Analgésie et sédation en réanimation
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Analgésie et sédation en réanimation
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Francis Bonnet Thomas Lescot
Analgésie et sédation en réanimation
Francis Bonnet Service d’anesthésie-réanimation Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75970 Paris Cedex 20
Thomas Lescot Service de réanimation neurochirurgicale Département d’anesthésie-réanimation Hôpital Pitié-Salpêtrière 47, boulevard de l’Hôpital 75013 Paris
,6%16SULQJHU3DULV%HUOLQ+HLGHOEHUJ1HZ 24 h après une injection unique) de l’axe corticotrope contre-indiquent de façon formelle son usage au long cours et lui font actuellement préférer la kétamine comme agent d’induction (21, 22). Les posologies sont réduites et se situent entre 0,1 et 0,3 mg/kg. La kétamine dont l’usage revient d’actualité a longtemps été considérée comme l’agent anesthésique de référence par ses effets stimulants sur le système cardio-vasculaire et par son action sympathomimétique centrale malgré un effet cardio-dépresseur direct (23). Dans plusieurs modèles animaux d’hypovolémie, la kétamine a montré une préservation du débit cardiaque, de la pression artérielle et de la perfusion des organes nobles : cœur, reins, système nerveux central (24). Par ailleurs, elle inhibe la recapture périphérique des catécholamines. Toutefois, dans le contexte de choc hémorragique à stimulation sympathique maximale, le bénéfice est réduit. L’autre avantage de cet agent est son effet antalgique combiné (inhibition des récepteurs NMDA) qui peut permettre de diminuer les doses de morphinomimétiques et réduire ainsi leur effet conjoint dans ce contexte sur la pression artérielle. La limite principale n’est pas d’ordre psychodysleptique au réveil, mais surtout d’élévation de la PIC par augmentation du débit sanguin cérébral, ce qui rend son usage difficile chez le patient en choc hémorragique avec un traumatisme crânien. Les posologies préconisées sont de 0,5 à 2 mg/kg. Chez l’enfant de moins de 2 ans, le seul agent anesthésique actuel bénéficiant d’une AMM reste la kétamine dont les posologies à cet âge et dans ce contexte sont de 2 à 4 mg/kg. Un autre intérêt de cette molécule qu’il convient de souligner est la possibilité d’une administration par voie intramusculaire, intéressante en cas d’accès veineux difficile dans ce contexte d’état de choc hypovolémique (posologie de 5 à 8 mg/kg). Une étude publiée récente montre l’équivalence d’une induction par kétamine (2 mg/kg) ou hypnomidate (0,3 mg/kg) concernant la qualité d’exposition de la glotte et de succès d’intubation trachéale en situation préhospitalière ou en réanimation (25). En revanche, l’impact sur la fonction surrénale est logiquement nul par l’emploi de la kétamine, alors qu’il est véritablement très significatif dans le cas de l’utilisation de l’hypnomidate même en dose unique d’induction (25). Depuis de nombreuses années, l’induction par l’utilisation du propofol est discutée. Toutefois, la sensibilité du cerveau au propofol est augmentée en cas d’hypovolémie aiguë par l’augmentation de la forme circulante secondaire à l’hémodilution (26, 27). Cela nécessite donc une réduction des posologies pouvant aller jusque de 80 à 90 % chez le patient en état de choc. L’hypotension artérielle dose-dépendante et la vasodilatation générée par l’administration de
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propofol en limitent l’usage dans ces circonstances, même la titration prudente de cet agent ne peut être recommandée dans le cas du choc hémorragique (26, 27). Le choix d’un curare à l’induction se porte sur le suxaméthonium dont la posologie peut être réduite pour un même effet : de 0,6 à 1 mg/kg. Il convient de mentionner les contre-indications de l’usage du suxaméthonium (annexe 1). La complication la plus souvent observée est le trouble du rythme transitoire entre 4 et 16 % (28). L’effet secondaire le plus redoutable reste le choc anaphylactique. Dans ces cas, l’utilisation d’un curare non dépolarisant avec délai d’action court est préconisé : rocuronium (Esméron) de 0,6 à 0,9 mg/kg. Le morphinique sera administré après l’intubation et entre dans le cadre de l’entretien de la sédation détaillé ci-dessous (18). Il faut noter l’effet bradycardisant du rémifentanil avec un éventuel retentissement hémodynamique compte tenu d’une diminution de l’activité sympathique et de la préservation de l’activité parasympathique notamment lors de phase « sympathique-inhibitrice » du choc hémorragique (29).
Phase d’entretien L’entretien de la sédation dans le cadre du choc hémorragique est censé être de courte durée puisque le traitement étiologique est une priorité. Néanmoins, l’acheminement du patient vers le centre d’accueil, puis la recherche étiologique et le traitement causal peuvent nécessiter un relais avec entretien. Le choix des agents est alors plus vaste et peut varier si le patient passe au bloc opératoire. Ainsi, l’hypnotique principalement utilisé reste le midazolam dont le relais doit être rapidement pris après l’induction pour éviter le réveil du patient. Ce réveil inopiné peut conduire à un risque de barotraumatisme, d’autoextubation ou de mémorisation. Les posologies sont de l’ordre de 0,05 à 0,1 mg/kg/h adaptées au score de sédation choisi par l’équipe en charge. Concernant les morphiniques, ce sont les agents souvent privilégiés pour le respect de l’hémodynamique. Le choix se porte plus volontiers sur les agents dont l’élimination dépend peu de la fonction rénale ou hépatique tels que le sufentanil (de 0,2 à 0,5 ng/kg/h) ou le rémifentanil (de 0,1 à 0,2 ng/kg/h). Enfin, la curarisation ne doit pas être systématique, notamment en cas d’hémorragie interne (rupture d’anévrisme…), car le relâchement musculaire qu’elle induit peut décompenser de façon irréversible une situation de choc hémorragique compensée. Elle n’aura lieu qu’en cas de traitement chirurgical immédiat permettant un éventuel clampage aortique. Au bloc opératoire, les agents hypnotiques à disposition sont les agents volatiles halogénés et le choix se portera sur l’isoflurane qui altère moins la réponse sympathique ou le sévorane. Compte tenu de l’anémie, de l’hypoxie et des modifications pharmacologiques décrites précédemment, la concentration alvéolaire minimale (MAC) devra être réduite. Le monitorage de la sédation par la mesure de l’activité cérébrale électro-encéphalographique doit être encouragé (BIS, entropie…). L’avantage principal des agents halogénés pour des variations ou des niveaux de MAC < 1,2 est l’effet d’activation sympathique,
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s’accompagnant d’une élévation des catécholamines circulantes, et provoquant une élévation dose-dépendante de la fréquence cardiaque. Le protoxyde d’azote est déconseillé en l’absence d’étiologie et en cas de traumatisme crânien ou thoracique avéré du fait du retentissement hémodynamique induit (tachycardisant et hypotenseur) et devant le risque d’augmentation de la taille des cavités aériques par son extrême diffusion (pneumothorax, anses digestives…). Quant aux curares, il convient de monitorer leur effet avant d’envisager une réadministration, car leur volume de distribution est incertain et l’hypothermie en particulier peut induire une curarisation prolongée. Le tableau I permet de résumer la situation de choc hémorragique.
État de choc septique (30) Phase d’induction Dans cette situation également, l’hémodynamique et le remplissage vasculaire doivent être optimisés si possible avant mise sous VM pour limiter notamment les hypotensions artérielles sévères (pressions intrathoraciques positives avec gêne au retour veineux, collapsus de reventilation…) et par conséquent limiter les territoires présentant une inadéquation entre demande et besoin en oxygène (31). La difficulté principale tient à la présence conjointe d’une hypoxémie par effet shunt dû à une inhomogénéité des rapports ventilation-perfusion et à une vasoconstriction pulmonaire hypoxémique déficiente. En effet, dans ce cas même une préoxygénation bien conduite peut ne pas suffire pour prévenir une désaturation artérielle profonde lors de l’induction avec le risque élevé de survenue d’un arrêt cardio-circulatoire hypoxémique au pronostic péjoratif. La préoxygénation est donc un prérequis indispensable. La ventilation non invasive dans la période de préoxygénation doit donc être fortement recommandée et une mauvaise tolérance de la technique doit conduire à une intubation très rapide (32). La stabilisation hémodynamique est la seconde condition pour optimiser la réalisation de l’induction. Le remplissage vasculaire doit être optimal mais prudent compte tenu des dysfonctions ventriculaires possibles et le recours aux agents inotropes doit être large avant même l’induction si nécessaire. Les agents d’induction sont largement discutés dans ce contexte compte tenu de l’impact de l’hypnomidate sur la fonction surrénalienne ainsi que par l’interférence négative provoquée sur l’immunomodulation médiée par les corticoïdes (30). Ces éléments ont conduit à discuter différentes options : ne pas utiliser l’étomidate, l’associer systématiquement à une corticothérapie, l’employer à faible dose en l’associant à un autre hypnotique au moment de l’induction. Dans cette dernière optique, la place du propofol peut se discuter. En effet, des propriétés anti-inflammatoires lui ont été attribuées (antioxydant, diminution des cytokines pro-inflammatoires, altération de l’expression de l’oxyde nitrique, inhibition de certaines fonctions des polynucléaires) (33). Cette utilisation
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Tableau I – Induction et entretien de l’anesthésie du patient en état de choc hémorragique. Agents
Action
Posologie
Réadministration
Induction de la sédation Hypnomidate
Hypnotique
Kétamine
Hypnotique
Propofol
Hypnotique
Pentothal
Hypnotique
Suxaméthonium
Fentanyl
Curare dépolarisant Curare non dépolarisant Morphinique
Sufentanil
Morphinique
Rémifentanil
Morphinique
Rocuronium
Protoxyde d’azote Morphinique
A : de 0,1 à 0,3 mg/kg E : de 0,2 à 0,4 mg/kg A : de 1 à 2 mg/kg E : de 2 à 4 mg/kg A : de 0,5 à 1 mg/kg E : de 1 à 2 mg/kg Non recommandé
À éviter
A : de 1 mg/kg E : de 2 mg/kg A : de 0,6 à 0,9 mg/kg E : de 0,6 à 0,9 mg/kg A : de 3 à10 μg/kg E : de 1 à 2 μg/kg A : de 0,15 à 0,5 μg/kg E : de 0,5 μg/kg A : de 1 μg/kg E : de 1 μg/kg Non recommandé
Possible 1 fois
Possible Possible Non recommandé
Possible avec monitorage du Td4 Possible Possible Possible Non recommandé
Entretien de la sédation (état de choc stabilisé) Midazolam
Hypnotique
Propofol
Hypnotique
Kétamine
Hypnotique
Agents volatiles
Hypnotique
Hypnomidate
Hypnotique
Cis-atracurium
Curare non dépolarisatnt
Fentanyl
Morphinique
Sufentanil
Morphinique
Rémifentanil
Morphinique
A : de 0,02 à 0,1 mg/kg/h E : de 0,05 à 0,2 mg/kg/h A : de 1 à 3 mg/kg/h E : prudence (< 5 mg/kg/h) A : de 0,6 à 2 mg/kg/h E : de 1 mg/kg/h A : de 0,6 MAC E : de 0,6 MAC Contre-indiqué A : bolus si nécessaire avec monitorage sinon 0,18 mg/kg/h E : par bolus A : de 1 à 3 μg/kg/h E : de 1 à 3 μg/kg/h A : de 0,5 à 1 μg/kg/h E : de 0,5 à 1 μg/kg/h A : de 0,05 à 0,1 μg/kg/h E : hors AMM
Abrévations : A, adulte ; E, enfant ; Td4, train de quatre ; MAC, concentration alvéolaire minimale ; AMM, autorisation de mise sur le marché.
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dans ce contexte peut se discuter à condition que la volémie soit optimisée et en l’absence de dépression myocardique majeure. La mise sous sédation et VM ne doit pas faire oublier la prise en charge globale du patient (traitement étiologique et symptomatique)
Phase d’entretien En cas de décision chirurgicale et de relais de l’entretien de la sédation par des agents volatiles halogénés, il convient de réduire les concentrations administrées puisque différents travaux en particulier ont pu montrer que la MAC était réduite à la fois chez les animaux et chez les êtres humains de près de 50 % (34, 35). Les hypothèses soulevées sont l’existence d’une encéphalopathie septique réduisant notamment le débit sanguin cérébral. L’entretien de la sédation par le propofol est toujours largement discuté. En effet, la rapidité d’action et la réversibilité en font un agent intéressant, ce d’autant que peut être réalisé simultanément un enregistrement de l’activité encéphalographique précisant la profondeur de la sédation (mesure du BIS). L’évaluation neurologique de ces patients peut en être facilitée. Toutefois, les posologies doivent régulièrement être vérifiées, car au-delà de 5 mg/kg/h pendant plus de 48 heures, en particulier chez un patient traumatisé crânien et dans le cadre d’un sepsis ou d’un état inflammatoire, peut apparaître un PRIS responsable de décès, notamment chez l’enfant (36-38). En fait, les anesthésiques volatiles halogénés sont les agents de choix des patients présentant un état de choc, car ils fournissent une analgésie, une amnésie et un certain degré d’immobilisation à concentrations appropriées dans le mélange gazeux inspiré ; la titration de leur effet est rapide. Historiquement, l’isoflurane est la molécule de référence en raison d’un faible métabolisme dans l’organisme et d’un effet secondaire essentiellement vasodilatateur, prévisible et contrôlable. Toutefois, le sévoflurane est souvent préféré à l’isoflurane dans le contexte de l’instabilité hémodynamique en raison d’un moindre effet vasodilatateur systémique et coronaire, et de modifications hémodynamiques moins amples en réponse aux variations de concentration inhalée (39). La MAC du sévoflurane est réduite de moitié au cours du sepsis sévère réanimé (35). Les morphinomimétiques réduisent la MAC de l’isoflurane et du sévoflurane, en sachant qu’une concentration de 0,6 MAC pour le premier semble nécessaire pour prévenir une éventuelle mémorisation. En cas d’état hémodynamique précaire, de faibles doses de morphinomimétiques (bolus itératifs de fentanyl – 50 μg, de sufentanil – 5 μg, ou de rémifentanil – 0,1 à 0,2 μg/kg par minute) sont préférées aux BZD (20). L’emploi des curares chez le patient septique doit être argumenté compte tenu du risque de développement d’une polyneuropathie de réanimation. Si la pharmacologie de ces agents stéroïdiens et non stéroïdiens n’est pas parfaitement connue en cas de bas débit tissulaire et d’insuffisance rénale notamment, il convient de recommander l’utilisation du monitorage de la curarisation pour éviter une curarisation trop profonde.
