A Jacques et Line, A Lise, Alain, Sylvie et Marianne, A tous ceux dont le regard m’a donné la force
d’explorer un terr...
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A Jacques et Line, A Lise, Alain, Sylvie et Marianne, A tous ceux dont le regard m’a donné la force
d’explorer un terrain nouveau.
(( Croître comme l’arbre qui ne presse pas sa sève. D
M
(R.M. Rilke Lettres à un jeune poète », 1903)
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J'APPRENDS, DONC JE SUIS Introduction à la neuropédagogie
Couverture : Peinture de Georges Brunon
La loi du 1 1 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les (( copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective B et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, G toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite H (alinéa le‘ de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les alinéas 425 et suivants du Code pénal, si elle n’était autorisée par l’éditeur ou par le Centre Français d’Exploitation du Droit de Copie - 6 , rue Gabriel-Laumain - 75010 PARIS.
O Les Éditions d’organisation, 1987. Achevé d’imprimer en avril 1992
Hélène Trocmé- Fabre
J’APPRENDS, DONC JE SUIS Introduction à la neuropédagogie
Préface d’Albert Jacquard Directeur du Dépa-ment de Génétique de l’Institut National d’Etudes Démographiques
LES ÉDITIONS D’ORGANISATION
AUX ÉDITIONS D’ORGANISATION Edward DE BONO Réfléchir mieux Tony BUZAN Une tête bien faite Alain CARDON Le manager et son équipe Alain CARDON, Vincent LENHARDT et Pierre NICOLAS L’analyse transactionnelle : outil de communication et d’évolution Olivier CLOUZOT et Annie BLOCH Apprendre autrement Olivier CLOUZOT - Enseigner autrement - Former autrement : apprentissages intellectuels, langages et structuration des connaissances Catherine CUDICIO - Comprendre la PNL Maîtriser la PNL Guy DELAIRE Commander ou motiver ? Thomas DEVERS Communiquer autrement :expression non verbale, attitudes et comportements Jacques DUMONT et Christian SCHUSTER Jouer à raisonner Jean FRIANT et Yvon L’HOSPITALIER Jeux-problèmes : de la logique à l’intelligence artificielle Charles HAMPDEN-TURNER Atlas de notre cerveau : Les grandes voies du psychisme et de la cognition Malcom S. KNOWLES L’apprenant adulte : vers un nouvel art de la formation Linda V. WILLIAMS Deux cerveaux pour apprendre : le droit et le gauche
-
ISBN : 2-7081-0860-3
SOMMAIRE
Page
Préface .........................................................
13
Apprendre à enseigner et enseigner à apprendre .................... Un constat .............................................. Un contrat .............................................. Un vrai langage ......................................... A la recherche d’une passerelle. d’un cadre et d’outils .......
17 17 20 21
21
PREMIÈRE PARTIE NOTRE CERVEAU AUJOURD’HUI
L‘apport des neurosciences .......................................
.
............................ Explorer un cerveau humain. normal. en activité .......... La vie cérébrale prise sur le fait .......................... Transmission hormonale et molécules cérébrales ..........
Chapitre 1 Les technologies nouvelles .
-
.
29 31 31 32 35
Chapitre 2 Cerveau(x) et information .............................
39
Le trajet de l’information......................................
40
1.
-
-
De l’environnement à l’homme .......................... Des sens au cerveau : réception et transmission de l’information ................................................
2. Niveaux d’organisation :évolution et maturation du cerveau ..... - Quatre cerveaux en un .................................. - Notre dynamisme sensori-moteur ........................ - Corrélats neurologiques du développement de l’intelligence .
40
41
45 46 50
53
Japprends. donc je suis
8
3. Nos deux hémisphères :deux gestions .......................... - L‘asymétrie des deux hémisphères ........................ - L‘équilibre du pouvoir : confrontation ou coopération ? .... - Voir le voir, l’entendre et le dire. et même... le penser et le vouloir ................................................
60 63 66
4. Mémoires sensorielles et images mentales ....................... - Trois et même quatre dimensions ........................ - Les images mentales .................................... - Un mécanisme commun ................................
70 71 78 82
.
67
......................... 1. Vigilance. conscience et attention ............................... - Une bonne qualité d’éveil ............................... - La notion de conscience ................................ - L‘attention .............................................
83
2 . Motivation(s) et changement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
90 91
Chapitre 3 Cerveau(x) et comportements
-
Modèles homéostasique, dynamique, cognitif. humaniste .
84 85 85 88
..................................... 4. Affectivité et communication .................................. - Au-delà des cultures ? ................................... 5. Rythmes cérébraux et communication .......................... - Des rythmes de base universels? .........................
93
Chapitre 4. L’observateur observé ................................. 1. Les mots clés de notre potentiel ...............................
99
3. Perception et personnalité
2. Quel modèle pour notre cerveau ? .............................. - Ordinateur ou servo-mécanisme? ........................ - Le modèle holographique ............................... - Système ouvert et structure dissipative ................... - Autres modèles ........................................ . Un modèle cybernétique appliqué à l’apprentissage d’une langue étrangère ........................................ 3. Conditions optimales de fonctionnement :hygiène et nourriture cérébrales .......................................................
94 95 96 97
100
102 103 106 107 109
110
111
Chapitre 5. Quelles perspectives pour la formation ? ................ 117 La conscientisation de l’apprenant et de l’enseignant ....... 118 L‘expérience partagée ................................... 118 Le droit à la différence et à l’intelligence ................. 119
. .
-
9
Sommaire DEUXIÈME PARTIE APPRENDRE A GÉRER SES RESSOURCES Vers un apprentissage bionomique ................................
123
Chapitre 6. Quelle(s) pédagogie(s) pour quel(s) apprentissage(s) ? .... 127 1. Les solutions à rechercher .....................................
128
................
129
3. Trois pôles en inter-relation. ................................... 1. Comprendre ........................................... - La réalité cérébrale; tout est relation; l’ancrage; la complexité ; les différents niveaux ; les conditions optimales de fonctionnement ; l’interface cerveau-information ; savoir d’où l’on part et où l’on va. 2. Faire .................................................. Informer, dire, dialoguer... ; faciliter la prise en charge, la mémorisation; que faire en cas de dysfonctionnement? développer la mise en relation, les évocations mentales, la pensée positive, le langage des deux hémisphères, le voyage imaginaire, la représentation graphique, les sens tactile et kinesthésique, l’apprentissage expérienciel ; éviter les fautes contre le cerveau. 3. Laisser se faire l’itinérance .............................. - Faire confance au potentiel ; respecter la durée ; laisser la place au choix; faire lâcher prise... ; accepter les différences.
130 131
2. Éduquer et apprendre :l’itinéraire de l’apprenant
136
~
148
Chapitre 7. Applications pédagogiques. Trois expériences exemplaires 151 1. Un projet national au Venezuela: du formateur :travailler en amont. . . . . . 181 - Attentes, les 4R, image de soi, besoins en formation 2. Transmission d’un contenu et d’une démarche . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 - Réflexion préalable ; figures et tableaux (cf. liste pages 273274). 3. Construire une séquence d’enseignement cohérente avec la démarche neuropédagogique . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213 - Construire la conscientisation de l’apprenant ; construire la prise d’information ; construire le traitement de l’information. - Construire les actes de lecture.
Chapitre 10. Construire un nouveau regard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229 Apprendre, vous avez dit capprendre >> ? Reconceptualiser . . . ... . . . . 229 Aptitude, attention, attitude, autonomie, changement, communication, comprendre, connaissance, contexte, créativité, culture, différences, difficultés, dualité/ dualisme, écriture, entropie, environnement, équilibre, erreur, évaluation, évolution, habitude, image de soi, intelligence, intériorisation, lecture, mots/ langage, norme, objectif, Occident, performance, processus, réel/ imaginaire, réussite/échec, système, temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 1 A la fois marbre et sculpteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . 248
. ... ... ... .. ... .. ... .. ... . . .. La double hélice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LE contrat.. . .. . . . .... . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ....
Chapitre 11. Construire pour demain -
25 I 253 255
Références bibliographiques . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . 259 Liste des figures.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . .. .. ... .. .. . . . . . . . . . . . 273 Liste des tableaux . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . ... .. . . 274 Liste des questionnaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 5 Index thématique ............................................ Index des auteurs et noms propres
. ..... . . ..... . .... . . ....... .
277 287
Au lecteur
Le titre de cet ouvrage n’est pas une impertinence envers Descartes. Cést un plaidoyer pour un retour aux racines biologiques de lapprentissage. Un plaidoyer pour un apprentissage bionomique :qui gère la vie. Un plaidoyer pour un apprentissage écologique :qui tienne compte des rapports de I apprenant avec son environnement. Un plaidoyer pour 1ëmergence de l’être et son dépassement au-delà de l’existence tout court :nous sommes nés pour apprendre et pour découvrir notre potentiel dans la durée. Ce livre est lefruit de nombreuses interrogations, rencontres, interactions. II est né de la passion d’explorer, de construire, dïnventer. II s’adresse à tous ceux qui se sentent engagés dans le face-à-face de l’homme et du monde dans lequel il vit. II a été conçu pour être un outil et un maillon de li’tinéraire du lecteur, un témoin de sa propre recherche. La voie d’accès à la neuropédagogie proposée dans ce livre est la spirale. Structure de toute énergie et de toute vie organique, la spirale incite le lecteur à porter un nouveau regard sur l’acquisition des connaissances, puis sur la formation du formateur à partir des données des neurosciences. Celles-ci ont été explorées en partant d’interrogations nées de situations d’apprentissage vécues. Ce livre est donc construit dans un va-et-vient constant entre la pratique et la théorie. L’ordre de succession des chapitres correspond à la logique de notre démarche :les chapitres à dominance théorique mènent le lecteur pas à pas vers un nouveau regard sur sa pratique de l’information et de la communication, puis vers une exploration personnelle des concepts sousjacents aux notions fondamentales qui sous-tendent toute situation de formation.
PR ÉFACE D’Homo à Sapiens. Étrangement nous apprenons à l’école, nous lisons dans les encyclopédies, que la nature, au terme provisoire d’une évolution étendue sur quelques milliards d’années, a fait apparaître, parmi bien d’autres espèces, Homo Sapiens.. Mais comment imaginer que la nature, à laquelle nous dénions par hypothèse tout projet, toute capacité de viser un objectif futur, soit capable de générer de la sagesse? En toute rigueur l’évolution ne peut avoir abouti qu’à Homo; à ce substantif il est possible d’adjoindre des adjectifs tels que erectus ou gracilis, mais certainement pas sapiens ; les premiers correspondent à un constat de fait sur les caractéristiques naturelles de l’espèce ;le troisième est un jugement sur ces performances intellectuelles. D’où vient donc ce sapiens ? Si, conformément à la règle du jeu de la science, on refuse l’explication d’un apport surnaturel, divin, force est d’admettre qu’il vient de Homo lui-même. I1 se trouve que Homo a reçu de la nature le pouvoir de prendre le relais de la nature. Celle-ci a fait Homo et Homo a fait Sapiens. Non pas brutalement comme le fait une mutation génétique, mais progressivement, longuement, au cours d’une lente émergence qui a permis de compléter l’humanité reçue d’une humanitude construite. L‘essentiel de l’homme d’aujourd’hui, ce ne sont pas ses cordes vocales, mais l’usage qu’il en fait, la parole ; ce ne sont pas les assemblages neuronaux mais les performances qu’il a su leur faire réaliser, la réflexion sur l’univers et sur nous-mêmes. I1 est classique d’affirmer avec des termes bien pédants, que l’ontogenèse récapitule la phylogenèse. Autrement dit le développement physique d’un individu, du .stade de l’embryon au stade adulte, passe par des phases successives qui rappellent les phases de l’évolution de l’espèce, depuis les lointains ancêtres marins jusqu’à l’état actuel. Le parallélisme n’est à vrai dire que très approximatif. Par contre, il est plus rigoureux si l’on évoque non le développement des organes mais la progression de l’efficacité avec laquelle nous utilisons l’organe le plus décisif, le système nerveux central.
14
Jhpprends, donc j e suis
A la naissance, cet organe est dans une incapacité quasi totale; pour l’essentiel les connexions reliant ses éléments sont encore inexistantes ; elles prolifèrent ensuite dans un foisonnement désordonné qui permet d’attribuer à leur ensemble comme caractéristiques premières d’être surabondant, redondant, et le fait d’être aléatoire. Les structures, les réseaux qui permettent à cet ensemble de fonctionner sont alors à peine à l’état d’ébauche. Elles seront réalisées peu à peu, en fonction initialement de programmes génétiquement déterminés ; mais le patrimoine génétique paraît dramatiquement pauvre (quelques dizaines de milliers d’instructions) face à la richesse de la machine à construire (un million de milliards d’éléments, soit un nombre dix milliards de fois plus grand que celui des instructions). Interviennent également dans cette mise en place des structures cérébrales tous les apports antérieurs qui suscitent la réalisation des innombrables circuits, permettant par exemple de développer un langage. Mais là encore, ces apports semblent bien pauvres face à la complexité de l’objet à construire. L‘«inné )) et 1’« acquis O , même s’épaulant l’un l’autre en une interaction qui démultiplie l’effet de chacun, ne suffisent guère à expliquer l’aboutissement. I1 faut faire appel à la capacité du cerveau à produire, par son fonctionnement même, ses propres structures. Le foie secrète de la bile ;que secrète donc le cerveau ? Certains répondent (( la pensée »,mais n’est-ce pas mélanger des concepts de natures différentes ? Il est sans doute plus vrai d’affirmer que, par son fonctionnement, le cerveau secrète des structures cérébrales. De même que Homo est devenu, par son propre effort au long des dizaines de milliers d’années, Sapiens, de même chaque petit d’homme doit effectuer le long parcours le menant de l’état d’objet fourni par la nature à celui de sujet capable de prendre son destin en main. Mais ce parcours ne peut être suivi seul ; pour faire un homme il faut les hommes. 11 n’est pas excessif de dire que l’objectif de la vie de chacun est de se construire en participant à la construction des autres. C’est cela l’éducation ; à la fois donner à un jeune le goût de se créer lui-même, en se regardant de l’extérieur et en prenant conscience de la possibilité de choisir un chemin (educere) et lui apporter toute la nourriture intellectuelle nécessaire pour qu’il puisse réaliser son projet (educure). Le rôle premier de tout groupe d’hommes, ethnie, nation, humanité dans son ensemble est de faire des hommes, ou, plutôt de créer des conditions permettant aux hommes de se faire eux-mêmes. Hélas, trop d’objectifs occultent cette fonction essentielle ; et nos sociétés modernes sont des modèles d’aberration. Comment a-t-on pu par exemple définir les nations comme des communautés de défense, obsédées par la crainte des agressions de la part des nations voisines ; alors qu’elles sont d’abord des communautés d’éducation, qui devraient être obsédées par la nécessité d’accroître sans cesse la richesse humaine qu’elles représentent ? Cette obsession devrait aboutir à de multiples recherches sur cet acte essentiel : éduquer. Recherches d’autant plus difficiles que cet acte est paradoxal, car son aboutissement est un être libre, capable notamment de refuser l’influence de l’éducateur : (( lorsque tu m’auras compris, tu pourras
Préface
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me jeter D. Raison de plus pour le multiplier, pour effectuer en permanence les remises en cause qu’imposent les avancées de disciplines scientifiques concernées, en premier lieu celles qui étudient le fonctionnement du cerveau. En fait de telles recherches sont rares. Le travail d’Hélène Trocmé-Fabre me semble un modèle de ce qui devrait être réalisé; il ouvre en effet la problématique de l’éducation à l’ensemble des cheminements actuels de la réflexion scientifique. I1 constitue un apport qui sera précieux pour tous ceux qui s’efforcent de mieux jouer leur rôle de constructeur de l’humanitude.
Albert Jacquard, Paris, juin 1987
APPRENDRE A ENSEIGNER ET ENSEIGNER A APPRENDRE
N Ne vivez pour l’instant que vos questions. Peut-être simplement, en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses... Presque tout ce qui est grave est difficile. )) ... a Ne voyez-vous pas que tout ce qui arrive est toujours un commencement ? H
R . M . R I L K ELettres , à un jeune poète, 1903
Un constat
Les enseignants, les formateurs, les responsables d’institutions, les parents et les apprenants eux-mêmes... prennent peu à peu conscience qu’il existe une véritable faille, un fossé parfois très important, entre les ressources des apprenants - jeunes ou adultes - et leurs réalisations ; entre les efforts fournis et les résultats obtenus ; entre les attentes des uns et des autres, et les objectifs réellement atteints. Les causes de ce décalage, dramatique dans certains cas, sont multiples et de nature diverse. Nous en citerons quatre. La première concerne l’institution ; la seconde, la conception qu’a l’homme de son équilibre. La troisième concerne le monde de l’information ; la quatrième, la connaissance de nos mécanismes. Lapremière cause est à chercher dans le fait que l’institution et le système scolaire attachent une importance beaucoup plus grande aux résultats qu’au processus d’acquisition des connaissances*. La pédagogie scolaire propose
* Les termes (( d’acquisition des connaissances )) et
et
(2) PATYJ. (1984 et 1985) ; cf. aussi PECAND G. (1979), dont l’ouvrage collectif est une approche neurocybernétique du comportement humain.
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Notre cerveau aujourd’hui
trois types d’apprentissage qu’il discerne : formel, informel (ou hors conscience), et technique. A chacune de ces catégories correspondent un (( affect )) (ou émotion) et une attitude formelle, informelle et technique face au changement. ~
~
L‘attention
Depuis les travaux de Moruzzi et Magoun, les mécanismes cérébraux impliqués dans l’attention ont fait l’objet de nombreuses études. I1 semble maintenant admis que l’attention est indissociable de l’état de conscience de soi et qu’elle s’organise à partir de la perception. Elle fait partie des stratégies et des facultés d’auto-organisation du cerveau humain. Selon l’expression de J.-P. Changeux, l’attention (( gère les relations du cerveau avec l’environnement ». Pribram distingue trois processus principaux de régulation : - la mise en éveil de l’attention (arousal), - la réponse au stimulus (readiness) et - le processus dit d’effort. I1 distingue également deux mécanismes de régulation : l’un de rétroaction (feedback), l’autre de proaction (feedforward), mécanismes auxquels il rattache la distinction entre conscience perceptive ordinaire et conscience de soi. L‘apprentissage, sans aucun doute, met en jeu des processus de rétroaction (feedback), de nature essentiellement émotionnelle et motivationnelle, et correspondant à la conscience perceptive ; il déclenche aussi des processus de proaction (feedforward) de nature cognitive, correspondant à la conscience de soi. L‘apprentissage impliquerait donc l’organisation de l’information par l’intermédiaire d’états de conscience différents. Ceci rejoint l’idée émise par Illya Prigogine : les fluctuations sont une loi universelle. L‘alternance entre les moments de prise d’information et les moments de pause sensorielle ou de répit cérébral serait la condition optimale de l’apprentissage. Rappelons les recherches de Copenhague et les ressources de l’idéographie cérébrale, en particulier les recherches de P. Roland sur l’attention : l’attention est un processus d’anticipation, dépendant de la tâche à accomplir et non du stimulus. L‘électro-encéphalographie a révélé des corrélations entre l’apparition d’ondes dites d’activité (tracé bêta) et le processus de fixation de l’attention (et aussi celui de déshabituation). L‘apparition d’ondes dites de repos ou d’habituation (tracé alpha) correspond aux périodes où l’attention s’amenuise. La psychobiologie de l’attention explore les supports biologiques des fonctions cognitives et tente d’établir les composantes et les formes d’attention sélective, discrimination et prise de décision; les temps de réaction; choix de la réponse, etc. L‘hypothèse d’une organisation hiérarchique des stades de traitement de l’information semble se préciser. Notre cerveau émettrait des ondes précoces correspondant au traitement du signal et à la
Cerveau(x) et comportements
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sélection du canal (auditif, somato-sensoriel), et des ondes tardives lorsqu’il élaborerait une réponse. En d’autres termes, un potentiel endogène serait émis par notre cerveau pendant une opération mentale. La psychophysiologie cognitive apporte des éléments précieux dans des domaines intéressant directement les formateurs : - Le profil individuel: chaque individu a une stratégie et un degré de résistance à la saturation qui lui est propre ... Les interférences inter et intra-modalité (auditive, visuelle...) : la perturbation de l’attention est plus grande lorsque les signaux concurrents appartiennent à la même modalité (un signal auditif perturbant une tâche de discrimination ou réaction auditive). - Priorité des tâches de détection visuelle sur les tâches de rapidité. - Les zones cérébrales impliquées au cours d’une activité attentive diffèrent chez les gauchers et chez les droitiers. Les régions frontales sont davantage impliquées chez les gauchers (3). Le neuro-endocrinologue signale le rôle des lobes frontaux, de la formation réticulée, et l’action de la dopamine dans le processus attentionne1 (4). Henri Laborit, quant à lui, distingue deux sortes de réaction d’attention : l’une K tonique », persistante, diffuse et sensible à l’habituation : la répétition d’un stimulus peut l’inhiber ; l’autre «phasigue », permettant une attention plus sélective et discriminative. L‘une et l’autre formes d’attention dépendraient de zones distinctes dans le cerveau et pourraient même être antagonistes. C’est ainsi que serait expliquée la difficulté que l’on ressent pour fixer son attention dans certains états d’émotion ou d’excitation. Selon Laborit, 30 % des neurones des cortex visuel et auditif seraient des neurones d’attention qui ne répondraient pas à des stimuli répétés mais seulement à une nouvelle sonorité ou à un renforcement de l’information visuelle. Pour les yogis, l’attention dépend d’une disposition intérieure à se laisser traverser par des ondes sonores et visuelles. Des recherches en biofeedback semblent indiquer le rôle de l’hémisphère dominant dans l’état d’attention. D’après L. Fehmi, du Centre de Recherche en Biofeedback de Princeton, l’hémisphère gauche contrôle une focalisation étroite D, tandis que l’hémisphère droit permettrait une (( focalisation large et ouverte)) (ce que Fehmi appelle l’état ((into-it D). Sur ces notions de (( fermeture D et (( d’ouverture D, Fehmi construit quatre types d’attention : - objective et ouverte : utilisée pour l’intégration d’une masse d’informations, - subjective (into-it) et ouverte : utilisée dans l’écoute, - objective et étroite : dans la résolution de problèmes, - subjective et étroite : dans l’expérience sensorielle. ~
(3) Cf. BEATTY J. (1977) ; VANDERHAEGEN CI. (1982) ; PATYJ. (1984) ; HILLYARD S.A. (op. cit., p. 193-196). (1985) ; J.-P. CHANCEUX (4) Cf. VINCENT J.-D. (1986).
90
Notre cerveau aujourd’hui
(( Nous sommes déformés par notre culture )) remarque Fehmi. a Nous pensons que l’objectivité ne peut être que la conséquence d’une focalisation étroite. )) D’autres recherches, portant sur le dysfonctionnement de l’attention dans le domaine visuel, nous révèlent la complexité du processus : l’orientation peut être automatique ou intentionnelle, interne ou externe, distribuée ou concentrée. Le mécanisme, pour être complet, doit comprendre plusieurs étapes : le détachement du point d’ancrage antérieur, la sélection d’une nouvelle cible et le mouvement attentionnel vers cette cible, la fixation sur le nouvel objectif (5). Les mêmes stades du mécanisme attentionnel concernent le domaine auditif. Le terrain à explorer par les formateurs est immense : II est important que tout formateur ou informateur veille à renouveler les formes sous lesquelles l’information est donnée :qu’il évite les répétitions consécutives et identiques;qu’il sache que l’attention est étroitement liée à la motivation, aux rythmes de l’individu, à son expériencepassée, à sa gestion intérieure, et, enfi. et surtout - qu 11se souvienne que l’attention est fonction de l’utilité de l’activité proposée. A ces éléments, il faut en ajouter un autre: la motivation, ou, comme nous allons le preciser, les motivations.
2. MOTIVATION(S) ET CHANGEMENT Le mot motivation est apparu dans la langue française il y a à peine un siècle. Depuis quelques années, il est employé très souvent dans les milieux de formation pour exprimer la préoccupation essentielle des enseignants. On entend souvent poser la question : (( Comment motiver les élèves ? )) et aussi souvent ce commentaire : (( Ils sont démotivés D... Il semble que la motivation soit un comportement qui tende à la fois à atteindre un objectif désirable et à éviter un événement futur désagréable, en mettant en œuvre la coopération de la personne (6). Une fois encore, le domaine est beaucoup trop vaste pour qu’il lui soit fait justice dans le cadre de cet ouvrage. De très nombreux corrélats ou facteurs de la motivation exigeraient d’être soigneusemen‘t définis : objectif/ but ; croyance(s) ;valeurs ; choix, préférences ; besoins, etc. Seuls seront retenus ici les points intéressant directement les formateurs, les enseignants, les parents et les responsables de formation. Un rapide parcours diachronique à travers les diverses théories permet de suggérer d’une part, que le mot motivation soit, comme le mot mémoires, employé au pluriel ; d’autre part, qu’il existe au moins quatre modèles de motivation. K.B. Madsen, de l’École Royale des Sciences de l’Éducation de Copenhague, relie les trois premiers modèles à une structure cérébrale spécitique (5) GAINOTTI G. (1987). (6) LASZLO E. (1975).
