris, nommés par les Censeurs sur un nombre triple de candidats prés~ntés par le Conseil Général et choisis dans les divers genres de commerce qui pré'sentent le plus d'engagements escomptables. Ils font le ser'\ice alternativement et sont renouvelés par quart chaque année. 3. Les statuts de Banque de France furent complétés par un règlement intérieur arrêté le 31 octobre 180~. )l.
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CRÉATION DES COMPTOIRS D'ESCOA1PTE
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I,E CONSULAT ET L'EMPIRE
des Finances et sur la présentation de trois candidats par le Gouverneur de la Banque, les Censeurs étaient nommés par le Conseil Général. Les Administrateurs étaient nommés par le Gouverneur, sur une liste de présentation en nombre double de celui des membres à élire 1. Les Directeurs devaient justifier de la pos',cssîon de trente actions; les Administrateurs et Censeurs, de quinze. Le Conseil d'Administration se répartissait en Comités pour l'exercice de son mandat; il jouissait de droits étendus, délibérant les règlements intérieurs, fixant les sommes à employer aux escomptes, proposant l'état annuel des dépenses du Comptoir et ve~llant à ce qu'il respectât constan1ment les lois et statuts fondamentaux de la Banque. Le but immédiat poursuivi par la création de succursales était la modération du loyer de l'argent: il apparaissait si important, que la Banque consentit que ses Comptoirs fissent temporairement l'escompte avec le numéraire qu'elle leur relnettrait, au lieu d'émettre des billets. - Le taux de l'escompte des Comptoirs fut fixé, provisoirement, à 5 p. 100. Le décret du 18 mai 1808 prévoyait bien que le Conseil Général de la Banque pourrait, sur la proposition du Conseil d'administration des Comptoirs, et après approbation donnée en Conseil d'État sur le rapport du Ministre des Finances, autoriser les Comptoirs à émettre des billets, mais le souvenir du papier-monnaie était encore trop vivace pour qu'on tentât aussitôt l'expérience. La Banque recevait en outre, naturellement, le privilège exclusif d'émettre des biilets dans les villes où elle établirait des Comptoirs 2. Dès le 24 juin 1808, un décret autorisa l'établissement de Comptoirs d'Escompte à Lyon et à Rouen 3 : le Directeur choisi pour le Comptoir de Lyon fut un négociant, Darnal-Jdayer. Tel était l'intérêt que l'Empereur portait constamment à tout ce qui concernait la Banque, même dans le détail des mesures d'exécution, qu'il écrivit de sa propre main, sur le décret de nomination préparé en blanc, le nom du Directeur du Comptoir de Rouen, Guttinger 4. 1. Provisoirement, le choix des candidats pour la nomination des Administrateurs devait être fait par le Conseil Général de la Banque. Puis, à partir du moment oil le nombre des actions inscrites dans un Conlptoir représenterait, au Inoins, la mC'itié du capital fixé pour ce Comptoir, la liste double devait être faite de la manière suivante: les cinquante plus forts actionnaires inscrits dans les registres du Conlptoil' éliraient un nOlnbre de candidats égal à celui des Administrateurs à nomnler; le Conseil Général complèterait la dite liste par la désignation d'un même nombre de candidats. 2. Les billets à émettre devaient porter le nom du Comptoir émetteur. En principe, le décret prévoyait qu'ils seraient payables aux caisses des Comptoirs seulement, mais, ajoutait-il, Cl dans les circonstances ordinaires et lorsque les SOlnmes ne seront pas assez consi· dérables pour qu'il en résulte la moindre gêne, soit pour la Banque, soit pour les COlnptoirs, les billets des Comptoirs pourront être échangés à la Banque de France, soit contre de l'argent, soit contre des billets de banque, et les billets de banque pourront être escomptés par tous les Comptoirs d'Escompte. 3. [Arch. Nat., AF. IV, plaq. 2269.] 4._ [Arch. Nat., AP. IV, plaq. 2393.]
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nII.LE't DE 1.000 FR. : 'tYl'E PROVISOI1) 1. D'après les Mémoires de :MoJlien, Napoléon aurait dit aux commerçants auxquels il avait promis des Comptoirs d'Escompte : « Vous aurez mieux que des Comptoirs de la Banque; j'accorderai le privilège d'une banque particulière à chaque ville qui m'aura présenté Wle liste de bons actionnaires et qui rn-aura prouvé que ses négociants, qui réclament le secours de l'escompte, ont, chaque année, quelques millions de bonnes lettres de change à acquitter dans ses murs. » 2. Lettres de Mollien à Napoléon de~ 2 mai; 19, 21 juillet; 3_ 6 septenlbrc 1810. [Arch. Nat., AF. IV, 1071.]. - Lettres de Napoléon à l\lolIien, 13, 16 juillet, 29 aoüt 1810. (Corrc~pondance de Napoléon 1 er , t. XX, p. 541, 581 et t. XXI, p. 89.]
FAVEUR
DU PUBLIC ET DE
N.llPOLÉON
.JUGEMENT DE J.4UBERT
CHAPITRE IX
L'AGONIE DE L'EMPIRE CRISE DE 1810-1811. NAISSANCE DU ROI DE ROl\1:E. RARÉFACTION DE LA MATIÈRE ESCOMPTABLE. INQUIÉTUDES POUR LA FORMATION DU DIVIDENCE. PRtTS DE LA BANQUE DE FRANCE AU TRÉSOR. Al\IÉLIORATION APPARENTE DE LA SITUATION GÉNÉRALE EN 1812. LES REVERS l\IILITAIRES. DIMINUTION DE L'ENCAISSE. MESURES DE SAUVEGARDE. CRISE DE 1813. LES _DERNIÈRES HEURES DE L'EMPIRE.
CRISE DE 1810-1811
novembre 1810, le taux de l'intérêt s'éleva à Hambourg, en Hollande; la gêne frappa les villes du Rhin et se fit senlir aussitôt sur la place de Lyon qui en attendait de fortes remises 1. Presqu'en même temps, les mesures prises par Napoléon contre le commerce anglais se répercutèrent sur les maisons françaises qui avaient pu traiter directement ou indirectement des marchandises anglaises; les symptômes de crise se multiplièrent, et la Banque fut exposée à de telles demandes de remboursement, que la réserve tomba à 30.000.000 frcs. Le Conseil de Régence dut demander au Gouvernement, qui conservait à peu près la même somme en compte-courant à la Banque, de renoncer monlentanément à en disposer 2. D'autre part, il réduisit ses escomptes, fixant le maximum d'échéance à 70 jou~s, suspendant l'escompte par la voie des correspondants, et limitant, respectivement, les escomptes de Lyon et de Rouen à 500.000 frcs et 300.000 frcs par semaine. L'effet de ces mesures conjuguées améliora rapidement la situation
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N
1. La Banque de France la secourut en envoyant 1.200.000 frcs d'espèces l\ son Comp· toir. 2. D'ailleurs, 1\follien s'employait toujours à alimenter l'encaisse de la Banque. Un an auparavant, par exemple, nous savons exactement qu'il avait fait acheminer vers la Banque, près de 3.000.000 Ires des départements de }JOuest, et une somme plus considérable de Strasbourg.
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·de la Banque, dont le Conseil décida, le 13 décembre 1810, qu'il pourrait être pris jusqu'à concurrence de 18.000.000 frcs de papier par 'semaine, le terme de 70 jours étant reporté à 90 jours. Par contre, la situation du commerce et de l'industrie empira au ·cours des mois suivants : le blé manquait, le prix du kilog ode sucre raffiné atteignait 12 frcs, et les répercussions du système continental frappaient spécialement l'industrie cotonnière et séricicole. Napoléon soumit alors à Mollien l'idée de créer une sorte de vaste Mont-de-Piété pour les commerçants qui, ayant en magasin une grande ·quantité de denrées coloniales ou d'autres marchandises, étaient ,cependant «dans le cas de manquer >}. Si les avances consenties n'avaient pu être remboursées à l'échéance, les marchandises données en gage . e ussent été vendues. Il semble que Napoléon renonça à cette idée sous la pression de Mollien, qui lui démontra que les ventes massives auxquelles on s'exposait à recourir auraient pour conséquence un avilissement des prix, ·dont tous les commerçants souffriraient sans exception. Mais l'Empereur avança 20.000 frcs par jour, jusqu'à concurrence de 1.000.000 . ires, aux commerçants d'Amiens, pour payer leurs ouvriers, et il fit acheter, par l'intermédiaire de la Banque, 2.000.000 frcs de marchandises invendues à Rouen, Saint-Quentin et Gand, pour les ·écouler ailleurs. 1 Le 21 mars 1811, la naissance du Roi de Rome apporta une note puissante dans la grisaille des événements. N'était-elle pas, selon le 'Conseil Général de la Banque - qui profitait de cette occasion pour ·assurer Napoléon de son dévouement et de son « amour pour sa per·sonne sacrée » - « le gage de la stabilité et de la prospérité de l'Em.pire ? »
NAlSS...4 .NCE DU ROI DE ROME
En février et en mars 1811, les escomptes de la Banque de France ·diminuèrent fortement, et certains banquiers l'accusèrent de ne pas .accorder aux commerçants les secours dont ils avaient besoin; mais Mollien releva l'accusation et prit la défense de la Banque auprès de Napoléon. La Banque, lui écrivait-il, a iIttérêt à escompter tout ce qu'elle peut -avec sûreté; elle affirme qu'on lui présente 2, 3 ou 4.000.000 frcs 'd'effets seulement à chaque escompte, au lieu de 10, et qu'elle n'écarte que les effets inadmissibles. Par conséquent, « dire que la matière .escomptable manque, c'est dire que les banquiers n'acceptent pas;
R...4.RÉF..1 CT101'1 DE LA M.4TIÈRE ESCOMPTABLE
1. La totalitê de ces prêts, selon Mollien, atteignit 18.000.000 frcs, dont pr~s de la ,moitié restait encore à recouvrer HU 81 Inars 1814. (l\lo11ien, Mémoires, t. III, p. 275-278, 310.) - Lettres de l'Iollien à Napoléon: 4lnai 1811. [Arch. Nat., AF. IV, 1071. - Corres..pondance de N'!poléon TH, t. XXI, p. ~09.]•
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et ce sont les banquiers qui accusent la Régence de la Banque, composée de leurs pairs, de ne pas escompter assez 1 » INQUIÉTUDES POUR LA FORMATION DU DIVIDENDE. PRflTS DE LA BANQUE DE FRANCE AU TRÉSOR
Cette rareté de la matière escomptable préoccupait sérieusement la Banque, pour la formation de son dividende, et elle se demandait si elle ne serait pas obligée de le parfaire, au moyen de la réserve, lorsque le Gouvernement lui proposa un escompte important. Depuis les opérations de 1807 et 1808, que nous avons étudi~es, les relations entre la Banque et le Trésor public (indépendamment de celles relatives au prêt de 40.000.000 frcs et à des échanges de bons) s'étaient bornées à un prêt de 5.278.000 frcs du 20 octobre 1809 au 31 juillet 1810. Le 2 mai 1811, le Conseil Général accepta donc les propositions du Gouvernement et ouvrit un crédit de 15.000.000 frcs pour un escompte extraordinaire d'obligations de la Régie des Droits réunis (tapacs) ; ces obligations, garanties par la Caisse de Service, ne devaient pas excéder neuf mois de terme, mais furent renouvelées à plusieurs reprises. La formation d'un dividende satisfaisant cORtinuait cependant d'alimenter les inquiétudes du Conseil de Régence qui nomma, le 27 juin 1811, une commission spéciale composée de Cordier, Hottinguer et Laffitte pour étudier la question. Deux éventualités furent envisagées par les commissaires: l'achat de 5 p. 100 consolidés ou le rachat d'actions. La Banque se prononça contre l'achat de 5 p. 100, qui « immobiliserait » des capitaux, dont la vente pourrait gêner ou contrarier les desseins de la haute administration, et opta pour la réduction du nombre des actions, d'ailleurs subordonnée au consentement de l'Empereur. Le Conseil fit connaître sa décision au duc de Gaëte le 27 août 1811, mais le Ministre des Finances et le Ministre du Trésor lui répondirent, les 15 et 19 septembre 1811, que « des principes invariables... dont l'Empereur ne permettra jamais que l'on s'écarte », s'opposaient à la réduction des actions. Par contre, Napoléon, connaissant les difficultés éprouvées par la Banque de France donna l'ordre: IoDe faire transférer à la Banque 580.000 frcs de rentes 5 p. 100, dont la Caisse de Service était propriétaire, avec jouissance du 22 mars 1811, au cours de 82 frcs 50 ; 20 De préférer, dans les combinaisons du service du Trésor, toutes celles qui pourraient offrir à la Banque des moyens réguliers d'accroître ses escomptes. C'est ainsi que lVlollien fut amené à proposer à la Banque, le 3 octobre 1811, d'escompter à 5 p. 100, 19.800.000 frcs de bons de la Caisse d'Amortissement, dont l'émission avait été provoquée par des dépenses étrangères au budget général de l'Empire, telles que canaux et monuments d'utilité publique. La convention d'accord intervint le 7 octobre 1811. Le prêt fut réduit
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un mois plus tard de 6.000.000 frcs, renouvelé pour 13.800.000 fres le 24 décembre, puis porté à 19.542.666 fres 60 et remboursé de mai à octobre 1812. D'autre part, le 31 mars 1812, le duc de Gaëte offrit à la Banque de France d'accorder un nouvel escompte de 20.000.000 fres, sur des valeurs de la Régie des Droits réunis, pour permettre à cette Régie de solder les achats considérables de matières effectuées dans les six derniers mois de 1811, sans qu'elle eût par trop à réduire ses versements au Trésor pendant l'exercice: le Conseil Général accepta. Ce prêt fut prorogé les 3 juillet, 7 août 1812 et le 23 janvier 1813 ; ·enfin, le traité du 25 février 1813 décida que le remboursement en serait effectué par abandon à la Banque de France de valeurs données en garantie par la Caisse de Service et échéant de mai à octobre 1813. Au printemps de 1812 (début d'avril), la situation se présente donc ·comme suit: la Banque, qui possède 35.711.631 fres 02 de 5 p. 100 eonsolidés, détient pour 14.652.906 frcs 49 de ses propres actions. Elle a avancé au Gouvernement : d'une part, 40.000.000 frcs; d'autre part, 35.000.000 frcs sur valeurs de la Régie des Droits réunis et 19.542.666 frcs 60 sur bons de la Caisse d'Amortissement, soit au total: 94.542.666 frcs 60. Si l'on ajoute à ces divers éléments, les immeubles, le mobilier et le capital des Comptoirs, l'actif atteint 160.385.362 frcs 98, contre un passif de 110.464.140 frcs 89 se décomposant ainsi: capital primitif, 90.000.000 frcs; réserve acquise, 20.464.140 frcs 89. L' « excédent des placements », pour employer le langage de l'époque, se montait donc à 49.921.222 fres 09. A la fin de l'année 1812, la situation parut plus satisfaisante aux contemporains. Les escomptes de la Banque, qui étaient passés, à Paris, de 575.717.621 frcs, en 1809, à 747.809.839 frcs, en 1810, pour retomber à 391.162.399 frcs, en 1811, avaient repris leur progression, atteignant 436.884.169 frcs 39, en 1812. A Lyon, Rouen, Lille, on notait aussi des faits encourageants. Dès le mois de décembre 1810, tous les paiements du COlnptoir ,de Lyon avaient été effectués en billets sans qu'il échappât la moindre ·observation aux parties prenantes. En 1811, le montant des billets mis à la disposition du Comptoir de Lyon sembla faible et il fut porté ·de 3.000.000 fres à 6.000.000 frcs ; les 2.000.000 fres de billets de Rouen parurent aussi' insuffisants, ct Lille commença à apprécier les avantages de la monnaie de papier 1. Les escomptes et les bénéfices des Comptoirs lyonnais et rouennais, 1. En fait, on se leurrait sur les besoins et les facultés de ces trois ,'iIles. La eirculation moyenne oscilla de 1.000.000 fres à 1.200.000 frcs, à Rouen; autour de 200.000 fres, à Lille, et il ne fut janlnis possible d'él.ncttre pl'IS de 3.500.000 frcs fic bil1et~ à Lyon.
AMÉLIO..
RATI01V
APPARENTE DE LA SITUATION
GÉNÉRALE EN 1812
lia
LE CONSULAT ET L'El"IPIRE
au cours de l'année 1812, augmentèrent aussi sensiblement, tout en restant en deçà des résultats de 1810, et le Comptoir de Lille réalisa. pour la première fois un bénéfice. Ces escomptes étaient certes modiques : 39.652.800 frcs, à Lyon; 18.420.714 fres, à Rouen; 10.532.596 fres, à Lille, sans être pour cela négligeables. Au cours de la même année (1812), les bénéfices des Comptoirs atteignirent respectivement 113.940 frcs, 66.268 frcs et 12.737 fres. Grâce aux escomptes d.~s valeurs du Gvuvernement, les dividendes servis aux actionnaires des la Banque demeurèrent satisfaisants 1. A la fin de 1812, il est vrai, des demandes de remboursement plus nombreuses que de coutume s'étaient produites 2, mais Mollien n'en concevait aucune inquiétude. . « On est éclairé sur la fausse peur de Varsovie, écrivait-il à Napoléon, le 6 novembre; on ne dit plus que lVloscou est évacué, on sait seulement que de nouveaux mouvements militaires se préparent; on attend les résultats avec impatience mais avec confiance... La peur a surtout circonvenu la Banque, mais sans aucun des symptômes qui portent le caractère d'une alarme sérieuse et durable, c'est-à-dire sans aucune espèce d'attroupement. J'ai une entière sécurité sur l'état actuel de la Banque, et elle est toute arithmétique... Je pense, Sire, qu'il n'existe pas de banque au monde qui soit moins en péril que la Banque de France, et je ne regarde que comme une bonne épreuve pour elle, les demandes plus abondantes de remboursement qui lui ont été faites 3 »••• LES REVERS lHILITAlRES
Les « mouvements militaires >}, c'étaient la retraite, la débandade,. la Bérésina, la trahison d'York, de Schwarzenberg... Cependant, Napoléon revint à Paris le 18 décembre 1812 et l'optimisme sortit de ses cendres. 1813 « nous fait espérer de bons dividendes >}, déclarait le Gouverneur Jaubert à l'Assemblée générale des actionnaires de la Banque, le 28 janvier. « La matière escomptable continue de s'augmenter. C'est surtout la manière dont cet accroissement se forme qui a de quoi 1.
ANNÉES
1809 1810 1811 1812
DIVIDENDE
74 74 66 69
fr.
-:Ir. 75
MISE E~ Rf.:SEHYU:
6 fr. 87 7 - 70 3 - 20 4 .- 875
2. La Bflnque avait coutume de faire les remboursements en espèces d'argent, mais comnle elle détonait, à cette époque, 15.000.000 fres en espèc.es d'or, elle craignait de devoir s'en gervir, et que la substitution de l'or à l'argent ne fut interprétée c comme un signe de détresse et n'accrüt les demandes Napoléon, nlis an courant de cette inquiétude, donna l'ordre au baron de la Bonillerie, trésorier de la caisse spéciale, dite Trésor de l'Armée ou encore CHisse des COl1tributiol1~. ou de l'Extraordinaire, d'échanger contre de l'argentles espèces prix;
dans la 'forme 'c~)'nraI1tese pours·uivent, ~atteignant '56:'450:000 ,fres, en \822; '332):115;000 :fres, en '1;8'23'; 152.785.000 'Ipes, 'en '1~824; 40~03f)!é)OO tfres, -en '1~8'25"; 'r33~OOQ:'(l)00 fres, en 1'826. _:Lorsque le 'Tresor pu-bIic, 'en 1\827, "décide 'd'assumer 'seul le service des 'rentes, Ile 1Jaiement 'èl-es arrérages 'cesse rd'/être 'fait 'en 'mantlats sur la Ban'que, mais le Tresor en dbtient '(traite du ~6 août 1827) une -avance de '50.0flO;006 Ires à 4 p. "1'00, contre des l>ons royaux à diverses échéances n'excédant pas trois mois -: 'cette avance 'était tlestin'ée 'au paiement du s"econd semestre 'des Tentes 5p. ltlO.·l 'Nouvelles avances de ,5'0.00.0;000 Ires, le '29 Iévrier '1'828 '; de 40.000:000 'ires, le '29 août 1828.; de 40.000.00(:) 'fres, le ':5 mars 't829" pour le 'paiement des .rentes .5 ,p..t08 (~. - -'Le 'Minis'tre des Fjnances" a.yanl trouvé des eonoitionsplus 'favorables, ne ~prit . que 32~500.000Ircsts.ur cett.e dernière avance; la'Banque craignïtsans doute la disparition d',une .aussi ,précieuse s.our.ce de pro·ftts et pr.qposa au Trésor ile lui ,eseo~pter 50.000.000 Ires de bons rqyaux 'à '3p. ''100, à partir du '1 er ao'ùt suivant ét à mesure de ses besoins. "Le traité intervint le 27 juillet, le Trésor s'engqgeant de son ,côté à rester débiteur enversla,Banque de 30~OOO;OOO frcs, au minimum, au 31 décembre 1'829. Le montant de 'l'avance, q.ui se révêla~insu1Iisatit, Iut succes-sivement élevé à '60~OOO.OOé)fres, le· 3 décembre, et à ·65;Oo.etOOO ~fres, le 11 ,mars l830. Au oours .de .ces àernières annees, enfin, les escom..Ptes ordinaires au -J:I:es.or atteignirent 65.'000.000 Lees en 1827, 73.100:000 frcs en 1828 .et ,128.'9DU;OOO Ires en 1829. LE BAR01\t1ÈTRB
'La Banque dut à lIa ·CIiversïte 'des 'opéra:tions -auxquelles 'elle'se :livràit de ~pouvoir maintenir ·ses tlividen"des "à ~un 'niveau 'séitis'faisant,si l'''ou
1. Elle fut utilisée à concurrence de 38.500.000 frcs seulement. 2. La première avance fut utilisée à concurrence de 9.000.000 fres; la .seconde fut dépass-ée ,:de
10mOO~OOO!ires
OPÉRATIONS DE LA BANQUE SOUS LA RESTAURATION
159
tient compte - je le répète - de la fausse politique économique de la Restauration 1. Ce qui est remarquable, c'est la hausse constante des actions de la Banque. Dès 1817, elles dépassent le plus haut cours pratiqué sous l'Empire (1.430 frcs, en 1807) pour se tenir aux environs de 2.000 fres (au plus haut) entre 1824 et le début de 1830. Ce baromètre indique exactement les progrès de l'Établissement dans la confiance publique; la courbe qu'il enregistre est fonction à la fois des résultats matériels des opérations et d'un élément [ps~chologique fait de confiance, de gratitude et d'une once d'affection. 1.
ANNÉES
DlvtD~NfjÈ
1818 1819 1820 1821 -1822 1823
90,80 66 64s50 84
~82'4
.92, 98
1825 1826
1'827
73 81~50
91~50
l-J4
1828
1=11
~182D
64
MISR EN RÉSERYE
19,00 3 2,75 -12 6,50 10,r75 J16
19 15,75
17 -25,50 ,2
CHAPITRE III
1830-1840 LES JOURNÉES DE JUILLET. PREMIERS SECOURS AU COMl\IERCE. CARACTÈRE DE LA RÉVOLUTION : SON IMPORTANCE. PROJET GOUVERNEMENTAL D'AIDE AU COMMERCE. CRÉATION D'UN COMPTOIR D'ESCOMPTE. LE GOUVERNEMENT DE LOUIS-PHILIPPE ET LA BANQUE DE FRANCE. CONSÉQUENCES IMMÉDIATES DE LA RÉVOLUTION SUR LA BANQUE. RÈGLEMENT INTÉRIEUR DE 1830. SECONDE RÉPARTITION DE LA RÉSERVE. NOUVEAU l\fODE DE FIXATION DE LA RÉSERVE. OUVERTURE D'UN COMPTE D'AVANCE AU TRÉSOR: SON FONCTIONNEMENT. AVANCES A LA VILLE DE PARIS. CONDITION DU COl\fMERCE ET DE L'INDUSTRIE SOUS LA l\fONARCHIE DE JUILLET.-L' ACTIVITÉ DE LA BANQUE AVANCES SUR RENTES. L'AMENDEMENT GANNERON. LE COMTE n'ARGOUT, GOUVERNEUR. LOI DU 17 MAI 1834. ÉTABLISSEMENT DE COMPTOIRS D'ESCOMPTE DE LA BANQUE DE FRANCE. LA CRISE DE 1836. AIDE A LA BANQUE \VELLS. NOUVELLES AMÉLIORATIONS DE SERVICE. DÉVELOPPE]\'IENT DES COl\fPTOIRS D'ESCOl\-1PTE. AIDE A LA BANQUE D'ANGLETERRE.
LESJ.JOURNÉES DE:'JUILLET
u lendemain des premiers troubles, le 28 juillet 1830, le succès
A
des insurgés forçait déjà à la retraite les soldats de Marmont et entraînait l'évacuation des troupes de ligne occupant le poste de la Banque de France. Malgré le caractère exclusivement politique de cette émeute, qui avait pris en quelques heures l'allure et la force d'une révolution, le Go~vernement sie la Banque se devait d'assurer en tout état de cause la sécurité de l'établissement. Sur les instances de Rodier, et à défaut de nouvelles troupes, le Gouvernement détacha au poste de la Banque cinquante-cinq hommes et trois officiers de la Garde Royale; lllais le lendemain, lorsque les insurgés furent entièrement maîtres de Paris, on put craindre que le public ne se livrât à des excès contre ces hommes, s'il venait à apprendre leur présence à la Banque, et on les enferma dans la Galerie Dorée. Au bout de quatre jours, lorsque le calme fut rétabli, on s'empressa de les renvoyer, mais comme il
161
1830-1840
n'eût pas été possible de les faire sortir arnlés, sous l'uniforme, on les déguisa, au préalable, en « citoyens ». - L'anecdote a, certes, peu d'importance, mais beaucoup de saveur; à ce titre, elle méritait d'être contée. La circulation des effets de commerce ayant été suspendue, en fait, dès le 26 juillet, le Conseil Général de la Banque, dans sa séance du 30 (il n'avait pas encore pu se réunir la veille), se préoccupa d'accorder aux débiteurs des facilités de paiement. Cependant, comme il n'y avait pas urgence, il préféra attendre une mesure générale, qui intervint, le lendemain, sous la forme d'un arrêté de la Commission Municipale de Paris : les échéances des effets de commerce payables à Paris, depuis le 26 juillet jusqu'au 15 août inclusivement, furent prorogées de dix jours, et tous les protêts, recours en garantie, également suspendus. Cet arrêté provoqua à la Banque un arriéré de près de 12.000.000 frcs; pour l'atténuer, la Banque, qui avait besoin de toutes ses ressources en un pareil moment, demanda le paiement volontaire des effets qui venaient à échéance, mais ne fit aucune poursuite dans les cas où les souscripteurs refusèrent le paiement: elle ne l'aurait d'ailleurs pas pu, car le Tribunal de Comnlerce s'était empressé de transcrire sur son registre l'arrêté de la Commission ~1unicipale aux fins d'exécution, en même temps qu'il décidait de rendre la justice au nom de Louis-Philippe d'Orléans. Grâce aux paiements volontaires, l'arriéré de la Banque se réduisit très vite à 1.267.000 frcs, le 5 août, et à 300.000 frcs, le 13 août. Garnier-Pagès, dix ans plus tard, essaya d'en tirer un effet de tribune en reprochant à la Banque la « violation de cet arrêté saint et à jamais mémorable du Gouvernement provisoire », mais quelques mots de Dufaure noyèrent l'artifice. La Banque, dit-il" « a agi avec prudence, avec réserve; elle a fait tout ce qu'elle devait faire ». Jugeons nous-mêmes 1 Laffitte proposa de former une réunion de souscripteurs, banquiers et négociants, qui se chargerait d'escompter jusqu'à concurrence de 10.000.000 frcs le papier à deux et trois signatures et qui, ensuite, le présenterait à l'escompte de la Banque. L'idée, qui eût fait double emploi avec des projets législatifs, ne fut pas retenue; cependant, le Conseil Général décida d'admettre à l'escompte, par dérogation aux statuts mais avec l'approbation du Ministre des Finances, des effets' non timbrés. On se trouvait en face d'une situation de fait créée par la Révolution, durant laquelle et après laquelle de nombreux effets sans timbre avaient été émis: les refuser à l'escompte eût préjudicié gravement aux bénéficiaires, et le Conseil Général de la Banque agit avec équité et sagesse. Il ne fallait cependant pas que cette tolérance incitât les souscripteurs à transgresser impunément la loi et c'est ce qui amena le Conseil à arrêter, le 9 septembre, que la Banque n'accepBANQUE DE FRANCE.
II
PREMIERS SECOURS AU COMMERCE
162
LA IVIONARCHIE DE JUILLET
terait plus les effets non timbrés au-delà du 15 octobre: la marge t comme on voit, était largement suffisante ! CARACTÈRE DE LA
RÉVOLUTION:
SON IMPOflTANCE
PROJET GOUVERNE-
MENTAL D'AIDE AU COMMERCE
La Révolution avait-elle beaucoup plus d'importance qu'un changement ministériel? Dans son principe, dans les espoirs qu'elle fit naître chez les classes malheureuses et qui furent déçues, oui; dans les résultats politiques, à peine! Les libéraux ne la considéraient guère autrement; les bourgeois, commerçants et industriels, trouvaient dans l'accession au pouvoir la réalisation de leurs désirs et la satisfaction de leurs appétits. Protectionnistes ils étaient, protectionnistes ils resteraient. Dans ces conditions, la Révolution ne pouvait engendrer d'heureuses conséquences économiques et, bien que les esprits ne se fussent livrés à aucun mouvement désordonné, il était présumable qu'elle jetterait quand nlême dans les affaires le trouble inhérent à toute violence. Or, il ne faut pas oublier que les affaires allaient fort mal sous le précédent régime ~ l'enquête de 1828, sur la revision de la législation commerciale, l'avait surabondamment prouvé -- et que la vertu magique d'un changement ne pouvait dissiper, même provisoirement, une inquiétude aussi ancienne. Par contre, il était normal que le corn... merce se tournât vers le nouveau gouvernement comme vers un sau· veur pour en implorer la fin de ses peines. Le mal, on l'a dit, était profond; l'accord aurait peut-être pu se faire sur les causes, mais l'on était unanime à trouver une an1ertume écœurante aux remèdes, et l'on préférait souffrir en les conservant dans l'armoire à médicaments, après avoir collé, sur le flacon, l'éti.. quette aux deux tibias encadrant la tête de mort! La .Révolution n'avait pas le pouvoir de changer cette mentalité; seuls des palliatifs immédiats, aux effets fugitifs, pouvaient être accueil... lis. C'est ce qui amena le baron Louis, de nouveau ministre, à demander un crédit extraordinaire de 30.000.000 frcs pour aider le corn.. merce et l'industrie. --,. « Il n'est pas conforme aux principes, disait-il dans son exposé, de faire intervenir l'État dans les affaires particulières, soit pour secourir le commerce, soit 'pour partager des bénéfices ; car souvent, au lieu de secourir, il peut nuire, au lieu de béné. ficier, il peut perdre, et d'ailleurs ce n'est point sa mission. Dans une situation ordinaire, nous aurions repoussé les propositions qui nous étaient faites... mais la situation n'était pas ordinaire, elle exigeait un remède. Par une fausse crainte de l'avenir, les capitaux se retiraient des mains des petits commerçants : l'État, qui apprécie mieux cet avenir et qui a des raisons de ne pas le redouter, devait ramener les capitaux vers les petits commerçants en promettant sa garantie à ceux qui feraient des prêts au commerce }). En conséquence, le Gouvernement proposait de provoquer des réunions de commerçants notables dans les villes ayant des besoins pressants, de les former en commis-
1830-1840
163
sions de prêts, et de les autoriser à fournir des secours, modérés certes, mais dont le renouvellement procurerait une « activité de circulation considérable » ; enfin, de solder, au bout de deux ans seulement, les pertes survenues. La Commission de la Chambre, chargée d'examiner le projet, donna un avis défavorable, mais l'appui de Casimir Périer, Duvergier de Hauranne, Delessert, Odier, « dans un intérêt éminent de conservation », enleva le vote par 165 voix 'contre 82, le 8 octobre 1830. Le projet fut adopté par la } et pour reconnaître les services qu'ils ont rendus au Gouvernement et au con1merce, mais il ne croit cependant pas que la Banque ait réalisé tout ce dont elle était capable. Pour qu'elle fasse plus d'affaires, il faut l'y forcer. Par quel moyen.? Le moyen, c'est, selon lui, l'augmentation du capital. Partisan de la prolongation des échéances, de l'escompte du papier à deux signatures, de l'acceptation - en place de la troisième signature - de valeurs industrielles ou commerciales, il se garde cependant bien de dire: « la Banque sera obligée de faire quelque chose >}. « Nous ne disons jamais au Comité qui dirige la Banque : vous ferez ceci. Dans toutes nos propositions nous leur disons sagement, modérément: Vous pourrez faire ceci. Nous ne disons pas: la loi vous impose telle obligation, mais elle vous donne telle faculté >}. Ainsi, Garnier-Pagès accorde une telle confiance aux administrateurs de la Banque de France, qu'il se contenterait de les inciter à faire plus d'affaires en leur octroyant une latitude plus grande 1 On peut négliger les discours de M. de Laborde, de Victor Grandin, de 1Vlauguin, de Legentil et de Jacques Lefebvre, pour s'arrêter à ceux de Fould, de Pelet de la Lozère et de 1\1. de Corcelle. Le discours de Fould contient, sous une forme originale et brutale à la fois, des choses qu'il fallait dire. - Premier axiome : {( Pour la
_-
190
LA MONARCHIE DE JUILLET
Thiers estime qu'en adoptant la règle de l'échéance de trois mois~ au maximum, la Banque a pris le terme moyen des règlements de l'industrie, le terme moyen des banques, dont le grand papier est à trois mois. « C'est une chose excellente que d'obliger l'industrie à ne souscrire·que des engagements à court terme, parce qu'en l'obligeant à renouveler ses engagements plus souvent, vous l'habituez à ne pas se reposer trop sur son avenir et vous faites qu'il y a plus de paiements, plus de liquidations, plus de mouvement, plus de circulation de capitaux... En voulant prolonger le terme de l'escompte et en voulant que la Banque escompte à quatre mois au lieu de trois, vous affaiblissez les habitudes commerciales, et, de plus, vous diminuez la puissance de réalisation de la Banque, car... au lieu d'avoir 1 /90, elle n'a plus que 1 /120 tous les jours >). . Traitant ensuite du taux de l'escompte, Thiers met en garde contre la tendance à baisser sans discernement le taux de l'intérêt. Par ce procédé, dit-il, « vous rendez possibles des entreprises à tous)es gens incapables d'en faire, à des hommes qui n'ont ni habileté, nf argent; ils filent du coton, ils tissent de la toile aveuglément, sans mesure; ils chargent les marchés d'une masse de produits et viennent faire concurrence à de vieux commerçants, et ces hommes de quelques jours ruinent des hommes établis depuis quarante ou cinquante ans..• » A quoi sert, d'ailleurs, d'abaisser le taux de l'escompte à 3, pour le reporter à 5 et 6 p. 100; nlieux vaut le maintenir à 4 p. 100. Thiers ne préconise cependant pas la fixité du taux de l'escompte, bien que la faculté accordée à un établissement de faire varier le taux des capitaux lui permette, en fait, de « faire varier les conditions de l'industrie » et constitue un pouvoir considérable, mais la conduite générale de la Banque comme sa conduite aux époques de crise, suffisent à lui donner tous apaisenlents. Qu'a fait la Banque de France depuis trente ans, demande-t-il? Et il répond : « Permettez-moi de dire un gros mot, elle a fait une chose admirable, c'est-à-dire que le jour des crises elle a doublé ses escomptes. On l'accuse d'avoir gardé une réserve égale à la somme de ses billets en émission, mais, le jour des crises, j'oserai dire qu'elle aurait été imprudentê si elle n'avait pas été aussi utile... Une banque doit être étroite quand tout le monde donne de l'argent, mais quand les crises arrivent, elle doit avoir le courage de donner de l'argent au commerce... Je dis qu'un établissement qui a toujours suivi ce précepte: d'être serré pendant la prospérité et d'être généreux pendant les crises, remplit le véritable office qui lui appartient. Au lieu d'être une banque excitante, c'est une banque nlodératrice. La Banque s'est conduite comme un Gouvernement sage pouvait le faire; elle n'a pas poussé à la production quand il n'y fallait pas pousser; mais, quand la production, sans l'avoir consultée, s'est jetée dans l'excessif, dans le démesuré, elle est venue à son secours, elle a neutralisé les crises. C'est alors que la Banque a été d'une immense utilité pour le Gouvernement. Quand on se méfie
LE
RE~OUVELLEMENT
DU PRIVILÈGE : 1840
191
de tout le monde, il y a quelqu'un de qui on ne se méfie pas, et ce qui le prouve, c'est que ce public vient jeter son argent dans ses caisses. Alors, cette banque qui semble n'avoir été faite que pour le crédit privé devient un instrulnent de crédit public, elle sauve le pays ». Veut-on enfin élargir le champ de la discussion, évoquer les systèmes concevables, les mettre en présence? Deux grands systèmes, aux yeux de Thiers, s'affrontent : celui de 1806 et celui d'une grandebanque nationale qui ferait tous les services du Gouvernement. Thiers dénl0ntre, de façon convaincante, qu'une telle banque n'existe même pas en Angleterre; mais, fût-elle possible, elle serait funeste et par conséquent à éviter : « le jour d'une crise, le Trésor public n'inspire aucune confiance, mais la Caisse de la Banque en inspire beaucoup. Eh bien! Confondez les deux caisses, qu'arrivera-t-il? Vous n'avez plus le secours que vous prête dans les moments de crise la Banque de France, puisque son crédit s'est confondu avec le vôtre... » Où donc se trouve le véritable progrès? Thiers croit qu'il n'y a aucun progrès à faire dans la constitution de la Banque par rapport à Paris, qui est le grand liquidateur de la France; mais qu'il y en a, par contre, à réaliser dans la « propagation des bienfaits du crédit à toutes les grandes villes de France et mênle aux villes secondaires ». Pour atteindre ce but, trois méthodes lui paraissent possibles: créer uniquement des Comptoirs de la Banque de France dans les provinces; créer autour de la Banque une série de banques indépendantes, ou bien, enfin, créer à la fois des Comptoirs et des banques indépendantes. C'est pour ce dernier système que se prononce Thiers, qui conclut alors son discours en certermes : « Songez que vous avez trois grandes forces, votre centralisation, votre population concentrée et votre système de crédit. Tous les systèmes de crédit du monde sont faibles ou caducs, le vôtre seul est valide; tous les états réunis n'ont pas quatre milliards de numéraire et vous en avez trois à vous seul. Votre système de crédit est excellent, vous le devez principalement à la Banque 1... » Le discours de Thiers pourrait donner lieu à une ample controverse, mais on sait que notre but, ici, .n'est pas de nous livrer à une étude critique des théories et des systèmes. Si certains arguments dépassent les contingences, d'autres en dépendent étroitement, et les contingences ont extraordinairement évolué. L'importance « actuelle }) de ce discours est liée à son retentissement lointain et à son influence durable; on ne peut pas plus le soustraire à l'ambiance que s'expliquer les aspects de la surface sans la connaissance des accidents et des formations géologiques. Personne, d'ailleurs, n'attribue à Thiers des pensers prophétiques; le grand souffie du saint-simonisme ne l'a pas touché, ses mérites sont autres et Garnier-Pagès voit sans doute plus juste, plus loin, sinon trop ~ôt, quand, à propos des coupures de 250 frcs, dont Thiers n'était pas partisan, il lui répond, avec un talent égal à celui dépensé dans son précédent discours : « Vous avez peur
192
LA MONARCHIE DE JUILLET
qu'en temps de crise on ne vienne en trop grand nombre frapper à la porte de la Banque; j'ai peur, moi, qu'on ne sache pas en France ce que c'est que le crédit, ce que c'est que vos billets; je veux que le pays le sache, je veux qu'il s'habitue au crédit, je veux qu'il n'ait pas de terreurs imaginaires, de faux souvénirs du passé, qu'il n'ait pas besoin d'explications qui n'expliquent rien ». L'urgence d'un vote n'était guère contestée à la Chambre, où l'on comprenait que le non renouvellement du privilège entraînerait des mesures d'une réalisation lente et difficile. Du point de vue parlementaire même, on était fondé à soutenir que - sans appréhender le résultat des suffrages - on devait, par respect pour leur indépendance, se placer en présence d'une liquidation possible. L'ensemble du projet de loi fut adopté par 252 boules blanches contre 58 boules noires, le 21 mai 1840. AO-LA CHAMBRE DES PAIRS
Déposé sur le bureau de la Chambre des Pairs le 27 mai, le projet de loi fut rapporté très favorablement, mais sans éclat, par Rossi, le 22 juin, et voté par 111 voix contre 19, quatre jours plus tard, après deux discours du marquis d'Audiffret, du vicomte Dubouchage et une brève intervention de Pelet de la Lozère. Le Conseil de Régence députa alors quelques membres choisis dans son sein, pour offrir à Thiers l'expression de la gratitude de la Banque pour la part importante et décisive qu'il avait prise au succès de la loi; il lui fit remettre, en outre, une médaille d'or, grand module, frappée « tout exprès pour la circonstance ».
LA LOI DU 30 JUIN 1840
Le texte voté fut celui de la Commission. Le privilège de la Banque est prorogé jusqu'au 31 décembre 1867 ; néanmoins, il peut prendre fin le 31 décembre 1855, s'il en est ainsi ordonné par une loi votée dans l'une des deux sessions précédant cette époque (Art. 1). Le capital est réduit à 67.900.000 frcs, consécration d'un état de fait, mais il ne peut être augmenté ou .diminué que par une loi spéciale (Art. 2). L'admission des effets publics français de toute nature, en garantie de la troisième signature, résultait d'une loi; l'escompte quotidien, d'un arrêté du Conseil Général de la Banque. l . e législateur estime préférable de consacrer ces réfonnes en les introduisant dans une loi organique (Art. 3 et 4) ; il en va de même pour l'obligation de publier: tous les trois mois, un état de la situation moyenne de la Banque pendant le trimestre écoulé; tous les six mois, le résultat des opérations du semestre et le règlement du dividende (Art. 5). La loi du 30 juin 1840 établit, entre les Banques départementales et les Comptoirs de la Banque de France, une différence dont on n'a
LE RENOUVELLEMENT DU PRIVILÈGE : 1~40
1:3
-pas remarqué toute l'importance. - Aucune Banque départementale -ne peut être désormais établie qu'en vertu d'une loi et la loi est éga1ement nécessaire pour proroger le privilège ou modifier les statuts ·des banques existantes (Art. 8); par contre, une ordonnance royale, Tendue sur la proposition du Conseil Général de la Banque, dans la forme des règlements d'administration publique, suffit pour la création ·ou la suppression des Comptoirs et les modifications à apporter aux dispositions du décret du 18 mai 1808 relatif à ces Comptoirs (Art. 6 ,et 7). Par les facilités qu'il accorde pour la création des Comptoirs d'Es·compte; les délais qu'il impose, les difficultés qu'il suscite pour l'établissement des Banques départementales; par l'initiative et le pouvoir de décision qu'il confère, en fait, au Conseil Général de la Banque de France, le législateur de 1840 manifeste son désir de favoriser le développement des Comptoirs au détriment des banques locales indépendantes : si l'argumentation réticente de Thiers n'a pas eu d'influence en la matière, il semble bien que le prestige de la Banque et le cri -d'alarme jeté par Ivl. de Corcelle aient emporté la préférence. Enfin, par une derniè.re disposition (Art. 9), la loi du 30 juin 1840 ·stipule qu'à dater de sa promulgation, les droits de timbre à la charge de la Banque seront perçus sur la moyenne des billets au porteur ou ,à ordre qu'elle aura tenus en circulation pendant le cours de l'année 1. Jusqu'en 1810, les billets de la Banque de France avaient porté l'empreinte matérielle du timbre; le chiffre de l'émission était, par conséquent, la base de la perception de l'impôt. Le Conseil, invoquant alors l'art. 35 de la loi du 24 germinal an XI 2, demanda que la Banque fût dispensée de faire appliquer le tinlbre ;,sur ses billets et que le droit de timbre global fût fixé à une somme -forfaitaire par année; mais, c'est en 1817 seulement que le Ministre des Finances accéda au vœu du Conseil : l'abonnement annuel fut fixé à 10.000 fres. Comme la circulation moyenne s'élevait alors à 83.500.000 frcs, :J'abonnement accordé à la Banque faisait ressortir l'impôt à 0 fr. 12 :.seulement par 1.000 fres, tandis que le droit de timbre normal était de 0 fr. 50. De 1817 à 1840, le prix de l'abonnement ne subit aucune '-modification, mais les dispositions nouvelles de la loi du 30 juin eurent pour effet de porter brusquement l'impôt sur le timbre à 110.000 frcs' ',pour la prenlière année! 1. Le même mode de perception est appliqué aux Banques départementales, ~l partir .du 1 el janvier 184-1. 2. Article ainsi conçu: Il Il pourra être fait un abonnement annuel avec les banques pri'vilégiées pour le timbre de leurs billets ».
BANQUE DE FRAl'\CE.
13
LE DROIT
DE T1MBRE SUR LES BiLLETS
CHAPITRE V
LA CRISE DES SUBSISTANCES LA POLITIQUE DES COrwIPTOIRS. LA BANQUE DE :FRANCE CONTRE L'EXTENSION DES BANQUES DÉPARTE~lENTALES. PRO.1ET DE CRÉATION n'UN COMPTOIR A ALGER. LES OPÉRATIONS COMMERCIALES DE LA BANQUE DE 1840 A 1845. LA CRISE DES SUBSISTANCES. POLITIQUE DE LA BANQUE EN TEl.IPS DE CRISE. Ert'lPRUNT DE LA BANQUE A LONDRES. L'ESCOMPTE A 5 P. 100. VENTE DE RENTES AU GOUVERNEl\IENT" RUSSE. LES COUPURES DE 200 FRCS. POLITIQUE l\fONÉTAIRE. LA BANQUE DE FRA~CE RACHÈTE DES HENTES. L'ESCOl\'IPTE A 4 P. 100.
L~4
POLITIQUE
DES C01HPTOIRS
renouvellement du privilège était susceptible d'augmenter la confiance de la Banque dans ses propres destinées; les modifications insignifiantes dont il s'accompagna ne pouvaient exercer d'influence sur le mouvement des opérations toujours soumises, par contre, aux incidences de la politique. Celle de Thiers, belliqueuse, déchaîna les alarmes, contribua avec la guerre d'Algérie à rompre l'équilibre budgétaire, créa une grosse perturbation sur les fonds publics, les actions de la Banque de France 1, et provoqua - par suite de la confiance inspirée - le versement de sommes énormes, pour l'époque, dans les caisses de la Banque : la moyenne des comptes-courants s'éleva, tout à coup, de 50.000.000 frcs à 90.000.000 fres; les récépissés à vue, qui n'avaient jamais dépassé 2 à 3.000.000 fres, atteignirent 12.000.000 frcs. Cependant, l'augmentation du budget des dépenses n'entraînait pas d'opérations avec le Trésor, partant pas de profits, le mouvement général des escomptes tendait à dinlinuer; seuls, les résultats des Comptoirs étaient satisfaisants. Aussi, dès que la rentrée de la France dans le concert européen permit de reprendre, en toute quiétude, le cours des pensers antérieurs, le Conseil Général de la Banque de France se préoccupa-t-il de parfaire son œuvre d'organisation des Comptoirs d'Escompte.
