Biosurveillance des retombées
Sandrine Gombert, Laurence Galsomiès, Catherine Rausch de Traubenberg, Sébastien Leblond...
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Biosurveillance des retombées
Sandrine Gombert, Laurence Galsomiès, Catherine Rausch de Traubenberg, Sébastien Leblond, Rémi Losno, Jean-Louis Colin et Bruno Charré
EDP SciencedADEME
Illustrations de couverture : O Christian WeissIADEME 1989 (photo de droite) ; O S. LeblondIMNHN (photo de gauche).
ISBN 2-86883-805-7
Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, dune pari, que les de ces éléments peuvent être trouvés à proximité de sites industriels identifiés. Ils peuvent également être dus à une contamination d'origine agricole (cas du cuivre et du zinc). Les régions fortement urbanisées et industrialisées d'île-de-France, du Nord-Pas-de-Calais, de Rhône-Alpes et de Picardie montrent la plus forte contamination en cadmium, mercure et plomb, résultant probablement d'un dépôt local voire régional. Pour d'autres régions moins industrialisées, telles que Languedoc-Roussillon, Franche-Comté, Corse et Champagne-Ardenne, un apport d'origine transfrontière est suspecté. Pour le cadmium, le mercure et le plomb, les cartes des dépôts estimés (avec les mousses) sont comparables à celles des dépôts simulés par le modèle EMEP, ce qui souligne la cohérence de ces deux approches. Replacés dans le contexte européen, les niveaux de dépôts les plus forts observés en France sont relativisés par les niveaux plus importants observés dans les pays de l'Est et les pays limitrophes (italie et Espagne). La comparaison des résultats entre les deux campagnes nationales montre des zones du territoire identiques exposées à des niveaux élevés de contamination d'origine anthropique. II s'agit de zones situées dans le nord de la France, en île-de-France et en Rhône-Alpes où des sources locales et régionales semblent être à l'origine de tels dépôts. Les tests statistiques montrent que sur l'ensemble de la France, les concentrations baissent pour le cadmium et le plomb et augmentent pour le mercure et le zinc. Toutefois, l'évolution de ces niveaux de dépôt varie selon les régions. Les cartes d'évolution temporelle permettent de préciser les niveaux de diminution (amélioration), de stabilité o u d'augmentation (aggravation) au niveau de chaque maille (33 x 33 km2). L'amélioration globale des niveaux de dépôt en plomb et cadmium semble résulter de la baisse des émissions dans l'air, alors
que pour le mercure, l'amélioration des niveaux de dépôt semble être plus lente que celle des émissions dans l'air, et se traduit par une stabilisation de l'évolution sur la majeure partie du territoire national. Les tendances d'évolution dans le temps entre la France et le reste de l'Europe sont comparables et observées à la baisse pour le plomb et le cadmium. Pour le mercure, la tendance européenne est stable, ce qui correspond à l'évolution observée sur la majeure partie du territoire national. Par contre, pour le zinc, la tendance à l'augmentation des niveaux de dépôt observée en France ne semble pas être constatée à l'échelle de l'Europe.
La surveillance de la qualité de l’air en France concerne principalement les polluants réglementés pour leurs teneurs ambiantes, et s’appuie essentiellement sur des techniques de mesures physico-chimiques. Au-delà de l’intérêt de connaître la teneur d‘un polluant dans l‘air, ce sont en réalité ses éventuels effets sur la santé humaine et les écosystèmes qui nous préoccupent le plus. Parmi les polluants réglementés figurent les métaux lourds et plus particulièrement l’arsenic, le cadmium, le mercure, le nickel et le plomb. Leur mesure opérationnelle dans l‘air ambiant est assurée, sur quelques dizaines de sites en France, par les Associations Agréées de la Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA). Leur surveillance est nécessaire car ils représentent un danger pour l’homme et les écosystèmes du fait de leur non-biodégradabilité. De ce fait, ils peuvent s’accumuler dans la biosphère, et être facilement transférés le long de la chaîne alimentaire jusqu’à l’homme. Certaines conséquences, comme I‘acidification des milieux, sont aussi connues pour augmenter leur biodisponibilité. Tout excès de métaux dans l’environnement est donc, à terme, potentiellement un risque pour les générations futures. Si les dangers toxicologiques des métaux sont relativement bien connus, les connaissances sur les risques sanitaires liés à leur dispersion par voie aérienne restent fragmentaires. Plus encore, la localisation et l’importance des surfaces concernées par leurs retombées font l’objet d‘extrapolations peu précises au niveau national. Les niveaux de dépôts métalliques d’origine atmosphérique sont par ailleurs surveillés en Europe et modélisés pour trois métaux à partir des mesures effectuées au sein du réseau européen EMEP (European Monitoring and Evaluation Programme : environ 60 stations inégalement réparties en Europe, et uniquement 2 stations en France). Le déploiement de techniques sophistiquées et par trop coûteuses dans un contexte de suivi en continu des dépôts en métaux rendrait difficilement
envisageable d'augmenter la densité des stations de mesure en France et en Europe. Un tel constat a conduit la Convention de Genève sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance à encourager la mise en œuvre d'un réseau de surveillance au moyen d'organismes bio-accumulateurs dans lesquels les métaux surveillés sont dosés. Cette approche biologique renseigne donc sur les doses réellement reçues par les organismes vivants et rend compte de leur exposition aux polluants. Ainsi, depuis plus de 10 ans déjà, à l'occasion de trois campagnes de biosurveillance (1990, 1995/1996, 2000) couvrant la majeure partie de l'Europe, un vaste dispositif de surveillance des retombées atmosphériques en métaux a été mis en place. Celui-ci utilise des mousses terrestres collectées autant que possible loin des sources de pollution. La France participe pour la deuxième fois à ce vaste programme international de surveillance. Les résultats de la campagne 2000 du dispositif français (( mousses/métaux )) sont présentés dans le présent ouvrage. Ce document, qui fait suite à un document de synthèse édité par I'ADEME' concernant la première campagne de biosurveillance en France, a pour objectif: - de présenter les résultats de la deuxième campagne française de biosurveillance (campagne 2000). - de comparer les résultats des campagnes de 1996 et 2000, - et d'évaluer les tendances d'évolution des niveaux de dépôt en France. Le premier chapitre de l'ouvrage dresse un état des connaissances sur les métaux, des émissions aux dépôts, en passant par leurs principaux effets connus sur l'environnement et l'homme. II est également rappelé le contexte de la surveillance des métaux, et notamment les dispositifs de surveillance existant en France en matière de retombées d'origine atmosphérique. Enfin, il est expliqué l'intérêt d'utiliser les mousses comme outil de surveillance des dépôts atmosphériques. Puis, la campagne de biosurveillance réalisée en 2000 est présentée dans le chapitre suivant. Un éclairage est tout d'abord donné sur la mise en œuvre de l'étude (des récoltes de mousses aux dosages de métaux) avant de présenter les résultats pour une vingtaine d'éléments dosés. Parmi ces éléments, dix métaux sont retenus (arsenic, cadmium, chrome, cuivre, fer, mercure, nickel, plomb, vanadium et zinc) et leurs résultats sont illustrés par des cartes à l'échelle nationale et par des diagrammes (dispersion des données) à l'échelle régionale. Ces représentations graphiques permettent de souligner les tendances en terme de répartition spatiale des dépôts et d'identifier, selon les cas, une influence locale ou longue distance des sources d'émissions contaminantes. Ces données sont ensuite comparées dans un contexte européen. Enfin, et pour la première fois à l'échelle de la France, une évolution temporelle des niveaux de dépôts en métaux peut être envisagée en comparant les résultats des deux campagnes de biosurveillance réalisées en 1996 et 2000.
