Economiste, Bertrand Lemennicier est né en 1943 à Paris. Marié et père de deux enfants, il enseigne à l'Université de P...
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Economiste, Bertrand Lemennicier est né en 1943 à Paris. Marié et père de deux enfants, il enseigne à l'Université de Paris-Dauphine et à l'ESSEC. Parallèlement à ses activités professorales, il a mené des recherches au CREDOC dans les domaines de l'économie, de l'éducation, du travail et de la famille dont il a tiré de nombreux articles publiés dans des revues scien tifiq ues . Cofondateur des Cercles d'Etudes libertariennes, il dirige actuellement le séminaire « Ethique et Liberté )) à l'Université de ParisDauphine.
LE MARCHÉ DU MARIAGE ET DE LA FAMILLE
«
LIBRE ÉCHANGE»
COLLECTION FONDÉE PAR FLORIN AFTALION ET GEORGES GALLAIS-HAMONNO ET DIRIGÉE PAR FLORIN AFTALION
LE MARCHÉ DU MARIAGE ET DE LA FAMILLE
BERTRAND LEMENNICIER
Presses Universitaires de France
pour Alexandra et Béatrice
ISBN 2 13041426 5
1UN 0292"'7020
Dépôt légal- Ire édition: 1988, Olars
@ Presse! Universitaires de France, 1988 108, boulevard Saint ... Germain,
7~006
Paris'
SOMMAIRE
Avant-propos. 7 Préface, 9 Introduction, 13 1 - La nature de la famille, 19 2 - Qui « porte la culotte» dans le ménage, 35 3 - Le choix du conjoint, 53 4 - Le prix de la femme dans nos sociétés contemporaines, 69 5 - Le contrat de mariage, 101 6 - Le commerce des enfants, 121 7 - Le déclin de la fécondité, 139 8 - La politique familiale et démographique, 161 Conclusion, 197 Notes, 203 Bibliographie, 221
Avant-propos
1 - Ce livre n'est pas l'œuvre d'un écrivain, mais celle d'un économiste. N'attendez pas de cet ouvrage qu'il soit écrit dans un style digne des plus grands auteurs de la littérature française. Si cela était, l'auteur essaierait de faire fortune comme écrivain et non comme professeur d'économie. 2 - Il ne s'agit pas d'un roman policier, le lecteur ne le lira pas d'une traite. Aussi, pour faciliter sa lecture, chaque chapitre est autonome et voulu comme tel. Il peut donc, s'Ule désire, commencer par le dernier chapitre. Cette autonomie a une contrepartie: elle impose une certaine redondance (reprise, par exemple, d'une même étude de cas ou d'arguments déjà présentés dans un autre chapitre).
3 - Il a été conçu pour familiariser le lecteur avec le point de vue de l'économiste sur des phénomènes touchant sa vie intime (mariage, divorce, procréation, etc.) et pour lui permettre d'incorporer, sans effort, l'aptitude au raisonnement économique. 4 - Incorporer le raisonnement économique ne se fait pas sans répétition. Tout sport exige de répéter indéfiniment des gestes, ou des combinaisons de geste, qui deviendront des réflexes essentiels lors d'une compétition. Il en oblige à des itérations, de mots ou d'arguments (on violera ainsi une des règles sacro-sainte de l'écrivain),
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AV ANI·PROPOS
5 - Cet entraînement au raisonnement n'est pas toujours une partie de plaisir. Il faut parfois s'accrocher. Très souvent, les phrases sont du style AB, BC, CD c'est-à-dire transitives et il n'est pas toujours aisé, dans ce cas, d'éviter les lourdeurs syntaxiques. Dans cet ouvrage, l'idée ou le raisonnement prime l'expression. C'est un parti pris. La perfection, en ce domaine, a un coût d'opportunité: retarder la parution de l'ouvrage et mobiliser le temps de l'auteur à cette tâche au lieu de le consacrer à une autre activité (sous-entendu: plus rémunératrice). 6 - Pour rendre accessible le point de vue de l'économiste au lecteur sans qu'il ait besoin de sacrifier des années d'études pour maîtriser les dédales de la théorie moderne de l'utilité, de la firme, du marché ou de l'équilibre général, nous avons adopté un ton familier, une écriture proche du langage parlé et évité, dans la mesure du possible, le jargon de la profession.
- Enfin, l'auteur dégage toute responsabilité si après avoir lu ce livre, le lecteur regarde d'un œil différent son conjoint et décide d'en changer...
PRÉFACE
Contrairement à ce que peut suggérer le rapprochement entre le titre de la collection « Libre échange» et le titre de ce livre, les pages qui suivent ne sont pas celles d'un ouvrage permettant aux lecteurs de découvrir les mille et une façons d'échanger sa femme contre une autre pour le plaisir d'une nuit, mais d'un livre «docte» et, nous l'espérons, non ennuyeux sur ce que les économistes appelle les marchés «du mariage, de la famille ou des enfants». Comme pour toute œuvre intellectuelle, la préparation d'un livre entraîne une dette à l'égard d'un grand nombre de gens. Je voudrais utiliser cette préface pour exprimer ma gratitude à tous ceux qui, à un stade ou à un autre de ce travail, m'ont aidé. Ma curiosité pour les phénomènes démographiques n'est pas purement accidentelle. Elle a pour origine les recherches empiriques que j'ai effectuées au cours des années 1977-1983 au sein du Laboratoire de Microéconomie Appliquée digiré par Louis Levy-Garboua au CREDOC (Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des conditions de vie) conjointement avec mes activités d'enseignement et de recherches à l'Université de Paris Dauphine. Ce centre dispose depuis de nombreuses années d'enquêtes suries conditions de vie des ménages qui offrent l'occasion de tester les théories de Gary Becker, professeur au département d'économie de l'Université de Chicago, sur la fécondité, le mariage et le divorce. Cet ouvrage n'est pas un résumé ou une synthèse de mes travaux empiriques mais plutôt le fruit d'une nouvelle réflexion visant à susciter chez tous ceux qui ont
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pour profession de traiter des problèmes familiaux, un intérêt pour un point de vue peu courant sur ces thèmes: celui de l'analyse économique. Ma dette est donc immense à l'égard de Louis Levy-Garboua. D'une part, il m'a permis de travailler sur ce sujet, d'autre part, il a toujours soutenu mes efforts à l'encontre de cet environnement hostile à toute innovation qu'est devenu l'université française. J'ai bénéficié pendant ces années passées au CREDOC des longues discussions que nous avons eu ensemble sur ces théories. Je tiens ici à ce qu'il soit remercié en premier. A Louis Levy-Garboua j'associerai son équipe: Madame Durand, Mrs. N'Guyen Khan et J.-P. Jarousse sans oublier Mlle M. Feuillet chargée de la bibliothèque du CREDOC et qui a fait de cet instrument intellectuel un outil d'une très grande qualité. Ces recherches sur la famille, réalisées au CREDOC, ont été financées pendant plusieurs années par la CNAF (Caisse Nationale des Allocations Familiales) et le CGP (Commissariat Général au Plan). Que ces organismes en soient remerciés. Ma dette est tout aussi immense à l'égard de Pascal Salin qui, lorsqu'il était jeune professeur frais émoulu du concours d'agrégation de l'Enseignement Supérieur, et moins connu qu'aujourd'hui, m'a fait découvrir le plaisir qu'il y a à pratiquer le raisonnement économique. Sans ce hasard, je ne serais jamais devenu un économiste et encore moins un universitaire. En ce qui concerne plus directement l'ouvrage, mes remerciements vont d'abord à mes étudiants d'Economie Appliquée à l'Université de Paris Dauphine. Ils ont constitué pendant deux ans un banc d'essai pour voir comment les idées développées dans ce livre pouvaient passer auprès d'un public intéressé à l'économie et à la prospection d'un futur conjoint. Ensuite, ils vont à Henri Lepage avec lequel j'ai eu de longues discussions sur la théorie des contrats et des droits de propriété. A ces remerciements j'associerai Jacques Garello qui m'a permis de présenter plusieurs fois lors des Universités d'été de la Nouvelle Economie à Aix-en-Provence les théories de ce livre à un public plus large que celui des initiés. Je tiens aussi à exprimer ma gratitude à Jacques Silber et Amyra Grossbard qui lors d'un séjour à l'Université de Bar-Uan en Israël m'ont offert la possibilité de discuter un ou deux chapitres de cet ouvrage, alors en préparation, au séminaire hebdomadaire qu'ils dirigeaient. Florin Afta-
P!UFACE
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lion, François Guillaumat, Daniel Pilisi et plus particulièrement Pascal Brunier, même s'ils ne partagent pas les thèses défendues dans ce livre, ont eu le courage de relire le manuscrit en entier ou pour partie, et m'ont fait bénéficier de leurs remarquel) sur la manière dont il était écrit. Je leur exprime à eux aussi to~te ma gratitude. Il est de coutume souvent de dédier son livre à quelqu'un. Les candidats potentiels sont habituellement la femme de l'auteur, ses parents ou ses enfants. Mes parents sont disparus depuis trop longtemps déjà et, s'ils avaient pu lire ce livre, je ne suis pas sûr qu'ils m'auraient félicité. Ma femme n'ayant pas encore lu les pages qui suivent, j'ai encore la possibilité de sortir de chez moi en entier, aussi je me garderai bien d'attirer son attention en le lui dédiant. C'est donc à mes deux filles que je dédie ce livre en prévision des années où elles seront à la recherche d'un époux si à cette époque-là on se marie encore. Clos Ollendorff Saint-Cloud, août 1986
INTRODUCTION
« La femme qui, sur le titre de ce livre, serait tentée de l'ouvrir, peut s'en dispenser, elle l'a déjà lu sans le savoir. Un homme, quelque malicieux qu'il puisse être, ne dira jamais des femmes autant de bien ni autant de mal qu'elles en pensent elles-mêmes.» Honoré de BALZAC, PbylÏologi, du mariagr, La Comltlù humaine, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard.
La famille parmi toutes les communautés connues est sans doute celle qui marque le plus l'individu. On ne peut donc être surpris du nombre impressionnant d'ouvrages écrits à son sujet. Ces livres, la plupart du temps, abordent des thèmes très variés. En général, parmi eux, il en existe un qui attire toujours l'attention du public: celui des changements profonds qui affectent cette communauté. La famille actuelle ne ressemble pas du tout à celle qu'ont connu nos parents et grand-parents. La famille, dite d'autrefois, s'est considérablement rétrécie. Les cousins ne se connaissent pas. Même les frères et sœurs, une fois atteint l'âge de la vie active, ne se voient plus en dehors des cérémonies familiales. L'obligation de prendre soin des vieillards n'existe plus dans nos sociétés. Les «grandmères», par suite de la surmortalité masculine, vivent seules dans les grandes villes à la merci de prédateurs ou dans des maisons de retraite. Le mariage n'est plus sacré. Les couples s'expérimentent, «cohabitent» et se séparent aussi facilement qu'ils achètent une voiture et la revendent quelques années plus tard. Ils se marient et divorcent puis se remarient. Ils ont des enfants hors mariage ou de plusieurs mariages. D'ailleurs moins ils en ont, mieux ils se portent. Lesjeunes,
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au moment de la saison des amours. ne sont plus chaperonnés et vivent une liberté sexuelle génératrice de maladies transmissibles et de grossesses non désirées se terminant par un avortement remboursé par la sécurité sociale. Pour les plus solides d'entre nous. ou pour les plus individualistes, cette évolution est bénéfique. Pour les autres, elle est désastreuse car elle nous prive de la chaleur humaine et de la protection que cette communauté naturelle procurait à chacun d'entre nous. Indépendamment des sentiments que l'on peut éprouver à l'égard de cette évolution les faits sont là pour confirmer l'importance de ces transformations. A en juger par les chiffres, celles-ci sont particulièrement impressionnantes depuis les années 1970-80. L'évolution de la nuptialité, de la fécondité et des divorces est particulièrement rapide depuis cette période. On observe à la fois une baisse assez vive de la nuptialité, une augmentation extrêmement brutale des divorces et une diminution drastique de la fécondité. On remarque simultanément une montée des naissances illégitimes et du nombre de femmes seules vivants avec des enfants. Dans le même temps, les taux d'activité féminine se sont accrus de manière très spectaculaire 1. De tels phénomènes s'ils se prolongent. ne remettent-ils pas en cause la survie même des populations concernées? Ce sont précisément ces changements radicaux conjointement avec l'inquiétude de nos contemporains sur la dépopulation de notre société qui ont de plus en plus attiré l'attention des scientifiques. La famille est ainsi l'objet principal de deux «sciences» distinctes et bien établies: la démographie et la psychanalyse. Mais elle est aussi l'objet de spécialités dans des disciplines diverses comme la psychologie, la sociologie ou l'anthropologie. D'une certaine façon, l'objet de cet ouvrage s'inscrit dans cet effort général des «scientifiques» pour comprendre ces phénomènes. Les économistes, il faut le reconnaître, sont venus très tardivement apporter leur contribution à la connaissance des phénomènes familiaux et démographiques. Ils s'efforcent, à l'heure actuelle, de combler ce retard, et d'en rendre compte avec leurs outils d'analyse habituels. Certes, ils ont déjà des lettres de noblesse sur ces thèmes puisqu'ils ont été les premiers à offrir une théorie de l'évolution des populations avec Malthus, et une théorie de la fonction économique de la famille avec Engels. Néanmoins il aura fallu attendre
INTRODUCTION
IS
les années 1960 pour qu'une théorie économique moderne de la fécondité, du mariage, du divorce et de la nature de la famille se développe sous l'impulsion de l'école de Chicago 2. Cette théorie offre au lecteur une interprétation de l'ensemble des phénomènes qui transforment aujourd'hui si profondément le paysage familial. Les idées que développe cette théorie reposent sur quelques principes simples: 1) tout phénomène social (et donc tout phénomène démographique) résulte de l'interaction individuelle: c'est l'individualisme méthodologique; 2) tout individu agit dans le but de substituer à une situation peu satisfaisante une autre jugée meilleure : c'est, dans sa version la plus atténuée possible, le principe de rationalité individuelle; 3) qu'il s'agisse de choisir entre deux marques de yaourt ou de voiture ou entre deux programmes politiques et ou entre deux femmes, l'individu agit de la même manière «rationnelle» 3 • On accordera simplement au lecteur qu'il est plus difficile pour l'individu de maîtriser son comportement «irrationnel» (c'est-àdire ses passions ou ses instincts) quand il s'agit de choisir une femme pour épouse que lorsqu'il s'agit du choix d'un emploi ou de vêtements. Cette vision s'oppose à celle des anthropologues ou des sociologues pour qui la question est de savoir si : «parmi les faits qui se passent au sein des groupes, il en est qui manifestent la nature du groupe en tant que groupe et non pas seulement la nature des individus qui les composent 4 »;
ou si: «les actions des individus sont raisonnables sans être le produit d'un dessein raisonné et à plus forte raison, d'un calcul rationnels».
Le choix du conjoint résulte-t-il d'une intention raisonnée ou est-il un choix raisonnable sans être le produit d'un calcul rationnel? La famille est-elle l'un des organes de la société remplissant une fonction particulière: celle de reproduction et de socialisation de ses membres? Les phénomènes démographiques sont-ils le produit non anticipé d'actions individuelles parfaitement rationnelles? Poser les questions de cette façon oriente les réponses dans une certaine direction. Or, chacune de ces directions tend à s'écarter de sa voisine, creusant ainsi le fossé qui sépare les disciplines ou les chercheurs. Ainsi cette théorie économique de la famille, encore dans son enfance, suscite déjà de telles réactions de rejet, même parmi les
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économistes, que J'on peut se demander si elle va survivre aux assaults les plus divers menés contre elle. Si l'optimisme de certains économistes (ici les tenants de l'école de Chicago) est illustré par cette phrase: ~ ... J'approche économique est un instrument puissant pour analyser à la fois les changements dramatiques qui se produisent dans cette seconde partie du siècle et les changements plus lents mais plus profonds qui au cours des siècles caractérisent J'évolution de la famille des sociétés traditionnelles à la société moderne 6 ».
néanmoins, il est loin d'être partagé par tous. Les remarques perfides d'un prix Nobel comme Samuelson qui, évoquant l'analyse économique de la fécondité, parle de : ~ verbiage stérile par lequel les économistes décrivent les décisions de fécondité dans leur jargon de courbes d'indifférence (et de contrainte de budget), impressionnant par ce biais des non-économistes qui n'ont pas passé leur jeunesse à maîtriser les dédales de la théorie moderne de l'utilité»
ou celle de Blaug qui lui, voit dans cette littérature: ~ l'usage d'un marteau tenu à deux mains pour écraser LInt! noix 7 »
dévoilent l'âpreté des débats. Ces passions soulevées par l'incursion de J'école de Chicago dans les chasses gardées des sociologues ou anthropologues s'étendent à ces disciplines. La discussion et les critiques, faites par Clignet et Sween ou Cohen dans le CUITent Anthropology de mars 1977, à l'analyse économique de la polygamie de Grossbard, une élève de Becker (chef de file de l'école de Chicago dans ces domaines) illustrent des querelles extrêmement vives entre les chercheurs s. La plupart des détracteurs rejettent l'analyse économique de la famille parce qu'elle serait un outil inapproprié pour comprendre des phénomènes complexes non marchand. D'ailleurs, pour eux, cet outil d'analyse s'avère déj à incapable d'expliquer ce qui se passe sur le marché du travail ou sur des marchés financiers. A fortiori, on ne voit pas pourquoi il apporterait quelque chose à la compréhension de phénomènes que l'on observeraient sur le «marché» du mariage. On peut répondre à cette critique en la prenant à l'envers. En réalité, cet outil s'avère extraordinairement efficace parce que les phénomènes familiaux sont fondamentalement plus simples que ceux observés sur les marchés du travail ou financiers. Nous n'entrerons pas dans ces débats pour deux raisons qui nous semblent amplement suffisantes. D'abord, ce que nous voulons approfondir c'est l'approche des économistes et non celle des autres
INTRODUCTION
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disciplines. Ensuite, si nous abordions et discutions des recherches faites dans celles-ci pour les confronter à nos analyses, nous serions amenés très vite, faute de place, de temps et surtout de compétence, à présenter de façon partielle, caricaturale ou bien encore partiale (pis encore, les trois ensembles) les théories développées par les sociologues, anthropologues ou psychanalystes, ce qui serait profondément injuste à leur égard. C'est l'expérience des échanges interdisciplinaires qui nous apprend combien il est difficile d'entrer dans l'analyse spécifique d'une autre discipline. Il suffit de voir comment un excellent sociologue, historien ou psychanalyste caricature dans sa présentation une théorie économique afin de mettre mieux en valeur les siennes pour se rendre compte combien il est imprudent pour un économiste d'en faire autant. Ce n'est donc ni par ignorance ni par négligence, mais volontairement, que nous ne ferons jamais référence, à quelques exceptions près, aux travaux des autres chercheurs en sciences sociales sur les thèmes qui nous préoccupent dans ce livre. On comprend aisément pourquoi démographes, sociologues et anthropologues ne sont pas convaincus par la pertinence du paradigme des choix individuels appliqués aux phénomènes touchant la famille: ils en méconnaissent le maniement. En revanche, on ne comprend pas pourquoi les économistes, eux, ne sont pas convaincus de sa pertinence. Ils devraient l'être puisque ce paradigme fonde leur raisonnement. Ils devraient l'être encore bien davantage puisque le mot «économie» vient du grec «oikonomia» et signifie organisation d'une maison domestique! Or, aussi paradoxal que cela puisse être, les économistes n'ont jamais eu de théorie du «ménage domestique» ; pour la première fois, il en existe une. A l'image de la théorie économique de l'entreprise, de l'Etat ou de la bureaucratie, elle transforme la «boîte noire» des «ménages» (seule entité reconnue par la comptabilité nationale qui ignore résolument les individus) en une «boîte» enfin transparente! Rien que pour cette percée décisive, la théorie économique de la famille mérite d'être étudiée à l'égal de celle de l'entreprise ou de l'Etat. Avec le temps et la féminisation croissante de l'Université nous ne doutons pas qu'elle finira par constituer une spécialité reconnue. En attendant, la réticence générale chez les économistes comme chez les autres «scientifiques» à cette approche de la famille surprend toujours. La raison en est sans doute sentimentale. D'une part,
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sa simplicité, son unité et sa cohérence et, d'autre part, son langage heurtent la sensibilité de chacun sur des sujets qui touchent souvent à l'intimité des gens. Le lecteur n'accepte pas encore de voir qu'il est possible d'examiner toute action en termes de coûts et avantages, et qu'il n'agit pas autrement dans ses relations avec les autres êtres humains. Personne n'aime être traité comme un objet d'échange dans les aspects les plus intimes de sa vie; chacun aspire à être unique. Les occidentaux pensent le mariage dans ses aspects romantiques et valorisent le caractère unique de la relation d'amour qui s'établit entre mari et femme. Si l'un commence à juger la conduite de l'autre et à faire la comptabilité des avantages et des coûts qu'il ya à vivre ensemble, la vie du couple vaut-elle d'être prolongée? Nos contemporains préfèrent oublier les aspects les plus routiniers du mariage. Ils sont aveugles à son fondement économique même: le mariage pour une femme est avant tout un travail et un emploi. Si c'est un bon emploi - c'est-à-dire si le mari est un bon mari riche et affectueux - alors il y a plein de candidates prêtes à offrir leur service à cette perle rare. De la même manière l'homme est bien content d'avoir une épouse pour s'occuper de lui et avoir des enfants. Il entre en compétition avec d'autres hommes pour gagner le cœur de la femme qu'il convoite et pour acquérir suffisamment de ressources de telle sorte qu'elle puisse rester au foyer. Ce sont ces aspects non romantiques de la vie quotidienne qui engendrent un marché du mariage 9. Les gens se marient, restent célibataires, se séparent ou divorcent. Ils produisent ensemble divers biens ou services nécessaires à la vie courante. Ils ont des enfants. Ils se disputent les droits et obligations qu'ils ont les uns sur les autres. Tous ces faits sont déterminés par un ensemble de facteurs recevant une interprétation simple si l'on a en tête l'idée que les choix individuels à propos du mariage et de la vie de famille sont soumis aux lois du marché. Nous traiterons l'essentiel de cette interprétation dans les points suivants 10 : La nature de la famille - Qui «porte la culotte» dans le ménage - Le choix du conjoint - Le prix de la femme dans les sociétés contemporaines - Le contrat de mariage - Le commerce des enfants - Le déclin de la fécondité - La politique familiale et démographique.
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La nature de la famille « La principale raison pour laquelle il est rentable de constituer une entreprise semble qu'il y ait un coût à utiliser le mécanisme des prix de marché. » R. COASE, The Nature of the Firm, EroIlO1l,ÎCa, novembre 1937.
La famille est une entreprise ou une communauté d'intérêts qui offre à ses membres des bénéfices de toutes sortes qu'il est difficile de se procurer à un prix raisonnable sur le marché 1• Ces bénéfices peuvent être matériels tels le gîte, le couvert et les repas ou immatériels tels l'amour ou l'affection. Ils vont de l'assurance en temps de maladie ou de la perte d'un emploi, aux soutiens financiers ou affectifs, aux anciens qui ne peuvent plus travailler, aux soins médicaux ou à l'éducation des plus jeunes. Cette liste est longue et varie d'un pays à l'autre ou d'une époque à l'autre. Ces bénéfices sont produits par les membres de la famille en combinant l'achat de biens et services avec l'utilisation de leur propre temps et compétence. Cette hypothèse permet de comprendre presqu'immédiatement la nature de la famille et les raisons de sa formation. En effet, son existence dépend fondamentalement de la présence ou de l'absence de substitut à la production familiale sur le marché. Cette idée très simple, mais non simpliste, est riche d'implications théorique et empirique 2 • Pour comprendre l'argument posons-nous la question suivante: pourquoi la famille est-elle encore attrayante pour les individus si la plupart des activités produites en son sein peuvent être aujourd'hui
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obtenues sur le marché? au lieu de déjeuner à domicile, il est possible de prendre ses repas à la cantine de l'entreprise ou au restaurant. Au lieu de faire soi-même le ménage, laver le linge ou la vaisselle, bricoler ou s'occuper des enfants, il est aisé de s'adresser à un personnel de maison ou bien à une entreprise (publique ou privée) spécialisée dans la production de ce type de services. Si les gens désirent avoir des relations affectives avec d'autres personnes, ils peuvent adhérer à un club de rencontres ou payer quelqu'un comme l'attestent le développement de la prostitution et celle des compagnies de personnes auprès des malades et des personnes âgées. S'ils désirent avoir des enfants, ils peuvent en adopter légalement ou s'en procurer, moyennant une somme d'argent, au marché noir en Colombie, ou ailleurs. Si la plupart des activités qui sont produites à domicile peuvent donc être obtenues sur le marché, quelles raisons poussent les individus à préférer une production familiale? Utiliser le marché pour acquérir tous ces services ne se fait pas sans coûts. Chaque transaction impose des dépenses propres qui sont liées aux trois obstacles suivants: 1) découvrir le service jugé équivalent à ce qu'on pourrait produire soi-même; 2) trouver les personnes ou les entreprises qui offrent ces services ou produits; 3) négocier et conclure les contrats puis contrôler l'exécution des services. A cela s'ajoutent des dépenses variant proportionnellement avec le nombre de transaction par unité de temps (par exemple le mois ou la semaine), avec le nombre de parties au contrat en présence, et avec le nombre distincts de biens ou services demandés par transaction 3. Enfin, à chaque transaction les coûts varient avec le volume du bien ou service demandé. Un service aussi simple que celui des tâches ménagères illustre ces difficultés de façon évidente. Le travail ménager peut être assuré par du personnel domestique. Le service rendu dépend du nombre d'heures de ménage et de l'aptitude de la personne employée. Or, justement, cette aptitude n'est peut-être pas celle que l'on espérait. Le ménage n'est pas fait avec le soin ou l'attention voulue. La personne qui le fait n'est peut-être pas très honnête, ou bien elle est suffISamment maladroite pour briser des objets auxquels vous tenez beaucoup. La difficulté de trouver du personnel domestique idéal qui ferait le travail aussi bien sinon mieux que soi-même n'est pas due à l'impossibilité de le trouver mais au coût qu'il faut supporter pour le découvrir! Si vous êtes demandeur d'un personnel domestique com-
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ment faites-vous pour être mis en contact avec? En général, il est possible de s'adresser à une entreprise de placement, à l'expérience des voisins ou bien aux petites annonces dans les journaux ou sur les lieux de commerce que l'on fréquente mais tout cela nécessite du temps et de l'argent, et il faut négocier le contrat, discuter de la rémunération, des tâches à accomplir, de la durée et des heures de disponibilité de chacun. Il faut aussi convaincre l'employé d'être déclaré à la sécurité sociale! Ces opérations doivent être répétées souvent (tous les mois) pour différentes tâches domestiques et avec différentes personnes. Il en faut une pour la cuisine, une autre pour le jardinage, une troisième pour les soins et l'éducation des enfants, la quatrième pour la conduite des véhicules de la famille et une dernière pour surveiller les autres. Ces coûts fixes deviennent vite prohibitifs et à la seule portée des familles les plus riches ou des dignitaires de l'Etat comme pour les commissaires de la République. Toutes ces conditions affectent la valeur accordée à ce substitut qu'offre le marché. Si ces services peuvent être produits par soimême à un coût plus faible, on renoncera à leur achat. Reportons-nous maintenant aux services affectifs. On devine immédiatement les obstacles rencontrés pour les obtenir. Les relations affectives ont cette caractéristique particulière d'exiger, pour donner quelque utilité, une longue période d'investissement et une exclusivité sur une personne parfaitement identifiée. Or, une entreprise qui désirerait offrir sur le marché un tel service doit pour survivre et étendre sa clientèle pouvoir passer des contrats de courte durée et non exclusifs. De tels contrats existent, mais ils concernent la compagnie des personnes âgées ou la prostitution, c'est-à-dire des substituts très imparfaits à ce que les individus peuvent produire au sein de la famille. De la même façon, avoir des enfants en les adoptant ou en utilisant des mères porteuses présente des inconvénients non négligeables. On désire avant tout ses propres enfants et non ceux des autres. On désire voir reproduire dans un enfant la moitié de ses gènes. Les personnes qui adoptent des enfants ou s'adressent à des tiers pour les produire sont principalement des couples stériles. Comme on n'est pas indifférent aux gènes incorporés dans l'enfant, on préférera produire soi-même ses propres enfants avec une personne parfaitement identifiée. Le rôle fondamental joué par l'identité du partenaire s'étend au-delà du problème des enfants. Quand il s'agit des services affectifs ou même dans certains cas, quand il
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s'agit d'embaucher une femme de ménage, l'identité de la personne est cruciale. La valeur de la production domestique offerte ou du service rendu par l'affection de quelqu'un dépend de la qualité et de la stabilité des relations qui s'établissent entre les individus. Pour le marché, la difficulté d'offrir sur grande échelle des substituts à ces activités ou à ces biens incite les individus à coopérer pour les produire eux-mêmes. Ils établissent un contrat bilatéral (ou multilatéral) entre des facteurs de production: les temps, les aptitudes, et les ressources monétaires des individus décidés à coopérer. Ils instituent une entité «abstraite» appelée: la famille. Naturellement, cette incitation ne suffit pas car l'institution présentera un intérêt si l'ensemble des avantages produit par les individus en coopérant entre eux l'emporte sur la somme des bénéfices qu'ils produisent pris séparément. La différence des deux doit l'emporter sur les difficultés d'organisation et de contrôle et sur celles encourues si l'on veut obtenir sur le marché des produits substituts. On retrouve ici les arguments proposés par les économistes pour expliquer la nature de la firme et son émergence. Trois raisons permettent de produire plus, ensemble plutôt que séparément: - la division du travail; - la complémentarité des individus; - les économies d'échelle. Par ailleurs, les coûts du contrôle des performances au sein de la famille diminuent avec : - le degré de: générosité ou d'amour liant les partenaires (celuici permet d'augmenter considérablement la confiance des uns envers les autres. Comme chacun désire le bonheur de l'autre, chaque partenaire attend de son conjoint qu'il ne s'engage dans des activités qui nuiraient à son bien-être et à celui de la famille dans son ensemble); - l'aisance avec laquelle on peut mesurer les performances; - la précision des droits de propriété sur les actifs de la famille et sur l'utilisation de ses ressources; - la loyauté au groupe. En revanche, ils augmentent avec: - les conflits de personnes; - la répugnance à l'effort individuel ou l'incompétence. Finalement les coûts d'accès au marché dépendent des dépenses propres à la transaction et du volume des biens demandés par unités de temps.
