· FINANCES ET FINANCIERS DE L'ANCIEN RÉGIME
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OUVRAGES DE o1EAN BOUVIER
Le Krach de l'Union générale, 1878-1885,...
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· FINANCES ET FINANCIERS DE L'ANCIEN RÉGIME
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OUVRAGES DE o1EAN BOUVIER
Le Krach de l'Union générale, 1878-1885, Presses Universitaires de France, 1960. Les RotlLschlld, Club français du Livre, 1960. Le Crédll Lyonnais de 1868 d 188S; les années de formation d'une banque de dép6ts, S.E.V.P.E.N., 13, rue du Four, • AUalres et gens d'allalres f, 2 vol., 1961.
OUVRAGES DE M. HENRY GERMAIN-MARTIN
De la prétf'ndue talUite des lois économiqllU depuis 1914, ParIs, 1925. Réglementation de fe:llportation des capitaU:ll, Paris, 1926.' Cours d'histoire et d'organisation des banques, Centre d'Etudes supérieures de Banque, 1948. COur8 de documentation el de méthode écono,rniques, Centre d'Etudes sUpWleures de Banque, 1951. . La documentation des seruices d'études économiques dana les banque8, Centre d'Etudes supérieures de Banque, 1963. La banque en France, ln Banking Systems, Columbia University Press, New York, 1954. Monnaie, ln Dicllonnaire des sciences économiques, Presses Universitaires de France, 1958.
« QUE SAIS-JE? » LE POINT DES CONNAISSA..~CES ACTUELLES
N° 1109
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FINANtES ET FINANOERS DE L'AN[IEN RÉGIME par
Jean BÙUVIER DodBur ès LeI/res Aqrlg4 d. l'UmrersiU
DiNCletw d'UtIIfA A l'Éeolt Pratique du Bllulea É/tIIfA
et
Henry GERMAIN-MARTIN Pro/_
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CmIre d'ÉItIIfA ~ à Ballqllf
PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 108, BotJLEVABD SAINT-GEBMAlN, PARIS
1964
D~POT L~GAL
1re édition
1er trimestre 1964
TOUS DROITS de traduction, de reproduction et d'adaptation réserVés pour tous pays
© 1964, Presses Universitaires de France
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INTRODUCTION 1. - Ambigulté des mots. Ambigulté des fBits. L'EncyClopédie méthodique, dans son édition de 1783, définit ainsi le mot Finance: « Ce terme s'entend le plus ordinairement des deniers publics du Roi et de l'Etat; il signifie cependant quelquefois de l'argent monnayé. Ce banquier a bien de la finance dans son coffre; les jeunes gens ne sont pas beaucoup chargés de finance. On dit aussi un baril de finance, pour dire un baril d'espèces monnayées. » Dans le même ouvrage le «financier» est « l'homme qui manie des finances, c'est-A-dire les deniers du Roi. En général on donne ce nom A toute personne connue pour être intéressée dans les fermes, régies, entreprises ou affaires qui concernent les revenus du Roi.· A cette définition, le peuple, on doit entendre par ce mot le vulgaire de toute condition, ajoute l'idée d'un homme enrichi et n'y voit guère autre chose ». Au tome II du Dictionnaire universel du Commerce de Savary des Brûlons le verbe « financer» est défini : «Fournir de l'argent comptant»; et quant au mot « financier» : « Celui qui manie les finances du Roi. On ledit dans le négoce pour signifier un homme extrêmement à son aise, qui a fait une grande fortune. Il est riche comme un financier. » La Bruyère dans ses Portraits a été féroce pour les « traitants », nom « autrefois» donné, dira l'Encyclopédie méthodique à « tout homme qui, moyennant une avance d'argent, se charge oit du recouvrement J:l~un droit nouvellement établi, ou de la perception
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FINANCES DE L'ANCIEN R~GIME
de ceux que l'on attribuoit à des offices de nouvelle création ». Mais les mots de « finance» et « financier Il ainsi cernés sont bien antérieurs aux XVIIe et XVIIIe siècles. En français médiéval « finance » se rapportait à toute taxe payable périodiquement, aussi bien qu'aux revenus en argent des princes et des villes. Froissart écrit de l'Italien Dino Rapondi, courtier favori des ducs de Bourgogne au xv e siècle : c( Par lui, se p~uvent faire toutes finances. » Dès le xv e siècle, les expressions d' «hommes de finance », « gens de finance », « financiers » s'appliquaient indistinctement à la fois aux fonctionnaires responsables des deniers publies, et aux gens d'affaires de statut privé qui collaboraient étroitement avec les précédents à l'entretien des recettes de l'Etat. Ces « financiers» des xv e et XVIe siècles étaient dits partitanti (c< partisans ») en Italie - le « parti» ou partito représentant toute opération d'argent conclue avec un prince - , hombres de negocios, asentistas en Espagne - d'asiento, contrat de crédit passé entre les financiers et le prince. Ainsi les frontières ont été de tout temps indécises et mouvantes qui permettraient de cerner l'exacte signification des vieux mots de « finance », « finances Il, « financier Il. Ils demeurent entourés d'un certain halo d'indétermination et d'ambiguité. Ils pouvaient avoir, selon les circonstances et selon les textes, soit un sens étroit et technique se rapportant aux paiements et au numéraire; soit un sens large et, en quelque sorte, « politique» quand ils avaient trait à tout ce qui touchait à la marche de l'Etat; mais, à partir de là, le sens des mots se diluait et s'abâtardissait à nouveau : « financier li en venait à être utilisé comme synonyme de riche banquier ou négociant et était indifféremment
