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La couverture est dessinée par Horst Widmann.
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LECTURE MATÉRIALISTE DE L'ÉVANGILE DE MARC
La couverture est dessinée par Horst Widmann.
FERNANDO BELO
Lecture matérialiste de l'évangile de Marc Récit - Pratique - Idéologie 3e édition
LES ÉDITIONS DU CERF 29, bd Latour-Maubourg, Paris 1976
© Les Editions du Cerf, 1974.
Para 0 Nuno Teotonio Pereira e para os outros companheiros
Aux frères du Brésil et du Chili. Dans un même contexte de féroce et sanglante répression, il y a dix-neuf siècles, a été écrit l'évangile de Marc. En mémoire aussi des Noirs massacrés en Afrique australe. Répression et massacres, selon la bonne tradition de l'Occident, sont le fait de gens qui souvent se disent chrétiens. Suprême méconnaissance de l'Evangile, aveuglement sans retour
Mas mais do que tudo isto é Jesus Cristo que nao sâbia nada de finanças nem consta que tivesse bibliotec3. Fernando Pessoa
Evocation
de père et mère qui surent devenir frères, le soir du vieux maître au clair regard sous sa chevelure grise, tué du fait de la Bêtise quelques mois avant la fête de ma sœur à nom de prophète qui par mort et folie ne cherchait que la vie puis il y a la Fille de la forêt il y a Clara il y a André.
TABLE DES SIGLES
a,b,c,... al ,a2, ... AA ACT ANAL A.T. BAS B.J. CHR D
DD F.
F.S. OEO J 1, II
lb lm m~b
M.H. M.P. M.P.A. M.P.C. M.P.E.
M.P.F. M.P.Fas. M.P.subA. MYTH N.T. P QI, Q2, Q3 R.B. l, R.B. II S 1-873 S22 b3 SOC STR STR AA STR J STR Z SYMB Tg~Tf
TOP
scènes du récit de Marc actants « adversaires :. code actionnel code analytique Ancien Testament code basileïque Bible de Jérusalem code chronologique document deutéronomiste du Pentateuque actants « disciples " actant « foule » formation sociale code géographique actant « Jésus » actant(s) « individuel(s) » actant « guéri » (ou « béni ») actant « malade» ou « avec manque» passage de « malédiction » à «bénédiction :. matérialisme historique mode de production mode de production asiatique mode de producLion capitaliste mode de production esclavagiste mode de production féodaliste mode de production féodal-asiatique mode de production subasiatique code mythologique Nouveau Testament document sacerdotal du Pentateuque questions du code AN AL deux textes de Roland Barthes (cf. bibliographie) séquences du récit de Marc séquence 22, scèn~ b3 code social code stratégique stratégie des « adversaires » stratégie de Jésus stratégie zélote code symbolique traduction du texte grec de Marc au texte français analysé ici code topographique
SOMMAIRE
Tntroduction : C/X ou la problématique .............. Première partie.
-
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LE CONCEPT DE MODE DE PRODUCTION
(essai de .théorie formelle) ......................
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Deuxième partie. -
LE MODE DE PRODUCTION DE LA PALESTINE BIBLIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . •
Chap. I. Chap. II. -
L'ordre symbolique de l'ancien Isra,ël. La Palestine du rr siècle de notre ère.
61 63 93
Troisième partie. - LECTURE DE MARC . . . . . . . . . . . . . • Chap. 1. - Comment lire Marc : analyse structu-
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rale ou· analyse textuelle du récit? ... « N'avez-vous jamais lu »... Marc? .. Relecture de Marc ...............
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ESSAI D'ECCLÉSIOLOGIE MATÉRIALISTE.
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Chap. II. Chap. III. Quatrième partie. -
cjx ou la problématique
Ce texte est le fruit d'une passion et d'une naiveté. De la passion mon écriture porte les traces, d'une lutte corps à corps avec le texte de l'idéologie bourgeoise-chrétienne qui a tissé des années durant mon champ de parole, lutte texte à texte avec mon corps ainsi prisonnier. La naiveté fut celle dè croire qu'un simple licencié en théologie, étranger par surcroît, pourrait, hors des circuits universitaires, tenter de croiser, dans un jeu inter textuel plein d'embdches, des concepts venant de champs épistémologiques très différenciés : exégèse de l'Ancien et du Nouveau Testament, histoire, sémiotique, matérialisme historique, philosophie. Les « spécialistes :. de ces diverses disciplines ne manqueront pas de crier au scandale, voire à la vulgarité. Il reste que l'enjeu dernier, rendre possible la confrontation entre une pratique politique se voulant révolutionnaire et une pratique chrétienne ne se voulant plus religieuse, me semblait valoir les risques de l'aventure. Et quoi qu'il en soit de la sévérité' des critiques éventuelles, le plaisir que j'en ai tiré pendant les cinq 'ou six ans de ce travail d'écriture ne me· sera pas ravi. Dans une Eglise qui rime de plus en plus avec crise, le fait nouveau depuis quelques années est le surgissement, en Amérique et en: Europe latines, d'une génération de chrétiens qui se veut résolument marxiste, dans son jargon comme dans ses analyses, dans ses engagements politiques comme dans ses polémiques stratégiques. Nouveau au sens fort car, plus qu'en certaines assemblées néo-religieuses de jeunes, c'est là le seul lieu où l'on puisse discerner les germes possibles de nouvelles formes de référence à la tradition évangélique. Cela ne va cependant pas sans difficultés, la plus nette étant l'étouffement dans lequel cette référence-là risque de sombrer, par son impossibilité à prendre corps dans les pratiques concrètes et
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dans le discours qui les porte. Une question souvent posée donne la mesure de l'enjeu : la foi n'est-elle pas une idéologie contradictoire avec les pratiques de libération dans lesquelles on essaie d'être partie prenante? Sur quel terrain épistémologique peut-on poser cette question? Celui du matérialisme historique (M.H.) où se situe le concept d'idéologie, ou celui de la théologie où se situe celui de foi? Il semble bien que le discours théologique, après trente ou quarante ans de grande productivité, est en train de s'essouffler : Je renforcement de la crise du christianisme ne fait qu'accentuer le vide théologique qu'elle engendre, vide d'ailleurs chiffrable en termes d'édition. On se complaît de divers côtés à répéter que ce vide est le symptôme d'une crise du langage de la foi, qu'il faudrait réinventer un « autre » langage où elle puisse retrouver « son ~ sens. Ce qu'il y a d'abord de bizarre dans ce diagnostic, c'est la réduction du spécifique chrétien au seul niveau du langage : la trilogie traditionnelle n'était-elle pas celle de foi/espérance/charité? Quel geste exclut ainsi les deux dernières? Je crois qu'il serait aisé de montrer que cette exclusion est le symptôme de la prise que la théologie traditionnelle garde sur ces discours des gens du métier, par le biais de vieilles dichotomies comme âme/corps, transcendance/immanence ou Dieu/monde ... Mais, d'autre part, cette réduction au seul niveau du « langage» n'exclut-elle pas aussi des phénomènes assez encombrants, comme ceux qui relèvent de l'économie et du politique? Il faudra plutôt changer de terrain, ce qui d'ailleurs semble indi en termes politiques, selon une analyse dans le champ épistémologique du matérialisme historique. L'un de ses concepts clés étant celui de pratique (praxis, comme on disait naguère), on pourra répondre à la question si l'on arrive à définir ce « quelque chose » du spécifique chrétien en termes de pratique. Or, il se trouve que parmi les textes concernant les origines chrétiennes, les évangiles ont la structure d'un récit : tout récit étant le discours sur/de une pratique, c'est peut-être là qu'il faudra mener l'enquête.
LA PROBLÉMATIQUE
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On pourra ensuite, mais sur le terrain des pratiques politiques concrètes de lutte de classes, confronter de façon vérifiable celles-ci avec la c pratique chrétienne :. définie : y a-t-il convergence, conflit, contradiction? S'il fallait raconter le récit de l'écriture de ce texte, il faudrait évoquer d'abord une ébauche présentée comme mémoire de licence en théologie à l'Institut catholique de Paris en 1968, de laquelle n'est resté que le choix de l'évangile de Marc comme objet d'analyse. Pourquoi celui-ci ? Les raisons apparaîtront plus· loin, disons seulement que ce n'est pas un hasard que Marc soit le parent pauvre des évangiles, oublié au profit des autres, plus riches de discours, d'enseignements, plus élaborés théologiquement. Comme ce n'est pas un hasard que les théologiens et les c: spirituels :. préfèrent Paul ou Jean/aux synoptiques et que, par contre, ceux-ci aient été privilégifs par toute une tradition de lecteurs qui, rompant avec la bO\,lrgeoisie, ont essayé de nouer des contacts avec les classes prolétarlen:n~~ : les mouvementS se réclamant de Charles de Foucauld, les·~ réV{sions de vie ~ de la J.O.C. et similaires, les prêtres-ouvriers, etc. Marginale, cette lecture, qui n'échappait d'ailleurs pas à l'idéologIe religieuse dominante, n'a jamais réussi à s'imposer· à l'exégèse plus « scientifique ~ ; c'est pourtant là que j'ai puisé longtemps, que j'ai trouvé mes toutes premières questions et le fil qui m'a guidé tout au long de ma démarche. Acculé par les circonstances à un isolement qui ne s'est rompu que récemment, le hasard des lectures de référence, des trouvailles en librairie, n'a pas peu joué dans le choix des textes qui, petit à petit, sont venus se croiser et s'agencer" dans ma lecture-écriture. La lecture de Marc m'a posé au début deux questions: comment le lire, comment l'interpréter? Elles ont engendré deux démarches assez distinctes que j'ai alternées au gré des humeurs, en maintenant pour chacun~ d'elles une certaine autonomie. Pour guide de lecture, j'ai pris R. Barthes (que J. Kristeva est venue compléter plus tard) : du lent passage d'une analyse structurale du récit en général à une analyse textuelle s'accrochant plutôt à ce récit, il sera question le moment venu. Beaucoup plus hasardeuse et tâtonnante fut la recherche d'une conceptualité marxiste visant à rendre compte du rapport du « représe:q.té ~ du récit à la formation sociale où il est censé s'être déroulé, la. Palestine du 1er siècle de notre ère. Le chapitre introductif sur le concept de « mode de production ~ pose des questions épistémologiques difficiles, dont sa brièveté ne permet pas
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de rendre compte, et c'est pourquoi il a semblé bon de m'attarder un peu ici sur sa genèse. Après avoir travaillé un certain nombre de textes de l'école althussérienne' (pourquoi Althusser? parce qu'il a 'mis de l'ordre philosophique dans la mêlée des textes marxistes), j'avais fait une première constatation : en dehors de quelques allusions aux formations sociales non capitalistes, ces travaux ont porté de façon privilégiée sur le mode de production capitaliste, et là encore c'était surtout de l'instance économique, et en partie de la politique, qu'il était question. Il me fallait donc trouver ailleurs des matériaux pour une tlléorie de l'idéologie, et j'ai navigué de la linguistique de Benveniste aux travaux philosophiques de J. Derrida, en traversant la Traumdeutung de Freud et quelques textes de et sur J. Lacan. La question de savoir comment accorder ces divers apports restait cependant tout entière. Avec cette autre : ne voulant pas faire de l'exégèse pour l'exégèse, de l'histoire pour l'histoire, quel rapport établir entre la formation subasiatique de l'ancienne Palestine et cette autre, le capitalisme monopoliste d'Etat, où nous nous battons? ' La première piste m'est venue des althussériens et de leur théorie épistémologique. D'une part la distinction matérialisme . dialectique/matérialisme historique (cf. Pour Marx, pp. 25, 31 s.), et de l'autre les allusions de Balibar à c l'absolument invariant des éléments qui appartiennent à toute structure sociale (une base économique, des formes juridiques et politiques, des formes idéologiques) :. (Lire le Capital, II, pp. 192 s.) et à la possibilité d'un tableau comparatif des' formes des différents modes de production (cf. ibid., p. 211), m'ont incité à m'installer carrément au niveau du matérialisme dialectique et à m'essayer à une espèce de théorie formelle de cet invariant-là, malgré les risques d'emboîtement méthodologique et les résistances qu'une telle démarche ne peut éviter de susciter. L'autre apport décisif a été celui de J. J. Goux, Numismatiques, texte qui met en relief de façon saisissante l'isomorphie de la genèse des formes d'échange, à laquelle aboutirent Marx dans les premiers chapitres du Capital pout l'échange économique, Freud dans les Trois essais sur la sexualité pour les pulsions sexuelles, Lacan pour la genèse du « moi :., Marx' encore en quelques notes sur la monarchie, et enfin Derrida pour le logocentrisme dans la métaphysique occidentale. Même si j'ai pris quelques libertés par rapport à Goux, l'homologie des modes de circulation que je propose relève fondamentalement de son apport. Il ne me fut dès lors pas très difficile d'étendre l'homologie à ]a production et à
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la consommation et de tenir ainsi le cadre des concepts à faire jouer. Quelque chose résistait encore, d'apparence mineure, qui a eu après coup des conséquences inattendues : les quelques références à la question de la sGuillure dans le texte de Marc m'ont amené à lire l'essai de M. Douglas, dont le mérite a été de m'introduire dans un univers que je ne soupçonnais guère. Sa méthode me laissant sur ma faim, une remarque de L. de Heusch dans la préface m'a conduit aux deux grands essais de G. Bataille sur l'érotisme et l'économie. générale. (Naïf, j'ignorais la méfiance de la plupart des marxistes vis-à-vis de ces essais.) Ceux-ci m'ont permis d'abord une incursion audacieuse dans les textes législatifs de r Ancien Testament et d'y trouver les grandes lignes de l'ordre symbolique qui joue. encore dans les textes évangéliques ; ensuite le remaniement de la fresque sur le concept de mode de production de façon à y tenir compte de deux niveaux que j'ai appelés l'infra- et la superstructure. Je comblais ainsi une autre lacune des textes althussériens, celle qui concerne les sociétés dites primitives (à l'exception de E. Terray, certes, mais celui-ci n'utilise que des concepts préfabriqués). ' Après cette brève évocation, il sera peut-être plus simple de comprendre comment les questions du lieu de lecture (décisive dans Marc) ; des conditions de possibilité de la révolution dans un subasiatisme, permettant de confronter Jésus avec les zélotes et amenant la précision des concepts de détermination et de clôture ; des rapports du messianique aux religions judaïque et chrétienne amenant à une théorie de la religion; enfin de l'articulation des désirs et de l'utopie des « actants :. du récit avec les équivalents généraux du subasiatisme ; de comprendre comment ces questions ont eu un rôle dans la formalisation proposée du concept de mode de production. Il y a donc eu deux démarches théoriques assez autonomes pendant un certain temps et puis, après, leur croisement dans le procès d'écriture. Ce deuxième temps a été celui des surprises : en quelque sorte, je suis devenu le spectateur vigilant du travail de production théorique s'accomplissant. En effet, tout s'est passé comme si, dans le procès d'écriture, les concepts d'eux-mêmes travaillaient et produisaient d'autres concepts. Ce fut d'abord la production du concept de subasiatisme de la Palestine du 1er siècle de notre ère, « vérification :. de la validité du modèle théorique proposé que j'ai fait travailler sur les matériaux plus ou moins désorganisés fournis par les historiens de métier. Ainsi, par exemple, la découverte du rôle surdéterminé du
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Temple de Jérusalem comme nœud de concentration des contradictions de la formation sociale et les incidences de cette découverte sur la lecture de Marc. Ensuite, l'interprétation de cette lecture est devenue un essai d'ecclésiologie matérialiste, mise en place de concepts pouvant éventuellement· rendre compte des transformations complexes 'subies par les ecclesia primitives, et des Eglises qui les ont réprimées et remplacées. En quelque sorte, une contribution à l'histoire du christianisme primitif en perspective matérialiste. (L'importance du concept d'invariant dans la constitution de cette ecc1ésiologie est manifeste.) Enfin, une problématique théorique spécifique s'est donnée à lire dans ce travail, sous forme de l'ébauche d'une théorie des rapports entre récit, pratique et idéologie. Le dernier chapitre de l'essai sur le mode de production pose la question qui se développe à travers tout l'essai d'ecclésiologie. Pourrai-je prétendre à ce que cet apport éclaire la question très controversée du théoricisme althussérien? Le rapport théorie/pratique serait alors à poser par le biais d'une théorie du récit. De même le procès intenté à son antihumanisme pourrait trouver une réfutation de ce genre : il n'y a d'humanisme que celui des hommes révoltés, comme dirait Camus; ce qui dans les pratiques des hommes et des classes du passé peut donner des clefs pour notre destin, ce serait leur subversivité, j'entends celle qui a porté des fruits de libération à la fois du pain, des corps et .de la parole (de lecture et stratégie), celle qui a opéré une ouverture du paysage quotidien de la répression, une fenêtre sur les « lendemains qui chantent ». En résumé, autour d'une lecture de Marc, noyau textuel de cet essai, une triple problématique se tisse : 1° d'exégèse et d'histoire biblique; 2° d'articulation théorique de récit, pratique, idéologie; 3° d'ecclésiologie matérialiste, permettant de changer les termes de la question initiale des rapports entre pratique politique révolutionnaire et pratique chrétienne. Dans cette triple problématique, il s'agit toujours, si l'on peut dire, de faire lire Marc par Marx: C/X donc, s'il est permis de rendre ainsi hommage à l'admirable « S/Z » de R. Barthes. En conclusion de l'esquisse de ce programme ambitieux, il faut ajouter que la lecture n'en sera pas toujours aisée, hélas! car très probablement beaucoup de lecteurs trouveront ici ou là une région théorique avec laquelle ils ne seront pas suffisamment familiarisés. Je reviens au point de départ. Rien dans ce texte n'est
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neutre, le· parti pris, sinon la prise de parti, est annoncé clairement. Arrivé dans le champ d'une épistémologie/ matérialiste et d'une problématique révolutionnaire, j'aurais pu, comme tant d'autres, laisser tomber l'ensemble de l'édifice idéologique religieux qui avait passionné ma jeunesse. Mais de mettre ainsi une pierre sur le passé, ne risquerait-on pas de le voir surgir autrement, de le laisser agir de façon déguisée? J'ai donc préféré prendre les devants et m'attaquer au texte décisif, à l'évangile lui-même, essayer de régler mes comptes avec lui. Une période de psychanalyse m'a permis de voir que je n'avais pas tort : la convergence du travail de la parole sur le divan avec ce travail d'analyse textuelle par l'écriture est apparue bientôt. C'est une autre grille de lecture que je propose : il faut lire ce texte comme un essai tâtonnant pour sortir du terrain où l'on a vécu avec plaisir pendant longtemps, à la manière de l'enfant qui apprend à marcher et expérimente des espaces jusqu'alors interdits, de l'écolier qui, dans la peine mais mû par une passion naïve, apprend à lire et à écrire. Paris, le 30 octobre 1973.
N. B. Le lecteur que la première partie, très technique, rebutera, gagnera peut-être à commencer tout de suite par la deuxième. La continuation de la lecture lui dira s'il lui faut, et comment, regarder de plus près ce qui aura été sauté d'abord.
PREMIÈRE PARTIE
LE CONCEPT DE MODE DE PRODUCTION Essai de théorie formelle
1. PRATIQUE, INSTANCE, FORMATION SOCIALE Pratique : « Tout processus de transformation d'une matière première donnée déterminée, en un produit déterminé, transformation effectuée par un travail humain déterminé, utilisant des moyens (de " production ") déterminés 1. » HYPOTHÈSE 1 - Si l'on retient trois types généraux de c produits :., à savoir les « biens économiques », les systèmes des places des agents de_ la formation sociale (F.S.) et les textes 2, on pourra définir trois ...
Instances: ensembles structurés de pratiques concernant un même type général de produits, respectivement économique, politique et idéologique 8. Chaque instance comporte des régions et des champs plus ou moins complexes 4 ; leur caractère structuré 5 implique une logique spécifique, d'où la thèse althussérienne de l'autonomie respective de chaque instance.
2 - Dans chacune des trois instances, on peut distinguer trois modes : de production, de circulation et de consommation 6.
HYPOTHÈSE
1. L. AL11IUSSER, Pour Marx, p. 167. Sur le pourquoi et le comment de .cet « essai de théorie formelle », voir les pages ci-dessus sur la problématique. Plus long à l'origine, cet essai a été condensé dans une alternance de .définitions de concepts et d' « hypothèses », ce dernier terme signalant, sous forme volontairement interrogative, ce que je crois être des propositions de mon cru (ayant, bien sûr, des incidences sur les définitions conceptuelles). 2. Produits de l'écriture, dans un sens large (c;lerridien) qui comprend aussi le langage oral. 3. Ce sont les trois instances qu'Althusser retient à la suite d'Engels (Pour Marx, p. 238). 4. Ainsi, par exemple, la région théorique dans l'instance idéologique. 5. Voir une définition de « structure» dans J. GUICHARD, pp. 181 ss. 6. Les termes sont de Marx: cf. BALIBAR, p. 202. P. 216, il semble justifier d'avance cette thèse.
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LECTURE MATÉRIALISTE DE L'ÉVANGILE DE M.. politiques par l'effet du juridique, reprennent à leur compte le chant de l'idéologie bourgeoise, ils se sentent aussi « seigneurs :1> de la nature, tout en étant réellement objets producteurs soumis à la domination bourgeoise, objets qui ne se distinguent point de la « nature », car les moyens de production qu'ils utilisent ne leur appartiennent guère. HYPOTHÈSE 23 - La fonction commune à ces deux idéologies dominantes est celle d'organiser, à leur niveau, la F.S., de façon à exclure ce qui la menace, la violence au sens de Bataille. Mais tandis que cette violence était assumée en partie par le sacré de l'idéologie religieuse comme purificatrice, la raison logocentrique se veut elle-même purificatrice par le progrès qu'elle prodigue, et elle prétend exclure toute violence 67.
Le logoc~ntrisnl.e a des .incidences: a) sur le politique (le sexe, l'un des lieux majeurs de la violence, est exclu avec le corps par le « sujet» abstrait: le vieil interdit religieux sur le sexe est reproduit, \l'idéologie bourgeoise est austère et puritaine comme condition de l'embrigadement des classes exploitées à la production industrielle) ; b) sur [' économique (l'idéologie technocratique~ couvrant les rapports d'appropriation de la plus-value par des rapports entre les techniciens-qui-savent et les ouvriers-qui-ne-savent-pas, est reHYPOTHÈSE 24 -
65. Lequel, par son articulation avec les programmes c: techniques ~ des forces productives industrielles, diffère du logocentrisme grec: le logos grec reste « divin ), l'agriculture empirique étant la production dominante. 66. Le remplacement a été le fait d'une longue lutte. idéologique opposant la raison à la foi. 67. Voici quelques couples significatifs de l'~ppareil : civilisé/sauvage, raison/folie, rationnel/irrationnel, réel/imaginaire (soit rationnel/illusoire), lumière/ obscurantisme, ordre/désordre, culture/nature, bref raison/déraison.
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LECTURE MATÉRIALISTE DE L'ÉVANGILE DE MARC
produite par le système scolaire comme condition de la reproduction du capitalisme) ; c) sur la lutte de classes (la F.S. se donne comme hautement rationalisée, comme « la meilleure possible », tout autre projet d'une F.S. industrielle non capitaliste est exclu comme utopique, irréaliste, et les pratiques révolutionnaires comme folie, violence, danger, délire). Politique/idéologique,' leur articulation se fait pour la reproduction des conditions de possibilité de la F .S. Les appareils politiques reproducteurs d'appareils idéologiques décisifs pour cette fonction sont le couple famille/école, remplaçant famille/église dans le M.P.F. 68. La famille se charge de la reproduction physique des corps des agents et de celle de l'ordre symbolique (au-dedans des classes respectives), l'école de celle de la compétence productive, les deux codes paramétriques dominants de la F .S. HYPOTHÈSE 25 TI faut bien distinguer appareil politique et appareil idéologique. L'appareil politique concerne la circulation ou échange des agents parmi les places de la F.S. : soit dans la production économique (appareils politiques de la région économique) conditionnant directement les 'rapports de production : ainsi la bureaucratie d'une entreprise capitaliste); soit dans la production de l'ordre politique global (l'appareil d'Etat) ; soit dans la production idéologique (appareils politiques de la région idéologique, telles l'école, les églises). Je me distancie donc de L. Althusser 69 qui appelle ces derniers « appareils idéologiques d'Etat », ne concevant pas d'appareil pDlitique autre que celui de l'Etat, ce que Poulantzas critique 70, mais je me distancie de celui-ci également, car il ne fait pas la distinction affirmée dans cette hypothèse 25 71.
68. Cf. L. ALTHUSSER, Idéologie et appareils idéologiques d'Etat, p. 19. Les premières pages de cet article exposent de façon très accessible la question de la reproduction dans le capitalisme des conditions de la production. 69. Ibid., pp. 12 ss. 70. Fascisme et dictature, pp. 332 s. Le terme « appareil économique :. (BETTELHEIM, ibid., n. 7) désigne ce que j'ai appelé « appareil politique de la région économique », tandis que chez moi, il désigne l'appareil monétaire. Il ne s'agit pas de simples querelles de mots : c'est la thèse léniniste de l'unité de l'Etat comme « facteur de la cohésion de l'ensemble des niveaux d'une unité complexe (la F.S.) » (POULANTZAS, Pouvoir politique ... , pp. 43 s.) qui fait question; cette unité ne devient-elle pas « fétichiste :., si tout est « appareil d'Etat » (y compris la « famille » pour Althusser)? 71. Je prends l'exemple de l'appareil clérical romain : il est appareil politique avec ses fonctionnaires (évêques et prêtres) ; il organise la production idéologique, la circulation des prêtres, les mouvements apostoliques; il sanctionne les transgressions, etc., et aussi collabore ou résiste aux pouvoirs politiques (Etat ou autres). Son équivalent principal est le pape de Rome, le dogme de son infaillibilité marquant le début de sa centralisation moderne.