LA NATURE DE LA FAMILLE
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Constituer ou prolonger la famille résulte de l'interaction de ces gains et de ces coûts. Abordons successivement ces différents points.
La division du travail, la complémentarité et les économies d'échelle Si chaque membre de la famille dispose d'un avantage comparatif dans une activité, une division du travail entre eux permettra de produire plus ensemble que séparément. L'homme et la femme sont différents pour des raisons biologiques ou d'investissement en capital humain. La façon dont le temps est alloué à des tâches diverses ne peut donc leur être indifférente. Ceci incitait jadis la femme à rester au foyer pour les tâches domestiques et l'homme à rechercher un emploi quelconque pour assurer un revenu. A priori, la spécialisation des rôles au sein de la famille n'est pas liée au sexe 4 • Un couple d'individus de même sexe peut très bien saisir l'opportunité des bénéfices procurés par une division des rôles si leur temps et / ou productivité ne sont pas identiques 5. Les raisons pour lesquelles les temps ne sont pas parfaitement semblables sont vraisemblablement liées aux talents innés ou acquis incorporés dans chacun d'eux. On peut même aller plus loin. Si deux partenaires sont parfaitement identiques Gumeaux) et s'ils décident de vivre ensemble, il est dans leur intérêt d'investir en capital humain et d'acquérir une formation ou un talent différent pour se créer un avantage comparatif. Ces individus se donneront les moyens d'augmenter leur bien-être en profitant des gains dûs à la division du travail'. Cet investissement en capital humain de chaque partenaire peut à lui seul déterminer la division sexuelle des rôles dans la famille sans paradoxalement décider du sexe qui voit ses activités orientées vers la production familiale. La femme s'est vue attribuer systématiquement les activités familiales. Il existe donc une raison pour laquelle l'avantage comparatif est lié au sexe. La femme, par définition, se trouve être le sexe spécialisé dans la reproduction de l'espèce (cette différence biologique est, elle-même, issue d'un principe de spécialisation 7 ). Ceci donne à l'épouse un avantage absolu dans la production des enfants au moment de la gestation et de l'allaitement. Il s'ensuit un avantage comparatif dans leur éducation au moment où ils sont les plus vulnérables, c'est-à-dire en bas-âgeS.
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Cet avantage comparatif est exploité si et seulement si les couples désirent se reproduire, c'est-à-dire si la demande d'enfants est importante. La forte demande d'enfants par les hommes élève, pour la femme, la rentabilité du mariage et renforce l'intérêt d'une spécialisation du sexe féminin dans les activités familiales. C'est donc parce que les hommes et les femmes désirent leurs propres enfants en grand nombre que la division, sexuelle des rôles s'impose. Inversement, si la demande d'enfants est faible ou bien si l'on ne désire pas avoir ses propres enfants, elle repose davantage sur les investissements en capital humain respectifs de chaque partenaire sans préjuger du sexe. La division sexuelle des rôles au lieu d'être influencée par la nature du sexe sera déterminée par l'assortiment initial des partenaires et par leur talent au début ou en cours du mariage. Malheureusement, la demande d'enfants, même si elle est faible, impose à l'épouse, du fait de son sexe, un effort pour convaincre l'employeur qu'elle a le désir d'exercer de façon permanente une activité professionnelle alors que la moyenne des femmes s'arrêtent pour élever leurs enfants. Anticipant cette interruption, l'employeur offre aux femmes un salaire inférieur à celui des hommes pour la même qualification ou le même poste de travail. En début de carrière, pendant la formation, l'employé coûte plus qu'il ne rapporte. Pour récupérer cette perte, l'employeur verse un salaire inférieur à ce que rapporte l'employé une fois la qualification acquise. Comme les femmes cessent de travailler pour élever leurs enfants, l'employeur a plus de difficultés à récupérer sa perte initiale. Il hésite à embaucher une femme et s'il le fait, il lui offre un salaire plus faible! Cette différence de salaire est suffisante pour créer un avantage comparatif à spécialiser la femme au foyer. La rentabilité des investissements en éducation pour les filles se trouvent être plus faible. Cette division des tâches est alors perpétuée par les familles qui tendent à financer des formations rentables pour leurs fils et non pour leurs filles. La présence de bons substituts sur le marché à la production familiale est essentielle pour profiter des gains de la division du travail. C'est elle qui permet d'exploiter les traits dissemblables des conjoints pour produire plus ensemble que séparément. En leur absence le couple devra produire lui-même les biens et services qu'il demande. Dans un tel cas la seule façon de produire plus ensemble que séparément repose sur un bon assortiment des conjoints.
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On recherchera chez le partenaire des traits qui ajoute plus à la production lorsqu'ils sont associés ensemble. Ces traits sont dits complémentaires. Dans le cas contraire où ils ajoutent moins, ils sont dits substituables. Les sociologues insistent sur la complémentarité des époux comme source principale des gains du mariage 9 ; en revanche les économistes mettent plutôt l'accent sur la division du travail. Ni les uns ni les autres n'ont tort. « L'homogamie» des traits des conjoints est extrêmement fréquente, qu'elle soit mesurée par l'intelligence, la taille, l'âge, la couleur de la peau, l'éducation, la religion ou les caractéristiques socio-économiques des parents. Naturellement, on observe des assortiments où les traits des conjoints sont opposés, qu'ils soient mesurés par le salaire, le sexe ou la tendance à «materner» son partenaire. L'assortiment des individus semblables est optimale pour la production de biens sans substitut sur le marché. En revanche, l'assortiment de personnes dissemblables est optimale pour la production de biens ayant des substituts sur le marché. Ce théorème est immédiat. Lorsque l'on ne peut obtenir sur le marché un service que l'on désire, il faut le produire à domicile. En conséquence, et par défmition, on recherchera chez son conjoint des traits complémentaires. Inversement, pour bénéficier de gains de la spécialisation, il faut une différence de productivité, c'est-à-dire des traits dissemblables. On recherchera donc chez son partenaire des traits substituts. C'est-à-dire des traits qui non utilisés ensemble, produisent plus de satisfaction qu'autrement. Partager le même toit, la même voiture ou le même lit économise des ressources. Cependant, les gains associés à ces économies d'échelle peuvent être captés par des personnes ne désirant pas se marier (frères et/ou sœurs, étudiants partageant le même appartement, communautés). Ils sont aussi contrebalancés par des coûts d'adaptation aux goûts, aux horaires et aux fréquentations de l'autre partenaire. Or ces coûts seront justement minima quand les individus seront semblables et quand l'un d'eux se spécialise dans la production domestique. C'est-à-dire quand les gains de la division du travail et de la complémentarité préexistent. Une explication des gains du mariage par les économies d'échelle n'est donc pas très convaincante. Celles-ci ont sans doute un intérêt lorsque la taille de l'unité de production est élevée. La famille de ce point de vue n'est pas
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une institution où l'on puisse réellement profiter des effets de taille car celle-ci est limitée. Les gains de la division du travail et de la complémentarité sont certainement nécessaires pour rendre attrayant le mariage, mais ils ne sont pas suffisants. Comment va-t-on organiser la production et le contrôle des performances de chacun? Qui va commander? Quand l'époux est au travail est-ce que sa conjointe au foyer assure les tâches domestiques comme le désire son partenaire? Ne risque-t-elle pas d'être détournée de son devoir conjugal par son voisin? De la même façon est-ce que le mari s'investit suffisamment dans son travail pour offrir à son épouse, spécialisée dans la production familiale, un niveau de vie supérieur à celui qu'elle pourrait obtenir en travaillant ou en redevenant célibataire ou en épousant un autre homme?
Les coûts d'organisation de la production en famille L'étroite coopération du couple permet de contrôler aisément le comportement de chacun et de mesurer les performances respectives 10. Le sérieux du travail (domestique ou professionnel), les dépenses ou les habitudes de consommation, la compétence dans les décisions d'un membre de la famille sont facilement observables. La famille économise les coûts d'information sur les comportements de ses membres. Plus elle sera étendue et intégrée (vivant en autarcie ou avec des liens très étroits), plus elle économisera sur ces coûts d'information. Par ailleurs, elle dispose de sanctions, en cas de mauvaise conduite, qu'aucune autre institution ne peut mettre en œuvre comme la «fessée» ou l'exclusion du clan familial dont les conséquences étaient autrefois infiniment plus graves que de perdre un emploi. Les membres de la famille sont aussi copropriétaires de l'ensemble des actifs produit par leur coopération. Cette copropriété développe un sentiment de responsabilité à l'égard de la communauté. Ce comportement varie avec la taille, l'étendue du clan familial et le partage des gains du mariage. Plus la famille est étendue et le partage égalitaire, moins les membres du clan seront sensibles aux conséquences de leur propre conduite sur le bien-être des autres partenaires. En revanche, plus la taille du groupe est petite et la part des gains du mariage reçue par chacun, fonction de son comporte-
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ment, plus cette copropriété responsabilisera les membres du clan. Enfin, l'amour limite les comportements opportunistes des uns et des autres. L'honnêteté ou la confiance accordée à autrui ou bien encore la loyauté à l'égard du groupe sont des attitudes morales qui renforcent la coopération et la réputation de la famille même si celles-ci ne sont pas spécifiques à cette institution. La loyauté au groupe vaut pour un club, une entreprise ou une nation. Les métaphores utilisées par ces institutions pour répandre cette attitude parmi leurs membres (à l'exemple des concepts de : solidarité nationale, fraternité du peuple, mère patrie, Dieu est votre père, les hommes vos frères etc.) se servent de l'émotion provoquée par ces mots, grâce à l'expérience familiale, pour susciter artificiellement parmi les esprits les plus faibles du groupe (en misant sur un mécanisme de transfert émotionnel) l'adhésion aux valeurs de l'institution et l'obédience à ses chefs li. Trois obstacles viennent cependant nuancer ces avantages dans l'organisation de la coopération au niveau de la famille. D'abord, les membres du clan ne sont peut-être pas doués pour certaines activités spécifiques (soigner un blessé) auquel cas il faut faire appel au marché ou à l'échange. Ensuite, comme les sanctions pour mauvaise conduite sont graduelles, une marge assez grande existe dans les comportements pour enfreindre les règles implicites d'une bonne allocation des rôles ou pour négliger les tâches que l'on s'est spontanément attribuées. Enfm, en cas de conflits entre mari-femme, parents-enfants, ou frères et sœurs, les tensions affectent l'ensemble des comportements et donc la production familiale. Autant la stabilité des liens et l'affection développent les performances des individus, autant l'instabilité et la mésentente constituent une source considérable de faiblesse et accroissent les coûts de toute coopération familiale. On comprend mieux pourquoi la complémentarité des membres du clan joue un rôle essentiel. Non seulement elle permet de produire plus ensemble que séparément, mais elle offre aussi la possibilité de sélectionner les traits de la personnalité qui facilitent l'apparition d'attitudes telles l'honnêteté, l'altruisme, la loyauté, la compétence qui rendront moins coûteuse la coopération. Les coûts de transaction supportés par les individus pour accéder au marché interviennent aussi dans ce bilan. L'aspect impersonnel du marché et la standardisation des produits réduisent les
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coûts fixes de chaque transaction. Autrefois la maîtresse de maison pour laver son linge payait une lavandière. Aujourd'hui une machine à laver tient ce rôle. Le passage d'un service humain à un capital physique réduit les coûts propres à chaque transaction (il n'y a plus à chercher une lavandière, à vérifier si celle-ci possède les compétences appropriées et l'honnêteté nécessaire et enfin négocier avec elle un contrat de travail) tout en augmentant les services rendus. La machine offre l'avantage d'être «standardisée» et de pouvoir laver à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, à un rythme fréquent. Le volume de linge susceptible d'être lavé augmente donc. Le coût plus faitle avec lequel on peut laver le linge (le prix d'une machine à laver comparé au coût horaire d'une lavandière est pour le même volume de services rendus dérisoirement bas) incite à une consommation accrue! Ce qui vaut pour la machine à laver vaut pour le lave-vaisselle, la voiture, la surveillance électronique ou la télévision. L'ordinateur personnel permettra bientôt de contrôler toutes ses machines et de les faire fonctionner même en l'absence des propriétaires! Les coûts d'accès au marché pour un grand nombre de biens et services produits à domicile diminuent. Naturellement, on peut contester qu'il s'agit-là d'un véritable progrès. Quel est le mari qui apprécie que se substituent à la cuisine familiale, les repas congelés, la cantine ou le Fast Food? Pour concrétiser ces différents arguments prenons à titre d'exemple les services rendus par la famille en matière de protection et d'assurance, ou bien d'activités commerciales. Se protéger contre les conséquences de la vieillesse, de 1;1 maladie, de la séparation ou du divorce, du chômage ou du décès du conjoint peut se faire de nombreuses manières. Dans les sociétés traditionnelles, la famille est l'institution principale qui fournit une telle protection. En revanche, dans les sociétés modernes, la famille, en concurrence avec le marché et l'Etat, offre à un moindre degré assurance et protection à ses membres. Ainsi, les jeunes chômeurs ou les couples qui se séparent ou divorcent trouvent éventuellement refuge chez les parents; les orphelins sont adoptés par des amis ou par les grands-parents, voire par des oncles ou tantes ou même des frères ou des sœurs. Les parents aident fmancièrement leurs enfants ou leurs proches. Habituellement, les économistes décèlent deux raisons pour lesquelles le marché et l'Etat sont dans l'incapacité d'offrir convenablement un service d'assurance: le phénomène
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d'auto-sélection inverse et le risque moral. L'auto-sélection inverse apparaît lorsque les individus connaissent mieux la probabilité avec laquelle survient l'événement que l'assureur. Faute de distinguer entre les personnes à haut risque de celles qui ne le sont pas, l'assureur impose à chacun la même prime de risque. Or, les individus à faible risque vont trouver la prime trop élevée par rapport à la valeur du dommage attendu. Ils renonceront à s'assurer sur le marché ou auprès d'une institution publique ou quasi publique. L'assureur ne trouvant alors devant lui que des clients à haut risque fait faillite ou demande l'aide de l'Etat. Le phénomène du risque moral apparaît lorsque les assurés peuvent affecter la probabilité d'apparition de l'événement redouté en consacrant de l'argent, de l'attention ou du temps pour l'éviter. En couvrant partiellement ou totalement le dommage créé par cet événement, l'assureur n'incite pas l'assuré à dinùnuer la probabilité du dommage. Si tout le monde agit ainsi, la probabilité des sinistres augmente et le montant des dommages à rembourser s'élève, conduisant à une hausse des primes d'assurance. Les pouvoirs publics peuvent imposer une norme à l'ensemble des individus (obliger l'ensemble des acteurs sociaux à s'assurer contre un certain nombre de risques) pour échapper au phénomène d'auto-sélection inverse, les institutions publiques et privées d'assurance pourront fonctionner. En revanche, elles ne peuvent esquiver le problème du risque moral. La famille sous cet angle présente au moins trois avantages en dépit de quelques inconvénients majeurs. Le phénomène d'autosélection inverse n'y apparaît pas. En effet, l'assurance n'est pas offerte aux personnes étrangères à la famille et ses membres ne peuvent facilement s'en exclure d'eux-mêmes. L'information sur les risques d'apparition de l'événement redouté pour l'un des membres de la famille est habituellement accessible aux autres membres. Le chef de fanùlle connaît (contrairement à un assureur privé ou public) l'état de santé de son conjoint ou de ses enfants. L'amour, la loyauté et la générosité limitent considérablement les comportements visant à tricher ou mentir sur les risques encourus si ceux-ci nuisent aux autres membres du clan. Certes, les conflits entre personnes ou la difficulté de se faire une idée correcte du risque nuancent ce jugement. Si vous détestez votre conjoint, vous vous réjouirez de son malheur. Vous ferez tout ce qui sera en votre pouvoir pour l'aggraver. A l'inverse, si vous aimez vos enfants, vous vous inquiéte-
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rez, sans raison sérieuse, de la moindre épreuve qu'ils pourront subir. Mais la protection de la famille se heurte à un inconvénient majeur : sa taille limitée. Comparée au marché de l'assurance ou à des institutions publiques ou privées, la famille «moderne» n'offre pas d'économies d'échelle. Elle ne permet pas de diversifier les risques sur un nombre suffisant de gens. Si les risques sont positivement corrélés entre eux (les membres de la famille travaillent tous dans la même entreprise), la famille aura du mal à assurer une protection à ses membres contre.le risque de chômage, faute d'être suffisamment étendue. Ce phénomène de risque social affecte aussi l'Etat ou le marché, mais leurs dimensions respectives perment d'en diminuer l'ampleur. La protection et l'assurance seront fournis par le marché ou par la famille selon les avantages et les inconvénients respectifs des deux types d'institutions face à la nature de l'événement redouté. Le risque de maladie sera offert par le marché ou l'Etat; la charité ou la protection contre le divorce seront des services mieux assurés par la famille. La nature même de la famille joue dans les activités commerciales un rôle parfois irremplaçable. Dans un monde où le respect des contrats d'échange est incertain, l'identité des partenaires va avoir une importance cruciale. Les traits de leur personnalité vont décider de la continuité de l'échange ou de la stabilité de la relation commerciale 12. Dans un tel cas, il y a avantage à échanger ou à établir des relations commerciales, de préférence avec les membres de sa propre famille ou avec son clan. Les raisons sont simples: connaissance plus approfondie de la conduite habituelle des partenaires et de leur personnalité; incitation et sanction plus aisée du fait de la durabilité du lien du sang; loyauté et confiance plus grande. Même si une formation moins 'adéquate constitue un inconvénient possible, les membres du clan bénéficieront d'un net avantage dans un environnement où l'incertitude sur la qualité des marchandises et sur les échangistes est très grande et peu observable avant l'établissement de la relation commerciale. Le dommage créé par cette incertitude s'élève avec la valeur de l'objet d'échange, aussi les économies de coûts de transaction réalisées dans les échanges intrafamiliaux expliquent le nombre encore impressionnant des grandes entreprises à caractère familial.
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L'évolution de la famille Le point de vue que nous venons de développer éclaire très simplement les raisons pour lesquelles l'institution familiale évolue quant à sa taille (famille élargie ou famille nucléaire), quant à sa fonction (reproduire les êtres humains ou satisfaire les goûts des individus) ou quant à sa stabilité. Elle s'étendra, comme pour n'importe quelle autre entreprise, jusqu'au point où le coût de produire une unité supplémentaire de biens ou services familiaux sera égal aux coûts d'obtention de ces mêmes biens par le marché ou en constituant une autre famille. Soit une balance. Nous avons sur un plateau les gains de la spécialisation, de la complémentarité et les économies d'échelle consécutif au mariage net des coûts d'organisation de la production en famille; et, sur l'autre, les gains produits en restant célibataire net des coûts d'accès au marché pour obtenir la même satisfaction que si l'on était marié. Lorsque les gains de la spécialisation et de la complémentarité diminuent, et que les coûts d'organisation de la production familiale augmentent (ou bien lorsque les gains à être célibataire augmentent et que les coûts d'accès au marché et le prix des substituts à la production familiale diminuent) il est de moins en moins avantageux de former une famille ou de l'étendre, voire même de la prolonger! On a une explication très simple de l'évolution de la famille en recherchant les causes qui affectent le poids de chacun des plateaux de cette balance. Les raisons pour lesquelles gains de la spécialisation et de complémentarité diminuent ont pour origine la baisse de la demande d'enfants par les hommes et la hausse considérable du salaire réel offert sur le marché aux femmes. Comme les femmes obtiennent désormais des salaires élevés sur le marché du travail, les gains obtenus en redevenant ou en restant célibataire s'élèvent. L'apparition d'une génération pleine et d'un brassage plus grand des populations accroît les difficultés de trouver parmi les conjoints potentiels un partenaire dont l'assortiment avec ses propres traits sera satisfaisant. Les gains de la complémentarité diminuent. Par ailleurs, la montée du travail féminin accroît les coûts de la coopération. Comme les partenaires ne vivent plus ensemble, ils ne peuvent plus s'informer sur le comportement de leur conjoint. L'absence des uns et des autres implique
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une diminution des investissements affectifs entre conjoints (ou entre parents et enfants). La stabilité du lien conjugal en est alors affectée. Les incitations et les sanctions par exclusion du clan familial n'ont plus le pouvoir d'autrefois, les gains obtenus, en restant ou en redevenant célibataire, ne sont plus négligeables. Ce changement de coûts et de gains à constituer ou prolonger une vie familiale conditionne la montée du divorce, la baisse des mariages, la croissance de la cohabitation et le développement des familles mono-nucléaires, c'est-àdire des mères célibataires.
al Les sociétés traditionnelles La plupart des sociétés traditionnelles sont confrontées à une incertitude considérable dont nous n'avons plus conscience aujourd'hui. Au dix-septième siècle, la moitié des enfants meurt avant l'âge de 16 ans. L'âge moyen au décès est de 52 ans. La majorité des personnes mariées deviennent veuves avant le dix-septième anniversaire de leur mariage. Pour avoir plus de deux enfants atteignant l'âge adulte, il faut produire au moins cinq enfants par famille 13 • Le mauvais temps détruit les récoltes, la peste décime les hommes, les famines, les prédateurs et les maladies attaquent le bétail ou les animaux domestiques. Les transactions sont très aléatoires: sur la qualité de la marchandise, le prix des substituts ou l'honnêteté des vendeurs et des acheteurs... Les sociétés primitives ou paysannes ont développé des institutions ou des coutumes dont le rôle fondamental est une réduction de l'incertitude par des mécanismes de protection ou d'assurance très personnalisés. La famille y joue un rôle crucial 14 • Les difficultés de stockage de la nourriture ou des céréales empêchent les individus de pratiquer l'auto-assurance en conservant la récolte d'une année sur l'autre. Aussi les membres de la communauté vont conclure des accords aux termes desquels quelqu'un qui une année obtient une récolte dépassant ses besoins donne une partie de ce surplus à un autre; à charge pour ce dernier de lui rendre la pareille dans le cas inverse. Un tel accord sera d'autant plus sûr que contrôles et sanctions sont peu coûteux à réaliser. La famille mieux que toute autre institution est le cadre idéal de ces contrats. Les sociétés primitives sont très attentives aux obligations familiales et aux liens de parentés, afin d'élargir le groupe sur lequel reposera ce mécanisme d'assurance. En particulier, le groupe familial s'étendra
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sur une aire géographique dispersée pour éviter la covariation des risques qui ne manquerait pas de survenir si la famille était localisée sur un même territoire. La famille contrôle l'activité de ses membres et n'hésite pas à les sanctionner s'ils commettent des actes antisociaux (manque de générosité ... ). Les jeunes vivent sur la terre des parents. Dans une telle communauté la vie privée n'existe pas et le mariage, contrôlé et finalement décidé par le groupe, est un des événements les plus importants de la vie ...
bl Les sociétés modernes Dans les sociétés modernes, le marché accroît les échanges, la production et l'apparition de nouvelles techniques. Celles-ci modifient l'environnement, les revenus attendus et les opportunités. Le marché crée des substituts à la production domestique et les mécanismes d'entraides (partage du surplus de la production) ne sont plus nécessaires car trop onéreux comparés aux mécanismes d'épargne offerts par le marché du capital. Chaque individu peut emprunter en période de récession ou épargner en période d'expansion pour faire face aux fluctuations de son revenu; les protections sont nombreuses et efficaces (incendies, maladie, voL.). L'une des fonctions principales de la famille, celle de l'assurance est battue en brèche par le marché. L'autorité des anciens disparaît faute des connaissances valables face à l'environnement en constante évolution. L'intérêt du contrôle disparaît, le mariage devient une affaire privée ... L'acquisition facile de produits substituts à la production domestique rend accessoire la spécialisation au foyer de l'un des membres de la famille. Les jeunes recherchent dans le mariage les gains correspondant à la complémentarité des assortiments. Mais les caractéristiques signalant la complémentarité des individus sont plus difficilement observables avant mariage que la réputation d'une famille ou la profession d'un futur conjoint. La concommittence de la cohabitation, du retard au mariage, des divorces précoces et de la croissance des agences matrimoniales illustrent ce changement. La durée attendue du mariage est beaucoup plus longue qu'autrefois (espérance de vie en constante augmentation) et la mortalité infantile a drastiquement baissé. Il n'est plus besoin de faire un grand nombre d'enfants pour en avoir deux ou trois atteignant l'âge adulte. Leur production et éducation peuvent donc être concentrées sur une période plus
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courte et le temps ainsi libéré permettre à l'épouse de se consacrer à d'autres activités. Elle sera fortement incitée à saisir les opportunités de revenus offertes par le marché du travail...
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Qui « porte la culotte dans le ménage
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« Physiologie, que me veux-tu? Ton but est-il de nous démontrer: Qu'il y a quelque chose de ridicule à vouloir qu'une même pensée dirige deux volontés? » H. de BALZAC, Physiologie du 11/ariage, Méditation 1 : Le sujet.
Les économistes ont une façon bien à eux de résumer le comportement d'une firme en postulant qu'elle maximise son profit. Quand un propriétaire dirige lui-même son entreprise, la maximisation du profit se confond avec la maximisation de son revenu. Lorsqu'il délègue à un gérant le soin de s'en occuper, ce dernier maximise sa propre satisfaction. Il doit être incité, par un mécanisme quelconque, à se préoccuper du revenu des propriétaires. Une littérature particulièrement abondante traite de la séparation de la propriété et de la gestion d'une entreprise. Les gestionnaires sont finalement contraints par le marché boursier, le marché du travail spécifique aux dirigeants d'entreprises et le contrôle direct des actionnaires à respecter l'objectif de maximisation du revenu des propriétaires de la firme. Qu'en est-il du ménage? Si celui-ci est composé d'une personne, la réponse est simple. Le «ménage», qui est confondu avec cette personne, maximise un revenu. Mais une famille composée de plusieurs personnes, mari, femme et enfants, que maximise-t~lle: la satisfaction de chaque membre, celle du chef de famille ou un compromis entre l'utilité de chacun? Est-ce l'épouse qui commande, le mari ou les enfants? peut-être les trois ont-ils un pouvoir de décision
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autonome pour certaines catégories de biens et pas d'autres? La famille se comporte-t-elle comme un tout ou bien existe-t-il, comme dans une entreprise, un système complexe de prise de décision? Cette question n'est pas anodine. Elle a reçu des réponses qui demeurent encore aujourd'hui controversées. Depuis le célèbre théorème de Arrow 1, forme moderne du paradoxe de Condorcet, les économistes ont appris que l'on ne pouvait passer d'un système de préférences individuelles cohérent à un système de préférences collectives qui préserve cette caractéristique et qui soit en même temps non-dictatorial. S'il n'est pas possible de construire un système cohérent de préférences collectives, comment peut-on traiter des décisions de la famille comme une unité de décision alors qu'elle est fondamentalement composée de plusieurs membres et non de célibataires ou de vieilles filles? Le prix Nobel, Samuelson 2, propose la solution suivante: «Nous pouvons essayer de sauver la théorie traditionnelle en soutenant qu'un des membres de la famille a un pouvoir souverain de décision et que tous les comportements de consommation (ou d'offre de travail) reflète ses préférences individuelles. Il est sans doute plus réaliste d'adopter une hypothèse d'un consensus familial cohérent. Là où la famille est un objet d'étude, on doit donc admettre que les goûts des uns sont influencés par les biens consommés par les autres ... les préférences des différents membres de la famille sont interconnectées par ce que l'on pourrait appeler «un consensus» ou une fonction d'utilité sociale qui prend en compte la valeur éthique des consommations de chaque membre. La famille agit comme si elle maximisait la satisfaction jointe de ses membres.» Malheureusement, Samuelson ne nous dit rien de ce consensus et de la façon dont il émerge. L'assortiment initial du . couple peut favoriser une «proximité» des goûts ou des préférences. Inversement, à force de travailler, de peiner et de prendre du plaisir ensemble, une «convergence d'intérêts et de sentiments» (pour reprendre une idée chère à Durkheim 3 à propos de la division du travail dans la société) peut naître entre les membres de la famille et conduire à une fonction d'utilité commune. Ce consensus qui est postulé par Samuelson permet d'esquiver le problème posé par les conflits de décisions entre conjoints. Il transforme le ménage en une boîte noire dont le seul objectif est de maximiser une fonction d'utilité collective. Cette approche, adoptée par la majorité des économistes, est de plus en plus contestée.