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employé, dans le langage courant du moins, à propos d'opérations privée!! ou publiques. . Or, il importe de distinguer, et surtout pour les "iècles passés, le « financier Il du « banquier lI. Selon un dictionnaire de la fin du XVIIIe siècle (1), Banque signifie « commerce et trafic d'argent qu'on fait .remettre de place en place, d'une ville à une autre, par des lettres de change et par correspondance Il ; et les « Banquiers sont des personnes qui font profession publique du commerce de la banque et du change pour faire profiter leur argent, tant· dans l'étendue du royaume que dans les pays étrangers». Le banquier aide ainsi au négoce des marchandises en réglant les paiements, et en faisant crédits et transferts de place en place, de pays à pays. Négoéiant pour son compte en même temps qu'intermédiaire dans les paiements, trafiquant à la fois des denrées, des marchandises, des monnaies d'or ou d'argent et des lettres de change, le banquier ne fait alors qu'affaires privées. Mais qui ne voit précisément ici la source de certaines ambiguttés de vocabulaire tout à l'heure signalées? Le banquier, manieur d'espèces et de créances, pourra devenir un « homme de finance Il s'il met ses capacités d'intermédiaire, son crédit, ses disponibilités et celles de ses amis et correspondants, son habileté en affaires au service du Roi et de l'Etat. Il passe, à ce stade, au rang de prêteur et de fournisseur d'argent et de services pour le compte du prince. De là, le pas est vite franchi qui peut lui permettre de devenir une sorte de fonctionnaire, si le prince donne pouvoir au banquier de prélever pour son propre compte telle ou telle (1) Claude-Joseph de F'El'lt'ÈRE. DfclfoMafre de droft el de pralfque. t. lu 1779.
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ressource fiscale pour se rembourser lui·m~me des avances qu'il a faites. Ainsi, selon les opérâtions qu'il. entreprend, un homme d'affaires peut être" successivement ou à la fois, « banquier» et « financier ». Il en alla effectivement de la sorte durant des siècles, du XIIe auxvm e siècle. L'ambigutté des mots de « financier» et « finance »tient ainsi à un,certain état de fait. Le «financier» demeure un homme à double face, tout à la fois entrepreneur privé et collaborateur des affaires publiques. On a pu même avancer l'opinion, non sans quelque exagération cependant, qu'il n'y eut pas avant l'ère des grands établissements de crédit - la fin du de banquier proprement dit, seul XIXe siècle existant auparavant le « financier », homme qui n'a pas de rapports avec le public, qui ne dépend pas de lui, mais du prince et des « Grands» ; instrument' de l'appareil fiscal d'Etat, fournisseur du budget, et non pas serviteur des besoins du commerce. Ce qu'il ya de vrai dans ce point de vue, c'est que le banquier des siècles passés, celui d'avant l'ère de la « révolution industrielle », n'était effective~ ment pas en contact avec le public, au sens où nous entendons ce mot aujourd'hui. Sa clientèle était restreinte à des proches, des amis, des parents. Les banques étaient des « maisons de banque » à structure' et assise familiales, dont les ressources provenaient de la fortune des promoteurs, de quelques dépôts importants mais peu nombreux, et dont les emplois se cantonnaient à quelques opérations de grand négoce, d'industrie et de finance (rapports avec l'Etat ou le prince) : opérations peu nombreuses, mais grosses de profits - ou de périls. Il n'empêche que ces banquiers d'ancien type étaient loin d'être accaparés par le seul service des « affaires d'Etat » et que, des
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changeurs du XJ8 siècle aux: « maisons » huguenotes du xVIn8 , en passant par les grandes « compagnies» d'hommes d'affaires italiens des XIve-XV 8 siècles et par les entrepreneurs du XVI8 siècle (du type des Fugger) ils ont effectivement aidé au dévelop- pement des forces de production, des échanges ' int,emationaux: et à l'établissement progressif du. marché mondial. Pour les temps contemporains, la querelle de vocabulaire rebondit. Que peut bien être un financier aux: XIXe et xxe siècles ? Le ministre des Fin"nces et les quelques grands maîtres des deniers publics ? Les chefs des établissements bancaires importants - lorsqu'ils se font les intermédiaires entre l'Etat et les épargnants au moment du lancement des emprunts publics? Ou lorsqu'ils sont en contact direct avec le gouvemement pour lui fournir d~s avances à court terme et lui permettre par exemple, au cours du xxe siècle, de payer ses fonctionnaires aux: fins de mois? Mais n'est-ce pas un financier aussi que l'homme d'affaires - ce peut être un banquier ou un grand industriel - qui « lanceD une entreprise nouvelle, « finance» l'établissement nouveau en organisant la constitution du capital, puis son expansion ultérieure ? On connait la distinction entre le crédit nécessaire à une entreprise pour aSS1U'er ses fournitures, ses règlements, son « roulement » d'argent, et les moyens de financement qui lui permettront de se moderniser, de s'équiper, de s'agrandir; dans cette perspective, le crédit à court terme relève du domaine bancaire; le crédit à long terme du domaine financier. D'où la distinction actuellement classique des marchés il monétaire D et « financier D. D semble cependant que l'on ait intérêt à fixer . certaines limites à l'emploi Ile mots dont le champ