L
E
1. En 1839, les h'ansferts portent sur 6.454 actions; en 1840, sur 16.805.
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Un Comité spécial et permanent, dit Comitë des comptoirs, dont faisaient partie les c:enseurs, élabora d~aoord les nouvelles règles applicables à ces établissements 1. L'ordonnance du Roi du 25 mars 1841 se borna à les reproduire, en précisant que le· Conseil Génêral conserve le droit de fixer le taux de l'escompte dans les Comptoirs; les dispositions relatives à l'émission des billets, à radministration des Comptoirs ne varient pas 2.. Le Conseil examina les demandes formulées par les villes de Besançon~ Caen~ ChâteaurOlL~,. Clermont-Ferrand, et se posa la question de savoir s'il ne conviendrait pas de s'en tenir, m&mentanément, aux Comptoirs existants" afin de juger d'après une plus longue expérience de leurs avantages et de leurs inconvénients.. Le grand promoteur' du mouvement, M. Vernes, observa que la création de Comptoirs n'augmentait pas la masse des besoins en France, besoins auxquels la Banque aurait à suffire indirectement, si elle ne le faisait directement. (t La Banque ne fait, disait-il, pour la plupart de ses escomptes dans les Comptoirs, qu'aller au devant du papier qui, sans cela, viendrait se présenter à elle à Paris. Les envois d'espèces dans les départements se feraient donc, sans les Comptoirs, par des intermédiaires qui viendraient les puiser dans les caisses de la Banque. La nécessité d'avoir un fonds de caisse dans chaque Comptoir est, il est vrai, cause de quelque dissémination du capital de la Banque, mais ces fonds de caisse, aujourd'hui considérables dans quelques succursales - [ce qui est] indifférent à la Banque, eu égard à sa situation - et qui présentent l'avantage d'une accumulation de versements locaux destinés à prévenir plus tard des envois d'espèces, pourraient facilement être réduits s'il survenait des besoins à la Banque Centrale )}. Le Conseil Général ne se dissimula pas, non plus, que la loi du 30 juin 1840 lui avait en quelque sorte imposé le devoir d'établir un certain nombre de nouveaux Comptoirs là où le besoin s'en ferait sentir et tant que leur création n'emploierait pas une partie trop considérable de ses fonds. Or, comment douter des besoins de Caen, de Châteauroux, de Besançon et de Clermont-Ferrand, lorsqu'ils étaient affirmés à la fois pa.r les Chambres de Commerce, les Chambres consultatives des arts et manufactures, les tribunaux de commerce, les conseils municipaux, généraux et les autorités préfectorales? On estima, d'autre part, que les fonds nécessaires au fonctionnement de ces quatre établissements et des six Comptoirs existants ne dépasseraient pas 20.000.000 fres, somme que la Banque pouvait prélever 1. Les circonstances ont conduit au maintien de ce comité, qui a pris le nOln de Comité des Succursales. 2. Toutefois, le nombre des actions dont les membres des Conseils d' Admlnlstration des Comptoirs sont tenus de justifier, est réduit à quinze pour les Directeurs, à quatre pour les Administrateurs et les Censeurs. L'expérience avait, en effet, prouvé que le recrutement des Administrateurs serait dans la plupart des cas impossible si l'on s'en tenait aux exigences de 1836 1 Enfin, les opérations de Comptoir à Comptoir restaient subordonnées à une auto risation expresse du Conseil Général de la Banque.
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sans inconvénients sur son capital. Le Conseil Général donna donc un avis favorable aux demandes examinées, mais admit en principe, pour calmer les ultimes inquiétudes des derniers Régents hésitants, qu'il ne serait plus créé de nouveaux Comptoirs avant deux ou trois ans 1. Les deux premières années révolues, fallait-il créer de nouveaux Comptoirs sans plus attendre? Sur un capital de 67.900.000 frcs, plus de 50.000.000 frcs étaient « colloqués » en rentes, 20.000.000 frcs avaient été absorbés par la dotation des Comptoirs, et un membre du Conseil Général de la Banque suggéra de subordonner déso~ais la création des Comptoirs à l'aliénation des rentes nécessaires pour leur dotation. Mais on répondit justement à cette proposition que, si un important capital est indispendable à une banque pour asseoir son crédit, il n'est pas nécessaire qu'il soit toujours présent en numéraire dans les caisses 2. On ne pouvait raisonnablement pas limiter les opérations de la Banque à ce qu'elle était capable d'entreprendre par ses propres capitaux, ni contester que les Comptoirs avaient plutôt augmenté qu'affaibli les moyens d'action de la Banque centrale 3, avec laquelle ils formaient un seul et même établissement. Parmi les demandes dont la Banque était saisie en 1843, les plus urgente~ provenaient incontestablement d'Alsace; mais, le principe 1. La Chambre de Commerce de Clermont-Ferrand (alors peuplé de 32.000 habitants), évaluait à 72.800.000 frcs le mouvement général des affaires commerciales dans les départements du Puy-de-Dôme, de l'Allier, de la Haute-loire et du Cantal, dont ~17.000.000 frc·s provenant du sol et de l'industrie du Puy de Dôme. Dans l'Indre, le taux d'intérêt de l'argent était extr~mement élevé: 6, 7 et 8 p. 100 pour les bonnes valeurs à Châteauroux, 8, 9 p. 100 à Issoudun et au-delà (jans le reste du département; aussi la décision de la Banque fut-elle accueillie avec une satisfaction extrême. La Chambre de Commerce à Châteauroux pensait que cette ville deviendrait, par sa topographie, non seulement le Comptoir d'Escompte de l'Indre, mais encore celui d'une partie des départements voisins. La seule ville de Châteauroux, peuplée de 15.000 à 16.000 habitants, renfermait plus: de 60 fabriques de lainage; le département conlptuit de nombreuses fabriques de draps, de porcelaine, des tanneries, des forges; il se livrait aussi au commerce des chevaux et des bestiaux. On calculait que les banquiers faisaient chaque année pour 100 il 120.000.000 frcs d'affaires et qu'ils escomptaient pour. plus dQ ao.ooo.OOO frcs d'effets provenant" en partie, de Bourges, Gu~ret, Romorantin, Blois, Tours, Poitiers et Limoges. L'évaluation approximative du commerce de Besançon (20.000 habitants) pour le fer, l'horlogerie, la papeterie, les filatures, le bois, les fromages et le bétail, s'élevait à 22.200.000 fres. Aux séances de la Chambre de Commerce, quatre banquiers avaient fait de l'opposition, par crainte que le Comptoir projeté ne leur enlev:U une partie de leurs affaires dans le département, mais on avait désarmé leur opposition en leur donnant l'assurance que l'on n'admettrait à l'escompte que les maisons domiciliées à Besançon. Caen, ville de 40.000 habitants, se livrait surtou t au commerce des bestiaux, des chevaux, du heurre, de l'huile, du poisson, àes dentelles et des tissus. Par sa position géographique, les avantages de son port et ses relations avec Vire, Bayeux, Condé, Flers, Falaise, Alençon, Vinl011tiers et Lisieux, Caen était considéré comme l'entrepôt de la Basse-~ormandie. On évaluait les transactions de Caen à 110.000.000 frcs environ, dont 38.000.000 ircs de négociations de valeuls. 2. Cette réflexion ne tendait naturellement pas à contester la nécessité d'un certain encaisse. 3. L'encaisse des Comptoirs était alors de ~·3.000.000 fres et leur portefeuille de 33.000.000 frcs environ. En 184H, les Receveurs généraux versèrent 33.000.000 frcs dans les caisses des Comptoirs.
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admis de l'établissement d'un Comptoir dans cette contrée, il restait à en déterminer le siège: or, Strasbourg et Mulhouse s'en disputaient le privilège. Pour s'éclairer, le Conseil Général chargea M. Vernes d'étudier la situation sur place et de lui en rendre compte, ce qui fut fait, le 10 août 1843, dans un rapport remarquable, plein de précieux enseignements 1. La Banque décida en faveur de Mulhouse, attendu que cette ville « manque par elle-même de moyens de crédit, ce qui n'a pas lieu à Strasbourg et que c'est dans le lieu même du besoin et non dans un siège éloigné, quelque grande ville qu'il soit, gue la Banque, qui rec
1. La création d'un Comptoir 11. Strasbourg aV'lit fait également l'objet d'un rapport de 1\1. Lefebvre, en JR41. Il résultait de ces deux éturles que Strasbourg avait été, sous l'Empire, un important entrepôt de denrées coloniales, mais le syst~me maritime en vigueur, en empêc.hant l'entrée de ces denrées par terre, avait rendu la faculté d'entrepôt à peu près inutile; toutefois, le transit des produits coloniaux et du blé du Palatinat vers la Suisse, le traité de commerce pa'isé entre la France et la Hollande, la consommation crois.. sante des laines d'Allemagne par notre industrie, le transit des produits étrangers manufacturés, n destination de nos ports, permettaient de conjecturer que l'entrepôt de Strasbourg pourrait acquérir avec le temps une nouyelle importance. Strasbourg entretenait encore des relations avec Carl'iruhe, Mannheim, Stuttgart, Francfort, qui lui avaient envoyé, en certaine~ occasions, des sommes considérables en traites sur Paris; mais le rôgime douanier français et la formation du Zollverein contribuaient à amoindrir chaque jour ces relations. Strasbourg subissait aussi la concurren('·e de Kehl, de :Mannheim, de l\-fayence et surtout de Cologne, qui ambitionnaient de devenir de grands entrepôts entre l'Allemagne et Rotterdam, Anvers, Liverpool même; enfin un 1 chemin 1 était projeté sur la rive droite du Rhin. Le principal commerce de Strasbourg consistait en houblon, chanvre, garance, graines oléagineuses et céréales. Dans son sein, pas d'industries manufacturières, mais, dans son rayon, des filatures de coton, de laine, des tanneries et des maroquineries, des forges, des fonderies, quincailleries et des usines de produits chimiques. Cependant, dit M. Vernes, « toute cette industrie s·exerce en général sur une petite échelle et ne donne pas lieu à la création de b('!aucoup de valeurs J. Il existait à Strasbourg trois maisons de banque dont deux travaillaient avec l\iulhouse et le Haut-Rhin et dont l'une, notamnlent, ouvrait à cette contrée des crédits assez consi.. dérables : ces maisons l'taient, d'ailleurs, en relations avec les États voisins d'Allemngne et Francfort. En outre, des capitalistes nombreux et des maisons de commerce qui, dans les moments de stagnation, cherchaient à faire valoir leurs capitaux, prenaient des effet~ sur Strasbourg, notamlnent au moment de~ récoltes ou enrore ponr les opérations sur les terres et les exploitations de forêts. Le taux d'escompte variait ordinairement entre 4 et 5 p. 100. A Mulhouse, la situation était toute ditlérente : la population de moitié mointire, soit 30.000 ~lmes, en y comprenant les ouvriers. La viUe avait connu depuis sa réunion à la France, ~ràce aux hautes qualités de ses industriels et ~ leur esprit d'audace, un développe.. ment extraordinaire. Mulhouse, centre cie fabrication d~ la toile peinte, opéra d'abord sur le~ tissus de l'Inde, puis elle y substitua les tissus dont le système prohibitif avait proyoqué la fabrication en Normandie et dans le nord de la France. Elle voulnt ensuite fabriquer ces tissus elle-même, et, les filatures s'étaient élevées si nombreuses, qu'en 1843 elles dépassaient, en dimension, celles du reCite de la France; on comptait 750.000 broches dans le département du Haut-Rhin, et le tissage, qui se fuisait jusqu'Alors à la main, se transfor.. mait en tissa~e mécanique: 16.000 nlétiers mécaniques fonctionnaient déjà t Enfin, l\1ulhouse fabriquait des machines à filer le coton, la laine, le lin, des moteurs, des machines à vapeur, et même quelques-unes des prenlfères locomoti ves. Il faut ajouter à cela un important conlmerce de matIères premi~res : fer, coton, « droguerie » pour la teinture et même un commerce de transit et d'entrept\t. Mais, à la différence de Strasbourg, l\fulhouse n'avait qu'une ou deux banques « de troisit\me ordre ., et il lui fallait aller chercher de l'argent à Bâle, à Colmar et surtout à Strashourg oil il lui 1 evenait souvent à 5 et à 6 p. 100, avec cet inconvénient de voir son crédit jugé par des {atran~ers... Mulhouse avait hAte, naturellement, de sortir de cette situation : une seule chose la faisait un peu hésiter, la crainte de voir les banquiers de Strasbourg mettre leurs menaces de boycottage à exécution.
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cherche avant tout l'utilité, doit. porter les facilités demandées. t. L'ordonnance royale établissant le Comptoir de Mulhouse fut rendue le 8 décembre 1843. Au cours de cette même année, par une amélioration remarquable, tous les Comptoirs de la Banque avaient été autorisés à escompter directement le papier sur les autres Comptoirs. LA BANQUE DE FRANCE COl\lTRE
L'EXTENSION DES BANQUES DÉPARTEI\f.ENTALES
Dans le passé, le Gouvernement avait plusieurs fois consulté la Banque au sujet des statuts des Banques départementales, et c'est en vertu de ce précédent que le Conseil Général fut prié, en mai 1844, de donner son avis sur des projets de statuts d'une banque d'escompte, de dépôt et de circulation, à Strasbourg. Depuis la création de la dernière Banque départementale, en 1836, la politique de la Banque de France en matière de Comptoirs s'était nettement affirmée: il ne lui était pas possible de se retrancher plus longtemps dans une attitude d'indifférence et de laisser-faire. Pour ou contre, il fallait choisir. 1\1. Pillet-Will comprit toute la gravité du sujet, sur lequel il s'ex'prima en ces termes devant le Conseil Général : « La question des banques locales a acquis, dans ces derniers temps, un degré de gravité qui, à tous égards, la rend digne d'une attention particulière. Cet intérêt devient d'autant plus vif, d'autant plus pressant, que la tendance des esprits se porte 'vers des demandes en autorisation qui ne tarderont pas à se multiplier. L'exemple est contagieux, la pente rapide et glissante, aussi faut-il s'attendre à ce que chaque ville, chaque localité auxquelles peut bien venir en aide l'espoir légitime d'une hausse sur le cours des actions, se croient en droit de vouloir et d'obtenir leurs banques d'escompte et de circulation... Cependant, qui ignore les:embarras auxquels ont donné lieu, dans d'autres pays, le trop grand nombre d'établissements semblables agissant sans régulateurs, sans centre commun, comme aussi sans contrôle efficace de la part de l'autorité, se livrant parfois à des émissions exagérées, ou pratiquant, en dehors de leurs chartes constitutives et pour se créer des ressources ou des profits, une foule d'opérations qui devraient à tout jamais demeurer étrangères à des établissements qui reçoivent de la loi le privilège d'émettre du papier-monnaie? » La politique des Banques départementales apparaissait osée. La Banque de Lyon, au capital· de 2.000.000 frcs, et la Banque de Bordeaux, au capital de 3.000.000 frcs, avaient un passif exigible de 22.000.000 frcs et de 20.000.000 frcs respectivement, et l'on calculait que ce passif, pour l'ensemble des banques départementales, atteignait 90.000.000 frcs pour un capital de 23.350.000 fres. D'autre part, la Banque de France appréhendait la concurrence des Banques départementales, qui avaient reçu l'autorisation d'escompter le papier sur Paris. Ce papier constituait le principal et presque le seul élément des opérations de la Banque de France, et
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toute cornbinaison qui tendait à l'en priver restreignait son action et diminuait son importance. ~ « Ce n'est pas dans Paris, disait M. Jacques Lefebvre, que peut s'opérer la création de lettres de change payables à Paris. La loi ne le permet pas ct les faits y sont contraires >}. Les effets escomptés par la Banque provenaient soit du commerce extérieur, soit des échanges de produits qui s'opéraient entre les diverses parties du territoire national; Of, les banques de Marseille, Bordeaux, Nantes, le Havre, Rouen, Lille, en retenaient déjà une portion considérable et la Banque appréhendait le moment où, le réseau se complétant, il ne lui resterait plus que l'escompte de billets à ordre créés pour les besoins de la consommation locale. Elle ne serait plus, alors, ni la B3nque de France, ni même la Banque de Paris, « la centralisation aurait fait place à l'éparpillement de la force fina ncière >}. Le Gouvernement se rendit aux raisons de la Banque; peut-être même s'engagea-t-il à ne pas autoriser de nouvelles Banques départementales, car c'est la Banque de France qui, deux ans 'après, le 15 avril 1846, reçut l'autorisation de créer un Comptoir à Strasbourg. - Le Conseil d'État, consulté sur cette création, avait prié la Banque de lui communiquer le vœu de la Chambre de Commerce de Strasbourg, ce qui tendait à m.ettre la formation des Conlptoirs dans la dépendance absolue des Chambres de Commerce: la loi n'avait pas voulu cela et la Banque le fit remarquer au Conseil d'État, afin de ne pas laisser s'établir un précédent sans fondement. Presque simultanément, la Banque de France créa trois autres Comptoirs: au Mans, le 28 avril 1846 1 ; à Nîmes, le 29 mai 2 ; à Valenciennes, le 10 juillet 3 : ce furent les derniers Con1ptoirs créés sous la Monarchie de Juillet 1 Le projet d'établir un Comptoir à Alger échoua, en effet, mais les conditions dans lesquelles il fut formé méritent cependant d'être rapportées. 1. Le l\fans était prospère par la fabrication des toiles. L'exportation des bestiaux, des graines de trèfle, de chanvre et d'autres produits agric.oles ; alentour" les fabriques d'Alençon, de l\Iayenne, de Laval, avaient des besoins importants. L'intérêt de l'argent était ordinairement assez élevé. Des opérations de prêts, menées sans prudence par des notaires, avaient amené parmi eux des catastrophes; les banquiers étaient trop peu nonlbreux; cependant, une Inaison de banque par actions, créée depuis plusieurs années déjà, prospérait et rendait des services. 2. Malgré la proximité du Comptoir de l\{ontpellier, qui donnait des résultats magnifiques, Nlmes, ct foyer d'une grande fabrication de châles, d'étolles de soie pure ou nlêlée avec le coton et la laine, entrepôt pour la soie grège et ouvrée des départelnents voisins, la bonneterie de soie et de bourre de soie, les vins et eau'C-de-vie »parut remplir les conditions de succès nécessaires. 3. A l'ancienne spéchilité, toujours en honneur, de la batiste, étaient venus s'ajouter, dans le rayon de Valenciennes, des fabriques de sucre, des exploitations de houillères, des hauts-fourneaux, des forges, des verreries et, d'une façon générale, toutes les usines .que l'abondance de la houille commençait à attirer. Valenciennes était obligée de se procurer des fonds par l'entremise de banquiers qui les allaient chercher à la Banque cie Lille, au Comptoir de Saint-Quentin, parfois en Belgique et jusqu'à Paris.
PROJET DE CRÉATION D'UN COMPTOIR A ALGEr
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C'est Soult, alors Ministre de la Guerre, qui, plein· de foi dans les destinées comnlerciales de l'Algérie, demanda à la Banque, dès le D10is de novembre 1844, de créer ce Comptoir. Selon lui, l'Algérie recevait déjà pour 72.000.000 frcs de marchandises; l'agriculture se développait, les ventes de propriétés, le règlement des divers travaux en cours et des emprunts donnaient lieu à la création de nombreuses valeurs; mais l'intérêt était extrêmement élevé (12 à 25 p. 100) et paralysant. Bref, il y avait pour une banque, même en escomptant beaucoup au-dessous de ce taux, matière à bénéfices importants. Plusieurs projets avaient été étudiés; l\tlarseille et Alger se disputaient même, paraît-il, l'honneur de fonder cet établissement, mais les préférences du duc de Dalmatie allaient à la Banque de France. « La régénération du Nord de l'Afrique par la France, écrivait-il au Gouverneur de la Banque, la fondation d'un royaume chrétien et franç.ais en Algérie est un grand fait historique; elle rend au commerce du monde un vaste et magnifique territoire; elle a détruit la piraterie; elle a fait tomber une à une l'entrave des quarantaines exagérées; en offrant aux esprits ardents et aventureux un noble but, en donnant du travail à de nombreux ouvriers de la métropole, de l'Espagne et des autres nations voisines de l'Algérie, elle fournit un nouvel aliment à leur commerce et contribue ainsi à f(,rtifier les tendances pacifiques de l'Europe. La Banque de France voudra s'associer à cette grande œuvre; elle inlitera les banques anglaises, que l'on voit toujours prêtes à soutenir les colonies de la Grande-Bretagne; elle nous prêtera son nom, son crédit, son appui, et, en s'assurant ainsi des bénéfices, elle rendra à la-métropole un nouveau service par la moralisation du commerce algérien et le développement de toutes les entreprises qui peuven"t nous dédommager de nos sacrifices et étendre la conquête morale des populations indigènes ». Ce beau document méritait vraiment de passer à la postérité! Le Comité des Comptoirs, puis le Conseil' Général de la Banque, se rallièrent d'enthousiasme à la proposition du maréchal Soult et aboutirent, d'accord avec le Gouvernement, à un texte qui devint la loi du 19 juillet 1845. Le Comptoir d'Alger, « Comptoir mixte », devait être constitué au capital de 10.000.000 frcs, dont 2.000.000 frcs fournis par la Banque de France, et 8.000.000 frcs par des souscriptions d'actionnaires, au moyen d'actions de 1.000 frcs. Tout appel ultérieur de fonds était prohibé; la Banque et les actionnaires ne pouvaient en aucun cas être tenus des engagements du Comptoir que jusqu'à concurrence de leurs parts respectives dans la formation du . capital. Le Comptoir recevait le privilège exclusif d'émettre des billets nu porteur, à vue; son administration était placée sous la direction ilnmédiate de la Banque, conformément aux dispositions de l'ordonnance royale du 25 mars 1841 ; toutefois, il devait être tenu pour ce, Comptoir une comptabilité distincte et spéciale,- de même que les. résultats des opérations devaient être constatés et publiés isolément..
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Gouvernement, Banque, Parlement avaient sous-estimé les difficuItés; deux ans après, le Comptoir n'était pas encore créé et la loi du 9 août 1847 (art. 5) stipula que l'autorisation serait révoquée et considérée comme non avenue, dans le cas où l'établissement ne serait pas constitué avant le 1er avril 1848. A cette date, les fonds recueillis atteignaient seulement 4.000.000 fres, car la Révolution avait arrêté les paiements. Un peu plus tard, en juillet, le Directeur duCoIrintoir se démit de ses fonctions, vu l'état des affaires commerciales qui lutenlevait l'espoir d'aboutir; les actionnaires d'Alger, notamment, demandèrent le remboursement de leurs versements et le Conseil Général, qui avait hésité à demander un sursis à la déchéance, ne s'occupa dès lors plus que de la liquidation de ce beau projet. Au point de vue où nous nous plaçons maintenant, les années 1840, 1841, 1842 et 1843 sont parmi les plus calmes que la Banque ait connue3, ce sont vraiment dys années sans histoire : légère diminution des escomptes de la Banque centrale, progression des escomptes des Comptoirs, faible augmentation de l'encaisse et de la circulation, diminution des avances sur titres et de la moyenne des compteseourants, baisse des dividendes, qui tombent de 139 frcs à 122 frcs. lVIême l'émission d'un emprunt de 350.000.000 frcs, en 1841, ne se répercute pas sur la Banque, qui profite de cette accalmie pour apurer à l'extrQme sa situation : tous les effets tombés en souffrance pendant la crise de 1836 sont intégralement remboursés. La pénétration des billets de la Banque augmente sans cesse; dans le rayon de certaines succursales, l'us~ge des billets de Paris tend à se substituer à l'emploi des billets émis par ces succursales. « Du reste, jusqu'à présent du moins, dit le comte d'Argout en rendant compte de l'exercice de 1844, les mouvements de la circulation ne se sont trouvés en rapport, ni avec l'importance plus ou moins grande des opérations commerciales consommées dans chaque Comptoir, ni avee la population des villes dans lesquelles ces Comptoirs sont établis >}. En 1844, année d'abondance monétaire, le loyer de l'argent tombe au-dessous du taux d'inté.rêt de la Banque, dont le portefeuille tend cependant à se gonfler. Le censeur Odier exprime la crainte que les individus appelés à diriger « plusieurs de ces nouvelles compagnies créées par actions au porteur >), ne mettent pas dans leurs émissions toute la prudence et la réserve nécessaires pour éviter une perturbation. Dans ces conditions, « la sagesse et l'importance >} de la fixité du taux de l'escompte lui paraissent plus importantes que jamais; elle assure, en effet, au commerce, « la possibilité de ~atisfaire constamment à tous ses besoins d'argent dans les moments de pénurie et même d'embarras; les temps de la grande abondance d'argent ne sont pas d'assez longue durée pour risquer, après avoir baissé le cours 1, de devoir 1.
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Cours
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est écrit, ici, pour
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J.
LES OPÉRATIONS COMMERCIALES DE LA BANQUE DE
1840 A 1845
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le relever promptement; dans ce monlent, surtout, des opérations qui sortent du cours ordinaire des affaires sont plus à redouter qu'une continuité de langueur... » L'année suivante, nous assistons à la réalisation de cette prophétie 1 créations de sociétés par actions, compagnies de chemins de fer, en particulier, impriment aux -capitaux un mouvement inusité de concentration rapide en quelques mains, puis de large reflux, de contraction puis d'extension de crédit; différentes branches d'industrie sont menacées d'embarras, une nlaison de banque de Paris ne doit son salut qu'à l'intervention de la Banque, dont les escomptes atteignent plus de 1.400.000.000 frcs, contre 1.075.000.000 fres, l'année précédente. _ Le sens de la spéculation se répand, son goût pervers engendre des actes inconsidérés: c'est ainsi qu'on voit de très anciens actionnaires de la Banque vendre leurs titres, malgré la hausse du dividende, pour acheter des actions de chemins de fer vouées à une baisse rapide. A la fin de 1845, pour la première fois dans ses annales, tous les billets de la Banque sont épuisés par suite de l'intensité des demandes 1. En vue de satisfaire à la préférence du public pour les vignettes, le Conseil Général adopte un expédient essentiellelnellt temporaire, à savoir la création de billets de 5.000 et de 10.000 fres payables à ordre et à vue; puis, en janvier 1846, sur la proposition du comte Pillet-\tVill, il décide d'émettre des billets de 5.000 frcs, dans les conditions ordinaires. La majorité du Conseil aurait aussi voulu émettre des coupures de 250 ircs, mais le Gouvernement tira prétexte de sa division et de l'hostilité des Censeurs pour lui refuser le dépôt du projet de loi nécessaire. Lc~
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La récolte de 1845 avait été très mauvaise; celle de 1846 fut désast.reuse. L'encaisse (Paris et Succursales), gros de 252.000.000 frcs à la fin du premier semestre, diminua de 17.538.000 fres en juillet, de 2.904.000 fres en août, de 14.911.000 frcs en septembre, de 65.464.000 frcs en octobre, de 43.235.000 fres en novembre. A cela, plusieurs causes. . Et d'abord, les achats de grains aux États-Unis, en Espagne et surtout en Russie. - Comme la récolte avait été aussi mauvaise dans toute l'Europe du nord et dans l'Europe centrale qu'en France, les prix subissaient l'effet de la concurrence des acheteurs et la Belgique, la Hollande, l'Allelnagne et la Suisse cherchaient à tirer de l'argent de notre pays pour solder leurs achats extraordinaires à l'étranger. Chaque année, la Suisse et l'Allemagne, à l'approche de novembre, 1. La Banque doit établir une nouvelle galerie plus grande, pour les recettes, et une salle d'attente pour le public.
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satisfaisaient en France des besoins de numéraire provoqués par l'approche des grandes foires; cette fois, aux besoins normaux et anormaux, s'ajoutaient encore ceux résultant des entreprises de chemins de fer qui, faute d'espèces, n'auraient pu se poursuivre. D'autre part, les besoins des départements - qui faisaient périodiquement baisser les réserves de la Banque dans les mois d'octobre et de novem.bre - furent plus considérables que de coutume, à cause des immenses . travaux entrepris par le Gouvernement, par les compagnies de chemins de fer, et en raison du temps que les sommes employées à payer les journées d'ouvriers mettaient à se reformer, avant de reprendre le chemin de Paris. Ce n'est guère qu'au début de novembre que le Conseil Général de la Banque commença à s'inquiéter, le mot est peut-être même trop fort: préoccuper conviendrait mieux, des exportations de numéraire 1. Plusieurs propositions lui furent faites, tendant à les enrayer, propo·sitions classiques : différenciation des taux d'escompte, achats de matières d'or et d'argent, ventes de rentes, diminution des somInes .consacrées à l'escompte, restriction des échéances, suppression des prêts sur lingots et sur titres, emprunt à l'étranger, mais les esprits n'étaient pa.s mûrs. Au cours des semaines suivantes, au contraire, une curieuse évolution se produisit : peu à peu, cheminant par les voies mystérieuses qu'elle a coutume d'emprunter, la vérité apparaît. On comprend la nécessité de se dégager dans une sage mesure des contingences et de -se rallier à des principes applicables en toutes circonstances, de substituer une règle souple ll1ais fixe à l'inspiration du moment, de ne pas -se répandre en longs palabres avant d'agir. Sans doute, les membres ·du Conseil de Régence diffèrent-ils d'avis sur les principes à adopter, mais ce désaccord même les incite à rechercher une franche explication. C'est ainsi que plusieurs séances du Conseil Général, de décem·bre 1846 et de janvier 1847, furent tout entières consacrées à la politique à suivre en temps de crise. Le Gouverneur, les Sous-Gouverneurs, la plupart des Régents participèrent à la discussion, défendant leurs idées avec infiniment de talent, de conviction et d'autorité. Ce fut plus ,qu'une belle joute oratoire, plus qu'un heurt de techniques, plus -qu'une discussion de circonstance : l'origine d'une nouvelle époque. Dès le début, le 3 décembre, deux thèses fondamentales surgissent, s'affrontent, bien que leur contradiction n'apparaisse peut-être pas -avec une parfaite netteté dans la pensée de leurs auteurs : le reste ne Jut que nuances, détails d'application. M. D'Eichthal professe que la Banque aurait dû-agir plus tôt, et, surtout, faire sentir à tous, par une 1. Une autre préoccupation provenait du compte-courant du Trésor; après a.voir baissé de 71.000.000 Ires, depuis le mois de juillet, ce compte restait créditeur de 28.000.000 Ires, ·et la Banque craignait que le Ministre des Finances ne l'épuisât, mais elle réussit à obtenir -certains apaisements de ee côté.
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mesure générale, le danger de la situation. L'exagération des prix n'est pas durable; comment donc les marchandises reviendront-elles à leur prix normal ? Par une diminution graduelle ou par une crise? Or, on ne peut espérer que le commerce soit assez clairvoyant, si ses « guides » se taisent, pour restreindre de son propre mouvement ses opérations et ses spéculations. Il faut donc une action d'en haut et le « devoir » de la Banque est d'en assumer la responsabilité. Voilà le principe, gros de conséquences considérables. Quant au moyen d'exécution, IV!. d'Eichthal préconise la vente d'une partie des rentes appartenant à la Banque, afin de déterminer une baisse générale de toutes les valeurs. « Les fabricants et les industriels, ajoutait-il, se féliciteront un jour de cette mesure, qui d'abord leur semblera pénible, mais qui peut seule, par la baisse des prix, ramener la consommation et aussi rétablir l'équilibre ». Pour IVL Lefebvre, qui va la combattre, la doctrine de M. d'Eichthal est presque d'inspiration démoniaque 1 Provoquer une crise, amener la baisse générale de toutes les valeurs : fonds publics, marchandises et produits du sol, « ce serait là une étrange mission donnée à la Banque et bien contraire, soit au but de son institution, soit aux principes qu'elle pratique depuis quarante-six ans. Elle n'a pas été créée pour opérer la dépréciation du capital national, ni pour s'ériger en régulateur du prix des nlarchandises. Elle prévient ou modère les crises, elle ne les provoque pas ». Nous avons dit que l'opposition de ces deux thèses n'apparaissait peut-être pas avec une parfaite netteté dans l'expression, et en effet, elles semblent s'accorder sur la nécessité d'une action de la Banque en temps de crise : c'est une répudiation commune de la politique d'inertie, mais l'accord n'est que dans les mots. Pour M. Lefebvre, la Banque doit, en quelque sorte, se borner à des mesures d'accompagnement, discrètes et lénitives; éviter de déchirer les voiles. Elle ne doit, sous aucun prétexte, prendre l'initiative de constater ~vec retentissement un état morbide et encore moins faire sentir le mors aux gens, fût-ce aux spétulateurs. - Pour M. d'Eichthal, la Banque a une mission à remplir et n'en peut pas douter. Qu'importe une responsabilité\ apparente? Si son intervention est trop tardive pour prévenir, ou si les choses ne peuvent plus rentrer dans l'ordre par la douceur, si même elle semble déchaîner la crise, c'est que cette crise était latente, inévitable; l'action de la Banque empêchera qu'elle ne s'aggrave, elle fera fonction de luodérateur. Le Conseil Général, encore fluctuant, commença par voter un crédit de 10.000.000 frcs pour l'achat de matières d'argent. Le 26 décembre, il ouvrit au Gouverneur un nouveau crédit de 20.000.000 frcs pour le même objet, et éleva l'intérêt des prêts sur lingots et monnaies de 1 p. 100 à 4 p. 100, dans l'espoir de forcer les matières déposées en garantie d'avances à s'employer, soit à l'intérieur, par vente à la Banque de France; soit au dehors, leur exportation diminuant d'autant
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la balance déficitaire de nos comptes. Le 7 janvier 1847, enfin, un nouveau crédit de 10.000.000 frcs fut voté pour acheter des matières d'argent à l'étranger ou sur place, au comptant ou à terme. C'est pour faciliter ces sortes d'achats que la Banque de France projeta de contracter un emprunt à Londres. La négociation fut conconduite par M. Hottinguer auprès de la maison Baring frères, qui s'engagea à prêter 20.000.000 frcs sur dépôts de rentes 5 p. 100 au pair, moyennant 5 p~ 100 d'intérêt, 3 /4 p. 100 de commissions diverses, et la garantie personnelle de M. Hottinguer 1. La maison Baring paraissait seule en nom comme prêteur, mais elle était libre de s'entendre avec des capitalistes pour tout ou partie de l'opération. Cet emprunt fut porté à 25.000.000 frcs le 14 janvier, aux mêmes conditions et sous les mêmes garanties. Pendant toute la durée de ces négociations, M. I-Iottinguer eut beaucoup à se louer des procédés de la Banque d'Angleterre, qui mit 1.000.000 de livres environ à la disposition de la Banque de France au cours de 60 3/8, alors qu'elle pratiquait officiellement et depuis longtemps déjà, le cours de 60 1 /2.
EMPRUNT
DE LA BANQUE A. LONDRES
Le Conseil Général s'était flatté, un moment, que le mois de décembre serait marqué, comme chaque année, par un reflux d'espèces, mais il lui fallut vite abandonner ces illusions. Le 14 janvier, contre un passif exigible de 386.000.000 frcs (dont le tiers ressortait à 128.000.000 frcs environ), l'encaisse de la Banque s'établissait à 108.000.000 frcs, sur lesquels elle ne disposait guère que de 47.000.000 frcs pour des paiements immédiats : lingots achetés en Angleterre et non encore transportés à Paris, espèces dans les Comptoirs (22.000.000 frcs environ), immobilisations à la Monnaie de Paris. L'encaisse avait baissé de 18.191.000 frcs, en décembre, et de 10.604.000 frcs, depuis le début de janvier. Enfin, les besoins de grains non satisfaits faisaient prévoir plusieurs millions de sorties d'espèces et ces besoins étaient grands, à en juger par les émeutes qui éclataient un peu partout et qui, en plusieurs points, allaient dégénérer en véritables petites jacqueries. L'heure de reprendre les discussions de décembre avait sonné, celle d'une action énergique également : l'arsenal des remèdes fut ouvert. On proposa, en premier lieu, au Conseil, la vente des rentes comme un moyen d'augmenter les disponibilités de la Banque et 1. La date exacte du contrat n'est pas parvenue à notre connaissance, mais elle se place, certainement, entre le 31 décembre 1846 et le 4 janvier 1847. - Sans que la solidité de la Banque fftt, en aucune façon, mise en doute, les prêteurs, ne connaissant pas bien « la ponctualité et la régularité de cet établissement» avaient désiré avoir à Paris un négociant • avec qui ils eussent à traiter directement pour le remboursement et qui eQt, lui-même, à prendre sur les lieux ses mesures vis-à-vis de la Banque J.
L'ESCOMPTE A 5 P. 100
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d'attirer, par la baisse de prix qui s'ensuivrait, des placements avan.. tageux de l'étrsnger. IVI. Lefebvre objecta que la Banque n'avait p~s recouru à un aussi énergique procédé en 1817, alors que le blé valait 30 frcs l'hectolitre, soit 2 frcs de plus qu'un 1847 ; que précipiter la crise boursière, c'était compromettre à la fois et le crédit privé et le crédit public... M. Pillet-Will ramena la discussion aux bornes de la modération. - Que la Banque, dit-il, fasse un premier pas, en augmentant le prix de l'argent, mais « ce serait sortir de toute règle de prudence que d'accumuler, le même jour, mesure sur mesure, avant d'avoir vu l'effet de la première >}. D'ailleurs, il ajoutait qU'après avoir élevé le taux de l'escompte de 4 à 5 p. 100, il préfèrerait encore le porter à 6 p. 100, plutôt que de décider la vente des rentes. L'efficacité de l'élévation du taux de l'escompte était discutée. Le comte d'Argout, notamment, croyait indispensable de limiter en même temps les sommes affectées à l'escompte; cependant, la mesure finit par rallier la maj orité des suffrages et le Conseil Général arrêta. que le taux de l'escompte serait porté à 5 p. 100, à partir du 15 janvier, ainsi que le taux des avances sur effets publics et sur lingots 1. On comprend ainsi pourquoi cette séance du 14 janvier 1847 marque une date historique. Le Conseil Général de la Banque repousse à la fois les mesures qu'on peut qualifier d'extrêmes et les procédés anodins parce que désuets : restriction des échéances, diminution des crédits ·consacrés à l'escompte; c'est à peine s'il les discute. C'est avant tout par l'élévation du taux d'intérêt qu'il entend combattre, désormais, la diminution de l'encaisse métallique de la Banque. Le mythe de la fixité du taux de l'escompte est jeté à bas, après un rayonnenlent ininterrompu de vingt-sept années! La fixation du taux de l'escompte à 5 p. 100 coïncida, exactement~ avec l'amélioration de la situation générale de la Banque de France: l'encaisse cessa de baisser, le portefeuille de se gonfler; puis, on enregistra, au bout d'une quinzaine de jours, un lnouvement de reflux des espèces des départements vers Paris. Les préoccupations du Conseil de Régence ne se dissipèrent cependant pas aussitôt, car il restait encore des achats considérables de blé à effectuer pour nos besoins; or, le change montait à Odessa, et il devenait presque impossible de négocier des traites sur la France dans tout le proche Orient où l'on exigeait du numéraire. Par ailleurs, l'Autriche faisait un emprunt de 100.000.000 fres, 1'..L\.ngleterre annonçait l'adjudication d'un emprunt de 200.000.000 frcs, la Prusse s'apprêtait, elle aussi, à faire appel au crédit public, toutes circonstances de nature à provoquer de nouvelles· exportations de numéraire dans un court délai. VEN1'E
DE RENTES AU GOUVER·
Le 11 mars 1847, M. d'Eichthal invoqua ces excellentes raisons. pour demander au Conseil Général de discuter à nouveau la proposition
NEMENT RUSSE
1. Cette mesure fut, naturellement, appliquée en même temps dans les Comptoirs.
LA CRISE DES SUBSISTANCES
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qu'il lui avait faite de procéder à une adjudication de rentes. Le Gouverneur parut gêné et donna l'impression qu'il cherchait à temporiser. C'est qu'il avait été convoqué deux jours auparavant par le Ministre des Finances, Laplagne, en présence de Guizot, Ministre des Affaires Étrangères et de Duchâtel, 'Ministre de l'Intérieur, pour prendre connaissance d'une extraordinaire communication faite à 1\1. Guizot par le chargé d'affaires de Russie en France, M. de Kisseleff. Le Gouvernement du tzar avait appris « par les papiers publics et par la correspondance du commerce », disait le comte de Nesselrode, Ministre des Affaires Étrangères de Russie, les embarras momentanés de la Banque de France, et le projet de vente de rentes. « Si telle est effectivement son intention, avait écrit Nesselrode à Kisseleff, nous serions à même de lui proposer un arrangement qui semblerait devoir lui convenir. Notre Gouvernement serait prêt à acquérir les rentes dont la Banque voudrait sc défaire, à un taux qui serait arrêté de gré à gré, et pour une somme qui ne dépasserait pas 50.000.00Û' frcs >). Guizot, trouvant la proposition avantageuse pour la France, y avait donné suite en recommandant au Gouverneur de la Banque de France le secret {< le plus absolu! >}. Force lui était donc de temporiser au sein du Conseil Général. Le 12 mars, le comte d'Argout prit contact avec de I{isseleff, qui lui remit un projet d'arrangement entre le Gouvernement russe et. la Banque de France. Ce projet prévoyait que le prix de vente des rentes serait {< arrêté de gré à gré, en se réglant sur les cours du jour, mais en prenant aussi en considération l'avantage que la Banque trouverait à réaliser promptement une grande quantité de rentes, sans subir la b'1isse... qui accompagnerait ou entraverait une pareille opération, si elle devait être faite à la Bourse >}. Le 1Vlinistre des Finances. et le Gouverneur de la Banque repoussèrent cette tentative de marchandage contraire, disaient-ils, à l'esprit de la lettre de Nesselrode;. d'autres projets suivirent, qui sont tous de la main du comte d'Argout ou de celle de lV1. Vernes et qui aboutirent, le 16 mars, à la signature d'un traité. - (< Cette grande affaire » paraissait « si belle >), que les· ministres avaient craint, jusqu'au dernier moment, qu'il ne se produisît quelque accroc 1 Par ce traité, la Banque de France vendait au Trésor impérial de Russie 2.000.000 frcs de rentes françaises 5 p. 100, et 142.000 frcs de rentes françaises 3 p. 100, aux cQurs moyens de la Bourse de Paris. du 11 mars, Jour de la communication faite au Gouverneur de la Banque de France 1. Ces cours étant respectivement de 115 fres 75 et de 77 frcs95, le prix des rentes 5 p. 100 ressortait à 46.300.000 fres ; celui des rentes 3 p. 100, à 3.689.633 frcs, soit au total 49.989.633 frcs. 1. Le cours des rentes n'avait pas varié du 11 au 16 mars, preuve que le secret avait étébien gardé!
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LA MONARCHIE DE JUILLET
Aussitôt après la réception du traité, le Ministre des Finances de Russie s'engageait à transmettre à la Banque de France 5.000.000 ires en lettres de change sur Paris, à trois mois d'échÉance au plus, les frais de commission et de ducroire, montant à 3/4 p. 100 étant, à la charge de la Banque. Le solde devait être fourni sous forme de délégations échelonnées de dix jours en dix jours, QU 5 mai au 19 juin, sur la Banque de Commerce de Saint-Pétersbourg, qui s'engageait à les accepter et à en acquitter le montant à leur échéance, en roubles d'argent, pour le compte du Trésor ilnpérial de Russie 1. . Les paiements du Trésor impérial de Russie étaient stipulés en roubles, convertibles en francs, au cours moyen du change sur Paris à la Bourse de Saint-Pétersbourg, pendant l'intervalle qui s'écoulerait entre le paiement de la première délégation et celui de la dernière : il appartenait donc à la Banque seule de prendre ses dispositions pour éviter toute perte sur le cours ainsi fixé. Enfin, le traité devait être ·considéré comme nul et non avenu, si, dans un délai de trois jours à partir de la signature, il n'était pas approuvé et ratifié par le Conseil Général de la Banque. Le comte d'Argout s'empressa de le lui soumettre, dès le 17 mars, au cours d'une séance extraordinaire dans laquelle quelques réserves furent faites sur les conditions de secret dans lesquelles le traité avait été négocié et sur la rapidité avec laquelle on prétendait enlever l'approbation du Conseil Général. Mais, le Gouverneur, les SousGouverneurs et les Régents et Censeurs qui avaient été mis dans le secret de l'opération, comme membres de la Commission chargée de conseiller le Gouverneur pendant la crise : MIVI. Lefebvre, PilletWill, Hottinguer et Odier, n'eurent pas de peine à démontrer à leurs collègues les avantages inespérés ct 'un tel traité. Ils en soulignèrent aussi le côté politique, qui n'était pas indifférent, car on ne pouvait pas s'attendre à voir un tel prêteur confier ses fonds au Gouvernement français! Le traité fut naturellement adopté par le Conseil, et de Kisseleff fit savoir au comte d'Argout qu'il se félicitait d'avoir été chargé d'une négociation dans laquelle il avait pu apprécier personnellement .« la loyauté et la franchise si connues des représentants de la Banque de France ». Le traité prévoyait que les rentes vendues seraient d'abord transférées de la Banque de France au nom collectif de quatre commis·saires, dont deux devaient être choisis par le chargé d'affaires de Russie et les deux autres par le Gouverneur de la Banque. Les rentes devaient rester déposées entre les mains de celui des commissaires que désignerait le chargé d'affaires de Russie jusqu'au moment où le transfert définitif serait effectué par ces mêmes commissaires, soit au nom du 1. En fait, la Banque de France reçut le montar'" J.es délégations à son choix, soit sous forme de traites, soit sous forme de lingots à Sadlt-Pétersbourg.
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Trésor impérial de Russie~ soit à tout aulre nom désigné par le chargé d'affaires. Les commissaires furent lVIM. Pillet-Will et Lefebvre, Régents de la Bancl'le (~e Francc pour celle-ci, et MM. Thurneyssen et Mallet, pour le 1'1 ésor impérj~ll russe. M. Vernes fut, d'autre part, chargé par le Conseil Général de la Banque de se rendre à Saint-Pétersbourg, avec mission d'opérer, de concert avec le ministre des Finances de Russie, toutes les modifications qu'il jugerait convenables au traité, en ce qui concernait soit la quotité, les échéances et le mode des paiements, soit toute autre mesure d'exécution: le Conseil Général ratifiait d'avance toutes les conventions que son Sous-Gouverneur pourrait conclure à cet effet avec le Trésor impérial de Russie. C'était certes là des pouvoirs discrétionnaires, mais le temps pressait, les délais pour aboutir étaient courts et Saint-Pétersbourg était loin, puisqu'il fallait encore effectuer en poste, sur des routes difficilement praticables en cette saison de fonte des neiges, toute la distance qui séparait Saint-Pétersbourg de la frontière allemande. On n'avait pas compris, en France, comment le Trésor Russe - qui faisait de fréquents emprunts à l'étranger - pouvait acheter pour 50.000.000 frcs de rentes, et l'on s'était donné beaucoup de mal à chercher des explications plausibles. M. Vernes, après un séjour de quelques semaines à Saint-Pétersbourg, devait satisfaire cette légitime curiosité! Les « assignats » russes étaient un papier-monnaie, dont l'origine relnontait à la Grande Catherine, et qui avaient subi, à la suite des guerres de la Révolution et de l'Empire, une importante dépréciation. En 1839, l'Empereur Nicolas les avait consolidés sur la base de 350 roubles-papier pour 100 roubles argent; puis, en 1843, il avait ordonné le retrait et l'échange des assignats, s'élevant à 595.000.000 de roubles, contre des billets de crédit ayant également cours forcé, mais remboursables en numéraire, dans certaines limites, aux caisses du Gouvernement russe. - Sur la base indiquée, la conversion des assignats produisit 170.000.000 de roubles argent, dont le sixième, soit environ 28.000.000 avaient été déposés dans une càisse spéciale. Par la suite, les émissions successives de nouveaux billets de crédit avaient été intégralement gagées en matières d'or et d'argent versées dans cette caisse qu'abritait la célèbre forteresse Pierre et Paul et qui n'était d'ailleurs ouverte, soit pour y apporter, soit pour y prendre des valeurs métalliques, qu'en présence d'une commission composée de hauts fonctionnaires, de membres de la noblesse et du commerce qui en dressaient procès-verbal. Au début de 1847, cette caisse contenait 101.000.000 de roubles argent; en mars, 114.000.000, et c'est pour ne pas laisser une telle somme inactive que le Gouvernement russe entama les négociations que l'on connaît, puis, dérogeant au principe d'inaliénabilité, autorisa, par un ukase du 31 mars 1847 (12 avril, style grégorien), le rcmplai
BANQCE DE FR,\'NCE.
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L~~
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cement de 3O:0tlü:OOO' de roub.~·es par des inscriptions de fonds étrangers ou russes.. Le Sénat dingeant approuva la mesure en déclarant que les rentes françaises,. aussi solid'.:s et rrt~cieuses que les espèces, puisqu'elles jouissaient d'u~ « crédit 11 ru versel ct e.uropéen )}, offraient, en outre,. l'avantage de donner un revenu constant Le Sous-Gouverneur de la Banque, après s'être arrêté quelques: jours à Berlin" arriva à Saint-Pétersbourg le 22 avril.. Les difficultés d'exécution du traité étaient grandes; mais M.. Vernes, qui joignait à beaucoup de finesse d'esprit et d'habileté, des qualités techniques dignes de mémoire, réussit à liquider cette vaste opération d'une' façon remarquable, puisque la Banque - com.pte tenu de tous les frais, y compris ceux de voyage - re'çut intégralement le produit net de la vente des rentes, même. les frais de transfert en, capital et en, intérêt.s, moins 5.118 frcs 5.9 centimes.! Pendant tonte la durée de sa mission, M. Vernes fut l'objet d'atten~ tions très flatteuses de la part du chargé d'affaires· de France, de Nesselrode, du Ministre des Finances, \Vrontschenko. et du Tzar, qui le reçut deux fois. Comme M. Vernes lui exprimait sa gratitude et lui disait qu'il emportait le désir de voir les relations de la France avec la Russie se resserrer de plus e-n plus, le Tzar l'avait interrompu en lui disant avec effusion : « Tel a touj.ours été mon sentiment 1 ». Il convient d'aJouter que le Gouvernement russe exécuta toutes les clauses du traité avec la plus scrupuleuse loyauté. Ainsi, la France, débitrice de la Russie, s"était acquittée en lui fournissant des rentes au lieu de la p.ayer en numéraire. Ce témoignage sans précédent d'estime et de confiance étrangères, mit fin aux difficultés issues de la crise des subsistances·, en même temps qu'elle accrut le crédit public. Dès après la sign2ture du traité (M. Vernes n'était même pas encore arrivé à Berlin), la situation générale s'était sensiblement améliorée; le solde du compte-courant du Trésor à la Banque avait augmenté, les Receveurs généraux avaient recommencé à envoyer de l'argent des provinces, tandis que les caisses d'épargne tiraient moins et que les blés haissaient en beaucoup d'endroits. Un mois plus tard, le 10 mai, l'argent abondait à Paris, où rencaisse de la Banque s'était relevé à 151.000..000 frcs. Le comte d'Argout profita de ces heureux événements pour hâter la liquidation de l'emprunt contracté en Angleterre. Les versements d'avril et de mai furent effectués plutôt en avance, bien que la situation alors délicate de la. place de Londres rendît les opérations de rembour~ sement difficiles et coûteuses, mais, comme l'écrivait le Gouverneur 1.. Le comte d'Argout reçut le Grand Cordon de l'Ordre, de l'.t\igle blanc; 1\:1.. Vernes~ la Croix de Commandeur de l"Ordre de Saint-Wladimir: Louis Philippe le tit, en outre" Commandeur' de la Légion d'honneur.
