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PRINCIPAUX OUVRAGES DEL' AUTEUR
W vie de laboratoire, La Découv erte, Pari s, 1988 (avec Steve Wo olg ar) (première éd itio n ang la ise Princeton Uni versity Pre ss. 1979). Les microbes, guerre et paix suivi de trr éduaions (La Découverte, Poche, 2001, première é dition AM. Métailié, 1984). La scie nce en action, La Dé cou verte , Pa rt s. 19 89 (prem ière édition a nglaise Harvard Univers ity Press, 1987) . Nous n'avons ja mais été modernes. Essai d'anmropologie symétrique, La Découverte, 199 1. A ramis, ou l 'amour des techniques, La Découverte, 1992. Petite réflexion s ur le culte moderne des dieux Faitiches, Les Empêch eurs de pe nser e n rond, 1996. Petites leçons de sociologie des sciences, Seuil, 1996. Paris ville invisible, La Découverte-Les Empêcheurs de penser en rond, 1998 (avec Ém ilie Hennant). Politiqu es d e la nat ure. Comment fa ire entrer tes sciences en démocratie, La Découverte, 1999. L 'espoir de Pandore. Pour une l'ersion réaliste de l'activité scientifique, La Décou v ert e, 2001 (première éd ition a nglaise Harvard University Press, 1999). Jubiler ou les diffi cultés de l'énonciation religieuse, Les Empê c heurs, 2002. W fab rique du droit. Une ethnographie du Conseil d 'Éta t, La Découverte, 2002 . Iconoclash: Beyond the Image Wars in Science, Religion and Art (catalogue de l'expos ition - avec Peter Weibel), MIT Pre ss. 2002. Making Things Public. A tmosp neres of Democracy (catalogue de l'expos itioo - avec Peter We ibel), MIT Press, 2005 .
Bruno Latour
Changer de société Refaire de la sociologie Trad uit de l'anglais par Nicolas Guilhot et révis é par l'auteur
ÉDmONS lA DÉm UVERTE 9 bir, rue Abel-Hovelacque PARISXUI' 2006
Ou vrage initialement publié UlU5 le titre Rt -asll'mbl irlg TM Soc iai. An t mroauction To AClor-Nn wor k: Thi' ory.
l%N 2-707 1-4632-3
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Le Code d. Jo " "",ria< iJu llN;,,,,,U. Il> IHj";I.., 1992 iII",nl it . a .If... x".. ... ..-~ som " """ de • ....,.io... plnale. ,-q.-imanl lo lXal.... r•.,., 1. " !JoIO,,,pie ~ " "lie ooDocxif un. . ..,riutioo d•• 11)'. .... Ikoi ",""''' oovrq;e . " i...nlite ..... outoriuliOll Il> C...... f' ' 'Ii . ' d·.xplOlilalioa droi' de " ,pi. (CIe ZO, me d .. Gnn"'.A~"" " •. 75006 Parisl. To... a il• • fam. do..."rodlrlioO, io..p .... "" !"'rû 01, br . ..., fr llŒi oé Il,, n!f~",,,,,o .. coUo dao, 1o di!..... I0...... do l'Iii...,.... ch- ( 199 81, él;ale diopon ill le ... ..... i"" wel> M·_.b,.",, ·I ,.,.... , qui. U.l1e d e c<J01vrir le m m.e I in !Jice • de> ....-r. d. ril1JtU1;n.Jfti.. c""""" .
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Cet ouvrage se prepose de montrer que le soc ial ne peut ê tre pris comme un mat ériel ou comme un domaine particulier ; il conteste le projet d e fournir une " explication sociale " à un état d e c hoses doon é. Bien qu e ce projet ait été fertile et probablement néce ssaire par le pa ssé, il a largement cessé de l' être, en raison du succès même de s scie nces socia les; au stade actuel de leur développement, il n' e st plus poss ible d'jnspecter le s ingrédients qui e ntre nt dans la compos ition des forces sociales . C'es t pourquoi j e voudrais red éfinir la notion de " social " en revenant à son sens originel et e n la re ndan t à nouveau capable d ' en registrer de s co nnex ions inattendue s. Il sera alors po ssible de reprendre l' obj ectif traditionnel de s sciences socia les mai s, cette fois, avec de s outils mieux adaptés à la tâche. Aprè s avoir réalisé de n ombreux travaux sur le s " asserrëlages » de la nature, je crois qu 'il e st nécessaire de re garder d e plu s près et avec plus d e rigueur le contenu exact de cequl se trouve " assemblé" M>US le co uvert de la notion de société . Il me semble que c'est là la seu le façon de rester fid èle à la mission orig inelle de la sociologie , cette « science de la vie e nsemble l ". Un tel pr oje t impliqu e cepen da nt de redé finir Ce qu e l'on e ntend couramment par « socio-logie ", qui signifie par sa racine à la fois latin e et grecqu e e science du social " . L'ex p res sion serait exce llen te , si elle ne p ré sentait deux d éfauts: le mot « socia l » et le mot « science » ! Le s vertus que nous sommes prêts à rec onnaître auj ourd'hui aux en treprises scientifiques e t techniques n' ont que peu à voir avec ce que les fondateurs de s sciences sociales avaient à l'esprit lorsqu 'ils do nnèrent nai ssance à leu rs di sciplin es. Quand la mod ernisation batt ait son plein, la Science avec un grand S constituait une pui ssante impulsion qui devait se prolonger indéfiniment, sans qu' aucune hé sitation ne vienne ralentir soo progrè s. Nos pr édécesseurs n' avai ent p as en v isagé que le dé veloppement d es sciences po urra it le s rendre coextensives a u re ste d es interaction s sociales. Mai s ce
1. C. ' " .xp"' ....o•• " d. L. TbiSv••"'. ~ U... ",i."". do la vi••• ",mbl. d.", 1. mm do ~ (21lM). Co, onl", logiqo. _ 1. . .... mbl••• d. Il . oci' " ' pr ~' con• • d. 1. ""01' _ ." l' . net oPP"" d. 1'0.-.1'" biognpb iQo, , 1• • d. ox lin • • jo"", ...x _ B. LArou• • L '' 'l'0;T J o plJ1IJo," (2001). " B. LATOU • • PoI;';q" " Jo 1. n.'"," ( (9991 _ 'Y'" 'II! longt<ml" ~ . lo _ . ocill!. û:W/oe p'...- Iir..- (,. Ioç<m. do. pr..., i ~ rodJ..-dI le""" « "''',,,.. >, Q"" " m....i... . dé tiboc "bi. &, ~ d. 1>0... .. mf.. p . l48 011 Ji' 4 poo . dé JigooJl. « l'Jo .
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n ouveau mou vement politiqu e voit le j our ; de n ouvelles planètes son t découvertes hors de notre système solaire; une loi nou velle est vot ée : une épidémie imprévu e s' ahal sur nou s: à chaq ue fois notre conception de ce qui nou s faisait j usqu' ici tenir ensemble se tro uve ébranlée: ItOU S ne somme s même plus certa ins de ce que veut dire « nou s » : il semble que nou s soyons tenus par de s « c onnec tio ns" qui ne r essem blent plu s aux liens soc iau x agréés; le doute plane alors sur ce que n ous sommes censés fair e ensemb le. N ' est-ce pas ai nsi q ue nou s nou s trouvon s face à face, le plus so uvent, avec la dim ension sociale d e notre existence ? C'est justement pou r p rendre acte de ce senti ment de crise et pour su ivre le s nouvelles connex ions qui s' y révèlent qu'il nou s fa ut mettre au point une autre concep tion du soc ial - le sens n° 2. En effet, il faut que celle-ci soit beaucoup plus large que ce qu e l' on d ésign e comm unément par ce terme, et pourtant strictement limitée au suivi d e nouvelles associaüors et à l' archit ecture créée par leurs asse mblages imprevus. C'est la raison pour laquelle j e vais définir le social non comme un domaine spécifiqu e, mais comme un mou vement très particulier de réassociation ou de réassemblage. Dan s cette seconde perspective, il ne faut plus considérer le d roit , par exem ple, comme ce qui doit être expliqué à partir d e la « structure sociale » , qu i viendrait s'ajouter à sa lo giqu e propre ; au contra ire, c 'est la logique prop re au droit qui doit pouvoir e xpliquer certains des traits qui permetten t aux assoc iations de durer plus longtemps et de s'éten dre sur une éc helle plus vaste. Sans la capacité que nou s donn ent les précéd ent> j uridiq ues d ' établir d es con nex ions entre un cas particulier et une loi gé néra le, que saurions-nous de l' opération qui cons iste à replacer un é lément dœm é « dan s un cadre plus large » ' ? De même, on n ' a pas à remplacer la science dans so n e contexte soc ial ", parce que les objets de la science e ux-mêmes con tribuent à disloqu er tout contexte do nné par l'introdu ction d' él ém ent s nou veaux q ue le s laborat oires d e recherche associent de façon imprévi sible. Ceux qui se sont retrouvés pla cé s en quarantaine en raison de l' épidémie d e S A RS ont a p pris à le u rs d ép en s qu 'ils ne
s. P. Ewn; "' 5. 51l.n
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v, TIw! C"",,,",,, Pbu of Law (1998) loKY of Oi.i >ci al. f xi iii... 1"''''- ",e Jo lIOCiol",ie cri~"" Be il>ive ..tendre . ... ' au j ",' t la Cald... i.... lonque na.. obad...... la que";'... do '" pen~ nellce polili,!"e.
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Chang", de . ociété
pou ssant à ses conséquences les plus e xtrêmes la p osition que j ' ai c hoisie d'adopter à titre e xpérimental. L' épreuve cœu istera à voir combie n de nouvelles q uestion, il est possible de form ule r e n m' en tenant coûte qu e co ûte, d parfois aveuglément, à toutes les obligations que Ce nouveau point de départ m' a imposées. En dernière analy se, et en conclus ion de cet ouvrage, il s'agira de savoir si la soc iologie des assoc iations s' es t montrée capable de prendre le re lais de la sociolog ie du soc ial e n suiva n t d es con nexio ns nouvelles , et si elle a pu hériter d e tout ce qu 'il y avait de légitime dan s l ' ambition de construi re une science du social. Com me d'habitude, il reviendra au lecteur de juger du succès de Cette opération. Pour ce ux qui se plaisent à relier une innovation à quelque ancêtre véné ra ble, il n' est p as inutil e d e rappeler qu e ce tte distinction e ntre deux faço ns tr ès di fférentes d e concevoir la tâch e des sciences sociales n' a ri en de nouveau. On la trouve établie dès les tout premiers comme nceme nts de la di scipline (du moins en France), dans la dispute entre Ga briel Tarde et Émile Durkheim qui e n slI1it vainqueur '1. T arde déplorait toujours que Durkheim ait confondu, d'après lui, la cause e t l'effet, abandonnant la tâch e d ' expliquer la société a u profit d'un pfl:!iet politiqu e qui substituait à la compréhension du lien social un objectif d 'ingénie rie soc iale. Co ntre son j eune rival, Tard e aff irmait vigo ureuseme nt que le social ne constituait pa s un domain e parti c ulie r de la ré alité, mai s un principe de connexion ; qu' il n' y avait aucune raison de sé parer le .. soc ial " humain d' autres asseciations, co mme les organis mes biolo giqu es, voire les a/o rnes; qu e, pour d evenir une science sociale, la sociologie n'avait pas besoin de rompre avec la philosophie, et en particuli er avec la métaphysique ; que la sociologie était en fait une sorte d 'interpsychologie li; que l'étude de l' innovation, et tout particulièrement de la scie nce e t de la technique, é tait l' un des terrains les plu s prometteurs dela th éorie sociale; et qu'il fallait reconstruire 17. M otl n! los ',," VlIUX prée u"","n de J. M J1If. Gobrie/ Torde" /0 ~i lo ",!~ ~ Je rhl..,in ( 1970) et 1.. ","hc.. de O. Re )'llil! " B. Ka"cllli. ce n·"" Q"" ""emmen ~ ldce oux n!Odili.en. do. Fm ~d:l o "'" do PO""'' 'Brond. 'l'' ·en 0 pu j"l'" de l"irnportoœ e de T ude, IW poO" qu· .. a )XI p .. lor de ~ laId "m ani a • . liB iII11 oi .. .. lJOuv", a l"exce)· lonto compila."" do T.C- C... . '" 0. C""""", ico'ù .. onJ S ociol lnj1Ju "C' (1969) et )XI '"' un 01"""1" réee.., vu;,- B. U TnJ1, ~ O iibrielTude ...d the liBd " f the S ocial . (2OlU). 18. Pw " A' " . it'''' ~ l" intro·p"ychul"llie• ....- laquollo il fut aVile d o p ord ... V". O . TA ~ ,w-!ludiiJgie "socioiJgie ( 1999 [ 1!l9SJ ).
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l' économie de fond e n comble plut ôt que de l'utiliser c omme une vague métaphore pour décrire le calcul des intérêts. Par-dessus tout, Tard e concevait le socia l non pas comme un o rga nis me mais c omme un fluide en circulation qu e de nouvelles méthodes quantitative s de type ép idé m iologiq ue devaient permettre d e suivre. No us n' avons pas à accepter toutes les particularités de Tarde - e t e lles son t n ombreuses - mais, dan s la galerie de portraits de s éminents prédéce sseurs. il est, avec John Dewey et Harold Garfinkel, l'un des très rare s théoriciens qui ait pensé que la soc iologie pouvait e xpliquer la façon dont la soc iété se maintient comme telle, plutôt qu'une façon d'utili ser l' existence préalabl e d e forces sociales pour expliq uer qu elque chos e d' a utre. Le fait que les sociologues du social aient infligé à Tarde une défaite écrasante, qui l' a réduit pendant un siècle à une existence fanto matiqu e, n e prouve pas q u' il ait e u tcet . Au co ntrai re, cria ne rend le présent ouvrage que plus néce ssaire. Je suis con vaincu que si la sociologie ava it été influencée dans une plus large me sure par Tarde (e n plus de Comte, Marx , Durkh eim et Weber), elle a urait pu devenir une discipline plus pertinente e ncore : à mon sens, e lle di spos e e nco re d e s resso urces n éce s saire s. D'ailleur s, comme nous le ve rron s à la fin d e Cd o uvrage, on peut aisément réc oncilier les deux traditi ons, la secon de se con ten tan t d e repre ndre la tâ che qu e la première a va it cru trop rapidement complétée. Les fact eu rs q ui se trouvaient rassemblés pu- le passé so us l' étiquette" domaine social " ne so nt qu e qu elques-uns des éléments qu'il s'agit, à l' avenir, d'as sembler à l'intérieur de ce qu e j'appellerai 0011 pts une soci été, mai s un collectif.
Gabrl d Tarlk . Un a utre préc uf><e ur po ur une théor ie sociale alterna th'e Gabrie l Tarde (1843-1904) était magtsrat, avant de s'init ier seur à la criminologie et d' entrer au Collège de France, où il fil t le prédécesseur de Bergson. Quelque'J citations suffisent à donner une idée de la distance qui ~pare 1e'J deux courants de pensée qui nous intéressent. Voici la définition que Tarde donne de la llOC iologie: " Mais cela suppose d'abord que Ioule c/wu esl WU' lOCi/ll, que tout phénomène est un fait soci al. Or, il est remarquabl e que la
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science tend, par une suite logique d'ailleurs de ses tendances préc~ dentes, 11. gëneeanser étrangement la notion de société. Elle nous parle de sociétés animales 1... l. de sociërés cellulaires, pourquoi pas de sociétés atomiques? J'allais oublier les sociétés d'astres, les systèmes solaires et seenarres. Toutes res sciences semblent œs trëe s à devenir de s branches de la sociologie. » M 01llldo1ogii! et JlJCioliJgie (1999), p. 58. Il eSi intéressant de noter que Tarde fut pendant de nombreu..'\es enœes chef du Bureau de la statistique au ministère de la Justice et qu' ace titre il crut toujum al1.ant aux monographies qu'aux données quantitatives. Son point de désaccord avec Durkheim concemait en revanche le type de quantum que la sociologie devait identifier. Chose capitale pour notre argument, en généralisant le s monades de Leibniz, mais en l'abs ence d' un Dieu, le projet de Tarde inverse le lien entre le s niveaux micro et macro: « 1. ..] c 'est toujours la même erreur qui se fait jour: celle de croire que, pour voir peu à peu apparaltre ta régularité, l'ordre, la marche logique dans les fait, p. 72-73.
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Pour e xplorer la façon dont la sociologie de l'acteu r-réseau peu t contribuer r éassembler les conne xions sociales, ce livre est organisé en trois parties, de taille inégal e, qui correspondent a ux troi s tâch es q ue la sociologie d u social a co nfo nd ues pour des raisons qui, d' aprè s moi, ne sont plus j ustifiées : P rem ière que sti on : co m me nt dép lo y er le s nombre us e s controverses p ortant sur les assoc iations sans res trein dre par avance le soc ial à un domaine spéc ifique? De uxième q uestion : com ment doc umenter les moyen s qui permettent aux acte urs de susbllise r cev controverses ? Troi sième question : par quelle s procéd ures est-il poss ible de réassembler le social oon plu s sous la forme d'une soc iété, mai s d'un collec tif ? Dans la premi ère partie, nou s verrons pourquoi les sciences sociales sont devenu es bea ucoup trop timorées lo rsqu ' elles déploi ent la com plexité des associations q u'elles renco ntrent et pourquoi no us ne devons pes lim iter a priori les types d'êtres qui peuplent le monde sociat". Co ntra ireme nt à elles, j e voudrai s s uggérer qu ' il es t poss ible de se nourrir des co ntroverses e t d' apprendre à de venir de bons relativistes. L a seconde partie m ontrera com ment il est possibl e d e rendre les connexions sociales traçables e n suiva nt le travail de stabilisation des controverses analy sées dans la première partie. Enfin, nou s verro ns en conclus ion pourquoi il va ut la peine de mener à bien la tâche qui c onsiste à assembler le collec tif, m ais seule ment après avoi r abandonné les raccourcis de Ia « société .. comme de 1'« e xplication sociale ... S'il est vrai que les vis ions de la société offertes par les sociolog ues du social furent surtoœ une façon de garantir la paix civile à l' époque du moderni sme triomphant ", quelle vie collective et quel type de savoir les socio logues des as sociations peu vent-i ls produire, m aintenan t qu e le doute plane s ur la à
..voU- ce q"" 1"0"""'- ill" "o' "'" pl.J.. US dem...doit ""'" qn ene m e... e . . POUVlIit . bron a l'" ",," e lbl",;" du soci.l.vec 1. sociol",ie « conven ~o m el le ~ .VO....il cmme obj",û "" 1. f .,o> d_ 1.. m.lode . aile.." du . id a '" Jfl()bi~",. . e> t... qne I nlUp ,,,,,i. , e",ptt le fait '1""
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l lllroduclirm : d u brm usage de< c<mlr<JW'I'st's
littoral inconnu sur une feuill e de papier. Elle peut certes tenter de donner aux div ers rapports envoyés par les explorateurs un format géom étrique prédéterminé - les bai es doivent avoir la forme de cercles, les caps de triangles, les continents de carrés . Mais, après avoir constaté la confusion de ces relevés dont aucun n' obéit exactem ent a ux for mes prédécoupées, la ca rtographe acceptera avec e mpressement toute proposition de rempl acer la quête de rigueur géométrique par un quadrillage carté sien totalem ent abstrait. S'il paraît terriblement pauvre de relever c haq ue point par sa longitude e t sa latitude, il serait plus stupide e ncore de s'obstiner à ne garder que les données qui correspondent à des fo rmes géométr iques définies à l ' avance .. . Not re cartogra phe utili sera ce q uad rilla ge vid e po ur enreg istrer pati emment l e contour du littoral autorisant dès lors un tracé aussi tortu eux que l'histoire géologique elle-même. De la même façon, l' acteurrésea u pr étend q u' il est possible de tracer des relation s plu s solides e t de découvrir des motifs plu s éc lairants e n prenant acte des lien s entre des cadres de référe nces in stables et change ants, plutôt qu ' en s'efforçant de maint enir la stabilité d'un de ces c adres . L a société n ' est p as p lu s faite d' . ind ividu s ", de • c ultures" o u d' . États-nations ", même . e n gros ", qu e l'Afrique n' est, « en gros » , un cercle, la France un hexagone, ou la Corno uaille ml triangl e. Rien de surprenant dans ce mouvement vers l'abstraction : c haque discipline scientifique me t du temps à développer le type de relativisme adapté à ses donnée s. Pourquoi la sociologie serai t-elle la se ule di scipline à ne pas inventer sa propre voie e t à s'en tenir aux é vidences premi ères ? Maintenant que les géolog ues ont accepté le principe de plaques conti nentales froides et rigid es flottant librement a u-dess us du magma e n fus ion qui s'ép anc he hors de failles océa niq ues profondes, ne disposent-ils pas, si l'on me permet l'expression, d'un terrain plu s fenne ? De même, la sociologie de l' acteurr éseau pr étend q ue nou s parviendrons à construire l e mond e soc ial de faço n beau c oup plu s sc ie ntifiq ue si nou s nou s abstenons d'interrompre le flot des controverses. Nous devon s, nou s a ussi, prendre pi ed sur un terrain solide : en l' occurrence, s ur des sables mouvants . Bien qu' on mette so uve nt en gar de contre le danger de « se ooyer dan s le relativisme » , je prétends a u contraire q u'en doit a pprendre à y nager.. .
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Les métaphores e mp runtées à la c artograp hie 00 à la physique font cependant long feu dès que l'on commence à déployer tout l' éventail d es incertitudes a uxq uelles les soc iolog ues d es a ssociations vont avoir a ffaire. En e ffet, les acteurs semblent avoir une capac ité stupéfia nte à se trouver en d ésaccord avec tout ce que les soc iologues sont censés tenir pour acq uis a u début de leu r travail. Abandonner le c adre de référence fixe qu' offrait l'éther, comme l'ont fait les p hysiciens, semble assez fac ile p:r comparai son avec le lest q u' il nou s fa udra lâch er si nou s voulo ns lai sser les acteurs libres d e déployer toute l'i ncommensurabilité dont ils sont capables dam; leurs manières de fa ire des monde s". Pour reven ir à l'exemple de notre cartographe, tout se pa sse comme si celle-c i devait n on seulement rec ourir à des rele vés provenant de n ombreux voyageurs, mai s encore à de multipl es grilles de p roj ection , comme si chaq ue point requérait so n propre sys tème d e coo rdonnées . Face à une tell e confusion, elle peut décider soit de res tre indre la gamme de s co ntroverses, soit de leu r lai sser lib re cours. Pré -relati vi ste, la première solutio n foncti onne parfaitement, mais elle ri squ e de limiter la soc iologie à de s situations de r outine , fro ides et tranquilles . R elati viste, la seconde solution d evra cartog ra phie r des situations c haudes, actives et extrêmes, mai s à condition qu' on laiss e les controverses se déplo yer ju squ ' au bo ut. La plupart d es diffi culté s a uxque lles se heurte le dévelop pement de nos disclpllnes tien n ent à un refus d' être trop théorique et à une tentati ve déplacée de s'accrocher au bon sens, mêlée à un désir prématuré d' engagement politique. La pire solution serait de tenter un compromis entre ces deux pos itions, dans la m esure o ù les co ntroverses ne sont pa s seulement des nui sance s qu'il s'ag irait de tenir à l' écart, m ai s ce qui permet a u soc ia l d e s ' étab lir e t a ux di fférente s sc iences sociales de contribuer à sa c o nstr uctio n. Telle es t la pos ition e xtrême que je voudrais m' e fforcer de maintenir aussi lon gtemps que possible. Son prin cipal défaut est qu e, tout a u lon g de leu rs pérégr inatio ns, le s lecteu rs dev ront se contenter
6 . EB ""I1m. l" ex""''''OA " ".... /d._i"ll • ,N. Go:n.<JlN, Mo"l,,, dT foin d.. m,.. ,u, (1'W2~ , .. ait appropriO< , i '" A'." PO'"' la ' O = piOCl"' '' fait. ~ ",i lui ." IIMOCIil ... pour l'.... icito! do " mond• • i mp~ ", l d..., .. dlfi1li6oA. N... , _ fi .. pk!, 10 .. 1. (XlIl>lruCliv;"". _ ", il p. 126 _ Il, p . u 10 .. m«U, co ", . rompo ... " mo."lo ''''''1IOllI • "'pilï. _ p. Hl.
