D.A.F. DE SADE
Pqru dans Le Livre de Poche
:
ALINE ET VALCoIJR
Les Crimes de I'amour
JUSTINE OU LEs MALHEIJRS DE LA...
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D.A.F. DE SADE
Pqru dans Le Livre de Poche
:
ALINE ET VALCoIJR
Les Crimes de I'amour
JUSTINE OU LEs MALHEIJRS DE LA VERTU ğDlTIoN ETABLIE sUR LEs TExTEs oR]GINAUX' PRİSEI.0EE ET CoMMENTEE PAR BEATRICE DIDIER
LE LIVRE DE POCHE Classiques
INCESTE ET ECRITURE CHEZ SADE
Dı
tous les crimes de l'amour, celui qui semble iouir dans ces nouvelıes d'une place privi' lĞgiğp c'est' assurĞrnenq l'inceste- Le nceud trigique de Dorgeuillı s'orprime en cette seule phrasi : r Eh bien! Dorgeville, reconnaiss€z cette iaur criminelle dans vore öpouse infortunĞe. ı Dans Flmailh ct Couııal le thöme atteint i une plus grande comploıitö; et l'on sent avec quelle iubilation le romancier-d6miurge permet, i i'aooroche du dönouemenı. cette rĞv6laıion de la 'ıiıultiolicit6 des liens et des crimes nouös en l.rn ,.rf ncud : (( Reconnais-moi, Senneval, reconnais
Professeur 6m6rite
i
l'6cole normale supğrieure. B€atrice Didier
esı l'auteur d'une thğse importante sw L'lmaginaire cheı Senancoür, eü d'|Jfue Histoire de la liıı4raıure française' 1778-l820.
sp6cialiste du xvUr siocle et de la premiöre p6riode romantique. elle a donn6 des €tudes sur sade, R6tif de l-a Bretonne, Benjamin Constant, Stendhal, Chateaubriand, George Sand.
o Librairie
G6n6rale Française, l972.
ISBN:978 2-253-00328-l
-
l"publication
LGF
dı
la fois ta sceur, celle que tu as sdduite
ir Nancy, la meurriĞre de ton frls, l'Ğpouse de ton pĞre, et l'ın{eme crĞature qui a rainĞ ıa mĞre i l'Ğchahud. ı Eugdnic de Fruıaal, i l'oppos6, est d'une o Suivent alors d'innombrables exemples oü Sade recourt ir toute une 6rudition histori_ que et göographique, pour en venir linalement i cette constaEtion que l'inceste est une consöquence directe de cette (( communautĞ des femmes > qu'il faut ötablir dans la veritable
lence de Sade, dĞs qu'il aborde. ce sujet, qu'une 6tude des ( sour.ces D et des ( influences D est absolument inopöranrc. Nous sommes daıant l'une des pulsions fondamentales de l'imaginadu dösir sadienş Il est tion, de la philosophie, -difficile, et peut-ere vain, de voir cenes bien queIles ont pu €tre les incidences biographiques de ce desir.- on corxıaİt lort mal l'enfahce des Ğcrivains de cette Ğpoque; on P€ut cePendant penser avec P. Klossowski que tı chez Sade, on se _trouverait en pr6sence d'un comploıe cdipien' 'non pas d6teiıninĞ, comme c'est le cas d'un grand nombre de növros6s par une inhibition de l'inceste procedant de l'angoisse de la casration, nıais dü au regret d'avoir voulu sacrifier le pĞre ir cette fausse idole, la mĞreı. ı Nous constaaerons' en effet, le ıöle trĞs dĞfavorise de la mĞre dans la oluoart des incestes sadiens. L'autre irrcidence incktueuse dans la üe de Sade est tardive et relativement Mnigne : iı s'agit de l'enlĞ_ vement de sa belle-scur Anne-ProspÖre de Launay, la chanoinesse. Ce$e figure transposĞe de I'inceste sororal est finalement assez secondaire. Toutes lcs formes de l'inceste n'ont pas ĞüLe rappon meredeınment la m&ne importance. -dĞfavoris€, andis que le frls est absolument fe-fiıle est exalt6. Et ce rapport implirappon p€_corollaire, qde' en le sacrifice de la mĞre. Dans iug6nic de Franaal cetae oblaıion est d'abord prier.,enr psychologique: c'est la douleur de 'Ir,tme de prüval; miis bientöt, il faudra en venir au meunre' par l'ernpoisonneınent que le oĞre charge la frlle de D€fDĞtrer. L'inceste mĞre'fill, d. l^"rÜh-ph;" ai" i ıo'rdoi' nıesserıtiellement un viol, un meurtre de la mĞre, aııx anti_
republique. On peut invoquer une tradition i la fois phi. losophique et littĞraife. Tous ces arguments, tous ces exemples, Sade les a puis6s dars la science historique que lui löguent les rı Philosophes > du SiĞcle des luıniĞres, ainsi que les rĞcits des voyageurs' Chardin ou Bougainville. L'inceste est i la mode aussi dans l'univers noırıanesque, et cette mode se prolongera i I'aube du xıxc siĞcle pour aboutir au r6cit des amours interdites de Ren6. On sent bien cependant i l'insistance, İ la vio-
.İ
frm ııırhnin sçııil ll)67 nn. l77"
ı 78.
PröJace
Pröface
du consenremena et du bonheur si ğıidents entre le pĞre et la fille dans Eugİnie de Fıaıaal (le d6nouement tragique est visiblement suPerflu et parodique: le ıon g6nĞral de cette nouvelle, c'est le bonheur des amants). Or dans la Philosophie,la mĞre a etĞ liırĞe i la fille par le pdre lui-möme. Les incestes entre frĞres et ;Gurs n'ont pas ce rayonn€rnent, Ce bonheuİ privilĞgiĞ du rapport pere-fille. Que l'on se rçorıe i Florıille eı Cuıraal: on n'v trouvera nulle oart de scĞne comparable iı l{apoth6ose d'EugLnie dans Eugıhie de FraııaaJ- L'incesıe sororal n'est qu'une forme affaiblie, mötaphorique de l'in_ ceste essentiel. Voilİı pourquoi Eug6nie' tant qu'elle n'a pas consomm6 I'acte, appelle son pĞre : r mon ami, mon fröre ı. Le PĞre se rouve alors doublement Possesseur, puisqu'il ajoute iı ses droits traditionhels sur la fille mineure, ceux de l'amanr. Il n'y a donc plus de borne i la volont6 de puissance. Outre iette force contenue dans Ia narure m€me de la relation, Sade se plait iı donner a son heros touıes les formes du pouvoir. Et d'abord la richesse. Les maİtres du chi'teau de Silling sont de trĞs grands seigneurs; M. de Franval < poss6dait, avec 400 000 livres de rente, la plus belle taille, la physionomie la plus agreable' et les ıalents
aussi ) quel Point s'6tablit une anaıogie enfe la situadon incestueuse et la situation du prisonnier, eı plus particuliĞrement de ce pri-
podes
les plus variĞs
ı.
La joie essenıielle du ptre consiste i retrouver le reflet de lui_m6me daiıs sa fille, mais un reflet suffisamment different pour qu'il puisse Atre domin6. C'esr alors que la jouissance est double, }r la fois du maiıre et de l'esclave fondus dans cette joie unique. On voit fort bien, chez Franval; i quel _point le plaisir de l'inceste s'|apparente au bonheur narcissique, İ l'onanisme; ıiıiis ir un onanisme prive de toute tristesse. On comprend
3onnier qu'est Sade tcrivain. De möme qu'il est Driv6 de toute reladon avec le monde er(tĞrieur, ie .orple incesrueux refuse cette relaıion vers l'ailleuis, le dehors. Mais, tandis que la cıausffation est p€nible, et privative' Sade se complait İı imaginef la solitude de l'inceste comme le bonheur supröme. Eug6nie se rğouit iı l'idĞe d'eviter }ı tout iamais un contact avec un ( 6tranger ).: ( Moi, p'oursuivait-elle, avec chaleur, moi, me ioindre a un 6tranger qui, n'ayant pas comfrıe toi de doubles raisons pour m'aimer mettrait i la mesure de ses sentiments tout au plus celle de ses dğsirs. ı La multiplication par deux que suggĞre le mot ( doubIes ı, en fait, permet'l'accöi iı l'infini du d6sir et du sentiment qui, dans cette relation Privil6gi6e, seront miraculeusement, exceptionnellement concordants. Mais ce refus de I'exogamie par Eug6nie n'en est pas moins trÖs caractöristique. ll se siıue aux souices mömes de l'interdiı. du tabou de l'inceste, si I'on admet avec L6vi-Strauss que I'origine de I'interdit est e rechercher dans un mouvement g€n6ral d'Ğchange d'oü la sociĞt6 tire sa vie .propre: .( Le.. groupe au sein duquel. le ıTanage est lnterdıt evoque aussltot la notlon d'un iuıre gı'oupe... au sein duquel le mariage esL selon lcs cai' simplemenı possible, ou inĞvitable; la prohibition de I'usage sexuel de la fille ou de la sceur contraint iı doııner en mariage la fille ou la sceur e un aure homme et' en m€me temps, elle crĞe un droit sur la fille ou la scur de cei autre homme. Ainsi toutes les ont-elles
fuöface
une contrepartie positivet. ı Le refus d'Eug6nie, c'est donc le refus de toute communication avec le monde extĞrieur, la volont6 de demeurer dans son clan. Peut_6tre pourraiı_on y voir une figure paroxystique' exır€me, du dösir de ne pas d6choir. de se marier dans sa classe - ramenĞe iı la limite ir sa seule hmille. Le fantasme de l]inceste ) la fin du xvııı. siöcıe trahirait donc ir la fois le dĞsir eı la peur de l'enfermelnent sur soi, dans une classe - Ia noblesse - qui prend conscience de n'6tre plus la classe dominante. on verra aussi dans l'incesıe sadien une fiorrne de manich6isme. Le mal se rouve assimil6 avec l'extörieur. L'inceste est donc, paradoxalement, le moyen d'assumer pleinement une puret6 absolue. i l'appui de cJtte interprötatioin, on ciıera ıoute une tradiıion hörösiarque que Sade a fon bien pu connaitre et dont Stendhal se fera encore l'6cho dans les Ceııci : François < donnait İr enten_ dre İ cette pauwe fille une h6r6sie effroyable, que j'ose i peine rapporter, ir savoir que, lorsqu'un $re ionnair sa propre fille, lei enfants qui naissent sont nĞcessairement des sain6, et que tous les plus grands sainb v6nĞr6s par l'Eglise sont n6s de cette hçon ı. on se rappel_ lera alors que l'Eug6nie de la Philosophie d,aru lı boudoir, qıi ex6cute sa möre, suivant l'ordre du pere, et Eug6nie de Franval qui connait le bonheur de l'inceste avec son PĞre, portent le m6me nom, qui indique la bont6, la beaut6, la puret6 de la race : il importait qu'elles ne d6choient pas. EugĞnie de Franval se trouve donc conserver parfaitement cette puretd du sang que son nom m€ıne symboıise. L'inceste, parce qu'il participe d'une image de |. sır1utır7.5
ılanaıai.' d.
ıa pa|cıüi, P. U. F.' t949, P.65.