LA CRISE DES SUBSISTANCES
de la Banque, à M. Vernes le 12 mai:
«(
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Quand on doit, il faut payer
à tout prix! ». J-Ie 29 juillet, la Banque était entièrement libérée envers
la maison Baring frères. La durée moyenne du prêt avait été de 108 jours; le coût des transports, les pertes subies sur le change et tous les frais accessoires se montaient à plus de 800.000 fres !
lVI. Charléty a écrit, à propos de la crise des subsistances 1 : « Cette crise... prouva l'existence d'un esprit public fort arriéré et d'un gouvernement singulièrement alourdi dans sa législation et dans ses moyens d'agir. C'est que, si la France économique a, sous LouisPhilippe, la vision déjà nette d'un avenir industriel transformé par les communications rapides, la vision sentimentale d'une plus équitable répartition sociale des richesses, son outillage comme ses habitudes d'esprit ne se dégagent pas encore des servitudes traditionnelles qui lui viennent d'un passé très lointain >}. Seule, en effet, la Banque de France s~afiranchit des anciennes pratiques, et, par la libéralité de ses esco~ptes (1.625.000.000 frcs, en 1846, 1.815.000.. 000 frcs, en 1847), les sacrifices consentis, la variété et la nouveauté des moyens employés, montra que sa technique de crise était heureusement adaptée aux circonstances de temps et de lieux. Un autre fait prouve que le Conseil Général de la Banque de France alliait à sa liberté d'esprit la confiance dans sa technique et la maîtrise dans sa pensée. En janvier 1847, alors que la diminution de l'encaisse donnait les inquiétu4es que l'on sait, le Conseil Général avait en effet prié le Ministre des Finances d'autoriser la Banque à émettre des coupures de 250 fres. Il reprenait ainsi, en pleine crise, un projet qui avait échoué deux ans auparavant, mais avec quel mérite, car des esprits moins avertis auraient redouté que cette innovation ne contribuât à l'épuisement des réserves. Cette fois, le Ministre des Finances fit droit à la requête en déposant, le 17 février 1847, le projet de loi demandé. L'exposé des motifs invoquait l'expérience faite dans les Comptoirs de la Banque pour affirmer que l'émission, à Paris, de billets de 250 fres, ne comporterait aucun danger. « Ces billets, disait-il, n'ont pas expulsé le numéraire des départements où ils circulent; il ne le feront pas sortir davantage de Paris.. L'expulsion du numéraire est, sans doute, la conséquence naturelle des petites coupures et c'est en cela que les dernières peuvent préparer des crises, mais pour que le numéraire tende à disparaître, il faut que l'exiguïté du chiffre de la coupure la rende propre à entrer dans les transactions journalières de détail et à y remplacer les espèces métalliques. Évidemment, des billets 1.. (Op. cit•• p. 240-247.)
~LBS
COUPURES DE 200 FRes
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LA J\!IÜNARCHIE DE JUILLET
de 250 frcs sont loin d'avoir ce caractère et de préparer de semblables conséquences; on ne saurait, sous le rapport de la circulation, les considérer comme de faibles coupures ». - L'exposé ajoutait que les coupures de 250 frcs circulaient, en fait, à Paris, puisque la Banque centrale renlboursait à vue celles émises par ses Comptoirs. Le rapport sur le projet de loi fut déposé le 5 avril 1847 ; il avait pour auteur Benoist, de la Nièvre. Bien fait, quant à son objet même, il débutait par une longue introduction, véritable pot pourri de banalités. Le rapport se prononçait pour la coupure de 200 frcs (bien que de nombreux commissaires fussent partisans de la coupure de 100 frcs), parce qu'elle permettait d'acquitter en fait une somme de cent francs en billets de banque par l'échange de deux billets de 200 frcs contre un billet de 500 fres; elle présentait, en outre, l'avantage de rentrer dans les cadres du système décimal. Le billet de 100 frcs, réclamé par la Chambre de Commerce de Paris et par la Banque de Lyon, notamment, recélait mille menaces aux yeux du rapporteur : après être entré dans les habitudes du petit commerce, ne pénétrerait-il pas, en effet, dans les habitudes puis dans les besoins des familles et des foules qui l'apporteraient en masse au remboursement, à la moindre panique 1 ? La discussion à la Chambre des Députés dura quatre jours, du 14 au 17 avril, et porta en majeure partie sur des généralités hors de proportion avec l'objet, très limité, du projet de loi. Le ministre Laplagne expliqua que son opposition initiale au projet s'était modifiée, d'abord parce que la majorité favorable à la réforme avait augmenté dans le Conseil Général de la Banque et surtout argument qui dépeint bien l'évolution des esprits à l'époque - parce que les chemins de fer conduisent « maintenant, très rapidement, non seulement aux Banques de Rouen et d'Orléans, qui ont des billets de 250 frcs, mais à des Comptoirs de la Banque de France, à Valenciennes, et bientôt à Saint-Quentin et à Châteauroux, qui ont également des billets de 250 frcs... J'ai donc trouvé, ajouta-t-il, qu'il y avait ici une chose forcée; que si le public avait besoin de billets de 250 frcs, la législation actuelle lui donnait les moyens d'en avoir, et qu'il n'y avait dès lors plus de motifs d'interdire à la Banque centrale, à Paris, une faculté qu'on avait accordée à ses Comptoirs )}. - Cette argumentation, comme celle du rapporteur, ne négligeait qu'un facteur, mais d'importance, le nombre des coupures en circulation. M. de l\iorny défendit brièvement, mais avec talent, la coupure de 100 frcs. Il pensait que les individus seraient d'autant moins sujets 1. Le rapporteur examina aussi, avec logique et avec une certaine envergure, le problème des Banques départementales en face de la Banque de France, mais nous nous réservons d'en reparler au sujet des événements de 1848, en même temps que nous reviendrons sur la politique de la Banque en la matière et sur les débats parlementaires de la loi du 10 juin 1847. Cf. infra, p. 226 et suiVe
LA CRISE DES SUBSISTANCES
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à la panique qu'ils seraient davantage familiarisés avec le billet de la Banque, et que les petites coupures épuiseraient moins rapidement l'encaisse, en cas de panique, parce qu'on mettrait plus de temps à payer 20.000.000 frcs à 200.000 personnes qu'à 20.000. Il contestait que les petites coupures aient pour effet de chasser le numéraire, l'argent ne quittant pas un pays faute d'y être suffisamment employé, mais lorsqu'il était appelé au dehors par un intérêt plus élevé. D'ailleurs, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Autriche et la Russie utilisaient des coupures inférieures à 100 frcs; si le métal sortait de France en raison des petites coupures, il aurait donc une tendance bien plus grande à y revenir 1 Le Gouvernement, par la voix de Duchâtel, Ministre de l'Intérieur, répéta qu'il entendait réserver « le papier » au commerce en lui interdisant de descendre aux paiements journaliers et de pénétrer dans la consommation intérieure. Faire le contraire serait lui donner un essor immense qu'on ne serait plus maître "d'arrêter. Ainsi, à dix mois de la Révolution de Février, le Gouvernement se croyait maître de mâter la circulation fiduciaire, quoiqu'il arrivât, pourvu que les coupures ne fussent pas inférieures à 200 frcs 1 Le Gouvernement et la Commission l'emportèrent sans peine : le projet de loi fut adopté par 243 voix contre 17. A la Chambre des Pairs, sur un rapport du marquis d'Audiffret et une intervention du comte d'Argout qui déclara que (< le plus grave des inconvénients des petites coupures est de provoquer des paniques », le projet fut adopté par 100 voix contre 13, le 26 mai. La loi fut promulguée le 10 juin 1847. Le Conseil Général de la Banque ordonna la fabrication de 125.000 billets de 200 frcs, soit 25.000.000 frcs, destinés à être mis en circulation au fur et à mesure de leur confection. A la fi~ du mois de janvier 1848, l'émission atteignait 8.600.000 frcs. (< Après l'épuisement de cette première création, disait le comte d'Argout aux actionnaires, le 17 janvier 1848, le Conseil examinera pour quelle somme il devra ordonner une nouvelle fabrication et la Banque ne perdra pas de vue, en France, où le numéraire est si considérable, que les espèces d'argent doivent rester comme le fond du paiement des transactions, et que les billets de banque ne doivent former que l'exception. Il serait trop dangereux de forcer l'émission des petits billets en ne consultant que la commodité de quelques porteurs, sans songer au danger de leur remboursement par suite de quelque panique 1 » La circulation globale de la France était alors estimée à deux milliards de frcs, en argent, et à environ 350.000.000 de frcs, en papier.
POLITIQUE MONÉTAIRE
La situation du Trésor, en ces dernières années de la Monarchie de Juillet, avait empiré. En octobre 1847, le Gouverneur de la Banque de France fut informé que le Gouvernement préparait l'émission d'un grand emprunt, et
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LA MONARCHIE DE JUILLET
11 pria le Conseil Général d'examiner s'il conviendrait à la Banque d'y souscrire. Trois questions se posaient à ce sujet: la Banque avaitelle le droit d'acheter des rentes? Cet emploi était-il avantageux et opportun? Était-il conciliable avec une augmentation possible du capital? La Banque avait, sans conteste, le droit d'acheter des rentes, mais elle venait de traverser une crise au cours de laquelle elle avait regretté l'immobilisation de son capital et elle se demandait, perplexe, s'il convenait de remployer de la même façon ses capitaux libérés, car cn ne pouvait se flatter de trouver - dans des circonstances analogues - un autre Empereur de Russie pour la secourir. Le Conseil se delnandait, en outre, si le capital liquide ne devait pas être réservé, en tout ou en partie, aux frais d'établissement et de dotation des nouveaux Conlptoirs; mais si, par contre, il était supérieur aux besoins du commerce, n'y avait-il pas lieu de compenser par un intérêt fixe et régulier l'insuffisance des produits de l'escompte, comme cela s'était fait dans le passé? En fait, la considération du service à rendre au Trésor domina une fois de plus tout le débat, et lorsque le Gouvernement, le 10 novembre 1847, adjugea cet emprunt se montant à 250.000.000 fres, la Banque entra dans la souscription pour 25.000.000 frcs : c'était un moyen parti. Un peu plus tard, les fonds publics ayant quelque peu baissé, la Banque, pour les tonifier, tout en profitant d'une occasion qui paraissait bonne, procéda à un achat de 300.000 frcs de rente 3 p. 100 au cours de 73 frcs 81. Enfin, profitant de l'amélioration générale à laquelle il avait aussi contribué, dans le cours du second semestre de 1847, par quelques achats dJof, le Conseil de Régence ramena le taux de l'escompte à 4 p. 100, le 17 décembre 1847.
L'ESCOMPTE A 4 P. 100
LIVRE III
DE LA RÉVOLUTION DE 1848 A LA GUERRE FRANCO-ALLEMANDE
CHAPITRE PREMIER
LA RÉVOLUTION
LA RÉVOLUTION. PRE~IIERS SECOURS DE LA BANQUE. LA PANIQUE A LA BOURSE. CRÉATION DE COMPTOIRS NATIONAUX D'ESCOMPTE. LIQUIDATION OU COURS FORCÉ? LE DÉCRET DU 15 MARS 1848. LA BANQUE DE FRANCE SE PRONONCE POUR L'UNITÉ DE' BANQUE. L'INDÉCISION DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS. RÉUNION DES BANQUES DÉPARTEMENTALES A LA BANQUE DE FRANCE. LA SITUATION DU TRÉSOR. - PRÊT DE 50.000.000 DE FRANCS AU TRÉSOR. AIDE A LA CAISSE DES DÉPOTS ET CONSIGNATIONS. LE PLAN DE GARNIER-PAGÈS: TRAITÉ DU 30 JUIN 1848. - SOUSCRIPTION DE LA BANQUE A L'EMPRUNT. OUVERTURE D'UN C01"IPTE GÉNÉRAL D'AVANCES AU TRÉSOR. AVANCE A LA VILLE DE PARIS. PR~T AU DÉPARTEMENT DE LA SEINE. --:- AVANCE A LA VILLE DE MARSEILLE. L'AIDE DE LA BANQUE DE FRANCE AU COMl\iERCE EN 1848. - POLITIQUE D'ESPÈCES DE LA BANQUE. ENCAISSE ET CIRCULATION. EXTENSION DE LA LIl\iITE n'Él\iISSION. L'AIDE AU COl\Il\IERCE EN 1849 ET EN 1850. L'ABOLITION DU COURS FORCÉ. PUBLICITÉ DES BILANS DE LA BANQUE DE FRANCE. L'ANNÉE 1851. PR~T A LA VILLE DE PARIS.
maître Ch. Seignobos a écrit que « la Révolution de 1848, si grosse de conséquences imprévues, nous est à peine intelligible aujourd'hui, car la génération qui l'a faite, bien que placée à égale distance entre la Révolution française et notre époque, vivait dans une condition sociale et politique bien plus proche du XVIIIe siècle que du xxe 1 ». Lorsqu'une intelligence lumineuse est conduite à un pareil aveu, l'on peut confesser sans détours la difficulté de conlprendre, dans leur origine et leur enchaînement, les conséquences économiques de ces journées de février. Dès le 22, l'inquiétude de Paris est grande; après les journées du 23 et d~ 24 et l'abdication du Roi, la panique se déchaîne: commerçants, ndustriels, petits rentiers, bourgeois et artisans se précipitent à la
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1. (Layisse, Histoire de France contemporaine, t. VI, p. 1.)
LA RÉVOLUTION PREMIERS SECOURS DE LA BANQUE -
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LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE
Caisse Générale du Commerce et de l'Industrie, à la Caisse GanIieron 1, à la Caisse Baudon 2 et SUïtout à la Caisse d'Épargne, pour réclamer le remboursement de leurs dépôts. Les porteurs de billets font la queue aux guichets de la Banque de France pour obtenir, en échange, des espèces sonnantes; d'un seul coup le commerce semble frappé à mort. Dans l'hôtel de Toulouse, à quelques pas du Palais-Royal 'que les ·émeutiers incendient et saccagent, le Conseil de Régence conserve tout son sang-froid. Le Gouverneur, il est vrai, paraît craindre que la menace d'une « révolution sociale >) ne s'ajoute aux conséquences ·de la révolution politique, mais, dans toute la conduite de la Banque, ·aucune trace de ressentiment : dès le 25 février, par exemple, elle participe pour une somme de 100.000 frcs à la souscription ouverte pour les blessés et les familles des « victimes des derniers jours >}, afin, ·dit le considérant secret du Conseil, de s'associer « d'une manière large à la sympathie publique pour des classes souffrantes, privées ·de moyens de travail, détournées de leur carrière 3 >). Le Commerce méritait, lui aussi, une aide immédiate. Les embarras ·des banques le privaient, en effet, des signatures nécessaires pour la pratique normale de l'escompte, tandis que l'impossibilité matérielle -dans laquelle on se trouvait de procéder à l'encaissement régulier des effets contribuait à jeter le trouble dans les transactions. Les vœux du Gouverneur, des Sous-Gouverneurs et des Régents, ·se réunirent spontanément pour demander aux Pouvoirs Publics d'aider le commerce. Au Ministre des Finances du Gouvernement Provisoire, Goudchaux, qui les a convoqués dès le 25 février, le comte .d'Argout et M. Vernes proposent de proroger les échéances de dix jours et d'aider à la constitution d'un petit Comptoir d'Escompte, ·,comme en 1830. Goudchaux trouve cette dernière proposition prématurée, mais accepte de proroger les échéances 4 et dispense de l'amende les effets établis sur papier libre. Afin de ne pas créer deux catégories de débiteurs, la Banque décide ,de ne pas présenter d'effets à l'encaissement avant l'expiration de la 'prorogation, même aux personnes qui seraient en état de payer ou ,qui le désireraient. Il était évident, d'autre part, qu'elle ne pouvait pas continuer à jouer la gamme de ses opérations sur le même rythme; 'la diminution de ses moyens, autant que la prudence, lui comman·daient un aménagement. Sur quel point le faire porter? Le Conseil Général considère que son premier devoir est de con-tinuer à alimenter le commerce et l'industrie, afin de maintenir le 1. Comptoir Général du Commerce. 2. Caisse centrale du Commerce et des Chemins de fer. 3. Selon Garnier-Pagès, la souscription des principaux banquiers, montant à 211.500 fres, fut envoyée à l'Hôtel de Ville dans un fourgon de la Banque pavoisé de drapeaux. (Histoire ..de la Rél)olution de 184-8, Paris, Pagnerre, éd. 1866, t. III, p. 120-121.) 4. La prorogation fut étendue jusqu'au 15 mars.
LA RÉVOLU1'ION
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travail dans toutes les branches, sans interrompre brusquement les -autres opérations, même accessoires. En conséquence, il arrête de ne plus prendre de bons du Trésor à trois mois sans garantie subsi-diaire, sous forme d'un transfert de rentes, par exemple; fixe ",à ·4.000.000 fres la somme affectée aux avances sur effets publics, ·dont 1.000.000 frcs applicable aux renouvellements, mais décide -qu'on escomptera « comme à l'ordinaire» les effets de commerce qui -réuniront les conditions convenables, les bons· du Trésor pouvant -remplacer la troisième signature 1. La Bourse avait été fermée jusqu'au 7 mars, mais la liquidation ,de fin février donnait lieu à de vives contestations, à des difficultés grandes: la Banque s'employa à les aplanir. Le 2 mars, pour faciliter -spécialement la liquidation des affaires en fonds publics, elle escompte 1.328.250 frcs de bons du Trésor en faveur de plusieurs agents de -change,. moyennant la garantie de la Chambre syndicale : mesure tout à fait exceptionnelle, puisque la règle voulait que la signature ·des agents de change ne pût être acceptée à l'escompte 2. Deux jours .après, la Banque accorde encore aux agents de change une avance ·sur 750.000 frcs de rentés 5 p. 100. Lorsque la Bourse rouvre ses portes, la panique s'y précipite la première entraînant à sa suite, en cohortes pressées, joueurs et pères de famille! La rente 5 p. 100, cotée 116 fres le 23 février, débute à '97 frcs 50 pour terminer à 89 fres le 7 mars; le lendemai.n, elle tombe à 75 fres. Les cours respectifs enregistrés sur la rente 3 p. 100 sont de 73 fres, 58 frcs, 47 frcs. Enfin, les actions de la Banque de France -passent de 3.200 frcs à 2.400 frcs. Le bruit que la Banque de France ferme ses guichets se répand .alors; chaque bouche de porteur en renvoie l'écho et les demandes ·de remboursement, un moment apaisées, augmentent d'heure en heure. 'Parce que c'est son devoir, parce que la hausse du taux de l'escompte ne peut enrayer la panique, la Banque de France, pour démontrer par le fait l'inanité de la nouvelle, accueille toutes les demandes et 'va jusqu'à ouvrir de nouveaux guichets.
LA PANIQUE A LA BOURSE
En même temps, la Banque collabore activement à la création des 'Comptoirs d'Escompte préconisée par elle dès le début de la Révo1ution et autorisée par les décrets des 7 et 8 mars 1848 3.
CRÉATION DE COMPTOIRS NA. TIONA. UX D'ESC01\1PTE
1. Garnier-Pagès mentionne que la Banque de France escompta plus de 7.000.000 frcs.de valeurs, le 26 février. (Op. cit., t. III, p. 174.) 2. Aux termes d'un décret du 7 juillet 1848, les porteurs de bons du Trésor furent privés ·du droit de recours contre les endosseurs; toutefois, la Chambre syndicale des agents de ·change, reconnaissante de la bienveillanc~ avec laquelle le Conseil Général avait autorisé ·cette opération, renonça au bénéfice du décret et se déclara prête à rembourser à la Banque le montant des bons escomptés. 3. Sur les Comptoirs d'Escompte, la détresse des Banques départementales, etc., Cf. -Garnier-Pagès, op. cit., t. IV, chapitre 1 en entier.
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LA DEUXIÈl\1E RÉPUBLIQUE
Ces décrets prévoient la création d'un Comptoir National d'Escompte dans toutes les villes industrielles et commerçantes. Le capital doit être formé par tiers : en espèces, par des souscripteurs particuliers; en obligations, par les villes; en bons du Trésor, par l'État. Les décrets n'ont même pas encore paru que le comte d'Argout ordonne aux Directeurs des Comptoirs de la Banque de seconder les opérations des Comptoirs Nationaux, dès leur création, en leur prêtant aide et assistance. Lorsque le capital du Comptoir National d'Escompte de Paris est arrêté, la Banque y souscrit pour 200.000 frcs, et comme ce capital - fixé à 20.000.000 frcs - ne permet au Comptoir de donner une extension convenable à ses opérations qu'en réescomptant son portefeuille, la Banque décide d'admettre ses bordereaux jusqu'à concurrence de la somme de 85.000.000 frcs 1. Bien que la cadence des remboursements s'accélère incessamment, le Conseil Général de la Banque décide qu'il usera de ménagements dans le recouvrement des effets, à l'expiration de la prorogation; il accorde des escomptes importants aux banques de Lille, d'Orléans, du I-Iavre, de Rouen et envoie même des espèces à ces deux dernières pour leur pernlettre de ne pas suspendre leurs paiements et de rembourser leurs billets. Du 26 février au 15 mars, en quinze jours ouvrables, la Banque escompte 110.000.000 frcs à Paris et 43.000.000 frcs dans ses Comptoirs qui aident eux-mêmes les Banques départementales. Enfin, sur les 125.000.000 frcs qu'elle doit au Trésor, elle rembourse 77.000.000 frcs, non compris les Il.000.000 frcs mis à sa disposition dans divers Comptoirs. Simultanénlent, du 26 février au 14 mars exactement, l'encaisse tombe - à Paris - de 140.000.000 frcs à 70.000.000 frcs; le 15 mars, 9.362.000 frcs sortent des guichets et, le soir, il ne reste en caisse, à Paris, que 59.543.000 frcs. En trois ou quatre jours, les réserves peuvent être tout à fait épuisées 2. LIQ UIDA TIO.7\J OU COURS FORCÉ?
Deux issues seulement restent ouvertes, puisque la population parisienne n'a pas répondu par la confiance à une politique qui ne manquait cependant pas d'une généreuse audace! La dissolution ou le cours forcé? Le Conseil Général était en effet d'accord 3 sur l'inefficacité 1. Un peu plus tard, un décret du Gouvernement Provisoire du 24 mars autorise l'établissement, dans les villes où il existera un Comptoir d'Escompte, soit par localité, soit par agrégation d'industries, de Sous-Comptoirs de Garantie destinés à servir d'intermédiaires entre le commerce, l'industrie, l'agriculture et les Comptoirs Nationaux d'Escompte. Le comte d'Argout, dans une instruction très nette à ses Directeurs de Comptoirs, insista par la suite sur le concours que la Banque devait aux Comptoirs Nationaux «dans la mesure de ce qui est conciliable, d'une part avec ses statuts; d'autre part, avec la prudence dont '=. lie ne doit jamais s'écarter ». Tout refus devait être justifié par d'excellentes raisons afin qu'il s'établisse en province comme à Paris, où les relations n'éprouvaient aucune difficulté, des rapports de bienveillance et de confiance réciproques. 2. L'encaisse des Comptoirs était à peu près équivalent. S. Tout au plus pourrait-on enregistrer une ou deux opinions discordantes.
LA RÉVOLUTION
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d'une élévation du taux de l'intérêt et sur le danger de réduire les bordereaux ou de restreindre les échéances. La liquidation était possible sans pertes pour les actionnaires de la Banque ; c'était peut-être même la solution la plus avantageuse. par ce que la plus sûre pour eux. Bien que l'actif immédiatement réalisable représentât seulement 30 p. 100 du passif exigible, le Conseil de Régence pouvait la mener à bonne fin en deux mois, mais les intérêts des actionnaires, si respectables qu'ils fussent, ne pouvaient prendre rang avec l'intérêt supérieur du pays: il ne se trouva, d'ailleurs, aucune voix pour le soutenir. La liquidation, comme le dit en substance le comte d'Argout, c'étaient les industriels sans ressources, les ouvriers sans salaires, Paris sans provisions, les troupes sans solde, les grands travaux publics arrêtés, la désorganisation immédiate des services publics faute d'écus, car la Banque de France abritait le seul dépôt de numéraire dans lequel il fût possible de puiser encore 1 Raison d'État, raison sociale, sentiment et technique, tout se pronon~e contre la solution de la liquidation et des raisons aussi pertinentes font repousser les demandes de prorogation des échéances que des délégations de commerçants et d'industriels adressent à Garnier-Pagès, successeur de Goudchaux 1. Garnier-Pagès qui, dans le passé, avait critiqué et loué tour à tour la conduite de la Banque, n'hésite pas, dès sa prise de possession du l\finistère des Finances, à lui faire confiance. A Louis Blanc, qui pré.. conise la création d'une Banque d'État, il répond que c'est « vouloir construire sur le vide et créer la vie avec la mort 2 ». Aussi, lorsque l'épuisement de l'encaisse menace, par la suspension des paiements de la Banque, de plonger « le pays entier... dans un abîme effroyable de honte, de famine, de guerre civile : toutes les misères! toutes les terreurs 1» ; lorsque la banqueroute est aux portes du Trésor, la Banque de France apparaît-elle à Garnier-Pagès comme la « suprême ressource ». - L'accord se fait sans peine sur l'établissement du cours forcé auquel le Ministre des Finances met une seule condition, c'est que la demande lui en soit officiellement faite par le Conseil Général 3. Le préambule du décret du 15 mars 1848 établissant le cours forcé, vise, dès la première ligne, la délibération par laquelle le Conseil Général de la Banque s'était prononcé, le même jour, en faveur de la mesure. Après quelques considérants sommaires, le préambule ajoute : « que, loin de permettre la suspension ou la restriction des escomptes de la Banque, le Gouvernement de la République doit donner à cet établissement le moyen de fournir à l'industrie et au 1. Une première députation avait demandé une prorogation de trois mois; sur le refus de Garnier-Pagès, une seconde députation demanda sans plus de succ~s une prorogation de quinze jours. 2. (Garnier-Pagés, op. cft., t. IV, p. 40.) .3. (Garnier-P!l~ès, op. ciz., IV, p. 26 ~t suiv.)
LE DÉCRET
DU 16 MARS 1848
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LA DEUXIÈl\IE RÉPUBLIQUE
c·ommerce de puissants instruments de crédit ;... qu'il est indispensable de conserver à Paris les espèces appartenant au Trésor et qui sont déposées à la Banque 1 : ••• que la situation réellement prospère de la Banque et la garantie formellement stipulée de la limitation des émissions donnent au public toute la sécurité désirable ». Les dispositions du décret sont celles-là mêmes que la Banque de· France avait élaborées et fait accepter par Garnier-Pagès. 1 0 Les billets de la Banque seront reçus comme monnaie légale par les caisses publiques et par les particuliers : la plupart des Receveursgénéraux se refusaient, en effet, à les accepter 2. 2° « Jusqu'à nouvel ordre, la Banque cst di'5pensée de l'obligation de rembour~er ses billets avec des espèces ». 3 0 Les émissions de la Banque et de ses Comptoirs, libres jusque-Ià~ sont limitées à 350.000.000 fres et la Banque est autorisée, pour faciliter la circulation, à émettre des coupures de 100 frcs au minimum 3. 4 0 Enfin, la Banque de France est tenue de publier tous les huit jours sa situation dans l ~ Moniteur. Les dispositions du décret s'appliquaient, naturellement, à tous les Comptoirs de la Banque. Des décrets particuliers rendus les jours suivants, et un décret général du 25 mars, étendirent le bénéfice de la mesure aux Banques départementales, dont la circulation réunie fut fixée è un maximum de 102.000.000 frcs.
Le cours forcé entraîna aussitôt des complications sérieuses. Pendant que l'on procédait, en toute hâte, à la confection des nouvelles coupures de 100 frcs, dont le Conseil Général avait fixé l'émission à 10.000.000 frcs au maximum 4, la Banque était assaillie de de-mandes de numéraire. Trésor, caisses d'épargne, mairies de Paris· chargées de pourvoir aux dépenses des compagnies mobiles, des ouvriers sans travail et des bureaux de bienfaisance, commerçants et industriels, maisons ayant de petits mandats à acquitter, réclament des écus. Il en faut aussi pour payer les ouvriers des ateliers nationaux et des chemins de fer, pour faire face aux dépenses de la Caisse de Poissy, du service des farines, de la charcuterie et de toutes les autresdenrées indispensables à l'approvisionnement de Paris. Le 16 mars,. le Gouverneur, muni de pouvoirs discrétionnaires, autorise la sortie de 1.396.000 frcs et accorde 100.000 frcs pour la 1. cet attendu ne correspondait nulleInen.t à· la réalité. Le Trésor avait sans doute le droit, conlme tout porteur de billets, de demander leur remboursement en espèces, mais il ne· pouvait prétendre que l'encaisse de la. Banque était constitué jusqu'à due concurrence
par le solde créditeur de son compte..courant. 2. Le fait avait été dénoncé à la tribune de ln Charnbre des Députés par Benoit Fould,. lors dt' la discussion de la loi du 10 juin 1847. 3. Le Conseil Général s·était refusé à émettre des billets de 50 et de 25 frcs, sans douteen prévision de la reprise des remboursements. en espèces, car ces petites conpures ne pou..· vaient exercer aucune influence pernicieuse pendant la durée du cours forc~.. 4. Les premiers billets de 100 fres furent fabriqués en dix jours ~ leur émission, qui devait atteindre 80.000.000 frcs fut touj()nrs trop lente au gré du publie.
LA RÉVOLUTION
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Caisse de Poissy. Le 18, il est sollicité de délivrer, sur certificats des douze maires de Paris, 4.000.000 frcs d'espèces. Des manufacturiers, munis de ces certificats de caractère souvent impératif, en proie à des difficultés insurmontables pour l'acquittement des salaires, réclament parfois avec une insistance bruyante. Sur les 4.000.000 frcs demandés, le comte d'Argout n'accorde que 1.842.000 frcs : il en résulte un grand mécontentement. Pour y parer, le Gouverneur de la Banque, d'accord avec son Conseil, demande au Ministre des Finances, qui accepte, de charger une comIuission entièrement étrangère à l'établissement de l'ex3men des demandes, la fixation du montant des espèces à délivrer étant faite conjointement par le Ministre et par la Banque. Enfin, une expérience de quelques jours convainc le Conseil Général de la nécessité d'être prêt à toute éventualité: toujours d'accord avec Garnier-Pagès, il décide de faire imprimer des coupures de 50 et de 25 frcs. Nous avons indiqué ·l'évolution du Conseil Général de la Banque de France, depuis la suppression des Comptoirs d'Escompte jusqu'en mai 1844, date à laquelle il s'était prononcé contre l'extension des Banques départementales. Deux ans plus tard, le Conseil Général avait pris parti pour la « Banque Unique >}, puis la question avait été évoquée à plusieurs reprises devant la Chambre des Députés, mais il a paru préf~rablè de différer jusqu'à maintenant le récit dé ces faits, afin qu'ils servent de préface immédiate au rattachement des Banques départementales à la Banque de France. Au début de l'année 1846, la Banque de Bordeaux ayant demandé le renouvellement de son privilège pour une période de trente années, le Ministre des Finances - suivant un usage que nous avons noté avait communiqué à la Banque de France le projet des nouveaux statuts. Le comte Pillet-Will, chargé par le Comité des Comptoirs de préseI1ter un rapport au Conseil Général sur la demande de la Banque de B\":rdeaux, s'acquitte de sa mission; mais, faisant abstraction de sa fonc~ion de rapporteur pour exercer les prérogatives attachées à celle de Régent, il prie ses collègues de ne pas examiner son travail avant d'avoir élargi la discussion qu'un principe, selon luit domine: la nécessité de repousser, pour les intérêts de la Banque et pour ceux du pays, la multiplicité d'établissements marchant sans régulateur et sans centre commun. La Banque a-t-elle le devoir et le droit d.e s'opposer à la création de nouvelles Banques départementales ? Peut-elle, d'autre part, émettre la prétention de remplacer par des Comptoirs les banques existantes, à l'expiration de leur privilège. Si oui, l'expiration du
LA BANQTJE DE FRANCE
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privilège de la Banque de Bordeaux lui offre une occasion qu'il ne faut pas laisser échapper. Or, sous quelque forme qu'un accord puisse être envisagé: rachat des actions de la Banque de Bordeaux au cours ou échange d'actions de cet établissement contre des actions de la Banque de France, une augmentation de capital apparaît indispensable, qui ne peut résulter que d'une loi. Le comte PilletWill est partisan d'en faire la demande au Gouvernement et cette proposition provoque au sein du Conseil Général des discussions si importantes pour l'histoire du crédit en France qu'il convient de leur accorder large place. Le Gouverneur rappelle d'abord au Conseil qu'à la suite des crises violentes' qui ont éclaté aux États-Unis et en Angleterre, le Gouvernement anglais vient de prendre des mesures énergiques pour supprimer progressivement les Joint Stock Banks, afin de n'avoir bientôt d'autre circulation que celle de la Banque d'Angleterre. N'y aurait-il donc pas lieu d'examiner si l'utilité d'une circulation unique, maintenant reconnue en Angleterre, n'est pas plus nécessaire en France, pays exposé à des guerres continentales et où des banques faiblement constituées pourraient, dans de pareilles éventualités, causer une grande perturbation? Ne conviendrait-il pas, d'autre part, au Gouvernement de conserver à la Banque sa vitalité et sa puissance au lieu de l'affaiblir par une multitude de Banques départementales? La Banque de France, constamment dirigée par des vues d'intérêt général, n'offrirait-elle pas, enfin, plus de garantie au Gouvernement que les Banques départementales auxquelles il était difficile de s'élever au-dessus de considérations d'intérêt local? L'avis du COlnte d'Argout concorde avec celui du comte Pillet-Will et la majorité du Conseil le partage; toutefois, le sujet est si grave qu'un renvoi devant le Comité des comptoirs semble nécessaire. Cette fois, le rapport est présenté par M. Lefebvre. Il .indique, dès le début, comme un point névralgique, la déviation qui s'est produite dans la conduite de la Banque, lorsque celle-ci a renoncé à créer des Comptoirs. Mais, peut-on, sous prétexte que dc] fautes ont été naguère comInises, opposer à une conception nouvelle une fin de non recevoir au préjudice du pays? Historiquement, la Banque de France a été créée avec la pensée d'en faire une institution nationale, exerçant son influence et son action sur le pays tout entier. Le titre, choisi en 1800, celui de « Banque de France >), est caractéristique. La loi du 24 germinal an XI, en donnant à la Banque le privilège çl'émission des billets à Paris, augmente déjà son capital et l'article 31 défend de forIner aucune banque dans les départements, si ce n'est avec l'autorisation du Gouvernement. Le but de cet article n'est pas douteux: il a été dicté par l'intention d'empêcher la formation dans les départements d'organismes d'émission, afin de n'avoir pas à les
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supprimer plus tard 1 au moment où la Banque de France viendrait y créer des succursales. L'esprit de généralité, ajoute Lefebvre, résulte encore de la loi de 1806, qui donne à la Banque une organisation gouvernementale et porte son capital à 90.000.000 frcs, alors que la place de Paris, seule, et les opérations commerciales et financières dont elle était le théâtre, ne comportaient ni ta nécessité d'un capital si considérable, ni le luxe introduit dans ses rouages. l\loins de deux ans après, en effet, intervint l'article 10 du décret de 1808. Le système mixte en vigueur est donc faux, car si les Banques départementales ont la faculté d'arrêter au passage et d'absorber l'élément des opérations de la Banque de France, celle-ci subira un affaiblissement progressif alors qu'elle supporte, en grande partie, les frais de transport des espèces nécessaires aux établissements qui la dépouillent. Enfin, après que la Banque de France eut créé de nouveaux Comptoirs, la loi du 30 juin 1840 consacra l'article 10 du décret de janvier 1808, puisque l'établissement, la prorogation et la modification des statuts des Banques départementales sont du ressort législatif, tandi5 que la création et la suppression des Comptoirs de la Banque sont du ressort gouvernemental. Ici une Ordonnance royale, là une Loi. Le rapport Lefebvre concluait à l'institution de la Banque de France comme banque unique 1 Le Conseil Général adopta, à la presque unanimité, les recommandations de son rapporteur. Il décida de demander au Ministre des Finances l'autorisation de porter effectivement le capital de la Banque de France à 90.000.000 frcs et d'échanger les actions de la Banque contre des actions de la B3nque de Bordeaux, mais une entrevue du comte d'Argout avec le 1VIinistre des Finances ne laissa subsister aucun doute sur la volonté du Gouvernement de lnaintenir les Banques départementales concurremment avec la Banque de France. l'out au plus peut-on supposer que le Ministre donna à la Banque de France des apaisenlents, quant à la création de nouvelles banques. Dès le mois de février 1846, soit que des indiscrétions aient été ·commises, soit que la Banque de France ait pressenti la Banque de Bordeaux sur l'accueil qu'elle réserverait à un projet de fusion, une correspondance s'établit entre le directeur de cette Banque, le Conseil ·de la Banque d'Orléans et les sept autres Banques départementales, ·correspondance d'excitation et de défense mutuelles, visant à galvaniser le l\1inistre des Finances et les députés des départements inté.ressés, en vue de la discussion parlementaire qui paraît imminente. L'esprit de parti se déchaîne et Garnier-Pagès qui devait décider, .plus tard, la suppression des Banques départementales, prie les direc1. Comme on devait supprimer à Paris la Caisse d'Escompte du Commerce et le Comptoir .commercial. B.\~QUE DB FRANCE.
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. teuts des Banques de Lyon et d'OrléàIis de lui envoyer, s'ils le jugent utile, des renseignements susceptibles d'éclairer l'opinion de la Chambre des Députés sur l'inconvénient qu'il y aurait, dans l'état du système financier français, à fusionner les Banques départementales avec la Banque de France. - La demande est rédigée en termes tels qu'elle donne l'impression de correspondre à un parti-pris foncier plutôt qu'à une conviction, même récente f L'INDÉCISION DE LA CIIAMBRE DES DÉPUTÉS
Le dépôt du projet de loi rela~if à la Banque de Bordeaux ayant été ajourné, le problème de l'unité de banque fut pout la première fois porté devant la Chambre par Benoist, dans son rapport sur l'abaissement des coupures de billets à 200 frcs. Benoist, après une série de considérations plutôt désobligeantes pour les Banques départementales, avait préconisé l'extension des Comptoirs de la Banque dans tous les départements où le développement commercial, les habitudes du pays, la population le comportaient, puis le remplacement, l'absorption des Banques départementales par la Banque de France. Pouvait-on dire que cette réforme, en faisant de la Banque l'arbitre unique du crédit, lui donnerait un pouvoir despotique exorbitant qui la rendrait trop puissante aux yeux du Gouvernement lui-même? Benoist ne le pensait pas, à cause de la représentation de l'État dans le Gouvernement de la Banque et paree qu'il croyait que plus la Banque serait complète, plus elle serait utile au commerce et à l'État « qui ne peut trouver d'appui que dans des institutions puissantes et fortes )}. Si Paris, aj outait-il, est devenu le céntre de toutes les affaires de France, c'est peut-être, c'est surtout parce qu'il est le siège de la Banque de France. Lors de la discussion du projet de loi dont il vient d'être parlé, plusieurs orateurs - se faisant l'écho des protestations des banques de province et de la Banque de Bordeaux, en particulier ~ attaquèrent les conclusions du rapporteur tendant à la suppression des banques locales. Victor Grandin, le mot mérite d'être recueilli pour une anthologie, accusa Benoist de vouloir « l'absorption... de la bourgeoisie financière au profit de l'aristocratie financière et au détriment de la démocratie commerciale... )} De Bussières, Lestiboudois, Garnier-Pagès l'appuyèrent, mais sans apporter dans le débat d'arguments typiques. Quelques jours après, le Gouvernement dép-osa enfin sur le bureau de la Chambre le projet de loi relatif à la prorogation du privilège de la Banque de Bordeaux, mais l'exposé des motifs, très prudent, se garda bien d'aborder le problème de l'unité de banque. Au sein de la commission chargée d'examiner le projet, un député, M. d'Eichthal, semble-t-il, soutint qu'une banque unique imprimerait à la circulation du papier l'uniformité "et l'étendue de la circulation monétaire, que le billet de banque aurait tous les avantages de l'écu sans ses embarras et ses inconvénients, que la Banque pourrait escompter des valeurs et fournir des mandats sur toutes les places du Royaume~
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exonérer ainsi le commerce des frais de change intérieur, régulariser les fluctuations de l'escompte et maintenir rintérêt de l'argent à un taux modéré, condition fondamentale de la prospérité générale. Soutenue par la puissance de son capital, disait encore ce député, la banque unique pourrait prévenir toutes les crises partielles en dirigeant les espèces sur tous les points où le besoin s'en ferait sentir; les réserves monétaires étant mieux réparties et moins oisives, le capital national acquerrait plus de puissance; une telle banque échapperait, par sa position, à tout soupçon de partialité, de faveurs individuelles ou d'influences; elle ferait mieux les affaires de tous, car elle ne serait sous la main de personne. « Une banque centrale, placée plus haut et par cela même voyant de plus loin, concluait-il, peut prévoir les crises qui se forment à l'horizon, en prévenir à temps le commerce, modérer ses entraînements et contenir ses écarts. Enfin, une banque centrale offrirait au Trésor le secours d'une institution puissante dont il pourrait se servir, dans les jours prospères pour simplifier ses opérations, dans les moments difficiles pour alléger ses embarras. Sans une grande banque, un pays ne peut jamais accomplir de grandes opérations de crédit ». Le rapporteur du projet de loi sur la Banque de Bordeaux, Clapier, cita de bonne foi tous ces arguments, mais dans la pensée de les réduire à rien. La possibilité d'as~imiler, dans la circulation de tout le Royaume, le billet de banque à l'écu n'était, selon lui, qu'une illusion. Si le remboursement était effectivement obligatoire pour tous les Comptoirs de la Banque, ce serait un danger, car les Comptoirs pourraient être pris au dépourvu, et si le remboursement n'était que facultatif, le billet ne serait plus un écu, ce ne serait même plus un billet de banque. Pour Clapier, les banquiers permettaient déjà au commerce d'acheter des mandats ou d'escompter les valeurs tirées sur les places où des Comptoirs pourraient être établis. Si l'on supprimait les banquiers, que deviendraient les effets sur les villes où il n'y aurait pas de Comptoirs ? Il était loin d'être démontré que la police exercée sur les valeurs de complaisance par les banques locales fût moins efficace que celle de la Banque de France; les infractions reprochées aux banques provinciales avaient été sans gravité puisque sans inconvénients. Pourquoi ne pourraient-elles pas prêter aide au Trésor dans les jours difficiles? La prétention d'une banque centrale de se poser comme le modérateur et pour ainsi dire le tuteur du commerce du pays, n'était pas mieux fondée: d'abord le commerce du pays avait-il besoin d'être contenu, modéré dans son action? Pouvait-on lui imputer trop d'entraînements? Loin de là : si quelque chose pouvait lui être reproché, c'était son excessive réserve, son défaut d'élan et d'impulsion. Enfin, et ceci prouve que Benoist avait bien pressenti l'objection majeure suscitée par sa proposition : « Au point de vue politique disait Clapier - il peut n'être pas convenable d'élever, à côté du Gouvernement, une vaste. et puissante institution, dont les ramifica-
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tions et les. employés couvriraient la France entière; qui, devenant l'arbitre souverain du crédit, et, par le crédit, de toutes les fortunes industrielles et commerciales, finirait par acquérir une influence excessive ». Et, après avoir ajouté que les banques de province, plus populaires, trouveraient aux jours difficiles des sympathies qu'un Comptoir ne rencontrerait pas dans la population, le rapport Clapier ajoutait naïvement qu'une grande banque départementale n'était possible qu'à la condition de prendre du papier sur Paris, car, comme c'était dans les coffres de la Banque de France que les Banques départementales venaient puiser les espèces dont elles avaient besoin, il fallait bien qu'elles eussent du papier sur Paris pour le verser dans le portefeuille de la Banque en contre-valeur 1 Lorsque la Chambre, malgré les graves questions qui la préoccupaient, entama, le 21 février 1848, la discussion du projet de loi sur la Banque de Bordeaux, elle se trouva donc en présence de deux avis. Les principaux arguments donnés de part et d'autre furent repris. Faucher proposa une solution moyenne, l'unité du signe monétaire, l'unité du papier de circulation, les Banques départementales s'arrangeant avec la Banque de "France pour émettre son propre papier, moyennant une prime sur l'émission. Dùcos envisagea de nouveau l'aspect politique de la question. Croyez-vous, dit-il, qu'il soit « utile à l'Etat de constituer une puissance financière aussi considérable que celle qu'on voudrait donner à la Banque de France? Songez-vous à ce pouvoir immense qui serait donné à une institution unique de se constituer le seul juge, l'arbitre souverain des destinées commerciales de toute la nation? Ne pensezvous que ce pouvoir exorbitant pourrait, à certains moments, devenir très dangereux? N'êtes-vous pas inquiets des graves conflits qui pourraient s'élever, malgré tout le soin que vous aurez pris de régler les statuts ? .. Si j'avais l'honneur de concourir d'une manière quelconque à la direction des finances de mon pays, je ne souffrirais jamais ni en face ni à côté de moi une institution qui pourrait, un jour donné, devenir plus puissante que moi-même ». La discussion, un moment interrompue le 21 février, par le tragique duel oratoire entre le Ministre de l'Intérieur Duchâtel et Odilon Barrot, avait repris le 22. Inscrite à l'ordre du jour du 23, puis renvoyée au lendemain, elle fut interrompue par la Révolution triomphante envahissant la salle des séances. Il était extrêmement intéressant de montrer la divergence des opinions parlementaires en la matière et l'ignorance dans laquelle nous demeurons des préférences de la majorité, pour les opposer à la résolution du Conseil Général de la Banque. rJiuNloN J)ES BAl·lQUES L1ÉP..' 1RTE-
Malgré les secours très libéralement accordés par la Banque de France, dès le début de la Révolution, aux banques de province, la
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situation de celles-ci empirait chaque jour. - Les billets locaux ne pouvaient plus servir à effectuer de paiements en dehors de leurs circonscriptions respectives, car le public les refusait, et le cours forcé, établi au profit de toutes les banques indistinctement, ne permettait plus aux Banques départementales de venir puiser, soit à la Banque de France, soit dans ses Comptoirs, les espèces qui servaient jusqu'alors à effectuer leurs règlements. Pouvait-on rester dans la situation antérieure à la Révolution ? Fallait-il étendre à toute la France la circulation forcée du papier des banques locales ou bien établir entre elles et la Banque de France des comptes-courants réciproques au moyen de mandats de virements 1 ? N'était-il pas préférable, plutôt, de réunir les neuf Banques départementales à la Banque de France pour réaliser l'unité du papier de circulation ? Telles étaient les questions que l'on se posait. Après un premier entretien du comte d'Argout et de M. Vernes avec Garnier-Pagès, le Conseil Général de la Banque se prononça de nouveau en faveur de l'unité 2. Pour qu'elle ne restât pas un vain mot et permît le rétablissement rapide d'une circulation fiduciaire à peu près normale, il fallait int.égrer dans la Banque de France toutes les Banques départementales sans exception aucune. D'autre part, l'urgence d'un accord dans une situation aussi critique, ne permettait pas de procéder au rachat des actions des banques locales au cours, car ce cours était avili, ni de procéder à une fusion en tenant compte de tous les éléments de l'actif et du passif, solution qui eût exigé de longs mois. Le Conseil Général se déclara prêt à échanger purement et simplement action contre action, bien que le cours des actions de la Banque de France fût plus élevé que celui des actions des autres banques, à l'exception de celle de Lyon. Il s'engagea aussi à maintenir en fonctions les directeurs et, pendant aussi longtemps que possible, les Conseils d'administration et les Comités d'escompte des banques de province. Devant l'inévitable, il n'en fallait pas davantage pour faire cesser toute opposition ! Aussi, lorsque le Ministre des Finances convoqua d'urgence à Paris les représentants des neuf Banques, s'empressèrent-ils d'accourir. Arrivés le 24 avril, ils furent appelés à conférer aussitôt, non pas avec Garnier-Pagès comme ils s'y attendaient, mais avec le Gouverneur de la Banque de France. Celui-ci passa le jour même des accords particuliers avec les mandataires des Banques départementales, à l'excep1. D'après ce projet, destiné à faciliter les transactions en dehors des circonscriptions où leurs billets avaient. respectivement, cours forcé, les Banques départementales eussent été autorisées à fournir des Inandats sur la Banque de France et vice-versa ». Son auteur, le Sous-Gouverneur Gautier, esthnait que les banques locales pourraient couvrir régulièrement la Banque de France, au cas où celle-ci deviendrait créancière, par des remises • ainsi que le prouvent les relations d'escompte existant déjà entre la Banque de France et celles de Lille, Le Havre, Rouen et Orléans •• 2. Il faut rendre à Garnier-Pagès cette justice qu'il oublia son récent parti-pris et se rallia, sans hésitation, au principe de l'unité de banque. (Garnier-Pagès, op. cit., t. III, p. 282-286.) (1
J.'IE?'VTA.LES .t1 LA B.4NQUJ;; DE FRANCE
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tionde la Banque de Bordeaux, qui maintint son opposition pendant quelques jours encore avant de capituler.. Les décrets portant réunion des Banques départementales à la Banque de France furent rendus à deux dat~s : le 27 avril, pour les Banques de Rouen, de Lyon, du Havre, de Lille, de Toulouse, d'Orléans et de Marseille; le 2 mai, pour les Banques de Bordeaux et de Nantes. En opérant leur fusion avec la Banque de France avant le décret qui la rendait obligatoire, les Banques départementales avaient réussi à sauvegarder à la fois leur indépendance et leurs intérêts, car le Gouvernement était décidé à opérer la réunion, même par la force" et une liquidation dans ces temps troublés n'eût sans doute pas manqué d'être onéreuse. La Banque, pour sa part, prétendait qu'elle' échangeait {< l'inconnu contre l'inconnu, mais avec la conviction que cet échange lui était très désavantageux l. En d'autres temps, la Banque eût-elle repoussé cette solution? Le comte d'Argout l'affirma à l'Assemblée générale des actionnaires du 25 janvier 1849, mais il est permis d'en douter, car cette modalité de fusion avait été envisagée par le Conseil Général dès avant la Révolution et la Banque ne payait vraiment pas trop cher un avantage qui lui permettait de réaliser toute sa destinée... Les décrets justifiaient la réunion par le fait « que les billets des Banques départementales forment aujourd'hui, pour certaines localités, des signes monétaires spéciaux dont l'existence porte une perturbation déplorable dans toutes les transactions ), et que « les plus grands intérêts du pays réclament impérieusement que tout billet de banque, déclaré monnaie légale, puisse circuler également sur tous les points du territoire &. Aux termes de ees décrets, les Banques départementales continuent à fonctionner comme Comptoirs de la Banque ,de France ,; leurs actions sont annulées et leurs détenteurs reçoivent, en échange, des actions de la Banque de France, valeur nominale de 1.000 fres contre valeur nominale de 1.000 fres.Pour l'exécution de cette disposition, la Banque est autorisée à émettre 23.350 actions nouvelles, ce qui porte son capital à 91.250.000 frcs 1. - Elle devient propriétaire de l'actif des Banques et se charge de leur passif; son fonds de réserve s'augmente de celui 1. Le ca.pital des Banques départementales était le suivant: Banque de Rouen...... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 3.000.000 fres Banque de Lyon................................ 2.000.000 Banque du Havre........................ 4.000.000 Banque de LUle •••••..•...• ,........ . .. . • • . . . • . •. 2.000.000 Banque de 'T'oulouse................................ 1.200.000 Banque 1.000.000 Banqu..e de Marseille '. . . .. . • . . • 4.000.000 Banque de Bordeaux ·............. . . . . ... .. . .. 3.000.000 Banque de Nantes. • • • . . .. . . . . .. . .. .. .. . . . .. . .. . . .. .. . . . .. 3.150.000
d"Orléan'S................................... Total . • • • . . . . . • . . • • . . . . . . . • . . • . . •
23.350.000 fres
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existant dans chacune des Banques départementales.. Enfin, la Banque de France est autorisée à ajouter au maximum de circulation fixé pour elle-même par le décret du 15 mars, le maximum de circulation précédemment attribué aux Banques départementales, soit une circulation totale de 452.100.000 frcs.. Remarquons, enfin, que les billets des banques incorporées devaient être reçus, à titre transitoire, pendant un délai de six mois, comme monnaie légale dans toute l'étendue de la Répu~lique 1. La situation des Banques départementales - dans la mesure où nous la connaissons - était extrêmement différente. La Banque de Lyon avait placé son capital dans ses affaires; toutes les autres Banques avaient investi des fonds en rentes, mais tandis que celles de Marseille, Nantes, Orléans avaient placé resp.ectivement la moitié, le tiers, le cinquième de leur capital de cette manière, les Banques de Lille et de Rouen avaient placé en rentes la totalité de leur ~apital, celles de Bo.rdeaux et de Toulouse au-delà de leur capital. La prise effective de possession des Banques départementales par la Banque de France eut lieu dans la première dé.cade de mai; elle fut sans doute assez laborieuse, par suite de cette diver'sité même de situations, mais il ne semble pas que la Banque ait eu de difficultés graves à surmonter. • Fortuitement devenue banque unique, la Banque de France allait bien v~te développer son influence et son action au delà de l'accroissement de puissance que lui apportaient les Banques départementales: c'est que la multiplicité de banques d'émission paralysait la politi.que du Conseil Général de la Banque, en même temps ~qu'elle exerçait une funeste influence sur le système monétaire français. Nous avons interrompu notre récit de l'activité économique et financière de la Banque de France aux environs du 15 mars, au moment où le cours forcé - différé jusqu'à la dernière minute - apporte un apaisement tout au moins momentané. Il nous faut maintenant étudier le rôle de la Banque sous le triple aspect qu'il revêt presque toujours en période de crise: aide au Trésor, aux départements et aux villes; aide au Commerce; politique d'espèces.
