Louis BAZIN
INTRODUCTION A L'ÉTUDE PRATIQUE DE LA LANGUE TURQUE TROISIÈME ÉDITION REVUE ET CORRIGÉE
LIBRAIRIE D'AMÉRIQ...
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Louis BAZIN
INTRODUCTION A L'ÉTUDE PRATIQUE DE LA LANGUE TURQUE TROISIÈME ÉDITION REVUE ET CORRIGÉE
LIBRAIRIE D'AMÉRIQUE ET D'ORIENT ADRIEN MAISONNEUVE J. MAISONNEUVE, suce.
11, rue Saint Sulpice, Paris 6 e
INTRODUCTION A L'ÉTUDE PRATIQUE DE LA LANGUE TURQUE
Louis BAZIN
INTRODUCTION A L'ÉTUDE PRATIQUE DE LA LANGUE TURQUE TROISIÈME ÉDITION REVUE ET CORRIGÉE
LIBRAIRIE D'AMÉRIQUE ET D'ORIENT ADRIEN MAISONNEUVE J. MAISONNEUVE, suce.
11, rue Saint Sulpice, Paris 6e 1994
ISBN 2-7200-1050-2 © Librairie d'Amérique et d'Orient, Paris 1987 Adrien Maisonneuve, 11, rue Saint-Sulpice (75006 Paris) «La Loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Article 41, d'une part, que les 'copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective' et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, 'toute représentation ou ayants-droit ou ayants-cause, est illicite' (alinéa 1er de l'Article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 525 et suivants du Code Pénal ».
AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR Le présent ouvrage n'a d'autre prétention que de donner au public de langue française un accès aussi direct que possible à la connaissance pratique du turc d'aujourd'hui, tel qu'on l'écrit et le parle en Turquie. S'agissant d'une langue dont la structure est très différente de celle du français, une vulgarisation efficace et correcte exige l'introduction d'un minimum de notions nouvelles. Il est, en effet, spécieux de décrire le turc en se servant des termes traditionnels de la grammaire française, ce qui aboutit le plus souvent à réunir sous un même vocable des catégories de faits radicalement différentes. Afin d'éviter de telles confusions, qui n'ont pas seulement des inconvénients intellectuels, mais aussi de fâcheuses conséquences pratiques, nous devrons employer des termes grammaticaux en partie originaux pour caractériser les faits turcs. Mais ces termes seront toujours expliqués avec la plus grande simplicité possible, en langage courant, le lecteur n'étant pas supposé connaître nécessairement le vocabulaire technique de la linguistique moderne. Nous nous efforcerons de les illustrer à l'aide d'exemples concrets, faciles à interpréter. L'effort, nullement surhumain, qui sera demandé pour assimiler des notions grammaticales nouvelles (mais au fond simples) sera vite récompensé par une acquisition plus aisée des mécanismes mentaux qui conditionnent à la fois l'expression en langue turque d'une pensée et la compréhension d'une phrase turque. Orienté délibérément vers la pratique et vers l'actualité, notre exposé laissera de côté la pure théorie et l'histoire de la langue (sujets cependant fort dignes d'intérêt), se contentant d'y jeter de brefs regards toutes les fois qu'elles aideront à comprendre ou à retenir les faits. De même, il négligera volontairement nombre de détails accessoires, afin de concentrer sur l'essentiel l'attention des commençants, à qui il s'adresse avant tout. — 7 —
I. L'ALPHABET ET LES SONS Pendant toute la durée de l'Empire Ottoman, le turc, sous l'influence de la culture islamique, était écrit en caractères arabes. Ceux-ci restent utilisés, dans l'usage manuscrit et privé, par beaucoup de personnes nées avant 1920, Depuis 1928, la République de Turquie a adopté un alphabet latin, proche de celui du français (il comprend : en moins, les caractères Q, W, X, remplacés respectivement par K, V, KS ; en plus, les caractères Ç, G, I sans point, Ö, Ş, Ü) : AtB,&, Ç, D, E, F, G, G, H} I, ï, Jt K, L, M, N, O, Ö, P, R, S, Ş, 7\ U, Ü, V, Y, Z. L'écriture est phonétique, et la prononciation découle automatiquement de l'écriture : les difficultés orthographiques sont presque réduites à néant ; toute lettre est toujours prononcée, A, a : se prononce comme a français dans « Paris ». B, b : comme b français. C, c : comme dj français dans « adjectif », avec cette différence qu'il s'agit, en turc, d'une consonne unique. Ç, ç : comme tch français dans « afcAoum » ; ici encore, il s'agit, en turc, d'une consonne unique. D, d : comme d français. E, e : n'a jamais la valeur de « e muet » français, mais toujours celle de « e ouvert », comme dans « père » ; éviter soigneusement la pro nonciation « é fermé » : le turc dede « grand-père » se pronon cera (c dèàai n, et non « dédé ». F, { : comme / français. G, g : comme g dur français dans « gare », ou comme gu français dans « guerre » ; n'a jamais la valeur « j » : le turc git « va-t-en » se prononcera « guitte ». Voir Remarque 2. — 9 —