Prlfaıı la clausrration, toua auunt que Pour des raisons sociales. va Derrnetare tout un ieu du secret et du devoilement] Dans une nouuefie comme Flouille eı coufıdl, le caractöre cach6 de l'inceste est 6vident: le procös du rĞcit consiste donc en une rğvĞlation. bans Doıgeııl!ı 6galement, le devoilement intervient İı la fin; il constitue le d6noue_ ment mefie. Plus qu'un hit nouveau, qui ne qu'ö'tre nögatif' .un -suicide par pourrait guĞre -le est simPlement une d6nouement ixemple, jet6e un pass6, donı la ıout sur lumiĞre brusque densii6 oeut recouvrir Dlusieurs annĞes et une o. Les döcors ironİ en se dıversifiaht encore : < Li, dans une salle d6cor6e, Eugönie, sur un pi6destal, reprösentait une jeune ğuvaqe fatigu& de la chasse et s'appuyant sur ,n tt6nc dJ palmier, dont les branches 6lev6es cachaient ııni infi.ritö de lumiÖres disposees de facon que les refles, ne porıant que sur les charmis di cette belle fille,- les faisaient valoir avec olus d'art. ı C'est que ce |our_lir EugĞnie devait L rnonre" iı l'ami öe Fraival. Valmont, qui n'a
PreJaıc
le droiı que de la voir, pour prix de la perversitö avec laquelle il sğduira la mĞie. C'est dire que la vue est, ) elle seule, une r6compense d'uni des formes attönu6es du meurtre de ia mĞre qui prö_ cödent, dans cette nouvelle, son ex6cutioıi fiıiale. Pour ce plaisir de voyeur qu'elle procure i Val-
monı, Eug6nie enteıid bien qu'il lui rende la monnaie de sa piice et Ia convie a son tour, pour qu'elle s'assure t par ses yeux mömes de la chuıe de sa möre ı>. bans Eiginie de Franual, comme dans |es Cenci, l'incesıe non plus honteux, eı comme imposĞ par une faıalit6, mais glorieux, conscient, voulu, s'accompagne de voyeurisnıe; I'örotisme y trouve son compte' tandis qu'est proclamĞe la n6gation de iout principe moral et social.
Car I'inceste chez Sade est finalement une des formes les plus efhcaces de la n6gation. D'abord Parce que le tabou es( si lortemenı ancrö que, sur ce poinı, Sade n'a rien perdu de sa violence, de sa force - que l'on se refere iı la polömique sur Le SoulJle ai caur. Ensuite, pu... iu., g.Ace aux oıigines mömes de l'interdit, l'inceste per-
met de nier .i la fois l'ordre social eı l'oidre religieux. La contestation essentielle et bans compromis de Sade devair donc, par une sorre de nğcessit6, röserver une place privilĞgiöe ) l'inceste.
Arme de combat, I'exaltation de I'inceste röpond donc aux pulsions fondamenıales de
Sade; elle est I'expression absolue er parfaite de cet univers de la clausıration, de cei enfermemenı, de.I-a prison qui devint vite pour Sade plus que l'entrave möme de son existence: la figure essenrielle de son univers. Si le marquis a souffert de retrouver dans le cachot de la'Bastille ou de Vincennes, l'emprisonnemenı premier
htfaıı eı uaerin, il se venge donc de cetıe double prison, en cr6ant une claustration glorieuse et bienheureuse, celle d'EugĞnie et de son pĞre. Mais il hut dĞpasser ce Plan, et l'on voit qu'iı s'agit de beaucoup plus que d'une revanche sur la vie, grice i l'auwe. L'inceste ne dent une rclıe Place dans le monde sadien que parce qu'il est, en döfinitive, une figure de l'öcriture, du moins telle que la pratique Sade. Dans]Ies deux dĞmarches, on trouve le m6me point de d6part : cette volont6 d'enfreindre un tabou; - en disant, et surtouı en öcrivant ce que I'on ne doit pas dire, e( encore moins ĞCrire' l'6crivain s'afTronıe ir un interdit, en sachant trös bien que la' comme son personnage par l'incesıe, il remet en quesıion touı le systöme social, ıout le code des signes. L'öcrivain connait alors la c|ausıraıion du Iibertin. Sade a 6t6 emprisonn€ surtout i partir du Concordat pour ses öcrits, plus que pour ses actes. Mais un autre danger le menaçait: le systĞme m6me de l'Ğcriture pouvait 6tre sa prison, du moins s'il ne parvenait pas e le r6former complötement. or, Sade, Comme Franval, ı6ussit i m6tamorphoser l'emprisonnement dans les mots, dans le secret de l'cuvre, en une r6v6lation glorieuse et 6clatante de ce scandale, de cette d6chirure essentielle, de cette mort de la mĞre qu'est le fait möme d'6crire.
Bfeıııcı
Dınıtn.
LES CRIMES DE L'AMOUR
FAXEI-ANGE
LE TEXTE
OU
LES TORTS DE L,AMBITION Noıİı ıexte esı ıitabli rur l'Edition oiğnale qu'il uıu cxc.Ption püs, nais impoltant€ eİ ' d Nous auoru iıabl1 les paısages (signalis 'ıgnıJuaLıu(. par un astöisque en tİıe eı d la fin) du maııusniı /Tug6nie de Franval qui avaienl faiı l'objeı de 'pour I'auto-censurc de Sade, les rksons ionıraiTlpro4uiı
grnnıes çue Ie lecleur discernera rlairemınt lıs noleı dans le texte sont de Sad,e.
.
M. et Mme de Faxelange, poss6dant 30 i 85 000 liwes de rentes, vivaient ordinairement i Paris. Ils n'avaient pour unique fruit de leur hymeıl qu'une fille, belle comme la d6esse meme de la Jeunesse. M. de Faxelange avaid servi, mais iI s'6ıaii retirĞ jeune, et ne s'occupait depuis lors que des soins de son m6nage et de l'6ducatioı de sa fille- C'6tait un homme fort doux, peu de 86nie, et d'un excellent caractĞre; sa femme, i peu prös de son iige,. c'est-i-dire quarante-cinq i cinquante ans, avait un peu plus de finesse dans l'esprit, mais i tout prendre, il y avait entre ces deux Ğpoux beaucoup plus de candeur et de
bonne [oi, que d'astuce et de m6fiance. Mlle de Faxelange venait d'atteindre sa seiziöme ann6e; e[e avait une de ces esPöces de figures romantiques, dont chaque trai( peint une vertu; une peau trĞs blanche, de beaux yeııx bleus, la bouche un peu grande, mais bien orn6e, une taille souple et l6gĞre, et les plus beaux cheveux du monde. Son esprit 6tait doux comme son caractĞre; incapable de faire le mal, elle en 6tait encore i ne pas m6me imaginer qu'il püt se com-
4
Faıelınge
Les Crimıs de l'amour
mettre; c'6tait, en un mot, l'innocence et la candeur er-nbellies par la main des Grdces. Mlle de Faxelarıge 6tait instruite; on n'avait rien 6pargn6 pour son 6ducation; elle parlait fort bien l'anglais et I'italien, elle jouait de plusieurs instruments, et peignait la miniature avec goüt. Fille unique et destin6e, par consĞquent, i r6unir un jour le bien de sa famille, quoique m6diocre, elle devair s'aııendre i un mariage avantageux' et c'6tait depuis dix-huit mois la seule occupation de ses parents. Mais le ccur de Mlle- de Faxelange n'avait pas attendu I'aveu des auteurs de ses jours pour oser se donner tout entier, il y avait plus de rois ans qu'elle n'en 6tait plus la maitresse. M. de Go6 qui lui appartenait un peu, et qui allait souvent chez elle i ce titre, 6tait I'objet ch6ri de cette tendre fille; elle I'aimait avec une sinc6ritĞ... une dĞlicatesse qui rappe_ laient ces senriments pr6cieux du viail ag;; si CoITomPus Par nore dĞpravation. M. de GoĞ mĞritait sans doute un ıel bonheur; il avait vingt-trois ans, une belle aille, une figure charmante, et un caractĞre de franchise abs6lu_ ment hit pour sympaüiser avec celui de sa belle cousine; il 6tait officier de dragons, mais peu riche; il lui hllait une fille iı grosse dot, ainsi qu'un homme opulent iı sa cousine, qui, q!ıoique hentıere, n'av-ait Pourant pas une fortune rıTunense' ainsi que nous venons de le dire, et
par consöquent ıous deux voyaient bien que leurs lntentrons ne seraient iamais remplies eı que les feux dont ils brülaient i'un et l'autlre .. con'.,.,-.raient en soupirs. . M. de GoĞ n'avait jamais instruit les parenıs de Mlle de_ Faxelange"des sentimens qujil avaiı pour leur fille; il se doutait du refus, ei sa fiertö s'opposait İ ce qu'il se mit dans le cas de les
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entendre. Mlle .de Faxelange, mille fois plus timide encore, s'ötait ögalement bien gardee d'en dire un mot; ainsi cette douce et vertueuse intrigue, resserr6e par les neuds .du pJus.tendre imour, se nourrissait en paix dans I'ombre du silence, mais quelque chose qui püt arriver, tous deux s'öıaienı bien Dromis de ne ceder İr aucune sollicitation et de nlötre jamais l'un qu'i l'autre. Nos ieunes amants en 6taient liı, lorsqu'un ami de- M. de Faxelange vint lui demander la permission de lui pr6senter un homme de province qui venait delui €tre indirectement recommandö.
< Ce n'est pas pour rien que je vous fais cette proposidon, diı M. de Belleval; l'homme dont ie vbus parle a des biens prodigierıx en France it de sup?rbes habitations en Am€rique. L'unique obiet de son voyage est de chercher une femme iı Paris; peut-öfe l'ernmĞnera-çil dans le nouveau monde, c'est la seule chose que je craigne; mais i cela ores. si la circonshnce ne vous effraie Das trop. il'esı bien sür que c'est, dans tous les
conviendriit i votre fille. Il a ins, la figure n'est pas u'es agr6able... quelque chose d'un peu sombre dans les yeux, nnis un mainıien trös noble et une Ğducation sin-
ioir,tr.'i. oui 'rrente-deux
guliĞrement cultivöe. dit M. Amenez_nous_le Et s'adressant son öpouse : ıı Qu'en dites_vous, madame?
-
i
ı,
de Faxelange...