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flllroducli M : du bM U.i le s sociologues devaient d écréter qu 'il ex iste « dans le monde » un type de groupes qui sera it réel, tandi s qu e le s autres serai ent inauthentique s, obsolètes, artificiels . Alors qu e nous savons pertinemment qu e le monde soc ial se c arac térise avan t tout p ar le fait que des agents y tracent c onstamment des frontières po ur y regrouper d' autres ag ents, le s sociolog ues du social considèrent q ue la caractéri stiq ue p rincipale d e ce mond e rés ide dans l' exi stence indubitable des frontières, indépendam ment de l'identité de ce ux qui le s de ssinent et du type d'outil s qu 'ils e mploie nt. Plu s é trange e ncore : tandis qu e les soc iologues , les économis tes. les historiens, les psychologu es e t les politologues, arm és de leurs articles d e presse , de leurs démonstrati ons, d e leurs cours, d e leu rs rapport s, d e leurs e nquêtes, d e leu rs commiss ions et de leurs statistiques, œuvrent à d éfinir et red éfin ir les groupe s, le s théories sociale s le s plus co urantes font encore comme si l'exis tence de s ac teurs concernés restait indépen dante de cette masse de travail investie p ar le s professionnels o u, pire, com me si cet te bo ucle réfl exi ve in évitabl e empêc hait à tout jamais la sociologie d e d evenir une véritabl e science , Et pourtant, qu i saurait invoquer 1'« inconscient » sans Freud ? Qui po urrait d énoncer 1'« aliénatio n » sans Marx ? Qui se rai t en mesure de s' identifier aux" classes moyenne s aisées" sans le s statistiques sociales? Qui apprendrai t à" se sentir e uropéen " sans les éditoriaux d e la presse proeuropéenn e ? Pour résum er, tandi s q ue le premier p robl ème, pour le s sociologu e s, semble être de choisir un regroupement privil égié, notre expérience qu otidienne , si nous l'écoutons, nous suggère qu'il faudrait plutôt p ren dre comme point d e départ le s process us contradictoi res de formation ou de démantèl ement de grou pes - tâch e à laqu ell e le s sociolog ues contribuent activement. Ou bien nous suivons les soc iolog ues et nous com me nçons notre
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voyage e n déterminant dè s le départ quelle sorte de groupe e t quel niveau d'anal yse doivent retenir notre attention, ou n ou s com me nç o ns no s pérégrin ation s par le s traces q ue laissent d errière e lles le s inn ombra bl es co ntrove rses o ù se trouv ent en gagés le s acteurs eu x-mêmes. Ce premier rés ultat n ou s met devant un cho ix qu'Il faudra refaire plusieurs foi s a u cours de cet ouvrage : suivre le s sociologues ou suivre le social. . . Alors qu' on ne c omp te plus le s e nquêtes sociologique s qui comme rc ent par a ffirmer t'existence d 'un o u de plusieurs ty pes d e reg roupement avant de s'exc use r profu sémen t pour cette limitation quelque peu arbitraire, rendue nécessaire, explique -t-on le plus so uvent, par 1'« obligatio n de limiter sun propos » ou par le « droit d'un scientifique à définir son objet JO, ce n' est pas là le ge nre d' affirmations, d' obligations e t d'excuses avec lesquelle s le s sociolog ues de s a ssoc iations c hoisissent d e commencer. La première so urce d 'incertitude dont nou s devo ns tirer des leçons, c ' e st j ustement qu'il n'y a pes de groupe ni de niveau qu 'il faille privilégier, pes de co mposant pré -établi qui pui sse faire office de point de départ irréfutable ' . Notre tâche ne consiste pas à é tablir - même par so uci de clarté, pour paraître raisonnable ou par obligation de méthode - une li ste stable de s re groupemen ts constituant le social . Bien a u contrai re : nous allo ns d ësuter par le s co ntro v er ses s ur l' appa rt en an ce, y c o mpris bien s ûr le s co ntroverses qui divi sent le s sociologues au sujet de la composition du monde social lui-même . Si quelqu 'un s' avisait de me faire remarquer que le s terme s d e « groupe JO, de « re groupement » et d' « acteur » so nt privés de sig nificerio nje répondrai s q ue c'est exact. Le mOl « groupe» e st si vide de sens qu 'il n'indique ni la taille ni le contenu ; on pourrait l'appliquer à une planète autant qu' à un individu, à Micro soft autan t qu' à ma famille, aux plantes c omme aux babouins . C'es t précisément pour ce la que je l' ai c hoisi.
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Prl'lltière souree d'incertitude ,'pa< de groupes, mai" des regroupemi'lllS
Nous touchons là à un point important du voc abulaire de la soc iologie de l' acteur-réseau, avec lequel je dois familiariser le lecteur des à prése nt afin d' éviter tout e co nfusion e ntre le langag e employé dan, cet o uvrage et le paysage qu e nou s allons traverser. En règle générale. j e préfère recourir au répertoire le plu s vague, le plu s banal, voire le plu s vulgaire, de façon à éviter de le confondre avec les langues multipl es parlées par les acteurs e ux-mêmes, Les soc iologues !hl social, quant à e ux, font e xac tement le contraire : ils s'eâorcem d'employer des termes précis, bi en c hoisis, sophistiqués pour désigner ce q ue les acte urs expriment. Mai s c'est d' après moi ce qui leur fait courir le risque de confo ndre le s deux métalangage s - car les « acteurs auss i » possèdent leur propre métalangage, aussi sophistiqué e t aussi réflexif que celui qui prétend les e xpliquer. En affirmant que les acteurs ne font qu e dissimul er ce qu e le sociologue leur fait dire, o n court le risqu e de ne pl us conserver la variété de ce que di sent les acteurs - la sociolog ie critique, elle, n'hésite pas à parler à la place des acteurs rendus muets par définition . La sociologie de l'ac teur-réseau préfère recourir à ce qu' on pourr ait appeler un infralangage qui reste vide de sens, si ce n' est qu'il permet le déplacement d'un cadre de référence à l' autre. Mo n expérience m e porte à croi re q ue c'es t là un e meilleure façon d e faire résonner le vocabulaire des acteurs - et si cette pratique relèg ue au second rang le j argrn des sciences socia les, j'avoue que cela ne m'inquiète pas le moins du monde 1 . Si je de vais proposer un contrôle qualité pour décider si une description de type acteurréseau est bonne o u mauvaise, il s uffirait de nou s demander si elle permet a ux concepts des acte urs d'être plus fo rts q ue ceux des analy ste s ou si, au contraire, c'est l'analy ste qui fait tout le travail. Dam le cas d'un document écrit, ce la implique un test aussi simple que discriminant: la prose des commentateurs es telle plu s intéressante, au ssi intéress ante ou moins intéressante qu e les citations et documents provenant des .. acteurs e uxmêmes " dont le compte rendu est issu? Si vous pensez que le test est trop facile à passer, c'est que la sociolog ie de l' acteurréseau n' est pas fa ite pour vous.
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Cmllmelll dép/Gye, les CO/I lroW'rses
SUI' /~
nw/ldi> social
Un e list e d es traces la issées par la forlllldion d l' uroupes Les nombreuse s di sp utes a uxquelles se livrent les !IOCiolegu e s et le s ac teurs e ux-mê mes a u s ujet d e s compo sa ntes premières de la société ne doivent pa s nous faire désespérer de s sciences sociales . Si la socio kigle de t' acteur-ré seau ne prétend pas nous apprendre un j our que la soc iété es t" vraimera " faite de petits agents individuels et c alc ulateurs, e lle ne prétend pas non plus qu e, puisqœ tout se vaut , on peut choi sir MJlI candidat selon l'humeur du moment . Au co ntraire, d ie tire de ces incertitudes la conclusion relativ iste, c'est-à-dire scientifique, que ces co n troverses fournissent à l'analyste une ressource essentiel le p our rendre traçable s les co nnex ions sociales . Elle affirme s imp lement qu e , une fois ces nombreux cadres d e référenc e devenus familiers , il sera possible d e parvenir à une compréhens ion a déq uate d e la genèse d u social, dan s la me sure o ù une co nnexion relativiste entre de s cadres de référence co nstitue une m eille u re bas e d e j u g ement o bjectif qu e le s co o rd o n nées absolues (et d onc arbitraire s) suggérées par le bon sens . C'es t pour cette raison qu 'il es t essentiel de ne pas commencer par une déclaratio n du type : e Ie s agrégats sociaux orig inaires sont princ ipalement fait s d e (x) " - e t peu importe si (x) repr ésent e l ' " agen t individuel » , le s " o rganisations » , le s « races », le s " p e tit s g rou pes », le s " É t a t ~ », le s " p e rsonn e s », le s " membre s ", la « volon té de puiss anc e ", la " libid o " , le s « biographies " , le s e c hampi JO, e tc . Notre but n' e st pas de stabili ser le social à la place des acteurs q u'die étudie mai s de lai sser les acteurs. au contrai re, faire le travail de composition du social à notre place ' . S ' il peut sembler à première vue plus facile po ur les socio logu e s de c hois ir un groupe plutôt qu e de c a rtograph ier le s con tro verses sur la formation de tous les groupes, c 'es t l'inverse qui e st vrai : le s controverses laissent beaucoup plus de traces dans leur silla ge q ue des connexions d éjà établies qui, par d éfinition, restent mu ett e s et invi sible s. Si un groupe me nt donné est simplement donné , alors il est mu et et on ne peut rien en dire ; il J. C""""" BOO ' l"'VOB' W du " l"iBtmd lroo", 10 , 'Id'Ie> d. ubili..ooB "'.. ox""" m m ' .... , i Onpa1BrO.. ' mai , "" 1""'_ 1lro ku.di.~ .. qu·""rh . vois Nf ""~ .... di,,; "i"~" w dOploi.""",'
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Premi~re
source d 'illCt'l1ilWle: pa< de groupes, mais de;; regroup"""'lIl!i
Deuxièmement, à c haque fois qu'il est nécessair e de tracer ou de retracer les frontières délimitant un groupe, les autres so nt sys té mati q ue me nt d ési gn és com me étant v ides, arc haïq ues, dan gereux, obsolètes, etc. On n'affirme jamais un li en qu e par comparaison avec d' autre s lien s concurrents, si bien que la définition de tout groupe implique aussi de dre sser une li ste de s anti groupes. Voilà lJ.I i es t bien commode pour l'observateur, c ar-cela veut dire que les acteurs seron t cons tammen t e ngagés dans un travail ex plicite pour établir la carte d u " contexte social ;0 dans lequ el ils évolueront, offrant ainsi à l'analyste une th éorie pl ein ement dévelop pée du type de socio log ie qu 'il convient de leur appliquer ' . C'es t pour cette raison qu 'il est si important de ne pas définir par avance le type d'agrégats soc iaux suscep tibles de fournir le contexte de tou tes ces c artographies . La délimi tation d es groupes n' est pas seulement l'un e d es c hoses qui occ upent l es soc iolog ues : c'est a ussi l' u ne des tâche s a uxq uelles le s acteurs se livrent co nstamment, les acteurs faisant la sociolog ie pour le s sociolog ues, le s sociolog ues apprenant de s acteurs ce qui cons titue leurs assoc iations . Ce résultat trivial s'oppose pourtant aux réfl exes c ooditionnés des sociolog ues critiq ues : pour e ux, le cadred' ensembl.e échappe a ux acteurs, q ui se rédui sent à d e simples" informateurs " . C'est pour cette raison qu'il faut leur apprendre ce qu 'e st le co ntexte « dans lequel » ils opèrent et dont ils n' aperçoivent qu 'une petite part ie, tandis que l' analys te, perc hé en alti tude, e mbrasserai t tout l'" e nsemble" de sœi regard. Le prétexte qui perme t aux chercheurs d 'occuper le poi nt d e vue de nulle part, celui d e Dieu, vient généralement d e ce q u' ils prétend ent faire de façon" réflexive " ce que le s acteurs feraient « sans y prêter attention ». Mais même cela est douteux. Le peu de savoir raisonné que le s socio logues so nt en me sure d' accumuler es t touj ours e xtrait du processu s ré flexif de formation de groupes prél evé par une opération trè s p roch e du para sitisme. La plupart d u temps, ce q ui passe e n sc iences socia les pour d e la réflexiv ité n' e st q ue l' absence d e pertinenc e de s qu e sti on s qu e l' an aly ste sou lève, en com plet
7. Po""no • 'a développé cola ... ..,; bio. quo Gmi.ul. Vo ir DotllJIllŒO' 10 c u ctlèbro do l' offtliotial , om ollo mctnamo d' A gn ~ ' ft .. critiquo P'" N. K. OHaIN, ~ Harold ond "J"'" , A Ftmi.. .. Nuntivo Untloi"3 • ( l 9'lO1.
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décalage avec ce qui pré occu pe véritablement le s ac teurs" . En rè gle générale, il vaut dore mieux adopter la position p ar défaut s elon laquelle l' observat eur a toujours une boud e d e réflexivit é d e reta rd sur ce ux qu 'il c hoisit d' étudier. Même si ce n' e st pas toujours vrai, rn risquera moins de se tromper qu' en prét endant être plus lucide qu e ceux qu' on étudie . Troisièmement, lorsque des groupes sont formés ou redistribué s, leurs p orte -parole cherchent frénétiquement de s façons de le s définir : leu rs frontière s fra giles doivent être marquées, d élimitées, et fixées pour devenir un peu plus d urables. Quelle qu e soit sa taille, chaque grou pe a besoin d 'un limes, à l'image de la frontière mythologique qu e Romulus tra ça auto ur de ce qui allait devenir Rome . Enc ore une fois, c'es t po ur l' analys te une c hance, puisque toute formation d'un groupe va s'accompag ner ai nsi de la mise a u jour de toute une ga mme d e res sources mobili sées pour ren forcer sa frontière contre les pressio ns contradictoi re s e xercées pa r tous le s a nt igrou pes co nc u rre nts qui menaceraient de la di ssoudre . Et, en effe t, il ex iste mille et une faç ons d'inscrire la définition du groupe de façon plu s stab le e t plus certaine, si stable et si certaine qu ' à la fin il semblera aussi indiscutable qu 'une table o u qu 'un broc. On peut se réclamer d e la tradition ou du droit ; o n peut invent er des hybrid es ét ranges, co mme 1'« essentialisme stratég ique », ou fonder la frontière en « nature » ; on peut même aller chercher un « ronde ment gé nétiqu e " , l'assoc ier avec « le sang et le sol JO, e n faire une « tradition p opulaire ", ou l'enraciner dans le s mœurs e t les habitudes ; o n peut ratt acher le groupe à la liberté , à l' émancipatioo, à l' arti fice , à la mod e, o u à l'histoire. Toujours e st-il qu ' à la fin il sera devenu si difficile de douter de so n existence durable qu'il sera tenu pou r acq uis et n e produi ra plus de trac e, d'é tincelle o u d' information. Le nou vel é lément se trouvera d ésormais e ntièrement hors du monde soci al - au sens n" 2 - même s' il ne d evient qu 'à ce moment l'un de s composants agréés de la soc iété au sen s n" 1. 8. La rMl<xivill! . " .., . " ""' pit ~ 'l"i ",vt, url' ' ~ n ur;. oon inll!",...nr lofS'I" 'i l " ",pOil>< llUX wx obi" " . , qui l',,,nd "" "'.. dtlt""'" lorqu'~ fait oll"ie. d. vonu tpi" <molop 'I"" proll!l'"'" 1.....;iolo~"" de 'oote iol racoon ~ l ·obp:tivito!. Cf A. HI'.NNlON, « V.u u... l'rq;mw'l''' du l oG!. (200J I. H' JllliOll "' n~ J< ",uv. ," d. l'.-...dr< p lOJ.lÔt pau- " lmpl. do rtfi ..ivi1t e"'" .....""iU""" fœm. p",aom.. . l< dc 1. 3nrrunairo frmçlti", , « ~ , '. vm, ., « il , ' ogi' • .
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Première source d'incertitude ,' pas de gro"{H's, mai" de.< regro"{H'l1It'lIl'
Enfin, quatrièmement, parmi le s nombreux porte-parole qui con tr ib ue nt à la d éfinition durable de s groupes, il c on vien t d 'indu re le; sociolog ues, le s sciences sociales, les statistiques et le journalis me. C'est là l'une d es p rincipales di fférence s entre le s deu x éco les de pen sée. Pour le s sociologues du social, la sociologie devrait s'efforcer de deveni r une science, au sens tradi tionnel et dé sintére ssé d'un re gard objectif porté sur un monde e xtérieur qui autoriserait une de scription e n quelque so rte indé pendante d es groupes que le s acteu rs contrib uent à mat érialiser. Pour le s sociolog ues d es as sociation s, toute ét ude d 'un groupe par quelque soc iologue que ce soit est partie int égrante de ce qui fa it exister, durer, décliner o u di sparaître tel ou tel groupement. Dans le monde dé velop pé, il n' existe aucun ag réga t qui n' ait p ou r appen dice qu elqu e instrument, d ocumen t, observa tio n, gé néalogie li é à l' une o u l' autre des sciences sociales. Qu' on ne voie pas là une " limite inh érente » de la di scipline, le s sociologues étant aussi de s « membre s de leur société » et ne pouvant d onc « s 'arracher » à l'e mprise de leurs p ropre s « catégories sociales JO . Il faut simplemen t impu ter cette qualité (et non cette fai blesse) a u fa it qu e le s anal yst es se tro uve nt s ur un pied d ' é galité a vec ceux q u'I ls étudient, q u' ils font exactement le même travail et q u' ils partici pent a ux mêmes tâc hes d e tracer d es liens sociaux, même s' ils emploient des in struments différent s et n ' ont pa s le s même s vocatio ns p rofe ssi onnelle s. Si, dan s la première école , les acteurs et le s observateurs sont dan s d eux bateaux différents, dans la seconde, ils sont dans le même bateau tout du lon g et joue nt le m êm e rôle , à savoir contrib uer à la formation d e groupes. Si le social doit êt re a ssemblé, o n ne sera jamais trop nombreux. Ce n' e st qu ' à la fin de cet ouvrage que nou s tirerons le s co nclusions politiques de ce principe d' égalité fondamen tale e ntre acteurs et observateurs . Malgré le c aractère gross ier et provisoire de cette lis te, e lle nou s apprend d éjà à tracer de nombreuse s connexions sociales, et nou s év ite de nou s retro uve r co nsta mment e nlisés dan s l 'impo ssi bilité de d écider une fois pou r toute s ce qui de vrai t co nstituer l'unité d ' analyse pertinente par laquelle la sociologie de vrait débuter. Ce n'est là toutefois qu'un avantage très partiel de la sociologie de l'acteur-réseau : d'un côté, rou s sommes en effet libéré s d 'une tâch e im possibl e q ui nou s a urait ralenti s : d e l ' autre , il nou s fa ut maintenant prendre e n considération un
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n ombre de c artog rap hies contradic toires bea ucoup plu s gra nd qu e çe que n ous auri ons so u hai té - e t cela va n ous ralentir encore plu s.
Pas d e travail, pa; d e J!;f uu pe Comme nous venons de le voir, le c hoix n ' e st pas e ntre la certitude et la confusion, J'arbitraire de quelque décision a p riori et le mara sme des variations ind éfinie s. Ce qu e rou s av o ns perdu d'un côté - une liste stab le de groupe s - , nou s l' avons regag né de l'autre, puisqu e le s regroupements doivent être constamment faits, ou refaits, e t puisque , au cours de ce proce ssus de c ré ation ou dere -créauon. le s fai seurs de groupes laissent derrière e ux de s trace s qu e l'in format eur peut utiliser comme d es donn ées . Un e façon d ' exprim er cette di fférence consiste à dire qu e le s a grégats sociaux ne sont pas l' obj et d 'une définition ostensille - comme le sont par exemple le s ta sse s, les chats ou le s chaises, qu e l' on peut p ointer du doigt - mai s se ulement d'une définition p erformative , ils e xisteraien t e n ve rtu de s différentes faç ons dont on a ffi rme q u'Il s ex iste nt. Cette distinction e nveloppe toutefoi s toute une série de difficultés d' ordre linguistiqu e et métaphy sique, car j e ne veu x nullement suggérer qu e les groupes ex istera ient e n vertu d'un fi at, o u, pire , en vertu d e simp le s c onve ntions lingu istiqu es, p ar l'effe t d' acte s de parole 9 . J'utili se le te rme de .. performatif JO uniquement pour souligner la distinc tion e ntre des groupes dot és d 'une MI1e d 'inertie et de s groupes dont la coh ésion doit con stamment être maint enue par d es e fforts d e mobilisati on et d ' en rôlem ent. Trop so uvent, e n effe t, le s sociologues du social se plai sent à invoquer 1'« inertie sociale », comme s' il e xistai t quelque part un stoc k de c onne xions dont le 9. NoD 1'" ... _ . q"" 1. Su.J.U'. UJ c,"u'net;,., dr '" r"~" _;o/r (l 99 R~ . ",li.,." IlUS mai> pbol' ... ""' . po",, '" p.l. H""",""', ,, 'Tho Sdr· Villdicoô"" of g"' ''1''''. mais dl'1i r~g"'''IH'1IIi'1Il!i
c apital ne saurait s'éroder que sur de longues période s. Dans la p ersp ective d e la soc io log ie de l'acteur-réseau, en revanc he, lo rsqu e vo us cessez de fai re et de refair e d e s groupes, vous cessez d'avoir des grou pes . Aucune .. force scciale » s'épanchant d'un qu elconque réservo ir ne viendra vo u> aider. Pour le s sociolog ues du social, l'ord re constitue la règ le, tandi s q ue le déclin, le ch angement ou la c réation so nt l'excep tion. Pour les soc iologues de s assoc iations, l'innovati on est la règ le, et ce qu 'il s'ag it d ' expliqu er - les exceptlcns q ui donnent à penser - , " sont le s divers es formes de stab ilité à long terme et à gran de éc helle . Tout se passe comme si ce qui distinguait le s deux écoles éta it co mme une inversion brutale du rapport de la fonne et du fond, du premier et du d euxi èm e plan. Le s co nsé q ue nces d e ce tte in versi on son t éno rmes . Si l'inertie, le caractère du rable, l' étendue, la solidité, l'engagement , la consta nce, l'adhés ion, etc . so nt ce q u' il s'ag it d ' expliqu er, alors on ne peut le faire sans rechercher des vé hicules, des o uti ls, des instruments et des matériaux ca pables de produire une tell e stabilit é - voir la troi sièm e et la qu atri èrne so urces d 'incertitude. Alors que le fait d'invoquer la société a p our le soc iologu e du social la gran de ve rt u de se rv ir sur un plate au cette stab ilité - et en plus, gratu itement - , nous co ns idérons la stab ilité comme ce q ui doit être expliq ué en recourant à de s moyens coû te ux. innovants e t rare s. Mai s su rto u t, n otre thé orie n ou s suggère que, par définition, ces instruments do ivent avo ir une a utre qualit é qu e cd le qui consiste à être .. scciaux ». puisqu 'ils d oivent au gmenter qu elqu e peu l'extension du re groupement da ns l' e space a ins i qu e sa durée dans le temp s. Le problème de tout e d éfinition o stensive du soc ial e st q u'elle ne requiert a ucun effort supp lémen taire pour maint enir les groupes en existence, tandis que l'Influence de l'observateur semble ne compter nulle ment - ou simp lement co mme lUI facteur de perturbation qu 'il s'ag it de minimiser a uta nt q ue possible. Le grand avantage d 'une défini tion performati ve est inverse: elle attire l' attention sur les pratiques néce ssai re s a u maintien co nstant de s groupes et sur la contribution fondam ental e de s ressources dont dispose l'observateur lui-même. La sociologie des assoc iatio ns doit s' acquitter en petite monnaie de dépense s que la socio log ie du socia l semb le pay er d' un stock illimité d e capital .
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Omllnelll dép/ayer les CIJIIlrowrses ""
I~
II\(Jnde social
En mettant en relie f les m oyens pratiques investi s dan s la délimitation de s groupes et dans leur entretien, nous rencontrou s une différence de p rocédure qui marqu e une diverg ence n ette - ce n ' est p a s la d ernière ! - e n tre le s au toroute s qu' empruntent le s sociologues du social et te s sentiers tortueux qui travers ent les r égions qu e nous so u haitons cartographier. T out dépend e n effet de ce que l'on désigne so us le te rme de « moyens ». Le s enquêteurs de la première école s'excla ment : " Il nou s faut d etoute évid ence partir de q uelq ue put, par conséquent pourquoi ne pas c ommencer par définir la soc iété c omme un ensemble cons titué de l'agrégat (x) - par e xemple l'individu calculateur, ou le champ, ou la classe ? » Les autres affirm ent avec autant d ' énergie : « Lai ssons les acteurs fai re letravail à n otre place . Ne définissons pas pour e ux ce qui cons titue le sociall» Ce s démarche s divergentes s'expliquent parle fait que, a ux yeux du premier groupe de c hercheurs, le c hoix d' un point d e départ n ' e st pas abs olument cr ucial, dan s la me sure où le m onde social exis te toujou rs déj à. À leur s yeux, m ettre e n exer g ue le s «classes" plutôt qu e le s e Indivl du s », l e s « nauons » plutôt que le s « ctasses ». les e trajectoires biograp hiques " plutôt qu e les « r ôl es socia ux ,., o u le s " ré se aux sociaux » plutôt que le s « organisations » ne change rien au food , d ans la m esure o ù le s c hem ins finiront de tout e façon par se recouper, puisqu'ils ne sont que des façons quelque peu arbitrai te s d e de ssiner le con tour du m ême gros a nimal - de la m êm e façon qu 'il est possible d ' attraper le proverbial élép hant du conte indi en par la jambe, l'oreille, la tro mpe, ou les défenses. La situation est toute différente dam le cas de la sociolog ie de l' act eur-rés eau , puisqu e ni l' existence de la société ni celle du soc ial ne son t données de prime abord. Il faut au contrai re les discerner à traver s d e subt ils ch angemen ts dans la façon d e co nnecter des ressources qui sont encore à ce stade non sociales . Ainsi, e n fonction du point d e départ sélectio nné, o n aboutira à des dessins absolument inc ommensurables d'animaux complètement différents. Pour la première école, la société est toujours là, j eta nt tout son poid s derrière tout véh icule s usceptible de la transporter; dans la seconde approche, les lie ns soc iaux doivent être tracés par la circulation de différents véh icules dont aucun ne saurait remplacer l'autre.
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Prl'lltière SOUJ'ce d'incertitude ,' pa< de sroupes, mai" des resroupelnellL
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l in m omen t rurdien de Du rkheim Comme le montrent ces citations d'un pas->age célèbre de Durkheim sur le rôle des totems, la différence entre un médiateur et un intermédiaire est SlIbtile, Le totem exprime.. -ne groupe, facilitet-il sa cohésion, ou est-il ce qui permet au groupe d 'exister en tant que groupe? C'e5t l'hé5itation même de Durkheim qui est tardienne : « Qu 'un emblème soit, pour toute espèce de groupe, un utile centre de ralliement, c'est ce qu 'il es. inutile de démontrer, En exprimant l'unité sociale sous une forme matérielle, il la rend plus sensible 1\. tous et, pour cene raison déjà, l'emploi des symboles emblématiques dut vite se généraliser une foi~ que l'idée en ün née, Mai5 de plus, cette idée dut jaillir sporaanérrera des conditions de la vie commune ; car l'emblême n'est pas seulement un proceœ commode qui rend plus clair le sentiment que la société a d 'ellemême: il sert 11 faire ce sentiment ; il en est lui-même un élément constitutif ,. Les formes Illmenrairl'$ de la vie religieu.
