ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
BERNARD HÉBERT
ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE
Bernard Hébert 1, ruelle des Eaux sauvages 60440 Nanteuil-le-Haudouin
ISBN-13 : 978-2-287-99175-2 Springer Paris Berlin Heidelberg New York
© Springer-Verlag France, Paris 2010 Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media Imprimé en France Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante.
Maquette de couverture : Nadia Ouddane Photo de couverture : © Bernard Hébert
Collection Abord clinique, dirigée par Paul Zeitoun
La collection « Abord clinique » est composée d’ouvrages destinés aux professionnels de santé confirmés ou en formation, intéressés par le point de vue de spécialistes ayant une grande expérience clinique et un goût affirmé pour l’enseignement. On trouvera dans ces ouvrages la description des symptômes et de leur expression, des signes physiques et de leur interprétation, ainsi que des aspects relationnels avec le patient et son entourage. Témoignant du vécu de l’auteur, ces ouvrages ont pour objectif la description du plus grand nombre possible de paramètres utiles à la prise en charge de la maladie ou des symptômes et au suivi du malade.
Dans la même collection Ouvrages parus : – Abord clinique en cancérologie Bernard Hoerni, Pierre Soubeyran, février 2003 – Abord clinique en gastro-entérologie Paul Zeitoun, François Lacaine, février 2003 – Abord clinique en gynécologie Bernard Blanc, Ludovic Cravello, juin 2004 – Abord clinique des malades de l’alcool Dominique Huas, Bernard Rueff, juin 2005 – Abord clinique des urgences traumatiques au cabinet du généraliste Jean-Claude Pire, Carole Carolet, juin 2005 – Abord clinique en urologie Ariane Cortesse, Alain Le Duc, septembre 2006 réimprimé en 2007 – Abord clinique du malade âgé Robert Moulias, Sophie Moulias, décembre 2006
ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE – Abord clinique en obstétrique Florence Bretelle et Marianne Capelle, mars 2008 – Abord clinique des urgences au domicile du patient Jean-François Bouet, mars 2008 – Abord clinique des affections du rachis par le chirurgien Vincent Pointillart, septembre 2008 – Abord clinique de l’hypertension artérielle Antoine Lemaire, mai 2009 À paraître : – Abord clinique en neurologie Jean-Claude Turpin
6
SOMMAIRE ■ INTRODUCTION .............................................................................
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Six milliards d’hommes dans notre salle d’attente .......................... L’éthique médicale ne souffre aucune exception .............................. Travailler en harmonie avec les structures existantes .................... Un maître mot, la précarité ................................................................... Travailler dans la durée ..........................................................................
12 12 12 13 13
■ PREMIERS
CONTACTS .................................................................
15
Inventaire de la précarité ....................................................................... Éloignement du poste de santé ............................................................. Médicaments ............................................................................................. Respecter les coutumes ..........................................................................
15 17 17 18
■ ABORD
CLINIQUE ..........................................................................
21
Généralités ................................................................................................. Examen clinique ....................................................................................... Pathologies les plus fréquentes ............................................................
21 22 23
■ LA
CONSULTATION .......................................................................
25
Affections spécifiquement féminines .................................................. Consultations de l’enfant ....................................................................... Fièvres ......................................................................................................... Problèmes rhumatologiques .................................................................. Pathologies gastro-intestinale et hépatique ....................................... États de famine ......................................................................................... Affections ophtalmologiques ................................................................ Affections cutanées et lymphangites ................................................... Hémopathies ............................................................................................. Problèmes urinaires ................................................................................. Problèmes cardiovasculaires .................................................................. Manifestations psychiatriques et neurologiques ..............................
25 37 54 72 75 83 86 98 110 115 119 122
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE ANNEXES ■ ANNEXE
I ............................................................................................
131
Accouchement .......................................................................................... Déroulement de l’accouchement : présentation céphalique .......... Accouchement par le siège .................................................................... Délivrance .................................................................................................. Quand doit-on transférer une femme en urgence à la maternité ? ....................................................................................... Soins au nouveau-né ............................................................................... Suites de couches et allaitement maternel ......................................... Conclusion .................................................................................................
131 134 137 138 140 141 141 143
■ ANNEXE
II ...........................................................................................
145
Sida et hépatite B .....................................................................................
145
■ ANNEXE
III .........................................................................................
153
Organisation d’une campagne de vaccination ..................................
153
■ ANNEXE
IV .........................................................................................
157
Les serpents ............................................................................................... Attitudes thérapeutiques ........................................................................
157 158
■ ANNEXE
V ...........................................................................................
161
Les agents vecteurs et quelques problèmes non résolus ................
161
■ ANNEXE
VI .........................................................................................
167
Banque de verres correcteurs ................................................................
167
■ INDEX ...................................................................................................
169
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REMERCIEMENTS
À Jacqueline et à nos quatre enfants qui m’ont laissé partir, À mon père et mon arrière-grand-père qui m’ont fait aimer la médecine, à ma petite-fille Marie, À Bibi Marie, Wazir, Johny abd er Rahman, Étienne, Aïda, Meta, Khadi, Josuah, Joël, Evelyne, Régis, Fabrice, Tashi Nima, le moine Gaïa et à tous ceux qui m’ont accompagné et m’ont aidé à comprendre, Au petit Africain, au petit Tibétain, aux Malgaches et aux pauvres Talibans qui sont nés dans les années quatre-vingt et ont toujours vécu dans un pays en guerre, À toutes les petites bêtes qui grattent, qui piquent et qui font mal au ventre, À toutes les femmes et les hommes de bonne volonté par qui la vie sur terre, qui est si dure, est également si belle. Je remercie particulièrement le docteur Françoise Muth, le docteur Gérard Hébert et le professeur Paul Zeitoun qui m’ont aidé chacun dans leur spécialité.
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INTRODUCTION
Médecine humanitaire. Le serment d’Hippocrate, prononcé voici deux mille cinq cents ans, portait en germe les fondements de ce pléonasme et les origines de la médecine humanitaire sont sans doute aussi anciennes que la médecine. Les hommes n’ont pas attendu la découverte de l’anesthésie, du librium‚ ou de la pénicilline pour tenter de soulager leurs maux. Pourtant, les progrès galopants de la médecine occidentale depuis le XIXe siècle et la transformation des moyens de la connaissance ont donné aux artisans de la santé une nouvelle dimension éthique. Les premiers balbutiements de la notion de médecine humanitaire remontent sans doute à la fin du XIXe siècle. La bataille de Solferino, Henri Dunant et la Croix Rouge française, la Croix Rouge et le Croissant Rouge international, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Médecins sans frontières (MSF) et de nombreuses associations et organisations non gouvernementales (ONG) humanitaires, marquent les étapes fondatrices d’un exercice atypique de la médecine qui fait voyager d’un bout du monde à l’autre des médecins et des professionnels de santé au chevet de populations dans la détresse ou tout simplement dans le dénuement. Si cette jeune spécialité a déjà acquis ses lettres de noblesse, elle attend encore sa consécration universitaire, elle n’est pas enseignée dans les facultés et les médecins ou professionnels de santé qui s’y engagent se posent à juste titre de multiples questions que cet ouvrage va tenter de cerner.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE
Six milliards d’hommes dans notre salle d’attente Le champ d’action de la médecine humanitaire est infiniment vaste, couvrant des situations multiples qui vont de l’assistance ponctuelle auprès d’une population déshéritée jusqu’à l’intervention massive auprès d’une population fragilisée par une catastrophe humanitaire comme une guerre civile, une famine, une sécheresse, une épidémie ou une catastrophe naturelle.
L’éthique médicale ne souffre aucune exception Elle s’impose particulièrement dans les conditions extrêmes. Elle conditionne l’honneur de notre métier, mais aussi l’adhésion des confrères locaux et la confiance que nous accordent les patients au-devant de qui nous sommes allés. Pourtant, elle réserve parfois quelques problèmes de conscience, par exemple la nécessité du tri des malades en cas de catastrophe ou encore la priorité aux soins et la résistance à des pressions extérieures qui n’ont rien à voir avec l’exercice de la médecine. Chacun découvrira les subtilités de la négociation et y introduira sa propre dose d’autorité et de diplomatie.
Travailler en harmonie avec les structures existantes La réussite d’une mission humanitaire repose sur une évaluation des besoins, une analyse de la morbidité et un audit des structures en place. Il convient d’identifier les référents médicaux et administratifs, de leur faire connaître l’existence de la mission et de les y associer, de façon à collaborer avec eux dans les meilleures conditions possibles.
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INTRODUCTION
Un maître mot, la précarité Formé pour répondre à une exigence déontologique d’excellence, le médecin moderne est apte à donner le meilleur, mais il n’est pas toujours préparé à affronter le pire. Au fil des années, et à la mesure des progrès de l’art de soigner, l’espoir de guérir et de vivre mieux devient une réalité, mais tous n’y ont pas accès. Le fossé se creuse dramatiquement entre les pays favorisés qui proposent à leurs ressortissants des soins affinés, des médicaments coûteux et une longue espérance de vie, face à de nombreuses populations sans protection sociale, condamnées par la misère à une médecine de deuxième ordre. Même à l’intérieur d’un pays donné, l’écart reste considérable entre les capitales relativement bien loties et la brousse où le monde agricole reste privé de toute structure de santé. Lorsqu’il se rend sur le terrain, le professionnel de santé mesure souvent avec désespérance la fragilité de ses moyens face à l’immensité des besoins qu’il va devoir affronter. Il mesure également la précarité des populations liée à l’absence de structures médicales, à l’éloignement ou à un revenu dérisoire qui ne leur permet pas d’accéder à la protection de la santé. La précarité touche également le niveau d’instruction qu’il convient d’évaluer et d’améliorer par un travail de formation.
Travailler dans la durée Précaire et urgente, l’action humanitaire est le plus souvent limitée dans le temps. Le jour arrive inexorablement où, sa mission terminée, le professionnel de santé ferme son cabinet provisoire ; il lui faut alors évaluer ce qui restera après son départ. Les médicaments se sont épuisés et le matériel rouillera dans un coin si l’on n’en a pas expliqué le mode d’emploi. Seuls persisteront les techniques, le savoir et le savoir-faire, par nature transmissibles et inépuisables. Au devoir de soigner s’ajoute un devoir de formation.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE La médecine humanitaire n’échappe pas aux règles de l’éthique médicale qui est universelle et ne souffre pas d’exceptions. Pourtant, son champ est infiniment vaste et le médecin occidental peut se trouver en prise avec des situations auxquelles sa formation classique ne l’a pas préparé. La précarité en est le dénominateur commun. Au-delà de cette constatation, il doit se préparer à travailler dans un pays étranger dans le respect des coutumes et du système de santé. Au devoir de soigner s’ajoute le devoir de transmettre ses connaissances et son savoir-faire.
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PREMIERS CONTACTS
Aucune situation n’est, à elle seule, exemplaire, les systèmes de santé sont tous différents et chaque situation originale. La nature des pathologies, le taux de la morbidité dans la population, les réalités sociales et politiques obligent le professionnel de santé à reconsidérer sans cesse son approche des problèmes. Toutefois, un certain nombre de critères restent constants et, pour aborder sous l’angle clinique les spécificités de la médecine humanitaire, nous avons choisi de suivre la situation d’un médecin ou d’une équipe médicale intervenant dans un village de brousse, en Afrique par exemple.
Inventaire de la précarité Le plus souvent, il n’y a sur place qu’un interprète et une matrone ou un auxiliaire de santé communautaire, tous deux dotés d’une formation médicale sommaire. L’électricité, le téléphone n’arrivent pas jusque-là, l’eau potable est au fond du puits à vingt mètres de profondeur et le poste de santé se trouve à plusieurs heures de « calèche ». On donne ce nom en Afrique à un lourd chariot de bois traîné par un ou deux bœufs. Le centre hospitalier et les recours spécialisés sont encore plus loin. L’ambulance rouille devant la case de santé et elle n’a plus de roues.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Il fait chaud, le soleil brille, plus de cent personnes savent que vous êtes arrivé et font la queue pour la première consultation. Muni d’un tensiomètre, d’un stéthoscope, d’un otoscope, d’une boîte de doigtiers et d’une lampe de poche, vous voilà bien démuni et, sauf à être inconscient, vous vous sentez envahi par un curieux sentiment d’impuissance : sans échographe, sans scanner et sans le secours d’un laboratoire, il vous faut retrouver des repères oubliés de sémiologie clinique : écouter les plaintes, regarder les corps, les palper et les ausculter. La veille, en arrivant au village, vous avez été reçu par le comité de santé, les femmes ont dansé, les jeunes ont battu le djembé ou joué de la kora, vous avez fait la connaissance de l’équipe avec laquelle vous allez devoir travailler. L’avant-veille, à la préfecture, vous avez rencontré les autorités administratives, vous avez bavardé avec le médecin de district, vous vous êtes entendu avec lui sur l’objet de votre mission et il a promis de vous rendre une visite au cours de votre séjour. Avec vous, il a fait le tour du dispositif de santé. Le village est souvent doté d’une case de santé, un modeste bâtiment et quelques médicaments. Il couvre cinq à six mille habitants sous la responsabilité d’une matrone ou d’un auxiliaire communautaire de santé. Ces agents n’ont fait aucune étude médicale, ils ont reçu une formation professionnelle très inégale et trop souvent sommaire et représentent la branche extrême du système pyramidal de santé. Ils assurent les soins primaires et ils sont aptes à recevoir les plaintes des malades ; ils assurent le suivi des grossesses et le suivi des nourrissons, expliquent aux villageois les règles d’hygiène et les programmes nationaux de santé : lutte contre le paludisme et la tuberculose, espacement des naissances, prévention du Sida. Ils préparent également les campagnes de vaccination en répertoriant les enfants et en tenant à jour un registre. Ils assument, dans tous les cas, la lourde responsabilité de premier recours de santé et leur rôle essentiel est de distinguer ce qu’ils peuvent faire avec des moyens dérisoires, de ce qui doit être référé. Ailleurs, il n’y a rien, la case de santé est en désuétude, les matrones ou auxiliaires de santé communautaire ne sont pas formés, ils sont en voyage, en congé ou en désaccord avec le comité villageois de santé, ou encore vous vous trouvez dans un campement nomade dont les habitants vont et viennent au gré des pâturages.
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PREMIERS CONTACTS
Éloignement du poste de santé À plusieurs heures de marche se trouve le poste de santé sous la direction d’un infirmier-chef de poste et parfois d’une sage-femme. Ils sont assistés par un ou plusieurs auxiliaires de santé communautaire et des matrones. On y pratique la petite chirurgie et les accouchements. Ce poste de santé est le premier référent en cas de problème grave ; il dispose d’une salle de soins et de consultation, de quelques salles d’hospitalisation pour les patients fébriles, les malades sous perfusion ou les femmes qui viennent d’accoucher. Il dispose également d’un dépôt de médicaments choisis dans la liste des 150 génériques de l’OMS dont la gestion est sous la responsabilité du comité villageois de santé. Il dispose enfin d’un réfrigérateur où sont conservés les vaccins. L’infirmier-chef de poste, sans en avoir le titre ni la formation, assume les responsabilités d’un médecin généraliste. Le centre hospitalier de référence, les spécialistes, le radiologue, le laboratoire d’analyses médicales, le chirurgien et la maternité sont parfois très éloignés. Renseignez-vous sur la nature des examens que vous pouvez demander. Vous avez pu apprécier les distances et l’état des routes, les véhicules dont vous pouvez disposer et évalué la fiabilité des communications téléphoniques. Assurez-vous enfin d’une ou deux pièces pour les consultations, de deux chambres d’hospitalisation. Faites le ménage et assurez-vous que vous disposez d’un matériel de stérilisation qui se limite parfois à un réchaud à gaz et une casserole.
Médicaments La case de santé est en principe pauvrement équipée et ne dispose que de quelques substances efficaces. Pour travailler, il vous faut évidemment des médicaments. Soit vous avez apporté dans votre bagage ce qu’il faut pour exercer la médecine pendant le temps de votre séjour, soit vous disposez d’une somme d’argent qui permet d’acquérir les médicaments et le matériel nécessaire auprès de la pharmacie centrale, soit encore vous prescrivez les traitements que les patients iront chercher auprès du poste de santé.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Faites l’inventaire du matériel de perfusion, des pansements, des boîtes de petite chirurgie, rangez les médicaments sur une ou plusieurs étagères, tenez-en la comptabilité, n’attendez pas la dernière plaquette pour renouveler votre provision d’antibiotiques et restez en contact avec l’infirmierchef de poste qui peut renouveler son stock de médicaments en s’adressant à la pharmacie centrale généralement située au centre hospitalier. Il existe également, dans les grandes villes, un réseau ténu de pharmacies privées chez qui l’on peut acheter des médicaments de bonne qualité tandis que les bazars offrent pêle-mêle des échantillons médicaux souvent périmés et des médicaments sans aucune garantie.
Respecter les coutumes Il convient de vous renseigner sur les pathologies locales. Bon élève, vous l’avez fait en principe avant de partir en mission, vous avez dans votre mallette un bon ouvrage de médecine tropicale, mais il n’est pas superflu de vous entretenir avec le médecin de district et avec l’infirmier-chef de poste. Le contact avec la population conditionne le bon déroulement de votre mission. Dès votre arrivée, vous êtes allé saluer le chef de village. Gageons qu’il vous a invité à manger en compagnie de quelques notables. Le deuxième jour, vous vous arrangerez pour déjeuner chez le maître d’école et le troisième chez la matrone. Ils vous en apprendront plus que tous les autres notables. Respectez les coutumes et n’oubliez pas de proposer à vos hôtes de venir vous consulter, même et surtout s’ils n’ont rien. Évitez de les faire attendre et ne refusez pas d’examiner dès le premier jour leur frère et leur père, voire leur femme. C’est peut-être du favoritisme, mais ça arrange souvent bien des choses. Si votre hôte vous offre un poulet, un chevreau ou quelques poissons, vous saurez que vous avez passé avec succès votre examen de passage. Vous n’avez pas besoin de répondre à ces cadeaux, votre présence suffit et dès lors vous pourrez travailler en toute indépendance. Prenez contact avec vos collaborateurs directs, assurez-vous d’un interprète, réglez une fois pour toutes le problème du bénévolat et des salaires ou des cadeaux éventuels. Créez rapidement un climat de confiance et fixez les responsabilités de chacun. Expliquer n’est jamais un temps perdu.
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PREMIERS CONTACTS Six milliards d’hommes dans sa salle d’attente, des systèmes de santé déficitaires et un champ d’action infini, la médecine humanitaire ne peut se résumer. Parmi une légion d’exemples possibles, l’auteur a choisi comme modèle un village de brousse. Il fait l’inventaire des ressources en hommes, en médicaments et en matériel et donne quelques clés pour créer une cellule de soins efficace, là où il faut tenir compte de l’isolement, de la distance, de l’ignorance et du dénuement.
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ABORD CLINIQUE
Généralités Vous apprenez à relativiser et vous retrouvez les repères sémiologiques un peu oubliés par la médecine moderne. Vous devinez qu’il va falloir éviter les prescriptions de radiologie et de biologie car le premier recours spécialisé se trouve au mieux à plusieurs heures de calèche ou de pirogue. Désormais, sans perdre de vue le risque toujours possible d’une erreur d’appréciation, votre diagnostic et le suivi du malade reposeront presque exclusivement sur l’examen physique, sur l’interrogatoire, la palpation et l’auscultation, sur l’épidémiologie et sur les arguments de probabilité. Une fièvre élevée sous les tropiques à la saison des pluies a plus de chance de correspondre à une crise de paludisme qu’à une grippe et, dans un autre registre, il n’est pas indispensable de pratiquer une échographie pour identifier un problème grave devant une métrorragie au huitième mois de grossesse. Quatre-vingt-quinze pour cent des patients consultent pour des pathologies universelles, mais vous rencontrerez parfois des maladies qui ne vous sont pas familières : bilharzioses urinaires ou intestinales, maladie du sommeil, lèpre, choléra, trachome, onchocercose et bien d’autres maladies tropicales. Selon le pays où vous vous trouvez parachuté, vous noterez la prévalence inattendue de certaines pathologies spécifiques. Sans céder au désir de raconter des histoires de chasse, je me souviens d’un village en Casamance et de ses nombreux aveugles qui correspondaient sans doute à un foyer méconnu d’onchocercose, de la fréquence au Tibet des malades souffrant de l’épigastre,
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE dont l’ulcère gastrique ou duodénal était souvent compliqué par des hématémèses (tous signes rapportés sans aucune preuve à la consommation de viande boucanée et sans doute avariée) guéris en moins de dix jours par un traitement antiulcéreux. Je me souviens aussi des innombrables tuberculoses ganglionnaires rencontrées en Afghanistan. Il vous faut apprécier le niveau d’hygiène. La propreté du village, l’état du puits, les latrines, les dépôts d’ordure, la fumée, les mouches, les moustiques, le bétail, les marigots, les flaques d’eau stagnantes. Toute action sur les conditions d’hygiène apporte une amélioration sensible et rapide de la morbidité. Vous avez discrètement regardé si les plats dans la cuisine sont correctement protégés contre les mouches, si les lits sont couverts d’une moustiquaire. Regardez également autour de vous si les enfants semblent bien nourris, regardez l’état des yeux qui sont un véritable miroir de la santé. Vos premières impressions seront corroborées dans quelques heures par l’examen des premiers patients, et déjà vous notez sur un calepin l’objet de vos premières causeries villageoises.
Examen clinique « Je suis fatigué, j’ai mal au ventre, j’ai mal au dos, j’ai mal partout, les yeux me piquent, je ne vois pas, ça me gratte, je saigne tout le temps. » La description de ses symptômes par le malade est parfois déroutante : le ventre qui coule, la jambe gâtée, les vers du ventre, ceux qui grattent et ceux qui tombent dans le pantalon, les yeux rouges ou les dents creuses. Son imaginaire est différent du nôtre et son vocabulaire séméiologique est pauvre. Il n’a généralement aucune notion d’anatomie et on le surprendra en lui montrant sur un dessin que le ventre d’une femme contient outre la poche à bébés, un estomac, un tube digestif et quelques autres organes qui tous peuvent saigner ou faire mal. Les gestes expressifs qu’il utilise pour décrire ses souffrances et les scarifications qu’il porte en regard de l’organe malade aideront rapidement le médecin à identifier les mots qui désignent le foie, le ventre ou l’utérus. Néanmoins, il est presque toujours nécessaire de recourir à un interprète. Il faut s’assurer de son concours et, si possible, de sa fiabilité.
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ABORD CLINIQUE Un minimum de matériel est nécessaire. Citons un tensiomètre, un stéthoscope, un marteau à réflexes, un thermomètre, un otoscope et un ophtalmoscope. Et pourquoi pas un électrocardiographe avec ses piles. Pour la surveillance des grossesses, un centimètre, un stéthoscope de Pinard et une boîte de doigtiers stériles. Dans la salle de pansements, compresses, bandes, vaseline, gants, boîtes d’instruments, fils de suture, matériel de contention, atelles, bandes plâtrées, antiseptiques, alcool. Une bonne provision d’eau bouillie et du savon.
Pathologies les plus fréquentes La plupart de vos patients n’ont jamais été examinés et ils vous présentent, à la phase de complication avancée, des pathologies que vous avez coutume, en Europe, d’appréhender à leur phase de début : des ulcères phagédéniques, des endocardites avérées, des rhumatismes, des maux de Pott ou des coxalgies évoluées, des rachitismes historiques. Les problèmes infectieux et parasitaires sont pour la plupart liés à la méconnaissance des règles élémentaires d’hygiène. Il ne sert à rien de distribuer où de prescrire des médicaments si on n’enseigne pas aux populations les bonnes conduites de protection de la santé : dire et redire, sans cesse répéter les mêmes conseils. Les pathologies exotiques sont déroutantes dans la mesure où elles ne nous sont pas familières ; nous avons choisi de les présenter par appareil en signalant leurs particularités épidémiologiques et leurs aires de répartition. Une place à part est laissée aux grands problèmes de santé, communs à la plupart des pays, que sont la tuberculose, les infections sexuellement transmissibles et le paludisme. Cette dernière maladie reste la principale cause de morbidité dans les pays chauds et humides. Enfin, une place majeure est consacrée dans cet ouvrage à la protection maternelle et infantile, à l’accouchement médicalement assisté et au contrôle des naissances.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Avant de commencer la première consultation, il importe de se familiariser avec la précarité : le respect de mesures très simples d’hygiène suffit à réduire la morbidité de façon drastique. Bien que la plupart des patients consultent pour des maladies universelles qui nous sont familières, il faut s’informer des pathologies spécifiques auprès des médecins locaux ou des infirmiers. Ces pathologies revêtent toutefois souvent un aspect déroutant et il faut se préparer à recevoir des plaintes inaccoutumées, à retrouver les bonnes pratiques de l’examen somatique et à oublier la plupart des aides que sont le laboratoire ou le diagnostic radiologique. Le truchement d’un interprète est presque toujours nécessaire et il faut l’associer à la formation des villageois. L’enseignement de l’hygiène et des soins primaires de santé résume ce qui restera de notre séjour après la fin de la mission.
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LA CONSULTATION
Prenons pour guide la première de vos consultations. Les malades se pressent dans la salle d’attente. Faites distribuer par l’interprète des tickets pour mettre un peu d’ordre dans la cohue qui ne cessera qu’à l’approche du coucher du soleil, au moment où le bourdonnement des mouches fait place au coassement des grenouilles et au vrombissement des moustiques.
Affections spécifiquement féminines Avant de présenter, appareil par appareil, les pathologies ordinaires que vous risquez de rencontrer, deux grands chapitres sont consacrés aux maladies de la mère et de l’enfant. Elles représentent sans doute près de la moitié des consultations : consultations prénatales, soins au nouveau-né, allaitement maternel, planning familial. La mortalité périnatale reste élevée. Plus le centre hospitalier ou la maternité sont éloignés, plus la grossesse est mal surveillée et plus l’accouchement est risqué. Dans toutes les sociétés, la mère reste la gardienne du foyer et c’est elle qui transmet et protège la tradition dans ce qu’elle a de bon et de mauvais. L’enfant lui-même est particulièrement perméable aux leçons et aux explications. En dehors de toute pathologie, c’est par eux qu’on transmettra la connaissance dans les meilleures conditions.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Les causeries éducatives peuvent se faire à l’école pour les enfants, à la case de santé, sous la tente ou sous l’arbre à palabres dans tous les cas. La formation aux soins primaires de santé porte sur les soins au nouveau-né, sur l’allaitement maternel, le planning familial, l’hygiène individuelle ou l’importance des vaccinations. On peut également associer tel ou tel notable, le directeur d’école, le chef de village ou l’infirmier à des discussions d’ordre plus général comme la protection des points d’eau, l’incinération des déchets, la propreté des concessions, mais également sur des problèmes de société comme les dangers du mariage précoce et l’importance du planning familial. Enfin, il faut être attentif aux désirs de la communauté villageoise. C’est ainsi que j’ai été sollicité un jour pour faire des cours d’anatomie et expliquer aux femmes le mystère des règles.
■ Suivi de la grossesse Généralités Le village dispose exceptionnellement de l’assistance d’un médecin ou d’une sage-femme et il est capital, tout au long de la grossesse, de dépister les éléments péjoratifs qui impliquent un accouchement en milieu spécialisé sous contrôle médical. Ce fascicule n’est pas un traité d’obstétrique et je ne peux que rappeler sommairement un certain nombre de jalons indispensables à la surveillance de la grossesse (fig. 1).
OU
Fig. 1 – Examens de routine de la femme enceinte. La pesée mensuelle comme la mesure de la pression artérielle et l’examen des urines sont systématiques. Le bec Bunsen, qui est représenté au milieu de l’image, symbolise le moyen rustique qui reste à la disposition du laboratoire de brousse pour identifier une albuminurie quand les bandelettes sont épuisées.
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LA CONSULTATION Dans certains pays, la tradition ou les interdits religieux empêchent les médecins de sexe masculin d’examiner une femme enceinte. La confiance que nous accordent les villageois est généralement suffisante pour dépasser ces tabous, mais il est parfois préférable de constituer une équipe médicale mixte, l’idéal étant évidemment la présence d’une sage-femme. Bien souvent, il n’existe au village qu’une matrone ou accoucheuse traditionnelle, et il est capital de nouer avec elle des relations de confiance et d’échanger nos connaissances avec les siennes. On s’assurera de l’existence d’un local dédié aux consultations prénatales et à l’accouchement. Son équipement doit comprendre au moins les éléments suivants : un lit d’examen et d’accouchement avec ou sans étriers, de l’eau, un réchaud, du savon, une source de lumière, l’éclairage électrique si possible, un pèse-personne, une toise, un centimètre de couturière, un stéthoscope de Pinard, une grande quantité de gants jetables, une poubelle, un incinérateur, un cahier de consultation et, pour chaque patiente, un livret obstétrical sur lequel seront notés les examens et leurs résultats. Le tensiomètre et les bandelettes urinaires seront généralement absents ; il faut les apporter avec nous et les laisser en cadeau après avoir appris à la matrone comment s’en servir. Pour l’accouchement, il faut également prévoir des linges propres, une boîte d’instruments stérilisables comprenant une paire de ciseaux et au moins deux pinces, de l’alcool, un antiseptique et un collyre au nitrate d’argent. Au pèse-bébé, on préférera souvent un dynamomètre, moins précis, mais plus facile à utiliser, il n’a pas besoin d’être taré ni de reposer sur une surface horizontale. Les conditions de vie des femmes en milieu rural restent éprouvantes tout au long de la vie. C’est à elles que revient la gestion d’une famille souvent nombreuse, et c’est elles également qui assument les travaux les plus pénibles. Elles vont puiser l’eau au puits, la ramènent sur leur tête (cf. chapitre « Problèmes rhumatologiques » page 72), lavent le linge à la rivière, traient les vaches et parfois même participent aux travaux des champs. La mauvaise planification familiale les expose à des grossesses rapprochées. Enfin, la drépanocytose et la thalassémie sont responsables en Afrique d’anémies parfois importantes (cf. chapitre « Hémopathies »). Il n’est pas exceptionnel de voir à la consultation prénatale une femme amaigrie. Son ventre distendu témoigne de la grossesse, le bébé dans son dos a moins de 1 an, elle souffre de douleurs rachidiennes et l’examen attentif de la conjonctive mesure le degré d’anémie.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Fatima, qui m’a servi de modèle pour cette évocation, avait 25 ans, elle en était à sa sixième grossesse. La grossesse est un événement physiologique dont le déroulement et l’heureux dénouement reposent sur la surveillance régulière d’un certain nombre d’items généraux et obstétricaux. La surveillance requiert idéalement cinq ou six examens mensuels, au moins trois. La palpation de l’abdomen permet de suivre le développement de l’utérus à partir du troisième mois, de préciser la position du fœtus et de déceler des contractions abdominales ou un début de travail. L’auscultation de l’abdomen recherche les bruits du cœur fœtal audibles à partir du quatrième mois. On examinera également les urines à l’aide de bandelettes urinaires à la recherche d’albumine, de sucre et d’une infection urinaire latente qui se manifesterait par une leucocyturie. Le toucher vaginal et l’examen au speculum doivent être pratiqués avec circonspection ; il faut mettre en parallèle les renseignements limités qu’ils peuvent apporter à une matrone villageoise peu au fait de sa pratique, et le risque infectieux qu’ils comportent. Premier examen Le premier examen est capital. Il permet de confirmer la grossesse sur la notion d’arrêt des règles et de prévoir la date de l’accouchement par la formule simple : – date de début des dernières règles (DDR) + 15 jours + 9 mois (ou moins 3 mois + 1 an). Il permet surtout de dépister les problèmes récurrents qui laissent prévoir une grossesse et un accouchement difficile chez des femmes qui devront accoucher à l’hôpital. Ce sont les femmes de moins de 15 ans, les grandes multipares chez qui les risques de rupture utérine et de présentation transversale sont augmentés. Les femmes ayant des antécédents de grossesse à risque ou d’accouchements compliqués : césarienne, enfants mort-nés, hypertension gravidique, œdèmes, hémorragies, rhésus négatif. Les femmes de petite taille et les boiteuses courent le risque d’une dystocie. Les femmes malades devront également accoucher en milieu hospitalier, notamment en cas de : maladies cardiaques, hypertension artérielle, diabète, hépatite chronique, tuberculose, sida, paludisme. L’examen du périnée précise les séquelles éventuelles d’accouchements précédents ou les mutilations sexuelles – décrites plus loin – qui peuvent être aggravées par un nouvel accouchement ou être sources de dystocies.