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(en plus du système réticulaire auquel tous les modèles de motivation sont reliés), et examine ensuite les possibilités de changement contenues dans chaque catégorie : changements d’objectif, de valeur, de mobile. Les formateurs savent que le véritable nœud des difficultés de l’apprenant réside dans la résistance au changement. Aussi, l’étude de la motivation telle que la présente Madsen revêt un intérêt tout particulier et elle sera présentée en détail. Les hypothèses, ou postulats, concernant la motivation peuvent être classées en quatre catégories : Le modèle homéostasique
D’après la théorie de W. Cannon (1915), elle-même inspirée de la conception du milieu intérieur de Claude Bernard, ce modèle est proche de la conception de Freud. Selon ce modèle, le comportement, comme tout processus biologique, est déterminé par la recherche d’équilibre dans l’organisme. Les psychologues l’expriment ainsi : l’équilibre rompu crée un besoin (faim, soif, sexe) qui, à son tour, détermine un dynamisme, qui, à son tour, détermine un comportement pour réduire ou satisfaire le besoin et rétablir l’équilibre (Freud, Hull, Murray, Freeman...). Madsen relie les motivations représentées par ce modèle à la structure cérébrale de l’hypothalamus, et détermine les mobiles de cette catégorie comme étant (( organiques », (( homéostasiques 1) ou a hypothalamiques D. Dans ce modèle, les possibilités de changement sont réduites car les mobiles sont organiques. La seule possibilité de changement semble être celle que Freud a désignée comme (( l’objet )) de l’instinct auquel on peut substituer un autre objet. La publicité de nos pays industrialisés ne s’en prive pas ... Le modèle dynamique En 1953, lorsque le premier symposium sur la motivation eut lieu, dans le Nebraska, le modèle homéostasique fut élargi à d’autres domaines de la biologie, en particulier à la visualisation. Le nouveau modèle tenait compte de l’effet des stimuli extérieurs, véritables stimulants, capables de mobiliser l’énergie et de déclencher un état d’activation. Ces stimulants sont de deux sortes: primaires, avec un effet dynamisant interne et inné (selon la théorie (( hédoniste D de P.T. Young, et d’Hebb, Tinbergen, etc.) ; ou secondaires, acquis, dont l’effet dynamique s’accroît selon le jeu complexe de facteurs comme l’habitude, le potentiel de réaction, etc. Le modèle dynamique est défendu par Atkinson, Miller, Lewin, Skinner, McClelland, etc. I1 a été adapté à l’apprentissage par Spence. Madsen relie ce modèle à une autre structure cérébrale: le système limbique. Les mobiles de cette catégorie de motivation sont d’ordre (( émotionnel D, (( social )) ou (( dynamique ». Les possibilités de changement sont plus nombreuses dans cette catégorie, car les stimulants (punitions, récompenses) deviennent des objectifs à atteindre et les conduites peuvent être apprises. L‘éducation en fait un grand usage.
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Notre cerveau aujourd’hui Le modèle cognitif
I1 est contenu implicitement dans de nombreuses théories des processus perceptifs et cognitifs (la Gestalt par exemple). Peu à peu l’idée gagne selon laquelle les processus cognitifs ont une motivation intrinsèque, suggérant que la base même de la motivation est dans l’interaction avec l’environnement. Madsen relie ce modèle au cortex. Les mobiles de cette catégorie de motivation sont d’ordre cognitif, ou cortical. Les possibilitis de changement sont beaucoup plus vastes que dans les autres modèles, car les variables cognitives comme l’attente, le système de valeurs, les croyances, peuvent entrer en jeu; de même, les moyens de persuasion verbaux, oraux et écrits, qui utilisent la logique et des moyens que les autres modèles ne possèdent pas (systèmes éducatifs et communication). Le modèle cognitif peut s’appliquer à la (( socialisation secondaire ». Madsen entend par là la formation, l’éducation institutionnelle, les médias. Ce modèle est le seul qui puisse déclencher un changement de mobiles chez l’adulte (non impliqué dans des situations thérapeutiques), alors que les deux premiers modèles, homéostasique et dynamique, se limitent dans leur application à la (( socialisation primaire D, à savoir l’éducation des enfants par leur famille. A ces mobiles d’ordre divers, Madsen ajoute ceux émanant de la formation réticulée : ils sont d’ordre intrinsèque ; ce sont des mobiles d’activation. Le modèle humaniste
Moins défini, parce que multiréférant et beaucoup plus vaste que les précédents, il est représenté par A. Maslow, Allport, Rogers et quelques autres. I1 n’est rattaché à aucune structure cérébrale particulière autre que la formation réticulaire. Sans doute fonctionne-t-il en faisant intervenir des mobiles émanant de l’être tout entier. La motivation, dans le système éducatif, n’est qu’un aspect d’un domaine beaucoup plus vaste, à la dimension de la société dans laquelle s’inscrit l’école. Un programme de formation et de développement des diverses motivations, de type homéostasique, dynamique, global, ou humaniste, pourrait s’inspirer des analyses qui existent depuis... plus de trente ans. Celles-ci devraient être exhumées des bibliographies, pour que les idées qu’elles contiennent soient mises en œuvre et induisent des changements, lorsque ceux-ci s’avèrent nécessaires. I1 semble que, dans le domaine de la motivation plus que dans tout autre, l’information et la prise de conscience de son propre fonctionnement et de ses propres structures soient la méthode la plus efficace pour induire le changement chez 1’être socialisé (apprenant ou enseignant).
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3. PERCEPTION ET PERSONNALITÉ
Ici encore, un choix sera fait pour illustrer, par des exemples précis, ce que peuvent nous apporter les neurosciences dans un domaine beaucoup trop vaste pour être exposé dans son ensemble. Des recherches réalisées par le National Institute of Mental Health (Bethesda, Maryland, États-Unis) à partir de Potentiels Évoqués, ont permis de déceler : des différences marquées dans les réponses obtenues à des stimuli visuels et auditifs chez des hommes, des femmes, des sujets hyperactifs, des sujets normaux, plus ou moins sensibles à la douleur, plus ou moins attentifs une dynamique sous-jacente aux comportements humains et à l’influence de l’environnement sur nos réactions comportementales. Ce type de recherche est extrêmement utile pour équiper en outils d’observation les professionnels de la communication et de l’interaction que sont les formateurs . En effet, l’hétérogénéité des groupes d’apprenants pose toujours le problème de la réception de l’information et des différents niveaux de compréhension d’une même information. En s’appuyant sur la recherche d’une psychologue britannique, le Dr A. Petrie, qui répartissait les sujets réalisant une tâche perceptuelle en deux types (les augmmteurs : ceux qui estimaient le stimulus au-dessus de sa valeur et les réducteurs : ceux qui sous-estimaient le stimulus), les Dr Buchsbaum et Silverman firent l’hypothèse que les réducteurs étaient très sensibles à des stimuli d’intensité réduite (quasi subliminale). Ils découvrirent, en outre, que les réducteurs toléraient mieux que les augmenteurs un environnement pauvre. Les Potentiels Évoqués fournirent une autre donnée : l’amplitude (ou différence en microvolts entre le sommet de la courbe PI et le creux NI) varierait pour un homme et une femme; elle serait une indication de la personnalité du sujet, de sa sensibilité émotionnelle... et même de sa gestion mentale. Ces tendances augmentrice et réductrice semblent, d’après les auteurs, revêtir un rôle soit de protection contre des stimulations potentiellement excessives, soit d’adaptation à l’environnement. Elles traduiraient l’attitude de l’individu face au monde qui l’entoure: certains se laissent envahir par des sensations provoquées par de hautes fréquences et sont insensibles aux fréquences basses ; d’autres, hypersensibles aux stimulations de basses fréquences se protégeraient en se coupant des sensations qui menaceraient leur survie neurophysiologique. Les êtres humains se répartiraient ainsi en deux groupes, selon leur tendance à s’adapter à l’une ou à l’autre solution. Les femmes montreraient une tendance à réagir en augmentrices. Les enfants Ayperactifs seraient un exemple d’adaptation excessive à la tendance augmentrice. Les schizophrènes représenteraient la tendance opposée : une adaptation excessive à la réduction (probablement par souci non-conscient de protection contre un environnement menaçant). Rappelons que les mesures qui démontrent des réactions variant d’un -
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groupe à l’autre et à l’intérieur d’un groupe, sont prises à partir d’un même stimulus. On a constaté des variations entre les différents sujets normaux mais elles ne sont pas encore élucidées. Elles refiètent sans doute les différences de traitement de l’information sensorielle, qui devraient être prises en compte par les formateurs lorsqu’une information est présentée et une interprétation demandée en vue d’une évaluation. Les Potentiels Évoqués d’enfants hyperactifs de 6-12 ans révèlent les mêmes caractéristiques que celles d’enfants normaux plus jeunes, mais leur temps de latence est plus court ; pour ces enfants, l’amplitude et le temps de variance sont modifiés plus fréquemment d’un stimulus à l’autre, traduisant l’instabilité et soulignant l’importance d’une pédagogie de l’attention (écoute et observation). La technique des Potentiels Évoqués telle que l’a pratiquée le Dr Buchsbaum a codirmé également que la réponse cérébrale reflète ce que l’on s’attend de voir et non ce que l’on voit : croire, c’est voir. Les tracés ont révélé que l’état mental intérieur était prédominant sur la perception du stimulus : ce qui compte pour le sujet est plus fort que ce qu’il perçoit en réalité. C’est la preuve que nous ne percevons pas de façon mécanique mais mec notre subjectivité. La personnalité d’un être humain se révèle et se mesure dans ses comportements en situation d’apprentissage et de communication. Plusieurs variables se combinent, comme le besoin d’entrer en interaction, la fréquence, le rythme, la durke des interactions et, comme nous allons le voir, la capacité à se synchroniser avec soi-même et avec l’Autre (7). 4. AFFECTIVITÉ
ET COMMUNICATION
Notre affectivité gère nos rapports avec le monde extérieur (étymologiquement : elle nous (( met dans tel ou tel état ») et elle fonde notre réalité existentielle. Nos émotions (terme utilisé plus couramment que affectivité et impliquant la notion de mouvement), sont des actions-conduites, liées aux différents rythmes de notre organisme : rythme respiratoire, cardiaque, etc. et à l’activité organique, viscérale et glandulaire. Pour Henri Wallon, qui observe des affinités fondamentales entre émotions et fonctions proprement organiques et posturales, (( l’émotion, quelle que soit sa nuance, a toujours pour condition fondamentale des variations dans le tonus des membres et de la vie organique D. Anatomiquement, les lobes frontaux et le système limbique sont reconnus comme jouant un rôle essentiel dans la vie affective de l’homme. Mais ce serait une erreur de penser que seul le lieu ou le siège d’une fonction est suffisant pour qu’elle s’exerce : la substance, en l’occurrence les hormones et les neurotransmetteurs du cerveau hormonal, intervient à tout instant dans (7) Cf. ROSENFELD A.H. et S.A. (1975).
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l’état central fluctuant O , notion proposée par J.-D. Vincent qui la considère plus moderne et plus exacte que celle d’homéostasie. La situation d’apprentissage est fondamentalement déstabilisante, en ce qu’elle exige l’assimilation de nouvelles données et l’adaptation à une situation nouvelle, donc une rupture avec des habitudes. Elle fait appel au cerveau hormonal, car il est, selon les termes de J.-D. Vincent, le grand maître )) qui organise le désordre grâce auquel le fonctionnement des t( grands ensembles neuronaux )) peut être modulé. On a vu que parmi les différents états affectifs de l’apprenant, il en est un que tous les formateurs et enseignants attendent, espèrent et appellent à l’aide : c’est la motivation ou le désir d’apprendre ..., état sous-jacent indispensable et intermédiaire entre le besoin d’apprendre et la satisfaction d’avoir agi, donc d’avoir acquis. Les mesures E.E.G. prises sur les régions frontales révèlent une onde négative qui accompagne la phase précédant l’action (8). Ceci nous confirme que ce serait une grave erreur de considérer l’acte d’apprendre comme une manifestation seulement neuronale. L’apprentissage est une ouverture au monde : il ne peut s ?effectuersans que le désir lui soit associé. Biologiquement, un comportement désirant requiert l’association de l’affectivité et de l’anticipation de l’acte, et il se traduit par des sécrétions hormonales. (t
Au-delà des cultures ?
Une des découvertes les plus étonnantes dans le domaine de l’affectivité nous révèle qu’à chacune des émotions de base (colère, douleur, amour, haine, respect...) correspond un tracé cérébral caractéristique et universel, indépendant de la culture. C’est ce que Manfred Clynes, ingénieur et musicologue australien, appelle (( sentics D. I1 s’agit de la forme biologique des émotions qu’il a discernée dans des cultures aussi diverses que celles du Mexique, du Japon, des ÉtatsUnis, et de Bali. Pour Clynes, les émotions sont des formes spatio-temporelles : chacune possède des caractéristiques de durée et de configuration ; ces formes sont révélées dans des tracés et existent donc à l’émission. I1 recommande que soit entrepris un apprentissage permettant de mieux connaître, de discriminer ses propres émotions, de les reconnaître, donc de les contrôler et de mieux les utiliser pour communiquer. Les émotions, affirme Clynes, forment avec leur expression une unité existentielle, un système. La façon de ne pas être leur jouet est de les bien connaître. Clynes énumère les caractéristiques des états émotionnels, de leurs expressions et de leur formation : Les états émotionnels sont tous uniques. A chacun correspond un schéma cérébral. Chaque état émotionnel présente une inertie caractéristique : il ~
(8) Cf. WALLON H. (1949), pp. 50 et 55 ; cf. aussi CLYNES M., op. cit. ; VINCENTJ.-D., op. cit., pp. 13, 151 et suiv.; LIBETB. (1985).
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Notre cerveau aujourd’hui
persiste - en termes de processus cérébraux et corporels, pendant une certaine durée. Des changements hormonaux et vasculaires surviennent avec l’état émotionnel. La mémoire et les processus inconscients influencent les fonctions de contrôle des états émotionnels. Différents facteurs influencent les; émotions, comme l’âge, le sexe, les rythmes biologiques, l’hérédité... - L‘expression des émotions est un aspect fondamental de leur nature. Les émotions ont besoin de s’exprimer, comme tout système de contrôle réagissant à l’entrée d’une information. Le fait d’exprimer une émotion a un effet sur son intensité, soit en l’augmentant, soit en la diminuant. - La formation des émotions: elles naissent de la perception d’un changement dans les circonstances de l’existence, dans nos relations aux autres, dans l’environnement, dans le cours de nos projets, etc. Elles peuvent aussi naître de notre perception d’une émotion chez d’autres personnes, ou tout simplement de notre imagination, de nos souvenirs, d’une situation, etc. Elles peuvent se former après l’absorption de drogues, de médicaments, ou de toxiques, ou encore être provoquées par des stimulations électriques du cerveau. Elles peuvent être affectées par l’habituation et l’adaptation, dans certains cas. Pour analyser les émotions, on dispose de différents indices et variables corporels, tous mesurables. Ce sont : le rythme cardiaque, le rythme respiratoire, la durée de l’inspiration et de l’expiration, la consommation d’oxygène, la position du corps, le regard, l’activité musculaire. Les formateurs, les parents - et pourquoi pas, les apprenants eux-mêmes - tireraient un grand profit d’une lecture de ces indices chez l’autre et ... en eux-mêmes. 5. RYTHMES CÉRÉBRAUX ET COMMUNICATION
De nombreuses études ont paru sur les rythmes de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte. Toutes soulignent la difficulté dans laquelle se trouve celui qui tente de cerner cette notion dont la complexité ne cède pas... Nous rappellerons la définition de Platon: le rythme, c’est l’ordre dans le mouvement. Nous sommes donc, une fois encore, devant une structure, une organisation, une dynamique. Les études de chronopsychologie mesurent les effets des diverses variables temporelles et spatiales sur les performances de l’individu, homme et femme, jeune et moins jeune ... selon que telle ou telle tâche est précédée ou suivie de telle autre et effectuée à tel ou tel moment de la journée. Une étude réalisée à San Diego, en Californie, a étudié l’effet des rythmes circadiens sur la compréhension et la rapidité de lecture. Elle a effectivement pu conclure à une amélioration de la compréhension dans l’après-midi et dans les premières heures de la soirée, et une plus grande rapidité de lecture dans la matinée. Les résultats obtenus nous semblent difficilement généralisables. Trop de variables interviennent ; les rythmes circadiens font osciller les sécrétions hormonales et le jeu cérébral des hormones est encore insondable. ..
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Seules seront mentionnées ici celles des études récentes qui soulignent les rythmes de base du cerveau humain en relation avec le langage et la communication. Comme le remarque Edward Hall il y a toujours eu une grande cohérence dans la nature ... il existe une unité sous-jacente à l’extrême diversité des phénomènes naturels D et, citant W.S. Condon : (( Le rythme est la caractéristique essentielle de l’organisation naturelle... I1 existe une cohérence profonde dans ce que nous percevons et ce que nous pensons. D Ceci semble vrai pour le cerveau plus que pour toute autre structure. Nos rythmes sont d’abord des processus de synchronie interne. Ils varient avec et selon tout ce que nous faisons: notre perception visuelle ou auditive, notre sommeil, nos rêves, notre repos, etc. Condon a associé les cinq différentes activités électriques du cerveau Ù la structuration des énoncés langagiers ; -Le rythme delta (1-3/sec.) correspond à l’énonciation des phrases. - Le rythme thêta (4-7/sec.) aux mots. - Le rythme alpha (8-131sec.) aux mots courts et aux phonèmes. - Le rythme bêta I (14-24/sec.) aux phonèmes courts. - Le rythme bêta II (25-40/sec.) aux phonèmes. A chacun de ces différents niveaux de rythmes hiérarchiques, Condon associe un mouvement corporel, synchronisé avec l’émission du langage. D’autres recherches suggèrent que la fréquence delta d’une seconde correspond au rythme fondamental du comportement humain. Des rythmes de base universels 7
D’après Paul Byers, de Columbia University (New York), il existerait deux rythmes de base dans le cerveau humain : l’un de 7 c/ s, l’autre de 10 c/ s, dont le rôle serait d’intégrer l’activité motrice et d’informer sur la qualité des échanges entre individus. La communication humaine serait un processus fonctionnant sur un rythme sous-jacent de 10 c/s. Une communication réelle serait possible dans une relation rythmique partagée, dans la synchronisation des rythmes de base de l’un et l’autre communicants. Signalons que Byers, comme Clynes, constate que les résultats des expérimentations sont identiques dans des cultures très différentes (Esquimaux, Désert de Kalahari, Nouvelle-Guinée), et que la communication n’est possible que si les locuteurs sont en synchronie. La capacité à rester synchrone (et nous ajouterons la capacité à rechercher la synchronie) est, selon Edward Hall, innée. Mais chaque culture crée ses propres rythmes, qui sont portés et transmis par la langue, acquis avec elle, très tôt. C’est sans doute la raison pour laquelle les rythmes culturels par aissent innés. L‘universalité des émotions de base et des rythmes de la communication humaine, telle qu’elle apparaît dans ces recherches, est une interrogation grave que le choc des cultures semble nier. C’est pourtant un facteur d’encouragement pour le développement des échanges et de la compréhension au-delà des frontières de l’histoire, de l’espace et des cultures. Nous y voyons un moyen de parvenir à ((échanger entre nous du sens (...), nous
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rapprocher ou apprivoiser ou nous tourner vers un sens commun)) selon l’expression de Michel Serres. Et ce besoin de synchronie, intact au fond de chacun de nous, quelle que soit notre culture, ne rejoindrait4 pas, en partie tout au moins, d’autres concepts qui apparaissent ou ré-apparaissent dans notre monde moderne pour l’interpeller par leur profond mystère : l’homogénéité structurale de Karl Popper; le concept de synchronicité de Carl Jung; la causalité formative de Rupert Sheldrake, pour n’en citer que quelques-uns ? (9).
(9) Pour l’étude de la chronopsychologie, cf. ENGLUND C.E. (1981) ; CONDONcité par HALL(1984b) ; BYERSP. (1976) ; cf. Michel SERRES(op. cit., p. 130), (( avant d’échanger entre nous du sens (...), avant de bâtir ensemble du neuf (...) nous devons former ces R. (1985). universaux )) ; POPPERK. (1976) ; SHELDRAKE
CHAPITRE 4
L‘OBSERVATEUR OBSERVÉ
Lorsqu’on aborde le domaine de la compréhension des mécanismes cérébraux, en particulier le cerveau face à l’information, il ne faut jamais oublier que l’observateur est l’observé. I1 est donc limité dans son exploration par sa propre structure, par son organisation et ses dimensions. I1 ne peut être décrit qu’en termes de probabilité, dans sa tendance à exister et à survenir. Le cerveau de l’homme de la fin du xxesiècle, en se tournant vers le monde des atomes et des noyaux, découvre la nature dynamique de l’Univers dont ilfait partie. I1 lui est impossible de ne pas remettre en question certaines doctrines, en particulier celles qui cherchent à identifier des entités séparées ou isolées, indépendantes et élémentaires. La doctrine du neurone, unité indépendante et contiguë, doit être abandonnée aujourd’hui et remplacée par la reconnaissance du processus double : neurone jonction (synapse) participant à la fois à un état neuronal et hormonal, fonctionnant grâce à l’influx nerveux, généré lui-même par le neurone et influencé par l’état jonctionnel neuronique ei hormonal. De ce phénomène attesté par la science, nous pouvons tirer un enseignement sur l’une des caractéristiques essentielles de notre cerveau, à savoir le processus de complémentarité dans la dualité, vérifiable à tous les niveaux de l’activité cérébrale. Dans la présente section, nos potentialités et les caractéristiques du fonctionnement de notre cerveau seront abordées dans la perspective de dégager et de souligner les bases sur lesquelles un apprentissage (et donc un enseignement ou une formation) doivent s’appuyer pour être cohérents et compatibles avec l’organe de l’apprentissage. Des mots-clés souligneront les traits spécifiques du fonctionnement cérébral et préciseront la notion de complémentarité dont l’importance vient d’être signalée. Mieux connaître nos ressources, c’est être en mesure de les gérer et de
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Notre cerveau aujourd’hui
les développer. C’est également la voie (et la voix) de l’autonomie, la voie et la voix de la oompréhension de soi et des autres. 1. LES MOTS CLÉS DE NOTRE POTENTIEL
Les chiffres de notre potentiel cérébral commencent à être mieux connus. Ils restent modifiables à mesure des découvertes quotidiennes des chercheurs du monde entier, et grâce aux possibilités remarquables mises à leur disposition par les technologies nouvelles. Les domaines d’exploration sont sans cesse élargis. C’est ainsi que le nombre de neurones, qui est resté longtemps le chiffre capable de donner une idée de l’étendue spectaculaire de nos potentialités - (10, 30, peut-etre 100 milliards) - doit être accompagné d’une information concernant les cellules gliales, si nombreuses qu’il est impossible, pour le moment, de les dénombrer. Ces cellules jouent un rôle extrêmement important dans le développement de la vie cérébrale. Elles constituent 90 % de la masse cérébrale. On a découvert que leur nombre augmentait au cours de l’apprentissage car, à la différence des neurones, elles ont la capacité de se diviser, donc de se reproduire, et par conséquent, de jouer un rôle réparateur. Elles secrètent et captent le G.A.B.A., principal neurotransmetteur inhibiteur et elles ont un autre rôle, tout aussi important: celui de participer au processus de myélinisation, gainage des fibres nerveuses. Des chercheurs de l’université de Californie (Berkeley) découvrirent que l’hémisphère gauche d’Albert Einstein contenait 73 de cellules gliales supplémentaires par neurone, par rapport au cerveau d’un homme doué d’une intelligence moyenne. Ces cellules supplémentaires se trouvaient dans les zones associatives(1). L‘exigence d‘oxygène
Le cerveau est l’organe le plus vascularisé : pas une cellule nerveuse ne se trouve éloignée de plus d’un demi-centième de millimètre d’un capillaire sanguin (2). Notre cerveau est un grand consommateur d’oxygène : à lui tout seul, il consomme 20% de l’oxygène du corps, soit 0,8 litre de sang par minute, alors qu”i1ne pèse que 2 % du poids du corps. Depuis les travaux de John Bancroft, de l’université de Cambridge, en 1914, on sait qu’un tissu organique en activité augmente sa vitesse de consommation d’oxygène, l’énergie utilisée par l’organisme provenant de la dégradation d’une moléculeréservoir, 1’ATP (adénosine-triphosphate), en ADP (adénosine-diphosphate) ; la régénération de 1’ATP étant obtenue par une réaction nécessitant de l’oxygène et du glucose (phosphorylation oxydative). Comment peut-on exiger une activité cérébrale efficace d’un groupe
(1) Cf. DIAMOND M. (1985). (2) Cf. VINCENT J.-D. (1986, p. 59).
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d’apprenants, ou de candidats à un examen (ou tout simplement de personnes qui communiquent), lorsqu’ils se trouvent pendant plusieurs heures dans le même espace clos? On est en droit de se questionner sur la valeur de la performance demandée : évaluation des savoir et savoir-faire ou ... épreuve d’endurance à l’anoxie ? L‘architecture neuronale est également représentée par le chiffre traduisant la surface corticale : 22 dm2. Une indication importante concernant la représentation somatotopique des différents organes révèle que l’amplification de cette représentation est relative à l’importance de la fonction de l’organe. La représentation de la fovéa, par exemple, est 10000 fois plus étendue au niveau du cortex qu’au niveau de la rétine. Les possibilités de connexions sont de 1 O00 à 10 O00 par neurone, ce qui porte à IO puissance 14 le nombre probable de synapses, donc de connexions possibles à chaque instant. Autre chiffre stupéfiant : les zones associatives représentent 80 % de l’écorce cérébrale. Le réseau de fibres est gigantesque. Un chiffre permet d’évaluer le rôle joué par le milieu extérieur : 0,02 % des neurones corticaux constituent les voies d’entrées ou de sortie, et sont utilisées pour transmettre des informations fournies par les sens, ou des ordres pour exécuter une tâche motrice. Tout le reste, soit 99,98 %, représente les circuits intermédiaires du gigantesque centre de calcul qui stocke et traite les informations (3). A lui seul, le nerf optique compte un million de fibres. Rappelons que les deux hémisphères sont reliés par un faisceau de 2 ou 300 millions de fibres : le corps calleux. Le langage du corps calleux (4millions de messages à la seconde !) ne reçoit pas suffisamment d’attention dans le monde médicopédagogique. Cette voie de connexion semble être utilisée davantage par les gauchers que par les droitiers: il faut le dire aux intéressés qui, dans un monde occidental fait pour les droitiers, reçoivent encore une étiquette qui les gênent... Le corps calleux est la voie par laquelle passe une information déjà traitée : c’est ce qu’avait découvert, en 1892, le neurologue français J.-J. Déjerine (4). Nous possédons une réserve énorme, illimitée, de possibilités, de codigurations, de connexions, d’états mentaux qui n’ont jamais eu lieu ou qui n’auront pas lieu. Cette réalité cérébrale traduit la richesse, la diversité, et l’unicité du cerveau humain. Que les formateurs (et les parents) ne l’oublient jamais : il ne peut exister deux cerveaux semblables dans toute l’humanité. Une autre caractéristique du cerveau, qui découle des chiffres cités cidessus et de la simple observation d’une microphotographie de neurones, est la complexité des microcircuits neuronaux et des règles impératives d’associativité et d’interconnectivité. Cette complexité est tout particulièrement illustrée par la structuration du système visuel, capable de coder et de gérer la luminance, la couleur, la forme, le mouvement, le relief ... Aucune partie, aucune activité cérébrale n’a lieu isolément. (3) Cf. NAUTAW. et FREITAG M. (1981). (4) Cf. GARDNERH. (1974).