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Position du problème Trois moyens existent pour contrôler les décisions du gérant dans une firme: le marché des titres de propriété (les actions en bourse auxquelles correspond un droit de vote dans une assemblée générale), le marché des dirigeants et le contrôle direct de la gestion par une procédure administrative (assemblée générale, directoire ... ). Si un gérant ne donne pas satisfaction, on le remplace. Mais souvent, les liens qui s'établissent entre dirigeants et propriétaires sont amicaux et il est difficile aux propriétaires de se séparer de leurs dirigeants. Pour pallier cet inconvénient, il existe une discipline anonyme: celle du marché. Si la firme est en difficulté, la valeur des actions en bourse baisse. Si cette baisse est simplement la conséquence d'une mauvaise gestion, des «prédateurs» achètent les actions à bas prix en nombre suffisant pour contrôler la firme, changent l'équipe dirigeante et redressent la firme. Cette opération faite, ils revendent la firme lorsque le cours des actions est suffisamment haut pour couvrir les coûts de cette opération et dégager un profit. Par ailleurs, chaque actionnaire reçoit un revenu correspondant à ses investissements et est libre de l'utiliser comme bon lui semble. Enfin, les décisions de production ou d'investissements sont indépendantes des préférences des propriétaires. Les actionnaires ne sont pas intéressés au produit de la firme. S'il est de mauvaise qualité mais rapporte beaucoup d'argent, ils ne sont pas obligés de le consommer. Avec les revenus tirés de ces titres de propriété ils achètent des substituts de meilleure qualité chez un concurrent. Cette structure de droits de propriété conjointement avec un marché des dirigeants, des titres de propriété et une séparation entre les décisions de production et de consommation minimisent les conflits et sanctionnent rapidement tout écart du gérant vis-à-vis de l'objectif de la firme: maximiser les revenus des propriétaires! Ce détour n'est pas inutile. L'analogie firme-famille qui soustend notre raisonnement ne peut être poussée trop loin. Si l'objectif de la famille est bien identique à celui de la firme: maximiser les revenus présent et futur de ses propriétaires (les membres de la famille); la propriété n'est pas dispersée sur un grand nombre de partenaires; les propriétaires sont gérants; et les droits de propriété
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sur la famille ne peuvent être échangés. Il n'existe pas un marché où un amant (une maîtresse) achète à un époux (une femme) le droit de vivre avec sa femme (son mari). Cette absence de marché interdit une sanction anonyme et rapide des comportements qui ne visent pas à maximiser les revenus. Les seules sanctions qui s'exercent sont celles du marché du mariage et du contrôle direct des performances de chacun par l'autre. Enfin, contrairement à la firme, les décisions de production et de consommation ne sont pas séparables. Les préférences en matière de travail, par exemple, affectent directement les décisions de spécialisation des tâches. Si la femme déteste s'occuper du ménage et des enfants, elle imposera, en prenant un emploi salarié, une allocation des rôles qui ne maximise pas les revenus du couple. Les préférences affectent aussi les décisions de consommation. Les vêtements de l'épouse intéresse le mari, même s'ils concernent d'abord et avant tout la personne qui les porte. Les loisirs individuels (sport, activité artistique, écoute de la radio, télévision, lecture d'un livre ou bouteille de whisky), ne sont pas sans incidence sur la vie de la famille. Ils peuvent entraîner des conflits si ces activités se font au détriment de l'autre. On imagine mal que chaque partenaire ait son propre appartement, car l'affection, une des productions familiales sans substitut sur le marché, ne peut être produite sans une interaction étroite entre les partenaires. La présence des enfants ou leur éducation implique une consommation conjointe si chaque époux veut profiter au maximum des joies qu'ils procurent. Les biens familiaux sont par nature privatifs, mais les consommer conjointement pennet d'en tirer une utilité plus grande encore. Cette consommation jointe impose alors un accord des préférences entre les partenaires.
Un contrat implicite Le problème posé par l'interdépendance des décisions de production et de consommation est inévitable. C'est peut-être ce qui différencie le plus la firme de la famille. Pour diminuer, donc, la présence des conflits, il apparaît crucial que les deux partenaires aient des préférences identiques! Comme prospecter un conjoint et l'expérimenter ne se fait pas sans coûts, la perte de bien-être encourue après le mariage, par suite d'une inadéquation des préférences, devra être
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juste égale aux coûts que les partenaires auraient dû supporter pour trouver un conjoint aux préférences mieux assorties. L'émergence d'une «fonction d'utilité collective», résumant la congruence des sentiments et des intérêts et rendant cohérent les décisions familiales, n'est pas optimale du point de vue du couple. Il faut, donc, voir les choses autrement. Une première solution consiste à faire l'hypothèse suivante: les partenaires s'entendent tacitement et spontanément sur des règles de conduite qui préservent la maximisation des revenus joints. Ils établissent un contrat implicite. Il est aisé de minimiser les conflits engendrés par des préférences divergentes. Les préférences peuvent tout simplement être échangées dans le temps entre les partenaires. Pour une soirée la famille accepte de regarder les dessins animés sur FR3 afln de satisfaire les enfants, une autre soirée, elle regardera la série noire sur l'A2 à la demande du mari et enfin, une dernière soirée sera consacrée au n'ième épisode de Dallas, feuilleton sur l'A l, très prisée par l'épouse, les ménages les plus riches achetant trois téléviseurs pour régler le problème. Les préférences ne sont pas non plus immuables. Elles peuvent être produites au cours du mariage. La vie de couple permet aux uns et aux autres d'apprendre et de cultiver les goûts de son partenaire et donc rapproche les préférences du mari et de la femme si celles-ci divergeaient au départ, une des grandes aventures du mariage, avec les risques et les surprises que cela comporte, c'est la découverte de l'autre. Si l'épouse épuise le compte en banque-joint de la famille en achetant des toilettes hors de prix, il est facile pour le mari de faire respecter ses droits de propriété et ceux de ses enfants sur les revenus qu'il apporte au ménage en prenant un compte séparé avant d'en arriver à des moyens plus radicaux comme de changer d'épouse. Le conjoint peut accepter volontairement cette tutelle pour se prémunir d'une faiblesse de sa volonté. Ce problème vaut pour le mari qui joue aux courses, au lieu de nourrir sa famille. Les conjoints s'entendent pour élaborer une structure de décision complexe où chacun délègue son autorité à l'autre pour certaines décisions. Un chef de famille apparaît spontanément pour s'occuper de la scolarité des enfants. Ce sera l'épouse pour le primaire et l'époux pour le secondaire. Les décisions qui touchent la décoration du foyer seront dominées par le membre de la famille qui séjourne le plus à domicile. Enfln, les décisions cruciales seront prises en commun. Le contrat implicite liant les partenaires au chef de famille
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prend la forme d'un contrat propriétaire-gérant. Le chef de famille, à qui chacun délègue son autorité, met en œuvre les sanctions et les incitations pour que tous coopèrent (encadré 2.1). Selon les gains et les coûts attendus en exerçant cette tâche particulière «d'autorité», le membre délégué laissera s'instaurer un «laxisme optimal» dans cette maximisation des revenus. 2.1· RËPARTITION DE L'AUTORITË Glaude et de Singly ont analysé la répartition du pouvoir et de l'autorité entre hommes et femmes au sein du couple à partir d'une enquête sur les budgets familiaux de 1979. L'échantillon final retenu était composé de 5252 couples. Les questions traitaient du choix des vacances, lectures communes, appartement, aménagements dans ce dernier, achat d'appareil électro·ménager, décisions à prendre pour les enfants, choix des amis, décision pour la femme de travailler etc ... Elles portaient aussi sur l'attribution de certaines activités à l'un ou l'autre des époux telles: gestion du budget, déclaration des revenus, correspon· dance, invitations, courses, achats de vêtements etc ... Ces deux auteurs ont distingué six grands domaines où l'autorité s'exerce: grandes décisions, équipement, administration, entretien, ménager et approvisionnement et trois types de pouvoir: prédominance féminine, masculine et partage égalitaire. Ils ont projeté ensuite sur un graphique triangulaire la fréquence des réponses à une question. Les réponses «mon mari et moi également)) définissent un pôle égalitaire, celles «mon mari plus que moi» ou «toujours mon mari» déterminent un pôle de prépondérance masculine, enfin les réponses «toujours moÎl) ou «moi plus que mon mari)) signalent un pôle de prédominance féminine. - Dans 27 % des cas, le mari intervient à égalité avec son épouse pour les grandes décisions et laisse à sa femme une décision prépondérante pour le reste des activités ou des choix. C'est un contrat implicite de propriétaire-gérant où le mari délègue son autorité pour les questions subalternes. Ces deux auteurs qualifient les épouses de femmes d'intérieur ou femmes gestionnaires. - 28 % des couples de l'échantillon ont une répartition du pouvoir légèrement différente. Les grandes décisions et les choix d'équipement sont partagés. L'entretien est à prédominance masculine. Le ménager et l'approvisionnement est à prédominance féminine tandis que l'administration est au bary centre de ces trois types de pouvoir. - La prédominance féminine quasi totale s'observe pour 10 % de l'échantillon. Les grandes décisions sont prises avec une prépondérance de la femme. Les auteurs distinguent les femmes PDG et les petits patrons. Dans ce dernier cas, les hommes ne sont même pas cantonnés dans les tâches d'entretien contrairement au cas des femmes PDG. - 10 % des femmes sont dominées et se consacrent aux tâches ménagères. - Enfin le dernier type, qui concerne 25 % de l'échantillon, est à dominante égalitaire. Le travail féminin et le diplôme de la femme sont deux caractéristiques qui modifient la répartition des décisions au sein du couple. Parmi les couples où le partage des décisions est égalitaire et parmi ceux où la femme est une gestionnaire, on observe une majorité de femme qui travaille (71 % et 53 % respectivement). Pour les couples où la femme dispose d'un diplôme supérieur à celui de son époux (18 % des couples de l'échantillon) les femmes sont du syle : PDG, petits patrons ou gestionnaires. L'autorité ou la prédominance des décisions est clairement l'expression d'un contrat implicite de délégation dont les termes varient selon la compétence de chacun dans des activités spécifiques. L'autorité semble liée à la part du revenu que chacun amène dans le pot du ménage. Glaude M., de Singly F., «L'organisation de la production domestique: pouvoir et négociation)), Economie et Statistique, avril 1986.
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Les grandes décisions, engageant la stabilité du couple, sont prises en commun et contrôlées, en revanche une grande liberté de consommation est accordée pour tout ce qui touche- sa vie privée. Ce contrat implicite émerge, s'affine et évolue au fil des années. Le pouvoir de négociation est sans doute lié très étroitement aux possibilités de sanctionner le partenaire en ayant recours de façon ultime au marché du mariage. Quand la femme est au foyer, elle perçoit l'équivalent non monétaire d'un salaire (à la manière d'un préfet) sous forme d'un logement gratuit, d'une voiture de fonction et ou d'un personnel de service en plus de son argent de poche puisé sur le compte bancaire de son époux. La dépendance à l'égard de celui qui vous offre ces avantages en nature est l'inconvénient majeur d'un tel statut. Le niveau de vie attendu de l'épouse, en cas de rupture, n'aura rien à voir avec son train de vie actuel, elle fait attention à ne pas braver systématiquement son époux. Elle est «soumise». En revanche, la femme active a une indépendance plus grande grâce à son revenu de substitution en cas de rupture. Elle n'hésite pas à affirmer ses propres préférences. L'hypothèse d'une fonction d'utilité commune ou collective n'est pas nécessaire à la théorie économique de la famille. Seule celle d'une maximisation des revenus joints semble indispensable. Les conflits apparaîtront entre les conjoints, mais, d'une façon ou d'une autre, ils seront réglés : - par une procédure contractuelle implicite au ménage sur la base d'un échange de préférence au cours du temps et de leur rapprochement; - par la mise en œuvre d'incitations sur la base d'une redistribution intra-familiale des revenus; - par la mise en œuvre de sanctions sur la base d'un contrôle direct des partenaires sur les dépenses et les performances de chacun; - et par la menace ultime d'épouser un autre partenaire.
Le rôle crucial de la générosité ou de l'altruisme Au lieu d'imaginer un contrat implicite, on peut supposer qu'il existe dans le ménage une personne altruiste (l'altruisme dans le langage de l'économiste, signifie que l'utilité d'une personne, m, (le mari) dépend positivement du bien-être d'un autre membre de la
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famille, f (sa femme). La présence d'une personne généreuse incite les autres membres de la famille, même s'ils sont égoïstes, à faire en sorte que le bien-être de tous soit maximum. L'allocation des rôles conjugaux qui en résulte est alors celle qui maximise les revenus de l'altruiste. Ce théorème, dit du «Rotten Kid» (de l'enfant gâté)4, permet d'éliminer les difficultés posées par les différences de préférence. On considère le ménage comme une unité de décision qui maximise un revenu: celui de l'altruiste. Il n'est nul besoin alors de postuler une autorité dictatoriale, une quelconque congruence de sentiments et d'intérêts menant à une fonction d'utilité commune ou un contrat implicite entre les partenaires. Pour illustrer cette argumentation prenons un exemple. Un étudiant en licence propose à une de ses camarades un contrat de mariage dont les termes peuvent être décrits de la façon suivante. L'épouse renonce à poursuivre ses études pour gagner sa vie. Le supplément de revenu obtenu par le ménage (par rapport à une situation où tous deux restent étudiants) permet de financer la prolongation des études du mari jusqu'au doctorat. Si cet étudiant obtient son diplôme de docteur, il postule à un emploi dont les espérances de revenu et de carrière sont plus grandes que celles attendues avec une simple maîtrise. Il promet alors à cette camarade, si elle accepte le contrat, de redistribuer au cours du mariage, en contrepartie de son sacrifice présent, un revenu réel supérieur à ce qu'elle-même aurait pu obtenir en restant célibataire et en prolongeant ces études. Voilà un projet d'investissement comme un autre. L'étudiant ne demande pas à sa camarade de l'aimer, luimême ne lui porte pas une affection démesurée une fois mis de côté les instincts impétueux de son âge. Il prétend simplement une fois le doctorat obtenu redistribuer son revenu pour augmenter de façon permanente le niveau de vie de sa partenaire en échange du sacrifice qu'elle fait en renonçant à ses propres études. Son altruisme, en réalité, au sens «d'amour désintéressé d'autrui» n'en est pas un (encadré 2.2). Cependant pour l'économiste il s'agira d'un comportement de ce type puisque l'étudiant est amené à prendre en compte, dans ses préférences, le niveau de bien-être de son épouse. Ce contrat de mariage, peu banals, ne diffère pas de celui plus habituel qui consiste pour un homme à demander à une femme de sacrifier ses revenus professionnels ou sa carrière pour lui offrir des services qu'il ne peut obtenir sur le marché. Pour l'inciter à accepter le
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mariage, il devra lui assurer un niveau de vie supérieur à celui auquel elle s'attendait en restant célibataire. Si le mari échoue à son doctorat, n'est pas aussi altruiste qu'il l'avait laissé supposer ou, pis encore, quitte son épouse pour une jeune et plus jolie femme titulaire comme lui d'un doctorat, le niveau de vie de l'étudiante se retrouve être inférieur à celui qu'elle aurait pu obtenir en poursuivant ses études et en renonçant au mariage.
2.2 - EGOISME ET ALTRUISME Le terme d'altruisme au sens d'amour désintéressé d'autrui renvoit à la notion d'amour oblatif ou d'oubli de soi au profit de l'autre. On se préoccupe des joies et des peines de l'autre, on prend soin de lui. Ce comportement tranche singulièrement avec celui où l'action est motivée par un intérêt particulier: celui de soi·même. Les économistes ont depuis longtemps reconnu que la consommation d'autrui est un argument de la fonction d'utilité. Ma satisfaction peut diminuer si je vois mon voisin épouser une jolie femme, comme pour l'envie; ou bien elle peut augmenter, comme pour l'altruisme. Les préférences peuvent dépendre de l'utilité d'une personne identifiée, comme avec l'amour; ou du niveau moyen de consommation de la commune où l'on habite, comme avec la recherche d'un statut social. En fait, le mot «altruisme» peut paraitre quelque peu trompeur pour décrire des comportements de redistribution de revenu ou de don. Derrière une motivation altruiste se cachent parfois des intérêts moins nobles. Or on peut préférer, d'un point de vue stricte· ment méthodologique, pour rendre compte d'un comportement (celui du don), faire appel à une explication qui repose sur la rationalité et l'égoïsme. Exactement comme l'on éprouve une satisfaction à donner une explication rationnelle à un comportement apparemment irrationnel, les économistes éprouvent une satisfaction à expliquer un comportement altruiste par un comportement égoïste et calculateur. La plupart de ces comportements peuvent recevoir une explication en termes d'intérêts particuliers voire d'égoïsme pur et simple. Rappelons quelques-unes de ces explications: 1) Un comportement apparemment altruiste n'est souvent pas autre chose qu'un égoïsme éclairé. L'employé obséquieux qui offre à son supérieur un repas, lui ouvre les portes et le flatte sur son adresse à commander son personnel n'exprime pas à proprement parler un «amour désintéress.é d'autrui». Derrière ce comportement il y a simplement quelques sacrifices présents, d'orgueil et d'argent, dans le but d'en récolter plus tard les fruits sous la forme d'une promotion. 2) L'altruiste peut afficher un tel comportement par souci de réputation. " donne de grosses sommes d'argent pour les pauvres de la paroisse afin d'être bien vu de la com· munauté. 3) Plus cynique l'altruiste peut donner de l'argent pour le plaisir de voir certaines personnes être dépendantes de lui. " affirme ainsi son statut. " peut aussi par ce biais acheter dévouement et coopération. 4) Les dons peuvent être faits dans l'attente d'une réciprocité: cadeaux, invitations à diner, gardes d'enfants et menus services rendus aux voisins. Ces formes de dons (ou de troc?) seront pratiqués sur une longue période si et seulement si une réciprocité apparaît de la part d'autrui. 5) Même la peur et l'embarras peuvent tout aussi bien rendre un égoïste altruiste. Un mendiant ou un clochard, sans vous menacer particulièrement, peut s'agripper à vos basques, or pour vous en débarrasser vous lui donnez l'argent qu'il réclame. 6) Enfin quand les individus perçoivent que leur comportement d'interaction avec les autres, qui est strictement individuel et égoïste, conduit à une perte d'utilité pour eux-
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mêmes, ils seront incités à prendre en considération les effets de leur comportement sur autrui et vice·versa. 115 adopteront une attitude Kantienne par simple calcul. En réalité on peut toujours affirmer qu'une fois ôté toutes les autres motivations, il ne reste rien du comportement altruiste. Ainsi les prêtres qui font vœux de pauvreté et de dévouement à autrui n'achètent·ils pas ainsi leur place au paradis près de leur Dieu. Les hommes politiques qui prônent la solidarité n'utilisent·ils pas ce terme pour culpabiliser les gens et leur soutirer des revenus qu'ils distribueront à leurs électeurs, ce qui permettra leur réélection. La mère qui meurt pour sauver son enfant a pu mettre en balance l'ensemble des revenus qu'elle pouvait attendre de ce qui lui restait à vivre et les espérances de vie et de carrière de son enfant avec l'alternative d'élever un autre enfant. Comme on ne peut décider si véritablement il existe dans le comportement altruiste un résidu qui correspond à un amour réellement désintéressé d'autrui, les économistes proposent une définition simple sans rentrer dans les motivations finales. Une personne sera clairement altruiste si les préférences d'autrui sont un argument positif de sa fonction d'utilité. Elle est clairement égoïste si ses préférences sont uniquement associées au panier de biens qu'elle consomme ou produit (on ne considère pas comme altruiste quelqu'un dont les préférences dépendent positivement d'un panier de biens consommés par une autre personne. Ma satisfaction peut augmenter parce que vous cesser de boire ou de fumer. Mais votre utilité diminue. Un altruiste prendra plaisir à vous voir boire ou fumer si votre satisfaction augmente à la suite de cette activité). Collard D" Altruism and Economy, Oxford, 1978. Martin et Robertson. Elster J., Ulysses and the Sirens, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.
Un tel contrat se révèle très risqué. C'est sans doute la raison pour laquelle peu d'étudiants tentent une telle expérience. Son époux va-t-il réussir son doctorat? S'il réussit va-t-il respecter ses engagements? Sera-t-il suffisamment généreux pour redistribuer son revenu dans des proportions qui rendent rentable pour sa partenaire le contrat de mariage? L'un des inconvénients majeurs de ce type d'investissement est que son rendement n'est pas incorporé dans la personne qui fait l'investissement mais dans une autre personne dont on ne contrôle pas parfaitement le comportement futur. Supposons que l'étudiante en licence accepte cependant ce risque. Elle sera incitée à coopérer à la réussite de son époux car son revenu futur en dépend. C'est la leçon principale du théorème du Rotten Kid. L'étudiante s'abstiendra de toute action qui aurait pour conséquence un échec de son mari. Elle s'efforcera de réussir dans son métier et de rapporter le plus d'argent possible à la maison. Elle surveillera attentivement la conduite de son partenaire. Finis les boîtes de nuit ou les sorties au cinéma avec des camarades. Chaque soir, elle imposera à son époux un programme de travail pour préparer le doctorat. Elle s'inquiètera du directeur de thèse et n'hésitera pas à intriguer auprès de lui. Pour se protéger du risque de voir son époux la quitter, elle s'empresse d'avoir quatre enfants. Ainsi notre étudiant aura du mal à
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trouver une autre partenaire sachant qu'il a à charge quatre enfants en bas âge dont il faudra payer jusqu'à la majorité l'entretien et les études. Notre étudiante, même si elle est égoïste, même si elle n'éprouve pas des sentiments très enflammés vis-à~vis de cet étudiant, fera comme si elle était altruiste en coopérant à la maximisation du revenu de son époux et se révélera être non seulement une femme de tête mais aussi mère de famille nombreuse! L'altruisme facilite les prises de décision quelle que soit la divergence des préférences individuelles. Il favorise la coopération et la spécialisation des tâches entre des partenaires bien identifiés et engagés dans un contrat de longue durée par une diminution des coûts de contrôle car les membres du clan s'autodisciplineront afin d'éviter des actions qui iraient à l'encontre du bien-être de tous. Cette personne peut être la femme ou le mari, voire un des enfants à l'âge adulte. Elle apparaîtra spontanément au sein du clan indépendamment du sexe ou de l'âge, mais non pas du revenu. Car c'est grâce au revenu qu'elle peut redistribuer que son rôle d'altruiste peut être pleinement joué. Cette personne sera donc par prédilection celle qui se procure sur le marché les revenus les plus élevés (encadré 2.1)6. Enfin, l'altruisme est sélectionné par le marché. Un égoïste compare son revenu en épousant une personne généreuse, honnête et loyale à celui qu'il peut obtenir avec un partenaire qui ne l'est pas. Entre un égoïste et un altruiste dont les revenus sont identiques, l'égoïste obtient un revenu plus élevé avec l'altruiste. Les altruistes sont donc très recherchés. Comme les familles où la générosité et la loyauté dominent consacrent plus de temps et d'argent à leurs enfants, les enfants de ces familles réussissent mieux dans la vie. Cet effet augmente l'influence des familles altruistes et incite à transmettre de génération en génération cette vertu.
La discipline du marché La menace ultime pour sanctionner un conjoint est de le quitter pour vivre avec une autre personne. Le marché matrimonial exerce une discipline sur le comportement des conjoints d'autant plus forte qu'il joue librement (le divorce n'est pas interdit). Cette possibilité limite considérablement le marchandage de deux époux égoïstes
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comme les choix dictatoriaux d'un époux tyrannique. En réalité l'interprétation des économistes sur ce point n'a jamais été clairement comprise et il est bon d'y consacrer quelques pages supplémentaires. Qui profite du mariage, l'homme ou la femme? La réponse traditionnelle est: la femme. L'homme perdrait sa «liberté» quand il se marie et aurait peu à gagner à une telle vie commune. Une telle vision n'est pas acceptée par les mouvements féministes. Ceux-ci tiennent beaucoup à légitimer l'idée d'une exploitation de la femme par l'homme pour obtenir sur le marché politique des avantages particuliers. Il ne peut y avoir à proprement parler de domination ou d'exploitation au sens où le mariage est un contrat d'association volontaire. Si les conjoints décident de vivre ensemble, rien ne les y oblige. S'ils le font c'est qu'ils espèrent en tirer un bénéfice. On voit mal pourquoi l'un des conjoints accepterait de vivre avec quelqu'un d'autre si d'avance il sait que le niveau de vie dont il bénéficiera, dans le mariage, est inférieur à celui du célibat. La question de l'exploitation fait référence au partage entre les époux du supplément de bienêtre produit lorsque ceux-ci vivent ensemble 7. Contrairement à ce que pensent les sociologues, certains économistes et les féministes, ce partage est déterminé par les conditions du marché matrimonial et non pas par une série de marchandage dans le cadre d'un monopole bilatéral. Prenons un exemple simple pour illustrer ce raisonnement. Une femme est demandée en mariage par deux hommes. Ils sont prêts, pour obtenir ses faveurs, à lui offrir le niveau de vie qu'elle exige. Si la femme épouse l 'homme nO l, la part maximum qu'il peut s'approprier dans le mariage n'est pas limitée par le revenu minimum exigé par sa femme pour accepter le mariage, c'est-à-dire par son revenu de célibataire, mais par les gains (nets des coûts de mobilité matrimoniale) qu'elle pourrait obtenir avec les hommes qui sont célibataires, veufs ou divorcés. Dans le cadre de cet exemple la femme peut s'approprier la totalité des gains du mariage. En ce sens la femme exploite non pas l'homme qu'elle a épousé, mais la situation du marché puisque plusieurs hommes sont en concurrence pour obtenir d'elle les mêmes faveurs. La rareté des femmes permet aux épouses de s'approprier la totalité des gains du mariage. Son époux peut être altruiste, il peut vouloir marchander cette part, rien n'y
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fera. Plus la concurrence sera forte sur le marché matrimonial pour obtenir les faveurs d'une femme, plus celle-ci dominera les relations intrafamiliales. Le partage des gains du mariage sera déterminée de façon unique par le marché puisque ce sera la femme qui s'appropriera leur totalité. (On observe le contraire quand les femmes, plus nombreuses, se disputent les faveurs des hommes.) Le pouvoir de redistribuer les revenus au sein de la famille en faveur de l'un des époux et au détriment de l'autre est toujours limité par les gains du mariage nets des coûts de mobilité que les uns et les autres peuvent obtenir avec d'autres partenaires. Plus la compétition entre les hommes pour une femme ou entre les femmes pour un homme est forte, moins les conjoints ont de latitude pour marchander la part des gains du mariage qui leur reviennent ou pour dominer l'autre. Le rapport entre le nombre de femmes et d'hommes mariables, c'est-à-dire le ratio de sexes entre les classes d'âges (de niveau d'éducation etc ... ) susceptibles de se marier (les femmes épousent en moyenne des hommes de deux ou trois ans leurs aînés, et de niveau d'éducation identique), détermine quel est le sexe qui en moyenne bénéficiera du mariage et dominera l'autre. Le raisonnement mené plus haut fait l'hypothèse implicite d'un mariage monogame. Mais il peut être étendu à la polygamie et plus particulièrement à la polyginie (un homme épouse plusieurs femmes) qui est la forme la plus répandue des mariages non monogames. Ces diverses formes de mariage apparaîtront si le ratio des sexes est très déséquilibré ou si les hommes sont très riches et peuvent offrir à plusieurs femmes un revenu bien supérieur à ce qu'elles pourraient elles-mêmes acquérir en restant célibataires ou en épousant un autre homme. L'interdiction de la polyginie se fait au détriment des femmes les plus inaptes à obtenir un revenu sur le marché du travail et des hommes riches 8 • Il est vrai que le marché du mariage est enserré par un carcan de règles ou de lois issues de la religion des mœurs ou de l'Etat dont l'unique objectif est d'éliminer toute compétition au profit de certains groupes de pression (les femmes et les hommes instruits, voir encadré 2.3). Mais l'évolution des mœurs montre bien que ce marché du mariage comme tous les autres est très difficile à contrôler contre la volonté de la majorité de ceux qui y participent. Entre l'hypothèse d'une congruence des intérêts et des sentiments menant à une identité des préférences (fonction d'utilité
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commune) à celle où les membres de la famille font comme s'ils maximisaient le revenu de l'altruiste en passant par une hypothèse de règles spontanées ou de contrat implicite où chacun délègue son autorité à l'autre selon ses compétences, on retrouve plusieurs modèles familiaux: celui de l'amour parfait (consensus); de l'autorité de chacun dans des sphères particulières (contrat implicite); de l'amour bienveillant (altruisme) ou des querelles et chantages permanents pour imposer ses propres préférences (rivalités), tous contraints par la sanction ultime du marché. D'une certaine façon la littérature romanesque nous a habitué depuis des temps immémoriaux à ces différentes situations. Ces manières d'être peuvent simultanément coexister entre parents pour des décisions différentes. La femme impose ses choix en matière de contraception et de rapport amoureux. L'homme les impose dans le choix de la voiture. Elles peuvent aussi diverger selon les membres de la famille. L'amour peut être bienveillant entre mari et femme mais dictatorial vis-à-vis des enfants. Il peut être fait de rivalité entre frère et sœur.