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LA CONSULTATION La pression artérielle reste aux alentours de 11 ou 12 au cours de la grossesse. Le traitement d’une hypertension artérielle connue doit être adapté. L’hypertension qui survient pendant le cours de la grossesse fait redouter l’installation d’une maladie gravidique. C’est une affection autonome qui réagit mal aux hypertenseurs et appelle un traitement spécifique. La patiente doit être transférée. Cette première consultation vérifie également le statut vaccinal : fièvre jaune en Afrique et en Amérique tropicale, hépatite B et tétanos. On est éventuellement amené à pratiquer les rappels sauf pour la fièvre jaune pour laquelle le rappel est contre-indiqué en début de grossesse. La prévention du paludisme, systématique en région endémique, comporte l’administration de trois comprimés de Fansidar® au 4e et au 6e mois de grossesse, ainsi que la distribution gratuite d’une moustiquaire imprégnée. La correction de l’anémie est également systématique par la prescription de fer et d’acide folique, 1 comprimé par jour pendant six semaines. L’hygiène alimentaire repose sur une alimentation suffisante et variée comprenant des aliments constructeurs, des aliments énergétiques et des aliments protecteurs, entendez protéines, hydrates de carbone, vitamines calcium et micro-éléments. Examens suivants Les examens suivants vont surveiller l’évolution normale. Ils nécessitent au moins trois consultations, au mieux une tous les mois. L’examen général comprend la pesée, la mesure de la pression artérielle, la recherche d’œdèmes des membres inférieurs et la recherche d’albuminurie. La prise de poids normale s’élève en fin de grossesse à 15 % du poids initial, soit, pour une femme de 60 kg, à 1 kg par mois, un peu plus au cours des deux derniers mois. Un amaigrissement est toujours pathologique, faisant évoquer un surmenage, une malnutrition ou une maladie générale (fig. 1). La taille de l’utérus, mesurée entre le fond utérin et la symphyse pubienne, permet de suivre le développement et de confirmer l’âge de la grossesse. À 3 mois, le fond utérin est palpé à mi-chemin de l’ombilic, il atteint l’ombilic à 4 mois et demi. Il mesure 24 cm au-dessus de la symphyse pubienne à 6 mois, 27 cm à 7 mois, 30 à 8 mois et, arrivé à terme, il mesure entre 33 et 35 cm en fonction de l’adiposité de la mère. Certaines matrones mesurent la circonférence abdominale, mais nous ne voyons pas l’intérêt d’un tel examen. En revanche, le schéma ci-dessus, fondé sur des mensurations à l’aide de la main et par rapport à des repères anatomiques, même s’il n’est pas
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE très précis, permet d’évaluer le temps qui reste avant la date probable de l’accouchement (fig. 2). La palpation de l’abdomen permet encore de préciser la présentation à partir du 7e mois en identifiant les pôles céphalique et caudal, en identifiant la place de la colonne vertébrale. Des mains d’accoucheur expérimenté sauront reconnaître une grossesse gémellaire. L’auscultation au stéthoscope de Pinard retrouve les bruits du cœur fœtal vers 4 mois dans une zone périombilicale ; les battements sont fins et réguliers de fréquence comprise entre 120 et 140 par minute. La qualité des bruits du cœur témoigne de la vitalité du fœtus à partir du 4e mois jusqu’à la naissance.
Fig. 2 – Terme de la grossesse. Le fond utérin est repéré avec le bord cubital de la main. Les repères figurés permettent d’évaluer la date probable de la naissance.
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LA CONSULTATION Les mouvements spontanés du fœtus sont ressentis par la maman vers 3 mois et demi. Le toucher vaginal n’est généralement pas souhaitable en médecine de brousse. Il est source de transmissions microbiennes et n’apporte pas d’éléments interprétables par une matrone sans formation. Lorsqu’on le pratique, le toucher vaginal se fait avec un doigtier à usage unique qui vérifie l’état du col utérin, l’examen au spéculum est utile pour s’assurer de l’aspect du col et des sécrétions vaginales. Il nécessite des instruments stériles et un bon éclairage. Dernière consultation La dernière consultation a lieu à l’approche du terme de la grossesse. La hauteur utérine est mesurée : elle est de 33 cm (± 3 cm) à la fin du 9e mois. Les bruits du cœur réguliers et rapides sont recherchés sous l’ombilic, plus fréquemment à mi-distance de l’aile iliaque. Ils sont faciles à identifier par leur fréquence rapide 120-140 et doivent être distingués des battements de l’artère utérine, synchrone avec le pouls radial, qui vient parfois parasiter l’auscultation. La palpation abdominale précise la position du fœtus. Dans la présentation céphalique, on sent au-dessus de la symphyse pubienne un pôle dur, régulier donnant une sensation de ballottement. Dans la présentation du siège, on reconnaît au-dessus de la symphyse pubienne un pôle plus mou, irréguliers ; au niveau du fond utérin, on sent la tête ronde, mobile. Il est utile de préciser la position du dos pour prévoir le mécanisme de l’accouchement. Une façon simple de l’identifier est d’appuyer sur le fond utérin pour que le fœtus fasse le « gros dos ». On a vu plus haut que le toucher vaginal ne doit pas être systématique. Il permet d’apprécier la dilatation et l’effacement du col. Il confirme la présentation et la situera par rapport au détroit supérieur du bassin : présentation mobile, engagée, etc. L’examen du périnée recherche les cicatrices laissées par un accouchement antérieur : déchirement du périnée, fistules, épisiotomie et de mutilations sexuelles : excision ou infibulation qui sont décrites plus loin. À l’occasion de chacune des consultations prénatales, un bilan pronostique est établi, une information rigoureuse doit être donnée à la femme sur les risques obstétricaux et sur la nécessité d’un accouchement assisté auprès de la sage-femme. Les grossesses à risque et les femmes malades seront systématiquement transférées au centre hospitalier. Une attention particulière sera
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE accordée aux primipares, aux femmes petites, aux femmes trop jeunes et aux boiteuses ainsi qu’aux grandes multipares qui courent le risque d’une présentation transverse, d’une atonie utérine ou de la rupture d’une poche utérine fragilisée par des grossesses trop nombreuses.
■ Événements anormaux au cours de la grossesse Hémorragies Les hémorragies sont toujours péjoratives. Au cours du premier trimestre de la grossesse, elles doivent faire redouter deux événements de gravité très différente : la grossesse extra-utérine et l’interruption de grossesse. On pense à une grossesse extra-utérine devant une métrorragie peu importante, du sang rouge ou noir, sans caillots, souvent accompagnée de douleurs abdominales. Le toucher vaginal est indispensable et confirme le diagnostic en déclenchant une violente douleur dans le cul-de-sac de Douglas. La grossesse extra-utérine est une urgence vitale, la grossesse est irrémédiablement compromise et la mère risque une hémorragie interne, mortelle. L’interruption de grossesse est l’autre grande cause de métrorragies au cours du premier trimestre. L’hémorragie est composée de sang rouge avec caillots, elle peut être abondante. Il faut avant tout s’assurer de l’évacuation de l’embryon et surveiller la patiente jusqu’à l’arrêt du saignement. Si on a la notion de manœuvres abortives et si la patiente est fébrile, il faut administrer des antibiotiques, un vaccin antitétanique et la plupart du temps la référer pour un curetage. Au cours du 3e trimestre, la survenue d’une hémorragie a une signification toute différente et correspond à deux éventualités également graves qui mettent en danger la vie de la mère et de l’enfant : le placenta praevia et l’hématome rétro-placentaire. Dans un cas comme dans l’autre, elles justifient le transfert urgent vers la maternité. On dit d’un placenta qu’il est praevia quand il est inséré au regard de l’orifice interne de l’utérus. On peut distinguer le placenta recouvrant et le placenta marginal, mais quoi qu’il arrive, il empêchera l’accouchement de se dérouler normalement. À l’approche du terme, soumis aux pressions intra-utérines, il se déchire et se met à saigner, parfois très abondamment. Il s’agit d’une urgence chirurgicale absolue qui relève de la césarienne. Le diagnostic précoce du placenta prævia est pratiquement impossible par le seul examen clinique.
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LA CONSULTATION En revanche, il est facile à repérer sur une échographie pratiquée au 8e mois. Si l’examen est praticable à une distance raisonnable, il faut le faire savoir à la matrone afin qu’elle le prescrive systématiquement au cours du 8e mois. L’hématome rétro-placentaire entraîne des hémorragies peu importantes, de sang noir, généralement associées à des signes de mort fœtale : absence de mouvements spontanés et arrêt des bruits du cœur. Il s’agit d’une complication de la toxicose gravidique qui peut être suspectée chez une femme qui présente, en cours de grossesse, la triade suivante : albuminurie, œdèmes des membres inférieurs et hypertension artérielle. La constatation de l’un de ces trois symptômes ne doit pas être négligée et la matrone doit impérativement référer ces patientes avant la survenue des accidents. Autres incidents Les patientes présentant des œdèmes des membres inférieurs doivent être transférées pour avis. L’hypertension artérielle est détectée au cours de l’examen de surveillance. S’il s’agit d’une hypertension ancienne, il suffit d’adapter la thérapeutique en évitant certaines classes de médicaments. Les ß-bloquants sont généralement préférables à toutes les autres classes. En revanche, le développement d’une hypertension artérielle au cours de la grossesse évoque la maladie gravidique et doit faire rechercher l’existence d’œdèmes et d’albuminurie. La maladie gravidique est une pathologie placentaire dont le traitement ne relève pas des hypotenseurs classiques. Elle guérit spontanément après la délivrance, mais elle menace gravement le bon déroulement de la grossesse (risque élevé d’hématome rétro-placentaire ou de mort du fœtus in utero). Elle met en jeu le pronostic vital et doit être vue par un spécialiste. Son traitement relève de l’aspirine à faible dose. L’augmentation anormale de la taille de l’utérus peut correspondre à une grossesse gémellaire, à un hydramnios ou à un gros bébé. Aucune de ces trois situations n’est du ressort de la case de santé et les parturientes doivent être transférées. Ici s’arrête le chapitre consacré à la surveillance de la grossesse. Si le travail a été bien fait, si tout laisse prévoir un accouchement eutocique, la parturiente, à l’approche de la date de son accouchement, se rendra au poste de santé où elle bénéficiera d’un accouchement assisté sous la surveillance d’une sage-femme compétente. Ailleurs, elle aura été orientée vers l’hôpital qualifié pour prendre en compte un accouchement difficile. En fait, beaucoup de
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE femmes accouchent encore en brousse et la conduite d’un accouchement en situation précaire est traitée brièvement en annexe (Annexe I).
■ Planification des naissances Sa nécessité est reconnue de façon planétaire et sa pratique recommandée par la plupart des gouvernements. Toutefois, à l’échelon de la communauté tribale, la planification des naissances se heurte à la conscience ancestrale qui associe le taux des naissances à la force et à la survie de la communauté menacée par la guerre, la famine ou l’esclavage. Une grande progéniture est également pour un patriarche un gage d’honneur et de sécurité pour ses vieux jours. Certaines religions interdisent enfin la pratique de la contraception. Il appartient au professionnel de santé d’expliquer et de convaincre ; la fréquence des avortements en brousse n’est pas le moindre argument en faveur d’une maîtrise de la natalité. Les techniques proposées sont de trois ordres. Le préservatif est théoriquement idéal, car il protège simultanément contre les infections sexuellement transmissibles et contre les grossesses non désirées, mais il coûte cher et il est à usage unique. Pour la contraception hormonale, l’emploi des pilules œstroprogestatives en prise discontinue nécessite un minimum d’explications et présente un taux élevé d’échecs en milieu non alphabétisé. Les mini-progestatifs leur sont souvent préférés. Ils sont présentés en pilules à prise quotidienne et l’on peut les prescrire pour une durée prolongée après avoir informé la femme des incidents et des problèmes de tolérance. Ils peuvent également être administrés en piqûre à effet retard (3 mois) ou en implants à effet prolongé (3 ans) réversible après ablation de l’implant. Les autres techniques et notamment les dispositifs intra-utérins nécessitent des contrôles et leur taux d’inefficacité les rend d’utilisation difficile en milieu précaire. La contraception des adolescentes pose un problème spécifique. Les grossesses inopinées sont le plus souvent liées à des rencontres fortuites et le préservatif reste dans ces cas la contraception idéale. La pilule du lendemain et sa délivrance dans les établissements scolaires sont loin d’être accessibles dans la plupart des pays. Le mariage précoce est une autre cause de grossesse chez les lycéennes. L’âge légal du mariage est très diversement apprécié par les lois des pays dans lesquels nous travaillons et combien de directeurs d’établissements
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LA CONSULTATION scolaires voient des élèves de cinquième ou de quatrième abandonner leurs études à l’occasion d’un mariage arrangé par la famille ? Ce problème interpelle de plus en plus souvent la société. Enseignants et associations de femmes conduisent le combat, et les professionnels de santé ont un devoir d’information : la jeune fille est physiologiquement apte à être fécondée à partir de l’âge des règles, mais elle n’a pas encore pris la forme d’une femme adulte et les grossesses précoces sont un réel danger. Sur le plan psychologique, est-elle apte à faire une bonne épouse, une bonne mère et que dire sur le plan personnel ?
■ Mutilations sexuelles Avec ce sous-chapitre on entre dans l’horreur. Il a fallu beaucoup de courage aux sages-femmes et aux matrones qui ont révélé, voici seulement quelques dizaines d’années, ces pratiques contraires à la dignité et à l’intégrité de la personne. Elles génèrent de nombreuses maladies féminines, des drames obstétricaux et marginalisent de malheureuses infirmes. Les interventions sanglantes sur les organes sexuels des enfants sont pratiquées le plus souvent dans un contexte rituel, en dehors de toute compétence chirurgicale de l’opérateur et sans asepsie, exposent les victimes à des complications septiques, au tétanos et à des séquelles somatiques. Cette remarque vaut pour les mutilations infligées aux fillettes et, dans une certaine mesure, pour la circoncision. On estime – selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – le nombre de femmes et de fillettes victimes de mutilations sexuelles à plus de cent millions, principalement dans les populations originaires des pays d’Afrique. Compte tenu du taux de la natalité, ce sont encore plusieurs millions de fillettes qui sont mutilées chaque année. Pratiquées de façon ancestrale, ces mutilations sont officiellement récusées par les religions (!) et elles ont été qualifiées contraires aux droits de l’homme par l’OMS. Plusieurs pays commencent à les interdire par voie législative (au Sénégal par exemple, ces pratiques sont illégales depuis 2001). Cependant, la tradition est tenace et il est encore délicat d’aborder un tel sujet en public. Notre rôle de médecin est pourtant d’informer les populations sur ses dangers et d’apporter notre appui à ceux qui luttent pour l’abolition de telles pratiques. On pourra se faire assister à l’échelle du village par les notables : instituteur, marabout, prêtre ou comité de femmes etc., à condition de les avoir préalablement convaincus.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE L’excision consiste en l’ablation totale ou partielle du clitoris et des petites lèvres. La mutilation va d’une excision limitée au prépuce clitoridien, jusqu’à la nymphectomie totale qui consiste en une ablation complète des organes de la copulation. L’infibulation aggrave l’excision, visant à empêcher les rapports sexuels au moyen d’un anneau ou d’une suture qui est laissée en place jusqu’au moment du mariage : après clitoridectomie et mutilation de l’appareil labial, les grandes lèvres sont suturées pour ne laisser persister qu’un pertuis destiné à l’écoulement des urines et des règles. La cicatrice est souvent de mauvaise qualité, dure, asymétrique. La vulve ainsi cousue est incisée au moment du mariage ou lors de la naissance du premier enfant. Ces mutilations sont d’ordre artisanal et généralement pratiquées en dehors de tout contexte médical par des femmes spécialement désignées pour cette tâche ou par le barbier. Moins décrite, l’introcision consiste au contraire en une incision de l’hymen et une dilatation de l’orifice vaginal d’une fillette pour permettre la pénétration par un mari adulte. Un rapport documenté de l’OMS fait état de manipulations sexuelles chez le jeune garçon. Un anneau passé à travers le prépuce est ramené en avant du gland. Les complications immédiates peuvent être une hémorragie, des douleurs et une infection. Elles entraînent aussi le risque de lésion des organes voisins : vessie, urètre, rectum, vagin, périnée. Ces interventions hautement septiques exposent notamment au tétanos. Les complications tardives et les séquelles irréversibles accompagneront la femme pendant toute sa vie : la fermeture de l’orifice vaginal est responsable de synéchies, d’infections urinaires, d’hématocèle, de dyspareunie, de troubles sexuels et plus encore de difficultés relationnelles et psychologiques. Les complications postobstétricales consistent en des lésions périnéales majeures et des infections génitales à la source de nombreuses répudiations.
La mortalité périnatale et l’accouchement en brousse restent des aventures dangereuses qu’il faut rapporter à la formation insuffisante des matrones villageoises, à leur isolement et à la méconnaissance des grossesses à risque. Ce chapitre rappelle, à l’attention du praticien qui les aurait oubliés, les éléments de surveillance qui permettent de prévoir un accouchement eutocique ▼▼▼
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LA CONSULTATION et d’orienter la femme enceinte vers le poste de santé où l’accouchement sera assisté par une sage-femme. Ils signalent surtout les éléments péjoratifs qui imposent de prévoir l’accouchement dans une structure hospitalière. La planification des naissances et les dangers du mariage précoce font l’objet d’un autre sous-chapitre et un paragraphe documenté par les publications de l’OMS traite des mutilations sexuelles qui sont pratiquées de façon très inégale dans de nombreuses régions. Ces deux derniers problèmes interpellent de façon significative les sociétés africaines.
Consultations de l’enfant ■ Généralités L’objectif majeur de la pédiatrie vise les conditions optimales d’une croissance harmonieuse. En situation précaire, ces conditions sont difficiles à réunir et, plus que dans tous les domaines de la clinique, l’action sera centrée sur la prévention : qualité de l’alimentation, hygiène et vaccinations. Rappelons brièvement pour ceux à qui ces notions ne sont pas familières quelques repères de croissance. Ils n’ont qu’une valeur indicative et doivent être interprétés en fonction du contexte. Un enfant moyen pèse 2,5 kg à la naissance, double son poids à 6 mois et le triple à 1 an. Il mesure 50 cm à la naissance, 75 cm à 6 mois, 85 cm à 1 an et atteint 1 m à l’âge de 4 ans. Il se tient assis à 6 mois et debout à 9 mois. Il marche entre 11 et 18 mois. Il sourit à 1 mois. Il roucoule à 4 mois et dit ses premiers mots vers 10 mois. Il s’exprime en phrases simples entre 2 et 3 ans. Il raconte une histoire à 4 ans. Les premières dents surviennent vers 6 mois, deux incisives en bas puis deux en haut. Le bébé a 6 dents à 1 an.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE L’examen du nouveau-né normal vérifiera de mois en mois l’évolution de la courbe staturo-pondérale, l’apparition des repères de développement harmonieux et appréciera le tonus, l’évolution des réflexes, la fermeture des fontanelles et le tour de crâne avec un centimètre de couturière.
■ Alimentation et croissance Généralités L’alimentation exclusive au sein assure des apports équilibrés, elle est la règle pendant les six premiers mois. Les modifications de la composition du lait maternel s’adaptent à l’évolution des besoins nutritionnels de l’enfant. Le lait maternel protège le nourrisson contre les risques des laits reconstitués, d’une eau polluée, d’une malnutrition liée aux erreurs de dilution. Il les protègent enfin contre la famine pure et simple en cas de rupture de la chaîne alimentaire. Vers l’âge de 6 mois, l’appétit de l’enfant ne peut plus être satisfait par le seul lait de sa nourrice et il convient d’ajouter des suppléments : soit du lait de vache donné à la tasse ou à la cuillère, soit une alimentation variée empruntée à la cuisine familiale : riz, mil, manioc, sauce, poisson, poulet, mouton, jus de fruits, épinards, etc. Les seuls incidents de l’allaitement maternel, qui se poursuit jusqu’à l’âge de 18 mois, sont liés à des problèmes touchant la lactation : abcès du sein, maladie générale de la mère, famine ou séparation de la mère et de l’enfant. Il convient alors de trouver une nourrice de remplacement dont le choix obéit à des règles traditionnelles qu’on ne peut contourner. En pays musulman, par exemple, où la polygamie est de règle, une mère répugnera à confier la nourriture de son enfant à une femme qui n’est pas de sa propre lignée, elle choisira pour nourrice une tante ou la grand-mère de l’enfant. Les exceptions à l’allaitement maternel sont du ressort de situations institutionnelles : orphelinat ou centres de réfugiés qui disposent de quantités suffisantes de lait en poudre, d’eau potable et d’un matériel propre et adapté. Le sevrage vers 18 mois est l’époque de tous les dangers. Il est capital d’expliquer aux mères la nécessité d’une alimentation variée. Les aliments énergétiques comportent les céréales, les légumineuses et les aliments sucrés – le mil, le riz, les farines, etc. Les aliments constructeurs sont le lait, la viande, le poisson et les légumineuses. Les aliments protecteurs sont représentés par les fruits, les légumes, les huiles de poisson et le sel iodé.
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LA CONSULTATION Maladies dues à des carences alimentaires Les carences alimentaires sont propres à cette époque du sevrage. Kwashiorkor Le kwashiorkor prend quelques semaines à se développer. Il s’agit d’une carence protéique chez des enfants nourris exclusivement avec des bouillies de céréales. L’enfant est gros, apathique, ses cheveux décolorés sont rares et cassants, il a souvent des œdèmes des membres et une ascite. Les noms donnés à cette maladie rendent compte de l’agressivité des symptômes : maladie des enfants tristes en Afrique, de la peau de serpent en Amérique du Sud ou bouffissure d’Annam en Extrême-Orient. Le mot kwashiorkor en dialecte ashanti signifie « maladie des jeunes séparés de leur mère à l’occasion d’une nouvelle grossesse ». Le traitement consiste en la reprise d’une alimentation protidique équilibrée et de produits lactés. Sur le plan médicamenteux, on peut envisager dans un premier temps une alimentation parentérale (protéolysats par voie intraveineuse ou sous-cutanée) l’adjonction d’oligoéléments, de vitamines, traitement systématique antiparasitaire. La reprise d’une alimentation lactée et l’institution d’un régime diversifié sont à instaurer. Les antibiotiques intestinaux sont souvent justifiés par le délabrement des muqueuses digestives. L’information nutritionnelle des mères s’impose évidemment. Bien traité, le kwashiorkor peut guérir sans séquelles. Marasme Le marasme correspond à une carence globale, qualitative et quantitative. L’alerte est donnée par le fléchissement de la courbe de croissance bientôt suivie de la fonte des tissus adipeux. L’enfant crie famine, les membres sont amaigris, les muscles atrophiés, les os sont saillants, la peau du visage amincie et fripée lui donne un aspect vieillot. Il manifeste sa faim par des cris et des gémissements et celle-ci ne peut s’apaiser du fait d’une intolérance alimentaire qui entraîne des vomissements à la moindre tentative d’alimentation. La mort survient dans un contexte de déshydratation. Le traitement repose sur une alimentation parentérale avec réhydratation suivie d’une reprise alimentaire progressive riche en protides et en calories, une réhydratation : si on le peut, on utilise la préparation LHS faite de lait, de sucre et d’huile, facile à préparer. La récupération est inconstante, entachée de troubles staturaux, de troubles hormonaux et de retentissement psychomoteur.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Xérophtalmie La xérophtalmie correspond à une carence en vitamine A. Elle affecte des populations entières et se manifeste par des troubles oculaires. La conjonctive est fripée et desséchée. Elle se creuse de lésions cornéennes, taies et ulcérations. Cette carence est une grande cause de cécité et, dans les formes mineures, se complique à l’âge adulte d’un trouble de la vision crépusculaire, l’héméralopie. La vitamine A se trouve dans le jaune d’œuf, le lait, le beurre, la papaye, les carottes et les mangues. Le programme de santé recommandé par l’OMS comprend l’administration systématique de vitamine A sous forme orale au cours des deux premières années de la vie, conjointement avec la vitamine D (fig. 3).
Lait en poudre
6 mesures
2 mesures
Sucre
Mélanger
Mélanger 1 mesure Huile
LHS Fig. 3 – Composition du LHS (lait, huile, sucre). La formule de ce liquide de réalimentation fait appel à des éléments standardisés, lipides-glucides-protides. Il n’est pas très différent en fait du lait concentré sucré dont les effets sont remarquables dans la réalimentation d’urgence d’un sujet dénutri.
Rachitisme Le rachitisme résulte d’un déficit alimentaire en vitamine D et surtout d’un défaut d’exposition au soleil. Il est fréquent dans les pays froids et dans les régions sylvestres. Les signes d’appel à rechercher systématiquement sont le
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LA CONSULTATION chapelet costal et le craniotabès (élargissement des fontanelles). Non traité, le rachitisme donne lieu à des déformations osseuses spectaculaires : jambes arquées, scoliose, thorax en bréchet, déformations du crâne, de la mâchoire ou du bassin responsables de dystocies. Le traitement repose sur l’administration de vitamine D à forte dose en prise unique. Les déformations osseuses avérées sont précoces et relèvent du traitement orthopédique (fig. 4). La prévention est du ressort de la vitamine D (Sterogyl®, Uvesterol®) administré quotidiennement jusqu’à l’âge de 18 mois. Anémie L’anémie survient chez le nourrisson au sein dont la mère est elle-même anémiée. Cette anémie maternelle relève la plupart du temps d’une carence nutritionnelle en fer et en acide folique, souvent aggravée en pays tropical par de la drépanocytose, la thalassémie et l’hémolyse due au paludisme chronique, d’où l’importance au cours de la grossesse d’une supplémentation systématique en fer plus acide folique et de la prévention du paludisme. Myxœdème Le myxœdème congénital est spécifique de régions continentales et montagneuses. Il est lié à une carence en iode de l’air et du sel. Fréquent dans les vallées de l’Himalaya, il est curieusement inconnu dans d’autres régions du Tibet qui possèdent d’immenses réserves de sel naturellement iodé. Alors que la carence en iode se manifeste chez l’adulte par de simples goitres, le myxœdème congénital est responsable de complications psychomotrices, de crétinisme et de surdi-mutité. La prévention repose sur l’administration de lugol à la femme enceinte et sur l’utilisation de sel iodé dans l’alimentation. Citons la carence en vitamine B qui engendre le béri-béri ou la carence en vitamine C qui engendre le scorbut.
■ Hygiène et péril fécal (fig. 5) Poussières, fumée, parasites, microbes, confinement, eau non potable, mains sales, yeux qui coulent, latrines et tas d’ordures en plein air, mauvaise gestion des déchets, proximité du bétail, absence de savon, hardes mal lavées, etc. L’enfant qui grandit dans un environnement si difficile finira par se constituer un excellent capital immunitaire à moins qu’il n’y succombe.
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Fig. 4 – Rachitisme. L’examen clinique de cet enfant et les déformations importantes de la structure osseuse évoquent une séquelle majeure de rachitisme.
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LA CONSULTATION
Fig. 4 – Péril fécal. Mouches, déjections, mains sales, eaux polluées, ce schéma résume plus de la moitié des voies de contamination ordinaire. Un enseignement des règles d’hygiène élémentaire peut faire chuter la morbidité dans une population donnée. Avec l’aimable autorisation des Éditions Karthala.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Conjonctivites Les conjonctivites se manifestent par un œil rouge qui pique, larmoyant, irrité par la fumée, par la poussière ou par le vent sec, qu’on frotte avec des mains sales et que la mère essuie avec un voile souillé. La prophylaxie repose sur le lavage fréquent du visage et des mains, l’utilisation d’un linge propre, sur la propreté de l’environnement et la lutte contre les mouches, sur l’éviction du bétail qui ne doit pas vaticiner dans les rues du village. Le traitement repose sur le lavage oculaire avec quelques gouttes de sérum physiologique ou, à défaut, avec de l’eau légèrement salée, sur l’utilisation éventuelle d’une pommade ophtalmique à l’Auréomycine® ou à la Terramycine® : apportez-en la plus grande quantité possible dans vos bagages et, s’il en reste à la fin de votre mission, ne les remportez surtout pas. Les conjonctivites banales représentent une part importante et potentiellement très grave de la pathologie infantile courante. Négligées, elles aboutissent à une ophtalmie mucopurulente avec blépharite sur lesquelles viennent se poser les mouches. L’enfant ne peut que se frotter les yeux avec des mains sales qui deviennent alors des mains souillées qu’il plongera un quart d’heure plus tard pour se nourrir dans le plat de mil familial. Parasitoses intestinales Les parasitoses intestinales sont, pour plusieurs d’entre elles, les mêmes qu’en France. L’oxyurose est extrêmement fréquente chez l’enfant. Les œufs sont déposés sur la marge de l’anus et la réinfestation directe se fait par ingestion. Le diagnostic est évoqué devant des douleurs abdominales, parfois pseudoappendiculaires, par un prurit anal ou généralisé ou par un état neurotonique. Un simple coup d’œil sur la marge de l’anus suffire au diagnostic. Les ascaris sont responsables de douleurs abdominales et le diagnostic est confirmé par l’émission dans les selles d’un ou de plusieurs longs vers blancs. Le traitement efficace de ces deux maladies fréquentes est représenté par le mébendazole, généralement présent dans la dotation de la case de santé. L’amibiase intestinale a un mode de contamination sensiblement identique – les mains sales – et reste l’une des parasitoses universelles les plus répandues, particulièrement en zone tropicale. Les manifestations pathologiques sont essentiellement digestives : dysenteries aiguës mucoglaireuses, souvent afécales, 5 à 15 émissions par jour, associées à des douleurs abdominales variables, parfois de simples pesanteurs ou endolorissement, parfois de
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LA CONSULTATION véritables coliques, ailleurs des épreintes démarrant dans la région cæcale et parcourant le cadre colique jusqu’à l’ampoule rectale ou, au contraire, un ténesme qui se traduit par une envie douloureuse d’aller à la selle, contrariée par un véritable spasme du sphincter anal. En dehors des formes dysentériques très évocatrices, le diagnostic clinique n’est pas facile à affirmer et, en zone endémique, il est prudent de recourir au métronidazole (Flagyl®) qui reste l’antiamibien de référence. Le Taenia saginata ou ver solitaire est un cestode. Ver plat, solitaire, parasitant l’intestin grêle de l’homme, le scolex se fixe par quatre ventouses sur la paroi intestinale et il prolifère au moyen d’anneaux plats qui peuvent atteindre plusieurs mètres de long. La contamination se fait par l’ingestion de viande mal cuite. La symptomatologie est pauvre ou latente : fatigue, amaigrissement, neurotonie, douleurs abdominales non spécifiques. Le diagnostic se fait sur la présence d’anneaux dans les selles ou par leur chute dans les sousvêtements. Le traitement est représenté par la Tredemine®. Ce médicament ne se trouve qu’en pharmacie. Il existe également de nombreuses préparations phytothérapiques traditionnelles comme la graine de courge dont on ne peut affirmer l’efficacité à 100 %. Parmi les parasitoses de tous les jours qui menacent l’enfant, citons encore deux maladies. La bilharziose ou maladie des pataugeurs touche les enfants qui se baignent dans des mares parasitées (Annexe V). Elle entraîne des troubles digestifs et des hématuries décrites au chapitre des maladies urinaires (page 115). L’ankylostomiase, décrite au chapitre des maladies digestives (page 77), entraîne des troubles digestifs mineurs et une anémie. Ces deux parasites pénètrent par voie transcutanée. Leur prophylaxie repose d’une part sur le port de chaussures, l’utilisation des latrines, l’abandon des engrais d’origine humaine et la perte de l’habitude d’uriner dans les marigots ni dans les rizières. Tout un programme, souvent irréalisable. Gastroentérites Les gastroentérites et les diarrhées virales, bactériennes ou très souvent parasitaires, sont le plus souvent en rapport avec un défaut d’hygiène : l’eau, destinée à la consommation, devrait être filtrée et bouillie, le puits protégé contre les contaminations d’origine animale. Les mains sales, avant de toucher au plat familial et de le porter à la bouche, ont souvent servi à gratter le derrière ou à manipuler des objets agricoles souillés. Les mouches enfin, avant de se poser sur le plat familial, ont parfois butiné une bouse de vache ou pire encore !
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Le traitement de ces gastroentérites extrêmement fréquentes après le sevrage reste la plupart du temps symptomatique et vise essentiellement à prévenir la déshydratation tout en assurant un apport énergétique suffisant. Il faut arrêter l’alimentation normale et la remplacer exclusivement pendant trois jours par le sérum de réhydratation orale (SRO) qui se présente en sachets de poudre à diluer dans 1 L d’eau filtrée et bouillie. Si l’on n’en possède pas, il est aisé de le reconstituer avec 40 g de sucre, 2,5 g de sel, 1 L d’eau ou mieux encore d’eau de cuisson du riz. Le traitement antibiotique, Ercefuryl®, ou Flagyl® ne se justifie que devant l’association de fièvre. La déshydratation est redoutable ; elle s’installe rapidement chez l’enfant dont la diarrhée se complique de vomissements ou de fièvre. Elle est aggravée par la grande chaleur et par le confinement. Diagnostiquée sur la dépression de la fontanelle et la persistance du pli cutané, elle nécessite une réhydratation parentérale : perfusion sous-cutanée de ClNa à 5 %. Le retour à l’alimentation normale se fait ensuite de façon progressive : eau de riz, préparations hypercaloriques de type LHS (lait en poudre, huile et sel) (fig. 6).
Fig. 6 – Composition du SRO (sérum de réhydratation orale). En l’absence de signes de gravité, vomissements, selles sanglantes, fièvre ou déshydratation, le SRO administré pendant trois jours, résume le traitement des diarrhées simples.