Ğ, ğ : n'existe pas à l'initiale d'un mot ; sa prononciation est réalisée de deux façons bien différentes, selon la nature de la voyelle qui le précède dans le mot : après e, i, ö, ü, il est prononcé comme y consonne dans « Cajyenne » et se confond dans la pro nonciation avec y turc (voir cette lettre) ; après a, ı sans point, o, u, il est à peine prononcé, et remplacé par une brève sus pension de la voix (légère contraction du larynx), comme entre les deux a du français « ahaner » ; si, après at ı sans point, o, u, il est situé en fin de mot ou de syllabe, ou s'il suit ces voyelles dans la première syllabe du mot, il provoque l'allongement de la voyelle qui le précède : turc dağ « montagne » sera prononcé « dâ » ; turc ağa « agha » sera prononcé « â'a ». H, h : toujours prononcé, avec une nette expiration d'air ; ce son, qui a disparu de la prononciation courante du français, tend fâ cheusement à être omis par les gens de langue française par lant le turc ; il faut faire effort pour le prononcer « aspiré » (ou plus exactement expiré : souffle perceptible), afin d'éviter de ridicules confusions : havuç « carotte » ne doit pas être prononcé comme avuç « paume de la main ». /, i : comme i français ; noter le point sur la majuscule ; I majuscule sans point est prononcé tout autrement : voir la lettre sui vante. I,i : « / sans point » (pas de point sur la minuscule !) est une voyelle sans équivalent français ; c'est une erreur grave que de la pro noncer comme « i », ou comme « e muet », ou encore comme « eu » dans le français « beurre » (qui correspond au turc ô\ voyelle en tout différente) ; en réalité, il s'agit d'une voyelle prononcée à peu près dans les mêmes conditions que « i », mais avec l'extrémité de la langue ramenée franchement en arrière (vers le milieu du palais) ; on pourra s'exercer à la produire en prononçant d'abord le turc yıldırım « foudre » comme « yildirim », puis en continuant à prononcer ce mot avec la pointe de la langue ramenée en arrière. J, j : comme j français. Kt k : comme k français. Voir toutefois Remarque 2. L, l : comme l français. Voir toutefois Remarque 3. — 10 —
M, m : comme m français ; mais ne se combine jamais avec la voyelle précédente pour former une voyelle nasalisée comme dans le français « ambre », « ombre », « timbre » : il est toujours pro noncé isolément, comme dans le français « dawe » ; ainsi, turc ambar « grenier, entrepôt » est prononcé « amebar ». N, n : comme n français ; mais, pas plus que m, il ne se combine avec la voyelle précédente : on « dix » est prononcé « onne ». O, o : comme o français dans « or ». ö, ö : comme eu français dans « beurre » ; « petit-beurre » se dit en turc : pötibör. P, p : comme p français. R, r : se réalise d'une toute autre façon que le « r » grasseyé du français courant ; il faut à tout le moins le prononcer comme « r roulé » de certains parlers provinciaux ; il est, en réalité, produit par vibration de la pointe de la langue contre les alvéoles des inci sives supérieures. S, s : comme s français, mais n'est jamais prononcé « z » ; ainsi, kesik « coupé, rogné » est prononcé « kessik ». Ş, s : « S cédille » ; se prononce comme ch français dans « cAeval ». T, t : comme t français. U, u : comme « ou » français dans « toujours » ; voir le suivant : U, ü : comme « u » français dans « \u ». V, v : comme v français. Y, y : comme y consonne en français dans « Cayenne » ; n'est jamais pro noncé comme une voyelle « i » ; ne forme pas de combinaisons du genre diphtongue avec la voyelle précédente : ay « lune, mois » est prononcé comme le français « ail ». Z, z : comme z français. REMARQUES :
i. L'accent circonflexe est utilisé dans les mots d'origine arabe ou persane sur les voyelles a, i, u pour indiquer Y allongement de ces voyelles ; mais il note, en plus, la mouillure de g ou k précédant la voyelle longue (voir Remarque 2), ou, également, la prononciation «plate » de / devant cette voyelle (voir Remarque 3), longue ou brève. —
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2. Mouillure de g et de k : devant e, i, ö, il, ainsi que devant les voyelles longues (d'origine arabe ou persane) a, î, iî, les consonnes g et k sont prononcées « mouillées », c'est-à-dire qu'on entend, entre elles et la voyelle, comme un y consonne furtif : gel « viens l », prononcé « guiel » ; gör «.vois ! », prononcé « guieur » ; kedi « chat », prononcé kièdi » ; köşk « kiosque », prononcé « kieuchk» ; kâtip « secrétaire », prononcé « kiâtip » ; mahkûm « condamné », prononcé « mahkioûm» ; gâvur « mécréant », prononcé « guiavour » ; gûyâ « comme si », pro noncé « guioûyâ ». 3. Variantes de l : devant ou après ef i, ö, ü et les longues a, î, u, ainsi qu'en début de mot et dans presque tous les mots empruntés par le turc à des langues étrangères (arabe, persan, français, etc.), / est prononcé comme / français, c'est-à-dire comme un « / plat », avec la langue relativement plate ; au contraire, dans les mots d'origine turque, devant ou après a, t sans point, ot u, la langue se creuse « en gouttière » pour la prononciation de /, qui est alors dit « / creux ». 4. L'apostrophe servait au début à noter un bref arrêt de la voix dans des mots d'origine arabe : te*sir « impression », sa'at « heure » ; cet usage tend à disparaître ; en revanche, l'apostrophe est normale ment employée pour signaler (sans aucune valeur pour la pronon ciation) la fin du radical d'un nom propre, avant les suffixes qui lui sont ajoutés : ainsi, alors qu'avec le suffixe -da on aura : avda « à la chasse », on écrira : Ankara'da « à Ankara ». 5. U accent tonique n'est pas marqué par l'écriture. Il porte le plus sou vent, comme en français, sur la dernière syllabe du mot, auquel cas nous ne ferons, dans notre exposé, aucun commentaire à son sujet. Toutefois, il y a en turc des suffixes et des particules non accentués [enclitiques) qui, faisant corps, dans la prononciation, avec le mot précédent, développent sur la syllabe qui les précède immédiatement un accent tonique fort. Ils seront signalés comme tels au cours des chapitres qui suivront. EXEMPLES :
Nous nous bornons, afin de familiariser le lecteur avec le maniement de l'alphabet turc, à citer ici des mots déjà bien connus (d'origine fran çaise, notamment ) : — 12 —