'
Galsomiès L., Savanne D., Letrouit M.A.. Ayrault 5. et Charré B., 1999. Retombées atmosphériques de métaux en France: estimation par dosage dans des mousses - Campagne 1996. ADEME éditions, données et références, coordination technique de la surveillance de la qualité de l'aic France. 187 p.
1.1. Les métaux dans Paie des émissions aux retombées et leurs effets I . I . I . Émissions S i la plupart des métaux sont présents naturellement à l'état de trace dans le fond géochimique
(sols,
eaux), des quantités plus ou moins importantes sont également émises dans l'air par des sources d'émission naturelles ou liées aux activités humaines. On distingue deux catégories principales de sources atmosphériques de métaux [ 1, 2, 31 : - les sources d'origine naturelle: - les volcans (As, Ni, Hg, Zn), - l'érosion de la croûte terrestre (AI, As, Cr, Fe, Ni, V), - les feux de forêt (Zn), - les émissions biogéniques issues de la végétation (Hg, Mo, As, Cd, Cu, Mn, Pb, Zn), - et les embruns marins (Hg, Na); - les sources d'origine anthropique liées à l'industrie, au transport et à l'agriculture, notamment: - la combustion de combustibles fossiles (pétrole et charbon dans l'industrie, le chauffage et les transports: As, Cd, Cr, Cu, Ni, Pb, Zn), - l'extraction de minerais (As, Fe, Ni, V), - la métallurgie (industrie du fer et de l'acier: Pb, Cd, Ni; et des métaux non ferreux: As, Cd), - l'incinération des déchets ménagers (Hg, Pb, Cd), - et les engrais et pesticides (Cd, As, Hg).
À l'échelle mondiale, les émissions d'origine anthropique dépassent dorénavant les émissions d'origine naturelle pour bon nombre d'éléments tels que le plomb, le cadmium, le zinc, l'arsenic et le mercure [4].En France également, on estime que les émissions métalliques d'origine anthropique sont beaucoup plus importantes que les émissions naturelles.
Le CITEPA (Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique) indique, dans son dernier rapport sur les inventaires d'émissions dans l'air en France, qu'en 2000 l'arsenic, le cadmium et le mercure sont émis par les sources anthropiques par dizaines de tonnesian, le chrome, le cuivre, le plomb et le nickel par centaines de tonnes/an, et enfin que les émissions de zinc représentent quelques milliers de tonnedan [SI.L'annexe 1 renseigne sur les principales sources d'émission d'origine anthropique en France, qui sont majoritairement des sources fixes. Si en France, les quantités d'éléments métalliques émises vers l'atmosphère commencent à être connues en fonction de catégories d'émetteurs et publiées pour quelques métaux [SI,ces chiffres sont néanmoins à considérer avec prudence car ils peuvent être révisés etiou complétés en fonction de I'amélioration des méthodes d'estimation et d'agrégation au niveau national. Au niveau régional, des cadastres d'émission commencent à être réalisés. Ils devraient permettre à terme d'être plus précis sur les quantités de polluants émis. 1.1.2. Transport et dépôt
Le compartiment atmosphérique joue un rôle majeur dans la dispersion des métaux. Dans l'atmosphère, la plupart des éléments métalliques se trouvent associés à des aérosols, c'est-à-dire à des particules liquides etiou solides en suspension dans l'air. Ces particules sont transportées avec un temps de résidence plus ou moins long avant de retomber au sol. Le mercure, qui est présent essentiellement en phase gazeuse, connaît une évolution différente. La taille, la forme et la composition chimique des particules influencent fortement leur dispersion et leur durée de séjour dans l'atmosphère (Figure 1.1). Les très grosses particules (diamètre de 10 à
Émissions (particules de tailles variables) Transport local
&
Transport longue distance
r-7 Dépôt loin
Dépôt à proximité des sources d'émission (O - 10 km) grosses particules
des sources d'émission (10 - 1 O00 km) petites particules
Figure 1.1 :Émission, transport et dépôt des métaux sous forme d'aérosols.