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LA CONSULTATION ■ Quelques incidents de la première enfance Écorchures et plaies souillées Les écorchures et les plaies souillées se compliquent au minimum de cicatrices chéloïdes inesthétiques et, bien souvent, d’abcès, de furoncles, d’ulcères et servent de porte d’entrée au redoutable tétanos. La prévention de celui-ci repose sur la vaccination et le traitement des plaies banales et comprend le lavage à grande eau et la désinfection avec Bétadine®. L’Unicef a conçu des mallettes de premier secours contenant des compresses stériles, un désinfectant et tout ce qui est nécessaire pour empêcher des bobos de tourner au désastre. Il convient de toujours vérifier le statut vaccinal contre le tétanos. Brûlures Les brûlures sont fréquentes et particulièrement dangereuses. On doit traiter sur place la brûlure simple et limitée et lutter contre la douleur qu’elle provoque. Pour cela, on applique en urgence de l’eau froide qui apaise la souffrance, stoppe l’effet destructeur de la chaleur sur la peau et limite l’extension des lésions, puis on nettoie les corps étrangers et enfin on place un tulle gras et un pansement protecteur. On fera usage d’antalgiques et d’antibiotiques si nécessaire et pour assurer la prophylaxie antitétanique. Le pansement sera changé deux jours plus tard. En revanche, une brûlure étendue ou grave – vêtements en flammes, brûlure étendue, brûlure de la face ou des mains, etc. – doit être transférée. En urgence, on asperge les vêtements avec de l’eau froide, on découpe les vêtements autour de la brûlure car on considère qu’ils sont stérilisés par la chaleur et qu’ils assurent, dans un premier temps, une certaine protection, on réalise un enveloppement stérile, on lutte contre la douleur et le choc, on fait boire abondamment et on transfère vers l’hôpital le plus accessible. En dehors d’un contexte médicalisé, les traitements traditionnels de la brûlure sont plus dangereux qu’utiles. Ils reposent sur l’application d’emplâtres faits de beurre et de végétaux qui sont une porte d’entrée pour la surinfection et le tétanos. Piqûres et morsures Parmi les piqûres et les morsures, celles des puces et des poux, des aoûtats et des tiques sont responsables de prurit intolérable, les lésions de grattage se sur-
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE infectent et plusieurs de ces insectes sont également vecteurs d’agents pathogènes variés. Le traitement repose sur un déshabillage complet, un étuvage des vêtements souillés et de la literie. Le traitement du prurit repose sur les pommades antihistaminiques et celui de l’inflammation sur les antiseptiques. Parmi les petites bêtes qui piquent, qui grattent et qui font mal, les acariens (sarcopte de la gale entre autres) sont responsables d’une dermite prurigineuse dont le diagnostic repose sur les sillons galeux spécifiques associés à des lésions de grattage. La gale est une affection à transmission interhumaine très contagieuse. Elle nécessite déshabillage, douche et étuvage. Il existe un traitement spécifique Ascabiol‚ (benzoate de méthyle) qui est appliqué en savonnage prolongé : une application unique sur une peau propre à ne rincer qu’après plusieurs heures (fig. 7).
Fig. 7 – Traitement et prophylaxie de la gale. © Franck Sillonville.Avec l’aimable autorisation des Éditions Karthala.
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LA CONSULTATION Les asticots (myiases) qui se développent sur les plaies ou au pourtour des orifices faciaux (yeux narines) sont dus aux mouches. Plus que leur traitement, il est important d’en assurer la prophylaxie par les soins oculaires et le traitement des plaies, leur désinfection et la couverture par un pansement fréquemment renouvelé, ainsi que par la lutte contre les mouches. Les serpents ne sont pas tous également dangereux, mais certains le sont terriblement, à tel point que le problème est traité en Annexe IV. Les enfants sont particulièrement exposés aux morsures de serpents. Ils marchent pieds nus dans le sable et dans les broussailles. Retenons particulièrement les najas en Afrique et en Orient, les crotales en Amérique, les vipéridés en Afrique. Les conséquences de la morsure tiennent à la toxicité du venin (hémolyse, paralysie, nécrose, état de choc). Le traitement comprend une sérothérapie précoce : plusieurs sérums polyvalents existent, adaptés au risque spécifique de chaque région du monde, et un traitement symptomatique : repos, traitement de l’agitation, de la douleur, antibiothérapie, prophylaxie antitétanique, traitement antichoc. La pose d’un garrot (en aval ou en amont ?) et les saignées sont sans effet, la succion est dangereuse pour le secouriste, elle doit être prudente. Les cas graves vont nécessiter, dès les premières heures, une réanimation et seront systématiquement transférés. La piqûre du scorpion présente quelque analogie avec les morsures de serpents. Elle est infiniment plus fréquente et appelle essentiellement un traitement général qui peut être assuré avec les moyens de la case de santé. Les morsures de chien ou d’animaux sont particulièrement délabrantes et septiques. Désinfection, antalgiques et prophylaxies contre la rage et le tétanos sont les mesures immédiates à appliquer. La suture des morsures de chien doit être limitée et prudente car les plaies sont infectées en profondeur. La rage est une méningoencéphalite transmise à l’homme par la morsure d’un animal enragé : chien, âne, cheval, animal sauvage. La maladie fait suite à une longue incubation de 15 jours à 2 mois, marquée par des fourmillements et des douleurs au niveau de la morsure. On décrit une rage furieuse et une rage paralytique. La maladie est constamment mortelle. L’instauration du traitement est décidée après la morsure par un animal clairement enragé ou suspect. Le traitement consiste en l’injection aussi précoce que possible de vaccin antirabique pendant 14 jours consécutifs. Ce traitement est évidemment hors de portée de la plupart des situations de médecine en milieu précaire et la décision du transfert de l’enfant mordu se fait devant la gravité de la morsure et sa proximité des centres nerveux et en fonction de l’état de l’animal mordeur : chien errant ou chien demi-sauvage, chien qui meurt dans les jours qui suivent la morsure ou
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE chien qui présente des symptômes inquiétants : paralysie des mâchoires, altération du comportement relationnel et alimentaire, agitation. On insiste aussi sur les caractéristiques de l’aboiement furieux qui se termine sur une tonalité aiguë.
■ Affections contagieuses fréquentes ou graves La rougeole reste fréquente en dépit des campagnes de vaccination. Cette affection virale est redoutable en zone tropicale et, d’une façon générale, en milieu précaire : camps de réfugiés, bidonvilles, etc. Il s’agit d’une rhinopharyngite hyperfébrile accompagnée d’un exanthème malaisé à identifier sur une peau colorée et d’un énanthème caractéristique : signe de Koplick, marbrures du voile palatin. Les complications graves et potentiellement mortelles tiennent aux pneumopathies, aux otites et aux méningo-encéphalites. La coqueluche est évoquée devant une toux qui dure et qui s’aggrave, accompagnée de vomissements entraînant une véritable dénutrition. En Afrique, on la décrit comme une toux qui fait mourir de faim. Maladie bactérienne, elle est sensible aux antibiotiques, particulièrement aux macrolides (Josacine®, Rovamycine®). Très contagieuses et grevées d’une lourde morbidité, ces maladies font des ravages quand elles surviennent dans une communauté isolée, non vaccinée et dénuée de toute immunité. Je me souviens avoir traversé dans l’Indou Kouch, un village dépourvu de tout et qui n’avait probablement pas plus de trois cents habitants, dont les vingt-cinq enfants étaient morts en l’espace d’un hiver. La scarlatine est une angine à streptocoque hyperfébrile avec vomissements. Le diagnostic clinique est assuré sur l’exanthème suivi de desquamation cutanée. Cette maladie est accessible au traitement antibiotique. Sa gravité tient aux complications rénales et aux endocardites. Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) complique généralement une angine à streptocoque négligée ou passée inaperçue. La maladie est longue, douloureuse et génère des endocardites. Son traitement repose sur les corticoïdes associés à l’amoxicilline. La scarlatine et le rhumatisme articulaire aigu restent fréquents dans tous les pays où l’angine traitée comme une affection bénigne se voit trop souvent confiée au guérisseur traditionnel et ne bénéficie pas du traitement antibiotique.
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LA CONSULTATION La méningite cérébrospinale succède plus ou moins rapidement à une angine. Son tableau est réalisé par une fièvre élevée avec vomissements et signes d’irritation méningée : raideur de la nuque, rachialgies, signe de Kernig, photophobie et glissement progressif ou rapide vers un état de stupeur, de coma marqué par des convulsions. Le pronostic vital est en jeu, les séquelles neurologiques fréquentes. L’angine initiale est accessible aux antibiotiques, mais le médecin est souvent pris de court par l’apparition des troubles neurologiques. Chez le jeune enfant et le nourrisson, le syndrome méningé se traduit par la triade vomissements, plafonnement du regard et tension de la fontanelle. La méningite cérébrospinale sévit par épidémies saisonnières dans la « ceinture de la méningite », une zone sahélienne qui s’étend de l’Éthiopie au Sénégal. L’encombrement des services hospitaliers en période épidémique impose la prise en charge décentralisée du traitement. Appliqué dès les premiers symptômes qui sont aisés à repérer en période épidémique, le traitement repose sur une injection unique d’un antibiotique qui se dilue convenablement dans le liquide céphalorachidien. Le chloramphénicol par voie intramusculaire est le traitement de choix, seulement contre-indiqué chez la femme enceinte ou allaitante. Le produit se présente en ampoules de 500 mg, la posologie est de quatre ampoules, deux dans chaque fesse chez l’enfant de moins de 5 ans à huit ampoules, quatre dans chaque fesse chez l’adulte. La dose est répétée le lendemain en cas d’aggravation. D’autres protocoles existent qui font appel à la ceftriaxone (céphalosporine). Il existe un vaccin contre la méningite à méningocoque. La campagne de vaccination est entreprise dès le franchissement du seuil épidémique dans une zone soigneusement circonscrite. L’organisation d’une campagne de vaccination fait l’objet de l’Annexe III. Le paludisme de l’enfant est particulièrement ravageur. Il est rare pendant les premiers mois de la vie où le nourrisson est protégé par les anticorps maternels. Il est particulièrement dangereux ensuite jusqu’à l’adolescence. Cette période correspond à la constitution de l’immunité. Le diagnostic doit évidemment être évoqué devant une fièvre, mais également devant une gastro-entérite fébrile ou des convulsions. La poliomyélite que les Africains appellent maladie de la jambe gâtée ou encore la paralysie flasque fébrile, reste, en dépit des campagnes de vaccination, une cause fréquente de mortalité et de séquelles graves. Il n’est que voir le nombre des mendiants handicapés dans les rues de Dakar, de Lagos ou de Bombay. La contamination interhumaine se fait par voie digestive et buccopharyngée. Le rôle des porteurs sains est considérable. Le virus possède un
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE tropisme pour la corne antérieure de la moelle épinière : il est responsable de paralysies douloureuses avec amyotrophie. La période initiale est marquée par une fièvre élevée avec myalgies et syndrome méningé. En période épidémique, la ponction lombaire n’est pas nécessaire pour affirmer une méningite de type lymphocytaire ; elle est de plus susceptible d’aggraver l’évolution. Les paralysies apparaissent de façon dissymétrique, elles sont parfois fugaces et peuvent toucher successivement plusieurs groupes musculaires. Il s’agit de paralysies de type périphérique avec hypotonie, amyotrophie, abolition du réflexe rotulien et du réflexe cutané plantaire en flexion. Elles touchent indifféremment les membres, les muscles respiratoires et la commande bulbaire, cette dernière étant responsable de fausses routes alimentaires. Le risque d’extension des paralysies s’estompe à la fin de la période fébrile. La récupération partielle reste imprévisible. La mortalité est lourde et le bilan des séquelles se fait après plusieurs semaines. Le traitement reste symptomatique, repos, appareillage des membres paralysés pour éviter les positions vicieuses, kinésithérapie, assistance respiratoire. La prophylaxie très efficace repose sur la vaccination qui peut faire disparaître la maladie.
■ Programme élargi de vaccination La plupart de ces fléaux qui touchent l’enfance peuvent être éradiqués par la vaccination. Plusieurs maladies sont universelles et relèvent du programme élargi de vaccination (PEV) proposé par l’OMS, qui reste applicable pour tous les pays. Deux vaccins sont recommandés dès la naissance : – le vaccin BCG protège contre la tuberculose. Il faut le pratiquer aussitôt que possible après la naissance. L’efficacité du BCG n’est pas de 100 %, mais ce vaccin ne nécessite pas de rappel. Il se pratique par voie intradermique ou par scarification. Il est présenté en flacons de dix doses et il semble convenable de recenser dans une population le nombre des enfants à vacciner pour organiser une vaccination groupée. La vaccination des adultes se pratique en cas de risque particulier : contexte épidémique ou camp de réfugiés. L’expérience montre qu’il n’est pas nécessaire de pratiquer une cuti-réaction préalable et plutôt que de voir certains sujets ne pas se présenter au contrôle, il semble préférable de revacciner inutilement un sujet déjà protégé. – le vaccin antipoliomyélite oral est administré à la naissance puis trois fois au cours de la première année suivi d’un rappel un an plus tard.
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LA CONSULTATION Le vaccin pentavalent protège contre cinq maladies, la rougeole, la coqueluche, la diphtérie, l’hépatite B et le tétanos. Il se pratique en trois injections au cours de la première année suivies d’un rappel un an plus tard. Trois maladies relèvent de stratégies vaccinales particulières, ce sont la fièvre jaune, la rage et la méningite cérébrospinale. La fièvre jaune sévit en Afrique et en Amérique du sud. Il faut vacciner tous les enfants à l’âge de 3 ans. Le vaccin ne doit pas être pratiqué chez la femme enceinte. Il est particulièrement fragile. Nous avons vu plus haut les indications et la pratique de la vaccination antirabique. La méningite cérébrospinale possède un contexte épidémiologique particulier. La maladie est loin d’être universelle et sévit particulièrement dans la zone dite ceinture de la méningite qui s’étend dans la zone sahélienne, du Yémen au Sénégal et au golfe de Guinée. Elle s’étend de façon saisonnière selon un rythme pluriannuel de cinq à dix ans. L’acmé de la maladie correspond à la fin de la saison sèche et disparaît avec la saison des pluies. Les campagnes limitées de vaccination sont décidées devant le franchissement, dans la zone endémique, d’un seuil défini par l’augmentation significative en une semaine, de nouveaux cas pour 100 000 habitants. Plusieurs pays préconisent des programmes de vaccination particuliers ; la Chine par exemple a choisi de protéger son immense population contre les maladies cosmopolites, mais également contre un certain nombre de maladies comme l’encéphalopathie japonaise, le Hantavirus (fièvre hémorragique avec syndrome rénal, transmise par les rongeurs, voir page 70) et le choléra, etc. Le calendrier chinois de vaccination s’attaque officiellement à quatorze maladies. L’organisation d’une campagne de vaccination fait l’objet de l’annexe IV.
La pédiatrie est avant tout consacrée à l’enfant en bonne santé et l’abord choisi dans ce chapitre est essentiellement préventif. L’alimentation au sein est la règle pendant 18 à 24 mois et protège efficacement le nourrisson, pourvu que la mère soit en bonne santé. En revanche, le sevrage est l’époque de tous les dangers. Les différentes carences nutritionnelles sont passées en revue. De nombreuses affections de l’enfant sont liées à la ▼▼▼
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE méconnaissance de règles d’hygiène élémentaire tandis que le péril fécal est responsable de conjonctivites, de diarrhées, de déshydratation et de parasitoses intestinales qui sont ici passées en revue. Les maladies contagieuses sont rapidement évoquées et le diagnostic parfois difficile d’une éruption sur peau pigmentée rappelle que la scarlatine est avant tout une angine tandis que la rougeole est une rhinopharyngite. Le chapitre se termine sur le programme élargi de vaccination.
Fièvres En climat froid ou tempéré et en altitude, la survenue d’une fièvre et la conduite à tenir nous sont familières. En revanche, dans la plupart des autres pays, la fièvre répond souvent à des pathologies spécifiques. Le paludisme et la tuberculose dominent le tableau, tant par leur fréquence et leur gravité que par leur universalité. Il faut également se préparer mentalement à rencontrer d’autres situations qui sont loin de nous être familières : la dengue, le chikungunya ou la fièvre jaune qui appartiennent toutes trois au groupe des maladies virales transmises par des piqûres d’insectes ou d’arthropodes (arboviroses) ou les maladies dues aux Hantavirus transmises par les rongeurs, mais aussi des affections qui sont loin d’être éradiquées, comme la poliomyélite, la rougeole ou la coqueluche.
■ Paludisme Quelques notions de base La maladie est pratiquement universelle, elle est liée à la présence d’un parasite, le Plasmodium, dont il existe quatre variétés : – Plasmodium vivax et Plasmodium ovale, plutôt répandus dans les zones tempérées, sont jugés responsables de formes généralement bénignes ;
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LA CONSULTATION – Plasmodium falciparum, répandu dans les zones intertropicales, est responsable des formes les plus graves de la maladie et des formes chloroquino-résistantes ; – Plasmodium malariae enfin dont la distribution géographique n’est pas systématisée. Le problème des insectes vecteurs est abordé dans l’Annexe V. La transmission du paludisme est liée à la présence d’anophèles qui vivent en climat chaud ou tempéré, dans des zones humides. Ce moustique ne s’adapte pas aux altitudes supérieures à 1 500 mètres. Pratiquement éradiqué en Europe et en Russie, il sévit presque partout ailleurs : à Madagascar, en Afrique et même, semble-t-il, dans certaines oasis sahariennes, en Inde, dans la péninsule arabique, le golfe persique, l’Asie du Sud-Est et la Chine, l’Amérique centrale et du sud, l’Océanie, la Nouvelle Guinée et l’Australie du nord. On considère qu’il est éradiqué à La Réunion, à l’île Maurice et dans les Antilles françaises. En région équatoriale, le risque paludéen est permanent et en zone tropicale, il est maximum à la saison des pluies (hivernage ou mousson). À l’inverse de la mouche qui bourdonne dès le lever du soleil, le moustique se plaît dans la pénombre ou l’obscurité, il pique essentiellement la nuit ou dans les zones sylvestres humides. Enfin, l’anophèle est un moustique sédentaire, mais il peut se trouver entraîné par le vent, être embarqué dans une automobile, un cargo ou un avion et piquer parfois à distance de sa patrie. De même, le voyageur peut avoir été infecté dans une zone à risque et développer la maladie dans un pays où personne ne sait comment soigner le paludisme. Les sujets vivant en zone impaludée constituent progressivement, après plusieurs accès palustres, une immunité relative et les piqûres itératives semblent protéger contre les formes graves de la maladie. Cette immunité acquise est transmise par la mère à l’enfant et celui-ci se trouve protégé pendant les premières années de la vie. En revanche, cette immunité acquise est labile et disparaît après un séjour prolongé en zone non impaludée. Ainsi, les Africains résidant en France et rentrant dans leur pays après plusieurs années, se comportent sur le plan immunitaire comme des sujets neufs, ils n’ont plus aucune immunité et doivent, à l’occasion d’un séjour occasionnel, recourir à la chimioprophylaxie pendant au moins les trois premiers mois de leur séjour. Le risque abortif est important à toutes les époques de la grossesse. Sans qu’on s’en explique le mécanisme, les sujets atteints de drépanocytose (voir le chapitre sur les maladies hématologiques page 112) posséde-
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE raient une immunité relative contre les formes graves du paludisme à Plasmodium falciparum. Devant une maladie aussi fréquente et grave, il n’est pas nécessaire d’attendre le pire pour se protéger. L’assèchement des marais et la mise en culture des zones humides ont permis d’éradiquer l’anophèle de la plupart des pays d’Europe où il faisait des ravages (fièvre des marais) jusqu’au XIXe siècle. Les insecticides ne représentent pas une solution efficace et le rapport risque/efficacité les fait de plus en plus souvent écarter. Le développement des mesures d’hygiène et la protection individuelle contre les piqûres de moustiques représentent un sujet majeur de santé publique et pourront faire l’objet de causeries villageoises. La première des protections est l’utilisation d’une moustiquaire imprégnée ; elle protège efficacement le dormeur contre les piqûres de moustiques pendant les heures nocturnes où ils sont le plus actifs. La protection des téguments est assurée par des vêtements couvrants à porter systématiquement dès le coucher du soleil tandis que l’utilisation de répulsifs et de crèmes protectrices est une protection accessoire pour des gens qui sont exposés en permanence. Il faut encore expliquer l’intérêt de l’élimination des flaques d’eau, la couverture des puits et la protection des abords des points d’eau et des forages. Les villages doivent être construits à distance des marigots. La chimioprophylaxie est capitale pour les voyageurs ; ils ne sont pas immunisés et courent le risque de formes graves. Toutefois, elle n’est pas indiquée en cas de séjour d’une durée supérieure à trois ou quatre mois. En effet, il existe un risque d’accoutumance, la toxicité des produits n’est pas nulle en cas d’utilisation prolongée et on considère que les résidents développent une immunité relative au fil des piqûres de moustique. En dehors des voyageurs, la prévention médicamenteuse est indiquée chez la femme enceinte. Étude clinique L’infirmier-chef de poste vous dira sans doute qu’il considère et soigne comme un paludisme toute fièvre qui dure plus de quarante-huit heures en saison des pluies. En revanche, l’interne des hôpitaux à Dakar ou à Lomé lèvera les bras au ciel devant cette attitude simpliste et vous expliquera longuement qu’il ne met jamais en œuvre un traitement antipaludéen avant d’avoir le résultat de la goutte épaisse. L’un possède un laboratoire et l’autre pas.
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LA CONSULTATION Comme nous n’en possédons pas et comme malgré tout nous cherchons à faire de la bonne médecine, nous allons oublier qu’il existe plusieurs sortes de Plasmodiums et nous souvenir que Plasmodium falciparum est de loin le plus fréquent en région tropicale et qu’il est également le plus dangereux. Nous allons retenir trois tableaux qui conditionnent trois attitudes thérapeutiques. Dans tous les cas, la piqûre d’insecte remonte à une quinzaine de jours et elle est passée inaperçue. Premier tableau L’accès simple associe une fièvre à 39-40 °C, continue ou rémittente avec plusieurs clochers quotidiens, des frissons, une transpiration abondante et des courbatures. Au bout de cinq à six jours, les clochers thermiques s’espacent, une fois par jour puis tous les deux ou même tous les trois jours. Courbatures, nausées, céphalées, malaise général, le malade se sent exténué. L’examen révèle inconstamment une pâleur des conjonctives et une discrète hépatomégalie, la rate est le plus souvent normale. Le malade ne vomit pas et on pourra instaurer un traitement oral. Deuxième tableau Le paludisme compliqué correspond à une invasion parasitaire massive avec une hémolyse notable. La fièvre s’accompagne de nausées et de vomissements. Les céphalées dominent le tableau, le malade est en proie à de véritables salves de frissons. Il est obnubilé, déshydraté, l’examen révèle un subictère plus ou moins grave, une hépatosplénomégalie, les urines sont ictériques. Le traitement oral n’est plus de mise. Troisième tableau L’accès pernicieux ou neuropaludisme est responsable de la plupart des formes mortelles. Il se développe chez des sujets non immunisés, jeunes enfants, voyageurs sans prophylaxie. C’est le grand drame, il correspond à une inoculation massive. La multiplication extrême des Plasmodiums à l’intérieur des hématies (hématozoaires) entraîne simultanément une hémolyse, des phénomènes toxiques et l’agglutination des hématies parasitées créent des thrombus capillaires viscéraux et une anoxie cérébrale. Les organes les plus fragiles restent le cerveau, le foie et les reins. Vomissements, signes généraux dramatiques, on a vu la fièvre monter au-delà de 42 °C, la pression artérielle s’effondrer, le pouls s’accélérer jusqu’à 200. Parfois, il se dissocie et parfois se
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE ralentit. La transpiration entraîne rapidement une déshydratation avec des désordres électrolytiques. Le patient tombe doucement dans un coma d’intensité variable en rapport avec l’anoxie cérébrale. Les autres complications neurologiques de mauvais pronostic sont les convulsions. D’autres formes cliniques de l’accès pernicieux associent à une fièvre toujours élevée, des troubles psychiatriques où le coma fait place à des désordres confusionnels ou délirants, des formes ictériques en rapport avec l’hémolyse intense, des tubulonéphrites dont le pronostic est lié aux possibilités d’épuration extrarénale. Le pronostic de cet accès pernicieux est lié à un diagnostic rapide et à l’instauration immédiate d’un traitement par les sels de quinine en perfusion. L’apparition des signes de gravité, coma profond, persistance d’une fièvre élevée et anurie justifient la prolongation du traitement et le transfert vers un service hospitalier. La fièvre bilieuse hémoglobinurique est une complication tardive qui associe un tableau septicémique et une oligoanurie. Selon Gentilini, cette affection extrêmement rare obéirait à un mécanisme immunoallergique mal élucidé chez d’anciens paludéens considérés comme guéris. Diagnostic En médecine de brousse, le diagnostic de paludisme se base sur l’extrême prévalence de cette maladie en période des pluies. La clinique reste toutefois essentielle pour éliminer les autres causes de maladie fébrile et pour évaluer la gravité de l’état du patient. Outre la fièvre, les frissons, le subictère et l’hépatosplénomégalie inconstante, on évalue l’état de conscience du malade et surtout l’existence de vomissements qui conditionne les possibilités thérapeutiques. Le paludisme est une maladie potentiellement grave, la mortalité du neuropaludisme est élevée et un diagnostic rapide est capital. Chez la femme enceinte, la fièvre est responsable de la fréquence des avortements. Le diagnostic biologique spécifique repose sur l’identification des hématies parasitées par l’examen dit de la goutte épaisse colorée par la méthode Giemsa. Cet examen est simple et donne un résultat immédiat, mais il nécessite un laboratoire sommaire et un laborantin expérimenté dont les postes de santé en brousse sont généralement dépourvus. Plutôt que de perdre un temps précieux et considérant que la précocité du traitement est garante de sa réussite, la plupart des malades sont traités sur les arguments cliniques de présomption.
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LA CONSULTATION Traitement Face à une maladie aussi grave et cosmopolite, la recherche thérapeutique est en mobilisation constante et la panoplie des médicaments s’enrichit régulièrement. Il n’existe pas encore de vaccin. Les médicaments efficaces appartiennent principalement à trois classes chimiques : les antipaludéens de synthèse, les sulfamides et les sels de quinine. Chacun de ces médicaments possède ses indications propres et les résistances induites obligent à une révision périodique des schémas thérapeutiques. Nous indiquons ici les protocoles adoptés par la majorité des pays africains, considérant quatre situations. Cette présentation est loin d’être exhaustive, elle a le mérite d’être claire.
Trois protocoles thérapeutiques Accès simple sans vomissements ➞ amodiaquine 3 jours ou Fansidar® en prise unique. Formes graves avec vomissements et troubles de la conscience ➞ sels de quinine en perfusion 3 jours, puis amiodaquine 3 jours. Femme enceinte ➞ sels de quinine par voie orale.
Traitement de l’accès simple Les antipaludéens de synthèse représentés par l’amodiaquine (Camoquine®, Flavoquine®) sont indiqués pour le traitement de l’accès simple de paludisme. Leur action est rapide et leur élimination lente, ils se présentent en comprimés à 200 mg. Le traitement comprend 16 comprimés à absorber en trois ou quatre jours. Il existe une forme sirop pour enfant qui a pour seul démérite d’être fort amère. Le médicament serait à éviter chez la femme enceinte. Paradoxalement, l’amodiaquine est trop souvent absente de la plupart des cases de santé qui restent approvisionnées d’un bout à l’autre de l’Afrique, en chloroquine, un antipaludéen de synthèse de première génération qui reste efficace contre Plasmodium vivax, mais généralement impuissant contre le Plasmodium falciparum. Les sulfamides sont représentés par le sulfadoxine-pyrithamine (Fansidar®) ; association d’un sulfamide et d’un antifolinique, cet antipaludéen est indiqué en cas de résistance ou de contre-indication à l’amodiaquine. Il se prescrit en dose unique de trois comprimés chez l’adulte. Il est contre-indiqué au cours des trois premiers mois de grossesse.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Traitement de l’accès grave, avec vomissement et troubles de la conscience Les sels de quinine injectables (Paluject® ou Quinimax®) sont utilisés en perfusion continue pendant trois jours contre le paludisme grave (avec fièvre élevée, vomissements et troubles de la conscience). La posologie est de 2 à 4 ampoules de 500 mg/j, diluées dans 1 litre de sérum salé isotonique. Chez l’enfant, la dose quotidienne est de 25 mg/kg et par jour. À partir du 4e jour, quand le malade est apyrétique et que les vomissements ont cessé, reprise du traitement classique par amodiaquine pendant quatre jours. Le traitement symptomatique associé comprend la rééquilibration hydroélectrique, les antipyrétiques, les anticonvulsivants (Valium®), les antiémétiques, les corticoïdes et les antibiotiques. Paludisme de la femme enceinte En raison du risque abortif lié aux accès thermiques, le paludisme fait l’objet d’une prévention particulière : distribution, dès la première visite prénatale, d’une moustiquaire imprégnée et chimioprophylaxie par Fansidar® : 3 comprimés en prise unique au 4e et au 7e mois de grossesse. Quand au traitement de l’accès aigu, il fait appel aux sels de quinine (Quinimax‚ ou Paluject‚) qui sont dénués d’effet abortif. Ces deux médicaments existent en comprimés et sous forme injectable. En pratique, en période d’hivernage, la multiplication des cas de paludisme et l’encombrement des services hospitaliers sont tels qu’il faut traiter sur place la majorité des cas. Devant un cas grave, la mise en œuvre rapide du traitement antiparasitaire est garante d’un résultat favorable et, si l’on dispose des moyens de perfusion, on peut traiter efficacement la plupart des accès paludéens. Seul l’examen clinique et l’appréciation des signes de gravité (coma profond, troubles respiratoires, anurie, hémolyse) inclineront à évacuer le patient. Chimioprophylaxie Elle ne s’applique que dans le cas des femmes enceintes et des voyageurs. Le médecin en mission appartient généralement à cette dernière catégorie et il est particulièrement exposé. Le risque est évalué en fonction des zones géographiques et de la prévalence de tel ou tel Plasmodium, mais la plupart des pays concernés par notre action étant infestés par Plasmodium falciparum, il appartient au médecin de s’assurer une protection maximale.
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LA CONSULTATION La chloroquine (Nivaquine®) est généralement insuffisante, il faut l’oublier. La Savarine® est une association de chloroquine et de proguanil. Une prise quotidienne est nécessaire. La Malarone® est une association d’atovaquone et de proguanil. Une prise quotidienne est nécessaire. La mefloquine (Lariam®) est une molécule originale. Une prise hebdomadaire est nécessaire. La doxycycline 100 mg possède, outre son action antibiotique bien connue, une remarquable efficacité contre les souches les plus résistantes du Plasmodium. Elle constitue une excellente prévention dans les pays les plus infestés comme l’Extrême-Orient. Son coût est modéré. Elle est contre-indiquée chez l’enfant et la femme enceinte. Une prise quotidienne est nécessaire. Tous ces médicaments doivent être pris quelques jours avant le départ (identification d’une éventuelle intolérance) et poursuivis trois semaines après le retour. Il est inutile et dangereux de poursuivre une chimioprophylaxie pour un séjour supérieur à trois mois. À titre personnel, j’utilise la doxycycline et je prends, en plus, trois comprimés de Fansidar® dès mon arrivée en zone endémique. Autotraitement d’urgence L’Européen est dépourvu en principe de toute immunité et il se trouve particulièrement exposé aux formes graves. En cas de fièvre, il est recommandé d’initier immédiatement un traitement de trois jours par doxycycline, deux comprimés par jour, et, si le diagnostic de paludisme se confirme, d’initier un traitement spécifique tel qu’il a été présenté plus haut. La chimioprophylaxie de doit pas faire négliger les mesures de prévention contre les piqûres de moustique : moustiquaire imprégnée, répulsifs, crèmes.
Le paludisme est un fléau majeur et presque cosmopolite. Le Plasmodium, parasite responsable, est transmis par la piqûre de l’anophèle et la maladie se présente sous des formes de gravité diverses, responsables au bout du compte d’une grande mortalité. Il n’existe pas de vaccin contre le paludisme, mais un arsenal de traitement et plusieurs schémas thérapeutiques adaptés à ▼▼▼
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE la gravité des symptômes. La chimioprophylaxie n’est indiquée que chez les femmes enceintes et chez les voyageurs pendant les trois premiers mois de leur séjour en zone endémique.