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pu isqu' on peut ais érœra l' oubl ier. Qu el que soit le degré de simplicité apparente d'un médiateur, il peut devenir plus complexe; il peut se d éployer dan s d e multipl es directions q ui vont modifier tou s le s comptes rend us contradictoires qu e l'on don nera d e son rôle. On peut par exemple co ns idérer un ordinateur en état de marche co mme un bon exemple d'intermédiaire ccmpliqué, tandi s qu'une banale co nversa tion peut se muer en c haîne de médiateurs terriblement co mplexe, où les pass ions, les opinions e t les attitudes bifurquent à chaque nouveau tournant . Mai, s'il tombe e n panne, ce même ordinaleur peut devenir un médialeur atrocement co mp lexe, a lors qu 'une conférence int ern ationale de trè s h aut niveau peut devenir simplement co mp liquée !il elle ne fa it qu' enté riner de s déc isions venu es d'ailleu rs 11. Comme nous allons le découvrir peu à peu, cette incertitude permanen te quant à la nature intime des entités - se comportent-elles comme d ei; intermédia ires o u comme des médiateurs ? sont-elles compliq uées o u co mp lexes? - est la source de toute s les autres Ircerruudes que nous allons décider de suivre. Une fois cette définition posée, on comprend pourqu oi il ne s uffit pa s a ux soc io logues de rec onnaître qu 'un groupe e s t constitué, e repecduit JO, ou «construit JO à travers une multitude d e moyen s et expri mé à travers un grand nombre d ' outils. En fuit , lorsqu ' on voit ce que la plupart de s soc io logues ap pe llent « cœisuucüœ ». il n' e st pas certain qu 'ils ae nt j ama is bâti quelque c hose d'aussi simple qu'une c abane, sans parler de la e société JO (nou s reviendrons plu s longuement sur ce point p . 126). La véritable différence e ntre le s deux écoles de pensée d evient visible lorsqu e le s « moy en s JO o u le s «o utils" e mployés d an s la « consuucüon » sont traités comme des médiateurs et non plus co mme de simples int errn édiaires, Si cela revient à couper le s c heveu x e n quatre, c 'es t que la nuance qui distingue au début le s directi ons e mpru ntées par le s deux sociologies es t e n effet aussi mi nce q u' un cheveu! Après tout, si le s physicien s o nt étécepabies de se débarrasse- d e l'éther, ce fut ap rès avoir d émêlé, eux a ussi, bien de s subtilités ...
L2. """run u uge de coUe di otinclio n eJllJe ç ompJ ex ~ .. çumptiç oti<JII , voir s . SnUM '" B. Lu:, MlJn : Th< Slory tf a F.shion R",olio lion ( 2000). Voir ."",i 1. bi0ll'''I'hie de Cco Cbonel por A. MAIl'EN. Cha",/ : ,t W",,,,," tf H" 0> "'' ' p. W
8. PJincip o d o m khod o foo d"",m,.lo qu o ""US avom ' l'l'Ti. d o moitIo li"", d o J. FAVn:r,'lAADA, IL. """"'. la """" . Ii! ....., ( 197 7).
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Deurièllll' sourr:t d 'inœrliludi' ,' J,lbo,dh par l'aclirm
La le ç on difficile qu e nous devons apprendre e s t l' exact con tra ire de ce qui e st e ncore e nseigné part out so us le nom d' « explication sociale JO : nous ne devon, pa, substituer à une ex pression surprenante mai, précise le répertoire bien connu du soc ial qu'elle est ce nsée occulte r. Nous d evon> éviter de faire comme si le , acteur, ne dispo saent que d'un seul langage tandis que l'analyste disposerait e n plus d'un métalangage dans lequel le premier serait « e nchâssé JO , Comme je l'ai dit plus haut, mieux vaut faire la sup position que les observateurs n' ont le droit qu 'à un infralangag e , d ont le rôle se borne à les aider à devenir attentif> au m étalangage pleinement développé que po ssèdent le , acteu rs eux-même, et qui fournit toujours un compte rendu plu, réflexif des p ropos qu 'ils tiennent. Dans la plupart des c as, le s e xplications soc iales ne sont que des ajouts superflus qui, au lieu de révéler les forces qui se tiennent derrière ce qui est dit , ne ïont, comme Garfink el n'a jamai s cessé d e le montrer, que dissimuler ce qui a été vraiment s uggéré 9 , fi ne sert à rien de justifier ce tte pratique sou, prétexte qu e le , sciences naturelle s ne cessent elles au ssi d'aj outer de s e ntités c ac hées pour rendre co mp te de s phénomènes : lorsque les naturalistes invoquent des e ntités invisibles, c'est pour rendre compte des détail , le, plus d élicat , de l' objet étudié, pa, pour détourner le regard face à de, information> embarras santes avant de le s remplacer par d'autre s moin s récalcitrante, ! Bien sû r, il y a de s rais ons tout à fait respectable s qui e xpliquent cette confusion de de voir, comme je l'ai déjà brièvement indiqué : l' a genda politique d e nombreux sociolog ues a pris le contrôle de leur libido sciendi. Il, e n sco t venu, à considérer qu e leur tâche ne co n sistait pa , tant à fai re l'inventaire de , mode , d' e xi stenc e à l'œuvre dan> le mond e, qu ' à pourch a s ser le s nombreu ses forc e s qui , à leurs yeux, e ncombrent la soc iété e t maintiennent les gm s dans un é tat d'aliénation - le s " Sainte s Vi erg e , JO et le s « fétiches JO figurant parmi le , premier, c o upable" Le travail d ' émancipation auquel les soc iologues cro ie nt devoir se co ns acrer le s pou sse à ra réfi er d ' abord le nombre d 'entités acceptab le" Redéfinis sant leur, droit, et leur, décw,.,y ",. le. "",mt... de 1. lIOCitt~ l""oM,." .... voc.t>ol. ;,- . cunpllt CI lZl' lIlM- ie ", d . l. dh , k'l'J'Ù Iew- p,m",".'" de <Xml'"mâ-. l.ur 1'"" 1'"' comp" """"''''. 9 . Un•• oh,., ......bode COlI"'"
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de voirs, ils se rnettera alors tranquillement à décider, à la place de ces acteurs dors ils devraient apprendre à déployer les univers, q uelle e st la list e d es êt res qui doivent, à leurs yeux, co mposer le mond e social. Et tout cela au nom d' une politique d ' émancipation ! On voit mal pourtant la vertu d'un proj et qui commencerait par s'épargner le travail de compos itio n en retranchant artificiel lement du monde la plupart de s e ntités qu'il va falloir assembler . Cette habitude d' ajouter trop vite de s forces dissimulées fait couri r un autre risque, celui de glisser de la sociologie d u social à la sociologie c ritique 10 . Cette so us-discipline d e la sociologie croit scien ti fiq ue d e re mplacer le s donn ée s pa r de s forces soc ia les déj à rasse mb lées dan s un paquet ag e qu e la ro utine oublie de rou vrir. Mais le pire, c'est qu' elle se croit plus scien tifique e ncore lorsqu ' elle p rend les réac tions indignées de ceux qui font l' objet d 'une " explication " comme la preu ve d e la vérité in supportabl e d e l' interprétation critiq ue q u'elle p ropose. À ce stade, la sociologie cesse d'être empirique pour devenir « vampirique » . Il es t v raiment tra gique pour le s sciences sociales qu' elles n ' aien t pas tenu compte de cette leçon e t que les soc iolog ues critiques c on tinuent de c onsidé rer comme leur trésor ce dont il s devraient plutôt avoir honte: confondre ce qui occ ulte le s données a vec ce qu ' elle s ré vèlent. Qu alifi eri e z-vou s d e « scientifique » une di scipline qui mett rait de côté l'Inform ation préci se offe rte par le travail de terrain pour lui s ubstituer d' autres in stance s, des forces inl'isibles, e xpliquant de s c hoses qu e le s acteurs n'on t pas dites e t qu'ils réfu tent avec véhémence ? Pour une fois, ce 1\OOt le s sociologues des associations qui font preuve d e sens commun. Selon e ux, les controverses sur ce qui nou s fait ag ir doivent être déployé e s j usq u'au bou t, quelle qu' en soit la di fficulté, de fa ço n à ne pa s sim plifier à l' a van ce la tâ ch e d'asserœler plus tard le c ollectif. Ce la ne ve ut pas dire qu'il fa ut s'abs tenir à tout jamais de fai re référe nce à d es variable s cachées, o u q ue nou s d evon s
10. La ,od ol0i i. oriti" "" ..i', ...p""Jou .Io, IOl!l"" l.. limilO ' """"ptabl.. d. la thSorlo , œ i. 1o jur; .,. '.~ pol'" "" l '..;,;,,,,"" d. l. , œ ;ou . " oo",id!". oum"", plo , nlollo .,.. l'. xi ""."" do ..'" 10 "' '''' , Y oumprl , do dmi~ d. la nligiOll, d. l " oooomio. d. Il sri• ...,. 00 d. l. r d ..,d ogi. , "" " oi ""otrl!»•• i",i. i ~v",... l '",d ", d. l''XptiO'';OII a ~ rlli", do , "'.on .. llUI' d. viot;'"", d'iDo';,. ,. A "" " . , il ." impoo. , ib!. do d"' ~ III "",ioIog io criti.q"" do, tJ.ro.-i.. ~ ",mpl«. : ""_ f",ioo. ~ p l.... • xne"", .:: . ptb """ a do la pl,,", oxuim. ..iva'.
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Deuxième SOU"'t d'inœrliludi',' débordés par l'aclirm
c roire que les acteurs font l'e xpé rie nce clai re et dis tinc te d e qu elque ego cogito qui se tiend rait aux comm andes de leurs act ions, Bien a u contraire, nou s venons d e vci r q ue l'intuition la plu s forte des sciences soc iales porte s ur le fait q ue nou s sommes a me nés à fa ire d es choses par d es entités s ur lesquelles nous n' avons aUL'Un contrôle. Dans le prochain chapitre, nous a urons de nombreu ses occas ions de voir comme nt l' action se distribue parmi des agents dont seul un petit nombre resse mblent à des humain s ''. La raison pour laquelle nou s souhaitons faire preuve d e prudence e n ralentissa nt I'usa gede l' explication sociale, vient de ce que l'appel aux tœces invi sibles rend a ujourd' hui impossible le contrôle du matériel en quoi elles sont faites, Expliquer quelque c hose par le rec ours à la « soc iologie instanran ée » est de venu une évi dence, co mme la «psyc hanalyse instan tanée » . Les comme ntaires q u'elles déc lenchent sont aussi impossibles à examiner, à tester et à réparer qu' un o rdinateu r, C'est parce q ue le s uccès même des explica tions soc iales en a fait des produits bon marché qu 'il nous fa ut re ndre leur e mplo i plu s diffi cile, a ugme nter le coût de leur app licatio n e t accroître le contrôle qualité sur ce qui constitue une force cachée Il,
Une enq uête d e m étaphysique a p pliq uée Si nous ap pelons métaphysique la discipline inspirée par la tradition philosophique qui entend définir l'équipeme nt de base du mo nde commun, alors la métaphysique appliquée est ce sur q uoi dé bouch ent les controverses sur les e ntités q ui nous font ag ir, pui squ ' elles ne cessent de peupler le monde de nouvelles forces et d' en contester d' autre s ". La question est alors de savo ir I I . A 1. fiD do 1. ""ooDdo p.rt io, DOU' foroD' OODD.i...D" av" , 1. fi~",ro du « pl..",• • . 12. Co• •i~Dif;" . ....i qu '..,o P"" .!I.. 0-.;10':0 n OD."'.. qu 'Olr simplo"",". p..--dŒTi5 0 ou de l'on";"ur. ~ od'lD0m6lhodol os."" JIll' " 011' dt.m m u . fomil" ri..!••_ 10 ot l.. fo,molo « "" ....i. l''' .. morqlJo! ~ ,", D'' '' . 11",,, no"'.... Olr ' ''O_ 'U Wl< w ,,", h .. poo=i t '-PL 1J. l.o pl",.." d... ' /...:" ''';''D' f_"'O,",IIl "l"'''
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c om men t e xp lorer la mé taphy sique de s ac teurs, L a r épons e apportée par les soc io logues du soc ia l a cons isté à prét endre s'absten ir de toute métaphy sique et à couper les ponts avec la pbiloscpbie. cette d iscipli ne fantaisiste et n on emp irique q u i re présen tera it, à le u rs ye ux , la pet ite e nfa nce de s scie nces soc ia les dé sormai s parvenue s à maturité , En limitant de fa ço n drastique l'ensemble de s en tités « réellement agiss antes JO dans le monde, ils ont cru affranchir les acteurs de leurs propres illu sions , a planir la voie q ui m ène à la mod erni sation, préparer le terrain pour une ingéni eri e sociale à grand e éc helle " , Il n'y a rien d'étonnant à ce que ce programme de recherches a it fini dan s une impasse, Comme le s anth ropologue s n'oot cessé de le montrer, les acteurs se livrent constamment aux co nstructions m étaph ysiqu es les plus absconse s e n redéfinissant tous les él éments q ui composent le monde, Seul un chercheur formé à la gym nastiq ue co nceptuelle offerte par la tradition philosophiqu e peut se mon trer assez rapide, assez fort, assez a udacieux et assez so u p le pour enreg istrer lab orieu sement ce qu 'ils on t à dire, L' ori gine de l' action est probablement le probl ème le plus difficile de la philosophie ; comment des e nquêteurs pourraient-ils comp rendre les mots d' une fe mme a u foyer, d' un e mployé d e b ureau, d 'un pèleri n, d' un c rimind, d 'une soprano. d 'un P-OO, s' il n 'y ava it a ucun H egel , a ucun Ari stot e, a ucu n Nietzsche, a ucun Dewe y ou a ucun Whitehead pou r leu r ven ir en aide ? Ces auteurs n' ont-ils pas accompli un travail én œ me pour c larifier ce que peuven t être un acteur, une forme d' existence, une entité? Cela ne veut nullem ent dire que les p hilosophes en sauront plus, iront plus loin et se montreront plus profonds q ue les sociologue s, ni qu 'ils fourniront à la soc iologie ses « fonde ments » ou qu'ils en feront la « métathéorie » , Ma is en co upant le s sciences sociales des réservoirs d'innovation philosophique, on s' ass ure que personne ne sera en mesure de re lever les innovati ons mé taphy siques proposées par les acteurs o rdi nai res - qui d épas sent
14. Umox"",," li p ifi: dlt",rdh par " aclirm
sou ven t c elles des philosophes professionnels. La situation ne fait qu 'empirer lorsqu e les soc iologues, non se ulement s' abstiennent detoute métaphysique. mais cons idèrent cœnme leur devoir de S'e n tenir à un e liste d'agen ces extrêmem e nt limit ée, et ne ce ssent de traduire la production indéfin iment variée des acteurs dan s ce lexique rudimentaire. Alors que les acteurs ont toujours au feu plusieurs philosophi e s, les soc iolo gues pensent qu 'ils doivent s' en te nir à quelque s-une s seulement ; alor s qu e le s acteurs peuplent le monde d e forme s d' existence tres diverses, le s sociologues du socia l leur ex pliq uent de quels éléme nts le monde e st « réellement » compo sé. Je sais bien qu'ils se livrent à cet exercice pour de nobles raisons, mai s cela ne me ra ssure pas . Il y a d'autre s moyens de prouver son utilité politique qu e se montrer critique à la place des ac teurs ainsi « libér és " du joug d es puissance s a rchaïq ue s. Même si cel a devait mener à un e b onn e politique - ce qui n' est pas le cas, co m me nous le verron s - , une telle attitud e sera it quand même de la trè s mauvaise science. Il e x is te bi en e n ten du une rai son d'ordre pratique , plu s respectable, pour limiter à l'avance la liste des forces qui font agir les acteurs. Si l' on écart e l' obsession des sociolo gues pour la politique d'émancipation, il faut bien mesurer la difficulté qui M: présente dès qu'on veut suivre leur prolifération, Demander à de s enquêteurs de se livrer à cie la métaphysique appliquée et les en voyer trotter derrière le s acteurs, voilà qui es t bien ardu . Et pourtant, si les formes d' existence so nt innombrable s, le s control'erses à leur sujet o nt l' élégance d e se mettre en ordre d ' ell esm êmes. La solution e st la même qu e peur la so urce d 'incertitude précédente : bien qu'il exi ste un nombre indéfini cie regroupement s, il éta it po s sible de dre sser une liste de s prise s pour perme ttre au sociologue de passer d'un proce ssus de formation de groupe à l'autre . De même , il e st pos sible de proposer un nombre limité de prises permettant de suivre la façon dont les act eurs c rédi tent o u discréditent une e nti té dans le s co mptes rendu s qu'ils font de ce qui le s amène à agir. Cela peut semb ler paradoxal (b ien qu e ce paradoxe devrait s' atténuer au fil de la lecture ), mai s le fai t de s'appuyer sur les c ontr overses constitue une méthode beaucoup plus sûre qu e le travail improbabl e qui consiste à établir a priori, et à la place des act eurs, quel s groupes et qu elle s formes d 'existenc e seront
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II\(JlIde social
dés ormais artoris és à remplir le monde soc ial. Une fois e ncore, le déplacement d'un c adre de référenc e à l' autre offre plus de liberté de mouvement qu e tout point de v ue abscl u o u arbitraire. Et, pour reve nir de nouveau à la métaphore du guide de voyage, la liberté de mouvement est essentielle - même si elle oblige le vo yageur à se d éplacer encore plu s lentement !
Une liste pour enregjstre r les con t roverses sur les sou rces d e l'a ction Bien qu e IIOU S ne sach ions j amai s avec ce rtitude ce qui nous fait agir, nou s pou v ons définir une li ste d'attributs qui so n t touj ours pré sents dans les arguments con tradictoires p our rendre co mpte d 'un cours d ' action donn é : a) le s formes d ' existen ce sont définies par des comptes rendu s : b) elles reçoivent une figu ration particulière; c) elles s'oppo sent à d ' autre s formes co nc urrentes; d) enfin, e lles s'accompagnent d 'une th éorie ex plicite de l'action. En premier lieu, le s e n tités con trove rsées se pré sen tent toujours dans un compte rendu comme faisa nt o u fa isant fa ire qu elque c hose : elles int roduisent une certai ne di fférence dan s une situa tion donn ée, e n transformant A en B à travers de s épreuves C " . Sans comptes rendus. sans épreuves, sans diffé rence s, sans transformation d'une situatio n donnée, sans cadre de référence détectable, on ne peut jamais dire d'une e ntité qu ' elle ag it . Une for me d ' exi stenc e in vi sibl e qui ne produi t a uc une di ffére nce, aucune tran sformati on, qui ne laisse auc une trace et qui n e fi gu re dans a ucu n co mpte re ndu n ' e st p as une form e d ' existence. Un point, c 'est tout. Ou elle est agi ssante ou elle ne l'est pas. Si l'on fait mention d'une force, il faut rendre comp te de so n action e t, pour ce faire, il faut spéc ifier plu s ou moins la nature de s épreuves et celle do trace s observables qu ' die s o nt lai ssées - ce q ui ne veut pas dire q u' il faut se limiter aux acte s de langage, la parol e n ' étant qu e l'un des nombreux cœnpo rtements ca pables de produire un co mpte rendu, et l'un de s moins
1s. LL f oi.. do , ...d.-. """"". (""co"nI""~iJy) . " ... ..." a >pej...- do l" non plus de déguiser cette tœme particulière d'ignorance volontaire so us prétexte de réflexivité. Trop so uven t, e n e ffet , le s soc iolo gues - et en particulier les sociologues critiq ues - se compo rte nt comme s' ils étai ent d es observateurs « réflex ifs » et « distanciés » confro nté s à des acteurs « naïfs », « non critique s » et « non réflexifs ». En fait, la plupart du temps, l' observateur se co ntente paresseusement de traduire les nombreuses express ions de ses informateurs dans le vocabulaire uniqu e des forces sociales auquel il e st habit ué. Sous le prétexte d e faire œuvre d e scie nce, l' enqu êteur se born era à réaffirmer ce dont le monde social est fait; pendant que le s acteurs , eux, se co ntenteront d' être indifférent s aux analyses que l'on a fa ites d'eu x. Sans vergogne, les sociologues tireront de cette indifférenee la co nc lusion que le s acte urs sent aveugles à ce qui le s détermi ne l' ! À aveugle, aveugle et d emi. 20. la d<m~'" citation . st . xtrlIi'" d< C G........OUA, " La mi"" . n CO"" mviro"".. monta!o commo pri",,;po d· . """iatio• • (2 00S). 21. Et. comm. 000. 1. verron. lo rsqo . noo...., on••Ihi",. 1. dnqoièmo so",.. d ·;"".Jti'od.. d an, 1.."" ",,,, oil la Jrho.œ on l ·opiIIio. de> "" " '" "" modifi..., • • œ. 1. C0DI(U "., ~ d. l·.nquè"''''. il. n. sor>! 1"" do viri..blo. B'Or>! 1"" f!im>ltaDl!"",'" t l'",,,,,.. p.rmi 10. l'', ticip. '''' o, do. ires. Vo ir L THtvrn OT, ~ Whicb Rolld to Follow ~ The M.. û Compexi.y or ... "Eq>iwed" Humani.y • (2lXl2) e' L T!ffiv rnar, L 'or.;'o ""
''''Ji'''''
p"'NI (2006). 23. Comme d .. . la pre.œ.. "'''ce d'iJre,,;.ode, le . !IOC.,I0 ~ ... r. Jfiilo>oJfi.. e' (e. p 'ycllolo~", v' " ici POP'" ...... io... alX ccol .. 1• •ing\ll.i.. ~ 1"'''' oorrqi .. .... 1jO' "; do, ,and.. qu ·o. ~ o..d Réd ' . 1"'' '' fi.iI p. d"".." lib.. (Xl" ' " ~ plu. do voix .gi "'._ U.., fois " '''''". 10 dift..",.. n. '" .i... P" au . iv..... d.. fi "" .. ob", .., .. m ai, d la popootiOll ..l.:i"" d. rn\di..,o" ~ ljOi 1'011 d' . xi. ",,2'_Ali. d. d" """" o.. diff6..",. .. il.""" f ..., ua orit!« d. qualit6 " xturlli: ljOi . "" . do """ """ , pour .i",i di.., 1. do",io! . d . O:"" li", m6d""'ors par"WO",ux irulJnl!diair... WlO "'''' do t1."'DOm!r.. d", oo",!,,'" ",lido. "x'urh_ CIl"""" DO'" 1. VŒrom ... ' XlIlIIinont 1. dnquim.. d ' iŒ",ilud., ..la d ovion"'" la p i"", d . d' "". f<Jl1nO d'objertivit6 , la protif6..m0ll d", obj. w",,, _
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toujours de prévoir l' ou/put , autant ignorer le s effets et ne prêter attention qu' à la c ar se, où tout ce qu'il y a d'intére ssant e st déj à contenu - au moin s e n puis sance, Dans le cas d es médiat eurs, la situation est différent e : le s ca uses ne permettent pas d e déduire les effets, dam la mesure où elles ne font qu'offrir de s occastons. définir d es circo nstances et établir de s préc édents. Par conséquent, bien de s inconnues surprenante s peuvent surgir dans l'intervalle J' , Une telle distinction affecte tou s le s actan ts, qu'il s'agisse de ceux dont la figuration semble" abstraite JO - comme l' " état de s force s productives » - ou de ceux dont la personnification semble plus « concrète » - comme « mon ami e J ulie » , Tant qu' on le s trai te c omme des c ause s simplemen t v éhicu lées par de s intermédiaire s, le s vec te urs ch a rgés de déployer leurs e ffets n'ajouteront rien à l' affaire , Dam; cette th éologie étrange et très a rchaïque, les ca uses so nt censées produire des effets ex nihilo, Mais, si l'on consid ère ces vecte urs comme de s médiateurs qui m ett ent à leur tou r d' autre s médiateurs en mouv ement, il e n d éc oule de s s itua tions imprévisible s puisqu ' elle s font faire d'autres choses que celles qui é taient attendu es. On dira, e ncore une foi s, qu e je coupe le s ch eveux e n quatre mai s, très vite, o n ne peut plus superposer les deux cartographie s qui vont résulter de cette minu scule différence entre traiter les actants comme de s médiateurs ou comme des int ermédiaire s. La première solution c onsiste à c ar tog raph ier un monde c omposé d'un petit n ombre d'agence s, qui laissent un sillage de c onséquence s qui ne sont jamais a utre chose que d es effets, des expressions o u des reflets d e quelque c hose d 'autre, La seconde sol ution , privilégiée par la sociologie de t' acteur-réseau. de ssine un monde fait de concaténations d e médiateurs, dont on peut dire que c haque point est 26. Cela ' .. te vnli do", 1. "'" d >péri",,,,. , OOlllDlO DW' [' ''''' ' wri. 10. t",~. '1'" H_ 'Y Coll;" . li " " • ..,u", ~ la ",i ", (H. C(llIN gi.. "" r .""",.. &.eou " " " . . . .u "'C....m,,, do l' I: quelle action pow qU asymétries sociales. C'est même exactem ent j'inverse: si l'on peut produire des a symétri es eussi frappante s, c'est la preuve que so nt entrés en j eu de s acteurs qui ne sont pa s eux-mêmes faits en matière soc iale . Il est donc temps de faire subir à l' explication sociale ce que Marx prétendi t faire avec la dialec tiq ue de He gel: la remettre sur ses pieds.