~x.piraient aux dates indiquées .ci·après : 1148 1855 185,5 1856 1857 1858 1858 1859 1863., avec faC·\Jlté de revision en 18;>.5.
1. Les privHèg-es des Banques départementales Banque de .Bordeaux: .Banque de Lyon .: Banque de 1t1:arseiHe: Banque de Lille ~ Banque .du Havre : Banque de Toulouse : Banque d'Orléans: Banque .de Nantes; Banque de Rouen:
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LA SlTU.~TION DU TRÉSOR
Les déficits budgétaires de la période 1840-1848 variaient, suivant les évaluations, de 450.000.000 frcs à 600.000.000 frcs; la dette flottante atteignait 960.000.000 frcs, la dette consolidée absorbait un intérêt annuel de 175.000.000 frcs. - Lorsqu'éclata la Révolution de Février, il restait 100.000.000 frcs à émettre sur l'emprunt de novembre 1847; le premier dixième versé était tombé en non valeur et les caisses du Trésor ne contenaient que 192.000.000 frcs dont 135.000.000 frcs en numéraire, d'après Garnier-Pagès 1. La Révolution eut pour effet immédiat de tarir la rentrée des impôts, le renouvellement des bons et de provoquer le retrait des fonds placés par les villes en compte-courant au Trésor. Elle interdit simultanément de recourir aux impôts indirects et déchaîna un flux invraisemblable de propositions mirifiques. Pour forcer la confiance, Goudchaux fit décider par le Gouvernement. Provisoire, le 3 mars, qu'on mettrait en paiement à partir du 6, le coupon de rente 5 p. 100 qui venait à échéance le 22 seulement. Cette initiative, qui accrut encore la méfiance générale au lieu de l'atténuer, absorba par anticipation 67.000.000 frcs. Un prélèvement de 50.000.000 frcs effectué, d'autre part, pour faire face au remboursement des Bons du Trésor échus, réduisit les disponibilités du Trésor en numéraire à 18.000.000 fres ! Lorsque Garnier-Pagès succéda à Goudchaux, le 5 mars, la situation paraissait désespérée. Partisan de l'impôt sur le revenu, « juste en principe et plus juste que tous les autres ), le nouveau Ministre des Finances se rendit compte de l'impossibilité de l'établir aussitôt. On sait que l'emprunt national dont il avait eu l'idée donna un résultat dérisoire (441.000 frcs), et qu'il se rallia alors à l'établissement d'un impôt supplémentaire de 0 fr. 45 par franc sur toutes les contributions directes.
PRET DE
l\lais, en attendant la rentrée de cet impôt, il fallait vivre et GarnierPagès demanda à la Banque de France - dont le Gouvernement Provisoire attendait « une preuve de dévouement )} - un prêt de 50.000.oCr,) frcs sans intérêt. Comme le IvIinistre s'était engagé à ne pas invoqGcr le précédent et à ne pas prolonger le prêt au-de]:) d'une année, le Conseil Général autorisa le Gouverneur à traiter sur ces bases. La convention intervint le 31 mars. - La Banque de France s'engageait à porter, immédiatement, 50.000.000 frcs au crédit du Trésor. Le prêt, conclu pour trois mois, pouvait être renouvelé d'accord entre les deux parties, de trois mois en trois mois, pendant une année en tout : il était garanti par un dépôt équivalent de bons du Trésor de la République. Enfin, la stipulation relative aux intérêts était rédigée en termes non équivoques. « Exceptionnellement, disait-elle,
50.000.000 DE FRANCS AU TRÉSOR
1. Dans ces chiffres, entre en ligne de compte le solde créditeur du Trésor à la Banque de France, soit 125.000.000 de frcs. Cf. supra, p. 220.
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et sans tirer à conséquence pour l'avenir, ce compte (d'avances) ne sera pas passible d'intérêts pendant le cours d'une année seulement. Si les renouvellements faits d'accord se prolongeaie~t au-delà d'une année, le prêt deviendrait passible d'intérêts à raison de 4 p. 100 ). Le 30 mars 1849, H. Passy, Ministre des Finances, exprima à la Banque de France - qui acquiesça - son intention de prolonger le traité. Il fut encore renouvelé à plusieurs reprises par la' suite puisque le prêt ne fut remboursé, par fractions égales, que les 26 juillet et 6 septembre 1852. La Caisse des Dépôts et Consignations était affectée par le retrait des dépôts judiciaires, des sommes considérables remboursées aux caisses d'épargne, enfin, par les prêts consentis aux communes depuis une année pour procurer du travail aux ouvriers. Les avances que le Trésor lui avait faites pesaient beaucoup sur la situation de celui-ci et la Caisse plaçait tous ses esp'oirs dans l'obtention d'une avance de la Banque. La demande en fut faite par Garnier-Pagès qui laissa entendre, en même temps, à la Banque, que le Trésor aurait sans doute besoin d'un second prêt de 50.000.000 frcs. Le comte d'Argout répondit qu'il serait impossible à la Banque d'accorder les deux secours, mais le Ministre des Finances lui donna à entendre que le prêt à la Caisse aiderait tellement le Trésor qu'il pourrait ajourner toute nouvelle demande à une époque indéterminée. Dans ces conditions, le Conseil Général accorda à la Caisse des Dépôts et Consignations, le 5 mai 1848, un prêt de 30.000.000 frcs garanti en totalité par un dépôt de rentes 1. Le taux d'intérêt était assimilé au taux de l'escompte des effets de commerce et devait' en suivre les variations aux époques de renouvellement.
AIDE A LA. CAISSE
Au début de juin, comme nous le montrerons .bientôt, la situation de la Banque de France s'était très sensiblement améliorée, mais celle du Trésor demeurait critique. C'est dans ces circonstances que GarnierPagès convoqua extraordinairement au Luxembourg, le 5, les membres du Conseil Général de la Banque qui, à l'exception de deux Régents, sans doute retenus par des raisons pertinentes, se rendirent à son invitation. Le Ministre des Finances leur déclara que, presque seul contre tous ses collègues, il avait repoussé la proposition d'émettre du papiermonnaie, coup le plus fatal qui pourrait être porté au crédit 1 Il leur donna l'assurance qu'il avait constamment défendu l'indépendance de la Banque de France et que tous ses efforts tendaient au rétablis-
LE PLAN DE GA.RNIERPAGÈS
1. Le prêt fut renouvelé pour 26.633.000 frcs le 17 aoftt; remboursé à concurrence de 18.000.000 frcs en 1849 et complètement soldé dans le dernier trimestre de 1850, sans doute le 9 octobre, bien que le compte-rendu du comte d'Argout à l'Assemblée générale des actionnaires du 30 janvier 1851 indique la date du 7 novembre.
DES DÉPOTS
ET CONSIGNATIONS
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sement de la sécurité, premier élément du crédit. Pour cela, que fallaitil ? Tenir ses engagements et donner du travail aux ouvriers. Il y parviendrait, disait-il, par le rachat des chemins de fer, seul moyen efficace d'occuper utilement le plus grand nombre d'ouvriers possible tout en dissolvant les ateliers nationaux, et par un emprunt de 150.000.000 frcs à la Banque de France, en attendant que la situation générale lui permît d'émettre un emprunt public. Dans la pensée de Garnier-Pagès, le prêt, réalisable par fractions égales en 1848 et en 1849, devait être garanti par un dépôt de rentes fourni par la Caisse des Dépôts et Consignations ou par la C'aisse d'Amortissement - l'évaluation en capital étant faite au cours et par le revenu des chemins de fer rachetés. Le remboursement serait effectué en 1850, le Gouvernement prenant au surplus l'engagement exprès de ne rien demander à la Banque avant qu'il ne fût accompli. Le Conseil Général entama la discussion de la proposition le jour mênle, puis l'ajourna au 10 juin. A cette date, Garnier-Pagès demanda une réponse dans la journée et le comte d'Argout, désireux de la lui donner, réunit son Conseil sur l'heure. La discussion fut longue. Quelques membres craignaient qu'un prêt aussi important, ajouté aux immobilisations de la Banque, atteignît irrémédiablement son crédit. On leur remontra qu'il ne s'agissait pas du tout d'une avance sans garantie, mais d'un prêt gagé sur des rentes, comme celui accordé à la Caisse des Dépôts, qui n'avait point fait mauvaise impression. Enfin, il ne fallait pas davantage oublier que la Banque vivait sous le régime du cours forcé 1 La majorité se dégagea sans difficulté; l'opinion à peu près générale du Conseil fût que l'avenir même du pays était subordonné à la décision de la Banque ~t qu'il convenait d'accorder le p.rêt, en demandant des rentes pour garantie de la première tranche et des forêts d'État avec faculté de vente, pour· garantie de la seconde. LE TRAITÉ 30 JUIN 1848
DU
Par le traité du 30 juin 1848, signé avec Michel Goudchaux, de nouveau ~1inistre des Finances, la Banque de France s'engage à prêter au Trésor public 150.000.000 fres, savoir: 75.000.000 :frcs exigibles dans les mois de juillet, août et septembre 1848; 75.000.000 fres exigibles à raison de 25.000.000 frcs par mois à partir du 1er janvier 1849. L'intérêt, fixé à 4 p. 100, doit être calculé sur le solde dont le Trésor est réellement débiteur chaque jour. La Banque obtient comme garantie: pour la première trnnche, un transfert préalable de rentes provenant de la Caisse d'Amortissement, « au cours et ,sous les conditions déterminées par l'ordonnance (royale) du 15 juin 1834 1 » ; pour la seconde tranche, « le Gouvernement passera vente à la Banque d'un certain nombre de forêts de l'État », que la Banque aura le droit de revendre, quand elle le jugera convenable, 1. Cf. supra, p. 175.
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à partir du 1er Janvier 1849. Si le produit de la vente excède le montant du prêt, le Trésor public en profitera; dans le cas. contraire, il aura à combler la différence. Le traité fixait les époques de remboursement de la façon suivante: pour le premier prêt, 25.000.000 frcs les 15 avril, 15 juillet et 15 octobre 1850; pour le second prêt, si la Banque n'était pas couverte du montant des 75.000.000 frcs en capital et des intérêts au 15 janvier 1851, 25.000.000 fres par trimestre, à partir de cette dernière date. Le projet de décret approuvant le traité du 30 juin fut présenté à l'Assemblée Nationale par Cavaignac et Goudchaux, le 3 Juillet, et voté le 5. Personne;"n'avait demandé la parole sur l'ensemble du projet et la discussion des articles s'était limitée à l'échange de quelques mots 1. A quelques jours de là, le Gouvernement ayant réussi à faire revivre l'emprunt de 1847 en changeant ses conditions, le Conseil Général vota le versement immédiat de 22.500.000 frcs que la. Banque avait encore à solder, « afin d'accélérer la réalisation d'une ressource nécessaire au Trésor ». Pour faciliter les nouvelles opérations engagées avec le Trésor, la Banque lui ouvrit un nouveau Compte général d'avances à 4 p. 100, en remplacement du Compte-Courant ordinaire fonctionnant depuis 1832. Ce compte était débité des mandats fournis par le Trésor sur la Banque de France; crédité des versements faits à la Banque au profit du Trésor et des versements provenant de l'avance de 150.000.000 frcs dont le compte spécial était préalablement débité en totalité. Entre autres répercussions, les événements de 1848 avaient réduit considérablement les recettes de la Ville de Paris, par suite de la suppression ~omplète de l'octroi sur les viandes, et provoqué une série de dépenses nouvelles résultant de l'habillement des gardes nationaux., des distributions de vivres et de secours dans les mairies de Paris, etc. Or, la Ville se trouvait dans l'impossibilité de négocier l'emprunt de 25.000.000 frcs qu'elle avait été autorisée à émettre par la loi du 1er août 1847. Il en résulta une nouvelle demande d'avance de 10.000.000 frcs à la Banque de France qui s'engagea, le 24 juil1. Par cet ensenlble de concours, dit Garnier-Pagès, « la Banque de France paya loyalement la dette de la reconnaissance J et ainsi se compléta « le plan de MM. Garnier-Pagés et Dueler, plan préconçu à leur entrée au Ministère des Finances: c le salut réciproque de la Banque et de l'État J. c Désormais étayés l'un sur l'autre, l'État et la Banque purent étendre le crédit et les secours, et les porter partout oil il Y avait urgence J. (Op. cit., t. V, p. 286.) Cf. infra, p. 250 et suiv.
sousCRIPTION DE LA .BANQUE A L'EMPRUNT
OUVERTURE D'UN COMPTE
GÉNÉRAL D'AVANCES AU TRÉSOR
AVANCE A LA. VILLE
DE P.4RIS
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let 1848, moyennant un intérêt de 4 p. 100, à prêter la somme dans un délai expirant le 10 avril 1849 : le traité fut approuvé par un décret du 24 août. La Banque recevait, en garantie, des obligations de la Ville émises et négociables en vertu de la loi du 1er ao11t 1847, obligations qu'elle se réservait la faculté de vendre à la Bourse sans autre fonnalité, à partir du 1 er juillet 1849, et une hypothèque sur cinquante mille mètres environ de terrains appartenant à la Ville de Paris. IJe prêt, qui ne dépassa pas 8.000.000 frcs, fut remboursé avant l'échéance. PR1!;T AU DÉPARTEMENT DE L.4 SEINE
AVANCE .1. LA VILLE DE }.[ARSEILLli.
Une autre loi, du 9 aoftt 1847, confirmée par un décret du 6 juillet 1848, avait autorisé le Département de la Seine à émettre un emprunt de 9.000.000 frcs. A la fin de l'année 1848, les circonstances n'étant toujours pas propices, le Département de la Seine demanda à son tour à la Banque de lui consentir une avance de 3.000.000 frcs garantie par des obligations sans hypothèque. La Banque s'engagea à verser la somme au Département, à partir du 6 janvier 1849, par fractions de 500.000 frcs au minimum, moyennant un taux d'intérêt de 4 p. 100. Le remboursement devait avoir lieu somme pour somme, trois mois après le versement de chaque fraction du prêt. Ce traité, du 6 décembre 1848, fut approuvé par la loi du 3 janvier suivant, exécuté en totalité, et le prêt remboursé dans le courant de l'année 1849. Le 6 décembre égalenlent, la Banque consentit une avance de 3.000.000 fres à la Ville de l\1arseille, sur une double garantie de 3.500.000 frcs de bons de la Ville et une hypothèque sur des terrains. La Ville de Marseille s'eng~geait à rembourser « an pour an, somme
pour somme >), chaque fraction de prêt. Cet emprunt, autorisé par la loi du 29 décembre 1848, fut réalisé à concurrence de 1.350.000 frcs seulement et remboursé en février 1850 (taux d'intérêt 4 p. 100). Ainsi, du ~eul fait du Trésor, de la Caisse des Dépôts et Consignations, du Département de la Seine, des Villes de Paris et de Marseille, la Banque de France contracta pendant l'année 1848 des engagements se montant à 250.000.000 frcs environ. Ces engagements ressortent mêlne à 260.000.000 frcs, si l'on tient compte d'un prêt de 1.000.000 frcs aux hospices de Paris et de divers autres prêts aux hospices de Lyon ou à des établissements charitables. L'AIDE DE LA BANQUE iiU COMl\fERCE EN 1848
Les faits et les chiffres qui prouvent les immenses services rendus par la Banque de France au Commerce - au cours de la crise politique de 1848 - sont tellement abonda.nts, qu'il est assez malaisé de les choisir. Tentons-le cependant 1 A peine tranquillisée sur le sort de son encaisse par l'établissement du cours forcé, la Banque développa ses secours au Commerce. Les détenteurs de marchandises ne pouvaient ni les vendre, dans
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l'état de saturation du marché, ni emprunter facilement. Un décret du 21 mars 1848 améliora beaucoup la situation. Il ordonnait la création à Paris et dans les autres villes où le besoin s'en ferait sentir, de magasins généraux placés sous la surveillance de l'État, où les négociants et les industriels pourraient déposer les matières premières, les marchandises et les objets fabriqués dont ils étaient propriétaires. En autorisant, d'autre part, la transmission des récépissés par simple voie d'endossement, ce décret simplifiait à l'extrême les formes prescrites par le Code pour les prêts sur gage. Comme les statuts de la Banque ne lui permettaient pas de consentir des avances sur marchandises, le Conseil Général, autorisé à cet effet par un décret du 26 mars 1848, s'empressa d'admettre les .récépissés de dépôts sur marchandises en remplacement de la troisième signat~re. Les escomptes accordés sous cette forme atteignirent, pour l'année 1848, 14.000.000 frcs à Paris et 46.000.000 frcs environ dans les Succursales 1. La Banque de France avait coutume de « venir au remboursement » des effets non échus, souscrits ou acceptés par des maisons en état de suspension de paiement. Cet usage était établi en dehors de la loi, aux termes de laquelle il ne pouvait y avoir d'action anticipée que lorsque la faillite du principal obligé était déclarée, mais la Banque préférait employer ce moyen plutôt que de provoquer elle-même la déclaration de faillite en s'appuyant sur des protêts. Dès le 15 mars 1848, le Conseil Général décida que, jusqu'à nouvel ordre, le remboursement des effets non échus sur des maisons en suspension ne serait pas réclamé. S'agit-il des escomptes? La Banque ne modifia pas son taux d'intérêt. Sa doctrine, encore neuve, ne lui donna peut-être pas une hardiesse suffisante pour braver les critiques des Garnier-Pagès et autres partisans de la fixité et négliger les répercussions dangereuses d'une telle mesure en période de révolution; mais il semble que sa décision lui fut surtout inspirée par le caractère politique de la crise 2. Par générosité et aussi pour faire mieux comprendre dans les provinces 1. Le mot Il Succursale» fut employé, à partir de 1848 et concurremment comme synonyme de c Comptoir n, en attendant de le supplanter définitivement dans la terminologie de la Banque. 2. Le compte-rendu du Gouverneur à l'Assemblée générale des actionnaires de 1849 provoqua les protestations d'ull actionnaire qui soutint cette thèse que, s'il était utile de faire preuve de désintéressement, il fallait aussi procurer aux actionnaires quelques compensations des pertes subies par la dépréciation des actions. Le comte d'Argout lui répondit: « La Banque a pensé qu'il ne serait pas digne d'elle de mettre un plus haut prix à ses ser"ices dans un moment de crise où, de toutes parts, on avait recours à son crédit••• Il lui a paru de plus qu'en secourant l'État et l'industrie c'était un devoir pour elle de ne pas accroître~ par un intérêt plus élevé, le fardeau des sac ri fices qui leur étaient de toutes parts imposés••• »
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les bienfaits de l'unité, la Banque réduisit à 4 p. 100 le taux de certaines transactions conclues par les Banques départementales à 6 p. 100. Succédant aux secours des premiers jours, la Banque de France escompta à Paris et dans ses anciens Comptoirs 497.000.000 fres, du 6 mars au 24 juin; et 176.000.000 frcs de cette dernière date au 31 juillet. Elle accorda divers crédits se montant ensemble à 18.000.000 frcs au commerce du Havre fortement atteint par la mévente des denrées coloniales et un prêt de 5.000.000 fres au Sous-Comptoir des Entrepreneurs autorisé (décret du 4 juillet 1848) à prêter sur garanties mobilières et immobilières. Pour accélérer le paiement d'acomptes aux créanciers du Domaine privé et de l'ancienne liste civile, la Banque escompta 4.500.000 frcs de traites de bois; d'autre part, le réescompte du papier des Comptoirs· Nationaux par la Banque et par les Succursales établies dans les mêmes localités, dépassa 130.000.000 frcs. Malgré l'étendue de ces secours, un grand nombre de maisons de commerce, dont plusieurs très considérables, suspendirent leurs paiements. A la connaissance de la Banque de France, il y eut à Paris 450 suspensions de paiement; on peut en admettre 500 à 600 au maximum: à l'Assenlblée Nationale, Jules Favre en indiqua 7.000 ! - Les branches les plus atteintes furent, semble-t-il, le COl11ffierce des tissus de coton, des nlétaux, des denrées coloniales et les rouenneries. Les effets en souffrance dépassèrent, un moment, 57.000.000 frcs à Pariset 20.700.000 frcs dans les Comptoirs; ils atteignirent 7.700.000 frcs pour les Banques départementales. Or, les faillites du premier semestre de 1848 furent de 280 seulement contre 543 en 1847 ; pour la période mars-avril, elles s'établirent respectivement à 100 contre 362, et, pour l'année entière, à 1219 contre 1139. C'est suffisamment di.re avec quels ménagements la Banque de France se comporta vis-à-vis de ses débiteurs, qui se comptaient par milliers. Comme le déclara le Comte d'Argout à. l'Assemblée générale des actionnaires de 1849, «elle s'est bornée à des actes conservatoires, elle n'a exercé de poursuites en déclaration de faillite que contre un très petit nombre d'individus dont la nlauvaise foi devenait évidente; elle ne s'est opposée à 3ucun arrangement, elle les a·favorisés en toute occurrence ». D'ailleurs, en installant le nouveau Tribunal de Comnlerce, le 30 dé·· cembre 1848, le Président avait tenu à honneur de dire qu'il fallait attribuer le petit nombre des faillites à la « modération des poursuites exercées par les créanciers et, notalnment, (à) la conduite de la Banque qui a fait preuve, vis-à-vis de ses débiteurs, d'une bienveillance digne d'éloges et s'est empressée de faciliter les liquidations amiables ». Mais cette conduite n'empêcha pas Jules Favre de déclarer, pendant la discussion de sa proposition sur les concordats amiables: « la Banque ne veut pas courir les chances de concordats amiables qui laisseront
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continuer le travail, quL laisseront les débiteurs debout. C'est qu'elle aime mieux égorger une certaine quantité de débiteurs, afin de rentrer immédiatement dans ses fonds )}. Comment ne pas s'empresser d'ajouter qu'en cette circonstance comme toujours, le - commerce français ré.pondit avec une absolue loyauté à la nlodération et au patriotisme de la Banque. Le 5 août 1848, déjà, les effets en souffrance étaient réduits à 24.000.000 frcs, à Paris, et à 11.000.000 frcs environ, en province. A Lyon, notamment, on avait obtenu une très forte réduction. Cinq mois après, au début de 1849, il ne restait plus, pour la France entière, que 14.340.000 fres d'effets en souffrance, sur lesquels on prévoyait un déchet maximum de 4.000.000 fres déjà passés par pertes et profits lors du règlement des dividendes. Il faut encore ajouter que, dès l'année 1848, pour reprendre les expressions du Comte d'Argout, « l'unité de direction, l'unité de circulation, les escomptes réciproques de Comptoirs sur Comptoirs, le service si prompt, si commode, si économique des mandats à vue délivrés par la Banque sur les Succursales et par les Succursales sur Paris » procurent au commerce de nombreux et incontestables avantages. Le mouvement des mandats, par exemple, permet d'en donner une idée. Le chiffre total des mandats délivrés en 1847 ne s'était élevé qu'à 96.000.000 frcs; en 1848, il atteignit 439.000.000 frcs! Mais bornons là cette énumération convaincante de faits! Les engagements de la Banque, sa solidarité d'intérêts avec le Trésor, son libéralisme, les pertes qui la mena~~aient, la réduction certaine de ses profits, avaient contribué à faire baisser le cours de ses actions à des niveaux inconnus: 1.150 frcs à la fin du mois de mars, 960 frcs le 10 avril, tandis que le 5 p. 100 tombait à 50 frcs et le 3 p. 100 à 32 fres 50. La progression qui suivit fut, il est vrai, presqu'aussi brutale puisqu'on enregistra le cours de 1.400 frcs à la fin du mois d'avril. La Banque de France se souciait assez peu de ses profits et de ses pertes : c'est d'après ses devoirs qu'elle réglait sa conduite. On en trouve une preuve, non moins frappante que les précédentes, dans la politique suivie par son Conseil Général en matière d'espèces. Au début d'avril, l'encaisse de la ·Banque décroissait toujours, bien que le Ministre des Finances le ménageât autant que faire se pouvait, mais il était bien obligé d'y puiser les espèces nécessaires à la solde des marins et des soldats, au salaire des ouvriers, à l'Algérie, au service de la Ville de Paris et d'un grand nombre d'administrations publiques. Cette diminution des réserves préoccupait tout le monde, le Ministre des Finances, le Gouvernement, le public et la Banque elle-même. Cependant, miracle de la confiance, à part les joueurs qui spéculaient sur des difficultés possibles, la foi de l'immense majorité des individus en la Banque de France était demeurée intacte; peut-être même s'était-elle déjà accrue.
POLl1'IQU.E D'ESPÈCES DE LA. B.4NQUE
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Le Conseil Général comprit qu'il suffirait sans doute d'un léger renversement de situation pour amener· de nouveau des espèces dans les caisses de la Banque, et il s'employa à provoquer ce renversement initial par des moyens artificiels. 'En avril, il ouvrit au Gouverneur deux crédits, l'un de 5.000.000 frcs, pour se procurer de l'or; l'autre de 12.000.000 frcs, pour faire venir de l'étranger des lingots d'argent. Le 4 Inai, les crédits étaient épuisés et même dépassés de 1.000.000 frcs, les lingots achetés n'étaient encore arrivés qu'en partie, mais l'encaisse était en augmentation de 4 à 5.000.000 frcs. Bientôt, les encaissements de numéraire par la recette prirent de l'importance, et le Conseil Général trouva dans ces améliorations un encouragement à poursuivre la politique inaugurée. Il ouvrit au Comte d'Argout deux nouveaux crédits de 12.000.000 frcs et de 10.000.000 frcs qui furent employés en partie seulement. Quoique prêt à tous les sacrifices nécessaires, le Conseil Général avait cependant à cœur d'éviter des dépenses exagérées qui n'eussent profité à personne: c'est ainsi que les primes payées pour se procurer des espèces furent successivement réduites d'un chiffre illimité - on avait payé au début jusqu'à 40 p. 1000 - à 15, puis à 8 et à 3 p. 1000. Au début du mois d'août, les achats de lingots effectués par la Banque depuis le décret du 15 mars, atteignaient 36.000.000 frcs ayant provoqué une dépense de 250.000 frcs pour 25.000.000 frcs, et de 344.000 frcs pour 11.000.000 fres seulenlent, en provenance de Londres, soit au total 594.000 frcs. Peu après, le 27 août, le Conseil Général ouvrit encore un nouveau crédit de 5.000.000 frcs, malgré les accroissements journaliers de l'encaisse, qui atteignit 280.000.000 frcs le 25 janvier 1849. Si l'on veut, maintenant, se faire une idée de l'importance des espèces mises en circulation par la Banque de France, en 1848, il Y a encore lieu de noter les faits suivants. La Banque livra 105.318.000 frcs au Trésor central et aux administrations publiques de Paris et jeta 158.363.000 frcs dans la circulation de la capitale, pour faciliter, notamment, l'arrivage des denrées et la paye des ouvriers. D'autre part, elle ouvrit au Trésor sur les Succursales, « par la voie du télégraphe, lorsque les cas étaient urgents >), divers crédits se montant ensenlble à 52.650.000 frcs : la presque totalité fut versée aux Receveurs généraux en numéraire. Enfin, les Succursales fournirent 201.630.000 frcs en espèces au commerce et à l'industrie des provinces. C'était, au total, 506.000.000 frcs en écus que la Banque avait ainsi lancés dans la circulation et, à la fin de l'année 1848, elle aurait encore pu accroître ses paiements en espèces s'il en avait été besoin. Il ne faudrait, au demeurant, pas omettre de citer - parmi les causes de cet admirable retour de fortune - le fait que la France, par suite de la dépréciation générale des valeurs, était vendeuse à l'étranger
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de toules espèces de marchandises en échange desquelles elle n'achetait presque rien. De la sorte, les changes lui étaient favorables, et ses débiteurs la payaient en espèces qui venaient encore accroître son stock métallique 1. L'augmentation considérable de l'encaisse dans le même temps où la Banque écoulait des centaines de millions d'écus permet d'affirmer, d'une part, que le public préférait les billets, bien qu'ils ne fussent plus légalement remboursables à présentation, aux lourds écus; d'autre part, que la Banque, limitée dans sa circulation, appréhendait de dépasser le maximum légal. Pour conserver une marge de sécurité matérielle et de tranquillité morale, elle préférait augmenter constamment ses paiements en espèces, au risque d'affaiblir son encaisse, plutôt que de profiter des circonstances pour le gonfler à l'extrême. Ce heurt de préférence provoqua une véritable lutte, consciente du côté de la Banque, inconsciente du côté du public, lutte sourde dont les phases sont vraiment très intéressantes et curieuses. Le Il janvier 1849, 'la circulation atteint 430.000.000 fres 1, laissant une marge de 22.000.000 frcs seulement, et l'encaisse 269.000.000 frcs. Le Conseil Général se complait à énumérer les causes de ce nouvel ordre de choses : confiance générale en la Banque, absence d'effets de commerce qui - selon le mot du Comte d'Argout - « jusqu'à un certain point font effet de papier de circulation >}, émission des coupures de 100 frcs, si commodes; besoins nouveaux, remplacement de la circulation des anciennes Banques, mais cette liste explicative ne suffit pas à apaiser ses alarmes ! Le Conseil décide d'abord de payer en espèces les appoints au-dessous de 200 fres et de ne plus réémettre les billets provisoires de 100 frcs ; cette mesure, appliquée en premier lieu aux caisses de la Banque centrale, est rapidement étendue à la f>rovince. Le Conseil Gén~ral aurait certes pu porter la question devant le Gouvernement et 1'1\ssemblée Nationale, aux fins d'obtenir une augmentation du montant de la circulation, mais il craignait que l'Assemblée ne lui intimât l'ordre de reprendre purement et simplement les paiements en espèces, solution qui lui semblait prématurée. Le 15 janvier, le Conseil Général décide d'effectuer en espèces tous les paiements, soit en capital, soit en appoints, au-dessous de 500 fres ; de ne plus délivrer de billets de 100 frcs et de 200 frcs en échange des grosses coupures, sauf à donner un billet de 200 frcs ou deux billets de 100 frcs et 300 frcs de numéraire contre un billet de 500 frcs; 1. Cette considération a été fort bien exprimée par M. de Waru, au cours de J'enquête de 1865 dont il sera question ultérieurement. 2. Pour faire face à cette circulation et indépendamment des 800.000 billets provisoires de 100 frcs fabriqués en dehors de l'atelier de la Banque, celui-ci fabriqua 967.000 billets, en 1848, contre 109.000, en 1847. Il devait en fabriquer 1.055.000 en 1849 ! B.-\.lQl:E DE FHA~CE.
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ENCAISSE ET C IRCUL~1 T ION
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de rembourser en espèces les Bllciens billets provisoires de 100 frcs; de refuser, jusqu'à nouvel ordre, d'échanger des espèces contre des billets; de payer en espèces tous les mandats (des comptes-courants ou délivrés par la Banque) au-dessous de 1.000 fres ou offrant des appoints au-dessous de 1.000 frcs; d'un mot) d'élargir en toutes circonstances les paiements en espèces, afin de restreindre « momentanément » la circulation des billets. - Aucune publicité ne fut donnée à ces mesures. La circulation fléchit à 417.000.000 fres, le 25 janvier, et à 401.000.000 fres, le 15 mars, mais le paiement des rentes 5 p. 100 provoque alors un accroissen1(1.nt et, dans la semaine du 22 au 29 mars, elle atteint 433.000.000 frcs, alors qu'il reste encore 26.000.000 fres d'arrérages à payer. l..4a marge est insuffisante! Convenait-il de recourir à la loi? Le Conseil, « en présence des complications de la politique, lorsqu'une partie notable du capital de la Banque est engagée à long terme envers l'État et l'industrie » estime encore « sage de conserver... en principe, le maintien du cours forcé », mais donne l'ordre, le 29 mars, de payer en espèces, « tant à Paris que dans les Succursales », tout ce qu'il sera possible de p&yer de cette manière, et de ne donner des billets en paiement que dans les cas où il serait impossible de faire autrement. rvialgré la nlise en vigueur imnlédiate de ces instructions, la circulation atteint 443.000.000 frcs le surlendemain, tandis (lue l'encaisse dépasse 330.000.000 fres. Cette fois· s le Gouverneur donne l'ordre de payer exclusivement en espèc.es les. mandats fournis par la Banque sur ses Succursales et par les Succursales sur la Banque. Le 3 avril, la circulation demeurant à 441.000.000 frcs, le Conseil Général édicte de nouvelles mesures : interdiction aux Succursales de faire aucun paiement autrement qu'en écus; ordre à la Banque centrale de payer en espèces tout reçu de compte-courant de 8.000 frcs et au-dessous, de rembourser en numéraire les sommes versées en numéraire. C'était ~là une politique de petits boutiquiers, qui étonne de la part de ces hommes, dont maints autres actes disent la vigueur d'esprit et d'action I Par l'effet· de cette superposition de mesures, dans lesquelles les caissiers devaient s'embrouiller à plaisir, la circulation descend cependant à 422.000.000 frcs le 12 avril. Le Conseil, craignant de lasser la patience publique, fixe alors à 5.000 frcs, au maximum, la somme à payer en numéraire sur les reçus de comptes-courants. Le 16 avril, nouvelle amélioration; la circulation tombe à 417.000.000 frcs et le Conseil Général révoque, pour Paris et les Succursales, toutes les mesures restrictives de la circulation, sauf celle qui prescrit de payer en espèces les reçus de comptes-courants de 5.000 frcs et au-dessous. Plusieurs mois se passent ainsi dans le calme, puis, en octobre, la circulation croît brusquement de nouveau, jusqu'à atteindre 449.000.000 frcs, le 31. Le Conseil Général arrête de payer en espèces,
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toutes les sommes an-dessous de 1.000 fres, de cesser l'échange des billets de 1.000 fres contre ceux de 500 frcs ; de ne plus délivrer, ni au public, ni aux a.dministrations p'ubliques, de coupures de 500 fres, de 200 fres et de 100 frcs. - Le 15 novembre, la marge n'est encore que de 5.000.000 fres.. Le 'Conseil, toujours réfugi.é dans les expédients, ordonne de donner jusqu'à 5.000 fres d'espèces dans tout paiement. Le 19 novembre 1849 1, à l'occasion du projet de loi portant prQrogation du traité du 30 juin 1848, Benjamin Delessert ,déposa un amendement tendant à annuler, à la fois, la limite d'émission et le cours forcé sans que les caisses de l'État pussent, toutefois, refuser les billets de la Banque enpaiement4 Le Gouverneur d'Argout exposa au Ministre ·des Finances que le maintien du cours forcé lui paraissait indispensable, tant que le Trésor resterait dé.biteur envers la Banque de sommes considérables et tant ·que le passif exigible de l'Établissement serait représenté par des valeurs à long terme. Cet amendement eût constitué, au surplus, lIn précédent fàcheux., en statuant sur la législation de la Banque de France sans son consentement. L'avis du GouvernJeur fut partagé par le Ministre et par le Conseil Général. - Il est d'autre part certain 'que le Conseil Général avait f,ormulé le vœu ·de lier l'extension ·de la circulation, dans le cadre du cours forcé, avec la prorogation du traité dn30 juin, mais le Gouvernement tout entier s'y était refusé, on verra pourquoi.. Le 22 novembI".e, le Gouverneur de la Banque demanda enfin au Ministre des Finances, qui s'y était engage en prin.cipe, ,d'élargir la limite d'émission jusqu'à 550.000.000 frcs. Le 23, avant même que le Ministren'eùt eu le temps de tenir sa promesse, le chiffre de 525.000.000 frcs fut indiqué à l'Assemblée par Lé,on Fo:ucber, qui .avait demandé à interpeller Fould sur l'état de la circulation de la Banque d·e France et sur la limite légale de ses émissions : ce chiffre parut bien accueilli. Le Ministre des Finances déclara 'que la prorogation du traité du 30 juin 1848 et le projet d'élargissement de la circulation n'avaient pas p.aru susceptibles d'être présentés en même temps sans de très sérieux ineonvénients. Enefiet, .« l'extension de la circulation de la Banque de France, n'était pas demandée dans l'intérêt de la Banque elle-mênle; elle n'était pas demandée dans l'intérêt du Trésor, et cependant, la coïncidence de ces deux mesures pouvait égarer l'opinion et faire croire que nous consentions à cette nouvelle é.mission uniquement pour les besoins ,du Trésor... C'est uniquement dans l'intérêt de la circulation et du public que l'extension est demandée, et c'est en vue de cet intérêt que nous devons la .considérer >}.. Fould estimait que le chiffre de 500.000.000 frcs satisferait~. à 1. Cf. infra, p. 251.
EXTENSION DE LA LIMITE D'ÉMISSION
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tous les besoins, à condition que la loi fixât aussi le maximum des petites coupures de 100 et de 200 frcs, mais la Banque se devait de protester contre cette dernière prétention contraire à ses statuts fondamentaux 1 1 Le projet de loi étendant la limite d'emission de la Banque de France fut déposé le 26 novembre 1849 et l'urgence déclarée. La commission chargée de l'examiner, posa au Ministre des Finances et au Gouvernement de la Banque un grand nombre de questions qui peuvent se résumer ainsi : 1° Puisqu'il n'existe qu'une différence peu considérable entre l'encaisse de la Banque et sa circulation, pourquoi ne pas renoncer au cours forcé? 2 0 Si le cours forcé est maintenu, le versement de 100.000.000 frcs promis par la Banque sera fait en p'3.pier non remboursable et sans valeur intrinsèque. Dès lors, le Trésor ne sera-t-il pas lésé, puisqu'il sera passible d'intérêts tandis que la Banque n'opérera point un débours réel ? 3° Avant de verser au Trésor ces 100.000.000 frcs et pour s'en procurer les moyens, la Banque ne devrait-elle pas vendre les rentes disponibles qu'elle possède, à moins qu'elle ne double son capital ? Ces questions, dans lesquelles l'ignorance et le grotesque se disputaient la primauté, n'auraient pas mérité de réponses si elles n'eussent point émané d'une commission parlementaire. On expliqua donc à la commission que le nlontant des émissions ne constituait pas le seul élément du passif; que la Banque n'aurait pas pu s'engager à faire un semblable prêt si elle n~avait eu la certitude que le· décret du 15 mars serait maintenu, et que l'abolition du cours forcé ne serait pas possible avant que des lois, mettant les recettes au niveau des dépenses, restituassent au Trésor son ancien crédit. La discussion du projet de loi portant le maximum d'émission de la Banque de France et de ses Comptoirs à 525.000.000 frcs fut sans aucun éclat; elle commença le 21 décembre 1849 et s'acheva le lendemain par un vote favorable. L'AIDE AU COMMERCE EN 1849 ET EN 1860
A la fin de l'année 1848, de bons symptômes avaient été enregistrés. Le Comte d'Argout, faisant abstraction des causes passagères, pouvait dire que le commerce et l'industrie avaient « plus de vitalité, d'élasticité et de puissance >} qu'en 1830 : les échanges recommençaient, mais seulement au comptant. Le 21 mai 1849, le Régent Lefebvre, préoccupé du déficit des escomptes, soumit au Conseil Général l'idée de rechercher une compensation dans la reprise des avances sur fonds publics. Il pensait, d'ailleurs, que la Bourse « livrée à de grandes oscillations >}, en recevrait 1. La circulation des billets de 200 fres atteignait encore 43.000.000 fres; celle des billets de 100 frcs, 44.000.000 Ires.
LA FOur.,E VE.."A...''T _\.t.: Rl:....) [UOl1RSDŒXT DES Bru.ETS: E,....
