BISTOIRE DE L'OR
DU MeME AUTEUR
Histoire générale:
Survol de l'histoire du monde (Fayard). Survol de l'histoire de ...
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BISTOIRE DE L'OR
DU MeME AUTEUR
Histoire générale:
Survol de l'histoire du monde (Fayard). Survol de l'histoire de l'Europe (Fayard). Survol de l'histoire de France (Fayard). Paris (Fayard). L'histoire n'a pas de sens (Fayard). D'Achille à Astérix, 25 pastiches d'histoire (Flammarion). La grande aventure des Corses (Fayard).
2conomie et histoire économique:
Le drame des monnaies (Sirey). Le franc, histoire d'une monnaie (Sirey). Histoire des colonisations (Fayard). Histoire des marchands et des marchés (Fayard). ABC de l'inflation (Plon). ABC de l'économie (Hachette). Du franc Bonaparte au franc de Gaulle (Calmann-Lévy). Le fisc, ou l'école des contribuables (Amiot-Dumont). Ali the monies of the World (Pick, New York). La maison de Wendel (Riss). Peugeot (Plon). Onze monnaies plus deux (Hachette). Traductions: Allemagne, Angleterre, Argentine, Brésil, Canada,
Chine, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, Italie, Norvège, Portugal, Suède, U.R.S.S.
Israêl,
René Sédillot
HISTOIRE DE L'OR
LES GRANDES tTUDES mSTORIQUES
Fayard
C
LibrtJirie ArlhAme Fayard, 19'19.
Avant-propos S'il existe des milliers d'ouvrages qui traitent de l'or, il n'existe apparemment pas d'histoire de l'or. Le fabuleux métal est rune des proies favorites des économistes et des polémistes, des orfèvres et des numismates, mais non pas des historiens. A la Bibliothèque nationale, je n'ai trouvé qu'une Geschichie des Goldes, écrite, voilà déjà nombre d'années, par un géologue allemand. Pourtant, le sujet mérite d'être embrassé dans son entier. Les études consacrées à une fraction de la carrière du métal pèchent dans la mesure où elles laissent dans l'ombre un aspect décisif. Traiter de l'or au XVIe siècle, ou des problèmes de l'or au xxe, sans évoquer les conditions premières de son apparition dans l'histoire des hommes, traiter de l'or bijou en ignorant l'or monnaie, ou de l'étalon-or en ignorant l'or fétiche, c'est se condamner à n'y rien comprendre. Si l'on ne suit pas sa carrière, de ses origines à ses mésaventures contemporaines, l'or désarçonne le raisonnement : les économistes qui le considèrent comme une marchandise oublient qu'il est d'abord une passion; les tenants du matérialisme, pour qui l'histoire se déroule selon des fatalités collectives, sont déconcer-
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Histoire de l'or
tés dès l'instant où, dans la démarche de l'or, il faut faire la place du hasard; les philosophes qui dénoncent son prestige comme relevant d'un mythe, n'ont pas l'air de savoir que c'est justement le mythe qui fait son prix; les moralistes qui affirment que la valeur de l'or ne tient qu'à la folie des hommes oublient que cette folie est millénaire et solidement enracinée. L'or, je ne le porte ni dans mon cœur, ni à mon doigt, ni dans mon porte-monnaie. Il est matériellement absent du cadre de ma vie, si ce n'est sur la tranche de mes livres. Mais il y est présent d'autre façon. Journaliste, j'ai depuis mes débuts tenu une chronique des changes, et je ne l'ai jamais abandonnée. Historien, j'ai rencontré l'or presque à chacune de mes entreprises. Mais je me sens parfaitement libre devant lui. A la différence des auteurs qui se prennent d'amour pour leurs héros, je crois rester lucide devant le mien: il est capable du pire comme du meilleur, et sans doute plus souvent du pire que du meilleur. Cette histoire de l'or est sans préjugé. Pour reprendre une formule fameuse, elle ne propose pas, elle ne suppose pas. Elle expose.
1. L'or fétiche
Un métal qui brille Tout biographe doit commencer par présenter le personnage dont il entreprend de conter la carrière, qu'il s'agisse d'un héros ou d'un monstre. En l'espèce, le protagoniste de ce livre peut passer pour l'un ou l'autre: il est dieu ou démon, selon l'opinion qu'on en veut avoir. Chacun est libre de l'adorer ou de le mépriser. Sa fiche d'identité ne révèle sur lui rien d'essentiel : que l'or soit un métal lourd et brillant, ce n'est pas une raison suffisante pour en faire un produit d'exception. Les physiciens précisent sa densité (19,5), sa masse atomique (196,967), son point de fusion (1 064 degrés) au-delà duquel il émet des vapeurs violettes, son point d'ébullition (2960 degrés). Ds soulignent que les cristaux d'or sont de forme cubique, comme ceux du diamant, du fer, du plomb, du cuivre ou de l'argent. Ds comptent 1 seul électron sur l'enveloppe extérieure de l'atome d'or, et 18 électrons sur l'avant-dernière enveloppe - comme pour le cuivre et l'argent -; mais 79 protons pour le noyau de l'atome d'or - contre 82 pour le noyau de l'atome de plomb. Et après?
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Histoire de l'or
Après, si l'on passe aux qualités concrètes et pratiques de l'or, il faut convenir qu'il est remarquablement malléable et ductile. On en fait ce que l'on veut : des lingots, des feuilles, des fils. Lingot, il se laisse tronçonner, modeler, marteler à froid. Feuille, il peut ne pas dépasser une épaisseur d'un quinzième de micron, soit la quinzième partie d'un millième de millimètre, et il laisse alors filtrer une lumière verte; avec une once d'or, soit un peu plus de 31 grammes, on peut recouvrir une surface de 30 mètres carrés. Fil, l'or s'étire sur des longueurs incroyables: cette même once de métal s'allongerait sur 90 kilomètres, ou enroberait un fil de cuivre sur 1 800 kilomètres - la distance de Paris à Athènes. L'or a aussi le mérite d'être résistant: sa limite d'élasticité est de 4 kilos par millimètre carré, sa charge de rupture atteint 13 kilos au millimètre carré. Il se soude facilement à lui-même. Il est bon conducteur d'électricité: dans le châssis d'un ordinateur, un microscopique circuit d'or liquide peut remplacer des mètres de fil électrique. Il est bon isolant de la chaleur ou du froid: la pellicule d'or la plus menue isole les instruments de mesure d'une fusée spatiale de l'effroyable chaleur dégagée par les moteurs. Mais encore? Les chimistes retiennent que l'or est quasiment inaltérable. Dans l'air, à toute température, il garde le même éclat. Dans l'eau, et même dans l'eau salée, il peut séjourner durant des siècles sans rien perdre de ses qualités : quand le chercheur de trésors Kip Wagner retira du fond de la mer, au large de la Floride, le trésor d'une flotte espagnole engloutie deux cent cinquante ans plus tôt, il retrouva l'or aussi brillant que s'il sortait de chez le bijoutier. Aucun acide n'agit sur l'or. Il faut un mélange d'acide chlorhydrique et d'acide azotique pour le dissoudre : les vertus de ce mélange ont paru si royales que les alchimistes l'ont dénommé «eau régale J.
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Pour remarquables que soient ces mérites, qui préparent à l'or un destin hors du commun, ils ne suffisent pas à tout expliquer. Il existe des métaux plus lourds, des métaux plus rares, des métaux aussi séduisants, des métaux aussi constants. Dans la classification du Russe Mendeleïev, l'or ne figure qu'au 7g e rang, entre le platine et le mercure : un métal parmi d'autres métaux. C'est, dira Buffon, de toutes les matières du globe la plus tenace. La plus pure, dira Diderot. La plus parfaite, dira le dictionnaire de l'Académie. Ces adjectifs ne prouvent rien, que l'admiration. Quand on a constaté les avantages physiques et chimiques de l'or, on n'a rien dit.
L'or dans la nature L'histoire de l'or commence avec celle de la planète. Boule de feu en mouvement, la terre a vu d'abord les métaux les plus lourds se concentrer vers le noyau central, les métaux les plus légers affleurer à la périphérie, avec d'inévitables poussées du centre vers le pourtour. Puis, une croûte s'est formée à la surface du magma. Et quand se sont plissées les chaines de montagnes, quand ont craché les volcans, le brassage des métaux s'est poursuivi, l'or s'est dispersé dans des gîtes variés, tantôt dans des couches granitiques, tantôt dans des fIlons de quartz, tantôt dans des ciments siliceux. Tous les âges du globe ont engendré de ces bouleversements, qui se sont multipliés au tertiaire et au quaternaire. L'or est partout sur la terre et dans les mers. On le trouve à l'état natif, ou en combinaison avec d'autres métaux. Natif, il n'est jamais complètement pur. Allié à l'argent, dans des proportions qui le font varier du jaune au blanc, il prend le nom d'eleclrum, qui lui vient des Grecs: ceux-ci rapprochaient sa couleur de celle de l'ambre jaune, qu'illj appelaient
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elekiron. Allié au plomb dans la galène, au zinc dans la blende, au fer ou au cuivre dans la pyrite, à l'antimoine dans la stibine, présent souvent dans les gisements de mercure, dans les minerais de tellure ou d'uranium, l'or libre se propose sous formes de pépites, de paillettes ou de poudre. Les pépites sont des cristaux qui s'arrondissent en galets quand elles sont roulées par les eaux. Leur nom vient d'un mot espagnol qui désigne le pépin, et leur dimension est souvent celle d'un pépin de fruit. Mais il est des pépites d'or de 50 kilos et davantagecomme les chercheurs en ont découvert en Californie, au Congo, en Afrique du Sud ou dans l'Oural. Certaine pépite australienne, extraite du désert de Victoria, pesait 92 kilos. Les paillettes sont des filaments qui constel:ent le sable. La poudre est une poussière de pépites. Paillettes et poudre apparaissent fréquemment dans le lit des rivières, où les ont entraînées les eaux de ruissellement, après érosion des filons d'origine: dans ces alluvions, les grains de quartz restent à la surface, les grains d'or, en raison de leur poids, tendent à tapisser le roc inférieur. Si l'on remonte de la rivière à la montagne, l'or figure dans des filons verticaux ou dans des couches sédimentaires horizontales. Filons et sédiments peuvent affleurer au sol, ou pénétrer profondément dans la croÛ.te terrestre. Au total, l'or est à la f.ois répandu et peu commun: l'écorce du globe le recèle'à raison d'environ 1 centigramme à la tonne, les océans en contiendraient de 1 à 60 milligrammes par mètre cube. Ainsi les géologues et les océanographes concluent-ils que des milliards de tonnes d'or attendent, dans la terre et les eaux, qu'on vienne les chercher. Le malheur est que la teneur moyenne est infime, et que seuls sont exploitables les gttes qui offrent une concentration suffisante de métal.
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Prodigieusement abondant, et prodigieusement disséminé, l'or est finalement rare. Mais quand on a évoqué sa rareté, après ses qualités, on n'a encore rien dit. L'or dans la préhistoire
Il est impossible de rien comprendre à l'or et à son histoire, si l'on ne voit en lui qu'un métal. L'or est une passion. Ce qui compte en cette affaire, ce n'est pas la matière, c'est l'homme; ou, plus exactement, le rapport entre la matière et l'homme, le sentiment que l'homme porte à la matière. Du jour où l'homme connaît l'or, il est fasciné. Fasciné, mais longtemps incapable de tirer parti de ce métal qui l'éblouit. On peut imaginer. les bipèdes des premiers âges s'étonnant de ces particules qui scintillent dans le quartz ou au fil de l'eau. Ils vont en quête de gibier, au sein d'une nature hostile, et déjà ils s'émerveillent de voir de-ci de-là, sur un sol encore vierge, des fragments d'étoiles qui leur semblent comme un reflet du ciel. En ce temps-là, que les archéologues cataloguent sous l'étiquette paléolithique, l'homme ne sait encore que tailler la pierre; il ignore l'emploi des métaux. Ses outils et ses armes sont de bois ou d'os, de silex, de quartz, de ~ave ou d'obsidienne. Comment pourrait-il mobiliser à son profit ce minerai flamboyant, qui échappe à ses techniques balbutiantes? C'est le hasard sans doute qui, à l'âge de la pierre polie, dont on fera le néolithique, le guide vers une pépite plus grosse et plus complaisante que d'autres. ilIa ramasse, la soupèse, l'admire, la martèle: voici l'âge des métaux qui commence. Tout naturellement, l'homme préhistorique adore le soleil, dispensateur de chaleur et de vie : il en dessine le disque sur les parois de ses grottes, il dispose
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L' histoire de l'or
ses pierres levées, soit en alignements orientés dans le sens de la course solaire, comme à Carnac, soit en cercle comme à Stonehenge. Et, tout naturellement, il associe dans un même culte l'astre du jour et le métal de feu: on retrouvera à Trundholm, en Scandinavie, un char de bronze, supportant un grand disque dont une face est garnie d'une feuille d'or. Quelque part en Egypte, cinq mille ans avant notre ère, l'âge de l'or commence. La première dynastie des pharaons ne règne pas encore, que déjà les riverains du Nil ornent de manches d'or battu leurs couteaux de silex. Ils savent plaquer l'or sur la pierre et le bois. Au temps de la Ire dynastie (- 3000), les indigènes d'Abydos, en Haute-Egypte, cisèlent des bracelets d'or. Ceux qui font comme eux, dans les brumes de l'Europe danubienne ou aux confins de l'Europe et de l'Asie, tiennent-ils leur savoir des maîtres africains, ou bien ont-ils tout seuls, de leur côté, découvert les mêmes secrets? Ils façonnent de petits objets à partir d'une feuille d'or battu : disques perforés de Slovaquie orientale, figurines découpées du bas Danube. Avec des fils d'or, ils fabriquent des tubes ou des bagues, voire des boucles d'oreilles, comme on en retrouvera sur le site de la seconde ville de Troie ( - 2300?). . C'est encore le hasard qui enseigne à l'homme le moyen de fondre le métal. Depuis des millénaires, il sait faire du feu: il en a usé pour chauffer et pour éclairer ses cavernes et ses huttes, pour cuire ses graines et son gibier, pour honorer ses morts, puis pour ses travaux de céramique. Le potier se familiarise avec les sortilèges du feu, sans en soupçonner encore toutes les vertus. Un beau jour, l'homme construit un foyer avec des pierres qu'il trouve jolies, parce que de couleurs vives : des pierres vertes ou bleues, comme la malachite et l'azurite, rouges comme· la cuprite et la calcopyrite. Sans le vouloir, par la seule action de la chaleur, il fait surgir sur la
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pierre une première perle de métal. Sans le savoir, l'homme est devenu métallurgiste. Une fois découvert le procédé, il faut le parfaire. Génération après génération, l'homme apprend à construire un four, à substituer au combustible végétal le charbon de bois, à souffler à la base de la flamme pour l'activer. Et puis, et surtout, il constate que les métaux sont variés, de qualités diverses, d'usages multiples. Q!!.~l métal commence-t-il par mettre en œuvre? Dans la plupart des pays, le cuivre est le premier qui s'offre à ses expériences. Trois mille ans avant notre ère, dans le Proche-Orient, des oxydes de cuivre sont ainsi réduits en cuivre métallique. Un peu plus tard, alliant l'antimoine, puis l'étain au cuivre, l'homme enfante le bronze. Sous d'autres cieux, et peut-être en Égypte, la métallurgie de l'or a pu précéder celle du cuivre: dans les déserts du Soudan, les sables d'alluvions sont ponctués de corpuscules dorés; entre Nil et mer Rouge, s'étendent des gisements de quartz aurifère. Les Egyptiens ne se contentent plus de ramasser le minerai d'or quand la bonne fortune leur en fait découvrir, ni de le marteler plus ou moins grossièrement. Ils en organisent la « cueillette », ils se préparent à exploiter méthodiquement les mines, ils savent fondre le métal. Pour porter le feu aux températures nécessaires, ils s'accroupissent devant le foyer et soufflent dans de longs chalumeaux. Ainsi, dès la IVe dynastie (2500 ans avant notre ère), ils sont capables de traiter l'or, non plus par occasion, mais en grandes quantités. La préhistoire a fait place à l'histoire.
L'or dans les premières religions L'important n'est pas de dire comment l'homme en est venu à s'intéresser à l'or, mais pourquoi.
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Le cuivre, le bronze, demain le fer, sont et seront des métaux utiles : on peut en faire des outils et des armes, de quoi travailler et combattre, c'est-à-dire de quoi vivre. L'or, en principe, ne sert à rien. Il est trop mou, à l'état pur, pour forger des instruments de vie ou de mort. Sa qualité est subjective : il est beau. Mais il faut croire que sa beauté est ensorcelante, puisque partout et dès l'origine, l'homme en est ensorcelé. L'alpha et l'omega de l'histoire de l'or tiennent en cette constatation : l'or est un métal magique. Ce qui comptera dans sa carrière et l'expliquera de bout en bout, ce n'est pas qu'il a été arraché aux entrailles de la terre, c'est qu'il n'a jamais été arraché aux entrailles de l'homme. Là où les géologues voudront voir un caillou, et les économistes une marchandise, le sociologue et l'historien devront voir une foi. Nous n'en saurons jamais exactement les mobiles: la foi défie l'analyse. Il se confirme pourtant que, comme dans la préhistoire, la couleur et l'éclat de l'or évoquent le soleil et le feu -les trésors suprêmes sans lesquels l'homme ne saurait survivre. Pour les Égyptiens, l'or est la chair même de Râ, dieu du Soleil, et, dans la mythologie thébaine, mattre universel et roi des dieux. Râ-soleil naît, chaque matin, sous la forme d'un veau d'or qui, dans la journée, devient un taureau puissant. Il parcourt ses royaumes sur deux barques d'or, Mandjet, le jour, et Mesektet, la nuit. En prenant de l'âge, il a vu son corps même se transformer en or. « Ma peau, dit-il, est de l'or pur. » Ainsi se confondent la chaleur fécondante du soleil et le métal jaune. Râ, au surplus, est incorruptible comme l'or. Mais tous les dieux n'ont pas une égale vertu, et l'or peut être corrupteur: quand la déesse Isis, mère d'Horus, veut obtenir du dieu-passeur Anti l'accès de l'ne interdite où Râ s'est retiré, elle remet un anneau d'or
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pour prix de son passage. Ainsi l'or achète-t-il les consciences des dieux comme des hommes. De même qu'il est la chair du soleil, l'or est la chair des dieux issus de Râ. La déesse Hathor, qui est l'œil du soleil, est l'or incarné. On l'appelle la Flamboyante, la Flamme d'or, la Dorée. « Viens, ô Dorée, qui es flamboyante pendant les heures du plaisir. » Elle est aussi la Vache d'or, l'aimée d'Horus et de Râ. Dans les temples, les idoles divines sont d'or ou plaquées d'or; les porches, les meubles liturgiques, les pointes des obélisques, les bas-reliefs représentant les images les plus augustes sont recouverts de feuilles d'or. Les mines d'or sont un don d'Isis aux pharaons. La déesse dit au roi: « Je te donne les pays de l'or, je te donne les mines avec tout ce qui s'y trouve. » A l'est d'Edfou, une inscription éternisera ces paroles. Aussi bien, le pharaon lui-même se dénomme l'Horus d'or. Le métal divin lui confère une survie divine: le pharaon, dieu vivant, participe de l'éternité charnelle du soleil. En Asie Mineure, les Hourrites et les Hittites mêlent aussi l'or à la religion. Pour les premiers, le dieu de l'Orage n'affronte Oullikoumi, fils du roi des dieux, qu'après avoir ordonné de recouvrir d'or la queue du taureau qui tire son char. Chez les Hittites, telle reine promet à la déesse Hébat une statue d'or si elle rend la santé à son époux; tel dieu guerrier, coiffé de la tiare pointue, est matérialisé dans une figurine d'or. Sur les rives de l'Euphrate, l'or est rare. Les Mésopotamiens doivent se contenter de recourir aux techniques du placage, en leur attribuant un sens rituel : sur les statuettes sacrées des Babyloniens, les mains et le visage, parties nobles du corps, sont souvent recouverts d'une feuille d'or, parce que le métal a valeur de purification. Sur les ziggurats, qui sont les temples en forme de pyramides à degré, le
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Histoire de l'OT
dernier étage est en or, couleur du soleil. Suse utilise l'electrum pour sculpter un porteur d'offrandes : barbe lissée, robe jusqu'aux pieds, il tient de la main gauche un chevreau doré, cependant qu'il tend la main droite vers le dieu qu'il implore. Treize siècles plus tard, Nabuchodonosor passe pour ériger une statue d'or de six coudées de haut, que tous les dignitaires ont ordre d'adorer, sous peine d'être jetés dans une fournaise. On veut croire, malgré le prophète Daniel, que ce colosse est seulement plaqué de métal jaune : toute la production de minerai de l'Antiquité ne suffirait pas à un pareil monument d'or massif. L'or dans la Bible
Quand les Phéniciens construisent le temple de Baal, après avoir célébré le sacrifice au dieu, ils entonnent le chant qui lui prête ces paroles : « Mon sanctuaire est plein d'or.» Chez les Hébreux, la Bible ruisselle d'or. En Éden, le jardin est arrosé par un fleuve qui se divise en quatre bras : «Le premier s'appelle le Pishôn : il contourne tout le pays de Havila, où il y a l'or; l'or de ce pays est pur. » En Égypte, Abraham est riche d'or comme de troupeaux. Son serviteur, rencontrant Rebecca, lui met aux narines un anneau d'or, aux bras deux bracelets pesant dix sicles d'or. A Moïse qui va guider les tribus hors d'Égypte, Yahvé donne un conseil précis pour dépouiller les Égyptiens : fi Vous ne vous en irez pas les mains vides. La femme demandera à sa voisine ... des objets d'or et des vêtements. Vous en couvrirez vos ms et vos filles. » Obéissants, les enfants d'Israël « sollicitent» auprès des Égyptiens des bijoux d'or, pour le grand départ. Sur la montagne, Yahvé ne cesse plus de donner à l'or un rôle prééminent. Quand il ordonne à Moïse de construire l'Arche, il lui dit: « Tu la plaqueras
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d'or pur, et tu garniras son pourtour d'une moulure d'or. Tu fondras pour l'arche quatre anneaux d'or et tu les fixeras à ses quatre pieds... Tu feras aussi des barres en bois d'acacia, que tu revêtiras d'or ... Tu feras aussi un propitiatoire d'or pur, de deux coudées et demie de long et d'une coudée et demie de large. Tu façonneras au marteau deux chérubins d'or aux deux extrémités du propitiatoire... » Puis, interminablement, avec une belle surabondance de recommandations, Yahvé précise la tâche de Moïse. Qu'il fasse la table, plaquée d'or, avec moulures et anneaux d'or, les plats, les coupes, les aiguières, les patènes à libation 1 « C'est d'or pur que tu les feras. » Le candélabre, les lampes: encore « un talent d'or pur». Pour la Demeure, pour l'autel des parfums, agrafes, cadres, anneaux, traverses, colonnes, crochets seront d'or ou plaqués d'or. Pour les vêtements des prêtres, l'or sera prodigué: écharpe d'or, chatons d'or, chaînettes, clochettes. Pour le diadème, « tu feras une lame d'or pur Il. On finit par se demander où les Hébreux peuvent trouver tant de métal. Yahvé n'y a pourvu qu'en principe, dans ses prescriptions à Moise : « Dis aux enfants d'Israël de prélever pour moi une contribution... Vous accepterez de leur part,- comme prélèvement, de l'or... Toute personne soumise au recensement, c'est-à-dire âgée de vingt ans et au-dessus, devra verser le prélèvement pour Yahvé.)l Comment s'étonner ensuite que les Hébreux adorent le veau d'or? Selon le livre de l'Exode, le peuple, voyant que Moïse tarde à descendre de la montagne, demande un dieu à Aaron. « Otez les anneaux d'or qui pendent aux oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles, et apportez-les-moi », répond Aaron. Puis, « les ayant reçus de leurs mains », il fait fondre le métal dans un moule et en coule une statue de taureau, sans doute consacrée à Baal, et dont, par dérision, les ~critures feront un
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veau. Le peuple s'écrie: « Voici ton dieu, Israël!» Ce n'est pas le seul veau d'or de la Bible. Le livre des Juges parle d'une autre e: image de métal fondu» au camp des Danites. Le livre des Rois évoque Jéroboam dressant deux veaux d'or, l'un à Bethel, l'autre à Dan. On sait comme Yahvé s'indigne de ces retours au paganisme. Devant la statue d'Aaron, il s'exclame: « Ils se sont fabriqué, en métal fondu, un veau devant lequel ils se sont prosternés. » Moise, enflammé de colère, se saisit du veau et le br~le. Mais il se garde bien d'anéantir le métal. Ille réduit en une poussière fine dont il saupoudre la surface de l'eau qu'il fait boire aux enfants d'Israël. Et, depuis ce jour, le dieu d'or reste en leur cœur. Saül accroche des joyaux d'or aux vêtements des filles d'Israël. David emporte à Jérusalem les rondaches d'or qu'il a enlevées à la garde du roi de Çoba, et consacre à Yahvé l'or de toutes les nations qu'il a subjuguées. Salomon revêt d'or fin, dans le Temple, le Saint des Saints, les chérubins, les palmiers sculptés, et jusqu'au plancher «à l'extérieur et à l'intérieur ». Dans le Cantique des Cantiques, le nom du métal divin revient comme un motif musical - et il importe peu qu'il s'agisse ou non d'une allégorie. « Mon amie, Nous te ferons des colliers d'or. - Mon bien-aimé se distingue entre mille: sa tête est de l'or pur. Ses mains sont d'or, faites au tour. - Ses jambes sont des colonnes de marbre sur des socles d'or... ». Par-dessus l'argent et l'écarlate, la myrrhe et l'encens, le miel et l'aloès, les lis et les aromates, l'or confirme son règne spirituel.
L'or dans les religions orientales Puisque l'Orient est le pays où se lève le soleil, et puisque l'idée de soleil et l'idée d'or sont fréquem-
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ment associées, il est normal que l'or tienne une place éminente dans les religions orientales. Dans un temple des Mèdes, situé en pleine Bactriane, sur la rive droite du fleuve que les Anciens nomment l'Oxus, on retrouvera un trésor, composé de multiples objets déposés par les fidèles. Ceux-ci présentent à la divinité leur requête en l'appuyant d'une offrande. Le berger demande la prospérité de ses troupeaux, la femme appelle sur elle la fécondité, le soldat prie pour la victoire. Tous s'adressent à l'orfèvre voisin, qui, sur des plaques d'or, grave au burin, en traits sommaires, à l'intention de ses clients, des personnages tenant en main une gerbe, parfois une fleur, un vase ou une lance. Tous déposent la plaquette dans le temple, peut-être aux pieds de la déesse Anahita, maîtresse des Eaux. Les plus riches, désireux d'offrir mieux qu'un simple morceau d'or illustré à la hâte, font ciseler des bracelets, des vases, des statuettes, voire un char à deux roues, tiré par quatre chevaux. A travers l'Iran, d'autres trouvailles de ce genre confirmeront le caractère votif de l'or, dont témoigne le trésor de l'Oxus. Certains objets d'or ont d'ailleurs des vertus protectrices : jusque sous les Achéménides, les Iraniens se font coudre volontiers sur leurs vêtements des amulettes d'or: épingles ou fibules, croix, palmettes ou merlons. Les dieux eux-mêmes, dans le panthéon mazdéen, savent le pouvoir du métal: c'est muni d'un anneau et d'un aiguillon d'or que Yima écarte de ses sujets les cataclysmes et la mort; c'est dans un palais d'or, construit sur le mont Albourz, que Kay Us règne sur le monde, et il suffit de faire le tour de ce palais pour que les malades recouvrent la santé, pour que les vieillards recouvrent la jeunesse. En Inde, le dieu Agni est le soleil au ciel, l'éclair dans l'air, le feu sur terre. Le dieu Soma, créateur et père des dieux, est la lune et la béatitude. Agni et
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Soma, se fondant en un être unique. engendrent une seule substance, qui est l'or. Métal sacré, l'or peut, dans les sacrifices, remplacer le feu. Jama-dagni, le père de Bali, qui règne sur trois mondes, est « celui qui connait l'identité entre l'or et le feu ». Le monde, au demeurant, est né d'un œuf d'or. D'un germe déposé dans les eaux, l'œuf est issu, éclatant comme le soleil. Brahma, après y avoir séjourné durant un an, l'a coupé en deux, pour faire de la moitié supérieure de la coquille la sphère céleste, de la moitié inférieure la sphère terrestre. Entre les deux parties, se sont fixés l'air, la terre, les eaux, les points cardinaux. De l'œuf d'or a jailli l'~tre primordial, avec mille têtes, mille bras et mille jambes. Le soleil sort de son œil, la lune de son âme. De sa bouche sortent les brahmanes et les chèvres, de ses bras les guerriers et les moutons, de ses cuisses les marchands et les bovins, de ses pieds les travailleurs et les chevaux. Ainsi tout procède de l'or. Le peuple de l'Inde ne l'oubliera pas : au dieu Varuna, qui règle les mouvements du ciel et de l'eau, il attribue une armure d'or; aux jumeaux Ashvins, qui sont les dieux guérisseurs, il donne la couleur de l'or. Dans tous les sanctuaires de l'Inde, pour longtemps, les lampes seront d'or, comme les statues des divinités. Toujours en Inde, les mythes du jaïnisme réservent à l'or un rôle de choix. Maru Devi, avant de donner naissance au premier des Sages, fait un rêve peuplé de lunes et de soleils, de vases d'or, d'un lac d'or liquide, et un second rêve dans lequel elle voit un taureau d'or entrer dans sa bouche: ce qui l'avertit du destin surnaturel de son fils. Siddhârtha, en donnant naissance au dernier des Sages, voit tomber sur son palais une pluie d'or et de fleurs. Bouddha lui-même, quand vient son tour, descend lur terre par une échelle d'or.. Il est.assis sur un lotus
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d'or. C'est encore un lotus dlor que tient dans l'une de ses innmnbrables mains la déesse Kunda, propice aux bons et redoutable pour les méchants; tandis que Matreya, le Bouddha de l'avenir, celui qui renattra au monde pour sauver les hommes, a la couleur de l'or. Au Japon, le Bouddha vénéré à Nara porte une auréole d'or, le Bouddha du temple d'Horeguyi est de bois doré. Venue du brahmanisme et incorporée dans le panthéon bouddhiste des Japonais, la déesse Benzai-ten est exaltée par un texte fameux, dit « le Roi suprême de l'~cl~t d'or D. De provenance également indient:te, le dieu Daikoku, qui préside à la richesse, tient à la main un sac d'or, ou bien un marteau magique avec lequel il peut faire surgir le précieux métal. Seuls, les dieux de Chine paraissent ignorer l'or, et les Chinois lui refusent la primauté. Mais ce divorce tient peut-être lui aussi à des superstitions - très exactement à la crainte qu'inspirent les démons souterrains et qui paralyse les recherches minières .. L'argent est-il moins inquiétant que l'or? Les Chinois lui donneront la préférence: le premier peuple du continent jaune ne monnayera que le métal blanc.