LE CONCEPT DE MODE DE PRODUCTION
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6. LES MODES DE CONSOMMATION ET LE SYSTEME DES CLASSES SOCIALES 72
Mode de consommation économique,' région de l'instance économique où viennent aboutir la production et la circulation. Del1'lande économique 73 " le champ de ces demandes est l'ensemble des « besoins économiques» 74 d'une F.S. Utopie,' l'analogon, pour la F.S., de la pulsion freudienne «< force constante tendant à la suppression de tout état de tension »75). L'utopie étant étymologiquement ce qui n'a pas de lieu, de topos, il me semble que le terme convient pour désigner cette quasi-pulsion qui est en deçà de toute F.S., insaisissable en elle-même et repérable seulement dans ses effets. Pour que l'analogie soit complète; il faudrait trouver un autre terme pour désigner l'analogon social du désir. N'ayant pas trouvé de terme satisfaisant, et au risque d'un~ certaine imprécision, je garde le même terme d'utopie pour ce quasi-désir toujours déjà marqué historiquement par la structure économique de la F.S. 76. Cependant, ce qui détermine le fonctionnement politique c'est la production idéologique religieuse (catéchisme, prédication, liturgie, etc.) réglée textuellement par l'appareil idéologique, avec ses codes dogmatiques, rituels, moraux, etc., autour de l'équivalent principal, le dieu catholique, voire Jésus-Christ. Détermination, car c'est ceci qui assure le fonctionnément du tout, les rapports idéaux avec le dieu constituant les agents en fidèles (à l'instar du « sujet »). Si ces rapports sont détruits, et les exemples ne manquent pas ces deux derniers siècles, ou bien l'appareil clérical fonctionne en ghetto, ou bien il commence à s'enrayer parce que perdant sa fonction idéologique spécifiqu~ : les prêtres ne sont plus lus, dans leur habit clérical, comme représentants de J .-C. L'Etat ou les patrons (même « fidèles ») lisent ce même habit comme représentant symbolique de l'évêque ou du pape (auprès de qui ils protestent, par exemple, contre un prêtre politisé), donc selon l'appareil politique. 72. Ce qui suit (n° 6 à 8) a comme objet l'articulation des trois instances entre elles. 73. Terme emprunté analogiquement à la psychanalyse lacanienne, où demande est en rapport avec la pulsion freudienne et le désir (cf. A. RIF· FLET-LEMAIRE, pp. 269 ss.). La pulsion, chez Freud, relève de i'en-deçà du psychique, tout en contenant une qualification érotique, et n'y est présente que par le biais d'une représentation. Le désir, selon Lacan, se distingue de la pulsion par 1e fait que c'est son objet érotique qui le définit comme désir de cet objet; à la pulsion correspond donc une pluralité de désirs. 74. Terme ambigu par la biologisation qu'il recèle: il semble « naturel », non historique (cf. ALTHUSSER, Lire le Capital, II, p. 139). 75. A. RIFFLET-LEMAIRE, p. 270. 76. Là où il faudra distinguer, je dirai utopie-pulsion ou utopie-désir, respectivement. Là où l'on trouvera utopie sans autre précision, c'est de l'utopie-désir qu'il s'agit.
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LECTURE MATÉRIALISTE DE L'ÉVANGILE DE MARC HYPOTHÈSE 26 Poursuivant l'analogie, je dirai que la satisfaction de l'utopie-désir se réalise dans la consommation des corps des produits économiques, à quoi correspond la valeur d'usage chez Marx. Mais l'objet (a) social, la terre (-mère), manquant toujours-déjà, la réalisation de la satisfaction utopique ne peut être que partielle, et j'introduis la notion de dépense chère à Bataille: dans toute F.S., il y a une part maudite du surplus qui est dépensée de façon improductive et consumée en pure perte. La consumation économique viserait à combler, sous une autre forme que celle de l'utilité, cet écart entre la demande économique et la consommation réelle.
Mode de consommation politique : région de l'instance politique où s'effectue· concrètement le champ politique comme systématisation des places des agents de la F.S., assurant la .cohésion de la F.S. Utopie d'ordre :. analogon de la pulsion de mort freudienne 77 qui porte la production politique comme réponse aux commandes d'ordre politique; son jeu est en sens inverse de l'utopie-pulsion, parant au danger de désagrégation ch~otique que celle-ci implique toujours. HYPOTHÈSE 27 C'est l'utopie d'ordre qui engendre les tensions résultant de l'ajournement de la consommation économique (cf. hypothèse 3); l'utopie-désir tend à dissoudre cette tension accumulatrice de violence politique, ce qui se fait dans la fête, déchaînement de la violence utopique, transgressant sporadiquement la Loi politique: c'est la consumation politique 78. La fête transgresse plus ou moins partiellement les interdits portant sur le sexe (caractère orgiaque de la fête) et sur le meurtre (guerre primitive 79, tournoi chevaleresque, compétition sportive, voire suicide 80), renvoyant à cet étrange excès de la vie, dans son essence de prodigalité, qui a permis) à Bataille d'écrire que « à l'extrême nous voulons résolument ce qui met notre vie en danger :. 81. 77. Reprise par Lacan. 78. Dont un exemple extrême est rapporté par R. Caillois pour certaines peuplades océaniennes (cité par BATAILLE, L'érotisme, pp. 73 s.). 79. Sur la guerre comme fête, luxe, avant de devenir guerre calculée, cf. BATAILLE, ibid., pp. 83-89. 80. Que les Asiatiques ont poussé à des formes rituelles : le hara-kiri, le suicide par le feu des bonzes vietnamiens ... 81. Ibid., p. 95. Aujourd'hui les romans comme les films de violence permettent de vivre ce danger par procuration, à l'abri du danger (cf. ibid., p. 96), selon un procès d'identification qui fait de ces récits une forme de consumation idéologique.
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Mode de consommation idéologique: la connaissance (non théori· que) du « réel» de la F.S. par ses agents, à travers la lecture des textes idéologiques (qui répondent à des questions idéologiques).
28 - Cette « connaissance» (empirique et/ou spéculative) est l'effet des signifiants qui nomment les objets (substantifs) et les actions (verbes), travaillés sémantiquement par les codes paramétriques. L'utopie-désir est toujours-déjà marquée par cette sémantique nominative lui désignant son objet; celui-ci étant, en tant que « réel », perçu selon des images, le rapport qu'on a décelé entre les noms et les images dans l'effet de dénomination est ainsi le fait spécifique de l'utopie-désir dans l'instance idéologique : son objet manquant est la fusion avec le cosmos. HYPOTHÈSE 29 Cette utopie-désir, ne se confondant pas avec les désirs individuels qu'elle détermine, n'est pas une réalité simple mais très diversifiée, autant que les procès de production de chaque instance. C'est pourquoi, en plus des utopies concernant les produits économiques, on trouve aussi des utopies d'autorité ou de pouvoir (politiques) et d'autres concernant les textes idéologiques. HYPOTHÈSE 30 L'écart entre les questions et les lectures est comblé diversement par des procès d'écriture non utiles pour la « connaissance» de la F.S., à savoir religieux et/ou « artistiques» (communion avec les victimes sacrées, contemplation mystique et/ou esthétique, etc.) BIbis : la consumation idéologique, je la désignerai par le sacrificiel (dans un sens large qui a l'avantage de connoter la vie et la mort) BI. HYPOTHÈSE 31 Le jeu des utopies, qui se marque dans les différences utile/inutile, quotidien/fête, profane/sacré, se révèle donc être contradictoire: c'est le niveau infrastructural de la contradiction de n'importe quelle F.S. et son enjeu est la vie/mort (cf. hypothèse 6). HYPOTHÈSE
Sphère du propre " définie par la diversité des corps des agents de la F.S. et de leurs désirs individuels; elle est marquée dans les signifiants qui différencie'nt chaque agent : les produits qui 81 bis. Mis en rapport par Bataille avec la fusion érotique. 82. Le culte religieux et ses temples, les monuments inscrivant dans l'espace de la F.S. les lieux de la fête, les produits pictographiques ou sculpturels, les mythes ou la c littérature 1)0, seront donc à analyser en analogie avec la sublimation freudienne, comme effet de la violence qui menace la F.S., violence que les formes sacrificielles contiennent dans son déchaînement. De l'art, on dit qu'il est le fruit de la passion, c'est-à-dire de la violence, de la mort : il est sacrificiel.
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relèvent de son habileté (ou « créativité :.), de sa compétence propre, de sa force corporelle (ou de sa puissance), enfin, en rapport avec son « visage », son nom propre. La sphère du propre est la sphère du corps. HYPOTHÈSE 32 Les agents étant toujours-déjà groupés, leurs sphères du propre sont propriété de leurs groupes avant qu'ils puissent se l'approprier en révolte, et d'abord elles sont propriété de leur parenté : avant d'avoir un nom propre, on a un nom de famille. Le jeu des désirs de chaque corps est déterminé par le jeu des utopies de son groupe ' d'appartenance. Le système des classes sociales : après un certain seuil de développement des forces productives, des armes et de la spécialisation idéologique des forces inscriptives, quelques groupes, de par leur utopie, se sont approprié les sphères de propriété d'autres groupes, en réprimant de façon surdéterminante leurs utopies. HYPOTHÈSE 33 Un deuxième niveau de contradiction surdéterminant la contradiction infrastructurale est venu spécifier ces F.S. : la contradiction entre deux (ou plusieurs) classes, comme contradiction superstructurale. La transition s'est ainsi opérée historiquement vers les F.S. de classes.
F.S. de classes : cette violence d'appropriation a eu comme effet la formation d'un système de classes surdéterminant les systèmes parentaux et lignagiers des sociétés sans classes, dites aussi sociétés segmentaires 88. Dans les F.S. de classes, le surplus approprié par la classe dominante est en grande partie consumé par celle-ci sous forme de richesse ou luxe. C'est comme objet de luxe que l'or deviendra l'équivalent principal de l'appareil monétaire, capable ainsi de séduire l'utopie des classes productrices et déplaçant son objet sur les signifiants de richesse que déploie la classe dominante, et sur l'or lui-même au stade de développement suffisant des formes marchandes de circulation. Mais les voies laissée~ à l'utopie des classes dominées sont strictement contrôlées par la Loi politique déterminée par la reproduction des rapports de production économique, c'est-à-dire par les intérêts économiques de la classe dominante 84. Ceux-ci sont en contradiction superstructurale avec 83. Ces sociétés ont été étudiées, du point de vue de l'Anthropologie politique, par G. BALANDIER. Les F.S. sans classes ne m'intéressant pas ici directement, je ne me suis pas référé à ce texte'; je crois cependant que la définition du politique que j'ai donnée, plus générale que celle de Poulantzas, s'accorde avec les concepts principaux de Balandier (voir notamment son chap. III). 84. Pour le concept d' « intérêts de classe », voir POULANTZAS, Pouvoir politique ... , pp. 116-120.
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ceux de la classe dominée, contradiction qui surdétermine la .ten~ sion (contradiction infrastructurale) propre au p'olitique. Il y a donc surtension politique dans les F.S. de classes, c'est pourquoi l'appareil d'Etat y est nécessaire, l'identification des « sujets :. avec son équivalent général engendrant, de par l'utopie d'ordre, la soumission, voire la peur, de la classe dominée, à laquelle des fêtes sont laissées mais dans des limites bien précises 8:1. Enfin l'appareil idéologique, excluant les classes dominées de la « connaissance :. de la F.S., s'articule, par son équivalent principal, dieu ou logos, avec celui de l'Etat 86. Les formes sacrificielles s'établissent alors à un niveau purement imaginaire à travers des mécanismes d'identification; leur jeu analogue au rêve ayant comme fonction d'entretenir le sommeil du corps social (formes développées du culte religieux dans les F .S. théocentriques, formes sectaires, romans et films de consommation courante, etc.).
7. LES MODES DE CONSOMMATION COMME LIEUX DE LECTURE DE LA F.S. HYPOTHÈSE 34 -
Les procès de kcture empirique des instances et de leurs articulations dans les F.S. de classes 87 sont toujours-déjà déformés par des mécanismes spécifiques selon ce que Marx a appelé, pour l'économie marchande, la fétichisatïon 88. Fétichisation : à la suite de la scission des produits entre objet
utile et objet de valeur, le procès d'échange qui met les marchandises en équivalence entre elles produit la forme fantastique d'un rapport des choses entre elles, en leur conférant une valeur d'échange qui « semble» être dans le produit, comme quelque chose qui est de la nature même des choses. (Le consommateur achète comme si le prix qu'il paie était le propre de la chose elle-même 89.) 85. L'équivalent principal de l'appareil d'Etat est un agent dont le corps est retranché parmi les corps des combattants : le roi est d'abord un « héros », un corps exceptionnellement vaillant à la guerre (cf., mutatis mutand;s, le chef charismatique). 86. Le dieu, en rapport soit avec les animaux sacrifiés soit avec les ancêtres, donc avec le meurtre du père (cf. le mythe freudien du parricide primitif. Totem et tabou, pp. 163 ss.), ne pourra devenir équivalent général de l'appareil idéologique qu'en raison de ce « meurtre » qui l'a érigé, offert à la communion des corps vivants comme consumation de la vie. 87. Je laisse de côté les F .S. sans classes. 88. Le Capital, pp. 68-76. ' 89. Ce que montre le travail théorique de Marx, c'est que, sous ce fantasme, se cache un « secret ~, un « rapport social des hommes entre eux» (celui des temps de travail de leur production).
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Lieu idéal4te de lecture économique : les consommateurs, dont l'utopie est fascinée par les signifiants de richesse et par l'argent, lisent le texte des prix « par les yeux » de l'équivalent général, l'or, dont l'érection a comme effet l'ouverture d'un lieu de lecture fantasmatique ou idéaliste. Lieu matérialiste de lecture économique : mais comme ils consomment quand même les corps des marchandises, les consommateurs peuvent toujours lire aussi du lieu matérialiste, à condition d'opérer une rupture avec le lieu idéaliste, avec la fascination qu'ils subissent : ils peuvent se rendre compte de l'inégalité de consommation entre eux, producteurs, et leurs patrons, non-producteurs, et effectuer en conséquence une grève pour le réajustement de la consommation, par exemple. HYPOTHÈSE 35 - La lecture matérialiste du procès de production est la condition d'une luUe économique de classes.
Lieu idéaliste de lecture politique : opérant la scission entre les corps des agents et leur valeur abstraite de sujets, le texte juridique et celui de l'idéologie politique bourgeoise ouvrent un lieu de lecture idéaliste, où les agents fascinés par les signifiants de pouvoir (parures, tenues, etc.) et intimidés par les armes, lisent selon le discours du pouvoir, « par les yeux ~ de l'équivalent principal, et trouvent naturel l'ordre politique existant. Lieu matérialiste de lecture politique : la répression des corps des agents, au niveau du sexe comme des contraintes de travail et maladies qui en résultent, de la fatigue comme des prisons, etc., permet ]a rupture avec cette fascination et intimidation et la lecture matérialiste de l'inégalité des places (pouvoir/non-pouvoir), donc de la conjoncture politique. (ex. l'avortement). C'est le lieu de l'engagement de la lutte politique de classes. Lieu idéaliste de lecture idéologique : le texte idéologique mis en place' par l'érection du logos (ou du dieu) opère la scission entre le signifiant (toujours-déjà dans un corps textuel) et le signifié (constitué en rapport imaginaire au logos et aux choses) : il ouvre ainsi le lieu idéaliste d'une lecture empirique ou spéculative de la F.S., selon les codes de l'appareil logocentrique, les éléments de l'ensemble isolés de ce qui les détermine. Lecteurs fascinés par' l'évidence rationnelle (ou la révélation divine), voire par la beauté littéraire ou l'autorité docte des spécialistes idéologues, les agents ne lisent que « par les yeux :1> de la raison (ou de la foi), selon ses codes. HYPOTHÈSE 36 Toujours une lecture déformée de la F.S. est proposée qui joue sur les deux niveaux de contradiction
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de la F.S. pour présenter l'infra structural comme déterminant le superstructural. En fait, seul celui-ci est réductible par une transformation révolutionnaire de la F.S. : le mécanisme de déformation idéologique masque le réductible par l'irréductible, le super- par l'infrastructural. La société est organisée selon la volonté du dieu ou la loi de la nature et! ou de la raison, bref, suivant la formule de Leibniz,elle est « le meilleur des mondes possibles ~. Lieu matérialiste de lecture théorique: c'est du côté de la matérialité des corps des agents et de leurs produits que le lieu de lecture matérialiste peut être ouvert par la rupture avec la fascination idéaliste. C'est du côté des luttes économiques et politiques du prolétariat que, le masque idéologique se déchirant par l'accès à la problématique que posent ces luttes, la production théorique de textes matérialistes est devenue possible, d'abord du fait de Marx, et poursuivie après et maintenant en maints domaines 90.
8. DETERMINATION ET CLOTURE Champ économique: le système de l'ensemble des demandes économiques d'une F .S. HYPOTHÈsE 37 - Il est composé de trois champs principaux, se rapportant respectivement à la reproduction restreinte de la F.S. (champ 1), à sa reproduction élargie (champ II) 91 et à la dépense (champ III). Le champ économique a des limites historiques, il est déterminé par l'ensemble des procès de pro90. Qu'il reste des lacunes, que la production théorique, en phase de reproduction élargie, n'ait pas de terme et soit trop souvent récupérée par l'idéalisme, que les divers appareils n'aient pas encore été démantelés, tout ceci n'empêche pas la reconnaissance que la lutte matérialisme/idéalisme se· poursuit depuis une centaine d'années. Mais elle reste trop le fait des « spécialistes intellectuels » : il reste encore aux travailleurs à prendre la parole de « l'analyse concrète des situations concrètes » et de la stratégie conséquente, comme condition de la libération de la consommation et de la dépense, de l'ordre qui permettra l'érotique et la fête, du libre jeu du langage au niveau des corps, du sacrificiel et de la « culture » révolutionnarisés. Une remarque: on peut parler du lieu idéaliste, dans la mesure où il s'agit de celui de l'équivalent général, c'est un lieu; par contre, on doit dire les Heu x de lecture matérialiste, car il s'agit d'un pluriel, d'une multiplicité, celle des diverses situations concrètes, des différents corps, produits, écritures. C'est dire l'importance des discussions analytiques et stratégiques dans les luttes concrètes, pour dégager un terrain commun, car personne ne possède la bonne lecture. 91. Restreinte: sans augmentation du champ de la production; élargie: avec augmentation du champ de la production.
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duction, les forces productives concrètement existantes dans la F.S. Champ politique: le système de l'ensemble des ,commandes d'ordre de la F.S. 38 - Il est composé de trois champs principaux, se rapportant respectivement aux rapports de production économique comme condition de sa reproduction (champ l, occupé par les appareils politiques économiques), à la cohésion de la F.S. (champ II, occupé par les appareils familiaux et d'Etat) et à la production idéologique (champ III, occupé par les écoles, églises, presse, etc.). Le champ politique est déterminé par l'ensemble des procès de production d'ordre, les forces ordonnatrices existant concrètement. HYPOTHÈSE
Problématique : ensemble complexe et structuré de questions (ou problèmes) relatifs à la connaissance (ou méconnaissance) d'une région donnée du « réel » de la F.S. Champ idéologique: le système de l'ensemble des problématiques d'une F.S. HYPOTHÈSE 39 li est composé de trois champs principaux, se rapportant respectivement aux programmes économiques (champ 1), les interdits (morale) et le texte juridique (champ II) et la fonction de discernement de la vie/mort (champ III). li est déterminé par l'ensemble des procès d'écriture (au sens large) existants. HYPOTHÈSE 40 - Les déterminations dont on vient de parler sont intrinsèques à chaque ip.stance comme ensemble de pratiques : elles produisent les limites non visibles, au-dedans desquelles des pratiques sont possibles. Les rapports de' production économique, ceux d'appropriation de l'ordre et les rapports idéologiques ont, eux aussi, un effet délimitatif dans leurs instances respectives, distincts et combinés avec ces déterminations : je les appellerai clôtures 92.
41 - Tandis que la détermination définit le champ de toutes les conditions de reproduction de chaque instance de la F.S., la clôture, la surdéterminant, restreint ce champ aux seules possibilités de reproduction selon les rap-
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92. Distinction non saisissable dans les F.S. sans classes, où détermination et clôture coïncident. Ainsi sera une F.S. « communiste », si on y arrive.
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ports de classe : les possibilités concernant la transformation de la F.S. en F.S. sans classes sont exclues DS. Surdétermination " les diverses instances ont aussi des effets surdéterminant les champs des autres, et même au-dedans de chaque instance certaines régions en déterminent d'autres, tout ceci étant l'effet toujours-déjà combiné de la détermination et de la clôture. Althusser a formulé une double thèse concernant ces effets de surdétermination : 1 Dans toutes les F.S. historiques, il y a une instance, et une seule,. dont les effets surdéterminant les autres sont dominants, il y a toujours une instance (dont le mode de production est) dominante: on dit qu'elle surdétermine la F.S. 2° La thèse de Marx concernant la détermination de la F.S. en dernière instance par le mode de production économique est formulée ainsi : l'instance économique détermine en dernière instance la F.S., soit qu'elle y ait le rôle dominant, soit qu'elle détermine laquelle parmi les instances politique ou idéologique a le rôle dominant dans la F.S. C'est cette seconde thèse qui justifie le nom de matérialisme historique que porte la science de l'histoire constituée par les textes de Marx. 0
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Une analyse concrète d'une F.S. concrète, notamment pendant les phases de transition entre modes de production différents, aura à préciser cette surdétermination, un bon symptôme étant le jeu des déterminations réciproques des équivalents généraux. Saturation des champs: l'écart entre la demande utopique et les demandes économiques réellement satisfaites joue sur l'utopie comme défi à le combler, lequel peut être relevé, dans la mesure du surplus de production disponible, par un effet de croissance, de reproduction élargie (champ II de l'économique). On peut cependant arriver à un point de saturation au-delà duquel aucune croissance significative ne soit plus possible; soit par l'effet de la détermination (pénurie de force de travail à la suite d'une héca-:tombe, épidémie ou guerre, ou son excès : chômage non réabsor93. Il y a des clôtures inscrites visiblement : les murs des cl: propriétés privées ». les frontières des Etats, etc. Un débat important oppose Althusser et Derrida dans la question de la clôture idéologique; tandis que le premier pose une « coupure épistémologique » marxienne dégageant le terrain du M.H., Derrida défend que les « sciences» sont encore prises dans la clôture logocentrique : « Je ne crois pas à la rupture décisive, à l'unicité d'une " coupure épistémologique ", comme on le dit souvent aujourd'hui » (Positions, p. 35). De même pour arriver à une F.S. radicalement communiste, il faudra une suite de ruptures avec le monétaire, l'appareil d'Etat. Dans cette logique, je ne peux pas non plus prétendre à ce que ce texte échappe au logocentrisme.
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bable par manque de moyens de production ou stagnation des programmes de production) H, soit par l'effet de la clôture des rapports de production économique. Ce dernier cas peut amener à une saturation politique intérieure de la P.S. (exaspération de l'exploitation par les rapports de production tant économiques que politiques) et provoquer une explosion utopique. D'autre part, la saturation politique peut être le fait de la plus grande force armée de la F.S. voisine, la guerre en étant la conséquence : à guerre d'occupation correspondra guerre de libération, l'enjeu étant toujours la reproduction de l'une et l'autre des F.S. 95.
9. SUBASIATISME ET ESCLAVAGISME Modes de production historiques: G. Dhoquois 96 distingue historiquement la « sphère asiatique » et la « séquence pré-capitaliste» : là il distingue asiatique (M.P.A.), subasiatique (M.P.subA.), para-asiatique et féodalité asiatique (M.P.F.as), ici l'esclavagisme (M.P.E.) et le féodalisme européen (M.P.F.) comme types principaux de F.S. de classes non capitalistes (F.S. nonC.).
43 - On peut distinguer les F.S. nonC des capitalistes ainsi : dans celles-là l'agriculture empirique est dominante (couvrant surtout le champ 1), dans celles-ci l'industrie technicis€e ; là, la reproduction élargie (champ II) du fait des forces productives est mince, ici très grande; l'appareil monétaire règle la circulation dans l'ensemble de l'instance économique des F.S.C., tandis qu'il est à peu de choses près exclu des champs 1 et II, et parfois même du III des F.S. nonC. : les HYPOTHÈSE
94. Ce fut le cas du bas Moyen Age, qui s'en sortit à court terme par le jeu des hécatombes. Cependant, la saturation économique des forces productives avait comme conséquence une large part de dépense du fait des seigneurs et marchands: en plus de leur luxe, c'étaient les bonnes œuvres (aumônes aux paysans chassés de leurs terres par l'appropriation latifondière et donc chômeurs, dons à l'Eglise sous forme d'indulgences, messes de suffrage, temples, abbayes, etc.). Bataille, à la suite de Tawney (qui reprenait à son tour la célèbre thèse de M. Webr.r sur le protestantisme et les origines du capitalisme), montre comment la constitution du texte théologique protestant, en rupture avec le catholique dominant et s'articulant autour de la distinction foi/œuvres (d'où tout mérite salutaire était exclu, le salut venant ex sola fide) , a permis d'arrêter cette énorme dépense en faveur des oisifs privilégiés (dans les F.S. du Nord de l'Europe) et d'endiguer le surplus disponible vers l'accumulation capitaliste (cf. La part maudite, pp. 163-178). 95. Cf. au chapitre suivant le cas de l'esclavagisme romain. 96. Pour l'histoire, essai d'histoire matérialiste comparative, que l'on ne saurait trop recommander comme introduction au M.H. par un historien. Il est permis de sauter le premier chapitre.