■ Tuberculose Quelques notions de base Alors que dans les pays occidentaux à niveau de vie élevé, la vaccination systématique, le dépistage et l’amélioration des conditions d’hygiène et de logement ont fait reculer cette maladie redoutable, la tuberculose reste un problème majeur de santé publique dans les pays où s’exerce la médecine humanitaire. Elle est favorisée par la surpopulation, les mauvaises conditions d’hygiène et la pauvreté. Il serait dangereux d’en minimiser les ravages et de ne pas y voir une menace planétaire. Neuf à dix millions de cas nouveaux sont diagnostiqués chaque année de par le monde. L’émergence du sida complique singulièrement les modalités du traitement et le pronostic. En effet, la tuberculose est la plus grave sinon la plus fréquente des maladies opportunistes qui marquent pour le sujet séropositif, l’entrée dans la maladie. Le traitement antituberculeux, qui dure au minimum six mois et fait appel à trois molécules, alourdit les protocoles thérapeutiques du sida. Enfin, c’est chez les sidéens qu’on rencontre les chimiorésistances les plus difficiles à contourner. Il existe pourtant un vaccin contre la tuberculose. Le BCG (Bacille de Calmette et Guérin) reste, dans la situation épidémiologique actuelle, un moyen indispensable de protection des populations exposées : population urbaine, bidonville, contexte endémique, camp de réfugiés. Il doit être pratiqué dès la naissance, son efficacité est estimée entre 70 et 75 %. On vaccine également des enfants ou des adultes en bonne santé. La pratique d’un test tuberculinique préalable n’est plus systématique, les rappels de vaccination ne sont pas nécessaires La tuberculose tue près de deux millions de personnes par an, presque exclusivement dans les pays pauvres : 95 % des patients atteints d’une tuberculose active vivent dans les pays en voie de développement et 99 % des décès liés à la maladie surviennent dans ces pays. Les régions du monde les plus touchées sont par nombre décroissant de cas : l’Inde, la Chine, l’Indonésie, le Bangladesh, le Nigéria, le Pakistan, l’Afrique du Sud, les Philippines, la Fédération russe, l’Éthiopie, le Kenya, la République démocratique du Congo,
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LA CONSULTATION le Viet Nam, la Tanzanie, le Brésil, la Thaïlande, le Zimbabwe, le Cambodge, le Myanmar, l’Ouganda, l’Afghanistan et le Mozambique (rapport MSF octobre 2004). En pratique de brousse La suspicion de tuberculose repose sur l’association d’une fièvre avec altération de l’état général, amaigrissement et asthénie. La fièvre chronique est peu élevée, oscillante ou en plateau, accompagnée de sueurs nocturnes. Certains signes sont très évocateurs, mais ils sont tardifs et toujours signes de gravité : une hémoptysie, la toux et l’expectoration bacillifère dans les formes pulmonaires, la boiterie, les douleurs articulaires et les abcès froids dans les formes osseuses, les adénopathies froides dans les formes ganglionnaires L’examen physique du malade garde une grande valeur partout où il est impossible de demander un examen radiologique. On appréciera le degré d’amaigrissement, l’insomnie, les sueurs, l’épuisement du malade, les caractères de la toux et de la dyspnée. On se souciera de la couleur et de l’abondance des crachats. L’auscultation ne montre pas grand-chose dans les tuberculoses fibrocaséeuses, nodulaires ou ganglionnaires, en revanche, elle est précieuse dans toutes les autres formes respiratoires pour caractériser un souffle caverneux, un frottement pleural ou un foyer de condensation, une zone d’atélectasie. Elle permet de suivre l’évolution. L’auscultation permet aussi d’apprécier le retentissement cardiovasculaire : rythme cardiaque, anomalie des bruits du cœur, frottement péricardique. En Afrique, plus de 20 % des tuberculoses sont osseuses et les malades consultent souvent très tardivement pour une boiterie, un abcès froid, voire même un abcès froid fistulisé. Le mal de Pott et la coxalgie fistulisent fréquemment dans la région fessière et crurale. Les adénopathies tuberculeuses doivent être systématiquement recherchées dans toutes les chaînes accessibles à l’examen direct : creux axillaire, chaînes cervicales, région inguinale. Typiquement, il s’agit de deux ou trois gros ganglions non inflammatoires, fluctuants et indolores. La tuberculose viscérale se manifeste par des troubles digestifs divers et la présence fréquente d’une splénomégalie considérable (voir également page 79).
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE La confirmation du diagnostic de tuberculose nécessite un minimum d’examens complémentaires tant les éléments fournis par l’état général et les signes physiques restent banals et polymorphes. L’idéal serait évidemment de disposer de tests tuberculiniques (intradermoréaction), d’un laboratoire avec un microscope, quelques colorants et un bon laborantin et au moins un appareil de radioscopie. L’examen bactériologique des crachats affirme la maladie et sa contagiosité. Cet examen est spécifique mais ce n’est pas un outil diagnostique suffisant. Les statistiques menées sur une très grande échelle confirment qu’il n’est positif que chez 50 à 60 % des malades tuberculeux pulmonaires et qu’en outre, il n’a aucune valeur pour le diagnostic des formes extrapulmonaires. La radiographie reste indispensable. Elle identifie les adénopathies médiastinales, les images nodulaires, les infiltrats, les ulcérations, les cavernes, les tuberculoses miliaires. Elle est indispensable pour mettre en évidence précocement les images de tuberculose osseuse dont le diagnostic sur les seuls signes cliniques est tardif. Programme DOTS L’OMS a mis au point un programme rationalisé de dépistage et de traitement de la tuberculose. Le programme DOTS (Directly Observed Treatment, Short course, ou traitement de courte durée sous supervision directe) a été mis en œuvre progressivement à partir de 1990 dans la plupart des pays où la tuberculose reste un problème majeur. Conçu dans une optique de santé publique, le programme DOTS considère en premier lieu la dangerosité des malades qui crachent des bacilles de Koch (BK) et leur rôle majeur dans la dissémination de la maladie. Il tient compte de la difficulté d’imposer les mesures d’isolement aux malades contagieux et de la difficulté de persuader les malades à se soumettre à un traitement prolongé. Les protocoles thérapeutiques du programme DOTS prennent en compte ces trois éléments. La tuberculose est diagnostiquée sur la base des antécédents du sujet, d’un examen clinique et de tests bactériologiques. Seuls sont considérés comme dangereux et inclus dans le protocole thérapeutique les patients bacilifères. Le traitement de brève durée (6 à 8 mois) se déroule en deux phases pendant lesquelles les services nationaux de santé, subventionnés et encadrés
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LA CONSULTATION par l’OMS, offrent un éventail de services gratuits dont les malades ont besoin pour poursuivre et terminer leur traitement. Le traitement intensif pendant les deux premiers mois doit parvenir à la stérilisation des crachats. Il associe deux ou trois molécules choisies parmi les antituberculeux puissants : isoniazide, rifampicine, pyrazinamide (Pirilène 500®), streptomycine et éthambutol. Durant cette période, dite de surveillance directe, l’isolement du malade contagieux est souhaitable. S’il ne peut pas être réalisé, il appartient à l’agent de santé de contrôler visuellement la prise des médicaments. Les résultats sont suivis sur les tests habituels et la stérilisation des crachats conditionne le passage au traitement de consolidation qui sera poursuivi pendant les mois suivants. Le principe même du DOTS est cependant fortement remis en cause. Lancé depuis une quinzaine d’années, ce programme a certes permis une relative amélioration des ravages de l’endémie tuberculeuse et une stabilisation du nombre des nouveaux cas. Toutefois dans une analyse critique, fondée sur une longue expérience sur tous les fronts de la maladie, les spécialistes de MSF estiment que cette stratégie de santé publique a trouvé ses limites. Son objectif est de stopper la contagion en concentrant les efforts sur les malades dont l’examen microscopique des crachats est positif. Ce faisant, elle ne prend en charge que la moitié des tuberculoses pulmonaires et néglige les patients dont le diagnostic est le plus difficile mais dont l’espoir de guérison est le meilleur. Il ne détecte pas les tuberculoses extrapulmonaires et surtout il n’est pas adapté à la prise en charge de la maladie chez les malades co-infectés par le sida qui souffrent fréquemment de tuberculoses extrapulmonaires. De plus, les cas de résistance à un ou plusieurs des antituberculeux majeurs utilisés dans le cadre du DOTS sont de plus en plus fréquents. Le rapport de MSF sur la tuberculose conclut sur un appel à la recherche : l’efficacité de la lutte antituberculeuse est freinée par la vétusté des moyens utilisés, le vaccin BCG, seul vaccin existant, n’est efficace que pour 75 % des sujets vaccinés et le diagnostic bactériologique repose sur un test microscopique qui date de 1882. L’arsenal thérapeutique, enfin, n’a guère évolué depuis les années 1960 et aucune molécule innovante n’est attendue avant 2015 (réf. MSF).
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Technique de la vaccination intradermique Le vaccin BCG se fait par voie intradermique au-dessus de l’insertion distale du muscle deltoïde, la peau entre le pouce et l’index. L’aiguille, presque parallèle à la surface de la peau, doit être insérée lentement (biseau en haut) environ 2 mm dans la couche superficielle du derme. Elle doit être visible au travers de l’épiderme pendant l’insertion. La papule pâle en peau d’orange qui apparaît est le signe d’une injection correcte. Les injecteurs sous pression sans aiguille ne sont pas indiqués pour le BCG, même en vaccination de masse.
Tuberculose et sida Treize millions d’humains sont co-infectés par les deux maladies : tuberculose et sida. La tuberculose vient au premier rang des maladies opportunistes et constitue la principale cause de décès. La prise en charge de ces deux maladies au sein des systèmes nationaux de santé relève d’équipes différentes. Cette séparation engendre une grande confusion, voire une incompréhension totale sur les médicaments à prendre pour l’une ou l’autre maladie, et débouche sur des abandons de traitement dangereux.
La tuberculose est un problème majeur de santé publique, tant par son omniprésence que par sa contagiosité. On distingue la tuberculose pulmonaire bacillifère ou non et la tuberculose osseuse ou tuberculose ganglionnaire. Les méningites tuberculeuses touchent plutôt les enfants. Cette grave maladie est de plus en plus fréquemment intriquée et avec le sida. Au-delà des aspects cliniques, ce chapitre tente de faire la synthèse des abords épidémiologiques et de la limite des programmes mondiaux de lutte contre cette maladie. Trouver des médicaments ▼▼▼
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LA CONSULTATION innovants et les produire à un prix acceptable pour des populations notoirement démunies représente un défi permanent pour l’industrie pharmaceutique, l’OMS et les différents acteurs de la médecine humanitaire.
■ Fièvres éruptives La plupart des affections de ce groupe appartiennent à une classe de virus transmis d’homme ou d’animal malade à homme sain par un arthropode. Ces ArBoVirus (ARthropod Born Virus) seraient responsables d’une soixantaine de maladies identifiées. Les arthropodes vecteurs sont l’Aedes egypti très fréquemment, mais aussi les phlébotomes ou les acariens. Nous en décrirons trois : la dengue, le chikungunya et la fièvre jaune (Annexe V) puis nous citerons rapidement pour mémoire quelques-unes des nombreuses arboviroses qui rappelleront à certains leurs cours universitaires : notamment le groupe des encéphalopathies américaines, australienne, japonaise, russe, équine ovine ou bovine, etc. Le groupe des arboviroses recense plus de 250 virus responsables d’une soixantaine de maladies dont l’inventaire relève d’ouvrages spécialisés. Dengue La dengue mérite la première citation du fait de sa fréquence. C’est une maladie généralement bénigne, extrêmement répandue sur tous les continents dans la zone intertropicale, dans la vallée du Nil et dans les îles du pacifique, Tahiti notamment. Elle est transmise d’homme à homme ou de singe à homme par une piqûre d’Aedes aegypti. Les formes les plus courantes se manifestent cinq à huit jours après l’inoculation du virus par frissons, fièvre élevée, rachialgies et douleurs ostéoarticulaires responsables de l’aspect guindé du malade, dit aussi denguero mot espagnol pour guindé. L’examen révèle une éruption inconstante, des adénopathies, mais pas de splénomégalie. Le traitement est essentiellement symptomatique, l’évolution vers la guérison spontanée est la règle au prix d’une longue convalescence marquée par asthénie et douleurs. Les atteintes répétitives de la maladie déterminent une immunité relative dans les populations exposées, chez qui l’affection est probablement récurrente. Le diagnostic est essentiellement clinique.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Les formes graves sont en relation avec une thrombopénie importante et leur mortalité atteint 15 %. Elles réalisent des fièvres hémorragiques qui associent de façon variable un syndrome fébrile, une hémolyse et une atteinte hépatique ou encore une thrombopénie : fièvre élevée, pétéchies, purpuras, hémorragies d’organe, troubles confusionnels. Décrite depuis longtemps, la fièvre hémorragique d’Extrême-Orient correspond à une atteinte gravissime par le virus de la dengue. En situation précaire, le diagnostic différentiel de la dengue est pratiquement impossible avec le chikungunya ou avec les autres fièvres éruptives. En milieu spécialisé il repose sur des analyses sérologiques. Chikungunya et l’O’Nyong Nyong Ces deux mots désignent la même maladie, le dernier signifie maladie des os brisés dans le dialecte des Acholi, ethnie principale de l’Ouganda. Cette affection est très proche de la dengue et la symptomatologie la plus frappante est l’intensité des douleurs ostéoarticulaires. Comme pour la dengue, le diagnostic clinique se suffit à lui-même, étayé par la présence d’un exanthème morbiliforme ou scarlatiniforme et par le développement de nombreuses adénopathies. Il a fallu la récente explosion de la maladie dans l’île de la Réunion où le niveau de vie est élevé et les moyens diagnostiques pointus, pour préciser par des analyses sérologiques l’originalité virale de la maladie qui sévit probablement à l’état endémique dans une aire géographique importante. Le traitement reste symptomatique. La convalescence longue, le pronostic à long terme généralement favorable. Fièvre jaune Aire géographique Elle sévit dans les zones tropicales en Amérique du sud et en Afrique. Elle est jusqu’à présent inconnue en Asie et en Océanie. Les réservoirs de virus amarile (amarillo = jaune en langue espagnole) sont l’homme malade, mais également les singes, les vautours, les hérissons et les lémuriens. L’agent vecteur est un moustique de la famille Aedes, dont le développement ne nécessite que de petites quantités d’eau. Les épidémies se développeraient à partir de la piqûre accidentelle d’un homme par un moustique infecté par un animal malade, puis par la transmission interhumaine. Une épidémie de fièvre jaune a pratiquement décimé les ouvriers qui participaient au creusement du canal de Panama à la fin du XIXe siècle. Une autre épidémie au Sénégal en 1926, a permis la détermina-
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LA CONSULTATION tion du virus et la fabrication d’un vaccin. Depuis cette époque, en dépit des programmes élargis de vaccination, la maladie évolue par foyers sporadiques. Signes cliniques Il s’agit d’une hépatonéphrite hémorragique grave dont l’évolution est décrite en deux phases : – la phase rouge. Après une incubation de 6 jours, le début brutal réalise un syndrome septicémique : fièvre élevée, frissons, délire, urine rares et foncées, haleine fétide. La couleur rouge de la langue et des conjonctives donne son nom à cette première phase ; – la phase jaune ictérique. Elle associe un ictère de type hémolytique et une néphrite tubulaire théoriquement réversible. Après une courte rémission de la température apparaissent des troubles digestifs majeurs : soif intense, vomissements, violentes douleurs abdominales, accompagnés d’un ictère parfois difficile à identifier du fait de la congestion des conjonctives. Le syndrome hémorragique s’affirme : pétéchies, purpura, gingivorragies, épistaxis, parfois hématuries, ménorragies ou hémorragies digestives. L’atteinte rénale se manifeste par des urines rares et foncées et une albuminurie massive. Un tel tableau justifie évidemment de transférer le malade. À l’hôpital, les examens biologiques et sérologiques confirment l’atteinte hépatique avec cytolyse (élévation des transaminases) et la tubulonéphrite. L’évolution est redoutable : en l’absence de traitement, la mort survient en moins d’une semaine dans un tableau de choc hémorragique, de coma hépatique ou de coma urémique. Si les moyens de réanimation peuvent être appliqués et permettent de passer le cap du 12e jour, le jauneux guérit habituellement sans séquelles. Outre cette forme classique gravissime existent, en milieu épidémique, de nombreuses formes frustes ou infracliniques. Prévention et traitement La prévention comprend l’isolement des malades, la protection contre les piqûres d’insectes et surtout les campagnes de vaccination. Le vaccin antiamaril est proposé dans les zones endémiques dans le cadre du programme élargi de vaccination (PEV). Il est obligatoire pour les voyageurs entrant dans une zone endémique, de même pour les voyageurs ayant séjourné depuis moins de six mois dans une zone endémique et se rendant dans un pays tropical où la
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE maladie n’est pas endémique. Il est contre-indiqué chez la femme enceinte en dehors d’un contexte épidémique avéré. Le traitement est symptomatique. La guérison du malade est conditionnée par la possibilité de mettre en œuvre une réanimation lourde. Fièvres hémorragiques Parmi toutes ces maladies, certaines formes particulièrement graves réalisent des fièvres hémorragiques au pronostic réservé : les formes graves de la dengue se retrouvent en Asie du Sud-Est, réalisant la fièvre hémorragique d’ExtrêmeOrient. Les formes graves de la fièvre jaune donnent des hépatonéphrites hémorragiques, ces deux affections sont des arboviroses (transmises par des arthropodes). Les fièvres hémorragiques à Hantavirus ont été décrites pendant la guerre de Corée dans les années 1950 chez des soldats qui vivaient dans les tranchées au contact de rongeurs. L’agent vecteur est un campagnol, porteur sain du virus, qui est transmis à l’homme par voie aérienne à partir des déjections, urine et salive de l’animal. Dans le groupe des Hantavirus ont été depuis dénombrés plusieurs sous-groupes responsables de maladies plus ou moins graves qui sévissent dans les régions froides en Europe, en Sibérie, en Chine et dans l’hémisphère sud en Patagonie. Les formes graves associent une fièvre avec thrombopénie, des hémorragies diffuses qui atteignent particulièrement l’aire rénale et respiratoire. Les formes rénales associent successivement une baisse de pression artérielle, une néphrite oligurique suivie d’une phase de diurèse intense avec hypovolémie. Les manifestations pulmonaires associent une polypnée, une tachycardie et une anoxie. Il existe un vaccin contre le Hantavirus qui entre dans les protocoles vaccinaux en Extrême-Orient. Un virus de cette famille, Puumala est responsable de formes généralement bénignes qui sévissent en France dans les régions forestières de Picardie et des Ardennes par épidémies tri- ou quadriannuelles. Le problème des animaux vecteurs est abordé dans l’Annexe V. La fièvre hémorragique due au virus Ebola ou à son proche voisin, le virus de Marburg, réalise un tableau foudroyant presque constamment mortel qui associe une fièvre élevée, un syndrome hémorragique et une véritable cytolyse atteignant tous les organes. Après une incubation rapide de deux à six jours, purpura et pétéchies se développent dans un contexte de fièvre élevée, rapidement suivis de troubles liés à la cytolyse et à l’hémolyse. La dermatite maculopapulaire
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LA CONSULTATION hémorragique avec épidermolyse est évidente. Le virus Ebola attaque également les tissus conjonctifs avec une férocité qui lui est propre. Il se multiplie dans le collagène détruisant littéralement la structure de la peau. Celle-ci s’amollit et s’affaisse au point que l’on pourrait la déchirer en la touchant. La bouche est le siège d’une stomatite hémorragique et ulcéronécrotique et d’une glossite particulièrement grave : rouge vif dans un premier temps, la langue pèle et peut s’arracher au cours des vomissements. Le globe oculaire se remplit de sang, et les lésions de la sclérotique laissent couler sur les joues un sang incoagulable. Les troubles viscéraux, tous très graves, obéissent à des mécanismes physiopathologiques divers : myocardite, hémopéricarde, hémiplégies par ramollissement cérébral, qui répondent à des infarctus microbiens. L’examen anatomopathologique décrit également une nécrose des cellules hépatiques, des infarctus spléniques, testiculaires, une néphrose, des métrorragies, des avortements. La phase terminale est marquée par des convulsions et des vomissements en jet avec hématémèse, hautement contagieux. La mortalité atteint 90 %. Les guérisons sont grevées de graves séquelles. Le diagnostic de cette affection foudroyante peut prêter à confusion avec d’autres fières hémorragiques et notamment la fièvre jaune, de telle sorte que la maladie n’a été formellement identifiée qu’en 1976 à Ebola dans l’est du Congo. Depuis cette date, une vingtaine d’épidémies ont fait plusieurs milliers de morts. Survenant dans des collectivités restreintes, les épidémies ont jusqu’à présent été relativement bien circonscrites grâce aux mesures de quarantaine, à l’enfouissement des morts et à l’incinération des cases infectées, toutes mesures qui entrent dans la tradition des populations concernées, grâce peutêtre aussi au caractère foudroyant de la maladie qui tue l’homme malade en quelques jours et circonscrit les risques de contagion. Le virus de Marburg, proche cousin de Ebola, a été identifié en 1967 dans un laboratoire de la ville de Marburg en Allemagne. La maladie a touché presque simultanément vingtcinq personnes qui préparaient des cultures de cellules à partir de reins de singe en provenance d’Ouganda. Sept en sont mortes. Le virus de Marburg serait responsable de plusieurs des épidémies attribuées à Ebola. Évoqués dans l’Annexe V, de nombreux problèmes liés au rôle des agents vecteurs et des hôtes intermédiaires ne sont pas résolus.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Les arboviroses comme la fièvre jaune, la dengue et le chikungunya font l’objet de ce troisième sous-chapitre. La fièvre Ebola ou le virus de Marburg, les maladies a Hantavirus et les fièvres hémorragiques surviennent par foyers isolés. Outre leur gravité, ces fièvres suscitent encore des recherches épidémiologiques. Pour ne pas alourdir ce chapitre des affections fébriles, nous avons évité d’évoquer la rougeole, la poliomyélite et de la méningite cérébrospinale qui posent en milieu tropical des problèmes spécifiques et qui sont traitées dans le chapitre consacré aux maladies infantiles.
Problèmes rhumatologiques ■ Arthrose Une vingtaine de patients sont déjà passés devant vous. La femme sans âge qui vient de s’asseoir a rejeté le voile qui couvre ses épaules, elle est en train de déplier le large pagne enroulé autour de sa taille et sans prendre garde au fait que vous n’entendez rien à son discours, porte les mains sur ses épaules ses genoux et son cou, son visage ridé se fend d’une large grimace qui découvre une mâchoire édentée. Son corps porte les stigmates d’une longue vie de travail. Les os pointent sous sa peau parcheminée, les seins pendants témoignent de nombreuses grossesses, Son corps semble ratatiné par l’aggravation de la cyphose dorsale et une scoliose plus ou moins évidente, mais, paradoxalement, elle trotte en dépit de ses douleurs. Vous vous tournez vers l’interprète qui résume en deux mots les plaintes que vous avez déjà entendues dix fois depuis le début de la consultation. Elle ne peut plus travailler, elle ne dort pas la nuit, quand elle est assise par terre ou quand elle s’accroupit, elle ne peut se relever seule. Enfin elle est fatiguée. Elle ne peut plus rien faire. Le secret de ce tableau clinique d’une polyarthrose probablement évoluée, vous l’avez identifié en examinant des patientes moins âgées. Ces quelques jeunes femmes plutôt minces qui tiraient en chantant l’eau du puits ou qui pilaient le mil, vous les avez regardées poser la lourde calebasse sur leur
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LA CONSULTATION tête et marcher d’un pas déhanché jusqu’à la concession sans se départir du bébé dans leur ventre et de l’autre sur leur dos. Puis quelques heures plus tard vous les avez retrouvées à la consultation : elles viennent se plaindre d’une grande fatigue et de douleurs dans la région lombaire, inconstamment au niveau du rachis cervical et presque toujours au niveau de la poitrine. L’examen révèle une contracture assez banale des muscles paravertébraux et la douleur qu’elles localisent faussement à la poitrine correspond en fait à une contracture ou à une tendinite des muscles de l’abdomen, attestée par une douleur à la pression de l’appendice xiphoïde. Lombalgies, tendinites ou contractures musculaires sont le lot fréquent de populations rurales astreintes à un travail physique intense et répétitif. Les hommes ne sont d’ailleurs pas exempts de ces affections douloureuses qui aboutissent avec l’âge à la constitution de syndromes polyarthrosiques. Le développement de ces affections rhumatologiques dégénératives est favorisé par la grande taille, la malnutrition, la maigreur et bien sûr par les grossesses rapprochées. Le meilleur médicament reste le paracétamol. Les anti-inflammatoires au long cours comme l’aspirine doivent être maniés avec prudence chez des gens qui souffrent fréquemment, on le verra plus loin, de douleurs épigastriques et d’anémie. Le meilleur abord me semble en fait de nature informative et préventive et on peut utiliser, pour le faire, de petites histoires illustrées simplement.
■ Traumatologie C’est une grande pourvoyeuse de séquelles ostéomusculaires : lombalgies chroniques, déformations osseuses, fractures mal soignées, cals vicieux, ostéonécroses.
■ Boiteries Elles sont fréquentes et sources de dystocies. Elles sont particulièrement problématiques chez les fillettes et chez les jeunes femmes. Devant un adolescent, un jeune adulte ou une femme enceinte qui boite, on évoquera une séquelle de dysplasie de la hanche, une tuberculose osseuse (mal de Pott, coxalgie) ou encore une poliomyélite que les Africains désignent sous le nom de « jambe gâtée ». Les séquelles de ces trois affections sont fréquentes en milieu rural et dans les zones de nomadisme où de nombreux enfants échappent à toute surveillance médicale et à toute campagne de vaccination.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Le diagnostic différentiel peut s’aider, devant une boiterie, un blocage de la hanche ou un raccourcissement d’un membre inférieur, par la recherche d’une cicatrice de fistule tuberculeuse, par la notion d’antécédents évocateurs et justifie le plus souvent de transférer le patient dans un centre d’orthopédie, où le traitement se limite le plus souvent à la prescription d’une radiographie et d’une semelle compensatrice.
■ Séquelles de rachitisme Elles sont fréquentes et graves. Elles se manifestent très tôt chez l’enfant : déformation des jambes en parenthèses (voir fig. 3, page 40) scolioses, déformations thoraciques, dysplasies du bassin qui sont causes de dystocie, déformations du crâne et mauvaise implantation dentaire. La prophylaxie repose sur l’administration systématique de Stérogyl 15® ou d’Uvestérol® en prise unique et surtout sur la recherche systématique, au cours de la consultation d’un enfant, du chapelet costal et de l’élargissement de la fontanelle. Ces signes précoces permettent d’entreprendre immédiatement le traitement. Plus qu’à des troubles de la nutrition infantile, la maladie est liée au manque d’ensoleillement, particulièrement fréquent dans les régions froides ou montagneuses, mais également en forêt tropicale.
La douleur est partout dans le monde le motif de consultation le plus fréquent. La maladie de ces patients relève souvent de l’arthrose et de la pénibilité de la vie agricole. La traumatologie, les dysplasies de la hanche, la tuberculose osseuse et les séquelles de rachitisme rendent compte du reste. Les moyens thérapeutiques et les recours orthopédiques sont souvent dérisoires et les maîtres mots restent souvent la prévention et la formation aux soins primaires de santé.
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LA CONSULTATION
Pathologies gastro-intestinale et hépatique La clinique reprend ici tous ses droits : « Je vomis, j’ai des brûlures, ça me gargouille, j’ai le ventre ballonné, le ventre qui coule, j’ai des vers. » Le geste accompagne la parole exprimée souvent d’une façon inhabituelle. Voilà des plaintes bien familières pour le médecin généraliste, mais qui sont si répétitives qu’on est porté très rapidement à les banaliser. L’abord de ces patients est d’autant plus déroutant que, très ignorants de leur corps, ils prennent facilement pour des problèmes digestifs des dysfonctionnements urogénitaux ou gynécologiques. Sans radiographie, sans échographie, sans laboratoire et sans la possibilité d’adresser votre patient au cher confrère qui pratiquerait une gastroscopie ou une coloscopie, vous éprouvez un instant de panique. Et pourtant, l’examen clinique d’un ventre est plein d’enseignements. Soulevez la chemise et vous découvrirez presque toujours trois ou quatre rangs d’amulettes entourant l’abdomen incriminé, ou encore des séquelles de scarifications qui désignent l’organe souffrant. Recherchez des signes d’infection, de suppuration ou d’hémorragie. Évaluez la fièvre, mesurez le pouls et appréciez les signes d’altération de l’état général, la pression artérielle, les signes de déshydratation, l’existence d’un pli cutané, la dyspnée, etc. Examinez la figure du malade : l’œil comme la bouche savent parler à qui sait les regarder. Évaluez l’état dentaire, le coefficient masticatoire, les caries et les dents manquantes, la pyorrhée. Il est difficile de reconnaître une anémie ou une jaunisse sur la peau d’un Africain, d’un Asiatique ou d’un Amérindien, mais soulevez la paupière pour apprécier la pâleur de la conjonctive ou sa couleur ictérique. Évaluez l’amaigrissement ou au contraire l’obésité et les signes de déshydratation. La palpation de l’abdomen vous fera cerner un point douloureux, recherchez une défense, une contracture, distinguez une plainte de ballonnement d’un véritable météorisme, palpez les organes pleins, le foie, la rate, les reins, la vessie. Examinez les selles si le malade a eu la bonne idée de vous les apporter. Elles peuvent abriter le long ascaris, le minuscule oxyure ou quelques anneaux de Taenia saginata. Regardez si elles sont glaireuses ou striées de filaments de sang. Faites uriner le malade et regarder les urines : leur couleur, leur odeur sont presque aussi parlantes qu’un examen cytobactériologique.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Et à l’issue de l’examen, portez trois diagnostics, de gravité, d’urgence, de nature, et quand vous aurez de la chance, mettez un nom sur la maladie. Une pathologie haute est faite d’aigreurs ou de lourdeurs d’estomac, de vomissements, de douleurs pré- et post-prandiale, mais aussi de pesanteurs, d’hématémèses, d’hépato- ou de splénomégalie. Il ne faut pas négliger de rechercher une mycose buccale ou œsophagienne. La pathologie basse en situation d’hygiène précaire est dominée par les parasitoses, les diarrhées et la déshydratation, corrélées par les mains sales, la qualité de l’eau, trop souvent non potable, et par les nombreuses négligences autour de ce qu’on peut appeler, en Afrique, le péril fécal (voir page 43).
■ Pathologies banales et fréquentes Pathologie gastro-intestinale La pathologie gastrique répond le plus souvent à des manifestations dyspeptiques ou à une gastrite en rapport avec une alimentation fortement épicée, avec la malnutrition ou avec le mauvais état dentaire des personnes âgées. Le patient consulte habituellement pour des brûlures postprandiales, des régurgitations, des pesanteurs ou une mauvaise haleine. Mais attention, il ne faut pas minimiser la fréquence des pathologies graves que sont l’ulcère de l’estomac et les œsophagites. La pathologie basse correspond essentiellement aux parasitoses et aux conséquences du péril fécal : ballonnements, douleurs en barre, borborygmes, flatulences, constipation, diarrhée, voire méléna ou dysenterie. Il faut se méfier des hémorragies occultes. Les mouches et les mains sales sont les principaux vecteurs de gastroentérites et d’affections parasitaires. Apprendre aux ménagères à faire bouillir l’eau, à incinérer les déchets, à couvrir les aliments et plus de la moitié du travail sera fait. Parasitoses La plupart d’entre elles sont liés au manque d’hygiène, principalement au péril fécal. Plusieurs sont les mêmes qu’en France. Mais ne nous trompons pas, ici, elles infestent profondément 70 à 90 % de la population. Oxyures, ascaris, amibes et taenia touchent indistinctement adultes et enfants. Leurs symptômes et leur traitement ont été abordés dans un chapitre précédent (page 44). La forme chronique de l’amibiase intestinale est très fréquente, réalisant une colopathie banale avec son cortège de douleurs et de troubles du transit.
