Logique, informatique et paradoxes par Jean-Paul Delahaye
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Logique, informatique et paradoxes par Jean-Paul Delahaye
POUR LA
[SCIENCE
1
(DIFFUSIONBELINJ
8, rue Férou 75006 Paris
Le code de la propriété intellectuelle autorise ..Mais, là encore, le nombre de Champernowne, qui n'est pas périodique et donc définit un nombre irrationnel, montre que cela n'est pas une bonne définition de la notion de suite aléatoire. Des nombres sont encore plus extraordinaires que les nombres irrationnels, ce sont les nombres transcendants. Par définition, ce sont les nombres qui ne sont solutions d'aucune équation polynomiale à coefficients e n t i e r s . Le nombre irrationnel \ 2 n'est pas transcendant, car il est solution de l'équationX2 - 2 = O. On sait que n et e sont transcendants. Imposer à une suite de O et de 1 d'être le développement binaire d'un nombre transcendant ne serait-il pas la bonne méthode pour définir la notion de suite aléatoire? Malheureusement encore, la réponse est non. Pour le voir, il suffit de considérer le nombre L = 0.101001000000100 ... (entre les (cl., il y a une fois
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LA SUITE DE THUE-MORSE O +O1 +O110 + 01101001 + 0110100110010110 + ...
La suite de Thue-Morse est la suite infinie qu'on obtient en poursuivant la même opération de substitution : f : O + 01 1 10. Cette suite ne comporte jamais trois fois de suite la même séquence : jamais trois fois de suite "O" jamais trois fois de suite "01", etc. Pour montrer que la suite de Thue-Morse ne comporte jamais trois fois consécutivement la même chose - on dit "est sans cube" -, il suffit de montrer que, pour toute suite x ne comportant pas de cube, la suite f(s) obtenue à l'étape suivante n'en comporte pas non plus. Pour cela, supposons que s est sans cube et que f(s) comporte un cube : alors f(s) = ... aaa ... et cherchons une contradiction. Nous distinguons trois cas. Cas 1 : la suite a comporte u n nombre pair de chiffres binaires, et le cube aaa commence à u n emplacementde numéro impair dans f(s). II est clair alors que s comporte u n cube aussi, obtenu en remplaçant, dans a, 01 par O et 10 par 1, ce qui contredit l'hypothèse. Cas 2 : la suite a comporte u n nombre pair de chiffres binaires, et le cube aaa commence à u n emplacement de numéro pair dans f(s). Par construction de f(s), le chiffre binaire de numéro 2n + 1 est O (respectivement1) si et seulement si celui de numéro 2n + 2 est 1 (respectivement O). Donc, en enlevant le dernier chiffre binaire de a et en ajoutant devant a le chiffre binaire complémentaire du premier chiffre binaire de a, on obtient un mot a' ayant un nombre pair de chiffres binaires qui est répété trois fois dans f(s), la répétition commençant un emplacement avant celle de a. On est donc ramené au cas 1. Cas 3 : la suite a comporte u n nombre impair de chiffres binaires. Alors il résulte de l'équivalence notée au cas 2 que la suite, apparaissant en commençant à un rang pair dans f(s) et aussi en commençant à un rang impair, est nécessairement composée d'une alternance de O et de 1 : 01010. par exemple. La suite a commence et finit donc par le même chiffre binaire. I I en résulte que, dans f(s), i l y aura deux chiffres binaires, de rang 2n + 1 ; 2n + 2, qui seront égaux (soit à la jonction entre le premier a et le second a d u cube, soit à la jonction entre le second a et le troisième, ce qui, toujours à cause de l'équivalence notée plus haut, est impossible).