abajur « abat-jour » abone « abonné » abonman « abonnement » acyo « agio » (« adjio ») adrenalin « adrénaline » adres « adresse » ağa « agha » (« â'a ») a&för « acteur » aliimin « alumine » awtew « antenne » arşidük « archiduc » asansör « ascenseur » burjuva « bourgeois » /£ « buffet » aw « djinn » et « gin » Cakarta « Djakarta » Çek « Tchèque » dekolte « décolleté « tfàsfra « extra » elektrik « électric(ité) » elektroliz « électrolyse » /as*s/ « fasciste » fayans « faillance » filozof « philosophe » gara; « garage » gerilla « guérilla » g^ott « guidon » hol « hall » Istanbul « Istanboul » i>a& « Irak » (7rak »)
jelatin « gélatine » ywn" « jury » kupon « coupon » lisans « licence » w#f « match » noter « notaire » otobüs « autobus » ojen « Eugène » />#£# « pacha » paviyon « pavillon » rrtd^yo « radio » randevu « rendez-vous » sinema « cinéma » $aA « chah » stk « chic » (« chic ») şömine « cheminée » tirbuşon « tire-bouchon » tfwmtf « touriste » Vrai « Oural » üniversite « université » «r£ « urée » vagow « wagon » ztefctôV « vecteur » ws& « whisky » vofto; « voltage » yatağan « yatagan » (« yata'anne » y^ms^y « Ienisseï » yoğurt « yoghourt » (« yô'ourte » Yugoslav « Yougoslave » zodyak « zodiaque ».
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II. RÈGLES PHONÉTIQUES GÉNÉRALES A) VOYELLES i) Le turc n'a que des voyelles simples, et pas de diphtongues ; dans les mots étrangers empruntés, les diphtongues sont éliminées par divers procédés, comportant notamment l'insertion des consonnes v ou y : bur juva « bourgeois », fayton « phaéton », ekvator « équateur ». 2} De même, dans un mot proprement turc, deux voyelles ne peuvent se suivre immédiatement ; les mots où existe un « hiatus » sont toujours d'origine étrangère : arkeoloji « archéologie » (du français), saat «heure, montre, horloge » (de l'arabe). 3) Sauf dans un nombre restreint de cas exceptionnels, les mots pro prement turcs (c'est-à-dire ceux qui ne proviennent pas d'un emprunt étranger plus ou moins récent) sont soumis à des lois d'harmonie vocalique qui règlent de la façon suivante la succession des voyelles, d'une syllabe à la suivante, dans un même mot : — — — —
après après après après
«ouï, e ou i, 0 ou u, ö ou ü,
on a on a on a on a
: a ou 1 ; : e ou i ; : a ou u ; : e ou ü.
Exception principale : après les consonnes labiales P, B, M, V, on a souvent u là où, d'après la règle, on attendrait 1 ; exemples : tapu « ca dastre », kambur « bossu », yağmur « pluie », tavuk « poule ». Une conséquence de la loi précédente est que les voyelles 0 et ö ne se rencontrent, en principe, qu'en première syllabe d'un mot proprement turc (Exception : l'ancien verbe autonome -yor, devenu suffixe : geli-yor « il vient »). — 14 —
EXEMPLES DE L'HARMONIE VOCALIQUE :
babasına « à son père » ; yıldırım « foudre » ; yapmamıştı « il n'avait pas fait » ; kışta « en hiver » ; bebeğine « à son bébé » ; bitişik « contigu » ; gel memişti « il n'était pas venu » ; gitti « il est parti » ; oturmadi « il ne s'est pas assis » ; orda « là-bas » ; toplulukta « dans la société » ; buyurunuz ! « à vos ordres ! » ; kulağınız « votre oreille » ; öldürmeyin ! « ne tuez pas ! » ; gtf/rfé « dans le lac » ; köylülükte « dans la paysannerie » ; gülünüz ! «riez! » ; üşümedik « nous n'avons pas eu froid ».
B) CONSONNES i) En début de mot comme en début de syllabe, le turc ne tolère norma lement qu'une seule consonne ; dans ces positions, les accumulations de consonnes des mots étrangers empruntés sont en général dissociées par l'insertion d'une voyelle (ı, i ; ut Ü) ; exemples : tiren « train » ; sipor « sport » ; buluz « blouse » ; sütürüktür « structure ». 2) En fin de mot comme en fin de syllabe, le turc ne tolère qu'un nombre limité de groupes de consonnes (jamais plus de deux à la fois), tels que : l ou r suivis de p, t, k ou ç ; rs ; n suivi de t, k, ou ç ; mp ; s suivi de p, t ou k ; şt, şk ] ft ; ht ; yk\ dans ces positions, les autres groupes de con sonnes des mots étrangers empruntés sont dissociés comme précé demment (ci-dessus, i) ; exemples : fikir « pensée » = arabe fikr ; zebir « zèbre », du français ; katil « meurtre » = arabe qatl. Mais la voyelle ainsi insérée est instable, et elle disparaît si le mot reçoit un suffixe com mençant par une voyelle ; ainsi, l'accusatif en -i des mots précités sera : fikri, zebri, katli. 3) En fin de mot comme en fin de syllabe, les consonnes B, D, G et C s'assourdissent : B est prononcé P ; D est prononcé T ; G est prononcé K ; C est prononcé Ç : cet assourdissement est souvent noté dans l'écriture : mikrop « microbe », metot « méthode », buldok « bulldog », Hallâç « Hallâdj », nom d'homme (arabe). 4) Les consonnes B, D, G et C s'assourdissent de la même façon à l'intérieur du mot quand elles suivent immédiatement l'une des consonnes sourdes, qui sont au nombre de 8 : P, T, K, Ç, F, S, H, Ş ; cet — 15 —
assourdissement peut se combiner avec celui signalé au paragraphe pré cédent : ainsi, le mot (persan) abdest « ablution rituelle », est prononcé (et souvent écrit) aptest. 5) Les consonnes assourdies comme il a été dit au paragraphe 3 rede viennent sonores (et reprennent donc leur forme d'origine) quand le mot terminé par elles reçoit un suffixe commençant par une voyelle ; si G se trouve alors entre deux voyelles, il devient G ; ainsi, l'accusatif en -i (avec harmonie vocalique) des mots cités plus haut sera : mikrobu, metodu, bul doğu, Hallacı.