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rapports de production économique y sont directement po1iti~ ques (production dominante). HYPOTHÈSE 44 - Dans les F.S. nonC., la reproduction élargie est souvent importante du fait des rapports ~e production instaurés par guerre : leur champ II est celui de la production d'armes et de constructions d'Etat (palais, châteaux, temples, routys, travaux hydrauliques ... ) ; le champ III est dominé par la production d'objets de luxe ne profitant qu'à la classe dominante, il est le champ de ses intérêts économiques. HYPOTHÈSE 45 - Une autre -classification des F.S. de classes pourrait opposer le groupe P (M.P.A., suhA, F.as, M.P.F.) et le groupe S (M.P.E., M.P.C.). Groupe P : les F.S. où il n'y a pas de différenciation entre les champs l et II de l'instance politique, l'appareil d'Etat ayant prise sur l'ensemble de l'instance économique. Les producteurs ont donc la possession (P) des moyens de la production dominante; la classe dominante se confond avec l'Etat, « classe-Etat :.. Groupe S : le champ l du politique est dominé par des appareils politiques privés, l'appareil d'Etat joue surtout dans le champ II 9T : les producteurs sont séparés (S) des moyens de la production dominante (esclavage, salariat industriel). Il y a donc propriété privée de ces moyens de production par une classe, le droit qui la conditionne produisant la distinction privé/public spécifique du groupe S ; d'autre part, « l'Etat y a un rôle de coercition au profit de la classe' dominante 98 ~, sans confusion entre les deux. Sphère asiatique : les diverses formes asiatiques se caractérisent par l'opposition entre la classe paysanne organisée en communautés villageoises, au-dedans desquelles les rapports de parenté jouent un rôle important dans l'organisation sociale 911, d'une part, et la classe-Etat s'appropriant directement le surplus, d'autre part. M.P. Asiatique: l'Etat agit directement sur les forces productives 97. Tandis que le M.P.C. atomiste ou libéral appartient clairement au groupe S, le Capitalisme monopoliste d'Etat se caractérise par l'intersection croissante des appareils politiques privés (monopoles) et de l'Etat; l'Union soviétique pourrait être caractérisée comme une espèce de « capitalisme asiatique », avec « classe-Etat» et séparation S; une F. S. « communiste ~ sera un P industriel, où l'auto productivité, instance dominante, déterminera l'autogestion et l'autogrammatisme. 98. G. DHOQU 01 S, p. 132. 99. Cf. ibid., p. 71. A la différence du M.P.F., où l'organisation parentale des paysans a été brisée par le M.P.E., les « liens contractuels ~ entre le seigneur et les paysans ayant la primauté sur les rapports de parenté (cf. ibid., p. 141). Dhoquois estime qu'on ne saurait parler d'Etat pour le M.P.F. : je crois au contraire que la structure de l'appareil, telle qu'on l'a dégagée par ses trois fonctions, s'y retrouve, mais réduite à ce qu'on pourrait ~ppeler « degré zéro de l'Etat »~
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par le biais de grands travaux hydrauliques d'irrigation à partir des fleuves, sans lesquels l'agriculture ne serait pas possible 100. M.P.subasiatique " l'Etat n'interfère « qu'au ·niveau des rapports de production, en prélevant une bonne part du surproduit et en contrôlant aussi une part des échanges, pacifiques et guerriers » 101. HYPOTHÈSE 46 C'est le jeu des guerres entre F.S. voisines qui expliquerait en général le subasiatisme : une F.S. en situation de croissance (reproduction élargie), due à une aristocratie guerrière à utopie conquérante, arrive à contrôler les F.S. voisines jusqu'à ce qu'elle arrive à la saturation (grand accroissement de la dépense comme luxe) et devienne, soit la proie d'une autre F.S. conquérante à son tour, soit un M.P.Fas 10\ de par les conflits entre le roi et l'aristocratie.
Révolte " la classe productrice, dans un mouvement d'explosion utopique, impose à la classe dominante des changements politiques en vue de défendre ses intérêts économiques, tout en restant classe dominée. Révolution " processus de transformation du M.P. économique dominant d'une F.S. par l'imposition d'un autre M.P. ; une classe dominée, mais pas nécessairement la classe productrice de la production jusqu'alors dominante, prend le pouvoir d'Etat détenu par la classe qui cesse d'être dominante (ex. : les diverses révolutions industrielles, française, russe, nombre de révolutions anticoloniales). Révolution (radicalement) communiste,' processus de transformation d'une F.S. de classes en une F.S. sans classes, où sont abolis les appareils monétaires, d'Etat, idéologiques. Jamais encore complètement réalisée, la double révolution chinoise (1949, révolution culturelle prolétarienne) est celle qui semble la plus proche de cette définition utopique. HYPOTHÈSE 47 La chance révolutionnaire des villageois d'un M.P.subA. serait le retour aux formes « communautaires » primitives, mais cela leur est impossible puisqu'ils sont exclus de l'appropriation des armes; en fait, la « protection militaire » de l'Etat ou des classes féodales finit par être
100. Ce qui oblige à nuancer l'appartenance du M.P.A. au groupe P : en effet, les paysans n'ont pas la possession complète des moyens de pro.duction, car les œuvres hydrauliques en sont une partie essentielle. Ce qui a comme conséquence que la seule chance des paysans face aux abus de l'Etat est la révolte, comme en Chine, pour en appeler « d'un despote mal éclairé à un despote bien éclairé» (DHOQUOIS, p. 105, n. 109). 101. DHOQUOIS. p. 105. J'ajoute à sa liste l'Iran ancien, avant le grand empire achéménide. . 102. Cf. DHOQUOIS, pp. 137 s., pour la définition de celui-ci.
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pour eux la condition d'une certaine permanence dans l'ordre politique, car autrement ils iraient en changeant de maître à la faveur des aléas des guerres 103. Genèse et fin du M.P.E. : tous les M.P. du groupe P ont en commun un secteur plus ou moins développé d'échange relevant du champ économique III, comme on l'a vu, avec un artisanat spécialisé, souvent d'ouvriers d'Etat, celui-ci contrôlant les échanges. Aussi, sauf pour la Phénicie, la mer n'a pas joué un rôle appréciable dans ces F.S. Il est probable que ce soit dans le développement assez intensif du commerce maritime que se trouve le secret de l'originalité du M.P.E., commencé en Grèce et mené à ses ultimes conséquences par Rome, d'autant plus que l'on retrouve la même spécificité dans la transition du M.P.F. au M.P.C. La Grèce a connu un M.P. par~asiatique 104 du temps de la royauté mycénienne qui, le pays ne se prêtant pas aux grands travaux et étant très morcelé, n'a pas réussi à se maintenir, une fois sa phase de croissance arrivée à terme : la bureaucratie royale s'est écroulée et un M.P.Fas lui a succédé dont la classe dominante a, peu à peu, « la division de la Grèce en une multitude de cités» 105 aidant, été « à l'origine du progrès des échanges» maritimes, « certaines cités (allant) très loin dans la spécialisation du commerce et de l'artisanat » 106. Ce progrès a exigé un grand. développement de l'initiative individuelle et donc une base économique appropriée : l'absence d'un Etat fort a permis un renversement par rapport au groupe P, que Dhoquois exprime par « un rôle qualitativement moindre de l'Etat et un rôle qualitativement supérieur de la propriété privée »107. Cette séparation des champs 1 et II du politique, avec le développement du marché maritime, entraîna un bouleversement dans les rapports de production : le besoin d'agents producteurs a obligé la classe dominante à se les procurer en grand nombre et ceci s'est fait (captifs de guerre, petits propriétaires endettés, etc.) sous forme d'esclavage, à si grande échelle que l'esclavagisme est devenu le mode de production dominant (pas exclusif, bien sûr) 108. 103. L'histoire de ces P.S. (comme les M.P.A. et M.P.P.) n'est-elle pas une suite indéfinie de guerres, rapines et pillages où les uns s'enrichissent sur la rnine des autres? q: Ruinés par les guerres et les pillages, Oes paysans du M.P. germanique) avaient dû se mettre sous la protection de la noblesse nouvelle ou de l'Eglise, puisque le pouvoir royal était trop faible pour les protéger; mais cette protection il leur fallut l'acheter chèrement », écrit Marx (cité par GODELIER, p. 68). 104. DHOQUOIS, pp. 111 ss. 105. Ibid., p. 128. 106. Ibid., p. 129. 107. Ibid., p. 123. 108. L'esclavage existait auparavant dans les asiatismes, sous forme domestique, patriarcale ou d'Etat.
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LECTURE MATÉRIALISTE DE L'ÉVANGILE DE MARC
« Fondé sur l'initiative privée et les rapports d'échange, l'esclavagisme est éminemment précapitaliste. C'est le droit romain quia établi magistralement le droit classique de la propriété privée, qui est aussi absolu que possible et va jusqu'à l'abusus » 109, et que le M.P.C. n'a fait que reprendre et développer selon ses besoins. Les Romains, forts de leur art militaire; étendirent leur empire esclavagiste à toute la bordure de la Méditerranée, dans une phase de croissance sans égale dans l'Antiquité; la contradiction esclavagiste s'est aiguisée et la phase de dépense (grand luxe des classes dirigeantes, formation de couches urbaines chômeuses et nourries par l'Etat) a mené à l'effondrement, non sans que l'empire ne résiste pendçmt quelques siècles encore par un renforcement inouï de la bureaucratie d'Etat et de son appareil répressif et par l'idéologisation religieuse de l'empereur, le fameux culte du César Geu entre les équivalents généraux politique et idéologique).
10. RECIT, PRATIQUE, IDEOLOGIE (ou fonctions du récit dans le mode de production) 48 - Je propose ici une typologie des textes dans certaines F.S., obtenue par recoupement de deux' analyses différentes de E. Benveniste, valables également pour la langue grecque (celle de Marc) et française (celle de la traduction de Marc et de cet essai) : les systèmes de la personne/nonpersonne 110 et histoire/discours 111. HYPOTHÈSE
Textes locutifs ou discours: correspondent aux discours chez Benveniste. Textes narratifs: correspondent à l'histoire chez Benveniste, avec cette précision que les formes verbales sont celles de verbes d'action. Textes gnoséologiques : ils se situent dans le système de la non-personne, les formes verbales étant celles de verbes d'état 112 (le discours 109. DHOQUOIS, p. 130. 110. Personne : caractérisée par les pronoms je/tu; non-personne : absence de tout pronom, marquée par le il (cf. BENVENISTE, pp. 225 ss.). 111. Histoire : « récit d'événements passés », dans le système de la nonpersonne et articulant les trois temps du verbe autour de l'aoriste; discours:
dans le système de la personne Ge/tu, ici, maintenant, démonstratifs) et articulant les temps du verbe autour du présent, avec exclusion de l'aoriste. (Cf. BENVENISTE, pp. 237 ss.). 112. Cf. BENVENISTE, p. 197 (Voir aussi son analyse de la phrase nominale, à caractère ~ sentencieux ~, pp. 151 ss.).
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peut s'y articuler, notamment par l'utilisation du présent, comme un « niveau de l'auteur ')). HYPOTHÈSE 49 Les textes glloséologiques supposent toujours des textes narratifs comme matière première (cf. hypothèse 54) et procurent un « effet de connaissance» (idéologique ou théorique) du « réel d~état » paramétrique, ne changeant pas avec la durée; celle-ci, par contre, est constitutive du « représenté » des textes narratifs, selon une loi de successivité 118. HYPOTHÈSE 50 Le texte narratif, récit au sens large, est le texte sur la pratique, racontant une ou plusieurs pratiques. Tenant compte de la remarque de Benveniste selon laquelle dans l'histoire (le récit) « personne ne parle, les événements (les pratiques) semblent se raconter eux-mêmes; (son) temps fondamental est l'aoriste, qui est le temps de l'événement hors de la personne d'un narrateur » 11\ on peut dire que le récit est le discours de la pratique, le texte sans narrateur où la pratique se raconte elle-même. HYPOTHÈSE 51 - La F.S. étant un ensemble complexe de pratiques structurées, son texte idéologique est en grande partie un texte narratif, un ensemble de récits, texte sans commencement ni fin, se reprenant indéfiniment. Pourquoi raconte-t-on des pratiques? Parce qu'on doit pratiquer de nouveau : les récits sont, d'une façon générale, des grilles de lecture pour les récits en train de se faire, les récits encore ouverts sur leur achèvement. Si les agents produisent et lisent des récits, c'est parce qu'ils y cherchent des clefs pour leurs pratiques.
Rapport du récit à la relation idéologique 115 : celui de la pratique racontée (contenant un élément textuel comme constitutif) par le récit, aux codes paramétriques de la relation idéologique. HYPOTHÈSE 52 - On peut repérer deux fonctions pour le récit dans une F.~. donnée : instauration et/ou reproduction des codes paramétriques de la F .S. (récits mythiques 116, « histoires saintes » des religions théocentriques érigeant le dieu 117, « histoire bourgeoise » érigeant le logos 118, récits de consommation 119) ; subversion de ces codes en vue de leur transfor-
113. 114. 115. 116. 117. 118. 119.
Voir plus loin le concept de « code séquentiel ~ (pp. 133 s.). p. 241 (, la grande bénédiction consiste à avoir beaucoup d'enfants qui la prolongeront de génération en génération 3Sr Là encore, on retrouve la lutte de la vie contre la mort : les ancêtres continuent, par leur nom, à 31. L'érotisme, p. 228. 32. Ibid., p. 226. 33. Tandis que l'eunuque, « l'homme aux testicules écrasés, ou à la verge coupée, ne sera pas admis à l'assemblée de Yahvé» (Dt 23, 2).
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persister dans leur descendance. C'est le sens de la promesse l Abraham. vieux et sans enfants légitimes : « Lève les yeux au ciel et dénombre les étoiles si tu peux les dénombrer ( ... ) telle sera ta postérité. :. Et avant : « ... ton héritier (sera) quelqu'un issu de ton sang :. (Gn 15, 4-5). Dans une autre tradition : « Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je, magnifierai ton nom qui servira de bénédiction :. (Gn 12, 2). C'est aussi ce qui explique la« loi du lévirat » : le frère de quelqu'un mort sans laisser d'enfants doit prendre sa veuve comme épouse, « et le premier-né qu'elle enfantera relèvera le nom de leur frère défunt, dont ainsi le nom ne sera pas effacé d'Israël :. (Dt 25, 5-6). b) A cette triple extension (exogamie, procréation, persistance du nom) s'opposent, comme principe de restriction, trois interdits. D'abord, l'adultère : la femme « reçue :. par un homme, elle devient sa possession, elle appartient dorénavant à sa « maison :., l'adultère est donc un vol: « Tu ne commettras pas d'adultère~ (Dt 5, 18), inverse du don exogamique 34. La femme étant donneuse d'enfants 85, il est aussi le risque d'un mélange de sang introduit dans la maison de son mari (, « elle quitte sa maison [à lui] :1>, Dt 24, 1-2), mais c'est aussi un acte de possesseur, un droit exclusif du mari (cf. de VAUX, l, p. 60). 35. La stérilité est la plus grande honte d'une femme, cf. 1 SI; Le 1, 25. 36. Sauf si cela se passe à la campagne et que la fille ait pu crier au secours sans avoir été entendue, et soit donc exempte de dette (Dt 22, 22 88.), ce qui met un point d'interrogation à l'interprétation que j'avance ici.
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le témoignage est mensonger, « vous le traiterez comme il méditait de traiter son frère ~ (Dt 19, 15-19), la «.méditation :. renvoyant aussi au cœur, au désir. c) Voyons de plus près le mariage : « L'homme quitte son père et sa mère (c'est-à-dire sa " maison ", sa chair) et s'attache à sa femme et ils deviennent une seule chair ~ (Gn 2, 24); cette « seule chair », fusion des deux chairs, on l'a vu, pourra devenir féconde; il s'agit toujours du principe de l'extension de la «maison» dans l'exogamie. Mais la « maison» du père devant survivre dans celle du fils, le principe de restriction interdit aux enfants d'abandonner: ceux qu'ils ont un jour quittés : c'est le sens du « honore ton père et ta' mère (...) afin d'avoir longue vie et bonheur sur la terre » (Dt 5, 16) 81. d) Le but de l'exogamie est 1'établissement de tout un tissu de rapports familiaux entre les diverses « maisons », le renforcement des rapports de clan, de tribu, de nation, bref les rapports de sang, le principe d'extension exogamique engendrant ainsi ce que les. textes appellent souvent « la maison d'Israël ». De celle-ci par contre (principe de restriction) sont exclus les païens, le mariage avec eux étant interdit expressément (Dt, 7, 1-4) : aussi le système de la dette ne joue-t-il pas envers les païens comme envers les Juifs : ils peuvent, voire doivent, être tués en cas de guerre (Dt 20, 16-18), ou du moins être assujettis (Dt 20, Il), devenir esclaves à jamais (Lv 25, 44), on peut leur prêter à intérêt (Dt 23, 21), ils sont exclus de 1'assemblée de Yahvé (Dt 23, 4-7). Cette exclusive ne fera que s'accentuer après 1'exil, les Juifs devenant de plus en plus mêlés aux païens en Palestine et surtout dans la Diaspora : plus le tracé de la frontière raciale et symbolique entre Hébreux et païens est fragile, plus l'idéologie doit le ~enforcer.
e) Tout cela se s~tue dans l'instance politique qui structure une formation sociale de façon à ce que celle:-ci puisse survivre dans l'ordre, de génération en génération : survie des « noms », des « maisons », des « tribus », de la « maison d'Israël» 38. Le système de la dette vise à assurer cette survie, et à son interdit fondamental, celui de tuer, peuvent se réduire tous les autres : du vol (de
37. Cf. plus loin, p. 197. 38. Il n'y a donc aucune idée de survie dans un au-delà ni de croyance à une résurrection des morts; celle-ci n'entrera dans le texte çle l'idéologi~ juiv~ qu'au ne siècle avant J .-C.
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ce qu'un chacun a besoin pour vivre, lui et sa famille) tère, du faux témoignag~ (Dt 5, 17-20) 40.
30,
de l'adul-
8. SANCTUAIRE (TEMPLE) ET DEITE a) Le culte de Yahvé s'oppose comme don/dette (péché) au culte des dieux des peuples étrangers qui côtoient Israël. Ainsi d'abord les lieux de culte: « Vous abolirez tous les lieux où les peuples que vous dépossédez (par la conquête de la Palestine) aurQnt servi leurs dieux, sur les hautes montagnes, sur les col... Hnes, sur tout arbre verdoyant : vous démolirez leurs autels, briserez leurs stèles, abattrez leurs pieux sacrés, brûlerez au feu les images sculptées de leurs dieux, et vous abolirez leur nom en ce lieu. A l'égard de Yahvé, votre dieu, vous agirez d'autre sorte. Vous ne vïendrez trouver Yahvé, votre dieu, qu'au lieu choisi par lui, entre toutes tribus, pour y placer son nom et l'y faire habiter. Vous y apporterez vos holocaustes et vos sacrifices, vos dîmes et les présents de vos maisons, vos offrandes votives et vos offrandes volontaires, les premiers-nés de votre gros et de votre petit bétail, vous y mangerez en présence de Yahvé, votre dieu, et vous vous répartirez tout ce que vos maisons auront apporté, vous et vos maisons bénies de Yahvé, votre dieu » (Dt 12, 2-7). TI Y a don à Yahvé des victimes, des holocauste~ et sacrifices, des dîmes (triennale : pour le lévite ou prêtre 41, pour l'étranger, la veuve et l'orphelin 42 : Dt 14, 28-29; et annuelle : dîme des fruits, des champs et premiers-nés, à consommer à Jérusalem : Dt 14, 22-23 fil). considérés comme sacrés : Dt 26, 14. Le texte cité relie tout cela au Temple, lieu du don à Yahvé, de ce que Bataille appelle « la part maudite ) (sacrée), ce qui est à dépenser, à consumer comme excès en perte (par rapport à la consommation utile, quotidienne, profane) 44. 39. Cf. la remarque de von RAD, I, p. 169 : f l'interdiction du vol aVl\it en vue originalement le cas spécial du rapt humain (cf. Ex 21, 16; Dt 24, 7) » et c sa signification a été généralisée sous la forme que nous connaissons ». extension donc du vol du corps à toute la « sphère du propre ». 40. La Bible de Jérusalem (éd. 1955) faisant remarquer en note que ces 4 versets n'en font qu'un seul dans la version grecque, ceci laisse entendre que les traducteurs .lisaient les 4 interdits comme n'en faisant qu'un seul. . 41. Dans le Deutéronome, les lévites ont, du point de vue qui est ici le mien, la même place que les prêtres dans le Lévitique. 42. Ceci concerne aussi la table. 43. Cf. J. JEREMIAS, Jérusalem au temps de Jésus, p. 192. 44. La part maudite, pp. 60-62, 79 s.
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b) De même, un jour par semaine, le sabbat est donné (consacré) à Yahvé, on n'y ~ravaillera pas (Dt' 5, 12-14), comme le temps des fêtes, où se consumera, dans l'exubérance et la joie, la dîme annuelle; et c'est d'abord la Pâque : « ( ... ) au lieu choisi par Yahvé pour y faire habiter son nom (. .. ), tu mangeras avec (la victime) des azymes, un pain de misère, car c'est en toute hâte que tu as quitté le pays d'Egypte ; ainsi tu te souviendras, tous les jours. de ta vie, du jour où tu sortis du pays d'Egypte (. .. ) et tu ne feras aucun travail » (Dt 16, 1-8). Ainsi la fête des Semaines et la fête des Tèntes (Dt 16, 9-15), liées à la moisson et à la vendange. c) Mémoire de l'exode, de la libération de la servitude, du passage de la malédiction à la bénédiction, mémoire de l'alliance conclue entre Yahvé et Israël comme dieu et peuple, à la manière de l'époux et de l'épouse, mémoire de la prise de possession de la terre de Palestine: le récit (avec celui de la promesse aux Patriarches, aux ancêtres des tribus) de la constitution d'Israël comme peuple rassemble celui-ci dans le lieu où le nom de Yahvé habite, le Temple de Jérusalem. d) Principe de restriction : « Tu n'auras pas d'autres dieux que moi. Tu ne feras aucune image sculptée qui ressemble à ce qui est dans les cieux là-haut, ou sur la terre ici-bas, ou dans les eaux au-dessous de la terre (pas d'images d'animaux ou de figures humaines). Tu ne te prosterneras pas devant ces images ni ne les serviras (comme font les autres peuples) C..). Tu ne prononceras pas le nom de Yahvé, ton dieu, à faux» (Dt 5, 7-11). Les images de ces dieux-là, leurs noms, seront abolis, disparaîtront. Aussi les peuples qui occupent la Palestine doivent-ils être exterminés : « Tu les dévoueras à l'anathème ces Hittites, ces Amorites, ces Cananéens, ces Perizzites, ces Hivvites, ces J ébuséens (. .. ) afin qu'ils ne vous apprennent pas à pratiquer toutes ces abominations qu'ils observent pour leurs dieux : vous seriez en dette 4F> contre Yahvé, votre dieu» (Dt 20, 17-18). On retrouve ici un principe semblable à celui que l'on a trouvé dans le système de la souillure : il faut éviter la contagion, non plus des corps, mais des cœurs. C'est d'ailleurs aussi pour éviter cette contagion que les assassins, les incestueux, les adultères, les débauchés doivent mourir : « Tu feras disparaître d'Israël le mal » (Dt 22, 22 ; cf. 21, 21) 46. C'est, il me semble, en rapport avec cette conception du cœur, 45. « Vous pécheriez », dans la traduction de la B.J. 46. Cf. von RAD, p. 234.
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lieu du désir, qui commande le système de la dette (c circoncisez votre cœur et ne raidissez plus votre nuque ~, Dt 10, 16), qu'il faut comprendre l'iqterdiction des images sculptées : celles-ci fascinent les cœurs, attirent les désirs, comme des signifiants visibles, touchables, « œuvre de mains d'artisan ;) (Dt 27, 15), à quoi s'attachent l'or et l'argent : « Vous brûlerez les images sculptées de leurs dieux, et n'irez pas convoiter l'or et l'argent qui les recouvrent. Si vous vous en empariez, vous seriez pris au piège :. (Dt 7, 25). Israël, lui, a d'autres moyens pour connaître son dieu : ~ sa parole », sa voix « parlant du milieu du feu », « les épreuves, les signes-, les prodiges, les combats. à main forte et à bras étendu :. par lesquels Yahvé est allé chercher Israël en Egypte ; « c'est à toi qu'il a donné de voir tout cela, pour que tu saches que Yahvé est le vrai dieu et qu'il n'yen a pas d'autre :. (Dt 9, 32-35). En un mot, c'est la puissance, la force de Yahvé, racontées dans les récits de l'Exode, qui sont le moyen de le connaître. Aux images séduisantes des dieux étrangers, des « riens » (Lv 19, 4), « faits de main d'homme, du bois et de la pierre, incapables de voir et d'entendre, de manger et de sentir » (Dt 4, 28), s'oppose donc la « puissance » de Yahvé, manifestée, signifiée dans l'histoire d'Israël, à remémorer de génération en génération (Dt 6, 20-25) 41.
9. BENEDICTION ET MALEDICTION a) Les deux livres qui exposent les deux systèmes, le Lévitique et le Deutéronome, s'achèvent par une liste des bénédictions et des malédictions qui suivront le peuple selon qu'il respecte ou transgresse les. interdits des deux systèmes : « Je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction:. (Dt 30, 19) 48. Ces listes sont trop longues pour être transcrites ici, mais leur lecture éclaire nettement le sens des deux systèmes. Si l'on respecte les interdits, c'est-à-dire si l'on conjure les deux types de violence qui menacent la formation sociale, la bénédiction sera assurée : « Vous mangerez votre pain à satiété et vous habiterez dans votre pays en sécurité. Je mettrai la paix dans le 47. Il ne s'agit donc pas d'opposer visible/invisible, matériel/spirituel, car le récit concerne aussi le « visible :t, la puissance de Yahvé se manifestant « visiblement ). 48. Lv 26 et Dt 28, celui-ci achevant ce qu'on appelle « le deuxième discours de Moïse ~ qui couvre la plus grande partie du livre.