L'or dans les religions occidentales Pour les peuples méditerranéens, l'or se confond, non plus avec le soleil, mais avec l'éclat de la foudre. Pour les Grecs notamment, il est le fils de Zeus, mattre du tonnerre. C'est donc en or qu'ils ornent les temples et font les sacrifices aux dieux. . Le jour où le dieu des dieux veut séduire Danaé, fille de Danaos, il se métamorphose en pluie d'or, de façon à pénétrer jusque dans la tour de bronze où elle est enfermée : une pluie ordinaire aurait aussi bien fait l'affaire, mais Zeus lle peut oublier que l'or seul est digne de son rang.
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Né de cette pluie d'or, Persée a pour descendant Héraclès, le héros aux douze exploits. Au terme de ses travaux, et comme pour les couronner, figure le rapt des pommes d'or du jardin des Hespérides : ce sont les fruits de pommiers merveilleux, offerts à Zeus par son épouse Héra, et placés, du côté des fies Fortunées, sous la garde d'un dragon à cent têtes. Avant Héraclès, ces pommes ont déjà une histoire : Aphrodite en a donné trois au jeune Milanion, qui a défié la belle Atalante à la course; Milanion, parti en tête, a laissé choir ses pommes une à une, et Atalante n'a pu résister à leur attrait; pour les ramasser, elle a trois fois brisé son élan, elle a perdu l'épreuve, et Milanion a conquis sa main. Quant aux autres pommes d'or, elles sont cueillies par le géant Atlas, puis dérobées par Héraclès, et elles finissent entre les mains d'Athéna, qui les fait reporter par Héraclès au jardin des Hespérides, où le destin exige qu'elles demeurent. . D'autres fruits d'or trouvent place dans la mythologie grecque: quand Thétis épouse Pelée, la Discorde oubliée sur la liste des convives jette une pomme d'or sur la table du repas nuptial. Quand le berger Pâris est appelé à désigner, entre Héra, Athéna et Aphrodite, la plus belle des déesses, il offre cette même pomme à l'élue: ce qui soulèvera d'affreuses colères et déchaînera la guerre de Troie. Pour certains auteurs, que n'effraient pas les rapprochements hardis, les pommes, l'or et le soleil finissent même par se confondre, à ce point que la pomme, le fruit par excellence, devient la représentation du soleil, et que le nom d'Apollon, dieu de la Lumière, rejoint celui de la pomme (Aplel en .allemand, apple en anglais, aval en breton et en gallois...). Dans Homère, sont d'or la tunique, le fouet et la balance de Zeus, le glaive et le bouclier d'Apollon, les sandales d'Athéna, la baguette d'Hermès, les rènes d'Artémis, le rouet de Poséidon, les ailes d'Iris,
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les agrafes de la robe d'Héra, le frontal des chevaux d'Arès, les jantes du char d'Hébé. Faut-il aussi évoquer le palais d'or d'Hélios, dieu du Soleil, patron de Rhodes et de Corinthe? L'épée d'or de Chrysaor, fils de Poséidon, frère de Pégase? Le collier d'or que forge Héphaïstos pour le mariage d'Harmonie? Les mines d'or que les Arimaspes, qui n'ont qu'un œil, tentent de ravir aux Griffons, qui ont tête d'aigle et corps de lion? Les Grecs installent ainsi l'or à tous les coins de leur horizon : depuis la côte atlantique, où ils situent le jardin des Hespérides, jusqu'à l'Asie Mineure, où Pâris rend son jugement, et aux rives de la Caspienne, où veillent les Griffons. Mais ce n'est plus d'or imaginaire, c'est d'or véritable qu'ils usent lorsqu'ils couvrent de statues le sanctuaire de Delphes (sanctuaire d'Apollon), ou lorsque Phidias érige les statues chryséléphantines de Zeus à Olympie (avec tunique et sandales d'or) et de Pallas à Athènes (10 mètres de haut, 900 kilos d'or fin), ou lorsque au seuil de r Acropole les Athéniens érigent douze Victoires ailées - qu'ils devront fondre pour tenir tête à Sparte. Les Romains, qui adoptent de bon cœur les fables éloquentes de la Grèce, ne peuvent guère qu'y ajouter quelques histoires de leur façon : par exemple, la mésaventure de Tarpeia, la jeune Romaine qui livre la Cité' aux Sabins. Elle a remarqué que ceux-ci portent des bracelets d'or. Pour prix de sa trahison, elle réclame ce que les guerriers portent aux bras. Le roi des Sabins, la prenant au mot, feint de croire qu'elle demande les boucliers, et les entasse sur elle jusqu'à l'étouffer. La Maison dorée que Néron se fera construire sur l'Esquilin, Domus aurea, s'enorgueillira de salles où, selon Suétone, « tout est couvert d'or et incrusté de gemmes et de coquillages à grosses perles JI. Dans l'esprit de Néron, ce palais d'or sera destiné à glorifier le soleil et la religion solaire, à l'intention des
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peuples orientaux, adorateurs de Mithra et de Mazda, que Rome a inclus dans son Empire. Les éhrétiens font certes passer les valeurs morales avant les valeurs matérielles. Mais l'or, même pour eux, n'est-il pas chargé de symbole? Ils ont recueilli l'héritage d'Israël et, qu'ils le veuillent ou non, celui de Rome. La légende de l'or fait partie de leur patrimoine. Selon Matthieu, les mages venus d'Orient offrent à l'enfant Jésus, dans le logis de Bethléem, de l'or, de l'encens et de la myrrhe: pour les Pères de l'Église, l'encens, qu'apporte Melchior, représente la divinité; la myrrhe qu'apporte Gaspar annonce la Passion, l'or qu'offre Balthazar est signe de royauté. Renouvelant cet hommage au Christ, les chrétiens retiendront l'or comme l'emblème, non seulement de la gloire et de l'abondance, mais aussi de la sagesse et de la charité: rien ne sera trop beau pour les reliquaires, pour les croix, pour les vases liturgiques. En argent doré, la grande croix de Justin II, le calice d'Antioche. En or, le reliquaire de Pépin d'Aquitaine, celui de Charlemagne à Conques, l'autel de Bâle. S'il fallait recenser l'or dans les trésors des églises, un volume n'y suffirait pas. Il est le métal de Dieu, non pas en signe d'opulence et d'ostentation, mais en signe de respect et de dévotion.
L'or dans les religions barbares Si l'on quitte les pays méditerranéens pour les brumes du Septentrion, le soleil, parce qu'il est plus désiré, n'en est que plus vénéré: de même l'or, quand il se fait rare, prend valeur de talisman. Pour les Turco-Mongols de Sibérie, l'axe de l'univers est un arbre d'or - mélèze, chêne ou bouleau à la cime duquel siège le soleil. Celui-ci a pour rayons de longs cheveux d'or, qui lui permettent de transmettre la vie à toute la végétation.
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Les Russes de Kiev auront une idole à la moustache d'or. Les Lituaniens inhumeront leur grand-duc avec une ceinture d'or. Bien avant eux, les Scythes, hommes et femmes, portent aussi des ceintures d'or, auxquelles ils attribuent des pouvoirs protecteurs, éminemment magiques. Les Germains, plus qu'aucun autre peuple, réservent à l'or une place d'élection dans leur mythologie. Tacite qui, désireux de faire la leçon aux Romains, donne les Barbares pour plus vertueux qu'ils ne sont, assure que « les dieux, dans leur bonté ou leur colère, leur ont refusé l'or et l'argent ». Il ajoute prudemment: « Je n'affirmerais pas, toutetois, qu'il ne s'en trouve aucune mine en Germanie, car, qui les a fouillées? La possession et les avantages de ces métaux ne les touchent pas, à beaucoup près, comme chez nous." Tacite consent pourtant que « ceux qui habitent le long de nos frontières, faisant un peu de commerce, attachent quelque prix à l'or... Ceux de l'intérieur ont conservé la simplicité antique ». C'est trop beau pour être vrai. " En réalité, les Germains rêvent de ce métal qu'ils ne possèdent guère, et lui prêtent des mérites surnaturels. Pour eux aussi, l'univers est un arbre, le frêne Ygdrasil. Sur la plus haute de ses branches, un coq d'or surveille l'horizon, guettant l'attaque des géants, toujours prêt à alerter les dieux. Le plus grand de tous les dieux, coiffé d'un casque d'or, Odin pour les Germains du Nord, Wotan pour les Germains de l'Est, a pour demeure le Walhalla, qui est une salle murée d'or: une salle démesurée, dont chacune des 540 portes peut laisser passer 800 guerriers de front. De tous ces guerriers, le plus fameux est Sigmund, dont le fils Siegfried sera le héros des Nibelungen : il s'emparera de l'or du roi Nibelung, extrait de galeries souterraines par un peuple de nains. A son tour Wagner s'emparera du mythe, dont il fera L'Ordu Rhin.
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Les nains, mattres des métaux, sont orfèvres aussi bien que mineurs : ils forgent pour Odin l'anneau d'or qui multiplie les richesses, la lance qui atteint toujours le but visé; pour Thor, le marteau qui extermine les géants; pour la déesse Freyja, le collier d'or qu'elle paie en passant une nuit avec chacun des nains; pour le dieu Freyr, le sanglier d'or qui tire un char plus vite qu'un cheval au galop; pour Sif, l'épouse de Thor, une chevelure d'or qui pousse comme des cheveux vivants. L'or, cependant, n'est pas un métal de tout repos, et les Germains le savent capable d'engendrer les discordes et les guerres. Les dieux eux-mêmes, par sa faute, ont cédé à la concupiscence. Les dieux ases, d'un naturel belliqueux, ont voulu arracher ses secrets à la faiseuse d'or Gullveig, que leur ont envoyée les dieux vanes, d'un naturel pacifique. Ils l'ont torturée, conduite au bftcher, brftlée. Mais la magicienne a pu renaître de ses cendres, et les Vanes ont demandé réparation - en or. Les Ases ont refusé. C'est ainsi qu'a éclaté la guerre des dieux, qui fut la première des guerres. U ne fois le conflit terminé, la nouvelle génération des dieux peut rétablir la paix sur le monde, la lumière dans le ciel. Va-t-elle condamner l'or, responsable de tant de maux? En fait, elle retrouve sur la prairie les « tables d'or» de l'ancien temps: l'or survit au cataclysme. Dans les grandes et les petites histoires des dieux comme des hommes, l'or joue touj ours son rôle. La mythologie germanique met en scène des pommes d'or, comme la mythologie grecque: il ya celles qui donnent aux dieux une éternelle jeunesse, et que garde jalousement la déesse Idwa, en dépit des tours que lui joue le malin Loki, l'esprit du feu. n y a les onze pommes d'or pur que Skirmi propose à la belle Gerd, pour qu'elle accepte d'épouser le dieu Freyr... On a la certitude que, pour les Germains, malgré
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Tacite, l'or n'est pas simplement un métal inaccessible, à l'usage des dieux et des mythes. Les archéologues
retrouveront, témoignages de leur civilisation morte, de nombreux objets de métal jaune et, par exemple, les belles cornes d'or de l'fie danoise de Seeland. L'or a figuré dans les religions et dans les ateliers des orfèvres, avant de finir dans les musées.
L'or dans les religions américaines et africaines En certaines parties du continent américain, l'or est abondant. Il n'est pas pour autant méprisé. Les indigènes, ici comme ailleurs, admirent son éclat, et ils le mettent en œuvre d'autant plus volontiers qu'ils ignorent la métallurgie du fer. Ici comme ailleurs, les religions s'incorporent le métal jaune. Le dieu Quetzacoatl, qui est pour les Aztèques le soleil couchant et victorieux, pour les Toltèques le serpent-oiseau, révèle aux hommes l'art de travailler l'or : il est donc par excellence le dieu civilisateur. Chez les Chibchas, au pays des Incas, le héros civilisateur s'appelle Bochica : c'est lui qui, de sa baguette d'or, fend la cordillère et permet aux eaux de s'écouler. Pour mériter l'investiture, le roi des Chibchas, après s'être longuement mortifié, se rend au bord du lac sacré de Guatavita, se dévêt, se fait enduire la peau d'argile poudrée d'or, s'embarque sur un radeau de balsa, chargé d'or et d'émeraudes, gagne le centre du lac, y jette en offrande aux dieux le métal et les pierres précieuses, et plonge à son tour dans l'eau pour s'y laver de sa gaine dorée .. Pizarre et ses Espagnols trouvent à Apurima une idole plaquée d'or. à Cuzco des trésors associant le métal et les dieux; des jardins artificiels, où les feuilles, les fleurs et les fruits sont d'or; un sanctuaire du Soleil aux parois revêtues de pellicules d'or; une statue de l'astre, elle aussi en or, parmi les
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momies des Incas défunts, assis sur des trônes d'or. En Amérique centrale, les tribus Cuna croient que les animaux et les plantes proviennent d'un seul arbre -l'arbre de vie. Le dieu soleil a voulu l'abattre et il n'a pu y parvenir qu'avec le concours de l'écureuil, qui a fendu avec une hache d'or les lianes qui le retenaient aux nuages. Puis, pour recueillir toutes les richesses de l'arbre, le soleil a tendu des filets d'or. L'Afrique noire, pareillement, connaît et vénère le métal jaune. Pour les peuples Akan, ancêtres des Ashantis de la Nigeria, l'or est né du soleil, il est source de vie, source de pouvoir, il est la couleur du roi et l'attribut de la souveraineté. Pour les tribus riveraines du Tchad, un crocodile à deux têtes est le gardien de l'or. TI a lui-même des yeux en forme de boules d'or qui, la nuit, éclairent les pêcheurs. De l'eau, sa demeure, s'échappent des mouches d'or, qui tombent si l'on réussit à les frôler. A quoi bon multiplier ces références à l'or fétiche? Elles finissent par être monotones comme seraient monotones les croyances des hommes, si elles ne prenaient chaleur et couleur dans des fables souvent poétiques, toujours touchantes. Rares sont les peuples qui échappent à sa magie: seuls, les Chinois et les Arabes, dont les mythes prennent corps en un temps où l'or est absent de leurs mains, semblent ne pas participer à l'universel envofttement. L'or dans les lombeaux
Pour honorer les morts, comme pour honorer les dieux, l'homme fait appel à l'or. Mais il faut qu'il attache à la présence du métal précieux auprès des cercueils une signification particulière, pour qu'il l'enfouisse à jamais au fond des tombeaux. Il se prive volontairement, au profit des disparus, de trésors dont il ne recouvrera jamais la jouissance. Il engloutit, dans les ténèbres des sépulcres, des chefs-d'œuvre
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qui ont mobilisé à la fois la matière la plus riche et le travaille plus délicat. Si l'or n'était qu'une marchandise, il ne serait pas ainsi condamné à un exil éternel. Il est nécessairement autre chose, puisqu'on le situe aussi bien avec les morts qu'avec les vivants. Pourquoi le plus précieux des métaux, magnifié par les artistes les plus subtils, est-il ainsi confié au secret des tombes? A l'origine, ce sacrifice répond à des intentions propitiatoires. Le mort survit dans un monde surnaturel, et il est nécessaire de se le concilier: on lui assure dans le sépulcre un confort qui doit l'apaiser. On l'entoure de ses objets familiers, choisis parmi les plus rares. Il arrive même qu'on enterre auprès de lui ses serviteurs (éventuellement égorgés pour la circonstance), ses femmes (brillées s'il le faut), ses chiens, ses chevaux. A plus forte raison, il est naturel de réserver au défunt la compagnie de son armure, de son épée, de ses meubles, de ses vases. En contrepartie, il conservera aux survivants sa protection et son amitié. Mettre de l'or dans les tombeaux, c'est s'assurer la bienveillance des disparus, c'est attirer sur toute la communauté les faveurs de l'au-delà. Quelquefois, le geste est publicitaire: dans les pays opulents, pour honorer dignement la mémoire d'un des grands de ce monde, chef de tribu, pharaon, empereur, roi ou capitaine, les hommes érigent des mausolées grandioses, soit par leur dimension - tumulus ou pyramides -, soit par leur faste. Dans ces monuments triomphaux de piété et d'orgueil, il est logique d'enfermer les trésors les plus prestigieux, à condition de le faire savoir : l'or y est à sa place. A l'inverse, certaines sépultures sont volontairement enfouies au plus profond du sol et mises autant que possible à l'abri des indiscrets, ou hors de la portée des ennemis. Dans ces tombes-cachettes, on enterre d'autant plus volontiers des trésors que, par la même occasion, on les soustrait à la concupiscence
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d'autrui. Les tombes les moins visibles sont fréquemment les plus opulentes. De ce rite, quasiment universel, qui consiste à ensevelir des objets d'or, les archéologues feront leur profit. Après des millénaires ou des siècles, ils remettront au jour des trésors oubliés. Ce faisant, ils contribueront à rétablir l'histoire de l'or dans sa pieuse vérité. Il est vrai que, devançant les archéologues, nombre de détrousseurs de cadavres profaneront et pilleront souvent les sépultures - en commençant par les plus ostentatoires, en finissant par les autres. Guerriers avides d'un butin facile, voleurs de circonstance ou de profession, ou fouilleurs clandestins, ils ramèneront l'or à la surface du jour, et, quitte dans la plupart des cas à fondre des pièces rares d'orfèvrerie, ils restitueront le métal au monde des vivants. D'autres trésors resteront ensevelis et ignorés à jamais. De ceux qui auront été exhumés, et qui peuplent aujourd'hui les palais et les musées, la liste est déjà étonnante. La richesse et la variété de l'or funéraire peuvent faire notre émerveillement. Et l'on ne sait s'il faut se récrier le plus, devant les splendeurs accumulées dans les tombeaux des pays cossus et raffinés, ou devant celles des pays barbares qui semblent mettre leur point d'honneur à faire étalage d'un luxe hors de leur portée.
De sépulcre en sépulcre,' Nil, Ur, Grèce Splendeur des tombes égyptiennes: l'éclat de l'or, tenant lieu de soleil, est censé réchauffer dans la nuit du sépulcre le pharaon qui a cessé de vivre. Premier témoin lointain de cette sollicitude, voici, dans une tombe royale, un couteau dont la poignée est faite de deux feuilles d'or, sur lesquelles s'entrelacent des serpents ciselés (- 3200). Voici, dans la tombe de Djer, d'éblouissantes parures d'or, portées par la
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reine son épouse, enterrée à son côté (- 3000). Pour la mère de Chéops, un riche mobilier plaqué d'or, destiné à l'accompagner da ns le trépas (-2700). Pour les princesses enterrées près des pyramides de Dahchour, des joyaux raffinés (- 2000). Pour Amosis 1er, dans sa tombe de Thèbes, des armes luxueuses, toutes d'or (-1550). Et pour le jeune Toutankhamon, merveille des merveilles, un sarcophage d'or de 110 kilos, un masque mortuaire d'or, et, toujours en métal pur, des trésors soustraits aux pilleurs et aux indiscrets durant plus de trois millénaires (-1350). Les égyptologues noteront que, pour les rois et les grands, les masques sont d'or pur, tandis que, pour les défunts de moindre extraction, ils sont dorés ou vernis de jaune: par analogie avec l'or, la couleur jaune tient une grande place dans la symbolique funéraire. La chambre des sarcophages des hypogées royaux s'appelle la salle d'or. Ce même nom désigne aussi les ateliers où sont sculptés les cercueils, et les laboratoires d'embaumement où les momies sont agrémentées de pectoraux, de colliers, de bracelets et de doigtiers d'or. Splendeur des tombes royales d'Ur, qui attestent à la fois la cruauté et le raffinement de la civilisation sumérienne (- 2600). Rois et reines, à supposer qu'il s'agisse bien de monarques, sont enterrés avec des dizaines de sujets immolés en leur honneur, mais aussi avec un mobilier d'apparat, dont le luxe éblouit: vaisselle d'or de la reine Shubad - notamment un bol et un gobelet aux cannelures régulières; coiffure de la reine à trois guirlandes; casque d'or du roi Meskalamdug, fait d'une seule plaque de métal où le ciseleur a reproduit les oreilles, le bandeau frontal. la chevelure, les boucles et le chignon; têtes de taureau, corps de bélier qui associent l'or au lapis-lazuli dans une symphonie polychrome '; poignard royal à
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manche d'or: vases, bagues, boucles d'oreilles : jamais la Mésopotamie n'étalera de plus purs joyaux. Splendeur des tombes de Mycènes : sur les rocs bro.lés de l'Argolide, les princes achéens se font inhumer dans un surprenant apparat. A l'intérieur des nécropoles cerclées de pierres (- 1600), les corps sont habillés de riches vêtements sur lesquels sont collés ou cousus de petits disques de métal jaune, ornés de motifs végétaux, animaux ou linéaires. Les visag~s des hommes sont souvent recouverts d'un masque d'or ou d'electrum, véritable portrait mortuaire au profil déjà grec, aux yeux clos sous les sourcils bien dessinés, à la bouche tantôt dédaigneuse, tantôt satisfaite, aux oreilles stylisées. Avec les défunts, sont enterrées leurs parures de prix, où se lit l'influence crétoise : diadèmes à motifs géométriques, colliers, bracelets, poignards damasquinés, épées à pommeau d'or, tasses cannelées ou décorées de rameaux, coupes galbées, coffrets de bois revêtus d'or. Mycènes apparatt bien, dans ses tombeaux, comme la cité « riche en or Il, telle que la qualifiera Homère. Au s":.lrplus, Mycènes essaime ses trésors. A Vaphio, près de Sparte, dans une tombe mycénienne à coupole (- 1500), deux gobelets d'or pur illustrent en bosselage un thème pastoral très égéen: taureaux courts sur pattes, arbrisseaux fourchus, paysans vêtus du pagne. Sur l'un des gobelets, les taureaux sont enco~e sauvages et ils ruent dans les filets qui sont tendus pour leur capture. Sur l'autre, domestiqués, ils paissent ou tirent la charrue. L'artiste qui a ciselé le métal a su résumer en deux scènes, rune violente, l'autre apaisée, toute l'histoire de la civilisation humaine. C'est encore le même art qu'on retrouve dans les puits de Midea, en Argolide (- 1500), où reposent une princesse, au cou ceint d'un grand collier de rosettes d'or, une reine portant sur la poitrine une
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coupe d'argent à motifs d'or, un roi tenant à la main une coupe d'or décorée de poulpes ondulantes. Mycènes semble faire école jusqu'en des pays fort éloignés de la Grèce, mais qui commercent avec elle : les Crétois n'ont-ils pas découvert la route de l'étain, et leurs héritiers ne doivent-ils pas offrir leur or, leurs orfèvres et les techniques de leur orfèvrerie, en échange du métal qui, allié au cuivre, leur permet de fabriquer le bronze? Les indigènes de Bush Barrow, dans le sud de la Grande-Bretagne, connaissent et imitent les rites mycéniens: ils inhument le chef mort couché sur le dos, un losange d'or sur la poitrine; à sa droite, ils déposent, dans un fourreau d'or, un poignard de bronze au pommeau de bois parsemé de milliers de petits clous d'or (- 1500). A Rillaton, en Cornouailles, on retrouvera dans un tertre un gobelet d'or battu, d'une seule pièce; ses larges cannelures horizontales, son anse fixée par des rivets à tête ronde, évoquent étrangement certaine tasse mycénienne. A coup sl1r, les Grecs de l'âge classique, s'ils renoncent souvent pour leur compte aux somptuosités funéraires, ravitaillent en parures d'or les tribus du Septentrion, qui se prennent de passion pour elles. Ainsi, en Bulgarie, la tombe de Panagurichté (- 300) renferme une grande coupe à libations, façonnée en Ionie, tout en or, et décorée au repoussé d'un cercle de 24 glands et de 3 cercles de 24 têtes de nègres crépus. Sur les rives de la mer Noire et jusqu'en Sibérie, les rois scythes se font enterrer avec des brassards d'or, savamment ouvrés, et des bijoux importés ou inspirés de la Grèce. En pleine Gaule, à Vix, près des sources de la Seine, une princesse ou une prêtresse se fait ensevelir sur son char, avec un sobre diadème d'or massif, de 480 grammes, orné de petits chevaux ailés (- 500). Manifestement, c'est à des ateliers grecs ou hellénisants que les Barbares ont passé commande de ces chefs-d'œuvre qui
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flattent leur appétit de richesse et leur immodestie, dans la vie comme dans la mort. De sépulcre en sépulcre : li travers les continents
D'autres Barbares, sans le secours des Grecs, mais avec les mêmes raisons, se font accompagner dans la tombe de parures fastueuses en or, comme s'ils voulaient s'étonner eux-mêmes de leur propre magnificence. On retrouvera des témoignages sépulcraux de cette grandeur feinte ou réelle à travers toute l'Europe centrale et nordique : des anneaux de la dimension de colliers, ornés de bossettes et de nervures, des boucles d'oreilles de la même facture, dans les tombes des chefs de Hallstatt, en Autriche (- 500); des coupes sans pied, en or battu, près de Stuttgart et de Zurich; un collier d'or, garni de quatre clochettes et muni d'un fermoir à crochets, à Cintra, au Portugal (- 400) ; des épingles, des bagues, un bracelet d'or massif, dans des sépultures de Saxe; des haches d'or, coulées dans des moules, en Transylvanie; des bracelets ornés de spirales, en Bohême; une épingle à section carrée, et dont la tête est faite de cinq volutes, près de Trèves; de nombreuses coupes torsadées, des vases renflés, des pots dont l'anse a forme de serpent, à travers la Scandinavie, qu'enrichit le commerce de l'ambre et qui se fait payer en métal précieux. Plus que tout autre, le peuple étrusque a le culte des morts. A leur intention, il construit et entretient des nécropoles, plus solides et plus luxueuses que les demeures des vivants. Les guerriers y reposent avec leurs armes, les femmes avec leurs bijoux. Ils pourront en user au cours de leur nouvelle destinée, qui s'écoule au ralenti, mais sans terme. Dans leurs caveaux, l'or abonde, savamment ouvragé par des virtuoses. On y lit les influences de la Grèce et de l'Asie, mais aussi quelque propension enfantine à la
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minutie: tels, dans les tombes de Cerveteri (- 650), ce minuscule fermoir de bracelet, fait de plus de 100 petits animaux d'or, ou cette agrafe prestigieuse sur laquelle se marient des ailes, des plumes, des écailles et des monstres. Les peuples celtes partagent l'amour de l'or, métal funéraire. Leurs artistes ont souvent aussi tendance à en compliquer le décor, dans l'illusion de l'embellir: ils ajourent à plaisir la bande d'or qui, peut-être, orne un flacon pour certain tombeau d'Eijenbilzen, en Belgique, ils multiplient les motifs floraux sur la feuille d'or qui recouvre la coupe de certaine tombe du Wurtemberg. Ils mêlent un masque d'homme moustachu, des béliers aux yeux en amandes, et des excroissances à rangées de perles sur un bracelet d'or pour une tombe du Palatinat. Ils sculptent un casque en forme d'oiseau rapace sur une tête au nez pointu et aux yeux ronds, aux deux extrémités du bracelet d'une princesse inhumée à Rheinheim, dans la Sarre. Souvent, ils semblent succomber à des influences orientales, qui leur seraient venues de Perse par la route du Danube. Car r Asie donne l'exemple de ces raffinements : dans les tombes royales d'Alaca, en Anatolie (- 2500), dans la nécropole de Mari, proche de l'Euphrate (- 2000), à Ziwiyé, en Perse, où sont engloutis de fabuleux ouvrages d'or - plaques, cuirasses, pectoraux, bracelets, colliers, ceintures, gantelets -, presque toujours ornementés de figures animales, lions ailés, griffons, lièvres, chiens, béliers ou bouquetins d'inspiration assyrienne (- 800) ; là, dans une cavité de la colline, le corps du roi, dûment embaumé, est déposé sur un lit plaqué d'or, et l'on enterre avec lui, dtlment étranglés, une de ses concubines, un de ses secrétaires, son échanson, son écuyer, son cuisinier, son huissier, quelques chevaux, avec armes, plats, vases, bijoux et cachets d'or. Vieille tradition, héritée de Sumer, transmise aux Scythes.