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III. PHONÉTIQUE DES SUFFIXES Toutes les formes d'un mot turc (nom ou verbe) ainsi que ses différents dérivés entrant dans le vocabulaire, s'obtiennent par un procédé unique : l'addition d'un ou de plusieurs suffixes à un radical (nominal ou verbal) qui reste pratiquement invariable, réserve faite des légers changements phonétiques automatiques signalés au chapitre II, B 2 à 5. Par exemple, sur le radical nominal Türk « Turc », on formera : Türk ler-e « aux Turcs », Türk-lük « le turquisme », et même, à la limite, des mots aussi complexes que le suivant, qui constitue à lui seul une phrase : Türk-le-ş-tir-e-me-dik-ler-im-iz-den-mi-sin-iz ? « êtes-vous de ceux que nous n'avons pu turquifier ? ». Ou encore, sur le radical verbal gör- « voir », on formera : gör-üş « vue, façon de voir », gör-dü « il a vu », gör-ül-meyecek-ti-k « nous n'aurions pas été vus ». Savoir manier la langue turque, c'est donc, en premier lieu, connaître le rôle de signification des suffixes (qui sont en nombre assez limité, mais dont les combinaisons multiples permettent d'exprimer des notions très variées), et savoir quelle forme phonétique leur donner en fonction du radi cal auquel ils s'ajoutent. Or, sur ce dernier point, qui va nous occuper maintenant, il suffit d'appliquer les règles phonétiques générales étudiées au chapitre II : A) VOYELLES Les suffixes turcs n'ont que 2 voyelles-types : une voyelle ouverte, sym bolisée par E, et une voyelle fermée, symbolisée par / . 1) La voyelle ouverte E prend la forme e quand la syllabe précédente du mot a pour voyelle e, i, ö, ou ü ; elle prend la forme a quand la syllabe précédente du mot a pour voyelle a, 1, 0, ou u ; ainsi dans le suffixe du — 17 —
pluriel -1er : ev-ler « les maisons », Eti-ler « les Hittites », aktör-ler « les ac teurs », Turk-ler « les Turcs » ; baba-lar « les pères », Franstz-lar « les Fran çais », kol-lar « les bras », kutu-lar « les boîtes ». 2) La voyelle fermée ï prend la forme i quand la syllabe précédente du mot a pour voyelle e ou i ; elle prend la forme t quand la syllabe pré cédente du mot a pour voyelle a ou ı ; elle prend la. forme ü quand la syllabe précédente du mot a pour voyelle ö ou il ; enfin, elle prend la forme u quand la syllabe précédente du mot a pour voyelle o ou u ; air^si dans le suffixe siz « sans... » : ev-siz « sans maison », dişsiz » « sans dents », kapaksız « sans-couvercle », kışsız « sans hiver », banliyösüz « sans ban lieue », sütsüz « sans lait », radyosuz « sans radio », tuzsuz « sans sel ». 3) Quand des suffixes complexes, de plusieurs syllabes, s'ajoutent à un radical nominal ou verbal, le timbre de chaque voyelle suffixale est donc conditionné, de proche en proche, à partir de la dernière voyelle du radi cal suffixe, et cela de façon automatique ; on s'habitue très vite, dans la pratique, à ce conditionnement, qui peut paraître déroutant au premier abord, mais dont la parfaite régularité permet aisément la fixation. On peut résumer comme suit la phonétique des voyelles suffixales : VOYELLE-TYPE
E : E après E, I, Ö, Ü. A après A, I, O, U.