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pays (... ). Je vous ferai croître ct multiplier » (Lv 26, 5.6.9). « Bénis seront le fruit de tes entrailles, le produit· de ton sol, le fruit de ton bétail, la portée de tes vaches e.t le croît de tes brebis (...). Yahvé commandera à la bénédiction d'être avec toi, en ton grenier comme tes travaux, et il te bénira dans le pays que Yahvé ton dieu te donne» (Dt 28, 4.8). La bénédiction c'est donc la fécondité : des champs et du bétail, et c'est l'abondance dans la table, le rassasiement; des entrailles de la femme, et c'est la multiplication des enfants, la permanence du nom de la « maison » de génération en génération ; c'est-l'extension de la maison d'Israël, qui s'accroîtra dans la paix et sera grande parmi les nations, rendant connu le nom de Yahvé. Pour assurer cette fécondité, il faut que, dans le cycle vie/mort, celle-là l'emporte sur celle-ci. Par exemple, il faut que la semence tombée à terre meure et que sous l'action de la pluie, au. bon moment 49, en sortent des fruits en abondance. Et cela, seul Yahvé qui est au ciel peut le faire : « Yahvé ouvrira pour. toi les cieux, son trésor excellent, pour te donner en son temps la pluie qui tombera sur ton pays » (Dt 28, 12), lui seul peut féconder la terre, lieu des hommes, abreuver les bétails, etc. Tout dépend donc de Yahvé pour Israël. b) Cette différence essentielle ciel/terre commande la conception idéologique qui organise les deux ordres. symboliques que nous analysons. Elle commande, par exemple, le principe de la différence entre les deux chairs qui se fécondent. Le ciel et la terre sont en réciprocité mais très nettement séparés et différenciés. A leur image, il faut séparer le pur et l'impur, le pur étant l'espace de la fécondité, de la vie, de la croissance, de la multiplication, de la bénédiction; et l'impur, le souillé, étant au contraire l'espace de la stérilité, de la mort, de la malédiction, de la violence à conjurer. « Soyez saints car moi, Yahvé, votre dieu, je suis saint » (Lv 19, 2), c'est-à-dire : « Séparez-vous de la souillure. »
c) Et l'on peut maintenant préciser le sens du système de la dette. La terre que l'homme travaille, où il vit avec son bétail, ne peut que recevoir la pluie qui lui est donnée pour la féconder : le don est donc à l'origine de la fécondité, de la bénédiction. Ce qui explique le principe de l'extension commandé par le don : ce que Yahvé a donné à l'homme, celui-ci doit le donner à son semblable qui en manque ; comme il est rassasié, il doit rassasier aussi son frère. De même, sa fille qui lui a été donnée, il doit 49. I.e soleil aussi, mais, dans ces pays méditerranéens, c'est la pluie qui est Je pJusprécieux.
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la donner à un homme qui veut une épouse pour avoir, à son tour, des enfants. Et les victimes, les dîmes données à Yahvé, le temps du sabbat et des fêtes que l'on chôme pour le donner à Yahvé, ne font que marquer ce caractère de don qui, est celui du travail et de l'abondance de la table. Donner de son abondance, de sa bénédiction, de même que veiller sur la pureté, est donc le gage de la poursuite de la bénédiction. Donner de ce qu'on a est le seul moyen d'avoir encore, il faut perdre pour recevoir. d) Mais en même temps, le don pare à la convoitise de l'abondance des autres, de leur avoir, de leur vie, de leur, bénédiction. Pare donc à la violence contre son prochain, son frère, son égal. Le but du principe de l'extension est précisément l'égalité entre les hommes et entre les maisons: « Qu'il n'y ait donc pas de pauvres chez toi » (Dt 15, 4); « tu aimeras ton prochain comme toimême» (Lv 19, 18). C'est contre cette égalité que joue la violence de la convoitise, qui tend à faire des uns des riches et des autres des pauvres. D'où le principe de la restriction, l'interdit de cette convoitise : « TI (l'Israélite) n'exploitera pas son prochain ni son frère ~ (Dt 15, 2).
e) Mais il faut pousser plus loin : Yahvé n',est pas le dieu de n'importe quel peuple dans n'importe quel pays. TI est le dieu du peuple d'Israël à qui il a donné « un pays où ruissellent le lait et le miel » (Dt 6, 3), un pays qui lui appartient, donc qu'il fait féconder. Le don du pays, déjà promis aux ancêtres (cf. Gn 12, 1), « le pays qu'il a juré à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de te donner;) (Dt 6, 10), est donc à la mesure de la bénédiction, est déjà la première bénédiction, gage de toutes les autres 50. C'est là que se situe l'importance primordiale du récit de l'exode: comment Yahvé 'a fait sortir Israël de la servitude en Egypte, de la malédiction, l'a fait traverser le désert et lui a donné le pays. Le Décalogue, qui est la somme des interdits du système de la dette, commence par cet appel : « Je suis Yahvé ton dieu, qui t'a fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de la servitude » (Dt 5, 6).
f) Le don du pays se marque dans le récit des combats pour sa possession; ces combats s'inscrivent aussi dans 'le système de la dette car ils sont la conjuration de la violence d'agression aux frontières d'Israël, venue des autres nations. Elles. sont « plus nombreuses et plus fortes que toi » (Dt 9, i), elles ont « des 50, Cf, von RAD, I, p. 202.
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chevaux, des chars et ont un peuple plus nombreux que toi :. (Dt 20, 1). Mais « tu n'en auras pas peur, car Yahvé ton dieu est avec toi, lui qui t'a fait monter du pays d'Egypte (... ); que votre cœur ne faiblisse pas (... ). Les scribes diront ceci au peuple [suivent trois recommandations concernant les soldats qui ont une bénédiction à recevoir, maison neuve, vigne. non vendangée encore, fiancée : cf. 2, 30] : qui a peur et sent mollir son courage? Qu'il s'en aille et retourne chez lui, afin de ne pas faire fondre comme le sien le cœur de ses frères :. (Dt 20, 1.3.8), c'est-à-dire de ne pas les contaminer. Les chapitres 7 et 8 développent longuement ce thème qu'Israël est peu nombreux face aux autres peuples et que, cependant, il les vaincra, comme déjà ce fut le cas en Egypte (Dt 7, 17-21), en tirant la conclusion de cette démesure au combat: « Garde-toi de dire en ton cœur: c'est ma force, c'est la vigueur de ma main qui m'ont procuré cette puissance 5\ Souviens-toi de Yahvé ton dieu, c'est lui qui t'a donné cette force, qui t'a procuré cette puissance » (Dt 8, 17-18). Or, les chars, c'est le propre d'une armée de métier, d'une armée d'Etat (comme sera celle de David 52), à quoi le Deutéronome oppose ce que von Rad appelle la « guerre sainte », que nous dirions aujourd'hui « guerre populaire », assurée par la « mobilisation des paysans libres 53 » : il explique que cette conception ancienne - on la trouve chez Josué et les Juges - a été reprise par les lévites dans leur effort réformateur antimonarchiste. Cette conception rehaussant le courage des combattants face à la peur revient, en fait, à opposer la force des corps à la faiblesse (des corps) que supposent les armements 54. On est bien dans le symbolique donc, et le caractère de don de la force signale le sys'tème de la dette. La force n'excluant pas la ruse, cette conception se lit dans le récit de la prise de Madiân par Gédéon (Jg 7, 3 : « Yahvé dit à Gédéon : .. , le peuple qui est avec toi est trop nombreux pour que je livre Madiân entre tes mains; Israël pourrait en tirer gloire à mes dépens et dire : " c'est ma propre main qui m'a délivré " »), ou bien dans celui de David avec Goliath (, 1 S 17, 45). 51. « Pouvoir », dans la traduction de la B. J. 52. Von RAD, I, p. 47. 53. Von RAD, I, pp. 61 et 73. 54. On retrouve une autre conception de Bataille : cette force des corps au combat est en rapport avec le désir du risque, « dans la mesure où ils peuvent (c'est une question quantitative - de force), les hommes recherchent les plus grandes pertes et les plus grands dangers» (L'érotisme, p. 96). Cf. mon hypothèse 27, p. 42.
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g) L'enjeu entre Yahvé (selon Dt) et les dieux des autres peuples se précise donc. Ceux-ci accordent préférence au pouvoir de la richesse, au pouvoir des armements, au pouvoir politique de leurs rois, leurs images sont des signifiants liés à l'or et à l'argent (Dt 7, 25)~ aux chevaux et aux chars de combat (Dt 20, 1) 55. Contre ces signifiants, l'absence des images de Yahvé et la mémoire du récit de la force de Yahvé marquent la prépondérance du principe du don. On trouve la crainte des abus royaux dans les réserves faites à l'idée de royauté en Israël : « Qu'il (le roi) n'aille pas multiplier ses chevaux, et qu'il ne ramène pas le peuple en Egypte pour accroître sa cavalerie (...), qu'il ne multiplie pas le nombre de ses femmes, ce qui pourrait égarer son cœur. Qu'il ne multiplie pas à l'excès son argent et son or (... ). li évitera ainsi (en observant la loi) de s'enorgueillir au-dessus de ses frères ... ~ (Dt 17,16-17.20). Le récit de 1 S 8 de la demande d'un roi par le peuple ( (cité par GODELIER, p. 62).
AU I
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nisée depuis le second siècle avant J .-C. : les pharisiens, qui se définissent par la rigueur de l'observation de l'ancien ordre symbolique; c'est donc que le reste de la population était bien moins ferme dans cette observation. Notamment, un certain nombre de métiers, dont Jeremias analyse quelques listes 11, sont réputés en eux-mêmes comme impurs et leurs agents comme souillés: parmi eux, relevons les publicains, collecteurs du « publicum » pour les Romains, qui constituent, comme partout ailleurs dans l'empire, une classe parasite, détestée des masses et condamnée par les dirigeants intellectuels. Par ailleurs, un certain nombre de gens transgressent notoirement la Loi dans l'un ou l'autre de ses commandements, et sont eux aussi mis à part comme pécheurs. Enfin, impurs et exclus, les « malades mentaux » sont censés possédés par un esprit impur, un démon. Une deuxième remarque consiste à relever le souci, devenu très intense du fait du mélange fréquent des Juifs avec les païens (surtout en Galilée, mais aussi en Judée), de la pureté de leur origine juive, de leur sang et de l'absence de mélange, chez les ancêtres, avec du sang païen. Pour exercer des droits civiques très importants 12, il faut prouver que l'on est d'origine légitime; même le simple Israélite connaît ses ancêtres les plus. proches et peut indiquer à laquelle des douze tribus il remonte. Depuis le retour de l'exil, la preuve de l'origine légitime est devenu le véritable fondement de la communauté du peuple restauré. ·Cela est décisü surtout pour les familles des lévites, des prêtres et des grands prêtres. Jeremias analyse longuement la division de la société .en trois grands groupes·: les familles d'origine légitime, celles d'origine illégitime atteintes d'une souillure légère et celles dont l'origine illégitime est frappée d'une souillure grave. La troisième remarque concerne les villages : ici, le symbolique est probablement beaucoup mieux respecté, les. rapports de parenté jouant encore à fond leurs rôles économique, politique et idéologique propres aux F.S. sans classes 18. b) Au niveau suprapolitique, concernant les rapports d'autorité ou de pouvoir politique 14, il faudra là aussi tenir compte de la distinction entre le secteur villages et le secteur villes. Dans ceux-là, les rapports d'autorité permanents sont les rapports au-dedans de la parenté, de la « maison ». De façon non permanente, un conseil des anciens se réunit soit pour régler des affaires 11. 12. 13. ) 4.
Pp. 399 S8. Ibid., pp. 392 ss. ; mais il y allait aussi de l'h~ritag~. Cf. GODELIER, p. S5 et mon hypothèse 11, p. 27. Cf. mon hypothèse 10, p. 27.
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communales, soit comme tribunal en cas de litige ou de transgression de la Loi 1&. De ce conseil font partie les « anciens :., c'est-àdire les chefs de « maisons » juives, choisis en fonction de la pureté de leur sang d'origine, et un prêtre pour les questions concernant la souillure et la pureté. Pour les villes, les mêmes conseils existent, mais accaparés par les chefs des familles plus riches, la « noblesse laïque :) : ils correspondent déjà à des rapports de pouvoir, à des rapports de classes, car il s'agit là des tenants des centres de l'appareil du pouvoir politique et des entreprises économiques, que sont les grandes propriétés agricoles. Dans leurs tribunaux siègent aussi des scribes, qui ont parcouru un cycle d'étude régulier de plusieurs années, et peuvent prendre des décisions personnelles dans les 'questions de législation religieuse et de droit pénal : ordonnés à quarante ans, ils sont autorisés à être juges dans les procès criminels et à porter des jugements dans les procès civils. Souvent des prêtres ont la formation de scribes. Ce cycle d'étude concerne, en effet, outre le religieux dont il sera question plus loin, une casuistique assez compliquée d'interprétation des anciens textes législatifs, relatifs aux deux systèmes de la souillure et de la dette, témoignant là encore du décalage entre ces textes et les changements intervenus dans le champ symbolique du fait des transformations sociales. c) Parmi tous les conseils d'anciens, celui qui joue le premier rôle est celui de Jérusalem, le Sanhédrin, dont le pouvoir politique s'étend à toute la Judée, et le pouvoir idéologique à toute la Palestine, voire à la diaspora des Juifs de par le monde. Il est à la fois le tribunal suprême (criminel, politique et religieux) et le siège du gouvernement, du pouvoir d'Etat en Judée. Il est donc le centre de la superstructure d'Etat du M.P .subA., depuis l'an 6 après J.-C., quand la Judée devint province procuratorienne. TI est constitué par soixante et onze membres : « les grands prêtres, les anciens et les scribes ». Les « grands prêtres » sont les prêtres en chef qui occupent un· poste permanent au Temple et qui, en raison de cette fonction, ont voix au Sanhédrin où ils constituent un groupe bien défini; le groupe des anciens. se compose de chefs de familles patriciennes de Jérusalem ; les « scribes ~, en majorité pharisiens, sont le parti du peuple et représentent la foule en face' de l'aristocratie, aussi bien du point de vue religieux que social. Mais (de 6 avant J.-C. à 66 après J.-C.) c'est l'aristocratie sacerdotale et laïque, d'observance sadducéenne, qui y joue le rôle déterminant. 15. Cf. de
VAUX,
I, pp. 212, 235.
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Siégeant dans le Temple, présidé par le grand prêtre en exercice, le caractère religieux du Sanhédrin couvre idéologiquement sa fonction politique; cependant à l'instar de tous les autres conseils d'anciens, il n'est pas permanent et ne fonctionne que sur convocation pour des affaires graves. L'appareil d'Etat, qui s'approprie le pouvoir politique à Jérusalem et en Judée de façon permanente, est constitué seulement par le groupe des grands prêtres du Sanhédrin. Le centre de cet appareil est le grand prêtre, dont le rôle religieux fonde idéologiquement ce lieu politique depuis la chute de la monarchie et le retour de Babylone .. Cependant, tandis qu'à l'origine il s'agissait d'une fonction à vie héréditaire, au 1 er siècle de notre ère le procurateur romain, à la suite des Hérode, nomme et destitue les grands prêtres à sa guise, dans n'importe quelle famille sacerdotale. Au-dessous de lui, se situe un autre prêtre en chef, le commandant du Temple, qui, outre la haute surveillance du culte, a en main la puissance policière suprême. TI dirige donc le secteur répressif de l'appareil d'Etat dans le Temple et c'est cette police-là, constituée de lévites, qui a dû arrêter Jésus. En plus des sept surveillants du Temple, qui en détiennent les clefs, contrôlent l'accès dans les parvis et assurent aussi le maintien de l'ordre extérieur, la troisième fonction de prêtre en chef est celle des trois trésoriers, chargés de l'administration des revenus du Temple, de ses réserves, de s~s richesses, bref, des finances du Temple . . Une foule de fonctionnaires, prêtres, lévites et simples laïques assurent le fonctionnement de cet appareil politique du Temple, dont le rôle est aussi celui d'appareil d'Etat pour toute la Judée. d) Cet appareil d'Etat subasiatique strictement juif est cependant contrôlé par l'appareil d'Etat du M.P.E. romain. Celui-ci a installé, depuis l'an 6 après J.-C., un procurateur chargé directement de la Judée (et de la Samarie), tandis que la Galilée d'Hérode Antipas demeure sous la dépendance du légat romain de Syrie. Pour bien marquer l'autonomie interne laissée à l'appareil d'Etat juif, le procurateur réside à Césarée (Samarie) au bord de la mer, où stationnent les troupes d'occupation (trois mille hommes environ, recrutés en Syrie et en Palestine, mais en dehors de la population juive). TI ne monte à Jérusalem que pour les grandes fêtes juives : le reste du temps, une cohorte de soldats commandée par un tribun constitue la garnison de la capitale. Lors de ses venues, le procurateur s'occupe des cas de peines capitales, le droit d'exécution pour raisons politiques lui étant réservé.
Cette autonomie n'en est pas moins contrôlée. D'une part, par
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le biais du droit de nommer et de déposer les grands prêtres, que les Romains ont gardé à la suite des Hérode, et qui, en fait, s'est exercé de façon telle que seules quatre familles sacerdotales plus puissantes ont fourni des. grands prêtres: ainsi les Romains s'assurent la totale dépendance de ceux-ci. D'autre part, les Romains s'assurent aussi la dépendance des « anciens », la « noblesse laïque ». Je cite Baron 16 : « L'aristocratie foncière ne se sentait pas entièrement assurée dans la possession de ses biens, puisque toute la terre appartenait théoriquement à l'Etat 11. Elle avait été trop souvent décimée ou expropriée arbitrairement par Hérode et les autres chefs de l'Etat (... ) depuis le temps où les Ptolémée avaient établi " les grands domaines " et les avaient confiés à des maîtres individuels aux fins d'une exploitation directe ou indirecte mais avaient soumis le propriétaire tenant à une destitution arbitraire toujours possible ». Ainsi promise à la menace permanente d'expropriation par les Romains « la classe des propriétaires fonciers développa ces traits de servilité envers les supérieurs politiques et de totale absence de pitié envers les subalternes, qui contraignirent souvent ces derniers à s'enfuir et à se joindre aux bandes de brigands qui battaient la campagne. C'était là la solution extrême à laquelle recouraient, d'ordinaire, les paysans opprimés et les esclaves du monde ancien :.. De plus, « c'était parmi les. anciens du Sanhédrin et les autres anciens des grandes familles que (le procurateur) choisissait d'habitude les fonctionnaires pour les impôts, les décaprotes. Ces décaprotes, chargés de répartir entre les citoyens soumis à l'impôt le tribut imposé à la Judée par les Romains, répondaient sur leurs propres deniers de son versement exact :. 18. C'est ainsi que l'appareil d'Etat romain, tout en laissant une marge d'autonomie interne à l'appareil juü et ne se réservant que quelques fonctions décisives, n'en contrôlait pas moins indirectement les classes tenantes de cet appareil. On y reviendra dans l'analyse de la conjoncture de lutte de classes de la Palestine du lU siècle. 16. I, p. 376. 17. C'est là une caractéristique de l'a~iatisme qUI Ignore la « propriété privée » typique du M.P.E. et du M.P.C., comme on l'a vu : c'était le Dieu d'Israël qui était censé être le Seigneur de tout le pays. Je crois que cette considération devrait mener à une relecture des paraboles évangéliques sur les maîtres et les serviteurs (par exemple, Mt 25, 14 ss.). Elles sont moins « paraboliques » qu'il ne paraît : la logique qui les sous-tend est celle du système de la dette, prolongée dans une perspective eschatologique, et elles visent les c patrons » et les tenants du pouvoir politique. Le c vrai patron » va venir bientÔt pour le jugement et ceux qui n'ont pas été fidèles au don (don/dette) seront châtiés. Or, on les lit d'habitude selon l'optique de la c propriété privée ~ occidentale, comme si celle-ci était cautionnée par eUes ! 18, J. JERBUAS, p. 308 (cf. Baron, l, p. 368~,
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4. L'INSTANCE IDEOLOGIQUE a) C'est, selon la définition que nous en avons donné plus haut, l'instance de la production (écriture), circulation (entre les agents) et consommation (lecture) des textes de la F.S. On peut parler au singulier, car finalement il n'y a qu'un seul texte incessamment repris, continué, élargi, lu et réécrit, texte toujours déjà approprié idéologiquement, dans sa sémantique complexe, par divers codes. Dans la Palestine du 1er siècle, le texte oral se fait dans la langue courapte dans tout le Proche-Orient depuis quelques siècles, l'araméen, tandis que le travail d'appropriation idéologique se fait à partir de textes écrits au long d'une histoire vieille déjà d'une dizaine de siècles, les plus anciens l'étant en hébreu, la langue ancienne d'Israël, devenue « langue sacrée :.. La majorité de la population étant analphabète, l'accès à ces textes écrits est réservé à une caste de « spécialistes :) de l'écriture, les scribes (grammatai, dans le grec du Nouveau Testament), dont il a déjà été question plus haut à propos de leur rôle politique. Le lieu de leur fonction spécifiquement idéologique est la synagogue, où, tous les sabbats, la population de la ville ou du village se rassemble et les écritures anciennes sont lues et commentées. Une autre caste, celle des prêtres, a un' rôle idéologique spécifique : celui des rites de purification, et le haut-lieu de leur production idéologique est le Temple. Avant d'en venir aux effets dans le texte de la F.S. de ces, deux productions idéologiques dominantes, on s'attardera un peu sur les procès de lecture/écriture à la synagogue. b) Considérons d'abord le texte qui y était lu et commenté : la Torah et les prophètes. Je prendrai les textes non pas dans leur histoire mais déjà constitués en un ensemble clos depuis les temps du retour de Babylone et le début du judaïsme palestinien. La Torah est constituée de six livres (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, Josué), dont une part du contenu forme quatre récits. 10 D'abord (Gn 1-11) des récits concernant les origines du monde et de l'humanité, cene-ci étant, depuis le premier couple humain, dans une situation de contradiction que nous avons appelée infrastructurale 19, la « chute :. mythique de ce premier couple ayant entraîné la violence dans le sexuel, le travail et la mort. 19. Cf. mes hypothèses 6 et 31, pp. 25 et 43.
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2° Le reste du livre de la Genèse (Gn 12-50) raconte les origines du peuple d'Israël, à travers les récits de ses trois grands ancêtres, Abraham, Isaac et J aéob et de la promesse qui leur fut faite par Yahvé d'un pays, d'une large descendance et de la bénédiction qui leur adviendrait comme abondance, bonheur et prééminence face aux autres nations, bénédiction qui contrecarrerait les effets de la contradiction infrastructurale. 3° Les quatre livres suivants (Exode à Deutéronome) contiennent des récits concernant la formation du peuple d'Israël comme peuple de Yahvé, à partir de sa libération d'Egypte sous la conduite de Moïse, à qui, pendant un séjour de quarante ans au désert, Yahvé avait proposé une alliance 20 : « Désormais, si vous m'obéissez et respectez mon alliance, je vous tiendrai pour miens parmi tous les peuples :. (Ex 19, 5), formule que les prophètes reprendront sous forme lapidaire : « Ils seront mon peuple et moi je serai leur dieu. » 4° Finalement, le livre de Josué contient le récit de la conquête du pays de Canaan par les tribus d'Israël, se terminant (Jos 24) par le ~écit de l'assemblée des douze tribus à Sichem, avec' ratification de l'alliance mosaïque 21 : le pays a été donné par Yahvé à Israël en accomplissement des promesses faites aux patriarches. A.insi, selon cette grande structure narrative Promesse/Accomplissement, s'achève le récit des origines d'Israël. Mais cet achèvement est, du point de vue de la rédaction même du texte, une ouverture sur le récit à venir, sur la prolongation de la bénédiction aux générations suivantes ; ceci est marqué par la place, dans la Torah, des textes législatifs qui remplissent surtout les livres du Lévitique et du Deutéronome, dont 17analyse a été 'faite : la bénédiction ne sera donnée que dans l'obéissance à cette loi donnée par Yahvé à Moïse. Le récit domine la Loi.
c) Les livres prophétiques (Juges, Samuel, Rois, Chroniques, et les Prophètes proprement dits) débutent par le récit du passage de la « confédération de tribus » à la monarchie (J g, 1 et 2 S,IR 1-11), David et Salomon y sont présentés comme ayant réussi la grande étape de la promesse accomplie (cf. notamment la description de la grandeur de Salomon, 1 R 3-10 : c'est le récit de la gloire d'Israël devant les autres nations). Cette gloire cependant tourne court et le reste des livres des 20. Métaphore venant des « alliances » politiques auxquelles les F.S. asiatiques du Proche-Orient avaient recours depuis le 2e millénaire avant J.-C. 21. Selon von RAD, l, p. 25, il faut voir dans ce récit très ancien « la fondation de l'amphictyonie de l'ancien Israël », c'est-à-dire la confédération des tribus.
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Rois, repris postérieurement par les Chroniques, est le récit de la malédiction que la monarchie a entraînée sur Israël jusqu'à la déportation de ses classes dirigeantes en Babylonie. Les livres des prophètes, d'avant et d'après l'exil, mêlent des récits aux oracles comminatoires ou consolateurs de quelques grandes personnalités religieuses, qui, tout au long de ces siècles de malédiction dominante, lisent les récits qui leur sont contemporains à la lumière de la Torah. Ils commencent à annoncer une future intervention de Yahvé d'abord conçue comme proche, ensuite comme lointaine 22, intervention guerrière pour rétablir Israël dans la bénédiction et lui assujettir les nations ennemies. C'était, chez les prophètes du VIlle siècle, le « jour de Yahvé :. que l'on attendait. Les conceptions eschatologiques ont changé selon les prophètes et les époques. Isaïe a placé au centre de son espérance le retour d'un roi descendant de David, oint (messie) par Yahvé, qui rétablirait le droit (le système de la dette) en Israël. Cette espérance messianique s'est maintenue jusqu'au temps de Jésus et traverse le texte de Marc, comme on le verra. D'autres prophètes, J érémieet Ezéchiel surtout, ont annoncé, métaphorisant sur l'alliance sinaïtique brisée par l'infidélité d'Israël et de ses rois, une nouvelle alliance que Yahvé ferait avec son peuple, sans omettre d'ailleurs le messianisme davidique. Le deutéro- et le trito-Isaïe ont proposé la vision d'une nouvelle Jérusalem, Sion rétablie, que les nations étrangères chercheraient pour y connaître la Loi de Yahvé et trouver, elles aussi, le bonheur de sa bénédiction. Les images de repas d'abondance et gratuits, des noces, de Jérusalem comme ville de justice, de fêtes pleines de liesse, attestent au long de la littérature prophétique qùe c'est toujours la bénédiction de Yahvé qui est attendue, à la mesure de la conversion d'Israël à la loi de Yahvé-, du rétablissement du système de la dette. . Cette structure textuelle, on la retrouvera par la suite, et notamment chez Marc; elle est spécifique de la rédaction juive des récits. On écrit, on lit des récits pour éclairer à cette écriture, à ces lectures, les pratiques contemporaines, les récits en train de se faire. Mais, je le signale tout de suite, cette métaphorisation du récit premier d'Israël, marquée par le terme nouveau (nouvel exode, nouvelle alliance, loi nouvelle), est le lieu du leurre où tombera toujours l'exégèse bourgeoise, à la suite de celle qui l'a précédée : le nouveau se passe dans les cœurs (J r, Ez), on crie donc à l'intériorisation. On verra le pourquoi de cela, mais il faut dire tout de suite que, chez les prophètes, les perspectives sont toujours ter22. Cf. von
RAD,
II, pp. 102, 235.