2.3 - MARCHÉ MATRIMONIAL ET FÉMINISME Les gains du mariage pour les femmes s'élèvent avec la valeur actuelle des revenus qu'un homme peut obtenir sur le marché du travail. Réciproquement les gains du mariage pour un homme s'élèvent avec la valeur actuelle de la production familiale de la femme_ Or la valeur de l'homme croit avec la réussite professionnelle. On peut donc classer les hommes par ordre décroissant selon leur rentabilité dans le mariage pour une femme, c'est-à-dire par ordre décroissant de leur réussite professionnelle_ La valeur d'une femme pour un homme croit avec sa fécondité et sa production familiale (celle-ci est un indice de sa moindre productivité domestique). On peut donc classer les femmes selon leur rentabilité décroissante dans le mariage. Supposons maintenant qu'il existe un nombre égal d'hommes et de femmes_ Les hommes dont la réussite professionnelle est discutable resteront célibataires et les femmes dont la réussite professionnelle est élevée mais dont la valeur dans le mariage est faible resteront elles aussi célibataires. Paradoxalement la proportion de célibataires, hommes, s'élève avec l'absence de réussite professionnelle, en revanche la proportion de célibataires, femmes, augmente avec la réussite sociale de celle-ci. Cette conclusion empirique s'avère tout-à-fait fondée (tableau 1). Elle illustre le rôle joué par le marché du mariage dans le destin des hommes et des femmes et dans le partage des gains du mariage entre les conjoints_ Allons plus loin dans le raisonnement. Les hommes les plus instruits ont une valeur actuelle élevée dans le statut de célibataire. Ils ont de fortes exigences dans le partage des gains du mariage. Par ailleurs, ils voient ces gains s'accroître lorsqu'ils épousent des femmes dont la productivité à domicile est forte. Mais ces femmes. du fait de leur rareté relative, vont s'approprier une grande partie ou la totalité des gains du mariage. De façon similaire, les femmes très instruites qui ont une valeur élevée dans le statut de célibataire et qui sont exigeantes dans le partage des gains du mariage ne sont pas désirées par les hommes du fait de leur faible productivité domestique, elles ne peuvent donc pas ii'approprier les gains du mariage car leurs époux peuvent se remarier avec des femmes célibataires, du méme type qu'elle. moin" exigeantes sur le partage des gains du mariage. Les hommes et les femmes
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instruits voient donc leurs espérances dans le mariage déçues par le jeu du marché matri· monial et ses interactions. On comprend mieux pourquoi les mouvements féministes s'effor· cent par le biais du marché politique d'obtenir une législation qui permette de fausser le jeu du marché. On comprend aussi pourquoi ils ont les faveurs de la minorité d'hommes et de femmes ulis instruits qui gagnent à cette redistribution et n'ont pas la faveur des autres qui y perdent 1 Malheureusement le marché politique par l'intermédiaire du marché des idées donne un avantage considérable aux intérêts particuliers des individus les plus instruits 1 Deux auteurs comme D. Heer et A. Grossbard·Shechtman soutiennent que le mouve· ment féministe est lié à deux phénomènes essentiels: 1) La révolution technologique en matière de contraception; 2) une modification du ratio des sexes aux âges correspondant au mariage. Les hommes et les femmes se marient à des âges différents et les taux de natalité varient d'une année sur l'autre. Un décalage de deux à trois ans au moment du mariage entre un homme et une femme auquel on ajoute une variation des taux de natalité chaque année entraînent un ratio des sexes qui diffère d'une année sur l'autre. Ainsi dans les années cinquante les hommes en âge de se marier étaient plus nombreux que les femmes de deux ou trois ans leur cadette. Dans les années soixante cette proportion s'est inversée au détriment des femmes. Dans les années soixante-soixante dix les femmes se disputent donc des homo mes moins nombreux et simultanément plus riches du fait de la croissance des salaires sur le marché du travail. La compensation offerte par les hommes aux femmes, du fait méme qu'elles se font concurrence entre elles, a baissé. Les femmes se sont donc trouvées dans l'incapacité d'exploiter leurs avantages sur le marché du mariage. Au même moment, la révo· lution technologique dans la contraception diminuait l'offre de mariage de la part des hommes en contrepartie des services sexuels qu'ils attendent d'une femme - les mouve· ments féministes aiment voir dans la contraception une libération de la femme et un renfor· cement de leur pouvoir sur leur corps, elles oublient le revers de la médaille, les hommes désirent·ils vraiment autre chose chez une femme que les services sexuels qu'elles peuvent rendre à moindre frais en se mariant? La cohabitation ne résulte·t-elle pas de ce peu de désir des hommes, jeunes, à s'engager dans le mariage? Doit·on reprendre une phrase célèbre de Sacha Guitry: «Les femmes sont faites pour être mariées et les hommes pour être céliba· taires. De là vient tout le mal» ? Cette infériorité des femmes sur le marché du mariage a repoussé celle-ci sur le marché du travail et vers le célibat. Ce phénoméne a offert au mouve· ment syndical, conjugué au féminin, «le féminisme Il, un terrain d'action pour agir et modi· fier la législation en faveur de ces femmes rejetées du marché du mariage et simultanément freinées dans leur entrée sur le marché du travail. D. Heer et A. Grossbard·Shechtman, «The Impact of the Female Marriage Squeeze and the Contraceptive Revolution on the Sex Roles and the Women's Liberation Movement in the United State 196Q.1970», Journal of Marriage and the Family, février 1981. Taux de célibat des hommes et des femmes selon la catégorie socioprofessionnelle Taux de célibat en %
hommes
femmes
8.6 7.8 4.6 2.9 27.9 17.3 6.5
9.6 13.7 18.0 24.0 25.2 3.3 3.2
Catégorie socio·professionnelle Ouvriers Employés Cadres moyens Cadres supérieurs Salariés agricoles Agriculteurs exploitants Patrons de l'industrie et du commerce
Champ: actifs occupés de 35 à 52 ans. Source: Enquête FQP 1970 INSEE tirée de F. De Singly 1982, «Mariage, dot scolaire et position sociale», Economie et Statistique.
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A partir de l'enquête INSEE, Formation et Oualification Professionnelle de 1970, dite FOP, F. De Singly a sélectionné un échantillon d'hommes et de femmes de 35 à 52 ans pour obtenir des taux de célibats quasi définitifs. Cette enquête porte sur les actifs des deux sexes. Si l'on distingue les professions libérales ou indépendantes des autres professions, les taux de célibats observés sont ceux prédits par l'existence d'un marché du mariage. En particulier les taux de célibats les plus faibles correspondent pour les hommes à une grande valeur sur le marché du travail et au contraire pour les femmes à une grande valeur dans la production domestique.
Laquelle de ces hypothèses faut-il adopter? La réponse peut dépendre des préférences idéologiques de celui qui fait l'analyse, mais aussi des intérêts qu'il veut défendre. Néanmoins, un contrat implicite de délégation d'autorité et une procédure contractuelle pour maximiser les revenus sont le modèle le plus approprié_ Ce choix a une raison simple: les autres alternatives ne sont pas crédibles. Une théorie économique de la famille ne peut être fondée sur l'identité des préférences entre les conjoints ou sur l'altruisme. Trouver un conjoint ayant des goûts identiques ou étant honnête, loyal et généreux ne se fait pas sans coût. L'assortiment réalisé est nécessairement imparfait. La congruence des préférences ne peut constituer une prémisse de la théorie sans être contredit par la théorie économique elle-même. Si la générosité et la loyauté sont des traits rares chez les individus, la majorité des mariages ne reposent pas sur eux et l'hypothèse d'altruisme comme fondement des comportements est à rejeter. Enfin une hypothèse mettant en avant, le marchandage, la rivalité des partenaires et leurs querelles, conduit non pas à la prolongation du mariage mais au divorce (encadré 2.4). En réalité, la famille, comme n'importe quelle entreprise s'efforce de maximiser les revenus joints de ses membres par des procédures contractuelles. Cette hypothèse a un avantage essentiel: elle permet d'expliquer une grande variété de comportements internes de décisions, y compris l'altruisme et la congruence des préférences_ Ces règles de comportements sont le résultat des interactions entre les obstacles à la maximisation et les techniques qui la facilite _L'absence de substitut à la production familiale, les consommations jointes, la moindre sanction du marché matrimonial sont des obstacles à cette maximisation conjointe de revenus familiaux_ L'assortiment des préférences, l'altruisme, l'honnêteté, la loyauté, la privatisation plus ou moins grande des biens produits à domicile, l'échange des préférences et les contrats implicites définissant les obligations et
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QUI «PORTE LA CULOTTE» DANS LE MENAGE
les droits de chacun sont des moyens qui facilitent cette maximisation. L'observation des coutumes et des règles de conduite internes aux familles dans différentes classes sociales ou cultures n'infirme pas cette hypothèse alors qu'elle contredit les autres.
2.4· LE REJET DE L'HYPOTHESE DE RIVALITIO Si le modèle de rivalité fonde les comportements familiaux, on devrait observer une fréquence des disputes élevées quelles que soient les caractéristiques des couples: mal assorti, à double carrière ou au contraire femme au foyer. En revanche si cette hypothèse est fausse on devrait s'attendre à observer une fréquence plus grande des querelles chez les couples mal assortis et chez ceux où la femme est active, puisque dans ce cas les gains du mariage diminuent. Nous avons testé cette hypothèse de rivalité à partir d'une enquête de 1971 réalisée par N. Tabard au sein du CREDOC pour le compte de la CNAF. Celle-ci photographiait à un moment donné la situation familiale. Dans cette enquête 8 % des couples déclaraient avoir envisagé ou envisageaient de divorcer, 18 % déclaraient se disputer régulièrement (tous les jours ou au moins une fois par semaine). Parmi les femmes qui envisagent de divorcer 43 % se querellent avec leur époux contre 16,5 % parmi celles qui n'envisagent pas de rompre le mariage. Le faible taux de querelle dans la famille, à cette époque, est remarquable. Si le modèle de rivalité était une bonne représentation de la réalité on ne devrait pas observer de différence dans la proportion des querelles selon le travail féminin ou selon l'assortiment des époux, or, le tableau suivant contredit cette idée. Ces données confirment le bon sens. Un ménage qui repose sur la rivalité constante de ses membres ne peut être stable. Lemennicier B., 1980, « La spécialisation des rôles conjugaux, les gains du mariage et la perspective du divorce », Consommation, nO 1. Fréquence des querelles, activité salariée 1 de l'épouse et homogamie du couple par niveau d'instruction (en %) Couples Activités
Homogames
Hétérogames TOTAL
HS-FS
HI-FI
HI-FS
FI-HS
17,2 (19,6) (*) [2,7] (**)
24,3 (36,7) [1,7 ]
21,7 (26,3) [1,2 ]
25,0 (17,4) [1,3 ]
22,2 (100) [1,4 ] (4130bs.)
Femmes au foyer
6,32 (8,5)
14,1 (44,5)
18,7 (20,1)
19,4 (25,9)
15,5 (100) (5550bs.)
Ensemble
13,3
18,7
20,5
21,3
(9680bs.)
Femmes actives
(*) Entre parenthèses, poids en pourcentage de l'assortiment considéré dans la population étudiée. (**) Entre crochets, ratio de la fréquence des querelles des femmes actives sur celles des femmes au foyer.
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LE MARCHE DU MARIAGE ET DE LA FAMILLE
1. - Nous observerons ainsi les assortiments suivants: 1) Homogame inférieur: homme inférieur-femme inférieure (HI-FI); 2) Hypergame: homme inférieur-femme supérieure (HI-FS); 3) Hypogame: homme supérieur-femme inférieure (HS-FI); 4) Homogame supérieur: homme supérieur-femme supérieure (HS-FSI.
3 Le choix du conjoint « Se peut-il qu'oubliée au fond de ma province, je passe à côté du bonheur? 40 ans, brune, yx bleus, 1.63 m, 65 kg, cé!., secrétaire d'administration scolaire et universitaire, élégante et discrète, réservée mais passionnée, romantique - lui: début quarantaine, bonne situation, mais resté simple, non fumeur, calme, sensible, sérieux, mais non ennuyeux, désirant nid douillet mais solide. » La Centrale des Particuliers, nO 83 l, 2 janvier 1986, annonce nO 89-21.1 0 97.
Les circonstances qui conduisent à un échange de consentements pour décider d'un mariage ou d'une vie commune sont celles d'un marché. Les modalités de rencontre sont diverses: petite annonce dans un journal spécialisé, rendez-vous organisé par une agence matrimoniale ou un club, rencontres spontanées. Ces contacts sont indispensables, et les partenaires échangent une série d'informations sur la qualité des services qu'ils peuvent se rendre mutuellement ou sur le type d'aventure qu'ils désirent. Ces renseignements prennent différentes formes: ouïe-dire, échange de curricula vitae, etc... Ils recquièrent divers intermédiaires: agences matrimoniales, marieurs, amis. L'accord conclu et librement accepté peut être formel (contrat de mariage) ou informel (union libre). Généralement les conditions de travail (femme au foyer ou non), le nombre d'enfants (voire la date à laquelle on les désire), le partage des tâches seront implicitement décidés à l'avance et renégociés dès qu'il sera nécessaire de le faire pour maximiser le bien-être du couple. Ce contrat suppose un échange de services: l'homme désire obtenir de son épouse affection ou procréation, services difficiles à acquérir sur le marché; elle, en retour, exige une compensation monétaire (voir encadré 3.1), car le
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LE MARCHE DU MARIAGE ET DE LA FAMILLE
temps qu'elle consacre à son mari pourrait être utilisé à autre chose ou offert à un autre homme. Les marchés du mariage et du travail sont respectivement semblables et interdépendants. Les services rendus par les individus ont une spécificité unique: ils ne peuvent être que loués. Le commerce des hommes et des femmes est aujourd'hui illégal, mais les services qu'ils rendent à un employeur, en absence d'un droit du travail, serait soumis aux règles du «louage de services». Il en est de même pour le marché du mariage: l'homme loue les services d'une femme et en contrepartie lui offre une compensation. Mais ici, les à-côtés mêmes de cette location: beauté du mari, intelligence, statut socioprofessionnel etc ... sont primordiaux. Dans un monde où l'incertitude prédomine, les hommes et les femmes n'ont pas connaissance de l'utilité totale attendue en formant un couple. Il faut du temps et de la chance pour trouver l'époux le mieux assorti à ses propres traits. Entre épouser la première personne rencontrée et attendre indéfiniment un amour exceptionnel, existe un moyen terme. Dans un couple, l'assortiment réalisé est donc nécessairement imparfait.
3.1 - LES PETITES ANNONCES DE DANIELE DANS LE JOURNAL LA CENTRALE DES PARTICULIERS
Source: Les Occasions. La Centrale des Particuliers. nO 831. 2 janvier 1986.
De tous temps les hommes ont été prêts à acheter le privilège d'avoir des relations sexuelles avec les femmes. Mais l'inverse est très rare. Cette différence de comportement s'explique par le risque de grossesse. Comme la prostitution est une industrie illégale, il est très difficile de connaître quel est le montant des transferts monétaires opérés à ces occasions-là. Cet échange n'est pas propre à la prostitution. Autrefois lorsque l'homme faisait la cour à une femme il était tenu par la coutume de payer les repas et les sorties. La loi elleméme dans le mariage impose à l'homme une obligation de secours et d'assistance à son épouse. Le fondement du mariage est un échange où la femme offre affection, relations sexuelles et enfants légitimes en compensation d'un salaire ou d'un support financier et accessoirement d'amour ou de tendresse assorti d'enfants légitimes. Pour convaincre le lecteur de cet échange, prenons la rubrique des petites annonces d'offre et de demande en mariage dans un journal: celui de la Centrale des Particuliers, journal réputé sans intermédiaire. Dans le numéro 831 du 2 janvier 1986,49 annonces de femmes et 89 d'hommes avaient été sélectionnées par Danièle, la responsable de rubrique. La taille, le poids, l'âge, le métier et le statut matrimonial; célibataire. veuf ou divorcé (avec enfants ou non), tous ces renseignements étaient signalés en plus des caractéristiques désirées par les annonceurs. Voici les plus citées: 1) l'âge minimum désiré (par la femme pour l'homme) ou maximum (par l'homme pour la femme); 2) la situation financière (exprimée par des mots comme bonne situation, niveau d'éducation supérieur ou catégorie profession· nelle, tel cadre supérieur etc.); 3) la beauté (repérée par les mots: mignonne, physique agréable, mince, élégante); 4) l'intelligence ou la culture; 5) l'affection (
Les deux actifs hétérogames F H
>
Epoux actif Epouse inactive
(7.41
Cons m
Le divorœ et les Français, Tome Il, 1981, Collection de l'INSEE, Série 085-86, tablea
LE CONTRAT DE MARIAGE
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5.2· DIFFI:RENCIATION DES COUTS ET CHOIX DU MODE DE DIVORCE La loi offre aujourd'hui aux couples la possibilité de divorcer pour faute, par consente· ment mutuel ou pour rupture de vie commune. Certains couples préfèrent un mode de divorce' un autre. Ces demandes divergentes ne traduisent pas nécessairement des compor· tements inefficients comme le pensent les sociOlogues voyant dans le comportement de minorités dclairées» le calque prochain d'une société entière. Si, dans la région parisienne, les couples préfèrent le divorce par consentement mutuel, c'est parce que le travail féminin y est plus développé et les salaires plus élevés. La différence des coùts d'opportunité du divorce entre Paris et la province est sensible. Le tableau ci-contre nous le confirme. Les revenus du mariage sont issus de la spécialisation et de la complémentarité des époux, les couples où la femme est inactive tirent •• ccomplémentaritb constante (homogamie des traitsl des gains du mariage plus élevés, et ont des coùts d'opportunité de rupture du contrat par suite des investissements spécifiques plus élevés. Ils choisiront de préférence le divorce pour faute. C'est le CilS de 72 % d'entre eux. Par contre, lorsque les couples adoptent un mode de vie où les deux conjoints travaillent, la spécialisation des rôles est réduite. néant et les gains comme les investissements spécifiques au mariage sont plus faibles qÙ8 pour les précédents. Parmi ces couples, ceux qui ont des treits dissemblables (hétérogamesl auront des gains du mariage plus faibles que ceux dont les traits sont semblables (homogamesl. On observera chez ces couples hétérogames, une préférence marquée pour le divorce par consentement mutuel. Ceci est vérifié si l'on compare les couples où les deux conjoints sont: actifs/catégories socioprofessionnelles différentes et actifs/mêmes catégories socioprofessionnelles. On remarquera une anomalie. Les couples actifs ou les deux conjoints appartiennent • une catégorie sociale supérieure ont - du fait de leur homogamie - des gains du mariage supérieurs • ceux des couples actifs hétérogames, ils devraient choisir dans une moindre proportion le divorce par consentement mutuel. Il n'en est rien. En fait, les gains du mariage sont mesurés par la différence entre ce que l'on produit ensemble et ce que l'on produit séparément. Les couples actifs de même catégorie sociale. mais apparte' nant il une classe sociale supérieure, ont plus de faciliter. vivre seul. L'épouse peut aisé· ment vivre célibataire et l'époux peut aisément se remarier. Des opportunités de revenus hors mariage plus élevées et une absence de spécialisetion compensent les gains attendus d'une «homogamia» plus forte. Les gains du mariage sont en réalité plus faibles que pour ceux des couples actifs hétérogames.
Liberté contractuelle et mariage
Il est vraisemblable qu'une plus grande liberté contractuelle en matière de droit de la famille serait un progrès considérable. Un contrat de mariage explicite dont les termes offriraient des avantages non négligeables aux couples comme à la société. Un contrat de mariage permet de faire des ajustemen ts non conformes au droit existant mais plus conformes à la réalité du marché du mariage contemporain. Il permet ensuite d'échapper à la discrimination légale qui pèse contre le sexe féminin ou masculin (comme la garde des enfants attribuées à l'épouse ou l'obligation alimentaire imposée au mari). Il autorise la polygamie ou la traduction juridique des relations entre couples de même sexe ou qui désirent plus simple-
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LE MARCHE DU MARIAGE ET DE LA FAMILLE
ment cohabiter. Enfin, il permet aux partenaires de régler leur vie privée et leurs relations personnelles comme ils le désirent. A ces quatre points forts on peut ajouter qu'il devrait faciliter la coopération au sein du couple, diminuer les coûts d'organiser la production familiale, accroître les gains du mariage et sa stabilité. En revanche, ceux qui contestent que l'on puisse établir de tels contrats mettent en avant deux défauts: - l'incertitude qui pèse sur les performances qui seront réalisées dans le mariage obèrent l'intérêt d'un contrat formel; - un contrat explicite substitue à la coopération spontanée une morale commerciale qui détruit la confiance et l'amour, attributs essentiels d'un mariage réussi. Un véritable contrat de mariage exigerait la suppression de l'article 226 du code civil. Il permettrait aux couples d'échapper à la conformité du contrat d'adhésion type proposé par le code. Il offrirait la possibilité de moduler la codification des relations selon la situation et les besoins du couple. Au lieu d'imposer l'obligation alimentaire à l'homme, le contrat peut imposer un partage de cette obligation lorsque les deux conjoints sont engagés dans une double carrière. Au lieu d'escompter du juge aux affaires matrimoniales un réglement au moment du divorce, on peut spécifier à l'avance des clauses de pénalité en cas de rupture abusive ou unilatérale ou le montant des dommages que les deux époux se devront dans une telle situation. L'avantage d'un tel contrat est qu'aucune des deux parties ne se voient imposer des clauses auxquelles elle n'a pas consenti; ce que le code civil fait aujourd'hui en obligeant l'ex-mari à payer une pension alimentaire pour des enfants dont il n'a plus la garde. Les couples ont actuellement le choix entre deux maux: la cohabitation ou le contrat d'adhésion type proposé par le code civil! Ce contrat de mariage offre l'opportunité pour des couples à cheval sur l'égalité des sexes de mettre en œuvre leur idéal d'égalitarisme. De la même manière, il offre l'opportunité d'assurer aux communautés, aux homosexuels ou aux fanatiques de la polygamie ou de la cohabitation de satisfaire leurs goûts en établissant des contrats qui stabilisent leurs relations. C'est vrai que ces contrats légitimisent des styles de vie peu conformes à la tradition ou aux préférences de la majorité des couples, mais pourquoi les interdire ou les désavantager par rapport à d'autres formes d'union? Quel prétexte peut-on avancer pour les interdire? Il est vrai que des
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couples polygames ou des communautés pourraient vivre abusivement sur les allocations familiales, car ils ou elles bénéficient d'un avantage dans la production des enfants (les couples polygames produisent plus d'enfants que les autres), mais dans un tel cas ce n'est pas la polygamie qu'il faut interdire, mais la distribution d'allocations familiales! La procédure consistant à rédiger un contrat de mariage aide beaucoup le couple à clarifier ses attentes et à prévoir les obstacles ou les difficultés qu'ils affronteront. Chacun peut se référer à ce document, exactement comme pour un contrat de travail, et rappeler à son partenaire ce que l'autre attend de lui. Doit-il s'occuper des tâches ménagères? Doit-elle élever les enfants? Combien d'enfants le couple planifie-t-il? Est-ce que l'épouse veut s'arrêter de travailler pour les élever? Désire-t-elle travailler? Désire-t-il mener des affaires de cœur extra conjugales? .. (voir encadré 5.3). Toutes ces questions constituent des conflits potentiels. Le contrat ne les empêchera pas de survenir mais une procédure de résolution des conflits peut être élaborée. Elle peut faciliter une redistribution des gains du mariage, chacun acceptant au départ de remettre en cause certains acquis ou bien de s'adresser à des tiers (conseillers et psychologues conjugaux) qui arbitreront ou mettront en pratique une thérapeutique. La rédaction de ce contrat permet à beaucoup de jeunes de découvrir les droits et obligations qu'ils se devront mutuellement. Une incertitude est levée et un sens de la responsabilité développé à cette occasion. Enfin un tel contrat serait passé devant un notaire et non devant un édile, maire ou maire adjoint, ce qui marquerait de façon irrémédiable que le contrat de mariage est une affaire privée et non publique! Les réactions négatives à ce type de formalisation et de privatisation des contrats de mariage prennent leurs sources dans la croyance suivante: le caractère formel et non sacré du contrat détruirait le fondement émotionnel des relations intimes qui en font tout l'attrait, et sur lequel s'établit un mariage durable. Il est vrai qu'un contrat de mariage qui présente un étalage de clauses contractuelles, à la manière d'un contrat d'assurance, peut vous couper toute envie ... de vous marier. Spécifier dans le contrat des clauses de pénalité en cas de divorce peut inciter les partenaires à craindre cet événement dans leur mariage et par cette précaution accroître la probabilité de divorcer. La rédaction du contrat peut susciter des anticipations créatrices.
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Une discussion ouverte sur tous les problèmes familiaux susceptibles de survenir détruit la confiance accordée au futur conjoint. «Pourquoi épouser un individu d'aussi peu de foi qui transforme une relation amoureuse en expertise comptable.» Mais, on peut renverser le sens de la causalité. C'est parce que le conjoint est généreux et prévoyant qu'il souhaite un engagement de sa part vis-à-vis de son partenaire pour le protéger contre ses propres faiblesses. Il s'agit-là d'une très grande marque de confiance et d'amour qui prémunit chaque partie de tout comportement malhonnête. Le contrat de mariage n'a pas non plus pour objet de prévoir tous les événements qui surviendront et qui sont, par nature, incertains au début du mariage. Une formalisation trop rigide pourrait empêcher certaines formes d'adaptation aux circonstances imprévues. L'un des conjoints peut devenir handicapé, rendant toute cohabitation difficile. L'autre peut expérimenter une richesse inespérée et rompre un mariage avec un partenaire qui n'est plus à la hauteur. Ce type d'incertitude est inhérent à tout contrat de long terme. Il n'est pas spécifique au contrat de mariage; le contrat de travail et beaucoup de contrats commerciaux sont de ce type. Aucun contrat ne peut offrir de garantie sûre contre ces risques. Naturellement, certains types d'événements peuvent être anticipés et une clause peut prévoir une renégociation du contrat. Par ailleurs, la jurisprudence peut décider si les clauses du contrat, face à un événement particulièrement imprévisible, sont exécutoires.
5.3 - GUIDE DU CONTRAT DE MARIAGE Comment peut-on rédiger un contrat de mariage 7 Quelles questions doit-on aborder 7 La juriste Weitzman propose une liste d'une vingtaine de problèmes, source de conflits, parmi lesquels: 1 - L_s buts du contnlt cie mari_~: Est-ce un catalogue de clauses définissant les droits et les obligations des deux époux dans les actes de la vie quotidienne ou pour la gestion de la fortune du couple, ou bien un guide pour rendre plus harmonieuses les relations interpersonnelles 7 Est-ce simplement une profession de foi 7 Est-ce un substitut au mariage légal ou un réaménagement au contrat légal avec des obligations ou des droits auxquels les époux renoncent 7 2 - La force juridique du contf1Jt: Le contrat de mariage s'impose-t-il aux parties et aux juges? Doit-il être signé devant notaire avec des témoins 7 Certaines clauses doiventelles étre considérées comme non-exécutoires 7 3 - Un historiqu_ et un curriculum d_ chBqU_ parti_ : La connaissance des antériorités des deux conjoints est-elle une information à communiquer aux partenaires pour prévenir un risque de vice de consentement? Doit-on préciser l'état de santé, l'absence de casier judiciaire. la richesse des parents, leur endettement, etc. 7
LE CONTRAT DE MARIAGE
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4 - Les attentes cHIs partenaires: Ouelles sont les intentions des époux vis-à-vis de leur union? Désirent-ils simplement profiter du contact réciproque de leur épiderme ou fonder une relation durable avec ou sans enfant? Désirent-ils associer leur talent pour une réussite sociale et financière à l'image de notre étudiante qui finance les études de son époux? Ouelles sont leurs priorités, faire carrière, élever les enfants, voyager, etc.? 5 - La durée: Le couple envisage-t-il une union indissoluble ou permanente ou bien un contrat de mariage à durée indéterminée? Le contrat de mariage est-il limité dans le temps, sa durée est-elle liée à une performance spécifique ou bien au maintien d'une relation amoureuse? Une période d'essai est-elle envisagée avant la conclusion définitive du contrat? Ce contrat de mariage est-il renQuvelable après l'apparition d'un événement particul ier ou tous les ans ou les cinq ans? 6 - La C/Jrritlre professionnel/eet tAches dOmtlstiques : Oui de l'homme ou de la femme doit (dournir le pain du ménage»? Est-ce que les deux conjoints doivent contribuer égaiement aux revenus du ménage? Si les deux sont engagés dans une carrière professionnelle importante, laquelle des deux doit être sacrifiée si un tel choix se présente? L'épouse ou l'époux participe-t-elle (il) à la carriére de son conjoint? 7 - ReVllnus et dépenses: Les deu~ conjoints doivent-ils mettre en commun leurs revenus? Existe-t-il des dépenses è la discrétion de chacun? Les décisions de consommation doivent-elles être prises en commun? La gestion du foyer doit-elle être attribuée à l'épouse? Si l'homme est le seul à gagner de l'argent, doit-il payer régulièrement son épouse pour les dépenses du mênage ou doivent-ils avoir un compte bancaire joint? Comment le couple épargne-t-il? La femme peut-elle utiliser les fonds du ménage pour constituer une épargne de précaution en cas de divorce? 8 - Les biens mobiliers et immobiliers: Ouelle est la fortune actuelle ou attendue par héritage de chacun? Le couple préfère-t-il séparer la propriété de ses biens avant comme après la conclusion du mariage? Les dons de l'héritage, les acquisitions de chacun doivent-ils être mis en commun ou au contraire séparés? 9 - Les dettes: Est-ce que l'un des futurs conjoints est endetté? L'un des conjoints doit-il financer une tierce personne? Si l'un des conjoints s'endette en cours de mariage, le conjoint doit-il être solidaire? Est-ce un motif de rupture du contrat de mariage? 10 - La résidenCfl: Oui va choisir la résidence? Les époux vont-ils vivre ensemble? Le lieu du logement sera-t-il à proximité du travail de l'épouse ou de celui du mari si les deux sont engagés dans une carrière professionnelle? L'un des conjoints peut-il refuser de recevoir les amis de l'a,lltre? 11 - Le nom: Ouel sera le nom choisi pour identifier le ménage, celui de l'homme, celui de la femme, les deux, le plus rénommé des deux? En cas de divorce quel nom les ex-conjoints prennent-ils? Et leurs enfants quels noms leur donnera-t'On après cette rupture : celui du père, celui de la mére? 12 - Les relations extra-conjugales: Est-ce que chaque conjoint peut avoir des relations intimes avec d'autres personnes sans remettre en cause le contrat de mariage? S'il ya violation du contrat sur ce point peut'On trancher ou exiger des dommages, voire même renégocier le contrat? 13 - La décision d'avoir des enfants: Oui doit choisir le nombre d'enfants dans la famille, la femme, l'homme, les deux conjointement? Ouand doit'On mettre à exécution cette décision? Oui s'en occupera? Ouelle méthode de contraception pratiquera-t-on? L'avortement sera-t-il une décision unilatérale ou conjointe? A quelle école les enverra-t'On, dans une école publique, privée, religieuse? Dans quelle religion l'enfant sera-t-il élevé? 14 - Santé, déctls: En cas de maladie grave ou d'un handicap physique important, le contrat de mariage doit-il être rompu? Les deux conjoints doivent-ils prendre une assurance sur la vie? L'époux doit-il tester en faveur de son épouse ou de ses enfants ou d'un tiers? 15 - La dissolution: En prévision de la rupture du contrat de mariage, faut-il spécifier des clauses de pénalité ou de sûreté? Faut-il dès le début du mariage, fixer le montant des dommages et la manière dont seront partagées les ressources acquises dans la communauté? Faut-il prévoir un arbitrage? Oui prendra en charge les enfants? Ouelle somme celui qui aura la charge des enfants, devra-t-il payer à l'autre conjoint en dédommagement de ces investissements perdus?