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d'application s'étend avec les modifications économiques elles-mêmes. Les termes de financiers et de finances demeurent profondément marqués par leur emploi originel. Le sens « noble » de ces mots, débarrassés de leur gangue, réduits à l'essentiel, se rapporte toujours en dernière analyse amI opérations de l'Etat. Il n'y a de vraies « finances» que celles de la collectivité publique, et de véritable « financier II que le collaborateur de l'Etat. II. - Spécüicité des affaires de finances Longtemps le financier, fonctionnaire à demeure du prince, ou personne privée faisant des affaires occasionnelles avec l'Etat, est demeuré dans une position difficile. Le prêt à intérêt, prohibé par l'Eglise, éta~t la matière première de la finance; mais son industrie gardait quelque clandestinité dans ses formes, puisqu'il s'agissait de tourner les interdictions canoniques. Naturellement, le financier était un réprouvé par nature s'il était Israélite. Chrétien, il ne pouvait pas sans risque pratiquer ouvertement son métier; il demeurait en marge de la loi ecclésiastique, du moins de la lettre de cette loi. Il rusait et fraudait par raison professionnelle. D'où le mutisme du financier sur lui-même. La pénombre lui convenait~ Une autre circonstance est venue ajouter à l'obscurité qui entoure toute opération de finance: au « secret des affaires », arme de toujours dans la concurrence, à la prudence raisonnée vis-à-vis de l'attitude de l'Eglise, le « secret du prince lI, c'est-àdire celui de l'Etat, a additionné ses effets. Les finances, pas plus que la diplomatie, n'ont jamais été opérations dont on débat sur ]a place publique. Mais J'absence de pub1icité des opérations, le caractère « couvert » des démarches, les décisions
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plises en comité restreint entre le prince, ses ministres et ses banquiers, l'éloignement du financier du public, et la haine que ce dernier lui portait souvent en· tant que collecteur d'impôt, tous ces éléments d'une situation de fait pouvaient, selon les temps, être favorables ou funestes aux gens de finance. Leur martyrologe est long, si leurs fortunes éclatantes ont défrayé les chroniques; de 1315 à 1522, d'Enguerrand de Marigny à Semblançay - c'est-à-dire de Louis le Hutin à François 1er - , sur douze administrateurs en chef des finances du roi de France, hui,t ont péri de mort violente, victimes du « bon plaisir Il du prince, trois ont connu la proscription, l'exil, la prison, un seul a pu tirer profit d'une retraite paisible. A côté de ces illustres victimes de la « finance du roi », on ne saurait oublier les séquestrations et confiscations visant les Juifs ou les « Lombards », le supplice des Templiers, les « Chambres de Justice» des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles à l'encontre des « traitants », le procès et la mort lente de Nicolas Fouquet... A la vérité, le métier de financier n'acquiert quelque sécurité que dans la seconde moitié du XVIIe siècle en Angleterre et au XVIIIe siècle en France - encore faut-il omettre ici la triste fin de certains « fermiers généraux » sous la Révolution - époques où le pouvoir discrétionnaire du prince n'est plus aussi absolu et où les bourgeoisies, dans leur essor, limitent la liberté d'action du roi. Epoques aussi où les ~apacités fiscales de l'Etat sont bien au-dessus de celles des siècles du Moyen Age, et où certains procédés extrêmes sont abandonnés. Que le métier de financier ait ainsi mêlé les plus grands honneurs et les plus grands périls est explicable. On flatte le financier quand on a besoin
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de Jui, quand le Trésor du prince est aux abois. Le t'inancier est,. à ces moments, celui qui a « ducrédif», . plus de crédit que tout le monde; il avance immédiatement les sommes nécessaires;i1 se Jes procure auprès de ses amis et met sa fortune à contribu:tion•. Mais, en contrepartie, Jes intérêts qu'il réclame sont considérables et la frontière deVient indécise entre les avances qu'il fait, sa cassette personnelle, et le Trésor. n attire alors aisément l'envie et la dénonciation. On l'a loué comme sauveur de l'Etat. On peut aussi bien le condamner comme vampire des finances royales : les· deux ehoses sont vraies, ' , suecessivement et à la fois. Quant à l'historien, s'il est mieux placé que )e grand public pour être au fait de la finance et des financiers, il s'en faut qu'il en sache autant sUr ces sujets, encore aujourd'hui, que sur les actes des chefs d'Etat. TI est aisément dépaysé - il le fut longtemps du moins - devant les tec~ques finan.. cières. La finance a conservé pour lui d'autant plus un certain caractère de mystère qu'il est fréquem-, ment à court de docu.nientation sérieuse : en France, les archives financières de J'Ancien Régime? dès le début du XVIIIe siècle, ont subi d'irréparables dégâts; rares aussi jusqu'ici sont les correspondances d'affaires des siècles passés qui permettraient de reconstituer des opérations continues; d'ailleurs autrefois déjà - et de nos jours bien davantage ... de grands faits en matière d'opérations financières n'ont fait robjet que de décisions orales. Dans ces dernières decennies mê~e, où l'histoire économique des siècles passés a fait des progrès' décisifs, les historiens se sont plus intéressés à la « marchandise D, c'est·à·dire aux techniques, aux courants, aux lignes de force des 'tBYBB, Deux articles sur les questions de banque et de crédit nu XVI" siècle. Rell. d'hist. modo ~t cont., no 4, 1956. et nO S, 1961 ..