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A l'autre extrémité du continent, la Chine ellemême y fait parfois écho. Au nord et au sud de la rivière Houan, des chambres souterraines juxtaposent des corps allongés, des hommes agenouillés, des chevaux, des chiens et des objets funéraires, qui sont de jade, de bronze, de céramique, mais aussi de feuilles d'or (- 1400 ?). Dans les tombes de Sintcheng, des plaquettes d'or, sur lesquelles s'entrelacent des dragons, garnissent des coffres de bois (- 700). Dans les tombes des Royaumes combattants, de longues épées s'ornent d'incrustations d'or (- 300). En Corée méridionale, les cercueils princiers sont entourés de joyaux d'or: couronnes, bracelets, ceintures, clochettes (+ 500). Bien plus tard, la sépulture de l'empereur ming Wang Li regorgera de trésors d'orfèvrerie. Au Mexique, dans la vallée du Cauca, les corps des nobles gisent revêtus d'or. Au Pérou, dans le pays de Tucume, les tombeaux des princes sont remplis d'objets d'or. Ainsi, sous tous les cieux, dans toutes les profondeurs du sol, l'or tient lieu d'offrande magique pour honorer les morts et les appeler au secours des mortels. Et l'on peut même poser en règle générale que plus les peuples sont près de la nature, plus ils ont le culte des défunts, et plus ils recourent à l'or pour embellir le cadre de leur survie. L'or dans les légendes : âge d'or et Toison d'or
Entre la religion et la légende, la frontière est incertaine. La légende, souvent, ne fait que compléter la religion, pour l'illustrer et l'enjoliver. Il lui arrive aussi d'acquérir son autonomie ou de chevaucher plusieurs religions. De l'une ou l'autre façon, elle aj oute à l'histoire de l'or un surcroît de mythes. Le thème de l'âge d'or appartient à bien des peuples. Les Anciens, avec Hésiode pour les Grecs, avec Ovide pour les Romains, appellent âge d'or l'enfance
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de l'humanité; le temps de la paix et du bonheur permanents par opposition avec les âges ultérieurs, plus rudes: âges d'argent, d'airain, de fer. A son aurore, le monde ne connaît ni lois, ni peines, ni armes, ni guerres, ni charrues, ni travail, il vit dans un printemps éternel, qui prodigue les fruits, le nectar et le lait. Le mot « or », ici, évoque l'innocence et l'abondance. Dans la Bible, l'âge d'or se confond avec le préambule du paradis terrestre. Le métal jaune entre vraiment en scène dans l'histoire de la Toison d'or, qui fait la liaison entre la mythologie grecque et les premières réalités de l'exploitation des gisements. On connatt la mâle aventure : le Thessalien Jason a été dépouillé de son royaume par son demi-frère Pélias. Il revendique son domaine, une lance dans chaque main. Pélias élude la réponse en demandant à Jason de lui rapporter d'abord certaine TOIson d'or, qui fut celle d'un bélier ailé, et qui est suspendue à la branche d'un chêne de Colchide, gardé par un affreux dragon. Qu'à cela ne tienne, Jason va tenter l'expédition. Il fait construire par Argos un solide navire, l'Argo, dont la déesse Athéna a fourni la proue. Il choisit 50 compagnons, parmi lesquels Castor et Pollux, fils de Zeus, Tiphys, le pilote dont Athéna guide la main, Orphée, le musicien qui rythme l'effort des rameurs : ce sont les Argonautes. Mouvementé, le voyage est assorti de bons et de mauvais présages, de tempêtes et de combats; les navigateurs sont aux prises avec les vents, lesHarpyes, les écueils. Ils réussissent à passer les Détroits, à pénétrer dans le Pont-Euxin. Une fois débarqué en Colchide, Jason demande la Toison d'or au roi Colchos. « Je ne te la remettrai que si tu remplis trois conditions, répond le roi: tu devras imposer le joug à deux taureaux aux sabots d'airain, qui soufflent le feu; tu devras avec eux labourer un champ; tu devras y semer les dents d'un dragon. »
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Avec le secours de la magicienne Médée, Jason réussit le triple exploit. Médée endort le dragon qui garde la Toison merveilleuse, dont Jason s'empare. Il fuit sur l'Argo. Encore quelques poursuites, quelques batailles, quelques ouragans. Les Argonautes doivent résister aux Sirènes, porter leur propre navire sur leur dos, se débarrasser d'un géant. De retour en son pays, Jason ne recouvre son royaume qu'après mille difficultés, dans lesquelles interviennent les dieux et les déesses. Sortilèges, incendies, assassinats en famille sont les moindres de ces incidents de parcours. De cette tumultueuse épopée, il reste que, d'abord, le passage des Détroits, entre l'Égée et la mer Noire, est longtemps considéré comme impossible. Les Mycéniens n'ont sans doute pas de navires assez puissants pour remonter les courants de l'Hellespont et du Bosphore. C'est plus tard que les marins grecs se risquent à les affronter. Ils peuvent alors se rendre en ce pays de Colchide, qui se situe au sud du Caucase, et où l'on trouve du minerai d'or, qu'on peut laver avec des peaux de mouton. Voilà légitimée la Toison. -Cette Toison si précieuse pour les orpailleurs fait même l'objet d'une deuxième fable. Atrée, arrièrepetit-fils de Zeus, découvre dans son troupeau un agneau dont la fourrure est d'or. N'a-t-il pas promis à Artémis de lui sacrifier la plus belle de ses bêtes? Oubliant son serment, il garde la Toison dans un .coffre. Son épouse Aeropé, qui le trompe avec son frère Thyeste, dérobe la Toison, qu'elle donne à son amant. Précisément, les Mycéniens, en quête d'un roi, offrent la couronne à qui pourra leur montrer une Toison d'or. Atrée croit pouvoir les satisfaire. Mais c'est Thyeste qui présente la peau merveilleuse, et qui est élu. Il en résulte d'affreux combats entre les deux frères~ des vengeances rebondissantes, des tueries sans nom, qui ouvrent dans le sang la carrière des
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Atrides. Ce qui, en langage clair, signifie assurément que l'or peut donner des royaumes et engendrer des conflits. Pendant trois mille ans, la Toison d'or demeurera surtout le symbole d'un haut fait : comme si la conquête de l'or marquait les premières épreuves et le premier triomphe du genre humain. Philippe de Bourgogne en fera un ordre fameux, qui passera aux maisons d'Autriche et d'Espagne. Corneille en fera une tragédie. L'or dans les légendes: Midas et Gygès, Homère et Virgile
La légende de Midas n'est pas moins édifiante. Roi de la Phrygie, où coule le fleuve Pactole, il reçoit un jour Dionysos et lui offre tant de festins et de beuveries que, reconnaissant, le dieu lui promet d'exaucer le premier souhait qu'il fera. « Je veux, dit Midas, que tout ce que je touche devienne or. » Dionysos y consent, et le roi transforme en or les objets qui tombent sous sa main: il peut de la sorte envoyer à Delphes une chaîne d'or d'un prix inestimable. Mais bientôt son don magique lui paraît fort désagréable. Comme en ce temps-là les rois mangent avec leurs doigts, tous les mets de Midas deviennent métalliques. Ainsi le roi se voit-il démuni au milieu de ses trésors. Il implore Dionysos de lui retirer son pouvoir mal encontreùx. Le dieu, touché de ses regrets, lui ordonne de sè plonger dans le Pactole, où il perdra sa vertu. Et, depuis ce temps, le Pactole roule des sables d'or. On retiendra de cette fable une double leçon, de morale et d'histoire. Morale d'abord : puisqu'on peut mourir de faim sur un tas d'or, l'or peut être une richesse illusoire et dangereuse. Histoire ensuite: la Phrygie jouera un rôle dans la production et dans la carrière du métal. Le pays voisin s'appelle la Lydie. Un berger nommé
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Gygès Y voit un jour la terre s'entrouvrir. En s'aventurant dans la crevasse, il aperçoit un cheval d'airain dont les flancs sont garnis de portes. Gygès pénètre dans le cheval, et y découvre un cadavre d'homme, au doigt duquel brille un anneau d'or. Il s'en empare, le met à son doigt, et devient invisible lorsqu'il tourne le chaton de la bague vers la paume de sa main. Devenu tout-puissant grâce à l'anneau magique, il s'empare du trône de Lydie, et fait la fortune du royaume. Son quatrième successeur s'ap_ pellera Crésus. Par-delà la légende, Gygès, Crésus et la Lydie joueront vraiment un rôle dans l'histoire de l'or. Mais on n'en finirait pas de conter les fables dont le métal jaune est le héros. Dans l'Iliade, sans revenir sur l'or dont Homère pare les dieux et les déesses, Achille possède un bouclier incrusté d'or, des crins d'or à son cimier, un sceptre décoré de clous d'or, une coupe d'or pour les libations. Agamemnon a douze bandes d'or sur son armure, des clous d'or sur son épée. Hector est armé d'un javelot dont la virole est d'or, et l'urne qui recueille ses cendres est d'or, comme celle où sont déposées les cendres de Patrocle. Dans l'Odyssée, l'or est la matière première de la quenouille $:l'Hélène, de la navette de Calypso, des corbeilles de Circé, de la coupe de Pisistratos, de l'agrafe du manteau d'Ulysse, du sceptre de Tirésias, des portes du palais d'Alkinoos; et Nestor fait plaquer d'or les cornes de la vache qu'il sacrifie à Athéna. Virgile ne veut pas être en reste. Il fait d'or les vases du palais de Didon, la cythare d'Iopas, les cuissards d'Énée, la poignée de l'épée d'Euryale, la couronne de Latinus à douze rayons. C'est un rameau d'or, arraché à un chêne touffu, qui ouvre à Énée la porte des enfers... Mais, entre le temps d'Homère et le temps de Virgile, sinon entre celui d'Achille et celui d'Énée, les techniques de l'or ont d'Il. faire des progrès: les tissus de fils d'or, absents de l'Iliade,
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abondent dans l'Énéide : habits chamarrés d'or pour Andromaque, manteau brodé d'or pour Énée, cotte tissée d'or pour ·Cloanthe, coussins de drap d'or pour Didon, baudriers, plastrons et robes en étoffes d'or. Huit siècles séparent les deux poèmes. A ces légendes de l'Antiquité classique, comme aux affabulations de la littérature gréco-romaine, répondent partout dans le monde d'autres légendes et d'autres littératures, également à la gloire de l'or. Pour les Hébreux, les Musulmans et les Abyssins, la reine de Saba amène à Jérusalem « des chameaux chargés d'aromates et d'or en énorme quantité ». Sous quels cieux se trouve donc cet opulent royaume de Saba? Le roi Salomon, qui l'a reçue, a lui-même ses mines, quelque part dans le désert, et il arme une flotte qui a mission d'aller chercher l'or d'Ophir. Les Eldorados ne manqueront pas dans l'histoire de l'or, et l'on ne saura jamais au juste dans quelle mesure ils appartiennent au rêve ou à la réalité. Mais ils contribuent à faire de l'or un métal fabuleux.
Lettres et Zan gues Toutes les littératures du monde entretiennent ce fétichisme. L'Iliade, l'Odyssée, l'Énéide, la Bible, tout en colportant des traditions, sont déjà des productions littéraires. Aucune bibliographie n'épuisera jamais la liste des ouvrages qui concourent à entretenir l'étrange fièvre de l'homme pour l'or, en en faisant un métal hors du commun. Le vase qui a servi à Jésus pour la Cène, et dans lequel Joseph d'Arimathie a recueilli le sang du Christ, ne peut être que d'un or éclatant pour les chevaliers de la Table ronde en quête du Saint Graal. Le long cheveu, plus fin que fil de soie, et brillant comme un rayon de soleil, ce cheveu d'yseult qu'une hirondelle apporte à Tristan est un cheveu d'or. Dans La Fontaine, une poule pond des œufs d'or.
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Dans Perrault, un âne chaque matin couvre d'or sa litière. Comme la littérature, le langage concourt à la légende de l'or. La langue française, par exemple, est riche d'expressions dans lesquelles l'or joue le pre~ mier rôle: avoir un cœur d'or, faire un pont d'or, promettre des monts d'or, valoir son pesant d'or, il est cousu d'or, il est franc comme l'or, c'est de l'or en barre, il parle d'or, il roule sur l'or, un public en or, des rêves d'or, des noces d'or, un livre d'or, le silence est d'or, une femme en or, une affaire en or, pour tout l'or du monde ... Un saint Jean Bouche d'or 'dit sa pensée avec franchise. Le nombre d'or est, pour les géomètres et les architectes, celui d'une proportion privilégiée, pour les astronomes et les chronologistes, celui dont on marque chaque année du cycle lunaire. Des jours filés d'or sont des jours heureux. La règle d'or est la règle fondamentale qu'il importe d'observer. L'âge d'or, on l'a vu, est l'âge de la paix et de l'innocence. Le siècle d'or est celui que marquent de grands règnes : siglo de oro, disent les Espagnols pour le siècle des Rois catholiques, de Charles Quint et de Philippe II. Siècle d'or, disent les Hollandais pour le temps de leur suprématie maritime et bancaire., Les proverbes et les dictons, en tous pays, embouchent les mêmes trompettes: l'or brille même dans la boue, dit un proverbe lituanien. Une clé d'or ouvre toutes les portes, assure un proverbe allemand. A montagnes d'or, vallées de cuivre, dit un proverbe anglais (traduction: le voisinage de l'or est toujours profitable). Tout ce qui brille n'est pas or, dit un proverbe français (ce qui signifie : tout ce qui a l'apparence d'être bon ne l'est pas nécessairement). L'avoine fait le cheval, la bière le héros, et l'or le gentilhomme, affirme un proverbe tchèque (compre~ nons : l'or est assez puissant pour conférer la noblesse).
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A leur manière, les philosophes et les poètes reprennent ces refrains. Quand l'or parle, note ~rasme, l'éloquence est sans force. Il n'est forteresse qu'un âne chargé d'or ne puisse approcher, rapporte Plutarque. Un âne couvert d'or, reprend Cervantès, a meilleure mine qu'un cheval bâté. L'or, même à la laideur, donne un teint de beauté, proclame Boileau. L'or donne aux plus laids certain charme pour plaire, enchaîne Molière. L'or est le souverain des souverains, dit Rivarol. Le mot or (oro en italien et en espagnol, ouro en portugais) vient du latin aurum, que sa forme primitive ausum rattache au sabin ausom et peut-être à la racine indo-européenne aus qui désigne ce qui brille. L'or, comme l'aurore, c'est d'abord de la lumière. Voilà l'or et le soleil qui se rejoignent: avec l'est, qui est le côté du soleil levant. Les Grecs disent khrusos, d'un mot que nous retrouvons sur les chrysalides de nos papillons ou les chrysanthèmes de nos jardins. Mais cette racine n'est pas indo-européenne. Elle vient de l'Asie sémitique, où elle exprimait aussi la couleur jaune dans le phénicien, l'araméen ou l'assyrien. Est-ce elle encore qui figure dans le nom du roi Crésus? Pour les Indo-Européens, la racine ghel désignait la couleur jaune. Elle donne l'allemand Gold (qui est probablement sans rapport avec le mot Geld, richesse, de gelten, valoir), l'anglais gold (en vieil anglais geolo, jaune), le hollandais gulden, qui deviendra le nom d'une monnaie, le russe zoloto, le polonais zloty qui lui aussi finira dans le vocabulaire monétaire. L'or s'inscrit dans lès noms de lieux, qui affirment sa présence et participent à sa glorification. Au cœur de l'Asie, les monts Altaï sont exactement, en langue mongole, les montagnes de l'or, comme les monts de Zolotar pour les Russes, le mont d'Or en NouvelleCalédonie, la Goldrange ou chaine de l'Or dans la Colombie britannique, la Serra de Ouro au Brésil.
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Ce sont aussi des montagnes d'or qu'évoquent des noms de villes comme Goldberg en Silésie, ou Goldhill en Nevada. Des rivières de l'or coulent un peu partout: le Rio de Oro est à la fois un affluent du Paraguay et un oued africain; la Goldriver arrose le Canada, le Douro la péninsule ibérique; dans la vieille Dacie, l'Aries est un ancien Aranyos, ou fleuve d'or (du magyar arany, or). Des Côtes-de-l'Or ou Gold Coast, il n'en est pas seulement sur le littoral africain; la Golden Gale, ou Porte de l'Or, donne accès à San Francisco, la Corne d'Or évoque le site prestigieux de Constantinople. Des villes de l'or, on en dénombre dans toutes les langues : Ouro Branco, Ouro Preto - Or blanc, Or noir au Brésil; Zolotchov, Zolotnocha en Russie, Zloczow en Galicie; Golden City au Colorado, Goldsboro en Caroline du Nord; Oroville et Placerville en Californie. Pour les Égyptiens, la Nubie est le pays de Nub, le pays de l'or. L'Eldorado lui-même, le pays du roi doré, cette chimère, finit par prendre corps : il devient un district californien. Les toponymistes n'assurent pas que la vallée d'Aure, ni les Orlu, OrIuc, où Longnon croit voir un aureus lucus, ni le rhénan Urmitz (qui dérive d'Ulmelum, l'ormeraie, plutôt que d'Auromuntium) évoquent le précieux métal. Mais l'Allemagne possède des Goldbeck et des Goldholm, la France des Auriol, des Aurières et des Laurière qui en perpétuent sans doute le souvenir. Le métal disparaît du sol, il demeure sur les atlas. L'or dans l'alchimie
Si les hommes sont ainsi intoxiqués, durant des millénaires, par l'idée de l'or, il est naturel que certains d'entre eux prêtent au métal des vertus imaginaires et cherchent à le fabriquer. A mesure que s'accroît le capital des connaissances scientifiques,
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les détenteurs de ce savoir ont l'ambition très légitime de l'utiliser et de le parfaire : ils voudraient l'utiliser en mettant l'or à leur service, et le parfaire en reproduisant pour leur propre compte l'œuvre de la nature -le « grand œuvre» : la création de l'or. L'alchimie représente une étape dans l'histoire de la pensée humaine et de la carrière du métal précieux. Avant elle, les hommes sont trop ignorants pour nourrir de telles prétentions. Après elle, ils seront trop avertis, à tout le moins trop raisonneurs, pour entretenir encore de pareilles illusions. L'alchimie apparaît comme une manifestation du fétichisme de l'or, mais d'un fétichisme qui se pare des fausses suffisances d'une science balbutiante. Elle se développe en un temps où l'or est rare; ce qui le rend hautement désirable, en un temps où s'estompent les croyances d'origine religieuse qui ont fait de l'or un métal surnaturel, mais où d'autres croyances sont prêtes à prendre la relève. Car l'homme se complaît dans les sortilèges. Le mot alchimie est lui-même d'une origine obscure. En principe, le latin médiéval alchemia vient de l'arabe alkymia, qui procède du grec khemia (magie noire), lui-même emprunté à l'égyptien kem (noir). On retrouve dans ce cheminement du vocable l'itinéraire même de l'alchimie. Mais, selon d'autres hypothèses, le mot proviendrait du grec chyma (fondre ou mouler le métal), ou bien d'une racine hébraïque (kimiya), le dieu vivant, ou chemesch, le soleil. Avant d'entreprendre son circuit méditerranéen, de l'Égypte aux pays arabes et à l'Occident, l'alchi.;. mie naît en Chine et transite par l'Inde. Les premiers alchimistes chinois sont les métallurgistes, maîtres du feu, détenteurs du secret des métaux. Forgerons et magiciens, ils confondent déjà dans leurs travaux la fabrication de l'or et celle de l'élixir de vie. « Sacrifiez au fourneau, dit le mage Li-chao-kiun (-140),
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et vous pourrez créer des êtres; alors la poudre de
cinabre pourra être transformée en or jaune; quand l'or jaune aura été produit, vous pourrez en faire des ustensiles pour boire et pour manger. Alors votre longévité sera prolongée... Vous ferez les sacrifices long et chan, et vous ne mourrez pas. J n faut croire que les alchimistes chinois passent pour habiles et puissants, puisque deux édits impériaux menacent d'exécution publique tous ceux qui seront surpris en flagrant délit de contrefaire de l'or. Mais Liu Hsiang ne réussit pas à fabriquer pour l'empereur l'or alchimique qui devrait prolonger sa vie (- 60). Et Wei Po Yang se contente d'écrire un traité sur la préparation d'une pilule d'immortalité (+ 150). De toutes les expériences chinoises, les alchimistes occidentaux retiendront la certitude optimiste qu'il est possible de faire de l'or, et, à base de poudre d'or, une potion miraculeuse. En Inde, l'alchimie ne change ni de visage ni de langage. Elle prétend aussi réussir la transmutation en or, soit par des moyens chimiques, soit par la puissance du yoga. Elle confond aussi l'or et l'im~or talité. Les Grees se contentent de philosopher sur la matière : pour Démocrite, qui prend vingt-quatre siècles d'avance sur la physique nucléaire, la matière concentre des particules minuscules et en mouvement, dont varient seulement les combinaisons. Pour Aristote, il existe une matière fondamentale dont les' quatre éléments sont le feu, l'air, la terre et l'eau; chacun de ces éléments possède deux qualités, la chaleur ou le froid, la sécheresse ou l'humidité; tOJ,lte substance peut être changée en une autre substance ai l'on réussit à modifier correctement les proportions de ses élé~ents. N'en résulte-t-il pas que le plomb pourrait devenir de l'or? Pour Pro clos, dans son Commentaire sur le Timée (450), «les métaux sont engendrés dans la terre sous l'influence des
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divinités célestes : le soleil produit l'or, la lune produit l'argent ». N'en peut-on pas conclure qu'avec le feu. substitut du soleil, l'homme fabriquera de l'or? Les Grecs d'Alexandrie, tirant les conséquences du système d'Aristote, ont déjà songé à son application pratique. Bolus Démocritos écrit en Égypte un traité de physique (- 200) sur la synthèse de l'or. Zosime de Panopolis (+ 300) prétend enseigner l'art de fabriquer les métaux précieux, avec le secours de constellations favorables. Rome est peu portée sur ces chlmères. Dioclétien passe pour faire brtller tous les livres d'alchimie. Pourtant, selon Pline, Caligula aurait entrepris de produire de l'or avec une préparation d'arsenic, et il n'aurait abandonné son projet qu'après s'être aperçu que les dépenses l'emportaient sur le profit. Viennent les Arabes: recueillant les héritages de la Chine, de l'Inde, d'Aristote et d'Alexandrie, ils marient la pharmacie, la mystique et l'astrologie avec assez de talent pour donner l'illusion d'une science nouvelle. Le plus fameux de leurs alchimistes professe à Bagdad : il s'appelle Jabir ibn Hayan al-Sufi, dont les Occidentaux feront Geber, « roi des Arabes et prince des philosophes» (800). C'est un auteur prolixe, auquel on prête 3 000 ouvrages. A l'en croire, tous les métaux sont faits de soufre et de mercure, et ils sont transformables en or si l'on modifie les rapports de ces deux composants: ce que faciliterait l'emploi d'un élément catalyseur, l'élixir rouge ou l'or potable, dont il omet de donner la formule. Un de ses disciples, Artephius (1130), explique doctement que le soleil vivifie le sol et que «certains de ses rayons, pénétrant plus profondément au sein de la terre, s'y condensent et forment un métal brillant, jaune, l'or consacré à l'astre du jour Il. Presque seul, Abu Ali el Hussein, dont l'Europe fera Avicenne (1000), se refuse à romancer
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l'origine des métaux et à croire à leur transmutation. Nul ne l'écoute.
La pierre philosophale Transplantée en Occident, l'alchimie tourne au délire. Sans doute, bien plus tard, de bons esprits chercheront à la réhabiliter, en soulignant qu'elle ouvre les voies à la chimie moderne et qu'en fin de compte ses rêves sont confirmés par la physique de l'atome. Sans doute encore, il faut distinguer entre les chercheurs de bonne foi et les charlatans. Mais les alchimistes trouveront aussi des défenseurs' chez de pseudo-savants, qui prolongeront jusqu'au xx e siècle leur illuminisme et leur charabia, en s'en faisant une doctrine. Dans les faits, l'alchimie médiévale n'est guère qu'un étalage de sottises, et si elle peut accidentellement être l'instrument du progrès, elle ne le fait pas exprès. Qui sont ces alchimistes? Ils tiennent du philosophe, à la mode aristotélicienne, du marmiton, soucieux de combinaisons inédites, et du sorcier, plus ou moins prêt à invoquer les astres, les dieux ou les démons. Ils ont Un langage hermétique, dont on dira qu'il est destiné ·à préserver leurs secrets, mais qui cache en réalité une profonde indigence de moyens et vise surtout à abuser les naïfs. Ils recourent à des mots clés, à leur usage propre, à des formules magiques, à l'usage des initiés. Leur objectü est de découvrir la pierre philosophale, dont on ne sait si elle est un caillou, une poudre ou une teinture, mais qui doit être l'agent de transmutation, grâce auquel un vil métal deviendra de l'or. Cette pierre philosophale est « fille du soleil Il ou « eau de soleil ». Car, bien entendu, le soleil est encore de la partie. Les alchimistes donnent à l'or le nom latin du soleil, sol, et le représentent dans leurs grimoires par un symbole figurant l'astre solaire.
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Pour eux, l'or et le soleil sont également sources de lumière et de vie; l'or est un rayon de soleil solidifié. De quels instruments disposent-ils? De fours et de lampes, d'alambics et de cornues, de filtres et de tamis, de creusets et de soufflets, de pincettes et de balances. Ils chauffent leurs préparations au charbon de bois ou à l'huile, parfois au fumier fermenté, souvent aux rayons du soleil. Quelles substances mettent-ils en œuvre? Le soufre et le mercure, le plomb et l'argent, l'arsenic et le vitriol, mais aussi bien tous les métaux qui leur tombent sous la main, toutes les herbes qui sont à leur portée, voire des œufs de poule ou de pigeon, de la bave de crapaud, des ongles de taupe, de l'urine de jument, du sang de vierge, des larmes de cerf, des excréments, de la rosée céleste, et, de préférence, des produits mysté': rieux dont ils se gardent de livrer l'identité. « Prends, mon fils, la pierre que tu sais pour la potion que tu sais... » Ils invoquent à l'appui de leur savoir, non seulement Aristote, mais la Toison d'or, qui ne serait qu'un livre d'alchimie sur parchemin. Ils assurent que Dieu enseigna leur science à Adam, qui la transmit à Énoch, à Abraham, à Moïse et à Job. A l'occasion, ils se réfèrent à saint Jean l'Évangéliste et à saint Thomas. Leurs formules? Isoler le mercure, utiliser son âme comme semence d'or. Ou bien mélanger des jaunes d'œufs, de l'huile d'olive et du vitriol, et cuire à feu doux pendant deux semaines. Ou bien, dans une fiole de verre, chauffer de l'élixir d'Aristée et du baume de mercure au feu de sable. Ou bien, dans un creuset, faire fondre certaine poudre rouge et quelques onces de litharge. Souvent, il est utile de recourir à l'or pour faire de l'or, si possible en le « multipliant ». On purge, on sublime, on dissout, on distille, on calcine, on pétrifie. Par « voie .humide » ou par « voie sèche l, on engendre des produits inter-
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médiaires, qui s'appellent saturne des sages, huile de talc, élixir parfait au blanc, poudre de projection, soleil terrestre, corps glorieux, christ métallique... L'or est au bout du grand œuvre. De vrais savants raillent ces cuisines et ces cuisiniers. Maître Albert - Albert le Grand - proteste que la transmutation des métaux est irréalisable. Roger Bacon, pionnier de la méthode expérimentale, sait distinguer entre la physique et la magie : s'il croit à la pierre philosophale, il ne perd pas son temps à la chercher. Mais combien d'autres trompent ou se trompent 1 Le Catalan Raymond Lull (1300) mêle de l'élixir et du mercQ.re, en obtient une poudre, puis un remède. « Répands une once de ce remède sur mille onces de mercure, il se transformera en remède. Mélange une once de ce remède à mille onces de mercure, il se transformera en or, plus pur que celui qu'on extrait des mines. » Les contemporains de Raymond Lull croient si bien à ses talents qu'ils donnent le nom de Noble-Raymond à des pièces frappées avec le métal que le savant alchimiste aurait fabriquées à la Tour de Londres. Le Parisien Nicolas Flamel (1380) voit en songe un ange lui présenter un gros livre et disparattre dans une pluie d'or; par la suite, il trouve le livre de son rêve, qui lui donne le secret de la pierre philosophale, et se met à fabriquer de l'or. Le 25 avril 1382, disent ses biographes, il réussit, après vingt-quatre ans de recherches, à changer en or une demi-livre de mercure. De fait, il devient prodigieusement riche, pour avoir dépossédé nombre de Juifs, mais l'opinion préfère imputer sa fortune à ses talents d'alchimiste. Le Suisse Paracelse (1530), en dépit de sa gloire, ne vaut pas mieux : il se targue de commercer avec les diables, et d'avoir reçu de Dieu le secret du métal. Tous ces hommes de science et de charlatanerie font des dupes en grand nombre, jusqu'auprès dei
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souverains que la soif de l'or rend volontiers crédules, et qui parfois participent eux-mêmes aux travaux. Héraclius 1er à Byzance, Rudolf II en Autriche font appel à des alchimistes pour renflouer leurs finances. ~douard III d'Angleterre sollicite le concours de Raymond Lull. Henry VI appelle tous ses sujets à chercher la recette salvatrice. Philippe lIen Espagne, ~lisabeth en Angleterre, Charles IX et Marie de Médicis en France ne dédaigneraient pas ce gen.re de secours. Plus réservé, le pape Léon X, à qui Augurel remet sa Chrysopée ou l'Art de faire de l'or en vers latins, l'en remercie en lui remettant une bourse vide et en lui disant: « TI vous sera facile de la remplir 1 » Même au XVIIe siècle, bien des princes mettent leurs espérances en des imposteurs : tel est le cas de Christian IV de Danemark, de l'empereur Ferdinand III de Habsbourg. Charles II d'Angleterre se fait construire une officine sous sa propre chambre. Au XVIIIe siècle, Auguste II de Saxe enferme dans une forteresse l'alchimiste Bottger, en lui intimant l'ordre de faire de l'or; Bottger fait mieux : il invente la porcelaine blanche. A Paris même, le cardinal de Rohan est assez candide pour attendre du Sicilien Cagliostro les lingots d'or qui pourraient payer le collier de la reine. Les hâbleurs et les escrocs ont toujours la partie belle. Avec beaucoup de pénétration et d'humilité, Buffon rend son arbitrage : le grand œuvre, dit-il, « on doit le rejeter en bonne morale, mais en saine physique, on ne peut Pils le traiter d'impossible. On fait bien de dégoûter tous ceux qui voudraient se livrer à ce travail pénible et ruineux; mais pourquoi prononcer d'une manière décidée que la transmutation des métaux est absolument impossible ?... Le projet de la transmutation des métaux doit être rejeté, non comme une idée chimérique et une absurdité, mais comme une entreprise téméraire, dont le succès est plus que douteux; nous sommes encore si loin de
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connaître tous les effets des puissances de la Nature, que nous ne devons pas les juger exclusivement par celles qui nous sont connues ... Il nous reste sans doute plus de choses à découvrir que nous n'en connaissons ». Le fait est qu'au xx e siècle les alchimistes, sans le vouloir, ont fini par avoir raison. L'unité de la matière semble bien réelle, comme le présumait Aristote~ La matière est bien faite d'une concentration de particules instables, comme le croyait Démocrite. Les transmutations sont possibles, comme le disait Nicolas Flamel. La synthèse de l'or est réalisable, comme le croyait Paracelse. Les superstitions médiévales sont devenues des vérités scientifiques, la chimère a pris corps, les alchimistes sont promus au rang de « précurseurs géniaux des magiciens modernes de l'atome ». Un laboratoire américain a transformé du mercure en or (1949). Les accélérateurs de particules sont aujourd'hui capables de modifier la composition des noyaux atomiques: l'homme peut faire de l'or. Mais, jusqu'à nouvel ordre, le coût de telles expériences interdit de les renouveler. Avec un prix de revient prohibitü, l'or de synthèse ne peut modifier le marché de l'or naturel. De la grande aventure alchimique, il reste un halo de rêves et de fables. Elle confirme que l'or est désirable et désiré, et que, pour l'obtenir, l'homme est prêt à toutes les audaces, à toutes les absurdités - et jusqu'à vendre son âme au diable. L'or chez Dialoirus
Les alchimistes, dans leur quête de l'or, n'ont pas la richesse pour seule fin : ils attendent du précieux métal le secret de l'éternelle santé, de l'éternelle jeunesse. Pour eux, la pierre philosophale se confond avec le baume universel, avec l'élixir de vie. L'or doit conférer la jouvence et l'immortalité.
