Post’U FMC-HGE
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Post’U FMC-HGE
ASSOCIATION NATIONALE FRANÇAISE DE FORMATION CONTINUE EN HÉPATO-GASTRO-ENTÉROLOGIE
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POST'U Comité de Rédaction : Rédacteur en Chef : Michel GREFF Membres : Marc BARTHET, Laurent BEAUGERIE, Yoram BOUHNIK, Jean-Pierre BRONOWICKI, Bruno BUECHER, Jean Marc CANARD, Jacques CORALLO, Victor DE LEDINGHEN, Pierre-Adrien DALBIES, Franck DEVULDER, Philippe DUCROTTE, Denis GRASSET, Jean-Paul JACQUES, Jean LAPUELLE, Philippe LEVY, Olivier NOUEL, Patrice PIENKOWSKI, Bertrand PUJOL, Gilbert TUCAT Secrétariat : Pascale ROUVIÈRE –
[email protected] – www.fmcgastro.org
ISBN-13 : 978-2-287-99246-9 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, Paris 2009 Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media Imprimé en France Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante.
Maquette de couverture : Nadia OUDDANE
Post’U (2009)
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Éditorial Chers amis hépato-gastroentérologues, Grâce à l’impulsion du Comité d’Organisation paritaire SNFGE/FMC-HGE, les Journées Francophones de Pathologie Digestive deviennent les JFHOD. Quels sont les changements ? Les journées sont contractées sur quatre jours et ont un trajet pédagogique original par : – l’insertion dans les deux journées traditionnellement réservées à la FMC, de deux séances plénières à connotation scientifique ; – la tenue de symposia communs avec les sociétés savantes, dédiés cette année à l’hépatologie et à la cancérologie ; – l’ouverture en parallèle avec les ateliers de la FMC de séances orales consacrées aux posters ; – l’introduction d’une forte orientation vers la cancérologie ; – enfin, une facilité d’accès à un Vidéo-Corner renouvelé de même qu’un espace « théâtre et vidéo » dédié au meilleur des films cultes. L’hépato-gastroentérologue s’enrichira, non seulement avec l’« Etat de l’Art » estampillé FMC-HGE, mais verra sa curiosité stimulée par les séances plénières, les séances posters, les films ; il pourra s’informer, créer des liens ou les enrichir avec les partenaires de l’industrie présents pendant les quatre jours. La revue Post’U devient un album d’une série indexée par l’éditeur Springer-Verlag et va bénéficier d’une plus large diffusion par son dépôt dans les bibliothèques institutionnelles et la mise en ligne sur le site de commerce électronique du groupe éditorial Springer-Verlag. Cette nouvelle formule a été mise en musique par une nouvelle société de prestation, Colloquium. Le bureau de la FMC-HGE et son Conseil d’Administration ont été pris dans une tourmente organisationnelle comportant d’une part, une bourrasque soufflant sur l’organisation des journées et un ouragan soufflant pendant l’écriture juridique d’un nouveau partenariat entre FMC-HGE et SNFGE. Ce dernier est, au moment où je vous écris, dans sa phase finale. Pour le fixer par une image, la FMC-HGE qui a fait preuve de sa capacité à mobiliser les hépato-gastroentérologues, est réalisatrice avec la SNFGE d’un film qui est les JFHOD et le promoteur du film en est la SNFGE. Je remercie mon entourage immédiat ; le Secrétaire Général, le Pr Philippe DUCROTTE ; le Trésorier, le Dr Patrice PIENKOWSKI et Mme Pascale ROUVIERE, grande coordinatrice du secrétariat administratif, de m’avoir éclairé , de même que Maître Stéphanie VANDALLE du barreau de Lille, de nous avoir apporté son expertise juridique. Je souhaite que cette première édition des JFHOD vous plaise et enrichisse votre formation. Je vous invite à remplir, en toute conscience, le feuillet jaune détachable inséré dans la revue Post’U, intitulé « enquête de satisfaction ». Ce sera notre outil pour répondre à votre demande en 2010. Dr Michel GREFF Président FMC-HGE
Journées Nationales de Formation Médicale Continue en Hépato-gastro-entérologie Paris, Palais des Congrès, Porte Maillot – 20-22 mars 2009 Programme Programme
Vendredi 20 mars 2009 14 h 30 - 16 h 00
Symposium AFEF
Samedi 21 mars 2009 9 h 00 - 9 h 15
Allocution présidentielle, M. Greff (Saint-Laurent-du-Var)
9 h 15 - 10 h 30
Session MICI
Modérateurs : D. Roulot, Y. Bouhnik
14 h 30 - 15 h 00
Les manifestations hépato-biliaires au cours des MICI, O. Chazouillères (Paris)
Connaître les différentes hépatopathies pouvant être liées aux MICI (hors complications du traitement). Savoir à quel moment rechercher ces hépatopathies. Connaître l’influence de ces hépatopathies sur l’histoire naturelle des MICI.
Modérateurs : Y. Bouhnik, G. Tucat
9 h 15 – 9 h 40
Connaître les critères de définition et de diagnostic d’une colite grave. Connaître les modalités des différentes techniques thérapeutiques, leurs indications, leur surveillance.
9 h 40 – 10 h 05 15 h 00 - 15 h 30
Les complications hépatiques du traitement des MICI, D. Larrey (Montpellier)
De la bonne gestion des colites graves, F. Carbonnel (Le Kremlin Bicêtre)
Indications vaccinales et gestion des infections opportunistes au cours des MICI, Nathalie Viget (Tourcoing)
Connaître les principales classes de médicaments pouvant entraîner une atteinte hépatique. Savoir prescrire le bilan nécessaire devant une suspicion d’hépatite médicamenteuse. Savoir faire la part des choses entre une atteinte médicamenteuse et une hépatopathie liée aux MICI.
Quelles sont les vaccinations dont la réalisation doit être discutée au cours des MICI en général et avant mise en route d’un traitement immunosuppresseur ? Connaître les méthodes de diagnostic et de prévention des infections opportunistes – bilan pré-thérapeutique avant un immunosuppresseur. Quelle attitude en fonction du résultat ; les signes importants à connaître ; l’éducation du patient.
15 h 30 - 16 h 00
10 h 05 – 10 h 30
Prise en charge d’une MICI avec une hépatopathie chronique, J.-P. Bronowicki (Nancy)
Connaître le bilan virologique minimal avant de débuter le traitement des MICI. Connaître les risques de réactivation virale en cas de traitement immuno-suppresseur. Connaître les moyens de prévention de réactivation virale en cas de traitement immuno-suppresseur.
16 h 00 - 16 h 30
Pause
16 h 30 - 17 h 58
SYMPOSIUM FFCD Modérateurs : B. Buecher, L. Bedenne
16 h 30 - 16 h 52
16 h 52 - 17 h 14
Pré-requis avant la mise en route d’une chimiothérapie pour cancer colo-rectal, O. Bouché (Reims)
Connaître les paramètres à prendre en considération avant la mise en route d’une chimiothérapie dans des conditions de sécurité optimales.
17 h 14 - 17 h 36
Les traitements adjuvants en 2009, J. Taieb (Paris)
Connaître les standards actuels. Quand faut-il savoir s’en écarter ?
17 h 36 - 17 h 58
Connaître la place des 5-ASA dans le traitement et la prévention des rechutes de la maladie de Crohn en fonction des localisations de la maladie. Savoir choisir les bonnes options thérapeutiques du traitement de la RCH par 5-ASA en fonction de la localisation. Savoir s’il faut envisager une prévention du cancer colique par 5-ASA dans les colites inflammatoire et savoir à qui le proposer. Savoir surveiller un traitement par 5-ASA.
10 h 30 - 11 h 00 11 h 00 - 12 h 30 12 h 30 - 13 h 30
Les traitements des cancers colo-rectaux métastatiques en 2009, quels traitements pour quels patients ? M. Ducreux (Villejuif)
Connaître les Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) des différents agents pharmacologiques. Quelles stratégies pour quels patients ?
Pause
Séances plénières SNFGE Rencontres avec la FMC : L’ANGH Délégation de tâches en Hépato-gastro-entérologie
L’état du dépistage du cancer colorectal en 2009, J.F. Bretagne (Rennes)
Connaître les résultats disponibles en 2009 de la 1re campagne. Connaître les facteurs de réussite et d’échec.
Place des 5ASA dans le traitement des MICI, Ph. Marteau (Paris)
Modérateurs : M. Greff, O. Nouel
12 h 30 - 12 h 45
Perspective en France de la délégation de tâches, Y. Berlan (Marseille)
12 h 45 - 13 h 00
L’expérience en Angleterre, R. Burnham (Romford, Royaume Uni)
13 h 00 - 13 h 15
Une expérience française, B. Nalet (Montélimar)
13 h 15 - 13 h 30
Table ronde, M. Greff, O. Nouel, Y. Berlan, B. Nalet
12 h 30 - 13 h 45 Déjeuner avec experts − Quand demander une consultation onco-génétique en HGE ? B. Buecher (Paris) − Echographie : suivi des cancers, P.A. Dalbiès (Béziers) − Maladie cœliaque, T. Matysiak (Nantes) − Cancer de l’anus, J.F. Contou (Paris) − Helicobacter pylori, J.D. de Korwin (Nancy) − Douleurs abdominales chez l’enfant, F. Gottrand (Lille)
13 h 45 - 14 h 00 14 h 00 - 15 h 00
Pause
Ateliers Responsable : P. Pienkowski
1. Imagerie des troubles de la statique pelvienne, P. Fernandez (Paris), F. Devulder (Reims) Connaître les techniques d’imagerie disponibles. Connaître leurs indications. Préciser les limites de ces examens (petit quizz vidéo).
2. Prise en charge nutritionnelle des malades atteints d’un cancer digestif, X. Hébuterne (Nice), M. Greff (Saint-Laurent du Var) Comment prévenir la dénutrition d’un malade atteint d’un cancer digestif. Comment la reconnaître ? Comment la traiter ?
3. Fonctionnement des RCP, D. Grasset (Vannes), P. Pienkowski (Montauban) Connaître le cadre réglementaire et médico-légal des RCP. Connaître les modalités de participation et de validation d’une RCP. Savoir intégrer la RCP dans le plan personnalisé de soins et le dispositif d’annonce (DA).
4. Prise en charge endoscopique des complications chirurgicales intestinales, M. Barthet (Marseille), Ph. Ducrotté (Rouen) Connaître les différentes complications intestinales post-opératoires. Connaître les différentes modalités endoscopiques de traitement. Savoir suivre un patient traité par voie endoscopique.
5. Imagerie non invasive des voies biliaires, M. Maier (Püttlingen, Allemagne), B. Pujol (Lyon), R. Bourdariat (Lyon) Connaître la hiérarchisation IRM-échoendoscopie dans l’imagerie des voies biliaires.
6. Hépatite B : comment traiter ? M. Bourlière (Marseille), O. Nouel (Saint-Brieuc) Connaître les recommandations récentes de l’utilisation des anti-viraux.
7. EEE 15 h 00 - 16 h 30
Session Pancréatologie Modérateurs : M. Barthet, D. Grasset
15 h 00 - 15 h 40
Pancréatite aiguë : ce qu’il faut faire et ne plus faire, Ph. Lévy (Clichy)
Connaître les principales mesures à prendre. Connaître les principales erreurs à éviter.
15 h 40 - 16 h 05
État pré-cancéreux du pancréas, V. Rebours (Clichy)
Définir les types et les modalités de découverte des états précancéreux du pancréas. Apport de la ponction sous écho-endoscopie. Modalités de surveillance. Indications du traitement chirurgical des cystadénomes mucineux, TIPMP.
Programme
Dimanche 22 mars 2009 9 h 00 Assemblée générale de la FMC-HGE − Rapport moral du secrétaire général, P. Ducrotté − Rapport financier du trésorier, P. Pienkowski 9 h 10 - 10 h 25 Session Hépatologie Modérateurs : V. De Ledinghen, J.-P. Bronowicki
9 h 10 - 9 h 35
Hwépatite B : qui ne pas traiter, S. Pol (Paris)
Comment diagnostiquer la fibrose de l’hépatite B. Comment interpréter un résultat virologique. Comment interpréter le chiffre des transaminases ?
9 h 35 - 10 h 00
Tumeurs bénignes du foie (adénomes et hyperplasies nodulaires focales), D. Valla (Clichy)
Comment différencier un adénome d’une HNF ? Comment prendre en charge un adénome ? Comment prendre en charge une HNF ?
10 h 00 - 10 h 25
Surveillance et traitement d’une hémochromatose HFe1, P. Brissot (Rennes)
Quelle est la définition d’une hémochromatose ? Connaître la classification des hémochromatoses. Traiter et savoir surveiller un malade qui a une hémochromatose.
10 h 25 - 11 h 00 11 h 00 - 12 h 30 12 h 30 - 13 h 45
Pause – stand HGE et EEE
Séances plénières SNFGE Symposium du SYNMAD Modérateurs : J.-F. Rey, Th. Helbert
1) La loi HPST : les bases, les axes et les interrogations, O. Mariotte (Président de NILE) 2) L’exercice des spécialistes en établissements de soins, J.-P. Ortiz (Président du Sy.M.Ho.P.) − Données actuelles et évolutions prévisibles 3) L’accessibilité aux soins, D. Constantini − Secteur optionnel − Permanence des soins − Contraintes à l’installation − Délégation des tâches. 4) Quelle FMC et quelle EPP ? B. Ortolan (Directeur de l’ACFM)
Place des différentes techniques et abords des biopsies dirigées sur la masse solide du pancréas. Qui biopsier ? Dans quelles circonstances doit-on s’en passer ? (incidentalome, tumeur endocrine, pancréatite auto-immune).
Assemblée Générale du SYNMAD : − Rapport moral J. Corallo (Secrétaire Général) − Rapport financier D. Constantini (Trésorier) 14 h 00 - 15 h 00 Ateliers (idem samedi) 15 h 00 - 17 h 05 Session Endoscopie
16 h 30 - 17 h 00 17 h 00 – 18 h 15
15 h 00 - 15 h 25
16 h 05 - 16 h 30 :
Quand ne pas biopsier une masse solide du pancréas, J.-R. Delpero (Marseille)
Session Proctologie Modérateurs : F. Devulder, Ph. Ducrotté
17 h 00 - 17 h 25
Algies pelviennes, A.-M. Leroi (Rouen)
Connaître les principales causes d’algies pelviennes. Connaître la stratégie d’explorations. Connaître les possibilités thérapeutiques et leurs indications.
17 h 25 - 17 h 50
Pathologie fonctionnelle ano-rectale : quand le gastroentérologue doit-il confier un malade à un chirurgien ? L. Siproudhis (Paris)
Connaître les principales pathologies fonctionnelles de la sphère ano-rectale et les indications chirurgicales théoriques Connaître les explorations utiles en préopératoire Connaître les traitements disponibles et leurs résultats
17 h 50 - 18 h 15
Incontinence anale, F. Mion (Lyon)
Connaître la stratégie d’exploration. Connaître les possibilités thérapeutiques. Connaître l’algorithme de traitement. Rappeler les principales étiologies et les données épidémiologiques actuelles.
18 h 15
Modérateurs : B. Pujol, M. Greff
Pause
Fin de journée
Colites associées des antibiotiques, L. Beaugerie (Paris)
Connaître les modalités et les indications du diagnostic micro-biologique et endoscopique des colites des antibiotiques. Connaître le traitement en fonction de la sévérité anatomo-clinique de la colite.
15 h 25 - 15 h 50
Endobrachyoesophage, comment faire le diagnostic, qui traiter et comment ? E. Coron (Nantes), M. Giovannini (Marseille)
Comment le reconnaître ? Comment cibler les prélèvements ? Comment traiter en fonction des résultats histologiques ? Quel est l’apport de la mucosectomie ?
15 h 50 - 16 h 15
Exploration du grêle : quels examens pour quelles indications, C. Cellier (Paris)
Connaître les avantages et les risques des différentes techniques.
16 h 15 - 16 h 40
Y a-t-il de bonnes alternatives à la coloscopie en 2009 ? C. Boustière (Marseille)
Connaître les performances du coloscanner. Connaître les performances préliminaires de la vidéo capsule (insister sur la VPN).
16 h 40 - 17 h 05
Mucosectomie colo-rectale, J.M. Canard (Paris)
Connaître les bonnes indications et les contre-indications.
17 h 05
Clôture des Journées
Sommaire
Editorial M. Greff
Programme Les manifestations hépatobiliaires au cours des MICI O. Chazouillères
V VI
Etats précancéreux du pancréas V. Rebours
Quand ne pas biopsier une masse solide du pancréas ? J.-R. Delpero, M. Giovannini
1
Les douleurs périnéales A.-M. Leroi
Complications hépatiques du traitement des MICI D. Larrey
13
Orienter la prise en charge chirurgicale d’un trouble fonctionnel anorectal L. Siproudhis
Prise en charge d’une MICI avec une hépatopathie chronique J.-P. Bronowicki
L’état du dépistage du cancer colorectal en France en 2009 J.-F. Bretagne, H. Goulard, M. Boussac-Zarebska, E. Salines, J. Bloch
Pré-requis avant la mise en route d’une chimiothérapie pour cancer colorectal O. Bouché, E. Scaglia, S. Lagarde
Les traitements adjuvants des cancers coliques en 2009 J. Taieb
Le traitement médical des cancers colorectaux métastatiques en 2009 : quels traitements pour quels patients ? M. Ducreux, V. Boige, D. Malka, P. Burtin
De la bonne prise en charge des poussées graves de RCH F. Carbonnel
Indications vaccinales et gestion des infections opportunistes au cours des MICI N. Viget
Place des 5-ASA dans le traitement des maladies inflammatoires cryptogénétiques de l’intestin J. Coelho, P. Marteau
Pancréatite aiguë : les dix choses à faire et à ne pas (plus) faire P. Lévy
VIII
19
L’incontinence anale chez l’adulte F. Mion
Virus de l’hépatite B : qui ne pas traiter ?
24
S. Pol
Tumeurs bénignes du foie : hyperplasie nodulaire focale et adénomes
30
D.-C. Valla
Suivi et traitement d’une hémochromatose P. Brissot, C. Le Lan, E. Bardou-Jacquet
47
Colites des antibiotiques L. Beaugerie, F. Barbut
56
Endobrachyoesophage : comment le reconnaître, comment cibler les prélèvements, qui traiter et comment ? E. Coron, M. Giovannini
65
Exploration morphologique de l’intestin grêle : quels examens pour quelles indications G. Rahmi, C. Cellie
72
Y a-t-il de bonnes alternatives à la coloscopie en 2009 ? C. Boustière
Mucosectomie colorectale
79
J. M. Canard
93
104 113
117 124 130
138 147 153
163
175
180 185
Enquête de satisfaction
85
Réponses aux QCM
189
Post’U (2009) 1-12
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Les manifestations hépatobiliaires au cours des MICI Objectifs pédagogiques – Connaître les différentes hépatopathies pouvant être liées aux MICI (hors complication du traitement); – Savoir à quel moment rechercher ces hépatopathies ; – Connaître l’influence de ces hépatopathies sur l’histoire naturelle des MICI
Introduction La prévalence des diverses anomalies hépatobiliaires associées aux maladies inflammatoires de l’intestin (MICI) est élevée (jusqu’à 50 % dans certaines séries de malades sélectionnés). La plus fréquente est la stéatose et la plus spécifique est la cholangite sclérosante primitive (CSP) (Tableau 1). Les mécanismes de ces lésions hépatobiliaires sont variés : pathogénie possiblement commune, au moins en partie, avec les MICI (CSP, hépatite auto-immune, hépatite granulomateuse) ; complication directe des MICI (thrombose portale, abcès du foie) ou encore conséquence indirecte (lithiase
biliaire, stéatose, amylose, hépatotoxicité des traitements des MICI). La fréquence de l’association aux manifestations hépatobiliaires peut varier en fonction de la nature de la MICI, rectocolite hémorragique (RCH) ou maladie de Crohn (MC). Le dépistage des anomalies hépatobiliaires repose sur les tests biologiques hépatiques. La prévalence de ces anomalies biologiques (toute augmentation de l’activité des transaminases ou des phosphatases alcalines) a été évaluée à pratiquement un tiers dans une étude américaine récente [1]. D’un point de vue pratique, il est cependant important de distinguer les anomalies transitoires et les anomalies chroniques des tests hépatiques. La principale étude épidémiologique des anomalies des tests hépatiques est un travail suédois ayant inclus 1 274 patients ayant une RCH [2]. Onze pour cent des patients (n = 134) ont présenté des anomalies biologiques hépatiques définies par une augmentation de l’activité des phosphatases alcalines ou des transaminases supérieure à 2 fois la normale et confirmée à au moins 2 mois d’intervalle. Les
O. Chazouillères anomalies ont été transitoires chez 60 patients (5 % de la population totale) et observées essentiellement lors d’une poussée de la colite (infections, chirurgie, stéatose…) ou plus rarement rapportées à une hépatite aiguë virale ou médicamenteuse. Les anomalies ont persisté chez 74 patients (6 % de la population totale) et ont été rapportées à une CSP chez 29 (40 % de cette population) et à des causes diverses chez les autres (stéatose, consommation excessive d’alcool, hépatite virale C, hépatite auto-immune… par ordre de fréquence décroissante). Dans cette courte mise au point, seront privilégiés les aspects diagnostiques (à l’exclusion des complications spécifiques des traitements des MICI qui font l’objet d’une présentation distincte) et seuls les principes du traitement de la CSP seront exposés. La CSP occupera une place importante en raison de sa complexité, de sa potentielle gravité et de ses interactions particulières avec les MICI.
Tableau 1. Lésions hépatobiliaires associées aux MICI – Lésions diverses (rares) : – Cholangite sclérosante primitive • abcès du foie (pouvant se compliquer de cholangiocarcinome) • thrombose portale – Stéatose • lésions vasculaires du foie – Hépatite autoimmune (hors médicaments) – Hépatite granulomateuse • amylose – Lithiase biliaire • obstruction cholédocienne (en cas de MC – Lésions hépatiques iatrogènes duodénale) (médicaments ++)
O. Chazouillères () Service d’Hépatologie, centre de référence des maladies inflammatoires des voies biliaires Pôle Digestif, Hôpital Saint Antoine, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie, Paris, France E-mail :
[email protected] ■
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Manifestations hépatobiliaires de pathogénie commune avec les MICI Cholangite sclérosante primitive La cholangite sclérosante primitive (CSP) est caractérisée par une atteinte inflammatoire et fibrosante des voies biliaires intra et/ou extra-hépatiques. Il a été récemment mis l’accent sur le caractère hétérogène de cette maladie et il est sans doute plus pertinent
1
d’utiliser le terme « les cholangites sclérosantes ». Une cholangite sclérosante peut être soit primitive, c’est-àdire de mécanisme inconnu, mais probablement dysimmunitaire et alors souvent associée à une colite inflammatoire, soit secondaire à une cause établie de lésion biliaire (ischémie en particulier). La CSP est classiquement considérée comme une maladie autoimmune mais la prédominance masculine et l’absence d’effet clairement bénéfique des corticoïdes ont fait remettre en cause sa nature exclusivement auto-immune. Très schématiquement, on considère que, en cas d’association à une colite inflammatoire, il pourrait s’agir d’une réponse inflammatoire inadaptée d’origine intestinale chez des patients ayant une susceptibilité génétique particulière [3]. Le diagnostic de cholangite sclérosante repose essentiellement sur l’imagerie des voies biliaires. Les cholangites sclérosantes réalisent une maladie cholestatique chronique d’évolution très variable. Les deux risques principaux sont la constitution d’une cirrhose biliaire secondaire et la survenue d’un cholangiocarcinome de diagnostic précoce très difficile. La cholangite sclérosante primitive (CSP) est classiquement une maladie du sujet jeune (âge habituellement inférieur à 40 ans au moment du diagnostic) touchant surtout l’homme (2/3 des cas). Sa prévalence exacte n’est pas connue mais peut être estimée entre 8 et 14/100 000 chez les sujets de race blanche. Ces données font considérer la CSP comme une maladie rare environ 3 fois moins fréquente que la CBP [4]. Circonstances de découverte Le mode de révélation est extrêmement variable. Schématiquement, le diagnostic est évoqué dans trois grandes circonstances : 1) symptomatologie « biliaire » (angiocholite, ictère, douleurs de l’hypocondre droit ou prurit), 2) tableau de maladie du foie, très habituellement chronique (éventuel-
2
Tableau 2. Eléments du diagnostic de CSP – Biologiques : cholestase (parfois minime), Tests hépatiques – Radiologiques (anomalies des voies biliaires intra et/ou extra hépatiques), Bili-IRM – Histologiques (signes de maladie biliaire), Biopsie hépatique – Association à une MICI, Coloscopie (avec biopsies systématiques) Diagnostic de CSP retenu en présence de deux (incluant au moins le critère histologique ou radiologique) de ces quatre critères, en l’absence d’autre étiologie identifiable.
lement parvenue au stade de cirrhose), exceptionnellement sous forme d’insuffisance hépatique aiguë [5] ; 3) anomalies des tests hépatiques chez des malades asymptomatiques (ou avec des symptômes modérés et non spécifiques : asthénie, pesanteur de l’hypochondre droit) avec ou sans MICI. Les proportions relatives de ces modes de révélation varient selon les séries. En outre, la présentation s’est modifiée au cours du temps. Une étude scandinave récente ayant comparé deux périodes de diagnostic (avant et après 1998) a montré que, dans la période la plus récente, le diagnostic de CSP a été porté chez des patients plus âgés (41 vs 37 ans), moins symptomatiques (47 % vs 63 %) et moins souvent porteurs d’une MICI (69 % vs 82 %) [6]. Eléments du diagnostic Le diagnostic repose sur l’association de 4 types de signes indiqués dans le tableau 2. Une notion cliniquement importante est la faible corrélation entre les signes biologiques, histologiques et radiologiques. Signes biologiques Contrairement à la CBP, il n’existe pas d’anticorps anti-tissus très spécifiques et quasi-constants. En effet, la sensibilité des anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles de type périnucléaire (pANCA) est très variable selon les séries (26 à 85 %) et leur spécificité est médiocre car ils sont observés également dans les MICI et les hépatites auto-immunes. Il est très important de noter que la cholestase
biologique (notamment l’augmentation de l’activité des phosphatases alcalines) peut être minime voire absente [7]. En conséquence, le diagnostic de CSP doit être évoqué devant toute anomalie chronique des tests hépatiques restant d’étiologie indéterminée après le bilan habituel. Signes histologiques La lésion la plus évocatrice, la cholangite fibreuse et oblitérante est absente dans plus de 2/3 des cas du fait de la répartition hétérogène des lésions à l’intérieur du foie. Le plus souvent, sont donc observées des lésions simplement « compatibles » avec le diagnostic de maladie des voies biliaires : inflammation portale péribiliaire, aspect discrètement atrophique des canaux biliaires sans fibrose péricanalaire, réaction (prolifération) ductulaire ou encore ductopénie [8]. Enfin, 5 à 10 % des biopsies sont normales [9]. En conséquence, une biopsie hépatique sans anomalies particulières, voire normale, ne doit pas faire éliminer le diagnostic de CSP si le contexte est évocateur. Une classification en 4 stades a été proposée: le stade I caractérisé par des lésions purement portales (image de cholangite), le stade II ou périportal dans lequel l’infiltrat inflammatoire et/ou la fibrose débordent de l’espace porte, le stade III caractérisé par une fibrose extensive sans cirrhose et enfin le stade IV de véritable cirrhose avec présence de nodules de régénération. Signes radiologiques La mise en évidence d’anomalies macroscopiques des voies biliaires reste un élément clé du diagnostic malgré l’existence de formes particulières • • • • • •
(cf. infra). L’échographie, la tomodensitométrie ou l’écho-endoscopie peuvent montrer des anomalies évocatrices et permettent d’éliminer les autres causes envisagées devant un ictère cholestatique. L’atteinte hétérogène des voies biliaires est souvent à l’origine d’une dysmorphie hépatique marquée. Cependant, la normalité de ces examens ne permet pas d’exclure le diagnostic de CSP. La cholangiographie est l’examen clé du diagnostic. Les anomalies observées sont des sténoses souvent longues et multiples, typiquement sans dilatation d’amont nette ; un aspect en chapelet est très évocateur; des irrégularités murales, voire des aspects diverticulaires sont possibles [10]. L’atteinte est le plus souvent intra et extra-hépatique, très rarement uniquement extra-hépatique (< 10 %), moins rarement uniquement intra-hépatique (< 25 %). Des atteintes du canal cystique, de la vésicule et du canal pancréatique ont été rapportées. Le cathétérisme rétrograde (CPRE) est techniquement difficile et a une morbidité certaine puisque, lorsque pratiquée à visée diagnostique, le taux de complications peut atteindre 12 % chez les patients ayant une CSP. Il est désormais possible de visualiser les voies biliaires de façon non invasive par la cholangio IRM (ou bili IRM). L’expérience des centres experts a montré son intérêt dans la CSP (sensibilité : 88-90 %, spécificité : 91-97 %) [11,12]. Toutefois, les malades inclus dans ces études avaient surtout des formes évoluées et il n’est pas possible de généraliser les conclusions aux formes débutantes de la maladie. En particulier, des sténoses peu marquées peuvent être méconnues, la longueur de sténoses franches peut au contraire être surestimée et l’interprétation d’anomalies minimes des voies biliaires intra-hépatiques est délicate. En outre, la concordance inter-obsevateurs peut être médiocre [12]. Quoiqu’il en soit, le développement de cette technique d’imagerie au cours des dernières années, a été un progrès majeur dans le diagnostic des cholangites scléro• • • • • •
santes. La cholangio IRM est désormais l’examen de première intention, le cathétérisme rétrograde n’étant pratiqué qu’à visée thérapeutique ou beaucoup plus rarement en cas de difficulté diagnostique. MICI Les particularités des MICI associées aux CSP sont détaillées dans un paragraphe spécifique (cf. infra). L’ensemble de ces 4 signes (biologie, histologie, imagerie hépatique et MICI) n’est observé que dans les formes « caricaturales » et on considère maintenant que le diagnostic de CSP peut être retenu en présence de deux (incluant au moins le critère histologique ou radiologique) de ces quatre critères, en l’absence d’autre étiologie identifiable [8]. Une démarche rigoureuse est toutefois indispensable pour éviter de passer d’une phase de probable « sous-diagnostic » (avant le développement de la bili-IRM) à une période de « sur-diagnostic » de CSP, par exemple, devant des anomalies minimes et discutables des voies biliaires intra-hépatiques à la bili-IRM. Le bilan initial d’une CSP comporte donc habituellement un examen clinique, des examens biologiques (tests hépatiques), des examens d’imagerie (échographie et cholangio-IRM), une ponction biopsie hépatique et une coloscopie (en l’absence de maladie colique connue). La ponction biopsie hépatique n’est pas toujours indispensable mais est recommandée car elle fournit des éléments pronostiques et, dans les formes atypiques, des arguments diagnostiques. En raison du caractère possiblement asymptomatique de la CSP, l’attitude suivante peut être proposée pour le dépistage des CSP : 1) lors du diagnostic de MICI : tests hépatiques simples (bilirubine, transaminases, γgt, phosphatases alcalines) ; 2) lors du suivi : tests hépatiques annuels chez les patients ayant une pancolite.
Diagnostic différentiel Il se discute habituellement en plusieurs étapes : 1) s’agit-il d’une cholangite sclérosante ? 2) cette cholangite sclérosante est-elle primitive ou secondaire ? Le diagnostic est essentiellement discuté sur des aspects radiologiques d’anomalies des voies biliaires. Devant des anomalies cholangiographiques, les principaux diagnostics différentiels sont : a) un cholangiocarcinome, dont le diagnostic différentiel est particulièrement difficile, voire impossible sauf en cas de masse tumorale, et qui peut être associé à une CSP. Le diagnostic de CSP ne doit être retenu qu’avec beaucoup de réticence en cas de sténose isolée ; b) des anomalies congénitales ou acquises des voies biliaires (Caroli, lymphome, tuberculose, cavernome portal…). Il faut noter que l’existence de dilatations biliaires remplies de calculs chez certains patients porteurs de mutations du gêne ABCB4 (MDR3) a été récemment rapportée [13]. En cas d’anomalies uniquement intra-hépatiques, peuvent en outre être discutées une cirrhose, une infiltration du foie par une affection maligne, une granulomatose ou une amylose. Les renseignements fournis par la biopsie hépatique sont alors essentiels. Lorsque le diagnostic de cholangite sclérosante est posé, le caractère primitif ou secondaire doit être discuté. Cependant, la présence d’une MICI est un très fort argument en faveur du caractère primitif. Les principales causes à rechercher sont les suivantes : lithiase de la voie biliaire principale, antécédents de chirurgie biliaire, injection de produit caustique dans les voies biliaires, infection VIH ou atteinte ischémique (14). Il faut noter qu’une lithiase biliaire peut être observée dans la CSP (15). En conséquence, la présence de calculs dans les voies biliaires ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’une cholangite sclérosante secondaire.
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Histoire naturelle et pronostic de la CSP Pronostic global L’évolution de la CSP se fait habituellement vers l’aggravation. La médiane de survie était classiquement de 9-12 ans après l’affirmation du diagnostic mais atteint désormais 18 ans dans les séries récentes [16]. Différents modèles pronostiques ont été proposés. Dans l’étude comportant le plus grand nombre de malades, les facteurs pronostiques identifiés étaient l’âge, la bilirubinémie, le stade histologique et la présence d’une splénomégalie [17]. Une modification de ce score n’incluant plus les données histologiques a été proposée par les auteurs de la Mayo Clinic (âge, bilirubinémie, albuminémie, activité des transaminases, hémorragie digestive) [18]. Le calcul de ce score est disponible sur le site : www.mayoclinic.org/gi-rst/mayomodel3.html (et prochainement sur le site du centre de référence des maladies inflammatoires des voies biliaires de l’hôpital Saint-Antoine). Il existe toutefois une grande variabilité individuelle et le calcul des scores est peu réalisé en pratique clinique. Quoiqu’il en soit, il paraît pertinent d’évaluer régulièrement les facteurs pronostiques identifiés et en particulier, la bilirubinémie. Il faut noter qu’aucun marqueur non invasif de fibrose (hormis les plaquettes) [19] n’a été validé. Il est raisonnable de penser que les scores biologiques comportant des paramètres directement influencés par la cholestase ( GT, cholesterol…) ne sont pas adaptés. Des données préliminaires suggèrent l’intérêt de l’élastométrie [20]. Cholangiocarcinome La survenue d’un cholangiocarcinome (de topographie très majoritairement hilaire) est bien sûr un évènement majeur. Sa prévalence est habituellement estimée à 10-20 %, mais des chiffres très variables de détection, allant de 0 à 42 % ont été rapportés lors de l’examen systématique de pièces d’hépatectomie obtenues au cours de
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transplantation ou d’autopsie. Les grandes séries médicales suggèrent que l’incidence annuelle (au-delà de la première année suivant le diagnostic de CSP) du cholangiocarcinome est en fait relativement faible, de l’ordre de 0,6 à 1,5 % [21,22]. Aucun facteur prédictif de survenue d’un cholangiocarcinome n’a été clairement mis en évidence. Il est important de noter que le cholangiocarcinome n’est pas nécessairement une complication observée dans les CSP évoluées et que 30 à 50 % des cholangiocarcinomes sont diagnostiqués dans l’année suivant la découverte de la CSP [23]. Le diagnostic du cholangiocarcinome est extrêmement difficile en raison des anomalies préexistantes des voies biliaires. Une aggravation clinique ou biologique peut survenir en l’absence de tout holangiocarcinome. Les anomalies radiologiques évocatrices sont, outre l’apparition d’une masse tumorale (qui peut être intrahépatique), une lacune intracanalaire polypoïde d’au moins un cm, un épaississement supérieur à 4 mm de la paroi biliaire et la majoration d’une dilatation ou d’une sténose biliaire [24]. Cependant, ces signes sont inconstants et non totalement spécifiques (hormis l’apparition d’une masse tumorale à limites nettes). Le risque majoré de cancer biliaire concerne également la vésicule biliaire et celle-ci doit donc être soigneusement examinée [25]. Les marqueurs tumoraux sériques utilisés en pratique clinique sont le CA 19-9 et l’ACE. Cependant, l’intérêt réel de ces marqueurs n’est pas clairement établi [26]. En outre, il est établi qu’une augmentation modérée de l’ACE (< 3N) peut être observée en cas de maladie chronique du foie et qu’une élévation importante du CA 19-9 peut être en rapport avec une cholestase bénigne intra ou extrahépatique (notamment en cas d’angiocholite). Des espoirs importants ont été fondés sur la tomographie par émission de positons (PET scan) utilisant le [18 F] fluoro-2-désoxy-o-glucose (FDG) [27]. Sa performance diagnostique précise reste
débattue [28] mais le PET semble avoir une valeur prédictive négative élevée [29]. Le PET peut en outre permettre la découverte fortuite d’un cancer du colon (données personnelles). Chez les patients avec sténose dominante, des données récentes suggèrent que, en milieu spécialisé, la cytologie sur brossage endobiliaire peut avoir une relative bonne performance diagnostique. En pratique [30], bien qu’aucune stratégie n’ait été validée ni même clairement évaluée, l’attitude suivante (malgré les limites discutées ci-dessus) peut être proposée pour le diagnostic précoce du cholangiocarcinome : – Systématiquement : • CA19-9 tous les 6 mois, • Imagerie du foie et des voies biliaires (échographie « experte » ou mieux IRM hépatique et biliaire) tous les ans. – En cas de sténose isolée ou évolutive : • Brossage endo-biliaire • PET scan Formes particulières de CSP Ces formes illustrent bien le caractère hétérogène de la maladie et sont importantes à connaître. CSP des petits canaux biliaires Une image histologique de cholangite sclérosante peut être observée en l’absence d’anomalie radiologique des voies biliaires. Le diagnostic de CSP des petits canaux biliaires (small-duct PSC), «ancienne péricholangite», est classiquement retenu si les critères suivants sont réunis: cholestase biologique, histologie compatible avec une CSP, cholangiographie normale, association à une MICI et absence d’autres causes de cholestase [31]. Cependant, les séries récentes ne retiennent plus comme nécessaire, l’association à une MICI. Cette forme fait discuter les autres causes de cholestase à voies biliaires macroscopiquement normales et en particulier la CBP, la sarcoïdose et les cholangites médicamenteuses. La prévalence est habituellement inférieure à 10 % dans les séries n’ayant inclus des patients • • • • • •
qu’avec une cholangiographie d’excellente qualité [31]. L’abandon de la CPRE diagnostique au profit de la cholangio-IRM va probablement être à l’origine d’une augmentation apparente de cette forme. Celle-ci pourrait représenter le stade initial des CSP puisqu’une atteinte secondaire des grands canaux biliaires a été décrite. Cet événement semble cependant relativement rare puisque rapporté seulement dans environ 25 % des cas après un suivi moyen d’une dizaine d’années [32]. Bien que de rares observations de survenue d’une hépatopathie évoluée aient été rapportées chez des patients semblant toujours n’avoir qu’une CSP des petits canaux biliaires, le pronostic à long terme est meilleur que dans la CSP « classique » et aucun cas de cholangiocarcinome n’a été décrit. Cette forme dite de CSP des petits canaux biliaires pourrait donc, dans la majorité des cas, ne pas correspondre au stade très précoce de l’ensemble des CSP, mais plutôt à une maladie des voies biliaires ayant une histoire naturelle différente. Forme mixte cholangite sclérosante primitive – hépatite autoimmune Chez l’enfant ou l’adulte jeune, une CSP peut être très difficile à distinguer d’une hépatite auto-immune (HAI). Le diagnostic est suspecté sur les critères biologiques, immunologiques et histologiques habituels d’HAI : a) élévation de l’activité des transaminases supérieure à 5 N ; b) élévation des IgG supérieure à 2 N ou présence d’antimuscles lisses de spécificité antiactine ; c) lésions inflammatoires périportales et lobulaires marquées. Chez l’adulte, des observations convaincantes d’association CSP/HAI (overlap des anglo-saxons) ont été rapportées [33] et le développement d’une cholangite sclérosante a été décrit comme facteur de résistance au traitement des HAI. Cependant, les principales données sont pédiatriques. En effet, chez l’enfant, il a été décrit des patients ayant des signes caractéristiques d’HAI (anticorps anti-noyaux et/ou anti-muscle lisse, hyper-gam• • • • • •
maglobulinémie et histologie compatible) et chez lesquels ont ensuite été mises en évidence des anomalies cholangiographiques typiques de CSP. Surtout, la réalisation systématique d’une cholangiographie chez des enfants ayant des anomalies des tests hépatiques associées à la présence d’autoanticorps a permis de montrer des anomalies des voies biliaires dans la moitié des cas, y compris en l’absence de cholestase biologique [34]. Le terme de cholangite sclérosante auto-immune a été proposé. Le fait que les CSP de l’enfant puissent avoir une présentation d’HAI a conduit à proposer l’hypothèse que certaines CSP pourraient correspondre à l’évolution d’HAI passées méconnues et « éteintes » sur le plan de l’activité hépatitique. Cholangite à IgG4 Cette forme très particulière est d’identification récente [35] et a été décrite sous différentes appellations : pancréato-cholangite sclérosante, pancréato-cholangite auto-immune… Cette maladie sténosante des voies biliaires a les caractéristiques suivantes : augmentation des IgG4 sériques, infiltration des voies biliaires par des plasmocytes à IgG4, atteinte préférentielle des voies biliaires extra-hépatiques, association fréquente à une autre pathologie fibrosante et en particulier à la pancréatite auto-immune (> 50 %) et surtout régression spectaculaire des sténoses biliaires sous corticoïdes [36]. On sait désormais que des formes sans pathologie pancréatique associée peuvent être observées et l’association avec la RCH a été décrite. En pratique, le diagnostic doit être évoqué (donc un dosage d’IgG4 demandé) devant un début brutal (ictère franc) chez un homme de plus de 50 ans et bien sûr en cas d’anomalies pancréatiques. En raison du faible nombre de cas rapportés et de la méconnaissance de la pathogénie (possiblement autoimmune voire allergique), il est difficile de savoir s’il s’agit d’une forme atypique de CSP ou d’une entité différente.
Aspects particuliers CSP et MICI Prévalence et caractéristiques des MICI associées aux CSP La prévalence rapportée des MICI au cours des CSP est très variable selon les études et les pays (de 21 à 98 %). En Europe, il existe un gradient NordSud. En France, les CSP sont associés à une MICI dans environ 2/3 des cas. Les méthodes de diagnostic de la MICI peuvent expliquer en partie ces différences car une coloscopie n’a pas été systématique dans toutes les études. Parmi les MICI, la RCH est très largement majoritaire. RCH : les RCH associées à une CSP ont les caractéristiques suivantes : il s’agit habituellement d’une pancolite (dépassement de l’angle gauche dans 90 % des cas) peu active (indications de corticothérapie ou d’hospitalisation moins fréquentes que dans les RCH sans CSP), voire totalement quiescente [37]. Des cas d’atteinte uniquement histologique (avec aspect endoscopique normal) ont même été rapportés. Il a été récemment suggéré que les MICI associées à la CSP seraient particulières par la fréquence de l’atteinte iléale et d’une relative épargne rectale [38] soulignant l’intérêt du franchissement systématique de la valvule de Bauhin lors de la coloscopie. On estime que la prévalence de la CSP est d’environ 5 % lorsque la colite dépasse l’angle gauche et de seulement 0,5 % en cas de colite distale [39]. Sur un plan pratique, une coloscopie avec biopsies doit être réalisée systématiquement dans le bilan d’une CSP en raison du caractère possiblement asymptomatique de la colite. La RCH est diagnostiquée avant la CSP dans plus de 2/3 des cas mais la séquence inverse est possible et une RCH peut même débuter après transplantation hépatique. Il n’y a pas de corrélation entre la sévérité de la RCH et la sévérité de la CSP [40]. Maladie de Crohn (MC) : la prévalence de la maladie de la MC au cours de la CSP varie de 1 à 17 % selon les séries. Les MC associées à une CSP ont la particularité de comporter
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constamment une atteinte colique. Parmi les MC coliques, la prévalence de la CSP peut atteindre 9 % [41].
d’une transplantation hépatique [48]. Une iléostomie doit donc être évitée chez les patients ayant une CSP.
Caractéristiques des CSP associées aux MICI
Chez les patients ayant une anastomose iléoanale, le risque de pouchite est augmenté en cas de CSP [49]. Le risque de pouchite persiste après transplantation hépatique [50].
RCH : les CSP associées à une RCH ne semblent pas différentes des CSP sans RCH et la présence d’une RCH n’est habituellement pas identifiée comme facteur pronostique de la CSP [42]. La colectomie ne semble pas modifier l’histoire naturelle de la CSP (qui peut d’ailleurs débuter après colectomie) [43]. Maladie de Crohn: les CSP associées à une MC semblent être plus fréquemment de type « CSP des petits canaux biliaires » (décrite plus haut) qu’en cas d’association à une RCH [32]. CSP et néoplasie colique La majorité des études (dont une française récemment publiée [44]) montre que l’association à une CSP augmente le risque de cancer du colon (surtout droit) chez les patients ayant une RCH. Une étude suédoise a suggéré que le risque de développer une dysplasie ou un cancer du colon pourrait être multiplié par 5 : risque cumulé de 9, 31, et 50 % après respectivement 10, 20, et 25 ans d’évolution de la colite dans le groupe RCH avec CSP, versus 2, 5 et 10 % dans le groupe RCH sans CSP [45]. Ces données incitent à proposer une surveillance endoscopique particulièrement stricte. En raison du risque carcinologique accru et de l’incertitude sur l’ancienneté réelle de la MICI, il est habituellement recommandé de commencer le programme de surveillance colonoscopique dès le diagnostic de CSP associée [46,47]. CSP et traitement chirurgical des MICI La survenue d’une hypertension portale en rapport avec une CSP évoluée peut avoir des conséquences graves chez les patients iléostomisés. Dans cette situation, se développent des varices péristomales responsables d’hémorragies de traitement difficile et pouvant nécessiter la réalisation d’un shunt portosystémique, voire
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MICI et acide ursodesoxycholique Plusieurs études ont suggéré un effet bénéfique de l’AUDC sur le risque de dysplasie colique chez les patients ayant une RCH associée à une CSP. Dans la première étude publiée [51], la prise d’AUDC était, en analyse multivariée, très significativement associée à une diminution du risque de dysplasie (Odds ratio : 0,14, IC 95% : 0,03 – 0,64). Ces résultats ont été retrouvés dans le sous-groupe des patients ayant une RCH inclus dans l’essai de la Mayo Clinic évaluant l’effet de l’AUDC vs placebo dans la CSP (risque relatif de cancer ou dysplasie: 0,26, IC 95% : 0,06 – 0,92) [52] et sont en accord avec l’effet bénéfique de l’AUDC observé, d’une part dans des modèles expérimentaux de carcinogenèse colique et d’autre part, en termes de récidive de polype colique après polypectomie chez les malades ayant une cirrhose biliaire primitive. MICI et transplantation hépatique Dans les séries publiées, la présence d’une MICI ne modifie pas la survie des patients transplantés pour CSP. Toutefois, le risque de récidive de la CSP sur le greffon pourrait être significativement diminué chez les patients ayant été colectomisés avant la transplantation [53]. De façon inattendue en raison de l’immunosuppression, une RCH peut débuter après la transplantation (rarement) et surtout l’activité de la MICI peut augmenter après la transplantation surtout en cas d’arrêt des corticoïdes (jusqu’à 50 % des cas) [54]. D’autre part, le risque de cancer du côlon est particulièrement important après transplantation (incidence du cancer : 1,25 %/personne/an et incidence cumulée de dysplasie : 15 % à 5 ans). En conséquence, les
auteurs de la Mayo Clinic conseillent de réaliser une coloscopie annuelle de surveillance avec chromoendoscopie et, en cas de dysplasie, une colectomie [55]. Traitement de la CSP (principes) La méconnaissance de la pathogénie de la CSP est un obstacle majeur à l’élaboration de propositions thérapeutiques rationnelles. En outre, l’évaluation des traitements est gênée par l’hétérogénéité et la relative rareté de la maladie. Différents traitements immunosuppresseurs ou à visée antifibrosante, incluant notamment la D-penicillamine, les corticoïdes (dont le budésonide), la ciclosporine, le tacrolimus, le mycophenolate mofetil, le méthotrexate et la colchicine ont été testés dans des études ouvertes ou randomisées sans qu’aucun d’entre eux ne fasse clairement la preuve de son efficacité [56]. L’infliximab ne semble pas avoir d’effets bénéfiques sur la CSP [57]. L’acide ursodésoxycholique (AUDC) est la principale proposition thérapeutique. En raison de la similitude avec la CBP, l’AUDC a été d’abord testé à la même posologie (13-15 mg/kg/j). L’étude randomisée la plus importante a montré une amélioration de la biologie mais n’a pas montré de bénéfice en termes de survie sans transplantation [58]. En raison d’arguments en faveur de l’intérêt d’une posologie plus forte d’AUDC, une grande étude randomisée scandinave a testé cette hypothèse (17-23 mg/kg/j) mais a seulement mis en évidence une tendance en faveur de l’AUDC [59]. Surtout, la seconde grande étude randomisée (AUDC (28-30 mg/kg/j) vs placebo) menée aux Etats-Unis vient d’être interrompue en raison d’une surmortalité dans le groupe AUDC (avec notamment majoration de l’hypertension portale). En conséquence, les très fortes doses d’AUDC (> 20 mg/kg/j) sont désormais déconseillées et, dans l’état actuel de nos connaissances, semble indiquée une posologie de 20 mg/kg/j pour les CSP à un stade • • • • • •
Tableau 3. Propositions de surveillance des CSP – Tous les 6 mois : • examen clinique, • tests hépatiques simples (bilirubine, enzymes, électrophorèse des protides, NFS plaquettes, TP), • marqueurs tumoraux (CA 19-9) (?) ; – Tous les ans : • imagerie du foie et des voies biliaires (échographie « experte » ou mieux IRM hépatique et biliaire), • coloscopie avec chromoendoscopie et biopsies systématiques (si MICI associée), • élastométrie (?); – Tous les 4 ans : • ostéodensitométrie, • dosage sérique des vitamines liposolubles.
une cholangiographie (Bili-IRM) apparaît indispensable lorsqu’un diagnostic d’HAI est proposé chez un patient ayant une MICI, notamment chez l’enfant et l’adulte jeune [34]. En effet, dans cette situation, jusqu’à 40 % des patients ont des anomalies des voies biliaires [60]. La réponse au traitement de l’HAI (sans association à une CSP) ne semble pas affectée par la présence d’une MICI [60].
N.B. Si plaquettes < 150.000/mm3 : endoscopie digestive haute à la recherche de varices oesophagiennes (19). Ces modalités de surveillance doivent être évaluées. Au stade de cirrhose, les recommandations générales concernant le dépistage de l’hypertension portale et du carcinome hépatocellulaire chez les patients cirrhotiques doivent être appliquées (en sus des recommandations faites ci-dessus).
Quelques cas d’association à une cirrhose biliaire primitive ont été rapportés mais le caractère fortuit de l’association n’est pas exclu [61].
précoce (I-II) et de de 13-15 mg/kg/j pour les stades plus avancés. Comme déjà indiqué, un autre argument en faveur de l’utilisation de l’AUDC est extra-hépatique. En effet, plusieurs études ont suggéré que la prise d’AUDC au long cours était associée à une diminution de la prévalence de la dysplasie colique chez les patients ayant une RCH associée à la CSP.
Hépatite granulomateuse
Un traitement associé à l’AUDC peut être proposé dans 2 situations : – Sténose unique ou nettement prédominante au niveau du hile ou de la voie biliaire principale : dilatation au ballonnet et/ou prothèse biliaire temporaire ; – Arguments en faveur d’une composante autoimmune : corticoïdes ± azathioprine. Le traitement chirurgical se résume désormais pratiquement à la transplantation hépatique qui est la seule option thérapeutique pour les patients ayant atteint le stade terminal de leur hépatopathie. Surveillance de la CSP (synthèse) En raison de l’absence de traitement médical à l’efficacité prouvée et des difficultés du diagnostic précoce du cholangiocarcinome, le principe même d’une surveillance systématique peut être contesté. Cependant, s’il est exact que le bénéfice d’une surveillance n’est pas actuellement établi pour les complications strictement biliaires • • • • • •
(cholangiocarcinome), une surveillance régulière peut, comme dans les autres maladies sévères du foie, être à l’origine d’un bénéfice individuel direct notamment en termes de dépistage et de traitement précoce des complications des cholestases chroniques, de l’hypertension portale, du carcinome hépatocellulaire et des pathologies associées à la CSP tant hépatiques (hépatite auto-immune) qu’extrahépatiques (MICI et néoplasie colique). Une surveillance régulière apparaît donc raisonnablement indiquée à l’échelon individuel et contribuera en outre, à l’échelon collectif, à l’amélioration de notre connaissance de l’histoire naturelle de la CSP grâce aux réseaux et observatoires mis en place. Malheureusement aucune stratégie de surveillance de la CSP n’a été validée ni même clairement évaluée. En conséquence, le niveau de preuve de l’ensemble des propositions faites dans le tableau 3 est faible (grade EBM III ou IV).
Hépatite auto-immune et cirrhose biliaire primitive De nombreux cas d’HAI, diagnostiqués sur les critères habituels décrits plus haut, ont été rapportés chez les patients atteints de RCH. Certaines séries d’HAI comportent jusqu’à 16 % de RCH associée [60]. En raison des relations étroites entre CSP et HAI et des difficultés diagnostiques déjà indiquées,
Une granulomatose hépatique, révélée par une cholestase anictérique, peut être observée chez des patients ayant une MICI (quasi constamment une MC et exceptionnellement une RCH) [62]. La prévalence est très faible car estimée à moins de 1 % des cas de MICI. La maladie est le plus souvent asymptomatique mais peut se manifester par une fièvre ou une hépatosplénomégalie. L’évolution vers une maladie sévère du foie semble exceptionnelle. Des observations de régression après résection intestinale ont été rapportées [63].
Complications hépatobiliaires directes des MICI Thrombose de la veine porte Une prévalence accrue de thromboses veineuses profondes est établie au cours des MICI. La pathogénie des thromboses de la veine porte associe souvent des facteurs loco-régionaux à des facteurs systémiques prothrombotiques qu’il convient de rechercher systématiquement afin de guider la prise en charge, notamment par une anti-coagulation au long cours. Parmi les facteurs acquis favorisants figurent le syndrome inflammatoire (activité de la MICI) et ses conséquences sur les divers facteurs de la coagulation mais aussi le tabac, la contraception
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œstroprogestative et l’alitement prolongé [64-66]. La majorité des cas de thrombose de la veine porte décrits dans la littérature ont été observés soit lors d’une poussée de la maladie soit après chirurgie. Une particularité est la possible présence d’une aéroportie. L’analyse de 19 cas de thrombose de la veine porte associées à une aéroportie montre que dans 8 cas, un facteur régional prédisposant était identifié (fistule entéro-veineuse, coloscopie ou lavement baryté, traumatisme abdominal) [67]. Les quelques cas publiés de thromboses d’origine septique (pyléphlébites) concernaient en général des malades ayant des complications infectieuses de la MICI, notamment des abcès [68]. Un cas était révélateur d’une MC [69].
Abcès hépatiques Les abcès hépatiques ne sont pas exceptionnels au cours des MICI, particulièrement au cours de la MC et quel qu’en soit le siège ou l’ancienneté [70]. Ils peuvent même être le mode de révélation de la MICI [71]. La MICI est le plus souvent en phase active ; le rôle éventuellement favorisant de traitements par corticoïdes, immunosuppresseurs ou anti-TNF est possible mais n’a pas été évalué spécifiquement [72]. Les abcès sont souvent multiples et localisés préférentiellement au lobe hépatique droit [70]. La symptomatologie clinique n’est pas spécifique et le diagnostic peut être rendu difficile par la coexistence des signes de la MICI. Aussi faut-il utiliser largement les examens morphologiques tels que l’échographie et surtout la tomodensitométrie en cas de manifestations infectieuses survenant chez un sujet porteur d’une MC. A la différence des abcès hépatiques observés au cours d’autres pathologies, l’infection est le plus souvent mono-microbienne avec par ordre de fréquence Streptococcus milleri, Fusobacterium nucleatum, Bacteroïdes fragilis, nombreux bacilles Gram négatif et Staphylococcus aureus [70]. Le traitement repose sur une antibiothérapie adaptée au(x) germe(s)
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identifié(s) (idéalement grâce à une ponction guidée) et sur un drainage en cas d’abcès volumineux.
Autres L’obstruction de la voie biliaire principale par localisation duodénale d’une MC est tout à fait exceptionnelle [73].
Manifestations hépatobiliaires conséquences indirectes des MICI Stéatose hépatique La stéatose est l’anomalie hépatique la plus fréquemment associée aux MICI. Sa prévalence estimée selon des critères échographiques peut atteindre 40 % [74]. Cette stéatose est généralement asymptomatique et entraîne peu de modifications des tests hépatiques (augmentation modérée de l’activité de la gt et/ou des transaminases). La stéatose en elle-même n’a habituellement pas de conséquence clinique. Cependant, la prévalence des lésions de stéatohépatite n’est pas connue. L’existence d’une stéatose apparaît corrélée à l’état général du patient et à la sévérité de la MICI (rôle de la malnutrition, de la corticothérapie et de la nutrition parentérale…) [63]. L’incidence de la stéatose a probablement diminué au cours des 20 dernières années en raison d’une meilleure prise en charge des MICI. Des travaux récents suggèrent que les traitements anti-TNF pourraient avoir un effet bénéfique dans le syndrome métabolique au cours de la maladie de Crohn comme cela a été décrit au cours de la polyarthrite rhumatoïde [75].
Lithiase biliaire La prévalence de la lithiase biliaire cholestérolique est plus élevée (jusqu’à un tiers) chez les patients ayant une MC iléale et/ou une résection de la partie terminale de l’iléon. La formation accrue des calculs est due à la malabsorption des acides biliaires (aboutissant à une sur-saturation de la bile en cholestérol) en rapport avec
l’atteinte iléale. Par contre, la prévalence de la lithiase biliaire ne semble pas différente de celle de la population générale en cas de RCH [76]. Cependant, une cholecystectomie systématique lors d’une résection iléale n’apparaît pas recommandée [77].
Autres lésions D’autres lésions ont été décrites mais sont anecdotiques bien que parfois graves : – L’amylose hépatique est observée surtout en cas de MC sévère avec complications infectieuses et/ou résection intestinale [78]. Il existe une prédominance masculine. Le tableau associe à des degrés divers hépatomégalie, cholestase et hypertension portale. – Le syndrome de Budd-Chiari est exceptionnel [79]. Une thrombophilie associée doit toujours être recherchée. Parmi les cas rapportés, il s’agissait plus souvent d’une RCH que d’une MC [80]. – Péliose et dilatation sinusoïdale ont été rapportées au cours des MICI en dehors de toute prise de contraception œstroprogestative ou d’azathioprine [81]. La principale manifestation est une cholestase anictérique parfois compliquée d’une hypertension portale.
Conclusions pratiques Devant des anomalies chroniques des tests hépatiques, la connaissance des pathologies hépatobiliaires énumérées ci-dessus ne doit pas faire négliger la recherche des causes habituelles d’hépatopathie dans la population générale (consommation excessive d’alcool, hépatite C, stéatohépatite…). Les examens complémentaires de 1re ligne à visée étiologique sont le dosage pondéral des immunoglobulines, la recherche des autoanticorps et l’échographie abdominale. Les principaux diagnostics « spécifiques » à envisager sont : a) en cas d’augmentation chronique des transaminases (+/- γGT) : une stéatose, une HAI, une toxicité médicamenteuse voire une CSP et b) en cas • • • • • •
Tableau 4. Orientation pratique du diagnostic des principales hépatopathies associées aux MICI Transaminases (+/- γGT) (pathologies « spécifiques ») Toxicité médicamenteuse Hépatite auto-immune Cholangite sclérosante (Stéatose)
Phosphatases Alc (+/- γGT) (pathologies « spécifiques ») Cholangite sclérosante Pathologie vasculaire du foie (HNR médicamenteuse +++) Granulomatose hépatique Amylose
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d’augmentation des phosphatases alcalines (+/- γGT) : une CSP, une pathologie vasculaire intra-hépatique (en particulier une hyperplasie nodulaire régénérative d’origine médicamenteuse) et plus rarement une granulomatose voire une amylose (Tableau 4). Les examens de 2e intention sont la Bili-IRM (en cas de cholestase) et la PBH dont l’interprétation requiert une bonne connaissance des lésions biliaires et vasculaires. Un diagnostic précoce est important en raison des implications thérapeutiques : arrêt d’un médicament hépatotoxique, traitement par corticoïdes des HAI, traitement par acide ursodésoxycholique (20 mg/kg/j) des CSP à un stade initial. Le diagnostic de CSP a également des conséquences sur la prise en charge globale des patients en raison du risque de cholangiocarcinome et du risque accru de cancer du colon.
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Questions à choix unique Question 1 MICI et pathologies hépato-biliaires ❏ A. L’amylose hépatique est une complication fréquente ❏ B. La stéatose est rare (< 10 %) ❏ C. En cas d’anomalies chroniques des tests hépatiques, la cholangite sclérosante primitive est un des principaux diagnostics à envisager ❏ D. L’absence d’augmentation de l’activité des phosphatases alcalines permet d’éliminer une cholangite sclérosante ❏ E. L’hépatotoxicité des médicaments utilisés dans les MICI ne se discute qu’en cas de « cytolyse »
Question 2 MICI et pathologies hépato-biliaires ❏ A. Chez les patients ayant une RCH, la prévalence de la lithiase biliaire est plus élevée que dans la population générale ❏ B. Chez les patients ayant une maladie de Crohn, la prévalence de la lithiase biliaire est plus élevée que dans la population générale ❏ C. Chez les patients ayant une MICI, la cirrhose biliaire primitive est plus fréquente que l’hépatite auto-immune ❏ D. En cas d’association MICI-CSP, l’activité de la MICI est habituellement importante ❏ E. En cas d’association MICI-CSP, les recommandations concernant la surveillance du colon ne sont pas différentes de celles d’une RCH sans CSP
Question 3 Imagerie des voies biliaires et cholangite sclérosante primitive ❏ A. Une échographie normale permet d’éliminer le diagnostic ❏ B. Le cathétérisme rétrograde des voies biliaires est fait quasi-systématiquement ❏ C. Il existe une forme particulière caractérisée par l’absence d’anomalies des voies biliaires en cholangiographie (Bili-IRM ou cathétérisme rétrograde) ❏ D. Il est habituellement facile d’éliminer un cholangiocarcinome ❏ E. La corrélation entre la sévérité des anomalies cholangiographiques et l’intensité des anomalies biologiques est bonne
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Post’U (2009) 13-18
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Complications hépatiques du traitement des MICI Objectifs pédagogiques – Connaître les principales classes de médicaments pouvant entraîner une atteinte hépatique ; – Savoir prescrire le bilan nécessaire devant une suspicion d’hépatite médicamenteuse ; – Savoir faire la part des choses entre une atteinte médicamenteuse et une hépatopathie liée aux MICI.
Introduction Le traitement médical des MICI est principalement constitué par l’utilisation de médicaments immunodépresseurs ou immunomodulateurs, des antibiotiques, des macrobiotiques auxquels s’ajoute l’alimentation entérale et parentérale. Les immunomodulateurs constituent une classe thérapeutique en pleine expansion et un des domaines les plus actifs de la recherche thérapeutique. Cette classe recouvre une très grande variété de médicaments, non seulement dans les modes d’action, mais également dans les indications thérapeutiques [1,2]. Les corticostéroïdes représentent la classe de référence historique du traitement des MICI et restent largement utilisés. Les autres familles thérapeutiques classiques comprennent les thiopurines (azathioprine, 6-mercaptopurine), le méthotrexate, les dérivés de l’acide aminosalicylique. Plus récemment, sont apparus les antagonistes du TNF∝ dont le rôle est
de plus en plus important dans les MICI [1,2]. Actuellement, trois principaux agents bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché : l’infliximab pour la maladie de Crohn et la recto-colite ulcéro-hémorragique (RCUH), l’adalimumab pour la maladie de Crohn [1,2].D’autres traitements dont l’utilisation résultent principalement de l’échec des traitements précédents incluent les inhibiteurs de la calcineurine avec la ciclosporine A [1,2] Bien entendu, à côté de l’efficacité thérapeutique, la tolérance est l’objet d’une attention croissante. Les buts de cette mise au point sont de préciser : a) les connaissances actuelles sur le risque d’hépatotoxicité des médicaments utilisés dans le traitement des MICI et les caractéristiques cliniques de l’atteinte hépatique ; les moyens et difficultés diagnostiques ; les paramètres de surveillance avant et pendant le traitement.
Principaux médicaments Corticostéroïdes [1-4] En administration prolongée d’autant que la dose reste assez élevée, ils peuvent entraîner une stéatose macrovésiculaire et une hépatomégalie. Les atteintes hépatiques symptomatiques sont finalement rares. Les corticoïdes peuvent, également, favoriser la survenue de stéato-hépatite non alcoolique
D. Larrey () Service d’Hépato-Gastroentérologie et Transplantation Hôpital Saint-Eloi, 80, avenue Augustin Fliche, F-34295 Montpellier Cedex 5 et INSERN 632 E-mail :
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D. Larrey
chez des personnes prédisposées en exacerbant la résistance à l’insuline, l’obésité, le diabète de type 2 et l’hypertriglycéridémie. Leur rôle exact dans ce type de lésion n’est pas encore totalement élucidé [3]. Les corticostéroïdes qui représentent une des classes médicamenteuses les plus utilisées dans les MICI sont finalement considérés comme relativement peu hépato-toxiques. En administration courte, dans une poussée aiguë, l’effet hépatique direct est négligeable.
Thiopurines [1,2,5-11] Le traitement des MICI implique principalement deux thiopurines, l’azathioprine, et plus rarement, la 6-mercaptopurine [1,2]. L’intérêt de la 6 thioguanine dans la maladie de Crohn a été soulevé plus récemment [12]. Ce sont des pro-médicaments qui nécessitent d’être métabolisés pour avoir une activité thérapeutique [1,2,5-7]. Après absorption, l’azathioprine est rapidement convertie en 6-mercaptopurine dans le foie par une glutathion transférase. La 6-mercaptopurine est métabolisée par 3 enzymes essentiels : la thiopurine méthyltransférase (TPMT), la xanthine oxydase (XO) et l’hypoxantine phosphoribosyltransférase (HPRT) [1,2,5-8]. La xantine oxydase transforme la 6-mercaptopurine en acide 6-thiourique, la TPMT transforme la 6-mercaptopurine en 6-methylmercaptopurine et l’HPTRT transforme la 6-mercaptopurine
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en 6-thioinosine-5’-monophosphate (6-TIMP). La 6-TIMP est ensuite transformée au cours d’une séquence de réactions enzymatiques multiples en 6-thioguanine nucléotides (6-TGNs) qui sont similaires aux bases puriques du point de vue structure et qui peuvent être incorporées dans l’ADN de cellules en cours de division y compris les lymphocytes T et B [5-8]. La TPMT est soumise à un polymorphisme génétique avec une douzaine d’allèles variants décrits jusqu’à présent [5-8]. Le déficit phénotypique en TPMT est transmis selon un mode autosomal récessif avec une fréquence de 1/300 chez les caucasiens [5-8]. Les sujets variants homozygotes ont une faible méthylation lente qui expose à des concentrations plasmatiques élevées de 6-thioguanines nucléotides [5-8]. Il en résulte une réponse clinique plus forte mais aussi une plus grande myélotoxicité [5-8]. Inversement, les malades ayant une forte activité en TPMT ont globalement une production plus faible de 6-TGN et une moins bonne réponse clinique. Ces variations génétiques sont couramment prises en compte pour ajuster les doses de médicaments chez les patients traités pour colite inflammatoire [1,2,5-8]. Ces trois médicaments peuvent être hépatotoxiques [1,2,6,7,12]. Une augmentation asymptomatique des enzymes hépatiques est l’événement le plus fréquent [1,2]. Dans une large étude sur 786 patients atteints de MICI, son incidence était de 7,1 % pour l’azathioprine et de 2,6 % pour la 6-mercaptopurine [13]. La normalisation spontanée des tests était observée chez la plupart des patients [13]. Parfois, il existe une atteinte hépatique clinique pouvant prendre différents aspects : surtout une cholestase ou une hépatite mixte et, plus rarement, une hépatite cytolytique [1,2]. L’atteinte hépatique peut également affecter l’endothélium vasculaire : une dilatation sinusoïdale, une péliose, voire une maladie veino-occlusive et, de façon plus tardive, une hyperplasie nodulaire régénérative. L’hyperplasie
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nodulaire régénérative est une lésion dont le diagnostic repose essentiellement sur l’examen histologique hépatique [1,2]. Le plus souvent, elle reste asymptomatique [1,2]. Elle peut se manifester biologiquement par une augmentation de la gammaglutamyltransférase, des phosphatases alcalines, plus rarement des transaminases [1,2]. Elle peut se manifester de façon plus sévère par une hypertension portale et ses complications. Contrairement à la cirrhose, l’hyperplasie nodulaire régénérative n’entraîne pas d’insuffisance hépatocellulaire habituellement [1,2].
Azathioprine [1,2,6] Elle est associée à une grande diversité d’atteintes hépatiques avec des hépatites cholestatiques, hépatites cytolytiques, avec ou sans réaction d’hypersensibilité [20,21], des lésions vasculaires décrites ci-dessus et l’hyperplasie nodulaire régénérative. L’hépatotoxicité est définitivement établie avec des cas de récidive après ré-administration [1,2,6]. Les atteintes hépatiques surviennent souvent audelà de 6 mois de traitement avec une petite prédominance masculine [1].
6-Mercaptopurine [1,2,6] Les atteintes les plus fréquentes sont la cholestase ou l’hépatite mixte qui, dans les séries anciennes, pouvaient atteindre jusqu’à 40 % des sujets traités lorsque les doses administrées étaient élevées [17]. Le délai d’atteinte varie de 1 mois à plusieurs années d’administration. Des cas d’hépatites fulminantes ont également été observés [1,2,6]. L’hépatotoxicité de ce produit a été confirmé par des cas de ré-administration positifs. Dans une étude chez des patients atteints de MICI, l’administration concomitante de corticostéroïdes paraissait augmenter le risque d’élévation des transaminases induite par l’azathioprine ou la 6-mercaptopurine [1].
6-Thioguanine [1,2,6] La 6-thioguanine est très rarement responsable d’une hépatite aiguë [1].
Elle entraîne plus souvent des lésions vasculaires de type maladie veinoocclusive ou péliose [1,2]. Une hyperplasie nodulaire régénérative a aussi été observée chez des patients inclus dans des essais thérapeutiques pour colite inflammatoire [1]. Le mécanisme d’hépatotoxicité des thiopurines n’est pas très bien connu [1,2,6]. Les atteintes hépatiques non vasculaires peuvent être associées à des manifestations d’hypersensibilité en faveur d’un mécanisme allergique [9,10].Dans d’autres cas, ces manifestations allergiques sont absentes et il peut y avoir un déficit médullaire [1,2,6]. Les atteintes hépatiques non allergiques associées dues à l’azathioprine et à la 6-mercaptopurine apparaissent liées à une concentration plus élevée de métabolite et thiopurine méthyltransférase qui sont elles-mêmes déterminées par des facteurs génétiques (TPMT) [1,2,6]. Les mécanismes par lesquels les thiopurines touchent particulièrement l’endothélium vasculaire ne sont pas non plus totalement élucidés. Toutefois, Deleve et coll. ont démontré que l’azathioprine pouvait entraîner une déplétion importante en glutathion dans les cellules endothéliales, exposant ainsi ces cellules à une destruction plus facilement que les hépatocytes [11].
Méthotrexate [1,2,14-16] Le méthotrexate est un anti-métabolique inhibant le métabolisme de l’acide folique utilisé depuis plus de 50 ans dans diverses indications dont les colites inflammatoires. Le méthotrexate est connu pour être hépatotoxique depuis sa mise sur le marché Les atteintes hépatiques sont parfois aiguës et plus souvent, chroniques [14-16]. Elles varient selon l’indication thérapeutique, étant plus fréquentes dans le psoriasis comparativement à la polyarthrite rhumatoïde, et moins encore dans la maladie de Crohn. Atteintes aiguës Une augmentation modérée des transaminases est fréquente avec une pré• • • • • •
valence allant 19 à 30 % dans la maladie de Crohn et plus encore dans la polyarthrite rhumatoïde et le psoriasis [16]. Dans certains cas, ces anomalies régressent malgré la poursuite du traitement [14]. Avec l’utilisation à fortes doses, des cas d’hépatites aiguës avec transaminases à plus de 40 fois la normale et ictère ont été décrits [14,15]. La biopsie hépatique a révélé une nécrose, une stéatose mais pas de signe de fibrose ou de cirrhose dans cette situation. De rares cas d’insuffisance hépatique ont été décrits mais avec une imputabilité discutable [14]. Un cas d’hépatite fulminante ayant conduit à une transplantation hépatique a été rapporté [14]. Atteintes hépatiques chroniques Le méthotrexate a été souvent impliqué dans des hépatopathies chroniques de survenue insidieuse, peu symptomatiques, pouvant conduire à une fibrose et à une cirrhose [1,2,24]. Ces atteintes ont été fortement liées à la dose de méthotrexate. Des facteurs prédisposants ont été identifiés. Beaucoup de patients atteints avaient des facteurs de co-morbidité (consommation excessive d’alcool, obésité, diabète, exposition à d’autres médicaments hépato-toxiques, hépatite C…, etc.) ou une atteinte hépatique pré-existante [1,2,14,16]. La survenue d’une fibrose et d’une cirrhose a été principalement décrite chez les patients traités pour psoriasis [1,2,16]. Chez ces patients avec une fibrose significative, une consommation excessive d’alcool et d’autres causes d’atteintes hépatiques pouvaient être identifiées dans la plupart des cas [14]. S’il n’y a pas beaucoup de doute que de fortes doses de méthotrexate, que ce soit en prises quotidiennes ou hebdomadaires, puissent entraîner à long terme une fibrose hépatique, voire une cirrhose en dehors de facteurs confondants, ce risque a été néanmoins fortement surestimé, en particulier pour la maladie de Crohn [16]. Le mécanisme d’hépatotoxicité du méthotrexate n’est pas bien connu. Les premières modifications sont présen• • • • • •
tées par des modifications de la matrice protéique, des différents types de collagènes, du TGF, ce qui suggère un rôle primaire des cellules stellaires [14]. L’hépatotoxicité pourrait être modulée par des facteurs génétiques [16]. Le polymorphisme A1298C du gène de la méthylène-tétrahydrofolate réductase pourrait avoir un rôle protecteur. A l’inverse, le polymorphisme C667T du même gène pourrait être associé à une hépatotoxicité accrue du méthotrexate [16]. Il est recommandé de surveiller l’état hépatique chez les patients devant recevoir du méthotrexate au long cours. La surveillance repose classiquement sur les tests biologiques et l’échographie. Il a été antérieurement proposé de réaliser systématiquement une biopsie lorsque la dose cumulative atteignait 1,50 g de médicament [1,2]. L’intérêt de cet examen agressif est remis en cause avec le développement de nouveaux moyens pour apprécier de façon non invasive la fibrose, en particulier avec l’élastométrie par Fibroscan [16] et/ou des marqueurs biologiques de fibrose [16]. Une étude vient d’être réalisée dans ce sens [17]. La réalisation d’une biopsie ne fait déjà plus partie des recommandations de surveillance du traitement au long cours dans la maladie de Crohn [18].
Les antagonistes du Tumor Necrotizing Factor (TNF∝) L’infliximab est le principal agent incriminé [1,2,19-22]. Dans les traitements au long cours pour la maladie de Crohn, les transaminases étaient souvent augmentées avec l’infliximab (42 %) [19]. Ceci a confirmé des observations antérieures faites dans d’autres indications : la polyarthrite rhumatoïde (37 % pour l’infliximab vs 29 % avec le placebo) [20]. Dans ces études, les patients n’ont pas eu d’ictère ou d’insuffisance hépatocellulaire. Néanmoins, depuis 2003, la FDA a collecté 134 cas, notifiés spontanément en tant qu’insuffisance hépatocellulaire aiguë, attribués à l’infliximab ou l’étanercept [22].
Dans cette cohorte, 31 cas attribués à l’infliximab sont apparus assez bien documentés. Néanmoins, dans la plupart de ces cas, d’autres causes confondantes pour l’atteinte hépatique telles qu’un sepsis, la prise d’autres médicaments hépatotoxiques ou une infection virale, ont été notées [22]. Sur la base de ces données, la FDA a conclu à l’existence d’un risque potentiel d’hépatotoxicité de l’infliximab [22]. Il est intéressant de noter que certains de ces cas avaient des caractères d’auto-immunité ; en particulier, la présence de titres élevés d’anticorps anti-nucléaires [22]. Néanmoins, ces anticorps sériques peuvent apparaître avec l’administration des antagonistes anti-TNF sans atteinte hépatique, de sorte que leur signification reste peu claire [22]. Dans cette cohorte, les atteintes hépatiques sont survenues entre deux semaines et jusqu’à un an après le début du traitement par l’infliximab [22]. De rares cas ont entraîné la mort ou nécessité une transplantation hépatique [22]. La question du risque d’une toxicité croisée entre différents agents antagonistes du TNF∝ est naturellement posée. Dans un cas d’hépatite associée à l’administration d’infliximab dans une spondylarthrite ankylosante, la prise ultérieure d’un autre anti-TNF∝, l’étanercept s’est faite sans récidive de l’atteinte hépatique [23]. Elle renforce un autre cas rapportant aussi l’absence de toxicité croisée entre l’infliximab et étanercept [24]. Ces deux cas soulignent plusieurs points intéressants. Tout d’abord, elles suggèrent fortement que le mécanisme d’hépatotoxicité des deux médicaments n’est pas le même. Ceci est concordant avec le fait qu’ils sont de structures différentes : l’infliximab est un anticorps monoclonal chimérique (anti-TNF∝ IGG1) alors que l’étanercept est une protéine de fusion soluble récepteur-TNF∝ [21]. De plus, l’efficacité des anti-TNF∝ n’a pas d’effet de classe puisque l’absence de réponse à l’un des agents ne prédit pas formellement la réponse à un autre [19]. Il existe un polymorphisme génétique
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dans l’expression des protéines impliquées dans le TNF∝ [25]. Celui-ci pourrait jouer un rôle important dans l’efficacité des anti-TNF∝ ainsi que dans la pluralité des aspects de la toxicité et l’absence de toxicité croisée entre différents agents. Le second aspect intéressant est la possibilité d’avoir une solution thérapeutique de remplacement chez un patient ayant une hépatotoxicité avec l’infliximab. L’adalimumab est un autre anti-TNFα avec une indication dans la maladie de Crohn. A ma connaissance il n’y a pas de cas d’hépatotoxicité directe clinique publiée ni répertoriée au 1 er janvier 2009 dans le fichier HEPATOX [26].Néanmoins, le recul reste encore limité. D’autres anti-TNFα sont en cours de développement et ne présentent pas de signe d’hépatotoxicité à un niveau préliminaire [1].
Dérivés de l’acide aminosalicylique [1,2,27,28] Ce groupe comprend trois médicaments. Mésalazine et olsalazine Les atteintes hépatiques associées avec ces dérivés aminosalicylés sont rares [1,2]. Il s’agit d’hépatites cytolytiques, cholestatiques ou mixte aiguës peu sévères ayant souvent des caractéristiques de type immunoallergique [1,2]. Sulfasalazine Sur le marché depuis plusieurs décades dans les colites inflammatoires notamment la recto-colite ulcéro-hémorragique, son utilisation a été très fortement réduite par la mise à disposition des aminosalicylés cités ci-dessus, dépourvus du radical sulfonamide qui est associé à des réactions d’hypersensibilité marquées [1,2]. La sulfasalazine est utilisée dans les MICI associées à une polyarthrite rhumatoïde ou autre maladie rhumatismale permettant de traiter deux affections avec le même traitement. L’atteinte hépatique est essentiellement aiguë, de caractère polymorphe, cytolytique, cholestatique ou mixte [1,2,27,28]. Parfois, il existe une hépa-
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tite granulomateuse [1,2]. Les caractéristiques cliniques sont semblables à celles des sulfamides en général. De rares cas d’hépatites fulminantes ont été décrits [1,2]. L’atteinte hépatique peut être associée à des manifestations d’hypersensibilité avec fièvre et éruption cutanée, lymphadénopahie, hyperéosinophilie [1,2]. Elles surviennent généralement dans les deux premiers mois de traitement [1,2].
Les inhibiteurs de calcineurine [1,2,29,30] La ciclosporine est le principal inhibiteur des calcineurines utilisé dans les MICI, et de façon très ciblée. La connaissance de son hépatotoxicité provient essentiellement des observations faites dans les autres indications, principalement la prévention de rejet après greffe de foie, de rein, de cœur et de moelle. En général, il s’agit d’une hépatopathie cholestatique modérée et doses dépendantes [1,2,29,30]. La ciclosporine pourrait contribuer à la survenue de slug et de calculs des voies biliaire [2]. Expérimentalement, la ciclosporine entraîne une diminution dose dépendante du débit de la sécrétion biliaire possiblement par inhibition du transport biliaire [2].