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Choc hémorragique
Lésions traumatiques
Réponse neuro-humorale sympathique Redistribution macrovasculaire
Hypothermie Transfusion massive Facteur tissulaire
Hypoperfusion - rein - hépatosplanchnique Troubles de l’hémostase - coagulopathie - μ thromboses
Ischémie - Reperfusion Activation leucocytaire
Médiateurs de l’inflammation - TNF ␣ - IL-1, IL-6 - IFN ␥
Altération de la réponse immune
Dysfonction endothéliale
Radicaux libres de l’O2 Altérations μvasculaires - œdème tissulaire - ICAM, VCAM - μ thromboses - no-relfow
hyporéactivité vasculaire Vasodilatation maldistribution macrovasculaire Dysoxie tissulaire
Sensibilité accrue aux infections
Défaillance multiviscérale Fig. 1 – Mécanismes inflammatoires et de défense mis en œuvre en réponse au choc hémorragique (d’après O. Huet et Duranteau J. États de choc hémorragique, traumatique, septique et anaphylactique Anesthésie et Réanimation Chirurgicale Kamran Samii éd. : Flammarion, 727-40).
État de choc cardiogénique Dans ce cas, l’optimisation de la ventilation non invasive est un prérequis indispensable, car la mise sous VM est un critère pronostique péjoratif notamment par les modifications de pression intrathoraciques. Les travaux démontrent l’intérêt d’une préoxygénation par CPAP précédant l’intubation afin de permettre un recrutement optimal des territoires peu ventilés (40, 41). Les drogues pour l’induction reposent sur l’hypnomidate pour le maintien de l’hémodynamique : de 0,2 à 0,4 mg/kg. La stratégie ventilatoire dans les suites peut être la VS + PEP pour limiter le travail musculaire avec une sédation minimale et titrée pour obtenir confort et coopération du patient.
Cas particuliers : la tamponnade L’induction de la tamponnade avec orthopnée et signes d’insuffisance ventriculaire droite repose sur l’emploi de la kétamine : de 0,5 à 2 mg/kg. L’induction sous le mode d’anesthésie générale devra être soigneusement discutée (place du drainage percutané sous échographie…) et devra en cas d’option chirurgicale se faire en présence des chirurgiens, prêts à intervenir pour la péricardotomie. En
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effet, l’élévation des pressions intra-auriculaires gauches ou des pressions télédiastoliques ventriculaires droites va entraîner une diminution du remplissage diastolique du cœur encore aggravée en cas de ventilation en pression positive pouvant aboutir au désamorçage de la pompe cardiaque. En général, ces patients ne nécessitent pas d’entretien, la cause de leur défaillance cardiogénique et respiratoire étant à ce moment-là traitée. Si le patient est maintenu en VS, une sédation légère, de confort, sera préconisée associant les BZD aux morphiniques ou par le recours à la kétamine de façon à obtenir un score de sédation tel que le patient soit coopérant tout en n’exprimant pas de douleurs manifestes. Une induction en séquence rapide associant hypnomidate et curares dépolarisants peut être proposée.
Entretien de la sédation Après l’intubation du patient en état de choc se pose la question de l’entretien de la sédation qui doit être rapidement initié dès l’induction pour éviter les situations de réveils et d’agitation éventuels du patient, source d’inconfort, mais surtout à haut risque d’événements indésirables tels que l’autoextubation, le barotraumatisme par désadaptation du ventilateur et d’instabilité hémodynamique. Dans la majorité des cas (prise en charge préhospitalière ou hospitalière), les premières heures suivant la mise sous VM sont associées à une sédation profonde pour permettre l’instauration de la VM, mais aussi la réalisation d’un certain nombre d’actes invasifs de réanimation (cathéter, fibroscopie, échographie trans-œsophagienne…), de transfert avec le risque d’extubation accidentelle ou d’altération de la situation hémodynamique (scanner, IRM…) et enfin la possibilité d’actes chirurgicaux nécessitant alors un entretien et un niveau suffisant propre à l’anesthésie générale (BIS 40-60 ou score de Ramsay à 6). Le choix des agents anesthésiques et analgésiques repose une fois encore sur leur profil de tolérance et leurs délais d’élimination en fonction de certaines défaillances dont l’insuffisance rénale ainsi que sur l’habitude des médecins et des équipes dans l’utilisation de l’une ou l’autre drogue. Le tableau I précise les avantages et les inconvénients des différents agents utilisables en sédation continue dans les situations de choc. L’allègement du niveau de la sédation intervient une fois le patient stabilisé ou ayant bénéficié de ces différentes investigations avec un score de Ramsay à 2-3 ou l’emploi de toute autre échelle d’évaluation comportementale utilisée.
Conclusion La sédation du patient en état de choc comprend deux phases totalement distinctes en pratique. L’induction tout d’abord puis l’entretien de l’anesthésie. Au cours de ces deux phases le patient devra être surveillé de façon continue
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aussi bien sur le plan hémodynamique que sur le plan respiratoire. L’induction est la phase critique de prise en charge et elle requiert des agents hypnotiques spécifiques peu nombreux tels que la kétamine, l’hypnomidate. Le propofol quant à lui n’est pas à recommander, car ils est dans ces conditions de maniement très difficile. Par ailleurs, la réanimation menée en parallèle de l’induction le traitement étiologique doivent être les plus rapides possible. L’entretien de la sédation du patient choqué est ensuite peu spécifique puisqu’une réanimation initiale bien conduite doit permettre l’emploi de n’importe quel agent en continu de façon privilégiée.
Annexe 1 – Contre-indications à l’utilisation du suxaméthonium 1. 2. 3. 4. 5. 6.
Absence de matériel de ventilation Antécédents personnels ou familiaux d’hyperthermie maligne Antécédents d’allergie au produit Hyperkaliémie menaçante Déficit en pseudo-cholinestérases plasmatiques Syndrome de dénervation étendu survenant plus de 24 heures après une para- ou tétraplégie et persistant environ 6 mois 7. Brûlures étendues après la vingt-quatrième heure ou crush syndrome 8. Pathologie neuromusculaire congénitale
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Sédation-analgésie du patient cérébrolésé L. Abdennour, T. Lescot et L. Puybasset
Dans la prise en charge des patients cérébrolésés, la sédation-analgésie occupe une place essentielle. Elle fait partie de l’arsenal thérapeutique spécifique à visée neurotrope. Le choix des drogues et la stratégie de leur utilisation obéissent à des règles bien précises. Le maintien de la perfusion du cerveau, sa détente et sa protection sont des objectifs fondamentaux, dont la finalité est d’éviter l’extension des lésions et de préserver ainsi le capital neuronal. Une gestion rationnelle de ce volet essentiel de la neuroréanimation impose un minimum de connaissances neurophysiologiques et neurophysiopathologiques.
Les objectifs Ils sont déterminés par deux impératifs essentiels : le premier est d’ordre général, commun à tous les patients de réanimation. Il consiste à créer les conditions d’une prise en charge optimale assurant confort sécurité et stabilité des grandes fonctions (1, 2). Le second est plus spécifique. Il s’intéresse à la pathologie cérébro-méningée et à ses conséquences. Il s’agit dans ce cas d’assurer une protection cérébrale, véritable « bouclier » visant à limiter l’extension des lésions primaires ou l’apparition des lésions secondaires. En réalité, ces objectifs généraux et neuro-spécifiques sont indissociables car ils empruntent la même voie : le cerveau. Celui-ci est l’organe « effecteur » par lequel est médiée l’action pharmacologique de la sédation-analgésie mais aussi l’organe atteint par un processus pathologique.
Les objectifs généraux Ces objectifs sont abordés dans les autres chapitres de la conférence de consensus. Leur finalité est d’assurer la tolérance des soins et des nuisances propres aux unités de réanimation, la sécurité et la stabilité du patient.
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Il faut toutefois insister sur quelques points propres aux patients de neuroréanimation : l’agitation, la désadaptation du respirateur, la tachycardie, l’hypertension ne sont pas toujours l’expression d’un inconfort ou de sensation douloureuse, mais peuvent être les manifestations cliniques d’une dysautonomie neurovégétative, d’une hypertension intracrânienne ou d’une hypoperfusion cérébrale.
Les objectifs spécifiques au patient cérébrolésé La sédation - analgésie fait partie de l’arsenal thérapeutique de la prise en charge des patients cérébrolésés. Elle constitue la première ligne de traitement dans la stratégie de prise en charge spécifique. Elle est instituée dès lors qu’il y a agitation extrême ou altération de l’état de conscience. Dans un premier temps, elle permet la création des conditions adéquates pour l’intubation trachéale et la VM. À cette phase, elle évite les accès d’hypertension artérielle et les poussées d’HIC générés par la laryngoscopie et l’intubation. Cela est d’autant plus important lorsque l’on sait que ces manœuvres sont responsables de resaignement chez environ 2 % des patients admis pour hémorragie sous-arachnoïdienne par rupture d’anévrisme. Dans un second temps, la sédation sera conduite et modulée sur la base des modifications neurophysiopathologiques. Dès l’apparition d’une HIC, d’une ischémie, d’une comitialité, la sédation devient une thérapeutique neurospécifique. Les mêmes agents pharmacologiques sont utilisés ; seuls leurs choix et leurs modalités d’utilisation changent.
Prévention et traitement de l’hypertension intracrânienne Atteindre les objectifs généraux cités plus haut est souvent suffisant pour le maintien d’une PIC basse. Prévenir l’HIC passe par la lutte contre l’ensemble des phénomènes générant une hyperstimulation des grandes fonctions créant un état hyperdynamique avec augmentation concomitante des besoins métaboliques de l’ensemble de l’organisme et du cerveau. L’agitation, l’hyperréactivité motrice, la toux, la désadaptation du respirateur, les frissons, les soins, certains gestes et examens semi-invasifs ou invasifs, les transports, les nuisances environnementales sont autant d’agressions sources d’HIC. Une sédation optimale titrée de façon appropriée à chaque patient et à chacune des étapes de sa prise en charge permet le plus souvent de l’éviter. En masquant certains symptômes d’inconfort, la curarisation rend cette titration difficile. L’échec de la « sédation - prévention » de l’HIC conduit à une escalade thérapeutique. D’une sédation standard, on passe à une sédation plus profonde avec des effets neurophysiologiques plus marqués au-delà des simples mesures assurant le confort, le calme et la sécurité du patient. Les agents anesthésiques sont alors utilisés seuls ou en association et à des doses permettant dans certains cas d’induire des burst suppressions. Dans de telles conditions, le recours à un myorelaxant est fréquent, surtout en cas d’hypothermie thérapeutique. Il s’agit ici de réduire considérablement le métabolisme cérébral. La baisse
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proportionnelle du débit sanguin cérébral (DSC) et du volume sanguin cérébral (VSC) qui en résultent entraînent une détente cérébrale et une baisse de la PIC. Il est important de préciser que la nécessité de la mise sous sédation du patient cérébrolésé et l’impossibilité de l’évaluation neurologique qui en résulte impose un monitorage cérébral spécifique, en particulier de la PIC. Dans ces conditions, son indication peut être étendue aux patients dont le score de Glasgow initial est inférieur ou égal à 11, en particulier lorsque les explorations radiologiques peuvent suggérer l’existence d’une HIC.
Lutte contre l’ischémie La vulnérabilité du cerveau résulte du peu de réserve énergétique dont il dispose en raison de ses besoins métaboliques élevés. La baisse du DSC fréquente au cours de processus pathologique affectant le cerveau et le maintien de son métabolisme (CMRO2), voire son augmentation crée une situation d’ischémie, point de départ d’une cascade de réactions au niveau cellulaire à l’origine de l’extension des lésions. Lorsque le maintien d’un DSC suffisant est difficile, la baisse de la consommation métabolique devient un enjeu majeur ainsi que l’amélioration de la tolérance cérébrale à l’ischémie. La sédation profonde et l’hypothermie modérée sont dans ces conditions les principaux axes thérapeutiques. À l’inverse de la sédation qui n’agit que sur les 50 % de la CMRO2 générée par l’activité électrique, l’hypothermie réduit aussi les 50 % de la CMRO2 générée par l’activité cellulaire de base.
Prévention et traitement de l’épilepsie La plupart des agents hypnotiques sont dotés d’une action anticonvulsivante. Ils sont non seulement efficaces sur les crises simples, mais aussi dans les états de mal épileptique. Cette propriété est essentielle lorsque l’on sait que les crises convulsives constituent une agression cérébrale qui n’est pas toujours cliniquement décelable. Les crises augmentent la CMRO2, le DSC, le VSC et la PIC et engendrent des dommages neuronaux.