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LA CONSULTATION L’amibiase hépatique, beaucoup plus rare, peut être considérée comme une complication de la forme intestinale, elle résulte de la colonisation des veines porte et du parenchyme hépatique. Elle évolue vers la constitution d’abcès du foie : fièvre et syndrome général de suppuration, douleur de l’hypocondre droit, hépatomégalie inconstamment associée à un syndrome pleuropulmonaire de la base droite. L’abcès amibien s’accompagne habituellement d’une splénomégalie. Le traitement de l’amibiase fait appel au Flagyl® ou à la Rovamycine®. L’ankylostome est un petit ver blanc rosé, centimétrique, on ne le voit jamais car il reste ancré sur la paroi du duodénum au moyen de petites pinces tranchantes. Parasite hématophage, il sécrète un « venin » anticoagulant. La symptomatologie digestive est pauvre, mais il est responsable d’anémies sévères (voir page 110, le chapitre dédié aux maladies hématologiques). L’infestation se fait par voie transcutanée, à partir des excréments humains. La prophylaxie passe par la généralisation des latrines et par le port de chaussures, par l’éradication des engrais d’origine humaine. Comme l’oxyure et l’ascaris, il est sensible au mébendazole. Citons encore l’anguillulose, responsable de manifestations digestives banales et de prurit cutané associés à de possibles troubles respiratoires en rapport avec l’hyperéosinophilie. L’anguillule présente le même cycle de contagion que l’ankylostome et reste sensible au même traitement qui peut être prescrit sur une simple présomption (mébendazole : 2 comprimés par jour pendant 5 jours). La bilharziose est la maladie des pataugeurs, due à un ver plat, le schistosome, qui pénètre dans l’organisme par voie transcutanée et colonise le système circulatoire. Son hôte intermédiaire est un mollusque d’eau douce, le cestode (Annexe V), le réservoir de virus est l’homme malade et l’infestation des marigots et des rizières se fait par ses déjections dans l’eau. Il en existe quatre espèces dont deux ont un tropisme digestif. La bilharziose à Schistosoma mansoni sévit en Afrique, sur la côte est de Madagascar et en Amazonie. Elle associe des manifestations cutanées : prurit, fièvre, œdèmes qui marquent la période d’invasion, et des manifestations intestinales assez banales tandis que les complications hépatospléniques évoluent vers une pseudocirrhose et des complications hémorragiques par rupture de varices œsophagiennes. La prophylaxie repose sur l’hygiène individuelle. Le traitement des bilharzioses repose sur le niridazole ou le praziquantel, qui s’administre en comprimés.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE ■ Diarrhée La diarrhée de l’adulte réalise un tableau simple fait de selles molles, liquides ou glaireuses, associées inconstamment à des douleurs abdominales. L’amibiase aiguë décrite plus haut réalise la forme typique de la diarrhée parasitaire. Les diarrhées infectieuses et virales restent fréquentes. Toutes étiologies confondues, le rôle de l’eau et la contamination du bol alimentaire par les mains sales sont prépondérants. Les diarrhées graves associent fièvre, vomissements et surtout déshydratation. Le traitement associe la diète hydrique, la réhydratation par le SRO et, selon l’étiologie et les signes de gravité, l’administration éventuelle d’un antiseptique intestinal, Ercefuryl®, Flagyl®, voire d’un antibiotique, rovamycine ou streptomycine. L’intolérance alimentaire et les vomissements aggravent la déshydratation et peuvent imposer la pose d’une perfusion. Les diarrhées de l’enfant revêtent une gravité particulière liée à la rapidité d’installation des signes de déshydratation aggravés par la chaleur. Leur gravité s’apprécie sur la fièvre, les vomissements et les signes de déshydratation appréciés sur l’état de la fontanelle, la tonicité des yeux et le pli cutané. Le traitement des diarrhées de l’enfant est codifié par les recommandations de l’OMS. Chez l’enfant au sein, il faut poursuivre l’allaitement maternel avec supplémentation au moyen de SRO de l’OMS (voir page 47 chapitre sur les maladies de l’enfant) pendant trois jours et assurer ensuite une réalimentation progressive avec une composition LHS (voir page 46) en surveillant la courbe de poids. La diarrhée simple ou compliquée chez le grand enfant est soignée comme celle de l’adulte. Le recours à la lopéramide est généralement apprécié, mais pas toujours disponible.
■ Splénomégalies Les splénomégalies tropicales impliquent plusieurs diagnostics dans des contextes spécifiques et généralement évocateurs. Au cours du paludisme aigu, une splénomégalie modérée est présente dans un tiers des cas. Elle n’a pas de signification particulière et régresse généralement en quelques semaines. Elle n’est qu’un élément du tableau fébrile déjà exposé dans un chapitre précédent. Le Kala-azar est une leishmaniose liée à la présence de l’insecte vecteur, le phlébotome, qui vole et pique de préférence à la fin du jour et la nuit.
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LA CONSULTATION La maladie est présente en Orient, en Chine, en Inde et au Pakistan, en Amérique du sud, autour du bassin méditerranéen et en Afrique noire. L’hôte intermédiaire est l’homme, mais aussi le chien et quelques animaux sauvages. Le tableau clinique est dominé dans un premier temps par une splénomégalie considérable évoluant dans un contexte fébrile, associée à des adénopathies et à une hépatomégalie inconstante. La gravité de la maladie tient aux localisations cutanéomuqueuses : Il s’agit d’ulcères extensifs touchant la face et l’oropharynx, laissant des séquelles invalidantes. Il existe un traitement efficace associant la glucantine par voie intramusculaire et la Fungizone® locale. La tuberculose hépatosplénique, fréquente en Afrique, peut être évoquée devant l’association d’une grosse rate avec une tuberculose pulmonaire ou osseuse, sur des réactions tuberculiniques fortement positives. L’abcès amibien est fréquemment associé à une splénomégalie. Enfin on citera la bilharziose à Schistosoma mansoni dont les formes intestinales bénignes ont été décrites plus haut. Les formes hépatospléniques sont caractérisées par un gros foie, lisse et douloureux et par une grosse rate. Elles correspondent à une hypertension portale. En l’absence d’intervention chirurgicale, le pronostic est réservé du fait des hémorragies digestives.
■ Pathologies graves Nous sommes dépourvus de tout recours aux examens complémentaires, sans radiologie, ni endoscopie et nous disposons d’un laboratoire de brousse aléatoire. Quand les choses sont graves, elles le sont donc parfois de façon catastrophique. Imaginons une péritonite négligée depuis quarante-huit heures, une cholécystite en l’absence de médicaments efficaces ou encore un cancer du foie qui évolue à bas bruit. En pathologie abdominale, plus qu’en aucun autre domaine, l’examen clinique raisonné est capital pour préciser l’organe malade, le degré de gravité et l’urgence. Ulcère gastroduodénal C’est une pathologie souvent méconnue. Les troubles dyspeptiques et les douleurs épigastriques évoquent, en analyse rapide, des pathologies banales qui conduisent logiquement à la prescription d’un pansement gastrique assorti de quelques conseils alimentaires. Pourtant, un diagnostic rassurant fondé sur un examen trop superficiel risque de faire méconnaître un ulcère gastroduodénal apparemment bien plus fréquent qu’en Europe et difficile à confirmer en l’absence de contrôle endoscopique. Il est indispensable de préciser les caractères
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE et l’horaire des douleurs et l’existence de signes d’accompagnement comme les nausées, les vomissements et une hématémèse. L’attitude thérapeutique est simple et peu coûteuse : le traitement spécifique de l’ulcère de l’estomac consiste à prescrire, pendant une période courte de sept à dix jours, un inhibiteur de la pompe à protons associé à un antibiotique qui élimine une fois pour toutes l’infection à Helicobacter pilori et permet la cicatrisation de l’ulcère. Le traitement est court, sans danger et aboutit généralement au soulagement définitif des symptômes. Diarrhées graves Les diarrhées graves avec intolérance alimentaire et vomissements sont particulièrement préoccupantes chez l’enfant et chez le sujet de petit poids qui se déshydratent plus rapidement. Il faut donc recourir aux perfusions sous-cutanées ou péridurales de sérum salé isotonique ou de sérum glucosé intraveineux pendant les trois premiers jours. Ce traitement sera associé à un antibiotique digestif, Intetrix®, Ercefuryl® ou Imodium® et éventuellement à un antiémétique. Choléra Le choléra a causé de grandes épidémies mondiales qui ont décimé le monde et l’Europe, en particulier au XIXe siècle. Sans qu’on sache exactement pourquoi, elles se sont raréfiées sans disparaître pour autant et la maladie sévit de façon endémique en Afrique et en Orient. Les facteurs favorisants sont les bidonvilles, la surpopulation, les mauvaises conditions d’hygiène et les catastrophes naturelles. Une source permanente de diffusion de la maladie est sans doute le pèlerinage de La Mecque, mais la maladie reste endémique dans de nombreuses régions de la zone intertropicale. Son agent bien connu, le vibrion cholérique, est une bactérie à Gram négatif. La transmission interhumaine par les vomissements, les excréments et les cadavres explique le caractère épidémique de la maladie et l’exposition particulière du personnel soignant. Ailleurs, il s’agit de la mauvaise qualité de l’eau de boisson, les canalisations défectueuses, les réservoirs souillés ou la pollution d’un puits. Le rôle des mains sales est également capital. On considère comme majeur le rôle des porteurs sains dans la diffusion de la maladie. Il s’agit d’une toxi-infection intestinale entraînant une déshydratation hydrique et électrolytique. L’incubation est brève, le début brutal, marqué par des évacuations massives. Les vomissements en fusée et le relâchement des
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LA CONSULTATION sphincters réalisent une véritable inondation. L’importance et la rapidité des pertes hydriques, de plusieurs litres par vingt-quatre heures, déterminent un état de choc. L’hypothermie et l’arrêt de la diurèse emportent le malade non traité en moins de trois jours. Le traitement associe une perfusion masse pour masse avec du liquide de Ringer Lactate® (Na, K+ et Ca) ou avec une association de sérum salé isotonique et de sérum bicarbonaté. On doit perfuser 1 L pendant les quinze premières minutes puis 10 % du poids corporel en cinq heures. La persistance de la diarrhée peut justifier 20 ou 24 L de perfusion (fig. 9). L’antibiothérapie est capitale pour éviter la dissémination du vibrion ; on utilise le Fanasil®‚ par voie intraveineuse : 2 g en injection unique. À défaut, on peut également utiliser du Bactrim® ou des tétracyclines en prises fractionnées pendant 4 jours.
Fig. 9 – Lit de traitement pour cholérique. Ce modèle facile à fabriquer artisanalement permet de compenser masse pour masse les pertes hydroélectriques.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Il existe un vaccin, mais son utilisation n’est pas systématique et, lors de la déclaration d’un foyer épidémique, il est plus efficace d’utiliser les antibiotiques. La prophylaxie individuelle repose sur une prise unique de Fanasil® : 4 comprimés à 0,50 mg ou des tétracyclines : 2 g/j en 4 prises pendant 4 jours. Le vaccin, en revanche, est fortement recommandé pour les équipes soignantes. Le traitement est remarquablement efficace, mais sa mise en œuvre est compliquée par l’abondance des malades et la rapidité impérative de sa mise en œuvre. Manifestations digestives du sida Les manifestations digestives du sida ne doivent pas être méconnues : candidose buccale souvent étendue à l’œsophage, diarrhée chronique avec amaigrissement, assortis de manifestations digestives allant de la triade nausées-vomissements-douleurs abdominales jusqu’à la douleur en barre évoquant une pancréatite (cf. page 151).
■ Hépatites et hépatomégalies Cirrhoses et cancers La prévalence de l’hépatite B est beaucoup plus grande en Afrique et en Extrême-Orient qu’en Europe et ce, depuis sans doute très longtemps, mais cette situation devrait s’améliorer, la vaccination contre l’hépatite B étant maintenant largement répandue. Cette maladie virale est très probablement responsable de la fréquence des cirrhoses tropicales qui ne présentent pas de particularité clinique notable, associant une dégénérescence des cellules hépatiques, une hypertension portale, une ascite et des varices œsophagiennes. Le pronostic à moyen terme de ces cirrhoses est réservé. Le cancer primitif du foie est également une spécificité africaine, représentant 15 à 25 % des cancers dans plusieurs pays d’Afrique noire, contre 1 à 3 % en Europe. Le rôle de l’hépatite B est probable.
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LA CONSULTATION Comme nous sommes privés de tout recours aux examens complémentaires, la pathologie digestive requiert de notre part une analyse sémiologique attentive. Les plaintes mineures sont légion, allant de la brûlure gastrique aux douleurs abdominales et aux troubles du transit. Les parasitoses digestives sont fréquentes, mais ne doivent pas masquer des pathologies graves qui mettent en jeu le pronostic vital. L’accent est mis sur plusieurs affections fréquentes : les ulcères gastroduodénaux, le choléra et les manifestations digestives du sida. Les cirrhoses et les cancers du foie sont fréquents, ils sont corrélés par le nombre de sujets primo-infectés par le virus de l’hépatite B. Quant à la splénomégalie, ce symptôme en pathologie tropicale se rencontre dans les accès de paludisme, il complique les formes évoluées de la bilharziose intestinale et il domine la symptomatologie du kala-azar. La tuberculose hépatosplénique, enfin, est souvent décrite en Afrique : une rate énorme déforme l’abdomen et seule la palpation permet de faire la différence avec une ascite.
États de famine La famine représente un phénomène complexe caractérisé par une insuffisance prolongée des apports alimentaires ; elle touche simultanément un grand nombre d’individus. Il ne s’agit généralement pas d’un cataclysme brutal, mais d’une catastrophe progressive dont les effets sont prévus depuis des mois : un nuage de criquets, une mauvaise récolte, une dévastation par la guerre. La communauté a pris les devants en restreignant les rations alimentaires, mais les effets négatifs de la famine seront d’autant plus rapides et graves que le groupe aura été soumis préalablement à des carences occultes. Une autre forme de famine urbaine est liée à la pauvreté et touche des familles incapables de subvenir à leurs besoins vitaux.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Sur le plan clinique, les signes les plus faciles à appréhender sont l’amaigrissement, la sécheresse des téguments, la chute des cheveux, l’arrêt des règles, une oligurie, les céphalées, une asthénie intense, des crampes et l’apparition de troubles psychiques de type hallucinatoires et dépressifs. L’amaigrissement est lié à la disparition des réserves adipeuses et à la fonte des masses musculaires. L’oligurie est en rapport avec une insuffisance rénale fonctionnelle. Les crampes, céphalées et hallucinations rendent compte de la soif et de troubles électrolytiques. Plusieurs catégories de personnes sont particulièrement sensibles aux effets de la famine : – les enfants dont les besoins nutritionnels sont proportionnellement plus élevés que ceux des adultes tant sur le plan des aliments énergétiques que des aliments plastiques et des oligoéléments. Les carences sont diverses et ont déjà été décrites (voir page 39) ; le marasme, le kwashiorkor, la xérophtalmie, le rachitisme, la pellagre, le scorbut ou encore les goitres de la carence en iode représentent les risques immédiats ou à moyen terme des états de famine chez l’enfant ; – les femmes enceintes et allaitantes ont des besoins protéocaloriques supérieurs et sont naturellement plus sensibles aux effets de la famine. Leurs besoins en protides et en micronutriments, en fer et acide folique sont particulièrement élevés. En période de famine, on note une fréquence accrue des accouchements prématurés et une diminution moyenne, de l’ordre de 10 %, du poids des enfants à la naissance. L’alimentation au sein par une mère carencée est compromise. L’homme adulte producteur est affaibli par la famine et pourtant son aptitude au travail et à la créativité conditionne le retour du groupe à une situation économique normale. Inversement, les vieillards possèdent une aptitude étonnante à s’adapter aux conditions métaboliques néfastes. À l’échelle de l’ensemble de la population, les effets de la famine se manifestent indirectement par un accroissement de la morbidité générale, une fragilisation aux maladies microbiennes et parasitaires, aux épidémies, une augmentation de la morbinatalité, de la prématurité et probablement des arriérations mentales chez l’enfant carencé. Du point de vue strictement médical, le traitement d’un état de famine repose sur la reprise d’une alimentation équilibrée sur le plan calorique comme sur le plan qualitatif. Il est bien sûr préférable de recourir aux aliments
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LA CONSULTATION autochtones, encore faudrait-il les trouver. Il n’est même pas toujours possible de trouver dans les régions avoisinantes des aliments en quantité suffisante et on est bien souvent contraints de faire appel à l’importation d’aliments étrangers qui risquent de ne pas correspondre aux habitudes et aux goûts des populations locales. Un schéma assez simple distingue, pour un pays donné et compte tenu des habitudes alimentaires, les aliments énergétiques, les aliments constructeurs et les micronutriments. Voici quelques exemples d’aliments riches en protides et en vitamines : – Amérique du sud : maïs, farine de soja, farine de graines de cotonnier ; – Afrique du sud : maïs, arachides, soja, sucre, sel iodé, levures, germes de blé ; – Afrique du nord : blé, pois chiches, lentilles, lait ; – Sénégal : manioc, bananes, arachides, mil et plus récemment soja, poissons. – L’Asie du sud est vouée au riz et l’Asie centrale au maïs et à l’orge. – Dans tous les cas, chez les adultes comme chez les enfants : le lait en poudre ou le lait concentré sucré. L’alimentation au sein du petit enfant n’est plus de mise en situation de famine et il faut envisager des substituts : lait concentré sucré, éventuellement lait en poudre vitaminé, LHS, qui associe du lait, du sucre et de l’huile (voir page 46), laits enrichis distribués gratuitement par l’UNICEF. Dès la première semaine, en l’absence de vomissements, il faut administrer des vitamines A et D, et C par voie orale. Il faut aussi traiter la diarrhée, les affections buccales, les infections cutanées et vacciner. Il est prudent de suivre l’évolution sur au moins trois semaines en tenant compte de l’état général, du poids et de l’épaisseur du pli cutané. Les cas les plus graves doivent bénéficier d’une réhydratation parentérale par voie sous-cutanée ou par perfusion intraveineuse, qui entraîne généralement, en moins de deux jours, l’amélioration des intolérances alimentaires et permet la reprise de l’alimentation orale.
Les conditions d’installation d’un état de famine, l’évaluation du degré de dénutrition, les carences et les difficiles problèmes de la réalimentation sont traités dans cette partie.
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Affections ophtalmologiques La pathologie oculaire n’est pas familière au médecin non spécialiste qui se trouve rapidement dérouté devant une multiplicité d’affections mal ou pas traitées, parvenues à un stade irréversible, qui évoluent trop souvent vers la cécité. La prévention peut régler en amont la plupart de ces problèmes. Elle repose sur la formation à l’hygiène, les soins donnés au nouveau-né, la vitaminothérapie A, la lutte contre les mouches et les mains sales. Mais une petite formation préalable permet au médecin non spécialiste de comprendre un grand nombre de plaintes et parfois d’y répondre. Mieux vaut s’informer avant de partir que se sentir impuissant une fois rendu sur place. Les plaintes du patient se résument à trois ou quatre phrases. Je vois flou, je ne vois pas du tout, j’ai l’œil rouge ou encore j’ai l’œil qui gratte et qui coule. L’équipement de la case de santé se résume le plus souvent à quelques tubes de pommade ophtalmique antibiotique. La réponse à la plainte « j’ai l’œil rouge ou encore j’ai l’œil qui gratte » passe par les soins ophtalmologiques de premier recours. La réponse la plainte « je vois flou » passe par un diagnostic d’orientation entre myopie, presbytie et cataracte. Nous expliquerons les méthodes simples de l’examen du cristallin et de la mesure de l’acuité visuelle. Nous expliquerons en annexe (Annexe VI) le principe d’une banque de verres correcteurs. La réponse à la plainte « je ne vois plus du tout » passe par l’examen concerté de la conjonctive, de la cornée, du cristallin et du fond d’œil et une mesure empirique de la tension oculaire. Quatre ou cinq affections se situent parmi les principales pourvoyeuses de cécité : – la xérophtalmie qui est une conséquence du déficit en vitamine A dès la première enfance ; – le trachome et l’onchocercose qui sont des affections tropicales spécifiques ; – la toxoplasmose ; – la cataracte et le glaucome.
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LA CONSULTATION ■ Examen ophtalmologique Matériel nécessaire Une boîte à verres correcteurs, un ophtalmoscope disposant d’un éclairage à fente et en lumière bleue, un tonomètre à indentation, des collyres anesthésiants, colorants, antibiotiques et cortisoniques. Acuité visuelle L’examen de l’œil précise l’acuité visuelle chiffrée de loin et de près, sans correction et avec correction. Si la personne est illettrée, il faut utiliser des optotypes spéciaux E ou O. On peut également utiliser des tableaux à image, mais il faut se méfier des problèmes d’identification ; le patient est-il capable et remplacer l’image d’une vache par celle d’une antilope ou celle d’une maison par une yourte ? On orientera correctement les dessins à la demande sur un panneau accroché à 4 mètres et bien éclairé ; la lumière extérieure est souvent la meilleure. L’acuité de près se mesure à 35-40 cm. Cette mesure de l’acuité doit être systématique, elle reflète l’état fonctionnel du globe oculaire. Examen du globe oculaire L’examen du globe oculaire doit être rigoureux : état des téguments autour de l’œil, état des paupières, recherche d’un œdème, positionnement des cils, tonus de la paupière inférieure qui peut tomber (ectropion) ou s’inverser (entropion). Il faut apprécier l’aspect de la conjonctive, rechercher des sécrétions purulentes dans les culs-de-sacs conjonctivaux, évaluer l’état du sac lacrymal, rechercher des granulations sur la conjonctive. Une rougeur localisée sur le blanc de l’œil évoque une épisclérite, une rougeur autour de la cornée (périkératite) évoque une atteinte cornéenne ou une uvéite. La cornée est normalement transparente et s’examine après avoir mis une goutte de fluorescéine. En lumière bleue, les lésions de la cornée se teintent en vert : on cherchera à identifier un corps étranger, une ulcération, une cicatrice blanche (taie cornéenne). Une lésion blanche et douloureuse fait évoquer un abcès. Les lésions situées en arrière de la cornée sont à explorer à l’aide de la fente de l’ophtalmoscope. La chambre antérieure située entre l’iris et la cornée, doit être optiquement vide. Un dépôt de sang ou de pus réalise un niveau horizontal.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE La pupille se referme normalement à la lumière vive. Le réflexe pupillaire doit être symétrique. Une pupille en myosis avec rougeur périkératique est le signe d’une uvéite ou d’une kératite. Une pupille en mydriase est plutôt le signe d’une affection neurologique. Un œil dur, rouge, douloureux en mydriase signe un glaucome aigu : c’est une urgence ophtalmologique. La tension oculaire peut s’apprécier au doigt, mais nécessite une bonne pratique. L’idéal serait de disposer d’un tonomètre portable dont le maniement nécessite une formation. L’étude du cristallin à l’aide d’un ophtalmoscope est facile : la pupille doit être noire et s’ouvre sur le cristallin qui est transparent. L’examen à l’œil nu suffit souvent pour affirmer l’existence d’une cataracte : présence sur le cristallin d’une tache blanchâtre ou jaunâtre. Dans les formes évoluées, le cristallin devient opalescent. Le fond d’œil est vu après dilatation de la pupille à l’aide de deux ou trois gouttes de collyre Mydriaticum® aidé d’une goutte de néosynéphrine collyre. Il faut être très vigilant devant un œil qui deviendrait rouge et douloureux après dilatation pupillaire, il s’agit probablement du réveil d’un glaucome aigu. On évaluera : – l’état de la rétine : taches noires, ardoisées ou blanches ; – l’état des vaisseaux rétiniens, croisement, hémorragie ; – l’état de la macula : atrophique ou œdématiée ; – l’aspect du nerf optique qui est normalement blanc rosé ; une décoloration évoque une névrite optique, des bords flous évoquent un œdème papillaire, une couleur grisâtre, avec excavation plus ou moins marquée, un glaucome. L’étude du champ visuel se fait avec l’index : fixer le nez de l’examinateur qui éloigne son doigt en écartant les bras, et chiffrer le point où le sujet ne voit plus bouger l’index. L’étude de la mobilité des yeux renseigne sur un strabisme ou une paralysie des nerfs moteurs. Une vision trouble oriente plutôt vers une paralysie. Le reste du bilan passe par un examen général : recherche d’un diabète, d’une hypertension artérielle, de lésions cutanées, examen des aires ganglionnaires, hygiène, mouches, eau, poussière.
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LA CONSULTATION ■ Principales affections Troubles de la réfraction Ils sont universels et pas si faciles à diagnostiquer. Les problèmes pratiques et les limites posés par l’organisation d’une banque de verres optiques sont traités en Annexe VI. Myopie Le patient doit se rapprocher de ce qu’il lit pour voir correctement. Son trouble de l’accommodation se mesure par l’adjonction progressive de verres biconcaves (cerclés de rouge dans les boîtes de verre étalonnées). Si vous disposez d’une telle boîte, commencer par – 1 et augmenter progressivement. Hypermétropie La fatigue et la gêne visuelle sont plus marquées de près, la lecture est difficile. La correction se fait avec des verres biconvexes (cerclés de vert). Commencez par + 3 et diminuer progressivement jusqu’à la correction satisfaisante en vision de loin. Astigmatisme L’œil voit mal de loin comme de près, la correction est difficile, faisant appel à des verres complexes. Presbytie La presbytie est différente de l’hypermétropie dans la mesure où il s’agit d’un trouble de l’accommodation. Elle se corrige avec des verres biconvexes + 1 à + 3 que l’on combine avec la correction éventuelle de la myopie. Conjonctivites Elles sont particulièrement fréquentes. L’œil est rouge, irrité, prurigineux, une rougeur diffuse, les larmes font bientôt place à des sécrétions jaunes ou vertes, les paupières sont collées. Il faut éverser les paupières supérieures à la recherche de follicules. Dans les conjonctivites bactériennes, les sécrétions dominent le tableau. Elles sont jaune verdâtre, adhérentes, les yeux sont collés, les cils englués, les conjonctives palpébrales et bulbaires sont hyperhémiées. Un trai-
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE tement local antibiotique est généralement suffisant, associé à des lavages oculaires. Ces conjonctivites microbiennes sont liées à une mauvaise hygiène, il faut donc insister sur le lavage des mains et le nettoyage des sécrétions qui évitent la contamination par les mouches. La conjonctivite trachomateuse mérite une place à part. C’est la maladie de la poussière, des mains sales et des mouches. Au stade de primo-infection, il s’agit d’une conjonctivite sous-palpébrale folliculaire. Les sécrétions stagnent entre les gros follicules. Les réinfections entraînent une inflammation du tarse (cartilage de la paupière supérieure) qui finit par s’atrophier, entraînant une inversion des cils qui frottent sur la cornée et créent des ulcérations irréversibles et, en phase ultime, une perforation du globe qui n’est plus protégé (figs. 10 et 11). L’attitude, avant tout préventive, passe par le lavage des mains, le nettoyage des sécrétions et la lutte contre les mouches. Les antibiotiques locaux tétracycline, auréomycine, rifamycine, doivent être appliqués pendant plusieurs semaines.
Follicules
Retournement de la paupière
B
A
Fig. 10 – Follicules trachomateux. La conjonctivite folliculaire est pathognomonique à la phase initiale du trachome. Un traitement antibiotique (cyclines) local et général, poursuivi pendant plusieurs semaines sous contrôle, suffit à guérir la maladie dépistée à ce stade. La prophylaxie du trachome repose sur la lutte contre la misère et le respect des règles d’hygiène.
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LA CONSULTATION
Fig. 11 – Trachome évolué. L’atrophie scléreuse du tarse et l’éversion des cils (entropion) caractérisent la phase tardive qui évolue vers l’ulcération de la cornée et la cécité. Le traitement aléatoire à ce stade est chirurgical.
Les lésions anatomiques du trachome évolué relèvent d’un traitement chirurgical : soit enlever les bulbes ciliaires, soit éverser la paupière. Les conjonctivites allergiques sont très fréquentes dans un contexte de poussières, pollens et moisissures. Le prurit est intense, les sécrétions peu abondantes, l’hyperhémie conjonctivale prédomine au niveau des paupières, associée parfois à de discrètes lésions de kératite dont l’examen justifie un test à la fluorescéine. Leur traitement symptomatique repose sur un collyre antibiotique et corticoïde. Le traitement au long cours justifie des lavages d’œil fréquents avec du sérum physiologique pour éviter l’accumulation, sous les paupières, de particules allergisantes pendant la nuit. On utilise un collyre aux chromoglycates. Les conjonctivites virales ne présentent pas de caractère particulier par rapport à ce que nous connaissons en pratique métropolitaine. La conjonctivite de l’onchocercose sera traitée avec cette maladie (page 96).
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Ptérygion Le ptérygion est une tumeur plane ou peu saillante, triangulaire, qui envahit progressivement la cornée à partir du segment nasal. Le ptérygion évolue par poussées. Très fréquent dans les pays chauds et secs, il entraîne peu de troubles visuels. Son seul traitement est une ablation chirurgicale. Les récidives sont fréquentes (fig. 12).
Fig. 12 – Ptérygon évolué. Cette tumeur plane envahit progressivement la cornée à partir de l’angle nasal. Particulièrement fréquente dans les pays chauds et secs, elle entraîne des troubles visuels dès lors qu’elle recouvre l’iris et la pupille. Son traitement est chirurgical.
Lésions oculaires par corps étranger Elles sont très fréquentes et passent souvent à la chronicité car le corps étranger n’a pas été retiré à temps. Il s’agit le plus souvent de morceaux d’insectes, de particules végétales, de grains de poussière et, moins souvent, de particules métalliques. L’œil est rouge, douloureux, le traumatisme initial n’est pas toujours rapporté. L’examen du globe oculaire est facilité par l’instillation d’une goutte d’anesthésique local et d’une goutte de fluorescéine qui permettent la visualisation d’une ulcération de la cornée. Le corps étranger est le plus souvent cornéen, il faut l’enlever avec un petit coin de papier, moins dangereux qu’une pique à corps étranger. Le corps étranger est parfois coincé sous la paupière supérieure et il faudra éverser celle-ci pour le voir et l’enlever.
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LA CONSULTATION Affections dégénératives Les affections dégénératives ne sont pas spécifiques à la pathologie tropicale. Leur gravité vient souvent de la méconnaissance des pathologies associées. Cataracte La cataracte reste l’affection cécitante la plus fréquente au monde chez la personne âgée comme chez l’adulte. Elle semble plus précoce que dans les pays développés et est diagnostiquée plus tardivement. La baisse de vision est progressive, le malade consulte alors que son acuité visuelle est déjà réduite 2/10e ou 3/10e. L’œil est calme et l’ophtalmoscope permet de repérer une blancheur laiteuse dans l’aire pupillaire. Le cristallin peut apparaître brun. La dilatation de la pupille permet de mieux voir le cristallin, mais elle ne permet pas de distinguer la rétine et ne donne aucune indication sur l’état du fond d’œil. L’acuité visuelle, inférieure à 2/10, signe l’indication chirurgicale. Les interventions de la cataracte peuvent se pratiquer en brousse entre les mains d’un chirurgien expérimenté à la condition qu’il dispose d’une asepsie suffisante. Glaucome Le glaucome est l’association d’une hypertension du globe oculaire et d’une atteinte du nerf optique. Cette affection touche toutes les tranches d’âge et s’il n’est pas diagnostiqué précocement, il évolue vers la cécité définitive. Son traitement reste difficile. À un stade précoce, les collyres sont efficaces mais souvent indisponibles ou trop coûteux et, de plus, le patient n’est pas motivé pour se confier au chirurgien car l’affection est encore silencieuse. Le diagnostic précoce repose sur la mesure systématique de la tension oculaire. Malheureusement, le malade se présente trop souvent alors qu’une cécité irréversible est déjà installée. L’œil est dur mais il n’est ni rouge, ni irrité, et l’acuité se réduit à la perception lumineuse. L’atteinte est assez souvent asymétrique, le regard ne se fixe pas, l’œil est dur. L’examen du fond d’œil permet, souvent même sans dilater, de voir le nerf optique gris ou blanchâtre au lieu d’être blanc rosé et anormalement creux. Le traitement du glaucome fait appel aux β-bloquants en collyre ; le plus utilisé est le Timoptol®, 1 goutte deux fois par jour. La chirurgie est un bon recours à condition d’être pratiquée à un stade pas trop tardif.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Rétinopathies Le diabète est souvent associé à la cataracte et au glaucome. Il est aussi responsable de rétinopathies. L’acuité visuelle est réduite. Si l’examen du fond d’œil n’est pas gêné par la cataracte, on recherche les nodules cotonneux et blanchâtres des hémorragies rétiniennes, souvent nombreuses. Ces hémorragies siègent sur toute la rétine. L’ischémie rétinienne se manifeste par une pâleur périphérique. Le fond d’œil est parfois masqué par des voiles blanchâtres qui correspondent à des néovaisseaux et par des hémorragies rétiniennes plus ou moins massives. Dans le contexte habituel des pays tropicaux, la rétinopathie diabétique est incurable, tout au plus peut-on espérer, en stabilisant le diabète, stabiliser l’évolution de la maladie. Atteintes uvéales L’uvée est une membrane intermédiaire, située entre la sclérotique et la rétine, vascularisée et permettant de nourrir l’œil. Elle comprend l’iris, le corps ciliaire (élément anatomique auquel sont reliés les ligaments retenant le cristallin), et la choroïde. Si, malgré un cristallin clair, une correction optique correcte, une glycémie normale et une tension normale du globe oculaire, le patient continue à mal voir, il faut suspecter une maladie uvéale choriorétinienne ou une affection du nerf optique. Les uvéites sont souvent unilatérales. Leurs causes sont diverses : allergiques, infectieuses, oto-rhino-laryngologiques (ORL) ou dues à la tuberculose, à la toxoplasmose ou à l’onchocercose. Les atteintes antérieures affectent l’iris : la pupille est en myosis plus ou moins serré, l’œil est douloureux et la rougeur prédomine autour de l’iris. On remarque souvent des taches blanchâtres sur la face postérieure de la cornée. Le traitement symptomatique fait appel aux anti-inflammatoires corticoïdes et à une dilatation de la pupille par une goutte d’atropine qui soulage instantanément. Le traitement curatif est celui de l’affection causale. Choriorétinites et névrites optiques Elles correspondent à une atteinte de la membrane postérieure. Le tableau d’une choriorétinite aiguë associé à l’iritis, déjà décrit, un œil inflammatoire et douloureux. Les lésions de la rétine prennent un aspect blanc cotonneux. L’association à une névrite optique est fréquente. Les choriorétinites nécessitent un examen du fond d’œil après dilatation.