VOYELLE-TYPE
ï :I I Ü U
après après après après
E, A, Ö, O,
I. I. U. U.
EXCEPTIONS :
i° Après -/ final de mots d'emprunt (arabes, persans, français, etc.) on a respectivement e, i, ü au lieu de a, t, u attendus (ceci afin d'éviter la prononciation « creuse » de /, cf. chapitre I, remarque 3) : istiklâl-e « à l'indépendance », misâl-in « ton exemple », rol-ü « son rôle » ; on a de même e, i, ü au lieu de a, t, u après -t, -k, -rb, -rf de mots arabes : saat-ler « les heures », emlâk-i « ses propriétés », harb-e « à la guerre » (ce sont là des survivances d'un usage scolaire, qui tendent à s'effacer). 2° Un certain nombre à!anciens mots autonomes devenus récemment des — 18 —
suffixes gardent une voyelle de timbre fixe, non soumise à l'harmonie vocalique avec la dernière voyelle du mot suffixe : -yor (verbe progressif), -ken («étant... »), -ki (relatif), -daş (« compagnon »). B) CONSONNES On observera, dans la pratique, les deux règles suivantes : i) Quand un suffixe commençant par D, G, ou C s'ajoute à un mot terminé par l'une des 8 consonnes sourdes du turc (P, T, K, Ç, F, S, H, S), la consonne initiale du suffixe s'assourdit : D devient T, G devient K, C devient Ç. Exemples : avec le suffixe locatif -de « dans... », on a : ev-de « dans la maison », çicek-te « dans la fleur », kar-da « dans la neige », kış-ta « en hiver » ; avec le suffixe -gin qui, à partir d'un radical de verbe, forme un nom (souvent adjectif) exprimant un état, on a : bit-gin « savant », kes-kin « coupant », dal-gm « distrait », çap-km « paillard », üz-gün « vexé », küs-kün « fâché », dur-gun « stagnant », tut-kun « épris » ; avec le suffixe -cik de diminutif, on a : tepe-cik « petite colline », Mehmet-çik « PetitMehmet » (pour désigner le soldat turc), arpa-ctk «orgelet», kanat-çik « ailette », göl-cük « petit lac », kök-çük « petite racine », kuzu-cuk « petit agneau », tavuk-çuk « poulette ». 2) Quand un suffixe terminé par K est suivi d'un suffixe commençant par une voyelle et que K se trouve, de la sorte, placé entre deux voyelles, K devient G ; ainsi, les mots iyi-lik « bonté », kit-lxk « pénurie », kötü-lük « méchanceté », bol-luk « abondance », formés avec le suffixe de générali sation -lik, s'ils reçoivent le suffixe -i d'accusatif, deviennent respective ment : iyi-lig-i, kxt-lxg-i, kötü-lüğ-ü, bol-luğ-u. Exception : -k final d'un suffixe reste inchangé, même entre deux voyelles, s'il constitue la fin du radical d'un verbe ; ainsi, le verbe bir-ik« se réunir, se rassembler », formé sur bir « un », gardera son radical sans aucun changement : birik-ir « il se réunit ». EXEMPLES RÉCAPITULATIFS :
Avec le suffixe -dik de nom verbal, suivi du suffixe complexe -ler-i de 3 e personne du pluriel, on a : bil-dik-leri « ce qu'ils savent », kes-tik-leri — 19 —
« ce qu'ils coupent », al-dik-lan « ce qu'ils prennent », at-hk-lari « ce qu'ils jettent », gör-dük-leri « ce qu'ils voient », dök-tük-leri « ce qu'ils versent », bul-duk-lari « ce qu'ils trouvent », tut-tuk-lari « ce qu'ils tiennent ». Avec le même suffixe -dik, joint aux mêmes radicaux verbaux, mais suivi, cette fois, du suffixe complexe -im-iz de i r e personne du pluriel, on a : bil-dig-imiz « ce que nous savons », kes-tig-imiz « ce que nous cou pons », al-dxg-imiz « ce que nous prenons », at-tığ-ımız « ce que nous je tons », gör-düğ-ümüz « ce que nous voyons », dök-tüğ-ümüz « ce que nous versons », bul-dug-umuz « ce que nous trouvons », tut-tuğ-umuz « ce que nous tenons ». On voit que ce suffixe -dik prend 16 formes différentes, mais ces trans formations complexes sont le résultat de la combinaison automatique de 3 transformations plus simples : D/T ; 1/I/Ü/U ; K/G, commandées par la structure phonétique générale de la langue. Avec le suffixe -ci, qui forme des noms de métiers à partir d'un radical de nom, suivi du suffixe -1er de pluriel, suivi lui-même du suffixe -in du complément de nom (génitif), on a : kahve-ci-ler-in « des cafetiers », çiçek-çi-ler-in « des fleuristes », pasta-cxlar-m « des pâtissiers », bahk-çi-lar-m « des poissonniers », büyü-cü-ler-in « des sorciers », kürk-çü-ler-in « des fourreurs », odun-cu-lar-tn « des bû cherons », top-çu-lar-m « des artilleurs ». On observe ici que le suffixe -ci prend 8 formes différentes, par combinaison de 2 transformations : C/Ç et Î/I/Ü/U. Mais l'ensemble de suffixes -ler-in qui le suit ne peut prendre que 2 formes : -ler-in et -lar-tn. Le débutant ne doit pas se laisser impressionner par ces transforma tions phonétiques automatiques : il doit en assimiler le mécanisme, dont la plupart des éléments sont très simples (D/T ; C/Ç ; K/G ; E /A), et dont le seul élément un peu plus complexe est la quadruple variation l/1/ü/U. Nous ne répéterons pas, dans les chapitres qui suivront, la description des transformations automatiques des suffixes dont il sera question : cette répétition encombrerait l'exposé, sans rien apporter de nouveau ; le premier effort (indispensable) demandé pour l'apprentissage correct du turc est d'assimiler intégralement le contenu du présent chapitre, qui commande toute la morphologie. C'est plus un effort de logique qu'un effort de mémoire.