Traitement des MICI et risque de réactivation virales [1,2,31-33] Il est reconnu que les immunosuppresseurs favorisent la réactivation virale B et, à un moindre degré le virus C. Ce risque varie selon le niveau d’immunosuppression et l’indication. Les médicaments les plus à risques sont la corticothérapie à forte dose d’autant plus qu’elle est prolongée, les anti-TNFα, la cyclosporine. Le risque paraît moins élevé pour le méthotrexate et les thiopurines et absent pour les aminosalycilés.
Détermination du rôle des médicaments devant une atteinte hépatique chez un malade atteints de MICI Chez un malade atteint de MICI, il n’est pas rare de constater des anoma-
lies hépatiques parfois sous forme d’hépatite aiguë, ou plus souvent, d’anomalies des tests hépatiques ou d’hépatopathies chroniques. L’imputabilité des médicaments nécessaires au traitement des MICI est difficile car les causes peuvent être diverses. Dans une étude rétrospective sur 786 malades avant l’ère des anti-TNFα, la répartition des causes possibles (éventuellement plusieurs pour un même patient d’où une somme des pourcentages supérieure à 100 %) étaient la suivante : Médicaments des MICI 43,2 %, alcool 5,2 %, Virus B et C 3,4 %, pathologie auto-immune hépatobiliaire/thyroïdienne 4,4 %, Stéatose/NASH/syndrome métabolique 53,4 %, autres causes 33,4 %, causes indéterminées 3,3 % [13]. L’imputabilité repose sur les règles classiques avec quelques spécificités pour les MICI [2,35] (Tableau 1). Devant une hépatite ou une cholestase aiguë, il faut éliminer principalement une hépatite virale (A, B, C, E, CMV, EBV, herpes), une hépatite autoimmune et une complication d’une cholangite sclérosante, une migration lithiasique, un sepsis, le rôle d’un autre médicament. Plus rarement, il faut rechercher une hyperthyroïdie, et une cardiopathie aiguë. En cas d’hépatopathie chronique, il faut rechercher une hépatite chronique virale B ou C, un alcoolisme chronique, une hépatite auto-immune, une cholangite sclérosante, un obstacle biliaire progressif, un stéato-hépatite métabolique, et plus rarement, le rôle d’un autre médicament, une hyperthyroïdie, une tumeur et une cardiopathie chronique.
Bilan nécessaire avant et pendant le traitement Avant traitement Il convient de faire les examens suivants : NFS, ALT, AST, gammaglutamyltransférase, phosphatases alcalines, sérologie des virus B et C (sauf pour les aminosalycilés), une échographie qui est utile pour rechercher une éventuelle cholangite sclérosante occulte en générale et une stéatose chez les malades à risque de syndrome métabolique si un traitement par • • • • • •
Tableau 1. Hépatotoxicité des principaux médicaments utilisés dans le traitement des MICI (d’après [2]) Médicaments
Cytol.
HA Mixte Cholest.
HF
HC
Cirrhose Imputabilité +++
Quelques semaines Dose-dépendant
+++ ++ ++ +++
2 jours -8 ans 2 jours-1 an 2 jours-1 an 1 jour-16 ans
+/0 +/0 +++
6 jours-un an quelques semaines Quelques semaines – quelques mois
+
Quelques semaines-un an
++
Quelques semaines
Corticostéroides Thiopurines Azathioprine 6-mercaptopurine 6-thioguanine Méthotrexate Dérivés de l’acide aminosalycilique Mésalazine Olsalazine Sulfasalazine Inhibiteurs de calcineurine Cyclosporine A Antagonistes du TNF Infliximab
+++ ++ + ++
+++ +++ +
+ + ++
+ + ++
+
++
++
++
+++ ++ +
+ + ++
++
++ + + +
+
+
+
++
+++
oui ? Hépatite granulomateuse Oui, cholangite fréquent
++
Délais de survenue
HA : hépatite aiguë ; Cytol. : cytolytique ; Cholest. : cholestatique ; HF : hépatite fulminante ; HC : hépatite chronique
méthotrexate est envisagé. Une élastométrie serait aussi utile avant un traitement par méthotrexate. Pendant le traitement Il est recommandé de contrôler à 3 et 6 mois puis tous les 6 mois, les tests suivants : NFS, ALT, AST, gammaglutamyltransférase, phosphatases alcalines et clairance de la créatinine. Dans le cas particulier du méthotrexate, il a été recommandé de faire ces tests plus fréquemment (1 à 2 mois) dans les 6 premiers mois de traitement [35]. Toujours pour le méthotrexate, il a été proposé de dépister la survenue d’une fibrose par l’élastométrie ou des marqueurs sanguins de fibrose plutôt que de recourir à une biopsie systématique [16]. Chez les porteurs chroniques actifs de virus B et C, certains des médicaments des MICI constituent une contreindication complète ou relative. Le rapport bénéfice/risque devra alors être évalué au cas par cas. Eventuellement, un traitement préventif pour la réactivation virale B peut être discuté [2].
hépatiques. Les principaux sont les thiopurines et le méthotrexate. Pour les autres, les atteintes hépatiques sont soit assez fréquentes mais peu sévères, soit rares voire très rares. La causalité du médicament peut être particulièrement difficile à établir d’autant qu’il s’agit de maladies associées à la prise de nombreux médicaments ayant un potentiel hépatotoxique ou à des co-morbidités affectant le foie ou les voies biliaires. Les mécanismes impliqués sont très variés, souvent mal connus, et peuvent même mettre en jeu une réaction allergique. La possibilité d’une action indirecte sur le foie par activation d’une pathologie virale rend l’utilisation de ces médicaments plus délicate encore et souligne l’importance d’un suivi particulièrement régulier des traitements.
Références
Conclusion
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La plupart des traitements utilisés dans les MICI peuvent entraîner des atteintes
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Les 5 points forts ➋ ➌
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La plupart des traitement des MICI peuvent entrainer une atteinte hépatique ; Les atteintes hépatiques sont très polymorphes, aigües, chroniques et de sévérité variables ; La détermination du rôle d’un médicament est difficile car il existe de nombreuses causes alternatives d’atteintes hépatobiliaires ; Certains des médicaments utilisés exposent à une réactivation virale B et C ; Un bilan hépatique doit être effectué avant traitement et périodiquement, pendant le traitement.
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Post’U (2009) 19-23
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Prise en charge d’une MICI avec une hépatopathie chronique Objectifs pédagogiques – Connaître le bilan virologique minimal avant de débuter le traitement des MICI ; – Connaître les risques de réactivation virale en cas de traitement immunosuppresseur ; – Connaître les moyens de prévention de la réactivation virale en cas de traitement immuno-suppresseur
Introduction Ce sujet a fait l’objet de recommandations européennes dans le cadre d’une réactualisation de la conférence de consensus de l’European Crohn and Colitis Organisation (ECCO), présentées en février 2009 et en cours de publication. Cette mise au point synthétique est proche de ces recommandations. Nous verrons pour l’hépatite C et l’hépatite B respectivement, la prévalence des marqueurs sérologiques chez les malades porteurs d’une MICI, l’impact potentiel des traitements immuno-modulateurs sur l’histoire naturelle de l’infection et sur le risque de réactivation viral.
Hépatite C Prévalence de l’hépatite C Une première étude multicentrique italienne menée chez 332 malades
ayant une maladie de Crohn (MC) retrouvait une prévalence élevée des anticorps anti-VHC (7,4 %) significativement plus importante que celle retrouvée dans la rectocolite hémorragique (RCH) (0,6 %) ou dans la population contrôle. Cette prévalence élevée était due le plus souvent à un antécédent chirurgical [1]. Plus récemment, une vaste étude multicentrique ayant inclus 2 076 MICI n’a pas retrouvé d’augmentation significative de la prévalence des anti-VHC par rapport à la population générale (RCH : 1,3 %, MC : 2,3 %) [2].
Impact des traitements immuno-modulateurs sur l’histoire naturelle de l’hépatite chronique C Il n’existe aucune donnée spécifique liée aux traitements immuno-modulateurs utilisés dans le cadre des MICI. Aucun cas d’aggravation aiguë de l’hépatite C ou d’insuffisance hépatique n’a été rapporté dans ce contexte. De même, il n’y a aucune donnée disponible sur l’impact d’un traitement immuno-modulateur au long cours donné dans le cadre des MICI sur l’évolution de la fibrose. Les experts d’ECCO suggèrent que les données fournies par la transplantation hépatique (TH) pourraient permettre quelques extrapolations. Ceci est sujet à caution car l’immunosuppression y est beaucoup plus sévère. D’ailleurs, dans ce
J.-P. Bronowicki () CHU de Nancy, service d’hépato-gastroentérologie, INSERM U724, F-54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France E-mail :
[email protected] ■
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J.-P. Bronowicki
contexte, on assiste souvent à une aggravation plus rapide des lésions de fibrose avec un risque de cirrhose variant de 10 à 40 % à 5 ans dans les différentes études. Corticothérapie Dans la TH, une diminution lente et progressive de la corticothérapie après la TH est recommandée car cela pourrait diminuer le risque d’une progression rapide vers la cirrhose [3]. Les experts d’ECCO considèrent que la corticothérapie utilisée dans le traitement des MICI n’a pas d’effet délétère sur l’histoire naturelle de l’hépatite chronique C. En revanche, ce type de traitement pourrait favoriser le passage à la chronicité en cas d’infection aiguë, événement devenu rare en dehors du contexte de toxicomanie. Azathioprine et méthotrexate Chez les patients transplantés, il ne semble pas y avoir d’effet délétère de l’azathioprine sur les lésions hépatiques. Dans une petite série de patients anti-VHC+ souffrant d’arthropathie et traités par méthotrexate, il n’a pas été montré d’effet délétère hépatique [4]. Anti-TNF L’effet des anti-TNF sur la réplication virale paraît incertain. Des études de cas suggèrent que les anti-TNF n’ont pas d’effets délétères et pourraient même avoir un effet bénéfique sur l’hépatite chronique C [5-9]. Dans une
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série de 22 patients infectés par VHC et traités par infliximab ou etanercept pour une polyarthrite rhumatoïde, il n’y avait pas de différence en termes de transaminases et de charge virale entre J0 et lors du suivi [10]. La meilleure preuve que les anti-TNF pourraient être bénéfiques dans l’hépatite chronique C est donnée par une étude randomisée prospective en double aveugle qui a testé l’effet de l’étanercept en adjuvant du traitement par interféron α et ribavirine chez des patients infectés par le VHC naïfs de traitement. Bien que l’étanercept ne soit pas utilisé dans les MICI, ces résultats suggèrent que les anti-TNF améliorent la réponse virologique chez ces patients [11].
Effet du traitement par interféron et ribavirine sur les MICI Il a été suggéré que l’interféron pourrait avoir un effet délétère sur la maladie de Crohn [12] Ceci n’a pas été confirmé dans d’autres études, [1,13]. L’interféron n’aurait aucun effet sur la RCH. [14]. Récemment, nous avons rapporté des pancytopénies très sévères chez 8 malades anti-VHC+ avec une MC traités par PEG-interféron, ribavirine et azathioprine [15]. L’étude des métabolites chez certains de ces malades suggère une interaction entre les métabolites de l’azathioprine et de la ribavirine. Il faut donc être extrêmement vigilant s’il est décidé de débuter une bithérapie anti-virale chez un patient sous azathioprine. Il est à noter par ailleurs, qu’aucune réactivation de la MC n’a été observée sous traitement antiviral.
Dépistage du VHC L’intérêt de ce dépistage reste à démontrer puisqu’il n’existe aucun vaccin, ni traitement prophylactique. Son intérêt pourrait résider dans un meilleur suivi des tests hépatiques et donc d’une meilleure compréhension des perturbations des tests hépatiques pouvant survenir dans cette population. Ce
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Ag HBsAc anti-HBsAc anti-HBc–
CV > 2 000 UI/ml
Vaccination (3 doses) Contrôle de la réponse sérologique
Ag HBs(+/-) Ac anti-HBsAc anti-HBc+ Porteur occulte
Ag HBs+
Charge Virale (CV)
Traitement par analogue au minimum 6 mois à l’arrêt de l’immunosuppresseur et jusqu’à l’obtention des objectifs thérapeutiques de l’immunocompétent
CV < 2 000 UI/ml
Traitement préemptif par analogue à poursuivre 6 mois à l’arrêt de l’immunosuppresseur
Surveillance transaminases/CV tous les 3 mois
Figure 1. Proposition d’une stratégie préventive contre les VHB chez les sujets sans traitement immunosuppresseur.
dépistage repose sur la recherche d’anticorps anti-VHC et d’un ARN du VHC par PCR en temps réel en cas de sérologie positive.
Hépatite B Prévalence des marqueurs d’hépatite B en cas de MICI Dans l’étude multicentrique italienne, il était noté une prévalence significativement plus élevée des anticorps anti-HBc dans la MC et dans la RCH par rapport à la population contrôle (MC : 10,9 %, RCH : 11,5 %, contrôle : 5,1 %) [1]. Ces données n’étaient pas confirmées dans l’étude espagnole (MC : agHBs : 0,6 %, anti-HBc : 7,1 % ; RCH : agHBs : 0,8 %, anti-HBc : 8 %) [2]. Ces études montrent souvent l’absence de couverture vaccinale dans cette population [16].
Impact des traitements immuno-modulateurs sur l’histoire naturelle de l’hépatite chronique B La réactivation de l’hépatite B est un phénomène bien connu qui peut survenir spontanément ou lors d’un traitement immunosuppresseur. Elle est souvent due à la restauration immunitaire spécifique dirigée contre le
VHB et peut donc survenir à l’arrêt du traitement immuno-suppresseur (par exemple agent cytotoxique, corticoïdes…). Elle peut entraîner une élévation importante des transaminases et conduire à une insuffisance hépatocellulaire parfois mortelle. Il n’existe aucune étude prospective évaluant l’effet des corticoïdes, des immuno-modulateurs ou des anti-TNF sur l’histoire naturelle de l’hépatite B chez les malades atteints de MICI. Ainsi, les recommandations pour la prise en charge de l’infection chronique par le VHB lors d’un traitement immunomodulateur découlent d’observations faites chez des patients traités pour d’autres maladies inflammatoires chroniques ou traités par des agents cytotoxiques pour des tumeurs solides ou hématologiques [17]. La réactivation de la réplication virale chez les sujets agHBs+ survient chez 20-50 % des patients traités par un immunosuppresseur ou une chimiothérapie [17]. Chez les patients traités pour un lymphome, la réactivation virale est plus fréquente en cas de chimiothérapie comportant des corticoïdes [18]. Récemment, plusieurs cas de réactivation du VHB symptomatiques et sévères chez des sujets agHBs+ et ayant une MICI ont été décrits lors d’un traite• • • • • •
ment par anti-TNF [19-21]. Une observation de réactivation VHB a même été décrite chez un patient anti-HBc+ et agHBs- [22].
Mesures de prévention Patients séronégatifs Il est recommandé de vacciner contre le VHB les sujets anti-HBc-. Patients agHBs+ – Porteurs inactifs (agHBs+, anti-HBc+, ADN faible < 2 000 UI/ml ou indétectable, transaminases normales, échographie et/ou histologie normales) : un traitement prophylactique par un analogue type lamivudine doit être introduit idéalement 2 semaines avant de débuter les corticoïdes, l’azathioprine ou les anti-TNF. Ce traitement doit être poursuivi 6 mois après l’arrêt du traitement immunomodulateur. – Patients avec un ADN > 2000 UI/ml : il faut considérer ces malades comme ayant une hépatite chronique active. Un traitement par entécavir ou ténofovir doit être prescrit. Ce traitement sera poursuivi jusqu’à séroconversion HBe ou séroconversion HBs chez les sujets agHBe-. Le traitement par interféron a peu d’intérêt dans cette population et risque de majorer la myélosuppression. Patients agHBs- et anti-HBc+ Actuellement, il n’est pas recommandé de proposer un traitement prophylactique dans cette population. Un suivi attentif des transaminases et de l’ADN du VHB doit être fait pour ne pas méconnaître une réactivation [23].
Effet du traitement antiviral sur les MICI Le traitement par analogues sera préféré au traitement par interféron. Aucune interaction avec les traitements immuno-modulateurs n’a été rapportée à ce jour. • • • • • •
Dépistage du VHB Tous les patients avec une MICI doivent être dépistés pour le VHB. Ce dépistage reposera sur la recherche de l’antigène HBs, de l’anticorps anti-HBs et de l’anticorps anti-HBc. Cela permettra de connaître le statut du malade par rapport à l’infection et la vaccination anti-VHB. Chez les patients agHBs+, un dosage de l’ADN du VHB par PCR en temps réel, une recherche des anti-HBe et de l’agHBe seront réalisés. L’intérêt de la recherche de l’ADN du VHB chez les sujets agHBs- et antiHBc+ reste à démontrer.
Recommandations ECCO (en cours de validation) VHC – Aucun consensus n’a été trouvé sur l’intérêt du dépistage systématique du VHC en cas de MICI ; – Les immuno-modulateurs ne sont pas contre-indiqués en cas d’hépatite chronique C active. La décision de les prescrire dépend de la gravité de la MICI et/ou de l’hépatite C. Les hépatites C aiguës doivent être traitées selon les recommandations des sociétés savantes sans arrêter les immuno-modulateurs. VHB – Tous les patients avec une MICI doivent être dépistés pour le VHB avec une recherche d’agHBs, d'ac anti HBs et d'ac anti-HBc ; – Le vaccin anti-VHB est recommandé chez tous les malades ayant une MICI séronégatifs pour le VHB. L'efficacité du vaccin anti-VHB peut-être influencée par le nombre des traitements immuno-modulateur. Une augmentation des doses vaccinales pourrait être nécessaire. La réponse vaccinale doit être testée par un dosage de taux d'anticorps anti-HBs ; – Avant et pendant un traitement immuno-modulateur, les patients agHBs+ doivent recevoir un traitement préemptif par un analogue indépendamment du niveau de la
charge virale pour éviter une réaction virale ; – Les patients avec une hépatite chronique B active doivent recevoir un traitement par analogues ; – Il n'y a pas de traitement anti-viral établi en cas d'infection aiguë par le VHB. Les traitements immunosuppresseurs doivent être évités jusqu'à séroconversion HBs.
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Les 5 points forts ➋
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Tous les patients avec une MICI doivent être dépistés pour le VHB avec une recherche d’agHBs, d’ac anti-HBs et d’ac anti-HBc ; Le vaccin anti-VHB est recommandé chez tous les malades ayant une MICI séronégatifs pour le VHB. L’efficacité du vaccin anti-VHB peut être influencée par le nombre des traitements immuno-modulateurs. Une augmentation des doses vaccinales pourrait être nécessaire. La réponse vaccinale doit être testée par un dosage du taux d’anticorps anti-HBs ; Avant et pendant un traitement immuno-modulateur, les patients agHBs+ doivent recevoir un traitement préemptif par un analogue indépendamment du niveau de la charge virale pour éviter une réactivation virale ; Les patients avec une hépatite chronique B active doivent recevoir un traitement par analogues ; Il n’y a pas de traitement anti-viral établi en cas d’infection aiguë par le VHB. Les traitements immunosuppresseurs doivent être évités jusqu’à séroconversion HBs.
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Questions à choix unique Question 1 Quelle est la proposition exacte concernant VHC et MICI? ❏ A. La prévalence des anticorps anti-VHC est significativement plus élevée chez les patients ayant une MICI que dans la population générale ❏ B. L’azathioprine a un effet délétère sur l’évolution de l’hépatite C chronique ❏ C. Des cas d’insuffisance hépatique aiguë mortelle ont été rapportés chez des patients ayant une hépatite C chronique traités par anti-TNF ❏ D. L’intérêt d’un dépistage systématique du VHC en cas de MICI n’est pas clairement établi ❏ E. Le traitement par PEG-interféron α est formellement contre-indiqué en cas de MICI car il entraîne systématiquement une aggravation de la MICI
Question 2 Quelle est la proposition exacte concernant VHB et MICI ? ❏ A. Le dépistage du VHB doit être systématique chez tous les patients ayant une MICI. ❏ B. La recherche des anticorps anti-HBs chez les patients ayant une MICI n’a aucun intérêt ❏ C. Chez un patient agHBs+ et devant débuter un traitement immuno-suppresseur pour une MICI, la mise en route d’un traitement prophylactique par un analogue nucléosid(t)ique anti-VHB dépendra de l’importance de la charge virale ❏ D. Les anti-TNF n’exposent pas au risque de réactivation virale chez les sujets agHBs + ❏ E. Il existe des interactions médicamenteuses entre l’azathioprine et le ténofovir
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Post’U (2009) 24-29
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L’état du dépistage du cancer colorectal en France en 2009 Objectifs pédagogiques – Connaître les résultats disponibles en 2009 de la première campagne ; – Connaître les facteurs de réussite et d’échec.
Introduction Il est satisfaisant pour un ancien responsable de société savante, très tôt convaincu de la nécessité de mettre en place un dépistage de masse du cancer colorectal [1], de constater l’adhésion actuelle des autorités de santé à ce qu’elle considèrent aujourd’hui comme un enjeu de santé public majeur [2]. En France, un programme de dépistage du cancer colorectal a été mis en place en 2002. Il aura fallu 6 ans pour que le programme initié dans 23 départements pilotes soit généralisé à l’ensemble du territoire national depuis décembre 2008. De ce fait, il existe une grande hétérogénéité quant au degré d’avancement du programme d’un département à l’autre. Alors que les premiers départements impliqués sont en train de terminer leur troisième campagne, d’autres viennent de commencer ou n’ont pas encore commencé leur première campagne au moment où nous rédigeons ce texte. Le programme de dépistage de masse mis en place en France est basé sur la recherche de saignement occulte dans les selles à l’aide d’un test au gaïac
(Hemoccult II®). Il est proposé tous les deux ans aux personnes des deux sexes âgées de 50 à 74 ans, sans facteur de risque particulier de cancer colorectal. Le programme obéit à un cahier des charges très précis, actualisé en décembre 2006, où est défini le rôle de chaque acteur, incluant celui des gastroentérologues [3]. Alors que le programme vient à peine d’être généralisé, la Haute Autorité de Santé (HAS) saisie par l’Institut National du cancer (INCa) et la Direction de la sécurité sociale vient d’émettre un avis sur les tests immunologiques. « Elle recommande aux institutions compétentes d’engager le processus de substitution des tests au gaïac par les tests immunologiques à lecture automatisée au sein du programme organisé de dépistage du cancer colorectal en France, et précise que les conditions techniques et organisationnelles optimales d’utilisation des tests seront affinées au cours de ce processus » [4]. Des questions techniques et organisationnelles restent encore à résoudre, ce que des travaux en cours, pour partie soutenus par l’INCa, devraient permettre de faire rapidement. Le but de notre travail est de présenter les résultats actuels du dépistage. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur les travaux de l’Institut de veille sanitaire (InVS), organisme en charge de l’évaluation épidémiologique régu-
J.-F. Bretagne () CHU de Rennes, Hôpital Pontchaillou, service des maladies de l’appareil digestif, F-35033 Rennes, France ■ H. Goulard, M. Boussac-Zarebska, E. Salines, J. Bloch Institut de veille sanitaire (InVS), Saint-Maurice E-mail :
[email protected] ■
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J.-F. Bretagne, H. Goulard, M. Boussac-Zarebska, E. Salines, J. Bloch
lière du dépistage organisé du cancer colorectal [5-7]. Il est notamment chargé de produire des indicateurs d’évaluation au niveau national sur le programme et de veiller aux effets sur la population. Les données relatives à la première campagne actuellement disponibles et ici présentées, correspondent à l’actualisation faite par l’InVS en 2008 à la date de point du 1er novembre 2007. Les données sont transmises sous format agrégé par les structures de gestion départementales chargées de l’invitation de la population et du suivi. L’évaluation portait sur un nombre variable de départements en fonction de leur état d’avancement. Elle incluait les données de 22 départements pour les résultats sur la participation et les tests, et de 19 départements pour les résultats de la coloscopie. Les données de deuxième campagne sont disponibles pour 11 des 22 départements sur la participation et les résultats des tests.
Indicateurs d’activité, de qualité et d’efficacité du programme (Tableau 1) Participation de la population Le taux de participation correspond au rapport entre le nombre de personnes • • • • • •
Tableau 1. Principaux résultats du dépistage du cancer colorectal enregistrés en France Indicateurs Activité du dépistage Participation Qualité du dépistage Tests non analysables Tests positifs Coloscopies après test + Coloscopies complètes Lésions détectées • Cancers • Adénomes • Adénomes ≥ 1 cm Efficacité du dépistage Staging des cancers selon l’UICC • Stade 0 • Stade I • Stade II • Stade III • Stade IV Lésions détectées p. 1000 personnes dépistées • Cancers • Adénomes ≥ 1 cm
ayant réalisé un test et le nombre de personnes estimé à partir des estimations locales de projection (ELP) de l’INSEE moins les personnes exclues. Les critères d’exclusion médicale définis dans le programme sont les personnes devant bénéficier d’une coloscopie en raison de symptômes digestifs, celles ayant réalisé une coloscopie complète normale depuis moins de 5 ans, celles ayant des antécédents personnels de cancer ou d’adénome colorectal ou d’une pathologie colique nécessitant un contrôle endoscopique programmé (MICI), celles devant bénéficier d’un suivi par coloscopie en raison d’antécédents familiaux de cancer colorectal ou de gros adénome, et les personnes présentant une pathologie extra-intestinale grave ou chez qui le dépistage revêt momentanément un caractère inopportun. Le taux de participation était en moyenne de 42,4 % (extrêmes, 31,1 %-54,2 %). Parmi les 22 départements, cinq avaient un taux supérieur à 50 %, huit un taux compris entre • • • • • •
Taux moyen (%)
Taux extrêmes Départements (%) (n)
42,4
31,1 – 54,2
22
3,4 2,6 87 93,6
1,6 – 6,4 1,8 – 3,6 75,1 – 94,1 71,7 – 99,8
22 22 19 16
9,3 33,1 16,2
8,0 – 16,6 19,8 – 48,8 10,7 – 23,7
19 19 16
24 25 14 14 06 2,2 ‰ 3,8 ‰
19 19 19 19 19 1,3 – 3,2 ‰ 2,0 – 6,5 ‰
18 18
40 % et 50 % et huit un taux compris entre 31 % et 40 %. La participation était globalement plus élevée chez les femmes (47 %) que chez les hommes (40 %). En fonction de l’âge, le taux de participation augmentait graduellement entre 50 et 64 ans, était maximal dans la tranche d’âge 60-64 ans (48,8 %), et diminuait dans les tranches d’âge plus élevé [7]. Parmi les taux observés selon les tranches d’âge et les départements, les extrêmes étaient de 25,2 % et 65,8 %. Au total, 1,62 million de personnes avaient effectué un dépistage lors de la première campagne au sein des 22 départements évalués. Le taux d’exclusion médicale ayant servi au calcul du taux de participation était en moyenne de 9 % et variait selon les départements de 5 % à 16 %. Il était sensiblement identique chez les hommes (9,0 %) et les femmes (9,7 %). Comme attendu, le taux d’exclusion augmentait avec l’âge (11,3 % pour la tranche d’âge 70-74 ans). Il n’y avait pas de corrélation étroite entre les
taux de participation et les taux d’exclusion médicale [7]. La campagne comprend une première invitation, la première relance postale étant prévue trois mois après l’envoi des premières invitations et la deuxième relance postale, à laquelle est joint un test de dépistage, est effectuée six mois après la première invitation. La campagne complète devrait se dérouler sur deux ans. Pour les 14 départements où cette information était disponible, on évaluait parmi les participants au dépistage à 53,3 % la proportion de ceux qui avaient répondu dès la première lettre, à 25,7 % après la deuxième lettre de rappel et 21,0 % après le deuxième rappel incluant l’envoi postal du test. Cette répartition confirme l’importance de la phase médicale de distribution, mais aussi celle des relances. Dans 4 départements, le rappel avec envoi du test était plus efficace que le rappel seul [7].
Résultats des tests Tests non analysables Sur l’ensemble des 22 départements, le pourcentage moyen de tests non analysables était de 3,4 % (1,6 %-6,4 %), mais dans 75 %, le test non analysable était refait (76,0 % chez les femmes vs 73,6 % chez les hommes) [7]. Les causes des tests non analysables étaient diverses : date de péremption du test, délai entre réalisation et réception du test par le laboratoire > 15 jours, dépôt de selles trop important, test négatif avec un nombre de plages < 6… Le pourcentage de tests non analysables augmentait avec l’âge. Tests positifs Sur l’ensemble des 22 départements, le pourcentage moyen de tests positifs était de 2,6 % avec des extrêmes variant du simple au double (1,8 %-3,6 %) [7]. Comme attendu, le taux de positivité augmentait avec l’âge et il était plus élevé chez les hommes (3,2 %) que chez les femmes (2,2 %).
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Résultats des coloscopies
Comme pour les cancers, ce taux augmentait avec l’âge.
Proportion de personnes ayant réalisé une coloscopie après un test positif
Au moins un adénome ≥ 1 cm était détecté chez 16,2 % en moyenne des personnes coloscopées (10,7 %-23,7 %) au sein des 18 départements où l’item était disponible. Ce taux était supérieur de 86 % chez les hommes (20,7 %) par rapport aux femmes (11,1 %) [7].
Ce taux était mesuré après un délai fixé arbitrairement à 12 mois après le résultat du test. Sur les 19 départements évaluables, 33 481 personnes (17 950 hommes et 15 531 femmes) avaient réalisé une coloscopie, soit un taux moyen d’exploration égal à 87 % (75,1 %-94,1 %). Le taux dépassait 90 % dans 6 départements et était inférieur à 80 % dans 3 départements. Le taux d’exploration ne différait pas ou peu en fonction du sexe ou de la classe d’âge. Pour les 16 départements où la donnée était disponible, le taux moyen de coloscopie complète était de 93,6 % (71,7 %-99,7 %). Il était ≥ 95 % dans 11 des 16 départements. Les raisons de l’échec ne sont pas répertoriées à ce jour. Taux de lésions découvertes à la coloscopie Les résultats relatifs aux lésions détectées étaient exprimés par patient en ne considérant que la lésion la plus péjorative. Par exemple, une personne ayant un cancer associé à des adénomes était classée dans le groupe cancer. Cancer Un cancer était détecté chez 3 289 personnes (2 137 hommes et 1 152 femmes), soit un taux moyen de 9,3 % des coloscopies (8,0 %-16,6 %). Le taux était supérieur de 65 % chez les hommes (11,4 %) par rapport aux femmes (6,9 %). Il était égal à 5,2 % dans la tranche d’âge 50-54 ans versus 14,2 % dans celle 70-74 ans [7]. Adénome Au moins un adénome sans cancer associé était détecté chez 33,1 % en moyenne des personnes coloscopées (19,8 %-48,8 %). Ce taux était supérieur de 59 % chez les hommes (40,0 %) par rapport aux femmes (25,1 %).
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Cancer et/ou adénome Des chiffres précédents, on peut en déduire qu’un cancer et/ou un adénome était détecté chez 42,4 % en moyenne des personnes coloscopées (35,1 %-56,6 %). Il était de 51,6 % chez les hommes et de 31,9 % chez les femmes [7]. Complications de la coloscopie Elles n’ont pas été répertoriées à ce jour. Le relevé que nous en avions fait au niveau de 3 départements pilotes (Ille et Vilaine, Haut Rhin, Saône et Loire) faisait état d’un nombre de cas de perforation colique de 6 pour 6 282 coloscopies, soit un taux de perforation de 0,9 p. 1 000 examens [8].
Efficacité du dépistage Taux de lésions détectées - Analyse per protocole Afin de pouvoir être comparés à ceux d’autres programmes de dépistage, les résultats du programme se doivent d’être exprimés en analyse en intention de dépister (proportion des personnes ayant des lésions colorectales dépistées au sein de la population cible) et en analyse per protocole (proportion des personnes ayant des lésions colorectales dépistées au sein de la population ayant fait le test). En analyse per protocole, le taux de cancer était de 2,2 p.1 000 (1,3-3,2) et le taux d’adénome ≥ 1 cm était de 3,8 p.1 000 (2,0-6,5) personnes ayant fait le test [7]. Staging des cancers dépistés D’après la classification UICC, les 3 289 cas de cancer colorectal détectés se répartissaient de la façon suivante :
stade 0 (Tis) = 24 %, stade I (pT1,T2,N0,M0) = 25 %, stade II (pT3,T4N0M0) = 14 %, stade III (pN+) = 14 %, stade IV (pM+) = 6 %. Dixsept p.100 des cancers n’étaient pas classés [7].
Facteurs de réussite et d’échec Les résultats enregistrés lors de la première campagne au niveau des 22 départements pilotes sont hétérogènes. Des disparités notables existent entre les départements sur tous les indicateurs d’activité, de qualité et d’efficacité. Trois d’entre eux seront discutés ci-après. Le taux de participation a dépassé le taux de 50 % fixé par le cahier des charges dans une minorité des départements seulement (5/22, 22,7 %). Les raisons de non participation ne sont qu’imparfaitement connues, mais elles ont fait l’objet de l’enquête FADO réalisée entre décembre 2006 et avril 2007 dans 6 départements [9]. Cette étude a souligné le fait que 36 % des personnes ne participant pas au dépistage organisé avaient des raisons médicales d’exclusion inconnues de la structure de gestion. Les différences notables du taux d’exclusion médicale observées entre les départements soulignent l’hétérogénéité de la qualité du recueil de l’information selon les départements. Cette étude a souligné aussi le rôle joué par les caractéristiques épidémiologiques de la population, notamment en sexe (odds ratio ajusté de 1,3 pour la non participation des hommes versus les femmes) et en âge (odds ratio ajusté de 0,6 pour la tranche d’âge 70-74 ans versus 50-59 ans) [9]. Dans 4 départements où le taux de participation était supérieur à 50 %, nous avions montré que le taux le plus bas était observé chez les hommes âgés de 50 à 54 ans (41,7 %) et le taux le plus élevé chez les femmes âgées de 65 à 69 ans (59,6 %), soit une différence absolue de 17,9 % [8]. Ces différences sont probablement dues pour partie à des différences de comportement vis à vis des problèmes de santé entre les • • • • • •
personnes, et de leur perception de l’efficacité du dépistage des cancers. Selon l’étude FADO [9], sous réserve que seulement 14 % des non participants avaient renvoyé le questionnaire, les autres raisons de non participation alléguées étaient les suivantes : la personne déclarait avoir d’autres problèmes à ce moment-là (36 %) ; elle n’était pas convaincue de le faire (26 %) ; elle ne se sentait pas concernée (14 %) ; elle avait peur des résultats du test (9 %) ; les explications reçues n’étaient pas claires (4 %). Ces résultats recoupent ceux de l’enquête réalisée en Ille-et-Vilaine, où nous avions montré aussi que les femmes participant au dépistage du cancer du sein ne participaient qu’inconstamment au dépistage du cancer colorectal, soulignant des différences de comportement tenant à la nature du cancer, à sa localisation, ou au test utilisé [10]. Le comportement des médecins généralistes est un élément important susceptible d’expliquer des différences entre les départements et entre les cantons d’un même département. En Ille et vilaine, où le taux de participation à la première campagne était de 51,4 %, nous avons observé des variations allant de 36,4 % à 77,9 % selon les cantons. La participation des médecins aux réunions de formation mises en place avant de débuter la campagne, leur degré de confiance dans le test de dépistage, sont des facteurs qui conditionnent leur niveau de participation au programme de dépistage. L’évaluation de la qualité des informations relatives au dépistage contenues dans les dossiers des médecins, a montré qu’elle restait globalement très insuffisante [11]. L’étude FADO et l’enquête réalisée en Ille-et-Vilaine soulignent aussi le rôle joué par l’information [9,10]. La mise en place d’un programme de communication au niveau national en septembre 2008 est de nature à aider les départements qui démarrent, et les départements déjà engagés pour les campagnes à venir. • • • • • •
Nous voudrions insister sur le fait que le mode de calcul utilisé pour la participation au dépistage organisé ne rend pas bien compte et sous-estime la proportion de la population couverte par le dépistage du cancer colorectal. Pour pouvoir comparer les chiffres observés en France à ceux en provenance d’autres pays, il faudrait tenir compte de la proportion des personnes soumises à une surveillance coloscopique régulière en raison de leur niveau de risque jugé élevé ou très élevé. C’est d’ailleurs un des bénéfices indirects du dépistage organisé que de détecter chez certaines personnes des antécédents familiaux de cancer ou de gros adénome jusque-là méconnus du médecin et justifiant la réalisation d’une coloscopie. Or, ces exclusions ne sont pas toujours rapportées à la structure de gestion et donc non déduites du dénominateur pour le calcul du taux de participation. La proportion des personnes ayant un test positif et effectuant une coloscopie était en moyenne de 87 %, ne dépassant 90 % que dans 6 des 19 départements évalués (31,6 %). Les raisons de non coloscopie sont encore mal connues. Il est possible que certaines personnes ne puissent subir l’examen du fait d’un état de santé précaire, sous-entendant qu’elles auraient dû être exclues du dépistage par test au gaïac par une meilleure sélection. Néanmoins, nous pressentons que le niveau d’information donnée au patient par le médecin traitant constitue aussi un facteur déterminant dans la réalisation ou non de la coloscopie. Les résultats de la coloscopie étaient ceux attendus d’après les résultats des essais contrôlés avec le test Hemoccult II®. Cependant, il a été observé des différences notables entre les départements quant au taux de coloscopies complètes, ainsi qu’au taux de lésions découvertes. La proportion de cancers détectés à la coloscopie variait selon les 19 départements dans un rapport de 2,5 (6,5-16,6 %), celle des adénomes dans un rapport identique de 2,5
(19,8-48,8 %), et celle des adénomes ≥ 1 cm dans un rapport de 2,2 (10,723,7 %). De telles variations sont pour partie liées aux caractéristiques des personnes dépistées, mais nous avons montré en Ille-et-Vilaine qu’il existait aussi des variations inter-endoscopistes, statistiquement significatives pour le taux de détection des adénomes en général et des adénomes ≥ 1 cm en particulier, mais pas pour la détection des cancers [12]. Un feedback du taux de détection des lésions vers les endoscopistes pourrait contribuer à améliorer les performances des coloscopies, bien que dans le contexte de test au gaïac positif, on imagine qu’elles soient déjà réalisées avec la plus grande attention [13].
Conclusion La France est le premier pays au monde à avoir implanté sur l’ensemble de son territoire un programme organisé du dépistage du cancer colorectal. Les résultats actuels jugés satisfaisants, pourraient s’améliorer grâce à une meilleure information de la population, une meilleure formation des médecins généralistes, au progrès des techniques endoscopiques, ainsi qu’au remplacement programmé du test au gaïac par un test immunologique [4,14,15].
Remerciements aux structures de gestion départementales Allier (Dr J Puvinel) - Alpes-Maritimes (Dr C Granon) - Ardennes (Dr B Charlier) - Bouches du Rhône (Dr L Le Retraite) - Calvados (Dr D Birman) - Charente (Dr D Mahieu) - Côte d’Or (Dr V Dancourt) - Finistère (Dr Y Foll) - Hérault (Dr J Cherif-Cheik) - Ille et Vilaine (Dr G Durand ; Dr C Piette) - Indre et Loire (Dr J Viguier) - Isère (Dr C Exbrayat) -Marne (Dr F Arnold ; Dr M Thirion) - Mayenne (Dr P Lalanne) - Moselle (Dr Y Spyckerelle) - Nord (Dr B Cockenpot ; S Chaumette) - Orne (Dr
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A Notari-Lefrançois) - Puy de Dôme (Mme C Mestre) - Pyrénées Orientales (Dr JP Gautier) - Haut- Rhin (Dr P Perrin) - Saône et Loire (Dr N Touillon) Essonne (Dr H Ait Hadad) - SeineSaint-Denis (Dr S Saïfi ; Dr C Debeugny).(Dr H Ait Hadad) - SeineSaint-Denis (Dr S Saïfi ; Dr C Debeugny).
Références 1. Bretagne JF, Faivre J. La Société Nationale Française de Gastroentérologie recommande le dépistage généralisé organisé du cancer colorectal en France. Gastroenterol Clin Biol 2000; 24:492-3. 2. INCa. Le dépistage organisé du cancer colorectal. Un moyen décisif pour lutter contre la deuxième cause de mortalité par cancer en France. http:// www.e-cancer.fr/v1/fichiers/public/ brochure_colorectal_8pages_medical. pdf 3. Journal officiel de la République française. Programmes de dépistage des cancers. http://www.snfge.asso.fr/03Professionnels/0C-depistage-cancercolique/pdf/joe_20061221_sommairecomplet.pdf
4. La HAS évalue l’intérêt des tests immunologiques dans le dépistage du cancer colorectal en France. http:// www.has-sante.fr/portail/jcms/c_ 727745/la-has-evalue-linteret-destests-immunologiques-dans-le-depistage-du-cancer-colorectal-en-france 5. Goulard H, Boussac-Zarebska M, Ancelle-Park R, Bloch J. French colorectal cancer screening pilot programme: results of the first round. J Med Screen 2008;15:143-8. 6. Goulard H Boussac-Zarebska M, Bloch J. Évaluation épidémiologique du programme pilote de dépistage organisé du cancer colorectal, France, 2007. Bull Epidemiol Hebd 2009;2-3:22-4. 7. Goulard H, Boussac-Zarebska M, Bloch J. Dépistage organisé du cancer colorectal : Evaluation épidémiologique des premières et deuxièmes campagnes. Rapport InVS - sous presse. 8. Bretagne JF, Dancourt V, Denis B, Durand G, Faivre J, Mallard G, Perrin P, Piette C, Touillon N. Results of mass screening with fecal occult blood test in 4 pilot areas in France. Gastroenterology 2006;130:A186. 9. Goulard H, Boussac-Zarebska M, Duport N, Bloch J. Facteurs d’adhésion au dépistage organisé du cancer colorectal : étude FADO-colorectal, France, décembre 2006-avril 2007. Bull Epidemiol Hebd 2009;2-3:25-8. 10. Clappier P, Mallard G, Bretagne JF, Piette C, Durand G. Étude des motifs
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de non participation à la campagne de dépistage du cancer colorectal. Gastroenterol Clin Biol 2006;30: A141. Denis B, Schon G, Ruetsch M, Grall JC, Lévêque M, Meyer JM, Moser S, Tschiember JC, Perrin P. Dépistage des cancers : auto-évaluation des dossiers médicaux de 37 médecins généralistes. Presse Med 2007;36(2 Pt 1):217-23. Bretagne JF, Hamonic S, Piette C, Manfredi S, Leray E, Durand G, Riou F. Variations inter-endoscopistes observées dans le cadre du dépistage organisé du cancer colorectal après test Hémoccult® positif. Communication orale aux Journées Francophones d’Hépato-Gastroentérologie et de Cancérologie Digestive, Paris 2009. Bretagne JF, Ponchon T. Do we need to embrace adenoma detection rate as the main quality control parameter during colonoscopy? Endoscopy 2008;40:523-8. Dancourt V, Lejeune C, Lepage C, Gailliard MC, Meny B, Faivre J. Immunochemical faecal occult blood tests are superior to guaiac-based tests for the detection of colorectal neoplasms. Eur J Cancer 2008;44:2254-8. Launoy G. Improvement in screening for colorectal cancer associated with the use of immunochemical faecal occult blood test. Pathol Biol (Paris) 2008 Oct 1. [Epub ahead of print].
Les 5 points forts ➋
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La participation à la première campagne du dépistage organisé en France est en moyenne de 42 % ; Entre les départements évalués, il existe d’importantes variations pour tous les indicateurs d’activité, de qualité et d’efficacité précoce du dépistage organisé. Certains résultats sont inférieurs aux objectifs définis dans le cahier des charges ; Les résultats des coloscopies font état de variations significatives entre endoscopistes des taux ajustés de détection des adénomes, y compris ceux de taille ≥ 10 mm ; Augmenter la participation de la population cible implique d’améliorer l’information du public et de mieux former les médecins traitants ; Le principe du remplacement du test au gaïac par un test immunologique plus sensible pour le dépistage des néoplasies avancées (cancers et adénomes avancés) est acquis, mais les modalités restent à préciser.
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Questions à choix unique Question 1 En France, la proportion d’adénomes ≥ 10 mm diagnostiqués lors des coloscopies justifiées par un test Hémoccult II® positif est de : ❏ A. Environ 4 % ❏ B. Environ 10 % ❏ C. Environ 16% ❏ D. Environ 22 % ❏ E. Environ 28 %
Question 2 En France, parmi 1 000 personnes participant au dépistage par test Hémoccult II®, le nombre de cancers colorectaux diagnostiqués est de : ❏ A. Environ 1 ‰ ❏ B. Environ 2 ‰ ❏ C. Environ 4 ‰ ❏ D. Environ 8 ‰ ❏ E. Environ 12 ‰
Question 3 En France, parmi les cancers colorectaux dépistés par le dépistage organisé, la proportion des cancers sans métastases ganglionnaires ou viscérales est de : ❏ A. Environ 10 % ❏ B. Environ 30 % ❏ C. Environ 50 % ❏ D. Environ 70 % ❏ E. Environ 90 %
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Post’U (2009) 30-46
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Pré-requis avant la mise en route d’une chimiothérapie pour cancer colorectal Objectifs pédagogiques – Connaître les paramètres à prendre en considération avant la mise en route d’une chimiothérapie dans des conditions de sécurité optimales.
Introduction Le cancer colorectal (CCR) représente un important problème de santé publique par sa fréquence et sa gravité. Il est au 3e rang des cancers pour les deux sexes avec une estimation de 37 400 nouveaux cas par an selon les données de registres (FRANCIM 2008). Pour les deux sexes réunis, le CCR représente 61 % des cancers digestifs. Ces 25 dernières années, son incidence a augmenté, mais son pronostic s’est amélioré attestant de progrès thérapeutiques liés à un diagnostic plus précoce et à une amélioration des pratiques chirurgicales, tout comme au un développement de la chimiothérapie adjuvante et palliative. Depuis 1990, le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante pour les cancers coliques est démontré en cas de métastase ganglionnaire (stade III). Jusqu’en 1995, le 5-FU était le seul médicament « un peu actif » dans le CCR métastatique. La chimiothérapie a profondément évolué au cours de ces dix dernières années avec le développement de nouvelles molécules (irinotécan (Campto®), oxaliplatine (Eloxatine® ou oxaliplatine générique) et de l’amélioration du mode d’administration du 5-FU (schéma LV5FU2). L’utilisation de précurseurs oraux du 5-FU (capé-
citabine (Xeloda®) et UFT® (tégafururacile)) a aussi enrichi les options thérapeutiques. Les limites des chimiothérapies cytotoxiques ont réorienté les recherches vers des biothérapies dites « ciblées », visant des événements cellulaires jouant un rôle majeur dans la prolifération et la survie des cellules tumorales [1]. Depuis 2004, l’efficacité d’anticorps monoclonaux ciblant epidermal growth factor receptor (EGFR) (cetuximab (Erbitux®) puis panitumumab [Vectibix®]) et l’angiogenèse (bévacizumab (Avastin®), un antiVEGF)) a validé le concept d’inhibition ciblée en cancérologie digestive [1,2]. Bien que la chirurgie soit le seul traitement curatif, l’augmentation importante du nombre des médicaments anticancéreux disponibles et efficaces a eu pour conséquence un accroissement de la complexité des stratégies thérapeutiques dans la prise en charge du CCR [2]. L’efficacité de ces bio-chimiothérapies ne doit pas faire oublier leur morbidité et leur coût financier. Les paramètres « réglementaires », généraux et spécifiques (scientifiques, cliniques et biologiques) à prendre en considération avant la prescription d’une chimiothérapie seront exposés dans cette revue. Les critères nécessaires à une individualisation de la chimiothérapie seront également abordés.
Règles de bon usage des molécules La prescription des médicaments de la liste I est « réglementairement » réser-
Olivier Bouché (), E. Scaglia, S. Lagarde CHU Robert Debré, service d’hépato-gastroentérologie et de cancérologie digestive, avenue du Général Koenig, F- 51092 REIMS Cedex E-mail :
[email protected] ■
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O. Bouché, E. Scaglia, S. Lagarde vée aux médecins spécialistes ou compétents en cancérologie, après discussion ou enregistrement en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) dans le cadre de référentiels ou d’essais cliniques. Les indications standard et alternatives des principaux schémas sont disponibles en ligne dans les chapitres 3 et 4 du thésaurus national de cancérologie digestive mis à jour au moins tous les ans [3]. Des décrets ont déterminé les 15 critères de qualité de prise en charge conditionnant l’agrément des établissements pour la pratique de la chimiothérapie dont : la prescription informatisée, l’Unité de Préparation Centralisée (UPC), l’appartenance à un réseau régional de cancérologie et un seuil d’activité (80 patients par an dont 50 en hôpital de jour) [4]. Dans le cadre de la nouvelle tarification à l’activité, les molécules récentes sont dans la liste des médicaments onéreux hors GHS non inclus dans la T2A et pris en charge en sus par la Sécurité Sociale. Une régulation qualitative est prévue par réduction des taux de remboursement des molécules prescrites dans le niveau III (situation non acceptable : avec rapport bénéfice/risque défavorable) du Référentiel du Bon Usage hors GHS (RBU) par exemple pour les CCR : irinotécan en adjuvant, bevacizumab au-delà de la 2e ligne ou en monothérapie. Ce RBU hors GHS est téléchargeable en ligne sur le site de l’INCa [5]. Le respect des indications, des contreindications et des posologies, ainsi que • • • • • •
la connaissance parfaite des précautions d’emploi, des interactions médicamenteuses, des modalités de surveillance et des effets secondaires sont des pré-requis généraux indispensables [6]. La lecture des Résumés des Caractéristiques des Produits est un préalable nécessaire avant la première utilisation. Les données spécifiques principales à connaître avant la prescription des thérapies indiquées pour les CCR sont résumées dans le tableau 1 (d’après [6]).
Effets secondaires : information et éducation Les effets secondaires, même mineurs, peuvent retentir sur la qualité de vie des patients, provoquer une moindre observance du traitement, notamment pour la voie orale, et imposer des réductions de posologie voire des arrêts thérapeutiques délétères [6]. Le clinicien se doit donc de connaître, prévenir et traiter les toxicités.
Information et éducation : patient, entourage et médecin traitant La prise en charge des effets secondaires doit débuter avant la première administration. Le patient, son entourage et son médecin traitant doivent être informés de la possibilité de survenue d’effets secondaires et de leurs éventuelles conséquences sur la vie privée ou professionnelle [6]. Cette démarche rentre dans le cadre du dispositif d’annonce avec remise du Programme Personnalisé de Soins (PPS). L’information doit être simple, adaptée et « rassurante », en insistant sur les rares symptômes qui doivent « alerter » sur la survenue d’une toxicité grave : fièvre (justifiant une NFS), diarrhée importante (lopéramide à forte dose si irinotécan), mucite empêchant l’alimentation, douleurs thoracique (5-FU, capécitabine, UFT), douleurs abdominales (bevacizumab)… Des informations plus détaillées sur la prise en charge des toxicités peuvent être adressées aux médecins généra• • • • • •
Tableau 1. Contre-indications, pré-requis et surveillance de la prescription des bio-chimiothérapies pour CCR (d’après [6]). Contre-indications générales : hypersensibilité au produit, grossesse et allaitement, vaccin vivant atténué (fièvre jaune), insuffisance médullaire, état général OMS 3 ou 4 Informations générales : sexualité, fécondité, contraception, aptitude à la conduite, vaccinations Précautions générales : peu de données chez insuffisant rénal ou hépatique sévère 5-Fluorouracile Contre-indications : insuffisance coronarienne symptomatique, déficit connu en DPD Examen : buccal (soins dentaire et parodontal si besoin), cardio-vasculaire avec ECG Précautions : surveillance cardiaque si antécédents cardiaques, alcooliques et/ou tabagiques Surveillance : mucite, diarrhée, syndrome pied-main Surveillance para-clinique : NFS-Plaquettes, ECG et troponine si douleur Interactions : métronidazole, ornidazole, allopurinol, warfarine, interféron phénytoïne, fosphénytoïne Capécitabine (Xeloda®), tégafur-uracile (UFT®) Contre-indications : insuffisance coronarienne symptomatique, déficit connu en DPD, sorivudine Examen : cutané, buccal (soins dentaire et parodontal si besoin), cardio-vasculaire avec ECG Conseils : carnet de liaison Précautions : adaptation (75 % dose) si clairance créatinine de 30 à 50 ml/min pour capécitabine Surveillance : mucite, diarrhée, syndrome pied-main Surveillance para-clinique : NFS-Plaquettes, ECG et troponine si douleur, créatininémie (pour capécitabine) Interactions : sorivudine et brivudine (anti-viraux), allopurinol, phénytoïne, warfarine, coumariniques, méthoxypsoralène, clotrimazole, kétoconazole, miconazole. Irinotécan (Campto®) Contre-indications : bilirubinémie > 3N, occlusion, MICI, intolérance héréditaire au fructose Examen : buccal (soins dentaire et parodontal si besoin), albuminémie si dénutrition Conseils : spécifiques si diarrhée (lopéramide 4 mg puis 2 mg/2 h ; hospitalisation si fièvre ou > 48 h) Précautions : adaptation si bilirubinémie 1,5 à 3N (60 % dose), dénutrition, drain biliaire externe, atropine si syndrome cholinergique (sauf glaucome, rétention urinaire, asthme) Surveillance : diarrhée, sd cholinergique, alopécie, nausée Surveillance para-clinique : bilirubinémie, NFS-Plaquettes (hebdomadaire si bilirubinémie 1,5 à 3N) Interactions : kétoconazole, irifampicine, carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne, millepertuis. Oxaliplatine (Eloxatine®, oxaliplatine générique) Contre-indications : neuropathie sensitive périphérique, clairance de la créatinine 3 comordidités À 70 ans 0 comorbidité 1-2 comorbidité(s) > 3 comordidités À 75 ans 0 comorbidité 1-2 comorbidité(s) > 3 comordidités À 80 ans 0 comorbidité 1-2 comorbidité(s) > 3 comordidités À 85 ans
chimiothérapeute et le gériatre pour établir un programme personnalisé de soins (PPS) « adapté » du cancer. Les sujets âgés porteurs de CCR constituent une population hétérogène chez qui les comorbidités diminuent l’espérance de vie [35] (Tableau 2). De plus, il existe une vulnérabilité, avec un risque de décompensation des fonctions dont la réserve est diminuée par l’âge (par exemple une anémie décompensant une cardiopathie, ou l’aggravation d’une insuffisance rénale par une diarrhée). Des pathologies en cascade sont possibles : par exemple : anorexie, amaigrissement, fonte musculaire, puis troubles de la marche avec chutes, fracture, immobilisation et escarres [33]. L’état général n’est pas un bon reflet des réserves fonctionnelles des patients âgés [33,34]. C’est l’Évaluation
Gériatrique Standardisée (EGS), qui permettra au mieux une évaluation de l’état de santé du sujet âgé dans sa globalité [32-34,36]. Cet examen spécialisé va évaluer plusieurs paramètres au cours d’un entretien, suivi d’un examen clinique utilisant des échelles standardisées : autonomie, comorbidités (index de Charlson), fonctions psycho-cognitives (score MMSE et GDS), traitement médicamenteux, statut nutritionnel (MNA), syndrome gériatrique, conditions socio-économiques, cadre de vie, fonctions sensorielles (marche, équilibre, score ADL et IADL) [33,34,36]. Outre une adaptation de la chimiothérapie, l’EGS permettra aussi une prescription améliorée des traitements de support. L’EGS alertera sur la ou les fragilités potentielles justifiant une surveillance adaptée. • • • • • •
Un facteur limitant de l’EGS est le délai parfois important d’obtention de l’avis gériatrique. Cependant, ce délai est certainement très inférieur à la durée de l’hospitalisation que nécessiterait la survenue d’une toxicité. Pour pallier ce manque d’effectifs de gériatres, le chimiothérapeute peut intuitivement sélectionner les patients justifiant d’une EGS, en posant les questions simples du test IADL (utilisation du téléphone, faire les courses, préparer les repas, faire le ménage, faire la lessive, utiliser les transport, prendre ses médicaments, tenir son budget) [33,34]. Un essai GERCORGEPOC OLD07 SA07-1 vise à élaborer une échelle prédictive simple de la faisabilité de la chimiothérapie, chez des patients de plus de 75 ans ayant un cancer du sein, colorectal ou de l’ovaire. Selon l’espérance de vie estimée Avant de soigner un sujet âgé, il faut prendre en compte l’espérance de vie de sa classe d’âge (et non l’espérance de vie à la naissance) qui va conditionner les possibilités thérapeutiques [35,37] (Tableau 2). Si le premier facteur pronostique reste le stade de la maladie, c’est le statut physiologique, bien plus que l’âge civil, qui va conditionner les indications de chimiothérapie [36]. Par exemple, l’espérance de vie d’un patient de 70 ans, atteint d’un CCR de stade III peut varier de 8,3 à 3,7 ans en fonction des comorbidités [10]. Au terme de l’évaluation, les personnes seront classées en trois catégories ayant une espérance de survie différente [35,36]. Un arbre décisionnel selon ces 3 groupes a été proposé par l’équipe de Balducci [36] (Fig. 1). Les discussions se feront moins dans les situations extrêmes (vieillissement réussi ou, à l’inverse, altérations majeures) que dans le groupe hétérogène intermédiaire. Pour ces malades dits « intermédiaires », la décision thérapeutique dépend de l’espérance de vie estimée. Il faut essayer de distinguer les patients qui • • • • • •
Évaluation gériatrique
« Pleine forme » vieillissement réussi – autonome – pas de comorbidité
« Vulnérable » intermédiaire – 1 dépendance IADL* – et/ou < 3 comorbidités
« Fragile » – sd gériatrique – dépendant ADL** – ≥ 3 comorbidités
Espérance de vie > celle liée au cancer
< celle liée au cancer
Traitement standard
Traitement adapté
stade III => FOLFOX4 stade III > 80 ans => ? stade II haut risque => ? métas => idem s. jeunes cf. thésaurus
stade III => LV5FU2s ou capécitabine 80 % métas => mono-chimio 80 % ou bi-chimio 80 % + ou – bevacizumab
Soins palliatifs
*IADL : activités instrumentales de la vie quotidienne (téléphoner, courses, ménage, lessive, repas, utiliser les transport, prendre des médicaments, tenir son budget) **ADL : activités de la vie quotidienne (hygiène, habillage, aller aux toilettes, déplacement, continence, alimentation) Figure 1. Arbre décisionnel en fonction de l’évaluation gériatrique chez le sujet âgé atteint d’un cancer (d’après [34,36])
mourront « avec » leur cancer, de ceux qui mourront « de » leur cancer [32]. Après dépistage et prise en charge d’une dénutrition La dénutrition, présente chez 60 % des sujets âgés, est un facteur de risque indépendant de décès précoce reconnu, et qui doit être dépistée et prise en charge avant de débuter la chimiothérapie. Dans une analyse multi-variée, chez les patients avec un score MNA < 17, le risque de mortalité précoce était 4 fois supérieur à celui des patients normo-nutris [38]. En situation adjuvante Des études réalisées à partir de registres [35,39], de méta-analyse [40] ou d’essais randomisés [41] ont retrouvé un gain de survie chez les malades de plus de 65 ans traités par chimiothérapie à base de 5-FU [39, 40] ou de capécitabine [41] après résection d’un cancer colique de stade III. À l’exception des leucopénies, les effets secondaires n’étaient pas plus fréquents chez les malades âgés, sous réserve
d’une adaptation à la fonction rénale pour la capécitabine. Dans une autre étude, il n’y avait pas de bénéfice de la chimiothérapie si sa durée était de moins de 4 mois (38 % d’arrêt précoce chez les patients entre 75 et 79 ans ; 52 % si plus de 80 ans) [42]. Dans l’étude QUASAR, il n’y avait pas de bénéfice d’une chimiothérapie par 5-FU pour les patients âgés de plus de 70 ans après résection d’un cancer colique de stade II [43]. L’ensemble de ces données plaide pour, qu’après exérèse d’un cancer du côlon stade III, une chimiothérapie adjuvante soit proposée au malade, si son espérance de vie supposée est supérieure à l’espérance de vie en cas de rechute [32-35,44]. Le FOLFOX4 est le standard pour les patients du groupe I, mais il n’y pas de donnée au-delà de 75 ans [44]. Le LV5FU2 simplifié est bien adapté aux patients du groupe II [44]. La capécitabine, adaptée à la fonction rénale et/ou à une dose de 2 000 mg/m2, est une option possible, sous réserve d’une observance qu’il sera possible de vérifier et des d’inte-
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ractions médicamenteuses [32,33,44]. L’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante chez les malades âgés de plus de 80 ans, et/ou dans les CCR de stade II, n’est pas démontré [32,33,44]. En situation palliative Une analyse de sous-groupes d’essais de phase III chez des patients âgés, a montré que la tolérance et l’efficacité d’une chimiothérapie palliative à base de 5-FU infusionnel étaient aussi bonnes que chez les plus jeunes [45]. L’analyse par tranche d’âge a retrouvé une toxicité plus importante de la capécitabine après 80 ans, probablement en rapport avec une altération de la fonction rénale [46]. Pour l’oxaliplatine ou l’irinotécan, des données rétrospectives ou issues de sous-groupes poolées d’essais de phase III, chez les patients de 70 à 75 ans, suggèrent une tolérance acceptable avec une efficacité proche de celle observée chez les patients plus jeunes [47-49]. Ces malades étaient toutefois très sélectionnés. Dans un essai anglais randomisé comparant 5-FU ou capécitabine plus ou moins oxaliplatine, une dose initiale diminuée de 80 % a permis de maîtriser la toxicité [50]. Si les taux de réponse ne semblaient pas altérés par l’âge, en revanche, les données de survie étaient moins bonnes que chez les sujets jeunes. L’essai FFCD 2001-02 spécifique aux malades âgés de plus 75 ans compare LV5FU2 à FOLFIRI. L’analyse intermédiaire a montré une activité supérieure du FOLFIRI, au prix de toxicités de grade 3-4 plus fréquentes, mais sans décès toxique [51]. Peu de données spécifiques aux sujets âgés sont disponibles pour les biothérapies ciblées anti-EGFR et le bevacizumab. Dans l’analyse poolée de 2 essais incluant des patients de plus de 65 ans [52] et dans un observatoire [53], le risque d’accident artériel thromboembolique sous bevacizumab semblait davantage en rapport avec les antécédents vasculaires qu’avec l’âge. Un Centre d’Etudes et de Recours sur les Inhibiteurs de l’Angiogenèse
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(CERIA) a proposé une évaluation préthérapeutique des plaques d’athérome visibles au scanner avec un score prédictif du risque vasculaire en cours de validation. Pour les patients âgés de plus de 75 ans, l’indication de la chimiothérapie dépendra du niveau de dépendance et des comorbidités [36] ; chez les patients sans comorbidité et en état général grade 0 ou 1, les indications sont les mêmes que pour les patients plus jeunes (groupe I de Balducci) ; en revanche, la mise en œuvre d’une chimiothérapie palliative n’est envisageable qu’après évaluation gériatrique en présence de comorbidités (groupe 2 de Balducci) et elle est contre-indiquée chez les patients très fragiles (groupe 3 de Balducci). (accord d’experts dans le thésaurus national [3]). Les schémas à base de LV5FU2 simplifié, sans 5-FU bolus au J2 seront privilégiés pour limiter les risques de toxicité hématologique [35,44].
Selon la fonction hépatique La fonction hépatique des patients atteints de cancer colo-rectal peut être altérée du fait : du syndrome tumoral (métastases multiples et/ou obstacle des voies biliaires), des traitements (chimiothérapie, hépatectomie) et/ou d’une hépatopathie sous-jacente. Peu de données sont disponibles sur la tolérance des chimiothérapies ou des biothérapies chez les patients insuffisants hépatiques sévères. Le dosage de la bilirubine totale et libre doit être réalisé avant traitement et à chaque cure pour l’irinotécan [3]. A défaut de rechercher systématiquement les polymorphismes de l’UGT1A1 (cf. infra), le dosage de bilirubine doit, si possible, être réalisé à jeun pour faciliter le diagnostic d’une maladie de Gilbert. Une adaptation de la posologie est impérative : – si la bilirubinémie est > 3 fois la normale : contre-indication ; – si la bilirubinémie est entre 1,5 et 3 fois la normale : adaptation posologique (60 % de dose) et sur-
veillance hebdomadaire de la NFS ; – si transaminases > à 3N en l’absence de métastases hépatiques et > à 5 N en présence de métastases hépatiques : l’irinotécan est également déconseillé. Une hypoalbuminémie associée aggrave aussi le risque de toxicité car le métabolite actif de l’irinotécan (SN-38) est fortement lié aux protéines plasmatiques. Le risque de toxicité hématologique est également augmenté chez les patients porteurs d’un drainage biliaire externe. La posologie du 5-FU doit être diminuée de 1/3 en cas de trouble grave de la fonction hépatique. Des cas d’hépatotoxicité ont été décrits avec l’UFT et la capécitabine.
Selon la fonction rénale Peu de données sont disponibles chez les patients insuffisants rénaux sévères (clairance de la créatinine < 30 ml/min) ou hémodialysés. La détermination de la clairance de la créatinine est indispensable avant le traitement et à chaque cure pour la capécitabine et le raltitrexed. La posologie sera adaptée : – capécitabine : 75 % de dose si clairance entre 30 à 50 ml/min, et surveillance attentive pour une clairance entre 50 à 80 ml/min ; – raltitrexed : 75 % de dose si clairance entre 55 à 65 ml/min, et 50 % de dose si entre 25 à 54 ml/min. L’oxaliplatine est contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale sévère. En cas d’anomalie modérée, la fonction rénale doit être surveillée et les doses adaptées à la toxicité. Le service d’Information Conseil Adaptation Rénale (ICAR Oncologie), composé de médecins et de pharmaciens, donne des conseils sous 24 heures sur l’adaptation de la posologie chez le patient insuffisant rénal, les interactions médicamenteuses avec les immunosuppresseurs et les effets rénaux des chimiothérapies. Un formulaire de demande est téléchargeable [54]. • • • • • •
Selon la pharmacocinétique Les doses de médicaments sont calculées sur l’hypothèse que l’élimination est proportionnelle à la surface corporelle des patients. Les preuves de l’utilité du suivi thérapeutique pharmacologique sont rares et difficiles à obtenir. Malgré quelques résultats favorables concernant l’adaptation pharmacocinétique du 5-FU [55,56], le rapport bénéfice clinique/coût défavorable n’a pas permis sa généralisation en routine clinique [3].
Selon la biologie moléculaire : pharmacogénomique et pharmacogénétique La résistance thérapeutique expose les patients à des thérapies inutiles voire délétères avec une morbidité accrue et un surcoût financier [2]. La recherche de marqueurs moléculaires pouvant avoir une valeur prédictive d’efficacité thérapeutique s’est intensifiée ces dernières années. Les marqueurs potentiels sont des mutations acquises détectables sur tissu tumoral (pharmacogénomique) ou des variantes génétiques constitutionnelles analysables sur prélèvements sanguins (pharmacogénétique) [57]. La pharmacogénomique est dès maintenant requise avant prescription de chimiothérapie dans au moins deux situations : détection des mutations somatiques de l’oncogène tumoral KRAS (et bientôt BRAF) avant prescription des anti-EGFR et détermination du phénotype MSI avant prescription du 5-FU dans les cancers de stade II [3]. Des études descriptives ont établi que la variabilité inter-individuelle de l’efficacité et de la toxicité des chimiothérapies est influencée par le polymorphisme constitutionnel de gènes qui codent pour des enzymes du métabolisme de xénobiotiques : TS, DPD et MTHFR pour le 5-FU, UGT1A1 pour l’irinotécan, GST et ERCC pour l’oxaliplatine [2,57]. Les polymorphismes de UGT1A1 et de DPD sont les marqueurs d’individualisation les plus • • • • • •
prometteurs. Cependant, aucune étude stratégique ni médico-économique n’a encore validé leur intérêt clinique. Mutation KRAS tumorale et anti-EGFR Une équipe française a émis l’hypothèse qu’une mutation d’un effecteur des voies de signalisation de l’EGF situé en aval de l’EGFR était un mécanisme possible de résistance aux antiEGFR, par une activation de ces voies, indépendante du récepteur d’amont [58]. Une mutation du gène KRAS tumoral, présente dans 40 % des cas, était prédictive de non réponse au cetuximab dans une première série [58]. La valeur prédictive de résistance de cette mutation a ensuite été confirmée dans plusieurs études rétrospectives [59-63]. Les résultats d’études randomisées intégrant le génotypage de KRAS ont confirmé l’absence d’activité du cetuximab [64,65] mais aussi du panitumumab [66] en cas de mutation. Ces résultats ont impliqué une restriction d’AMM des anti-EGFR aux CCR avec statut KRAS tumoral non muté (également dit sauvage ou wild) [3,5]. Le thésaurus national précise que la détermination du statut du gène KRAS tumoral est utile dans le choix de la stratégie thérapeutique dès le diagnostic des métastases de CCR [3]. Cette analyse peut être faite soit au niveau de la tumeur primitive, soit au niveau des métastases, à partir d’un bloc tumoral en paraffine fixé initialement dans du formol (Bouin à proscrire). Le matériel tumoral peut être difficile à extraire sur les tumeurs primitives rectales traitées par radiochimiothérapie ou sur les biopsies de tumeurs coliques en place après chimiothérapie. Une précaution à prendre est donc d’effectuer initialement des biopsies endoscopiques multiples. La détermination est centralisée dans les plates-formes hospitalières de génétique moléculaire des cancers répartis sur l’ensemble du territoire. Le rôle des anatomo-pathologistes est important : désarchivage, sélection
d’une zone tumorale pour macrodissection, puis envoi en biologie moléculaire. Un programme d’assurance qualité dans le cadre d’une étude multicentrique nationale finance partiellement les coûts générés (STIC 2008 MOKAECM). Parmi les 70 % de patients avec KRAS non muté, il semble que la présence d’une mutation du gène effecteur BRAF tumoral, présente dans 15 % des cas, soit un autre marqueur de résistance aux anti-EGFR [67]. Recherche du phénotype MSI pré-requis à prescription du 5-FU pour stade II ? L’instabilité microsatellitaire (MSI) liée au dysfonctionnement du système mismatch repair MMR (gènes MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2) est une caractéristique phénotypique de l’ADN tumoral que l’on retrouve dans les CCR liés au syndrome HNPCC et dans 10 à 15 % des CCR sporadiques [68,69]. Des études in vitro ont montré que la chimio-sensibilité au 5-FU serait liée à l’intégrité du système MMR [70]. Cliniquement, l’influence du statut MSI sur la réponse au 5-FU est très controversée [68,69]. Deux études rétrospectives ont suggéré que le phénotype MSI était un facteur prédictif d’efficacité d’une chimiothérapie par 5-FU chez des patients avec cancer colique de stade III [71,72]. Dans une analyse de sous-groupes d’essais randomisés du NSABP évaluant le 5-FU en adjuvant, il n’y avait pas d’interaction entre le statut MSI et l’efficacité de la chimiothérapie [74]. À l’inverse, dans 3 autres études, la survie n’était pas améliorée par la chimiothérapie adjuvante chez les patients MSI [74,75,76], avec même une tendance à une survie globale diminuée dans l’analyse poolée de Ribic et al. [74]. L’analyse poolée de la même série, élargie à 1 027 cancers coliques de stade II et III, ne montrait pas de bénéfice de la chimiothérapie adjuvante par 5-FU pour les patients MSI de stade III contrairement aux malades MSS [77]. Pour les stades II, il existait
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même un effet délétère possible de la chimiothérapie adjuvante chez les malades MSI (SSP à 5 ans de 72 % vs 87 %, p = 0,05) [77]. Les données concernant l’irinotécan et l’oxaliplatine sont encore préliminaires. Des études in vitro ont montré qu’un dysfonctionnement du système MMR augmentait la chimiosensibilité à l’irinotécan. Deux études rétrospectives de faible effectif ont mis en évidence une association significative entre taux de réponse à l’irinotécan et phénotype MSI [78,79]. En revanche, deux études suggèrent la moindre efficacité de l’oxaliplatine en indication palliative en cas de phénotype MSI [80,81]. La mise à jour 2009 du thésaurus national recommande de tenir compte du phénotype MSI dans l’indication de la chimiothérapie pour les cancers coliques de stade II : « En cas d’instabilité microsatellite tumorale (MSI-H), une chimiothérapie adjuvante par 5FU-acide folinique n’est pas recommandée (grade B) » [3]. Par conséquent, chez les patient de moins de 60 ans ou ayant un parent au premier degré atteint par un cancer du spectre HNPCC, il convient maintenant d’attendre le résultat du statut MSI avant la mise en route d’une chimiothérapie qui est optionnelle dans les cancers stade II haut risque [3]. Cette recherche du phénotype d’instabilité microsatellitaire (MSI+) est réalisée dans les cellules tumorales, à l’aide des techniques de biologie moléculaire et d’immunohistochimie à partir d’un bloc tumoral en paraffine (tissu fixé dans du formol initialement) et/ou d’un tissu congelé [3,68,69]. Il s’agit d’une avancée importante dans l’individualisation thérapeutique, mais d’autres facteurs pronostiques biologiques (signature génétique tumorale, présence d’un infiltrat par des lymphocytes mémoires) seront probablement bientôt disponibles [82,83]. Une hiérarchisation de l’ensemble de ces facteurs pronostiques sera nécessaire [3].
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Génotypage UGT pré-requis à la prescription de l’irinotécan ? UGT1A1, UGT1A7 et UGT1A9 sont 3 iso-enzymes de le famille d’UGT1A impliquées dans la glucuronoconjugaison du SN-38, le principal métabolite actif de l’irinotécan. L’UGT1A1 est également responsable de la glucuronoconjugaison de la bilirubine [57]. Certains polymorphismes responsables d’un déficit de l’activité de l’UGT1A1 sont associés aux syndromes d’hyperbilirubinémie non conjuguée de Criggler-Najjar et de Gilbert. Un polymorphisme désigné UGT1A1*28 (ou allèle 7) est associé à l’état homozygote (7/7) à la maladie de Gilbert. Dans les populations caucasiennes, la fréquence de l’allèle 7 est de 40 % dont 10 à 15 % sous homozygotes [84]. Les taux de glucuronoconjugaison sont diminués d’environ 50 % chez les sujets de génotype 7/7 comparés aux sujets porteurs du génotype « sauvage » 6/6 et de 25 % chez les sujets hétérozygotes 6/7 [85]. Une association significative entre le génotype 7/7 et la survenue d’une neutropénie sévère sous irinotécan a été décrite dans plusieurs études [86,87]. Il faut souligner que dans ces études, tous les patients de génotype 7/7 avaient des concentrations normales de bilirubine totale à l’instauration du traitement par irinotécan. Dans une analyse évaluant le schéma LV5FU2-irinotécan, en adjuvant, chez 93 patients avec un cancer du côlon de stade III, un autre allèle variant (UGT1A1-3156G→A (génotype A/A)) était supérieur au polymorphisme UGT1A1*28 (7/7) pour prédire la survenue d’une neutropénie sévère [88]. Dans un autre essai adjuvant avec génotypage de 1 405 patients, le risque de neutropénie fébrile était augmenté en cas de génotype 7/7 (11,5 % vs 4 %) [89]. Cependant, en analyse multivariée, les facteurs prédictifs de neutropénie fébrile étaient le statut UGT1A1 (risque x 2,6) mais aussi et surtout le sexe féminin (risque × 4,3). Aucune corrélation entre le polymorphisme UGT1A1*28 et la survenue
d’une toxicité digestive n’a été observée. Une étude a montré que la survenue de diarrhées induites par l’irinotécan était plutôt associée à des polymorphismes des gènes codant pour les isoformes UGT1A7 et/ou UGT1A9, qui sont principalement exprimés dans le tube digestif [90]. En juillet 2005, la FDA américaine a recommandé le génotypage UGT1A1 systématique et la diminution de dose de l’irinotécan d’au moins un palier (150 mg/m2) pour les patients avec génotype 7/7 [91,92,93]. L’impact favorable de cette recommandation est en cours de validation, avec seulement des résultats préliminaires d’une cohorte prospective [94]. En France, le génotypage UGT n’est pas encore recommandé aux doses usuelles d’irinotécan, mais il est techniquement possible avec un résultat qui peut être communiqué rapidement. Dans le thésaurus national, il est recommandé avant prescription du schéma intensifié FOLFIRI fort d’irinotécan 240 mg/m2 [3]. L’alternative est de monter la dose en l’absence de toxicité au premier palier de 180 mg/m2 [3]. Deux études françaises en cours, prennent en compte le génotype de l’UGT1A1 pour déterminer la posologie d’irinotécan : dose intensifiée si 6/6 ou 6/7 (essai FFCD 0504) ou dose normale plus G-CSF si 7/7 (FFCD 0604). DPD et dérivés fluoropyrimidiques Les patients ayant un déficit partiel ou complet en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), enzyme de catabolisme du 5-FU, ont un risque accru de toxicité aiguë, précoce, grave et polyviscérale, potentiellement mortelle (0,1 %) avec le 5-FU mais aussi avec ses dérivés oraux (capécitabine et UFT) [7]. Différentes approches de dépistage ont été développées : enzymatique dans les cellules mononucluéées, pharmacogénomique (expression de l’ARNm de la DPD leucocytaire), pharmacologique (dosage de l’uracile et du dihydro-uracile endogène), pharmacogénétique (recherche de mutations). • • • • • •
La détection couplée du génotype et du phénotype par le dosage du rapport UH2/U est la plus fiable. Le diagnostic d’un déficit implique un conseil thérapeutique d’adaptation individuelle de dose [95-98]. Ce dépistage est possible dans plusieurs laboratoires français, mais la faisabilité et le coût/efficacité de sa généralisation reste à démontrer. Compte tenu de la rareté des déficits complets et de la moindre toxicité des schémas continus de 5-FU (LV5FU2 simplifié), l’utilité d’un dépistage systémique reste controversée en terme de santé publique. Une étude de cohorte multicentrique d’évaluation médico-économique du dépistage couplé phénotypique et pharmacogénétique, du déficit en DPD, en termes de prévention du risque de toxicités graves est en cours.
Conclusions et perspectives Le coût et les toxicités des bio-chimiothérapies des CCR ne sont pas limitants mais imposent des règles de prescription rigoureuses qui sont maintenant réglementées, standardisées mais aussi personnalisées. L’information et la prévention des toxicités est un pré-requis essentiel afin de limiter les réductions de posologies ou les interruptions thérapeutiques, et surtout l’impact sur la qualité de vie [6]. L’utilisation des outils de liaison entre médecins et patients est encore insuffisante. La collaboration inter-disciplinaire entre le médecin prescripteur et ses confrères médecins généralistes et spécialistes, notamment onco-gériatrique, dermatologues, cardiologues et néphrologues, doit être confortée et plus étroite [6]. Le ratio bénéfice/risque des chimiothérapies des CCR est très favorable dans leurs indications palliatives. En revanche, la sécurité doit être maximale en situation adjuvante où 10 patients sont traités pour qu’un seul en bénéficie dans les stades III. C’est encore plus important dans l’indication adjuvante controversée des stades • • • • • •
II, où 50 patients sont traités inutilement pour en sauver un. L’individualisation des prescriptions est un espoir devenu une réalité accessible, avec les premiers exemples, d’une part, du statut mutationnel tumoral KRAS (et bientôt BRAF) pour les biothérapies anti-EGFR, et d’autre part, du phénotype MSI pour les chimiothérapies des cancers coliques de stade II. Un dernier pré-réquis est de privilégier la prescription de chimiothérapies dans le cadre d’essais thérapeutiques qui sont maintenant menés de pair avec des études biologiques sur prélèvements tissulaires et sanguins centralisés dans un Centre de Ressource Biologique. Remerciements : à Christophe Strady (Médecine Interne, CHU Reims) et Thierry Lecomte (Gastroentérologie, CHU Tours) pour leur participation respective à la rédaction des chapitres vaccination et UGT. Conflits d’intérêt : O.B. Interventions ponctuelles : activités de conseil pour Pfizer, Roche. Conférences : invitation en tant qu’intervenant pour Amgen, Merck-Sereno, Pfizer et Roche.
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Les 5 points forts
Pré-requis avant chimiothérapie pour CCR
Réglementaires : médecin « compétent », établissement agréé, RCP, UPC, thésaurus et RBU hors GHS, Résumé des Caractéristiques des Produits Informations sur effets secondaires : patient, entourage et médecin – générales (sexualité fertilité grossesse/vaccinations/conduite) et spécifiques – outils : dispositif d’annonce, PPS, fiches toxicité, carnets de liaison (CT orales) Vérification standardisée – paramètres clinico-biologiques généraux : état général, état bucco-dentaire, nutrition, interactions médicamenteuses, NFS, bilirubinémie, créatininémie) – paramètres clinico-biologiques spécifiques (cf.) – ana-path – radiologiques Prévention des effets secondaires : – prémédication anti-allergique, – soins de support (anti-émétique, EPO, G-CSF, nutrition) – spécifique (cf.) Prescription « individualisée » ? – sujets âgés : évaluation gériatrique, espérance de vie, comorbidités « pleine forme, vulnérable ou fragile » – bio. moléculaire : statut tumoral KRAS (stade IV), phénotype MSI (stade II), génotype UGT1A1 (irinotécan) ? génotype DPD (fluoropyrimidines) ?