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Déjà, les Anciens croient à ses vertus thérapeutiques: Pline signale que les applications d'or guérissent les ulcères, les fistules, les hémorroïdes, la teigne. Les Arabes assurent qu'il fortifie le cœur, et qu'il combat utilement la mélancolie, les palpitations et les tremblements. Pour Geber, il guérit la lèpre. Pour Avicenne, il corrige la mauvaise odeur de l'haleine; plus ou moins chauffé, il est le meilleur cautère; « la limaille d'or, exactement porphyrisée, est bonne contre l'épilepsie et les maladies de la peau, dans les affections du cœur, la tristesse de l'âme, la faiblesse de la vue ». Vedette de l'école de Montpellier, où il a émigré, le Catalan Arnaldo de Villanova (Arnaud de Villeneuve) célèbre l'or potable, qui rénove et conforte la peau, « guérit toutes les lèpres, transmue le corps humain, le purifie et le renouvelle. Il donne secours à l'estomac froid, et rend hardis les timides ». Miracles de l'or potable 1 Il n'est autre que la réduction de la pierre philosophale en eau mercurielle. Basile Valentin, qui est bénédictin à Erfurt, en vante les mérites, sans oublier ceux de l'or fulminant, qui s'obtient en dissolvant l'or dans l'eau régale et en la précipitant par l'huile de tartre. Avec Paracelse, la « chrysothérapie » gagne encore du terrain, en se fondant sur un syllogisme irréfutable : 10 chacune des sept planètes domine une des parties du corps, et le soleil agit sur le cœur; 20 à chaque planète correspond un métal, et l'or correspond au soleil. Conclusion: l'or est le remède du cœur. Au cours de ses voyages au Tyrol et chez les Fugger, Paracelse prend une conscience accrue de l'importance de l'or. Il en prescrit l'emploi sous forme de « teinture d'or du soleil », de vitriol d'or et d'or diaphorétique; mais ces belles panacées restent fort obscures. Pour obtenir de l'or potable, dit-il, il faut ôter à l'or sa malléation et nature métallique, c'està-dire qu' «il le faut corrompre, ce qui se fera par
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l'eau de sel; il faut ensuite laver sa résidence avec de l'eau douce distillée, puis retirer la couleur par l'esprit de vin, enlever ledit esprit de la couleur, et la teinture que tu désires demeurera au fond du vaisseau ». Prescription supplémentaire : l'or potable doit être administré à jeun, trois fois par jour en dose curative, une fois en dose préventive. Il rend la jeunesse et la vigueur et guérit toutes les maladies. Ce qui n'empêche pas Paracelse de mourir à quarantehuit ans. Les grands de ce monde se croient plus autorisés que quiconque à recourir à ces médications de prix. Isabeau de Bavière demande à son apothicaire, contre l'obésité qui la menace, un électuaire dans lequel l'or est secondé par un mélange de perles, d'émeraudes, de rubis et de jacinthes. Louis XI, pour prolonger sa vie, consomme des chapons nourris d'or et de vipères, et se fait soigner avec de l'or potable que lui prépare un Piémontais. Marie de Médicis use de l'or contre le mal de dents. Le pape Grégoire XIV sollicite les bons offices d'une poudre d'or et de pierreries. Pourtant, une réaction s'ébauche contre les excès d'une crédulité qui attribue à l'or des pouvoirs sans bornes. Un médecin parisien, Antoine Lecoq, commence à spécialiser le recours à l'or: dans son Traité des maladies vénériennes (1540), il propose des pilules à base d'or, de mercure et de farine de froment, contre la « maladie espagnole », que d'autres appellent le mal napolitain, et que les Napolitains appelleront le mal français. Plus catégorique, Bernard Palissy, dénonçant les imposteurs, s'en prend à l'or potable, qu'il juge inefficace et onéreux. « Si j'étais malade, dit-il, j'aimerais mieux perdre un écu que d'en manger un autre, en quelque sauce que le médecin me le slit mettre. JI Ambroise Paré n'y croit pas davantage. Laurent J'Oub~rt, médecin de Henri III, assure que « c'est une piperie que d'attribuer une vertu nutritive
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à l'or ll. Mais quelques voix peuvent-elles prévaloir contre une croyance séculaire? La réputation thérapeutique de l'or ne fléchit guère. Disciple de Paracelse, Joseph du Chesne, qui se fait appeler Quercetanus, offre plusieurs formules d'or potable, à employer par petites doses d'un scrupule à une demi-drachme, contre la peste, la petite vérole, les fièvres malignes, la léthargie. Le révérend père de Castagne, celui-là même qui guérit le mal de dents de Marie de Médicis, détient aussi le secret d'un or potable souverain contre la goutte, les catarrhes, les fluxions, le miserere mei (qui est un mal d'intestin), et capable de rendre fécondes les femmes stériles. De la Vigne, médecin de Louis XIII, guérit toutes les maladies désespérées avec un précipité rouge solaire et lunaire, dans lequel il entre du mercure, de l'or et de l'argent, et qui exige neuf mois de feu continu. Antoine Vallot, médecin de Louis XIV, traite avec de l'huile d'or (une solution de chlorure d'or?) deux verrues à la main de son auguste patient (1657) et, plus tard, il lui administre une infusion d'or, de sel de mars et de vitriol (1666). Décidément, r or fait fureur en tous pays. Angelo Sala, de Vicence, le prescrit contre la rougeole, la dysenterie, l'épilepsie, l'hydropisie. Johann Glander, de Carlstadt, recommande l'or potable, « médecine universelle D, pour arroser les plantes, qui pousseront mieux, pour nourrir les poules, dont la chair sera meilleure, pour guérir fièvre quarte, apoplexie, goutte, pierre ou peste: il suffit d'en verser deux gouttes dans un verre de vin ou de bière, et d'augmenter la dose d'une goutte chaque jour. Molière raille ces supercheries : avec une « goutte d'or potable D, son « Médecin malgré lui» guérit une femme abandonnée de tous les autres docteurs et qu'on tenait pour morte depuis six heures. « Dans le même instant, elle se leva de son lit et se mit aussitôt à se promener dans sa chambre, comme si de rien
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n'eut été. » Fort de ce précédent, Sganarelle veut guérir Perrette avec « un fromage préparé, où il entre de l'or». Mais Argan, malade imaginaire, prend au sérieux Purgon et Diafoirus.
L'or dans la médecine
Malgré Molière, malgré le chimiste Geoffroy qui dénonce à l'Académie des sciences les mystifications de la pierre philosophale (1722), l'or poursuit sa carrière médicale. Buffon, toujours aussi prudent que sage, opine sans se compromettre : « Il me semble qu'on peut se tromper en prononçant affirmativement sur la nullité des effets de l'or pris intérieurement comme remède, dans certaines maladies, parce que le médecin ni personne ne peut connaître tous les rapports que ce métal, très atténué, peut avoir avec le feu qui nous anime. » Fort de cette permission, Helvetius prépare une teinture d'or. Un nommé de la Motte, général d'artillerie au service du prince Ragotzi, invente des gouttes d'or, dont chacune revient à cinq deniers et se vend un louis; l'apothicaire parisien qui les fabrique et les monnaie fait fortune : il compte parmi ses clients le pape Clément VII, le roi de Prusse et Catherine de Russie. Mais les médecins succèdent aux médicastres, et la biologie se fait plus exigeante. Chrestien et la nouvelle école de Montpellier acquièrent un renom dans le monde entier en préconisant l'or, à côté du mercure, dans le combat contre les maladies vénériennes. Après tout, si c'était vrai? Tour à tour, l'or est employé dans le traitement des scrofules, des rhumatismes, des morsures de vipères. n a ses heures de vogue, ses heures de déclin. Chaque fois, il retrouve des applications nouvelles.
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Burcq lance la métallothérapie : chaque individu, pense-t-il, est particulièrement sensible à un métal (c'est ce que Paracelse disait à sa manière). Certains nerveux réagissent à l'or : l'or les guérira. L'Allemand Paul Ehrlich, qui recevra un prix Nobel (1908), lance la chimiothérapie: avec des sels de métaux lourds, et notamment des sels d'or, il entreprend de combattre la tuberculose. Les guerres du xx e siècle ouvrent la voie à l'or colloïdal, préparé par voie électrique ou chimique : il est employé en cas de blessures du crâne, de péritonite, et contre l'infection des plaies. En Amérique, il sert à certains pansements de neurochirurgie. L'homéopathie recourt à l'or; elle triture des feuilles d'or dans du sucre de lait, en doses infinitésimales; elle préconise r aurum contre les maladies du foie, des yeux, des oreilles - et aussi contre le dégoût de la vie et la tendance au suicide. Sommes-nous si loin des alchimistes? Nés des travaux des physiciens et des biochimistes, les radio-isotopes, au nombre desquels figure l'or, servent à l'étude fonctionnelle des organes, au radiodiagnostic des maladies, mais aussi au traitement des tumeurs. Pour les cancers du cerveau, de menues billes d'or sont introduites dans la région malade: elles émettent des rayons qui détruisent les tissus atteints dans un très petit volume sans affecter les régions voisines. Ainsi la science a pris le relais de l'alchimie. Mais où commence l'une, où finit l'autre? Il n'est pas facile de démêler le raisonnable et l'attrape-nigaud, la vérité et l'erreur : car tout remède peut avoir des effets physiques et des effets psychologiques, et l'or, plus que tout autre, les mêle intimement. Ce qui reste flagrant, c'est que, durant des millénaires, le métal jaune a fasciné les hommes: il leur a paru le suprême recours face aux dieux, à la mort, à la maladie. Ils l'ont introduit dans leurs temples, dans
Histoire de ror leurs tombes, dans leurs légendes, dans leurs langues, dans leurs lits de douleur - dans leurs espérances. A aucun autre produit, à aucun autre métal, ils n'ont accordé une pareille foi. Comment s'étonner ensuite qu'ils lui réservent un destin d'exception?
2. L'or parure
Vue cavalière de la production D'où vient-il, cet or? Oublions un moment l'envoûtement pour ne plus considérer que le métal, qu'il faut extraire de la croûte terrestre. Tentons de préciser l'histoire et la géographie de sa production. Il n'est pas étonnant que, même pour les périodes lointaines, l'homme ait gardé le souvenir des efforts qu'il a accomplis pour trouver et produire de l'or: l'importance du métal justifie l'intérêt qu'il soulève, et permet de comprendre que son exploitation laisse des traces durables. Il est plus surprenant que certains statisticiens (rares, il est vrai) puissent s'offrir le luxe de chiffrer, avec une apparente rigueur, toutes les productions de l'or, même dan~ les siècles les plus reculés et dans les régions les plus écartées, comme s'ils avaient été les témoins directs et les contrôleurs officiels de l'extraction. Leur ambition dépasse évidemment leurs moyens, et les certitudes qu'ils croient apporter masquent de larges incertitudes. Mais on convient que nos experts, habitués à jongler avec les chiffres, savent les supputer et les recouper, et qu'en fin de compte leurs évaluations peuvent serrer d'assez près
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la réalité, avec une marge d'erreur qui n'est pas scandaleuse. Leurs statistiques rétrospectives doivent être tenues, non pas pour correctes, mais pour approximativement vraisemblables. Dans l'addition finale de la production de l'or, les inexactitudes relatives aux temps les plus anciens comptent assez peu : car la production, insignifiante à l'origine, faible dans les millénaires éloignés, s'est beaucoup accrue par la suite, pour cette simple raison que la planète a été de plus en plus habitée, de mieux en mieux prospectée, que les besoins d'or eux-mêmes, en grandissant, n'ont cessé de stimuler les recherches, et que les techniques de l'extraction se sont progressivement améliorées. Commençons par une vue cavalière de cette production, en fonction des grandes étapes de l'humanité. C'est la meilleure façon d'en illustrer les progrès d'ailleurs irréguliers. Première étape, correspondant, plus ou moins, dans les pays méditerranéens à l'âge du cuivre (de - 4500 à - 2100, soit 2400 années) : l'extraction d'or atteindrait alors 920 tonnes. Sur ce total, l'Afrique compte pour 730 tonnes, l'Asie pour 140, l'Europe pour 50. Moyenne de production par an : 350 kilos. Deuxième étape, l'âge du bronze (de - 2100 à - 1200, soit 900 années) : la production d'or passerait à 2 645 tonnes - admirons au passage cette trop belle précision 1 -, dont 1 720 pour l'Afrique, 525 pour l'Asie, 400 pour l'Europe. Moyenne annuelle : près de 3 tonnes. La cadence de production a été multipliée par plus de 8. Troisième étape, l'âge du fer (de -" 1200 à-50, soit 1 150 années) : la production d'or s'élèverait à 4 120 tonnes, à savoir 1 415 en Afrique - déjà en déclin -, 895 en Asie et 1 810 en Europe - en plein essor. Soit, par an : environ 3,6 tonnes. Les progrès se poursuivent, mais à un rythme ralenti. Quatrième étape, les 550 années qui correspondent
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à l'Empire romain (- 50 à +500): la production d'or plafonnerait à 2 572 tonnes, dont 320 pour l'Afrique, décidément à bout de course, 542 pour l'Asie et 1 710 pour l'Europe. Moyenne annuelle : 4,7 tonnes. Avant d'aller plus loin, faisons l'addition pour les 5 millénaires déjà parcourus: tout le monde antique aurait produit environ 10255 tonnes de métal jaune (4185 pour l'Afrique, 2 100 pour l'Asie, 3970 pour l'Europe). La moyenne générale, par an, se situerait à un peu plus de 2 tonnes. Cinquième étape, les 1 000 années qui vont de la chute de l'Empire romain à la découverte de l'Amérique (de 500 à 1492), et qui recouvrent temps barbares et Moyen Age. La production de l'or se languit à 2312 tonnes (838 pour l'Afrique, 903 pour l'Asie, 571 pour l'Europe) et 2472 tonnes si l'on ajoute les 160 tonnes attribuées à la production de l'Amérique précolombienne. La moyenne annuelle retombe à 2,4 tonnes, pour une population accrue. Faisons une nouvelle addition, pour embrasser toute l'histoire de la planète avant l'entrée en scène du Nouveau Monde: la production de l'or représen.. terait 12729 tonnes (5023 pour l'Afrique, 3005 pour l'Asie, 4541 pour l'Europe, 160 pour l'Amérique), soit 2 tonnes annuelles. Sixième étape, couvrant les 400 années qui vont de la découverte de l'Amérique (1492) à la mise en valeur du Rand (1890), ou, plus simplement, à l'aube du xx e siècle: la production d'or bondit à 16 469 tonnes (1 579 en Afrique, 1 116 en Asie, 2647 en Europe et Sibérie, 7665 en Amérique, 3462 en Océanie). Autrement dit, le monde produit alors plus en 4 siècles qu'au cours des 6 000 années précédentes; et la moyenne annuelle, multipliée par 20, dépasse 40 tonnes. N'allons pas plus avant, pour l'instant. Le xx e siècle, à lui seul, produira beaucoup plus que tous les siècles et tous les millénaires précédents.
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Age Age Empire Age du cuivre du bronze du fer romain Antiquité
En tonnes
-3900 - 2100 g~te . . . .
Nu 'e . . • . gthlople •. Afrique occ. - australe... Maroc
.
AFRIQUE
.
Ibérie Gaule .. Gra n d e-B r etagne . Italie . . Alpes orient. et Bohême . . . Carpathes lept. mérld •. Balkans •. EUROPE.
.
Arabie. Asie Mineure et Caucase. Chypre. Inde, Bactriane, Sogdiane . . . Indochine, Sonde. Tarim. Tibet. Chine .. Corée Sibérie occid. Altal .
-2100 -1200 -50 -1200 -50 + 500
700 20 10 -
-
570 1020 50 20 50 10
410 510 50 100 340 5
30 50 110 110 10 10
1710 1600 220 230 400 25
730
1720
1415
320
4185
-
50
200 30
600 500
1000 50
1850 580
-
30 15
30 100
30 100
90 215
10 10
30 20
50 30
90 60
25 80
30 500
100 350
155 930
50
400
-1810
1710
3970
20
30
30
20
100
10 10
40 20
70 10
12
132 ,(0
215
990
60 80 30 100 20
80 470 70 170 35
100
--
250 1 425 20 160 230 40 20 50 5 10
-
-
-
10
5
15
ASIE.
140
523
893
542
2102
ANCIEN MONDE
920
2643
4120
2572
10257
(D'après HeInrich Qulrlng: Ge.chlchle de. Goldu.) Tableau suivant (Temps barbare. et Moyen Age)... page 80.
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Sourions de ces beaux chiffres. Mais retenons-en les ordres de grandeur.
L'Afrique, premier des grands producteurs Un point est acquis: l'Egypte est le grand producteur des premiers âges historiques. A elle seule (en lui adjoignant Nubie et ~thiopie), elle extrait près de la moitié de tout l'or produit dans le monde avant l'ère chrétienne : 3 340 tonnes, sur 7 685. On a déjà évoqué l'apparition de l'or en ~gypte, et l'exploitation des mines entre Nil et mer Rouge. Sur un vaste plateau de quartz, l'or y est extrait en belles quantités, à raison de quelques centaines de kilos par an. Des routes, jalonnées de puits, sont tracées et entretenues, pour en permettre l'évacuation vers Thèbes. Bientôt, à ce premier centre de production, les pharaons en ajoutent un deuxième, plus au sud, dans la brlliante Nubie, puis, toujours plus en amont, au-delà de la sixième cataracte, et jusque sur le plateau abyssin. Les Égyptiens n'ont pas hésité, au prix d'expéditions militaires, à étendre leur Empire en direction des sources du fleuve, pour s'assurer de nouvelles ressources en or. Dès le deuxième millénaire, la Nubie colonisée produit deux fois plus de métal que l'Égypte métropolitaine. Au 1er millénaire, ses ressources commencent à s'épuiser: Égypte et Nubie se retrouvent presque à égalité. Quand les Romains mettront la main sur elles, leur production d'or sera déjà très réduite, et c'est l'Éthiopie qui prendra le relais. Au total, la suprématie égyptienne aura duré quatre ou cinq mille ans. Les techniques de l'exploitation sont encore telles que les dicte une expérience sommaire. Certains gisements sont curetés à ciel ouvert, sous un soleil de feu. D'autres exigent le percement de galeries souterraines, qui suivent le caprice des filons : des galeries qui s'enfoncent jusqu'à 100 mètres de profondeur et
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se développent sur des kilomètres, parfois si étroites que seuls, apparemment, des enfants ou des hommes décharnés peuvent s'y glisser. De fait, un peuple de prisonniers de guerre et de condamnés de droit commun, mal nourris, mal logés, souvent avec femmes et enfants, tient lieu de main-d'œuvre. Ces mineurs esclaves travaillent encadrés d'officiers et de soldats. Ils allument de grands feux sur la terre chargée d'or, pour la rendre plus friable. Puis ils la grattent, avec des ciseaux, des burins ou des raclettes de pierre, avec des pioches de métal, en détachent des blocs, emplissent des couffins de gravats, traînent blocs et paniers jusqu'à l'air libre. Alors, ils broient le minerai dans des mortiers, avec des meules ou des pilons, le réduisent à l'état de poussière. Reste à laver à grande eau cette poudre de terre et d'or, sur des plans inclinés de basalte ou de bois, couverts de peaux de mouton ou creusés de rainures d'argile. L'eau entraîne la terre, les poils ou les rainures retiennent les particules de métal, qui sont rassemblées dans des bourses de cuir. Cette technique n'a guère changé au long de cinq millénaires. Simplement, les outils se sont améliorés. Aux mains nues ont succédé des instruments de pierre, puis de cuivre, puis de bronze, puis de fer. Les résultats, eux aussi, variables selon les gisements, ont progressé. L'or finalement obtenu n'est jamais tout à fait pur: il est mêlé à d'autres métaux, notamment à de l'argent. D'une finesse de 80 %, les Égyptiens passent à 92 %, dans le meilleur des cas. Après les mineurs, vient le tour des métallurgistes. Diodore, qui visite l'Égypte, raconte comment, dans des pots d'argile cuite, soigneusement clos, les Égyptiens parviennent à séparer l'or de l'argent. Ils mêlent au minerai du plomb, du sel, de l'étain, de la farine ou du son d'orge, et soumettent la mixture à un feu continu (de paille de blé, faute de bois) durant cinq jours et cinq nuits. Ce procédé, qu'on appellera
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la coupellation, consiste à séparer par oxydation plusieurs éléments, à partir d'un mélange liquide, quand leur affinité pour l'oxygène est différente. Sans connaître l'oxygène, les Egyptiens le mettent déjà au service de leur passion pour l'or. Dès la XIe dynastie (- 2080), le procédé est au point. Pour entretenir et activer le feu, les métallurgistes ne se contentent plus de soumer dans des chalumeaux : ils emploient des paires de soumets, maniés au pied. Une fois l'or affiné, ils moulent les barres (en forme de briques ou d'anneaux), les pèsent, les estampillent. Les orfèvres ont désormais leur matière première. Si, à l'origine, l'or appartient à qui le trouve et l'exploite, il a trop de prix pour être laissé longtemps à la portée de chacun. Le pharaon entend contrôler l'extraction; il la frappe d'une dîme, puis se l'adjuge. L'or devient monopole royal. Quel particulier pourrait d'ailleurs se permettre de faire percer des galeries de mines et de mobiliser des armées de mineurs? Comment, dans une économie étatisée, la production de l'or pourrait-elle échapper à la dictature des fonctionnaires? Le pharaon a son ministre des Mines et, en Nubie, son inspecteur de l'Or. Le métal est réservé au Trésor royal, aux palais, aux sanctuaires - au temple d'Amon. L'apogée de l'or égyptien se situe au temps des pyramides (- 2400) : la production locale, « une montagne d'or, illuminant toute la terre comme le dieu de l'horizon Il, atteint alors ses sommets, dans une économie prospère. L'apogée de l'or nubien se situe mille ans plus tard (- 1580 à - 1200) : jamais dans le monde antique le métal ne sera plus abondant, ni plus somptueusement travaillé. Dès cette époque, l'Afrique australe semble compter parmi les producteurs d'or: quelque part vers le Zambèze et le Li:rp.popo, en un lieu qui peut-être se confond avec le « Pount)l des hiéroglyphes égyp-
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tiens, et dont on reparlera en traitant des expéditions maritimes des pharaons et du commerce de l'or, les sables aurifères, lavés par les indigènes, donnent quelque 340 tonnes de métal, surtout en poudre, durant les douze cents années qui précèdent l'ère chrétienne. Le reste de l'Afrique n'ignore pas l'or, mais l'~gypte ignore ce reste d'Afrique : le Maroc en pro~ duit un peu, l'Afrique occidentale davantage. Le Carthaginois Hanon s'aventure de ce côté, en cab~ tant au long du littoral atlantique. Hérodote explique les rites d'une ébauche de troc (- 450) : «A l'arrivée, les Carthaginois débarquent leurs marchandises, les rangent en ordre sur le rivage, puis remontent en bateau et font de la fumée. A la vue de cette fumée, les indigènes viennent à la mer, puis apportent de l'or et s'éloignent des marchandises. Les Carthagi~ nois reviennent voir, et si l'or leur paraît de la valeur des marchandises, ils l'emportent et repartent. Sinon, ils remontent en bateau et attendent, et les autres reviennent avec une quantité supplémentaire d'or, jusqu'à ce qu'ils aient donné satisfaction. » Par cette voie, l'or du Soudan est acheminé vers le bassin méditerranéen, qui en est déjà le grand consommateur.
Grecs et Romains en qu~te d'or A la différence des Égyptiens, les Grecs et les Romains sont longtemps démunis de métal jaune. Chypre produit bien quelques tonnes d'or (30 en trois mille ansl), mais c'est surtout l'Égypte qui les acquiert. Mycènes sans doute se ravitaille aussi à Chypre. L'Asie antérieure ne produit guère davantage : Sumer, Babylone, l'Assyrie sont dépourvues d'or, et il faut aller jusque dans les déserts d'Arabie pour rencontrer quelques mines, ou jusqu'en Perse pour trouver des sables aurifères - et fort peu d'eau
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pour les laver. La Chine, si elle connatt l'or, a dti longtemps le faire venir de l'Inde: elle l'exploitera elle-même tardivement. Les Grecs ne disposent que de mines modestes à Samos, à Siphnos, que fait exploiter Polycrate, à Thasos, que visite Hérodote. Mais leurs frères d'Asie sont mieux partagés, en Phrygie et en Lydie, avec les gisements des sources du Méandre et les alluvions du Pactole. Et leurs voisins de Thrace suscitent leur envie, avec les trésors du mont Pangée, qui sont les plus plantureux de toute l'Europe orientale, de l'âge du bronze à l'âge romain. Philippe de Macédoine 'se les adjuge (en - 356). « Sers-toi d'armes d'or, lui a dit l'oracle de Delphes, et rien ne te résistera. » La prédiction se réalise : avec le métal du Pangée, Philippe subjugue la Grèce, et donne à Alexandre les moyens de ses premières conquêtes. L'Italie n'est pas beaucoup mieux pourvue que la Grèce: elle possède bien quelques gîtes d'or, en Lombardie, dans le Val d'Aoste, près d'Aquilée; ses rivières charrient des paillettes d'or (le PÔ, et son affiuent la Dora Riparia), mais toute sa production échelonnée sur l'âge étrusque et l'âge romain ne dépasse pas 200 tonnes. En revanche, Rome sait à merveille exploiter son domaine colonial, où les mines d'or ne manquent pas: si l'Égypte et la Nubie sont désormais décevantes (80 tonnes durant les cinq siècles de l'Empire romain), la récolte du Pangée est encore confortable, et trois colonies comblent les .vœux du Trésor romain : l'Ibérie, la Gaule et la Dacie. La production ibérique d'or est la plus importante : elle s'est ébauchée vers Almeria, avec des chercheurs venus peut-être d'Égypte à l'âge du cuivre (50 tonnes), s'est développée à l'âge du bronze (200 tonnes), plus encore à l'âge du fer (600 tonnes) pour atteindre 1 000 tonnes au temps de l'Empire romain : soit un total de 1 850 tonnes pour toute l'Antiquité.
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Au vrai, la future Espagne semble le paradis des métaux. On y trouve de l'argent, du fer, du zinc, du plomb, de l'étain. Phéniciens et Étrusques s'y sont déjà ravitaillés en minerais, par leurs comptoirs de Tarsis et de Gadès. Les Carthaginois puisent dans les mines ibériques pour soutenir leurs finances et étayer leur puissance. Evinçant Carthage (- 201), Rome stimule l'exploitation de l'or alluvionnaire, dans le Tage, le Douro, le Miiio, le Guadiero, et des gisements d'or, dont les principaux se situent dans la Sierra, Morena près de Cordoue, dans les Asturies jusqu'à la côte cantabrique, et dans le bassin du Guadalquivir. C'est d'eux que la République, puis l'Empire . tirent l'essentiel de leurs ressources. La Gaule est moins riche d'or que l'Ibérie, et quand les Romains s'en emparent (- 51), elle a déjà sérieu. sement sollicité ses cours d'eau. Il n'empêche que sa production de métal, durant l'âge antique, représenterait quelque 580 tonnes: Gallia Auri/era, disent les colonisateurs admiratifs, devant les gisements d'Armorique, des Pyrénées ou des Cévennes, et devant les paillettes que roulent encore le Rhône et le Gardon, le Rhin et la Moselle, l'Ariège et le Tarn. Du jour où César passe la Manche, l'or britannique s'ajoute à l'or gaulois: au pays de Galles, les conquérants font creuser des puits dans des pyrites aurifères, et ils en tirent un surcroît de métal (30 tonnes durant le temps de l'Empire). Les mines d'Irlande leur échappent. Mais tous ces gîtes ne sont pas inépuisables. C'est beaucoup pour en renouveler les apports déclinants que les Romains entreprennent, avec Trajan, la conquête de la Dacie, entre Danube et Carpathes (101). Pour cette entreprise, qui exige de gros moyens de trésorerie, l'empereur n'hésite pas à vendre aux enchères, sur le Forum, les ornements impériaux, les coupes d'or, les vêtements tissés d'or dont il dispose. Il ne sacrifie un peu d'orque pour en conquérir beaucoup.
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Les mines daces, auxquelles est affectée une maind'œuvre en provenance de toutes les parties dé l'Empire, deviennent propriété de l'État romain et renflouent le Trésor : quelques centaines de tonnes d'or supplémentaires permettent à Rome de maintenir encore sa prééminence sur le monde méditerranéen. Le « siècle d'or» de l'Empire, celui de Trajan, d'Hadrien, d'Antonin, de Marc Aurèle, est aussi le siècle de l'or. Avec Rome, les techniques minières ne progressent que médiocrement. La description que fait Pline l'Ancien du travail dans les mines ibériques ne diffère pas beaucoup du tableau des mines égyptiennes. On creuse toujours des puits verticaux et des galeries horizontales, qu'étaient des madrIers. Les foreurs s'éclairent avec les lampes qu'ils portent sur le front. A la lumière du jour, on bat le minerai, on le broie, on le lave, on le brûle. La poudre ainsi obtenue est pilée dans des mortiers, cuite au four. Pourtant, parce que les Romains sont nés organisateurs, ils donnent à l'entreprise des dimensions nouvelles; ils percent et bouleversent des montagnes pour en arracher les trésors: « Des exploits de géants », dit Pline. Et parce qu'ils sont nés bâtisseurs, ils constrùisent canaux et aqueducs pour apporter l'eau qui désagrège les alluvions; de même, pour éviter l'inondation des puits et des galeries et pour assurer l'évacuation de l'eau, ils utilisent la roue à aube et la vis d'Archimède, mues à main d'homme. Le droit minier de Rome évolue du libéralisme à l'étatisme. A l'origine, le lavage des sables est libre, et « l'inventeur» d'une mine, c'est-à-dire celui qui la découvre, peut l'exploiter. Mais Tibère subordonne les recherches à une concession, et décide un prélèyement du dixième au profit de l'État. Sur la fin dé l'Empire romain, les droits de la puissance publique s'affirment. Huit constitutions sur les métaux, tout en laissant l'exploitation au secteur privé, là où
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Histoire de ['or
l'État n'a pas nationalisé les mines, ordonnent que tout l'or lui soit vendu; et il ne le paie pas toujours à son juste prix. Cette montée de l'étatisme précipite à la fois le déclin de la production d'or et celui de Rome. Pour exploiter des gisements appauvris, les esclaves font défaut. Seule persiste la production de l'or alluvionnaire, avec des moyens qui restent primitifs. L'Ibérie et la Gaule cessent de compter parmi les grands fournisseurs d'or, l'extraction s'arrête dans les Carpathes avant l'an 250, dans les Alpes orientales avant l'an 400. Sur l'Arabie, le Caucase, qui leur ont naguère procuré du métal, les Romains ne peuvent plus compter. Ils n'ont pas seulement usé sol et sous-sol, ils ont vidé leur Trésor pour régler les déficits chroniques tIe leur balance commerciale. Rome qui fut riche finit dans l'indigence.