Neuroprotection C’est un concept qui englobe l’ensemble des mesures visant à limiter l’impact des désordres neurophysiopathologiques déclenchés par l’agression cérébrale primaire. Ces mesures consistent à rétablir le DSC, à réduire la CMRO2, à bloquer la libération d’acides aminés excitateurs et l’inflammation, à piéger les radicaux libres, à rétablir la fonctionnalité de la barrière hémato-encéphalique (BHE) et des pompes ioniques et à activer les processus de régénération et de réparation cellulaire. À l’inverse des études expérimentales, la preuve de l’action neuroprotectrice des agents sédatifs chez l’homme n’a pu être apportée à ce jour (3). Néanmoins, on peut aisément concevoir que la réduction des besoins métaboliques du cerveau
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en période d’hypoperfusion ou d’HIC par une sédation-analgésie optimale puisse améliorer sa tolérance à l’ischémie.
Les agents pharmacologiques L’agent idéal devrait avoir une action rapide et courte, maintenir l’hémodynamique cérébrale et systémique, réduire le métabolisme cérébral (CMRO2) tout en maintenant le couplage DSC-CMRO2, l’autorégulation et la réactivité au CO2, avoir des effets neuroprotecteurs et anti-épileptiques, un métabolisme indépendant du foie et du rein avec élimination sous forme de métabolites inactifs, un faible coût et une toxicité nulle.
Les opiacés En neuroréanimation, l’association hypnotique-opiacé est de règle. L’action combinée de ces deux substances renforce et améliore leurs effets sédatifs. Les effets hémodynamiques et métaboliques cérébraux des opiacés sont variables. Une majoration de la PIC avec la morphine, le fentanyl, l’alfentanil et le sufentanil a été rapportée. Cet effet est secondaire à une baisse de la PAM, responsable d’une diminution de la pression de perfusion cérébrale (PPC) avec mise en jeu de l’autorégulation. Le rémifentanil (4), dernier-né des opiacés, possède des propriétés pharmacologiques permettant une approche nouvelle dans la conduite de la sédationanalgésie. Sa rapidité d’action et sa demi-vie contextuelle courte permettent un ajustement des doses aux besoins de chaque patient et une titration ponctuelle lors des soins et des actes algogènes ou source d’inconfort. Il permet un réveil plus rapide et mieux prédictible à l’arrêt de la sédation qu’avec la morphine ou le fentanyl (5). Cela offre la possibilité d’une réévaluation neurologique fréquente. Des patients de réanimation ayant reçu l’association midazolam-rémifentanil avaient une durée de sevrage ventilatoire plus courte que ceux ayant reçu l’association midazolam-sufentanil (6). Ces résultats n’ont pas été confirmés dans une étude portant exclusivement sur des patients souffrant de pathologie cérébrale. Dans cette étude, le délai d’extubation était significativement plus court avec le rémifentanil qu’avec la morphine, alors qu’aucune différence entre le groupe rémifentanil et le groupe fentanyl n’était notée. La durée de séjour était comparable avec les trois morphiniques (5). Dans une étude rétrospective (7) incluant des patients neurochirurgicaux nécessitant une ventilation prolongée en postopératoire, la durée de ventilation et la durée moyenne de séjour étaient significativement diminuées dans le groupe propofol-rémifentanil par rapport au groupe midazolam-fentanyl.
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Les effets du rémifentanil sur la PIC et l’hémodynamique cérébrale font l’objet des mêmes controverses dans la littérature qu’avec les autres opiacés. Administré chez des traumatisés crâniens graves, le rémifentanil n’a modifié ni la PIC, ni les vélocités circulatoires cérébrales, ni la PAM (8). Dans une autre étude, une élévation significative de la PIC de même qu’une baisse significative de la PPC ont été observées lors des aspirations trachéales ; en revanche, les vélocités circulatoires cérébrales n’ont subi aucun changement (9). Globalement, les effets du rémifentanil sur la PIC, l’hémodynamique cérébrale et la CMRO2 sont comparables à ceux des autres opiacés. Ces effets sont modestes si la PAM est stable et sont compensés par l’agent hypnotique auquel ils sont associés. La survenue d’une tachyphylaxie avec le rémifentanil a été rapportée dans des observations chez des volontaires sains et chez des patients de réanimation (6, 10, 11). Dans l’une de ces observations, 6 patients sous midazolam-rémifentanil ont nécessité une augmentation importante des doses (6). L’interruption de l’administration du rémifentanil pose le problème du sevrage (12, 13). Celui-ci devra être pris en compte lors de la désédation. À l’instar de ce qui se fait en anesthésie, un relais par de la morphine devra être préconisé.
Les hypnotiques Les benzodiazépines Les benzodiazépines sont largement utilisées en neuroréanimation, en association avec un morphinique. Elles possèdent une action sédative, anxiolytique et amnésiante. Les effets hémodynamiques et métaboliques au niveau cérébral sont une baisse du DSC avec une augmentation de la RVC (14) proportionnelle à la baisse de la CMRO2. L’effet sur la PIC est modeste. Chez des traumatisés crâniens graves, une élévation de la PIC avec baisse de la PPC a été rapportée dans une étude après administration d’un bolus de midazolam. Cet effet est secondaire à la baisse de la PAM et à la mise en jeu de l’autorégulation. L’autorégulation et la réactivité au CO2 sont conservées. Les BZD possèdent un effet plateau à partir duquel l’augmentation de doses n’a plus d’effet neurophysiologique supplémentaire. Cette caractéristique propre aux BZD explique l’absence de burst suppression ou d’activité isoélectrique même à fortes doses. Leurs effets antiépileptiques sont largement démontrés. La molécule la plus utilisée est le midazolam en raison de sa demi-vie courte. Néanmoins, une administration prolongée induit un délai de réveil plus ou moins long avec une variabilité interindividuelle importante (15), imposant une adaptation posologique à chaque patient.
Le propofol L’utilisation du propofol en réanimation et dans les unités de soins intensifs est en constante progression. Son action courte et prévisible, même après une administration prolongée, permet une meilleure maîtrise de la sédation. Cela
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est particulièrement intéressant lorsqu’une évaluation clinique des patients est envisagée ou lorsqu’une déventilation précoce paraît possible. Le propofol diminue la PIC. Utilisé chez des patients non ventilés lors de la réalisation d’une biopsie stéréotaxique pour processus occupant intracrânien, il n’a pas entraîné de modification de la PIC (16). Il entraîne une diminution de la PAM responsable d’une baisse de la PPC nécessitant souvent le recours aux agents vasopresseurs. Sous propofol, le couplage DSCCMRO2 est maintenu (17). La baisse du DSC est proportionnelle à la baisse du CMRO2. Toutefois une diminution de la saturation veineuse jugulaire en oxygène (SJVO2) observée chez des patients neurochirurgicaux plaide en faveur d’un effet vasoconstricteur propre. L’autorégulation et la réactivité au CO2 sont conservées. En revanche, les effets électrophysiologiques du propofol sont controversés. Une action proconvulsivante à faible dose a été observée (18, 19). À forte dose il est doté d’une action antiépileptique. Il a été utilisé avec succès dans des états de mal épileptique réfractaires (20). Des burst supression, voire une activité EEG nulle peuvent être obtenues avec le propofol, de même qu’une baisse maximale de la CMRO2 de l’ordre de 40 à 60 %. L’administration du propofol avec un objectif de concentration (21), permet une adaptation individuelle des posologies. La réduction des doses qui en résulte permet non seulement de limiter ses effets hémodynamiques, mais aussi de réduire le risque de survenue d’un PRIS (22). Ce syndrome, initialement décrit en pédiatrie, est probablement plus rare chez l’adulte. Il a comme principaux facteurs de risque une prescription de longue durée (> 48 h), à forte concentration (> 5 mg.kg-1.h-1), chez les patients ayant une pathologie inflammatoire ou septique sévère. La prescription de propofol doit être réalisée en intraveineux à la seringue électrique, à dose modérée (toujours 25 mmHg d’une durée supérieure à 5 minutes en plateau) impose la reprise de la sédation. Celle-ci sera titrée pour l’obtention d’une PIC basse. En l’absence de monitorage de la PIC, l’utilisation du Doppler transcrânien permet de détecter la survenue d’une hypoperfusion cérébrale (40, 41) et ou d’une HIC (42). L’HIC ne doit pas être négligée sous prétexte que le patient se réveille et retrouve une conscience. En revanche, des épisodes d’HIC pouvant parfois atteindre 40 mmHg, mais de durée courte ( 38 °C ou < 36 °C ;
•
fréquence cardiaque > 90/min ;
•
fréquence respiratoire > 20/min ou paCO2 < 32 mmHg ;
•
leucocytes > 12 000/mm2 ou < 4 000/mm2 ou < 10 % de cellules immatures.
Ces deux phases ont des conséquences différentes sur la pharmacocinétique des médicaments administrés pour la sédation-analgésie.
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À la phase initiale de choc hypovolémique, les agents de sédation-analgésie doivent être administrés avec prudence en raison de la réduction du volume du compartiment central (4). Les agents de choix pour l’intubation en phase préhospitalière sont l’étomidate et la kétamine. L’étomidate est contre-indiqué l’enfant. Par la suite, au stade de SIRS, la distribution, le métabolisme et l’élimination de nombreux médicaments sont altérés. Les concentrations plasmatiques de la morphine sont plus basses que les concentrations attendues, avec cependant d’importantes variations interindividuelles (5). Cette notion a été également documentée pour différents antibiotiques (6, 7). Dans l’étude de Perreault et al., la clairance plasmatique de la morphine est élevée chez certains patients, mais stable au cours du temps à J7, J15 et J21 de la brûlure. Il n’en reste pas moins difficile de prédire la réponse thérapeutique chez un patient donné (8). Il faut donc évaluer en permanence la douleur et la vigilance et titrer les agents de sédation-analgésie chez le patient brûlé.
Assistance ventilatoire chez les patients brûlés L’existence de lésions respiratoires primitives est la principale cause d’assistance ventilatoire chez le patient brûlé. Le tableau le plus fréquent est l’inhalation de fumée d’incendie qui réalise une brûlure de l’arbre trachéo-bronchique dont les conséquences s’ajoutent à celles de la brûlure cutanée. Le mécanisme lésionnel est à la fois thermique, chimique et obstructif. L’inhalation de fumée est associée à une poly-intoxication. L’oxyde de carbone a une affinité pour l’hémoglobine deux cent cinquante fois supérieure à celle de l’oxygène et entraîne un défaut de transport et une hypoxie tissulaire. L’acide cyanhydrique bloque la chaîne respiratoire mitochondriale. Les complications de l’inhalation de fumée sont à court terme la surinfection et l’œdème lésionnel, à plus long terme, les séquelles laryngées, trachéales et pulmonaires (9). La durée moyenne de ventilation des patients victimes de brûlures étendues avec inhalation de fumée est de 30 à 40 jours. La contusion pulmonaire par blast est une autre association lésionnelle qui peut conduire à une ventilation prolongée chez le patient brûlé. En dehors des lésions respiratoires primitives, certains types de brûlures peuvent nécessiter une instrumentation prolongée des voies aériennes, mais pas nécessairement une VM prolongée. Ainsi, les brûlures profondes de la face peuvent interférer avec la perméabilité des voies aériennes jusqu’à la prise complète des greffes. Un autre exemple est le traitement par cultures de kératinocyte, réservé aux brûlures extrêmement étendues. La technique requiert une immobilité totale du patient pendant 15 jours à partir de J21-J28 de la brûlure. Une trachéotomie précoce est indispensable chez ces patients.
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Douleur et hyperalgésie des patients brûlés La douleur des patients brûlés associe une douleur de fond permanente, une hyperalgésie et des douleurs provoquées par les soins (pansements, chirurgie, rééducation) (10). La douleur de fond est liée à la libération massive de médiateurs de l’inflammation par la lésion tissulaire au contact des terminaisons nerveuses. Initialement, la douleur de fond est plus importante quand la brûlure est superficielle et/ou siège au niveau des extrémités. Cependant, même les brûlures profondes sont douloureuses, y compris les brûlures du troisième degré. Il persiste sans doute malgré la destruction des terminaisons nerveuses une sensibilité protopathique véhiculée par les afférences musculaires ou ostéotendineuses. De plus, après une dizaine de jours, la régénération nerveuse peut être à l’origine de phénomènes douloureux surajoutés (11). Ces douleurs du type neuropathique peuvent évoluer vers la chronicité. L’hyperalgésie est l’expression de douleurs latentes. Expérimentalement, elle se traduit par une diminution du seuil de douleur et par une augmentation des douleurs provoquées. La composante centrale de l’hyperalgésie est sous-tendue par un emballement de la transmission glutamatergique et une sensibilisation des récepteurs NMDA (12). En pratique clinique, l’hyperalgésie détermine essentiellement l’intensité des douleurs provoquées. Chez le patient brûlé, les douleurs provoquées sont généralement beaucoup plus sévères que la douleur de fond, en particulier chez l’enfant (13). En outre, contrairement à la douleur de fond, les douleurs provoquées ont tendance à s’aggraver en cours d’hospitalisation, avec la répétition des stimulations nociceptives sur le même site, l’apparition de nouveaux foyers douloureux (sites de prélèvement) et l’administration de fortes doses d’opiacés. La notion d’hyperalgésie induite par les opiacés a été développée depuis quelques années sur la base d’observations cliniques et de résultats expérimentaux qui indiquent que l’administration d’un opiacé induit une diminution prolongée du seuil de douleur à partir du moment où l’effet antalgique est épuisé (14). L’hyperalgésie induite par les opiacés semble, comme la composante centrale de l’hyperalgésie inflammatoire, médiée par la sensibilisation des récepteurs NMDA (15). Au total : – la douleur de la brûlure persiste bien au-delà de la phase aiguë de réanimation ; – les besoins de sédation-analgésie sont davantage liés aux douleurs provoquées qu’à la douleur de fond ; – le soulagement de la seule douleur de fond ne devrait pas nécessiter une sédation-analgésie si profonde qu’elle impose une ventilation assistée ; – l’administration au long cours de fortes doses d’opiacés contribue à majorer l’hyperalgésie et les douleurs provoquées.