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La non-linéarité, spécifique du fonctionnement cérébral, est une autre caractéristique du transfert de l’information et ceci est particulièrement frappant dans le système auditif: c’est la distorsion non linéaire qui crée les harmoniques. La non-linéai-ité est la condition de la créativité. Toutformateur devrait se répéter sans cesse que compartimenter le savoir et ignorer la complexité du cerveau, c ’est 1’appauvrir. Aux caractéristiques déjà citées, il faut en ajouter une autre, qui découle également des précédentes et de la richesse extraordinaire du cerveau : c’est sa plasticité. I1 semble que les recherches nous autorisent à penser que lorsqu’on aborde le domaine des mécanismes cérébraux, on se trouve en présence d’un ensemble pré-établi qui réclame une validation par l’expérience ;une actuulisation sans laquelle on assisterait, non pas à une évolution, mais à une involution (5). L‘évolution phylogénétique et le développement ontogénétique du cerveau apportent une autre précision : le cerveau fonctionne de la façon dont il s’est constitué, à partir de données génétiques (innées) et de données (acquises) en provenance de l’expérience. Nous construisons notre câblage. Un processus interne de structuration permet au réseau initial d’utiliser les événements successifs pour se modifier. La lente et longue maturation du cerveau à travers les âges («Nous sommes nés il y a 15 milliards d’années D dit J. Charron) nous indique qu’il fonctionne en structure et selon un principe de non-séparativité. Nous avons gardé l’héritage du passé : un cerveau ancien, primitif, auquel de nouvelles structures, beaucoup plus complexes, se sont ajoutées et qui nous ont permis d’être sous un contrôle génétique moins étroit. L‘extraordinaire histoire de la croissance du cerveau, de la différenciation en cellules, tissus, organes et organisme de la matière vivante originelle, pose la question de la nature de l’ordre biologique et de la communication entre les cellules nerveuses de notre cerveau: de quelle analogie peut-on se servir pour étendre notre compréhension de l’organe de l’apprentissage ?
2. QUEL MODÈLE POUR NOTRE CERVEAU ? De tout temps, les hommes ont tenté de trouver une analogie pour représenter la réalité physiologique de la pensée. Au cours des siècles, les découvertes techniques et physiques en matière de transmission cle l’information ont très nettement influencé les conceptions et théories sur la nature de nos mécanismes mentaux : on est passé du modèle mécaniste (pour La Mettrie «le cerveau a ses muscles pour penser comme les jambes pour marcher))), au modèle hydraulique de Descartes. Ce fut ensuite le tour dui modèle électrique de Glisson, Von Haler, Galvani et Du Bois-Reymond, qui fut adopté quand les découvertes en électro-chimie ( 5 ) Cf. ROBERT.J.-M. (1982).
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complétèrent les connaissances précédentes. Le moment venu, on se servit aussi du modèle du bureau télégraphique central pour expliquer que le cerveau donne et fait attendre la communication. La deuxième moitié du xxesiècle propose des modèles inspirés des techniques contemporaines, électronique et informatique, et des découvertes en neurobiologie. Les enseignements, tirés de la durée de vie des modèles qui nous ont précédés, nous obligent à émettre prudemment l’idée que les modèles ci-après ne peuvent être que provisoires... Tout modèle de l’activité cérébrale révèle, en filigrane, une conception sous-jacente de l’homme, de l’Univers et de leurs interactions. Certains modèles empruntent ou oscillent encore entre l’une ou l’autre de ces positions : - l’empirisme, partisan du développement passif des capacités par accumulation d’expériences ; - le nativisme pour lequel les formes innées se révèlent progressivement au contact de l’environnement ; - le constructivisme pour qui le sujet construit progressivement sa représentation du réel, en agissant sur l’environnement... Les axes autour desquels se réalisent l’activité de l’organisme humain et sa représentation du monde sont, pour les uns, la motricité de l’acte physique et son cadre restreint, pour d’autres, un cadre beaucoup plus vaste: celui du système dans lequel l’homme évolue. I1 n’est possible ici que d’évoquer quelques noms qui nous indiquent les nouveaux horizons que nous ouvre la science : Bateson, Wilden, Guillé, Capra, Stapp, Sheldrake, Prigogine, de Rosnay... Présenter, même brièvement, leurs théories ne leur ferait pas justice. Elles se complètent et donnent de la réalité un aspect différent, selon l’éclairage choisi. Ordinateur ou servo-mécanisme ?
Les neurobiologistes expliquent que le cerveau sélectionne, filtre, établit des circuits. Des programmes se créent peu à peu : ce que le langage courant appelle des habitudes et les formateurs des savoir-faire. On utilise souvent l’analogie entre le cerveau et l’ordinateur pour expliquer les phénomènes de codage et de décodage, et le triple processus de prise, de traitement et de production de l’information. L‘ordinateur, comme le cerveau, a la capacité d’extraire l’ordre du désordre, de traiter l’information, de la mettre et la garder en mémoire. Son nom, un néologisme introduit en 1956 par I.B.M., est donc particulièrement bien choisi (en français tout au moins !) puisqu’il met l’accent sur la notion d’ordre. Cerveau et ordinateur reconnaissent les différences et les similitudes. Ils fonctionnent grâce à des programmes et des sous-programmes, suites ordonnées et hiérarchisées d’instructions. Pourtant, ce serait une erreur de penser, comme on l’a longtemps fait, que le cerveau fonctionne selon le schéma suivant :
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I04
entrée (input) -b
((
boîte noire D
t-
sortie (output)
Dans le schéma ci-dessus, l’acquisition est considérée comme étant la différence entre l’entrée et la sortie. Ce schéma est l’illustration de la pédagogie de l’impatience... et ne convient pas, pour deux raisons. D’une part, lorsque le cerveau est en contact avec des stimuli (extérieurs, il s’agit beaucoup plus d’une (( prise D d’information (intake) que d’une entrée passive (input). En effet, rappelons-nous, les organes des sens sont desfiltres, comme le langage, comme la motivation (ou la dé-motivation...), comme les expériences passées, comme les projets futurs et bien d’autres facteurs, stimulants ou inhibiteurs. En second lieu, l’organisation du cerveau est davantage celle d’un servo-mécanisme, fonctionnant par un double processus de rétro-action (feedback) et de pro-action (feedforward). La figure 5, adaptée de Karl Pribram, rend beaucoup mieux que ne le fait le schéma précédent, la propriété d’auto-régulation, qui est l’une des caractéristiques de notre cerveau : prise .- -- ____---d’informatiori i
sortie I
rétroaction
+
I I I
l
!
fonctionnement
4
rétroaction
I
Figure 5. Le micanisme d’auto-régulation du cerveau (d’après K. Pribram)
Du point de vue du neurobiologiste, l’originalité du cerveau réside dans ce qu’« il ne distingue pas le software du hardware )) (6). En effet, les points suivants : (6) CHANGELJX J.-P. (op. cit., p. 161).
L’observateur observé
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l’unité de base (le neurone jonction), l’énergie utilisée (électro-chimique), - la circulation de l’information (plusieurs organes effecteurs, plusieurs niveaux de complexité croissante...), - le processus (non linéaire et simultané), - les langages (plusieurs codes simultanément : verbaux, non verbaux ... moléculaire, abrégé, etc.), - les mémoires (évolutives, non localisées, liées à l’affectivité...), - l’auto-régulation, l’anticipation, l’autonomie, la croissance, - la conscience, - l’affectivité, - la créativité, etc., sont autant de facteurs qui séparent pour le moment plus qu’ils ne les rapprochent, le cerveau de l’outil. Celui-ci, aussi perfectionné soit-il, ne peut être que le prolongement des gestes cérébraux de l’homme et il présupposera toujours un organisme humain : (( un arc dans un circuit plus grand )) comme le décrit G. Bateson, celui de l’homme et de son environnement. Un exemple de l’action rétroactive d’une activité cérébrale sur la structure cérébrale est l’impact de l’écriture sur la latéralisation hémisphérique. En effet, il semble que le code écrit, pictographique, alphabétique ou syllabique, soit à la fois le produit et le moteur de sélectivités fonctionnelles, pertinentes dans un milieu culturel donné. I1 est trop tôt pour que se confirment les hypothèses de la recherche neuro-culturelle menée à Toronto, au Canada. Mais il est certain que l’exploration de l’apprentissage de l’écriture et des langues étrangères à la lumière des connaissances neurobiologiques, permettra un développement nouveau des méthodologies dans ces deux domaines (7). L‘avenir devrait faire cohabiter le potentiel illimité du cerveau humain et les capacités de vitesse, précision, et stockage de l’ordinateur. C’est l’avenir que conçoit la synergétique, théorie élaborée pour explorer les possibilités d’auto-ré-organisation de certains systèmes, et J. de Rosnay pour l’homme sym-biotique, capable d’explorer directement la mémoire de l’ordinateur sans faire appel aux organes des sens. 11 est essentiel et urgent que l’investigation des actes mentaux, des mécanismes qui les sous-tendent et les progrès accomplis dans le domaine de l’Intelligence Artificielle soient menés en étroite collaboration. Ceci ne sera possible que si les moyens accordés a l’exploration de l’Intelligence Artificielle le sont également à l’exploration de l’Intelligence Naturelle ; et si tous, neuroscientifiques, chercheurs, praticiens, éducateurs collaborent et apprennent à franchir des cloisons inventées au cours des siècles pour séparer des domaines qui ne le sont ni dans notre macrocosme, ni dans notre microcosme. L‘avenir de l’une et de l’autre formes d’intelligence dépend essentiellement, comme le suggère Seymour Papert, de la compréhension de l’outil informatique : un outil dont il est vain de fixer les limites et qui doit -
(7) Cf. ROCH-LECOURS (1984) et de KERCKHOVE (1984).
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nous aider à rendre moins prégnantes les nombreuses séparations dont nous avons encombré nos débats philosophiques (8). Le modèle holographique
Karl Pribrarri a développé l’hypothèse holographique (du grec : holos, le tout), avancée par K. Lashley en 1950. La perception et l’imagerie mentale feraient appel à une information distribuée, selon un processus tel que chaque partie contient la totalité de l’information, quelle que soit sa localisation. Pour Pribrarn, les impulsions nerveuses sont semblables à des trains d’ondes. Les structures nerveuses étant toutes connectées entre elles, directement ou indirectement, une modification de fréquences d’impulsion se répercute comme les rides qui interfèrent à la surface d’une mare où l’on a jeté un caillou., puis un autre. Le cerveau ne stockerait pas les cailloux, mais les rides. L‘holographie, inventée par Gabor en 1948, est fondée sur le codage de domaines de fréquences et sur la propriété d’interférence des ondes courtes. L‘holographie permet d’obtenir des images grâce à un filtre optique qui gèle l’onde visuelle. L,’image est lue grâce à une source lumineuse cohérente, le laser en l’occurrence. Le cerveau et les processeurs optiques faisant usage d’hologrammes ont en commun plusieurs propriétés : celle de reconnaitre instantanément un objet connu, ou un objet déformé (la tolérance aux défauts) ; celle d’une mémoire associative, récupératrice d’un élément grâce au lien qui existe entre cet élément et Uri autre ; celle de restituer la totalité à partir d’un fragment infime (9). En plus de la notion de récupération fonctionnelle et de dé-localisation de la mémoire, le modèle holographique rend compréhensible le phénomène de transfert d’apprentissage. I1 existerait un mécanisme cérébral qui distribue l’apprentissage : on peut écrire un mot avec la main, le pied, l’épaule ou... le nez, bien que la partie du cortex moteur correspondant aux différentes parties du corps autres que la main n’ait jamais été entraînée à le faire. Pribram cite l’exemple du système visuel : quand 80 % du champ visuel est rendu invisible par une lésion du cortex, le processus de reconnaissance et d’identification est rendu possible grâce aux 20 % restants. I1 en est de même pour la rétine. J.G. Roedereir, chercheur à l’université de l’Alaska, donne une explication équivalente dans le domaine auditif concernant la perception de la musique : les signaux neuraux, correspondant spatialement et temporellement à l’excitation locale de la membrane basilaire de la cochlée, s’organisent de façon tonotopique ; puis, on passe de la représentation photographique point par point à une représentation hologique au niveau cortical, dans laquelle l’activité d’un point de la membrane basilaire correspond à l’activité d’un ensemble étendu et diffus de neurones. (8) Cf. aussi SIMONS G.-L., Les ordinateurs de demain, Masson, 1985 ; RÉMYC1. (1986). K. (1977). (9) PRIBRAM
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Le stockage et le rappel associatif sont également des processus pour lesquels il n’est pas nécessaire de re-vivre l’événement, mais seulement une partie, ou un aspect, un moment de l’événement original. Roederer cite les quatre notes du célèbre (( ta-ta-ta-taaa )) de la 5“ Symphonie de Beethoven pour décrire l’aptitude à reconnaître des structures et ensembles d partir de quelques éléments partiels, sans que l’on ait besoin, comme dans un système de mémoire photographique (livres, bandes magnétiques, disques, films...) de retrouver l’adresse, le nom et l’objet lui-même tout entier. Des recherches menées à Londres par un jeune chercheur italien ont apporté un éclairage supplémentaire sur l’analogie entre holographie et holophonie. D’après Hugo Zuccarelli, l’oreille émet une tonalité de référence. L‘information spatiale est fournie au cerveau par l’interférence entre les sons extérieurs et la tonalité de référence générée par l’oreille. Zuccarelli enregistre des sons variés, accompagnés par un spectre de tonalités pratiquement inaudibles, mais perceptibles dans certaines circonstances. I1 incorpore des tonalités de références, ce qui fait générer par le cerveau un deuxième faisceau de référence qui joue le même rôle que le rayon laser, à savoir créer une interférence entre l’objet et l’onde réfléchie ; l’objet est reconstitué en relie$ L‘effet produit est non seulement que les sons entendus sont plus réels que la réalité : ils semblent se mouvoir librement dans la pièce et parfois même, être à l’intérieur du cerveau ; mais une synesthésie surprenante a lieu : odeurs, images sont perçues même dans l’obscurité, sensations tactiles, émotions, sont ressenties par le sujet. Les malentendants disent être sensibles à l’expérience. Les malvoyants décrivent des expériences visuelles très fortes. I1 semble que l’expérience faite par Zuccarelli, en faisant appel à la caractéristique holographique du cerveau, produise un état de conscience rnodij2. Le c h a m p d’application de l’approche h o l o g r a p h i q u e o u holograrnmorphique, selon la terminologie adoptée au colloque sur les Approches holoscopiques et hologrammorphiques de la Pensée (IO), est très vaste : la pensée hologrammorphique permet à chacun de respecter les lois du fonctionnement cérébral, - dans la recherche, l’approche linéaire et toute attitude réductrice cèdent la place au décloisonnement des connaissances, - le monde de l’apprentissage et de la formation bénéficient d’une approche à la fois heuristique et précise, synthétique et analytique. ~
Système ouvert et structure dissipative
Selon l’une des théories les plus récentes, celle d’Illya Prigogine pour laquelle il a reçu le Prix Nobel en 1977, les ondes cérébrales sont expliquées en terme de structures dissipatives temporelles. La théorie de Prigogine non
(10) Approches holoscopiques et hologrammorphiques de la pensée, Actes du Colloque sur la logique holoscopique, 7 et 8 novembre 1980, Université Paul-Valéry, Montpellier.
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seulement réunit la biologie et la physique, mais comporte de nombreuses implications en psychologie, sociologie, et sciences de l’éducation. Dans l’univers, affirme Prigogine, l’ordre naît de l’entropie, et non malgré elle. Les structures, nées de l’entropie, sont associées à un principe d’ordre entièrement différent, que l’on pourrait appeler ordre parfluctuation. Elles sont créées et maintenues grâce aux échanges d’énergie avec le monde extérieur, dans des conditions de non-équilibre. Le cerveau essaie constamment d’atteindre l’équilibre au moyen d’oscillations et par la création de nouvelles structures. L‘oscillation est une activité spontanée du neurone. Elle ne peut apparaître que dans un système ouvert qui, comme on l’a vu, correspond à la définition du système nerveux central. L‘oscillation ne se développe que lorsque le système est hors équilibre, mais dans un état stable: c’est ainsi que se constitue une structure dissipative. Lorsque les oscillations atteignent un état cahotique - comme dans les cas de conflit psychologique - le cerveau se réorganise. I1 génère de nouvelles structures, plus cohérentes. Quant aux re1,ationsentre les flux de matière et d’énergie que le système échange avec le monde extérieur, elles sont non linéaires, comme l’est le déclenchement explosif de l’influx nerveux ; comme le sont les interactions des neurones dans le cerveau. Pour Prigogine, les fluctuations du système qui représentent le hasard, et l’instabilité du système qui représente la nécessité, coopèrent et ne s’opposent pas. Lorsqu’un nouvel état se crée, il possède un plus grand potentiel de changement. A chaque nouveau niveau de complexité correspondent de nouvelles règles. I1 est intéressant de rapprocher ces termes de ceux du neurophysiologiste : (( Un organisme vivant est en état de déséquilibre permanent et il est plus vrai de parler d u n état central fluctuant que d’une constance du milieu intérieur N (1 1). La théorie de Prigogine possède d’immenses implications dans le domaine de la compréhension du fonctionnement cérébral et de la conscience. Elle implique, par exemple qu’aucun changement ne peut avoir lieu tant que l’état de conscience reste immuable. Notre état normal de conscience est dominé par une activité cérébrale rapide (ondes bêta), mais de faible amplitude, pendant laquelle nous sommes attentfs aux stimuli extérieurs et non à notre expérience intérieure. Des états de conscience modifiés, tels que la relaxation et la méditation, se caractérisent par une augmentation de l’amplitude des ondes cérébrales au rythme plus lent (ondes alpha) : ces états de conscience augmentent les fluctuations et produisent un changement significatif, une pénétration plus grande de la réalité que ne le fait notre état de conscience quotidienne et donc un apprentissage plus efficace. La musique, les images mentales, la méditation, la respiration rythmée, les techniques de relaxation, les pauses structurantes, sont des facteurs permettant l’augmentation de l’amplitude des ondes cérébrales ; c’est-à-dire,
( i l ) VINCENTJ.-ID. (op. cit., p. 152).
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le passage en ondes alpha, par conséquent la naissance de nouvelles structures, et l’émergence de flash de compréhension. Ce qu’il ne faut pas oublier d’ajouter, c’est qu’il est essentiel de respecter les fluctuations du système, c’est-à-dire, de veiller 2 l’alternance des deux états de conscience : une prise d’information directe sur le monde extérieur, alternant avec des moments d’intériorisation. La pédagogie oublie souvent, dans son obsession du contenu et sa poursuite de l’efficacité, de ménager ces moments de pause, les seuls capables de respecter l’alternance et de permettre aux fluctuations de la pensée de faire leur œuvre. Autres modèles
I1 paraît essentiel de souligner que tout modèle de fonctionnement qui se veut conforme à la réalité neurobiologique doit être dynamique. Ce qu’il s’agit d’affirmer - et de redire souvent, dans le monde de l’éducation et de la communication plus que dans tout autre - c’est que ni le Temps ni l’Espace ne sont des entités distinctes : l’un et l’autre forment un continuum quadridimensionnel et ils sont intimement liés. Un modèle pédagogique qui se veut cohérent doit tenir compte de ce que la physique quantique nous a révélé de l’Espace-Temps. Nos organes des sens, avec l’aide de notre cerveau, peuvent observer les représentations en deux et trois dimensions mais ils ne peuvent expérimenter l’Espace à quatre dimensions. Notre cerveau, lui, peut comprendre la réalité en quatre dimensions : c’est là l’un de nos paradoxes. La question qui se pose - et s’impose - est de savoir comment nous allons intégrer cette réalité dans notre représentation du monde ; comment nous allons la transmettre et l’enseigner ou, plus vraisemblablement la ré-enseigner à l’enfant et à l’ancien enfant qu’est l’adulte socialisé et (< enculturé D (12). Notre cerveau occidental a une très nette tendance à donner la prédominance à l’objet et à son observation. Dans notre poursuite de l’objectivité, nous nous identifions à l’objet perçu et nous oublions que, sans nous, c’est-à-dire sans notre système perceptuel, l’objet n’aurait ni forme, ni dimension, ni profondeur, ni couleur: la flamme de la bougie, le coucher de soleil... existent tant qu’un système visuel les capte. Dès que nous quittons la scène, seuls les phénomènes physiques subsistent et nous ne pouvons qu’imagines leur forme et leur nature... Grâce aux découvertes scientifiques, et à une meilleure connaissance de l’homme transmise par certaines traditions depuis des millénaires (mais si rarement entendue en Occident), nous avons les moyens, aujourd’hui, de découvrir ce que veut dire faire l’expérience du monde concret sans dissoudre le ressenti dans l’objet observé. Nous avons les moyens - et il est urgent de les mettre en œuvre -- de (re-)donner à l’observateur les clés de sa propre
(12) Cf. THÉVENIN P. (1980).
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nature, de son identité, de la conscience de soi, en l’éclairant sur son propre processus, son système, sa structure. Un modèle cybernétique, appliqué à l‘apprentissage d‘une langue étrangère
L‘apprentissage des langues étrangères a fourni le cadre d’une approche qui nous paraît correspondre à l’exigence décrite ci-dessus : elle a été définie par James R. Nord comme une synthèse cybernétique et s’applique à la méthodologie de 1 ’écouteet de la prise de parole. L‘approche cybernétique de l’apprentissage d’une langue étrangère tient compte de la révolution scientifique décrite par Thomas Kuhn, dont les remous n’ont pas encore atteint tous les rivages... Les événements, et en particulier les événements de parole, sont réintégrés dans la trajectoire d’un temps non réversible. Un cadre nouveau et de nouvelles bases de perception de l’acte de compréhension et d’expression sont posées. En didactique ties langues étrangères, la controverse a porté pendant des années (et sans doute portera encore) sur le rôle et l’ordre dans lequel enseigner les différents savoir-faire : réception et expression des codes oral et écrit. Pour certains, s’exprimer oralement est la meilleure façon d’apprendre à écouter. D’autres ont adopté une attitude diamétralement opposée, recommandant que l’écoute précède largement la prise de parole. D’autres insistent sur la valeur communicative du langage et l’importance de pratiquer dès les premiers instants de l’apprentissage l’interaction de l’écoute et de la prise de parole. La théorie cybernétique réintroduit le concept de cause finale, et plus particulièrement celui d’objet intentionnel, comme élément légitime d’explication du comportement. La durée par l’intermédiaire du processus de rétroaction, devient partie intégrante de l’acte. Le comportement est déterminé non plus par l’environnement mais par l’individu lui-même, attesté système de contrôle auto-organisateur qui génère sa propre activité pour contrôler sa propre perception. C’est un réajustement constant que l’organisme opère. Appliquer le principe de rétroaction à l’activité langagière permet de découvrir que la prise de parole est contrôlée par une aptitude préalable à l’écoute, un (( appareillage préexistant de vérification et de guidage des perceptions de l’individu D (13). Les implicatioris de cette théorie interpellent le système éducatif tout entier, car le contrôle de l’acte ne peut désormais appartenir qu’à l’apprenant. Ses performances dans la langue étrangère sont construites à partir de ses attentes des structures langagières, elles-mêmes élaborées à partir de ce qu’il a appris par l’écoute. Le rôle du formateur a changé : observer si l’indicateur du résultat désiré (réussite) est présent ou non. Dans l’apprentissage de la langue étrangère, l’erreur est un indicateur d’une écoute défectueuse et sera
(13) J. NORD(1983 et 1986); cf. aussi KUHNT.(1962).
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corrigée non pas directement, mais à partir d’une nouvelle écoute d’un type approprié, c’est-à-dire en tenant compte de la stratégie que l’apprenant a utilisée pour parvenir au résultat observé. L’apprentissage devient celui de la perception, et le rôle du formateur est d’élargir le champ perceptif de l’apprenant. Le monde de l’éducation et de la communication ne peut ignorer les conséquences d’un changement de paradigme. Le modèle cybernétique est moins simple et moins immédiatement rentable qu’un modèle analytique et une approche orientée sur le comportement extériorisé de l’apprenant. Mais, pour reprendre une image utilisée par A. Maslow, si le seul outil dont vous disposez est un marteau ... vous aurez tendance à tout traiter comme un clou ... Tant que les formateurs et enseignants estimeront que leur rôle réside dans le contrôle de résultats observables, ils seront tentés de restreindre leur action à la boucle stimulus-réponse. L‘approche cybernétique permet à une activité comme l’écoute de jouer pleinement son véritable rôle de préparation à l’expression en respectant à la fois l’intégralité du système d’organisation cérébrale et celle du langage.
3. CONDITIONS OPTIMALES DE FONCTIONNEMENT : HYGIÈNE ET NOURRITURES CÉRÉBRALES
L‘hygiène cérébrale doit tenir compte des facteurs qui conditionnent ce fonctionnement. Ce sont : en premier lieu, l’oxygénation. On l’a vu, le cerveau consomme à lui tout seul 20 % de l’oxygène du corps. Nous consommons chaque jour environ... 15 kg d’air, soit 4 kg d’oxygène ! L‘insuffisance d’oxygénation du cerveau a des conséquences catastrophiques. L‘hypoxie provoque une véritable souffrance cérébrale. En l’absence d’oxygène, un déficit d’énergie se produit, une perturbation de la microvascularisation cérébrale, qui peut conduire à la mort neuronale. Donner de l’oxygène au cerveau, l’aérer, renouveler l’air de l’espace clos dans lequel il se trouve, apprendre à respirer (ce que bien peu d’occidentaux savent faire), contrôler et adapter la respiration selon les tâches à accomplir... semblent des recommandations superflues et pourtant. .. ! ceci demande qu’un effort soit fait pour réorganiser la vie quotidienne, dans les familles et les écoles, et les entreprises. Mais il existe un autre aspect du problème : les ions négatifs, véritables vitamines de l’air, s’associent à l’oxygène de l’air, et assurent une meilleure oxygénation des cellules. Ils permettent une élimination plus facile des toxines. Les effets de l’ionisation négative sont l’objet de plus de 5 O00 recherches effectuées dans le monde entier. Ces études concluent à la diminution des ions négatifs en milieu urbain, dans les pièces peu ou artificiellement ventilées, dans le voisinage des écrans d’ordinateur, dans les lieux enfumés par le tabac ou comportant des matériaux plastiques et synthétiques, des équipements électriques et électroniques, etc.