- Il hudra voir, rĞPondit celıe-ci; si cest rraiment un parti convernble, j'y donne les rnains de tour mon ccur, quelque peine que puisse me hire 6prouver la söparation de ma hıı.... .J" l'adore, ön absence mi dösolera, mais ie ne m'opposerai point ir son bonheur. > Ir' lA R-lı-,.ı .la nrmiArcc
Iıs Cimos
de I'amoın
ouvertures' prend iour avec les deııx 6ooux. et I'on convieni que fe jeudi d'ensuite le 6aron de Franlo. seıa present6 chez Mme de Faxelange. M. le baron de Franlo 6tait i paris deoiis un mois, ocoıPant le plus bel ,pp"rt.-.ri d. l'hötel de Chaitres, ayint un trĞi'beau remise, deux laquais, un valet'de chambre, une grande quantitö de biioux, un portefeuille ole-in de Ietres de chanğe, et les ilus beaux hibits du monde. Il ne connaissaiı nullement M. de Belle_ val, mais iI connaissait, prĞtendaiı_iI, un ami intime.de. ce M. de Belleval. qui, loin de paris pour dix-huiı mois, ne pouvaii €tre, par consĞquent, d'aucune utilitö iu baron; il i'ötait prösenr6 e la porte de cet homme; on lui avaii dit qu'iı ötait absent, mais que M. de Belleval 6tant son plus inıime ami, ij ferait bien de l'aller ırouver; en cons6quence, C'öait a M. de Belleval que le baron avaii prĞsentö ses letıres de recommandaıion, et M. de Belleval, pour rendre service iı un honnöte homme, nb s'Ğtaiı pas hit di{Eculıö de les ouwir, eı de rendre baron touJ les soins que cet 6tranger eüt reçu",i de l'ami de Belleval, s'il ie tüt trouvĞ"prĞsent. Belleval ne connaissaiı nullement les oersonnes de province qui recommandaient le baion, il ne les avait m€ıne iamais enıendu nommer iı son ami, mais il poıivaiı forı bien ne pas connaiıre tout ce que son ami connaissait; ainsi nul obstacle i l'inı6rdı qu'il afEche dös lors pour Franlo. C'est un ami de mon ami; n'en voili_t_il pas plus qu'il n'en faut pour l6giıimer dans le cceur d'un honn€te homn-ie Ie mo-tif qui l,engage iı rendre service? .leM. d9 Belleval' chargĞ du baron de Franlo, conduisait donc parıouı; aux promenades, aux spectacles, chez les marchands, on ne les
Faxclange
rencontrait iamais qu'ensemble. Il 6tait essentiel d'Ğablir cei dĞtails, afin de lögitimer l'int6röı que Belleval Prenaiı İı Franlo, et les raisons pour lösquelles le croyant un o(Cellent Parıi, il le pr6-
sentait chez les Faxelange. Le iour pris pour la visiae a(endue, Mme de FaxelJnge, 'sans'prö'enir sa fille, la fait parer de ses plus beaııx atours; eıle lui recommande d'Ğtre la plus polie et la plus aimable possible, devant l'Ğüang,i. qu'elle v'a voir, et de'faire sans di{ficultĞ usage de ses ıalents, si on l'eırige, Parce que cet Ötranger est un homme qui leur est Personnellement recommand6, et que M. de Faxelange et elle ont des raisons de bien recevoir. Cinq heures sonnent; c'6taiİ l'insaana annonc6, et M. 'de Franlo oarait sous ı'escorte de M. de Belleval; il 6tait 'impossible d'€re mieux mis,
d'avoir un ton plus döcent, un maintien plus honnĞte, mais nous l'avons dit, il y avait un certain je ne sais quoi dans la physionomie de cet homme qui döpr€venait sur_le-champ, et ce n'Ğtait que par beaucoup d'art dans seıı maniĞres' beaucoup de jeu dans les raits de son visage, qu'il r6ussissait i couırir ce döfaut. [,a conversation s'engage; on y discuıe diffe-
rens objes, et M. de Franlo les raite tous, comme l'homme du monde le mieux ölev6..., le plus insmrit. On raisonne sur les sciences; M. de Franlo les analyse toutes; les arts onr leur tour; Franlo prouve qu'il les connait, et qu'il n'en esa aucun dont il n'ait quelqueficis fait ses dölices... En politique, möme profondeur; cet homme regle le monde entier, aı tout cela, sans a{fectation' sans se pr6vaıoir, m€lant ir touı ce qu'il dit un air de modestie qui semble demander l'indulçnce et pr6venir qu'il peut s€ tromDer. qu'il est bien loin d'6tre sür de ce ou'il ose
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Iıs
Crimes
Faxelaıge
dı l'amour
avancer. On parle musique. M. de Belleval prie Mlle de Faxelange de chanter; elle le fait en rougissant, et Franlo, au second air, lui demande la permission de I'accompagner d'une guiare qu'il voit sur un fauteuil; il pince cet instrument avec toutes les grices et tout ıa justesse possibles, laissant voir İı ses doigts, sans affectation, des bagues d'un prix prodigieux. Mlle de Faxelange reprend un troisiĞme air, absolument du jour; M. de Franlo l'accompagne sur le piano avec toute la precision des plus grands maitres. On inviıe Mlle de Faxelange i lire quelques traits de Pope en anglais; Franlo lie sur-le-champ la conversation dans cette langue, et prouve qu'il la Possöde au mieux. Cependant la visite se termina sans qu'il ftit rien 6chapp6 au baron, qui ı6moigndt sa façon de penser sur Mlle de Faxelange, eı le pere de cette jeune Personne, enıhousiasmö de sa nouvelle connaissance, ne voulut jamais se sdparer sans une promesse intime de M. de Franlo de venir diner chez lui le dimanche d'ensuite. Mme de Faxelange, moins engouöe, en raisonnant le soir sur ce personnage, ne se rencontra pas tout n hit de l'avis de son 6poux; elle rouvait, disaiıelle, a cet homme, quelque chose de si rĞvoltant au premier coup d'cil, qu'il lui semblait que s'il venaiı i d6sirer sa fille, elle ne la lui donneraiı jamais qu'avec beaucoup de peine. Son mari combattit cette r6pugnance; Franlo Ğtait, disaiı-il, un homme chaimanı; il 6tait impossible d'Ğtre plus instruit, d'avoir un plus joli maintien; que pouvait hire la figure? faut-il s'arreter i ces choses-li dans un homme? Que Mme de Faxelange au reste n'eüt pas de craintes, elle ne serait pas assez heureuse pbur que Franlo voulüt jamais s'allier İı elle, mais si pir hasard
il
9
le voulait, ce serait assur6ment une folie que
de manquer un tel Parti. Leur fille devaiıelle
iamais s'attendre i en trouver un de cette imPortance? Tout cela ne convainquait Pas une mÖre prudente; elle pr6tendaiı que la Physionomie 6taiı le miroir de lıime, et que si celle de Franlo r6pondait i sa figure, assur6ment Ce n'öEit Point lA le mari qui devait rendre sa chöre fille heureuse. lr jour du diner arriva: Franlo mieux par6 que ı'autre fois, plus profond et plus aimable encore, en fit I'ornement et les d6lices; on le mit au jeu en sorant de table avec Mlle de Faxelange, Belleval et un aure homme de la soci6Ğ; Franlo fut trös malheureux et ıe fut avec une noblesse 6tonnante, il perdit tout ce qu'on peut perdre; c'est souvent une maniöre d'ötre aimable dans le monde, notre homme ne l'ignoraiı pas. Un peu de musique suivit, et M. de Franlo joııa de tiois ou qrratre sortes d'instruments divers. La.iournĞe se termina par Iıs Français, oü le baron donna publiquement la main i Mlle de Faxelange, et I'on se rpara. Un mois se passa de la sorte, sans qu'on n'entendit parler d'aucrıne proposition; chatun de son cötĞ se tenait sur la r6serve; les Faxelange ne voulaient pas se jeter i la töte, et Franlo, qui de son cötĞ dösirait fiort de r6ussir, craignait de tout g'İter par trop d'empressement. Enfin M. de Belleval paruL er pour cette [ois, chargĞ d'une n6gociation en rögle, il d6clara fiormelıement i M. et Mme de Faxelange que M. le baron de Franlo, originaire du Vivarais, possedant de trös grands biens en Am6rique, et dĞsirant de se marier, avait iet6 les yeux sui Mlle de Faxelange, et hisair deinander arıx parents de cette charmante personne s'il lui 6tait permis de former auelque espoir.
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Les Cimes dı l'amour
Les premiöres rĞponses, pour la forme, furent que MJIe de Faxelange 6tait encore bien jeune pour s'occuper de l'Ğtablir, et quinze iours iprĞs on fit prier-le baron i diner; la, ıı.- de rranıo fut enğaç i s'o ' Goö ." retira dans un iıaı ıerrible, ed Mlle de Faxelange fut chercher dans le sein d'un repos qu'en vain elle implora, quelque calme aux r'emords dont elle Ğtait döchir6e, et desquels rnis_ dont elle n'6tait sait une sorte de pressentiment oas la maitresse. Cependant Ia cĞrömonie du ior., te. fĞtes qui der,iient l'embellir, tout calma "cette fille u'op lhible; elle prononça le mot faıal qui la liait İ -du |amais, touı l'6tourdit' tout l'entraina le reste iour' et dĞs la möme nuiı. elle consomma le sacrifice afheux qui la separaiı Öter_ nellemenı du seul homme qui {üı digne d'elle. ' Le lendemain, les appröts du döpart l'occu_ pĞrenı; le jour d'aprös, accatılöe des caresses de
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ses paren$, Mme de Franlo monta dans Ia chaise de öosıe de son mari munie des 400 000 lrancs de ia dot,'et l'on partit pour le Vivarais. Franl Franlo ordonna İr la maitresse du logis d'avoir tous les soins possibles de son öpouse, et il la laissa avec cetıe vieille; celle_ci ayant bien chang6 de ton avec Mme de Franlo, depuis qu'elle voyaiı }ı qui elle avait affaire, la contraignir de prendre -de un_ bouillon coupö avec du vin l'heimitage, dont la malheureuse lemme avala quelques gouttes Pour ne pas d6plaire i son hötesse, et I'ayant ensuite suppli6e de la laisser ieule le resıe de la nuiı, cette pauwe cröature se |iwa dös qu'elle fut en paix İ toute I'amertume de sa dou-
la prier de se lever afin d'ötre embarqu6e avant le jour; elle obĞit, et 5e jetıe dans le bateau la töte envelopp6e dans des coiffes qui dĞguisalenı les traits de sa douleur, et qui cachaient ses larmes au crueı qui les faisait couler. On avait pröpar6 dans la barque un Petit r6duit de |euil_ lages oü elle pouvair aller Se reposer en Paix; et Franlo, on doiı le dire ir sa justificaıion. Franlo qui voyait le besoin que sa riste' öpouse avait d'un peu de calme, l'en laissa jouir sans la troubler. Il est quelques traces d'honnöıet€ dans l'ime des scĞlörats, et la Verıu est d'un tel prix aux yeux des hommes. que lcs plus corrompus memes sont lorcĞs de lui rendre hommage dans
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leur.
< Ö mon cher Goğ, s'6criaiıelle au milieu de ses sanglots, comme la main de Dieu me punit de la trahison que je t ai faite!Je suis iı jamais perdue, une retraite imp6nĞtrable va m'ensevelir aux yeux de I'univers, il me deviendra möme impossible de t'instnıire des malheurs qui m'accableront, et quand on ne m'en empöche_ rait pas, l'oseraisje aPrĞs ce que je cai fait? Serais-je encore digne de ta piti6... et vous, mon pĞre... et vous, ma respectabıe möre, vous dont les pleurs ont mouillö mon sein, pendant qu'enilröe d'orgueil, .i'ötais presque froide i vos larmes. comment apprendrez-vous mon effroyable sort?... A quel ıige, grand Dieu. me vois-ie enterrĞe vive avec de tels monstres? Combien Jann6es puis-je encore sou{frir dans cette punirion terrible? -O sc6l6rat comme tu m'as seduite et comme tu m'as
trompĞe !
ı
Mlle de Faxelange (car son nom de
femme
nous r6pugne mainİenant) 6tait dans Ce chaos
d'idöes sombres, de remords et d'aPpr6hensions terribles, sans que les douceurs du sommeil eussent Pu calmcr son öıat, lorsque Franlo vint
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mille occasions de leur vie. Les attentions que cette jeune femme voyait qu'on avait pour elle la calmaient nöanmoins un peu; elle sentit que dans sa situation, elle n'avait d'autre Parti e Prendre que de mönager son mari, et lui laissa voir de la reconnaissance, La barque ğtait conduite par des gens de la roupe de Franlo, et Dieu sait tout ce qu'on y dit! Notre h6roine abimöe dans sa douleur n'en ecoura rien, et l'on arriva le möme soir aux environs de la ville de Tournon, situöe sur la cöte occidenıale du Rhöne' au pied des montagnes du Vivarais. Noıre chel et ses comPagnons passĞrent la nuit comme la prĞcödente dans une taverne obscure, connue d'eux seuls dans ces environs. Le lendemain, on amena un cheval. i Franlo, il y monaa avec sa femme, deux mulets Portörent les bagages, quare hommes armğs les escorrörent; on traversa les monıagnes, on pĞneıra dans l'int€rieur du pays, paı d'inabordables sentrers.