L'or raréfié des temps barbares Avec la chute de Rome, l'or achève de disparaître de l'Occident. Comment les mines pourraient-elles encore être exploitées? Leur main-d'œuvre est dispersée, les envahisseurs barbares ne sont plus capables de former les ingénieurs et les contremaîtres nécessaires à l'organisation du travail, ni d'entretenir les puits et les galeries, les routes d'accès et de dégagement. Si l'on continue à chercher ou à produire de l'or, c'est dans l'anarchie et au hasard: chacun pour soi. Résultat : durant le demi-millénaire qui s'écoule entre l'an 500 et l'an 1000, la production d'or .de l'Europe tombe à moins de 300 kilos par an, contre 1 tonne sous l'Empire romain. Encore, sur ce montant, les deux tiers proviennent de l'Europe balka~ nique et carpathique : la part de l'Occident est dérisoire. Non seulement la production diminue, mais les
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réserves accumulées disparaissent. Ou bien elles sont enfouies dans des cachettes, pour empêcher qu'elles ne tombent aux mains des nouveaux venus, et c'est ainsi qu'on pourra retrouver, bien des siècles plus tard, des trésors oubliés : par exemple ce petit bij ou, de cristal et d'or, que le roi Alfred d'Angleterre enterre dans une île du Somerset, pour le soustraire aux Danois, et qui ne sera exhumé qu'à la fin du XVIIe siècle. Ou bien ce qui reste d'or disponible en Occident sert à payer les fournitures de l'Orient, et particulièrement de Byzance. L'Orient et l'Extrême-Orient n'ont guère été perturbés par les grandes migrations: après le fulgurant passage des Huns, le monde asiatique reste semblable à lui-même. Les Scythes et leurs successeurs se ravitaillent en or dans le Caucase, l'Oural et l'Altaï. A portée de la Perse et de l'Inde, la Bactriane et la Sogdiane, que n'ont méconnues ni les Grecs ni les Romains, comptent parmi les plus gros producteurs d'or. En Inde même, où l'Indus et le Gange charrient des sables d'or, de riches gisements sont exploités avec méthode : non plus, comme le rapportait Hérodote, en tamisant les sables que ramènent à la surface du sol des fourmis géantes, mais selon les techniques éprouvées de tous les mineurs de ce temps. L'Asie jaune, tard venue à l'extraction de l'or, soutient un rythme régulier, un peu déclinant au Tibet et en Corée, mais en progrès en Chine et au Japon, où se multiplient les laveries d'or alluvionnaire. La production de l'Asie, en ce demi-millénaire, atteint trois fois celle de l'Europe. En Afrique, si l'Égypte disparaît du palmarès des gros producteurs, la Nubie et l'Éthiopie y figurent encore, et l'Afrique occidentale y accède. De la Guinée au Ghana, les mineurs sont à l'ouvrage, et les concupiscences se tourneront de ce côté. Les Arabes, qui ont déferlé du Nil jusqu'au rivage de l'Atlantique, et que leurs butins d'or ont mis en appétit, aimeraient
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s'adjuger des régions aurilères ayant fait rouvrir les gisements nubiens et éthiopiens (850), y ayant installé, sans grand succès, 100 000 mineurs, que ravitaillent des caravanes de 60 000 chameaux, ils rêvent à cet or de l'Afrique noire que n'ont pas ignoré les Carthaginois, et dont l'extraction se développe aux sources du Niger, au bord du Sénégal et de la Volta. Le renom du royaume de Ghana est venu jusqu'à eux. Ils savent que ses princes berbères, de race blanche, ont été chassés par un Noir nommé Kaya Maghan Cissé, ce qui signifie « le roi de l'or .; ils savent aussi que ses chevaux, harnachés d'or, sont attelés à des blocs d'or massif, que ses chiens font tintinnabuler des clochettes d'or. Deux cités centra~ lisent le commerce du métal: Djenné, qui rassemble la production de la Volta; Tombouctou, « la ville de l'or ", point de contact entre les pistes du désert et le Niger navigable. Les caravanes des chameliers arabes partent de Marrakech ou de Ghadamès, fran~ chis sent le Sahara jalonné de puits et reviennent chargées de paquets de poussière d'or alluvionnaire. Sans se contenter de ces rapports commerciaux, l'Islam rompra l'unité de l'empire du Ghana (1076), le dissoudra en royaumes indépendants, contaminera, sur le haut Niger, la petite principauté du Mali qui, à son tour, engendrera, de la Gambie à Gao, un Empire musulman. Cet or africain, jusqu'à nouvel ordre, n'est pas pour l'Occident. Au sein de l'Europe germanisée, le métal est maintenant si rare qu'il est soigneusement réservé aux rois et à l'Église. Les rois transposant à leur usage le droit minier hérité du Bas-Empire romain, s'octroient le monopole de la production du métal; tout ce que recèle la terre, au-dessous du sillon d'une charrue, leur appartient; toute activité minière est interdite, sans leur autorisation. Au surplus, ils entassent ce qu'ils peuvent d'or brut ou d'or ouvré, pour se constituer un trésor de paix ou de guerre,
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PRODUCTION D'OR DES TEMPS BARBARES ET DU MOYEN-AGE (Tableau des périodes précédentes, page 58.) En tonnes te • • • . . • • em Nubie . • • • • •
500-1000
1000-1492
Total
12 75 100 55
10 49
22 124
80 10 13
80 25
186
135 44
266
5
24 5
364
474
838
Espagne-Portugal. • • • France • . • • • • . • Grande-Bretagne. • • Italie. . • . • • • • • Alpes orientales, Bohême. Silésie, Saxe, Thuringe, Allemagne du Sud. Carpathes sept.. . Carpathes mérid•. Balkans . • • . . .
13 14
15
28 19 5
:ethiopie-SomaJie. • • Guinée • . • . Sierra Leone. • COte-de-l'Or. . Maroc. . •. Afr. australe. Madagascar • AFRIQUE • • • • • • •
19
5
98
10 11
198
20
5 5
51
15
8
7 8
13 70
77 103 108 59
111 121 129
EUROPE • • • • • • • •
148
423
571
Arabie . • . • • • • • Afghanistan-Turkestan • Indes . . . • . . . . Tibet. . . Chine. •. . .. Japon. • . •. Corée. . •.••• Philippines. •• .•• Indochine. Iles de la Sonde. .
30 112 75 25 75 32 12 10 31 20
26 109 70
221
ASIE
422
10
24
105 61 i 5
10 51
20
481
84
56
145 49
180 93 17 20 82 40
903 160
AMÉRIQUE • • TERRE ••
59
934
1378
2472
(Tableau des périodes suivantes, page 176.) (D'aprèl H~ch Quirlng : Guchiclit, 4.. GO'da.)
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capable d'affermir à leurs propres yeux ou aux yeux de leurs sujets leur prestige et leur autorité. L'~glise, devenue puissance économique autant que puissance spirituelle, accumule l'or dans ses sanctuaires et ses cloîtres, autant pour honorer Dieu et les saints que pour investir ses revenus. L'or, la monarchie et l'Église se confondent si bien qu'on voit un maître orfèvre, comme le Limousin Éloi, devenir trésorier du roi Dagobert, recevoir l'évêché de Noyon (641), bâtir des monastères, finir ministre et saint. La légende assure qu'avec l'or qui lui a été fourni pour exécuter le trône royal, il a réussi à en faire deux, à l'émerveillement de la cour: c'est la preuve qu'Éloi, en orfèvre consommé, sait qu'un alliage d'or, tout en économisant le métal, est plus résistant que l'or pur; c'est plus encore la preuve qu'il faut en ce temps-là ne pas prodiguer un métal raréfié, et qu'on apprécie, au point de leur confier la gestion des finances, les bons ouvriers de l'or.
Réveil à l'Occident Après la nuit barbare, l'aube se lève sur l'Occident. C'est le temps des cathédrales et des croisades, celui de l'art roman, de l'art ogival et du Quattrocento, celui d'un monde qui ressuscite. Les statistiques accusent, pour la même période, les progrès de la production d'or en Europe. Comment ne pas retenir cette nouvelle coïncidence? Le déclin qui a suivi les grandes invasions a été marqué par la chute de l'extraction du métal. La reprise ultérieure est à la fois celle de l'économie et de l'or. Où est la cause, où est l'effet? Est-ce le réveil de l'Occident qui stimule l'industrie minière, ou l'essor de la production minière qui réveille l'Occident? En fait, les deux phénomènes sont liés. Et, sans en conclure que l'or et la civilisation ne font qu'un, il faut bien admettre, au moins provisoirement, qu'ils vont de pair.
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De l'an 1000 à l'an 1500, la production du métal jaune ne progresse que modérément en Afrique et en Asie : elle atteint une tonne par an pour chacun des deux continents. Mais elle triple en Europe, par rapport au demi-millénaire précédent, et rejoint presque la production africaine ou' la production asiatique. Encore, dans cette production européenne, faut-il distinguer selon les pays et selon les siècles. Ni la péninsule ibérique, ni la France, ni l'Italie, ni la Grande-Bretagne n'ont plus de prétentions sur ce terrain : visiblement, leurs roches ont été léchées de tout l'or qu'elles pouvaient receler; leurs mines achèvent d'agoniser. En revanche, l'Europe centrale que les Romains n'ont pu mettre à contribution, et l'Europe orientale, qu'ils n'ont guère eu le temps de prospecter et d'exploiter, entrent dans la danse. La Bohême, la Thuringe, la Saxe, la Silésie, plus encore les Carpathes livrent leurs richesses. Mais il est très remarquable que le temps de leur meilleur rendement se situe aux XIIe et XIIIe siècles, qui sont précisément les grands siècles du réveil européen, avant la retombée dans la peste, les jacqueries et les guerres. L'or, décidément, est le compagnon de la prospérité. Il est vrai que l'Europe occidentale n'est pas restée passive. Faute de produire elle-même de l'or, elle s'est senti pousser des ailes pour aller en chercher: d'abord au Levant, où la colonisation des lieux saints, tournant à l'expédition commerciale, lui permet de renouer avec l'opulente Asie; l'Europe s'enrichit, non pas simplement du butin des croisés, mais grâce au trafic né des croisades. Trois galères vénitiennes qui s'en vont chaque année porter à Tunis les textiles d'Occident, reviennent chargées de l'or du Soudan. Les villes italiennes, derrière Gênes et Venise, la France de saint Louis, l'Angleterre des Plantagenêts, la Flandre des tisserands et des 'marchands, l' All~
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Histoire de rot
magne des Hanséatea reconstituent leurs ressourcei en or. Après l'éclipse douloureuse de l'interminable bagarre franco-anglaise, après la chute de Byzance qui ferme le chemin des Indes et détourne les courants de la Méditerranée vers l'Atlantique, l'Occident tente une nouvelle fois sa chance en des expéditions lointaines. Les Portugais, sur la façade océane, sont bien placés pour frayer le chemin. Déjà, des Dieppois leur ont donné l'exemple en doublant le cap Vert et en fondant deux comptoirs éphémères sur le golfe de Guinée; l'un d'eux porte un nom significatif: La Mine. Après une vaine tentative des Génois, le& Portugais, entreprenant le tour de l'Afrique, retrouvent les marchés maures de l'or en poudre : ils enlèvent d'abord Ceuta, qui.est une place importante pour le commerce du métal (1415), descendent au long des cOtes marocaines, découvrent l'estuaire d'un fleuve qu'ils prennent pour le Sénégal et qu'ils appellent par erreur Rio de Ouro - Rio de Oro - (1436), doublent le cap Vert et remontent la Gambie jusqu'à Cantor. Cette fois, le contact est bon: les indigènes ont de l'or. Les hommes recueillent le sable aurifère, les femmes le lavent, les Portugais l'achètent. Plus au sud, ils atteignent la Sierra Leone (1460), elle aussi riche en métal, puis, sur le golfe du Ghana, ils parviennent à proximité de ces gîtes que les Arabes avaient joints par Tombouctou: ce sera la COte-de-I'Or. Les Portugais y édifient leur quartier général de l'or, à l'endroit même où les Dieppois ont fondé leur comptoir de la Mine, et ils y édifient un château qu'ils dénomment Saint-Georges-de-la-Mine: SAo Jorge da Mina (1482). En réalité, ils n'exploitent pas de gisement minier, et se bornent à trafiquer, en offrant des étoffes de couleur, des vêtements, des chaudrons, du vin, contre l'or de la Haute-Volta, colporté jusqu'à la cOte à dos d'homme.
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A la fin du xve siècle, cet or africain représente, pour le Portugal, un arrivage annuel de quelque 700 kilos, dont une bonne moitié a transité par Saint-Georges. C'est mieux que rien. C'est assez pour mettre en appétit l'Europe, qui commence l'exploitation de la planète à son profit. En 1488, Diaz double le cap des Tempêtes. Quatre ans plus tard, Christophe Colomb atteindra le Nouveau Monde. Entre les terreurs de l'an 1000 et la découverte de l'Amérique, l'Ancien Monde a produit quelque 1 380 tonnes d'or, soit près de 50 % de plus que durantles cinq siècles précédents-les siècles barbares. Mais la population du globe a pour le moins doublé, l'économie s'est développée encore davantage, les besoins ont grandi, la fringale d'or est plus vive que jamais. C'est pour l'apaiser que les Européens se lancent sur les routes nouvelles. Qu'ils soient mus aussi par l'appel de l'aventure, par l'appel des épices, par le désir de porter le Christ aux peuples païens, ce n'est pas douteux. n ne s'agit là ni de mauvaises raisons ni d'alibis. Mais plus encore que pour la conquête, le commerce ou l'évangélisation, les hommes se mobilisent pour l'or.
Dons et rapts L'histoire de l'or n'est pas seulement celle de la production du métal. Elle est aussi celle de sa distribution. Où va l'or extrait des mines? Comment passe-t-il du producteur au consommateur? Les échanges d'or se font. selon trois procédés: le don, le rapt, le commerce. Les peuples primitifs n'ont connu que les deux premiers de ces moyens. A mesure que s'est organisée la vie des nations, le troisième n'a cessé de se développer. Donner de l'or? Cette générosité peut parattre singulière. Elle n'en est pas moins mise en pratique,
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parfois avec prodigalité, chaque fois que le donateur pense y trouver son intérêt : soit pour se concilier les dieux ou leurs prêtres, soit pour s'attacher des Concours et des alliances. En fait, le don est déjà un échange : il a pour contrepartie un a.ppui, d'ordre surnaturel ou d'ordre politique. Ouvrons la Bible : on peut se demander les raisons des largesses de la reine de Saba envers Salomon. Elles semblent ne rémunérer rien d'autre que les sages conseils du roi. « La renommée de Salomon étant parvenue jusqu'à elle, la reine de Saba vint l'éprouver par des énigmes. Elle apporta à Jérusalem de très grandes richesses, des chameaux chargés d'aromates, d'or en énorme quantité et de pierres précieuses... Elle donna au roi cent vingt talents d'or. » A 34 kilos le talent sémitique, ce don représente 4 tonnes de métal. Consultons Hérodote : il rapporte les fabuleuses offrandes de Gygès et de Crésus à l'oracle de Delphes. Gygès fait présent d' « une très grande quantité d'or, et particulièrement de six bols d'or pesant trente talents». A 26 kilos le talent attique, ces 6 bols pèsent 800 kilos. Crésus fait mieux encore : il offre des coupes d'or, des lits recouverts d'or, et 117 lingots mesurant 6 palmes de longueur, 3 de largeur et 1 d'épaisseur. « Quatre d'entre eux étaient d'or pur, pesant chacun deux talents et demi. Tous les autres étaient composés d'un alliage d'or et d'argent et pesaient chacun deux talents. TI avait également fait faire un lion d'or pur pesant dix talents, et deux mortiers de grande dimension dont l'un, en or, pesait plus de huit talents et demi. TI envoya encore une statue d'or représentant une femme, haute de trois coudées... » Au bas mot, selon le compte qu'en fera Sutherland, la munificence de Crésus doit se chiffrer par plus de 3 500 kilos d'or, selon Quiring, par 9300 kilos. Comme l'oracle de Delphes, bien d'autres sane-
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tuaires bénéficient pareillement de donations plus ou moins ostentatoires, souvent par-dessus les frontières; et les églises chrétiennes, à cet égard, ne seront pas moins comblées que les temples palens. Sur le plan politique, l'or achète des fidélités. Par exemple, l'Égypte en use pour s'assurer des complicités de l'autre côté de la mer Rouge. La Perse en répand à profusion parmi les cités grecques pour les diviser. Rome s'en sert pour se concilier les peuples barbares qui s'agitent aux lisières de l'Empire: ainsi agit-elle envers les Daces, avant de les asservir par les armes, et envers nombre de peuples turbulents qu'elle cherche à apaiser; ses libéralités consistent tantôt en lingots marqués du sceau impérial, tantôt en médailles à l'effigie de l'empereur. On retrouvera de tels « cadeaux» de métal jaune au-delà du Danube et du Rhin, et jusqu'en Pologne. Ces dons sont-ils toujours volontaires? Il en est qui sont imposés par les exigences des donataires, et qui ressemblent alors beaucoup à des tributs. L'or, en fait, change fréquemment de mains sous la contrainte et dans la violence: rapines et pillages, rançons et butins, en marquant le terme des batailles et en consacrant les victoires, permettent des transferts d'or du vaincu au vainqueur. Pour riches que soient les Égyptiens, ils ne laissent jamais passer une occasion de gonfler leurs réserves. En Syrie, puis sur l'Euphrate, ils raflent de grosses quantités d'or. A Jérusalem, le pharaon se fait « livrer les trésors du temple de Yahvé et ceux du palais royal, absolument tout, jusqu'à tous les boucliers d'or qu'avait faits Salomon ». Après avoir écrasé les Madianites, Gédéon dit aux gens d'Israël : « Que chacun de vous me donne un anneau d'or prélevé sur son butin. lO Il étend son manteau, et chacun y jette l'anneau demandé. « Le poids des anneaux d'or, assure le livre des Juges, s'éleva à mille sept cents sicles d'or. 1) - soit, sur la
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base de II,4 grammes par sicle, près de 20 kilos; ee n'est qu'un butin à l'échelle d'une bagarre de tribus. Le profit est encore modeste quand le roi d'Assyrie, pressurant Menahem, roi d'Israël, n'ose exiger que ,10 talents d'or (340 kilos). Il atteint assurément . d'autres sommets quand les Assyriens s'en vont piller l'~gypte.
Les Perses, tour à tour, sont dévalisés ou dévalisent. Les guerriers de leur arrière-garde, vaincus à Platées, sont dépouillés de toutes leurs parures d'or. Vainqueurs à Ninive, puis à Babylone, les Perses s'y approprient des dizaines de tonnes de métal jaune. Sur les vingt satrapies de leur Empire, qui va de l'Indus au Danube, les souverains perses prélèvent d'énormes tributs. Mais, vaincus par Alexandre, ils doivent lui abandonner tous les trésors qu'ils ont amassés et stérilisés à Persépolis, Suse et Ecbatane : 120000 talents d'or et d'argent dans la première ville, 40000 dans la deuxième, 180000 dans la troisième. Jamais pareille fortune n'est tombée dans une main d'homme. Jamais pareille inflation de métal n'a déferlé sur le monde méditerranéen. Avec les Romains, les mœurs militaires ne changent pas: toute victoire doit se traduire par un enrichissement. Ils l'ont appris à leurs dépens, quand ont surgi les Gaulois. Brennus, jetant son épée dans la balance, exige 1000 livres d'or (327 kilos), et les femmes romaines doivent se défaire de leurs bij oux. Le Trésor romain est pratiquement vide d'or avant le combat contre Carthage. Il ne dépasse pas 2 tonnes, selon Tite-Live, au début de la deuxième guerre punique. Grossi par les butins de Syracuse, de Capoue, de Tarente, il s'élève bientôt à 5 tonnes. En Grèce, Rome saisit lingots, pièces, couronnes et boucliers d'or: 2 tonnes supplémentaires. En Espagne, les tributs d'or rapportent encore quelque 5 tonnes. D'Arménie, Lucullus ramène 56 mulets chargés de barres et de bijoux d'or. En ~gypte, Auguste trouve
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plus d'or qu'il n'en a été trouvé nulle part ailleurs: de quoi étayer son Empire. En Dacie, avant même de s'adjuger les mines, Trajan s'empare des réserves accumulées par les princes indigènes (et les chiffres avancés par certains historiens sont si démesurés ou si absurdes qu'on n'ose les retenir). A l'occasion, et pour compléter ses sources d'approvisionnement, le Trésor romain ajoute l'impôt au butin: impôt assis sur l'ort comme celui qui frappe tous les avoirs privés de métal (- 210); impôt prélevé en or, comme celui que tend à généraliser le Bas-Empire. Du jour où Rome, cessant d'être conquérante, passe à la défensive, il lui faut bien remplacer les rapts extérieurs par des contributions intérieures. Mais l'or ainsi récupéré est destiné à la solde des légions, qui sont le plus souvent composées de mercenaires étrangers. L'or ne vient plus: il s'en va. Aux temps barbares, les moyens qu'adoptent les rois et les chefs de guerre pour se procurer de l'or sont expéditifs : on pille, non pas les vivants, qui n'ont pas d'or ou qui l'ont caché, mais les morts. Théodoric ordonne de violer les tombes, au profit de ses coffres. Les Arabes, maîtres de l'Égypte, entreprennent de piller méthodiquement sépulcres et pyramides : ils y réussissent au-delà de leurs espérances. Byzance préfère la formule plus policée du tribut et de l'imposition : elle frappe ses ressortissants de taxes en or, quitte à verser elle-même un subside annuel à la Perse. A quoi bon poursuivre la litanie? n n'est pas de siècle qui n'ait son lot d'extorsions, que des traités en bonne et due forme camouflent en rançons ou en indemnités de guerre. On verra, durant les croisades, saint Louis racheter sa liberté moyennant 1 million de besants d'or (plus de 4 tonnes). On verra, durant la guerre de Cent Ans, le roi Jean II emmené en captivité à la Tour de Londres, et libéré contre remise de 3 millions d'écus d'or (12 tonnes).
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Le commerce de ['or
Normalement, dans la mesure où les moyens pacifiques comptent autant ou plus que les moyens guerriers, l'or fait l'objet d'un trafic commercial; comme toute marchandise, il est acheté et vendu, en contrepartie d'autres marchandises, qui peuvent être d'autres métaux, mais aussi n'importe quel « article» : des esclaves, des troupeaux, des étoffes, des aliments, des perles, de la pacotille ... Les peuples vendeurs sont ceux qui détiennent beaucoup d'or, ou bien ceux que presse l'impérieux besoin d'un autre produit. Tel est le cas des Égyptiens, riches en or, mais qui doivent se procurer du bois et de l'étain. Les peuples acheteurs sont ceux qui ont à la fois le désir et la possibilité d'accroître leurs réserves de métal : ils ont souvent le désir sans la possibilité; il est rare qu'ils aient la possibilité sans le désir. Très vite, la puissance des nations se mesure en termes de richesse, et la richesse en termes d'or. Quand les gisements d'Égypte et de Nubie commencent à se faire moins productifs, les pharaons cherchent à se procurer de l'or sous d'autres cieux: ils organisent des expéditions vers un pays plus ou moins mystérieux que les hiéroglyphes désignent par trois consonnes P W N -le Pount. Où se trouve-t-il ? On a tout lieu de penser que ce nom s'applique à plusieurs pays successifs, et que le Pount se déplace vers l'Orient et le Sud, à mesure que passent les siècles et que les marins se font plus hardis. Le Pount se situe d'abord sur les rivages de la mer Rouge. Selon les « bandes dessinées » du temple d'Hatchepsout, ses habitants ressemblent encore à des Égyptiens, avec la peau rouge brique, la barbe pointue et les cheveux nattés; ils habitent des huttes
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sur pilotis, parmi les palmiers et les palétuviers (-1500). Par la suite, un autre Pount présente un autre visage : les indigènes ont tête ronde, nez épaté, cheveux frisés (-1320). Ce nouveau Pount peut se situer sur la côte des Somalis, au sud du cap Gardafui, là où les géographes situeront la ville d'Oponoe : Oponoe, Pount, ce serait le même nom. Ou bien le Pount, si l'on en croit certains auteurs, glisserait beaucoup plus au sud sur l'océan Indien, vers le Zambèze et le Limpopo : ce serait déjà l'Afrique australe qui entrerait dans l'histoire de l'or. Les marins qui risquent l'aventure en rapportent, en même temps que du métal, de l'ivoire et des peaux de lion: c'est donc le pays des éléphants et des fauves. En direction du Pount, les pharaons et les prêtres lancent des croisières périlleuses et répétées. Un seul capitaine y fait onze voyages. Ramsès II arme une puissante flotte (- 1180) pour y transporter marchands, minéralogistes et chercheurs : en tout, 10000 hommes. Leur objectil essentiel est l'or, qu'ils obtiennent en échange de la pacotille égyptienne. Aussi énigmatique que le Pount, l'Ophir de la Bible se confond peut-être avec lui. Vers Ophir, le roi de Jérusalem, Salomon, et le roi de Tyr, Hiram, envoient matelots et serviteurs, qui rapportent 420 talents d'or (14 tonnes), puis 666 (23 tonnes). L'expédition, qui dure trois ans et qui est renouvelée tous les trois ans, revient « chargée d'or, d'argent, d'ivoire, de singes et de guenons» : c'est donc encore un pays tropical. Lequel? On l'a souvent situé en Arabie, ou sur la côte des Somalis, voire sur le golfe Persique. On l'a parfois identifié avec le Bengale. Comme le Pount, certains historiens sont tentés de le reporter au sud du Zambèze, à hauteur de l'actuelle Rhodésie, en un empire noir dont la capitale sera Zimbabwe, et dont le souverain portera le nom de Mwene Montapa, le u Seigneur des Mines» - celui que les Por-
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tugais appelleront Monomotapa. En toute hypothèse, Ophir fera rêver. Colomb et les conquistadors se mettront en quête d'Ophir, comme s'il s'agissait du paradis perdu. En dehors de l'Égypte, acquéreur comblé et occasionnel, et des Hébreux, clients de modeste importance, les grands amateurs d'or ne manquent pas, notamment parmi les pays que la nature a médiocrement pourvus en métal jaune : les riverains de l'Euphrate ont d'li se ravitailler en Arabie, en Asie Mineure, au Caucase, en Iran. Ils ont tout naturellement sollicité l'Égypte, et l'on retrouvera des lettres adressées au pharaon, dans lesquelles un roi de Babylone se plaint d'avoir reçu du minerai à trop faible teneur (-1360). Les Crétois, dont les marins se répandent aux quatre coins de l'horizon, se procurent de l'or en Egypte, en Ibérie, en Arménie, et jusqu'en Bactriane, contre des vases, des armes, des étoffes, des amphores d'huile ou de vin. Leurs successeurs, les Phéniciens, hardis navigateurs, vont peut-être aussi en chercher jusqu'à la mystérieuse Ophir. Derrière eux, les Carthaginois s'approvisionnent en or, soit en Espagne, soit (comme on l'a vu) en Afrique occidentale. Dans l'île de Cerné, entre le cap Juby et le cap Bajador, ils offrent en échange du métal les produits de leur industrie : céramiques, tapis, parfums, colifichets. Par l'entremise des caravaniers garamantes, prédécesseurs des Touareg au cœur du continent noir, ils acquièrent de l'or et des esclaves, qu'ils paient en sel, en cuivre ou en verroterie.' Mycéniens et Troyens, qui n'ont pas d'or, en achètent chez les Thraces ou les Lydiens, en Colchide ou au Caucase. Les Grecs en font venir de l'Oural, de l'Altaï, du Pendjab: Sparte en demande au' roi Crésus, pour dorer une statue. Le comportement des Romains illustre le cas d'u.n peuple d'abord privé d'or, et qui en trouve où il
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peut, qui en est ensuite comblé, par l'ampleur de ses butins et la richesse de ses gisements coloniaux, et qui finit par perdre tout son avoir pour régler ses déficits commerciaux. A la différence des peuples thésauriseurs qui, comme les Crétois ou les Carthaginois, vendent des marchandises pour acquérir de l'or, les Romains se mettent à céder de l'or pour acquérir les marchandises dont ils ont envie : les fourrures et l'ambre des pays du Nord, les épices, les soies, les porcelaines des pays d'Orient. Il en cotlte à Rome plus de 2 tonnes d'or par an, selon Pline qui note avec amertume: «Notre or s'en va loin de nous. » Rome se ruine pour nourrir son luxe. A ce jeu, c'est la Chine, c'est surtout l'Inde qui s'enrichissent en métal. L'Inde exporte d'ailleurs des marchandises aussi bien vers l'Égypte ou la Perse, pourvu qu'elle encaisse de l'or, dont elle gonfle ses trésors publics et privés, sans jamais assouvir son insatiable appétit j elle devient ce qu'elle ne cessera plus d'être: le « tombeau des métaux précieux », un « abtme d'or et d'argent ». A la différence de Rome, qui livre son or, Constantinople en accumule : dans une Europe que les invasions ont rendue incapable de travailler et de produire utilement, l'Empire byza~tin fait figure de puissance industrielle et commerciale : il tisse au métier le lin, le coton, bientôt la soie, il fond l'acier, il fabrique d'innombrables objets de luxe, il est un grand centre de transit international. En contrepartie de ses exportations et des services rendus, il reçoit de l'or. L'empereur Anastase laisse une réserve personnelle de 145 tonnes, l'impératrice Théodora en détient 40, Basile II, le vainqueur des Bulgares, 90. Églises et particuliers ont leurs propres trésors. Cette opulence ne prend fin que du jour où la montée des périls extérieurs et des dissensions internes, jointe aux excès d'une - consommation effrénée, entraîne le déclin de Byzance. Cette fois encore,
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l'or s'enfuit en même temps que l'Empire déchoit. Résumons l'histoire de l'or - de sa production et de son négoce - jusqu'à la découverte de l'Amérique. Deùx grandes contrées dominent la production : l'Égypte-Nubie d'abord, l'Ibérie-Gaule ensuite, après quoi la production se disperse. Trois grands pays dominent le négoce de l'or: Rome et Byzance, tour à tour importatrices et exportatrices de métal, l'Inde, dévoratrice en permanence. L'or et l'argent
Mais l'or n'est pas seul au monde. Il entre en concurrence avec quelques autres métaux, et tout particulièrement avec l'argent. Métal jaune contre métal blanc. Quels que soient les mérites de l'argent, ils ne sont pas égaux à ceux de l'or. L'éclat n'est pas le même: les Anciens et les alchimistes ont souvent assimilé l'argent à la lune, comme l'or au soleil. L'argent est moins malléable, moins ductile et moins stable que l'or, il s'oxyde, se ternit et se corrode, tandis que l'or reste inaltérable. Enfin et surtout, en règle générale, l'argent est moins rare que l'or, donc moins convoité. Entre les deux métaux, la hiérarchie n'est pas douteuse. Mais certains pays font la part belle à l'argent, dans la mesure précisément où l'or leur paraît inaccessible. Pour les peuples de l'Euphrate, pour la Grèce classique, pour la Rome républicaine, pour l'Europe barbare, pour la Chine de façon durable, l'argent est le métal de référence, sinon de préférence. Où trouve-t-on de l'argent? En Inde et sur les bords du golfe Persique, en Mésopotamie, en Asie Mineure, à Chypre, quelque peu en Grèce, dans les Balkans, largement en Ibérie (qui est décidément pour les métaux un pays de Cocagne), près de Car-
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thage, de-ci de-là en Gaule. L'Europe germanisée voit sombrer sa production et ses ressources d'argent, comme sa production et ses ressources d'or, et pour les mêmes raisons. L'argent, comme l'or, émigre alors vers Byzance et vers l'Inde, dans les mêmes conditions. Après quoi, quand l'Occident se réveille, l'exploitation des gisements argentifères reprend, surtout en Europe centrale (Hongrie, Bohême.•.). Mais, comme le métal jaune, le métal blanc ne suffit pas aux besoins de l'économie convalescente. TI est grand temps de découvrir le Nouveau Monde. Selon les circonstances et selon les lieux, le rapport de valeur entre l'or et l'argent varie dans de fortes proportions. Là où l'or est présent, et l'argent . absent, c'est le prix de l'argent qui l'emporte: ainsi a-t-on vu, dans les premiers millénaires égyptiens, l'argent valoir plus que l'or, à poids égal. Mais, en ce temps-là, qui précède l'avènement de la Ire dynastie, le fer vaut aussi plus que l'or. A partir du moment où se nouent des relations d'échanges entre l'Égypte et l'Asie antérieure, l'argent se fait moins rare, et son prix baisse. Vers l'année - 3700, le cours de l'or dépasse celui de l'argent, le rapport de l'un à l'autre progresse à 2,5 sous le règne du pharaon Ménès (- 3150), pour redescendre ensuite à 2 durant le Moyen Empire (- 2000), à 1,70 sous la XXe dynastie (- 1100), du fait de l'abondance du métal jaune. Mais il progresse à 7 et 7,5 sous le Nouvel Empire. Les rives de l'Euphrate ne sont pas les rives du Nil : comme on y trouve de l'argent à foison, mais non pas de l'or, l'or vaut beaucoup plus que l'argent: de 7 à 15 fois à l'âge d'Ur (- 2100). TI n'est pas impossible, comme le rapportent certains auteurs, que les prêtres de Babylone, observant la course des étoiles pour prédire l'avenir, et pénétrés, eux aussi, des affinités de l'or avec le soleil, de l'argent avec la lune, aient dégagé le rapport de l'année solaire au mois lunaire, et 'conclu que l'or doit valoir 13,5 fois
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l'argent. Ce beau calcul n'a pas empêché le rapport des deux métaux de glisser à 6 au temps d'Hamourabi (- 1750). Tandis que l'or est réservé aux rois et aux grands, l'argent circule dans l'Asie antérieure en quantité suffisante pour être abandonné à un usage plus courant. Il en est de même au pays d'Israël: «Salomon, dit le livre des Rois en forçant un peu la note, fit que l'argent était à Jérusalem aussi commun que les cailloux.» . C'est peut-être pour les raisons astrales invoquées par les prêtres de Babylone que Crésus fixe le rapport officiel de l'or à l'argent à 13,33. Le fait est que, de la Perse à la Grèce, les marchés l'ont à peu près ratifié : les invasions achéennes, en ruinant les civilisations de la Crète et de Mycènes, raréfient l'or et font monter ses cours. Au VIle siècle avant notre ère, les Lydiens situent l'or à 13,3 fois l'argent. Au va siècle, les Athéniens rachètent sur le pied de 14 contre 1. A la même époque, Agrigente situe ce rapport à 13. C'est seulement quand Philippe le Macédonien s'empare des gisements du Pangée que r or glisse à 12,5 fois l'argent, pour se consolider à 10, quand Alexandre déverse ses butins métalliques sur l'Occident. Pour Rome, le métal de base n'est d'abord que le bronze (aes), qui permet d'estimer toutes choses (aestimare). L'argent n'accède aux premiers rôles qu'au contact des colonies grecques de l'Italie méridionale et après la guerre contre Pyrrhus, qui introduit largement le métal blanc dans la République romaine. Il faut attendre les victoires sur Carthage et l'aftlux de l'or ibérique et gaulois pour y répandre l'usage de l'or et faire fléchir au-dessous de 9 le rapport or-argent. Sous l'Empire, au contraire, l'évasion de l'or vers l'Inde et la Chine raréfie le métal jaune et relève ce rapport à 12,5 (avec Dioclétien), et à près de 14, quand Byzance prend le relais de Rome. Dans l'Europe des Barbares, peut-on encore par-
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1er de la valeur relative de l'or et de l'argent, puisque l'or a pratiquement disparu? A sa réapparition, le rapport des deux métaux évolue entre 10 et 15. Acci. dentellement, au xve siècle, on le voit fléchir à Florence à près de 9. C'est à ce même niveau qu'il se maintient traditionnellement au Moyen-Orient et en Extrême-Orient. De ce survol ingrat de l'histoire comparée du métal jaune et du métal blanc, que faut-il retenir? Ceci pour le moins. Chaque civilisation se rallie au métal dont elle dispose: l'Égypte à l'or, la Mésopotamie à l'argent. La Perse à l'or, la Grèce à l'argent. Carthage à l'or, la République romaine à l'argent. Byzance à l'or, l'Occident appauvri à l'argent. Lorsque des conflits opposent deux civilisations et deux métaux, c'est souvent l'argent qui l'emporte: ainsi de la Grèce sur la Perse, ainsi de Rome sur Carthage. Mais ces victoires apparaissent en fin de compte comme les victoires des peuples démunis sur les peuples nantis: le désir de l'or pèse parfois plus, dans la balance des forces, que sa possession. Les orfèvres au travail
De cet or, dont nous présumons que le monde a produit près de 13 000 tonnes avant la découverte de l'Amérique, que fait-on? Pour l'essentiel, jusqu'à ce même événement, l'or est objet de parure. L'homme éprouve très tôt le besoin de se parer, ou de parer sa demeure. A l'origine, le fait-il dans des intentions religieuses ou dans des intentions artistiques? Le sacré et le beau se superposent, le fétiche et la parure se confondent. Sur les parois des cavernes, les images d'animaux relèvent de l'envotltement autant que de l'ornement. Au cœur des sanctuaires, les statues des dieux appartiennent au culte et à l'art.