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Les effets de l’ionisation sur les facultés intellectuelles ont été étudiés dans une recherche pilote en milieu scolaire, auprès d’enfants de onze ans, aux Pays-Bas, en 1984. Les paramètres étudiés étaient la concentration et le rythme de travail. Les résultats de la recherche concluent aux effets suivants de l’ionisation négative de l’air (effectuée par ioniseurs) : - amélioration des résultats scolaires, - amélioration de la capacité de concentration, - amélioration du rythme de travail. On sait maintenant qu’il existe une relation entre ionisation et production de sérotonine, une hormone qui règle l’activité du cerveau. Les ions négatifs font baisser le taux excessif de l’hormone, ce qui permettrait à l’organisme de mieux utiliser l’oxygène. Ils accroissent le nombre des hématies et leur teneur en oxyhémoglobine ; ils font baisser une tension artérielle trop élevée ; ils améliorent la ventilation pulmonaire. L‘effet de l’ioniisation sur l’E.E.G. est une diminution de la fréquence des ondes alpha et une augmentation de leur amplitude, ce qui signifierait une activité cérébrale alccrue et plus structurante (14). Les Orientaux savent, depuis des millénaires, que les activités mentales et la respiration sont liées. Le prana vayu, ou respiration physique, régularise le cœur et les poumons. Le mot prana en sanskrit veut dire constance (pra) et mouvement (na). Le prana est une force en perpétuel mouvement. La respiration physique, seule prise en compte par l’occident, a une double réalité pour la pensée orientale: le souffle a, en plus de sa dimension physique, une réalité non manifeste, cosmique ; il est la compagne de lame : on naît avec lui et on meurt lorsqu’il disparaît. Les recherches actuelles, en Occident, confirment ce que les Upanishads enseignent depuis des millénaires, à savoir que le rythme de la respiration change à intervalle régulier, comme le rythme cardiaque. Ce que les yogis connaissent depuis longtemps, à savoir que l’homme respire par une narine pendant un cycle de deux ou trois heures, puis par l’autre narine, la science l’a découvert récemment. La proportion des fibres du système nerveux autonome étant vingt fois plus grande dans les cavités nasales que dans les autres parties du corps, on comprend que la respiration ait une influence indéniable sur les fonctions contrôlées par ce système : rythme cardiaque et circulation sanguine. I1 reste encore beaucoup à découvrir dans le domaine des correspondances entre les différents types de respiration et leurs effets sur les corps physiques et psychiques. Le swara yoga (a swara )) signifie en sanskrit le son de son propre sot&!e et «yoga» signifie union) relie chaque type de respiration à une activité et à une énergie différente : - la respiration par la narine gauche est liée à l’énergie et à l’activité mentales, - la respiration par la narine droite est liée à l’énergie et à l’activité physiques, (14) VAN KEZSTERECN G. (1984) ; cf. aussi LOUISJ.-C., ANGLARD P. et al. (1986).
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la respiration par les deux narines a la fois est liée a l’énergie et l’activité spirituelles. I1 est donc de la plus grande importance d’équilibrer, d’ajuster, d’adapter le rythme respiratoire à l’activité poursuivie (15). Le travail sur la respiration est l’une des premières pratiques a introduire dans une pédagogie cohérente et compatible avec lefonctionnement cérébral. Un autre facteur intervenant dans l’hygiène cérébrale est la lumière naturelle : elle facilite la production de la neuromélanine, molécule indispensable à l’organisation cérébrale, probablement la clé pour comprendre l’évolution et le développement embryologique, la réparation des tissus endommagés, la régulation homéostasique, et la modification des états de conscience. Autre facteur d’une importance capitale pour un cerveau en bonne santé : une nourriture variée et riche en lécithine, phosphore, calcium, vitamine BI, B6, B9, B12, protéines ... Les graisses poly-non-saturées auraient un effet bénéfique pour l’apprentissage. L‘accord semble se faire sur : - l’effet calmant des hydrates de carbones (une étude néerlandaise a même conclu a une amélioration des troubles psychiques chez des patients schizo-affectifs), - l’amélioration du contrôle de la fine musculature grâce à de fortes doses de vitamines B1, B6 et B12. Mais les effets des différentes substances varient suivant les individus, les moments de la journée ou les saisons... et très probablement aussi, les lieux et contextes. Les pires ennemis du cerveau sont, avec l’anoxie, la privation d’aliments et la malnutrition. Un cerveau d’enfant affamé est un cerveau mutilé. Si la malnutrition survient pendant la vie intra-utérine ou dans les quatre premières années de la vie, les dégats seraient irréversibles (16). Un autre atout pour un cerveau sain est une vie d’alternance sommeil/ veille ; activité/ repos et relaxation ; projets/ réalisations, etc. Rappelons, pour un apprentissage efficace, l’importance de l’alternance d’activités cérébrales (ondes bêta et alpha) correspondant à une augmentation des fluctuations des états de conscience. Une bonne qualité d’éveil se prépare pendant le sommeil et une bonne qualité de sommeil se prépare pendant l’état de veille : quand donc les parents des jeunes enfants, les adolescents et les adultes que nous sommes comprendront-ils cette réalité toute simple ? De nombreuses techniques autogènes (Schultz, Alexander, yoga nidra, sophrologie, musicothérapie...) ou instrumentales (électro-stimulation crânienne, bio-feedback...), proposent des moyens d’atténuer le stress, la fatigue ou la douleur. Les électro-encéphalogrammes des personnes qui pratiquent la Méditation Transcendantale révèlent une activité cérébrale -
(15) SATYANANDA S. (1983) ; LUCEG. (1970) ; FLAKM. et E.A. (1976). (16) Cf. SHNEOUR
DE
COULON J. (1985).
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plus cohérente des deux hémisphères et une meilleure qualité de mise en éveil pendant l’apprentissage, plus de flexibilité, plus de cohérence et de calme devant une information ou une situation nouvelle ou incongrue. Nourrir le cerveau signifie également lui donner des nourritures affectives er la possibilité d’exprimer son affectivité. I1 semble que dans ce domaine également, une période critique existe jusqu’à trois ans, pendant laquelle les lobes frontaux se développent parallèlement à un sens de l’empathie et de l’altruisme. Certains auteurs en voient la raison dans les nombreuses connexions entre les lobes frontaux et le système limbique (17). L‘état grabataire de l’affectivité chez certains adultes peut s’expliquer par une carence affective dans les premières années de la vie. Les exemples de blocage, d’inhibition, de dysfonctionnement cognitif, malheureusement fréquents dans les situations d’apprentissage scolaire, sont souvent dus à un état émotionnel, un choc ou un rejet affectif qui date, parfois, de la petite enfance. Le cerveau a besoin d’une troisième sorte de nourriture : la connaissance, ce que l’homme de la rue appelle (( l’instruction ».En particulier, le cerveau a besoin de s’exprimer, et pour cela, il a besoin de langage@). De nombreusles expérimentations ont été faites pour évaluer l’impact du langage sur les aptitudes et performances de sujets analphabètes d’une part, et alphabétisés d’autre part. La recherche neuro-culturelle, due à des études poursuivies au Canada depuis 1982, n’est pas encore une science reconnue. I1 semble urgent de lui donner un statut et de l’écouter, car elle porte sur les conditions et effets de l’interaction entre le système nerveux et les objets culturels. Ces travaux ont l’intérêt d’explorer essentiellement les liens entre individus et environnement social et culturel, en particulier les moyens de communication, dont le langage et ses supports. C’est dans ce cadre qu’André Roch-Lecours de l’université de Montréal, tente de déterminer dans quelle mesure l’alphabétisation est liée à une maturation cognitive du cerveau. Cette recherche (en cours) souligne que les notions d’alphabétisation et de scolarisation sont en chevauchement absolu, ainsi que celles d’analphabétisme et de malnutrition. I1 est extrêmement difficile et risqué d’avancer des conclusions sur la représentation cérébrale du langage chez les illettrés et, de là, sur le rôle de la langue écrite sur la latéralisation fonctionnelle. L‘âge du cerveau
Personne n’est à l’abri de pannes, de déficits, d’accidents... ni responsable de ses éventuelles malfaçons cérébrales. Par contre, la maintenance est la responsabilité de chacun ; elle consiste à retrouver ou à conserver l’écosys(17) Cf. LURIAA.R. (1973); RABINOWICZT. (1978); cf. aussi les recherches de DILLBECK M. & VESELYS. (Iowa), in International Journal of Neurosciences, 1986, 29, 4555.
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tème dans lequel le fonctionnement cérébral est optimal («éco- )) vient du mot grec oikos = maison), à respecter les rythmes fondamentaux de l’organisme, et à rechercher l’équilibre des facteurs endogènes et exogènes qui participent à la vie cérébrale. Le vieillissement cérébral n’est pas inéluctable. Le cerveau est un organe qui, comme les autres organes, a besoin qu’on lui donne ce dont il a besoin et qu’on évite ce qui lui est nocif: l’alcool, le tabac, les drogues hallucinogènes, les dépresseurs et tranquillisants. .. L‘opinion largement répandue attribuant à l’alcool des vertus de stimulation provient d’une méconnaissance totale et de surcroît - dangereuse - de ses effets : l’alcool est un dépresseur et ses effets sont cumulatifs. Les centres corticaux supérieurs - qui contrôlent le raisonnement et le jugement - sont les premiers à être inhibés. Le système limbique - siège de nos émotions est alors libéré de toute contrainte. Centres de l’équilibre, de la coordination, de la conscience, et de la respiration, le cervelet et la formation réticulée sont affectés à leur tour. Les pires ennemis du cerveau sont aussi la démission, l’absence de projet, la solitude (1 8). ~
~
(18) L‘Institut National de Recherche sur la Prévention du Vieillissement Cérébral, à l’Hôpital Bicêtre, est dirigé par Mme Le Poncin Lafitte. L‘1.N.R.P.V.C. pratique l’éveil cérébral et a pour objectif de lutter pour la préservation d’une autonomie de qualité ; cf. aussi les recherches de M. Perlmutter, à l’University du Michigan, Cognitive Potential Throughout Life in Birren J.E. & Bengston V.L. (Eds) Theories of Aging Psychological and Social Perspectives on Erne, Serf and Society (à paraître) ; cf. aussi une revue des théories sur le vieillissement dans l’article de HAYFLICK L., 7heories of biological Aging in Experimental Gerontology, vol. 20, pp. 145-159 (1985) ; cf. aussi l’article de CERAMI A. et al. (1987).
CHAPITRE 5
QUELLES PERSPECTIVES POUR LA FORMATION ?
Les réflexions qui précèdent ont tenté de souligner ce qui, dans la réalité cérébrale, nous semble donner lieu à une étude approfondie. Les intervenants du monde de l’éducation et de la communication, enseignants, formateurs, parents, responsables d’institutions ont à leur disposition une base de données capable de leur fournir des réponses aux questions qu’ils se posent pour organiser leurs interventions de formation de façon plus cohérente et compatible avec le potentiel et le fonctionnement cérébraI. Le modèle mécaniste du monde et en particulier de l’homme apprenant, qui a présidé pendant des siècles aux conceptions éducatives, semble être, enfin ! suffisamment ébranlé pour que les intuitions des géants de la psychopédagogie qui ont précédé la découverte d’un monde différent, subtil et infiniment complexe, soient confirmées et ré-ensemencées. I1 s’agit donc aujourd’hui de recommander au monde de l’éducation et de la communication de prendre plusieurs actions. La première est d’établir des passerelles entre les données de la science et les besoins des éducateurs. Ceci pour éviter que soient commises desfautes contre le cerveau. Bien que les domaines qui restent à explorer soient immenses, nous sommes actuellement suffisamment équipés pour tenir compte des lois cérébrales et des règles de base du fonctionnement cérébral. Mais une condition est nécessaire : que les cloisons entre les disciplines disparaissent, et que l’union des neurosciences et des sciences de l’éducation (et de la communication) s’établisse. Des mots clés ont été dégagés tout au long du chapitre précédent. I1 reste à les voir à l’œuvre : ce sera l’objectif de la deuxième partie de ce texte. La deuxième action à prendre est de fixer des relations claires entre savoir, savoir-faire et savoir-être. Cela signifie s’interroger sur ce qui se passe en amont et en aval du savoir, c’est-à-dire mettre le projecteur non pas
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Notre cerveau aujourd’hui
seulement sur les contenus mais aussi sur le processus, le (( comment apprendon », et sur l’objectif, le (( pour quoi apprend-on ». Toute recherche en neuropédagogie doit partir des aspects fondamentaux de l’apprentissage tels qu’on peut les définir actuellement : O La finalité de l’apprentissage : vers quel objectif? O La nature de l’apprentissage : quel contenu? quels types? quels facteurs ? quelle progression ? quel itinéraire : d’où partir ? où aller ? à quel rythme? O La toile de fond de l’apprentissage : quel environnement ? quelle attitude de l’apprenant face à son apprentissage ? O Le processus d’apprentissage : quelles stratégies ? quels moyens ? quels obstacles ? quelles réussites ? quels blocages ? quelles contraintes ? O L‘évaluation de l’apprentissage : qu’est-ce qu’une erreur ? une réussite ? un échec ? quels sont les critères, les conditions de succès ?... Parmi les moyens capables d’établir les relations entre le savoir, le savoirfaire et le savoir-être, nous en citerons trois : La Conscientisation de l’apprenant et de l’enseignant
Apprenant et enseignant construisent ce que les neurobiologistes appellent leur cûblage, c’est-à-dire les moyens d’interaction avec l’environnement et de gestion de l’information. La science nous apprend que nous sommes responsables de notre équilibre : pour nous préserver, nous organisons et délimitons notre milieu intérieur dont nous assurons nous-même la constance. C’est à ce prix que nous gagnons notre autonomie. En ce qui concerne l’apprentissage, il en va de même : si le savoir n’est pas en constante maintenance avec le milieu, il se perd. Mais un aspect de la conscientisatiori doit être clarifié: contrairement à ce que l’on croit généralement, la prise de conscience ne peut intervenir en premier. Elle ne peut que suivre un changement de comportement. Edward Hall l’explique clairement : (( Quand le comportement change, la perception change, et lorsque la perception change, alors il en résulte une prise de conscience. )) (1) Nous avons sans doute, dans cette remarque, une clé pour comprendre les difficultés et les lenteurs de l’évolution des systèmes éducatifs. L‘expérience partagée
Transformer les relations du savoir et du savoir-faire en leur donnant la dimension du sa.voir-être ne peut se réaliser qu’en établissant une situation de co-expérience entre apprenant et enseignant. (I) Cf. HALLE.(1981).
Quelles perspectives pour la formation ?
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Comprendre et faire ont longtemps été les seuls liens entre l’élève et le maître. Aujourd’hui, les conditions dans lesquelles l’information est enregistrée et conservée par notre cerveau sont mieux connues. I1 nous est possible - et indispensable - d’ajouter un troisième volet : celui que A. Luria appelle la barrière fonctionnelle, que les neurologistes appellent la latence, les naturalistes la dormance, et le langage courant, tout simplement... la patience ;ce que nous appellerons le laisser-se-faire, avec ce qu’il a de positif : le respect du rythme de l’autre. Le droit à la différence et à l’intelligence
Un troisième moyen de construire des liens solides entre ce que nous savons, ce que nous savons faire et ce que nous sommes, est de pratiquer, de vivre le droit à la différence que bien des poètes et écrivains ont proclamé avant même que la science, aujourd’hui, nous en démontre la réalité. Saint-Exupéry écrivait ((Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente. D Notre connaissance du potentiel cérébral donne les moyens au maître de dire à l’élève, et à l’élève de dire a l’élève : (( Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’augmentes ». A l’heure où l’hétérogénéité des groupes d’apprenants rend la tâche des formateurs de plus en plus ardue, il est urgent que cette vision de la différence soit répandue, entendue, pratiquée. De ce droit à la différence découle un autre droit : le droit à l’intelligence, dans une invitation à suivre la longue marche, le Tao de l’apprentissage. Chacun, quel que soit son âge, son origine, son hérédité, son passé, son avenir... a un droit fondamental: celui de développer son intelligence, sa faculté de comprendre, le monde qui l’entoure et ce qu’il est. I1 faut le répéter sans relâche : la nature nous a équipés pour apprendre, pour capter ce que nous voyons, entendons, et ressentons ;mais le mécanisme ne fonctionne bien que si nous ne sommes pas encombrés par ce que nous croyons savoir... L‘apprentissage est une naissance qui doit être menée sans précipitation, à son rythme et à son heure.
DEUXIÈME PARTIE
APPRENDRE A GÉRER SES RESSOURCES
PLATON, La République (livre VII) K Il faut des dizaines d’années, voire des siècles pour qu’un nouveau regard apporté par la science soit adopté par tous... >>
A. JACQUARD, Moi et les Autres
VERS U N APPRENTISSAGE BlONOMlQUE
Les systèmes éducatifs, en général, reflètent la société pour laquelle ils forment les citoyens. Cette société est elle-même l’image de la culture qu’elle sécrète et qui l’a sécrétée. Quant à la culture, elle s’est formée au cours de millions d’années s’enracinant dans le vieux cerveau mammifère de l’homme. Peu à peu se forme ce qu’Edward Hall appelle la culture inconsciente, la culture cachée ou encore l’infra-culture qui moule, forme (et déforme), et dont la force est d’autant plus grande qu’elle est sous-jacente. Les facteurs qui différencient les cultures entre elles sont nombreux. Ceux qui semblent peser le plus lourdement sont les concepts de Temps et d’Espace. Ils déterminent, par exemple, plus qu’aucun autre, les différences entre les langues, tant du point de vue syntaxique que phonétique et lexical. La structure des méthodes d’éducation, beaucoup plus que leur contenu, influence les processus mentaux, emprisonne la pensée dans un moule et la coule dans le béton des contraintes conceptuelles et perceptuelles. L‘intelligence est souvent confondue avec la conformité aux normes et la capacité d’adaptation au système... Les notions d’apprentissage et d’éducation sont profondément marquées par les différences culturelles. Pour les uns, il s’agit d’imiter un modèle ;pour d’autres, appliquer un savoir ou un savoir-faire ; répondre à un stimulus ; pour d’autres encore, démontrer, agir, mémoriser par cœur, donner la réponse juste, etc. A l’intérieur d’une même culture, la diversité des conceptions de l’apprentissage est tout aussi grande. Selon que l’on est psychologue, biologiste, sociologue, linguiste ou mathématicien... on aura sa propre définition de l’apprentissage et de la pédagogie. Le formateur se trouve dans la situation paradoxale de reconnaître que l’organe de l’apprentissage, le cerveau, d’une part obéit à des règles fondamentales propres au système nerveux central, et d’autre part organise l’information et la représentation du monde extérieur d’une façon spécifique A chacun. Le rôle d’un formateur et, plus généralement, d’un système éducatif, est de trouver et faciliter le lien et l’équilibre entre les ressources de l’organisme et sa fonction afin de permettre à l’organisme de développer
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Apprendre à gérer ses ressources
et surtout de gérer ses potentialités : bios et nomos, ensemble, ne constituent pas encore une s’cience en cette veille du troisième millénaire... Ne seraitce pas le rôle des éducateurs et des formateurs de contribuer à l’émergence d’une science indispensable à l’homme et aux hommes, la bionomie ? Mieux gérer ses ressources n’est possible que si on les connaît
La connaissarice des potentialités et des ressources cognitives, affectives, et physiques de l’homme n’est pas innée. L‘homme doit acquérir cette connaissance. L‘environnement s’en charge quelquefois, mais pas toujours (et même, sans doute, de moins en moins). Les facteurs intervenant dans cet état de fait sont trop nombreux pour être tous mentionnés et examinés ici. L‘un des éléments importants est la spécialisation de plus en plus poussée des technologies qui contribue à augmenter la distance entre l’homme et le réel. La technologie coupe l’homme de sa seinsorialité. De plus en plus, les machines s’intercalent entre la main de l’homme, son toucher, sa motricité et la destination de son effort, la réalisation de son projet. Ceci est particulièrement flagrant dans les relations de l’homme et de son écriture: le support du code écrit s’éloigne de la main de celui qui la crée. Face à une situation où l’équilibre des forces intérieures et extérieures à l’homme est de ]dus en plus difficile à trouver, la question se pose de savoir d’une part, comment élaborer une méthodologie de 1>enseignementet les interventions de formation qui soient cohérentes, compatibles avec le fonctionnement de l’organe de l’apprentissage, et qui visent à développer les ressources que tout être humain possède en lui, d’autre part, quels outils et techniques utiliser pour atteindre ce but. Ces deux points seront évoqués plus loin. Les réponses proposées sont le fruit de nombreuses années de réflexion et d’expkrience pédagogique ;elles en constituent la synthèse. Cette mise en forme d’une pratique qui a longuement mûri se veut être essentiellement une contribution à ce que d’autres ont déjà dit ou fait. I1 s’agit d’ajouter ici une pierre, là un accent ; d’étayer ici, de consolider là... Des expériences pédagogiques, proposant des applications des données scientifiques, existent déjà. Les exemples choisis l’ont été hors de notre contexte éducatif français. Ces expériences ont quelques années d’avance sur notre réflexion, et peuvent apporter un éclairage nouveau et nous encourager à porter un autre regard sur l’acquisition des connaissances et les concepts sous-jacents. Nous donnerons trois exemples de réalisations pédagogiques. L‘une, poursuivie au Venezuela, est de dimension nationale ; l’autre, dans le Colorado, aux État-Unis, est plus restreinte mais solidement étayée par une recherche en neurophysiologie. La troisième représente un effort remarquable de prise de conscience des facteurs culturels intervenant dans la situation d’apprentissage et une volonté, de la part des expérimentateurs, d’instaurer un partage au niveau des significations (« shared meanings »). Elle a été menée en Australie auprès des Aborigènes.
Vers un apprentissage bionomique
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Les exemples cités ne doivent pas faire oublier que de nombreuses expériences pédagogiques sont menées en France, courageusement, malgré les difficultés provoquées par la mouvance des décisions au niveau institutionnel ... et, paradoxalement, l’inertie des structures. I1 est bien évident que ces efforts restent présents à notre esprit tout au long de notre analyse. La deuxième partie de ce livre est destinée à poser les bases d’une approche méthodologique dont le contenu sera concrétisé dans la troisième partie, plus particulièrement destinée à ceux qui se battent déjà sur le terrain, ou qui aimeraient rejoindre ceux qui ont déjà commencé le combat.
CHAPITRE 6
QUELLE(S) PÉDAGOGIE(S) POUR QUEL(S) APPRENTISSAGE(S) ? Établir les bases d’une pédagogie cohérente et compatible avec le fonctionnement cérébral est non seulement, une nécessité, mais une priorité. En effet, malgré les efforts, l’énergie, le temps, les moyens employés et déployés par les différents partenaires de la situation d’apprentissage, de nombreuses solutions restent encore à trouver pour que l’acquisition des connaissances soit plus efficace, plus heureuse, plus rentable. Ces solutions sont d’autant plus urgentes que les hommes et les femmes de la fin du Xxe siècle ont plus que jamais besoin de comprendre leur époque et la période de transition dans laquelle ils vivent. Avec les technologies nouvelles, et tout spécialement celles qui président à la communication de l’information, on s’achemine progressivement vers un système dans lequel l’information ne sera plus simplement traitée par le récepteur mais sélectionnée, choisie, triée. Le présent se prépare à partir du futur. Plus que jamais, le cerveau des générations de demain doit être prêt à prendre l’information et à la traiter. Le paradoxe est que l’évolution du contexte informationnel se fait précisément dans le sens d’une surabondance d’informations visuelles et auditives ; mais l’mil et l’oreille, saturés d’informations, ne sont plus ce qu’ils étaient. L‘homme occidental, tout spécialement s’il est de langue française, adhère et s’identifie à sa fonction et à son rôle social. I1 dira, pour définir sa fonction : Cet homme occidental est particulièrement vulnérable à une (r)évolution d’un environnement aux multiples facettes, car il s’identifie aux instruments mêmes de la connaissance : le corps et la pensée. Ce qui lui manque, sauf s’il s’y entraîne par des techniques, c’est la distanciation vis-à-vis du ressenti, et l’équilibre du corps et du mental ; il lui faut (ré ?)-apprendre à être témoin et spectateur des états passagers qui constituent son je, et développer la réalité permanente d’un soi.
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Apprendre a gérer ses ressources
Dans l’acquisition des connaissances, comme dans d’autres domaines de l’existence, le corps et le mental se contrôlent mutuellement et l’équilibre de l’un entraîne celui de l’autre. Ceci est aussi vrai de leur déséquilibre. En cette veille du troisième millénaire, que signifie une pédagogie compatible avec le fonctionnement cérébral ? Elle vise essentiellement à : Éviter de commettre des fautes contre le cerveau, cést-à-dire contre I ’équilibrede l’organisme. Déchiffrer la grammaire cérébrale de l’apprenant et de l’enseignant : comprendre le fonctionnement des mécanismes cérébraux. Aider I apprenant à connaître et gérer ses ressources, les diagnostiquer et les développer. Construire des interventions pédagogiques basées sur I ’acte d’apprentissage :partir de la réalité de l’apprenant. Adapter les objectifs pédagogiques aux objectifs d’apprentissage (et non l’inverse). Pratiquer une telle pédagogie, c’est déjà la mettre au pluriel. I1 n’y a pas à chercher de recettes, mais des outils et une solide base de références. Trop de variables et d’impondérables entrent en jeu dans la situation d’apprentissage, dans le temps et l’espace pédagogiques, pour que ce qui a réussi a l’un convienne à l’autre. Par contre, nous avons besoin de construire un cadre dans lequel poser clairement les données du problème à résoudre. Ce cadre est fourni, d’une part, par les solutions à rechercher et, d’autre part, par une conception claire du rôle des responsables dans le système d’éducation et une idée précise de ce qu’est l’acte d’acquisition d’un cerveau qui apprend. 1. LES SOLUTIONS A RECHERCHER
Parmi les domaines les plus souvent cités par les enseignants et les formateurs, les difficultés suivantes sont considérées comme de redoutables barrières dans la progression des élèves : - L’hétérogénéité des rythmes, des profils, des styles d’apprentissage des groupes. - Le manque d’attention et de concentration. - L‘agressivité et l’intolérance. - L‘hyperactivité:. - Les difficultés d’accès au sens et de compréhension des consignes. - L‘image négative de soi, le découragement. - Le dé-centrage et le manque d’intériorité. - La faible mémorisation. - Les difficultés de passage à l’acte. - Le manque de ré-flexion. - Un sens inexistant ou faible des relations : entre le support et la signification, entre les éléments et le contexte. - L‘absence de système de référence, de valeurs. - L‘absence de créativité. - etc.