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Questions à choix unique Question 1 Il est recommandé de vérifier (une réponse fausse) : ❏ A. Clairance de créatininémie avant capécitabine ❏ B. Albuminémie si dénutrition avant irinotécan ❏ C. Bilirubinémie avant oxaliplatine ❏ D. État bucco-dentaire avant bevacizumab ❏ E. Magnésémie et calcémie avant anti-EGFR ❏ F. Vaccination anti-grippale (patient et entourage)
Question 2 Il est recommandé de vérifier (une réponse fausse) : ❏ A. Comorbidités et autonomie des sujets âgés ❏ B. Statut tumoral KRAS avant anti-EGFR ❏ C. Phénotype MSI avant 5-FU pour stade II ❏ D. Génotype UGT1A1 avant irinotécan haute dose ❏ E. Génotype DPD avant 5-FU
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Post’U (2009) 47-55
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Les traitements adjuvants des cancers coliques en 2009 Objectifs pédagogiques – Connaître les standards actuels ; – Situations cliniques particulières ; – Perspectives et questions d’avenir.
Introduction Le cancer colo-rectal est un réel problème de santé publique. En France, il est au second rang pour l’incidence et pour la mortalité par cancer après le cancer du sein chez la femme et au troisième rang pour l’incidence et pour la mortalité par cancer après le cancer de la prostate et le cancer bronchique chez l’homme. Les chiffres les plus récents fournis par l’Institut de Veille Sanitaire (INVS) indiquent un nombre estimé de cas incidents de 37 413 et un nombre de décès par cancer colorectal de 16 865 pour l’année 2005. La mortalité reste donc globalement importante, proche de 45 % [1]. Le pronostic est conditionné principalement par le stade de la maladie au moment du diagnostic. Ainsi, alors que la survie à 5 ans est d’au moins 90 % chez les patients atteints d’un cancer colorectal de stade I (infiltration pariétale ne dépassant pas la musculeuse et absence de métastases ganglionnaires péri coliques), elle reste inférieure à 5 % chez les patients ayant un cancer de stade IV (métastases à distance) [2]. Plus de la moitié des patients ont un cancer de stade II ou III au moment du diagnostic. Trente
à 40 % d’entre eux vont récidiver dans les 5 ans suivant la chirurgie. Ces récidives sont essentiellement de type métastatique, les rechutes locorégionales étant naturellement rares dans les cancers coliques et peu fréquentes dans les cancers du rectum après traitement néo-adjuvant adéquat et chirurgie avec exérèse complète du méso-rectum. L’apparition des métastases au décours de la prise en charge chez des malades ayant une maladie initialement « localisée » (on parle de métastases « métachrones ») serait secondaire à la progression de foyers tumoraux microscopiques localisés à distance de la tumeur primitive et méconnus car non détectables en pré- et per-opératoire. L’objectif de la chimiothérapie adjuvante, c’est-à-dire délivrée dans les suites d’une chirurgie à « prétention curative », est d’éradiquer d’éventuelles micro-métastases afin de diminuer la fréquence des récidives tumorales et in fine, d’améliorer la survie des patients. Aujourd’hui, l’indication théorique de cette chimiothérapie adjuvante est bien établie chez les patients porteurs d’un cancer colique de stade III. Elle peut se discuter chez les patients porteurs d’un cancer de stade II. Elle n’est pas indiquée en cas de cancer colique de stade I. Au cours des 15 dernières années, le développement de différents schémas
J. Taieb () Service d’hépatogastroentérologie et d’oncologie digestive, hôpital Européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, F-75015 Paris, France E.mail :
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J. Taieb
de chimiothérapie a été associé à une amélioration très significative du pronostic du cancer colo-rectal métastatique [3,4]. Ces différents schémas thérapeutiques ont été secondairement évalués ou sont en cours d’évaluation en situation adjuvante chez les patients atteints de cancers coliques de stade II ou III. Nous envisagerons successivement dans ce texte : les facteurs prédictifs du risque de récidive après chirurgie à visée curative; les différentes options validées de chimiothérapie adjuvante ; les indications et les modalités de la chimiothérapie adjuvante dans certaines situations cliniques particulières (sujets âgés et cancers coliques de stade II) et enfin, les évaluations en cours et les perspectives à venir.
Facteurs prédictifs du risque de récidive après exérèse « à visée curative » d’un cancer colique localisé Stade histologique TNM et AJCC (American Joint Committee on Cancer) En 2009, le stade histologique reste le facteur pronostique le plus important dans le CCR [2]. Le degré d’infiltration de la paroi colique par la tumeur et l’extension ganglionnaire loco-régionale déterminent le système de classification actuel, le plus utilisé étant
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Tableau 1: Taux de survie à 5 ans selon les stades du cancer du côlon (6e édition de l’AJCC) [6] Stade I IIa IIb IIIa IIIb IIIc IV
Groupe selon la classification TNM* Stade T
Stade N
Stade M
T1 ou T2 T3 T4 T1 ou T2 T3 ou T4 T T
N0 N0 N0 N1 N1 N2 N
M0 M0 M0 M0 M0 M0 M1
Taux de survie à 5 ans (%) 93,2% 84,7% 72,2% 83,4% 64,1% 44,3% 8,1%
* Classification TNM : Stade T : Tumeur primitive T1 : tumeur envahissant la muqueuse ou la sous-muqueuse T2 : tumeur envahissant la couche musculeuse externe sans la dépasser T3 : tumeur envahissant les tissus non pariétaux péri-coliques ou péri-anaux T4 : tumeur envahissant les structures ou organes voisins T : quel que soit le stade T Stade N : Ganglions lymphatiques régionaux N0 : pas d’envahissement ganglionnaire N1 : envahissement de 1 à 3 ganglions N2 : envahissement de 4 ganglions et plus N : quel que soit le stade N Stade M : Métastase M0 : Pas de métastase à distance M1 : Présence de métastase(s) à distance
celui de l’American Joint Committee on Cancer (AJCC) [5]. O’Connell et al. ont rapporté les résultats de survie en fonction du stade de la 6e édition de l’AJCC à partir des données issues de près de 120 000 patients atteints de cancers coliques [6] (Tableau 1). Cette publication a permis de souligner l’intérêt d’une « subdivision » des classiques stades II et III pour l’évaluation du pronostic. Ainsi, la survie à 5 ans des malades porteurs d’un cancer colique de stade IIIa (T3N1M0) était significativement supérieure à celle des malades porteurs d’un cancer colique de stade IIb (T4N0M0) (83,4 % versus 72,2 % ; p = 0,001). Il existe par ailleurs chez des patients ayant eu une résection d’un cancer colique de stade II ou III, une relation entre la survie et le nombre de ganglions analysés sur la pièce opératoire. En effet, dans l’étude américaine INT-0089 (n = 3 441), la SG augmentait avec le nombre de ganglions analysés après ajustement sur le nombre de ganglions envahis, et ce, même lorsque aucun ganglion n’était envahi [7]. Ce travail souligne l’importance de la qualité du curage ganglionnaire
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et la nécessité d’une analyse d’un nombre suffisant de ganglions (au minimum 12) qui permet une évaluation fiable du statut ganglionnaire mais est également associée à un bénéfice de survie. Une perforation inaugurale de même que la présence d’implants péritonéaux et/ou mésentériques, correspondent à des facteurs pronostiques péjoratifs associés à une diminution significative de la survie sans maladie (SSM) et de la survie globale (SG). La signification pronostique d’autres facteurs tels que l’existence d’une occlusion intestinale révélatrice reste en revanche, controversée.
Statut des microsatellites (phénotype MSI) Quinze à 20 % des cancers colorectaux sporadiques présentent une instabilité des microsatellites (phénotype MSI, MicroSatellite Instability). Ce phénotype peut être déterminé par une technique de biologie moléculaire après extraction d’ADN à partir de matériel tumoral (fixé dans du formol et inclus en paraffine). L’étude immuno-histochimique de l’expression des protéines
MLH1 et MSH2, qui est de mise en œuvre plus facile en routine dans la majorité des centres, permet de déterminer indirectement ce statut avec une sensibilité et une spécificité acceptables (l’absence d’expression de l’une de ces deux protéines au niveau tumoral étant fortement suggestive d’un statut MSI) [8]. De nombreuses études ont tenté d’évaluer la relation entre le statut des microsatellites des cancers colorectaux, leur pronostic et leur sensibilité à la chimiothérapie par 5-Fluorouracile (5-FU) [9]. Leurs résultats permettent de conclure à un pronostic spontané plus favorable des cancers de phénotype MSI. La survie est particulièrement élevée, supérieure à 90 % voire 95 %, pour les cancers de stade II de telle sorte que le bénéfice à attendre d’une chimiothérapie adjuvante administrée dans ce contexte, ne peut être que marginal. Concernant l’interaction de ce phénotype moléculaire avec l’activité de la chimiothérapie à base de 5-FU, les données disponibles initialement, basées sur des séries rétrospectives, peu convaincantes et parfois contradictoires, ont été éclaircies par les résultats d’études ou de méta-analyses plus récentes et de qualité méthodologique supérieure puisque basées sur l’évaluation a posteriori du statut des microsatellites des tumeurs de patients inclus dans des essais prospectifs randomisés [10,11]. Ces dernières suggèrent que l’instabilité des microsatellites serait un facteur prédictif de résistance à la chimiothérapie par 5-FU [10,11]. Ainsi, dans la méta-analyse de Sargent et al. qui portait sur 1 027 patients avec cancers coliques de stades II et III (phénotype MSS : n = 862 ; phénotype MSI : n = 165), il n’existait pas de bénéfice de la chimiothérapie adjuvante chez les patients dont le cancer était de phénotype MSI [11].
Autres marqueurs moléculaires Le rôle pronostique d’autres marqueurs moléculaires a été évalué chez les patients avec cancer colique de stades • • • • • •
II et III. Ainsi, l’hyperexpression de la Thymidylate Synthase (TS) impliquée dans la résistance de la tumeur au 5-FU semble corrélée à un meilleur pronostic mais ce paramètre n’est pas utilisé en pratique courante [12]. Plus récemment, l’étude du transcriptome des adénocarcinomes colorectaux par la technologie des « puces à ADN » a montré que les profils d’expression des ARN messagers du tissu tumoral différaient de ceux de la muqueuse saine adjacente [13]. La caractérisation des profils d’expression génique pourrait être utilisée à visée d’évaluation pronostique et/ou prédictive de réponse aux agents de chimiothérapie [14-16]. Ces résultats laissent entrevoir la possibilité d’un traitement adjuvant « à la carte ». Ils doivent être néanmoins confirmés sur des séries prospectives portant sur de larges effectifs de malades et ne sont pas encore utilisables en pratique courante.
Immunité anti-tumorale Deux articles récemment publiés par des chercheurs de l’Hôpital Européen Georges Pompidou montrent pour la première fois, le rôle essentiel du système immunitaire dans l’invasion tumorale, la survie sans progression et la survie globale des patients atteints de cancer colorectal [17,18]. Dans le premier article, les auteurs montrent que le statut dit « microinvasif » des tumeurs (engainements péri-nerveux, emboles lymphatiques et vasculaires) et les lymphocytes infiltrant les tumeurs sont des éléments pronostiques forts après ajustement sur le stade TNM [17]. Dans le second travail, les auteurs montrent que le type, la densité et la localisation des lymphocytes T mémoires au niveau tumoral, possèdent une valeur pronostique supérieure et indépendante de celle de la classification TNM/AJCC [18]. Ces résultats pourraient permettre d’identifier des patients à haut risque de rechute quel que soit le stade histologique. Ces patients pourraient ainsi bénéficier de thérapeutiques adjuvantes (chimiothérapie et/ou de traite• • • • • •
Tableau 2. Schémas d’administration des régimes adjuvants évalués avec succès chez les patients opérés de cancer du côlon de stade III Schéma thérapeutique Mayo Clinic Roswell Park modifié
LV5FU2
5FU-LV hd FOLFOX 4 FLOX
Traitement 5-FU 425 mg/m² en bolus iv + LV 20 mg/m² en bolus iv J1-5 q 4 semaines x 2, puis q 5 semaines × 4 LV 500 mg/m² en perfusion de 2 heures + 5-FU 500 mg/m² en bolus iv 1 h après la perfusion de LV une fois par semaine les semaines 1-6, q 8 semaines × 4 LV 200 mg/m² en perfusion de 2 heures + bolus iv de 400 mg/m² de 5-FU et 22 heures de perfusion continue de 600 mg/ m², J1 et J2, q 2 semaines × 12 LV 200 mg/m² en perfusion iv de 15 minutes + 5-FU 400 mg/m² en perfusion de 15 minutes, J1-5 q 4 semaines × 6 Oxaliplatine 85 mg/m² à J1 + LV5FU2, q 2 semaines × 12 Oxaliplatine 85 mg/m² toutes les 2 semaines + Roswell Park modifié, une fois par semaine les semaines 1-6, q 8 semaines × 4
ments immunostimulants) et ce, même en cas de cancers de stade I ou II. En pratique clinique, les facteurs pronostiques les plus utilisés en routine au cours des réunions de concertation pluridisciplinaires chez des patients opérés d’un cancer colique non métastatique sont : le degré d’infiltration pariétale (T) ; l’envahissement ganglionnaire (N) ; le nombre de ganglions examinés sur la pièce opératoire ; l’existence d’une perforation ; le degré de différenciation tumorale ; la présence de lésions d’invasion nerveuse, lymphatique et/ou veineuse. La valeur pronostique et prédictive de réponse au traitement du statut des microsatellites est parfois utilisée pour les patients atteints d’un cancer colique de stade II.
Les indications consensuelles de la chimiothérapie adjuvante. Les différentes modalités d’efficacité démontrée Preuve de principe : l’association 5-Fluorouracile + acide folinique Si jusqu’en 1988, l’immense majorité des hépato-gastroentérologues et des cancérologues estimaient que la chimiothérapie adjuvante des cancers colorectaux n’apportait rien, deux essais menés par des groupes coopératifs ont démontré son efficacité en
1988 et 1989 [19,20]. Cette efficacité a été confirmée par deux autres études randomisées évaluant l’efficacité de l’association 5-FU/acide folinique (AF) administrée pendant 6 ou 12 mois, de même que par les résultats communs de 3 essais évaluant l’efficacité du régime 5-FU bolus/AF (régime Machover ; Tableau 2) administré pendant 6 mois par rapport à une simple surveillance. Les taux de survie sans progression et de survie globale étaient améliorés par la chimiothérapie dans ces études [21,22]. Ces études, ainsi que des études ultérieures, ont démontré la capacité d’un traitement adjuvant systémique à base de 5-FU/AF, à retarder et/ou à diminuer la fréquence les rechutes après résection d’un cancer du côlon de stade III et que 6 mois de chimiothérapie étaient suffisants (absence de bénéfice supplémentaire associé à la prolongation de l’administration de la chimiothérapie pour une durée totale de 1 an). De tels traitements ont permis d’augmenter le pourcentage de patients vivants à 5 ans de 50 % à 65 %. Il a également été démontré que l’adjonction du lévamisole, agent aux propriétés immunostimulantes utilisé dans les années 1980, à la chimiothérapie à base de 5-FU, ne permettait pas d’augmenter la performance du traitement adjuvant [23]. En pratique, l’association de 5-FU/AF administrée pendant une durée de
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6 mois est donc devenue, en 1996, la chimiothérapie de référence pour le cancer du côlon de stade III. L’efficacité (et donc l’indication) de la chimiothérapie adjuvante chez les patients opérés d’un cancer colique de stade II reste sujette à controverse, en raison à la fois d’un meilleur pronostic global de ces tumeurs et de leur moindre représentation dans les études disponibles. La conjonction de ces deux facteurs ne permet pas actuellement de tirer des conclusions par manque de puissance statistique. L’administration d’une chimiothérapie adjuvante n’est donc pas recommandée actuellement après exérèse d’un cancer colique de stade II. Il est cependant manifeste que certains patients de ce groupe pourraient en tirer profit (cf. paragraphe suivant).
Évolutions récentes et nouveaux standards : association 5-FU, acide folinique, oxaliplatine Après avoir montré que le schéma français « LV5FU2 » (qui comporte à la fois une injection intra-veineuse « bolus » et une infusion intra-veineuse prolongée du 5-FU, avec modulation par l’AF ; Tableau 2) était au moins aussi efficace et significativement moins toxique que l’association 5-FU-AF de type Mayo Clinic (administration intra-veineuse « bolus » exclusive du 5-FU ; tableau 2) [24], le LV5FU2 est devenu le standard de la chimiothérapie adjuvante des cancers du côlon en France et dans beaucoup d’autres pays européens depuis un peu moins de 10 ans. A la suite de la démonstration de l’efficacité de l’association du régime LV5FU2 à l’oxaliplatine ou à l’irinotécan dans le traitement des cancers colorectaux métastatiques, une vaste étude prospective randomisée (étude MOSAIC) a comparé l’efficacité et la tolérance de l’association LV5FU2 + Oxaliplatine (schéma FOLFOX4) à celles du schéma LV5FU2 administrés en situation adjuvante chez plus de 2 200 patients opérés d’un cancer colorectal de stades II et III [25]. Dans cette étude, il existait
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une augmentation significative de la survie sans maladie (SSM) à 3 ans chez les patients traités par FOLFOX4 (78,2 % vs. 72,9 % pour l’ensemble des patients; 72,2 % vs. 65,3 % pour les seuls patients atteints de cancers de stade III). Cette différence correspondait à une réduction du risque de rechute de 23 %. Le bénéfice de l’administration de l’oxaliplatine sur la SSM à 3 ans s’est traduit par une amélioration significative de la survie globale à 6 ans (78,5 % vs. 75,8 % pour l’ensemble des patients; 72,9 % vs. 68,3 % pour les seuls patients atteints de cancers de stade III). Après exérèse d’un cancer colique de stade III, la réduction du risque de décès chez les malades traités par FOLFOX4 par rapport à ceux traités par LV5FU2 était de 20 % [HR : 0,80 (IC 95 %: 0,66-0,98) ; p = 0,02] [26]. Une vigilance particulière s’impose vis-à-vis de la neurotoxicité cumulative de l’oxaliplatine en situation adjuvante. En effet, si le pourcentage de malades conservant une toxicité sévère (grade > 2) un an après la fin du traitement est faible (1 %), une proportion significative d’entre eux conserve une toxicité moins sévère (grade 1 ou 2) mais néanmoins gênante et parfois associée à un retentissement significatif dans la vie quotidienne. Il est donc essentiel de rechercher systématiquement, de grader et de juger de l’évolution des symptômes liés à cette toxicité neurologique au cours du traitement, afin de suspendre l’administration de l’oxaliplatine si leur sévérité et/ou leur persistance le justifient. Dans l’étude MOSAIC, les autres toxicités (hématologique, digestive, hépatique, réactions allergiques) étaient significativement plus fréquentes chez les patients traités par FOLFOX4 que chez ceux traités par LV5FU2, tout en restant « acceptables ». Seuls 1,8 % des patients recevant le FOLFOX4 ont présenté une neutropénie fébrile. Enfin, les taux de décès au cours du traitement étaient semblables dans les deux bras, égal à 0,5 %. L’intérêt de l’oxaliplatine en situation adjuvante en association avec le 5-FU et l’AF a également été rapporté par
l’étude américaine du NSABP [27]. Cette étude appelée C07 comparait l’association 5-FU bolus/AF selon le schéma « Roswell Park » au même schéma associé à l’oxaliplatine administrée à la dose de 85 mg/m² tous les 15 jours, 6 semaines sur 8 (Tableau 2). Dans cette étude qui portait sur plus de 2 400 patients et dans laquelle la proportion de cancers de stade III était plus importante que dans l’étude MOSAIC, la SSM à 3 ans était de 76,5 % dans le bras traité avec oxaliplatine et de 71,6 % dans l’autre bras, soit une réduction du risque de rechute liée à l’administration de l’oxaliplatine de 21 % [HR : 0,79 (IC 95 %: 0,67-0,93) ; p = 0,004]. Il n’existait pas de différence pour la mortalité globale observée pendant le traitement entre les deux groupes de patients inclus dans cette étude. Parallèlement, d’autres études ont évalué différents schémas d’association irinotécan, 5-FU et AF en situation adjuvante. Les résultats de 3 études de phase III ont été rapportés dans des congrès internationaux mais n’ont pas encore fait l’objet de publications. L’association de l’irinotécan à la combinaison 5-FU bolus/AF (protocole IFL) est toxique et ne permettait pas d’améliorer la SSM par rapport à la seule combinaison 5-FU bolus/AF dans l’essai de l’intergroupe américain CALGB [28]. L’étude française ACCORD 002-FFCD 9802, a comparé chez 400 patients opérés de cancers de stades III à haut risque (N2, T4, perforation/ occlusion inaugurales) deux modalités de chimiothérapie adjuvante : LV5FU2 vs. LV5FU2-irinotécan [29]. Là encore, l’adjonction d’irinotécan au schéma LV5FU2 n’était pas associée à une amélioration de la SSM. L’analyse des résultats de l’essai PETACC 3 est plus délicate. En effet, dans cette étude qui comparait les mêmes schémas de chimiothérapie (LV5FU2 vs. LV5FU2irinotécan) chez des patients avec cancers de stades II et III, il existait une tendance à l’amélioration de la survie sans maladie en cas de traitement par irinotécan (60,3,% vs. 63,3,% ; HR • • • • • •
0,89 ; p,=,0,091) [30]. Il faut noter que la définition de la SSM dans cette étude incluait tous les types de cancers métachrones (y compris donc les cancers « extra-colorectaux ») ce qui n’était pas le cas dans l’étude MOSAIC. L’amélioration de la SSM associée au traitement par irinotécan observée dans l’étude PETACC3 devenait statistiquement significative après adoption de la définition retenue dans l’étude MOSAIC : SSM pour les stades III (après exclusion des cancers « extracolorectaux ») : 62,2 % vs. 66 % ; (HR 0,86 p = 0,045) ; SSM pour les stades II + III (après exclusion des cancers « extra-colorectaux »): 66,8 % vs. 69,6 % (HR 0,88 p = 0,05). Par ailleurs, il existait dans cette étude une surreprésentation des stades T4 et N2 dans le bras LV5FU2-irinotécan ; une analyse des données ajustée sur ces 2 facteurs (dont la signification pronostique est démontrée) retrouvait une différence statistiquement significative pour la SSM à 3 ans en faveur du traitement comprenant l’irinotécan (p = 0,009). Au total, ces résultats suggèrent que l’association de l’irinotécan au LV5FU2 adjuvant pourrait être associée à un bénéfice modéré après exérèse d’un cancer colique de stade III. Ceci devrait être cependant validé à travers une nouvelle étude prospective randomisée de large envergure qui n’aura probablement jamais lieu. Au vu de l’ensemble de ces résultats, l’association 5-FU/AF/oxaliplatine pour 6 mois correspond au traitement adjuvant standard pour les patients opérés d’un cancer du côlon de stade III actuellement, comme le stipule le Thésaurus National de Cancérologie Digestive (TNCD), disponible sur le site web de la Société Nationale Française de Gastro-Entérologie (http://www. snfge.asso.fr) et de la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive (http://www.ffcd.fr).
Les fluoropyrimidines orales : capécitabine et UFT Les fluoropyrimidines orales, capécitabine et UFT, correspondent à des • • • • • •
prodrogues du 5-FU. Elles ont été comparées en situation adjuvante aux schémas de la Mayo Clinic et du Roswell Park respectivement. L’étude X-ACT a comparé chez 1 987 patients avec cancers coliques de stade III, la capécitabine (2 500 mg/m²/jour, 14jours/21) au schéma de la Mayo Clinic [31]. A l’issue d’un suivi médian de 3,8 ans, le traitement par capécitabine était au moins équivalent au schéma de la Mayo Clinic pour la SSM à 3 ans en analyse en intention de traiter (64,2 % vs. 60,6 %, soit une réduction du risque de rechute de 13 % avec la capécitabine, à la limite de la significativité statistique : HR 0,87 ; IC 95 % 0.75 - 1.00). La SG à 3 ans était de 81,3 % avec la capécitabine et de 77,6 % avec le schéma de la Mayo Clinic, soit une réduction du risque de décès de 16 % avec la capécitabine (HR 0,84; p = 0,07). La capécitabine était globalement significativement moins toxique que le schéma intraveineux (p < 0,001) quel que soit le grade des toxicités. En revanche, un syndrome « main-pied » était plus fréquemment observé chez les patients traités par capécitabine : 60 % vs. 9 % tous grades confondus; et 17 % vs. < 1 % pour les grades 3-4 (p < 0,001). La dose de 2 500 mg/m² par jour a dû être diminuée chez 60 % des patients. Certains praticiens ont l’habitude d’initier le traitement à la dose de 2 000 mg/ m²/j et d’augmenter à 2 500 mg/m²/j en cas de tolérance satisfaisante. L’étude du NSABP C-06 a comparé l’UFT (+ AF) au schéma de Roswell Park, chez 1 953 patients opérés d’un cancer colique de stade II ou III [32]. Il n’existait pas de différence significative pour la SSM et pour la SG entre les deux traitements dont la tolérance était équivalente. Les fluoropyrimidines orales ont donc une efficacité comparable à celle des schémas utilisant le 5FU en administration IV bolus. Elles ont l’avantage d’une plus grande simplicité d’administration. Au vu de ces résultats, il ne faut plus utiliser les schémas de la Mayo Clinic ou du Roswell Park en
traitement adjuvant des cancers du côlon. Les résultats d’études comparant l’association fluoropyrimidines orales + oxaliplatine et 5-FU intraveineux ou FOLFOX en situation adjuvante devraient être disponibles dans un futur proche.
Situations cliniques particulières Patients de plus de 70 ans L’intérêt et la faisabilité d’une chimiothérapie adjuvante à base de 5-FU chez les patients âgés de plus de 70 ans ont été évalués par Sargent et al. [33]. Ce travail de compilation conclut à l’absence d’interaction entre l’âge et l’efficacité de la chimiothérapie. Par ailleurs, les effets toxiques de la chimiothérapie ne semblent pas augmentés dans ce contexte, sauf pour la leucopénie dans une étude. Concernant spécifiquement le schéma FOLFOX4, il est également efficace et bien toléré chez les patients âgés de plus de 70 ans [34]. En effet, parmi 3 742 patients traités par FOLFOX4 en situation adjuvante ou métastatique, le taux de toxicités de grade 3-4 était identique chez les patients âgés de plus de 70 ans (n = 614) et chez ceux âgés de moins de 70 ans : 63 % vs. 67 % (p = 0,15). Seuls les taux de neutropénie et de thrombopénie étaient plus élevés chez les patients de plus de 70 ans : 43 % vs. 49 % (p = 0,04) et 2 % vs. 5 % (p = 0,04), respectivement. En pratique, il ne semble pas légitime de traiter différemment les patients de plus de 70 ans et de les exclure a priori du traitement adjuvant. Il est cependant nécessaire de prendre en compte, dans tous les cas, les co-morbidités et l’espérance de vie présumée avant d’instituer le traitement, si possible au moyen une évaluation oncogériatrique spécifique, au moins pour les personnes les plus âgées. Une fluoropyrimidine orale pourrait être une alternative au FOLFOX dans ce contexte en raison d’une meilleure tolérance et de l’absence de nécessité de mise en place d’une chambre implantable.
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Cancers coliques de stades II L’intérêt de la chimiothérapie adjuvante après exérèse d’un cancer colique de stade II reste sujet à controverse pour les raisons développées précédemment. Le pronostic de ces cancers est hétérogène (SG à 5 ans allant de 84,7 % pour les stades IIa à 72,2 % pour les stades IIb ; Tableau 1) et il faut tenter d’identifier les patients les plus à risque de récidive qui pourraient en tirer profit. Les résultats des principales études ou méta-analyses sont ambigus et d’interprétation délicate. L’analyse poolée IMPACT B2 [35], la méta-analyse de Figueredo et de la Mayo Clinic [36] concluent à l’absence d’amélioration de la SG et de la SSM chez les patients traités par chimiothérapie adjuvante. Ces résultats sont en opposition avec ceux de l’analyse du NSABP [37] et la méta-analyse japonaise [38] qui plaident au contraire en faveur de la chimiothérapie adjuvante dans ce contexte. Cette contradiction est à mettre sur le compte des limitations méthodologiques de ces différentes études, liées notamment à la diversité des bras « contrôle » et des modalités des thérapeutiques adjuvantes. L’étude britannique QUASAR a comparé une chimiothérapie adjuvante à base de 5-FU et d’AF (± lévamisole) à l’absence de traitement chez 3 238 patients atteints d’un cancer colique (71 %) ou rectal (29 %), de stade II pour 91 % d’entre eux [39]. Ses résultats, récemment publiés, indiquent une amélioration significative de la SG à 5 ans (bénéfice absolu : 3,6 % ; p = 0,04) avec une réduction du risque de décès de 20 % chez les patients traités par chimiothérapie. Quarante pourcent des patients inclus dans l’étude MOSAIC étaient porteurs d’un cancer de stade II [40]. Dans ce sous-groupe, la SSM à 3 ans était de 87,4 % et de 84,4 % après traitement adjuvant par FOLFOX4 et par LV5FU2 respectivement, soit une réduction du nombre d’événements de 20 % dans le bras FOLFOX4 (HR : 0,80 ; IC 95%:
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0,56-1,15). Pour les seuls patients avec stades II à risque (T4, occlusion/ perforation, tumeur peu différenciée, nombre de ganglions examinés < 12), le traitement par FOLFOX4 était associé à une réduction de 28 % du le risque relatif de récidive (HR : 0,72 ; IC 95 % : 0,48-1,08). Par comparaison, cette diminution était de 25 % pour les patients traités par FOLFOX4 après exérèse d’un cancer de stade III. Pour l’ensemble des malades opérés d’un cancer de stade II, la survie globale à 6 ans était en revanche identique et égale à 86,8 % dans les deux « bras » de traitement (FOLFOX4 ou LV5FU2) (HR : 1 ; IC 95 % : 0,70-1,43) [26]. Ainsi, le débat concernant l’efficacité et l’indication d’une chimiothérapie adjuvante après exérèse d’un cancer colique de stade II n’est-il pas clos et les attitudes divergent selon les continents, les pays et même les centres. Le TNCD recommande de discuter une chimiothérapie en cas de cancer colique de stade II associé à un/des facteur(s) de mauvais pronostic : stade T4, perforation inaugurale, tumeur peu différenciée, nombre de ganglions examinés < 12, présence d’emboles veineux, périnerveux et/ou lymphatiques), et de se contenter d’une surveillance simple dans les autres cas (http://www.snfge.asso.fr et http:// www.ffcd.fr). Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’existence d’une instabilité des microsatellites est associée à une moindre sensibilité des tumeurs à la chimiothérapie par 5-FU et les données actuellement disponibles suggèrent l’absence d’efficacité, voire l’effet délétère, d’une chimiothérapie adjuvante par 5-FU après exérèse d’un cancer colique de stade II de phénotype MSI [11]. La caractérisation de ce phénotype moléculaire est donc un élément essentiel dans la discussion de l’indication d’une chimiothérapie dans ce contexte, comme le mentionne la version 2009 du TNCD : « En cas d’instabilité microsatellite tumorale, une chimiothérapie adjuvante par 5FU-acide folinique n’est pas recom-
mandable ». L’influence du phénotype MSI sur la sensibilité aux autres agents cytotoxiques, irinotécan et oxaliplatine notamment, reste controversée. En pratique, la majorité des équipes françaises retient l’indication d’une chimiothérapie adjuvante (FOLFOX4, fluoropyrimidine orale, plus rarement LV5FU2) pour le traitement des tumeurs de stade II « à haut risque ». En cas d’utilisation du schéma FOLFOX4, l’administration de l’oxaliplatine doit être interrompue dès l’apparition d’une neurotoxicité de grade 2 persistante. Pour les tumeurs de stade II « à bas risque » et malgré les recommandations du TNCD, le débat n’est pas clos même si le bénéfice attendu de la chimiothérapie est probablement minime au regard du bon pronostic spontané de ces tumeurs. La prise en compte des facteurs pronostiques « secondaires » (envahissement vasculaire, nerveux et/ou lymphatique; infiltrat immunitaire…) et du phénotype moléculaire des tumeurs (MSI vs. MSS) doit intervenir dans l’évaluation du rapport bénéfice/ risque et aider à la décision thérapeutique au niveau individuel. L’âge et le désir de traitement du patient sont aussi des facteurs importants à prendre en compte. La décision thérapeutique devra être discutée avec le patient (principe de la « décision médicale partagée ») conformément aux recommandations de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO). La discussion se fera alors entre l’absence de tout traitement complémentaire et une fluoropyrimidine orale dans la plupart des cas.
Perspectives et questions d’avenir Les « biothérapies » ou « thérapeutiques ciblées » utilisées dans le traitement des cancers colorectaux métastatiques, le bévacizumab (anticorps monoclonal dirigé contre le peptide pro-angiogénique VEGF) et le cétuximab (anticorps dirigé contre le récepteur au facteur de croissance • • • • • •
épithélial, Epidermal Growth Factor ou EGF), sont en cours d’évaluation en situation adjuvante. En ce qui concerne le bévacizumab, l’étude AVANT a inclus 3 450 patients opérés de cancers coliques de stade II à haut risque ou de stade III. Elle a comparé au schéma de référence, c’est-à-dire au FOLFOX4 administré pendant 24 semaines, les associations FOLFOX4 + bévacizumab et XELOX + bévacizumab. Pour les 2 bras « expérimentaux », le bévacizumab était poursuivi en monothérapie pendant 24 semaines à l’issue de la première séquence thérapeutique. L’objectif principal de cette étude est la SSM à 3 ans pour les stades III uniquement. L’essai américain C-08 du NSABP est un essai à deux bras (qui ne comporte pas de bras XELOX) dont l’objectif principal est d’évaluer l’intérêt l’ajout du bévacizumab au FOLFOX4 sur la SSM à 3 ans après exérèse de cancers coliques de stades II à haut risque et de stade III. En ce qui concerne le cétuximab, l’essai PETTAC 8, dirigé par la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive (FFCD) en collaboration avec les autres groupes français et européens de cancérologie digestive, compare le FOLFOX4 à l’association FOLFOX4 + cétuximab administrés pendant 24 semaines chez 2 550 patients avec cancers coliques de stade III [41]. Le schéma de l’étude américaine NCCTG-N0147 est similaire, avec cependant une modalité d’association 5-FU + AF et oxaliplatine dans les deux bras légèrement différente : FOLFOX6 vs. FOLFOX6 + Cétuximab pendant 24 semaines. L’effectif des patients inclus dans cette étude est de 3 786. Ces deux études ont été récemment amendées pour ne cibler que les patients opérés d’un cancer ne présentant pas de mutation du gène K-Ras, après qu’il a été démontré que cette mutation correspondait à un facteur prédictif de résistance aux agents antiEGF-R et notamment au cétuximab. L’objectif principal de ces deux études correspond donc à la SSM à 3 ans de • • • • • •
patients opérés de cancers coliques de stade III ne présentant pas de mutation KRas. Les premiers résultats de ces différentes études devraient être disponibles entre 2010 et 2012. D’autres questions relatives au traitement adjuvant des cancers coliques se posent qui font ou vont faire l’objet d’une évaluation clinique prochainement en particulier : possibilité de raccourcir la durée de la chimiothérapie à 3 mois au lieu des 6 mois actuellement recommandés ; possibilité d’un traitement « à la carte », c’est-à-dire d’une modulation des modalités de la chimiothérapie sur la base du profil d’altérations génétiques au niveau tumoral.
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Les 5 points forts
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Il existe une indication théorique de chimiothérapie adjuvante après exérèse d’un cancer colique de stade III. Le schéma FOLFOX4 correspond au standard de chimiothérapie dans cette indication. Il n’y a pas d’indication de chimiothérapie adjuvante après exérèse d’un cancer colique de stade I. L’indication d’une chimiothérapie adjuvante après exérèse d’un cancer colique de stade II n’est pas consensuelle. Elle doit néanmoins être discutée au cas par cas, en particulier pour les cancers de stade II à « haut risque », c’est-à-dire associés à un ou plusieurs facteurs de mauvais pronostic reconnu : stade T4 ; perforation ; faible degré de différenciation tumorale ; nombre de ganglions examinés < 12. Le 5-FU ne doit plus être administré par voie IV « bolus » exclusive. Le schéma « LV5FU2 » correspond au standard pour l’administration du 5-FU en monothérapie en France. Les pro-drogues orales du 5-FU, capécitabine et UFT, ont une efficacité équivalente et correspondent à une alternative valide. Il n’y a pas de place à l’heure actuelle et pour les biothérapies dans le traitement adjuvant des cancers coliques (hors essai thérapeutique).
Questions à choix unique Question 1 Parmi les propositions suivantes, laquelle est fausse : ❏ A. La chimiothérapie adjuvante est indiquée après exérèse d’un cancer du côlon de stade III. ❏ B. La chimiothérapie adjuvante peut être discutée après exérèse d’un cancer du côlon de stade II. ❏ C. La chimiothérapie adjuvante ne doit jamais être administrée chez des sujets âgés de plus de 75 ans. ❏ D. Les biothérapies (bévacizumab et cétuximab) ne doivent pas être prescrites actuellement en situation adjuvante en dehors d’un essai thérapeutique.
Question 2 Parmi les protocoles de chimiothérapie suivants, lequel n’est pas recommandable : ❏ A. Schéma LV5FU2 ❏ B. Schéma FOLFOX4 ❏ C. Schéma 5-FUbolus/Acide folinique (type Mayo CLinic) ❏ D. Capécitabine (XELODA®)
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Post’U (2009) 56-64
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Le traitement médical des cancers colorectaux métastatiques en 2009 : quels traitements pour quels patients ? Objectifs pédagogiques – Connaître les autorisations de mise sur le marché (AMM) des différents agents pharmacologiques ; – Quelles stratégies pour quels patients ?
Introduction La chimiothérapie des cancers colorectaux métastasés a subi de profonds remaniements ces dernières années. Il devient difficile de se souvenir qu’il y a moins d’une quinzaine d’années, les chimiothérapies les plus actives dans cette maladie de type 5-fluoro-uracile (5FU) – acide folinique ou 5FU – methotrexate donnaient dans des grandes méta-analyses des médianes de survie de l’ordre de 11 mois [1,2]. Quelques années plus tard seulement, il a été démontré que l’utilisation séquentielle de chimiothérapies combinées 5FU – acide folinique – oxaliplatine (FOLFOX) suivi de 5FU – acide folinique – irinotécan (FOLFIRI) ou du FOLFIRI suivi du FOLFOX pouvait permettre d’obtenir environ 21 mois de médiane de survie [3]. Ces deux stratégies se sont donc imposées progressivement. La situation s’est récemment complexifiée avec l’introduction de nouveaux agents pharmacolo-
giques, et notamment des biothérapies, ainsi qu’avec l’identification de facteurs prédictifs de réponse ou d’échec aux traitements. Les différents médicaments disponibles dans cette indication sont indiqués dans le tableau 1 qui précise le libellé des Autorisations de Mise sur le Marché. Nous envisagerons successivement dans ce texte, les questions relatives à la chimiothérapie cytotoxique conventionnelle puis aux biothérapies avant d’aborder les stratégies thérapeutiques. Dans tous les cas, il est important de se rappeler que les possibilités de traitement chirurgical des métastases doivent être systématiquement envisagées en cas de réponse favorable à la chimiothérapie.
Problématiques actuelles en chimiothérapie conventionnelle Individualisation des traitements conventionnels L’utilisation optimale des molécules de chimiothérapie conventionnelle que sont le 5FU, l’irinotécan et à moindre degré, l’oxaliplatine pose encore des problèmes en pratique clinique. En particulier, il apparaît que le métabolisme de l’irinotécan est susceptible de
M. Ducreux (), V. Boige, D. Malka, P. Burtin Département de médecine, institut Gustave Roussy, 39, rue Camille Desmoulin, F-94805 Villejuif ■ M. Ducreux Département de cancérologie, hôpital Paul Brousse, Villejuif ■ M. Ducreux Université Paris-Sud 11, Le Kremlin Bicêtre E-mail :
[email protected] ■
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M. Ducreux, V. Boige, D. Malka, P. Burtin
varier d’un malade à l’autre, ce qui a été à l’origine de tentatives pour augmenter les doses [4,5]. Des études pharmaco-génétiques indiquent que le rapport efficacité/toxicité de l’irinotécan peut être amélioré avec la connaissance du statut UGTA1 des patients [6]. Un essai d’intensification spécifique chez les patients ayant un métabolisme favorable est en cours sous l’égide de la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive.
Une équivalence des molécules orales ? Peut-on dire à l’heure actuelle que la chimiothérapie orale, par exemple de type capécitabine, est équivalente à une chimiothérapie intra-veineuse par 5FU ? La réponse à cette question est positive après l’inclusion de près de 3 500 patients dans des essais randomisés comparant des schémas thérapeutiques de type FOLFOX au XELOX (capécitabine + oxaliplatine). L’étude internationale [7] a inclus 2 034 patients et a rapporté une médiane de survie tout à fait comparable entre les deux bras de traitement : survie globale à 19,6 mois pour le XELOX et 19,8 mois pour le FOLFOX. Dans l’étude française qui a comparé un XELOX avec un FOLFOX6 (qui a une plus forte dose d’intensité d’oxaliplatine : 100 mg/m² tous les 15 jours versus 130 mg/m² toutes les 3 semaines) chez plus de • • • • • •
Tableau 1. Libellés d’Autorisation de Mise sur le Marché des molécules utilisées dans le traitement des cancers colorectaux métastasés Chimiothérapie « conventionnelle » (agents cytotoxiques) Capécitabine (XELODA®) Traitement du cancer colorectal métastatique. En 1ère ligne en association avec l’oxaliplatine ou l’irinotecan ± bévacizumab En 2e ligne en association avec l’oxaliplatine chez des patients antérieurement traités par l’irinotécan Irinotécan (CAMPTO®) Cancer colorectal avancé en association avec le 5FU et l’acide folinique chez les patients n’ayant pas reçu de chimiothérapie antérieure pour le stade avancé de leur maladie. Cancer colorectal avancé en monothérapie après échec d’un traitement ayant comporté du 5FU Cancer colorectal métastatique exprimant le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR), associé au cétuximab, après échec d’une chimiothérapie à base d’irinotecan. Cancer colorectal métastatique en première ligne en association avec le bévacizumab (et du 5FU/ acide folinique). Cancer colorectal métastatique en 1re ligne associé à la capécitabine ± un agent biologique (bévacizumab) Oxaliplatine (ELOXATINE®) Cancer colorectal métastatique en association avec le 5FU et l’acide folinique. En 1re ligne en association avec la capécitabine ± bévacizumab. En 2e ligne en association avec la capécitabine chez des patients antérieurement traités par l’irinotécan Tégafur, uracile (UFT®) Traitement de 1re ligne du cancer colorectal métastatique. Thérapies ciblées = « Biothérapies » Bévacizumab (AVASTIN®) Est indiqué dans le cancer colorectal métastatique en combinaison avec une chimiothérapie à base de fluoropyrimidines. Cétuximab (ERBITUX®) Cancer colorectal métastatique avec gène KRAS de type sauvage exprimant le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR) : – en association avec une chimiothérapie – en monothérapie après échec d’un traitement à base d’oxaliplatine et en cas d’intolérance à l’irinotecan Cancer colorectal métastatique en 1ère ligne associé à la capécitabine ± un agent biologique (bévacizumab) Panitumumab (VECTIBIX®) Le panitumumab est indiqué en monothérapie pour le traitement des cancers colorectaux métastatiques exprimant l’EGFR et Kras non muté après échec de chimiothérapies à base de fluoropyrimidines, oxaliplatine et irinotécan.
300 patients, la médiane de survie sans progression était identique pour les deux modalités thérapeutiques : 9,3 mois pour le FOLFOX6 versus 8,8 mois pour le XELOX avec un risque relatif de 1 [8]. L’association de capécitabine et d’irinotécan, qui semblait être pourvoyeuse d’une plus grande toxicité que le schéma FOLFIRI, a finalement donné des résultats comparables à ceux de l’association de capécitabine et d’oxaliplatine tant en termes d’efficacité que de toxicité. Il est donc possible de conclure à l’heure actuelle à l’équivalence des formes orales et intra-veineuses de fluoropyrimidines.
Le concept de la pause La question qui reste posée avec les chimiothérapies conventionnelles est • • • • • •
celle de l’intérêt éventuel d’une pause thérapeutique. L’essai OPTIMOX2 a randomisé 202 patients qui recevaient 6 cycles d’une chimiothérapie de type FOLFOX7, suivis soit d’une chimiothérapie d’« entretien » de type LV5FU2 avec réintroduction de l’oxaliplatine en cas de progression, soit d’une pause thérapeutique. Il existait une tendance en faveur d’une meilleure survie pour les patients recevant une chimiothérapie d’entretien, la médiane de survie étant de 36 semaines dans ce groupe contre 29 semaines dans le groupe des patients faisant une pause thérapeutique [9]. En revanche une étude comparant le Folfiri administré de manière continue ou par séquence de 2 mois de chimiothérapie suivies de 2 mois sans traitement menée chez 336 patients n’avait pas montré de différence ni en
termes de survie sans progression (8,8 mois en séquentiel versus 7,3 mois en continu) ni en termes de réponse ou de survie globale [10]. Cette problématique de la pause est donc complexe, certains patients pouvant sûrement en bénéficier en particulier lorsque leur maladie a bien répondu et lorsqu’elle était d’un profil évolutif favorable. La détermination de ces sous-groupes de patients nécessite des explorations prospectives ultérieures. Il est évident qu’une pause pourra être proposée chez des patients ayant une maladie sans espoir de résection chirurgicale et donc sans espoir curatif, après 6 mois de traitement environ et en l’absence d’arguments évoquant un profil évolutif rapide.
Une place retrouvée pour la monochimiothérapie La présentation et/ou la publication récente des résultats de trois études stratégiques (étude Focus, étude CAIRO et étude FFCD 2000-05) qui ont posé la question de l’intérêt d’une monochimiothérapie suivie d’une chimiothérapie combinée par rapport à chimiothérapie combinée d’emblée a relancé l’intérêt des stratégies d’« intensification progressive ». L’étude CAIRO a comparé chez 820 patients, l’administration successive de la capécitabine en monothérapie puis de l’irinotécan et finalement, du XELOX à une stratégie de traitement combiné d’emblée : association capécitabine – irinotécan (XELIRI) suivie de XELOX [11]. L’essai FOCUS comportait trois stratégies : monothérapie par 5FU ou par irinotécan suivie d’une chimiothérapie combinée ou stratégie combinée d’emblée [12]. Les deux stratégies évaluées dans l’étude de la FFCD étaient les suivantes : chimiothérapie première de type LV5FU2 suivie de FOLFOX puis de FOLFIRI versus chimiothérapie combinée d’emblée par FOLFOX suivie de FOLFIRI et finalement, de capécitabine ou d’un autre traitement (y compris le cétuximab pour les derniers patients inclus) [13].
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L’ensemble de ces études ne montre aucun bénéfice en faveur de la chimiothérapie combinée d’emblée et la toxicité était significativement diminuée au cours de la mono-chimiothérapie, ce qui justifie son utilisation en première ligne chez les patients pour lesquels l’enjeu n’est pas l’obtention d’une réponse tumorale importante en vue d’une résection.
Intensification des chimiothérapies conventionnelles À l’inverse de cette démarche de « désescalade », il apparaît utile en cas de maladies potentiellement résécables d’intensifier les traitements afin d’améliorer le taux de réponse qui est corrélé au pourcentage de résection à visée curative en particulier en cas de métastases hépatiques isolées [14]. Cette intensification passe par l’utilisation de trithérapies de type FOLFOXIRI (association de 5FU, d’oxaliplatine et d’irinotécan). Cette triple association a été comparée au schéma FOLFIRI [15] dans une étude randomisée portant sur 244 patients. Elle a permis d’obtenir une augmentation significative du taux de réponses tumorales objectives (66 % versus 41 %) ainsi qu’une amélioration de la survie sans progression et de la survie globale. Les pourcentages de résection secondaire étaient de 15 % versus 6 % et de 36 % versus 12 % en cas de métastases hépatique exclusives. La toxicité était un peu augmentée par la trithérapie, en particulier la diarrhée (20 % versus 12 %) et la neutropénie de grades 3-4 (50 % versus 28 %). Cette majoration de la toxicité est à mettre en balance avec le bénéfice obtenu particulièrement intéressant dans ce groupe de patients à maladie potentiellement résécable.
Les modalités de la chimiothérapie chez les personnes âgées Les résultats préliminaires de l’étude « personnes âgées » de la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive FFCD viennent d’être présentés. Les
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patients étaient randomisés pour recevoir soit une chimiothérapie de type LV5FU2 d’emblée soit une chimiothérapie combinée de type FOLFIRI. Le taux de réponses tumorales était supérieur avec le traitement combiné (18 versus 31 %) au prix d’une toxicité augmentée [16]. Il n’a été observé qu’un seul décès toxique dans chaque groupe de traitement alors que 141 patients étaient analysables. Si ces résultats se confirment en survie, il sera nécessaire, comme pour les patients plus jeunes, de sélectionner des patients qui pourront bénéficier d’un traitement initial plus « agressif ».
Les thérapies ciblées Les deux « thérapeutiques ciblées » les mieux évaluées et utilisable dans le traitement du cancer colorectal métastasé correspondent au bévacizumab (anticorps monoclonal dirigé contre le peptide pro-angiogénique VEGF) et au cétuximab (anticorps dirigé contre le récepteur au facteur de croissance épithélial, Epidermal Growth Factor ou EGF). Ces deux agents ont été progressivement « introduits » aux différentes étapes de la stratégie thérapeutique. Le panitumumab, autre anticorps antiEGF-R totalement humanisé, a plus récemment introduit dans l’arsenal thérapeutique.
Données récentes concernant le bévacizumab Bévacizumab en première ligne de traitement L’efficacité du bévacizumab en première ligne de traitement de la maladie métastatique a été démontrée dans l’étude princeps de Hurwitz et al. qui comparait une chimiothérapie de type irinotécan – 5FU bolus – acide folinique (schéma IFL) + bévacizumab à la même chimiothérapie associée à un placebo [17]. Dans cette étude, la survie médiane des malades traités par bévacizumab était de 20,3 mois alors qu’elle était de 15,6 mois chez les malades recevant le placebo. L’asso-
ciation FOLFIRI + bévacizumab semble particulièrement prometteuse puisqu’elle a permis d’obtenir dans l’étude BICC-C, un taux de réponses tumorales objectives de 63 % (supérieur à celui de l’association IFL + bévacizumab) et une médiane de survie de 28 mois, survie encore jamais atteinte dans ce contexte [18]. Le bévacizumab s’accompagne d’une toxicité spécifique : hypertension artérielle, protéinurie, rarement hémorragie, thrombose ou perforation digestive. Il est à réserver à des patients ne présentant pas de contre-indications : volumineuse tumeur primitive ulcérée, prothèse colique récente, carcinose péritonéale symptomatique, patients sous anticoagulants, grands vasculaires. L’association du bévacizumab aux chimiothérapies à base d’oxaliplatine en première ligne de traitement permet également d’améliorer la survie sans progression (médiane 9,4 mois versus 8,0 mois ; Hazard Ratio = 0,83 ; p = 0,023). Si l’amplitude du bénéfice semble inférieure à celle des associations du bévacizumab avec l’irinotécan, les associations XELOX + bévacizumab et FOLFOX + bévacizumab correspondent à des options valides dans cette situation. Bévacizumab en deuxième ligne de traitement Le bévacizumab est efficace en deuxième ligne comme le prouve l’étude comparant le FOLFOX à l’association FOLFOX + bévacizumab chez des patients en progression tumorale sous une chimiothérapie à base d’irinotécan (mais n’ayant pas reçu pas de bévacizumab en première ligne) [19]. La médiane de survie globale était allongée, puisqu’elle passait de 10,8 mois à 12,9 mois avec l’adjonction du bévacizumab dans cette étude. Il est donc recommandé de prescrire du bévacizumab en même temps que la chimiothérapie chez les patients qui n’en ont pas reçu en première ligne. La question actuelle est de savoir s’il est utile de poursuivre le traitement par bévacizumab en seconde ligne • • • • • •
chez des patients ayant progressé sous une chimiothérapie associée au bévacizumab en première ligne, ce que suggère l’étude BRITE. Il s’agit cependant d’une étude observationnelle dont les résultats doivent être interprétés avec précaution dans la mesure où la sélection de la population des patients poursuivant le bévacizumab peut expliquer à elle seule la différence d’efficacité rapportée [20]. Il faut donc attendre les résultats des études prospectives en cours pour définir la stratégie d’utilisation du bévacizumab en seconde ligne après échec d’une chimiothérapie associée à cet agent en première ligne. Bévacizumab au-delà de la deuxième ligne de traitement Au-delà de la deuxième ligne, un traitement comportant du bévacizumab est peu efficace comme le montre l’étude de Chen et al. [21]. Dans ce travail en effet, l’administration d’une chimiothérapie associant 5FU et bévacizumab après échec du FOLFOX et du FOLFIRI, ne permettait d’obtenir un taux de réponse que de 1 % et une survie sans progression de 3,5 mois. Les inhibiteurs du récepteur à l’Epidermal Growth Factor (EGF-R) Cétuximab et panitumumab en troisième ligne de traitement Contrairement au bévacizumab, le cétuximab a été évalué dans un premier temps chez des malades en échec d’une ou de plusieurs lignes de chimiothérapie et réfractaires à l’irinotécan. L’étude princeps BOND a démontré l’efficacité du cétuximab administré en association avec l’irinotécan sur un rythme hebdomadaire dans ce contexte [21]. Il a été proposé secondairement d’administrer le cétuximab sous la forme d’une perfusion intraveineuse tous les 15 jours afin d’éviter la contrainte d’une administration hebdomadaire. Après des premiers résultats montrant une équivalence des deux schémas d’administration en termes de pharmacocinétique et pharmacodynamique, une étude a montré • • • • • •
que l’administration bimensuelle de l’association cétuximab + irinotécan chez les patients réfractaires à l’irinotécan permettait d’obtenir un taux de réponses partielle de 22 %, comparable à celui du schéma hebdomadaire. L’efficacité du cétuximab a été également été démontrée dans une étude comparant cet agent administré en monothérapie à une prise en charge purement symptomatique chez 572 patients porteurs d’une maladie avancée et en échec de plusieurs de chimiothérapie [22]. En effet, la survie médiane des malades traités par cétuximab était de 6,1 mois alors qu’elle était de 4,6 mois chez les malades ne recevant que des soins de confort (hazard ratio : 0,77 ; p = 0,0046). Le panitumumab a été développé dans la même indication de recours après échec des chimiothérapies conventionnelles avec des résultats similaires. L’étude principale comportait là encore, des soins palliatifs versus du panitumumab chez 463 patients résistants au FOLFOX et au FOLFIRI. Cette étude différait de celle utilisant le cetuximab en ce que le cross-over était autorisé et a été réalisé chez 75 % des patients [23]. Il existait un bénéfice du traitement par panitumumab pour la survie sans progression. La survie globale en revanche n’était pas différente en raison du cross-over. L’analyse des résultats en fonction du statut Ki-Ras a montré que les patients bénéficiant du panitumumab ne présentaient pas de mutation du gène Ki-Ras au niveau tumoral [24]. Dans ce groupe, la médiane de survie sans progression était de 12,3 semaines avec le panitumumab contre 7,3 semaines avec le traitement palliatif exclusif. Il existe d’autres facteurs de réponse aux anti-EGFR mais le statut Ki-Ras est le premier considéré comme indispensable à connaître pour la prescription du Panitumumab. Cétuximab en deuxième ligne de traitement En seconde ligne après échec d’une chimiothérapie à base d’oxaliplatine,
une étude évaluant l’efficacité de l’association irinotécan + cétuximab comparativement à celle de l’irinotécan seul a inclus 1 200 patients [25]. Il existait un avantage net en faveur de la combinaison en termes de réponse objective dont le taux passait de 4,2 % à 16,4 % ce qui peut être intéressant pour des patients qui pourraient secondairement bénéficier d’une résection de métastases hépatiques. La survie sans progression était également plus longue dans le groupe de patients recevant le cétuximab : 4 mois versus 2,6 mois (hazard ratio = 0,692 ; p = 0,0001). En revanche, la survie globale, qui était le critère principal de jugement de cet essai, n’était pas significativement différente entre les deux groupes de patients : 9,99 mois avec l’irinotécan seul versus 10,7 mois avec l’association irinotécan – cétuximab. Cétuximab en première ligne de traitement Le cétuximab a été évalué plus récemment en première ligne en association avec le FOLFIRI. Le critère de jugement principal de cet essai (CRYSTAL) était la survie sans progression [26]. Celle-ci s’est révélée supérieure à 8,9 mois pour l’association FOLFIRI + cétuximab contre 8 mois pour le FOLFIRI seul, soit une différence de survie à un an de 11 % (34 % versus 23 %). L’efficacité était d’autant plus importante que les patients avaient une toxicité cutanée. Mais là encore, c’est la détermination du statut KRas au niveau tumoral qui permet de sélectionner le groupe qui va bénéficier de ce traitement. En effet, le pourcentage de réponse était de 59 % avec le cétuximab au lieu de 43 % sans, chez les patients dont la tumeur ne présentait pas de mutation de KRas alors qu’il était de 36 % avec cétuximab et de 40 % sans, en cas de mutation somatique de KRas [27]. En ce qui concerne l’association d’oxaliplatine et de cétuximab, après des résultats prometteurs de l’étude de phase II ACROBAT (72 % de réponses objectives avec l’association FOLFOX
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+ cétuximab) [28], un essai randomisé de phase II (OPUS) a comporté deux bras de traitement chez plus de 300 malades non pré-traités dont la tumeur exprimait le récepteur à l’EGF : FOLFOX4 (traitement de référence) et association FOLFOX4 + cétuximab (traitement « expérimental ») [29]. Le taux de réponses tumorales objectives a été de 36 % pour le FOLFOX4 et de 44,6 % pour l’association FOLFOX4 + cétuximab, soit une différence non significative et des taux de réponse inférieurs à celui observé dans la première étude de phase II. La survie sans progression était identique et égale à 7,2 mois dans les deux bras. Les données de cette étude ont également été analysées en fonction de l’existence ou non d’une mutation de KRas au niveau tumoral. Cette information était disponible pour 233 patients inclus. Parmi les 134 malades dont la tumeur ne présentait pas de mutation, les taux de réponse tumorale étaient de 61 % avec l’association FOLFOX4 + cétuximab et de 37 % avec le FOLFOX4 seul. Ces taux étaient de 33 % et 49 % respectivement en cas de mutation de KRAs (n = 99). Par ailleurs, en l’absence de mutation KRas, le traitement par cétuximab était associé à une augmentation significative de la survie sans progression [7,7 mois versus 7,2 mois ; HR = 0,570 (IC95 % : 0,358-0,907) ; p = 0,0163]. A l’inverse, la survie sans progression était significativement inférieure chez les malades traités par l’association FOLFOX4 + cétuximab par rapport à ceux traités par FOLFOX4 seul en cas de mutation tumorale de KRas [5,5 mois versus 8,6 mois ; HR = 1,830 (IC95 % : 1,095-3,056) ; p = 0,0192] [29]. La quadrithérapie (3 agents cytotoxiques + 1 biothérapie) est-elle possible et utile ? Il apparaît possible de proposer à des patients sélectionnés une combinaison de 3 agents cytotoxiques et d’une biothérapie de type bévacizumab ou cétuximab. Ces traitements intensifs apparaissent faisables chez des patients sélectionnés [30-32] (avec des taux de
60
Tableau 2. Premiers résultats des études de quadrithérapie avec biothérapie des cancers colorectaux métastasés Garufi et al. [31] (n = 26)
Masi et al. [32] (n = 29)
Samalin et al. [33] (n = 14)
Trithérapie
Chronomodulée, à visée néo-adjuvante
FOLFOXIRI
FOLFIRINOX
Biothérapie
Cetuximab
Bevacizumab
Cetuximab
83 % 68 %: résection à but curatif
76
67
Contrôle tumoral (%)
91
100
92
Neutropénie grade 3/4 (%)
–
21/13
36
Grade 3 : 73,3 % (12 % après réduction de dose) Nausées/vomissements (grade 3) : 35
8
50
Rash : 7,7
Asthénie : 28
RO (%)
Diarrhée grade 3/4 (%)
Autre toxicité grade 3-4 (%)
réponse tumorale supérieurs à 70 % et des taux de contrôle tumoral atteignant presque 100 %, au prix cependant d’une toxicité non négligeable (diarrhée fréquente avec les quadrithérapies comportant du cétuximab) (Tableau 2). Peut-on combiner les thérapies ciblées ? Après des résultats favorables de la triple association irinotécan + bévacizumab + cétuximab en situation de recours [33], il a été tenté d’associer les biothérapies dès la première ligne. Un essai récent (PACCE) a évalué l’intérêt d’associer le bévacizumab et le panitumumab à une chimiothérapie à base d’oxaliplatine ou d’irinotécan. Cet essai a montré que dans le groupe de patients recevant une chimiothérapie à base d’oxaliplatine, la biothérapie combinée était responsable d’une majoration significative de la toxicité et d’une diminution de l’efficacité puisque la médiane de survie sans progression était de 8,8 mois avec les deux thérapies ciblées alors qu’elle était de 10,5 mois avec le bévacizumab seul [34]. Dans le groupe des patients recevant de l’irinotécan, la médiane de survie sans progression était de 10,1 mois avec la combinaison des biothérapies et de 11,7 mois avec le bévacizumab seul. Par ailleurs, il y
avait plus de décès précoces dans le bras recevant la bi-biothérapie [34]. L’étude CAIRO2 qui comparait les associations XELOX + bévacizumab et XELOX + bévacizumab + cétuximab a donné des résultats similaires : survie sans progression médiane : 10,7 mois versus 9,6 mois ; survie globale médiane : 20,3 versus 20,4 mois. Les résultats n’étaient pas modifiés par l’analyse en fonction du statut KRas des tumeurs [35]. Les résultats concordants de ces deus études permettent de conclure que ce type de combinaison n’est pas recommandable, ce qui prouve que toujours plus ne fait pas toujours mieux. Sécurité d’utilisation des thérapies ciblées chez les personnes âgées L’analyse de l’étude de cohorte BRITE, qui incluait 363 patients de plus de 75 ans sur les 1953 de l’effectif total (dont 161 de 80 ans ou plus) n’a pas montré de différence de tolérance ou d’efficacité lors de l’utilisation de chimiothérapies associées au bévacizumab en fonction de l’âge [36].
Quelle chimiothérapie pour quel malade ? Après avoir détaillé les nouveautés dans la prise en charge du cancer • • • • • •
colorectal métastasé, il est possible de donner quelques grandes orientations sans fournir de réponse définitive aux questions stratégiques qui se posent quotidiennement. 1°) Pour les patients au-delà de toute possibilité thérapeutique à visée curative, il est possible de commencer par une mono-chimiothérapie associée éventuellement à une biothérapie (en privilégiant le bévacizumab dans cette situation car on dispose de plus de données sur l’association 5FU + bévacizumab que sur l’association 5FU+ cétuximab) ; 2°) Les patients dont la tumeur présente une mutation de KRas ne doivent jamais recevoir d’inhibiteurs de l’EGF-récepteur (cétuximab ou panitumumab) ; 3°) Le bévacizumab ne doit pas être administré au delà de la seconde ligne de traitement ; 4°) L’adjonction de bévacizumab au FOLFIRI en première ligne augmente le pourcentage de réponse ; 5°) L’adjonction de cétuximab au FOLFOX et au FOLFIRI augmente l’efficacité de ces traitements chez les patients dont la tumeur ne présente pas de mutation de KRas, quelle que soit la ligne de traitement. Aller au-delà de ces recommandations dans un algorithme stratégique est à l’heure actuelle impossible compte tenu des multiples questions qui se posent encore dans ce domaine.
Conclusion Au total, il reste encore de nombreux points à explorer dans la chimiothérapie des cancers colorectaux métastasés qui devient un problème stratégique complexe avec de multiples avancées qui aboutiront à une amélioration de la survie des patients et à une amélioration des patients traités à but curatif. Les possibilités sont donc multiples dés la première ligne, allant de la monothérapie par capécitabine à la trithérapie, avec ou sans biothé• • • • • •
rapie associée. Ceci souligne le rôle essentiel des réunions de concertation pluridisciplinaire pour déterminer le traitement adapté à chaque patient. Il est par ailleurs nécessaire de favoriser l’inclusion des malades dans des études randomisées, en particulier dans les études stratégiques, de façon à optimiser la place de ces thérapeutiques. La part de la biologie et de la recherche translationnelle dans la sélection des traitements va devenir de plus en plus grande dans les années à venir.
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Gastrointestinal Cancers Symposium 2008;363. Abstract. 32. Samalin E, Thezenas S, Mineur L, Viret F, Assenat E, Senesse P, Bleuse J, Kramar A, Ychou M. Interimanalysis of a multicentric phase II trial evaluating cetuximab in combination with FOLFIRINOX (LV5FU + irinotecan +oxaliplatin) as first-line treatment of colorectal cancer (mCRC) patients. Proceedings of the Gastrointestinal Cancers Symposium 2008;375. Abstract. 33. Saltz LB, Lenz HJ, Kindler HL, Hochster HS, Wadler S, Hoff PM, Kemeny NE, Hollywood EM, Gonen M, Quinones M, Morse M, Chen HX. Randomized phase II trial of cetuximab, bevacizumab, and irinotecan compared with cetuximab and bevacizumab alone in irinotecan-refractory colorectal cancer: the BOND-2 study. J Clin Oncol 2007;25:4557-4561. 34. Hecht JR, Mitchell E, Chidiac T, Scroggin C, Hagenstad C, Spigel D, Marshall J, Cohn A, McCollum D, Stella P, Deeter R, Shahin S, Amado
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Les 5 points forts ➋ ➌
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La chimiothérapie des cancers colorectaux métastasés a beaucoup progressé ces dernières années ; Le choix du traitement dépend de la stratégie globale mise en œuvre chez le patient ; Pour des malades chez qui une résection chirurgicale des métastases est potentiellement possible, des chimiothérapies combinées à taux de réponse élevée doivent être proposées ; Pour des malades ayant une maladie au-delà de toute ressource chirurgicale, des traitements séquentiels avec adjonctions successives des molécules sont licites ; Les anticorps anti-EGF récepteurs ne doivent être donnés qu’à des patients n’ayant pas de mutation Kras. Il s’agit du premier pas dans le domaine du traitement à la carte des malades.
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Questions à choix unique Question 1 Parmi ces propositions, une seule est vraie : ❏ A. Chez les malades ayant des métastases hépatiques de cancers colorectaux, plus le taux de réponse à la chimiothérapie est élevée plus les taux de résection chirurgicale secondaire sont élevés ❏ B. Une chimiothérapie par fluoropyrimidines seules ne doit jamais être proposée à un patient ayant des métastases de cancers colorectaux ❏ C. La capécitabine n’a pas la même efficacité que le 5-fluoro-uracile ❏ D. Selon, l’autorisation de mise sur le marché, l’utilisation du bevacizumab n’est pas possible en première ligne de chimiothérapie des cancers colorectaux ❏ E. Selon, l’autorisation de mise sur le marché, l’utilisation du cetuximab n’est pas possible en première ligne de chimiothérapie des cancers colorectaux
Question 2 Parmi ces propositions, une seule est vraie : ❏ A. La mutation Kras est un facteur prédictif de réponse au bevacizumab ❏ B. La mutation de Kras est un facteur prédictif de non-réponse au bevacizumab ❏ C. La mutation Kras est un facteur prédictif de réponse au cetuximab ❏ D. La mutation Kras est un facteur prédictif de non-réponse au cetuximab ❏ E. La mutation Kras est un facteur pronostique de mauvaise survie en cas de cancer colorectal métastasé.
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Post’U (2009) 65-71
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De la bonne prise en charge des poussées graves de RCH Objectifs pédagogiques – Connaître les critères de définition et de diagnostic d’une colite grave ; Connaître les modalités des différentes techniques thérapeutiques, leurs indications, leur surveillance.
Introduction Les poussées graves de RCH ne devraient pas tuer : la RCH est une affection bénigne, curable par la colectomie. Encore faut-il qu’elle soit réalisée à temps. Dès le début des années 1960, Goligher et al. ont montré que la mortalité pouvait être réduite à moins de 5 % par la réalisation d’une colectomie précoce [1]. Des données récentes confirment que la colectomie tardive demeure associée à un excès de mortalité [2]. Les corticoïdes, la ciclosporine et l’infliximab se sont révélés actifs dans la RCH sévère ou corticorésistante. L’efficacité de ces médicaments doit être jugée sur 3 à 7 jours, pas plus, afin d’éviter d’exposer le malade aux aléas d’une colectomie tardive.
rieure à 6 cm (en radiographie d’abdomen sans préparation ou en tomodensitométrie), en muqueuse malade, et avant toute insufflation d’air dans le côlon, chez un malade ayant les signes cliniques d’une colite aiguë grave : évacuations glairo-sanglantes, fièvre, tachycardie, douleurs abdominales spontanées et provoquées par la palpation. Il traduit un état pré-perforatif et constitue, dans la majorité des cas, une urgence chirurgicale. On peut rapprocher de ces formes compliquées les RCH dites fulminantes (plus de 10 selles liquides par jour, douleurs abdominales, nécessité de transfusion, distension colique, rectorragies abondantes, signes de toxicité) [3] qui paraissent moins sensibles au traitement par corticoïdes [4], ciclosporine [5] et infliximab [6].
Poussées sévères de RCH Si l’on exclut les formes compliquées ou fulminantes, la gravité d’une poussée de RCH est définie par des critères cliniques et biologiques. Les plus utilisés sont ceux de Truelove et Witts (Tableau 1). La conférence de consensus
Définition Poussées de RCH compliquées ou fulminantes Les patients ayant une perforation colique ou une hémorragie grave doivent être opérés en urgence. Le mégacôlon toxique est défini par la dilatation du côlon transverse supé-
F. Carbonnel
ECCO sur la RCH est claire : avoir plus de 5 évacuations glairo-sanglantes par jour et au moins un des signes suivants : tachycardie > 90/minute, fièvre > 37,8 °C, Hb < 10,5 g/dL, VS > 30 mm/h suffit à faire hospitaliser le malade et à déclencher la prescription du traitement intra-veineux intensif [7].
Poussées de RCH corticorésistante par voie orale Les patients qui ne répondent pas à la corticothérapie orale (0,75 mg/kg/j d’équivalent prednisone) sont traités de la même manière que ceux ayant une poussée sévère de RCH.
Quels sont les examens utiles chez un malade hospitalisé pour une colite aiguë grave ? La conférence de consensus ECCO recommande d’effectuer une rectosigmoïdoscopie avec biopsies (à la recherche d’une infection à CMV), une
Tableau 1. Classification de Truelove et Witts Poussée* Nombre d’évacuations/jour Température vespérale Fréquence cardiaque Taux d’hémoglobine Vitesse de sédimentation
Légère ≤ 4 peu sanglantes Absence de fièvre Absence de tachycardie Absence d’anémie < 30
Sévère ≥ 6 sanglantes ≥ 37,5°C ou ≥ 37.8°C 2 j/4 ≥ 90/min < 75 % de la valeur normale ≥ 30
* La poussée est dite moyenne dans les situations intermédiaires.
F. Carbonnel () Service d’Hépatogastroentérologie, centre hospitalier de Bicêtre, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Université Paris Sud E-mail :
[email protected] ■
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Tableau 2. Traitement intraveineux intensif
Utilisation pratique
Methylprednisolone IV : 60 mg/24 h Prednisolone en lavement : 20 mg/12h Héparine de bas poids moléculaire à visée prophylactique Surveillance médico chirurgicale (Repos digestif) Pas de ralentisseurs du transit
Les modalités actuelles de ce traitement intra-veineux intensif sont décrites dans le tableau 2. La corticothérapie intraveineuse est l’élément essentiel. La dose recommandée est de 40 à 60 mg de methylprednisolone/24 h, en perfusion continue ou en 1, 2 ou 4 injections. L’emploi de doses plus élevées de corticoïdes [13], les antibiotiques [14,15] et la nutrition parentérale totale [16,17] ne semblent pas apporter de bénéfice supplémentaire au traitement intraveineux intensif. La mise au repos du tube digestif n’est pas systématique, mais est indiquée dans les formes les plus sévères et chez les patients qui vomissent. Les autres malades auront un régime liquide ou sans résidus. Les malades sont placés sous surveillance médico-chirurgicale. L’apparition d’une complication doit faire porter l’indication chirurgicale. L’absence de réponse franche est une indication à la colectomie ou à l’intensification du traitement médical [18]. L’obtention d’une rémission (disparition du sang dans les selles et moins de 4 selles liquides par 24 h) ou d’une réponse franche conduisent à la prescription de prednisolone per os. La décision est prise le 5e jour du traitement intraveineux intensif au plus tard. Un point intermédiaire peut être fait au 3e jour ; 85 % des malades qui, à J3, ont plus de 8 évacuations/j ou entre 3 et 8 évacuations/j et une CRP supérieure à 45 sont en échec du traitement intraveineux intensif [19].
recherche de la toxine du Clostridium difficile, et une radiographie d’abdomen sans préparation à l’entrée de tout malade ayant une colite aiguë grave. On recommande d’y ajouter une IDR à la tuberculine, une radiographie thoracique, voire un dosage du quantiféron, afin d’anticiper la mise en route d’un éventuel traitement par Infliximab. Le scanner abdominal se discute au cas par cas. Il est plus sensible que l’ASP pour détecter une colectasie ou une perforation.
Les corticoïdes Efficacité L’efficacité des corticoïdes intraveineux dans la RCH a été établie par un essai contrôlé paru en 1955 [8]. En 1974 puis en 1978, l’équipe d’Oxford a montré que le traitement intraveineux intensif (Tableau 2) permettait d’éviter la colectomie en urgence chez 70 % des malades ayant une RCH grave tout en maintenant un taux de mortalité inférieur à 5 % [9, 10]. Les résultats de 32 études ouvertes regroupant un total de 1 948 patients ont été récemment compilés [11]. La mortalité était de 1 % (0-7,4 %), le taux de réponse de 67 % (48-90 %) et le taux cumulatif de colectomie de 27 % (10-72 %). Un travail récent, portant sur la période antérieure à l’utilisation des immunomodulateurs, a évalué le risque de colectomie à long terme après traitement intraveineux intensif [12]. Dix ans après, le taux de colectomie est de 64 % après une poussée sévère, 49 % après une poussée d’intensité moyenne et 28 % après une poussée minime [12].
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La cyclosporine Efficacité Deux essais randomisés ont testé l’efficacité de la ciclosporine dans la RCH. L’essai de Lichtiger et al. [20] a montré que la ciclosporine induit significativement plus de rémission que le placebo (OR 0.18 ; IC 95% : 0.05-0.64) chez les malades corticorésistants. L’essai de D’Haens et al. n’a pas montré de différence entre la ciclosporine et les corticoïdes IV chez les malades
ayant une RCH sévère, naïfs de corticoïdes [21]. De nombreuses études ouvertes ont été conduites chez des malades traités par ciclosporine pour une RCH sévère et/ou corticorésistante. De 1984 à 1999, nous avons dénombré 26 études ouvertes regroupant 353 patients ; le taux de réponse à court terme était de 67 % (56-91 %) [22-30]. Une fois la rémission obtenue par la ciclosporine, des poussées à distance sont possibles, pouvant conduire à la colectomie. A long terme, le taux de colectomie est moins élevé chez les malades traités par azathioprine que par salicylés [31]. Dans une série de 142 malades traités par ciclosporine puis azathioprine, il y eut 118 répondeurs (838 %) dont 64 furent finalement opérés au terme du suivi [32]. Le taux de colectomie était plus élevé chez les malades résistant à l’azathioprine avant la prescription de ciclosporine que chez les naïfs d’azathioprine (59 % vs 31 % respectivement). Ces résultats montrent que la ciclosporine est peu efficace à long terme chez les malades qui ont une poussée sous azathioprine.
Utilisation pratique La Ciclosporine existe sous forme intra-veineuse (Sandimmun®) et sous la forme d’une microémulsion orale, le Neoral®. Par voie IV, la dose initiale est de 2 mg/kg/24 h de ciclosporine [33]. La ciclosporinémie cible est de 200 ± 50 μg/ml. La réponse est généralement évaluée par le score de Lichtiger (Tableau 3). Environ 3 malades sur 4 répondent à court terme ; la réponse (définie par une diminution d’au moins 3 points du score de Lichtiger et un score inférieur à 10) est obtenue après une médiane de 3 jours. On ne prolonge pas le traitement audelà de 7 jours chez les non répondeurs. Environ 40 % des malades répondent à long terme à la ciclosporine. Des résultats similaires ont été rapportés dans des essais ouverts avec le Neoral® d’emblée [34,35], à la dose initiale de 2 à 2,5 mg/kg/12 h et une ciclosporinémie cible de 100 μg/ml à • • • • • •
Tableau 3. Score de Lichtiger Symptôme Diarrhée 0-2 3-4 5-6 7-9 10 Diarrhée nocturne Non Oui Sang dans les selles 0 50 100 Incontinence fécale Non Oui Douleur abdominale Aucune Modérée Moyenne Sévère Etat général Parfait Très bon Bon Moyen Mauvais Terrible Douleur à la palpation abdominale Aucune Modérée et localisée Modérée à moyenne et diffuse Sévère ou douleur au rebond Antidiarrhéiques Non Oui
Score 1 2 2 3 4 0 1 0 1 2 3 0 1 0 1 2 3 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 0 1
La poussée est dite sévère si le score de Lichtiger est supérieur ou égal à 10.
jeun et 500 à 700 μg/ml, 2 heures après la prise du Neoral® du matin. La toxicité de la Ciclosporine est élevée. Près de la moitié des patients ont des effets indésirables mineurs : paresthésies, hypertension, hypomagnésémie, hypertrichose, céphalées, élévation des ALAT, hypertrophie gingivale, hyperkaliémie ; 18 % des malades ont une toxicité majeure : insuffisance rénale, infection sévère (6,3 %), convulsions, anaphylaxie [36]. A long terme, le taux de mortalité est d’environ 3 %, peu différent de celui des séries de colites aiguës graves antérieures à la ciclosporine [37]. Les décès sont, le plus souvent, dus à des infections opportunistes [36,37]. La pneumocystose peut être évitée par les aérosols de pentamidine ou la prise de cotrimoxazole per os. La ciclosporine • • • • • •
ne semble pas aggraver les suites des colectomies [38], à condition de respecter certaines règles : – La ciclosporine n’est pas indiquée chez les malades ayant une RCH compliquée ; – En l’absence d’une réponse franche, le patient est colectomisé au bout de 3 à 7 jours de ciclosporine ; – L’intervention en urgence est toujours une colectomie sub-totale avec double stomie. En France, la majorité des centres prescrivent la ciclosporine orale en relais pendant 3 mois. Le suivi ambulatoire d’un malade traité par ciclosporine est hebdomadaire le premier mois puis bimensuel, jusqu’à l’arrêt du traitement [39]. Répétons que tous les patients ayant une RCH grave et/ou cortico-résistante ne sont pas de bons candidats au traitement par ciclosporine. Les plus graves ne peuvent attendre le délai d’action de ce médicament. Plusieurs études rétrospectives ont tenté d’identifier des facteurs prédictifs d’échec de la ciclosporine. Les facteurs de mauvais pronostic étaient, selon les auteurs, une température supérieure à 37°5C, une tachycardie supérieure à 90/min, une CRP > 45 mg/L et la présence de lésions sévères en coloscopie [40] ; un taux élevé de polynucléaires neutrophiles [41] ; un index de Ho 5 [5].
L’Infliximab Efficacité L’infliximab a montré son efficacité, en traitement d’induction et d’entretien, dans la RCH moyenne à sévère, réfractaire au traitement conventionnel (salicylés, corticoïdes, azathioprine) dans deux essais multicentriques de phase III, randomisés, en double aveugle contre placebo (ACT 1et 2) [42]. Dans la RCH corticorésistante, un essai multicentrique de phase II, randomisé en double aveugle contre placebo, a montré que le taux de colectomie était significativement moins élevé dans le groupe infliximab
que dans le groupe placebo [6]. À noter que la supériorité de l’infliximab était significative chez les malades avec une RCH non fulminante (0 % de colectomie avec l’infliximab vs 62 % avec le placebo) mais pas chez ceux avec une RCH fulminante (47 % de colectomie avec l’infliximab vs 69 % avec le placebo) [6]. Après deux ans de suivi, le taux de colectomie était de 47 % dans le groupe infliximab et 78 % dans le groupe placebo [43]. Plusieurs études ouvertes ont confirmé l’efficacité de l’infliximab dans la RCH sévère ou corticorésistante avec un taux de malades sans colectomie de 66 à 85 % à court terme. Le taux de complication infectieuse sévère était de 6,5 %, dont deux décès (une légionellose et une septicémie à Pseudomonas aeruginosa : 1,6 %) [44,45].
Utilisation pratique Nous utilisons l’infliximab dans la RCH selon les modalités définies dans les essais ACT 1 et 2 : traitement d’induction par trois injections puis traitement d’entretien d’emblée. Un point particulier est la recherche d’une tuberculose latente dans cette situation d’urgence. L’interrogatoire, la radiographie de thorax, l’intradermo réaction à la tuberculine (et pour certains, le quantiféron) sont effectués dès l’admission du patient. Il n’y a pas de recommandation claire chez les malades qui ont une tuberculose latente et qui sont candidats à un traitement par infliximab. La ciclosporine est, dans cette situation, une alternative raisonnable.
