LE SYSTÈME DE SANTÉ QUÉBÉCOIS: UN MODÈLE EN TRANFORMATION
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LE SYSTÈME DE SANTÉ QUÉBÉCOIS: UN MODÈLE EN TRANFORMATION
DERNIERS TITRES PARUS DANS LA COLLECTION > . Les gestionnaires et les intervenants « doivent être soutenus par un lea dership ouvert, participatif et fort, qui s'exerce dans un climat orga nisationnel propice au changement (p. 87) ». « Par ailleurs, face à ses partenaires extérieurs, [l'administration du SIPA) initie et entretient des relations de collaboration et se montre proactive par rapport aux tendances de son environnement (p. 86) » . Bref, nos deux premiers scénarios poussent les chefs d'établisse ment à agir en transformateur. Toutefois, ces derniers pourraient plutôt adopter le rôle de rénovateur, si les autorités régionales déter minaient avec précision la nature de leur mission et le partage du budget entre chacun des programmes auxquels ils contribuent. En début de chapitre, nous nous interrogions sur les facteurs à l'origine de l'image effacée des chefs d'établissement de santé. L'exa men de l'évolution du contexte et des pratiques de gestion des éta blissements de santé au Québec permet d'apporter des éléments de réponse à cette question.
La gestion des établissements de santé au Québec 2 2 7
Premièrement, dans la très grande majorité des pays de l'OCDE, les établissements de santé font partie d'un système public. Les chefs d'établissement sont ainsi généralement soumis à un contexte externe marqué par l'intervention active des élus et des agents de l'État pour fixer les conditions de financement et de fonctionnement des services de santé. Les valeurs qui sous-tendent ces normes - et l'existence même de celles-ci - favorisent l'uniformité plutôt que la diversité, la conformité plutôt que l'initiative. Cette normalisation des pratiques ressort clairement lorsque l'on compare la gestion des établissements des hôpitaux québécois avant et après l'intervention massive de l'État. Elle apparaît aussi lorsque l'on oppose la pro lifération des modes d'organisation aux États-Unis et la stricte caractérisation des nôtres. Deuxièmement, mises à part les périodes héroïques de trans formation du système de santé, les gestionnaires ne bénéficient pas de conditions favorables pour modifier en profondeur le cours des choses. Le but des autorités du système de santé n'est pas de pro mouvoir l'expansion de celui-ci, comme ce pourrait être le cas dans un autre secteur de l'économie, mais d'en contraindre la progression. Les gestionnaires d'établissement ont ainsi moins souvent l'occasion de s'illustrer que ceux dont l'entreprise évolue dans un secteur de pointe. Dans la même veine, il faut noter que les critères qui permettraient de départager les excellents chefs d'établissement des médiocres sont beaucoup plus ambigus que dans le secteur privé. Les parties prenantes dans l'établissement et hors de celui-ci ont des points de vue différents et souvent inexprimés sur ce qui fait l'étoffe d'un « bon DG » . De plus, les critères quantitatifs de mesure des résultats d'un établissement sont moins probants que ne le sont les résultats financiers d'une entreprise privée : dans le premier cas, plus n'est pas toujours synonyme de mieux. Troisièmement, la capacité d'un chef d'établissement de rénover ou d'entreprendre dépend de l'aptitude des collectivités de praticiens de son organisation à moderniser leurs pratiques et à innover dans leur domaine. Elle dépend aussi de la volonté de ces derniers de participer à la gestion afin que les changements précédents donnent des résultats positifs à l'échelle de l'organisation. Cette dépendance à l'endroit des praticiens et la complexité du fonctionnement des orga nisations de professionnels restreignent l'autonomie des chefs d'établissement. La frontière de l'autorité entre gestionnaires et prati-
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ciens professionnels semble toutefois se déplacer en faveur des pre miers sous le coup d'une conjoncture financière exigeante et de la plus grande lisibilité des pratiques des seconds, au gré de la diffusion de protocoles et d'autres outils de normalisation. Si l'un ou l'autre de nos deux premiers scénarios se concrétisait, le contexte de gestion du chef d'établissement de santé se rapprocherait de celui du dirigeant d'entreprise privée. Plus autonome, plus res ponsable de ses décisions, dépendant financièrement de la capacité de l'organisation qu'il dirige d'attirer une clientèle, le chef d'établis sement de santé québécois évoluerait dans un contexte à la fois plus stimulant et plus exigeant. On doit toutefois s'interroger sur le potentiel de changement de nos institutions. Tant que notre système de santé demeurera public, le ministre de la Santé et des Services sociaux continuera d'être tenu responsable des heurs et malheurs du « réseau » . La rationalité admi nistrative des gestionnaires devra donc continuer de composer, non seulement avec celle des praticiens professionnels, mais aussi avec la logique politique des élus et la logique technocratique des agents de l'État. Pour ces raisons, le renouvellement du système québécois de la santé risque de demeurer en deçà des formes idéales que nous avons esquissées. Un troisième scénario prévaudrait alors, qui verrait le contexte de gestion des chefs d'établissement ne différer qu'à la marge de celui qu'ils connaissent déjà.
Le champ contem porai n de la santé publique F RA N C E G A G N O N • P I E R R E B E R G E R O N
a v e c l a coll aborati o n d e Jean - Pau I F o rtin 1
CHACUN A B IEN UNE CERTAINE IDÉE de ce qu'est la santé publique. Celle-ci peut être associée tant aux politiques publiques de santé adoptées par les responsables politiques, à un ensemble de services préventifs offerts par des professionnels, qu'à l'état de santé de la population. Tout observateur attentif aura vite fait de constater que les définitions de cette notion sont nombreuses, que les domaines d'interventions qui constituent la santé publique sont des plus diversifiés et, enfin que, dans plusieurs systèmes de santé, les mandats et l'organisation des ressources relatives à celle-ci font régulièrement l'objet de révisions et de modifications (Rachlis, I 997 ; Saltman, Figueras, I 997 ; Davies, I 996 ; Desrosiers, I 996 ; Frenk, 1993 ). Pourtant, il est essentiel d'aller au-delà de ces premiers constats, afin de mieux saisir la complexité de ce champ d'interventions qui correspond, historiquement, aux premières interventions de l'État en matière sanitaire (Bergeron, Gagnon, 1994). Une meilleure compré hension des processus de constitution et de transformation du champ contemporain de la santé publique permettrait précisément d'iden tifier des balises plus claires et utiles pour le développement et
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l'organisation de ce champ d'interventions. Comment expliquer les réaménagements organisationnels fréquents de ce champ, la diversité des domaines et des modes d'interventions qui le caractérisent? Les écrits scientifiques et administratifs relatifs au champ de la santé publique apportent, somme toute, peu de réponses à ce type de questionnement. Le plus souvent, la santé publique est étudiée sous l'angle spécifique d'un domaine d'interventions tel que la santé et la sécurité au travail, la santé environnementale, les habitudes de vie, ou sous l'angle d'un problème particulier tel que les traumatismes routiers, le suicide, le cancer du sein. L'analyse porte alors sur les pratiques professionnelles (les praticiens concernés peuvent être autant les épidémiologistes, les travailleurs sociaux, les infirmières, les médecins de famille que les microbiologistes, les environnemen talistes, les nutritionnistes, etc.) ; sur les interventions ou les stratégies à privilégier (soit le dépistage, l'éducation, la vaccination, l'inter vention auprès des individus, des communautés ou de groupes ciblés, etc.) ; sur les groupes ou les milieux visés (les femmes enceintes, les personnes âgées, les adolescentes, l'école, le milieu de travail, les quartiers défavorisés, etc.) ; ou encore sur les ressources qui sont consacrées, ou non, à un domaine ou à un problème particulier. D'après la recension que nous avons effectuée 2 , ces écrits sont principalement d'intérêt professionnel, méthodologique ou histo rique. Certaines études sont centrées sur des formes particulières d'organisation de la santé publique. Par exemple, au Québec, les unités sanitaires comme les départements de santé communautaire ont fait l'objet d'analyses (Desrosiers, Gaumer et Keel, 1998 ; Cham pagne et coll., I993 ; Champagne et coll., r99 I ; Pineault, Baskerville et Letouzé, I 990 ; 0 'Neill, r 9 8 3 ; Desrosiers, r 97 6). Peu d'études s'intéressent à l'organisation de la santé publique dans son ensemble, à la place occupée par celle-ci dans le système de santé et à ses acteurs. Au cours de la dernière décennie, en Angleterre, aux États-Unis, en France comme au Québec, quelques rapports officiels ont été produits relativement à ce champ d'interventions, soit !.:Institut national de santé publique, Rapport Bernard, ( Groupe de travail sur la création de l'Institut de santé publique, 1997) ; La santé en France. Rapport général (Haut Comité de la santé publique, 1994) ; Public Health : Responsabilities of the NHS and the Roles of Others - The Abrams Report (National Health Service Management Executive,
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1993 ) ; Public Health in England. The Report of the Committee of Inquiry into the Future Development of the Public Health Function - The Acheson Report, (Acheson, 1988) ; The Future of Public Health. A Report of the Committee for the Study of the Future of Public Health (Institute of Medicine - Committee for the Study of the Future Public Health, 198 8) . Ces rapports sont certes des sources pertinentes d'informations, mais ils posent généralement un regard administratif sur les institutions de santé publique. Enfin, un courant d'études critiques propose une lecture des interventions de santé publique à travers les notions de contrôle social et de régulation des corps (Lupton, 1995 ; Dean, 1994 ; Crawford, 1984). Ces écrits ne permettent pas vraiment de comprendre comment le champ de la santé publique se structure et se transforme dans l'espace et le temps. En fait, la santé publique a peu été étudiée sous l'angle d'un champ. Toutefois, les travaux de Audet et coll. sur le champ des sciences de l'administration (Audet, Déry, 1996 ; Audet, 1986 ; Audet, Landry et Déry, 1986) offrent une piste intéressante. Ces travaux sont centrés sur l'étude du processus de production des connaissances des sciences de l'administration. Or les problèmes relatifs au champ de la santé publique apparaissent similaires à ceux du champ des sciences de l'administration. Par exemple, ces deux champs sont constitués d'un ensemble de disciplines universitaires qui renvoient elles-mêmes à un ensemble de pratiques profession nelles des plus diversifiées et à un fractionnement important du champ. Audet (1986) s'intéresse notamment à la problématique de la structuration du champ des sciences de l'administration et examine les problèmes de la multiplicité, de la diversité, de l'autonomie relative des groupes de producteurs qui forment les secteurs de ce corps universitaire. Dans le cas de la santé publique, il nous faut d'abord élaborer une problématique qui permette de considérer l'ensemble des domaines constitutifs de ce champ et d'interpréter différemment les difficultés organisationnelles et professionnelles qui le caractérisent. Tout en reconnaissant que la constitution, voire la transformation du champ de la santé publique relève de processus sociaux et politiques propres à toute société, nous soutiendrons que au-delà des différences organi sationnelles entre les systèmes de santé, un certain nombre de traits sont déterminants dans la constitution du champ contemporain de la santé publique.
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Notre intention n'est pas de défendre une v1s10n umta1re de la santé publique, mais de proposer une interprétation qui rende compte des différentes facettes constitutives de ce champ d'interven tions. Appréhender la santé publique comme un champ permettra de la considérer au-delà de son éclatement apparent, soit au-delà du découpage sectoriel, organisationnel et professionnel dont elle fait l'objet. Dans ce chapitre, nous dégageons d'abord trois grands traits qui semblent caractériser le champ contemporain de la santé publique. Ces traits renvoient respectivement à l'objet qui est au centre des interventions du champ de la santé publique, au corpus de con naissances relatif à ce champ et au contexte de leur utilisation. Puis, à partir de variations observées entre les systèmes de santé anglais, français et américain, nous précisons ces traits. Enfin, nous analysons le cas du Québec, avant de revenir en conclusion sur les perspectives d'avenir de ce champ et de ses acteurs. Les traits fondamentaux du champ contem porain de la santé p ublique
Comme nous l'avons mentionné plus haut, nous nous inspirons ici des travaux de Audet et coll. sur le champ des sciences de l'ad ministration. Ce qui retient notre attention, ce n'est pas tant l'objet même des sciences de l'administration, mais bien la lecture qu'en font ces auteurs. Audet (19 86 : 42) considère la notion de champ3 : [ ... ] à la fois [comme] le lieu et le système des rapports entre pro ducteurs de connaissances définies. La définition de ces connaissances et des règles de leur production et de leur validation est à l'origine de la structuration et constitue un enjeu central des rapports entre les mem bres de ce champ. De plus, il distingue parmi les producteurs de connaissances, deux groupes: celui des praticiens, qu'il associe aux « intellectuels-patrons et autres associés aux tâches d'actions administratives et de pro duction de connaissance de l'administration » et celui des non praticiens, « constitué de tous ceux qui occupent, entre autres, des postes de conseillers, d'analystes, de chercheurs dans toutes sortes d'organisations vouées ou non à la seule production de connaissance (Audet, 1986 : 4 5, 46) ».
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Cette définition apparaît des plus pertinentes et nous en retenons certaines balises que nous appliquons au champ contemporain de la santé publique4 • Ainsi, nous définissons celui-ci comme le lieu et le système de rapports entre les divers acteurs institutionnels et indi viduels, qui évoluent dans l'un ou l'autre des domaines d'inter vention de la santé publique. Nous entendons par domaine un espace-temps professionnel et organisationnel d'interventions déli mité autour d'un objet/problème particulier. Ces divers domaines, maladies infectieuses, maladies cardio-vasculaires, santé et sécurité au travail, santé environnementale, etc., peuvent être associés à différents modes d'intervention tels que la protection à l'égard des risques infectieux et environnementaux, la surveillance épidémio logique, la promotion de la santé, la prévention de maladies, l'organisation et l'évaluation des services de santé. De plus, chacun de ces modes se distingue par des types d'interventions qui lui sont, plus ou moins, spécifiques. C'est-à-dire qu'en matière de protection, des interventions comme le contrôle des épidémies, la vaccination, l'adoption de réglementation, l'inspection, les examens en labo ratoire, l'élaboration de plan d'urgence sont largement utilisées. D'autres types d'interventions comme le marketing social, l'éduca tion sanitaire auprès d'individus, de groupes ou de communautés, voire la mobilisation politique sont mis de l'avant par les acteurs privilégiant la promotion de la santé. Des interventions telles que le dépistage de masse, le recours à des tests spécifiques, la sensibi lisation de cliniciens, de professionnels ou de groupes ciblés à des pratiques préventives sont appliquées en prévention. Enfin, la pres tation et le développement des soins primaires, l'identification de pratiques ou de modèles de soins reconnus efficaces, la détermina tion de guides de pratiques, l'évaluation de programmes sont autant de types possibles d'intervention en matière d'organisation et d'éva luation des services de santé. Mais encore faut-il aller au-delà de cette définition et s'intéresser aux traits fondamentaux qui sont à la base de la constitution du champ de la santé publique. A cet effet, l'objet du champ de la santé publique, le corpus de connaissances propre à ce champ et enfin le contexte d'utilisation de ces connaissances retiennent notre attention.
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La déli m itation floue et changeante des frontières du champ
Cerner l'objet même au cœur des interventions du champ de la santé publique, ce qui en fait sa raison d'être, apparaît un premier pas à franchir. L'élément le plus fréquemment mis de l'avant est certes le fait que les acteurs de santé publique se préoccupent, avant tout, de la santé de la population, ou des problèmes prédominants dans la collectivité. La santé publique est alors définie comme « l'art et la science de prévenir la maladie, de prolonger l'existence et de favo riser la santé de la population par des efforts collectifs organisés 5 » . Cela étant dit, nous n'en connaissons pas plus sur l'objet même qui constitue ce champ, sur les domaines qui en font partie, ou non, voire sur ses frontières. Aussi, il faut cerner de plus près l'objet au centre des interventions. Historiquement, les responsables politiques sont intervenus en matière de santé publique afin de contrer les épidémies face auxquelles les moyens individuels s'avéraient insuffisants. Les mesures alors adoptées, par les autorités en place, visent principa lement à limiter la propagation des épidémies et à protéger la popu lation 6 • Les mesures prises et les interventions faites en matière de santé publique ont évolué dans l'espace et dans le temps en fonction des problèmes de santé dominants, du développement des connais sances, des méthodes scientifiques, des ressources disponibles et des représentations sociales de la santé7 . À partir de la seconde moitié du xxe siècle, les maladies dites de civilisation, par exemple les maladies cardio-vasculaires, le cancer, les accidents de la route, sont devenues des problèmes prédominants. Plus récemment, l'émergence de nouvelles maladies comme le sida, ou la réémergence de maladies telles que la tuberculose se sont ajoutées à la liste des problèmes. Aujourd'hui, le champ de la santé publique recouvre des domaines d'intervention aussi variés que les maladies transmises sexuellement, les maladies cardio-vasculaires, les maladies infectieuses, les traumatismes routiers, la santé mentale, la santé environnementale, la santé en milieu de travail, la prévention du cancer, le tabagisme, la nutrition, etc. L'histoire nous montre que l'objet, voire les domaines d'interven tion en matière de santé publique sont liés de près aux types de problèmes existants dans une société particulière, à un moment précis de son histoire. Les acteurs prennent en charge les problèmes
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de santé qui touchent la population, ou une partie importante de celle-ci, et dont la solution revêt nécessairement un caractère collectif. C'est dire que pour ce type de problèmes, les interventions individuelles ou du libre marché sont insuffisantes. De même, le fait que certains domaines soient pris en charge, ou non, par les acteurs serait lié au défaut de prise en charge, ou au délestage, de certains domaines par les acteurs du secteur de la santé, mais aussi d'autres secteurs 8 • Le champ actuel de la santé publique apparaît ainsi comme la résultante des retraits, des transformations ou ajouts de domaines qui se sont réalisés, historiquement parlant, du déve loppement des connaissances et des techniques, de même que des ressources disponibles. À la manière de Audet et Déry ( 1996), nous utiliserons l'image de la sédimentation pour illustrer ce phénomène 9 • Le fait de s'interroger sur l'objet qui est au centre des interven tions du champ de la santé publique permet de mieux saisir pour quoi, à première vue, les domaines d'intervention apparaissent si hétérogènes. S'il est possible d'identifier un noyau dur, c'est-à-dire un ensemble de domaines et de modes d'intervention qui demeurent traditionnellement au centre des préoccupations des acteurs de la santé publique, de nouveaux domaines et modes d'intervention prennent place. Par exemple, la santé maternelle et infantile a repré senté historiquement une préoccupation importante pour les acteurs, en raison notamment du taux de mortalité infantile élevé prévalant au tournant du XIXe siècle ( Gaumer, 1995 ). Elle reste encore aujour d'hui, sous sa forme moderne, une préoccupation importante. En France, comme au Québec, les problèmes de périnatalité (prématu rité, insuffisance de poids à la naissance, etc.) font l'objet de pro grammes ou de politiques. Par contre, lorsqu'on se situe sur une longue échelle, les maladies cardio-vasculaires ou les traumatismes routiers sont reconnus comme des problèmes de santé publique depuis peu. Aussi, des problèmes demeurent imprévisibles, d'autres que l'on croyait résolus réapparaissent, de nouveaux problèmes viennent s'ajouter, et certains autres se transforment, compte tenu de l'en semble des conditions existantes dans une société particulière, à un moment précis de son histoire. De telle sorte que l'hétérogénéité des problèmes, voire des domaines constitutifs du champ de la santé publique, apparaît comme une caractéristique intrinsèque du champ de la santé publique. Et cette caractéristique se traduirait par la
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délimitation floue et changeante des frontières de ce champ, que nous considérerons comme un trait déterminant du champ contem porain de la santé publique. Ce premier trait prend tout son sens lorsqu'on considère la question du corpus de connaissances propre au champ de la santé publique. La comparaison avec celui des sciences de l'administration est alors fort intéressante, car au sein de chacun d'eux se pose le problème de la coexistence de divers savoirs universitaires et professionnels. Le fractionnement du champ
La question de la production de connaissances dans le champ de la santé publique, de l'institutionnalisation et de la reconnaissance de certains savoirs et pratiques a donné lieu historiquement à des débats. Pensons, par exemple, au x1xe siècle, aux débats autour du contagionnisme, aux réactions suscitées par l'implantation de la vaccination ou encore à la reconnaissance de la compétence médicale au sein des bureaux ou conseils de santé 10 • Aujourd'hui encore, la place des médecins comme producteurs de connaissances, que ce soit comme non-praticiens ou praticiens, soulève des interrogations (Dawson, Sherval et Mole, 1996 ; Gagnon, 1994 ) 1 1 • Avec le temps, l'intégration de plusieurs autres disciplines et pro fessionnels, comme les nutritionnistes, les travailleurs sociaux, les psychologues, les sociologues, etc., est venue complexifier les rap ports entre les producteurs de connaissances. Compte tenu de la spécialisation des savoirs universitaires et professionnels, le frac tionnement en autant de domaines d'interventions et de pratiques professionnelles est devenu un problème de plus en plus important, voire déterminant dans la constitution du champ contemporain de la santé publique. Plus on examine de près ce problème, plus on se rend compte de sa complexité. Il semble en effet que ce fractionnement ne se caractérise pas tant, pour reprendre les termes de Audet et Déry (1996), par l'opposition entre le savoir décontextualisé, analytique et abstrait et le savoir contextualisé, normatif et concret 12 , mais plutôt par la division qui existe à l'intérieur même de chacun de ces savoirs. Plus exactement, le fractionnement du champ se traduit par l'éclatement même du savoir décontextualisé qui est composé en fait de plusieurs disciplines
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issues de différentes écoles, qui ne sont pas nécessairement cha peautées par une seule et même institution. De Leeuw ( I995 ) a relevé, par exemple, huit différents types d'organisation dans les écoles européennes de santé publique. Dans les faits, les connais sances relatives à la santé publique sont produites et diffusées à la fois par les facultés de médecine, de sciences infirmières, de sciences sociales, ou encore par des écoles de santé publique, rattachées à une ou plusieurs facultés universitaires ou au ministère de la Santé. Les modes d'intervention privilégiés peuvent être tout autant la préven tion, la promotion de la santé que l'action intersectorielle. Cet éclatement de la production du savoir décontextualisé se répercute sur l'organisation et l'ensemble des pratiques du savoir contextualisé et vice-versa. Et cet éclatement se traduirait par le découpage du champ en autant de domaines, de modes d'interven tion et de méthodes. De telle sorte que, tout comme dans le cas des sciences de l'administration, la reconnaissance même d'un domaine ou d'un mode particulier d'interventions deviendrait un enjeu central pour les acteurs, producteurs de connaissances, de ce champ. À titre d'exemple, la question de la place du médical se pose autant pour les producteurs du savoir décontextualisé que pour ceux du savoir contextualisé. Quels liens les écoles de santé publique doivent-elles avoir avec les facultés de médecine ? Doivent-elles y être intégrées ou en être complètement indépendantes ? Ces écoles devraient-elles être liées de près aux autorités ministérielles ? Quels rôles doivent jouer les médecins de santé publique dans l'admi nistration de ce champ ? Doivent-ils nécessairement y assumer les postes de direction ? Si oui, pourquoi ? Ce questionnement sur le rôle des producteurs de connaissances nous conduit à considérer une autre facette, soit celle du contexte d'utilisation des connaissances. Comme nous le verrons, il s'agit là d'un élément crucial. Le contexte public d'utilisation des connaissances Les interventions en matière de santé publique ont, par définition, une dimension nécessairement collective, car elles touchent aux questions de l'ordre public et du bien-être de la collectivité. Cela soulève un certain nombre de questions, à savoir, dans quelle mesure l'État peut-il utiliser la loi, imposer ses règles et ses normes pour
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protéger la santé de la population ? Peut-il, et doit-il, brimer les libertés individuelles au nom du mieux-être collectif ? Tout dépen dant du point de vue que l'on adopte, toute intervention visant l'ordre public peut être interprétée de façon négative et reliée à la notion de contrôle social. De même, toute intervention liée au bien être de la collectivité peut se voir donner un sens noble. Quoi qu'il en soit, cette dimension collective doit être prise en compte dans l'analyse puisqu'elle touche aux fondements du champ de la santé publique et sous-tend l'action que les responsables politiques décident ou non d'entreprendre. Aussi, prendre en compte cette dimension nous amène à consi dérer d'une part, le contexte public d'utilisation des connaissances particulier à chaque société qui correspond à l'organisation de ses services publics et de son système de santé. À y regarder de près, il semble en effet que la délimitation des frontières du champ de la santé publique varierait non seulement en fonction des problèmes de santé prédominants dans une société particulière, à un moment de son histoire, mais également en fonction de l'organisation de l'ensemble du système de santé. D'autre part, prendre en compte le contexte public d'utilisation des connaissances nous amène à considérer aussi les rapports entre les différentes catégories d'acteurs concernés, incluant les produc teurs de connaissances, et qu'ils fassent partie on non de l'appareil public. Car l'élaboration, la promotion et la réalisation des interven tions de santé publique peuvent faire appel autant aux responsables politiques, aux administrateurs publics, aux experts, qu'aux pro fessionnels, aux groupes d'intéressés et aux communautés. Les rapports entre ces différentes catégories d'acteurs semblent marqués par un rapport de dépendance de certains acteurs à l'égard des responsables politiques et des administrateurs publics. Et ce rapport de dépendance se jouerait dans le rapport d'autorité qui existe entre les responsables politiques, les administrateurs publics et des acteurs du champ de la santé publique, alors que certaines décisions souhaitées par ces derniers viennent à l'encontre des pré férences des responsables politiques et des administrateurs publics. Les interventions liées au problème du tabagisme ( publicité, taxes, contrebande) en sont un bon exemple. Par ailleurs, à ce rapport de dépendance s'ajoutent les tensions entre les différents groupes de producteurs de connaissances.
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Compte tenu de l'hétérogénéité des problèmes, de la diversité des disciplines et des méthodes possibles - tel problème faisant appel à tel type de spécialiste et à telle méthode -, les contextes organisa tionnels particuliers d'utilisation des connaissances (cf. savoir con textualisé) peuvent être très variés. Un contexte organisationnel peut convenir pour un domaine donné, mais non à certains autres domaines, problèmes ou modes d'intervention privilégiés par d'au tres acteurs. Un problème environnemental ne fait pas appel aux mêmes ressources que la mise en place d'un programme de dépistage du cancer du sein, ou encore qu'un programme visant à informer et à modifier les habitudes alimentaires des femmes enceintes de milieu défavorisé. Un programme comme Villes et villages en santé nécessite la collaboration d'autres acteurs et s'appuie sur des stratégies diffé rentes. Aussi, tout dépendant du contexte organisationnel, il y aura prédominance de tel ou de tel autre groupe de producteurs de connaissances. Examiner de plus près le contexte d'utilisation des connaissances du champ de la santé publique permet de revenir aux fondements de l'intervention en matière de santé publique et de faire ressortir l'im portance des rapports qu'entretiennent entre eux les différentes caté gories d'acteurs qui le constituent. Afin de rendre compte du contexte d'utilisation des connaissances, nous retiendrons comme troisième trait le caractère public de ce contexte qui renvoie à la fois à la dimension collective des interventions de santé publique et à la dimension politique des rapports entre les différentes catégories d'acteurs. En nous appuyant sur des variations observées entre les systèmes de santé anglais, français et américain, nous préciserons maintenant chacun des traits identifiés. Une caractérisati on additionnelle des traits fondamentaux du champ contem porain de la santé pub lique à partir des cas anglais, français et américain 13
Historiquement, en Angleterre, en France comme aux États-Unis, au XIXe siècle, le mouvement sanitaire a été relativement important 14 • Toutefois, aujourd'hui, à première vue, le champ de la santé publique se présente fort différemment dans chacun de ces pays. En Angleterre, la longue tradition sanitaire a laissé des traces tant admi nistratives que culturelles. Dans la foulée des réformes qu'a connues
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le National Health Service (NHS), l'organisation du champ de la santé publique et ses mandats ont été revus. Depuis la fin des années 19 80, deux rapports concernant la santé publique ont été publiés, soit en 1988, The Acheson Report et, en 1993 , The Abrams Report. L'un et l'autre cherchent à préciser le rôle des instances de santé publique au sein du NHS, compte tenu de ses nouvelles orientations. Par ailleurs, le cas de la France a retenu notre attention pour la faiblesse que semble présenter la constitution actuelle du champ de la santé publique. Dans son rapport, le Haut Comité sur la santé publique ( 1 994 : 184 ) évoque « le retard en santé publique » et reconnaît que « le terrain » de la santé publique dans [ce] pays est pauvre ». Enfin, en ce qui a trait aux États-Unis, le Committee for the Study of the Future of Public Health (Institute of Medicine, 1988 : 1 3 9) recommande de préciser la mission de la santé publique, le rôle du gouvernement en la matière et les responsabilités propres à chaque niveau de gouvernement. Curieusement, alors que le champ de la santé publique aux États-Unis ne semble pas être très déve loppé, les écoles de santé publique y sont très bien établies ; et ce pays a largement contribué à l'exportation de la santé publique dans d'autres pays. Les fondations privées comme la Rockefeller Foun dation et les associations comme l' American Public Health Associa tion y jouent un rôle considérable. Dans chacun de ces pays, le champ contemporain de la santé publique semble donc organisé selon une configuration qui lui est propre. Il reste à voir maintenant comment, malgré ces distinctions apparentes, la délimitation floue et changeante des frontières du champ, liée à l'hétérogénéité et à la prédominance de problèmes de santé à caractère collectif, le fractionnement du champ lié à un corpus de connaissances éclaté et enfin le contexte public d'uti lisation des connaissances, lié à la dimension collective des inter ventions de santé publique, se manifestent effectivement. Avant de passer à cette autre étape, deux considérations s'impo sent. D'une part, la distinction entre les trois traits que nous pro posons est avant tout d'ordre analytique. Et l'examen de cas particuliers nous a amenés à ordonner différemment ces traits. Ainsi, le caractère public du champ sanitaire apparaît comme un premier point de passage obligé pour l'analyse. C'est-à-dire que, pour abor der la délimitation floue et changeante de ses frontières, il faut d'em blée tenir compte du contexte public d'utilisation des connaissances
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dans une société donnée, soit de l'organisation de ses services publics et de son système de santé. D'autre part, la dimension politique qui prend forme dans les rapports entre les différentes catégories d'acteurs apparaît comme la résultante des trois traits, même si elle n'a été évoquée qu'en relation avec le contexte public d'utilisation des connaissances. C'est dire que cette dimension politique prend tout son sens lorsqu'on considère à la fois l'organisation des services publics et du système de santé d'une société particulière, la délimitation des frontières qui carac térise le champ de la santé publique dans cette société, et le frac tionnement du champ en termes de savoirs privilégiés. Du moins, c'est ce qui ressort de notre analyse. Le contexte public d' uti l i sation des co nnaissances : caractéristiques organ isationnelles à co nsidérer
Un survol des cas à l'étude fait apparaître des variations relativement importantes dans l'organisation du champ de la santé publique. l.;organisation varie principalement autour des axes de centralisation ou de décentralisation des services de santé publique 15 , et de l'intégration ou non de ces services au système de santé. Ainsi, en Angleterre, l'organisation des services de santé publique est plutôt déconcentrée et intégrée à la gestion du système de santé, compara tivement aux cas français et américain. En France, il faudrait plutôt parler de délégation (décentralisation fonctionnelle ou administra tive) et l'organisation des services de santé publique n'est pas inté grée à la gestion du système de soins. Aux États-Unis, l'organisation des services de santé publique est décentralisée politiquement ( dévo lution) et non intégrée au système de santé. Le cas de l'Angleterre est intéressant, car l'organisation des ser vices de santé publique a été touchée de près par les réorganisations successives qu'a connues le NHS depuis 197 4 (Setbon, 1 993: 23 6 ) 16 • La réorganisation de 1 974, orientée par la recherche d'une plus grande efficience 1 7, fait appel au principe de la définition des prio rités. Ce principe supposait : une centralisation des décisions en matière de politiques de santé pour dépasser une autonomie régionale source de disparités, cela en s'atta quant à deux problèmes : les inégalités régionales et les services « Cen drillon » - les services dévalorisés et délaissés concernant les personnes
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âgées, les malades mentaux, les personnes dépendantes ( Setbon, 199 3 : 2 3 7).