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LE MARCHE DU MARIAGE ET DE LA FAMILLE
Toutes ces Questions ne sont pas exhaustives et beaucoup des problèmes auxquels elles font références peuvent être réglés implicitement par les époux au jour le jour ou Quand ils surviennent sans se reporter il un contrat écrit Qui ne sera jamais rel u. D'autres, au contraire, sont traitées explicitement par la loi. Or, celle-ci impose une solution Qui ne convient pas nécessairement aux réalités contemporaines. - Weitzman L., The Me,riaf18 Con tract, New York, Free Press, 1981.
6 Le commerce des enfants « On n'entendit plus du tout parler du petit Jean Vallin. Les parents, chaque mois, allaient toucher leurs cen~ -:ingt francs chcz le Notaire; et ils étaient fâchés avec leurs VOISinS parce que la mère Tuvache les agonisait d'ignominies, répétant sans cesse de porte à pone qu'il fallait être dénaturé pour vendre .son enfant, que c'était une horreur, une saleté, une corromperle. »
G. de
MAUPASSANT,
.AJiX Champs.
Le conflit qui surgit au moment du divorce entre parents à propos de la garde des enfants est un problème grave. Offrir la possibilité aux ex-conjoints d'acheter ou de vendre droits et obligations associés à leur éducation nous semble une bonne solution. N'est-ce pas là une façon détournée d'introduire le commerce des enfants? La réponse est oui puisque cette solution consiste à développer un marché libre des enfants. Ce commerce n'est pas moralement répréhensible et il révèle un degré supérieur d'humanité et de civilisation. Cette affirmation peut paraître provocante et monstrueuse, mais en réfléchissant plus attentivement aux problèmes posés par l'adoption, on s'aperçoit vite qu'il n'en est rien. Soyons d'abord conscient qu'un tel marché existe. Au mieux il est gris, au pire il est noir; car l'interdiction par le gouvernement d'acheter ou de vendre un enfant (ou le droit de l'élever) ne fait pas disparaître l'offre et la demande qui émergent, spontanément, des abandons et des couples, qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent avoir leurs propres enfants et désirent en élever. Malheureusement, penseront certains, il existe des parents qui ne veulent pas élever leurs enfants. Le cas le plus courant est celui
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de la naissance d'un enfant illégitime et de son abandon par une mère célibataire trop jeune pour l'élever. Mais les parents peuvent aussi commencer par s'occuper d'eux et ensuite pour une raison ou une autre (mort, extrême pauvreté, alcoolisme, etc.) les abandonner, les martyriser ou les négliger. Sur la requête d'une assistante sociale ou celle d'un voisin, l'autorité parentale est retirée et l'enfant est placé auprès d'une famille nourricière ou dans une institution publique ou privée qui le prend en charge avant son adoption (s'il peut encore être adopté, car l'âge limite a été fixé à 15 ans par la loi du Il juillet 1966). Aussi brutal que cela puisse paraître, si certains enfants ne sont pas désirés alors que d'autres parents, faute d'en avoir, en recherchent désespérément, un échange mutuellement bénéfique. est possible même s'il s'agit d'un marché d'occasion (encadré 6.1). 6.1· LE MARCHIÔ DES ENFANTS EST·IL UN MARCHIÔ D'OCCASIONS? Les enfants abandonnés et repris par d'autres parents ne sont pas de première main. D'une façon générale, les parents qui désirent élever des enfants préfèrent les·leurs. C'est faute de pouvoir les procréer qu'ils sont amenés à rechercher des enfants substituts. Mais les enfants abandonnés ne constituent pas une population représentative de l'ensemble des enfants. En 1968,70 % sont nés de père inconnu, 52 % sont des filles. L'âge de l'enfant lors du placement pour adoption est pour 55 % des cas inférieur à 1 an. La catégorie sociale d'ori· gine des enfants abandonnés n'est pas connue. On peut cependant suspecter qu'ils ne vien· nent pas des catégories sociales supérieures. Deux raisons font pencher la balance en faveur de cette idée: d'une part la pratique de la contraception et de l'avortement est plus fréquent dans les classes supérieures et, d'autre part, la pauvreté incite fortement à abandonner son enfant. Il est difficile de connaitre les caractéristiques de la population des adoptés. L'enquète réalisée sous la direction de Marmier sur un échantillon assez faible de 223 adoptés dans les années 1950 et interviewés en 1968 permet avec toutes les précautions d'usage sur la faiblesse de l'échantillon de s'en faire une idée (au départ, l'enquéte a été menée sur 1 042 bénéficiaires de l'adoption, sur un total de 993 dossiers exploitables, 582 non réponses ou adresse inconnue et seulement 411 contacts avec ces familles, sur ces 411 seulement 223 ont accepté d'être interviewés!. Le tableau suivant montre la réussite scolaire de cette cohorte d'adoptés au niveau de l'Enseignement Supérieur, selon la catégorie socioprofessionnelle des adoptants. Proportion d'adoptés étudiants dans les diverses catégories sociales d'adoptants Adoptés Ouvriers ArtisansoCommerçants Employés-cadres moyens Professions libérales, Cadres supérieurs - Marmier·Champenois, 1972, p. 233.
7 10 ·20 40
Population générale
3 23
26 59
LE COMMERCE DES ENFANTS
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A l'exception des familles ouvrières, la proportion d'adoptés entrant dans l'Enseignement Supérieur est inférieure à la probabilité qu'ont les jeunes de cette catégorie d'accéder à un tel enseignement malgré des conditions favorables puisque les foyers adoptifs sont présumés offrir de bonne condition d'éducation sur le plan matériel. Comme pour la population normale, vivre dans un foyer adoptif de cadres supérieurs augmente les chances de faire des études supérieures, mais la réussite scolaire est, malgré des conditions financières avantageuses, moins brillante que pour les enfants de la population normale. Naturellement si ces enfants qui ont été adoptés ne l'avaient pas été, leur réussite scolaire aurait été bien inférieure.
Quand les nouveaux parents bénéficient de tous les droits et obligations légalement reconnus aux parents, on parle d'adoption plénière (à ne pas confondre avec l'adoption simple qui consiste pour un membre du couple à adopter l'enfant de l'autre pour des raisons de succession). Si ces droits sont limités à la garde de l'enfant pour une période transitoire, on parle de placement familial. D'une certaine façon, la garde de l'enfant de parents divorcés s'apparente au cas du placement familial, avec, en droit, une pleine jouissance pour chaque conjoint des droits et obligations associés à son éducation. Traditionnellement, les gains de l'échange se réalisent spontanément par une transaction monétaire, c'est-à-dire par le marché. Mais, comme il est interdit d'acheter ou de vendre des enfants, de telles transactions se font au marché noir. En effet, la loi du Il juillet 1966 interdit l'échange d'enfants entre particuliers comme cela se pratiquait dans les années cinquante par l'intermédiaire de la sagefemme, du médecin ou de l'avocat. Si des parents désirent voir leurs enfants être adoptés par une autre famille, ces derniers devront d'abord être recueillis par une institution publique ou privée (ayant reçu l'autorisation de l'Etat d'exercer cette activité) et c'est celle-ci qui choisira la famille qui les adoptera - article 348-4 du code civil. Cette réglementation empêche un marché libre de fonctionner pour équilibrer l'offre et la demande d'adoption. La raison en est simple. Le prix officiel des enfants (aux qualités nécessairement différentes) est artificiellement maintenu par la loi au niveau du coût des agences de placements. En fixant arbitrairement un prix voisin de zéro aux enfants susceptibles d'être adoptés, les pouvoirs publics font comme s'ils évaluaient le prix d'un enfant à un niveau différent de celui qui s'établirait spontanément sur le marché. Ce prix légal est inférieur à ce que valent réellement les enfants! Une demande excédentaire d'enfants émerge. Celle-ci n'étant pas satisfaite par les agences publiques de
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placements, suscite l'apparition d'un marché noir que les journalistes dénoncent régulièrement et que les avocats ou les juges bénissent, en privé, tant le problème est devenu aigu. Pour convaincre le lecteur de l'intérêt d'un régime de «laisseznous faire» en matière d'adoption d'enfants ou de droits de garde, nous allons discuter les arguments qui sont souvent avancés par les pouvoirs publics afin d'empêcher les couples de profiter d'opportunités de gains à l'échange. Ceci permettra de mieux comprendre le point de vue de l'économiste sur la question 1. Les objections au commerce des enfants s'organisent sous la forme d'un discours désormais bien balisé. En général les critiques faites au marché sont employées par les groupes de pression auprès des hommes politiques afm de soustraire un bien ou un service aux lois du marché. Cet argumentaire est la plupart du temps le même, qu'il s'agisse de soustraire le travail, les matières premières, la monnaie ou les enfants aux lois de l'offre et de la demande. Nous avons distingué cinq arguments: - Les prix élevé, supposé, auquel sont échangés les enfants, interdit aux couples pauvres d'adopter des enfants: le marché libre exclut les pauvres de l'adoption; - Le prix auquel s'échangent les services ne récompense pas les mérites ou la qualité du bien ou du service offert: le prix du marché n'est pas juste; - Les offreurs ou les intermédiaires connaissent mieux le produit ou le service qu'ils rendent, ils ont un pouvoir de négocier plus fort que les demandeurs, ils ont donc toute latitude pour être malhonnêtes ou pour profiter de la crédulité de parents désireux d'élever un enfant à n'importe quel prix: le marché est inégal; - Habituellement, un échange se fait au bénéfice des échangistes et non pas de l'objet de l'échange. Malheureusement, ici, l'objet de l'échange est à la fois un être humain et un tiers involontaire qui ne peut faire prévaloir son intérêt: le marché est défaillant pour préserver l'intérêt de l'enfant; - Enfin, les échanges monétaires corrompent les relations entre les parents naturels, les adoptants et les adoptés: le commerce d'enfants est moralement dégradant.
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Le marché libre exclut les pauvres de l'adoption
Au marché noir, l'achat d'un enfant coûte cher. En revanche, sur un marché légal, le prix à payer pour avoir le droit de l'élever serait vraisemblablement moins élevé. Un marché noir offre toujours un service plus coûteux et de moins bonne qualité qu'un marché légal (l'alcool au temps de la prohibition ou la drogue aujourd'hui sont là pour attester de cette vérité économique). Le marché noir des enfants n'échappe pas à cette règle. Comparativement au marché légal le prix s'élève, d'une part, pour couvrir les risques encourus pour avoir commis un acte illégal, et d'autre part, pour faire face aux difficultés plus grande que les intermédiaires rencontrent pour inciter une femme à conduire à terme une grossesse en vue d'une adoption illégale, ou pour rapprocher les demandeurs des offreurs. Sur un marché légal ces deux coûts seraient réduits considérablement. On ne peut donc juger du prix d'un enfant à l'adoption sur les seuls critères du prix observé au marché noir. En réalité, l'existence d'un marché légal permettrait aux pauvres, désirant élever un enfant, de pouvoir satisfaire leur souhait car les agences de placement sélectionnent très sévèrement les couples (encadré 6.2). Les considérations fmancières ne sont pas absentes de cette sélection ... D'une certaine façon un marché libre de l'adoption corrigerait les inégalités de départ, principal argument justifiant toutes les redistributions forcées de revenus en faveur des pauvres. Une famille nécessiteuse dont le cinquième enfant n'a pas été désiré, ne peut lui offrir des espérances de vie et de carrière professionnelle particulièrement alléchantes. En revanche, l'achat de cet enfant par une famille riche lui ouvre toutes les opportunités et tout le monde est satisfait. La famille pauvre se trouve être plus à l'aise après la vente de ses droits au foyer d'accueil, l'enfant voit ses espérances de niveau de vie futur s'améliorer et la famille qui l'achète au prix fort est heureuse! Où est l'injustice 2 ? Par ailleurs, quels sont les parents ou le conseil de famille qui voudraient voir l'enfant être adopté par une famille pauvre? C'est, paradoxalement, l'impossibilité légale d'échanger les droits d'élever les enfants qui perpétue les inégalités dues à la naissance!
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LE MARCHE DU MARIAGE ET DE LA FAMILLE 6.2· CARACTIORISTIQUES DES FAMILLES ADOPTANT UN ENFANT
Les agences publiques ou privées spécialisées dans l'adoption, sélectionnent sévèrement les familles qui seront autorisées il adopter un enfant. L'enquéte réalisée en 1968-69 pour tester l'effectivité de la loi du 11 juillet 1966, permet de se faire une idée de la façon dont ces institutions satisfont la demande. 623 dossiers d'enfants adoptés composaient l'échantillon. 89 % des familles ayant adopté un enfant étaient des couples et, pour 5 % d'entre elles, des femmes célibataires. Pour 57 % de ces familles, l'âge de l'époux allait de 35 il 45 ans et il y avait seulement 27 % de couples de moins de 35 ans. La différence d'âge entre mari et femme est il peu près la même que dans la population normale, exception faite des couples dont le mari a un âge inférieur il celui de sa femme. Dans 11 % des cas, les couples adoptants sont assortis de telle sorte que le mari a entre 2 et 5 ans de moins que son épouse. 60 % des couples ont entre 10 et 20 ans de mariage derrière eux avant d'adopter l'enfant. Pour 94 % de ces couples il s'agit d'un premier mariage 1 Les professions libérales, les cadres supérieurs et les cadres moyens sont surprésentés dans la population des faniilles acceptées comme adoptant. 50 % d'entre elles appartiennent il ces catégories sociales contre 15 % dans la population normale. 53 % d'entre elles sont propriétaires de leur maison ou appartement. Enfin, le revenu moyen des adoptants en 1968 était de 36000 F annuel, alors que le revenu moyen de la population il cette époque s'établissait aux environs de 13200 F. Le couple et son âge, la durée du mariage, un mariage stable, l'appartenance il une catégorie sociale supérieure et un niveau de vie élevé, sont les critères privillgiés par ces institutions. L'âge du couple et la durée du mariage résultent spontanément des familles qui, au bout de x années, s'aperçoilient qu'elles ne pourront vraiment pas avoir d'enfants. En revanche, la stabilité du mariage et les considérations financières sont des préoccupations propres aux institutions de placeme"t. L'argument selon lequel un marché libre, priverait les couples pauvres de ne pouvoir adopter d'enfants faute de moyens, fait sourire. - Marmier-Champenois, L 'sdoption, Ministère de la Justice, Etude de Sociologie Juridique, La Documentation Française, 1972.
Le prix de marché n'est pas juste
Les parents désirent-ils adopter des enfants ombrageux, difformes avec une légère déficience mentale? Non, ils les souhaitent beaux, intelligents et ayant bon caractère. Plus demandés que d'autres, ces enfants seront plus chers. Si par malheur les enfants jaunes sont plus intelligents que les enfants noirs et les noirs le sont plus que les rouges, mais que les blancs sont désirés plus que tous les autres parce que les adoptants sont blancs, le prix des enfants de race blanche à intelligence égale avec ceux des autres races sera plus élevé. En mettant à jour les différences de prix selon la race, le marché exacerberait les tensions raciales. Cet argument est erroné. Le prix ne signale pas la qualité de l'individu. Prenons l'exemple suivant: Les enfants noirs sont en moyenne d'excellents danseurs, chanteurs ou musiciens, mais les parents adoptifs préfèrent des enfants dociles, calmes et intelligents. Si les enfants dont la peau est jaune présentent de telles carac-
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téristiques, ils seront plus demandés. Toues choses égales, ils seront plus chers. Maintenant, supposons que cette corrélation est scientifiquement erronée (dans les deux races, même proportion d'enfants adoptables dociles, calmes et intelligents ou de danseurs, chanteurs et musiciens) alors un marché libre corrigera les croyances erronées des adoptants, ce que ne fera pas un système public de placement. En effet, puisque les enfants calmes, dociles et intelligents auront un prix plus élevé sur le marché, les parents ou intermédiaires qui les offriront à l'adoption investiront pour signaler (par une meilleure sélection) ces qualités désirées et qui rapportent gros. Si les deux populations sont identiques, les intermédiaires perdraient de l'argent en laissant croire aux adoptants que les enfants dociles, calmes et intelligents se trouvent seulement dans l'une des deux populations. Leur intérêt est de corriger les croyances erronées des adoptants. Non seulement le marché n'accentue pas les tensions raciales, mais il les réduira. L'erreur commise par ceux qui sont sensibles à cet argument provient d'une mauvaise compréhension de ce qu'est un prix sur un marché. Un prix est une information qui signale aux individus la direction dans laquelle ils doivent allouer leurs ressources; il n'a pas pour but de récompenser un mérite quelconque (les attributs d'un produit ou la couleur de la peau) mais de faire en sorte que l'offre d'attributs augmente ou que les demandeurs s'orientent vers des enfants substituts moins onéreux! Si on laisse les prix jouer leur rôle, le temps que les familles se rendent compte qu'un enfant d'une race quelconque donne les mêmes joies ou satisfactions qu'un autre, que l'offre d'enfant désiré (de façon erronée) se développe, les prix d'enfants de races différentes seront identiques. Si de telles différences de prix entre races sont permanentes, c'est qu'il existe alors des coûts invisibles, artificiels ou non, qui annulent le profit que les parents pourraient tirer d'une réallocation de leurs ressources vers des enfants substituts moins chers.
Le marché est inégal
Les intermédiaires ou les parents qui offrent un enfant à la vente connaissent, a priori, mieux que quiconque, les caractéristiques non observables de l'enfant (hérédité, santé ou milieu familial d'origine).
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Ils peuvent profiter de cette différence d'information pour fixer un prix plus élevé ou offrir au prix courant un enfant de mauvaise qualité. Si l'acheteur n'a pas la possibilité de revendre l'enfant adopté, il court le risque important d'être trompé sur la marchandise car la décision d'adoption ne se renouvelle pas tous les jours. Faute de pouvoir établir un lien durable entre l'acheteur et le vendeur, les parents adoptifs sont à la merci du vendeur. Voilà ce qui se produit sur le marché noir. Il faut, ici, faire la différence entre le fonctionnement d'un marché noir, résultat de l'intervention des pouvoirs publics, et celui d'un marché légalisé. Sur ce dernier, les acheteurs bénéficieront des protections offertes par les contrats et les assurances. Si les acteurs économiques n'achètent pas non plus tous les jours une voiture, ou un appartement, pourtant les échanges se font normalement et les vendeurs ont aussi une position de force vis-à-vis du demandeur. Le marché lui-même offre une protection et une information véridique sur la qualité, car l'intérêt des intermédiaires est de développer le marché et non de le réduire par des pratiques frauduleuses. D'autre part, le mécanisme public d'adoption des enfants n'est pas exempt de ces mêmes critiques. Paradoxalement, l'argument vaut plus pour les agences publiques de placement que pour le marché libre (encadré 6.3). Comment attribue-t-on les enfants dans une agence de placement? A quelle commission les familles qui désirent adopter un enfant doivent-elles soumettre leur cas? Qui décide? Le membre de la commission qui détient un pouvoir sur les autres membres? Observe-t-on un marchandage entre eux? Pour passer en tête dans la file d'attente des dossiers, quel fonctionnaire doit-on essayer de soudoyer? Quelle certitude a-t-on sur la qualité des enfants ou sur leur milieu d'origine si l'on ne connaît pas les assistantes sociales qui ont le dossier de l'enfant? Le prix, sous forme d'années d'attente, est imposé par la commission, la qualité de l'enfant est incertaine et n'est pas garantie. Là encore les avantages d'un marché libre l'emportent vraisemblablement sur la procédure d'attribution actuelle. Le marché est défaillant, car il ne respecte pas l'intérêt de l'enfant, tiers involontaire à l'échange
La plus forte réticence contre une libéralisation du marché des
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enfants vient d'un argument qui est loin d'être aussi sot que les précédents. Habituellement le marché satisfait les échangistes et non pas l'objet de l'échange! Or, l'objet de l'échange est ici non seulement un être humain, mais aussi un tiers involontaire à la transaction puisqu'il n'a pas son mot à dire; et des parents peuvent vouloir acheter un enfant pour le battre, le faire travailler, voire même le prostituer ou le revendre avec un profit. C'est un commerce puisque l'achat d'un enfant est assorti (telle la Patria Potestas de la tradition Romaine) du droit de le revendre, de le prêter, de le détruire ou de le faire travailler. Il faut donc interdire ce marché, et donner à une agence publique ou privée (agréée par l'Etat) le soin de préserver l'intérêt de l'enfant.
6.3· LES INTERMËDIAI RES DE PLACEMENT L'enquête menée sous la direction de Marmier·Champenois a été réalisée sur des adop· tés des années 1950. A cette époque les intermédiaires privés, Œuvres ou particuliers, pou· vaient rapprocher les offres et les demandes. Il est intéressant de comparer la politique de l'Aide sociale aux Œuvres et aux particuliers qui concurrençaient l'Etat en matière de place· ment. On peut en juger à partir de trois éléments: le délai pour répondre à la demande, l'âge de l'enfant au placement et les caractéristiques ou les formalités exigées chez le deman· deur pour l'adoption. Le délai de placement est inférieur, pour près de 80 % des cas, à 1 an. La demande est plus rapidement satisfaite par les particuliers et les Œuvres. Ainsi les deman· des satisfaites en moins de trois mois le sont pour 27 %, 32 % et 43 %, respectivement par l'Aide sociale, les Œuvres et les particuliers. Le délai d'attente ne dépasse pas 1 mois pour seulement 3 % et 11 % des adoptés en Aides sociales et Œuvres, par contre 24 % des adoptés le sont par l'intermédiaire des particuliers. A cette époque les adoptants préfèrent s'adresser aux Œuvres et aux particuliers. Les particuliers cependant ne sont choisis que par 10% des candidats à l'adoption. En revanche 60 % d'entre eux préfèrent les Œuvres et seulement 30 % s'adressent à l'Aide sociale ou à l'Assistance publique. Le délai d'attente n'est donc pas le seul critère de jugement pour préférer s'adresser à un intermédiaire plutôt qu'à un autre. L'âge au placement est un indicateur avec lequel l'intermédiaire satisfait les préféren· ces de la demande. En effet la majorité des adoptants veulent des enfants en bas âge. Là encore Œuvres et particuliers offrent un service diligent. 78 % des enfants placés par des particuliers ont moins de 1 an (42 % ont moins de 15 jours!. 75 % des enfants placés par les Œuvres ont moins de 1 an mais seulement 19 % d'entre eux ont moins de 15 jours. En revanche, l'âge au placement des enfants confiés à l'Aide sociale va (pour 81 %) de 1 et 3 ans 1 Aucun enfant n'est confié avant 15 jours. La supériorité des performances des œuvres comme des particuliers à satisfaire la demande est écrasante. Mais les Œuvres et les Parti· culiers ne font peut-être pas grands cas de la qualité des familles qui désirent adopter les enfants ou bien ne garantissent pas la qualité des enfants qu'ils offrent à l'adoption. Ces intermédiaires rapprochent certes, offres et demandes, mais à une qualité de service très inférieure. L'enquête de Marmier entend par qualité de service, les garanties médicales et juridiques. Or, dans le questionnaire on demandait aux seuls adoptants s'étant adressés aux Œuvres ou à l'Aide sociale leurs préférences entre les œuvres, les PéV"ticuliers ou un organisme public. L'opinion des foyers adoptifs penche alors en faveur de l'organisme public et lorsque l'on demande aux adoptants leur opinion sur les formalités exigées par la loi, 90 % d'entre eux sont favorables aux enquêtes sociales et aux visites médicales. Seulement 6 % des adoptants, sans doute les plus intelligents, font remarquer qu'on n'en demande pas
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tant aux parents naturels! Il est frappant de constat!'r que parmi les familles non soumises à ces formalités, 80 % d'entre elles sont favorables à l'intervention de l'Etat dans leur vie privée. Bien entendu les plus opposés à cette intervention sont ouvriers et anticipent déjà les critères de sélection qui vont s'opérer. Les catégories aisées y sont majoritairement favorables! Les Français de cette génération ont eu la loi qu'ils méritaient, malheureusement ce sont d'autres générations qui doivent en supporter les conséquences.