Nos voyageurs arrivörent le second jour forr tard, dans une petite plaine, d'environ une demi-
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Les Crime s ıle Pamour
lieue d'öıendue, resseııEe de ıoutes pars par des montagnes inaccessibles eı dans laquelle on ne oouvai pen6trer que par le seul sentier que -Pra'ıio.,aiı d.anlo; İı ia gbrge de ce sentier iıait un "..eiĞ'as' relev€ ırois lois la .'].," d. dix de ces le*rin., et qui 'veillaiı consıammenı jour eı nuiı. Une lois dans la plaine on ırouvalt une bourgade, foriıöe d'une centaine de -""nri.. ii",,.', ı la ma".,iöre des sauvages, ) la tÖte des_ ouelles euiı unc maison assez proPre' ComPosee j" deux öıapes. partouı environnee de hauts murs et app;lenint au chef C'etaiı li son s6i.rr. *, -ö-. ,.*p. la citadelle de la place' i'endroiı"rJoü se ıenaienı les magasins' les armes et les prisonniers: deux souıerrains prolonds et hien voütğs şervaienr a ces usages; sur eux' ötaient baıi' ırois peıires piÖct's au rez-dcchaussöe, une cuisinc' une chambre; une Petite salle, et au-dessus un aPParternent assez commode ,ori ı, t"--" du capiüine' ıerminÖ par un cabi^net de süretö pour lei tresors' Un domestiqııe lorı rusre' et ,.'ö fiıı. servant de cuisiniöre 6taient tout le train de la maison; il n'y en avait pas autant chez les aures. Mlle de Faxelange, accabl6e de lassitude et de chacrins' ne viı rie-n de ıouı cela le premier soir; elle"sasna i peine le lit qu'on lui indiqua, et s'y 6t .,i i.'ordi. d'accablöment, elle y lut au moins tranquille jusqu'au lendemain maıin' Alors le chef cntra dans son appartement : < Vous voilİı chez vous. mad'ame, Iui dit-il; ceci est un peu .di{ferent des trois belles terres oue ie vous avals promlses. et des magnifiques Jo.rJrrion' d'Amörique sur lesquelles vous aviez iomot6: mais consolez-vous. ma chöre' nous ne fc.oirs pas ıouiours ce meıier-liı, il n'y a pas longıenips que"je l'e*erce, er le
tt Eh bien! moıısieur, dit ici Mlle de Florville en s'interrompant, i cause des larmes qui la
suffoquaient, €pouserez-vous maintenant une fille capable d'un tel meurtre? Souffrirez-vous dans vos bras une cr6ature qui a m6ritĞ la rigueur des lois2 une malheureuse enfin. que son crime tourmente sans cesse, qui n'a pas eu une seule nuit tranquille depuis ce cruel moment. Non monsieur; il n'en est pas-une.oü ma malheureuse vicıime ne se soiı pr6sentöe i moj inond6e du sang que j'avais arrach6 de son c(ıur. - Calmez-vous, mademoiselle, calmez-vous,
Les Cıimes de l'amouı
Floıaillc a Coumal
diı M. de Courval en möIanı ses larmes i celles de cette fille intĞressanıe; avec l'ime sensible que vous avez regJe de la nature, je conçois vos remords; mais il n'y a pas m6me I'apparence du crime dans cette fatale aventure, c'est un malheur affreux sans doute, mais ce n'est que cela; rien de pr6m€dit6, rien d'atroce, le seul d6sir de vous soustraire au plus odieux attenht..., un meurtre, en un mot, fait par hasard, en se d6fendant... Rassurez-vous, mademoiselle, rassurez-vous donc, je l'exige; le plus s6vĞre des tribunaux ne ferait qu'essuyer vos larmes; oh! ctımbien vous vous 6ıes cromp6e. si vous avez crainı qu'un tel ğv€nement vous fit perdre sur mon Ccur ıous les droits que vos qualit€s vous assurent. Non, non, belle Florville, cetrc occasion' loin de vous d6shonorer, relğve i mes yeux l'ğclat de vos vertus, elIe ne vous rend que plus digne de trouver une main consolatrice qui vous fasse oublier vos chagıins. - Ce que vous aVğZ la bontĞ de me dire, repıit Mlle de Florville, M. de Saint-Prdt me le dit 6galement; mais vos excessives bont6s i I'un er i l'autre n'6touffent pas les reproches de ma conscience, jamais rien n'en calmera les remords. N'importe, reprenons' monsieur, vous devez €tre inquiet du dĞnouemenı dc tout ccci. Mme de Dulfort fut d6sol6e sans doute; ce jeune homme ırös intöressant par lui-m€me lui ğtait trop Particuliirement reco_mmand6 pouı ne pas d6plorer sa perte; mais elle sentit les raisons du silence, elle vit que l'6clat, en me perdant, ne rendrait pas la vie i son prot6g6, et elle se fut. Mme de LĞrince, malgr6 la s6v6rit6 de ses principes, et I'excessive rdgularit6 de ses mceurs, se conduisit encore mieux, s'il est possible, parce que la Prudence et l'humanite sont les Caractöres
distinctifs de la waie piĞt6; elle publia d'abord dans la maison, que j'avais fair la folie de vouloir retourner i Paris pendant la nuit pour jouir de la fiaicheur du temps, qu'elle 6tait padaitemenı insrnıite de cette Pedte extravagance; qu'au reste j'avais d'autant mieux hir, que son proier i elle, 6tait d'y aller souper Ie mĞme soirl solus ce pr6texte elle y renvoya tour son monde. Une fois seule avec M. de Sainı-Prit et son amie, on envoya chercher le cur6; le pasteur de Mme de Lğrince devait €tre un homme aussi sage eı aussi 6clair6 qu'elle; il remit sans difficult6 une artestation en rĞgle i Mme de DulforL et enterra luim€me, secrĞtement avec deux de ses gens' la malheureuse victime de ma fureur. Ces remPlis, tout Ie monde reParuı, le -soins jurĞ de part et d'aure. et M. de Saint_ secret fuı Pret vint me calmer en me faisant part de tout ce qui venait d'dtre fait pour ensevelir ma faute dans le plus profond oubli; il parut dĞsirer que je retournasse i mon ordinaire chez Mme de L6rince..., elle Ğtaiı prdte i me recevoir..., je ne pus le prendre sur moi; alors il me conseilla de me distraire. Mme de Verquin, avec laquelle je n'avais jamais cess6 d'dtre en commerce comme je vous l'ai diı, monsieur, me pressaiı toujours d'aller encore passer quelques- mois avec- elle, je parlai de ce projet i son [rĞre, il l'approuva, et huit jours aprös je Partis pour la Lorraine; mais le souvenir de mon crime me poursuivaiı partout, rien ne parvernit i me calmer. Je me r€veillais au milieu de mon sommeil' croyant entendre encore les g6missemens et les cris de ce malheureux Saint-Ange, je le voyais sanglant i mes pieds, me reprocher ma barbarie, m'assurer que le souvenir de cette affreuse acdon me poursuivrait .jusqu'i mes derniers insanr,
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|e vous conjurc'
_--t
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Iıs Cimes dı
l'amour
et que je ne connaissais pas le ccur que j'avais
amusernenb que l'impitoyable mon vient trancher le fil de leurs jours, et vivant, sans jamais s'occuper de cet instant fatal, üvant comme s'ils devaient o Ces raisons Ğaient spĞcieuses; mais le malheur de Dorgeville ötait de juger toujours les autres d'aprös son ccrur; et Ce sysıime l'ayant rendu malheureux jusqu'alors, il n'Ğtait que trop vraisemblable qu'il achĞverait de le rendre tel, le reste de ses jours. Ainsi pensaiı' quoi qu'il en püı örre, l'honnöte homme dont nous racontons l'histoire, Iorsque sort ünt lui pr6senter d'une façon bien singuliĞre l'ötre qu'il crut destin6 i partager sa fortune' qu'il imagina fait pour le don pr6cieux de son c@ur.
Dans cette interessante saison de l'annöe, oü la natuıe ne parait noui faire ses adierrx, qu'en nous accablant de ses dons, oü ses soins infinis Pour nous ne cessent de se multiplier pendant quelques mois, pour nous prodiguir ıout ce qui
peut nous faire attendre en paix le retour de aes
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Les Cıimcs de l'amoır
Premiöres faveurs, ir cette öpoque oü les habi-
ıants de la_campagne se frĞqiıenient Ie Dlus. soiı en rarson des chasses, des vendanges, ou, de ouel_ q,ues. auıres de ces occupatiorr. Ji jor.a' ), o,r; cnerıt la vle rurale, et de si peu de prix oor. i..
eı.inanimĞs,. engourdis ::I: vıIıes' 'r"|d, desscchĞs par leur
p'ar
le,ır*. je,
cornrjıion' oui ne ' connarssenr de la societ6 que les d'ouleurs.ou les
parce que rerre ll:^r,l.t Cette douce_ cordialitĞ
fianchise, cetre candeur,
qui en resserrent si deli-
Cleusemenı les neuds, ne se ırouvent qu'avec les naDltanıs df la camPagne, il semble oı.ie ce n'esı gue sous un ciel pur, que les homm.es oeuvenr ı etre egalemenı' eı ces e",>
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Iıs
Crimes
dı
I'amour
Dorgetillı
sant point du tout M. Duperrier, ce qu,il a de mieux i faire' est de donher a,ruo.j ı, ı]t,i. qu^'il a,.et de se faire annoncer ensuite oar ce m6me domesıique' dont iı ..; ;;;;; 5; :: moyeı. S'Ğant nomm€ i C6cile' il a",i,]'"r] qu'elle ne-mande :i ce sainı-Suri;";;;;il"fii ". a vant6 Ia fi_d€litĞ, quelle est ı" p"..""* |"l s tnteresser a son sort. Il remet ""i;i, en consdouence .r.l9q.' et Sainı-Surin ı'u-pr,';i;; H il:: qu'il s'6crie avec une ,".," ". ;':;;i;; ;;#;i n esı pas Ie maiffe ; (.quoil. c'es( vous, monsieur... c,est gevllre qur est le protecteur de notre M. Dor_ malheu_ reuse maitresse. Je vais vous annoncer
i ses pa_ rents, monsieur; mais ie vous pr6viens oJ,ils sont cnıellement en collre; i. d;";.';;;"i-;;: reussısslez_ i lcs raccommoder avec ıa". çıı.; qu'il en soit, monsieur, continua Sainr_ ^quoi Surin, qui paraissait ,n grrçon d,espii;, ;, ;:; }ıgure-agrĞable, .. p.o.Ed6'frit a ı,"r"i".
ri.İjJı ,i#' ,'#l'.o'İ 'iuH. Saint_Surin monte arıJ( ui.nt I;i,,,ı,nl d'un quart d'heure.
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On consentait i voir M Dorgeville, puisqu,il s'6tait donnĞ la peine de venır d.aussi loin nn',"
une telle affairi; mais
6ri,-;;;;;
peinĞ qu'il s'en fiıt charg6, "" qu on ne voyaiı;j;; aucun moyen de lui accorder .i q"'iı citeı' en faveur d,une fille mardite, "e.'a,iı 'oili.,-il;;talt son sort par l,Ğnormit6 de sa faute-, uorgeville ne s'efftaie point; on i;irrr.od,riı; ıl., trouve.-dans M. et Mme' Duperrier d."* p;;j sorures d'environ 50 ans' qui le reçoivent lionneteınent,
quoique arec
,', p., a,i-ü'-.i i,
ııl
Dorgeille aposc succinçerneııt ce qui l'aııtne dans cece maison.
a Ma femme.et moi' nous sommes irrğvocablement d6cides, monsieuç dit le mari, i ne jamais raoir une crĞature qui nous deshonore; elle peut deveııir ce que bon lui seınblera, nous l'abandonnons i la destinee du Ciel, en espğrarit de sa justice qu'il nous vengera bient6t d'une telle fille... > Dorgeville r6futa ce projet barbare, par tout ce qu'il put employer de plus paü6tique et de plus 6loquent; ne pouvant convaincre I'esprit de ces gens-li, il essaya d'attaquer leur cctur... möıİıe r6sistance; cependant CĞcile ne fut accı4see par ces Parents cnıels, d'aucun autre tort que de ceux dont elle s'6taii elle-mdme avouĞe coupable, et il se trouva que dans tout, les rĞcits qu'elle avait faits Ğtaient absolument conformes aux accusations de ses juges. Dorgeville a beau repr6senter qu'une faiblesse n'est pas un crime, que sans la mort du s6ducteur de CĞcile, un mariage eüt tout rĞpar6, rien ne röussit; notre n6gociateur se retire assez peu satisfait; on veut le retenir :i diner, il remercie et fait sentir, en s'en allant, que la cause de ce refirs ne doit se trouver que dans ceux qu'il 6prouve lui-mĞme; on ne le presse point, et il
sort.