Traitement de deuxième ligne d’une poussée sévère ou corticorésistante de RCH : que choisir ? En première intention, chez un malade corticorésistant, doit-on prescrire la ciclosporine ou l’infliximab ? La réponse à cette question sera apportée par les résultats de l’essai Cysif, coor-
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donné par le GETAID, actuellement en cours. L’emploi successif de la ciclosporine puis de l’infliximab (ou l’inverse) n’est pas validé. Une étude récente suggère que le traitement de troisième ligne est peu efficace (33 à 40 % de rémission) et le taux de complication infectieuse sévère est de 10 % (dont un sepsis mortel à E Coli) presque deux fois plus élevé qu’avec l’une des deux molécules [46].
Place de la coloscopie Les lésions sévères de RCH siègent le plus souvent dans le côlon gauche et le recto-sigmoïde et sont donc accessibles à une coloscopie distale. Trois études rétrospectives suggèrent que la présence d’ulcérations profondes en endoscopie est associée à un risque plus élevé de complications, à une moins bonne réponse au traitement intra-veineux intensif [47] et à la ciclosporine [40]. Ces données n’ont pas été reproduites par une étude récente comparant l’infliximab au placebo chez les malades corticorésistants [7]. Le taux de colectomie était similaire chez les malades porteurs de lésions endoscopiques sévères ou non, quel que soit le produit injecté (verum ou placebo) [7]. L’essai prospectif Cysif comparant la ciclosporine à l’infliximab comporte la réalisation d’une coloscopie.
RCH sévères et infections RCH sévère et infection à CMV Le CMV appartient au groupe des herpes virus. Chez les sujets séropositifs, il persiste à l’état latent dans les cellules mononucléées du sang et peut être réactivé par l’inflammation ou l’immunodépression. Il semble y avoir une spécificité de l’association entre les poussées sévères ou corticorésistantes de RCH et l’infection à CMV [48]. La présence de marqueurs sériques de réplication virale (PCR du CMV, antigène pp65) et/ou de signes
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histologiques d’infection à CMV (biopsies coliques ou pièces de colectomie) est retrouvée dans 17 % à 36 % des cas de poussées corticorésistantes de RCH, beaucoup plus rarement dans les poussées de maladie de Crohn [49]. Dans la plupart des cas, ces marqueurs de réactivation disparaissent sans traitement antiviral [48]. Toutefois, dans certains cas, le traitement antiviral permet d’obtenir une rémission clinique. De plus, plusieurs infections systémiques sévères à CMV ont été observées [50]. La situation est alors d’autant plus préoccupante que ces infections à CMV sont souvent associées à des infections bactériennes ou fungiques. Le niveau de réplication virale mesuré par la PCR du CMV et la présence d’inclusions typiques dans les biopsies muqueuses permettent de différencier les réactivations virales sans conséquence des situations à risque dans lesquelles le traitement par antiviral (ganciclovir en première intention) doit être administré. La limite de la PCR CMV a été fixée à 5 000 copies/ml sur plasma et 250 000 copies/mL sur sang total [51].
RCH sévère et infection à Clostridium difficile Plusieurs études récentes suggèrent une augmentation de la fréquence de l’infection à Clostridium Difficile dans les poussées de RCH [52,53]. L’une de ces deux études montre que l’association d’une infection à Clostridium difficile à une poussée de RCH augmente le recours à l’hospitalisation et à la colectomie [54]. Ces résultats nécessitent confirmation. De plus, l’efficacité d’une antibiothérapie spécifique (vancomycine ou métronidazole) dans ce contexte, doit être précisée.
ciclosporine ou infliximab en cas d’échec, puis colectomie en cas d’échec de l’un ou l’autre. La pratique est plus compliquée. L’objectif, rappelons le, est de concilier les bénéfices des molécules actives et des colectomies précoces. Cela nécessite : – une appréciation individualisée du risque pour chaque malade (une colite fulminante, compliquée ou dépassée doit être opérée dans l’urgence tandis qu’une RCH corticorésistante de sévérité moyenne peut attendre l’efficacité du traitement médical) ; – des séquences thérapeutiques courtes (de 7 jours chacune maximum) ; – une surveillance médico-chirurgicale attentive afin de déceler à temps une dégradation de l’état du malade ; – de savoir reconnaître et traiter à temps les infections favorisées par l’état général du patients et les traitements (pneumocystose, histoplasmose, aspergillose, infection à CMV, sepsis, etc.). La prise en charge des poussées graves ou corticorésistantes de RCH tend à se complexifier. Les progrès accomplis ces dernières années ne doivent pas faire oublier que la colectomie tardive est associée à une mortalité et une morbidité élevée. Les décès au cours des poussées sévères de RCH sont devenus rares mais n’ont pas disparu, même dans les séries les plus récentes [55-57]. Les choix thérapeutiques sont donc délicats et doivent être confiés à une équipe ayant l’expérience des colites graves, du maniement des immunosuppresseurs dans cette situation et de la chirurgie colorectale.
Références Conclusion En théorie, la prise en charge des malades atteints de RCH sévère ou corticorésistante est simple : colectomie d’emblée pour les formes compliquées, corticoïdes IV pour les autres,
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Les 5 points forts ➋
➌
Les patients ayant une RCH compliquée (perforation, mégacôlon toxique, hémorragie grave) doivent être colectomisés dans l’urgence. La corticothérapie intraveineuse est le traitement de première intention des poussées de RCH non compliquées, sévères ou réfractaires aux corticoïdes par voie orale. En l’absence de franche amélioration au bout de trois à cinq jours de corticoïdes IV, il faut décider d’une colectomie, d’un traitement par infliximab ou ciclosporine. La colectomie est indiquée chez les malades qui se trouvent en échec de l’infliximab ou de la ciclosporine. La mortalité des poussées graves de RCH peut être abolie (ou presque) par des séquences thérapeutiques courtes (de 7 jours chacune maximum), une surveillance médico chirurgicale attentive et, le cas échéant, le diagnostic et le traitement précoce des infections favorisées par le traitement immunomodulateur.
Questionnaire à choix multiple Question 1 Lesquels des malades suivants, atteints de RCH en poussée devraient être hospitalisés en soins intensifs médicochirurgicaux ? ❏ A. 8 évacuations glairo-sanglantes et hémoglobine à 10 g/dL ❏ B. 2 évacuations glairo-sanglantes et CRP à 20 mg/L ❏ C. 6 évacuations glairo-sanglantes et fièvre à 38°C ❏ D. 6 évacuations glairo-sanglantes et VS à 25 mm à la première heure
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Post’U (2009) 72-78
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Indications vaccinales et gestion des infections opportunistes au cours des MICI Objectifs pédagogiques – Vaccinations dont la réalisation doit être discutée au cours des MICI en général et avant mise en route d’un traitement immunosuppresseur ; – Connaître les méthodes de diagnostic et de prévention des infections opportunistes – bilan pré thérapeutique avant un immunosuppresseur ; – Quelle attitude en fonction du résultat ; les signes importants à connaître, l’éducation du patient.
Introduction Depuis dix ans, le traitement des MICI s’est considérablement amélioré. La famille des agents bloquant le TNF est venue enrichir l’arsenal thérapeutique des immunosuppresseurs (IS). Leur efficacité a plaidé pour une utilisation croissante de ces différents agents, utilisés de façon fréquente en association. Malgré les difficultés de quantification, de nombreuses publications font état d’une augmentation du risque infectieux chez les patients atteints de MICI traités par IS, et de façon plus récente, d’une majoration de celui-ci en cas d’association des thérapeutiques [1]. Toutes les types d’infections opportunistes (IO) ont été associés à l’utilisation des corticoïdes (CS), de l’azathioprine (AZA)/6 mercaptopurine (6-MP), du methotrexate (MTX), de la ciclosporine (CySP) et des anti-TNF (tableau 1).
Ceci dit, leurs mécanismes d’action spécifique peuvent favoriser certaines infections, comme par exemple les infections à herpesviridae pour AZA/6MP [2,3], et les infections granulomateuses (notamment la tuberculose) pour les anti-TNF [4]. S’il apparaît évident que l’on ne pourra pas supprimer tout risque infectieux, certaines infections peuvent être prévenues par des stratégies d’éducation
N. Viget
du patient, de vaccination, de chimioprophylaxie si besoin. De même, le diagnostic des IO est difficile parce que les symptômes d’appel peuvent être minorés malgré une évo-
Tableau 1. Infections opportunistes rapportées chez des patients atteints de MICI sous traitement IS [54] Facteurs prédisposant Type d’atteinte intestinale, extension des lésions , aux complications infectieuses durée d’évolution de la maladie Dénutrition Traitement IS Leucopénie secondaire aux IS Chirurgie Âge élevé, comorbidités Infections virales Varicella Zoster Herpes Simplex Cytomegalovirus Epstein-Barr virus Human papilloma virus Infections bactériennes Escherichia coli Salmonella spp. Streptococcus pneumoniae Clostridium difficile Staphylococcus spp. Legionella pneumophila Mycobacterium tuberculosis Listeria monocytogenes Mycobacterium avium spp. or xenopi Nocardia Infections fongiques Candida spp. et parasitaires Aspergillus spp. Pneumocystis jiroveci (carinii) Histoplasmosis Cryptococcus spp. Coccidioides immitis Leishmania donovani Blastomycoses Toxoplasma gondii (pas de cas rapporté avec MICI mais risque potentiel)
N. Viget () Hôpital Gustave Dron, service des maladies infectieuses, rue du Président Coty, F-59208 Tourcoing, France E-mail :
[email protected] ■
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lution rapide, et l’examen clinique peu contributif. Savoir les évoquer et mettre en place une stratégie diagnostique peut permettre de diminuer leur morbimortalité.
Tableau 2. Les vaccins et leurs recommandations chez les patients sous IS atteints de MICI* [54,11]
Pathologie
Type de vaccin
Recommandation chez le patient immuno-déprimé
Diphtérie
Anatoxine purifiée
Recommandé
Tétanos
Anatoxine purifiée
Recommandé
Vaccinations
Poliomyélite
Oral : Virus vivant atténué Injectable: virus inactivé
Contre-indiqué Recommandé
Les patient atteints de MICI sont probablement sous-vaccinés : une étude américaine de 2 005 rapportait que seulement 45 % des patients se souvenaient avoir été immunisés vis-à-vis du tétanos dans les dix dernières années, 28 % étaient régulièrement vaccinés contre la grippe et seuls 9 % avaient reçu un vaccin pneumococcique [5].
Coqueluche
Antigène acellulaire
Recommandé
Hépatite B
Peptide recombinant
Recommandé
Pneumocoque
Ag capsulaire 23-valence Ag capsulaire conjugué 7-valence
Recommandé Autorisé (indication chez l’enfant)
Influenza
Virus inactivé
Recommandé
Papillomavirus humain (HPV)
Protéine recombinante L1
Autorisé
Rougeole, Oreillons, Rubéole
Virus vivants atténués
Contre-indiqué
Varicelle **
Virus vivant atténué
Contre-indiqué
Hépatite A***
Virus inactivé
Autorisé
Fièvre jaune***
Virus vivant atténué
Contre-indiqué
Choléra***
Oral tué
Avec précaution
Meningocoque***
Polysaccharidique C conjugué Polysaccharidique combiné A+C Polysaccharidique combiné A+C+W+Y
Autorisé Autorisé Autorisé
Typhoïde***
Polysaccharidique Ag capsulaire Vi
Autorisé
Rage***
Inactivé dérivé de culture cellulaire
Autorisé
Encéphalite japonaise***
Virus inactivé
Autorisé
Encéphalite à tiques***
Virus inactivé
Avec précaution
Haemophilus influenzae B
Ag capsulaire polyosidique conjugué
Autorisé
Quatre-vingt-dix pour cent des patients atteints de MICI seront traités à un moment donné par IS. Ceux-ci peuvent soit contre-indiquer certains vaccins (à virus vivants atténués) soit affecter la réponse immunitaire à certains autres [6-10]. Le meilleur moment pour la mise à jour vaccinale est donc le plus tôt possible après le diagnostic, sauf en cas de dénutrition sévère [11]. Après réalisation d’un vaccin vivant, un délai doit être respecté avant le début d’un IS. Dans la littérature, les auteurs proposent généralement 2 à 3 semaines [11,12]. Par ailleurs, les recommandations préconisent généralement un délai minimum d’arrêt de 3 mois d’un traitement IS (sauf corticoïdes) avant réalisation d’un vaccin vivant, délai qui peut s’allonger en fonction de la demi-vie du produit (anti-TNF) [13]. Selon le calendrier vaccinal français, un adulte doit bénéficier tous les 10 ans d’un rappel contenant les anatoxines diphtérique et tétanique associées au vaccin poliomyélite (vaccin inactivé dTP) [14]. Considérant la résurgence de cette affection [15], le CTV/HSCP recommande depuis 2008 de pratiquer, à l’occasion d’un rappel décennal dTP, une injection associant une valence coqueluche acellulaire (soit dTc P) une fois au cours de l’âge adulte. • • • • • •
* patient immunodéprimé défini comme suit : – corticothérapie : ≥ à 20mg d’équivalent prednisone pendant 2 semaines ou plus, et dans les 3 mois suivant l’arrêt ; – traitement par MTX, CySP, AZA/6MP, infliximab ou autre agent anti TNF ; – dénutrition sévère. ** si indication, à effectuer avant mise en route des IS *** potentiellement indiqué chez le voyageur
Comme les autres patients atteints de pathologies chroniques et les immunodéprimés (ID), les patients doivent être vaccinés contre la grippe de façon annuelle [11]. Pour le pneumocoque, une injection par le vaccin (23 valences) doit être effectuée tous les 3 à 5 ans [14]. Des cas d’hépatite B fulminante ou de réactivation grave ont été décrits chez des patients sous IS [16,17]. De plus, une étude brésilienne récente [18] a mis en évidence une augmentation de prévalence du portage des Ac anti HBc et de l’Ag HBs dans leur cohorte de patients. Une vaccination paraît donc
souhaitable chez les patients, après réalisation d’une sérologie préalable. En l’absence de données, un schéma standard par 3 doses peut être proposé. Néanmoins, un traitement IS [8,19] ainsi qu’un âge supérieur à 25 ans [14,20] sont des facteurs prédisposant à une réponse sub-optimale. Un contrôle de la réponse immunologique devra donc être effectué, et une dose booster additionnelle pourra être proposée [11]. Comme tous les patients immunodéprimés, les patients atteints de MICI traités par IS sont à risque de varicelle grave, dont des cas ont été rapportés [21]. Pour les patients n’ayant pas
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d’antécédents clairs de varicelle, une sérologie pourra être effectuée, et une vaccination proposée en cas de négativité. Le schéma comprend 2 injections à 4 semaines d’intervalle [11]. Néanmoins, s’agissant d’un vaccin vivant atténué, il ne peut être administré si le patient est déjà sous IS ou si ceux-ci doivent être initiés de façon urgente. En effet, comme pour les autres vaccins vivants, un délai de 2 semaines minimum est conseillé avant la mise en route d’un traitement IS. Etant donné les rapports récents concernant l’augmentation du risque de cancers du col utérin HPV-induits chez les jeunes patientes suivies pour MICI [22,23], les recommandations nationales concernant l’administration de ce vaccin avant les premiers rapports sexuels ou au plus tard dans l’année suivante, doivent particulièrement être appliquées [14]. Le schéma standard devra être proposé, mais à ce jour, il n’y a pas de données disponibles concernant l’efficacité avec IS. L’ensemble des vaccins, notamment chez le voyageur, et leurs recommandations ou contre-indications chez le patient immunodéprimé, sont présentés au tableau 2.
Prévention des infections opportunistes L’éducation du patient est importante. Celui-ci doit être prévenu de la conduite à tenir en cas de symptômes pouvant évoquer une infection opportuniste, de consulter rapidement en cas de fièvre. Etant donné les cas décrits de listériose et de salmonelloses sous IS [24,25], des recommandations doivent être données afin d’éviter les aliments potentiellement à risque tels que : produits alimentaires au lait cru, charcuteries artisanales, œufs et volailles crus ou peu cuits. En cas d’animaux au domicile, il faut recommander d’éviter de manipuler les déjections de ceux-ci. Un bilan pré-thérapeutique (figure 1) peut être proposé : il comprend un interrogatoire des antécédents infec-
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tieux et vaccinaux, des voyages antérieurs et éventuellement prévus ; il évalue le risque de réactivation tuberculeuse, il précise le statut vis-à-vis de la varicelle, la date du dernier frottis cervicovaginal. L’examen clinique permet d’évaluer l’état dentaire, de dépister une infection évolutive, par exemple une candidose superficielle, notamment unguéale [26], de la traiter avant la mise en route. Un bilan biologique pourra être réalisé, comprenant des sérologies de dépistage (VIH, varicelle, hépatite B et C, CMV), une numération des leucocytes, une CRP, d’éventuels tests urinaires. Les traitements IS peuvent induire des neutropénies, ainsi que des lymphopénies [27]. Les CS induisent une lymphopénie dose-dépendante, qui
peut se majorer en cas d’association des traitements lymphopéniants [28]. Gluck [28], dans une étude prospective chez des patients suivis pour maladies auto-immunes, a montré récemment qu’une lymphopénie < 600/mm3 et particulièrement un taux de CD4 < 250 étaient des facteurs prédictifs d’infections, ainsi qu’une corticothérapie > 10 mg/j de prednisolone, confirmant sur ce dernier point les données de Stuck [29]. Ainsi, les leucocytes doivent donc régulièrement être monitorés, avant l’initiation puis ensuite régulièrement durant le traitement IS. Les patients neutropéniques sont à risque d’infections rapidement progressives pouvant mettre en jeu le pronostic vital, mais dont les symptômes
Interrogatoire – Voyages ou séjours antérieurs en zone tropicale ou zones d’endémies particulières – Antécédents d’infections bactériennes – Antécédents d’infections fongiques: candidoses buccales, génitales, intertrigos – Appréciation du risque de tuberculose : • date du BCG • notion de contage avec des patients tuberculeux; • séjour prolongé en zone de forte endémie; antécédents de tuberculose latente ou maladie/ et traitement suivi – Antécédents de varicelle, de zona – Récurrences herpétiques: fréquence, localisation et sévérité – Statut vaccinal vis-à-vis de tétanos, diphtérie, poliomyélite, coqueluche: date de la dernière injection (antérieure à 10 ans ?) – Statut vaccinal vis-à-vis rougeole, oreillons, rubéole, papillomavirus – Statut vaccinal vis-à-vis du VHB et contrôle des AC anti HBS chez les vaccinés – Projets éventuels de voyage en zone tropicale Examen clinique – Signes pouvant évoquer une infection active ? – Évaluation de l’état dentaire – Consultation gynécologique, date du dernier frottis cervico-vaginal Examens biologiques – NFS plaquettes avec • Numération des neutrophiles • Numération des lymphocytes / si lymphopénie : typage lymphocytaire pour taux de CD4 • Numération des éosinophiles, à compléter par examens parasitologiques des selles et sérologie anguillullose si notion de séjour prolongé en zone tropicale – C - réactive protéine – ECBU – Sérologie VZV chez les patients sans antécédents clairs de varicelle – Sérologie CMV – Sérologies HCV, HBV (ou Ac anti HBs si notion de vaccination antérieure) et HIV Autres procédures IDR à la tuberculine, radiographie de thorax (selon recommandations de l’AFSSAPS) Eventuellement test Quantiféron Figure 1. Bilan pré-thérapeutique à considérer avant mise en route d’un traitement IS et/ou Ac anti TNF [54]
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peuvent être absents ou atténués initialement, en raison de l’altération de la réponse inflammatoire. Les patients doivent donc être prévenus de consulter rapidement en cas de survenue de fièvre ou de symptômes, avec accès à des soins médicaux 24 h sur 24. Différentes prophylaxies peuvent être envisagées : – Les patients présentant des récurrences herpétiques fréquentes et/ou sévères, pourraient bénéficier de la prise au long cours d’acyclovir ou de valacyclovir oral. – L’anguillulose maligne est une pathologie rare, mais avec une haute mortalité en cas d’immunodépression, survenant à la mise en route des IS chez des patients ayant vécu en zone d’endémie jusqu’à 30 ans auparavant [30]. La constatation d’une hyperéosinophilie chez ces patients (qui parfois peut être absente) doit faire effectuer des sérologies parasitaires et des examens de selles. Un traitement par ivermectine avant l’initiation d’un traitement IS en cas de positivité ou de suspicion forte d’exposition pourra être prescrit [12]. Au vu du nombre de cas régulièrement relatés de pneumocystose survenant sous IS, chez des patients suivis pour pathologies auto-immunes [31], une prophylaxie de celle-ci doit se discuter [32]. Les données de la littérature tendent à montrer que la pneumocystose peut survenir quel que soit le traitement IS, souvent en association avec une corticothérapie, que les patients atteints ont souvent un taux de CD4 significativement bas [27,33,34]. Une prophylaxie doit donc être considérée chez les patients ayant plusieurs traitements IS associés, ou chez ceux ayant une lymphopénie et un taux de CD4 bas (600 et 300/mm3, respectivement). Le sulfaméthoxazole est l’agent à utiliser en première intention, en cas d’intolérance l’atovaquone ou les aérosols de pentacarinat peuvent être utilisés [32]. Concernant la prévention de la tuberculose, faisant suite aux cas de • • • • • •
tuberculose survenant sous agents bloquants le TNF [4], l’AFSSAPS a émis pour la France des recommandations. Une IDR à la tuberculine ainsi qu’une radio de thorax doivent systématiquement être pratiquées avant toute prescription d’un de ces agents. L’interrogatoire à la recherche de facteurs de risque de réactivation d’une tuberculose latente est une étape importante de cette stratégie. Une chimioprophylaxie doit être proposée, en l’absence de tuberculose maladie ou d’antécédent de contage, si l’IDR, réalisée à distance du BCG, est supérieure à 5 mm. L’IDR à la tuberculine manque malheureusement de spécificité et chez des patients immunodéprimés (ID), peut manquer de sensibilité, surtout si un traitement IS est en cours [35]. Les nouveaux tests de dépistage par l’interféron (Quantiféron® et T-SPOT®) doivent encore trouver leur place dans cette stratégie. Ces tests mettent en évidence la sécrétion in vitro d’interféron par les lymphocytes CD4 sous stimulation par les Ag ESAT-6 et CFP-10 spécifiques de Mycobacterium tuberculosis. Leur spécificité est donc bonne, et leur sensibilité, selon les dernières données, semble bonne également chez les patients ID, sauf en cas de traitement concomitant par un anti-TNF [36, 37].
Quelques éléments diagnostiques S’il est impossible de détailler ici toutes les pathologies pouvant survenir, quelques grands principes peuvent aider à la prise en charge d’un patient sous traitement IS présentant des symptômes potentiellement infectieux, et aider au diagnostic d’une infection opportuniste sous-jacente. La fièvre peut être le seul point d’appel, et les autres symptômes minorés ou absents [28,38]. Il est important de réaliser rapidement des prélèvements bactériologiques, notamment sur les cathéters si le patient en est porteur. L’élévation de la CRP peut aider à la
discrimination d’une infection bactérienne [39], et la procalcitonine semble également très intéressante, même si peu de données sont à l’heure actuelle disponibles [40]. Chez les patients présentant des signes respiratoires, la présence d’une hypoxie doit amener à la réalisation de bilans complémentaires : radiographie de thorax, voire scanner dans certains cas. En cas de pneumonie, la recherche de legionellose [41] par antigénurie doit être effectuée, notamment sous anti-TNF. Une antibiothérapie probabiliste initiale doit probablement couvrir ce pathogène, de même que le pneumocoque. En cas d’échec ou directement si immunodépression sévère, une fibroscopie bronchique avec LBA permettra des prélèvements multiples bactériens, fongiques, viraux, parasitaires, notamment à la recherche de mycobactérium tuberculosis et de jirovecii. En cas de symptômes digestifs, le diagnostic différentiel entre une infection et une poussée de la maladie reste un problème : la littérature rapporte un risque accru d’infection entérique et notamment à Clostridium difficile chez les patients atteints de MICI [42-44]. Une coloscopie permettra d’effectuer des prélèvements in situ, notamment pour la recherche d’herpesviridae, particulièrement HSV et CMV. Les méthodes immunohistochimiques ou de biologie moléculaire sont très sensibles, mais ne peuvent parfois trancher entre colonisation et infection à CMV active [45-47]. Les marqueurs sériques du CMV (PCR et antigénémie pp65), témoignant d’une dissémination hématogène, peuvent être tardifs. Leur cinétique peut être utile pour le suivi sous traitement antiviral [48]. Par contre, les sérologies sont de peu d’intérêt, la plupart des patients ayant une immunité ancienne [49]. Si des symptômes neurologiques francs de type méningite, encéphalopathie, survenue de convulsions, déficit focal font amener rapidement à la réalisation d’imagerie cérébrale et/ou de ponction lombaire, certains patho-
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gènes ont une présentation subaiguë ou une symptomatologie initiale pauvre, limitée à des céphalées traînantes peu fébriles comme dans le cas de la cryptococcose. En cas de ponction lombaire, en plus des examens bactériologiques et mises en culture habituels, la recherche de mycobactéries, différentes PCR virales (herpesviridae et virus JC), une coloration à l’encre de chine et un antigène cryptococcique doivent être effectuées. Sur le plan dermatologique, une éruption fébrile peut être en rapport avec une infection bactérienne, fongique, virale, ainsi que non infectieuse de type toxidermie ou vasculite [50]. Les infections bactériennes les plus fréquentes sont staphylococcique ou streptococcique, bénignes comme les folliculites, plus sévères comme les érysipèles ou les cellulites, voire engageant le pronostic vital comme la fasciite nécrosante qui a été décrite sous anti-TNF [50-52]. Les infections virales sont principalement représentées par les infections herpétiques ou les zonas, dont le diagnostic est principalement clinique. Dans certaines formes atypiques, notamment chez les patients très immunodéprimés, des prélèvements virologiques directs sur les lésions peuvent s’avérer utiles.
Conclusion L’utilisation de plus en plus large des biothérapies et l’arrivée de nouvelles molécules dans les MICI nécessitent une sensibilisation du praticien au risque infectieux encourus par les patients, afin de minimiser ceux-ci, de pouvoir évoquer des infections rares, de présentation atypique, dont le délai diagnostic peut grever le pronostic. En cas de survenue d’une infection opportuniste, la nécessité d’arrêt et la possibilité de reprise du traitement IS sont très dépendantes de la nature et de la sévérité de l’infection. Si dans un certain nombre de situations le traitement IS peut être repris après le contrôle de l’infection (tuberculose
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notamment) [53], la discussion doit s’effectuer au cas par cas et le rapport bénéfice/risque pesé pour chaque patient.
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Les 5 points forts ➋ ➌
Toutes les thérapeutiques IS ont un risque infectieux et celui-ci est augmenté en cas d’association ; La première mise à jour vaccinale doit s’effectuer dès le diagnostic de MICI établi, avant la mise en route des traitements IS, car ceux-ci contre-indiquent les vaccins à virus vivants atténués, notamment le vaccin varicelle ; Le bilan pré thérapeutique permet de pointer les risques spécifiques associés à chaque patient : infections virales sous-jacentes, neutropénie, lymphopénie, porte d’entrée infectieuses ; Ce bilan permet l’instauration du traitement d’une infection sous-jacente (tuberculose, hépatite B), à risque de réactivation sous traitement IS. Des prophylaxies doivent également se discuter, notamment pour la pneumocystose en cas d’association de plusieurs IS ; En cas de survenue d’un syndrome infectieux, les patients doivent rapidement être explorés pour identification du pathogène opportuniste, le spectre des germes potentiellement responsables étant large.
Questions à choix unique Question 1 Une de vos patientes traitée par Rémicade + Solupred 30 mg/j vous appelle parce que son fils présente une varicelle depuis le matin ; elle vous demande conseil (1 seule réponse juste) : ❏ A. Vous lui demandez si elle a déjà eu la varicelle et prescrivez une sérologie VZV en cas de doute ❏ B. Le vaccin varicelle (Varivax® ou Varilrix®) est un vaccin inactivé ❏ C. Il est plus prudent qu’elle réalise le vaccin le plus vite possible ❏ D. L’intérêt dans ce cas est de prévenir la survenue de zona chez elle
Question 2 Les vaccins suivants sont recommandés chez les patient(es) suivis pour MICI (1 seule réponse fausse) ❏ A. Grippe ❏ B. Pneumocoque ❏ C. Méningocoque ❏ D. Tétanos ❏ E. Hépatite B
Question 3 Concernant la tuberculose (1 seule réponse juste) : ❏ A. L’IDR à la tuberculine risque d’être majorée par le traitement immuno-suppresseur ❏ B. Il faut retraiter tous les patients aux antécédents de tuberculose si l’on souhaite initier un anti –TNF ❏ C. Un patient de 30 ans, vacciné par le BCG dans l’enfance, ayant une IDR > 5 mm est considéré à risque de réactivation tuberculeuse ❏ D. Les nouveaux tests de dépistage par l’interféron (quantiféron), sont beaucoup plus sensibles mais moins spécifiques que l’IDR
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Post’U (2009) 79-84
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Place des 5-ASA dans le traitement des maladies inflammatoires cryptogénétiques de l’intestin Objectifs pédagogiques – Savoir surveiller un traitement par 5-ASA ; – Savoir choisir les bonnes options thérapeutiques du traitement de la RCH par 5-ASA en fonction de la localisation ; – Connaître la place des 5-ASA dans le traitement et la prévention des rechutes de maladie de Crohn en fonction des localisations de la maladie ; – Savoir s’il faut envisager une prévention du cancer colique par 5-ASA dans les colites inflammatoires et savoir à qui le proposer.
Introduction Aucun traitement curatif de la rectocolite hémorragique (RCH) ni de la maladie de Crohn (MC) n’a été découvert qu’il soit médical ou chirurgical ; les traitements actuels visent à améliorer les symptômes et lésions et réduire le risque de rechutes et complications incluant celui de néoplasies. Leur choix doit prendre en compte le rapport bénéfice-risque. Des recommandations de prise en charge sont régulièrement mises à jour [1-5]. Celles (européennes) du groupe ECCO (European Crohn’s and Colitis Organisation) ont été publiées en 2006 pour la MC (prochaines attendues en 2009)
et 2008 pour la RCH. Toutes insistent sur une réduction du recours à la corticothérapie, au moins prolongée. Cette revue porte sur la place des 5-aminosalicylés (5-ASA), majeure dans la RCH et débattue dans la MC. Elle envisage successivement les 4 objectifs pédagogiques fixés par le conseil de la FMC HGE.
Pharmacologie et « Savoir surveiller un traitement par 5-ASA » Le 5-ASA libre étant absorbé dans l’intestin grêle, des formulations galéniques diverses ont été développées pour en assurer, en cas d’administration orale, une libération ralentie et prolongée ou encore retardée dépendante du pH ou de l’intervention des bactéries iléales et coliques. Les nouvelles formulations sont plus fortement dosées permettant de réduire le nombre de prises quotidiennes à une ou deux [11] ; ce qui est un facteur de meilleure observance [11-13]. Leur tolérance est excellente. Les effets secondaires les plus fréquents sont diverses manifestations d’allergie [14] incluant des pancréatites et hépatites. Des informations écrites détaillées peuvent être données aux malades grâce aux « Fiches thérapeutiques actualisées du GETAID » (Groupe d’Etudes des Traitements des Affections
P. Marteau (), J. Coelho Département de pathologie digestive, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise Paré, F-75475 Paris cedex E-mail :
[email protected] ■
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J. Coelho, P. Marteau (Paris)
Inflammatoires Digestives) disponibles sur internet (www.getaid.org). Le risque de néphrite est inférieur à 1/500 ; il n’est pas lié à la durée du traitement, ni à la posologie [15]. Il est recommandé de surveiller la fonction rénale par dosage de la clairance de la créatinine deux fois par an et par recherche de protéinurie (même si ceci n’aboutit qu’exceptionnellement à un diagnostic de néphrite) [1-5,16]. Les 5-ASA ne provoquent pas de malformations ni risque pour la grossesse, mais les données étant limitées pour les fortes doses, il est recommandé de limiter leur utilisation à des doses inférieures ou égales à 2 g/j chez les femmes enceintes [2].
Interactions Dans plusieurs études, il a été observé une légère augmentation des 6-TGN et de la fréquence des leucopénies lors de l’association du 5-ASA et l’azathioprine [17-20]. Une interaction semble donc exister mais son mécanisme d’action n’est pas élucidé. Ceci ne change pas les recommandations de faire régulièrement une numération de la formule sanguine au cours du suivi des traitements par analogues des purines afin, le cas échéant, d’ajuster la posologie. La Salazopyrine® a plus d’effets indésirables car elle contient une molécule
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de sulfamide associée au 5-ASA. Certains sont liés à la dose (perte de l’appétit, nausées, vomissements, céphalées, malaise général), d’autres (allergiques) ne le sont pas (éruptions cutanées, fièvre, hépatite, pneumopathie, anémie, cytopénies sanguines, réduction du nombre des spermatozoïdes). La surveillance de ce traitement doit aussi porter sur la NFS (hebdomadaire pendant un mois puis trimestrielle).
Savoir choisir les bonnes options thérapeutiques du traitement de la rectocolite hémorragique en fonction de sa localisation Les 5-ASA sont le traitement recommandé de première ligne pour les poussées minimes et modérées de la RCH et pour prévenir la rechute ; ils ne sont pas recommandés pour traiter les poussées graves [3-5]. Les options thérapeutiques dépendent de la localisation des lésions et de la réponse aux traitements proposés antérieurement.
RCH distale Poussées Dans les poussées de rectites minimes ou modérées, les suppositoires de 5-ASA à la dose d’1 g/j pour 14 à 28 jours sont recommandés ; quand les lésions dépassent la charnière rectosigmoïdienne mais restent limitées au côlon gauche, les lavements de 5-ASA à la dose d’1 g/j pour 14 à 28 jours sont recommandés [4]. Les lavements de 4-ASA à la dose de 2 g/j ont une efficacité identique. Ce traitement de première ligne permet d’obtenir une amélioration nette ou rémission des symptômes à la quatrième semaine dans 50 à 70 % des cas ; son efficacité peut progresser jusqu’à 2 mois [21]. Il est plus rapidement efficace que les stéroïdes locaux sur les émissions muco-sanglantes et
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pour obtenir la rémission endoscopique et histologique. Il est aussi plus rapidement efficace que les 5-ASA administrés per os [21]. Les études comparatives entre divers suppositoires de 5-ASA montrent que leur efficacité est quasi identique ; les suppositoires à libération prolongée sont dosés à 1g et permettent une seule administration quotidienne [22]. Si un malade présente une poussée de RCH distale alors qu’il recevait déjà un 5-ASA, la posologie de ce dernier doit être augmentée jusqu’à un maximum de 4g/j per os associé à 1 g/j sous forme rectale. En cas d’échec au traitement de première ligne et en absence d’aggravation ou d’extension de la RCH, l’association de 5-ASA local avec stéroïde local ou l’association de 5-ASA oral (au moins 2 g/j et au maximum 4 g/j) au 5-ASA local sont deux options qui peuvent être plus efficaces [4]. La supériorité de ces associations a été montrée dans des essais comparatifs par rapport à la monothérapie [23], aussi sont-elles recommandées d’emblée par nos collègues britanniques [24]. En cas d’échec après 2 à 3 mois de traitement combiné bien conduit, la RCH distale est dite réfractaire ou rebelle. Prévention de la rechute L’indication d’un traitement au long cours dépend de la fréquence des poussées, de l’intensité des symptômes, de la réponse au traitement de première intention et de la demande du malade. Il a été suggéré qu’un traitement par 5-ASA oral était associé à un moindre risque d’extension de la rectite vers l’amont (par rapport à un traitement par voie rectale) [25]. L’efficacité du traitement préventif de rechute par un 5-ASA oral est certaine mais n’a pas été bien évaluée sur la population spécifique des sujets atteints de rectite isolée. L’efficacité du traitement par 5-ASA local a, elle, été démontrée dans plusieurs essais randomisés portant spécifiquement sur des patients atteints de rectite. La posologie minimale efficace des suppositoires semble de 500 mg/j ou
1 g 3 fois par semaine [4,26,27]. L’échec de cette posologie doit conduire à proposer une administration quotidienne d’un gramme [27]. La prévention de la rechute de la RCH gauche peut utiliser le traitement oral (voir plus loin).
RCH étendue Quand les lésions de RCH dépassent l’angle colique gauche vers l’amont, elles ne peuvent pas être traitées par des seuls lavements et imposent donc un traitement oral. Les 5-ASA sont actifs dans les poussées d’intensité faible à modérée de RCH, par voie orale à la dose de 2 à 4 g par jour (on prescrit habituellement 3,6 ou 4 g/j pour 2 mois). Les recommandations ECCO de 2008, à la différence des recommandations antérieures [4,21] sont d’associer des traitements par voie orale et par voie rectale [4]. Ceci est basé sur les résultats d’un essai randomisé contrôlé qui incluait 127 malades atteints de RCH étendue et qui a montré l’efficacité plus importante de l’association de 5-ASA 4 g per os, à un lavement d’1 g prescrit pendant les 4 premières semaines par rapport aux seuls ASA oraux [28]. La rémission était obtenue à 4 semaines chez 44 % des maladies recevant le traitement combiné vs 34 % du groupe contrôle (5-ASA per os + lavement placebo) et à 8 semaines chez 64 % vs 43 %. Une amélioration était observée à 4 semaines chez 89 % vs 62 % et 86 % vs 68 % à 8 semaines. Cette « combinaison » peut donc être utilisée en cas de résistance au traitement oral seul ou d’emblée (ce que recommande le groupe ECCO). La prévention de la rechute de la RCH étendue repose sur les 5-ASA oraux prescrits à dose minimale (en première intention 1 à 1,5 g/jour). Ce n’est que dans les cas résistants à ces faibles doses qu’il faut avoir recours à une posologie plus forte adaptée à chaque malade et permettant la prévention de la rechute dans environ 70 % des cas. Ce traitement doit certainement être poursuivi de nombreuses années et • • • • • •
probablement « à vie » non seulement pour prévenir la rechute mais aussi dans le but d’un effet anti-néoplasique (voir plus loin).
vables ne met pas en évidence de supériorité du 5-ASA au placebo [37]. Aucun sous-groupe d’indications spécifiques n’a été identifié. Rémission chirurgicale
Connaître la place du 5-ASA dans le traitement de la maladie de Crohn Poussées Le 5-ASA ne fait pas partie des traitements recommandés dans les poussées de MC [1,2] mais il reste largement utilisé en première ligne pour les poussées minimes du fait de son excellente tolérance. Il est moins efficace que le budésonide à libération iléocolique pour les poussées de MC avec lésions iléocoliques droites [29]. L’efficacité mesurée dans les études était de l’ordre de 40 % pour soulager les symptômes de poussées minimes de MC [30,31]. La méta-analyse des 3 études effectuées avec la mésalazine (615 malades) a montré un effet significatif [1,31] mais dont la valeur en pratique clinique a été jugée discutable par le groupe ECCO. On peut noter (et ceci est régulièrement observé avec plusieurs traitements de la MC) que dans l’étude de Singleton au cours de laquelle seuls 18 % des malades sous placebo étaient améliorés, l’efficacité du 5-ASA (43 %) était statistiquement significative [30] Aucune piste sur une efficacité plus importante sur un sousgroupe de malade n’a été trouvée jusqu’ici.
Prévention des rechutes Rémission médicale Pour le maintien de la rémission après traitement médical et bien que des études, notamment françaises, aient montré un effet significatif chez les malades traités au moment de la poussée ou très rapidement après elle [35,36], la dernière méta-analyse (les précédentes étaient positives) de l’ensemble de publications jugées par les experts Cochrane comme rece• • • • • •
Le 5-ASA diminue légèrement le risque de rechute après intervention chirurgicale pour MC [2,32]. Il est recommandé par le groupe ECCO après résection iléocolique, dès la chirurgie et à une dose > 2 g/j [2] chez les malades à faible risque de rechute. La méta-analyse des essais montre une diminution de 18 % du risque de récidive endoscopique (nombre de malades à traiter NNT 5,5) et de 15 % (NNT 6,6) pour le risque clinique [32]. Cette protection relativement faible contre la rechute est jugée utile par les recommandations ECCO mais pousse aussi à poursuivre la recherche vers des traitements ou posologies plus efficaces et conduit les experts à privilégier aujourd’hui les thiopurines dans les cas où le risque de récidive est jugé élevé, même en l’absence à ce jour de démonstration de la supériorité de ce traitement sur le 5-ASA [2,33,34].
Savoir s’il faut envisager une prévention du cancer colique par 5-ASA au cours des colites inflammatoires et à qui le proposer Le risque de cancer colorectal est augmenté chez certains patients atteints de MICI par rapport à la population générale. Les chiffres de cette augmentation de risque sont débattus, les premières séries publiées par des centres tertiaires étant probablement biaisées et les dernières, plus optimistes, concernant largement majoritairement des malades recevant du 5-ASA [3,5,38,39]. Les travaux concordent pour montrer que les malades les plus exposés au risque de développer un cancer colorectal sont ceux ayant une colite ancienne (plus de huit ans d’évolution), des lésions de colite éten-
due (atteignant le côlon gauche, voire une pancolite), un début de maladie avant l’âge de 20 ans, une association à une cholangite sclérosante primitive, une inflammation persistante, un antécédent familial au premier degré de cancer du colon sporadique [5]. En conséquence, les recommandations sont de faire porter la stratégie de dépistage et de prévention plus précocement et à un rythme plus étroit sur ces malades [5]. Les recommandations ECCO sont qu’un traitement médical préventif par 5-ASA pourrait réduire l’incidence du cancer et devrait être considéré chez tous les malades atteints de RCH [5]. La réalisation d’un essai randomisé est jugée impossible à organiser du fait du très grand nombre de malades qu’il faudrait suivre pendant de très nombreuses années sans traitement de leur maladie inflammatoire. La recommandation est de ce fait, basée sur la méta-analyse d’études de cohorte et cas témoins [40]. Au total, à ce jour, les 3 études de cohorte et 6 études cas-témoin ont inclus 334 cas de cancer colorectal et 140 cas de dysplasie pour un total de 1 932 patients atteints de RCH. Leur méta-analyse a montré que le traitement par 5-ASA était associé à une réduction du risque de cancer colorectal d'environ 50 %. La même efficacité est observée pour la prévention de la dysplasie [40]. La dose optimale pour la prévention du risque de cancer colorectal n'est à ce jour pas déterminée avec précision. Il faut noter que certaines études ont montré que le risque de cancer colorectal ou de dysplasie diminuait lorsque la dose totale de 5-ASA augmentait [40], et que des doses supérieures à 1,2 g/jour semblaient conférer la meilleure réduction du risque (respectivement, 91 % et 72 %). Des études mécanistiques sont venues conforter l’observation épidémiologique de réduction du risque de cancer sous 5-ASA. Le 5-ASA est un agoniste de PPARγ [6,7]. Il exerce une action anti-inflammatoire locale directe topique sur les muqueuses intestinales
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et coliques et des effets pro-apoptotiques et anti-prolifératifs [7-1] qui pourraient expliquer son effet dans la prévention du cancer colorectal. Le 5-ASA peut diminuer ce risque du fait de ses propriétés anti-inflammatoires mais aussi antitumorales intrinsèques [6-10,41].
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Les points forts
5-ASA et MICI en 2009 Surveiller l’observance… et la créatinine Grossesse < 3 g/j RCH – Traitement majeur en première intention – Attaque : traitement combiné oral + local recommandé (distale ou étendue) – Prévention: dose minimale efficace Crohn – Après résection iléo-colique : oui éventuellement – Autres situations : efficacité limitée & douteuse – Prévention du cancer colorectal : bons arguments : l’utiliser
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Questions à choix unique Question 1 Le traitement par 5-ASA impose une surveillance (indiquez la réponse exacte) ❏ A. De la créatinine ❏ B. De la lipase ❏ C. Des transaminases ❏ D. Des éosinophiles ❏ E. Des plaquettes
Question 2 Un malade présente une poussée de RCH pancolique avec 3 émissions par jour, urgentes glaireuses et parfois sanglantes. Il recevait jusqu’ici 1 g/j de 5-ASA en traitement d’entretien et n’avait pas fait de poussée depuis 2 ans. Quel traitement est recommandé ? ❏ A. 5-ASA 4 g/j ❏ B. 5-ASA 4 g/j per os et 1 g/j sous forme de lavement ❏ C. Prednisolone 40 mg/j ❏ D. Prednisolone 1 mg/kg/j ❏ E. Azathioprine
Question 3 Parmi ces affirmations sur les effets préventifs du 5-ASA sur le cancer colorectal, indiquez la réponse exacte ❏ A. L’effet est prouvé par un essai randomisé ❏ B. Les recommandations ECCO sont de considérer le traitement chez tout patient atteint de RCH ❏ C. Les malades avec cholangite sclérosante sont les seuls pour lesquels l’efficacité est prouvée ❏ D. La dose doit être supérieure à 2 g/j ❏ E. Le 5-ASA est moins efficace que l’infliximab
Question 4 Un malade présente une poussée de RCH pancolique avec 3 émissions par jour, urgentes glaireuses et parfois sanglantes. Il recevait jusqu’ici 1 g/j de 5-ASA en traitement d’entretien et n’avait pas fait de poussée depuis 2 ans. Quel traitement est recommandé ? ❏ A. 5-ASA 4 g/j ❏ B. 5-ASA 4 g/j per os et 1 g/j sous forme de lavement ❏ C. Prednisolone 40 mg/j ❏ D. Prednisolone 1 mg/kg/j ❏ E. Azathioprine
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Post’U (2009) 85-92
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Pancréatite aiguë : les dix choses à faire et à ne pas (plus) faire Objectifs pédagogiques
Ne plus doser l’amylase
– Connaître les principales mesures à prendre ; – Connaître les principales erreurs à éviter.
Il ne faut pas doser « les enzymes pancréatiques » mais une seule. Doser l’amylasémie, l’amylasurie, les iso-amylases n’a aucun intérêt. L’amylase est contenue dans de nombreux tissus, son taux sérique s’élève dans de nombreuses circonstances non liées à une affection pancréatique, notamment l’insuffisance rénale. En revanche, la lipase n’est presque exclusivement synthétisée que par le pancréas. Le dosage de la lipasémie est supérieur à celui de l’amylasémie en termes de sensibilité (94 vs 83 %) et de spécificité (96 vs 88 %) [2]. La lipasémie peut se normaliser en 72 heures rendant faible la valeur prédictive négative d’un dosage normal si les symptômes ont débuté plus de trois jours avant le dosage. Le seuil d’au moins trois fois la limite supérieure de la normale doit être retenu comme significatif. Toute valeur inférieure à ce seuil doit être considérée comme non significative. Il n’est donc pas souhaitable de lancer un grand bilan pour affirmer le diagnostic positif, et un encore plus grand bilan, pour chercher la cause d’une maladie dont la présence n’est pas avérée. La lipasémie peut s’élever dans certaines autres urgences abdominales, notamment la perforation digestive et aussi en cas d’insuffisance rénale. Le dosage de la lipasémie ne doit pas être fait chez un malade asymptoma-
Introduction En 2001, une conférence de consensus consacrée à la pancréatite aiguë s’est tenue à Paris, à l’initiative de la SNFGE et avec le soutien de nombreuses sociétés savantes. Son jury a émis des recommandations précises sur presque tous les domaines où il était questionné [1]. Ces recommandations ont amené des changements de pratique et d’attitude, comme un travail présenté en séance plénière aux Journées Francophones d’Hépato-gastro-entérologie et d’Oncologie Digestive le montrera (V. Rebours, communication personnelle). Néanmoins, force est de constater que, dans la vraie vie, un certain nombre d’erreurs par défaut ou par excès sont encore faites. Certaines n’ont que des conséquences pécuniaires pour la société ou l’institution ; d’autres peuvent être considérées comme des pertes au mieux de temps, au pire de chance pour les malades. Les résumer ici tient de la gageure et nous force à les survoler. Les messages contenus n’en seront que plus lapidaires et, nous l’espérons, plus clairs et mis en pratique. C’est tout l’objet de la Formation Médicale Continue que de répéter sans se lasser les recommandations les plus importantes.
P. Lévy () Service de pancréatologie-gastroentérologie, Pôle des Maladies de l’Appareil Digestif, Hôpital Beaujon, F-92118 Clichy cedex, France E-mail :
[email protected] ■
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P. Lévy
tique ou dont les symptômes n’évoquent pas clairement le diagnostic de pancréatite aiguë. Ce n’est un examen ni de dépistage, ni de surveillance, ni d’évaluation de la gravité. Dans les épanchements des séreuses, le dosage de la lipase remplace avantageusement celui de l’amylase. En un mot, ne dosez plus l’amylase nulle part et si vous travaillez dans un centre hospitalier, demandez au biochimiste de le retirer de la nomenclature et de faire le dosage de la lipase y compris pendant les horaires de garde.
Ne plus faire de scanner systématique Devant une pancréatite aiguë, il y a un réflexe mono-synaptique qui se met en place : pancréatite aiguë = scanner. D’où découle par transitivité l’équation simple suivante : n ième pancréatite aiguë = nième scanner. Une revue générale publiée en 2007 dans le New England Journal of Medicine a alerté l’opinion sur les dangers théoriques que pourraient faire courir des irradiations répétées induites par le scanner notamment avant l’âge de 20 ans [3]. Il ne s’agissait pas d’une étude épidémiologique mais d’une modélisation. Beaucoup de ses conclusions ont été remises en causes. Il n’empêche que la facilité avec laquelle on prescrit un scanner doit être discutée. Seul un examen qui modifiera l’attitude thérapeutique doit être effectué.
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Nous rappelons plus bas que la valeur prédictive négative des scores clinicobiologiques et du dosage de la CRP est excellente. Autrement dit, un malade qui ne présente aucun signe inquiétant à la 48e heure d’une énième poussée aiguë, chez lequel le diagnostic de pancréatite est établi lors des poussées précédentes (nous sommes ici nécessairement dans le domaine des pancréatites aiguës itératives) ne doit pas avoir de scanner systématique. Cela n’est nécessaire que si la poussée est supposée être grave, s’il y a un doute sur une complication ou si la cause de la pancréatite n’est toujours pas déterminée. Ne pas faire un scanner à chaque poussée de pancréatite en l’absence de signe de gravité et de doute sur le diagnostic et la cause.
Ne plus mettre de sonde gastrique L’aspiration gastrique a deux buts théoriques. Son utilisation est indiscutable chez les malades ayant un iléus réflexe provoquant des vomissements abondants. Des nausées ou des vomissements sont décrits dans 70 à 90 % des cas au cours des pancréatites aiguës, sans que la notion de vomissements sévères ou non soit donnée et sans que la gravité de la pancréatite aiguë soit connue. Des vomissements sévères et prolongés sont très rares dans le cadre des pancréatites aiguës non sévères. Même en cas de formes sévères, les vomissements incoercibles restent exceptionnels. La deuxième justification théorique de l’aspiration gastrique est de limiter l’arrivée de liquide acide dans le duodénum et, partant, de limiter ainsi la stimulation de la sécrétion hydro-électrolytique pancréatique et donc la gravité de la pancréatite aiguë. Huit études randomisées et prospectives ont montré que l’aspiration gastrique n’améliorait pas l’évolution d’une pancréatite aiguë. La pose systématique de la sonde d’aspiration gastrique
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retarde la reprise alimentaire, allonge le délai de reprise du transit, la durée de la période douloureuse, les besoins en analgésiques et la durée totale de l’hospitalisation (de l’ordre de 2-3 jours); [4]. De plus, des effets secondaires spécifiques de la sonde naso-gastrique (hémorragie, douleurs oro-pharyngées) ont été rapportés. Malgré ces résultats non équivoques, la pose d’une sonde naso-gastrique est certainement le geste le plus souvent réalisé dès que le diagnostic de pancréatite aiguë est porté, quelle que soit sa gravité et la présence ou non de vomissements. Dans une enquête de pratique japonaise, une sonde naso-gastrique était effectivement posée dans 33 % des cas de pancréatite modérée et 71 % des cas de pancréatites sévères [5]. L’absence d’intérêt de la sonde gastrique voire sa nocivité (sans parler de l’inconfort du malade), sont clairement démontrées. Dès lors, la pose de celle-ci de façon quasi systématique est injustifiable.
Ne plus donner d’IPP Les anti-sécrétoires gastriques (antagonistes des récepteur H2 de l’histamine [anti-H2] ou inhibiteurs de la pompe à protons [IPP] ont deux intérêts théoriques : la prévention des ulcères et hémorragies de stress et la diminution de l’arrivée de liquide acide dans le duodénum dans le but de diminuer la sécrétion pancréatique hydro-électrolytique. L’intérêt de la prévention des ulcères et hémorragies de stress est de plus en plus remis en question car leurs manifestations cliniques sont exceptionnellement signifiantes. Elles sont surtout fréquentes chez les malades ayant des défaillances viscérales graves (notamment respiratoires) et le meilleur traitement préventif est la correction de ces défaillances [6]. En l’absence de défaillance viscérale, comme c’est le cas par définition dans le cadre des pancréatites aiguës non sévères, l’intérêt des anti-sécrétoires gastriques acides est nul.
De même que pour l’aspiration gastrique, l’intérêt de la diminution de la sécrétion gastrique acide basale par les anti-sécrétoires gastriques acides n’est pas démontré. Des essais n’ont été conduits qu’avec la cimétidine et ont été analysés par Berthélémy et Pagès et par Millat et al. [7,8]. Aucun essai n’a utilisé d’autres anti-H2 ou un IPP. L’utilisation des anti-sécrétoires gastriques acides pourrait d’ailleurs ne pas être anodine car elle provoque une hypergastrinémie. En effet, la gastrine a les mêmes quatre derniers acides aminés à son extrémité C-terminale que la cholécystokinine et la gastrine peut stimuler la sécrétion pancréatique enzymatique. L’ensemble de ces arguments montre que l’utilisation d’anti-sécrétoires gastriques acides doit être proscrite chez les malades sans antécédent ulcéreux ayant une pancréatite aiguë sans défaillance viscérale.
Savoir reconnaître une forme grave La pancréatite aiguë peut encore tuer. Les séries les plus récentes rapportent une mortalité proche de 8 % dans les formes graves [9]. Les deux causes de mortalité les plus fréquentes sont les défaillances multi-viscérales survenant le plus souvent au cours de la première semaine d’évolution et l’infection de la nécrose. Cette dernière est de moins en moins souvent la cause de la mortalité car elle est mieux contrôlée. Les techniques de drainage se sont sensiblement améliorées. Ce rappel montre combien il est important d’évaluer correctement la sévérité actuelle ou potentielle d’une pancréatite aiguë pour d’une part, hospitaliser le malade dans une unité adaptée (unité de soins intensifs, de soins continus ou de soins ordinaires), d’autre part, pour mettre en place les mesures adaptées. La sévérité d’une pancréatite aiguë est évidente lorsque il existe des signes de défaillances viscérales au premier rang • • • • • •
desquelles il faut chercher (par la clinique et la biologie) une insuffisance rénale (déshydratation), respiratoire (polypnée), cardio-vasculaire (choc), hépatique ou cérébrale. Lorsque ces signes ne sont pas présents, il faut utiliser les critères prédictifs d’une évolution sévère. Dans ce domaine, il existe des marqueurs biochimiques, des scores biocliniques, des signes radiologiques. L’âge, la présence de tares viscérales, l’obésité sont des facteurs de risque d’une évolution compliquée. Le meilleur marqueur biologique simple est la C Reactive Protéine (CRP) qui pourrait être le seul marqueur utilisé. Son élévation est retardée par rapport au début des symptômes et sa valeur discriminante n’est bonne qu’à la 48e heure. Au seuil de 150 mg/L, la CRP a une valeur prédictive négative de 94 % [1]. L’élévation continue de la CRP est péjorative alors que sa décroissance est rassurante. Parmi les scores biocliniques, le score de Ranson reste le plus simple, le mieux connu et ses performances diagnostiques, quoique imparfaites, sont honorables. Le score de Ranson pèche par son caractère dédié à la pancréatite aiguë, par l’impossibilité de le calculer plusieurs fois et donc d’avoir un profil évolutif et surtout, par sa mauvaise valeur prédictive positive. Autrement dit, il est trop sensible et conduit à considérer comme potentiellement graves des pancréatites dont l’évolution s’avère simple. Le score APACHE II a aussi été retenu par la conférence de consensus de 2001 mais il est complexe, impossible à retenir et finalement essentiellement utilisé par les réanimateurs eux-mêmes. Plus récemment, un score simple a été développé à partir d’une énorme population de plus de 18 000 patients [10]. Ce score appelé BISAP par les auteurs est calculé dans les 24 premières heures. Il repose sur le dosage de l’urée (Blood urea nitrogen) > 15 mg/ml), la présence d’un trouble de la conscience (Impaired mental status), d’un Syndrome de réponse inflammatoire • • • • • •
systémique (SIRS), l’Age > 60 ans, et d’un épanchement Pleural. Chaque paramètre vaut un point. Lorsque 5 points sont présents, le risque de mortalité est > 20 % versus < 1% lorsqu’il n’y a aucun point. Ce score devra être validé par une équipe indépendante mais sa facilité d’emploi et son efficacité pourrait lui promettre un grand avenir. Le score tomodensitométrique de Balthazar n’a pas été remplacé. Rappelons que le scanner ne doit pas être fait en urgence chez un malade souvent déshydraté (donc à risque d’insuffisance rénale aggravée par l’injection d’iode) sauf en cas de doute diagnostique avec une autre urgence abdominale. Le scanner est au mieux fait le 2 ou le 3e jour chez un malade rééquilibré sur le plan hydro-électrolytique et pour lequel les lésions pancréatiques et extra pancréatiques sont constituées. Le score de Balthazar qui doit être utilisé est la version de 1990 qui tient compte non seulement des coulées extra pancréatiques mais aussi de la nécrose de la glande elle-même dont les conséquences sont au moins aussi importantes [11]. Il est donc nécessaire d’avoir des clichés acquis au temps artériel de l’injection de produit de contraste. Ce score s’exprime en chiffres de 1 à 10 et non en lettres de A à E. Bien que ce score ait été publié il y a 19 ans et que la conférence de consensus de 2001 l’ait clairement recommandé, il n’est que trop rarement utilisé. L’évaluation de la gravité d’une PA est essentielle pour adapter le type d’hospitalisation à la sévérité de la poussée. Cette évaluation repose sur la collection d’informations simples cliniques, biologiques et radiologiques généralement facile à obtenir.
Ne pas donner d’antibiotiques à visée prophylactique Ce chapitre est sûrement l’un de ceux qui a suscité le plus de polémiques et de changements d’attitude ces der-
nières années. Le principe de l’antibiothérapie prophylactique est simple. Dans la mesure où l’une des principales causes de mortalité est la surinfection de la nécrose, il est tentant d’essayer de la prévenir. À cela, plusieurs obstacles : a) pénétrer un tissu par définition peu ou pas vascularisé, est difficile et tous les antibiotiques ne sont pas adaptés ; seuls des antibiotiques utilisés habituellement en 2de voire en 3e ligne comme les quinolones ou le Tiénam® ont cette propriété ; b) à donner des antibiotiques à l’aveugle, on risque de masquer une infection ou de sélectionner des germes devenus résistants à des antibiotiques majeurs ; c) ceci peut aussi conduire à négliger des interventions de drainage, sans doute plus importantes dans la guérison d’une infection qu’une antibiothérapie. La littérature a été prolixe sur ce sujet et plusieurs méta-analyses ont été récemment publiées sur ce sujet. Comme l’espace imparti dans cet article est limité et les sujets à traiter très variés, je serai bref. Les études les plus récentes démontrent bien que l’antibiothérapie prophylactique, si elle peut diminuer le taux d’infection pancréatique ou extrapancréatique (et encore, pas dans tous les travaux les mieux faits [12]), n’a aucune action sur la mortalité globale et la nécessité de la chirurgie. Les métaanalyses confirment ces faits [13,14]. Enfin, il faut noter que, dans la plupart des études publiées sur le sujet, le mode de nutrition artificielle était soit non précisé soit non normalisé soit encore, utilisait la voie parentérale. Or, des travaux plus récents ont bien montré que la nutrition entérale précoce diminuait sensiblement le risque d’infection de nécrose (cf. infra), rendant ainsi l’effet de l’antibiothérapie prophylactique encore moins importants (si effet il y a). Toutes les sociétés savantes au premier rang desquelles la SNFGE, les sociétés américaines et britanniques de réanimation recommandent donc
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fermement de ne pas administrer d’antibiotiques tant que l’infection n’est pas prouvée. Nous savons par expérience qu’il est difficile de résister à cette prescription devant un malade fébrile, n’allant pas bien et qui a un syndrome inflammatoire biologique souvent majeur. Rappelons que toute pancréatite aiguë un tant soit peu sévère s’accompagne de telles anomalies y compris dans les formes stériles. Devant ce tableau, la seule chose à faire et de demander à vos radiologues de ponctionner tout ce qui peut l’être, de faire des prélèvements bactériologiques partout où cela est simple (hémocultures, ECBU, etc.). Si l’infection est prouvée, il faut dès lors assurer le drainage de la cavité infectée si c’est faisable (accessibilité et contenu au moins en partie liquidien), que la voie soit radiologique, endoscopique ou chirurgicale et mettre en place une antibiothérapie non pas prophylactique mais à visée curative adaptée aux germes et à leur antibiogramme et à la connaissance des propriétés pharmacodynamiques des antibiotiques dans la nécrose.
aiguës bénignes ne nécessitent aucune nutrition artificielle, la nutrition per orale classique pouvant être reprise dans les 8-10 jours après le début des symptômes [15]. Au mieux, il est souhaitable que le problème biliaire, le cas échéant, soit résolu auparavant.
Une pancréatite grave même non infectée peut entraîner fièvre, hyperleucocytose, etc.
– que la nutrition entérale, en favorisant le flux sanguin mésentérique et le maintien d’une barrière muqueuse bien trophique, était le meilleur moyen de limiter la translocation bactérienne, source première sinon unique de la surinfection de la nécrose ; si les essais randomisés n’ont jamais eu assez de puissance pour démontrer un effet sur la mortalité, en revanche, tous ont montré que la nutrition entérale diminuait le taux de surinfection de nécrose, le nombre d’interventions de drainage [18] ;
L’antibiothérapie à visée prophylactique n’est pas justifiée (voire délétère). En cas de suspicion d’infection de nécrose, employez tous les moyens pour la prouver. En cas d’infection prouvée, drainez aussi bien que possible et antibiothérapie adaptée.
Nourrir par voie entérale La nutrition artificielle au cours des pancréatites aiguës a connu en 15 ans une véritable révolution copernicienne qui a fait perdre la tête à nombre d’entre nous. En premier lieu, rappelons que la nutrition artificielle ne concerne que les pancréatites graves ou suspectes d’évoluer sévèrement. Les pancréatites
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Pendant des années, le dogme a sévi que la nutrition entérale était impossible en raison de l’absolue nécessité de laisser le pancréas au repos. La nutrition parentérale a longtemps été la voie d’abord unique de la nutrition artificielle, largement prescrite devant toute pancréatite aiguë. Dans ces 10 dernières années, toutes les études publiées qu’elles soient expérimentales ou cliniques, ont prouvé que : – la nutrition entérale était possible ; – qu’elle pouvait être faite par voie gastrique et non jéjunale à l’aide d’un simple drip (sonde gastrique fine et souple) mis au lit du malade et contrôlé par une radio sans préparation de l’abdomen (seul un tout petit pourcentage de malades ayant un iléus majeur ne peuvent être nourris par cette voie) [16,17] ;
En conséquence, la translocation bactérienne étant très précoce, il est nécessaire que la nutrition entérale soit mise en place le plus précocement possible (< 48 heures après le début des symptômes), non pour des raisons nutritionnelles mais pour des raisons infectieuses [19] ; ceci souligne l’intérêt de pouvoir la mettre en place facilement en site gastrique sans nécessité
de recourir à un gastroentérologue ou un anesthésiste. N’envisager une nutrition artificielle qu’en cas de pancréatite sévère. Dans ce cas, la mettre en place urgemment (< 48 heures après le début des symptômes) par voie gastrique.
Ne pas faire de sphinctérotomie endoscopique (SE) à tout le monde, même en cas de pancréatite biliaire Lors de la conférence de consensus de 2001, le débat sur l’intérêt de la SE en urgence fut un des plus chauds et peut être pas celui où les preuves scientifiques furent utilisées avec tout le discernement nécessaire. La survie de certains d’entre nous semblait devoir dépendre des conclusions du jury, conclusions qui furent fort tempérées et raisonnables. La pancréatite aiguë biliaire est due à la migration d’un calcul dans la voie biliaire principale, calcul qui vient s’enclaver dans la région ampullaire. Il était donc logique de penser que lever l’obstacle est nécessaire. Le problème est que, dans la grande majorité des cas, le calcul est de toute petite taille, et son enclavement de très courte durée (< 48 heures), juste le temps de causer des dégâts en amont. Sans rentrer ici encore dans les détails, la littérature est claire. La SE n’est rendue nécessaire qu’en présence d’une angiocholite associée (ictère, fièvre), situation assez rare dans le cadre de la pancréatite biliaire. En cas de pancréatite biliaire peu sévère, il n’y a aucune indication à la SE en urgence. En cas de PA biliaire sévère, il n’est pas anodin d’amener un malade instable sur une table d’endoscopie interventionnelle, de l’endormir, de l’intuber. Il a été montré dans une célèbre étude allemande que ceci était délétère et augmentait la mortalité en raison d’un risque accru de complications respiratoires dans le groupe endoscopie [20]. L’absence d’intérêt de la SE en urgence en cas de pancréatite • • • • • •
biliaire a encore été confirmée dans une étude randomisée récente [21]. La seule indication clairement validée de la sphinctérotomie endoscopique en urgence est l’angiocholite. La présence d’une pancréatite aiguë sévère ou non ne modifie pas cette indication.
Chercher la cause La recherche des causes de pancréatite s’est à la fois complexifiée et simplifiée : – complexifiée parce que le nombre de causes connues et décrites de pancréatites a augmenté dans les dernières années. Citons les causes génétiques, auto-immunes, métaboliques, tumorales ; – simplifiée parce que la démarche du diagnostic étiologique est maintenant assez bien codifiée et repose sur des examens biologiques et radiologiques de plus en plus performants. La première démarche, qu’il ne faut pas omettre, est de chercher les causes les plus fréquentes. La cause alcoolique peut facilement être pressentie. Le contexte, les marqueurs biologiques simples, un interrogatoire séniorisé, non infantilisant ni culpabilisant, amène le plus souvent le malade à déclarer une consommation d’alcool proche de la réalité. Il peut être intéressant de demander aux malades ce qu’ils buvaient il y a un an, plus facile à déclarer que ce qu’ils buvaient il y a quelques jours. Rappelons qu’il est nécessaire de boire depuis 10 à 15 ans et 10 à 15 unités d’alcool par jour pour être à risque de développer une pancréatite alcoolique. La suspicion de pancréatite biliaire est renforcée lorsqu’elle survient sur le terrain habituel de la lithiase biliaire (femme au-delà de 60 ans, multipare, en surpoids, avec antécédents familiaux). Le meilleur marqueur de migration lithiasique est l’élévation précoce, très fugace (parfois < 48 heures après le début des douleurs) des transaminases [22]. Celles-ci doivent donc être • • • • • •
dosées dès l’admission et le dosage doit être répété au bout de 48 heures. Au-delà de ce délai, la valeur prédictive de ce paramètre devient nulle, c’est-à-dire qu’une valeur normale ne permet pas d’écarter l’hypothèse d’une migration. Une échographie à l’admission doit être effectuée pour mettre en évidence une lithiase vésiculaire. En effet, le jeûne induit la formation d’une lithiase vésiculaire rapidement (100 % après un mois). La présence d’une lithiase après un certain délai de jeûne aura une signification plus difficile à interpréter. Si l’échographie ne montre pas de calcul vésiculaire, il faut faire une écho-endoscopie dont seule, la négativité permettra d’affirmer l’absence de bile lithogène [23]. Il faut insister fortement sur ce qui doit être la préoccupation première devant une PA non alcoolique non biliaire. Dans ce contexte, l’aphorisme « Toute PA non alcoolique non biliaire est d’origine tumorale jusqu’à preuve du contraire » doit être retenu. L’âge supérieur à 50 ans, un tabagisme actif et important, un diabète ou une altération de l’état général, des antécédents familiaux de tumeur pancréatique, sont autant de signes d’alarme d’inégale fréquence et valeur. Toute anomalie de structure du parenchyme, toute lésion kystique, la présence d’une distension canalaire (en amont de la tumeur) et n’allant pas jusqu’à la région ampullaire, une atrophie inexpliquée du pancréas gauche doivent alerter. Ceci justifie la réalisation systématique, au décours d’une pancréatite aiguë, d’une imagerie de parfaite qualité comportant : – un scanner avec et sans injection de produit de contraste avec acquisition aux temps artériel ET veineux, coupes ultrafines (1,25 mm) et utilisation d’eau comme produit de contraste digestif ; – une pancréato-IRM avec coupes épaisses centrées sur le canal pancréatique principal. Toute étude d’un dossier de pancréatologie un tant soit peu complexe sans ces deux examens d’imagerie est un
non sens qui risque d’aboutir à des erreurs parfois dramatiques. Il est difficile de parler de toutes les autres causes en si peu d’espace. Rappelons qu’une forme génétique doit être suspectée en cas d’âge jeune au premier symptôme (parfois passé inaperçu ou non catalogué plusieurs années auparavant) [24] et nécessairement en cas d’antécédents familiaux (pour les formes dominantes) [25]. Un traumatisme abdominal créant une fracture ou une contusion plus ou moins complète du pancréas doit aussi être cherchée. Les maladies métaboliques (hypercalcémie, hypertriglycéridémie) nécessitent parfois un bilan plus complet qu’un simple dosage statique en raison d’anomalie parfois modérée ou fugace. Les pancréatites auto-immunes sont suspectées dans un contexte de manifestations du même spectre. Elles ne sont cependant présentes que dans environ 30 % des cas [26]. C’est encore l’imagerie et singulièrement la pancréato-IRM qui apporte le plus d’information. Les pancréatites médicamenteuses sont exceptionnelles et encore plus rarement graves. Il en est de même des pancréatites infectieuses bactériennes, virales ou parasitaires, du moins sous nos latitudes. D’abord, chercher et rechercher les causes les plus fréquentes : alcoolisme chronique et lithiase biliaire. Toute PA non alcoolique non biliaire est d’origine tumorale jusqu’à preuve du contraire. La recherche des autres causes doit dépendre du contexte.
Faire une imagerie de qualité Tout au long de cette mise au point, nous avons insisté sur la nécessité d’une excellente imagerie. L’échographie à l’admission, le scanner quelques jours plus tard, éventuellement répété, l’IRM et l’écho-endoscopie plus à distance. J’admets sans fausse modestie que la valeur ajoutée
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que nous apportons dans les affections pancréatiques en tant que service hyper spécialisé, repose en partie sur la qualité de nos examens radiologiques et sur la qualité de nos radiologues. Parmi ces examens, je souhaiterais insister sur l’IRM, plus exactement sur la pancréato-IRM (P-IRM). Le développement de cette technique est directement à l’origine de « l’épidémie » de TIPMP que nous observons actuellement [27]. Je n’ai pas de chiffres à fournir pour étayer cette assertion. La P-IRM permet de rattacher aux TIPMP un nombre considérable de pancréatite non alcoolique non biliaire survenant après 50 ans. Il est cependant nécessaire que l’IRM soit de qualité technique suffisante c’est-à-dire que la machine soit performante, que son paramétrage soit adapté (avec notamment des coupes épaisses pondérées en T2, radiaires centrées sur le pancréas) et enfin que l’interprétation des clichés soit bonne. Cette dernière étape peut être corrigée secondairement si les deux premières sont correctes. Je rappellerai aussi un de mes leitmotivs, à savoir qu’un spécialiste d’organe doit être un meilleur radiologue de « son organe » qu’un radiologue qui, par définition et sauf exception, est concerné par la pathologie de tous les organes. La pancréato-IRM permet de mettre en évidence un nombre important de causes canalaires aux pancréatites aiguës, notamment les TIPMP.
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Les point forts Les « 10 commandements » de la pancréatite aiguë – Ne dosez plus l’amylase ; – Ne pas faire un scanner à chaque poussée de pancréatite en l’absence de signe de gravité ; – La sonde gastrique est sans intérêt voire nocive en l’absence de vomissements abondants ; – L’utilisation d’anti-sécrétoires gastriques acides doit être proscrite chez les malades sans antécédent ulcéreux sans défaillance viscérale ; – L’évaluation de la gravité repose sur la collection d’informations simples cliniques, biologiques et radiologiques généralement facile à obtenir ; – L’antibiothérapie à visée prophylactique n’est pas justifiée (voire délétère). – En cas de suspicion d’infection de nécrose, employez tous les moyens pour la prouver ; – En cas d’infection prouvée, drainez aussi bien que possible et antibiothérapie adaptée ; – N’envisager une nutrition artificielle qu’en cas de pancréatite sévère ; – Dans ce cas, la mettre en place urgemment (< 48 heures après le début des symptômes) par voie gastrique ; – La seule indication clairement validée de la sphinctérotomie endoscopique en urgence est l’angiocholite ; – Chercher et rechercher les causes les plus fréquentes : alcoolisme chronique et lithiase biliaire ; – Toute PA non alcoolique non biliaire est d’origine tumorale jusqu’à preuve du contraire ; – La recherche des autres causes doit dépendre du contexte ; – La pancréato-IRM permet de mettre en évidence un nombre important de causes canalaires aux pancréatites aiguës notamment les TIPMP.
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Questions à choix unique Question 1 Parmi les 5 propositions suivantes, laquelle est exacte ? ❏ A. En cas de suspicion de pancréatite aiguë, il faut doser l’amylasémie et la lipasémie. ❏ B. La lipasémie est un paramètre permettant d’évaluer la sévérité d’une pancréatite aiguë. ❏ C. En cas de pancréatite aiguë, la sonde d’aspiration gastrique ne doit être posée uniquement qu’en cas de vomissements incoercibles. ❏ D. Un antisécrétoire gastrique doit être prescrit systématiquement. ❏ E. Le scanner doit être réalisé dans les 48 premières heures
Question 2 En cas de pancréatite aiguë sévère, quelle est la seule des options thérapeutiques suivantes qui a prouvé un effet sur le taux d’infection et sur la mortalité ? ❏ A. Antibioprophylaxie à spectre large ❏ B. Nutrition parentérale ❏ C. Nutrition entérale précoce ❏ D. Sphinctérotomie endoscopique systématique ❏ E. Injection de somatostatine ou dérivés
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Post’U (2009) 93-103
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États précancéreux du pancréas Objectifs pédagogiques – Définir les types et les modalités de découverte des états précancéreux du pancréas • Apport de la ponction sous écho endoscopie ; • Modalités de surveillance ; • Indication du traitement chirurgical des cystadénomes mucineux et des TIPMP.
Introduction L’adénocarcinome pancréatique est un des rares cancers pour lequel l’incidence et la prévalence sont encore quasiment équivalentes, mettant en évidence l’impuissance des thérapeutiques proposées. Aux Etats-Unis en 2007, le nombre de nouveaux cas était estimé à 37 170 et le nombre de décès la même année à 33 370. L’intérêt de connaître les états précancéreux du pancréas exocrine est de pouvoir en faire le diagnostic précocement et ainsi, parer à l’augmentation de l’incidence du cancer du pancréas. Les lésions précancéreuses sont connues depuis plus d’un siècle mais leur définition exacte, ainsi que le mécanisme d’oncogenèse ne sont connus que depuis quelques années [1-3]. Ces lésions sont au nombre de trois : les cystadénomes mucineux (CM), les tumeurs intrapapillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP) et les PanIN (Pancreatic intraepithelial neoplasia).
Définitions des lésions précancéreuses pancréatiques Trois lésions pancréatiques sont considérées actuellement comme des lésions
précancéreuses : les cystadénomes mucineux (CM), les tumeurs intrapapillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP) et les PanIN (Pancreatic Intraepithelial Neoplasia). Elles répondent à 5 critères stricts établis en 2006 par une conférence de consensus de l’institut américain du cancer définissant une lésion précancéreuse : 1) lésion associée à un risque augmenté de cancer ; 2) cellules cancéreuses issues des cellules précancéreuses ; 3) lésion différente du tissu pancréatique normal ; 4) lésion différente du cancer qui va se développer ; 5) pouvoir être mise en évidence [4]. Ces trois lésions sont toutes canalaires intraépithéliales, d’évolution progressive rappelant la filiation adénomecancer du colon. Elles ont la particularité de se développer selon un processus séquentiel : dysplasie de grade croissant (bas, moyen et haut grade) ➞ cancer in situ ➞ cancer infiltrant. Les mécanismes moléculaires oncogénétiques impliqués ne sont encore que partiellement décrits ; cependant, différentes protéines impliquées dans ce processus de tumorigenèse sont déjà connues : K-ras, p53, CDKN2/p16, MADH4 et c-erbB2 [5-8]. Ces trois lésions sont très similaires et ce, à tous les niveaux de dysplasie. Prises isolément, les cellules issues de ces lésions ne seraient pas distinguables entre elles.
Les cystadénomes mucineux Les CM sont définis comme une lésion kystique tumorale pancréatique ayant un revêtement épithélial, sécrétant de la mucine et un stroma de type ova-
V. Rebours () Hôpital Beaujon, service de gastroentérologie, 100, boulevard du Général Leclerc, F-92118 Clichy cedex, France E-mail :
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V. Rebours
rien [9]. Les CM sont plus fréquents chez les femmes (sexe ratio : 20/1) et l’âge médian au diagnostic est de 40 à 50 ans [range: 14-95] [10-12]. Les symptômes les plus souvent décrits sont des douleurs abdominales (70 % des cas) mal systématisées, diffuses, polymorphes à type de pesanteur ou de gène épigastrique, posant souvent la question de la réelle imputabilité de ces douleurs à la présence de la lésion kystique. Une pancréatite aiguë inaugurale est décrite dans 10 % des cas [11-15] La découverte est en fait le plus souvent fortuite [16]. Les lésions sont uniques, macrokystiques à paroi épaisse (> 2 mm), parfois cloisonnées. La présence d’un nodule mural ou d’un épaississement marqué et irrégulier est évocatrice d’une lésion dégénérée. Elles siègent dans le corps et la queue du pancréas dans 90 % des cas [17-19] et mesurent de 10 à 30 mm en moyenne [11]. Il n’existe pas de communication avec les canaux pancréatiques.
Les TIPMP Les TIPMP sont des lésions canalaires intraépithéliales développées aux dépens des canaux pancréatiques (principal ou secondaires). Elles ne comportent pas de stroma ovarien. Elles sont responsables de dilatations canalaires secondaires à la sécrétion de mucus. Ces lésions kystiques communiquent donc avec les canaux. La plupart des lésions mesurent plus de 10 mm. Elles peuvent toucher tous les segments de la glande pancréatique mais prédominent au niveau de la tête [20]. Le sexe ratio est de 3/2 avec une
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prédominance masculine. L’âge médian au diagnostic est de 65 ans [range: 25-95] [20,21] Au contraire des autres lésions kystiques du pancréas, les patients avec une TIPMP présentent souvent des symptômes à type de douleur abdominale épigastrique ou de pancréatite aiguë. Ces symptômes sont secondaires à l’obstruction probable des canaux pancréatiques par les sécrétions de mucus et sont présents dans 73 à 81 % des cas (dont 13 à 23 % de pancréatites aiguës) [16]. L’obstruction canalaire chronique peut induire une insuffisance pancréatique exocrine et endocrine, ainsi qu’une perte de poids. Un ictère peut être également constaté quand les lésions florides, voire de cancer invasif, compriment la voie biliaire principale ou quand elles se sont fistulisées dans la voie biliaire principale. Cependant, la proportion de TIPMP découvertes de manière fortuite est en forte progression du fait de la généralisation de l’utilisation des examens morphologiques (scanographie et IRM) pour l’exploration de symptômes digestifs (ou non digestifs) [16,22,23]. Elles constituent un groupe hétérogène, au plan évolutif et pronostique: à 5 ans, les TIPMP des canaux secondaires (CS) deviennent des carcinomes invasifs pour 15 % des malades, tandis que l’atteinte du canal pancréatique principal (CPP), s’accompagne dans plus d’un cas sur deux, d’une évolution maligne [24,25].
