Les corridors Vers un troisième
écologiques
temps du droit de la conservation
de la nature?
(Ç) L'Harmattan, 5-7, r...
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Les corridors Vers un troisième
écologiques
temps du droit de la conservation
de la nature?
(Ç) L'Harmattan, 5-7, rue de l'Ecole
2008
polytechnique,
75005
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo. harmattan 1@wanadoo. fr
ISBN: 978-2-296-05581-0 EAN : 9782296055810
fr
Paris
Marie Bonnin
Les corridors écologiques Vers un troisième
temps du droit de la conservation
Préface de Jean-Pierre
L'Harmattan
Beurier
de la nature?
Droit du patrimoine culturel et naturel Collection dirigée par Marie Cornu et Jérôme Fromageau Cette collection initiée par le groupe de recherches «Droit du patrimoine culturel et naturel» a pour but de développer et enrichir la réflexion sur les objets et modes de protection dans le domaine du patrimoine culturel et naturel. Les questions que soulèvent la conservation, la circulation, la valorisation du patrimoine sollicitent, en effet, ces deux disciplines. Le contexte d'un monument historique, son environnement, le paysage dans lequel il s'inscrit sont souvent essentiels à sa mise en valeur. Le droit de la culture et le droit de l'environnement développent cependant des concepts propres. Ils ne sont pas toujours en accord sur les méthodes et les moyens de protection, d'où l'intérêt de la confrontation et de la comparaison des ressources tirées de ces deux dispositifs. C'est pourquoi la réflexion doit se renouveler sur les concepts fondamentaux du patrimoine sur la délimitation des éléments qui méritent protection, des outils qu'il faut nécessairement adapter. Dans la compréhension des différents mécanismes et l'ouverture vers de nouveaux modèles, le droit comparé est essentiel, ainsi que le droit international.
Déjà parus Marie CORNU, Jérôme FROMAGEAU (sous la direction), Archives et Patrimoine, vol. I et II, 2004. Marie CORNU, Jérôme FROMAGEAU (sous la direction), Archives et Recherche, 2003. Marie CORNU, Marie-Agnès FERAUL T, Jérôme FROMAGEAU (sous la direction), Patrimoine architectural, urbain et paysager: enjeux juridiques et dynamiques territoriales, 2003. Annie HERITIER, La genèse de la notion juridique de patrimoine artistique, 2003. Marie CORNU, Jérôme FROMAGEAU (sous la direction), Le patrimoine culturel et la mer, 2002. Marie CORNU, Jérôme FROMAGEAU (sous la direction), Genèse du droit de l'environnement, 2001. Marie CORNU, Jérôme FROMAGEAU (sous la direction), Fondation et trust dans la protection du patrimoine, 1999.
Pour Çyrille) en souvenir de son engagement enfaveur de la protection de toutes lesformes de vie et pour cettepassion qu'il a su me faire partager
Remerciements à Jean-Pierre Beurietj pour la qualité de son écoute et ses avis éclairés à ma famille) mes amis et tous ceux qui m'ont aidé par leur présence) leurs conseils et leurs encouragements
Préface La nécessité de protéger la vie sauvage est apparue assez tôt et est devenue au xxe siècle l'un des piliers du droit international de l'environnement. Mais les États, qui en matière d'environnement réagissent toujours à chaud et a minima, se sont le plus souvent contentés d'instaurer une protection spécifique de l'espèce menacée contre les atteintes anthropiques par des interdictions de chasse, de capture, de transport ou de vente, sans tenir compte de ses besoins vitaux. Ce n'est que tardivement que le législateur a pris en compte l'équation: écosystème = biocénose + biotope; c'est alors que la protection de l'espace est devenue une préoccupation tout aussi importante que la préservation de l'espèce. Les zones protégées de diverses natures juridiques se sont multipliées non plus seulement du fait de leurs qualités esthétiques, historiques ou pittoresques, mais bien en tant qu'espace vital au maintien des espèces cibles animales ou végétales. C'est ainsi que furent protégées des zones de nourrissement, des zones d'hivernages, des aires de repos des migrateurs, des zones de reproduction. Selon cette nouvelle perception de la nature, le droit ne se contentait plus de protéger les oiseaux utiles à l'agriculture (paris 1902), mais protégeait des biotopes particuliers comme les zones humides (Ramsar 1971), ou bien un ensemble écosystémique à l'échelle d'un continent comme la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe, (Berne 1979). De parcs en réserves naturelles, d'habitats préservés en aires marines protégées, le droit international comme le droit national ont créé un ensemble de « taches» où l'homme a plus ou moins réduit ses activités, ou même il a restauré puis entretenu un certain état de la nature afin de faciliter les relations des êtres vivants avec leur milieu. Cette vision écosystémique représente une avancée certaine dans les relations entre l'homme et la nature: la vie sauvage était reconnue comme possédant une valeur intrinsèque, la nature n'était pas uniquement au service de l'homme, et celui-ci avait en conséquence le devoir de partager la Terre avec les autres formes de vie. Cette évolution, pour intéressante qu'elle fut, ne représentait cependant qu'une étape. En effet, la politique des espaces protégés conduisait à créer des « îlots» de nature au milieu d'un « océan» urbanisé et industrialisé. La question des isolats biologiques n'avait jamais été évoquée par les juristes; lorsqu'en 1972 les Principes de la déclaration de Stockholm avaient été rédigés, la question fondamentale du maintien de la faune et de la flore sauvages n'avait été envisagée comme essentielle que pour le développement écono7