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LOGIQUE, INFORMATIQCE ET PARADOXES
oir le chapitre 4) - ne peuvent pas être engendrées par des algorithmes déterministes, et donc ne peuvent pas être produites à l'intérieur d'un ordinateur usuel. En particulier, l'idée d'utiliser les digits du développement infini de K en base 2 est une très mauvaise idée : même si on n'a pas trouvé de propriétés statistiques singularisant n par rapport à une suite obtenue par une authentique série de lancés de pièce de monnaie, le seul fait que la suite des digits de K soit calculable par ordinateur exclut cette suite de digits de l'ensemble des suites aléatoires au sens de P. Martin-Lof. Il se trouve qu'aujourd'hui on ne sait pratiquement rien démontrer concernant la suite de digits de K et qu'en particulier on n'a même pas réussi à établir mathématiquement que la proportion de O est la même que la proportion de 1,ce qui semble pourtant bien le cas quand on étudie les trois milliards de digits dont on dispose aujourd'hui. Les algorithmes utilisés en pratique pour programmer les fonctions random sont plus ou moins mauvais, et les recherches se poursuivent pour générer des suites pseudo-aléatoires satisfaisantes pour la majorité des besoins pratiques. Des tests statistiques sont utilisés pour éliminer les fonctions vraiment trop mauvaises, mais, en général, il faut rester méfiant, car beaucoup de mauvaises fonctions sont encore utilisées :je me souviens d'un BASIC dont la fonction random était tellement mauvaise qu'un programme qui aurait dû afficher une répartition uniforme de points sur l'écran donnait en fait un réseau de bandes obliques! Tous les tests statistiques utilisés pour sélectionner les bonnes fonctions random ne peuvent rien contre le fait que, par définition du hasard mathématique absolu, il est impossible à un ordinateur sans mécanisme physique particulier d'en produire. L'esprit humain, dont nous avons vu plus haut qu'il peut (lentement) en produire, semble donc en cela supérieur à un ordinateur. Cependant, comme nous allons le voir à propos d'un problème de vote, la possibilité d'oubli volontaire, qui, elle, ne présente aucune difficulté à une machine, fait parfois cruellement défaut à l'esprit humain.
Les avantages du vote au hasard L'un de mes amis, fatigué de voter de la manière habituelle, m'avait expliqué son point de vue : ((Je souhaite soutenir le régime démocratique dans lequel nous vivons, donc je veux voter. En revanche, je n'ai pas vraiment d'opinions arrêtées sur les différents partis et candidats entre lesquels je dois choisir, sauf à propos de certains que j'élimine, car ils défendent des idées opposées à la démocratie. Je souhaite donc voter au hasard, pour l'un des candidats démocrates. Toutefois, je préférerais ne pas savoir pour qui je vote.. Il s'agit d'un problème d'oubli. Mon ami souhaite voter au hasard pour un candidat démocrate, mais ne veut pas savoir pour qui. J e lui ai répondu : .Avant chaque élection, l a mairie t'envoi? les bulletins de vote des différents candidats. Elimine ceux qui te déplaisent, plie les autres, mets-les dans un chapeau, mélange, choisis au hasard l'un des bulletins pliés, mets-le dans ta poche, déchire ou brûle les autres et va voter avec le bulletin qui est dans ta poche sans le regarder* (voir la figure 3). Mon ami semblait très satisfait. En effet, le protocole de vote proposé assure à la fois l'équité entre les candidats retenus et l'impossibilité pour lui de savoir pour qui il vote, ce qu'il désirait. Un tel protocole de vote «inconscient équitable* est amusant, car il permet de voter contre quelquesuns e t non plus seulement pour quelqu'un, comme avec la méthode habituelle. En effet, statistiquement, en procédant selon la méthode décrite, on vote à parts égales - les probabilistes diraient «avec une espérance mathématique égale* - pour tous les candidats non éliminés, ce qui n'est p a s le cas lorsqu'on s'abstient ou lorsqu'on vote blanc ou nul. En un certain sens donc, ce mode de vote élargit l'éventail des choix qu'offre une élection. S'il était plus connu, il y aurait peut-être un peu moins d'abstentions.
Le problème du vote inconscient pondéré Malheureusement, mon ami est exigeant et, après avoir utilisé le protocole de vote inconscient équitable aux dernières élections, il m'a expliqué que ce que je lui avais indiqué ne lui convenait pas vraiment. «Imagine, me dit-il, que beaucoup de gens fassent comme moi ; imagine même que tout le monde fasse comme moi. Que va-t-il se passer? Les candidats les plus farfelus auront à peu près autant de voix que les autres. J e ne le souhaite
I'OTE INCONSCIENT
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PONDERATIONS ENTRE LES CANDIDATS BULLETINS PLIES DANS L'ORDRE DES PONDERATIONS CHOISIES JE GLISSE LES BULLETINS DANS TROIS ENVELOPPES INDISCERNABLES JE PRÉPARE8 PAPIERS (4 + 3 + l ) , DONT UN MARQUE D'UNE ETOILE ET 4 PAPIERS SUPPLEMENTAIRES APRÈS PLIAGE, JE METS LES 8 PAPIERS DANS UN CHAPEAU.