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restres : c'est toujours de la bénédiction matérielle, sur terre, qu'il est question chez eux. En effet, il s'agit toujours du destin collectif d'Israël dans le pays que Yahvé lui a donné. Voici donc un premier ensemble de textes, les textes sacrés, dont la lecture et le commentaire sont le travail idéologique des. scribes. Après la récitation de la prière introductive et des dix-huit bénédictions, le culte synagogal du sabbat se poursuit : « On procède à ·la lecture du texte sacré : la Torah d'abord, puis les prophètes (collection juive). Cette lecture est faite en hébreu, langue liturgique, devant un auditoire palestinien, et en grec dans la diaspora. Mais, en Palestine, les sections du texte sacré choisies pour la lecture sont aussitôt traduites en araméen : c'est l'origine des targum 28. :. d) Avant de continuer sur les textes, oraux et écrits, qui circulent dans la Palestine du 1er siècle, il faut considérer en elle-même la classe des scribes qui en a été le producteur. La classe sacerdotale devenue dominante dans le judaïsme post-exilique marginalisa la problématique eschatologique ouverte par les prophètes 24. Ils ont clôturé la Torah et leur lecture du texte sacré devient de plus en plus conservatrice. Ce faisant, ils libèrent un espace de production textuel qui sera occupé par les scribes, dont le développement ira croissant tout au long des siècles jusqu'à ce qu'ils acquièrent la place idéologique prépondérante qui est la leur à l'époque qui- nous intéresse. Qui sont les scribes, du point de vue économique? Il y en a qui sont 'des prêtres, soit du haut soit du bas clergé. Viennent ensuite - et c'est la grosse masse des scribes - des gens des autres couches du peuple : marchands, artisans ; la plupart appartiennent aux couches non fortunées de la population. Mais comme il leur était défendu de se faire payer leur activité et que beaucoup n'avaient pas de métier, c'est avant tout de secours que vivent les scribes. Comme il ne se trouve point de paysans parmi eux, il faut bien conclure que la grosse majorité des scribes font partie de ce qu'on pourrait appeler la petite bourgeoisie des commerçants et
23. Introductiol/ à la Bible, Il, p. 62. 24. « Cette vision (des prophètes) devait se perdre sous l'influence du code sacerdotal et de sa théologie cultuel1e non eschatologique. A mesure que le temps passait, il· semble que la consolidation de la communauté cultuelle post-e~i1jq\1e ait comblé les espoirs de restauration de bien des rapatriés, évinçant de façon toujours plus systématique les idées eschatologiques. Non pas que celles-ci n'aient plus eu de propagateurs à l'époque; mais l'aristocratie sacerdotale qui était au pouvoir à Jérusalem écarta toujours davantage l'attente eschatologique, la forçant pour finir à s'exprimer en marge de la communauté ~ (von RAD, II, p. 257). La clôture sacerdotale invertit ainsi Je rapport récit/loi : fixé dans le passé, le récit est dominé par la loi.
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artisans de la Palestine : leurs intérêts idéologiques correspondent donc aux intérêts économiques et politiques de cette classe. « Le savoir est seul et unique à représenter la puissance des scribes :», dit Jeremias, c'est-à-dire que leur pratique idéologique est une fonction idéologique décisive : Jeremias parle de « l'influence dominante des scribes sur le peuple» et va jusqu'à les considérer comme une « nouvelle classe supérieure », « à côté de l'ancienne classe supérieure constituée par la noblesse héréditaire du clergé et du laïcat », ayant accès au Sanhédrin lui-même. e) On trouvera comme caractéristiques de la pratique idéologique des scribes trois types de textes : ' 10 Ceux qu'on appelle textes de sagesse, dont le livre de Job reste l'un des plus significatifs. Quelque chose change : parmi ces marginalisés, la problématique individuelle prend le premier plan, les textes s'interrogent sur leur destin personnel, sur le malheur de leur condition quand ce sont précisément eux qui sont restés fidèles à la loi de Yahvé. Est-ce que les promesses ne sont pas contredites, la malédiction s'avérant être le fruit d'une p~atique de pureté et de don conformément à la loi? Le livre de Job, si l'on fait abstraction du début (Job 1-2) et de son happy end (Jb 42, 7 ss.) qui sont postérieurs, ne trouve pas de réponse à cette question, pas plus que Qohelet (dit « l'Ecclésiaste)), de nombreux psaumes ou les autres sages : ils continuent d'espérer au-delà de leur angoisse, mais cependant c'est bien la mort qui les attend. D'autres s'intéressent à la connaissance de la nature et de la société e~ donnent des règles de conduite individuelle, tels les Proverbes ou le Siracide (dit « Ecclésiastique'»). 2 0 Les textes targuminiques, surgis « dans le cadre du culte synagogal ), constituent « une tradition sur l'interprétation des textes de l'Ancien Testament » : lecture-écriture sans cesse reprise et s'élargissaht dans ce que A. Paul appelle l'Intertestament qui c ne s'épanouira que plus tard, dans l'univers du judaïsme rabbi~ique 16 ) , après le 1er siècle de notre ère. 3 0 Mais les textes les plus représentatifs peut-être pour la période qui nous concerne, ce sont ceux qu'on a appelés apocalyptiques, apparus dans la période qui va de l'an 200 avant J.-C. à l'an "100 après J.-C. Leur problématique, d'importation étrangère, est celle de la connaissance de la nature et de l'histoire, d~ms la « présupposition qu'il existe une analogie générale entre l'action salvatrice de Dieu et l'ordre de la nature ~ ». L'influence de littératures étrangères à Israël s'observe d'abord 25. A. PAUL, p. 429. 26. Von RAD, II, p. 273.
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dans la rupture avec la tradition prophétique : le message des prophètes est enraciné dans l'histoire du salut, c'est-à-dire dans des traditions d'élection bien définies, tandis que les auteurs des apocalypses présentent une vue de l'histoire dans laquelle tout est suspendu au fait que le cours de l'histoire est fixé depuis le début dans un enchaînement prédéterminé. Les prophètes ~e sont tus définitivement; l'auteur apocalyptique, à l'instar des auteurs perses, a reçu ,une révélation secrète (notamment à travers des songes) qu'il ne transmet qu'à des initiés. L'apocalyptique a une place certainement très importante dans le cycle d'étude qu'il faut accomplir pour devenir scribe. Et par ailleurs les éléments constitutifs de la sémantique propre à ces textes sont entrés dans le texte idéologique d'Israël et sont bien présents dans les. textes néotestamentaires, notamment dans celui de Marc que l'on va lire (ce que j'appellerai le code mythologique). Il nous faut donc regarder' de plus près cette sémantique, et puisqu'elle a été l'effet intertextuel des textes religieux perses, on fera un bref résumé de ceux-ci. f) La Perse (ou l'Iran) des Achéménides était un M.P .subA. (sans travaux d'irrigation importants), qui a constitué le premier grand empire de l'ancien Proche-Orient (Vie à Ive siècles avant J.-C.), qui engloba des M.P .A. comme la Mésopotamie et l'Egypte. On y retrouve successivement les trois types de religion dont il a été question 27, le passage des religions tribales à un polythéisme d'Etat étant indiqué ainsi par Benveniste : « L'ancien Iran, cet agrégat de peuples' et tribus, les uns sédentaires, les autres nomades, qevait pratiquer des cultes assez différents. La religion dite mazdéenne a progressivement gagné une grande partie de l'Iran ancien 28. ) Dans le mazdéisme, il y a un dieu principal, Ahuramazda, créateur du monde qu'il gouverne avec le concours d'aùtres dieux secondaires. et qui est lumière céleste et sagesse. La différence ciel/terre est donc primordiale. A l'instar de la souillure chez les Juifs, il y a un monde du mal, des ténèbres, où règnent des dieux maléfiques, les démons (les daiva). L'univers idéologique mazdéen .est ainsi celui d'un combat entre forces du Bien et forces du Mal, reflétant le mode d'existence de tribus guerrières, en proie à la convoitise de leurs voisins et au désir de les dominer. . Or le roi est aussi le souverain de l'univers, le maître du cosmos, une image terrestre du dieu, et la sagesse est aussi son attribut 27. Plus haut, pp. 37 s. 28. Je me servirai, en les interprétant, d'un texte collectif déjà ancien, La civilisation iranienne, et de celui de Widengren, Les religions de ['Iran.
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essentiel de gouvernement; l'Iran attendait de son roi qu'il fît tomber la pluie nécessaire, qu'il fertilisât la terre : on est bel et bien dans une religion « asiatique ;), telle que Banu Fa décrite. Le troisième type de religion, plus ou moins contemporaine des mystères grecs, a été le fait de Zarathoustra, à une époque de sédentarisation et d'urbanisation. A partir de « révélations :. personnelles, il prêche une religion de salut intériorisé, une expérience religieuse individuelle : chaque fidèle qui a pris parti et combat pour le Bien est le lieu d'une bataille intérieure contre les. forces du Mal; aux batailles multiples mais épisodiques de la vieille mythologie, ne succède qu'une seule guerre entre le Bien et le M&l. Le fidèle vainqueur recevra sa véritable récompense, après la mort, des mains de Ahuramazda : ainsi, ce qui était prérogative royale devient-il accessible aux fidèles, avec, comme conséquence, l'avènement d'une perspective d'immortalité et la séparation nette entre le dieu et le roi 29. C'est donc du lieu intérieur d'une sagesse révélée que Zarathoustra prêche le salut, lequel éclatera au grand jour lors d'un jugement dernier par le feu, quand un rédempteur, le « Vivant :., reviendra et que bons et méchants auront le sort qu'ils ont mérité. En rapport avec ce jugement, apparaît la croyance en une résurrection de la chair. Ces divers thèmes 'du combat Bien/Mal et du rôle qu'y jouent les démons, d'un jugement eschatologique, du rédempt~ur et de la résurrection, étrangers à l'idéologie de l'Ancien Testament, on les retrouvera dans les apocalypses, et l'on accepte communément qu'ils y sont l'effet de la religion de Zarathoustra. Comment s'étonner de cette intertextualité? C'est Cyrus qui a permis le retour en Palestine des exilés juifs de Babylone, c'est Darius qui a permis la reconstruction du Temple, c'est Artarxerxès qui a permis à Néhémie de venir gouverner Jérusalem et reconstruire ses murailles ; bref, la restauration d'Israël sous la forme du judaïsme est l'œuvre des rois perses. g) TI reste à préciser les conditions politiques de ce travail inter-idéologique. La littérature apocalyptique est apparue à une époque précise et d'un seul coup. Elle prolonge en partie les traditions de la littérature de sagesse, notamment la science de l'interprétation des rêves et celle des oracles et des signes, mais. elle innove dans ce qui est probablement le trait spécifique le plus certain de l'apocalyptique : une échappée sur la fin de l'histoire, sur un jugement universel et une rédemption, donc une perspective
29. La religion de Zarathoustra est antiroyale, Widengren prouve que les rois achérriénides n'y ont pas adhéré (p. 166 ss.),
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ouverte sur l'accomplissement de l'histoire 80. Malgré le scepticisme de von Rad sur ]a possibilité de connaître les cercles porteurs de ces idées 8\ il est facile de voir quels événements, en ,Palestine, ont bouleversé sa problématique politique et justifient une nouvelle production textuelle intervenue si massivement : c'est le soulèvement des Maccabées et ses conséquences. Ainsi, en dehors de la littérature apocalyptique, on retrouve dans le second livre des Maccabées (12, 38-46) l'apologie de la résurrection des morts : « Car s'il (Judas) n'avait pas espéré que les soldats tombés dussent ressusciter, il était superflu et sot de prier pour les morts. :) On est donc amené à pens:er que c'est cette « lutte sainte :. qui fut le lieu de l'appropriation de la croyance perse à la résurrection dernière, eschatologique, la mort de ceux qui luttent pour Yahvé étant sans cela un non-sens, une pure malédiction. C'est ce soulèvement des Maccabées qui est à l'origine du parti des pharisiens, car il se pourrait qu'ils se rattachent aux Assidéens, que 1 M 2, 42 appelle « association de juifs pieux, hommes valeureux d'entre Israël et tout ce qu'il y avait de dévoué :.. Or, les scribes sont, depuis leur début, les chefs et les membres influents des pharisiens. « Ce sont, semble-t-il, les milieux pharisiens qui sont les grands producteurs d'apocalypses :., écrit Guignebert 31, et Jeremias : « les écrits apocalyptiques du judaïsme tardif conœnaient les enseignements ésotériques des scribes :. pharisiens 33. En effet, c'était surtout des marchands, des artisans, et des paysans qui faisaient partie des communautés pharisiennes, et certainement la place des paysans y était plutôt restreinte : on se trouve donc, à l'instar des cercles zoroastriens et des cercles grecs du VIe siècle av. J.-C., en face de gens de la petite bourgeoisie des villes, et le rôle de l'apocalyptique et de son espérance dans l'accomplissement eschatologique est typique d'une classe en détresse politique S\ comme est typique la vision pessimiste sur l'homme et sur l'histoire qui marche à sa ruine, qui· est celle de la plupart de ces textes. 35. A preuve encore du lieu politique de cette litté30. Cf. von RAD, II, pp. 275 ss. 31. Ibid., p. 264. 32. P. 159. 33. P. 322. 34. A propos de Daniel, von RAD, II, p. 283, écrit que l'auteur c se tient sans aucun doute du côté de ceux qui affrontent la détresse, en la subissant plus qu'en la combattant ». Or, on retrouvera une fraction radicalisée des pharisiens, les zélotes, plus axés, eux, sur les paysans, menant tout au long du 1er siècle la lutte armée contre les Romains et s'inspirant, eux aussi, de l'espérance apocalyptique : ils retournent à la source de ces textes, si l'on peut dire. 35. « Le mouvement de l'histoire universelle, représenté par des images symboIiquC's, montre une croissance du Mal. Cette vision de l'histoire est donc
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AU 1
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rature idéologique, le fait que, à l'inverse des tendances de la littérature sapientielle à s'intéresser davantage à la destinée individuelle, ici c'est le collectif qui l'emporte à nouveau, même si l'individuel tient une bonne place. h) Ces apocalypses contiennent tout un tableau des choses dernières, dont les principales composantes sont décrites par Guignebert selon deux types eschatologiques différents : l'un millénariste (pendant mille ans - chiffre perse), l'autre, plus simple et plus proche de la vieille idée du royaum~. Retenons de ce tableau : « 1° le Messie ne se manifestera sans doute pas inopinément; divers phénomènes effrayants précéderont et annonceront sa venue : guerres, famines, catastrophes de tout genre ( ... ). 2° le Messie (... ) sera précédé par le prophète Elie (cf Si 48, 10) qui descendra du ciel où il a été ravi tout vivant. (... ) 4° L'arrivée du Messie provoquera la coalition des méchants, conduits par un chef qui n'est pas encore, semble-t-il, désigné avec beaucoup de précision, et dont le type ne s'achèvera que dans l'apocalyptique chrétienne: ce sera l'antichrist. 5° L'armée du mal sera vaincue, mais on hésite sur la désignation de son vainqueur. Tantôt c'est Dieu lui-même qui manifeste _sa puissance, tantôt c'est le Messie, armé de la force de Yahvé. La seconde opinion est la plus répandue. . 6° La défaite des mauvais sera suivie de l'inauguration du bienheureux règne messianique. Le Messie, prince de la paix, trônera à Jérusalem; mais la cité sera renouvelée par une purification profonde (par le feu) ou même remplacée par une cité céleste descendue toute construite d'en haut. Et en elle et autour d'elle habitera le peuple élu, rassemblé de la Dispersion et rétabli dans tout son éclat. Quelquefois, c'est à ce moment qu'on place la résurrection des justes d'Israël. Dans le royaume de Dieu on connaîtra une paix sans inquiétude, une prospérité sans accident, une allégresse sans mélange. (... ) 8° Alors les morts ressusciteront. Longtemps on n'a parlé que de la résurrection des justes, les autres demeurant à jamais oubliés dans la poussière du schéol 36; puis la logique de la notion de rémunération 87 a imposé l'idée du châtiment des mauvais à côté de celle de la récompense des bons ( ... ). On entend d'ordinaire cette résurrection au sens d'une restauration des corps mis en terre.
extrêmement Pessimiste (... ) l'histoire universelle conduit à un " abîme " à une " grande ruine " :. (von RAD, II, p. 268). 36. Pas d'immortalité de l'âme, à l'inverse des Iraniens. Cf. l'argumentation de 2 M 12, 38 S8. citée p. 110. 37. Selon la logique de la justice royale.
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9° Sur le jugement dernier s'affirment de sérieuses divergences. D'aucuns croient à deux jugements : le premier placé après le triomphe du Messie sur ses ennemis et le second à la fin du règne messianique, après la résurrection générale. C'est, en principe, Dieu qui est considéré comme le juge et qui jugera. 10° Le jugement établira un partage entre les hommes. Les bons recevront en récompense le privilège d'entrer, en compagnie des anges, dans le séjour de Dieu, de, contempler sa face divine, de participer à sa gloire ( ...) et ils vivront sans fin. Quant aux réprouvés, ils se.ront, avec les démons, précipités dans la géhenne et ils n'en sortiront plus jamais. C'est. beaucoup plus tard que s'introduira dans les. croyances juives (... ) l'idée qui forme comme le couronnement de tout le système eschatologique des Perses, celle du rétablissement du monde entier, de toute la création, y compris les esprits mauvais, dans le bien et la paix 38. :. i) L'effet sur l'idéologie de la Palestine des textes perses s'est aussi ressenti dans le code dominant de cette instance, marqué par l'opposition ciel/terre : à l'instar des textes zoroastriens, la distance entre le ciel et la terre s'affirme beaucoup ici. La fin de l'ancienne prophétie a amené la fermeture du ciel, son silence (. Les indices se lient les uns aux autres, même si cela ne sera dénoué textuellement que plus tard : ce cercle (SYMB) de douze corps autour du corps de J (cf. S 26 par ex.) est destiné à se substituer à l'ensemble du champ symbolique d'Israël et à s'étendre parmi les nations païennes. « au Simon il imposa le nom de Pierre » : ce qui confirme l'appel de S 4 comme stratégique (, c'est encore le narrateur qui se démasque ici, en tant que connaisseur du récit et de son dénouement, donc en tant que tisserand de ce tissu de codes qu'est le texte.
S20 a b
Et il revient à la maison, et de nouveau la foule se rassemble, si bien qu'ils ne pouvaient même plus manger du pain.
S21 al
Ce qu'ayant écouté, les gens de sa parenté partirent se saisir de lui, car ils disaient : il est hors de lui.
S20 c
d
Mais les scribes qui étaient descendus de Jérusalem disaient : il est possédé de Béelzeboul, et encore : c'est par le prince des démons qu'il chasse les démons. Les ayant appelés à lui, il leur disait en paraboles : comment Satan peut-il chasser Satan? si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume-là ne peut se maintenir. Et si une maison est divisée contre elle-même, cette maison-là ne pourra se maintenir. Si donc Satan s'est levé contre lui-même et s'~st divisé, U ne peut se maintenir, il est fini. Mais IJersonne, étant entn dans la maisoD de celui qui est fort, ne peut piller ses affaires si d'abord Il n'a pas ligoté cet homme fort,
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et alors il pillera sa maison. En vérité (amen) je vous dis: toutes choses seront acquittées aux fUs des hommes, les dettes et les blasphèmes autant qu'ils blasphémeront; mais quiconque aura blasphémé contre l'Esplit saint n'aura pas d'acquittement à jam,is, mais il est coupable d'une dette sans fin. C'est qu'ils disaient : il a un esprit impur. S21 a2 b c
Et arrivent sa mère et ses frères et, se tenant dehors, ils envoyèrent l'appeler. La foule assise l'entourait et on lui dit : voilà ta mère, tes frères et tes sœurs dehors qui te cherchent. Il leur répond : qui est ma mère et mes frères? et promenant son regard sur ceux qui étaient assis en rond autour de lui, il dit : voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté du Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère.
S20 a, b « maison », « de nouveau la foule se rassemble » : renvoie à S 12, donc la clandestinité se maintient. De même qu'en S 12 se marquait la quantité de la F par la remarque que la maison ne pouvait la contenir, ici cela se fait par le manque de temps pour manger (cf. S 31), le terme pain, par ailleurs, étant l'indice qui sera repris fortement dans la grande séquenc~ S 29-S 42. c «, les scribes qui étaient descendus de Jérusalem » : le centre du pouvoir idéologique (SOC) envoie des scribes faire une enquête ; le récit de la pratique de J et de l'enthousiasme des F est donc arrivé à Jérusalem. « ils disaient : il est possédé » : c'est le résultat de leur lecture (ANAL) de la question (Q2) ouverte en S 6 : quelle autorité? 'quelle puissance? Ils reconnaissent donc que J dessine un antichamp (SYMB) et ils essaient d'en discerner la puissance, qu'ils situent du côté de la souillure, dont Béelzeboul (ou Satan) est le centre 17. Cette accusation résulte de S 17, elle tend à créer, auprès. de la F, les conditions de l'élimination de J (STR AA). La deuxième accusation précise, dans l'ensemble de la pratique de J, celle de chasser les démons, ce qui permettra le développement de la réponse de J. 17. Cf. pp. 112 s. TI n'est pas sans intérêt de rapprocher cette accusation de la définition « en termes structuraux» que M. Douglas donne de la sorcellerie : « La manifestation d'un pouvoir psychique antisocial émanant de personnes qui se situent dans les- régions relativement non structurées de la société» (p. 119).
« N'AVEZ-VOUS JAMAIS LU... )
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d « les ayant appelés à lui :. : expression qui, presque partout dans le récit, a pour objet, les DD 18. Le contexte ici semble indiquer que ce sont les/ scribes qui sont appelés pour entendre leur réponse. La clandestinité, par ailleurs, permet de lire que l'appel désigne les DD parmi la F. Cette indécision textuelle montre que l'entrelacement S 20-S 21, anticipant et préparant S 22, est le lieu du dégagement net entre les DD et les AA, et donc un lieu STR. STR et ANAL s'articulent donc entre eux, comme déjà en S 12S 17. « en paraboles » : un nouveau mécanisme de lecture est mis en place, dont la théorie sera donnée en S 22; un récit-fiction est . raconté comme grille de lecture du ré~it ACT (à l'instar du récit de David en S 15). Il y a d'abord une série parallèle de deux paraboles qui contestent la lecture des scribes (les démons chassent les démons) : un royaume dont les dirigeants luttent entre eux, une maison dont les éléments luttent entre eux, vont à leur ruine ; si donc les démons et leur prince luttent entre eux, ils vont contre leurs intérêts, ils se ruinent eux-mêmes. Ce n'est donc pas Béelzeboul qui est la clé de déchiffrement du récit de J, mais un autre X. La troisième parabole indique où il faut chercher ce X, sans cependant le nommer; cela est laissé aux auditeurs, posés une fois encore comme lecteurs. Les démons en « possession :. des corps malades, c'est la maison d'un homme fort; si la maison est pillée, c'est que le X qui réussit cela est plus fort qu'eux. Dans la logique de l'idéologie juive, il n'y a que Dieu qui soit plus fort que Béelzeboul ; à vous de conclure (ANAL).. . « en vérité je vous dis. ~ : expression que l'on retrouvera à plusieurs reprises et dont on cherchera la fonction (cf. p. 316). Remarquons le futur « ils blasphémeront :., indiquant les récits à venir, les récits ecclésiaux ; la fonction de cette expression se situe au niveau narrateur/lecteurs (cf. p. 138 s). « à jamais» « dette (ou péché) sans fin » indique toute la durée des. récits terrestres, dans le « siècle » (aiôn). L'ajout « c'est qu'ils disaient : il est possédé d'un esprit impur » situe cette conclusion de la lecture de J : les scribes blasphèment contre l'Esprit saint, qui conduit la STR de J ; c'est bien lui le X, l'adversaire de Satan (S 2), l'autorité qui explique le récit ACT de J. Ne pas savoir lire cela est une dette sans fin; en S 22, les scribes, ces détenteurs du pouvoir idéologique (SOC), seront indiqués (paraboliquement) comme étant du côté de Satan. Au niveau narrateurjlecteurs, la destruction de Jérusalem, l'abomi.. 18. Sauf S 35 c et S 42 e, mais dani le second cas on verra qu'on est en droit d'émettre des doutes sur la présence de l'actant F.