Les PanIN Les PanIN sont des lésions intraépithéliales dysplasiques asymptomatiques des petits canaux pancréatiques, non invasives, ne dépassant pas la membrane basale. Elles sont caractérisées par des anomalies cytologiques et architecturales qui permettent de les classer en dysplasie de bas, moyen ou haut grade ou PanIN-1, 2 ou 3, respectivement. Ce n’est que très récemment que les études moléculaires ont permis de comprendre la séquence entre PanIN et carcinome invasif [26-28] En effet, les lésions de PanIN sont très fréquentes à la périphérie des adénocarcinomes pancréatiques, ce
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qui a permis de mieux comprendre leur rôle dans l’oncogenèse pancréatique. Les PanIN augmentent en nombre avec l’âge. Leur prévalence est augmentée : 1) dans le parenchyme pancréatique adjacent des adénocarcinomes ; 2) chez les patients à haut risque de cancer du pancréas ; 3) au cours de la pancréatite chronique. Les patients à haut risque de cancer appartiennent à des familles où il existe des syndromes génétiques prédisposant à l’adénocarcinome : cancers pancréatiques familiaux sans mutation connue (existence d’au moins 2 apparentés au 1er degré, quel que soit l’âge), syndrome des cancers familiaux du sein et de l’ovaire (BRCA2), syndrome de Peutz-Jeghers (STK11/LKB1), syndrome de Lynch (MLH1, MSH2, MSH6), syndrome de Li Fraumeni (TP53), mélanomes familiaux FAMMM (CDKN2A/p16)). Ces origines génétiques de cancer sont à l’origine de près de 10 % des adénocarcinomes du pancréas. En pratique, on considère que la survenue d’un cancer chez au moins deux apparentés au premier degré doit faire évoquer une susceptibilité familiale. Par ailleurs, la survenue d’un cancer du pancréas avant 50 ans devrait inciter à déclencher une enquête familiale. Au cours de la pancréatite chronique alcoolique, l’incidence du cancer du pancréas est augmentée (risque de 4 % après 20 ans d’évolution) [29]. Des lésions de PanIN ont été mises en évidence dans 60 % des cas mais étaient essentiellement de bas grade (PanIN-1) [3,22,30-33]. Au cours de la pancréatite chronique héréditaire, secondaire à la mutation du gène PRSS1 codant pour le trypsinogène cationique, les PanIN sont très fréquentes : 75 % des patients après 25 ans d’évolution en médiane dont 25 % de PanIN-3 [34]. Leur diagnostic est exclusivement histologique sur des pièces de pancréatectomies. Les lésions sont microscopiques, intraépithéliales canalaires. Les patients ne présentent aucune symptomatologie relative aux PanIN.
Les canaux contenant des PanIN ne sont pas dilatés et ne sont donc pas accessibles aux examens morphologiques habituels, contrairement aux TIPMP. Elles sont plus fréquentes dans la tête que dans la queue du pancréas. Brune et coll. ont récemment suggéré que la présence de PanIN peut être suspectée chez des patients à risque (patients à haut risque de cancers dans le cadre de cancers pancréatiques familiaux) grâce aux données de l’écho-endoscopie. La présence multifocale de PanIN était associée à une atrophie focale du parenchyme détectable en écho endoscopie [35]
Comment faire le diagnostic des lésions précancéreuses : apport de la ponction sous écho-endoscopie Le diagnostic morphologique ou biologique (autre que histologique) des lésions précancéreuses n’est possible que pour les CM et les TIPMP. Pour les PanIN, comme il est décrit ci-dessus, les lésions sont microscopiques et le diagnostic est essentiellement histologique [26]. L’écho-endoscopie simple sera un outil diagnostic possible, dans les années à venir, couplée à des analyses moléculaires du liquide pancréatique [35]. L’atrophie focale millimétrique décrite par Brune et coll dans des populations à haut risque de cancer n’est pas accessible à la ponction. Pour les CM et TIPMP, le diagnostic peut actuellement être posé avec certitude par la combinaison de plusieurs techniques d’imagerie complémentaires associant l’IRM avec wirsungo-IRM, la scanographie et l’écho-endoscopie.
Les cystadénomes mucineux Le diagnostic de CM peut être posé grâce à leurs caractéristiques morphologiques. En scanographie, les lésions sont uni- ou multiloculaires, bien limitées, hypodenses, avec un rehaussement de la paroi kystique après injection de produit de contraste [36] Leur densité est proche de celle de • • • • • •
l’eau. La scanographie permet également d’observer les nodules muraux, des calcifications périphériques ou des cloisons internes. Les cloisons ainsi que les nodules muraux se rehaussent après injection de produit de contraste. En IRM, l’aspect de la lésion en T1 dépendra de la richesse en mucines du kyste et des antécédents d’hémorragie intrakystique ainsi que de leur ancienneté [37]. En T2, les cloisons internes et les nodules muraux sont hypointenses au sein d’une lésion hyperintense [36,37]. En écho-endoscopie, la présence d’un ou plusieurs macrokystes, l’existence de nodules pariétaux ou de végétations, sont suggestives du diagnostic [38]. La présence de matériel intrakystique échogène évoque un contenu mucoïde. Dans un certain nombre de cas, il est impossible de porter un diagnostic de certitude au décours des examens radiologiques non invasifs, et l’analyse du liquide de ponction devient alors un élément décisif diagnostique. Le liquide de ponction est épais, visqueux, discrètement trouble. L’intérêt de la cytologie est très variée suivant les équipes [11,39,40]. Le caractère adéquat du prélèvement (matériel cellulaire suffisant pour l’analyse) varie de 50 à 77 %. Il est moins performant sur les petites lésions [40]. Pour le diagnostic de CM, la présence de cellules épithéliales positives au bleu alcian (ou mucicarmin) est évocatrice d’une tumeur mucineuse. La simple présence de mucus dans le liquide de ponction peut être suffisante pour le diagnostic, mais son interprétation doit tenir compte d’une possible contamination digestive. Le rendement de la cytologie reste le plus souvent limité. Les performances de la cytologie sont de 4 % pour le diagnostic de CM [11]. Le principal intérêt de l’analyse du liquide de ponction est le dosage de l’amylase et des marqueurs tumoraux. Le taux d’amylase est bas. Les études ayant évalué les performances des différents marqueurs trouvent une efficacité supérieure de l’ACE sur le CA 19-9 ou le CA 72-4 pour le diagnostic de CM [41,42] Le Ca 19-9 > 50 000 U/ • • • • • •
ml a une sensibilité de 75 % et une spécificité de 90 % ; l’ACE > 400 ng/ ml a une sensibilité de 57 % et une spécificité de 100 % et le Ca72-4 > 40 ng/ml a une sensibilité de 63 % et une spécificité de 100 % [42, 43].
Les TIPMP L’atteinte isolée du canal principal (CPP) est rare ; il est considéré comme dilaté lorsqu’il mesure plus de 3 mm (92 à 97 % des cas avec dans 22 % des cas un diamètre supérieur à 10 mm) [44,45]. Cette dilatation peut être diffuse ou segmentaire et atteindre 30 mm. Les parois du CPP sont régulières, rectilignes, sans image de sténose en l’absence de dégénérescence [46,47]. Une protrusion de la papille est observée dans 20 % [48]. Le parenchyme pancréatique est atrophié dans 1/3 des cas. Les canaux secondaires (CS) sont atteints isolément dans 30 % [45]. Les CS peuvent apparaître comme une dilatation tubulaire branchée ou une formation kystique (90 % des cas) [44]. La localisation préférentielle est le processus unciné (50 %) (la tête est atteinte dans 30 %, le corps dans 10 % et la queue dans 10 %) [44,48]. Il s’agit d’une lésion multiloculée liquidienne, séparées par des septa en grappe de raisin [44]. Des bourgeons papillaires intracanalaires (nodules muraux) peuvent être dépistés lorsqu’ils mesurent plus de 3 mm d’épaisseur. Ils sont observés dans 18 % des cas [44]. En cas d’atteinte isolée des CS, le caractère multifocal est un argument majeur pour le diagnostic. La forme mixte (atteinte des CS et du CPP) est la plus fréquente (70 %) [45]. Des calcifications endoluminales développées sur les bouchons de mucus sont fréquemment observées [45]. Elles siégent dans les CS ou CPP. L’IRM avec CP-IRM est un examen clé pour confirmer dans près de 100 % des cas, le diagnostic de TIPMP (fortement suspecté par la scanographie). Le mucus apparaît en hypersignal et ne peut être différencié du liquide pancréatique. La sensibilité de l’IRM pour le diagnostic de nodule mural est de 47 % [49]. La sensibilité de l’IRM avec
CP-IRM pour le diagnostic d’atteinte du canal principal est de 80 % [49]. L’atteinte des CS apparaît sous la forme d’images kystiques, fortement hyper intenses en T2 et hypo-intenses en T1, ne se rehaussant pas après injection de produit de contraste, mesurant de quelques millimètres jusqu’à 3 voire 4 cm. Les lésions sont des formations kystiques multiloculées situées dans le crochet du pancréas, plus rarement dans la queue, au sein de laquelle des septa sont observés dans 100 % des cas [50] Une communication entre les CS et le CPP est visualisée dans 80 % des cas sur les coupes fines axiales et frontales pondérées en T2 [50,51]. Les coupes épaisses de wirsungographie paraissent les plus sensibles pour affirmer la communication. Les dilatations des CS sont le plus souvent multiples. La sensibilité de l’IRM avec CP-IRM pour le diagnostic de TIPMP touchant les canaux secondaires (isolée ou associée à une atteinte du CPP) est proche de 100% [49]. La duodénoscopie permet d’objectiver une béance de la papille avec présence d’un écoulement de mucus dans 40 à 60 % [52,53]. Ce signe endoscopique est pathognomonique. Il est surtout observé en cas d’atteinte du CPP de la tête, mais peut l’être également en cas d’atteinte isolée des CS [53]. L’échoendoscopie permet de visualiser la communication entre les CS et le CPP. Le mucus apparaît comme des filaments hyperéchogènes dans la lumière canalaire dilatée ou comme une formation déclive hypo-échogène, ronde, finement cerclée par une couronne hyperéchogène ; les formations tumorales polypoïdes apparaissent comme des formations ovalaires ou arrondies à point de départ pariétal, d’échostructure tissulaire. Elle permet de voir un épaississement de la paroi des canaux, des nodules muraux. La sensibilité, la spécificité et les valeurs prédictives positive et négative de l’écho endoscopie pour le diagnostic de TIPMP sont de 86, 99, 78 et 99 % respectivement.
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Le diagnostic de TIPMP est possible par la scanographie, l’IRM et l’écho endoscopie pancréatiques dans près de 100 % des cas. Le diagnostic de TIPMP du CPP isolée n’est cependant pas toujours aisé de même que le degré d’extension de l’atteinte. En effet, la dilatation peut être passive sur certaines portions en amont d’une obstruction par un bouchon de mucus ou de lésions tissulaires nodulaires. Le CPP est considéré comme pathologique s’il mesure plus de 6 mm. La dilatation peut être majeure (plus de 10 mm dans ¼ des cas), et atteindre parfois 30 mm. Les parois du canal sont régulières, sans l’aspect monoliforme vu au cours de la pancréatite chronique. Le dosage plasmatique de marqueurs tumoraux comme le CA19-9 manque de spécificité et de sensibilité et n’a d’intérêt que pour un nombre limité de malades dont la tumeur est déjà au stade de carcinome invasif. Les dosages des marqueurs (ACE, CA72-4, CA19-9, mucine) dans le liquide intrakystique n’ont pas fait la preuve de leur pertinence diagnostique pour les TIPMP. Les analyses cytologique et histologique par ponction-biopsie ont une faible valeur prédictive, surtout lorsque les lésions sont diffuses ou réparties de façons discontinues. Des taux d’ACE > 200 ng/mL et de CA72-4 > 40 U/ml ont une sensibilité estimée à 44 % et 39 % pour le diagnostic de TIPMP. L’intérêt de la ponction est essentiellement de différencier les formes bénignes des formes malignes. Dans les formes malignes, l’ACE > 200 ng/mL et le CA72-4 >40 U/mL ont une bonne valeur prédictive négative de 96 %.
Modalités de surveillance des lésions précancéreuses et indication du traitement chirurgical des cystadénomes mucineux et des TIPMP Les cystadénomes mucineux Indications opératoires des CM Actuellement, toute suspicion de CM est une indication opératoire d’exérèse
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devant le risque de dégénérescence [54-56]. Les CM sont considérés au moment du diagnostic comme des tumeurs bénignes à potentiel malin ou déjà malignes, ce qui impose leur résection complète, y compris pour les tumeurs asymptomatiques. Seul, l’examen histologique complet de la pièce de résection permet de préciser leur nature : CM bénin, cystadénome à malignité intermédiaire ou borderline et cystadénocarcinome non invasif et invasif. Les éléments morphologiques prédictifs de malignité sont la grande taille du kyste (9 cm en moyenne), l’existence d’une paroi épaisse, irrégulière et nodulaire, la constatation de végétations intrakystiques et de calcifications périphériques, l’envahissement des structures vasculaires ou des organes de voisinage et l’existence d’adénopathies péritumorales. Pour les tumeurs de localisation céphalique, une duodénopancréatectomie céphalique est souvent nécessaire. En cas de tumeur invasive probable ou évidente, une résection à visée carcinologique doit être réalisée. L’énucléation est considérée par certains comme un procédé suffisant pour l’exérèse des petites tumeurs, de moins de 4 cm, présumées bénignes, sans réaction inflammatoire du pancréas adjacent, et localisées au niveau de la tête ou du crochet. Ce geste ne doit être réalisé que sous couvert d’un examen histologique complet de la lésion énucléée, avec une recherche de lésions invasives au niveau des irrégularités pariétales. Modalités de surveillance Les résultats à long terme après exérèse chirurgicale complète des tumeurs bénignes et borderline sont excellents à 5 ans et confirmés à plus de 10 ans. L’absence de récidive tumorale ou d’évolution maligne permet à la fois de rassurer le malade et de le dispenser d’un suivi par imagerie [57].
Les TIPMP Indications opératoires des TIPMP – Soulager les symptômes L’incidence des symptômes au cours de la TIPMP n’est pas clairement éta-
blie car les séries sont très hétérogènes et la prévalence des TIPMP n’est pas connue. La découverte des lésions est le plus souvent fortuite. On peut noter une des douleurs abdominales aspécifiques (40 %), des pancréatites aiguës (40 %, le plus souvent bénigne (environ 3 % de ces pancréatites aiguës sont sévères, justifiant un séjour en réanimation)), récidivantes dans 20 % des cas, une insuffisance pancréatique endocrine et exocrine (exclusivement dans les atteintes du canal principal) secondaire à l’atrophie pancréatique et rarement, un ictère qui peut être fluctuant. La fréquence des pancréatites aiguës peut justifier en elle-même une indication opératoire. Cette situation est assez rare. L’indication opératoire doit être proposée en cas de pancréatite aiguë récidivante ou non après avoir éliminé les autres causes les plus fréquentes de pancréatite aiguë (intoxication alcoolique chronique et maladie biliaire). – Prévenir le risque de dégénérescence L’indication opératoire la plus importante est de prévenir tout risque de dégénérescence en proposant l’exérèse des lésions à haut risque. Ce risque de dégénérescence a été quantifié de façon de plus en plus précise. Parmi tous les paramètres étudiés, l’atteinte du CPP est significative dans toutes les études. Cinq ans après le premier signe ou symptôme en rapport avec une TIPMP touchant le CPP, le risque actuariel de dysplasie de haut grade ou de carcinome invasif est supérieur à 60 % [25]. L’atteinte du CPP constitue donc indiscutablement une indication de résection chirurgicale de l’ensemble du canal atteint. Le diagnostic de TIPMP du CPP n’est cependant pas toujours aisé de même que le degré d’extension de l’atteinte. En effet, la dilatation peut être passive sur certaines portions en amont d’une obstruction par un bouchon de mucus ou des lésions tissulaires nodulaires. En cas d’atteinte exclusive des CS, le risque actuariel de dysplasie de haut grade ou de carcinome invasif à 5 ans est de 15 %. Ce chiffre est proche de • • • • • •
la mortalité péri-opératoire surtout pour des malades dont l’âge est supérieur à 65 ans. Ainsi, pour ce groupe particulier, l’attitude thérapeutique s’est beaucoup modifiée depuis les années 80, pour favoriser la surveillance plutôt que l’exérèse d’emblée. Les différentes études ont essayé de définir des critères prédictifs de dégénérescence. Ces critères sont moins consensuels : La taille de la dilatation canalaire supérieure à 30 mm est pour certains, un facteur prédictif, pour d’autres, non [58,59]. La présence de nodules muraux est notée dans 50 % des carcinomes in situ et 75 % des carcinomes invasifs. Un épaississement pariétal est également un facteur prédictif de malignité ; une taille supérieure à 5 mm pourrait être fortement indicative [23,60-62]. Les indications actuelles de résections de TIPMP pour risque de dégénérescence qui peuvent être retenues sont : – des critères certains morphologiques ou histologiques de dégénérescence (sans envahissement locorégional ou à distance contre-indiquant le geste opératoire): présence d’une masse pancréatique développée aux dépends des canaux, cellules carcinomateuses sur la biopsie sous écho endoscopie de la lésion ; – ou une atteinte du canal pancréatique principal (diamètre supérieur à 6 mm) ; – ou la présence de nodules muraux ; – ou une dilatation kystique des canaux secondaires supérieure à 30 mm. En l’absence de tous ces critères (établis sur l’association des données scanographiques, de l’IRM avec wirsungo-IRM et de l’écho-endoscopique), l’abstention chirurgicale doit être décidée et une surveillance mise en place. En présence de l’un de ces critères, un geste chirurgical doit être décidé, d’autant plus facilement que la chirurgie peut être économe de parenchyme pancréatique et sans problème technique, d’autant plus diffi• • • • • •
cilement dans le cas contraire. Toutes les résections prophylactiques doivent être discutées en réunion pluridisciplinaire, toujours en prenant compte le rapport risque/bénéfice de telles interventions pour le patient. La morbidité et la mortalité périopératoires importantes des résections pancréatiques (parfois très extensives) sont importantes, ainsi que les séquelles postopératoires (insuffisance pancréatique exocrine et endocrine). Modalités de surveillance des TIPMP L’abstention opératoire implique une surveillance très étroite de ces lésions précancéreuses. Elle est donc à proposer pour les atteintes isolées des CS ne présentant ni de nodules muraux, ni d’épaississement de la paroi canalaire et une taille inférieure à 30 mm de diamètre. Cette surveillance repose sur des examens morphologiques associant la scanographie pancréatique, la wirsungo-IRM et l’écho endoscopie. Ils doivent être réalisés selon des protocoles adaptés avec des critères techniques précis par des praticiens rompus aux pathologies du pancréas. Le but est double : apprécier l’évolutivité des lésions (vitesse de croissance des kystes) et détecter des critères de dégénérescence. Les protocoles de surveillance proposés dans la littérature ainsi que leur rythme ne sont pas consensuels. Ils doivent être réalisés à un rythme permettant de ne pas omettre une évolutivité rapide des lésions et pouvoir ainsi proposer une résection prophylactique. Plusieurs travaux ont montré que la survie des patients était corrélée au grade histologique des lésions avec des survies à 5 ans de près de 100 % dans les formes bénignes et de 50-60 % dans les formes malignes [55] Les carcinomes in situ sont encore associés à un bon pronostic après résection mais au stade invasif avec envahissement ganglionnaire voire métastatique, le pronostic rejoint celui des patients ayant un adénocarcinome pancréatique ductulaire [63].
La contrainte d’une telle politique de surveillance doit être acceptable et réalisable pour les patients : ne pas multiplier les examens invasifs (nécessité d’anesthésies générales répétées), ne pas exposer les patients à des doses d’irradiation trop importantes (multiplication des scanographies) pour la surveillance de lésions bénignes [64]. Un consensus d’experts internationaux a été publié en 2006 [54] pour la TIPMP des canaux secondaires (Fig. 1). Etant donné la faible évolutivité des lésions des TIPMP des CS, l’équipe de Beaujon propose un rythme de surveillance moins serré, essentiellement basé sur l’IRM avec wirsungoIRM. Toute modification symptomatique ou sur ces examens de surveillance, impose la réalisation d’un nouveau bilan complet reposant sur l’IRM, la scanographie et l’écho-endoscopie. Chez les patients opérés, la surveillance est à adapter aux lésions mises en évidence et à leur degré de dysplasie. Les atteintes peuvent être multifocales et peuvent ainsi nécessiter une pancréatectomie totale. En fonction du terrain et de l’âge du patient, le choix de laisser en place des lésions de dysplasie de bas grade des canaux secondaires peut être fait. Il faut donc distinguer pour la surveillance postopératoire, les patients avec une tumeur à un stade déjà invasif, les patients ayant encore des lésions laissées en place délibérément et les malades ne présentant plus de lésions (c’est-à-dire qu’aucune lésion macroscopique n’a été laissée en place). Chez les malades opérés avec une tumeur invasive, le taux de récidive (généralement sous une forme maligne) est beaucoup plus élevé dépassant 60 % au bout de trois ans [65]. Ici, le rythme et les modalités de la surveillance doivent être ceux utilisés après chirurgie de l’adénocarcinome pancréatique. Dans les malades ayant encore des lésions dysplasiques en place, la surveillance post-opératoire doit être calquée sur la surveillance des malades non opérés ayant une atteinte exclusive des canaux secondaires.
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Chez les malades ne présentant plus de TIPMP et sans tumeur invasive à l’analyse histologique de la pièce opératoire, le taux de récidive post opératoire est constamment inférieur à 10 % après un délai de l’ordre de 3 à ans [65]. Dans ce cadre, la réalisation d’une IRM annuelle pendant les 3 années post-opératoires puis tous les deux ans semble suffisante.
Taille < 10 mm
Taille 10 à 30 mm
Taille > 30 mm
EUS et IRM IRM ou TDM à un an – Pas de nodules – CPP normal
Les PanIN Modalités de surveillance Les PanIN sont des lésions microscopiques, cliniquement silencieuses, non détectables par les examens morphologiques conventionnels. La découverte des PanIN est histologique sur des pièces de pancréatectomies partielles chez des patients à haut risque (cf. ci-dessus). Les modalités de surveillance sont proposées aux patients ayant un grand risque de cancer du pancréas et donc de PanIN. Ces lésions ne peuvent être diagnostiquées avec spécificité par les examens d’imagerie. Cependant, elles sont responsables de petites modifications du parenchyme adjacent. En histologie, ces modifications vont de la dilatation de la lumière des acini à leur remplacement par de la fibrose localisée ou du tissu adipeux prenant l’aspect de pancréatite chronique focale. En échoendoscopie, l’atrophie lobulaire peut être visualisée et est caractéristique lorsqu’elle est plurifocale rendant le pancréas hétérogène [35]. Ces anomalies sont très fines et minimes et nécessitent un avis d’expert. Par ailleurs, cela implique un parenchyme pancréatique normal. La recherche de ces anomalies est donc impossible chez les patients ayant une pancréatite chronique héréditaire [66,67]. En 2006, un groupe d’experts sous l’égide du Club Français du Pancréas a émis des recommandations de surveillance chez les patients à risque, à la recherche de PanIN. Ces recommandations s’appliquent pour tous les patients (et leurs apparentés) présentant un syndrome des cancers pancréatiques familiaux sans mutation
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Taille < 10 mm
Taille de 10 à 20 mm
IRM ou TDM – Taille de 10 à 20 mm tous les 6 mois – Taille de 20 à 30 mm tous les 3 à 6 mois
Résection
Taille > 30 mm Symptômes Présence de nodules
Figure 1. Protocole de surveillance des TIPMP isolée des canaux secondaires proposé par le consensus d’experts internationaux publié en 2006.
connue (existence d’au moins 2 apparentés au 1er degré, quel que soit l’âge), un syndrome des cancers familiaux du sein et de l’ovaire (BRCA2), un syndrome de Peutz-Jeghers (STK11/LKB1), un syndrome de Lynch (MLH1, MSH2, MSH6), un syndrome de Li Fraumeni (TP53), des mélanomes familiaux FAMMM (CDKN2A/p16) et une pancréatite chronique héréditaire (PCH). L’âge de début du dépistage et des examens à proposer est de 45 ans pour les cancers familiaux avec et sans syndrome et de 35 ans pour la PCH. Les examens morphologiques à proposer pour les cancers familiaux sans ou avec syndrome sont une scanographie, une IRM et une écho-endoscopie (bilan initial) puis une IRM et une écho-endoscopie une fois par an. La scanographie n’est pas à répéter (afin d’éviter les irradiations répétées) sauf en cas d’indication du radiologue. Pour la PCH, le bilan initial est simi-
laire ; puis, une IRM et une scanographie tous les ans sont à faire. L’écho endoscopie est à répétée seulement en cas de doute d’apparition de nouvelles lésions. Pour les pancréatites chroniques, autres que héréditaires, il n’y a pas actuellement d’indications de surveillance particulière. Le risque de cancer au cours de la pancréatite chronique alcoolique, est évalué à 4 % après 20 ans d’évolution. Cependant, la mortalité et la morbidité dans cette population sont liées aux complications de l’intoxication alcoolo-tabagique chronique et non aux cancers du pancréas. Ces données ne justifient pas un dépistage contraignant [29,68].
Indications opératoires En cas d’anomalie (ou apparition d’anomalies) sur l’un des examens d’imagerie, c’est-à-dire une dilatation canalaire ou une modification parenchymateuse suspecte, il est recom• • • • • •
mandé de rechercher des lésions de PanIN par des biopsies pancréatiques chirurgicales ou non : – pancréatectomie gauche diagnostique pour toute anomalie du pancréas gauche ; – ponction biopsie sous écho-endoscopie pour toute anomalie dans le pancréas droit : • si le résultat est positif (présence de PanIN) : exérèse chirurgicale, • si le résultat est négatif : réalisation d’une CPRE avec aspiration de liquide pancréatique ± 2e échoendoscopie ± pancréatectomie gauche diagnostique. La décision de pancréatectomie doit être guidée par le degré de dysplasie mis en évidence sur les biopsies. En cas de lésions de dysplasie de haut grade (PanIN-3), une pancréatectomie totale est proposée. En cas de PanIN-2, il faut discuter une pancréatectomie ou une surveillance au cas par cas. Enfin, pour les PanIN-1, la surveillance est poursuivie. Ces décisions doivent toujours être la conclusion de réunions pluridisciplinaires après relecture de tous les examens d’imagerie par des radiologues rompus aux pathologies pancréatiques. Une double lecture anatomo-pathologique est requise dans tous les cas.
Conclusion Les lésions précancéreuses pancréatiques sont de mieux en mieux connues depuis quelques années. Le challenge actuel est de trouver des marqueurs (biologiques ou morphologiques) précoces discriminants de ces lésions, notamment pour les PanIN, et de trouver des marqueurs prédictifs d’évolutivité et de dysplasie de haut grade, afin de prévenir l’apparition de l’adénocarcinome du pancréas.
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Les 5 points forts
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Trois lésions précancéreuses pancréatiques : – Cystadénomes mucineux (CM) – Tumeurs intrapapillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP) – PanIN (pancreatic intraepithelial neoplasia) Examens permettant le diagnostic de CM ou de TIPMP – TDM, IRM et Echo-endoscopie Intérêt de la ponction sous échoendoscopie en cas de doute de CM – ACE intrakystique > 400 ng/ml, spécificité : 100 % Risque de dégénérescence des TIPMP à 5 ans – Atteinte du canal principal > 50 % – Atteinte des canaux secondaires : 15 % Indications opératoires des CM et des TIPMP – Tous les CM – Toutes TIPMP du canal principal – TIPMP des canaux secondaires si : • présence de nodules muraux ; • dilatation kystique des canaux secondaires supérieure à 30 mm.
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Questions à choix unique Question 1 Quel est le pourcentage d’adénocarcinomes du pancréas secondaires à un syndrome génétique prédisposant ? ❏ A. 5 % ❏ B. 10 % ❏ C. 15 % ❏ D. 20 % ❏ E. 25 %
Question 2 Quel est le risque de dégénérescence des tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas des canaux secondaires à 5 ans ? ❏ A. 5 % ❏ B. 10 % ❏ C. 15 % ❏ D. 20 % ❏ E. 25 %
Question 3 Quel est le marqueur tumoral ou l’enzyme le plus discriminant pour le diagnostic de cystadénome mucineux dans le liquide de ponction sous écho endoscopie d’une lésion kystique du pancréas ? ❏ A. CA19-9 ❏ B. CA72-4 ❏ C. Amylase ❏ D. ACE ❏ E. Mucine
Question 4 Quelle est la situation clinique qui n’expose pas à un risque accru de cancer du pancréas ? ❏ A. deux apparentés au premier degré de cancer pancréatique ❏ B. cancer du sein et ovaire de type BRCA2 ❏ C. pancréatite chronique héréditaire ❏ D. HNPCC ❏ E. dysfonction du sphincter d’Oddi
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Post’U (2009) 104-112
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Quand ne pas biopsier une masse solide du pancréas ? Objectifs pédagogiques – Place des différentes techniques et abord des biopsies dirigées sur la masse solide du pancréas; – Qui biopsier ? – Dans quelles circonstances doit-on s’en passer ? (incidentalomes, tumeur endocrine, pancréatite auto-immune).
Introduction Depuis plus de quinze ans (1992), la ponction-aspiration dirigée des masses solides du pancréas, réalisée au cours d’une échoendoscopie (PSEE), peut permettre d’obtenir un échantillon « tissulaire » qui permet une analyse cytopathologique dont le but est d’affirmer, d’une part, la nature de la lésion pancréatique, et d’autre part, sa malignité ou non. La faisabilité varie de 90 à 98 % et l’efficacité en termes de recueil de tissu analysable en intention de ponction est de 80 à 95 % [1-5]. Les tumeurs malignes du pancréas représentent la majorité des « masses solides » du pancréas ; l’adénocarcinome ductulaire est au premier rang, mais d’autres diagnostics sont possibles [2,3]. Les deux indications majeures de la ponction-aspiration dirigée sous écho-endoscopie (PSEE) sont : a) préciser la nature d’une masse solide dans un contexte clinique et radiologique « non- évident » i.e. dans tous les cas de doute diagnostique, en particulier en cas de « petites » lésions (< 2 cm) ; b) affirmer la malignité d’une lésion,
en particulier avant de prescrire une chimiothérapie (ou une radio-chimiothérapie) ; la place de l’écho-endoscopie avec PSEE est fondamentale car environ 80 % des adénocarcinomes ductulaires ne sont pas résécables. La PSEE est donc indiquée chaque fois qu’une certitude histologique est nécessaire à la stratégie thérapeutique [2,6] ; elle peut être particulièrement utile pour éviter une intervention chirurgicale, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une résection pancréatique majeure. Elle n’est pas indiquée lorsqu’un faisceau d’arguments cliniques, radiologiques, et éventuellement échoendoscopiques, permet un diagnostic hautement probable, et lorsque l’histologie ne modifiera pas la stratégie thérapeutique ou d’ailleurs, dans certains cas, l’abstention thérapeutique [7].
Les situations « cliniques » au cours desquelles on peut se passer de la biopsie d’une masse solide pancréatique… et celles où la biopsie est utile Adénocarcinomes pancréatiques Quand ne pas biopsier ? Une tumeur pancréatique céphalique (ou péri ampullaire) « clairement » résécable et opérable, suspecte d’être une néoplasie sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques, accom-
J.-R. Delpero (), M. Giovannini Institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Ste Marguerite, F-13273 Marseille Cedex 9, France E-mail :
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pagnée ou non d’un ictère, doit être opérée, sans drainage en cas d’ictère (en dehors d’une angiocholite, ce qui est très rare), et sans biopsie pré-opératoire [8]. En effet, le « staging » préopératoire de l’adénocarcinome de la tête du pancréas repose essentiellement sur une tomodensitométrie (TDM) abdominale spiralée, avec injection vasculaire artério-parenchymateuse et portale, et des coupes fines (2 à 3 mm) centrées sur l’étage sus-mésocolique. En présence d’une tumeur clairement résécable sur les données de cet examen, l’intérêt des autres explorations réalisées à titre systématique (dont la laparoscopie), n’est pas démontré [9]. Le même raisonnement s’applique au staging des lésions du pancréas gauche, beaucoup plus rarement résécables et pour lesquelles, par contre, la laparoscopie est recommandée [9]. Un cancer pancréatique métastatique ne doit pas être biopsié s’il existe une lésion métastatique facilement accessible à une biopsie percutanée, qu’elle soit objectivée par l’examen clinique ou l’imagerie (métastases hépatiques, adénopathies périphériques, nodules sous-cutanés). Dans ces cas, la PSEE n’a pas d’intérêt. Quand la biopsie est-elle utile ? En cas de traitement néo-adjuvant, indiqué en raison du caractère « douteux » de la résécabilité ou dans le cadre d’un essai thérapeutique ; la • • • • • •
biopsie est alors nécessaire et elle peut être réalisée dans le même temps que le drainage de la voie biliaire principale en cas d’ictère [2]. C’est le plus souvent dans les tumeurs dont la résécabilité est « douteuse », que l’EE peut découvrir des lésions ignorées par les autres techniques d’imagerie, susceptibles de contreindiquer une exérèse (ganglions métastatiques à distance, petits nodules hépatiques sous-capsulaires, carcinose péritonéale débutante avec lame d’ascite) [4,12,13] ; la PSEE est alors la seule méthode susceptible d’apporter la preuve de la malignité, et de modifier ainsi l’orientation thérapeutique. En cas d’ictère obstructif, il existe fréquemment des adénopathies inflammatoires du pédicule hépatique, plus encore si l’échoendoscopie est réalisée après la mise en place d’une prothèse biliaire ; ces ganglions peuvent être biopsiés, mais c’est surtout la PSEE des adénopathies « distales » suspectes qui est utile ; la fiabilité de la PSEE des ganglions est équivalente à celle de la biopsie des masses pancréatiques solides [1,2,12-16]. C’est dans ces cas de « résécabilité douteuse » que la laparoscopie, elle aussi, trouve sa place ; une évaluation indirecte de sa rentabilité a montré qu’elle pouvait permettre d’éviter la laparotomie à un malade sur quatre [17]. En cas d’adénocarcinome pancréatique localement avancé, lorsqu’il n’existe pas de métastase facilement accessible à une biopsie percutanée, la PSEE permet d’obtenir une histologie qui est indispensable à la prescription d’une chimiothérapie ou d’une radiochimiothérapie. Pour le diagnostic d’adénocarcinome pancréatique, la sensibilité de la méthode varie de 70 à plus de 90 %, la spécificité et la valeur prédictive positive pour la malignité sont proches de 100 % [2]. Par ailleurs, 15 % environ des masses solides non résécables ne sont pas des adénocarcinomes, et le diagnostic de nature d’un cancer localement avancé peut modifier radicalement la stratégie thérapeutique et le pronostic (lymphome, • • • • • •
carcinome endocrine, carcinome à cellules acineuses, carcinome épidermoïde ou ostéoclastique, métastase(s) pancréatiques synchrones ou métachrones de cancer notamment du rein, du sein et du poumon [1-3,5,13,16]. En cas de douleurs solaires, l’examen peut être couplé à la réalisation d’un bloc cœliaque à visée antalgique [18] ; de même, la biopsie EE guidée peut être proposée dans la même session que la pose d’une prothèse biliaire à visée palliative [19]. En cas de pancréatite chronique, une masse solide peut poser un problème diagnostique difficile. Dans un contexte d’alcoolisme chez un homme porteur d’une pancréatite chronique, une masse solide, souvent mal définie, a schématiquement une chance sur deux d’être inflammatoire et non maligne [2,4]; d’ailleurs, en cas de biopsie négative, le risque qu’il s’agisse d’un cancer du pancréas est seulement de 17 % [2] ; une seconde PSEE peut être réalisée quatre semaines plus tard, en particulier lorsqu’en raison du terrain, le risque opératoire excède celui de laisser évoluer un cancer. Deux séries de biopsies négatives réalisées dans de bonnes conditions techniques sont alors un argument fort contre le diagnostic de malignité [4,20]. La recherche de la mutation de l’oncogène k-ras dans le matériel cellulaire de cytoponction pancréatique permet d’améliorer le diagnostic de cancer du pancréas en diminuant le taux de faux négatifs de la PSEE seule, et sa spécificité permet le diagnostic différentiel entre cancer et pancréatite chronique pseudotumorale avec une précision qui était de 96 % dans une étude multicentrique Française [21]. En cas de masse solide d’allure tumorale, uniquement visualisée par l’échoendoscopie, l’indication est formelle [2]. Depuis dix ans, les progrès de la TDM d’acquisition hélicoïdale multidétecteurs permettent la reconstruction de coupes multiplanaires et ont amélioré la résolution spatiale, mais 10 % environ des cancers du
pancréas (30 % des cancers de moins de 2 cm), se manifestent par de petites tumeurs isodenses avant et après injection qui, lorsqu’elles n’ont pas de rapport avec le système canalaire pancréatique, ne donnent pas de signes indirects permettant d’évoquer le diagnostic [22-26]. L’échoendoscopie reste donc très utile pour les petites tumeurs < 2 cm, et malgré le caractère tout à fait clair de la résécabilité, il nous semble qu’une DPC ne peut être envisagée sans une preuve histologique ; ce point de vue est partagé par de nombreuses équipes [2,3,6,8].
Les tumeurs neuro-endocrines (TNE) Les recommandations concernant le traitement chirurgical des TNE permettent de rationnaliser les indications de la PSEE. Les TNE sécrétantes résécables doivent être réséquées : « Une pancréatectomie guidée par la localisation de la tumeur (pancréatectomie céphalique, gauche ou médiane), associée à une lymphadénectomie, est recommandée [9]. La recommandation est la même pour les TNE non fonctionnelles de plus de 2 cm (ou 3 cm) de diamètre (CFE relatif), et les tumeurs associées à des métastases ganglionnaires détectables en préopératoire ou en peropératoire. Une énucléation est recommandée pour les TNE non sécrétantes ou les insulinomes de moins de 2 (ou 3 cm) (CFE relatif) [9], sauf en cas de métastases ganglionnaires découvertes en peropératoire ce qui impose une pancréatectomie avec curage ganglionnaire. En revanche, les TNE non fonctionnelles de moins de 2 cm de diamètre peuvent être surveillées [7]. Les TNE non fonctionnelles uniques sont souvent sporadiques. Les TNE multiples s’intègrent habituellement dans une affection génétique (néoplasie endocrine multiple de type 1 ou maladie de von Hippel-Lindau). L’imagerie peut être très évocatrice de TNE lorsqu’elle montre une masse isodense ou modérément hypodense, se rehaussant nettement après injection de produit de contraste. L’échoendo-
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scopie montre une masse hypoéchogène homogène, bien limitée et parfois calcifiée. La scintigraphie des récepteurs de la somatostatine a une sensibilité et une spécificité de 80-90 % [27]. Elle est moins performante pour les TNE de petite taille et l’insulinome, mais lorsqu’elle est positive, son principal intérêt est d’éviter le recours à une biopsie. Quand ne pas biopsier ? Les TNE sécrétantes s’accompagnent de signes cliniques évocateurs (syndrome sécrétoire) et l’imagerie conventionnelle et métabolique permet le diagnostic. La biopsie n’est pas indispensable. Quand la biopsie est-elle utile ? Les TNE non fonctionnelles sont souvent découvertes de façon fortuite [7] (cf. infra : incidentalomes solides) ; la PSEE permet d’affirmer le diagnostic avec une grande fiabilité [28] ; pour les petites tumeurs (< 2 cm), obtenir le diagnostic histologique peut permettre de proposer une surveillance chez certains malades (terrain, sujet âgé, bénéfice/risque d’une résection pancréatique qui peut être majeure selon la localisation anatomique de la lésion) [7]. Par ailleurs, le matériel tissulaire recueilli par la PSEE peut permettre de déterminer l’index mitotique… ce qui est d’autant plus important qu’une résection n’est pas recommandée en cas de tumeur endocrine peu différenciée, dont le MIB (index mitotique) est élevé [9].
Les pancréatites auto-immunes (pancréatite chronique lymphoplasmocytaire) La PCAI est une maladie rare (moins de 2 % des cas de pancréatite chronique), plus fréquente chez l’homme, et dont le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques et radiologiques [29,30]. En raison de ses formes « pseudo-tumorales» (30 % dans l’expérience du groupe de Beaujon [31], la PCAI reste une des causes les plus fréquentes de pancréatectomie inap-
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propriée [32,33] ; la PSEE peut donc être utile en cas de doute diagnostique. « Deux écueils sont à éviter : a) proposer une résection pancréatique à un malade ayant une PCAI pseudo-tumorale ; b) ne pas proposer de corticothérapie à un malade souffrant de douleurs en rapport avec une PCAI « La PCAI doit systématiquement être évoquée chez un malade ayant une formation tumorale pancréatique dans un contexte clinique, épidémiologique, sérologique ou d’imagerie qui ne cadre pas complètement avec le diagnostic d’adénocarcinome du pancréas. Une courte corticothérapie (< 4 semaines) est sans doute moins délétère chez un malade ayant un adénocarcinome pancréatique qu’une pancréatectomie (voire une chimiothérapie !) chez un malade ayant une PCAI » [29]. La PSEE peut donc être utile au diagnostic. Quand ne pas biopsier ? La sémiologie radiologique et écho-endoscopique peut être très évocatrice – dans la forme « diffuse » : le diagnostic doit être évoqué en cas d’hypertrophie de toute la glande (l’hypertrophie peut être focale dans 30 % des cas) et lorsque les canaux sont fins et irréguliers au sein d’un parenchyme hypoéchogène et hétérogène en échoendoscopie [34] ; il n’y a pas de calcifications et un épaississement de la paroi de la voie biliaire s’associe aux anomalies pancréatiques. – dans la forme « pseudo-tumorale », le contexte clinique (absence d’altération de l’état général et d’élévation des marqueurs tumoraux), une hypo-intensité T1 en IRM et une prise de contraste tardif en tomodensitométrie et en IRM, sont évocateurs [35] ; mais c’est surtout l’absence de dilatation du canal pancréatique en amont des formations pseudo-tumorales ou d’une sténose qui est un argument essentiel contre le diagnostic de tumeur maligne, surtout d’adénocarcinome [32].
– dans les deux formes, le diagnostic peut être facilité lorsque s’ajoutent des manifestations biologiques et/ou cliniques dysimmunitaires [36,37] (mais elles sont rares…) : a) un dosage des auto-anticorps (IgG4) positif [38] (mais la valeur prédictive négative est faible [29,30]) ; b) une cholangite sclérosante / inflammatoire [39-42], et/ou une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI) [43,44]. La cholestase est fréquente au cours de la PCAI ; elle peut être liée à une compression de la voie biliaire principale par une masse céphalique mais plus souvent, elle est liée à une atteinte spécifique et inflammatoire de la voie biliaire principale et/ou des voies biliaires intrahépatiques [35,39-41]. En cas de « résection inappropriée » d’une forme pseudo-tumorale, l’atteinte de la voie biliaire peut être une cause post opératoire de cholestase [45] et peut apparaître de façon métachrone [46]. Le diagnostic différentiel avec un cholangiocarcinome peut être très difficile [47]. Une MICI (maladie de Crohn, rectocolite ulcéro-hémorragique) peut être associée [29,30,43,44] ; l’atteinte pancréatique est d’ailleurs considérée aujourd’hui comme une manifestation extra-intestinale des MICI. Cependant, l’atteinte digestive est inconstante et peut apparaître de façon métachrone (quelques jours à plusieurs années), plus souvent d’ailleurs en cas de rectocolite hémorragique (56 %) qu’en cas de maladie de Crohn (20 %) [29,30,43]. c) une autre maladie « auto-immune » [37] (syndrome de Sjögren, pemphigoïde bulleuse, thyroïdite, diabète…), des adénopathies cervicales ou intraabdominales, une fibrose rétropéritonéale [48] des sténoses vasculaires (veineuse ou artérielle) péripancréatiques. Quand la biopsie est-elle utile ? Lorsque le contexte clinique n’est pas évocateur et en dehors de toute atteinte extra-pancréatique, le doute • • • • • •
diagnostique peut justifier la PSEE [29,30,35,49]. – dans la forme « diffuse », plusieurs diagnostics peuvent être évoqués à tort (adénocarcinome infiltrant, plasmocytome, métastases) mais le premier diagnostic différentiel est le lymphome pancréatique, en particulier s’il existe au sein de l’élargissement global du parenchyme une ou plusieurs masses « pseudotumorales » et/ou de volumineuses adénopathies cœliaques [50,51]. Inversement, le lymphome peut simuler une PCAI (d’autant qu’en cas de prescription d’une corticothérapie !... elle peut être temporairement efficace [29]). La PSEE est alors très utile ; en cas de lymphome, l’immunomarquage qui montre une infiltration monoclonale par des lymphocytes B (et non pas T), doit permettre le diagnostic. – dans la forme « pseudo-tumorale » : l’imagerie peut évoquer une tumeur maligne ; « ceci peut aboutir à l’indication inappropriée d’une résection pancréatique, voire d’une chimiothérapie si une biopsie n’est pas réalisée » [29]. L’association d’une masse pancréatique à une infiltration des tissus péri-pancréatiques (20 %), peut conduire, en l’absence de diagnostic histologique, au diagnostic erroné de « cancer localement avancé » [52]. Plusieurs séries publiées montrent que trois fois sur quatre, le diagnostic de PCAI est posé après l’examen anatomo-pathologique de la pièce opératoire [32,33,53,54]. La tomographie à émission de positrons après injection de 18-fluorodéoxyglucose n’est pas contributive ; une fixation peut encore plus orienter à tort vers le diagnostic d’adénocarcinome [55]. La PSEE, dont l’utilité a été suggérée par les auteurs japonais depuis une dizaine d’années, peut être une aide précieuse au diagnostic [49,56,57]. Elle serait rentable trois fois sur quatre [58], en éliminant le diagnostic de tumeur maligne mais aussi en évo• • • • • •
quant la PCAI en présence de l’association d’une fibrose pancréatique avec destruction des canaux et d’un infiltrat lymphoïde très évocateurs de cette affection [59] ; cependant, le prélèvement de petite taille peut méconnaître les lésions typiques, d’autant qu’elles peuvent être focales et situées en dehors de la zone biopsiée [35].
Les « incidentalomes » pancréatiques solides La prévalence des « incidentalomes » solides du pancréas est en augmentation apparente ; en effet, ils sont de plus en plus fréquemment rencontrés à l’occasion d’un bilan d’imagerie effectué le plus souvent pour des douleurs abdominales atypiques, sans relation avec la lésion pancréatique [7], ou la surveillance d’un cancer [60]. Il est indispensable de déterminer s’il s’agit d’une lésion maligne ou susceptible de dégénérer. Il peut s’agir d’un petit adénocarcinome, d’une TNE non fonctionnelle, d’une métastase, mais aussi d’un foyer de pancréatite (quelle qu’en soit l’origine) ou d’un cystadénome séreux pseudo-solide (ce qui est très rare). Deux séries nord-américaines publiées récemment ont montré que 30 % des incidentalomes étaient malins : a) la première série analyse 1 944 duodénopancréatectomies céphaliques dont 118 réalisées pour des incidentalomes ; 31 % avaient une tumeur maligne (10 % d’adénocarcinomes), dont le pronostic après résection était meilleur que celui des « non-incidentalomes », et près d’un malade sur deux avait une lésion potentiellement maligne [61] ; b) la seconde série rapportait 57 « incidentalomes » (16 % des lésions pancréatiques documentées au cours de 6 années) ; 60 % étaient solides, 54 % étaient dans la tête, et 33 ont été réséqués. Trente pour cent étaient des adénocarcinomes et 19 % étaient des TNE. Six patients avaient une tumeur localement avancée et 9 étaient métastatiques. Les incidentalomes > 2 cm de diamètre étaient malins huit fois sur 10 [60].
Quand ne pas biopsier ? S’il s’agit d’une lésion tissulaire unique hétérogène, à limite floue, infiltrante, résécable chez un malade opérable, la PSEE n’est pas utile ; il s’agit très probablement d’un petit adénocarcinome et l’indication opératoire est formelle. Quand la biopsie est-elle utile ? En dehors du cas pré-cité et en dehors de la découverte de lésions métastatiques synchrones, qui peuvent être facilement accessibles à une biopsie percutanée, la PSEE est irremplaçable [2,7,62-65]. Elle permet d’obtenir une histologie, et de réaliser sur le matériel de ponction l’ensemble des études immuno-histo-chimiques nécessaires. Les TNE non fonctionnelles sont souvent découvertes de façon fortuite, y compris d’ailleurs à un stade métastatique [66]. Une lésion tissulaire unique à limite nette, se rehaussant après injection d’iode au scanner est habituellement une TNE, mais les antécédents du patient peuvent orienter vers une métastase. En l’absence de métastase(s) facilement accessible(s) à une biopsie percutanée, la PSEE est indiquée. Les marqueurs tumoraux ont un intérêt limité (la chromogranine A sérique est élevée plus d’une fois sur deux, mais le plus souvent en cas de métastases synchrones) ; la scintigraphie des récepteurs à la somatostatine peut être négative. La lésion solide peut avoir une composante kystique… ces lésions « mixtes peuvent être un adénocarcinome kystisé, une tumeur endocrine kystique, un cystadénocarcinome ou une tumeur intracanalaire papillaire mucineuse dégénérée : la PSEE peut être utile avant de proposer une résection chirurgicale.
Les métastases pancréatiques (MP) Le pancréas est un site inhabituel de métastases (MP), qu’elles soient uniques ou multiples. Elles peuvent s’observer dans les cancers du rein, les cancers du sein, les cancers broncho-pulmonaires, les mélanomes malins, ou d’autres tumeurs variées (cancers colo-
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rectaux [67], sarcomes...). L’imagerie peut simuler une TNE unique ou multiple. La tomodensitométrie montre une (ou des) lésion(s) iso- ou hypodenses avant injection, qui se rehaussent en périphérie après injection de produit de contraste iodé. L’hypervascularisation des métastases de cancer du rein est classique à la phase artérielle précoce de l’injection. En IRM, ces tumeurs apparaissent généralement hypointenses sur les séquences pondérées en T1, et hyperintenses et hétérogènes sur les séquences T2. L’échoendoscopie est très utile pour le diagnostic en montrant des lésions peu hypoéchogènes ou isoéchogènes, homogènes, arrondies, bien limitées. La PSEE est inutile lorsque le cancer primitif est connu et s’il existe d’autres sites métastatiques ; par contre, elle peut permettre le diagnostic lorsque le pancréas est le seul site métastatique. Les MP peuvent survenir très tard dans l’histoire naturelle de la maladie, en particulier dans les cancers du rein, dont le pancréas est le seul site métastatique dans près de 80 % des cas. Certains patients peuvent être candidats à une résection, en particulier ceux porteurs de MP de cancers du rein [68,69].
Existe-t-il aujourd’hui une alternative à la biopsie sous échoendoscopie lorsqu’une biopsie est indiquée ? La ponction d’une masse solide du pancréas peut être réalisée par voie percutanée, sous contrôle échographique ou tomodensitométrique [70,71] ; cependant, pour les lésions de petite taille ou d’accès difficile, seule la PSEE est performante [6,71,72] ; la morbidité et le risque de dissémination péritonéale sont plus faibles [73]. La nécessité d’une biopsie per-opératoire est devenue très rare. Il n’y a pas d’étude prospective qui porte sur un grand nombre de malades et qui compare les différentes méthodes ; cependant, une étude de coût-effica-
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cité a montré que pour le cancer du pancréas non métastatique, la PSEE était supérieure à la ponction guidée sous contrôle tomodensitométrique (et à la biopsie chirurgicale) [74]. Elle est supérieure à la TDM pour documenter les TNE [28]. La PSEE permet la biopsie du pancréas (y compris du crochet, mais aussi de ganglions situés dans la région cœliomésentérique et au niveau du pédicule hépatique [1,4,20,75-77]. Par ailleurs, la voie écho-endoscopique permet de ponctionner lorsqu’il existe un important réseau veineux collatéral en cas de thrombose de la veine splénique et/ ou de l’axe mésentérico-porte, ce qui est une contre indication à la voie percutanée [78]. En revanche, nous l’avons dit, il est logique de recourir à une biopsie percutanée d’une lésion métastatique facilement accessible plutôt que de recourir à une ponction de la lésion pancréatique.
Les complications Le taux des complications de l’échoendoscopie est inférieur à 0,1 %. Avec les appareils sectoriels linéaires, le taux des complications significatives observés après PSEE varie de 1 à 2 % et la mortalité est de l’ordre de 0,1 % ; le risque de pancréatite (0-2 %) et le risque hémorragique (1 %) sont très faibles [1,2,6,20,76,79-82]. Le risque de pancréatite est voisin de 2 % lorsqu’il s’agit d’une tumeur bénigne, que le pancréas est sain, et que le trajet intra pancréatique de la ponction est long (crochet en particulier) ; il est recommandé de ne pas traverser le canal pancréatique lorsqu’il est dilaté en amont d’une sténose [83]. Le risque de bactériémie est très bas et il est probablement comparable à celui d’une gastroscopie diagnostique ; une antibio-prophylaxie systématique n’est donc par recommandée pour la biopsie d’une masse solide ou d’adénopathies (en dehors des patients diabétiques, ou porteurs d’une valvulopathie) [84].
Le risque de dissémination péritonéale après PSEE paraît très faible ; il n’existe pas en cas d’abord trans-duodénal d’une tumeur céphalique ; le trajet trans-mural de la ponction est d’ailleurs réséqué en cas d’indication de duodéno-pancréatectomie céphalique. En revanche, ce risque théorique doit être pris en considération en cas de tumeur de la région corporéocaudale résécable, car l’aiguille doit traverser l’arrière cavité des épiploons [2]. Une étude rétrospective monocentrique a montré que le risque d’ensemencement péritonéal était significativement supérieur en cas de biopsie per-cutanée qu’en cas de PSEE ; les deux groupes de malades étaient comparables pour le diamètre de la tumeur et le stade tumoral pré-thérapeutique ; tous les malades recevaient une radiochimiothérapie néoadjuvante ; la carcinose péritonéale a été prouvée histologiquement ou documentée par scanographie. Une carcinose survenait chez 2,2 % des malades (n = 1/46) en cas de PSEE (0 % en cas de tumeur réséquée) et chez 16,3 % des malades (n = 7/43 ; p < 0.025) en cas de biopsie percutanée guidée par la TDM [73]. Pour améliorer la fiabilité de la PSEE, la société Américaine d’Endoscopie Digestive(ASGE) a recommandé la réalisation de 50 PSEE « sous tutorat » pour obtenir la compétence [85].
Conclusion La PSEE d’une masse solide pancréatique est une technique sûre, fiable et efficace ; elle est indiquée chaque fois qu’un examen histologique peut avoir un intérêt diagnostique et/ou thérapeutique. Cependant, il est des cas où elle n’est pas utile : a) lorsque les arguments cliniques, radiologiques, et éventuellement écho-endoscopiques, permettent le diagnostic et que l’histologie ne modifiera pas le traitement ; b) lorsqu’un site métastatique est facilement accessible à une biopsie percutanée. • • • • • •
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Les points forts Quand ne pas biopser une masse solide du pancréas ? Diagnostic n° 1 : ADENOCARCINOME (80 %) Tumeur résécable typique (80 %) Pas de biopsie
Tumeur non résécable (80 %) Biopsie (PSEE) (+ drainage VBP)
Complications, essaimage, faux négatifs PAS DE MODIFICATION DU TRT
En l’absence de lésion Métastatique facilement accessible à une biopsie percutanée
Sauf protocole néo-adjuvant
Avant tout traitement
TNE sécrétantes résécables Pas de biopsie Syndrome sécrétoire Imagerie conventionnelle et métabolique
Diagnostic n° 2 : TNE
TNE non fonctionnelles Biopsies (PSEE) Si < 2 cms +++ Incidentalomes solides
Autres diagnostics : « formes pseudo-tumorales » PC, PCAI, métastases… Pas de biopsies vs PSEE : contexte clinique et radiologique évident vs doute diagnostique, en particulier en cas de « petites » lésions (< 2 cms)
Question à choix unique Question 1 Dans quelle situation suivante, peut-on éviter une ponction pancréatique sous échoendoscopie ? ❏ A. Tumeur résécable typique d’adénocarcinome ❏ B. Tumeur non résécable ❏ C. Tumeur résécable atypique chez un patient atteint de RCH ❏ D. Tumeur d’allure endocrine de 2 cm ❏ E. Tumeur évocatrice d’adénocarcinome avec résécabilité douteuse
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Post’U (2009) 113-116
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Les douleurs périnéales Objectifs pédagogiques – Connaître les principales causes d’algies pelviennes ; – Connaître la stratégie d’exploration ; – Connaître les traitements disponibles et leurs résultats.
Introduction Les douleurs périnéales sont un motif fréquent de consultation dans les centres anti-douleurs (4-5 % des consultations) après que les différentes spécialités médicales (dermatologie, proctologie, gynécologie, urologie, neurologie etc.) ont éliminé une cause organique. Ces douleurs «sans cause» sont particulièrement difficiles à traiter, nécessitant fréquemment une approche multidisciplinaire. Parmi elles, sont de mieux en mieux identifiées les névralgies pudendales, ilioinguinales, ilio-hypogastriques, et génito-fémorales, les douleurs à composante ostéo-ligamentaire, le syndrome myofascial, les douleurs d’origine musculaire et veineuse.
Les névralgies pudendales Les névralgies pudendales correspondent à une douleur d’origine neurologique sur le territoire du nerf pudendal. Il peut s’agir d’une atteinte radiculaire, plexique ou tronculaire. Les lésions radiculaires sont observées
en cas de syndrome de la queue de cheval, de canal lombaire étroit, de fracture ou de tumeur du sacrum. Les lésions plexiques (siégeant au niveau du plexus pudendal) ont été décrites après amputation du rectum, hystérectomie élargie, accouchement difficile avec délivrance par forceps, ou étirement sur table de chirurgie orthopédique. Les lésions tronculaires sont secondaires à une compression du nerf pudendal, à des lésions d’étirement ou à d’autres causes toxiques, infectieuses, métaboliques responsables de polyneuropathie. Dans le syndrome du canal d’Alcock, le nerf pudendal est comprimé dans son passage au travers du dédoublement aponévrotique de l’obturateur interne ou au niveau de l’épine sciatique entre le ligament sacro-épineux et sacro-tubéral. Les critères indispensables au diagnostic de syndrome canalaire du nerf pudendal ou de névralgie pudendale d’origine compressive (Critères de Nantes) [1] sont : 1) Douleur située dans le territoire anatomique du nerf pudendal (de l’anus à la verge ou au clitoris) ; 2) Douleur prédominant en position assise alors que les patients sont soulagés lorsqu’ils sont assis sur le siège des toilettes ; 3) Douleur ne réveillant pas la nuit. 4) Absence de déficit sensitif objectif. Devant tout déficit sensitif superficiel périnéal, il faudra évoquer avant tout une atteinte lésionnelle
A.-M. Leroi () Faculté de Médecine de Rouen, ADEN EA4311, CHU, 1, rue de Germont, F-76031 Rouen E-mail :
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A.-M. Leroi
radiculaire sacrée (syndrome de la queue de cheval) ou plexique sacrée. 5) Soulagement des douleurs après la réalisation d’une infiltration anesthésique du nerf pudendal. D’autres critères sont considérés comme évocateurs ou compatibles avec le diagnostic, mais sans être indispensables. Il s’agit de sensation de brûlures, de décharges électriques, de tiraillement ou d’engourdissement, d’une allodynie (intolérance cutanée par exemple au port de vêtement), d’une aggravation des douleurs au cours de la journée, d’une douleur à prédominance unilatérale, apparaissant après la défécation et/ou déclenchée par la pression de l’épine sciatique. Au contraire, des douleurs uniquement coccygiennes, fessières, pubiennes ou hypogastriques, les douleurs paroxystiques (devant faire rechercher une lésion nerveuse tumorale), à type de prurit, ou survenant exclusivement pendant la défécation, la miction, les rapports sexuels, permettent d’exclure le diagnostic de syndrome du canal d’Alcock [1]. Le diagnostic de névralgie pudendale par atteinte canalaire est un diagnostic clinique. Les explorations complémentaires permettront soit d’évoquer une autre origine aux douleurs périnéales du patient (tests électrophysiologiques périnéaux et imagerie), soit de donner des facteurs prédictifs avant une intervention de décompression du
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nerf pudendal (tests électrophysiologiques périnéaux) [1]. Lorsque le diagnostic de syndrome du canal d’Alcock est suspecté, l’infiltration (le plus souvent scanno-guidée) permettra de confirmer l’hypothèse diagnostique et de soulager le patient. Si les infiltrations apportent un bénéfice de trop courte durée, une intervention visant à libérer puis à transposer le nerf pudendal peut être proposée [2]. Les névralgies pudendales peuvent parfois s’accompagner de douleurs à composante sympatalgique. Il s’agit de sensation de corps étranger au niveau rectal, de « bête qui ronge ou qui grouille ». Ces douleurs peuvent être améliorées par une infiltration du ganglion impar, dernier ganglion sympathique pré-vertébral situé au niveau sacro-coccygien [1].
Autres névralgies Le tableau ci-dessous récapitule les principales névralgies entraînant des manifestations douloureuses périnéales [3]. Ces douleurs ont deux caractéristiques : elles correspondent à un territoire d’innervation et elles se traduisent par des paresthésies (picotements, engourdissements, pelote d’aiguilles), des décharges électriques, ou des brûlures. Le patient peut également signaler une allodynie. L’existence de dysesthésies au contact (contact qui déclenche des sensations désagréables), d’une hypoesthésie au piquer-toucher ou au chaud-froid est très évocatrice de douleurs neurogènes.
Nerf Ilio-inguinal
Les douleurs à composante ostéo-ligamentaire Le syndrome de la charnière dorso-lombaire Il est dû à une irritation des nerfs rachidiens D12 et L1 qui émergent du rachis au niveau de la charnière dorsolombaire. Ces deux nerfs innervent par leur branche antérieure, les plans cutanés de la région abdominale inférieure, la face interne des cuisses à leur partie supérieure, les grandes lèvres ou le scrotum, le pubis. De chacune
Racines Innervation motrice D12-L1
Ilio-hypogastrique D12-L1 Génito-fémoral
L1-L2
Fémoro-cutané latéral
L2-L3
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Lorsque la symptomatologie est compatible avec une névralgie dans le territoire d’un de ces nerfs, l’origine rachidienne doit être recherchée et une infiltration anesthésique envisagée. Il peut également s’agir d’une atteinte tronculaire dans un territoire cicatriciel, par exemple, post-chirurgicale.
Oblique interne Transverse Oblique interne Transverse Portion latérale du bulbo-caverneux Aucune
Innervation sensitive Partie supéro-médiane de cuisse – racine du pénis – partie supérieure du scrotum – mont de Vénus - grande lèvre Partie supéro-latérale de cuisse région pubienne Partie supérieure et médiale de cuisse – grande lèvre -scrotum partie latérale et antérieure de cuisse
des branches antérieures se détache, à la verticale du trochanter, un rameau cutané perforant latéral qui innerve la peau de la partie supero-externe de la cuisse. Les rameaux cutanés de leur branche postérieure innervent les plans cutanés de la région lombaire inférieure et de la partie supérieure des fesses [4]. La manifestation la plus fréquente du syndrome de la charnière dorso-lombaire est une lombalgie basse simulant une lombalgie d’origine lombo-sacrée ou sacro-iliaque. Il peut également s’agir de douleurs abdominales basses pseudo-viscérales, ou de douleurs simulant une bursite trochantérienne ou plus rarement de douleur pubienne [5]. L’examen clinique recherchera une douleur provoquée à la pression des épineuses, des manifestations cellulagiques (pincer-rouler douloureux dans le territoire des nerfs rachidiens), un point gâchette au niveau de la crête iliaque (trigger point). Le traitement comporte des manipulations du segment thoraco-lombaire et en cas d’inefficacité, une infiltration anesthésique au niveau du point articulaire postérieur, douloureux à l’examen.
La coccygodynie Elle correspond à une douleur en position assise, strictement localisée au coccyx, reproduite par la pression du • • • • • •
coccyx par voie externe ou lors du toucher rectal. Elle peut parfois être le témoin d’une instabilité coccygienne démasquée par les clichés dynamiques du coccyx (une instabilité supérieure à 25° entre position debout et assise étant considérée comme pathologique). Lorsque le coccyx reste stable, les douleurs peuvent être dues à une arthrose inter-coccygienne ou une épine coccygienne. Le traitement consiste essentiellement en la réalisation d’infiltrations [6].
Douleurs d’origine musculaire Les douleurs d’origine musculaire sont le plus souvent mixtes liées à la contracture musculaire d’une part, et à la compression des nerfs sciatiques, nerf cutané postérieur de cuisse, voire nerf pudendal, qui peuvent entrer en conflit avec le muscle hypertonique, d’autre part [6].
mise en tension du muscle pouvant réveillant la douleur, points douloureux à la palpation). La prise en charge est essentiellement rééducative.
Syndrome myofascial Le syndrome myofascial est défini par un syndrome douloureux musculaire avec faiblesse motrice, corde musculaire tendue, point gâchette et douleur référée. Il serait dû à un dysfonctionnement neuro-musculaire localisé, entraînant une sensibilisation des nocicepteurs de voisinage. La douleur myofasciale s’exprime par une douleur régionale complexe, mais reproductible à l’examen clinique [6]. Peuvent être responsables de douleurs pelviennes, l’élévateur de l’anus, le muscle piriforme, le muscle obturateur interne, le psoas, le droit fémoral, le transverse profond.
Varices pelviennes Le syndrome du muscle piriforme Il provient de la contracture du muscle piriforme qui s’insère entre le grand trochanter et l’os iliaque. Il se traduit par une douleur fessière avec des irradiations descendantes à la face postérieure de cuisse. Ces douleurs sont aggravées en position assise, par des efforts physiques comme la marche, le soulèvement, la montée des escaliers. À l’inverse, les patients peuvent être soulagés en position assise par la mise en flexion et abduction passive du membre inférieur (ce qui entraîne un raccourcissement du muscle).
Le syndrome du muscle obturateur Il se différencie du précédent par des douleurs fessières et du membre inférieur mais prédominant en position assise et irradiant dans le territoire inguinal et périnéal (par contrainte du nerf pudendal cheminant dans l’aponévrose du muscle). Le diagnostic de ces douleurs musculaires est clinique (manœuvres de • • • • • •
Les varices pelviennes permanentes asymptomatiques, fréquentes dès la deuxième grossesse, peuvent néanmoins être à l’origine d’une symptomatologie spécifique invalidante. On distingue trois types de sémiologie clinique : 1) le syndrome de congestion pelvienne ; 2) les douleurs pelviennes focalisées à siège constant ; 3) les varices atypiques des membres inférieurs [7] Dans le syndrome de congestion pelvienne, les douleurs pelviennes sont aggravées en position debout à la marche, en fin de journée et en période pré-menstruelle. Une dyspareunie ou des douleurs postcoïtales durant 24 à 48 heures sont souvent associées. Une sensation de pesanteur périnéale, des urgences mictionnelles, une sensation de lourdeur de jambes sont inconstantes mais caractéristiques. L’association d’une palpation annexielle reproduisant les douleurs de la patiente et de dyspareunies chroniques post coïtales aurait une bonne sensibilité dans la distinction entre le syndrome de congestion
pelvienne et les autres causes de douleurs pelviennes [8]. Les douleurs pelviennes peuvent également être localisées à un viscère en rapport avec les varices (cystalgie, douleurs abdominales incompatibles avec le diagnostic de côlon irritable). Les examens paracliniques sont essentiellement radiologiques. Une échographie endovaginale, si possible couplée au doppler, est l’examen de première intention. Lorsque le diagnostic est confirmé, le traitement endovasculaire est à l’heure actuelle, la solution thérapeutique proposée.
Conclusion Les douleurs périnéales chroniques sont parfois difficiles à prendre en charge compte tenu des incertitudes diagnostiques et des problèmes thérapeutiques rencontrés. Il est important de rechercher des éléments évocateurs de douleur neuropathique, musculaire, rachidienne qui permettront d’orienter le diagnostic et le traitement proposé (antidépresseurs, antiépileptiques, kinésithérapie, infiltrations etc.).
Références 1. Labat JJ, Riant T, Robert R. Critères diagnostiques d’une névralgie pudendale (critères de Nantes). Pelv Perineol 2007:2;65-70. 2. Mauillon J, Thoumas D, Leroi AM, Freger P, Michot F, Denis P. Results of pudendal nerve neurolysis-transposition in twelve patients suffering from pudendal neuralgia. Dis Colon Rectum 1999;42:186-92. 3. Benson JT. Neuropathic pain. In Chronic pelvic pain. An integrated approach. Eds Steege JF, Metzger DA, Levy BS. 1998 WB Saunders Company. 4. Maigne JY, Lazareth JP, GuérinSurville H, Maigne R. The lateral cuta-
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neous branches of the dorsal rami of the thoraco lumbar junction. An anatomical study on 37 dissections. Surg Radiol Anat 1986;8:251-6. 5. Maigne R. Le syndrome de la charnière dorso-lombaire. Lombalgies basses, douleurs pseudo-viscérales, pseudodouleurs de hanche, pseudo-tendinite
des adducteurs. Sem Hôp Paris 1981; 57:545-54. 6. Labat JJ, Guérineau M, Bensignor M, Robert R. Composantes pariétales et musculo-squelettiques des algies pelvi-périnéales. In Pelvi-Périnéologie. Eds Blanc B, Siproudhis L.1995. Springer-Verlag.
7. Greiner M. Varices pelviennes symptomatiques : diagnostic et traitement. Pelv Perineol 2007;2:27-32. 8. Beard RW, Reginald PW, Wadsworth J. Clinical features of women with chronic lower abdominal pain and pelvic congestion. Br J Obstet Gynaecol 1998;95:153.
Les points forts ➊ ➋ ➌ ➍
Les névralgies pudendales sont liées à une atteinte radiculaire, plexique ou tronculaire sacrée. Le syndrome canalaire pudendal est caractérisé par des douleurs situées dans le territoire du nerf pudendal, prédominantes en position assise, ne réveillant pas la nuit, sans déficit sensitif et soulagées par l’infiltration. Une lésion des nerfs ilio-inguinaux, ilio-hypogastriques, génito-fémoraux peut provoquer des douleurs périnéales neurogènes. Une atteinte des muscles périnéaux peut provoquer des névralgies périnéales.
Questions à choix unique Question 1 Quel critère n’est pas compatible avec le syndrome du canal d’Alcock ? ❏ A. douleurs situées dans le territoire du nerf pudendal ❏ B. douleurs réveillant la nuit ❏ C. douleurs prédominant en position assise ❏ D. douleurs soulagées après infiltration anesthésique ❏ E. absence de déficit sensitif
Question 2 Ne sont pas évocatrices d’une douleur neurologique : ❏ A. douleurs associées à des troubles sensitifs ❏ B. douleurs associées à un déficit moteur ❏ C. douleurs dans le territoire d’un nerf ❏ D. douleurs lors des efforts ❏ E. douleurs associées à un signe de Tinel
Question 3 Les douleurs majorées en position assise sont caractéristiques : ❏ A. de la neuropathie ilio-inguinale ❏ B. de la neuropathie ilio-hypogastrique ❏ C. du syndrome du muscle obturateur ❏ D. du syndrome de la charnière dorso-lombaire ❏ E. du syndrome du muscle piriforme
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Post’U (2009) 117-123
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Orienter la prise en charge chirurgicale d’un trouble fonctionnel anorectal Objectifs pédagogiques – Connaître les principales pathologies fonctionnelles de la sphère ano-rectale et les indications chirurgicales théoriques ; – Connaître les explorations utiles en préopératoire ; – Connaître les traitements disponibles et leurs résultats.
Introduction et pré-requis Position du problème Les troubles de la continence et de la défécation sont des symptômes assez fréquemment rapportés chez les personnes qui consultent en proctologie et dans les unités de soins spécialisés [1,2]. En revanche, les données épidémiologiques françaises sont peu nombreuses et l’analyse des filières de prise en charge imprécises [3]. Par ailleurs, il est rarement fait état des associations symptomatiques parce que le thérapeute considère, à tort ou à raison, que les malades ont habituellement un seul type de plainte qui motive l’avis médical ou chirurgical. Finalement, les plaintes fonctionnelles anorectales sont souvent sous-estimées par la réticence qu’ont les personnes malades à évoquer des symptômes jugés dégradants et les thérapeutes à rechercher un handicap dont ils ont des difficultés à assurer la prise en charge. Une enquête française [4] par questionnaire auto-administré (31 items) adressé par voie postale s’est attachée à préciser les principaux
symptômes anorectaux survenus dans l’année qui a précédé l’envoi du questionnaire (N = 10 000) : les troubles fonctionnels anorectaux concernaient plus d’une personne sur quatre : les troubles de la continence sont rapportés chez 16,8 % (N = 1 208) et des troubles de l’évacuation chez 22,4 % (N = 1 611) d’entre eux. Les éléments marquants des résultats concernent la fréquence des associations symptomatiques, le retentissement symptomatique sur la qualité de vie et le caractère limité de demande de prise en charge médicale. Les troubles de l’évacuation rectale sont présents chez au moins deux tiers des incontinents fécaux. Pour autant, la demande de soins et de prise en charge médical reste perfectible : 58,3 % des personnes ayant un trouble fonctionnel proctologique n’ont jamais consulté pour ce motif, et tout particulièrement ceux qui souffrent d’incontinence (67,4 %). Dans la moitié des cas, il n’a été proposé aucune exploration complémentaire à ceux qui ont consulté : les examens d’explorations fonctionnelles (défécographie, échographie et manométrie) ne sont réalisés que dans 0,3 à 3,6 % des cas.
La prise en charge chirurgicale des troubles fonctionnels anorectaux en France Au cours de l’année 2006, le traitement chirurgical des troubles de la statique rectale en France a été réalisé par rectopexie dans 3 097 cas (dont
L. Siproudhis () CHRU Pontchaillou, Service de Gastroentérologie, F-35033 Rennes cedex E-mail :
[email protected] ■
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L. Siproudhis 2 389 par coelioscopie) et dans 5 795 cas par voie transanale (dont 2 543 cas pour prolapsus rectal). Le traitement d’une procidence rectale interne ou d’une rectocèle par plicature hémi-circonférentielle antérieure a été effectué 3 342 fois. Durant la même période, il était effectué un geste périnéovaginal de colpopérinéorraphie postérieure dans 10 894 cas. Une réparation sphinctérienne était réalisée pour traitement de l’incontinence fécale dans 280 cas, la mise en place d’un sphincter anal artificiel dans 22 cas, une reconstruction par transposition musculaire dans 32 cas et l’implantation d’un électro-stimulateur dans 375 cas (données ATIH 2006, secteurs publics et privés). On peut estimer qu’environ 20 000 actes chirurgicaux sont réalisés annuellement en France pour le traitement des troubles fonctionnels ou de la statique anorectale. Ce chiffre peut apparaître important mais il est faible comparé à la prévalence des symptômes rapportés dans le cadre des questionnaires auto administrés. On conçoit que le recours à la chirurgie soit un évènement rare dans la prise en charge d’une pathologie donnée ou dans le cadre de la réponse thérapeutique à des plaintes d’ordre fonctionnelle. Plusieurs raisons peuvent être avancées : le recours aux soins limités dans ce champ symptomatique (comme cela a été évoqué plus haut), l’efficacité des thérapeutiques non chirurgicales, les réticences des praticiens et des malades à une
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prise en charge chirurgicale d’un trouble fonctionnel pelvien, l’inconstance des résultats et la morbidité des gestes chirurgicaux.
Difficultés de la prise en charge des suites et séquelles fonctionnelles de la chirurgie Finalement, un concept simple qui applique un lien direct entre plusieurs symptômes et une anomalie responsable n’est pas facilement applicable au champ des troubles fonctionnels anorectaux. Si les liens sont importants en termes de prévalence et d’association, le praticien consulté doit garder à la fois réserve et modestie dans ses objectifs thérapeutiques, a fortiori, si celui-ci doit prendre en charge chirurgicalement un trouble de l’évacuation. De fait et sur un plan conceptuel, l’approche multimodale des troubles fonctionnels semble une stratégie plus adaptée que celle d’une approche chirurgicale radicale et salvatrice. Ces réserves sont une invitation à décomposer l’approche de la prise en charge des troubles fonctionnels anorectaux après avoir répondu à des questions aussi simples que de décider de l’heure de la chirurgie (quand ?), de motiver l’approche par une corrélation anatomoclinique (le poids de la clinique et des explorations), et de discuter son mode de réalisation (comment ?).
Quand ? (envisager l’heure de la chirurgie) La prise en charge des troubles fonctionnels anorectaux comme la constipation d’évacuation, les troubles de la continence ou les algies pelviennes reposent implicitement sur la recherche d’une solution thérapeutique non chirurgicale lorsqu’elle est envisageable. Le constat d’un échec ou d’une insuffisance de bénéfice thérapeutique après une approche de première ou de seconde ligne ne saurait être à lui seul une indication opératoire. Plusieurs conditions doivent être remplies avant d’envisager l’heure de la chirurgie.
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Tableau 1. Cinq questions à poser au malade avant chirurgie Quelle question ? Quelles sont chacune des plaintes présentes à l’étage pelvien ?
Quelle est la plainte la plus importante ?
En quoi cette plainte est gênante ?
Êtes-vous prêt(e) à un traitement chirurgical éventuel ?
Quel niveau d’amélioration attendez-vous du traitement ?
Quelle est l’attente thérapeutique du malade ? La demande de prise en charge des plaintes s’exprime lors de la première consultation mais sa formulation et l’attente du malade ne sont parfois pas clairement précisées. La demande peut être celle d’une réassurance diagnostique simple (manœuvres endovaginales défécatoires efficaces mais jugées anormales) ou d’une approche mini invasive (suintement post défécatoire chez une personne âgée). De fait, il est important que le clinicien consulté fasse clairement préciser les plaintes dans leur diversité, leur retentissement, qu’il priorise la plainte à prendre en charge et qu’il définisse les approches thérapeutiques acceptables par le malade (Tableau 1). Finalement, l’objectif fixé par le malade et celui du praticien consulté sont parfois différents. Une disparition complète est souvent une option trop ambitieuse et c’est une source d’insatisfaction de la personne soignée. Ce constat est particulièrement vrai dans le champ du traitement de l’incontinence où l’amélioration symptomatique est fréquente y compris après prise en charge non chirurgicale [5,6] mais la disparition complète des plaintes exceptionnelle y compris avec les thérapeutiques les
Exemples Recherche exhaustive des troubles de la continence et des manifestations dyschésiques. Procidence décrite isolée ou associée à une procidence génitale. Les troubles de la continence représentent souvent mais non toujours la plainte la plus importante chez des personnes qui souffrent d’incontinence et de difficultés d’évacuation Retentissement sur les faits de la vie de tous les jours. Perte de l’estime de soi, dépression, vie sociale et maritale. Le recours à un geste chirurgical pour une incontinence ou une constipation est parfois exclu d’emblée par le malade. Le terrain et l’âge de survenue peuvent également représenter un frein à la prise en charge. La prise en charge de troubles de la continence, quelle qu’elle soit, ne saurait faire disparaître la plainte mais vise surtout à en réduire l’intensité et la fréquence.
plus efficientes (neuromodulation des racines sacrées) [7].
Prise en charge thérapeutique en paliers : le contrat avec le malade En dehors du cas précis des prolapsus rectaux ou génitaux, l’approche chirurgicale d’emblée des troubles fonctionnels anorectaux est le plus souvent graduée et multimodale. De fait, les troubles de la continence fécale imposent-ils, en première intention, une analyse rigoureuse et un traitement des troubles du transit. En cas d’efficacité insuffisante, les conseils d’hygiène défécatoire et le cas échéant des procédures de rééducation sont proposés [5,6]. Le recours à des explorations complémentaires ne sera envisagé que lorsqu’une approche chirurgicale est envisagée. Cette stratégie par palier doit être connue et expliquée au malade pour entraîner son adhésion et une motivation suffisante à chaque étape du traitement. Le praticien doit ainsi proposer une sorte de plan de soins, des outils d’évaluation simples (calendrier des selles et des accidents d’incontinence) ainsi que des rendez-vous de suivi et d’évaluation [6]. • • • • • •
Les stratégies thérapeutiques non chirurgicales ont-elles été proposées ? Lors des demandes de prise en charge chirurgicale, il est parfois surprenant de constater que les stratégies thérapeutiques non invasives n’ont été ni testées, ni évaluées dans leurs résultats. Il n’est pas rare que soit proposé un test de neuromodulation des racines sacrées alors que le contrôle des troubles du transit et des habitudes défécatoires n’est pas acquis. De même, des troubles de l’évacuation sont ils parfois régressifs en modifiant la consistance des selles chez une personne ayant une rectocèle importante. Cette démarche est souvent négligée par les praticiens et les malades eux-mêmes dans la quête d’une solution chirurgicale salvatrice et radicale d’emblée. Il est indispensable que les options non chirurgicales soient proposées très tôt et proposées systématiquement, même dans la prise en charge d’un trouble de la statique pelvienne comme le prolapsus rectal extériorisé. La modification des habitudes défécatoires (réduire les efforts de poussées) et de la consistance des selles peut diminuer les plaintes associées (algies hypogastriques, faux besoins) et modifier les objectifs du traitement chirurgical. À l’inverse, la persistance d’une dyschésie après la correction chirurgicale d’une rectocèle est un facteur d’insatisfaction des malades alors que des mucilages ou des laxatifs osmotiques auraient pu permettre de contrôler ce symptôme avant chirurgie [8].
Les stratégies thérapeutiques non chirurgicales ont-elles été bien menées ? Le constat d’échec est souvent rapporté par les malades eux-mêmes ou leurs praticiens référents parce que les propositions initiales ont été jugées insuffisantes. Il est utile de faire préciser dans quelles conditions les traitements ont été employés et pour quelle période de temps. La pres• • • • • •
cription d’une rééducation visant à améliorer la qualité de la contraction volontaire en amplitude et durée est parfois substituée par une méthode d’électrostimulation simple qui ne constitue pas à proprement parler la rééducation prescrite. Les méthodes dites physiques ou kinésithérapiques sont utilisées indifféremment ou en association. La qualité des résultats dépend du type de prise en charge. Malgré un recours fréquent en pratique de soins, certaines méthodes comme l’électrostimulation anale directe n’ont pas fait aujourd’hui preuve d’efficacité dans le traitement de l’incontinence fécale [9]. Les mucilages proposés ou les freinateurs du transit ont été administrés à la demande ou de façon occasionnelle lorsqu’on les souhaitait en continu.