\\
JE MÉLANGE. JE LES SORS DU CHAPEAU. JE METS 4 DES PAPIERS DANS LA PREMIÈRE ENVELOPPE, 3 DANS LA DEUXIÈME, 1 DANS LA TROISIÈME
\ 'i
\
B JE COMPLÈTE LES ENVELOPPES AVEC LES 4 PAPIERS QUI RESTENT ET QUE J'AI PLIÉS. CHAQUE ENVELOPPE CONTIENT UN BULLETIN ET 4 PAPIERS PLIÉS JE METS LES 3 ENVELOPPES DANS LE CHAPEAU, JE MELANGE
/
4. Vote inconscient pondéré avec un seul bulletin par candidat :laprocédure avec papiers, enveloppes et chapeau. On veut choisir l'un des trois candidatsz Y ouZ au hasard, avec une pondération de 4 , 3 , 1 . On ne veut pas connaître le choix fait ; on ne dispose que d'un bulletin par candidat.
JE SORS LES ENVELOPPES DU CHAPEAU ET JE LES OUVRE
JE DÉPLIE LES PAPIERS MAIS PAS LES BULLETINS
JE VOTE AVEC LE BULLETIN QUI EST DANS LA MÊME ENVELOPPE QUE LE PAPIER PORTANT UNE ÉTOILE
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LOGIQUE, INFOR-MATIQrE ET PARADOXES
3
PONDÉRATIONS ENTRE LES DEUX CANDIDATS
I
BULLETINS PLIÉS DANS L'ORDRE CORRESPONDANT AUX PONDERATIONS CHOISIES, ICI : 2 3 JE GLISSE LES BULLETINS DANS 2 ENVELOPPES INDISCERNABLES EN M E T A N T DANS LA PREMIERE UNE ÉPINGLE DONT LATETE EST AIMANTÉE + ET DANS LA SECONDE UNE ÉPINGLE DONT LA TETE
JE PRENDS 2 ÉPINGLES DONT LA TETE EST AIMANTEE -. ET TROIS AUTRES DONT LA TETE EST AIMANTEE +
JE PLACE LES ÉPINGLES DANS UN CHAPEAU
JE MELANGE ET JE CHOISIS UNE ÉPINGLE AU HASARD
JE METS LES 2 ENVELOPPES DANS UN CHAPEAU, JE MELANGE, JE LES SORS ET JE VIDE LEUR CONTENU. SANS DÉPLIER LES BULLETINS
JE VOTE AVEC LE BULLETIN DE L'ENVELOPPE QUI CONTIENT L'ÉPINGLEDONT LA TÊTE EST ATTIRÉE PAR LA TÊTE DE L'ÉPINGLE QUE J'AI TIRÉE