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FIN4NCES DE L'ANCIEN R.tGIME
lement menacés d'asphyxie »,c'est-à-dire de faillite (Delumeau) (1). Les causes? Sans doute le déficit commercial vis-à-vis de l'Asie et la constance dùcourant d'émigration du numéraire en direction de la Méditerranée orientale; l'augmentation de la production et des échanges en Europe entraînant une demande plus forte de moyens monétaires pour les opérations courantes; les exigences financières des Etats en guerre et le rôle perturbateur des banqueroutes gouvernementales'; enfin le détour-' nement d'une proportion croissante de métaux précieux pour la fabrication de bijoux, objets de . luxe, ornements décoratifs, objets du culte. Finalement, la demande globale a grandi plus que l'offre. L' « étroitesse l) monétaire n'était que relative; mais elle n'en existait pas moins. D'où l'importance et l'ampleur des pMnomènes de crédit au XVIe sièCle. II. -
Les besoins de crédit et les modes de crédit
A) Guerres, hausses des prix et finances. - « Dans le domaine politique, a écrit E. J. Hamilton, l'hégémonie de l'Espagne repose en partie au XVIe siècle sur les possibilités d'entretien de troupes et de mercenaires en pays étranger, que fournit à sa monarchie l'abondance de 1]1. et de l'argent tirés par elle du Nouveau Monde» (2). C'est soûligner le volume nouveau des Lesoins financiers dus aux conflits entre prm.ces. La guerre, chaque an plus coûteuse - arquebuses, artillerie, fortifications, escadres, mércenariat, effectifs croissants, .durée des campagnes, multiplicité et éloignement des lieux de combats - entraîne la victoire définitive des stmc(1) J. DELU.MEAU. Vie économique et sociale de ROmé dans la _nde moilié du. XVI' siècle (Paris. 2 vol•• 1957). (2). Annales, 1932.
HOMMES D'AFFAIRES AU XVIe SIitCLE'
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tures d'Etat sur celles des cités et des seigne~e&. .Ehrenberg, dans les premières pages de son maître-ouvrage, rappelle les conseils du « condottiere» Trivulzio à Louis XII en 1499,à la veille de l'invasion du Milanais : « Thois choses sont , nécessaires: de l'argent, encore de l'argent, et toujours de l'argent» (1). . Là aussi, les réalités du XVIe siècle ne sont que celles' du siècle précédent, mais grossies. Les problèmes financiers de Charles Quint seront de même nature que ceux d'Alphonse V le Magnllnime, maître de l'Aragon, de la Catalogne, de la Castille, . et de l'Italie méridionale, et dont les procédés financiers ont été récemment analysés (2). Ces problèmes sont toujours ceux provenant du contraste entre le caractère immédiat des besoins d'argent en tel lieu - palais ou champ de bataille et l'éloignement géographique, ou chrono~ogique, des disponibilités en numéraire. Plus 'l'Etat es~ étendu, plus les problèmes sont complexes'; et, si les territoires sont écartelés, tels ceux des HabsboUrg à leur époque de puissance, les dif(icultés se trouvent encore accrues. « Les richesses des rois, écrit H. Hauser, sont des richesses futures, et des richesses payables ici ou là, à Séville, à Barcelone, à Anvers, à Rome. Or, c'est sur place, et tout de suite qu'il faut payer. » Les ~estions de circulation des métaux précieux et es monnaies (numéraire et « papiers ») revêtent donc une importance fondamentale. L~ qui ne peuvent pas compter davantage au XVIe siècle qu'au Moyen Age sur des rentrées fiscales suffisantes et régulières, ~othèq:neDt et: '!liMent en faveur des prêteure, pour trouver du (1) EHRENBERG, Le siècle des Fugger (trad. française, pluis, 1955, S.E.'V.P.E.N.). (2) H. LAPEYRE, Alphonse V et ses banquiers (Le Mouen Age,
no' 1-2, 1961).
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· crédit, tout ce qui est possible : produits Jirlniers ') "":"et ée sera la fortune des Fugger bâtie sur le cmv.r6; . cargaisons espérées -les Portugais, au début dl! X'V1e siècle, seront les maitres de la mutation des : épices en argent sur la place d'Anvers; subsi«les "promis par les « Diètes», « Etats » ou « Coitès »; ~ revenus d'Ordres de chevalerie réservés au :roi . ~ tels les maestrazgos d'Espag.Ù.e cédés aux Fugge~ . et· autres financiers allemands; rentrées fisêales · affermées à d'innombrables fermiers et traitants ; 'fonction publique négociée au détail. grâce à cette VlnâIit6 des « offices » dont les produits étaient escomptés par les rois de France et le placement assuré par des financiers, industrie qui pren4 pré'cisément son essor au XVIe siècle. Mais toute hyPothèque ou aliénation n'étant toujours qu'un acte relevant du « bon plaisir D du monarque, rien de ' plus aléatoire que de telles garanties; d'où les gros iittérêts réclamés par les manieurs d'argent et les · profits des hommes d'affaires~~dont le niveau rap-' pelle ceux du Moyen Age, mais qui n'ont eux-mêmes qu'un temps: les banqueroutes partielles demeurent le meilleur moyen de transformer en dettes à long terme (rentes, juros) les écrasantes accumulationS des·dettes « flottantes D, à court terme. Mais les' besoins financiers des Etats grandissent aussi à cause de la hausse séculaire des prix, qui entraîne celle de toutes les dépenses d'Etat. '« F;n gros, a écrit M. Braudel, il y a eu désarmement progressif des Etats devant le coût gran,dissant de la vie. De là, leur âpreté à se. créer des ressources; à s'associer .au. mouvement montant des prix. Le plus clair de l'histoire des Etats au, xVI~sjècle · reste leurs luttes fiscales» (1) • . (1) Le Mlclfterran4e. p.409.