Comment ont été évalués les résultats des traitements réalisés ? Il est important que le praticien et le malade puissent analyser ensemble les résultats des traitements proposés. L’ambiguïté d’appréciation peut être sur les symptômes associés (ballonnements, douleurs abdominales, selles trop rares) alors que la plainte principale est contrôlée (incontinence). L’utilisation d’un calendrier des selles et des évènements est le plus souvent utile à l’analyse des résultats. Une stratégie de suivi et d’analyse des plaintes résiduelles est indispensable.
Pourquoi le malade est il insatisfait de cette première approche ? Finalement, le malade est-il insatisfait par l’efficacité insuffisante ou par la lourdeur du traitement proposé ? Ainsi, les modifications d’hygiène défécatoire peuvent-il être vécus comme contraignants par les malades souffrant de dyschésie (rehaussement du plan des pieds, suppositoires exonérateurs) alors même que celles-ci sont efficaces. Le plus souvent, l’insatisfaction est inscrite dans l’objectif attendu par le malade. Il poursuit la
quête d’une solution immédiate aux suites brèves et au recouvrement de son état de santé avant le début des troubles. Cet enjeu est difficile à atteindre aujourd’hui lorsqu’il existe des troubles fonctionnels anorectaux et c’est au praticien de poser avec le malade un objectif thérapeutique plus réaliste (cf. attente et objectifs thérapeutiques).
Pourquoi ? (argumentaire de la prise en charge chirurgicale)
Se convaincre de la pertinence et des limites de la clinique… Le praticien confronté à la prise en charge de troubles fonctionnels anorectaux peut à juste titre se poser la question de la pertinence d’explorations supplémentaires à son examen clinique avant d’orienter la prise en charge thérapeutique chirurgicale. Son objectif premier est de tenter de corréler symptômes et troubles fonctionnels ou anatomiques objectifs d’une part, en rechercher les associations, identifier le mécanisme dominant susceptible d’une prise en charge chirurgicale. Les données de l’examen clinique suffisent le plus souvent à l’identification des principales anomalies tant anatomiques (rectocèle, prolapsus rectal) que fonctionnelles (hypotonie anale, anisme). Si ces meilleurs atouts sont représentés par son excellente valeur prédictive négative, il est insuffisant au diagnostic d’entérocèle, de lésion sphinctérienne, de troubles de la sensibilité ou de la compliance rectale. Il ne quantifie pas toujours correctement la taille et la position d’une rectocèle [10]. Il ne permet pas enfin de préciser le trouble dominant en cas d’association (anisme et rectocèle). Finalement, il ne permet pas de quantifier objectivement un trouble de l’évacuation. Dans ces situations, le recours à des examens complémentaires est utile à l’orientation et à la prise en charge chirurgicale. Les principales explorations sont
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aujourd’hui représentées par les données de la pelvigraphie dynamique (défécographie avec opacification des différentes filières pelviennes) et l’endosonographie anale. Les explorations d’imagerie récentes comme l’IRM apportent des sources incomparables dans le champ des concepts pathogéniques et l’exploration musculoaponévrotique du pelvis. Elles confortent la curiosité des anatomistes et des chirurgiens mais elles sont aujourd’hui peu utiles à la prise de décision thérapeutique dans le champ des troubles de la statique pelvienne. La quantification des troubles de la statique pelvienne est imparfaite avec ces méthodes et il existe de nombreuses sources d’erreurs de mesure. La reproductibilité interobservateur y est souvent mauvaise. Finalement, cette exploration n’est pas effectuée dans des conditions très physiologiques et la dynamique pelvienne y est très artificielle [11]. Il est donc des situations anatomofonctionnelles où le recours à des explorations complémentaires est nécessaire avant chirurgie. Cependant, le recours est finalement limité : on peut analyser la stratégie de recours à des examens en fonction de la présence ou non de troubles de la statique pelvirectale sur les données de l’examen clinique initial (Fig. 1, 2). On peut schématiquement retenir l’utilité d’une exploration radiologique dynamique avant cure chirurgicale d’un trouble de la statique rectale : on attend de cette exploration la quantification du trouble, la recherche d’associations morbides à corriger dans le même temps opératoire et l’objectivation d’une évacuation incomplète. Cette stratégie est recommandée dans la prise en charge chirurgicale d’une rectocèle. À l’inverse, elle est inutile si on envisage une approche chirurgicale du traitement d’un prolapsus rectal par promontofixation. Dans cette situation, les troubles objectifs de l’évacuation sont rares : les troubles fonctionnels (incontinence, fausses envies) et les associations lésionnelles sont traitées dans le même temps opératoire
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par cette seule méthode (rectocèle, entérocèle) [12]. À l’inverse, on peut s’interroger sur la nécessité d’explorations complémentaires dans la prise en charge chirur-
gicale d’une incontinence fécale chez un malade n’ayant pas de trouble de la statique pelvienne. Dans une approche traditionnelle aujourd’hui ancienne, une exploration endosonographique
Troubles de la statique pelvirectale présents
Examen clinique ?
Symptômes ?
Explorations ?
N’explique probablement pas la plainte principale
Peut expliquer la plainte dominante
Lien anatomoclinique ?
Dyschésie et/ou syndrome rectal
Rectocèle ou entérocèle (1) : défécographie
Nouvelle évaluation de la plainte et quantification du symptôme
Incontinence
Prolapsus rectal extériorisé (2) : pas d’exploration
Procidence interne (3) : défécographie
Figure 1. Stratégie de recours minimal aux explorations complémentaires en cas de symptômes fonctionnels pelviens avec présence de troubles de la statique pelvienne lors de l’examen clinique (1) Le recours à une exploration radiologique complémentaire est justifié pour quantifier sa taille, rechercher des troubles intriqués de la statique (procidence interne…) et vérifier si cette anomalie s’accompagne d’un trouble objectif de l’évacuation rectale. (2) La constatation d’un prolapsus extériorisé devrait dispenser d’une exploration complémentaire radiologique si on envisage une promontofixation mais elle est nécessaire si un traitement par voie transanale est planifié (recherche d’une entérocèle). (3) La défécographie peut être justifiée pour préciser s’il s’agit ou non d’une procidence de haut grade. Dans cette dernière situation, le recours à une chirurgie de la procidence peut être justifié pour traiter l’incontinence.
Pas de trouble de la statique pelvienne
Examen clinique ?
Symptôme dominant ?
Fonction anale (1) ?
Explorations ?
Incontinence
Dyschésie
Hypotonie anale
Pas d'hypotonie anale
Anisme suspecté
Pas d’anisme
Défect sphinctérien : échographie (2)
Adaptation rectale (3) : manométrie
Confirmation (4) : manométrie
Réévaluer le symptôme dominant
Figure 2. Stratégie de recours minimal aux explorations complémentaires en cas de symptômes fonctionnels pelviens lorsqu’il n’existe pas de trouble de la statique pelvienne à l’examen clinique. (1) La fonction anale est évaluée par les données de l’examen clinique en fonction du tonus de repos du canal anal, sa longueur fonctionnelle, sa capacité de contraction en amplitude et en durée ainsi que la présence éventuelle d’une cicatrice ou d’une disparition des plis radiés en secteur (2) La recherche d’un défect sphinctérien en endosonographie n’a de justification thérapeutique que lorsqu’une réparation sphinctérienne est envisagée (3) L’absence d’anomalie fonctionnelle anale doit faire envisager un trouble adaptatif du rectum mais les options thérapeutiques dans ce domaine sont minces (4) L’examen clinique a une excellente valeur prédictive négative au diagnostic d’anisme mais on lui connait des faux positifs. La confirmation diagnostique peut être acquise par la manométrie et/ou la défécographie. Le diagnostic de cette anomalie a un intérêt thérapeutique et pronostique.
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Tableau 2. Troubles de la statique pelvirectale présents sur les données de l’examen clinique. Quel bénéfice symptomatique après chirurgie ? Anomalie anatomique dominante
Plainte recueillie à l’interrogatoire
Dyschésie Procidence génitale Algies pelviennes Dyspareunie Incontinence
Dyschésie Procidence génitale Algies pelviennes
Dyschésie Syndrome rectal Procidence anale Incontinence fécale Algies pelviennes
Dyschésie
Incontinence Algies et syndrome rectal
Les bénéfices et les limites que le malade doit connaître Rectocèle Disparition des troubles de l’évacuation dans un peu plus de la moitié des cas et disparition des manœuvres digitales défécatoires Correction anatomique plus de 8 fois sur 10 Bénéfice thérapeutique inconstant et mal évalué Pas de bénéfice thérapeutique évalué. Apparition de dyspareunies de novo après chirurgie périnéovaginale Bénéfice thérapeutique modeste et inconstant. Apparition ou persistance d’impériosités après certaines interventions (résection rectale tran anale) Entérocèle Ce trouble anatomique n’induit pas d’obstacle à l’évacuation. Les symptômes de constipation persistent habituellement après chirurgie. Correction anatomique plus de 8 fois sur 10 Le bénéfice thérapeutique de la correction de l’entérocèle sur les plaintes douloureuses pelvienne reste aléatoire. Prolapsus rectal extériorisé Il existe rarement des troubles objectifs de l’évacuation en rapport avec le prolapsus rectal mais plus souvent des fausses envies corrigées par le geste chirurgical Disparition habituelle des plaintes après chirurgie Correction anatomique plus de 9 fois sur 10 Régression importante et ou disparition dans plus de deux tiers des cas après promontofixation Disparition habituelle lorsque les douleurs pré opératoires sont des douleurs hypogastriques ou pelviennes à irradiation postérieure lors de l’exonération Procidence interne du rectum Cette entité anatomique peut être responsable de troubles de l’évacuation mais cette donnée est contestée et les résultats de la chirurgie sont décevants ou inconstants Certaines données récentes suggèrent que la correction anatomique de la procidence améliore de façon importante les troubles de la continence La correction chirurgicale n’améliore ces plaintes que dans la moitié des cas lorsqu’il existe des lésions muqueuses macroscopiques associées (syndrome de l’ulcère solitaire du rectum)
aurait été privilégiée à la recherche d’un défect sphinctérien parce que l’examen clinique a une sensibilité insuffisante. Le développement de stratégies mini invasives comme la neuromodulation des racines sacrées, y compris chez les malades ayant des défects sphinctériens peu étendus, remet en cause cette démarche parce qu’on ne connaît pas d’explorations ayant, dans ce champ thérapeutique, de valeur prédictive de succès [13].
Comment ? (fixer les objectifs thérapeutiques)
Enjeux de la prise en chirurgicale La demande du malade concerne la correction durable d’un ou plusieurs symptômes dans un rapport bénéfice/ • • • • • •
risque favorable. L’objectif chirurgical repose sur la correction d’une ou plusieurs anomalies anatomiques et/ ou fonctionnelles anorectales. Ces deux approches ne sont pas strictement superposables : ces données doivent être évoquées avec le malade et son chirurgien. Les enjeux thérapeutiques ne sont pas les mêmes lorsque la plainte principale d’un malade est une procidence anatomique mécaniquement gênante ou celui d’un trouble de l’évacuation rectale. De fait, il est important de décomposer les plaintes et savoir ce qu’on doit attendre de la stratégie chirurgicale en fonction du contexte anatomique à corriger et non l’inverse. En abordant la prise en charge sous l’angle de l’anatomie à corriger, les thérapeutes prennent le
Bénéfice attendu après chirurgie (- à +++) ++ +++ 0 0
0 +++ 0
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0
++ 0
risque de ne pas poursuivre le même objectif que les malades soignés et de générer un important niveau d’insatisfaction.
Fixer des objectifs réalistes avec le malade Dans l’approche chirurgicale, le discours anatomique est inhérent à la démarche thérapeutique. L’objectif à fixer avec la malade soigné doit néanmoins se baser sur le symptôme dominant et les symptômes associés. Les bénéfices thérapeutiques attendus par symptôme doivent être clairement exprimés au malade de la même façon qu’on lui délivre les informations concernant les aléas thérapeutiques et complications. Des données simplifiées sont synthétisées dans les
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Tableau 3 Pas de trouble de la statique pelvirectale lors des données de l’examen clinique. Quel bénéfice symptomatique après chirurgie ? Anomalie anatomique dominante
Plainte recueillie à l’interrogatoire
Quel que soit Incontinence fécale le mécanisme lésionnel Incontinence fécale Lésions sphinctériennes très étendues (plus qu’hémi circonférentielles) Lésions sphinctériennes Incontinence fécale assez étendues Pas de lésion ou lésions peu étendues
Incontinence fécale
Anisme, hypertonie anale
Dyschésie
tableaux 2 et 3. Il faut effectivement inscrire ces objectifs dans une approche à la fois qualitative (quels symptômes seront traités et quels sont ceux qui peuvent persister ?) mais également quantitative. Il s’agit d’un niveau d’amélioration plus qu’une guérison, qui est le plus souvent recherché (cf. supra).
Concertation médicochirurgicale cohérente Dans le champ de la prise en charge des troubles fonctionnels pelviens, les enjeux sont lourds, non en termes de pronostic vital, mais parce que le retentissement du handicap est parfois lourd et la gestion des suites postopératoires difficiles. Par ailleurs, les troubles intriqués de la statique pelvienne imposent parfois une prise en charge par plusieurs équipes chirurgicales simultanément ou consécutivement ; ensuite, parce que le passé chirurgical pelvien peut rendre plus complexe les orientations de la chirurgie planifiée ; finalement, parce que les approches thérapeutiques sont souvent combinées et multimodales, médicochirurgicales. Toutes ces raisons invitent aujourd’hui les centres impliqués en périnéologie à organiser des réunions de concertations pluridisciplinaires et à valider l’ensemble des indications chirurgicales.
Proposer une stratégie de suivi et d’évaluation Dans une même logique que la précédente, le suivi des malades doit être
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Les bénéfices et les limites que le malade doit connaître
Bénéfice attendu après chirurgie (- à +++)
L’objectif thérapeutique d’un contrôle parfait des troubles de la continence est finalement trop ambitieux Les stratégies reposent habituellement sur la substitution sphinctérienne avec un bénéfice symptomatique franc dans deux tiers des cas. Morbidité et suivi lourds. Bénéfice thérapeutique important immédiat mais épuisement d’effet marqué avec le suivi (un quart à la moitié des malades seulement gardent un bon résultat fonctionnel après 5 ans) Neuromodulation des racines sacrées. Pas de facteur prédictif autre que le test diagnostique. Deux tiers des malades tirent un bénéfice important et durable. Pas d’indication chirurgicale actuelle en l’absence de troubles de la statique rectale
organisé a priori et ne peut être confié au seul chirurgien. En effet, les troubles fonctionnels peuvent s’acutiser dans les suites post opératoires immédiates (troubles de l’évacuation, rétention urinaire, polychésie, douleurs) et certains troubles fonctionnels ne s’améliorent que graduellement au terme d’un suivi de plusieurs mois. Dans la prise en charge chirurgicale du prolapsus rectal par exemple, la correction anatomique est immédiate mais une nouvelle éducation de l’hygiène défécatoire et la gestion de la dyschésie peuvent être délicates. Les troubles de la continence enfin, mettent le plus souvent plusieurs mois avant de régresser. Après l’implantation d’un neuromodulateur pour traitement de l’incontinence fécale, il paraît difficilement concevable que le suivi soit exclusivement chirurgical. Les modifications anatomiques induites sont minimes et les complications mécaniques sont réduites. En revanche, les adaptations de stimulation et médicamenteuses sont souvent utiles. Il est enfin difficile de juger de l’efficacité d’un traitement de chirurgie fonctionnelle pelvienne en se basant sur la seule constatation de la correction anatomique. Les raisons sont comparables à celles évoquées (cf. enjeux et objectifs réalistes). Il est utile dans ces situations de recourir une fois encore à une approche par symptôme et à l’utilisation de questionnaires auto administrés.
++ ++
+
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–
Finalement, dans une volonté de démarche qualité, il ne serait pas illogique que soit mise en place une évaluation postale ou téléphonique des plaintes. Cette démarche est justifiée par la dégradation habituelle des résultats fonctionnels après chirurgie pelvirectale et la nécessité d’un suivi long des malades traités.
Conclusions La prise en charge des troubles de la statique pelvienne est finalement complexe parce qu’elle se heurte à la diversité des symptômes et à la fréquence de leur association. L’approche thérapeutique est multimodale et la chirurgie n’en représente qu’un des maillons. Lorsqu’un malade se voit proposer une approche chirurgicale, il doit garder à l’esprit trois notions essentielles : – la correction anatomique ne corrige pas toujours la fonction ; – le bénéfice symptomatique est mesuré à la fois sur le plan quantitatif (le terme de guérison est ambitieux) et qualitatif (quelle plainte est traitée); – finalement les résultats peuvent se dégrader au cours du suivi.
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Les 5 points forts ➊
➋ ➌ ➍ ➎
La prise en charge des troubles de la statique pelvienne est complexe parce qu’elle se heurte à la diversité des symptômes et à la fréquence de leur association; L’approche thérapeutique est multimodale et la chirurgie n’en représente qu’une étape; La correction anatomique ne corrige pas toujours la fonction; Le bénéfice symptomatique est mesuré à la fois sur le plan quantitatif (le terme de guérison est ambitieux) et qualitatif (quelle plainte est traitée); Les résultats peuvent se dégrader au cours du suivi.
Question à choix unique Question 1 L’évaluation préopératoire des troubles de la statique rectale doit privilégier (une seule réponse) ❏ A. L’aspect anatomique et fonctionnel des anomalies par IRM ❏ B. L’aspect anatomique et fonctionnel des anomalies par défécographie ❏ C. L’aspect anatomique des anomalies par endosonograpahie ❏ D. L’aspect fonctionnel par manométrie anorectale ❏ E. La composante symptomatique dominante à corriger
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Post’U (2009) 124-129
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L’incontinence anale chez l’adulte Objectifs pédagogiques – Connaître la stratégie d’exploration ; – Connaître les possibilités thérapeutiques ; – Connaître l’algorithme de traitement ; – Rappeler les principales étiologies et les données épidémiologiques actuelles.
Introduction L’incontinence anale (IA), définie comme un handicap lié à la perte (involontaire) de gaz et/ou de selles par l’anus, est une pathologie non léthale, mais qui peut avoir un impact dévastateur sur la qualité de vie des patients affectés [1].
Rappel des principales étiologies et des données épidémiologiques actuelles Les revues récentes de la littérature font état d’une prévalence de l’IA variant entre 2 et 20 % de la population générale, et jusqu’à 50 % des sujets âgés « institutionnalisés » [2]. Cette grande variation dépend de 2 facteurs principaux : la définition même de l’IA et des critères utilisés (inclusion ou non de l’IA limitée aux gaz, fréquence des symptômes…), et le fait que beaucoup de patients atteints d’IA n’en parlent pas spontanément à leur médecin, le sujet restant plus tabou que l’incontinence urinaire. Sur la région Rhône-Alpes, nous avons trouvé une prévalence de l’IA de 5 %
dans la population générale, et de 13 % chez les patients consultant un gastro-entérologue. La prévalence de l’IA augmente avec l’âge, mais n’est pas exceptionnelle avant 40 ans (3,5 %). Pour souligner la difficulté d’expression de ce symptôme par les patients, les gastro-entérologues ignoraient que leurs patients présentaient des signes d’IA dans 85 % des cas [3]. La continence anale est un phénomène complexe et multifactoriel : les sphincters doivent être fonctionnels (sphincter interne et sphincter externe de l’anus, y compris le muscle pubo-rectal), le rectum doit jouer son rôle de réservoir élastique et de siège de la sensation de besoin défécatoire, le côlon doit propulser les matières fécales dont la consistance doit être normale, et le comportement psychosocial et affectif doit être adapté. Toute anomalie d’un de ces facteurs peut entraîner une IA. Très schématiquement, on peut distinguer les IA d’origine périnéale et les IA d’origine extra-périnéale, les deux pouvant bien sûr être en cause chez un même patient. Les IA d’origine périnéale correspondent à quatre types de mécanismes : lésion du sphincter anal, neuropathie pudendale, les atteintes du réservoir rectal et les troubles de la statique rectale. 1) les lésions sphinctériennes sont probablement les mieux documentées. La cause la plus fréquente de défect du sphincter anal est l’accouchement par voie basse. Dans une
F. Mion () Hospices Civils de Lyon, université Lyon 1, hôpital Edouard Herriot, Pavillon H 5, place d’Arsonval, F-69437 Lyon cedex 03 E-mail :
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F. Mion
revue de la littérature réalisée par Oberwalder et al. [4] l’incidence des défects du postpartum était de 26,9 % chez la primipare. Un défect peut également être secondaire à une chirurgie ano-rectale. La cure de fistule anale est l’intervention la plus à risque d’incontinence ; néanmoins, l’hémorroïdectomie, la dilatation anale, et la sphinctérotomie pour fissure anale peuvent également engendrer des défects du sphincter anal. Il faut également préciser que toutes les lésions échographiques sphinctériennes ne sont pas systématiquement responsables d’IA ; 2) La neuropathie pudendale. Snooks et al. ont montré en 1984 [5] que le nerf pudendal pouvait être étiré lors des efforts de poussée de la parturiente. Une neuropathie pudendale similaire peut survenir dans le cadre de la dyschésie chronique et du périnée descendant ; 3) Le rectum est un réservoir compliant où les selles peuvent être stockées temporairement, permettant une évacuation différée. Si la compliance rectale est diminuée, le rectum perd sa fonction de réservoir. Les étiologies des microrecties sont nombreuses : rectite radique, recto-colite hémorragique, maladie de Crohn, infiltration de la paroi rectale par une tumeur, chirurgie rectale… De façon inverse, si la compliance rectale est augmentée, ou si la sensibilité rectale est émoussée, les matières fécales peuvent s’accumuler dans le rectum et favoriser un IA par regorgement ; • • • • • •
4) Les troubles de la statique rectale sont souvent à l’origine d’une IA. En cas de prolapsus extériorisé, l’IA est fréquente (50 % des cas environ). Les IA avec périnée normal correspondent aux diarrhées chroniques (dont il conviendra de déterminer la cause par les examens morphologiques ou biologiques adaptés), aux pathologies neurologiques centrales (SEP, traumatismes médullaires, démence…). L’IA peut également être secondaire à diverses neuropathies périphériques ou du système nerveux autonome : diabète, alcoolisme, carences nutritionnelles, insuffisance rénale chronique, maladies auto-immunes…
Connaître la stratégie d’exploration L’interrogatoire et l’examen clinique sont les deux temps essentiels de l’exploration d’une incontinence anale. L’interrogatoire s’attachera à identifier la ou les causes de l’IA, et surtout, évaluera l’importance des symptômes d’IA (fréquence, nature de l’incontinence), ainsi que le retentissement sur la qualité de vie, y compris sur la vie socio-professionnelle et affective. À ce titre, il est possible de s’appuyer sur des questionnaires simples qui permettent d’évaluer objectivement les symptômes. De la même façon, l’utilisation de « calendrier des selles » sur une quinzaine de jours permet d’apprécier plus précisément le retentissement potentiel de l’IA. Par cet interrogatoire, on pourra distinguer une IA par regorgement (dans un contexte de constipation, avec des fuites fréquentes de type suintement), une IA « active » (besoins impérieux témoignant plutôt d’un défaut du sphincter externe de l’anus) ou une incontinence « passive » (suintement ou fuites non perçues) témoignant d’une faiblesse du sphincter interne de l’anus ou d’une diminution de la capacité rectale. L’examen clinique doit comprendre un examen complet, statique et dynamique du périnée. On pourra ainsi iden• • • • • •
tifier des lésions cutanées péri-anales (secondaires à un suintement par exemple), une béance anale, des troubles de la statique périnéale (y compris le prolapsus rectal), une hypotonie anale de repos ou un défaut de contraction anale volontaire, la présence d’une tumeur rectale ou d’un rectum plein de matières (jusqu’au fécalome). Les examens complémentaires seront demandés en fonction des données de l’interrogatoire et de l’examen clinique, ainsi qu’en fonction de la prise en charge thérapeutique envisagée. Ainsi, pour une IA peu invalidante, d’origine post-obstétricale probable, et pour laquelle on envisage simplement dans un premier temps, des recommandations diététiques pour diminuer l’apport en fibres, associées avec des prescriptions médicamenteuses pour ralentir le transit ou modifier la consistance des selles, il n’est pas indispensable de demander des examens complémentaires. La manométrie ano-rectale (MAR) est utile surtout pour orienter la rééducation périnéale. Elle confirme les données de l’examen clinique pour l’étude du canal anal, et apporte des informations complémentaires en ce qui concerne la sensibilité et la compliance rectales. Du point de vue thérapeutique, les données objectives fournies par la MAR permettront de guider au mieux la rééducation périnéale : amélioration de la contraction volontaire, correction d’un asynchronisme associé. En cas d’anomalies de la sensibilité et/ou de la compliance rectale la rééducation de la sensibilité rectale par sonde à ballonnet est fondamentale. Par ailleurs, les données de la MAR serviront de référence pour l’évaluation des traitements (valeur médico-légale avant intervention chirurgicale ?). L’échographie endo-anale (EEA) permet d’étudier la structure des sphincters interne et externe de l’anus. La performance de l’EEA a été bien établie par comparaison avec l’étude des pièces chirurgicales [6]. La sensibilité et
la spécificité vont de 83 à 100 % pour le diagnostic de défect du sphincter anal. Dans le cadre de l’IA, la plupart des séries de la littérature ont mis en évidence une rupture sphinctérienne dans environ 2/3 des cas [7,8]. L’endosonographie a donc permis de révéler le rôle majeur et sous-estimé jusqu’alors des défects sphinctériens dans l’IA. L’impact thérapeutique de l’EEA est indéniable. La mise en évidence d’une rupture sphinctérienne permet d’envisager une réparation chirurgicale. Néanmoins, il faut nuancer les indications en fonction de l’extension radiaire des défects. L’EEA peut également identifier un sphincter atrophique. Ces informations anatomiques sont également accessibles à l’IRM périnéale, avec peut-être une meilleure définition pour l’analyse du sphincter externe de l’anus et notamment du muscle puborectal. Le viscérogramme pelvien (cystocolpo-défécographie avec opacification du côlon sigmoïde et des anses grêles) est indispensable si l’examen clinique identifie un trouble de la statique pelvienne, et qu’une chirurgie est envisagée. L’IRM dynamique peut donner des informations similaires, sauf que la position d’examen (allongée) est moins physiologique que celle du viscérogramme pelvien. L’utilisation d’une technique d’imagerie plutôt que l’autre dépendra des conditions locales (machines et hommes). Les explorations électro-physiologiques périnéales comportent : l’électromyographie de détection, la mesure de la latence motrice distale du nerf pudendal, l’étude des réflexes sacrés et des potentiels évoqués somesthésiques et moteurs périnéaux. L’électromyographie de détection (EMG) du sphincter anal externe est actuellement abandonnée par la plupart des équipes, remplacée par la cartographie anatomique réalisée par EEA. La mesure du temps de latence motrice distale du nerf pudendal n’est plus recommandée depuis plusieurs années [9, 10]. Les autres explorations électro-physiologiques seront utiles lorsqu’on suspecte
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une atteinte neurologique centrale ou périphérique.
Algorithme de prise en charge La prise en charge thérapeutique est le plus souvent progressive, le recours à la chirurgie étant dans la majorité des cas limitée aux échecs des thérapeutiques médicales. Il est important de signifier d’emblée aux patients que le projet thérapeutique peut s’inscrire dans la durée, et que l’absence de réponse satisfaisante à une thérapeutique initiale ne signifie pas l’échec de la prise en charge.
Traitement médical D’une façon générale, le traitement débutera par des mesures diététiques et des prescriptions médicamenteuses adaptées aux caractères de l’incontinence anale. En cas d’incontinence anale par regorgement, il faudra avant tout assurer un transit intestinal régulier et une vidange rectale optimale. L’augmentation de la ration quotidienne en fibres alimentaires peut être utile, de même que l’utilisation régulière de laxatifs non irritants (polyéthylènes glycols par exemple). L’administration de lavements ou de suppositoires peut s’avérer nécessaire. S’il s’agit d’une incontinence anale par accélération du transit (incontinence anale active), par insuffisance sphinctérienne ou par diminution de la capacité rectale, une démarche inverse avec réduction de l’apport en fibres alimentaires, l’utilisation de médicaments ralentisseurs du transit tels que le lopéramide, d’argiles, d’antispasmodiques voire de chélateurs des sels biliaires, doit être recommandée. La prescription de tampons anaux, désormais pris en charge par la sécurité sociale, est parfois d’une aide précieuse, s’ils sont tolérés, pour les patients avec une incontinence passive ou des besoins urgents. Un essai randomisé de petite taille montrait l’intérêt de l’utilisation des tampons en plus du traitement médical standard [11].
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Rééducation périnéale et abdominale De multiples protocoles ont été décrits ; néanmoins, il est possible d’individualiser trois grands types de rééducation : coordination recto-sphinctérienne (contracter le sphincter en réponse à une distension rectale) ; la rééducation de la sensibilité rectale (par ballonnets gonflés à volumes variables dans le rectum); amélioration de la qualité (force et durée) de la contraction anale volontaire. La durée et la fréquence des séances de rééducation varient de façon importante en fonction des centres, et il n’existe pas de technique ayant fait la preuve de sa supériorité par rapport à une autre. Il est également fondamental d’associer à la rééducation périnéale une rééducation de la sangle abdominale et de la respiration. Le taux de succès de la rééducation varie de 50 à 90 % [12,13]. Norton et al. [14] ont remis en cause l’intérêt de la rééducation périnéale. Dans cette étude, l’amélioration clinique dans le groupe rééducation périnéale n’était pas significativement supérieure à celle du groupe traité sans rééducation. Néanmoins, les insuffisances méthodologiques de cette étude limitent son impact pratique [15]. Une récente étude rétrospective sur 513 patients montrait une efficacité du biofeedback sur 70 % des patients : les chances les plus élevées de réussite étaient pour les femmes âgées, avec des symptômes modérés à sévères, et terminant le programme de rééducation [12]. L’effet sur la qualité de vie était très significatif. Une étude nationale française randomisée (PHRC) est en cours pour évaluer l’impact à court terme de la rééducation périnéale (comprenant le biofeedback) sur les symptômes et la qualité de vie des patients souffrant d’incontinence anale.
Electrostimulation transcutanée du nerf tibial postérieur À la frontière entre la prise en charge médicale et physiothérapique, l’électrostimulation transcutanée du nerf
tibial postérieur consiste à stimuler les afférences sensitives du nerf tibial postérieur, qui appartiennent au même territoire métamérique que les racines sacrées. Au cours de la stimulation transcutanée, deux électrodes de surface sont placées sur le trajet du nerf tibial postérieur et sont connectés à un stimulateur externe. Cette technique a été initialement développée pour le traitement de l’incontinence urinaire, avec un certain succès. Elle est également prescrite pour le traitement des douleurs neuropathiques chroniques. Une étude préliminaire réalisée sur 10 patients présentant une IA montre que 7 patients sur 10 sont améliorés [16]. Un cas clinique récent rapporte l’efficacité de la technique pour 2 patients avec une incontinence anale secondaire à un traumatisme médullaire [17]. Nous avons montré que ce traitement était satisfaisant pour certains patients avec une MICI quiescente et une IA, même si l’effet objectif n’était pas mesurable [18]. Une évaluation plus objective est nécessaire, mais l’innocuité, la simplicité de réalisation et le faible coût de cette technique la rendent attractive. Cette approche pourrait également constituer un test simple avant d’envisager la neuromodulation des racines sacrées (cf. infra).
Neuromodulation des racines sacrées La neuromodulation des racines sacrées a tout d’abord été développée dans le cadre de l’incontinence urinaire par instabilité vésicale. L’amélioration des signes digestifs associés chez certains patients a conduit à son utilisation pour traiter l’IA. Dans un premier temps, il est réalisé l’implantation par voie trans-sacrée d’une électrode maintenue en place au contact des racines sacrées (S3 ou S4), et reliée pendant deux à trois semaines, parfois plus, à un boîtier de stimulation externe. Ce test permet d’évaluer l’efficacité de la stimulation sur la continence anale. Si le test s’avère concluant, le boîtier de stimulation • • • • • •
externe est remplacé par un stimulateur implantable placé en général dans la partie supéro-externe de la fesse. Il s’agit donc d’une chirurgie mini invasive, qui peut être réalisée en ambulatoire, voire même sous anesthésie locale. Jarett et al. [19] ont réalisé une revue de la littérature : 75 à 100 % des patients implantés de façon définitive étaient améliorés. Globalement, l’amélioration porte à la fois sur les symptômes et la qualité de vie : une étude récente randomisée (stimulateur mis en marche et arrêté pendant deux périodes distinctes) montrait que les patients préféraient la période « on », avec une fréquence moindre des épisodes d’incontinence anale [20]. Notre expérience sur 68 malades montre des résultats satisfaisants (amélioration d’au moins 40 % du score de Jorge et Wexner) dans 60 % des cas, avec une persistance des résultats à 2 ans. La morbidité n’est cependant pas nulle (douleurs, infections, déplacement d’électrode, ulcérations cutanées en regard du boîtier…) avec une nécessité de ré-intervention dans 13 % des cas environ. Le coût de la technique (pour l’instant financé en France par un programme ministériel de soutien aux thérapeutiques innovantes et coûteuses depuis 2002), l’absence de facteur clair prédictif de réponse positive au long terme, et les incertitudes quant à son mode d’action doivent cependant inciter à poursuivre l’évaluation. Cette procédure doit être réservée aux formes sévères d’incontinence anale, résistantes au traitement médical et à la rééducation.
Chirurgie de réparation sphinctérienne Elle s’adresse aux lésions du sphincter externe exclusivement. L’évaluation doit comprendre au minimum une échographie endo-anale. Les ruptures de petite taille visualisées en échographie son rarement opérées (signification clinique discutable), de même que les lésions très étendues, supérieures à 120° de circonférence (impossibilité technique). Les résultats à court terme • • • • • •
sont bons [21,22], mais se dégradent progressivement avec le temps (50 % de récidive à 5 ans) [23]. Une série récente sur un petit nombre de malades rapporte un taux de succès de 60 % pour les patients suivis au-delà de 5 ans [24].
Techniques d’implantation sous-muqueuse en cas d’insuffisance sphinctérienne interne Il est clair que la réparation d’une lésion isolée du sphincter interne n’est pas envisageable. De nombreuses études, sur un nombre limité de patients, avec des matériaux différents, ont rapporté des résultats variables et globalement peu convaincants [25]. Une revue récente de la littérature confirme ce point [26].
Chirurgie du plancher pelvien L’existence d’un prolapsus rectal extériorisé est une étiologie fréquente d’incontinence anale. La rectopexie au promontoire est l’intervention de référence, à laquelle peut être préférée la mucosectomie rectale de Delorme chez les sujets plus âgés ou fragiles. L’efficacité sur les symptômes d’incontinence anale est bonne. Les patients, notamment ceux présentant des signes associés de constipation, doivent être prévenus d’un risque accru de dyschésie post-opératoire [30]. En l’absence de lésion sphinctérienne identifiable, l’efficacité des techniques de réparation périnéale (plastie antérieure des muscles releveurs, périnéoplastie) reste discutée.
Colostomie et procédé de Malone Chirurgie de substitution sphinctérienne En cas de lésion étendue du sphincter ou du périnée (traumatique par exemple), de malformation anorectale ou d’incontinence fécale sévère neurogène, le recours à des techniques de substitution sphinctérienne est parfois proposé. La graciloplastie dynamisée associe une transposition du muscle droit interne de la cuisse (gracilis) selon la technique décrite par Pickrell et al. [27] en 1952, à l’électrostimulation du muscle transposé. Le taux de succès varie de 54 à 83 % [28] selon l’étiologie de l’IA. Le sphincter anal artificiel correspond à l’implantation d’une manchette en position péri-anale reliée à une pompe placée dans la grande lèvre ou le scrotum et à un ballon régulateur de pression dans l’espace sous-péritonéal. Wong et al. [29] ont récemment réalisé une étude multicentrique, montrant un taux de complications élevé de 42 %, conduisant le plus souvent à l’explantation du système. Le taux de succès global était de 53 %, 85 % des patients non explantés avaient un bon résultat.
Enfin, dans les formes les plus sévères et invalidantes d’incontinence anale, le recours à la colostomie ne doit pas être oublié. Un travail psychologique est souvent nécessaire pour faire accepter cette intervention, mais l’effet sur la qualité de vie peut être spectaculaire. De façon un peu similaire, un certain nombre d’études rapporte les bons résultats des irrigations coliques antérogrades par appendicostomie ou cæcostomie (procédé de Malone) : dans une étude récente, 18 patients sur 22 suivis au long terme, utilisaient toujours les lavements antérogrades, avec de bons résultats symptomatiques. La qualité de vie n’était cependant pas optimale dans ce groupe [31].
Données factuelles La majorité des recommandations dans le traitement de l’incontinence anale repose sur des données non contrôlées et des avis d’experts : les essais randomisés sont rares et ne peuvent aider à définir la meilleure approche thérapeutique de l’incontinence anale. Les trois revues Cochrane récentes [32-34] portant sur la chirur-
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gie de l’incontinence anale, la rééducation et la prise en charge de l’incontinence anale d’origine neurologique, parviennent à la même conclusion : données insuffisantes pour conclure !!
Conclusion La prise en charge de l’IA nécessite une approche progressive et à l’écoute du patient, pour ne pas donner de faux espoirs ou au contraire désespérer, et pour ne pas se jeter sur des corrections chirurgicales d’images ou de mesures fonctionnelles, avec parfois des résultats désastreux. L’interrogatoire et l’examen clinique permettent de débrouiller la majorité des situations, et les examens complémentaires peuvent orienter le traitement si une rééducation ou surtout une chirurgie sont envisagées. La médecine factuelle n’est que de peu d’utilité pour orienter la prise en charge de l’IA : selon le mécanisme ou le type d’IA identifié, les différents traitements cités plus hauts seront envisagés. Les interventions chirurgicales les plus complexes seront réservées aux formes les plus invalidantes d’IA.
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Les 5 points forts ➊ ➋ ➌ ➍ ➎
L’incontinence anale, pathologie fréquente, est souvent cachée et méconnue ; L’accouchement par voie basse reste un pourvoyeur important d’incontinence anale ; L’interrogatoire et l’examen clinique sont les clés du diagnostic ; L’échographie endo-anale, la manométrie anorectale et la défécographie sont des outils d’aide à la décision thérapeutique ; La stimulation électrique nerveuse est la principale nouveauté thérapeutique.
Question à choix unique Question 1 Le biofeedback dans le traitement de l’incontinence anale : ❏ A. est réalisé avant toute intervention chirurgicale ❏ B. a montré son efficacité dans de nombreux essais randomisés ❏ C. comprend une électrostimulation du sphincter anal ❏ D. son efficacité dépend de l’interaction entre le patient et le thérapeute ❏ E. consiste à renforcer la contraction anale volontaire
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Post’U (2009) 130-137
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Virus de l’hépatite B : qui ne pas traiter ? Objectifs pédagogiques – Comment diagnostiquer la fibrose de l’hépatite B ; – Comment interpréter un résultat virologique ; – Comment interpréter le chiffre des transaminases.
Introduction Le traitement des hépatites virales B s’est considérablement modifié ces vingt dernières années, principalement en raison de l’introduction et de la diffusion de l’Interféron-α dans les années 80 puis des analogues nucléosidiques puis nucléotidiques dans les années 90-2000, qui ont révolutionné la faisabilité des traitements antiviraux, aujourd’hui fréquents et totalement ambulatoires. Le concept principal de ces traitements antiviraux est d’obtenir une virosuppression efficace, c’est-à-dire une indétectabilité de l’ADN du virus de l’hépatite B (VHB) par les méthodes les plus sensibles (PCR en temps réel ayant un seuil de l’ordre de 12 UI/mL). La réduction significative et surtout l’arrêt de la multiplication virale permettent un arrêt de l’activité nécrotico-inflammatoire responsable d’une stabilisation puis d’une réduction de la fibrose. Si le traitement antiviral permet d’espérer une guérison dans le cas des infections virales C, une telle guérison reste exceptionnelle avec le VHB, en raison notamment de la très longue persistance de l’ADN superenroulé intra-hépatique et des formes intégrées d’ADN viral dans l’ADN
chromosomique de l’hôte qui participent aux risques de réactivation d’une part, et d’hépatocarcinogénèse virale directe, d’autre part. L’autorisation de mise sur le marché récente des analogues de deuxième génération (Entecavir en juillet 2006 et Tenofovir en avril 2008) qui permettent une virosuppression à un an chez près de 70 % des patients HBe+ et plus de 90 % des patients HBe– et la possibilité d’une perte de l’Antigène HBs chez 5 à 10 % des patients traités par Interféron ou analogues de deuxième génération à 2 ans reposent la difficile question de savoir qui traiter ou ne pas traiter au cours de l’infection chronique par le VHB.
Concepts thérapeutiques Il est généralement admis que le VHB, comme le VHC, n’a que peu d’effet cytotoxique [1-2]. La réponse immunitaire, et en particulier cellulaire, est principalement à l’origine de la lésion hépatocytaire. Les antigènes cibles sont les antigènes viraux (Ag HBc et à un moindre degré Ag HBs) exprimés sur la membrane des hépatocytes en association avec les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité. Si la réponse immunitaire reste essentielle dans la détermination de la nécrose, l’existence de mécanismes de toxicité directe est cependant suggérée par des arguments expérimentaux (transgénèse et transfection de lignées cellulaires) et cliniques (fibrose hépatique cholestasiante des immunodéprimés).
S. Pol () Service d’Hépatologie, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg Saint-Jacques, F-70174 Paris E-mail :
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S. Pol Université Paris 7 Descarts, Inserm U-567, Institut Cochin, Unité d’Hépatologie Hôpital Cochin, Paris, France
Du fait de la physiopathogénie principalement immunomédiée de l’hépatite chronique B, deux types de traitement, éventuellement combinés, peuvent être proposés pour les infections chroniques par le VHB : les antiviraux et les immunostimulants. Les antiviraux sont dominés par les analogues nucléos(t)idiques de deuxième génération, les immunostimulants par l’interféron standard ou pégylé qui a aussi des propriétés propres antivirales. L’avantage des premiers est leur très grande efficacité et une barrière génétique élevée (c’est-à-dire un nombre élevé de mutations nécessaire pour qu’apparaisse une résistance phénotypique) qui limite à moins de 1 % le risque de résistance à 5 ans pour l’Entecavir et à 0 % à 2 ans pour le Tenofovir ; leurs limites en sont le coût et la nécessité de poursuivre le traitement tant qu’une disparition de l’antigène HBs n’a pas été obtenue. L’avantage des Interférons est le caractère limité dans le temps du traitement (48 semaines classiquement qui pourrait être modulées, comme pour le VHC, en fonction des cinétiques précoces, soit de l’ADN du VHB, soit de l’antigène HBs) et la possibilité d’obtenir un taux non négligeable et prédictible de négativation de l’Ag HBs ; les inconvénients en sont l’efficacité antivirale inférieure à celle des analogues de deuxième génération et les effets secondaires. • • • • • •
Recommandations thérapeutiques Après les avis d’experts ou les conférences de consensus américaines et européennes [3-6], les indications dans la prise en charge du VHB viennent d’être rappelées par les recommandations d’experts européens [7]. Le traitement est recommandé en cas d’infection virale B responsable d’une hépatite chronique significative (activité nécrotico-inflammatoire A > 1 et/ ou fibrose F > 1) et/ou une multiplication virale détectable (ADN VHB > 2 000 UI/mL) et/ou une activité élevée des transaminases [7]. Il faut donc au moins un impact significatif qui sera évalué par la biopsie hépatique ou les tests non invasifs de fibrose biochimiques ou morphologiques. Ceci doit être rappelé car une lecture rapide de ces recommandations pourrait surinterpréter l’indication thérapeutique comme une hépatite chronique significative et/ou ADN VHB > 2000 UI/mL et/ou une activité anormale des transaminases qui conduirait à traiter presque tous les patients ayant une infection chronique par le VHB du patient immunotolérant car ayant une charge virale très élevée à l’ancien « porteur sain » n’ayant pas de maladie hépatique ni d’anomalies biologiques hépatiques mais une charge virale détectable dans 90 % des cas. C’est pourquoi ces recommandations doivent être inscrites dans le bon sens clinique de leurs auteurs. Répondre à la question : « qui ne pas traiter ? », c’est avant tout répondre à la question qui traiter ?
Qui traiter : une décision éclairée La décision thérapeutique devra s’inscrire dans une évaluation dynamique du patient : si les phases d’immunotolérance ou de portage inactif ne justifient majoritairement pas de traitement, celui-ci est réservé à la phase d’immunoélimination ; la difficulté justifiant l’évaluation dynamique est la possibilité de passage de l’une à • • • • • •
Copies/ml 108
Charges virales élevées Immunotolérance
107 Rupture de tolérance
106 Charges virales intermédiaires 105
Immunoélimination Réactivation
104 Portage inactif 103 102
Charges virales faibles Infection occulte
Arrêt de replication
10 Charges virales indéfectables
Guérison
1 Fig. 1. Histoire naturelle de l’infection virale B montrant les 3 phases principales avec immunotolérance, immunoélimination et portage inactif, qui devront être évaluées de façon dynamique du fait des possibilités de passge de l’une à l’autre.
l’autre de ces phases (rupture de tolérance, diminution spontanée de la multiplication virale ou au contraire réactivation) [8-10] (Fig. 1). Il y a aussi, en dehors de la transplantation hépatique, une indication à un traitement « préventif ou pré-emptif » chez des porteurs de l’antigène HBs ne multipliant pas le virus mais exposés à un risque de réactivation, lié par exemple à une immunosuppression (transplantés rénaux, allogreffés de moelle, patients devant recevoir une chimiothérapie anticancéreuse ou sujet récemment infecté par le VIH) [11-12]. Le but du traitement de l’infection chronique B, l’éradication complète du virus, n’est que très tardivement obtenue du fait des mécanismes d’intégration génomique ; l’objectif principal doit donc être la suppression complète et durable de la multiplication virale B, attestée par la négativation de l’ADN du VHB dans le sérum et par la disparition d’une synthèse protéique virale (antigène HBe voire HBs)
accompagnées d’une normalisation des transaminases et d’une amélioration histologique [3-7] ; dans ce cas, sont observées une amélioration de la survie des patients et une diminution de la fréquence des complications [7], notamment chez les cirrhotiques [13-14]. La relation entre niveau de multiplication virale et survenue de la cirrhose ou du carcinome hépatocellulaire [15-16] justifie que le traitement sera donc le plus précoce possible pour éviter la cascade hépatite chronique/cirrhose/carcinome hépatocellulaire. La diminution (dont on ne sait pas quantitativement de quelle amplitude elle doit être pour qu’un bénéfice soit observé mais certainement supérieure à 2 log copies/ml) ou mieux l’arrêt de la multiplication virale au stade d’hépatite chronique permet d’éviter l’évolution vers la cirrhose. Par la diminution de l’activité de l’hépatopathie, le risque de carcinome hépatocellulaire est lui-même diminué même si le risque lié à l’intégration génomique du virus persiste [17].
131
Les choix thérapeutiques Les analogues nucléosi(ti)diques Les analogues nucléos(t)idiques agissent principalement en inhibant la réplication virale par l’inhibition de l’incorporation des nucléosides lors de l’élongation de l’ADN viral par l’ADN polymérase; leur efficacité et leur toxicité minime doivent être soulignées. Si certains, tels que la fialuridine ont été rapidement abandonnés du fait d’une toxicité mitochondriale inacceptable (stéatose microvésiculaire mortelle), cinq analogues, la lamivudine (Zeffix, Epivir), l’adefovir (Hepsera), l’Entecavir (Baraclude), le Tenofovir (Viread) et la Telbivudine (Sebivo) ont aujourd’hui leur autorisation de mise sur le marché (AMM) en France. D’autres (la clévudine) l’auront prochainement avec une utilisation actuellement restreinte aux protocoles thérapeutiques. Des nombreux essais thérapeutiques publiés [18-26], on retiendra : 1) une très bonne tolérance de ces produits ; 2) une efficacité antivirale notable ; 3) la nécessité de traitements prolongés de plus de 12 mois : si la plupart des patients restent négatifs pour l’ADN viral B sérique, seulement 20 % à un an et 30 % à 2 ans d’entre eux ont une séroconversion HBe/anti-HBe, faisant craindre chez ceux n’ayant pas de séroconversion, une rechute postthérapeutique et justifiant donc la poursuite du traitement pour des durées illimitées, ceci s’appliquant à toutes ces stratégies virosuppressives ; 4) la possibilité de résistances génotypiques (par mutations ponctuelles dans le gène de l’ADN polymérase) avec une incidence variable (d’environ 5 à 15 %) pour les analogues ayant une faible efficacité antivirale (lamivudine, adefovir) et/ou une faible barrière génétique (lamivudine, adefovir, telbivudine) : la résistance se caractérise par un échappement (augmentation de plus d’un log de la virémie par rapport au nadir de charge virale avec réaugmentation des transaminases et réapparition d’une multiplication
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virale détectable) ; 5) une amélioration significative de l’activité nécroticoinflammatoire de l’hépatopathie lorsque la biopsie hépatique est réalisée à la fin des 48 ou 52 semaines de traitement et une diminution significative de la fibrose lorsque le traitement est prolongé au-delà de 2 ans ; une disparition de la fibrose cirrhotique pouvait être observée chez la moitié des cirrhotiques traités [22,27-29]. Le bénéfice associé au traitement est clairement montré avec un ralentissement de la progression de l’hépatopathie et une réduction significative de l’incidence du carcinome hépatocellulaire chez les patients ayant des maladies fibrosantes [8-9]. Il existe des risques de rechute à l’arrêt justifiant que les traitements soient prolongés au-delà des 48 semaines, au moins en l’absence de séroconversion HBe/antiHBe chez les sujets infectés par un virus sauvage Ag HBe+ ou une disparition de l’Ag HBs chez les sujets infectés par un mutant pré-C.
L’Interféron-α L’Interféron-α (IFNα), molécule physiologique de défense contre les virus, trouve une place de choix dans le traitement des hépatites chroniques B puisqu’il associe des propriétés antivirales, immunomodulatrices et antiprolifératives. La première action de l’IFN-α découle de sa fixation à des récepteurs membranaires spécifiques à la surface des cellules infectées. Elle déclenche l’activation d’enzymes intracellulaires favorisant la traduction de diverses protéines qui rendront la cellule plus résistante aux infections virales : c’est ainsi qu’une augmentation de l’activité de la 2’5’ oligoadénylate synthétase activera certaines ribonucléases telles que la LRNAse qui est capable de détruire l’ARN messager viral; l’activation d’une protéine kinase permettra l’arrêt de l’assemblage des ribosomes nécessaires à la synthèse des protéines virales. Quant à l’action immunomodulatrice de l’IFN-α, complémentaire de l’action d’inhibition de la réplication virale,
elle est pléiotropre. L’IFN-α stimule l’expression des antigènes de l’hôte, tels que des molécules HLA de classe I, à la surface des cellules infectées permettant leur meilleure reconnaissance par le système immunitaire (notamment par les lymphocytes T cytotoxiques) et facilitant ainsi leur destruction. Parallèlement, l’Interféron-α favorise la maturation des cellules T cytotoxiques et l’activation des cellules NK « natural killer ». L’interféron a été le premier traitement du VHB et remis à l’honneur comme traitement de première ligne de l’infection chronique par le VHB au cours de la conférence européenne de consensus sur le VHB (Genève, septembre 2002) [3-7,30-31]. Il permet d’espérer la négativation de l’Ag HBs dans environ 5 à 10 % des cas. La pégylation de l’interféron alpha dans sa forme retard (interféron pégylé) permet de prolonger la demi-vie du produit et par là même son efficacité. Elle autorise une injection sous-cutanée par semaine (1,5 μg/kg pour l’interféron alpha 2b ou 180 μg pour l’interféron alpha 2a ayant actuellement seul son AMM dans cette indication) pour des durées présumées de 48 semaines ; elle améliore l’efficacité antivirale B de l’interféron standard. Une infection datant de moins de 2 ans, le caractère symptomatique de l’hépatite aiguë initiale, un âge jeune, une réplication virale faible ou modérée (moins de 108 UI/mL d’ADN sérique du VHB), une hypertransaminasémie supérieure à 3 fois la limite supérieure de la normale ou une activité nécrotico-inflammatoire marquée, un génotype A du VHB sont des facteurs de bonne réponse à l’IFN-α. D’autres facteurs sont prédictifs d’une mauvaise réponse au traitement: une surinfection delta, une infection par un mutant pré-C, une contamination péri-natale, et l’immunosuppression (notamment l’infection par le VIH).
Associations d’antiviraux Les antiviraux en monothérapie n’ayant qu’une efficacité partielle puisque • • • • • •
majoritairement virosuppressive, il apparaît tentant de proposer des associations thérapeutiques, comme cela est fait depuis une décennie pour l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Toutes les combinaisons peuvent donc s’imaginer entre les nouveaux analogues nucléos(t)idiques et l’α-Interféron voire les immunothérapies ; il importera dans le futur de préciser au mieux les « séquences » thérapeutiques afin d’augmenter le pourcentage de réponse antivirale durable et de diminuer le risque de sélection de résistances génotypiques. L’association lamivudine-Interféron pégylé a été évaluée dans plusieurs études [32-34] : le bénéfice antiviral était plus à distance de l’arrêt du traitement supérieur pour l’interféron pégylé que pour la lamivudine mais les essais n’avaient pas prévu un temps suffisamment long de traitement par analogues. Cette combinaison apporte donc un bénéfice encore modeste en terme antiviral, mais elle réduit le risque de résistance virale aux analogues type lamivudine. La combinaison d’analogues n’a pas non plus jusqu’à présent montré de supériorité évidente en terme antiviral mais elle réduit les risques de résistance virale et il se peut que les critères de jugement soient imparfaits (virémie quantitative sans mesure de la charge virale intra-hépatique ou de la concentration hépatique d’ADN viral B superenroulé). Son bénéfice chez les patients résistants à la lamivudine ne fait aucun doute pour renforcer l’efficacité antivirale et réduire la survenue de résistances [35].
Traitement de l’hépatite chronique à VHB L’une des avancées des recommandations est de ne plus faire de distinction entre patient HBe+ et HBe-. La recommandation principale pour les traitements de première ligne est l’utilsation soit de l’interféron pégylé (en l’absence de cirrhose décompensée) qui sera • • • • • •
suspendu précocément en l’absence d’efficacité précoce soit des analogues puissants et ayant une barrière génétique élevée, en pratique, Entecavir et Tenofovir. Il est ainsi possible d’envisager en première ligne, dans le cadre d’infections liées à un VHB sauvage (ADN et antigène HBe positifs) correspondant à environ 25 % des patients vus en France, un traitement par interféron pégylé pour 12 mois si le traitement s’avère efficace à 3 mois. On peut alors espérer un arrêt durable de la multiplication virale chez un tiers des patients. En cas d’échec ou en l’absence de réponse virologique à 3 mois ou d’emblée, un traitement moins par lamivudine (100 mg/j) ou Adéfovir (10 mg/j) que par Entécavir (0,5 mg/j) ou Tenofovir (300 mg/j) sera proposé jusqu’à l’obtention d’une séroconversion durable, définie par une négativité de l’ADN viral B sérique et l’apparition des anti-HBe, qui seule permettra de discuter la suspension du traitement ; il n’est pas actuellement recommandé d’arrêter le traitement en cas de persistance d’une PCR positive, même si les anticorps anti-HBe sont présents. En cas d’échappement à la lamivudine, le traitement de choix est le tenofovir (voire l’Interféron-α pégylé, la combinaison de l’Interféron-α pégylé et de l’Adéfovir ou le Ténofovir) en association avec la lamivudine ; l’Entécavir à doubles doses est aussi efficace sur les souches résistantes à la lamivudine mais des résistances à l’Entécavir ont été rapportées à 52 semaines de traitement chez 6 % des sujets traités. Pour une infection par un virus mutant pré-C, l’utilisation des nouveaux analogues nucléos(t) idiques (Entecavir, Tenofovir) est aussi recommandée pour des durées longues et indéfinies. La guerre commerciale entre les traitements ayant leur AMM pour le traitement de l’hépatite B pose la question du traitement de première ligne. Il est difficile de donner une recommandation définitive mais quel que soit le choix, le médecin et surtout le patient seront rassurés sur l’efficacité du
traitement choisi et les bénéfices indiscutablement associés à la virosuppression. La tendance sera certainement de développer dans l’avenir, des stratégies de traitements combinés. Les hépato-gastro-entérologues doivent, dans cette situation de plus grand confort qui leur est offerte par les progrès thérapeutiques, progresser dans cette double limite de la prise en charge de l’hépatite chronique B : 1) dans le fait qu’on ne guérit certes que très rarement mais que la virosuppression efficace est grandement bénéfique pour les patients : en témoigne la réduction de mortalité qu’on observe au quotidien dans les services, directement en rapport avec l’inactivation de l’hépatopathie [8] ; 2) dans la tendance à vouloir suspendre les traitements virosuppresseurs : moins de 20 % d’entre eux qui auront permis une annulation de la multiplication virale et une séronconversion HBe/ antiHBe pourront être arrêtés, sous réserve d’un recul suffisant de la virosuppression efficace (probablement 36 à 48 semaines au moins) et sous réserve d’une surveillance virologique au plus quadrimestrielle après la suspension thérapeutique. Il faut se libérer du « syndrome VHC » (guérison d’une infection chronique par un traitement limité) et probablement développer des analyses de cinétique virale sous traitement (à 1 ou 3 mois de traitement) pour améliorer la prédictivité de l’efficacité thérapeutique : seule une décroissance notable de la charge virale justifie aujourd’hui la poursuite du traitement (24 semaines pour les analogues de première génération ou à faible barrière génétique ; 48 semaines pour les autres) et son absence pose la question de l’introduction d’un autre traitement associé plus qu’en remplacement [7], probablement non seulement du fait du bénéfice insuffisant mais aussi en raison du risque de résistance virale : l’essentiel des résistances s’observent dans le cadre de décroissances virales insuffisantes à 6 (lamivudine) ou 12 mois (adéfovir).
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Pourquoi traiter ? La plupart des études, analysant les résultats à long terme du traitement par α-Interféron, montrent un bénéfice clinique. Le facteur principal associé à une survie sans complication est la clairance de l’antigène HBe, témoin de la virosuppression. Il apparaît donc que l’efficacité d’un traitement par α-Interféron est associée à un bénéfice clinique à long terme du fait d’une diminution du risque d’évolution vers la cirrhose et ses complications. Ces résultats plaident pour l’indication d’un traitement anti-VHB chez les sujets ayant une multiplication virale B détectable et une hépatite chronique histologiquement prouvée. Un même bénéfice est observé avec les analogues nucléos(t)idiques, et d’autant plus dans les situations graves : l’intérêt de la lamivudine a été rapporté chez les cirrhotiques graves en termes de réduction du taux de mortalité et de transplantation hépatique chez les sujets ayant les critères clinico-biologiques de candidature à la transplantation. Chez les sujets ayant une fibrose significative, la lamivudine réduit significativement les risques de progression de l’hépatopathie ou de CHC à 3 ans [9]. La virosuppression associée à l’Adéfovir permet une amélioration histologique significative, se prolongeant dans le temps avec une réduction, qu’on attend bien sûr bénéfique à moyen terme, de la fibrose. Celle-ci est déjà rapportée après 5 ans d’Entecavir avec une réversibilité de la cirrhose.
Qui ne pas traiter ? Ces bonnes nouvelles pour l’avenir des patients ayant une hépatite chronique B grâce aux nombreux thérapeutiques récents pourraient pousser le clinicien à prescrire largement les traitements antiviraux et oublier que l’infection chronique par le VHB est non seulement une maladie infectieuse mais aussi une maladie hépatique. Une infection qu’on pourrait « éteindre » certes facilement par les analogues
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oraux mais à un coût indiscutable pour les économies nationales et aux risques d’induction de résistance voire d’effets secondaires rares (syndrome de Fanconi chez moins de 1 % des sujets traités par Tenofovir, insuffisance rénale modeste voire HTA chez les patients traités au long cours par Adefovir, tumorogénèse pour l’Entecavir dans les modèles animaux). Une hépatopathie parfois active et fibrosante malgré une biologie hépatique normale nous invite à une évaluation loyale de la maladie hépatique sous-jacente, quelles que soient les anomalies biologiques hépatiques et le niveau de multiplication virale ; méfions-nous des sous-estimations de fibrose extensive et de cirrhose par les tests non invasifs de fibrose chez les patients ayant, spontanément ou sous traitement anti-viral inactivé, leur hépatopathie : rappelons que la cirrhose et l’ADN du VHB intra-hépatique chez le sujet n’ayant plus l’antigène HBs restent les prédicteurs principaux du carcinome hépatocellulaire [17]. Il faut donc s’imposer, lorsqu’on discute de l’opportunité d’un traitement chez un porteur chronique de l’Ag HBs, une analyse complexe intégrant une dimension viro-infectiologique, hépatologique et immunologique prenant en compte l’évaluation dynamique du patient dans le temps et celle du rapport bénéfice/ risque. En pratique, tant qu’un traitement des patients immunotolérants (charge virale très élevée, bilan biologique hépatique normal et évaluation non invasive de la fibrose suggérant l’absence de fibrose) n’aura pas montré son efficacité (notamment en termes de la réduction d’un risque rarissime de carcinome hépatocellulaire sur foie sain), les patients immunotolérants ne seront pas traités. La question d’un traitement au dernier trimestre de la grossesse pour réduire le risque de transmission materno-fétale in utero peut cependant se poser [7]. Les porteurs inactifs ayant une charge virale indétectable, en l’absence d’exposition
à un traitement immunosuppresseur, et ceux gardant une charge virale faible mais stable avec des transaminases constamment normales (le nombre de contrôles annuels n’est pas défini), des antiHBe, l’absence d’infection associée par le VHD et le VHC et ayant des tests non invasifs de fibrose évoquant l’absence de fibrose significative (F ≤ 1) ne seront pas traités. La surveillance simple des patients au stade de clairance immune mais ayant une hépatopathie modérée, dans l’espoir d’un arrêt spontané de la multiplication virale est légitime. Ces restrictions indiquent qu’environ 40 % des patients ayant une infection chronique par le VHB seront traités. Les patients qui ne sont pas traités resteront astreints à un suivi régulier au moins annuel en l’absence de fibrose significative et au moins semestriel chez ceux ayant une fibrose extensive ou une cirrhose. La surveillance clinico-biologique (transaminases, sérologies HBe et HBs, quantification de l’ADN du VHB, alpha féto-protéine) et échographique a pour but de s’assurer de l’absence de : 1) réactivation virale ou de fluctuations de l’activité (infection par un mutant pré-C) chez un porteur inactif qui était considéré comme à ne pas traiter ; 2) survenue d’un carcinome hépatocellulaire quel que soit le profil séro-virologique et biochimique du patient ; 3) rupture de tolérance faisant entrer l’immuno-tolérant dans la phase de clairance immunitaire qui pourrait relever d’un traitement alors qu’il n’était pas précédemment justifié ; 4) réduction spontanée et majeure de la réplication virale, accompagnant souvent la séroconversion HBe/antiHBe et faisant différer un projet thérapeutique dont la pertinence avait été retenue. Ainsi, tout patient infecté par le VHB sera « adopté » par son médecin ; cependant, seule la moitié relèvera d’un traitement mais tous d’une surveillance.
Conclusion Le traitement des infections chroniques par le VHB doit rester prioritairement • • • • • •
préventif par la vaccination qui, dans les zones de haute endémie, a permis de diminuer significativement l’incidence annuelle du carcinome hépatocellulaire chez les adultes mais aussi chez les enfants. En cas d’hépatite chronique B, les différentes stratégies antivirales et/ou immunothérapiques seront proposées aux patients avec un espoir de l’ordre de 40 % d’arrêter la multiplication virale afin d’éviter la cascade hépatite chronique, cirrhose et cancer. Le choix du traitement de première ligne (Interféron pégylé ou analogues) sera fonction d’un certain nombre de critères liés à l’hôte (âge, co-morbidité) ou au virus (génotype viral, virémie quantitative…) ; l’objectif du traitement est d’obtenir une virosuppression puissante et rapide qui limite le risque de survenue de résistance. L’absence de traitement sera envisagée, sous réserve d’une surveillance continue, chez l’immunotolérant et le porteur inactif n’ayant pas de multiplication virale détectable ou pas d’impact hépatique d’une multiplication virale minime.
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Les 5 point forts ➊ ➋
➌ ➍ ➎
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Évaluation par la PBH (marqueurs non invasifs biochimiques et élastométriques en cours de validation) ; Les marqueurs sérologiques, les transaminases et la charge virale par RT-PCR permettent de classer la plupart des patients dans les 3 phases de l’histoire naturelle ; Ne pas traiter les immuno-tolérants, les porteurs inactifs, les hépatopathies minimes ; Traiter les hépatopathies significatives à charge virale détectable, quelle que soit la valeur des ALT ; Surveiller (Echographie, ALT, ADN du VHB) tous les porteurs de l’Ag HBs
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Questions à choix multiple Question 1 Parmi ces différentes situations d’infection chronique par le VHB, lesquelles ne relèvent pas d’un traitement ? ❏ A. Femme enceinte à faible charge virale ❏ B. Hépatite chronique A2F2 ❏ C. Cirrhose virale B à transaminases normales avec un ADN VHB = 675 UI/mL ❏ D. Immunotolérant (transaminases normales; ADN VHB = 10 log UI/mL) ❏ E. Porteur inactif (transaminases normales; ADN VHB = 2768 UI/mL)
Question 2 Le traitement antiviral B d’une cirrhose active repose sur : ❏ A. L’interferon pégylé ❏ B. La lamivudine ❏ C. L’adéfovir ❏ D. L’entecavir ❏ E. Le tenofovir
Question 3 La surveillance d’un patient sous traitement antiviral ou n’ayant pas de traitement antiviral malgré une hépatite chronique A0F1, repose sur : ❏ A. Une échographie annuelle en l’absence de cirrhose ❏ B. Une quantification régulière de l’Ag HBs ❏ C. Une quantification de l’ADN VHB tous les 3 mois ❏ D. Une biopsie hépatique régulière ❏ E. Une évaluation trimestrielle des transaminases
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Post’U (2009) 138-146
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Tumeurs bénignes du foie : hyperplasie nodulaire focale et adénomes Objectifs pédagogiques – Comment différencier un adénome d’une hyperplasie nodulaire focale ; – Comment prendre en charge une HNF ; – Comment prendre en charge un adénome.
Introduction Les adénomes hépatocellulaires et l’hyperplasie nodulaire focale constituent les deux types de tumeurs hépatiques bénignes, solides, formées d’hépatocytes. Ces deux tumeurs sont radicalement différentes, excepté pour une composition d’hépatocytes non malins, une vascularisation quasi purement artérielle, et une très large prédominance de femmes jeunes parmi les sujets atteints. En termes de fréquence parmi les tumeurs hépatiques bénignes solides, l’hyperplasie nodulaire focale arrive au second rang après l’hémangiome alors que, même pris ensemble, les adénomes se classent loin derrière, parmi les tumeurs très rares du foie. Cet article se propose de faire d’abord une mise au point sur les principales caractéristiques de l’hyperplasie nodulaire focale et des adénomes, avant d’envisager les problèmes plus pratiques de leur diagnostic et de leurs prises en charge respectives. Les principales caractéristiques opposant hyperplasie nodulaire focale et adénomes sont résumées dans le Tableau 1.
L’hyperplasie nodulaire focale Une cirrhose focale Cette tumeur est caractérisée par une réorganisation focale du parenchyme hépatique faite de 3 éléments [1] : a) une architecture nodulaire anormale ; b) des vaisseaux anormaux ; c) une prolifération cholangiolaire. Les hépatocytes sont organisés en nodules, avec des travées constituées de 1 à 2 hépatocytes d’épaisseur. Ces nodules sont totalement ou partiellement circonscrits par des septa fibreux. Les septa contiennent des vaisseaux contournés, à paroi épaisse, de type artériel. La prolifération cholangiolaire est située dans les septa, près de l’interface avec les hépatocytes. Il n’y a pas de canaux biliaires normaux. Dans l’ensemble, cet aspect ressemble à un foyer bien limité de parenchyme cirrhotique (« cirrhose focale »). Il n’y a pas de capsule bien que la limite avec le parenchyme normal adjacent soit nette. Les hépatocytes sont généralement normaux. Cependant, une stéatose discrète est très fréquente (60 %) dans le nodule d’hyperplasie nodulaire focale, ce qui contraste avec le parenchyme normal avoisinant où elle est rare (environ 15 %) [1]. Un infiltrat inflammatoire modéré dans les septa est très fréquent. Dans plus de 85 % des cas, les septa irradient d’une zone fibreuse centrale
D.-C. Valla () Hôpital Beaujon, pôle des maladies de l’appareil digestif, F-92118 Clichy cedex (France) E-mail :
[email protected] ■
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D.-C. Valla
macroscopiquement visible, d’aspect étoilé, contenant des gros vaisseaux artériels dystrophiques, sans canaux biliaires ni veine porte. L’étoile centrale est rarement visible macroscopiquement dans les petites tumeurs (moins de 2 cm). La lésion est apparemment unique dans les deux tiers des cas. Dans les autres cas, 2 à 4 nodules sont détectables par l’imagerie. Il n’y a pas de distribution particulière au sein du foie. Lorsque la tumeur, de grande taille, est située à la partie toute supérieure du foie, elle peut entraîner un encorbellement des veines hépatiques, voire la formation d’anastomoses entre les veines hépatiques mais sans retentissement détectable sur la perfusion du parenchyme hépatique non tumoral.
Un approvisionnement artériel exclusif Il n’y a pas d’apport portal [2,3]. L’apport sanguin est fait par une artère située dans l’étoile centrale et se distribue sans retard par les artères des septa [4,5]. Dans 20 % des cas, un pédicule est macroscopiquement visible en périphérie du nodule. Le drainage sanguin se fait par des veines situées à la périphérie des nodules, qui se drainent dans les veines hépatiques avoisinantes. Les veines de drainage et le refoulement des vaisseaux adjacents peuvent constituer un feutrage dense entourant le nodule, à ne pas confondre avec une capsule. • • • • • •
Tableau 1. Caractéristiques opposant hyperplasie nodulaire focale et adénomes hépatocellulaires Hyperplasie nodulaire focale
Adénomes
1/2 000 Faible Polyclonal Déséquilibre d’apport artériel/portal Rares Aucune > 80 %
1/20 000 Fort Monoclonal Mutation
Prévalence Rôle des CO Clonalité Déterminant Symptômes Complications Diagnostic par imagerie
Résection à envisager
Certains facteurs favorisants repérés mais mal compris Il n’y a aucun argument pour une prédisposition familiale. Le rôle des œstrogènes et des progestatifs a été largement débattu. La très large prédominance chez les femmes jeunes suggère bien un rôle favorisant de l’exposition aux hormones féminines. Trois études cas témoin ont effectivement trouvé un odds ratio un peu augmenté (entre 1,7 et 2,8), ce qui était statistiquement significatif dans 2 des 3 études [6,7]. Le point le plus convaincant est que, dans les 3 études, le risque augmentait significativement avec la durée d’utilisation. En revanche, une étude de suivi sur une longue période n’a pas mis en évidence d’influence de la durée ni du type de contraception orale, ni de la grossesse sur le nombre, la taille ou l’aspect des nodules d’hyperplasie nodulaire focale [8]. Une diminution de taille est possible à long terme (25 % des cas), d’autant plus probable que le recul est grand et que l’âge est avancé. Cette observation est compatible avec l’interprétation d’une involution en rapport avec la ménopause [9]. Dans 25 % des cas, l’hyperplasie nodulaire focale est associée à un ou plusieurs angiomes [10,11], ou à un ou plusieurs adénomes hépatocellulaires [12,13]. Ces associations, qui ne sont manifestement pas fortuites, sont assez mal expliquées. Enfin, de nombreuses affections ayant en commun une perte de l’apport • • • • • •
Non
Fréquents Hémorragie et cancer Difficile à différencier d’un carcinome hépatocellulaire Oui
portal et une augmentation de l’apport artériel hépatique sont associées à des macronodules régénératifs, dont certains peuvent prendre l’aspect typique d’une HNF : syndrome de Budd-Chiari [14], maladie de RenduOsler [15], absence congénitale de la veine porte [16,17], thrombose ancienne de la veine porte [18]. Toutefois, dans une population tout-venant de patients atteints d’HNF, ces affections sont très rarement présentes.
Des hépatocytes habituellement polyclonaux et une dysrégulation des systèmes angiopoïétiques Sans donner une vision complètement claire de l’ensemble du processus conduisant à l’hyperplasie nodulaire, les résultats des études moléculaires indiquent une implication prédominante de phénomènes circulatoires et réactionnels. Un acquis important des dernières années a été de montrer le caractère polyclonal des hépatocytes dans la majorité [19] (mais non la totalité [20]) des cas d’hyperplasie nodulaire focale. Ce fait permet de classer l’hyperplasie nodulaire focale parmi les tumeurs réactionnelles, et non parmi les néoplasies. Il est intéressant de noter que, par comparaison, environ la moitié des nodules de régénération bénins de la cirrhose (quelle qu’en soit la cause) sont monoclonaux, alors que adénomes et carcinomes hépatocellulaires sont toujours monoclonaux [21]. D’autres études molé-
culaires ont permis d’établir l’absence des mutations fréquemment présentes dans les adénomes ou les carcinomes hépatocellulaires au niveau du gène de la protéine p53, ou de la voie de signalisation Wnt (β-caténine, APC, axin) [22]. Une étude de 209 gènes (impliqués dans la matrice extracellulaire, les facteurs de croissance, le cycle cellulaire, les facteurs de transcription, les récepteurs nucléaires, l’apoptose, le cytosquelette et l’angiogenèse), a permis de mettre en évidence une profonde dysrégulation de certains des systèmes contrôlant l’angiogénèse. Comparativement à du foie sain, il y a une forte augmentation de l’expression de l’ARN messager de l’angiopoïétine 1, et une forte diminution de celle de l’angiopoïétine 2, sans modification significative de celle du récepteur des angiopoïétines (Tie2), ni des VEGF ou de leurs récepteurs, ni de HIF1A. Ces modifications transcriptionnelles sont associées à une augmentation de l’expression protéique de l’angiopoïétine 1 au niveau de l’endothélium des vaisseaux anormaux. Les modifications observées dans du foie de cirrhose, dans des adénomes ou des carcinomes hépatocellulaires sont très différentes.
Une hyperplasie réactionnelle à un déséquilibre focal entre un apport artériel augmenté et un apport portal diminué Cette hypothèse, formulée sur une base purement morphologique par Ian Wanless il y a près de 30 ans [3], s’avère finalement confortée par toutes les données récentes. Toutefois, elle laisse sans réponse dans la plupart des cas, la question du mécanisme initial provoquant ce déséquilibre local : thrombose portale ou fistule artérioveineuse ou artério-portale ? Lésion congénitale malformative ou acquise ? Lésion vasculaire traumatique, dégénérative ou inflammatoire ?
Une lésion asymptomatique d’évolution parfaitement bénigne On considère généralement que l’hyperplasie nodulaire focale ne
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donne naissance à aucun symptômes [23,24]. C’est probablement vrai dans l’immense majorité des cas, que la tumeur ait été découverte de façon totalement fortuite (35 % des cas) ou à l’occasion de douleurs abdominales peu spécifiques ou attribuables à une autre affection (58 % des cas) [1]. Ce n’est peut-être pas vrai dans tous les cas. En particulier, la question peut se poser en cas de douleurs se projetant en regard d’une volumineuse tumeur sous-capsulaire. L’hépatomégalie est exceptionnelle. Il n’y a pas de signes généraux ; s’il y en a, ils ne sont pas liés à la lésion. De même, on considère généralement que l’hyperplasie nodulaire focale n’entraîne aucune anomalie des tests hépatiques et que, si celles ci sont présentes, c’est par association fortuite. L’évolution est parfaitement bénigne qu’il s’agisse de la stabilité en taille et en nombre, déjà évoquée, et de l’absence de complication sous forme de nécrose ou d’hémorragie, ou de transformation maligne [8,9]. Cette dernière notion est tout à fait cohérente avec le caractère polyclonal et réactionnel de la tumeur.
Des images caractéristiques dans plus de 80 % des cas De nombreuses études de corrélation entre aspects radiologiques et histologiques sont venues démontrer les excellentes performances des examens non invasifs pour décrire les caractéristiques de la lésion [4,5,17,25,26]. Parce qu’il s’agit d’une simple réorganisation d’hépatocytes peu ou pas stéatosiques, sans nécrose ni hémorragie, en l’absence d’injection de produit de contraste, la tumeur se distingue souvent mal du parenchyme avoisinant, que ce soit par l’échographie (plutôt hypoéchogène), le scanner (plutôt hypodense), ou l’IRM (plutôt hyperintense sur les séquences pondérées en T2). On la repère alors par l’effet de masse sur les structures vasculaires ou le bombement du contour du foie. L’étoile centrale se manifeste souvent par une hyperintensité sur les séquences pondérées en T2. Il n’y a pas de capsule.
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L’injection intraveineuse rapide de produit de contraste permet de montrer un rehaussement massif au temps artériel comparativement au foie adjacent, excepté au niveau de l’étoile centrale fibreuse qui reste non, ou peu, rehaussée. L’échographie de contraste permet de suivre le remplissage centrifuge de la lésion dès les temps les plus précoces, et même de montrer les artères irradiant en rayon de roue de la zone centrale. Excepté pour les septa fibreux, la lésion est parfaitement homogène. Ses contours lobulés sont bien visibles sauf pour les petites tumeurs (< 3 cm). Le rehaussement diminue rapidement et devient identique à celui du parenchyme adjacent, aux phases portale et tardive. À la phase portale et veineuse, un rehaussement des veines refoulées par une HNF de grande taille ne doit pas être pris pour une capsule. À la phase tardive (ou très tardive), la zone centrale se trouve plus rehaussée que le reste du nodule et que le foie adjacent par les produits de contraste à diffusion vasculaire et interstitielle (scanner et IRM), mais ce phénomène n’est pas observé avec les produits de contraste de distribution purement vasculaire employés pour l’échographie. La zone centrale étoilée n’est visible que dans 20 % des tumeurs de moins de 3 cm de diamètre, alors qu’elle est démontrable dans plus de 85 % des cas de tumeurs de plus de 3 cm de diamètre [5,27].
La biopsie à l’aiguille montre les éléments caractéristiques dans la moitié des cas difficiles La biopsie dirigée percutanée (comparant la tumeur avec le reste du parenchyme) a permis de mettre en évidence l’ensemble des éléments histologiques caractéristiques de l’hyperplasie nodulaire focale dans environ la moitié des cas d'espect atypique à l'imagerie [28]. La biopsie montrait des lésions compatibles avec le diagnostic dans 10 % des cas ; elle était considérée comme négative dans le reste des cas.
Les adénomes hépatocellulaires Il est maintenant établi qu’il existe plusieurs types d’adénomes hépatocellulaires [29, 30]. Deux types sont caractérisés par des anomalies particulières de l’ADN des hépatocytes tumoraux et par des aspects histologiques relativement spécifiques (l’adénome stéatosique porteur d’une mutation de TC1/HNF1-α; et l’adénome porteur d’une mutation du gène de la β-caténine. Un troisième type est caractérisé principalement par son aspect histologique (inflammation et dilatation des capillaires). Un dernier type rassemble les exclus des catégories précédentes. Les caractéristiques différenciant ces 4 types d’adénomes sont résumées dans le Tableau 2. Certains facteurs favorisant les adénomes hépatocellulaires sont connus depuis longtemps : prise prolongée de contraceptifs oraux [6] ou d’androgènes [31], glycogénose de type I, III ou IV [32,33]. Toutefois, la relation entre ces facteurs et les différentes sortes d’adénomes reste à préciser. Les adénomes hépatocellulaires ont en commun une prolifération bénigne d’hépatocytes monoclonaux ; une forte prédominance de femmes jeunes utilisatrices de contraceptifs oraux parmi les sujets atteints ; et la possibilité de saignement ou de transformation maligne pour les tumeurs de plus de 5 cm. Les adénomes sont constitués d’hépatocytes bien différenciés sans espace porte complètement constitué. Les études moléculaires ont bien établi leur caractère monoclonal constant [19,34]. Les autres caractéristiques histologiques varient, bien qu’avec des chevauchements notables, selon le type d’adénome (Tableau 2). Le diamètre des nodules, quelle que soit la sorte d’adénome, varie d’un patient à l’autre, de quelques millimètres à plus de 10 cm. Toutes les sortes d’adénomes peuvent se présenter sous une forme unique ou multiple. Un nombre d’adénomes arbitrairement supérieur à 10 a, dans le passé, défini • • • • • •
Tableau 2. Principales caractéristiques séparant les différentes sortes d’adénomes héatocellulaires (37,39)
Stéatose Anomalies cytologiques et pseudo-acini Carcinome Inflammation Dilatation des capillaires Immunohistochimie L-FABP : Nodule/Foie Nl Glutamine synthase β-Caténine (Nx/Cytopl.) S-AA CRP
TC1/HNF1-α
β-Caténine
Inflammatoire Télangiectasique
Autres
++++
+
++
+
+
+++
++
+
+ 0 0
+++ + 0
+ +++ +++
+ + +
0/+ 0 0 0 0
+/+ ++ ++ 0 0
+/+ 0 0 0 0
+/+ 0 0 0 0
Taille des nodules Nombre de nodules Hémorragie microscopique
voisin voisin voisin
En bleuté, les caractéristiques essentielles. Les croix décrivent l’intensité/la fréquence.
l’adénomatose hépatique [35]. Cependant, les arguments pour en faire une entité radicalement différente des adénomes sont assez fragiles : le nombre d’adénomes ne peut être correctement évalué que sur une pièce d’hépatectomie totale alors que tous les adénomes ne sont pas macroscopiquement décelables [36]. De plus, les différents sous-types peuvent être observés dans les adénomatoses [30]. Quelle que soit la sorte d’adénome [37], l’âge au diagnostic est habituellement de 30 à 40 ans. Les femmes constituent 65 à 90 % des cas. Elles prennent des contraceptifs oraux dans 60 à 90 % des cas. Les circonstances de découverte sont des douleurs aiguës dans 25 à 40 % des cas. Des foyers de saignement sont démontrés histologiquement dans 45 à 70 % des cas. Bien que la proportion de cas de transformation maligne varie de 2 à 30 % selon la sorte d’adénome, aucune n’est complètement indemne de ce risque. Il est généralement admis (et confirmé par l’expérience chirurgicale de l’Hôpital Beaujon sur 120 cas d’adénomes réséqués) que le risque de saignement symptomatique ou de transformation maligne est nul lorsque le plus gros nodule mesure moins de 5 cm de diamètre (Dokmak S. et al., données non publiées). • • • • • •
Les aspects que donnent les adénomes en imagerie varient considérablement en fonction de leur contenu graisseux, et de la présence d’un saignement ou d’une nécrose. Par rapport au parenchyme hépatique avoisinant, ils sont souvent hyperéchogènes, mais isodenses au scanner. Ils sont parfois encapsulés (25 %) et de contenu souvent hétérogène. En règle générale, ils se rehaussent au temps artériel (excepté dans les zones de nécrose ou d’hémorragie), et ce, par la périphérie en échographie de contraste [25]. Autrement dit, ils sont très difficiles à distinguer d’un carcinome hépatocellulaire. L’aspect en IRM, particulièrement informatif, varie en fonction de la sorte d’adénome et sera donc discuté plus loin.