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Objectifs de la sédation-analgésie chez le patient brûlé Objectif primaire L’objectif de la sédation-analgésie chez le patient brûlé est en premier lieu le confort du patient et l’adaptation au ventilateur (16). Le confort du patient brûlé ne concerne pas seulement le soulagement des différents types de douleurs physiques : douleur de fond liée à la brûlure, douleur provoquée par les soins, douleur liée aux dispositifs invasifs. Il s’étend également à l’anxiété, à la souffrance morale et à la limitation des nuisances de l’environnement de réanimation, domaines où des moyens non pharmacologiques doivent être associés à la sédation-analgésie. L’adaptation au ventilateur doit être considérée a minima comme une limitation de l’asynchronisme et non comme la suppression complète de tout effort ventilatoire.
Objectif secondaire Le patient brûlé doit être séparé dès que possible de son respirateur. L’accumulation des agents hypnotiques après une administration prolongée en réanimation est un facteur de prolongation de la VM. Depuis l’étude de Kollef en 1998 (17), plusieurs essais randomisés ont démontré avec un haut niveau d’évidence que l’utilisation d’un algorithme visant à limiter l’accumulation des hypnotiques, interruption quotidienne ou titration, est associée à une réduction de la durée de ventilation (18-21). L’objectif secondaire est donc, une fois les objectifs de confort et d’adaptation au ventilateur atteints, de minimiser l’altération du niveau de conscience. Un patient éveillé ou facilement éveillable (Ramsay 2 à 3, RASS – 2 à 0) est parfaitement compatible avec la sécurité des dispositifs médicaux et des greffes.
Objectifs spécifiques Amélioration de l’oxygénation au cours du SDRA La mise en œuvre d’une ventilation protectrice avec hypercapnie permissive nécessite une adaptation stricte au ventilateur et justifie temporairement une sédation plus profonde associée le cas échéant à une curarisation. Il a été montré sur un large collectif de patients de réanimation polyvalente que la curarisation n’améliore pas les échanges gazeux lorsque le groupe contrôle
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reçoit une sédation profonde (22). Cette notion est sans doute moins pertinente chez le patient gravement brûlé qui présente une compliance pariétale effondrée.
Sécurité et prévention de l’auto-extubation chez le patient agité L’allègement de la sédation nécessite d’obtenir une communication et une coopération minimales de la part du patient. Il faut savoir, comme lors d’un réveil anesthésique, accepter une agitation transitoire et également vérifier que le traitement antalgique est suffisamment efficace. Une agitation importante avec désadaptation ou désaturation impose de resédater le patient. Il faut entreprendre dans le même temps une démarche diagnostique pour éliminer en premier lieu un trouble hydroélectrolytique ou une encéphalopathie associée à un sepsis débutant. La discussion portera ensuite sur une agitation symptomatique de stress posttraumatique, un syndrome confusionnel induit par la sédation (ou le sevrage trop brutal de la sédation), diagnostics qui ne pourront être confirmés qu’a posteriori. Jusqu’à 30 % des patients brûlés hospitalisés en centre spécialisés développent des symptômes de stress posttraumatique (23). L’intervention des psychologues et des psychiatres fait partie intégrante de la prise en charge multidisciplinaire en centre spécialisé. Il a été montré en réanimation polyvalente que l’utilisation d’un algorithme de titration de la sédation n’augmente pas l’incidence des symptômes de stress posttraumatique (24).
Agents de sédation-analgésie chez le patient brûlé Agents hypnotiques Les agents hypnotiques recommandés pour la sédation en réanimation sont le midazolam et le propofol (16). Le propofol est contre-indiqué en administration prolongée chez l’enfant. Le midazolam a une demi-vie contextuelle qui augmente en cas d’administration prolongée. Son métabolisme conduit à la formation d’un composé actif, le 1OH-midazolam, qui s’accumule lorsque la fonction rénale est altérée. Le propofol a une cinétique plus favorable en administration de courte durée (< 48 h), mais cet avantage doit être mis en balance avec une moins bonne tolérance hémodynamique, une surcharge lipidique (hypertriglycéridémie) et l’exposition au risque de PRIS.
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La comparaison de ces molécules a fait l’objet de nombreuses études et de deux métaanalyses (25, 26), qui concluent à une réduction significative de quelques heures de la durée de VM, à l’avantage du propofol, dans le cadre de sédations de courte durée (< 48 h). Il n’est pas sûr que cet avantage soit déterminant lors de sédations de plus longue durée, situation habituelle chez le patient brûlé. L’étude de Kress et al. (19), montre que l’utilisation d’un algorithme d’interruption quotidienne de la sédation avec un objectif de score de Ramsay à 3 supprime toute différence de durée de VM entre midazolam et propofol. Ce résultat va dans le même sens que le résultat d’études plus récentes qui indiquent que la façon d’utiliser l’agent hypnotique avec un algorithme visant à limiter son accumulation (interruption quotidienne ou titration) est plus importante que le choix de l’agent lui-même. Le PRIS est une complication sévère observée au cours de sédation prolongée avec le propofol chez l’enfant et chez l’adulte (27, 28). Il est en rapport avec une altération du métabolisme énergétique mitochondrial. Les facteurs de risque incluent la présence d’un SIRS ou d’une pathologie respiratoire sévère (tableau III), conditions fréquentes chez le patient brûlé en réanimation. Si le propofol est utilisé pour la sédation-analgésie dans un tel contexte, il faut exercer une surveillance biologique rapprochée de l’équilibre acido-basique et de la créatine kinase. Tableau III – Facteurs de risque de PRIS (28) : •
doses supérieures à 4 mg.kg-1.h-1 pendant plus de 48 heures ;
•
déficit en L-carnitine ;
•
lésions intracrâniennes ou atteintes respiratoires sévères ;
•
SIRS ;
•
corticothérapie ;
•
administration de vasopresseurs.
Les autres agents hypnotiques sont d’utilisation plus anecdotique en réanimation. L’étomidate ne doit pas être utilisé pour la sédation prolongée en raison de ses effets sur la réponse surrénalienne qui sont aujourd’hui bien documentés et associés à une augmentation de la mortalité. Le nesdonal fait l’objet d’une accumulation importante et possède des effets hémodynamiques très marqués. Il a des indications spécifiques chez les patients brûlés cérébrolésés. Les neuroleptiques sont rarement utilisés en France pour la sédation-analgésie. Ils ont une place en traitement de deuxième intention, chez les patients brûlés qui développent des symptômes psychiatriques et une agitation. La clonidine, seul alpha2-agoniste disponible en France, est également indiquée en deuxième intention chez les patients brûlés qui développent une agitation au
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moment du sevrage. L’administration par voie entérale (1-5 μg.kg-1 toutes les 8 heures) est aussi efficace que par voie intraveineuse. La kétamine est davantage utilisée pour ses propriétés antihyperalgésiques à faible dose (1-4 μg.kg-1.min-1) que comme agent hypnotique à forte dose (1-2 mg.kg-1. h-1). Les halogénés peuvent désormais être administrés en réanimation grâce à un évaporateur miniaturisé couplé à une cartouche absorbante (AnaConDa) (29). Des travaux complémentaires sont nécessaires pour préciser les indications de ce dispositif en réanimation.
Opiacés Les opiacés recommandés pour la sédation-analgésie en réanimation sont la morphine, le fentanyl, l’alfentanil, le sufentanil et le rémifentanil (16). La morphine a une distribution lente du fait de sa faible liposolubilité. Contrairement aux opiacés liposolubles, sa biotransformation hépatique donne naissance à un composé actif, le morphine 6-glucuronide, qui s’accumule en cas d’insuffisance rénale. La morphine est l’opiacé de choix pour la sédation-analgésie en VS. Le fentanyl est cent fois plus puissant que la morphine. Sa demi-vie contextuelle augmente considérablement en cas d’administration prolongée (fig. 1) avec pour conséquence une accumulation et une prolongation de la durée de VM (30). L’alfentanil et le sufentanil ont une cinétique plus favorable que le fentanyl dès que la durée d’administration dépasse quelques heures (fig. 1).
Fig. 1 – Demi-vie contextuelle des opiacés, d’après (30).
Le rémifentanil est métabolisé par les estérases plasmatiques et tissulaires, ce qui lui confère une demi-vie contextuelle exceptionnellement courte et indépendante de la durée d’administration. Cet avantage est contrebalancé par des
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effets hémodynamiques marqués qui contre-indiquent toute administration en bolus et des modalités d’administration contraignantes (personnel formé, voie d’administration dédiée, valve antireflux). Il faut en outre anticiper les rebonds douloureux à l’arrêt de la perfusion. Le rémifentanil est à l’origine d’une nouvelle modalité de sédation-analgésie basée sur la priorité donnée à l’administration d’un opiacé, une drogue sédative n’étant administrée qu’en cas d’échec d’un opiacé seul. La sédation fondée sur l’analgésie a fait l’objet d’une comparaison avec une sédation classique dans trois essais randomisés en neurochirurgie (31), chirurgie cardiaque (32) et réanimation polyvalente (33). Les niveaux de confort et d’analgésie ont été similaires, le rémifentanil ayant pu être administré seul chez près de la moitié des patients. La durée de VM a été identique en neurochirurgie, diminuée de quelques heures en chirurgie cardiaque et diminuée de façon plus importante en réanimation polyvalente, que le comparatif soit le fentanyl ou la morphine. Il n’y a pas d’étude sur l’utilisation prolongée de rémifentanil chez les patients brûlés. La nécessité d’une analgésie prolongée, bien au-delà de la durée de ventilation, l’hyperalgésie et la fréquence des rebonds douloureux induits par le rémifentanil n’en font probablement pas l’agent de première intention pour le traitement de la douleur de fond. En revanche, cet agent a sans doute une place importante pour le traitement des douleurs provoquées, circonstances ponctuelles et récurrentes, où la rapidité de sa cinétique peut être exploitée pour diminuer l’impact du traitement opiacé en termes de dépression respiratoire résiduelle et d’iléus postopératoire. L’alfentanil est également utilisé par de nombreux centres de brûlés dans cette indication. Les phénomènes de tolérance aux opiacés sont particulièrement marqués chez le patient gravement brûlé. La tolérance correspond à la nécessité d’augmenter les doses administrées pour obtenir le même effet antalgique. La tolérance aux opiacés n’est pas expliquée par une down-regulation ni par une internalisation des récepteurs. Au niveau cellulaire, elle est associée aux mêmes mécanismes que l’hyperalgésie induite par les opiacés (voir plus haut) (34). L’utilisation de kétamine à faible dose (de 1 à 4 μg/kg/min) peut être indiquée chez le patient brûlé pour prévenir l’installation de la tolérance et de l’hyperalgésie. Dans la même optique, l’administration de protoxyde d’azote ou d’agents halogénés, qui sont de puissants antagonistes des récepteurs NMDA, peut également être proposée.
Antalgiques non opiacés L’utilisation d’antalgiques non opiacés vise à diminuer les doses d’opiacés nécessaires et leurs effets secondaires dans une optique d’analgésie multimodale. Elle est peu développée en réanimation (35). Les principaux enjeux chez le patient brûlé sont de diminuer l’hyperalgésie et la tolérance (voir plus haut), de favoriser l’autonomie respiratoire et de faciliter l’alimentation entérale.
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L’utilisation de kétamine à faible dose a déjà été évoquée. Il s’agit de doses recommandées dans le cadre de la douleur postopératoire et qui n’ont pas été validées chez le patient brûlé. L’effet d’épargne opiacé du paracétamol et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) est également bien établi dans le contexte de la douleur postopératoire. Le paracétamol à la dose de 60 mg/kg/jour procure une épargne opiacé de l’ordre de 20 à 30 % sans diminution des effets secondaires (36). Alors que les AINS peuvent permettre une épargne plus importante, de l’ordre de 30 à 60 %, et une diminution significative des effets secondaires (37). Il semble en outre que les AINS exercent un effet favorable sur l’hypercatabolisme, chez le patient brûlé (38). Cependant, ils sont contre-indiqués à la phase aiguë chez la majorité des patients du fait de leurs conséquences rénales en situation d’hypovolémie. Certaines équipes ont proposé l’administration de lidocaïne systémique. Il a été rapporté que l’administration continue de lidocaïne systémique à la dose de 2,5 mg.kg-1.h-1, après une dose de charge de 1 mg.kg-1, soulage efficacement la douleur et diminue les besoins opiacés des patients brûlés (39). Enfin le traitement des douleurs secondaires des brûlés, qui ont parfois une composante neuropathique manifeste, peut s’appuyer sur les antidépresseurs tricycliques, les anticonvulsivants classiques ou les nouvelles molécules comme la gabapentine ou la prégaballine.
Curares L’utilisation des curares en complément d’une sédation-analgésie profonde ne se conçoit que pour de courtes périodes de temps avec des objectifs précis. L’ED95 des dérivés stéroïdiens et des benzylisoquinolines est de trois à quatre fois plus importante chez les patients brûlés que chez les sujets contrôles du fait d’une augmentation considérable du nombre de récepteurs à l’acétylcholine à la jonction neuromusculaire (40). Il faut réévaluer quotidiennement la nécessité de poursuivre la curarisation. Il est souhaitable d’utiliser un monitorage instrumental au muscle sourcilier, à l’adducteur du pouce ou au fléchisseur du gros orteil si ces sites sont accessibles malgré les pansements. Chez le patient brûlé, il faut également savoir poser l’indication d’escharotomies de décharge pour améliorer la compliance pariétale en cas de brûlures thoraciques et/ou abdominales étendues.