B-"UT: YARS 1848 (P. ::ozo) _
E..... O.\.S: ."OUT 1870 {P. 318)
EXTR..Ul' DE L'c U,LUSTRAUOX •
!tIr,.r..ET DE 1.000 PR.: SECOND EMPIRE
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un grand soulagement et reprendrait confiance. On lui objecta qu'il ne convenait pas, « dans l'état présent des choses >}, de « rentrer dans le prêt sur rentes » et que ce serait, au surplus, « une trop grande tâche que de vouloir prévenir les fortes variations des cours >}. Lefebvre retira sa proposition, mais, le 31 mai, le syndic des agents de change sollicita le Gouverneur d'aplanir les difficultés graves que présentait la liquidation, en consentant à sa Compagnie un prêt de 10 à 15.000.000 frcs sur transfert de rentes. Tandis que certains membres du Conseil Général estimaient que la Banque ne saurait s'immiscer dans les affaires de la Bourse sans se départir de sa prudence habituelle et sans s'exposer, par la suite, à de fréquentes sollicitations, la majorité fut d'avis que l'intérêt général commandait de faciliter la liquidation afin d'éviter des catastrophes dont les suites seraient, en définitive, désastreuses pour le commerce et l'industrie. En conséquence, le Conseil autorisa le Gouverneur à ouvrir un crédit de 12 à 15.000.000 frcs au Syndicat des agents de change, mais la seule annonce de l'intervention de la Banque suffit à préserver la Bourse d'une crise imminente. Dans son ensemble, l'année 1849 fut faite de progrès; les sinistres cessèrent, les fabrications reprirent leur essor dans quelques villes privilégiées, mais la confiance resta en léthargie. Presque toutes les transactions, facilitées par l'abondance des moyens de paiement, s'effectuèrent au comptant, aussi les escomptes diminuèrent-ils beaucoup. Leur chiffre global, de .1.030.000.000 frcs, ne correspondit pas à l'activité commerciale effective, car il fut, pour partie, le résultat des renouvellements d'escomptes sur garantie accordés par la Banque, de trois mois en trois mois. Toutefois, les grands établissements bénéficiaires de ces crédits spéciaux remboursèrent, dans l'année, 27.900.000 frcs sur 37.900.000 frcs. Les escomptes sur warrants furent encore de 31.400.000 frcs, mais, au 25 décembre 1849, le montant des warrants en portefeuille ne dépassait pas 4.400.000 frcs ; c'est dire que les propriétaires de marchandises entreposées avaient réussi à les écouler en presque totalité. Le réescompte du papier présenté par les Comptoirs Nationaux d'Escompte diminua de plus de moitié, à Paris, jusqu'à tomber à rien à la fin de l'année; la réduction fut plus lente en province. Cette année de convalescence permit d'apurer, avec tous les ménagements nécessaires, les situations anormales. Le solde débiteur des avances sur valeurs du Trésor, ramené de 12.325.000 frcs, le 25 février 1848, à 6.320.000 frcs, le 31 décembre suivant, fut réduit à 830.000 frcs à la fin de 1849. Le montant des effets en souffrance diminua aussi, quoique faiblement, et la Banque put reprendre, le 13 septembre, ses prêts sur rentes, accordant plus de 4.500.000 frcs d'avances en trois mois et demi. L'année 1850 fut aussi une année de transition: amélioration de l'activité générale dans l'ordre, écoulement de marchandises, rareté
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LA DEUXIÈl\tIE RÉPUBLIQUE
du papier à long terme, légère augmentation des escomptes (1.170.000.000 frcs), diminution des crédits spéciaux ouverts par la Banque et des escomptes sur warrants, liquidation des effets en souffrance : les rembourselnents ayant été supérieurs aux pertes prévues, la Banque put même inscrire une centaine de mille francs au crédit du compte profits et pertes. L'ABOLITION COURS
DU
FORCÉ
Aussitôt après le vote de la loi du 22 décembre 1849, la Banque de France avait supprimé toutes les mesures restrictives relatives aux paiements, dont les modalités avaient été, dès lors, réglées par les convenances des encaisseurs. Les émissions ne cessèrent de se développer au cours des mois suivants, jusqu'à atteindre 509.000.000 frcs le 29 juillet 1850. Une fois encore le Conseil tenta de pallier les inconvénients de la situation par des moyens de fortune, c'est bien le cas de l'écrire: obligation de payer les créanciers de la Banque en espèces jusqu'à 5.000 frcs, interdiction d'émettre des coupures inférieures à 500 frcs, etc... Il n'était cependant pas possible de reprendre avec le public le petit jeu de 1849, et le Conseil Général fut appelé à opter sur le champ pour une nouvelle augmentation de la circulation ou pour l'abolition du cours forcé. Le cours forcé paraissait sans objet, puisque l'encaisse atteignait 450.000.000 frcs pour une circulation moyenne inférieure à 500.000.000 frcs, un portefeuille de 126.000.000 frcs et un solde de comptes-courants de 100.000.000 frcs, en moyenne. Par ailleurs, le Conseil Général se rendait parfaitement compte que le développement normal des transactions commerciales amènerait sous peu la Banque à effectuer tous ses paiements en espèces, « opération d'une exécution impraticable », qui arrêterait l'essor des affaires en causant au commerce les plus grands embarras. Le Conseil Général estimait que la suppression du cours forcé était impossible, à moins que le Trésor ne renonçât à la faculté de demander à la Banque les 100.000.000 frcs restés disponibles sur le crédit de 150.000.000 fres. En conséquence, le Gouverneur demanda au Ministre des Finances, le 30 juillet, de vouloir bien opter entre ce renoncement et l'élévation du maximum de la circulation à. 600.000.000 fres. Mais Fould repoussa l'alternative, car, aucune disposition législative ne subordonnant le. prêt de la Banque à l'existence du cours forcé, il craignait que l'Assemblée Nationale ne se crût en droit de rapporter le décret de 1848 sans égard pour la condition que la Banque y apportait. Bien que le l\1inistre des Finances fùt personnellement convaincu qu'il pourrait se dispenser de' tout nouveau recours à la Banque, celle-ci ne pouvait se contenter d'une simple promesse verbale et elle insista auprès de lui pour obtenir la présentation à l'Assemblée Nationale d'un projet de loi tendant à porter
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.la circulation maximum à 600.000.000 frcs .. Cette fois encore elle se heurta à un refus énergique. Fould fit remarquer au Gouverneur qu'un tel projet serait presque certainement rejeté et l'abolition du cours forcé adoptée, mais il offrit de proposer à l'Assemblée, en contre-partie de cette abolition, la réduction à 75.000.000 frcs du crédit de 150.000.000 frcs ouvert au Trésor public. Le Trésor ayant déjà pris 50.000.000 frcs, le solde disponible se trouverait ramené à 25.000.000 frcs; par contre, le Trésor serait autorisé à proroger d'une année les clauses, conditions, garanties et dates se remboursement stipulées dans les traités précédents. L'accord se fit sur ces bases sans aucune difficulté. Le 31 juillet, Fould déposa le proj et de loi qui abrogeait, « confornlément à la denlunde présentée par le Conseil Général >}, le décret du 15 mars 1848 dans ses prescriptions relatives: au cours légal des billets de la Banque, au droit conféré à la Banque de France de ne pas les rembourser en espèces, au maximum de la circulation. En conséquence, la Banque et ses succursales devaient être régies désormais par les anciens statuts 1. Le rapport de (Jouin, sans intérêt, fut distribué le 2 août, préface d'une discussion qui occupa les séances des 5 et 6 aoùt. I~e lVlinistre des Finances s'opposa à ce que les caisses publiques fussent tenues de recevoir des billets « qu'elles ne pourraient pas faire accepter », et l'Assemblée repoussa un amendement tendant à fixer la proportion des coupures de 200 et de 100 fres. On résumera sans doute assez justement d'un mot la situation en disant que, par ce vote, une longue période d'incertitude et de tâtonnements s'achevait dans la logique 1 La loi du 30 juin 1840 ne prescrivait, on s'en souvient, qu'une publication trimestrielle des comptes de la Banque; c'est le décret du 15 lnars 1848 qui en avait rendu le publication hebdomadaire obligatoire. En discutant l'abolition du cours forcé, le Conseil Général fut donc amené à se demander si une publicité aussi fréquente ne présentait pas d'inconvénients. Certains membres du Conseil redoutaient, semble-t-il, la connaissance que « les classes dangereuses de la société >} pouvaient acquérir ainsi de la situation de l'encaisse, mais on leur fit comprenàre sans peine l'inanité de leurs craintes.
PUBLICITÉ DES BILANS DE LA BANQUE DE FRA1VCE
L'année 1851, année de transition elle aussi, fut marquée par une lente augmentation des escomptes qui atteignirent 1.245.000.000 frcs et par un prêt important à la Ville de ~aris. Elle allait s'achever dans le calme, lorsqu'éclata le coup d'État 1
L'A.NNÉE 1851
1. Sur les autres dispositions du projet de loi, Cf. injra, p. 252.
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A LA VILLE DE PARIS
LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE
Vers la fin du mois de juin 1851, le Préfet de la Seine, tout en préparant les bases d'un emprunt 'de 50.000.000 frcs, demanda à la Banque de France un prêt provisoire des deux tiers, en vue d'ouvrir de vastes ateliers aux chômeurs pour la continuation de la rue de Rivoli, depuis le Louvre « où elle arrive aujourd'hui » jusqu'à l'Hôtel de Ville, la construction des nouvelles halles centrales et l' « ouverture d'une rue en face de l'embarcadère du chemin de fer de Strasbourg ,». La Banque s'engagea à verser au moins 2.000.000 frcs par mois à la Ville de Paris, à partir du 1er janvier 1852 et jusqu'à concurrence de 20.000.000 frcs, moyennant un intérêt de 4 p. 100 et le remboursement dans l'année suivant son dernier versement. Elle devait recevoir en retour, comme garantie, 25.000.000 frcs d'obligations municipales. La loi approuvant ce traité fut votée le 4 août 1851, par 417 voix contre 186. - La Ville, anticipant le remboursement prévu, s'acquitta entre le 3 mai et le 10 juin 1852.
CHAPITRE II
LE COUP D'ÉTAT DE LOUIS-BONAPARTE ET LA CRISE DE 1855-1857 UNE ACCUSATION TENACE. SUITES DU TRAITÉ DU 30 JUIN 1848. LA BANQUE DE FRANCE ET LE COUP D'ÉTAT. LE DÉCRET-LOI DU 3 MARS 1852 ET LE PRIVILÈGE. - AVANCES SUR VALEURS DE CHEMINS DE FER. PUBLICITÉ DES BILANS DE LA BANQUE. AVANCES SUR OBLIGATIONS DE LA VILLE DE PARIS. LA BANQUE DE FRANCE AU DÉBUT DE L'EMPIRE. LES ANNÉES 1853 ET 1854. L' « INSPECTION ». POLITIQUE DES SUCCURSALES. ORGANISATION DES DÉPÔTS DE TITRES. - - CRÉA·TION DE COMPTES-COURANTS DE TITRES AU PORTEUR. LA GUERRE DE CRIl\-IÉE. SECOURS AU TRÉSOR. A LA VEILLE DE LA CRISE. SUBSTITUTION DE L'OR A L'ARGENT. POLITIQUE D'ESPÈCES: 1855, 1856. - NAPOLÉON III REFUSE, LE COURS FOnCÉ. - DISPERSION DU NUMÉRAIRE. M. DE GERl\IINY" GOUYERNEUR. :MOBILITÉ DU TAUX DE L'ESCOl\IPTE. LA CRISE DE 1857. LE DUC DE PERSIGNY ET LA BANQUE. POLITIQUE D'AVANCES SUR EFFETS PUBLICS. LES RÉSULTATS COMMERCIAUX. IMPORTANCE DE LA CRISE DE 1855-1857.
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a accusé, à diverses reprises, la Banque de France d'avoir favorisé le coup d'État du Président Louis-Bonaparte. Lors de la discussion sur le renouvellement du privilège de la Banque, en 1897, un député de caractère profondément loyal a donné, par sa personnalité même, plus de retentissement à l'accusation. {< Un matin, dit-il, la France s'est réveillée avec ses libertés égorgées. On avait occupé l'enceinte du Parlement; les argousins avaient mis la main au collet de nos plus illustres hommes d'État, de nos plus vaillants généraux; on massacrait les prom,eneurs du boulevard. Il fallait un budget à ce crime: les rouleaux d'or se vidaient, je ne sais quel ignoble aspect de corruption se mêlait à l'effondrement de tous les droits populaires. D'où venait cet argent ?.. Quel que fût son pouvoir, le Gouvernement n'avait pas pu le trouver dans les caisses du Trésor, gardées même contre le Président de la République par les rigueurs d'une comptabilité inflexible. Il lui a fallu la complaisance et la com-
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plicité de la Banque de France. Voilà les faits que nous avons appris, nous, républicains, durant les vingt ans d'écrasement pendant lesquels l'F,nlpire a pesé sur nous... Quand vous venez nous parler des cent ans du passé glorieux de la Banque de France, j'entends deux voix qui sortent du tombeau, celles de deux hommes auxquels la France a fait les plus magnifiques funérailles nationales: la voix de Victor I-Iugo, qui accuse la complicité de la Banque dans le crime du 2 décembre; la voix de Gambetta, qui accuse la trahison de la Banque devant l'étranger 1 >}. Sans doute parce qu'il l'avait apprise sous un régime d'oppression, la légende apparaissait comme un « fait >) à cet homme dont la bonne foi ne pouvait être mise en doute et la vérité n'exerçait plus d'emprise sur une conviction trop ancienne. Si extraordinaire que la chose paraisse, car la conclusion contraire .semblerait seule logique, on a tiré argument de cette prétendue complicité de la Banque de France, pour opposer les avantages d'une Banque d'État au régime de 1806 1 Sans noûs placer sur ce terrain, nous discuterons, point par point, une accusation qu'on aurait tort de traiter à la légère et cela pour une double raison. D'abord, parce qu'un examen attentif de toutes les pièces du procès nous a convaincus de son iniquité et que cet ouvrage n'a d'autre raison d'être que la recherche de la vérité historique; ensuite, parce qu'une « telle hor.. eur s'attache au souvenir du deux décembre - disait Burdeau en 1892 - dans tous les esprits des arrlis de la liberté, que si vraiment ce souvenir pesait sur l'histoire de la Banque, une espèce de suspicion, de défiance s'élèverait dans nos esprits contre elle >). - Si l'éloquence a sa part dans ces déformations historiques, prenons-lui le ·cou et le serrons proprement. SUITES DU TRAITÉ DU 30 JUIN 1848
C'est pour mieux suivre les faits dans leur logique et leur enchaînement que nous avons négligé d'indiquer en leur temps les mouvements du prêt de 150.000.000 fres, après la signature du traité du 30 juin 1848. On se souvient que ce traité faisait deux parts égales du prêt. La première, garantie par un ~ransfert de rentes sur l'Etat, devait être prise en juillet, août et septelnbre 1848; elle était remboursable aux 15 avril, 15 juillet et 15 octobre 1850. I..a seconde, garantie par des forêts de l'État, pouvait être .prise à raison de 25.. 000.000 fl'cs par mois, à partir de janvier 1849. - Mais ne serait-ce pas déjà ici le lieu de soutenir, avec toutes les apparences de la vérité, qu'en accordant ce prêt au Gouvernement Provisoire, la Banque de France avait tout simplement commencé par sauver la République? La création d'une Banque d'État, d'un papier d'État ou la liquidation forcée de la Banque auraient, en effet, provoqué des perturbations dont ni l'ordre social ni le nouveau régime ne seraient sortis intacts. Peu importait, au surplus, l'usage que la République allait faire de 1. Nous répondrons, en son temps, à la « voix d~ Gambetta
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ce prêt, la mesure dans laquelle elle l'utiliserait, car il lui apparaissait - au moment de la demande - comme un minimum strictement indispensable à l'établissement de son programme financier et à la sécurité de sa marche 1 Le Gouvernement de la Seconde République prit 25.000.000 fres, le Il juillet, et 25.000.000 frcs, le 30 Octobre 1848, dérogation indiscutable au traité du 30 juin, puisque les prélèvements du Trésor sur la première tranche devaient être effectués de juillet à septembre: l'on n'était cependant pas à la veille du coup d'État! Un an plus tard, en octobre 1849, la Banque éprouva les difficultés que l'on connaît au sujet de sa circulation: il lui apparut qu'elle serait dans l'impossibilité absolue d'accorder au Trésor le reliquat du prêt, se montant à 100.000.000 frcs, sans le maintien du cours forcé et une extension de la limite d'émission. Le Trésor n'avait certes plus le « droit >} d'exiger l'exécution du traité et le Conseil de Régence le savait bien; mais la Banque, dans sa situation hebdo111adaire, continuait à faire figurer les 50.000.000 frcs prêtés comme un acompte sur les 150.000.000 fres prévus par le traité., et le Conseil se croyait dans l' « obligation morale » de fournir au Trésor un eomp1ément de secours sur lequel comptait le Ministre des Finances pour assurer l'équilibre du budget de 1850 sans recourir à l'emprunt public. Le Conseil Général de la Banque fut cependant unanime à penser qu'il convenait de conclure un nouveau traité avec le Ministre des Finances et de le faire approuver par une loi nouvelle, parce qu'on se trouvait en présence d'une nouvelle législature qui, sans cette précaution, pourrait contester un jour à la Banque de Frrtnce les droits qu.'elle tenait du contrat primitif. Fould ayant officiellement demandé à la Banque, le 10 novembre~ la prorogation du traité de 1848, des négociations furent aussitôt entamées qui aboutirent au traité du 13 novembre 1849. Aux ternles de ce contrat, la Banque prorogeait « d'une année les clauses et conditions» du traité du 30 juin. « En conséquence de cette prorogation » la Banque de France s'engageait « à prêter au Trésor, dans le cours de l'année 1850, les 100.000.000 frcs qui restent disponibles... >} Un autre article précisait que cette somme serait versée par la Banque de la façon suivante : 35.000.000 fres en mars; 15.000.000 fres en juin; 35.000.000 frcs en septembre ; 15.000.000 frcs en décembre. Les garanties stipulées dans le traité initial étaient Inaintenues ; toutefois, la Banque ne pouvait procéder à la mise en vente des forêts données en garantie avant le 1er janvier 1851. Le 19 novembre, l'Assemblée ratifia, sans discussion, la nouvelle convention. Ainsi, il ne fait aucun doute que la formule employée : « prorogation des clauses et conditions ~ du traité antérieur, signifie notamment prorogation des délais fixés pour les époques de versement de la Banque
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au Trésor. D'autre part, dans ce cas particulier et vu l'importance des sommes disponibles, que la Banque ne pouvait évidemment pas verser en totalité à vue, il avait paru nécessaire de préciser les dates de paiement. Quant aux dates de remboursement, et en ce qui concerne la première partie du prêt, seule intéressante historiquement, elles se trouvent reportées aux 15 avril, 15 juillet et 15 octobre 1851. Au début d'août 1850, la position du Trés~r vis-à-vis de la .Banque, en ce qui concerne le prêt de 150.000.000 frcs, n'a pas varié. Le Trésor, qui n'a effectué aucun nouveau prélèvement depuis les 13-19 novembre 1849, reste débiteur de 50.000.000 frcs envers la Banque. C'est alors que le Ministre des Finances et le Conseil Général de la Banque de France se mirent, comme on sait, d'accord pour abolir le cours forcé. Mais la Banque, désormais obligée de rembourser ses billets en espèces, à vue, ne pouvait s'engager simultanément à proroger les clauses et conditions du prêt de 150.000.000 frcs, car le versement des 100.000.000 frcs « disponibles >) aurait eu pour résultat d'accroître d'autant sa circulation dont le chiffre l'inquiétait déjà. L'article 2 de la loi du 6 août 1850 disposa donc que « l'autorisation d'emprunter une somme de 150.000.000 frcs ... est réduite au chiffre de 75.000.000 frcs >). « Le Trésor public, disait l'article suivant, est autorisé à proroger d'une année, d'accord avec la Banque, les clauses, conditions, garanties et dates de remboursement stipulées dans les traités précédents et relatives à la première partie de l'emprunt approuvé par le décret du 5 juillet 1848 >). Cette fois, la prorogation vise expressément le versement des sommes disponibles par la Banque et le remboursement par le Trésor. Quelques jours après (23-27 août), un échange de lettres entre le Ministre des Finances et le Comte d'Argout constituait un « nouveau traité », prévu par la loi, entre le Trésor et la Banque de France. L'année 1850 s'acheva sans que le Trésor eût complété son emprunt à la Banque et le Gouverneur déclara textuellement peu après, à l'Assemblée générale des actionnaires du 30 janvier 1851 : « selon les échéances fixées... (par la loi du 6 août 1850), les 25.000.000 frcs destinés à compléter le prêt de 75.000.000 frcs devaient cesser d'être exigibles à partir du 31 décembre 1850. Le Trésor n'ayant pas usé de son droit, le crédit de 150.000.000 frcs se trouve définitivement réduit à 50.000.000 frcs >}. La version qui représente la Banque de France à la solde du Président Louis Bonaparte a, incontestablement, pris naissance dans cette déclaration et cela se conçoit parfaitement. Mais, après les· textes que nous avons cités - et il y a encore plus à dire - l'affirmation du Comte d'Argout ne peut apparaître que comme une inexactitude et une légèreté, dont les comptes-rendus de la Banque de France, à cette époque, offrent d'ailleurs maints exemples. Le traité du 13 novembre 1849, prorogeant « d'une année »les clauses et conditions du traité du 30 juin 1848 avait eu pour conséquence
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de laisser les 100.000.000 frcs disponibles « dans le cours de l'année 1850 )}. La loi du 6 août 1850, approuvée par la lettre du .comte d'Argout du 27 août et prorogeant d'une année les « clauses, conditions, garanties, dates de remboursenlent stipulées dans les traités précédents )}, ne pouvait avoir pour effet que de laisser le reliquat du prêt, fixé à 25.000.000 frcs, disponible « dans le cours de l'année 1851 >). Quant aux modalités de détail fixées pour le versement de 100.000.000 frcs en 1850, elles ne pouvaient s'appliquer à celui de 25.000.000 frcs en 1851. Comment une prorogation « d'une année )} du traité du 13 novembre 1849 aurait-elle pu prendre fin avec l'année 1850, puisque ce traité suffisait à engager la Banque envers le Trésor jusqu'au 31 décembre 1850 ? Un même délai, exprimé dans deux conventions différentes, se « confirme )}, il ne se « proroge >) pas 1 Comment, d'autre part, une prorogation, formulée dans les mêmes termes, à la même place, pour les obligations respectives de la Banque et du Trésor pourrait-elle avoir pour effet de prolonger. d'une année l'obligation du Trésor de rembourser, sans prolonger à la fois l'obligation de la Banque de prêter? Or, les lettres échangées entre le Ministre des Finances Rouher et le comte d'Argout stipulaient expressément que les dates de remboursement par le Trésor se trouvaient reportées aux 15 avril, 15 juillet et 15 octobre 1852 ? Mais poursuivons notre récit. L'on était presque arrivé à la fin du mois de novembre 1851, sans que le Trésor demandât à la Banque l'exécution du traité, lorsque le 27, 1\1. de Casabianca, l\1inistre des Finances, la réclama, non sans rappeler les textes sur lesquels il appuyait ses prétentions. C'était jour de séance et le comte d'Argout soumit la lettre du Ministre à ses collègues en ajoutant que M. de Casabianca était désireux de connaître la décision du Conseil avant la discussion du budget, qui devait être reprise au commencement de la semaine suivante, c'est-à-dire le 1er décembre. Le Gouverneur proposa au Conseil de vérifier les conditions du traité, mais elles étaient présentes à toutes les mémoires. - Comme en 1849, certains Régents ajoutèrent que la Banque ne pourrait pas se dispenser de mettre cette SOlnme à la disposition du Trésor, quand bien mê.me les époques d'exigibilité seraient passées, « comme constituant l'exécution loyale du traité )}. FInalement, le Conseil autorise « comme exécution du traité de 1848 et des traités subséquents, le paiement au Trésor de 25.000.000 frcs formant le complément du crédit de 75.000.000 frcs. 1'1ais cette somme, aux terlnes desdits traités, ne sera exigible par le Trésor que jusqu'à la fin du mois de décembre prochain >). Le Trésor était strictement dans son droit et la Banque n'avait qu'à s'incliner. Mais, en faisant abstraction de ce droit même, les colporteurs de J'invraisemblable version entendent sans doute soutenir que
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le Conseil Général de la Banque était au courant des projets de Louis Bonaparte; or, n'eût-ce pas été folie d'annoncer un coup d'État, plusieurs jours à l'avance, à un collège aussi nombreux? Ils supposent aussi, bien évidemment, que le Ministre des Finances était dans la confidence. Que se passa-t-i.l donc le lendemain du 2 décembre? Comnle 1\1. Burdeau l'a très justement fait observer, l'lI. de Casabianca trouva 1\'1. Fould installé dans son fauteuil. Serait-ce là récompense de confident et de complice? . On peut ajouter que les 25.000.-000 frcs ne servirent sans doute pas au financement du coup d'État, car c'est le 5 décembre seulement qu'un décret, signé de Fould, autorisa le Directeur de la Caisse d'Amortissement à transférer des rentes à la Banque pour garantie, « considérant que la situation de l'encaisse du Trésor nécessite la réalisation d'une autre partie» de l'emprunt de 75.000.000 frcs. Et lQrsque le compte-courant du Trésor fut crédité, le 8 décembre, le prélèvement opéré par le Gouvernement ne dépassa pas 12.000.000 frcs, qui refluèrent presqu'aussitôt vers les caisses de la Banque! On a certainement beaucoup grossi, d'ailleurs, les sommes dépensées pour soudoyer les complices du coup d'État. Là où Victor Hugo imagine des montagnes d'or, Seignobos écrit: le 2 décembre, « le Président... alla passer en revue les troupes campées de l'Élysée aux Tuileries; il avait remis aux généraux, pour le distribuer aux soldats, tout l'argent qu'il possédait (moins de 50.000 frcs qu'on lui avait prêtés) 1 t. Au Tribunal de l'I-listoire, la cause est entendue! LE DÉCRET~LOI DU 3 M.A.RS 1852 ET LE PRIVILÈGE
Le 26 février 1852, le Ministre des Finances demanda au comte d'Argout si la Banque, bien que le Trésor fût en mesure d'effectuer les remboursements prévus par les traités, serait disposée à les proroger ? Très habilement, le Gouvernenlent de la Banque lia cette concession à divers avantages qu'il souhaitait d'obtenir, et il fut assez heureux pour aboutir, en quelques jours, au traité et au décret-loi du 3 mars 1852. Le remboursement des 75.000.000 frcs empruntés par le Trésor est réparti sur quinze années, à raison de 5.000.000 fres par an, du 1er juillet 1853 au 1er juillet 1867. Les intérêts suivent le taux fixé par la Banque pour l'escompte du papier de commerce! sans néanmoins que le Trésor pUIsse être passible d'un intérêt supérieur à 4 p. 100; ils continuent à être calculés sur le solde dont le Trésor est réellement débiteur chaque jour, compensation faite entre les sommes respectivement portées au débit et au crédit du compte-courant 2. 1. Cf. Seignobos, '''[.. cil., p. 204. 2. En 1848, le Conseil Général croyait avoir fait tille grande concession au Gouvernement en traitant ayec lui sur la base de la compensation d'intérêts, mais il reconnut en 1852, par l'étude des procès-verbaux, que cette compensation avait été, comme nous le savons, de règle depuis 1832 l Cette ignorance résultait, manifestement, de la longue suspension d'opérations entre le Trésor et la Banque.
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Comme garantie, la Banque accepte la substitution de bons du Trésor à trois mois, renouvelable.s, aux rentes provenant de la Caisse d'Amortissement, qu'elle «( retransfère » à cet établissement. En retour, la Banque de France obtient deux avantages considé... rables. D'une part, la disposition de la loi du 30 juin 1840, prévoyant que le privilège de la Banque pourrait prendre fin ou être modifié le 31 décembre 1855, est abrogée. De l'autre, la faculté de faire des avances sur effets publics français est étendue aux actions et aux obligations de chemins de fer français 1. Enfin, la publication des situations hebdomadaires de la Banque est remplacée par les publications trimestrielles et semestrielles ordonnées par la loi du 30 juin 1840. - On s'était flatté de l'espoir que des publications fréquentes émousseraient la curiosité et réduiraient au minimum, par crainte de monotonie, les commentaires des journaux; or, l'effet obtenu fut tout différent. La presse ne se lassa pas de publier des commentaires elTonés et l'occasion du décret-loi parut bonne à la Banque pour revenir aux errements antérieurs. Cependant, l'impression produite dans le public par cette disposition fut mauvaise et, dès le 15 mars, le Conseil Général décida d'adresser au l\1inistre des Finances, d'ailleurs consentant, une situation mensuelle destinée au Moniteur. Le 28 mars 1852, un autre décret étend la faculté de faire des avances sur effets publics français aux obligations de la Ville de Paris. - Bien qu'aucune loi ne l'y autorisât, la Banque centrale prêtait sur ces titres depuis 1832 mais, en 1850, elle s'était refusée à permettre l'opération dans ses Succursales. Les Pouvoirs publics l'ayant autorisée à accepter les obligations de la Ville de Paris en garantie de ses propres avances, cette interdiction ne se justifiait pas : le Conseil Général le comprit enfin et sollicita le décret dont il vient d'être fait mention. Lorsque le prince Louis-Napoléon se fait proclamer Empereur, en décembre 1852, quelle est la situation de la Banque de France? L'Institut d'émission a encore -augmenté ses forces et accru son rayonnement au cours de la crise. - Son privilège est consolidé. L'encaisse moyen atteint 584.000.000 frcs. Les escomptes ont repris leur Inarche ascendante, atteignant 1.840.000.000 fres, en 1852 (moyenne: 165.400.000 frcs) : on peut attribuer, pour partie, ce fait à l'abaissement du taux de l'escompte à 3 p. 100, dès le 3 mars; 1. Le Conseil Général détennina la quotité des a vanees qui peuven t être faites sur chaque catégorie de titres et le montant des couvertures à foun1ir par les emprunteurs en cas de baisse des cours. Les dispnsitions de l'ordonnance réglementaire du 15 juin 1831 sont applicables en la matière. La Banque reste naturellement lnaîtresse de reIuser les avances demandées si les elnprunteurs ne lui inspirent pas une confiance suffisante.
AVANCES SUR VALEURS DE CHEl\lINS DE FER
PUBLICITÉ DES BILANS DE LA 8ANQUE
AVANCES SUR
OBLIGATIONS DE LA4 VILLE DE PARIS
LA. BANQUE DE FRANCE AU DÉBU2' DE L' El\lPlRE
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LE SECOND EMPIRE
les avances sur rentes, sur valeurs de chemins de fer et sur actions des canaux atteignent la somme, énorme pour l'époque, de 545.000.000 frcs (moyenne : 67.641.600 frcs). La presque totalité des effets en souffrance de la période 1848-1849 est remboursée; le dividende squelettique de 1848 (75 frcs) a fait place à des revenus appréciables (106 frcs, en 1849; 101 frcs, en 1850; 105 frcs, en 1851; 118 frcs,en 1852); le cours des actions, de nouveau, dépasse 3.000 frcs. IVlalgré la difficulté des temps, la Banque a poursuivi sa politique d'extension des Succursales, créant des comptoirs à Metz (21 novembre 1848) 1, à Limoges (10 juillet 1849), à Angers (21 juin 1850) 2, à Rennes, qui l'emporte à grand'peine sur Saint-Malo, également candidate (8 juillet 1850), à Avignon (31 décembre 1850) 3, à Troyes (21 janvier 1851), à Amiens (7 juillet 1852) 4. L'activité économique se développe, mais avec lenteur. L'agriculture, touj ours arriérée, ne tire aucune ressource de l'exportation; la France demeure un pays de petits artisans, d'industries régionales et de petites viUes ; la misère des classes ouvrières tend plutôt à augmenter; le régime des entreprises commerciales, inchangé, fait dépendre la création des sociétés anonymes du Gouvernement et de l'entourage de l'Empereur. En 1852, de grands établissements de crédit, le Crédit Foncier de France et le Crédit lVlohilier des frèTes Pércire se constituent; les chemins de fer s'allongent, mais l'ère de l'essor industriel et commercial n'est pas encore ouverte. Les progrès que le Gouvernement de la Banque commente, avec juste satisfaction, devant les 1. Les transactions commerciales étaient évaluées à 160.000.000 frcs pour Metz et à 400.000.000 frcs pour le département.
2. Angers comptait, semble-t-il, un nombre relativement considérable de grandes fortunes commerciales, pour la plupart anciennes, et assises en grande partie sur des propriétés rurales. Cinq ou six maisons de banque y prospéraient. Les sources de richesse résidaient surtout dans les industries particulières au pays, telles que la culture, la filature et le tissage du chanvre, la mouture en grand des grains, l'exploitation des carrières d'ardoises, la fabrication de la chaux destinée aux engrais, enfin l'élevage et J'engraissage des bestiaux. 3. La Banque de France avait eu à examiner en juin-juillet 184.4, les projets de statuts d'une banque, dont on envisageait la création à Avignon. Elle avait renouveM, à cette occasion, les avertissements donnés au Gouvernement, au sujet du projet de Banque départementale de Strasbourg. 4. Les dominantes du commerce amiénois étaient la fabrication des tissus de laine et de coton, le filage et le retordage; la bonneterie était alors en plein développement. Le rnécanislne conlnlercial en luatière de crédit paraissait arriéré au rapporteur du Conseil Général, mais n'anticipait-il pas plutôt? De mai à juillet, les comnlissionnaires en matières premières effectuaient leurs ventes, soit au comptant, aux ouvriers des campagnes, soit au comptant ou en compte-courant, aux grands fabricants. Il s'ensuivait un grand besoin de fonds qui obligeait souvent les banquiers à faire venir du nunléraire de Paris. Ces banquiers étaient au r..ombre de six, dont trois maisons très puissantes qui devaient faire, à elles seules, plus de 100.000.000 !rcs d'affaires. Outre leurs propres capitaux, les banquiers d'Amiens recevaient des dépôts de capitalistes, pour la plupart commerçants retraités. Les négociants, à leur tour, payaient les ouvriers de la ville et des campagnes environnantes dans les huit jours suivant la livraison de leurs marchandises, en écus fournis par les banquiers au moyen de comptes-courants à 5 ou 5 1/2 p. 100 plus 1/4 p. 100 de commission. Les produits de l'artisanat, achetés par petits lots, étaient ensuite revendus à Paris et dans tout le reste de la France, et réglés au moyen d'une quantité considérable d'effets de commerce sur Paris et sur la province.
LE COUP D'ÉTAT
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actionnaires, résultent à la fois de la quiétude politique et du développement normal, un moment interrompu, des activités françaises. A partir de 1853, les créations de Succursales se succèdent sur un rythme accéléré. Le développement des opérations et la multiplicité même des Succursales ne permettent plus aux Sous-Gouverneurs de les inspecter personnellement, comme ils avaient accoutumé de le faire jusqu'alors.
LES ANNÉES 1853 ET 1854
Le Conseil Général est amené à créer un poste d' (< Inspecteur des Succursales 1 », embryon de l' « Inspection » de la Banque de France. Les créations de Succursales sont décidées par le Conseil Général, avec le même souci d'information exacte que par le passé, et, généralement, après une enquête sur place de l'Inspecteur. Le Conseil prend en considération toutes les demandes qui lui sont adressées, attachant une grande importance à la présence d'une ligne de chemin de fer. La politique qui l'inspire n'est pas celle d'une recherche de profits; l'utilité générale le guide. Les créations de valeurs mobilières, contemporaines du début du Second Empire, avaient absorbé une fraction importante des capitaux des départements, dont le mouvement s'était concentré à Paris. Il en résulta dans toutes les régions de la France -le billet de la Banque faisant seul, au surplus, office de monnaie de papier - un besoin pressant d'établissements financiers pour subvenir aux nécessités de la circulation. En 1853, la Banque, comprenant ce besoin, crée quatre nouvelles Succursales, à La Rochelle (2 février), Toulon et Nancy (18 avril), Nevers (14 décembre).
L'fi. INSPECTION».-POLITIQUE DES SUCCURSAI.lES
La Banque de France réorganise complètement sa caisse de dépôts en l'ouvrant à tous les titres, rentes, mandats, bons, actions, obligations de toute espèce, tant françaises qu'étrangères (arrêtés de·s 16 mai et 15 juin 1853). Les dépôts sont assujettis à une redevance annuelle minime, mais la Banque encaisse gratuitement les coupons, lorsqu'ils sont payables à Paris. Ce service occasionne de nombreuses difficultés d'organisation, du fait de la diversité des valeurs, des appels périodiques de fonds sur les titres non libérés, des questions de droit parfois délicates que soulève la restitution, mais la Banque en triomphe facilement et, dès 1854, les dé.pôts atteignent 336.500 titres répartis entre 447 valeurs diverses.
ORGANISATION DES DÉPOTS DE TITRES
1. L'Inspecteur voyage alors avec son valet de chambre, dont le budget de la Banque prévoi t les frais de route. BA.NQUE DE FRANCE.
LE SE'eOND EMPIRE CRÉATION DE COMPTESCOURANTS DE TITRES AU PORTEUR
Un an plus' tard', le 6 juillet 1854, le- C'on-seil GélIéral devait deci~er la creation' de « comptes-courants- de titres au porteur »), destinés à permettre, au moyen de mandats de virement, des compensations de titres· pour les liquidations de la Bourse. Ce service, qui n'a cessé de se dével.opper et de se perfectionner, facilite a un point insoupç:onné les opérations de la C.hambre syndicale d"es agents de change r.
LA GUERRE DE CRIMÉE
Les échanges et les travaux publics, très actifs au début de: 1853, se ralentirent sensiblement dès le second semestre, par suite de la tension. des rapports diplomatiq~ues avec Nicolas 1er• Une mauvaise récolte de blé entraîne des achats à l"étranger, provoque un abaissement de l'encaisse, et,lorsq,ue les Russe~ envahissent les Principautés,en octobre,. la Banque de France élève son taux d"esconlpte à 4 p. 100' en. même temps qu'elle abaisse la quotité des avances sur titres. Les escomptes, cependant très satisfaisants da.ns l'ensemble, atteignent 2.854.000.000 frcs pour l'année entière, dont 1.890.000.000 frcs dans· les Succursales 2'., - Le dividende monte à, 154 frcs.. Au début de 1854, quelques faillites à Paris et dans les Succursales, obligent la Banque de France à passer plus de 870.000 frcs' par profits et pertes· 3 ; le 20 janvier, le taux de l'escompte est porté à 5 p. 100; le Trésor est obligé de faire appel au concours de la B'anq.ue.
SECOURS AU TRÉSOR
Le 7 février, le Conseil Généra.l ouvre au Ministre' des: Finances~ Bineau, un crédit d'escompte sur bons~ du Trésor,. de· 60~OOO'.OOO fre&,. moyennant un intérêt de 5 p. 100. Le Ministre en profite pour demander à la' Banque' de se- montrer pltbs libérale dans les~ avances· sur ch~mins de fer et obtient des apaisements. Ce' crédit, utilisé' jusqu'à concurrence de 30.000.000 frcs, est renouvelé une' fois seulement, le 4 mai, au taux de 4 p. 100, et remboursé le 16 juin. L'expédition des Franco-Anglais en Crimée, la bataille de l'Alma, le siège de Sébastopol, les- hauts faits de Balaklava et d'lnkermann jalonnent cette époque, entraînant de nouveaux besoins auxquels' le Trésor subvient par l'emprunt 4- et par de' nouveaux re'C'OUTs à· la: Banque : crédit de 30.000.000' fres, le' 8 novembre' 18'54; crédit de même somme, le 7' décembre 1854. Mais, par suite du: succès' du second emprunt, le Trésor n'utilisa pas' ce dernier crédit et fut à même de' rembourser le premier le 17 janvier 1855'. cr: infra, p. 405. 2. Les Succursales les plus importantes se classent alors dans· l~ordre suivant:; Marseille; Lyon, Bordeaux, Lille, Valenciennes, Besancon. 3. Les 3/4 furent remboursés avant la fin de l'année. 4. Deux emprunts furent émis à ces fins, l'un de 250.000.000 frcs, l'autre de 500.000.000 frcs, au taux facultatif pour les souscripteurs. de 3 ou de 4 1,/2 p. 100. La Banque de France s'engagea- à aVanc'er certains' termes de paiement, dans la mesure de- ses facultés et selon les règles de l'ordonnance du 15 juin 1834. 1.
LA. CRiSE D'E 18'5:5-1857
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ED.'fin,. lors· du dernier effort: de. la guerre. de· Crimée ~- de rattaque de Malakoff, en Juin 1855, à. la prjse~ de Sébastop'Ol, en. septembre. ----. la. Banque s·~engage,. envers. le· Ministre·· Magne, à ouvrir un. nou~eaUi crédit de; 60.000•.000, frcs au· Trésot. Celui-ci. prit 40.000.000 frcs: le· 5 juillet. Le prêt, renouvelé les\ 4· octohre 1855, 3 j,a.nvier, 3 a'\;ril, 3 juillet~ 2, octobre: 1856 et le: 8. janvier 1857 fut remboursé le. 28 maxs de: cette même'· année: 1. L'an·née- 1'854 avait marqué' un' nouveau; prog~rès': des; escomptes (3.050.000.000 de frcs); rencaisse avait légèrement faibl), mais la circulation avait êté' aussi moins intense et la. B'a1nque aborda dans de bonnes conditions les premiers mois de 1855. Il se produisit alors une tendance inquiétante à la diminution de rencaisse, orig.ine d'une série de faits extrê~ement curieux, dont le récit ne pourrait cependant être fait avec' profit sans nn exposé préliminaire de la situation du marché m'Onétaire.
A LA VEILLE DE LA CRISE
On a. en maintes o.ccasions de: voir que l'or entrait jusqu'ici pour une portion infime dans. l'encaisse~ de la Banqlle. de France:. A cer-· taines époques, de. 1824 à 183.4, par exemple, il avait p.ratiquement disparu, et, en 1850, l'encaisse moyen d'or avait été- de. 8..400,000 frcs contre 326.400.000 fres. d'argent.. On enregistra, à cette époque., une. altération dans la proportion légale de 1 /15,5, établie entre l'or et l'argent p.ar le régPne de l'an XI. Le rapport, tombant au-dessous. de cette parité~ tendit à éliminer l'argent et, dès 1851, l'encaisse moye-n d'or de la Banque de France augmenta presque sans. interruption, alors que l'encaisse d'argent, après. une pointe d'ailleurs extraordinaire à 506.000..000 fres, en 1852, tendit au contraire à diminuer. Pour expl.iquer sans plus attendre la situation du marc·hé monétaire, de 1855 à 1870, disons qu'il en fut ainsi, en gros 2, jusqu'aux environs de 1867, date à laquelle la production de l'or marqua un temps d'arrêt" tandis que. la découverte de riches mines d'argent et la mise au point de no.uveaux procédés. de triage permirent de satisfaire désormais à presque toutes les demandes de métal blanc. On a remarqué, également, le nombre inusité des modifications du taux, de l'escompte dep.uis. la. crise de 1848, et l'on en a conclu que le Conseil Général s'était rallié définitivement au système de l'intérêt mobile~ car des changements aussi fréquents n'eussent. pas été· possibles s'il avait fallu que la majorité· livrât, à chaque fois, un. combat pour I·emporter. D'c là à pratiquer exclusivement Ile' système de l'intérêt Œ{),},)ile en temps de ~rise, il y avait cependant un pas qui ne devait pas être' franchi de' sitôt.
SUBSTITU· TION DE L'OR A L'ARGENT
l. Le Trésor émit, d'autre part., 11:11 troisième emprunt de: 2. CJ.. 1ft/ra, p. 284· et suive
'Z50~OOO.(),OO'
lna..
260 POLITIQUE D'ESPÈCES:
1855
LE SECOND EMPIRE
Chaque année, à l'époque de la récolte des cocons dans les départements du sud de la France, dans le Milanais et dans le Piélnont, . des sommes considérables consistant principalement en or sortaient de la Banque centrale et se dirigeaient vers ces régions. En 1855, par suite d'une récolte tardive, le prix des cocons avait augmenté et des demandes supérieures à la moyenne parvenaient à la Banque, qui devait fournir, en outre, 3.200.000 frcs d'or par semaine au Trésor pour le paiement de la solde de l'armée d'Orient. Par ailleurs, les demandes de lingots d'argent, très élevées à Londres pour l'Inde et la Chine, firent monter le prix de l'argent fin et attirèrent les écus français par une forte prime, qu'augmentait encore le solde déficitaire de notre commerce avec l'Angleterre. Ces causes liées provoquèrent une diminution de l'encaisse, qui tomba de 451.000.000 frcs, le 29 mars 1855, à 310.000.000 fres, le Il juillet. Et comme la Banque de France effectuait, de préférence, ses paiements en métal déprécié, c'est-à-dire en métal jaune, l'encaisseor baissa de telle façon que les caissiers furent obligés de donner de l'argent à des personnes qui avaient expressément demandé de l'or. Cette interruption des remboursements en or risquait, en se perpétuant, de répandre la panique, car el1e symbolisait clairement aux yeux du public, l'appauvrissement des réserves 1 Le Gouvernement de la Banque ne pouvait donc pas hésiter à consentir les sacrifices indispensables pour se procurer: d'une part, des . matières d'or, à toutes fins; de l'autre, les matières d'argent nécessaires au paiement des achats de blé effectués, par suite d'une très mauvaise récolte 1, dans les pays étrangers qui n'acceptaient pas d'autre métal 2. Il négocia avec la grande maison de IV!. Alphonse de Rothschild, Régent de la Banque depuis le 25 janvier, dont on disait qu'il était « le Roi des banquiers et le Banquier des rois )}, la livraison de 31.000.000 frcs. M. de Rothschild avait exigé le secret, mais, dès le 2 aoîlt, l'opération était couronnée d'un plein succès et le Conseil, mis au courant, l'approuvait « tout d'une voix 3 )}. 1. L'année 1855 marque la dernière des crises de subsistances dont ait souffert la France. 2. La Bretagne mênle, pour des livraisons de marchandises à faire à Rouen, avait stipulé le paiement en écus! 3. Par la suite, la Banque s'adressa aussi, simultanément ou successivement, à des changeurs (Crédit Mobilier, Lyon Veuve Alemand, Monteaux, Saint-Paul) et à la maison de Rothschild. Les moyens formidables de cette maison lui permettaient en effet de traiter ·des marchés beaucoup plus importants et de préparer à l'avance les sommes nécessaires pour paycr, à leur arrivée à Londres, le prix des envois d'Australie et d'Amérique, tandis que des achats massifs de papier sur Londres, au moment même des arrivages, auraient immanquablement provoqué une hausse du change. La maison de Rothschild donnait, d'autre part, la certitude qu'elle n'exportait pas de l'argent pour acheter de l'or. que l'or fourni avait une provenance bien déterminée, tandis que certaines fournitures faites par de petites maisons (il ne s'agit pas des maisons précitées), vite démasquées d'ailleurs, provenaient de la fonte d'une quantité presqu'équivalente de nos espèces monnayées.