Les corridors écologiques
mique (principe 4) et le problème de la préservation des plasmas germinatifs tout comme celui des ressources génétiques n'étaient soulevés que pour maintenir les capacités de production de la planète (recommandation 43). Il faut attendre la Charte de la Nature, adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le 29 octobre 1982, pour que la préservation de la diversité génétique et le maintien des différents types d'écosystèmes soient abordés au nom de la valeur intrinsèque de la nature. Les écologues avaient depuis longtemps attiré l'attention des pouvoirs publics sur les dangers des isolats naturels enfermant des populations et de ce fait, limitant les brassages génétiques au détriment de la survie des espèces endémiques. Des observations et même des expériences avaient été faites sur des « chemins» susceptibles de relier entre eux les espaces protégés afin de désenclaver les espèces, de permettre leur déplacement et donc un brassage minimum des gènes. On citera parmi les plus intéressantes ou les plus surprenantes de ces voies de liaison: les berges des fleuves, les bermes des routes, les haies des bocages et même les ballasts de voies ferrées. Tous les espaces de liaison furent qualifiés de corridors biologiques, qu'ils servent à la reproduction, aux migrations, à l'hibernation ou à la dispersion des espèces. L'utilité de ces corridors au plan biologique n'est plus à démontrer, mais on constate d'emblée que le développement de tels espaces linéaires va se heurter à de nombreux impératifs géographiques, sociaux, économiques et donc juridiques. Le concept même de corridor va s'opposer à ceux de frontière et de territoire et vient s'ajouter à une cartographie administrative et économique déjà complexe sur des territoires anthropisés : le corridor biologique va générer des conflits de compétences et d'intérêts. On comprend ainsi que ce concept ne pouvait que susciter l'intérêt du juriste. Marie Bonnin, spécialiste de droit de l'environnement, a eu l'idée dans cet ouvrage de confronter cette théorie issue de la biologie des populations aux principes juridiques. Il s'agissait d'inventorier les conflits, d'étudier la possibilité d'instaurer une coopération dépassant les frontières et de superposer des régimes juridiques dont les objectifs sont souvent opposés. L'auteure a recherché aussi bien les mesures contraignantes que non contraignantes, a inventorié l'ensemble des acteurs concernés et a étudié les réactions juridiques à la fragmentation des habitats naturels. Marie Bonnin a ensuite recensé les initiatives à tous les niveaux de compétence: locales, nationales, internationales et a prouvé une progressive intégration des corridors dans le droit positif, marquant ainsi un troisième temps dans la conservation de la nature. Son raisonnement s'articule autour de quatre constatations, tout d'abord l'émergence d'une coopération internationale autour des habitats naturels, 8
Préface
ensuite la recherche d'une réelle conciliation entre activités anthropiques et habitats naturels, en troisième lieu l'intégration des corridors à tous les niveaux de création de la règle de droit, enfin l'auteure démontre que les corridors sont un facteur d'aménagement durable de l'espace. Marie Bonnin conclut son ouvrage en faisant remarquer que le droit de la conservation de la nature relevait essentiellement d'une approche verticale de l'État sur son territoire où il édictait des normes coercitives; au contraire la mise en place de corridors biologiques semble relever de ce qu'elle qualifie de « désordre» car les mesures de nature juridique différentes relèvent tantôt d'une approche ascendante, d'autres sont établies au plus haut niveau dans une approche descendante et les outils juridiques utilisés sont tous différents. Ainsi les corridors relèvent d'une nouvelle approche tant écologique que juridique, preuve d'un dynamisme de la discipline pour la grande cause qu'elle entend servir. L'ensemble du travail qui nous est livré, outre son aspect novateur, fortement synthétique et très rigoureux, présente incontestablement un intérêt tant théorique que pratique faisant qu'il dépasse nettement le seul intérêt des juristes, mais qu'il s'offre à la réflexion des chercheurs des sciences exactes, des élus comme des aménageurs. Si l'on ajoute à cela une incontestable qualité d'écriture, on comprendra que sa lecture est non seulement intéressante mais également agréable. Enfin, je conclurai ce propos en disant que le suivi de cette recherche, qui permit à Marie Bonnin de montrer sa persévérance, m'a donné l'occasion de découvrir une chercheuse de grande qualité, passionnée et donc passionnante, ainsi qu'une personnalité forte et attachante. Que ce travail soit le début d'une longue et belle carrière au service de l'environnement! Jean-Pierre Beurier