Modalités pratiques de sédation analgésie La priorité est de soulager la douleur, non seulement la douleur de fond, mais également les douleurs liées à la réfection des pansements, à la rééducation et à la chirurgie de recouvrement.
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Il faut associer différents antalgiques, opiacés et non opiacés, pour différents types de douleurs. Le soulagement de la seule douleur de fond ne devrait jamais nécessiter une sédation-analgésie si profonde qu’elle impose une ventilation assistée. Il faut minimiser l’altération de la vigilance pour séparer dès que possible le patient de son respirateur. Le choix entre interruption quotidienne et titration est une affaire de préférence d’équipe. Il n’y a pas d’argument dans la littérature pour privilégier une méthode plutôt qu’une autre chez le patient brûlé. La sédation-analgésie doit faire l’objet d’un projet individualisé cohérent avec le programme de soins. L’utilisation d’un algorithme permet de déléguer à l’équipe paramédicale une partie des ajustements de dose en fonction de l’évaluation de la douleur, de l’agitation et du niveau de vigilance (fig. 2).
Fig. 2 – Algorithme de sédation-analgésie destiné au personnel paramédical.
Dès que l’état du patient est stabilisé avec une dose minimale d’agent hypnotique, et qu’il satisfait au prérequis : – test de fuite positif ; – FiO2 ⭐ 50 %, PEP ⭐ 5 cm H2O ; – stabilité hémodynamique et absence de complication évolutive.
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Il faut réaliser une épreuve de VS et extuber le patient si elle est bien tolérée ou bien la répéter quotidiennement jusqu’à l’extubation. L’arrêt de la sédation-analgésie doit être progressif pour ne pas induire de syndrome de sevrage. Dans la majorité des cas, la question de la substitution d’un opiacé ne se pose pas puisque la morphine est utilisée pour la poursuite du traitement de fond. La substitution de l’hypnotique est plus délicate. En cas de traitement prolongé, il est souhaitable de conserver temporairement de faibles doses de BZD. En présence de signes de sevrage, outre l’augmentation des doses de morphine, il peut être indiqué d’associer un alpha2-agoniste comme la clonidine.
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Sédation-analgésie en réanimation pédiatrique C. Ardanuy-Mollens, S. Galene-Gromez, T. Blanc et V. Laudenbach
Introduction Les enfants admis en réanimation sont exposés à l’inconfort et à la douleur engendrés par la pathologie motivant l’hospitalisation les procédures invasives ou non invasives qui en découlent. Durant ce séjour, il existe une composante émotionnelle intense dans une population (pédiatrique et parentale) psychologiquement vulnérable. Celle-ci est liée notamment à une compréhension de l’expression de la douleur par l’enfant difficile pour les parents et pour le personnel soignant. La distinction entre douleur, inconfort et anxiété, en l’absence de verbalisation, se heurte aux mêmes difficultés que chez l’adulte. Les parents des enfants hospitalisés en réanimation sont soumis à un stress important, qui peut être accru par le ressenti de la douleur, l’anxiété ou l’inconfort de leur enfant. Ce stress peut également concerner les équipes soignantes : une douleur ou un inconfort incontrôlés peuvent entraîner des réactions de frustration et de colère dans le personnel, éventuellement à l’origine de souffrances psychologiques voire de conflits professionnels. L’élaboration de recommandations concernant la sédation en réanimation pédiatrique a été effectuée par la Pediatric Intensive Care Society britannique en 2006 (1). Un chapitre a été dédié à la pédiatrie dans la conférence de consensus sédation-analgésie en réanimation (nouveau-né exclu) commune à la SFAR et à la SRLF, avec la participation de l’Association des anesthésistes réanimateurs pédiatres d’expression française et du Groupement francophone de réanimation et urgences pédiatriques (GFRUP), publiée en 2008 (2). La plupart des références sont issues d’analyses rétrospectives et/ou concernant des collectifs faibles. Certaines études incluent à la fois des nouveau-nés, des nourrissons et des enfants alors que d’importantes variations pharmacocinétiques existent au cours des premiers mois de vie. Nous proposerons au lecteur
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des éléments de pratique issus de cette littérature, malheureusement peu importante, ainsi que de l’expérience des auteurs. Rapidement, on peut seulement retenir que la perception de la douleur est acquise entre la vingt-quatrième et vingt-neuvième semaine de vie fœtale. Le nouveau-né, même prématuré, dispose en effet d’une maturité anatomique et neurochimique suffisante pour permettre la transmission et la perception des influx nociceptifs. S’y ajoute une inefficacité des systèmes inhibiteurs (le gating des Anglo-Saxons) jusqu’à l’âge de 14 semaines de vie postnatale (voies inhibitrices descendantes non fonctionnelles, taux plasmatiques des opioïdes endogènes peu élevés, rôle de filtre de la corne médullaire postérieure inefficace). Ainsi, le système nerveux du nouveau-né présente une hypersensibilité à la nociception. La survenue précoce d’une douleur intense sur un système nerveux immature serait responsable de modifications structurelles et fonctionnelles des neurones de la corne dorsale pouvant déclencher une hyperalgésie lors des douleurs futures (mémoire, neuroplasticité). Il en résulte une mémoire douloureuse implicite, inconsciente, responsable d’anxiété et d’appréhension ultérieures. Le bébé vivra la douleur de façon plus intense et durable avec une forte sensibilisation à une future douleur (3). La mémoire de la douleur explicite et consciente n’est pas présente avant l’âge de 3 ans (4).
Définition et buts de la sédation-analgésie La définition et les buts de cette prise en charge en pédiatrie sont identiques à ceux de la prise en charge de l’adulte. La sédation-analgésie regroupe l’ensemble des moyens, pharmacologiques ou non, mis en œuvre pour assurer le confort et la sécurité des patients dans un milieu source d’agressions physiques et/ou psychologiques. La sédation-analgésie, comme l’état d’anesthésie générale, inclut diverses composantes : sédation (somnolence), hypnose (perte de l’état conscient), anxiolyse, atténuation des réactions végétatives, amnésie des agressions les plus sévères, myorelaxation lorsque la situation médico-chirurgicale le justifie, analgésie à proprement parler. Selon la sévérité de la situation du patient (hémodynamique et hématose instables ou non, phase de stabilisation ou de sevrage, aptitudes relationnelles avec l’entourage soignant et familial, notamment), on peut considérer que le but fixé est une sédation-analgésie « de confort » (soulager en priorité la douleur, améliorer la tolérance à l’environnement) ou une sédation-analgésie « thérapeutique » (plus profonde, peu différente de l’anesthésie générale, élément thérapeutique de pathologies graves telles qu’un SDRA ou un traumatisme crânien sévère). La stratégie choisie doit être compatible avec le maintien d’une stabilité hémodynamique et une évaluation neurologique aussi continue et précise que possible. Elle ne doit pas prolonger les durées de VM, ni augmenter la fréquence des transports intrahospitaliers et la durée de séjour à l’hôpital. Elle doit autant que possible éviter des explorations radiologiques inutiles. Selon la pathologie ou le stade évolutif,
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on peut chercher l’immobilité (HIC) ou à l’inverse la coopération de l’enfant (sevrage d’une ventilation artificielle). Comme chez l’adulte, la distinction entre douleur, anxiété et inconfort, voire conséquences psychologiques ou psychiatriques, peut être ardue. La prise en charge analgésique est prioritaire de principe non seulement pour des raisons éthiques, mais également dans la population pédiatrique en raison des répercussions durables qui peuvent exister en cas de douleur non soulagée : hyperpathie, allodynie, troubles du comportement divers (contact avec l’entourage, alimentation, interactions avec l’environnement), syndromes dépressifs. D’autre part, douloureuses ou non, des situations pathologiques engageant le pronostic vital peuvent également être à l’origine de SSPT et de troubles du comportement, chez l’enfant et les parents.
Les moyens Les protocoles d’analgésie-sédation doivent être adaptés à l’âge : la pharmacocinétique varie du nourrisson, à l’enfant et à l’adolescent (qui se rapproche plus de l’adulte). Le traitement d’une hypovolémie ou l’emploi de drogues vasopressives doit précéder la mise en route d’une sédation.
Les moyens non pharmacologiques Les aspects relationnels (interaction avec l’enfant, explication des soins, présence parentale) doivent être largement encouragés, même si leur influence réelle est difficilement quantifiable. Des approches comportementales composites destinées à limiter les conséquences psychologiques de l’hospitalisation pour l’enfant et ses parents (supports pédagogiques à l’intention des enfants et des parents, implication des parents dans les soins, entretien avec des psychologues) commencent à être rapportées dans la littérature (5). Leurs résultats positifs, mais impliquant une organisation complexe et des ressources humaines importantes ne peuvent être qu’encouragés. Il est également nécessaire d’insister sur la nécessité de privilégier les soins les moins invasifs, de regrouper les soins et les examens afin de laisser le nourrisson bénéficier d’une qualité de sommeil aussi bonne que possible et de limiter les nuisances environnementales (bruit, lumière, respect du cycle nycthéméral). Ces derniers éléments nécessitent une prise de conscience collective de l’équipe soignante et doivent être régulièrement remis en mémoire, en particulier à l’intention des nouveaux arrivants, dans des services dans lesquels la rotation des personnels est souvent importante. Le saccharose oral (associé à la succion non nutritive) utilisé lors de douleur aiguë ponctuelle, comme les ponctions veineuses, n’a un effet antalgique que
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durant la période néonatale (moins de 6 semaines) (6). Les doses recommandées sont de : – 0,02 à 0,1 g chez le prématuré ; – 0,2 à 0,5 g chez le nouveau-né à terme. En pratique, de 0,1 à 0,2 ml de saccharose à 30-40 % avec une tétine ou au doigt (sucre de canne ou saccharose pharmaceutique préparé en aliquotes jetées toutes les 24 heures, délai d’action de 2 min, pour une durée de 5 à 7 min, il peut être réadministré en notant les prises et les horaires). Il a été démontré que l’administration de saccharose ne modifie pas les valeurs des glycémies capillaires (7).
Les moyens pharmacologiques Comme chez l’adulte, il n’existe pas de drogue idéale adaptée à toutes les situations, et différentes associations peuvent être utilisées. Elles sont communes et souvent mieux documentées chez l’adulte, ce qui n’empêche pas qu’elles soient couramment adaptées à la pédiatrie. Elles regroupent le plus souvent hypnotiques et morphiniques. Les curares, peu usités, ont les mêmes indications que chez l’adulte. Si un nombre substantiel de travaux ont permis de préciser la pharmacocinétique de drogues administrées en bolus unique (permettant ainsi d’identifier une élimination des drogues à fort coefficient d’extraction hépatique plus rapide entre 2 et 6 ans que chez le grand enfant et le nourrisson) (8), il n’existe pratiquement pas de donnée en réanimation. En particulier, la demi-vie contextuelle des divers agents n’est pas établie. La détermination de la posologie optimale repose donc sur la titration, seul moyen de composer avec la variabilité de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamie des drogues chez l’enfant hospitalisé pendant une longue période pour une pathologie complexe. Les doses indiquées sont donc données avec des fourchettes plus ou moins larges selon la drogue.
Hypnotiques Midazolam (classe des BZD) Hypnovel : hypnotique, anxiolytique, amnésiant, myorelaxant, anticonvulsivant. Les études de pharmacocinétique concernant le midazolam en réanimation pédiatrique sont rares. Elles n’ont pas pu établir de corrélation entre les concentrations plasmatiques mesurées et les scores de sédation (échelle Comfort) (9, 10). Parmi les causes possibles de cette absence de corrélation, on peut noter les effectifs de patients faibles, des populations associant nouveau-nés, nourrissons, enfants d’âge préscolaire ou scolaire et adolescents, la variabilité des délais d’administration, l’existence de différentes drogues sédatives associées et/ou de phénomènes de tolérance. La demi-vie d’élimination mesurée chez des enfants âgés de 2 jours à 17 ans est de 5,5 ± 3,5 heures (10). Elle est prolongée chez le nouveau-né en raison de la faiblesse de sa clairance rénale.
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En pratique clinique, la posologie varie de 15 à 400 +g/kg/h, après un bolus de 15 à 200 +g/kg. Cette dernière doit se faire sur quelques minutes afin d'éviter une hypotension. Un bolus de 100 +g/kg suivi d'une dose médiane de 90 +g/ kg/h (50-400) permet d'obtenir un score Comfort 5 mg/kg/h) pendant plus de 48 heures, mais des cas de survenue plus rapide ont également été rapportés. Ces patients ont développé une instabilité hémodynamique avec défaillance myocardique, élévation de la troponine I, acidose métabolique et hyperlactacidémie, hépatomégalie, hyperlipidémie, rhabdomyolyse, myoglobinurie, hyperkaliémie et insuffisance rénale aiguë, évoluant vers la bradyarythmie et l’asystolie puis le décès. Certains cas ont évolué favorablement, parfois après mise en œuvre d’une hémofiltration veino-veineuse. Le mécanisme supposé à l’origine de ce syndrome serait une inhibition du métabolisme oxydatif des acides gras libres au niveau mitochondrial (19). La question de savoir si le PRIS ne survient que chez des patients prédisposés sur le plan génétique ou porteurs de cytopathies mitochondriales infracliniques n’est pas tranchée. L’AMM française du Diprivan n’autorise pas son emploi pour sédation prolongée avant l’âge de 15 ans. Pour un emploi ponctuel, la dose d’induction est de 3 à 10 mg/kg selon l’âge (d’autant plus faible que l’enfant est âgé et que d’autres agents sont associés) et la dose d’entretien, initialement élevée (de 10 à 18 mg/kg/h pendant les 30 premières minutes d’administration), sera ensuite au mieux inférieure ou égale à 6 mg/kg/h.