LA CRISE DE 1855-1857
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Dès le mois de juillet, le niontant des avances sur dépôts de titres de rentes, d'actions et d'obligations de chemins de fer, s'élève, passant . de 160.000.000 fICS, le 26, à 183.000.000 frcs, le 20 septembre. Cet accroissement inquiète la Banque. Au vrai, ce qui la préoccupe, ce ne sont pas les fortes avances - celles des agents de change; entre autres, parce qu'on peut toujours les arrêter facilement ou en opérer la rentrée - mais le fait qu'une foule de particuliers et de commerçants, « des femmes », des petits rentiers de toutes classes, empruntent et renouvellent leurs emprunts depuis 2.000 fres et. même moins jusqu'à des sommes considérables. Le Conseil y voit une manifestation de l'esprit de spéculation qu'il décide de briser. Le 20 septembre, il réduit la quotité des avances sur obligations diverses à 50 p. 100, porte à 5 p. 100 le taux d'intérêt des avances, y compris les rentes, et arrête en principe que les emprunteurs ayant déjà renouvelé par deux fois leurs avances ne pourront plus obtenir qu'un renQuvellement d'un mois. Ils seront avertis en même temps que, s'il convient à la Banque de continuer ses avances, elle leur demandera au moins 10 p. 100 sur la somme prêtée. Au début d'octobre, la diminution de l'encaisse tend à reprendre fortement. Dans la semaine du 28 septembre au 4 octobre, elle diminue de 22.000.000 fres, indépendamment de 13.000.000 fres d'or achetés à prime et dépensés. Il reste 113.000.000 frcs à Paris et 133.000.000 frcs dans les Succursales, soit 246.000.000 frcs en face d'un passif exigible de 956.000.000 frcs! Le Conseil de Régence décide, le 4 octobre, d'élever le taux de l'escompte à 5 p. 100, de réduire les échéances à soixante-quinze jours, d'abaisser à 40 p. 100 la quotité des avances sur chemins de fer et à 60 p. 100 celle des prêts sur rentes. Parallèlement, on enregistre une élévation du portefeuille et comme les achats répétés d'espèces ne réussissent pas à arrêter la diminution de l'encaisse, la Banque élève le taux des escomptes et des avances à 6 p. 100, le 18 octobre, en même temps qu'elle réduit à 30 p. 100 la quotité des avances sur les actions de chemins de fer et les obligations diverses: la diminution réelle de l'encaisse par mois, indépendamment des lingots achetés, s'atténue alors, descendant de 109.000.000 frcs, en octobre, à 83.000.000 frcs en novembre et à 61.000.000 frcs en décembre. La Banque était aussi constamment obligée de se procurer des lingots d'argent afin de ne pas être exposée à manquer d'écus, dans « les circonstances même les plus fâcheuses », pour le paiement des ouvriers, de la troupe et les menus besoins de la circulation. - « L'excessive cherté des matières d'argent, disait, à ce sujet, le Rég.ent Schneider, prouve que la présence actuelle de ce métal est pour ainsi dire forcée et ne peut être qu'un état de choses provisoire... La déperdition constante de son argent... obligera (la Banque), dans un temps donné, à renoncer à son emploi : on devra songer alors à prendre une de ces
'262
LE ·SECOND EMPIR·E
mesures qui touchent tau système 'monétaire -du '.pays tout entier ». A la iin'de 1'~annee, le -m&ntant -·desachâts s'élève·à '254/395JOOO HCS ~a1l1 coûté '3.921.000 frcs·de --primes, Isoit15 1 /4 'p. 1.\00~. '-LesSuc<mr"Ba'les'avâient àbsorbéà'eTles 'seules, ;da·ns l'annéeJentière, 397,.:800~OOOjfrlès~ Les ,escomp'tes, encore 'plus ,elevés que l'année 'précédente, ipermiralt 1a'Fé'Partition ,d'un -dividende ,de ~200 frcs. 1856
An 'début ·de 1856, 1~espérance ·de la -paix -- -qui ne ~üevait !être :signée 'mois "d's'viiI --donne de :Dimpu]si'on au Icommerce ·et :la '.situa'fion -d'e 1a BanquesembIes~améliorei.Aul;O 'janvier, ipar 'exemple, les avances sur valeurs de chemins de fer sont -tombées - ~depuis 1es -mesures restrictives - de 100JOOO.OOOfrcs à ·45.000JOOO fres ·et les 'avance-s SUT 'rentes ·de 56!OOO:'OOO -Ires à 4-7.000..l000 .fres. lÂe 14 'février, 1e ·Conseil, enbntte à -de 'nombreuses ,réclamations, ·accepte:à 1'esc'omlite le papier à '90 jours puis, le 3a mars, -à IPannonce '{le la paix iimminente, Téduità '5 p. 100 le taux ;d'intérêt. - Fallait-il -établir, pendant un certain temps, :une 'différence -entre le taux, ~des escomptes et celui ·desavances ? 'C·'eut·été, ·dit:le {Gouverneur, -approuvé p-ar le ~Cons'eil, « pro~lamer, ponT~insi :dire à la iface ide l'Europe, l que la 'Banque] considère 'les valeurs ,de l'État lcomme :des valeursse'condaires, -au risque de -causer :un lsensible dommage ;au tcrédit .du Go-u'vernement >). 'Un autre fait, p'ostérieur ide quelques 'semaines, :pl'ouve 'qne le -désir 'du iConseil'de soutenIr le -crédit de l'État "n"était pas seuleme-nt -dans 'les -mots. La'Banque fixait, 'comme ·on Isait, lun icrédit m-aximum 'à ,-consacrer --aux -avances 'o-U,li1us -'e'X~ctem'ent, troi~ -crédits 'distinct~-, ;pour les l'entes, 1es ·obligation-s 'di~erses ·et les bons ,du 'Trésor. A 'la ,fin ;d'avril, le crédit sur rentes est limité à 94.500.000 frcs, laissant une ·rnll1·ge de '2:000.;000 :frcsseulement, tandis ·que le :crédit :sur obligations des cbemins de 'fer, 'de 1a Ville -de Paris, 'fixé 'à 100~OOO.00() frcs, '-laisse 45.'000.000 frcs disponibles. Le -Conseil ·avait ,montré, éen maintes 'circonstances, 'qu'il "se faisnit 'un strict 'devoir de ne pas favo-iiser laspeculgtion afin de laisser, ~comme -on 'disait, :les effets rpu;blics « prendre 1eur "niveau naturêl »'; rn-ais, 'le 29 avril, ipour faciliter iau lendemain -de 'la paix 'une liquidation qui -s'annonç-ait ·difficile .et, :sans doute aussi,pOUT r'épondreà la :demande du-Ministre des Finances, l~ Conseil Général décide de porter le crédit des avances 'Sur :rentes ae ~94:500~000 ifrcs à 124.500.000 Jrcs, t,au 'moyen :d'llnprélèvement de '30~'üOO~OOOfrcssur le credit ,des 'chemins ,de fer. "Les "mesures 'sentimentales -et-psychologiques -du Conseil de la Banque de "Fran'ce ne pouvaient ~exercer qu"une influence ~néfaste, ,en même tem.ps ~qu'-ëlles 'conduisaient lIa Banque 'à ,des renoncements successifs 'âUX principes pëniblementâcquis. Le '29 -mai, 'la liquidation de !fin de 'mo'iss'-a'nnon-çant de 'nouveau "comme -difficile, ~le~CGnseilporte 1e crédit ~des 'av-ances 'sur '\rentesde 124.·500~000 frcsà "126..?OOlOOO :frcs 'paT l"éduction 'de -la marge d~avances "sur \obligations ·diverses. ~qn'au
LA .CRISE D:E 1855-1857
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Malgré laeontinuation des achats \d'~espèces (20.6.002.000 frcsayant coûté 2.853..000 frcs, ,soit une prime ·de 13 ~8 /10 .p. 1..000, .,pendant le premier semestre de 1856)., :}'.encaisse diminue touJours. Après un temps de Iépit, cette diminution s~'accélère à partir du 15 juin. Elle atteint 21.000.000 fICS du J6 au 25 juin; 20.000..000 ires de cette ·date ·au '21 juillet, .ce ,qui ;r.amène alors l'encaisse à 230.000.000 frcs. En j-ulllet,en .août ·et:en ~se,ptembre, la m~ge .àisponible des .avances ·sur rentes -et sur ,ob~gationsdiversesaugmente fortement, le Co.nseil Général maintenant le statu 1qUO des ,crédits affectés .à .ces opér.atio.ns, ,mais .{l':autreB ·élémentsdéfavorables font .empirer lasituatioll générale ·et la situation de la Banque. Une mauvaise récolte de soiesuccédaut aux mauvaises récoltes de blé des années précédentes oblige à des achats :,en Asie qui :se traduisent .par .des exportations de métal; la rareté des espèces .d'argent, ·en Allemagne et en ·Russie, le ·défaut d'arrivages en Angleterre, l'élévation du taux d'escompte des banques ,allemandes ·et .d.e 1aBanque d'Amsterdam, les grands travaux de chemins de fer en ~Suisse" enPiéIDont ~et jusque dans l'Inde, les calamités européennes résultant .de la ·:guerre, calamités .qui s'ajoutent, ·en France" aux suites ,du choléra et :aux désastreuses inondations de la ~aronne et du Rhône précipitent la crise,tandis que la « haute sO.ciété » !parisienne .et la Cour .s'amus.ent à faire tourner les tables, à se ·costumer,à ·mettre l'.actualité ,en .charades, .à simuler avec indé~cence la prise de Malakoff où tant de héros avaient fait le sacrifice ,de leur vie 1 Le 25 :septembre, le .Conseil Général :se résout à élever le taux de l'esconlpte à 6p. 10Q, .malgréJescepticisme œ"plusieurs de ses membres qui préconisent une révision ,du rapport ·de l'or à 1'a~gent, car il leur paraît -inadmissible ·que .la Banque de France ·donne des ,écus ·de .5 frcs .au :pair .tandis ;que, de tous côtés, on offre de les acheter à prime. Toutes ·;ces ,mesures demeurent .cependant sans effet ,et,dans .les jours ,de septembr.e., le Gouvernement de la Banque - .qui n'.envisage . sans doute ·pas l'élévation ·du taux lé.gal ,de l'escomllte au-dessus "de 6J>. 100 - .denlande .au Ivlinistre ,d'État .et au l\linistre :des Finances J'établissement -.du,couI'S forcé. :L'Empereur étant à Biarritz, où la nouvelle lui ·avait été :communiquée, il fallut ;attendre son retour pour discuter la ·.pro,position .de la Banque. Nous savons, notamment par la déclaration :du Ministre d'État Rouher à la séance de laConlmission d'Enquête \du 19déc.embre 1865, .dont il assumait la présidence, que le Gouverneur et les Sous-Gouverneurs de la Banque furent appelés à exposer à la fois la situation générale et leur point .de v.ue personnel -à :un tCo.nseil tenu ~à .Saint-Cloud dans les tout pre· ,Dliers jours ,d~octobre..Or, ,ce -C.Gnseil;, à l'unanimité, .refusa d'accéder à la demande de suspension des remboursements en espèces. Tout autre mode d'action ayant été « formellement repoussé >}, 'le Conseil 'Général arrête, le '5 .octo'br.(1, .la réduction des ,échéances à ~derniers
NAPOLÉON III REFUSE LE COURS FORCÉ
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LE SECOND EMPIRE
60 jours, et la réduction de la quotité des avances à 20 p. 100, pour les obligations diverses et à 40 p. 100 pour les effets publics, bien que les marges disponibles fussent à peu près de 39.000.000 frcs pour les chemins de fer, etc... et de 12.600.000 frcs pour les rentes. En outre, la durée des avances est limitée à un mois. Quelques jours plus tard (9 octobre), le Conseil décide de réduire les crédits affectés aux avances. Il réussit ainsi à les diminuer fortement,' mais en dépit de cette mesure et de nouveaux achats massifs, l'encaisse fond encore aux derniers rayons du soleil d'automne. A la fin de l'année, l'argent s'est raréfié au point que la Banque ne délivre plus d'écus de 5 frcs et n'envoie que de l'or dans ses Succursales qui ont encore englouti, au cours de l'année 1856, 338.859.000 frcs ! Les achats d'espèce du second semestre se chiffrent par 341.286.000 frcs ayant coûté 3.290.000 frcs, soit une prime moyenne de 9 6/10 p. 1.000 1 • En janvier 1857, le Régent üdier évaluait personnellement nos exportations mensuelles d'argent de 35 à 40.000.000 frcs. M. de Waru, dont le nom illustre les annales de la Banque de France, essaya de persuader ses collègues que les importations d'espèces d'Angleterre se solderaient forcément, faute de marchandises à exporter, par un envoi à peu près correspondant d'écus et que si l'on enlevait aux expéditeurs pour l'Inde et pour la Chine les monnaies dont ils avaient besoin, ils y pareraient en attirant nos écus à Londres et à Amsterdam. Autrement dit, les sacrifices de la Banque ne sauraient arrêter la diminution de l'encaisse, tandis qu'une abstention, dût-elle être suivie d'un abaissement considérable des réserves, rétablirait à la longue le mouvement normal des espèces. De son côté, M. Durand, confirmant la thèse de M. de Waru, ajoutait que la stabilité du change sur Londres prouvait bien que l'or qui entrait en France était payé avec l'argent qui en sortait. Comme le remarquait, d'autre part, le Sous-Gouverneur Vernes, le commerce de l'argent se faisait publiquement; c'était une marchandise dont rien ne pouvait empêcher la sortie et on citait le fait qu'un bateau parti d'Angleterre pour l'Asie vers cette époque, avait emporté dans ses cales 950.000 livres, presqu'exclusivement en argent 1 Cependant, les partisans des achats d'espèces avaient beau jeu lorsqu'ils répondaient à M. de Waru - qui ne se souciait d'ailleurs pas d'exposer la Banque à une panique - que sa théorie était sensée et juste, mais qu'il y avait des moments où la Banque n'avait pas le temps d'attendre. DISPERSION DU NUIHÉRAIRE
Bien qu'on ne possédât pas d'éléments suffisants pour chiffrer avec ligueur nos importations et nos exportations d'espèces, il semblait en
1. Les achats de l'année entière montant, en gros, à 547.300.000 Ires, se décomposent 4~6.000.000 fres d'or et 51.000.000 Ires d'argent.
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LA CRISE DE 1855-1857
manifeste - au début de 1857 - que le mouvement des métaux précieux se soldait par un excédent qui ne correspondait pas au mouvement de l'encaisse. Le fait pouvait paraître d'autant plus curieux que le crédit de la Banque n'était absolument pas discuté et que ses billets circulaient sans obstacles jusque dans les campagnes les plus reculées 1. Afin de se mieux éclairer, le Conseil Général décida, le 15 janvier 1857, d'entreprendre une enquête auprès des Directeurs de ses Succursales, sur les causes qui avaient provoqué la réduction des espèces d'or et d'argent en circulation. Si l'on fait abstraction des causes d'ordre général et des facteurs extérieurs qui ont été indiqués, il résulte de cette enquête qu'il faut surtout incriminer la thésaurisation consécutive à l'augmentation du prix des denrées alimentaires 2. La réponse du Directeur du Comptoir de Caen nous paraît, entre toutes, topique. La voici: « L'accumulation de l'or s'est notablement accrue dans nos campagnes où l'on préfère l'or aux billets, tandis que c'était le contraire quand nos paiements avaient lieu en argent. I.. es cultivateurs normands n'achètent ni actions, ni obligations. C'est à peine si quelques-uns ont effleuré la rente, lors des derniers emprunts. Les fermages et frais de culture une fois payés, l'épargne s'accumule chez ~ux jusqu'à ce qu'ils aient trouvé à acheter de la terre à leur convenance ). Comme le disait, d'autre part, le Censeur Darblay à l'Assemblée générale des actionnaires de 1857, le roulement s'opère « d'autant plus lentement que l'habitant des campagnes a moins de hesoins que celui des villes, et que, quand il tient, il tient bien )}. Le 24 décembre 1856, la cessation des besoins saisonniers amé- . liorant la situation de l'encaisse, le Conseil Général avait décidé d'admettre le papier à 75 jours. Deux mois après, le 26 février 1857, l'amélioration se poursuivant, le Conseil fixa la longueur des échéances à 90 jours et la durée des avances sur titres à deux mois. A cette date, la diminution des avances est considérable : les prêts sur rentes ne dé.passent pas 26.700.000 frcs, les prêts sur chemins de fer, 20.400.000 frcs ; l'encaisse ne cesse de progresser, jusqu'à atteindre 291.000.000 frcs le 18 juin. Néanmoins, le numéraire n'est pas 1. Une statistique fournie au Gouverneur de la Banque par le Directeur des DouanC's, en mars 1857, permet d'établir le tableau que voici pour les entrées et les sorties de Inétaux précieux en 1856, compte tenu des opérations de la Banque de France. Or
Argent
Importations................ ••• •••• 465.000.000 frcs 110.000.000 frcs Exportations...... ••••••••••••••••• 110.000.000 frcs 394. 000.000 Cres Différence des importations sur les exportations ~ 355.000.000 frcs - 284.000.000 frcs Ce tableau semble prouverqueHor était arrivé en. Fra;nce en retour des écus de 5 frcs et qu'il y serait sans doute vel:À\l'~ Piu" Ja nature des choses, au pair ., comme disait encore M. de Waru, si la Banque ne l-a"mt pas acheté à prime.' 2. Selon certaines réponses, -le-prix de ces denrée~. aur~i.~ parfois quintuplé.
+
M.
DE GER· MINY,
GOUVERNEUR
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LE SECOND EMPIReE
rentré comme à l'.ordinaire ,da·ns les eaisses des .Succursales ,et.rencaisse total reste inférieur de 60.000.000 fres là ce qu'il était un a,n auparavant. Dansees .conditions, le Conseil repousse la propositioo .d'abaissement ·du taux de l'escompte que lui :soumet le ,comte d'Argout, le 4 juin, car il l'estime inconciliable avec la continuation des achats 1. Mais, le ,25 jniQ, il :cède aux ,instances du comt.e d.e Germiny 2, qui avait été nommé G.ouverueur dans l'intervalle .de c.es . d eux dates,e1 .à ·celles des 'Sous-Gouverneurs, ct consent une réduction d'un demi-p,oint. MOBILITÉ DU TAUX DE
L'ESCOIHPTE
Le ,cO'mte de Germiny posa en principe devant le Conseil que, rien n'ktant 'plus vari.able par essence .que le taux ,de l'intérêt, il étaitpll1S rationnel de se confonner aux exigences de cette variabilité ,en varîaat avec elle, plutôt .quedeprocéder, de façon tardive et brutale à la fois, 'par des différences ,de 1 p. 100. M. de Waru :appuya la thèse ,du ;Gouverneur let :soutint .que la Banque devait marcher dans la 'voie des réductions "dès ,que les ~irconstance.s le peJrmettaient. - Le Conseil augmenta .simultanément la .qu'otité ;des .avances mais n'en réduisit le taux d'intérêt à 5 1 /2 p. 100 que le 23 juillet, sur 1'observation du ,comte de Germiny qu'il ',ne lui paraissait « ni de très bonne ·politiq.ue, ni ;de trèsb{)nne justice, de traiter les titres du Trésor moins favoralement que le papier de .commerce >). Cette fin 'du 'premier semestre 'marque d"ailleurs le maximum ide reprise de l'encaisse qui tombe à 262:000.000 -frcs, le9 juillet, se maintient péniblement aux environs de 250.000.000 frcs jusqu'au lOseptemb,re, pour fondre sans .arrêt .dan·s les semaines :suivantes :en :corrélation .av:ec la crise :du maréhé anglais. La Banque d'Angleterre cherche à 'accroître sa réserve '; les ,grandes mais(j)ns britanniques tirent sur toutes les places du .contin.ent :qui .sont leurs débitrices, et l'avilissement de leurs marchandises - attrait pour ,les acheteurs augmente .encore la detteduconlmerce continental .envers l'Angleterre. 'Pendant toute cette période de lutte pour la sauvegarde de l'en:caisse, il semble :bien que la Banque d'Angleterre -malgré la iCO(}peration des deux pays en Orient - ne témoigna jamais de dispositions favorables envers la Banque de France. Elle était ;constamment demeurée sourde aux avances qui lui ,avaient été faites directement et lorsque le comte de Germiny, en juin 1857, voulut mettre à profit sa nominatio.n au poste de Gouverneur de la Bnnque pour lui faire faire de « nouvelles ,ouvertures >}, il acquit la certitude que JaBanque 1. .292.955.000 .fres ,ayant coüté 2.442.üOO frcs, ',soit.8 3110 p~ 1.000 deprim~, de janvier à j uin1.85.7.• 2. Ancien Régent de la Banque .de France Ide 1850 à 1.855, ancien Minis.tre des Finanoos, ancien Gouworneur .du Cr,édit Foncier ide France.
LA CRISE DE 1855-1857
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'd'Angleterre était canimée :des ~entiments« les imoins .favorarbles -}) à fnotre 'endroit. Soit que J'hostilité de la Banque ,d:~gleterren'ait pas tpermisde poursuivre '.les approvisionnenlents -.d'espèces ,dans nan moment ,QÙ ,elle 'était elle-même ·en ,·difficulté J; soit, 'plutôt, ·.que le comte de ·Germiny ait voulu répondr.e par ,de .bons Ipro.oédés;à une conduite q-ui nous avait déçus, 1a .~Banque 'de .France ,décida ,de .suspendre ses achats sur :la place Ide ILondres. Le 1er octôbre, le ,Conseil·Général, sollicité -d'agir ,dans ce sens par le ·Gouvernementetpar le comte ·de Germiny, qui « ·entrevoit ;le ·progr~ ·)de la -situation ·générale, augmente la :quotité:des avances -sur -rentes -et 'sur /obligationsdiverses, ·maÏs ce geste ·est prématuré. Au cours des-onze jours -suivants, 'l'encaisse'diminue .de ·22~OOO.OOO :frcs malgré ·des acbat-s supérieurs, ce qui :Je ramè-ne là 213.000.000 Jrcs et le Conseil, obligé d'~ppliquer un grand remède à ce grand ;-nlal, 'élève 'le taux ,des -escomptes et des avances à '6 1/2 p. '100. C'·était la - 'première Joisque le taux de ]'-intérêt 'commercial ,était 'légalement 'elevé au-dessus de '6 }>. 100'1~! iLondres, Hambourg, Amsterdam jet '=lesprlncipàlesplaces de -l'·Europe avaient d'ailleurs devancé :la [Banque de 'Francedans cette voie.
LA CRISE DE 1867
'Le 20 octobre, en -présence d'une nouvelle baisse de l'encaisse de 11.000.000frcs et d'une élévation du taux de la 'Banque d'Angleterre de 7à 8 :p. 100, 1aBanque de France .porte .son taux d'intérêt à 7 1/2 p. lOO.,·Le :Gouverneur-pense, en effet, que la Banque n'a pas de plus i~périeux devoir que .la protection de son encaisse et que l'élévation ,de l'escompte est d'autant plus justifiée que le COlnmerce en a compris .l'efficacité et:la subit avec .résignatio:q, de préférence ..à la réduction des ééhéances. 'Le 4 novembre, l'encaisse tombe au-dessous de 200.000.000 frcs et -le Conseil envisage encore une augmentation du taux d'escompte, mais,la Banque d'Angleterre venant de procéder à un nouveau relèvement, quelques memb.res ·craignent de donner rimpression que la Banque de 'France marche 'à sa remorque, si elle suit cet exemple sans un décalage suffisant. Pour 'la seconde fois, au cours de la crise, nous allons voir Napoléon III se mêler au débat, mais l'intervention de l'Elnpereur apparaît COlnme 'plus curieuse, si on la 'dégage -de l'influence que le duc de Persigny ·tenta.d'exercer sur lui. Le favori de l'E~pereur - dont la devise était « je sers >} -'avait .d~jàeu .maintes occasion~, suivant son expression, « .deJaire... la cri1. Cf. -il).trq.,~.p•.27:7.
LE DUC DE PERSIGNY ET LA BANQUE
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LE SECOND EMPIRE
tique du système financier de la Banque de France et de... dire qu'au lieu d'écraser le commerce et de ruiner le pays par la hausse exagéréede l'escompte à chaque perturbation extérieure dans le mouvement du numéraire, elle pouvait et devait refuser l'escompte des effets· destinés à l'exportation de l'or ». L'Empereur avait répondu à Persigny que cette discrimination était pratiquement impossible et celui-ci avait été fort en peine de démontrer le contraire. Mais, le 6 novembre~ estimant les circonstances propices à la manifestation spontanée « du génie » de l'Empereur, il lui suggère d'accomplir « un de ces grands. actes qui lui sont familiers et font bénir son nom 1 ! » Par cette louange, Persigny entend : le cours forcé des billets de banque, la réduction de l'escompte, et la libre exportation des grains. Il argumente d'ailleurs avec une certaine habileté et conclut : « le moment est décisif. Que Votre Majesté n'écoute qu'elle-même; qu'elle suive son idée et qu'elle ose ce qu'elle désire, car elle peut ce qu'elle veut 2 ~. . Quelques jours après, le 10 novembre, de Londres, Persigny reprend le même thème sur de nouveaux arguments. « Votre Majesté, écrit-il à l'Empereur, a souvent regretté l'abrogation du cours forcé des billets de banque, car tout était facile alors et tout est devenu difficile depuis. Or, voici une occasion unique de pouvoir rétablir ce système 3... » Mais la première lettre de Persigny n'avait pas convaincu son destinataire, et la seconde devait lui parvenir trop tard pour influencer, éventuellement, la décision. Le 10 novembre, l'inquiétude gagnant en profondeur et en étendue dans le pays, Napoléon III dicte, de Compiègne, ses instructions directives à son Ministre des Finances. Les années précédentes, disait l'Emp.ereur, où les appréhensions avaient quelque fondement, on a pu conjurer la crise « par quelques simples mesures de prudence prises momentanément par la Banque de France. Aujourd'hui, comment ne comprendon pas que la même conduite, rendue plus facile par la loi qui permet d'élever le taux de l'escompte, doit suffire à plus forte raison pour conserver à la Banque le numéraire dont elle a besoin ? .• Je vous. prie donc de démentir bien haut tous les projets absurdes qu'on attrihueau Gouvernement et dont la propagation a créé si facilement des alarmes.. Ce n'est pas sans quelque orgueil que nous pouvons affirmer que la France est le pays en Europe où le crédit public est assis sur les bases les plus larges et les plus solides... Je suis bien décidé à ne point em-1. Lettre de Persigny à Napolèon III, datée de Paris, le 6 novembre 1857. [Arch. Banque· de France.] 2. Son intimité avec l'Empereur dispense Persigny d'écrire « Elle» avec une majuscule! 3. [Arch. Banque de France]. Persigny ajoute qu'il ne faut rien attendre d'intelligent de la Banque de France, car « la routine de ses bureaux et de ses opérations est plus forte que sa volonté même••• ou alors, c il lui faudrait changer son personnel, ses bureaux, son organisation intérieure, enfin tout, ce qui est presque impossible Serait-ce aussi là, par' hasard, le langage d'un homme qui devrait tout à une Institution complice du Coup d'État t ]t
]t.
LA CRISE DE 1855-1857
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ployer ces moyens empiriques auxquels on n'a recours que dans les 'cas heureusement si rares où des catastrophes au-dessus de la prévoyànce humaine viennent fondre sur le pays... » Le Conseil Général de la Banque ne pouvait pas négliger cette lettre qui lui avait été communiquée, aussitôt qu'écrite, par le Ministre des Finances; toutefois, afin d'éviter la réduction simultanée des échéances, « extrémité que le commerce redoute le plus et dont la seule possibilité lui cause les appréhensions les plus vives », déclareM. de Germiny, le Conseil décide de graduer le taux des escomptes suivant la longueur des échéances: 8 p. 100, pour les effets jusqu'à trente jours d'échéances; 9 p. 100 pour les effets de 31 à 60 jours; 10 p. 100 pour ceux de 61 à 90 jours. Il convient d'ajouter que cette gradation ne fut adoptée qu'à titre tout à fait exceptionnel, comme un palliatif susceptible de concilier la défense de l'encaisse avec le désir de ne pas réduire la longueur des échéances au-dessous de 90 jours 1. Huit jours après, l'encaisse tombe, au plus bas, à 187.000.000 frcs, puis se relève au-dessus de 200.000.000 frcs le 26 novembre, date à laquelle la Banque abaisse ses taux d'escompte à 7, 8 et 9 p. 100 respectivement. Cette fois, le Conseil Général a pris l'initiative du mouvement, devançant la Banque d'Angleterre. A partir de ce moment, les réserves métalliques se reconstituent avec une rapidité extrême. En quarante-huit heures, du 3 au 5 décembre, elles augmentent de 13.000.000 frcs et le Gouverneur convoque extraordinairement le Conseil pour lui proposer des mesures d'adoucissement. Il ne se dissimule pas que la crise commerciale qui atteint alors à son apogée en Angleterre exerce ses premiers ravages en France, mais il croit qu'il est temps encore de l'arrêter. Quel est donc le port où le commerce « peut aborder, s'abriter? La Banque de France 1... Le premier de nos devoirs est de l'encourager, de l'aider, de le fortifier, et si, par des crédits distribués à des conditions protectrices du travail nous pouvons rendre de bo.nnes chances à son activité, des salaires à de nombreux ouvriers inoccupés, qui voudra accepter la responsabilité de ne pas le faire? ». Aujourd'hui, ajoute le Gouverneur, vaut mieux que demain, et, sur-le-champ, le Conseil fixe le taux d'escompte à 6, 7 et 8 p. 100, d'après les échéances. Quand l'encaisse atteint 249.000.000 fres, le 17 décembre, le ·taux d'escompte est uniformément fixé à 6 p. 100 et quand il dépasse 250.000.000 frcs, le 29, le Conseil le réduit à 5 p. 100, sans discussion. Dès cette époque, la crise semble terminée et le Conseil de la Banque peut examiner, dans le calme, la conduite à tenir en matière d'avances 'Sur effets publics. Ni le Gouverneur ni ses collaborateurs ne sont tentés 1. La Banque d'Angleterre avait adopté, elle aussi, le principe des escomptes gradués -suivant la longueur des échéances, à partir du taux de 10 p. 100.
POLITIQUE D'A.VANCES SUR EFFETS PUBLICS
270.'
LE
SEC'O~rn,
EMPIRE·
de' défendre' la' théorie qui tendrait à influencer les eours· de-la B"ourse· 1 ;' l'ordonnance de' 1834 a été: dietée dans: la pensée d:'uTI; concours utileau crédit de l'État au,x époques d'emprunt ou de classement d'es inscriptions, de re'ntes et les précédents prouvent que )a Banque a exercé, sous· ce rapport, nne utile influence. Tonte la question est donc de savoir g·'il y a encore des rentes à classer, afin d'"y coo.pérer p·ar la voie des: avanees. Pour M. de Waru, également, la Banque n'a pas à se guider sur les cours de la rente ponr arrêter sa conduite. La seule manière dont elle doive intervenir en faveur du crédit de l'État, c'est en abaissant le taux de l'escompte, car le contre-coup de cet abaissement réagit naturellement sur la rente. Agir autrement, selon cet éminent banquier, serait fausser la situation, conduire la Banque à favoriser, même involontairement, tel ou tel spéculateur, lui faire perdre la juste réputation d'impartialité qu'elle s'est acquise. Vite entraînée au delà de toutes limites·, sa retraite porterait à la situation générale- un coup funeste. La Banque, concluait lVI. de Waru, devait prêter sur effets publics, aux particuliers de préférence, et non aux agents de change qui p'Ourraient faire la collecte des titres de rente et, soutenus par de larges avances, porter dans les affaires de la Bourse le poids et la puissance de la Banque ! La conclusion de ce débat fut que le Comité compétent devait distinguer entre les avances et restreindre celles qui auraient la spéculation pour objet : il convenait donc d~éviter - à l'avenir comme par le passé - la fixation de règles absolues et de limites étroites qui auraient pour effet de nuire à l'indépendance de ce Comité. L'expérience prouvait, en effet, que le manquement à ces principes risquait d'entraîner la Banque hors des voies de la sagesse 1 LES RÉSULT...4. TS C01WMERClAUX
IMPORT.4NCE DE LA CRISE DE 1866-1867
L'anomalie même des circonstances explique le progrès des escomptes en 1856 et en 1857; leurs .montants respectifs de 4.920.000.000 frcs et de 5.570.000.000 frcs, auxquels correspondirent des dividences de 272 fres et de 247 frcs. Mais ces dividendes, produits d'une période anormale particulièrement longue, ne pouvaient se maintenir. Ils ne correspondaient pas à un progrès réel, à un développement de richesses et l'avenir l'allait vite démontrer 1 La crise qui commence à peu près en même temps que la guerre de Crimée pour ne prendre fin qu'au début de 1858 comporte plusieurs enseignements historiques importants. Elle permet d'apprécier, d'abord, le dévouement de la Banque à la chose publique, son esprit de sacrifice, puisque les achats d'espèces répartis sur ces trois années et qui atteignirent 1.363.745.000 frcs t 1. Cf. supra, pp. 219, 245..
LA CRISE DE 1855-1857
271
lui coûtèrent 14.112.000 frcs représentant une prime" moyenne de 10 3/10 p. 1.000. Elle marque, d'autre part, à côté de certaines fautes, le développement des lumières en matière de politique monétaire, le Gouvernement de la Banque refusant de recourir aux mesures extrêmes et affirmant sa confiance dans des moyens longtemps méconnus. Enfin, cette crise correspond exactement à l'abandon par la Banque de ses anciens errements. Aux mesures bâtardes appliquées par le Conseil Général, qui a' cependant découvert et proclamé depuis longtemps la vérité, se substitue, cette, fois définitivement, le maniement du taux de l'intérêt. A la pratique encore timide des années antérieures, à la confiance théorique qui ne résiste· pas toujours au contact de l'inquiétude, se substitue la confiance réelle fondée sur le succès!
CHAPITRE III
LE RENOUVELLEMENT DU PRIVILÈGE EN 1857. L'AIDE AUX COMPAGNIES DE CHEMINS DE FER. LES CRISES DE 1860-1861 ET DE 1863-1865.
ATTAQUES CONTRE LA BANQUE DE FRANCE. PROJET DE RENOUVELLEMENT ANTICIPÉ DU PRIVILÈGE. LES HÉSITATIONS DE NAPOLÉON III. - « NÉGOCIATION» DU PROJET AU CONSEIL D'ÉTAT. - LE PROJET DE LOI SUR LE RENOUVELLEMENT DU PRIVILÈGE: PROROGATION. AUGMENTATION DU CAPITAL DE LA BANQUE. CRÉDIT FONCIER. TAUX D'INTÉRftT. COUPURES DE 50 FRCS. SUCCURSALES. LA LOI DU 9 JUIN 1857. AVANCE PERMANENTE AU TRÉSOR. AIDE DE LA BANQUE DE FRANCE AUX COl\fPAGNIES DE CHEl\UNS DE FER. Il\IPORTANCE DE CE CONCOURS. OPÉRATIONS DE 1858 A 1861. RÉSULTATS COl\Il\IERCIAUX DE 1858-1859. CRISE l\'IONÉTAIRE DE 1860-1861. ÉCHANGE D'ESPÈCES AVEC LA BANQUE D'ANGLETERRE. ÉLÉVATION DU TAUX DE L'ESCOMPTE. ÉCHANGE n'ESPÈCES AVEC LA BANQUE DE L'ÉTAT RUSSE. ÉCHANGE D'ESPÈCES AVEC LA BANQUE NATIONALE DE TURIN. NOUVELLES MESURES DE SAUVEGARDE. VENTES DE RENTES. CRÉATION DE 50.000.000 DE FRANCS DE TRAITES SUR LONDRES.-OFFRES D'ALLEMAGNE. LE « PROCÉDÉ INFAILLIBLE)J. RÉSULTATS COMl\lERCIAUX DE 1860 A 1862. LA CRISE DE 1863-1865. PREMIÈRES MESURES DE DÉFENSE. AVANCE DE 50.000.000 DE FRANCS AU TRÉSOR. LE RÉTABLISSEl\IENT DE 1864. RÉSULTATS COMl\IERCIAUX DE 1863-1864. SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE.
ATTAQUES CONTRE L.4. BANQUE DE FRA}":CE
premier de la loi du 30 juin 1840, modifié par l'article 3 du décret-loi du 3 mars 1852, avait prorogé le privilège de la L Banque de France jusqu'au 31 décembre 1867. 'ARTICLE
Sous la Monarchie de Juillet, le Conseil Général s'était préoccupé du renouvellement du privilège cinq années seulement à l'avance; or, dès décembre 1855, c'est-à-dire douze ans avant le terme, un Régent proposa au Conseil d'entamer des pourparlers avec le Gouvernement
LE RENOUVELLE!vIENT DU PRl\TILÈGE : 1857
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aux fins d'obtenir, sans plus attendre, une nouvelle prorogation. Il faut, sans doute, chercher l'explication de cette attitude dans les attaques dont la Banque fut l'objet dès le début de la crise de 18551857, attaques. qui eurent le don de l'inquiéter entre toutes parce -qu'elles revêtirent, poür la première fois, la forme d'une campagne de presse dont les dessous sont restés assez mystérieux. Toutefois, les événements de 1865 réussiront peut-être à les éclaircir dans une certaine mesure 1 Le Conseil Général estima que la proposition était prématurée mais changea vite d'avis car, dès le mois de janvier 1856, nous voyons le comte d'Argout prendre langue avec le Ministre des Finances à ce sujet. A son tour, le Ministre proposa de remettre la discussion à l'époque où la crise monétaire aurait pris fin, puis, en février, 5e déclara prêt à présenter une loi sur le renouvellement. Des négociations s'engagèrent presqu'aussitôt entre le Ministre et la Commission chargée par le Conseil Généràl d'étudier les problèmes soulevés par l'éventualité d'un renouvellement. A l'encontre de l'opinion publique, la Commission était opposée au doublement du capital et à toutes nouvelles opérations; elle n'était pas davantage favorable à l'établissement du cours légal pour les billets, que préconisait le Ministre des Finances. Le cours légal faisait l'effet d'un épouvantail. Si on l'adoptait jamais, disait un membre du Conseil, il n'y aurait plus qu'un signal à donner pour décréter le cours forcé, alors qu'une banque d'émission doit toujours être retenue par l'obligation salutaire de rembourser ses billets en espèces; d'autre part, il semblait évident que la défiance succèderait à la faveur, dès que la moindre apparence de contrainte se substituerait à la liberté absolue de la circulation. Le Ministre se laissa assez facilement convaincre et se nlit d'accord avec la Commission de la Banque sur un projet à présenter à l'Empereur. L'exposé du projet, rédigé par Vernes, s'étendait surtout sur le « legal tender », sujet mal connu, superficiellement étudié. Au fond, on craignait que le cours légal n'amenât la Banque à courir les hasards d'entreprises nouvelles, par la multiplication des billets qui en résulterait. Qu'on en juge: « Il est évident, disait le rédacteur, que cette mesure devrait avoir pour effet, dans l'opinion de ses auteurs, d'augmenter la circulation des billets, autrement elle ne leur servirait à Tien. On voudrait que, dans toute ville, tout bourg, tout village, nlême ceux qui seraient un peu éloignés d'une Succursale de la Banque, nul ne pût refuser le billet de la Banque dans un paiement: on trouve que nos 650.000.000 frcs de billets ne sont pas assez. Nous ne savons jusqu'à quel point le but qu'on se propose serait atteint; s'il l'était, on verrait sans doute se produire l'effet ordinaire de la substitution du papier à l'argent: l'argent s'en va, le papier reste. L'encaisse de "la Banque n.e suivrait pas l'accroissement des émissions et l'équilibre B.\.NQUE DE FR.-\.NCE.
PROJET DE RENDU..
VELI.EMENT A.NTICIPÉ DU PRIVILi'1GE
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serait rompu; les demandes de remboursement étant plus difficiles à satisfaire, l'inquiétude deviendrait plus prompte et lorsque, pour ne pas arrêter la circulation, un mot serait si aisé à prononcer en dispensant la Banque du remboursement, il est à croire qu'on en viendrait souvent à un tel expédient : on serait ,à deux doigts du papier-monnaie >}. Par contre, le l\linistre des Finances, tout en admettant les vues. de la Banque contre l'augmentation du capital, {< si généralement désirée dans le public », déclara qu'il lui serait « impossible de faire· prévaloir un système qui reposerait sur le maintien absolu du capital actuel; qu'(il) ne trouverait personne pour soutenir ce système 1 ) Si les excellentes dispositions du l\-1inistre, la juste conscience des services rendus par la Banque, l'opportunité de mettre la ·durée du pri,rilège en harmonie avec les termes accordés à d'autres établissements 1 militaient en faveur d'une denlande imlnédiate de renouvellement, les attaques de la presse, l'espoir que « les instances pour obtenir le doublement du capital deviendraient moins vives ), incitèrent brusquement le comte d'Argoutet ses conseillers à solliciter du IVlinistre l'ajournenlent de la discussion du privilège (fin mars 1856). LES II.ÉS.IT..4 .TIONS DE NA.POLÉON III
L'interruption des travaux de la Commission de la Banque dura jusqu'en janvier 1857, époque à laquelle la Banque dut reconnaître qu'elle avait commis une erreur grDve car les réclamations relatives au d.oublement du capital étaient devenues beaucoup plus vives encore. Chaque jour, de nouveaux projèts relatifs à la Banque étaient présentés à l'Empereur et, bien que les novateurs ne fussent pas tous compétents ni désintéressés, Napoléon III se laissait insensiblement gagner. Par ailleurs, dans cette atmosphère de crise, le Gouvernement était pressé de faire voter une réforme qui éloignerait de lui le reproche d'iInpéritie" si la rareté du numéraire venait à se renouveler en 1857 comme les années précédentes. Dans ces conditions, la Banque ne pouvait pas ajourner da\Tantage la reprise des négociations qui furent dominées par la personnalité du Régent Schneider, à la fois Conseiller d'État et Président du Corps Législatif. La Commission, cédant sur l'augmentation du capital 2, se refusa d'abord à accorder au Trésor - malgré les précédents - la compensation d'intérêts, l'ouverture d'un crédit permanent et déterminé d'avance, la fixation d'un taux maximum d'intérêt; mais Schneider lui démontra que l'occasion d'obtenir le renouvellement du privilège dans ces conditions était peut-être unique et, le 18 avril,. l'accord se fit avec le Ministre des Finances. 1. Le Credit l\lobilier avait obtenu 99 ans; le Comptoir d'F,iScompte 30 ans,etc..... 2. La 'Üommissionse denlanda si le projet d'augmentation du capital devait être soumis. à la ratification des actionnaires, mais la majorité en contesta la nécessité; d'ailleurs., le,
tenlps faisait défaut•••
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Quand le projet élaboré d'un commun accord vint devant l'Empereur, il fut l'objet d'attaques extrêmement vives; «toutes les questions t, déclara Schneider plus tard, furent « agitées de façon à faire naître des inquiétudes sur le sort de la Banque ». Une fois encore Napoléon III fluctua et il fallut une seconde conférence pour réussir à dissiper ses doutes. Lorsqu'il donna enfin l'ordre de porter l'affaire devant le Conseil d'État, une préoccupation demeura dans son esprit : l'Empereur reconnaissait que la Banque satisfaisait pleinement au but primitif de son institution qui était d'aider le commerce par ses escomptes, mais la situation lui paraissait transformée par l'existence de plusieurs milliards de valeurs mobilières, sans que rien pût parer soit aux besoins momentanés des porteurs, soit aux crises qui viendraient à se déclarer. Finalement, Napoléon III s"était rendu aux raisons de la Banque qui contestait la possibilité de répondre plus largement à ce besoin d'avances, mais Schneider se demandait s'il ne reviendrait pas plus tard à cette idée, car « déj à il songeait à l'utilité dont pourrait être, dans cet ordre de pensées, la création d'une société internationale! • Toujours d'après Schneider, la « négociation » du projet de loi au Conseil d'État, dans les 'séances des 6 et 8 mai 1857, fut des plus laborieuses. Il en donnait pour raison que les membres du Conseil entendaient de près le monde financier de Paris, intéressé à réclamer des innovations. On proposa, notamment, de fixer le prix d'émission des actions nouvelles à 1.400 frcs, afin de constituer un fonds d'une trentaine de millions qui eût été employé en reports. SuivaI;lt ce plan, la Banque de France aurait été divisée en deux départements, celui du papier de commerce et celui des valeurs de' bourse. On proposa aussi de soumettre le privilège à une révision éventuelle au bout de quinze ans et il paraît que Schneider ne réussit à écarter cette disposition qu'en faisant remettre la discussion à une séance ultérieure où il savait obtenir les voix de deux absents favorables à sa thèse : Magne et Baroche. Le projet de loi ayant pour objet la proro~ation du privilège de la Banque de France fut déposé sur le bureau du Corps Législatif le 9 mai 1857. Après un long historique de la Banque de France, l'exposé des motifs justifiait le renouvellement anticipé, pour une période de trente années. La Banque, disait-il, « ne peut jouir de la plénitude de son crédit (si elle) n'a la certitude d'un assez long avenir» ; le Comptoir d'Escompte de la Ville de Paris, dont l'existence se lie à celle de la Banque, puisqu'il ne pourrait guère, sans elle, renouveler son capital par le réesconlpte de son portefeuille, est constitué pour trente années; enfin, lors des précédents de 1806 et de 1840, on s'était inspiré du même esprit, bien que l'État pitt craindre d'aliéner « imprudemment sa liberté ~ et de se priver « de la faculté d'introduire des réformes
• NÉGOCIATION J DU PROJET AU CONSEIL D'ÉT.4.T
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PROROGATION AUGMENTATION DU CAPITAL IDE LA BANQUE
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utiles dans la constitution (de) l'institution >}. En 1857, au contraire t l'expérience d'un demi-siècle prouvait surabondamment-que les statuts de la Banque, « devançant pour ainsi dire l'avenir, lui ont laissé une liberté de mouvement et une élasticité qui lui ont permis de suffire aux besoins nouveaux du commerce et de l'industrie... » Cette expérience démontrait, au surplus, qu'il n'était point besoin d'attendre un renouvellement du privilège pour réaliser, par voie législative, les améliorations que pouvaient r.éclamer les intérêts du public, du Gouvernement ou de la Banque. Aux termes du projet, 10 Le privilège est prorogé jusqu'au 31 décembre 1897. 20 Le capital de la Banque est doublé et porté à 182.500.000 fres en actions d'une valeur nominale de 1.000 frcs, non compris le fonds de réserve. Les 91.250 actions nouvellement créées sont exclusivement attribuées aux propriétaires des actions antérieures, qui doivent en verser le prix à raison de 1.100 frcs par action dans les caisses de la Banque, trimestre par trimestre, dans le délai d'un an au plus tard, à partir de la promulgation de la loi. - Le produit des nouvelles actions est affecté, jusqu'à concurrence de 91.250.000 fres à l'augmentation du capital et, pour le surplus, à l'augmentation du fonds de réserve. Sur le produit total des actions nouvelles, soit 100.375.000 frcs, la Banque prend l'engagement de verser au Trésor public, dans le courant de 1859 et aux époques à convenir d'un commun accord, une somme de 100.000.000 frcs destinée à atténuer les découverts du Trésor. En retour, le Ministre des Finances est autorisé à faire inscrire sur le Grand-Livre de la Dette publique la somme de rentes 3 p. 100 correspondante, un fonds d'amortissement du centième du capital nominal desdites rentes devant être ajouté à la dotation de la Caisse d'Amortissement. Le prix des rentes doit être calculé au cours moyen du mois précédant chaque versement, sans que ce prix puisse être inférieur à 75 frcs. Enfin, sur les rentes inscrites au Trésor au nom de la Caisse d'Amortissement et provenant de la consolidation du fonds de réserve de l'amortissement, il doit être rayé du Grand-Livre de la Dette publique une somme égale à celle des rentes créées au profit de la Banque. C'est Schneider qui, convaincu que le Gouvernement devrait faire un nouvel emprunt ou se faire aider par la Banque, avait eu l'idée de cette immQbilisation immédiate. Ainsi, l'augmentation du capital réclamée par l'opinion était réalisée en premier lieu au profit du Trésor, le public ne devant en bénéficier qu'à titre de garantie supplémentaire pour ses opérations avec la Banque de France. Pressentant, d'ailleurs, le mécontentement qu'allait faire naître cette modàlité, l'exposé des motifs du projet de loi prévient qu'on se tromperait en voyant dans l'augmentation du capital « un remède destiné à prévenir toutes les crises, à répondre à tous les besoins du
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commerce, de l'industrie et de la spéculation et qui puisse dispenser de tout esprit de prudence, de modération et d'économie. Des illusions si exagérées extraîneraient après elles de cruels mécomptes... » Il n'existe, ajoutait l'exposé, aucun rapport direct et nécessaire entre l'encaisse de la Banque et la quotité de son capital; or, c'est la réduction de l'encaisse qui a provoqué des mesures restrictives. « Le fonds social est surtout un fonds de garantie, destiné à couvrir les pertes (que la Banque) pourrait essuyer sur la valeur de son portefeuille et, par suite, à assurer la confiance du public dans ses billets )}. Si donc, le développement des opérations de la Banque exige que le capital ne reste pa~ stationnaire, là se borne l'intérêt, « limité mais sérieux », de l'augmentation du capital. Ce fut en vain que la Commission d'examen du Corps Législatif soutint la thèse qu'une institution COlnme la Banque avait besoin d'un capital disponible pour répondre, en temps de crise, aux besoins de diverse nature qui pouvaient se produire: le Conseil d'État rejeta l'amendement. En fait, bien que l'exposé des motifs du projet présentât l'investissement en rentes du nouveau capital comme le meilleur placement pour la Banque de France, il s'agissait tout simplement d'une opération de trésorerie 1. M. de Waru, lors de l'enquête de 1865, résuma l'affaire de l'augmentation de capital en termes fort heureux. La pression de l'opinion sur le Gouvernement et du Gouvernement sur la Banque, dit-il, avait rendu cette augmentation inévitable; le Ministre des Finances fit alors une opération très sensée et fort avantageuse' au Trésor. La Banque était d'une opinion, le public était d'une autre; l'État avait besoin d'argent: le l\1inistre appliqua à ses besoins l'objet du litige. L'augmentation du capital de la Banque fut versée- ~9ntre une in&cription de 4 millions de rente 3 p. 100, c'est-à-dire qu'il fit un emprunt de 100 millions au taux de 75 frcs, tandis que, d'après le cours de la rente, il n'aurait pu le réaliser qu'aux environs de 66 frcs. 3 0 Toujours aux termes du projet, la faculté accordée à la Banque de faire des avances sur effets publics français; sur actions et obligations des chemins de fer français, sur obligations de la Ville de Paris est étendue aux obligations émises par la Société du Crédit Foncier. ·La Banque, qui avait multiplié les objections contre cette extension des avances, avait été finalement obligée d'y consentir. 4 0 La Banque de France peut, si les circonstances l'exigent, élever au-dessus de 6 p. 100 le taux de ses escomptes et l'intérêt de ses avances. Les bénéfices qui résultent pour la Banque de l'exercice de cette faculté sont déduits des sommes annuellement partageables entre 1. Quant au prix de cession des rentes, il fut fixé à un taux minimum de 75 frcs, supérieur aux cours pratiqués à l'époque, parce que ces cours, disait le projet, c subissent évidemment une dépréciation qui tient aux circonstances et qui ne peut être durable •• La Commission avait proposé 85 fres, puis 80 fres comme prix d'achat, mais l'accord s'était fait sur cette formule transactionnelle qui fut extrêmement favorable au Trésor.
CRÉDIT FONCIER
TA.UX D'INTÉR2T
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COUPURES DE 50 FRANCS
SUCCURSALES
LA LOI DU 9 JUIN 1857
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les actionnaires et ajoutés au fonds social. Le projet initial du Gouvernement avait prévu le droit pour la Banque d'ajouter une commission au taux maximum fixé par la loi de 1807, attendu que la jurisprudence avait depuis longtemps reconnu aux banques privées le droit d'ajouter une telle commission à l'intérêt légal, mais la commission du Corps Législatif, d'accord avec le Conseil d'État, avait fait prévaloir la thèse plus logique et plus franche de la .liberté du taux d'intérêt 1. 50 La Banque est autorisée à abaisser à 50 frcs la moindre coupure de ses billets. Le rapporteur au Corps Législatif justifia notamment la mesure en disant qu'elle donnerait la facilité aux travailleurs d'envoyer dans leur pays et pour l'entretien de leur famille une somme de 50 frcs, alors qu'ils étaient obligés d'expédier des espèces ou de prendre un bon de poste ! 60 La Banque de France avait encore créé de nouvelles Succursales au cours des dernières années, le 13 juin 1855, à Dijon, Dunkerque et Arras; le 29 novembre 1856, à Saint-Lô, Poitiers et Carcassonne. Cependant, on lui reprochait une politique de compte-gouttes et l'on avait été j1lSqu'à demander au Gouvernement de ~ui retirer le privilège de l'émission des billets en province. Le projet de loi, tenant compte de ces réclamations, prévoit donc que le Gouvernement pourra exiger de la Banque, dix ans après la promulgation de la loi, qu'elle établisse une Succursale dans les départements où il n'en existerait pas. 7 0 Enfin, le projet dispose que les intérêts dus par le Trésor, à raison de son compte-ccurant, sont réglés sur le taux fixé par 13 Banque pour l'escompte du papier de commerce, sans qu'il puisse toutefois excéder 3 p. 100. Le projet de loi, rapporté par Devinck, fut discuté au Corps Législatif le 28 mai. Les débats, qui n'offrent aucun intérêt, se réduisirent à une critique de Maximilien Kœnigswarter, à une approbation de Garnier et à des réponses de Devinck, de Vuitry, Conseiller d'État, Commissaire du Gouvernement, et de Baroche, Président du Conseil d'État. Il fut adopté par 225 suffrages contre 15. Le 30 mai, le Conseil Général de la Banque adopta le texte du projet et le 8 juin, après avoir entendu la lecture d'un pâle pastiche de l'exposé des motits, le Sénat déclara, par 103 voix contre 1, ne pas -s'opposer à la promulgation de la loi 2. 1. La Commission du Corps Législatif avait voulu introduire dans le texte du projet une disposition donnant à la Banque de France le droit d'établir un taux d'escompte diftérentiel suivant la longueur des échéances. Au cours de la discussion devant le Conseil d'Rtat, les avantages d'un taux différentiel n~ furent pas contestés, mais on observa que la Banque de France avalt le droit de l'établir et qu'elle s'en était déjà servi. 2. En vertu d'un décret du 17 juillet 1857, la Banque de France fixa les versements à effectuer par les actionnaires: 1 0 du 25 juin au 10 septembre 1857 ; 2° du 10 septembre au 10 décembre; 3° du 10 décembre au 10 mars 1858 ; 4° du 10 mars au 10 juin 1858.