Au cours de cette réorganisation, aux deux niveaux déjà existants, soit la région et le district, le territoire est ajouté comme troisième niveau. Les modifications apportées s'accompagnaient donc d'une volonté de démocratisation locale qui se traduit par l'introduction de nouveaux acteurs et une nouvelle répartition du pouvoir. Selon certains auteurs, les changements structuraux des années 1980 marquent l'échec de la réorganisation précédente. La définition des priorités demeure au programme, mais l'accent est mis sur le développement des soins primaires, de la santé communautaire et de la prévention, et ce sous la responsabilité des autorités locales. Vers la fin des années 1980, les recommandations du rapport Acheson (1988} ont largement contribué à redéfinir les mandats de santé publique 1 8 , et plus particulièrement le rôle des médecins de santé publique dans leur propre champ d'interventions à titre de Directors of Public Health (DPHs), mais aussi à l'intérieur du NHS, au sein du District Health Autorithy (DHA) (Dawson, Sherval et Mole, 1996 ; Kisely, Jones, 1997) 19 • Enfin, la réforme de 1991 introduit l'idée de concurrence, ou plus exactement de marché interne. La redéfinition de la prestation de services autour du principe acheteur/prestataire est de nouveau déterminante dans la réorganisation même du champ de la santé publique, en ce qui a trait aux mandats reconnus à celle-ci et à la place occupée par les médecins de santé publique. Cependant, les tentatives d'intégrer davantage et les mandats de santé publique, et les fonctions, voire les acteurs de santé publique, dans l'orienta tion plus générale du système de santé n'auraient pas obtenu le succès escompté (Dawson, Sherval et Mole, 1996). Premièrement, le statut des médecins de santé publique et le peu de reconnais sance dont ils bénéficient à l'intérieur de la profession médicale n'auraient pas facilité leur tâche 20 • Deuxièmement, les nouvelles responsabilités assumées par les Directors of Public Health (DPHs) 2 1 faisaient appel à des habiletés de management. Or ceux-ci n'au raient pas vraiment été reconnus dans leur rôle de planificateur et ils n'auraient pas cherché à développer la collaboration avec les DHAs. En outre, l'engagement des médecins de santé publique dans les processus décisionnels des DHAs apparaît difficile à concilier avec l'indépendance qu'ils s'efforcent de garder vis-à-vis des décisions
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administratives de ces mêmes organismes (Dawson, Sherval et Mole, 1996). Malgré le succès mitigé de ces tentatives, l'Angleterre serait l'un des pays où l'intégration des mandats et des acteurs de santé publique à la gestion du système de santé a été poussée le plus loin. Selon Setbon ( 1993 ), le système anglais est celui où l'intégration entre l'approche individuelle et l'approche collective est la plus intense, et cela est d'autant plus juste, lorsqu'on compare cette situa tion aux systèmes français et américain. Toutefois, il faut bien sou ligner qu'une telle intégration des mandats et des acteurs de santé publique à la gestion du système de santé présente des avantages et des inconvénients. Des avantages, parce qu'elle permet une intégra tion de la logique même de santé publique (cf. dimension collective) dans la gestion des soins ; des inconvénients, car elle tend à réduire la spécificité des interventions en les associant à des objectifs de ges tion, et pose par le fait même la question du bien-fondé de ce champ d'interventions, voire la pertinence de recourir à des acteurs de ce champ, et notamment à des médecins. Il s'agit là d'un enjeu fort important pour les acteurs du champ de la santé publique comme pour ceux du système de soins. Dans le cas de la France, les constats du Haut Comité de la santé publique (1994) sont révélateurs 22 • Dans son rapport, ce comité écrit ( 1994 : 185-185) : « Le système de santé français n'est pas construit autour de finalités collectives, il est constitué autour d'une multi plicité de pratiques d'acteurs impliqués dans une relation thérapeu tique » . La démarche même de santé publique n'y serait pas reconnue et sa diffusion auprès des divers groupes professionnels peu favo risée. De plus, elle serait souvent réduite « à une vision étroite de la sécurité sanitaire23 [ . . . ) » . Sur le plan organisationnel, dans le cas français, il convient de parler davantage de délégation et de non-intégration des services de santé publique à la gestion du système de soins. Comme le notent Dab et Henrard (1989 : 192), « depuis les lois de décentralisation, de nombreuses responsabilités d'exécution ont été déléguées aux dépar tements, l'État gardant, en la matière, un rôle de contrôle 24 » . Au cours des dernières années, un certain nombre d'organismes, comme le Réseau national de santé publique, les Observatoires régionaux de santé, voire le Haut Comité de la santé publique, ont été créés. Mais différents observateurs du système français (Dab, 1997 ; Morelle,
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1996) reconnaissent la faiblesse structurelle de la santé publique et soulignent encore l'insuffisance des progrès accomplis, soit le fait qu'il existe une multiplicité d'organismes qui travaillent isolément, sans procédure de coordination. A travers leur analyse respective de l'affaire du sang contaminé et de la prise en charge du problème du sida, Morelle ( 1996) et Setbon (1993 ) ont bien démontré les faiblesses de ce champ. Selon Setbon, le modèle hygiéniste français, qui était basé sur une conception admi nistrative et réglementaire de la santé publique, ne se serait pas renouvelé. De son côté, Morelle avance l'idée du « paradoxe fran çais ». Alors qu'en France, l'État est fort, comment se fait-il, souligne cet auteur, qu'un champ comme la santé publique, qui est précisé ment sous la responsabilité de l'État, soit si faible ? La réponse à cette question serait d'ordre historique. Selon Morelle ( 1 996 : 266-267) : comparativement [à l'Angleterre victorienne] l'histoire de la santé publique en France fut un processus conflictuel et chaotique, les progrès successifs venant en règle générale à la suite d'une épidémie, événement dont la gravité était seule à même de bousculer les pré ventions, d'accélérer la prise de conscience par les gouvernements de la nécessité de réagir et de vaincre les résistances considérables qu'oppo sait la société à cette marche de l'État.
Et plus fondamentalement, cette opposition trouverait son origine dans « la défiance avec laquelle la philosophie libérale de l'époque envisage le développement de la santé publique: l'intrusion de l'État dans un domaine par nature privé (Marcelle, 1996: 267) » . Un exemple qui illustre bien comment la distinction entre les pays anglo saxons et la société française a traversé le temps est la façon dont est réglementé, ou non, le tabagisme. En France, comme aux États-Unis, le champ contemporain de la santé publique occupe une place plutôt limitée dans le système de santé. Toutefois, dans le système américain, l'organisation des services de santé publique est décentralisée politiquement. Le gouvernement fédéral a la responsabilité de définir les normes au niveau national et de certains mandats en ce qui touche, par exemple, la protection de la santé25 • Les États et les gouvernements locaux détiennent une part importante des responsabilités en matière de santé publique. Les États se sont dotés de plusieurs agences dont les mandats concernent soit la collecte de données, soit les inspections sanitaires,
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soit l'élaboration de programmes. Ils assument également la super vision des services offerts par les localités ou le secteur privé. Au niveau des États, l'organisation de la santé publique se fait prin cipalement à travers les States Health Agencies (SHA) 26 et selon deux modèles d'organisation (Buttery, 1992). Selon un premier modèle, les services de santé publique sont produits et gérés au niveau même de l'État, comme dans les cas du Massachussetts et de la Floride. Suivant le second modèle, les services de santé publique sont confiés au niveau local, comme dans les cas de la Californie et de New York. Au niveau local, ce sont les Local Health Departement (LHD) ou les County Health Department (CHO) qui assument les responsabilités de santé publique. C'est à ce niveau que les activités concrètes sont les plus visibles. Le rapport produit par le Committee for the Study of the Future of Public Health (Institute of Medicine, 1988) brosse un tableau plutôt sombre. Selon les auteurs, il résulte de cette organisation un ensemble disparate de programmes plus ou moins cohérents. D'où la nécessité de mieux cibler et la mission de santé publique et les responsabilités de chacun des niveaux. Des articles récents (Baker et coll., 1994 ; Gordon et coll., 1996 ; Lee, Paxman, 1997) insistent encore aujourd'hui sur l'importance de bien définir les responsa bilités des divers niveaux des acteurs de santé publique, et de donner à cette dernière des assises solides. Dans le cas américain, on ne peut faire abstraction du f ait que les soins de santé soient régulés par la logique du marché, car cela a des conséquences sur l'organisation même du champ de la santé publique, sur les catégories d'acteurs en présence et sur les enjeux. Puisque dans ce système l'accès aux soins de santé est un privilège et non un droit comme dans les systèmes publics de santé, la question de l'accessibilité aux soins de santé pour l'ensemble de la population devient un enjeu important. Bref, le caractère privé du système de soins vient teinter et orienter l'organisation du champ de la santé publique. Les formes organisationnelles de ce dernier semblent donc relati vement variées et liées de près aux caractéristiques du système de santé. La question de l'intégration ou non du champ de la santé publique apparaît relativement importante. Comme nous l'avons souligné précédemment, si l'intégration des mandats et des acteurs de la santé publique à la gestion du système de soins semble présenter
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des avantages, elle a aussi des limites. Par contre, la non-intégration des mandats et des acteurs de santé publique au système de soins semble donner lieu à leur marginalisation. On peut penser que les ressources dont disposent, ou non, les acteurs est un élément primordial. Toutefois, ces caractéristiques organisationnelles ne représentent qu'un aspect de la problématique. Il faut voir comment la déli mitation floue et changeante des frontières du champ, reliée à l'objet qui est au centre des interventions du champ contemporain de la santé publique, ajoute à sa complexité. La dél i mitation floue et changeante des frontières du champ : variations autour des types de problèmes traités et des mesures retenues
Nul ne mettra en cause que l'objet même au cœur des interventions du champ de la santé publique est lié à l'apparition, à la régression des problèmes de santé ou encore à l'importance accordée à ces problèmes dans une société particulière, à un moment précis de son histoire. Cette constatation permet de mieux comprendre pourquoi la délimitation des frontières apparaît floue et continuellement en changement. L'examen de différents systèmes de santé montre bien qu'il n'est pas évident de déterminer quels domaines et problèmes font partie, ou non, de ce champ. Par exemple, la santé environne mentale est habituellement reconnue comme un domaine d'in terventions de santé publique. Pourtant ce domaine, ou les lois s'y rapportant, ne sont pas forcément sous l'autorité directe des acteurs de santé publique. De même, les problèmes liés à la santé de la mère et de l'enfant peuvent être pris en charge par le secteur social. Les variations observées entre les cas à l'étude donnent à penser que la délimitation des frontières se joue principalement autour des types de problèmes considérés, ou non, et des mesures privilégiées en matière de santé publique27 • Sur l'axe des problèmes, les variations vont de l'intérêt porté aux problèmes de santé plus traditionnelle ment considérés, à l'ouverture aux problèmes psychosociaux. De plus en plus, les acteurs de santé publique appuient leur décision d'intervenir sur un problème à partir de la logique des déterminants de santé, lesquels incluent milieux et conditions de vie. Quant à l'axe des mesures, il varie de la coercition à l'habilitation. La coercition correspond à des mesures de type législatif, réglementaire, voire
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normatif ; l'habilitation renvoie aux notions de prise en charge, de responsabilisation et peut viser autant les individus que les communautés. En Angleterre, dans les années 1980, il y aurait eu ouverture aux problèmes de santé autres que physiques et à des mesures d'ha bilitation plutôt que de coercition. En France, les interventions dans le champ de la santé publique demeurent liées à des mandats tra ditionnels, soit à des problèmes de santé davantage physiques qui relèvent de la protection, et les mesures adoptées sont plutôt coer citives. Dans le cas américain, les interventions du gouvernement fédéral sont plutôt liées à des mandats traditionnels de protection. Par contre, au niveau des États, on observe de grandes variations entre l'intérêt porté à la santé publique et les interventions mises de l'avant. Ainsi, comme le note Setbon ( 1993 : 238-239), en Angleterre, dans les années 1980 : « la prévention devient un objectif des politiques de santé à travers la promotion de la santé et la modification des com portements individuels dans le but de la préserver [ . . . ] la tradition britannique de santé publique étant fondée sur la réglementation, la surveillance et le contrôle par un dispositif administratif présent dans différents domaines : les maladies infectieuses, l'eau, les produits ali mentaires, les ports » , ces changements marqueraient l'ouverture de la santé publique vers une nouvelle conception préventive orientée davantage vers l'éducation, l'information et la responsabilisation. En France, encore aujourd'hui, le champ de la santé publique est associé à des mandats « traditionnels » comme l'hygiène du milieu, le contrôle des maladies transmissibles, la santé au travail, la protection maternelle et infantile. Mais surtout, les activités relèvent princi palement de la loi et des règlements. Par ailleurs, les observateurs du système français reconnaissent le caractère sectoriel des activités. Chaque domaine fait l'objet d'une législation qui lui est propre, et différentes organisations peuvent se partager la juridiction d'un même domaine d'interventions (Dab, Henrard, 1 9 8 9 ). Dab (1997) critique notamment le fait que la gestion et les interventions de santé publique aient été principalement liées à la sécurité sanitaire et que ces interventions aient été faites particulièrement au moment de crises28 • Dans le cas des États-Unis, seul un examen des mandats et des responsabilités assumés par divers États, le niveau local et des
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actions menées par divers groupes d'acteurs permettrait de brosser un portrait assez juste de la situation. Comme le développement de programmes relève de l'État ou du niveau local, ou de l'un ou l'autre, il risque d'y avoir une assez grande diversité dans l'intérêt porté au champ même de la santé publique, soit en termes de ressources, soit quant à l'intérêt porté à tel ou tel autre problème. Selon le rapport du Committee for the Study of the Future Public Health de l'Institute of Medicine ( 1988 : r 38), la santé publique aux États-Unis fait face à un dilemme important. D'un côté, un certain nombre de gains ont été réalisés en ce qui concerne par exemple la mortalité infantile. D'un autre côté, un ensemble de nouveaux problèmes se sont développés (cancer, maladies du cœur, substances toxiques dans l'air, l'eau et les aliments, problèmes de drogues chez les jeunes, le sida) et face à ces problèmes, la tendance est de recourir aux solutions passées, soit aux lois, à la régulation, aux agences (old public health). Les acteurs de santé publique n'auraient pas su affirmer leur place face à ces nouveaux problèmes, les responsables politiques cherchent plutôt des solutions à court terme, afin de faire face aux crises, sans se référer aux connaissances existantes. Tout de même, aux États-Unis, il y a toujours eu un relatif intérêt pour des activités de prévention qui semblent être davantage orien tées vers les populations les plus pauvres ou vers les groupes les plus marginaux. Un exemple qui illustre à la fois l'intérêt porté à la prévention et les acteurs qui se préoccupent de santé publique est le Mode/ Standards : A Guide for Community Preventive Health Ser vices. Ce guide, qui a été développé de concert par l'American Public Health Association, les National Organizations for State Health Officers, les County Health Officiais, les Local Health Officers et le US Public Health Service, propose 34 domaines d'intervention pour le niveau local (Timmreck, r997 : 603 ). La délimitation floue et changeante des frontières du champ de la santé publique est certes reliée au contexte public d'utilisation des connaissances qui caractérise le système de santé d'une société donnée. Mais plus précisément, la délimitation de ces frontières semble varier selon les types de problèmes pris en charge ou non par les acteurs de santé publique et les mesures retenues. Plus encore, la configuration interne du champ a des conséquences sur l' organi sation des connaissances, voire sur la prédominance de tel ou tel autre type de savoir. Selon les problèmes, les domaines, les modes et
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les mesures privilégiés, tel type de compétence occupera plus de place que tel autre. Un corpus de connaissances éclaté : savoirs et compétences
Dans les cas à l'étude, la place occupée, ou non, par le médical à l'intérieur du champ de la santé publique apparaît capitale. Plusieurs auteurs reconnaissent la place importante prise par la profession médicale à l'intérieur des systèmes de santé anglais, français et américain, et « la résistance » plus ou moins forte de celle-ci aux interventions de santé publique (Dawson, Sherval et Mole, 1 996 ; Morelle, r996 ; Setbon, 1993 ; Starr, 1 988). Un tel constat ne suffit pas à caractériser le fractionnement du corpus de connaissances relatif au champ de la santé publique. La valorisation de savoirs contextualisés ou décontextualisés, ainsi que celle de compétences disciplinaires ou multidisciplinaires, apparaissent plutôt comme les axes déterminants du fractionnement du corpus de connaissances. Le premier axe à considérer est celui des savoirs que nous avons distingués en matière de savoir décontextualisé (connaissances aca démiques) et contextualisé (connaissances et habiletés profession nelles ) . Chacune de ces sphères semble fonctionner indépen damment, les producteurs de connaissances déterminant leurs propres objets, modes, méthodes d'interventions, sans prendre en compte la production de l'autre sphère. Mais plus encore, dans certains cas, il y aurait fractionnement à l'intérieur même de chacune de ces sphères, en raison notamment des différentes écoles et dis ciplines intervenant ; chacune tentant de faire reconnaître et d'impo ser la légitimité de son savoir. L'axe des compétences se manifesterait de la façon suivante. Tout dépendant de la configuration interne du champ, de la prise en charge par les acteurs de tel ou tel autre type de problèmes, soit il y aura prédominance des compétences disciplinaires et notamment du médical, soit il y aura prédominance des compétences multidiscipli naires. Ces caractéristiques du fractionnement sont encore plus diffi ciles à documenter, car la production des savoirs dans le champ de la santé publique n'est habituellement pas considérée sous cet angle. Dans le cas anglais, dans le contexte des modifications organi sationnelles du système de santé, la place occupée par les médecins
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spécialistes en santé communautaire a donné lieu à un important questionnement au cours de la dernière décennie. Le rapport Acheson ( 198 8 ) traite notamment du rôle de ces médecins au sein du système de santé, de la formation et de l'enseignement en santé publique. Bien que l'Angleterre dispose d'une longue tradition en matière de santé publique, il semble qu'il n'existe pas nécessairement pour autant une très grande collaboration entre les différentes sphères de production, soit entre le milieu universitaire et celui de la pratique29 • Le rapport Acheson ( 1 988 : 5 6) recommande qu'il y ait davantage de collaboration entre les institutions d'enseignement et les praticiens du milieu, et souhaite une plus grande ouverture à la multidisciplinarité. Bien que par l'intérêt porté à la prévention et à la promotion de la santé, le champ de la santé publique soit ouvert à d'autres professionnels, il semble que les médecins y occupent tout de même une grande place. L'intégration des mandats et des acteurs de santé publique à la gestion du système de santé qui a été faite au début des années 1990 aurait favorisé la compétence disciplinaire des méde cins, tout en soulevant la question de la nécessité de recourir à cette compétence 30 • Au cours des dernières décennies, la spécialité médi cale de santé publique en Angleterre a tenté de s'adapter et a montré une certaine ouverture aux problèmes de santé de la communauté. En 1972, à la suite de la commission Todd, cette spécialité prenait le nom de médecine communautaire (Desrosiers, 1996). D'une part, ces médecins ont de la difficulté à se faire reconnaître à part entière par leurs confrères médecins ; d'autre part, ils sont avant tout considérés comme des médecins par les autres professionnels de santé publique. Comme nous le verrons, la situation des médecins de santé commu nautaire au Québec présente plusieurs similitudes avec celle des médecins anglais. Dans le cas de la France, il y aurait une nette coupure entre les producteurs des savoirs décontextualisé et contextualisé, et chacune de ces sphères présenterait un certain nombre de faiblesses tant orga nisationnelles que culturelles. Dans son rapport, le Haut Comité de la santé publique ( 1 9 94 : 1 8 5 ) déplore entre autres : que le nombre de professionnels, d'experts ou de chercheurs en santé publique soit peu élevé, voire très inférieur aux pays voisins et aux pays nord américains et souvent affectés à des tâches de tutelle et de contrôle ; que les professionnels soient dispersés et peu habitués à travailler
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ensemble ; que le système de formation soit insuffisamment struc turé ; de même que l'absence de prestige et de reconnaissance sociale des structures et des professionnels de santé publique. L'attachement profond de la profession médicale à l'approche clinique et l'absence d'une culture professionnelle de santé publique auraient limité le développement de ce champ31 • Selon Dab (1997: 196), pour qui les experts comme les expertises de santé publique sont en crise: Les capacités [Conseil supérieur d'hygiène publique de France, Haut Comité de santé publique, académies des sciences et de médecine etc.] sont trop dispersées pour être efficaces. [ ... ] La quantité de travail nécessaire à produire une expertise de qualité est largement sous-esti mée et l'ensemble manque de crédibilité. Pour celui-ci, il est clair que dans le cadre d'une réforme à venir: il faut penser la coordination et la professionnalisation de l'expertise qui doit rendre accessible aux responsables les connaissances scien tifiques les plus actuelles sur l'origine ou l'ampleur des problèmes de santé et les moyens disponibles pour y répondre (Dab, 1997 : 199). De son côté, Morelle (1996: 373-3 7 5 ) évoque également la place mineure que la santé publique occupe dans l'enseignement médical, sa marginalisation et la nécessité même de revoir l'enseignement de la santé publique32 • Aux États-Unis, les rapports entre le milieu universitaire et les praticiens semblent également peu développés. Toujours selon le rap port de l'Institute of Medicine, les écoles de santé n'assumeraient pas nécessairement de façon équilibrée leur double rôle de développement de connaissances et de formation des praticiens. Un certain nombre de recommandations s'appliquent donc aux écoles de santé publique afin, qu'elles jouent un rôle plus actif et ce, tant dans les milieux gouvernemental et universitaire que sur le terrain (198 8 : 16-17) 33 . Bien que certains autres professionnels (infirmières, éducateurs) interviennent en matière de santé publique, les médecins occupe raient davantage ce champ. Ce qui n'empêche pas toutefois que des associations professionnelles comme l'American Public Health Asso ciation, ou des fondations privées soient des ardents promoteurs de la santé publique. Par ailleurs, bien qu'historiquement le milieu médical et la santé publique aient fonctionné indépendamment l'un
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de l'autre, des efforts et des actions concrètes sont faits afin que le milieu médical soit sensibilisé aux problèmes de santé publique 34 . Enfin, il nous faut revenir sur la dimension politique qui découle de chacun des traits et traverse l'ensemble du processus de cons titution et de transformation du champ contemporain de la santé publique. Compte tenu du contexte public d'utilisation des connais sances, de l'hétérogénéité des problèmes, de l'éventail des mesures possibles et de la diversité des savoirs et des compétences en jeu, les risques de tensions externes et internes entre les différentes catégories cl'acteurs directement ou indirectement concernés, tant sur les plans organisationnel, administratif, disciplinaire, professionnel que com munautaire, sont multiples. Selon le contexte public particulier d'une société, selon les types de problèmes valorisés et les mesures retenues, selon la prédominance de tel ou tel autre type de savoirs et les compétences privilégiées, les tensions mettront en scène certaines catégories d'acteurs plus que d'autres, et les jeux entre acteurs se dérouleront tantôt sur la scène publique nationale, régionale, locale ou municipale, tantôt sur la scène ministérielle, administrative ou professionnelle, tantôt sur la scène universitaire. Dès lors, on comprendra pourquoi, à première vue, le champ contemporain de la santé publique apparaît si chaotique. Le champ contem porain de la santé publique Le cas du Québec
Une organisation décentralisée des services de santé publ ique vers les provinces à situer au regard du système fédéral canadien
Au Canada, comme le rappelle Maioni (voir le chapitre 2), le secteur de la santé relève de la compétence provinciale. Historiquement, le gouvernement canadien a cependant joué un rôle important dans le financement des soins et des services de santé, et il s'est fait le défenseur d'un ensemble de normes à respecter pour les systèmes de soins provinciaux. De même, en matière de santé publique, ce gouvernement réglemente les produits pouvant affecter la santé des citoyens (aliments, médicaments, produits cosmétiques, appareils émettant des radiations, etc.), assume un rôle de surveillance à l'égard des maladies ainsi qu'un rôle en promotion de la santé en
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collaboration avec divers organismes ou groupes d'intéressés (Forest, 1997c) 35 • À différentes occasions, le gouvernement fédéral a joué un rôle de promoteur sur les plan national et international (Pinder, 1994) 36 , Chaque province demeure responsable de l'organisation des soins de santé et des services de santé publique sur son territoire. L'orga nisation provinciale des services de santé publique varie grandement d'une province à l'autre sur le plan administratif et quant à la nature des mandats officiels. À l'exception de }'Ontario, dont les services sont décentralisés au niveau municipal, la plupart des provinces délèguent maintenant les responsabilités de santé publique aux administrations régionales (CPHA, 1997 ; Rachlis, 1997 ; Sutcliffe, Deber et Pasut, 1997). Une délégation des responsabil ités aux autorités régio nales de gestion des services de santé
Au Québec, au cours des dernières décennies, l'organisation de la santé publique a été modifiée au rythme des réformes qu'a connues le système de santé 37 • Ainsi, au début des années 1990, l'organisation de la santé publique au Québec a pris la forme d'une délégation des responsabilités de santé publique à des directeurs régionaux ratta chés aux régies régionales de la santé et des services sociaux (Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., chapitre S-4.2, articles 371-375). Le directeur de santé publique se voit confier par la loi des responsabilités en matière de connaissance et de surveil lance de l'état de santé de la population, de protection, de prévention et de promotion de la santé (article 3 73 ). À cette même période, le ministère de la Santé et des Services sociaux crée une direction géné rale de santé publique (Groupe de travail sur la création de l'Institut national de santé publique, 1997). L'implantation de ces directions régionales de santé publique a suscité des difficultés qui ne sont pas encore nécessairement résolues. La place prise par les directeurs de la santé publique au sein des régies régionales, tout comme celle occupée par les équipes d'experts, restent encore en évolution et variables selon les régions. Dans plusieurs régies régionales, les directeurs de santé publique se sont vu confier des responsabilités de planification ou d'organisation des services. Sur cette base, les professionnels de santé sont mis à
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contribution pour aider les autorités régionales face aux défis d'une reconfiguration majeure du réseau de la santé et des services sociaux. Cette dernière mise sur les pratiques ambulatoires et entraîne des modifications importantes dans les missions des établissements (fusion, réaménagement, fermeture), et cela dans un contexte de fortes compressions budgétaires. Cette régionalisation marque bien la volonté des responsables politiques d'intégrer les services de santé publique à la gestion des services de santé. Force est de constater que les modifications appor tées à l'organisation de la santé publique sur le plan régional n'ont pas levé les ambiguïtés quant à sa contribution effective et à ses ressources. En 1996, un comité chargé d'examiner les responsabilités des divers niveaux du système de santé formulait les critiques suivantes à l'égard de la santé publique (Deschênes, Brunet, Bou dreau et Marcoux, 199 6): son manque d'imputabilité ; la résistance des professionnels à s'intégrer aux activités et à collaborer avec les autres directions à l'intérieur des régies régionales ; la concentration de l'expertise dans les régions de Montréal et Québec ; le manque de coordination au niveau provincial ; son budget protégé. A la suite du rapport du groupe de travail sur la création de l'Institut national de santé publique (Rapport Bernard, 1 997) et afin de remédier en particulier au problème important de la coordination des ressources, le ministre de la Santé et des Services sociaux créait l'institut 38 • Il reste à voir quels seront les répercussions de la venue de ce nouvel acteur. Quoi qu'il en soit, ces modifications organisation nelles n'ont vraisemblablement pas limité l'expansion du champ aux seuls problèmes de santé, ni à des mesures traditionnellement adop tées par les acteurs de santé publique. Une ouverture aux problèmes psychosociaux et socio-économ iques des communautés
Une des caractéristiques du système de santé québécois est l'asso ciation systématique des services de santé et des services sociaux, de sorte que l'ouverture aux problèmes psychosociaux est inscrite dans les responsabilités mêmes du ministre de la Santé, qui est aussi celui des services sociaux. L'on peut penser que cette association santé et services sociaux se répercute sur l'organisation et les pratiques de santé publique. Ainsi, la Politique de la santé et du bien-être adoptée
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par le ministre en I992 révèle une approche large qui reconnaît la pertinence d'agir sur l'ensemble des déterminants de la santé et du bien-être, incluant les conditions socio-économiques des com munautés. Alors que cette politique de 1992 associe explicitement la santé publique à trois objets plus traditionnels, soit les maladies transmis sibles sexuellement et le sida, les maladies infectieuses et les pro blèmes de santé dentaire, les priorités nationales de santé publique énoncées par le ministre en 1997 (MSSS, 1997b) manifestent une grande ouverture, à la fois aux problèmes psychosociaux et aux déterminants de la santé. Les priorités retenues sont: le développe ment et l'adaptation sociale des enfants et des jeunes ; les maladies évitables par l'immunisation ; le VIH-sida et les maladies trans missibles sexuellement ; le dépistage du cancer du sein ; le tabagisme ; les traumatismes non intentionnels et les traumatismes intentionnels ; l'alcoolisme et les toxicomanies. L'intervention de santé publique y est définie comme « l'action sur les déterminants de la santé et du bien-être de la population et des systèmes qui la régissent » (MSSS, 1997b: 18). De plus, ce document définit quatre principes directeurs de l'action en santé publique, soit les liens entre l'action et la con naissance, l'engagement auprès des communautés, l'engagement dans la lutte contre les inégalités en matière de santé et de bien-être ainsi que la concertation avec les acteurs publics, communautaires et privés. Une telle ouverture nécessite la collaboration de divers parte naires, tant des praticiens et établissements du réseau de la santé et des services sociaux que du milieu communautaire, et introduit un éventail de mesures habilitantes allant de la mobilisation des communautés au partenariat avec les décideurs locaux, régionaux et le milieu communautaire, en passant par le soutien social. Dans ce contexte, les frontières du champ de la santé publique deviennent de plus en plus floues et il devient de plus en plus difficile de tracer la ligne de démarcation entre les divers secteurs d'inter vention (la santé publique, le social, le communautaire). Aussi, bien qu'une telle conception de la santé publique présente en théorie des avantages pour l'amélioration de la santé de la population, il risque également d'y avoir de plus en plus de tensions organisationnelles, disciplinaires, professionnelles pour le partage des ressources. Et dans quelle mesure les acteurs de la santé publique disposent-ils des
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outils nécessaires, de la formation adéquate pour ce genre d'inter ventions ? En fait, cette question de l'orientation des pratiques en santé publique vers tel ou tel autre type de problème ou de mesure recoupe celle du corpus de connaissances. Un corpus de co n naissances do ublement fractionné
Comparativement à d'autres systèmes de santé, le champ de la santé publique au Québec couvre un ensemble varié de problèmes et de mesures et par conséquent intègre une plus grande variété de professionnels. Toutefois, comme dans les autres cas à l'étude, la j onction entre la formation et la recherche universitaires et les compétences professionnelles pertinentes est laborieuse et il y a également fractionnement à l'intérieur de chacune de ces sphères d'activités. Certes, de nombreuses collaborations entre individus se font autour de projets spécifiques, mais la formalisation des liens entre ces milieux est encore largement à construire 39 • De plus, il y a concentration des ressources spécialisées de santé publique dans les régions universitaires de Montréal et Québec (Groupe de travail sur la création de l'Institut national de santé publique, I997 ; Deschênes, Brunet, Boudreau et Marcoux, I996) . Comme dans le cas de l'Angleterre, la contribution propre des ressources médicales spécialisées en santé communautaire (ou santé publique) paraît souvent difficile à démarquer de celle des omni praticiens et des autres professionnels de santé publique40 Le fait que les médecins travaillant en santé publique soient rémunérés à même l'enveloppe budgétaire des soins médicaux (Programme de l'assurance-maladie) et en tant que professionnels autonomes aurait, selon certains, favorisé leur engagement dans les organisations de santé publique au détriment d'autres professionnels et expliquerait leur grand nombre (O'Neill, Cardinal, 1998 ) . Cette forte présence médicale a facilité le développement d'une expertise spécialisée, mais elle alimente les craintes d'une hégémonie médicale sur la santé publique. Le champ de la santé publique au Québec apparaît dynamique, continuellement en mouvement et possédant une grande capacité d'adaptation. Toutefois, les changements plus récents qu'a connus l'organisation des services de santé publique n'ont pas vraiment contribué à donner à ce champ d'interventions une assise solide. •
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Encore aujourd'hui, l'organisation ministérielle, régionale et locale de ces services apparaît vulnérable et ce, dans le contexte où les responsables politiques et les administrateurs publics mettent de l'avant l'idée d'un système de santé prenant tout à la fois le virage ambulatoire, le virage prévention/promotion et le virage milieu. Au Québec, comme dans les autres cas étudiés, les acteurs de santé publique font aussi face aux enjeux de la délimitation du champ, en regard de l'ensemble du système de santé, de la reconnaissance de domaines et de savoirs particuliers. Ces enjeux sont d'autant plus difficiles à résoudre que la plupart des sociétés occidentales se sont dotées de systèmes publics de santé et que, de plus en plus, ces sociétés reconnaissent la pertinence d'agir sur l'ensemble des déter minants de la santé pour améliorer la santé de leur population. Les acteurs du champ de la santé publique seront peut-être ainsi conti nuellement confrontés à cette ambivalence entre l'occupation d'un champ bien délimité et l'ouverture à un ensemble de problèmes de plus en plus variés. Conclusion
Au point de départ de ce chapitre, nous avons avancé l'idée qu'au delà des différences organisationnelles entre les systèmes de santé, un certain nombre de traits sont déterminants dans la constitution du champ contemporain de la santé pubHque. Ces traits sont la déH mitation floue et changeante des frontières du champ liée à l'hété rogénéité et à la prédominance de problèmes de santé à caractère collectif, le fractionnement du champ lié à un corpus de connais sances éclaté et enfin le contexte public d'utilisation des con naissances lié à la dimension collective des interventions de santé publique. Afin de caractériser chacun de ces traits, nous avons examiné les cas anglais, français et américain, puis nous avons analysé le cas du Québec. L'ensemble de l'analyse effectuée tend à confirmer la pertinence des traits proposés. De même, elle fait bien ressortir la complexité du champ contemporain de la santé publique. La tendance à joindre les interventions étatiques touchant les soins de santé à celles de santé publique, ainsi que la tendance à élargir les interventions publiques aux déterminants sociaux de la santé, ouvrent le champ de la santé publique sur des domaines où il est plus difficile pour les acteurs de réclamer une délégation formelle, de bien
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Le système de santé québécois
délimiter leurs interventions ou de faire valoir leur savoir particulier. Ces tendances risquent d'entraîner éventuellement la dilution du champ dans l'ensemble des services publics et de l'intervention communautaire. La santé publique se réduirait alors aux motivations communes d'un ensemble d'acteurs qui s'efforcent, chacun à leur façon, d'améliorer la santé et le bien-être collectif. Il demeure probablement possible, pour les acteurs de santé publique, de préserver un champ distinct d'intervention. Mais ils peuvent difficilement miser sur la spécificité de l'objet de la santé publique ou sur le caractère public de leurs interventions. En effet, l'objet même qui est au centre des interventions du champ de la santé publique, voire de ses acteurs, varie dans le temps et dans l'espace. Il devient difficile pour les acteurs de faire valoir leur contribution particulière en insistant sur la spécificité d'un objet qui déjoue le temps et les prévisions. Ce n'est pas non plus en se retranchant der rière le caractère public de leurs interventions que les acteurs par viendront à justifier leur raison d'être. De plus en plus d'acteurs des secteurs privé ou communautaire sont appelés à intervenir en raison de la nature même des problèmes, ainsi que de l'efficacité de leurs interventions. Les cas des systèmes américain et français montrent que le dynamisme de la santé publique n'est pas nécessairement et uniquement relié à la place que l'État occupe, ou non, dans ce champ. Afin d'assurer la pérennité d'un champ distinct, les acteurs de santé publique devraient peut-être miser davantage sur une plus grande intégration du corpus des connaissances, ainsi que sur une meilleure concertation entre les acteurs. Actuellement, les rapports entre les producteurs de connaissances, entre universitaires et prati ciens, et à l'intérieur même de chacune de ces sphères apparaissent, à quelques exceptions près, peu développés. Compte tenu de la diversité des producteurs et des règles de production qui caracté risent le corpus de connaissances du champ contemporain de la santé publique, les difficultés à surmonter sont nombreuses. Il suffit de penser à la sempiternelle opposition entre médecins et non-médecins, aux questions relatives à la définition du rôle des médecins de santé publique, à l'organisation de la formation. Mais il nous apparaît qu'une plus grande intégration de la production des connaissances et une interaction plus intense entre universitaires et praticiens cons titue une voie prometteuse, et quelque peu obligée, pour les acteurs du champ contemporain de la santé publique, et tout particulière ment pour ceux du Québec.