100 pm) ont ainsi un temps de séjour court dans l'atmosphère et sont déposées à proximité des sources d'émission (transport local). Par contre, les particules les plus fines (diamètre de l'ordre du pm) restent plus longtemps dans l'atmosphère et peuvent ainsi être transportées par les vents sur de plus longues distances, plus loin des sources d'émission (transport à longue distance). Le voyage des métaux s'achève selon des processus aux cinétiques différentes en fonction des conditions météorologiques, par dépôt sec (sédimentation) ou par dépôt humide (pluie, neige, brouillard, rosée, etc.). Des moyens d'échantillonnage appropriés permettent de mesurer les teneurs ambiantes en métaux lourds (ng de métal/m3 d'air), par exemple par prélèvement d'air et collecte sur filtre. Des moyens d'échantillonnage permettent également de quantifier les dépôts de métaux (pg de métal/m2/an). Par exemple, les dépôts humides sont prélevés avec des collecteurs de pluies séquentiels à ouverture et fermeture automatique, les dépôts secs par filtre, et les dépôts totaux (sec et humide) avec des collecteurs de pluies ouverts, également appelés Jauges Owen. Les dépôts totaux peuvent aussi être estimés en utilisant des organismes bio-accumulateurs. 7.7.3. E f k t s sur I'envitvnnement
Les dépôts d'origine atmosphérique sont, pour les écosystèmes naturels, une charge supplémentaire par rapport aux teneurs naturelles du fond géochimique (sols, eaux) (Figure 1.2).L'exposition à une pollution atmosphérique par les métaux lourds est connue pour provoquer des effets dommageables, à court ou à long terme, aux systèmes vivants (écosystèmes terrestres et aquatiques) ou inertes (patrimoine bâti, matériaux). Mais ces effets sont difficiles à quantifier puisqu'ils se produisent sur des systèmes présentant des seuils de vulnérabilité variables. Les effets toxiques des métaux dépendent de leur dose (à l'exception du plomb, cadmium et mercure toujours toxiques) et de leur forme chimique. Ces effets sont multiples chez les végétaux et les animaux, et se traduisent par exemple par une diminution de la fonction de reproduction (chrome), des baisses de croissance, de productivité ou de biodiversité (arsenic, cadmium, vanadium), une apparition de chloroses (nickel), ou encore des troubles neurologiques, digestifs, cardiovasculaires, ou rénaux (mercure) [3, 61. Dans les systèmes aquatiques, la pollution métallique affecte la qualité des eaux de surface et des nappes phréatiques pouvant aller jusqu'à une limitation de l'utilisation de l'eau. Dans les systèmes terrestres, les métaux s'accumulent dans les sols et peuvent contaminer les cultures. Néanmoins, les effets des métaux lourds sur les écosystèmes ne peuvent pas toujours être bien établis en raison de l'émergence d'organismes résistants ou adaptés [7]. D'une manière générale, tous les végétaux sont des accumulateurs de métaux, qu'ils soient aquatiques (algues) ou terrestres (lichens, champignons, mousses, feuilles des arbres, légumes...). Premier maillon de la chaîne alimentaire, les végétaux sont le point de départ du transfert des métaux dans cette chaîne, et peuvent ensuite se concentrer de manière parfois importante dans les échelons trophiques supérieurs (biomagnification). Le cas du transfert du mercure dans la chaîne alimentaire est à ce titre exemplaire: il conduit en effet à l'augmentation des niveaux de mercure dans la chair des poissons, dans les tissus et les œufs d'oiseaux marins, et dans certains organes (foie, reins) de grands mammifères terrestres, à des niveaux qui peuvent alors devenir préoccupants pour la consommation humaine 18, 9, 101. Les coquillages filtreurs, également consommés en tant que fruits de mer, sont également connus pour concentrer les métaux. Bien que des différences soient observées selon les métaux, beaucoup sont susceptibles d'être bioaccumulés. Parmi les facteurs environnementaux influençant la bio-accumulation, l'acidité est certainement le plus important puisqu'elle favorise la dissolution et le lessivage des métaux, augmente leur biodisponibilité et, dans certains cas, l'émergence de formes chimiques plus toxiques (par exemple pour l'aluminium) [6,1 I]. Ceci explique l'impact non négligeable qu'ont eu les pluies acides dans les années 1970 sur les écosystèmes aquatiques et terrestres.
teneurs ambiantes
Figure 1.2: Transfert des métaux dans l'environnement en milieu continental.
1.1.4. Effets sur la santé humaine
À court et à long terme, les métaux sont connus pour leurs effets sur la santé humaine. Parmi les voies de pénétration dans l'organisme (inhalation de l'air, ingestion de nourriture ou d'eau, contact dermique), l'inhalation est le principal mode de contamination, les particules les plus fines chargées en métaux pouvant pénétrer plus profondément dans les voies respiratoires [12]. Par ingestion, les métaux vont s'accumuler dans le corps humain (sang, foie, reins et os) où certains d'entre eux ne sont que très lentement éliminés. Les métaux ont des effets aigus sur la physiologie, ce qui entraîne notamment des perturbations des systèmes respiratoire, digestif et rénal, et provoque des troubles neurologiques graves ou des lésions de la peau [6, 13, 141. Une exposition de courte durée par exemple à de fortes concentrations en cadmium (poussières ou fumées) est irritante pour les cellules du système respiratoire et gastro-intestinal (Tableau 1.1).
Une durée d'exposition à de faibles niveaux, si elle est chronique, peut aussi avoir de graves répercussions sur la santé. Le plomb, l'arsenic, le nickel et le cadmium ont des propriétés cancérigènes (Tableau 1.1). Dans le cas du plomb, l'intoxication la plus courante est liée à une exposition chronique. Le plomb s'accumule alors dans le sang (plombémie) et bloque plusieurs enzymes nécessaires à la synthèse de l'hémoglobine, ce qui a pour effet une diminution du nombre de globules rouges et une anémie. Chez l'homme, comme chez les autres organismes vivants, la toxicité des métaux varie en fonction des éléments métalliques, de leur mode de pénétration dans l'organisme, et de leur forme chimique (spéciation). Citons par exemple le cas de l'arsenic qui est plus toxique sous forme libre qu'associé à des molécules organiques, le cas du chrome toxique essentiellement sous sa forme Cr VI, et celui du mercure plus toxique sous sa forme organométallique de méthylmercure. Une intoxication par du méthylmercure suite à une ingestion de poissons contaminés fut ainsi à l'origine d'une épidémie grave dans les années 1950 dans la baie de Minamata au Japon [15].
Tableau 1.1 :Impacts des métaux sur la santé humaine (synthèse d'après [6. 13, 14. 151).