Élar/!; ir la /!;a m me d es acteurs Ju squ'ic i, j'ai insisté princ ipalement sur la distincti on entre " soc ial JO a u sens d e " liens soc ia ux JO _ le soc ial n" 1 - " " M)cia l " a u sens d ' " a ssociations JO - le social n" 2 - e n gardant à j' e sprit le fa it q ue cette seconde acception est plu s p ro ch e de j ' ori gine é tymo log iq ue . L a plupart du temps, « social » dé signe un certa in type de lien: le tenne se réfère à un domaine spéc ifique, une sorte de matériau , comme la paille, la boue, la c orde, le bois ou l'ac ier. En théorie, on pourrait e ntre r dan , un supermarché imaginaire et se di riger vers le rayon des " liens sociaux JO , tandi s qu e d ' autres al lées seraient ac halandées en lien s « m atéri els », « bio log iq ues », « psychologiques » et « économiques ». Pour la sociolog ie de l' acteu r-ré seau, comme n ous le savons désormais, la définition lhJ terme est différente: il ne dési gne pas un domaine de la réalité ou un objet particulier, mai s il se réfèr e à un mouvement, un dépl acement, une trans formation, une traduction, un enrôlement Il s' agit d'une as socia tion entre de s entité s qu ' on ne peut aucunement dire socia les a u sens ordinaire du tenne, excepté durant le bref Instant au co urs duquel e lles so nt redi stribuées . Pour filer la métaphore du supermarch é, nous dirons désormais que relè vent du " social" non pas tel ray on o u telle all é e , mai , le s multipl e s modifi cation s a pportées à j' organi sa/ion des marcha ndises rassemblées al cet endro it - leur packaging, leur étiquetage, leur prix - parce que ce s nombreu x peti ts déplacemen ts révèlent à l' ob servateur le s nou velles combinaisons qui so nt e xplorées e t les voies qui seront suivies (ce qui sera plus tard défini c omme un " r ésear ,,) 1. Aux
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Cmmelll dt'p/IJ}'t'r II.'S CO/IlroveTSI.'S sur le nwllde .ocial
yeux de l' acteur-ré seau, par conséq uent, " social» désigne un type particulier d'a ssociati ons e n tre de s t o ree s jusque -là " inassociées " " . Une foi, pos ée cette seconde acception du " social ,. com me « associatio n ", nou s comprenons ce qui causait, chez les sociologue , du soc ial, un e tell e conf usion : il> devaient utili ser le même adjectif pour désigner deux types de phénomènes radicalement distincts : d'une part, le s int erac tions local es, transitorres, face à face, entre a gent, d épourvu, d ' équipement - que j e vais dor énavant désigner par social n" 3 ; et , d 'autre part, une force durable qui permet d' expliquer pourquoi ces mêmes interactions temporaire s pouvaient se prolonger et s 'étendre - c 'est no tre soc ial n° 2 maintenant bien repéré. S'il es t parfaitement raisonnable de désigner par le terme " soc ial» le phénomène e n e ffet partout présent de, relations face à face, il est pour le moins bizarre d 'utiliser l e mêm e term e pour désig ner un ph énomène exactement contraire : une « force " sociale capable de stabiliser ces même, interactions d ans le temps et d ans l' e spa ce. Privée des moyens pratiques permettant d' expliquer cette stabilisation, une telle " Iorce » soc iale ne serait rien d'autre qu 'une tautologie , un tour d e pa sse-pa sse, un e invoc ation magiqu e - c'es Ie social n" 1. Pass er de la reconnai ssance d es int eractions à l'existence d 'une force sociale est, une fois de plus, une co nclusion qui contredit le, prémis ses. Cette distinction en tre le social n° 3 - les interac tions locales face à face - et le soc ial n° 2 - ces même s interactions rendu es stables e t durabl es - e st d'autant plu, importante qu 'il e st d evenu difficile d 'i sol er dan , le, société, humaines ce q ue l' on pourrait appeler l' équipement social de ba se. Com me nous le verrons dans la seconde partie lorsque nou s critiq uerons la notion d' " int eractions locales ", c'es t dans le s soc iétés non humaine s (chez les fourmis, c hez le s loups e t surtout c hez le s singes) qu'il e st possible de concevoi r un monde social presque e ntièrement en ge ndré par une imbrication d 'interaction , face à face. Bien qu'il soit omniprésent au ssi chez le s humains, cet équ ipe ment
• . A MOL " J. LAw ( ~ R o gi "", . N.. worb, . nd R uids : Anoomill ' Dd So.,;. 1 Topolor;y • !199 41J 0" iIol1lld";, lo tonno ~ n.itlo • . Co IOnno )l"i1IùY"" d..... tign.. 1. d.-cul.;"" .. I.no.... d. çoqui. ... lr"spor1~ pl.... Vl IIi. ~ POP'" de Jo .od . o! , .. cap. d~ Jo d.... n' ..di..... J'O' .. _&i.Ilil., JnlIi ""'..., >al moUV llll"'~ .s..- 1. &", d • • d...x " . 011..""" " voi, p. 1S7 .. Jb6.
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En considérant l'équipement soc ial de base _ soc ial n" 3 - , on s' aperçoit aisément que les conne xions qu'il es t capable de tisser sont toujou rs trop fragiles pour s upporter le poids qu e les sociolog ues e ntende nt donner à leur définition du soci al n" 1. Laissée à elle-même, une relation de pouvoir qui ne mobilise que des compétences sociales se limiterait à des interactions brèves et transitoires. Mais où a-t-on déjà vu une telle situation '1 Même les bande s de babouins, bien qu' ils se rapprochent le plu s du monde id éal inventé par de nombreux sociolo gues, n' offrent pas un exemple au ssi extrême. Comme Hobbes et Rousseau l' ont remarqué il y a longtemps, le plu s costaud des géants peut être vaincu durant son sommeil par un nain : pas de coalition assez robuste qui ne puisse être débandée par une coalition encore plu s large. Quand le pou voir es t e xercé p our de bon, il n' est pas composé de li ens sociaux; q uand il doit compter sur des liens sociaux, il ne s'exerce pas longtem ps. Si bi en q ue lorsque les sociolog ue s se réfère nt aux « liens socia ux " , ils dev rai ent toujours avoir à l' esprit quelque chose qui a du mal à s'étendre dans le temps et dans l'espace, qui n' a pas d'inertie propre e t qui es t constamment renégocié - le social n" 3. C'est précisé ment parce q u' il est si difficil e de maint enir des asymét ries, d' établir durabl ement des relation s de pouvoir et de faire valoir des in égalités qu 'il faut constamment œuvrer à transférer les lien s frag iles et ra pidement défait s vers d'autres types de lien s - le social n° 2. Si le monde social se compos ait d'interactions locales, il offrirait un aspec t provisoire, instable et c haotique, e t non pes ce paysage fortem ent di fférencié qu e les références au pouvoir et à la domination prét end ent expliquer. Dè s qu'il ne prend plu s garde de maintenir la di stinction entre l' interaction sociale de base et les moyens non sociaux mobilisés pour la prolonger quelque peu , l'o bservate ur r isq ue de croire que c'es t e n invoquant les forces soc ia les qu' il fourn ira une explication. Les sociologues diront qu e, lorsqu 'ils invoqu ent la durabilité des liens socia ux, ils introduisent qu elque chose qui po ssède réellement la durabilité, la solid ité et l'inertie nécessaire s. La « socié té ", les « nonnes soc ia les " , les « lois sociales ,., les « s truc tures ,., les " mœur s soc ia les », la "c ulture " ou les « règles " , disent-i ls, sont d'un acier assez tremp é po ur expliq ue r l' emprise q u'elles o nt s ur nou s e t l e paysag e accidenté dan s lequel IX>US peinon s tou s. C'est e n effet
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Troi ..ü me sOW'œ d 'il1œl1i ludi>: 'fU"lIe ac/hm pour que/.< objet.< ?
une solution commode, mais qui n' explique p as d' où leur vient cette qu alité d' « ac ier " qui permet de renforcer à ce point les con nexions fragil es perm ises p ar le se ul équipement s ocial d e base. C'est là q ue les sociolog ues, dam un mouvement Inconsidéré, risquent de prendre un mauvai s virage en prétendant qu e la du rabilité, la solid ité et l'inertie de ce tte ïœce sociale provien nent de la durabilité, de la solidité e t de l' inertie de la soc iété e lle même ! Ils peu vent même aller encore plus loin e t prendre ce tte tautologi e non pas peur la plus ex trême d es contradictions, mai s pour ce qu'H faut admirer le plus dan s la force miraculeuse d 'une société qui est, selon eu x, sui generis, ce par qu oi il faut bien entendre, si le latin a un sem , qu' elle est capab le de s' engendrer e lle-même ' . On me dira qu e ce tte façon de parler est inoffensive , qu ' ell e se rt d e raccourci pour d écrire ce qui est d éjà a ssemblé. Je c rois d ésastreuses , a u co ntra ire , le s conséq uences d 'un tel argum ent. L a tent ation de viend ra trop forte de parle r du monde soc ia l co mme s' il existait d ésormais une formidable force capab le de donner aux asymétries ép hémères le carac tère durable e t e xtensif qu e le s simp les interac tions soc iales - le soc ial n° 3 - n , sa uraient leur don ner d'elles-mêmes . C'est alors qu e l'on inversera le s causes e t les e ffet, et qu ' on perdra d e v ue les moyen , pratiques mis en œuvre pour faire tenir le social - le social n° 2. Ce qui a commencé co mme une simple co ntusion d' adj ectifs aura débouché sur un proje t radicalement différent: à ce b as monde s' aj outera un arrière -monde tout auss i insais issable qu e le paradis d e l' anci enn e th éolo gie chrétienn e - à ceci près qu 'il n ' offre a ucun e spoi r de rédemption ... Le , s ocio logue , du socia l so nt-il> assez bête, pour ne p a , dé celer un e telle tautolo gie dan> leur raiso nnemen t? S ont-il> vraime nt en lisés dans la croyance mythiqu e e n un autre monde , qui se tiendrait derr ière le monde réel ? Croient-ils vraiment en c e tte é tra n ge con t ra d ict io n logi qu e d 'une soc i ét é qui
7.c. CA'T'OIlAlllS, L 'iN ri/llli"" i.....gimin th la soci'''' ( 1 9 7 S~ t .,od co "';",nne""'D,hll.d oi"'Y". IV,", 10 R ~ b1 iq.., . ...till ..., constamment fluctuante, » . C'est à ce niveau que la véritable différence entre la soctologie des associ aicns e t la sociologie du soc ial saute aux yer x. Jusqu 'ici, il se peut que j ' aie e xagéré les différences entre les deux po ints de v ue . Apr ès tout, de nombreux coura nt s de, scie nces soc iales pourraient accepter de prendre pour point de départ le, deux premiè re , source s d'incertitude (no tam ment I'anthropulogie. qui n'e st qu 'un autre nom pour désigner ce que j 'ai appelé plus haut la m étaphysique appliquée, et, bien e ntendu, l'ethnométhodologie). Le fait d' ajouter des controverses n'altère pa, véritable me nt l e type d e phénomèn e, q u' il, entende nt étud ier : il est seulement plu, di fficile d'en dresser la liste. Mai , l ' éca rt va m aint en an t se cre user, puisque nou s n ' all on s pa s limiter à un réperto ire défini à l' avance ce dont le, acteurs ont be soin pour gé né re r de s asy mé tr ies sociales : nou s allo ns accueillir comme des acteurs de plein droit des e ntités que plus d'un siècle d' explication , sociales o nt explicitement exclues de l' exist ence collective. Il y a deux raison, à cela : d'abord, parce que l' équipement social de base - le social n" 3 - ne fo nne 10. Da... l' a w e d", oq:""; "';o" .. il "" impoli ... de ""bern... le> oompt e> re nd"" 1.. "'lOumen" el III oirculllooD d", forme. d/l. qu' UD< .ul>lupe i.. rod : quelle action pour quels objet.< ?
relations soc iales . En revanche, si nou s nou s en tenons à notre déc ision de co mme ncer par les contro verses p ortant s ur le s for mes d' e xist ence participant à un cours d' action , alors toute chose qui vient modifier une situation donnée en y introduisant une différence devient un acteur - ou, si elle n'a plIS e ncore reç u d e fi g ura tio n, un act a nt. Par conséq uent, la qu estion qu'il convient de poser a u suj et de tout agent est tout simplem ent la suivante : introduit-il ou non une différence dans le déroulement de l'ac tion d'un autre agent ? Existe-t-il un e é pre uve qui permette à un observate ur de détecter cette di fférence ? La répon se de hm. sens devrait être un « oui »franc et massif. Si vou s pouvez, en gardant votre sérieux, affirmer que frapper un clou avec ou sans marteau , faire bouillir de l'eau avec ou sans bouilloire, faire des courses avec o u sans panier, march er dan s la rue avec ou sans vêtements, zapper les programmes de la télé avec ou sans télécommande, fa ire ralentir une voiture avec ou sans ral entisseur, garder à j our un inventaire avec ou sans liste, dirig er une entreprise avec o u san s comjxablllté sont exactement semblables; que le fait d'introduire ces légers détail s ne change e rien d' important " à la réalisation de ces rêches. alors vo us ê tes prê t à a bandonner ce bas monde e t à entamer votre tran smigration vers la Plan ète Lointaine du Social. pour to u, les autres membres de la société, il y a bien une différence qui appar aît à l'épreuve, et ces di spositifs so nt par consé que nt, selo n notre définition, des acteurs ou, plu s précisément, des participants a u déroulement de l'action e n att ente d'une figurlllion. Bien e ntendu, ce la ne veut pa s dire que ces parti cipant s « déterminent " l'ac tion, que les paniers e causent » l'achat de provisions ou que les marteaux e imposent " le fait d' enfoncer d es clous . Un tel renversement de la di rection dan s laqu elle s'exerce l'influence ne serait qu'une faço n de transform er les obj ets e n causes dont les effets seraient véhiculés par une action humaine, qui serait dès lors limitée à une simple chaîne d'interm édiaires. Cela signifie plutôt q u' il dcit exister de nombreuses nuances métaphysiques entre la causalité pleine et la pure inexi stence. Outre le fait de « déterminer " et de servir d' « arrièrefond de l' action humaine ", les c hoses peu vent autoriser, rendre pos sible, e ncoura ger, mettre à portée, permettre, suggérer, 103
CmlllIIl'lIl dt'pIIJ}'t'r II.'S CIJ/I l mveTSI.'S sur le nwllde . ocial
influ encer, faire obstacle, interdire, et ainsi de suite " , La soc iologie de l'ac teur-réseau n' est pas fondée sur l' affinnation vide d e se ns selo n laqu ell e les objets a girai ent " à la place " des acteurs humains: elle dit seulement qu 'aucune science du social ne saurait exister si l'on ne commence pa s par examiner a vec sérieux la que stion des entités participant à I' acüon. même si cela doit nous amener à admettre des éléments que nou s appellerons, fa ute de mieux, de s non-humains. Co mme toute s le s autre s ex pressions de mon in fralang age, celle-ci est, par elle- même, privée de sens : elle ne désigne ni un domaine de la réalité, ni non plus des petits elfes coiffés de chapeaux rouges qui agiraient au niveau atom ique, mai s simplement ce que l' observateur doit se préparer à o bserver s' il ve ut rendre compte du ca ractère durabl e e t e xtensif de toute interaction " , Le projet de la soc iolo gie de l' acteur-réseau consiste simplement à a ugmenter la liste des participants, à e n rrxxlifier la morphologie et la physionomi e, à trouver un moyen de les faire ag ir comme un tout. Pour les sociologue s des associations, la nouveauté ne tient pas tant à la multiplicit é des objets que toute action mobilise sur so n passage - pe rso nne n' a jamais nié qu 'il y e n ait des millie rs - mais à I'élévenon de ces objets a u rang d'acteurs de pl ein droit, qui permettent d'expliq uer la morphologie acc identée du paysage que j'ai pri s comme point de départ: l'abîme des inégalités, les asymétries manifestes, l' exercice écrasant du pouvoir. C'est de cette surprise que les soc iologues des associations veulent partir, plutôt que de cons idérer, comme le font la plupart de leurs collègues, que la qu estion est de toute évidence résolue, qu e les obj ets. ne font rien , du moins rien de comparable I S. C . .. po u' Quoi la ooûoo d. ~ pro mi ss ioo ~ (uffordu n co) iOlfoduilf dao . 1. G . G IlSON, 1M fro l. S icol Appr.udl li! Viruol PU c n HS)' ",ét rl'lu ~ d ~s ack urs
Un bon exemple d 'une définition asymétrique d es acteurs est celle que propose Durkheim lorsqu'il écrit, dans les R~gIH : " Panni les choses, il faut comprendre, outre les objets matériels qui sont incorporll Ala société, les produits de l'activité sociale antérieure, le droit constitué , les mœurs établies, les monuments littéraires, artistiques, etc, Mais il est clair que ce n'est ni des uns ni des autres que peut venir l'impulsion qui détermine le s transformations sociales: c ar Ils ne recèlent aucune puissance motrice, Il y assurément lieu d'en tenir co mpte dans le s explications que l'on tente, Ils pèsent, en effet, d 'un certain poids sur l'évolution sociale dont la vitesse et la diroction même varient suivant ce qu'il s sont ; mais i l~ n'ont rien de ce qui est nécessaire pour la mettre en branle. Ils sont la matière Alaquell e s ' appliquent les forc es vives de la société , mais ils ne dégagent par eux-même s aucune force vive, Reste donc, comme facteur actif, le milieu proprement humain » (R~gles de la mh hode socw logiqiU, édition F lammation, 1988, commentée par J,-M, Berthelot, p, 205),
Voilà qui m' a touj o urs surpris : comment se fait -il qu e, en dépit de ce phénomène ma ssif, la sociologie soit restée pourtant, si l'on ose dire ,,, sans objet JO '1 n est plu s surprenant encore de songer que ce tte discipline es t née un bon sièc le ap rès la ré volution industrielle , et qu ' elle s' e st d éve loppée e n parall èle avec le s évolutions techniqu es le s plu s e nvahi ssantes d ep uis le néolithiqu e , Encore plus é tra nge : co m ment ex pliquer qu e tant de socio logues se vantent de considérer la « s ignification socia le » au lie u de s " se ules" relations matéri elles , la " dimension s y mb o liq u e " à la place d 'une «c ausa lité gross ière" '1 À l'image du sexe à l' ère vlctœienn e, le s objets sont partout et o n n' en parl e jamai s, Us ex istent, certes, mais o n ne leur accorde pas
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une pensée, une pensée sociale . Comme d'humbles se-vi reurs. ils vivent aux marges du soc ial, font tout le tra vail, mais ne so nt jamais a utorisés à se p rése nter e n tant qu e tels. Il se mblerai t q u' ils ne disposent d' aucun e ouvert ure, d'aucun accès, d'aucun point d ' entrée qui leur permett rait de venir se fond re dan s l' étoffe dont le re ste des liens sociaux est tissée. Plu s les penseurs radi caux veulen t attirer l'attentio n sur les humains situés e n marge ou à la périphé rie, moins ils parlent des objets. Comme frappés d'un c harme, ils restent endormis, gardi ens de quelque c hâteau enc hanté. Et pourtant, dès q u' ils sont libérés de ce sort, ils commencent à frém ir, à s' étirer, à murmurer ; ils essaiment en toutes direction s, ébranlant ainsi les acteurs humains qu'il s réveillent de leur sommeil dogmatique. Serait-i l trop pu éril de dire que la soc iologie de l' acteur- réseau a j oué pour e ux le rôle du Prince Charmant ? Quoi q u' il e n soit, c'est parce qu ' elle est un e sociolog ie" orie ntée-objet JO, po ur reprendre une belle expre ssion de l'informatique, à l'usage d'humains eux-mêmes orientés-obj ets que cette école de pensée a d' abord été remarquée - e t qu'il vaut la peine de lui cons acrer ce tte introduction.
Les ohje ts ne laissent de traces que par intermittence À première v ue, il est vrai qu 'il peut sem bler difficile de prendre acte du rôle des objets e n raison de Tincommensurahitùë apparente e ntre leur mode d'action et la conception traditionnelle des liens socia ux. Mais les sociolog ues du social se sont mépri s sur la nature de cette incommensurabilité : (Bree que les objets sont incommen surables, ils en ont conclu qu'il faut les distinguer des liens sociaux proprement dit, sans voir qu'il fallait parvenir à la conclusion précisément inverse : c' est parce qu'ils sont incommensurables que les objets ont é té d' abord choisis! S' ils é taient au ssi fragiles que les compétences sociales qu'ils doivent étaye r, si leur qualité matérielle était la même, qu 'aurait-on à y gagner ? Babouins nou s étions, babouin s nou s serions restés 11 !
17. CIlj ,", faitdistitrcu : voU- O. Hf., i/" 'iOII olisl. d'''''''"".""", " iM~ b~ion (1997), « D . SJuT>U , D . Pnw.ct: , C""",I C"8 ",tiOll ( 1'I9!I ~ Mil"
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Troi.-ü me sowce d 'il1cel1iludi>: qurn , l éllJnétriQU" touc ha•• II> ~ princip< lt>p e do . ",iea:;e . odmilli>tntiv.. .. la rompt .. bi~ll! soc ilole ba. une . sa moni ère. mu lû p~~ 10 p m"", d' objets impiQ""' doo. r enoo,; "" ..mp:llene et 'l'.w e de> iII...... li "" •. Ce l''''g . ""..... 'l"i vi.. ) m.~J;'li ... 1.. te.booklgi.. 0"" mall!rioll.. re monte . J. Goon, UJ "" iSOll ! ,. phiq. , ( 1979) a.C. Bow>;.... et SI.. Sru . Sorl ing 71I ing' 0.' : Clauifical",n and / b Ûl meq ....nc.. i 19'99) ; P. ~~TnlOI-E, « A. """"ting for God • ( 1IXJ4) ; oimi 'P'" [' ""vIIIlle d&oJIIloi. oI"";'I"e de M. Foœ ~lJLT . Nai15allC< th b .~"; q"" ( 1963).
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demandez où son t p ass és le berger e t son ch ien - pourtant, si les mout ons d emeurent sa ge men t dans le pré , c'es t qu e les barbelés remplacent bien les aboiements du c hien : qu 'un barbelé ait remplacé lUI ch ien, voilà bien une relation sociale, et pourtant le c hien e t le barbel é son t inc ommensurabl e s aus si bi en av an t qu ' après cette con nexion. Si v ous voilà d evenu, d evant votre tél évis eur, un paress eux prostré s ur so n divan , c ' e st e n grand e partie grâce à la télécommande qui vous permet de za pper d 'une c haîne à l' autre - essayez par vous-même: jetez la télécommand e d voyez letemps q ue vous pass erez à vo us d éplacer e ntre le divan et le téléviseur... - et pourtant il n'y a pa s de ressembla nce entre les ca uses de votre immobilité et la part de votre action véhiculée par un signal infrarou ge, même s' il es t évide nt qu e vot re comportement est rendu possible par la télécommande. Entre un co nducteur qui ralentit aux abords d'une école pa rce qu'il a vu le panne au « 3 0 kmlh » et un co n ducteur qui r ale ntit parce qu'il veut prendr e soin de ses amor tis seurs e n pas sant sur le ral enti sseur, la di fférence est-elle importante? Oui e t non. Oui, pui squ e , d ans le p remie r cas, l'o béis san ce d u conducte ur p asse p ar la moralité, les symboles, la signalétique, les bande s blanc hes, tandi s tp.le , dans l' autre, e lle p asse à travers la m êm e li st e, m ai s à laqu ell e il faut ajouter un dos d ' ân e e n béton bien solide . Mai s, en même temp s, la différence n ' est pa s si grande : dans les deux cas, les conducteurs ont obéi à qu elqu e chose de plus fort qu' eux, même si le premier a fait p reu ve d'un rare altruis me - s'ü n' avait pas ral enti , la loi moral e lui a urai t fendu le cœur - , le second à un égoïsme largemen t répan du - s' il n' avait pas ralenti, le ral entisseur aurait démantibul é ses amortisseurs. Devons-nous dire qu e la p remière connexion est sociale, morale et symbolique, et la seconde obj ective et mat érielle ? Bien sûr qu e non. Mais si nou s disons qu 'elle s so nt toute s deux également soc iales , comment allons-nous justifier la différence e ntre l' obéissance à une loi moral e et la résistance méc aniqu e d es amorüsseurs ? Bien q u'elles ne se re ssemblent pas, elles ont bien pourtant été rossemblées ou associ ées par le travail des ingénieurs de la voirie. On ne peut p as se dire soc iologue e t d écider de ne s uivre qu e cert ai nes assoc ia tions - les liens moraux , j urid iq ues et sy mboliq ues - e n s' arrêtant p ile d e s III
qu 'une rela tion de nature physique vient se glisser e ntre le s autres. Voilà qui rendrait toute enquête imposs ible 11. Combien de temps est-il possible de suivre une connexion soc ial e sa ns q u' un o bjet ne vie nne prendre le rel ai s? Une minute ? Une heure? Une microseconde? Et pour combien de temp s ce rela is va -t-il rester vis ible? Une minute ? Une heure ? Une microseconde ? Une chose es t certaine : si nous interrompons notre travail de terrain à c haque rel ais, al ccœ e nœanr notre attention exclusivement sur les connexions déjà rassembl ées, le monde social deviendra immédiatement opaq ue, com me drapé dam; ce s étrange s brumes automna les qui ne laissent entrevoir que des frag ments de pay sage. Et pourtant, nou s ne pouvo ns pas demander aux soc io log ues de se faire e n plu s ingénieurs , artisans, producteurs, designers, architectes, managers, promoteurs , d e. : à travers toutes ces existences intermittentes , ils n' en finiraient j am ai s d e s uivre leu rs acte urs! Il nou s fa ut don c prendre les non -humains en cons idération uniquement dans la mesure o ù ils deviennent commensura bles avec les lien s sociaux, et accepter, l' instant suivant, leur incommensurabilité fondamental e 2< . Voyager e n utilisant cette autre définition du " soc ial » exige d'avoir le s nerfs solides. Il n' es t pas s urprenant q ue les sociologues du social recul ent devant la difficulté ! Mais le fait qu 'ils aient eu de bonnes raisons de ne pas suivre ce s oscillations ne veut pas dire qu 'ils aient eu raison. Cela signifie seulement que la sociologie a besoin d'un outillage plus complet.
B. 0..... la m ~ où r ... " "U' la ",,, i ~ ,gi. do r .., ...,-d. ...u d· M indi m ...." . t la "",..Utf.. il B"" 1'" irIuti.. do '''1'1"'1« Qu' il yod. 00""'" .. ison. démmlogiqu", 1"'''' jouir d ..... 1ibrné do mou v....." au moins Npiivo.... . ~ ",1" ",;.,.wh atmwé (ou • voulu atlriw...) t la fabri catio. ", t l ·lOili"';"" do co' objot ; .i l'or> "" '" 'opor~ 1'" ~ CO ",n•• la """c bi",, ro.~ totlIiOIJlO" inconrpr6h... tibl•. • ( M . Wobor, ltrll, p . l2~ Sui. "". défini':"" do. moyo• • ot do. fi.. qui .. •ot alm ltn. ... pat. t f "" la n .. quelle acIirm pour qUi'/.< objet.< ?