Saint-Saurin attendait Dorgeville au sortir du chiteau. a Eh bien! monsieur, lui dit ce domestique, avec tout l'air de I'inı6r€ı, n'avais-je pas raison de croire que vos peines seraient infiucnıeuses? Vous ne connaissez Pas ceııx i qui vous venez d'avoir affaire, ce sont des ccurs de brorıze; jamais I'humanit6 ne fut entendue d'eux; sans mon respectrıeux attachement Pour cette chĞre
ll2
Lıs Cimes
de l'amour
personne, i laquelle vous voulez bien servir de protecteur et d'ami, il y a longtemps que je les aurais quitt6s moi-mdme, et je vous avoue, monsieur' poursuivit ce garçon, qu'en perdant au_ jourd'hui, comme je le fais, l'espoir de jamais consacrer davantage mes services i Mlle Duperrier, je ne vais plus m'occuper que de me placer ailleurs. ı Dorgeville calme ce fidĞle domestique, il lui conseille de ne point quitter ses maitres, et I'assure qu'il peut €tre tranquille sur le sort de C6_ cile, que du moment qu'elle est assez malheureuse Pour €tre abandonnĞe aussi cnıellement de sa famille, il pr6tend i jamais lui tenir lieu de pĞre. Saint-Surin, en pleuranr, embrasse les genoux de Dorgeville, et lui demande en m€me temps la permission de lui donner la r6ponse i la lettre qu'il a reçue de Cğcile; Dorgeville s'en charge avec plaisir, et revient auprĞs de son int6ressante proteg6e, qu'il ne console pas autant qu'il I'aurait voulu. < H6las! monsieur, dit C6cile, quand elle apprend la duret€ de sa famille' .je devais m'y attendre, je ne me pardonne point, ötant süre de ses proc6d6s, comme je devais l'6tre, de ne vous avoir pas 6pargn6 une visite aussi dĞsagr6able ı, et ces mots furent accompagn6s d'un torrent de larmes, que le bienfaisarit Dorgeville essuya, en protesant i Cğcile de ne l'abandonner jamais. Cependant, au bout de quelques jours, notre intĞressante aventuriĞre se ırouvant remise, Dorgeville lui proposa de venir achever de se rötablir dans sa maison. < Eh! monsieur, r6pondiı C6cile avec douceur, suis_je en Ğtat de r6sister i vos offres, eı ne dois_ je pourant pas rougir de les accepıer? Vous en
Doıgeülle
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avez döia beaucoup trop fait .pour moi; mais caDtiv6; Dar ıes liens mcmes de ma reconnatsdoit ;;;.-i";; me refuserai i rien de ce quitemps en m€ m e rendre les me et ıes rrıııitiplier, olus üers. > ' or, ." rendit chez Dorgeville; un peu avant au Chİteau, MlĞ Duperrier t6moigna pas "";';';; ı' ,on bienfaiteur qu'elle d6sirerait n'€tre bien ]"iiıo".-.n, dans i'asile qu'on voulait lieues lui de 5Ji"Ji-o";qr'il y eüt pris de quirzepoınt assez li. chez son pĞre, ce n'Ğait pourtant oow q.r'.lle n'eüt pas i craindre d'€re recon;;;. J;; J*"it-elie pas apprĞhender les effeıs du ressentiment d'une famille assez cruelle Pour d'une faute"' i"-";;;;.. auant de s€vĞritğ"' devait pr6qu'on mais *.'".-i.ıı. ." convenait), qrre plutö( bien n'arrivdt, qu'elle Şenir avanc n'6t"it il quand du.ement a'rssi ;;'i; .hfi;; -plus temos de l'emp€cher; d'ailleurs, pour luı_meme' se.iit-iı bi.n aise d'afEcher aux yeux nor'seville ';*;;;-ı;;;vince qu'il voulaiı bien- prendre ;. malheureuse ," in,e.e, airssi particulier i une dans dĞshonor6e et fille proscrite par ses Parents l'ooinion Publique? -i;'t je Dorgeville ne ıui permit Pas mais "..j,",c d.-.;;;;;;;; cette seönde considğration' qu'elle i C6cile promit il et l,";;tö* ıe dcciaa' qu'il la .*'J';; iri .o--t elie I'exigerait' dans l'intĞrieur Pour une de ses coui..ri, ""''.. .ir,"._'et ou'elle ne verrait au dehors que üe perr q"'elle desirerait; c6cile remercia ;;;;;;; arriva' ;;;;; son gĞn6reux ami' et l'onn'avait ;. ""ıi'.'.i.-o' pas di ıe dire, Dorgeville send'un mĞlğ vır C6cile ,"rr. ,n. sorte d'int6r€t jusqu'alors; i,-J"i".J irı avait 6tğ inconnu se rendre a devait ne ,.,a ama comme la sienne ou Pr6Pa_ sensibilitÖ' la i;;;;;q;'.-"llie par
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Iıs
Crimıs de l'amour
r6e par la bienfaisance; toutes les qualit6s que Dorgeville voulait dans une femme se rencontraieru dans Mlle Duperrier; ces circonstances bizarres, auxquelles il voulait devoir le ccur de celle qu'il €pouserait, s'y trouvaient 6gale_ ment; il avair toujours dit qu'il d6sirait que la Ibmme i laquelle il donnerait sa main (tıt en quelque façon li6e ıi lui par la reconnaissance, et qu'il aspirait i ne la renir, pour ainsi dire, que de ce senriment-lA. N'6taii-ce pas ce qui arrivait ici? Et iians le cas oü les morlvements de ['ime de C6cile ne se trouveraient pas trös 6loi_ _ gn6s des siens, devait-il, avec sa maniöre de voir, balancer A lui offrir de la consoler par les neuds de l'hymen, des torts impardonnables de l'amour? L'espoir d'une chose trös d6licate et sup6rieurement faite pour l'Ame de Dorgeülle se pr6sentait encore, en r6parant l'honneur de Mlle Dupe rrier; n'6tait-il pas clair qu'il la raccommodait avec ses parents, et ne devenait-il pas d6licieux pour lui de rendre i la fois i une femme malheureuse, et l'honneur que lui ravissait le plus barbare des pr6jug6s, ei ıa tendress. d'une famille que lui enlevair 6galement la cruaut6 la plus inouies? Tout plein de ces id6es, Dorgeville demande i Mlle Duperrier si elle d6sappiouve qu'il lasse une seconde ıenıative chez ses parenrs: CĞcile ne I'en dissuade point, mais elle se garde bien de le lui conseiller, elle essaie m€me de lui en laire senıir l'inutilit6, en le laissanı nĞanmoins le maiıre d_e laire sur ce poinr ıouı ce qu'il dĞsirera, eı elle 6niı par dire i Dorgeville q,re sans douıe elle commence i lui devenir i charge, puisqu'i| dĞsire avec tant d'ardeur de la rendre'au .ı'rn" 'aia, famille donı iI voiı bien qu'elle esı abhorröe. Dorgeville' ırös conıenı d'une rfponse qui Iui
Dorgeıille
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pr6parait les moyens de s'ouvrir, assure sa prot6g6e que s'il d6sire une rĞconciliation avec ses parents, c'est uniquemenı pour elle et pour le public, lui n'ayant besoin de rien pour animer l'int6r€t qu'elle inspire, ou tout au plus, de l'es_ poir que les soins qu'il lui rend ne lui d6plairont pas. Mlle Duperrier r6pond i cette galanterie, en laissant tomber sur son ami des yeux languissants et tendres, qui prouvent un peu plus que de la reconnaissance; Dorgeville n'en comprend que ırop l'expression, eı rĞsolu i rout, pour rendre i la fin I'honneur et le repos i sa prot6gĞe, deux mois aprös sa premiare visite chez les parents de C6cile, il se d6cide i en faire une seconde' et i leur dğclarer enfin ses l€gitimes intentions' ne doutant pas qı]'un tel procĞdĞ de sa part nĞ les d6termine sur-le-champ i rouvrir leur maison et leurs bras i celle qui se trouve assez heureuse pour r6parer aussi bien la faute qui les a contrains i €loigner d'eux beaucoup trop durement une fille, qu'ils doivent ch6rir au fond de leur ime. Cöcile ne charge point cene fois-ci Dorgeville d'une lettre pour Saint-Surin, ainsi qu'elle I'avait fait lors de sa premiire visite, peut-dtre en saurons-nous bientöt la cause. Dorgeville ne s'en adresse pas moins i ce valet pour 6tre inroduit de nouveau chez M. Duperrier; Saint-Surin.le reçoit avec les plus gıandes marques de respect et de plaisiı, il lui demande des nouvelles de C6cile avec les plus vifs t6moignages d'intĞr€t et de vĞn6ration, et dĞs qu'il a appris les motifs de la seconde visite de Dorgeville, il loue infiniment un aussi noble proc€d6' mais il d6clare en ınöme temps qu'il est presque sür que Cette dĞmarche n'aura pas un meilleur succĞs que l'autre; rien ne dĞcourage Dorgeville, et iı entre chez Du-
Les Crimes ıle l]amouı
Dorgeıille
perrier; il Jui dit que sa fiIle esı chez lui' qu,il prend te plus grand soin eı d'elle et de son enlant. qu'il la croit enridrement revenue de ses erreurs. qu'eIle ne s'esı pas un instant demeni;e dans ses remords, et gu.une pareille conduite ıuı paraiı.merater enlrn quelque indulgence. Tout ce qu ıl dit est 6cout6 du pire et de li möre avec la pıus gTande artention; un moment Dorseville croıt ayoir rĞussi.; mais au flegme Ğtonnan'i avec Iequel on lui rĞpond. il n.esi pas lonetemos -i se convaincre qu'il traite uu.. d., a-J' d"'Ğ. avec des especes d'animaux enfin bien plus sem_ blab|es A des bĞtei f6roces. qu'i d..'.;;;;;;.
prisĞ nos conseils, elle a m6connu nos ordres, en un mot, elle s'est jet6e volontairement dans le prdcipice, quoique nous le lui montrassions sans cesse entrouvert sous ses pas. Une fille qui aime ses parents ne se conduit point ainsi; tant qu'6ayee par le suborneur i qui elle doit sa chute, elle a cnı pouvoir nous braver, elle l'a fait inso_ lemmcnt; il est bon qu'elle sente i prĞscnt ses torts, il est juste que nous lui refusiöns nos secours, quand elle les a m€pris6s, lorsqu'elle en avait un besoin si r6el. C6cile a fait une sottise, monsieur, elle en ferait bientöt une seconde; l'öclat a eu lieu; nos amis, nos parents savent qu'elle a fui la maison paternelle. honteuse de l'6tat oü l'avaient r€duite ses travers; restons-en li, et ne nous obligez point i rouvrir notre sein i une crĞature sans ime et sans conduite, qui n'y rentrerait que pour nous pröparer de nouvelles douleuıs. _ Affreux systömes, s'6cria Dorgeville, piqu€ de tant de r6sistance, maximes bien dangereuses que celles qui punissent une fille, dont le seul tort est d'avoir 6t6 sensible. Tels sont les abus dangereux qui deviennent la cause de tant de meurtres 6pouvantables. Cruels parents! cessez d'imaginer qu'une malheureuse femme est dĞshonor6e pour avoir ğt6 sĞduite; elle {ht devenue moins criminelle avec moins de sagesse ou de religion; ne la punissez pas d'avoir respect6 la vertu, dans le sein möme du d6lire; Par une stltpide incons6quence, ne forcez point i des infamies celle qui n'a d'autre tort que d'avoir suivi la nature; voili comme l'imbĞcile Conradicdon de nos usages, en faisant d6pendre I'honneur de la plus excusable des fautes, entraine aux plus grands crimes celles pour qui la honte est un poids plus affreux que le remords; et ı'oiıi comme
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humaines.