1.2. Contexte politique de la surveillance des métaux d'origine atmosphérique La surveillance de l'air et de ses effets constitue un maillon déterminant pour la conduite de politiques de protection de l'environnement. Cette surveillance permet de veiller au respect de normes et d'évaluer l'efficacité des politiques de prévention. Pendant longtemps, les normes en matière de pollution de l'air ont été élaborées à partir des seuls critères techniques et économiques. Les démarches actuelles prennent en compte de plus en plus l'évaluation scientifique des risques (niveaux de pollution (( acceptables B pour les écosystèmes) 1161. 1.2.1. Convention de Genève
Dans le cadre de la Convention de Genève sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance', huit protocoles ont été adoptés afin d'une part, de mettre en place une surveillance de la pollution de l'air à longue distance (protocole EMEP), et d'autre part, de fixer des plafonds nationaux d'émission et de transferts de polluants pour réduire les émissions polluantes. La mise en œuvre de ces protocoles s'appuie sur des travaux scientifiques utiles aux décideurs politiques pour disposer de données fiables et élaborer des stratégies de prévention et de réduction de la pollution atmosphérique. La surveillance des niveaux ambiants ou des dépôts de polluants permet de suivre les engagements des pays en matière de réduction des rejets et des flux transfrontaliers de polluants atmosphériques, et de jouer un rôle déterminant lors de la négociation de nouveaux protocoles à la Convention de Genève. Le protocole d'Aarhus, en vigueur depuis le 29 décembre 2003, a notamment pour objectif de limiter les émissions de métaux lourds liées aux activités anthropiques, ces polluants étant susceptibles d'avoir des effets nocifs sur la santé et sur l'environnement. Le but est de réduire globalement les émissions en cadmium, plomb et mercure en dessous des niveaux d'émissions observés en 1990. Le protocole fixe également des teneurs en métaux dans des produits tels que l'essence et les piles. 1.2.2. Directives européennes et LAURE
La surveillance de la qualité de l'air fait l'objet de réglementations ou de recommandations aux niveaux européen et national. À ce jour, certains polluants sont surveillés, et leurs niveaux doivent respecter les réglementations en vigueur. Au niveau européen une directive, concernant l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant, définit les principes de base d'une stratégie commune pour fixer les objectifs de qualité de l'air dans l'Union européenne (96/62/CEE). La mise en œuvre de directives filles, permet de fixer les valeurs limites et les valeurs de seuils d'alerte pour un certain nombre de polluants dans l'air (pour les métaux, 99/30/CE; 2003/0164/COD). Le plomb est le premier polluant métallique pour lequel une valeur limite a été fixée pour la protection de la santé (Tableau 1.2). Depuis la disparition des essences plombées en 2000, les principales sources en plomb dans l'air ambiant sont devenues les sources fixes (par exemple, l'industrie du fer et de l'acier, l'incinération de déchets ménagers...) ce qui a conduit à réviser le seuil de la valeur limite. La surveillance d'autres métaux est également envisagée et des valeurs cibles sont fixées dans un projet de directive relative aux teneurs ambiantes en arsenic, cadmium, mercure et nickel (Tableau 1.2). Dans ce dernier projet, il est également fait mention pour certains métaux des valeurs de dépôts et de doses journalières admissibles pour l'homme. Ces recommandations concernent le dépôt en cadmium (travaux issus du groupe de travail sur les effets, ONUKEE) et les doses de cadmium et de méthylmercure tolérables par les organismes vivants (dose préconisée par l'US EPA) pour lesquels l'exposition par ingestion est plus importante que par inhalation.
Convention adoptée en 1979 sous l'égide des Mations-Unies et de la Commission économique pour l'Europe (OMU/CEE) et ratifiée par 49 pays.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS), s'appuyant sur des études toxicologiques et épidémiologiques, recommande également de ne pas dépasser dans l'air certaines teneurs pour quelques métaux (Tableau 1.2). Tableau 1.2 :Valeur limite, valeur cible et valeur à ne pas dépasser (valeurs réglementées et recommandées)pour les métaux en teneur ambiante, dépôt et dose tolérable.
Directive MKE Valeur limite
Plomb
500
O,5
Projet Directive 20031 01WCOD Valeur cible Cadmium
5
0,005
Mercure (rnéthylmercure)
50
1
Anenic
6
Nickel
20
25.5
0,75495
O,1
* Source: http://~.who.int/peh/air/airguider2.htm.
Au niveau national, l'obligation de surveillance de la qualité de l'air est transposée en droit français par la Loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie (LAURE, 30/12/96). Cette surveillance contribue au développement des connaissances et répond au droit de chacun - institué par la LAURE - d e connaître la qualité de l'air qu'il respire. L'arrêté du 15 février 2000 concernant les installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, renforce les dispositions sur les rejets atmosphériques de métaux toxiques (cadmium, mercure, thallium et plomb), notamment en abaissant les valeurs limite d'émission. Le Conseil national de l'Air2 recommande quant à lui de développer les connaissances sur les mécanismes de transfert des polluants (notamment cadmium, mercure et plomb) du sol vers l'homme, et sur la biodisponibilité pour l'homme et les végétaux. II préconise aussi de poursuivre la surveillance de ces métaux dans l'air ambiant, y compris à l'aide de bio-indicateurs.
Avis du 27 février 2001.
De la législation à son application, la surveillance de la qualité de l'air en France est mise en œuvre par un certain nombre d'acteurs. Les données disponibles en matière de surveillance des métaux concernent essentiellement les teneurs ambiantes, et dans une moindre mesure les dépôts. 1.2.3. Surveillance des teneurs ambiantes Au niveau local et régional et dans le cadre de la LAURE, la surveillance de la qualité de l'air est assurée, pour le compte de l'État, par 38 associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air (AASQA). Dans le cadre d'une coordination nationale et technique assurée par I'ADEME, ces associations permettent de répondre aux obligations réglementaires liées aux directives en matière de connaissance des niveaux de polluants dans l'air (SO, O, NO, PM10, CO, benzène, etc.).
En ce qui concerne les métaux (Tableau 1.2). les AASQA mesurent déjà le plomb en routine depuis de nombreuses années (82/884/CE; 99/30/CE) et, dans un proche avenir, seront tenues de mesurer également l'arsenic, le cadmium, le nickel et le mercure (96/62/CE; 2003/0164/COD). Leur surveillance est d'ores et déjà mise en œuvre dans certaines régions puisqu'à ce jour une quinzaine de sites en France (essentiellement urbains) permettent de suivre en continu leurs niveaux dans l'air (sur filtre), tandis qu'une quarantaine de sites font l'objet de campagnes de mesure. 1.2.4. Surveillance des dépôts
Des études réalisées en France, qu'elles soient ponctuelles et locales ou bien récurrentes et nationales, permettent de mesurer les niveaux de dépôts en métaux (Annexe 2). Ces études mesurent le dépôt soit de manière directe (par mise en place de collecteurs proches du sol), soit de manière indirecte (par accumulation dans les sols, sédiments, neiges, organismes vivants). Bien qu'une vingtaine d'études aient été réalisées en France au cours de ces dernières années (Carte l), leurs résultats concernant les dépôts sont difficilement comparables d'une étude à l'autre (zones géographiques, matériels et périodes de mesures différents). De ce fait, on ne dispose pas d'interprétation globale de ces données au niveau national (Annexe 2). À l'inverse, les mesures réalisées par les dispositifs nationaux de surveillance sont comparables dans l'espace et dans le temps. Ces mesures sont donc les plus adaptées pour estimer la distribution spatiale des dépôts et leur évolution temporelle. En France, trois dispositifs de surveillance mesurent les niveaux de fond des dépôts atmosphériques et renseignent sur le transport à longue distance (Tableau 1.3). Leurs données sont transmises à diverses instances européennes. Le dispositif MERA3, créé en 1984, a été mis en place pour suivre en milieu rural les retombées atmosphériques sous forme de précipitation, de gaz et d'aérosol. Les polluants, mesurés en une dizaine de stations, concernent les problématiques d'acidification et d'eutrophisation, de pollution photo-oxydante (ozone, composés organiques volatils, oxydes d'azote) sur quelques stations et des métaux sur 1 station (Peyrusse-Vieille). Des mesures météorologiques viennent compléter l'ensemble de ces mesures. Le dispositif CATAENAT4, sous-réseau du réseau RENECOFOR5, permet sur 27 placettes forestières de mesurer les dépôts atmosphériques en éléments majeurs (dépôt total). Mis en place en 1992, ce dispositif permet d'améliorer les connaissances sur l'impact des dépôts atmosphériques sur les écosystèmes forestiers français, par le biais notamment de I'acidification des sols et des déséquilibres nutritifs. Certains métaux traces sont mesurés dans ce cadre. Le dispositif c( mousses/métaux », créé en France en 1996, a fait l'objet à ce jour de deux campagnes de mesure (1996 et 2000). Ce dispositif, avec plus de 500 sites en pollution de fond, permet d'estimer les dépôts relatifs en métaux et éléments traces par analyse de mousses (dépôt total).