Q U AT R I È M E P A R T I E
L'éval uation et le changement
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À
DES DEGRÉS DIVERS, la plupart des pays indus trialisés sont aux prises, en cette fin de siècle, avec des ques tionnements sur le rôle de l'État à l'égard des politiques sociales. Le vieillissement de la population combiné à une faible croissance démographique et à un allongement de l'espérance de vie sont des phénomènes bien connus qui se répercutent sur ces politiques et sur les actions qui en découlent. Il en est de même de l'évolution, sou vent consécutive à ces phénomènes, des problèmes qui affectent la santé et le bien-être des populations tels que les maladies dites de civilisation, l'accroissement des maladies chroniques et dégénéra tives, les problèmes d'adaptation et d'intégration sociale des per sonnes à des environnements changeants ou en mutation et les iniquités économiques. Ces situations, d'ordre davantage structurel, sont exacerbées par un phénomène de nature plus conjoncturelle, soit celui de la crise des finances publiques. Ce dernier force pré sentement plusieurs démocraties occidentales à revoir leurs priorités d'action et à faire de nouveaux choix sociaux et budgétaires. En raison de l'importance du PIB consacré aux politiques sociales et aux systèmes de santé, les systèmes publics de santé sont plus
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souvent qu'autrement les premières cibles des réformes projetées ou effectuées pour agir sur les problèmes de santé, compte tenu de l'incertitude entourant l'efficacité réelle des investissements qui y sont consentis, c'est-à-dire le rapport entre les résultats réels sur l'état de santé des populations et sur l'amélioration de la qualité de vie et les sommes investies pour les produire. Si les processus de réforme préconisés pour agir sur ces problèmes varient largement d'un pays à l'autre (Saltman, 1988 ; OCDE, 1 992), leurs objectifs sont sensiblement les mêmes : d'une part, l'amé lioration de l'état de santé et de bien-être des populations et, d'autre part, la rationalisation des choix budgétaires. Il semble que dans la plupart des pays industrialisés, la « gestion par les résultats » (quels que soient les sens attribués à cette expression) soit devenue une sorte de refrain constamment repris par les gouvernants et les gestionnaires publics. Des indicateurs de plus en plus raffinés d'espérance de vie, de qualité de vie, de mortalité, de morbidité, d'utilisation de services et de coûts deviennent les critères de l'efficacité et de l'efficience des système de santé et de la surveillance de leur évolution. Leur surveillance minutieuse dans le temps et l'espace, par exemple, par des comparaison longitudinales nationales et internationales, peut donner lieu à toutes sortes de décisions reliées autant aux priorités sociosanitaires, qu'au rationnement des dépenses de santé. Les restrictions budgétaires parfois sévères, la désassurance sélective de certains services, la mise en place de nou velles formes d'organisation de services, la réallocation de ressources dans le but de favoriser le développement de soins et de services ambulatoires et de restreindre le développement hospitalier comptent parmi les décisions qui inspirent actuellement la transformation des systèmes de santé. Il n'entre évidemment pas dans les objectifs de cette partie de discuter ces mesures. Il faut cependant retenir, en corollaire, que ces dernières visent à changer la dynamique de ces systèmes en transférant l'imputabilité à la fois aux producteurs de soins et de services et aux consommateurs. Cette quête d'une plus grande efficacité et d'une plus grande effi cience repose en grande partie sur l'évaluation des systèmes de santé. En effet, dans les sociétés où l'État joue un rôle de premier plan dans le financement et la régulation des services, la préoccupation d'éva luer programmes, interventions et services · devient une nécessité administrative et politique.
I.:évaluation et le changement
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C'est cette nécessité de l'évaluation pour la gouverne et la gestion des politiques et des programmes de santé qui est à l'origine de la présente partie. Nous y consacrons trois chapitres. Un premier pro pose une réflexion sur ce qu'est l'évaluation et sur les grands cou rants de pensée qui la concernent, envisagés sur les plans onto logique, épistémologique, stratégique et méthodologique. Un deuxième chapitre s'intéresse aux arrangements institutionnels relatifs à l'évaluation des politiques et des programmes de santé. Il permet de situer le Québec par rapport au reste du Canada et à d'autres pays industrialisés, notamment les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Enfin, le dernier chapitre propose une réflexion sur l'évaluation comme un soutien au changement organisationnel et social dans le domaine de la santé.
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L'évaluation dans le domai ne de la santé : conce ptions, courants de pensée et m ise en œuvre C L E RM O N T B É G I N • P I E R R E J O U B E RT J EA N T U R G E O N
DANS S O N OUVRAGE CLASSIQUE sur l'évaluation, Edward Suchman (I967 : n ) écrivait : « Le besoin de connaître est intimement lié au besoin de juger. » Cette assertion renvoie à l'idée que le jugement humain a besoin de la connaissance pour s'exercer et que, réciproquement, la connaissance n'a d'utilité que dans la mesure où elle vient, dans l'immédiat ou à long terme, soutenir l'action dans toutes les sphères de l'activité humaine. Or l'évaluation est le terme consacré dont on se sert pour lier conceptuellement connaissance et jugement. Ce chapitre porte donc sur cet acte de connaissance et de jugement qu'est l'évaluation, plus précisément sur celle qui est institutionnalisée dans le domaine de la santé. L'objectif du chapitre est d'introduire ce concept, d'en montrer les facettes multiples et les principales utilisations dans ce domaine. Nous aborderons donc en succession les questions suivantes : Qu'est-ce que l'évaluation ? ; quels sont les principaux courants de pensée qui la caractérisent ? ; quel est leur apport à l'avancement des connaissances concernant la per tinence, l'impact, l'efficacité et l'efficience des politiques et des programmes dans le secteur de la santé ?
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Le système de santé québécois
Qu'est-ce q ue l ' évaluation ?
Comme le terme « évaluation » est polysémique, il paraît hasardeux, voire illusoire, de penser à une définition claire et univoque de l'évaluation. En effet, l'évaluation renvoie aussi bien à un champ de savoirs et de méthodes qu'à un contrôle administratif ou techno cratique. Certains lui attribuent des vertus démocratiques fondées sur le principe de transparence, alors que d'autres en font un instrument au service du pouvoir. Sur un plan plus substantiel toute fois, quelle que soit la réalité qu'elle recouvre, l'évaluation contient l'idée, implicite ou non, d'un retour sur l'action accomplie et pose la question des rapports entre la production des connaissances et l'usage social qui est fait de ces dernières. Il paraît également rela tivement clair que l'évaluation se présente de plus en plus, du moins dans les démocraties occidentales, comme une nouvelle forme de régulation du social où l'enjeu central est le rapport dialectique entre le scientifique et le politique (Légaré, Demers, 19 9 3 ). Sans prétendre épuiser la question, il est donc possible de dégager trois conceptions de l'évaluation qui nous paraissent à la fois interdépendantes et complémentaires. Trois conceptions interdépendantes et complémentaires
Construite à partir du mot « valeur », l'évaluation peut être définie comme un acte de jugement individuel ou collectif puisqu'il s'agit d'attribuer une valeur, de façon plus ou moins intuitive et plus ou moins informée, à un objet, en général un ensemble d'activités humaines. Envisagée ainsi, l'évaluation est assujettie aux carac téristiques psychocognitives, affiliatives et égocentriques du jugement humain, que la psychologie a bien documentées au fil des ans (Slovic et coll., 1977 ; Hogarth, 1987 ; Janis, 1989 ). Cette première con ception est à retenir dans la mesure où, même si les objets d'éva luation sont complexes et multidimensionnels, les jugements portés à leur égard contiennent toujours l'empreinte des humains qui les portent, ainsi que celles de leurs valeurs, de leurs intérêts. Dans ce contexte, l'évaluation n'est pas qu'un acte technique. Elle est aussi psychologique et sociale en ce qu'elle contribue à influer sur les pro cessus psychocognitifs et sociaux d'agents multiples travaillant au sein d'organisations comme les appareils d'État, les regroupements professionnels ou encore les établissements de production de services.
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Au regard de la régulation « des actions des pouvoirs publics », pour reprendre l'expression de Monnier (1992), l'évaluation est aussi une démarche qui consiste à produire des connaissances dans le but d'appuyer les processus de gouverne et de gestion des politiques et des programmes. Par gouverne, nous entendons, à l'instar de Lemieux ( 1995b), le processus de régulation qui caractérise l'émer gence, la formulation et la mise en œuvre des politiques publiques. La gestion se définit comme la planification, la coordination et le contrôle des programmes et des activités qui sous-tendent les politiques publiques ou qui en constituent la traduction opératoire. La gouverne et la gestion sont interdépendantes et complémentaires : la gouverne renvoie davantage aux aspects stratégiques et politiques de la régulation des organisations, alors que la gestion se concentre principalement, mais pas de façon exclusive, sur les aspects plus opératoires 1 • Aux fins du présent chapitre, cette deuxième concep tion de l'évaluation nous paraît appropriée pour traiter de l'éva luation des politiques de santé et des programmes qui en découlent. Dans ce domaine, et ce dans la plupart des pays occidentaux, l'absence de lois du marché pour juger de la pertinence, de l'efficacité et de l'efficience 2 des politiques publiques, des programmes ou des services 3 rend nécessaire le recours à l'évaluation pour déterminer l'à-propos des décisions et des actions et pour orienter la gouverne et la gestion des décideurs. Cette conception de l'évaluation institutionnalisée est née de la nécessité de rendre compte des décisions prises et des actions « menées » dans le prolongement des approches de rationalisation des choix budgétaires 4 qui ont marqué la gouverne et la gestion des affaires publiques dans plusieurs pays industrialisés à partir du milieu des années 1960. Elle a acquis sa légitimité sociétale du souci d'accroître l'imputabilité des gestionnaires publics et de l'obligation de diffuser les résultats obtenus à la suite des décisions prises quant aux priorités gouvernementales et à l'utilisation des fonds publics. Comme on le verra dans le chapitre suivant, dans plusieurs pays industrialisés, l'évaluation est appelée à informer à la fois les instances législative et exécutive des États (Mayne et coll., 1992 ; Marceau, Turgeon, 1 994). Selon cette conception, l'évaluation peut être considérée à la fois comme une forme de soutien à la gouverne et à la gestion de l'ensemble d'un système, plus particulièrement des organisations publiques de santé, donc comme une aide à la
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Le système de santé québécois
décision. Avant d'être une opération technique, elle est un processus dynamique d'interactions entre des praticiens (gouvernants, gestion naires ou intervenants), des utilisateurs de services et des agents d'évaluation, dans un contexte où les préoccupations d'évaluation portent sur la formulation et l'élaboration des politiques et des programmes, sur la production et la gestion des services qui en découlent et sur l'interprétation des résultats obtenus (Bellavance, 198 5 ; Meny, Thoenig, 1989 ; Lemieux, 1 99 5 b). L'évaluation est alors éminemment politique et résulte plus souvent qu'autrement de la rencontre de flux de problèmes, d'occasions de choix et de solutions, ainsi que de la participation fluide des acteurs en cause (March, Olsen, 1972 ; Kingdon, 1984 ; Lemieux, 1995 ), plutôt que de l'application intégrale du modèle de rationalité classique sur lequel on fait habituellement reposer cette activité. En raison de ses particularités psychologiques, sociales et politi ques, mais aussi de sa position stratégique dans la gouverne et la gestion des politiques et des programmes, l'évaluation est, selon cette deuxième conception, comme le soutient Monnier, « un outil courant indispensable à la formulation de l'action elle-même, à sa mise en œuvre et à son amélioration ( 1992: 2) » . À cette conception s'en ajoute une troisième, issue de plusieurs disciplines des sciences du social, selon lesquelles l'évaluation est une pratique sociale ou une forme de recherche appliquée. Les résultats des évaluations peuvent alimenter les débats publics et représentent une forme importante de réflexivité institutionnelle. En effet, l'éva luation est de nature à induire des actions et des décisions qui mar quent la structuration des systèmes de santé et, ul-f.imement, des sociétés qui les soutiennent ( Giddens, 1987). Par ailleurs, au-delà des préoccupations centrées sur la recherche d'une plus grande efficacité et d'une plus grande efficience des systèmes, cette troisième con ception de l'évaluation met davantage l'accent sur les questions de pertinence et d'utilité sociétales des politiques et des programmes de santé. Les deux premières conceptions et, dans une moindre mesure, la troisième sont issues d'une vision de la connaissance ou du savoir fondée sur la recherche de la cohérence et de la rationalité dans la prise de décision et dans l'action, vision qui caractérise les sociétés modernes. Elles sont au cœur de ce que Maheu et Toulouse ( 1993 ) appellent la régulation du « social institué » dans laquelle l'évalua-
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tion se présente comme une forme de soutien aux processus de trans formation en cours et une forme d' « intelligence critique » des sys tèmes. Ces conceptions inspirent une bonne part des propos que nous tiendrons dans ce chapitre puisqu'elles sont à l'origine des systèmes modernes de santé et qu'elles sont au cœur des travaux sur l'évaluation. Les cou rants de pensée en éval uation : fondements onto logiques et épistémologiques
Depuis les débuts de son institutionnalisation dans les organisations publiques, l'évaluation a été marquée par plusieurs courants de pensée qui ont influé à la fois sur les stratégies et sur les méthodes d'évaluation. Ces courants reposent essentiellement sur deux posi tions ontologiques et épistémologiques de l'évaluation fondamenta lement différentes. Ils renvoient à deux ensembles de croyances qui orientent le travail des producteurs d'évaluation, la nature des ques tions qu'ils se posent et le choix des méthodes qu'ils privilégient pour y répondre. Bien qu'ils se soient largement développés en opposition l'un à l'autre, on reconnaît de plus en plus la complémentarité de ces courants de pensée, compte tenu de la multidimensionnalité des pro blèmes et de la complexité des enjeux humains, sociaux et écono miques qu'ils soulèvent, lorsque se pose la nécessité de concevoir, de mettre en œuvre et d'évaluer les politiques et les programmes qui en sont issus (Gibbons et coll., 1994) . Sur le plan ontologique, les évaluateurs dits « objectivistes » posent la réalité comme existant per se, indépendamment des per ceptions de celles et ceux qui l'observent. Ils s'inspirent essentiel lement du modèle orthodoxe de la science (Audet et coll., 1986) dans leurs activités de production de connaissances. A l'opposé, les éva luateurs « subjectivistes » proposent de concevoir la réalité comme le fruit de la conception que s'en donnent les sujets qui l'observent ou la vivent. Cette différence est fondamentale en évaluation, dans la mesure où le principal mandat de l'évaluateur est précisément de rendre compte de cette réalité. La position ontologique de l'évalua teur marque de façon irréductible ses choix épistémologiques et, en corollaire, influe sur sa démarche et ses méthodes de travail. Deux positions épistémologiques différentes, soit le positivisme et le constructivisme, découlent de ces deux positions ontologiques. Le positivisme postule que !'évaluateur doit essentiellement se placer en
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Le système de santé québécois
position d'extériorité par rapport à l'objet qu'il évalue. Son rôle est alors de saisir cet objet de la façon la plus fiable et la plus valide possible et d'en rendre compte d'une façon objective et neutre. À l'inverse, selon le constructivisme, la connaissance produite par !'éva luateur résulte de son interaction avec l'objet de son évaluation et est construite au fil de l'investigation. Bref, la position constructiviste repose moins sur la recherche non équivoque de la vérité que sur la construction d'un état de situation fondé sur les prémisses retenues et documenté avec rigueur selon une démarche de recherche « trans parente ». Mais dans ce dernier cas, on préférera parler de con naissance « utile » pour les différents acteurs, plutôt que de « vérité » . Les démarches et les modes de mise e n œuvre de l ' évaluation
Il existe une telle panoplie de démarches, de méthodes et de techni ques, autant quantitatives que qualitatives, qu'il serait présomptueux de vouloir les recenser. Le choix d'une démarche d'évaluation et d'une ou de plusieurs approches méthodologiques devrait être géné ralement fonction de la situation à évaluer (Patton, r987). Il faut néanmoins reconnaître que le choix des démarches et des méthodes est également tributaire de l'importance accordée par l'évaluateur à l'une ou l'autre des positions épistémologiques décrites précé demment. Les démarches
Bien que les travaux sur les démarches d'évaluation soient abon dants, la notion même de démarche n'est pas toujours claire. Par démarche, nous entendons ici l'ensemble des actions prises par !'éva luateur pour concevoir et mettre en œuvre le processus d'évaluation, de la formulation des objectifs du projet d'évaluation jusqu'à la production et la diffusion des résultats. En somme, il s'agit ici de la façon dont !'évaluateur règle le processus par lequel il évaluera. En ce qui concerne la démarche d'évaluation, on peut dégager deux grandes tendances, chacune s'appuyant sur l'une ou l'autre des positions ontologiques et épistémologiques présentées précédem ment. Selon la première, l'évaluateur est un expert chargé de définir les objectifs de l'évaluation et de mettre en place l'appareillage
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conceptuel et méthodologique nécessaire pour la réaliser. L'évalua teur doit veiller à préserver_ sa neutralité et son objectivité. Il sera donc porté à garder ses distances par rapport aux différents acteurs concernés et à construire un plan d'évaluation qui lui garantisse de mettre le processus et les résultats de son évaluation à l'abri des influences extérieures. S'il fait appel à des acteurs engagés dans l'objet qu'il évalue, ce sera pour obtenir des renseignements qu'ils détiennent et dont il juge avoir besoin pour ses analyses. Dans un tel contexte, la conduite du processus d'évaluation est davantage « uni latérale ». Une telle stratégie découle habituellement d'une position objectiviste et positiviste adoptée par }'évaluateur. Opter pour cette démarche d'évaluation présente l'avantage, quand les conditions le permettent (par exemple, en situation expérimentale ou quasi expérimentale) et quand des méthodes quantitatives appropriées sont utilisées (Lipsey, 1 9 8 8 ), de pouvoir discerner certains effets ou résul tats d'un programme ou encore « d'obtenir de l'information précise sur un processus d'intervention (Péladeau, Mercier, 1993 : n 3 ) », dans une optique ou une perspective de généralisation. À l'opposé, la seconde tendance s'appuie sur la nécessité de mettre à contribution les principaux acteurs mis en cause par un projet d'évaluation 5 • Monnier inclut dans ces parties prenantes les « agents de légitimation », c'est-à-dire les gouvernants et les gestionnaires des politiques et des programmes soumis à l'évaluation, les « actants », c'est-à-dire les différents intervenants qui y travaillent et les « réac tants », que sont les utilisateurs des services produits ou les publics intéressés. Les adeptes de cette école de pensée cherchent par différents moyens à faire participer toutes les parties prenantes aux différentes phases de l'évaluation, depuis la formulation des objectifs jusqu'à l'interprétation des résultats. Monnier (évaluation pluraliste, 1992), Lascoumes et Setbon (évaluation pluraliste, 1996), Patton (utilization-focused, 1986, 1990), de même que Guba et Lincoln (fourth generation evaluation, 1989) sont parmi les principaux pro tagonistes de ce courant de pensée. Cette tendance repose sur le postulat que la légitimité des résultats d'une évaluation sera d'au tant plus grande que les parties auront participé aux différentes phases du processus d'évaluation, y compris aux conclusions qui en découlent. Plus récente que la précédente, cette démarche constitue une réponse aux critiques formulées à l'égard des évaluations produites
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Le système de santé québécois
selon la première tendance, dont on déplorait le peu d'utilisation des résultats (Guba, Lincoln, 1982). Une telle démarche fait de !'éva luateur, comme le suggère Monnie½ « un maïeuticien, un médiateur et un méthodologue (Monnier, 1992 :13 2) ». D'une part, ce dernier est appelé à faciliter par des méthodes diverses l'expression des opinions et des valeurs des acteurs au regard de l'objet d'évaluation, dans le but de mettre au jour leurs oppositions et leurs accords en ce qui concerne les questions d'évaluation, les méthodes les plus appropriées pour les réaliser et les interprétations qu'ils donnent des résultats. D'autre part, il est perçu comme l'expert dans le choix et la mise en œuvre des méthodes appropriées pour réaliser ces évaluations. La conduite de l'évaluation y est ici davantage « multilatérale » ou, pour reprendre l'expression de Monnier, « pluraliste », et s'inspire forte ment des positions subjectiviste et constructiviste. Si les évaluations qui procèdent de cette façon semblent fournir des « données écolo giquement plus valides » (Péladeau, Mercier, 1993 : n3 ), en revanche une proximité trop grande du chargé d'évaluation face à son objet, ou encore une « politisation » non maîtrisée du choix des questions d'évaluation peut limiter singulièrement l'étendue et la portée, tant du questionnement évaluatif que des résultats d'évaluation. Sur ce dernier point, le cas de l'évaluation des politiques publiques multisectorielles en France au début des années 1990 devrait servir de leçon. À l'époque, le Conseil scientifique de l'évaluation ( CSE) a introduit la notion d' « instance d'évaluation, [ ... 1 organe responsable de la coordination et de l'exploitation des travaux ainsi que des conclusions de l'évaluation ( CSE, 1994 : 99) » . Or ( CSE, 1994 : 102) : la composition de l'instance d'évaluation est devenue un enj eu important des rapports de pouvoir entre administrations lors du lancement des évaluations.
Le Conseil, dans ce même rapport annuel, souligne que ce phé nomène expliquerait, en partie du moins, certaines lacunes dans les rapports d'évaluation étudiés (CSE, 1994 : 17) : Le Conseil [scientifique de l'évaluation] a été amené à relever un certain nombre d'insuffisances [dans les rapports d'évaluation] : dérives par rapport au mandat initial, qualité inégale et manque de cohérence des études, difficulté du rapport d'évaluation à synthétiser l'apport de ces études dans le sens d'une réponse au questionnement évaluatif, recom mandations insuffisamment reliées aux constats. La source de ces
L'évaluation dans le domaine de la santé
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problèmes réside souvent dans le mauvais fonctionnement des instances d'évaluation, au sein desquelles la logique de la négociation entre inté rêts et points de vue préconstitués l'emporte sur le respect du mandat et les exigences scientifiques de la démarche d'évaluation. La mise en œuvre des évaluations
Quelles que soient les démarches retenues, l'évaluateur dispose d'un éventail de méthodes pour la mise en œuvre d'évaluations. Les travaux sur les méthodes d'évaluation sont nombreux et sans les présenter in extenso, il est possible, à l'instar de Monnier (1992), de les regrouper selon divers modes qui traduisent les logiques sur lesquelles elles reposent. Dans le domaine de la santé on peut ainsi distinguer sept approches6 pour distinguer les différentes méthodes évaluatives. Ce sont l'approche de l'agrément, expérimentale et quasi expérimentale, fondée sur l'opinion d'experts, dialectique, statis tique, qualitative et de l'habilitation. r ) Vapproche de l'agrément repose sur l'existence de règles et de normes reconnues comme valides et acceptées comme critères de jugement de l'efficacité ou de l'efficience. Ici, la réalité est préexis tante et un modèle de cette réalité est prescrit aux agents qui œu vrent au sein des systèmes. !;évaluation consiste alors à faire la démonstration de la conformité ou de la non-conformité de la situation sous évaluation à des règles ou à des normes. Plusieurs méthodes d'évaluation ont été inspirées de cette approche dans le domaine de la santé : la vérification comptable, l'agrément assuré pour les hôpitaux canadiens et québécois par le Conseil canadien d'agrément des hôpitaux et, pour les autres catégories d'établisse ments, par le Conseil québécois d'agrément d'établissements de santé et de services sociaux, l'inspection assumée par les corpora tions de professionnels, l'audition médicale par les pairs au sein des hôpitaux, pour n'en nommer que quelques-unes. L'approche de l'agrément a aussi donné lieu au Canada et aux États-Unis à la mise en place de systèmes de surveillance de l'activité professionnelle et institutionnelle variés comme les programmes d'assurance de la qualité, l'étude de l'activité des professionnels, les revues d'utilisa tion des services hospitaliers et les programmes d'audit médical (Donabedian, 198 8 ).
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Le système de santé québécois
2) Bien que s,appuyant sur la même logique de démonstration, l'ap proche expérimentale et quasi expérimentale est essentiellement de nature hypothético-déductive. Les évaluations d'impact, d'efficacité et d'efficience contenant des méthodes expérimentales ou quasi expérimentales de recherche et, plus particulièrement, des essais cliniques aléatoires contrôlés, des études de cas-témoins, des études de cohorte ou de méthodes multivariées (Campbell, Stanley, 1963 ; MacMahon, Pugh, 1970 ; Contandriopoulos et coll., 1990a ; Rossi, Freeman, 199 3 ) s'appuient essentiellement sur cette approche. Depuis quelques années, la quête d'une plus grande pertinence, d'une plus grande efficacité et d'une plus grande efficience des politiques et des programmes de santé a donné lieu à la réalisation d'un grand nombre de recherches évaluatives 7 de cette nature dans divers domaines comme Pépidémiologie clinique et sociale, Pévalua tion des technologies, l'évaluation des pratiques des professionnels, l'évaluation des rendements institutionnels et l'organisation des services, sous des aspects comme le financement et l'allocation des ressources, les modes de rémunération des médecins et les nouvelles formes d'organisation des services. De plus, il est à prévoir que des études de ce genre seront de plus en plus utilisées en raison des enjeux de la gestion par les résultats dans ce secteur. Dans un tel contexte, les études de coûts-avantages, de coûts-efficacité et de coûts-utilité occuperont sans doute l'avant-scène, en raison des impératifs de rationnement dont nous avons déjà fait état en intro duction de cette partie et de la nécessité d'orienter les dépenses de santé vers des interventions dont l'efficacité et Pefficience sont démontrées. Parmi les enjeux d,évaluation fréquemment mentionnés comme prioritaires, mentionnons : l'évaluation des impacts sociaux et sanitaires des programmes et celle des interventions médicales et sociales, l'étude des variations géographiques de l'état de santé des populations et des facteurs explicatifs de ces variations (American Public Health Association, 1992 ; Roos, Roos, 1992 ; Roos et coll., 199 5 ), l'évaluation des modèles organisationnels de soins de santé communautaire (Berk, Chalmers, 19 8 1 ; Abelson, Hutcheson, 1994 ; Church et coll., 199 5 ), l'évaluation des technologies spéciali sées en milieu ambulatoire (CETS, 1996), le développement et l'évaluation des nouvelles technologies de l'information et de la communication comme la télémédecine et la télématique (CETS, 1996), et l'évaluation des nouvelles modalités de financement et d'allocation des ressources (Rheault, 199 5 ).
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3 ) L'approche fondée sur l'opinion d'experts repose sur le principe que le détenteur d'une information privilégiée, d'un savoir spécialisé ou d'une compétence et d'une expérience particulières à propos d'un objet d'évaluation constitue une source d'information et de con naissances qui, dans certains cas, peut se substituer aux approches plus formelles et plus coûteuses de production de connaissances. Le recours à cette approche conduit à l'utilisation de méthodes de consultations individuelies et collectives d'experts ou d'informateurs clés. Les comités d'étude, les comités conseil, les commissions d'enquête s'inspirent souvent de cette approche. Au Québec, en particulier, on y a eu fréquemment recours dans le domaine de l'évaluation. Qu'il suffise de penser au rôle déterminant joué par les commissions d'enquête Castonguay-Nepveu et Rochon, au Conseil de la santé et du bien-être, au Conseil d'évaluation des technologies, au Groupe tactique d'intervention concernant l'engorgement des urgences, au Comité d'experts sur l'assurance-médicaments ou encore au Conseil consultatif de pharmacologie. 4} L'approche dialectique aussi nommée approche du prétoire (Monnier, 1992 : 140), repose sur « l'idée que la vérité émerge de Pexposé de thèses opposées et de la confrontation de preuves contradictoires » à propos de l'objet d'une évaluation. Les com missions parlementaires sont une première illustration de cette approche. Au Canada, certains auteurs proposent un autre méca nisme pour faciliter une telle confrontation de points de vue : la multiplication des lieux d'évaluation par la création d'instances particulières rattachées à l'appareil législatif de l'État, pour faire contrepoids au monopole détenu par l'appareil exécutif en matière d'évaluation. Ainsi, Marceau et coll. ( 1 992a) suggèrent d'intégrer l'évaluation de programmes au mandat du vérificateur général. Landry ( 19 87), quant à lui, propose la création d'un organisme relié directement à la Chambre des communes ou encore à l'Assemblée nationale. À partir d'un raisonnement semblable, le Parlement fran çais a adopté, le 6 juin 1 99 6, une loi (96- 5 17) créant l'Office parle mentaire d'évaluation des politiques publiques composé de deux délégations, l'une de députés de l'Assemblée nationale, l'autre de représentants du Sénat. Au Québec, l'idée d'une commission parle mentaire triannuelle a déjà été proposée, en ce qui a trait plus spécifiquement à l'évaluation des politiques et des programmes de santé (Castonguay, 1996b ) .