Une
l i~t l'
d l' s ttue üons pour r end re visibl e II' r ôle d es objets
En explorant le s n ouvell es assoc iations qui composent l e social, nou s devon , accepter d eux exigences contra dictoire, : d 'une part, nou s ne voulon s pa s d 'un sociolog ue qui se limite aux liens soc iaux; d'autre part, nee s ne demandons pas à l'en quêteur de de venir un technicien spécialisé. Une solution c onsiste à s'en tenir à la nou vell e d éfinition du social com me fluid e qui d evi ent vi sibl e seulement lorsqu e de nouvell es assoctatons sont fabriqu ée s. T el es t le « terrain » prop re d e la soc io logie d e l' acteur-ré seau, même s' il ne s'agit pa s d'un domaine particu lier, mais plutôt de moments brefs, de ch angements de phase, qui peuvent se produire à tout moment n' importe où. Heureusement et a u grand so ulagement d e, e nquêteurs, ce, situations ne sont pas a uss i rar e, q u'on pourrait l'imagin er. Il suffi t, pour qu' on pui sse rendre compte de la pré sence de, obj et , parti cipant à l'action , qu'i ls sInscnvent dam de , co mp tes ren dus . S' ils n e produis ent aucun effet vi sible s u r d 'autre s agents, ils n' offriront aux observateurs aucune donnée: ils re steront silencieux, cesseront d' être d es acteurs et , litt éralement, ne pou rront lB' être p ris en compte. On dira qu e c'était d éjà le ca, avec les deux première s sources d'Incertitude : pa s d ' épreuves, pa, de compte> rendus, pas d'Information. La recherc he est pourt an t plus dé lic at e d ans le cas de s o bjets, puisque le fait d e produire leurs e ffe ts avan t de devenir muets est précisément ce en quoi ils excellent, comme l' a observé Samuel Butl er. Une foi ~ ac hevé, le mur de briq ue, ne subit plu, a ucune ép reuve permettant sa mi se en mots - même si le groupe de maçon s continue à parler et si d e s graffitis p rolifèrent sur sa surface; une foi , remplis, les questionnaire s imprimés demeurent à j amais dars les archive s, déconnecté s de toute intention humaine , ju squ ' à ce qu 'un historien vienn e les re ssuscit er. C'est e n vertu de ce lien singulier qui les raltach e clairement aux action, humain es que le s objets passent rapidement du statut de médiateurs à celui d'intermédiaires, et que, par une bizarre arithmétique, ils passent de un à zéro à une infinité e n fonction du moment e t quel que soit par ailleurs le nombre de parties qui les composen t vraiment. C'es t à cause de cette difficulté particulière q u' il faut inventer des stratagèm es pour les fai re pa rler, c'est-à-dire pour leur fai re produire
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de s descriptions d' eux-même s, des scriptx de ce qu'ils font faire aux autre s _ humains ou non-humains 1l . Là encore, la situation n' est pas si différente que peur le s grou pes et les formes d 'existence dont nous avons parlé a uparavant, dam; la mesure où le , humain> aussi, il faut apprendre à le, faire parler en inventant de, situations artif k ielles afin de rendre visibles leurs acti ons et leurs performance s (nous reviendrons sur ce point e n abordars la c inquième so urce d'Incertitude). Il re ste tout de même une différence: une fois qu' il, so nt redevenu, des médi at eurs, il est difficile d 'arrêter le> humain , ; un 1101 d e d onn ée , ininte rrompu se met à ja ill ir, tandi s q ue le, objets, quelle, que soe nt leu r importance, leur efficacité, la place qu 'il, occ upent ou leur néce ssité, tendent à s'effacer trè s rapidement, interrompant ainsi le flux de données - et plus ils so nt important s, plu, ils di sparai ssent rapi dement. Cela ne s ignifie pa, qu 'il s cessent d ' a gir, mai , q ue leur mode d ' acti on n' e st plu s connecté de f açon visible a ux lien> socia ux habituel , puisqu' on a reco uru à de, force, choisie, préci sément parce qu' elle s diffé raient de s forces soc iales déj à rassemblées. Les actes de langage semblent toujours comparables, continus, c ontigus e t compatibl e, avec d ' autre s actes de langage ; l' écriture avec l'éc riture; l'interaction avec l' interaction; mai , les objet, ne sont susceptible , d'être associés l' un avec l'autre o u avec de, liens socia ux que momentan ëmerü", Rien de plu, normal, puisque c'est par l' intermédiaire de leurs formes hétérogène s d' existence que les liens soc iar x vont pouvoir emprunter de; firme s complètement différentes - normal , mai , trompeur. Heureusement.te s occasion, ne manquen t pas o ù cette visibilité momentanée est suffisamment nette pour que l' on puisse en rendre compte de faço n satisfaisante . Comme c'est à propos de ces questions que le s résultats de la sociologie de s science s et de s techniques sont le; plus com us, j e peux passer rapidement 71. 2 S. M. Ax 1IC1;' "
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d 01;'" tliam'; , 1>.,lumlid'" "loI"l!"' • (2001 ). Jo. la mul~P~""Ôr;i" " IIU Valirie d'eu mpr . uh util", " quelle acIirm pour que/.< objel.< ?
phénomène s sans avoir compris de quel poids de c hoses il fallait d'abord le s composer. C'es t p ourqu oi, pour définir la qualité d 'un compte rendu d e type ecteur-réseeu. ürou s faud ra vérifie r trè s scr up uleuse me nt si le po uvoir e t la dom in atio n so nt ex pliq ués par la multipli cité d' obje t s plac é s au ce ntre d e l'analyse et transportés par de s vecteurs qui devront être empiriquement vi sible s - e t n ou s ne n ou s sa tisferons pas d 'une version qui ferait du pouvoir e t de la domination eux-mêmes le mystérieux coœeneur o ü selogerait ce qui met e n mouvement le s participants. Suivre les liens sociaux même lorsqu'ils se fraient un chem in à travers de s objets non soc iaux peut se révéler diffi cile pour de s raisons qui n' ont rien à voir avec la théorie. Les soc iologues on t e u de sérieuses rai sons de patrouiller constamment sur la fro nti ère sépara nt le domai ne e sy mbo liq ue » du d omain e .. naturel » : un bo n - c'est-à-d ire un mau vai s - arg ument polémique. Afin de se creuser une niche, ils ont abandonné au début du XIX' siècle le s choses et les obj ets aux scientifiques et aux ingéni eurs. La seule façon de re vendiqu er un peu d'auton omi e é tait d'abandonner les vas tes territoire s qu'ils avai ent cédés et d e travailler avec acharnement le lopin d e terre qui leur avait été assigné et qui ne cessait d e rapetisser: le .. sens ,., le s « symboles », 1' « intention », le « langage » . Lorsqu'une bicyclette heurte un caillou, di sait-on , il n'y a là rien de social. Mai s lorsqu 'un cyclis te dép a sse un sig ne s top, c'es t du social . Lor squ 'un nouveau standard téléphonique es t installé, rien de social . Mais lorsqu' on se met à di scuter d e la couleur des poste s télép hon iq ues, ça le d evi ent, puisqu e ce c hoix co mporte une « dimension hum ain e » , pou r parler co m me le s d esigners. Lorsqu'un ma rt eau s ' a ba t sur un clou, rien d e soc ia l. Mai s lorsque l'image du marteau es t croisée avec celle d'une faucille, le voilà admis dans le domaine soc ial, puisqu'il pénètre da ns 1' .. ordre symboliq ue ... Chaq ue objet se trouvait ai nsi scindé e n deux, le s scienti fiq ues et les in génieurs se taillant la part du lion - effic acité, causalité, connexions matérielle s - et laissant le s mi ette s au x spécialis tes du « soc ial » e t de la dim ensi on .. humaine .. . Par c onséquent, toute allu sion de la soc iologie de l'ac teur-réseau au " pou voir des objets ,. sur le s relati ons soc iales constituait pour le s sociologues d u social un rappel douloureux d e l'emprise d es a utres di sciplines .. plus scientifiq ues » sur leur
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indé pendance - sans parler des subventions - et sur les territoires qu'ils n' étaient plus artcns és à traverser librement. Mai , le, polémique, e ntre les di sciplines ne produisent pa, de bons concepts. seulement de, barricades construites avec le, débri s di sponibles. Lo rsqu'une sit uation es t divi sée en un e composante matérielle à laquelle s'ajouterait comme un appendice une comp osante soc iale, une c hose est certa ine : il s' ag it d'une division artificielle imposée par des disputes disciplinaire, et non par une exigence empirique. Cela signifie seulement que la plupart de, données se sont volatilisées, et qu ' on n'a pas suivi le cours d' action jusqu'au bout. Relever à la foi s du « matériel » et du « social » n' est pas une bonne façon d' exi ster pour les objets : il s' agit simplement d'une manière de les séparer artificiellement e t de rendre totalement mystérieux leur mode d' exi stence (XOpre J6 • Il serait injuste de reprocher aux ,euls sociologue, de s'êt re accroc hés dan s un bu t polémique à une seule métaphysique pa rmi toute s celles qui é ta ie nt disp onibles. L eu rs « c hers collègues ,. des sciences dures s'efforçaie nt e ux aussi d' affirmer qu'il n' y avait qu' « une façon ,. d'agir pour tous les objets matériels: « déterminer causalement IO le mouvement d' autre, objet s. Comme no us le verrons dans le prochain chapitre, ils n' accordaient au soc ial aucun rô le, si ce n' est cel ui d'intermédi aire « tran sportant » fidèlement le poids camai de la matière. Lorsque le social se voit accorder un emploi aussi ingrat, la tentation es t g ran de de réagir de façon disproportionnée et de faire de la matière un simple intermédiaire « tran sportant » fidèlem ent o u « reflétant » le, agences sociales. Comme d'habitud e avec ce, polémique, interdisciplinaire s, la sottise nourrit la sottise . Afin d' éviter de tomber dans le piège du « déterminisme technique », il es t tentant de défendre avec acharnement le « déterminisme soc ial», qui devient à son tour si e xtrême (la machine à vapeur devient par exemple un «si mple reflet " du « capitalis me a nglais ,,) q ue même l' ingénieur le plus o uvert d' esprit se trans fo rme en déterministe technique farouche , accompag nant ses exclamations au sujet du « poid s des contraintes matérielle s » de virils coups de poing sur la table. Gesticulations qui n' ont bien 36. r .. i ~", hid : MS[WI' indi .•cwuhlt«
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constituée par un autre matériau, e n l'occ urr ence le social n° 1, dont elle serait" véritablement " composée . Par cette substitution, le compte rendu de la genèse hétérogène d'un e construct ion est remplacé par un a utre compt e rendu portant sur la mati ère soc iale homogène dont elle est constituée . Afm de re mettre le co ns truc tiv ism e sur pied, il suffi t de voir qu'une foi s qu e "social. prend le sens d'« asscciaüon » . l'idée même d'une co ns tr uction faite de matériau soc ial s'é van o uit. Pour qu e n'importe quelle constructio n soit possible, il faut q ue les e ntités non humaines jouent un rôle de premier ordre, et c'est précisément ce que nous voulion s dire dès le départ en employant ce terme plutôt inoffensif. Mais cette opération de sauvetage n' était pes suffisante tant que les autres sciences soc iales e n conservaient une conception si différent e. Dans la mesure o ù la " co nsrr ucticn » n' avait jamai s signifié pour nous la réduction à un seul ty pe de mat ériau, notre erre ur fut de ne produire que très lentement des anticorps pour nou s prémunir contre l'accusation de réduire les faits à de " simples . construc tions - adjectif qui e n dit long sur l' état d' esprit des sciences sociales . Puisqu 'il était é vident, à nos yeux, qu e l' expression de "construction sociale » exigea it d e prêter une att ention ren ouvelée à to ute s les r éalités hét érog èn es engagées dans la fabricatio n d'un éta t de fait donn é, il nou s a fa llu des a nnée s pour réagir de façon adéquate aux th éorie s absurdes auxqu elles on tentait de nous associer " . Bien que le constructivisme mt pour nous synonyme de p lus de réalisme, nos collèg ues, fér us de c ritiq ue sociale, nou s acclama ient parfoi s pour avoir montré qu e " mime la science, c'est de la fc œai se » ! Il m' a fallu longtemps pour réaliser le danger contenu dans une e x pre ssio n qui, entre les m ains de no s « meilleurs a mis ", semblait se confondre avec une revanche sur la solidité des faits scientifiques e t une mise à nu de leur prétention à la vérité. Ils semblai ent suggérer que nou s fai sions pour la science ce qu 'ils étaient si liers, e ux, d'avoir fuit pour la religion, l'art, le droit , la
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pseudo-sciences, de la c royance, des aspects supe rficiels de la sc ience - d'après le clic hé .. les sc ientifiques sont aussi des humain s " - mai ~ pis des aspects cognitifs, objectifs et éternels des résultats irréfutables de la science ' $. Exeunt les sociologues. Mo ins extrême, la deuxième conclus io n peu t se formuler ainsi : si elle veut réus sir et établir sa respectabilité, la socio logie devrait s' e n tenir aux éléments que la pos ition précédente juge avec raison supe rficiels. Ainsi, la sociologie des sc iences devrait se limiter aux trajectoire; professionnelles, a ux instituti on s, à l ' éthique , à la vulg ari sation a uprès du pu blic, a ux s ystèmes de réc ompense, aux déb at s juridiques, e tc. Elle ne dev rait propo ser d'établir « certaines relat ions » entre certa ins fac te urs .. cog nitifs " e t ce r taines dimensions .. sociales ,. qu'avec la plu s grande prudence, et sans trop y insister. Tell e es t la position propre à la sociologie des scientifiq ues (par opposition avec la soc iolo gie des scie nces) q u'ont pu proposer, pa r exemple, Robert K. Merton, puis Pierre Bourdieu ' 6 . La troi sième co nclusion est celle à laquelle parviennent la plupart de nos collègues de la soc iologie des sciences : à leurs yeux, les soc iologues qui s' e n tiennent à la position précédente so nt beauco up trop timorés, Quant à ce ux q ui o nt prédit avec délec tati on l ' échec d e tout e ex plicatio n scientifiqu e de la science, ils ont embra ssé une forme d' ob scu ranti sme, n' ayant d ' aill eurs j am ai s pu produi re une seule rais on valide pour laqu elle la science elle- même ne saurait ê tre é tudiée scientifiquement !J . Pour les c hercheurs appartenant au courant .. SSK " e t, plu s généralement, .. STS ", les aspects cognitifs et techniques de la science, dam l'ensemble, se prêtent parfaitement à un trai te me nt sociolog ique . C el a dem and e de l'imaginati on , un e certaine capacité d'adaptation et de la prudence, mais les outils du métier sont suffisamme nt adéquats - même si des questions l~ . OD l'''ul <m o"", 1. veniOD 1. p.o. i"em ~ e'" de ce'" l""ilioDP" dé lioo< intrins èq ue" le , pa ssion> auxque lles il> donnent lieu doivent bien provenir d'une a utre so urce qui permettra de ren dre compte de l'intérêt durabl e des ge ns pour les chefs-d' œuvre. Ainsi, le s sociologues ne « veu len t pa~ vra imen t dire " qu 'il est p ossibl e de rendr e visibl e une force sociale q ui « prendrait la place . des di eux el d es divinit és o u q ui v iendrait ~' « ajouter. aux œuvres d' art , mai s seu lement que cette force est ce qui leur co nfère une existence durable en l'absence de ce qui apparaît aux acteurs trop naïf, comme la c hair solide et substantielle de leurs di vinités ou de leurs c hefs-d' œuvre. Obs ervon s q ue, co ntrairement à ce qui se produit d 'habitude dan, le, sc iences naturell e" le tra vail d ' expli cati on ne co mmerce qu 'ap rè s avo ir introduit une profonde 5U5picion quant à l' existence même des objets don t il s'agit de rendre compte. Les théorici ens critiques aj outeraient qu'une tell e révélation au sujet des en tités soc iales serait insupportable, dans la mesure où elle détruirait pour d e bon l'illusion néces saire q ui permet à la soc iété d e maintenir so n « voile d e fausse conscience • . Si bien qu' à le s écou ter, le s force s soc iales jouen t un rô le bi en co mp lexe : e lles sont à la fo is ce qu 'il faut postuler po ur exp liquer tout le reste et ce qui doit, pour maintes raisons, rester invisible, tout à fait c omme l'éther de I'anc ieme physique, qui devait ê tre à la fois in finim ent rig ide et infinim ent élastiq ue . Rien d ' étonnant à cela : comme l' éth er d es phy sicien " le social de s sociologues est un artefact ca usé par le même manque de re lativité dans la description. Le passage est d'un abord délicat. Dès que l'on commence à poser d es qu esti ons naïve s su r le po ids qu' on doit vraimen t donn er à une explication sociale, o n nou s dit d e n e pas prendre a u sens " littéral . l' exi stence de forces sociales, puisque a ucun
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Cm melll dtptayer les CIJII lrowrse
T rad uctiu n co ntr e tr ansport Nous voici parvenus sur le véritable lieu de naissance de ce qu' on a ap pelé la " soc iologie de l' acteur-réseau l> ou, plus précisément, la " sociologie de la trad uction l> - une a ppellation qui n ' a malheureusement jamais pri s ni e n a nglais ni e n fra nçais. Comme j e l' ai souligné, cette th éorie est née lorsque nous avons réa lisé q ue qu elque chose d'inhabitu el s 'é ta it p rodui t d an s l' histoire e t la soc iologie de s faits scientifiques : l'explication sociale ne parven ai t pas plus à pa sse r dans le s fai ts qu 'un c hameau par le c has d 'une ai guille. NOlI!\ avons franchi le Rœ lcon, à me s yeux du moi ns, lorsque nou s avons été obligés de considére r tour à tour trois objets qui
J J. g . 1< oU OYI''I''< p....,llll! d.", J. F....lH social concaténation d' acteurs, et n on pas une ca use suivie par une chaîne d'intermédiaires. Dès qu'ils adoptent cette position. à leur plu s grand e s urp rise, le s d ét ails pratiqu e s du cas d' étude se mettent à expliq uer en partie le contexte qui était s upposé ex pliquer ce lui-c i! Soudain, à travers le nouveau traceu r de maladies infectie uses, c'est la bact érie de Pa steur qui semble expliquer ce que pouvait vouloir dire, dans la France du Second Empire, ê tre « socialement comec t é » : on ne pratique plu s du tout la même solidarité avec des gens contagieux q u' avec des pauvres car un pauvre porteur de mic robes peut V O lIS tuer, vou s et vo s e nfants, quelle que soit, par aille urs, la dureté de votre cœur. La direction de la causalité entre ce qui doit être expliqué et ce qui fourn it une e xplication n' e st pas simplement inversée, mais tout bonnement subvertie : c'es t la contagion e lle- même qui rede ssine l'espace social ... L'Empire britannique n' e st pas seulement « de rrière » les expérie nce; télég raphiqu es de Lord Kelvin: celles-ci lui fourni ssen t une capacité de projection, un temps de réac tion plus rap ide et une durabilité qu 'il n' aurait jamais eus sans les frê les câbles posés au fond de s océans. La science de Ke lvin crée e n partie l' Emp ire, qui n' e st plu s relé gué à l' a rrière- p lan comme une e ntité my stérieu se q ui le manipulerait à son insu, mai s qui doit une portion de son ex istence com posite à d es câbles tél égraphiqu e s tra nsformés en véritables médiateurs lé . C'est ce renversement de la causalité dont la soclologle de l' acteu r-ré seau s'est e fforcée de prendre acte, d'abord dans le domaine de la science et de la technologie. puis partout aille urs JI . Et c'es t là qu' elle a glané l'idée étran ge selon laqu elle le social était ce qu 'il fallait ex pliquer, e t non ce q ui constitua it l' explication . Nou s avo ns tous alors co mmencé à nous po ser de s question s : à forc e de multiplier les médiateurs, il n'y aurait bientôt plus be soin d'une soc iété qui se tiendrait e derriè re ,. e ux 1" . .16. Voir C S"!rll . t N. W" ... En"r:Y "lld Empir< (1989) ; . insi qu. D.R H....."u :". Th< T",/œ/Ls tf PI"O/Jr< foi••.., or• .•n bi."'i",• • n .n!bropo lnlli' • • n biSloiro d. r . .. ", d.", 1. b ...i...... hi"",.,., '''''' 1. 100II. ou d o moim n· , ... ",,,,...,.., l"" cu l pfI l1ld..
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QualrièlN' s ou"'e d'illCtrliludi' " di'Sfaits indi.ewabtes au< faits di'pulé.
Com me je l'ai di t dan s l'introduc tion, l'usage du terme " social » pee r désigner un tel processus es t justifié par l'étymolo gie la plu s reculée d u mot socius , " q uel q u' un q ui sui t qu elqu 'un d' autre », un "compagnon de route », un " associé », Pour désigner cette chose qui n' est ni un acteur parmi d' aut re s, ni une force qui se tient derrière tou s les acteurs et qui serait trans portée par certains d' entre eux, mais une connexion qui véhic ule, pour ainsi dire, des transformations, nous utilisons le terme de t raduction - le terme délicat de " réseau » sera défini a u c hapitre suivant comme ce qui est tracé par ces trad uctions dan s les com ptes rendu s des chercheurs 19, Le terme de tradu cti on acquiert ainsi un sens technique : une relation qui ne véhicule pas de causalité, mais qui indui t la coexistence de deux médiateurs, S' il apparaît qu'une forme de causalité es t transportée de façon routini ère et prévi sibl e, c'est la preuve que d' autres médiat eurs o nt été mi s e n place afi n de rendre ce d éplacement fluid e e t prévi sible (comme nous le verrons dans la seconde parti e), Je ne saurais exprimer plus clairement le but de cette socio logie des associati ons : il n' y a pas de société, de domaine soc ial ni de liens sociaux, mais il existe de s traductions ent re d es m édiateurs suscept ibles de génére r de s associa tions qu i peuvent être tracées, Nous allon s a pprend re dan s ce qui s uit à accentuer le contraste entre un compte rendu qui utilise le « social » dan s son acception traditionnelle, et celui qui vise à déployer des chaîne s de médiateurs, Se familiariser avec la soc iolog ie de l'ac teurréseau n' est rie n d'autre que se sms ibiliser aux différences e ntre les di mension s littéraire, scien ti fiq ue. morale, politique d e mpirique des deux types de comptes rendus,
L ' e xpérience m èn e plus loin Ce qui peut sembler réellement c boquant da ns cette définition de l' associatio n n' est pas seulement l'étrange signification qu ' elle assigne au terme « social », mai s aussi la place inhabi tuelle qu' elle accorde aux objets dit s « natu rels », Et pourtant , il fa ut dissoudre sim ulta nément le s deux e xtré mités de cette c haîne, le soc ia l com me le na turel. Ceux qui définissent la 39. M . CalIOII '" ..
n.. oxpticit social
I)u rkhd m coun-e le pra am HI lsrn~ Personne n 'offre de preuve au~ ~i saisissante du lien étroit entre la définition de la société et la théorie de la science que Durkheim, lorsquil entreprend de critiquer le pragmsusme, qui représentait alors une philosophie nouvelle, Vo ici co mment Il entamait sa première leçon de 1914"" : « Quelle s sont les raisons qui m'ont amené à choisir le sujet de ce cours? Pourquoi l'ais-j e intitulé" Pragmatisme et Sociologie ~ ? C' est d'abord Pacrualtré du Pragmatisme, qui est à peu près la seule théorie de la vérité actuellement exi.~ tante, C'est ensuite qu'il y a dans le Pragmatisme un sens de la vie et de l'action qui lui est commun avec la Sociolog ie; les deux tendances sont filles d 'une même époque, Et pourtant, pour les conclusions du Pra gmatisme, je n 'ai qu'éloigne ment. n y a donc intérêt à marquer les position~ œspecnves des deux doctrines , Le prob lème soulevé par le pra gmat tsrre est en effet fort grave, Nous assistons de nos jours à un a,.aut contre la Raison, à IUle véritable lutte à main arrrk [citation probable de James : le Pragmatisme se dr esse tout armé dans une attitude de combat contre le s prétentions et contre la oërnoœ du Rationalismel, De sorte que l'intérêtdu problè me est triple : 1° C'est d ' abord un intérêt gén éral. Mieux que toute autre doctrine, le Pragmatisme est capable de nous faire sentir la nécessité de rénover le Rationalisme traditionnel; car il nous montre ce que celui-ci a d'insuffisant. r C'est ensuite un intérêt national. Toute notre culture française est à base essentie lle ment rationaliste , Ici le xvm- siècle prolonge le Cartésianisme, Une néga tion total e du Rationalisme constituerait donc un danger: ce serait un bouleversement de toute notre culture nationale, C'est tout l'esprit français qui d evrait être transformé ~i cette forme de l'irrationalisme que représente le Pragmati.~ me devait être admise, 3· C'est enfin un intérêt proprement phnosopnrqce. Ce n'est pas seulement notre culture , c' est tout l'ensemb le de la tradition philosophique, et cela dès les premiers temps de la spécula tion des
40. l. rerr..-ci. Bnmo K" "",,; d'avoi.- .lin! mo. ","'JÛOII ...,- ee texte. o.",;. q"" j . l '.i lu, j . o..... ffr. P-'" d. 1. le""',", ~ . F......;, • obsorœ, 1• • l",oos d. Il . ociologi. d.. ",ioDee . , .,'" . st di. P" Dodhoim , 10 Rtplil ~ ", .. la Fnnee , 10 Jo nô....li"". m " dJ ... du mm. p.'... PoUf lUIO kud. d. "" ct>omp . eionliflq.... l. ·M. llI-.J.nmar. O. M.U TlN.' C . CluNET. Savoirs " savant< (2 00s).