Réseau national de mesures des retombées atmosphériques (ADEME, AASQA, École des Mines de Douai). Sous-réseau de mesure de la charge acide totale d'origine atmosphériquedans les écosystèmesnaturels terrestres (Office national des forêts). Réseau national de suivi à long terme des écosystèmes forestiers (Office national des forêts).
Tableau 1.3 :Dispositifs de surveillance des retombées atmosphériques en pollution de fond (MEW, CATAENAT et a moussedmétaux u).
*
Précipitations: pluie, neige, givre, grêle, rost+e,etc.
Dans le cadre d'un suivi régulier au niveau national, le suivi des niveaux de fond des retombées métalliques se limite encore à quelques sites pérennes instrumentés, comme les stations françaises de Porspoder et Peyrusse-Vieille dans le cadre des réseaux européens OSPAR et EMEP. Le dispositif RENECOFOR/CATAENAT permet lui aussi un suivi de certains métaux dans les solutions de sol (17 sites), les sols (1 1 sites) et les humus (23 sites), mais la part atmosphérique du dépôt est difficile à distinguer en raison des quantités importantes présentes naturellement dans les sols. On citera également la station de Vouzon (localisée à proximité d'un site RENECOFOR) mise en place dans le cadre de la campagne cc mousse/métaux M pour étudier la relation de transfert des métaux de l'atmosphère vers les mousses. Cette station de fond mesure les dépôts atmosphériques totaux depuis 2000 avec une fréquence hebdomadaire [17]. Les collectes réalisées par ces dispositifs de surveillance ont souvent des quantités récoltées très faibles dues à leur situation de fond, et par conséquent des concentrations également très faibles (ng/L ou ng/m3). De grandes précautions doivent être mises en œuvre pour garantir tout risque de contamination lors des phases de prélèvement, de transport et d'analyse.
L'utilisation des mousses comme bio-accumulateurs permet de retenir des traces infimes de polluants et de les concentrer. En effet, ces organismes sont capables d'intégrer les dépôts totaux sur des durées d'exposition de plusieurs mois. Bien que des précautions doivent également être prises pour garantir les contaminations, les teneurs ainsi concentrées dans les organismes sont plus faciles à doser car elles se situent généralement au-delà des seuils analytiques de détection. Avec ses 528 sites de collecte, le dispositif cc mousses/métaux N est le seul dispositif en pollution de fond permettant à ce jour de mesurer les concentrations en métaux dans les mousses, et ainsi de pouvoir estimer les variations des retombées métalliques sur l'ensemble du territoire national.
1.3. Les métaux dans les mousses 1.3.1. Apports et localisation des éléments
Dans les mousses, l'eau et les nutriments sont principalement apportés p r les dépC j atmc phériques (sec et humide) puisqu'elles n'ont pas d'appareil conducteur développé ni de racines comme chez les plantes supérieures. Les mousses présentent un rapport surface/volume important (nombreuses feuilles disposées autour de la tige). Les feuilles n'ont pas de cuticule développée et sont souvent formées d'une seule couche de cellules, dont les parois chargées se comportent comme des résines échangeuses d'ions. L'ensemble de ces caractéristiques facilite le piégeage des éléments qui, selon leur forme (particulaire ou soluble), vont s'accumuler à différents endroits (Figure 1.3) :
Figure 1.3: Localisation des métaux dans la mousse.
- piégés à la surface ou entre les feuilles (particules), - mobiles entre les cellules (fraction intercellulaire), - fixés sur la paroi et la membrane des cellules (fraction extracellulaire), - accumulés à l'intérieur des cellules (fraction intracellulaire).