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B) Fermes et prêts. ~ Les principales opérations (inancières auxquelles donnent lieu les affaix~s 'd~Etat sont à classer sous deux rubriques,lesquelles: ·demeurent d'ailleurs en étroits rapports: les fermes . . ,et les prêts. Les premières intéressent à vrai· dire ,« tous les échelons de la société marchande .»(1); '. '. lIeigneurs, collectivités ecclésiastiques, municipa,. lit~s, Etats, font rentrer tout ou partie .de leui!l rèvenus par des intermédiaixes, les fermiers, et la , gamme aussi bien que le volume des fermes,'sont ' int'inÏs; les fermes sont en principe adjugées .~u plu:s offrant; mais le principe s'accompagne de" . toutes sortes d'entorses et de combinaisons•. Aux échelons élevés de la ferme, il est fréquent que ,la ., .,f~oumiS8ion s'accompagne, de la part du fermier, . . . . d'une avance . ortante à l'autorité qUi . yen a perception de droits; la ferme n'est alors .' qu'un certain mode de remboursement d'uni prêt antérieur; il en allait ainsi pour les maestTugos• .'L'adjudicataixe d'une ferme était souvent le repré .. ,. Iilentant d'un groupe (association de « parsonniers » ---:-' on dira des « cautions» alix XVIxe et XVIIIe siècles);
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FINANCES ,DE L'ANCIENaSGI.ME'
il pouvait aussi fractionner sa ferme et la cédèr à des a sous-traitants ».Lorsque le système de. la . ferme s'appliquait aUx revenus de l'Etat, il recoù... · vrait en général la perception des taxes ou impÔts indirects .: taxes sur les marchandises, droits .d.~ passage et douanes diverses; les princes faisaieni effort, le plus souvent, pour se réserver la levée des .jmpôts direc,!, en vue de laquelle ils disposaient d'une administration fiscale plus ou moins cohérente d' a officiers de finance ». Tel était le cas du royaume dè :France. Mais oit recruter des « fonc- . tionnaires .» capables, sinon dans les milieux marchands ? « Entre agents des finances et fermiers, note Ehrenberg, la différence était donc minime. Le plus souvent; les uns et les autres collaboraient étroitement. Ils formaient une classe solidaire. » Cette solidarité, faite souvent de com romissions, entre 0 IClers et ermlers emeurera len un trait constant des structures administratives d'Ancien· Régime.' « Un financier, écrira Le Tellier au siè~e suivant - et il entendait par là un prêteur du roi et iun fermier d'impôts - doit estre auprès d'un surintendant ce qu'est un soldat auprès d'un capitaine : il ne doit l'abandonner qu'avec la vie.» Naturellement, en raison de leur position personnelle de marchands et de banquiers, et de leurs fonctions de percepteurs de taxes, les fermiers étaient gens à avoir dJ)...,œé.dit, ~n permanencet}ls étaient alors 'en permanence aussi au service de l'Etat, selon un processus irréversible. Pour avoir placé des capitaux en p~êts au souv~rai~, ils ~taie~t devenus entrepreneurs fIscaux; malS pUIsqu'ils rentraient dans leurs fonds, ils étaient en position d,e faire de nouvelles avances d'argent au prince. Il y avait là une sorte de logique qui devait entraîner . bien des ho.mmes d'affairei! à des déboires doulou-
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BOMMES D'AFFAIRES AUXyIe SIÈCLE
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.. l'eux. Arrivés à, un certain' degré de l'apports avec l'Etat; les marchands.banquiers n'avaient plus la - liberté .de se dégager : l'histoire des Fugger le montre assez. Quant aux conséquences d'un tel système sur la moralité des gens des « finances . du roi », sur la corruption de toute la vie publique et sur l'exploitation ,des contribuables, elles sont suffisamment connues. A côté des fermes, les prêts - mais d'un type particulier. Le crédit public comménçait à peine à s'organiser et les rois ignoraient l'utilisation des emprunts à long terme placés dans un vaste public. Certes, ces procédés d'emprunt n'étaient pas tout à ~ait inconnus; le Moyen Age italien et espagnol les avait continûment employés, mais à la seule é~helle des cités: c'était le système des monti, c'est·à· dire de placements dans une ,clientèle- urbaine assez vllste de rentes, viagères ou perpétuelles, moyen· nant la cession d'un capital. TI se po~uivit au xvie siècle, dans le même cadre : les papes, nous le verrons, l'utilisèrent régulièrement à Rome. TI s'étendit même aux dimensions de l'Etat avec les juros d'Espagne et les célèbres « rentes sur l'HÔtel de Ville )l (Paris) à partir des années 1520. Mais en rmson de leurs formes archaIques - tout achat de rentes, à Paris, entramant la rédaction d'acte notarié - ces emprunts publics ne pouvaient assurer à eux seuls l'entretien des budgets royaux. D'où le recours aux prêts à court terme,. perpétuellement renouvelés sous forme de dette flottante. auprès des hommes d'affaires, des· marchands.banquiers, et des organismes nouveaux dont ils disposaient au XVIe siècle : « foires de change » et -bourses. Cette forme d'emprunts prit le tr..ot, puis le galop, des années 1500 aux années 1560, et leur volume attei· gnitdes sommes considérables sur les deux places