L’adénome avec mutation de TC1/HNF1-α stéatosique est le plus fréquent Des mutations bi-alléliques inactivant le gène TCF1 sont la caractéristique de cette sorte d’adénome. Le plus souvent, les deux mutations sont somatiques. Dans certains cas, une des mutations est constitutionnelle et l’autre mutation est somatique. Le gène TC1 code pour la protéine HNF1-α, impliquée dans la différentiation des hépa-
tocytes. Il est intéressant de noter que des mutations constitutionnelles, hétérozygotes de TC1 sont la cause du diabète de type MODY3 et que des cas d’adénomatose hépatique familiale ont été rapportés chez des sujets atteints de ce type de diabète [38]. Cette sorte d’adénome peut être parfaitement reconnue par immuno-histochimie, sans nécessité de recourir à une analyse moléculaire : l’absence de marquage L-FABP (fatty acid binding protein) a une sensibilité et une spécificité de 100 % [39]. En dehors des mutations constitutionnelles de TC1/HNF1-α, les facteurs favorisant cette sorte d’adénome ne sont pas connus. Dans 1/3 des cas, ces adénomes ont une stéatose supérieure à 60 % [37]. Dans moins de 10 % des cas, les hépatocytes de ces adénomes ne sont pas stéatosiques. Un infiltrat inflammatoire y est rare (5 %), de même que des anomalies cytologiques (2 %) ou des formations pseudo glandulaires (20 %). La stéatose est directement liée à une induction de la lipogenèse par l’inactivation de TC1/ HNF1-α_ [40]. Des aspects assez spécifiques sont mis en évidence par l’IRM : aspect homogène dans plus de 85 % des cas ; rehaussement artériel habituellement peu marqué, sans persistance ni lavage aux temps tardifs ; et surtout importante chute de signal homogène sur les séquences en opposition de phase, correspondant au contenu graisseux, dans plus de 90 % des cas [41]. La transformation maligne paraît rare : 1 sur les 44 malades (2 %) de la plus grosse série rapportée [37].
L’adénome avec mutation du gène de la β-caténine : proportionnellement rare chez la femme, fréquent chez l’homme, avec un fort potentiel malin Ce type d’adénome est caractérisé par des mutations somatiques qui inhibent la phosphorylation de la β-caténine et produisent un gain de fonction : la protéine n’est plus localisée à la
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membrane plasmique ; elle migre dans le noyau où elle agit comme facteur de transcription [29]. Le diagnostic de cette mutation ne requiert pas d’analyse moléculaire : l’étude immunohistochimique permet de la reconnaître lorsqu’il y a hyper-expression de la glutamine synthase ou localisation nucléaire de la β-caténine [39]. Les facteurs favorisant ce type d’adénome ne sont pas connus. L’adénome muté pour la β-caténine a été observé chez 5 des 13 hommes (38 %) et 8 des 75 femmes (10 %) inclus dans une étude multicentrique d’adénomes [37]. Histologiquement, il était soit le siège d’une stéatose marquée (25 % des cas), soit dépourvu de stéatose. Sa caractéristique principale était la fréquence des anomalies cytologiques (70 %) ou architecturales (pseudo-acini dans 70 %), rendant le diagnostic différentiel avec un carcinome hépatocellulaire bien différencié souvent très difficile. Les mutations de la β-caténine étant une particularité connue des carcinomes hépatocellulaires [22], il n’est pas étonnant que cette sorte d’adénome ait été associée à un carcinome dans 4 des 13 cas rapportés (30 %) [37]. Les particularités de ce type d’adénome en IRM restent à préciser : des données recueillies chez seulement 2 patients, suggérant un fort rehaussement au temps artériel et l’association sur les temps tardifs de zones restant rehaussées avec des zones sièges d’un lavage, peuvent être intéressantes [41].
L’adénome télangiectasique/inflammatoire : fréquent, associé à un excès de poids, et reconnaissable à son syndrome inflammatoire systémique directement lié à l’adénome Cette entité avait initialement été décrite comme une hyperplasie nodulaire focale télangiectasique [42] ou atypique [1,28] en raison des tractus fibreux contenant des artères aux parois épaisses. Cependant, la reconnaissance de sa nature monoclonale a
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Tableau 3. Signes IRM qui, associés, permettent de faire avec certitude le diagnostic d’hyperplasie nodulaire focale Isosignal T1 par rapport au foie avoisinant Isosignal ou discret hypersignal T2 par rapport au foie avoisinant Zone étoilée centrale en hyposignal T1 et en hypersignal marqué T2 Rehaussement intense au temps artériel et, aux temps portal et tardif, retour à un rehaussement identique à celui du foie avoisinant Rehaussement de la zone centrale au temps tardif Caractère homogène de la lésion et absence de capsule
permis de la reclasser parmi les adénomes [12,34]. Les caractéristiques moléculaires de ce type d’adénome sont négatives : il n’y a pas de mutation de TC1/HNF1-α, ni du gène de la β-caténine [37]. Les caractéristiques sont histologiques [12,34,43] : une prolifération d’hépatocytes formant des travées unicellulaires avec de courtes structures fibreuses contenant des petites artères à la paroi épaisse ; parfois une prolifération ductulaire ; habituellement un infiltrat inflammatoire lymphocytaire ; et souvent, une dilatation des sinusoïdes. Une particularité immuno-histochimique est l’expression augmentée de protéines de l’inflammation par les hépatocytes : les protéines C-réactive (CRP) et sérum amyloïde A (SAA) [39]. Des atypies cellulaires et une stéatose sont présentes dans l’adénome dans respectivement 20 % et 50 % des cas. Cette sorte d’adénome est plus souvent multiple que les autres sortes [34]. Cette forme d’adénome est associée à un excès de poids dans 60 % des cas [43]. Le foie avoisinant est d’ailleurs le siège d’une stéatose dans 60 % des cas, en relation avec l’index de masse corporelle du sujet, mais sans relation avec la stéatose des adénomes. La plupart des patients ont un syndrome inflammatoire systémique marqué par une fièvre (inexpliquée par ailleurs), et/ou une augmentation du fibrinogène, et/ou de la CRP, et/ou de la vitesse de sédimentation des hématies ; ce syndrome inflammatoire disparaît avec l’ablation des adénomes [43]. L’aspect en IRM est caractérisé, en particulier, par la forte hyperintensité avec un renforcement périphérique sur
les séquences pondérées en T2 (traduisant les ectasies vasculaires) (80 % des cas), par le fort rehaussement au temps artériel (90 % des cas), et par la persistance du rehaussement aux temps ultérieurs (90 % des cas) [41,44].
Les adénomes inclassés : 20 % des cas, en attente de caractérisation Ces adénomes ne peuvent être caractérisés par les études moléculaires ou immuno-histochimiques. Ils ne présentent aucune particularité clinique, radiologique ou évolutive permettant de les différencier des autres catégories.
Diagnostic des tumeurs bénignes Quel que soit le moyen ayant conduit à repérer la tumeur, l’IRM est l’examen clé de la stratégie diagnostique Elle permet d’écarter le diagnostic différentiel d’hémangiome et, dans la majorité des cas, de faire le diagnostic d’hyperplasie nodulaire focale sur l’association des signes présentés dans le Tableau 3.
Lorsque manque soit le rehaussement artériel massif, soit la cicatrice centrale, l’échographie de contraste peut apporter des arguments convaincants pour une hyperplasie nodulaire focale Le rehaussement massif au temps artériel peut être méconnu lorsque la séquence n’est pas parfaitement • • • • • •
synchronisée avec le temps artériel de l’injection. Une échographie de contraste permet de retrouver ce signe important. L’absence de cicatrice centrale dans une tumeur de moins de 3 cm de diamètre ne permet pas d’écarter le diagnostic d’hyperplasie nodulaire focale. Dans ce cas, une échographie de contraste permet parfois de voir l’artère centrale, le remplissage centrifuge, et la distribution des artères en rayon de roue.
Lorsque tous les arguments d’une hyperplasie nodulaire focale ou d’un angiome ne sont pas réunis, une biopsie doit être envisagée En effet, dans cette situation, le diagnostic différentiel est fait des tumeurs à rehaussement artériel : adénome hépatocellulaire, carcinome hépatocellulaire, tumeur neuroendocrine, hemangio-endothéliome épithélioïde, angiosarcome, etc. Chacune de ces tumeurs est extrêmement rare chez le sujet sans maladie chronique du foie. Toutes justifient d’envisager une résection. Lorsque la tumeur est homogène et lobulée, et n’a pas de contenu graisseux, le diagnostic d’hyperplasie nodulaire focale reste possible. Dans 50 % des cas, la biopsie permet de l’établir en montrant les travées fibreuses radiaires, les artères à paroi épaisse sans veine porte, la prolifération ductulaire, les travées hépatocytaires épaissies. De la sorte, moins de 10 % de l’ensemble des hyperplasies nodulaires focales ne pourra recevoir un diagnostic de certitude sans envisager une attitude beaucoup plus invasive de résection chirurgicale. Dans bien des cas, le diagnostic d’adénome stéatosique est fort probable parce que : a) il s’agit d’une femme jeune ayant pris de longues années des contraceptifs oraux, et n’ayant aucun facteur de risque ni de signe de maladie chronique du foie ; b) la ou les lésions sont très homogènes, bien • • • • • •
limitées, sans capsule, riches en graisse, et prennent le contraste au temps artériel en devenant iso-intenses au foie avoisinant au temps portal et tardif. Malgré tout, une biopsie est recommandée afin d’établir le diagnostic avec assurance.
négligeable. Cette recommandation doit donc être nuancée sur une base individuelle par l’acceptabilité des autres méthodes contraceptives.
Le principal enjeu (et défi) diagnostique est de différencier un carcinome hépatocellulaire d’un adénome hépatocellulaire. Pour cela, les examens immuno-histochimiques sont un utile complément à l’examen histologique, la mise en évidence des marqueurs d’une activation de la β-caténine suggérant soit un carcinome hépatocellulaire, soit un risque élevé de transformation, alors qu’une expression du glypican témoigne d’un carcinome hépatocellulaire avéré [45].
Ce cas de figure, simple, est justifié par le très fort risque de complication et de transformation maligne dans ce sous-groupe. Le risque élevé est probablement en rapport avec la forte prévalence des adénomes porteurs d’une mutation de la β-caténine chez l’homme.
Prise en charge de l’hyperplasie nodulaire focale Cette lésion ne justifie aucune précaution particulière, aucun traitement, ni aucune surveillance. En particulier, l’hyperplasie nodulaire focale ne constitue pas une contreindication à la contraception orale (surtout si elle est peu dosée en œstrogène), ni à une grossesse. Il n’y a pas lieu de mettre en œuvre une surveillance particulière au cours d’une grossesse.
Prise en charge de l’adénome La contraception orale doit être interrompue Cette recommandation est justifiée par la relation établie entre la contraception orale et le risque d’adénome et de carcinome hépatocellulaire, en des temps où le contenu en œstrogène était élevé. Toutefois, cette recommandation n’est pas parfaitement satisfaisante : le risque associé aux pilules microdosées en œstrogènes, ou purement progestatives, pourrait être
Un adénome chez un homme doit être réséqué
Un adénome symptomatique doit être réséqué Les adénomes ayant été à l’origine de douleurs, principalement par saignement intra-hépatique ou sous-capsulaire doivent évidemment être réséqués. En dehors d’un état de choc réfractaire, il est habituellement possible de contrôler le risque hémorragique initial par une embolisation artérielle, voire un packing, et d’effectuer la résection de façon différée (parfois de quelques mois), lorsque l’hématome s’est résorbé [46]. Cette stratégie permet de limiter au maximum la taille de la résection.
Un adénome de plus de 5 cm doit être réséqué Cette recommandation est justifiée par le fait que les complications surviennent exclusivement sur les adénomes de cette taille. Toutefois, cette recommandation n’est pas parfaitement satisfaisante dans la mesure où le risque réel de complication dans ce sous-groupe n’est pas connu et où les facteurs prédictifs de complication n’ont pas été précisés. Les données individuelles liées au risque opératoire doivent donc nuancer cette recommandation.
Un adénome porteur d’une mutation de la β-caténine doit être réséqué Cette recommandation suppose qu’une étude immuno-histochimique complète
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soit effectuée dans tous les cas où un diagnostic d’adénome est fait par biopsie. Elle est justifiée par le risque élevé de transformation maligne associé à cette mutation.
Les adénomes de moins de 5 cm de diamètre, sans mutation de la β-caténine, chez une femme, peuvent être laissés en place à condition d’être asymptomatiques et d’être surveillés Ces adénomes peuvent se compliquer à long terme mais le risque en est faible (< 5 %) et apparaît prévisible par la taille. Les moyens d’imagerie actuels, non irradiants, très spécifiques et raisonnablement sensibles, permettent de surveiller les adénomes de petite taille pour détecter une modification de volume ou d’aspect qui pourrait conduire soit à une nouvelle évaluation diagnostique, soit à une résection, soit à une destruction percutanée par radiofréquence. Dans la balance bénéfice-risque de l’attitude à adopter, doivent être placés, d’un côté, le risque opératoire qui dépend des affections associées, de la taille, du nombre et de la localisation des nodules (qui conditionnent l’étendue de la résection), et de l’expérience de l’équipe chirurgicale. De l’autre côté, doivent être placés le degré d’assurance dans le diagnostic de l’adénome et de son type (un adénome muté TC1/HNF1-α donne un degré d'assurance supérieur à un adénome non typable qu’il ne s’agit pas d’un adénome avec mutation de la β-caténine méconnue), de l’accès à une surveillance de qualité, et de l’acceptabilité de la surveillance par le patient. Une surveillance tous les 6 mois pendant les deux premières années et, en cas de stabilité, tous les ans pourrait être proposée. Le choix de la technique (échographie, éventuellement avec contraste, ou IRM) devrait dépendre de la qualité de la visualisation des nodules à surveiller sur les examens initiaux.
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Les 5 points forts HNF et Adénomes HNF – Réaction à l’hyperartérialisation – Diagnostic par IRM – Ne rien faire Adénome – Néoplasie (4 types) – Diagnostic par Biopsie + IRM – Résection à envisager – symptômes/homme/> 5 cm/β-caténine
Questions à choix unique Question 1 Parmi les propositions suivantes, laquelle est juste ? Une hyperplasie nodulaire focale : ❏ A. Peut être dépourvue d’étoile centrale macroscopique ❏ B. Peut être d’aspect hétérogène en imagerie ❏ C. Peut être entourée d’une capsule ❏ D. Nécessite une surveillance pendant une grossesse ❏ E. Peut se présenter sous une forme particulière dite télangiectasique
Question 2 Parmi les propositions suivantes, laquelle est fausse ? Les adénomes porteurs de la mutation TC1/HNF1-α : ❏ A. Sont les plus fréquents des adénomes ❏ B. Sont toujours stéatosiques ❏ C. Sont toujours de texture hétérogène d’aspect en imagerie avant ou après injection de produit de contraste ❏ D. Peuvent se transformer en carcinome hépatocellulaire ❏ E. Peuvent être héréditaires
Question 3 Parmi les propositions suivantes, laquelle est fausse ? Les adénomes devant être réséqués sont ceux : ❏ A. De plus de 5 cm de diamètre ❏ B. Porteurs d’une mutation de la β-caténine ❏ C. Symptomatiques ❏ D. Survenant chez l’homme ❏ E. Survenant chez la femme en l’absence de contraception orale
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Post’U (2009) 147-152
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Suivi et traitement d’une hémochromatose Objectifs Pédagogiques – Quelle est la définition d’une hémochromatose ; – Connaître la classification des hémochromatoses ; – Traiter et savoir surveiller un malade qui a une hémochromatose.
Hémochromatose : définition et classification Définition L’hémochromatose peut être définie comme une surcharge chronique en fer d’origine génétique. La surcharge en fer peut aller du simple excès tissulaire sans conséquences cliniques jusqu’aux situations de surcharge massive, susceptibles d’affecter des organes très divers et d’engager le pronostic vital. Quant à l’origine génétique, elle correspond à une mutation originelle qui est soit liée au gène HFE, soit, situation beaucoup plus rare, non liée à ce gène.
Classification clinique Hémochromatose de Type 1 [1] C’est la forme, de loin la plus fréquente, d’hémochromatose. Elle est due à une mutation majeure du gène HFE localisé sur le bras court du chromosome 6 et appelée C282Y (nouvelle nomenclature : p.Cys282Tyr). S’agissant d’une maladie récessive, deux mutations C282Y, l’une reçue du père, l’autre de la mère, sont requises pour que la maladie se développe. Il importe de rappeler que l’homozygotie C282Y est une condition nécessaire
mais non suffisante pour que se développe une surcharge en fer et qu’il a été récemment rapporté que seulement une femme homozygote sur 100 et un peu plus d’un quart des hommes homozygotes développaient un excès en fer pathologique durant leur vie [2]. Hémochromatose de Type 2 [3,4] C’est une pathologie rare touchant l’adolescent ou l’adulte de moins de 30 ans, également appelée hémochromatose juvénile où dominent les atteintes cardiaque et endocrinienne. Elle est due à des mutations des gènes de l’hémojuvéline (chromosome 1) ou de l’hepcidine (chromosome 19) qui correspondent respectivement aux hémochromatoses 2A et 2B. Hémochromatose de Type 3 [5] Elle est exceptionnelle, mimant l’hémochromatose de type 1 de l’adulte, mais pouvant aussi s’exprimer chez le sujet jeune. Elle est due à des mutations du gène du récepteur de la transferrine de type 2 (RTf2) (chromosome 7). Hémochromatose de Type 4 [6] Moins rare que les types 2 et 3, elle est en rapport avec des mutations du gène de la ferroportine (chromosome 2) et est aussi appelée « maladie de la ferroportine ». Seule hémochromatose à transmission dominante, elle présente deux phénotypes : i) la forme la plus fréquente (hémochromatose 4A) se caractérise par une surcharge en fer macrophagique avec fer sérique et saturation de la transferrine normaux (ou bas) ; ii) l’autre forme (hémochromatose 4B) a un tableau superposable à l’hémochromatose de type 1.
P. Brissot (), C. Le Lan, E. Bardou-Jacquet Service des Maladies du Foie, Inserm U-522, centre de référence des surcharges en fer rares d’origine génétique, CHU Pontchaillou, F-35033 Rennes E-mail :
[email protected] ■
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P. Brissot, C. Le Lan, E. Berdou-Jacquet
Acéruloplasminémie [7] (ou hypocéruloplasminémie[8]) héréditaire En rapport avec des mutations du gène de la céruloplasmine (chromosome 3), responsables d’une inhibition totale de la production de la protéine et/ou ou de son activité ferroxydase ; cette affection se traduit par une surcharge en fer associée à une anémie et à des signes neurologiques. Les autres surcharges génétiques Rarissimes, elles correspondent à des entités de description soit ancienne telle que l’atransferrinémie héréditaire [9] soit récente, telles les surcharges par mutation du gène DMT1 [10] ou de la glutarédoxine [11].
Classification physiopathologique Si l’on considère les 5 principales entités, elles peuvent être classées en 2 grands groupes selon le mécanisme sous-tendant le développement de la surcharge en fer. Cette classification est importante à considérer car elle explique nombre d’aspects de la prise en charge diagnostique et thérapeutique des malades hémochromatosiques [1]. La déficience en hepcidine L’hepcidine, essentiellement produite par le foie [12], est l’hormone principale de régulation du métabolisme du fer [13]. En cas d’hémochromatose de type 1, 2 ou 3, les mutations en cause sont à l’origine d’une cascade d’évènements moléculaires, utilisant en particulier la voie BMP (Bone Morphogenetic Protein)/SMAD) [14] aboutissant à un
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défaut de production hépatique [15] de l’hepcidine. La diminution de concentration plasmatique d’hepcidine qui en résulte est à l’origine d’une augmentation de la sidérémie. Cette hypersidérémie est due à la fois à une hyperabsorption duodénale du fer alimentaire et à un excès de libération du fer splénique qui provient de la dégradation physiologique des globules rouges sénescents dans le cadre de l’érythrophagocytose. La conséquence de cette hypersidérémie est l’accumulation progressive de fer dans les principaux parenchymes (foie, pancréas, cœur) compte tenu de l’absence de mécanismes efficaces, chez l’homme, d’élimination du fer viscéral excédentaire. Dans l’hémochromatose de type 4B (maladie de la ferroportine de type B), les mutations en cause perturbent la fonction de récepteur de l’hepcidine qui est assurée par la ferroportine à l’état physiologique. Il s’ensuit une situation d’hepcidino-résistance qui équivaut à un déficit « relatif » en hepcidine (l’hepcidine plasmatique n’est pas diminuée dans sa concentration mais devient inefficace) en sorte que le phénotype de cette affection mime celui des hémochromatoses par insuffisance de production hépatique de l’hepcidine. La déficience en ferroportine Elle est en cause dans 2 types de surcharges génétiques. Ici, les mutations responsables altèrent l’autre fonction de la ferroportine, à savoir l’export cellulaire du fer. Il s’ensuit un « piégeage » du fer à l’intérieur des cellules et une diminution secondaire de la concentration plasmatique du fer. – Hémochromatose de type 4A (maladie de la ferroportine de type A). Sachant que la ferroportine est particulièrement exprimée au niveau des macrophages, la surcharge cellulaire touche principalement le système réticulo-endothélial (macrophages spléniques et cellules de Kupffer au niveau hépatique). – A (ou hypo) céruloplasminémie. Elle est responsable d’une déficience en activité ferroxydase qui assure
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l’oxydation du fer ferreux en fer ferrique, prérequis de la captation du fer par la transferrine circulante. Cette déficience serait à son tour à l’origine d’une dégradation excessive de la ferroportine entravant la sortie cellulaire du fer [16].
Suivi et prise en charge thérapeutique [17,18] Hémochromatose de type 1 (liée au gène HFE) Les modalités pratiques de prise en charge du sujet homozygote pour C282Y ont été précisées par la Haute Autorité de Santé (HAS) dans le cadre de recommandations professionnelles accessibles sur le site : www.has-sante. fr [19]. L’originalité de la démarche a consisté en l’adoption préalable d’une classification de l’expression phénotypique de l’homozygotie C282Y en 5 grades. Le stade 0 correspond à l’absence de toute expression clinicobiologique, le stade 1 à une simple augmentation du taux de saturation de la transferrine (Cs-Tf) (> 45 %, en fait souvent > à 60 % chez l’homme et à 50 % chez la femme), le stade 2 à l’augmentation conjointe des taux de saturation de la transferrine et de ferritinémie (> 300 μg/L chez l’homme et > 200 μg/L chez la femme) sans toutefois de signes cliniques. Les stades 3 et 4 correspondent à l’apparition de signes cliniques, lesquels pour le stade 3 affectent la qualité de vie (asthénie chronique, impuissance, arthropathies) et pour le stade 4 compromettent le pronostic vital (cirrhose avec le risque de carcinome hépatocellulaire, diabète insulino-dépendant, cardiomyopathie). La prise en charge du sujet homozygote pour C282Y se doit dès lors d’être adaptée au grade d’expression qu’il présente. Nature du bilan à effectuer chez le sujet C282Y/C282Y en fonction du stade d’expression phénotypique Aux stades 0 et 1 (absence d’hyperferritinémie) Aucun examen exploratoire particulier n’est recommandé en supplément de
l’examen clinique et du bilan martial (CS-Tf et ferritinémie) standard. Aux stades 2, 3 et 4 En plus de l’examen clinique et du bilan martial, le bilan doit se porter en 4 grandes directions : i) Le foie : transaminases avec réalisation d’une échographie hépatique si hépatomégalie clinique et/ou hypertransaminasémie ; ii) Les gonades : chez l’homme recherche de signes cliniques d’hypogonadisme et contrôle de la testostéronémie ; iii) L’os, avec, en cas de cofacteurs d’ostéoporose tels que hypogonadisme, ménopause ou cirrhose, réalisation d’une ostéodensitométrie ; iv) Le cœur (notamment pour les stades 3 et 4) : échocardiographie. En fonction des données obtenues, le patient sera orienté vers des consultations spécialisées. Il est rappelé que le risque de complications viscérales et métaboliques est particulièrement présent pour des taux de ferritinémie ≥ 1 000 μg/L. Il est à noter que la place de la biopsie hépatique (PBH) ne se situe plus, depuis le test HFE, au niveau du diagnostic d’hémochromatose HFE lui-même (lequel est établi sur la seule conjonction d’une surcharge en fer et d’une homozygotie C282Y) et que son indication principale demeure la recherche d’une cirrhose dont la mise en évidence modifiera les modalités de suivi du patient. Une cirrhose doit être suspectée dès qu’existent une hépatomégalie et/ou une cytolyse et/ ou une ferritinémie > 1000 μg/L d’autant qu’existeraient des facteurs de co-morbidité (alcool, stéatose...). Cette indication de la PBH à visée de connaissance du degré de fibrose demeure elle-même à situer face à d’autres approches non invasives de la fibrose hépatique telles que les marqueurs sanguins de fibrose et l’élastométrie hépatique. Quant à la place de l’IRM comme méthode de quantification directe de la charge hépatique en fer (grâce à un algorithme disponible sur : www.radio. univ-rennes1.fr), elle pourrait se situer • • • • • •
essentiellement lorsque les marqueurs sériques de charge en fer, et tout particulièrement la ferritinémie, risquent d’être surestimés par des situations confondantes telles que l’alcoolisme ou le dysmétabolisme. Modalités du suivi selon le stade d’expression de l’homozygotie c282y – Au Stade 0 (Cs-Tf et ferritine normaux) : interrogatoire, examen clinique et bilan martial sérique sont recommandés tous les 3 ans ; – Au stade 1 (simple élévation du Cs-Tf) : interrogatoire, examen clinique et bilan martial sérique annuels ; – Aux stades 2, 3 et 4 : ces stades justifiant la mise en route des saignées, se reporter aux modalités de suivi de celles-ci. Bien sûr, chaque atteinte viscérale éventuelle (arthropathie, cirrhose, diabète, troubles cardiaques) fera l’objet d’un suivi propre indépendant de son étiologie. Prise en charge thérapeutique Elle ne concernera ici que l’élimination de la surcharge en fer elle-même, le traitement symptomatique des complications viscérales de la maladie ne comportant pas de spécificité. Les saignées constituent le traitement de référence. Elles ont démontré leur efficacité sur la survie des patients et la régression (variable) de certaines des complications associées à la surcharge martiale. Ce traitement permet d’éviter l’installation de complications irréversibles (en dépendance toutefois du degré d’observance). Indications du traitement déplétif C’est à partir du stade 2, soit lorsque le sujet homozygote pour C282Y présente une augmentation du taux de ferritinémie (> 300 μg/L chez l’homme et à 200 μg/L chez la femme), qu’il y ait des signes cliniques (= stade 3 ou 4) ou non (= stade 2), que l’indication de la réalisation de saignées se trouve posée. • • • • • •
Avant de les engager, il convient naturellement de s’assurer de l’absence de contre-indications. Ces contre-indications peuvent être permanentes (toute pathologie susceptible de menacer la santé du patient à l’occasion de la saignée, anémie sidéroblastique et autre anémie centrale non carentielle, thalassémie majeure, cardiopathies sévères ou décompensées non dues à l’hémochromatose) ou temporaires (anémie par carence martiale < 11 g/ dl, hypotension artérielle -pression artérielle systolique < 100 mm Hg-, artériopathie oblitérante sévère des membres inférieurs, des antécédents d’ischémie aiguë artérielle d’origine thrombotique d’un membre ou d’accident vasculaire cérébral récent (< 6 mois), fréquence cardiaque < 50 ou > 100 battements/min, la grossesse, un réseau veineux très insuffisant ou inaccessible (membre supérieur), la survenue d’une pathologie intercurrente entraînant une altération de l’état général. Modalités pratiques de réalisation et de suivi des saignées – Volume des saignées : le volume de sang maximal à prélever recommandé varie avec le poids (7 ml/kg) sans dépasser 550 ml par saignée. Ce volume doit être adapté à la tolérance du patient, à son âge, à son état de santé (notamment à sa fonction cardiaque). – Fréquence et durée des saignées : En phase d’induction (correspondant à l’élimination de l’excès en fer), la fréquence est en règle hebdomadaire mais doit être adaptée à l’importance de la surcharge en fer et à la tolérance du traitement, la fréquence pouvant ainsi aller de 2 à 4 saignées par mois. La durée est fonction de l’atteinte de l’objectif qui est l’obtention d’un taux de ferritinémie ≤ 50 μg/L. En phase d’entretien (correspondant à l’évitement de la reconstitution de la surcharge), il est recommandé d’effectuer une saignée régulièrement tous les 2, 3 ou 4 mois (à adapter en fonction des patients)
afin de maintenir la ferritinémie stable ≤ 50 μg/L. La durée est théoriquement illimitée, le traitement déplétif ne traitant bien sûr nullement la prédisposition génétique à la surcharge en fer. – Lieu des saignées. Les saignées peuvent être réalisées en centre hospitalier, dans un Etablissement Français du Sang, en cabinet médical ou hospitalier. La prise en charge à domicile : i) peut être proposée en cas d’éloignement du patient d’une structure de soins habilitée ou à la demande de celui-ci, par exemple en vue d’une amélioration attendue de son observance ; ii) est contreindiquée en cas d’insuffisance cardiaque ou de cardiopathie décompensée, de mauvais état général, d’antécédents de malaises à l’occasion de prélèvements sanguins ayant nécessité l’intervention d’un médecin ; iii) concerne essentiellement la phase d’entretien ; iv) peut être acceptée en phase d’induction mais uniquement après que les 5 premières saignées ont été effectuées dans une des structures de soins précédentes (car les éventuels problèmes de tolérance générale se situent habituellement au début de la mise en route du traitement déplétif) ; v) implique une surveillance constante par l’IDE et la possibilité d’intervention rapide d’un médecin ; v) doit s’accompagner de l’élaboration d’un projet thérapeutique écrit entre les différents partenaires médicaux et paramédicaux assurant la prise en charge du patient. Le carnet de suivi, élaboré par la CNAM-TS, constitue à cet égard un outil précieux. – Tarif des saignées. La prise en charge des saignées dans le cadre d’une hospitalisation de jour n’est plus autorisée. Il est très important que les tarifs pratiqués pour une saignée soient revalorisés et harmonisés au plan national, quel que soit le lieu de sa réalisation. – Suivi des saignées : i) Au plan de l’efficacité : en phase d’induction, il
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est recommandé que le contrôle de la ferritinémie soit mensuel (toutes les 4 saignées) jusqu’à l’atteinte de la borne supérieure de la normalité soit 300 μg/L chez l’homme et 200 μg/L chez la femme. Au-dessous de ces valeurs, un contrôle de la ferritinémie toutes les 2 saignées est recommandé. En pratique, ces contrôles sont réalisés sur la tubulure en dérivation de la poche. En phase d’entretien, la ferritinémie est à contrôler toutes les 2 saignées quel que soit l’espacement de celles-ci. Au plan de la tolérance : cliniquement, une évaluation est conseillée comportant au minimum la vérification de la bonne tolérance de la saignée précédente, de l’absence de contre-indications pour une nouvelle saignée et un contrôle de la pression artérielle. Biologiquement, une hémoglobinémie < 11 g/ dl doit conduire à la suspension des saignées : pour la phase d’induction, il n’a pas été obtenu de consensus sur la fréquence optimale de contrôle de l’hémoglobinémie (il peut être néanmoins proposé de se calquer sur la fréquence des contrôles de ferritinémie). En phase d’entretien, le contrôle d’hémoglobinémie doit être réalisé au maximum dans les 8 jours précédant la saignée (au mieux, pour le confort du patient, immédiatement avant la réalisation de la saignée) Conseil génétique Sont ici rappelées les grandes lignes de cette prise en charge telles que recommandées par l’HAS. Lorsqu’une hémochromatose génétique HFE a été découverte chez un malade, il convient de l’informer personnellement sur la maladie et de lui préciser les avantages et les inconvénients d’une démarche de dépistage pour les membres de sa famille et des probabilités pour chacun d’entre eux d’être homozygote ou d’être malade. Il est recommandé d’informer tous les membres de la fratrie du probant sur
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l’opportunité d’entreprendre la réalisation d’examens biologiques (marqueurs du fer) ou génétiques (test HFE). Parallèlement, il est conseillé d’informer sur l’opportunité de dépister les enfants majeurs et les parents naturels du probant. L’information des apparentés relève du seul probant. Lorsqu’un dépistage familial est envisagé, il est recommandé d’accompagner systématiquement tout test génétique d’un dosage du CS-Tf et d’un dosage de la ferritinémie. Chez un sujet hétérozygote pour la mutation C282Y, aucun suivi n’est nécessaire sauf anormalité des paramètres biologiques indiquant une surcharge martiale. La confirmation génétique chez les parents n’interviendra qu’en fonction des résultats des premiers tests biologiques et après confirmation de leur valeur supérieure à la normale. Dans la mesure où aucune mesure thérapeutique n’est attendue chez le sujet mineur, il n’est pas légitime de réaliser chez lui un bilan, que ce soit sous forme d’un dépistage biologique ou plus encore d’un dépistage génétique.
Autres hémochromatoses Seules seront indiquées, à grands traits, les particularités de la prise en charge de ces surcharges génétiques en fer non liées au gène HFE. Surcharges génétiques par déficit en hepcidine (hors hémochromatose de type 1) Prise en charge diagnostique Elle peut correspondre à 2 principaux types de situations : i) Une forte surcharge en fer chez un sujet de moins de 30 ans avec élévation de la saturation de la transferrine et déposition parenchymateuse du fer en l’absence d’homozygotie C282Y. Trois recherches génétiques doivent alors être faites : une mutation du gène de l’hémojuvéline (hémochromatose 2A), une mutation du gène de l’hepcidine (hémochromatose 2B), et une mutation du gène du récepteur de la transferrine
de type 2 (hémochromatose de type 3) ; ii) Un tableau mimant, chez un sujet de plus de 30 ans, une hémochromatose de type 1 et toujours sans homozygotie C282Y : il peut alors s’agir d’une hémochromatose de type 3 ou d’une mutation du gène de la ferroportine (hémochromatose de type 4 dans sa forme B). Prise en charge thérapeutique Les saignées restent la thérapeutique de référence, le recyclage du fer à partir des zones de stockage se faisant aisément (puisque la protéine d’export, la ferroportine, n’est pas affectée). En cas de surcharge massive, comme il est observé dans les hémochromatoses juvéniles, l’adjonction d’un chélateur oral du fer (déférasirox, Exjade®) doit être considérée afin de raccourcir la phase d’induction. Surcharges génétiques par déficit en ferroportine Prise en charge diagnostique La marque commune de ces affections est que la surcharge viscérale en fer, qui affecte surtout le secteur macrophagique, s’associe à une saturation de la transferrine normale ou basse voire, comme dans l’acéruloplasminémie, à une authentique anémie. Deux autres éléments sont bien à part : i) le caractère dominant de la transmission dans la maladie de la ferroportine (hémochromatose de type 4) de sorte que les ascendants du premier degré ont souvent une hyperferritinémie franche contrastant avec une saturation de la transferrine normale ou basse ; ii) l’existence de signes neurologiques (syndrome extrapyramidal, troubles psychiques) au cours de l’acéruloplasminémie. Lorsque qu’une surcharge génétique en fer par déficit en ferroportine est suspectée, il convient d’abord de doser la céruloplasminémie et, si celle-ci n’est pas effondrée, de demander la recherche d’une mutation du gène de la ferroportine. • • • • • •
Prise en charge thérapeutique Ici, le traitement par saignées pose problème. C’est surtout le cas dans l’acéruloplasminémie où l’existence d’une anémie contre-indique ce traitement. C’est, à un moindre degré, aussi le cas dans la maladie de la ferroportine (hémochromatose 4 A) car, du fait même de l’altération de la fonction d’export de la ferroportine, le recyclage du fer à partir des sites de stockage ne se fait que médiocrement, exposant les sujets saignés au développement d’une anémie. C’est donc dans ces 2 situations que le recours au déférasirox devrait trouver sa place, de manière isolée dans l’acéruloplasminémie et, en cas de maladie de la ferroportine, soit en substitution de saignées soit en adjonction à elles. Pour ces différentes surcharges génétiques en fer non liées au gène HFE, le Centre de Référence et les Centres de Compétence, récemment créés, constituent une aide précieuse à leur prise en charge tant diagnostique (en particulier, aide à la sélection et à la réalisation des recherches génétiques spécifiques) que thérapeutique (proposition de mise en route d’un traitement chélateur et aide à la réalisation des enquêtes familiales). Au total, le suivi et la thérapeutique des surcharges génétiques en fer bénéficient grandement des organisations de santé mises sur pied soit dans un passé semi-récent (Haute Autorité de Santé) pour l’hémochromatose de type 1 soit tout récemment (Centres de Référence et de Compétences) pour les formes de surcharges génétiques en fer non liées à HFE. Remerciements : Association Fer et Foie, Fédération Française des Associations de Malades de l’Hémochromatose (FFAMH), Contrat Européen EuroIron1 (LSHM-CT-2006037296).
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Les 5 points forts ➊ ➋ ➌ ➍ ➎
Surcharge en fer chronique génétique, le plus souvent par hepcidinodéficience Prise en charge Hémochromatose HFE (= Type1) : www.has-sante.fr Saignées : option thérapeutique principale Chélation orale (déférasirox) : en voie de positionnement Bilan familial : toujours essentiel
Questions à choix multiples Question 1 En cas d’homozygotie C282Y avec élévation du taux de saturation de la transferrine mais normalité de la ferritinémie, le rythme recommandé du suivi de la ferritinémie est : ❏ A. Tous les ans ❏ B. Tous les 2 ans ❏ C. Tous les 3 ans ❏ D. Tous les 4 ans ❏ E. Tous les 5 ans
Question 2 Le rythme de surveillance de la ferritinémie au cours du traitement d’induction d’un patient atteint d’une hémochromatose de type 1 est : ❏ A. Tous les mois, jusqu’à un taux de ferritinémie de 50 μg/L ❏ B. Tous les 2 mois puis, lorsque la ferritinémie devient inférieure à 300 μg/L chez l’homme et à 200 μg/L chez la femme, toutes les 2 semaines, jusqu’à un taux de ferritinémie de 50 μg/L. ❏ C. Tous les 3 mois, jusqu’à un taux de ferritinémie de 100 μg/L. ❏ D. Tous les 4 mois, jusqu’à un taux de ferritinémie de 50 μg/L. ❏ E. Tous les mois puis, lorsque la ferritinémie devient inférieure à 300 μg/L chez l’homme et à 200 μg/L chez la femme, toutes les 2 semaines, jusqu’à un taux de ferritinémie de 50 μg/L.
Question 3 Au cours de la forme habituelle de la maladie de la ferroportine (hémochromatose 4 A) : ❏ A. Le fer se dépose surtout dans les hépatocytes ❏ B. L’insuffisance en hepcidine est à l’origine de la surcharge en fer ❏ C. La transmission se fait sur le mode récessif ❏ D. L’hyperferritinémie contraste avec un taux de fer sérique (ou un coefficient de saturation de la transferrine) normal ou bas ❏ E. Les saignées sont en règle excellemment tolérées
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Post’U (2009) 153-162
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Colites des antibiotiques Objectifs pédagogiques – Connaître les modalités et les indications du diagnostic microbiologique et endoscopique des colites des antibiotiques ; – Connaître le traitement en fonction de la sévérité anatomo-clinique de la colite.
Introduction Les colites des antibiotiques (ou associées aux antibiotiques) peuvent être définies comme les colites qui surviennent pendant un traitement antibiotique ou à son décours proche (6 à 8 semaines) et qui sont dues à une infection intestinale favorisée par l’antibiothérapie. Les formes les plus sévères des colites de l’antibiothérapie sont dues à Clostridium difficile et sont associées à une mortalité non négligeable qui pourrait sans doute en être réduite par une meilleure connaissance des modalités optimales du traitement par les différents médecins impliqués.
Physio-pathologie et étiologie des colites des antibiotiques (Fig. 1) Les antibiotiques ne lèsent pas directement le côlon. À l’exception des
aminosides injectables, les antibiotiques amputent constamment la flore intestinale [1]. Du fait du déséquilibre écologique induit [2], des agents pathogènes qui résident en portage chronique sain dans le côlon (Clostridium difficile (rare en population générale (< 3 %), fréquent chez les patients hospitalisés au long cours), Klebsiella oxytoca (< 10 % de la population), plus rarement Salmonella) ou qui sont rencontrés au moment de l’antibiothérapie (Clostridium difficile dans l’environnement, en particulier hospitalier, autres pathogènes bactériens par contamination oro-fécale ou alimentaire) sont susceptibles de proliférer et donner lieu à une infection intestinale symptomatique. Clostridium difficile est une bactérie à Gram positif anaérobie sporulée très répandue dans l’environnement. Seules les souches toxinogènes, capables de produire la toxine A et / ou la toxine B, sont pathogènes. Les deux souches sont habituellement produites simultanément mais un faible pourcentage des souches ne produisent que la toxine B (ceci est important pour le diagnostic microbiologique, cf. infra). La bactérie elle-même n’est pas invasive. Les toxines A et B produites par la bactérie pénètrent dans l’entérocyte, inactivent les protéines de la superfamille Rho, conduisant à la désorganisation du cytosquelette et l’altération
L. Beaugerie () Service de Gastro-entérologie et Nutrition Hôpital Saint-Antoine, Assistance publique, Hôpitaux de Paris et université Pierre et Marie Curie, 184, rue du Faubourg Saint-Antoine, F-75571 Paris cedex 12, France ■ F. Barbut Unité hospitalière de lutte contre les infections nosocomiales et laboratoire « Clostridium difficile » associé au CNR des bactéries anaérobies et du botulisme, Hôpital Saint-Antoine, Assistance publique Hôpitaux de Paris et université Pierre et Marie Curie, 184, rue du Faubourg Saint-Antoine, F-75571 Paris cedex 12, France E-mail :
[email protected] ■
• • • • • •
L. Beaugerie, F. Barbut
des jonctions serrées inter-cellulaires [3]. Les toxines induisent également la production de différentes cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL1, IL6…) au niveau de la lamina propria. Des lésions de colite de gravité variée s’ensuivent, avec une composante pathogénique ischémique, expliquant la production des pseudo-membranes caractéristiques. Depuis 2003, sévit en Amérique du Nord un nouveau variant de la bactérie (souche « NAP1 » ou « 027 ») caractérisé par une délétion au niveau du gène régulateur négatif tcdC responsable d’une hyperproduction in vitro des toxines A et B, et par la production d’une troisième toxine appelée toxine binaire [4]. La diffusion de ce nouveau variant s’est traduite par une fréquence et une sévérité accrues des infections à Clostridium difficile, une moindre sensibilité aux antibiotiques et un taux de rechutes particulièrement élevé [5]. Bien que déjà installé dans de nombreux pays d’Europe (notamment Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas, Allemagne) et signalé fin 2006 dans le Nord de la France [6], le nouveau variant n’est toujours pas endémique en France métropolitaine [7], mais fait l’objet d’une veille sanitaire spécifique. Ainsi, toute infection à Clostridium difficile répondant en France à des critères de sévérité fait l’objet d’une recherche secondaire microbiologique de phénotype « nouveau variant » après transmission de la souche à un laboratoire central. Klebsiella oxytoca est une entérobactérie ubiquitaire à Gram négatif
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responsable de pneumopathies en population générale et d’infections nosocomiales. Cette bactérie produit de façon constitutionnelle une pénicillinase lui conférant une résistance naturelle aux bêta-lactamines (amoxicilline, ticarcilline, pipéracilline). La responsabilité du germe dans les colites aiguës hémorragiques post-antibiothérapie a été récemment démontrée grâce à des études épidémiologiques [8] et à la reproduction des lésions chez l’animal [9]. La bactérie n’est pas invasive et serait responsable de lésions tissulaires coliques, souvent d’allure ischémique, via une ou plusieurs toxines [10]. L’observation d’infections à Salmonella au cours des traitements antibiotiques est ancienne. Expérimentalement chez l’animal, la dose infestante de Salmonella est divisée par 1 000 chez un animal pré-traité par antibiotiques [11]. Chez l’homme sous antibiotique, une souche de Salmonella naturellement résistante à l’antibiotique pris par un malade va pouvoir soudainement proliférer si elle était en situation de portage chronique ou s’implanter plus facilement après contamination oro-fécale, avec apparition potentielle de lésions de colite. D’autres germes potentiellement responsables de colites infectieuses (Shigella, E. coli entéro-hémorragiques) ne se développent pas habituellement sous antibiotiques. Pour rappel, Staphylococcus aureus et le pyocyanique ne sont pas retenus comme agents potentiels de colites, quel que soit le contexte.
Epidémiologie (Tableau 1) et facteurs de risque des colites de antibiotiques En population générale, sur 100 000 habitants, se produit en moyenne une exposition annuelle aux antibiotiques. On peut attendre 50 000 cas (50 %) de vraie diarrhée (plus de 3 selles pendant au moins 2 jours), dans la majorité des cas spon-
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Tableau 1. Épidémiologie des diarrhées et/ou des colites des antibiotiques Pour 100 000 habitants en population générale
Pour 100 000 patients hospitalisés
100 000 5 000 1 500
100 000 6 000 3 000
Prescriptions antibiotiques Diarrhée brève Diarrhée brève non médicalisée liée à Clostridium difficile Diarrhée des antibiotiques explorée en ambulatoire Colite Colite sévère à Clostridium difficile Colectomie/Décès
15 5 0,5 0,1-0,3
15 3 0,5-1,5
Traitement antibiotique Effets directs des antibiotiques sur l’intestin Troubles moteurs – entérothérapie (sans colite) Rare
Altération de l’écologie de la flore intestinale Constant
Réduction du nombre de bactéries ayant des fonctions particulières Fréquent
Altération de l’effet barrière de la flore Prolifération de bactéries pathogènes Rare
Diarhée présumée fonctionnelle
Diarhée/colite infectieuse
Clostridium Difficile
Klebsiella Oxytoca
Autre pathogène de rencontre
Figure 1. Physiopathologie des diarrhées et colites des antibiotiques [8]
tanément résolutive et sans fièvre [12], ceci correspondant à une « diarrhée fonctionnelle », attribuée notamment à la réduction des capacités fermentaires de la flore colique (Fig. 1) [13]. Si la toxine de Clostridium difficile était recherchée dans les selles, elle ne serait trouvée que chez 1 500 malades [14]. La plupart du temps, ces formes ambulatoires d’infections à Clostridium difficile cèdent spontanément très vite à l’arrêt de l’antibiothérapie responsable et ne sont ni diagnostiquées ni traitées comme telles. Seuls dix malades ont des examens complémentaires en ambulatoire (recherche de Clostridium difficile et de ses toxines) [14,15], et cinq sont hospitalisés avec exploration plus complète, comportant une endoscopie, permettant le diagnostic de colite des antibiotiques, le plus souvent liées à une infection à Clostridium difficile, plus rarement à Klebsiella oxytoca ou à d’autres germes (Salmonella++) (Fig. 2) [8]. Les formes sévères de ces colites sont pratique-
ment toujours dues à Clostridium difficile. Elles représentent environ 10 % des colites dues à ce germe et aboutissent environ entre une fois sur 5 et une fois sur 2 à la colectomie et/ ou au décès [5,16]. En milieu hospitalier, sur 100 000 patients traités par antibiotiques, 60 000 développent une diarrhée nosocomiale
13 % 13 %
74 % ■ Clostridium difficile ■ Klebsiella oxytoca ■ Salmonella Figure 2. Répartition des causes infectieuses de colites des antibiotiques (à partir d’une série prospective de 93 colites aiguës infectieuses dont 31 colites des antibiotiques)
• • • • • •
Tableau 2. Risque de colite des antibiotiques en fonction des agents pathogènes et des classes antibiotiques Clostridium difficile20 Risque élevé
Risque intermédiaire
Risque faible
Klebsiella oxytoca8 Ampicilline, amoxicilline Céphalosporines Pristinamycine
Ampicilline, amoxicilline Céphalosporines Clindamycine Fluoroquinolones* Tétracyclines Sulfamides Macrolides Chloramphénicol Vancomycine Métronidazole Bacitracine
Erythromycine Quinolones
* Surtout pour le nouveau variant de Clostridium difficile [21].
brève [17], liée environ une fois sur deux à Clostridium difficile (portage élevé du germe chez les malades hospitalisés et dans l’environnement hospitalier) [17,18]. L’incidence finale des formes sévères de colites à Clostridium difficile est plus fréquente qu’en population générale, du fait d’une population en moyenne plus âgée et atteinte de co-morbidités [5]. En combinant population générale et hospitalisée, les infections à Clostridium difficile sont fréquentes et leurs formes les plus sévères induisent une mortalité annuelle de plusieurs centaines de cas dans les pays développés [19]. Les principaux facteurs de risque d’infection à Clostridium difficile sont l’âge supérieur à 65 ans et l’administration d’antibiotiques. L’importance du risque en fonction des antibiotiques [8,20,21] est précisée
dans le tableau 2. À l’hôpital, les infections nosocomiales à Clostridium difficile sont favorisées par le caractère prolongé ou répété de l’hospitalisation, la densité et la promiscuité des patients [22].
Indications et modalités du diagnostic microbiologique (Tableau 3) des infections intestinales favorisées par les antibiotiques Devant toute diarrhée des antibiotiques s’accompagnant de fièvre ou ne cédant pas dans les 24 h suivant l’arrêt de l’antibiotique incriminé, il est justifié de prescrire en routine une recherche de Clostridium difficile [23]. En complément, une culture des selles sur
milieu sélectif pour Klebsiella oxytoca est justifiée d’emblée en cas de diarrhée hémorragique et une coproculture standard (milieux sélectifs pour Salmonella, Shigella et Campylobacter) est justifiée secondairement en cas de recherche rapide de Clostridium difficile négative Pour Clostridium difficile, la technique de référence est le test de cytotoxité des selles : cette méthode est longue, délicate et coûteuse. Les techniques de recherche rapide de toxines A et B sont spécifiques (> 90 %) et ont une sensibilité moyenne de 80 % [23,24]. La culture sur milieu sélectif est une méthode très sensible mais peu spécifique car elle ne prédit pas le caractère toxinogène de la souche. En cas de culture positive, le pouvoir toxinogène de la souche isolée doit être recherché. Récemment, des tests dépistant un antigène spécifique de Clostridium difficile (la glutamate deshydrogénase) ont été commercialisés : leur valeur prédictive négative est supérieure à 99 % et ils devraient être bientôt utilisés comme méthode de dépistage rapide, les selles positives devant être confirmées par un test dépistant les toxines. En cas de lésions de colite identifiées en endoscopie (cf. indications infra), il est justifié de prescrire : – Dans les selles : recherche rapide de toxines A et B de Clostridium diffi-
Tableau 3. Modalités et indications du diagnostic microbiologique des colites des antibiotiques Examen À partir des selles avant la coloscopie
Pendant la coloscopie
• • • • • •
Recherche rapide de toxines (A et B, à défaut B seulement) par technique immuno-enzymatique ET Culture sur milieu sélectif pour Clostridium difficile Culture sur milieu sélectif pour Klebsiella oxytoca Coproculture standard (milieux sélectifs pour Salmonella/ Shigella/Campylobacter/Yersinia À partir de 3 biopsies muqueuses en territoire lésé (dans de l’eau stérile ou du sérum salé, transport le plus rapide en microbiologie si possible à 4°C) : Culture sur milieux sélectifs pour Salmonella/Shigella, Campylobacter, Yersinia et Klebsiella oxytoca À partir d’un échantillon de l’aspirat du liquide fécal intra-colique (prélèvement par cathéter, transport le plus rapide en microbiologie, si possible à 4° C) Mêmes recherches qu’à partir d’un échantillon de selles
Indication Toute diarrhée des antibiotiques s’accompagnant de fièvre ou ne cédant pas dans les 24 heures suivant l’arrêt de l’antibiotique Toute diarrhée nosocomiale Diarrhée hémorragique sous antibiotiques Toute diarrhée des antibiotiques avec recherche rapide de toxine de Clostridium difficile négative Optimisation du diagnostic microbiologique25, inutile si aspect endoscopique typique de colite pseudo-membraneuse
Cas où les examens de selles appropriés n’ont pas été faits avant la coloscopie
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cile et coproculture « standard » (milieux sélectifs pour SalmonellaShigella-Campylobacter et milieux sélectifs pour Clostridium difficile et Klebsiella oxytoca) ; – À partir de biopsies muqueuses en territoire lésé (3 biopsies dans l’eau stérile ou le sérum physiologique, transportées si possible rapidement et à 4°C dans le service de microbiologie) : culture sur milieux sélectifs standard et milieu sélectif pour Si un échantillon de selles n’a pas été envoyé en microbiologie avant la coloscopie, un aspirat du contenu fécal intra-colique (recueilli via un cathéter d’aspiration dans un tube stérile), avec les mêmes demandes que pour un échantillon de selles, peut être adressé en microbiologie avec des performances diagnostiques attendues équivalentes [25] ; – En cas de diarrhée nosocomiale chez un patient adulte hospitalisé, la recherche systématique des toxines de C. difficile est préconisée.
Indications, modalités et résultats de la coloscopie Indications Une coloscopie est indiquée devant une diarrhée des antibiotiques : – d’emblée, en cas de forte présomption clinique de colite sous-jacente (diarrhée hémorragique, syndrome dysentérique), de présomption de colite grave sous-jacente (météorisme abdominal et douleur, défense) après avoir éliminé une perforation colique par tomodensitométrie, et en présence de facteurs cliniques prédictifs de sévérité des colites à Clostridium difficile (âge > 60 ans, fièvre > 38,4°C) [26] ; – secondairement, a) si les explorations biologiques d’une diarrhée des antibiotiques mettent en évidence l’un des éléments suivants, facteurs de gravité potentiels d’une colite sousjacente à Clostridium difficile : hyperleucocytose sanguine > 15 G/L, créatininémie > 200 μmol/L sans
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Tableau 4. Précautions d’hygiène particulières concernant les actes d’endoscopie digestive chez des patients atteints d’infection à Clostridium difficile Patients concernés
Textes réglementaires
En salle d’endoscopie
Traitement des endoscopes après examen
Tous les malades ayant une endoscopie digestive pour diarrhée des antibiotiques (donc suspects jusqu’à preuve du contraire d’avoir une infection à Clostridium difficile) Note DHOS/E2/DGS/335 du 01/09/06 Avis du Comité Technique des Infections Nosocomiales et des Infections Liées aux Soins (CTINILS) du 26/08/06 et du 04/12/06 Haute autorité en Santé. Avis relatif à la maîtrise de la diffusion des infections à Clostridium difficile dans les établissements de santé français (20 juin 2008) Port de gants et d’un tablier ou d’une surblouse à manches longues pour tout contact avec le patient Lavage des mains (lavage des mains à l’eau et au savon doux puis désinfection par friction hydro-alcoolique) après tout contact avec le patient Désinfection des surfaces et des sols par de l’eau de javel diluée au 1/5e après examen (ceci peut justifier d’inscrire le patient en dernier dans l’ordre de passage dans une salle) Pas de mesure particulière
insuffisance rénale chronique connue, hypoalbuminémie < 25 g/L [16,26] ; b) si les explorations microbiologiques sont négatives. La justification de la coloscopie est d’optimiser potentiellement le diagnostic microbiologique de la diarrhée des antibiotiques (cf. paragraphe précédent), de chercher l’aspect pseudomembraneux quasi pathognomonique de colite à Clostridium difficile, de chercher des signes endoscopiques de colite grave (ulcérations mettant à nu la musculeuse) et le cas échéant, d’affaisser une dilatation colique aiguë.
Précautions d’hygiène particulières (Tableau 4) Par définition, tout malade ayant une coloscopie pour diarrhée des antibiotiques est suspect d’avoir une infection intestinale à Clostridium difficile et des précautions d’hygiène spécifiques doivent être respectées en salle d’endoscopie (note DHOS/E2/DGS/335 du 1er septembre 2006, avis du Comité Technique des Infections Nosocomiales et des Infections Liées aux Soins (CTINILS) du 26 août 2006 et du 4 décembre 2006) : port d’un tablier ou d’une surblouse à manches longues et de gants pour tout contact avec le patient, lavage des mains à l’eau et au
savon doux, puis, après séchage complet, désinfection des mains par friction hydro-alcoolique après retrait des gants ou contact avec le patient, lavage des sols et des surfaces par de une solution d’hypochlorite de sodium à 0,5 % de chlore actif (eau de javel diluée au 1/5e) après passage du patient en salle d’examen. Ce dernier point est particulièrement contraignant dans le cadre du programme d’une salle d’endoscopie et peut faire discuter de réaliser l’examen endoscopique des patients suspects d’infection à Clostridium difficile (c’est-à-dire devant avoir une coloscopie pour diarrhée sous antibiotiques) en dernier dans l’ordre de passage de la salle, afin de pouvoir respecter au mieux les précautions d’hygiène. En ce qui concerne le traitement des endoscopes utilisés chez des patients suspects d’infection à Clostridium difficile, aucune mesure particulière n’est requise
Résultats L’aspect endoscopique le plus fréquent des colites à Clostridium difficile est celui de colite pseudomembraneuse (Fig. 3A), quasi-pathognomonique de cette infection dans le cadre d’une colite des antibiotiques : il s’agit de plaques jaunâtres en relief, rondes ou • • • • • •
ovales posées sur la muqueuse, de 2 à 20 mm de diamètre, diffuses ou éparses. La muqueuse alentour est d’aspect normal ou peu modifié (perte du contraste vasculaire, érythème simple). Les plaques pseudo-membraneuses peuvent être décollées par une pince à biopsie fermée, laissant une muqueuse sous-jacente abrasée. En histologie, les pseudomembranes correspondent au « jaillissement » d’un exsudat fibrino-leucocytaire à travers une nécrose épithéliale localisée, s’étalant ensuite sur la muqueuse alentour. Dans les formes mineures de colite à Clostridium difficile sont possibles des aspects d’érythème diffus pseudo-RCH ou segmentaire, avec possibles microérosions. Dans les formes les plus sévères de colite à Clostridium difficile sont possibles des aspects de colites ulcérées avec ulcérations de profon-
3A
deur variée. Lorsque la musculeuse est à nu, il faut parler de colite aiguë grave (par analogie aux colites inflammatoires) [27,28]. L’aspect endoscopique typique de colite à Klebsiella oxytoca (Fig. 3B) est proche de celui des colites ischémiques : la muqueuse est œdématiée, érythémateuse, spontanément hémorragique par plages (aspect tigré possible), saignant facilement au contact. Des ulcérations sont également possibles. Les lésions sont souvent segmentaires, de limites abruptes, volontiers coliques droites et respectant le plus souvent le rectum. Néanmoins, des formes pancoliques et une atteinte rectale sont possibles. Des colites des antibiotiques à d’autres germes pathogènes que Clostridium difficile et Klebsiella oxytoca sont possibles (notamment Salmonella), avec leurs aspects endoscopiques correspondants. Il arrive enfin qu’au terme de l’enquête microbiologique, aucune infection intestinale ne soit mise en évidence. Le diagnostic se circonscrira alors, en fonction de l’histologie et de l’évolution, entre une colite aiguë auto-limitée inclassée et une première poussée de MICI [29,30].
Des examens biologiques sanguins de débrouillage (NFS, CRP, Plaquettes, créatininémie) sont justifiés devant
toute diarrhée des antibiotiques se prolongeant plus de 48 h ou associée d’emblée à une fièvre modérée (< 38,5° C). Des examens biologiques supplémentaires (albuminémie, ionogramme complet et un bilan hépatique) sont justifiée en présence de facteurs cliniques de sévérité de la diarrhée (âge > 60 ans, diarrhée hémorragique, diarrhée profuse, fièvre > 38,4°C). Un examen tomodensitométrique est nécessaire en urgence, avant la coloscopie, en cas de météorisme abdominal important, de douleurs abdominales permanentes et/ou signes pariétaux (défense contracture) faisant suspecter une atteinte péritonéale. Une perforation colique avérée (gaz dans le péritoine) contre-indique la coloscopie mais l’existence d’une dilatation colique aiguë (définie par un diamètre de la lumière du côlon transverse supérieur à 6 cm en un point quelconque) indique une coloscopie totale, notamment pour affaisser la dilatation et mettre en place une sonde de drainage gazeux) [27,28]. En fonction du degré d’atteinte transmurale des lésions, le scanner peut montrer un épaississement pariétal colique franc (avec parfois un aspect festonné en accordéon de la muqueuse et de la sous-muqueuse assez souvent rencontré dans les colites à Clostridium difficile) et donner ce fait des indications sur la localisation et l’étendue de
Aspect érythémato-purpurique tigré
Ulcération longitudinale
Indications des autres examens complémentaires
3B
Suffusion hémorragique localisée
Figure 3. Aspect endosocopique typique de colite pseudomemnbraneuse à Clostridium difficile (3A) et aspects endoscopiques de colite à Klebsiella oxytoca
• • • • • •
157
Tableau 5. Modalités du traitement des colites des antibiotiques à Clostridium difficile en fonction de la sévérité de l’infection Formes non sévères • Absence des éléments cliniques, biologiques et endoscopiques de sévérité (cf. infra) Formes sévères [16,19,26] : • Présence d’au moins deux des éléments suivants [26] : âge > 60 ans, fièvre > 38,4°C, leucocytes sanguins>15 G/L*, albuminémie < 25 G/L, créatininémie>200μmol/L* • ET/OU choc septique • ET/OU présence d’une ascite 31, 32ou d’une dilatation colique aiguë [27,28] • ET/OU présence de pseudomembranes ou d’ulcères profonds en endoscopie Cas particulier d’une intolérance alimentaire complète au cours du traitement d’une forme sévère
Traitement endoscopique de la dilatation colique aiguë
• Métronidazole per os 250 mg x 4 pendant 10 jours26,33 • En l’absence d’amélioration clinique et biologique (CRP, leucocytes) en 72 heures, passer au traitement des formes sévères • Vancomycine per os 125 mg x 4 pendant 10 à 14 jours • En l’absence d’amélioration clinique et biologique (CRP, leucocytes) du traitement précédent en 72 heures,perfusion de 300 mg/kg d’immunoglobulines polyvalentes humaines [34] • En l’absence d’amélioration du traitement précédent en 48-72 heures, colectomie subtotale en urgence avec iléostomie et sigmoïdostomie [37]
• Tenter d’administrer la vancomycine par sonde naso-gastrique ou lavements (4 × 500 mg/jour) • Métronidazole par voie intraveineuse (500 mg x 4/jour pendant 10 à 14 jours) • Colo-exsufflation et pose d’une sonde de drainage gazeux intra-colique pendant l’endoscopie27,28
* Éléments considérés par certains comme traduisant une forme sévère à eux seuls [16].
la colite. Par ailleurs, l’examen tomodensitométrique confirme ou infirme l’existence d’une ascite, facteur indépendant de sévérité d’une infection à Clostridium difficile [31,32]. L’examen tomodensitométrique peut être indiqué secondairement en présence de facteurs biologiques (hypoalbuminémie < 25 G/L, hyperleucocytose > 15 G/L, créatinémie > 200 μmol/L) ou endoscopiques (ulcères mettant à nu la musculeuse) de sévérité de la colite, à la recherche d’une ascite et d’une perforation.
Traitement initial des colites à Clostridium difficile (Tableau 5) Les premiers essais thérapeutiques contrôlés des colites à Clostridium difficile ont montré une efficacité équivalente du métronidazole et de la vancomycine [33]. Compte tenu qu’il faut limiter l’utilisation de la vancomycine pour éviter la sélection d’entérocoques résistants aux glycopeptides, le traitement des formes non sévères (cf. éléments de sévérité dans le tableau 5) des colites à Clostridium difficile repose sur le métronidazole per os à la dose de 4 fois 250 mg par jour pendant 10 jours. L’amélioration clinique et biologique (diminution significative voire normalisation du
158
taux sérique de la CRP) doit intervenir dans les 72 premières heures. Un essai thérapeutique contrôlé récent a montré une réponse thérapeutique supérieure de la vancomycine (97 %) par rapport au métronidazole (76 %) dans les formes sévères de diarrhée à Clostridium difficile [26]. Il est donc maintenant recommandé, en cas de non réponse au métronidazole ou d’emblée dans toutes les formes sévères de colites à Clostridium difficile, d‘utiliser la vancomycine per os à la dose de 125 mg x 4/jour pendant 10 à 14 jours [19]. En cas d’iléus, la vancomycine peut être administrée via une sonde naso-gastrique ou par lavements, mais il est prudent d’y associer du métronidazole 500 mg x 3/jour par voie intraveineuse, dont la biodisponibilité dans la lumière colique est peu différente de la voie orale (grâce à l’élimination biliaire du produit actif et son exsudation à travers les lésions coliques). En cas de non-réponse (diarrhée, CRP, leucocytes) de la vancomycine après 48-72 heures de ce traitement, deux études ouvertes suggèrent d’essayer l’immunisation passive d’urgence par 300 mg/kg d’immunoglobulines humaines contenant des anticorps dirigés contre Clostridium difficile et ses toxines [34,35]. Si cette mesure médicale de sauvetage n’amène pas d’amélioration clinique et biologique en 48-72 heures, doit se discuter
une colectomie subtotale avec double stomie, qui évite un décès fatal si l’infection se poursuit, mais est néanmoins grevée d’une mortalité périopératoire de l’ordre de 50 % [36,37]. A noter que le traitement des formes sévères relève de la prise en charge médico-chirurgicale et qu’une intervention chirurgicale en urgence peut être requise à tout moment du traitement en cas de survenue d’une perforation colique avérée. Il est utile de rappeler qu’il n’est pas recommandé de faire une coproculture de contrôle pour confirmer l’efficacité d’un traitement car environ 30 % des patients restent positifs (toxines et/ou culture), malgré la guérison clinique.
Traitement des colites des antibiotiques non liées à Clostridium difficile Les colites à Klebsiella oxytoca guérissent habituellement très vite et spontanément en 24-48 h à l’arrêt de l’antibiotique responsable (le plus souvent bêta-lactamines, céphalosporines et pristinamycine). Si ce n’est pas le cas, un traitement oral de cinq jours par ciprofloxacine (1 g/jour) est indiqué [8,9]. Si une colite à Salmonella est mise en évidence, un traitement antibiotique potentiellement actif sur la • • • • • •
bactérie (type ciprofloxacine ou amoxicilline-acide clavulanique) mais bien sûr différent de celui sous lequel s’est développé la colite, doit être mis en œuvre en attendant les résultats de l’antibiogramme. Si aucun germe n’est mis en évidence [38], la colite va régresser le plus souvent spontanément en quelques jours [29]. Si tel n’est pas le cas, de nouvelles biopsies sont justifiées pour tenter de faire la preuve d’une éventuelle première poussée de MICI [39].
Traitement des formes récidivantes de colites à Clostridium difficile Environ 20 % des colites à Clostridium difficile récidivent (récidive vraie ou réinfection), que le métronidazole ou la vancomycine aient été utilisés, typiquement 4 semaines après la première infection. Après un deuxième épisode, le risque de troisième épisode est de 40 %. Il atteint 60 % après 3 épisodes [40]. Il a été démontré que les malades qui récidivent ont une réponse immunitaire humorale (en particulier un taux d’IgG sériques anti toxine A) insuffisante à la première infection [41,42]. Après avoir documenté par examens de selles la récidive, il est licite de reprendre l’antibiotique utilisé avec succès pour traiter le premier épisode (les résistances acquises du germe sont exceptionnelles). La coprescription de Saccharomyces boulardii à la dose de 500 mg × 2/jour pendant un à trois mois réduit dans ce contexte de moitié le risque de 3e poussée [43]. Quand les formes récidivantes s’installent, la vaccination a donné des résultats préliminaires prometteurs [44] mais n’est toujours pas disponible. L’immunisation passive répétée (perfusions de 300-500 mg/kg d’immunoglobulines polyvalentes humaines) a été utilisée dans ce contexte avec des résultats prometteurs [45] et expérience personnelle]. L’alternative de restauration d’une flore ne tolérant pas le portage de Clostridium difficile par « transplanta• • • • • •
tion de flore » (administration d’un échantillon de selles d’un proche (après y avoir vérifié l’absence de pathogènes) par lavement [46] ou pulvérisation par cathéter au cours d’une coloscopie [47] a aussi donné de bons résultats en utilisation préliminaire ouverte, mais ce traitement pose des problèmes d’acceptabilité.
Prévention et hygiène [48] Des recommandations pour la prévention et le contrôle des infections à Clostridium difficile, plus grandes pourvoyeuses de colites des antibiotiques, ont été publiées en mai 2006 par le CTINILS et reprises par la Haute Autorité en Santé dans un avis du 20 juin 2008 (http://www.cclinparisnord.org/ICD/hcsp200608.pdf). La prévention primaire repose avant tout sur une politique raisonnée de l’antibiothérapie. La réduction de l’utilisation de certains antibiotiques à risque (clindamycine, céphalosporines, fluoroquinolones) a été ainsi déjà corrélée en milieu hospitalier à une diminution significative de l’incidence des infections à Clostridium difficile [49]. En milieu hospitalier, la prévention de la transmission croisée des infections à Clostridium difficile requiert avant tout un diagnostic précoce de ces infections afin de mettre en place des précautions « contact ». Ces mesures tiennent compte de la grande résistance des spores dans l’environnement et comprennent : a) l’isolement géographique en chambre seule des patients infectés ; b) la désinfection quotidienne des locaux par l’hypochlorite de sodium à 0,5 %de chlore actif (eau de Javel diluée au 1/5e) ; c) le port de gants systématique pour tout contact avec un patient infecté ou son environnement proche ; d) le renforcement de l’hygiène des mains au retrait des gants (lavage à l’eau et au savon suivi d’une friction hydroalcoolique) : l’étape de lavage est importante pour enlever une partie des spores de Clostridium difficile par un effet mécanique et l’étape de friction
permet d’agir de manière plus efficace sur les autres bactéries potentiellement manuportées ; e) le maintien des précautions « contact » pendant toute la durée de la diarrhée.
Conclusion Les colites des antibiotiques constituent un domaine transversal de la médecine faisant intervenir potentiellement les médecins généralistes, les gastro-entérologues, les infectiologues, les chirurgiens digestifs les réanimateurs et les hygiénistes. Les gastro-entérologues ont un rôle essentiel à jouer dans la prise en charge de ces colites, notamment des formes sévères de colites à Clostridium difficile, du fait de leur savoir-faire acquis dans la prise en charge des formes graves de colites inflammatoires.
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Les 5 points forts ➊
➋
➌
➍
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Klebsiella oxytoca est l’agent de la majorité des colites hémorragiques des antibiotiques et des bactéries pathogènes autres que Clostridium difficile, telles que Salmonella, peuvent être responsables de colites des antibiotiques. Le nouveau variant de Clostridium difficile, responsable d’infections globalement plus sévères et plus souvent récidivantes, n’est pas encore endémique en France mais fait l’objet d’une veille sanitaire ; Devant toute suspicion clinique d’infection intestinale à Clostridium difficile, il faut demander dans les selles la recherche des toxines (A et B, à défaut B seulement) par test immuno-enzymatique rapide ET culture du germe sur milieu sélectif ; Les formes sévères de colites à Clostridium difficile se définissent par des signes clinico-biologiques de gravité (au moins 2 des éléments suivants : âge > 60 ans, fièvre > 38,4°C, hyperleucocytose > 15 G/L, hypoalbuminémie < 25 G/L, créatininémie > 200 μmol/L) ET/OU la présence d’une ascite ET/OU la présence d’un choc septique ET/OU une colite anatomiquement pseudo-membraneuse et/ou sévère (ulcérations profondes, dilatation colique) ; Le recours à la vancomycine orale d’emblée (125 mg × 4/jour) est licite dans les formes sévères de colites à Clostridium difficile. En cas de non-réponse à la vancomycine, une perfusion unique d’immunoglobulines humaines (300 mg/kg) est justifiée pour tenter d’éviter la colectomie subtotale de sauvetage ; Des mesures d’hygiène spécifiques sont à prendre en endoscopie lors du passage d’un patient suspect d’infection à Clostridium difficile (port de gants et de surblouse, lavage des mains après l’examen à l’eau et au savon puis désinfection par friction hydro-alcoolique, désinfection du sol et des surfaces après passage du patient par de l’hypochlorite de sodium 0,5 % de chlore actif [eau de javel diluée au 1/5e]).
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Propositions de questions à choix unique Question 1 Devant une colite à Clostridium difficile, l’un des éléments suivants n’est pas en soi un facteur de gravité : ❏ A. Hypo-albuminémie < 25 g/L ❏ B. Nombre de selles > 6/24 h ❏ C. Présence d’une ascite ❏ D. Fièvre > 38,4°C ❏ E. Ulcérations profondes en endoscopie
Question 2 Une des techniques suivantes n’est pas appropriée pour l’identification des infections intestinales à Clostridium difficile : ❏ A. Recherche d’antigène spécifique de Clostridium difficile dans les selles ❏ B. Culture du germe sur milieu sélectif à partir des selles ❏ C. Recherche de toxines de Clostridium difficile à partir d’un aspirat du contenu fécal liquide intra-colique prélevé pendant la coloscopie ❏ D. Recherche de toxines de Clostridium difficile à partir d’une biopsie colique ❏ E. Recherche de toxines de Clostridium difficile à partir des selles
Question 3 Une seule des affirmations suivantes concernant le traitement des colites à Clostridium difficile est fausse : ❏ A. Le métronidazole per os (4 × 250 mg/j 10 jours) et la vancomycine per os (4 × 125 mg/j 10 jours) ont une efficacité équivalente au cours des formes non sévères de colites à Clostridium difficile ❏ B. Le métronidazole per os (4 × 250 mg/j 10 jours) et la vancomycine per os (4 × 125 mg/j 10 jours) ont une efficacité équivalente au cours des formes sévères de colites à Clostridium difficile ❏ C. En cas d’intolérance alimentaire, le métronidazole peut être administré par voie intra-veineuse sans compromettre son efficacité potentielle ❏ D. La vancomycine est inefficace par voie veineuse ❏ E. La perfusion unique d’immunoglobulines humaines polyvalentes (300 mg/kg) est l’ultime recours du traitement médical avant la colectomie subtotale de sauvetage au cours des formes sévères de colites à Clostridium difficile
Question 4 Parmi les mesures d’hygiène suivantes, quelle est celle qui n’est pas appropriée vis-à-vis d’un patient ayant une colite documentée à Clostridium difficile : ❏ A. Isolement en chambre individuelle ❏ B. Port de gants et d’une blouse ou d’un tablier à manches longues pour tout contact avec le malade ❏ C. Lavage des mains après retrait des gants à l’eau et au savon puis friction hydro-alcoolique ❏ D. Port de masque ❏ E. Lavage quotidien des surfaces et des sols de la chambre par de l’eau de javel diluée au 1/5e
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Post’U (2009) 163-174
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Endobrachyœsophage : comment le reconnaître, comment cibler les prélèvements, qui traiter et comment ? Objectifs pédagogiques – Comment le reconnaître ; – Comment cibler les prélèvements ; – Comment traiter en fonction des résultats histologiques ; – Quel est l’apport de la mucosectomie.
Introduction L’endobrachyœsophage (EBO) est une pathologie acquise qui constitue une complication potentiellement grave du reflux gastro-œsophagien (RGO). Il est défini par le remplacement de la muqueuse malpighienne de l’œsophage par une muqueuse de type glandulaire. L’extension de l’EBO est liée à la sévérité du reflux [1,2]. Outre l’agression acido-peptique, les sécrétions biliaires et le reflux entéro-gastrique jouent également un rôle dans la survenue de l’EBO [3]. La principale complication de l’EBO est son risque de transformation en adénocarcinome, dont l’incidence est en forte augmentation. En effet, on estime qu’elle a triplé au cours des 20 dernières années dans les pays occidentaux, même si elle reste basse comparée à d’autres cancers digestifs [4,5]. La grande hétérogénéité des taux d’incidence dans les différentes études, liée à la durée du suivi et à la taille des cohortes, la rend difficile à préciser. Dans une
méta-analyse récente portant sur 47 études, elle était estimée à 0,6 % [6]. Cela signifie qu’il faudrait surveiller 1 660 patients ayant un EBO pendant 10 ans pour dépister 10 adénocarcinomes. Sur le plan épidémiologique, les 2 principaux facteurs associés à une augmentation du risque de cancer sont l’âge et l’étendue de l’EBO. D’autres facteurs tels que le sexe masculin, un antécédent de sténose ou d’ulcère de Barrett, un alcoolo-tabagisme ou une obésité (IMC > 30) ont également été retrouvés dans certaines études [7]. Plus récemment, le rôle du régime alimentaire a été suggéré, un régime riche en fruits et légumes pouvant jouer un rôle protecteur [8]. Le but de la surveillance de l’EBO est de diagnostiquer et de traiter les lésions précédant l’adénocarcinome, ou de diagnostiquer l’adénocarcinome à un stade curable. La survenue des lésions selon une séquence métaplasie, dysplasie de bas grade, dysplasie de haut grade, cancer permet d’envisager des stratégies de détection qui sont actuellement basées sur les biopsies multiples. En effet, l’EBO est un « patchwork » de lésions différentes nécessitant actuellement une multitude de prélèvements biopsiques et étagés pour faire un bilan lésionnel. Par ailleurs, des avancées technologiques comme la haute résolution, la magni-
E. Coron () Institut des Maladies de l’Appareil Digestif Hôtel-Dieu, centre hospitalier universitaire – 1, place Alexis Ricordeau, F-44093 Nantes Cedex, France ■ M. Giovannini Unité d’exploration médico-chirurgicale et unité d’Endoscopie Institut Paoli-Calmettes – 232, boulevard Ste Marguerite, F-13273 Marseille Cedex 9, France E-mail :
[email protected] –
[email protected] ■
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E. Coron, M. Giovannini
fication (zoom) et le développement de la chromoscopie depuis une quinzaine d’années [9] ont permis d’améliorer la reconnaissance des lésions. L’endoscopie interventionnelle notamment au niveau de l’œsophage a également fait de nombreux progrès ces 5 dernières années permettant souvent la réalisation de résections localisées et d’éviter ainsi la morbi-mortalité de la chirurgie lourde. Il reste cependant à évaluer à grande échelle, l’intérêt de ces différentes techniques et leur place dans la prise en charge de l’EBO.
Comment le reconnaître ? Diagnostic de l’EBO en endoscopie standard Le diagnostic de l’EBO doit être suspecté lorsque la ligne Z est située en amont et à distance du sommet des plis gastriques. Comme l’EBO est associé dans plus de 80 % des cas à une hernie hiatale, le sommet des plis gastriques constitue le seul repère endoscopique fiable au niveau de la jonction œso-gastrique. Ce décalage entre la ligne Z et le sommet des plis gastriques est identifié au mieux lors de la descente de l’endoscope, par un examen de cette zone sans et avec insufflation. La classification CM de Prague (Fig. 1) est un outil validé pour la description endoscopique de l’EBO
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8
6 Distance (cm) depuis le sommet des plis gastriques
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0
Hauteur maximale de la métaplasie M = 5 cm Hauteur de la métaplasie circonférentielle C = 3 cm
Jonction œso-gastrique (= sommet des plis gastriques)
Figure 1. Exemple d’EBO classé C3M5 selon la classification de Prague.