Une fois captés, les éléments sont retenus plus ou moins efficacement. Les particules piégées sur les feuilles et les éléments mobiles entre les cellules sont faiblement retenus sur le long terme (car facilement éliminés par lessivage et frottement mécanique [18]). 1.32. Facteurs influençant les teneurs
Divers facteurs peuvent influencer les concentrations dosées dans les mousses : - Les espèces de mousse. Les teneurs mesurées dans les mousses varient en fonction des espèces [18, 19,20, 211. Cette variabilité inter-espèces est toutefois peu significative comparée à la variabilité du dépôt observée à l'échelle du territoire [22,23, 24 - Annexe 41). - La croissance. L'augmentation de la biomasse de la mousse agit en diluant les concentrations d'éléments [25,26, 271. - Les apports locaux. L'envol des particules du sol proche, le lessivage de la canopée et les aérosols marins peuvent également influencer les teneurs en élément dans les mousses I28,29, 30,31, 321. - Les facteurs environnementaux. Le climat et l'altitude influent sur la croissance de la mousse. Les pluies ont des rôles antagonistes sur les teneurs en élément des mousses en fonction de leur intensité et de leur fréquence 133,341 : elles peuvent contribuer soit à les augmenter si elles ne sont pas trop fréquentes (apport par dépôt humide), soit à les diminuer (perte par lessivage). - Le type d'éléments. Les métaux sont retenus plus ou moins efficacement par les mousses en fonction de leur forme physico-chimique (forme particulaire ou soluble), de leur localisation dans la mousse, et des compétitions ioniques entre éléments [33,35, 36, 37, 381. 1.3.3. Estimation du dépôt
Les flux de dépôt en métaux sont généralement exprimés en masse de métallunité de surface/période (pg/m*/an), alors que les concentrations dans les mousses sont exprimées en masse de métal/masse de mousse déshydratée (pg/g MS). Dans cette étude, le dépôt est estimé par la mesure de la concentration en éléments dans les mousses. Grâce au piégeage et à l'accumulation des éléments, les concentrations dans la mousse reflètent le dépôt atmosphérique. Cependant, en raison des divers facteurs pouvant influencer les teneurs, un an de dépôt n'est pas forcément accumulé à 100 % par la mousse, ni retenu en totalité au cours d'une année de croissance [38].Par conséquent, les concentrations dans la mousse ne sont pas uniquement dépendantes du dépôt absolu cumulé, mais reflètent par contre un équilibre dynamique entre l'accumulation due au dépôt et des pertes par exemple par lessivage. Les concentrations mesurées dans les mousses donnent tout de même une information sur le dépôt (ou dépôt relatif), permettant les comparaisons dans l'espace et dans le temps, et sont donc pertinentes pour estimer les variations de ce dépôt (ou dépôt absolu). 391, La méthode M mousse n est ainsi utilisée pour l'estimation relative des dépôts en métaux [I& et permet d'en déterminer les évolutions spatio-temporelles.
2.1. Protocole de la campagne 2000 Dans les années 1980 sur l'initiative du Conseil Nordique, les premières cartes régionales et nationales d'estimation des dépôts atmosphériques en métaux par l'analyse de mousses ont été établies pour les pays scandinaves [40]. À partir de 1990, la majeure partie de l'Europe a pu être cartographiée grâce au programme permet une estimation, en situation de fond, des dépôts métalliques accumulés dans des mousses terrestres (arsenic, cadmium, chrome, cuivre, fer, mercure, nickel, plomb, vanadium, zinc). Ses objectifs sont: - surveiller les variations des dépôts métalliques en milieu rural, loin des sources d'émission, - évaluer l'étendue des zones contaminées, - identifier l'origine locale ou transfrontière des sources d'émissions, - valider les modèles de dépôts proposés par I'EMEP à partir des mesures de dépôts pour les métaux, - suivre les améliorations consécutives à l'application des protocoles de réduction des émissions de métaux (protocole Aarhus, 1998).
Le protocole suivi en France, de la collecte à l'analyse des mousses, est adapté du protocole proposé par le programme européen [39].Les principaux points du protocole (campagne 2000) sont cités cidessous. Pour plus de détails, se reporter en annexe 3. 2.1.1. Sites de récolte
Les sites de récolte sont des sites ruraux choisis selon les recommandations du protocole européen : ils sont éloignés de plusieurs centaines de mètres des potentielles sources locales de pollution atmosphérique (industries, zones d'habitation, voies de circulation) pour ne pas être directement soumis à ces sources de pollution immédiate. À ce titre, dans notre étude, ces sites peuvent être présupposés représentatifs d'une pollution de fond'. 2.1.2. Couvertum
Les sites échantillonnés couvrent l'ensemble du territoire français avec une densité homogène (Carte 2) : une récolte tous les 1 O00 km2 (maille de 33 km x 33 km). Les échantillons sont tous géo-référencés (Base ANADEMETM. voir Annexe 6).Ils sont principalement récoltés en milieu forestier, et à une altitude inférieure à 500 m. Le tableau 2.1 présente le nombre d'échantillons prélevés en France par espèce et par région. Au total cinq espèces de mousse sont récoltées sur 528 sites (par ordre de fréquence) : Scleropodium purum, Pleurozium schreberi, Hypnum cupressiforme. Thuidium tamariscinum. Hylocomium splendens (Annexe 5). 2.1.3. Preparation et analyses
Après la collecte (Figure 2.1). les échantillons de mousse sont préparés au laboratoire, c'est-à-dire nettoyés, triés, déshydratés, puis minéralisés avant d'être analysés. Trois techniques d'analyse permettent de doser 22 éléments: 20 éléments ont été dosés en ICP-AES en une seule fois, le mercure et l'arsenic par des techniques séparées (Annexe 3). Les incertitudes globales sur le résultat varient de 11 à 33 % selon les éléments, ce qui est comparable aux incertitudes obtenues lors de la campagne 1996 (Annexe 4), ou d'études environnementales de même type [41, 421. La raison de l'existence d'incertitudes parfois élevées réside dans les faibles, voire les très faibles concentrations dosées. 2.1.4. Âge du brin de mousse
L'objectif du programme européen 1.88 pglg MS), sont relativement bien répartis sur l'ensemble du territoire français tout en étant plus nombreux dans la moitié est de la France, en Rhône-Alpes, Centre, Bourgogne, Languedoc-Roussillon, Franche-Comté, Lorraine et Corse (Figure 2.5). Aucune source d'émission anthropique directe ne se trouvant répertoriée à proximité de ces sites, et des teneurs élevées ayant été observées dans la plupart des cas pour d'autres éléments d'origine
terrigène (Al, Fe, Cr), une probable contamination liée au fond géochimique (par resuspension des particules de sol)serait envisageable. Contrairement aux éléments tels que le chrome, le fer et le vanadium, la composition des sols en arsenic est trop variable d'une région à l'autre pour pouvoir calculer une contribution terrigène de cet élément. II est toutefois difficile de conclure quant à la répartition spatiale des dépôts d'arsenic pour les résultats les plus faibles en raison du nombre important de valeurs inférieures à la limite de détection (78 % des résultats).
Figure 2.5: Concentrations en arsenic dans les mousses en fonction des régions. Voir Annexe 7 pour les codes des régions.