Quelle(s) pédagogie(s)... ?
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Ces différents points sont tous, plus ou moins, étroitement reliés les uns aux autres par un facteur commun, qui est l’absence d’intériorité, de connaissance de soi et de confiance en soi. (( I1 n’y a pas de connaissances extérieures sans connaissance de soi )) disait Paul Valéry. D’autres parleront de présence à soi-même, de verticalité ou de silence intérieur, d’autres encore de re-centrage
2. ÉDUQUER ET APPRENDRE : L‘ITINÉRAIRE DE L‘APPRENANT On entend souvent dire que le mot éduquer vient du mot latin ex-ducere : Tirer de, mener hors de... U, ce qui peut suggérer que le maître tire l’élève du ... marécage de son ignorance. Cette étymologie semble faire l’affaire de beaucoup, car elle donne le pouvoir au maître et consacre la dépendance de l’élève vis-à-vis du maître. I1 existe un autre verbe latin educare qui signifie nourrir, et qui évoque une image beaucoup plus positive de l’apprenant, car elle tient compte de son potentiel et de ses ressources que l’école a le devoir de développer. Cette voie (et cette voix) nous rapproche du vieil adage chinois qui nous dit que le meilleur moyen de nourrir un homme n’est pas de lui donner un poisson mais de lui apprendre à pêcher. Et si un esprit chagrin évoque le dicton cher au monde anglo-saxon selon lequel on ne mène pas à l’abreuvoir un cheval qui n’a pas soif, le monde de l’éducation et de la formation peut sans doute s’interroger avec profit sur la qualité de la boisson offerte et les moyens de donner soif: quelques crackers salés et poivrés, offerts au préalable, ne déclencheraient-ils pas la soif? L‘acquisition des connaissances ne peut pas faire l’économie de ce que Marguerite Yourcenar décrit comme une descente en soi et une sortie hors de soi-même. D’où l’importance de parler d’apprentissages au pluriel, d’adaptation à l’environnement et d’itinéraire de l’apprenant. ((
L‘adaptation à l’environnement
Apprendre, c’est s’adapter. Rappelons qu’historiquement, le premier acte d’apprentissage pourrait être vieux de cent millions d’années et dater du moment où notre ancêtre mammifère est devenu un animal à sang chaud. Son organisme dut s’adapter pour survivre, apprendre à reconnaître et identifier les facteurs de réchauffement et de refroidissement survenant dans l’environnement pour agir en conséquence : faire une tanière, émigrer, hiberner, etc. A la veille du X X I ~siècle, l’adaptation à l’environnement est une nécessité tout aussi vitale qu’il y a cent millions d’années. La connaissance des mécanismes de nos actes mentaux et de notre vie cérébrale peut contribuer à mettre de l’ordre en nous et autour de nous, à reconnaître le contexte et nous apprendre à nous protéger contre les agressions de l’environnement. Pour Michel Jouvet, le sommeil et le rêve devraient nous permettre de (( résister à l’assaut de l’environnement )) et il nous appartient, non seulement de le savoir, mais de lutter (( pour que l’homme continue à rêver ».
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Apprendre a gérer ses ressources
De même qu’il n’y a pas une seule façon de pêcher, il n), a pas une seule façon d’apprendre. Pour Gregory Bateson, prétendre qu’il n’y a qu’une seule façon d’apprendre (( revient à affirmer que le seul moyen de faire rôtir le cochon c’est de mettre le feu à la maison ». I1 distingue quatre contextes d’apprentissage positif : 1. pavlovien classique 2. instrumental de récompense ou de fuite 3. instrumental d’évitement 4. sériel et routinier. L‘approche neuropédagogique tient compte, pour différencier les types d’apprentissage, de deux aspects : d’une part la réalité cérébrale de l’apprenant et ses niveaux d’organisation de l’information et, d’autre part, le cheminement de l’information : prise, traitement et production. En effet, l’apprenant révèle ses stratégies dès ses premiers contacts avec l’information et tout au long di: son (( itinéraire ». L‘itinéraire de l’apprenant
Dans l’acquisition des connaissances, il y a un point de départ, un parcours et un point d’arrivée. Quel que soit l’itinéraire, celui qui l’a parcouru n’est plus le même à l’arrivée: il a chamgé, il s’est enrichi. La plupart des apprentissages qui ne réussissent pas, khouent parce que le parcours n’est pas évident pour l’apprenant : le point de départ, l’itinéraire, ou l’objectif à atteindre sont flous. La faute, l’erreur de l’apprenant aux yeux de l’enseignant, est - devrait être - essentiellement un repère sur l’itinéraire, un indice de la stratégie utilisée ou évitée pour atteindre l’objectif, et non un point de non-retour marqué de rouge. 3. TROIS POILES E N INTER-RELATION: FAIRE, LAISSER SE FAIRE
COMPRENDRE,
Les implications des données scientifiques qui concernent l’acte d’apprentissage recouvrent un domaine immense. Elles seront regroupées autour de trois pôles, dans un va-et-vient entre trois types d’actions pédagogiques fondamentales, toutes les trois reliées l’une à l’autre dans une relation bidirectionnelle. Les trois pôles sont : Commendre
Ces trois pôles sont étroitement reliés au contenu scientifique de la première partie. Ils sont abordés ici sous l’angle pédagogique. I1 est bien
Quelle(s) pédagogie@)... ?
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évident qu’il est nécessaire de faire de nombreuses références aux données des neurosciences.
Comprendre C’est d‘abord lire et écouter la réalité cérébrale
Les enseignants doivent s’adresser au cerveau de l’élève en sachant qu’il est un système ouvert, une structure dynamique, ce que J.-D. Vincent appelle très justement (( un état central fluctuant ». Les fluctuations sont la caractéristique du vivant, en perpétuelle recherche d’harmonie et d’équilibre entre son milieu intérieur et son environnement. Les fluctuations créent nos rythmes. L‘un des rythmes les plus importants à connaître par les enseignants et formateurs est le B.R.A.C. (Brain Rest Activity Cycle), rythme ultradien intervenant toutes les quatre-vingt-dix minutes environ pendant l’état de veille et pendant le sommeil. I1 semble confirmé que l’activité et l’efficacité de chacun des deux hémisphères alternent et oscillent selon un cycle régulier. L‘augmentation d’activité cérébrale constatée dans la performance d’une tâche verbale, par exemple, est accompagnée par la diminution de la performance d’une tâche spatiale (1). Ilya Prigogine nous rappelle qu’aucun changement ne peut avoir lieu tant que l’état de conscience reste immuable. L’apprentissage est plus efJicace lorsque les fluctuations cérébrales augmentent : lorsque notre activité cérébrale passe en ondes alpha. La musique, les images mentales, la respiration rythmée et adaptée à la tâche (de discrimination ou de raisonnement), les techniques de relaxation, les pauses (telles qu’elles ont été déjà définies) sont des facteurs permettant l’augmentation de l’amplitude des ondes cérébrales et la naissance de nouvelles structures. Comprendre que tout est relation
L‘unité de base est le neurone f la synapse. D: ns le cerveau, pas plus que dans l’univers, il n’y a d’unité indépendante ou contiguë. Les procédés actuels de photographie permettent le grossissement de neurones et de synapses jusqu’à quatre mille fois leur dimension normale, et font apparaître nettement l’enchevêtrement des neurones et la fente synaptique. I1 est donc important de tenir compte que, d’une part tout est relation, connexion, association, et, d’autre part, que la transmission de l’influx nerveux est la résultante d’un double processus : neuronal et hormonal, c’estàdire que les facteurs de nature électrique et chimique (stress et médicaments,
(1) Cf. KLEINR. et ARMITAGER. (1979). Le cycle R.E.M./N.R.E.M. (Rapid Eye Movement/Non Rapid Eye Movement) serait la manifestation du B.R.A.C. (Brain Rest Activity Cycle) pendant le sommeil.
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Apprendre à gérer ses ressources
drogues, alimentation) peuvent interférer avec la transmission de l’influx nerveux. Les mots-clés du fonctionnement cérébral ont déjà été cités. Rappelons qu’ils doivent constituer une base pour construire les matériaux et les activités pédagogiques proposés aux apprenants : quelle part faisons-nous dans notre pédagogie à la COMPLEXITÉ, ASSOCIATIVITÉ, DYNAMISME, ADAPTABILITÉ, NON LINÉARITÉ, SÉLECTIVITÉ, MULTIMODALITÉ?
D’autres leçons sont à tirer du regard porté sur notre réseau de neurones. En pédagogie, comme dans la vie courante, personne ne devrait être considéré comme une table rase, un débutant total. Même le nouveau-né sait déjà beaucoup de choses. Son cerveau a enregistré, traité, produit de l’information bien avant sa naissance. Celui qui apprend une langue étrangère, avant même d’avoir commencé son apprentissage, possède quelques idées sur la langue qu’il va apprendre, quelques notions sur le pays, ses habitants, sa cultiure, son climat... Son apprentissage va dépendre de la force de ce substrat et des connexions qu’il établira entre ces idées préconçues (souvent des stéréotypes) et les informations nouvelles. Comprendre qu‘ïl ne peut y avoir d’acquisition sans ancrage,
puisque tout est relation et système. Sans contexte, il n’y a ni signification ni sens. L‘information, pour être assimilée, a besoin de différents types d’ancrage : - Ancrage dans leprésent :la prise d’information doit être claire et précise, indexée dans l’ici et maintenant de l’apprenant et l’enseignant doit développer une pédagogie de l’observation et de l’écoute, et s’adresser à l’apprenant dans un langage qu’il peut comprendre, c’est-à-dire lui permettre l’accès à l’information dans sa gestion mentale préférentielle (visuelle, auditive, kinesthésique). - Ancrage dans l’expérience de l’apprenant :l’information nouvelle doit se rattacher aux connaissances antérieures. Une information (( flottante D se perd. I1 est indispensable que les formateurs entraînent les apprenants à établir une connexion entre ce qu’ils découvrent et ce qu’ils savent déjà. Ces connexioiis peuvent être de plusieurs nature : cognitives, affectives, sensorielles. - Ancrage dans un projet, au sens étymologique de cjeter en avant ». C’est une garantie d’attention, de motivation, de mémorisation. Le projet peut être personnel1 ou collectif, immédiat ou à longue échéance, présenter plusieurs étapes, donner lieu à d’autres projets, etc. De plus, les meilleurs projets semblent être bâtis sur l’axe (( donner-recevoir »,c’est-à-dire que dans son projet, et grûce Ù son projet, l’apprenant participe à une communication authentique, à un échange véritable, à une réalisation commune. Son cerveau connaît alors des conditions optimales de fonctionnement. Autre leçon encore : la caractéristique du cerveau d’opérer par sélection («stabilisation sélixtive D)a pour conséquence la formation d’habitudes, de tendances, de (( profils )) et de styles préférentiels. Une fois qu’une démarche
Quelle(s) pédagogie(s)... ?
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a réussi, on s’y tient par sécurité... Ces profils sont à la fois opérationnels et susceptibles de devenir un frein, car ils oblitèrent la perception qui tend à se cantonner dans une seule modalité sensorielle. Il s’agit donc pour l’enseignant d’apprendre à identifier les profils et à développer les modalitées restées muettes. Comprendre que (2)
I1 est indispensable de comprendre que la maturation d’un cerveau d’apprenant se réalise par poussées suivies depaliers, et que ceci ne se produit pas aux mêmes moments pour les filles et les garçons. I1 est indispensable de comprendre également que le palier entre treize et quinze ans est celui où le cerveau est très occupé à développer le corps. Le témoignage d’un homme de quatre-vingt-dix ans, dans une émission de télévision sur les ((presque centenaires )) nés au début du siècle, était particulièrement émouvant lorsqu’il expliquait qu’il avait dû quitter l’école à douze ans et devenir ouvrier verrier (( parce que ça ne rentrait pas. Ah !.. D, a-t-il ajouté, a si j’avais pu retourner en classe à quinze ans ! à cet âge-là, je comprenais tout, jaurais p u gravir toute 1’échelle... )) Le rôle des formateurs est donc de ne pas manquer le rendez-vous avec le cerveau de leurs élèves. Comme pour tous les rendez-vous, il faut de la patience, savoir écouter, s’attendre à l’inattendu, s’adapter aux circonstances et être prêt à puiser dans une grande boîte à outils )): ceux de la multisensorialité et des différentes approches pédagogiques. Comprendre que nous avons différents niveaux d’organisation, de motivation, d’apprentissage
C’est le prix payé pour nos quatre cerveaux. Quels que soient le lieu et le moment où nous envoyons ou apportons une information, elle a une forme, un contenu. En face de nous, se trouve l’apprenant et son système d’organisation: qui est aux commandes ? Quelle réaction allons-nous déclencher ? L‘information va-t-elle passer à l’étage supérieur pour être décodée ou sera-t-elle bloquée à l’étage affectif? La communication, la compréhension, la réflexion, l’expression vont-elles pouvoir s’établir ? I1 est bien évident qu’une pédagogie cohérente doit s’adresser aux différents niveaux d’organisation cérébrale et aux deux hémisphères sous peine d’être réductrice, appauvrie et appauvrissante. Rappelons que loin d’être dans une relation de concurrence ou d’opposition, nos différents niveaux et nos deux hémisphères opèrent dans une relation de complémentarité. L‘enseignant et le communicant auront donc pour rôle d’interpeller totalement l’apprenant, l’interlocuteur, et s’adresser à leur être tout entier. Comme on le verra, des techniques existent pour agir dans ce sens. I1 est essentiel que l’enseignant conserve constamment présent à l’esprit (2) L‘expression est d’Hubert REEVES.
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Apprendre à gérer ses ressources
l’énumération des différentes gestions hémisphériques pour vérifier qu’il ne cantonne pas ses, interventions à quelques courts circuits.. . Comprendre 9we les conditions optimales de fonctionnement doivent être constamment présentes
L‘enseignant et le formateur doivent aménager sans relâche les conditions optimales de fonctionnement car elles ne peuvent être établies une fois pour toutes. Est-ce si difficile de donner au cerveau ce dont il a besoin, comme on le fait pour les autres organes? L‘hygiène cérébrale doit faire partie de la pédagogie. Rappelons pour mémoire, que ncius consommons chaque jour 15 kg d’air et 4 kg d’oxygène. Sur ces 4 kg, le cerveau en consomme à lui tout seul 20%... Lumière naturelle, alimentation, alternances, pauses, affectivité, vie relationnelle, connaissances, langage(s) sont des nourritures indispensables à la vie cérébrale et doivent etre intégrées dans une démarche pédagogique cohérente. Avoir une vue claire de l’interface du cerveau et de l’information :il s’agit d‘un parcours
Le cerveau ne prend que ce qu’il sélectionne. Rappelons-nous: il s’agit d’intake et non ,d’input. Nous ignorons encore comment l’information est traitée, mais nous savons (un peu) comment faciliter (un peu) l’acquisition et la rétention. I1 est essentiel de comprendre que notre intervention pédagogique doit commencer en amont et être poursuivie en aval de ce qui est fait habituellement. Nous devons nous préoccuper du processus de la démarche, et non pas seulement du contenu à acquérir ou du résultat obtenu. Les vrais résultats sont à longue échéance. L‘évaluation ne peut plus rester ce qu’elle est trop souvent : sommative, placée à la fin du parcours ; et normative, exigetant la conformité à une norme, la même pour tous, sans tenir compte des critères et des conditions d’évaluation. Au lieu de l’unique crayon rouge, nous devrions avoir au moins trois crayons de nuances différentes: le vert, l’orange et le rouge. Nous devrions utiliser le crayon clignotant beaucoup plus fréquemment, et, surtout, employer très souvent le crayon vert : la couleur du passage et de la voie libre, celle de l’autonomie. Les tâches que nous demandons à l’apprenant sont trop souvent ponctuelles : elles morcellent le parcours, elles cachent le projet. Etre en mesuire d’intervenir au niveau du comment, du processus, de la démarche, signifile que le formateur sait repérer les causes d’erreur tout au long du parcours.. Ces causes sont de nature variée, et elles sont nombreuses. Elles peuvent prcivenir de : a) Une idée préconçue (le plus souvent négative) sur soi-même, les autres, la tâche à accomplir, ou la stratégie à suivre. b) Une prise d’information floue et peu précise. c) Un stockage insuffisant ou inexistant. d) Un rappel qui ne se fait pas. e) Une reconnaissance qui ne se fait pas (souvent liée à b).
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Figure 6 . L’apprenant, vu par lui-même (dessin de D. Blondiaux) Dans le premier dessin, l’auteur (qui était étudiant à l’époque) a représenté l’image qu’il avait de son apprentissage de l’anglais au lycée... apprentissage douloureux, brutal, sans objectif apparent. Les sources d’information sont silencieuses, le livre est fermé, la mappemonde réduite à une très petite dimension... L‘apprenant est seul, statique. I1 s’assène lui-même les coups et il souffre... Le second dessin est né en réponse à la question : (( comment aimeriez-vous être en apprenant l’anglais ? ». Cette fois-ci, l’apprenant est détendu, dynamique, dans un contexte authentique, culturel et vivant. Le soleil brille ... Big Ben et les Horse Guards témoignent de l’histoire et de la culture de la langue apprise. L‘environnement est présent. Des silhouettes d’hommes et de femmes témoignent d’un contexte dont l’apprenant est conscient et dont il attend sans doute quelque chose.
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Apprendre à gérer ses ressources
f) La démarche utilisée n’est pas valable (exemple : démarche visuelle alors qu’elle devrait être verbale ; ou démarche arithmétique au lieu d’être visuelle, etc.). g) Le passage à l’acte ne se fait pas : le savoir n’est pas utilisé ; la relation au concret est vague, inexistante (cf. h). h) L‘objectif est inconnu ou méconnu. De cette liste., qui est loin d’être exhaustive, il ressort qu’une grande part de la réussite ou de l’échec se décide avant le début du parcours, dans une période que l’on peut appeler (( T - 1 )) (T moins 1). Cette action pédagogique (et communicative) est à intégrer - et souvent à réinjecter dans la séquence pédagogique au même titre que le contenu d’information. Comprendre que I b n ne peut aller nulle part si l’on ne sait où l’on va... ni... qui Ibn est
I1 s’agit donc de faire le point sur : 1) Les attentes de l’apprenant : celles-ci peuvent être statiques ou dynamiques (il attend qu’on lui apporte l’information ou il s’attend à participer à la recherche d’information). 2) Les attitudes : l’apprenant se sent-il en position positive ou négative par rapport à soln apprentissage (figure 6), au groupe, à l’enseignant : un poing fermé ne pleut rien recevoir... Un verre plein ne peut plus rien contenir d’autre ... 3) Le lien avec les connaissance déjà acquises. 4) La comprkhension des consignes et de l’objectif: 5) La connaissance de son potentiel et de ses ressources. 6 ) La connaissance de sa gestion préférentielle, de ses stratégies. L‘enseignant peut utiliser divers moyens pour obtenir l’information concernant les différents points de la période (( T - 1 )) : - questionnaires, checks-lists, tests projectifs (points 1 et 2). - tests traditionnels (points 3 et 4 ). I1 doit, pour le point 5 ) apporter l’information à partir de cas concrets. - Le point 6) nécessite qu’il ait reçu une formation pour être en mesure de diagnostiquer d’abord sa propre gestion, puis celle des apprenants. I1 lui appartiendra ensuite de développer les gestions faibles, ou inutilisées. ~
Faire
Les actions A prendre autour du pôle faire découlent de ce qui est regroupé autour du pôle comprendre. Faire veut d’abord dire :informer, dire, dialoguer, montrer, écouter
En d’autres termes: rendre l’apprenant conscient de ses propres ressources, sa gestion, les stratégies qu’il utilise et celles qu’il évite, les conditions de fonctionnemerit qu’il impose à son cerveau. On y parvienit par l’observation, mais surtout par le dialogue pédago-
Quelle@)pédagogie(2).., ?
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gique. L‘écoute du vocabulaire employé par l’apprenant donne une indication de la modalité sensorielle qu’il utilise de préférence : (( Je ne vois pas... )) (modalité visuelle), (( Dis-moi )) (modalité auditive), ((Je crois, je pense... )) (termes neutres, sans lien direct avec une modalité sensorielle) etc. Une technique adaptée de la Programmation Neuro-Linguistique (P.N.L.) consiste à poser une question neutre a l’apprenant, noter et analyser ce qu’il dit : l’élève en difficulté aura, en général, un langage qui se révélera essentiellement dans une modalité sensorielle. Mais il aura surtout un langage restreint à une catégorie de mots : verbes, adjectifs, noms (concrets ? abstraits ?). Les repères spatiaux-temporels sont rares, en général. Les articulations qui dépassent le niveau descriptif (le (( pourquoi D, le (( pour quoi )) et le (( comment )) au-delà du (( quoi D, du (( qui n...) sont souvent pauvres ou inexistantes. On notera soigneusement (après enregistrement) les éléments de la phrase que l’élève utilise dans telle ou telle modalité : les adjectifs (traduisant l’affectivité), les verbes (traduisant l’action), les substantifs concrets ou abstraits ... se répartissent-ils selon plusieurs modalités (auditive, visuelle, kinesthésique) ou une seule ? L‘observation ainsi menée donne une indication rapide sur le système de représentation de l’apprenant et la structuration de son expression. I1 est inutile d’espérer rejoindre un apprenant et lui apporter une aide quelconque si l’on n’utilise pas son accès à la réalité. Par contre, en se servant de son cliché de langage tel qu’il a été recueilli, on peut l’aider efficacement à développer les modalités que son langage n’explore pas encore. La direction du regard, et surtout la durée du contact oculaire sont les premiers régulateurs de la communication. Les recherches dans ce domaine ont tout juste vingt ans. I1 existe des schémas culturels: les Américains maintiendraient le contact oculaire pendant une conversation entre trente et soixante secondes, de façon discontinue ; chaque amorçage dure entre une et sept secondes. Au cours d’un échange, la durée et les changements de regard varieraient selon que l’échange se passe entre deux personnes ou dans un groupe, et selon que la personne est le locuteur ou le récepteur : lorsque l’échange se fait entre deux personnes, le récepteur regarde le locuteur deux fois plus. En groupe, les locuteurs recherchent le contact oculaire 70% du temps de parole et les auditeurs 50 %. Les ruptures dans la communication peuvent avoir pour cause un manque de synchronisation du contact oculaire entre communicants. Selon les cultures, les contacts oculaires traduisent la répartition du pouvoir dans les relations sociales, les chefs recherchant moins le contact que les subordonnés qui, par le regard, pensent qu’ils peuvent manifester leur respect ou leur approbation (3). Une observation efficace de l’attitude d’une personne réalisant une tâche de discrimination ou de raisonnement, doit porter sur les points suivants : - La position du corps : près, loin de la source de lumière naturelle? près, loin de l’informant ? (3) Cf. Recherches de Patricia WEBBINK,psychologue dans le Maryland, E.-U,, auteur de ï h e Power of the Eyes (1986), Springer, 536 Broadway, N.Y.C. 10012.
Apprendre à gérer ses ressources
I38
L‘attitude face à la source d’information visuelle, auditive, kinesthésique : avant, pendant, après l’exercice ? -La posture : tendue? relâchée? - La respiration : régulière ? profonde ? Cette observaiion doit donner des indices sur certaines modifications à apporter à des composantes de la situation et du contexte de l’apprentissage, éléments qui passent inaperçus et qui, pourtant, ont un rôle important dans l’intégration de l’information ou l’acquisition des connaissances. En effet, les &lèves- ou les interlocuteurs - hyperactifs et agités qui ne peuvent fixer leur attention pendant les tâches de discrimination, se comportent physiologiqueent à l’inverse de ce qu’ils devraient : - Leur rythme cardiaque est accéléré au lieu d’être ralenti. -Leur respiration est peu profonde et rapide au lieu d’être régulière et profonde. - La musculature est tendue au lieu d’être relâchée. Ces élèves, ou ces interlocuteurs, se comportent comme s’ils avaient une décision à prendre, une action à réaliser alors qu’il s’agit de retarder l’action pour être ouvert let présent aux stimuli, et de rester vigilant pour rassembler un maximum d’information. Ces élèves ont besoin d’être entraînés régulièrement à : - Contrôler leur souffle. - Se détendre. - Synchroniser leur respiration et leurs gestes. - Et surtout, se re-centrer par des exercices de perception auditive et visuelle allant de la périphérie à l’espace intérieur (4). Le coloriage d’un mandala est tout particulièrement recommandé dans ce cas et dans celui des personnes, même adultes, qui désirent se donner un moyen de se re-centrer (c’est un moyen qu’a utilisé Carl Jung dans une période difficile de sa vie). Pour les enfarits à tendance autistique, l’inverse est recommandé : il s’agit de les inciter à porter leur attention du centre vers la périphérie. -
Faire veut aussi dire faciliter
Une précision est nécessaire: la véritable relation d’aide consiste à ne pas faire plus de 50% du chemin... Au-delà, la personne qu’on veut aider est dévalorisée, A ses propres yeux comme à ceux du formateur ou de l’enseignant. L‘importance de l’image que l’apprenant a de lui-même, a déjà été signalée. Si cette image est négative, tous nos efforts seront vains. Pour qu’elle devienne positive, il faut évidemment qu’il y ait volonté de changement, non pas un changement d’état mais de comportement. Paul Watzlawick illustre la différence entre ces deux types de changement par l’analogie de l’automobile dont la vitesse peut augmenter de deux façon: au moyen de l’accélérateur, c’est-à-dire en agissant directement sur l’apport d’énergie, ou
(4) Cf. FLACKM. et de COULONJ.
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en changeant de vitesse, c’est-à-dire en utilisant l’énergie à l’intérieur d’un certain régime et en établissant une relation efficace entre l’énergie et la consommation d’énergie (5). Pour le pédagogue ou le communicant, le choix est soit d’agir sur le flot d’informations et d’instructions, soit de s’adresser au moteur, c’est-à-dire a l’aptitude de l’apprenant à utiliser ses propres ressources et à faire un certain chemin. Ce deuxième type de changement constitue, nous le savons tous, un changement plus efficace que le premier - mais aussi plus difficile, car il exige davantage d’engagement de la part de l’apprenant.