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Le versement des 100.000.000 fICS par la Banque de France fut effectué le 31 décembre 1859 ; la veille, un décret avait autorisé l'inscription des rentes correspondantes au Grand-Livre de la Dette publique, avec jouissance du 22 juin 1860. Les intérêts courus depuis le jour du versement jusqu'à cette date furent imputés sur les. crédits ouverts au budget de 1860 pour les intérêts de la dette flottante. On ~alcula que la rente de 4.000.000 Ires, répartie entre les 182.500 actions de la Banque, ajouterait aux produits ordinaires des opérations un dividende annuel de 21 fr. 90. La loi du 9 juin 1857 fut complétée par un traité dont les termes, depuis longtemps arrêtés entre le lVlinistre Magne et le Gouverneur d'Argout furent paraphés le 10 juin. « En réciprocité des avantages -qui résultent pour la Banque de ce qu'elle reçoit en compte-courant les encaisses disponibles du Trésor, dit le traité, la Banque s'engage, pour la durée de son privilège, à faire au Trésor, au fur et à mesure de ses besoins, des avances qui pourront s'élever à 80.000.000 frcs y compris les, 55.000.000 frcs restant à rembourser sur le prêt prorogé par le traité .du 3 mars 1852. Le maximum de ces avances sera réduit à 60.000.000 Ires, au moyen de remboursements annuels stipulés audit traité ». En garantie de ses avances, la Banque reçoit des bons du Trésor renouvelables de trois mois en trois mois. D'autre part, le Trésor bénéficie de la compensation d'intérêts entre les soldes débiteurs de son Compte d'avances et les soldes créditeurs de son Compte-courant, - soit à la Banque centrale, soit dans ses Succursales - mais le traité prévoit que la Banque sera affranchie de ses engagements si le Trésor vient à retirer ses fonds en compte~ourant 1.
Le compte spécial ouvert en 1852 pour l'avance de 75.000.000 frcs prit alors le titre de « Avances au Trésor (Convention du 10 juin 1857) }). Cet ordre de choses demeura en vigueur jusqu'à la guerre francoallemande. Si l'on veut bien comprendre l'intérêt que le traité du 10 juin 1857 présentait pour le Trésor, il faut savoir que le fonds de roulement des services publics - variant de 200.000.000 frcs à 250.000.000 frcs - provenait des anticipations de recettes, réalisées dans un délai moindre que celui accordé par les règlements de la comptabilité publique pour le paiement des dépenses du même exercice. Mais, l'expérience des dernières années démontrait que l'excédent des anti·cipations de recettes sur les dépenses était inférieur d'environ '60.000.000 frcs aux besoins du Trésor, d'où la nécessité de recourir pour cette somme à la dette flottante, ce qui grevait le budget de l'État de 2 à 3.000.000 frcs d'intérêts par an. La nouvelle convention avait 1. Cf. supra, pp. 254, 274.
..4 VANCB PERMANENl'B AU TRÉSGR
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donc pour but et avantage de faire cesser cette reuse. AIDE DE LA BANQUE DE FRANCE
AUX COMPAGNIES DE CHEMINS DE FER
~ituation
oné-
C'est sous la direction du comte de Germiny que la Banque de France procéda à la: grande opération d'émission des obligations des compagnies de chemins de fer, de 1858 à 1861. ' La création des chemins de fer, interrompue par la crise de 1848, avait été poursuivie au cours des années suivantes. Les vingt-quatre sociétés qui se partageaient les premières concessions, alors fondues en huit compagnies, avaient en effet réussi à équiper 3.500 kilomètres de lignes entre 1852 et 1856, ce qui portait l'ensemble du réseau ferroviaire français à 6.500 kilomètres 1, mais il restait cependant beaucoup à faire. Or, les sociétés nouvelles désespéraient de trouver auprès de l'épargne le concours nécessaire. C'est que les premières compagnies de chemins de fer avaient émis des obligations sans mesure, en se faisant une rude concurrence, et qu'une campagne de faux bruits donnait à croire que le montant du placement des obligations servait à payer les dividendes au lieu d'alimenter les travaux. Il en était résulté, malgré la garantie solidaire donnée par l'État, un avilissement moyen de 285 frcs par titre, au début de l'année 1857, et de 260 frcs à la fin de cette même année. Les compagnies d'Orléans, de Lyon-l\1éditerranée, de l'Ouest, du Dauphiné, des Ardennes, de l'Est, du Midi, de Lyon à Genève, eurent alors l'idée de former un Syndicat pour le placement en commun et solidairement de nouvelles obligations avec le concours de la Banque de France (9 décembre 1857). Le but de l'opération était de procurer immédiatement aux compagnies - sous forme d'une ouverture de crédit - l'argent dont elles avaient besoin pour leurs travaux, sans nuire à leurs intérêts ni au crédit public par des émissions précipitées. L'opinion du Conseil Général de la Banque à ce sujet était divisée, mais, après une discussion très approfondie, étayée sur de puissantes considérations d'intérêt général, entre autres celle de la défaveur qui résultait pour le crédit de l'État de la dépréciation des obligations, le Conseil accorda une première avance de 50.000.000 frcs renouvelable de trois mois en trois mois pendant une année, au taux ordinaire des avances. La Banque, dont les avances devaient être réparties par le syndicat dans une proportion déterminée, recevait, en garantie, des obligations à émettre, les compagnies s'interdisant formellement toute création, émission ou vente d'obligations en dehors du Syndicat, jusqu'à complète exécution du traité. 1. (Seignobos,
O}.'.
cil., p. 259.)
~LES
CHEMINS DE FER
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Le concours donné par la Banque de France aux compagnies de chemins de fer, en cette circonstance, marque incontestablement une des phases les plus importantes du développement du crédit public en France. Voué au plus large succès grâce à la confiance publique en la Banque, il eut, en effet, pour résultat de populariser l'obligation de chemins de fer à une époque où cette valeur, bien que sérieuse, n'était encore que peu connue et peu répandue 1.
IMPORTANCE
IIlvesti des pouvoirs les plus étendus - sans que le Synjicat des compagnies pût intervenir en aucune façon dans les ventes - le Gouverneur de la Banque décida de commencer les opérations de placement dès le 5 janvier 1858 à Paris, puis, un peu plus tard, dans les principales villes de France, soit par l'intermédiaire des Succursales, soit en traitant de gré à gré avec les agents de change et les banquiers de Paris. A la fin du premier semestre de 1858, la Banque de France avait placé 150.000.000 frcs d'obligations sur les 240.000.000 frcs que le Syndicat avait été autorisé à émettre. Au début de l'opération, le cours des obligations de chemins de fer oscillait entre 256 frcs 25 et 277 frcs 50 ; le 30 juin, il atteignait 275 frcs, en moyenne, et avait entraîné un relèvement du cours des fonds publics. Cependant, la méthode. de placement adoptée, par petits paquets et sans interruption, entretenait une sorte d'agitation qui nuisait aux négociations de rentes. Pour écarter cet inconvénient, le l\linistre des Finances et le Syndicat demandèrent à la Banque de France de procéder par souscription publique. La Banque accepta et ouvrit, du 5 au 10 juillet 2, une souscription au coiIrs de laquelle les 90.000.000 Ires d'obligations restant à émettre furent couverts trois fois et demi. - Le mode d'émission tendait à favoriser les petits capitalistes, puisque les souscriptions ne dépassant pas 100 titres par compagnie ne pouvaient être réduites qu'autant qu'elles excéderaient à elles seules le montant de l'émission. Le total des avances de la Banque avait atteint d-ans l'année 244.920.000 fres, donnant un bénéfice de 450.000 frcs environ 3 ; l'importance de son concours se jugeait aux résultats mêmes et au cours des obligations. Au 31 décembre 1858, ce cours oscillait de 280 frcs à 287 fres 50 pour sept compagnies; il atteignait 290 fres pour la huitième.
OPÉRATIONS DE 1858
1. Les différences, peu inlportantes d'ailleurs, que 1'011 pourrait relever entre les divers chiffres indiqués ci-après et ceux fournis, à l'époque, par les « avis officiels au public, tie.lnent à la hâte avec laquelle les dits avis furent publiés au Moniteur. 2. Les Succursales de la Banque prirent part à toutes les souscriptions d'obligations, excepté en 1858. 3. Le Syndicat avait pris à sa charge les frais des installations spéciales de la Banque,de puhlicité et de transport de~ titres. Il alloua, en outre, à]a Banque une somme de 40.000 frcs à répartir entre le personnel ayant contribué aux travaux de la souscription. l)
DE CE
CONCOURS
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OPÉRATIONS DE 1869
Les travaux prévus. par le Syndicat pour 1859 atteignant. 300~OOO~000 fres, la Banque fut sollicitée de. porter le montant de son avance à 100.000..000 frcs ; mais l'obligation dans laquelle elle se trouvait, d'autre part, de verseT au Trésor 100.000.000 fiCS provenant de l'augmentation de capital, dont 50.000.000 frcs avant .le 1er' juillet, ne lui permit d'accepter qu'après avoir reçu l'assurance. que le l\linistre des Finances ne demanderait pas l'exécution du contrat. avant cette date. Le 26 mai 1859, le Syndicat demanda à la Banque d'augmenter l'avance jusqu'à concurrence de 150.000:..000 fres. I~ Conseil Général y consentit encore,. le. 18 juin, sur l'engagement du Ministre de ne. pas ré.clamer le, versen1ent de la totalité des: 100.000.000 frcs avant 1860 1, mais. demanda, en dehors de l'intérêt. courant sur avances et indépendamment des, frais. accessoires, une c-onlmission de 0 fr. 5.0 par obligation vendue. L'npération de place.ment des titres, effectuée sous forme de vente directe.. au. p·ublic et portant sur 250.000.000 fres., fut menée à bien du 15 j,uillet au 17 novembre. Elle donna lieu à une avance globale de 240.200.000 fres et rapporta à la Banque 723.000 fres 2. Pendant la même période, le cours moyen des, obligations - qui avait légèrement fléchi au début de l'année - passa de 279 fres 17 à 283 frcs 74.
OPÉRATIONS
L'année suivante, l'avance maximuln de la Banque de. France fut fixée: à. 100,,000..000 fres. La Banque re'çut l'autorisation de réaliser les obligations données en garantie dans le cas où le Syndicat des compagnies, de. chemins de fer, mis en demeure, n'organiserait pas lui-même de souscrip:tions publiques pour se libérer de. ses emprunts. Les opérations, d'avances, commencées le 1 er mai 1860, atteignirent 32.000.000 ircs le 14 juin. A cette date,. le Syndicat demanda à la Banque de. se charger du place'ment des obligations qu'il avait été autorisé à émettre au cours de l'année, soit 300.000~OOO frcs environ; la Banque, moyennant une rémunération forfaitaire. de 0 fr. 75 par obligation, accepta de prendre ·Ù sa. charge tous les frais, y compris la commission de 0 fr. 50 allouée aux Receveurs généraux. La souscription, ouverte le: 25 juin, au. taux moyen de 292 ires 93~ fut close. le 2 juillet~ Le public avait demandé 1.,627.903 titres alors que l'émission n'en comportait que 1.031.104 : elle procura à la Banque un bénéfic.e net de 558.000 fres. - Le montant global des avances de la Banque ne dépassa pas 77.000.000 frcs.
DE 1860
OPÉRATIONS DE 1861
Enfin, en 1861, le Syndicat recourut à la Banque de France pour
une dernière opération. l\1oyennant une rémunération forfaitaire de 1. Le Gouvernement venait de placer, avec facilité, un emprunt de guerre de 500.000.000 ires au taux de 3 p. 100 pour la campagne d'Italie. 2.. Les somnles indiquées comme Il: béiléfices » pour la Banque, s'entendent. intéréts sur les avances consenties au syndicat ., inclusivement.
LES CHEMINS DE FER
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700.000 frcs, qui laissa un bénéfice net de 410.000 frcs, la Banque plaça 230.000.000 frcs environ d'obligations, au prix moyen de 291 frcs 25 à 293 frcs 75. Cette souscription, ouverte sept jours (2128 mai), rencontra un succès qu'on peut à juste titre qualifier de prodigieux, puisque le public souscrivit 2.972.449 obligations, alors qu'il y en avait seulement 788.256 à émettre. D'autre part, grâce aux facilités de trésorerie fournies par les précédents emprunts et à la rapidité de l'opération, les avances de la Banque au Syndicat, en 1861, ne dépassèrent à aucun moment 19.500.000 frcs. Il convient d'ajouter que le succès de la souscription de 1861 apparaît encore plus extraordinaire lorsqu'on considère la situation délicate de la place et de la Banque de France à la même époque 1. La crise de 1855-1857 n'avait guère eu de prise sur la Banque, mais elle en subit le contre-coup normal au cours des années suivantes. lVlalgré une quadruple réduction du taux de l'intérêt en 1858 (4 1 /2 p. 100, le 8 février; 4 p. 100, le 19 ; 3 1 /2 p. 100, le Il juin; 3 p. 100, le 24 septembre) les escomptes tombent à 4.186.000.000 frcs, chiffre supérieur - il est vrai - à celui de 1855. En 1859, le taux d'escompte - porté à 4 p. 100 du 4 mai au 5 août puis ramené à 3 1/2 p. 100 à cette dernière date - continue à favoriser le développement normal des affaires; les escomptes atteignent près de cinq milliards de frcs. Dans ce chiffre, les Succursales (accrues en 1857 de Sedan, Tours, Bar-le-Duc, Laval et, en 1858, d'Agen, Bastia, Bayonne et Brest) e~ntrent pour plus des deux tiers. Désormais, aucune crainte ne se manifeste plus pour l'extension de la Banque. L'expérience a victorieusement démontré que sa forte organisation pouvait s'étendre sans s'affaiblir 1 Si les bénéfices, à raison du faible taux de l'intérêt, diminuent notablement 2, la situation d'ensemble de la Banque est très saine. La circulation, d'un mouvement qui se poursuivra sans interruption jusqu'à la guerre franco-allemande, se développe (624.000.000 fres en 1858, 716.000.000 frcs en 1859); les comptes-courants se gonflent, passagèrement, davantage; l'encaisse atteint, en moyenne, 460.000.000 frcs, en 1858, et 570.000.000 frcs, en 1859, contre 228.000.000 fres, rappelons-le, en 1857 1 Cependant, le cours des actions qui avait 1. La Banque ne se dissimulait pas, à preuve le discours du Censeur Darblay à l'Assemblée générale des actionnaires de 1860, que le placement des obligations des chemins de fer était « complètement en dehors (de ses) h~bitudes JI, mais elle avait le juste sentiment de rendre service aux compagnies et au pays en accélérant la création de ces « voies de communication si indispensables à la France pour que notre commerce puisse soutenir la concurrence de l'étranger ». . 2. Les dividendes de 114 fres et de 115 frcs distribués en 1858 et en 1859 sont très inférieures à ceux des six dernières années, Mais il convient de tenir compt(l, également, de: l'augmentation des parties prenantes.
RÉSULTATS COMMER. ClAUX
DE 18ô8 1859 p
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LE SECOND EMPIRE
atteint le chiffre record de 4.600 fres au plus haut, en 1857, avant le renouvellenlent du privilège, était descendu à 2.720 frcs après, pour osciller de 2.975 frcs à 3.500 frcs, en 1858, et de 2.500 à 3.010 frcs, en 1859. C'est que le doublement du capital avait fait redouter justement une diminution des dividendes. Réalisé au seul profit du Trésor, les actionnaires devaient en faire les frais et la Bourse ne s'y trompa pas! CRISE MONÉTA4IRE DE 1860-1861
Malheureusement, la situation favorable de 1859 se transforma vite, pour donner naissance à une crise monétaire de plusieurs années, aux causes multiples. Que se produisit-il, au juste, au début de cette crise? On ne le sait pas très exactement. Quoi qu'il en soit, la Banque de France connut de justes moti.fs d'inquiétude. Son encaisse, qui avait atteint 549.000.000 fres, en août, point culminant, fut attaqué dès le mois suivant avec continuité - nous essaierons de dire pourquoi - et comme l'argent, suivant le mot de M. de Waru, était « une marchandis~ recherchée avec prime pour l'exportation », la Banque dut effectuer ses paiements en or : en agissant autrement, elle aurait excité la cupidité et facilité contre elle-même des spéculations dangereuses. Mais, par suite de l'obligation dans laquelle se trouvait la Banque de rembourser ses billets en métal jaune, la part respective des deux métaux dans la composition de l'encaisse se modifia du tout au tout et il apparut "au Conseil Général que l'encaisse-or deviendrait vite insuffisant pour faire face aux besoins de la ~anque centrale et de ses Succursales. Au surplus, toujours d'après un mot de M. de Waru, l'or était devenu « le principal signe monétaire » et on he pouvait s'exposer au péril de le voir diminuer sans cesse. Une seule issue s'offrait au Conseil, l'échange d'espèces d'argent contre des espèces d'or. Cependant, les efforts de la Banque pour modifier la proportion des deux métaux, devaient se heurter à une vive opposition de la part du Ministre des Finances, soit que celui-ci jugeât utile de conserver l'encaisse d'argent en vue d'une modification éventuelle dans le système monétaire, soit qu'il craignît de fournir un nouvel aliment à une démonétisation que les circonstances rendaient fort active. Selon la Semaine Financière, commerciale, industrielle 1, il est certain que la Banque de France essaya d'abord de se procurer de l'or à Londres, d'une façon insensible et en évitant toute perturbation. Cet espoir, dit la Semaine, était plausible. « On savait, à la Banque, que le Comptoir d'Escompte avait en portefeuille des traites sur Londres pour une valeur de 25.000.000 frcs; c'était une ressource toute trouvée pour se procurer sans bruit de l'or sur le marché anglais. 1. (N° du 24 novembre 1860.) A notre connaissance, cet exposé ne fut pas contesté.
LES CRISES DE 18ÔO A 1865
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L'emploi discret du million sterling du Comptoir permettait d'éviter l'écueil d'une hausse factice du change. On devait opérer à Londres avec prudence, faire ses achats sur les arrivages californiens et australiens sans inquiéter la Banque d'Angleterre, sans attaquer son encaisse. Le dessein était sage et l'intention excellente. Malheureusement, la discrétion a manqué dans l'exécution. Contrairement aux instructions positives de Paris, un agent à Londres a pris sur lui de retirer de la Banque d'Angleterre une partie (300.000 ou 400.000 livres sterling) de l'or qu'il était chargé d'acheter sur le marché. C'est par là qu'a commencé la crise: la Banque d'Angleterre a cru devoir se mettre en garde et les hausses de l'escompte ont suivi ». De son côté, la Banque de France éleva son taux d'escompte à 4 1 /2 p. 100 le 12 novembre. Devant la divulgation de ses intentions et la réplique de la Banque d'Angleterre, la Banque de France pouvait-elle renoncer à s'approvisionner d'or sur le marché anglais? Le Conseil Général fut unanime à persévérer dans ses desseins. Bien que nous manquions de lumières sur les premiers contacts, nous savons que la Banque d'Angleterre fut pressentie par la Banque de France, dès le début de novembre, au sujet d'un échange de 50.000.000 frcs d'or contre une même somme d'argent. L'accueil de principe fait à la proposition française ayant été favorable, M. Alphonse Mallet, Régent, se rendit à Londres, le 16 novembre, pour poursuivre les négociations. Il les conduisit avec un tel brio que le comte de Germiny était en mesure d'annoncer leur succès au Conseil Général, dès le 21. L'opération d'échange fut terminée le 23 mai 1861 et se serait soldée, tous frais payés, par un bénéfice de 8.918 frcs 70, n'étaient les frais de transport dans les Succursales se montant à 40.000 frcs environ. Succédant à la conclusion d'un traité de commerce libéral entre la France et l'Angleterre, l'entente des deux plus grandes banques d'émission du monde laissait présager un rétablissement rapide de la situation respective des deux pays, lorsque l'élection 'de Lincoln à la présidence des États-Unis et la Sécession des États du Sud engendrèrent une cause de perturbation profonde et durable. A la lutte pour l'or succéda ainsi une lutte pour la défense de l'encaisse, dont nous allons suivre maintenant les péripéties pendant plusieurs années. L'encaisse tombe" de 430.000.000 frcs (300.000.000 frcs d'argent, 130.000.000 frcs d'or) le 22 novembre, à 374.000.000 frcs, le 2 janvier 1861. - Si les importants travaux de chemins de fer entrepris ,dans plusieurs États d'Europe et le ralentissement des envois d'or américains - car les États-Unis étaient sans doute créanciers de l'Angleterre - aident à faire comprendre la diminution de l'encaisse, ils ne l'expliquent pas complètement. Il s'en fallait, en effet, que les -exportations de numéraire révélées par les services de douane corres-
ÉCHANGE D'ESPÈCES AVEC LA BANQUE D'ANGLETERRE
ÉLÉVATION DU TAUX DE
LJESCONIPTE
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LE SECOND EMPIRE
pondissent à l'appauvrissement de la Banque. Où aliaient donc les espèces, l'or en particulier? Tout oe qu'on peut répondre à cette question, c'est que l'augmentation des capitaux mobiliers et l'élévation du prix des denrées nécessitaient une plus grande somme de numéraire. Il est vraisemblable que l'inquiétude et l'esprit de spéculation faisaient le reste. La Banque de France n'hésita pas à manier son taux d'escompte avec une célérité tempérée de souplesse. Elle le porta à5 1 /2 p. 100 le 2 janvier 18ûl, puis à 7 p. 100, le 8., d'une part, afin de ne pas prQvoquer de nouvelles demandes d'espèces en livrant son or à meilleur marché qu'on ne le faisait sur les places étrangères; d'autre par~ pour réduire, sinon pour annuler, la prime sur l"argent au cas où elle serait obligée de reprendre ses paiements en ce métal. -En même temps, la Banque réussit à conclure une nouvelle opération d'échange. ÉCHANGE D'ESpECES AVEC LA BANQUE DE L'ÉTAT
RUSSE
La monnaie divisionnaire d'argent menaçant de faire défaut en Russie, la maison Dutfoy Kinen et Cie, de Paris, proposa au comte de Genninyde lieT avec le Gouvernernent Tusse, dans l'intérêt des deux pays, une 'opération d'échange. "Les bases de cette opération furent acceptées à Saint-Pétersbourg le 16 janvier et le Conseil Général de la Banque s'en était réjoui le 24, lorsque, le lendemain, un véritable coup de théâtre se produisit à Saint-Pétersbourg : le Tzar~ qui avait été tenu sans aucun doute au courant des négociations, refusait cependant 'Son agrément atl 'projet de convention l Il était difficile à la Banque de se mêler d'une affaire qui revêtait un aspect de politique intérieure; toutefois, le comte de Germiny fit une démarche très habile auprès de l'ambassadeur russe à Paris, s'Ous prétexte de recommander à ~a bienveillance la maison Dutfoy qui avait pris des engagements envers la Banque 'de France. Les négociations reprirent aussitôt 'et aboutirent le 14 février, la Banque de r'État ru'ssc recevant la faculté de laisser 'en dépôt à la Banque de France et sansfTais, j'usqu'à la fin de l'année, l'argent obtenu en échan'ge de l'or. Cet or, .convoyé par des préposés de la Banque de l'État, 'arriva à Paris le lU mars -en cent 'Caisses représentant 31.U77.ÛÜ9 fres '85. L'opération fut terminée le 20 juin, la Banque de l'État ayant achevê de retirer à cette dnte l'lligentd-e son dépôt t qui servit à la fabrication Ide monnaie divisionnaire Tusse parIes Hôtels des lVIonnaies de Paris et de Strasbourg. L~ Banque de Fran'ce n'eut à supporter qu"une commission de 193.024 fres 90 au profit de la maison Dutfoy Kinen et Cu 1. L'encaisse ayant progresse pendant le cours de cette opèration (383.000.000 'fres en février, 395.000.000 fr~ -en mars, 377~OOO.~OO 1.. Il paraît -que le Gouver.neur .de la .Banque .de l'État. .baron de Stieglitz, .était le com -. manditaire de la maison WyncKcn & Co, correspondant de la mai~on Dutfoy IGnen & C!' à Saint ... Pétersbou.r.g.
LES CRISES DE 1860 A 1865
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fres en avril, 392.000.000 ircs en mai ; 412.000.000 fres ·en juin) tandis que le portefeuillediminu8it, le Conseil Général réduisit le taux de l'escompte à 6 p. 100, le 14 mars, et à 5 p. 100, le 21, alors que la Banque d'Angleterre pratiquait encore le taux ,de 7 p. 100. En août et en septembre 1861, la B9nque procéda encore à des échanges non négligeables, quoique de moindre importance. La circulation monétaire alimentée par la Banque Nationale de Turin se faisait presqu'exclusivement en or, et, comme les porteurs de ses billets venaient en grand nombre au remboursement, cette banque profitait de circonstances favorables pour tirer des espèces d'or des Succursales de la Banque de France. Toutefois, une Succursale ayant fourni à la Banque de Turin de fortes sommes en écus d'argent, le Directeur Général de cette banque remarqua que les demandes de remboursement étaient beaucoup moins nombreuses lorsqu'il les satisfaisait en argent, car il n'y avait plus alors de spéculation sur ce métal. L'idée lui vint ainsi de proposer à la Banque de France l'écl12nge d'espèces d'or contre des espèces d'argent. Ces écbanges portèrent sur 4.000.000 frcs à l\1arseille et sur 3.000.000 fres (à Lyon, sans doute) en août, et sur 2.000.000 frcs à l\1arseille, en septembre.
ÉCHANGE D'ESPÈCES AVEC LA BANQUE NATIONALE DE TURIN
Toutefois, malgré ces opérations auxiliaires et pal suite, notamment, d'une lnauvaise récolte, l'encaisse de la Banque diminua une fois encore de juin à octobre (382.000.000 fres en juillet, 394.000.000 frcs en août, 385.000.000 fres en septembre, 304.000.000 fres en octobre). Le 26 septembre, le Conseil crut nécessaire de donner un avertissement et éleva le taux de l'escompte à 5 1/2 p. 100. C'était, pour lui, « une question de principe, supérieure à toute autre considération ». L' (( avertissenlent » ne suffisant pas, le Conseil porta le taux d'intélêt à 6 p.. 100, I,e 1er octobre, en même temps qu'il réduisit la tIuotité des prêts sur titres (de 80 à 60 p. 100 pour les rentes; de 60 à 40 p. 100 pour les obligations de chemins de fer) et augmenta le taux des avances sur lingots.
NOUVELLES MESURES DE SAUVEGARDE
D'autre part, le Gouverneur prit l'initiative de plaeer en repart . 1.200.000 frcs de rentes, dont il escomptait une rentrée momentanée de 27.000.000 fres en billets ou en numéraire. Le comte de Germiny, alléguant l'exenlple de la Banque d'Angleterre, était même d'avis de vendre des rentes, sauf à les racheter plus tard, mais le Conseil Général ne s'y prêta pas. On observa que la Banque d'Angleterre était obligée, par ses statuts mêmes, de procéder ainsi pour maintenir un certain rapport entre sa circulation et son encaisse, ce qui permettait au public de prévoir les ventes. Les décisions de la Banque de France étant, au contraire. prises dans le secret, des ventes de rentes produiraient un effet de sUIprise pennanent et d'autant plus fort que la
VENTES DE RENTES
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LE SECOND EMPIRE
Bourse de Paris ne pouvait absolument pas être comparée, de ce point de vue, à la Bourse de Londres. Au surplus, si l'on entrait dans cette voie, il faudrait employer le procédé avec continuité et se décider à courir des risques, puisqu'il n'appartenait à personne d'émettre la prétention de se dégager à temps; or, la Banque de FIance ne s'était, par principe, jamais exposée à perdre. Enfin, disait le baron Alphon~,e de Rothschild, la Banque de France s'exposerait par cette conduite non seulement aux critiques mais aux soupçons) tandis que « si elle exerce une si gran.de influence, c'est qu'elle a toujours repoussé d'elle ce qui pouvait compromettre sa sagesse et sa prudence proverbiales... » Toutefois, le Conseil autorisa la vente des rentes placées en report, sur cette remarque du Gouverneur qu'elle aurait pour heureux effet, outre l'augmentation de l'encaisse ou la diminution de la circulation qui en résulterait, de rendre disponible un capital qu'on n'accusait que trop la Banque d'immobiliser. L'on montrerait, du même coup, que cette aliénation était possible. La vente de ces rentes rapporta 27.320.000 frcs. CRÉATION DE
60.000.000 DE FRANCS DE TRAITES SUR LONDRES
OFFRES D'ALLEMAGNE
Enfin, le Gouvernement de la Banque' eut l'idée de demander la création de 50.000.000 frcs de traites sur Londres au profit de la Banque de France, dont 25.000.000 frcs par l'entremise de la maison de Rothschild et 25.000.000 frcs par celles des maisons Hottinguer, Fould, Pillet-Will, Mallet et Durand. Ces traites sur les correspondants de Londres des dites maisons seraient remises à la Banque et vendues par elle pour l'acquittement des sommes que la France devait à l'Angleterre, à raison, notamment, des achats d'objets manufacturés résultant du traité de commerce de 1860. Cette circulation fixée à trois mois et renouvelable pour une même durée, reproduisait en sens inverse le précédent de 1839 : elle fut approuvée par le Conseil Général, le 7 octobre, et permit de modérer d'appréciable façon les mouvements de numéraire en ajournant le paiement effectif des dettes françaises. Tout au début de novembre, la Banque de France tira encore, par l'intermédiaire de la maison de Rothschild, 6.000.000 de florins en espèces de la Banque d'Amsterdam, mais repoussa les offres qui lui venaient d'Allemagne. L'une de ces offres, confirmée par une lettre écrite au Ministre des Finances, Fould, émanait de la maison Mendelson de Berlin. Cette maison, qui affirmait ignorer l'accueil que sa proposition recevrait, éventuellement, de la part de la Banque de Prusse, proposait à la Banque de France de se procurer des lingots ou de préférence des thalers à ladite Banque, en lui donnant en nantissement une somme correspondante en effets de commerce escomptés par elle et pris dans son portefeuille. Le comte de Germiny rejeta la proposition 'par une lettre fort courtoise, mais laconique. Toutefois, la véritable raison se
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trouve dans un projet de lettre qui ne fut pas envoyé et qui disait: « Si la théorie qui consiste à conseiller les prêts de numéraire de banque à banque a, au premier aspect, quelque chose de séduisant; au fond, elle produit une dette pour l'établissement qui emprunte, elle n'est que l'apparence et non la réalité de l'encaisse nécessaire, une fiction qui ajourne une difficulté, avantage éphémère, passager, qui enchaîne l'avenir, lorsque la plus essentielle condition de bien-être pour une banque de circulation est évidemment son indépendance ». Par cet ensemble de mesures concordantes, la Banque de France réussit enfin à délivrer son encaisse de l'emprise des facteurs appauvrissants et, le 22 novembre 1861, elle put réduire son taux d'escompte à 5 p. 100. Mais elle attribua exclusivement son succès à l'élévation du taux de l'escompte, « seul moyen pratique et éprouvé », « infaillible procédé 1 »
LE « PROCÉDÉ INFAILLIBLB »
Pendant la crise de 1860-1861, les escomptes s'étaient régulièrement développés, atteignant 4.974.000.000 frcs et 5.307.000.000 frcs respectivement, au cours de ces deux années. En 1862, on enregistra encore une nouvelle progression à 5.417.000.000 frcs et les dividendes suivirent une courbe parallèle: 140 frcs, 147 frcs, 158 frcs. L'année 1862 fut presque sans histoire 1Malgré le concours important donné par la Banque à l'État pour la conversion facultative de la rente 41 /2 p. 100 en rente 3 p. 100 1 ; l'escompte de 115.000.000 frcs environ de bons du Trésor, et des avances sur effets publics et sur valeurs de chemins de fer atteignant 443.000.000 frcs au cours des sept premiers mois, la situation de la Banque était restée constamment saine. La movenne de l'encaisse, oscillant autour de 370.000.000 frcs n'avait, à au~un moment, donné d'inquiétudes; le taux de l'escompte avait été abaissé par paliers à 3 1 /2 pour 100 2, maintenu à ce chiffre du 27 mars au 6 novembre, date à laquelle il avait été légèrenlent relevé de 0 frc 50 p. 100.
RÉSULTATS COAtIMERCIAU)(
L'année 1863 marqua le début d'une nouvelle crise, mais, cette fois, la crise monétaire s'accompagne d'une crise commerciale. Dès le 8 janvier, l'encaisse tombe à 254.000.000 frcs; comme la situation ne s'améliore pas spontanément, le 16, le Conseil Général 1. La rente 4 1/2 p. 100 était ellc-même le produit de la conversion du 5 p. 100 opérée en 1852. Le crédit applicable aux avances sur effets publics fut porté de 66.000.000 frcs à 166.000.000 frcs le 13 février 1862 et à 231.000.000 frcs le 4 nlars ; il fut abaissé à 150.000.000 frcs le 2 octobre, à 120.000.000 frcs le 19 février 1863 t à 100.000.000 frcs le 12 mars et de nouveau porté à 120.000.000 frcs le 4 juin. \ 2. 4 1/2 p. 100 le 21 janvier; 4 p. 100 le 6 février; 3 1/2 p. 100 le 27 mars. En même temps, le Conseil Général avait relevé le quotité des avances sur chemins de fer et sur effets publics à 60 et 80 p. 100 respectivement et abaissé à 2 p. 100 le taux des avances sur lingots. B.o\.NQUE DE FRA~CE.
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DE
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L.4. CRISE DB 1863 ,,4. 1865
PREMIÈRES MESURES DE DÉFENSE
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LE SECOND El\lPIRE
élève le taux de l'escompte à 5 p. lOQ. La réserve métallique se reconstitue alors rapidement et la Banque réduit le taux d'escompte au fur et à mesure de ses progrès à 4 1/2 p. 100, le 13 m~rs, puis à 4 p. 100,. le 27 mars. Malgré ces réductions, l'encaisse ne cesse de croître : il atteint 395.000.000 frcs, le 7 mai, et une nouvelle réduction à 3 1 f2 p. 100 accompagne le lendemain cet heureux résultat.. Au début de juin, avec l'encaisse à 407.000.. 000 fres, on peut croire l'alerte terminée lorsqu'une diminution brutale de 40.000.000 fres se 'produit dans la semaine : 9.000.000 frcs servent aux achats de soie; le surplus prend le chemin de l'Italie. Le Conseil Général, toujours calme, se contente de. relever le taux d'escompte de 0 fre 50, ce qui le porte, d'ailleurs., au niveau du taux de la Banque d'Angleterre. Le mouvement s'accélère sans arrêt au cours des semaines suivantes. : les prix haussent, le portefeuille se gonfle, la circulation atteint 800.000.000 frcs, le solde des comptes-courants dépasse 200.000.000 frcs et la Banque freine avec continuité. I..Je 3 septembre, le crédit affecté aux avances. sur effets publies est rêduit de. 120.000.000 frcs à 100.000.000 frcs; le 10 septembre, l'encaisse tombe à 316.000.000 frcs ;. le 8 octobre, à 272.000.000 fres: le Conseil porte alors le taux de l'escompte à 5 p. 100. L'épuisement de l'encaisse coïncide fâcheusement, comme on le verra bientôt, avec rafiaire. de la Banque de Savoie, et la campagne d'opinion qui s'ensuit paralyse certainement la Banque dans l'emploi des moyens efficaces. Cependant, la chute de rencaisse à 219.000.000 frcs le 5 novembre,. en face d'un passif de un milliard de fres, emporte l'élévation du taux de l'escompte à 6 p.. 100, le surlendemain, et à 7 p.. 100, le 13 novembre. AVANCE IJE 50.000.000 DE FRANCS AU TRÉSOR
Ces décisions, sans doute approuvées par le l\finistre des Finances, ne manquent cependant pas de l'inquiéter. Résolu à maintenir l'intérêt des bons du Trésor à 5 p. 100, il redoute que l'intérêt supérieur fixé par la Banque ne diminue la quantité des bons souscrits par le public. Pour parer aux effets de cette désaffection redoutable, le lVlinistre demande à la Banque une avance de 50.. 000rOOO frcs pour six mois, à partir du ter décembre, au taux de 5 p. 100, contre un dépôt de bons du Trés( r à trois mois renouvelables. Dans un moment où la Banque, attaquée sans mesure, trouve un concours efficace et un précieux réconfort auprès du Gouvernement, elle répond avec spontanéité à son appel.. I..Je Trésor prit 10.000.000 frcs, le 1er décembre; 15.000.000 frcs,. le 9, et 25.090.000 fres, le 2 janvier 1864; il remboursa 35.. 000.000frcs le 2 juin et le solde de 7 juillet 1. 1. La guerre du llexique avait été accompagnée d'un nouvel emprunt, le cinquième du règne, de 300.000.000 Ires.
LES CRISES DE 1860 A 1865
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Le montant des escomptes de 1863, dépassant tous les précédents, s'établit à 5.706.000.000 de frcs : le dividende fut de 16Q frcs. Le 21 janvier 1864, malgré l'élévation continue du taux de l'escompte pendant les huit mois précédents et 115.000.000 frcs d'achats de matières, l'encaisse tombe à 164.000.000 fres. Toutefois, cette date correspond à l'arrêt de la hausse des prix et au sommet de la crise. Le portefeuille, la circulation et les comptes-courants, qui atteignent aussi à cette date leur maximum avec 906.000.000 frcs, 818.000.000 frcs et 295.000.000 frcs, respectivement, se dégonflent, dès lors, rapidement. Le 24 mars, ils se retrouvent à 681.000.000 fres, 723.000.000 frcs et 171.000.000 frcs, tandis que l'encaisse double largement le cap des 200.000.000 frcs. Sensible aux plaintes des intéressés, la Banque réduit, à cette même date, le taux de l'escompte à 6 p. 100. La mesure peut paraître hardie mais le Conseil Général estime qu'il convient de soulager le commerce sans attendre, dès qu'on en voit la possibilité, quitte à puiser dans cette bienveillance une force morale plus grande pour agir avec indépendance et sans hésitation à l'avenir. Désormais, jusqu'à la fin de la crise, en juin 1865, les différents postes du bilan ne varient guère. L'amélioration de la situation générale de la Banque résulte du grossissement de l'encaisse, continu si l'on excepte un fléchissement passager d'une trentaine de millions pendant le cours du troisième trimestre. Cependant, la Banque de France crut devoir suivre, à peu de chose près, les variations de la Banque d'Angleterre ou répondre, avec énergie, aux manœuvres des changeurs. Indépendamment de réductions successives sur les crédits affectés aux avances, ces mèsures de défense se traduisirent par de très nombreuses variations du taux de l'escompte: 7 p. 100, le 6 mai 1 ; 8 p. 100, le 9 ; 7 p. 100, le 20 ; 6 p. 100, le 26 mai. Nouvelle hausse à 7 p. 100 le 9 septembre et à 8 p. 100 le 13 octobre, bientôt suivie de quatre réductions massives: 7 p. 100, le 3 novembre; 6 p. 100, le 24; 5 p. 100, le 8 décembre; 4 1 /2 p. 100 enfin, le 22 décembre, taux auquel s'achèvent les opérations de l'année. - Le taux des avances, constamment supérieur d'un point au taux de l'escompte, subit des réductions analogues 2. En cette fin d'année 1864, l'encaisse est remonté à 364.000.000 fres, soit 36,70 p. 100 du passif exigible. Les achats d'espèces ont atteint, il est vrai, 229.500.000 fres ayant coûté 720.000 frcs de primes, mais
te
1. Conseil Général se refusa. alors à graduer le taux des escomptes suivant la longueur des échéances. 2. Vers. le mois d'octobl'e 1864, le Gouvernement italien entreprit le retrait des monnaies d'argent des anciens États annexés à la suite de la guerre avec l'Autriche, en vue de les remplacer par des monnaies d'Of. Les espèces d'argent ainsi retirées de la circulation étaient achetées par des maisons françaises, converties en lingots, déposées à la Banque de France pour en envoyer la contre-valeur en or en Italie. Afin de contrecarrer cette spéculation, la Banque éleva de 1 à 3 p. 100, le 20 octobre, le taux des avances sur lingots.
Là RÉTABLISSEMENT DE 1864
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LE SECOND E!vIPIRE
ce sacrifice rehausse encore la valeur du résultat obtenu 1 D'autre part, le portefeuille est réduit à 566.000.000 frcs, 13 circulation à 721.000.000 frcs, les comptes-courants à 178.000.000 frcs. L'amélioration persiste les mois suivants. Après une légère régression au début de février 1865, l'encaisse monte à plus de 410.500.000 frcs en Inars et atteint 490.000.000 frcs le 12 juin, tandis que le taux de l'escompte est réduit par paliers à 4 p. 100, le 9 février; à 31/2 p. 100, le 9 mars; à 3 p. 100, le 1er juin. RÉSULTATS COMMER· ClAUX DE 1863-1864
Les années de crise ne ralentissent pas, au contraire, le mouvement des escomptes: 5.706.000.000 frcs, en 1863; 6.546.000.000 frcs en 1864, auxquels correspondent des dividendes de 165 frcs et de 200 frcs. D'aussi importantes opérations ne vont naturellement pas sans quelques pertes, d'autant plus que la proportion de rejet des demandes d'escompte, de 1857 à 1865, ne dépasse pas en moyenne 2 p. 100; mais les maisons françaises justifient dans l'ensemble, par leur conduite, leur loyauté proverbiale. De même, les maisons grecques de lVlarseille qui, débitrices de 27.500.000 frcs environ en 1861, avaient donné aussitôt les plus sérieuses garanties, remboursèrent complètement leurs dettes au cours des années suivantes.
SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE
On aurait d'ailleurs tort de voir dans la progression extraordinaire des escomptes de la Banque de France depuis le début du Second Empire le résultat des crises successives que nous avons étudiées. A peine si leur influence peut être décelée. La raison de ce prodigieux développement réside toute dans l'amélioration de l'outillage économique, l'allongement des voies ferrées, la création de compagnies de navigation maritime, les progrès du commerce et de l'industrie, les émissions diverses de valeurs mobilières, la multiplication des établissements de crédit, auxquels sont venus s'ajouter le Crédit Lyonnais, en 1863, et la Société Générale pour le développement du commerce et de l'industrie en France, en 1864. Les machines à vapeur ont quintuplé en nombre et. en puissance; le total des exportations et des importations réunies des dix dernières années atteint, respectivement, le double et le triple des deux décades antérieures, soit 4.500.000.000 de frcs par an, en moyenne, et près de 6.500.000.000 frcs pour les cinq dernières années. On calcule que vingt milliards de frcs de valeurs mobilières ont été émises sur le marché français. Enfin, la Banque de France a amélioré ses divers services et développé encore son rayonnement par la création des Succursales de Châlons-sur-Saône, d'Annonay, de Flers, le 25 juin 1860; de Nice, le Il août 1860 ; de Lons-le-Saulnier, le 30 novembre 1863.
CHAPITRE IV
LA RÉUNION DE LA BANQUE DE SAVOIE A LA BANQUE DE FRANCE ET
L'ENQUÊTE SUR LA BANQUE DE FRANCE
SITUATION JURIDIQUE DE LA BANQUE DE SAVOIE. SUPPLIQUE A NAPOLÉON III. DIFFÉRENCE ENTRE LA BANQUE DE FRANCE ET LA BANQUE DE SAVOIE. LES BATTERIES DE LA BANQUE DE SAVOIE. NOl\IINATION D'UNE COMMISSION DE CONCILIATION. LA BANQUE DE SAVOIE CONTRE LE PRIVILÈGE D'ÉMISSION. LES BATTERIES D'ÉMILE PÉREIRE. ACCORD DES DEUX BANQUES. L'AFFAIRE PÉREIRE-BANQUE DE SAVOIE. ROULAND, GOUVERNEUR. ABOUTISSEMENT DES ATTAQUES CONTRE LA BANQUE. L'ENQU~TE SUR LA CIRCULATION MONÉTAIRE ET FIDUCIAIRE. LE RÉQUISITOIRE. PLAIDOYER PRO-DO~10. TENDANCE DES DÉPOSITIONS. RÉSULTATS DE L'ENQU~TE. LE DÉCLIN DU SECOND ElVIPIRE. LE STOCK MÉTALLIQUE FRANÇAIS. CIRCONSTANCES NÉFASTES. RÉSULTATS COMMERCIAUX DE 18651869. - LA BANQUE ACHÈTE DES RENTES. - DERNIÈRE AVANCE AU TRÉSOR. LE DÉCRET DU 13 JANVIER 1869. PUISSANCE DE LA BANQUE DE FRANCE.
de la Savoie à la France fut, pour la Banque, la source de longues difficultés. La Commission instituée par les Gouvernements de France et de Sardaigne, conformément à l'article 4 du Traité de Turin, pour étudier - entre autres questions incidentes - la situation juridique de la Banque d'émission fonctionnant dans les territoires annexés, la définit en ces termes : « La Banque établie à Annecy continuera à jouir dans la Savoie des droits et privilèges qui lui ont été concédés, à la condition dé satisfaire à toutes les obligations qui lui ont été imposées 1 >).
L
'ANNEXION
1. Art. 6 de la Convention signée à Paris le 23 aotlt 1860, entre la France et la Sardaigne.
SITUATION JURIDIQUE DE LA BA.lVQUE DE SA.VOIE
294
LE SECOND El\tIPIRE
Au nombre de ces droits, celui d'émission créa une situation curieuse, puisque la Banque de France jouissait, depuis douze ans déjà, d'un privilège exclusif qui paraissait incompatible, en principe, avec les prérogatives de la Banque de Savoie. SUPPLIQUE A
NAPOL~ON 111
Lors du voyage de Napoléon III dans les pays annexés, en août 1860, le Conseil d'administration de la Banque de Savoie lui remit une supplique dont il y a lieu d'extraire les passages suivants, pour l'intelligence de ce chapitre. « Le Conseil d'adnlinistratioll... jaloux de remplir les obligations que lui imposent les fonctions qu'il tient de la confiance d'actionnaires dont les intérêts particuliers se confondent avec les intérêts généraux du pays, a l'honneur de présenter à Sa Majesté l'exposé rapide de la position particulière de cet établissement et de solliciter de- sa haute justice une décision souveraine qui soutienne ses droits et donne toute sécurité à leur existence. « La Banque de Savoie est une institution de crédit, une banque d'escompte, de dépôts et de circulation, établie sous la forme de société anonyme et dont la constitution est écrite dans la loi du 26 avri11851 et dans les· statuts y annexés. « Elle a le droit d'émettre des billets au porteur, sous l'obligation d'une réserve métallique du tiers. de la circulation et le cerclu des opérations dans lequel elle est autorisée à se mouvoir, est assez large pour lui avoir permis, dès son origine, de rendre d'importants services à l'Agriculture, au Commerce et à l'Industrie, tout en ayant préservé le pays d'une manière presque complète des émotions des crises financières qu'elle a traversées. « Constituée originairement avec deux sièges sociaux, l'un à Annecy, comme principal, et l'autre à Chambéry, comme succursale, elle a eu, dès le principe, le droit d'établir d'autres comptoirs dans les villes de la Savoie où elle le jugerait nécessaire, et la loi du 27 février 1856 lui a accordé l'importante faculté d,'établir d'autres succursales dans toutes les villes de l'Etat Sarde. Enfin, la Société, fondée pour le terme de trente années, peut perpétuer so'n existence par le seul fait de sa volonté et conserver la jouissance du privilège qui lui a été accordé sans limitation dans sa durée; son. capital porté actuellement à 4.000.000 fres peut être indéfiniment auglnenté suivant les exigences du développement de ses opérations ..• « La Banque de Savoie se trouvait à la veille de recueillir les nombreux avantages et les bénéfices importants que lui ouvrait la haute fortune à laquelle le Piémont était arrivé, grâce au puissant appui de Votre Majesté. « Aujourd'hui, sa circulation a complètement cessé au-delà des Alpes et le monde financier aussi bien que ses correspondants vont même jusqu'à émettre des doutes sur la sécurité de son avenir. « Le Conseil d'administration repousse énergiquemènt la pensée d'un amoindrissement de la Banque par le fait de l'annexion de la Savoie à la France; il croit, au contraire, que la position de cet établissement doit avoir grandi de toute la. supériorité d'importance sur le Piémont, (f
L'AFFAIRE DE LA BANQUE DE SAVOIE
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puisque la Savoie fait aujourd'hui à jamais partie intégrante de la France. « Le Conseil d'Administration vient donc avec une ent.ière confiance prier Sa Majesté de vouloir bien sanctionner par une disposition souveraine les droits acquis à la Banque de Savoie et rassurer ainsi tous lèS intérêts alarmés... »
La supplique, signée du Président du Conseil d'administration, RuphYI et de neuf administrateurs fut aussitôt communiquée au Gouverneur de la Banque de France par le Ministre des Finances, l\tlagne. Le Conseil Général de la Banque fut ainsi amené à examiner si l'émission de papier circulant par la Banque de Savoie était compatible avec son propre privilège, et à se demander si 1\/1. Ruphy et son Conseil ne poursuivaient pas la réunion des deux banques à des conditions onéreuses pour la Banque de France. D'informations concordantes, il résulta que les opérations des deux instituts d'émission différaient sensiblement : la Banque de Savoie escomptait le papier à deux signatures, accordait des prêts aux communes, des crédits sur hypothèques, etc... ; enfin, elle avait abaissé à 20 frcs la moindre coupure de ses billets. Pour ces raisons, la Banque de France jugea qu'une réunion à la Banque de' Savoie n'était ni facilement réalisable, ni souhaitable. Quant à la situation juridique, telle qu'elle résultait de la convention du 23 août, elle semblait fort simple. « La Banque de Savoie, écrivait le comte de Germiny à l\fagne, devient ce que les Banques départementales étaient à la Banque de - France avant leur fusion. Elle peut continuer ses opérations, nous ne pensons pas qu'il y ait de décision exceptionnelle à prendre à cet ·égard ». La Banque, ajoutait-il, ne peut la considérer que comme un établissement voisin, comme la Banque d'Algérie, par exemple, et entretenir avec elle des rapports de bon voisinage. La lettre du Gouverneur eut pour effet d'amener la Banque de 'Savoie à démasquer ses batteries. Au début de novembre, en effet, elle remit au 1Vlinistre des Finances' deux mémoires, dont l'un. de Dufaure, qui tendaient à réclamer la fusion des ueux établissements et à démontrer que cette fusion devait s'opérer au pair, bien que la différence de cours des actions approchât de 2.000 frcs. - Comme le Gouvernement paraissait partisan de la fusion, la Banque de France se prêta à une conférence avec les représentants de la Banque de Savoie, mais subordonna sa décision aux résultats d'une enquête .sur place. Cette enquête, confiée à l'Inspecteur des Succursales, avait notamment pour but d'examiner la composition du portefeuille de la Banque de Savoie et ses différentes opérations. Elle amena :rvl. Schneider,
DIFFÉRENCE ENTRE LA BANQUE DE FRANCB ET LA BANQUE
DE SAVOIE
LES BAT1'ERIE3 DE LA BANQUE DE SAVOIE
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LE SECOND El\1PIRE
rapporteur du Comité des livres au Conseil Général, à conclure que la différence des principes régissant les deux instituts déconseillait à elle seule une fusion qui aurait, en outre, pour inconvénients, de frustrer la Savoie des facilités de crédit que sa Banque avait pu légalement lui accorder mais que la Banque de France ne pourrait lui continuer. Par contre, comme la Banque désirait étendre sa circulation à· la Savoie, tout en évitant les inconvénients qui pourraient ,résulter de la coexistence de deux billets, le Conseil Génér~l se déclara prêt à indemniser la Banque de Savoie si elle renonçait à son droit d'énlission. Les négociations se poursuivirent sans résultat, sous l'œil paterne du Gouvernement, jusqu'au 31 mai 1861, date à laquelle la Banque de Savoie fit des propositions concrètes. Elle demanda le maintien de l'état de choses en vigueur, avec l'autorisation d'établir deux succursales, l'une à Lyon et l'autre à Paris ou, à défaut, la réunion des deux établissements, moyennant l'échange de 4.000 actions de la Banque de France contre 4.000 actions de la Banque de Savoie et à charge par celle-ci de verser à la Banque de France une somme de 400.000 frcs correspondant à la part proportionnelle de la réserve de la Banque de France. Enfin, prévoyant le cas où ces deux solutions seraient également rejetées, la Banque de Savoie envisagea le rachat de son privilège, tel qu'il est exercé en Savoie et (< tel qu'il pourrait l'être dans toute l'étendue de l'Empire français, sans la préexistence du privilège de la Banque de France )}, en suivant l'évaluation qui en serait faite par des arbitres régulièrement constitués. Cependant, la Banque de Savoie fixait, à titre indicatif, le chiffre de 8.000.000 frcs 1 l\T01Hll\' A. T ION D ' VJ\TE COJ\ll\IISSION DE COl\'CILIATIO."J
Ces propositions constituant un excellent terrain de discussion, le Conseil Général soumit au Ministre des Finances l'idée de nommer une commission pour étudier les problèmes soulevés par la Banque de Savoie. Le Ministre accepta et la commission c.ommença à fonctionner vers la mi-juillet, sous la présidence de M. Vuitry, Président de la section des Finances au Conseil d'État, futur gouverneur de la Banque de France. Le rapport rédigé au nom de la commission remarque, d'abord, que la loi qui a autorisé la Banque de Savoie ne lui a accordé aucun monopole, « qu'il ne peut donc (en) résulter pour elle aucun dloit à une indemnité quelconque et qu'elle a seulement des titres incontestables à la sympathie et au bienveillant intérêt du Gouvernement )}. Au regard de la commission, il n'existe aucune similitude entre les deux établissements, la Banque de Savoie effectuant des opérations divisées à Paris entre plusieurs grandes sociétés financières telles que la Banque de France, le Crédit Foncier, le Crédit Mobilier, le Comptoird'Escompte, le Crédit Commercial et Industriel.