. Confondu d'un ıeI endurcissement, Dorseville ';;, demande i M. eı ıi Mme Duperri;. guelı]l9 a1ır.e motif de plainıe ou de hai.,.';tİ. .or,... reur e, lui paraissant inconcevable, Oue Dour -n une laute de ceııe nature, ils se dĞcideni i un tel excös de rigueur vis-i-vis d'une cr6ature douce eı honndıe et qui rachete ses tor(s par une foule de vertus. Duperrier prend ici Ia parole: (Je . .ne vous d6tourneiai poinı, diı_il, mon_ sieur, des bont6s que vous avez pour celle que ie nommaı autreİois ma fille' et qui s,esı .endlie lnolgne de ce nom; de quelque cruauıe qu,il vous plaıse de m'accuser, je ne la porterai pour_ tant poinr jusque-l:i; nous ne lui connaissons d autre ıort que celui de son inconduiıe avec un mauvais sujet, qu'elle n,auraiı jamais dü regaroer; ceİte İaute esı assez grave i nos yeux. o"our qu'aprds s'en Ğtre souillğe, nous la condamnions a ne nous revoir de la vie. C6cile, dans les com_ mencernenİs_ de son ivr.esse, fuı avertie des suites tois par nous; nous lui prĞdimes ıout g ıır. Y": ce quı lui est arrivĞ, rien ne I'arr€ta; elle a mĞ_
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Iıs Cimu
Dorgeaille
de l'amour
dans_ce cas, ainsi que dans mille autres, on pr6_ tere des atrocit6s qui servent de voiles i des erreurs indĞguisables. Que les fautes l6gires n'imoriment
au'cune fleırissure aux coupabi-es,
po,i. .n."yellr ces mınuties, ceux qüi se les",oıit Dermises ne se plongeront plus dans un abime di maux... PrĞjugĞs__ıi part, oü donc est l'infamie pour une pauwe fiIle. qui, rrop livrĞe au sentimeit le plus narurel, a doub|Ğ son existence par excĞs de _oıi iensibilit€? De quel forfait est-elli coupableı sont en cela les torts effrayants de son ime ou de
sön esPrit? Ne sentira-t_on jamais que la seconde laute n'est qu'une suiıe de la premiĞre, qui elle-
m€me
ne saurait en €tre une. Quelle impardonnable contradiction ı on ğlövece sexe dans_tout ce qui peut dĞcider -rıi.r."..r* sa chute, et on le^tİĞtrit quand elle esı faiteI PĞres barbares! ne reİusez pas i vos frIles l'objet qui les int6resse; par un Ğgoisme alroce. ne les renbez p"' et...,.ilemenı les vıctlmes de votre avarice ou de yotre ambiıion: et, cĞdanı i |eurs penchanr, a""r ro. lors, ne voyant plus en vous que des amis, elles se garderont bien de commeitre les fauıes oü les contraignent vos refus; aıla' ,re ,ont dorra coupables que- par vous... Vous seuls imprimez sur Ieur front Ie sceau fatal de I'opprobre.i. Elles ont.6couıĞ la naıure' et vous Ia .lt.. ori "itl.r; dans tlechı sous ses lois, et vous les 6touffez vos imes... Vous seuls möriteriez donc le d6shonneur ou_la peine, puisque vous seuls €tes ."r*a a, mal qu'elles font' et qu,elles n'Ğussent jamais valncul sans vos (TuautĞs, les sentiments de oud.eur et de dĞcence que Ie CieI imprima d'ans
elles.
Duperrier confondu ne put s'empdcher de fixer ici Dorgeville avec des marques d'une 6tonnante surprise. < Q,poi ! monsieur, lui dit-il, un galant homme comme vous s'expose volontairement i tous les dangers d'une telle alliance? - A tous, monsieur; les tors de votre fille avant qu'elle ne me connüt ne peuvent raisonnablement m'alarmer : il n'y a-qu'un homme injuste, ou des pr6jug6s atroces, qui puissent regarder comme vile ou cofiune coupable une fille, pour avoir. aimö un autre homme avant qu'elle ne connüt son mari. Cette maniĞre de penser a sa source dans un impardonnable orgueil, qui, non content de mairiser ce qu'il a, voudrait enchainer ce qu'il ne poss6dait pas encore..; Non, monsieur, ces absurdit6s r6voltanıes n'ont aucun empire sur moi; j'ai bien plus de confiance en la vertu d'une fille qui a connu le mel, ct qui s'en repenı, qu'en celle d'une femme qui n'cııt jamais rien i se reprocher avant ses ırcııds; l'unc coniıait l'abime eı ı'Ğvite, ı'aure y souPçonne des feurs et s'y jette : encore une fois, monsieur, je n'attends que vore aveu. - Cet aveu n'est plus en notre pouvoir' rçrit fermement Duperrier; en renonçant i notre
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Les Cimes de I'amour
Dorgeülle
I
autorit6 sur C6cile, en la maudissant, en la d6savouanL comme nous I'avons fait, et comme nous condnuons de faire encore, nous ne pouvons conserver la facult€ d'en disposer; elle est pour nous une 6trangĞre que le hasard a plac6e dans vos mains...; qui devient libre par son İge, par ses d6marches et par norre abandon... de laquelle, en un mot, monsieur, il vous devient permis de faire tout ce que bon vous semblera. - Eh quoi! monsieur, vous ne pardonnez pas .i Mme Dorgeville les torts de Mlle Duper-
ıier?
- Nous pardonnons i Mme Dorgeville le libettinage de Cöcile; mais celle qui porte l'un et l'autre noms, ayant rop gridvement manqu6 i sa famille... quel que soit celui qu'elle prenne, pour se repr6senter i ses parents, ne sera pas plus reçue d'eux sous l'un que sous l'autre. - Observez-vous, monsieur, que c'est moi que vous insultez dans ce momenı-ci, eı que votre conduite devieırt ridicule h cöte de la d6cence de la mienne. - C'est parce que je lc sens, monsieur, que j'imagine que ce que nous avons de mieux i faire est de nous sĞparer; so1ez ıanı qü'il vous plaira l'6poux d'une catin, nous n'avons aucuns droits pour vous en empicher; ınais ne vous imaginez pas en avoir non plus qui puissent
I
nous
contraindre i. recevoir cette femme dans notre maison, quand elle I'a remplie de deuil et d'amertume... quand elle l'a souill6e d'infamies. > Dorgeville, furieux, se lĞve et part sans dire un seul mot. < J'aurais 6cras6 cet homme feroce, dit-il i Saint_Surin, qui lui prösente son cheval, si I'humanit6 ne me retenait, et si je n'6pousais demain sa fille.
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I
- Vous l'6pousez, monsieuT? dit Saint-Surin surpris. j oui, ie veux r6parer demain son honneur"' ie veux ddmain consoler I'infortune.
monsieur, quelle action 86n6reuse! Vous allez confondre la cnıaut6 de ces gens_ci,
- Ohl
vous allez rendre le jouı i la plus inforrun6e des filles, quoique la plus vemıeuse. Vous allez vous .o"-i.' a'.it . glbire immortelle aux yeux de toute la Province... ) Et Doiseville s'6chaPPe au galoP' De reör auprĞs de si prot6g6e, il lui raconte' avec les plus grands d6tails, I'affreuse r6ception ou'il a iue, e-t I'assure que, sans elle, il aurait a'ssu.Ğme.rt fait repentir Duperrier de son ind6cente conduite. C6cile le remercie de sa pru-
I
dirce; -ais quand Dorgeülle, reprenant.la ı"i aDD;nd qu'il es1' mal8r6 tout, decid6 ""."ü. l ı'eo.rr... li iendemiin, un trouble involontaire
saisii cette ieune fille. Elle veut parler"' Les mots exDirenı sı]r ses lĞwes... Elle veut cacher son .-b".ta..... Elle I'augmente" ' ( Moi, dit-elle, avic un ino<primable d6sordre... Moi! devenir voıre 6pouse"' Ah!monsıeur"' A ouel point vous vous iacrifiez pour une p?-uwe'filte.]. si peu digne de vos bontÖs Pour elle' mademoiselle, repriı - Vous eri €tes digne, ırop cnıellement faute une vivement Dorgeville; vous a raiığe' on dont punie eı par Ia maniöre faute qui ne une par vos remords, It olus encore qui vous puisque ceıui suiıe, .r.,r, or. avoir'de enhn faute plus, une n'existi i;" hit .o--"t,re vous a et esprit qu'i voıre mürir sert oui ne qu'oı vie' la de experience iaıale ..,,. dorrrr". .,ir.o.,ı.* iamais qu'i ses d6pens"' Une ıelle f",rı., dı'-ii, ne vous d6grade nullement i mes y"r*. Si ,6rt -e .toy., hit pour la r6parer' je
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m'ofte i vous, mademoiselle... Ma main, ma
m)ison... ma fortung tout ce que je possede eit
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votre service... prononcez. - Oh! monsieur, s'6cria C6cile, pardonnez, si l'excĞs de ma confusion m'en emp€che, devais-je m'attendre iı de telles bontds de votre part, aprds les proc6d6s de mes parens? Et comment voulez-vous que je puisse me croire capable d'en pouvoir profiter? - Bien 6loign6 de la rigueur de vos parens, je ne juge pas une l6gĞret6 comme un crime ; et Cette elTeur qui vous coüte des larmes, je l'efface en vous donnant ma main. ) Mlle Duperrier tombe aux genoux de son bienfaiteur; les expressions paraissent manquer' arıx sentiments dont son İme est pleine; au travers de ceux qu'elle doit, elle sait m€ler l'arnour avec tant d'adresse, elle enchaine, en un mot, si bien l'homme qu'elle croit avoir tant d'int€r€t İ captiver, qu'avant huit jours le mariage se cĞlĞbre, et qu'elle devient Mme Dorgeville. Cependant la nouvelle mari6e ne quitte point encore sa retraite, elle fait entendre i son 6poux que, n'6tant point raccommod6e avec sa famille, la d6cence Iioblige i ne voir que trös peu de monde; sa sand lui sert de prĞtexte' et Dorgeville se borne i son int6rieur et A quelques-uns de ses voisins. Pendant ce temps, l'adroite C6cile fait tout ce qu'elle peut pour persuader i son mari de quitter le Poitou: elle lui repr6sente que dans l'6tat des choses, ils ne pourront jamais y 6tre l'un et l'autre qu'avec le plus grand dĞsagr6ment, et qu'il serait bien plus d6cent pour eux d'aller s'6tablir dans quelque province 6loign6e de celle oü l'Ğpouse de Dorgaıille a reçu de toutes parts tant de d6sagr6ments et d'outrages. Dorgeville goüte assez ce projet; il avait m€me
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Dorgeaille
Les Cimes de I'amour
6crit i un ami, qui demeurait auprĞs d'Amiens' de lui chercber dans ces environs une campagne aller finir ses jours avec une jeune perii ",ı "c,, et quı' son',J ,imable qu'il venait d'6pouser' Polıou en brouill6e avec ses parents' ne rouvaıt a s'en contraignaient la Jtrg.'".'q"ı
;;;1;;
Ğloigner.
o'n anendait la r6ponse ir ces n6gociations' que
lorsoue Saint-Surin arrive au chiteau: avant il maitresse' ;;.:;.;;6*"ter i son ancienne de le la Dorgeville t Permission ;;;;J;;; saluer: on le reçoit avec satısİacfion' '"T,ın,-;;;';ülue la chaleur avec Iaquelle il sa a oris les inı6r€ts ile Cğcile, lui a taıt Perdre eı bonığs ses P-renore ollce. ou'il vient r6clamer "J'.iı. avant d'aller chercher fortune
:;;
ailleurs.