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Médecin du ghetto de Lw6w pendant la guerre, forcé par les nam à travailler sur un vaccin contre le typhus, déporté à Auschwitz, émigré en lsr~l apr~s la guerre , pesstonrë autant par la recherche en science que sur les sciences, l'auteur se prête plutôt mat à l'accusation de « retartvtsme s qut sert d'habitude à clore toute djsc nssïon sur « l'influence du contexte social » sur la science. Non seulement il sait de quot il parle, mais rien dans sa démarche ne se prête à une critique du caractère assuré, indubitable, indiscutable des $,;ultats de la recherche biologique. Loin d·etre le précurseur de l'explication sociale des sciences, Fjeck invente, en tâtonnant, ce qu'on pourrait appeler un ~mpiriJme collee/if. « Si l'on comprend par "fail" quelqru chose de f LXe, de prouvl, alors 011 ne troeoe de fail que danr la lCÎl'nce des manu els » (p. 2 17). « Les troa qaarts au moim, la IOralili peul-lire, du COlll< p « l« d< llano WwY•• R< d d lIIIO Kft , JlI'. Rrl d .. , DOl'"
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li,.,,,,, >. p. 1
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direClement l'objet. Si seulement il n'y avait pas de société, comme nous saurions davantage et surtout plus rapidement! Or, ce n'est pas du tout la leçon que tire Fleck : « Si nous dlfini.u oru WI colkcrif th fJ seule III rIrculatkm de la pensü à l' inll rieur du collectif pauvan f aire Ima ga la cert itude des inculiludes pr ëcauüonneuses .. (p. 207). Oui, c 'e st bien de certitude qu'il s'agit Jamai s il ne viendrait à r' esprn de Fle çk de brandir le collectif pour réduire ou rabaisser l'activité scientifique.
d isputés devrait nous perm ettre de renouvderde fond en comble la scène même de l'emp irisme - et par conséquent la délim itation du « naturel » et du « social » . Un moode naturel composé defaits d iscutés ne ressemble pas à ltII monde fait de fails indi.\"Cwables, et on ne peut dooc pas l'utiliser aussi aisément comme toile de food sur laquelle se détacherait l 'ordre social .. symbolique-humainintentionnel ... C'est pour cett e raison que ce qu'on pourrait
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appeler le " deuxième " empirisme ne ressemble pes du tout au premier : sa science, sa p olitique, son esthétique et sa moral e ne so rs pa, celles du pas sé, li reste tout aus si réel et objecti f, mais il e st plus anim é, pl us loquace , plus actif, plu s diversifi é et surtout moins immédiat qu e l' autre. Il n'y a ce pendant rien de radical ou de révolutionnaire dans le passage du premier e mp irisme au deuxième . Le p assage d 'un monde à l'autre n'a p as e xigé de s praticiens de l'ac teur-réseau beaucoup d'Ing énio sit é. d e courage o u d ' originalité : dan s leu rs laboratoires, c'est tous les jours que les scientifiq ues d les ing énieurs rende nt la production de s fait s plus vi sible, plus risquée, plus co ûteuse, plus di scutable, plus intére ssante, et d 'une plus grande pertinence pour le public . Il suffit de jeter un simple cou p d 'œil s ur n 'imp orte qu el périodique techniqu e po ur le comprendre : le s ci-devant fuit, indiscutable s pouvaient bien rester silencie ux, seccetenter d e servir de s upports muet s à des exclamatien s comme « les faits sont là ! » , mai s les faits disputé s, eux, ne cessent pa s de produire de s donnée s en tous ge nres et nou s ne risquons pas de manqu er de terrains pour suivre leur transformation . Si quelqu e c hose peut décourager les sociologues des associalions, ce n' est pas le p rofond silence d 'une " Nature JO muette qui rendrait leurs enq uêtes impossible s et les obligerait à s'en tenir au domaine « sy mbolique », ma is le flot d 'informations, dans le monde contempo rain, sur les différentes modalités d 'ex istence de s faits disputés . La qu estion est plutôt de sa voir comment n ous pouvons n ous montrer à la hauteur de la tâche qui no us attend et rendre justice à cette ma sse toujours croissante de données.
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pear neu s aid er à d épjoyer jes faits disputés
Une fois e ncore, la solution cons iste à apprendre commen t se nourrir de s incertitudes, d non à d écider à l' avance à qu a doit re ssem bl e r l' am eublem ent du mond e. L ' enqu ête p eut se prolonger aussi longtemps qu e IIOUS apprenons à décontaminer le co ncept de Nature, comme nous l' avons fait pour le co ncept jumeau de Société l l . Dans cette notion compos ite, n ous avons
ss. U oo.-o UJIO foi•• ço tnIvo~ MvoloWf dam B. LAT ..... kip)io ~ ~ "" "",lido ""ifil! pu œ. « ~nnd. 'kit> >. .. la " " " k,p. d. r.etrw.. ~ ~i ~"id1.-•• muk " lioil~ ..... i """",..... p"p iht d .. dI"""J. .. P" .....)....,'" d.. bumailt5 ~ii"" IJlI1.-.'" 1.. dl""" •.
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Qua lrièlN' s""rr:~ d 'illCl'rlilude : dn ft1its illdi.klp. do la lriB> ctio... M. C AUDN (50... 1. di•.l , UJ > ces difficultés , une sol utio n q u i, comme toutes celle , qu e j' ai p ro po s ée s ju sq u'à main ten ant , es t p ragmatique: n ou s n e parviendron s à retomber sur no s pied , qu ' en cootin uant à nous n ourrir d' ince rtitu des . Si nou s voulons avoir une ch ance d e mettre de l'ordre dans tou tes le s controverses déj à menti onnées, il nous falf ajouter une c inq uième et dernière so urce d'incertitud e, q ui concerne cett e fois la démarche d'a nalyse elle -mime.
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L' idée es t tout simplement de faire passer au pre mier plan le travail qui consiste à écrire des rapports. Comme le lecteur l' aura d ésormai s compris, la sol ution aux c rises du relativism e es t d' all er toujours plu s loin dans la relativit é - c'est-à-dire, nou s l'avon> maintenant compris, dan> l' établissement de relations . Toutes choses étant égales par ailleurs, il faut acc epter pour notre programme le modèle d' Einstein, lors qu'il décida d'aborder, non pas la nobl e question de l'éther, mais le problème apparemment limité et banal de savoir comment une personn e équipée d'une règle et d'un c hronomètre pouvait intercepter un signal é mis par une autre personne équipée d'une règ le et d'un chro nomètre . On ne demande pas l'impossible, comme Çil fallait que le lecteur passe- d'un seul saut pérille ux, de ses représentations mental es aux quatre sources d'incertitude précédentes : demandons-nous plutôt à quelle activité nous nous livrons lorsque nous affirmons tracer des co nnexio ns sociales. Ne so m mes-no us pas, tout simplement, en tra in d' écrire des comptes rend us ? M ai s q u' e st-ce qu'un co mpte re ndu 1 ? Il s'agit le pl u s souvent d'un teste, d'un e petite ram e de papier épaisse de quelques centimètres e t noircie par un rayon laser. Il peut ê tre com posé d e 10 (XX) mot s et il ar rive qu 'il ne soit lu q ue par q uelq ues personn es , so uvent un e dou zain e, o u qu elqu es centaines si nou s somme s vraiment chanceux . Une thè se de qu elque 5 0 00 0 mot s sera lu e pa r un e demi -dou zain e de personne s (si vous avez de la chance, même votre jury de thèse e n aura lu des parties !), et lorsqu e je dis ", lue '", cela ne signifie pas '" comprise '", " utili sée '", " recon n ue '", mais plutôt .. feuillet ée '", '" vagu em ent regard ée '", '" mentionn ée '", .. citée '", « remi sée quelque part dan s une pile » . Au mieux, nou s aj outons un compte rendu à tous Ceux qu i sont é mis au même moment dans le domaine que nous avons é tudié . Et, bien s ûr , une tell e é tude n' est j amais complète : nous commençons au beau mili eu des c hoses, in medius res, poussés par nos collègues, contrai nts
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p ar n os demande s de subventions, sans financement adéq uat, é trangla. par les échéances; n ous avons ignoré ou IMI compris la plupart des c hoses qu e nous avons ét udiées : nous avons pris le film e n train , et il continuera lorsqu e nous a urons d éjà q uitté la salle . Ce que nous pouvons bien faire sur le terrain - mener de s entre tie ns, fa ire remplir des qu e stionnaire s, prendre des note s et de s photos, tourner de s vidéos, p arcourir de la documentation, se traîner d'un air gauche - n' e st pas clair pour le s personnes avec qui nous n'aurons partagé qu' un bref instant. Ce qu ' att end ent d e nous les clients (centres de rech erche s, ad ministrations, conseils d ' admini stration, ONG) qui nous y ont envoyés reste entouré de my stère tant est sinueux le chemin qui a condu it au choix de tel inve sti gateur, de tel sujet, de telle méthode, de tel site, e tc . Même lorsqu e nous n ous trou vons e nfin au c œur des ac tivités, avec nos y eu x el no s o rei lles grands o uverts, nous p a sson s à côté d e l' es sentiel .. . : o n nous expliq ue le lend emain qu e nous avo ns tout raté, que des événements cruciaux se sont produits quelque s minute s auparavant, juste à cô té, aprè s qu e nous somme s parti s fourbus, notre magn étophone inerte faute de batteries. Mê me quand n ous travaillons assidû ment les choses ne vo nt p as mieux : a p rès qu elqu e s moi s, nous v oilà s ub mergés par un flot d e donn ées, d e rapport s, d e tran scri ptions, d e tabl eaux , d e stati stique s et d'articles. Comment donner un sens à ce ca pharnaüm au fur et à me sure qu 'il s'entasse sur notre bu reaux, qu 'il remplit d'innombrabl es disqu ettes ? Hélas, le rapp ort reste à éc rire, et n ou s fai sons tout p our re tarder ce tte délic a te opération . Le co mpte re nd u d'e nquête p ourrit s ur pie d tandi s que nou s ess uyons les remontrance s d es direct eurs de thèse, d es finan ce urs et de s clients, les plainte s de no s proche s et de no s enfants qui nous vo ient farfouiller dan s ce tte sombre ma sse de donnée s dans l'espoir d'éc lairer le monde . Et lorsqu ' on commence vraiment à écrire, et à trou ver finalemen t une certaine satisfac tion, il faut sacrifier d'énormes quantités de donn ées qui ne sauraient trouv er pl ace dan s le s q uelques pages q u'on nou s o ff re pour publication. Oui, la recherche est frustra nte! Et po urta nt, n ' e st-ce pa s la vo ie de toute chair? Au ssi grandio se qu e so it la p erspect ive , au ss i sc ie ntifi que qu e soit la démarche, aussi sévères que soient les exigences, aussi av isé qu e soit le direct eur d e th èse , le rés ultat d e l'enq uête - dans 99 % d es cas - sera un rapport prépar é sous les contrai ntes le s plus
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Cinquième s ourr:t d 'iIlCl'rliludi>: rMigl'T des Contples rendu.< risqués
e xtrêmes, portant sur un sujet imposé par certains collègues pour des raisons qui resteront, pour l'essentiel, inexpliquées 1. Et c'es t trè s bien ainsi, pa rce qu ' il n 'y a pas de meilleu re faço n de proc éder. Les traités méthodologiq ues peuvent bien rêver d'un autre monde: un ouvrage sur la sociolog ie de l' acte ur-réseau écrit par des cherc heurs du type termit e pour d'autre s termites n' a pas d'autre but que de les aider à creuser de petites galeries dans la terre poussiéreuse - la seule dont nous disposions . Faire pisser a u premier plan la manière d' écrire des rapport s irritera probablement ceux qui affirment savoir ce dont le social est fait. Ils préféreraient de loin res sembler à leurs collègues de s sciences « dure s » et s'efforcer de comprendre l' exi stence d'un phénomène donné sans a voir à prendre e n cons idér atio n la matière écrite du rapport. Comme ils aimeraient entrer e n contact direct avec la chose étud iée e n ne passant q ue par le médium transparent d'un idiome technique clair d dénué d'ambiguûés ! M ai s nou s a utres qui a vo ns é té form és à la sociolog ie de s sciences, nou s n' avon s pas besoin de faire semblant d'igno rer l'importance qu'il faut donner à l'épaisseur d'un texte donné, à ses em bûc hes, à ses dangers, à son opac ité, sa résistance , sa mutabilité, son tropi sm e, à cette faço n retorse qu ' a le travail d' écriture de vous faire dire les choses qu e vou s ne vouliez pas dire et de vou s empêc her de dire les choses que vou s vouliez ... Nous savons trop bien que, même dan s les sciences « dures », les auteurs s'essaient maladroitement, e ux aussi, à mettre par éc rit des faits controversés qui ne cessent de leur éc happer . Il n'y a aucune rai son plausibl e pour q ue nos comptes rendus à nous soient plus tran sparents, plu s direct s, pl us immédiats qu e le s ra pports en proven ance des laboratoire s de sciences e xac tes 1. Puisque nous savons maintenant que la fabrication et l'artificialité ne sont pas con tra ires à la vérité e t à l'objec tiv ité, nou s n' avons aucune raison d'hésiter à faire passer au premi er plan la médiation même du texte. Mai s, pour cette m ême rai son , nou s
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Cinquihni> sourr:e d"lICerl'll traceurs quelconques. Plus e xactement : le social peut être transmis ou ne pas l'être. Comme cel a arrive souvent pour les expériences de Iabcratolre, les compt es rendu s textuels peuvent e ux au ssi échouer 10. À lire les sociologues du social 00 a trop souvent l'impression qu'ils essa ient simplement de « fixer un monde sur le papier », 10. Lu .p "'JroIor;IJ'" lprl , dIJ p inci"" do r.....filbilitl! do P"!1"" " .llio'" bioD, ,.;"';, d o r 10........ 0 au IOJl o lui .."m. do rmdro exp/ id lO' 10. o,' rMigl'r dl'S Compll'S relldu, mqld.
portait sur son lit où elle restait des heure" entières sans mouvement et presqu e sans vie ; d ' autres fois elle en étai t quin e pour des lasshudes, une dHaillance générale, une extinction qui ~e mbl ait devoir être finale. E lle persista six mois dans cet état de lutte. La révolte commençait toujours par le" ti let ~ ; elle la sentait arriver" (Diderot (1769]1976). Il est clair que le terme " réseau » n'a rien à voir avec le sens n° 1 du mot social, qu'il ne se limite pas aux liens humains et se rapprochede la définition de la .. socëre » erdes .. rayons imitatifs ,. chez Tarde (B . Karsenti, « L' imitation : Retour sur le débat entre Durkheim et Tarde » [2002J).
l' entends par là une chaîne d' actions où chaque participant es t trait é à tous ég ards comme un médi ateur. P our le di re trè s simp lement : un bon c ompte rend u, dans n otre op tique, es t un récit, une description ou une proposition dans le squ els tous le s acteuI'!ifont quelque chose au lieu , si j'ose dire , d e rester a ssi s à ne rien fa ire, d e transporter des e ffets sans le s tra nsformer. Chaque maillon du texte peut devenir une blfurcatiœt, un événe ment, ou l'origine d'une nouvelle traduction. Dès que les acteurs so nt traités non plus comme de s interm édiaire s, mais c omme de s médiateurs, ils rendent le mou vement du soc ial visible aux yeu x du lecteur. Grâce a ux p rocéd és d'éc riture, a ussi nombreu x et inventifs qu ' on voudra, le social peut ainsi redevenir cette e ntité circular ite - le social n" 2 - , et non plus la li ste touj ours répétée de s entité s déjà répertoriées dans les d éfinitions antérieures de la soc iété I l . Dans n otre vers ion de s sciences soc iales, un texte es t d onc un te st , o u plutôt le te st c ruci al, qui p orte a) s ur le nombre d'acteurs qu e l'auteur est capable d e traiter e n médiateurs, et b) sur la distance le long de laqu ell e il parvient à mener le social rendu de no uveau visible aux yeux des lecteurs. Ain si, le réseau ne dé sign e pa s une chose qui se trouverait là et qui aurai t vaguement la forme d'un e nsemble de p oints interconnectés, comme le .. réseau " téléphon ique , le .. réseau " autoroutier o u le .. r éseau » de s é go uts. Ce n' e st rien d 'autre qu 'un indicateur de la qualité d'un texte rédi gé au sertir d'une e nq uête
12. C' ... ce ",'"n "",, • "bi '" imiofiq... d. u n, ( 1976 J.
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sur un sujet donné ". Un réseau qualifi e le degré d' objectivité d'un récit, c'es t-à-dire la c apac ité de ch aque acteur àfaire f aire d es c hoses inattendues a ux a utres acteurs. Un bon text e met a u jour d es réseau x d ' act eurs lorsqu'Il perm et à cd ui qui l'écrit d e trac er un e nse mble d e rela tio ns d éfini e s co m me a uta nt d e trad uctions. À l'inverse , com me nt dé finir un mau vais com pte rendu textuel '1 Dans un mau vais texte, se ule une poignée d' acteurs seront dési gnés comme les ca uses de tou s le s autre s, lesqu els n'au ront d'autre fonction q ue de servir d'arri ère-plan o u de relai s pour de s séries causa les. Ils auro nt beau ges ticu ler pour fai re office de personnage s. ils n'auront aucun rô le dan s le scénario, puisqu'ils n 'agir ont pas (so uve no ns- nous que si un ac te u r n 'introduit a uc u ne di fférenc e , ce n' est p a s un ac teu r) . S e contenter de véhiculer une force venu e d'aill eu rs et simplement tran sportée d ' un point à un autre n e suffit donc pas à e ngendrer des acteurs . Un mauvai s compte rendu réduit le s trad uctio ns à d e simples dépla cement s sans transformation ; il ne fa it qu e transporter des caus alités à tr avers de simples int ermédiaires. Ainsi es t sûremen t mau vai s un compte rendu qui n' a pas é té produit d 'une mani ère o rigina le, ajustée à ce cas e t à lui seul, rendant compte à d es lect eu rs particuliers de l' existence d ' informateurs particuliers " . Il est standard, anonyme, général; il ne s ' y pa sse rien ; on n'y tro uve que des clichés reprenant ce qui a déjà é té assemblé so us la forme passée !hl soci al . C'es t à ce niveau que le contraste littérair e en tre la soc iolo gie d e l'acteur-réseau et la sociologie du social - et, mieux e ncore, la sociologie c ritiq ue - e st le plus accentué. Aux yeux de la première, un co mpte rendu composé de quelque s causes g lo bales q ui e ngen dre nt u ne ma sse d' effet s sera cons idéré comme un compte rendu fai ble e t im puissant, qui se borne à rép éter e t à transporter une force soc ia le déj à assemblée, s ans c herc h er à savoir d e quoi elle est faite et sans trouver lei; véhic ules s upplémentai res qui permettrai ent d e les trans porter. Le Il. FIl co " "". dob8""" t b. dim "" 'l"e J• • ocio. de
Cinquième s ourr:t
d 'iIlCl'rliludi>:
rMigl'T d l'1i COlltpII'1i rtlldw risqués
Si l'on veut que ce terme soit conforme à nos intentions, il n ou s faut aj outer une quatrième c a rac tér is tiq ue qui , j e le co ncède, bo usc ule qu elque peu la m étaphore initial e : no s rés eaux n e sont pas fait de câ bles d e nylon, de mots, o u de qu elque s ubsta nce durable : ils ne sont que la trace que lai sse derriè re lui le déplacement d'un véhicule, d 'une traduction, d'une circ ulatio n. Autrement dit , vous pouvez suspe ndre vos filets à poisson pour qu'ils sèc hent, mais vous ne pouvez p as suspendre un acteur- réseau sur une corde à linge ... La faiblesse de la notion de réseau est e n partie du e a u fait qu ' elle a donné lieu à des représentations visuelles assez pauvres. L a représentat ion graphiq ue de s résea ux, pe rçu s com me de s e mbranc hements ray onnan ts d' où partent des lignes qui les relient à d' autres points qui ne sont eux-mêmes rien d'actre que de nouvell es connexions, a fourni un éq uival ent grossier mai s fidèle de ces associations " . Elle avait pour avantage de définir la spécificité non pas en termes de contenu substantie l, mai s à travers une liste d' associations : plu s lUI po int est connecté, plus il est individualisé. Ces graphiques avaient cependant l' inconvéni ent d' être sommaires d'un point de vue visuel, e t de ne pouvo ir a ppréhender les mouvem ents. Pourtant, ces limites pos sèd ent un a vantage ce rta in : la pauvr eté de la représentation graphiqu e e mpêche l' enquêteur de confondre son infralan gage a vec le s riches objet s ainsi repré sentés : la carte n' est pas le territoire . Au m oins ne co urt-on p as le risque d'imagin er que le monde se co mpose de points e t de ligne s, tandis qu e les sociolog ues du social semblent trop souvent croire qu e le monde e st fait de gro upes sociaux, de sociét és, de c ultures, de règles, alors q ue ces termes désignent le plu s souvent les dispositifs de représe nta tion graphique qu'ils ont mis au point pour donner sens à leurs données. En tout cas, pour apprendre à tracer un acteur-réseau, il faut ajouter, aux nombreu ses traces lais sées par le fluide social , cette 17. C·. .. l. c.. lraph i qu",. q . A. CAMH OSlo, P . KEAn No et A. MooOl,JTO)v. « M' Winl Colloborotiv. Work . r-.l ln ,"",,,,,ciOll in Biomedici.., ~ (200.). Co.nid..... c""""" "". ",p.o_lOtio.. cc"" VioiOll Il. .. "' ... . " co..."" 00""'"' un. Ih bori •• cil. OODOti'U' .... aide fo""idohlc t r ""lnetion. P 1OCi(!,h
du champ, Il sait par conséquent que la particularité des sciences sociales lui impose de travailler (comme j'ai essayé de le faire pour le cas du don et du travail dans U. M ldi rarioru pa.caI~1IlIn) à construire une vérité scientifique capa ble d 'in tégrer la vision de l'ob servateur et la vérité de la vtston pratique de l'agent comme point de vue qui s'ignore comme tel et s'éprouve dans l'illusion de l'absolu» (Bourdieu 12001], p, 222),
censées le s humilier. Ce n' est p as parce que le soc iologue ne peut occ uper la place du Dieu o mniscient des sciences sociales qu 'il doit rester p risonnier dans la cell ule obscure de so n point de vue, Nous n ' avons pa s à choisir entre le paradi s et l' enfer, Il suffit de parcourir un paysage d'Afrique pour se co nvaincre que la leçon de s termites va droit au c œur de s praticiens de l' acteur-réseau : s ans quitter le s é troites ga leries qu ' elle s mâch onnent dans la glaise , d ies vont pourta nt très loin",
Que faire de l'acteur-réseau? Interlude sous forme de dialogue-
UNbureau à la Londoo School of Economie s en fin d ' ap rès midi, par un sombre mardi de février, avant d ' aller prendre un ve rre au Beaver's Retrea~*. On en tend frapper à la porte un coup discret mai s insistant. Un é tudiant se faufile dans le bureau. L'Étudiant: - Je vous d érange ? Le Professeur: - Pas du toul. De toute façon, ce sont mes heu re s de permanence. Entrez, asseye z-vo us. E, - Merci. p , - Eh b ien .. . J' ai l'i mpressio n qu e vous ê te s un peu perdu? S , - Oui, c 'est v rai. Je dcis vou s avouer q ue j'ai d es diffic ultés à appliquer la théori e del'act er r-réseau à mon étude de cas sur le s œ ganisatiœts. p , - Pas étonnant - e lle ne peut s ' appliquer à quoi que ce soit! E , - Mai s 00 n ous avait appris... je veux dire .. . ç a a l' air d' être le d ernier c ri . Vou s vou lez d ire q u'elle est ré ellement inutile?
• 0' illleriudo • foit l"ob;" d·"". p.lltic. ':oDd.", LJ R. ·..... J. MAUSS. No,"" """". "'p i> pou.- I'. ",," i etio. d 'A bi. CaiDo5 ", PbiliWO a. o.oi al, • • y "WO" '" q""l" " " modif,e (Ndl). .. Pub .. lié 'l'',,rim.. 05'•• do Jo LES.
20S
Cmmelll dép/GY'" les CIJII lroWTSes.lUl" le III(Jl\ib> social
P": - N on, elle peut ê tre utile , mais seulement si e lle ne s'« appliqu e " pas à quelqu e chose. E , - Désol é. Vou s n' êt es pas en train de m e jouer un tour zen, o u quelqu e c hose comme ça, non? Jedoi s vous avertir, je ne suis qu'un simple doctœant en sciences des organisations, alors n'attendez pas de moi ... Et en plus, toutes ces théories fran çaises, ce n' est pas trop mon truc : j 'ai juste lu un bout de Mille Pla/eaux mais je n'ai pas réussi à comprendre grand-chose. P: - Désolé. Je ne voulai s pas faire le malin, j uste vous dire qu e l' ANT* con stitue avant tout un a rgument nl ga/if. Elle ne dit rien po sitivement sur quoi que ce so it. E, - Mais alors qu'est-ce qu ' elle peut faire pour moi ? p , - La meilleure c hose qu' ell e peut fair e pour vous, c'es t de vous obliger à dire quelqu e chose du genre : « Lorsqu e vos in formateurs mêlent dan s une même phrase organisation, hard ware, psychologie et politiq ue, ne comm encez pas par trouver qu'ils ont tort de tout mélanger ; essayez a u contra ire de suivre les associa/ions qu'ils font entre ces éléments qui VOIJ..> aura ient semblé totalement incompatibles les uns avec les autres si vous aviez suivi la définiti on usu elle du social." C'est tout. L'ANT ne peut pas vou s dire positivement e n q uoi co nsiste le lien en qu estion. E , - Mai s alors pourquoi est-ce qu ' elle s'appelle « théorie » si elle ne dit rien des choses que nous analyso ns? p , - C'es t une théorie - e t même, j e pense, une théori e solide - mai s une théori e qui port e sur la fa çon d' étudier les c hoses o u, mieux , sur la faço n de ne pas les ét udier. Ou e ncore s ur la faço n de lai sser a ux acteurs un certai n e space pour s'exprimer. E , - Vou s voul ez di re qu e le s autres théories socia les ne permettent pas cela ? p , - Oui, d'une certaine façon . El. cela e n rai son même de ce qui fait leur force : d ies sont excellentes pour dire des choses positives s ur ce qui consnt ue le mond e social . Dan s la plupart des cas, c'est parfait, les ingrédient s sont connus, leur nombre peut res ter suffis am ment limité. Mais ça ne marche pa s lorsque les choses changent rapidement, lorsqu e les assoc iations nou velles • Comme le dialogue r.e d &<JOl1e m An gletene, f a i pM rommyme _ lequel rolUlUl"acror ' Mory.