Un tel raisonnement est faux, Ce qui est acheté c'est le droit d'élever un enfant. Ce droit n'est pas le droit d'en faire ce que l'on veut. Il est limité dans le temps et dans l'utilisation des services que l'enfant peut rendre, Le droit d'élever un enfant est un droit de déterminer librement son bien-être futur (doit-il recevoir une éducation religieuse? doit-il être végétarien? qui doit-il fréquenter? doit-il être soigné? etc.), mais ce n'est pas le droit de l'utiliser à des fins répréhensibles (cruauté, sexualité, prostitution, ou autre ... ). Enfin, le droit de vendre l'enfant à partir d'un certain âge (âge à déterminer) est interdit. En 1950 il était de 5 ans, en 1966, sous la pression de la demande excédentaire, il a été repoussé à 15 ans! En réalité, ceux qui avancent un tel argument oublie le fait suivant: les parents qui ont leurs propres enfants n'ont pas le droit de les battre, ou de les faire travailler pour leur propre compte, n'ont pas le droit de les prostituer pour en tirer de l'argent, Ce qui n'est pas autorisé pour les parents naturels ne l'est pas non plus pour les parents adoptifs, Or, que l'on sache, les pouvoirs publics ne se mêlent pas encore de décider quels sont les parents qui auront le droit d'avoir des enfants et quels sont ceux qui ne l'auront pas! Pourquoi les couples stériles, ou ceux qui veulent adopter un enfant, devraient-ils être traités différemment? Ils le sont parce que justement les hommes politiques ont accepté que l'Etat se charge d'attribuer les enfants à l'adoption, Or, le mécanisme par lequel ils ont eu leurs propres enfants est celui d'un marché, le marché matrimonial! Si la raison profonde de fonder un foyer est de procréer, les couples attacheront une grande importance aux caractéristiques de chaque conjoint, déterminantes pour les attributs futurs de l'enfant. Spontanément le marché matrimonial sélectionne la qualité des enfants par l'intermédiaire de l'assortiment des couples, Les agences matrimoniales, le système des petites annonces ou simplement l'expérience personnelle confrontent les traits de la personnalité, Ces moyens jouent un rôle non négligeable pour rappro-
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cher les offres et les demandes. Or, une agence matrimoniale privée (jusqu'à quand?) le fait en contrepartie du paiement du service rendu. Ce prix ne choque personne mis à part les journalistes de l'Institut National de la Consommation qui étendent leurs activités de protection au-delà du yaout ou du siège pour bébé. D'une certaine façon le marché matrimonial rapproche les offres et les demandes d'attributs des uns et des autres et détermine la qualité des enfants qui seront issus de cette prospection. Si les parents sont des musiciens nés, ils auront une forte probabilité d'avoir des enfants aimant la musique et la pratiquant mieux que d'autres. De ce point de vue l'agence de placement n'est pas aussi performante. Elle, en fait, élimine les couples indésirables sur des bases financières et d'affection et attribue les enfants sur la base du premier arrivéj premier servi. Même si l'agence cherche à assortir l'intelligence ou les dons naturels du nouveau-né avec ceux des parents adoptifs, la règle du premier arrivéjpremier servi lui interdit d'être efficace dans cet ajustement! Or, c'est ce que fait le marché du «neuf» ou le marché du mariage, et c'est ce que ferait à un coût plus élevé le marché de «l'occasion» s'il fonctionnait librement. Si les partisans de l'absence d'un marché des enfants adoptifs sont certains d'avoir raison qu'attendent-ils pour étendre au marché du neuf ce qu'ils appliquent au marché de l'occasion? Pourquoi n'existe-t-il pas «une agence publique de rencontre, des permis d'union» 3? Pourquoi les pouvoirs publics ne délivrent-ils pas un permis autorisant les conjoints, après examen minutieux de leur dossier (antécédents génétiques et sociaux), à devenir de futurs parents? Si on veut éliminer la pauvreté, interdisons aux pauvres d'avoir des enfants. Ne serait-ce pas les hommes politiques qui, vivant des votes des pauvres, tiennent à ce que ces derniers soient toujours plus nombreux? Ce n'est, sans doute, pas l'envie d'intervenir sur le marché du mariage qui leur manque mais c'est le coût, à la fois matériel et politique, d'un tel contrôle qui les arrête. Malheureusement le marché des enfants d'occasion est plus facilement contrôlable et les couples qui désirent adopter des enfants sont trop peu nombreux pour avoir un poids politique quelconque. En réalité, le motif principal qui pousse les familles à adopter un enfant n'est pas le désir d'en abuser. On ne peut interdire le marché de l'adoption pour ce seul motif. On ne peut sous prétexte d'empêcher l'apparition de cas marginaux, interdire à toute une
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population honnête de bénéficier de l'échange. Pour rassurer on peut exiger un permis de bonne conduite aux parents adoptifs exactement comme on exige un permis de conduire à tout acheteur de voiture qui prend la route ou un casier judiciaire vierge pour tout postulant à un emploi public. Rappelons incidemment que le marché matrimonial ou le marché du «neuf» offre spontanément à un coût quasi nul une teUt: protection lorsque les parents sélectionnent les fréq uentations de leurs enfants. Ceux-ci n'épouseront pas n'importe qui et la qualité de leurs enfants en sera améliorée. Si une méthode de pré-sélection (comme le permis de bonne conduite) s'avère plus efficace qu'une méthode de dissuasion par sanctions sévères (il est difficile de détecter les couples qui commettent des sévices graves sur des enfants) il ne faut pas s'en priver. .. Celle-ci est parfaitement compatible avec un marché libre des enfants. Dans un certain sens, faire payer les familles qui désirent adopter un enfant, revient à révéler le degré de leur motivation. Cette solution offre naturellement une grande protection car si les parents sont prêts à payer très cher le droit d'élever un enfant, c'est qu'ils désirent investir dans son éducation et son bien-être et non le contraire (les parents adoptifs ou non n'ont pas de droit sur les fruits du travail des enfants). Associer le droit d'élever un enfant avec le droit d'en abuser est malhonnête. Si un trop plein de droit (comme avec la Patria Potestas romaine) peut conduire à des excès, l'absence de droit bien défini a un effet désastreux sur le bien-être futur de l'enfant. Les parents adoptifs ou ceux qui prennent soins temporairement des enfants (garde d'enfants de divorcés) s'ils ne peuvent bénéficier totalement du fruit de leurs investissements, y renonceront au détriment des enfants eux-mêmes. Pour qu'un tel marché fonctionne les droits de propriété sur l'enfant doivent être clairement précisés. Naturellemen t, un marché est un marché. Des intermédiaires vont apparaître. Ils vont acheter et revendre ce droit pour en tirer un profit. Comme ce profit dépend de la qualité de l'enfant et des soins qui lui sont apportés, ils sont intéressés à le maintenir en bonne santé et à développer ses talents. Néanmoins. la relation entre cet intermédiaire et l'enfant ne consiste pas à promouvoir l'intérêt de l'enfant, mais celui de l'intermédiaire. Faut-il alors interdire le commerce des enfants sous prétexte que les intermédiaires ne sont pas préoccupés de l'intérêt de ceux-ci? Cet argument est spécieux car les parents adoptifs et les parents
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naturels (ou les juges aux affaires matrimoniales, voire les assistantes sociales) n'offrent pas plus de garanties que l'intermédiaire dans leurs prétentions à préserver l'intérêt de l'enfant. Les JAM, les AS ou les institutions publiques ou privées n'ont aucune raison de s'en préoccuper plus que l'intermédiaire. On peut même aller plus loin dans le contre-argument. L'intermédiaire ne désire pas conserver l'enfant indéfmiment et le service qu'il rend en rapprochant offres et demandes se fait aux bénéfices de l'enfant; il sera accueilli alors dans un foyer qui aura mis toutes ses chances de son côté en payant un prix fort pour être bien servi. Si l'intermédiaire ne donne pas satisfaction, il sera éliminé du marché. En revanche, le juge ou l'assistante sociale, qui prennent des décisions afin de protéger l'enfant et promouvoir son intérêt peuvent commettre des erreurs, préférer améliorer le bienêtre de quelqu'un d'autre (la mère ou le père) ou bien sélectionner les couples adoptants selon leurs préférences personnelles ou partisanes. L'institution publique ou privée qui vit des subsides de l'Etat a intérêt à garder les enfants le plus longtemps possible, car le montant de ces subsides est calculé en fonction de la durée du séjour et du nombre d'enfants en attente d'être adoptés ou bien en situation de placement dans l'institution. Aucun mécanisme n'existe pour éliminer ces comportements qui ne respectent en rien l'intérêt de l'enfant. Par quel miracle les bureaucrates de l'Aide sociale préserveraientils mieux les enfants que les autres? L'intervention de l'Aide sociale est-elle légitime? Si l'enfant vit avec sa mère, et qu'elle reçoit tous les soirs contre monnaie sonnante et trébuchante, les faveurs de ses collègues de bureau, alors l'Aide sociale doit-elle intervenir (en violation des droits de la mère d'élever son enfant dans la moralité qui lui plaît) parce que l'enfant ne vit pas dans un environnement propice à son épanouissement futur? «Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou l'un des deux, du gardien ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel. Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale.»
L'article 375 du Code civil sur l'assistance éducative, ne contientil pas potentiellement toutes les atteintes à la liberté d'élever son enfant comme on le désire? Les droits des familles à diriger l'éduca-
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tion de leurs enfants comme bon leur semble, dans la religion qu'ils désirent et de transmettre au-delà de leur génération les valeurs auxquelles elles tiennent le plus, sont violés par le législateur luimême au nom de l'intérêt de l'enfant. En réalité, l'objection concernant l'absence de prise en compte par le marché des intérêts de l'enfant, tiers involontaire au contrat d'adoption, n'emporte pas l'adhésion. Les enfants élevés par leurs parents naturels sont aussi des tiers involontaires au contrat de mariage. Rien ne permet d'affirmer que les parents vont prendre en compte l'intérêt de l'enfant. Pourtant le marché matrimonial est laissé relativement libre, même si, à juste titre, on retire parfois l'autorité parentale à des couples qui ont révélé le peu de cas qu'ils faisaient de leurs propres enfants. L'Aide sociale n'intervient pas au moment du mariage pour em~cher des couples à la moralité douteuse de se marier, ou pour étudier si ceux-ci auront le droit de se marier, faute de savoir s'ils élèveront convenablement leurs enfants! Une telle politique de prévention exigerait une inquisition intolérable dans la vie privée des gens. Or, c'est ce que fait l'Aide sociale avec les couples stériles ou désirant adopter des enfants. Cette différence de traitement illustre combien l'humanisme peut devenir un véritable fléau 4 • D'un certain point de vue, celui du droit, le fait de naître involontairement dans une famille ou dans une autre, ne donne pas droit à la vie 5 (encadré 6.4). Lorsqu'un enfant naît, les parents ne sont pas dans l'obligation de l'élever. Ils sont dans l'obligation de ne pas attenter à sa vie, ce qui est très différent, car agresser un enfant, c'est violer les droits d'un être humain. Mais ne pas le nourrir, le loger ou bien l'éduquer, ce n'est pas violer les droits d'un être humain, c'est simplement ne pas respecter un contrat de gardiennage et de formation accepté volontairement. Mais personne ne peut obliger quelq,u'un à accepter involontairement un tel engagement. L'enfant, comme n'importe quel autre humain, ne peut exiger d'un individu fût-ce l'un de ses parents, un droit à être hébergé, nourri et éduqué; les mères célibataires et les parents aban,donnant leurs enfants devraient (à l'image de l'ex-conjoint divorcé qui ne paie pas sa pension alimentaire), n'ont pas à être mis en prison ou en demeure
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d'assurer leur entretien et éducation. On remarquera l'incohérence de la loi ou du législateur qui punit les parents abandonnant leurs enfants, pourchasse sévèrement le divorcé débiteur défaillant, refusant d'entretenir ex-femme et enfants et donne à la femme le droit unilatéral d'avorter, c'est-à-dire de tuer un être humain potentiel si cela lui chante! 6.4 - LE PROBLEME DE L'AVORTEMENT La légalisation de l'avortement est un sujet particulièrement brûlant. Ceux qui s'y opposent assimilent le fœtus à une personne humaine. Ils soulignent que toute atteinte à son intégrité physique doit être traitée de la même manière que pour tous les autres êtres humains. L'avortement (180000 en 1981) est un meurtre à l'image de l'infanticide (à la même date le Ministère de la Justice enregistrait 1 846 homicides et 58 infanticides) et doit être sanctionné comme tel par les tribunaux. Or, la Loi admet l'infanticide tant que l'enfant est encore au sein de sa mère et le refuse autrement. Comme le souligne Cannon, ou bien on admet l'avortement et l'infanticide, ou bien on les rejette tous les deux. Le refus de légaliser l'avortement repose sur deux idées: 1) Le fœtus est un être humain; 2) Chaque humain a un droit à la vie qui est inaliénable. Le fœtus est·il un être humain? Il n'est pas conscient, n'a pas d'autonomie, dépend d'autrui pour sa survie, et ne peut exprimer son droit de vivre par une pétition. Mais les handicapés mentaux ne revendiquent pas le droit de vivre et ne sont pas autonomes. Les malades hospitalisés dans le coma sont inconscients et dépendent d'autrui pour survivre. Ils sont cependant considérés comme des êtres humains. A partir de quand est-on vraiment un individu? Trois mois aprés la conception, comme la lei le suggère en interdisant l'avortement après cette date? A dix-huit ans, âge auquel un humain a le droit de voter? Ce débat est ontologique. Si le fœtus n'est pas un humain, il reçoit le traitement accordé aux espèces non humaines. Les animaux ont-ils des droits? Partons d'une prémisse simple pour ne pas entrer dans ce débat. Le fœtus dès sa conception est un être humain. Il suffit alors pour admettre le principe de l'avortement de récuser le second point: un droit à n'est pas un droit (voir Thomson et Block). En effet, un droit à la vie, cela veut dire assurer à l'enfant un minimum pour vivre. Si personne ne veut venir en aide à un enfant, de quel droit peut-on obliger quelqu'un à assurer ce minimum? Si on le fait, cette personne n'aura plus la liberté de disposer d'elle-même comme bon lui semble. Imaginez que pour vivre et guérir d'une maladie mortelle, vous ayiez besoin comme le dit Thomson « de la main frai che de Henri Fonda sur 'votre' front enfiévré »_ Si Henri Fonda se déplace, ce sera gentil de sa part, mais vous n'avez aucun droit d'exiger qu'il vienne. Peut-on avoir le droit dB vivre au dépens du corps de quelqu'un d'autre sans son consentement? Ce que l'on n'accepte pas des adultes, pourquoi l'accepter pour le fœtus? La femme donne l'hospitalité il un être humain pendant un certain nombre de mois. Elle peut refuser à tout moment de l'avoir comme invité. Elle est propriétaire de son corps humain et exerce ce droit en refusant unilatéralement de prolonger une relation avec la personne à qui elle donne l'hospitalité. L'enfant ne peut avoir droit de vivre aux dépens de sa mère sans son consentement. Quand l'enfant est né, il ne vit plus au dépens de sa mère. Il a donc le droit de vivre et l'infanticide est interdit. Le fœtus est considéré comme une personne humaine et reçoit le traitement que l'on accorde habituellement à celles-ci. L'avortement est un droit de légitime défense contre quelqu'un qui a envahi involontairement votre propriété et qui devient un invité indésirable. Naturellement comme l'enfant n'a pas de droit à vivre au dépens de quelqu'un, sa mère peut légitimement l'abandonner et il peut mourir, faute de soins si personne n'accepte de s'en occuper.
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Cene position est celle des Libertariens. Vu sous cet angle, les contradictions du législateur sont flagrantes. Le droit de légitime défense n'autorise pas à tuer de dos un voleur que vous avez surpris dans votre propriété. Mais l'avortement autorise l'acte de tuer un être humain qui envahit involontairement la propriété d'autrui (même si l'enfant est conçu à la suite d'un viol, on ne peut lui imputer l'agression contre le corps de la femme). Par ailleurs, l'abandon d'enfant est sanctionné par la loi puisque les parents ont une obligation alimentaire à l'égard de leurs enfants et sont mis en prison s'ils ne la respectent pas. L'avortement peut donc être justifié même si le fœtus est considéré comme une pero sonne humaine à part entière. Cette thèse repose sur le droit de propriété que chacun revendique sur son propre corps. Beaucoup de lecteurs ne l'accepteront pas. Mais la refuser, c'est aussi admenre implicitement que l'individu n'est pas propriétaire de son corps avec toutes les conséquences attendues de cette absence de droit de propriété sur soi sur les libertés personnelles. Pour certains, Dieu est le propriétaire du corps humain de chaque individu, pour d'autres, c'est l'Etat. Dieu (ou l'Etat) délègue à chacun d'entre nous un droit sur son corps, le temps d'une vie. Ce droit, il peut le reprendre à tout moment. Le fœtus, qui est un être humain, est la propriété de Dieu. S'il vient au monde par l'intermédiaire du corps d'une femme dont elle-même n'est pas propriétaire, elle ne peut revendiquer de propriété sur les fruits de son corps. Le fœtus ne peut donc être tué sans attenter à la propriété de Dieu 1 L'avortement est interdit 1 Prenons une autre variante de cette position. Même si la femme est propriétaire de son corps humain et de ses fruits: a-t-elle une autorité sans borne sur ses enfants 7 a-t-elle le droit de les tuer? La réponse est négative. La discussion de Locke et de Filmer à propos du pouvoir lIbsolu du père (ou des parents) sur les enfants, illustre ce point. Filmer justifiait la Monarchie par comparaison à la famille et Locke critiquait ce pouvoir absolu du père sur sa femme ou sur ses enfants en ces termes : « Si l'être humain est indépendant de 'Dieu', il est un Dieu pour lui-même et la satisfaction de sa propre volonté sera la seule mesure et la seule fin de ses actions)) (cité par J. Tully). En réalité, au-dessus de l'être humain existe des «lois naturelles)) qui permettent l'interaction sociale (ces lois émergent de l'ordre spontané de la vie en société et peuvent exister sans avoir besoin d'être attribuées à Dieu). Elles ont la vertu majeure de limiter toute utilisation abusive de notre liberté ou de notre droit de propriété. Or, une des lois naturelles fondamentales évoquées par Locke est : «Préserver sa propre vie et, si on ne met pas celle-ci en danger, de préserver celle des autres. (La Loi elle-même approuve cette idée puisqu'elle sanctionne la non-assistance à personne en danger.) S'il existe une méthode qui permet d'expulser le fœtus indésirable sans lui créer de dommage, le tuer serait un infanticide (voir aussi Block). Or, justement il existe une possibilité d'expulser le fœtus sans le tuer ou 1ui créer des lésions irréversibles: c'est, faute de pouvoir transplanter actuellement le fœtus chez une mère porteuse, attendre sa naissance et ensuite l'abandonner. Toutes les femmes qui avortent sont coupables de ne pas oser braver la loi ou le «quand dira-t-on)) qui leur fait obligation de ne pas abandonner leur enfant pour respecter une loi plus fondamentale (( naturelle)) 7) qui s'impose à tous, législateur compris: celle de préserver la vie de tout être humain quand la sienne n'est pas en danger. Pour ne pas utiliser cette méthode naturelle, il faudrait justifier que la grossesse ou l'accouchement entraînerait la mort de la mère elle-même; propriétaire de son corps elle préserve sa vie et ne se sacrifie que si elle le désire. L'avortement ne serait toléré que dans ce cas extrême. Nous ne prétendons pas ici proposer de solution. Nous croyons fermement que chacun est propriétaire de son corps et que l'enfant est propriétaire du sien. Nous n'avons donc aucun droit de l'agresser. En revanche, il n'a pas le droit de vivre à nos dépens. Avortement et abandon sont donc légitimes. Mais, et c'est sur ce point que nous voulons insister, la possibilité de vendre le droit d'élever un enfant à quelqu'un d'autre, constitue pour les femmes qui ne désirent pas mettre au monde l'enfant qu'elles portent, une incitation à ne pas avorter et donc à préserver la vie d'autrui (si la grossesse ne met pas en danger la vie de la mère). La femme conserve son droit de propriété légitime sur elle-même. Elle a le droit
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d'expulser l'enfant non désiré à tout moment. C'est à la famille (ou un intermédiaire spécia· lisé) désirant un enfant d'acheter ce droit de l'élever à une femme prête à avorter à un prix suffisamment haut pour l'inciter à renoncer à sa décision. Le droit de vendre un enfant n'est pas plus immoral que le droit de le tuer comme le législateur veut nous le faire croire. Se reporter à Cannon D., « Abortion and Infanticide: Is There a Difference?», Policy Review (6pring), 1985; Block W., «Woman and Fetus: Rights in conflicOl, Rea60n, avril 1978; Filmer R., Patriarcha and others Political Works, éd, P. Laslett, Oxford, Basic Black· weil, 1949; Locke J., Deux Traités du Gouvernement civil, 1 690 éd. de l'An Il de la Répu· blique, 1795; Thomson J ..J., «A defence of Abortion », Phil060phy and Public Affairs, (fall), 1971; Tully J., A Di6Course on Property, Cambridge, Cambridge University Press; Rothbard M., The EthiC6 of Liberty, Humanities press, 1982.
Le marché des êtres humains est moralement dégradant Le commerce d'enfants, s'il est un gain mutuel pour tous, est moralement indéfendable. L'apparition d'un marché suscitera des vocations de mères passant leur vie «professionnelle» à procréer des enfants pour les vendre. Elles prostitueront leur corps, non plus pour des services sexuels, mais pour des services de reproduction. Dans les deux cas, la personne autorise quelqu'un d'autre à user de son corps sans éprouver d'amour ou d'affection, mais pour simplement gagner de l'argent. Un tel raisonnement est naturellement dangereux. Il dépend d'abord de la technologie (si la possibilité de faire un enfant en utilisant une machine était dans le domaine du réalisable, un tel problème ne se poserait pas) et ensuite il n'est pas particulier au commerce d'enfants. Lorsqu'on loue son temps et son talent à quelqu'un d'autre, on fait exactement la même chose. On admet moralement qu'un chanteur loue ses services pour la représentation d'un opéra alors que prostituer son corps pour le plaisir sexuel ou pour procréer un enfant en vue d'une adoption reste répréhensible. Or, le chanteur d'opéra qui n'aime pas particulièrement les airs qu'il va chanter, le fait pour gagner de l'argent afm de vivre. De la même manière, la femme qui procrée un enfant pour un autre couple en contrepartie d'un paiement, le fait sans amour et pour gagner sa vie. Le chanteur d'opéra comme la femme qui se prostitue, fmissent par voir dans le chant ou l'amour un moyen de gagner de l'argent. Ils ne sont plus capables de chanter véritablement pour le plaisir ou d'avoir des relations sexuelles ou des enfants par amour. Or, l'amour comme le chant pour le plaisir, auront un coût d'opportunité tendant à faire disparaître le don de soi, comportement d'une rare valeur et
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pourtant sans prix. Le marché des enfants pousse ainsi les familles à concevoir les enfants comme des objets d'échange et non pas comme des êtres humains dont la valeur intrinsèque est infinie. Heureusement qu'il en est ainsi. Car les tenants de cette argumentation font preuve tout d'un coup d'une cécité étonnante. En critiquant l'offre d'enfants, ils en oublient la demande. C'est parce que des couples attachent une grande valeur aux joies d'élever un enfant, donc une grande valeur aux êtres humains, qu'ils cherchent à s'en procurer faute de pouvoir les procréer eux-mêmes. Les amateurs d'opéra sont dans le même cas. Ils attachent une grande valeur aux moments passés à écouter ces chants, mais faute de savoir eux-mêmes les chanter, ils demandent à d'autres de leur fournir ce plaisir. Or, il est heureux que ceux qui fournissent ces services ne s'intéressent qu'aux aspects monétaires du service qu'ils offrent. Sinon au bout d'un certain temps le service rendu ne correspondrait pas à la demande. En proposant, comme le font certains économistes ou philosophes, un marché libre des droits à élever les enfants, nous voulons modifier chez le lecteur son point de vue sur le droit de la famille et sur le statut moral et juridique des enfants. La plupart des objections faites à la déréglementation de ce marché sont sans fondements sérieux. Elles sont mêmes coûteuses car on oublie l'envers de la médaille: meilleure égalité des chances, plus besoin d'avorter, satisfaction des couples stériles qui n'auront plus à passer de nombreuses années à contourner la loi et satisfaction des couples qui s'efforcent en vain de procréer leurs propres enfants par des méthodes coûteuses de fécondité artificielle sur le dos du contribuable. Pourquoi cette réglementation produisant plus d'inconvénients que de bénéfices ne disparaît-elle pas d'elle-même? Un éoonomiste entraîné à la compréhension des choix publics ne saurait s'en étonner. Il existe des groupes de pression organisés qui s'opposent à toute amélioration de la réglementation ou de la loi. Celui qui est le plus opposé à une libéralisation du marché de l'adoption est forcément l'Aid~ sociale qui a, avec les Œuvres privées et agréées, le monopole du placement familial et de l'attribution des enfants en vue d'une adoption. En revanche, les bénéficiaires d'une liberté plus grande sont les parents, les enfants non nés, les enfants placés dans des institutions mais non adoptés, les contribuables et les adoptants. Ces derniers ont les intérêts les plus concentrés pour s'opposer à la législation mais ils sont peu nombreux et dispersés dans l'espace comme dans le temps. Ils sont donc sans pouvoir politique.
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Le déclin de la fécondité «Les femelles des animaux ont à peu près une fécondité constante. Mais dans l'espèce humaine,la manière de penser, le caractère les passions, les fantaisies, les caprices, l'idée de conserver sa beauté, l'embarras de la grossesse, celui d'une famille trop nombreuse, troublent la propagation de mille manières. » MONTESQUIEU, 1 0r •
De l'esprit des lois, livr. z3, chap.
Généralement, une famille achète une voiture parce qu'elle en attend des services. Fait-elle des enfants dans le même esprit? Quels services sont-ils susceptibles d'offrir à leurs parents? Les enfants sont d'une certaine façon des compagnons avec lesquels on peut discuter, jouer et échanger de l'affection. Leur existence permet d'envisager une vieillesse moins isolée et 1ou d'assurer un revenu futur pendant cette période d'inactivité. Ils offrent aussi une possibilité de prolongation post-mortem par transmission d'un patrimoine génétique (capacité physique, intellectuelle ... ), humain (croyances, valeurs, compétences... ) et naturellement financier (fortune mobilière ou immobilière). Ils peuvent aussi fournir une aide précieuse dans les tâches domestiques, ou être des travailleurs d'appoint dans l'entreprise familiale. A l'image de l'épouse ces services rendus par les enfants peuvent être obtenus plus ou moins imparfaitement sur le marché. Les pensions de retraite ou un capital produisant des revenus sont des moyens plus sûr d'assurer des revenus pendant la vieillesse. Les enfants ne sont pas facilement contrôlables et peuvent vivre loin de leurs parents. En revanche, on ne trouve pas sur le marché de bons substituts à l'affection et à l'immortalité. Vous
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pouvez vous prolonger au-delà de la mort en devenant un écrivain célèbre, un chanteur dont on passera les «clips vidéo» à la télévision ou une vedette de cinéma qui, pendant des générations aura des fans. Vous pouvez même devenir un immortel en accédant à une académie. Artiste ou écrivain, vous pouvez produire des revenus après votre mort grâce à vos droits d'auteurs. Vous préservez plus facilement ainsi, pour les générations futures, le souvenir de votre passage sur terre qu'en fabricant votre copie dénaturée avec une femme dont les gènes ne sont pas tous parfaits. Mais, à part ces quelques privilégiés, les autres personnes doivent se contenter de cette copie qu'ils essaient de façonner à leur propre image ou à celle qu'ils auraient aimé être. Naturellement les parents n'ont pas des enfants dans le seul but d'en tirer des revenus ou une immortalité. Certains d'entre eux en font aussi par erreur, par imitation, pour remplacer un enfant décédé ou pour reproduire le climat de leur propre enfance dans leur propre foyer, voire pour équilibrer les sexes dans la famille! (encadré 7.1).
7.1· LA PRËFËRENCE POUR L'ËQUILIBRE DES SEXES Les parents ne sont pas indifférents au sexe de leurs enfants. Ils désirent avoir un garçon et une fille. De façon générale, ils ont une préférence pour un équilibre des sexes entre leurs enfants. Mais cette préférence peut être biaisée. Le père peut préférer des garçons et une fille, en revanche la mère peut préférer des filles et un garçon. Même si l'intérêt porté par les parents au sexe des enfants est une affaire de goût, il ne faut pas oublier les différences de coûts et de rendements attendus, associés à la naissance d'une fille ou d'un garçon. Si les garçons contribuent davantage au revenu familial que les filles, les parents désireront davantage les garçons. Ben Porath et Welch ont testé cet argument et mis à jour une relation entre le nombre d'enfants par famille complète et la préférence pOl,lr une corn· position équilibrée des sexes entre les enfants. Les différences de rendements ou de prix entre un garçon et une fille inclinent à préférer les garçons. Mais, à contrario, le ratio des sexes dans la population ne semble pas être affecté par cette préférence ou par ces différences de coûts et de rendements. Cette relation entre la fécondité et l'équilibre des sexes n'est pas nouvelle puisque le statisticien Gini l'avait déjà remarqué. - Ben Porath Y. et Welch F., {( Do Sex Preferences Really Matter ln, Quareterly Jour· nal of Economies, mai 1976.
Les économistes ont l'habitude de ne pas distinguer ces motifs, car tous conduisent au même résultat: celui d'augmenter la satisfaction des parents (exception faite des enfants non désirés). Contrairement à ce que certains pensent 1, on ne gagne rien à faire une
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différence entre les motifs qui poussent les familles à la procréation. En réalité, les services rendus par les enfants donnent un flux de satisfaction au cours du temps et c'est là le point le plus important. Cette demande d'enfants (ou les services qu'ils rendent) se traduit de deux façons: le nombre d'enfants par famille, et laqua/ité d'un enfant mesurée par son niveau d'instruction ou par celui des investissements faits dans son capital humain 2 . Il existe cependant deux limitations importantes aux bénéfices retirés des enfants. Contrairement aux services rendus par une voiture ou une maison, le flux de satisfaction attendu est risqué et incertain. Avant la décision d'avoir un enfant, on ne sait rien de lui. Il peut naître avec un bras et deux têtes. Au bout d'un certain nombre d'années, il devient autonome et affirme sa volonté, et le droit de l'élever ne peut être vendu à quelqu'un d'autre. Ce qui n'est pas le cas de la maison dans laquelle vous vivez. Elle peut être testée avant d'être achetée, elle peut être revendue si l'on n'est pas satisfait des services qu'elle rend, enfm, elle n'affirme pas sa volonté. Ces caractéristiques atténuent l'intérêt à procréer. Cependant plus les bénéfices attendus sont élevés, plus les couples seront incités à avoir davantage d'enfants et de meilleure qualité. En fait, les économistes ne se seraient pas intéressés au problème de la natalité si la procréation et l'éducation des enfants n'avaient pas été des activités coûteuses. En prenant la décision d'avoir des enfants, le couple sacrifie des alternatives. C'est ce sacrifice qui fait du service rendu par les enfants un «bien économique». C'est aussi la raison pour laquelle l'économiste s'intéresse à cette production. En principe un enfant ressemble à un bien durable. Il faut d'abord supporter un coût pour le produire (ou l'acquérir sur un marché). Il faut ensuite l'entretenir, développer ses capacités ou sa productivité. Enfm, il faut décider de la date à laquelle on désire l'avoir et celle à laquelle il faut s'en séparer! Les dépenses supportées pour le mettre au monde ne sont pas négligeables si les parents souhaitent une naissance sans risque pour l'enfant et / ou la mère. Il faut aussi penser aux dépenses d'entretien (nourriture, habillement, soins médicaux, location ou achat d'un appartement plus spacieux etc.), de loisirs et d'éducation. Enfin, il ne faut pas oublier le revenu perdu par le membre de la famille qui consacre son temps à s'en occuper. Les enfants exigent beaucoup d'attention en bas-âge et les dépenses encourues pour payer une tierce personne ou une institu-
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tion qui se substituera aux membres de la famille pour assurer cette tâche ne sont pas négligeables (encadré 7.2). Comme ces dépenses courent sur plusieurs périodes, elles seront actualisées. Le franc dépensé aujourd'hui ne vaut pas le franc dépensé demain, il a un coût d'opportunité: l'intérêt perdu à ne pas le placer sur un marché financier.