Vous ne nous quitterez point ı' dit Dorge(et ville. Ğmu de compassion' et ne voyant dans agTeaote homme qu'une empleııe d'autant plus i faire, qu'elle plairait certainement a sa temme: lı
n .'.r.r.
,ow ne nous quitterez point ı:
et Dorge-
su;eı ville formanı aussitöt de ceı Ğv6nement un
surprise pour celle qu'il adore' n'entre chez C6iile qu-en lui prĞsentant .saıntSurin oour premier domesıique de sa maıson' ıvımi Doiseville, touchöe iusqu'aux ıarmes' loıS de embrasse aoi €po'*, le remercie cent .;,,; ;;J;;";i.ntion, tt temoigne devant.lui
ir,iri
a"
l .. ,rıİi'..;uien elle est sensible ) l'atmcheelle' on i'..r, oı.-r'iı a touiours conserv6 pourDuperrıer; ,'".,t..,i.n, un injtant de M' et Mme iil;-;;.; let p.i"t tous les deux sous les Jo., ,.rit. de rigueur qui les a caracıöri#s J"'oo.s*illğ eı l'on ne s'occupe plus
'l"* d6part' h., oroieıs d_'un prompt 'öıaient arriv6es ıis iouvelles
arıx que
d'Amıens; on
-I i
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Les Crimes de I'amour
avait Posiüvement fouvö ce qui convenaiı et les deux 6poux etaient a, mom.nt d,aller oien_ dre possession de cette demeure, lorsoue i,6r6_ nemenı" Ie moins attendu eı le plus cjırel. ri.rt ouwir les yeux de Dorgev;ııe, ait.rire.a_'ru"l quıllıte' et d6masquer enfin I'infime cr€aıure quı l'abusait depuis six mois. Tout..etaiı ca'ıme et conıent au chiteau; on venait d'y diner en paix, Dorgeville ,; di_;. aosotument seuls ce jour_la, s'enretenaient ", en_ sembte dans leur. salon, avec ce doux repos du eprouvö sans crainte et sans rehords, :_o"T*. par Dorgeville, mais non pas senıi pr. ,. f"--" aVeC autant de Puretö, sans doutel le bonheur n-est pas lail Piour le crime; l'ötre assez dğorav6 pour en avoir suivi ia carriĞre Peut reindre l',heureuse. tranquilliıö d'une belle ime, mais il en JoUıl blen raremenı. Tout a coup un bruit a{Ireux se hit entendre' Ies p^orres s'o,l'-enı avec fracas, şaınt-surin' dans les [ers, parait au mi|ieu d'une troupe de cavaliers de ' mar6chaussĞe, dont de^ quaıre hommes, se jette sur lT9'-Ptquisuıvi CĞole veut fuir, la retient, eı sans aucun e€ard'_ nı Pour ses cris' ni pour les representaıons de Dorgeville, se pröpire i l'entrjiner surie-champ.
ıt Monsieur... ,larmes, au nom
qıo1sıerır. s'öcrie DorgevilIe en du Ciel. ecoutrz_moi..."oue a laıt^ cette dame, et oü pritendez_vor.'L vous con_ o]ı.ıTe/. lg-norez-vous qu'elle m'apparıient, eı que vous etes dans ma maison. _ Monsieur. röpondit l'exempı un oeu olus ıranguille en'se voyant maiıre de ses deu'* pröies, le Plus gTand malheur qui puisse etre arriri6 jı un aussr.honnete homme que vous est assurement o avoır epousö cette Criature; mais le titre qu elle a usurpĞ avec auıanr d,inhmie que
Dorgeıille
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d'impudence ne peuı la garantir du sort qui I'anend... Vous me demandez oü ie la conduis? A Poiıiers, monsieur, oü d'aprĞs l'an€t prononcĞ conıre elle i Paris' eı qu'elle a Ğvitö iusqu'iı Presenı Par ses ruses, elle sera demain brülĞe vive avec soll iıldigne anıaııt que voici >, continua l'exempt en montrant Sainı_Surin. A ces funeste paroles, les lorces de Dorgeville l'abandonnenı; il ıombe sans connaissance' on le secourt; l'exempt, sür de ses prisonniers, aide lui-möme aux aıtentions qu'exige ce malheureux epoux. Dorgeville reprend ) la fin ses sens... Pour C6cile, elle €tait assise sur une chaise, gardee comme criminelle dans ce salon, oü, une heure avant, elle r6gnait en maitresse... SaintSurin, dans la möme position, Ğtait i deux ou rois pas d'elle, resserr€ aussi 6troitement, mais bien moins calme que Cöcile, sur le front de laquelle on n'apercevait nulle altöration; rien ne troublait la tranquillitö de cette malheureuse, sgn ime, faite au crime, en voyait la punition sans effroi.
< Remerciez le Ciel, monsieur, dit-elle ir Dorgeville; voil) une aventure qui vous sauve lejour; le Iendemain de notre arrivöe dans la nouve|le habitation oü vous comPıiez vous Ğıablir, cette dose, continua-t-elle, en jetant de sa poche un paquet de poison' Ğtait mĞl6e dans vos aliments, er vous expiriez sü heures aprĞs.
Et prenant la main de Franval qu'elle appuyait contre son ccur : < Tiens, tiens, ie les sens toutes lir, continuaitelle.
- que tes tendres caresses m'en assurent >, röpondait Franval, en la pressant daı'ıs ses bras... Ei le perfide achevait ainsi, sans aucun remords, la seduction de cette malheureuse. Cependant Eug6nie atteignait sa quatorziöme
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Lıs
ann6e, ıelle 6tait l'6poque oü Franval voulait consommer son crime. Fr6missons !... Il le fue
j9u1 mĞme qu'elle arrive a cet ige, ou .' _Le celui pluıöı qu'il esi revolu' se ırouvant tous deux i la camPagne' sans Paren(s eı sans impor-
(uns'. le comte, aprös avoir fait parer ce joıir-lİı sa fille comme cei vierges qu'on'consacraİt iadis au temple de VĞnus, la fit entrer sur les l l hiures du .marin-dans un salon voluptue ux dont les iours
eaıenı adoucis par des gazes, et dont ıes meiıbles ötaient jonchös de fleurs. Un tröne de roses s'ö|evait au milieu; Franval y conduir sa fille. < Eugönie, Iuı dir-il en l'y assevant. sois auiour_ d'hui la reine de mon cceui, eı laisse-moi ı.aüorer
i
genoux.
- Toi m'adorcr, mon frire, pendanr que c'est moi qui te dois ıout. que c'esı töi qui m'is crĞöe, qut m'as |ormöc... Ah ! laisse-moi pluıöt ıomber ir tes pieds; c'esr mon unique pljce, er c'esr la seule aspıre avec toi. _ O-ou.;ma tendre EugĞnie. dit le comre, en se plaçanı prĞs.d'elle sur ces siöges de fleurs qui oevalenı servlr a soıı triomphe, s'il est wai oue ıu me doives quelque^chose,'si les sentiments jue tu me ıĞmoignes' enfin' sonı aussi sincöres o'ue ıu le dis, sais-tu les moyens de -'.n .orrrrirrcieı Et sont-ils,'mon fröreP Dis-les-moi . .quels donc bıen vlte Pour que je les saisisse avec
empressemenL
-,Tous
ces charmes, EugĞnie, que la nature a
Prodıgues dans ıoi, ıous Ces appas dont elle cembellit, il faut me les sacrifier i'ı'irrrt rrt.
-
Eughie fu Franoal
Crimes de !'amour
Mais que me demandes-tu? N'es_ru donc oas
le maıtre de tout? Ce que ıu as fait ne t'aoo'arıient_jl pas, un peui_iı iouir de ıon ouvirige? "ut.. les pğugĞs _ Maıs tu conçois des hommğ...
_ Tu
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ne ırie les as Point dö8uis6s.
- Je ne veux donC pas les franchir sans ton
aveıL
_ -
Ne les möPrises-tu pas comme moi? Soiq mais je ne veııx Pas 6tre ton tyran, bien moins encore ton s€ducteur; je veux ne tenir que de I'amour seul, les bienlaits que je sollicite. Tu connais le monde, je ne cai dissimulö aucun de ses attrais. Cacher les hommes İr ıes regards, ne Cy laisser voir que moi seul, {irt devenu une supercherie indigne de moi; s'il existe dans I'univers un ötre que tu me pröfEres, nomme-le prompıement, j'irai le chercher au bout du monde et le conduire h l'instanı dans tes bras. C'est ton bonheur en un mot que je veux, mon ange, ton bonheur bien plus que le mien; ces plaisirs doux que tu peux me donner ne seraient rien pour moi, s'ils n'6ıaient Ie prix de ton amour. Döcide donc, EugĞnie. Tu touches i l'instant d'6tre immol6e, tu dois l'€tre. Mais nomme toi-meme le sacrificateur, je renonce arrx voluptös que m'assure Ce dtre si je ne les obtiens pas de.ton ime; et,. toujours digne de ton ccur' sr ce n'est Pas mol que tu Preıeres' en t'amenant ceıui que tu Peux chĞrir, j'aurai du moins mĞritö ta tendresse, si je n'ai Pu caPtiver ton c(Eur; et je serai l'ami d'EugĞnie, n'ayant pu devenir son amant. - Tu seras toua, mon hĞre, ru seras tout, dit Eug6nie, brülant d'amour et de dösir. A qui veırxtu que je m'immole, si ce n'est i celui quej'adore uniquement ! Quel €tre dans l'univers P€ut ötıe plus digne que toi de ces faibles atraits que tu ilesires... er que döjİı tes mains brülantes parcourenı avec ardeur ! Ne vois-ru donc pas au leu qui m'embrase que je suis aussi pressÖe que toi de conrıaiıre le plaisir dont tu me parles? Ah! jouis, iouis, mon tendre frĞre, mon meiııeur ami, fais
176 de
Les Crimes de I'amour Eug6nie
a vicıime; jmmolöe par
Euglıie de Franıal
elle sera toujouri,.;;h".;;.; "''"', L ardenı Franval qui, d,aprĞs ie caractĞre oue lro'us lu! connaissons. ne s'6tait ParĞ de ıant,rle qye pouJ sĞduire plus h.,.rn.nt, ,brr" ::]|_._1,...: d9 Ia credulitö de'sa fille' ,or' :l*n,",, oDsIacles ecartğs, ıanr par les principes ", donıi.,il avalt nourrl cette ime ouverte ir toutes sorıes (] lmPresslons, que par I'arı avec lequel il la can_ tlvalr en ce dernier insıant, il achü sa oerfiİ" conque(e. et devinı Iui_m€me impunĞ'ri..,, l" oes(ru(teur d,une virginiti dont la.nuıur. .ı ılıres lui avajenı confi6 la dĞfense. '., Plusieurs joürs se passörenı dans une iwesse en' ige de connaitre ı. İ},ll:T^.l;g::ic' Pı.;; u( l.amour' encouragöe par ses svsıöm6s_ .'., ll\,Talt avec emPortemenl Franval lüi upp'ii tous l€s mjsıöres' il iui en traça "" rolier; ıoutes ie. plus il multipliaiı ses hommages' mieux enchii_ naıı sa.conquöıe. Elle aurai] uorl l.il ,..*oi. cans milie ıemples ) la fois, elIe u._'ri, i'l-riinatıon de son ami de ne pas s,6garer assez; ıt'İui semblair qu'il Iui cachaiı'q.aqJ. .ı,"'.. iıi.'il de son ige. a'ri. i'1g*"ii6 ;üil: 9.laignaiı ", assez s6duisante; 13. rendait pas İtI9 iı s,i elle "9 desirait 'ıon chö1ies'
d'ötre.pIu^s' instruite,
tes
mains
.;Ğ;_;;;'q;.;;:
d'enflammeruon .mani n. pi..*.,t f:,.:_T"yg., lur rester ınconnus*.
i Paris. mais les criminels plaisirs ,^9İ s.Iİ^,l, u(rİlt eullt enıwğ Cet homme pervers avaient trop dĞlicieusemenl flaıtĞ .". rr.[ıJpıi.,q""; eı que l'inconstance qri .6;i;i; ,mo-rales, Pour orolnalrement toutes ses autres ıntrıgues, püt tırıser les nceuds.de celle-ci. Il a*i"i ,Tor.9r}'. eı de cetıe dangereuse ei?"j"-5"i naiıre in6viıablement le plu"s ...ı"ı phssion drt ibu.,Jo., T.