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Que faire de l 'aeteur ...éfea"" 1. fu,..b çOCNnUII d. ,()Çiob~ ilO 'l'" ~ "" . JlIUUl!""'" r\'OO l' 'I'"'-''ci. lion poIili q"". voir Il LArool, " Er ,; 1' 0' p m u ' o. 1"'0 po litiqoo t . {2002 1 ", bio• •ar l'oovn...o c! n , iq"" do B . M .....~ . Princip.. d . I ,""" ".,.".,.n l TOp""",IJl;f (I 99S) .iosi ""0 10 très bo. o lu ,", .pp lUOm"", .. o.iqoo"",", di "",. ib lo o' l1li110;'", .," 10 wob do Fooe ...lr, . or Jo
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p.nII ,,';• • M. F OUÇAULT. Di scal,u.1I'''lU'r ?
c ontraire de ce qu'il faut pour assembler le c ollectif : si e lle est déjà là, les moyens pratiques mis en œuvre dans sa composition ne so nt plus traçables ; si elle e st totele.Ies moyens pratiques mis en œuvre pour la totaliser ne so nt plu s vi sible s ; si ell e est virtuelle, les moyens pratique s mis en œuvre pour la réaliser, la visualiser et la rassembleront disparu du champ de vision. Aussi longtemps que l' ombre de la société obscurcira le collec tif, et dissimulera ce lle, plu s ancienne enc ore, du Lé viathan, aucune scie nce du soc ial ne saurait se d évelopper ' . Pour le dire de façon plus grossière: so it vous avez la société, soit v(,~.I" avez la sociolo gie. Le s deux ne peuvent coe x is te r, com me Gabriel Tarde l' avait bien vu en voyant sa discipline naissante évoluer dan s une mauvaise direction, qu 'il as s ociait cl aire me nt à l' éco le de Durkheim. Natur ellement , tous les soc iolo g ue s sont parfaitement conscie nls de cette faibless e intrinsèque de la notion de société, et c ' est pour cela qu'ils se sont efforcés. chacun à sa façon, d'en limiter le danger 9 . Ils affinneront tou s que la société est une réalité virtuelle, une cosa mentale, une hypostase, une fiction. Mais, en laissant le co ncept à s a place, t ût-ce pour en faire la c ritiq ue, il s n' ont jamais pu faire a utre c hose que de s' aména ger une petite niche à l' intérie ur du corps virtuel et total doot ils a ffi rmaient la non -existence! Ainsi, par lUI étrange retournement du destin, la société e st-e lle devenue à la foi s ce qui éta it toujours soumis à la critique en tant que fiction e t ce qui était pourtant toujours déjà là e n tant qu'horizon ind épassable de toutes les di scussion s sur le monde social ". Quelle qu e soit la sol utio n, elle a toujours éc ho ué, o u plutôt elle s'est éc ho ué comme une 8. « L'idtal démollik social est phu!
moindres détail s - les places elles-mêmes pouvan t ê tre assignées par un majordome attentif ou autoritaire. Il es t don c tout à fa it exac t de dire q ue tout e int eraction donnée semble débo rder d' élém ents déjà inscrits dans la situation, provenant d'un a utre temps, d'un a utre lieu, et générés par une autrefo nne d'existence. Cette intuition forte est a ussi vieille que les sciences soci ales . Comme nous l' avons observé auparavant, l'ac tion es t toujours disloquée, articul ée, déléguée, traduite. Par conséquent, si un observateur veut rester fidèl e à la direction indiquée IBr ce débordement, son regard sera détou rné de toute interaction donnée et diri gé vers d'autres lieux, d 'autres temp s et d'autresfo rmes d 'existence qui semblent avoir façonné l' interaction. T out se passe co mme si un fort couran t d' air c hassait toute personne qui aurait voulu demeurer sur la scène locale de l'interaction face à face. Le problèm e est de savoir comment procéder à partir de là. C'est à ce carrefour que la confusion entre le corps politique et la soc iété menace de nou s fa ire dévier de notre course. Bien qu 'il y ait toujours , dans toute interaction, la marque des pointillés qui pourraient nous mener vers l'entité virtuelle, totale e t préexistante q ui semble ex pliquer l'interaction qu' il nou s a fallu q uiner, c'est j uste ment ce c hemi n q u' i l ne faut pas prendre: si cette enti té est virtue lle, qu ' elle le reste! Le s sociolog ues devrai ent s'abstenir d' aller là o ù l'action po litiq ue doit po ursuivre sa route. Oui , les interactions sont débordées par d'autres acteurs ; non, ces acteurs ne for ment pas un contexte qui les e ntourerait. Comme nou s l'avo ns v u en mai ntes occasions, il y a souve nt un gou ffre béant e nt re les intuitions co rrectes des sciences sociales et les solutions étranges qu ' elles propo sent. C'est encore la même chose ici: o n a co nfo nd u la proj ection du Pu blic - notion de poli tiqu e - e t la prééminence de la socié té - notion de science soc iale . Il es t vrai que l' un comme l' autre jouissent d'une existence virtuell e, mais pas de la même façon. Le Public représente une ex hortation constante à reprendre la tâche impo ssible de la politique, tandi s que la socié té n' est rien d' aut re qu'une façon de di ssimuler le travail de compo sition en faisant comme s' il était déj à achevé: la soc iété est là, au-dess us de nos têtes . Si bien que, lorsqu e les e nquêteurs commence nt à se détourner des sites locaux , puisqu e, de toute évidence, la clé des interact ions ne s'y trouve ras - ce q ui est tout à fait vrai - , ils 24 3
Cmllll'/Il relroœr les aJ:llS?
c ro ien t devoir diri ger leur att ention s ur le e c ad re » au sein duquel les interactions sont suppos ées s' insérer - e t c'est là que les c hos es co mme nce nt à prendre une mauvai se tournure. En partant d'un bon réflex e - éloig nons- nous des int eraction s loc ales ! - il s finissent , pour repre ndre le célè bre titre de Sam uel Butler. a u pays d' Erewhon, c' est-à-dire de Nullepart . Cette dynamique a é té si profondément enrac inée par ce nt ci nquante ans de sciences soci ales qu' elle (rend aujourd'hui les ain; d'une migration de masse sur des a utoroutes construites à grands frai s et balisées de signalisations sur lesquelles on peut lire: « Co ntexte , 15 km . P rochain e sort ie. » L ' habitude de se rendre a u Co ntexte, une fo is déçu par les interaction s locales, est devenue si instinctive qu'il est difficil e de voir qu' elle est sans issue . Après un bref trajet san s e nco m bres, ces a utoroutes se volatilisent sans prévenir. À Co ntexte, on ne trouve pa, de place pour se garer.. . Peut-on vraiment remonta de l' acte de langage qui est cel ui de l'enfa nt à la « struct ure » du langage ? D e la plainte déposée a u « système» du droit ? De l'atelier d'usine a u « m od e de production ca pitalis te » o u à 1'« e m pi re » ? De l'entor se du patient à la « nature » du c orps? Du ca rne t de l' ethnologu e à la " cclture » de tel peuple particulier ? Db; q u'on soulève ces q uestions, la répons e devient une série e mbarrassée de « non, oui, peut -être ». Certes, la structure du langage n' est parlée par personne en particulier, et pourtant c' est à partir d' elle que sont générés tous les actes de parole, bi en que la façon dont la parol e c roise la lan gu e soit re st ée, depuis l ' époque de Sa uss ure, un mystère insondable ' . Le système du droit ne se tient null e part e n particu lier, et pourtant il est invoqué de façon non moins my stérieu se à chaq ue procès, même si l' on reconnaît à chaque fo is qu 'il doit représenter une totalisation toujours recommencée 1 . Le capitalis me es t ce rtaine me nt le mode de production dominant, mais personne n'imagine q u' il existe un homuncu/us aux comma ndes, m ême si de nombreux événements semblent obéir à une stratégie
1. Pour ..., oxODl(lI. parmi d·. .."" d·..., c.. oùl.
prlI~ moti'l'" ~rign"'"
1.. Bé"",OOl
" ",cn.RI. d ~ 1~'Il'. cf. Â . DmANfl .. C. Go:x>wLN. R. d1 inking COft1<XI (1992~ 2. q N . lui......"". ..t Sacio"'pal / 7JIo.ry if L ...· (198S); III frança is on "" ..", lu-. • L ·u oilé d o .yMè mo j oridiqoo • (19 8/1).
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Le mrmdi> social t'•• 1 plal!
implacable J . L a connaiss ance du co rps es t ce qu i per met de diagnostiquer des pathologies spécifiques. bien qu' il soit é vident qu e c'est à partir d u ca, singulier q ue l'In formation devient pertinente ". Une c ult ure est à la fois ce qui fait agir le s gens, une ab straction complète créée par le regard de l' ethnologue, et ce qui est généré au cours des interactions par l'inventivité inépuisable de s participants ' . Même si elles sont bien ce que toute e nquête se doit d' atteindre pour donne r sens aux interactions locales, les structures semblent offrir une aire de repos aussi confortable qu'un tal us d'orties . . . D'où la r épo nse gê née que l' on obtie nt sur ces fa me ux « contextese : il e xis te qu elque c hose qui rend l'interaction p ossible e n apportant s ur la scène la plupart des ingrédients néce ssaires, mais ce « quel que c hose JO es t à la fois p résent en coulisses et bien trop abstrait peur e n faire quoi qu e ce scit. La structure est à la fois tres puissante pour expliquer et pourtant beaucoup trop faible et trop lointaine pour avoir une quelconque efficacité . Ce dont on attend qu' elle donne la véritable source de tout ce qui es t « réel JO e t « concret " semble manqu er tout à fait de réalité ! C'est pour cela que les sociologues, comme s' ils éta ie nt parvenu s a u bo ut d' un élastiq ue é ti ré au svl loin qu e possible , se ret rou ven t soudai n p ropuls és da ns la direct io n oppo sée, tuyant Ies « aspects stru cturels pro fonds » pour se précipiter à nouveau vers les interaction s plu s « réelles » et plus « conc rè tes " . Une second courant d'air, un second tourbillon, non moins violent que le premier, éloigne maintenant tout visiteur du contexte et le ramene in exorablem ent a ux sites. locaux de la pratiqu e. L' histoire récente des sciences sociales n' a-t -elle pes é té en grande parti e une oscillati on pénible e ntre des pô les opposé.. l'un plu s structurel et l' autre plus pragmanque " ? Malhe ure use me nt, s'efforcer, au retour, de coller à la scène loc ale n' offre auc une solutio n, puisqu e le s fo rces qui avaient re pou ssé les e nq uêteurs, à l' aller, sont toujou rs présentes : il est J. q. P. Ma owsxl. Modlin< Dr",m, (2001); M CAUilN. ~ Essai . ur (a ...,0:00 do oadr.o-dObonl....,ol . «(999). •. q S. H IJ. 'lÇ RA~ D.. « lŒ Manufac..", ofBod io. iD S"'''''1
~
(1991) ; A. MoL, Th,
B",Jy M uIl>al
c ampus de l'Université de Chicago, UlI de s é no rme; Area File s déposés au laboratoire du Collè ge de Pranc e ' . Il se peut que le s autre s sociologues c ho isisse nt d 'ignorer ce s sites de production comme a utant d'Intermédiaire s. transparents , puisque, d'aprè s leur épistémologie, il s ne j ouent d ' autre rôle qu e ce lu i de révé ler le s « structure s fon da mentale s » de s action s humaines. Mais le s historiens e t les soc iologue s des scie nces leur acc ordait toute leur att ention. Depuis que noe s avons décidé de voir comment le s différente s disciplina; produisaient leu rs faits disputé s, nous devons (rendre e n con sid ération toutes le s moda lit és pratiqu e s par le squ elle s o n p roduit de s savo irs s ur le s action s d ' au trui. E st-ce du re lativisme? Je l' e spère bi en, e t même de la relativité ! Si aucun signal ne voyage plus vite qu e la lumière , aucun savoir ne voyage sans sc ientifiques, sans laboratoires ni sam; fragile s c haînes de réfé re nces. L' intérêt q ue nous po rto ns ac es humble; moyen s n' est pas dicté par un soupçon sur la véracité de ces struc ture s ou par qu elque va in désir de réfle x ivité : ils offrent le s parfait s rrccee rs pour découvrir le type de rel ations e ntre le niveau micro e t le niveau macro. S' il a fallu rec onfigurer la totalité de l'es pace e t du temps physiqu es après avoir découvert qu e deux signaux ne so m jamais é mis de faço n absolument simultanée, ima ginez les tran sformations d e l' espace et de s temps sociaux une foi s qu e nous aurons replacé c haque structure à l'intérieur de ses conditions locale s de production ... Dès qu ' on so u lig ne l' impo rta nce de s site s locaux ail son t élabo rée; le s struc tures dites globales, c'e st toute la topographie du monde social qui s' en trou ve modifi ée. e M aco » ne dé sign e plu s un sit e plus large o u plu s l'CIS te dan s lequ el le niv eau « micro » serait enc hâssé com me un e pou pée russe, m ai s un autre lieu, tout a ussi loca l, to ut auss i « mi cro » , qui se trou ve connecté à d' au tres plll" un v éhicu le précis qu i transporte un type préc is de traces . D'aucun site on ne pe ut dire qu 'il e st « plus grand » qu 'un autre , mai s o n a le d roit d ' affirmer qu e ce rtains bénéfic ient de connec to ns beauco up plu s fiable s avec beaucoup plus de site s. Ce changement de perspective a pour effet saluta ire
6. Po"" u"" . ",IJ'l'" .....orioli.r '"' l. h bria>ooD '"' l".lKŒ"I",lllJio. roir~" ""voux clauiquo, do G.W. Snn;' N
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Çmlllllt'lIl lY'lraœr
II.'S a S"'cllll/mlS ?
de préserver la platitude du paysage, puisque ce que la soc iologie pré-relativi ste situait aupara van t e au -de ssu s » ou ., e n dessou s ,. se trouv e maintenant côte à côte et au mêm e niveau qu e les a ut res sites qu ' on prétendait avant « sur plomber » o u « inclure ». Ce qui ressort maintenant beaucoup plus clairement, ce sont toutes les connexions, tou s les conduits. tou s les moyens de transport e t tous les véhicules reliant entre eux les différents sites . C'es t ce qui fait leur ïœce, mais aussi, comme nous allons le voir, leur fragilité 1. Si vous coupez le lien q ui attach e une structure à son a pplicerion, rien ne se passe : elle restera intacte, précieu sement re pliée dans son my stérieux e mpyrée; mai s s i vo us coupez les connex ions d'un site structurant à un site structuré, il s 'a r rl!tera tout simple ment de structurer quoi que ce soit! Parvenus à ce stade, n' essaye z pas de vous montrer intelligent s, ne sautez aucune étape, ne c hangez pa s de véhic ule : si vou s le fait es, vous all ez manquer l' em branchem ent et vous ne pourrez pa s tracer le nouveau pay sage. Gardez le nez co llé a ux pi stes et suivez-les. Termites vo us êtes, termites vous resterez ! Si vous vous e n tenez obstinément à la décision de retracer une pis te co ntinue plutôt qu 'une piste discontinue, une nouvelle c haî ne de montagnes se dessinera peu à peu, un massif q ui va partager tout a ut re ment les préc édents sites de l' ., interacti on locale » et du « contexte globa l ». Ce massif, lui au ssi, a ses sommets, ses va llées, ses failles et ses pentes vertigineuses, mais si vous voulez vous rendre d'un site à l' autre, c'es t là toute la différence, vous devez payer le prix de la relation, de la con nexion, du déplace ment et de l'information : pas d' asc ens eurs, pas d' accél érateu rs, pas de raccourci s. Par exemple, les millions d' actes de langage qui compo sent un dictionnai re, une gra mma ire ou un e structure linguistique à l'intérieu r d'un dé partemen t de lingui stique o nt é té e xtra its d'ac tes de langage singuliers qu' il a bien fallu e nregistrer, transc rire, classer de mille façons, e n utilisant à c haque fois des technologies intellectuelles di fférentes ' . Que la structure delalan gue n ' agi sse sûrement pa s e n douce « derrière » c haque acte de parole ne signif ie pas qu ' elle soit l'in vention arb itra ire de
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Premil'r 11101"''''Il1o''111 : localul'r le global
lingui stes " locaux" e nfermés dans leurs bureaux : cela veut seulement dire que la struc ture de la langu e es t une inscription reliée , connect ée, associée à tou , le, acte, de lan gage selon des modalit és qu e l' enquête se doit de découvrir. Oui, bien sûr, il peut y avoir une certaine re lation entre le bureau du linguiste et ce qui es t parl é « en dehors » , mai s co mment pouvez-vou s imaginer que cette relati on e xiste sans conne xions e t sans coûts, sans un va-et-vient constant le loog des conduits qui mênenr vers le bureau des lingui stes e t qui en re ssorte nt ? Ces relations à doubl e sen s sont d' ailleurs d'autant plus fortes et d'autant plus fréqu ente s que la structure de la langue est de venu e l'un de s équipements de base de tou s les locuteurs: n' est-ce pas l'appren tissage de la grammaire qui permet à c haque mère scolarisée de corriger les fau tes de français de ses enfants? On voit bi en que tou s les lieux de travail unive rsitaire - la tanière de l' anthropologue, le laboratoire du phys iologiste, la bibliothèqu e d u j uriste, le bureau du sociologue. le stud io de l'architecte, le cabinet du consultant - commence nt à prendre, dans le compte rendu de l'observate ur, un e forme e n é toile : de nombreu se s lignes e t conduits convergent vers un centre ou rayonnent à partir de lui . Le Grand Méchant loup d u Contexte croyait pouvoir aval er une int eract ion, mai s pas ces formes e n réseau : il s'emmêlerait dan s le, l?lis et le, replis de ce filet de rétiaire ! A partir du moment où nous suivons cette piste sans dévier, n ous voyons apparaître une n ouvelle relation top ogr aphiqu e e ntre ce que nous appelliore précédemment le niveau " micro " et le niveau « macro " . Le mac ro n' est ni « a u-œssus » ni « e n dessou s " des interactions : il vien! s'ajouter à elles comme une autre co nnexio n, qui le s alime nte et q ui s'en nou rri t. On ne co nna ît pa s d' au tre façon de parv enir à de s change ments d 'échelle reloüve. Et cette même façon de voir produira le même " eplatis semeru " quel que soit le « mecrosne » choisi : à c haque fois le travail de terrain révélera la présence de situerions locales qui deviendront autant de réseau x de connex ion, e n étoile à tra ve rs lesquel s voy agen t di fférents véhicule s (tra ns po rtant divers types de documents, d'inscriptions ou de matériaux). Ce qui était vrai des comptes rendu s écrits des soc iolog ues à la fin de la premi èr e partie es t au ssi vrai de tou s le s autre s producteurs de struct ure : Ils jettent tou , de petits pont s destin és à combler la dis ta nce introduite par des cadres d e référence
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C"", melll re/racer les a.i< d", mise' . n ""b"... A Y""EVA, « Sclliinl Up ..d Dow n ~ (200S). 12. Un pufllil "".mpl. do la fk on dit
C."
Mi"",
lJ. do", un h",,,"u do 1'& 01. d. '1"'",,, vu 1. jwr[", p",mit"" lmrativ.. do> S chJu mborl "' pour d~ toc te r du rt tn, l• . S ur co'" hi ""i", ..t,"o rdinai", . voir G. Bo..... n • .xÎt'n œ m rh< RllPI I 19"'). S'" 1. pui..."". d.l'. xp"",iun d", ct", 1. C""'P" ",m u cla.ui'l'" "'lite co"i do T P . HOOIIDi. N" WOTkI . Bi"",d iore. du « reprd ~ e' de III « V;';'lII • . q. H. Bux, D i<ar"' 'W Iraq {2004J. Le ch jouruux , w. U """'-N. P olJlic Opiniorl (1 9nl; P"'" le. A C >W'\J ~ . « U"""..wil:>g "" Bil lLviothoD » (19 81 ~ 2 H. Tanl. a '" Jo me"", . x]>5ri....,.. lui do,.. 011 a "" '1". l' ~"""'. am·zoom ..v,," iii. ou p; y metteurs en scène, ce sont d 'autre , sites locaux qu 'il faut additionner à tou , les autres sites locaux qui ponctuent le paysage aplati que nous ess ayorJ.'i de cartographiee. Mais, même après une telle réduction , leur rôle peut se révéler décisi f puisqu'Ils permettent a ux spectateurs, a ux a uditeurs et a ux lecteu rs d ' être équipés d 'un désir de tutalité et de centralilé. Ce sont ce, puissant es hi stoire s qui IIOU , livrent les métaphores que IIOU , utilison s pour d ésigner ce qui nous « lie tous e nsemble JO, les pass ions que nous sommes cens és partager, le contour général de l'architecture sociale, les Grand, Récit, q ui o nt donné sens à notre vie collective. C'est dan s le; limit es étroites qui sont le, leu rs que nou s nou s rangeons a u bon sens qui veut que le, interaction s prennent place a u sein d 'un con tex te « plu s la rge » ; qu'il y ait un « haut » et un « bas JO; qu'il Y ait un niveau « loc al JO e nchâssé dans un niveau « global " ; e t qu'il y ait peut-être un Zeilgeist doot l' esprit. justement, reste à trouver. Ainsi le statut de ce, panorama, est ét rangement a mbigu : il, sont à la fois ce qui devrait vacciner contre le, tentation> de la tnt alisa ti on - pui sq u'Hs so n t bien év ide m me n t lo caux e t confinés dans des pièces aveugles - et, en même temps, ce qui offre un avant-goût d'un monde plu s unifié . Ils recueillent, ils encad rent. il, o rdo nnent, il, structurent, il> o rganisent ; il> sont à l' ori gine d e ce qu ' on ente nd par un zoom bien rég lé. Ain si, même s' üs nou s prennent au piège, il> nou s préparen t néanmoins a u tra vail politique qui nom a ttend. Grâce à leu r, nombreux effe ts spéciaux, ils offrent com me une ava n t-prem ière du collec tif avec lequel il s' agit pourtant de ne pas les confondre . Com me nous co mmenço ns à nous e n rendre co mpte, il y a H. Jo"" Treodl • "",",lit 10 IIOmœe de "' hd;.po.itir. de "" Dec", "' ''''''';ble. d·exi''... don. une . i" .. ~m hi" ,n 'l"e dm,.,. el co"""",, il. pouv...,' p,od uire '" Q,,·il ' WCDc dc. c"''''''P''''''''. Cf. J. T1EsçH, « Meclwtieol R,....,.ici .... , Eapoeen of .... e A~ilic ial Pon dise ~ (2lXIl ~ Cp",.î' (iO. QU·011 1.. , ,,,1. ,,, • ["iD""i"" d· ", il i,.,.....r coM", ...... lieu de ..,; ..., 1", voie . " ,..fIdic" ir", de le...-cimllaliD. _ cf. 10 >ecti.m ....-1", &Iooclo œD"",.,u. Voif lIOn bel .lid e . Ü>"""ll...... . i 2OO'S ) d .... le curieux liv", du ...tIn< " ' m.
276
Premi", """" ....melll : locaJu", le glabal
néanmoins toujours un risque de prendre la cons truction de ces panoramas pour la tâche p olitique beaucoup plu s difficil e qui consiste à composer progressivement le monde comm un. Voir l e. th éori es socia les proj etée s sur les éc ra ns d e ces salles Omnimax est une chose; faire de la politique en est une a utre . La « soc iété $ui generis » de Durkheim, les « systèmes autopoïétiqu es JO de Luhmann, 1'« économie symbolique JO de Bourdieu ou la « modernité réflex ive JO de Beek sont d' excellents récits s' ils nou s préparent, une fois la projection terminée, a ux tâch es politiqu a de la compcelticn. Ils no us fowvoieraient si nou s les prenions comme autant de descriptions de ce qu ' est vraiment le monde commun. Au mieux, les pano ramas offrent une vi sion prophétique du collectif; au pire, ils n' en sont que des subs tituts très élo ignés . L 'une des ambi tion s de la sociologie de l' act eur-réseau est de conti nuer à profiter de la tendance proph étiqu e q ui a tou jours été assoc iée aux sciences sociales, mai s d' escorter à nouveau les Grand s Récits à l'intérieur des salles où ils sont projetés et d' où il ne fa ut plus les lai sser sœttr". Là encore, par conséquent, le praticien de l' acteur-résea u se fait volontairement aveu gle afin de continuer à poser les mêmes question, brutales et vul gaires, à c haque fois qu' une hiérarchi e parfaite entre di fférent es éc he lles se t rou ve mi se en scène: « Dan s qu elle salle? D an s quel pan oram a ? À trav ers quel médium ? Qui est le metteur en scène? Combien ça a coûté? » Dès qu' on soul ève cette seconde série d'interrogati ons, on verra surgir à c haque étape une multitude de sites actifs e t complexes, parfoi s d'une grande beauté. Si vou s en doutez, essayez, à titre d' exercice, de localiser les endroits, les salles, les scè nes o ù l'on proj ette ce film à gra nd spectacle : la « mondialisation » . Vou s vou s apercevrez bientôt que la globa lisation n' est qu 'une forme de provincialisme vantard partagé par un petit nombre de gens grâce à la pr olifération d'un n ombre incons idéré de _I.. ,. . 1\ « gI ooauverses » ...