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nation de la désolation, c'est le signe de cette « dette sans fin ) des classes dirigeantes d'Israël. S21 a « Ce qu'ayant écouté, les gens de sa parenté » : le récit de la pratique arrive à Nazareth' et la parenté le lit : « il est hors de lui », c'est-à-dire qu'il est fou. Folie et possession, c'est pareil chez les Juifs : J est ainsi classé dans le champ de la souillure, de la malédiction ; la lecture de la parenté de J (SOC) est· semblable à celle des scribes; voilà la raison de l'entrelacement de S 20 et S 21. , « secret ;), « caché :)). D'où l'insistance : « saisisse :., « comprenez ;), « si quelqu'un a des oreilles pour écouter, qu'il écoute:., «selon ce qu'ils pouvaient écouter :., termes qui renvoient tous au code ANAL. Les récits paraboliques sont donc des clés de lecture du récit ACT. Lisons-les ainsi. Une même figure domine les trois paraboles de S 22b : celle d'une production agricole, avec les deux temps de travail, semailles et moisson, et un temps intermédiaire, la croissance de la semence dans le terrain. En quoi diffèrent-elles ? En chacune, seul l'un des trois éléments est pris spécialement en co"nsidération : respectivement, les terrains ensemencés, l'homme qui sème et moissonne et la semence .. Premier temps : « le semeur est sorti semer :. ; quelle correspondance? ~ le semeur, c'est la parole qu'il sème :., ce qui renvoie à S 12 b et à S 22 a2 (, c'est le terme grec plêrês que traduit plein, renvoyant à S 3 : « le temps est accompli » ; « les oiseaux du ciel :. indique le MYTH). Le temps intermédiaire de la croissance ou de la stérilité de la semence, de son travail, c'est donc le temps du raccord entre ces deux récits, l'ACT et l'eschatologique. Prenons maintenant les paraboles ùne à une, puisque leur clé de lecture est donnée. b 1, c3 (on les lira ensemble pour faire bref) : plus que « la parabole du semeur :., titre habituel mais qui convient mieux à S 22 b2, c'est la « parabole des terrains :.. Les terrains, ce sont les écouteurs de la parole, et il s'agit de rendre compte de la diversité de leurs réactions par rapport· à une parole que tous entendent également. On se trouve devant quatre petits récits, correspondant à quatre types de terrains, d'auditeurs. Les premiers sont mis en rapport avec Satan, qui, tels les oiseaux, enlève la semence-parole. TI s'agit des adversaires SI de J, scribes, pharisiens, hérodiens, au cœur endurci (S 16), et l'on comprend la leçon de lecture, qui prolonge celle de S 20 : ceux qui sont « coupables d'une dette sans fin > ce sont ceux qui se trouvent du côté· de Satan, les scribes. J renverse leur lecture, comme s'il s'agissait d'une dénégation, au sens freudien: vous qui dites que je blasphème (S 12), que je suis possédé de Béelzeboul, c'est vous qui blasphémez, qui êtes du côté de Satan. Les derniers sont ceux qui croient à la bonne annonce (S 3 : en se convertissant), qui rompent avec le système (SOC) (S 4, S 13 c, S 49 d) et suivent J dans une pratique à son tour féconde (S 28, S 49), bref les disciples. J lit donc, dans le récit ACT, les deux pratiques extrêmes des lecteurs de sa pratique et les explique par leur rapport au systè~e (SOC) : ceux qui y ont une fonction de pouvoir (idéologique, dans ce cas concret), les AA, et ceux qui au contraire rompent avec lui, les DD (cL S 4·9 et S 50). Par contre, pour les deux terrains intermédiaires, où le récit de la rupture s'amorce mais n'aboutit pas, on ne peut retrouver dans le récit jusqu'ici aucune correspondance: en effet, on verra qu'elle
=
22. Satan l'Adversaire; c'est pourquoi on a caractérisé ces actants comme « adversaires .. (AA). A l'in!itar de Satan en S 2, eux aussi tentent 1 ($ 39, S 47, S SS f)!
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vise les lecteurs de Marc, à Rome, après les persécutions de Néron 23. Avant de passer à S 22 b2, reprenons l'équivalence posée entre semence et parole. J'ai fait r.emarquer, dans le commentaire. de S 6, que la pratique d'enseignement de J n'est pas spécifiée : il n'est pas dit dans le texte quel est l'objet de cet enseignement 2'. Non plus en S 12 b (où l'enseignement est dit « parole ~), ni en S 31 c, ni en S 45 d ; tandis qu'en S 56 b il s'agira de la lecture de la l-ratique des scribes. En effet, il n'y a qu'ici, en S 22, que l'enseignement est explicité et encore une fois comme parole (S 22 a2) et en S 55 d, où il s'agit aussi d'une parabole lisant Je récit ACT. Par contre, en S Il, on l'a vu, la parole désignait le récit de la pratique de J, et pareillement en S 42 c, elle désignera le récit (anticipé) de sa passion, bref, le récit ACT, dans les deux cas. De plus, ici, l'enseignement se révèle être, lui aussi, une lecture de la pratique de J et de ses effets. Qu'est-ce à dire? La semence-parole ne consiste pas seulement dans l'enseignement de J, mais dans le tout de cette pratique, qui est, sous sa forme textuelle de récit, à lire, c'est-à-dire à voir et à écouter. Bref, la parole, c'est le récit de la pratique de J, le récit ACT lui-même. En effet, c'est par rapport à lui que les actants se diversifient et se classent comme AA et DD. Cette premièreparabole (S 22 b1) est donc, bel et bien, une théorie du récit de J donnée par le texte lui-même.! Plus précisément : une théorie de sa lecture. Voilà pourquoi le texte se transpose ici au niveau narrateur/lecteurs : cette théorie de la lecture du récit de Marc concerne aussi ses lecteurs, elle concernera encore la lecture de l"exégèse bourgeoise et la lecture même que nous sommes en train de produire ; elle développe une théorie de l'exégèse évangélique : on lit l'évangile selon l'espace que l'on occupe dans le SOC ou dans le BAS. b2
n s'agit du même champ parabolique: le « semeur» c'est donc J et la parole le met en rapport avec le travail de sa pratique dans le terrain, ce travail étant d'un côté l'effet de la semence-parole, de l'autre celui de la terre, c'est-à-dire des auditeurs (dans le temps qui va jusqu'à la moisson eschatologique). On dit d'habitude que c'est la parabole du grain qui pousse tout seul 25. Or, il me semble 23. Cf. p. 273. 24. Ce qui n'est pas le cas chez Mt et Le. 25. J. JEREMIAS, Les paraboles de Jésus, p. 214, l'a compris, se rendant compte que cette désignation exclut le semeur: il propose de l'appeler c: la parabole du paysan patient :t, la patience étant anti-zélotiste. Cependant, ce n'est pas au niveau de la patience (ni du zèle, d'ailleurs) que J se démarque des zéloteS,
« N'AVEZ-VOUS JAMAIS LU ...
~
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que l'élément décisif est justement le rapport du semeur à ce travail fait sans lui (; « talitha koum '> : effet de réel, citant les mots araméens, signalant la traduction, mais aussi l'importance de l'impératif, de la puissance. « elle avait douze ans :. : âge où le mariage devenait possible 32 ; elle est donc restituée non seulement à la vie, mais aussi au sexe ainsi qu'à la table (4: donnez-lui à manger:.), bref, à la bénédiction (Im~Ib). « hors d'eux-mêmes, énormément hors d'eux-mêmes :) : le passage de la mort à la vie est très souligné. « que personne ne le sût :. : STR de silence sur l'ACT, comme en S 10. Notons ici l'hésitation du texte, si l'on peut dire: d'un côté, la puissance de la pratique de J est fortement soulignée comme « résurrection », d'un autre, elle est atténuée par la stratégie de J. On y reviendra plus tard 3S.
S26
a « une foule nombreuse le suivait et le pressait de tous côtés :. : bain de foule de J; remarquons li: le suivait :., terme (STR) désignant (presque) toujours ailleurs les DD (dès S 4).
b « une femme ayant un flux de sang » : donc impure 3'. « depuis douze ans ) : comme la fillette de S 25, voilà ce qui confirme la remarque faite, car ici aussi lm/lb sera la restitution de la femme au sexe. « qui avait beaucoup souffert, ... de mal en pis :. : la description de la maladie (m) est bien niise en relief, ces séquences S 24-S 26 se distinguant de S 7, S 10, S 12 et S 16 par l'abondance des détails. « ayant écouté ) : c'est le récit de la pratique de J qui la convoque. « vint dans la foule par-derrière ~ : la F fait obstacle, comme en S 12; la stratégie de la femme pour 32. Cf. J. JEREMIAS, Jérusalem au temps de Jésus, p. 406, n. 58. 33. Cf. pp. 388 s. 34. Cf. p. 69 ..
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arriver au corps de J lui vaudra, ici aussi, le « ta foi t'a sauvée ~. c toucha son manteau :. : rendant, selon le SYMB, J impur. e car elle disait : si je le touche, j.e serai' sauvée ;) : à l'encontre de la logique du SYMB. « et aussitôt, elle fut guérie de son infirmité ;) : le récit confirme cette logique anti-SYMB. Il elle sut dans son corps :. : c'est le corps (SYMB) qui est le lieu du salut; le toucher, signalé quatre fois, rapport entre le corps de l'lm et celui de J, joue donc à l'inverse, en subversivité du champ SYMB juif, comme déjà en S 10, voire en S 25 (toucher un cadavre rend impur). « retourné ;), Il les disciples ~, « la foule' qui te presse :., c regardait tout autour » : J est le centre du grand cercle de la F ; les DD, petit cercle de « gardes du corps ;) de J. C'est' bien le centre du cercle BAS qui a été touché. « Peureuse et tremblante » : à cause de la subversion du SYMB, l'impure ayant touché le pur. « sachant..., lui dit toute. la vérité :. : le récit ACT, connoté COmme « vérité », ailleurs comme « parole » (S 10) où aussi le SYMB est dit avec insistance (purifier). « il lui dit :. : J lit le récit (ANAL) .. « sauvée ~ = guérison. « va vers la paix» : la bénédiction 35. « sois guérie» : l'impératif vient après coup, la guérison ayant déjà été arrachée par la femme, ce qui donne un ton quelque peu magique au récit; c'est la « puissance », la force du corps de J qui est racontée dans son travail, celui-ci n'étant que souligné davantage par l'absence de la parole impérative. J interroge sur le récit, bon exemple du « sans qu'il sache comment :. de la paral>ole S 22 b 2 ; sa lecture . de la c vérité :. (.
« N'AVEZ-VOUS JAMAIS LU ... »
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un lieu désert :. : repris par S 31 a; le lieu désert (S8). est un lieu de distance pour la lecture/stratégie, comme S 32, la prière sur la montagne. STR d'abord par rapport à la F, dont le récit signale le nombre, qui ne laisse Je temps ni de manger ni de se reposer. S31 a b c
d
f
Ils partirent donc dans la barque vers un lieu désert, à l'écart. Et les voyant partir, beaucoup comprirent, et de toutes les villes on y accourut à pied et on les devança. En -sortant, il vit une foule nombreuse et il eut pitié d'eux parce qu'ils étaient comme dES brebis qui n'ont pas de berger. Et il commença de les enseigner longuement. Comme l'heure étàit déjà avancée, ses disciples s'approchèrent de lui et lui dirent : le lieu est désert et l'heure déjà avancée ; renvoie-les afin qu'ils aillent dans les fermes et villages d'alen· tour s'acheter de quoi manger. Mais il leur répondit: donnez· leur vous-mêmes à manger. Et ils lui dirent : faudra-t-il que nous allions acheter des pains pour deux cents deniers, afin de leur donner à manger? Mais il leur dit : combien avezvous de pains? allez voir. L'ayant su, ils lui disent: cinq, et deux poissons. Et il leur commanda 1e les faire tous s'étendre par groupes de convives sur l'herbe verte, et ils s'allongèrent par rangées de cent et cinquante. Et prenant les cinq pains et les deux poissons, et levant les yeu* au ciel, il dit la bénédiction, et rompit les pains et il les donnait aux disciples pour leur distribuer. Et les deux poissons, il les partagea pour tous. Et tous mangèrent et furent rassasiés. Et l'on ramassa douze couffins pleins de morceaux et de poissons. Et ceux qui ont mangé des pains étaient cinq mille hommes. . Et aussitôt il obligea ses disciples à remonter dans la barque et à le devancer sur l'autre rive, vers Bethsaïde, pendant que lui-même renvoyait la foule.
a,b La stratégie de J est déjouée par la F, dont la stratégie (à partir justement de S 8) est de chercher J (S 12, S 18, S 20). Le parallèle avec S 8 impose l'idée que S 28 était l'achèvement de la mission en Galilée (S 28 achevant S 19), et donc que S 32 est le début (STR) de la circulation de J au-delà de la Galilée. La stratégie de la F est ici particulièrement soulignée. Or, sans elle, S 31 d, e, n'aurait pas eu lieu, qui pourtant sera une séquence
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clé dans S 31-S 42 ; la STR de la F va donc infléchir le récit .". c Voyant la F, J change de STR et enseigne longuement. « il eut pitié d'eux car ils étaient comme des brebis sans berger :. : la STR de la F est donc de trouver un berger, un guide, peut-être un leader politique, ce que l'on peut suspecter de zélotisme (STR Z) 45. C'est ce que la STR de J envers la F a toujours voulu éviter et ici encore à la fin de la séquence (S 32 f). Cela sera confirmé en S 45 i. ,En S 8, les quatre disciples, plus précisément Simon, sont porte-parole de la F : leur STR prolonge donc ' celle-ci, s'inscrit aussi comme STR Z. d « fermes et villages » : TOP caractéristique des séquences S 31-S 42. « renvoie-les ... s'acheter'> : STR DD, en rapport avec le système monétaire (SOC). « de quoi manger:. : la F a faim (Fm)., « donnez-leur vous-mêmes à manger:. : J oppose une autre STR, inscrite dans la logique du système de la dette (SYMB); en remplaçant « ils ;) par « vous », « acheter ;) par « donner :.. « pour deux cents deniers ;) : les DD répondent toujours dans les limites du monétaire (SOC), ils comprennent le premier remplacement, pas le second. « combien avez-vous de pains? » : le corrélat de donner, ce n'est pas acheter, mais bien avoir.
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S 37, S 41). « rompit les pains » : encore 'les mains et les pains, geste symbolique de ce récit (cf. S 40 : « quand j'ai rompu ~). « donnait aux disciples pour leur distribuer » : les DD comme relais entre le centre du cercle BAS et la F. « et les deux poissons » : récit équivalant à celui des pains, le poisson se rapportant aux « pêcheurs» (S 4) ; ne sera pas repris en S 40 ni en S 62, le récit ne valorisera pas les poissons comme les pains, au niveau du code ANAL, c'est donc aussi un effet de réel. : renvoie nettement à S 22 c2-c 3, c'est la même théorie des paraboles comme stratégie de la lecture du récit qui se joue ici. L'interprétation de la parabole oppose deux circuits d'entrée et sortie. Le premier est celui de la nourriture: aliments (dehors) ~ ventre (dedans) ~ latrines (dehors), lequel ne souille pas l'homme. D'où la conclusion du narrateur aux lecteurs: « ainsi il déclarait purs tous les aliments :., qui élargit la question des aliments impurs par le contact des mains (à table, au marché) des coupes, plats, etc., à celle des aliments impurs selon le système de la souillure qui est rune des questions des communautés ecclésiales où se mêlent chrétiens issus du judaïsme et du paganisme. Le deuxième circuit: cœur (dedans) ~ desseins mauvais (dehors) celui-là souille l'homme. Or la liste de ces « méchantes choses :. appartient au système de la dette (vol, meurtre, adultère, cupidité, les autres étant -des variantes qui peuvent aisément s'y inscrire), comme le signale d'ailleurs leur siège désigné, le cœur. La clé de l'opposition des deux circuits où les éléments ne s'équivalent pas directement (nourritures/desseins mauvais) se trouve dans le schéma dedans/dehors. Qu'est-ce à dire? Le dedans, c'est là le ventre, ici le cœur ; ce qui sort du ventre va dans les latrines (lieux souillés, ordures), ce qui sort du cœur ce sont des pratiques de dette (d'agression). Le premier circuit relevant du système de souillure spécifique aux Juifs est un circuit digestif et J l'exclut explicitement, l'annule, subvertissant encore une fois le champ symbolique juif. C'est ainsi qu'il lit le récit ACT concernant les disciples qui mangent avec des mains impures. Simultanément, il efface' une frontière (SYMB) entre Juifs et païens, et c'est la conclusion qu'en tire le narrateur, s'adressant à des lecteurs païens : tous les aliments, parcourant ce circuit digestif, sont purs. Dans le deuxième circuit, qu'y a-t-il dedans, dans. le cœur? Derrida nous a appris à nous méfier de cette opposition dans le texte philosophique occidental; les exégètes bourgeois n'en tiennent pas compte, eux qui lisent tout de suite « une religion du cœur, de l'intériorité On a vu déjà que le cœur est le lieu des lectures et des mélectures du récit (qui relève, lui, de l'extérieur, pénétrant dans l'homme par les yeux ou les oreilles). Ici, le cœur est le lieu des desseins,. du désir et de ses objets, donc des choix stratégiques, qui, en conséquence de ces lectures, engendrent des pratiques (bonnes ou mauvaises). Le cœur est donc le lieu,
5. :..
54. Ainsi
MINETTE
de
TILLESSE,
p. 147.
« N'AVEZ-VOUS JAMAIS LU ... :)
199
dans l'homme, du croisement des lectures et des itratégies, de l'ANAL et du STR 1111. Le circuit même indique qu'il ne faut pas couper le dedans du dehors : le cœur est le lieu du texte de l'actant, intérieur en ce sens qu'il n'est pas public, accessible aux autres. La distinction dedans/dehors concerne donc ici le décalage possible entre ce texte (caché) et le texte (manifeste) des pratiques (de leurs récits plus exactement). Ce décalage permet justement l'hypocrisie que J dénonçait chez ses AA, dans l'opposition lèvres/cœurs ( : rien n'indique' qu"il s'agit de J, au contraire moi/il semble indiquer que ce n'est pas le cas; tandis que le raccord entre le récit ACT de J et le récit dernier, par contre, y est manifeste (sauf en S 58 b5). Ailleurs (au début de ce discours S 42 c, S 44 c, S 45 b, f, S 50 d, S 62 b deux fois) dans les discours relevant tous du postpascal, par contre, c'est du récit ACT futur de J qu'il s'agit, c'est J qui est dit le Fils de l'homme : on les désignera par « F.H. pascal ~. S 12 et S 16, finalement, s'inscrivent dans le récit sans plus, en lecture du récit ACT: F.H. ACT 80. 20 Dans le texte de Dn 7, 13-18, le Fils de l'homme est, selon l'interprétation qu'en donne le verset 18, une figure collective, « les saints du Très-Haut », tout en étant inscrit aussi dans le MYTH «< nuées du deI »). Or les « saints du TrèsHaut », « c'est le peuple d'Israël persécuté par Antiochus Epi79. Cf. BENVENISTE, p. 228. 80. Cette répartition se trouve chez Bultmann qui, selon MlNETI'E de TILLESSE (pp. 364-366), signale que les « FR eschatologiques » ne parlent pas d'un « r~tour '> et n'identifient pas Jésus et le FR, et aussi que les c FR pascal » sont peut-être dus à « Marc :. lui-même.
~ N'AVEZ-VOUS JAMAIS LU ...
~
219
phane, et la célèbre vision du Fils de l'homme est la promesse apocalyptique de ce que Dieu prend sa cause en main et va bientôt lui rendre justice 81 ». Le nom de «Fils de l'homme », par ailleurs, marque l'origine terrestre de cette figure, et le mouvement de Dn 7, 13 n'est pas, comme on le dit souvent, une descente, de quelqu'un qui vient (du ciel sur la terre), mais au contraire une ascension : « le Fils de l'homme » vient vers le trône de l'Ancien 82, de l'homme vers les nuées,. bref, de la terre vers le ciel. Or l'on retrouve ce schéma ascensionnel dans quelques textes de l'A.T. 83, mais aussi dans l'une des premières lettres de Paul, 1 Th 4, 17 ( de la fillette de S 25, le cercle le plus étroit autour de J. « seuls à part » : STR. « sur une haute montagne » : lieu près du ciel (MY TH) , de prière (S 32).
b « devant eux », « leur 'apparut ) : « celui-ci... écoutez-le » : la scène de vision ( : comme avant, le charpentier de Nazareth et ses disciples; la parenthèse MYTR fermée, le but de la vision étant atteint, le récit ACT reprend ; le SYMB du BAS est en rapport avec le ciel (le MYTH a touché le corps de J), J en rapport avec le F.R., la théologie est cautionnée. a2 « comme ils descendent de la montagne :) : on revient aux lieux de la pratique de J (dans la « montagne :., il n'y a pas de récit).
c « recommande de ne pas raconter :1> : STR prolongeant celle de S 42 b sur la messianité. Revenons. sur l'ambiguïté sémantique du titre de Messie. Dans le texte zélote, Messie = roi, libérateur d'Israël contre les Romains (cf. S 68-S 71) ; dans le BAS, Messie = F.R., l'accomplissement du cercle BAS en Israël et, on le verra, parmi les païens (soit, au niveau narrateur/lecteurs, accomplissement de l'ecclésialité). « sinon quand lé Fils de l'homme sera levé d'entre les morts» : la vision enclenche avec le théologique postpascal (dans le texte raturé, peut-être le terme du délai serait-il le retour en Galilée, cf. S 63). « ils gardèrent la parole tout en descendant » : niveau narrateurjlecteurs 92. TI y a une question (ANAL) posée aux DD, raturée dans le prépascal et concernant l'eschatologique, peut-être le comment de la montée du F.R. « ils les interrogèrent..., Elie doit venir d'abord?':. : avant le Messie ; donc quel est le rapport entre sa venue et ta messianité? « venir ~ : comme il est monté (ascensionnel, cf. Act 1, Il). « remet en état toutes choses » : le SYMB juif, déclarer ceux qui sont purs (système de la souillure) et justes (système de la dette). « Elie aussi est venu » : renvoie à Jean le Baptiste, venu préparer les chemins du plus puissant que lui (S 1). « ils lui ont fait tout ce qu'ils voulaient :1> :
91. Cf. plus loin, pp. 373 ss. 92. Cf. pp. 389 ss.
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LECTURE DE MARC
la mort de Jean (S 30) en confrontation avec celle, à venir de J. Renvoie' à Eccli. 48, 10 03 , la coïncidence Jean-Elie sert la « thèse» de Marc, l'eschatologie est très proche (cf. S §8). « comme il est écrit de lui » : répond à « comment est-il donc écrit du Fils de l'homme » : discours postpascal. S44
al b
••• des disciples, ils virent une grande foule autour d'eux et des scribes discutant contre eux.
cl
Et aussitôt toute la foule, le voyant, fut effrayée et, accoul'ant, le saluait. Il les interrogea : de quoi discutez-vous contre eux?
dl
Quelqu'un de la foule lui répondit: maître, je t'ai amené mon fils ayant un esprit muet. Où qu'il le saisisse, il le précipite à terre et il écume, grince des dents et ~evient tout raide. J'ai demandé à tes disciples de le chasser et ils n'en ont pas eu la force.
c2
Mais leur répondant, il dit : génération incrédule, jusqu'à quand vous supporterai-je? Amenez-le moi.
el
On le lui amena. Et le voyant, aussitôt l'esprit le secoua et tombé à terre il s'y roulait en écumant.
d2
Et il interrogea son père : combien de temps y a-t-il que cela lui arrive? Il dit : depuis son enfance. Souvent même l'esprit l'a jeté dans le feu ou dans l'eau pour le perdre. Mais si tu peux quelque chose, aide-nous, ayant pitié de nous. Et le Jésus lui dit : si tu peux... toutes choses sont possibles à celui qui croit. Aussitôt criant, le père de l'enfant disait: je crois, aide mon incrédulité.
e2
Mais le Jésus voyant que la foule accourait, l'éprimanda l'esprit impur lui disant: esprit muet et sourd, je te l'ordonne, sors de lui et n'y rentre plus. Ét criant et le secouant très fort, il sortit. Il devint comme mort, si bien que les gens disaient : il est mort. Mais le Jésus le prenant par sa main, le leva et il se tint debout. Rentré à la maison, ses disciples l'interrogèrent en particulier : pourquoi n'avons-nous pas pu, nous, le chasser? Et il leur dit : cette espèce-là ne peut sortir que par la prière.
f
a2
Pa~
de là,
93. Cf. p. 111.
«
N'AVEZ-VOUS JAMAIS LU ...
»
2,,25
Quelques remarques seulement : La F autour des DD, ceux-ci au centre du cercle, cependant impuissants à chasser l'esprit (contre S 28). A quoi répond f, la question à la maison (TOP fictif) en particulier : « cette espècelà ~ (muette; en S 24, J chasse l'esprit-légion après lui avoir demandé son nom) ne peut sortir que par la .prière. « Génération incrédule » : qui? les scribes? la F.? les OD? Le texte est indécis ; S 39 laisserait supposer les AA, ici plutôt la F. En outre, cela semble se passer en pays païen, mais à cause des scribes 94, c'est la Galilée. « jusqu'à quand. serai-je parmi vous? :. : dans votre champ SYMB, champ d'incrédulité, de mélecture; la perspective (STR) d'un départ hors de ce champ, vers les nations païennes, pointe donc iici. Le « jusqu'à quand» signale l'ignorance (le « sans qu'il sache comment ») de J sur son avenir, mené qu'il est par l'ANAL du récit. e 'routes choses sont possibles à celui qui croit :. : foi en rapport avec la puissance (cf. S 27). « il devint comme mort» : comme en S 25, la F affirme la mort, cependant que le récit (là c'était l'actant J) atténue la « résurrection» 95. Remarquons : foijprière/puissance en série dan~ cette séquence; dans le début de la « montée à Jérusalem ~ (S 45) ; cette série reviendra en S 53-S 54, achèvement de S 45. Or, cette montée est occupée par l'enseignement aux 00 de la stratégie .de la puissance, la STR J. TI semble que ce soit ce qui justifie l'emplacement de S 44 à cet endroit du récit. S45 a b
ils traversaient la Galilée et il ne voulait pas qu'on le sût. Car il enseignait ses disciples et leur disait : le Fils de l'homme sera livré dans les mains des hommes, et ils le tueront, et ayant été tué, trois jours après il se lèvera. Mais ils ne comprenaient pas le mot et avaient peur de l'interroger.
a e' partis de là ;) : le raccord est fait avec S 42 c-e, à travers S 43-S 44, des deux « prédictions » postpascales. « ils traversaient la Galilée :. : (GEO) venant du nord (Césarée de Philippe). La consigne stratégique qui suit étend la clandestinité à toute la Galilée
94. Les scribes disparaissent de la suite: on pourrait même dire que le texte ne les aura fait intervenir que pour spécifier la « génération incrédule ». 95. Cf. pp. 388 s.