7.2 - LE COUT O'UN ENFANT Bloch et Glaude ont estimé la perte de niveau de vie résultant de la présence de 1. 2 ou 3 enfants à partir de l'enquête Famille de 1979. La présence d'un enfant entraînerait une dépense supplémentaire (pour atteindre le même niveau de vie qu'un ménage sans enfant), de 1860 F par mois. La présence d'un deuxième enfant élève cette dépense à 3420 F par mois, enfin un troisième enfant exigerait une dépense supplémentaire de 5470 F. Le coût d'un enfant supplémentaire est donc croissant. Il est de 1 820, 1 560 et 2050 F pour l, 2 et 3 enfants. Comme le font remarquer les auteurs, cette mesure laisse dans l'ombre l'évaluation du temps qu'il leur est consacré. On peut avoir une idée de ce coût en nous reportant è des enquêtes emploi du temps. Nous avons repris l'enquête CNAF-CREDOC de N. Tabard de 1971 et estimé le temps consacrê par la femme aux soins aux enfants en distinguant les familles avec des enfants en bas âge. Si la répartition en temps des activités de la femme n'a pas évolué sensiblement entre 1971 et 1979, c'est le premier enfant qui coûte è la marge le plus, les autres enfants qui suivent coûtent en temps moins cher. Ainsi le coût marginal d'un enfant en fonction du nombre d'enfants a la forme d'une courbe qui est légèrement en U avec un minimum au niveau de deux enfants! - Bloch L. et Glaude M., «Une approche du coût de l'enfant», Economie et Statistique, 1984.
Le coût monétaire et temporel d'un enfant
Nombre d'enfants
2 3
Temps 3 en heures par mois
Coût monétaire estimé par Bloch et Glaude
Coût du temps en francs
Coût total
Coût marginal
en francs
1971
1979 2
1979
24,8 (75,7)1
365 (523)
762 092)
1820
(1
2582 (2912)
2582 (2912)
42,2
327 (608
687 276)
3420
(83,4)
(1
4107 (4696)
1525 (1784)
445 (81,1)
352 (630)
739 (1323)
5470
6209 (6793)
2102 (2097)
1979
1. Entre parenthèses, famille avec un enfant en bas âge. 2. Entre 1971 et 1979,Ie prix implicite du PNB a été multiplié par 2,1. 3. Source: Tabard, enquête CNAF-CREDOC, 1971.
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Le coût d'un enfant diverge selon le coût du temps des membres de la famille et selon leurs préférences pour le temps. En rappelant que les dépenses consécutives à la présence d'un enfant ne sont pas nulles, nous ne voulons pas nécessairement affrrmer que toutes les familles mettent en balance les inconvénients et les avantages attendus, et qu'après avoir peser le pour et le contre, se décident à avoir ou non un enfant supplémentaire. Les couples peuvent concevoir un enfant par inadvertance en utilisant une méthode contraceptive peu sophistiquée. Les avortements, les infanticides et les abandons sont là pour confirmer la naissance d'un bon nombre d'enfants non désirés. Nous pensons simplement qu'une grande partie des couples n'est pas insensible à cet équilibre entre les coûts et les gains espérés d'un enfant supplémentaire. Nous ne voulons pas dire non plus que la décision de procréer des enfants soit une décision similaire à celle de l'achat d'une maison. C'est un choix plus lourd de conséquences, compte tenu de l'incertitude sur les caractéristiques futures de l'enfant et de l'impossibilité de le revendre. La présence d'un enfant devient vite irréversible. Le choix d'une naissance supplémentaire prend alors une dimension d~ffé rente de celui auquel l'économiste est accoutumé pour les biens ou services courants: l'erreur est extrêmement coûteuse. Une fois ces précautions prises, on peut expliquer aisément comment se détermine le nombre d'enfants par famille complète et la baisse drastique de la natalité observée depuis un ou deux siècles. Reportons-nous au graphique 7.1. Sur l'axe horizontal, on porte le nombre d'enfants dans la communauté et sur l'axe vertical, les coûts et bénéfices attendus d'un enfant supplémentaire d'une qualité donnée. Une fraction ON° des enfants est produite par inadvertance ou sous des impulsions irraisonnées. En revanche, à partir de N° le nombre d'enfants par famille est sensible aux gains et aux coûts. Pour simplifier, posons le coût d'un enfant supplémentaire constant et les bénéfices attendus décroissant avec le nombre d'enfants dans la famille. Trois raisons fondamentales vont expliquer la diminution du nombre d'enfants par famille complète et du nombre d'enfants dans la société, c'est-à-dire le déclin démographique: - une chute de la demande ou une disparition des bénéfices; - une hausse des coûts; - une baisse du nombre d'enfants produits par erreur.
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CM,GM
CMlOo)
o
N
Graphique 7.1· LA DËTERMINATION DU NOMBRE D'ENFANTS PAR FAMILLE La droite GM (00) représente le gain attendu d'un enfant supplémentaire et CM (00) [e coût perçu de cet enfant, De No à N' les gains attendus excèdent les coûts perçus, Les familles sont incitées à avoir un enfant supplémentaire. Ces gains et ces coûts sont estimés pour une qualité, 00, donnée de chaque enfant. Une qualité 00 plus élevée augmente les gains et les coûts et déplace les courbes de gains vers la droite et celles des coûts vers la gauche.
Les facteurs de la demallde
La demande de n'importe quel bien économique varie positivement avec une hausse du revenu de l'individu, une hausse du prix des substituts, une hausse des bénéfices attendus et un goût prononcé pour le bien considéré. Beaucoup d'économistes et de démographes ont mis l'accent sur la disparition des bénéfices tirés d'un grand nombre d'enfants par famille sans prendre conscience de l'origine exacte de celle-ci. On peut, certains le font 3 , insister sur l'apparition de substituts aux services rendus par les enfants, tel le changement intervenu en matière de protection des anciens. Le marché permet d'offrir cette protection sous une forme d'assurance vieillesse dont le coût est plus faible.
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Ce substitut apparu sur le marché, permet de produire le même service à un prix plus faible et diminue la demande d'enfants. Cette baisse est accentuée par l'intervention de l'Etat qui, artificiellement, permet aux couples d'obtenir cette assurance à un coût dérisoirement bas. Les bénéfices procurés par les enfants en matière de protection n'ont pas disparu; en revanche, la présence de substituts moins onéreux rend inutile d'avoir des enfants dans ce seul but. La disparition progressive des droits de propriété sur les enfants ou sur ceux qui les produisent, annule ou .rend plus incertain les bénéfices attendus. Certains de ces droits disparaissent spontanément, d'autres, en revanche, sont artificiellement introduits dans la législation pour satisfaire des intérêts privés. Prenons les droits de l'homme sur le corps de son épouse ou sur son épouse elle-même. Si la législation facilite le divorce et offre à la femme l'opportunité de s'approprier les enfants, ou si la loi autorise la femme à avorter à l'insu de son mari, pourquoi l'époux désirerait-il un grand nombre d'enfants? Si la femme seule bénéficie de ressources suffisantes grâce à un métier ou à des subventions étatiques pour élever un enfant et satisfaire avec lui ses désirs d'affection et d'immortalité, à quoi cela peut-il bien servir de s'embarrasser d'un homme et d'être obligé d'avoir deux, trois ou quatre enfants de lui? Si par ailleurs les enfants sont libres aux âges les plus jeunes d'affirmer leur indépendance et leur volonté, en quoi leur compagnie devient-elle intéressante (l'affection, nous l'avons déjà écrit, exige des investissements longs et exclusifs sur des personnes bien identifiées)? Dans un cas comme dans l'autre, faute d'un réel contrôle sur les investissements en capital humain, les hommes et les femmes n'ont plus d'intérêts réels à investir dans les enfants. La probabilité plus forte, aujourd'hui, de divorcer, la protection juridique et sociale accordée à la cohabitation, aux divorcés ou aux familles monoparentales, diminuent très directement les bénéfices attendus d'une naissance supplémentaire. En facilitant le divorce, elles augmentent la probabilité de rompre le mariage et incitent les couples à réduire le nombre désiré d'enfants pour s'autoprotéger contre ce risque. En assurant un niveau de vie presqu'identique au célibataire, au cohabitant et au divorcé avec un ou deux enfants, elles incitent les couples à ne pas en avoir davantage pour bénéficier de cette assurance. Reportons-nous aux lois sur le travail. L'interdiction faite aux
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enfants de travailler, la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans et enfm l'impossibilité pour les parents de percevoir les bénéfices de l'activité des enfants mineurs réduit à néant l'intérêt d'avoir des enfants pour en tirer un revenu. Allons plus loin. Les lois qui imposent une absence de discrimination entre les sexes rendent sans intérêt des familles de sexe équilibré. Si vos filles peuvent être dans la vie comme des garçons (reprendre votre nom de famille, exercer votre métier, etc.), pourquoi avoir un enfant supplémentaire dans l'espérance d'un garçon? Nous venons d'insister sur le prix des substituts ou sur les bénéfices attendus mais naturellement les goûts peuvent évoluer. La disparition des croyances et pratiques religieuses fait de la famille nombreuse un modèle à ne plus imiter. Le nombre de plus en plus faible de familles nombreuses réduit l'expérience si enrichissante d'une communauté familiale où frères et sœurs se chamaillent et se soutiennent. Le goût pour reproduire un foyer familial ressemblant à celui vécu aux âges tendres disparaît, faute d'être expérimenté. La hausse du revenu déplace la demande vers la droite et augmente le nombre d'enfants d'une qualité donnée. L'accroissement de la richesse devrait donc conduire à un nombre d'enfants plus élevé par famille complète. Une hausse du revenu incite les hommes à se marier plus tôt et à moins pratiquer l'abstinence tandis que le taux de mortalité infantile diminue. Mais, cette prédiction a été contredite par les faits. On observe, au contraire, une diminution de la fécondité avec la croissance du revenu. Les enfants, dans le langage ici particulièrement malheureux de l'économiste, seraient des «biens inférieurs». Ce paradoxe a reçu plusieurs explications dont il n'y a pas lieu de débattre ici 4. Mais on peut rappeler la chose suivante pour bien situer ce paradoxe. Les dépenses effectuées pour les enfants sont assimilables à celles faites pour l'achat de biens durables. Avoir quatre frigidaires dans la maison est encombrant et inutile. Il est préférable d'avoir un frigidaire d'une capacité plus grande combinée avec un congélateur. Plus le revenu est élevé, plus les familles désirent des biens d'équipement de meilleure qualité. Les familles à revenu élevé entendent dépenser davantage pour leurs enfants dans le but de maintenir ou d'accroître d'une génération à l'autre le niveau de vie déjà atteint. Ces dép~nses peuvent prendre la forme d'investissement dans le capital humain des enfants ou la forme de transferts de dons ou de dotation à l'héritage ou au mariage.
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Pour une richesse donnée, un arbitrage apparaît entre le montant de ces transferts pour assurer à chaque enfant le même niveau de vie que celui des parents, et le nombre d'enfants. C'est l'interaction entre la qualité et la quantité d'un bien. On peut naturellement contester l'idée que les dépenses affectées aux enfants soient conditionnées par le désir de maintenir ou d'accroître le statut social de la famille d'une génération à l'autre. Les dépenses par enfant résulteraient d'une pression sociale ou d'un désir de maintenir le rang social non pas entre les générations, mais par rapport aux amis ou aux relations sociales de la famille elle-même; les dépenses affectées aux enfants étant liées au statut social de la famille, celle-ci se sentirait obligée de consacrer aux enfants Ujle fraction de son revenu d'autant plus élevée qu'elle est riche. Mais quelle que soit l'explication, la contrainte de revenu imposerait un nombre d'enfants plus faible. En conséquence, une préférence marquée pour un enfant de meilleure qualité incite les familles, lorsque le revenu croît, à désirer une qualité supérieure au détriment du nombre. La courbe de demande se déplace alors vers la gauche, contrecarrant le déplacement vers la droite qui résulte de l'effet revenu (l'interaction qualitéquantité interdit à la famille pour une qualité supérieure, d'atteindre le même nombre d'enfant).
Les facteurs de l'offre Une hausse des coûts est l'argument privilégié par les économistes. En particulier, celle du coût d'opportunité du temps qui façonne tant notre mode de vie contemporain. Dans le coût d'un enfant, nous devons distinguer les dépenses de procréation, de maintenance, d'éducation et les coûts d'opportunité associés au temps passé avec eux pour les produire et les élever correctement. Or, ce coût d'opportunité est représenté très souvent par le revenu perdu du membre de la famille qui y consacrerait son temps, c'est-à-dire par le revenu de l'épouse qui est habituellement le plus faible 5 • L'attrait de cette explication réside non seulement dans l'observation d'une baisse de l'activité des femmes mariées avec le nombre croissant d'enfants par famille, mais aussi dans la différenciation de ce coût selon le profil de cette femme.· Si son niveau de formation scolaire est très élevé, elle sacrifie plus de revenu qu'une autre et désire donc un nombre d'enfants plus faible que la moyenne. La
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hausse du taux de salaire sur le marché du travail permet aussi d'augmenter le revenu de la famille. La hausse du coût du temps entraîne un effet revenu qui déplace la demande vers la droite, incitant les couples à avoir plus d'enfants (ou vers la gauche si cet effet revenu les incite à avoir des enfants de meilleure qualité). Cet effet revenu contrecarre (ou amplifie) l'impact d'un accroissement du coût de l'enfant (en réalité il est plus complexe encore lorsque l'arbitrage qualité-quantité est introduit) (encadré 7.3).
7.3· L'INTERACTION OUALlTJ:-OUANTlTJ: L'interprétation des biens inférieurs par les économistes renvoit principalement aux différentes variétés d'un même bien, c'est-à-dire à l'interaction entre la qualité d'un bien et sa quantité. La qualité d'un enfant est mesurée d'une façon générale par son niveau d'instruction qui sera un bon prédicteur de son statut social li l'âge adulte. Comme il est difficile, à partir d'un certain revenu, d'assurer à chaque enfant un niveau de vie égal ou supérieur li celui des parents lorsqu'il est adulte, le couple doit arbitrer entre un plus grand nombre d'enfants sans être certain de pouvoir assurer à chacun un niveau de vie identique au leur et avoir moins d'enfants, mais espérer maintenir ou accroître leurs niveaux de vie. La contrainte de budget de la famille s'écrit alors de la façon suivante: (p.O).N w.L 1 Où p mesure les coûts monétaire et temporel consécutifs à la présence d'un enfant supplémentaire, où 0 mesure la qualité d'un enfant, c'est-à-dire son niveau d'instruction attendu, N est le nombre d'enfants par famille complète, L mesure l'ensemble des activités autres que le travail salarié, west le taux de salaire offert sur le marché et 1 mesure le revenu de plein temps, c'est-à-dire le revenu maximum que la famille peut obtenir sur le marché si elle consacre tout le temps dont elle dispose au travail salarié. Le prix implicite (p.O) d'un enfant ne dépend pas uniquement des coûts temporel et monétaire. il dépend aussi de la qualité de l'enfant. Plus l'on désire un enfant de grande qualité, plus le prix implicite de l'enfant sera élevé. De la même manière, plus le nombre d'enfants est élevé, plus cela coûte à la famille de leur assurer une qualité identique 1 C'est cette nouvelle dimension (la qualité d'un enfant) qui permet d'expliquer la baisse du nombre d'enfants par famille complète et la hausse simultanée des dépenses faites par les parents dans l'éducation de leurs enfants. La contrainte de budget li la particularité d'être non pas linéaire, mais convexe dans l'espace qualité-quantité du graphique 7.2. Les effets revenus et prix diffèrent sensiblement de ce qui est habituel comme l'a démontré Willis. Une hausse du revenu déplace parallèlement à elle-même la contrainte de budget. Si maintenant les familles préfèrent un enfant de bonne qualité à un enfant de moins bonne qualité, quand le revenu augmente, ils choisiront d'accroître plutôt la qualité que le nombre d'enfants. Mais ce choix modifie le prix relatif d'un enfant car la famille exige maintenant une qualité plus grande par enfant. En conséquence le coût d'un enfant supplémentaire, à qualité constante, s'élève et le nombre désiré d'enfant diminue 1 De la même manière, l'effet substitution est inhabituel. En effet, les coûtli marginaux de la qualité et de la quantité d'enfants ne peuvent varier indépendamment l'un de l'autre. La hausse du prix d'un enfant en termes de coûts monétaires ou temporels diminue le nombre désiré d'enfants par famille. Comme celui-ci baisse, le prix de la qualité par enfant se réduit, incitant les familles à investir dans la qualité par enfant. Comme la qualité par enfant augmente, le prix relatif de la quantité d'enfants par famille s'élève, incitant les parents à réduire encore davantage le nombre désirés d'enfants.
+
=
- Becker G. et Lewis G., « On the Interaction between the Ouantity and Ouality of Children», Journal of Political Economy, mars 1973. Willis R., «Economie Theory of Fretility Behavior», dans Economies of rhtl Family, op. cir., 1973.
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Q
Niveau d'instruction
Cl
Nombre d' enfants
Graphique 7.2 - INTERACTION QUANTITË-QUALITË, PRËFËRENCE POUR LA QUALITË ET EFFET REVENU Une hausse du revenu augmente la demande de services rendus par les enfants. La contrainte de budget passe de Co en Cl. Si les préférences étaient homothétiques, l'équilibre serait en b. Les familles auraient plus d'enfants, chacun de meilleure qualité_ Mais s'ils révèlent une préférence pour la qualité, ils auront proportionnellement moins d'enfants (point Cl. En ce point C, on obtient la combinaison qualité-quantité d'enfants pour laquelle le coût relatif d'un enfant a été maintenu artificiellement constant. Mais la hausse de la qualité modifie le prix relatif du nombre d'enfants et incite les familles è réduire ce nombre au profit d'une meilleure qualité. L'effet final conduit è la combinaison qualité-quantité: d. En ce point, le nombre d'enfants diminue et la qualité augmente. Même si les gens, après une hausse de revenu, désirent plus d'enfants de meilleure qualité, l'interaction qualitéquantité amène une relation négative entre revenus et nombre d'enfants.
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Il existe d'autres coûts comme ceux liés à l'accès au marché du travail qui influencent directement le nombre d'enfants par famille. Si la femme peut travailler à son domicile ou dans l'entreprise familiale tout en ayant la possibilité de surveiller l'éducation des enfants, le coût d'opportunité du temps ne joue plus son rôle de frein car il n'est nul besoin pour gagner ce revenu de payer quelqu'un d'autre afin de garder et élever les enfants. Les femmes d'agriculteurs font donc plus d'enfants en moyenne que les autres femmes. La rentabilité de l'enfant est plus élevée à la campagne et le coût d'opportunité du temps y est nul! La présence de crèches et même d'une scolarisation dès l'âge de trois ans, ne permet pas totalement d'éliminer ces dépenses. Il faut, en effet, pouvoir s'accommoder des horaires de ces institutions en allant chercher ou faire chercher les enfants à des heures précises. Le mercredi comme le samedi, il faut prévoir des solutions de rechange. Enfrn les services rendus par l'école comme par les crèches, ne s'obtiennent pas gratuitement même si elles sont largement subventionnées!
L'absence de contrôle des naissances La rationalité des couples en matière de fécondité est l'hypothèse favorite des économistes, mais elle est en même temps la plus contestée, non seulement par les tenants d'autres disciplines, ce qui va de soi puisque cette hypothèse ne fonde pas leur raisonnement, mais aussi par certains économistes eux-mêmes qui l'admettent pour acheter une maison, mais la refuse quand il s'agit d'avoir des enfants. Or, à l'appui de cette contestation, est avancé: le nombre d'enfants non désirés et ses conséquences immédiates: avortements, abandons et parfois crimes ... Ces attitudes jettent un doute sur le fondement d'une telle hypothèse. Mais, la pratique de la contraception qui existe depuis les temps les plus anciens, montre que les couples s'efforcent de maîtriser leur fécondité et donc sont sensibles au coût d'un enfant non désiré. Non seulement l'hypothèse de rationalité n'interdit pas l'erreur, mais elle permet d'expliquer le pourquoi d'erreurs systématiques ou proportionnellement plus nombreuses, dans certaines catégories de population. Ne pas maîtriser le processus de fécondité par une méthode
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efficace de contraception ne se fait pas sans un inconvénient de taille: celui d'avoir un enfant non désiré. Or, si un enfant coûte en argent et en temps, commettre une erreur de fécondité, c'est supporter une dépense inattendue. Plus celle-ci est élevée, plus le coût de l'erreur augmente et plus les couples seront attentifs. Les corrélations positives entre le revenu, le niveau d'éducation de la personne et l'utilisation de méthodes contraceptives efficaces confortent cette idée. En effet, la hausse du revenu salarial (ou du niveau d'éducation qui est étroitement corrélé au revenu salarial) accroît le coût d'un enfant. En conséquence, le coût d'opportunité de ne pas maîtriser sa fécondité croît avec le revenu ou le niveau d'éducation. La pilule et les possibilités d'avortement permettent aux couples pour lesquels une naissance non désirée est coûteuse de diminuer le nombre d'enfants non désirés. En revanche, elles n'affectent pas le comportement de ceux pour lesquels le coût d'une erreur est négligeable. C'est ce qui explique l'existence continue d'enfants abandonnés, tués ou avortés en dépit des moyens contraceptifs efficaces à 99 % et des campagnes de publicité gouvernementale (encadré 7.4).
7.4 - LES MÉTHODES CONTRACEPTIVES MODERNES Les méthodes modernes de contraception sont représentées par le stérilet et la pilule. Les méthodes anciennes vont de l'abstinence périodique à l'usage du diaphragme, des préservatifs ou des spermicides, du retrait ou de la douche intra-utérine. L'utilisation de ces différentes méthodes divergent-elles selon la pratique religieuse, le niveau d'éducation, la région ou l'activité professionnelle de l'épouse et la catégorie socioprofessionnelle du mari 7 Les méthodes contraceptives modernes devraient se diffuser d'abord chez les couples où, pour la femme, élever un enfant coûte cher - c'est-à-dire parmi les femmes les plus instruites et celles qui ont une activité professionnelle. En revanche, elles devraient être moins utilisées dans les catégories de population où élever les enfants, même non désirés, ne coûte rien. C'est ce que l'on observe. Le profil de la femme n'utilisant pas les méthodes modernes de contraception est très typé. Son niveau d'éducation est bas, elle est mariée à un agriculteur ou à un salarié agricole, elle est inactive, pratique la religion et vit dans le sud de la France, Ce profil n'est pas celui d'une femme rétrograde mais celui d'une femme ou d'un couple pour lequel le coût d'opportunité d'une erreur dans la régulation des naissances ou d'un enfant non prévu est extrêmement faible. Un bas niveau d'instruction implique un faible coût d'opportunité du temps, une femme au foyer dans une région où les emplois ne courent pas les rues n'a pas d'alternative. La femme d'un agriculteur ou d'un salarié agricole vit à la campagne, travaille dans l'entreprise familiale et n'a pas de coût d'accès au marché du travail. Enfin, pour une femme qui pratique la religion, un enfant même non prévu, ne peut faire que le bonheur du couple. Il est alors rationnel, dans ce cas, de ne pas se préoccuper de méthodes contraceptives à 99 ou 100 % efficaces.
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Espacement des naissances
Les discussions précédentes ont ignoré une question qui, à priori, semble anodine: celle de la date de naissance des enfants. Faut-il les procréer en début de mariage, retarder leur arrivée ou espacer leurs naissances? Si toutes les femmes retardent l'arrivée des enfants aux âges les moins fertiles, la probabilité d'avoir un grand nombre d'enfants diminue. Cette question est donc cruciale. Les démographes ont pris soin de distinguer le nombre d'enfants par famille complète, c'est-à~ire le nombre d'enfants qu'une femme a pendant ses années de fertilité, du nombre d'enfants à un moment donné. Si élever un enfant nécessite de sacrifier des opportunités de revenus sur le marché du travail ou des opportunités de plaisirs et de loisirs, la date à laquelle la femme va produire les enfants n'est pas indifférente au couple. La décision de retarder d'une année la venue d'un enfant supplémentaire dépend du coût de cet enfant, de la perte d'utilité attendue d'un enfant en retardant cette naissance et de l'effet de ce retard sur le coût d'éducation. Si l'utilité perdue en retardant l'arrivée d'un enfant est la même quelle que soit la date à laquelle on procrée, la décision de retarder la naissance d'une année dépendra uniquement de son coût. Si celui-ci réside dans la perte de revenu attendue en l'élevant, l'intérêt du couple est, d'une part, de concentrer la procréation des enfants désirés dans une période courte et, d'autre part, de les produire à un moment du cycle de vie où ces pertes de revenu sont les plus faibles. Si les espérances de carrière sont nulles, faute de qualification (c'est-à~ire d'investissement dans son propre capital humain), le coût d'opportunité de l'enfant est le revenu présent. Comme ce revenu croît avec l'expérience professionnelle, le coût d'un enfant est plus faible à l'âge où cette expérience n'a pas été accumulée, c'est-à~ire jeune. Une année de retard augmente donc le coût de l'enfant. Le couple procrée des enfants plus tôt et sur une période brève. Quand les époux sont engagés dans des investissements en capital humain, (diplôme ou qualification), le coût d'opportunité de l'enfant n'est pas mesuré par le revenu présent, mais par l'ensemble des revenus présents et futurs actualisés que ce diplôme permet d'espérer. L'arrivée d'un enfant fait perdre le revenu présent et l'ensemble des revenus supplémentaires espérés. Le coût d'un enfant est donc plus élevé dans la phase d'investissement en capital humain. Le couple repousse alors
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la conception des enfants. Une fois les investissements incorporés, ils n'ont aucun intérêt à retarder leurs venues ni à les espacer; car ce coût va croître avec l'accumulation d'expériences professionnelles et un profll des revenus croissant avec l'âge. La différence de comportement observée en matière de calendrier des naissances' entre les femmes instruites ou non, résulte de cette confrontation des coûts et des gains attendus à chaque âge où la femme est fertile (les femmes non qualifiées ont leur premier enfant tôt et espacent la venue des autres, en revanche les femmes instruites concentrent les naissances en retardant celle du premier).
Le déclin démographique ou la transition démographique
La notion de déclin démographique doit être nuancée car l'observation constante des cycles la contredit. Selon les démographes, nos populations font la «transition» entre une société à fort taux de mortalité et fécondité et une société à faible taux de mortalité et fécondité. L'évolution de la population n'a jamais été stationnaire. Les démographes 7 distinguent trois grands types de cycles: - ceux consécutifs aux variations des taux de mortalité avec un taux de fécondité maximum et invariable, ce sont les cycles «primitifs» ou traditionnels; - ceux qu'engendre une diminution plus rapide du taux de mortalité par rapport à la baisse du taux de fécondité, cycles dits «modernes»; - enrm, les cycles résultant des variations du taux de fécondité avec un taux de mortalité minimum et quasi invariable. Ces derniers sont hypothétiques car la preuve de leur existence n'est pas encore faite (la longueur d'un cycle est d'au moins deux ou trois générations). Paradoxalement le déclin démographique n'est pas un déclin, puisque dans la phase de transition la population augmente. Or, en dehors de cette phase, brève à l'échelle de l'histoire des populations humaines, le lot quotidien est celui d'un régime démographique équilibré avec des fluctuations stables autour du seuil de reproduction de la population. Dans le régime démographique traditionnel un accident climatique (perturbation exogène) peut entraîner, en privant le pays de récoltes une mortalité accrue. Cette hausse transitoire de la mortalité diminue l'offre de travail dans la population en éliminant les personnes les plus pauvres. L'offre de travail devient
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rare, les salaires plus élevés, les espérances de gains ou de carrière s'améliorent, la population se marie plus tôt et procrée davantage d'enfants; après un décalage d'une génération le taux de fécondité excède le taux de mortalité correspondant au régime permanent. Cette nouvelle génération, plus abondante sur le marché du travail, reçoit des salaires plus faibles. Elle se marie plus tardivement et procrée moins d'enfants, le taux de fécondité est alors ramené à un taux plus faible que celui du régime permanent. En absence d'autres perturbations et à partir de la troisième génération et celles qui suivent, le taux de fécondité revient au niveau de celui qui précédait la perturbation initiale (régime démographique stationnaire). Une génération en excès de celles habituellement observées dans le régime permanent compense, par un mécanisme autorégulateur sur le marché du travail, la perte transitoire et brutale d'une fraction de la population. Si cette hausse brutale de la mortalité avait été continue, l'équilibre aurait été rétabli avec un taux de fécondité plus élevé à chaque génération! Ce mécanisme autorégulateur fonctionne aussi dans l'autre sens. Admettons une baisse de la mortalité consécutive à une série exceptionnelle de bonnes récoltes. La croissance de la population se traduit par une offre de travail abondante faisant pression à la baisse sur le salaire réel; cela incite les jeunes à retarder le mariage et la fécondité de leur génération. Les jeunes de la génération suivante sont des classes creuses. L'offre de travail est plus rare et la fécondité redescend au niveau du régime permanent. Admettons, maintenant, une baisse permanente de la mortalité. L'offre de travail est susceptible d'être abondante à chaque génération et les salaires réels espérés retombent à un niveau de subsistance. Chaque génération anticipant cet effet désire avoir une fécondité plus faible ... La baisse continue du taux de mortalité n'est pas exogène. Celle-ci a vraisemblablement été la conséquence d'une amélioration permanente des revenus réels. Le revenu réel ou le salaire réel gouverne à la fois les comportements de mortalité et de fécondité des familles. Dans le régime démographique le changement est en réalité endogène. Ces revenus réels, en hausse à chaque génération, ont été la conséquence des progrès continus des techniques qui ont accru la demande de main-d 'œuvre non qualifiée et permis à la maind'œuvre marginale de trouver un emploi et des. revenus pour subsister. Dans les premières générations les couples vont se marier plus tôt et avoir davantage d'enfants. D'où la croissance phénoménale de
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la population dans cette période transitoire, puisque le taux de mortalité est plus bas et le taux de fécondité plus haut que dans le régime permanent. Mais, comme nous venons de le suggérer, la croissance du salaire réel entraîne à terme une hausse du coût d'un enfant supplémentaire. Cette hausse ramène alors le taux de fécondité au niveau du taux de mortalité (plus bas) correspondant au régime permanent (population stationnaire). Cette argumentation est une explication endogène 'de la transition démographique reposant sur l'évolution d'une seule variable: le salaire réel. Elle contraste singulièrement avec la liste des facteurs structurels présentée par certains· : la hausse générale du niveau d'éducation, disparition progressive du secteur agricole, déclin des croyances religieuses, urbanisation, participation accrue des femmes mariées à la force de travail, introduction des moyens contraceptifs modernes, socialisation de la sécurité sociale pour les personnes âgées etc... Cette liste présente deux défauts majeurs. D'une part, elle ne rend pas compte des cycles de fécondité, d'autre part, l'ensemble de ces facteurs ne sont pas indépendants. On pourrait proposer comme explication unique la généralisation massive de la scolarisation. Celle-ci retarde l'âge au mariage, pousse au travail féminin, diminue les croyances religieuses, prépare aux emplois dans les secteurs non agricoles, permet d'utiliser des techniques de contraception plus efficaces. Mais, si le niveau d'éducation est un bon indicateur du salaire réel attendu au cours du cycle de vie, le «facteur» qui rendrait seul compte de l'évolution de la transition démographique, serait en fin de compte la hausse permanente du revenu réel! Cette hausse du revenu permanent ne permet pas de rendre compte des cycles de la fécondité. Elle explique la transition d'un régime démographique à un autre. Les économistes ont donc cherché à expliquer les cycles endogènes de la fécondité. Ils ont proposé deux arguments pour en rendre compte. Le premier repose sur un effet de revenu relatif entre les générations \1 , l'autre insiste sur un effet prix et un effet revenu 10.