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Le système de santé québécois
5) Vapproche statistique repose sur l'exploitation à des fins évaluatives des données statistiques produites par les systèmes d'information à propos d'un objet à évaluer. Cette approche suppose l'existence d'indicateurs ainsi que leur diffusion et leur exploitation par les différentes parties prenantes, Selon cette approche, la réalité obser vée est décrite par des indicateurs quantitatifs et s'appuie habituelle ment sur une épistémologie d'inspiration positiviste. Elle n'en est pas moins influencée par les croyances et les valeurs personnelles du concepteur d'indicateur. En contrepartie, l'utilisation des indicateurs et l'interprétation des phénomènes dont ils rendent compte sont largement tributaires des croyances et des valeurs de celles et ceux qui s'en servent pour évaluer. Bref, il n'y a pas nécessairement de corrélation entre les indicateurs et l'interprétation qui en découle même si parfois on attribue à cette approche des vertus d'objectivité et de neutralité qu'elle n'a pas nécessairement. Les méthodes d'analyse statistique utilisées à des fins évaluatives ne sont pas nouvelles. Les développements informatiques récents ouvrent toutefois de nombreuses possibilités pour faciliter l'éva luation en temps réel des politiques, programmes et services de santé. À cet égard, quelques développements récents méritent d'être mentionnés : le projet « Populis », au Manitoba, donne lieu à des comparaisons interrégionales de cohortes de population, intégrant des données variées, permettant de relier des indicateurs de l'état de santé de la population à des données de production de services (Roos et coll., 1995 ) ; la publication des variations dans les profils d'utilisation des services et de coûts, le développement dans plusieurs pays, de systèmes d'information pour évaluer les rende ments des hôpitaux en s'appuyant sur les DRG 8 (Kimberly, de Pouvourville et coll., 199 3 ), de même que la publication de guides du consommateur. Concernant ce dernier développement, signalons qu'en Pennsylvanie, l'État rend publiques, sous la forme de guides du consommateur, des données comparatives concernant les indica teurs de risque de décès associés à certaines interventions comme les pontages coronariens. On y produit même de l'information sur les intervenants professionnels et sur les coûts (Pennsylvania Health Care Cost Containment Council, 1993 a ; I993b). Dans le même ordre d'idées, le Comité national pour l'assurance qualité aux États Unis a élaboré et rendu public en 1993 un système d'évaluation des résultats : les HEDIS (Health Plan Employer Data and Information
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Set) basés sur des indicateurs de qualité des différents plans de gestion intégrée 9 • Ce système permet de comparer et de suivre l'évolution de ces indicateurs pour différents plans de gestion et sert de guide aux consommateurs dans leurs décisions d'achat de services de santé. Ces systèmes font l'objet de révisions régulières et semblent présentement faire figure de normes aux États-Unis (Edlin, 199 6 ; McGlynn, 1997). 6) L'approche qualitative s'appuie sur une position épistémologique inspirée du constructivisme. Les méthodes issues de cette approche sont essentiellement holistiques en ce qu'elles visent à appréhender les situations dans leur globalité et dans leur contexte. L'ethno graphie, l'ethnométhodologie et l'herméneutique ont largement inspiré cette approche (Denzin, Lincoln, 1994) . Les évaluations qua litatives sont employées pour mettre au jour la dynamique des systèmes organisationnels et rendre compte des processus et des structures de production de services. Elles peuvent aussi servir comme étape exploratoire en vue de définir des hypothèses plus précises pouvant se prêter ultérieurement à l'usage de méthodes expérimentales et quasi expérimentales de recherche évaluative. Au Québec, plusieurs travaux de nature qualitative ont été réalisés. En guise d'illustration citons : l'évaluation des centres de santé (Bégin, 1992a), l'analyse du processus budgétaire dans le secteur de la santé au Québec (Bégin, Labelle et Bouchard, 1987), l'évaluation du pro jet québécois d'expérimentation de la carte santé à microprocesseur (Fortin, Joubert, 199 6), l'analyse du partenariat médico-infirmier et du suivi systématique de la clientèle dans un centre hospitalier (Saint-Onge, 1996) ou encore l'évaluation des projets du Pro gramme d'action communautaire pour les enfants au Québec (le PACE, programme de Santé Canada) (Consortium CRSC, 199 5 ) . 7) Les six approches décrites précédemment s'appuient sur les points de vue ou analyses d'experts, de chercheurs ou d'agents spécialisés qui règlent les processus d'évaluation ou en effectuent la mise en œuvre. Dans le domaine de la santé, il existe également une septième façon d'envisager l'évaluation, soit l'approche de l'habi litation. Elle est inspirée des travaux de Saltman ( 1994} et repose sur le point de vue des consommateurs des services. Selon cette conception, le j ugement est attribué par celles et ceux qui utilisent les services, à partir d'outils ou de mécanismes qui produisent de l'information tant sur la valeur des services qu'ils reçoivent ou qu'ils
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Le système de santé québécois
peuvent recevoir et sur les modalités de leur utilisation, que sur les façons de les organiser et de les gérer. Ils peuvent ainsi influer sur les processus de gestion et de gouverne par les pressions que cette information leur permet d'exercer sur les responsables des services. Les mécanismes d'enquête basés sur les plaintes des usagers, les systèmes d'information qu'on commence à instaurer, pour per mettre aux gestionnaires et aux professionnels de tenir compte de la contribution des consommateurs à l'amélioration ou au maintien de standards de qualité 10 , relèvent de cette approche. À cela s'ajoutent les différents mécanismes de protection des droits de consomma teurs, moins formalisés, mais tout aussi efficaces, et qui sont réglés par les lois du marché. Ainsi, par exemple, la revue américaine Consumer Report publiait récemment deux rapports d'évaluation sur la pratique médicale et sur les plans de santé offerts par les HMO 1 1 aux États-Unis (Consumer reports, I99 5 ; I996). La classi fication des rendements hospitaliers dans certains magazines à grand tirage est un autre exemple de sources d'information dont dispose le consommateur pour exercer ses choix et porter, impli citement ou explicitement, un jugement sur les services de santé qui lui sont destinés ou qu'il a utilisés (McGlynn, I997 ; Hibbard, Jewett, I997 ; Ullman et coll., 1997).
Cette présentation à grands traits de ces différentes approches met en évidence l'importance des choix méthodologiques dans un travail d'évaluation. En pratique, on constate dans la plupart des pays occidentaux que les dispositifs politiques ou institutionnels d'éva luation empruntent beaucoup aux approches fondées sur l'opinion d'experts et sur l'approche dialectique, que les processus adminis tratifs ou décisionnels s'appuient souvent sur les approches statis tique, de l'agrément et de l'habilitation, tandis que les approches expérimentale et quasi expérimentale de même que les approches qualitatives se concrétisent davantage dans des démarches de recherche évaluative. Bien que ces distinctions doivent d'abord être considérées comme indicatives plutôt qu'exclusives, les deux approches qui se diffé rencient le plus sont les deux dernières. Elles ont fait l'objet de nombreux débats aux États-Unis, particulièrement depuis une dizaine d'années, notamment chez les membres de l' American Evaluation Association et dans la revue Evaluation Practice publiée
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par cette association (Lincoln, 199 1 ; Sechrest, 1992 ; Lincoln, Guba, 1992 ; Fetterman, 1992) . Elles n'en sont pas moins différentes dans leur façon d'appréhender le réel. La première approche comprend le réel comme « constitué d'entités décomposables en une hiérarchie de sous-systèmes qui peuvent s'analyser de manière indépendante (Monnier, 1992 : 191) » . Les travaux de Suchman (1967) et de Donabedian ( 1975 ; 19 80 ; 19 82), comme d'autres qui lui sont appa rentés (Champagne et coll., 19 85 ; Shadish, Cook et Leviton, 1991 ; Marceau et coll., 1992 ; Rossi, Freeman, 1993) s'inspirent de cette approche. À l'opposé, ceux qui se réclament de l'approche qua litative pensent que la réalité sociale est plus complexe et que « le tout est plus grand que la somme des parties » . Monnier ( 1992 : 141), Patton (19 86 ; 19 87 ; 1990) et Guba et Lincoln ( 1982 ; 19 89 ) sont parmi les principaux protagonistes de cette approche dans le domaine de l'évaluation. Dans l'un et l'autre cas, la question de la causalité est incon tournable, étant entendu que l'évaluation constitue toujours une tentative d'explication des effets observés et observables, mais les façons d'y répondre diffèrent d'une approche à l'autre. Afin d'éviter les partis pris idéologiques, nous préférons soutenir l'idée que cha cune de ces approches contient ses propres limites et que des oppo sitions radicales en faveur de l'une ou de l'autre ne peuvent, pour reprendre les termes de Péladeau et Mercier ( 1993 : n2), que « faire obstacle au développement respectif des différentes méthodologies et, par conséquent, au domaine de l'évaluation de programmes » . Il nous semble donc plus fructueux d'insister davantage sur les rappro chements que sur les oppositions et de réfléchir plutôt sur les enjeux de l'évaluation dans le contexte des transformations profondes auxquelles sont confrontés les systèmes de sal).té des pays indus trialisés. Conclusio n
Nous avons tenté de montrer que la fonction d'évaluation est de plus en plus reconnue comme nécessaire à l'heure des mutations pro fondes qui ont cours présentement dans les systèmes de santé et dans les sociétés au sein desquelles ils se développent et se transforment. Au Québec, par exemple, la refonte récente de la Loi sur les services de santé et les services sociaux précise le caractère stratégique de
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Le système de santé québécois
l'évaluation en présentant « l'exercice et l'acte d'évaluation, comme une condition essentielle à la régulation des politiques et des programmes (Joubert, 1992: 19) » . Au terme du présent chapitre, il convient de rappeler que si l'évaluation des services de santé est un instrument essentiel de réflexivité institutionnelle et un élément moteur de la transformation des systèmes de santé non régis par les lois du marché, elle est aussi, en corollaire, un champ de production de connaissances habité de tensions, tant sur les plans ontologique et épistémologique que méthodologique. Par la présentation des con ceptions, des courants de pensée, des démarches et des approches méthodologiques auxquels recourent les praticiens de cette activité, nous avons voulu montrer que l'évaluation dans le domaine de la santé, peut-être plus que dans d'autres champs d'application, pro cède de visions qui sont de moins en moins antagonistes et irré conciliables et de plus en plus interdisciplinaires et complémentaires. En cela, l'évaluation dans le domaine de la santé est une mani festation de la mutation profonde qui s'opère présentement dans les sociétés modernes. Le « modernisme systémique » ( Cooper, Burrell, I 988) qui a largement inspiré la conception des systèmes de santé dans les pays industrialisés a fait l'objet de critiques au cours de la dernière décennie, en ce qu'il répond de moins en moins aux carac téristiques des systèmes d'aujourd'hui. La cohérence et la rationalité uniques, de même que les instruments qui sont issus des sociétés modernes, telles la théorie des systèmes, la cybernétique et la théorie de la décision, n'ont plus le statut hégémonique dont elles ont joui au cours des trois ou quatre décennies antérieures. La légitimité socié tale du pluralisme des valeurs, de représentations contradictoires et de rationalités multiples semble de plus en plus reconnue. Les sociétés se transforment selon un processus de structuration qui résulte de l'action des agents individuels et collectifs qui font preuve de réflexivité individuelle et institutionnelle (Giddens, 1987 ; Has sard, 1993 ) ; le pluralisme des discours sur la connaissance est aujourd'hui admis et se substitue lentement au discours hégémo nique des tenants du modèle orthodoxe de la science. Toutes ces idées sont facilitées par l'explosion des connaissances scientifiques, par l'instantanéisation des communications, par la mobilité crois sante des personnes, des biens et des services, par la globalisation de la vie sociale et par l'homogénéisation accrue des modes de pro duction, de distribution et de consommation (FSA, 1995 ).
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Les processus de production du savoir et les modalités de la production des connaissances n'échappent pas à ces transformations. Dans un ouvrage récent, Gibbons et coll. (1994) observent qu'un corpus distinct de pratiques cognitives et sociales émerge actuelle ment des lieux de production de connaissances. Selon ces auteurs, les changements dans la pratique de la production de connaissances s'observent tout aussi bien dans les sciences de la nature que dans les sciences de l'humain et du social. Le champ de l'évaluation participe de cette mutation dans la mesure où, d'une part, son apport à la réflexivité institutionnelle et individuelle est davantage reconnu et où, d'autre part, il s'en trouve lui-même transformé. L'évolution de l'évaluation au cours de la der nière décennie montre bien que ce champ de connaissances s'est progressivement transformé d'une vision monolithique des objets de connaissances jusqu'à un pluralisme des visions, depuis un champ unidisciplinaire de production de connaissances jusqu'à un champ pluridisciplinaire (House, 1993 ). Dans le domaine de l'évaluation en santé, les objets à évaluer sont multidimensionnels et leur pleine compréhension nécessite des visions et des approches qui traversent les conceptions, les courants de pensée et les modes de mise en œuvre. La complémentarité des champs disciplinaires est nécessaire, car les enjeux de l'évaluation y sont, pour employer l'expression de Scriven ( 199 3 ), transdisci plinaires. L'apport de l'évaluation à l'évolution des systèmes de santé sera par ailleurs largement dépendant de la place qu'elle occupera dans les processus de gouverne et de gestion des politiques publiques et des programmes et, plus particulièrement, au sein des arran gements institutionnels des appareils publics dont il sera question au chapitre suivant.
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Les arran gements institution nels d 'éval u ation dans le domaine de la santé M I C H È L E SAI N T - P I E RR E • CLERMONT B É G I N P I E R R E J O U B E RT • J EA N Î U R G E O N
LE PREMIER CHAPITRE de cette quatrième partie a permis de mettre en évidence la variété des applications de l'éva luation dans le domaine de la santé, sans toutefois s'étendre sur la manière dont l'État se les approprie dans la gouverne et la gestion des politiques publiques. Ce sera précisément l'objet de ce chapitre, à partir de l'étude d'arrangements institutionnels de l'évaluation dont se dotent certains États. Nous nous proposons, dans ce cadre 1 , d'apporter des précisions sur le degré d'organisation de cette fonction au sein de l'appareil administratif de l'État, ainsi que sur celui de son intégration aux processus de gouverne et de gestion des politiques publiques et des programmes en matière de santé. Trois questions spécifiques retien nent notre attention. Premièrement, dans quelle mesure l'évaluation est-elle une activité organisée et légitimée au sein de l'État ? Autre ment dit, quelles sont les modalités des arrangements institutionnels mis en œuvre par l'État pour assurer la fonction d'évaluation de ses politiques et de ses programmes. En second lieu, quels rôles ces arrangements jouent-ils dans les processus de gouverne et de ges tion ? Et troisièmement, compte tenu de ce qui précède, que peut-on
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Le système de santé québécois
apprendre de la place qu'occupent les institutions vouées à l'évalua tion à l'intérieur de ces processus ? Pour ce faire, en raison de l'étendue du champ de l'évaluation dans le domaine de la santé, nous avons choisi de nous concentrer sur deux secteurs névralgiques dans la conjoncture actuelle des sys tèmes de santé : celui des technologies et des pratiques profession nelles, particulièrement médicales, et celui de l'organisation des services de santé. Plusieurs pays priorisent en effet l'évaluation des technologies et des pratiques qui en découlent, du fait de l'essor formidable des technologies 2 , de leur utilisation grandissante dans les systèmes de santé, du coût élevé de leur acquisition, de leur fonctionnement et, parallèlement à tout cela, de la reconnaissance des limites des ressources financières. Si la plupart du temps on examine la sécurité et l'efficacité des techniques, l'évaluation comporte aussi l'étude de leurs impacts économiques, sociaux et éthiques. Quant aux mesures des pratiques, elles fournissent généralement des indications sur les types d'interventions à préconiser, sur la qualité technique des actes accomplis et des résultats obtenus (Amouretti, Béraud, 1 990). Cependant, l'intérêt croissant pour l'évaluation des pratiques pro fessionnelles et leurs implications sur l'ensemble des systèmes de santé3 en fait actuellement un objet d'étude lié autant à l'organi sation des services qu'aux technologies. Aux fins du présent chapitre, nous traiterons des arrangements institutionnels de l'évaluation des pratiques en même temps que de ceux des technologies. Les processus de réforme auxquels se soumettent présentement la plupart des pays industrialisés amènent aussi à s'interroger sur les façons dont s'organisent et se gèrent les différents systèmes de santé. On considère alors les évaluations qui sont faites autant sous la forme d'utilisation des services offerts que sous celle de reconnais sance des institutions aptes à fournir des soins adéquats à des populations. En nous inspirant des trois conceptions de l'évaluation présentées au chapitre précédent 4 et des définitions élaborées par Turgeon ( 1994 ), nous considérons que les institutions créées par l'État, afin d'assurer l'évaluation des politiques et des programmes de santé, recoupent trois ordres de préoccupation. Premièrement, elles peuvent s'intéresser à l'évaluation de la conformité aux règles établies et aux normes édictées, afin de vérifier l'adéquation des actions accomplies
Les arrangements institutionnels d'évaluation
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à ces critères prédéterminés. Il s'agit en fait de s'assurer que certaines exigences de fonctionnement soient minimalement rencontrées 5 • En second lieu, les arrangements institutionnels de l'évaluation peuvent avoir comme préoccupation la surveillance et le suivi des politiques et des programmes aux fins de monitorage et d'autorégulation. Ici, il s'agit de dépasser la mesure de la conformité aux normes établies en vérifiant dans quelle mesure les actions entreprises contribuent à la concrétisation des choix effectués par les gouvernants ; on s'intéresse donc à l'évaluation de l'efficacité et de l'efficience de ces actions, sans toutefois remettre en question leur pertinence fondamentale. Parce que ces deux premières préoccupations, qui constituent les fondements mêmes des arrangements institutionnels, se traduisent par des opérations de nature relativement technique, en ce sens qu'elles relèvent des opérations nécessaires à l'action, nous les désignons, dans la suite de ce chapitre, par le terme d'évaluation technique. La troisième préoccupation des institutions porte directement sur la pertinence et l'impact des actions menées à la suite des choix effectués par les gouvernants. Autrement dit, les institutions peuvent assumer un rôle de légitimation des choix sociaux et, par extension, d'évaluation des décisions prises par les gouvernants. Peu importe que la reconnaissance soit relative aux problèmes à traiter, aux acteurs concernés, aux arrangements institutionnels choisis pour ce faire ou aux moyens privilégiés, nous parlons ci-après d'évaluation de légitimation pour traiter de cet ordre de préoccupations6 • Enfin, l'analyse des arrangements institutionnels que nous pré sentons porte principalement sur le Québec. Toutefois, pour rendre compte des enjeux qui se posent en matière d'évaluation des politi ques et des programmes de santé, en fonction du cadre proposé ci dessus et des objets d'évaluation à l'étude, nous utilisons aussi l'information disponible à propos de l'expérience canadienne, de même que celle sur d'autres pays industrialisés, comme les États Unis, la Grande-Bretagne et la France. Les modal ités des arrangements institutionnels de l 'éval uation des technologies et des pratiques professionnelles dans le domaine de la santé
C'est en vertu du principe de la responsabilité ministérielle que la fonction d'évaluation s'inscrit au Québec dans les processus de
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gestion sectoriels. Elle vise à fournir des instruments d'aide à la décision, particulièrement en ce qui a trait aux processus bud gétaires, et à améliorer la qualité des services et l'efficience des pro grammes gouvernementaux. Sont ainsi privilégiées la surveillance, par l'évaluation de la performance, et la recherche évaluative, par une mesure de la pertinence, de l'efficacité et de l'efficience des différents programmes, politiques et services (Marceau, Simard et Otis, 1992 ; Direction de l'évaluation, MSSS, 1994 ). Dans ce contexte, le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, appelé à assumer des responsabilités de planification et de gestion administrative et budgétaire du système québécois de santé (Fleurette et coll., 1991 ), se dotait en 1988 d'un organisme capable de promouvoir, soutenir et produire des évaluations des technologies de la santé et de le conseiller sur ce sujet : le Conseil d'évaluation des technologies de la santé (CETS) (Jacob, Battista, 1993 ). Le rôle du Conseil s'est établi autour de l'aide à l'amélioration de la prise de décision concernant l'introduction, la diffusion et l'utilisation des technologies médicales et ce, en fournissant l'information la plus complète et fiable possible sur leur efficacité, leur sécurité, leurs coûts et leurs impacts sur le système de santé. Selon une évaluation formelle de ses propres activités, effectuée en 1991 par des conseillers externes, le CETS est reconnu crédible parce que sa production est jugée pertinente et de bonne qualité (Battista, Jacob et Hodge, 1994 ). Pour le moment, il s'agit d'une évaluation à caractère technique relative à son efficacité et à son efficience qui ne remet pas en question sa pertinence. Parallèlement, devant le besoin de coordination 7 de l'évaluation des technologies à l'échelle nationale, l'État canadien fondait en 1990 l'Office canadien de coordination de l'évaluation des techno logies de la santé ( OCCETS) . C'est en tenant compte du rôle d'enca drement du gouvernement fédéral relatif au soutien financier qu'il accorde aux provinces et en fonction des mesures de surveillance des règles générales qu'il adopte 8 pour protéger la santé des citoyens du pays . que l'OCCETS est créé. En plus de fournir de l'information concernant l'efficacité et les coûts des nouvelles technologies de la santé et de celles déj à existantes, le mandat attribué à cet organisme s'élargissait à la promotion de la recherche évaluative et à la création de liens de coopération avec les autres organismes provinciaux et internationaux d'évaluation des technologies. Après les trois pre-
Les arrangements institutionnels d'évaluation
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mières années d'existence de l'Office, une meilleure coordination entre les activités des diverses agences chargées de l'évaluation des technologies de la santé restait toujours à établir. De plus, il a été soutenu que l'organisme avait jusqu'alors fait peu de choses pour stimuler réellement la recherche dans ce domaine (Battista et coll., 199 5 ). En ce qui concerne le champ de l'évaluation des pratiques, le Québec et le Canada laissent la majorité de ce champ aux différentes corporations professionnelles qui prennent en charge l'ensemble de l'organisation et de l'autodiscipline des professions. L'évaluation des variations de pratique est, par contre, assumée directement par l'État ou par les chercheurs universitaires par le biais des programmes publics de subventions à la recherche. Cependant, malgré l'existence de la notion d'évaluation professionnelle au Canada, la question relative à la mesure de la qualité de la pratique médicale reste entière et les problèmes d'organisation à cet égard demeurent importants. Le Québec, par ailleurs, assure l'évaluation de l'acte médical par le Service d'inspection professionnelle (SIP) du Collège des médecins du Québec. Sous la responsabilité d'un Comité d'inspection, le SIP doit surveiller l'exercice professionnel et vérifier les dossiers, livres, regis tres, médicaments et équipements qui le supportent, en effectuant des visites systématiques de tous les établissements de santé. C'est par l'appréciation des fonctions dévolues au Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) de chaque établissement que se pratique l'évaluation de la qualité de l'acte médical. Le CMDP, res ponsable auprès du Conseil d'administration de l'établissement, contrôle et apprécie les actes médicaux, dentaires et pharmacolo giques, tout en s'assurant du maintien de la compétence des profes sionnels sous sa juridiction. S'il y a hiérarchisation de l'évaluation des pratiques médicales, il reste qu'il s'agit largement d'une évalua tion par les pairs, ce qui limite souvent le droit de regard externe à la profession. Dans ce cadre, même après de nombreuses années, il semble bien que le Collège n'ait pas vraiment réussi à s'imposer en matière d'évaluation médicale, se contentant généralement de normes de qualité de soins bien en deçà de celles réalisées dans les établissements et les cabinets privés (Fleurette et coll., 1991) . En plus de l'évaluation de la qualité de l'acte médical, l'évaluation de la qualité des soins infirmiers est obligatoire au Québec depuis 1973 et c'est l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec qui en
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Le système de santé québécois
assume la responsabilité. Dans les établissements de santé, c'est la Direction des soins infirmiers, sous l'autorité du directeur général, qui coordonne cette activité, en identifiant les orientations d'éva luation, les instruments à utiliser et, par la suite, les actions de correction à envisager de concert avec les équipes visées. Quelques expériences étrangères Les États- Unis
C'est en fait l'expérience institutionnelle américaine de l'Office of Technology Assessment ( OTA) qui a servi de modèle à plusieurs pays désireux de suivre de près les grandes évolutions technologiques, de mettre au point en même temps des méthodes d'évaluation relatives à l'efficacité d'une technologie, à son rapport avantage-coût, en élar gissant parfois leur intérêt à leurs répercussions sociales. Le Québec ne fait pas exception, même s'il a opté pour une évaluation de nature technique plutôt que de légitimation. Aux États-Unis, une culture de l'autonomie et une économie de libre marché ont teinté · les comportements et ont fait éclore une panoplie d'organismes d'évaluation des technologies et des pratiques autant du côté de la branche exécutive de l'État que de sa branche législative (tel qu'était l'OTA) . Au Québec, par contraste, c'est l'exé cutif qui prédomine et l'évaluation des technologies est séparée de celle des pratiques professionnelles, ou à tout le moins effectuée par des groupes différents. C'est l'administration fédérale américaine qui doit assumer, pour l'exécutif, l'essentiel 9 de la responsabilité de l'ensemble de l'éva luation en santé (y compris les technologies et les pratiques) par le truchement du Department of Health and Human Services (DHHS), qui gère l'accès au programme Medicare 10 • Parallèlement, plusieurs organismes d'évaluation indépendants ont cependant été créés à la demande du Congrès (branche législative de l'État américain) ou sous son impulsion 1 1 • Ces organismes ont été mis sur pied, entre autres, pour évaluer les techniques médicales relatives au dévelop pement de nouvelles thérapies (National Institute of Health NIH 12 ) , pour promouvoir le développement et l'application de la politique des Diagnosis Related Groups (Prospective Paiement Assessment Commission - PROPAC 13 ), pour élaborer des méthodes
Les arrangements institutionnels d'évaluation
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et des cadres conceptuels utiles à l'évaluation des technologies, identifier les besoins à cet égard et porter une attention aux résultats des évaluations (Council on Health Care Technology - CHCT 14 } . De plus, divers groupes professionnels, des compagnies privées d'assurances et des établissements pratiquent et mettent au point, en dehors des cadres fédéraux, des mécanismes d'évaluation adaptés à leurs besoins spécifiques. Il s'y pratique l'évaluation de l'efficacité de certaines technologies médicales et de leurs implications finan cières, ainsi que l'évaluation des procédures médicales et chirur gicales 1 5 . Somme toute, si le secteur de l'évaluation des technologies et des pratiques médicales est florissant dans le système de santé américain, le bilan qu'on en fait généralement indique qu'il existe peu ou pas de coordination, tout comme cela semble être le cas au Canada. L'absence de politiques d'ensemble et d'organisme ou de groupe chargé d'examiner les implications des coûts, des risques et des béné fices des technologies médicales est décriée (Perry, 1988 ; Tunis, Gelband, 1994, Weil, Jorgensen, 1996). Certains croient (Weil, Jorgensen, 1996) qu'une régulation d'ensemble doit s'établir entre les alliances des hôpitaux, des médecins et des compagnies d'assu rances et les différents départements étatiques de santé publique, afin de favoriser une meilleure intégration de l'évaluation au sein du système de santé. Au Québec, la question qui se pose n'est pas la même. Ce n'est pas l'absence d'organisme central capable d'étudier la situation d'en semble des technologies de la santé qui est considérée, mais plutôt le type d'évaluation dont le CETS a été l'objet. L'orientation technique de l'évaluation pratiquée au détriment, à date, de l'évaluation cri tique ou de légitimation du CETS, c'est-à-dire celle s'interrogeant sur la pertinence de l'organisme, est rediscutée (Dillard, 199 2). L a France
À l'instar du Québec, la France procède, depuis 1990, à l'évalua tion des technologies par le truchement d'un organisme central, l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (ANDEM). Cependant, à cause du difficile partage des pouvoirs entre ses principaux agents, soit l'État, la Sécurité sociale et les professionnels, et de la couverture de l'ensemble du champ de
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l'évaluation des technologies et des pratiques par un même orga nisme, il est difficile de comparer la situation des deux pays. L'évaluation ne met pas l'accent sur le contrôle, ni même sur une maîtrise des dépenses, comme c'est souvent le cas ailleurs. L'accent est plutôt mis sur un apport d'éléments fiables d'aide à la décision pour les différents acteurs en présence et ce, en ce qui concerne la qualité des soins préventifs, diagnostiques et thérapeutiques (ANDEM, 199 1 ). En fait, les arrangements institutionnels de l'évaluation, en France, cherchent à concilier les nécessités techniques de l'évaluation et ses exigences politiques. L'évaluation se situe donc à mi-chemin entre la recherche d'efficience du système et le besoin de participation de ses membres ( Catrice-Lorey, 1993 ). En raison des rapports que l'État entretient avec le corps médical comme prestateur de soins et avec l'Assurance-maladie comme agent payeur, la méthode de conférences de consensus 1 6 a été privilégiée par l'ANDEM, afin d'inciter les principaux intervenants à s'entendre à partir de la confrontation collective des pratiques de soins. Cepen dant, malgré les efforts accomplis par l'ANDEM, divers groupes, en parallèle, ont mis au point, comme aux États-Unis, des méthodes d'évaluation, des bases de données médico-économiques et des acti vités de formation 17 • Ainsi, l'État français est amené à réorganiser sa fonction d'évaluation. C'est ainsi que le 24 avril 1996, le gouverne ment annonçait la création d'un nouvel organisme central, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé (ANAES), pour remplacer l'ANDEM. En ce qui concerne plus spécifiquement l'évaluation des pratiques, la France a aussi constitué des organismes régionaux, les Commis sions régionales d'évaluation médicale des établissements ( CREME), en raison de l'obligation légale faite aux établissements publics et privés de se doter d'une politique d'évaluation des pratiques médi cales, des soins infirmiers et de l'ensemble des activités. Ces com missions participent à l'effort d'évaluation en conseillant les établissements sur les principales méthodologies disponibles. Toute fois, les CREME ne bénéficient pas d'une organisation permanente et n'interviennent qu'à la requête expresse des préfets (représentants politiques du gouvernement central) ou des établissements eux� mêmes et ce, sans coordination formelle 1 8 •
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L'Angleterre
Contrairement au Québec et à la France, qui ont choisi d'instaurer un organisme central d'évaluation des technologies de la santé dès I988 et I990, l'Angleterre n'a réagi qu'à partir de I99I 19 au manque de contrôle réel sur les technologies médicales et au besoin d'éva luation à ce niveau. Depuis, le Department of Health, plus précisé ment le National Health Service Supplies Authority, a fourni une politique d'achat non obligatoire des équipements médicaux, chirur gicaux et radiologiques. En I 9 93, a été aussi établi le Standard Group on Health Technology, afin d'identifier les besoins en évalua tion pour les technologies existantes et pour celles en émergence. Ces développements convergent vers une politique générale d'évaluation des technologies. Ils sont issus des pressions exercées par des orga nismes professionnels et scientifiques 20 voués à la recherche médicale auxquelles se sont ajoutées, depuis peu, les pressions des groupes d'acheteurs de services. Du côté des pratiques professionnelles, le Department of Health encourage les médecins à participer aux audits médicaux. Ces évaluations, tout en étant facultatives, sont bien reçues par les professionnels qui y collaborent et semblent de plus en plus recon naître l'intérêt de se conformer à certains standards de pratique, tout en tenant compte des coûts (Spiby, 1 994). Toutefois, les choix effectués par l'État anglais ont été davantage orientés, jusqu'à la réforme de 1991, vers la planification et l'organi sation du système de santé, plutôt que vers l'évaluation de ses perfor mances. Depuis, l'Angleterre se démarque encore plus du Québec étant donné l'ouverture d'un marché interne qui consacre la sépa ration des producteurs et des consommateurs. Ce fut alors l'intro duction d'une forme de compétition chez les producteurs de services susceptible d'encourager l'efficacité, l'efficience et la qualité des soins et des services. Cependant, selon Saltman ( I994) et Klein (I995), cette forme de compétition semble inciter davantage les producteurs et les consommateurs à considérer leurs propres intérêts individuels qu'à maximiser le bien-être collectif. Bref, les efforts déployés par les différents États pour se doter de mécanismes d'évaluation des technologies et des pratiques pro fessionnelles sont très variables et ne laissent que peu de place à l'évaluation de légitimation. Au Québec, en particulier, l'auto évaluation, par les groupes de professionnels eux-mêmes, prime sur
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l'évaluation, sous d'autres formes, des pratiques professionnelles, ne laissant que peu de place aux initiatives qui pourraient venir de la société civile. Les modalités des arrangements institutionnels de l 'éval uation de l ' organisation des services de santé
Parce que les modes de gestion et d'organisation des services de santé sont en pleine mutation en raison des impératifs sociosanitaires et financiers, l'institutionnalisation de l'évaluation a également subi les aléas de ces transformations. Dans cette section, nous traçons un portrait d'ensemble de la situation. Dans un premier temps, nous mettons en évidence le fait que l'évaluation de l'organisation des services a d'abord emprunté la voie de la conformité des éta blissements à des normes préalablement édictées. Ensuite, à l'occa sion des réformes des systèmes de santé des pays déjà considérés, nous montrons que les arrangements institutionnels de l'évaluation ont évolué à la faveur, notamment, de préoccupations de suivi et de surveillance, non seulement de la performance des établissements de santé, mais aussi des résultats à partir d'indicateurs identifiés à cette fin. Enfin, en troisième lieu, nous mettons en évidence l'influence que peuvent exercer les consommateurs de soins et de services de santé sur l'institutionnalisation de l'évaluation. L'éval uation de la confo rm ité l 'accréditation des établ issements de santé
L'institutionnalisation des mesures de conformité à certains critères de qualité au sein des établissements de santé s'est rapidement déve loppée en Amérique du Nord (depuis le début du siècle aux États Unis, mais particulièrement depuis les années 19 5 0), par l'inter médiaire de l'accréditation hospitalière, et y a souvent précédé les autres formes d'évaluation de l'organisation des services. Cependant, depuis que la situation financière de la plupart des pays industrialisés est devenue préoccupante, l'intérêt pour des mesures d'efficacité et d'efficience des politiques et des programmes prend de plus en plus d'importance. Le Québec, comme le Canada, a suivi cette évolution. En ce qui concerne l'évaluation des établissements hospitaliers, la province s'inscrit dans le modèle fédéral en faisant appel aux services du