L'AFFAIRE DE LA BANQUE DE SAVOIE
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Se plaçant ensuite au point de vue de l'intérêt public, la commission juge que la fusion n'est pas désirable, car elle aurait pour conséquence (t de substituer à la Banque établie aujourd'hui à Annecy et à sa succursale de Chambéry, une ou deux Succursales de la Banque de France et de priver ainsi les deux départements de la Savoie et de la Haute-Savoie des secours plus variés et d'autre nature que la Banque de Savoie y rend au Commerce, à l'Industrie, à l'Agriculture. >) C'était l'argument que la Banque de France avait déjà fait valoir, en son temps, contre la réunion. La première proposition de la Banque de Savoie n'ayant pas été prise en considération et la seconde étant écartée, restait le projet de rachat du privilège de la Banque de Savoie. La commission s'en déclara partisan et calcula l'indemnité correspondante à 1.200.000 frcs, soit que cette somme venant en augmentation du capital de la Banque de Savoie lui permît de réaliser des bénéfices égaux à ceux qu'elle pouvait espérer avant l'annexion; soit que, venant en augmentation d'un actif net de 4.000.000 de frcs, elle permît, dans le cas où la Banque préfèrerait se liquider, de rembourser les actions à raison de 1.300 frcs, somme supérieure au cours le plus élevé atteint avant la Réunion. Forts mécontents des conclusions de la Commission, les représentants de la Banque de Savoie se retirèrent dans leur fief en manifestant l'intention de continuer purement et simplement les affaires de la Banque, « telles qu'ils les avaient faites jusqu'ici » ; mais, vers la mi-novembre 1861, les banquiers savoyards changèrent complètement de tactique. Une note imprimée à la suite du compte-rendu des opérations pour le premier semestre de 1861 établissait, en effet, comme un droit, que la Banque de Savoie pouvait, même dans les villes où la Banque de France possédait des Succursales, instituer des correspondants chargés d'y accomplir toutes les opérations st~tu taires et d'y remettre, en paiement, des billets de la Banque de Savoie. Le Gouverneur de la Banque de France protesta naturellement contre cette prétention et sollicita l'appui du Ministre des Finances, «( protecteur naturel de la Banque >). Que fit le lVlinistre? Faut-il attribuer à son intervention le silence prudent de la Banque de Savoie pendant deux années ? N'est-il pas plutôt vraisemblable que ce long intervalle fut mis à profit pour mûrir le plan hardi qu'il nous reste maintenant à dévoiler, tout en prép2rant les voies par une savante campagne de presse et d'opinion? Le 4 octobre 1863, j our de 1'3 sselnblée générale des actionnaires, la Banque de Savoie réédite la prétention de procéder à une émission généralisée de ses billets dans tout l'Empire. Le Commissaire du Gouvernement, présent, réserve expressément les droits qui appartiennent aux Pouvoirs publics de ratifier ou de ne pas ratifier les résolutions prises par l'assemblée, et comme celle-ci passe outre, il réitère sa protestation contre toute exécution, même partielle, des résolu-
LA. BANQUE DE SAVOIE CONTRE LE PRIVILÈGE D'ÉMISSION
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LE SECOND El\IPIRE
tions adoptées avant qu'elles n'aient été ratifiées par le Gouvernement. La réplique gouvernementale ne se fait pas davantage attendre ! Le Ministre des Finances avise aussitôt le Président du Conseil d'administration de la Banque de Savoie que le Gouvernement s'oppose à la mise à exécution des résolutions prises par l'assemblée générale des actionnaires du 4 octobre, en ce qu'elles sont contraires à la loi organique de la Banque de Savoie, aux clauses du traité entre la France et l'Italie, et en opposition formelle avec le privilège établi par la loi en f2veur de la Banque de France. - Toutefois, en vue de prévenir les combinaisons qui pourraient être tentées pour troubler en France le régime de la circulation fiduciaire, le Ministre prie la Banque de France d'examiner à nouveau les bases d'une transaction équitable. LES BATTERIEB D'ÉMILE PÉRElRE
La Banque de Savoie était, comme bien on pense, une trop petite personne pour avoir conçu seule un tel projet et pour l'afficher avec cette audace qui dénotait une puissance financière considérable, la puissance d'Émile Péreire t A la suite de tractations dont l'origine remontait au moins à l'été de 1861, Émile Pereire avait réussi à conclure avec la Banque de Savoie, le 18 septembre 1863, un traité aux termes duquel cet établissement s'engageait à porter son capital de 4.000.000 frcs à 40.000.000 frcs. Pereire s'engageait, en retour, à souscrire les 36.000 actions nouvelles de 1.000 fres, à un prix et sous des conditions déterminées. L'opération, complètement disproportionnée avec les besoins de la Savoie, ne s'expliquait que par l'espoir d'étendre le privilège d'émission de la Banque de Savoie à l'Empire entier, concurremment avec celui de la Banque de France, sauf à démontrer plus tard, et la campagne d'opinion signalée à plusieurs reprises n'avait sans doute pas d'autre but, que la Banque de France était indigne d'obtenir le renouvellement de son privilège par l'usage qu'elle en faisait 1 Émile Pereire ne se laissa ni influencer ni abattre par le veto gouvernemental. Le 27 novembre, il adressa effectivement au Ministre un long mémoire dens lequel, après avoir examiné les fondements de l'opposition faite à l'exécution des résolutions de l'assemblée générale du 4 octobre, il maintint ce qu'il disait être {( le droit et la légalité des votes de cette assemblée )}. Le Ministre prit la peine de faire savoir à Émile Pereire que la décision du Gouvernement ne saurait être rapportée, et, par ce nouvel avertissement, jeta sans doute le trouble dans l'esprit des adlninistrateurs de la Banque de Savoie car, le 7 mars, le Président du Conseil d'administrati~n, Ruphy, faisait appel à la scllicitude du Gouvernement aux fins d'obtenir de la Banque de France des conditions équitables, en échange de l'abandon du droit d'émission, Bien que nous soyons réduits à des suppositions, jlest vraisemblable "que le Conseil d'Administration de la Banque de Savoie s'était laissé
L'AFFAIRE DE LA BANQUE DE SAVOIE
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arracher la signature du traité Pereire dans un moment d'abandon ·et d'insuffisante réflexion, faute de quoi il aurait montré plus d'attachement à la réalisation d'un aussi magnifique projet. Mais, du moment ·que ce traité était signé et bien que les avertissements réïtérés du Gouvernement lui laissassent peu d'espoir, le Conseil ne voulait pas -en provoquer la résiliation sans avoir acquis, au préalable, la certitude d'aboutir avantageusement avec la Banque de France. Vuitry, qui avait été nommé Gouverneur de la Banque le 15 mai 1863, saisit avec empressement l'offre du 7 mars et chargea lVI. d'Artigues, ·délégué par le Ministre des Finances en qualité de Commissaire du Gouvernement auprès de la Banque de Savoie, de négocier une transaction sur la base d'une indemnité de 2.000.000 fres. l\lais l'affaire s'ébruita, d'Artigues rencontra une opposition insurmontable, et Ruphy, qui avait agi sans se faire approuver par son Conseil, fut.amené à retirer sa proposition sur la menace de Pereire de pour-suivre l'exécution du traité du 18 septembre 1863 par la voie judiciaire. Ce traité ayant fa.it, peu après, l'objet d'une discussion au Sénat, Rouher fut amené à déclarer qu'il ne serait jamais approuvé et cette retentissante affirmation, confirmée par le ton du débat, emporta les derniers espoirs savoyards. Le 6 juillet, Ruphy déclare que son Conseil est prêt à tenter un .arrangement définitif moyennant une indemnité de 4.000.000 frcs. Le 12, se rendant compte que le différend avec la Banque de Savoie est devenue l'occasion d'une polémique ardente entre deux principes -opposés, le principe de l'unité de banque et du Dlonopole de la circulation fiduciaire, d'une. part, le principe de la pluralité des banques, de l'autre; considérant qu'un arrangement amiable otIre non seulement un intérêt pour la Banque, mais aussi un intérêt public; tenant ·compte enfin des bénéfices exceptionnels de l'année (le dividende de 200 fres), la Banque de France décide d'effectuer le rachat pour la somme de 4.000.000 de fres. Il est curieux de noter que l'une des conditions accessoires posées par le Conseil Général fût que la Banque de Savoie serait libre d'adopter . toute dénomination nouvelle autre que celle de « banque », vocable qui, à l'époque, reste encore exclusivement réservé à la Banque de France. Peu de jours après, le 31 juillet 1864, une assemblée générale des .actionnaires de la Banque de Savoie où 3..055 actions sur 4.000 étaient représentées, conféra au Président Ruphy les pouvoirs les plus étendus pour traiter « moyennant la somme de 4.000.000 fres et l'établissement de deux Succursales (de la Banque) l'une à Annecy, l'autre à ·Chambéry, sous la réserve que la Banque de Savoie sera dégagée préalablement_vis-à-vis de M. Pereire ».
..4.CCORD DE8 DEUX BANQUES
300 L'AFFA.IRE PÉREIRE. BANQUE DE SAVOIE
LE SECOND ElVIPIRE
Celui-ci assigna, dès le début du mois d'août, la Banque de Savoie pour avoir à exécuter son traité et la Banque de Savoie, de son côté t l'assigna en résiliation de contrat, pour cause de force majeure. L'affaire vint à l'audience du Tribunal dès le 12 août. Émile Pereire qui, après avoir évoqué des « cas de nullité » écartés par le Tribunal, avait échoué dans une demande de délai, fut condamné par défaut, ce qui ne l'empêcha pas de faire opposition et de chercher à provoquer une nouvelle assemblée des actionnaires de la Banque de Savoie, afin d'en obtenir la révocation des pouvoirs donnés à Ruphy. Cette activité redoutable scella l'accord définitif des deux établissements qui se lièrent par traité, le 19 novembre 1864, sous ré.serveque ce traité ne deviendrait exécutoire qu'autant que la Banque de Savoie serait dégagée vis-à-vis de Pereire. Lorsque l'affaire Pereire-Banque de Savoie revint devant le Tribunal de première instance, elle occupa quatre audiences (23 novembre, 1er, 8 et 14 décembre 1864) qui se terrninèrent par la confirmation de la condamnation, attendu que la décision émanée du J.\ilinistre « qui a le droit de surveillance et de contrôle sur tous les actes de sociétés anonymes et qui, d'ailleurs, n'est attaquée par aucune des parties dont elle lèse les intérêts, constitue un fait du Prince qui autorise les administrateurs de la Banque de Savoie à demander la résiliation du contrat sans dommages et intérêts... ete... » Or, malgré les apparences, cette affaire réservait encore bien des surprises. - Vers la fin de décembre 1864, les pouvoirs de l'ancien Conseil d'administration étant expirés, un nouveau Conseil se présenta d'une manière irrégulière, et comme le Gouvernement croyait à l'existence de graves abus~ il plaça la Banque de Savoie sous le sequestre de l'État. Pour éviter les elnba.rras qui pouvaient résulter des demandes de remboursement de la part des porteurs inquiets, la Banque de France mit à la disposition de l'Administrateur du sequestre ses propres billets et le numé,raire néc'essaires. Peu après, les abus redoutés furent mis en évidence au point que le Ministère public ordonna l'arrestation de l'un des directeurs de la Banque de Savoie et requit une instruction judiciaire dont la lumière « en éclairant la situation, (prépara) un retour favorable à la Banque de France )}. Enfin, le 1er mars 1865, les délais d'appel n'ayant pas été mis à profit par Émile Pereire, le jugement devint définitif et le traité entre la Banque de France- et la Banque de Savoie exécutoire 1. Un décret du 8 -avril 1865 autorisa, d'autre part, la création de deux Succursales à Annecy et à Chambéry 2. 1. Le 19 mars 1865, l'assemblée générale des actionnaires de la Banque de Savoie en prononça la liquidation, émit le vœu qu'elle fftt faite par la même main qui avait administré le séquestre et délégua tous ses pouvoirs à un comité de surveillance chargé de s'entendre avec les liquidateurs. 2. L'indemnité de 4.000.000 frcs fut entièrement prélevée sUr une partie des réserves. correspondant aux années 1861-1862.
L'ENQUÊTE SUR
LA
BANQUE
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Ainsi s'acheva, à la confusion et au détriment de leurs auteurs, la seule entreprise qui fut jamais tentée, par des voies détournées, pour ravir à la Banque de France son privilège légal. Le passage de Vuitry au Gouvernement de la Banque de France fut bref puisqu'il fut remplacé, dès le 28 septembre 1864, par Rouland, homme énergique, méthodique et grand travailleur, dont les événements devaient donner la mesure. .
ROULAND, GOUVERNEUR
Les attaques contre la Banque de France paraissaient provenir de sources différentes : commerce et industrie, presse, groupe d'économistes. En fait, et dès avant 1860, ces sources étaient sans doute alimentées par une même nappe souterraine, produit de rivalités bancaires! Quoi qu'il en soit, la campagne attint son paroxysme lors de la signature du traité entre la Banque de Savoie et la Banque de France, époque à laquelle on alla jusqu'à réclamer ouvertement une enquête « contre la Banque )}. Le Conseil Général, malgré son aversion traditionnelle pour les polémiques et son dédain des armes adverses, ne pouvait cependant pas consentir plus longtemps à prendre visage d'accusé, alors qu'il avait conscience d'avoir rempli tout son devoir dans les circonstances difficiles ou tragiques que le pays avait, tour à tour, traversées. Puisqu'on réclamait une enquête, non seulement il ne s'y opposerait pas, mais il engagerait même son autorité pour l'obtenir; à une condition, toutefois, c'est que cette enquête n'aurait pas pour seul but de justifier la Banque, mais qu'elle servirait en même temps, de « moyen d'instruction pour tous », par la recherche « sérieuse et complète des faits qui peuvent expliquer la plus grande fréquence des crises commerciales .et monétaires ».
ABOUTIS· SEMENT DES ATTAQUES CONTRE Li! BANQUE
Napoléon III, faisant droit aux demandes de la Banque, chargea le Conseil Supérieur du Commerce, de 1'.A.griculture et de l'Industrie de procéder à une large enquête sur la circulation monétaire et fiduciaire. Le Conseil tint sa première séance le 7 février 1865; le 15 mars, il avait déjà recueilli sur la Banque de France trente brochures émanant de vingt-cinq auteurs' et offrant trente-cinq systèmes différents. Citons parmi ceux-ci : « Transport )} de la banque et de la finance « sur un terrain vierge et ferme »; pluralité ou dualité des banques d'émission; création d'un comptoir dans chaque arrondissement et groupement de tous ces comptoirs autour de huit à dix « Banques mères »; fusion de la Banque de France et du Crédit Foncier; émission de la monnaie fiduciaire par l'État; limitation des opérations de la Banque à l'émission et à l'escompte; interdiction des avances sur titres; escompte inva-
L'ENQuETE SUR LA CIRCULATION A10NÉTAIRE ET FIDUCIAIRB
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LE SECOND EMPIRE
riable à 2 p. 100 au profit des présentateurs qui accepteraient des « billets de circulation » non remboursables en espèces; faculté de pratiquer des taux d'escompte différents suivant la nature et la qualité du papier; limitation de l'escompte au taux maximum de 4 p. 100; substitution de billets à échéance fixe aux billets à vue pour les cou-pures inférieures à 100 frcs; faculté pour la Banque d'ajourner à trois mois le remboursement de ses billets, à charge d'en payer l'intérêt à raison de 5 p. 100 l'an; faculté de remboursement des billets au cours du"jour, déterminé par un marché ayant son siège à la Banquemême; création de billets « à lots » ou « à prime » pour combattre la diminution de la réserve; réalisation obligatoire des rentes appar-tenant à la Banque; utilisation d'une partie des bénéfices à l'amortissement de la dette publique. Cette suggestivè énumération valait d'être faite! LE RÉQUISITOIRE
Le réquisitoire attendu, raison d'être de l'enquête et centre du débat~ fut la déposition d'Émile Péreire. Un résumé suffira à en indiquer l'importance et les tendances. Ce grand adversaire de la Banque de France demande : lOQue le capital de la Banque soit rendu disponible par la réalisation des rentes lui appartenant et par le remboursement des sommes prêtées à l'État, sauf à stipuler un dédommagement au profit de ce dernier pour l'abandon de cette facilité de crédit; 2° Que ce capital puisse être élevé, suivant le développement des besoins du commerce et de l'industrie, et que, dans ce but, la Banquepuisse émettre, à son choix, des actions ou des obligations ; 3° Que la Banque soit tenue d'avoir un encaisse suffisant pour·assurer le remboursCluent constant de ses billets, ce qui ne peut être obtenu que par la réalisation de son capital ou par l'élévation de ce capital au niveau d~ ses besoins, et non par la ha~'sse de l'escompte; qu'on renonce, par conséquent, à la doctrine de la défense de l'encaisse; 4° Qu'un maximUln d'intérêt de 4 p. 100 soit imposé à la Banque et que ce maximiln puisse être abaissé à c~rtaines époques; que la Banquesoit libre d'abaisser son taux d' escompte~ mais qu'elle ne puisse pas le relever sans autorisation du Gouvernement; 5° Qu'elle renonce à prêter sur linge ts, cette opéra:ion lui étant plutôt préjudiciable qu'utile, et employant, sans grand profit, un capital' qui pourrait trouver un emploi beaucoup plus avantageux pour elle et pour le public; 6° Que la Banque prê:e aussi largement sur L"s fonds publics et autresvaleurs que sur les effets de commerce; 7° Qu'elle ait un taux de faveur pour les grands établissements de crédit, les banques de dépôt, comptoirs d'escompte, afin de se créerdes intermédiaires auprès du commerce, de diminuer ainsi ses risquesen augmentant la matière escomptable, et de se constituer, par rapport à ces intermédiaires, à l'état de b,anque centrale d'émission; d'hôtel~ de la monnaie fiduci~ire.
L'ENQUÊTE SUR LA BANQUE
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A ces conditions mais à ces conditions seulement, ajoutait Émile Pêreire - qui les savait inacceptables pour la Banque de France on pourrait ajourner les projets relatifs à la création de nouvelles banques. La déposition de la Banque de France occupa les séances des 5 et 19 décembre 1865. Sa délégation 'avait été intentionnellement composée avec les deux éléments qui constituent l'ensemble de son Gouvernement, le Gouverneur et un représentant du Conseil Général. Bien que le Gou'Terneur et le Conseil fussent dans une communauté complète d'idées, de vues et d'opinions, ils avaient en effet « les uns ct les autre~, suivant leur expression, des devoirs spéciaux, une indé.. pendance complète, une situation respective et distincte qu'il ne faut jamais perdre de vue ». Rouland déclara d'abord au Conseil que cette comparution, provoquée· par la Banque, « n'implique aucune adhésion ni implicite ni explicite aux prétentions de ceux qui voudraient altérer, modifier ou révoquer ce qu'il y a de fondamental dans les lois qui ont institué et développé la Banque de France... » « On la signale, dit-il, comme incapable de remplir ses devoirs ou comme se refusant obstinément à les remplir, parce qu'elle est dominée p3r une préoccupation personnelle, par la soif des dividendes élevés ». On lui reproche, simultanément, de faire des avances sur titres ou sur lingots et de n'en pas faire assez, d.'immobiliser son capital en rentes, de « fabriquer les crises » (·u, tout PU nloins, de se montrer incapable de les diriger et de les dominer. Puis, le Gouverneur trancha d'un mot qu'il était indispensable de prononcer, bien. qu'il fût sur beaucoup de lèvres: « Nous ne sommes plus bons à ,rien depuis que nous avons repoussé la rivalité de la Banque de Savoie; nous sommes coupables de tout le mal, de toutes les ruines. Le public a été saturé de ces accusations et, en vérité, la Banque de France est bien une accusée 1 » On s'efforce, ajoutait Rouland, de faire croire communément que la Banque de France est absolument libre de ses actes, alors que son fonctionnement résulte de la loi; que, « si elle a tort de faire telle ou telle opération, c'est que la loi lui en impose le devoir; que, si elle a tort de faire telle ou telle chose, c'est parce que la loi ne lui permet pas de ne pas le faire ». Pouvait-on redouter, d'autre part, que la Banque fût à la merci d'un homme, à la remorque d'une coterie? La composition du Conseil, dans lequel « l'État entre avec toute sa force, avec toute sa surveillance », dans lequel le Gouverneur a le droit de dire (< veto », du Conseil dont cinq membres sont obligatoirement pris parmi les. commerçants et les industriels et trois parmi les Receveurs généraux, ne le permettrait pas. « Dans une pareille assemblée, les intérêts particuliers se dessineraient du premier coup et nul n'aurait la puissance ni d'aveu..
PLAIDOYER PRO DOMO
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LE SECOND EMPIRE
gler, ni de dominer les autres... Ni en France, ni en Europe, il n'y a une compagnie financière constituée avec de telles garanties, avec une pareille certitude du bien ». Le Gouverneur de la Banque se livra ensuite à une lumineuse démonstration du mécanisme de l'escompte et de la solid2rité internationale qui résultait de circonstances économiques toutes nouvelles. « S'il y a en Angleterre, en Allemagne, en Amérique, ailleurs, partout oit vous commercez; s'il y a - et il y en a toujours - des paniques, des révolutions, des difficultés, des souffrances, il faut bien que vous en preniez votre part, car lorsqu'on commerce avec un pays, il est bien naturel que cette communauté qui s'établit entraîne au moins l'établissement d'une solidarité quelconque }). La « dévoration » du capital disponible, des épargnes, semblait tout aussi naturelle à Rouland. « De tous côtés, expliquait-il, il se fait une concurrence énorme pour obtenir le capital, tout le monde le demande; les États qui empruntent, les villes qui construisent, les sociétés qui spéculent, la Bourse qui joue, l'industrie qui fabrique, l'agriculture qui produit, le commerce qui trafique ». Après avoir énuméré et chiffré à vingt-trois milliards environ les placements effectués en France de 1852 à 1865 1, le Gouverneur Rouland était certes qualifié pour demander aux enquêteurs s'ils trouvaient curieux que l'argent fût plus demandé, plus recherché, plus cher. , En définitive, que reprochait-on à la Banque? De ne pas consacrer la plus grande partie de ses ressources à des avances « qui profiteraient surtout aux hardiesses périlleuses de la spéculation ». Et Rouland concluait : « La Banque n'a-t-elle donc pas réalisé une grande et magnifique tâche? N'a-t-elle pas fondé le crédit commercial sur des bases inébranlables? Sa réputation, sa solidité, son honorabilité ne sont-elles pas reconnues dans le monde entier? A mesure que les besoins et les affaires du commerce ont grandi, nous avons agrandi nous-mêmes, sans bruit et sans effort, le cercle de nos opérations et de notre concours. Nous avons su résister à toutes les crises, à toutes les catastrophes et nous avons pu, aux heures difficiles, contribuer énergiquement au salut de notre pays. Puisqu'on nous accable d'accusations, qu'on nous permette donc de nous défendre, de relever la tête et de nous prévaloir des titres qui font la gloire et la force du premier établissement de crédit du monde 1 » 1. Selon Rouland, ces placements se déeornposaient ainsi: Augmentation de la Dette publique de 1852 à 1865 •.•.•• Sous forme d'obligàtions trentenaires, etc...•.....••...• Cllemins de fer ...•...•...........•......••••..•.•••• Obligations du Crédit Foncier ..................•••••.• Fonds d'États étrangers (admis à la négociation) •.•...•• Sociétés étrallgères •..•••.•...•.....•...........•••..• Sociétés françaises ........•.......•..........•.•....•
2.324.300. 000 fres 723.000.000 3.047.300.000 4.936.103.000 800.000.000 4.250.000.000 4.845.000.000 5.000.000.000 22.878.403.000
L'ENQU~TE
SUR LA BANQUE
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M. de Waru,~prenant ensuite la parole, s'attacha à établir la justesse de certains principes fondamentaux, à savoir: Le capital de la Banque de France n'est qu'une garantie; La convertibilité du billet doit demeurer assurée; par conséquent, « la Banque est absolument obligée de défendre son encaisse métallique toutes les fois qu'elle le voit diminuer rapidement et tomber au-dessous d'un certain niveau >). Pour cela, {( la hausse du taux de l'intérêt... est le seul (moyen) naturel et vrai et... son efficacité, en même temps qu'elle est certaine est aussi la plus salutaire >). La Banque ne peut garantir un intérêt fixe et modéré, car « le taux de l'intérêt est comme un flotteur qui doit rester toujours au niveau de l'eau >). C'est M. de Waru, enfin, qui, avec infiniment d'à-propos et une parfaite connaissance des questions bancaires alliée à une doctrine éprouvée, assuma la lourde tâche de répondre aux questions posées à la délégation de la Banque de France, questions qui émanaient d'ailleurs presque toutes du sénateur-économiste -membre de l'Institut - opposant de principe, Michel Chevalier. Un autre fait saillant de l'enquête fut la déposition de Thiers (27 juillet 1866), qui s'attacha notamment à démontrer les immenses services que la constitution de la Banque lui avait déjà permis et lui permettrait encore de rendre à l'État. Le cadre de cet ouvrage ne permet pas d'entrer dans le détail des interminables dépositions que motiva l'enquête et dont l'intérêt a été généralement surfait. Indiquons, toutefois, parmi les principales questions traitées : les crises monétaires, la limite d'émission, les mouvements du numéraire, les conditions d'une bonne monnaie fiduciaire, le taux de l'escompte, les avantages et inconvénients d'une banque d'émission unique ou d'établissements multiples, le régime des sociétés de crédit, la cotation des valeurs étrangères à la Bourse de Paris, etc... En ce qui concerne particulièrement la Banque de France, l'immense majorité des déposants rendit justice à son œuvre, à l'habileté et à la sagesse de son administration, à la confiance parfaite dont elle est digne et dont elle jouit, à l' « infaillibilité » presque absolue de son papier, perfection suprême de la monnaie fiduciaire. Les observations présentées par les déposants visaient donc plutôt à améliorer encore le régime de la Banque. La question la plus discutée fut celle de l'importance et de l'emploi du capital de la Banque. Devait-il être une garantie ou un moyen d'action? Les dépositions ne présentèrent à l'appui d'aucune des deux opinions la présomption d'une majorité caractérisée. - Deux tendances se manifestèrent également au sujet des prêts sur titres; la majorité les dénonça cependant comme favorisant plus la spéculaBA.NQUE DE FI\\NCE.
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TENDANCE DES DÉPOSITIONS
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tion que le commerce réel et comme d'un recouvrement difficile dans les moments de crise. Elle conseilla leur restriction. Les déposants préconisèrent encore l'établissement d'une Succursale par département, le réescompte du portefeuille, l'émission d'obligations portant intérêt et l'octroi d'un intérêt pour les dépôts en compte-courant. Ils s'appuyaient sur ce principe qu'il n'était pas étonnant que la Banque manquât parfois d'argent puisqu'elle le vendait sans le payer, tandis que si elle consentait à lui servir un intérêt, au moins dans la période de rareté, elle en serait toujours largement approvisionnée. Enfin, fait très important parce qu'il prouve bien que la Banque interprétait exactement les préférences du commerce, le contingentement des escomptes, la réduction des échéances et la graduation du taux d'intérêt suivant la longueur du papier furent rejetés à la presque unanimité. RÉSULTATS DE L'ENQuETE
Après vingt-neuf séances, lVI. de Lavenay, Commissaire "général de l'Enquête, entreprit la rédactio ll d'un copieux. rapport qu'il présenta Conseil Supérieur du Commerce, de l'Agriculture et de l'Industrie, le 20 octobre 1866. Mais la discussion de ce rapport et une lenteur peut-être voulue à conclure, conduisirent l'enquête jusqu'aux derniers jours de l'année 1868. Rien mieux qu'un résumé des questions posées au Conseil et des réponses faites par celui-ci ne peut donner une idée exacte des résul~ats de çette grande enquête. Voici questions et réponses:
au
1. - L'emploi de la monnaie fiduciaire est-il légitime? - R. Oui. Est-il utile? - R. Oui. y a-t-il lieu d'imposer des règles légales quant au rapport entre le chiffre de l'énlission et celui de l'encaisse ou de l' actif dispo~ible? - R. Aucune règle légale ne doit être établie pour l'émission des billets de bÇlnqu~. y a-t-il lieu de tracer des règles de conduite même à titre de simple avis? - R. Non. Il! - A qui convient-il de confier l'émission de la monnaie fiduciaire '1 a) A l~État ? - :R. Non~ b) A la Banque unique et privilégiée ou à plusieurs banques privilégiées concurrentes ou régionales, ou enfin à des banques libres en nombre illimité? - R. 4- une /Janque unique et privilégiée. y a-t-il lieu de créer des banques régionales qui existeraient conconlitanlm~nt avec la Banque de France? R. Non. III. - Un taux maXimUlTI d'escompte peut-il être iUlposé à des banques libres ou privilégiées ? - R. Non. IV. - Le régime }. D'après 1\;1. Carré, Chef du service des Succursales, que Cuvier avait chargé de signer la correspondance en son absence comme faisant fonction de secrétaire général, la gestion du nouveau Sous-Gouverneur se révéla aussitôt comme « empreinte de dévouement aux intérêts de la Banque, de respect pour ses usages », de bienveillance pour tout le personnel. Il apporta, écrivait Carré à Cuvier, « un soin tout particulier à donner à son intérim un caractère transitoire ». Enfin, il est non ll10ins intéressant de noter que, dès le début de sa mission, O'Quin déclara que la situation ne pouvait se prolonger au delà du mois de janvier. En annonçant sa nOlnination à Rouland, le 9 janvier, O'Quin était donc fondé à écrire qu' « en face de l'alternative de l'émission d'assignats ou d'une mainmise pure et simple sur la Banque », il avait cru « servir... les intérêts de la Banque aussi bien que ceux du pays ». LE TRAITÉ DU 4 JAlvVIER 1871
Dès le 4 janvier, un traité intervint entre la Délégation de Bordeaux et la Délégation de la Banque qui s'engageait à faire au Gouvernement de la Défense Nationale, « jusqu'au jour de la réunion des membres composant ladite Délégation avec leurs collègues du Gouvernement siégeant à Paris, les nouvelles avances qui seront nécessaires pour les besoins de la guerre actuelle >}. Ces avances, réalisables par sommes de 100.000.000 frcs, étaient garanties par des bons du Trésor spéciaux, non négociables, et par l'affectation, « par privilège et hypothèque, (des) forêts domaniales sises sur le territoire continental de la France ». - La Banque s'interdisait d'en réclalner le remboursement avant le 31 décembre 1876, le Trésor conservant le droit de se libérer par anticipation et à toute époque, en tout ou en partie. Il était stipulé,.
L_t\. GUERRE
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en outre, qu'à défaut de renlboursement de l'avance avant le 1er janvier 1877 ou de convention nouvelle, les sommes restant dues seraient remboursées à partir de cette date à raison de 100.000.000 frcs par an. L'intérêt fixé à 6 p. 100 devait suivre les fluctuations du taux de l'escompte, sans pouvoir toutefois s'élever au-dessus de ce pourcentage ni descendre au-dessous de 3 p. 100. Le traité fut signé par O'Quin et Legrand de Villers se portant fort pour Ackermann. De Londres, de Germiny avait écrit à O'Quin : « Je vous approuve pourvu que vous restiez dans de sages limites, non seulement parce qu'il y va peut-être du salut de la France, mais encore parce que, du moment où l'on est entré dans la voie du cours forcé, où la Banque a déjà consenti à de larges avances au profit de l'État, c'est une chimère de penser que le sort de la Banque de France n'est pas indissolublement lié au sort de l'État ». Le 8 janvier, le Gouvernement de Bordeaux autorisa le délégué du ~1inistre des Finances à emprunter à la Banque de France une somme de 100.000.000 fres. Vers le 10 janvier, le Gouvernement de Paris n'avait plus d'illusion. sur la durée de la résistance dont une dernière sortie, à quelques jours de là, devait achever de démontrer la vanité. C'est alors qu'Ernest Picard, calculant les besoins imminents du Gouvernement, et personnellement désireux de donner à la Délégation de Bordeaux les secours qu'elle réclamait, demanda à la Banque de France de consentir au Trésor une importante avance. Cependant, le Gouvernement comprenait que les crédits accordés au Trésor, sous cette forme, ne pouvaient être qu'exceptionnels et provisoires, et il manifesta spontanément l'intention « d'affecter à leur réduction le premier produit de l'emprunt qui serait contracté, dès que le permettront les circonstances. Pour mieux déterminer encore le caractère de l'avance..., ajoutait Ernest Picard, et pour mettre à l'abri de tout péril le grand établissement qui vient aujourd'hui si puissanlment en aide à la France, le Gouvernement, allant au-devant des préoccupations de son Conseil, lui offre comme gage les bois dépendant de l'ancienne liste civile... » La Banque apprécia à leur valeur ces garanties, parce qu'elles indiquaient bien son indépendance et qu'elles étaient de nature à éviter, par la suite, toute interprétation qui tendrait à la confondre avec une Banque d'État. Reconnaissante de ces excellents procédés, la Banque de France, par l'intermédiaire de M. de Rothschild, prit une initiative qui l'honora hautement. Le 18 janvier, en effet, M. de Rothschild déclara au Directeur du Mouvement général des Fonds à Paris, E. Dutilleul, intel li~nce remarquable, qu'il était frappé de l'inconvénient qu'il y avait
LE GOUVERNEl\t1EN'l'
DE PA..RI8 SORT DE SA RÉSERVE
GÉNÉREUSE
INI TIA'l'l VE DR LA BANQUE
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LA GUERRE FRANCO-ALLEMANDE
pour la Banque, jouissant du cours forcé, à percevoir sur les prêts· faits au Trésor un intérêt de 6 p. 100 et lui proposa une réduction. PRINCIPES MÉl\fORABLES DU TRÉSOR
Dutilleul ne pensa pas un seul instant à renoncer à l'énorme avantage qui lui était offert, mais il estima que plus la Banque « tend, par la force des choses, à prendre le caractère d'une Banque d'État, plus il importe de réagir contre cette tendance, de sauver les apparences et de conserver à la Banque les dehors de l'autonomie et de l'indépendance. Or, sortir des conditions de droit commun, en stipulant. en faveur du Trésor emprunteur des conditions d'intérêt arbitrairement réduit, c'est de la part de l'État faire acte sensible de pression sur la gestion )} de la Banque et l'inciter à atermoyer, à l'heure des remboursements nécessaires, par la modicité du taux de l'intérêt. Suivant le mot de Dutilleul, il fallait donc choisir « la manière de s'y prendre ». L'accord se fit en principe, sur l'affectation de la portion d'intérêts excédant 3 p. 100 à l'amortissernent de la dette du Trésor envers la Banque. D'autre part, le Directeur du Mouvement général des Fonds préconisa le versement à la Banque du produit net annuel, accepté bona (ide, des immeubles engagés, afin de rendre l'État plus désireux de se libérer au cas où il perdrait de vue ce souci, le dit produit pouvant d'ailleurs servir à accélérer l'amortissement. Les principes dont s'inspiraient Dutilleul, d'une importance historique considérable, apparaîtront encore avec plus de netteté dans cette phrase: « Je trouve que cette clause (le versement à la Banque du produit des forêts) sans imposer à l'État aucun engagement corn-promettant, rend le contrat plus sérieux. Assurément, l'irrésistiblepression des circonstances justifie pleinement l'opération actuelle, mais il est si commode d'emprunter à la Banque que d'autres pourraient bien être tentés de le faire, sans y être autorisés au même degré p~r les circonstances. Que, du moins, le précédent en présence duquel ils se trouveront porte en lui la preuve que le Trésor a compris toute la gravité de l'opération et n'a pas craint, alors qu'il restait libre appré-· ciateur de l'époque où il pourrait se libérer, de stipuler contre luimême et de prendre, contre ses propres entraînements, des garanties et des engagements sérieux ».
~
Par le traité du 22 janvier, conclu entre Ernest Picard et Rouland, la Banque de France s'engagea à tenir à la disposition de la Délégation du Gouvernement dans les départements une somme de 400.000.000· frcs, dont la réalisation s'effectuerait par l'escompte à la Banque de bons du Trésor jusqu'à due concurrence. L'État donna en garantie les bois et forêts dépendant de l'ancienne liste civile impériale, car les forêts domaniales se trouvaient indisponibles par suite de leur affec-t3tion à la Caisse d'.A.mortissement, et s'engagea à rembourser sa dette « sur ses premières ressources disponibles, soit ordinaires, soit extra-
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LA GUERRE
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ordinaires, en imputant successivement sur les prêts de la date la plus ancienne les remboursements partiels qui pourraient être faits ». L'intérêt· du prêt était fixé au taux de l'escompte en vigueur, mais, dans le cas où. le compte de la Banque à la fin de l'année ferait ressortir cet intérêt à un taux supérieur à 3 p. 100, l'excédent devait être imputé par la Banque en amortissement de la dette du Trésor. Lorsque ce traité, qui annulait les raisons d'être de la démission de Cuvier fut signé, Rouland ignorait encore la nomination de O'Quin et, sans doute, le traité du 4 janvier: on s'explique ainsi qu'il ait écrit à Cuvier, le 22 janvier, du Cabinet même du Ministre des Finances, pour l'inviter à renoncer à son congé et à reprendre possession de son poste, nIais Cuvier était déjà à Cannes. Le 1 er février, la nouvelle du traité n'était pas encore parvenue à Bordeaux ct O'Quin, qui avait dû consentir une nouvelle avance de 100.000.000 fres le 27 janvier, commençait à sentir toute la charge du nlandat qu'il avait accepté. La situation devenant plus tendue, il supplie Rouland de faire tout son possible pour lui donner ses instructions. « Dois-je continuer les av... ? (sic), lui écrit-il. Faut-il les refuser et me retirer, laissant la Bu. (sic) exposée à toutes les éventualités. Ce qu'il y aurait de plus rationnel, c'est que vous voulussiez bien envoyer le plus tôt possible pour me relever 1\1. de PL.. (sic) avec vos pleins pouvoirs )}. O'Quin allait au-devant des désirs de Rouland, car, dès que la capitulation de Paris permit de reprendre les communications avec la province, il fut dans les intentions du Gouverneur de mettre un terme à sa mission. Le 3 février, Rouland remercie, « de grand cœur )}, O'Quin de son « dévouement », mais lui expose que « l'intention formelle du Conseil, qui n'a pas. délégué ses pouvoirs, est de ne reconnaître aucun conseil de délégation pour l'avenir ». Il importe donc que Cuvier reprenne ses fonctions ct que toutes les demandes d'avances soient adressées désormais au Ministre des Finances afin d'être transmises au Conseil. Le 6 février, nouvelle injonction, encore plus pressante. « Le Ministre des Finances, seul, peut disposer des crédits ouverts par la Banque, écrit Rouland. Ne négociez donc désormais aucun bon du Trésor sans aviser Paris. En cas d'urgence, ne versez que sur le visa et l'autorisation de l\Œ. J. Simon ». - Ces dépêches sont, au même titre que les détails qui précèdent, susceptibles d'apporter une contribution intéressante à l'histoire des relations entre le Gouvernement de Paris et sa Délégation dans les départements 1 Considérant, dès lors, sa mission comme terminée, O'Quin adressa à Rouland, le 7 février, un long rapport sur sa gestion comme SousGouverneur intérimaire de la Banque de France. Ce récit, disait-il justement, « vous prouvera, je l'espère, que les intérêts de la Banque de France n'ont pas été sacrifiés par moÎ. .. En déposant les respon-
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FR.l\.NCO-~I\Ll.ElVIANDE
sabilités graves que, dans un moment de crise, j'avais assumées sous l'empire d'une pensée de dévouement, j'emporter~i la conscience d'un devoir accompli et la satisfaction de voir que vous voulez bien rendre justice au sentiment qui a dicté ma conduite ». Enfin, faisant allusion - dans une autre lettre - à l'émotion qui s'était emparée de Roulal1d lorsqu'il avait appris la latitude indéfinie laissée au Trésor par le traité du 4 janvier, O'Quin, toujours véridique, se justifia en expliquant qu' « il savait bien que nous ne pouvions aller au delà de six semaines 1» et que cette absence de limitation lui avait été « imposée par une volonté qui pouvait se traduire, en cas de refus de cette clause sans péril pratique, par des extrémités ilnnlédiates ». RECONl\iTAISSA~NCE
DE LA BANQUE
La conduite de O'Quin, à la fois courageuse, désintéressée, prudente, souple et digne méritait de sincères éloges et Rouland n'accomplissait qu'un acte d'élémentaire justice lorsqu'il lui écrivait : « Vous a-vcz eu de rudes exigences à subir et une période laborieuse à traverser. Vous vous êtes toujours montré plein d'intelligence, de sagesse et d'expérience pour tous les intérêts que vous aviez à défendre et je vous prie d'agréer, au nom de la Banque, l'expression de mes sentiments de reconnaissance, de haute estiIne ct d'affection }). 1. Cf. supra, p. 332.
CHAPITRE II
LES SUCCURSALES PENDANT LA GUERRE. LA COMMUNE L'HISTOIRE DES SUCCURSALES. LETTRE DU PRINCE FRÉDÉRIC GUILLAUME DE PRUSSE. STRASBOURG. METZ. MULHOUSE. DOULOUREUSES LIQUIDATIONS. OPÉRATIONS COMMERCIALES DE LA BANQUE EN 1870. SECOURS A LA VILLE DE PARIS. l A LA VEILLE DE LA COMMUNE. LA GARDE DE LA BANQUE. PREMIÈRE RÉQUISITION DE LA COMl\fUNE. SECOURS AU GOUVERNEMENT DE VERSAILLES. ATTITUDE DE LA BANQUE ENVERS LA COMMUNE. RÉSISTANCE IMPOSSIBLE. LA :MISSION DE CHARLES BESLAY. VERSAILLES APPROUVE LA CONDUITE DE LA BANQUE. LES DIAMANTS DE LA COURONNE. RYTHME ACCÉLÉRÉ DES RÉQUISITIONS. NOUVELLE APPROBATION DU GOUVERNEMENT DE VERSAILLES. MENACE DE PERQUISITION. LES DERNIERS JOURS DE LA CO:rvIMUNE. DERNIERS DANGERS. LA BANQUE INTACTE. RECONNAISSANCE GÉNÉRALE. LA COMl\IUNE ET BESLAY. LA COMMUNE EN PROVINCE. L'AFFAIRE DES SEPT IVIILLIONS. LA THÈSE DE LÉON SAY. ARR~T DU CONSEIL D'ÉTAT. LE COÛT DE LA COMMUNE.
des Succursales de la Banque de France pendant la
franco-allemande est intéressante plus d'un titre. LLaguerre rapidité de l'invasion précipita les évacuations redoutées; 'HISTOIRE
à
après l\tletz et Strasbourg, Chaumont, Sedan, Bar-le-Duc, SaintQuentin, Le l\1:ans, Tours, l)ijon, etc... cessèrent leurs opérations: au début de décembre, quarante Succursales seulement continuaient à fonctionner. Treize Succursales 'avaient été obligées de détruire leur encaisse en billets, après établissement de bordereaux méticuleux certifiés par les Directeurs et Administrateurs: 45.281 billets, au total, d'une valeur de 30.839.475 frcs, furent incinérés. A Amiens, des officiers prussiens se présentèrent à la Succursale, en vue de vérifier si elle n'était pas détentrice de fonds de l'État, examinèrent la comptabilité, se firent ouvrir les caisses et emportèrent un état de situation qu'ils retournèrent visé, le lendemain. BANQUE DE FRAMCE.
22
L'HISTOIRE
DES SUCCURSALES
LA GUERRE
338 LETTRE DU PRINCE FRÉDÉRIC GUILLAUME DE PRUSSE
FRANC~ALLEMANDE
A Reims, les fonds de la Banque avaient été confisqués le 4 septembre, jour de l'entrée des troupes prussiennes, puis restitués le surlendemain. Mais l'Intendant général de la troisième armée prussienne demanda au Directeur de la Succursale de lui céder des monnaies françaises d'or et d'argent en échange de papier d'État allemand, ce à quoi le Directeur consentit en échange d'un document officiel proclamant le caractère d'institution privée de la Banque. Ce document, rédigé sous forme d'une « lettre ouverte pour M. le Directeur de la Banque .de.. fr.a~ce ;.à: Re~ms », fut signé par le Prince royal de Prusse Frédérfc Guillaume; . &fOU son importance extrême. - « Aux termes de ses statuts, dont j'ai pris connaissance, disait le Prince, la t ~,UÇç~l1;~~le ~de Ja i ~.ap.q~e! de :Fr;a..I)ç~, {~~~!~e ~.à JI)eims, est une instit~ti?n priv~e qUI a,I?R~r;lp.l~ttJ.ln!.qp.e de ven~r en aide au commerce et a l'IndustrIe. En conséquence, les· fonds qUI se trouvent dans cet établissement ne peuvent être exposés à aucune saisie ou à aucun arrêt, t.~~t~ q~(ils. ~e.sp~.t. p.asçl~stinés . à ~op..tenir .l:ar~ée fr~gça~se ». 1
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