Opiacés Il n’existe pas de publication évaluant l’efficacité comparée de la nalbuphine, de la morphine, du fentanyl ou du sufentanil en réanimation pédiatrique. L’anal-
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gésie continue peut reposer sur la nalbuphine ou la morphine (enfant en ventilation spontanée ou assistée), le sufentanil ou le fentanyl (enfant en ventilation assistée). Le rémifentanil pourrait avoir un intérêt pour des procédures ponctuelles (drainage thoracique) (21). En cas de pathologie douloureuse évolutive, une dose de charge est indispensable à l’institution du traitement. Celle-ci est, au mieux, déterminée par titration, imposant le respect des délais d’action (de 3 à 5 min pour le fentanyl, de 3 à 7 min pour le sufentanil, de 5 à 7 min pour la morphine). Les posologies habituellement utilisées sont : – pour une titration de morphine : premier bolus 100 μg/kg (max. de 2 à 3 mg) puis 25 μg/kg/5 min (max. 2 mg/5 min) ; – pour une ACP ou par l’infirmière par morphine : après titration, bolus de 20 μg/kg, période réfractaire de 5 à 8 min ; – pour une perfusion continue de morphine, de 10 à 50 μg/kg/h, en prenant garde au risque d’accumulation et de surdosage, notamment en cas d’immaturité ou d’insuffisance rénale ; – pour une perfusion continue de sufentanil : dose de charge de 0,05 à 0,3 μg/kg, entretien de 0,05 à 0,5 μg/kg/h ; – pour une perfusion continue de fentanyl : dose de charge de 1 à 3 μg/kg, entretien de 1 à 5 μg/kg/h. Une posologie plus élevée peut être nécessaire dès lors que l’évaluation de l’enfant le justifie et en cas de tolérance aux opiacés, à condition que les effets indésirables (dépression respiratoire) soient contrôlés. A contrario, on doit prendre garde à ne pas augmenter rapidement la posologie d’une perfusion continue si la douleur ne le justifie pas, au risque d’accélérer la survenue d’une tolérance aiguë. C’est dans ces situations aiguës où la distinction entre douleur, anxiété et inconfort de l’enfant peut se révéler un véritable défi, l’anxiété étant souvent partagée par l’entourage, soignants inclus. La tolérance aux opiacés, en général observée vers 1-2 semaines, serait plus rapide avec le fentanyl, si le patient recevait un traitement préalable pour douleur chronique ou en cas de séjour prolongé antérieur en réanimation (22). Il n’existe pas de dose plafond, seule la survenue des effets indésirables est un facteur limitant. La rotation des opiacés (avec conversion équianalgésique et en prenant garde au phénomène de tolérance croisée incomplète) peut être utile dans une situation de tolérance (22).
Autres analgésiques Bien que son usage ne soit pas documenté dans cette situation, l’utilisation du paracétamol oral ou injectable est fréquente en réanimation pédiatrique en France. Il n’est efficace que sur les douleurs chroniques, faibles à modérées. En dépit de la certitude de cette efficacité, justifiant pleinement le principe de son utilisation, il faut souligner le risque d’une banalisation de son usage. Considéré (à juste titre) comme extrêmement bien toléré, il est parfois administré de ma-
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nière systématique et « détournée » (par exemple, traitement d’un inconfort par ce médicament alors que la prescription initiale a été faite à visée antipyrétique). Le pire est observé lorsque son administration est faite sur une mauvaise indication et, comme il est fréquent en réanimation pédiatrique en raison des grandes différences de poids des patients (23), à une posologie erronée, parfois dix fois supérieure à la posologie normale. On attirera donc l’attention du personnel soignant sur les avantages, mais aussi sur les risques de cette molécule et sur la nécessité de respecter strictement le cadre de la prescription. On soulignera également la possibilité d’un traitement antidote, efficace à condition que l’alerte sur la survenue d’une erreur soit donnée rapidement. Bien entendu, la connaissance nécessaire de la fréquence élevée de survenue des erreurs de prescription, de préparation ou d’administration des médicaments en anesthésie et réanimation pédiatrique ne concerne pas que le paracétamol, mais bien tous les médicaments et solutions injectables. L’anticipation, la détection et la correction de ces erreurs sont un objectif quotidien des soignants, dont l’expérience montre qu’il est actuellement loin d’être atteint. La crème EMLA bénéficie d’une AMM dès la période néonatale. La posologie (nombre de sites de ponction) doit être adaptée à l’âge, afin de prévenir le risque de toxicité systémique. Son emploi doit être encouragé. Dans le but de limiter le nombre de ponctions douloureuses, une attention particulière doit être portée à la rationalisation des prélèvements sanguins (indication, regroupement). Si un cathéter artériel ou veineux est en place, la plupart des réanimateurs pédiatres français vont privilégier son utilisation pour les prélèvements, en dépit du risque infectieux qu’il faut s’attacher à maîtriser. Il n’existe pas d’étude rapportant l’emploi du protoxyde d’azote en réanimation pédiatrique. À condition de respecter les contre-indications, son utilisation pour l’analgésie lors de procédures ponctuelles semble possible et intéressante chez des patients sélectionnés (ablation de drain ou de cathéter tunnélisé, par exemple).
Autres sédatifs Un neuroleptique (par exemple, la lévomépromazine [Nozinan]) et/ou un agoniste alpha2-adrénergique (clonidine) peuvent également être proposés, notamment chez les cérébrolésés pédiatriques, chez qui leurs propriétés thérapeutiques sur les « orages » neurovégétatifs pourraient avoir un intérêt (24). Ces molécules pourraient également trouver leur place dans le traitement préventif ou curatif du syndrome de sevrage (voir plus haut).
Curares Chez les enfants hospitalisés en réanimation, les curares seraient employés au cours de 6 à 16 % des jours de VM (25). Le vécuronium (Norcuron) est le curare le plus souvent cité (26). Les indications, modalités de surveillance et
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effets indésirables ne diffèrent pas de ceux de l’adulte : privilégier de plus en plus les benzylisoquinolines (cis-atracurium et atracurium), car ils sont dégradés dans le plasma (voie de Hofmann) sans influence des fonctions hépatiques et rénales et en raison de leur potentiel allergisant moindre par comparaison aux stéroïdes. Pour mémoire, les posologies usuelles sont : – cis-atracurium (Nimbex) : bolus de 150 à 200 μg/kg puis de 60 à 180 μg/kg/h ; – atracurium (Tracrium) : bolus de 300 à 600 μg/kg puis de 300 à 600 μg/kg/h ; – vécuronium (Norcuron) : bolus de 50 à 100 μg/kg puis de 50 à 100 μg/kg/h.
Évaluation de la sédation et de l’analgésie Les buts de l’évaluation de la douleur sont d’anticiper le diagnostic de la douleur, son traitement et l’efficacité de celui-ci tout en homogénéisant les pratiques. Les difficultés rencontrées en pédiatrie sont : – l’absence de verbalisation de la douleur avant 2-3 ans ; – la distinction presque impossible entre douleur et anxiété ; – une réponse comportementale variable en intensité en fonction du type de douleur, de l’âge et d’un enfant à l’autre.
Les échelles Aucune échelle de douleur utilisée seule ne peut répondre à toutes les situations rencontrées en réanimation, a fortiori en réanimation pédiatrique. Plus de trente échelles différentes existent, adaptées à différentes situations. Toutes ne sont pas publiées. L’indicateur de douleur le plus fiable est celui exprimé par le patient lui-même. Une échelle d’autoévaluation doit donc être privilégiée (en général, chez les enfants de plus de 5 ans) si l’état de conscience et de compréhension le permet. Par exemple, EVS, EVA ou échelle des visages (faces pain scale-revised, FPS-R) (27). Il existe des échelles d’hétéroévaluation comportementales (uni- ou multidimensionnelles) et des échelles composites associant des données comportementales et des paramètres physiologiques (variation de la FC et de la pression artérielle). Les douleurs aiguës (du type postopératoire) peuvent être par exemple évaluées par : – le score d’Amiel-Tison pour les enfants de moins de 1 an (un score > 15 nécessite un antalgique) ; – le score CHEOPS (Children’s Hospital of Eastern Ontario Postoperative Scale) pour les enfants de 1 à 5 ans (28) ; – le score composite OPS (objective pain-discomfort scale) pour les enfants de moins de 5 ans (29).
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L’échelle d’hétéroévaluation composite la plus référencée est la Comfort Scale (30). Le Comfort Scale B (behaviour), limitée aux items comportementaux est d’utilisation plus simple et a été retenue par la conférence de consensus 2007 (31) (tableau I). Les enfants de plus de 6 ans (pouvant répondre à des ordres simples) peuvent aussi être évalués par des échelles utilisées chez l’adulte, comme l’échelle de Ramsay.
Les objectifs Pour une sédation-analgésie de « confort » : – EVA ⭐ 30, EVS ⭐ 2 ; – Ramsay = 2 en VS, entre 2 et 3 en VM ; – Comfort 23-26, Comfort B 17-22. Pour une sédation-analgésie « thérapeutique » : – Ramsay 4 à 5 ; – Comfort 17-23, Comfort B 11-17. Sauf situation particulière (HIC), on considérera la sédation-analgésie comme excessive pour un score de Ramsay à 6, un score Comfort inférieur à 16 ou Comfort-B inférieur à 10. Certains auteurs proposent d’évaluer la profondeur de la sédation par l’analyse du BIS quand les échelles atteignent leur limite d’efficacité et ne peuvent pas détecter une sédation inadaptée : curarisation, coma barbiturique (32, 33). Des études supplémentaires sont nécessaires pour préciser la place de cet outil ainsi que des autres outils électrophysiologiques (PEA, entropie) dans ce contexte.
Quand et comment arrêter une sédation-analgésie La décision de diminuer puis d’arrêter une sédation-analgésie dépend naturellement de l’amélioration de la (les) défaillance(s) justifiant la réanimation. Chez l’adulte, la réévaluation quotidienne des posologies permet de raccourcir les durées de sevrage, de ventilation, de séjour et de réduire le nombre des explorations neurologiques (34). Il est permis de penser que cette attitude est recommandable également chez l’enfant. Les modalités d’arrêt de la sédation et de l’analgésie ont pour objectifs d’assurer un réveil calme, confortable, sans rebond douloureux et d’éviter la survenue d’un syndrome de sevrage. Chez l’enfant, l’incidence des syndromes de sevrage aux opiacés et au midazolam est élevée d’autant plus que la dose cumulée et la durée (plus de 5 jours) sont importantes et que leur arrêt est brutal (35). La prévention du syndrome de sevrage repose sur une diminution progressive de la posologie des traitements en cours. L’évaluation des signes de sevrage peut éventuellement se faire à l’aide du score de Finnegan, largement employé (bien
3. Mouvements légers, fréquents
5. Paniqué
5. S’oppose au respirateur, 5. Mouvements énergiques tousse ou suffoque incluant le torse et la tête ; soulever, fléchir et étendre un membre pour l’évaluer
3. Lutte contre le respirateur ou tousse occasionnellement
2. Mouvements légers, occasionnels
5. Hyperattentif
3. Anxieux
3. Somnolent
2. VS avec peu ou pas de réaction au respirateur
1. Absence de mouvement
Mouvements
4. Lutte activement 4. Mouvements énergiques, contre le respirateur ou uniquement aux extrémités tousse régulièrement
2. Légèrement anxieux
2. Légèrement endormi
1. Pas de VS, pas de toux
Ventilation
4. Éveillé et vigilant 4. Très anxieux
1. Calme
Calme ou agitation
1. Profondément endormi
Éveil
Tableau I – Échelle Comfort-B.
3. Contracture évidente de quelques muscles du visage
2. Tonus des muscles du visage normal, aucune tension visible
1. Muscles du visage totalement décontractés
Tension du visage
5. Rigidité musculaire 5. Muscles du visage extrême avec flexion contracturés et des doigts et des orteils grimaçants
4. Tonus musculaire 4. Contracture évidente augmenté avec flexion de l’ensemble des des doigts et des orteils muscles du visage
3. Tonus musculaire normal
2. Tonus musculaire diminué
1. Muscles totalement décontractés, aucune tension musculaire
Tonus musculaire
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que non documenté…) chez le nouveau-né de mère toxicomane et, en pratique, souvent proposé chez le nourrisson (tableau II). Certains protocoles proposent une cotation des signes cliniques avec un schéma de décroissance des thérapeutiques, mais aucun n’est issu d’études prospectives randomisées (36). Tableau II – Score de sevrage de Finnegan adapté à l’enfant. Un score < 8 indique un sevrage léger, 8-11 un sevrage modéré et > 11 un sevrage sévère. Signe/symptôme
Pleurs excessifs Pleurs incessants Sommeil < 1 h Sommeil < 2 h Sommeil < 3 h ROT* vifs ROT* très vifs (clonus) Tremblements modérés à stimulation Tremblements importants à stimulation Tremblements modérés au repos Tremblements importants au repos Hypertonie Convulsions Bâillements fréquents Excoriations Sueurs T° > 38,5 °C Tachycardie Encombrement nasal Éternuements Respiration nasale bruyante Tachypnée Tachycardie Succion excessive Difficultés d’alimentation Régurgitations Vomissements en jet Selles diarrhéiques Selles liquides * ROT : réflexe ostéo-tendineux.