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LECTURE DE MARC
et plus seulement aux villes. La mission en Galilée est donc finie : S 5-S 9, S 18-S 28, après quoi un tournant (STR), messianique s'il en est, s'est fait (séquence des pains, S 31-S 42). Ici, la montée à Jérusalem démarre, S 45 s'entrelaçant avec plusieurs autres jusqu'en S 53. « il ne voulait pas qu'on le sût > : clandestinité (STR). « car il enseignait ses disciples ~ : ANAL dans l'espace DD. Le· Fils de l'homme : prédiction postpascale. Dans la logique de S 42 c;,.e, le texte raturé pose un affrontement J / AA à Jérusalem (ici seulement « les hommes »), et la confrontation des STR J /Z, la clandestinité semblant vouloir éviter. que la F ne monte à J ~rusalem avec J dans une perspective zélote; le ~chéma ascensionnel du F.R. est à l'horizon. « ils ne comprenaient pas :) : eux qui sont dans le champ de la STR Z. Après leur incompréhension sur sa pratique pendant la séquence des pains, résolue dans la confession de sa messianité en S 42 b, c'est sur la STR de cette messianité que porte dorénavant l'incompréhension. « ils avaient peur de l'interroger :t : à cause de l'affrontement (cf. S 45 e)? S46 a1 b
Et ils arrivèrent à Capharnaüm. Et étant à la maison, il les interrogea : de quoi discutiez-vous en chemin? Mais eux se taisaient, car en chemin ils avaient discuté entre eux qui était le plus grand.
c
Et s'étant assis, il appela les douze et leur dit : si quelqu'un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous. Et prenant un enfant, il le mit debout au milieu. d'eux et le serrant dans ses bras, leur dit : celui qui accueille un de ces enfants à cause de mon nom, il m'accueille, et qui m'accueille, ne m'accueille pas moi, mais celui qui m'envoya.
d
Et le Jean disait : maître, nous avons vu quelqu'un en ton nom chasser les démons, lequel ne nous suit pas et nous l'empêchions, parce qu'il ne nous suivait pas. Mais le Jésus dit : ne l'empêchez pas, car il n'y a personne qui fera une chose puissante à cause de mon nom et bientôt après pourra parler mal de moi. Car celui qui n'est pas contre nous est pour nous. Car celui qui vous fera boire une coupe d'eau au nom de ce que vous êtes au Messie, en vérité (amen) je vous dis qu'il ne perdra pas sa récompense. Et celui qui fait tomber un de ces petits qui croient, mieux vaut pour lui qu'on lui ait passé une meule d'âne autour du cou et qu'on l'ait jeté dans
«
a2
N'AVEZ-VOUS JAMAIS LU ... )
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la mer. Et 51 ta main te fait tomber, coupe-la; mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie que de t'en aller avec les deux mains dans la géhenne, au feu qui ne s'éteint pas. Et si ton pied te fait tomber, coupe-le; mieux vaut pour toi entrer dans la vie boiteux que d'être chassé avec les deux pieds dans la géhenne. Et si ton œil te fait tomber, arrache-le; mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume du Dieu que d'être chassé avec les deux yeux dans la géhenne, où leur ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint point.· Car chacun sera salé par le feu. Le sel est bon, mais si le sel devient insipide, avec quoi l'assaisonnerez-vous? ayez du sel en vous-même et soyez en paix entre vous. Et se levant de là,
a « et ils arrivèrent à Capharnaüm:. : écho de S 5 et de l'achèvement définitif de ce qui avait alors commencé. e et étant à la maison:. : espace DD à Capharnaüm (TOP). « il les interrogea;) : ANAL, J fait lire le récit des DD, leur discussion. « en chemin ) (deux fois) : schéma de la suite de J par les DD, introduit déjà par S 42 a, il sera dominant dans cette séquence de la montée à Jérusalem, de même que celui du cercle l'a été en Galilée. Notamment, la confrontation des deux STR J /Z est en rapport avec le chemin, la route. Ici, la discussion, à la suite de S 45 a, est à lire dans le contexte de la montée à Jérusalem: dans la nouvelle cité (qu'on instaurera à Jérusalem) quelle est leur place hiérarchique? (STR Z) Qui y sera le' plus grand, selon les codes dominants chez les AA ?
b « s'étant assis ) : dans la maison, le cercle se dessine à nouveau (, le figuier desséché est aussi parabolique pour J; car, seule fois dans le récit, l'impératif de puissance de J n'a pas été suivi tout de suite de son effet; cela lui permettra la prédiction de la destruction du Temple en 858 a, comme aussi du remplacement de celui-ci par les communautés messianiques de païens, selon la parabole de la vigne qui va suivre (8 55 d). 855 a
Et lui allant et venant dans le Temple,
b 1 viennent à lui les grands prêtres~ les scribes et les anciens, c et ils lui disaient : par quelle autorité fais-tu cela? ou qui te donna autorité pour faire cela? Mais le Jésus leur dit: je vous interrogerai d'une seule parole et répondez-moi et je vous dirai par quelle autorité je fais cela. L'immersion de Jean venait-elle du ciel \ ou des hommes? répondez-moi. Et ils se disaient les uns aux autres : si nous disons « du ciel »; il dira cc pourquoi donc n'avez-vous pas cru en lui? »; mais si par contre nous disons cc des hommes », ils avaient peur de la foule, car tous tenaient que Jean était un vrai prophète. Et répondant au Jésus, ils disent: nous ne savons pas. Et Jésus leur dit : et moi non plus, je ne vous dis pas par quelle . autorité je fais cela. d Et il commença de leur annoncer en paraboles : un homme planta une vigne, l'entoura d'une clôture, creusa, un. pressoir et bâtit une tour; puis il la loua à des vignerons et partit pour l'étranger. Le temps venu, il envoya un serviteur aux vignerons pour recevoir des vignerons sa part des fruits de la vigne. Et le recevant, ils le battirent et le renvoyèrent les mains vides. Et de nouveau il leur envoya un autre serviteur : celui-là aussi, ils le frappèrent à la tête et le couvrirent d'outrages. Il envoya un autre et celui-là ils le tuèrent, et beaucoup d'autres, les uns frappés, les autres"tu~s. Il n'avait plus que son fils bien-aimé. Il le leur envoya en dernier, en se disant : ils respecteront mon fils. Mais ces vignerons se disaient les uns aux autres : celui-ci est l'héritier; allons-y, tuons-le, et l'héritage sera à nous. Et le saisissant, ils le tuè. rent et le jetèrent hors de la vigne. Que fera le seigneur de la vigne? il viendra, perdra les vignerons et donnera la vigne à d'autres. N'avez·vous pas lu cet écrit : la pierre que rejetèrent les bâtis·
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e b2 f
g
h
LECTURE DE MARC
seurs, c'est· elle qui est devenue tête d'angle; de par le SeIgneur elle fut, et elle est admirable à nos yeux. Ils cherchaient à l'arrêter mais ils eurent peur de la foule, car ils comprirent qu'il avait dit cette parabole pour eux. Et le laissant, ils s'en allèrent. Puis ils lui envoient quelques-uns des pharisiens pour l'attraper en parole Arrivant, ils lui disent : maître, nous savons que tu es vrai et que tu ne te préoccupes pas de qui que ce soit, car tu ne regardes pas au visage des hommes, au contraire tu enseignes en vérité le chemin du Dieu. Est-il permis ou non de donner l'impôt à César? devons-nous le donner, oui ou non ? Mais lui, sachant leur hypocrisie, leur dit : pourquoi me tentez-vous? apportez-moi un denier pour que je voie. Et eux l'apportèrent. Et il leur dit.: de qui est cette image et cette inscription? Et ils lui dirent: de César. Et le Jésus leur dit: ce qui est à César, rendez-le à César, et ce qui est du Dieu, rendez-le au Dieu. Et ils s'étonnèrent très fort de lui. Et viennent auprès d~ lui les sadducéens, ceux qui disent qu'il n'y a pas de résurrection, et l'interrogeaient en disant : maître, Moïse a écrit pour nous : si le frère de quelqu'un meurt et laisse sa femme et ne laisse pas d'enfants, que son frère prenne la femme et susçite une semence à son frère. Il y avait sept frères. Et le premier prit femme et mourut sans laisser de semence. Et le deuxième la prit et est mort sans laisser de semence, et le troisième de même. Et les sept ne laissèrent pas de semence. Après eux tous, la femme mourut aussi. A la résurrection, quand ils se lèveront, duquel d'entre eux sera-t-elle la femme? car les sept l'ont eue comme femme. Et le Jésus leur disait: n'êtes-vous pas dans l'erreur, parce que vous ne connaissez pas les écritures ni la puissance du Dieu? car quand on se lève d'entre les morts, on ne prend ni mari ni femme, mais on sera comme des annonceurs dans les cieux. Et sur ce qu'on se lève des morts, n'avezvous pas lu dans .Ie livre de Moïse, à propos du buisson, comment le Dieu lui dit : je suis le Dieu d'Abraham, et le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob? Il n'est pas le Dieu de morts mais de vivants. Vous êtes grandement dans l'erreur. S'avança un des sClibes, ayant entendu leur discussion et sachant qu'il leur avait bien répondu, il l'interrogea : quel est le premier commandemel1tparmi tous? Le Jésus répondit: le premier c'est: écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur, et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton
«
N'AVEZ-VOUS JAMAIS LU ... »
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cœur, de toute ta vie, de toute ton intelligence et de toute ta force. Voici le second : tu aimeras ton proche comme toimême. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là. Et le scribe lui dit : Bien, maître, tu l'as dit en vérité : Il est le seul et il n'yen a pas d'autre que lui; et l'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence et de toute sa force, et aimer le proche comme soi-même est de beaucoup plus important -que tous les holocauste~ et sacrifices. Et le Jésus, voyant qu'il avait répondu avec intelligence, lui dit : tu n'es pas loin du royaume du Dieu. Et nul n'osait plus l'interroger. a « dans le Temple (S 53).
~
en Messie (S 45 i) qui y a pris place
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« les grands prêtres, les scribes et les anciens » : que S 42 c a annoncé comme devant rejeter J, sont, pour la première fois, énoncés ensemble comme actants; la scène c sera celle de ce rejet, que le sanhédrin ratifiera (S 66). c « par quelle autorité fais-tu cela? :. : question Q2 qui, en S 6, avait été posée explicitement par le code ANAL, par rapport à 1'enseignement nouveau, contrastant avec celui des scribes. Cela se passe maintenant de façon décisive, non plus dans une synagogUè de Galilée, mais dans le Temple à Jérusalem (TOP) ; J se fait acclamer messianiquement, chasse les commerçants du Temple, y enseigne. « ou qui te donna... » : deuxième formulation (même question ou une autre?) Les AA se posent en lecteurs du récit de J ( équivaudrait à « oui, payez l'impôt aux Romains :. ; donc J serait tombé dans le piège en s'inscrivant contre le zélotisme, ce que la F n'aurait pas eu de mal à comprendre. Le texte cependant conclut par « ils s'étonnèrent très fort de lui :., c'est-àdire: il n'est pas tombé dans le piège. Bref, cette lecture courante est non-lecture du récit, aveuglement idéologique commandé par les intérêts de ceux qui la font 134. « apportez-moi un denier pour que je voie » : J veut lire, analyser. « Cette image et cette inscription? :. : c'est la réponse « de César :. qui entraîne l'opposition César/Dieu, qui est opposition de leurs images; en effet, dans le système de la dette (SYMB), il y a l'interdit de faire des images, « rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux là-haut ou sur la terre ici-bas:. (Dt 5, 8), pas plus d'image du Dieu que de César donc. e de César :. : c'est donc l'image et l'inscription du pouvoir politique dans le signifiant réglant la circulation économique (SOC) ; on donne à lire à J la structure même du système SOC, dans son articulation économique/politique. « ce qui est à César, rendez-le à César » : cette pièce, avec cette image et cette inscription, n'est pas de Dieu, ni non plus d'Israël; au contraire, elle toutes les classes détenant un pouvoir (SOC). Or les pharisiens et leurs scribes sont, par rapport à la F, en position idéologique dominante sur les sadducéens, lesquels ne tiennent que par le rôle économique-politique-idéologique du Temple et par leur alliance avec les Romains. Après 70, le Temple disparu, ce seront les scribes pharisiens qui l'emporteront dans le judaïsme. 133. Cf. Le 23,2. 134. C'est aussi la lecture des exégt:tes : c Jésus répond par une remarque de bon-sens ~ (BOISMARD, Synopse, II, pp. 345 s.), le bon-sens (celui des classes dominantes) étant un indice idéologique on ne peut plus net.
«
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est la marque de la souillure du pays par les occupants : l'occupation est donc refusée par J. c et ce qui est à Dieu:. : -selon la parabole qui vient d'être lue, il s'agit de la vigne d'Israël; selon la leçon de S 53 c, le Temple, c maison de prière :., voilà ce qu'il faut rendre à Dieu. « rendezle à Dieu :. : reconnaissez-moi comme Messie, ne me rejetez pas et vous serez libérés de l'occupant, dans la logique de la pro~ messe de bénédiction rattachée au système de la dette. Comment donc J échappe-t-il au piège du oui ou non? En déplaçant la question: sa réponse s'inscrit dans la logique du SYMB juif, que les pharisiens acceptent d'ailleurs, comme tous les autres; il les renvoie à la lecture de sa pratique comme messianique, selon son procêdé ANAL constant. Ce faisant, il n'élude pas la question STR, mais la situe après la, lecture ANAL. « et ils s'étonnèrent très fort de lui:. : soulignons le niveau narrateurjlecteurs, ceux-ci viennent de subir persécution pour leur refus du culte au César divinisé; l'antithèse César/Dieu est pour eux on ne peut plus radicale, inscrite si l'on peut dire, dans leur -chair, dans le sang de leurs martyrs.
h « et viennent auprès de lui les sadducéens ;) : (SOC) les deux classes idéologiquement opposées convergent dans leur opposition à J ; la pratique de celui-ci déplace donc la problématique de la lutte idéologique. « qu'il n'y a pas de résurrection ) : question concernant le récit dernier, posée à celui qui se situe comme Messie. c Maître, Moïse... une semence à son frère :. : la loi du lévirat (SYMB) avait pour but de promouvoir la « maison ) selon la promesse de bénédiction à Abraham 135, dans une logique « matérialiste) 136, au sens où elle a une importance décisive pour la « maison) de ceux qui n'ont pas d'enfants et ne croient pas à la résurrection des morts ; mais aussi, importance décisive pour la transmission de l'héritage ; or les sadducéens sont de grands propriétaires. « il y avait sept L.-ères... ne laissèrent pas de semence :. : petit récit où la loi, pourtant suivie, n'a pas été accomplie. « après eux tous, la femme mourut aussi ) : le récit « terrestre ) se termine, une autre problématique est introduite, concernant la croyance à la résurrection, que les sadducéens ne partagent pas, mais que J est censé partager. c à la résurrection... comme femme :. : la question est celle 135. Cf. pp. 73 s. 136. c Matérialiste » au sens courant où on applique ce mot à ceux qui ne croient pas dans l'au-delà. Les guillemets sont ironiques.
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LECTURE DE MARC
d'unê èontradiction entre la loi du lévirat écrite par Moïse et la croyance à la résurrection, non écrite. « Les sept l'ont eue comme ferrune ~ mais non simultanément, ce qui serait un inceste; une abomination ; par contre," la résurrection implique la simultanéité des personnes ; c'est là que réside la contradiction avec la loi, la résurrection étant conçue comme le même (prolongé) du réoit terrestre. « n'êtes-vous pas dans l'erreur... d~ Dieu? :. et, après sa double réponse, insistance: « vous êtes grandement dans l'erreur :. : si l'on relève encore le « n'avez-vous pas lu :., il faut bien dire qu'il s'agi"t d'une erreur de lecture de la part des sadducéens. C'est dans la logique du code ANAL, mettant en articulation la lecture du récit ACT de J (récit puissant qui annonce la puissance eschatologique) avec la lecture de l'Ecriture (en fait : d'un récit) qu'il nous faut lire la double réponse de J. c car quand on se lève d'entre les morts:. : remarquons d'abord le bien-fondé de l'objection des sadducéens, s'il ne s'agit que de lecture de l'Ecriture; car, comme on l'a vu 137, la croyance dans la résurrection des morts a été introduite dans le texte juif au ne siècle avant J.-C. par la production textuelle idéologique perse; donc, l'ancienne écriture l'ignore. J prendra son parti dans la deuxième réponse. « on ne prend ni mari ni femme » : d'abord, J réfute l'objectiOJi posée par la loi du lévirat; il nie que l'eschatologique soit à concevoir comme le même du récit terrestre. En effet, il ne sera plus question de « maisons », de procréation, de mariage. « mais" au contraire on sera comme des annonceurs dans les éieux ::. : ce qui semble exclure aussi l'amour sexuel, l'eschatologique se réduisant à une affaire d'eunuque. En fait, cette lecture est celle de l'idéologie grecque, dans laquelle le discours idéologique parlera des « anges "~ comme de « purs esprits », sans corps. Voilà pourquoi j'ai traduit angeloï par « annonceurs :., pour marquer que cette distinction corps/esprit n'existe pas plus dans la sémantique juive q ~e dans celle des Perses ; les « annonceurs » sont des puissances, en rapport avec le cosmologique, si l'on peut dire, donc avêc le matériel et le corporel. C'est dire que, si procréation et D1âriage sont exclus, on ne voit pas pourquoi, à priori, l'amour gexuel, cette puissance, le serait ua. « les cieux » : (MYTH) le ciel, c'est l'autre par rapport à la 137. Cf. pp. 109 ss. 138. Dans cette lecture, je ne prends pas parti sur les affirmations de l'actant J, j'y reviendrai à un autre niveau de mon discours. Je ne fais ici qU'essayer de rétablir. Une lecture déformée par l'idéologie théologique courante.
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terre; le récit eschatologique n'a donc pas d'identité avec le terrestre, il obéit à la seule puissance de Dieu. Ce qui caractérise le royaume du Dieu, c'est d'être autre, au-delà des désirs des agents, toujours-déjà marqués par les codes dominants du SOC. « et sur ce qu'on se lève des morts:. : J revient donc sur le fond de la question des sadducéens. « dans le livre de Moïse, à propos du buisson :. : dans le récit du buisson ardent. « je suis le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob:. : dans ce récit-là, Dieu se présente à Moïse comme le Dieu de la promesse faite aux patria~ ches, en mémoire de laquelle il entreprend la libération des Juifs de l'Egypte. Cette' promesse était promesse de bénédiction à la descendance d'Abraham, sur quoi reposait l'objection sadducéenne. « il n'est pas Dieu de morts:. : or Abraham, Isaac et Jacob sont morts, et selon la parabole de la vigne qui va être donnée à d'autres vignerons non juifs, non descendants d'Abraham, cette promesse a échoué, suivant la logique « matérialiste:. qui est celle des sadducéens. Bref, le dieu d'Israël, du système de la souillure notamment, du champ SYMB centré sur le Temple, devenu « repaire de brigands :., le dieu de l'idéologie du système (SOC), c'est un Dieu de morts 139. Ce qui, au niveau narrateur/lecteurs, de ces lecteurs situés après la destruction du Temple, est bien une évidence : Israël vient de s'effondrer, son dieu ne l'a pas sauvé. e mais de vivants ~ : l'opposition mort/vie, le texte depuis S 16 a produit son inversion, l'espace BAS étant espace de vie, en opposition au champ du SOC, espace de mort, de Satan (S 20, S 22 bl). Ce dieu dont la puissance est à l'œuvre dans le récit ACT libérateur des corps, celui-là est le Dieu de vivants; et voilà que J relit le récit du buisson à partir de son propre récit et prend parti sur la question de la résurrection des morts : cette puissance qui fait se lever des corps couchés (SYMB : S 7, S 12, S 25, S 44 ...) est dans la logique de la bénédiction promise à Abraham, Isaac et Jacob qui est une logique de bénédiction matérielle, y compris par rapport à la mort. Cela lui importe peu que la foi en la résurrection soit un emprunt à l'idéologie religieuse perse; son argumentation prend appui dans la double lecture de l'ACT et de l'Ecriture. Donc, Abraham, Isaac et Jacob doivent eux aussi ressusciter pour prendre part à la bénédiction promise, si elle échoue sur leur descendance. « s'avança un des scribes:. : un membre de la classe des scribes (SOC) rangée par le récit parmi les AA s'avança, se démarqua de sa classe. De même que Jaire, le chef de synagogue (S 25) et plus 139. Même sens de « morts» en Le 9, 20 : c Laisse les morts enterrer leurs morts. :.
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LECTURE DE MARC
tard Joseph d'Arimathie (S 72), la classe ne détermine pas tellement chacun de ses éléments qu'il ne puisse écouter le récit de J. N'empêche que ce qui détermine les autres, leur endurcissement de cœur, est l'effet de l'idéologie de classe. « sachant qu'il leur avait bien répondu :. : que cela avait été une bonne leçon de lecture, selon la logique du SYMB juif. Cela fait aussi le raccord entre les deux problématiques, S 55 h et i. « l'interrogea ~ : quel est le premier . commandement? :. : comment lis-tu l'Ecriture et ses deux systèmes d'interdits, la souillure et la dette? Lequel a la primauté? La question vise le lieu d'affrontement entre .la classe sacerdotale et les deutéronomistes et prophètes 140. C le premier, c'est: écoute Israël» : formule dominante dans la liturgie juive 141 ; c'est dans le code ANAL que c écoute » se structure : Israël, l~ vigne, est appelé à écouter le Messie enseignant dans le Temple d'où le commerce a été expulsé; c'est en quelque sorte l'appel définitif de celui qui vint pour accomplir la promesse du Dieu des vivants, d'Abraham, d'Isaac et Jacob, à un Israël assujetti à l'impôt au César occupant. « le Seigneur notre Dieu est notre seul Seigneur » : il n'y a pas d'autres seigneurs, l'argent (du commerce), César ou le Dieu des morts. Une triple opposition est donc affirmée que déjà le texte avait travaillée : Dieu/Argent 142, Dieu/César, Dieu de vivants/Dieu de morts; ces deux dernières d'ailleurs se rapportent à la première, car César est posé à travers la monnaie de l'impôt et le dieu des morts est celui du Temple où se fait le commerce et où se trouve le Trésor (S 57). Justement la pratique de J a opéré, tout au long du récit, le partage entre le champ d'Israël, dominé par ces trois « seigneurs :. et l'espace BAS comme étant celui du Dieu, le seul Seigneur. « écoute, Israël ~ équivaut à « lis mon récit:. (ANAL). « et tu aimeras le Seigneur ton Dieu... de toute ta force :. : sur cette lecture-là, élabore ta stratégie, au niveau de ton cœur, de tes désirs; qu'ils ne soient pas fascinés par ces seigneurs-là; mais que ta pratique, donnant ta vie (STR) , lisant de ton intelligence (ANAL), agissant avec force (ACT), soit en rupture avec le système qu'ils dominent (SOC). C'est le premier temps de la suite de J (S 49-S 50), celui de la rupture. « voici le second: tu aimeras ton pro~he comme toi-même :. le second commandement est le second temps de la suite de J 140. Cf. pp. 86-91. 141. L'exégèse courante en reste là et essaie de voir les rapports de cette « péricope » avec les communautés chrétiennes et leur liturgie, ce qui aboutit à la continuité entre les deux liturgies. Si, par contre, on rapporte l'énoncé cn question à l'ensemble du texte de Marc, par le biais de ses codes, on arrivera à une lecture de rupture et non de continuité. 142. Cf. Mt 6, 24; Lc 16, 13 : « Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent. :.
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aimer celui qui t'est proche, les pauvres à libérer (car le riche, si tu as rompu, s'est éloigné de toi, cf. S 49 a2), ceux qui sont marqués par le manque (m), la malédiction. e comme toi-même:. : ce que tu as, donne-leur (S 31, S 49), ce qui est à toi est à eux. C'est la logique du système de la dette, radicalisé jusqu'à ses dernières conséquences. c il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là :t : le système de la dette, radicalisé, c'est lui qui a la primauté. Tous les interdits du Décalogue (S 35, S 49) sont résumés dans ce don: l'amour de Dieu et du proche. e et le scribe lui dit... et sacrifices :. : il lit à son tour la réponse de J (, « ne croyez pas ), « on verra ), les paraboles, « comprenez ), « veillez '>, « vous ne savez pas ), plusieurs se répétant). Par ailleurs, autant dans la question que dans la réponse, les futurs scandent tout le discours, le marquant comme un récit d'anticipation. Cependant, ce n'est pas en termes de pré et postpascal qu'il faudra le lire, car il n'y est pas question de la mort et de la résurrection de J. On trouvera trois indices qui situent le discours presque intégralement au niveau narrateur/lecteurs ( : il rompt avec la pratique de ses pairs, comme le scribe de S 55.
b Petite scène qui insiste sur la mort de J, le centurion qui la confirme devenant ainsi « témoin :. pour le « tombeau vide :. de S 73, garant du fait qu'il y a eu réellement mort. c Le destin du corps est scellé par la pierre qui clôt enfin le récit. d
Les femmes, comme en S 71 g, sont posées comme « reste ~ qui permet au texte de ne pas se clore, au récit de ne pas s'achever. Leurs regards sur le corps, repris avec insistance, signalent que le code ANAL n'est pas clôturé. N'empêche que S 72 achève la grande séquence ouverte en S 65, celle de la circulation du corps de J, « emmené ;) dans l'espace du pouvoir du SOC, jusqu'à sa sortie vers le tombeau; grande séquence de c la victoire:. de la STR AA et de l'échec de la STR J et donc de son annonce du récit eschatologique. S73 a
b
c
Quand le sabbat fut passé, la Maria de Magdala et Maria, celle du Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aBer l'embaumer. Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont au tombeau, au lever du soleil. EUes se disaient entre elles : qui nous roulera la pierre hors de la porte du tombeau? Et levant les yeux, eUes virent que la pierre avait été roulée; or elle était très grande. Entrées dans le tombeau, eUes virent un jeune assis à droite, vêtu d'une robe blanche et s'effrayèrent. Mais il leur dit : ne vous effrayez pas ; c'est Jésus que vous cherchez, le Nazaréen, le crucifié? il s'est levé, il n'est pas ici. Voilà le lieu où on l'avait mis. Mais allez, dites à ses disciples et au Pierre qu'il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, ainsi qu'il vous a dit. Elles sortirent
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et s'enfuirent du tombeau, car eUes étaient tremblantes, et hors d'eUes-mêmes. Et eUes ne dirent rien à personne, car eUes avaient peur.
a
c quand le sabbat fut passé :. : raccord avec S 72 (, que là où elle est portée par l'utopie des classes dominées : la libération des corps ne peut se faire que dans l'extension de cette libération à tous les corps captifs des codes des F.S. C'est cette structure d'un récit non clos, de son extension indéfinie qui a comme effet, paradoxal, que des persécutions, par le fait de l'extension de la subversivité, viennent se mélanger aux cent fois plus de maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs (S 49 d). On s'explique ainsi également le privilège de la conversion individuelle dans la pratique messianique et ecclésiale. Elle est requise comme ~pture avec les codes du SOC, comme remaniement des objets, des désirs toujours-déjà déterminés par les équivalents généraux des F.S. Par exemple, la conversion. implique la rupture avec la « séduction de la richesse » (S 22 c3), avec l'argent et la valeur d'échange, dans un remaniement des objets du désir pour le mener à s'attacher à la valeur d'usage, à la possession des produits dans leurs corps matériels 49. C'est ce qui, dans la tradition messianique, a nom pauvreté, condition de la charité. Il n'y a donc de place dans l'ecclésialité ni pour l'ascèse ni pour un masochisme manichéiste de la persécution; il s'agit, bien au contraire, de toujours chercher, dans la clandestinité le cas échéant, la bénédiction qui ne sera acquise, mieux, donnée, que dans son extension tendancielle aux dimensions de l'utopie. Là où le cercle s'arrête et se clôt, l'emprise des codes du SOC recommence à jouer, la puissar,ce est tentée de se réinverser en pouvoir. g) C'est encore ce dont il vient d'être question qui explique - mais on y reviendra - , que J ait refusé de se battre à Gethsémani, surmontant la tentation. Est-ce à dire que les « chrétiens ~ doivent adopter systématiquement une stratégie du type de ce qu'on appelle de nos jours la « non-violence? » Conclure cela, ce serait déduire du récit de Gethsémani un «, principe moral » qui théologiserait, annulerait ~'avance le jeu des récits. En plus de la difficulté où nous nous sommes trouvés de lire le texte prépascal raturé dans cette séquence-là 50, la clôture du M.P.subA.jM.P.E. joua sur la STR J, selon le jeu aléatoire des rapports de forces. Aujourd'hui dans un tout autre contexte de F.S. - où le jeu des 49. L'un des ressorts d'une stratégie communiste aujourd'hui consistera dans le déplacement de l'utopie des prolétaires, au niveau économique, du fétiche argent sur les c corps » des produits. C'est toute l'importance d'une lutte contre la pollution, au sens le plus large. I.es hippies offrent ici un bon exemple. 50. Cf. p. 289, et la note 178.