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d'Anvers-(Chatles Quint,:puisPhilipPè: Il). et' de '. Lyoli(Fl'ançois 1er, puis Renri II). Le dâliget :de' l'emprunt à court terme c'est que, à l'écheance;, . l'emprunteur est rarement en mesure de rembo~ser, l'échéance venant toujours trop tôt. Alors l'exq:pruiJ.t est: reconduit, les intérêts s'accumulent, :d':u,utTes : emprunts sont conclus dans l'intervalle et la! 'dette' fait boule de neige « dans une confusion et un .toUlibillon vertigineux» (Ehrenberg) qui entraînaient prêteurs d'argent et princes. Les taux des ,prêt~ ~," à, court terme oscillaient entre 12 % et 25 %l'an;:> 'ils étaient conclus en général pour des périodes "de ,trois mois correspondant à l'origine aux échéanc~$:" , des foires. Il arrivait que certaines firmes famili~es ; i les traitent avec leurs seules forces ; le plus souvent se constituaient de véritables syndicats : tel le fameux Grand Party de Lyon en 1555, ou les ,groupements de financiers génois, espagnols, allemands , qui concluaient des asientos à Madrid ou à Bruxelles. " Dans ce dernier cas, le pr,êt se compliquait d'UJ:l tr~nsfert de fonds à longue distance; la mona~hie espagnole vivait sur les arrivages d'argent;' d~~ Amériques ; mais les galions ne touchaient SéviUe qu'une fois l'an; les contrats d'asientos assuraiènt, à l'Etat des disponibilités sur diverses places d'Europe à termes fixes - le plus souvent sur la place d'Anvers en raison du rôle des Pays-Bas espagnols dans l'équilibre de l'empire des Habsbourg ~ et ils prévoyaient le remboursement de ces ,ayances',' en,Espagne.,L:int~!Y~:tltion des gens d'affaires était ainsi particulièrement nécessaire dans le cas~e8 Etats relevant de la couronne d'Elllpagne, où la. dispersion géographique des revenus à recevoir "'", s'ajoutait à celle des paiements à faire.
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Les ,hommes d'àlfaires. - « Banque 1) 0'11 ',' «,.change » signifiaient au XVIe siècle, comme au . ::' .Moyèri. Age, maniement des espèces et maniement ". ,'déa:CJ.'éances (lettres de change) ; du maniement des . ~pèceli est sortie la banque de dépôts et de vire'. : mel)~~. eXercée soit par des changeurs et banquiex:s .' .' •. pnv;s, soit .par des banques publiques - exclusi- . .vem,ent en Espagne (( Taulas » de Barcelone et de ':Val~ce) et à Gênes avant le dernier quart du' .xYIE! siècle. Mais le maniement des créances, c'est-à- . · 'dire' .du papier, « les allées et venues de l'argent : :e#tte.les différentes 'places» (H. Lapeyre), la· sp·é... ·, . " ,cw.a~on pat « a;rbitrages » entre le prix de l'argent ·.'~sur leS divers marchés de change, sont le fait des ... ':-.'«, xn~chands-banquiers » (Roover) ou « hommes .' .d'~es » (Lapeyre). Ceux-ci mêlent, en règle . .·gén:~ale,affaires de marchandises (négoce lointain, ,« il;!.temational») avec les essais d'accaparement;.· · "qu'elles comportent alors, entreprises industrielles . ' (DÛiles et textiles), opérations financières avec ..,', .', pMces et Etats. Ds ne sont donc pas spécialisés, ';-du moins à l'origine de leur fortune, car l'évolution ' :: ,dè .l~urs activités en conduira beaucoup à port«)r . sûrtout l'effort vers le commerce d'argent et les .' , '. :prêtS~ et à délaisser relativement le commerce~ Au : .' ~. siècle, plus visiblement encore que dans l~s. :, sièolesprécédents, ils ont joué le rôle d'animateurs .'" ,dè. la vie économique. . . . . .. '« Un flot ininterrompu de lettres de change ne cessait de circuler entre les diverses places d'Europe» '(:O:~Lapeyre). Ces transferts de fonds avaient pour .~ase8 le négoce des marchandises, le règlement des 'taxes ,ecclésiastiques à Rome, les dép~es 'mili-