Score 2 3 3 2 1 2 3 1 2 3 2 5 1 1 1 1 1 1 1 2 1 1 1 2 2 3 2 3
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Traitement d’un syndrome de sevrage Une première attitude couramment proposée est la réintroduction de la ou des drogue(s) précédemment utilisées, à posologie plus faible, afin de reprendre une décroissance progressive. Si l’on considère, au contraire, la possibilité de relayer le traitement précédent par un autre traitement, c’est la méthadone qui fait l’objet du plus grand nombre d’études publiées (37). Cet opiacé de synthèse d’action prolongée possède une biodisponibilité excellente et permet un relais par voie orale avec des intervalles de prises espacés (toutes les 12 à 24 h). Toutefois, son emploi dans cette indication en France est rarissime sinon nul. Parmi les autres catégories médicamenteuses, on peut proposer le recours à un neuroleptique ou à un agoniste alpha2-adrénergique. La dexmédétomidine a démontré son efficacité dans cette indication chez l’adulte, mais n’est pas commercialisée en France (38).
Peut-on extuber un enfant recevant une sédation-intraveineuse ? Cette question se pose couramment en pratique clinique chez des enfants ayant développé une tolérance aux hypnotiques et/ou aux opiacés, présentant tous les critères requis pour une extubation, en particulier un état de conscience parfait malgré l’administration de ces drogues et chez qui on souhaite éviter une interruption brutale de celles-ci tout en ne prolongeant pas « inutilement » la ventilation artificielle. La réponse à cette question n’existe pas dans la littérature, mais, à titre personnel et à condition que l’environnement humain et matériel le permette (personnel disponible en nombre, matériel nécessaire à la réintubation préparé dans la chambre, antagonistes pharmacologiques disponibles …), les auteurs proposent une réponse éventuellement affirmative, discutée au cas par cas.
Conduite pratique de la sédation-analgésie (voir algorithme, fig. 1) Une prise en charge adaptée de la sédation-analgésie s’impose chez tout enfant hospitalisé en réanimation. Une attention particulière doit être portée sur l’environnement (atténuation des nuisances acoustiques, respect des cycles nycthéméraux …), bien que la littérature sur ce point soit limitée. La présence des parents auprès de l’enfant doit être facilitée. L’évaluation de la douleur et de l’inconfort doit être systématique et régulière. Elle doit être adaptée à l’âge et aux conditions de l’enfant. Chez l’enfant conscient en âge de la comprendre (généralement au-delà de 4-5 ans), l’EVA est la méthode d’autoévaluation de référence. Chez l’enfant sédaté ou ne pouvant s’exprimer, la Comfort scale est l’échelle la plus employée.
Fig. 1 – Mesures environnementales et facilitation de la présence parentale systématiques.
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On peut également utiliser la Comfort scale B limitée aux items comportementaux. Pour les patients curarisés, le BIS pourrait être utile. Un état de choc non contrôlé contre-indique l’administration de sédatifs. Une hypovolémie doit être traitée avant toute administration de BZD ou morphiniques. Un choc cardiogénique contre-indique le recours à des doses élevées de BZD. En cas d’inconfort important dans un contexte d’hémodynamique instable, l’emploi de drogues vasopressives peut être justifié pour améliorer la tolérance tensionnelle du traitement sédatif.
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Le traitement de la douleur doit être, de principe, prioritaire. Chez les enfants dans le coma, recevant des sédatifs non analgésiques ou curarisés, l’expression comportementale de la douleur est atténuée, faussant ainsi les résultats de l’évaluation. On tient alors compte des modifications des paramètres physiologiques, mais surtout on donne à l’enfant le « bénéfice du doute » : s’il existe un motif pour lequel cet enfant pourrait avoir mal, on instaure un traitement antalgique. La détermination de la posologie optimale repose sur la titration, seul moyen de composer avec la variabilité de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamie des drogues chez l’enfant. L’analgésie continue repose sur la nalbuphine, la morphine (enfant en ventilation spontanée ou assistée), le sufentanil ou le fentanyl (enfant en ventilation assistée). Une « dose de charge » est indispensable à l’institution du traitement. Celle-ci est, au mieux, déterminée par titration, imposant le respect des délais d’action (de 3 à 5 minutes pour le fentanyl, de 3 à 7 minutes pour le sufentanil). Les posologies habituellement utilisées sont : – dose de charge : de 30 à 100 μg/kg (morphine), de 0,1 à 0,2 μg/kg (sufentanil) ou de 1 à 2 μg/kg (fentanyl), – entretien : de 10 à 50 μg/kg/h (morphine), de 0,1 à 0,5 μg/kg/h (sufentanil) ou de 1 à 5 μg/kg/h (fentanyl). Une posologie plus élevée peut être nécessaire dès lors que l’évaluation de l’enfant le justifie (tolérance aux opiacés) et que les effets indésirables sont contrôlés. Aucune étude pédiatrique évaluant une interruption quotidienne du traitement n’a été publiée. On peut penser que cette attitude apporterait le même bénéfice que celui observé chez l’adulte. La sédation continue est habituellement assurée par le midazolam. La posologie varie entre 15 et 400 μg/kg/h, après un bolus de 15 à 200 μg/kg. Celle-ci doit être administrée sur quelques minutes afin d’éviter une hypotension. Les principes de titration et d’évaluation doivent être appliqués. En dehors du contexte postopératoire et donc d’une utilisation limitée à quelques heures, le propofol est contre-indiqué en sédation continue chez l’enfant de moins de 15 ans. La kétamine peut être utilisée en complément des opiacés et des BZD. La posologie pour un effet antalgique sans effet sédatif est de 100 à 300 μg/kg/h. Des posologies sédatives (de 1 à 2 mg/kg/h) sont possibles dans certaines situations (par exemple, asthme aigu grave ventilé). Les curares non dépolarisants peuvent être indiqués dans certaines situations, par exemple lorsqu’une sédation-analgésie bien conduite ne permet pas l’adaptation à la ventilation artificielle d’un enfant en situation respiratoire grave. On peut proposer : vécuronium (100 μg/kg/h après un bolus de 100 μg/kg), atracurium (de 200 à 500 μg/kg/h après une dose de charge de 500 μg/kg) ou cis-atracurium (de 60 à 180 μg/kg/h après une dose de charge de 150 μg/kg).
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Le degré de curarisation doit être monitoré et l’indication des curares régulièrement rediscutée. Une attention particulière doit être portée à la prévention des complications trophiques (lésions oculaires, points de compression). La décroissance des opiacés doit être progressive et adaptée à la durée préalable du traitement afin d’éviter un syndrome de sevrage. Le syndrome de sevrage aux opiacés peut justifier la réintroduction des drogues à doses moindres.
Conclusion Même si la sédation-analgésie est un élément majeur de la prise en charge de l’enfant en réanimation, de nombreux travaux sont encore nécessaires pour affiner les connaissances tant cliniques que pharmacologiques dans ce domaine. Dans l’état actuel de la littérature, la plupart des molécules couramment employées en réanimation de l’adulte ou en anesthésie-réanimation pédiatrique peuvent être préconisées pour la réalisation d’une sédation de l’enfant en réanimation, à l’exception notable du propofol. L’adéquation du degré de sédation et d’analgésie nécessite de se doter d’outils d’évaluation adaptés à l’âge et à la pathologie de l’enfant.
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La sédation en fin de vie en réanimation É. Ferrand
La sédation du patient mourant est l’un des aspects majeurs de la démarche palliative, quel que soit le contexte, domicile, préhospitalier, service conventionnel ou réanimation. Son usage est depuis maintenant plusieurs années considéré comme un critère de qualité de prise en charge du mourant (1-3), ce qui rend son introduction ou son renforcement indispensable dès lors qu’il ne pourra pas être certain que la fin de vie sera paisible. La terminologie elle-même pose depuis longtemps de nombreuses questions (sédation terminale, sédation-analgésie, sédation palliative, traitement sédatif de fin de vie …) et a fait l’objet d’une large littérature (4, 5). Il s’agissait par son expression d’expliciter le sens à donner à cette pratique, une sédation trop lourde pouvant être assimilée à une volonté de donner la mort. Récemment, les recommandations actualisées en 2009 de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) (6) ont proposé de retenir le terme de sédation en fin de vie, en tenant compte de sa contextualisation. Pour ce qui concerne la réanimation, la loi du 22 avril 2005, n° 2005-370 relative aux droits des malades et à la fin de vie (7), dite loi Leonetti, a largement éclairci des pratiques qui exposaient à un risque de poursuite pénale en cas de lien avéré entre un geste (la sédation) et le décès. Cette problématique concernait toutes les spécialités, mais plus encore la réanimation du fait de sa temporalité particulière, où le décès survient rapidement après l’arrêt des traitements curatifs. Le législateur a proposé un cadre légal précis à ces pratiques devenues quotidiennes dans les services de réanimation, en mettant en adéquation la législation française avec celle de la plupart des pays industrialisés (1, 8). Également, en 2009, les recommandations actualisées de la SRLF concernant la limitation et l’arrêt des traitements en réanimation ont abordé les différentes situations de fin de vie et les différentes modalités de la sédation en fin de vie. Le message principal de ces textes est l’impérieuse nécessité d’un double niveau de réflexion lors du processus décisionnel (2, 7). Un premier niveau doit mettre
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en lumière l’intention du projet thérapeutique proposé. Il doit s’appuyer sur la collégialité, et une procédure d’aide à la réflexion écrite peut en être le vecteur. Le second niveau doit concerner le choix des modalités d’application de la décision. Ce choix (« comment allons-nous faire ? ») doit suivre un processus de réflexion propre, distinct de celui conduisant au choix du niveau d’engagement thérapeutique (« que voulons-nous faire ? »). Dans ce contexte, la sédation, comme les autres aspects de la décision de limitation ou d’arrêt de traitements, n’est légitimée que par une procédure de réflexion d’amont rigoureuse, collégiale et notifiée, telle que prévue par les textes (7). Ainsi, seules la rigueur d’approche des différentes étapes du processus décisionnel, la clarté de leur intention et leur traçabilité pourront permettre de justifier la stratégie choisie et d’éviter toute ambiguïté sur la forme et le fond, délétère pour le ressenti de chaque intervenant et potentiellement problématique sur le plan médico-légal. La sédation de fin de vie s’inscrit dans ce cadre.
Analyse des pratiques L’étude LATAREA (9) menée en 1997 dans 113 services de réanimation a révélé que la moitié des décès étaient liés à un arrêt de traitements. Dans cette étude, seulement 42 % des 807 patients décédés avaient bénéficié de sédation. L’étude MORT-À-L’HÔPITAL (MAHO) (10) menée en 2004 dans 600 services dont 28 services de réanimation et évaluant les conditions de décès de 3 793 patients dont 1 052 en réanimation, a également montré qu’en réanimation, un malade sur deux (46%) était décédé sans recours à une sédation (vs 43 % dans les autres spécialités). L’étude a aussi mis en évidence que la posologie des morphiniques chez les patients sédatés en réanimation n’avait été majorée dans les dernières heures de vie que pour 35 % des patients (vs 27 % dans les autres spécialités) et qu’il n’était relevé que dans seulement 6 % des cas une majoration de l’inconfort et de la douleur (vs 15% dans les autres spécialités). Enfin, il existait une différence de produits utilisés entre les services de réanimation et les autres spécialités, une sédation multimodale étant plus souvent utilisée en unités fixes de soins palliatifs alors qu’en réanimation était privilégié l’usage de la morphine et des BZD intraveineux (données personnelles de l’auteur). Plus récemment, l’étude LATAREA 2 menée dans 65 services de réanimation en 2005 (11) a montré la persistance d’un défaut d’utilisation de la sédation, seulement 45 % des patients étant décédés sédatés, avec une majoration des posologies observée dans les dernières heures de 29 % et une perception d’inconfort relevée dans seulement 5 % des cas. Ces données françaises vont néanmoins dans le sens de la littérature. Alors que le symptôme le plus fréquemment décrit est la détresse respiratoire chez le mourant (12-14), distincte du « gasp » agonique, il est ainsi largement relevé que ce symptôme reste insuffisamment traité (15). L’impact de l’utilisation des morphiniques sur la mort brutale a fait également l’objet de nombreuses hypothèses. Il a été ainsi recherché l’impact négatif de
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posologies élevées sur le taux de cortisol endogène pouvant hâter la mort, taux normalement élevé en cas de fin de vie. L’absence de validation de cette hypothèse a également fait suggérer que la morphine n’était peut-être pas le produit idéal pour lever le stress des patients en fin de vie (16, 17). Enfin, d’autres travaux ont montré que le soulagement de la douleur des patients mourants ne nécessitait pas des doses massives pour être adéquates (18-20), même si certains patients pouvaient recevoir des doses supérieures à 100 mg/h de morphine et de midazolam (21, 22).
Situations de fin de vie nécessitant une sédation Il existe trois types de cas pour lesquels une prescription de sédation doit être envisagée dans un contexte de fin de vie : la limitation de traitements vitaux, l’arrêt de traitements de support vital, en particulier du support ventilatoire, et l’urgence de fin de vie.
La limitation de traitements vitaux Il s’agit du cas le plus fréquent de limitation de l’engagement thérapeutique. Dans cette situation, le décès est retardé, voire ne survient pas et la réflexion doit se porter sur le type de sédation déjà en cours et la posologie des produits utilisés en fonction du contexte. Le principe est naturellement d’adapter la sédation aux symptômes que peut présenter le patient (douleur, dyspnée, angoisse, agitation, confusion …).
L’arrêt de traitements de support vital L’arrêt de traitements de support vital, en particulier du support ventilatoire, est propre à la réanimation. Dans cette situation, le patient est aussi le plus souvent inconscient, en raison soit de la sous-sédation déjà instituée, soit de lésions cérébrales (coma postanoxique, accident vasculaire, traumatisme crânien) rendant impossible d’évaluer la conscience et le niveau d’inconfort. Il se surajoute dans ce contexte la problématique du sens à donner à l’institution ou à la majoration d’une sédation, qui va priver au moins en partie les capacités ventilatoires naturelles du patient, et faire douter du « laisser mourir » au profit d’un « faire mourir ». Si ce point a pu engendrer de nombreuses polémiques, les avancées légales ont désormais clairement fait progresser le débat. En rappelant la nécessaire continuité des soins lors d’une décision de fin de vie et en réaffirmant le droit du mourant aux soins palliatifs (art. 1, 4, 6 et 9), la loi du 22 avril 2005 (7) admet désormais comme la bonne pratique d’instituer un traitement destiné à soulager une souffrance, y compris si celui-ci « peut avoir pour effet secondaire d’abréger la vie en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable » (art.