2.3.2. Cadmium La distribution du cadmium est relativement homogène sur l'ensemble du territoire français (Tableau 2.2). La médiane des concentrations observées est de 0,20 pg/g MS (gamme entre 0.04 et 1,36 pg/g MS). Les dépôts dépassant le seuil de la (c valeur forte )) (> 0,48 pgig MS) correspondent globalement aux trois classes de concentration les plus élevées (Carte 4). Ces dépôts (( potentiellement élevés >) sont essentiellement situés dans le nord et l'est de la France (Nord-Pas-de-Calais, Picardie, île-de-France, Champagne-Ardenne et Franche-Comté), dans des régions présentant aussi des cc niveaux moyens D régionaux parmi les plus importants (Figure 2.6). Selon le modèle de dépôt de cadmium utilisé par I'EMEP, 31 % des dépôts modélisés sur le territoire français proviendraient des émissions anthropiques émises au niveau national et 22 % d'origine transfrontière [46]. Les principaux pays émetteurs de cadmium dans l'air à destination de la France sont l'Espagne (9 %), l'Italie (5 %), la Suisse (2 %), la Grande-Bretagne (1,6 %), l'Allemagne et la Belgique (pour 1.3 %), ainsi que d'autres pays plus éloignés (1.8 %). Près de la moitié du dépôt (47 %) serait liée soit à des phénomènes de réémission (émissions consécutives à un premier dépôt) soit à des sources d'émissions anthropiques localisées hors de l'Europe, soit à des sources d'émissions d'origine naturelle.
Les u niveaux moyens B régionaux en chrome les plus élevés se rencontrent dans le grand quart sudest de la France, en région PACA, Languedoc-Roussillon, Corse et Rhône-Alpes (Figure 2.7). En zone méditerranéenne, le climat sec favorise la resuspension des poussières conduisant à une contamination des mousses par des éléments d'origine terrigène présents naturellement en fortes quantités dans le sol, tel le chrome. D'autre part, des événements sahariens, fréquents dans cette zone, peuvent également expliquer cette contamination [47].
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32312214252834 9 1 1 15194017263931 8 203811 2533
Figure 2.7: Concentrationsen chrome dans les mousses en fonction des rt$gions. Voir Annexe 7 pour les codes des régions.
Des (16,6 pg/g MS), correspondent approximativement aux quatre classes les plus élevées allant de 16 à > 28 pg/g MS.
301 s
+
Valeurs fortes : seuil à 16,6pg/g MS
A
1
nbe sites : 2620 22 40 9 14 31 17 1 1 31 25 39 8 1 1 32 33 28 34 15 38 19 25 Figure 2.8: Concentrations en cuivre dans les mousses en fonction des régions. Voir Annexe 7 pour les codes des régions.
Une contamination par les sulfates de cuivre (fongicide) est suspectée sur deux sites à proximité de vignes et présentant des concentrations supérieures à 24 pglg MS (en région Poitou-Charente le maximum est à 28.4 pg/g MS, e t en région PACA, la valeur est de 26.34 pg/g MS). Des concentrations importantes en cuivre sont également observées sur d'autres sites, notamment en Picardie à proximité d'une industrie de valorisation de batteries et d'accumulateurs présentant également la plus forte valeur en plomb (21.9pg/g MS), et en région PACA à proximité de plusieurs raffineries et aciéries dans la zone du complexe de l'étang de Berre (19.6pg/g MS).
2.3.5. Fer La Carte 9 met en évidence l'hétérogénéité de la répartition spatiale des niveaux de dépôt en fer en fonction des différentes régions. Cette hétérogénéité est confirmée par un coefficient de variation élevé, égal à 82 % (Tableau 2.2). La médiane du fer est de 654 pg/g MS (gamme entre 123 et 7 919 pg/g MS). Pour le fer, le seuil des cc valeurs fortes », estimé à 3 049 pg/g MS, indique des niveaux de dépôt en fer considérés comme importants pour les deux dernières classes de concentration, allant de 3 O00 à > 4 O00 pg/g MS (Carte 9).Ces sites ne sont pas localisés à proximité de sites industriels (excepté le site proche des raffineries et aciéries de l'Étang de Berre), mais se caractérisent par des > est fixé à 6,7 pg/g MS, les teneurs (( potentiellement élevées >> se répartissant dans les 5 dernières classes de concentration (de 4 à z 20 pg/g MS). Des niveaux de dépôt c( potentiellement élevés >> sont localisés sur quelques sites isolés en France, notamment en Bourgogne (maximum observé à 19,2pg/g MS et valeur élevée à 11,9pg/g MS), en région Rhône-Alpes (valeurs comprises entre 6,7 et 12,8 pgig MS), Provence-Alpes-Côte-d'Azur (1 site à 8.5 pgig MS) et Aquitaine (1 site à 8.1 ps/s MS). Ces niveaux de dépôts (( potentiellement élevés >> peuvent avoir deux origines: -terrigène en région Rhône-Alpes et Bourgogne (teneurs importantes également en fer, chrome, vanadium et arsenic), -anthropique en région Rhône-Alpes (sites à proximité d'usines chimiques, de fabriques d'aciers spéciaux, et de l'autoroute A7), PACA (sites à proximité des raffineries et aciéries du complexe industriel de l'étang de Berre) et Aquitaine (sites à proximité d'usines chimiques). De même, les (( niveaux moyens >> par région (Figure 2.11) peuvent avoir une origine terrigène dans les régions méditerranéennes peu industrialisées (Languedoc-Roussillon, Corse) et une origine anthropique dans les régions au nord de la France connues pour leur industrie métallurgique (Picardie, Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie), pétrochimique et chimique (Haute-Normandie, Nord-Pas-de-Calais, Alsace). L'origine terrigène etiou anthropique des dépôts est visualisée en comparant la répartition spatiale des concentrations en nickel dans les mousses et les valeurs de NilAl (Carte 14).
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nbesites: 3228 3111342231403925261538201733 9 1 1 8 142519 Figure 2.11 :Concentrationsen nickel dans les mousses en fonction des régions. Voir Annexe 7 pour les codes des régions.