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taires des grands Etats; sur ces trois' poste~l'aug mentation quantitative, propre au XVIe siècle, fut: considérable. Mais, répétons-le, le mécanisme même des transferts ne fut pas une invention de l'époque. Les transferts étaient l'armature sur laquelle s'édi-' fiaient les arbitrages, quj prirent alors une ampleur considérable. Il s'agissait ici, pour les hommes " d'affaires, de faire fructifier leurs capitaux par les allées et venues des lettres de change entre les places, en profitant des variations des cours. Ce procédé compliqué, risqué (défaillance poss,ible du. « tiré Il) permettait en tous les cas de gagner (le l'argent sans tomber sous le coup des interdictions ecclésiastiques concemant le prêt à int~rêt, qui" _, n'auraient pas manqué de jouer sUes prêts avaient été faits, par les hommes d'affaires, sur une seule et ~me place. Mais les besoins de crédit (emprunts à court terme des Etats) et l'attrait du gain devin- ' rent tels au. XVIe siècle queles hommes d'affaires en,' arrivèrent à utiliser un type plus direct de placement sous la forme du « dépôt Il en foire : les « dépôts " étaient des avances faites d'une foire à une autre dans, une même ville, soit trimestriellement, à des taux variant selon le marché; ils furent régulièrement pratiqués aux foires de Castille (1), à Lyon, à Anvers, aux foires « génoises Il, mais pâtirent • partir de 1571 de la décrétale du pape Pie V quiles condamna explicitement. Les mlll"tres du jeu, c'est-à-dire les grands hommes , d'affaires, opéraient, à une éc'helle bien plus vaste que celle du Moyen Age. Ehrenherg a: calculé qUe, si les Pazzi, à Florence, disposaient au début du~', (11 Les foires de Castille se tenaient successivement à Vlllalon. MI!icllD.a dé! Campo, Medina de Rloseco, et de nouveau Medina dei Campo. Ici,les apparences étaient sauves puisque l'on tirait les traites sur des locaUtéi différentes. ',
;ave siècle d'oo 6apital équivalent à 147 kg d'Ol'
lillf et it celUi dl! Laurent et de Cosme de Médicis, ,tU milieu du :xva liIièble, repmentait 1 750 kg, le tdpitâl social d.es Fuggeï', en 1546, équivalait à 13 000 kg de métal précieux; dans la très brillante pMiOclè de 1511·1527 le profit annuel :moyen des FUggmo atteignit 54 %. Des ol'(Jissances identiques dans 1. trafiè lIîà1'Chand ont pu être calculées. De_ ~oupes rtSgiontlU:1C d'hommes d'affttires dtmûnent le XVIe siècle: 1ee Italiens et lei Allemands du. Sud. Le rôle joué par les Espagno18, Portugais, Flumands, a été beau.coup plus effacé; Anglais et FrançiÜs n'apparaiseent pour ainsi dire pas en tant que prêteurs dans les grandes opérations fmanclères dé surface intemationrue. La persistance dès cl t6seawc » italiens tt'est pas étonnante. Ds demeurent lél màttres et initiateurs de t01l8 les trafiès; mais, à la veille d'un décisü mouvement de bascule dawi là vie ~col1onûque continentale, qui se prodttii-a il11 X'\Tne siècle 4'\1'ee l'essor hollandais et brittlllruque, ils connaissent leur dernier grand liiècle. Le mouvement qui, dès la seconde moitié du ~~ei.l3lè. entl'aÎllé la restriction de leur ancien CI)m.JDerce 6\1'eo le Levant (invasions ottomanes), let inëite à 'se :retourner de plU8 en plus '\l'ers l'Ouest miBdit'manéeit : Espagne, Portugal, AÇDl'eS, côtes afrioàinel8 de l'Ouest; et vers la façade Nord·Ouest • l'Eü.tope ; ile sont done en place lorsque le trafie atlantique .'ébl'anle. Jusque Ve'l'S le milieu du x,"p 8iècJ~ les lIudeoDS italienttes p~ondêrantes aont, comme ab s"Îètlle pl'écédent, originaire.. de
'l'b18~ahe- Lucqut>is 01J. Florentins. Les Frescobaldi et tfllâltêtottl. il Londres, qui remplirent l'espèce d.'ihtv.tègta.efinanciel' lIépal'ant lete1Y1pèdes M&üciB dèa-eilli d~s Fo.gge~ ; les Af'fttitadi et Gaspar Ducci à AD'\Tèl's. ; les forts ttoniliremc « Lolnhards )) de Lyon ~
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, ':8On~, Strozzi; Guadagni, Pazzi, Capponi, l.A1bi.~: " , Dans la seconde moitié du,' sièclè les hommes,d~af-, fâir~s italiens de surface européenne sôtit :surtO:ut ",' Génois : Spinola, Grimaldi, Centurioni, Cattaneo, Doria, Sauli... ' ,,' '.,.' ' Ce déplacement d'influence a sans doute ses o:ri~ , gines au xve siècle : intervention préc!)ce, des , Génois dans le commerce maritime de l'Espagne .. " " Mais ce sont les conditions nouvelles du trafic de , 'l'argent espagnol empruntant la voie Bar.celon~- ': Gênes et délaissant le chemin d'Anvers, qui en font lé trait dominant de la seconde partie du « long:»" XVIE! siècle. C'est alors que joue à plein entre ,les mains génoises « la grande machinerie des foirés·' (le Besançon » (M. Braudel) qui se fixent, après· de " nombreux périples, à Plaisance à partir de 1579.; Les circonstances politiques aussi, en rangeant,,; entièrement, les Génois du côté de Charles Quint, ' contre François 1er, à partir de 1527, 'avaiElnt entraûlé les banquiers de Gênes dans le grand curousel des finances des Habsbourg, après av:oir ,servi Charles