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LA CONSULTATION Le tableau classique est celui d’un stade cicatriciel : des lésions noires ou grises, étendues, avec des troubles majeurs de la vision, évoquent une onchocercose tandis que des lésions plus petites arrondies, bordées d’un liseré noir polylobé évoquent plutôt une toxoplasmose. Onchocercose Il s’agit d’une filariose extrêmement répandue en Afrique et en Amérique dans la zone intertropicale. Elle affecte des populations considérables et elle est responsable de la majorité des cécités. En région hyperendémique, certaines populations sont infectées à 90 %. L’Onchocerca volvulus, parasite exclusivement humain, est transmis par la piqûre d’un moucheron noir hématophage : la simulie. Celle-ci sévit en zone humide dans des eaux vives. Le ver adulte mâle mesure 3 cm tandis que la femelle atteint 50 cm. Il se niche dans le derme où il forme des nodules fibreux ou des kystes. Sa longévité est de dix à quinze ans et la gravité de la maladie est liée aux microfilaires, embryons qui sont émis par la femelle, qui se répandent dans le derme et possèdent un tropisme particulier pour l’œil. La taille des microfilaires est de 300 μ. Les premiers symptômes et le traitement sont décrits dans le chapitre dédié aux affections cutanées (page 106). Ils risquent de passer inaperçus aux yeux d’un clinicien non averti et pourtant il est capital de les prendre en compte car les redoutables complications oculaires ne surviennent que dix à quinze ans plus tard et sont alors inaccessibles au traitement. Les complications oculaires se manifestent après une longue évolution, par une héméralopie, un prurit conjonctival et une amputation progressive du champ visuel lié aux lésions de la chambre antérieure. L’examen ophtalmologique constate des lésions à tous les niveaux. L’œil est en myosis, iritis, la cornée est le siège de taies plus ou moins invalidantes et l’examen du fond d’œil montre une choriorétinite grisâtre associée à une atrophie optique qui fait toute la gravité de cette maladie qui évolue inexorablement vers la cécité. Le traitement à ce stade est inefficace (fig. 13). Filariose à Loa Loa ou loase Très différente de l’onchocercose, la loase est également une filariose. L’hôte intermédiaire est le Chrysops, mouche rouge qui abonde dans les forêts équatoriales. Après une incubation silencieuse qui dure trois à quatre semaines, la symptomatologie initiale est dominée par une dermite irritative qui correspond à la reptation du ver sous la peau, un œdème fugace et migrateur (œdème de
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Fig. 13 – Lésions oculaires de l’onchocercose. La sclérose atrophique touche tous les éléments de l’œil. L’examinateur peut encore voir les microfilaires infestant la chambre antérieure, devant le cristallin.
Calabar) et une conjonctivite très spécifique : on peut voir les filaires sous la conjonctive. L’incident est bénin, mais suffisamment étonnant pour être signalé. La maladie est susceptible de complications et son traitement repose sur la notezine (fig 14).
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LA CONSULTATION
Fig. 14 – Filariose à Loa loa. La filaire adulte est visible sous la conjonctive. Cette affection n’a pas la gravité de l’onchocercose.
Xérophtalmie C’est la complication classique des carences en vitamine A, grandes pourvoyeuses de cécité dès l’enfance. L’enfant souffre d’abord d’héméralopie : il se repère mal dans la pénombre. Ces troubles sont réversibles par l’administration à doses curatives de vitamine A. Sinon, l’évolution se fait vers la xérophtalmie : des taches blanchâtres, mousseuses se dessinent sur le blanc de l’œil qui est sec, les larmes deviennent gluantes, les paupières gonflent et la cornée s’ulcère entraînant une cécité irréversible à cornée blanche. Le traitement consiste en la supplémentation en vitamine A sans attendre les premiers symptômes et à une diversification alimentaire dès le sevrage : lait et produits lactés, jaune d’œuf, fruits légumes, agrumes, huiles végétales, poissons.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE La réponse à la plainte « j’ai l’œil qui gratte » ou « j’ai l’œil qui coule » passe la plupart du temps par des considérations d’hygiène et par un traitement local adapté. Les plaintes « je vois flou » ou « je ne vois plus ou presque plus » passent par un examen ophtalmologique le plus complet possible pratiqué avec des moyens réduits. On envisage successivement les troubles de la réfraction : myopie, presbytie, hypermétropie et astigmatisme qui peuvent être précisés grâce à une batterie d’examens relativement simple, et les affections dégénératives que sont le glaucome et la cataracte. Un certain nombre d’affections spécifiques et graves sont ensuite envisagées : le trachome, l’onchocercose, la xérophtalmie. L’accent est mis sur le dépistage et le traitement précoce, seul capable d’éviter la cécité.
Affections cutanées et lymphangites La peau est l’habit du corps, sa parure et sa protection. L’homme, pour l’embellir, la farde de cosmétiques et de scarifications. Comme un vêtement, elle garde la trace des déchirures et la marque des blessures de la vie. Certains (au Tibet par exemple) estiment que l’enduit graisseux qui se développe spontanément en l’absence d’eau et de savon, est utile à la peau et développe ses qualités protectrices contre le froid, l’humidité, les gelures et les agressions extérieures. Directement exposée au regard du clinicien, la peau permet, mieux qu’aucun organe, un diagnostic précoce et affiné. Ses blessures ouvrent l’organisme à la contagion par les agresseurs exogènes.
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LA CONSULTATION ■ Généralités Le manque d’hygiène, la poussière, la promiscuité avec le bétail, les mouches, la chaleur ou le froid extrême ne sont pas le reflet d’une quelconque négligence, mais le reflet des conditions difficiles de la vie en situation précaire. Surinfecté, remanié par les lésions de grattage, un eczéma peut ressembler à un impétigo, à un herpès ou se compliquer d’ulcère ou de bourgeonnements. Selon les latitudes et selon les couleurs de la peau, l’aspect des lésions est parfois déroutant. La mélanine des peaux noires masque les érythèmes ou les transforme en zones plus noires. Les déficits pigmentaires qu’on retrouve dans le vitiligo se transforment en plaques de dépigmentation comme dans la lèpre ou dans le pitiriasis versicolor. Il en est souvent de même des cicatrices de plaie ou de morsure, des chéloïdes et des hyperkératoses. Enfin Gentilini signale, dans son traité de médecine tropicale, la fréquence des comédons sur les peaux africaines. Elle serait en relation directe avec la croissance hélicoïdale des poils crépus de la barbe ou du thorax, qui les amène à se réincarner. L’utilisation fréquente du khôl en orient, du henné en Afrique du nord et des parfums un peu partout, serait responsable de dermites aux cosmétiques. Les incisions rituelles ou les scarifications pratiquées par les guérisseurs entraînent fréquemment des cicatrices chéloïdes. Le froid et l’humidité en Asie centrale (Kurdistan, Afghanistan, Népal, Tibet) sont responsables de gelures, d’engelures, de crevasses pour lesquels le meilleur traitement de première intention est la vaseline. La plupart des dermatoses sont des affections cosmopolites dont nous ne connaissons que les formes de début, vite améliorées par le traitement approprié. En situation précaire, on les retrouve parvenues à la période d’état ou même au stade des complications. Avant de faire le bilan des lésions et avant de porter un diagnostic, il faut souvent s’armer d’eau et de savon de Marseille, puis nettoyer le pourtour des lésions, utiliser la Bétadine‚ sans parcimonie et recourir parfois à l’antibiothérapie locale ou générale. La consultation a souvent lieu dans une case ou dans un bâtiment sombre et il ne faut pas hésiter à regarder la peau malade au soleil. La plupart des lésions sont cosmopolites, appartiennent au domaine de la médecine générale et ne présentent pas de problèmes diagnostiques particuliers : eczémas, urticaire, piqûres d’insectes, psoriasis, herpès, acné, ulcères, pour ne reprendre que les affections cutanées les plus habituelles. Il en est de même de la teigne du cuir chevelu, des mycoses, candidoses ou dermatophytoses, des brûlures, plaies et morsures.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE ■ Troubles de la pigmentation Ils évoquent trois diagnostics : le pityriasis versicolor et le vitiligo qui sont des affections bénignes, et la lèpre. Pityriasis versicolor et vitiligo Le pityriasis est une affection mycosique bénigne qui se résume à des taches planes dépigmentées aux contours polycycliques, recouvertes des squames qu’on peut détacher à la curette. L’évolution spontanée se fait vers l’achromie. Affection contagieuse, elle répond assez bien au traitement général par Griséofulvine® et local par econazole, deux molécules initialement assez coûteuses dont le prix d’achat a été considérablement réduit par les dispositions sur les génériques de l’OMS. Le vitiligo est d’aspect assez identique, n’est pas prurigineux, ses contours sont hyperpigmentés. Il s’agit très probablement d’une maladie autoimmune pour laquelle on ne connaît pas de traitement. Le vitiligo pas plus que le pityrisasis versicolor n’est spécifique des peaux foncées. Ces deux affections sont simplement plus inesthétiques sur une peau noire. Lèpre Cette maladie n’est pas un diagnostic d’exception, elle est parfaitement curable. Généralités Maladie bactérienne, elle se manifeste au début par des troubles cutanés. Son agent pathogène, le bacille de Hansen (BH), est acido-alcoolo-résistant, assez facile à identifier avec un microscope de brousse sous forme de bâtonnets rouges après coloration appropriée de la préparation. La ressemblance du BH avec le BK, bacille de la tuberculose, s’arrête là. En effet, le BH est difficile à cultiver, à inoculer aux animaux de laboratoire et c’est sans doute ce qui explique la difficulté à concevoir un vaccin contre la lèpre. Cette maladie cosmopolite touche par le monde dix millions d’individus, particulièrement en Asie des moussons et en Afrique tropicale. Elle sévit également en Amérique du sud et aux Antilles. La lèpre, en dépit de sa sinistre réputation, est une maladie d’évolution lente et parfaitement curable si elle est identifiée au stade de début clinique.
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LA CONSULTATION La transmission est interhumaine, les malades les plus contagieux sont ceux porteurs de lépromes tuberculoïdes associés à une rhinopharyngite. La contamination se fait d’homme malade à homme sain, la transmission se ferait par voie cutanée et par inhalation des gouttelettes de rhinopharyngite. Formes de début (forme L) Elles surviennent après une incubation de deux à cinq ans, très difficile à préciser si l’on n’a pas la notion de contagion. Le diagnostic précoce repose sur l’analyse de plaintes banales : fourmillements, démangeaisons, sensations de ruissellement sous-cutané, troubles de la sudation. Le clinicien averti recherche des léprides, zones maculaires dépigmentées qui sont le siège de troubles sensitifs discrets ou d’hyposudation. Le diagnostic précoce est un bon gage de guérison définitive et on peut être tenté d’instaurer un traitement précoce sans confirmation biologique, mais il s’agit d’une décision grave : le traitement sera long et le diagnostic de lèpre comporte des conséquences sociales graves. La confirmation biologique de la lèpre est inconstante à ce stade : elle repose sur une intradermoréaction, la réaction de Mitsuda, qui est spécifique et facile à pratiquer. Elle se lit au bout de trois ou quatre semaines mais elle est souvent négative au stade de début de la maladie. En cas de doute il ne faut pas hésiter à demander un conseil spécialisé : le test de Jurgensen Milnor consiste à badigeonner avec une solution d’alcool iodé la zone dépigmentée puis à provoquer une violente sudation et à saupoudrer enfin la zone suspecte avec une poudre d’amidon. Les téguments sains noircissent tandis que les léprides restent claires. Simple à pratiquer, ce test doit être lu par un œil avisé. Évolution La maladie évolue de façon imprévisible. En l’absence de traitement, l’évolution des formes mineures se fait parfois vers la régression spontanée, surtout chez l’enfant, mais dans la règle, l’aggravation des lésions cutanées et neurologiques grève lourdement le pronostic fonctionnel. La maladie évolue pendant plusieurs années vers : – une forme T (tuberculoïde) caractérisée par la persistance des léprides qui deviennent papulo-nodulaires, toujours dépigmentées et peuvent évoluer vers des infiltrations tuberculoïdes majeures, déformant le visage, les membres, les épaules et le dos sans aucune symétrie. À ces lésions cutanées se joignent des troubles neurologiques très évocateurs : les névrites périphé-
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE riques touchent par ordre décroissant les territoires du nerf cubital, du sciatique poplité externe, du facial, du médian, du radial. Il s’agit de troubles dissociés de la sensibilité thermique et tactile associés à des douleurs et à une hypertrophie moniliforme des troncs nerveux. La maladie se complique avec l’évolution de troubles moteurs, de troubles trophiques, une peau amincie, des ongles cassants, des maux perforants plantaires, des altérations squelettiques, des géodes ostéolyse, etc. La confirmation biologique repose sur deux examens qui sont toujours positifs à ce stade : - l’intradermoréaction de Mitsuda à la lépromine, qui se lit au bout de trois ou quatre semaines ; - l’étude histologique d’une biopsie cutanée. En revanche, la recherche du BH dans les sécrétions nasales est généralement négative dans la forme T. Les formes T sont sensibles au traitement et de relativement bon pronostic, au prix de séquelles qui dépendent de l’état évolutif de la maladie au jour du diagnostic. Le traitement doit être poursuivi un an et le malade reste sous surveillance pendant deux ans. Les séquelles sont le fait d’un traitement trop tardif ; – une forme L (lépromateuse) qui est particulièrement contagieuse. Elle associe des lésions cutanées et des lésions muqueuses avec écoulement nasal responsable de la contagiosité de ces formes. Les atteintes neurologiques et viscérales sont différentes de la forme T, il s’agit de névrites hypertrophiques et douloureuses du médian et du cubital. Le léprome est une lésion maculaire ou nodulaire de petite taille, volontiers coalescente, voire diffuse, elle se développe sur le thorax, les membres et surtout le visage auquel il confère l’aspect léonin considéré comme caractéristique d’une lèpre évoluée. Les lésions muqueuses presque constantes sont éminemment contagieuses, la rhinite lépreuse consiste en un écoulement purulent hémorragique qui correspond à l’atteinte lépromateuse de la muqueuse pituitaire. Les troubles viscéraux majeurs (foie reins ovaires, etc.) et les troubles neurologiques sont plus discrets que dans la forme T. La confirmation biologique repose sur la présence de BH sur les frottis cutanés et dans le mucus nasal. En revanche, la réaction de Mitsuda est négative dans cette forme. Le traitement est délicat, s’accompagne souvent d’aggravations liées à la pathogénicité des débris microbiens lysés par le traitement.
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LA CONSULTATION Diagnostic différentiel Devant cette maladie protéiforme, l’inexpérience peut amener le médecin à porter des diagnostics par excès, dont le retentissement social et personnel est considérable. Il est bon de les faire confirmer par un confrère, voire un spécialiste familier de cette maladie. Évolution En l’absence de traitement, l’aggravation est inéluctable, grevée de troubles cutanés, neurologiques et trophiques tandis que le malade reste contagieux et la mort survient en quelques années. Prophylaxie La lutte contre la lèpre repose sur le dépistage et le traitement de tous les malades, la distribution gratuite des médicaments et un suivi de qualité. Ces actions sont souvent assurées par des équipes itinérantes. La réclusion en léproserie terrorise les malades et elle n’est pas justifiée dans la plupart des cas. En effet, la grande majorité des lépreux n’est pas contagieuse et seules les formes L avec jetage nasal justifient l’isolement jusqu’au blanchiment dans des centres spécialisés où les patients bénéficient de soins infirmiers, rééducation, orthopédie. Traitement Le traitement de la lèpre fait appel aux sulfones (Disulone®) et aux sulfamides (Fanazil®). La Disulone® s’utilise en comprimés dosés à 100 mg ; 1 comprimé par jour chez l’adulte. Ce traitement relativement mal toléré est institué à posologie progressive. Le Fanazil® : 3 comprimés à 500 mg une fois par semaine est plus facile à administrer et reste efficace et bien toléré. On préconise un traitement de deux ans dans les formes T et de neuf ans avec surveillance la vie durant, dans les formes L. Le traitement adjuvant des formes graves et déformantes, fait appel aux corticoïdes et à la thalidomide.
■ Lésions prurigineuses En dehors des prurits cosmopolites que sont l’eczéma, les réactions allergiques, le prurit essentiel ou les piqûres d’insecte, la gale reste une affection préoccupante du fait de sa contagiosité. Souvent vues à un stade évolué, les classiques
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE galeries larvaires s’associent à des lésions de grattage et à des surinfections purulentes. Avant de confirmer le diagnostic, il faut laver, désinfecter, s’aider éventuellement d’un traitement antibiotique. Le traitement de la gale repose sur la douche, l’application d’Ascabiol® sur le corps entier et la désinfection des vêtements et de la case. Le traitement doit également être appliqué aux sujets contacts.
■ Ulcères Le patient consulte généralement à un stade évolué et présente des ulcérations étendues, profondes et surinfectées. L’ulcère phagédénique décrit dans les traités de médecine tropicale correspond à l’aggravation d’une plaie minime qui n’a pas été désinfectée, mais recouverte d’emplâtres indigènes d’une asepsie douteuse. Il est étendu, suintant, souvent surinfecté et sa fermeture semble devoir prendre des mois, même avec les pansements hydrocolloïdes dont l’utilisation est problématique en médecine précaire du fait de son coût. En fait, le traitement repose sur des bases simples : lavage à l’eau stérile, excision des peaux mortes, pommades antibiotiques ou de Bétadine® rouge suivies de l’application de pansements stériles et humides. Le vaccin antitétanique est systématique. Il est parfois nécessaire, après une longue préparation, de recourir à l’autogreffe pédiculée. Plus l’ulcère est étendu, plus son pronostic est défavorable.
■ Dermites aiguës Elles sont dues à la sciure des bois tropicaux : teck, palissandre, acajou. Les lésions caustiques sont dues aux sucs d’euphorbe, d’agave, de bétel, de figuier de barbarie. Les allergies sont fréquentes : eczéma à la vanille, aux moisissures des roseaux ou prurits dus aux parasites, que l’on rencontre chez les coupeurs de cocotier, ananas, sisal. Citons encore, dans ce catalogue exotique, les brûlures dues aux cantharides, à la chenille ou aux ailes de certains papillons.
■ Maladie de Kaposi Elle est aujourd’hui associée au syndrome d’immunodéficience acquise, mais elle a été décrite depuis longtemps en Afrique équatoriale et autour du bassin méditerranéen. Elle est caractérisée par la prolifération de lésions cutanées à type de nodules et d’angiomatose et constamment associée à des lésions
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LA CONSULTATION viscérales, osseuses et pleuropulmonaires. Son évolution est celle d’un cancer généralisé.
■ Charbon La pustule maligne est une enzootie dont l’agent pathogène est le Bacillus anthracis qui a la propriété de sporuler et se transmet à l’homme par le contact avec les animaux malades. C’est une maladie des éleveurs, équarrisseurs, vétérinaires cardeurs, tanneurs. Au bout de trois jours apparaît une esquarre noirâtre avec œdème, lymphangite, adénopathies qui évoluent dans nombre de cas vers une septicémie mortelle. Le traitement repose sur la pénicilline ou le chloramphénicol pendant dix jours aux doses habituelles.
■ Onchocercose Toute la gravité de cette maladie repose sur les lésions oculaires (voir page 96) qui apparaissent après dix ou quinze ans d’évolution non traitée. Mais pour être efficace, le diagnostic se doit d’être précoce et repose sur l’attention du clinicien porté à des troubles cutanés évocateurs. On est aidé par la notion d’endémicité dans la zone concernée. L’agent vecteur, la simulie, est une petite mouche qui vit à proximité des eaux vives en climat tropical. Le parasite, Onchocerca volvulus, est un petit vers filamenteux de 2 à 3 cm de long qui se développe dans le derme. Le syndrome cutané consiste en un prurit intense évoquant une gale localisée aux points de piqûre. Érythème ou pachydermie inconstante évoquent une peau de lézard. À ce prurit s’associent les lésions caractéristiques de l’onchocercose cutanée, des nodules durs et fibreux allant de la taille d’un pois à celle d’une mandarine. Ces nodules correspondent à l’enkystement de filaires adultes et recèlent de nombreuses microfilaires, Ils peuvent évoquer une maladie de Recklinghausen. Leur extraction à ce stade est facile. L’examen de ces nodules permet un diagnostic précoce et l’instauration du traitement. Pour cela, un copeau de nodule est prélevé au ciseau, sous anesthésie locale et immergé dans quelques millitres de sérum physiologique. Trente minutes plus tard il est possible de voir, au microscope, les microfilaires longues de 300 mm s’agiter dans le liquide. Le diagnostic est fortement étayé par une forte éosinophilie, confirmé par la biopsie des nodules. Le traitement est capital à ce stade. Contre les microfilaires, on utilise la Notézine® en cures itératives et à posologie progressive pour éviter les into-
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE lérances : 4 comprimés par jour pendant 10 jours. Contre les filaires adultes, on utilise le Moranyl® injectable. Il faut également procéder à l’ablation des nodules et des kystes qui restent des réservoirs potentiels de filaires adultes. Le malade doit être suivi au fil des années pour prévenir l’installation des lésions oculaires. La prévention repose sur la désinsectisation des zones d’endémie et sur la protection individuelle.
■ Dracunculose (filaire de Médine) C’est également une filariose. Son agent pathogène est la filaire de Médine ou ver de Guinée. Sa répartition géographique couvre les zones tropicales depuis le delta du Gange jusqu’à l’Afrique de l’ouest. La filaire de Médine est un ver cylindrique mesurant à l’état adulte, 35 à 100 cm de long. Il se développe sous le derme. Le vecteur est un cyclops, crustacé microscopique d’eau douce. L’homme est le seul réservoir de parasite, il s’infecte en buvant une eau non filtrée, non désinfectée. La digestion du cyclops libère les larves qui se développent en un ou deux ans. Le ver adulte colonise le derme (fig. 15), perfore la peau et libère les microfilaires. Si cette libération a lieu dans l’eau, le cycle est bouclé par infestation des cyclos. La symptomatologie est essentiellement cutanée au niveau des zones déclives (scrotum et malléoles) sous la forme d’un cordon vermineux. Œdèmes, prurit et phlyctènes laissent présager la perforation et la sortie du ver qui éjecte ses embryons et meurt. L’extirpation du ver adulte est possible à ce stade par la méthode indigène qui consiste à enrouler le vers sur l’extrémité d’un bâtonnet et à en extirper 3 à 4 cm par jour. L’intervention chirurgicale est délicate mais s’impose en cas de complications septiques délabrantes. Il ne faut pas négliger les antibiotiques et la prophylaxie antitétanique. Les abcès filariens à distance sont liés à la dissémination des microfilaires lors de la perforation de la phlyctène. Les médicaments filaricides sont inefficaces, le mebendazole serait plus actif, on a essayé également le praziquantel, traitement spécifique des bilharzioses. La prophylaxie repose sur la protection des points d’eau potable, la lutte contre le pataugeage et la filtration de l’eau potable (fig. 16).
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LA CONSULTATION
Fig. 15 – Dracunculose. Ce schéma reproduit un cliché sans préparation des parties molles. Il montre les filaires de médine calcifiées dans le derme, ce qui est une forme de guérison.
Fig. 16 – Filaire de médine et prophylaxie. La transmission de la maladie se fait à partir d’une eau contaminée, par pénétration transcutanée et par ingestion. Ce schéma résume les mesures de prévention contre tous les parasites dont l’hôte est un crustacé – dracunculose, bilharziose, dystomatose, etc.). La filtration de l’eau de boisson est une mesure d’hygiène élémentaire.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE ■ Filaire de Bancroft Outre les causes banales des lymphangites sur lesquels nous ne nous étendrons pas, les filarioses représentent, dans tous les pays tropicaux, y compris la vallée du Nil, une cause fréquente et spécifique d’affections invalidantes. La filaire de Bancroft adulte est un ver rond mesurant 4 à 10 cm qui vit dans le système lymphatique de l’homme. Sa longévité est d’une quinzaine d’années pendant laquelle la femelle pond à intervalles réguliers des microfilaires qui assurent une autoréinfestation permanente par dissémination des microfilaires dans la lymphe et dans le sang. L’homme infesté reste donc le réservoir exclusif du virus par l’intermédiaire de différents moustiques (Aedes, Culex, etc.). La symptomatologie est essentiellement lymphatique : en période d’infestation primaire ou d’autoréinfestation aiguë surviennent des œdèmes inflammatoires douloureux, la peau est chaude et luisante avec adénites dans les territoires satellites, accompagnées de signes généraux intenses : fièvre et asthénie. Ces épisodes fugaces rétrocèdent en quelques jours et on pense que les récidives correspondent aux périodes de ponte avec dissémination de microfilaires. Plusieurs localisations de cette maladie réalisent de véritables infirmités. Au niveau des organes génitaux, une lymphangite du scrotum, voire un véritable éléphantiasis, mais aussi des orchiépididymites, funiculites, hydrocèles chyleuses et, au niveau des membres inférieurs, une lymphangite aiguë avec œdèmes inflammatoires et douloureux. Les atteintes lymphatiques des réseaux profonds et de la citerne de Pequet sont responsables des complications respiratoires, abdominales et rénales. La survenue d’une fièvre associée à des douleurs thoraciques ou abdominales doit faire évoquer, chez le filarien connu, une lymphangite aiguë profonde. Les manifestations chroniques réalisent des infiltrations lymphatiques plus ou moins intenses et invalidantes. Au niveau des organes génitaux, épanchement chyleux de la vaginale, dans lequel on peut souvent retrouver des microfilaires, orchiépidydimite génératrice de stérilité, au niveau du scrotum et des membres inférieurs, l’éléphantiasis réalise une infiltration du derme et de l’hypoderme avec pachydermie. La chylolymphurie, caractérisée par des urines laiteuses riches en microfilaires, correspond à une fistule profonde entre la citerne de Pecquet et le bassinet. Le diagnostic est évoqué puis confirmé par la présence de microfilaires dans les urines. L’évolution est capricieuse avec des
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LA CONSULTATION phases de rémission et de rétention grevées possiblement de complications septiques. Le traitement efficace des lésions primitives, qui correspondent souvent à une infestation vieille de plusieurs mois ou années, repose sur la notezine, un microfilaricide actif et puissant. Le traitement des complications chroniques, éléphantiasis ou varicocèle, est chirurgical (fig. 17). La prophylaxie repose sur la protection individuelle, la lutte contre les moustiques et surtout sur le traitement par notezine de tous les sujets en phase aiguë de la maladie, pour diminuer la dissémination. Une chimioprophylaxie des populations exposée, par notezine, nécessite un demi-comprimé par jour pour chaque sujet.
Fig. 17 – Pathologies de la dracunculose. La filaire de Bancroft obstrue la circulation lymphatique. Ses manifestations les plus graves sont le lymphœdème et l’éléphantiasis. Ce schéma résume l‘ensemble des manifestations cliniques.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE La plupart des affections cutanées présente en situation précaire des aspects inattendus : aux allergies communes s’ajoutent un certain nombre d’allergènes spécifiques et la mauvaise hygiène rend compte de la fréquente aggravation de maladies courantes que nous sommes habitués à diagnostiquer et à blanchir dès leur phase de début : gale, eczémas ou ulcères surinfectés revêtent dès lors une gravité à laquelle nous ne sommes pas accoutumés. Les affections autochtones sont nombreuses. La lèpre est une infection par le bacille de Hansen. Elle se présente sous de multiples aspects parfois trompeurs. Le charbon ou pustule maligne est une autre affection bacillaire qui évolue rapidement vers la septicémie. Nous avons également regroupé dans ce chapitre plusieurs affections parasitaires appartenant au grand groupe des filarioses dont les signes initiaux sont cutanés. La gravité de l’onchocercose est le fait de lésions oculaires tardives, mais les signes précoces qui permettent de mettre en œuvre un traitement efficace sont cutanés. La filaire de Médine est responsable de la dracunculose ou ver de Guinée tandis que la filaire de Bancroft détermine une pachydermie et se complique de lymphangites et d’éléphantiasis au niveau des membres inférieurs et du scrotum.
Hémopathies Dans les populations en situation précaire, toutes contrées confondues, les anémies liées à des problèmes parasitaires et nutritionnels sont fréquentes. En outre, les régions tropicales sont sujettes à deux hémoglobinopathies génotypiques, la drépanocytose et la thalassémie.
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LA CONSULTATION ■ Anémies Le diagnostic clinique d’anémie est généralement aisé sur l’association d’une asthénie à une pâleur des conjonctives. La gravité de l’anémie peut être appréciée sur l’adjonction d’une tachycardie et d’une dyspnée. Le diagnostic sera étayé par la recherche des signes annexes comme l’aspect de la langue, l’examen des ongles et la recherche d’une splénomégalie. Même en brousse, il est aisé d’obtenir un hémogramme avec dosage de l’hémoglobine et hématocrite. En dehors des situations évidentes comme une grosse hémorragie ou un état cachectique, les anémies microcytaires avec chute de l’hématocrite sont dues soit à une carence en fer, soit à une spoliation sanguine. Anémie par carence en fer Elle correspond à un déficit alimentaire ou à une situation de demi-famine. On la constate alors sur l’ensemble de la population. Elle est assez fréquente chez la femme enceinte dont l’accroissement des besoins liés à la grossesse n’est pas suppléé par une alimentation carnée. Anémie par spoliation sanguine En dehors des hémorragies facilement identifiables, la spoliation sanguine résulte très souvent d’hémorragies occultes dues à l’ankylostome. Extrêmement répandu dans tous les pays chauds et humides, ce parasite affecte un quart de l’humanité. La contamination est liée au péril fécal : l’infestation se fait par voie transcutanée, favorisée par la marche nu-pieds sur un sol souillé par les engrais naturels ou par les excréments humains. La prophylaxie passe par la généralisation des latrines, par le port de chaussures, par l’éradication des engrais d’origine humaine. La larve se développe dans le système circulatoire et l’ankylostome adulte se fixe sur la paroi du duodénum où il reste ancré au moyen de petites pinces tranchantes. Parasite hématophage, il sécrète un « venin » anticoagulant ; sa durée de vie est de l’ordre de quatre années. La symptomatologie digestive est pauvre, mais les anémies sévères dominent le tableau. Le traitement des formes communes associe un antiparasitaire commun, le mébendazole et des sels ferreux. Les formes graves réalisent des anémies préoccupantes.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Anémie macrocytaire D’autres anémies sont dues à des carences multiples et tout particulièrement en acide folique. L’acide folique est assimilé aux vitamines et on le trouve à l’état naturel dans les fruits, les levures et les céréales. On rencontre fréquemment ces anémies chez la femme en fin de grossesse. Le traitement passe par l’administration systématique de 20 mg/j d’acide folique + fer, pendant la seconde partie de la grossesse.
■ Hémoglobinopathies Drépanocytose C’est une affection génotypique spécifique des populations noires en Afrique subsaharienne, Madagascar et Inde du sud. Elle est caractérisée par la présence d’une hémoglobine anormale qui a tendance à coaguler à l’intérieur des hématies. Le diagnostic de cette anémie généralement microcytaire est assuré par l’identification des drépanocytes, hématies falciformes ou en forme de feuilles de houx. La forme hétérozygote affecte 5 à 25 % des populations en Afrique équatoriale, c’est-à-dire plusieurs dizaines de millions de personnes. Généralement asymptomatique, l’anémie est associée à des épisodes douloureux au niveau de l’abdomen qui doivent faire demander, outre l’hémogramme standard, la recherche de drépanocytes. Lorsque la drépanocytose est associée à une autre cause d’anémie, comme l’ankylostomiase, les manifestations liées à l’hypoxémie imposent la prudence devant toute cause supplémentaire d’hypoxie comme l’anesthésie générale ou le voyage aérien. Du fait de la fréquence de la maladie, les formes homozygotes ne sont pas exceptionnelles et constituent un diagnostic à ne pas manquer (fig. 18). Elles donnent lieu à des hémolyses, des infarctus capillaires au niveau des os qui sont fréquemment déformés. Elle est pratiquement inconciliable avec une survie prolongée. Nous décrivons donc la forme de l’enfant qui apparaît vers le 6e mois. Le syndrome hématologique consiste en une anémie hémolytique, avec splénomégalie et ictère. Les douleurs ostéoarticulaires répondent à des thromboses capillaires, évoluent vers des ostéonécroses et des ostéomyélites fébriles. Les troubles osseux entraînent des malformations diverses : grosse tête et visage asiatoïde avec saillie du front et bosses pariétales. Les déformations des membres prédominent aux pieds et aux mains qui sont tuméfiées douloureuses, déformées. On observe des tassements vertébraux en vertèbres de poissons.