5. Vote inconscient pondéré avec un seul bulletin par candidat :la procédure avec des épingles aimantées.
L'OTE INCONSCIENT
pas. J e ne veux pas faire de choix ferme, mais je voudrais pondérer les candidats. Très précisément, je voudrais que le candidatx ait 4 fois plus de chances d'être choisi par moi que 2, et que le candidat Y ait 3 fois plus de chances d'être choisi que Z. J'ai bien pensé généraliser ton protocole. en mettant, dans le chapeau qui me sert au tirage, 4 bulletins pour X, 3 bulletins pour Y et 1 pour Z , mais, malheureusement, la mairie ne m'envoie qu'un bulletin pour chaque candidat. et je ne me vois pas attendre d'être dans le bureau de vote pour y prendre les bulletins nécessaires, puis entrer dans l'isoloir avec mon chapeau pour effectuer mon tirage au sort. Comment dois-je m'y prendre pour déterminer mon vote chez moi, avec un seul bulletin pour chaque candidat?), La méthode la plus naturelle consiste à faire comme tout à l'heure pour pondérer des choix dans le problème de la personne à inviter au cinéma, mais, en faisant cela, mon ami va savoir pour qui il vote, et il ne le souhaite pas. C'est bien l'impossibilité d'oublier quelque chose à volonté qui bloque tout. Comment s'en sortir? Comment faire un choix pondéré au hasard, l'exécuter et l'oublier quand on ne dispose que d'un bulletin par candidat? Si mon ami était une machine, le problème serait résolu par une instruction M :=O, mais mon ami n'est pas une machine. Puisqu'un programme peut oublier, peutêtre existe-t-il une méthode utilisant un ordinateur. Après un peu de réflexion, j'ai imaginé une méthode, que j7aiproposée à mon ami : -Tu mets devant toi, s u r une table, les trois bulletins pliés dans l'ordre X, k; 2. Tu utilises ensuite un programme qui fait les choses suivantes. Il choisit au hasard, en fonction de l'heure (que tu ne regarderas pas au moment de l'utilisation). avec les pondérations que tu as fixées, un candidat X,Y ou Z (il est immédiat d'écrire un tel programme en utilisant le principe de pondération expliqué plus haut). Après cela, 20 fois de suite, le programme choisit au hasard (toujours avec l'horloge interne) un nombre 1, 2 ou 3, qu'il affiche à l'écran. S'il affiche 1, t u permutes les bulletins 2 et 3 ; s'il affiche 2, t u permutes les bulletins 1 et 3 ; s'il affiche 3, t u permutes les bulletins 1et 2. Le programme, dans toutes ces permutations, suit le bulletin qu'il a choisi au départ, alors que, de ton côté, t u ne tentes pas de suivre des yeux les bulletins. Après les 20 permutations, le programme t'indique la nouvelle place du bulletin qu'il avait choisi a u début. Tu le prends. Tu détruis les autres bulletins e t t u éteins l'ordinateur - ce qui rend impossible la connaissance du choix qu'il avait
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6. Chaque bulletinxest accroché à une corde, elle-même reliée à des ficelles en nombre égal à la pondération retenue pourX. On tire une ficelle au hasard, cela fait monter un bulletin, on va voter avec.
Procédure permettant, avec une pièce de monnaie, de faire des choix pondérés par des nombres irrationnels On veut choisir entre les deux possibilités A et 5, avec des probabilités proportionnelles aux deux nombres x et e. On ne dispose que d'une pièce de monnaie pour faire des tirages a pile ou face.
O Faire un programme qui donne une par une, les decimales successives de n/(e + n) = 0,5361 19
1 Choisir équitablement un nombre n entre O et 9, (1) si n est strictement plus petit que la première decimale de d ( e l +x) la possibilite A est choisie (2) si n est strictement plus grand que la première decimale de d ( e + x ) , la possibilite B est choisie (3) sinon (c'est-à-dire si n = 5)
2 Choisir équitablement un nouveau nombre n entre O et 9, (1) si n est strictement plus petit que la deuxième decimale de d ( e + x) la possibilite A est choisie. (2) si n est strictement plus grand que la deuxième deci-male de x/(e+ x) la possibilite B est choisie. (3) sinon (c'est-à-dire si n = 3)
3 etc
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LOGIQUE, INFORMATIQ1IE ET P ' W O X E S
fait - e t t u vas voter avec ce bulletin, sans le déplier..