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şa femme... Quelle victime, h6las! Mme de Fran_ val. igĞe pour lors de trenıe eı un ans' eait ). Ia fleur de sa plus grande beautö; une impression de tristesse in6vitable d'aprös les chagrins qui la consumaient, la rendait plus int6ressante cncore; inond6e de ses larmes, dans I'abattement de la m€lancolie, ses beaux cheveırx nögligemment 6Pars sur une gorge d'albitre, ses lövres amoureusement empreintes sur Ie porırait ch6ri de son infidöle et de son ryran, elle ressemblait ) ces belles vierges que peignit Michel-Ange au sein de la douleur; elle ignorait cependant encore ce qui devaiı complöter son tourTnent. La façon dont on insıruisait Eugenie. les choses essenıielles qu'on lui laissaiı ignorer, ou donr on ne lui parlaiı que pour les lui fajre hair; la certiıude qu'elle avaiı que ccs devoirs' m6prisös dc Franval, ne seraienı jamais permis İı sa fille; le peu de ıemps qu'on lui accordaiı pour voir cette jeune personne, la crainte que l'öducation singrıliöre qu'on lui donnait n'entrainİt töt ou tard des crimes, les 6garemens de Franval enfin, sa duret6journaliĞre envers elle..., elle qui n'ötait occupĞe que de le pr6venir, qui ne connaissaiı d'autres charmes que de l'intĞresser ou de lui plaire; ıelles 6ıaient jusqu'alors les seules causes de son affiiction. De quels traits douloureux ceııe ime tendre et sensible ne serait_elle pas pöneır6e, aussitöı qu'elle apprendrait tout ! Cependant l'6ducation d'Eug6nie continuait; elle-möme avait d6sir6 de suiıre ses maıres jus_ qu') seize ans, eı ses talents, ses Connaissances öıendues, les grices qui se döveloppaienı chaque jour en elle' ıouı enchainait plus fbrtemenı Franval; il itait facile de voir qu'il n'avaiıjamais rien aimö comme Eugönie. On n'avait chang6 au premier plan de vie de
Iıs
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Cimcs de l'amoar
Mlle de Franval oue le ıemps des ces_ ıĞre-i-töte
ari..on
Euglnie dc conferences;
pere se renouvelaient
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$;;HL. liii "!: eaıı au..laiı de touıe I'inıiigue, ., ı,""."r"iri,
sur elle, pöur ne point redJuter ll v avaiı aussi quelques chandans les ref as d'Eug6nie,, .ı ıJ 9.::.ıl1 -rn gJri, avec ses parents. Ccıte circonshnce drna "une maıson comme celle de Franval mit bientöi E'ggĞnie iı port6e de connairre d, o etre, desırĞe pour 6pouse. r|le fut -";;.__;; demandöe qar plusıeurs Personnes. Franval certain d, cer. oe sa te, et ne croyant point devoiruedorter ces dĞmarches, n,auaiİ oor'.,, .::: ff : ;,jİfi1..:1: :::. Peut-etre a tout dĞvoiler. .,Dans Uh€ conversation avec sa fille, faveur si dĞsir6e de Mme de Franval et qr'"ıı. ,i rarement' cette tendre möre apprit.:ı "b,..ri, eugJ"; que-M. de Colunce la voulait en marıage. ıt Vous connaissez cet homme, - -.- 6ııa, dit Ivtme.
j9|idement ||s-e son tndtscreıton.
;ffiçt
fiöffi
.de Franval; il vous aime, il sera riche, il
aimable;
qr: voıre unique i]_lr.. sera ma reponsei ı
iı ." lJui._ ;;;T; "i;j'ma fiıı;... aveu, queıı;
Eugenie, surprise, rougit eı rğpond ou,elle ne.se sen( encore aucrın goüı poui Ie mai-i.o._ c, on peut consulıer son 'pere; elle n'aıİra oTr|. autres volontğs que les sienııes. Mme de Franval'ne voyanr rien que de simole , :1L: _..".enhn Ieponse. patienta quelqles fours,'er l'occasion d,en parlir :, .irn ITP^"Y"ı, -r.i' crle Communiqua les inıeniions de la famille .lul J9"n9 Col.unce et celles que lui_m6me avaii 1l [emolgnees' joignir la iöponse de sa frlle. .elle. y rJn ımagıne bien que Franval savait tout;
Fıaıaal
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mais se d6guiser Eans se contraindre nöanmoins assğz
:
Madame, diıil sechement İ son 6pouse, je vous dernande avec instance de ne point vous m6ler d'Euçnie; aux soins que vous m'avez rır prendre ir l'öIoigııer de vous, il a dü vous Ğrre hcile de reconrniare combien je dösirais que ce qui la concernait ne vous regardit nullement. Je vous renouvelle mes ordres sur cet objeı... vous ne les oublierez plus, je m'en flarte? _ Mais que röpondrais_je, monsieur' puisque c'est iı moi qu'on s'adresse? - Vous direz que je suis sensible i I'honneur qu'on me fait, eı que ma fiIle a des dğ[auts de naissance qui s'opposent aux nceuds de I'hymen. - Mais, monsieur, tes dehuts ne sonı poinı rĞels; pourquoi voulez_vous que j'en impose' et pourquoi priver voıre fille unique du bonheur qu'elle peut ırouver dans Ie mariage? - Ces liens vous ont-ils rendue fiort heureuse, madame? - Toutes les femmes n'ont pas les torts que j'ai eus, sans doute, de ne pouvoir reussir a vous enchainer (et avec un soupir), ou tous les maris ne vous ressernblent pas. _ Les femmes... fausses, jalouses, impörieuses, coqueates ou dĞvoıes... Les maris, perfides, inconstants, cnıels ou despotes, voilİı l'abr6gö de tous les individus de la ıerre, madame; n'esp6rez Pas trouver un phönix. _ Cependant ıout le monde se marie. - Oui, les sots ou les oisifs; on ne se marie jamais, dit un philosophe, que quand on ne saiı ce qu'on fait, ou quand on ne sait plus que laire - ll hudrait donc laisser pörir l'univers? - Autant vaudrait; une plante qui ne produit que du venin ne saurait ötre extiiT€e troP töL
Sade rĞpond li i ceux qui pr6tendaient que les cruvres de Mme de La,Fayette devaient tour i Seşais ou i La Rochefoucauld). Le troisidme courant que l'on peut distinguer
dans la nouvelle classique, celui dıı rğalisme d'un Donneau de VisĞ, par exemple, dans ses Nouvelles galafuıe' et comiqucs, Sade en ParticiPe aussi, mais plus dans les textes prösentĞs sous Ie titre dozrrJ ,l FatrLiaux que danş les rĞcits que nous prğsentons ici: ils appartiennent bien Ğvidemment i la tradition historique, ıragique er ga|anİe. Julictte ct Bdunai se situe dans un contexte historique prdcis: celui de la Conspiration d'Amboise; La..rencc et Antonio eorraine le lecteur en Italie, au temps de Charles Quint. Mais Eugenie de Franıal se passe i l'€poque conıem_ poraine. Sade n'a garde d'oublier les ressources qu'il peut tirer de la f6erie, ainsi dans le conte Rodiguc ou la Tour enchaıtİe, et de la nouvelle noire importĞe d'Angleterre pour Mi's Hcrıictİe sı'aısorı' Si l'on ajoutaiı encore la diversiĞ des tons pratiqu€s sur le regibtre comique dans les Contes ct Fabliaux, on aurait une id6e de l'extr€me richesse, de la variĞtĞ de Sade nouvellisıe. Cette ampleur de Ia gamme que lui offre Ie r6cit
bref, Sade en .est parfaitement conscient, lui qui, comme nous I'avons vu, voulait, dans son projet primitif, alterner le tragique et le comique, et qui, en tout cas' dans ses Crizız.ı dı (aıınıı, prend la peine de sous-ıitrer, Po\|f Juıieııe el Rauıni: < nouvelle hisıorique ı, Pou., l,e corntc de Sanccrıe : < anecdote de la cour de Bourgogıe ı tandis qu'il appel|e Rodiguı < conte all6gorique )), er que seu|e Eugmie dı Franıat a droit au terme de < nouvelle tragique ı. Quanı aux nouvelles donı le sous_titre indique plutöt une localisation gĞographique (anglaise, italienne,
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Commmtahes et [claircissemtnts
Sade
su6doise), elles n'excluenı pas cependant une ref6rence un genre; la nouvelie anglaise n'ayant pas la m€me structuıe de base que la nouvelle italienne.
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Passion et cıuaut! dans
a Lıs Crimes de l'amour
>
Le sadisme des Ctiınes de I'amoıır est tout psycho_ logigue. Peu ou pas de violence physique; pas de description €rotique, ni m€me d'jllusions tant soit peu scabreuses. Sade est bieıı loin du libertinagc l6ger. Ce qui frappe ici, c'est le tragique et la passion
:
la passion, passion tragique, La vraie cruautĞ de Sade s'exerce i propos des İmeş, beau_ coup plus encore que des corps, et d'aurant que les 6mes sonı hauıes et passionnĞes' Ainsi dans Emcstine , Sade prĞfĞre dĞcrire la souffrance de l'hĞroine qui voit d'une fen€tre son amant d€capit€ que la torture tragique de
du malheureux sur l'€chafaud. Et, plus loin
dans
la nouvelle, la vraie souffrance n'est pas chez Ernes-
tine transp€rc6e par une ip€e, mais chez Sanders qui s'aperçoit bnrsquement qu'il a tu6, sans le savoir,_sa propre fille. L'arr de Sade dans Zer Crizcı consiste, non i peindre des scĞnes de violence - il veut ici passer outre _ mais i crĞer des situations v€ritablement torturantes.
Pour que ces douleurs soient parfaites, exquises li point Ie pluj aigu d'une douleur diffuse), il hut que les €tres mis-i la torture aient un sens de l'honneur, et surtout une passion d'absolu, qui ne suppoite pas les compromissions. Des nouvelles de Sade sourdent non les hurlements des suppliciĞs, mais un trĞs beau et rös (au sens oü les m6decins dĞsignent
profond chanı de l'amour pa:sion. on glanerait ıour le long du rexıe ces diclirations de ü passion la plus violente: rr Elle sonne, cette heure funeşte du döpart; pour deux ccrurs vĞritablement 6pris, quelle diff6rence y a_ı_il entre celle-li et l'hiure je la mort?,) ( Pour des cceurs vĞritablement 6pris ı: li est le secret de la cruautĞ de Sade, et non dans le raffinement de tel ou rel supplice. Mais il faur que
les ccurs soient
ils le sont