[10,11] et elle doit donc être utilisée. Elle décrit la hauteur de l’atteinte circonférentielle (C) et la hauteur maximale de l’atteinte (M), ce qui permet d’en déduire la hauteur des languettes éventuelles. Par exemple, une atteinte circonférentielle de 3 cm surmontée d’une languette de 2 cm sera gradée C3M5. L’EBO est facile à suspecter lorsqu’il existe une ou plusieurs languettes, ou un manchon circulaire remontant sur plusieurs centimètres, mais le diagnostic peut être beaucoup plus difficile en cas d’EBO court ou d’irrégularités de la ligne Z.
circulaire long (> 3cm). En revanche, en cas d’EBO ultra-court (≤ 5mm), le risque de dégénérescence est mal établi et la pratique de biopsies systématiques n’est actuellement pas recommandée [14]. Enfin, l’intérêt des colorations pour aider au repérage des zones de métaplasie intestinale et donc de mieux cibler les biopsies afin d’établir le diagnostic de l’EBO reste à démontrer par de larges séries prospectives multicentriques. En pratique, le diagnostic repose à l’heure actuelle sur l’endoscopie standard avec biopsies.
Pour faire le diagnostic formel de l’EBO, il est indispensable d’obtenir une confirmation histologique par des biopsies montrant la métaplasie intestinale spécialisée, qui est la lésion initiale définissant l’EBO et conditionnant le risque de survenue d’un adénocarcinome. Une métaplasie gastrique peut également être découverte mais son risque de dégénérescence, bien que non nul, est beaucoup plus faible [12,13]. La métaplasie intestinale est quasiment toujours présente en cas d’EBO > 3 cm, et sa non-détection est alors souvent due à des erreurs d’échantillonnage ou à des prélèvements insuffisants. En pratique, il est recommandé d’effectuer 2 à 4 biopsies par niveau de 1 cm en cas d’EBO court (< 3 cm ou en languette >5 mm), et d’effectuer 4 biopsies tous les 2 cm (sur chaque quadrant) en cas d’EBO
Y-a t’il une place pour la vidéocapsule oesophagienne ?
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La vidéocapsule œsophagienne (VCO) diffère de la vidéocapsule du grêle par un système de double dôme optique permettant une vision antérograde et rétrograde des segments explorés, et une vitesse d’acquisition d’images accrue au prix d’un temps de batterie plus faible mais nettement suffisant pour obtenir une exploration complète de l’œsophage. Son caractère miniinvasif et sa bonne tolérance la positionnent dans les pistes à explorer pour le dépistage de l’EBO. Plusieurs publications récentes se sont intéressées aux performances diagnostiques de la VCO [15-20]. Ces études montrent une excellente valeur prédictive négative mais une sensibilité encore insuffisante de l’ordre de 60 % à 80 % pour porter le diagnostic de probable
EBO. La première impression concernant l’évaluation de la VCO pour le dépistage de l’EBO est donc décevante. De plus, la concordance inter-observateur est très variable selon les études (indice k entre 0,39 et 0,67). Enfin, l’existence d’une éventuelle courbe d’apprentissage avant de pouvoir interpréter les images de façon fiable est débattue. Une approche coût-efficace du dépistage de l’EBO par la VCO dans les années à venir n’est cependant pas exclue [21) sous réserve d’améliorations technologiques [22], de progrès dans les protocoles d’ingestion [23,24] et de la baisse du coût du matériel.
Comment cibler les prélèvements ? Procédure endoscopique Il s’agit en réalité de l’objectif majeur de l’examen endoscopique, qui doit guider le rythme de surveillance et le traitement (Tableau 1). Il est important de rappeler que la surveillance devra être proposée uniquement à des patients dont l’âge et l’état physiologique sont compatibles avec le traitement envisagé en cas de malignité. Trois règles sont importantes à suivre : 1°) Utiliser votre meilleur endoscope : les lésions dysplasiques sont décelables la plupart du temps sous la forme de minimes modifications architecturales en muqueuse plane. L’apport de la haute résolution est donc décisif ; 2°) Rechercher des anomalies visibles : pour cela la connaissance des images endoscopiques de lésions dysplasiques est capitale. Certaines publications, notamment provenant de l’équipe d’Amsterdam, proposent des banques d’images permettant de mieux éduquer l’œil de l’endoscopiste à reconnaître ces lésions rares [25] ; 3°) Faire un examen de façon systématique : les conditions de réalisation du geste sont déterminantes (anesthésie générale, utilisation éventuelle d’agents antispasmodiques et mucolytiques) ainsi que le temps consacré • • • • • •
Tableau 1. Modalités de la surveillance des endobrachyœsophages selon les recommandations de la Société Française d’Endoscopie Digestive (2007) Résultat des biopsies EBO non dysplasique
Dysplasie de bas grade douteuse ou probable Dysplasie de bas grade certaine Dysplasie de haut grade Dysplasie de haut grade confirmée (double lecture anatomopathologique)
Recommandations EBO court < 3 cm : endoscopie + biopsies tous les 5 ans EBO long 3 à 6 cm : endoscopie + biopsies tous les 3 ans EBO long > 6 cm : endoscopie + biopsies tous les 2 ans IPP double dose pendant 2 à 3 mois avant nouvelle endoscopie + biopsies Endoscopie + biopsies tous les 6 mois (double lecture anatomopathologique) la première année puis tous les ans IPP double dose pendant 1 à 2 mois avant nouvelle endoscopie + protocole planimétrique Bilan pré-thérapeutique sous anesthésie générale (endoscopie grossissante + acide acétique ou bleu de méthylène et/ou NBI ou FICE) Protocole planimétrique + biopsies ciblées Encho-endoscopie si adénocarcinome associé
à l’examen minutieux de la muqueuse et le respect du protocole de Seattle pour réaliser ensuite les biopsies systématiques. Toutes les anomalies de couleur ou de relief doivent être décrites en s’aidant notamment de la classification de Paris [26] (Fig. 2), localisées (hauteur des arcades dentaires, quadrant horaire, voire planimétrie fournie par la SFED) et biopsiées. L’examen de la muqueuse de Barrett doit se faire en remontant très lentement l’endoscope dans l’œsophage, après aspiration complète du contenu gastrique afin de ne pas être gêné par un éventuel reflux dans l’œsophage, et dans des condi-
0-I polyoide 0-I sessible
0-IIa discrètement surélevée 0-IIa plane 0-IIa discrètement déprimée
0-III ulcérée
Figure 2. Classification de Paris des lésions superficielles du tube digestif.
• • • • • •
tions d’insufflation et d’exsufflation pour chaque niveau examiné. Lorsque des colorations sont utilisées, une analyse minutieuse de la muqueuse doit toujours être réalisée avant l’application du colorant afin d’éviter le risque de méconnaître une ou plusieurs lésion(s). Le colorant est vaporisé secondairement à la surface de la muqueuse par un cathéter spray en cas d’EBO long mais peut également être appliqué directement par le canal opérateur de l’endoscope en cas d’EBO court afin d’économiser le coût du cathéter.
Quelles sont les lésions les plus fréquemment retrouvées ? Il est intéressant de rapporter les résultats de l’étude récente de Pech et al. [27] qui ont analysé l’aspect macroscopique de 380 lésions cancéreuses superficielles développées sur EBO. Les lésions planes représentaient 85 % des lésions, dont 37 % de types 0-IIa et 28 % de types 0-IIb (28 %). Seules 13 % des lésions étaient protrusives (type I) et 2 % excavées (type III). Le type IIb était associé à un stade localement moins avancé que les autres types, mais il constitue un véritable challenge pour l’endoscopiste du fait de son absence de relief. Il est également intéressant de noter que la majorité des lésions, tous types confondus, siégeaient entre 12 h et 6 h principalement au niveau du mur postérieur et
du mur droit de l’œsophage. Ces auteurs suggéraient que cette région devrait faire l’objet d’un examen particulièrement attentif.
Rôle des colorations Les colorations ne sont pas indispensables mais peuvent constituer une aide précieuse pour cibler les biopsies sur les zones suspectes de dysplasie. En effet, si aucune technique endoscopique ne permet actuellement l’identification de la dysplasie de bas grade, il est en revanche possible de suspecter les zones de dysplasie de haut grade et de cancer superficiel. Différents colorants peuvent être utilisés : Bleu de Méthylène Parmi les colorants disponibles, le bleu de méthylène a été l’une des premières techniques de chromoscopie utilisées pour le diagnostic de la métaplasie intestinale au sein de l’EBO. Malgré des résultats initialement prometteurs [28], il est de moins en moins utilisé à l’heure actuelle pour les 3 raisons suivantes : 1) le caractère relativement fastidieux de la technique qui nécessite une intubation du malade pour réaliser l’application de N-acétylcystéine à 10 % (10 mL) afin d’éliminer le mucus, suivie de bleu de méthylène à 0,5 % (2 à 20 mL) puis d’un rinçage abondant (300 mL) à l’eau ; 2) les difficultés d’interprétation de la coloration, qui expliquent probablement les résultats hétérogènes et peu convaincants des études de validation [29-33] ; 3) le risque théorique mutagène de ce colorant dans l’EBO, qui a été rapporté par Olliver et al. [34] ; Indigo carmin L’indigo carmin est un colorant de surface qui permet une analyse précise du relief de la muqueuse tout en étant beaucoup plus simple d’utilisation que le bleu de méthylène (environ 20 mL d’indigo carmin). Sharma et al. [35,36] ont ainsi montré qu’il était possible d’identifier 3 aspects différents: I = aspect circulaire associé à de la métaplasie intestinale dans 17 % des cas ;
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II = aspect « en crête » et / ou villeux associé à la métaplasie intestinale dans 97 % des cas et III = aspect irrégulier et tortueux associé à une dysplasie de haut grade dans 100 % des cas. Des études multicentriques recrutant un plus grand nombre de patients et des études de corrélation interobservateur devront être réalisées avant de pouvoir définitivement valider ces données et de recommander son utilisation systématique ; Acide acétique L’acide acétique est également de plus en plus couramment utilisé, à une concentration de 1,5 à 3 % [37]. En 2001, Guelrud et al. [38] ont décrit 4 aspects différents en couplant l’acide acétique et le zoom : I = petits puits ronds ; II = réticulaire ; III = villeux ; IV = en crête. La probabilité de mettre en évidence de la métaplasie intestinale sur les biopsies en fonction de ces différents aspects était respectivement de 0 %, 11 %, 87 % et 100 %. D’autres auteurs ont montré un taux nettement supérieur de biopsies contenant de la métaplasie intestinale (78 %) par rapport à la vidéo-endoscopie standard avec biopsies à l’aveugle (57 %) dans une étude randomisée en crossover, malgré une réduction nette du nombre de biopsies nécessaires [39]. Dans cette étude, la sensibilité et la spécificité de l’acide acétique combiné au zoom étaient respectivement de 100 % et 67 %. En pratique, toutes ces classifications sont un peu compliquées et les données disponibles mettent surtout en évidence la nécessité de mise au point et de validation de classifications utilisables par tous avec un bon degré de corrélation inter-observateur. Cependant, on peut dire que les colorations peuvent fortement aider à mieux repérer des zones suspectes de dysplasie de haut grade ou de cancer superficiel, et donc à mieux cibler les prélèvements. Aucune de ces colorations ne peut en revanche se substituer aux biopsies étagées traditionnelles et la réalisation du protocole de Seattle reste indispensable.
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Endoscopie par bandes spectrales étroites (EBSE) : NBI et FICE Ces technologies, qualifiées par certains auteurs de « colorations virtuelles », sont l’objet d’un intérêt fort en raison de leur grande facilité d’utilisation et de résultats initiaux prometteurs. Ainsi, l’équipe de la Mayo Clinic [40] a réalisé des endoscopies en tandem (endoscopie standard puis NBI) chez 65 patients avec deux endoscopistes différents pour la surveillance d’EBO précédemment dysplasique. La première endoscopie, réalisée en lumière blanche, notait toutes les anomalies décelables sans les biopsier. La seconde endoscopie, réalisée en mode NBI en aveugle des résultats de la précédente, biopsiait les anomalies visibles. D’éventuelles biopsies additionnelles étaient ensuite réalisées sur les zones décelées lors de la première endoscopie. Enfin, des biopsies quadrantiques étaient réalisées sur le reste de l’EBO. L’examen en NBI avait le double avantage de permettre la détection d’une ou plusieurs dysplasies chez un plus grand nombre de patients (57 % versus 43 %) avec un nombre moindre de biopsies réalisées (8,5 versus 4,7 ; p < 0,001) par rapport à l’endoscopie standard avec biopsies quadrantiques. Des classifications endoscopiques basées sur l’aspect en NBI ont également été proposées [41,42]. En se basant sur l’aspect de l’architecture muqueuse et des vaisseaux en NBI avec zoom, Kara et al. [42] ont décrit des aspects suspects de dysplasie de haut grade chez 63 patients, avec des performances diagnostiques prometteuses : (Se 94 %, Sp 76 %, VPP 64 % et VPN 98 %). Dans une étude randomisée en cross-over, le FICE avait des performances sensiblement identiques [43]. Les classifications proposées semblent prometteuses mais nécessitent une validation multicentrique ainsi qu’une étude rigoureuse de leur concordance inter-observateur et de leur reproduc-
tibilité intra-observateur. Par exemple, Curvers et al. [44] ont mené récemment une étude comparant 7 endoscopistes « débutants » (aucune expertise dans l’examen endoscopique de l’EBO) à 5 experts internationaux pour évaluer 22 zones d’EBO en lumière blanche avec haute résolution, coloration à l’indigo carmin, coloration à l’acide acétique et NBI. De façon étonnante, l’indice kappa était meilleur pour les non-experts (de 0,51 à 0,64) que pour les experts (de 0,43 à 0,53). De plus, l’utilisation des colorations ou du NBI n’améliorait pas la détection des zones dysplasiques par rapport à l’examen en lumière blanche avec haute résolution. En résumé, à l’heure actuelle, le caractère minutieux de l’examen et l’utilisation d’un appareil de haute résolution, sont la priorité (par rapport aux colorations réelles ou virtuelles) pour le diagnostic et la détection des zones à risque au sein d’un EBO.
Techniques de recherche endoscopique D’autres techniques, peu diffusées en dehors de centres dédiés à la recherche en endoscopie, sont en cours d’évaluation. Leur but est soit d’augmenter la sensibilité de l’endoscopie en améliorant la détection de zones à risque, soit au contraire de limiter les fauxpositifs grâce à une meilleure caractérisation histologique « virtuelle » du tissu. Ces différentes techniques sont : – l’autofluorescence ; – l’endomicroscopie confocale et l’endocytoscopie ; – la tomographie par cohérence optique. Certaines d’entre elles peuvent même être combinées afin de réaliser une endoscopie « multimodale » lors d’un même examen. Les résultats disponibles [45-51] démontrent actuellement leur capacité à obtenir une image de bonne (voire excellente) qualité de la muqueuse de Barrett, mais leur intérêt potentiel dans la prise en charge clinique de nos patients reste à prouver. • • • • • •
Qui traiter et comment ? Les objectifs du traitement de l’EBO sont la disparition des symptômes et des complications inflammatoires du RGO, de prévenir l’apparition de la dysplasie et du cancer, et de traiter précocement la dysplasie sévère et / ou l’adénocarcinome. Le traitement anti-sécrétoire par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) doit permettre la disparition des symptômes et de l’œsophagite associée. La seule correction des symptômes et la normalisation de la pHmétrie ne sont pas considérées comme de bons critères d’efficacité du traitement. Il n’a pas été démontré que le traitement par IPP prévenait l’apparition des dysplasies et du cancer sur l’EBO ; de ce fait, le seul EBO ne constitue pas une indication à un traitement par IPP qui permet une régression inconstante et seulement partielle de sa hauteur et/ou de sa surface. L’EBO constitue un stade pré-néoplasique qui requiert une étroite surveillance. Le traitement standard de la dysplasie de haut grade reste encore aujourd’hui une chirurgie radicale par œsophagectomie partielle ou totale. Néanmoins, cette intervention présente un risque per- et post-opératoire avec un taux de décès de 8 à 10 % et une morbidité de 30 à 40 %. Des alternatives à la chirurgie sont aujourd’hui validées ou en voie de l’être. Le traitement de l’EBO doit avoir 2 objectifs : 1) traiter les symptômes liés au reflux gastro- œsophagien et prévenir les complications inflammatoires (ulcère, œsophagite, sténose) ; 2) traiter précocement la dysplasie. Sur ce dernier point, s’il n’existe aucune discussion pour traiter la dysplasie de haut grade ou l’adénocarcinome intraépithélial, le traitement de la dysplasie de bas grade est actuellement débattu.
Les traitements non chirurgicaux Depuis une quinzaine d’années, on sait que si l’on détruit l’EBO, on peut obtenir une repousse de muqueuse malpi• • • • • •
ghienne en apparence normale, à condition de contrôler le RGO. Les premiers essais cliniques ont soulevé dans le monde gastro-entérologique un immense enthousiasme. Actuellement, on peut recenser dans la littérature plus de 40 publications regroupant près de 900 patients [52]. Globalement, toutes les méthodes thérapeutiques proposées permettent d’obtenir la régression complète de la métaplasie intestinale dans environ 50 % des cas (40 à 100 %). L’objectif était de réaliser l’éradication de l’EBO. Les premiers traitements ont utilisé le Plasma Argon pour coaguler la lésion, ou la photothérapie dynamique. Mais les résultats de ces techniques étaient insuffisants avec un taux de récidive élevé et des complications comme les sténoses œsophagiennes. Parallèlement, des techniques de résections endoscopiques ont été développées, ayant comme énorme avantage d’obtenir une pièce histologique, ce qui est primordial en cas de dysplasie sévère ou de carcinome afin d’en apprécier le degré d’infiltration.
Les techniques de résection endoscopique Mucosectomie endoscopique En fait, le terme de mucosectomie endoscopique est impropre. Il s’agit plutôt de la résection par voie endoscopique, de la muqueuse et d’une partie de la sous-muqueuse. Plusieurs techniques de mucosectomie ont été publiées et les résultats dans l’ensemble, sont assez équivalents. La première technique publiée a été celle du « Lift and Cut » proposée par Soehendra [53]. Il s’agit d’une technique simple, où la lésion est aspirée et réséquée avec une anse diathermique sans injection préalable. Cette technique assez simple peut s’appliquer au niveau de la jonction œsogastrique mais est très difficile au niveau de l’estomac ou de l’œsophage. Les techniques les plus développées sont celles qui utilisent l’injection
sous-muqueuse de sérum physiologique. Le but de l’injection de sérum est de séparer la sous-muqueuse de la musculeuse, de soulever la lésion et de permettre ainsi une pédiculisation de cette lésion plane. L’intérêt de cette technique est aussi de permettre de s’assurer de la possibilité du traitement endoscopique. En effet, l’absence de soulèvement franc de la lésion est assez spécifique d’une infiltration plus profonde, davantage que ne l’auraient montré éventuellement les examens préthérapeutiques comme notamment l’échoendoscopie. Une fois la lésion soulevée par l’injection de sérum physiologique, plusieurs techniques sont également possibles afin d’aspirer ou de mettre en traction la lésion et de la réséquer avec une anse diathermique. La technique la plus répandue est celle du « cap transparent » (technique développée par Inoue et al. qui utilise donc un cap transparent positionné à l’extrémité de l’endoscope avec une anse spéciale adaptée qui s’ouvre à l’intérieur du cap et qui est maintenue sur une rainure spécialisée [54]. Après injection, la lésion est aspirée comme pour la technique de ligature des varices œsophagiennes puis l’anse est enserrée autour de la tumeur aspirée dans le cap. Ensuite, la résection est réalisée, le plus souvent avec un courant de section pure. Beaucoup de variantes ont été décrites à cette technique, dont celles qui utilisent un ligateur de varices. La lésion est alors aspirée dans le cap transparent, puis une ligature est positionnée à sa base, permettant ainsi de réséquer la lésion avec une anse diathermique normale dans un deuxième temps [55]. Enfin, la dernière technique décrite est celle utilisant un endoscope double canal qui permet de passer une pince dans un canal et une anse diathermique dans l’autre canal. La lésion est préalablement soulevée par l’injection de sérum physiologique, puis elle est appréhendée par la pince et soulevée. L’anse peut alors facilement passer autour de la lésion mise en traction par la pince et la réséquer.
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Plusieurs types de sérum ont été utilisés afin de soulever la lésion. Le plus communément utilisé est le sérum physiologique associé ou non à de l’adrénaline diluée. De nombreux auteurs utilisent aussi du sérum associé à du bleu de méthylène ou de l’indigo carmin ce qui permet de tatouer la sous-muqueuse et de s’assurer donc de la résection complète ou non de la lésion. Le problème du sérum physiologique est celui de sa diffusion rapide et de la disparition, parfois en quelques secondes, du soulèvement réalisé. Les auteurs japonais ont proposé plusieurs types de produits plus visqueux : le hyaluronidate de sodium (SIGMAVISC®, Life Partners Europe, Bagnolet, France), le méthylpropyl de cellulose (larmes artificielles), le polyéthylène glycol et le glycérol. De nombreuses études ont été publiées sur ce sujet, et il semblerait actuellement que le hyaluronidate de sodium et le méthylpropyl cellulose soient les produits les mieux adaptés, restant en place environ 20 à 30 min avant de diffuser [56].
quer. L’utilisation de l’IT-knife prévient le risque de perforation. En effet, il s’agit d’une pointe diathermique à l’extrémité de laquelle est positionnée une boule de céramique isolée. La boule est appuyée sur la musculeuse et par des mouvements circulaires et l’utilisation d’un courant de section, on réalise la section, sans risque de perforation, de l’ensemble de la muqueuse et de la sous-muqueuse de manière circulaire autour de la lésion à réséquer. Une fois celle-ci réalisée, du produit visqueux (hyaluronidate ou méthylpropyl cellulose) est injecté sous la lésion tumorale. Ensuite, on commence la dissection pas à pas de l’ensemble de la sous-muqueuse et de la muqueuse en utilisant soit le même instrument ou d’autres instruments comme le Hook-knife™ (Olympus, Tokyo, Japan). Les auteurs peuvent s’aider d’un petit cap transparent positionné à l’extrémité de l’endoscope qui permet de récliner vers le haut la lésion déjà en voie de résection et de permettre de faire progresser, pas à pas, la dissection de l’ensemble de la sous-muqueuse.
La dissection sous-muqueuse ou E.S.D. Il s’agit d’une technique beaucoup plus récente, décrite à la fin des années 1990 par les auteurs japonais. Cette technique réalise en fait une dissection quasi-chirurgicale de la sous-muqueuse de la paroi digestive à l’aide de divers instruments. L’ensemble des publications japonaises porte essentiellement sur les tumeurs gastriques [57-59]. La technique est la suivante : après repérage de la lésion avec des points d’électrocoagulation par une anse diathermique ou du plasma argon, une injection de sérum est réalisée avec de l’indigo carmin sur le bord externe des marques préalablement réalisées. Cette injection circulaire autour de la lésion permet de décoller la sous-muqueuse de la musculeuse. Ensuite, en utilisant une pointe diathermique ou un système de type IT-knife (IT-2™, Olympus, Tokyo, Japan), une incision circulaire est réalisée autour de la lésion à résé-
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Les techniques d’ablation thermique La photothérapie dynamique L’action thérapeutique de la photothérapie dynamique (PDT) repose sur une « triade » : 1) une molécule photo-sensibilisante qui doit être stable, pure, et non toxique. Cette molécule lorsqu’elle est activée par un rayonnement approprié va induire des réactions photochimiques dont l’accepteur d’énergie est l’oxygène ; 2) Une sélectivité de la distribution de la substance photo-sensibilisante dans des cellules distinctes des cellules normales du fait de leur état métabolique ou prolifératif. Les deux photo-sensibilisants utilisés ont été le Photofrin® (Axcan Pharma, Mont Saint-Hilaire, Canada) et l’acide-5-aminolévulinique (5-ALA) ; 3) Une source lumineuse spécifique,
dont la longueur d’onde sera adaptée au spectre d’absorption de la substance photo-sensibilisante et dont la pénétration dans les tissus sera suffisante. Une longueur d’onde de 630 nm pénètre sur 5-8 mm dans la peau alors que des longueurs d’ondes entre 700 et 800 nm peuvent aller jusqu’à environ 2 cm de profondeur [60].
La thermo-ablation par radiofréquence La radiofréquence utilise un courant sinusoïdal de 400 à 500 MHz réalisant une thermo-ablation de la muqueuse œsophagienne. L’onde de radiofréquence entraîne une coagulation des micro-vaisseaux et une dénaturation des protéines cellulaires. La résultante est donc une destruction de la muqueuse et de la sous-muqueuse de l’EBO, là ou siège la dysplasie. Cette innovation concerne un système servant à mesurer les caractéristiques physiologiques pour le traitement d’une muqueuse anormale dans l’œsophage. Le système HALO360 (BARRx medical, Sunnyvale CA, USA) comprend un dispositif de calibrage qui présente, à l’extrémité distale d’un cathéter, un ballonnet gonflable gonflé à l’aide d’un milieu de dilatation destiné à dilater le ballonnet et l’amener au contact de la paroi de l’œsophage, de sorte que la section transversale interne puisse être calculée ou mesurée. Le dispositif de calibrage peut également comprendre une source de perfusion pour distribuer le milieu de dilatation, et un moyen pour mesurer la quantité et la pression du milieu de dilatation à l’intérieur du cathéter. Le système comprend un ou plusieurs dispositifs d’alimentation en énergie destinés à léser ou ablater la couche de muqueuse de la paroi œsophagienne. Les dispositifs d’alimentation en énergie comprennent un élément extensible choisi pour entrer en contact avec la paroi œsophagienne selon la dimension appropriée telle que déterminée par le dispositif de calibrage [61]. • • • • • •
Les principes du traitement endoscopique de l’EBO Bien que de nombreux marqueurs de risque de cancer aient été proposés, la dysplasie demeure toujours le meilleur critère pour apprécier l’évolutivité des lésions d’EBO. Le risque d’évoluer vers un cancer est d’autant plus grand que la dysplasie est plus sévère. Il faut distinguer deux grades, la dysplasie de bas grade et la dysplasie de haut grade, en fonction de l’intensité des anomalies cytologiques et architecturales. Un stade de muqueuse « peut-être dysplasique » (indefinite for dysplasia) permet de désigner les muqueuses au sein desquelles les anomalies ne sont pas assez intenses pour affirmer leur caractère néoplasique ou régénératif. Le délai de progression de la muqueuse non dysplasique au cancer serait au minimum de 4 ans. Dans un délai médian de 2 ans, 15 % des dysplasies de bas grade et plus de 60 % des dysplasies de haut grade évolueraient vers un cancer. Une muqueuse interprétée comme « peut-être dysplasique » aurait la même évolution que la dysplasie de bas grade. Bien que des cancers superficiels soient fréquemment individualisés (50 %) sur les pièces d’œsophagectomie réalisée pour dysplasie de haut grade, des études ont rapporté que ce type de dysplasie pouvait rester stable pendant plusieurs années. Le traitement endoscopique est indiqué en cas de dysplasie de haut grade, et débattu en cas de dysplasie de bas grade. En cas d’adénocarcinome, le traitement endoscopique (mucosectomie ou dissection sous-muqueuse) peut être une alternative à la chirurgie d’exérèse en cas de lésion intra-épithéliale, c’est-à-dire ne dépassant pas la muscularis mucosae (classification m3 de Paris ou stade IV de la classification de Vienne). En cas d’infiltration de la sous-muqueuse (classification sm1 de Paris ou Va de Vienne), la chirurgie semble indiquée bien que certaines équipes aient étendu le traitement endoscopique aux tumeurs sm1, bien différenciées, sans embols • • • • • •
Tableau 2. Résultats des principales études publiées sur la mucosectomie et l’EBO avec dysplasie sévère ou carcinome intra-épithélial
Ell (2000) Nijhawan (2000) Giovannini (2004) Conio (2005) Giovannini (2007) Fleischer (2008) Ganz (2008)
Nombre de patients
Complication (%)
64 35 25 39 51 70 142
1,5 0 8 10,3 9,7 8 7,5
lymphatiques et entièrement réséquées avec des marges saines. Le risque majeur est bien sûr l’envahissement ganglionnaire qui est de l’ordre de 15 % en cas d’infiltration de la sousmuqueuse.
Les résultats des traitements endoscopiques EBO avec dysplasie de haut grade et/ou carcinome superficiel Plusieurs études de phase 2 [62-68] ont été publiées concernant la résection endoscopiques chez des patients présentant un EBO avec dysplasie de haut grade et/ou carcinome intraépithélial (Tableau 2). L’ensemble de ces séries montraient une efficacité de la mucosectomie dans environ 85 % avec un taux de complication d’environ 10-12 % mais avec un suivi relativement court (inférieur à 4 ans). Ell et al. ont traité par mucosectomie (Suck and Cut technique) 100 patients avec un adénocarcinome superficiel développé sur EBO, une résection complète a été possible chez 99/100 patients [66]. Une récidive locale a été diagnostiquée chez 11 % des patients au cours d’un suivi de 37 mois. Ces récidives ont toutes étaient re-traitées endoscopiquement. La survie à 5 ans a été dans cette étude de 98 %. En 2008, Pech et al. [69] ont évalué la survie à long terme (64 mois de suivi) et les facteurs pronostiques de récidive après traitement endoscopique par mucosectomie chez 349 patients présentant une EBO avec dysplasie de
Récidive (%) 14 6 9,8 8,2 12,2 6,5 9,8
haut grade et/ou carcinome intramuqueux. Deux-cent-soixante-dixneuf sur 349 patients ont été traités avec succès par endoscopie (96,6 %) et seulement 13 patients ont été opérés (soit 3,7 %). Une ou plusieurs lésions métachrones sont apparues chez 74 patients (21,5 %). Aucun patient n’est décédé de cancer. La survie à 5 ans a été de 84 %. Les facteurs de risques de récidive ont été :1) la résection en plusieurs fragments ; 2) un long segment d’EBO > 5 cm ; 3) la présence de carcinome multi-focal sur la pièce de résection endoscopique. La même équipe [70] a essayé de définir un groupe de patient avec un carcinome développé sur EBO mais infiltrant la sous-muqueuse (sm1) pouvant bénéficier d’une résection endoscopique. Vingt-et-un patients présentant les caractéristiques suivantes : carcinome sm1, sans embols lymphatiques ou vasculaires, bien différencié et de type I/II endoscopique (non ulcéré), ont été traités par mucosectomie. Une résection complète a été possible chez 95 % des patients, 5 patients ont récidivé localement avec un suivi de 62 mois, 2 patients ont pu être re-traités endoscopiquement. La survie à 5 ans a été de 66 %. Actuellement, nous ne pouvons pas recommander la résection endoscopique comme traitement d’un carcinome sm1 développé sur EBO et la résection chirurgical reste le gold standard. Une seule étude [59] a évalué la dissection sous-muqueuse chez 24 patients porteurs d’un adénocarcinome superficiel sur EBO. Une résection « en bloc » a été possible chez
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100 % des patients et curative chez 72 %. Un patient est décédé de métastases pulmonaires avec un suivi de 3 ans dans cette série. Gondrie et al. [71] ont rapporté une première expérience d’un traitement combiné par mucosectomie associée dans un deuxième temps à une radiofréquence. Le but de l’étude a été de réséquer par mucosectomie la ou les zones néoplasiques de l’EBO, puis, en l’absence d’infiltration de la sousmuqueuse de traiter l’EBO résiduel par radio-fréquence. Douze patients ont été inclus dans cette étude avec un traitement complet dans 100 % des cas avec un suivi de 14 mois. La PDT permet également d’obtenir la destruction complète de la métaplasie intestinale et son remplacement par une muqueuse œsophagienne normale dans 68 à 83 % des cas sous couvert d’un traitement chirurgical ou médical ininterrompu du reflux acide. L’efficacité indéniable du traitement ne doit pas occulter l’incertitude quant aux risques que font courir la métaplasie restante après destruction partielle de l’EBO, la persistance d’îlots métaplasiques situés sous la muqueuse régénérée (2 à 10 %), les récidives après éradication de l’EBO (3 à 10 %). Cependant, récemment l’étude hollandaise [72] qui a comparé mucosectomie endoscopique à la PDT a montré une différence nette en faveur de la mucosectomie (100 % de contrôle complet) versus la PDT (55 % de contrôle complet). La PDT peut être considérée comme un traitement efficace mais non curateur de l’EBO. En conclusion, un traitement endoscopique complet de l’EBO par mucosectomie « circulaire » en 1 ou 2 temps ou par mucosectomie suivie de radiofréquence représente aujourd’hui une alternative à l’œsophagectomie en cas de dysplasie sévère et/ou de carcinome intra-épithélial sur EBO.
EBO avec dysplasie de bas grade Le traitement endoscopique de l’EBO avec dysplasie de bas grade est débattu.
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EBO avec DHG ou CARCINOME INTRA-EPITHELIAL
CARCINOME m3 et MARGES
TRT DE l’EBO RESIDUEL
MUCOSECTOMIE ENDOSCOPIQUE
CARCINOME SM1 ou MARGES +
MUCOSECTOMIE RADIO-FREQUENCE
CHIRURGIE
Figure 3. Arbre décisionnel des traitements de l’EBO.
En effet, il est toujours difficile de bien définir les potentiels EBO en dysplasie de bas grade qui ont un risque d’évoluer vers le haut grade (étude de la p53, du Ki 67 ?). L’introduction de l’ablation de l’EBO par radio-fréquence a attisé de nouveau le débat du fait de sa facilité d’emploi et du faible risque de complications. Sharma et al. [73] ont traité 10 patients avec un EBO en dysplasie de bas grade par radiofréquence (Halo system). Avec un suivi de 2 ans, la dysplasie de bas grade a disparu chez tous les patients et la métaplasie intestinale dans 90 % des cas. Il est trop tôt pour conclure que la radio-fréquence doit être proposée chez tous les patients porteurs d’un EBO en dysplasie de bas grade, et d’autres études multicentriques voire randomisées seront nécessaires.
Conclusion Le développement durant ces dix dernières années de la résection endoscopique (mucosectomie ou dissection sous-muqueuse) permet aujourd’hui de proposer une alternative à l’œsophagectomie (Fig. 3) pour des patients présentant une EBO avec dysplasie de haut grade ou carcinome intra-épithélial. L’introduction d’autres techniques
ablatives comme la radio-fréquence ouvre d’autres horizons comme les traitements combinés par mucosectomie et radiofréquence, qui seront probablement de réalisation plus simple et comporteront moins de risques de complications.
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Les 5 points forts ➊ ➋ ➌ ➍
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Le diagnostic de l’EBO repose sur une suspicion endoscopique (classification CM de Prague) et une confirmation biopsique (MI spécialisée) ; L’examen minutieux en haute résolution (+/- colorations et zoom) est nécessaire pour mieux détecter la DHG et les cancers superficiels ; La cartographie selon le protocole de Seattle reste indispensable ; La mucosectomie endoscopique est une alternative efficace et peu morbide à la résection chirurgicale chez les patients ayant de la DHG et/ou un cancer superficiel (intramuqueux) ; L’éradication de l’EBO sous-jacent est un objectif majeur.
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Propositions de questions à choix unique Question 1 Une seule de ces affirmations est exacte : ❏ A. Le diagnostic de l’EBO repose sur l’aspect endoscopique ❏ B. Les zones de dysplasie de haut grade peuvent être visibles en endoscopie ❏ C. Le protocole de Seattle est facultatif en cas d’aspect normal en haute resolution + zoom
Question 2 La mucosectomie endoscopique est indiquée en cas d’EBO avec : ❏ A. Métaplasie intestinale sans dysplasie ❏ B. Carcinome classé UST2NO en échoendoscopie ❏ C. Une dysplasie de haut grade ❏ D. Carcinome infiltrant la sous-muqueuse
Question 3 Une seule de ces affirmations est exacte : ❏ A. L’ablation par radio-fréquence permet de traiter la muqueuse et la sous-muqueuse ❏ B. Un EBO avec dysplasie de bas grade et hyper expression de la P53 peut être traité par mucosectomie ❏ C. En cas de carcinome intra-épithélial sur EBO, l’œsophagectomie est la seule option thérapeutique
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Post’U (2009) 175-179
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Exploration morphologique de l’intestin grêle : quels examens pour quelles indications Objectifs pédagogiques – Connaître les avantages et les risques des différentes techniques.
Introduction Contrairement à l’endoscopie œsogastro-duodénale et colique, l’exploration endoscopique de l’intestin grêle est longtemps restée incomplète et de réalisation délicate. La vidéo-capsule endoscopique a été une véritable révolution technologique diagnostique. La mise au point de l’entéroscopie avec un système de ballons (double ou simple ballon) et plus récemment l’entéroscopie spiralée (Système Spirus : Life Partner Europe, France) a permis, outre l’exploration de la quasi-totalité de l’intestin grêle, de réaliser des traitements endoscopiques. Parallèlement à ces techniques endoscopiques, l’exploration radiologique du grêle a été nettement améliorée ces dernières années par le développement de l’entéroscanner et de l’entéroIRM.
Indications de l’exploration de l’intestin grêle La principale indication d’exploration de l’intestin grêle est la recherche d’un saignement occulte ou extériorisé. Les hémorragies digestives provenant de l’intestin grêle sont en rapport avec des angiodysplasies chez 30 à 40 %des
malades [1]. Elles représentent la principale étiologie chez les patients âgés [2]. Entre 30 et 50 ans, les tumeurs (léiomyomes, tumeurs carcinoïdes, lymphomes et adénocarcinomes) sont prédominantes [3]. Chez les malades plus jeunes, le diverticule de Meckel est l’étiologie la plus fréquente [1]. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent être responsables d’érosions, d’ulcères ou de sténoses au niveau de l’intestin grêle, susceptibles d’être à l’origine de saignements digestifs inexpliqués (SDI) [4]. Le bilan diagnostique ou thérapeutique de la maladie de Crohn, la recherche de complications (lymphome, jéjunite ulcéreuse ou adénocarcinome) de la maladie cœliaque et la recherche de polypes au cours des syndromes de Lynch (HNPCC) ou de certaines polyposes (syndrome de Peutz-Jeghers) représentent les autres indications de l’exploration morphologique du grêle.
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proximal (environ 1,20 m), de ne réaliser qu’exceptionnellement des gestes thérapeutiques (prélèvements, résection endoscopique ou coagulation de lésions hémorragiques) du fait d’un bouclage de l’appareil dans l’intestin grêle. La rentabilité diagnostique globale de l’entéroscopie poussée varie de 20 à 40 % [5,6] et semble meilleure en cas d’hémorragie extériorisée [7]. Son impact sur la prise en charge des patients est d’environ 50 % [8]. L’entéroscopie per-opératoire a des indications très limitées mais reste encore utile pour repérer une lésion avant sa résection ou réaliser de multiples polypectomies guidées par la main du chirurgien (comme dans le syndrome de Peutz-Jeghers). Vidéo-capsule endoscopique
Les outils pour explorer l’intestin grêle Explorations endoscopiques Entéroscopie per-opératoire et entéroscopie poussée Les seuls outils dont disposaient les médecins gastro-entérologues étaient encore récemment, l’entéroscopie poussée qui ne permettait d’explorer qu’une partie limitée de l’intestin grêle
G. Rami, C. Cellier () Service d’hépato-gastroentérologie et d’endoscopie digestive, hôpital européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, F-75015 Paris, France E-mail :
[email protected] ■
G. Rahmi, C. Cellier
Depuis 2001, la mise à disposition de la vidéo-capsule endoscopique permet une exploration complète de l’intestin grêle. Ce dispositif de vidéo-endoscopie intégré dans une capsule de 27 mm permet d’acquérir deux images par seconde pendant une durée de 8 à 9 heures et d’obtenir une exploration « endoscopique » de la totalité de la muqueuse de l’intestin grêle. Il est maintenant bien établi que ce système est un gain diagnostique très important par rapport à l’entéroscopie poussée en termes de diagnostic des lésions de la muqueuse de l’intestin grêle. Ainsi, chez les patients souffrant d’hémorragie digestive inexpliquée (après
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coloscopie et endoscopie haute normales), la rentabilité diagnostique d’une vidéo-capsule est de l’ordre de 60 à 70 % [9,10]. En France, l’utilisation de la vidéo-capsule est maintenant courante puisque si aucune exploration par vidéo-capsule n’avait été réalisée en 2001, 1 193 procédures ont été réalisées en 2003 et 4 918 en 2004 [11]. Cet examen est recommandé depuis 2006 par l’HAS (Haute Autorité de Santé) comme examen de première ligne pour l’exploration des hémorragies digestives inexpliquées (après endoscopies hautes et basses négatives), en l’absence de signe évocateur d’obstruction de l’intestin grêle. La vidéo-capsule est aussi recommandée en cas de suspicion de maladie de Crohn en l’absence de lésion détectée en endoscopie standard ou par la radiologie conventionnelle et avec un syndrome inflammatoire biologique. Toutes les autres indications éventuelles de la capsule comme le bilan de polyposes digestives ou de maladie cœliaque résistantes au régime sans gluten sont moins bien évaluées. La complication principale de la capsule est le risque de blocage en amont d’une sténose grêlique. Pour limiter ce risque, notamment lors d’une suspicion de maladie de Crohn, il faut réaliser, avant l’ingestion de la capsule, une exploration radiologique fiable de l’intestin grêle (entéroscanner ou entéro-IRM) et l’utilisation d’une capsule délitable est recommandée (Capsule Patency, Given Imaging, France). Entéroscopie avec système de ballons et spiralée Un nouveau type d’entéroscope a été développé en 2001 au Japon par le docteur Yamamoto en collaboration avec la société Fujinon (Groupe Fujifilm, GMBH France) [12-14]. Il s’agit d’un système novateur composé d’un entéroscope fin, disposant à son extrémité distale d’un ballonnet gonflable, associé à un surtube souple disposant également à son extrémité d’un ballonnet gonflable. L’insufflation successive des ballonnets de l’entéroscope et du surtube permet par des
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manœuvres séquentielles, la progression par voie antérograde ou rétrograde dans la quasi-totalité de l’intestin grêle. Cette technique permet en effet de réduire les boucles intestinales et d’empiler l’intestin grêle qui est fixé grâce à l’insufflation des ballonnets [15-19]. De plus, cet entéroscope permet la réalisation de façon plus aisée de techniques d’endothérapie (hémostase, résection endoscopique) et la réalisation de biopsies par l’intermédiaire d’un canal opérateur de bonnes dimensions (2,2 mm ou 2,8 mm) [2023]. Enfin, la qualité d’imagerie est identique à celle des vidéo-endoscopes de dernière génération et nettement supérieure à la vidéocapsule. Une forme équivalente d’entéroscopie double ballon est actuellement commercialisée par Olympus (Olympus France) sous la forme d’un entéroscope à simple ballon. Plus récemment, l’entéroscopie spiralée a été mise au point pour faciliter l’exploration endoscopique de l’intestin grêle [24]. Il s’agit d’un overtube spiralé (Système Spirus : Life Partner Europe, France, EndoEase Discovery SB) coulissant sur un entéroscope adulte qui permet par des mouvements de rotation, d’empiler l’intestin grêle. Cette technique est actuellement en cours d’évaluation en France. La principale indication de l’entéroscopie est l’hémorragie digestive inexpliquée après endoscopies hautes et basses négatives. Il est recommandé d’effectuer une exploration par vidéo-capsule en première intention pour rechercher une lésion potentiellement hémorragique et pour orienter la voie d’abord de l’entéroscopie : orale et/ou anale. L’entéroscopie permet de réaliser un traitement comme une coagulation au plasma argon, l’injection d’aétoxysclérol ou de sérum adrénaliné. Les autres indications sont la suspicion de tumeur (polypose de type Peutz-Jeghers, Polypose Adénomateuse Familiale, syndrome HNPCC, lymphome, adénocarcinome) ou de maladie inflammatoire de l’intestin grêle (maladie de Crohn). L’entéroscopie est alors le plus
souvent envisagée après la réalisation d’un examen radiologique (entéroscanner ou entéro-IRM). Il est possible de réaliser pendant l’entéroscopie des polypectomies, même si cela est techniquement plus difficile avec un taux de perforation plus élevé que dans le côlon, et des dilatations de sténoses comme dans la maladie de Crohn ou après prise d’AINS [20-23]. La rentabilité diagnostique est bonne, entre 56 et 80 % selon les études ainsi que l’impact thérapeutique qui est de 62 à 76 %. Les facteurs prédictifs de rentabilité sont la voie orale et la forte significativité des lésions à la VCE. La morbidité de la technique n’est pas nulle notamment après une entéroscopie thérapeutique (perforation, hémorragie et pancréatite aiguë) [25,26].
Explorations radiologiques L’entéroscanner est une méthode radiologique nouvelle d’exploration de l’intestin grêle et a supplanté le transit du grêle qui n’est quasiment plus réalisé. Il s’agit de la combinaison de deux techniques : l’entéroclyse et le scanner hélicoïdal. Les indications principales sont la suspicion de maladie inflammatoire de l’intestin (détection des fistules entérales et des sténoses dans la maladie de Crohn) et la recherche de tumeur du grêle (hémorragie digestive, anémie chronique inexpliquée, maladie cœliaque réfractaire, syndrome carcinoïde) [2729]. Cet examen a une sensibilité de 80 à 100 %, une spécificité de 90 à 97 % et une valeur prédictive négative de 95 à 100 % [30,31]. Les faux positifs peuvent être dus à des gros plis intestinaux (pseudo-tumeur) ou des invaginations fonctionnelles. L’intérêt de cet examen reste limité pour le diagnostic des anomalies vasculaires et des lésions muqueuses superficielles du grêle. Compte tenu de l’irradiation délivrée lors de l’entéroscanner, un examen plus récent a été développé : l’entéro-IRM. Elle a été évaluée dans la maladie de Crohn ; sa sensibilité est de 45 à 90 % et sa spécificité de 87 à 100 % [32]. • • • • • •
Conclusion Quels examens pour quelles indications [33] ? – En cas d’hémorragie digestive inexpliquée (extériorisée ou non), la vidéo-capsule de l’intestin grêle est recommandée en première intention (recommandation HAS) en l’absence de signes cliniques évocateurs d’occlusion. Devant des symptômes occlusifs, l’entéro-scanner semble l’examen à privilégier pour rechercher une lésion tumorale. La confirmation et le traitement des lésions repose le plus souvent sur l’entéroscopie à double ballon (ou ses dérivés). – En cas de suspicion clinique et biologique de maladie de Crohn localisée à l’intestin grêle, un examen par vidéo-capsule pourra être proposé si les examens endoscopiques haut et bas et la radiologie conventionnelle sont négatifs (recommandation HAS). En cas de symptômes occlusifs, l’utilisation d’une capsule test délitable (patency) est recommandée même si les examens radiologiques du grêle sont normaux. Pour le suivi et l’évaluation des lésions de l’intestin grêle, l’entéroIRM devrait être préférée à la TDM du fait de son caractère non irradiant. En cas de suspicion d’une complication d’une MICI (abcès, colectasie), la TDM reste l’examen de référence. – La vidéo-capsule peut être indiquée dans les cas de maladie cœliaque compliquée (résistance au régime sans gluten par exemple) pour dépister les complications lymphomateuses ou adénocarcinomateuses, après avoir exclu une lésion obstructive par entéro-scanner. – La surveillance de l’intestin grêle des patients atteints de polyposes (Peutz-Jeghers, PAF) et de syndromes génétiques (syndrome de Lynch) prédisposant au cancer reste à codifier. La vidéo-capsule et l’IRM semble prometteurs du fait de leur caractère non irradiant, mais devront être évaluées par rapport à la TDM qui reste actuellement l’examen de référence. • • • • • •
Recommandations de la Haute autorité de la Santé (HAS 2006) L’exploration de l’intestin grêle par vidéocapsule ingérée a été retenue par L’HAS dans les indications suivantes : – Les saignements digestifs inexpliqués (SDI) : soit SDI extériorisés, le plus précocement après l’épisode de saignement (après s’être assuré que les endoscopies hautes et basses ont été faites dans de bonnes conditions), soit SDI occultes et/ou anémie ferriprive chronique supposée liée à un saignement chronique : l’exploration est précédée ou non d’un examen morphologique selon l’âge et le contexte clinique (signes d’obstruction) (après s’être assuré que l’OGD et la coloscopie datant de moins de 6 mois ont été faites dans des conditions techniques optimales). – En cas suspicion de maladie de Crohn limitée à l’intestin grêle, si les explorations radiologiques et endoscopiques sont négatives. Une maladie de Crohn de l’intestin grêle est évoquée dans des situations clinico-biologiques associant des troubles digestifs mineurs à un syndrome inflammatoire, dans lesquelles les examens morphologiques de l’intestin grêle, l’OGD avec biopsies duodénales et la coloscopie avec iléoscopie et biopsies iléales sont négatifs. Le patient doit être informé d’une part que de tous les examens morphologiques, aucun n’élimine le risque de survenue de rétention de la capsule, et d’autre part, qu’en cas de rétention, son retrait par chirurgie pourrait être nécessaire (dans certains cas, le traitement médical peut permettre le déblocage de la capsule).
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Les 5 points forts ➊ ➋ ➌
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Le principal motif d’exploration morphologique de l’intestin grêle est le saignement digestif inexpliqué (SDI) extériorisé ou non La principale cause de saignement digestif inexpliqué est la malformation artério-veineuse ou angiodysplasie ; La vidéocapsule (VCE) ingérée est l’examen de première intention de l’intestin grêle en cas de SDI. Elle doit être réalisée le plus précocement possible (après endoscopies hautes et basses), en cas de SDI extériorisé, et présente la meilleure rentabilité diagnostique par rapport aux explorations radiologiques et endoscopiques alternes ; L’entéroscopie à double ballon et les techniques dérivées (simple ballon et entéroscopie spiralée) permettent la confirmation histologique et le traitement endoscopique (coagulation par plasma argon, polypectomie) des lésions de l’intestin grêle détectées par VCE ou par un examen radiologique ; Le scanner avec entéroclyse (entéro-TDM) est l’examen radiologique de référence pour le bilan lésionnel des entéropathies (maladie de Crohn ou maladie cœliaque compliquée) ou le diagnostic des tumeurs de l’intestin grêle et le suivi des polyposes. L’IRM de l’intestin grêle, non irradiante, pourrait supplanter le scanner dans un futur proche.
Questions à choix unique Question 1 Devant un méléna avec déglobulisation, inexpliqué après endoscopies hautes et basses normales, la conduite à tenir de première intention est (une seule réponse) : ❏ A. La réalisation d’un transit baryté de l’intestin grêle ❏ B. La réalisation d’un entéroscanner ❏ C. La surveillance simple après un traitement par fer ❏ D. La réalisation d’une vidéo-capsule de l’intestin grêle ❏ E. La réalisation d’une entéroscopie à double ballon
Question 2 Chez un patient avec douleurs abdominales évocatrices de syndrome occlusif avec syndrome inflammatoire biologique, la coloscopie avec iléoscopie et biopsies, l’endoscopie haute avec biopsies, le transit du grêle, l’entéro-scanner et le scanner abdominal sont normaux. Vous suspectez une maladie de Crohn de l’intestin grêle. Quelle est votre stratégie diagnostique ? (une seule réponse) : ❏ A. Corticothéraphie par voie orale ❏ B. Dérivés du 5-ASA ❏ C. Laparotomie ou cœlioscopie exploratrice ❏ D. Vidéocapsule de l’intestin grêle, précédée d’une vidéocapsule test délitable (patency) ❏ E. Entéroscopie à double ballon
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Post’U (2009) 180-184
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Y a t-il de bonnes alternatives à la coloscopie en 2009 ? Objectifs pédagogiques – Connaître les performances du coloscanner ; – Connaître les performances préliminaires de la vidéo capsule (insister sur la VPN). La coloscopie optique (CO) reste incontestablement l’examen de référence pour l’exploration du colon et elle seule, permet l’exérèse des polypes dans le même temps. Cependant, ces dernières années, d’autres techniques d’imagerie ont été développées avec principalement la colographie par scanner ou coloscopie virtuelle quand elle est associée à une recontruction 3D et la vidéocapsule colique. La raison de l’engouement pour ces nouvelles techniques vient de leur caractère non invasif et de leurs possibilités diagnostiques. A côté de leur aspect un peu magique ou futuriste, ces méthodes doivent cependant pour concurrencer réellement la CO, présenter certaines qualités incontournables : la simplicité de réalisation, la performance diagnostique, l’innocuité et le coût modéré.
Introduction Selon les derniers chiffres de l’enquête SFED (non publiée), « 2 jours d’endoscopie en France », environ 1 150 million de CO aurait été réalisées en 2008, ce qui représente une légère diminu-
C. Boustière () Président de la SFED 6, allée Robert Govi, F-13400 Aubagne, France E-mail :
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tion par rapport aux chiffres de 2006 (– 2,4 %). Le taux de polypectomies ou gestes thérapeutiques associés s’élève à plus de 30 %. Ces données statistiquement validées sont concordantes avec les données fournies par les relevés de la CCAM. Cela traduit donc la volonté de la profession d’adhérer aux recommandations visant à limiter les examens de contrôle inappropriés tout en suivant les règles du dépistage organisé. Les avantages de la CO sont évidents car elle seule peut à la fois faire la détection des lésions et leur traitement mais cela a un coût lié à l’acte, à la sédation et à l’hospitalisation, en général ambulatoire. Par ailleurs, la CO présente certains risques avec un taux de perforation d’environ 0,3 à 1/1 000. Il faut distinguer les perforations après polypectomie et les perforations mécaniques lors de la progression, qui sont favorisées par l’âge, la diverticulose mais aussi par l’inexpérience de l’opérateur [1]. Enfin, la nécessité d’une anesthésie actuellement réalisée dans plus de 90 % des cas augmente sensiblement le coût de l’acte et de sa prise en charge globale et peut induire ses propres incidents. À cela, viennent s’ajouter les problèmes de préparation colique avec un taux de mauvaise préparation qui se situe entre 20 et 30 % et qui représentent plus du tiers des causes d’échec de la coloscopie. Mais, comme nous le verrons, ce problème de préparation concerne encore plus les autres méthodes d’imagerie colique. L’utilisation
C. Boustière
d’endoscopes haute définition et l’amélioration des pratiques selon des critères de qualité bien définis (taux d’intubation cæcale, temps de descente, taux de détection des adénomes) confèrent à la CO des performances inégalées pour le dépistage des polypes du colon et en particulier des adénomes plans grâce à la chromoendoscopie et pour la surveillance de tout sujet à haut risque. On peut donc penser que les taux de lésions ratées rapportées dans l’étude de la SFED (environ 10 % pour les polypes > 1 cm) ou dans la méta-analyse de Van Rijn (2 à 23 % selon la taille des polypes) vont très vite diminuer dans les prochaines années [2,3] de même que la fréquence de cancers d’intervalle s’élevant 3 à 5 % [4].
La coloscopie virtuelle par scanner (CVS) La série multicentrique de l’ACRIN [5], portant sur plus de 2 500 patients, rapporte une sensibilité de 90 % pour les polypes de plus de 1 cm et de 80 à 85 % pour les polypes entre 5 et 9 mm. Ces résultats confirment en grande partie les études nord-américaines précédentes [6,7] qui avaient proposé dans leur conclusion la CVS comme examen de dépistage y compris dans les populations à haut risque. Cette position très radiologique s’appuyait également sur l’abandon de toute lésion de moins de 5 mm, le choix • • • • • •
étant laissé au patient pour les lésions entre 6 et 9 mm (surveillance par CVS à 3 ans ou polypectomie). Depuis, les responsables américains du dépistage (US multisociety taskforce on colo-rectal cancer) ont intégré dans leurs recommandations la CVS dans la panoplie des examens proposés aux patients à côté des tests fécaux et bien sûr de la coloscopie [8]. Il est certain que l’utilisation des appareils multi barrettes et les nouveaux logiciels d’acquisition 3D permettent d’obtenir une imagerie de grande qualité de la lumière colique mais aussi de l’environnement péricolique. Cependant, outre l’irradiation, un certain nombre de contraintes peuvent gêner sa réalisation et diminuer l’acceptabilité de l’examen. Une préparation complète est indispensable pour vider le colon et sera associée à un double marquage des selles par ingestion la veille d’un contraste hydrosoluble et d’une solution barytée. Surtout l’insufflation indispensable de gaz au travers d’une sonde rectale, peut être responsable de douleurs qui vont gêner l’obtention d’une bonne distension colique indispensable à l’analyse fine de la muqueuse. Le coloscanner à l’eau ne doit pas être considéré comme une CVS mais peut être indiqué pour la recherche de grosses lésions chez des patients très fragiles. Des complications à type de perforations diastatiques ont été décrites mais devraient rester exceptionnelles avec l’utilisation des insufflateurs CO2 à pression auto-limitée. Pour un radiologue formé, il faut environ 25 à 40 mn pour interpréter un examen en utilisant conjointement l’anayse planaire (2D) ou vue en « dissection » et la navigation 3D dans la lumière ou « flying through » qui rappelle l’image endoscopique. Les logiciels actuels permettent également une détection automatique des anomalies de relief, la mesure des polypes détectés et surtout, leur parfaite localisation sur un segment colique. Par contre, il n’y a actuellement aucune technique permettant de faire de l’analyse histo• • • • • •
logique virtuelle et seule la taille du polype est donc prise en considération pour la conduite à tenir. Quant aux lésions extra-coliques elles représentent plus un problème qu’un réel avantage car décrites dans 15 à 25 % des cas, il s’agit le plus souvent d’un incidentalome qui risque de déclencher d’autres examens plus ou moins justifiés et notamment, un nouveau scanner mais cette fois-ci avec injection iodée. En pratique, la CVS est actuellement recommandée an cas d’échec ou de contre-indications à la CO et pourrait être une alternative chez des patients refusant la CO après une information complète et loyale sur les risques de ce refus (lettre de cadrage 2008 HAS-SFR-SFED-SNFGE). En cas de refus, il serait normal que cette information soit donnée par un gastroentérologue pour éviter que certains patients ne subissent des retards diagnostiques ou des examens inappropriés.
La Vidéocapsule colique (VCC) La VCC est donc l’adaptation de la plateforme « small bowel capsule » avec une gélule plus grosse (32 mm), un capteur aux deux extrémités permettant 4 images/sec et une durée de fonctionnement portée à 10 heures. Cette capsule présente la particularité de se mettre en pause environ 5 mn après l’ingestion pour se rallumer automatiquement au bout de 2 heures (occultant donc en grande partie l’examen du grêle) afin de préserver l’énergie pour la visualisation du colon. La lecture nécessite une mise à jour de la station de travail et du logiciel de lecture (Rapid Reader V.5®). Le temps de lecture moyen d’un examen est d’environ 40 mn. La préparation utilisée a un double objectif : obtenir la vacuité colique et une progression rapide dans l’intestin au prix d’un protocole souvent complexe et astreignant associant laxatifs, solutions PEG et la prise de médicaments prokinétiques voire de suppositoires
laxatifs. La taille de la capsule explique la longue liste d’exclusions citée dans les protocoles par crainte de blocage de la VCC (suspicion d’occlusion, sténose connue, Crohn, antécédents de radiothérapie abdominale, prise chronique d’AINS ) et également l’impossibilité pour quelques patients de pouvoir l’avaler du fait de sa taille. Les premiers résultats de l’étude européenne multicentrique [9] portant sur 320 patients font état d’une valeur prédictive négative de 90 % pour les lésions de 1 cm et plus mais seulement de 64 % entre 6 et 9 mm. Par ailleurs, cette étude révèle les problèmes de préparation avec presque 1/3 des cas jugés comme mal préparés. En attendant les résultats des protocoles nationaux réalisés sous l’égide de la SFED, 2 études prospectives [10,11] comparables dans leur design avec CO le même jour et lecture en double aveugle, ont été publiées, totalisant 120 patients. Les résultats sont prometteurs avec des valeurs prédictives moyennes de 70 à 80 % (VPN = 56 à 80 % et VPP = 69 à 100 %) et bien sûr, avec des chiffres encore meilleurs pour les lésions de plus de 6 mm, dites significatives. Parmi les problèmes techniques rencontrés, il y avait surtout la lenteur de progression avec non élimination 10 heures après l’ingestion dans 20 à 30 % des cas rendant donc l’examen incomplet. La VCC est cependant une vraie alternative réellement non invasive donnant de plus une vision endoscopique plus proche de la connaissance habituelle que l’on a des lésions coliques. Cependant, l’absence d’insufflation et l’aspect « aquatique » des lésions nécessitent un peu d’habitude et peuvent poser des problèmes de concordance avec l’aspect coloscopique d’autant plus que la localisation des lésions restent aléatoires malgré l’utilisation d’un repérage logiciel. Des perfectionnements sont encore attendus avec une miniaturisation encore plus poussée, une plus grande réserve d’énergie qui permettra à terme un « total bowel screening », et des
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moyens pour accélérer la progression et pour simplifier la préparation. Le coût de la capsule rend à ce jour son utilisation peu envisageable dans une stratégie de dépistage de masse.
Les autres techniques : IRM et TEP Ces techniques d’imagerie restent actuellement anecdotiques dans ce cadre mais il est indéniable qu’elles peuvent visualiser certaines lésions coliques selon les conditions de réalisation de l’examen. Une étude prospective portant sur 120 patients [12] a montré que la Colo-IRM détectait les lésions coliques de plus de 1 cm dans 86 % des cas mais avec des résultats beaucoup plus faibles pour les lésions de plus petite taille ou de type sessile. Le protocole d’examen se rapprochait beaucoup de celui du CVS avec une préparation complète, un contraste liquide utilisant un mélange eau-gadolinium et une interprétation 2D et 3D autorisant là aussi le « fly-through » ou endoscopie virtuelle. De même, plusieurs publications ont fait état de diagnostic incident de gros adénomes ou de cancers coliques lors de TEP réalisés pour d’autres pathologies [13]. Une étude récente a inclus 18 patients comparant les résultats avec la coloscopie de référence. La combinaison PET – CT scan a permis de retrouver 23 sur 27 polypes de plus de 1 cm et surtout, tous les cas de cancers ont été détectés.
Conclusion Toutes ces méthodes viennent donc se positionner comme des « challengers » de la CO sans pouvoir égaler cependant, les remarquables performances des endoscopes actuels haute définition. Ainsi, la détection des petites lésions et surtout des adénomes plans
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dont on connaît le risque évolutif sont indétectables par les autres méthodes non invasives. De plus, tout polype détecté doit faire l’objet d’une exérèse puis d’une analyse histologique indispensable pour affirmer sa bénignité. Il serait donc très imprudent de favoriser une politique de dépistage qui consisterait à réserver la coloscopie aux indications de polypectomie pour les seuls polypes de plus de 1 cm car environ 10 % des polypes de taille inférieure peuvent être dégénérés et cela est encore plus vrai pour les lésions planes. Sur un plan strictement médico-économique, la place de ces examens non invasifs dans une politique de prévention du cancer colo-rectal est loin d’être définie et il serait certainement prématuré et dangereux de vouloir soit les substituer aux tests fécaux, bases du dépistage actuel, ou bien à la coloscopie qui reste la clé de voûte de ce dépistage autant pour ses performances diagnostiques que pour ses possibilités thérapeutiques.
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Les 5 points forts Alternatives à la coloscopie en 2009 ➊ ➋ ➌ ➍ ➎
La coloscopie est l’examen de référence pour l’exploration du colon ; Le coloscanner ou coloscopie virtuelle est la seule alternative à la coloscopie actuellement validée ; Les indications du coloscanner sont les échecs, les contre-indications ou dans certains cas, le refus de la coloscopie ; La vidéocapsule colique doit être encore évaluée et certains problèmes techniques ou de préparation résolus ; Dans le cadre du dépistage du CCR en population, ces nouveaux examens n’ont actuellement aucune place.
Questions à choix unique Question 1 Parmi ces propositions, une seule est fausse : La coloscopie virtuelle est une technique nécessitant : ❏ A. une insufflation rectale à l’air ou au CO2 ❏ B. un marquage des selles avec sels de baryte ❏ C. un marquage des selles aux hydrosolubles ❏ D. une injection d’iode pour rehausser la paroi colique ❏ E. une préparation colique complète
Question 2 Parmi ces propositions, une seule est fausse : La vidéo-capsule colique : ❏ A. nécessite une préparation associant des prokinétiques ❏ B. ne visualise la totalité du colon que dans 80 % des cas ❏ C. n’est pas expulsée dans les délais dans 20 % des cas ❏ D. présente une VPN de 90 % pour les lésions de plus de 6 mm ❏ E. présente une sensibilité de 90 % pour les lésions de plus de 10 mm
Question 3 Parmi ces propositions, une seule est fausse : Les performances de la coloscopie virtuelle montrent : ❏ A. une valeur prédictive négative > à 90 % pour des polypes > 9 mm ❏ B. une sensibilité de 60 à 80 % pour des polypes de 6 à 9 mm ❏ C. une bonne visualisation des zones diverticulaires ❏ D. un risque de non détection de lésions rectales ❏ E. une excellente localisation des lésions détectées
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Positionnements respectifs du coloscanner et de la coloscopie
Suite à de récentes publications sur le coloscanner, les sociétés savantes de Gastro-Entérologie (SFED, SNFGE) et de Radiologie (SFR, SIAD) ont souhaité informer conjointement la communauté médicale sur le positionnement de cette nouvelle technique. La coloscopie, réalisée le plus souvent sous anesthésie générale en hospitalisation courte ou en ambulatoire est la technique de référence pour la détection des lésions de la paroi colique. Elle permet dans le même temps la résection puis l’analyse histologique de toute lésion retrouvée. Elle peut parfois être incomplète ou manquer des lésions en raison de leur situation derrière un angle ou un pli. Sa complication essentielle est la perforation qui est rare (0,1 % pour une coloscopie diagnostique). Le coloscanner associé à la reconstruction luminale en 3D appelée encore coloscopie virtuelle est réalisée en externe après une préparation colique contraignante, sur 24 h, assez proche de celle de la coloscopie. Elle doit être pratiquée avec une faible dose de rayons X et par une équipe entraînée. Le risque de perforation est pratiquement nul lorsque l’insufflation se fait au CO² avec contrôle de la pression. Les grandes séries récemment publiées montrent qu’elle permettrait la détection des polypes du colon avec une sensibilité d’environ 90 % pour les polypes de plus de 5 mm. Des lésions planes même de grande taille peuvent cependant être méconnues. Ce taux de détection, obtenu par des équipes performantes, serait ainsi comparable à celui de la coloscopie standard, examen de référence. L’utilisation d’un logiciel de détection automatisée des lésions est fortement recommandée.
Indications respectives de la coloscopie et du coloscanner Avant tout il est important de repréciser les règles actuelles de dépistage selon les 3 niveaux de risque : 1. Risque moyen correspondant à la population asymptomatique de plus de 50 ans et sans facteur de risque : Hémoccult® à répéter tous les 2 ans jusqu’à 74 ans à l’exclusion de tout autre méthode, coloscopie ou imagerie. La coloscopie est indiquée si le test est positif. 2. Risque élevé ou haut risque si antécédent familial de cancer colorectal au premier degré (survenu avant 60 ans) ou antécédent personnel de tumeur recto-colique (adénome ou cancer), MICI étendue évoluant depuis plus de 10 ans : coloscopie à renouveler tous les 3 ou 5 ans selon la présence ou non d’adénomes. 3. Très haut risque en cas de polypose familiale et en cas de suspicion ou diagnostic de syndrome HNPCC : conseil génétique et surveillance par coloscopie avec coloration ou chromoendoscopie. Jusqu’à présent, selon les recommandations de la HAS publiées en avril 2004 sur les indications de l’endoscopie digestive basse en dehors du dépistage en population, le coloscanner était indiqué : – en cas d’échec de la coloscopie, – en cas de contre-indications à la coloscopie. Il a été proposé récemment par certains experts américains de réaliser un coloscanner en première intention chez des patients à risque moyen ou à haut risque et de ne diriger vers la coloscopie que les patients qui auraient un ou plusieurs polypes de plus de 9 mm détectés par cet examen. Dans cette stratégie, les polypes de moins de 6 mm seraient volontairement négligés tandis que pour les polypes de 6 à 9 mm, on laisserait le choix au patient entre une surveillance par coloscanner ou une exérèse par coloscopie. En France, cette stratégie de dépistage est considérée comme non validée du fait : – de l’absence de données suffisantes pour recommander de laisser en place des polypes colorectaux (quelque soit leur taille) – de l’absence de données suffisantes concernant la détection des lésions planes par le coloscanner – de l’absence de validation sur de larges séries de la place du coloscanner en fonction des indications En attendant une mise à jour des recommandations en partenariat avec la HAS, l’attitude préconisée par les sociétés savantes est donc la suivante : 1) Le dépistage en population (risque moyen) reste inchangé, basé sur l’Hemoccult®. Il n’est pas justifié de pratiquer en alternative une coloscopie ou un coloscanner. 2) Chez les patients à risque élevé la coloscopie reste l’examen de référence à proposer en première intention. Cependant, si après une information complète et loyale, une personne à risque élevé ou à dépistage fécal positif refuse la coloscopie, il est important de lui proposer une alternative performante qu’elle pourrait accepter. Aujourd’hui le coloscanner réalisé par une équipe entraînée entre dans ce cadre. Le patient devra alors être clairement informé que la coloscopie permettrait la détection des lésions planes avec une meilleure sensibilité afin d’éviter que la responsabilité d’un médecin puisse être engagée en cas de lésion méconnue par le coloscanner. En cas de polypes détectés par le colo-scanner une résection par coloscopie sera recommandée quelque soit leur taille.
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Mucosectomie colorectale – Connaître les bonnes indications et les contre-indications
Elle permet de poser ou de récuser l’indication de la mucosectomie. Elle repose sur l’aspect endoscopique, écho-endoscopique, l’injection sousmuqueuse et la situation.
Introduction
L’aspect endoscopique
La mucosectomie endoscopique est devenue le traitement radical et curateur de référence des tumeurs superficielles du tube digestif : tumeurs bénignes planes ou sessiles ; lésions précancéreuses et cancers superficiels comportant un risque ganglionnaire nul ou très faible au niveau du colon et du rectum quelles que soient la situation ou la taille de la lésion. La mucosectomie permet la résection de la muqueuse, de la muscularis mucosae avec une partie, voire la totalité de la sous-muqueuse. Elle permet une analyse histologique de toute la lésion à l’opposé des méthodes de destruction par laser ou par électrocoagulation au plasma d’Argon, mais aussi d’envisager un traitement complémentaire si nécessaire par chirurgie chez les patients opérables ou par radio chimiothérapie chez les patients inopérables. L’aspect endoscopique permet de prédire le caractère résécable ou non et l’analyse histologique précise permet de définir la limite exacte des lésions curables par endoscopies et des lésions nécessitant un traitement complémentaire.
La taille et la classification endoscopique japonaise permettent de déterminer de façon assez précise, le risque d’envahissement sous-muqueux pour les cancers. Ce risque est quasi-nul pour les tumeurs de moins d’un centimètre, faible pour celles entre 1 et 2 cm. La classification morphologique japonaise distingue les formes polypoïdes (type I), planes (type II) et ulcérées (type III). Les formes planes peuvent être élevées (IIa), planes (IIb) ou déprimées (IIc). Les meilleures indications de la mucosectomie sont représentées par les formes I, IIa et IIb qui s’accompagnent d’un risque d’envahissement sous muqueux inférieur à 10 %.
Objectifs pédagogiques
Évaluation endoscopique prémucosectomie L’évaluation doit permettre de prédire le risque d’atteinte pariétale profonde. J.-M. Canard () 96, Boulevard du Montparnasse, F-75014 Paris E mail :
[email protected] ■
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L’écho-endoscopie L’écho-endoscopie conventionnelle de 7,5 et 12 MHz permet de différencier les stades T1 des T2 avec une précision diagnostique de 90 %. Les mini sondes de 30 MHz permettent de différencier les stades T1 des T2 dans près de 100 % des cas. Elles permettent de différencier les stades T1m des T1sm dans 90 % des cas, en sachant qu’il existe un problème de surestimation lié aux phénomènes inflammatoires et fibrotiques péri-tumoraux. En raison de cette surestimation, des lésions classées T1sm par écho-endoscopie ne doivent
J.-M. Canard
être récusées pour un traitement par mucosectomie à visée curative. La précision diagnostique des mini sondes concernant les tumeurs intramuqueuses est de l’ordre de 95 %. L’injection sous muqueuse L’absence de soulèvement lors de l’injection fait suspecter un envahissement de la musculeuse. Il s’agit d’une contre-indication de la mucosectomie. La situation Les lésions villeuses touchant l’orifice appendiculaire peuvent être des contre-indications et justifier une résection chirurgicale si la lésion va dans l’orifice appendiculaire. Les lésions envahissant la valvule de Bauhin, ne sont pas une contre-indication dans la mesure où la résection peut-être complète car il n’y a pas de risque sur une valvule qui est un gros muscle ; le seul risque est de méconnaître une dissémination dans la valvule. Cela nécessite un contrôle régulier jusqu’à ce que l’on soit sûr que l’ensemble des tissus est réséqué. Les nappes villeuses du rectum sont des indications de traitement endoscopique plutôt que de traitement chirurgical. En effet, la qualité des endoscopes permet parfaitement de vérifier la limite de ces lésions et de ne laisser aucun tissu adénomateux, au contraire des résections chirurgicales qui sont faites souvent à l’aide d’une localisation au doigt avec une visualisation par l’orifice anal médiocre. Les nappes villeuses du rectum ne devraient plus être opérées. Des lésions étendues au niveau du colon droit peuvent être une limite à
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la résection voire des lésions multiples qui peuvent justifier un traitement radical chirurgical. Il faut être extrêmement prudent sur les lésions déjà réséquées où le risque de perforation est très élevé malgré une impression de sécurité lors d’une surélévation après injection dans la paroi, il est possible d’injecter le muscle, de le surélever et couper le muscle. Il faut donc éviter de prendre en un seul fragment ce type de lésion. La résection à l’aide d’un endoscope à double canal opérateur est plus prudente malgré les possibilités de fermeture de perforation qui rend ce geste difficile mais possible.
Indications et limites Pour les lésions bénignes, les limites sont essentiellement d’ordre technique, liées aux difficultés de résection de lésions très larges, nécessitant une résection en fragments multiples. Le risque de dégénérescence de ces lésions n’est pas une limite ni leur localisation ; des lésions très larges peuvent être exemptes de toute dégénérescence et à l’inverse, des lésions de petites tailles peuvent être irrésécables car dégénérées et infiltrant la musculeuse. Pour les cancers, les indications sont conditionnées par le risque d’extension lymphatique variable en fonction de l’organe, de la taille et de la lésion et surtout de la profondeur de l’extension tumorale. Selon la classification japonaise, les lésions T1 correspondant à la partie résécable par mucosectomie peuvent être divisées en 6 sous-sections suivant le niveau de l’envahissement. – T1m1 correspond à une infiltration limitée à l’épithélium. Il s’agit d’un cancer in situ, sans franchissement de la membrane basale avec un risque ganglionnaire nul. – – T1m2 correspond à une infiltration du chorion sans franchissement de la musculaire muqueuse avec un risque ganglionnaire nul.
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– T1m3 correspond à un envahissement de la musculaire muqueuse, à savoir, la frontière carcinologique (risque ganglionnaire voisin de 0 %) – T1sm1 correspond à un envahissement superficiel de la sousmuqueuse. Il s’agit d’un cancer invasif. Le risque d’envahissement ganglionnaire est de 0 à 1 % sur le colon de 0 à 4,5 % sur le rectum en cas d’envahissement vasculaire. – T1sm2 correspond à un envahissement de la partie moyenne de la sous-muqueuse. – T1 sm3 correspond à un envahissement profond de la sous-muqueuse. Le risque d’envahissement ganglionnaire est de 6 à 25 % pour les lésions T1sm2 et T1sm3. – T2 correspond à un envahissement de la musculeuse. Il s’agit d’un cancer avancé ne pouvant pas relever techniquement de la mucosectomie. En effet, la mucosectomie risque d’emporter la musculeuse et d’entraîner une perforation. En résumé, les patients porteurs de lésions T1m1, T1m2 ou T1m3 peuvent être considérés comme guéris par la mucosectomie. Les lésions T1, sm1, sm2, sm3 peuvent nécessiter un traitement chirurgical complémentaire ou une radio chimiothérapie, en fonction du risque opératoire parfois très élevé.
Que faire après l’exérèse d’un cancer du colon ? Quels sont les critères endoscopiques indiscutables d’un traitement curatif d’un adénome transformé ? – Les polypes sessiles qui ont été enlevés en un temps ; – La base d’implantation bien repérée ; – L’examen sur les coupes sagittales et médianes passant par le pédicule et la base d’implantation ; – Le carcinome intra-muqueux T1m1 et T1m2 avec exérèse complète. Dans ces cas, le traitement endoscopique est suffisant.
Quels sont les critères permettant de conclure à un traitement endoscopique suffisant lorsque la sous-muqueuse est légèrement infiltrée ? – Exérèse et examen histologique complet ; – Cancer bien ou moyennement différenciés ; – L’absence d’embole lymphatique ou veineux ; – Marge de résection supérieure à 1 mm ; – Invasion de la sous-muqueuse inférieure à 1 000 microns. S’il y a un seul facteur manquant associé à un carcinome invasif, la colectomie segmentaire à visée carcinologique est nécessaire. Il faut bien sûr confronter les risques opératoires et les risques évolutifs de l’adénome transformé et discuter de cette décision en réunion pluridisciplinaire de cancérologie digestive (RCP) comprenant les gastro-entérologues, les anatomopathologistes, les chirurgiens, les radiologues de même que les cancérologues. Si les marges sont envahies, si la lésion est indifférenciée et s’il existe une invasion vasculaire, les risques sont très élevés, de maladie résiduelle, de récidive locale, de métastases ganglionnaires, de métastases hématogènes ainsi que de mortalité. Dans le cas où aucun de ses critères n’est inclus, les risques sont faibles. Dans la même série, 58 % des patients présentaient un risque faible, ils ont été opérés dans 21 % des cas, il y avait un cancer résiduel dans 1,2 % des cas, 0 récidive, 0,8 % de métastases ganglionnaires, 0,3 % de métastases hépatogènes, et 0,7 % de décès. Dans 42 % des cas, les patients étaient à haut risque. Ils ont bénéficié à 71 % d’une chirurgie, il y avait un cancer résiduel dans 21,4 % des cas, une récidive dans 9,2 % des cas, des métastases ganglionnaires dans 11,1 % des cas, des métastases hématogènes dans • • • • • •
7,1 % des cas et un décès est survenu dans 7,2 % des cas. En conclusion, l’approche conservatrice des polypes de faible risque est valide. La chirurgie expose à un risque faible les patients ayant un polype de haut risque. La faible différenciation pourrait pousser à d’autres attitudes, en particulier, chimio et radiothérapie. Dans le groupe à haut risque, souvent l’endoscopie suffit. Beaucoup de mala-
des sont opérés alors qu’ils pourraient ne pas l’être.
Conclusion L’attitude actuelle de ne pas opérer les malades ne présentant pas de facteurs de risques histologiques repose sur des séries souvent anciennes, rétrospectives portant sur un faible nombre de malades.
Cette attitude semble cependant valide et n’expose pas ou exceptionnellement ces malades à un risque d’évolution défavorable de la maladie cancéreuse lorsqu’ils sont traités par mucosectomie avec des indications posées et une analyse histologique précise. Ces malades ont cependant un cancer. Ils doivent être informés et la décision thérapeutique doit être prise en RCP.
Questions à choix unique Question 1 Dans quel cas un traitement endoscopique est suffisant ? (Une seule réponse fausse) ❏ A. Exérèse et examen histologique complet ❏ B. Cancer bien ou moyennement différencié. ❏ C. Absence d’embole lymphatique ou veineux ❏ D. Marge supérieure à 1 mm ❏ E. Invasion de la sous-muqueuse supérieure à 1 000 microns
Question 2 Quel est l’envahissement ganglionnaire ? (Une seule réponse fausse) Suivant l’envahissement en profondeur ❏ A. T1m1 : 0, ❏ B. T1m2 : 0, ❏ C. T1m3 : 0, ❏ D. T1sm1 : de 0 à 4.5 %, ❏ E. T1sm2 et T1sm3 : de 6 à 45%.
Question 3 Classification de Vienne : (Une seule réponse fausse) ❏ A. Pas de néoplasie ❏ B. Indéfinie pour la néoplasie ❏ C. Néoplasie (adénome de bas grade) ❏ D. Néoplasie (adénome de haut grade) – Dysplasie de haut grade – Carcinome in situ (non invasif) (TIS) – Suspect d’être invasif – Carcinome intra-muqueux ❏ E. Cancer infiltrant la sous-muqueuse supérieur ou égal à T2
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Réponses aux questions Les manifestations hépatobiliaires au cours des MICI O. Chazouillères Question 1 : C Question 2 : B Question 3 : C
Prise en charge d’une MICI avec une hépatopathie chronique J.-P. Bronowicki Question 1 : D Question 2 : A
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Pré-requis avant la mise en route d’une chimiothérapie pour cancer colorectal O. Bouché, E. Scaglia, S. Lagarde Question 1 : C Question 2 : E • • • • • •
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Exploration morphologique de l’intestin grêle : quels examens pour quelles indications G. Rahmi, C. Cellier Question 1 : D Question 2 : D
Y a-t-il de bonnes alternatives à la coloscopie en 2009 ? C. Boustière Question 1 : D Question 2 : D Question 3 : C
Mucosectomie colorectale J. M. Canard Question 1 : E Question 2 : E Question 3 : E
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