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Conseil canadien d'agrément des établissements de santé (CCAES). C'est sur une base volontaire que chaque établissement 21 , s'assujettit à une auto-évaluation selon un guide méthodologique précis, puis à une visite d'agrément de la part des experts de l'organisme d'accréditation. Les structures en place, les modes de fonctionnement et les procédés sont évalués et comparés aux données de l'auto évaluation (Béique, 1992). Le CCAES, à partir des normes qu'il a élaborées, mesure le degré de conformité des établissements à ces normes et recommande l'agrément ou non sans porter de jugement de valeur coercitive sur les modalités de fonctionnement ou d'orga nisation. L'organisme vise à sensibiliser les établissements quant à leur responsabilité à assurer des soins de haute qualité. Il ne s'agit pas d'une évaluation de l'acte médical, mais surtout d'une mesure de la qualité des structures et des procédures. Il est postulé que l'existence des structures et des procédures appropriées contribue à favoriser la qualité recherchée. Bien que les établissements non agréés ne subissent pas de préjudice en matière d'autorisation et de financement, sauf pour les établissements d'enseignement, on constate que les visites d'agrément contribuent au développement d'une dynamique propre de qua lité au sein de chaque établissement, par la mise en place de structures permanentes telles des directions de la qualité. Ces instances sont chargées de surveiller la qualité des soins et de gérer les plaintes. À un degré moindre, mais en s'appuyant sur le même modèle, les établissements du secteur des affaires sociales bénéficient, depuis peu, des visites d'agrément du Conseil québécois d'agrément. Il est toutefois encore trop tôt pour juger des activités de cet organisme, étant donné sa création relativement récente (Deschênes, Brunet, Boudreau et Marcoux, 1996). Quelques expériences étrangères
LES ÉTATS-UNIS : Si le mécanisme canadien d'accréditation hospi talière s'est largement inspiré des façons de faire en vigueur aux États-Unis, il s'en éloigne de plus en plus aujourd'hui. Aux États Unis, depuis l'instauration des services et des soins intégrés, on compte effectivement toute une gamme d'organismes, en com pétition les uns avec les autres, qui sont chargés de cette tâche. La
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Joint Commission on Accreditation of Hospitals (JCAHO), qui procède depuis I 9 5 I à l'évaluation de l'administration des bâtiments, des services alimentaires, infirmiers et pharmaceutiques des établis sements de santé, a dû subir la critique, malgré sa grande crédibilité auprès de plus des trois quarts des hôpitaux américains et sa recon naissance légale par vingt États. On lui reproche son incapacité à analyser rapidement les « mauvais résultats », sa difficulté à bien cibler les directives et les conseils donnés aux hôpitaux et surtout son approche essentiellement fondée sur des aspects préventifs, plutôt que sur l'aide à l'amélioration des services à fournir à la population. Un vent de changement oblige actuellement la JCAHO à se diversifier et éventuellement à comparer ses procédures avec les autres organismes d'accréditation. Principalement, celle-ci doit partager le « marché >> avec la National Commission on Quality Assurance (NCQA), organisme indépendant qui est le chef de file en matière d'accréditation des HMO et des autres entités de soins intégrés, tels les Prefered Provider Organizations (PPO) et les Points of-service Plan (POS). On compte également sur l'Utilization Review Accreditation Commission (URAC) qui se spécialise dans la mesure des impacts des analyses d'utilisation des services et, depuis l'ac quisition de l'American Accreditation Program ( AAP) en octobre 199 5 , dans l'accréditation des PPO (Dimmin, I99 5 ). LA FRANCE : L'expérience française relative à l'accréditation des établissements, bien que récente, sera sans doute intéressante à observer dans les années à venir, étant donné ses différences avec les manières de faire en Amérique du Nord. Forte de ses essais22 , la France a créé un nouvel organisme central, placé sous la tutelle du ministère de la Santé, l'Agence nationale d'accréditation et d'éva luation de la santé (ANAES). En plus de procéder au développement de l'évaluation des soins et des pratiques professionnelles, l'ANAES doit mettre en œuvre une procédure obligatoire d'accréditation pour les établissements. Contrôlée par un conseil d'administration et par un conseil scientifique chargé séparément de l'évaluation et de l'accréditation, l'ANAES devrait être, selon certains, un instrument puissant au service des politiques administratives de régulation du système de santé (Brémont, 1996). En même temps, des agences régionales de l 'hospitalisation doivent être formées par l'État pour chacune des régions françaises,
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afin de mieux coordonner l'ensemble des activités. À cette fin, un système d'information commun doit être élaboré et des indicateurs de suivi et de résultats, nécessaires à l'évaluation périodique de chaque établissement, mis au point (Journal officiel de la République française, 25 avril 1 996). Cette approche à caractère obligatoire de la part des établissements de santé, sous peine de subir des sanctions budgétaires, se distingue grandement des modalités nord-américaines fondées sur le volontariat de chaque établissement et sur l'idée que chacun peut se responsabiliser à l'égard d'une prestation de soins d'excellente qualité. L'ANGLETERRE : Le mécanisme d'agrément américain de la JCAHO, repris globalement par les Canadiens et choisi par les établissements hospitaliers québécois, a aussi influencé le développement des normes d'accréditation en Angleterre. Si le pays n'en est pas encore à se doter d'une agence nationale apte à promouvoir et à développer des normes d'accréditation à l'échelle nationale, il demeure que deux programmes vont en ce sens. Ces deux programmes sont le King's Fund Organisational Audit Programme pour les hôpitaux généraux d'abord23 et le South Western Hospital Accreditation Programme pour les petits hôpitaux communautaires. Dans les deux cas, les programmes s'appliquent selon des caractéristiques semblables à ce qui se fait en Amérique du Nord: l'indépendance des organismes par rapport aux fonds publics, la participation volontaire des éta blissements visés, la visite par des groupes de pairs, les cycles répé titifs annuels ou bisannuels et la publication de standards multidisciplinaires (Shaw, Brooks, 199 1 ). Le suivi et la survei llance dans l 'organisation des services
En plus de l'institutionnalisation de la fonction de conformité aux normes d'organisation des établissements de santé, le Québec a adopté, en 1989, sous l'impulsion principalement du Conseil du trésor, une directive concernant l'analyse des programmes et la vérification interne selon la Loi sur l'administration financière. C'est à partir de là qu'on a commencé à parler de l'évaluation de la qualité. En 199 1 , la politique gouvernementale concernant l'amé lioration de la qualité des services aux citoyens, puis le document gouvernemental Vivre selon nos moyens, publié en 199 3 , spécifient
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les trois grands ordres de préoccupations à l'égard des services de santé, soit la pertinence, l'efficacité et l'efficience. Combinée à ces orientations générales, la réforme du système de santé, en I 99 I , venait préciser les thèmes majeurs devant dorénavant servir d'assise à la fonction d'évaluation : gestion par programme, objectifs de résul tats, allocation de ressources, révision du panier de services, contrôle de la rémunération (Ministère de la Santé et des Services sociaux, I994) . La fonction d'évaluation confiée a u ministère d e la Santé et des Services sociaux par la loi 120 ( 1 99 1) se réalise en concertation avec les régies régionales qui gèrent l'organisation des services et pro cèdent à l'allocation des ressources aux établissements. Plus concrè tement, les politiques et programmes de santé établis au niveau provincial sont mis en œuvre et évalués au niveau régional. Les régions se préoccupent, dans ce cadre, de l'efficacité des services, du degré d'atteinte des objectifs et du degré de satisfaction des usagers ; elles ont, en plus, à assurer le suivi de gestion et l'évaluation de programmes opérationnalisés dans les plans régionaux d'organisa tion de services (PROS) ou autres formes de plans d'action. Les établissements, sur le plan local, ont surtout à garantir un bon suivi de gestion des services offerts en portant une· attention particulière aux indicateurs de qualité et à l'évaluation de la satisfaction des clients et de la population en général. La Politique de santé et du bien-être, présentée au printemps de I992, et le plan triennal Défi « qualité-performance » , proposé par le Ministère en 1993, viennent reconfirmer les choix relatifs au type d'évaluation à effectuer, soit la surveillance et la recherche évalua tive, ainsi que la cible à atteindre, soit la performance d'ensemble du système dans le cadre budgétaire prescrit. Auparavant, le souci de surveillance et de suivi des politiques et des programmes de santé avait préoccupé le gouvernement fédéral. L'accent était alors placé sur les dispositifs de collecte de données relatives à l'utilisation des ressources et les coûts comparatifs. Statis tique Canada, Santé Canada, le Hospital Medical Records Institute (HMRI), les Services d'information de gestion et la Base nationale de données sur les effectifs médicaux étaient parmi les principaux orga nismes à colliger et à analyser ces données financières d'utilisation des services, de population et de situation sanitaire. Le nouvel Institut canadien d'information sur la santé regroupe maintenant le
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HMRI, les Services d'information de gestion et certaines des fonctions d'information de Santé Canada et de Statistique Canada (OCDE, 1995b). Quelques expériences étrangères
LES ÉTATS-UNIS : Aux États-Unis, la pression financière, combinée à celle exercée par l'élargissement de la compétition entre les établissements et les producteurs de soins, depuis le développement du réseau des établissements de santé, a obligé la comparaison des performances entre les différents « plans » . Si, comme au Québec, on a instauré des modes d'évaluation de la qualité et de l'utilisation24 des services, il semble qu'on y ait davantage recherché la réduction des dépenses de santé en multipliant tous azimuts les initiatives d'éva luation. C'est ainsi que la mise en place, dans chaque État américain, des Peer Review Organizations (PRO) 25 chargées de vérifier les rensei gnements transmis sur les diagnostics médicaux au sein des hôpitaux et de se prononcer sur les traitements fournis, en s'assurant que les interventions auprès des patients étaient bien nécessaires, a plutôt contribué, d'après plusieurs critiques, à raccourcir la durée du séjour des patients et à refuser de considérer la pertinence de certaines admissions (Durand-Zaleski et coll., 1991 ). Dans le mouvement de réforme entraîné par l'émergence des systèmes de santé intégrés, on a mis sur pied des programmes aptes à comparer la performance des établissements prestateurs de soins par rapport à la qualité des services rendus. L'introduction en 1993 du Health Care Quality Improvement Program (HCQIP), instauré pour comparer la perfor mance des hôpitaux au sein d'un PRO à l'aide de l'élaboration de lignes directrices (Dettmann, 199 5 ), dénote cet effort déployé par les Américains pour fournir un portrait d'ensemble de la qualité et de l'utilisation des soins à l'échelle nationale26 • D'autres mesures, tels les Health Plan Employer Data and Information System (HEDIS) 27, concrétisent cette orientation, en ce qui a trait aux choix d'utilisation des différents modes d'organisation des soins. Dans cette foulée, le gouvernement fédéral, à la recherche constante de nouveaux méca nismes de comparaison des données pour réduire les coûts et aug menter la qualité des soins fournis dans le cadre de Medicare et Medicaid, entreprend de nouvelles expériences28 de pair avec les États, les assureurs, les professionnels de la santé et les consommateurs.
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LA FRANCE: En France, il semble bien que les pouvoirs publics aient encore plus de difficultés qu'au Québec à s'outiller pour apprécier les activités des institutions sanitaires du pays. Le Programme de médicalisation du système d'information (PMSI) qui vise « à connaître les variations de ressources consommées selon les établis sements pour le traitement d'un même type de pathologie ( Catrice Lorey, I993 : 88) », afin de mieux planifier l'ensemble des services hospitaliers, ne paraît pas répondre aux attentes. Aucune réelle exploitation des données du PMSI n'a pu être réalisée en raison du retard des acteurs concernés, c'est-à-dire les administrations hos pitalières et les médecins, à produire les résumés standardisés de séjour (RSS). En fait, c'est le service médical des organisations d' Assurance-maladie, par le truchement du contrôle médical hos pitalier ( CME), qui dispose d'un bassin important de ressources médicales chargées de vérifier sur place le fonctionnement des structures et institutions sanitaires et médico-sociales. La surveillance de l'activité médicale ne se limite pas seulement aux frais encourus par les soins, mais elle couvre aussi l'utilité du service rendu. Le CME semble avoir permis de collecter des données utiles à la pla nification, de préciser le niveau d'adéquation des hospitalisations et de faire ressortir les problèmes reliés au prolongement indu des séjours hospitaliers. De plus, il est à souligner que la coordination d'ensemble est ardue, étant donné que les médecins français ne participent, pour leur part, à l'effort d'évaluation des activités et services, que par leur rôle au sein des commissions médicales d'éta blissement de chaque institution, plutôt que sous la responsabilité des ordres professionnels (de Pouvourville, I997), comme c'est le cas au Québec, au Canada et aux États-Unis. L'ANGLETERRE : Les initiatives anglaises se sont développées, quant à elles, à partir de la mise en place, obligatoire, des programmes d'assurance qualité au niveau régional. Elles ont particulièrement porté sur les relations avec la clientèle, les révisions des services rendus, la mise au point d'indicateurs et l'audit. Toutefois, le manque de rigueur dans les procédures d'évaluation ne semble pas avoir favorisé les comparaisons relatives à la qualité des soins dispensés dans l'ensemble du pays (Carr-Hill et coll., I 994). Globalement, les diverses mesures adoptées au Québec, comme dans les autres pays étudiés, s'entrecroisent souvent : allocation-
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utilisation des ressources-services, révision des paniers de services ou des services rendus, contrôle de la rémunération des professionnels, coûts comparatifs, satisfaction de la clientèle, qualité des soins services, etc. De ce fait, une certaine compétition entre ces mesures s'instaure, sans cependant que des lieux de synthèse soient néces sairement aménagés. Toutes ces initiatives qui s'élaborent dans des contextes de réforme des systèmes de santé sont, par ailleurs, aussi dépendantes des changements en cours, ce qui influe directement sur les arrangements institutionnels de l'évaluation. L'éval uation par les consommateu rs
Au Québec, deux mécanismes sont particulièrement prévus, dans la loi 1 20 ( 199 1), à l'égard de l'évaluation de la qualité des services par les consommateurs de soins. D'abord, chaque établissement du réseau hospitalier doit instituer et soutenir financièrement un comité d'usagers dans le but de fa ciliter l'accès à l'information, la pro motion et la représentation des droits et des intérêts des utilisateurs des soins et des services. Ensuite, les différentes instances locales, régionales et centrales ont à gérer un système de plaintes qui est organisé de manière à ce que les consommateurs puissent exercer leurs recours en limitant les entraves administratives. Le système de gestion des plaintes paraît être au Québec, comme ailleurs où l'État contrôle massivement l'offre de soins, le mode de régulation privi légié, étant donné l'absence d'autres types de mécanismes associés à la libre circulation des biens et services ou à une décentralisation politique et financière au profit des consommateurs. Autant les professionnels que les gestionnaires et les adminis trateurs des établissements québécois sont responsables, en fonction de leur secteur de compétence, de l'application des procédures d'exa men des plaintes formulées. Il y a obligation d'informer le con sommateur de l'existence d'une telle procédure, celle de l'assister dans la formulation de sa plainte, celle, s'il s'agit d'un acte profes sionnel, de transmettre le problème soulevé aux professionnels con cernés et celle de répondre à la plainte dans les délais prescrits. De plus, lorsque le plaignant juge que l'établissement ne lui a pas donné satisfaction, il bénéficie d'un droit de recours auprès de l'instance régionale, qui à son tour doit rendre compte de ses activités au commissaire aux plaintes nommé par le gouvernement du Québec ; le
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commissaire peut également agir, s'il y a lieu, comme instance de dernier recours. Une fois l'an, un rapport sur l'application de la procédure d'examen des plaintes est présenté au ministre responsable de l'application de la loi qui le transmet, accompagné de celui des régies régionales, à l'Assemblée nationale. Si la satisfaction de l'usager semble centrale dans le réseau de la santé, elle est tout de même pondérée par l'arbitrage de chacune des instances organisationnelles au fil de l'acheminement des plaintes. L'évaluation des consommateurs doit, en effet, s'assujettir aux moda lités administratives du système et passer le filtre du jugement des gestionnaires, des professionnels et des administrateurs. En comparant les mécanismes instaurés au Québec avec ceux des autres pays, on constate qu'il n'y a que l'Angleterre qui semble pousser plus loin la prise en considération de la satisfaction de l'utili sateur. Les Français, de leur côté, commencent à utiliser les enquêtes de satisfaction des services hospitaliers auprès des utilisateurs et à recenser les plaintes reçues (Amar et coll., 1 996). Quant aux Amé ricains, c'est le libre marché de la santé qui doit concourir à une évaluation du consommateur par les choix économiques qu'il assume. Pour ce faire, la publication de guides du consommateur à la manière développée par le Pennsylvania Health Care Cost Containment Council ou le Comité national pour l'assurance qualité (HEDIS) prend de plus en plus d'ampleur. Ces guides présentent, tel qu'il a été spécifié au chapitre précédent, des données comparatives sur les services, les interventions et les coûts. Les Anglais, par ailleurs, vont au-delà de l'instauration des comités d'usagers et de la création d'un système de plaintes. En fait, depuis la réforme de 1991 29 , l'État semble miser davantage sur une certaine autorégulation du marché pour que les programmes produisent les services prévus, un peu comme aux États-Unis, mais en se conservant cependant l'autorité sur la capacité d'achat des services. En plus des organisations de consommateurs, tels les Com munity Health Councils (CHC) chargés de représenter les intérêts des patients, en fournissant à la population des canaux d'informa tion, de consultation et de représentation au sein du système de santé, ce sont les contrats qui s'établissent entre les producteurs et un groupe de consommateurs qui semblent être des moyens privilégiés d'assurance-qualité. Ces contrats, qui prennent la forme d'ententes de services effectuées entre les autorités locales et les producteurs,
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doivent permettre à l'ensemble des consommateurs visés de réviser les services de santé, d'en recommander des améliorations, et ainsi d'identifier les mesures de qualité requises. Toutefois, devant le peu d'expérience des groupes de consommateurs à cet égard et devant le pouvoir accordé aux autorités locales de la santé dans l'établissement des contrats, il semble qu'il soit difficile de juger de l'impact réel de ce mode d'évaluation sur l'amélioration de la qualité des services. Il faut ajouter, cependant, que certains contrats requièrent de la part des producteurs l'engagement ferme de se doter d'un plan d'action concernant la gestion de la qualité et l'amélioration continue des services (Jost et coll., I99 5). Le rôle des consommateurs dans l'évaluation de la gestion et de l'organisation des services pourra être renforcé par l'établissement des Patient's Charter qui définissent certains standards nationaux et locaux, auxquels la population est en droit de s'attendre, et par la publication par le Department of Health d'une série de bulletins d'in formation relatifs à l'efficacité des services rendus. L'instauration de ces mesures a été accompagnée de l'établissement du Clinical Stan dards Advisory Group (CSAG) 30 qui doit fournir des avis aux orga nismes de santé concernant l'accès et la disponibilité des services du NHS, ainsi que les types de soins à obtenir selon certaines maladies. De façon générale, les arrangements institutionnels de l'évaluation par les consommateurs sont donc encore timides eu égard aux possibilités d'expression directe des points de vue sur la prestation des soins et des services de santé. À part les guides du consommateur développés par les Américains pour l'achat des services dans un sys tème économique de libre marché, peu de mécanismes permettent aux usagers de procéder à une légitimation des soins et des services offerts. Les arrangements institutionnels de l ' évaluation : les enjeux
La description et la comparaison des grandes modalités de fonc tionnement des institutions vouées à l'évaluation en santé nous amènent à un questionnement relatif à leur positionnement dans les processus de gouverne et de gestion des États étudiés. Ce ques tionnement se veut à la fois général et particulier: général, par une brève analyse des termes utilisés qui peut aider à mieux situer les choix relatifs de chaque État par rapport au « type » d'évaluation
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effectué et aussi par rapport à la place occupée par les pouvoirs législatifs et exécutifs dans l'évaluation des affaires publiques ; parti culier, quand les applications concernent plus spécifiquement les sys tèmes de santé étudiés. Dans cette section, nous traiterons, d'abord, des rôles joués par les arrangements institutionnels de l'évaluation au sein de chacun des États considérés précédemment. En second lieu, nous nous interrogerons, plus précisément, sur les conséquences que ces arrangements peuvent avoir sur les trois ordres de préoccupa tions identifiés au début de ce chapitre. Les arrangements institutionnels de l'évaluation dans le processus de gouverne et de gestion
Si les orientations prises quant à l'institutionnalisation de l'évalua tion en santé reflètent des cultures sociopolitiques souvent très différentes d'un pays à l'autre, elles expriment également la position retenue par chacun à l'égard des rôles que doit assumer l'évaluation, entre ses nécessités techniques et ses exigences politiques (Durand, Monnier, 1992). À cet égard, le simple choix des termes « évaluation de pro grammes » ou « évaluation des politiques » révèle, au-delà d'une simple question de terminologie, une certaine conception du mana gement de l'État et peut expliquer certaines spécificités des pratiques en matière d'évaluation. Si parfois les deux termes semblent être employés plus ou moins indistinctement, le terme de programme, d'une part, désigne en premier, selon Bernard Perret du Conseil scientifique de l'évaluation - Paris ( 199 4 : 9 4 ), « un ensemble d'actions plus limitées, et surtout, défini plus précisément dans ses moyens et ses objectifs opérationnels » . D'autre part, le terme de politique renvoie « au fait que le débat public se préoccupe davan tage de la mise en scène des problèmes, des acteurs et des valeurs qui les animent que des conditions concrètes de l'action (p. 96) 3 1 » . Dans les pays anglo-saxons, on parle plus aisément de l'évaluation de programme dans le sens précédemment cité32 , qu'en France, par exemple, où le cadre de définition opérationnelle des politiques constitué par les programmes n'existe pas (Cabatoff, Bion, 1992). Par contre, il arrive que le terme de politique désigne aussi bien chez les Français que chez les Anglo-Saxons un ensemble de programmes qu'une politique. Malgré l'impossibilité de définir les termes sans
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équivoque, il ressort, selon un compte rendu de la conférence mondiale « Évaluation 199 5 », tenue à Vancouver (Riquier, Perret, 1996), que les Européens ont une conception plus politique des inter ventions publiques que les Américains et les Canadiens, pour qui les questions touchant à l'organisation et à la professionnalisation du milieu semblent dominer. La notion de programme constitue en Amérique un niveau plus opérationnel des politiques et tient une place centrale dans le raisonnement administratif 33 • Si l'on rapporte l'évaluation dans le secteur des affaires publiques aux processus de gouverne et de gestion, comme on l'a fait au chapitre précédent, le niveau des politiques suggère idéalement une réflexion plus globale à caractère souvent prospectif et une analyse pluraliste des effets d'une politique, tandis que le niveau des programmes peut se rapporter pour l'essentiel à une analyse rétrospective des résultats des pro grammes. Cependant, il est entendu que cette distinction n'est pas aussi nette dans la réalité des affaires publiques qu'il peut le sembler et qu'il s'agit là de deux pôles d'un continuum qui ne peut qu'expri mer des tendances selon les contextes d'intervention. De la même façon que les termes employés expriment certains grands intérêts relatifs aux fonctions - techniques et politiques devant être globalement assumées par l'évaluation, la place occupée par les instances législatives et exécutives des États peut, aussi, nous renseigner sur la capacité d'intégration des trois ordres de préoc cupation de l'évaluation : la pertinence et l'impact social des choix, le suivi et la surveillance et la conformité aux normes établies. Le Québec est depuis longtemps critiqué en ce qui concerne l'orientation « administrative » de l'évaluation qui s'y pratique. Certains (Marceau, Simard et Otis, 1992} sont d'avis que la décen tralisation de l'évaluation permet à l'exécutif, en l'occurrence aux différents ministres et ministères, de conserver un certain monopole de l'information et de la performance de sa gestion, tout en permet tant au gouvernement d'arbitrer à la pièce les exigences des groupes d'intérêts les plus puissants et de satisfaire ainsi entente, le gouvernement laissait tomber toute mesure coercitive obligeant les médecins à pratiquer en région. Elles étaient remplacées par des négociations sur des mesures de répar tition qui devaient être mises en œuvre plus tard. La force peu commune et sans précédent du langage politique et symbolique utilisé par le RMQ dans ses campagnes publicitaires fournit un exemple éloquent des processus d'escalade de l'anta gonisme et de la « gestion de la signification » (Pettigrew, I985 ) dans le changement. Le processus de gestion de la signification est un processus de cons truction des symboles et d'utilisation de valeurs afin de créer une cer taine légitimité pour les actions, les idées et les demandes de l'un et pour délégitimiser . les demandes de son opposant. Les concepts clés pour analyser ces processus sont le symbole, le langage, les croyances et les mythes (p. 44).
De plus, considérés ensemble, ces deux cas illustrent la complexité du programme politique de changement dans le domaine de la santé. En effet, bien qu'à première vue isolés, les deux événements sont liés et il semble que l'opposition au projet de déménagement de l'Hôtel Dieu de Montréal ait bénéficié du mouvement d'opposition au projet
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de loi I 20. Hardy ( 1982, 1985), Dufour (1991) et plus récemment Pettigrew et coll. ( 1992) ont d'ailleurs montré l'impact décisif de la participation des médecins, de même que l'effet déterminant de l'existence d'un réseau mobilisable d'opposition au sein d'une com munauté, sur la réceptivité du contexte au changement stratégique dans les organisations de santé. La seconde conception de l'approche politique s'intéresse particu lièrement à la complexité du programme de changement. Selon cette conception, le système de santé est constitué d'un ensemble de décideurs en quête d'objectifs, de choix à la recherche de problèmes, de solutions en quête de questions auxquelles elles pourraient répon dre au cours d'une certaine période de temps. Le système de santé devient une « anarchie organisée » (Cohen, March et Olsen, 1 972). L'enjeu essentiel dans ces organisations complexes est la lutte pour le contrôle de l'accès à l'ordre du jour (Lemieux, 199 5b). Dans cette optique, l'émergence d'une politique publique consiste, pour les acteurs politiques qui y sont favorables, à contrôler les décisions qui vont dans le sens de l'émergence, alors que pour les acteurs politiques défavorables il s'agit, au contraire, de contrôler les décisions qui vont dans le sens contraire, ou encore de faire en sorte qu'il y ait absence de décision [... J les acteurs politiques cherchaient ainsi à valoriser leurs atouts de pouvoir ou ceux de leurs alliés, et à défavoriser ceux de leurs rivaux (p. 67). Une approche â privilégier ?
Le portrait peint et les exemples fournis soulèvent une question importante sur l'évolution du processus de changement dans le système de santé: y a-t-il une approche qui soit plus adéquate que les autres pour générer et mettre en œuvre les réformes des systèmes de santé ? Une approche mixte politique et contingente serait plus appropriée, tant pour la formulation que la mise en œuvre du changement dans les organisations de santé et ce, particulièrement en contexte de décroissance, marqué par la fermeture et la réaffectation des ressources. Il y a au moins trois principales sources d'explication au fait qu'une telle approche apparaisse plus appropriée, particulièrement en situation de décroissance, de fermeture et de réaffectation des ressources: r ) la nature du contexte général et du contexte interne
Les approches au changement dans les systèmes de santé
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des établissements ; 2 ) les attributs du processus de changement et 3 ) les caractéristiques du contenu des changements eux-mêmes. Bien que la séparation de ces trois sources d'explication puisse les faire apparaître comme des entités indépendantes, elles doivent être conçues comme trois éléments en interrelation dynamique au cours d'une période de temps. La première source renvoie au contexte général de fonctionnement des organisations de santé. Les établissements de santé sont habi tuellement des organisations publiques ou à tout le moins des services d'intérêt public qui évoluent à l'intérieur d'un système qui les subordonne aux politiques et aux programmes publics décidés au niveau de l'État. Or ce caractère public leur confère un environne ment plus diversifié, les obligeant à rendre des comptes à un plus grand nombre de parties et à être plus transparentes que les entre prises privées. Cette situation engendre une plus grande sensibilité aux comportements politiques (Paquin, I992). Les organisations publiques sont plus ouvertes à l'attention des médias que les entreprises privées. Les groupes d'intérêt gravitant autour d'une organisation publique sont plus nombreux. Ils comprennent notam ment des groupes organisés qui doivent faire appel à l'action politique pour obtenir ce qu'ils veulent. Les politiques publiques sont souvent le fruit d'un compromis obtenu difficilement et les coalitions sur les quelles elles reposent peuvent être instables. Ceci conduit à des straté gies en perpétuelle renégociation. Le management des groupes d'intérêt est donc une variable plus critique dans le cas des organisations publi ques que dans celui des entreprises privées (p. 3 87).
La nature du contexte interne des établissements de santé est une source d'explication supplémentaire. En effet, dans les organisations de santé, de nombreux individus et groupes ayant des antécédents, des compétences et des habiletés très différents sont en interaction régulière, dans une structure qui exige un très haut niveau d'inter dépendance fonctionnelle. À cet égard, par son analyse de la for mation de la structure d'action dans un centre hospitalier, Lamothe (1996} montre comment les unités de production formées au sein de l'établissement sont tributaires d'un aménagement des espaces professionnels. Cet aménagement forme une structure profes sionnelle au sein de laquelle le positionnement respectif des groupes est l'objet de négociations constantes et dépend du statut organisa-
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tionnel occupé par chacun des groupes. La structure professionnelle se révèle la véritable structure fondamentale de l'organisation parce que directement responsable du contrôle de la production. Son existence explique l'immunité relative du système de production par rapport à l'administration, tout en confirmant le rôle de support de cette dernière. Ainsi, alors que les organisations de santé sont com munément présentées comme des bureaucraties professionnelles (Blain, 1975 ; Mintzberg, 1982 ; 1990 ; Denis, Champagne, 1990), elles peuvent être plus subtilement qualifiées de bureaucraties de professionnels (Bégin, 1992b ; Lamothe, 1996). L'hétérogénéité professionnelle y est une marque distinctive alors que paradoxalement, la complémentarité professionnelle est au principe des motifs qui les font se retrouver à l'intérieur des mêmes lieux organisa tionnels. Cela confère donc à ces organisations leur caractère éminem ment politique (Bégin, 1992 : 5 ).
La très grande présence des jeux politiques est assoc1ee à une présence tout aussi grande du changement émergent. En effet, les actions entreprises, tant au niveau du contexte général qu'au niveau du contexte interne, viennent influencer la forme structurelle. Ainsi, la bureaucratie professionnelle devient elle-même un produit émer gent des interactions politiques entre les dirigeants et les acteurs du système. La deuxième source d'explication, pour qu'une approche mixte politique et contingente soit plus appropriée, réfère aux attributs des processus de changement des organisations de santé. Ceux-ci sont complexes et reposent sur les interactions, l'apprentissage et le com portement autonome des membres de l'organisation plutôt que sur le leadership au sommet, la vision ou la mission. Dans ces conditions, le changement intentionnel planifié est difficile. Le changement est réalisé par le biais de l'entrepreneurship et le dialogue permanent entre les détenteurs d'enjeux. La rétroaction et l'apprentissage nécessitent la création de canaux de communication interfonc tionnels, de même que la mise en place de nouveaux réseaux d'échanges entre les principaux acteurs (Hart, 1992). Le rôle des dirigeants est alors d'encourager l'expérimentation, l'exploration et le risque, de faciliter les transactions, de nourrir les idées et de relier les résultats de ces processus dans le temps, afin de donner un sens de la direction dans le changement (Denis et coll., 1996b).
Les approches au changement dans les systèmes de santé 3 3 3
Par l'expérimentation, le directeur provoque des réactions dans le système en place. L'expérimentation paraît un processus central puis qu'elle permet de trancher entre le convenable et l'inacceptable et de repérer les groupes opposants et favorables aux changements (p. 2 3 ).
La troisième source d'explication renvoie aux caractéristiques du contenu des changements. La grande quantité de changements simultanés et consécutifs dans les organisations de santé, le faible consensus entre les participants sur le changement et sur sa nécessité, la divisibilité de ses bénéfices, l'ampleur et la profondeur du chan gement de comportement requis, le terme plutôt long et la confusion des objectifs poursuivis, le nombre et la dispersion des points de décision sont du nombre des caractéristiques potentiellement importantes pour le résultat obtenu (Grindle, 1980 ; Hafsi, Fabi, 1997) . De plus, considérant la nature plutôt bouleversante et mena çante des changements, particulièrement lors de fermetures d'éta blissements de santé, la simple allusion à leur éventualité suffit à libérer une certaine quantité d'énergie politique. Comme le souligne Hardy ( 1985) : Les comportements politiques se manifestent souvent dans des situations où l'équilibre dans la distribution des ressources est menacé. Une telle situation se présente lorsqu'une innovation majeure est entre prise générant des opportunités de s'accaparer de nouvelles ressources (Pettigrew, 1973 ; Mumford, Pettigrew, 1976 ; Mintzberg, 1973 ). Une autre situation est lorsque les ressources diminuent, les positions sont menacées, et les comportements politiques deviennent alors nécessaires afin de sauvegarder les intérêts (p. I 3 ). Le changement e t l'évaluation
Les exemples présentés dans la section précédente permettent de voir que tout au long du processus de changement du système de santé, diverses formes d'évaluation sont utilisées : commissions d'enquête, bilan-lits, évaluation des dépenses affectées à l'offre de soins, évaluation de la qualité, etc. Il semble donc que l'évaluation soit un facteur constitutif important du changement. Quels rôles joue l'évaluation dans le processus de formation du changement des orga nisations de santé ?