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LA CONSULTATION
Fig. 18 – La drépanocytose homozygote. La maladie est rare, mais elle ne devrait pas être méconnue devant le polymorphisme des symptômes.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Les micro-embolies sont également responsables de thromboses cérébrales, rétiniennes, hépatiques ou rénales. Les complications infectieuses donnent dès l’âge de 4 ans des ostéomyélites. Peu d’enfants atteignent l’âge de la puberté. Le traitement est symptomatique et décevant : transfusions, anticoagulants, anti-inflammatoires. Le risque génétique est encore insuffisamment codifié pour donner lieu à un conseil lors de la visite prénuptiale. Thalassémie Son aire de répartition couvre le bassin méditerranéen et la zone tropicale, depuis la Mauritanie jusqu’à l’Extrême-Orient. Elle n’est pas spécifique de la race noire. L’anomalie responsable porte sur un polypeptide entrant dans la composition de l’hémoglobine, qui génère de gros troubles de la synthèse de l’hémoglobine et une anémie hypochrome microcytaire. Comme dans la drépanocytose, le diagnostic de certitude repose sur une analyse de l’hémoglobine qui est du ressort d’un laboratoire spécialisé. Il est évoqué sur les notions génétiques et devant des anomalies spécifiques de l’hémogramme qui montre une anémie microcytaire, hypochrome, avec anisocytose. L’important est d’y penser devant une anémie et de savoir y rattacher des troubles cliniques a priori incompréhensibles. Les formes minimes sont asymptomatiques tandis que les formes létales sont marquées chez le nourrisson par un ictère et une anémie avec hépatosplénomégalie. Les formes intermédiaires comme dans la drépanocytose sont marquées par des troubles de la croissance avec une dysmorphie caractérisée de type mongoloïde. Le diagnostic est facilité, si l’on a pensé à pratiquer chez la mère de l’enfant, un sérodiagnostic témoignant d’une thalassémie hétérozygote.
Le groupe des hémopathies spécifiques est dominé par le problème des anémies. Les anémies de carence sont sans particularité si ce n’est leur fréquence chez les femmes enceintes ou parmi les populations exposées aux troubles nutritionnels. Les carences les plus fréquentes sont corrigées par l’administration de fer et d’acide folique. L’ankylostome, parasite du tube digestif (duodénum) est responsable d’hémorragies occultes très fréquentes. Les ▼▼▼
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LA CONSULTATION hémoglobinopathies (drépanocytose ou thalassémie) représentent en Afrique une autre cause fréquente d’hypoxémie. Les formes hétérozygotes très fréquentes donnent peu de manifestations cliniques, en revanche, on doit penser à évoquer le diagnostic d’une hémoglobinopathie homozygote chez un enfant qui présente l’association anémie microcytaire, hépatosplénomégalie, dysmorphisme et retard psychomoteur. Les ressources thérapeutiques sont restreintes et décevantes.
Problèmes urinaires Mictions douloureuses, cystites, problèmes prostatiques, coliques néphrétiques, la nature des problèmes urinaires est sans particularité. Leur fréquence est liée à certaines pathologies exotiques.
■ Bilharziose à Schistosoma hematobium Devant une hématurie en milieu tropical, on pense presque toujours à une bilharziose à Schistosomia haematobium dont l’hôte intermédiaire est un mollusque d’eau douce, le Cestode, qui vit accroché sur la tige de certaines plantes aquatiques (fig. 19).
Fig. 19 – Épidémiologie de la bilharziose. © Franck Sillonville. Avec l’aimable autorisation des Éditions Karthala.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Diagnostic L’épidémiologie est sensiblement identique à celle de Schistosoma mansoni qui est responsable d’une pathologie digestive (décrite page 77), mais de répartition géographique différente. Ainsi à Madagascar, la côte occidentale riche en rizières est infestée par Schistosoma haematobium qui affecte le système urinaire tandis que les canaux de la côte orientale sont infestés par Schistosoma mansoni responsable d’une symptomatologie digestive. Dès votre arrivée, les médecins régionaux vous indiqueront la prévalence de tel ou tel parasite dans leur district. C’est une maladie des pataugeurs et des ouvriers des rizières. L’infestation se fait par voie transcutanée marquée quelques minutes plus tard par un prurit banal. Les troubles urinaires se manifestent plusieurs mois plus tard : hématurie associée à des douleurs vésicales et une pollakiurie. Le diagnostic peut être étayé par l’existence d’une éosinophilie et la recherche du parasite dans les urines. La cystoscopie serait un examen intéressant, mais elle relève d’une structure hospitalière. Elle confirme le diagnostic en précisant la nature des lésions implantées sur la muqueuse vésicale et sur les uretères, accessoirement et tardivement sur l’urètre. Il s’agit de vésicules en grain de sable, hémorragiques. Elles s’assemblent pour former des pseudotumeurs d’aspect framboisé, responsables des complications. Évolution Si la bilharziose est précocement traitée, l’évolution se fait vers la guérison. Sinon, les complications sont de trois ordres : une anémie modérée par spoliation sanguine, des sténoses urétérales pouvant entraîner une dilatation pyélocalicielle et même donner une image d’hydronéphrose. Les lésions urogénitales sont fréquentes et graves, responsables de stérilité dans les deux sexes. L’examen au spéculum d’une femme atteinte de bilharziose montre des lésions inflammatoires du col qui répondent souvent à des lésions plus graves au niveau de l’endomètre et des annexes. Traitement Le traitement repose sur l’administration de praziquantel, 500 mg 3 comprimés par jour pendant 7 jours chez un adulte de 60 kg. La prévention de cette maladie est délicate. On a proposé la chimioprophylaxie appliquée aux populations exposées, mais on s’oriente plutôt vers le traitement précoce des sujets malades de façon à limiter les risques de conta-
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LA CONSULTATION mination de l’eau. L’assèchement périodique des marigots et des rizières se révèle difficile à réaliser car les marigots sont par ailleurs créateurs de richesse. On a proposé le fauchage des herbes aquatiques et on a expérimenté l’introduction de poissons prédateurs des cestodes. L’éducation sanitaire reste sans doute l’arme la plus efficace, comportant l’utilisation des latrines et la précaution de ne pas souiller l’eau avec de l’urine ou des matières fécales.
■ Coliques néphrétiques Elles sont fréquentes, liées en milieu saharien à une déshydratation chronique. En zone d’infestation bilharzienne, elles répondent au développement de pseudotumeurs framboisées au niveau des uretères.
■ Complications urologiques de la filariose de Bancroft Cette filariose déjà étudiée au chapitre des affections lymphatiques (page 109) est responsable de complications urinaires qui découlent indirectement du blocage des systèmes de drainage lymphatique : au stade aigu, les localisations les plus typiques sont au niveau des organes génitaux : lymphangite du scrotum, orchiépididymite, funiculite, hydrocèle chyleuse. Le diagnostic fortement évoqué dans une zone d’endémie est conforté par l’association à un syndrome fébrile et à une lymphangite des membres inférieurs avec œdèmes inflammatoires et adénopathies. Les manifestations chroniques réalisent des infiltrations lymphatiques plus ou moins intenses et invalidantes. Au niveau des organes génitaux, on retrouve : épanchement chyleux de la vaginale, dans lequel on peut souvent retrouver des microfilaires, orchiépididymite génératrice de stérilité, éléphantiasis du scrotum qui consiste en une pachydermie, infiltration du derme et de l’hypoderme. La chylolymphurie, caractérisée par des urines laiteuses riches en microfilaires, correspond à une fistule profonde entre la citerne de Pecquet et le bassinet. Le diagnostic est évoqué puis confirmé par la présence de microfilaires dans les urines. L’évolution est capricieuse avec des phases de rémission et de rétention grevées possiblement de complications septiques.
■ Infections sexuellement transmissibles Elles représentent un véritable fléau dont la gravité et l’amplitude sont en rapport direct avec la sous-médicalisation, l’absence de prévention et de médecine
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE de premier recours. Toutefois, elles ne présentent pas d’originalité particulière : blennorragies, chlamydioses, syphilis. Le sida et l’hépatite B font l’objet de l’Annexe II.
■ Autres causes de problèmes urinaires spécifiques Les accouchements en situation précaire par des matrones souvent mal qualifiées sont responsables de séquelles génito-urinaires dramatiques : fistules, incontinence, affaissement du périnée. La mauvaise pratique de la délivrance et les rétentions placentaires sont responsables de complications hémorragiques immédiates et de leurs séquelles sous forme d’infections génitales et de stérilité. Toutes ces complications avec leurs conséquences sociales condamnent les pauvres femmes qui en souffrent à une vie de paria. La maladie du ventre qui pue est décrite en Afrique (et ailleurs…) et désigne les femmes qui gardent dans leur ventre un fœtus mort ou un résidu d’avortement. Les mutilations sexuelles sont décrites dans le chapitre consacré aux femmes (page 35). Elles sont responsables de nombreuses complications urologiques : fistules, incontinences et infections urinaires. On a décrit dans certaines tribus des mutilations sexuelles masculines : castrations, infibulations.
Les hématuries sont les manifestations les plus fréquentes de la bilharziose à Shistosoma haematobium, un parasite qui sévit dans les marigots d’eau stagnante et dans les rizières. Les coliques néphrétiques sont fréquentes dans les populations des régions désertiques et sahéliennes. Ce chapitre traite également des séquelles urinaires de la filariose de Bancroft et des infections sexuellement transmissibles, tandis que les problèmes spécifiques du sida sont traités en annexe. Les séquelles urinaires de l’accouchement, de la délivrance et des mutilations sexuelles sont responsables d’une pathologie invalidante.
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LA CONSULTATION
Problèmes cardiovasculaires Stéthoscope et tensiomètre constituent le minimum indispensable, mais pourquoi ne pas se munir d’un électrocardiographe et de ses piles rechargeables ? Quoi qu’il en soit, la pratique raisonnée de l’examen clinique doit nous réapprendre à identifier un souffle valvulaire, un frottement péricardique, un galop, un dédoublement du deuxième bruit, à repérer un épanchement, à ausculter les carotides et à apprécier au pouls, l’épuisement d’un cœur malade.
■ Endocardites Dans tous les pays où j’ai promené mon stéthoscope, j’ai été frappé par le grand nombre d’endocardites graves chez l’adulte, corrélé par la fréquence du RAA chez l’enfant. Cette affection reste la conséquence d’angines streptococciques méconnues et non traitées. Si elles sont moins fréquentes qu’en Europe, les angines existent partout, notamment dans les pays de mousson ou dans les zones tropicales en fin d’hivernage. Elles sont souvent négligées dans la mesure où leur guérison spontanée est la règle. Confiées au guérisseur, elles ne sont vues ni par le médecin, ni par l’infirmier-chef de poste, ni par personne susceptible de prescrire de la pénicilline et rien ne vient limiter la fréquence des complications rénales et cardiaques. Les possibilités chirurgicales sont limitées devant une endocardite constituée, mais le praticien doit toujours conserver le réflexe des soins dentaires préventifs et de la couverture antibiotique systématique.
■ Particularités de l’électrocardiogramme Décrites par Gentilini, on les constate chez la plupart des Africains : aspect diphasique ou inversion de l’onde T dans les précordiales droites, associés à un sus-décalage du segment ST, élargissement habituel du complexe QRS. Elles n’ont aucune signification pathologique et ne doivent pas induire à tort les diagnostics de troubles de la repolarisation ou de surcharge ventriculaire.
■ Maladie de Chagas C’est une trypanosomiase. L’agent vecteur est le réduve, gros arthropode qui ressemble à une punaise et se cache le jour dans les fentes des murs et dans les toits de chaume. La maladie sévit exclusivement en Amérique tropicale, depuis
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE le Mexique jusqu’au nord de l’Argentine. Elle est la principale cause répertoriée d’insuffisance cardiaque au Brésil et au Venezuela, elle est considérée comme une priorité médicale en Guyane. La phase initiale de la maladie survient après une incubation silencieuse de dix à vingt jours. Elle comprend : – une fièvre élevée ; – le développement d’une réaction majeure au niveau du point d’inoculation : œdème des paupières, dacryocystite et adénopathies en cas d’inoculation au niveau de l’œil, chancre cutané nécrotique et inflammatoire en cas d’inoculation cutanée, syndrome oculo-palpébral ou chancre au niveau du point d’inoculation cutanée ; – des adénopathies satellites. Le parasite a un tropisme essentiellement musculaire et la phase d’état correspond à une myocardite aiguë fébrile allant de manifestations purement électriques jusqu’à l’insuffisance cardiaque aiguë avec anasarque. Les signes associés sont inconstamment une méningo-encéphalite, des adénopathies, un rash cutané et une hépatosplénomégalie. La mortalité est de 10 %. L’évolution vers la cardiopathie chagasique survient après un délai de plusieurs années : douleurs angineuses, troubles du rythme, insuffisance cardiaque et accidents emboliques. Le diagnostic clinique établit la présomption qui peut être confirmée en laboratoire par la technique de la goutte épaisse pendant la phase aiguë par une réaction immunologique pendant la phase tardive des complications. Le traitement est aléatoire. On a essayé, avec des succès inconstants, en phase aiguë le mébenprazole, la primaquine, l’amphotéricine et les nitrofuranes. La phase chronique est actuellement incurable. Elle fait l’objet de recherches coordonnées par l’OMS. La prévention réside dans la lutte contre l’arthropode vecteur : elle est décevante car les réservoirs de virus sont nombreux. L’hygiène et l’amélioration de l’habitat restent la meilleure prophylaxie, les toits de chaume, le sol en terre battue et le confinement avec les animaux restant les principaux responsables de la contamination.
■ Hypertension artérielle Elle a longtemps été considérée – à tort – comme un problème de santé publique propre aux pays « développés ». C’est une erreur qui semble liée essentiellement à la rareté des tensiomètres là où la piste s’arrête (!). Former un
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LA CONSULTATION auxiliaire de santé à prendre la tension et lui faire cadeau de son tensiomètre en partant est généralement un geste apprécié et utile. Le traitement de cette maladie chronique pose un problème économique. Il s’agit d’une affection de longue durée et la plupart des molécules sont coûteuses dans des pays sans protection sociale. On utilisera si possible un médicament choisi dans la liste des génériques de l’OMS qui propose une gamme réduite, mais généralement suffisante. En dehors d’une indication particulière, on évitera la prescription de diurétiques dont les effets sont synergiques avec ceux d’une transpiration intense due à la chaleur.
■ Diabète Considérée pendant longtemps et sans aucune raison comme un problème spécifique des pays à niveau de vie élevé, cette maladie est cosmopolite. Les diabètes de type I, insulinodépendants, sont une maladie métabolique, aussi fréquente ici qu’ailleurs. Les diabètes de type II voient leur fréquence augmenter avec la modification des habitudes alimentaires et l’introduction de boissons sucrées consommées sans discernement. Mal dépistées et insuffisamment traitées, ces deux maladies sont responsables de complications cardiovasculaires, cutanées ou ophtalmologiques. Là encore, le coût des médicaments et des éléments de surveillance obère la prise en charge thérapeutique et il faut s’attacher aux informations diététiques et à la prévention. Pour tous les malades qui relèvent d’une prise en charge médicamenteuse, la surveillance biologique et la prescription des médicaments doivent répondre aux généralités qui ont été exposées à propos de l’hypertension.
■ Obésité Elle se rencontre surtout chez les femmes dans les milieux aisés.
Les affections cardiovasculaires, le diabète et l’hypertension sont ni plus ni moins fréquentes dans les pays pauvres qu’en Occident. Leur traitement au long cours pose un certain nombre de problèmes particuliers, notamment son coût. Toutefois, un certain nombre de molécules efficaces sont disponibles auprès ▼▼▼
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE des pharmacies centrales dans le cadre des génériques de l’OMS. Un aspect insolite de la pathologie cardiovasculaire est la fréquence des endocardites qui viennent compliquer des angines à streptocoques non traitées. La maladie de Chagas est une infection à trypanosome transmise par un arthropode ; elle est la principale cause d’insuffisance cardiaque en Amérique tropicale.
Manifestations psychiatriques et neurologiques ■ Maladies mentales L’abord clinique des maladies mentales par le médecin occidental est sans doute le chapitre le plus déroutant en médecine humanitaire. Les troubles psychologiques sont extrêmement fréquents dans des populations traumatisées par une catastrophe ou fragilisées par des conditions de vie difficiles. Leur abord est difficile face à un patient qui s’exprime dans une langue que généralement on ne maîtrise pas. La genèse de certains troubles est liée à des contextes culturels et sociaux profondément différents d’une société à l’autre (Bouddhisme, chamanisme, vaudou…) et leur appréhension ne nous est pas toujours directement accessible. Comme devant toute maladie chronique, nous sommes mal armés avec nos médicamenteux coûteux, en l’absence de structure psychiatrique face à un abord clinique ancestral largement dédié aux chamans, aux prêtres et aux guérisseurs. Nous sommes d’autant plus enclins à la modestie que ces moyens apparemment irrationnels, exorcisme, sacrifices, prières, enchaînement des malades agités, sont souvent assez efficaces. Les états névrotiques sont légions. Dans un camp de réfugiés ou en situation de guerre, les patients sont souvent traumatisés par la rupture, l’éclatement familial, les deuils. Les problèmes les plus fréquemment rencontrés sont les troubles du sommeil, l’anxiété, les manifestations anxiodépressives.
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LA CONSULTATION Dans un bidonville ou en situation de misère urbaine s’ajoutent à ces pathologies les conséquences psychologiques du dénuement, de la drogue, de l’esclavage ou de la prostitution. On est également confronté aux problèmes majeurs des enfants des rues, souvent prostitués, abandonnés à eux-mêmes et privés de repères. À l’inverse, dans le village de brousse que nous avons pris comme modèle de référence, l’équilibre est la règle et les troubles sont banalisés. Toutes les pathologies qui nous sont familières se retrouvent sans doute avec une fréquence analogue à celle qui nous est coutumière, mais la prise en charge de l’individu par le groupe et la grande cohésion de la famille réduisent heureusement la fréquence et l’impact social des maladies mentales. Rien n’empêche de soigner une crise d’angoisse avec quelques comprimés d’anxiolytique ou une insomnie avec un hypnotique, mais devant une détresse mentale qui plonge ses racines dans un contexte que nous ne maîtrisons pas, il faut, la plupart du temps, avoir la modestie d’établir une relation de confiance avec une médecine traditionnelle qui a beaucoup à nous apprendre. La drogue enfin fait des ravages considérables.
■ Affections neurologiques Poliomyélite La poliomyélite est encore largement présente en dépit de larges campagnes nationales en faveur de la vaccination. Cette maladie est décrite page 51. Il n’existe pas de traitement pendant la phase aiguë, hormis l’assistance respiratoire et la kinésithérapie qui permet d’attendre la possible régression spontanée des troubles neurologiques. Les nombreux handicapés qu’on voit mendier dans toutes les grandes villes du monde sont souvent les malheureux rescapés de cette terrible maladie pour laquelle la prévention vaccinale est le seul et très efficace remède. Méningites Les méningites à pneumocoque et méningocoque restent fréquentes en brousse. Gentilini décrit un cycle épidémique pluriannuel affectant, dans la zone sahélienne, une ceinture de pays allant de l’Éthiopie jusqu’au Sénégal. Les épidémies surviennent au mois de mai pour s’éteindre à la saison des pluies. Leur fréquence et la persistance de la chaîne épidémique restent liées, dans un milieu faiblement médicalisé, à l’absence de traitement antibiotique préventif. Il existe un vaccin efficace contre certaines souches de méningocoque. La stra-
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE tégie vaccinale se limite à la vaccination des pèlerins vers La Mecque et à des campagnes de vaccination ciblées en milieu épidémique. La triade fièvrevomissements-raideur de la nuque reste le meilleur repère clinique pour un diagnostic précoce qui appelle un traitement efficace : vhloramphénicol huileux en injection intramusculaire (voir page 51). Épilepsie En milieu traditionnel, son caractère de maladie est souvent méconnu. Considérée comme une possession par les esprits, elle donne lieu à des rituels d’exorcisme qui donnent l’illusion de l’efficacité devant une crise aiguë, mais qui sont sans aucun effet sur les récidives. Le diagnostic clinique est bien codifié et nécessite un examen attentif de la crise et de son déroulement en trois phases. Aura, convulsion avec ou sans perte de connaissance et phase stertoreuse postcritique. Il faut rechercher des signes connexes que sont l’amnésie, la perte des urines ou la morsure de la langue. Le recours à des examens complémentaires se fera en fonction du contexte. Le traitement par les antiépileptiques modernes est généralement trop coûteux. En revanche, les barbituriques (Gardénal®, Alepsal®, Ortenal®) gardent toutes leurs indications. Accès pernicieux du paludisme Également appelée neuropaludisme, cette forme grave atteint des sujets dépourvus d’immunité : les enfants entre 4 mois et 4 ans ou les voyageurs. Plus fréquent en fin d’hivernage lorsque les Plasmodium sont particulièrement actifs, il correspond à une multiplication massive des parasites dans le système circulatoire cérébral. Cet accès réalise une encéphalopathie hyperfébrile avec coma, des convulsions, une raideur méningée, associées aux signes classiques du paludisme aigu décrits par ailleurs (voir le chapitre dédié aux affections fébriles page 54). Cette forme grave du paludisme est responsable de la plupart des cas mortels, les complications rénales et ictériques aggravent le pronostic. Le diagnostic d’un paludisme grave impose un traitement immédiat par perfusion de sels de quinine (Paluject® ou Quinimax®), réhydratation, antithermiques et anticonvulsivants. Maladie du sommeil Elle est exclusivement africaine. Les trypanosomes se multiplient dans le sang du sujet contaminé qui devient infectant. L’agent de transmission est la glossine ou mouche tsé-tsé, grosse mouche noire de taille centimétrique, dont les deux
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LA CONSULTATION sexes sont hématophages. La maladie est exclusivement interhumaine. L’aire géographique de la maladie s’étend en Afrique de part et d’autre de l’Équateur, dans des régions sylvestres et humides. On distingue deux formes cliniques correspondant à deux parasites voisins. La forme gambienne en Afrique de l’ouest et la forme rhodésienne qui s’étend du sud de l’Éthiopie au Mozambique. Toute altération neurologique insolite survenant en zone d’endémie doit faire supposer la maladie du sommeil. Cinq à vingt jours après la piqûre infectante, le malade présente des adénopathies cervicales, une petite fièvre, des œdèmes et accessoirement une splénomégalie. Cette phase précède l’apparition des signes neurologiques et sa durée est variable. L’existence d’adénopathies cervicales évite au clinicien de s’égarer vers un paludisme dont le traitement serait d’ailleurs inefficace. La petite histoire rapporte qu’au temps de l’esclavage, les négriers refusaient d’acheter des esclaves portant des ganglions, sachant qu’ils ne survivraient pas. Les altérations neurologiques apparaissent dans un deuxième temps : le signe de la clé correspond à une hyperesthésie profonde ; le patient a du mal à tourner une clé dans la serrure tant les contractions musculaires sont douloureuses. On décrit également des zones d’hyperesthésie cutanée. Les troubles moteurs sont rares et inconstants. En revanche, les troubles de l’humeur sont évocateurs. Tel malade hyperconvivial devient apathique et tel autre triste devient hilare. Les troubles du sommeil consistent en une somnolence diurne confinant à l’apathie, qui contraste avec une insomnie nocturne. L’évolution spontanée se fait vers l’hébétude puis vers la cachexie sommeilleuse. Les lésions anatomopathologiques touchent les neurones sous la forme d’une encéphalopathie démyélinisante évolutive. Le diagnostic de certitude repose sur l’identification aisée du parasite dans le sang, le broyat ganglionnaire ou le liquide céphalorachidien (LCR). Ce diagnostic est capital avant d’initier un traitement relativement iatrogène par les dérivés arsenicaux La lutte contre la maladie du sommeil repose sur le traitement systématique des sujets infectés et sur la lutte contre les glossines. L’épandage d’insecticide s’est révélé plus dangereux qu’efficace. On s’oriente actuellement vers les pièges à glossine enduits d’insecticide. La prévention individuelle des personnes résidant dans une zone infectée est difficile à pratiquer, la mouche tsétsé piquant sans difficulté des vêtements légers.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE La suramine et la pentamidine sont efficaces contre les stades sanguins des deux formes de Trypanosoma brucei, mais ne traitent pas les atteintes du système nerveux central. Le traitement de référence à ce stade reste un dérivé de l’arsenic, le Melarsoprol® administré en injections intraveineuses pendant 3 jours, à la dose de 3,6 mg/kg et par jour. Ces médicaments sont efficaces, mais mal supportés et relativement toxiques. Le traitement de la maladie du sommeil illustre les contradictions inhérentes à l’industrie du médicament qui hésite à investir dans la recherche pour une maladie qui ne sévit que dans des zones réputées non rentables. Maladie de Chagas Également due à un trypanosome, la maladie de Chagas (décrite page 119 dans le chapitre consacré aux affections cardiovasculaires), sévit exclusivement en Amérique intertropicale. Sa symptomatologie et sa gravité sont le fait d’une myocardite. La méningoencéphalite de type sommeilleux reste anecdotique. Manifestations neurologiques de la lèpre Il s’agit d’une névropathie de type périphérique avec troubles dissociés de la sensibilité douloureuse et thermique. Ces troubles atteignent de façon asymétrique les territoires du cubital, du sciatique poplité externe, du médian ou moins souvent du radial. Ils précèdent parfois l’apparition des lésions cutanées. Plus tard, la névrite évolue vers la constitution de troubles moteurs et trophiques qui conditionnent les séquelles : – la main en griffe signe une atteinte du cubital ; – la main tombante en col-de-cygne signe une atteinte du radial ; – la perte de l’opposition du pouce signe une atteinte du médian. Le visage léonin du lépreux correspondrait à une paralysie du facial ou encore le steppage signe l’atteinte du sciatique poplité externe. L’examen recherche une hypertrophie des troncs nerveux qui deviennent palpables sous la forme de cordons indurés et douloureux, parfois moniliformes.
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LA CONSULTATION Les affections mentales sont d’un abord difficile pour le médecin occidental peu au fait des réalités culturelles de populations qui obéissent à des traditions qui nous sont étrangères (bouddhisme, chamanisme, vaudou, etc.), mais elles sont fréquentes dans les situations de choc comme la guerre civile ou la déportation. Parmi les affections neurologiques spécifiques, nous avons retenu la crise d’épilepsie, le neuropaludisme et les manifestations neurologiques de la lèpre, mais surtout la méningoencéphalite de la maladie du sommeil due à un trypanosome transmis par la piqûre de la glossine, mouche tsé-tsé.
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ANNEXES
ANNEXE I
Accouchement ■ Accouchement normal L’accouchement en situation précaire est une réalité quotidienne pour des millions de femmes, dans la brousse africaine, dans les îles d’Océanie comme sur les hauts plateaux tibétains. C’est une aventure périlleuse, marquée par une morbidité périnatale sans commune mesure avec ce que nous imaginons en Occident. Au Sénégal qui n’est pas, loin de là, le pays le plus mal loti, la mortalité maternelle périnatale est de 510 pour 10 000 accouchements, liée en grande partie à la formation insuffisante des matrones rurales et à leur isolement. Quelle que soit sa spécialité, tout médecin risque au moins une fois dans sa vie de se trouver face à un accouchement inopiné. Il se trouve aujourd’hui et il l’a bien cherché, dans une situation extrême : éclairé par une simple bougie, dans une case de santé à l’autre bout du monde au milieu des moustiques, une matrone pleine de confiance vient de le réveiller pour qu’il supervise un accouchement en train de se faire. Pourquoi pas ? La mortalité périnatale est énorme en brousse, liée en grande partie, nous l’avons dit, à la formation insuffisante des matrones. Ces quelques pages rappellent le déroulement d’un accouchement normal, soulignent les causes principales de morbidité de l’accouchement en situation précaire et insiste sur les moyens d’y porter remède.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Analysons d’abord les raisons de la dangerosité de l’accouchement en brousse. L’isolement a empêché nombre de femmes de se prêter, au long de leur grossesse, à une surveillance régulière. La distance est également un facteur de risque : il m’est arrivé de voir arriver au poste de santé, accompagnée de sa belle-mère, une femme qui venait accoucher après avoir parcouru 8 km à pied. Dans le meilleur des cas, les consultations prénatales ont permis de repérer les grossesses à risque et de prévoir la plupart des accouchements dystociques qui doivent impérativement se faire en maternité : les femmes trop jeunes, les femmes de petite taille, les boiteuses, les grandes multipares qui risquent une atonie utérine, une rupture utérine ou une présentation dystocique (transverse ou de l’épaule). Les femmes hypertendues et celles qui présentent des œdèmes en fin de grossesse risquent une éclampsie ou un hématome rétroplacentaire. Même en admettant que tout ce travail de prévention ait pu se faire, un certain nombre d’incidents ne se manifesteront qu’en cours de travail et justifient une surveillance attentive.
■ Surveillance du travail Le début du travail est marqué par la survenue de contractions utérines qui durent plus de trente secondes et se suivent à intervalles réguliers. Dans certains cas, les contractions sont précédées de la rupture spontanée de la poche des eaux : le liquide qui s’écoule doit être clair ; un liquide verdâtre implique une souffrance fœtale. La période de travail va conduire le fœtus de sa position intra-abdominale à l’air libre. La présentation céphalique est la plus fréquente : le mobile fœtal va d’abord se fixer au détroit osseux supérieur. Puis il va progresser jusqu’au détroit inférieur. Un adage africain indique que le soleil ne doit pas se lever deux fois sur un même travail.
■ Examen de l’abdomen On apprécie d’abord le terme sur une HU de 33 cm (± 3) mesurés de la symphyse pubienne au fond utérin. L’imprécision du chiffre tient, d’une part, à l’épaisseur de la paroi musculo-graisseuse, d’autre part, à la position de l’utérus souvent antéversé. Une hauteur inférieure implique une hypotrophie fœtale ou une prématurité à confirmer par le décompte de l’âge présumé de la grossesse. La palpation utérine apprécie les contractions : fréquence, durée, intensité. Elle confirme la présentation céphalique par l’identification du pôle céphalique fixé ou non fixé au-dessus de la symphyse pubienne et du pôle
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ANNEXE I caudal plus petit et mobile au niveau du fond utérin. La position du dos est assez facile à préciser.
■ Bruits du cœur L’auscultation des bruits du cœur fœtal se fait entre les contractions, tous les quarts d’heure, avec le stéthoscope de Pinard. Entre 120 et 140, elles sont régulières. Une accélération, un ralentissement ou une irrégularité sont des signes de souffrance fœtale.
■ Toucher vaginal C’est en soi un facteur d’infection, il doit être pratiqué le plus rarement possible, voire jamais si les contractions sont régulières et si l’auscultation ne montre pas de signes de souffrance fœtale. Il nécessite une certaine compétence et si on doit le pratiquer, on s’entourera des règles impératives d’asepsie : désinfection du vagin, lavage des mains au savon, port de doigtiers jetables. Cet examen permet d’apprécier la progression du mobile fœtal, la longueur du col puis son effacement complet.
■ Rupture de la poche des eaux Nous avons signalé la possibilité d’une rupture initiale de la poche des eaux. Ce n’est pas le cas le plus fréquent. Généralement, la poche des eaux s’ouvre spontanément en cours de travail. La rupture de la poche des eaux a pour effet d’accélérer l’effacement du col et la progression du fœtus. Une rupture prématurée avant le début du travail risque d’entraîner une infection et justifie le transfert, surtout si le liquide est coloré et si le travail tarde à se déclencher. Exceptionnellement, si elle ne se rompt pas, elle pointe à la vulve et il faut pratiquer une rupture artificielle au doigt ou à l’aide d’une branche de pince de Kocher. Lorsque le col est dilaté et effacé, la première phase du travail est terminée et la femme éprouve le besoin irrépressible de pousser.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE La progression du travail se juge à la qualité, à la durée et à la fréquence des contractions. La palpation de l’abdomen est indispensable pour apprécier le terme et déterminer si possible la présentation. Le toucher vaginal n’est pas indispensable et doit être proscrit si les conditions d’asepsie sont médiocres. La durée du travail est extrêmement variable. Il est parfois très rapide, mais il peut au contraire durer jusqu’à 24 heures chez la primipare. Au-delà, il faut suspecter une dystocie et transférer la patiente sans attendre. Les signes de souffrance fœtale qui doivent conduire à transférer la patiente vers une maternité sont une modification des bruits du cœur : accélération, ralentissement ou irrégularité, confirmés à deux auscultations successives, et un liquide amniotique verdâtre.