Faciliter la prise en charge L‘intériorité de l’apprenant, sa verticalité, est à développer à partir de son corps et l’enseignant d’éducation physique ne devrait pas être le seul à s’en préoccuper. L’apprenant est un tout :lorsqu’il écrit, ou lorsqu’il lit, la position de son dos est aussi importante que lorsqu’il marche. Sa colonne vertébrale est son mât, son axe. I1 en est de même de sa respiration: c’est un mât mental et même, pour certains, un mât spirituel. I1 est important d’aider l’apprenant à ne pas confier son apprentissage à son seul cortex, sous prétexte qu’il s’agit d’activités cognitives. La tâche du formateur est de l’aider à prendre conscience du rôle de son corps pour qu’il fasse confiance à la sensorialité qui est la sienne, et qu’il ne dépende pas de celle d’un autre, fusse-t-elle celle du maître ou d’un parent. Ce travail de prise de conscience doit être celui de tous les enseignants, quelle que soit leur discipline, et naturellement aussi de l’institution et des parents. Non seulement le travail doit continuer à se faire dans les cinq modalités sensorielles (on en abandonne trois sur cinq trop tôt, pour ne garder que la vision et l’audition et une motricité réduite à deux heures d’éducation physique par semaine !), mais l’apprenant s’enrichirait considérablement s’il savait être le témoin de ce qu’il voit, entend, ressent, etc... I1 apprendrait à être moins vulnérable, et son esprit critique augmenterait. Un moyen puissant d’aider l’apprenant dans sa prise d’information sensorielle est de varier les sources d’information en donnant la même information sous différentes formes. Des ateliers sont organisés dans le groupe, offrant l’information sous forme de textes, d’images ou de diapositives, de cassettes enregistrées, ou d’instructions pour un mime ou une manipulation d’objets. L‘apprenant choisit l’atelier par lequel il aborde l’information sous la forme qu’il préfère, mais il sait qu’il devra passer dans les autres ateliers. L‘accès à l’information est ainsi dédramatisée pour ceux qui redoutent une source d’information qui les a rebutés jusqu’alors (ceci est fréquent dans la classe de langue étrangère où certains apprenants redoutent les enregistrements oraux). Les apprenants découvrent très Vite... que la réalité n’est pas pire que leur fiction. La tâche à réaliser dans chaque atelier doit être spécifique et orientée vers un but précis. Elle doit entrer dans un schéma (5) Cf. WATZLAWICK et al. (1975), p. 27.
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Apprendre à gérer ses ressources
de communication : rapport oral à partir d’une source écrite ; résumé ou mise en dialogue à paitir d’un texte oral ; dramatisation à partir d’un texte oral ou écrit, etc. L‘objectif final est une compréhension multi-dimensionnelle. L‘information ayant été priise sous différents angles, les modalités se sont croisées et complétées,et les objectifs ont varié. L‘apprenant aura ainsi les possibilités de développer ses modalités faibles sans traitement spécial... et sans s’en apercevoir, le plus souvent. Faciliter la mémlorisation
La mémoire commence dès la prise d’information, et souvent même avant le premier contact avec l’information, puisque l’attitude qu’on a envers une tâche à accomplir prépare déjà l’encodage et la future compréhension. La prise d’information est affinée par un travail systématique sur les paramètres visuel, audit6 kinesthésique tels qu’ils ont été énumérés dans la première partie. I1 revient à chaque enseignant de créer des exercices ad hoc pour développer ces très nombreux paramètres dont certains restent étouffés, inconsciemment effacés par des habitudes routinières ou un environnement réducteur. I1 faut ]préciserque le travail sur les paramètres sensoriels est aussi enrichissant pour l’enseignant que pour les apprenants... car l’enseignant n’est pas protégé à vie contre l’ensablage de ses facultés ! La prise d’information multisensorielle est en soi une aide puissante à la mémorisation. Un outil de mémorisation, très efficace, est d’établir des liens et des relations entre l’information nouvelle, la tâche à accomplir, les connaissances que l’on a déjà acquises, le cadre dans lequel on se trouve, et certains traits de l’information : les couleurs, les dimensions, les formes, les consonances, les similitudes etc. Les nombreux ouvrages qui ont été écrits sur la mémoire proposent des moyens mnémotechniques qui sont tous basés sur le principe d’associativité et de mise en relation. On peut regretter que ces procédés soient souvent proposés pour des activités qui ne sont ni fondamentales, ni essentielles : se souvenir de listes de mots, de nombres, etc., est une activité assez éloignée de la mémorisation dont les apprenants ont besoin au cours de leur scolarité. LRs mémoires, souvenons-nous, sont variées et nombreuses et demandent qu’une relation aux intérêts réels de l’apprenant soit établie de façon moins systématique et plus personnalisée que celle qu’offrent ces différents manuels. Nous devrions tous, depuis l’âge de sept ou huit ans, être initiés a la technique des schémas heuristiques (du grec : heuréka, (( j’ai trouvé D). Les schémas en étoile, ou en arbre, et les mandalas sont des structures dans lesquelles le passage, la successivité et la séquence d’une idée à une autre sont facilités par le graphisme et les relations visuelles. Ces schémas, par leur structure, reproduisent ce que l’on pressent de l’organisation cérébrale qui fonctionne par enchaînement et intégration de concepts clés et qui est essentiellement non-linéaire. La technique des schémas heuristiques permet des combinaisons dynamiques entre les concepts et des interactions réciproques sur un modèle proche du câblage de la machine cérébrale. Cette
Quelle(s) pédagogie(s)... ?
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technique peut être utilisée non seulement pour une prise de notes, mais aussi pour une recherche d’idées et toute démarche créative. Elle présente l’intérêt immense de mener de front l’analyse et la synthèse. Le rappel, ou déclenchement du souvenir, est facilité par cette mise en relation préalable. La mémorisation est consolidée par des réactivations à des moments favorables qu’il est bon de connaître : dix minutes après la prise d’information, puis un jour, une semaine, un mois, six mois plus tard. Ces réactivations, convenablement programmées, prennent des formes variées :résumé, relecture de notes, mise en schéma, classement, discussion, rapport, etc. Elles demandent très peu de temps (cinq-dix minutes chacune) ; le calcul est facile : six fois cinq minutes. Elles permettent, en ne mobilisant qu’à peine plus d’une demi-heure, d’envoyer une information dans la mémoire à long terme (6). Que faire en cas de dysfonctionnement... ?
L‘enseignant doit avoir à sa disposition quelques indications sur la façon de procéder, pour faire face à un déficit ou un dysfonctionnement de l’un des deux hémisphères. Il doit être capable d’amorcer l’hémisphère faible ou bloqué. Une faiblesse de l’hémisphère gauche est repérée ou traduite par défauts d’articulation, de syntaxe, des difficultés de rappel lexical, de compréhension d’instructions ou ‘d’explications. I1 est recommandé, dans ce cas, d’utiliser un matériel visuel pour établir des associations d’images qui, elles, sont bien gérées et de mots qui, eux, sont gérés avec difficulté. On peut également utiliser un code de couleurs, faire lire à voix haute et écrire simultanément : c’est-à-dire renforcer les circuits et associations Vision Audition Langage Motricité Vision. Rappelons l’expérience faite par Luria: des enfants à qui l’on avait permis de prononcer les mots de leur dictée ont fait six fois moins de fautes d’orthographe que le groupe d’enfants qui avaient dû écrire la dictée sans remuer les lèvres. Pour palier le déficit de l’hémisphère droit, qui se manifeste par la gestion faible des analogies, métaphores, synthèses, séquences..., il est recommandé d’utiliser un matériel verbal, de faire écouter des histoires, de faire verbaliser toutes les activités, d’entraîner la perception en séquence par des activités motrices, de développer l’imagerie (visuelle, auditive, kinesthésique, tactile) en la rapprochant systématiquement des descriptions verbales correspondantes ; d’ajouter le geste au verbal... Par exemple : faire écrire les mots sur le dos de la main, ou devant soi avec le nez, le coude, l’épaule, le pied ; guider la main de l’enfant, qui garde les yeux fermés, en prononçant le mot pour lui, etc. D’autres précieux conseils sont donnés par certains auteurs pour traiter en synesthésie les dysfonctionnements de discrimination auditive ou les difficultés de dénombrement des éléments d’une structure complexe, phrase
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(6) Cf. BUZANT. (1984), pp. 95-126 ; WILLIAMS L.V., op. cit.
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ou image (7). On devine que, pour ces auteurs, l’intelligence est aménageable et qu’aucun enfant ne devrait être condamné, exclu, rejeté par un système éducatiJ: La règle d’or dans le domaine de la pédagogie est de ne jamais négliger l’entraînement et le développement des fonctions de base : association, connectivité, synesthésie (nous retrouvons les mots-clés du fonctionnement cérébral), et les deux axes du Temps et de l’Espace autour desquels toute la structure de notre organisme est construite. Et surtout ne jamais oublier le rôle de l’affectivité.
Faire veut aussi dire :développer I1 s’agit ici d’une intervention pédagogique un peu plus directive que la précédente, (( faciliter o.
Développer la mise en relation Le rôle de l’enseignant est de développer systématiquement la mise en relation dans tous les domaines de la réalité spatiale et temporelle, et à tous les niveaux d’organisation de l’information : les quatre cerveaux et les deux hémisphères. Ceci est possible quelle que soit la discipline enseignée. Notre enseignement est en général beaucoup trop ponctuel, délimité et à court terme ... parce qu’il est orienté vers le contenu et le résultat. Les apprenants gardent rarement le sens de l’ensemble lorsqu’ils s’adonnent à l’analyse et c’est pour cette raison que lies schémas heuristiques sont un outil très utile pour développer le sens des relations. Un exemple d’un entraînement à la mise en relation est l’expression écrite telle que la proposent Gabriele Lusser Rico et Mary Frances Claggett, de l’université de Californie. Cette approche de l’écriture permet l’équilibre des deux gestions hémisphériques. L‘hémisphère droit est sollicité par la mise en schéma des idées, l’utilisation de la couleur, la pensée métaphorique, le rythme et le dessin dans des exercices de pré-écriture. L‘hémisphère gauche est interpellé par des exercices séquentiels, effectués pas à pas ;par exemple, des exercices de coinpréhension, de mise au point de transitions, et un travail d’édition. Cette approche repose sur une triple conception de l’expression écrite, recouvrant trois concepts complémentaires : transactionnelle
f----
expressive
-b
poétique
L‘écriture transactionnelle est la seule évaluable parce qu’elle correspond à une gestion de l’hémisphère gauche. Le très grand intérêt de l’approche de Rico et Claggett semble résider dans la recherche d’équilibre et de (7) Cf. FROSTIG et MASLOW(1979); COULTER D.J. (1981) ; PRESSLEY et al. (1979).
Quelle(s) pédagogie(s). .. ?
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correspondance à établir entre l’outil, la tâche et les mécanismes cérébraux en jeu. La mise en relation est également à la base de la Synectique, méthode élaborée par W.J.J. Gordon & T. Poze depuis plus de 40 ans. Pour Gordon, apprentissage et créativité sont complémentaires (figure 7) : processus d’acquisition
iissances
processus d’innovation Figure 7. Apprentissage et créativité (d’après K-J.-J.-Gordon) Le processus d’apprentissage établit une relation entre des faits nouveaux à apprendre et des faits déjà appris. Le processus d’innovation ou de créativité fait l’inverse : la relation s’établit entre les faits déjà connus vers des faits nouveaux. L‘approche synectique préconise un travail sur l’analogie et la métaphore. I1 existe deux types d’analogie : un type d’analogie directe, qui sous-entend un certain recul par rapport à l’objet : on reste au niveau de la description. L‘autre type est l’analogie personnelle dans laquelle la personne s’implique et s’identifie à l’objet. Le travail se fait à partir de ces deux types d’analogie. Le travail sur les relations, existant entre les différentes modalités sensorielles, s’adresse à tous les apprenants, quel que soit leur degré de réussite. Non seulement ce travail permet le déblocage des ressources perceptives et évocatives chez certains apprenants, mais il élargit et enrichit considérablement le champ percept$ L‘enseignant qui pratique cette approche est le premier à s’en apercevoir. Développer les évocations mentales
Autre domaine à développer : les évocations mentales, pratiquées lorsque l’apprenant ferme les yeux. Cet outil est à utiliser largement, et n’est pas exclusivement réservé à la rééducation de l’orthographe pour laquelle il fait merveille, pour la lecture, et bien d’autres activités scolaires (8). (8) Cf. aussi DILTsR.B. (1983); de la GARANDERIE (1980); HOUSTONJ. (1983); WILLIAMS L.V., op. cif., et le long et patient travail de la méthode Freinet.
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Apprendre à gérer ses ressources
Le travail sur les paramètres visuel, auditif et kinesthésique se fait en visualisation interne. Ici encore, des exercices ad hoc doivent être créés par l’enseignant et le formateur, selon les besoins du groupe et la progression de l’apprenant sur son parcours. Les évocations mentales sont à adapter selon l’objectif visé : fixer une information, la transférer d’une modalité à l’autre, la transformer, etc. Ce travail suppose qu’un diagnostic des profils d’apprentissage soit fait. La grille proposées par A. de la Garanderie a l’avantage de permettre un rapprochement des gestions visuelle et auditive avec les différents niveaux d’appréhension du réel, adaptés de la théorie de Bachelard, à savoir : 1. la réalité concrète, 2. le niveau verbal, 3. les relations et la mise en structure, 4. le prolongement du réel (créativité, innovation). Le grand avantage de savoir diagnostiquer un profil d’apprentissage est d’obtenir des éléments pour élargir le champ perceptif et établir des ponts entre d’une part les gestion visuelle et gestion auditive, et d’autre part entre les différents niveaux d’appréhension du réel. A. de la Garanderie a eu le mérite d’intégrer la notion de projet à l’évocation mentale et de souligner l’importance du projet dans l’assimilation des connaissances. Les relations entre l’imagerie mentale et la perception visuelle commencent à être mieux connues. Les recheirches suggèrent qu’elles ont en commun certains processus et peuvent agir l’une sur l’autre (9). Développer la pensée positive
Parallèlement à. l’évocation mentale, un travail sur les pensées positives doit être mené. Apprendre a évoquer des images ou des pensées abstraites, les susciter, les chasser, faire le vide... est un outil précieux et libérateur. L‘enseignant doit, évidemment, maîtriser la technique avant de l’enseigner s’il désire mener l’apprenant au seuil de lui-même. Cette technique s’apprend dans les milieux pratiquant le yoga ou la méditation tantrique et elle est aussi recommandée par A. de la Garanderie. Elle peut paraître insolite ou superflue à des yeux occidentaux. Ils ont tort, car la maîtrise de la pensée et des images facilite considérablement l’acquisition des connaissances. De plus, la maîtrise des images mentales est une des conditions nécessaires pour permettre à l’imagination et à la créativité de trouver en nous espace et durée. Développer le langage des deux hémisphères
Pour développer le langage des deux hémisphères et, en particulier celui de l’hémisphère droit, plusieurs outils existent. La métaphore est un outil très efficace et tout à fait remarquable pour placer le concept ou centre du royaume du concret. Elle est donc tout particulièrement recommandée pour présenter un concept nouveau dans l’expérience même de l’apprenant. De nombreux exemples de l’utilisation (9) Cf. FINKE R.A., March 1986.
((
Mental Imagery and the Visual System », Scientific American,
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de la métaphore, dans diverses disciplines et à différents niveaux d’apprentissage, se trouvent dans le livre de Linda V. Williams, accompagnés d’une méthodologie d’utilisation. Cet auteur décrit les résultats obtenus après un entraînement systématique de la métaphore dans l’apprentissage de la lecture, dans une classe de cours Préparatoire: les progrès ont été de 286% en compréhension orale, de 1038 % en lecture de mots lexicaux, de 163 % en lecture de phrases structurées. D’autres expériences pédagogiques, utilisant également la métaphore pour l’apprentissage de la lecture confirment ces résultats spectaculaires : amélioration très nette dans les quatre domaines suivant (par ordre décroissant) : compréhension, exactitude, rapidité, mémorisation. Les résultats se maintiennent un an après l’enseignement qui dure neuf semaines. Les auteurs du projet, tout en laissant une certaine marge de liberté aux utilisateurs, tiennent à ce que les six points suivants soient respectés : 1) L‘enseignant doit être convaincu que l’enfant est capable de lire. 2) La lecture silencieuse précède la lecture à haute voix. 3) La méthode s’applique à des non-débutants qui connaissent les lettres de l’alphabet. 4) Très peu de mots sont utilisés en lecture silencieuse (des mots-clés suffisent). Un carton recouvre les lignes lues, de haut en bas de la page. 5) Une image mentale est formée pendant que les mots-clés sont lus silencieusement. 6 ) Pour encourager la lecture à haute voix, les mots sont découverts progressivement de gauche à droite juste avant qu’ils ne soient prononcés. La méthodologie, qui s’adapte à des groupes comme à l’apprenant seul, se déroule en 10 étapes. Développer la représentation graphique
Parmi les autres techniques faisant appel à la gestion de l’hémisphère droit, la représentation graphique fait intervenir non seulement la motricité mais aussi la gestion de l’espace et l’imagination. Les applications sont nombreuses : dessins, figures, tableaux, cartes, graphiques, schémas etc. Une application peu répandue en Occident est le mandala qui est particulièrement stimulant pour l’imagination et la créativité, tout en ayant une action de recentrage très efficace (10). La représentation graphique devrait être utilisée aux différents stades du processus d’apprentissage : au stade préalable, pendant la recherche d’idées, pendant la mise en ordre, la structuration, la synthèse.
... et le voyage imaginaire Le voyage imaginaire, ou rêve éveillé, est un autre outil pédagogique précieux, permettant à l’apprenant de se rendre là où il lui est impossible d’aller dans les circonstances présentes. C’est un moyen d’avoir une expé(10) Mandala )) veut dire (( cercle )) en sanskrit. C’est un diagramme géométrique, centré autour d’un axe, orienté et symbolique.
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Apprendre à gérer ses ressources
rience personnelle, signifiante et directe d’une réalité étrangère et différente : l’intérieur d’une plante, la circulation sanguine, le métabolisme de la cellule, le cosmos... Cette technique, peu employée encore dans notre pays cartésien, donne pourtant d ’excellents résultats auprès d’apprenants récalcitrants aux méthodes linéaires et dites objectives. Le voyage imaginaire offre les fruits de l’activité du cerveau droit et procure les ressources verbales de l’hémisphère gauche. La technique est donc très complète, mais elle doit être menée avec dextérité et précision. Elle permet à l’apprenant d’être en état de relaxation attentive et de réceptivité de ses propres images. Cette technique est d’autant plus importante qu’elle permet de jouer sur la gamme entière des modalités sensorielles :vision, audition, motricité, sens tactile, olfaction, goût. De plus, selon l’entraînement des apprenants et leur degré d’implication, il est possible de les aider à passer de l’observation à l’identification et à une compréhension intégrée.
... et les sens tactile et kinesthésique Les sens tactile et kinesthésique sont deux très importantes voies d’accès à la mémorisation. Ces deux types d’apprentissage sont indispensables lorsqu’on rencontre une résistance à l’abstraction : chez certains élèves, les représentations doivent encore se construire àpartir de leur sensorialité. C’est ainsi qu’aux État-Unis, des enseignants ont retrouvé la méthode du boulier japonais qui permet d’impliquer certains élèves, grâce à une approche des mathématiques par les canaux tactile, kinesthésique et visuel. Les techniques pédagogiques faisant intervenir la danse, le mime, les jeux et l’intégration de: la gestuelle au langage (et inversement) sont des auxiliaires pédagogiques puissants qui ne devraient pas être réservés aux classes enfantines ou artistiques. Elles permettent à la motricité de jouer pleinement son rôle et s’appuient sur la réalité cérébrale, tenant compte d’une synesthésie valable non seulement pour l’enfant mais aussi pour l’adulte ; la synesthésie et l’associativité sont l’une et l’autre la base de nos fonctions cérébrales. L‘immobilité pour certains apprenants - même adultes - gèle littéralement l’activité mentale. Le niveau énergétique de certains élèves - et en particulier ceux qui sont en difficulté - est tel qu’il leur faut entrer en mouvement pour déclencher la réflexion ou la communication. Développer I apprentissage expérienciel
L‘apprentissage expérienciel est connu de nombreux enseignants. I1 est stimulant et développe toute une gamme de stratégies, démarches, explorations que les manuels scolaires ne peuvent pas aborder. L‘expérience vécue est irremplaçable : observations, expériences en laboratoire,enquêtes sur le terrain, rencontres, interviews, jeux de rôle, simulations, etc., la liste n’est jamais close.
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Les fautes contre le cerveau
Une erreur pédagogique (ça existe...) serait, par exemple, de croire que la liste ci-dessus peut être close. Que pourrait-on mettre dans la rubrique (( Ne pas faire D si elle existait dans un cursus de formation de formateurs (ou de professionnels de la communication)? I1 semble qu’il y ait quatre fausses manœuvres à éviter à tout prix et à classer dans les fautes contre le cerveau :
Présenter l’information passivement. Une information passive est une information morte, isolée, sans relation avec un contexte présent, passé ou futur ; sans lien avec d’autres événements, hommes, cultures, etc. L‘information restera objective et vivante si la mise en relation est préservée. C’est le rôle de l’enseignant de le faire. -
- Combattre (consciemment ou inconsciemment) le type de représentation (visuel, auditif, kinesthésique, H.G., H.D.) de l’apprenant, au lieu de s’en servir pour rejoindre l’apprenant, et le guider vers un élargissement de sa gestion. - Utiliser une seule stratégie, un seul canal, une attitude unique, et exclusive. Expliquer vingt fois de suite la même chose, de la même façon (oralement ou en démonstration, par écrit) est non seulement totalement inutile mais bloque la prise et le traitement de l’information car le canal d’accès s’est fermé chez certains apprenants. De plus, la répétition identique déclenche un phénomène d’habituation et de désensibilisation qui est à l’opposé de l’objectif recherché.
Oublier que l’être humain, enfant ou adulte, quel que soit son âge, est un-tout-dans-un-environnement. Séparer les différents niveaux perceptifs de la connaissance (vision, audition.. .), revient à provoquer artificiellement une rupture dans le processus normal d’interaction et d’intégration de l’information. Il n’y a pas, comme le constate Korzybski, de perception sans interpolation et interprétation. Les troubles et le dysfonctionnement du code écrit chez certains apprenants s’améliorent lorsque la démarche suivie avec eux tient compte des niveaux sensoriel et affectif qui précèdent, dans le cheminement de l’information, le giveau abstrait du langage. Le processus, ne l’oublions pas, remonte de bas en haut. Cette courte liste d’erreurs à ne pas commettre n’a rien d’exhaustif. Chaque situation d’apprentissage génère ses propres conditions optimales, liées à l’objectif poursuivi, à la source d’information disponible, à la tâche à réaliser, aux partenaires en présence, à la durée de l’apprentissage, etc. I1 s’agit donc, une fois encore - on ne le redira jamais assez - d’ajuster et de réajuster sans cesse l’approche pédagogique, en prenant la juste mesure ~
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Apprendre a gérer ses ressources
des éléments en présence. Disposer d’outils de mesure, de diagnostic, d’interventions et de pratiques variées... se révèle une nécessité urgente pour le monde éducatif d’aujourd’hui. Laisser se faire I‘itinérance
La notion de parcours a été déjà mentionnée plusieurs fois: elle est fondamentale car elle est dynamique et suggère un changement et une évolution, un but à atteindre. A la notion de parcours, s’ajoute une autre, aussi fondamentale : celle de l’inattendu auquel tout itinéraire devrait laisser une place, si nous tenions compte de ce que la science moderne de l’homme nous enseigne. L’actualisation, c’est-à-dire le choix d’une possibilité, la tendance de certains phénomènes à se produire, est la réalité du fonctionnement cérébral. Ceci est vrai pour l’apprentissage plus que pour toute autre chose. Étant donné la complexité du cerveau, notre organe de l’apprentissage et de la communication, son potentiel illimité, ses ressources et ce que l’on sait de son fonctionnement, rien, dans le parcours de l’apprenant ne devrait être totalement déterminé ni par l’enseignant, ni par l’apprenant lui-même. D’après l’hypothèse (en cours de vérification) des a champs morphogénétiques )) et de la (( causalité formative )) proposée par Sheldrake, nous acquérons des comportements plus facilement - et plus vite - si d’autres organismes vivants en ont déjà fait l’apprentissage. Pour Gregory Bateson, l’apprentissage est un processus (( stochastique D, dans lequel (( uri courant d’événements aléatoires se conjugue avec un processus de sélection qui, lui, ne se fait pas au hasard D ( I 1). Le parcours devient donc itinérance. L‘enseignant pratique alors une attitude de laisser se faire, ce qui ne signifie évidemment pas qu’il laisse faire à l’apprenant ce que bon lui semble. Bien au contraire, le formateur découvre et s’investit de son véritable rôle de personne ressource, référent, guide, régulateur. Dans cette optique, laisser se faire signifîe : Faire confiance au potentiel, au fonctionnement de l’organe de l’apprentissage, à la recherche d’équilibre qui est à la base de tout organisme vivant. C’est peut-être la tâche la plus difficile à demander à un enseignant, à un formateur, car il est beaucoup plus facile de prévoir, diriger, planifier, poser des rails, kmettre des règles, apporter l’information, décider du sens, etc. Ce point est étroitement lié au suivant.
(11) BATESON(3. (1984), p. 153 ; Ztinérunces est le titre d’une revue dont le premier numéro N L’Éveil du cœur », paru en mai 1986, propose de (( restituer un souffle à la perception globale du réel (...) dans un langage qui résonne au cœur du quotidien )) (éd. Albin Michel) ; cf. aussi SHELDRAKE R. (1987).
Quelle(s) pédagogie(s)... ?