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!.;évaluation jouerait des rôles différents suivant les approches du changement. Bien qu'ils ne soient pas mutuellement incompatibles, ceux-ci répondraient chacun différemment aux besoins d'interaction entre les individus et les groupes concernés. La littérature présente traditionnellement l'évaluation d'une façon plutôt idéalisée comme un outil d'aide à la décision rationnelle et à la formulation des politiques. Toutefois, la description des approches du changement organisationnel et les exemples précédents laissent penser que le rôle principal attribué à l'évaluation pourrait bien varier substantielle ment d'une approche à l'autre. Il s'agirait ici non pas d'un lien de cause à effet, mais simplement d'un lien d'association naturelle, de configurations courantes (Miller, 1996 ; Dufour, 1998) des rôles de l'évaluation et des approches du changement. En effet, au sein de l'approche classique, l'évaluation serait associée à la recherche de la cohérence, de la rationalité et de l'objectivité. Elle serait alors appelée à jouer un rôle principal d'information. L'accent serait placé sur la contribution potentielle de l'évaluation au contenu, à la substance même du changement inten tionnel. L'évaluation serait avant tout une démarche consistant à produire des connaissances dans le but d'appuyer les décideurs. Comme le souligne Langley ( 19 9 2 : 7) : Ici, l'instigateur est dans un état d'incertitude sur un sujet donné et fait faire une analyse [évaluation] pour réduire son incertitude. On utilise parfois l' analyse pour aider à mieux comprendre une question qui nous tient à cœur. À d'autres moments, on fait faire des analyses pour véri fier des idées venant d'autres sources. Dans l'approche contingente, les études et évaluations serviraient à documenter et à rechercher la meilleure adéquation entre l'en vironnement externe et l'environnement interne et, par-dessus tout, à justifier les écarts de mise en œuvre. La véritable raison de l'évaluation est d'améliorer la perception des dirigeants des difficultés qui ralentissent le changement [ ... ]. Un système efficace d'évaluation doit inclure les informations qui vont permettre aux dirigeants au sommet de comprendre les problèmes auxquels font face les cadres intermédiaires dans la réalisation des résultats pour lesquels ils sont tenus responsables (Andrews, I987: IOI).
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L'évaluation s'inscrirait dans un processus de suivi de gestion jouant un rôle de supervision et de contrôle (Langley, 1992). Elle viserait à observer l'évolution des opérations et à apporter, si néces saire, les correctifs requis ou encore à interroger l'impact ou la pertinence du maintien des activités ou des programmes de santé au sein d'un environnement changeant. Les gestionnaires demandent parfois une analyse formelle [évaluation] non pas par besoin d'information ou pour convaincre les gens, mais parce qu'ils désirent qu'un problème soit résolu ou qu'une décision soit mise en application... Toutes ces utilisations de l'analyse impliquent un élément de supervision et de contrôle (Langley, 199 2 : 7).
Tout comme le rôle précédent d'information, les rôles de supervi sion et de contrôle sont issus de la vision dominante de recherche de la cohérence et de la rationalité dans la prise de décision. Dans l'approche du comportement organisationnel, l'évaluation jouerait cette fois un rôle fondamental dans le développement de la coopération et dans l'induction de comportements en accord avec les objectifs poursuivis. L'évaluation serait ainsi appelée à jouer un rôle de rétroaction descriptive qui, bien que préoccupée d'objectivité, ne serait pas nécessairement neutre. La rétroaction descriptive est basée sur des faits concrets, justifiables et, dans la mesure du possible, observables, donc exempte de subjectivité. Cette rétroaction est formulée pour donner de l'information, soit posi tive ou négative, et est communiquée de façon constructive afin de favoriser l'échange d'information, la collaboration et la participation [ ... ] . Le gestionnaire qui communique une rétroaction descriptive le fait dans le but d'offrir du soutien à ses employés (Laflamme, Goyette et Mathieu, I996 : 7).
Dans la première conception de l'approche politique, l'évaluation pourrait jouer un rôle de gestion de la signification. Ici, les pro tagonistes et les opposants disposent chacun de résultats d'éva luation plus ou moins différents qu'ils utilisent ensuite à leur avantage, afin de légitimer leur position et de délégitimer celle des autres (Pettigrew, 1985 ; Pettigrew et coll., 1992 ; Dufour, 1991 ). Éventuellement, l'évaluation pourrait devenir un substitut à l'action afin de gagner du temps ; elle pourrait même adopter un caractère essentiellement symbolique.
3 3 6 Le système de santé québécois Dans la seconde conception de l'approche politique, les solutions semblent traverser les frontières à la recherche de problèmes à résoudre. Certains apportent des problèmes, d'autres des solutions, sans qu'il y ait nécessairement de correspondance claire entre les deux ; certaines solutions ne répondent à aucun problème et vice versa. L'évaluation viserait alors non plus à mieux comprendre la situation et à réduire l'incertitude ou encore à remettre la décision à plus tard ou à contrôler la mise en œuvre de l'action, mais bien à convaincre les gens de la nécessité d'adopter une solution plutôt qu'une autre. Elle jouerait ainsi un rôle de persuasion. Elle pourrait également jouer un rôle instrumental dans l'agora où sont débattues les nouvelles idées et les innovations en gestion des établissements de santé effectuées sur la scène nationale ou inter nationale. Le processus dynamique se poursuivrait et ce, jusqu'à ce que les solutions discutées aient acquis suffisamment de légitimité ou qu'elles s'inscrivent dans un contexte réceptif (Pettigrew et coll., 1992) permettant au changement d'aller de l'avant. Les contextes réceptifs au changement peuvent être construits par l'intermédiaire de processus cumulatifs de développement mais de tels processus sont également réversibles soit par le retrait des individus clés ou par une action peu préparée. Le déplacement d'un contexte non réceptif vers un contexte réceptif est également possible, encouragé par des changements de l'environnement ou de politiques au niveau central et par l'action des gestionnaires et des professionnels au niveau des établissements (p. 276). Évidemment, ces différents rôles joués par l'évaluation ne seraient pas mutuellement exclusifs et une même évaluation pourrait être entreprise, afin d'en réaliser plusieurs simultanément ou encore d'en réaliser différents au cours d'une certaine période de temps. Ainsi, il serait impossible de dissocier l'utilisation de l'évaluation de l'en vironnement social et politique de l'organisation. L'utilisation de l'analyse formelle serait intimement liée au besoin d'interaction entre les membres d'une organisation (Langley, 1986 ; 1992}. Elle serait donc moins utilisée si ceux qui sont responsables de la formulation étaient également responsables de la mise en œuvre, et si convaincre les autres de la pertinence des choix n'était pas nécessaire.
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Conclusion
Tout en reconnaissant que le changement est une composante inhé rente de l'évolution des systèmes de santé, force est de constater que la présente décennie a amené de nombreux bouleversements dans plusieurs systèmes de santé et les organisations qui les composent. Le changement est au cœur des débats et un moteur d'action pour l'ensemble des intervenants qui y travaillent. Or en nous interrogeant sur le concept même de changement, nous constatons qu'il est polysémique et que, par voie de conséquence, il est difficile d'en proposer une définition à la fois explicite et intégrale. Le changement se définirait mieux par le point de vue ou le modèle adopté par ses agents. Nous avons proposé une classification des approches au changement, laquelle nous a permis de faire une lecture diagnostique des démarches de transformation entreprises dans le système de santé québécois. Il apparaît que toutes les approches au changement sont utilisées, mais que les acteurs auraient tendance à en privilégier une, selon le niveau d'où ils agissent dans le système. Ainsi, chacune des appro ches permet de saisir une partie des processus de changement en cours. Il apparaît aussi que la présence du politique est à la fois importante et inévitable. Les processus politiques sont un élément constituant des contextes externe et interne des organisations de santé. Ce constat nous a amenés à proposer que, dans de telles organisations, une approche mixte politique et contingente serait la plus appropriée, tant pour la formulation que pour la mise en œuvre du changement dans de telles organisations, particulièrement en contexte de décroissance. L'efficacité des agents de changement dépend en grande partie de leur façon de penser et d'agir et de la manière dont ils décodent, comprennent et répondent aux dilemmes de la complexité et aux difficultés associées à la nature paradoxale des organisations de santé en général, et du changement en particulier (Mintzberg, I 973 ; Morgan, I989 ). Les approches décrites fournissent des moyens effi caces de traiter d'une façon à la fois descriptive et pragmatique avec la complexité. Elles représentent une variété de points de vue per mettant de saisir une même situation. Néanmoins, alors qu'une approche politique et contingente semble souhaitable dans le con texte particulier des organisations de santé, l'approche classique reste, du moins dans le discours des politiciens et des praticiens,
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généralement dominante. Cela peut être attribuable au fait qu'elle épouse la vision des leaders politiques du moment et qu'elle s'accom mode très bien du mythe de la division séculaire entre le politique et l'administratif. Puisqu'elle repose sur la doctrine téléologique, l'approche classique renforce la croyance dans le contrôle total du changement entrepris par les gestionnaires et les élus publics. Si plusieurs points de vue et approches au changement cohabitent et s'influencent mutuellement, comment en faire l'évaluation ? Quels rôles joue l'évaluation dans le processus de formation du chan gement ? Nous avons proposé que l'évaluation jouerait des rôles différents suivant les approches adoptées et que, bien qu'ils ne soient pas mutuellement incompatibles, ces rôles répondraient chacun diffé remment aux besoins d'interaction entre les individus et les groupes concernés. Il serait donc impossible de dissocier Putilisation de l'évaluation de l'environnement social et politique de l'organisation. L'invitation à la pratique de l'évaluation du changement dans nos organisations de santé est venue du secteur privé (Turgeon, 1 994 ), là où les lois du marché et les objectifs économiques fournissent des indicateurs relativement simples. Mais la nature du marché politique est tout autre et il devient nécessaire de reconnaître que l'évaluation des services de santé se présente comme un défi de taille. Elle doit s'effectuer dans un contexte de complexité et d'ambiguïté marqué par la pluralité des valeurs. Il importe donc de reconnaître la polyvalence de ses usages, sinon elle risque d'être paralysée entre la rationalité bureaucratique de l'État et la rationalité politique des acteurs en présence. Sur l'échiquier mondial de la santé, le Québec est loin d'être isolé. En effet, certains éléments figurant au programme de changement comme la privatisation, la « responsabilisation » des consommateurs, la régionalisation et l'introduction d'une plus grande concurrence transcendent nettement les frontières. Ces solutions sont généra lement reformulées et présentées par les acteurs comme des initia tives locales susceptibles de résoudre les problèmes nationaux. Ainsi, les idées de compétition et de libéralisation des marchés alimentent les réformes des systèmes de santé de la majorité des pays indus trialisés, notamment au Royaume-Uni, en Suède et en Nouvelle Zélande, voire en République populaire de Chine (Wong, Chiu, 1 997) . Une telle convergence dans le contenu et dans les directions prises par les responsables des systèmes de santé de plusieurs nations
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peut être interprétée comme l'expression d'une époque, d'une ère de changement. La similitude des conclusions des rapports d'experts, des opinions professionnelles et des lignes de conduite nationales dans une telle diversité internationale soulève à nouveau la question de la place de l'évaluation dans le processus de formation du chan gement. Les données fournies par l'évaluation seraient utilisées de façon à soutenir une idéologie et une conviction profonde du bien fondé et de la nécessité du changement, de même qu'à renforcer l'effet d'escalade de l'exemple mutuel. En effet, le changement par l'évaluation, c'est-à-dire l'utilisation des résultats d'études antérieures pour justifier voire imposer les multiples changements, est une pratique courante dans le domaine de la santé. Paradoxalement, force est de constater qu'au-delà du discours, la préoccupation réelle pour l'évaluation des résultats du changement semble, elle, peu marquer l'attitude actuelle de nos diri geants politiques. Tout se passe comme si les changements planifiés s'imposaient per se et que les probabilités de leur réalisation frôlaient la certitude. La conjecture est pour le moins optimiste. L'enjeu de l'évaluation du changement demeure, mais il signifie également l'éva luation de ceux qui l'ont commencé: accepteront-ils de se faire éva luer « objectivement » ?
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Rés u mé de l ' ouvrage C L E RM O N T B É G I N
C E CHAPITRE, fournit l'occasion de revenir sur les idées développées par les auteurs, afin d'en dégager les grandes lignes. Dans un premier temps, nous résumerons succinctement chacun des chapitres en suivant l'ordre de division de l'ouvrage et, dans un second temps, nous présentons les principaux enseignements qui s'en dégagent. PREM I È R E PARTI E
Les principes et les normes
Les trois premiers chapitres sur les principes et les normes ont abordé, d'une part, l'éthique sociale et les normes qui ont été à la base de l'instauration du système de santé au Canada et au Québec et, d'autre part, les questions qui sous-tendent l'adaptation des valeurs des communautés ethniques à celles de la société québécoise. En ce qui concerne les questions d'éthique sociale dans le système de santé québécois (premier chapitre), on apprend que la question bioéthique est apparue dans le prolongement des controverses à propos de la recherche dans les sciences de la vie et de la santé. La
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bioéthique est venue se superposer à la déontologie médicale comme mode de régulation de l'acte thérapeutique. Par ses mécanismes institutionnels comme les comités d'éthique, l'éthique régit, d'une part, la pratique médico-hospitalière et, d'autre part, la recherche sur l'utilisation des suj ets humains. Les grandes questions de la bioéthique concernent actuellement la reproduction humaine, la génétique, la prédiction des maladies, l'acharnement thérapeutique et l'euthanasie. Forest a observé que si les comités d'éthique jouent un rôle important de contrôle social, ils n'ont qu'une visée clinique. Les questions comme celles de l'allocation des ressources ne sont devenues des questions d'éthique sociale que lorsque les limites imposées par le politique ou l'économie ont atteint le cadre de discussion et de négociation des cas individuels. Selon Forest, l'ambition de l'éthique sociale est beaucoup plus vaste. Elle entend fournir des points de vue critiques lors de choix d'allocation des ressources mettant en cause des questions d'égalité, de justice et d'équité entre les groupes. Elle entend également intro duire des questions d'équité lors des choix politiques et économiques entourant les grandes questions sociales qui sont en amont du système de santé, mais dont les effets sur la santé sont connus. Du point de vue de l'auteur, l'équité sociale, définie comme « un problème d'équilibre entre ce que chacun est en droit d'attendre et ce qu'on est en droit d'attendre de chacun » , est menacée par des problèmes de distribution si la contribution des uns n'est pas à la mesure de leurs moyens, d'allocation s'il y a déséquilibre entre la distribution des avantages et la contribution exigée pour les obtenir, de régulation, si l'accès est refusé à des personnes qui pourraient y prétendre dans un système régi par d'autres normes, et de mobi lisation si l'on ne parvient pas à maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande de services. La réponse politique fournie jusqu'ici par l'État à ces difficultés a été de rétablir l'équilibre des prélèvements et des prestations, en exigeant des contributions plus importantes des contribuables et en rationnant les services. Bref, tout se résumerait à une question d'organisation. Forest dénonce cette façon de voir les choses qui, selon lui, occulte les déterminants culturels et sociaux de la demande de services. L'auteur critique la politique plutôt dirigiste de l'État québécois qui, par une conception de l'équité fondée sur la planification, définit centralement toutes les règles qui structurent les comportements, au
Résumé de l'ouvrage
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nom d'un modèle unique de protection sociale. On a eu tendance à ne considérer au Québec que deux régimes et à les mettre en opposition : un régime qui voit la solution des problèmes d'équité dans l'organisation des services et un régime qui propose que l'équité réside dans le respect des lois du marché. On oublie ainsi qu'il peut exister, entre ces deux extrêmes, d'autres régimes résultant de com promis dans la définition de l'optimum social par les groupes au pouvoir, de réclamations issues de forces politiques agissant sur l'État et sur ses dirigeants dans une société démocratique et de caté gories émanant des structures culturelles des institutions. Bref, des régimes qui s'appuient davantage sur le pluralisme des valeurs dans la société. Le deuxième chapitre a abordé les normes centrales et les politiques de santé. Antonia Maioni invite le lecteur à une réflexion sur l'impact facilitant et contraignant des normes édictées par le gouvernement fédéral dans le secteur de la santé, ainsi que sur le pouvoir potentiel de ces normes dans un contexte où la santé est d'abord reconnue comme un domaine de compétence provinciale et dans la conjoncture actuelle, qui incite à une remise en question de la capacité de surveillance et de sanction dont s'est doté le gouver nement fédéral pour en assurer le respect dans toutes les provinces canadiennes. L'auteure rappelle à grands traits les principales étapes qui ont marqué la mise en vigueur des normes sur lesquelles s'appuie le gouvernement fédéral pour participer au financement des régimes provinciaux d'assurance-santé, régimes qui sont reconnus dans la constitution canadienne de 1 8 67, comme étant de juridiction pro vinciale. Il appert que le gouvernement fédéral s'appuie sur son pou voir de dépenser, lui même enchâssé dans la Constitution, pour se prévaloir du droit d'imposer des normes nationales. Il subordonne son financement des soins de santé aux provinces au respect de ces normes. Celles-ci sont la gestion publique des systèmes de soins, la transférabilité interprovinciale du recours aux services de santé, l'universalité du droit aux services, l'accès égal aux soins et l'intégra lité des services lorsque ceux-ci sont reconnus comme médicalement nécessaires. Il semble, selon l'auteure, que ces normes fédérales auront été à la fois facilitantes et contraignantes ; facilitantes dans la mesure où, édictées unilatéralement par le gouvernement fédéral, elles auront
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fourni aux gouvernements provinciaux un levier politique important dans leurs négociations internes en vue de mettre en place les régimes provinciaux d'assurance-santé. Elles se sont avérées par ailleurs contraignantes parce que, d'une part, elles remettent en question le principe de l'autonomie des provinces en matière de santé, principe très cher aux provinces et au Québec en particulier, et que, d'autre part, ces normes, par les sanctions qui y sont attachées, laissent peu de flexibilité aux provinces en ce qui concerne l'organisation des soins. Bref, les contraintes se révèlent davantage porter sur la stra tégie unilatérale de surveillance et de financement du gouvernement fédéral que sur le contenu de ces normes, lesquelles semblent susciter l'adhésion massive de toutes les provinces et de la population cana dienne en général. Par ailleurs, les défis récents du contrôle des coûts de la santé ont contribué à l'érosion progressive de certaines de ces normes, notam ment celles de la transférabilité des services couverts par les régimes entre les provinces et de la gestion publique des services. A cela s'ajoute le fait que la proportion des dépenses privées de santé croît de façon importante dans toutes les provinces canadiennes, en même temps que la contribution financière du fédéral diminue progressi vement au point que les provinces remettent présentement en ques tion le vieux principe qui veut que : « celui qui avance l'or définit les règles » . Devant u n tel état de fait, deux scénarios peuvent être envisagés. D'une part, en s'appuyant sur le constat que des normes peuvent survivre sans mécanisme de coercition, si elles sont solidement ancrées dans la société, on pourrait imaginer que les normes fédé rales d'universalité, d'accessibilité et de gestion publique puissent être maintenues sans mécanisme d'imposition coercitive. D'autre part, les normes provinciales pourraient se substituer aux normes fédérales avec tous les risques d'asymétrie qu'un tel scénario com porte puisque le respect de normes nationales ne reposerait dans un tel contexte que sur Pautorité morale du gouvernement fédéral, sur son pouvoir de préserver le droit à la mobilité des Canadiens, enchâssé dans la Charte des droits et libertés, sur les pressions politiques de l'opinion publique et sur des conventions inter provinciales. Depuis 1 98 5, on a observé au Québec une augmentation impor tante des immigrants provenant d'une grande variété de pays de tous
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les continents. Fait à noter, ces immigrants récents se retrouvent en grande partie concentrés dans certains quartiers sur l'île de Mont réal, ce qui pose des défis importants aux CLSC chargés d'assurer, pour cette clientèle, la première ligne des services de santé. C'est ce qu'observent Sévigny et Tremblay dans le troisième chapitre qui traite de l'adaptation des services de santé au contexte pluriethnique. Les auteurs dressent un tableau des principaux facteurs de risque et de protection qui constituent autant d'éléments de nature à faire obstacle ou à faciliter l'intégration sociale des immigrants. On peut y constater que la liste des facteurs contraignants est beaucoup plus importante que celle des facteurs facilitants. Dans la mesure où il est bien connu que l'adaptation des services de santé est un déterminant majeur de l'intégration sociale des immigrants, cela n'est pas sans rendre encore plus grand le défi qui se pose aux intervenants de première ligne dans le domaine de la santé. Pour ces auteurs, l'adaptation des services doit être le résultat d'une symbiose entre l'expérience humaine et clinique des inter venants et les particularités, attentes et perceptions des clientèles. Or cela doit s'actuaJiser dans un contexte de pluralité des cultures où les notions de qualité et d'accessibilité des services de santé prennent une connotation très particulière et fort différente de celle qui pré vaut dans les milieux où les clientèles sont majoritairement québé coises. Selon les auteurs, la qualité des services passe par la compétence clinique des intervenants, certes, mais aussi par leur engagement et par la qualité des relations qu'ils entretiennent avec les clients. En ce qui concerne l'accessibilité, elle requiert que les intervenants composent avec la distance qui sépare leur culture per sonnelle de celle de leurs clients. Le savoir, le savoir-faire et le savoir être des intervenants sont au cœur même du problème de l'adap tation des services de santé aux communautés culturelles. Par ailleurs, les auteurs préviennent que l'adaptation des services ne doit pas signifier l'ethnicisation des pratiques et qu'à cet égard, la recherche de l'équilibre entre le respect des valeurs culturelles de ces communautés et les valeurs sur lesquelles repose le système de santé demeure un enjeu important. Enfin, l'adaptation des services de santé suppose qu'il y ait adéquation entre les politiques éma nant du ministère de la Santé et des Services sociaux et celles des Relations avec les Citoyens et de l'Immigration car, en dernière analyse, l'actualisation de cette adaptation, au niveau des relations
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entre les intervenants et les clients des communautés culturelles, sera d'autant facilitée qu'il y aura cohérence au niveau des politiques publiques. D E UXIÈM E PA RTI E
Le financement et le paiement des ressources
Les chapitres qui composent la deuxième partie de l'ouvrage portent sur le financement des services de santé, l'influence des modalités de paiement des ressources et le cas particulier du médicament dans le système de santé au Québec. Dans le chapitre traitant du financement des services de santé au Québec, Chapain et Vaillancourt présentent les principaux modes de financement qui prévalent au sein des pays de l'OCDE. Au Canada, le financement du système de santé est largement public et fiscalisé. Plus particulièrement, le financement du système du Québec repose sur trois composantes majeures soit les recettes autonomes du gou vernement provincial, les transferts fédéraux et les contributions privées. La contribution fédérale par les paiements de transferts cor respond présentement à environ un tiers du financement public et elle est subordonnée au respect de certaines normes dont celle du maintien de l'universalité des services. La répartition entre les trois composantes tend à long terme vers l'augmentation des contribu tions privées et vers un accroissement de la part provinciale dans le financement public. Le système québécois respecte l'équité quant à l'accès et à la capacité de payer, mais il est l'un des plus coûteux au monde quant à la part du PIB consacrée à la santé. Ce niveau des dépenses de santé soulève plusieurs questions dont celle de l'efficacité du financement public et privé actuel, en l'absence de liens entre les services reçus et les coûts supportés par les usagers, et celle de l'équité intergénérationnelle, en relation avec les déficits budgé taires accumulés par les gouvernements au cours de la période 19 801998. À cet égard, les auteurs proposent le développement d'un méca nisme permettant de relier une partie des paiements effectués en santé aux services effectivement reçus, afin de responsabiliser davan tage les individus. Un tel mécanisme tiendrait compte du fait qu'une partie des dépenses de santé concerne la santé publique, mais que la
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plus grande partie est effectuée pour le bien-être des individus selon trois types de risques, soit le risque génétique, le risque envi ronnemental et le risque lié à des comportements spécifiques. Les auteurs proposent que chaque génération finance le coût de ses soins de santé et qu'en outre une partie du financement provienne de primes variant selon les risques individuels. Le chapitre suivant propose un cadre d'analyse général sur les mesures incitatives et le paiement des ressources dans les systèmes de santé. Ce cadre permet à Contandriopoulos et à ses collaborateurs de situer les modalités de paiement dans le fonctionnement et 1a trans formation des systèmes de santé. Pour ces auteurs, quatre logiques de régulation souvent contradictoires sont à l'œuvre dans les systèmes de santé. Ce sont les logiques professionnelle, technocratique, écono mique et démocratique. Les représentations que se font les acteurs des buts du système de santé sont fort différentes, selon les logiques qu'ils privilégient. La conception de mesures incitatives pour influen cer les acteurs est une entreprise complexe dont l'institutionnalisa tion ne peut être que le fruit de compromis entre les tenants de ces différentes logiques. Il existe en outre une grande variabilité des mesures incitatives en fonction de leurs mécanismes d'action. Les auteurs les regroupent en quatre grandes catégories, soit les mesures fondées sur l'autorité, sur l'information, sur l'intérêt économique des acteurs et sur l'éthique ou le respect des règles. L'adoption de mesures incitatives doit finale ment tenir compte des grands objectifs du système de santé, soit l'équité, l'autonomie individuelle et l'efficience, et des tensions irré ductibles entre ces objectifs. Les auteurs observent ainsi que, dans le contexte actuel où prédominent les pressions exercées par le déve loppement technologique et la nécessité de réduire les dépenses publiques, les pressions sur l'équité s'amplifient, pendant que les difficultés grandissantes d'accès réduisent l'autonomie des acteurs. Selon ce cadre, l'ensemble des mesures incitatives s'actualise dans les diverses modalités organisationnelles et la transformation de ces dernières est nécessaire pour modifier les comportements des acteurs. Dans cet ensemble de modalités, les modalités de paiement des médecins demeurent très importantes pour orienter le système de santé. Il est possible de classer les différentes modalités de paiement à partir des réponses données à quatre interrogations : Qu'est-ce qui
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est payé ? (le temps, l'acte, le cas ou les résultats ? ) ; Qui est payé ? (l'acteur individuel ou l'acteur collectif ? ) ; Comment est-il payé ? (par le jeu libre de l'offre et de la demande, par la négociation ou par décret ? ) ; Qui paye ? (le client, un tiers payeur, l'employeur ?). Les auteurs reconnaissent toutefois le peu de connaissances quant aux effets spécifiques des mesures incitatives sur le comportement des médecins (tout au plus savons-nous que les médecins ne réagissent pas tous de la même manière à une variation des modalités de tarifs ou à d'autres types d'incitatifs économiques). En conclusion, ils indiquent qu'il faut concevoir les modalités de paiement des res sources comme autant de signaux transmis aux acteurs et qu'il faut créer des conditions d'apprentissage pour changer les mentalités et transformer les modalités d'organisation du système en vue d'atteindre les buts paradoxaux visés. La place du médicament dans le système de santé au Québec est discutée dans le dernier chapitre de cette partie. Les auteurs présen tent à grands traits les particularités du médicament, son utilisation au Québec et l'historique des politiques gouvernementales qui le con cernent. Ils décrivent plus en détail le régime québécois d'assurance médicaments mis en vigueur le I janvier 1 997. Tout en étant obligatoire pour tous, ce dernier se différencie nettement du régime d'assurance-maladie du Québec. En effet, il prévoit, pour toute personne non admissible à l'assurance collective de son employeur ou de l'employeur de son conjoint, l'obligation d'adhérer à un régime de couverture public. Ce régime combine ainsi une couver ture publique avec une couverture par des assurances privées. Par ailleurs, il balise les modalités de l'un et l'autre avec une contribution maximale par adulte, une coassurance ne pouvant excéder 2 5 % du coût du médicament, la possibilité de franchises et des exonérations pour certaines clientèles dans le régime public. Reinharz, Rousseau et Rheault soulignent finalement que la conception du médicament sous-jacente à ce régime mixte maintient une démarcation entre les médicaments et les soins médicaux ou hospitaliers. En effet, on continue de considérer le médicament comme un bien de consommation et les modalités de financement et de paiement traduisent cette conception. Or ces modalités soulèvent des difficultés, principalement en relation avec l'équité et l'efficience. Sur cette base, les auteurs se font les avocats d'un régime fondé sur le principe de l'accessibilité universelle, calqué du régime d'assuranceer
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maladie, . ainsi que de la reconnaissance du médicament comme une technologie souvent « médicalement nécessaire ». TROS I ÈME PARTI E
L'organisation et la gestion
Les trois chapitres de cette partie ont abordé successivement la décentralisation, la gestion des établissements et, enfin, le champ contemporain de la santé publique. La décentralisation est un thème qui, même s'il se retrouve constamment au cœur des enjeux de l'organisation du système de santé depuis la réforme Castonguay Nepveu, n'en est pas pour autant épuisé. La gestion des établisse ments est un thème qui, tout en ayant été fortement décrié dans les rapports des commissions d'enquête et des comité d'étude au cours des trente dernières années, a paradoxalement été peu étudié. Enfin, la santé publique apparaît dans la plupart des réformes de la santé comme un champ en croissance dont l 'organisation constitue un enjeu actuel important. Sous le titre plutôt évocateur de « La Décentralisation: panacée ou boîte de pandore ? », Turgeon et Lemieux tentent de jeter un peu de lumière sur la polysémie du terme « décentralisation » . Pour ces auteurs, la décentralisation renferme deux volets complémentaires. C'est d'abord un processus structurel d'autonomisation qui s'accom pagne d'un régime correspondant d'imputabilité. La déconcentra tion, la délégation, la dévolution et la privatisation constituent les quatre types de décentralisation que l'on retrouve dans les différentes fonctions de gouverne, de gestion, de financement et de production des services issus des politiques de santé au Québec, au Canada et dans d'autres pays industrialisés. Les auteurs observent qu'au Qué bec, la délégation souvent appelée décentralisation fonctionnelle ou administrative constitue le mode dominant de décentralisation. L'expérience du Canada dans son ensemble et celle d'autres pays, notamment les États-Unis, l'Espagne, la Suède, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, permettent d'observer que, d'une part, il existe une grande variabilité dans les modes dominants de décentralisation que privilégient ces pays et que, d'autre part, dans tous les pays étudiés, il n'y a pas qu'un seul mode de décentralisation. Six cri tères peuvent être considérés afin de guider le choix des modes de décentralisation à privilégier: l'efficacité, l'efficience, l'équité, la
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coordination, la responsabilité et la représentativité. Enfin, devant le constat que le modèle de délégation (nommée aussi décentralisation administrative) développé au Québec présente de sérieuses limites, tant sur le plan de l'autonomisation que sur celui de l'imputabilité, les auteurs proposent cinq scénarios de décentralisation susceptibles d'être envisagés dans le secteur de la santé pour le Québec et optent pour celui de la dévolution vers les municipalités ou un regrou pement de celles-ci. Les auteurs du chapitre sur la gestion des établissements de santé au Québec dressent un tableau à la fois historique et prospectif de la gestion des établissements de santé au Québec. En s'appuyant sur une conception de la gestion définie comme une pratique contextua lisée, Demers, Dumas et Bégin proposent une typologie de quatre rôles de chef d'établissement de santé, construite à partir des posi tions dominantes qu'occupe ce dernier face aux contextes externe et interne de son environnement. Ce sont le gérant, l'entrepreneur, le rénovateur et le transformateur. À partir de cette typologie, les auteurs retracent l'évolution du système de santé au Québec et montrent comment, à chaque période de cette évolution, le rôle exercé par les chefs d'établissements s'est transformé. Au total, les rôles de gérant et de · rénovateur ont dominé. Cependant, le rôle de chef d'établissement est appelé à se modifier dans la foulée de la réforme actuellement en cours au Québec. À cet égard, les auteurs proposent et analysent deux scénarios. Le premier, nommé « la réforme de la réforme », consisterait à accentuer la décentralisation amorcée au début des années 1990, afin de créer des conditions plus favorables à la gestion par les résultats, à la subsidiarité et à !'imputabilité des gestionnaires. Le second scéna rio s'appuie sur des expériences anglaises et américaines. Il consiste rait à favoriser la concurrence et l'intégration des services, selon un modèle de capitation avec responsabilité de clientèles. Ces deux scénarios pousseraient les chefs d'établissements à agir en transformateurs. Les auteurs demeurent toutefois sceptiques quant aux possibilités de renouvellement du système québécois de services de santé et l'ajustement à la marge du statu quo leur appa raît un troisième scénario plausible. Le champ de la santé publique fait l'objet du chapitre suivant. Gagnon et Bergeron, avec la collaboration de Fortin, abordent la