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déterminations dues aux transformations techniques des forces productives rend peut-être possible une révolution communiste utiliser ou non, et quand, des armes, c'est affaire de choix stratégiques concrets, d'analyses concrètes, qu'on ne saurait annuler d'avance. Qui niera par exemple que puissance contre pouvoir il y eut dans la lutte clandestine des diverses résistances aux occupations nazies? ou bien dans celle du Vietnam du Nord devant l'écrasante supériorité militaire de l'impérialisme américain 51 ?
8. L'ECCLESIA COMME PRATIQUE
a) Dans les chapitres précédents on a repris la lecture de Marc au niveau du récit messianique dans une analyse théorique matérialiste. On va maintenant poursuivre cette analyse en prenant Marc de préférence au niveau narrateur/lecteurs, là où le texte articule le récit messianique avec les récits ecclésiaux. Ce ne seront donc plus les codes paramétriques du M.P.subA. qui jouent, mais ceux du M.P .E. romain, dans un cadre linguistique grec, cependant. En effet, on a repéré à plusieurs reprises dans le texte de Marc les signes de la traduction araméen/grec qu'il opère, traduction qui est la tradition du récit messianique aux lecteurs ecclésiaux de langue grecque. Ce dont il s'agit maintenant, c'est de savoir comment cette traduction-tradition, en tant que procès d'écriture, articule le récit de J à celui des lecteurs de Marc. h) Il faudrait d'abord établir la situation sociale des gens rassemblés eccIésialement. A défaut de pouvoir citer des historiensexégètes autorisés 52, je me limite à souligner que, pour la grande 51. Un raisonnement semblable serait à tenir pour les questions concernant le mariage, le divorce ou le sexuel. Un même effet de clôture du M.P.subA. joue dans la dJ;:,~ussion S 47 sur le divorce, comme sur d'autres textes néotestamentaires à ~ropos de la femme ou de la sexualité. La problématique de la libération des corps à cet égard est tout autre de nos jours, la subversion des codes dominant notre champ symbolique impliquant des possibilités que le M.P.subA. clôturait. 52. Selon mon habitude, j'ai essayé de trouver quelques citations explicites, soit dans des « introductions» au N.T., soit dans des textes exégétiques. Certes on trouve ici et là des allusions au « milieu populaire » des chrétiens, mais je n'ai pu trouver un chapitre ni même un paragraphe traitant cette appartenance de classe, la situation économique et politique des ecc/esia primitives, en elle-même! Quand il faut parler du « thème des pauvres », ce qu'on a intérêt à souligner c'est quO « il s'agit non seulement d'une catégorie sociale, mais de la " famille spirituelle " (alors très vivante dans le judaïsme) des " clients de Dieu H, dont la foi abandonnée, confiante et joyeuse se résume en une attitude d'attente religieuse. C'est cette disposition
ESSAI n'ECCLÉSIOLOGIE MATÉRIALISTE
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majorité, les lecteurs de Marc appartenaient aux classes exploitées de l'empire romam, laissant à plus tard l'ébauche du cadre politique et idéologique correspondant 53. Cette appartenance de classe va d'ailleurs dans la logique du texte marcien, qui n'a de sens que si c vous avez toujours des pauvres avec vous :. (S 59). c) Que raconte-t-il, le récit de Marc, en définitive? TI met d'abord en place la pratique messianique articulée selon les trois codes comme ,charité/espérance/foi (S 6-S 28). Ensuite, la lecture de ce messianique par les DD (S 31-S 42 b, la « séquence des pains :.). Puis la stratégie de la montée à Jérusalem et sa lecture ANAL (S 42 c-S 52). Enfin, l'affrontement J / AA, dans sa première phase autour du Temple (S 53-58) et, dans sa seconde .phase, l'exode avorté et le meurtre de J (S 59-S 72). Et dans ce récit du messianique, ce que Marc donne à lire à ses lecteurs ecclésiaux, c'est la question ANAL: « qui est Jésus? :., qui court tout le récit comme question sur la puissance de son corps et sur la lutte entre cette puissance messianique et le pouvoir du SOC. Au-delà de l'échec de la mort, S 73 annonce la résurrection du corps comme victoire de la puissance. , On reviendra longuement sur la question, restons-en pour l'instant à l'articulation des récits messianique/ecclésiaux. Le récit de J est raconté comme bonne annonce des fruits de la puissance travaillant le corps de J. Ce corps ayant été remplacé par la pratique du partage des pains comme pratique déterminante des ecclesia (S 62), le récit de Marc est donné comme grille de lecture de la pratique ecclésiale. Qu'est-ce que celle-ci? Elle est l'extension, dans le champ des païens, de cette même pratique BAS qui fut celle de J, donc eUe est l'effet dans ce champ de la même puissance qui travaillait le corps de J. « Ce que je vous dis, je le dis à tous : veillez! » (S 58 b7) Lisez donc ce récit, sa lecture vous permettra la vigilance de vos cœurs. L'ecclesia, extension du cercle BAS, est ainsi le lieu de la vigilance sur la puissance travaillant les désirs, l'utopie ecclésiale. Toujours en proie à la tentation, l'ecclesia est ainsi le lieu de la poursuite de la conversion, du remaniement des objets des désirs par la pratique de la charité, de l'espérance et de la foi, ces désirs qui doivent se détourner de la· fiction 54 des équival~nts principaux du SOC pour retroufondamentale que vise la Béatitude des pauvres en Mt 5, 3 :1> (JEREMIAS, Les paraboles de Jésus, p. 311). Quand on sait que toute l'exégèse contemporaine baigne dans les eaux de la Formgeschichte, dont la méthode met en valeur le ~ lieu vital » des communautés chrétiennes, cette bévue, cette ignorance de la composante économique de ce « lieu :1>, comme si elle n'était pas « vitale », justifie à elle seule que l'on parle d'exégèse bourgeoise. 53. Plus loin, pp. 377 ss. 54. « Fiction» au sens de Nietzsche, cf. plus loin, p. 363.
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ver leur réalisation dans le rassasiement, la possession de la Terre, la consumation dans le royaume du Dieu à venir. d) Le tenne d'ecclesia, que désigne-t-il en fin de compte? Un lieu, un espace, des maisons anonymes, mais sans topographie déterminée. Une « communauté :), comme on dit, un ensemble de rapports nouveaux entre les 4: frères :) ; mais qu'est-ce qu'une communauté? En fait, le .terme d'ecclesia ne peut devenir un concept permettant la connaissance, au sens althussérien, de ces « rapports nouveaux ~, que s'il désigne la pratique spécifique articulée aux trois niveaux de ce cercle, telle qu'on en a produit le concept dans le chapitre sur la pratique messianique. Bref, là où ~ pratique messianique :. est le concept de la pratique puissante du corps de J, ecclesia est le concept de la pratique puissante dans le cercle BAS après l'absence de ce corps ( (S 58 b6)? Au niveau du récit, « nul ne les sait ( ...) ni même les annonceurs du ciel ni le Fils :.. Le « savoir d'avance :. qui structure le théologique en contradiction avec le « sans qu'il sache comment> du mèssianique, c'est le « savoir du ciel ), où le plan prédestinateur est censé être établi. Bref, c'est la clôture mythologique du texte qui détermine textuellement le théologique.
g) Mais par ailleurs on a vu les ecclesia de Rome divisées sur l'attitude à prendre vis-à-vis de leurs membres qui ont renié et trahi pendant la période des persécutions : le texte de Marc, en opposant les récits de Judas et. de Pierre, prétend donner les clefs pour le déchiffrement de cette problématique-là 130, à laquelle se réfèrent peut-être aussi les discours de S 46 et S 54, avec leurs références aux chutes et aux pratiques « qui font tomber :., leurs appels à la paix (par le c sel :.) et au pardon. On est ainsi conduit à lire le théologique comme discours dont le but est celui de l'unité des ecclesia : c'est en effet à quoi 128. La matrice de prédestination qui est celle du théologique dépend donc du MYTH et a été produite dans la littérature apocalyptique d'origine perse (cf. p. 108). 129. Cf. pp. 222 s. 130. Cf; pp. 298 ·s.
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répond le double mouvement christologique et sotériologique, tendant à réduire la diversité, la multiplicité des récits ecclésiaux par l'érection de J comme Christ et Fils de Dieu au centre de l'espace ecclésial et par la transformation du récit de son meurtre en récit de salut « pour beaucoup ". On peut poser que, pendant l'étape de l'extension géographique des ecclesia, le schéma du chemin, de l'envoi apostolique pour la proclamation de la bonne annonce, restait dominant sur celui du cercle; maintenant que le « monde entier :. l'a entendue et que le « rassemblement eschatologique:. est imminent, c'est le cercle qui l'emporte sur le chemin 131. Quel est donc le lieu politique du discours théologique chez Marc? -C'est celui du rassemblement ecclésial, de son centrement. C'est le moment de la transition de la première à la deuxième génération chrétienne, c'est-à-dire du remplacement des aposta loi par les episcopoi, dont l'étymologie est significative : les episcopoi sont les « surveillants » préposés aux ecclesia, comme le « portier à qui le seigneur de la maison a dit de veiller " (S 58 b7), ceux qui sont chargés du cercle et de son unité, qui sont ainsi instaurés dans un rapport d'autorité avec les disciples ecclésiaux, constituant l'ordre politique de l'ecclesia ; bref, ceux qui ont réintroduit Je rapport maître/disciples dans l'ecclesia 132. Le lieu politique du théologique, on peut l'appeler donc de son vrai nom : c'est le lieu épiscopal. . C'est l'impuissance politique, en dernière analyse impuissance des corps, qui détermine ainsi et les divers cultes propagés dans l'empire et la theologisation du messianique, premier moment de la transformation de l'ecclésial en « christianisme) comme religion du troisième type : la théologie 'est le discours de l'impuissance des corps. Le niveau narrateur/lecteurs de Marc est ainsi doublement occupé: par l'apostolos affirmant le kérygmatique (et par là produisant l'ecclésial, c'est la définition même de la pratique apostolique comme proclamation de la conversion, cf. S 28 c) et par l'episcopos le niant dans le théologique. Une dernière remarque : l'episcopos, reprenant le geste sacerdotal postexilique 133 de poser la primauté du système de la souillure sur celui de la dette, se réserve une fonction sacerdotale en rapport
131. Hypothèse à vérifier sur les lettres de Paul : lui aussi a eu maille à partir avec des questions d'unité des ecclesia, comment le théologique s'y rapporte-t-il ? 132. Le théologique comme négation est ainsi porté par l'utopie d'ordre. 133. Cf. pp. 88 s~.
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avec le culte qui ne fera que se développper dans l'Eglise. L'episcopos, c'est le prêtre. h) Que le messianique se laisse ainsi nier par le théologique, cela pose une question qui est pour nous décisive. Que dans une situation d'impuissance économique et politique, le messianique ne puisse pas assurer la transformation du M.P.E., ceci implique qu'il n'est opératoire que dans la mesure où la F.S. lui fournit dès codes, des moyens économiques, politiques et idéologiques pour qu'il devienne une pratique révolutionnaire : le messianique de lui-même n'en a pas, il n'est pas révolutionnaire, je crois l'avoir montré. Le catastrophisme apocalyptique de Marc est justement l'effet du manque de codes: le juif « Marc », après la destruction du Temple de Jérusalem et du M.P.subA. juif, se retrouve dans un désert de codes, son apocalyptique imminente fonctionne comme une espèce de suicide textuel que l'on pourrait r~pprocher du suicide collectif des zélotes au moment de la défaite 134. N'empêche que son procès d'écriture lui-même a surmonté ce « suicide » en assurant la tradition du messianique aux codes grecs du M.P .E. L'histoire de l'Eglise fournit plusieurs exemples semblables de transformations de F.S., pendant lesquels le « retour :. au messianique évangélique (aux sources, comme on dit), s'opère comme condition de sa traduction-tradition. Nous sommes, il me semble, dans l'une de ces périodes, et voilà ce qui justifie le recours dans ce texte aux concepts d'analyse du matérialisme historique, aux codes qui me semblent être en mesure de jouer le jeu de la révolution du M.P.C. Pourquoi le messianique n'a-t-il pas été révolutionnaire? parce que la révolution était impossible, vouée à l'échec, à preuve 70. Par contre, là où pour nous la révolution est à l'ordre du jour, pourquoi les chrétiens auraient-ils des réticences à s'engager dans un processus révolutionnaire vers une F .S. radicalement communiste? Reste une question: quel est l'effet de la pratique ecclésiale sur cette pratique politique? Pour l'analyser, il nous faudra aborder la question de la démythologisation et de la déthéologisation du récit évangélique 185.
134. Cf. p. 125. 135. La thèse « difficilement contestable » de Casanova (p. 125) selon laquelle « l'essénisme représente le " chaînon intermédiaire" qui mène du judaïsme au christianisme » ne semble pas pouvoir rendre compte du texte de Marc, elle est contestée par lui. Casanova ne prend appui que sur quelques citations de Paul et de l'Apocalypse, ignore les évangiles (ce qu'il avoue d'ailleurs d'entrée de jeu, p. 79). Que Marc n'est pas essénien, toute ma lecture le prouve, notamment le rôle décisif de la chute du Temple, profané depuis long Lemps aux yeux des esséniens; d'autre part, les textes de Qumrân
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LECTURE MATÉRIALISTE DE L'ÉVANGILE DE MARC
11. L'ENJEU POLITIQUE DE LA DEMYTHOLOGISATION a) On s'en souvient peut-être, aux premières pages de la lecture de Marc on avait repéré une contradiction MYTH/récit, antérieure à cette autre, théologique/messianique, que l'on vient d'analyser comme déterminée textuellement par la première. Là où le MYTH (les voix célestes et démoniaques) court-circuitait le récit, celui-ci le déjouait à son tour par la mise en place du code ANAL, déchiffrant la pratique de J, la question « qui est J? ~ par le renvoi à la lecture du récit lui-même comme discours de la puissance, d'une part, et à la lecture des Ecritures comme texte de la promesse, d'autre part. Ainsi le code ANAL a pu mettre en rapport la pratique messianique de J avec l'eschatologique proclamé comme proche, aux portes. Cette contradiction MYTH/récit implique deux choses: la clôture du texte par le code MYTH et un travail démythologisant par le code ANAL. On peut repérer ce travail de démythologisation dans la grande séquence S l-S 3 de programmation du texte. Tandis que le récit de J à venir est cautionné d'avance par la voix céleste : « tu es mon fils, tu as eu ma faveur ;) (ma puissance), la proclamation de Jean le Baptiste, elle, est cautionnée par l'écriture du prophète Isaïe, posant celui-ci comme « messager» de J. C'est le caractère précurseur de Jean, proclamé par lui-même : « Après moi vient quelqu'un de plus puissant que moi. :. Dans ce circuit de voix, c'est l'Ecriture qui est citée d'entrée de jeu, et si la voix céleste l'emporte - car c'est elle qui inaugure le récit de J - du fait de la dominance du MYTH, cette ouverture par l'Ecriture ne s'inscrit pas moins dans un effet de démythologisation. Celui-ci se donne quand même plus aisément à la lecture là où le circuit initial des voix est remplacé par le récit de la pratique de J et par sa circulation géographique. Et l'effet consiste en ceci que le récit est lisible sans faire appel à la voix céleste : Pierre l'a lu avant la deuxième voix (S 43), lui qui pourtant n'était pas encore intervenu lors de la première en S 2. Le récit se suffit donc témoignent tous d'une clôture de ces communautés, ce qui rend invraisemblable le schéma du chemin dominant le récit marcien. Casanova, pas plus que les exégètes bourgeois, ne sait rien du « messianique ~, le phénomène chrétien relève pour lui toujours-déjà du seul idéologique-religieux. N'empêche que la théologisation idéologisante du messianique est déterminée par la situation économique el politique des fee/t'sia, en accord avec son analyse.
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à lui-même comme parole (S 22) sans la ~ vérité révélée ~ venue du ciel. De même, l'Esprit, qui en S 2 était une composante du MYTH, n'aura ensuite de rapport qu'avec le discours de la pratique-semence ou avec les Ecritures 136 : l'Esprit est démythologisé, lui aussi, il prend lieu dans une sémantique narrative en dehors du mythologique. b) Quel est le rôle des Ecritures dans ce travail de démythologisation ? Elles sont citées selon deux registres de lecture. D'une part, comme lieu du double système de la souillure et de la dette et de leur rapport au récit de la puissance de Yahvé Oe système de la souillure dominant ce récit et celui de la dette affirmant, au contraire, le récit de l'exode d'Egypte et du don du pays de Canaan comme premier). C'est ainsi, par exemple, qu'en S 35 les Ecritures permettent d'affirmer la primauté de la dette sur la souillure. D'autre part, les Ecritures sont le lieu de la promeses, s'articulant à la fois avec le récit de la puissance de Yahvé et avec le symbolique (la bénédiction). Le texte exemplaire de ce croisement des lectures de l'Ecriture et de la pratique messianique de J est celui de S 55 h : « N'êtes-vous pas dans l'erreur parce que vous ne connaissez pas les Ecritures ni la puissance de Dieu ? ~ Exemplaire dans la mesure où, au-dedans même du mouvement de démythologisation, on voit comment J reprend à son compte la croyance à la résurrection des morts importée, on l'a vu, du MYTH perse 131, en la lisant comme aboutissement de la promesse faite à Abraham, à Isaac et à Jacob, donc comme inscrite déjà dans le vieux récit de· Moïse, dans les Ecritures elles-mêmes. C'est d'une part le récit de la puissance de son corps, travaillant les corps sujets à la malédiction de la maladiè et de la mort, qui lui permet de relire les Ecritures et la promesse et, d'autre part, celles-ci qui lui permettent l'annonce de l'aboutissement eschatologique du travail de la puissance dans son récit à lui. La lecture des sadducéens est l'opposé exact de la lecture de J : ne sachant pas lire le récit de la puissance messianique, ils ne savent pas non plus lire la promesse dans les Ecritures. Ils sont dans l'erreur qui consiste danS l'endurcissement du cœur devant le récit de la puissance et, par voie de conséquen~e, dans l'aveuglement sur les Ecritures. c) Le mouvement démythologisant reste cependant partiel, le texte de Marc étant clôturé par le MYTH qui pose la dHférence 136. Cf. pp. 348 s. 137. Cf. pp. 109 SS.
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ciel/terre et l'écart genèse/eschatologie (archê/telos) comme les limites du récit, de tous les récits. Le MY TH est chez Marc tellement lié au SYMB juif que le récit de la destruction du Temple amène la prédiction de l'imminence de l'eschatologique 138. Celleci est déterminée par ailleurs par l'impuissance politique des ecclesia de Rome, ce qui amène le théologique comme discours de cette impuissance. Le théologique ainsi amené par le MYTH le ramène en force à son tour, annulant la démythologisation opérée par le messianique : en situant J, par son savoir prédestinateur, dans le ciel du MYTH, la christologie empêchera de plus en plus le mouvement même de l'ANAL, le retour sur soi des récits ecclésiaux par le miroir évangélique. TI y aurait ici un certain nombre de pistes à dégager pour le travail postérieur d'une ecclésiologie matérialiste, soit concernant les autres textes néotestamentaires, soit le texte chrétien postérieur. Par exemple, comment le théologique récupérera dans la « voix ;$ mythologique l'idée (au sens grec) d'une « vérité révélée :) venue du ciel, sur laquelle toute l'orthodoxie dogmatique se développera. Comment le « Credo » dit « apostolique » s'est formé comme un récit mythologisé. Comment le théologique se posera comme théo-Iogie, discours sur Dieu, se substituant à la pratique ecclésiale puissante, qui seule est parole, seule peut annoncer Dieu. Comment le mythologique se rapporte à la théologie de l'intériorité des âmes, dont le christocentrisme récent (la foi aurait comme objet la c personne de J ésus ~) est le dernier avatar. Comment le baptême-immersion dans l'eau sera réintroduit, lui que Marc oppose clairement à l'immersion dans l'Esprit. Et aussi comment la pratique de baptiser les l?ébés s'est introduite et généralisée, effaçant la rupture de la conversion. Comment le mouvement de remplacement du Temple par le corps de J et ensuite de celui-ci par la pratique du pain a été totalement inversé : le pain disparaissant dans « l'hostie :. - signifiant du signifié « corps du Christ ~ placée dans le tabernacle des Temples-églises, ceux-ci en sont venus à orienter symboliquement les espaces des villes et villages du Moyen Age. Comment enfin, last but not the least, la subversivité des codes de la F .S. par la pratique ecclésiale a été annulée. Cette subversivité, le code ANAL la posait du côté du Dieu de vivants, le Dieu de morts étant renvoyé au champ du satanique, de la mort : Satan devenait l'emblème mythologique des équivalents principaux du SOC, Argent, César, Dieu du Temple. L'un des symptômes les plus nets du travail remythologisant du théologique 138. C'est donc dans la logique du mouvement de démythologisatioD de Marc que Luc rompra ce lien entre les deux codes pour permettre c l'ajournement > de l'eschatologique.
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épiscopal ou ecclésiastique sera l'annulation de ce renversement: le ciel redeviendra connotation des pouvoirs du SOC où l'Eglise s'est installée et c'est la subversivité qui sera réprimée comme satanique et infernale, comme. maudite, selon une sémantique qui prévaudra jusqu'aujourd'hui. Bref, comment, quelles translonnations ont été décisives pour qu'une religion théocentrique ait pu, plus ou moins impunément, se réclamer de la « bonne annonce de Jésus le Messie ~, allant parfois jusqu'au meurtre même des « hérétiques ~. - d) L'exégèse bourgeoise, travaillant à partir du logocentrisme antithéocentrique, a voulu, avec des fortunes diverses, défaire la clôture du MYTH jouant dans les textes néotestamentaires : le nom de Bultmann reste lié à cette tentative de démythologisation. Qu'elle soit faite à partir du logocentrisme bourgeois, je n'en veux comme symptôme que le recours à la « conscience de l'homme moderne ~, à la scientificité de la raison, au progrès de la modernité qui semble toujours être le dernier argument des textes se voulant démythologiseurs. Méconnaissant les Ecritures et le récit de la puissance, le messianique, cette démythologisation ne pouvait pas sortir du théologique et c'est en effet à l'intériorité (fût-ce sous le nom d'expérience ou attitude spirituelle), cette forme bourgeoise du théologique, qu'on aboutit, que l'on soit « croyant ~ comme Bultmann ou non. On peut parler de « histoire du salut », l'histoire n'en reste pas moins dissoute dans l'atemporalité de la conscience et de l'intériorité et son rapport avec « l'éternité » de Dieu. On voit où je veux en venir : ce n'est qu'au-dedans des concepts du M.H., dans un discours d'ecclésiologie matérialiste, qu'on aura quelque chance d'opérer une démythologisat.ion conséquente, en tenant compte de ce que les F .S. non industrialisées sont à idéologie dominée par le MYTH. e) Pourquoi le théologique de Marc annonce-t-il l'eschatologique comme catastrophe imminente survenant au M.P.E.? C'est que le but STR du messianique et de l'ecclesia est la transformation de la F.S. 189. Dans la situation d'impuissance politique qui est celle des classes dominées de l'empire romain, ce but de transformation est affirmé par l'aspect catastrophique de l'eschatologique, destruction des structures de pouvoir du SOC esclavagiste 140, affirmation qui ne peut jouer qu'au niveau idéologique. Cependant, dans Marc, le mouvement de démythologisation
139. Et en cela les communautés ecclésiales primitives diffèrent du communisme non révolutionnaire des communautés hippies, clôturées dans la marginalisation. 140. Cf. p. 174 et n. 26.
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repéré oppose à cette rupture catastrophique une continuité entre la pratique puissante de J et le « royaume du Dieu venant avec puissance ~ (S 42 e). Car le kérygmatique ayant affirmé que J est le Fils de l'homme, cette affirmation opère sur certains lieux du texte. Les deux incises « FH ACT > Hl posent la pratique de J comme pratique du Fils de l'homme (