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C) VOYELLES ET CONSONNES DE LIAISON i) Quand un suffixe dont l'élément constitutif initial est une voyelle s'ajoute à un mot terminé par une voyelle, il apparaît entre ces deux voyelles une consonne de liaison, qui évite l'hiatus (auquel le turc répugne, cf.chapitre II, A, 2). Cette consonne de liaison est presque toujours Y ; elle est parfois N ; dans deux cas isolés, elle est S ou S. Voir exemples plus bas. 2) Quand un suffixe dont l'élément constitutif est une consonne unique s'ajoute à un mot terminé par une consonne, il apparaît entre ces deux consonnes une voyelle de liaison, qui évite l'accumulation de consonnes (à laquelle le turc répugne, cf. chapitre II, B). Cette voyelle de liaison est toujours ï (soumis à Y harmonie vocalique, donc : I/I/O/U, comme pour les voyelles suffixales proprement dites, cf. chapitre III, A, 2). Voir exemples ci-dessous. Par convention, nous indiquerons toujours, dans les chapitres suivants, les voyelles et consonnes de liaison entre parenthèses au début des suffixes. EXEMPLES :
i° Suffixe du complément d'objet (accusatif) -(y)i : ev-i « la maison », dede-yi « le grand-père », av-i « le gibier », baba-yi « le père », göz-ü « l'œil », ütü-yü « le fer à repasser », kol-u « le bras », kutu-yu « la boîte ». Suffixe du complément du nom (génitif) -(n)in : ev-in « de la maison », dede-nin, av-ın, baba-ntn, göz-ün, ütü-nün, kol-un, kutu-nun. Suffixe de 3 e personne (possessif) -(s)i : ev-i « sa maison », dede-si « son grand-père », av-t « son gibier », baba-si « son père », göz-ü « son œil », ütü-sü « son fer à repasser », kol-u « son bras », kutu-su « sa boîte ». (La comparaison avec les exemples précédents montre qu'aux formes sans consonne de liaison il y a confu sion avec le suffixe de l'accusatif, ce qui est une des difficultés de la langue). Suffixe distributif -(s)er : bir-er « chacun un », iki-şer « chacun deux », on-ar « chacun dix », altı-şar « chacun six ». 2 0 Suffixe possessif -(i)m de i r e personne du singulier : ev-im «ma maison », deie-m « mon grand-père », av-tm « mon gibier », baba-m « mon père », göz-üm « mon œil », ütü-m « mon fer à repasser », kol-um « mon bras », kutu-m « ma boîte ». — 21 —
IV. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA MORPHOLOGIE Rappelons d'abord (cf. début du chapitre III) que la morphologie turque a pour procédé unique la suffixation, (Des préfixes n'apparaissent que dans les mots étrangers empruntés). La morphologie turque ignore l'opposition des genres (il n'y a ni mas culin, ni féminin, ni neutre) et celle des nombres (singulier/pluriel) n'y joue, comme on verra, qu'un rôle restreint. De même, Y accord morphologique des mots entre eux (en genre, nombre et cas) n'existe pas en turc : ainsi, le nom employé comme adjectif épithète ou attribut sera toujours invariable. 77 n'y a pas non plus de classes morphologiques telles que diverses décli naisons ou conjugaisons : un suffixe unique étant affecté à une fonction grammaticale déterminée, il n'y a qu'une déclinaison et qu'une conju gaison (si même on peut employer ces termes pour l'addition mécanique de suffixes à des radicaux pratiquement invariables). Si l'on met à part les interjections et quelques particules diverses (dont de rares conjonctions), on observe qu'il n'y a en turc que deux grandes catégories de mots : le nom et le verbe, qui ont des systèmes de suffixation différents (en dépit de nombreux éléments communs) et qui s'expriment dans le vocabulaire par des radicaux presque toujours différents. Les verbes turcs sont présentés dans les dictionnaires avec addition au radical du suffixe -mek d'infinitif : ver-mek « donner », al-mak « prendre », gör-mek « voir », konuş-mak « parler ». Le radical verbal, sans addition d'aucun suffixe, a la propriété de former une 2 e personne du singulier de l'impératif : ver! « donne ! », al! « prends ! », gör ! « vois ! », konuş ! « parle ! ». Le radical nominal, sans addition de suffixe, peut; de son côté, former le sujet ou l'attribut d'une proposition, et être employé devant un autre nom en fonction d'épithète ; ainsi at « cheval », et güzel « beau, belle » dans les propositions : at, koşuyor « le cheval court », güzel, koşuyor « la belle court », at, güzel « le cheval est beau », güzel at, koşuyor « le beau — 22 —
cheval court » ; le radical nominal fonctionne aussi, parfois, comme ad verbe : at, güzel koşuyor « le cheval court joliment » (la seule forme ver bale des exemples précédents est koş-uyor, du verbe koş-mak « courir », impératif koş ! « cours ! »). On a pu observer ci-dessus que le même radical nominal, güzel, a pu être employé aussi bien comme substantif («la belle »), que comme ad jectif («beau») ou comme adverbe («joliment»). C'est dire qu'en turc la catégorie du nom forme un ensemble unique, où la différenciation en substantif, adjectif, adverbe correspond à des différences d'emploi, mais non pas de nature (le pronom n'étant, lui-même, qu'une variété de nom) ; toutefois, la signification spécifique du nom intervient souvent pour lui faire jouer de préférence (parfois même exclusivement) un rôle de substan tif, d'adjectif, ou d'adverbe. Quand le nom turc est employé adjectivement