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santé publique comme un champ constitué de divers domaines et modes d'interventions, et l'analysent sous trois aspects: l'objet même qui est au centre des interventions, le corpus de connaissances et le contexte d'utilisation de ces connaissances. Sur cette base, les auteurs dégagent trois traits qui, au-delà des différences organisationnelles entre les systèmes de santé, seraient déterminants dans la consti tution et la transformation de ce champ. Ces traits sont la déli mitation floue et changeante de ses frontières, son fractionnement et le caractère public du contexte d'utilisation des connaissances. Par la suite, en s'appuyant principalement sur des variations observées entre les systèmes anglais, français et américain, les auteurs précisent les pôles auxquels renvoie chacun des traits relatifs au champ contemporain de la santé publique. Ainsi, le contexte public d'utilisation des connaissances serait principalement marqué par le caractère plus ou moins centralisé des services de santé publique, de même que par l'intégration, ou non, de ces services au système de santé. La délimitation floue et changeante des frontières du champ varierait en relation de l'attention portée essentiellement aux pro blèmes de santé physique ou de l'ouverture faite aux problèmes psychosociaux et de la nature des mesures adoptées pour régler ces problèmes qui, de fait, peuvent être coercitives ou habilitantes. Quant au fractionnement du corpus des connaissances, il se carac tériserait tant par la prédominance des savoirs professionnels ou des savoirs universitaires que par celle de la discipline médicale ou de la multidisciplinarité. Enfin, les auteurs discutent du champ de la santé publique au Québec en regard de ces traits. Pour ce qui est du contexte public d'utilisation des connaissances, l'organisation de la santé publique au Québec est clairement régionalisée et liée à l'administration du système de santé par son intégration dans les régies régionales de la santé et des services sociaux. Même si cette réorganisation remonte à 199 3 , la place prise ou non par le directeur de la santé publique au sein de la régie régionale, voire par les équipes d'experts, demeure encore en évolution et varie selon les régions. Par ailleurs, le champ de la santé publique au Québec se caractérise par une très grande ouverture aux déterminants sociaux de la santé des communautés, avec les avantages et les inconvénients que cela présente, dans la mesure où la ligne de démarcation avec les autres secteurs n'est pas toujours facile à tracer, notamment si l'on pense aux secteurs social
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et communautaire. Quant au fractionnement du corpus de connais sances, il se joue entre l'expertise professionnelle et l'expertise uni versitaire, mais plus encore à l'intérieur de chacun de ces groupes d'experts. Les dernières modifications organisationnelles n'ont pas levé l'ambiguïté quant à la contribution des ressources médicales en matière de santé publique. Cette situation présente de grandes similitudes avec celle des médecins en Angleterre et laisse présager des tensions. Finalement, selon les auteurs, les acteurs soucieux de la pérennité d'un champ distinct pour la santé publique devraient miser sur une plus grande intégration de la production de connaissances ainsi que sur une interaction plus intense entre universitaires et praticiens. QUATRI ÈME PARTIE
L'évaluation et le changement
La dernière partie de l'ouvrage porte sur l'évaluation des services de santé, sur sa contribution à la gouverne et à la gestion des politiques publiques et sur son rôle dans les processus de changement qui marquent les transformations actuelles du système de santé. Dans le chapitre traitant de « !.?évaluation dans le domaine de la santé : conceptions, courants de pensée et mise en œuvre », Bégin et ses collaborateurs montrent le caractère polysémique de l'évaluation. L'évaluation y est définie comme un acte de jugement, comme une activité de production de connaissances destinée à alimenter la gouverne et la gestion et comme une pratique sociale qui contribue à alimenter les débats publics dans le domaine de la santé. Ils entreprennent ensuite de faire la synthèse des courants de pensée, des démarches et des méthodes de mise en œuvre de cette activité telle qu'elle s'actualise dans ce domaine. À cet égard, les auteurs dis tinguent les fondements ontologiques (objectivistes et subjectivistes) et épistémologiques (positivistes et constructivistes) sur lesquels cette activité peut reposer. Les démarches d'évaluation, c'est-à-dire les approches globales à partir desquelles les évaluations sont entre prises, sont différentes selon que l'on privilégie ou non la participa tion des personnes concernées par ces évaluations. Ils distinguent l'approche unilatérale de l'approche multilatérale. Enfin, ils réper torient et décrivent sept méthodes distinctes de mise en œuvre des évaluations dont on retrouve les applications dans le domaine de la
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santé. Ce sont les méthodes de l'agrément, expérimentale et quasi expérimentale, l'opinion d'experts, l'approche dialectique, statis tique, qualitative et de l'habilitation. Par cette présentation les auteurs mettent en évidence que, en évaluation, les démarches et les choix méthodologiques ne peuvent être dissociés des fondements ontologiques et épistémologiques sur lesquels ils reposent. Par ailleurs, ces démarches et méthodes fournissent au travail d'évalua tion autant de moyens complémentaires pour appréhender les objets d'évaluation qui, dans le domaine de la santé, sont la plupart du temps multidimensionnels et requièrent des projets interdiscipli naires. Cette première présentation sur l'évaluation prépare le chapitre suivant dans lequel Saint-Pierre et ses collaborateurs s'interrogent sur les arrangements institutionnels de l'évaluation dans le domaine de la santé. Ils soulèvent trois interrogations : Quels rôles les arrangements institutionnels de l' État en matière d'évaluation des services de santé jouent-ils dans le processus de gouverne et de gestion ? Que peut-on apprendre de la place qu'occupent les institutions vouées à l'éva luation à l'intérieur de ce processus ? Dans quelle mesure l'évaluation est-elle une activité organisée et légitimée au sein de l'État ? Les auteurs concentrent leur analyse sur deux secteurs, soit, d'une part, l'évaluation des technologies et des pratiques professionnelles médicales et infirmières et, d'autre part, l'organisation des services. Ils distinguent deux formes d'évaluation : l'évaluation technique et l'évaluation de légitimation ; la première forme renvoyant davantage à une évaluation de nature administrative n'ayant pas pour but de remettre en question la pertinence des politiques et des programmes, alors que la seconde forme interroge spécifiquement leur pertinence. Ils mettent en parallèle l'expérience du Québec avec celle du gou vernement canadien, de l'Angleterre, de la France et des États-Unis. À propos de l'évaluation des technologies de la santé et des pra tiques professionnelles, les auteurs observent que les efforts déployés jusqu'ici en vue de doter les États étudiés, y inclus le Québec, de mécanismes d'évaluation des technologies et des pratiques profes sionnelles se concentrent davantage sur des évaluations de nature technique et souvent assumées par des pairs. En ce qui concerne l'évaluation de l'organisation des services, trois modalités d'évaluation se dégagent de leur analyse : a) l'évaluation de conformité, caractérisée par l'accréditation des établissements de
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santé, principalement institutionnalisée au Québec, au Canada et aux États-Unis, dans une moindre mesure en Angleterre et en voie de mise en œuvre en France ; b) l'évaluation de suivi-surveillance de l'organisation des services, qui se traduit par une grande variété de mesures allant de la révision des profils d'utilisation des services et d'allocation des ressources à l'analyse des paniers de services, des contrôles exercés sur la rémunération des professionnels à la com paraison des coûts et à la satisfaction des clientèles, etc. Ces initia tives s'élaborent toutes dans le contexte des réformes qui prévalent à des degrés divers dans les États étudiés ; c) l'évaluation par les con sommateurs ou évaluation de l'habilitation telle que nommée dans le chapitre précédent. Il semble que, même si les États se préoccupent de plus en plus de ce type d'évaluation, les initiatives en ce domaine soient encore très timides en regard des possibilités. Les auteurs concluent que les arrangements institutionnels mis en place par l'État dans les deux secteurs étudiés se préoccupent davantage d'évaluation technique. L'évaluation de légitimation, sus ceptible de mettre en cause les choix politiques des gouvernants et des gestionnaires, est peu développée. De surcroît, l'enjeu de déve lopper de telles modalités d'évaluation se bute au difficile problème de l'expression libre d'un contre-pouvoir exercé par les utilisateurs de services et qui soit apte à contrebalancer les pouvoirs actuels des décideurs et des producteurs de services. L'ouvrage se termine sur une réflexion sur « Les approches au changement dans les systèmes de santé ». La plupart des systèmes de services de santé des pays industrialisés sont actuellement engagés dans un processus de changement et le Québec compte parmi les systèmes où ces changements sont les plus profonds et les plus rapides. Dufour et Lamothe présentent quatre approches au chan gement dans les organisations en général. Ce sont les approches clas sique, contingente, du comportement organisationnel et politique. Selon les auteurs, les approches classique et contingente, c'est-à dire qui reposent sur une conception hiérarchisée et mécaniste de l'organisation, caractérisent les stratégies de changement des diri geants politiques et administratifs à l'échelle de l'ensemble du système. La gouverne et la gestion des services de santé aux niveaux central et régional en ont été largement imprégnées au fil des différentes réformes qu'a subies le système de santé depuis trois décennies. En contrepartie, le processus du comportement orga-
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nisationnel et, d'une façon beaucoup plus marquée, le processus politique ont caractérisé les initiatives de changement entreprises à l'intérieur des établissements de santé. Les auteurs soutiennent qu'une approche mixte, politique et contingente est plus appropriée, en contexte actuel de décroissance, pour rendre compte du processus de changement dans les organisations de santé, en raison des contextes général et interne au sein desquels elles évoluent, des attri buts intrinsèques du processus de changement et des caractéristiques du contenu des changements effectués. Enfin, les auteurs s'interrogent sur le rôle de l'évaluation dans les processus de changement. À ce propos, ils observent que l'évaluation peut servir à diverses fins selon l'approche au changement privilégiée et que, dans tous les cas, les résultats d'évaluation viennent nourrir les interactions entre les individus et les groupes qui y sont engagés. Le changement par l'évaluation est pratique courante dans le domaine de la santé. Cependant, cette pratique semble peu marquer les attitudes actuelles des dirigeants politiques. « Tout se passe comme si les changements planifiés s'imposaient per se et que les probabilités de réalisation frôlaient la certitude. » Les principaux enseignements de l ' ouvrage
À la lumière de ces résumés, quels sont les principaux enseignements qui se dégagent de la lecture de l'ouvrage? Nous présentons dans les lignes qui suivent les idées maîtresses qui y ont été véhiculées. Premièrement, il semble que l'État soit un maître d'œuvre plutôt dirigiste des transformations en cours. L'État semble s'être arrogé le rôle de définisseur unique du modèle de protection sociale au Qué bec. Les processus de changement mis en place par les décideurs publics dans leur réforme en cours auraient un caractère plutôt mécaniste et contingent. Une telle approche laisse peu de place à la formulation de compromis dans la recherche de régimes d'équité s'appuyant davantage sur le pluralisme des valeurs qui caractérisent notre société. Deuxièmement, la pluralité des valeurs et des normes est par ailleurs une réalité au Québec qui vit depuis les années récentes une immigration importante et variée. La capacité d'adaptation des services de santé à ces nouvelles réalités est contrainte par la grande concentration géographique de ces communautés, leur diversité
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culturelle et le difficile équilibre à maintenir entre les normes de ces communautés culturelles et celles de la société québécoise. Une plus grande cohérence intersectorielle des politiques publiques est égale ment souhaitée. Troisièmement, le retrait progressif du fédéral du financement des services de santé contribue à l'érosion subtile des normes qui ont guidé jusqu'ici le développement du système de santé au Canada et au Québec, notamment celles de la transférabilité des services et de la gestion publique. Le financement provenant de sources privées aug mente en effet dans toutes les provinces canadiennes, y compris le Québec, ce qui crée un déséquilibre dans la couverture des services entre les provinces, et affaiblit du coup le pouvoir coercitif du gou vernement fédéral. Les initiatives récentes du gouvernement du Québec, fondées sur le partenariat des secteurs public et privé en ce qui concerne l'assurance-médicaments, est une des manifestations du glissement subtil des normes d'équité qui furent définies à l'origine. Quatrièmement, l'efficacité du financement de notre système de santé est actuellement en question, en particulier en ce qui concerne la part du financement public et celle des usagers. À cet égard, la nature des risques associés aux soins de santé devrait davantage être prise en considération dans le choix des modalités de financement. Cinquièmement, il est nécessaire d'utiliser des mesures incitatives particulières telles les modalités de paiement des médecins ou un régime d'assurance-médicaments pour transformer les systèmes de santé. En même temps, il est difficile de prédire les effets de ces mesures sur les comportements individuels parce qu'elles s'insèrent dans l'ensemble des mesures incitatives que constituent les modalités organisationnelles. De plus, ces dernières sont complexes parce qu'elles traduisent des compromis entre les logiques contradictoires et entre les objectifs paradoxaux des systèmes de santé. Sixièmement, à propos de l'organisation des services, il semble que la décentralisation administrative présente de sérieuses limites et qu'une formule de dévolution vers les municipalités ou vers un regroupement de ces dernières rendrait plus clairs les objectifs d'autonomisation et d'imputabilité, si présents dans le discours des gouvernants. Septièmement, les contextes organisationnels externe et interne des organisations de santé, qui ont historiquement marqué l'évo-
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lution du système de santé au Québec depuis la Commission Castonguay-Nepveu, ont confiné les gestionnaires des établissements de santé dans des rôles de gérant et de rénovateur, plutôt que dans ceux d'entrepreneur et de transformateur. Par ailleurs, le paysage de la gestion pourrait changer dans les années à venir. Cependant, ces rôles continueront d'être subordonnés aux choix politiques qui orienteront l'organisation des services de santé. Bien que le besoin de transformateurs soit très grand, les réformes en cours portent encore trop d'ambiguïtés et d'incertitudes pour permettre de lever l'incer titude sur le devenir de la gestion. Néanmoins, les orientations actuelles laissent croire que l'on n'observera pas, à court terme, de modifications profondes dans les rôles joués par les gestionnaires. Huitièmement, la délimitation du champ de la santé publique est encore ambiguë. Il est également habité de tensions entre les pro blèmes de santé physique et les problèmes sociaux, entre les milieux professionnels et les milieux universitaires, entre le monde médical et le monde social. La régionalisation des services de santé publique au Québec n'a pas permis de lever ces ambiguïtés. Enfin, si l'évaluation se présente comme le substitut aux lois du marché dans un régime public largement dominé par l'État, afin de rendre compte de la pertinence, de l'efficacité et de l'efficience des politiques publiques en matière de santé, il semble que les évalua tions purement techniques des politiques et des programmes soient étendues, mais que les évaluations de légitimation, dont le but serait de rendre compte de la pertinence des choix politiques actuels, soient timides. Tels sont donc les principaux enseignements de cet ouvrage. Parti culièrement critiques sur plusieurs points, les opinions des auteurs traduisent le climat d'incertitude et d'ambiguïté créé par les trans formations actuelles du système québécois de santé. Que réserve l'avenir ? En s'inspirant de la lecture du système de santé faite dans cet ouvrage, la conclusion générale qui suit apporte des éléments de réflexion à cette interrogation.
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Conclusion
LA PÉRI O D E ÉTU D I É E par les auteurs de cet ouvrage couvre à toutes fins utiles la décennie 1990. Cette période est marquée par des changements majeurs dans les systèmes de santé de nombreux pays industrialisés. Les publications de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et celles de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont fait largement état des grands axes de ces changements. r ) un ralentissement marqué des nouveaux investissements dévolus au secteur hospitalier, accom pagné d'une réduction des lits de soins de courte durée ; 2) une décentralisation des services vers les communautés et une intensifi cation de la sélection des clientèles orientées vers le secteur médico hospitalier ; 3) une précision de la vocation des centres hospitaliers pour les soins aigus, les services de deuxième ligne et ultraspécialisés et les conditions urgentes ; 4 ) une organisation de services gérés sur une base territoriale ou locale ; 5 ) une plus grande importance accor dée aux services de soins et de maintien à domicile, accompagnée d'un rehaussement des ressources dans ce secteur ; 6) un accent mis sur une meilleure gestion des épisodes de soins et sur la continuité des services rendus aux personnes ; 7) un élargissement du rôle des
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infirmières et des infirmiers au regard de la première ligne, de la santé communautaire et de la santé publique ; 8) un meilleur accès à l'information sur la santé pour la population, et un soutien accru permettant de favoriser l'autonomie ; 9) la participation des orga nismes communautaires et des aidantes et aidants naturels à la définition des services dans la communauté et à l'assistance auprès des personnes dépendantes ou malades ; IO) l'instauration de nou veaux modes de rémunération médicale visant à augmenter l'imputa bilité des médecins envers une population géographiquement définie (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 1997c). L'évolution du système de santé au Québec reflète, à quelques nuances près, les mêmes tendances touchant l'organisation et la prestation des soins de santé. Ces transformations portent largement sur une rationalisation de l'offre de services et, à cet égard, s'inscri vent dans le mouvement des réformes qui semblent offrir de meil leures chances de succès (Saltman, Figueras, 1997). Il reste à voir si les conditions sociales et économiques actuelles, en particulier celles créées par la décision du gouvernement d'éliminer son déficit bud gétaire d'ici l'an 2000, permettront d'atteindre les mêmes résultats. Les changements en cours dans le système de santé au Québec ne sont donc pas des surprises, dans la mesure où ils suivent un courant observé dans beaucoup de systèmes occidentaux. Ce qui est mar quant n'est pas tant la nature de ces changements que l'effritement du modèle de référence qui guidait les gouvernements du Québec depuis la réforme Castonguay de 1971. En effet, à travers les diffé rents thèmes abordés dans cet ouvrage, il ressort clairement que la perspective d'un système public de santé dont l'intégration repose essentiellement sur une régulation hiérarchique est désuète. Cette désuétude est mise en lumière à la fois par la montée du pluralisme des valeurs, par les nouvelles réalités sociales et culturelles, par la croissance du financement privé, par la complexité des mesures incitatives associées au paiement des ressources, par le recours à un régime privé/public pour l'assurance-médicaments, par le plafonne ment de la délégation régionale, par l'autonomie limitée des chefs d'établissement et par le peu de prise de l'évaluation sur les choix politiques. Mais avec l'effritement du modèle de référence s'est aussi installé un flottement quant aux perspectives de l'évolution du système de santé au Québec. À cet égard, les auteurs des différents chapitres
Conclusion
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montrent bien la diversité des scénarios possibles. La réalisation de l'un ou l'autre de ces scénarios ou d'autres combinaisons dépendra du contexte social et politique au Québec, des promoteurs d'idées · à la mode et des stratégies de changement des dirigeants politiques. Sans prendre position sur ces scénarios, il apparaît important de rappeler quelques-uns des enjeux plus particuliers auxquels il faudra prêter attention. En premier lieu, il convient de constater que le rythme avec lequel ont eu lieu jusqu'ici ces transformations est extrêmement rapide. A cet égard, il est difficile de ne pas donner foi à celles et ceux qui croient que le virage ambulatoire et la reconfiguration du système de santé a été une solution très opportune, à la rencontre de l'épineux problème de la crise des finances publiques. Cela était d'autant justi fié que les dépenses de santé absorbent plus de 3 0 % des dépenses gouvernementales. Comment ne pas penser que le rythme accéléré de la mise en œuvre de tous ces changements n'a pas été dicté par les impératifs politiques du déficit zéro avant l'an 2000 ? Bien qu'un telle réforme ne puisse se faire sans qu'un sérieux coup de barre ne soit donné dans les processus et les structures d'un système d'une telle complexité ; bien que l'on doive reconnaître le courage politique de celles et ceux qui l'ont effectuée, il ne faut pas pour autant ignorer les risques qu'une réforme trop rapide et trop unilatérale risque d'encourir. L'ampleur des changements crée de nombreuses incertitudes et insécurités. La perte de confiance de la population et la démobilisation des professionnels sont deux des dangers majeurs qui risquent d'entraver le projet actuel de réforme. À vouloir faire trop vite une réforme, qui implique des changements profonds dans les habitudes de consommation de même que dans les cultures professionnelles et organisationnelles, on risque de démo biliser celles et ceux par qui le changement doit obligatoirement passer, soit les consommateurs et les professionnels. En second lieu, il semble que la réforme actuelle ait mis en veilleuse le projet québécois de participation des usagers et des groupes d'intéressés. Or ce projet était précisément vu comme une solution pour corriger les défauts maintes fois dénoncés de la trop grande régulation administrative imposée par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Ce projet a été abandonné progressivement, à mesure que les enjeux financiers de la réforme prenaient le pas sur d'autres considérations. Au Québec, cette tendance n'est pas propre
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Le système de santé québécois
aux organisations de santé et il faut s'interroger sur ce qu'il advien dra de l'idéal participatif. D'autres systèmes de santé, comme ceux de la Grande-Bretagne et bientôt de l'Ontario, ont choisi de déve lopper des « chartes des droits des patients », afin de modifier l'équilibre des pouvoirs et de l'information entre les usagers et les prestataires de services. Mais il n'est pas certain que cette approche vienne à bout de tous les problèmes. En fait, les objectifs énoncés dans le rapport de la commission Castonguay-Nepveu, à la fin des années 1960, et réitérés plusieurs fois depuis, invitant les dirigeants du système de santé à respecter les choix exprimés par les citoyens plutôt que de traduire seulement la vision des experts et des profes sionnels, sont toujours aussi vivants. En troisième lieu, il faut constater qu'ici comme ailleurs, les professions de la santé ont été ignorées. On parle si souvent de la crise de la médecine et de la dégradation des conditions de travail des infirmières qu'il peut sembler curieux de conclure de cette manière. Pourtant, il est clair que le champ professionnel n'a pas fait partie des domaines d'intervention privilégiés par les pouvoirs publics, con trairement aux structures de gestion et aux modalités de régulation. Cela signifie d'abord que la répartition des tâches entre professions et entre spécialités est restée inchangée, à de rares exceptions près. L'émergence de « nouvelles » professions (infirmières cliniciennes, sages-femmes, etc.) ou de nouveaux rôles professionnels (consul tation de première ligne en pharmacie) est restée marginale. Mais les querelles de territoire ne sont pas terminées, loin s'en faut, d'autant que la transformation des rôles professionnels est un instrument disponible pour modifier l'offre de services et leur coût, en première ligne comme dans le secteur hospitalier. Ensuite, cela implique qu'on a peu touché à la hiérarchie des groupes professionnels et, plus généralement, à la structure et à la répartition du pouvoir entre ces groupes. Tout indique que la puissance publique s'est engagée dans la réforme en percevant les différentes professions comme des alliés ou des adversaires potentiels, mais rarement comme des acteurs à part entière, porteurs de projets spécifiques : valorisation du métier d'infirmière, maintien des prérogatives des médecins, affirmation du rôle des pharmaciens d'officine, émergence des travailleuses sociales en première ligne, etc. Au Québec, cette analyse réductrice est d'au tant plus étonnante que la commission Rochon avait centré son analyse politique sur la place et le rôle des groupes d'intérêts, et que
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les outils intellectuels existaient donc pour prendre en compte les intérêts et les stratégies de groupe dont le combat ne s'achèvera pas avec la mise en route des nouvelles structures. En quatrième lieu et même si cette question n'a pas été abordée directement dans l'ouvrage, on ne peut ignorer l'influence américaine comme première puissance économique et scientifique mondiale, et en tant que référence culturelle de premier plan dans le paysage de la société québécoise, en raison de notre proximité géographique et de notre grande dépendance à l'endroit des États-Unis. Nos valeurs fondamentales, tout comme les transformations à venir au chapitre des modalités de financement, de paiement des ressources et d'or ganisation des services de santé, risquent de subir l'influence néo libérale de nos voisins du Sud. Ainsi, il faut reconnaître que, pour le meilleur et pour le pire, la médecine américaine sert de norme dans la plupart des sociétés occidentales. Nos professionnels de la santé tiennent à fournir à leurs patients les mêmes soins et à posséder les mêmes instruments que leurs collègues américains. Les patients aussi perçoivent les solutions offertes par le système américain comme une norme obligée, aussi bien dans le domaine des médicaments que dans celui des traitements chirurgicaux ou des outils diagnostiques. On ne voit pas vraiment comment les choses pourraient changer dans un avenir prévisible. Les choix et les orientations en matière d'accès aux soins prennent place dans un système où l'on voudrait que chacun puisse obtenir ce que les États-Unis offrent à leurs patients les plus fortunés, tout en conservant les contraintes et les avantages d'un système public. La manière dont sont formés les professionnels, avec des manuels et des équipements américains, la diffusion de l'information médicale ou l'intégration des grandes sociétés pharmaceutiques sont autant de facteurs qui vont maintenir une pression constante sur les objectifs des autorités du système de santé en matière de rationnement ou de rationalisation. Il ne faut donc pas se surprendre d'observer, dans un tel contexte comme le font certains auteurs de cet ouvrage, la montée impressionnante de la privatisation des services au Canada et au Québec. Enfin, d'autres phénomènes plus globaux ne manqueront pas d'influencer considérablement la façon dont les services de santé seront conçus, financés et produits. Pensons à la montée de l'écono mie sociale et à son apport à la communautarisation des services de
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santé, à la territorialisation des services et de la gestion, aux tenta tives multiples et variées pour délester l'État en matière de santé, à la mondialisation de l'économie et à l'instantanéisation des commu nications. La lecture diagnostique des transformations du système de santé faite dans cet ouvrage est celle d'un système en mutation profonde et, de ce fait, elle ne peut être que partielle. Même si peu de réponses claires aux problèmes soulevés sont fournies, les propos tenus par les auteurs ont le mérite d'alimenter la réflexion collective. La période étudiée en est une de transition qui prépare le système de santé du début du troisième millénaire. Le Réseau de recherche sociopolitique et organisationnelle en santé a l'intention de suivre cette évolution et de produire, d'ici quelques années, un ouvrage qui traitera de façon systématique des transformations entraînées par cette réforme.
N otes
Les q uestions d'éthique sociale dans le système de santé québécois
1 . Si la méthodologie propre à l'analyse politique normative suggère que l'on écarte les valeurs inconditionnelles telles que la coopération, la prévoyance, le courage ou la patience, c'est entre autres raisons parce qu'il y a un cercle vicieux dans ce genre de tentatives ; pour reconnaître les normes carac téristiques d'un système social ou politique, on cherchera justement des règles de conduite qui ressemblent aux indications prescrites par la morale, la religion ou la coutume. Voir Jacobs ( 199 5 ), pour une illustration bril lante, malgré le parti pris dualiste, et Forest ( 1997a), pour une introduction méthodologique. 2. Comme le souligne Guy Durand, l'approche traditionnelle ( « paternaliste » ) en éthique médicale se limitait à l'examen par le médecin de l a situation où se trouvait son patient et, éventuellement, la famille, sans autre valeur déter minante que le respect de la vie dans ce cas particulier (Durand, 1 9 89 : 22). 3. Comme on peut s'en convaincre en suivant l'analyse de Le Grand dans sa discussion sur l'équité et la santé (Le Grand, 199 1 : 103-1 26), il est même clair que le principe du mérite accentue les inégalités sociales en ce domaine au lieu de les corriger, en raison de la distribution initiale injuste des facteurs de risque.
3 66 L e système de santé québécois 4. Par équité verticale, on désigne un système d'imposition et d'avantages sociaux dans lequel les contribuables à haut revenu supportent des charges plus lourdes, par le biais des impôts ou par celui des règles d'admissibilité aux programmes sociaux (Lefebvre, 1995 : 17 ) . Sous sa forme extrême, l'équité verticale conduit à réserver les rares dépenses de redistribution aux seuls indigents, en laissant aux autres citoyens l'entière responsabilité de leur bien-être. En fait, même si les interventions gouvernementales n'ont pas toujours servi à corriger les inégalités sociales et que la situation des couches moyennes se compare avantageusement à celle des démunis que l'État tente de protéger, l'uniformité de la couverture sociale est parfois la meilleure garantie que l'ajustement de la capacité contributive et de la couverture sociale ne reflète pas seulement des transferts entre coalitions majoritaires successives (Bélanger, 1987 : 3 6). 5. Certains passages de cette section ont été développés dans Forest ( 1997b). 6. L.Q., 199 1 , c. 42, art. 6: « Toute personne a le droit de choisir le profes sionnel ou l'établissement duquel elle désire recevoir des services de santé ou des services sociaux. » 7. L.Q., 1 991 , c. 42, art. 1 3 . 8 . La justice de procédure suppose des règles qui sont « connues, claires [et] transparentes » (Rocher, 1996 : 1 2), ce qui n'est pas évident dans un contexte habituel d'incertitude médicale. La solution imaginée par Outka ( 1974} tient en deux préceptes, qui s'appliquent bien au système public québécois dans ses premières années : r. à chacun selon ses besoins ; 2. à chaque cas semblable, traitement semblable. 9. Au niveau individuel, de toute manière, un risque socio-économique n'est pas lié causalement à l'apparition d'un problème médical ou social. Ainsi, même s'il existe un lien statistique entre le revenu et les maladies res piratoires, on ne peut pas dire que les maladies respiratoires soient attri buables à un bas revenu. ro. À rapprocher des principes défendus par le mouvement américain de managed competition (Enthoven, 1993 : 46), même si les adeptes ne se recrutent pas dans les mêmes franges de l'opinion : « gouvernement limité, action volontaire, décentralisation de la décision, choix individuels, concur rence des modèles, pluralisme, responsabilité personnelle et locale. » I I . On rappellera qu'en économie politique, l'optimum social est atteint dès lors que la répartition des revenus coïncide avec les valeurs et les préférences de la majorité. La sommation des choix individuels ne permettant pas de mettre au jour cette répartition idéale, comme l'ont abondamment montré les chercheurs de l'école des choix publics (Downs, 19 5 7 ; Arrow, 19 5 1 ), il semble que la formule dépende nécessairement des jeux politiques domi nants, à un moment quelconque. Cette interprétation, fort plausible à pre mière vue, laisse toutefois dans l'ombre les comportements altruistes ou symboliques qui dominent maintes décisions à caractère social et qui
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participent plutôt des structures cognitives de la théorie culturelle ; comme le souligne Pran Manga ( 19 8 7 : 2 3 ), la collectivité dans son ensemble accepte parfois que des ressources disproportionnées soient investies pour sauver des vies particulières, sans autre motif que « de réaffirmer ses idéaux et son identité ou même ce qu'on appelle ses « obligations morales ». 1 2. Pour des raisons qui ont été exposées ailleurs (Forest, 1997a ; 1997b), on distingue au moins quatre régimes d'équité différents dans les systèmes de santé des pays de l'OCDE : la communauté, l'organisation, le marché et l'association, ainsi baptisés en raison de Ja logique dominante dans chacun des cas. L'adaptation des services de santé et des servi ces sociaux au contexte pluriethn i que
r. Nous tenons à remercier nos collègues du Centre de recherche et de formation du CLSC Côte-des-Neiges, centre affilié universitaire. Nous avons puisé dans leur texte certaines informations factuelles concernant la clientèle pluriethnique québécoise des services sociaux et de santé. 2. Les gouvernements ont abordé la question de l'intégration des immigrants sous l'angle de la culture. Cette approche, qui fait de l'ethnicité « une ethnicité-essence, l'ethnicité-attribut, unique déterminant des faits sociaux observés » (Juteau, 1986 : 37) a plusieurs fois été remise en cause. Cette perspective culturelle ou ethnique, qui accentue les différences (Gay, 1 9 8 5 ), enferme les immigrants dans leur tradition culturelle et a des répercussions sur la perception de la population. En outre, la mise en relief de la différence occulte des difficultés relationnelles qui relèvent des catégories sociales (McAll, 199 1 ) . 3 . Jusque dans les années 1960, c'étaient l'Église catholique et les commu nautés ethniques, qui prenaient en charge l'accueil et l'aide aux immigrants (Jacob, 1992). Dans Je contexte du renforcement de l'État provincial des années 1970, le gouvernement s'est lancé dans des réformes, comme l'intro duction de l'assurance-maladie universelle, en 1967, qui devint l'un des principaux facteurs d'accès aux services médicaux (Béland, 1 9 8 5 ), qui ont notamment touché les services sociaux et les services de santé aux immi grants. Parallèlement aux services dès lors institutionnalisés, les commu nautés ethniques ont continué d'offrir différentes formes d'assistance (voir le répertoire des services offerts par les organismes communautaires, ministère des Communautés culturelles et de l'immigration, 199 3 ) . 4. O n retrouve dans Le Goff ( 1997) l'analyse des politiques des deux minis tères concernés par les services sociaux et de santé, et de leur adaptation au milieu pluriethnique : le ministère des Services sociaux et de Santé et ce qui est aujourd'hui le ministère des Relations avec les Citoyens et l'immigration.