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2). Également, pour ce qui concerne les patients à la conscience non évaluable (cérébrolésés ou sous sédation), le Conseil national de l’Ordre des médecins a adopté lors de la session du 6 février 2009 une modification de l’article 37 du code de déontologie médicale (article R. 4127-37 du Code de la santé publique) visant à prévoir que : « lorsqu’une limitation ou un arrêt de traitement a été décidé en application de l’article L.1110-5, dans les conditions prévues au I et au II du présent article, et lorsque la souffrance du patient ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, le médecin a recours aux traitements antalgiques et sédatifs permettant d’assurer la dignité de la fin de vie du patient ». Ces modifications légales permettent donc désormais d’assurer sans réserve une sédation adaptée chez les patients évaluables et une sédation systématique chez les patients non évaluables. Le risque de sédations trop hâtives ou disproportionnées est, dans ce cas, limité par l’exposition des motifs, non seulement de ceux qui sont en faveur d’un arrêt de traitement, mais également de ceux qui explicitent le niveau de sédation retenu.
L’urgence de fin de vie La sédation peut également être instituée ou majorée dans les cas de fin de vie brutale source de souffrances comme l’hémorragie massive ou l’asphyxie. Dans ces situations, la sédation doit être un geste d’urgence et les symptômes intolérables, comme une sensation de mort imminente par étouffement, une réaction de panique ou d’effroi générée par une hémorragie extériorisée cataclysmique, doivent être prévenus ou traités sans délai.
Conditions de mise en œuvre d’une sédation en fin de vie en réanimation Les précautions pour la mise en œuvre d’une sédation sont les suivantes : – s’assurer que sa finalité est bien le soulagement du patient et non pas celui de l’équipe soignante ou de l’entourage, et que l’unique objectif est de contrôler des symptômes réfractaires à un traitement symptomatique bien conduit ; – s’assurer qu’elle résulte d’une discussion interdisciplinaire et fait l’objet du consentement du patient, de l’entourage et de consignes écrites à la disposition de l’ensemble des soignants ; – s’assurer qu’une réévaluation de chaque cas avec une réflexion éthique est systématiquement entreprise par l’équipe. En reprenant les recommandations actualisées en 2009 de la SRLF, les questions à se poser en préalable à la stratégie de sédation doivent être : – une évaluation correcte a-t-elle permis d’identifier et de traiter tous les problèmes réversibles ?
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– les traitements pharmacologiques ont-ils été optimisés (titration correcte des morphiniques si dyspnée, neuroleptiques si délire ...) ? – les buts de la sédation (intentionnalité) ont-ils été expliqués et discutés avec le patient et son entourage ? – la décision de sédation a-t-elle fait l’objet d’un consensus d’équipe ? – la réversibilité de la sédation a-t-elle été bien intégrée dans la stratégie adoptée, en ayant précisé les conditions d’arrêt ou d’allègement du traitement (par exemple, lors des visites de l’entourage pour permettre une communication entre le patient conscient et ses proches) ?
Modalités de sédation envisageables selon la situation En pratique, les traitements envisageables et leurs conditions d’administration dans le cadre d’une sédation de fin de vie dépendent de la situation dans laquelle se trouve le malade.
Lors des décisions de limitation ou d’arrêt des traitements de suppléance vitale Dans ces situations où le décès n’est pas prévu à court terme, une approche multimodale associant plusieurs classes médicamenteuses doit être privilégiée et l’administration des produits intraveineux doit faire l’objet d’une titration (23) afin de l’adapter au mieux aux symptômes que présente le patient, comme la douleur, une dyspnée, une angoisse, une agitation, ou une confusion (recommandations SRLF 2009). Il pourra dans cette situation être utile de tenir compte des recommandations réactualisées en 2009 de la SFAP sur la question (6). La modalité de sédation recommandée en réanimation et la plus couramment entreprise est une association d’un morphinique et d’un hypnotique (10, 21, 22, 24, 25). Il s’agit pour le morphinique du fentanyl ou du sufentanil, mais la morphine peut également être utilisée. Concernant l’hypnotique, il est recommandé l’utilisation du midazolam (Hypnovel) ou du propofol (Diprivan), ce dernier ayant l’avantage d’une action antiémétique (26). Plus rarement et en particulier lorsque le patient en fin de vie n’est ni inconscient ni ventilé, il peut aussi être administré des antidépresseurs, des neuroleptiques ou des anxiolytiques. L’évolution après institution de la sédation peut être marquée par (recommandations SRLF 2009) : – la persistance des symptômes non contrôlés, impliquant le renouvellement de l’injection ou la mise en œuvre d’une sédation continue ; pour cette raison, il est recommandé un protocole de prescription anticipée afin de
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prévoir tout au long du processus de fin de vie une sédation adaptée à l’évolution du patient ; – la reprise de conscience après une amélioration de la symptomatologie ne justifiant pas la poursuite d’une sédation continue (cas rare mais possible en réanimation) ; – le décès lié à l’événement.
Lors de l’arrêt des traitements de support vital et dans les cas d’urgence de fin de vie Le midazolam (ou le propofol) associé à un morphinique en intraveineux (fentanyl, sufentanil, morphine) est également privilégié, mais, dans ces cas, la titration est cette fois inadaptée. De fait, l’objectif premier, qui est que le patient ne souffre pas (principe de précaution), doit prédominer sur le risque que la sédation puisse être surdosée et provoquer un raccourcissement de l’agonie. Ce type de sédation peut avoir comme effet secondaire une réduction de la durée de vie, notamment en raison des effets possibles sur le système respiratoire par diminution des mécanismes de protection des voies aériennes supérieures. Cet effet secondaire n’est pas l’effet recherché et constitue le risque à prendre pour soulager ou prévenir des symptômes intolérables (recommandations SRLF 2009). Il est éthiquement acceptable et ne pose pas de problème déontologique ou médico-légal (7). Il est fondamental de rappeler que toute injection de produits avec intentionnalité de décès, comme l’injection de curares, de sédatifs en bolus à hautes doses chez un patient non ventilé ou l’injection de chlorure de potassium, est un acte d’euthanasie. Elle n’est jamais justifiable et est juridiquement qualifiable d’homicide volontaire (art. 221-1 du Code pénal). L’administration de produits à visée directement mortifère relève toujours de l’article 221-5 du Code pénal qui prévoit que « le fait d’intenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la mort constitue un empoisonnement ». L’article 221-3 prévoit que « le meurtre commis avec préméditation constitue un assassinat». L’article 221-4 prévoit que « le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur », ce qui est à l’évidence le cas du médecin face à un malade.
Cas particulier de l’arrêt du support ventilatoire Deux techniques se distinguent dans leurs modalités et leurs effets : l’extubation « première » (terminal extubation des auteurs Anglo-Saxons) et l’arrêt de la VM (terminal weaning). L’une ou l’autre de ces deux techniques peut être
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employée selon le cas particulier du patient et/ou la perception des proches et/ ou la perception du personnel (27, 28). Dans tous les cas, l’objectif doit être de permettre le confort du patient tout en évitant de prolonger une agonie difficilement ressentie par l’ensemble des intervenants (recommandations SRLF 2009). Dans le cas de l’extubation « première », il est indispensable de préparer celle-ci afin d’en optimiser les conditions et d’anticiper la survenue prévisible de symptômes intolérables. Il s’agit de réduire le risque de survenue de râles agoniques, principal risque du vécu difficile de cette extubation par les familles et les soignants. Cette approche spécifique a fait l’objet d’algorithmes de prise en charge intéressants (26, 29). Dans le cas de l’arrêt de la VM, il s’agit de diminuer progressivement ou rapidement la FiO2 et/ou de la fréquence respiratoire et/ou du volume courant et/ ou de la pression expiratoire positive, pouvant aller jusqu’au débranchement du respirateur (30, 31). Il peut être intéressant dans certaines situations de privilégier cette technique, en particulier en présence de signes d’obstruction des voies aériennes hautes, du fait du maintien de la sonde d’intubation durant le sevrage, situation souvent très mal vécue par les proches qui pensent que le patient souffre. En cas de nécessité, il faut prendre le temps nécessaire pour s’assurer du confort du patient et effectuer si besoin une titration. Il faut expliquer ce qu’il se passe et ce qui est fait, diminuant ainsi l’anxiété de la famille et des soignants (recommandations SRLF 2009). Enfin, il reste difficile de prévoir l’heure du décès dans le cas de l’arrêt de la VM, ce qui impose d’entreprendre immédiatement après la décision d’arrêt la démarche d’accompagnement et de soulagement de la douleur intégrant un protocole de sédation anticipée. Ash et al. (32) ont ainsi montré que le décès survenait plus rapidement avec l’extubation qu’avec le sevrage rapide (1,8 heures vs 5 heures) contrairement au travail de Campbell et al. (17) où le décès survenait plus tardivement après extubation (13 ± 5 heures vs 85 ± 35 heures). Enfin, dans une exploration des conditions de décès de patients en fin de vie extubés en France, Fartoukh et al. (33) ont montré que le délai entre l’extubation et le décès pouvait varier de 40 minutes à 6 jours.
Conclusion La loi du 22 avril 2005, dite loi Leonetti et les textes de recommandations récents ont transformé en France l’approche du processus décisionnel de fin de vie en réanimation (2, 7). L’institution d’une sédation ou son renforcement dans ce contexte ne trouve néanmoins son sens que dans une approche rigoureuse du processus d’amont de réflexion et de décision de limitation ou d’arrêt des traitements. Ce sont la compréhension et l’intégration des différentes composantes de la procédure de réflexion qui permettent et facilitent la compréhension et la diffusion des pratiques de sédation en fin de vie.
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Dans ce cadre, la sédation s’impose aujourd’hui sans réserve comme une obligation morale, déontologique et légale afin d’assurer le confort de fin de vie indispensable en cas de retrait des supports artificiels d’organes vitaux.
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Liste des abréviations
ADH : hormone antidiurétique ou vasopressine AI : aide inspiratoire AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien AIVOC : anesthésie intraveineuse à objectif de concentration ALI : acute lung injury AMM : autorisation de mise sur le marché ASE : attention screening examination ATICE : adaptation to the intensive care environment BHE : barrière hémato-encéphalique BIS : indice bispectral BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive BPS : behavioral pain scale BZD : benzodiazépines CAM : confusion assessment method CCPOT : critical care pain observation tool CIWA-Ar : revised clinical institute withdrawal assessment for alcohol scale CPAP (cf. XIV, 9) CPK : créatinine phosphokinase CTD : cognitive test for delirium DDIV : dysfonction diaphragmatique induite par la ventilation DSC : débit sanguin cérébral DSMIV : diagnostic statistical manual of mental discorders ECG : électrocardiogramme ECMO (cf. VI, 4) = système d’oxygénation extracorporel EDTA : acide éthylène-diamino-tétraacétique (acide édétique) EEG : électroencéphalographique
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EMG : électromyographie EN : échelle numérique EPP : évaluation des pratiques professionnelles EVA : échelle visuelle analogique EVS : échelle verbale simple FC : fréquence cardiaque FDA : Food and Drug Administration FFS : front de fréquence spectrale FFT : transformée de Fourier rapide FM : fréquence médiane FPS-R : faces pain scale-revised GABA : acide gamma-aminobutyrique GFRUP : Groupement francophone de réanimation et urgences pédiatriques HIC ou HTIC : hypertension intracrânienne HTA : hypertension artérielle IQS : index de qualité de signal ISR : intubation en séquence rapide IVD : intraveineuse directe IVSE (cf . X, 2) MAC : concentration alvéolaire minimale MASS : motor activity assessment scale MBP (cf. XI, 4) MPF : median power frequency NMDA : N-méthyl-D-aspartate NMR : neuromyopathie de réanimation NNT (cf. VIII, 6) NSE (cf. XI, 4) OPS : objective pain-discomfort scale PAM : pression artérielle moyenne PAVM : pneumonie acquise sous ventilation mécanique PCA : analgésie contrôlée par le patient PEA : potentiels évoqués auditifs PEP : pression expiratoire positive
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PIC : pression intracrânienne PPC : pression de perfusion cérébrale PRIS : propofol infusion syndrome PTSD ou SSPT : syndrome de stress posttraumatique QT (cf. X, 3) RASS : Richmond agitation sedation scale (échelle de vigilance-agitation de Richmond) RE : response entropy RMH : recommandations médicales hospitalières (cf. XIII, 18 : références + sing.) ROT : réflexe ostéo-tendineux RS : ratio de suppression RVC (cf. XV, 6) SAS : sedation agitation scale SBA : sédation basée sur l’analgésie SDRA : syndrome de détresse respiratoire aiguë SE : state entropy SEF : spectral edge frequency SFAP : Société française d’accompagnement et de soins palliatifs SFAR : Société française d’anesthésie-réanimation SFMU (cf. XII, 2) SIRS : systemic inflammatory response syndrome SIVOC (cf. VI, 2) SRLF : Société de réanimation de langue française SSPT : voir PTSD VAC : volume assisté-contrôlé VCC : vitesse circulatoire cérébrale VILI : ventilator-induced lung injury VM : ventilation mécanique VS : ventilation spontanée VSC : volume sanguin cérébral VTT : ventilation sur tube en T