Les cycles de la fécondité L'effet revenu est mesuré par le salaire réel du mari; l'effet prix est appréhendé par le salaire réel de l'épouse. Si le temps du mari
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n'est pas utilisé à l'éducation des enfants, son salaire réel affecte directement le revenu familial; en revanche, si l'épouse y consacre la majeure partie de son temps, son salaire réel accroît le coût d'opportunité d'avoir un enfant supplémentaire. (On admet implicitement une différence de salaire potentiel entre l'homme et la femme qui incite l'épouse à se spécialiser dans les tâches domestiques.) Dans les familles où la femme travaille, la hausse du salaire réel accroît le coût d'un enfant. Dans les familles où la femme reste au foyer, la hausse du salaire réel accroît le revenu familial. Maintenant, considérons une hausse générale des salaires réels dans l'économie. Quand peu de femmes sont employées (le coût d'opportunité du temps consacré aux activités domestiques par rapport au prix des substituts sur le marché ne s'est pas encore accru suffisamment pour inciter les femmes à aller travailler), la hausse du salaire réel en période d'expansion se traduit par une hausse du revenu familial grâce aux gains du mari. Cette hausse a un effet revenu et accroît le taux de fécondité. En revanche, lorsque beaucoup de femmes sont employées, la hausse du salaire réel augmente principalement le coût d'opportunité d'élever un enfant. Elle provoque un effet substitution. La hausse du salaire réel est alors associée à une baisse de la fécondité. Comme la proportion des femmes au foyer ou actives, dépend de l'évolution du salaire réel offert sur le marché et du prix des substituts, on peut avoir une explication simple des cycles de la fécondité - dans la phase d'expansion du salaire réel, l'effet revenu domine dans un premier temps et incite les familles à procréer; ensuite, l'effet prix à la hausse domine l'effet revenu et pousse à une diminution de la fécondité. Dans la phase de retournement l'effet revenu domine en premier et accentue la baisse de la fécondité; mais plus le coût d'opportunité d'un enfant va diminuer, plus l'effet prix à la baisse dominera et incitera les familles à avoir un plus grand nombre d'enfants. Dans la phase de récession les femmes reviennent au foyer. L'effet prix domine encore jusqu'à ce que la baisse du revenu familial prenne le dessus et provoque une diminution de la fécondité. L'évolution de celle-ci et du salaire réel est à la fois procyclique et contra cyclique. Cette interprétation fait jouer à l'effet prix un rôle primordial dans les fluctuations de la fécondité, en revanche, l'effet revenu, tel que nous l'avons présenté, a un rôle secondaire. A contrario, l'autre argumentation 9 insiste sur les effets revenus. La fécondité d'un
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couple résulterait de la comparaison entre le revenu souhaité et le revenu effectif attendu lors de l'entrée sur le marché du travail. Le revenu souhaité correspondrait au revenu qui permet d'assurer aux enfants le même niveau de vie que celui expérimenté dans leur jeunesse (hypothèse de stabilisation de la consommation intergénérationnelle). Si le revenu des parents excède celui que leurs enfants espèrent, le couple, pour maintenir le même niveau de vie que celui des parents, réduit sa fécondité. Dans le cas inverse, il n'hésitera pas à multiplier les naissances. Partons d'une génération pleine. Elle implique une offre de travail abondante et des revenus attendus plus faibles! Celle-ci réduit sa fécondité pour maintenir son niveau de vie. Vingt ans plus tard les enfants appartiennent alors à une génération creuse. L'offre de travail est raréfiée et les revenus attendus élevés. Il est facile de maintenir le niveau de vie expérimenté par la génération précédente et on multiplie les naissances. La fécondité d'une génération et une fonction croissante du revenu relatif des jeunes sur celui des anciens. Comme le revenu de chaque génération dépend, dans cette théorie, des effectifs de chacune d'entre elles, la fécondité est, de façon ultime, gouvernée par le rapport entre la population des jeunes en âge de se marier et de travailler sur celle des anciens. La forme réduite de ce modèle conduit à expliquer la fécondité actuelle par la fécondité des deux générations qui précèdent. Allons plus loin dans l'analyse. Peut-on observer un modèle cyclique qui engendre des fluctuations amples se répétant à l'infmi? Un cycle endogène de la fécondité qui s'auto-entretient, et où les effectifs relatifs de chaque génération déterminent non seulement leur fécondité mais aussi l'ensemble de l'équilibre social est tout à fait concevable 11. En effet, appartenir à une génération creuse est une chance. Au moment d'entrer dans la vie active, la compétition entre les individus sur le marché du travail est faible car les employeurs sont demandeurs. Les chances de promotion professionnelle sont fortes, et les gains attendus au cours du cycle de vie sont élevés. Les conséquences ne sont pas négligeables sur le marché matrimonial. Le revenu potentiel de l'ensemble des hommes sur le marché du travail s'étant accru, la part de gains que la femme peut obtenir dans le mariage augmente et il est alors avantageux pour un grand nombre d'épouses d'investir dans le mariage en acceptant la division des rôles, c'est-à~ire en restant au foyer. Les femmes étant demandeurs,
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les mariages sont plus nombreux et se concluent plut tôt. Comme les gains attendus du mariage sont plus élevés, la vie du couple est facile et agréable et les divorces sont moins fréquents. Les hommes et les femmes anticipent une vie de couple stable; ils font davantage d'enfants, et le taux de fécondité s'élève. Malheureusement, vingt ans plus tard, leurs enfants appartiennent à une génération pleine. La face des choses change alors de façon dramatique. Au moment d'entrer dans la vie active, la compétition entre les jeunes sur le marché de la main-d'œuvre est vive et les chances d'avoir un emploi ou une promotion rapide s'amenuisent ou pire disparaissent. Les gains attendus au cours du cycle de vie sont faibles. La part des gains que la femme peut obtenir dans le mariage diminue. Les hommes n'ont plus guère de valeur sur le marché matrimonial cette fois-ci, et les femmes ont plus intérêt à investir sur le marché du travail que dans le mariage. N'étant plus demandeurs d'époux pour vivre, elles travaillent davantage. Les mariages sont moins nombreux, se concluent plus tardivement et il faut prospecter et expérimenter beaucoup de partenaires pour tirer d'un meilleur assortiment quelques gains positifs de ceux-ci. La vie du couple est alors plus difficile, les erreurs plus nombreuses et les divorces plus fréquents. Toutes les familles anticipent une vie de couple instable. Peu d'enfants vont naître et le taux de fécondité baisse. Naturellement vivre dans une société morose, soumise au stress ou au crime, n'est après tout que la conséquence directe des difficultés rencontrées par les générations pleines à faire leur place au soleil. La plus forte probabilité de divorcer après un mariage, d'être au chômage ou d'avoir une promotion lente dans son métier, a de quoi secouer les plus optimistes. Les personnalités les plus fragiles sur le plan psychologique craqueront. L'usage de la drogue, de l'alcool ou du suicide, se répandra parmi les jeunes; le travail légal étant devenu moins rentable, les activités illégales deviennent attractives et la criminalité sera en forte hausse. Les personnalités les plus fortes auront, malgré elles, un ressentiment à l'égard de la génération creuse. c'est-à-dire celle des parents et de tous ceux qui occupent les postes et détiennent l'autorité. La contestation sera plus vive. L'intégration au système de valeur des aînés sera plus faible, et la participation aux activités politiques et sociales diminuera. Cette analyse séduisante est fausse. Elle réitère les erreurs de Thomas Malthus en admettant comme seul déterminant du salaire
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réel l'abondance ou la raréfaction de l'offre de main-d'œuvre. Elle postule une absence de rationalité dans les anticipations de revenu qui obère toute son argumentation. La demande de main-d'œuvre par les firmes détermine le salaire réel autant que l'offre. Une offre de travail peut être abondante mais la demande, supérieure, contrecarre la baisse attendu du salaire. Les couples ne sont pas myopes puisqu'ils ajustent leur fécondité non pas au revenu effectif mais au revenu attendu. En postulant que les couples comparent leurs espérances de revenu sur la base des effectifs de chaque génération, cette analyse ne leur prête pas assez de rationalité. Si la théorie développée n'est pas fausse, les couples apprendront très vite que le salaire réel attendu dépend de l'écart entre l'offre et la demande de main-d'œuvre (en partie de la fécondité de la génération parentale) et d'un aléas imprévisible sur la demande de main-d'œuvre et non pas de l'offre de main-d 'œuvre seule. S'ils anticipent ce modèle théorique (anticipations rationnelles), la fécondité des générations précédentes étant faible, ils s'attendent à des revenus élevés et procréent davantage. Dans un tel cas, aucun cycle n'apparaît. La fécondité est simplement fonction inverse des effectifs de la génération actuelle et non des effectifs relatifs de cette génération par rapport à celle qui la précède. Peut-on faire reposer une théorie des fluctuations démographiques sur un comportement irrationnel des acteurs sociaux? Certainement pas, car contrairement aux sciences de la nature, l'homme est tout à fait apte à réagir aux informations véhiculées sur son propre comportement. Ille sera d'autant plus qu'elles lui révèleront des opportunités de profit. En vérité, il faut admettre honnêtement que l'économie, comme les autres sciences sociales (y compris donc la démographie), n'est pas en mesure de prévoir l'évolution des phénomènes humains. Comme l'écrivait Von Mises 12 : « Ce que les gens attendent des économistes (ou des démographes) est au-dessus du pouvoir d'un simple mortel.»
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La politique familiale et démographique « Jamais, en vérité, au cours de l'histoire entière, les gouverne-
ments n'ont été comme aujourd'hui dans la nécessité de se plier aux desiderata spéciaux d'un grand nombre d'intérêts particuliers. »
F.
HAYEK,
L'avortement de l'idéal démocratique, Droit, législation et libertl, t. 3 : L'ordre politique d'un peuple libre.
La famille assure spontanément la reproduction de ses membres et a la responsabilité d'élever les enfants en bas âge. Mais, les pouvoirs publics ou les hommes d'Eglises, n'ont jamais laissé aux familles l'entière liberté de mener ces fonctions de reproduction et d'éducation. Les aspects de la vie familiale ont toujours été contrôlés par le législateur. Le divorce a été interdit, la polygamie n'est pas autorisée dans le monde chrétien, les méthodes contraceptives ont toujours été fortement réglementées. Interdites pendant longtemps dans les pays occidentaux dans un but nataliste, elles sont imposées en Inde pour freiner la fécondité! Le droi~ de la famille, à lui seul, est un monument en matière de réglementation des comportements familiaux. La seule chose qui échappe encore à l'inquisition des Etats, c'est la fréquence du coït 1. Pourquoi les pouvoirs publics interviennent-ils autant dans un domaine aussi privé? Un conseiller technique auprès de Mme le Ministre Georgina Dufoix, écrivait: «La politique familiale est un enjeu important pour l'avenir de notre pays. Un enjeu en termes de justice sociale, car la solidarité de la collectivité à l'égard des familles - des familles nombreuses en particulier - est une exigence
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fondamentale. Un enjeu en termes démographiques ensuite, car la France ne peut accepter le déclin démographique 2.» La solidarité et le renouveau démographique seraient donc les deux objectifs légitimes de la politique familiale du Gouvernement. Le rapport de synthèse du colloque national sur la démographie française de juin 1980, qui réunissait des personnalités aux opinions politiques les plus diverses, affirmait sous la plume du professeur Mérigot: «Nul n'a contesté, quant au fond, la légitimité de l'intervention de l'Etat dans le domaine de la famille 3 ». Les pouvoirs publics doivent-ils intervenir dans ce domaine, parce que les familles ne peuvent, en suivant la logique de leur intérêt personnel, spontanément réaliser la reproduction de la collectivité et l'éducation de ses membres, donc la survie du groupe, de l'ethnie ou de la nation?4 . Pour quelles raisons la survie du groupe en tant que groupe constituerait-elle un objectif auquel chacun devrait se soumettre? Et si cet objectif existe, quel est-il: 3 enfants par famille, 6 enfants, 12 ... ? Le nombre d'enfants par femme dans chaque génération est-il un objectif d'intérêt national? Comment peut-on arriver à un consensus alors que la famille, elle-même, ne parvient pas à s'entendre sur le nombre d'enfants qu'elle va mettre au monde? Pourquoi certaines familles, regroupées dans des associations, utilisent-elles l'arène politique pour se faire subventionner par d'autres, la naissance d'enfants qu'elles n'auraient pas eu autrement? Les familles ont-elles le droit à avoir autant d'enfants qu'elles le désirent au dépens des autres 5 ? Comme la politique familiale et démographique recueille encore aujourd 'hui un consensus assez large parmi les hommes politiques, il est utile d'en dénoncer non seulement son immoralité, mais aussi son inefficacité.
Un tour d'horizon Les allocations familiales ont été créées en 1932. Largement étendue en 1939, elles ont trouvé leurs structures quasi définitives en 1945 avec la création de la sécurité sociale et l'introduction du quotient familial dans le calcul de l'impôt (encadré 8.1). «La politique familiale vise à corriger les différences de niveaux
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de vie que la présence de personnes à charge, en particulier les enfants, introduit entre les ménages.» « La politique démographique désire influer sur la formation et l'agrandissement des familles 6 .» Dans beaucoup de pays sous-développés, elle cherche à réduire le nombre d'enfants: on parle alors de politique néo-malthusienne. En France, cette politique essaye au contraire d'en accroître le nombre. C'est la politique pronataliste. En général, la progressivité des allocations familiales en fonction du rang de l'enfant: et leur dégressivité en fonction de l'âge, sont les moyens utilisés pour mettre en pratique cette politique.
8.1 - LA POLITIQUE FAMILIALE DEPUIS 1938 La politique familiale est une invention récente, puisqu'elle date des décrets-lois du 12 novembre 1938 et du 29 juillet 1939 sous le gouvernement de Daladier. Les lois de 1938 étendent à toutes les professions le bénéfice des allocations familiales et renforcent le contrôle de l'Etat sur les caisses patronales. Le Code de la famille de 1939 rassemble, d'une part, des mesures visant à favoriser la natalité et, d'autre part, une réglementation sur le plan du droit et des mœurs des conduites familiales. Pendant la même période est interve· nue une modification du Code civil. Le Code de la famille est l'émanation du Haut Comité de la population. Celui·d est placé auprés de la Présidence du Conseil. Au départ, cinq personnalités font partie de ce comité: Adolphe Landry, Georges Pernot, Paul Reynaud, Fernand Boverat, Philippe Serre et Frédéric Roujou; en février 1940 deux autres membres en feront partie: Alfred Sauvy et La Lande de Calan. Parmi les sept membres, on compte deux démographes, Landry et Sauvy, dont l'un est député depuis 1910, et en même temps promoteur, en tant que Ministre du travail, des allocations familiales en 1932; deux autres représentent la fédération des familles nombreuses et l'Alliance nationale contre la dépopulation. C'est ce petit groupe d'hommes qui fera la politique familiale de la France. Celle-ci non seulement survivra au régime de Vichy, mais sera renforcée avec l'ordonnance du 17 octobre 1944, tandis que l'INED (Institut national des Etudes démographiques) et l'UNAF (Union nationale des Associations familiales) obtiendront un monopole de la représentation des associations familiales pour l'un (ordonnance du 3 mars 1945) et des études démographiques pour l'autre 1 Ces privilèges acquis, ce petit groupe d'hommes a mis en œuvre une politique nataliste cohérente. Il est intéressant de rappeler ce chef-d'œuvre de (d'Ingénierie sociale» : - Le montant de l'allocation varie avec le rang de l'enfant, il est le plus élevé à partir du troisième enfant; - Une prime de naissance est donnée aux familles qui ont un enfant dans les deux premières années de leur mariage; - Les célibataires ou les familles n'ayant pas d'enfant dans les deux premières années de leur mariage auront une fiscalité pénalisante, en revanche les familles de plus de trois enfants seront dégrévées; - Enfin une allocation de la mère au foyer pour couvrir les pertes de revenu consé· cutivement à la cessation d'un travail pour élever les enfants lorsque l'on est en milieu urbain. Ces quatre mesures étaient accompagnées d'une lutte contre l'avortement, la diffusion ou l'utilisation des moyens contraceptifs, l'immoralité, l'alcoolisme, etc. Ce programme est entièrement tourné vers l'objectif nataliste. Il s'efforce de diminuer le coût d'opportunité d'un enfant (en compensant celui-ci pour les femmes vivant en milieu urbain). Il pénalise les couples qui retardent l'arrivée de leurs enfants. Il s'efforce d'inciter
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les familles à avoir plus de deux enfants. On peut rapprocher ces mesures de celles proposées par J"ancien Premier ministre, M. Debré, dans le Figaro du 5 aoüt 1986 : 11 Mettre fin à l'avantage fiscal des concubins; 21 Non financement de l'IVG (interruption volontaire de grossessel par la sécurité sociale; 31 Salaire pour la femme au foyer égal au SMIG pour une durée de 1 an pour le 1er enfant, de deux ans pour le second et toute la vie pour le troi· sième; 41 Généralisation des crèches; 51 Priorité au logement pour la femme enceinte; 61 Développer le travail à temps partiel. A la libération ce ne sont pas les mêmes hommes qui sont au pouvoir. Leur souci est avant tout d'égaliser les niveaux de vie (les communistes sont au pouvoir à l'époque). Deux mesures nouvelles apparaissent: - Le quotient familial (31 décembre 19451; - L'allocation logement (1er septembre 19481. Toutes deux visent à égaliser les niveaux de vie entre familles et non pas à augmenter la natalité comme le montre la mesure suivante: L'allocation de la mère au foyer est étendue à toute mère au foyer agricultrice ou commerçante (11 décembre 19561, alors que justement, ces femmes ont un coüt d'opportunité très faible à élever un enfant. Cette politique a été accompagnée dans la période 1958-1973 d'une politique des droits de la femme sous la pression des féministes: - Régime matrimonial: séparation des biens avec société d'acquêts (13 juillet 19651; - Possibilité pour la femme d'avoir un travail salarié sans l'autorisation du mari (19651; - Réforme de l'adoption (17 juillet 19661; - Réforme de l'autorité parentale: partage entre les époux (4 juin 19751; - Réforme de la filiation (3 janvier 19721; - Loi sur le divorce par consentement mutuel (11 juillet 19751; - Loi sur la légalisation de l'avortement (17 janvier 19751. Les années 1970-72 constitue un tournant pour les subventions aux familles. Pour la première fois, l'aide à la famille se transforme en une aide aux pauvres: - Création d'une allocation d'orphelin (23 décembre 19731 soumise à une condition de ressources; c'est une allocation spécifique aux parents isolés qui bénéficient aux femmes divorcées les plus défavorisées; - Création d'une allocation pour frais de garde versée aux femmes qui travaillent, soumise elle aussi à une condition de ressources; - L'absence de revalorisation de l'allocation de la mère au foyer; - Refonte en 1977 de J"allocation de salaire femme au foyer et celle pour frais de garde en une seule aide: le complément familial assujettie à la condition d'avoir ou plus de trois enfants ou d'avoir un enfant de moins de trois ans. La politique socialiste depuis 1981 a infléchi cette politique familiale par une revalorisation des prestations, une diminution de la progressivité de l'aide selon le rang de l'enfant pour tendre vers une allocation forfaitaire à l'enfant et une réduction des effets antiredistributifs des prestations familiales comme du quotient familial en imposant un plafonnement ou des conditions de ressources pour en bénéficier. La suppression du quotient familial, une aide forfaitaire à l'enfant, la fiscalisation des aides et l'établissement d'un revenu minimum garanti n'ont pu finalement être mis en œuvre. Le gouvernement issu des urnes le 16 mars 1986, sous le Ministère de 8arzach, est revenu à une politique pronataliste. - Pour ce rappel nous nous sommes reportés à Prost et Lenoir. - Prost A., «L'évolution de la politique familiale en France de 1938 à 1981», dans La politique familiale en France, Groupe de travail de Pierre Laroque, Ministère des Affaires sociales CGP, 1985; Lenoir R., « Transformations du familiarisme et reconversions mora· les», Actes de la Recherche en Sciences sociales, septembre 1985.
La politique de transfert à la famille regroupe un ensemble de prestations en espèces directes ou indirectes: les allocations liées à la
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maternité (allocations prénatales, post-natales, congés de naissance ou d'adoption), au logement, à la famille (allocations familiales, complément familial, salaire unique) ou à des prestations spécifiques comme les allocations d'orphelin ou aux parents isolés, API. En 1981, le montant total des prestations familiales était de 83,5 milliards de francs (l03 milliards en 1985) et concernait 6272 000 familles (5 millions en 1985) et 14000000 enfants (9 millions en 1985) 6. Les pouvoirs publics redistribuent aux familles chaque année, une somme proche de 6000 F par enfant. Ce montant vaut entre 7 et 10 % du salaire annuel moyen! Les allocations familiales représentent approximativement 49 % de l'ensemble des prestations. Elles sont liées normalement à la taille de la famille et non à son revenu. En revanche, le complément familial (anciennement l'allocation de salaire unique) et l'allocation de logement, soumis à des plafonds de ressources, constituent respectivement 20 et 12 % de l'ensemble des prestations. Sous le septennan t de Valéry Giscard d'Estaing, en 1977, la politique familiale a été orientée vers un objectif nataliste. L'introduction d'une progressivité des prestations familiales (en particulier à partir du troisième enfant), d'une demi-part supplémentaire dans le quotient familial lorsque la famille à trois enfants, et d'un complément familial en remplacement de l'allocation de salaire unique réservé aux familles de ressources modestes, constituaient la panoplie interventionniste de cette époque. En 1981, le gouvernement a simplement revalorisé les prestations (sous le ministère de N. Questiaux) et plafonné le quotient familial sans remettre en cause véritablement l'orientation à la fois nataliste et égalitariste de la politique du précédent septennat. En 1986 nous sommes revenus (sous le ministère de M. Barzach) à une politique en faveur des familles nombreuses avec des dispositions fiscales comme un quotient familial revalorisé (une demi-part pour chaque enfant au-delà du troisième) ou des exemptions fiscales en fonction du nombre d'enfants comme pour la garde d'enfants ou pour l'épargne. A ces exemptions s'ajoutent une augmentation et une extension de l'allocation parentale d'éducation comme une revalorisation des allocations familiales à partir du troisième enfant. Le plafonnement de ces aides est maintenu. Cette politique familiale et démographique menée par les différents gouvernements depuis 1946, a-t-elle atteint ses objectifs? Le
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montant des prestations familiales par enfant exprimé en pourcentage du Produit National Brut par tête ou en pourcentage du salaire moyen annuel depuis 1950 passe de 21,8 % en 1950 à 10 % en 1980. Dans le même temps le taux. de fécondité conjoncturel s'est effondré, passant de 29,9 en 1950 à 19,2 enfants pour dix femmes en 1975 et à 18,7 en 1983. Corrélativement, l'activité professionnelle et salariale des femmes mariées s'est drastiquement développée. Le taux de participation au marché du travail des femmes mariées est passé de 30 % dans les années 1960 à 40 % dans les années 1975 et était de 47 % en 1983. Une femme mariée sur deux travaille aujourd'hui (se reporter au graphique 8.1). Peut-on interpréter ces données dans le sens d'une efficacité de la politique familiale vis-à-vis des objectifs démographiques? On peut évoquer «des présomptions d'efficacité» en faveur de cette politique familiale et démographique, et citer: «- L'inversion de la position de la France dans la hiérarchie internationale de la fécondité avant et après-guerre; - Le caractère moins prononcé de la chute de la fécondité en france; - Les différences par milieu socioprofessionnels car les catégories qui ont bénéficié en premier des allocations familiales ont eu, relativement aux autres, une descendance plus forte 7.» En réalité, ces arguments ne sont pas très convaincants. La descendance finale des femmes (le nombre d'enfants réel par femme), se caractérise par un mouvement d'amplitude extrêmement faible pour les générations de 1900 à 1950. Les femmes de 1900 ont eu en moyenne moins de deux enfants. Celles de 1910 à 1914 ont eu 2,4 enfants, et celles de 1925 à 1929 ont eu en moyenne 2,6 enfants. La génération de 1950 a eu 2 enfants, en moyenne, par couple. En revanche, l'indice du moment est marqué par des fluctuations plus amples. On peut douter de l'impact des prestations familiales sur le nombre d'enfants par femme, même si elles exercent une influence transitoire sur le nombre de celles qui auront un enfant à un moment donné'. Les faits peuvent tout aussi bien confirmer ce pourquoi les aides ont été données: égaliser les niveaux de vie. Les prestations familiales suivent le mouvement de la fécondité conjoncturelle au lieu de la précéder. Lorsque la politique familiale se veut démographique à partir de 1977, rien ne permet de lui attribuer avec certitude la ralentissement de la chute de la fécondité. Contester l'efficacité des prestations familiales sur la fécondité dérange les décideurs qui avaient volontairement modifié le système
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des prestations dans ce but. En revanche, ceux des gouvernements socialistes qui ont manifesté un souci plus grand d'atténuer par la politique familiale, les inégalités de niveau de vie, sont moins concernés par cette inefficacité mais beaucoup plus par la réduction des inégalités. Ont-ils réalisé cet objectif? Il est difficile de mesurer comment fonctionne la redistribution tant la politique familiale a été amendée par des réformes successives et par des préoccupations natalistes. Cependant, on peut rechercher leurs effets redistributifs au niveau vertical, c'est-à-dire entre familles de même nombre d'enfants mais de revenu inégal, et au niveau horizontal, c'est-à-dire entre familles de même revenu, mais à nombre d'enfants inégal. Les deux graphiques 8.2 et 8.3 suivants, tirés des résultats de l'enquête CNAF-CREDOC 9 illustrent cette redistribution. La croissance du montant des prestations familiales en fonction du nombre d'enfants et un impôt négligeable, assurent un gain positif à 22 % des familles ayant au moins deux enfants. Les familles qui n'ont pas d'enfants ou qui n'en ont seulement qu'un, perdent une fraction de leur revenu au profit des familles de deux enfants au moins. L'ensemble des transferts diminuent légèrement avec le niveau de revenu des familles. En revanche, l'impôt progressif s'accroît très vite pour les catégories à revenu élevé. 89,3 % des familles bénéficient de cette redistribution verticale. 53 % des familles reçoivent un transfert net annuel supérieur à 14000 F pour un revenu primaire moyen de 44 000 F. Ces transferts constituent 32 % de leur revenu primaire! Ce montant est équivalent à un véritable salaire d'appoint. Il faut nuancer ce résultat car seule la fIScalité directe est prise en compte dans l'enquête CNAF-CREDOC de 1979. Or, les cotisations sociales contribuent au financement des transferts et une redistribution nette instantanée s'opère aussi par ce biais entre ceux qui payent plus qu'ils ne reçoivent, et les autres. Dans un système où chaque famille paierait la totalité des prestations, la redistribution serait nulle. Dans un système où ceux qui payent et ceux qui perçoivent les bénéfices constituent deux populations disjointes, la redistribution serait totale (100 %). On estime la redistribution nette en mesurant la différence entre les cotisations et les prestations sommées individuellement et la totalité des masses financières en jeu. Ce ratio équivaut à 65 %. Par ailleurs, le seuil de revenu annuel en 1983 pour lequel le montant des cotisations excède celui des prestations est
Indice conjoncturel de fécondité (somme des naissances réduites) 30.0
30 29 2B Xl 26
25 24
7Jk.
22
21.3
21.4
21
20~ 19 Générations de: 1900
Générations de: 1910 20.5
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21.1
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Descendance finale
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18 17 16
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49
aoc:IIIe.,
F_, L. documentation Irançaise, 119801, TllbIe 4, p. 296. 2 : AnnwIrw ~ Nuo.pecrif '965, INSEE, Table XXIII, p. 453, lsalar~ régime ~..tl et CJotrn
S _ : 1 : CGP,ProllJClion
1saIoir.. arvIUM moyens de l!EO' 1882 por exploillllion .... DASI INSEE. 3 : DonnIa socMla, 1878, p. 343, Table IV.
4 : P. Feoty. 119791. h McondiN . . /MY- _nlaUJ