VIII, Louis XII et François! Jar,. Enfin, ils ont profité, à partir de la première ban, queroute de Philippe II (1557), de l'affaiblisseDJ,ept ," 'des prêteurs allemands qui avaient jusque-là tlmu une grande place dans les opérations financièr'~ , de Charles Quint, et, au-delà de 1575 (deuxième:' , banqueroute de Philippe II), du déclin des foires'de , Medina deI Campo - et du recul anversois. ~s hommes d'affaires génois tiendront les finances de "l'Espagne, de banqueroute en banqueroute, jusque vers le milieu du siècle suivant, époque où se ti\#t " le flot d'argent américain arrivant à Séville, époque, ' où, ,avec l'Espagne, l'Italie et le Levant, l'~spa,ée méditerranéen qui avait, depuis le XIIe siècle, bnposé ' ~s rythmes à l'Europe du Centre et de'I'OueSll,
HOMMES D'AFFAIRES AU XVIe SI:kCLE
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semble s'effacer de la -carte économique àctive du continent. montée des hommes. d'affaires allemands - .Allemands de Bavière et de Franconie...,.... à partir . -du dernier quart du xv e siècle est l'autre fait re~ar~ cfuable de l'histoire des « puissances d'argent» au XVIe siècle. Fait explicable par la -situation des villes bavaroises au débouché des routes transal· pilles menant de Venise à l'Allemagne, et. de là, par leRbin, aux Pays-Bas et à la mer du Nord; et par leur position au cœur de la grande zone euro· péenne productrice d'argent (Harz, Tyrol, Bohême), zone qui fournit une production croissante à la fin du Xve siècle et au début du XVIe, avant d'être éclipsée par l'apport d'Amérique : mais celui-ci ne devient massif qu'après 1545. Fait explicable . aussi par la montée des activités industrielles en Europe centrale, stimulées par le commerce mer du Nord-Méditerranée et ses occasions de débouchés: extraction et travail des métaux (cuivre et fer), industrie textile (futaines: tissus de lin et de coton) ; d'où les ventes de produits textiles et métallurgiques, tant à Venise que dans l'Europe de l'Est et sur la façade de la mer du Nord. De fait, tous les . grands hommes d'affaires allemands du XVIe siècle ont d'abord fait fortune d~ les mines, la vente des métaux, des produits métallùrgiques .et des tissus. De là, ils sont passés aux opérations de crédit aux princes. Le destin des Fugger, s'il- est hois_ série d'un certain côté, par l'éclat de la réussite et la .dimension des enireprises, est cependant de ce - point de vue profondément typique et démonstratif. L'ascension des Fugger, à AugsboUrg, aux XIVe. Xve siècles, à partir de l'installation du -tisserand Hans Fugger en 1367, à-la fois artisan et commer... çant, est en soi banale ; Hans meurt en 1409, négo.
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FiNANCES DE L~ANCIEN' R:tGI,M$.';
, Vie économique et sociale de Rome dans ·la seconde moitié du XVI" siècle, Palis, 1957. SPONT (A.), Semblançay, Paris, 1895. FlIANÇOIS (M.), Le cardinal de Tournon, Paris, 1951. GERJIÀtN-MA:aTIN (Louis) et BEzANÇON, L'histoire du crédit en France sous le règne de Louis XIV, t. 1: Le cr6d.it pubZic, Paris, Sirey, 1913. , SAINT-GERMAIN (J.), Samuel Bernard, Paris, 1960. L'OTH~ (H.), La banque protatante en France de la rélJOcation de . Z'Edit de Nantes Il la RélJolution, S.E.V.P.E.N., 2 vol., 1959 et 1961. HARSIN (P.), Les doclrina monétaira et financières de la France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, 1928. .
TABLE DES MATI~RES
INTRODtrCTION
•••••••••••••••••••••••••••••••• ,...
J. Ambiguïté des mots. AIÎlblguité des falts, 5. dficité des alIalres de finances, 10. '
5'
II. Spé-
PImmEn. - Au temps des' cités et des EtatS . en formation (me_XVe siècle) ••••••.••••••••••••
CHAPITRE
15
1. Conditions générales de développement des alIalres, de finance, 15. - II. L'ère des _Lombards " 21. - III. L'exemple français, 84. " CHAPITRE II. -
Bommesd'affairea et Etats au XVIe siècle· J. Les nouveautés économiques du XVI" siècle, 50; .,- II. Les besoins de crédit et les modes de crédit, 54. - III. • Pulssances d'argent. (Ehrenberg) et marchés de l'argent, 61. IV. Finances princières, 77.
'50
CBAPI~ 111.- Vue perspective des affaires de fûumce
aux ,
xvne
et XVIIIe siècles •.•••••••••• '. • • • • • • • • •
97
J. Economies et finances d'Etat, 97. - II. Situation des gens de finance dans la France de la monarchie absolue, 103. CONCLUSION •••••••••••••••••••••••••• .-. • • • • • • • • • •
121
BmLIOGRAPBIE SOMlllAŒE ' . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
127
,1964. - Imprimerie deà PreSses Universitaires de France. ÉDIT. N0 27545 DIl'BDIt EN FRANCE
Vendôme (Franee) N° 18 080
00.