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Respecter la durée :celle de maturation et de structuration, car le temps est déjà présent au niveau de la cellule. C’est même une composante de la cellule. On ne peut pas agir sans tenir compte de ce partenaire. Souvenons-nous que les images d’un cerveau en repos sensoriel soulignent l’importance du temps de structuration : celui dont les lobes frontaux ont besoin pour mettre en ordre l’information et pour que s’instaure la barrière fonctionnelle, le moyen que possèdent les humains de se libérer de la boucle stimulus-réponse... Laisser la place au choix et à la coopération des deux hémisphères, et ceci à toutes les étapes du processus dacquisition :
Au moment de la prise d’information, le choix du canal d’accès à l’information. - Le choix de la stratégie à suivre. - Le choix de l’objectif à atteindre. - Et aussi le respect et le choix du rythme et de la durée nécessaire à chacun pour que maturation et structuration se réalisent.. . Le rôle de l’enseignant est de proposer un éventail raisonnable de choix a l’apprenant, puis d’établir un dialogue pédagogique à l’occasion de ce choix. Un exemple de méthodologies faisant intervenir le choix à plusieurs niveaux est donné plus loin. -
Faire lâcher prise a la linéarité
Une censure logique, analytique et critique exercée trop ôt, barre la route à la vision globale et synthétique. La troisième voie, pratiquée si rarement, recommande ’approche oulet, le pourquoi pas?, le recadrage... et de nombreux autres outils destinés à amorcer une prise d’information du contexte. Elle permet é alement d’amorcer la pensée latérale, la créativité, l’innovation... La condition de cette troisième voie est 1. que soit reconnue la complexité de notre nature telle qu’elle a été soulignée dans les premiers chapitres et 2. que nous ne nous contentions pas exclusivement de solutions a court terme, analytiques ou hiérarchiques, car ce sont les signes d’une approche réductionniste. Accepter les différences
Nos différences sont sources de complémentarité et d’enrichissement. Lorsqu’un enseignant pratique des techniques de pédagogie différenciée et une méthodologie adéquate pour animer le travail en sous-groupes, il ne redoute plus l’hétérogénéité : au contraire, il l’espère et en tire profit. Réussir dans un apprentissage et un enseignement linéaire donne de la satisfaction. Réussir dans un apprentissage et un enseignement qui s ’adressent au cerveau tout entier donne - en plus - la joie de la découverte : celle du sens d’une réalité qui nous appartient en propre tout en nous reliant à beaucoup plus grand que nous.
CHAPITRE 7
APPLICATIONS PÉDAGOGIQUES TROIS EXPÉRIENCES EXEMPLAIRES
Parmi les pays où des tentatives ont été réalisées pour appliquer à la méthodologie de l’enseignement les connaissances actuelles sur le fonctionnement cérébral, le Vénézuela donne l’exemple d’un projet mené à l’échelle nationale, et mérite que l’on s’interroge sur le modèle qu’il représente et la finalité qu’il propose. La pédagogie concue par Dee Joy Coulter, dans le Colorado, aux ÉtatsUnis, paraît exemplaire en ce qu’elle possède le caractère rare d’appliquer le conseil de Paracelse (1493-1541) : faire naltre la théorie de fa pratique, et non l’inverse. Quant à l’expérience australienne d’enseignement de l’anglais aux Aborigènes, elle paraît être un courageux témoin de la volonté d’enseigner dans le respect de f’Autre. I1 s’agit, selon les expérimentateurs, d’« un domaine d’interrogation et d’un défi permanent ». 1. U N PROJET NATIONAL: LE PROJETVÉNÉZUELIEN LOPPEMENT DE L‘INTELLIGENCE
D U DÉVE-
Ce projet a été conçu et réalisé par le Dr Luis Alberto Machado, nommé de 1979 à 1984, ministre d’État chargé du Développement de l’Intelligence par le Président Luis Herrera Campina. Celui-ci fit de l’Éducation l’objectif prioritaire de son gouvernement. Pour la première fois sans doute dans l’histoire, un projet éducatif de développement des capacités intellectuelles concernant toute une population recevait une dimension politique. Le Gouvernement suivant celui de Luis Herrera Campina, en 1984, décida de poursuivre la tâche entreprise. La démocratisation de l’intelligence passe par la démocratisation de la science. Selon les termes employés par Luis Alberto Machado ((toute
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Apprendre à gérer ses ressources
connaissance scieintifique pouvant contribuer à développer l’héritage génétique de l’être humain, doit être mise à la disposition de tous )). Le développement de l’intelligence signifie, pour le concepteur du projet, le développement de toutes les aptitudes humaines et l’implication de tous les contextes (familiaux, scolaires, culturels, professionnels, services publics, etc.). Objectifs du projet
L‘un des objectifs les plus urgents à atteindre a été la réforme du système éducatif dans son ensemble. La recherche ii été orientée dans trois directions : - L‘approfondissement des connaissances du processus relationnel enseignant-apprenant, et les implications sur le développement des savoir-faire cognitifs. - L‘utilisation de méthodologies variées tendant à développer et faciliter une interaction plus riche entre l’être humain et son environnement. L‘encouragement de création de projet destinés à toute la population vénézuélienne, visant à augmenter les aptitudes à la réflexion. ~
Principes directeurs
1) Les programmes sont destinés à toute la population, et, plus spécialement, aux classes défavorisées - qui ont, plus que tout autre, besoin de participer à la vie sociale et culturelle pour parvenir à la réalisation de leur personnalité. 2) La science aujourd’hui nous confirme que nos aptitudes intellectuelles peuvent se développer à tout âge. La vie se réalise à travers l’acquisition de savoir-faire qu’il n’est jamais trop tôt ni trop tard de développer. 3) Tous les programmes ont une base scientzjkpe rigoureuse et sont construits sur des données récentes de la recherche scientifique. 4) Le programme de développement de l’intelligence est totalement distinct de tout pr’ojetet propagande politiques. Des chercheurs et éducateurs de toutes tendances politiques et idéologiques ont pris part au projet sans discrimination aucune. 5 ) Toutes les actions ont été réalisées par l’intermédiaire des services des ministères de l’Éducation et de la Santé, avec l’aide d’organisations nationales et régionales et des institutions privées. 6) L‘une des caractéristiques les plus nettes du projet est son budget restreint, grâce à l’utilisation des services administratifs et des structures déjà existantes et à la coopération gratuite des mass-média. 7) Chaque projet a été réalisé en tenant compte des réalités vénézuéliennes. Les méthodologies utilisées ont été adaptées systématiquement aux besoins locaux. De plus, des chercheurs et formateurs vénézuéliens ont été encouragés à développer des méthodes nouvelles et des projets de développement de l’intelligence humaine. 8) Dès l’origine, les programmes ont été conçus dans une dimension
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internationale. La création d’une (( Alliance Internationale pour le Développement de l’Intelligence )) a été encouragée afin que toutes les nations, sans discrimination d’aucune sorte, puissent participer et contribuer à une coopération au niveau des ressources scientifiques sur le plan mondial. Programmes en application
1. Le programme familial (pré-nataljusqu ’à six ans)
Ce programme s’appuie sur les recherches portant sur le développement de la sensori-motricité et son importance pour accroître le potentiel biopsycho-social et cognitif de l’enfant. Le développement et le fonctionnement du cerveau du petit enfant dépendent de la qualité et de la quantité d’interactions de l’enfant et de son environnement, le cerveau du nouveauné étant caractérisé par son immaturité et sa plasticité. L‘objectif de ce projet, destiné aux familles et, à travers elles, aux enfants, de la naissance jusqu’à l’àge de six ans, est la formation des parents et des adultes entourant l’enfant, afin qu’ils contribuent au plein épanouissement de l’être dynamique, fonctionnel, culturel et historique qu’est l’enfant. Les fondements théoriques du projet sont un modèle multifactoriel, dans lequel les principes éducatifs et les techniques (qui incluent différentes variables telles que la nutrition, la santé et les facteurs de stimulation), sont groupées en une seule unité d’action. I1 a semblé aux réalisateurs de ce projet que le choix multifactoriel convenait mieux qu’un modèle unidirectionnel, étant données la situation économique et la pauvreté dans lesquelles se trouve une grande partie de la population vénézuélienne. La nécessité d’intégrer à un programme de développement de l’enfance sous-alimentée d’autres facteurs que la nutrition (tels que la stimulation affective et cognitive) était apparue, à Caracas, en 1981, au premier Symposium International sur la Nutrition et l’Intelligence. Le projet familial tient compte de l’aspect affectif, considéré comme un facteur vital et décisif pour le développement cognitif de l’enfant. Dans l’esprit des responsables de ce projet, l’objectif de prévention vient s’ajouter à l’objectif thérapeutique ou de réparation. Les parents ayant suivi les exercices du projet ont, d’après les termes du rapport sur la démocratisation de l’intelligence rédigé par Luis Alberto Machado, changé leur attitude face aux problèmes de l’enfant et de leur environnement : ils ont amélioré leur capacité d’observation, leurs relations affectives, leur propre créativité, leur imagination et trouvé des situations stimulantes pour l’enfant. L‘aptitude de celui-ci à échanger et s’intégrer dans le groupe familial s’est également améliorée. (( Pour la première fois dans l’histoire des idées politiques, les relations affectives entre parents et enfants sont devenues partie intégrante d’un programme politique, destiné à rendre la cellule familiale l’outil principal du changement de sociétt; (1). ( I ) Luis Alberto MACHADO(1985). Les italiques sont nôtres
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2. Programmes d’éducation (système scolaire)
Les processus mentaux nécessaires à l’acquisition des connaissances sont des pré-requis m,ak ne sont pas appris spontanément; ils nécessitent un apprentissage et une pratique systématiques. (( Les contenus changent mais les systèmes restent », écrit L.A. Machado. (( L‘objectif le plus important est d’apprendre à apprendre ». Le projet ministériel comporte donc l’apprentissage des techniques et des pratiques de savoir-penser. Parmi les da-érents programmes de formation, celui de L’Éducation visuelle destiné aux enfants de quatre à six ans, a été inspiré par Jaacov Agam, artiste et concepteur parisien. Ce programme tend à développer les relations de la pensée par la visualisation, la perception et la mémoire. La méthode utilisée développe les processus d’interprétation, d’identification et de reproduction de l’information visuelle, tout en développant les aptitudes à la communicatilon (2). Un autre prog,ramme officiel est le Programme du Jeu d’Échecs, destiné à tous les âges. Il encourage la formulation et l’application de stratégies de remplacement et leur transfert à la résolution de problèmes. Le programme Apprendre à penser (six à dix ans) est inspiré des travaux de Edward de Bono et a été mis au point après une étude préalable auprès de trente enseignants et neuf cents élèves des faubourgs de Caracas et de Maracaïbo. Une fiois adapté à l’identité vénézuelienne et expérimenté, il servit à former 1 300 enseignants correspondant à une population scolaire de 40 O00 élèves. Par la suite, 40 O00 enseignants furent formés, atteignant une population de 1200000 élèves de neuf, dix et onze ans. En 1985, on comptait que 117 O00 enseignants avaient reçu une formation dans cette méthodologie. Le programme est destiné à développer chez l’apprenant les capacités d’adaptation à son environnement, et à lui apprendre également à (ré-)agir. Quarante processus mentaux, représentant des outils pour l’organisation de la pensée, la prise de décision, la communication, la créativité, etc., sont enseignés dans ce programme, dont les effets, comme on peut l’imaginer facilement, vont bien au-delà du périmètre scolaire. On a remarqué, en effet, chez les apprenants qui ont suivi ce programme, une augmentation de la capacité à trouver des solutions aux problèmes, à prendre des décisions, à organiser, abstraire, repérer les points importants, manipuler les variables, établir des relations. Les résultats obtenus ont décidé le Ministère à inclure cette méthodologie dans les programmes officiels scolaires.
3. L‘enrichissement instrumental Ce projet est destiné à développer les processus mentaux qui n’ont pas, ou pas assez, reçu d’attention au cours du développement de l’enfant. I1 (2) Le matériel comporte 36 livrets et autant pour l’élève couvrant les années d’école maternelle jusqu’à l’entrée dans le premier cycle
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s’appuie sur la théorie du Dr. R. Feuerstein, de l’université Bar Ila (Israël), selon laquelle un agent médiateur agissant entre le sujet et le stimulus peut intervenir pour augmenter le développement intellectuel et les aptitudes à apprendre de l’enfant. Le programme comporte cinq cents exercices groupés autour de quinze instruments, dont chacun est destiné à développer ou renforcer un savoirfaire spécifique et l’acquisition d’autres pré-requis du processus d’apprentissage. Les résultats obtenus signalent des progrès importants dans les domaines suivants : orientation spatiale, comparaison, perception analytique, classification, illustration et organisation des relations temporelles. D’autre part, le coefficient intellectuel des enfants a sensiblement augmenté, leur image de soi s’est améliorée, ainsi que leur compétence à évaluer leurs propres résultats, leur capacité à être maîtres de leur comportement spontané, à s’adapter aux exigences du travail scolaire. Les enseignants, de leur côté, ont amélioré leur capacité à diagnostiquer le comportement de leurs élèves, identifier les déficits et être en mesure d’y faire face, ce qui se traduisit par un changement de la relation enseignantapprenant. 4. Le projet du Développement de l‘Intelligence (1 1 à 14 ans)
Ce programme a été mis au point par des chercheurs vénézuéliens, en collaboration avec l’université d’Harvard, et avec l’aide de la Bolt, Beranek and Newman Consulting Firm. Dans ce projet, l’accent est mis sur le développement des aptitudes directement reliées à l’intelligence et susceptibles d’être évaluées. Elles appartiennent aux six domaines suivants : 1) Les fondements du raisonnement dont le but est d’entraîner l’apprenant à percevoir, associer et interpréter consciemment l’information en exerçant un esprit critique et systématique, afin de parvenir à un degré de complexité élevé dans ses processus mentaux. 2) La compréhension du langage, programme destiné à développer une compréhension approfondie de la nature complexe des significations implicites et explicites des mots, ainsi que de leurs inter-relations, de la structure et de l’organisation du langage - le langage étant considéré comme un véhicule et un produit des processus mentaux ainsi qu’un moyen efficace de communication et une source de créativité. 3) Le raisonnement, visant à développer la maîtrise de la forme, la vérification et l’expression de concepts, et la représentation adéquate de la réalité. 4) La résolution de problèmes dont l’objectif est de combiner les différentes stratégies acquises précédemment et les appliquer à de nouvelles situations. 5 ) La prise de décision, programme mettant en jeu les différentes options à soumettre à l’introspection et à l’analyse en vue d’une sélection réfléchie et adaptée au contexte. 6 ) La pensée créatrice, programme permettant d’initier l’apprenant à
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Apprendre à gérer ses ressources
l’analyse, 1’évalua.tion et l’élaboration de changements dans l’approche créative (concrète et abstraite). 5. Méthodes et systèmes de pensée (niveau secondaire)
L‘objectif est tie développer et mettre en œuvre des méthodologies spécifiques qui leur permettront d’augmenter leur potentiel intellectuel : développement de stratégies pour la résolution de problèmes, prise de décision, etc. Dans ce projet, plusieurs éléments contenus dans d’autres projets (a Apprendre à penser », (( Enrichissement instrumental D...) sont adaptés à l’enseignement secondaire lorsque les savoir-faire fondamentaux n’ont pas été mis en place dans un stade antérieur. En 1983, l’université Metropolitana a signé un accord avec l’université de Yale en vue de l’élaboration d’un projet visant à développer les aptitudes au raisonnement inductif et la compréhension verbale : deux éléments constitutifs de l’intelligence. D’autres projets, comme celui de la K Stimulation des zones cérébrales opératoires», ont pour but de faciliter l’accession de l’apprenant à une pensée créatrice et à la conscience de ses potentialités. L‘intégration de ces diverses méthodologies dans les programmes scolaires, à différents niveaux du système éducatif, non seulement permet aux institutions de mieux répondre à leur vocation de formation de la pensée chez l’homme, mais aussi constitue une démarche originale qui n’avait jamais encore été entreprise, et dont la portée dépasse infiniment le cadre institutionnel. 6. Développement de la représentation de Iéspace chez l‘enfant
L‘objectif de ce programme est de développer le concept de l’espace en tant que réalité mesurable, homogène et objective. I1 fournit le moyen de corriger le déficit du système de référence par la pratique de savoir-faire cognitifs qui contiribueront à la coordination et à la représentation d’objets dans l’espace euclidien et l’espace projectif. 7. Méthodes et systèmes de penske (niveau universitaire) Ce programme propose le développement des stratégies de résolution de problèmes et de prise de décision et insiste particulièrement sur I’apprentissage des processus mentaux. Les méthodologies nouvelles sont combinées aux structures traditionnelles de pensée (logique...). Ce programme constitue également un cadre de référence pour la recherche et la méthodologie de l’enseignement. Un accord entre 1’Universidad Metropolitana et l’université de Yale, en 1983, porte sur l’daboration d’un projet d’enseignement du raisonnement inductif et de la compréhension verbale, ces deux savoir-faire appartenant à ce que l’on peut qualifier l’intelligence guide.
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8. Programme de formation dadultes Le Programme de développement des mécanismes de la pensée est un programme de formation permanente, destiné aux adultes, en dehors du cadre de l’institution scolaire. Son objectif est l’entraînement systématique aux savoir-faire cognitifs tels que la science moderne nous les enseigne. Les principes sous-jacents à ce programme sont : - Tout homme, femme, enfant, adolescent, personne âgée a le droit de développer son intelligence et sa personnalité. La priorité donnée par le gouvernement du Vénézuela à l’éducation concerne tous les citoyens, indépendamment de leur âge et de leur origine sociale. L‘avenir des enfants d’aujourd’hui et de demain dépend du changement d’attitude des adultes d’aujourd’hui. Chaque être humain doit pouvoir, en permanence, se développer et devenir en conséquence plus autonome, non dépendant, libre et capable de penser et de créer sans qu’un autre ne se substitue à lui. ~
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La mise en place et l‘évaluation du projet national
La mise en place et l’évaluation du projet sont évidemment les premières questions que l’on se pose et sur lesquelles plusieurs pays, intéressés par le projet, se sont penchés. La révolution sans précédent que le projet a représenté pour le Venezuela a exigé plus de cinquante séminaires dans tout le pays, cinq spots télévisés chaque soir sur les chaînes de la télévision nationale et un cadre de quarante mille volontaires. Les résistances, on peut s’en douter, n’ont pas manqué, même au sein du gouvernement. Le projet fut même qualifié de minable odyssée. Démocratiser l’intelligence ne convient pas à tous ... et, même cela, représente un danger puisqu’il s’agit de partager ce qui, pour l’instant, est le privilège d’une minorité. Les connaissances dont on dispose actuellement, grâce aux progrès scientifiques, doivent être appliquées d’urgence aux méthodologies de l’apprentissage. Le concept d’intelligence, tel qu’il est présenté dans le projet, est élargi considérablement par rapport au cercle étroit des capacités verbales auquel il a été restreint pendant des siècles. I1 s’agit maintenant de ne pas atteler... un moteur à réaction à une charrette à bœuf ... ! Évaluation du projet
Une évaluation objective du projet vénézuélien a pu être faite par l’université d’Harvard et par les missions d’experts envoyés par des pays étrangers (Colombie, Suede, Bulgarie, Corée du Sud, Cuba, Etats-Unis et par l’Unesco). La meilleure évaluation est sans doute celle qu’ont pu faire des membres du gouvernement qui étaient, au départ, peu convaincus. Voulant tester euxmêmes le résultat de trois mois de formation aux techniques de dévelop-
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Apprendre à gérer ses ressources
pement de l’intelligence, ils se sont rendus dans une classe primaire (8-11 ans) et ont posé aux enfants une question difficile : (( Quel serait dans le pays l’impact d’une decision du gouvernement de transférer la capitale Caracas dans un autre lieil ? )) Un enfant de neuf ans répondit : a Excusez-moi, Monsieur, mais votre question est mal posée. Pour que nous vous donnions une réponse intelligente, il faut que vous nous apportiez deux informations supplémentaires : 1. a Pourquoi voulez-vous transférer la capitale ? )) et 2. (( Où voulez-vous la mettre ? )) Un autre enfant, prenant le relais, ajouta : (( Si la raison du transfert est la pollution de C,aracas, il nous faut savoir si vous avez aussi l’intention de transférer les industries. Si c’est le cas, il n’y a pas de raison de changer l’emplacement de Caracas... )) L‘interlocuteur de ces enfants fut immédiatement convaincu de leur capacité à raisonner, mais surtout, il fut impressionné par la confiance qu’ils avaient en leur propre jugement. Ce deuxième point est, également, l’un des objectifs du projet: libérer l’enfant et l’apprenant de la peur inutile de l’uutorité (3).
2. UNE APPROCHE rado, États-Unis)
> C’est-à-dire diagnostiquer et faire prendre conscience à l’apprenant de ses attentes, de son attitude face à son apprentissage, des ressources dont il dispose, de celles qu’il utilise ou qu’il évite, de sa gestion préférentielle, de son profil et de son style d’apprentissage. 3) Déterminer une stratégie pédagogique - Varier et alterner les prises d’information (visuelle, auditive, kinesthésique). - Varier et alterner les activités de traitement de l’information (reproduction, transformation, itinéraires d’une modalité à l’autre, d’un traitement à l’autre). - Repérer le stade du processus d’apprentissage : perception, traitement, production. - Adresser l’information : la relier à des repères temporels et spatiaux. - Individualiser l’information : l’ancrer dans les expériences et connaissances passées., la projeter dans l’avenir de l’apprenant. - Évoquer l’infcrmation en représentations mentales, dans les diverses modalités sensorielles auditive, visuelle, kinesthésique. 4) Interpeller lotalement l’apprenant - S’adresser à ses quatre cerveaux: à son besoin d’automatismes, son besoin d’affectivité, de discrimination, d’organisation. - Faire coopérer ses deux hémisphères: l’holistique et le linéaire, le synthétique et l’analytique, l’analogique et le digital. 5 ) Ménager - Un environnernent multisensoriel et non menaçant. - Les conditions d’hygiène cérébrale.
Nouvelles perspectives pour la formation -
-
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Des pauses structurantes et d’intériorisation. Des réactivations pour une mémorisation à long terme. 6) Poser les termes d’un contrat d apprentissage Le contrat portera sur les points 1, 2 et 3. I1 est à négocier en début de séquence pédagogique et peut prendre plusieurs formes, du simple protocole au véritable contrat engageant les partenaires de la situation d’apprentissage : l’apprenant, l’enseignant et l’institution. Une proposition de contrat est faite dans le dernier chapitre.
TROISIÈME PARTIE
CONSTRUIRE AUJOURD’HUI AVEC HIER ET DEMAIN OUTILS ET TECHNIQUES POUR LE FORMATEUR EN FORMATION DE NEUROPÉDAGOGIE
>
Yi KING, Le livre des Transformations à cet apprenant ? (dater 1’0 bservat ion).
Tableau 17. Observation de la saisie de l’information
Construire aujourd’hui avec hier et demain
218 @
Construire le traitement de l’information
Cette phase est souvent confondue avec celle de la compréhension et réduite à une explicitation verbale (écrite ou orale). Elle est plus rarement non verbale : picturale (images ou schémas) ;auditive (musique ou bruitages). Une combinaison des différents types d’explicitation (multisensorielle, et multi-média) est un moyen plus sûr de s’assurer que l’information sera traitée. L‘explicitation devrait intervenir après une phase d’évocation mentale. En effet si, dans le système éducatif occidental, l’enseignant est souvent maître de la source et de l’activité finale, l’apprenant est le maître (souvent inconscient) de sa gestion: un texte entendu peut déclencher des images visuelles chez l’apprenant A, ou déclencher l’écho d’autres paroles dont se souviendra l’apprenant B, ou encore une sensation ou un sentiment chez l’apprenant C, une pensée abstraite chez l’apprenant D, etc. Pendant la phase de traitement de l’information, il existe différentes possibilités de croisement entre les modalités sensorielles :
externes internes
pri:se d’information visuelle (V“), auditive (Ae) kinesthésique (Ke), images mentales visuelles (Vi), auditives (Ai) kinesthésiques (Ki).
On peut se trouver dans la situation suivante : une information auditive externe (Ae) évoque chez l’apprenant, un souvenir visuel (Vi) ou un souvenir auditif (Ai) ou un sentiment (Ki)... Cette information doit servir à rédiger un texte (Ke Ve). Les cas suivants peuvent se présenter : par exemple, à partir d’une source sonore : Ae Vi Ke i- Ve (une image Visuelle a été évoquée) Ae A i Ke -- Ve (une image Auditive a été évoquée) Ae Ki Ke Ve (un sentiment - Kinesthésique a été déclenché) -
+
-- -- -
+
~
Lequel de ces parcours sera le plus opérationnel ?
Quel apprenant réussira le mieux ? :probablement, celui dont le parcours est resté dans la même modalité sensorielle. L‘apprenant qui se sera servi de l’image auditive interne (Ai) aura prolongé le modèle d’une durée suffisante pour s‘y référer pour accomplir la tâche demandée. Les croisemervltsdes modalités expliquent, en effet, bien des difficultés et blocages, des surdités, des aveuglements, des situations de non-communication: l’inforrnation a été donnée, mais elle a été transformée dans un autre canal. Pour la récupérer en vue d’une activité appartenant à une autre modalité, un entiraînement est nécessaire. Ceux qui réussissent se sont déjà familiarisés avec cet entraînement. Selon la tâche à accomplir, le parcours sera plus ou moins facile. Les
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La spirale de la formation
différents parcours de l’information : voilà la réalité quotidienne, non seulement dans la classe, mais dans la vie courante. I1 est donc essentiel que l’enseignant qui apporte une information en vue de faire accomplir une tâche, soit conscient que chez certains apprenants, l’itinéraire est plus difficile que pour d’autres. Le tableau 18 donne les éléments qui sont à prendre en compte dans l’élaboration d’une séquence d’enseignement, selon que la source est orale ou écrite, verbale ou non verbale, selon que l’activité est une tâche de production ou de reproduction. ’
La source
La tâche à accomplir Reproduire
I. a. verbale
-b
Transformer
2 a) réciter
-+
3 a) raconter
2 b) reproduire
-+
3 b) interpréter
ex : écouter
I. b. non verbale ex : situation bruitée
la situation bruitée
la situation bruitée
püËEËl II. a. verbale
-b
4 a) copier le texte
-...-.+
ex : texte écrit
II. b. non verbale e x : image
5 a) rédiger composer résumer
4 b) reproduire
-b
le dessin
5 b) adapter transformer l’image
Tableau 18. Parcours pluriels
Certains des parcours ci-dessus sont couramment demandés aux apprenants : Ia 2a (on écoute un texte et on le récite) IIa 3a (on lit un texte et on le raconte) Certains ne sont jamais ou rarement pratiqués : IIb 2b : le bruitage d’un tableau ou d’une image. etc. Un travail de recherche en sous-groupe, pendant la formation, consistera à discerner les différents types de parcours possibles pour parvenir plus sûrement a un objectif donné, sans perdre de vue, une fois encore, que tout
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Construire aujourd’hui avec hier et demain
l’intérêt de travailler à partir des gestions mentales est de multiplier les occasions de développer celles qui restent faibles. Aider le formateur à construire la phase de traitement de l’information à partir de la réalité du groupe, c’est l’éclairer sur le moyen d’observer et d’évaluer sa propre démarche. Exemples de questionnaire à construire par le formateur : Auto-questionnatirede l‘enseignant sur sa démarche dans une séquence d’enseignement
A. 1. Quelle source d’information ai-je apportée ? -- Visuelle ? - Auditive ? - Kinesthésique ? 2. A quel moment de la séquence? 3. Avec quel objectif? B. 1. Comment j’aide les élèves à observer ? 2. Comment j’aide les élèves à chercher ce qu’il faut observer ? 3. Comment j’aide les élèves à interpréter ce qu’ils voient, entendent ? Quels indices, quels repères je leur donne. 4. Comment j’aide les élèves à passer du savoir au savoir-faire ? C. Est-ce que j’évalue régulièrement : 1. les capacités d’observation/ d’écoute des élèves pour déterminer ceux qui ont des difficultés ? Comment ? 2. les démarches qu’ils suivent/ évitent ? 3. le résultat en relation avec les deux phases qui précèdent Les auto-réponses à cet auto-questionnaire de l’enseignant ne sont pas, bien évidemment, destinées à une censure quelconque (même une autocensure !). Elles devraient être des repères de ré-orientation ou de confirmation d’une démarche pédagogique. Questionnaire destiné à l’élève sur SA/SES stratégies :avant, pendani ou après un exeficice (à adapter selon l’âge)
Objectif: rendre l’élève conscient de sa démarche préférée et de celle(s) qu’il évite. 1. Comment as-tu fait (fais-tu ? feras-tu ?) pour (résoudre un problème ? faire cet exercice ?)