ou adverbialement, il est invariable : güzel at-lar koşuyor « les beaux chevaux courent », güzel atlar-ı görüyor « il voit les beaux chevaux », güzel kızlar koşuyorlar) « les belles filles courent ». Cette invariabilité de Vadjectif est une grande sim plification pour l'apprentissage de la langue. De même, Y absence de tout genre grammatical (masculin, féminin, ou neutre) et de toute règle d'accord morphologique facilite beaucoup la tâche du débutant. Elle a cependant comme contrepartie certaines ambiguïtés : ainsi, kardeş signifie aussi bien « frère » ou « sœur », terzi « tailleur » ou «couturière», efendi-m «Monsieur», «Madame», ou «Mademoiselle»... En général, le contexte permet de se décider pour l'un ou l'autre sens. Il y a d'ailleurs de nombreux mots qui désignent spécifiquement l'appar tenance à un sexe : oğlan « garçon », kız «fille» (mais kız-oğlan « vierge » !), boğa « taureau », inek « vache », etc. ; ils n'ont pas pour autant de genre grammatical. Les mots erkek « mâle », kız «fille», kadın « femme », dişi « femelle (pour les animaux surtout) » servent aussi, comme épithètes ou en apposition, à préciser le sexe en cas de besoin : erkek kardeş « frère », kız kardeş « sœur », terzi kadın « couturière », erkek köpek « chien », dişi köpek « chienne », etc. Seul le nom turc employé substantivement possède une morphologie, constituée par un système de suffixes dont l'étude fera l'objet du chapitre qui va suivre. (La morphologie du verbe sera étudiée ultérieurement). — 23 —
V. MORPHOLOGIE DU NOM (SUBSTANTIF) Les suffixes qui s'ajoutent au nom turc employé substantivement, pouf former ce qu'on peut, à la rigueur, appeler la « déclinaison » (d'ailleurs unique) de la langue turque, appartiennent à 3 catégories bien distinctes, qui sont, dans Vordre {obligatoire) d'adjonction au nom de base : i° Suffixe de nombre, 2° Suffixes de personne, 3 0 Suffixes de cas. Le nom de base, ou base nominale (forme sous laquelle, par exemple, les noms figurent dans le dictionnaire), peut recevoir cumulativement, dans l'ordre précité, zéro ou un suffixe de chacune de ces trois catégories, donc de zéro à trois suffixes, et jamais plus d'un dans chaque catégorie. Voici les combinaisons possibles, pour le nom ev «maison», avec le suffixe de nombre -1er (pluriel), le suffixe de personne -(i)m (i r e sg.), et le suffixe de cas -de (locatif) : ev « maison », « la maison » ; ev-ler « les maison » ; ev-im « ma maison » ; ev4er-im « mes maisons » ; ev-de « dans la maison » ; ev-ler-de « dans les maisons » ; ev-im-de « dans ma maison » ; ev4er-im-de « dans mes maisons ». Il est impossible, dans les formes à plusieurs suffixes, de modifier l'ordre d'apparition de ces suffixes : les débutants devront veiller particulièrement à respecter cet ordre rigoureusement obligatoire. A) BASE NOMINALE La base nominale est précisément caractérisée en tant que nom dépourvu de tout suffixe de nombre, de personne, et de cas. Ainsi ev, ci-dessus. La base nominale à l'état pur représente un nom « non pluriel » (singulier ou collectif), impersonnel (non possessive), et au cas absolu (qui est celui du sujet, ou de l'attribut, entre autres fonctions possibles) : ev, güzel « la maison est belle ». — 24 —
Une base nominale peut être radicale, c'est-à-dire constituée par une racine nominale indécomposable en «racine + suffixe » dans l'état actuel de la langue ; ainsi : ev. Elle peut également être dérivée, c'est-à-dire com porter, outre une racine (nominale ou verbale), un ou plusieurs suffixes de dérivation (qui sont différents des suffixes de « déclinaison » précités) : ev-li « marié » (« qui a une maison »), ev-li-lik « fait d'être marié », ev-lenme « mariage » (dérivé en -me du verbe dérivé ev-len- « se marier ») ; koş-u « course » (de koş- « courir », verbe), koş-u-cu « coureur », gör-üş-me « entre vue » (dérivé en -me du verbe gör-üş- « s'entre-voir », lui-même dérivé du verbe radical gör- « voir »). Les bases nominales dérivées reçoivent exactement la même « déclinai son » que les bases nominales radicales. L'« adjectif substantivé », c'est-à-dire le nom généralement adjectif, mais employé comme substantif, se décline aussi de la même façon. L'étude des suffixes de dérivation qui forment des noms à partir de noms ou de verbes est plutôt du ressort du vocabulaire que de celui de la gram maire. Toutefois, nous passerons rapidement en revue, ci-dessous, quelques suffixes de dérivation très fréquents, qui forment des noms (bases nominales) à partir d'autres noms (les noms dérivés de verbes seront étu diés plus tard, après la morphologie du verbe) : — Suffixe -li «muni de..., qui a... » ou « originaire de... » : at-h « ca valier » (de ai « cheval »), sakal-h « barbu » (de sakal « barbe »), Paris-li « Parisien », köy-lü « paysan » (de köy « village ») ; ce suffixe a très souvent une valeur adjective : tuz-lu « salé » (de tuz « sel »), etc. — Suffixe -siz « dépourvu de..., sans... » : işsiz « chômeur » (de iş « tra vail »), sakalsız «imberbe»; valeur adjective très fréquente : renksiz « incolore » (de renk « couleur »). — Suffixe 4ik « endroit où se trouve... », et suffixe de généralisation, formant notamment des abstraits : ağaç-lık «lieu boisé » (de ağaç « arbre »), güzel-lik « beauté » ; également valeur adjective avec sens de destination : manto-luk « destiné à faire des manteaux » (tissu) ; ce suffixe se combine avec les deux précédents : köy-lü-lük « paysannerie », issiz-lik « chômage », ainsi qu'avec les deux suivants. — Suffixe -ci de noms de métier ou de profession idéologique : iş-çi « travailleur », beton-cu « cimentier », DögoVcü « gaulliste ». — Suffixe -daş de compagnonnage, ancien mot autonome, ne suit pas — 25 —