9
Sommaire Préface
7
Introduction
13
Chapitre préliminaire - Approches scientifiques des corridors écologiques
25
Première partie Les prémices de la prise en compte des corridors par le droit Titre 1 L'émergence d'une coopération internationale autour des habitats naturels Chapitre 1 - La coopération internationale dans les zones protégées 49 Section 1 - Les réseaux de sites, une coopération des gestionnaires d'espaces 50 Section 2 - La coopération transfrontalière dans les zones protégées 60 Chapitre 2 - La coopération internationale en dehors des zones protégées Section 1 - La coopération transfrontalière des collectivités locales
77 77
Section 2 - La coopération interétatique pour une défragmentation des habitats naturels 88 Titre 2 La recherche d'une conciliation entre les activités anthropiques et les habitats naturels Chapitre 1 - Agriculture et sylviculture, vecteurs d'une défragmentation ? Section 1 - Des premières mesures agri-environnementales aux réformes de politiques agricoles: la prise en compte des éléments du paysage Section 2 - La mise en place des corridors au travers de politiques forestières durables Chapitre 2 - Infrastructures écologiques et infrastructures de transport Section 1 - Atténuer l'effet de coupure 11
99
101 109 117 117
Les corridors écologiques Section 2 - Utiliser les infrastructures pour mettre en place des corridors Conclusion
de la première
linéaires
128 135
partie
Deuxième partie La reconnaissance juridique des corridors Une reconnaissance
Titre 1 au niveau international
Chapitre 1 - Les éléments conventionnels relatifs à la protection des corridors
141
Section 1 - Une reconnaissance implicite par des conventions mondiales
141
Section 2 - Les conventions régionales
149
Chapitre 2 - Les éléments non contraignants relatifs à la protection des corridors Section 2 - Une reconnaissance communautaire limitée Titre 2 L'intégration des corridors dans les droits nationaux Chapitre 1 - Différentes approches du concept de réseaux écologiques Section 1 - La reconnaissance des corridors par une loi
159 173
189 193
Section 2 - La protection juridique des corridors, signe d'une modernisation de l'aménagement de l'espace
201
Chapitre 2 - Le rôle de mise en œuvre des autorités locales
215
Section 1 - Les corridors dans les documents de planification locale Section 2 - Des mécanismes négociés
215 226
Conclusion de la deuxième partie
235
Conclusion générale
237
Liste des conventions internationales citées
241
Bibliographie
245
Index
263
Table des matières
265 12
Introduction « Faisons un rêve ». C'est ainsi que Cyrille de IZlemm intitulait un article sur la conservation de la nature dans la revue Naturopa\ il y a quelques années. La conservation de la nature est mise à mal par bien des éléments, la plupart de nature anthropique, et les efforts réalisés ne suffisent pas à enrayer le déclin de la diversité biologique. Dès lors, adopter une attitude pessimiste est certainement la position la plus réaliste dans le domaine de la conservation de la nature. En effet, l'engouement accordé à l'automobile devrait permettre une desserte plus rapide et plus sûre des villes traversées par les infrastructures linéaires, mais provoquer aussi des nuisances multiples sur l'environnement. Outre le cortège de nuisances sonores et chimiques qui accompagne le développement du réseau routier, celui-ci contribue aussi pour une grande part à l'isolement et à la destruction des milieux naturels. De même, et pour ne citer que ces quelques exemples, l'accroissement de l'urbanisation et le maintien d'une agriculture productiviste contribuent à l'altération de l'environnement. C'est ainsi que malgré des avancées, le droit de l'environnement a été présenté, à raison, comme un « droit de détruire» par Martine Rémond-Gouilloud2. L'optique choisie ici est résolument inverse non pas parce que nous sous-estimons l'importance des catastrophes naturelles, telles que la pollution de l'eau par les intrants agricoles, ou celle de la mer par les hydrocarbures, mais parce que malgré des dysfonctionnements certains, il existe des avancées et qu'il importe d'en faire état. Les progrès scientifiques permettent parfois des avancées juridiques, qu'il importe de relever. C'est notamment le cas des corridors écologiques. Ce terme scientifique a été récemment traduit dans des textes juridiques et cette traduction apparaît comme une suite logique si on l'inscrit dans le cadre de l'histoire du droit de la conservation de la nature.
Les 3 temps du droit de la conservation de la nature L'idée d'adopter des mesures spécifiques dans le but de conserver certaines espèces trouve son origine dans l'Antiquité3 ; les motifs de la protection 1
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