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Le port des bijoux relève souvent aussi de la superstition, voire d'une sorte de totémisme: il protège contre les influences maléfiques, contre les maladies. Si les Égyptiens se parent volontiers de scarabées d'or, si les Crétois retiennent la tête de taureau parmi leurs motifs de prédilection, si les Étrusques font grand cas du lion, qui dira dans ces choix la part de l'ornement et celle de l'amulette? Pour les Hellènes, les pendentifs de glands ont une signification mystique; dans le monde grec sur le déclin, le nœud d'Héraclide, qui entrelace des cordelettes d'or, passe pour accélérer la cicatrisation des plaies. En Inde, c'est par devoir religieux que l'époux couvre l'épouse de bijoux. A la longue, sans se dissocier toujours de ses fins magiques, le souci d'embellissement s'affirme. Tout naturellement, l'or est destiné aux plus nobles parures. Autant que la consolation des morts, il est la récompense des vivants. Il est le signe extérieur de la puissance, de la richesse, du rang social. Sa mise en œuvre est confiée à des artistes qualifiés : les batteurs, les tireurs, les fileurs, les doreurs, les sculpteurs, les orfèvres. L'orfèvre, ou faiseur d'or, se confond d'abord avec le métallurgisté : il est tout à la fois forgeron, sculpteur et quelque peu sorcier. En Guinée, il travaille sous la protection des génies, avec l'assistance et les louanges du griot. Partout, il jouit d'un statut particulier, où se mêlent les honneurs et les contrôles. Au Moyen Age, que ce soit à Paris sur le Grand Pont ou à Florence sur le Ponte Vecchio, il appartient à une corporation soumise à de stricts règlements. On a vu des orfèvres ministres, ils seront banquiers. Plus tard, ils se spécialiseront: le bijoutier exécutera des bij oux dont le fond est de métal, et où la pierre précieuse n'est que l'accessoire; le joaillier fera les joyaux, dont la pierre est le motif essentiel, et où le métal ne sert que de support. D'autres spécialistes,
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le graveur, le ciseleur, le sertisseur, se partageront des tâches définies. Ds ne sont tous que les héritiers de l'orfèvre. Le métal mis en vente est tantôt de l'or massif - de préférence dans les pays les mieux pourvus -, tantôt de l'or en feuille ou en fil. Les techniques changent, sans touj ours se parfaire. L'or peut être martelé, à froid ou à chaud, ce qui le durcit. n peut être fondu, ce qui permet de lui donner toutes les formes imaginables. A Sumer, les gens de l'Euphrate imaginent dès - 2800 le procédé de la cire perdue : on enrobe d'argile un modèle de cire, on le chauffe après séchage de l'enveloppe, de sorte que la cire s'écoule par les orifices préalablement aménagés; le moule ainsi obtenu est prêt à accueillir l'or en fusion. Les Égyptiens adoptent ce système en - 2000. A la même époque, ils savent déjà réduire l'or en feuilles épaisses d'un micron et en plaquent des objets de métal ou de bois. Pour identifier l'or, les experts ne sont pas pris en défaut : ils observent la fusion du métal ou mesurent sa densité. Les Grecs et les Romains recourent à une variété de jaspe noir, qui raye différemment l'or et le cuivre : c'est la pierre de touche, que les Chinois connaîtront seulement au xve siècle. Très tôt, les artisans de l'or sont en mesure de fabriquer des fils en coupant des feuilles en lanières, et en les martelant pour arrondir la section, ou .bien en les roulant entre deux plaques de bronze. Les Romains recourent à des plaques filières, percées de trous de diamètres de plus en plus petits, dans lesquels ils font passer le fil d'or pour l'amenuiser progressivement. Pour faire des fils creux, ils torsadent une bandelette autour d'un mandrin. S'agit-il d'assembler des morceaux d'or? Les orfèvres anciens se servent de crème de tartre préparée à partir de lie de vin brftlée : ils appliquent le décapant sur la jointure, avec une plume, mettent
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en place les pièces à souder, chauffent au rouge, nettoient ensuite à l'acide. S'agit-il seulement de dorer une surface? Les orfèvres appliquent sur elle de minces feuilles d'or, que les Latins appellent bractéates. A dater de l'époque romaine (et peut-être dès les Étrusques), ils enduisent la surface d'un amalgame de mercure et d'or vierge et, en chauffant, font évaporer le mercure, pour ne laisser subsister qu'une pellicule d'or. S'agit-il de sculpter l'or - à supposer qu'il ne soit pas coulé? L'orfèvre recourt soit à la technique du « repoussé », selon laquelle le dessin est martelé à partir du revers d'une mince feuille d'or, soit au ciselage, qui permet de travailler l'or à l'endroit. Comme l'homme est inventif, il cherche et trouve bientôt le moyen de compliquer et d'enrichir son ouvrage. Ou bien l'artisan insère dans l'or des pierres précieuses, des perles, des émaux: c'est le procédé de l'incrustation ou du cloisonnement, déjà pratiqué par les Égyptiens, repris par les Grecs et les Byzantins, généralisé par les Barbares pour économiser le métal - et que les Chinois connaissent six siècles avant notre ère. Ou bien l'artisan soude sur une surface d'or de minuscules sphères métalliques, obtenues en mélangeant des limailles d'or avec de la poudre de charbon de bois : c'est le procédé de la ,granulation, dans lequel excellent les Etrusques, qui assemblent les limailles avec une solution de carbo:' nate de cuivre, d'eau et de colle de poisson, et qui réussissent à aligner 50 grains au centimètre. Ou bien l'orfèvre, avec des fils d'or soudés, réalise un ouvrage à jours: c'est le procédé du filigrane, tardivement mis en œuvre par les Égyptiens (- 700), qui, par le port de Coptos, l'exportent en Inde, où il prend le nom de coft ou keft : procédé cher aux Grecs et aux Byzantins, connu des Celtes et des Germains. D'ailleurs, les modes changent, alternant la surcharge et la sobriété. Les civilisations à leur zénith
L'or parure réussissentles chefs-d'œuvre les plus dépouillés: c'est le cas des Grecs de l'âge classique. Les civilisations déclinantes glissent vers le raffinement: c'est le cas de l'âge hellénistique, où se mêlent l'éclat et la fadeur. Les civilisations barbares compliquent à plaisir, pour se donner l'illusion d'un luxe dont elles ne sont plus capables: c'est le cas de l'orfèvrerie carolienne qui mêle les souvenirs de Rome, les influences de Byzance et le faste de la Germanie. Comme le travail des orfèvres, le port de la parure évolue selon les peuples et les siècles. Certains sont austères, par nécessité ou par tempérament, d'autres font parade de leurs richesses, parce qu'ils en ont ou parce qu'ils veulent le faire croire. C'est ainsi que la République romaine interdit l'usage excessif des bij oux, mais que l'Empire romain donne libre cours à une débauche de parures, où se retrouve l'exemple. de l'Orient. C'est ainsi que l'Inde fait grand étalage d'une prodigieuse quincaillerie dorée, qui couvre, non seulement les dieux et les princes, mais les individus des milieux les plus démunis, y compris ceux qui n'ont pas de quoi manger. A ce point de passion, l'or n'est plus un superflu, il apparaît comme un besoin élémentaire.
L'or, de la t~e au cou Sortant des mains expertes de l'orfèvre, les parures d'or s'en vont revêtir l'homme et la femme, de la tête aux pieds. A leur intention, l'artiste enfante des chefs-d'œuvre, dont beaucoup sont condamnés à disparaître, tandis que d'autres, franchissant les millénaires ou les siècles, feront l'orgueil des musées .. Commençons par la tête, en oubliant les prodigieux masques mortuaires d'Égypte ou de Mycènes. Couronnes et diadèmes sont la parure des grands de ce monde. Les princesses égyptiennes portent des cou.. ronnes faites de réseaux de ms d'or, ou des bandeaux
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de fleurs stylisées. Mycènes propose les diadèmes les plus étonnants, comme cet oval frontal, orné de soleils et de lunes dans des cercles juxtaposés, ou comme ce losange coiffé de 7 flammes à bossettes décroissantes. Les archéologues retrouveront d'autres diadèmes, aussi somptueux, dans les ruines de la deuxième Troie : ils les attribueront hâtivement au « trésor de Priam », alors qu'ils sont en réalité très antérieurs à la Troie homérique. Autres découvertes de prix : en Espagne, près de Grenade, l'une des plus antiques de toutes les parures, un diadème d'or, martelé à froid (- 4000?); au cœur de l'Europe, près de Vienne (-1000), un chapeau conique, haut de 40 centimètres, tout en or : il alterne 22 rangs de 4 nervures, Il rangées de cercles concentriques, Il rangées de petites bossettes. A Velem-Szentoid, en Hongrie (- 900), un diadème à décor repoussé, fait de lignes, cercles, bâtons et zigzags, et obtenu par martelage. A Vix, en Bourgogne (et pour mémoire), le sobre diadème de la princesse au char (- 500). Les empereurs et les impératrices de Byzance inaugurent la longue série des somptueuses couronnes impériales et royales. Les rois barbares ne veulent pas faire moins: les souverains wisigoths d'Espagne portent des couronnes d'or pur, incrustées de pierres; on en retrouvera Il dans le trésor de Guarrazar, près de Tolède. Mais nombre de pèlerins de Saint-Jacques veulent aussi porter un insigne d'or sur le bord de leur chapeau de feutre : un insigne grossièrement coulé, qui reproduit l'image ou l'emblème de l,eur saint patron. En Inde, qui ne désire son diadème d'or? En Chine même, il en est de fort beaux. Tel ce diadème T'ang, que termine à chaque extrémité un animal chevelu, ou cet ornement de coiffure de l'époque Song, qui représente un phœnix aux ailes déployées. Sur les tempes, fixés aux nattes de la chevelure, les
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Achéménides portent de lourds ornements : par exemple cette pièce d'or, haute de 13 centimètres, qui représente une paire de chevaux trop richement caparaçonnés, surmontés d'une selle en forme de rosace, et prolongés par des chaînettes tintinnabulantes (- 400). Les boucles d'oreilles sont moins exceptionnelles. Elles font leur apparition sur les bords du Nil, au temps du Nouvel Empire, à l'usage des femmes : leur or ciselé évoque des croissants de lune ou des marguerites, dessine des spirales, des anneaux concentriques ou de gros boutons. La Crète donne parfois à ses boucles d'oreilles la forme des cornes du taureau. Les iles de l'Égée, de Rhodes à Milo, placent une rosace à hauteur du lobe, pour dissimuler le mince anneau d'or qui soutient des spirales aux extrémités travaillées. La Grèce classique retient le thème des spirales qu'elle achève avec des têtes d'animaux; elle alourdit la boucle jusqu'à lui donner la forme d'une nef, chargée de pendentifs. Certaine boucle grecque (- 330) figure un char attelé de deux chevaux et monté par une victoire ailée : elle est si somptueuse qu'on l'imagine faite plus pour une statue· que pour un homme. Chez les Perses, les boucles d'oreilles prennent la forme d'un cercle, évidé à hauteur du lobe, ceinturé de boules, de disques ou de pétales de fleurs. Dans la même ligne, les aristocrates parthes apprécient les boucles raffinées, comme ce cercle orné de 20 têtes humaines, et prolongé par 2 pendeloques en forme de poires. Les Étrusques donnent aux boucles d'oreilles la forme de cylindres rompus pour recevoir le lobe, et ils les ornent de fleurs stylisées. Les Romains, d'abord discrets, renchérissent : Sénèque raille les belles dames qui portent, à leurs oreilles, la valeur de deux ou trois patrimoines. Alexandre Sévère doit interdire aux hommes de s'en parer.
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Les Arabes ne dédaignent pas d'accrocher des croissants d'or à leurs oreilles. Aux Indes, le pendant d'oreilles est le moindre des bijoux. Dans l'Europe du Moyen Age, l'anneau est courant, aux deux oreilles des femmes, à l'oreille gauche des hommes. Passons de l'oreille au cou. Le collier est l'ornement le plus facile à porter: la perle d'or, suspendue au cou, est déjà la parure du paysan égyptien, quatre mille ans avant notre ère. Le pharaon remet des colliers d'or, faits d'anneaux plus ou moins serrés, à ses hauts fonctionnaires : puisque le collier récompense le mérite, il devient signe de commandement et de virilité. Pour les grands dignitaires, il a plusieurs rangs et s'orne de têtes de faucons. Tous les peuples ont leurs colliers : rosettes et volutes d'or enfilées sur des cordelettes chez les Mycéniens, motifs végétaux chez les ,Grecs, perles rondes chez les Perses, croissants d'or battu pour les chefs irlandais (-1500), torques d'or plein, souvent torsadé chez les Gaulois et les Britanniques, rouleaux arqués chez les Ibères, chaînes de lourdes médailles chez les Byzantins, enfilades de coquilles d'or chez les 'Ashantis, anneaux concentriques chez les Tanzaniens... Les pendentifs et les médaillons ne sont ni moins variés ni moins riches : les Crétois suspendent volontiers à leurs colliers des abeilles, des cygnes ou des serpents d'or, les Grecs des glands ou des têtes de bœufs, les Grecs de Crimée des têtes de femmes ou de déesses, les Perses sassanides des sangliers votifs, les Ibères des clochettes, les Étrusques des bulles, parfois en forme de satyres ou de lions, les Gaulois des perles d'or en forme d'olives, les Byzantins des pièces d'or, les chrétiens des croix ou des médailles pieuses, les Noirs d'Afrique des lézards ou des disques à ombilic. De quoi combler aujourd'hui les musées du Caire ou d'Athènes, de Leningrad ou de Philadelphie, le Louvre ou le British Museum.
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De la tête et du cou, que parent plus volontiers les peuples des pays ensoleillés, glissons vers la poitrine et les membres : l'or est encore présent. Les parures de poitrine peuvent être de simples pendentifs, maintenus aux épaules ou au cou par des chaînettes: comme tel rectangle rhodien, à l'effigie d'Artémis, tel demi-cercle, également de Rhodes, sur lequel font saillie des têtes de bœufs, tel disque grec, où figure en relief le buste d'Athéna, comme aussi bien les plaques rondes, ponctuées de petites sphères, d'influence arabe, et qu'on retrouvera au bas Sénégal. Certaines gorgerettes, destinées à couvrir le haut de la poitrine, tiennent encore du collier : ainsi la feuille d'or à décor repoussé, large de 30 centimètres, qu'a forgée dans la nuit de la préhistoire un orfèvre d'Irlande. L'ile produit de l'or, dans les montagnes de Wicklow, au sud de Dublin. Ses orfèvres, très tôt, savent marteler des lunules, en forme de croissant, qui semblent faits pour épouser la forme du cou, et des disques, à l'image d'une croix, et qui, par deux petits trous, peuvent être attachés à un vêtement : lunules et disques sont en or fortement additionné d'argent (vers - 1700). C'est déjà une véritable pèlerine que la cape gauloise, faite d'une feuille d'or, renforcée dans le dos par des lames de bronze, et qui semble aligner des rangées de perles; ce sont des pectoraux complets qui figurent dans le trésor perse de Ziwiyé, et dont les plastrons, en forme de croissant de lune QU de trapèze, s'ornent de motifs végétaux ou animaux. Ce genre de parure est assez indiscret pour plaire surtout à des peuples encore proches de la vie primitive : les chefs scythes adoptent le pectoral, le roi franc Childéric fait apposer 300 abeilles d'or sur son manteau de cour; et certain roi ashanti se couvrira
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toute la poitrine d'une plaque d'or représentant une fleur épanouie. chaque pétale débordant celui qui le précède. Puisque l'or se met en fils, ne peut-il être broché sur des tissus de laine, de lin ou de soie, de façon à donner l'apparence de tuniques ou de robes métalliques? Les brocarts apparai~sent déjà dans l'Exode. Pour les vêtements des prêtres, ordonne Yahvé à Moïse, les artisans les plus habiles « emploieront l'or, la pourpre violette et écarlate, le cramoisi et le lin fin». Les textes antiques font souvent mention d'étoffes et d'habits d'or. Le premier des Tarquin porte une tunique de drap d'or. Agrippine se montre au peuple vêtue d'une longue robe, toute de fils d'or. Les Romains de l'époque impériale font grand cas des tissus de luxe, métallisés et polychromes, souvent de confection orientale. Le Moyen Age ne dédaigne pas l'or, pour vêtir les plus glorieux des clercs et des laïcs. Milan fabrique des fils d'or, Lucques des draps d'or. Le doge de Venise, pour la Fête-Dieu, porte manteau d'or. En Chine, le poète Tou Fou chante ,« les robes de soie brodées de dragons d'or ». Marco Polo s'émerveille sur le marché de Pékin: « Il n'est pas de jour où il n'y entre mille charretées de soie avec laquelle se font quantité de draps d'or. » Moins ambitieuses, les broches, les agrafes, les épingles, les barrettes, les fibules (qui sont des fermoirs) permettent toutes les fantaisies à l'usage des mortels moins fastueux. En Mésopotamie, dès le Ile millénaire avant notre ère, la mode est de coudre des plaquettes d'or sur les vêtements (des « bractées »), et cette mode passe en Perse et chez les Parthes avec mille variantes. Mycènes n'ignore pas les épingles à tête richement ciselées. Troie les décore de volutes. Les Étrusques lancent la vogue des fibules, surtout pour les garçons. Les Romains font passer l'épingle par un anneau, et la formule est adoptée par les Britanniques, améliorée par les Irlan-
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dais. Les broches prennent des formes de soucoupes chez les Jutes du Kent, de carapaces de tortues chez les Norvégiens, d'aigles chez les Sarmates; elles sont décorées de sangliers dans l'île de Gotland, de spirales en Bohême, elles marient l'or et les émaux au Moyen Age, elles dessinent des oiseaux en Chine. Servent-elles à fermer les manteaux, à attacher des ceintures, à fixer les selles? Ne sont-elles pas le plus souvent un bijou inutile? Les bras semblent faits pour accueillir des parures, et les bras nus des femmes pour mettre l'or en valeur. Les bracelets primitifs, créés avant que soit couramment employée la soudure, sont ouverts: leurs extrémités se muent en griffons (dans l'art achéménide) ou en serpents (en Grèce, à Rome). Une épaisse bande d'or, roulée de façon à former trois quarts de cercle, tient lieu de bracelet en Bohème. Une barre d'or torsadée, formant quatre ou cinq spirales, devient bracelet en Irlande. Les Étrusques ont recours au fermoir, qui peut lui-même être une pièce délicate .d'orfèvrerie. Les Byzantins préfèrent les bracelets fermés, larges et massifs, ornés de feuilles ou de fleurs, parfois de scènes de mariage ou de madones. Qui porte le bracelet? En Grèce, les femmes, qui seules y ont droit, le portent à la fois au bras (droit et gauche) et au poignet. Les femmes romaines imitent les femmes grecques, mais, à Rome, le bracelet est aussi une récompense militaire, et il est parfois singulièrement lourd, comme celui dont parle Petrone, et qui pèse 15 livres. Aux temps barbares, il est une parure royale. Saint Éloi en forge pour Dagobert. Le cas des bagues est complexe: car il y a l'anneau de mariage, l'anneau qui porte le sceau, l'anneau de simple parure. Le premier type remonte à des temps fort reculés : symbole d'union, cercle fermé en signe de continuité, il est l'alliance faite or. Les Anciens l'échangent dès les fiançailles. L'anneau de mariage
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peut être fait de deux cercles enlacés, ou comporter un double chaton. Les Hébreux le portent à la main droite, les Romains à la main gauche, les Grecs au quatrième doigt de la main gauche (qui devient l'annulaire), les Gaulois au majeur. Au Moyen Age, c'est l'annulaire qui de nouveau recue~lle l'anneau nuptial: il parait qu'une ligne de ce quatrième doigt est en correspondance directe avec le cœur. Le moment où le mari donne l'anneau à sa jeune épouse est de la plus haute importance : si le mari arrête l'anneau à l'entrée du doigt, sans passer la deuxième jointure, la femme régnera sur le ménage, s'il enfonce l'anneau jusqu'à la base du doigt, le mari sera chef et maître; aussi les demoiselles avisées ont-elles soin de courber l'annulaire, de telle sorte que la bague s'arrête sur la deuxième phalange. Il est d'autres épousailles. Quand le doge de Venise célèbre ses noces avec la mer, il jette son anneau dans l'Adriatique. Quand le duc de Normandie célèbre son avènement, il reçoit un anneau d'or, comme s'il épousait son duché. L'anneau sigillaire, qui se porte en principe à la première phalange, permet d'apposer une signature sur un document. En Grèce, il s'orne d'une entaille finement gravée; à Rome, chaque homme libre y a droit, chaque citoyen y inscrit sa marque : un lion pour Pompée, une tête de Vénus pour César, un sphinx pour Auguste (qui, plus tard, use d'un sceau à l'image d'Alexandre le Grand, puis à sa propre image). Chez les Barbares, l'anneau porte un monogramme ou une légende circulaire autour d'une croix. Parce que l'anneau authentifie son possesseur, il est signe de commandement et de dignité. Le chevalier romain se distingue par le port de l'anneau équestre; une chevalière sera une bague à large chaton, prête à accueillir des armoiries; le prêt d'un anneau vaut délégation de pouvoir. Entre Tristan et Yseult, l'anneau devient signe de reconnaissance.
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Pour les évêques, les cardinaux, les papes, il sanctionne les sacrements et les investitures. Simple parure, la bague d'or s'impose à tous les peuples. En Égypte, elle est soit un fil de métal, soit un cercle épais, parfois double ou triple. En Crète, son chaton s'orne de scènes rituelles. Mille ans avant notre ère, en Perse, l'usage est d'en enfiler à tous les doigts. Les Scythes suivent cet exemple. Les Romains aussi, dès l'instant qu'ils s'inspirent de l'Orient, et ils font plus encore: ils en portent à chaque phalange, ils ont des bagues d'hiver et des bagues d'été. Les anneaux fameux figurent à toutes les pages de la légende et de l'histoire : anneaux de Prométhée ou de Gygès, de Polycrate ou de Salomon, d'Aladin ou de Siegfried ... Ce que l'or est appelé à faire pour parer les bras ou les doigts, il le peut aussi pour les jambes, les :Rieds ou les orteils. Il n'y manque pas : les belles Egyptiennes, et sans doute également les moins belles, portent des anneaux d'or aux chevilles, à l'imitation des statues d'Isis. En Inde, toutes les femmes en font autant. A Rome, lors de ce dîner de Trimalchion que conte Pétrone, et où l'on voit un affranchi jouer au jacquet avec des pions d'or et d'argent, « Fortunata alla jusqu'à enlever les chaînes de sa fine cheville, qui étaient de l'or le plus pur. Trimalchion, voyant cela, ordonna qu'on lui apporte ces bijoux. "Vous voyez ces chaînes, dit-il. .. Elles doivent bien peser six livres. " » Mais les Romaines portent aussi des bagues aux doigts de pied. Saint Cyprien, qui vit au Ille siècle, le confirme dans son livre du Costume des vierges, en recommandant : « Que vos pieds soient libres d'entraves dorées. Il L'or de la tête aux pieds...