l'harmonie vocalique : meslek-taş « collègue » (de meslek «profession »), din daş « coreligionnaire » (de din « religion »). — Suffixe -cik de diminutif : voir exemples chapitre III, B, i ; et ses variantes élargies -cigez et -ceğiz : madam-cağız « petite madame ». REMARQUES SUR LA PHONÉTIQUE DES BASES NOMINALES :
i° Outre les cas signalés au chapitre II, B, 2, il y a quelques noms turcs proprement dits, de 2 syllabes, dont la seconde voyelle est instable^ et tombe devant un suffixe commençant par une voyelle : ağ(ı)z « bouche », al(i)n « front », bağ(ı)r « entrailles », ben(i)z « teint, carnation », bey(i)n « cervelle », boy(u)n « cou », böğ(ü)r « flanc », bur(u)n « nez, cap », göğ(ü)s «poitrine», gön(ü)l «cœur», kar(i)n «ventre», koy(u)n «giron, sein», yağ(ı)r « échine (du cheval) », noms de parties du corps, auxquels il faut ajouter : og[u)l «fils» et uğ(u)r « chance ; but moral, bonne cause ». L'ac cusatif en -i de ces noms, par exemple, sera : ağzı, alnı..., boynu..., uğru, tandis que leur pluriel en -1er sera : ağızlar, alınlar..., boyunlar..., uğurlar. 2° Comme dans les cas signalés au chapitre II, B, 3 et 5, il y a en turc de nombreuses bases nominales à la fin desquelles B alterne avec P ; D avec T ; G (et G entre voyelles) avec K ; C avec Ç. On peut pratique ment les considérer comme des mots dont la consonne finale intrinsèque est sonore (B,D, G, C), mais où cette sonore s'assourdit dans la prononciation et dans l'écriture (P, T, K, Ç) en finale absolue et en fin de syllabe (quand le mot reçoit un suffixe commençant par une consonne). Sont dans ce cas : a) Tous les noms de 2 syllabes et plus qui figurent au dictionnaire avec des finales -P, -T, -K, -Ç et qui sont d'origine turque (ce qui exclut, no tamment, beaucoup de mots arabes ou persans terminés par -t ou -k). b) Un nombre restreint de monosyllabes d'origine turque qui figurent au dictionnaire avec ces mêmes finales : dip «fond », kap « récipient » ; ad ou at « nom », ant « serment », art « dos », but « cuisse », dört « quatre », dut « mûre », kurt « loup » et « ver », od ou ot « feu » (mot vieilli), öt ou öd « bile », süt « lait », tat « goût », yurt « pays » ; çok « beaucoup », denk « équilibre, contrepoids, pareil », gök « bleu, ciel », yok « néant, rien, absent ». c) Les mots d'emprunt qui, dans leur langue d'origine, se terminent par -B, -D, -G, -C (phonétiquement). Dans les mots appartenant aux catégories a), b) et c) ci-dessus définies, — 26 —
la consonne se maintient sourde (P, T, K, Ç) en finale absolue et devant suffixe commençant par une consonne, mais elle devient sonore (respective ment : B, D, G, C) devant suffixe commençant par une voyelle, G devenant en outre G, s'il se trouve entre deux voyelle. Dans les autres mots, les consonnes se maintiennent toujours sourdes (P, T, K, Ç). EXEMPLES OPPOSANT L'ACCUSATIF -i AU PLURIEL -1er :
a) çorap « chaussette, bas » : çorabı, çoraplar ; dolap « armoire, noria » : dolabı, dolaplar ; geçit « passage, gué » : geçidi, geçitler ; kanat « aile » : kanadı, kanatlar (hésitation pour quelques polysyllabes en -t ; bulut « nuage » : buludu, plus souvent bulutu et : bulutlar) ; ayak « pied » : ayağı, ayaklar ; çiçek «fleur » : çiçeği, çiçekler fağaç « arbre » : ağacı, ağaç lar ; sevinç « joie » : sevinci, sevinçler. b) dip : dibi, dipler ; kap : kabı, kaplar ; ad ou at : adı, atlar, plus sou vent adlar pour éviter la confusion avec at « cheval » ; ant : andı, antlar ; art : ardı, artlar ; but : budu, butlar ; dört : dördü, dörtler ; dut : dwiw, dutlar ; &wrl : kurdu, kurtlar ; od ou ol : oi«, otlar, plus souvent oifar pour éviter la confusion avec ot « herbe » ; öt : ödü, ötler ; sül : südü (aussi : sütü ; hésitation), sütler ; fal : tadı, tatlar ; jywrl : yurdu, yurtlar ; co^ : çoğu, locatif çokta ; denk : dengi, denkler ; gö£ : gög#, gökler ; 3>o& : ^yo£w (aussi : yoku ; hésitation), yoklar. c) mikrop « microbe, mouchard » : mikrobu, mikroplar ;fo'fa^>(arabe fo'fao) « livre » : kitabı, kitaplar ; A#r/> (arabe harb) « guerre » : harbi, har pler (cf. chapitre III, A, exceptions i°) ; metot «méthode » : metodu, metot lar ; adet (arabe }aded) « nombre » : adedi, adetler ; evlât (arabe evlâd) «fils» : evlâdı, evlâtlar ; buldok « bulldog » : buldoğu, buldoklar ; renk (per san reng) « couleur » : rengi, renkler ; ahenk (persan âheng) « harmonie » : ahengi, ahenkler ; ihtiyaç (arabe ihtiyâç) « besoin » : ihtiyacı, ihtiyaçlar ; saç (arabe sac) « tôle » : sacı, saçlar, aussi saclar pour éviter la confusion avec saç « chevelure » ; fa£ (arabe tâc) « couronne » : tacı, taçlar. Hors de ces trois catégories : at « cheval » : afo, atlar ; ol « herbe » : ol«, olfar ; millet (arabe millet) « nation » : milleti, milletler ; âdet (arabe 'âdet) « coutume » : a