L'impossibilité de l'oubli J e pensais lui avoir fourni une méthode qui éviterait qu'il aille grossir les rangs des abstentionnistes. Mon protocole devait lui permettre de voter sans savoir pour qui, avec pondération et en ne disposant que d'un bulletin par candidat. Malheureusement mon ami n'a pas été satisfait, et il est revenu me voir en me disant : «Je n'arrive pas à ne pas suivre les bulletins quand le programme me donne ses instructions de permutation, et donc je sais pour qui il me demande de voter. Ta procédure ne marche pas!. Un robot programmable qui effectuerait, sans qu'on le regarde, un choix aléatoire pondéré serait une solution, mais aujourd'hui on n'en trouve pas si facilement, et donc je lui ai suggéré de faire faire l'opération de mélange par une autre personne qui ne connaîtrait pas l'ordre de départ des bulletins et qui, à la fin du mélange. lui donnerait le bulletin avec lequel voter. Il m'a répondu que la personne en question pourrait très bien suivre des yeux les bulletins et donc qu'à eux deux, il leur serait tout à fait possible de déduire pour qui il vote. .Certes, en utilisant une tierce personne, me dit-il, il m'est impossible à moi seul de savoir pour qui je vote, et il est impossible à l'autre personne seule de le savoir aussi, mais les informations que nous pouvons posséder chacun de notre côté suffisent à retrouver le candidat pour qui je vote et que je veux ignorer.)) L'imperfection était réelle. Persuadé que ce problème du «vote inconscient pondéré avec un seul bulletin par candidat>, devait posséder une solution simple, j'en ai parlé autour de moi. J'ai bien fini, de mon côté, par trouver une solution n'utilisant, en plus des bulletins, que des enveloppes, des petits papiers et un chapeau pour effectuer des tirages a u sort, mais elle était assez compliquée et moins bonne que celle que m'a proposée Luc Dauchet, le fils d'un collègue (cette solution est décrite à la figure 4). Une a u t r e solution utilisant des épingles aimantées a été imaginée par Philippe Boulanger luoir l a figure 5). Elle ne nécessite que des épingles et u n aimant, mais ne permet que le choix pondéré entre deux candidats (une généralisation est possible pour ncandidats, que le lecteur pourra rechercher). A la place d'épingles aimantées, on pourrait utiliser des verres polarisés. Une autre solution n'utilise que de la corde et de la ficelle (voir la figure 6). Ces protocoles de
vote élargissent encore l'éventail des possibilités offertes par une élection, et il semblerait donc que maintenant les abstentionnistes n'aient plus d'excuse!
Deux petits problèmes Voici deux problèmes liés.
Problème 1. Trouver une procédure permettant de faire un choix aléatoire entre deux éventualités A et B, avec des probabilités respectives pour A et pour B proportionnelles aux nombres irrationnels n et e. Remarque : on ne veut pas que les probabilités soient approximativement proportionnelles à n et e , mais qu'elles soient exactement proportionnelles à n et e, et bien sûr la procédure doit se terminer. Problème 2. Trouver une procédure de vote permettant, avec un seul bulletin par candidat, de choisir inconsciemment entre deux candidats A et B avec des probabilités proportionnelles aux deux nombres irrationnels n et e. Les solutions de ces problèmes sont :
Procédure de vote inconscient avec pondérations irrationnelles et un seul bulletin par candidat On veut voter sans savoir pour qui, après avoir fait un choix aléatoire entre les deux candidats A et 13,les probabilités de choisir A et B étant respectivement proportionnelles aux deux nombres K et e. On ne dispose que d'un bulletin par candidat.
O Faire un programme qui donne, une par une, les décimales successives de d ( e + TC) = 0,536119...
1 Utiliser une procédure de vote inconscient pondéré, avec une pondération de 5 pour A, de 4 = 9 - 5 pour B et de 1 pour un candidat fictif C dont le bulletin est discernable des deux autres. (5 est la première décimale de n/(e/+K)). Si le bulletin déterminé par la procédure n'est pas le bulletin de C,alors aller voter avec le bulletin choisi. Sinon :
2 Utiliser une procédure de vote inconscient pondéré, avec une pondération de 3 pour A, de 6 = 9 3 pour B et de 1 pour un cand~datfictif C dont le bulletin est discernable des deux autres. (3 est la deuxième décimale de d ( e + n)). Si le bulletin déterminé par la procédure n'est pas le bulletin C, alors aller voter avec le bulletin choisi. Sinon :
-
3 etc.
Complexités La profondeur logique selon C. Bennett mesure la complexité d'organisation.