2.3.8. Plomb Les concentrations en plomb varient de 1.0 à 44.4 pglg MS et la médiane est de 5.7 pglg MS. Le seuil de la (( valeur forte )) est fixé à 21.9 pg/g MS (Tableau 2.2).Les dépôts (( potentiellement élevés )) correspondent donc aux classes de concentration allant de 20 à plus de 40 pg/g MS (Carte 15).Des concentrations en plomb jusqu'à 20 pglg MS sont mesurées dans les mousses un peu partout en France. Au-delà (concentrations supérieures à la N valeur forte n), les sites sont regroupés dans des zones densément urbanisées ou industrialisées, comme le couloir Rhodanien, l'île-de-France et le Nord-Pas-de-Calais.Le maximum observé en France est de 44,4pg/g MS (site en Picardie présentant aussi des (( valeurs fortes )) en mercure et cuivre) et serait probablement dû à une pollution locale d'origine anthropique (usine de plomb, valorisation de batteries et accumulateurs) répertoriée parmi les plus gros émetteurs français en plomb (481. D'après les données modélisées par EMEP [46],les dépôts nationaux en plomb sont: - pour 20 % liés aux émissions d'origine anthropique au niveau national, - pour 42 % d'origine transfrontière, en provenance majoritairement de l'Italie (16 %), de l'Espagne (IO %), de l'Allemagne (4%), de la Suisse (3 %), du Royaume-Uni (2.5 %), de la Belgique (2 %) et du Portugal (1.8 %), - pour 38 % imputables aux phénomènes de réémission (émissions consécutives à un premier dépôt), aux sources localisées hors de l'Europe et aux sources naturelles. La comparaison des cartes de dépôt relatif estimé par analyse de mousses (Carte 15) avec le dépôt modélisé (Carte 16)montre certaines similitudes, comme le confirment des tests statistiques (corrélations significatives). Les N niveaux moyens )) régionaux les plus élevés dans les mousses se situent dans les régions industrialisées et urbanisées: Nord-Pas-de-Calais, Picardie, île-de-France (Figure 2.12).Ils semblent donc essentiellement résulter d'un dépôt local ou régional.
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Valeurs fortes : seuil à 21.9 p g l g MS .... .........................~......~~.~ ~ ... ~ ... . .. ~. . . ~ ..... . . . ... . . . ...
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nbe sites : 32 2831 39 4022 26 9 1 1 1 1 34 17 25 31 20 38 25 33 14 15 19 8 Figure 2.12: Concentrations en plomb dans les mousses en fonction des régions. Voir Annexe 7pour les codes des régions.
a
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Par contre, les niveaux a relativement élevés 1) observés dans les mouses en régions Provence-AlpesCôte-d'Azur, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes (Figure 2.12), pourraient résulter en partie d'un transport transfrontière (en provenance d'Italie et d'Espagne). II est important de souligner que les niveaux de dépôt considérés comme (( potentiellement élevés », au regard des résultats de la campagne 2000,sont faibles en comparaison des (( niveaux élevés >> observés en France en 1996 (maximum à 106.8 pglg MS) et dans les autres pays européens (maximum à 887 pg/g MS - Bulgarieicampagne 2000). Cette diminution importante des teneurs en plomb dans les mousses est la conséquence de la politique d'élimination du plomb dans les carburants automobiles (voir chapitre 3).
2.3.9. Vanadium Les concentrations en vanadium varient de 1.04 à 17,51 pgig MS et la médiane est de 2,89 pgig MS. Le seuil de la valeur forte )) est de 10,32pg/g MS. Les dépôts cc potentiellement élevés N correspondant aux classes de concentration de 10 à plus de 14 pgig MS, sont dispersés sur tout le territoire (Carte 17). Ces sites isolés peuvent également présenter souvent des valeurs supérieures au seuil des (( valeurs fortes )) pour l'arsenic, le chrome, le fer et le nickel. C'est le cas des sites en Bourgogne (teneurs en vanadium entre 10,70 à 17,51 pgig MS), Provence-Alpes-Côte-d'Azur(13,98ps/g MS), Rhône-Alpes (10,32et 11,54pgig MS), Languedoc-Roussillon et Aquitaine. Les dépôts (( moyens )> régionaux les plus élevés, observés dans la région méditerranéenne (Languedoc-Roussillon, PACA, Corse), pourraient s'expliquer par des sources d'origine naturelle liées d'une part à la resuspension locale des particules de sol, et d'autre part à des apports transfrontaliers lors d'évènements sahariens (Figure 2.13).
l8 16
1
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9 32 31 25342822 15 17 19 4026 31 1 1 1439 20 8 38 1 1 3325
Figure 2.13: Concentrationsen vanadium dans les mousses en fonction des régions. Voir Annexe 7 pour les codes des régions.
En Provence-Alpes-Côte-d'Azur, le site proche de Marseille est toutefois fortement influencé par des émissions d'origine anthropique liées à l'activité intense du complexe industriel de l'étang de Berre et de ses nombreuses raffineries (Carte 17). Le vanadium étant également émis par des industries du secteur de la pétrochimie, tout comme le nickel, les rapports VlAI et NilAI présentent une distribution spatiale très proche. Les rapports V/AI les plus élevés démontrant une origine anthropique du vanadium sont observés dans le grand quart nord-ouest de la France (Carte 18).
2.3.10. Zinc
Les concentrations en zinc varient de 13,4 à 294,2 pglg MS. La médiane est de 40.6 pglg MS. Les dépôts (( potentiellement élevés )) supérieurs au seuil de la (( valeur forte N (131.8 pglg MS), sont regroupés dans des classes de concentration allant de 120 à plus de 160 pglg MS (Carte 19). La valeur maximale en zinc, de 294 pg/g MS, est observée dans le Cantal, sans qu'aucune source locale de contamination ait toutefois été mise en évidence. Pour mémoire, le niveau maximum en zinc observé lors de la campagne 1996 en France était pour moitié plus faible, avec 120 pglg MS en région île-de-France. Les niveaux élevés de dépôt de zinc observés en Corse (Figure 2.14) pourraient s'expliquer par la présence d'anciens sites miniers, mais une origine longue distance ne peut être exclue, puisque ce type d'apport a déjà été identifié en Corse pour d'autres éléments [49]. En Champagne-Ardenne, les niveaux de dépôt de zinc sont en moyenne du même ordre de grandeur que ceux observés en région île-de-France (Figure 2.14). Néanmoins, la contamination est probablement d'origine locale en île-de-France et transfrontière en Champagne-Ardenne. En effet, des concentrations importantes en zinc ont également été trouvées au cours de la campagne européenne 2 0 0 0 [45] dans des mousses récoltées en Belgique (médiane des teneurs à 11 1 pg/g MS).
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nbesites: 32 2 5 3 3 28 39 22 26 40 3 4 1 7 9 38 19 31 14 8 20 11 31 25 15 11 Figure 2.14: Concentrations en zinc dans les mousses en fonction des régions. Voir Annexe 7 pour les codes des régions.
Dans des régions plus rurales, comme en Pays-de-la-Loire et Limousin (Figure 2.14), une origine agricole du zinc peut être avancée (épandage de lisier riche en zinc; utilisation du phosphure de zinc comme insecticide et rodenticide).
2.4. Comparaisonsavec PEurope Les concentrations mesurées dans les mousses ont fourni une information relative sur le dépôt, et les comparaisons entre sites de collecte nous ont permis d'appréhender les variations spatiales des dépôts. Ne disposant pas d'une valeur de