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Le système de santé québécois
5 . Ainsi, dans son énoncé de politique en matière d'immigration et d'inté gration (Ministère des communautés culturelles et de l'immigration, 1990) et dans son plan d'action concernant l'accessibilité des services aux commu nautés ethnoculturelles (Ministère des communautés culturelles et de l'immigration, r994), le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration déclare que l'adaptation des institutions à la réalité pluraliste constitue un facteur essentiel de la participation des Québécois de toutes les origines à la vie collective. Il annonce également des interventions dans deux champs bien précis : l'adaptation des interventions et des services destinés à la clientèle des communautés culturelles et la formation interculturelle des intervenants. En outre, la politique de régionalisation de l'immigration traduit la volonté gouvernementale de favoriser l'établissement des immi grants à l'extérieur de Montréal (Gouvernement du Québec et Secrétariat régional de la concertation de l'Outaouais, r992). 6. Dans sa politique de la santé et du bien-être, par exemple, le ministère de la Santé et des Services sociaux ( 1 992) tient compte, dans la définition de ses objectifs et de ses stratégies d'action, de la population récemment immigrée en l'identifiant comme groupe vulnérable. 7. Les soins de première ligne sont ceux dispensés sur-le-champ à des clients qui en font la demande. Ils impliquent certaines situations d'urgence et de crise et couvrent un large éventail de besoins. 8. Weber d'abord puis Tonnies ont proposé une distinction entre communauté et société, qui est toujours actuelle. Quand la volonté d'être ensemble est mue par l'affectivité, la tradition ou l'attachement à des valeurs, elle crée une communauté ; quand elle est au contraire mue par un besoin d'établir une relation contractuelle, elle crée une société. En réalité, tout groupe réalise les deux manières de vivre. L'État, lui, est une société plutôt qu'une communauté. 9. Rappelons que la notion de citoyen remplace le terme « communauté culturelle » dans l'appellation du ministère responsable de l'immigration. Depuis juin 1996, c'est en effet le ministère des Relations avec les Citoyens et de }'Immigration (MRCI) qui en est en charge. Le MRCI propose, en troquant le terme « communauté culturelle » contre le terme « citoyen », une vision pluraliste, qui veut gommer les différences culturelles, et dénote la volonté gouvernementale de ramener la problématique à la société au sens de Tonnies. Cette vision est fondée sur le fait que tous les Québécois, quelles que soient leur origine ou leur appartenance, sont reconnus membres à part entière de la société québécoise et participent à la vie collective du Québec. Le MRCI s'est donné comme mission, entre autres, le renforcement de l'ouverture au pluralisme et le rapprochement interculturel, au-delà des différences identitaires. Cela dit, il y a une certaine ambiguïté entre le statut de citoyen et le fait d'être immigrant. ro. Notons par ailleurs que les immigrants sont en principe en bonne santé à leur arrivée au Canada puisque, avant de recevoir leur visa de résidence
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permanente, ils doivent passer un examen médical dans le pays où est faite leur demande d'immigration. Les maladies exotiques sont ainsi excep tionnelles (Collège des médecins de famille du Canada, section Québec, 199 1 ; Chen, Wilkins et Ng, 1996). 1 r. La santé mentale est l'un des domaines les plus étudiés au Québec en rapport avec l'expérience de l'immigration et les groupes ethniques (Beiser et coll., 198 8 ; Corin, Bibeau, Martin et Laplante, 1990 ; Groupe de travail sur les communautés culturelles et la santé mentale, 1990 ; Blanchet, Laurendeau, Paul et Saucier, 1993). 12. Comme ont cherché à le faire, par exemple, les enquêtes effectuées pour Santé Québec sur la communauté chinoise (Clarkson, Tran, 1997), la com munauté haïtienne (Clarkson, Eustache, 1997) et la communauté du Maghreb et du Moyen-Orient (Clarkson, Dahan, 1997}. 1 3 . Notons de plus que le caractère pluriethnique des interventions constitue une dimension parmi d'autres. C'est ainsi que la diversité des clientèles et des problématiques fait adopter aux intervenants, dans leur pratique, une approche individuelle et globale, qui tient compte d'une combinaison de facteurs (culturels, personnels, sociaux et économiques) spécifiques à chacun des clients (Le Blanc, 1994 }. 14. En effet, il ne doit pas être tenu pour acquis que l'intervenant appartient à la culture majoritaire et le client à un groupe minoritaire. Heneman et coll. ( 1 994) ont démontré qu'intervenants et clients peuvent être d'une même appartenance et tous deux de culture minoritaire : 22 % des intervenants consultés étaient de la même culture ou de la même langue que le client (d'immigration récente à Montréal). 15. Le terme « intervention interethnique » désigne toute intervention qui implique un intervenant et un client qui n'ont pas la même origine ethnique (Le Blanc, 1994 ). 1 6. Chaque intervenant a une conception du social qui se traduit dans sa pratique. Le terme « implicite » cherche à exprimer le caractère formalisé de ce savoir. Le savoir implicite réfère donc non seulement au savoir construit dans l'interaction immédiate, mais aussi à l'interprétation et au sens que donne l'intervenant aux aspects contextuels de sa pratique, qu'ils soient organisationnels, institutionnels ou sociaux (Rhéaurne, Sévigny, 1988). 1 7. Notons que la reconnaissance du savoir implicite des intervenants ne fait cependant pas l'unanimité dans la littérature. A ce titre, Dunn { 1987) et Longres { 1 9 8 1 ) évoquent l'ethnocentrisme et la sous-estimation des préjugés personnels de l'intervenant, alors que Bruckner fait appel à la notion d'hégé monie culturelle. r 8 . Atkinson et coll. ( 19 89) montrent même que le taux d'abandon des immi grants, à la suite d'une première séance de « counselling », se situe autour de 50 %, comparativement à 30 % chez les Anglo-Américains.
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19. D'ailleurs, le statut accordé à ces personnes est très variable. Lum et coll. ( 1980), par exemple, soulignent le cas des familles chinoises où les aînés avaient traditionnellement un statut prestigieux au sein du groupe et qui, dans la société d'accueil, sont isolés et ont peu de contacts familiaux. De la même façon, Guberman et Maheu ( 1997) montrent les difficultés reliées à la prise en charge des personnes âgées dans les familles d'origine haïtienne et italienne au Québec. 2.0. Dans ce texte, nous nous sommes principalement intéressés à la problé matique de l'immigration et des services de santé d'ici. Il y aurait cependant matière à comparaison avec d'autres systèmes de santé ailleurs dans le monde. L'utilisation des langues en lien avec les services de santé pourrait aussi faire l'objet d'une étude en soi. Notons par ailleurs que nous n'in cluons pas les autochtones dans les communautés culturelles. Le fin ancement des services de santé au Québec
1. Assurance par remboursement des soins de divers prestataires, systèmes d'assurance avec remboursement des soins provenant de prestataires sous contrats ou systèmes intégrés d'assurance et d'offre de soins. 2. La coassurance signifie que l'assuré paie un pourcentage fixe des coûts ; la franchise est un montant fixe de base que les bénéficiaires doivent verser avant que l'assurance couvre les dépenses ; la tarification (ou frais modé rateurs) par service est un montant fixe lié ou non aux coûts des services ; le plafond sur les activités autorisées fait qu'au-delà d'une certaine quantité de services consommés, la population doit payer les coûts ; les options liées au revenu imposable impliquent qu'une portion des services consommés est financée grâce à une contribution additionnelle par l'impôt sur le revenu ; le plafond sur les dépenses autorisées signifie qu'au-delà d'un certain montant dépensé, l'assureur ne couvre plus les frais ; la couverture des risques élevés signifie que l'assuré n'a pas à débourser au-delà d'un certain montant, et cela dépendant de la personne concernée ; la surfacturation est un montant payé par l'assuré en sus du montant payé par l'assurance pour le même service ; la désassurance sélective s'effectue par la non-couverture des services ; la désassurance totale correspond au retrait de l'assureur de la couverture de certains programmes ; le système parallèle fait référence à la possibilité d'assurer en fonction de l'efficacité de l'organisation des services (assurance d'un service public mais pas de son équivalent privé). 3 . Le principe est de calculer un montant per capita uniforme pour toutes les provinces par rapport à ce qui avait été versé en moyenne en 1 976, allocation indexée sur le taux de croissance du PNB. On multiplie ensuite par la population de chaque province. Puis, pour chaque province, on calcule les ressources provenant de l'impôt, sujettes ou non à égalisation, ce qui correspond au transfert fiscal, le transfert en espèces représentant la différence entre le transfert fiscal et l'allocation calculée plus égalisation si
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nécessaire (étant donné les disparités fiscales entre provinces, les plus pauvres d'entre elles recevaient leurs revenus en points d'impôt accrus d'un paiement supplémentaire en espèces afin d'égaliser les montants) . Le Québec bénéficie d'un transfert fiscal plus important du fait de points d'impôt supplémentaires dont il jouit depuis r965. 4. La répartition entre le transfert en impôt et le transfert en espèces a évolué à travers le temps avec une importance croissante pour le transfert fiscal. Ce premier, qui représentait 3 5 ,4 % contre 5 6, 7 % pour le transfert en espèces et 7,8 % pour le transfert destiné aux soins prolongés en r975, est passé, en r994, à 52 % contre 3 8, 2 % pour le transfert monétaire et 9,3 % pour les soins prolongés. 5. Le RAPC est le Régime d'assistance publique du Canada qui était un
programme à coût partagé ( 50/50) et finançait les dépenses d'aide sociale au Canada.
Les mesures incitatives et le paiement des ressources
r. Pour véhiculer l'idée que l'influence des modalités de paiement n'est pas une réaction mécanique, il ne faudrait pas utiliser le terme « paiement des ressources », mais parler plutôt de ce qui est l'objet de l'analyse, c'est-à-dire du paiement des acteurs dans des organisations ou des systèmes : acteurs individuels (médecins, administrateurs, infirmières, etc. ) ou acteurs collectifs (hôpitaux, systèmes intégrés de soins, etc.). 2. « Les institutions sont des cadres durables d'action, des règles durables du jeu social et des habitudes collectives [ ... ]. Ces règles du jeu social, parce qu'il n'existe pas de société spontanément harmonique ni pleinement réconciliée, sont des armistices sociaux ; entre groupes, ils naissent des luttes passées ; ils en préparent de nouvelles » (Perroux, r963 : n 8-n9). 3 . Cette figure vise aussi à illustrer l'idée que les quatre logiques de régulation définissent un espace à l'intérieur duquel on pourra placer, comme on le verra plus loin, les modalités spécifiques de régulation des systèmes de soins. 4. Nous donnons à la notion d'efficience allocative une définition restreinte. Elle n'englobe pas le concept d'allocation optimale des ressources au sens de l'optimum de Pareto. Si on se plaçait dans cette perspective, l'enjeu serait de trouver l'allocation des ressources qui maximise le bien-être de la population, c'est-à-dire de déterminer dans tous les secteurs de la société, compte tenu de l'importance accordée par la population à l'équité et à l'autonomie individuelle, quelle serait la répartition optimale des ressources. La notion d'efficience incorpore alors les deux autres valeurs fondamentales et, d'une certaine façon, les subordonne à la logique économique. Dans le domaine de la santé, il nous semble plus riche de conserver la distinction entre les trois valeurs, tout en comprenant que le bien-être de la population est le résultat de la tension existant entre ces valeurs.
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La place du médicament dans le système de santé du Québec
r . Les cinq principes sont : une couverture universelle ; l'exhaustivité des
services offerts ; un accès raisonnable aux services de santé pour tous ; la transférabilité entre provinces du régime de protection médicale ; et la gestion publique des régimes d'assurances.
2. Les termes à connotation sexuée doivent être compris dans ce texte comme ayant une valeur épicène. 3. Cette loi régit la fabrication, la distribution et la vente des médicaments et des cosmétiques. Elle s'applique aux plantes médicinales qui peuvent obtenir un numéro d'identification des drogues DIN, aux produits homéopathiques où la présence du produit dans les pharmacopées américaines et françaises est reconnue et aux vitamines qui doivent répondre à toutes les exigences. 4. Le CCP est constitué d'experts en pharmacologie et d'un expert en phar macoéconomie, alors que les comités de pharmacologie sont constitués de pharmaciens et de médecins ayant des privilèges de pratique dans l'établisse ment. 5. Ces honoraires sont versés dans le cas d'une ordonnance falsifiée, d'une
allergie, d'un échec de traitement antérieur, d'une interaction cliniquement significative, d'une intolérance antérieure, d'un choix irrationnel du produit, d'une dose dangereusement élevée, d'une dose sous-thérapeutique, d'une durée de traitement irrationnelle, d'un produit inefficace dans l'indication visée, d'une quantité prescrite irrationnelle, d'une surconsommation, d'une duplication de traitement.
6. L'opinion pharmaceutique vise : à interrompre un traitement soit pour cause d'allergie, d'effets secondaires, d'interaction, de grossesse ou d'allaitement ; à modifier un dosage soit en raison d'effets secondaires ou d'un problème d'efficacité ; à substituer un autre produit pour des raisons d'effets secondaires ou d'intolérance, d'interaction, de problèmes d'efficacité ou de grossesse ou d'allaitement ; à ajouter une médication complémentaire requise ; à signaler une inobservance soit une sur ou sous-consommation pour les produits traitants l'hypertension ; à établir un profil pharmaco thérapeutique dans le cas d'usage de plus de huit médicaments ou dans le cas d'une interaction avec un produit non assuré ; à constituer un calendrier de sevrage pour les benzodiazépines. 7. Un détenteur de carnet ayant un profil exceptionnel de consommation de médicaments doit obligatoirement s'adresser à son pharmacien désigné pour obtenir les services pharmaceutiques assurés en vertu de la Loi sur l'assurance-médicaments. Pour agir à titre de pharmacien désigné, le phar macien reçoit une rémunération mensuelle de 20 $. 8. Le cancer, la fibrose kystique, le diabète insipide, la tuberculose, l'hyperpro téinémie primaire et les maladies psychiatriques sévères.
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9. On parle ici de régime général e t non d e régime universel parce que toute
personne résidant au Québec doit être assurée mais pas nécessairement avec le régime québécois.
ro. L'homéopathie est une méthode qui met en application clinique le principe de similitude qui veut que toute substance qui peut, à dose pondérale, provoquer des symptômes chez un individu sain, peut, à doses infinité simales, guérir ces symptômes chez un individu malade. I I . La phytothérapie est une thérapeutique par les plantes. 12. La naturopathie se définit comme une philosophie, un art et une science, qui viserait à apporter à l'être humain le plus haut degré de santé possible en lui apprenant à gérer correctement ses habitudes de vie. I 3. Les prix des nouveaux médicaments brevetés sont fixés au niveau fédéral ; le Québec applique la « règle des 1 5 ans » et ses mécanismes de contrôle des coûts ne concernent que les médicaments couverts par l'assurance publique. 14. Ce quasi-monopole n'est pas dû au faible nombre d'entreprises, mais à la tendance de se créer des niches de quasi-exclusivité dans certaines classes thérapeutiques. La décentrafisation : panacée ou boite de Pandore ?
1. Loi sur les services de santé et les services sociaux, et modifiant diverses dispositions législatives, chapitre 42 des Lois du Québec de 199 1 , article 3 40. 2. À ce sujet, voir Fraser ( 1996 : 3 7-3 8). Également Lomas ( 1995 : 25). 3 . Borgeat et coll. ( 1 982 : 56) ; Debasch ( 1968 : 3 5 5- 3 5 8 ) ; Deschênes ( 19 8 1 : 39-47) ; Gélinas ( 1975 : 8-ro) ; Ministère du Conseil exécutif ( 1995 : 8-ro) ; Lesemann ( 1978 : 23-4 5 ) ; Smith ( 1 98 5 : 1 ). 4. Nous adoptons à cet égard les définitions du Conseil de la santé et du bien être ( 1997). 5 . Cette distinction en quatre grandes fonctions est différente de celle qu'on
trouve dans l'ouvrage de l'Organisation mondiale de la santé (Mills et coll., 1 99 1 : 28-29).
6. Nous empruntons cette idée de J. Lomas ( 199 5 : 25-34), qui l'a limitée initialement au principe de dévolution. 7. L'autonomisation réfère à l'autonomie dans la gestion sectorielle des fonc tions de régulation relatives à la santé. 8. Lomas ( 1 99 5 : 26) de même que Lemieux ( 1996 : 661-680) en arrivent à ce constat récemment. 9. C'est l'une des hypothèses mises de l'avant récemment par Lemieux ( 1996). 10. Le domaine du bien-être social, devenu celui de la sécurité du revenu en 1 984, a été rapatrié en 1 9 8 5 par le ministère du Travail. Le MAS changeait
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Le système de santé québécois
alors de nom pour celui de ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). 1 I . Rappelons toutefois qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une élection au suffrage universel, puisque certains des critères propres à ce phénomène ne sont pas intégralement respectés : présence d'une liste d'électeurs, possibilité de révision de cette liste, délimitation stricte des circonscriptions, etc. 12. La région Nord-du-Québec ne possède pas de régie régionale. 1 3 . Dans les faits, les réunions préparatoires à huis clos du conseil d'adminis tration se multiplient depuis 199 3 , laissant souvent à l'audience assistant aux séances publiques du conseil d'administration le sentiment que « tout est arrangé d'avance » . 14. Sur t e système de santé aux États-Unis, voir Chamarand ( 1996). 1 5 . Sur le système de santé en Suède, voir Berleen et coll. ( 1 993 ) . 1 6. Sur l e système de santé en Espagne, voir OCDE ( 1992 : I I 1-120). 17. Sur les réformes récentes en Nouvelle-Zélande, voir le chapitre d'Anderson, Dorland et Davis ( 1 996 : 76-104). 18. Sur le Royaume-Uni, voir OCDE ( 1992 : 1 2 1-139). 19. Les provinces canadiennes sont considérées comme autant d'États fédérés. La gestion des établissements de santé au Québec
I. Nous tenons à remercier Michel Audet, Jean-Claude Deschênes et Denis Ouellet ainsi que les collègues du Réseau de recherche sociopolitique et organisationnelle en santé pour leurs commentaires sur une version pré liminaire de ce texte. Nous remercions également les quatre chefs d'éta blissement qui nous ont accordé une entrevue et dont les propos nous ont été d'une grande utilité pour rédiger ce chapitre. 2.. Ce courant inclut les auteurs classiques du champ de la gestion, Taylor ( 1 9 I I ) ; Fayal ( 19 1 6) ; Mayo ( 193 3 ) ; Roethlisberger et Dickson ( 19 3 9 ) ; Herzberg et coll. ( 19 59 ) ; McGregor ( 19 60), ainsi que les adeptes de la théorie des systèmes tels Katz et Kahn ( 1978) et de l 'approche de la contingence comme Lawrence et Lorsch ( 1967) et Kast et Rosenzweig ( 1973). 3 . On peut ranger dans cette perspective les monographies de Selznick ( 1949) ; Gouldner ( 1 954) ; Blau ( 19 5 5 ) et Burns et Stalker ( 1 9 6 1 ), les travaux de l'école de l'analyse stratégique, Crozier ( 1963 ) ; Crozier et Friedberg ( 197 7) et Friedberg ( 199 3 ), ceux de la théorie de l'ordre négocié, Strauss et coll. ( 1963 ) ; Strauss ( 1978), et ceux d'auteurs comme Pfeffer (198 1 ) et Kotter ( 1979). 4. Braverman ( 1974) ; Clegg ( 1979) ; Zimblast ( 1979) ; Clegg et Dunkerly ( 1980) ; Salaman ( 19 8 1 ) ; Wood ( 1982) et Knights et Willmott ( 1 986).
Notes
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5. On peut classer dans ce courant les travaux qui recourent à la théorie de la
structuration de Giddens ( 19 87), comme ceux de Barley ( 1986) ; de Bou chikhi ( 198 8 ) ; d'Eraly ( 198 8 ) ; de Dumas ( 199 5 ) et de Demers ( 1996).
6. Les établissements de santé sont, au sens de Mintzberg ( 198 2), des orga nisations de professionnels. Dans ce type d'organisation, les praticiens du « centre opérationnel » disposent d'un capital de connaissances spécialisées qui les rend relativement autonomes par rapport aux gestionnaires et qui leur permet d'exercer une influence importante sur l'orientation et le fonc tionnement de l'établissement. Les chefs d'établissement de santé sont donc moins en mesure d'imposer leur autorité que les dirigeants d'autres types d'organisation. 7. Dans cette section, nous considérerons ces parties prenantes comme une seule catégorie d'acteurs. Dans certains cas, le conseil d'administration d'un établissement en fait partie. Plus généralement toutefois, le conseil est un acteur hybride, ni complètement dans l'établissement ni complètement hors de celui-ci, qui, comme le chef d'établissement, est à la jonction des con textes externe et interne de l'organisation. La contribution du conseil d'administration peut se limiter à officialiser les décisions du chef d'éta blissement. Le conseil peut aussi intervenir directement dans la gouverne de l'organisation. Pour que les prises de position du chef d'établissement prévalent, celui-ci doit alors se coaliser avec son conseil d'administration ou avec la faction dominante de celui-ci en cas de dissension au sein du conseil. À la différence des autres gestionnaires de l'organisation, le chef d'éta blissement relève donc d'une autorité collective et non d'un seul individu. De plus, les membres du conseil d'administration sont élus périodiquement et représentent souvent des groupes d'intéressés. Ces particularités ajoutent à la variabilité du contexte externe du chef d'établissement. 8 . Dès qu'un établissement atteint une certaine taille, son chef est appuyé par un nombre variable de cadres supérieurs. Ces derniers composent alors avec le chef de l'établissement une équipe de direction. Les positions qu'adopte celui-ci dépendent alors de la variété des points de vue exprimés par ses collaborateurs immédiats, de la capacité de chacun de le soutenir dans ses positions et des rapports de pouvoir au sein de l'équipe de direction. Dans ce chapitre, nous tenons pour acquis que les positions du chef d'établisse ment et celles des autres membres de la direction se confondent ou, en d'autres termes, que l'équipe de direction est un acteur collectif uni. 9. Pour une conceptualisation plus fine du rôle de chef d'établissement, on peut consulter Denis et coll. ( 1 995 ; 1996a et 1996b). Ces auteurs recourent notamment au concept de constellation des rôles de leadership pour rendre compte des pratiques de gestion d'un chef d'établissement. 10. Lorsque le chef d'un établissement cherche à obtenir une autorisation pour réaliser un projet, ce dernier émane le plus souvent d'un groupe de prati ciens professionnels. Le chef d'établissement est donc en général le promo teur d'un dossier dont il n'est pas le seul initiateur.
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Le système de santé québécois
1 1 . Les auteurs de l'étude empirique d'un centre hospitalier universitaire qué bécois ont montré qu'un nouveau directeur général souhaitant transformer les pratiques au sein de l'établissement peut « opter pour un renversement de l'ordre établi dans certains secteurs et pour une assimilation aux projets stratégiques dans d'autres (Denis et coll., 1 996a : 22) » . 1 2 . Dans les établissements chapeautés par u n conseil d'administration, le président de celui-ci fait généralement partie de ce cercle restreint de dirigeants. 1 3 . À la différence de l'entrepreneur, l'initiative dont il fait preuve vise aussi à améliorer le fonctionnement interne de son organisation. 14. Brunelle-Lavoie, Dufort-Caron ( 19 84 ) ; Goulet et coll. ( 1993 ) ; Perron ( 1984) ; Rivard et coll. ( 1970 : 30). 1 5. Crichton et coll. ( 1990) ; Soderstrom ( 1978) ; Renaud ( 1977). 16. En 1961, 80 % des hôpitaux, parmi lesquels de grands établissements universitaires montréalais, n'ont pas de budget financier (Lesemann, 1 9 8 1 : 24). 17. Dumas ( 1995 ) ; Goulet et coll. ( 1993 ) ; Rousseau ( 1994) ; Perron ( 1984). 1 8. L'actuel Conseil canadien d'agrément des établissements de santé. 19. Il faut également ajouter que la précipitation qui a présidé à la mise en place du programme d'assurance-hospitalisation a engendré de nombreux problèmes administratifs qui ont perduré jusqu'en 1967 (Rivard et coll., 1970 : 70). 20. À l'époque, le ministère de la Santé approuve chaque poste du budget d'un hôpital. Cette approbation « ligne par ligne » ainsi que la comptabilité et la vérification qui s'ensuivent engendrent une importante bureaucratie, tant au ministère que dans les établissements. 2 1 . Les hôpitaux sont financés d'après le volume des services qu'ils produisent. Cela les incite à maintenir un taux élevé d'occupation des lits, à prolonger la durée de séjour des patients et à conserver en poste un nombre excessif d'employés non spécialisés (Lee, 1979 : 16). 22. Selon un rapport du ministère fédéral de la Santé nationale et du Bien-être social, daté de mars 1 966, 0,4 % des employés d'hôpitaux au Québec étaient classés comme administrateurs en 1964. Le Bureau fédéral de la statistique dénombrait 77 223 employés d'hôpitaux au Québec en 1965. Il n'y aurait donc à cette époque qu'environ 3 00 gestionnaires d'hôpital, soit un peu plus d'un par établissement (Rivard et coll., 1970, tableaux IX et X : 1 1 5 et 1 1 6). En 1979-1980, on comptait 869 6 directeurs généraux, cadres supérieurs et cadres intermédiaires dans les 228 centres hospitaliers québé cois, soit près d'une quarantaine par · établissement (Ministère des Affaire sociales, 1985 : 28-29). Il faut toutefois noter que ce formidable écart s'explique en partie par le fait qu'avec la syndicalisation massive des employés des hôpitaux, plusieurs personnes assumant des fonctions de gestion ont vu leur poste être offi ciellement classé comme poste d'encadrement.
Notes
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23. Un historien note que « [c]ette mainmise [des fonctionnaires gouverne mentaux] produit un effet important sur l'hôpital de Chicoutimi ; elle contribue à scléroser l'administration de cette institution régionale dont plus d'un avait souligné jusque-là la vitalité (Perron, 1984 : 343 ) » . 24. Cette rénovation des pratiques d e gestion engendre des coûts supplé mentaires plutôt que des gains d'efficience. Elle repose en effet sur la mise en place d'un lourd appareil administratif et sur des règles de financement qui incitent à la dépense. 2 5 . Commission Rochon ( 19 8 8 ) ; Lee ( 1979 ) ; Lesemann (198 1 ) ; Turgeon et Anctil ( 1994 ) . 26. L a somme des déficits d'exploitation des centres hospitaliers culmine en 1 9 80-19 8 1 , 198 1 -1 9 8 2 et 198 5-1986, qui correspondent à des années d'élection ( 198 1 et 1 9 8 6). On peut présumer que, dans plusieurs hôpitaux, la direction a profité du relâchement de la vigilance budgétaire du gouver nement au pouvoir pour faire de même au sein de l'établissement. 27. Administration hospitalière et sociale, mars-avril 1 9 8 3 ; Bégin et coll. (1984 ) ; Carrefour des affaires sociales (19 8 1 ) ; Collège canadien des direc teurs de services de santé ( 1 9 8 3 ) ; CRSSS-03 ( 19 8 5 ) ; Gasselin ( 1 984) ; Paquin ( 19 8 6). 28. Douville ( 19 8 3 ) ; Pellan, Lapointe (198 3 ) ; Blanchet ( 199ra ; 199 1 b). 29.
« C'est le système de gestion qui est en cause, autant que les personnes. En effet, submergés par les directives sans cesse plus nombreuses du Ministère, impuissants à contrôler leurs finances, incapables de composer avec des con ventions collectives négociées centralement, et obligés, dans le cas des hôpi taux, de gérer des médecins qui pour la plupart sont des entrepreneurs privés, les gestionnaires sont confrontés à un défi à peu près impossible à relever : administrer malgré les contraintes qui réduisent à presque rien leur marge de manœuvre financière et organisationnelle (Commission, 1988 : 4 1 3 ). »
30. Réalisée en 1993, }'Enquête sur le profil des cadres du réseau de la Santé et des Services sociaux (MSSS, 199 3 ) apporte un éclairage plus précis et plus récent qui permet de nuancer les affirmations de la Commission. Les données suivantes portent sur les gestionnaires dits hors-cadre, soit les directeurs généraux et les directeurs généraux adjoints. En 1993 , 45 % des hors-cadre avaient préalablement occupé un poste de cadre dans un établissement d'une autre catégorie que celle de leur établissement d'alors (p. ro) et 5 5, 8 % avaient déjà occupé un poste de cadre supérieur dans le « réseau » (p. u ) . De plus, 3,5 % des hors-cadre avaient déjà occupé un poste au MSSS, 21,3 % dans une autre administration publique et 2.2,6 % dans le secteur privé (annexe 1 : 29 ) . Dans l'ensemble, 38,4 % de ces postes étaient des postes de cadre (annexe I I : 30). Enfin, en 199 3 , 64, 1 % des hors-cadre avaient une formation universitaire en sciences de l'adminis tration (p. 8) et 5 5 ,6 % avaient complété des études de deuxième ou de troisième cycle (annexe 1 : 2 1 ).
3 78 L e système de santé québécois 3 I . Selon Crichton et coll. ( I990 : 20I ), tant que les hôpitaux canadiens ont été financés à l'aide d'une formule de budget ouvert (soit jusqu'en I976), « plu sieurs gestionnaires d'hôpitaux, en particulier dans les petits hôpitaux, n'étaient guère plus que de bons comptables [qui] laissaient les véritables décisions de gestion à leur conseil et aux comités médicaux. [Par la suite,) les conseils d'administration ont dû engager [ ...] des directeurs généraux [... ] qui ne devaient pas être seulement de passifs administrateurs de fonds, mais des planificateurs et des organisateurs de services prévoyants (notre traduction) » . 3 2. L e mentor est « une sorte de "pair supérieur" et d e "sage" en qui les autres trouvent un modèle ou un guide de la manière de pratiquer leur métier » tandis que le coach « clarifie la situation, fixe des objectifs, établit des prio rités, conçoit des tactiques, identifie des moyens, attribue des tâches et fait des pep talk pour encourager ses troupes lorsqu'elles sont démotivées (Poupart et coll., I986 : 86, 87) » . 3 3 . L e I er janvier I9 80, l e réseau sociosanitaire québécois comptait 8 4 2 établissements. Ce nombre atteint le sommet de 9 5 0 e n I 9 8 8 et se situe à 8 8 I en I993 · Il n'est toutefois plus que de 7I4 en janvier I996 (MSSS, 1997) et continue de décroître depuis. Deschênes et coll. (1996 : 34) avan cent le chiffre de 5 61 établissements. Selon les données du Ministère, chaque établissement comptait en moyenne I,72 installation en 1980, 2,3 6 en 1993 et 2,95 en I996. De plus en plus d'établissements se partagent donc en deux lieux de production de services ou plus. De I980-19 8 I à 199 2-I993, le nombre de cadres du réseau sociosanitaire québécois oscille entre I 2 500 et I2 800 postes en équivalent temps plein (ÉTP). En I993-1994, il passe sous la barre des r2 500 postes ÉTP. Il s'élève à 10 969 postes ÉTP en 199 5 -I996 et à IO 400 en I996-I997. On prévoit qu'il n'y aura plus que 9 507 postes d'encadrement ÉTP en 1998-1999. En I980-I98r, le rapport du nombre d'employés par cadre est de I I . Ce rapport augmente par la suite : r2 en 1988-1989, 1 2,9 en 1993-1994, 14,4 en 199 5 - 1996 et 14,8 en r996-I997. Il devrait être de r 5,3 en 1998-1999 (MSSS, 1997 ; I998). L'importante baisse du nombre de gestionnaires participe du vaste mouvement de réduction de la main-d'œuvre du secteur public québécois, encouragé par le . programme de départs volontaires mis en place par le gouvernement. En 1997-I998, dans le seul réseau de la santé et des services sociaux, on dénombre 16 5 64 départs ÉTP et une réduction effective de 6400 postes ÉTP (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 1 998 : 1 49-I 50 ). 4. La Loi sur les services de santé et les services sociaux stipule par exemple 3 qu'un seul conseil d'administration doit chapeauter tous les centres d'hé bergement et de soins de longue durée d'une même municipalité régionale de comté (art. I I9-125).
Notes
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3 5 . Une fusion/intégration horizontale regroupe des établissements de même mission et une fusion/intégration verticale, des établissements de mission différente; 3 6. Fitzgerald et Dufour ( 1997) ; (Lamothe) I99 6 ; Leatt ( I994). 3 7. OCDE ( I996) ; Ham ( I997a) ; Luft ( 1994 ). 3 8 . Lebel ( 1996) ; Bergman et coll. ( I99 7) ; Brunelle et coll. ( 19 88) . 39. Cet exercice de prospective n e prétend pas couvrir l'ensemble des options possibles ni présenter en détail les caractéristiques de celles que nous avons retenues. Nous cherchons plus modestement à montrer en quoi la poursuite d'une efficience et d'une efficacité accrues des services de santé risque de modifier le contexte et les pratiques des chefs d'établissement. 40. Ce territoire pourrait être celui d'une région administrative, d'une munici palité régionale de comté (MRC) ou les deux, comme c'est actuellement le cas dans certaines régions. 4 I . Le budget d'une régie régionale proviendrait d'un prépaiement par capita tion, basé sur le nombre d'habitants de la région et ajusté pour tenir compte de l'état de santé et du profil démographique de cette population. Un méca nisme de compensation rembourserait une régie pour les services obtenus par les résidants d'une autre région dans la sienne et vice versa. 42. Bernard ( I 99 2) ; Tremblay, Roy ( I997). 43. Le Conseil médical du Québec ( 1995 ; 1996) propose notamment que les médecins omnipraticiens soient rémunérés par capitation et qu'ils soient le passage obligé (gatekeeper) des usagers qui souhaitent recevoir des services médicaux spécialisés. 44. HMO pour Health Maintenance Organization. « Un HMO est une orga nisation à charte privée, avec ou sans but lucratif. Moyennant une prime fixe d'assurance, il offre un accès à une gamme définie de services com prenant les volets préventifs, diagnostiques et thérapeutiques. Il est à la fois l'assureur et le coordonnateur des soins de santé. L'adhérent volontaire paie à l'avance une somme fixe prédéterminée, indépendamment de sa con sommation future effective (Brunelle et coll., I988 : 1). » 4 5 . C'est-à-dire en respectant les principes de la Loi canadienne de la santé : gestion publique ; intégralité, universalité, transférabilité et accessibilité des services. 46. > , Policy Options, vol. r7, n° 5, p. 27- 3 1 . SAINT·ÜNGE, ] . ( r996), La transformation du système de santé et de services sociaux québécois : avenues et options d'avenir - partenariat médico nursing et suivi systématique de la clientèle, ENAP, Trois-Rivières, Rapport d'intervention présenté à l'ENAP, r 89 p. SALAMAN, G. (198 1 ), Class and the Corporation, London, Fontana. SALISBURY, R. ( r9 69), « An Exchange Theory of Interest Groups », Midwest Journal of Political Science, vol. 1 3 , n° I , p. I 3 2..
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