a définition du complexe serait-elle ... complexe? Si cela était vrai, nous entrerions dans les cercles de l'enfer godélien, qui passent tous par les propositions autoréférentielles. Heureusement il n'en est rien et la complexité est une expérience vécue par tous, notamment les informaticiens qui se préoccupent de temps de calcul. G. Chaitin et Kolmogorof avaient indépendamment donné une définition de la complexité aléatoire : est complexe ce qui est long à décrire ... P r e n o n s l'exemple d'une s u i t e d e chiffres, 947659923710740 ...,chaque chiffre étant obtenu par le lancer d'un dé à dix faces (sur chaque face du dé est inscrit un chiffre). Il n'est pas possible de décrire la suite de ces chiffres par une formule plus courte que la liste elle-même, et cette liste est aléatoire. En revanche, la suite 01010101010 .... constituée de mille paires successives de O et de 1, est descriptible par : .La suite de mille paires de O b , phrase plus courte que la liste exhaustive. D'après cette définition, la complexité aléatoire est mesurée par la longueur, en bits, de la définition d'un objet. Notons ici la manie des informaticiens de ne considérer que des suites de chiffres pour étudier des objets réels. Cette manie n'est détestable qu'à première vue, puisque tout objet peut être décrit par une suite des coordonnées de ses points, c'està-dire par une suite de chiffres. C'est s u r ces suites que les informaticiens travaillent. La définition de Chaitin-Kolmogorof laissait dans l'ombre u n autre type de complexité. Prenons le nombre n. Les chiffres de ses décimales apparaissent avec la même fréquence, mais de façon désordonnée et apparemment aléatoire.
L
Pourtant la définition de rc est très succincte : .Le quotient de la circonférence du cercle par son diamètre.,, De cette définition, on peut tirer de courts algorithmes de calcul de K. Il devait exister une autre complexité, liée à la fois a u caractère très organisé de n et à la difficulté de son calcul. Le physicien m a t h é m a t i c i e n C h a r l e s Bennett, du Centre de recherche IBM de Yorktown Heights, à New York, vient de donner un sens rigoureux à cette distinction naturelle qui échappait à la formalisation, la distinction entre ce qui est complexe car aléatoire (comme un gaz), et ce qui est complexe car très organisé (comme un être vivant). Ainsi complexe peut signifier : , l'objet a u q u e l on c'est-à-dire ouv va nt s'intéresse. Ce temps être légèrement plus de calcul, il l'appelle long q u e le proprofondeur logique gramme minimal. de l'objet. Nous alU n objet prolons voir pourquoi fond, c'est-à-dire cette idée est satisayant une grande faisante et pourquoi profondeur logique, il a fallu attendre si e s t u n obiet dont longtemps pour l'origine la plus proqu'elle soit proposée. 2. La distinction naturelle entre complexité aléatoire et com- bable est u n long calorganisée est mathématisée par la complexité de Chai- cul. C'est u n obiet La ~ r o f o n d e u r plexité tin-Kolmogorof e t l a profondeur logique de C. Bennett. logiqueAdeC. Bena u i c o n t i e n t des nett n'a pas été proposée plus tôt, car l'idée la plus redondances profondément cachées en lui, que naturelle pour définir le contenu en calcul d'un seul un long travail combinatoire peut faire appaobjet est de mimer la définition de la complexité raître. de Chaitin-Kolmogorof, et donc de définir le Pour tester si la définition de C. Bennett corcontenu e n calcul d'un objet comme é t a n t le respond bien à notre a t t e n t e intuitive, nous temps de calcul du programme le plus rapide allons considérer divers objets. Un damier, un capable de produire la description de l'objet. bloc de cristal possèdent clairement une petite Cette définition, comme la précédente, est don- complexité aléatoire - puisqu'ils ne sont pas du née en référence à un ordinateur universel, mais tout aléatoires - et une petite complexité en orgacette définition naturelle est défectueuse : en nisation - puisque leur organisation est très effet, ce temps minimal de calcul est toujours répétitive. En utilisant les définitions mathémadonné par le programme .imprimer "..."», où ". .." tiques, on constate que, conformément à cette intuition, la complexité de Chaitin-Kolmogorof contient la description énumérative de l'objet est petite, puisque le programme minimal pour qu'on veut décrire. Le programme .imprimer "..."» calcule pendant un temps de l'ordre de la décrire le bloc de cristal est très simple, et que sa longueur de ce qu'il imprime, e t aucun pro- profondeur logique aussi est petite, puisque le gramme ne peut être plus rapide pour le même programme minimal est un programme d'itérarésultat, puisqu'il doit imprimer lui aussi, ce qui tion élémentaire du genre (ireproduire 64 fois le prend du temps. Cette remarque est d'ailleurs motif de base du cristal,).Un tel moeramme foncbien connue des programmeurs : ils savent tous tionne rapidement, en fait aussi vite que le proque le programme le plus rapide pour obtenir les gramme «imprimer ". ..")>. 20 premières décimales de n est le programme Comme deuxième exemple, prenons un litre