1.1. Tu crées des images dans ta tête ? 1.2. Tu entends dans ta tête un mot, une phrase ? ta voix ? la tienne ? celle de. ? 1.3. Tu dessines? 1.4. Tu écris ? 1.5. Tu te l’expliques à toi-même ? As-tu utilisé (utilises-tu ; vas-tu utiliser ?) une seule démarche, plusieurs ? Quelle démarche te fait réussir? Quelle démarche te bloque? Que fais-tu quand une démarche n’aboutit pas? ,.
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3. 4.
5.
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5.1. Tu t’arrêtes ? 5.2. Tu recommences ? 5.3. Tu en cherches une autre? 5.4. Tu en cherches plusieurs autres? 6. Quand (ou si) tu évites une démarche, 6.1. Tu penses que tu n’en as pas besoin? 6.2. Tu n’en es pas sûr? 6.3. Tu as d’autres raisons? 7. Qu’est-ce qui te donne confiance? 8. Qu’est-ce que tu réussis? 8.1. Peux-tu dessiner quelque chose qui ressemble à ce que tu fais quand tu réussis? 8.2. Peux-tu l’expliquer avec des mots? 8.3. Peux-tu l’expliquer avec une comparaison (un objet, un événement, une situation, un animal, une plante ... ) ? 9. Qu’est-ce que tu trouves difficile? 9.1. Peux-tu dessiner ce qui ressemble à ce qui te semble difficile ? 9.2. Peux-tu l’expliquer avec des mots ? 9.3. Peux-tu le comparer à un objet, etc. ? IO. Quand tu cherches une solution, comment fais-tu? IO. 1. Un pas, puis un pas,... vers l’avant ? 10.2. Tu devines la solution et tu cherches ensuite? Ce questionnaire destiné à l’élève fait partie intégrante de la démarche pédagogique. I1 sera sans effet s’il ne déclenche pas un dialogue entre l’enseignant et l’élève sur les autres démarches que la sienne. Pour construire les actes de lecture
I1 faut préciser, tout d’abord, que l’interface du cerveau et du code écrit diffère selon la structure de représentation du système d’écriture : idéographique ou syllabique/ alphabétique. L‘écriture n’est pas un support neutre. Elle établit un rapport entre le corps (physique et social) et le langage. Elle a eu - et aura encore - un rôle très important dans la régulation des structures cognitives et sociales. L‘écriture n’est pas un acte naturel : c’est l’acte d’une civilisation. De plus, l’acte de lecture est multiple. I1 doit se mettre au pluriel : l’acte sémantique (accès au sens) est accompagné d’un acte grapho-phonologique (accès au signe écrit et à son corrélat sonore) et d’un acte syntactique (accès à la structure et à la fonction). Les préalables
Faire comprendre le pour quoi du code écrit Ici, plus que jamais, une période de prise de conscience (((T moins 1 ») est nécessaire et doit être vécue avec les candidats à la lecture : surtout avec ceux qui se heurtent à cette invention millénaire des hommes qui les ont précédés. Ceux-là ont besoin qu’on se penche avec eux sur le grand pour -
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quoi de l’écriture : la distance jusqu’à cette abstraction, qui leur semble si éloignée de leur expérience sensorielle, leur paraîtra moins infranchissable et moins redoutable. Avec l’écriture, la communication devient brutalement et exclusivement sous le contrôle dle la vision. Que les formateurs acceptent de comprendre le désarroi de ceux qui possèdent d’autres moyens de communiquer (et dans certaines cultures, depuis des millénaires, la communication a lieu sans l’écriture). Le passage de la communication orale à la communication écrite est une véritable rkvolution : la pensée est prolongée ;les messages deviennent durables, matérialisés, moins individuels ; ils échappent à leur auteur ; ils restent avec l’autre. - Repérer les caractéristiques du système d ëcriture Le système d’kcriture alphabétique des occidentaux est phonétique (1 1). Le signe reprisente une unité abstraite qui ne signifie rien sans ce qui la précède ou ce qui la suit. La structure de représentation est fondée sur la séquence. Dans ce système, les signes doivent être décodés dans l’ordre de leur apparition, sinon ils ne donnent aucune information. Les systèmes phonétiques alphabétiques sont orientés de gauche à droite et se déroulent horizontalement. L’approche est rigoureusement séquentielle et les difficultés commencent pour certains... Parce que la lecture d’une écriture alphabétique dépend de la contiguïté immédiate des syllabes, le processus mental de décodage est analytique, ce qui n’est pas le cas des écritures où l’image prédomine: hiéroglyphes, idéogrammes. Le décodage des signes idéographiques est le résultat d’une saisie optique globale de l’ensemble de l’aire visuo-spatiale. Les recherches portant sur les mécanismes biophysiques sous-jacents au veto-synaptique O , au niveau de la rétine (non-transmission du message), ne permettent pas encore d’émettre l’hypothèse selon laquelle l’orientation de l’écriture de gauche à droite gênerait le décodage chez certains lecteurs. On connaît mairitenant la sensibilité de la rétine à l’orientation et au mouvement mais la course entre signaux stimulateurs et inhibiteurs pour le contrôle de l’information garde encore son secret. La contiguïté provoque des phénomènes defusion. C’est le cas en français du groupe graphique «-tion». A l’oral, la voyelle placée au centre de la syllabe reçoit l’influence de la consonne qui la précède et de celle qui la suit, et, réciproquement ; les consonnes (C) pré- et post vocaliques sont modifiées par la nature de la voyelle (V).
fin
C&C Ceci indique que l’apprentissage de la lecture doit tenir compte de la réalité de la syllabe entière (12). ( I 1) Cf. D. de KERCKHOVE (1984). (12) Cf. TROCMÉH. (1975). On s’aperçoit de l’influence de la voyelle sur la consonne qui la précède en fakant un exercice très simple : on se prépare à dire ma, puis mi... mo ... mu, etc. et on s’aperçoit que les lèvres dessinent la voyelle avant même que la syllabe ne soit émise. La programmation de l’émission de la syllabe semble donc se faire selon un processus de pro-action
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1’acte neurophjisiologigue de lecture La danse des yeux qui lisent a été décrite par de nombreux auteurs et il n’en sera question ici que pour rappeler que ce sont les saccades, les fixations oculaires et la durée de ces fixations qui permettent de capter les signaux. -
Mais - pour quII y ait lecture - il reste encore à transmettre ces signaux, les recevoir et les décoder. La lecture est un acte total, qui fait intervenir bien d’autres mécanismes que la prise d’information visuelle, en particulier la transmission de l’information par le relais limbique (capable de tout bloquer si l’équilibre affectif n’est pas atteint) et le décodage ou accès au sens qui fait intervenir tout le cerveau et l’être lecteur tout entier. L‘acte de lecture commence par une identification des signes graphiques mais il requiert, au préalable, la mise en mémoire de ces signes, et la combinaison de divers types de relations.
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Représentation phonique
$I t-- - - -
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Signe graphique
Le formateur doit être conscient que l’acte de lecture n’est pas un acte mental homogène, et qu Il évolue durant l’apprentissage. - tous les mots du langage n’ont pas le même statut et ne reçoivent pas le même traitement.
Les théories divergent sur la nature exacte du décodage. Dans une langue alphabétique, la lecture des lettres isolées et de certains segments (dépourvus de sens, mais d’usage fréquent et régulier) se ferait par médiation phonétique, par la relation : graphème phonème. La lecture des mots (noms, verbes, adjectifs) se ferait par médiation graphie sens. lexicale, par la relation : Mais les lexèmes syntaxiques (prépositions...) seraient traités par médiation phonétique, par la relation : signe son. La lecture des phrases fait intervenir l’effet du contexte lexical (les mots proches) et syntaxiques (la structure) dans lequel le lecteur puise des repères, des indices, et prend une décision sémantique. Quand les indices sont insuffisants pour que la reconnaissance soit possible, le lecteur devine. Mais il est extrêmement difficile de savoir comment il s’y prend et dans quelle mesure la médiation phonologique et la médiation sémantique l’ont guidé.
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Les relations de l’une et de l’autre, leur inter-dépendance, des phénomènes de rétro-action et de pro-action ont certainement lieu. I1 semble impossible de considérer la lecture comme un acte qui puisse être assuré par une seule médiation pour les raisons suivantes : 1) les mots it ’ont pas de statut unique ; pour le lecteur, leur fréquence d’emploi, leur catégorie grammaticale et leur contenu sémantique ne font qu’un avec leur forme 2) les mécanismes cérébraux sous-jacents à l’acte d’apprentissage de la lecture d’une langue alphabétique (donc phonétique) ne peuvent appartenir à un seul domaine ; dès qu’il y a eu apprentissage du code graphique par médiation phonktique (reliant le signe - lettre ou syllabe - au son), il ne peut y avoir de lecture purement sémantique (reliant le signe au sens). L‘apprentissage de la lecture par les enfants sourds fait intervenir la signe). L‘apprentissage est plus médiation kinest hésique (relation geste lent, plus laborieux, surtout lorsque les mots abstraits sont abordés.
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Le parcours du lecteur
L‘itinéraire diu lecteur se prépare avec lui, surtout s’il redoute l’échec. Quel que soit son âge, enfant ou adulte, un questionnement (un autoquestionnaire pour commencer, si possible) peut ouvrir l’horizon.
Lire.. . quoi ? (faire dresser une liste de ce qu’on peut lire, puis comparer les listes dans le groupe. Les différents domaines : histoire, politique, science-fiction bricolage... ; les différentes sources : livres, affiches, revues,... ; des chiffres, des règles de jeux, des graphiques ... ; des gestes, des visages, des objets... ; des images mentales, des (( souvenirs ))...) -
Lire... pour quoi ? (faire recherclher les buts poursuivis : se former, s’informer, se distraire, se faire plaisir,... communiquer (ou ne pas communiquer), rêver...) -
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Lire... où et quand ? (la figure 16 suggère quelques idées !)
lire... comment ? (à quelle vitesse ... ? à voix haute ...? mentalement ... ? en revenant en arrière quelquefois... ? souvent ? jamais ? toujours ?... en sautant des pages ? lisez-vous la fin du livre avant de commencer? la préface? la table des matières ? les têtes de chapitres ?...) -
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Figure 16. Lire quoi ? Pourquoi ? où et quand ? Comment ? (D. Blondiaux)
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Les facteurs intervenant dans la lecture
1, Au niveau du code linguistique, les variables observables et les facteurs qui semblent jouer un rôlefacilitateur dans l’apprentissage sont, dans l’ordre : - le caractère concret d’un mot (plus facile qu’un mot abstrait) - la catégorie grammaticale: nom > adjectif > verbe > lexème syntaxique (le plus résistant à la saisie) - le potentiel d’imagerie du mot - la fréquence d’occurrence du mot dans le lexique (du lecteur et de la langue) -la régularité de la correspondance signe son - la longueur du mot (et sa structure : préfixe, racine, suffixe) - la valeur communicative... 2. Les perforimances du lecteur semblent dépendre de ses capacités a établir des relations, repérer des séquences, mémoriser du sens et des formes, anticiper. En tenant compte de ces deux types de facteurs et des préalables énumérés auparavant, il est possible de dessiner les lignes de force d’une pédagogie de la lecture compatible avec le fonctionnement cérébral.
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Apprendre à être un lecteur efficace
1) (Faire) comprendre pour quoi on lit (en général et dans le cas particulier du lecteur). 2) (Faire) cornprendre la diversité des supports (livres, affiches, autocollants...) et faire choisir et apporter par l’apprenant des sources et supports aussi variés que possible. Travailler systématiquement la recherche d’information et la sélection d’un, deux ou plusieurs éléments d’information. 3) Alterner les moments de mise en commun et les explorations personnelles (on lit pour ...) 4) Alterner les moments de lecture proprement dite et les prises d’information portant sur les formes, les relations et les dqférents paramètres entrant dans les actes de lectures. 5) Travailler systématiquement la relation objet représentation (représentation sonore ct graphique). - Faire des sessions d’échauffement lexical (désigner nommer). - Repérer toutes sortes de relations: forme dimension position orientation séquence... (et ceci dans les domaines visuel, auditif et kinesthésique). 6) Travailler :systématiquement les rythmes de lecture : lent, rapide, ralentissement, accélération... ; travailler les pauses, les re-démarrages, les suspensions de séance où il-faut-être-attentipour-reprendre au signal, etc. 7) Travailler les différentes façons de lire (comme un tel, comme papa, (( comme le maître ... », (( comme si j’étais en colère D, (( comme si vous étiez sourd ... n, (( comme si vous étiez fatigué, loin, sur le point de partir... D, etc.). 8) Travailler systématiquement l’intériorisation : faire évoquer (les yeux fermés) ce qu’on a lu. Non seulement l’apprenant apprend à accueillir en
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lui ce qu’il a découvert, mais il construit son stock de langage et d’images mentales (visuelles, auditives ou kinesthésiques). Elles contribueront à construire sa mémoire... et son identité. Améliorer, libérer
Ne pas savoir lire, lire mal, lire peu, ne jamais lire un livre ou un journal dans nos sociétés occidentales, c’est asphyxier le cerveau. L’information orale et gestuelle ne peuvent suffire à l’homme occidental pour appartenir à son environnement. D’autre part, un face à face difficile, pénible ou nul avec l’écriture n’est pas une tare: c’est un indice, un message, parfois un cri. L‘erreur que les enseignants et formateurs risquent de commettre est de penser qu’il y a une stratégie valable pour tous les lecteurs. I1 est important que la recherche d’une solution pédagogique aux difficultés de lecture tienne compte de l’interaction des facteurs qui ont été énumérés et en particulier de trois facteurs essentiels : l’interface du système qu’est le lecteur (les interactions au centre desquelles il se trouve) et du système du code écrit : quelle attitude a le lecteur ? - ses stratégies (comment s’y prend-il?) - la nature du matériau de lecture. Alors seulement le formateur pourra proposer une ou des stratégies permettant d’améliorer la lecture. La gamme est extrêmement variée : - évoquer des images à partir du texte - grouper les mots par groupes de sens - intercaler une feuille transparente de couleur verte ou bleue entre les yeux et la page ; -- utiliser la médiation d’une marionnette ; - se servir de l’apport d’un fond musical, etc. - jusqu’a des techniques plus élaborées visant à développer la gestion faible ou manquante : traitement séquentiel, mise en relation, exploration des éléments descriptifs (qui, quoi, quand, où)... des couches plus complexes du langage et de la pensée (pourquoi et pour quoi, comment), - et enfin, poser la question : «et moi, qu’est-ce que je pense ?» L‘approche neurophysiologique de la dyslexie (et des cas d’alexie) apporte aux pédagogues de précieuses informations sur les mécanismes de lecture dans les cas de dysfonctionnement ou de dégradation (13). Elle fait surtout apparaître l’existence de la dyslexie au pluriel: là encore, il nous faut reconnaître et pratiquer le droit à la différence et à l’intelligence, c’està-dire, le droit à développer les ressources de chacun en tenant compte de ce qu’il est. ~
(13) Cf. Deleplanque B. (1986) (( Les Alexies, approche cognitiviste D, Thèse pour le Diplôme de Docteur en Médecine, Université de Bordeaux II, UER Sciences Médicales.
CHAPITRE 10
CONSTRUIRE UN NOUVEAU REGARD
APPRENDRE ? VOUS AVEZ DIT, APPRENDRE ? RECONCEPTUALISER
Ce chapitre est, comme les précédents, à la frontière de la recherche, de la théorie et de la pratique. A l’enseignant en formation (et quel enseignant n’est pas en permanence en formation ?), il est suggéré maintenant de se constituer un cataloguerépertoire d’exploration autour des principaux concepts sous-jacents à l’apprentissage et impliqués dans l’interface enseignant-apprenant-information. Le but de ce répertoire est de permettre au formateur de préciser, pour lui-même et pour ceux auxquels il s’adresse, les notions qui sont à la base de leur inter-relation, quel que soit le cadre dans lequel l’enseignement a lieu. Le répertoire est un moyen puissant de capter l’énergie reçue de lectures, de rencontres, de réflexions, d’expériences, etc. C’est un manuel de ressources pour qui veut creuser et approfondir certains paramètres d’une réalité qui est la sienne. C’est un filet de sécurité pour les a trapézistes )) du monde de l’éducation et de la communication, car les fiches s’ouvrent, se rejoignent, se confirment, s’interrogent et interrogent ... C’est aussi un réseau de connexions et de communication silencieux mais efficace pour se sentir moins seul(e) dans la grande marche. La neuropédagogie s’expérimente et se découvre sur le terrain. Elle naît de la rencontre avec les problèmes réels mais, surtout, d’un regard constamment renouvelé sur l’homme et ses ressources. Elle est à la croisée de nombreux chemins. Aussi, la conception du répertoire est essentiellement flexible. Les suggestions, qui sont faites tant au niveau du choix des concepts que de la trame des fiches, doivent être considérées comme de simples propositions dont le modèle ne saurait être imposé. Les concepts d’une portée générale (((apprentissage », (( éducation n,
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Construire aujourd’hui avec hier et demain
(( enseignement »...) et ceux qui ont été traités de façon spécifique (mémoire, perception ...) ne sont pas insérés dans le répertoire. Chaque fiche aborde un concept important et est classée par ordre alphabétique. Chaque concept sera étudié au point où l’on en est; c’est-à-dire, on prendra un repère (la date par exemple) pour marquer le début de l’exploration, donner sa propre définition du moment, afin d’être en mesure - un jour, plus tard, le moment venu - d’évaluer le chemin parcouru et les étapes franchies. La fiche peui. ensuite recueillir l’exemple d’une expérience vécue, d’une citation, d’une rkférence bibliographique ; elle peut s’enrichir d’autres références, d’autres citations relevées au cours de lectures, conférences, ou contacts divers ; elle peut comporter des suggestions quant à des pratiques, des solutions à apporter, etc. Le répertoire sera très vite opérationnel si chaque indication est datée, les références soigneusement notées et les connexions avec d’autres notions indiquées clairement. Exemple : (( norme )) Ce que je croyais (... date) : notion qui peut être catastrophique, surtout quand elle est utilisée dans le système éducatif. ... (autre date) : notion à déraciner chez l’apprenant, le formateur, l’institution (et les parents !) ... (autre date): concept à aborder dès le premier jour avec un groupe de formateurs ou d’apprenants. Par exemple, à partir d’un exercice de perception auditive ou visuelle ; faire apparaître la diversité des perceptions individuelles, et respecter la différence.
Auteurs : R.C. LE WONT IN,^. ROSE & L.J. KAMIN L.J. : (( les normes sont le produit artificiel des techniques statistiques : elles n’ont pas de réalité biologique ». (Nous ne sommes pas programmés, 1984, Éd. de la découverte, p. 114). JACQUARDA. : Le système éducatif, au lieu d’être le domaine privilégié où chacun prend conscience de ses possibilités (...) est organisé le plus souvent de façon à inciter chacun à couper ses propres ailes. Au lieu de favoriser le développement de personnalités contrastées, on s’efforce de produire en série des individus conformes aux normes D. (Inventer l’Homme, 1984, Éd. Complexe, p. 168).
... Cf:aussi
Différences
Système
Les exemples tie fiches qui sont donnés ci-dessous ne constituent en rien ... une norme ! Leur nombre n’est pas limité aux exemples choisis. Certains concepts seront développés, d’autres simplement mentionnés pour mémoire. Ce répertoire doit être considéré comme une amorce de recherche et de dialogue avec les apprenants et/ ou avec des collègues, sans oublier l’institution dont la réflexion est trop souvent éloignée du terrain et du terreau de l’apprentissage.
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,Une recherche qui ne débouche pas sur un échange est une recherche morte. Aptitude(s)
Ce que je crois = l’aptitude à apprendre est la seule aptitude vraiment innée. Les autres se développent si les conditions optimales sont recherchées. On ne peut pas ne pas apprendre ... Le dés-apprentissage ou le nonapprentissage révèle surtout une inadéquation entre les ressources, les motivations, les contextes et les méthodes.
Auteurs : C.’G. AZÉMAR: Vers une étho-pédagogie, I.N.S.E.P. no4, 1979. J.-P. CHANGEUXet A. DANCHIN:((Les aptitudes à apprendre se transforment dès la naissance... Elles sont liées aux périodes critiques... et aux stimulations de l’environnement ». (Apprendre par stabilisation sélective de synapses en cours de développement in L‘Unité de l’Homme, Paris, Seuil, 1974). ’ C A. JACQUARD : Inventer l’Homme, Éd. Complexe, 1984. Paul KLEE: ((the sense of form and tone are man’s primordial heritage )) (((le sens de la forme et de la tonalité sont l’héritage le plus important que l’homme ait reçu)) (Pedagogical Sketchbook, intr. et trad. by S. MOHOLY-NAGY, FABER& FABER,1977. - Édition française: Paul KLEE: Théorie de l’Art Moderne, trad. P.-H. GONTHIER,Éditions Denoël Gonthier, 1977). ’ C aussi intelligence Assimilation Cf: >
Ce que je crois = état de vigilance, processus de focalisation. Persévérance dans la perception, dans le traitement, dans la production (plusieurs types). Auteurs : CJ J. BEATTY: Activation and Attention in the human Brain in WITTROCK M.C., ed. ï h e Human Brain, Prentice Hall, 1977. Cf:M. FLAKet de COULON: Des enfants qui réussissent, Epi, 1985. CJ S.A. HILLYARD : Electrophysiology of human selective attention TINS, sept. 1985. ’ C H. LABORIT : Inhibition de l’Action, Masson, 1981, p. 21 et suiv. Cf: P. ROLAND:Cortical regulation of selective attention in man, J. of Neurophysiology, vol. 48, no 5, 1982. CJ K. PRIBRAM : Languages of the brain, Brandon House, N.Y., 1977. WILLIAMSL.V. : Deux cerveaux pour apprendre, Les Éditions d’Organisation, 1986.
...
Cf:aussi
Mémoire
Motivation
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Attitude(s)
Ce que je crois = l’importance de l’attitude dans l’acquisition des connaissances esi: fondamentale. Les échecs sont dus à une attitude négative plus qu’à une incapacité intellectuelle, - Cf. les outils et techniques de l’analyse transactionnelle, de la programmation neurolinguistique, de la sémantique générale, du Yoga Nidra, utiles pour désamorcer les pensées négatives, recadrer, réamorcer l’énergie... Autonomie
Ce que je crois = autonomie ne veut pas dire indépendance totale, mais non-dépendance - de très nombreuses expériences pédagogiques ont lieu pour développer l’autonomie de l’apprenant (cf. Colloque A.D.M.E.S., Grenoble, mai 1986, sur (( Apprentissage autonome et apprentissage de l’autonomie dans l’enseignement supérieur O).
Auteurs : E. GUILLÉ: (( autonome ne veut pas dire sans relation ... )) (L’alchimie de la Vie, 1983, Éd. du Rocher, p. 142). CJ E. de BONO: Réfléchir mieux, Éd. d’organisation, 1985. CJ A. KOESTLER : Janus, Calmann-Lévy, 1979, et la théorie de l’holisme. C. SINGER: (( l’enfance est le temps de l’adhérence au monde... Si ce solide soubassement vient à manquer, c’est le drame de la dépendance, l’adhésion fatale aux systèmes préfabriqués )) (Les âges de la Vie, A. MICHEL,1983, p. 81). CJ E VARELA: Autonomie et Connaissance, Essai sur le vivant »,Seuil, 1989. Cf:aussi Système a x
Changement
Ce que je crois = accepter et vivre le changement comme une (re)source, de vie, d’équilibre.
Auteurs : Cf: A. de PERETTI: Du Changement Ù l’Inertie, Dunod, 1981. A. KORZYBSKI:«nous n’avons pas besoin de nous aveugler avec le vieux dogme qui veut que la nature humaine ne peut être changée, car nous découvrons qu’elle peut être changée (si nous savons commmt). Nous devons commencer à réaliser nos potentialités en tant qu’être humains, et alors nous aborderons le futur avec quelque espoir D (Ce que j e crois, Institute of G.enera1 Semantics, Lakeville, 1979, trad. S. SCHAEFFER et J.-C. DENIS). Cf:WATZLAWICI; P. : un changement de comportement mène à un chan-
Construire un nouveau regard
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gement de perception, et un changement de regard (Changements, WATZLAWICK, WEAKLAND & FISCH,Seuil, Points, 1979). YI KING,Le Livre des transformations : l’incessante transformation de toute chose, de toute situation (Librairie de Medicis, 1973).
...
cf: aussi
Évolution
Communication
Ce que je crois = la communication est beaucoup plus que le simple transfert d’information. Elle donne du sens à l’information. Elle implique l’autre personne. Elle est échange. Elle tient compte du retour de l’information et de la projection de ce qui est dit. Elle se construit à deux, à plusieurs.
Auteurs : Cf:R.L. BIRDWHISTELL et E. HALL: il n’y a pas d’opposition entre le corps et le langage. Le courant communicationnel est un processus pluriel permanent, un système dans lequel les interlocuteurs s’engagent.