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La parure. du guerrier L'or n'est pas un métal de combat. Sans alliage, il est trop malléable. De toute façon, il est trop lourd. Mais les guerriers ne se désintéressent pas de la parade, et, pour le cérémonial, à l' exem pIe d'Achille, les plus huppés d'entre eux s'offrent des armes d'or. L'arme primitive, c'est la hache. Les chefs de tribus qui nomadisent sur les rives du Danube et de la Tisza se font couler des haches d'or dans le moule qui sert à façonner les heches de bronze. On retrouvera au cœur de la Transylvanie, à Tufalau, une de ces haches en or massif, striée de rainures profondes. Les Crétois se contentent de hachettes à lame de bronze, comme celle de l'atelier de Mallia, dont la poignée, taillée dans un fin calcaire, est recouverte d'une feuille d'or. L'arme reine, c'est l'épée. Dans ce même atelier de mouleurs, au palais de Mallia, sur la côte septentrionale de la Crète, certaine épée de bronze présente une poignée de bois doré, avec une belle rondelle d'or sous le pommeau. Sur la rondelle cannelée, un homme-serpent déroule son corps en forme de cercle (- 1700). Mycènes a aussi ses épées d'apparat. Midea, en Argolide, offre pour la même époque un échantillon d'épée de bronze à poignée revêtue d'or. En Perse, les Achéménides, qui ne se refusent rien, disposent d'épées d'or plein : sur l'une de celles du trésor d'Hamadan, le pommeau est fait de deux gueules de lions aux dents pointues, la garde est décorée de deux bouquetins (- 500). Mille ans plus tard, le roi Childéric, père de Clovis, possède une épée d'apparat qu'ont d'Û exécuter des orfèvres sarmates venus de la mer Noire. C'est encore en Orient, à Mossoul, qu'une école d'artistes musulmans (1250) incruste l'or dans le cuivre, pour orner des gardes d'épées. Au royaume mahométan du Ghana, les pages
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ont des sabres à poignées d'or. Et l'art islamique dote d'une étonnante épée ciselée Boabdil, le dernier roi de Grenade. A l'épée, sont accrochés parfois des masques d'or, qui représentent la tête de l'ennemi vaincu. Tel est l'usage africain. Il nous vaudra, en Côte-d'Ivoire, des masques pendentifs d'or pur, frangés de poils de barbe et de cheveux soigneusement tressés. Moins exceptionnel que l'épée d'or, le poignard exige moins de métal et permet autant de fantaisies. La quatrième Troie lègue des poignards à rivets d'or; Mycènes, des poignards damasquinés sur lesquels des lions d'or courent sur fond de bronze; la Perse (dans le sud de la Caspienne), un poignard dont la poignée et la lame ne forment qu'une seule pièce d'or, ornée d'un croissant en relief; le Wessex, une dague dont le pommeau est parsemé de milliers de clous d'or; la Chine des royaumes combattants, un poignard au manche d'or ajouré; l'Afrique noire, des coutelas royaux à poignées de bois sculpté recouvert de feuilles d'or. Les Iraniens se flattent d'avoir des arcs d'or, en forme d'accolade aux extrémités recourbées en crochet. Ces arcs leur ont conféré, avec une écrasante supériorité de tir, la suprématie sur les champs de bataille. Les archers scythes se protègent le poignet avec des brassards, dont certains exemplaires sont d'or ouvragé. Arme défensive, le bouclier se prête à toutes les initiatives de l'orfèvre, qui apprécie ses grandes surfaces. «Le roi Salomon, rapporte la Bible, fit trois cents boucliers d'or battu, sur chacun desquels il appliqJla six cents sicles d'or, et trois cents petits boucliers d'or battu, sur chacun desquels il appliqua trois mines d'or. » Traduisons: 6,84 kilos par grand bouclier, soit 2 tonnes d'or pour les 300; 1,17 kilo par petit bouclier, soit plus de 500 kilos; au total, 2 tonnes et demie. Mais le pharaon Seshonq écrase
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Roboam, le successeur de Salomon, et s'empare de ses trésors, boucliers compris : leurs 2 tonnes et demie d'or s'en vont grossir les avoirs égyptiens. Tout cet arsenal concourt à la consécration du précieux métal. La parure de la maison Si l'homme, pour faire étalage de ses moyens, se revêt d'or, pourquoi ne revêtirait-il pas d'or sa maison? Les princes les plus fastueux n'ont pas reculé devant ce luxe suprême. Le pharaon Mentuhotep III, de la XIIe dynastie, se fait construire un palais couvert d'or; Amosis 1er, de la XVIIIe dynastie, une « maison d'or», dans laquelle les statues des dieux sont d'or elles aussi. Sans doute faut-il comprendre que les murs sont plaqués de métal: les ébénistes du Nil ont su apposer des feuilles d'or sur bois dès la Ive dynastie (- 2700); le placage d'or sur cuivre a été connu et pratiqué sous la VIe dynastie (- 2400). Aux Égyptiens ne font défaut ni le métal ni la technique. Rome aime ce genre de magnificence. Les Romains, après la ruine de Carthage, dorent les lambris du Capitole, puis les plafonds et les murs de leurs plus fastueuses demeures. Néron, à l'occasion de la grande opération d'urbanisme que l'histoire travestira en incendie, se fait aussi bâtir son palais d'or, Domus aurea, sur l'Esquilin : un palais, dit Tacite, plus étonnant encore par ses perspectives que « par l'or et les pierreries, embellissements ordinaires et depuis longtemps prodigués par le luxe ». Le même Néron habille de lames d'or le théâtre de Pompée, pour recevoir le roi d'Arménie en un jour qu'on appelle « le jour d'or ». Domitien, à la même école, fait dorer tout le temple de Jupiter Capitolin. En Inde, les empereurs Maurya disposent à Patalipoutra, leur capitale, du palais de Sougangeya -
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ce qui signifie le palais d'or. Au Japon, les empereurs élèvent à Kyoto (1397) un délicat « Pavillon d'or », dont les deux étages supérieurs, plaqués d'or sous leurs toits verts incurvés, se mirent dans une eau paisible. De même que l'or peut conférer de l'éclat aux murs et aux boiseries, il peut, plus subtilement, se marier au verre. Fait de sable de rivière et de potasse fournie par des matières végétales, le vitrail des maîtres du Moyen Age est coloré dans la masse par la grâce de colorants métalliques; et c'est l'or qui, selon des recettes dont les maîtres verriers gardent le secret, donne leur flamme à certains des plus riches vitraux des chapelles et des cathédrales. En Chine 'et au Japon, l'or et l'argent, mélangés à des pigments minéraux, interviennent souvent dans la formule du laque qui, employé à l'état fluide, se prête à la magie du pinceau. Ce que le vitrail donne de féerie à l'Occident, le laque le donne à l'ExtrêmeOrient. Dans l'un et l'autre cas, l'or est mobilisé. La présence de l'or est plus directement visible dans les mosaïques murales : cet assemblage de petits cubes multicolores a été pratiqué en Mésopotamie, en Grèce et à Rome, surtout pour paver le sol. Sur les murs, il n'a fait son apparition qu'à la fin de la République romaine, et il se développe pleinement à Byzance, qui a besoin de cette technique pour revêtir les surfaces courbes de ses arcs et de ses voûtes. Mais comment les rendre lumineuses? L'or y pourvoit. Sur la face postérieure des cubes de verre, les artistes byzantins fixent une feuille d'or. Ainsi réalisent-ils d'étonnantes compositions, où l'or met en valeur les autres dés de la mosaïque : à SainteMarie-Majeure de Rome, ils substituent un fond d'or uni à ce qui pourrait être un ciel nuageux, ou à de ternes collines; ils écrivent en lettres d'or la dédicace de l'arc triomphal (440). A Ravenne, sur le mausolée de Galla Placidia (450), ils soulignent les plis des
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vêtements dont ils font jouer les lignes blanches; à Saint-Appollinaire-Nuovo, ils détachent de grandes figures sur des panneaux d'or (526). A Sainte-Sophie de Constantinople, au centre de chaque voO.te du narthex, ils font ressortir sur fond d'or le monogramme du Christ (537). Dans le sillage de ces maîtres, les mosaïstes ultérieurs font jouer l'or dans leur palette à Saint-Marc de Venise comme dans la nef et l'abside de la basilique sicilienne de Monreale, sommet de l'éblouissement.
La parure dans la maison Pénétrons maintenant dans les palais et les demeures, en quête des meubles d'or. Nous n'avons que l'embarras du choix. Voici des tr(mes : poUl Toutankhamon, un siège royal, recouvert d'une épaisse tôle d'or. Pour Salomon, un grand trône d'ivoire, plaqué d'or raffiné. «Ce trône avait six degrés, des têtes de taureaux en arrière et des bras de part et d'autre du siège; deux lions étaient debout près des bras et douze lions se tenaient de part et d'autre des six degrés. On n'a rien fait de semblable dans aucun autre royaume. » Pour l'empereur de Byzance Théophile, un trône ombragé d'un platane d'or, entre des lions et des griffons d'or. Voici des coffres : à Mycènes~ un coffret hexagonal de bois revêtu d'or, sur lequel lions et chevaux bondissent dans une végétation stylisée; à Rome, aux derniers jours de l'Empire, un coffret de mariage, en argent à motifs d'or, avec les portraits des époux: vêtements et chevelures d'or, dans un cercle de palmes dorées; en Chine, de l'époque T'ang, une boîte ronde en or battu, au couvercle décoré d'un oiseau et de deux chevaux de mer. Voici, à Ur, des tables, non pas entièrement d'or, mais qui ont pour pieds des béliers d'or et de lapis-
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lazuli, debout sur leur arrière-train, appuyés sur des arbrisseaux fleuris (- 2500). Voici des statues de dieux ou d'hommes, de déesses ou de femmes: comme ce Bouddha japonais, érigé en 745, et qui absorbe 163 kilos d'or. Voici des statuettes d'animaux : des lions, des taureaux, des béliers, des boucs, comme le bouquetin accroupi de Ziwiyé (- 900) : la plupart de ces figurines font partie d'ensembles décoratifs; elles servent par exemple de chapiteaux à des colonnes, d'ornements à des coupes, d'anses à des vases. Voici donc des vases d'or, et des coupes, des cruches des gobelets, des amphores. L'orfèvre, à l'origine, transpose les formes que lui suggère le potier; puis, s'affranchissant de cette influence, il tire parti des possibilités que lui offre le métal: la cruche préhittite d'Aladja, les vases qu'on trouvera en Eubée, d'importation asiatique, ceux du trésor de Priam sont de la facture la plus simple. La coupe mycénienne, au pied galbé, aux anses faites de cous et de têtes de lévriers, évoque encore les techniques de la poterie (-1600). La coupe égyptienne que Toutmosis III remet au général Toutii (- 1450), décorée d'un cercle de poissons, est déjà d'un art plus libre. L'influence du modeleur se retrouve, en Perse, dans le haut gobelet d'Amlach, sur lequel un lion ailé attaque une chèvre (- 800), mais s'estompe dans les bols achéménides gravés aux noms de Xerxès et de Darius (- 400). Elle disparaît dans la coupe sassanide de Khosroès, dont l'armature est en or massif, et dont les incrustations sont de pâte de verre colorée : une coupe que l'histoire et la légende retrouveront sous le nom de «Tasse de Salomon ll, l.orsque Harotln al-Rachid en fera don à Charlemagne. Certains de ces précieux vases d'or, surtout en Perse, prennent la forme de têtes d'animaux ou de cornes évidées, et les archéologues leur donnent le nom de rhytona. fis attestent la prééminence de l'art
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animalier, auprès d'un peuple encore proche de la vie nomade du pasteur et du chasseur. La même prééminence s'affirmera de nouveau, pour les mêmes raisons, en Occident après les grandes invasions germaniques, ou en Mrique noire. Aussi bien, des vases d'or, il en est chez les grands et les riches de tous pays: à Carthage, en Cornouailles, en Europe centrale, en Birmanie, en Chine. On trouve sous tous les cieux d'autres objets, utiles ou inutiles, faits en totalité ou en partie du métal le plus rare : des motifs décoratifs pour harpe ou pour lyre, chez les Sumériens; des brûle-parfum, œuvres de joailliers parthes, des appliques murales, parthes encore; des disques (à Auvers, à Tufalau) qui servent peut-être de couvercles; des reproductions de coquillages, à Troie et en Chine; des clés, pour les Arabes; des imitations de roses, qu'offrent les papes du Moyen Age aux princes chrétiens; des cadres de miroirs, pour les Chinois; des poids pour peser la poudre d'or à l'usage des tribus de la Côte-d'Ivoire...
Pour lire, pour boire et pour manger L'or est dans les bibliothèques : quelquefois sur la reliure des livres, comme pour l'Évangile de la reine lombarde Théodelinde, où il se juxtapose aux perles et aux pierres de couleurs; très souvent sur les pages enluminées des manuscrits. Pour la pose des rehauts d'or, le parchemin est couvert d'abord d'un mélange de blanc d'œuf, de cinabre et de vermillon, puis d'une colle dans laquelle entre de l'or en poudre : travail délicat, qui, dans les ateliers monastiques ou laics, est confié non pas aux scribes ni aux enlumineurs, mais à des doreurs spécialisés. Après les Anglais, qui ont lancé la lettrine, les Rhénans mettent à la mode les grandes initiales dorées. Byzance et l'Occident ogival recourent, pour les ouvrages de luxe, aux fonds d'or, unis ou retravaillés à la plume.
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De Bagdad au Bengale, l'or est dans les livres. Mais la lecture n'est qu'un accident. La nourriture est quotidienne. Rien de mieux, pour affirmer son rang, que la vaisselle d'or. Les humbles mangent et boivent dans la terre cuite, le bois ou l'étain. Les riches mettent leur point d'honneur à utiliser la porcelaine (mais elle est fragile), l'argent (mais il se ternit) et l'or, qui n'a pas son pareil. Les coupes, les bols et les gobelets, qu'on vient d'évoquer dans le mobilier des palais, peuvent figurer dans les services à boire, dont la somptuosité remonte à des temps reculés : le bol et le gobelet cannelés de la reine Shubad, à Ur, sont d'or à 75 %, les tasses de Mycènes, les « vases à boire» de Salomon sont d'or fin. En or et en cristal, les coupes dans lesquelles, selon Aristophane, boivent les ambassadeurs d'Athènes reçus par les Perses. En or, l'aiguière du trésor d'Alaca, en Anatolie (- 2300), l'aiguière sassanide, dont l'anse sert de perchoir à un oiselet (- 650), l'aiguière arabe, dont l'inscription coufique conseille au roi d'égorger ses ennemis pour la fête des Sacrifices (1000), les aiguières des orfèvres de l'école de Mossoul (1250). En or toujours, le disgracieux calice barbare à deux anses, incrusté de cœurs de verre grenat et de feuilles de vigne turquoise, retrouvé dans le Charolais. Pour manger, les accessoires d'or ne manquent pas: le plus ancien de tous est ce couteau d'apparat, fait de deux feuilles cousues, qui marque la naissance de l'orfèvrerie égyptienne (- 3200). Parmi toute la progéniture de ce premier couteau, on retiendra le plat iranien, du trésor d'Ramadan, au centre duquel vole un aigle; la sobre saucière arcadienne d'Reradia, au bec en forme d'ailes (- 2200); la saucière troyenne du trésor de Priam; et, en franchissant les siècles, les plats byzantins de Chypre, en argent à dessins dorés. En Birmanie, le roi a vaisselle d'or. En Chine, chez les Tang, l'or supplante le bronze, le laque et la
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céramique pour le service de table; et le poète Tou Fou oppose à la misère du peuple «les plats d'or du palais impérial ». Il arrive même que l'or passe de la salle des repas à la cuisine: il sert au Moyen Age, en feuilles minces, pour envelopper des pâtés ou des oiseaux rôtis; sans doute, à défaut de feuilles d'étain ou d'aluminium, pour préserver les mets délicats des atteintes du temps. Et l'or passe de la cuisine à l'étal du boucher, pour certain crochet syrien, de fer incrusté d'or et d'argent, avec une inscription en or : « Ceci a été fait pour le pauvre serviteur Osman le boucher» (1400). Pas si pauvre! La règle générale, pour les parures et les objets d'or, est que seuls peuvent se les permettre les favo~ risés de la fortune. Mais, puisque l'exemple vient d'en haut, le peuple d'en bas n'en conçoit que plus d'admiration et d'envie pour le métal précieux. Tan~ tôt il se donne la satisfaction d'accéder lui aussi à l'or sous ses formes les plus modestes - par exemple avec les alliances nuptiales. Tantôt il renonce à la plupart des commodités de l'existence pour se cou~ vrir de parures d'or à titre réduit - c'est le cas des habitants de l'Inde. Tantôt, avec des matières moins nobles, il se contente d'imiter les objets d'or des privilégiés - ainsi, en Perse, toutes les classes sociales copient en bronze, en verre ou en terre cuite émaillée la vaisselle royale des Sassanides. Dans tous les cas, l'or gagne en prestige, et ceux~là surtout qui n'en ont pas conçoivent le désir d'en avoir. Pour et contre ror
En fait, personne au monde ne fait fi de l'or, à l'exception de ceux qui, calculateurs à leur manière, préfèrent les richesses éternelles de l'au-delà aux richesses éphémères de la vie terrestre. Et si des voix s'élèvent, avec les accents vengeurs de rindi-
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gnation, contre le fabuleux métal, elles proviennent le plus souvent de moralisateurs qui font profession de vertu, et qui en tirent gloire, ou de déshérités envieux, qui cherchent dans le mépris de l'or le moyen de se consoler d'en être privés: leur haine est un amour qui ne veut pas s'avouer. Lorsque des gouvernements édictent des mesures contre l'or, ce n'est pas parce qu'ils ne l'aiment pas, c'est parce qu'ils l'aiment trop et qu'ils veulent se le réserver, ou parce qu'ils n'en ont pas. A Sparte, si l'on en croit Plutarque, Lycurgue prohibe l'or et les orfèvres; il n'est personne « pour y faire ou y vendre aucuns affiquets d'or ni d'argent à parer les dames D. La prohibition est superflue: comment Sparte, vivant en économie fermée, pourrait-elle se procurer la moindre quantité de métal précieux? A Rome, en pleine guerre punique (- 215), et alors que la République est parfaitement démunie de métal jaune, le tribun Oppius fait établir une loi qui interdit aux femmes romaines de porter plus d'une demi-once d'or (14 grammes) : la République entend ainsi décourager le luxe, et mettre ses pauvres ressources au seul service de ses .entreprises. On ne sait si les agents de l'autorité s'en vont alors examiner de près les bij oux de ces dames, et demander à les peser. Mais on sait que, vingt ans plus tard, une fois la victoire remportée et la République devenue florissante, les Romaines manifestent bruyamment contre la loi somptuaire, et, descendues dans la rue, réclament la liberté de porter de l'or. En vain, Caton fustige ces dévergondées qui veulent «reluire par· l'éclat de· l'or et de la pourpre D. «La parure des femmes, proclame-t-il dans un beau mouvement d'éloquence, ce n'est pas l'or, c'est la pudeur. » Sur la réplique de Valerius, les tribuns abolissent la loi Oppia et restaurent la liberté des parures. La vérité est qu'entre-temps Rome s'est adjugé les mines d'or ibériques.
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Tout ce qui peut subsister des lois somptuaires édictées par la République tombe en désuétude sous l'Empire. Pourtant, à mesure que la frénésie du luxe amenuise les réserves d'or romaines, les empereurs cherchent à retenir le métal fugitif par la contrainte. Déjà, sous le consulat de Cicéron (- 63), il a été défendu d'exporter de l'or d'Italie. Vespasien prohibe les sorties d'or à destination de l'Inde (70). A la fin de l'Empire, toute exportation d'or vers les pays barbares est interdite. Ces mesures, régulièrement inefficaces, ne font qu'attester l'intérêt passionné que Rome porte au métal. Dans l'Europe du Moyen Age, il advient encore que les princes interdisent ou limitent l'usage des étoffes d'or, réquisitionnent la vaisselle d'or, ou condamnent toute sortie de métal. L'explication est qu'ilsensont pauvres, et qu'ils en souhaitent le transfert à leur profit. Philippe le Bel n'autorise l'usage de la vaisselle précieuse qu'aux personnes disposant de plus de 6 000 livres de rente, et fixe un poids maximal aux bijoux. Tandis que les États disputent ainsi l'or à leurs sujets, et que les nations se le disputent entre elles, les philosophes ont tout loisir d'en médire. Il ne leur en coûte rien, et leurs propos, qu'ils concernent les richesses en général ou le métal en particulier, restent sans écho. Du moins, Platon ne cache pas son jeu : d'une part, dit-il en rêvant de la République modèle, « il n'est permis à aucun particulier de posséder aucun or, non plus qu'aucun argent ... »; d'autre part, « ce que doit proposer le bon législateur ... c'est que la cité soit très puissante, qu'elle soit le plus riche possible, et cela par la possession d'objets d'or et d'argent » (les Lois, V). Voilà qui est clair, et dont s'inspireront volontiers quelques États. Aristote condamne sans réserve l'argent auquel, en tant que Grec, il prête plus d'attention qu'à l'or
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- mais sa condamnation vaut aussi bien pour les deux métaux. « L'argent, écrit-il (dans sa Politique), n'est qu'un être fictif, et toute sa valeur n'est que celle que la loi lui donne. L'opinion de ceux qui en font usage n'a qu'à changer, il ne sera d'aucune utilité et ne procurera pas la moindre des choses nécessaires à la vie. On en aurait une énorme quantité, qu'on ne trouverait point par son moyen les aliments les plus indispensables. Or, il est absurde d'appeler richesse un métal dont l'abondance n'empêche pas de mourir de faim. » Et de citer le cas de Midas, qui précisément ramène à l'or. « Les vraies richesses, conclut Aristote, sont celles de la nature. » Les Latins, eux aussi, condamnent l'or. « Que te sert d'enfouir furtivement un immense poids d'or? ») écrit Horace. « La vertu, dit-il encore, réserve les vrais lauriers à celui-là seul qui voit des monceaux d'or sans y arrêter ses regards. » Properce renchérit : « Aujourd'hui, les bois sacrés sont déserts et les sanctuaires sont abandonnés, la piété est bannie, l'or seul est adoré. L'or a chassé la bonne foi, l'or commande à la loi.» Et l'apostrophe de Virgile (auri sacra lames) restera célèbre : « A quoi ne contrains-tu pas le cœur des hommes, faim maudite de l'or? » Autant ou plus que les auteurs profanes, les auteurs sacrés mettent en garde contre les séductions de l'or. Le dixième commandement du bouddhisme : « Abstiens-toi de recevoir or et argent. » L'Ecclésiaste : « L'or exerce une fascination dont le serviteur de Dieu doit se défier. » - « N'échange pas un vrai frère pour l'or d'Ophir. » - « Ne prends pas en grippe une épouse sage et bonne, car sa grâce vaut plus que l'or. » - « L'or a perdu bien des gens et a fait fléchir le cœur des rois. » Le livre de Job : « Estime l'or comme de la poussière et l'Ophir comme les cailloux du torrent. » - « On ne peut acquérir la sagesse avec l'or massif, on ne l'échange pas contre un vase d'or fin. » - « L'or des riches se rouille et ne les suit pas
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dans l'autre vie. » Les proverbes de Salomon: « Recevez mon instruction plutôt que l'argent, et le savoir plutôt que l'or pur. » - Cl Mon fruit est meilleur que l'or, que l'or fin. »- Cl Mieux vaut acquérir la sagesse que l'or. » - Il n y a l'or et la profusion des perles, mais la parure précieuse, ce sont les lèvres instruites. » Ces admirables propos n'ont que deux torts : d'abord, faute d'être écoutés, ils ne sont guère suivis et restent sans efiet sur l'opinion que rien ne détourne de l'or. Ensuite et surtout, ils auraient plus de poids si ceux qui les prodiguent prêchaient d'exemple. Mais Caton, qui condamne l'or, l'entasse avec volupté. Mais Horace, qui se gausse des biens de ce monde, ne dédaigne pas l'amitié et les gratifications de Mécène. Mais Salomon, qui se répand en sages proverbes pour dénoncer les méfaits de l'or, semble fort bien s'accommoder d'incalculables richesses. Dans la suite des siècles, l'or sera l'objet de nouvelles diatribes et de nouvelles offensives, à peine différentes. n ne s'en portera pas plus mal.
3. L'or monnaie
Avant et après le troc Entre-temps, l'or, sans cesser d'être fétiche et parure (et précisément parce qu'il est fétiche et parure), est devenu monnaie. Dans quelles conditions? Il nous faut faire un retour en arrière, et survoler une nouvelle fois les siècles déjà parcourus. Monnaie, qu'est-ce à dire? La monnaie n'a pas d'inventeur, pas plus que le feu ou la roue. Elle n'a pas de date de naissance, parce que des centaines de générations ont participé à son enfantement. Son histoire prend place dans l'histoire' des échanges, dont elle représente l'ultime étape. A l'origine, l'homme n'éprouve pas le besoin de la monnaie, parce qu'il fait partie d'un groupe social organisé sur une base patriarcale, et aussi longtemps que ce groupe ignore les autres communautés dispersées dans la nature. A l'intérieur comme à l'extérieur de la tribu, les transactions sont inexistantes - ou rares. Les échanges apparaissent avec la première division du travail : entre le vannier et le potier, entre la tribu qui pêche et la tribu qui chasse, entre celle qui possède de l'ambre, et celle qui taille le silex, des
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échanges sont possibles et désirables. Reste à les organiser. Ils se nouent d'abord dans le cadre protocolaire du don compensé - à l'occasion de fêtes et de réceptions : le chef de tribu remet cérémonieusement une barre de sel au chef de la tribu voisine, qui réplique en offrant le gibier de la dernière chasse. Ou bien, selon une variante qui peut, chronologiquement, précéder ou suivre le don compensé, l'échange recourt à la technique du commerce muet, du type de celui qu'Hérodote a rapporté pour la quête carthaginoise de l'or sur la côte africaine: l'un des partenaires de l'échange dépose, en un endroit neutre, son offrande et se retire; l'autre prend les marchandises déposées, leur substitue son propre cadeau, et s'en va à son tour; le premier partenaire revient et, si cette contrepartie le satisfait, s'en saisit. En évitant de prendre contact, les échangeurs ont éliminé tout risque de discussion, de dispute et de bagarre. Il existe une autre technique de « commerce », qui, tout au contraire, consiste à s'emparer par la violence des biens d'autrui. Le rapt est une méthode d'échange assurément primitive, mais que pratiquent encore les sociétés les plus évoluées. Au pillage etau commerce silencieux, les hommes peuvent préférer une formule excluant à la fois la guerre et le mutisme, par l'organisation de contacts et de palabres. Le troc met en présence les deux parties, permet le débat sur la quantité et la qualité des produits échangés. Il se perfectionne, dès l'instant que les offres et les demandes peuvent se confronter en un lieu précis, à date fixe : les marchés sont et seront les rendez-vous périodiques du commerce. C'est à l'étape suivante que s'ébauche la monnaie. Entre le vendeur de moutons, acheteur de lancepierres, et le vendeur de lance-pierres, acheteur de moutons, peut intervenir l'emploi d'une tierce marchandise, qui sert de mesure pour apprécier les
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valeurs relatives du mouton et du lance-pierres. Ou bien, entre le vendeur de moutons qui n'a pas besoin de lance-pierres, et le vendeur de lance-pierres, qui n'a pas besoin de moutons, peut intervenir un tiers personnage, prêt à acquérir moutons et lance-pierres, grâce à une marchandise tenant lieu d'intermédiaire dans l'échange. Ce personnage est l'ancêtre du marchand. Cette marchandise est l'ancêtre de la monnaie. Quel « article » peut tenir ce rôle? Les ethnologues en recensent de 100 à 200, qui varient selon les ressources et les coutumes des peuplades en cause. Les peuples pêcheurs, par exemple, recourent au poisson séché (en Islande), aux dents de marsouin (aux îles Salomon); les peuples chasseurs, aux fourrures (au Canada, en Russie); les peuples pasteurs, au bétail (les Indo-Européens); les civilisations rurales, à des produits végétaux: le thé au Tibet, le riz en Corée, certaines amandes en Perse, les graines de cacao chez les Aztèques, l'orge chez les Babyloniens; les civilisations artisanales, à des produits ouvrés : les nattes aux Nouvelles-Hébrides, les tapis aux Samoa. Si la plupart de ces monnaies primitives n'ont qu'une diffusion limitée dans l'espace et dans le temps, deux au moins tiennent dans la géographie et l'histoire une place importante : le coquillage et le bœuf, dont la vocation monétaire précède et prépare celle des métaux. Le coquillage présente le double avantage d:être utile et beau : utile, quand il se transforme en couteau, en épingle, en hameçon; beau, quand il est employé comme parure, assemblé dans des pendeloques, des bracelets ou des colliers. Il est relativement solide, relativement durable, facilement transportable - prêt à la thésaurisation et à l'échange. Plus que le wampun, . Bodin, 168, 192. Boers, 233, 234, 238, 247, 317. Bogota, 152. Bohême, 30, 58, 69, 71, 83, 95, 131, 133, 176. Boisguilbert, 197. Bolivie, 157, 176, 216, 239, 253, 273, 277,316. Bombay, 308, 309, 360, 362, 364. Bosphore, 34, 129. Bouddha, 16, 17, 103, 109. Bourgogne, 35, 90, 139, 170. Brésil, 39, 40, 176, 178, 179, 181, 216, 219, 239, 241, 271, 277, 316, 335,356. Bretton Woods, 293 à 297, 300, 325, 359, 384, 399. Bristol, 172. Bruxelles, 155, 271, 290, 346. Bryan, 216. Buenos Aires, 309. Buffon, 5, 47, 52. Bulgarie, 29, 81, 253, 271, 277, 299. Buritica, 156, 167. Byzance, Byzantin, 47, 67, 72, 77, 81 à 85, 88 à 90, 92, 95, 101, 102, 104, 105, 129, 130, 138, 180, 262, 366,389. Cadix, 162, 163, 172, 198. Cagliostro, 47. Caire (Le), 92, 138, 237, 308, 309, 342. Californie, 6, 40, 150, 179,211, 218 à 229,232,240,242 à 249, 254, 316, 325, 330, 331, 336. Cambon, 199, 382. Cameroun, 346. Canada, 40, 113, 144, 188, 230, 231, 239, 241, 247, 284, 293, 294, 300, 308, 314 à 316, 351, 361, 372, 383. Canaries, 160. Cantillon, 250. Canton, 298, 362. Cap (Le), 233, 237, 238. Cappadoce, 120. Carpathes, 58, 64, 66, 69, 71, 176, 177,239. Carthage, Carthaginois, 62, 64, 68, 76, 80 à 82, 84, 85, 100, 104, 123, 124, 391. . Carthagène, 156, 160, 162. Caspienne, 19, 99. Castille, Castillans, 130, 133, 153, 156, 157, 160, 168, 170, 174. Catalogne, 46, 49, 170,
Index alphabétique Catherine de Russie, 52, 191. Caton, 107, 110, 193,339. Caucase, 34, 58, 66, Q7, 80, 180, 329. CAURI, 113 à 117, 137, 141. Cellini, 173, 181. Celtes, 31, 88, 124. Cendrars, 222, 330. CENTENARIO, 309, 358, 362. Centurione, 137, 160. César, 64, 96, 124, 125, 339. Ceuta, 72. Ceylan, 184. Chang-hai, 298, 362. Chaplin, 231. Charlemagne, 20, 103, 128, 168. Charles II, 47, 184. Charles Quint, 38, 155, 162, 164, 168, 169,171,173,175. . Charles VII, 136. Charles IX, 47,173. Charles X, 219, 252. Charles X 1l, 196. Che Houang-ti, 139. Chibchas, 23, 144, 164. Childéric, 93, 98. Chili, 150, 156, 176, 216, 239, 253, 259, 273, 277, 341, 356. Chine, Chinois, 17, 24, 32, 41 à 43, 58, 63, 6i, 69,·81, 82, 84, 87, 88, 90, 94, 95, 99, lOI, 102, 104, 105, 114,117,126,137 à 141,172,176, 184, 185, 188, 213, 216, 217, 222, 239, 241, 25f, 254, 255, 277. 296, 298, 299, 305, 308, 310, 327, 357, 358, 361, 362, 364, 367. Churchill, 274. Chypre, 58, 62, 82, 105, 130. Cicéron, 108. Cipango, 146, 147, 163, 165. Colbert, 196. Colchide, 33, 34, 80. Colomb, 73, 80, 141, 145 à 150, 156, 162,172,181,260. Colombie, 141, 142, 150, 152, 156, 165,175 à 179, 239, 241, 253, 254, 259, 273, 277, 316, 345. Colombie britannique, 39, 241. Colorado, 40, 179, 224, 226, 232, 254, 316. Comstock, 224. Congo, 6, 317. Constantin, 125, 129. Constantinople, 40, 81, 102, 132, 138. .Copernic, 175, 195. Corée, 32, 58, 67, 69, 113, 141, 176, 239, 310, 362. Corinthe, 19, 122.
409 Cornouailles, 29, 104. Coronado, 149, 179. Cortez, 145; 149 à 152, 154, 162. Côte-de-l'Or, 40, 69, 72,176,177,181, 232, 239, 241, 317. Côte-d'Ivoire, 99, 104. COURONNE ANGLAISE, 204. COURONNE AUTRICHIENNE, 253, 267, 309,360. COURONNE NORVÉGIENNE, 395. COURONNE SCANDINAVE, 254, 283. COURONNE SUÉDOISE, 394. COURONNE TCHÉCOSLOVAQUE, 299. Crésus, 36, 39, 74, 80, 84, 121. Crète, Crétois, 28, 29, 80, 81, 84, 86, 91, 92, 97, 98, 120. Crimée, 92, 131. CRUZADE, 183, 254. Cuba, 160, 259, 284. Cuzco, 23, 150 à 152. Cyrus, 121. Dacie, Daces, 40, 63 à 65, 75, 77. Dagobert, 70, 95. Damas, 129,308. Danae, 17. Danemark, Danois, 23, 47, 67, 277, 344. Danube, 8, 31, 64, 75, 76, 98. Darius, 103, 122. Davanzati, 195. Dawson, 231, 232, 248. Delhi, 138, 355, 368. Delphes, 19,35,63,74, 123. Démocrite, 42, 48. DENIER, 128, 135, 136, 200. Denver, 301. Détroit, 336. Diaz, 73. Diderot, 5, 194, 262, 289. Didon, 36, 37. DINAR, 129, 138, 141,253. Dioclétien, 43, 84, 125, 126. Diodore, 60. Disraeli, 206. Djenné,68. DOLLAR, 182, 191,202,216,223,248, 254, 255, 258, 259, 266, 271, 272, 280 à 284, 293, 297, 301 à 303, 305, 307,309,358,362,369 à 377, 391, 392, 394-399, 401, 403. Domitien, 100. DOUBLON, 133, 185. DOURS, 40, 64, 182. DRACHME, 121, 123, 125, 211, 253, 283, 298, 395. Drake, 162, 179, 180, 247.