J • . la ori' Ij ",tin rk; Ilevienne..... peJfl."" ~ . QU'IJII _jo ute le> po..oonma. au P'Y"lle , la multiliioioé n 'est 1"" UDe Ilenrée ra",. V...loir eŒO<e ~ en rajol>teh da", la déoo llS""o' ion. o'est _voir _"llDé la tklle d ' u stmbl 'l! e. Vllir "",",lu ';lJII. lS. Sur 1. loooli. .ion dOJ. globol, voU no1amm aut res sites q u' il prétend inclu re et en g lober, e t pour éta blir avec e ux ces sortes d e re la tio n co ntinue, onéreuse et à double sens qui permettent le dimension nement - et s'il préten d le faire sans s'acquitter de la fac ture jusqu ' au d ernier centime, c 'es t qu 'il s'ag it d'un panor am a. M ê me si Leibni z ne l' a jamais précisé, il faut faire qu elque s heures supplémentai res pour qu 'une monad e puisse se mettre à reflé ter la sourde présence de toute s le s autre s. M ai s re-cor ue xtua üser le contex te n' e st q u'un a spec t d e l'exercice de gymnas tique corrective qui doit nous réapprendre à marcher dan s ce p a ys age que j e so uh aite volo ntairemen t aplati r. Il nou s faut maintenant comprend re pourquoi le s interac ti on s lo cales consti tuen t mal gré tout un point d e d épart au ssi in sati sfaisant puisque, co mme nou s l' avons vu dans l'introduc tion de cette partie, la plupart de s ingrédient s qui le composent semblent venir d'ailleurs e t se tro uver déjà en place. Même s' il allait dans la mau vaise dir ection , le réflexe qui a po ussé le s sociologues à s'éloig ner d es interaction s pour aller voir d errière, a u-dessus ou en d essou s d ' ell es d 'où pouvaient bien provenir le s
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composants de l' ac tion, n' en provenait pes moirs d'une intuition valide . Par consé quent. si le premier mouvement que nous venons de faire ne fai sai t q ue pri vilé gie r les " interact ion s locales JO, nous n'aurion s pas beaucoup avancé. C 'est que nous n'avons encœe fait que la moitié du chemin; ce n' est pas en nou s agrippant au slogan « localiser le global » que nous e xpliquerons ce qu' est le " local JO , surtout si, comme nous l' avons vu à maintes reprise s, l'action se trouve toujours " di s-loq uée JO, c'est-à -d ire" déplacée " o u " traduit e JO . Au contraire, nou s aurions tout perdu !il, après avoir reconflguré ce qui fai sait figure de « contexte global », il nous fallait retomber sur cet autre site favori des sciences sociales : les interaction s face à face e ntre des ê tres humains individuels, intentionnels e t réflexifs - cette soc iabilité de base que nous avons appel ée le social n" 3. Si J'aller simple qui mène des interaction s a u contexte n 'aboutit null e pa rt, comme nous l' a vons vu , il n'y a a ucune raison pour que le retour aux sites locaux se révè le plu s fécrnd. Loin de faire toucher le sol aux « hypo stases sociale s », nous n'aurions fait que passer d'un artefact à un autre 1. Si le global n' a pa.~ d' existence coœr ère - si ce n' est lorsqu ' on le raccompag ne dans ses petits conduits et sur les nombreuses fresques o ù il est proj eté - , le local n' en a pa, oon plus. Si bien qu 'il nou s faut maintenant nou s poser la m ême question qu ' aup ara vant, mai s à l'envers: Cumment le lucallui -même est-il engendré? Cette fois, ce n' est plu s le global qui doit être localisé, c'es t le local qui doit ê tre re-dispatch é et redistribué. S' il est si important de men er cet te opé ration symétriq ue, c 'est q ue, fo is ces de ux gestes de gymna stique correc ti ve accom plis tour à tou r, un phénomèn e e ntière me nt différent pou rra venir enfi n occuper le premie r plan: not re a ttentio n commencer a à se porter s ur les " connec te urs JO qui pourront 1. n . .. . ...,. t"",no'" d. voi, '1"" mol"", a . finkol ....i,ui . .. c.... di. lir-.:oon . wo 1. fonnol et l'illfo",",l , " Sol.. le m nodi ol de . 1Ici• ••" . 1IOIi&l... or l' t ,. ~ c0'P'" lOlJ " Ü","n SpM",
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DeuxièlN' mouvement: redistribuer le l""al
d 'auj ourd'hui - un autre c irc uit à travers lequ el de s m asse s d ' entité s com mencen t à c irc ule r. Bi en qu ' il n' existe aucune « structure cac hée sous-jacente JO, cela ne ve ut pas dire q u' il n' exi ste pas de gaba rits structurants qui circ ulent à travers d es réseaux repérables, et dont le s tec hn iq ues sont les manife sta tions matérielles le s plus év identes - les technique s de papier e t, plu s généra leme nt, le s te chnol ogie s intelle ctu elle s jouan t d'ailleurs un rôle aus si c apital que les e ngrenages, le s leviers ou le s réaction s c himiq ues . Plus encore qu ' après le premie r mou vement de rectification , ce sont dé sormais le s véhicules, le s mouve ments, le s déplacements et la traduction entre le s lieux plutôt que le s lieu x eux-mêmes qui occupent d ésormais le premier plan. Si le s sites locaux ne c msnruenr pas un bon point de dé part, c'e st parc e que c hacun d' eux es t e ncadré et localisé par d'autre s - y comp ris, bien sûr, le stud io de l'architecte que j'ai c hcis i comme l' ori gine provisoire de mon exemple. Nous comprenons maint en ant pourquoi il nous a fallu co mme ncer, pou r repre ndre la fameu se expres sion d'Horace : in mcdias res, « au beau milieu de s c hoses JO . La c irculation est première, tandis que le paysage " dan s le que l JO c irc ule nt le s a gen ts e t le s modèl e s d e toute s sortes vient après . C'est probablement la plu s ancienne intuition de s sciences societes, ce qui le s a poussées à proclamer que le s phénomène s socia ux étaient objectifs, tra nscendants, œnnipré sent et sui generis . Co mme d 'habitud e, l'intuition éta it ju ste, mai s il était difficile d' en prendre ac te tant que la circulation du soc ial était confondue avec l'émergence de la soc iété - e llemême confond ue par erreur avec le corps politiq ue. Le fait q ue l' échelle ne dépende pas d e la taille absolue, mai s du nombre et de s qualités des distributeurs et de s art iculateurs e st quelque chose que j'ai appris il y a bien des années, lorsque j ' ai e u la c hance de suivre Shirley Stru m e t ses singes . Quand je l' ai renc ontré e à la première « c onfé re nce sur le s babouin s JO jamais o rganisée, dan s un luxueux manoi r près d e New York, elle n'était qu 'une jeune scie nti fiq ue qui était parvenue à habi tuer de s singes sauvages à marcher quotidiennement a u milieu de s chercheurs . Auparavant, le s enquête urs qui ob servaient le s babouins de loin et dans l' habitacle séc urisant d'une Jeep avaient relevé de n ombreu se s c ar actéris tiques intéressante s, mai s ils avaient s itué le s face à face a go nivtlq ues « à l'intérieur JO d e structures absentes - a ppliq ua nt a insi a u babouin le b.a.-bade la
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Cm nlelll1't!/raœr [1« a.i les mâles d évoilent leurs formidabl es canines, si le, femelles exhibent leur, arr ière-trains irré sist ib le, (a u moins pour le s mâles bab oui n> !), ils n ' on t pa s
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12. Je n pl"'De que ,,' e .. <e!le ...,ilio. qui III ~ l'oripœ de • • ,!;U......" l' " " ,,,,,-. ,-heBU, voU M. CAll.O N. B. LAT<JUl, « Un"''''''', in g the Big Levwn"" • • (198 1) ; B.LArou• •S. SnuM. « Hum.. Social Orip•• • ( 1986).
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Cmllll'/Il relraœr les aJ: ",cia llX. roi.- H_ K!.J""""'< Viix , . iOllllet ",;,qu·elr i""l... au"'; ltIIe l"ydlol"lie et ltIIe cop.;'" """tisé...
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INuxième m"",,,,'IIIo"nl: redi.
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DeuxièlN' mou..em enr : redistriln que de , routine, relayée, pa r de , habitude , co rpore lle, san s aucune visibilité. D'autre , e ncore font figure de boîte s noire s et prennent la forme de dispositifs matériels que se uls c onnaissent de s ingénieurs de quelque lointaine usin e d'Asie et, un peu plus vag uement, un de, technicien, de l' équipe de maintenance quelqu e part sur le camp us q ue l' on appelle en ca, de difficulté. Nom savon, d'ailleurs qu e le , médiateur, et le , intermédiaires n ' exerceront pa s la même pre ssion : alors que le s intermédiaires ajouten t de la prévisibilité à un cours d' acti on, le s médiateurs peuvent bru squement le faire bifurquer de façon inattendue. Le, situations c hangent a ussi rapi d ement qu e la pression barométriq ue : une panne q uelconq ue, le micro qui ne marche plu " l' ordinateur qui tomb e en p ann e, l' en seignan t qu 'un virus indispose. et la dlstributiœt relative de , ac teurs de p remier et de second plan se modifie aussitôt . On ne contrôle jamais une situation beaucoup mieux qu e le climat. Pa , étonnant qu e le , sociologues aient e u l'i ntuition qu e le, int eractions débordaient de toute part : c'est v rai! Et pourtant cela ne ve ut pa , dire qu ' elle , so nt tenue , en place par un co ntexte qu elconque qui le , surplomberait et le, placerait so m; l'emprise de quelqu e Iœce struc turelle cac hée. Cela veut simplement dire qu ' elle s sont c ons tamme nt travaillées p ar un n ombre verti gineux d e participants qui disloquent le tracé net de leu rs frcn tlêre s de multiples façon" les redistribuent et e mpêc hent d e prend re pour point de départ un emplacement dont on pourrait dire qu 'il 'l'rait
local » . On l' lllI ra compris : la relativité e n sciences soc iales re sterait une affaire relativement simple si nous n' avions qu' à localiser le glo bal ; mai s ell e ne d evient véritableme nt pe rtinente qu e lorsque c'est la terre fer me d u local qui s 'éva po re elle au s si. Dan s la plupart de, situatio ns. l' action est déjà soumise à l'interférence d ' enti té s h ét érogène , qui n ' on t p a , toute , la m êm e pr ésence locale, qui n' app artiennent p as à la même temporalité, qui ne so nt pas toutes visibles au même moment e t qui n' exercent pas la même poussée s ur l' action. Le terme d ' e Interaction JO n' était (U' mal choi si, si ce n'est qu ' on a largement sous-estim é «
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Cm llll'/Il relraœr [", aJ:c.
Pfu~-ins
Aucun e ndroit n' e st suffisamment dominant pour ê tre global, ni assez ramas sé s ur lui-mêm e po ur être local. Tant qu e nous nou s efforçons d'util iser les interactions locales ou la struct ure, ou une sorte de co mpromis entre le, deux, nous n' avons aucune c hance de tracer le s associations - et pl u, le compromis es t intelligen t, p ire sera le rés u ltat, pu isqu e nou s ne ferio ns qu e prolonger la c royance e n deux concepts vides de sens . C'est pourquoi je m' obli ge à me montrer aussi borné q ue possible e n multipliant le s pri se; q ui nou s permettront de ré sister à la tentation de répartir ce que font les acteurs en deux boîte, - le local et le g lo bal - , c e q ui m ettrait immédi at emen t un terme a u déploiement de leurs itinérai res pleins de tours et de détours. Si n ou s plaç ons un n ombre suffisa nt de ces pr ise s, nou s com mençons à d essiner sur notre carte un to ut a utre relie f, q ui coupe à a ngle droit le s c heminements q ui faisaient précédemment l'aller et le retour du local au g lobal, comme si, par quelque étra nge opéra tio n cartographique, nous avions lentement méta morphosé la c arte d'un bassin hydro graphique: tou t se passe comme si nous nou s efforcions de faire couler du nord au sud qu elque rivière qui s'écoulait jusque-là de l' est ven; l'ouest. Ce q ui frappe le plus dan , ce bouleversement topographique, c'est que le, élément, qui faisaient a uparavant figure de « local » et de « glob al » ont tous maintenant pri s une forme en é toile - sur notre grille de projection, bien sûr, et non pas " dans la réa li té • . Le s sites o ù s'éla bore le conte xte resse m ble nt désormais a ux Inte rsection s de nomb reuse s pi stes sur lesqu elles d es documents vcot et viennent, mais le, sites de construction du local prennent eux aussi l'aspect de multiple, carrefours ver, le squel s le s mod èle s et le, formats circulent. Si nous prenon s au 20. Je """ '''''., E 'ui"'..
JDJi.,
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Cmllmelll re/racer /'" <J.«o e pos thumains JO , mais précisément pour la raison opposée : elles rendent visible ce qui a uparavant n' était présent qu e de faço n virtuelle. À des époq ues plu s reculées, la co mpétence était une affaire assez my stérieu se qui se lai ssai t difficilement tracer ; pour cette ra ison, il fallait la commander, pour ainsi dire, d'un seul tenant e t e n gros. Dès que la compétence se laisse compter e n bauds e t en bytes dans des modems e t des ro uteurs , dès qu ' elle peut être é pluc hée couc he après l'autre, elle s' o uvre a u travail de terrain. Chaqu e pellic ule laisse derrière elle une trace qui dispose d ésormais d'une origine, d'un label , d'un véhicule, d' un circuit, parfoi s même d'une facture, d'un c op yrig ht e t d'un prix 26 . Grâc e aux technique s de ê
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mon.
2S. C.". "",kiptici'~ d oi.. dG , la m~"pl.". de n 'l'i""m"". do..' Th"'._ d..... 10 lis"'. Cf L T1ItVINOT. ~ Whi . con'.c" .. ' ~ ' """".., ... li~.. , t choc"". ~ "" coocho' : u"" .... tin.., "" dMi.., • l. briDonco ~ nylon, un . p"',.midi • lx "'fnrtion d. la lumi"". ",,1. , . b.v. .. roux , u"" ou ndu n!ùi " • • d. , CQlI", .. . imi dc ...., .. Camo. d'hahi.1U~ , .. l!aIiu p &m , « M ""U. . ... un. nrnxt1'tixli..tion d. co qui n'-8"m, ..qui, p . l ..' IIlit< .. m.oridl• •.
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d ésignera comme é tant quelqu 'un. Si vous doutez de la capacité de ces humbl es techniques de papier à produire en partie des quasi-sujets , essa yez de vivre dans une grand e vill e europée nne comme un «étranger sans papiers » o u de vou s soustrai re aux griffes du FB I à la s uite d'une erreur d' orthographe dans votre nom. D'aut re s véhicul es, il est vra i, lai ssent une trace si frêle qu' ils sem blent presque immatériel s mai s, si nous ne dévions pas de notre course, nous par viendrons à les suivre quand même: essayez de compter combien de clic hés e n circ ulatio n il vous faut a bsorbe r a vant de dispos er de la com pét e nce nécessair e à l' expression d'une opinion a u sujet d'un film , d'IUle conna issa nce , d 'une di spute o u d 'une po sition politique. S i vo us commencez à sonder l' origine de chacune de vos idiosync ras ies, ne serez-vo us pas capa bles de dépl oyer , là encore, la même forme e n étoile qui vou s obligera à vou s report er sur une multitude de lieux, de perscnn es, d' é poq ues et d'événements q ue vou s aviez complètement oubliés? Telle inflexion de la vo ix, tell e express ion inhabituelle, telle démarche, telle posture, tel s tics, ne peut-on pas les tracer e ux aussi, un à un 19? Et puis il y a la question de vos sentiments. Ne vous ont-ils pas é té donnés ? « Qui saurait aimer s'il n' avait pas lu de roma n, ? " Comment sauriez-vous à quel groupe vous appartenez sa ns tél éch arger constamment certa ins des cl ichés culturels dont tout le monde vou s bombanie '~ ? SaIL'; la lecture avide d'Innombrables magazines de mode, sauriez-vous faire un gâteau, mettre un préservatif, co nso ler votre amante, faire un brushing, défendre vos d roits, ou chci sir les bons vêtements ? Oui , les magazin es sont décid ément bie n util es. Mai s, bien sür, si vou , prenez c haq ue ru briq ue comme I' « express ion » d'une obsc ure force sociale, leur effica cité di.. . paraît. D 'un autre côté, si vo us vous souvenez qu'il n'y a rien au-delà ni e n dessous, qu'il n'y a pas d'arrièremonde du social, alors n' est-il pes juste de dire que toutes ces rubriques composent une partie de votre si précieuse intimité? Nou s avons désormai s une certai ne familiarité avec ce phénomène, qui ne devrait plus appara ître comme un paradoxe : c'est
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29. q. J.e . SC~MlTT, La ,~ i,on
que vous maintenez cette c ompétence mentale e t cognitive aussi lon gtemps que v ou s sousc rivez à c e t é qu ipeme nt. Vou s ne l' emportez pa, avec vou , : d ie ne vou , appartient pes- Il be peut qu e VOlI S l' ayez qu elque peu assimilée mai s, mêm e pour parvenir à ce tour de force, il vou s faudra télécharger un autre plug-in ! S i vou , essaye z d e faire un calcul rationn el en vou, tenant à disuuu:e de cet équipemen t - en décidant par e xemple d' acheter Universal Panoramas afin de de venir la World Company - , il se peut q ue vo u, n'ayez rien d 'autre à votre dispositio n pour prendre cette « macro-décision JO que des esü maüœs gros sière s gribouillée, sur le dos d'une enve loppe; vou , n' au rez plu, en votre posse ssion la co mpétence vou s permettant d ' être un tant soit pe u rati onnei l l . Là e ncore, il es t beauc oup plus sensé e t ré ali ste de co ntou rner le s d eux s ite s qu e son t le s forces du marché et l' agent individu el. Le, fac ultés cognitive, ne résident pas «en nou s JO, mai, elles se tro u vent di stribu ée s à trav ers l' environn ement format é, qui n ' est pa s seulement con sti tué d e loc ali sateurs mai s aussi d e nombreuse s propositions c apables de produire, su r le tas, de s c ompétence s grâce à de n ombreuse s petites technologie s int ellectuelles " . Bien qu ' di es nou s viennent d u d ehors , elles ne sont pas dérivée, de qu elque my st érieux contexte : c hac une d'entre elles a IUle hi stoire que l' rn peut tracer empiriquement, avec plu, o u moins de difficulté . Chaque patch arriv e avec son propre
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~ ~. OIlIIJ"" le l' 1Ii..,;'-e rder Il • n' i<mo lilE • du m • .-dJ. ~ (K. K N OfUl -C ~ nN~ et U. BRU'OŒ R, • Glob.l Mio"""''''' ''''''' ~ !2002D. Pu d 'Equip<men~ 1"" de rItiOlllllitE. '14. O.e plUN ation ,,' au
mon esp rit, un " individu " ? Bien sûr qu e j ' en s uis un , mai s seulemen t à part ir du moment où j' ai é té individualis é, spiritualisé , int ériorisé. fi e st v rai qu e la circ ulation d e ces " subjectiveteu rs " s'avère so uvent diffi cile à tracer. Mai s, si vou s partez à leur recherc he, vous le s trouverez partout : des flot s, de s pluie s, de s essaim s de ce qu 'on pourrait appeler de s psychomo rpiles, dans la me sure où ils vo us donnent littéralemen t la fo rme d'un psychisme. Considé rez par exemple le s convers ations amoureu ses . Si vo us doutez d e l' e ffic acité de ce genre de tran sport, faites l' expérience : essayez un peu d e vivre sam; d ies et voyez avec quelle rapidité ce « vou s » - oui, le « vou s » primordial - dépérira ". Non, décidément, il n'y a pa s jusqu' à l' amour - l'amour s urtout - qui ne puisse ê tre conç u c omme ce qui provient de l' e xtérieur, c omme ce présent miracul eux qui vous fait le don d 'une précieu se int éri ori té. Et c'e st bien d e toute év idence cet te façon d e survenir d e l' extérieur comme un don imméri té qui est c ons ta mme nt repris d ans le s poème s, le s chansons et le s tableaux, pour ne pa s parl er du cortège ininterromp u d'anges, de chérubins, de putti, de flèche s e t de c arquois don t l' existence objec tive - oui, objective - doit elle aussi ê tre prise e n compt e. Même l' amour doit avoir so n propre véhicul e, se s techniqu es spécifiques , ses circ uits , ses éq uipements, tout autant qu'une salle de marché, un quartier général ou une usine. Bien sûr, le médium sera différent, de même que la nature de ce qui est transporté, mas la forme générale abstraite sera la même - e t c'e st cette forme purement thé oriqu e que je souhaite pour l' instant sai sir. Po ur reconfigurer e ntièrement les fro ntières e ntre la sociologie et la psychologie, il n'y a qu 'une solution : faire venir de l' extérieur chaque entité qui habitait aupara vant l' ancienne inté riorité , n on p as c o mme une c o ntr ain te n égat iv e " limitant la subjec tivité ", mais comme un offre positive de subjectivation liI . Dès q ue nous procédon s de la MX1e, ce q ui était jusq u' ici un ac te ur , un participant , une personne , un individu - 1"'" .1 5. n oxis« ' '"' co
">jtile": le loog des ficelle>, il se passe q uelq ue chose qui permet aux mari onnette s de bouger. La stérile divisiœt du trava il entre la psychologie et la sociologie peut co mmencer à se modifier une foi , qu ' on a di ssou s la défini tioo de 1'« extériurité » et qu' on l'a remplacée par la circulation des plug-ins . Si aucun d' entre e ux ne dispose d'un pouvoir de dé termination, il s peu vent e n reva nc he fai re fa ire q uelq ue c hose à q uelqu' un. Nou s sommes désormais e n me sure de réunir ces deux points et de reconfig urer de fond en combre la notion d ' extériori té: l'" extérieur » n'est plus s itué au même endro it et so n influe nce s'exerce à travers une thé orie de l'action totalement différente. L' extériorité n' e s t pas un contexte « fait de ,. force, sociales et il ne « détermine » pa, l' intério rité. La conséquence la plu, calamiteuse de la notion de contexte vena it de ce qu ' elle nous o bligea it à a do p ter un systè me d e co mptabilité à double entrée, de telle sorte que tout ce qui prove nait de l'extérieur était déduit de la somme totale d'ac tion ass ignée aux agents et à leur « intériurité ,.. La conclusion de ce bilan comptable était inévitable: plus vou, ajoutiez de m s vou,faisant agir de l' extérieu r, mo iru vou, a gissiez vous-même. Et, si vou, so uh aitiez, pou r qu elque raiso n mo rale o u pol iti que , sauver l'intention, l'initiative et la créativité de t'acteur, la seule faço n de faire consistait à acc roître la somme totale d' action e n p rovenance de l'intérieur e n coupant certains fils, refu sant ainsi tout rôle à ce qui était perçu com me a utant d e « c haîne, ,., d e «contrai nte, ex térie ure, ,., de .. limi tes à la llbert é », etc . Soit vo u, étiez un sujet lib re, soit vo u, v iviez dans un ass ujettissemen t abject. Et, bien évidemment, les socio logue, critiq ues ont renforcé cette tend ance puisqu 'ils ne pouvaient pas parle r de 40. VoU- ml< p. 8~ . ... i~. B. tAKUl • F• .,.,,-oIFJO""-" D. l. D,tiœ d • • &.ea~ coU. d'.,,,,bo,,,,, .. . (20001.
~
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Ç""'1IIt'1Il tr'lraœr II.'S a.«OCi lllirmS?
« force exté rieure JO du s ocial, si ce n' est e n se c omp laisa nt à dénoncer le s «contraintes é troites JO que le « poids anon yme de la sociét é JO faisait subir à la « liberté individu elle JO . Mai s c et étrange paysage n'a plu s d e raison de nous déprimer. L' ex tériorité ne ressemble jamais à ce véritable désert de Gobi qu' avaient inv enté le s s oc io log ues du co ntex te, pa s plu s qu ' elle n' e st s im p le me nt peuplée de faits indiscutable s. L'intéri orité ne resse mble jamai s à un sanc tua ire re culé e ntouré par le s ea ux glacées d es forces sociales , comme une île déserte e ncerclée par de s requins a ffamés "'. L'i ntérieur et l'extérie ur, co mme le haut et le ba s, sont de s résultats et non des causes ; le travail du soc iologue ne co ns iste pa s à leur fix er de s limite s à l' avance 42. La différence e ntre le s deux théorie s ne tient pas seulement au nombre d'attachements, mais aussi à la théorie de l'ac tion qui relie ces attac hes . Nou s avons déjà v u q ue si la métaphore de s mari onnettes n' était pas appropriée, ce n' e st pas parc e qu ' ell es éta ient activée s par de nombreu se s fi celles tenu e s d 'une main fe rme par de s m ari onn ettist e s, mai s en raison d e l' argument improbable selon lequel ces ficelles ne faisaient que répercuter la domination sans aucune traduction. Bien sûr que le s marionnette s sont so umises à dei; attac hements! Mai s cela ne sig nifie e n a ucun cas que, pour les affranchir, il faud rait co uper toute s le s corde s... La seule façon de « libérer » les marionnette s cons iste, pour le marionnetti ste, à être un bon marionnettiste. De la même faç on, ce n'es t pas le nombre de connexions qu'il n ous faut diminuer pou r atteindre final ement le sanctuaire de la subjectivité . Au co ntra ire, com me William Jamesl'a magnifiquement démontré, c' e st en multi pliant le s co nnexio ns avec l' ext érieur que l' o n a une chance de comprendre la faço n dont not re intériorité a été co nstituée ' .1. Il vo us faut souscrire à un grand nombre de subjecriveurs pour de venir un sujet, vo us de vez télécharger bien de s individualisateurs pour devenir un indi vidu - de la même façon qu 'il nous fallait, au c ha pitre précé den t, un gra nd nombre de
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4 1. 0 dtpl ""....... vi. .. ",mpl< j< impoosilt. (i, déœ..it IJ.. " Ill< III .uŒilit< (i, Il Jo D'~Illi Oll d. Jo Ualilo!