H isloire de l'or
410 Dub~i,
308, 351, 362 à 364. Dublin, 93. DUCAT, 132, 162, 170, 184, 185, 253, 254. Durb~n, 307, 321. Durer, 155, 175.
Ecbatane, 76. Écosse, Écossais, 190, 198, 252. ÉCu, 132, 183, 186, 193, 200, 203. Edison, 384. Édouard III, 47, 132, 137. Édouard IV, 133. Édouard VII, 357. Égée, 34, 91. Égine, 121. Égypte, Égyptiens, 8 à 10, 12, 26, 27, 40, 41. 58 à 63, 67, 69, 75 à 83, 85 à 89, 92, 97, 100, 103, 105, 119, 123, 129, 200, 244, 251, 277. 283, 296, 308, 337, 356, 360, 389. Eisenhower, 373, 391. Eldorado, 37, 40, 163 à 166, 197, 218, 224, 232. Élisabeth Ire, 47, 162, 173, 179, 186, 187. Élisabeth II, 359. Élisabeth de Russie, 184. Éloi, 70, 95. Énée, Énéide, 36, 37. Éphèse, 120, 122. Équateur, 142, 156, 176, 178, 253, 273, 277, 351. Érasme. 39, 175. ESCUDO, 183, 186, 254, 283. Espagne, Espagnols, 23, 35, 38, 39, 47, 64, 69, 76, 80, 90, 127, 129, 130, 141, 148, 150, 152 à 159, 161 à 170, 174 à 176, 179, 181, à 183, 185,186, 197, 198,211,213, 217, 244, 254, 259, 270, 297, 328, 335, 339, 342, 354, 366, 389. Esquilin, 19, 100. Estonie, 271, 277, 329. États-Unis, 176, 179, 180, 191, 202, 203, 209, 210, 213, 214, 216, 217, 224, 229, 239, 241, 246, 249, 254, 255 à 257, 264, 265, 270, 272, 273, 277, 280, 281, 283, 286, 288, 293, 295,296,298, 300 à 304, 311, 314,. à 316, 326, 335, 339, 342 à 346, 355, 358, 360 à 362, 368, 369, 371 à 373,375,378,389,393,397,399, 401,403. Éthiopie, 58, 59, 67 à 69, 141. 176, 217,346.
Étrurie, Étrusques. 30. 63, 64, 86. 88, 91, 92, 94, 95. 118, 338. Eubée, 103. , Euphrate, Il, 31. 75, 80, 82, 83. 87, 118. Fairbanks, 231. 184. Fauchard. 338. Faust. 268, 291. Federmann, 164. Finlande. 216. 272, 277, 283, 288. Fischer. 250. Flamel, 46. 48. Flandre, Flamands, 71, 131, 133. 140, 148, 159, 167, 168, 170. Florence, 85, 86, 131, 132, 162, 173, 195. Floride, 4, 149. FLORIN, 131 à 133, 184, 186, 190, 191.204,253.286,297,358,379. 394,396. Formose. 309. Fort Knox. 300 à 303, 368, 374, 392, 401. FRANC, 132. 203. 210, 211, 213, 252, 253, 255, 258. 263, 266, 275 à 277. 284, 285, 293, 297. 310, 311, 394. 396,398. FRANC BELGE, 211, 253, 297. 394. France, Français, 38, 40, 47, 69, 71, 132, 136. 159. 162, 164. 167 à 170. 173, 174, 185 à 187, 191, 193. 195 à 199, 201 à 203, 209 à 213, 217, 222, 233, 245, 249. 252, 255 à 257, 262 à 266, 275. 277, 284 à 287. 290 à 294, 300,304,309 à 311, 335, 339, 341 à 344, 346, 352, 353, 355, 356, 360, 368, 375, 384, 389, 393, 394, 396.403. Francfort. 133, 215, 244. 306, 309. Franciscains. 140. 221. François 1er, 162, 168, 173, 174. Francs, 93, 127. FRANC SUISSE, 211, 253. 266, 286. 379. 393, 396. Frédéric II. 107. Freyr, 22. Friedman, 377, 380. Fugger. 49. 168, 172. Funk. 383. FANON,
Gabon. 346. Galicie, 40. Galles, 64. Gambie, 68, 72. Gange, 67.
lndex alphabétique Gao, 68. Gaule, Gaulois, 29, 58, 63, 64, 66, 76, 82, 84, 92, 96, 123, 127. Gaulle (de), 310, 311, 346, 353, 374, 376, 387, 402. . Geber, 43, 49. Gênes, Génois, 71, 72, 131, 132, 137, 145, 146, 168, 169, 171, 271, 272. Genéve, 271, 305, 361. GENOVINE, 131. George 1Il, 202. George Il l, 202. George V, 357, 359. Germanie, Germains, 21, 22, 88, 89, 126 à 128. Germiston, 321. Ghana, 67, 68, 72, 98, 317. Goethe, 268. Golconde, 184. Goldfinger, 300, 365. GOLO YUAN, 298. Grande-Bretagne, Britanniques, 29, 58, 64, 69, 71, 92, 94, 127, 176, 219, 247, 255, 256, 274, 280, 295, 298, 306, 335. Grèce, Grecs, 5, 17, 19, 26, 29 à 32, 34, 39, 41 à 43, 62, 63, 67, 76, 82, 84,85,87 à 89, 91, 92, 95, 96, 101, 108, 114, 115, 117, 121 à 125, 137, 138, 180, 211, 212, 253, 259, 262, 271, 272, 277, 283, 298, 338, 339, 354,360 à 362, 364. Grenade, 90, 99, 146, 173. Gresham, 126, 195. Guadalquivir, 64, 160. Guatemala, 217, 253. GUINÉE, 184, 252. Guinée, 67, 69, 72, 86, 176, 184,239. Guyane, 156, 165, 188, 239. Gygès, 35, 36, 74, 97, 120, 121. Haïti, 148, 156, 253, 259, 345, 346. Hallstatt, 30. Hamadan, 98, 105. Hambourg, 189,237. Hamourabi, 84. Hargraves, 227 à 229. Hatchepsout, 79. Havane (La), 162. Havre (Le), 219. Hawaï, 165, 220. Hébreux, 12, 13. 37. 41, 80, 96, 118. Henri III. 50. 132, 186. Henri IV, 338. Henri VII. 183. Héphaïstos, 19. 114. Héra. 18. 19.
411 Hérodote. 62. 67. 74. Hésiode. 32, 289. Hespérides. 18, 19. HIDALGO, 358. . Hispaniola, 148. 149. 156. 182. Hitler. 288 à 290. 295. 304, 312, 339, 383. Hittites, 11, 103. Hôchstetter. 172. Hollande, Hollandais. 38, 39, 133, 165. 181. 190, 198,339.358. Homère. 18, 28, 36, 114. Honduras, 217, 253. Hong-Kong, 298. 299, 308,309,357, 361.362. Hongrie. 83, 90, 131, 133, 136, 184, 216, 271, 277, 290, 298, 345. 358. Horace, 109. 110. Horn (cap), 179,221. HOTUS. 10, 11. Huns, 67. Iakoutie. 328, 329. Ibérie, 40. 58, 63. 64, 66, 80, 82. 84. 92. Ilia de, 36. 37. Incas, 23, 24, 143. 151, 152 à 154. 158. Inde, Indiens. 15. 16, 42, 43, 58. 67, 69, 72, 81 à 84, 86. 88. 90, 92, 97. 100, 106, 108, 114. 115, 117. 126. 137, 138. 145. 161, 163. 176, 184. 198, 211, 216, 217, 239. 241. 251, 254, 270, 271. 277, 279. 283, 288. 296, 308, 317, 342, 346. 354. 355, 357, 362 à 364, 367. 388. 389. Indes néerlandaises, 271. Indes occidentales, Indiens, 43, 147 à 149. 157, 158, 220, 230. Indochine. 58. 69. 176, 213. 277. Indo-Européens, 39, 113. 118. Indonésie, 308. 367. Indus, 67, 76, 364. Ionie, 29, 120. Irak, 296. Iran. Iranien, 15. 80. 99. 105, 254, 277, 296, 354. Irlande. 64, 93 à 95. 245. 252. Isis, 10, 11, 97. Islande. 113. Isra ël. 12 à 14. 20, 75. 76. 84. 289. 397. Istanbul. 309. Italie. Italiens, 39. 58. 63. 69. 71. 84. 108. 123. 124. 127, 130 à 132, 136. 167, 171. 173, 176. 184. 185. 211. 212, 245. 253. 259. 277. 285.
412
H isioire de l'or
290, 335, 339, 342 à 344, 354, 360, 361, 363, 403. Jacob (L1yod), 334 à 337, 339, Japon, 17,67,69, lOI, 103, 137, 165, 172, 176, 177, 184, 188, 216, 217, 239, 241, 254, 277, 298, 308, 315, 317, 330, 335, 346, 357, 362, 372, 381, 398. Jason, 33, 34. Jérusalem, 14, 37, 74, 75, 79, 84, Job, 45, 109. Johannesburg, 235 à 238, 245, 318, 321. Juifs, 46, 237, 362, 364. Junon, 124. Jupiter, 100. Justinien. 127.
342. 141, 213, 297, 339, 145. 307,
Karachi, 309. Katanga. 345, 346. Katmandou, 364. Kazakstan. 329. 332. Kennedy, 373. Kentucky, 300. Keynes, 198, 250, 271, 274. 294 à 296. 312. 384. Kimberley, 234. 237. Kitchin, 250. 256, 385. Klondike, 230 à 232, 241. 316. Kolyma, 287, 329, 331 à 333. Koweit. 351, 362. 363. Kruger, 234, 235. 238, 346. Kyoto. 101. Labrador, 316. La Fontaine, 37, 185, 194. 352, 390. Langlaagte, 234. 322. Laos, 358, 362. Law, 178. 191, 192. 198, 199. 255. 266. Lena, 218, 219, 329. Lénine, 267, 330. 383. Lettonie, 277. LEU. 253, 299. LEV, 253. 299. Liban, 298. 351, 364. Lima. 162, 182. Limpopo, 61, 79, 233. LIRE, 211. 253, 381, 396. Lisbonne, 161, 172. 215. 309. LittIepage. 326, 331. 332. Lituanie, Lituaniens, 21, 38. 277. LIVRE, 118, 128, 136, 186, 200. LIVRE-STERLING, 128, 190, 203, 208, 255, 258, 266. 270 à 272. 274. 275,
278, 279, 283, 284, 293, 297, 300. 307, 362, 393. 394. 396. Locke, 194, 202. Lombardie, Lombards, 63, 104, 127. Londres. 46, 77, 172, 179, 190. 204, 208, 227, 237, 238, 241, 255, 272, 279, 285, 287, 290, 298, 302, 304, 306 à 309, 321, 326, 328, 346. 356, 359. 363. 373, 377, 391. 394. 396, 398. LOUIS. 183. 186, 193, 200, 252, 398. Louis (saint), 71. 77, 132, 140. Louis XI, 50. Louis X 1l, 173. Louis XIII, 51, 183. Louis XIV. 51. 185. 196. Louis XV, 338. Louis XVI, 339. Louis XVIII, 252. Louisiane, 188. Louis Napoléon, 252. Louis-Philippe. 252. Lucques. 94. 132. Lull. 46. 47. Luther, 175. 195. Lydie, Lydiens. 35. 63. 80. 84. 120 à 122. Lyon, 172. Macao, 298. 299, 308, 309, 351. Macédoine, 63, 84, 123, 124. Mackeanie, 316. Madagascar. 69, 166. 176. Madère, 161, 237. Madrid, 184. 309. Malacca, 181. Malaisie, 357. Maldives, 114. Malestroict, 171. 195. Mali. 68. Mallia, 98. Manille, 298, 309. 362. Mao. 310. MARAVEDIS. 129, 130, 133, 186. MARK, 215. 253. 255, 263, 267, 273, 275, 278. 283, 284, 289, 293, 299, 309, 358, 379, 393. 397. MARK POLONAIS. 267. Maroc, 58, 62, 69, 217. Marrakech, 68. 340. Marshall (J .). 220, 221. Marx, 253, 289, 330, 382, 383. Matthey, 307. Matto Grosso, 178. Maurya, 100. 138. Mecque (La), 308. 360.
362.
269. 291, 396.
Index alphabétique Médicis, 47, 50, 51. Melbourne, 228, 245. Ménès, 83, 119. Mésopotamie, Il, 28, 82, 85, 94, lOI, 115. Mexico, 150, 154, 182, 246, 303, 309. Mexique, Mexicains, 32, 141 à 145, 149, 155 à 158, 171, 176, 178, 185, 214, 216, 221, 222, 224, 239, 246, 254, 271, 298, 309, 316, 358, 362. Midas, 35, 109. Milan, 94, 132, 309, 360. MILREIS, 259. Minas Gerais, 178. Mine (La), 72. . Mississipi, 179, 192. Moccata, 241, 307. Moïse, 12 à 14,45,94, 118. Molière, 39, 51, 52, 183, 194, 352. Mongols, 20, 39, 140, 332. Monomotapa, 80, 181,233. Montagu, 229, 307, 326. Montesquieu, 198,382. Montevideo, 303, 309. Montezuma, 150 à 152, 155, 162. Montpellier, 49, 52, 170. More, 197,382. . Moscou, 287, 325, 327, 328, 330. Mossoul, 98, 105. Mozambique, 234, 323. Mycènes, Mycéniens, 28, 29, 34, 62, 80, 84, 89, 90, 92, 94, 98, 99, 102, 103, 105, 117, 120.
413 OBAN,184. Odyssée, 36, 37. Ontario, 241, 316. Ophir, 37, 79, 80, 109, 145 à 148, 166, 224, 229, 233. Oppenheimer, 318, 319. Orange, 233, 238, 318, 320, 385. Oregon, 219, 222, 254. Orénoque, 164, 165. Oresme, 194. Ouganda, 345. Oural, 6, 67, 80, 129, 180, 181, 218, 329. Ouro Preto, 40, 178. Oxus, 15, 180.
Pacifique, 114, 165, 179, 183, 216, 220. Pactole, 35, 63. Pakistan, 308, 337, 355, 364. Pallas, 19, 114. Panama, 148, 149, 151, 160, 222, 254,309. Pangée, 63, 84, 123. Paracelse, 46, 48 à 51, 53. Paraguay, 40, 253, 351. Paris, 86, 170, 171, 174, 178, 211, 212,217,290,291, 304, 305, 308 à 310, 346, 359, 375, 377, 391, 396, 403. Parthes, 91, 94, 104. Pays-Bas, 183, 184, 187, 193, 215, 216, 277, 285, 286, 351, 403. PENGOE, 298. Pépin, 20, 128. Nabuchodonosor, 12. Naples, 50. Pérou, Péruviens, 32, 141 à 144, 149, 155, 156, 165, 171, 176, 196, 198, NAPOLÉON, 252, 292, 305, 309, 310, 353, 358, 359, 398, 402. 216, 239, 241, 253, 254, 259, 277, 356. Napoléon 1er, 181, 201, 252, 274. Perse, 31, 62, 67, 75 à 77, 81, 84, 85, Napoléon III, 211, 252. 91 à 94, 97 à 99, 103, 105, 106, 113, Néron, 19, 100, 125. 121 à 123, 137, 138, 169, 180,213, Nevada, 40, 212, 224, 226, 232, 246, 217,262,308,365. 247,316. New York, 219, 223, 272, 298, 301, Persique (golfe), 79, 82, 308, 354, 362. 303, 364, 373, 379, 395. PESETA, 211, 254. Nicaragua, 316. PESO, 164, 182, 255, 283. Nil, 8, 9, 26, 59, 67, 83, 91, 100. Petrone, 95, 97. Nixon, 376, 380, 391-394. NOBLE, 46, 133, 183, 185. Phéniciens, 12, 39, 64, 80, 119, 338. Noire (mer), 29, 34, 98. Philadelphie, 92, 301. Normandie, 96, 130,294. Philippe de Macédoine, 63, 84, 123, 262. Norvège, Norvégiens, 95, 231, 277, Philippe II, 38, 47, 186. 288,344. Nouvelle-Guinée, 114, 165. . Philippe le Bel, 108. Nouvelle-Zélande, 239, 261, 283, 314.. Philippines, 69, 114, 166, 176, 271, Nubie, 40, 58, 59, 61, 63, 67 à 69, 78, 284, 298, 317. 82, 176, 239. Phocée, 120, 123.
414 Phrygie. 35. 63. 120. PIASTRE. 182. 186. 203. 216. 254. Pick. 308. 326 à 328. 349. 351. 352. 355. 356. 367. 402. Pierre le Grand. 180. 181. Pinay. 402. PISTOLE. 183 à 185. Pizarre. 23. 149 à 154. 158. 164. Platon. 108. 146. Pline. 43. 49. 65. 81. Plutarque. 39. 107. Po. 63. Poincaré. 275. 276. 284. 286. 297. 352.353. Polo (M.). 94. 140. 141. 146. 147. Pologne. 39. 75. 184. 192. 222. 245. 267. 272. 277. 285. 290. 299. 356. 358. Polycrate. 63. 97. Pompée. 96. 100. 124. Pompidou. 394. Portugal. Portugais. 30. 39. 69. 72, 73. 79. 133. 135. 146. 155. 159. 161, 163. 167, 169. 172, 176, 177, 179, 181. 184, 187. 208. 215, 232. 233. 234, 254, 259, 283, 293, 298. Poséidon, 18. 19. Pou nt, 61. 78. 79, 233. Prague, 290, 377. Pretoria, 233 à 235, 238, 369, 375. Priam, 90, 103, 105. Prusse, 52. 215, 253, 262. Pyrénées, 64. 170, 305. Pyrrhus, 84. 184. Québec, 316. Quesada, 150, 164. Quiriag, 58, 69, 74, 170, 175,240.
QUADRUPLE,
Ra. 10, 11. Raleigh, 162, 164". Rand. 57, 232, 234, 235, 238, 240, 247,318,320,385. Ravenne, 101. Rhin, Rhénans, 21, 64, 75, lM, 133. Rhodes (C.), 237, 238, 318. Rhodes, 19,91,93. Rhodésie, 79, 176,238,239,317. Ricardo, 206, 250, 256, 270. Rio de Janeiro, 309. Rio de Oro, 40, 72. Rist, 250, 275. 386. Rome. Romains, 19 à 21, 32, 43, 57 à 59. 62 à 67, 71, 75 à 77, 80 à 82, 84, 85, 87 à 89, 91, 94 à 97, 100 à 102, 107. 108, 114, 118, 124 à 127,
H isloire de l'or 131. 132, 135, 138, 167, 171, 177, 244, 262, 338, 366. 389, 393. Roosevelt, 280, 281, 293, 312, 369. 373. 384, 391, 393. Rothschild, 237, 238, 306, 307. Rotterdam, 189. ROUBLE, 184, 191, 253, 255, 268, 293, 297, 299, 358, 396. Rouge (mer), 9, 59, 75, 79, 141. Roumanie, 216. 253, 277, 290. 299, 356. ROUPIE. 114, 184, 217, 283, 355. 384. Royaume Uni, 179, 205. 209, 214. 263, 270, 295, 342, 372. Rueff. 272, 378, 387. Russie, Russes, 21, 39, 40, 52, 113, 117. 180, 181, 184, 191, 200, 213, 216, 219, 229, 239, 241, 250, 251, 253, 255, 256. 262, 267 à 269, 294, 297, 312, 314, 315, 325, 327, 328, 332, 356, 358, 385. Saba, 37. 74. Sacramento, 220, 221, 224, 232. Sahara, 68. Saigon, 298, 362. Saint-Domingue, 162, 164, 253. Sainte-Marie-Majeure, lOI, 155. Sainte-Sophie, 102. Salomon, 14, 37, 74, 75, 84, 97, 99, 100, 102, 103, 105, 110, 118, 146. 148, 166, 194, 233. Salomon (lies), 113, 166. Samos, 63, 120. San Francisco, 40, 220, 221, 231, 232,245 à 247, 301. Sarmates, 95, 98. Sassanides, 92, 103, 105, 106. Saxe, Saxons, 30, 47, 69, 71, 127. 180. Scandinavie, Scandinaves, 8, 30, 126, 131, 184, 215, 232, 254, 283. Schacht, 273, 278, 312, 386. Scythes, 21, 29. 31, 67, 93, 97, 99. Sea ttle, 231. Sénégal, 68, 72, 93, 141. SEQUIN, 132, 138, 184, 254. Serebrovski, 330, 332. Séville, 159 à 161, 163, 164, 169, 170, 172, 183,248. Shakespeare, 164, 165, 194, 195. Shaw, 386. SHILLING, 128, 186, 204, 205. Shubad, 27, 105. Siam, 117, 213, 216, 254, zn. Sibérie, 20, 29, 57, 58, 179 à 181,
Index alphabétique 217 à 219, 230,232, 239. 244, 314, 317, 329 à 333. Sicile, 47, 102, 123, 130, 364. Sidney, 227, 228, 245, 248. Siegfried. 21, 97. Sierra Leone, 69, 72, 176. Silésie, 40, 69, 71. Singapour, 308. Smith (A.), 198, 250. Soetbeer, 175, 250. Sofala, 176, 239. Sogdiane, 58, 67. SOLIDUS, 125, 129. Somalie, 69, 79, 176, 239, 346. Sonde, 58, 69, 165, 176. Soto (de), 149, 151, 154. sou, 126 à 128, 136, 186, 200. Soudan, 9, 62, 71, 141, 176, 239. SOUVERAIN, 183, 186, 252, 305, 309, 357 à 360, 362. Sparte, 19, 28, 80, 107, 117. Staline, 312, 330 à 332, 366, 383. STATÈRE, 121 à 124. Stockholm, 189, 309, 378. Stuttgart, 30, 236. Suède, Suédois, 189, 196, 231, 277, 288, 293, 316, 339, 344, 367. Suétone, 19, 124. Suisse, 46, 171, 211, 212, 253, 277, 285, 286, 290, 291, 293, 297, 304, 305, 339, 342, 343, 346, 351, 354, 356, 358, 360, 361, 367, 401, 403. Sumer, Sumériens, 27, 31, 62, 87, 104,338. Suse, 12, 76. Sutter, 219 à 221, 245, 246. Syracuse, 76, 122, 123. Syrie, Syriens, 75, 123, .129, 364. Tacite, 21, 100. T'ang, 90, 102, 105, 140. Tanger, 303, 308, 357. Tchad, 24, 346. Tchara, 218, 219. Tchécoslovaquie, Tchèques, 38, 272, 27i, 290, 299, 356, 358. Tenochtitan, 150, 151. Thailandt', 362. THALF.R, 1&2, 186. Thrace, fi3, 80. Thuringe, 69, 71. Tibet, 58, 67, 69, 113, 138, 176. Tolède, 90, 173. Toltèques, 23. Tombouctou, 68, 72, 232. Tooke, 256. Tou Fou, 94, 105.
415 Toutankahmon, 27, 102. Toutmosis III, 103, 119. Trajan, 64, 65, 77. Transvaal, 216, 233, 235, 238, 318, 322. Transylvanie, 30, 98. Tristan, 37, 96. Troie, Troyens, 8,18,80,90,99,104, 105. Tufalan, 98, 104. Tunis, Tunisie, 71, 253, 346, 358. Turkestan, 69, 176. Turquie, 20, 132, 254, 308, 339, 354, 360. Union latine, 212,213,217,253,285, 305,358. Ur, 26, 27, 102, 105. U.R.S.S., 287, 325, 326, 328, 329, 349, 358, 367, 402. Uruguay, 216, 253, 259, 277, 356. Utah, 254, 316. Vaal, 233, 235. Valdivia, 150, 153. Vancouver, 220. Vaphio,28. Varsovie, 267, 290. Venezuela, 156, 162, 172, 239, 253, 277,397. Venise, Vénitiens, 71, 94, 96, 102, 131, 132, 138, 157, 173, 174, 189, 196. Vera Cruz, 145, 151, 160, 162. Verazzano, 162. Victoria, 6, 228. Victoria (reine), 214, 237, 252, 357. Vienne, 90, 360. Vientiane, 362, 364. Viêt-Nam, 308, 362. Vilar, 158, 160, 170. Virgile, 36, 109. Virginia, 224, 225, 246. Vix, 29, 90. Vladivostock, 329, 330, 333. Volta, 68, 72. Voltaire, 197 à 199. VRENELI, 253, 309, 358. Wall Street, 277, 3U1. Washington, 221, 223, 295 à 297, 336, 369, 370, 371, 374, 375, 377, 378, 380, 391, 394, 395, 398-400, 403. Welser, 164, 172. White (H.), 294, 295. Wisigoths, 90, 127.
416 Witim, 218, 219. Witwatersrand, 233, 234. Wou-ti, 139. Xerxès, 103. Yahvé, 12, 13, 14, 75, 94, 118. 293, 393, 394, 396. Yougoslavie, 316. Yseult, 37, 96. Yukon, 230, 316. YEN,
.H isioire de l'or Zambèze, 61, 79, 181, 23;J. Zeus, 17, 18, 19, 34, 122. Zimbabwe, 79. Ziwiyé, 31, 93, 103. ZLOTY, 39, 267, 299. Zosime, 43. Zoulous, 233, 323. Zurich, 30, 304 à 306, 308, 309, 360, 363, 368, 377.
Table des matières
Avant-propos • . . . .
1
I. -
3
L'OR F:eTICHE. Un métal qui brille 3. - L'or dans la nature 5. - L'or dans la préhistoire 7. - L'or dans les premières religions 9. - L'or dans la Bible 12. - L'or dans les religions orientales 14. - L'or dans les religions occidentales 17. - L'or dans les religions barbares 20. - L'or dans les religions américaines et africaines 23. - L'or dans les tombeaux 24. - De sépulcre en sépulcre: Nil, Ur, Grèce 26. - De sépulcre en sépulcre: à travers les continents 30. - L'or dans les légendes: Age d'or et Toison d'or 32. - L'or dans les légendes: Midas et Gygès, Homère et Virgile 35. - Lettres et langues 37. - L'or dans l'alchimie 40. - La pierre philosophale 44. - L'or chez Diafoirus 48. - L'or dans la médecine 52.
II. -
L'OR PARURE. . . . . . . . . . . . . . . Vue cavalière de la production 55. - L'Afrique, premier des grands producteurs 59. - Grecs et Romains en quête d'or 62. - L'or raréfié des temps barbares 66. - Réveil à l'Occident 70. - Dons et rapts 73. - Le commerce de l'or 78. - L'or et l'argent 82. - Les orfèvres au travail 85. - L'or, de la tête au cou, 89. L'or, jusqu'aux pieds 93. - La parure du guerrier 98. - La parure de la maison 100. - La parure dans la maison 102. - Pour lire, pour boire et pour manger 104. - Pour et contre l'or 106.
55
III. - L'OR MONNAIE. • • . . . . . . . . . . . Avant et après le troc 111. - Le métal pesé 116. - Les premières pièces d'or 120. - Deuxième génération 122.
111
418
Histoire de l'or - L'Occident porte le deuil de l'or 127. - Retour à l'or 130. - Grandeur et misère de la monnaie d'or 133. - L'or et l'Orient 137. - L'Amérique avant Colomb 141. - Colomb 145. - Les conquistadors 149. - Le butin 153. - Les mines américaines 156. - L'or sur l'Océan 159. - Les chimères 163. - Une pluie d'or 166. - Inflation métallique 169. - Renaissance et Réforme, filles de l'inflation 172. - Trois siècles de production d'or 175. - Trois siècles de monnaies d'or 181. - Trois siècles de bimétallisme 185. - Quand le métal se métamorphose en papier 188. - Quand le papier se soustrait au métal 191. - Quand les penseurs pensent à l'or 193.
IV. -
L'OR ÉTALON.
200
Or ou argent'1 200. - Naissance de l'étalon-or 203. Les variantes de l'étalon-or 206. - Résistance à l'étalon-or 209. - L'or l'emporte 214. - Les ruées vers l'or: Sibérie 217. - Californie 219. - Nevada, Colorado 224. - Australie 226. - Alaska 229. - Le Rand 232. - Barnato, Rhodes et Kruger 236. Bilan d'un siècle 240. - L'or et les hommes 243. L'or et les prix 247. - Mille pièces d'or 250. - Rival de l'or, le papier 255. - Inflation et stabilité 258. V. -
L'OR REFUGE. . . . . . . . . . . . . . .
262
L'or évincé 262. - La grande valse des monnaies 265. - L'étalon de change-or 270. - L'or restauré 273.Adieux à l'étalon-or 277. - Une once d'or = 35 dollars 280. - Le Bloc de l'or 282. - Le temps du désarroi 286. -L'étalon-travail 288. - Bretton Woods 293. - Le pacte à l'épreuve 297. - Fort Knox 300. - Les marchés de l'or 303. - La cote de l'or 308. VI. -
L'OR RÉSERVE. . . . . . . . . .
xx· siècle: production record 313. - L'or sud-afrIcain 317. - Visite à la mine et aux mineurs 321. L'énigme de l'or soviétique 325. - Aventure en Sibérie 328. - Les clients industriels de l'or 333. - Les emplois dentaires de l'or 337. - Les débouchés artistiques de l'or 342. - Dans les coffres privés 346. Géographie de la thésaurisation 351. - Les formes de la thésaurisation 356. - Circuits de l'or et contrebande 361. - Dans les coffres publics 365. - Revaloriser l'or '1369. - Le dollar contre l'or 372. - L'étalondollar 376. - Démonétiser l'or? 380. - Adversaires et défenseurs 382. - Bilan de sept mille années 387.
313
Table des maiiùes
419
VII. - L'OR EN QUESTION. La nuit du 15 aoftt 391. - Le virage des Açores 393. - La crise du printemps 73 395. - Le grand retournement 897. - L'offensive américaine contre l'or 398. - La défense de l'or 401. - La riposte des faits 403.
391
Notes de lecture . . . . . . . . .
405
Index alphabétique. . . . . . .
407
Tableau:x: de la production de l'or 1. Dans l'Antiquité (- 3900 à + 500) . . . . . 2. Temps barbares et Moyen Age (500 à 1492). 3. XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. 4. XIX e siècle 5. xx e siècle. . . . . . . . .
58 69 176 239 314
Achevé d'imprimer le 14 mars 1974 dans les ateliers de l'Imprimelle Bussière à Saint-Amand-Montrond (Cher) pour le compte de la librairie Arthème Fayard 75, rue des Saints-Pères, Paris-6 o Dépôt légal: 1 er trimestre 1974 N° d'~ditlon : 4950. N° d'Impression: 337 lmpriml en Franœ I.S.B.N. 2-213-00095-6 H 35-5550-5