Déroulement de l’accouchement : présentation céphalique La femme commence à pousser activement quand la tête se trouve à la vulve. La période d’expulsion ne doit pas durer plus de trente minutes. Il convient de surveiller les signes de souffrance fœtale. On s’est assuré avant le début de la période d’expulsion que la femme a vidé sa vessie. On s’est lavé les mains, on dispose de gants jetables et tout est prêt pour accueillir le bébé. Le col est complètement dilaté, le toucher vaginal identifie les fontanelles et vérifie que la tête est bien en position occipitale. Désormais, la tête poursuit sa progression dans le défilé pelven, chaque contraction assure une petite progression au prix d’efforts maternels qui semblent démesurés et qu’apprécie la matrone (fig. 20). Lorsque la tête commence à appuyer sur la vulve, vient le moment ou la femme va devoir retenir son envie de pousser tandis que la matrone (ou vousmême) s’emploie à contrôler la distension du périnée et à contenir la progres-
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ANNEXE I L’accouchement
Col long fermé
Rotation de la tête 45°
Déflexion de la tête
Dégagement de la tête
Dégagement des épaules
Fig. 20 – De haut en bas et de gauche à droite : 1) progression de la tête dans le détroit osseux ; 2) effacement et dilatation du col ; 3) rotation de la tête ; 4) la tête est défléchie, à la vulve, là commence la période d’expulsion au cours de laquelle il est capital de protéger le périnée ; 5 et 6) l’enfant appartient aux mains de la matrone.
sion de la tête. Quelques manœuvres simples peuvent faciliter cette dernière phase de l’accouchement, toutes destinées à protéger l’intégrité du périnée : – à l’aide de deux doigts, on appuie sur l’occiput pour faciliter son redressement ; – par des manœuvres douces d’asynclitisme, on facilite l’assouplissement du périnée et on évite sa rupture ;
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE – avec la main gauche surtout, pendant les contractions, tandis que la femme pousse, on contrôle la progression de la tête. Incident possible : en dépit des manœuvres précédentes, le périnée distendu menace de se déchirer. La déchirure non contrôlée se fera dans la direction du sphincter anal. Il convient alors de pratiquer une épisiotomie avec une paire de ciseau stériles à bouts ronds. On pratique une entaille nette de 2 à 4 cm dans une direction oblique. Il suffira de la suturer plan par plan après la délivrance ; – lorsqu’on perçoit le relief des arcades sourcilières, le plus grand diamètre est en place et tout suivra sans problème. On demande à la femme de pousser une dernière fois ; – lorsque la tête est sortie, il faut la tourner doucement pour la mettre dans l’axe de la colonne vertébrale abaisser l’épaule antérieure puis relever le bébé et faire sortir le corps en le tenant horizontalement. Incident possible : la circulaire du cordon qui s’est enroulé autour du cou et risque de l’étrangler. Il suffit de faire passer le cordon avec douceur par-dessus la tête. S’il est trop serré il convient de le couper entre deux pinces avec des ciseaux passés à l’alcool ; – moucher l’enfant et dégager les mucosités avec le doigt ; – le déposer sur le ventre de la maman ; – couper le cordon à 4 cm avec des ciseaux passés à l’alcool ou une lame neuve. L’utilisation d’un couteau non stérile est responsable de la transmission du tétanos.
Les erreurs les plus fréquemment rencontrées pendant la période d’expulsion concernent la protection du périnée et la non-réparation des déchirures. Laisser évoluer une déchirure sans soins expose à l’infection. La lésion du sphincter anal expose à des complications graves.
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ANNEXE I
Accouchement par le siège Théoriquement, il aurait dû être transféré, mais la décision tardive d’un transport périlleux peut s’avérer plus dangereuse qu’utile et on prendra parfois la décision de terminer l’accouchement sur place. Le diagnostic de présentation du siège se fait à la palpation abdominale par l’identification du pôle céphalique dans le fond utérin, les BDC sont retrouvés au-dessus de l’ombilic. La sortie du pôle fessier se fera sans problème, en revanche, les difficultés se présenteront au moment de la sortie de la tête si celle-ci est trop grosse. Une dystocie peut également tenir du relèvement des bras. Une règle absolue permet généralement de conduire l’accouchement à bon terme : ne rien faire et surtout éviter les touchers vaginaux intempestifs.
■ Première étape Pieds en avant ou fesses en avant, le corps du bébé sort facilement. Rien ne s’oppose à sa progression, Il convient, sans toucher à ses pieds, d’assurer la sortie en saisissant le corps du bébé au niveau du bassin et en le relevant pour maintenir la tête fléchie et lui permettre de poursuivre sa progression. La tête se présente par le menton tandis que la nuque du bébé reste appuyée contre la symphyse pubienne autour de laquelle elle effectue sa rotation.
■ Deuxième étape Pour faciliter la sortie de la tête, on pratique la manœuvre de Mauriceau : assurer une flexion maximum de la nuque en ramenant le corps du bébé vers le ventre de la maman (la matrone doit le tenir sur son avant-bras) cependant que celle-ci continue de pousser. La matrone aide la sortie de la tête avec deux doigts introduits dans la bouche de l’enfant.
■ Incidents Ils font toute la gravité de cette présentation. La tête est trop grosse et reste intra-utérine cependant que le corps est déjà sorti et effectue sa première inspiration. La seule intervention serait l’application des forceps, difficile à envisager au niveau de la case de santé.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Le relèvement des bras correspond à un réflexe archaïque déclenché par la sollicitation accidentelle de la plante des pieds au moment de la sortie du fœtus. Dès lors, l’accouchement ne peut plus se faire et le remède consiste en une extraction artificielle dite « petite extraction » envisageable seulement pour un praticien averti. La prévention d’un tel accident consiste, répétons-le, à ne rien faire jusqu’à la sortie du corps du bébé qu’on saisit au niveau du bassin.
Délivrance Dix à quinze minutes après la naissance, les contractions reprennent. On reconnaît que le placenta est décollé en exerçant une pression audessus de la symphyse pour faire remonter le corps utérin, le cordon ne remonte pas. La délivrance se fait spontanément, aidée s’il le faut par une pression douce exercée sur le fond utérin. Il ne faut pas tirer sur le cordon. Une fois le placenta expulsé, l’examiner attentivement, rapprocher les bords, vérifier qu’il est complet et que tous les cotylédons se recouvrent. La femme doit saigner peu après la délivrance, moins de 500 mL. La persistance d’une hémorragie correspond pratiquement toujours à une rétention placentaire et justifie une révision utérine. J’ai eu la surprise au Sénégal de constater que certaines matrones étaient formées à cette intervention capitale. Elle requiert une asepsie parfaite et justifie une antibiothérapie postintervention. Recouverte d’un gant stérile la main est introduite, pouce plié, à l’intérieur de l’utérus, son bord cubital effectue un tour complet en raclant la paroi utérine pour recueillir les débris placentaires et les caillots. Erreurs les plus fréquemment rencontrées à l’occasion de la délivrance : la matrone tire sur le cordon avec un risque de décollement partiel du placenta, de rupture du cordon et surtout de contracture utérine réflexe empêchant l’expulsion du placenta. Il faut au contraire leur apprendre à masser doucement le fond utérin (fig. 21).
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ANNEXE I
Fig. 21 – Délivrance. Elle se produit spontanément dans les quinze minutes qui suivent l’accouchement. Un massage doux de l’abdomen peut faciliter l’expulsion, en revanche, il est inutile et dangereux de tirer sur le cordon. L’examen du gâteau placentaire est capital pour dépister la rupture ou l’absence d’un cotylédon qui signerait une rétention placentaire justiciable d’une révision utérine.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE
Quand doit-on transférer une femme en urgence à la maternité ? La bonne pratique des consultations prénatales permet à la matrone d’identifier (voir le chapitre dédié à ce sujet) les grossesses à risque et de les orienter vers une maternité hospitalière, mais certaines situations ne se précisent qu’au dernier moment. Le problème ne se pose pas de la même façon chez une primipare ou chez une multipare. La primipare n’a jamais accouché et un travail trop long peut correspondre à une dystocie osseuse. La grande multipare dont les accouchements précédents se sont bien déroulés a déjà fait ses preuves, mais elle pose des problèmes liés à un utérus fragilisé et distendu : atonie utérine, rupture utérine, présentations transverses ou de l’épaule.
Depuis le début du travail jusqu’aux cinq ou six jours suivant l’accouchement, un certain nombre d’incidents doivent être considérés comme graves : – la tête ne s’engage pas ; – on constate des signes de souffrance fœtale ; – la femme saigne ; – la femme convulse ; – le bébé se présente par le siège (5 % des accouchements) ou par l’épaule (grande multipare) ; – l’accouchement est prématuré et la femme doit être transférée pour la prise en charge du bébé ; – l’accouchement est fébrile ; – on constate une toxémie gravidique : HTA, albuminurie, œdèmes, utérus dur, douloureux (hématome rétro-placentaire) céphalée (risque élevé d’éclampsie) ; – les lésions du périnée justifient une réparation chirurgicale ; – la délivrance est incomplète et la femme présente des signes de rétention placentaire.
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ANNEXE I
Soins au nouveau-né Le nouveau-né normal crie dès la naissance : on apprécie sa vigueur par l’observation des mouvements spontanés et la coloration de la peau. Il faut assurer la liberté des voies respiratoires en désobstruant l’arrière-bouche avec le doigt recouvert d’un gant stérile, sécher l’enfant et le recouvrir d’un pagne propre et sec, le déposer sur le ventre de sa mère. Assurer les soins de l’ombilic : couper le cordon ombilical à 6 cm avec une lame ou un ciseau stérile, puis lier l’ombilic avec un fil bouilli ou trempé dans l’alcool et en désinfecter l’extrémité. La non-observance de cette règle élémentaire d’asepsie est responsable de la transmission du tétanos obstétrical. Nettoyer les yeux du nouveau-né avec une compresse et instiller une goutte de collyre antibiotique. Il faut enfin mettre le bébé au sein le plus tôt possible. Le premier lait, riche en colostrum, semble bien préférable à la cuillère d’eau sucrée.
Suites de couches et allaitement maternel L’accouchement s’est en principe déroulé sous la tente, dans la case ou, au mieux à la case de santé. Il est exceptionnel que la maman et le bébé restent sous surveillance pendant plus de vingt-quatre heures. Un temps malgré tout suffisant pour faire le tour des principaux problèmes : – mettre le bébé au sein dès les premières heures. Apprendre à la maman à laver ses tétons, les tétées doivent être courtes pour éviter les crevasses ; – imposer le lever précoce, ce qui n’est pas un vrai problème ; contrôler le rétablissement des mictions normales.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE ■ Savoir reconnaître ce qui est fréquent et banal Ce qui relève du banal : – la persistance de contractions douloureuses pendant les premières heures après l’accouchement ; – une tension mammaire liée à l’engorgement ; – l’écoulement modéré de sang, de débris de muqueuse utérine et de sécrétions vaginales, ce sont les lochies ; leur odeur est fade, elles peuvent durer une dizaine de jours. Vérifier l’état du périnée. La fréquence des lésions périnéales chroniques est un véritable problème de santé publique, les femmes qui en sont affligées sont handicapées à vie dans leur contexte familial, conjugal et social. Toute déchirure doit être réparée. S’il s’agit d’une simple déchirure cutanée, une suture avec du fil résorbable est suffisante et justifie un contrôle au 8e jour. En revanche, les lésions périnéales qui touchent les trois plans cutanés, musculaire et vaginal doivent être réparées plan par plan. Les déchirures qui atteignent les sphincters sont particulièrement inquiétantes et doivent être transférées d’urgence en milieu chirurgical sous peine d’entraîner des lésions définitives et invalidantes.
■ Savoir identifier les incidents graves Certains événements ne sont pas normaux et doivent être recherchés systématiquement : – une fièvre persistante supérieure à 38 °C ; – la persistance d’un utérus globuleux et sensible ; – la persistance d’hémorragies. Chacun de ces signes fait craindre une complication, justifie de prolonger la surveillance, voire de transférer la patiente si les symptômes s’aggravent ou persistent plus de 24 heures. La principale complication est la rétention placentaire.
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ANNEXE I
Conclusion Ce tout petit exposé, conçu pour des médecins non-spécialistes, ne prétend pas faire d’eux des obstétriciens, mais s’efforce de leur donner une vision claire des mécanismes de l’accouchement et leur permettre d’affronter dans de bonnes conditions le déroulement d’un accouchement inopiné.
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ANNEXE II
Sida et hépatite B Ces deux maladies n’ont en commun que leur mode de contamination et leur omniprésence dans les pays où s’exercent la plupart de nos missions. Là s’arrête la similitude, mais nous avons choisi de les présenter ensemble car elles sont exemplaires des enjeux inlassables de la médecine humanitaire. Elles représentent un défi pour l’OMS, pour l’industrie pharmaceutique et pour les politiques nationales de santé. Derrière le paludisme et la tuberculose mais bien avant les famines et les accidents de la route, ces deux affections font mourir précocement chaque année des millions d’individus. Elles font partie des pandémies mondiales qui représentent pour tous les pays, sans aucune exception, un grave problème de santé publique. Le médecin qui s’implique dans une mission humanitaire sera rapidement confronté à ces dures réalités : l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et d’une façon générale, les pays à bas niveau de santé totalisent en effet 90 % de ces deux maladies dont la progression a été exponentielle pendant de nombreuses années.
■ Sida Épidémie de sida dans le monde L’identification du sida comme maladie autonome date des années 1980. En quelques années, avant même que le virus responsable n’ait été identifié, les projections épidémiologiques tablaient sur une extension planétaire et sur une
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE mortalité annuelle se chiffrant par millions d’individus. Les prospectives pour une fois ne se sont pas trompées et, vingt ans plus tard, la maladie est solidement implantée partout dans le monde avec une prévalence énorme pour les pays dans lesquels se rendent la plupart des missions humanitaires. Elle touche, en 2008, trente millions d’hommes et de femmes, jeunes pour la plupart. La survie moyenne est de dix ans. Le sida fait chaque année des millions d’orphelins et les enfants eux-mêmes paient un lourd tribut au sida néonatal. L’existence du syndrome immunodépressif aggrave le pronostic des maladies associées et, pour ne prendre que l’exemple le plus grave, la mortalité de la tuberculose et sa résistance aux antibiotiques sont considérablement aggravées chez les malades séropositifs. Ce qu’il faut retenir des statistiques L’année 2005 a représenté l’acmé de l’épidémie. Le rapport ONUSIDA fait état de trois millions de décès dont 300 000 enfants victimes de sida néonatal. Depuis trois ans, ces chiffres ont tendance à se stabiliser et le nombre des décès est tombé à deux millions dont 275 000 enfants. Il faut mettre en parallèle ces données avec les trente millions de séropositifs recensés et le nombre de nouveaux cas dépistés chaque année, qui ne varie pas et se situe autour de trois millions. L’emprise de la maladie reste considérable, la survie moyenne est de l’ordre de dix ans, la diminution des décès rend compte de l’efficacité des traitements, mais le nombre inchangé des nouveaux cas rend compte de l’inefficacité des mesures de prévention. La prise de conscience de la gravité de l’épidémie et l’accès aux moyens de diagnostic ont été très progressifs. Certains pays annoncent chaque année des résultats de plus en plus mauvais, mais cela correspond essentiellement au fait qu’ils ont amélioré leurs protocoles de dépistage. Au Sénégal par exemple, au début des années 1990, aucun cas de sida n’avait été dépisté, mais aucun n’avait été recherché. L’Asie du Sud-Est et la Chine se sont voilées la face pendant des années, tandis que l’Ouganda, qui s’était intéressé parmi les premiers au dépistage, a vu diminuer le pourcentage des séropositifs dès lors que le dépistage dédié au début aux seuls sujets « à risque », s’est progressivement étendu à une population plus diversifiée. Au-delà de l’imprécision des données statistiques qui tiennent aux conditions du dépistage, différentes d’un pays à l’autre, il faut mesurer la disparité de l’épidémie qui ferait neuf fois plus de victimes au-dessous du vingtcinquième degré de latitude nord. La gravité de la maladie reste fonction du
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ANNEXE II niveau de vie des populations, de leur exposition aux modes de contamination et de l’accès aux moyens de prévention. Efficacité des traitements et rôle des missions humanitaires Les traitements permettent d’allonger la vie, de la rendre plus confortable et, dans un certain nombre de cas, de transformer une maladie toujours mortelle en affection chronique bien que grave. Dans l’état actuel, il s’agit donc essentiellement de traitements palliatifs qui doivent la plupart du temps être poursuivis la vie durant. En outre, ils sont coûteux, pas toujours bien supportés et très difficiles à mettre en œuvre là où la piste s’arrête. Dans le cadre de la médecine humanitaire, les missions Sida se multiplient, initiées par les gouvernements, par les instances internationales ou par les ONG. Optimisant au maximum les moyens de dépistage et les prises en charge thérapeutiques, ces missions spécialisées contribuent largement à ce que l’ONU considère à ce jour comme une stabilisation de la maladie. Les missions Sida sont implantées dans 66 pays, incluant dépistage, suivis biologiques, identification des cohortes thérapeutiques, prise en charge financière des traitements. Le sida néonatal, l’association sida et tuberculose et la prévention des arrêts de traitement représentent les principaux objectifs de ces missions spécialisées. Mais la prévention des affections nosocomiales reste un impératif prioritaire ; la plus évidente est la transmission de la maladie au personnel soignant. Le développement de ces missions spécialisées est ralenti par de nombreux obstacles, au nombre desquels le manque de médecins et d’infirmiers et la prévalence de la maladie chez ce personnel. Le financement des programmes et le coût des médicaments paraissaient à juste titre des obstacles insurmontables, mais la situation s’est retournée à partir de l’année 2001. À la demande de plusieurs organisations humanitaires internationales, au premier rang desquelles Médecins Sans Frontières (MSF) et de plusieurs gouvernements, une conférence internationale réunissait à Johannesburg en 2001, sous l’égide de l’OMS, les gouvernements des pays pauvres, des délégations des pays riches et des représentants des laboratoires pharmaceutiques. L’objectif était de réfléchir à une éthique fondamentale de la médecine humanitaire qui implique pour tous le droit d’accès aux médicaments innovants. Cette conférence qui fait honneur à l’humanité a ouvert les consciences et a peut-être permis de concilier les nécessités de la recherche, le devoir de solidarité et les justes intérêts de l’industrie pharma-
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE ceutique. Ce n’était pas en laissant mourir des millions de pauvres qu’on fortifierait le bien-être et la conscience des pays riches. Progressivement depuis cette date, l’amélioration de la situation se précise grâce à la conjonction de trois facteurs : – la plupart des firmes pharmaceutiques propriétaires de licences commerciales de molécules de première ligne ont renoncé à leur monopole et autorisé la fabrication de génériques à prix très réduits. Le coût de certains médicaments a ainsi baissé de 99 % aux alentours de l’an 2000, ce qui est considérable ; – plusieurs pays émergents, la Thaïlande, le Brésil et l’Inde, se sont dotés de laboratoires spécialisés dans la production de génériques considérés comme fiables ; – plusieurs initiatives internationales assurent des financements à la hauteur des besoins, 1 % Chirac sur les billets d’avion, fondation Clinton, etc. Entre 2002 et fin 2007, le nombre de personnes sous traitement par les antirétroviraux (ARV) a pu être multiplié par dix, pour atteindre les 3 millions dans les pays à revenus faibles et moyens. Toutefois, ce chiffre représente seulement 30 % des personnes qui en ont besoin (Source ONUSIDA), étant entendu que la séropositivité latente ne justifie pas systématiquement l’instauration d’un traitement. On doit se réjouir de ce progrès décisif, mais le sort des sidéens reste fragile et personne ne doit crier victoire, la lutte contre la maladie ne prendra un tournant décisif que le jour où un vaccin sera au point et accessible à tous. C’est dire combien la recherche scientifique reste sollicitée. Hors des missions spécifiques, que faire ? En dehors des missions spécifiquement dédiées au sida, le médecin en charge d’un travail à caractère humanitaire n’a pas accès aux moyens thérapeutiques. Cela n’implique pas qu’il n’ait rien à faire. Tout au contraire, son champ d’action est gigantesque, à la mesure de la gravité de l’épidémie. Trois millions de nouveaux cas chaque année, voilà un chiffre qui ne varie pas et qui rend compte de l’insuffisance des mesures préventives. Les certitudes scientifiques restent muettes sur la contagiosité rémanente des malades sous traitement. Les mesures prophylactiques restent donc immuables pour le malade séropositif qui doit obligatoirement protéger ses rapports sexuels sous peine de contaminer son ou ses partenaires. Reste à protéger les bien portants et à identifier les modes de contamination.
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ANNEXE II Quelle que soit son mode, la transmission sexuelle est classique. Encore faut-il le dire, le répéter et tenir aux jeunes un discours recevable. J’ai entendu au fil des années et sur trois continents le même discours infructueux tenu aux élèves des écoles et des lycées par des parents ou par des enseignants, sur l’abstinence et la fidélité ! On oubliait seulement de leur expliquer le mode d’emploi de ces deux méthodes de prévention. Le préservatif en revanche est une protection efficace pour ceux qui sont emportés par l’envie et pour les impatients, victimes toutes trouvées du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), du virus de l’hépatite B et des grossesses non désirées. L’information sur les tests de dépistage doit être impérativement affichée dans les locaux du poste de santé, dans les écoles et les lycées. Et, surtout, elle doit être apportée et prescrite, s’il le faut, par le médecin ou l’infirmier au cours des consultations. Mon expérience privilégie un discours adulte qui prône la pratique par les deux partenaires d’un test de dépistage à l’aube d’une relation durable et fidèle. L’information doit être donnée jusqu’au fin fond de la brousse sur le risque des partenaires multiples et tout particulièrement sur les risques de la prostitution et la nécessité de se protéger. Mais les pratiques sexuelles ne résument pas les risques de contamination. Le virus est fréquemment transmis au cours d’interventions sanglantes pratiquées sans mesures d’asepsie : tatouages, circoncision ou mutilations sexuelles, soins dentaires, accouchements en brousse, section du cordon avec un instrument septique. Que l’intervenant soit une honorable matrone ou un vilain arracheur de dents, il doit être informé des risques qu’il fait encourir à ses patients et il doit bénéficier d’une formation appropriée sur l’asepsie. Les interventions au poste de santé ne sont pas obligatoirement audessus de tout soupçon : instruments non ou mal stérilisés, réutilisations d’instruments, d’aiguilles ou de seringues à usage unique et surtout tas d’ordures dans lequel gisent pêle-mêle des aiguilles et des lames de scalpel oubliées qui peuvent blesser les personnes qui les manipulent. Le personnel soignant est une cible à haut risque. Les drogués sont particulièrement exposés ; le nombre des séropositifs y est plus élevé que partout ailleurs, la négation ou la sous-évaluation du danger fait partie de l’effet de nombreuses drogues et les échanges de matériel d’injection souillé sont de pratique courante. En milieu urbain, tous ces modes de transmission existent, souvent aggravés par la proximité d’une décharge sauvage, la promiscuité et l’absence
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE d’hygiène. Les enfants des rues sont des victimes exemplaires, privés de tout et souvent illettrés, exposés à la drogue, à la prostitution et à la violence. La transmission mère-enfant au cours de la grossesse est responsable du sida néonatal, évalué à 10 % des cas déclarés d’infection à VIH. Le risque pour une femme séropositive de contaminer son bébé serait de 40 % en Afrique. La moitié des contaminations mère-enfant se ferait pendant la grossesse avec un maximum pendant les deux derniers mois. Vingt-cinq pour cent des nouveau-nés seraient contaminés au cours de l’accouchement par le contact avec les mucosités cervico-vaginales. L’allaitement maternel est responsable du reste. Le risque est évalué à 4 % par mois, il est augmenté par les crevasses, les mastites, les abcès du sein et par l’aggravation, pendant la période d’allaitement, du statut sérologique de la mère. Certaines femmes commencent une grossesse sans se savoir séropositives. Du fait de la mutité clinique habituelle de la séropositivité, celle-ci risque d’être longtemps méconnue. D’autres femmes connaissent leur maladie, mais ont décidé de passer outre. Elles doivent être informées du risque que la grossesse représente pour l’évolution de leur maladie, du péril qu’elles font courir à leur futur enfant de devenir orphelin et surtout du risque de transmission mère-enfant. Les couples dont l’un des partenaires est malade et l’autre pas, s’ils décident de concevoir un enfant, outre les dangers liés à la transmission mèreenfant, font courir au partenaire sain, le danger de se contaminer à l’occasion du rapport non protégé. Le degré d’évolution de la maladie évalué par la numération des lymphocytes T doit entrer dans l’évaluation du risque. Les dangers de l’allaitement doivent être mis en balance avec les aléas du non-allaitement. La poursuite du traitement efficace améliore sans doute les chances pour le bébé de sortir indemne de cette conception à haut risque. Le traitement doit donc être initié, poursuivi ou renforcé à l’occasion de la grossesse en tenant compte toutefois de certaines incompatibilités médicamenteuses liées à la grossesse. En corollaire de ces éléments péjoratifs, on doit tenir compte du désir paradoxal de maternité qui tient, selon certains confrères spécialistes du sida, au statut de la femme dans la société, largement sous-tendu par sa fertilité. Ce désir de maternité symbolise également le déni de la maladie et contribue chez la malade à la volonté de guérir et de se perpétuer.
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ANNEXE II Manifestations cliniques du sida La séropositivité reste cliniquement muette pendant une première période qui peut durer plusieurs années. Elle sera révélée à l’occasion d’une maladie opportuniste ou par la pratique d’un test de dépistage. Le test simple à pratiquer, Elisa (enzyme linked immunoabsorbent assay), est à la portée de tous les laboratoires. Il est économique, spécifique et hautement sensible. Il peut cependant donner de faux positifs et sa positivité doit être contrôlée et confirmée par un Western Blot. Ce dernier examen repose sur une technique d’électrophorèse. À partir de ce moment, la gravité de l’état du malade doit être évaluée sur l’abaissement du nombre des lymphocytes T et, parmi eux, sur le rapport entre les lymphocytes CD4 et CD8. Tous les laboratoires de brousse ne sont pas, loin de là, en mesure de pratiquer de tels examens qui sont pourtant capitaux pour décider la mise en œuvre d’un traitement ou la simple mise en observation. Quoi qu’il en soit, le séropositif doit se considérer comme contagieux. L’entrée dans la maladie se fera à l’occasion d’une affection opportuniste au premier rang desquelles les candidoses buccales, œsophagiennes, digestive ou bronchique, les infections à cytomégalovirus (CMV), le cancer de Kaposi. Au total, une cinquantaine de situations ont été recensées et il faut laisser une place à part au lymphome de Burkitt qui a été décrit en Afrique dès 1958 et qui était déjà extrêmement fréquent à cette époque où le sida était inconnu, ou méconnu. Il s’agit d’une tumeur à lymphoblastes du maxillaire supérieur qui évolue rapidement, envahit le visage et la bouche, déforme la joue et la cavité orbitaire. Elle touche avec prédilection les enfants, elle est constamment mortelle. Le diagnostic du sida sera encore envisagé devant des signes digestifs moins spécifiques tels que nausées, vomissements, flatulences, douleurs abdominales, parfois, une violente douleur épigastrique évoque une pancréatite. L’installation d’une diarrhée chronique avec amaigrissement sévère est une manifestation fréquente. Il peut aussi s’agir d’une pneumonie ou d’une tuberculose qui est considérée comme la plus fréquente et la plus grave des manifestations respiratoires du sida, d’un zona, de l’aggravation d’un herpès, d’un amaigrissement incontrôlé, de la fièvre inexpliquée. La tumeur de Burkitt et le sarcome de Kaposi sont les cancers les plus fréquemment associés au sida. Une fois le diagnostic porté sur un ou plusieurs des éléments disparates et confirmé par un test Elisa, le bilan de l’évolution peut être établi par la prescription assez simple d’un bilan hématologique portant sur les marqueurs
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE de la charge virale, mais il est généralement plus logique d’adresser le malade au spécialiste qui évaluera la nécessité de faire rentrer le patient dans un protocole thérapeutique. Les problèmes en aval restent multiples, touchant la prise en charge des maladies opportunistes. Ce sont des problèmes psychologiques, des problèmes d’intégration du patient au sein de la famille et de la communauté villageoise sans oublier l’information sur les gestes qui exposent l’entourage du malade à la contagion et ceux qui sont sans gravité. Un aperçu trop rapide des multiples problèmes posés par cette maladie laisse un goût amer. Seule la mise au point d’un vaccin efficace permettra peut-être un jour d’envisager l’éradication du sida.
■ Hépatite B L’hépatite B comme le sida est une maladie cosmopolite dont l’impact est très élevé en Chine, en Extrême-Orient et en Afrique. Il s’agit d’une affection identifiée depuis longtemps dont la fréquence et la gravité sont sans commune mesure avec ce que nous connaissons en Europe. Le mode de contamination est sensiblement identique à ce que nous avons dit du sida, en revanche, cette affection peut bénéficier d’un vaccin efficace qui entre dans le cadre du programme élargi de vaccination (PEV) préconisée par l’OMS. Un rappel devrait être prescrit à l’occasion d’une première grossesse. En pratique, la vaccination systématique dès l’enfance comprend trois injections pratiquées à un mois d’intervalle. Le vaccin contre l’hépatite B est associé aux vaccins contre le tétanos, la diphtérie, la coqueluche et la rougeole dans un vaccin pentavalent préconisé par l’OMS. La pratique de cette vaccination intelligente est loin d’être généralisée et elle n’a pas concerné les générations qui arrivent à l’âge adolescent en l’an 2005. Il est donc parfaitement justifié de vacciner les adolescents et les femmes enceintes. La présentation clinique de la maladie est un peu particulière. En l’absence de contrôles biologiques, la phase aiguë est marquée par un ictère avec fièvre et altération plus ou moins profonde de l’état général. Elle peut passer inaperçue, être négligée ou être confondue avec une hépatite A de bon pronostic. Dans la plupart des cas, la maladie guérit spontanément, ailleurs, elle entraîne une insuffisance hépatique chronique évoluant dans les 20 % de mauvais cas, après plusieurs années, vers la cirrhose ou le cancer primitif du foie, toujours mortel. Il n’existe pas de traitement.
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ANNEXE III
Organisation d’une campagne de vaccination ■ Projet vaccinal Quelle que soit son importance, l’organisation d’une campagne de vaccination implique l’information, le recensement précis des populations à vacciner et surtout un important volet logistique. Information Pour vaincre les réticences, il convient, en prenant pour référence un cas malheureux, d’expliquer l’intérêt de la vaccination, insister sur son innocuité et prévenir des effets mineurs. Recensement précis Il faut recenser le nombre de personnes à vacciner dans chaque village, prévoir un site de vaccination, tenir un registre et distribuer à chacun un carnet de vaccination. La vaccination des populations nomades pose très régulièrement de gros problèmes pratiques : où retrouver les familles un mois, deux mois ou un an après ?
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Problèmes logistiques Les problèmes logistiques sont importants à gérer dès la conception du projet. Se pourvoir des vaccins et du matériel nécessaire : doses de vaccins, seringues aiguilles, containers de récupération. La campagne de vaccination peut s’inscrire dans un programme national subventionné. Ailleurs, il faudra acheter les vaccins auprès d’un laboratoire, de l’UNICEF, de la pharmacie centrale du pays concerné ou d’un organisme spécialisé. Il faut toujours prévoir un pourcentage de pertes estimé à 15 % et un stock de sécurité de 25 %. L’objet de la campagne de vaccination doit être conforme aux impératifs du programme national de santé du pays concerné et doit avoir obtenu toutes les autorisations administratives.
■ Chaîne du froid Il faut l’organiser, en tenant compte des points de rupture possible et de la sensibilité propre de chaque vaccin. Il serait catastrophique de vacciner avec des produits inactivés. Tous les vaccins n’ont pas la même sensibilité aux variations de température. Les vaccins robustes, les anatoxines diphtérique et tétanique, le TAB ou le BCG peuvent supporter des différences de température importantes. Les vaccins contre la rougeole la méningite et la fièvre jaune sont plus fragiles et il convient, lors de la préparation de la campagne, de s’informer auprès du fabriquant sur les recommandations. Quoi qu’il en soit, le laps de temps entre le réchauffement et l’injection doit être aussi court que possible. En pratique, il est indispensable que le responsable de la campagne de vaccination contrôle personnellement la chaîne du froid de A jusqu’à Z. Du laboratoire de fabrication au lieu de stockage dans la capitale, le problème est en principe réglé par des containers isothermes munis d’indicateurs de réchauffement qui virent lorsque la température dangereuse a été dépassée. En revanche, il faut prévoir tous les aléas du transport jusqu’aux lieux de vaccination et leur stockage sur place. On utilise des caisses isothermes dans lesquelles on incorpore des accumulateurs de froid régulièrement renouvelés et régénérés en cas de transport prolongé. En cas de panne, on peut ralentir le réchauffement en mettant le container dans un bac d’eau refroidie par des glaçons ou en l’entourant de linges humides refroidis par le vent. La conservation au poste de santé doit se faire pendant un temps limité dans un réfrigérateur à gaz, à pétrole ou électrique alimenté par des
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ANNEXE III panneaux solaires. Certains postes sont alimentés en électricité de ville, mais les coupures sont trop fréquentes pour que le système soit fiable. La dernière étape vers le lieu de vaccination au village ou au campement nécessite un sac isotherme, voire un porte-vaccins réfrigéré. Dans un cas comme dans l’autre, il faut disposer de glaçons, donc d’un congélateur. Il ne faut pas négliger le problème des solvants ; ils ne sont pas thermosensibles, mais doivent être refroidis avant le mélange : diluer un vaccin dans un solvant porté à haute température sur le toit d’un véhicule sous les tropiques revient à faire cuire un œuf à la coque ! Le matériel de vaccination comporte : coton, alcool, pansements, ciseaux, Bétadine® en cas de blessure accidentelle, sacs poubelle, savon, thermomètre, glacière, accumulateurs de froid. Si les vaccins sont présentés en seringues préremplies, il n’y a pas de problème, sinon, il faut prévoir en nombre plus que suffisant de seringues autobloquantes et d’aiguilles. Il faut aussi prévoir les containers de récupération pour les aiguilles et les seringues. Les injecteurs sous pression (dermo-jet, ped-o jet, multi-jet) ne sont indiqués que dans les vaccinations de masse. Nous n’en avons pas l’expérience, mais la littérature fait état d’avis partagés quant à leur efficacité et leur innocuité. Enfin il ne faut pas négliger quelques détails qui pourraient tout gâcher : fiches de vaccination, crayons à bille, tampon dateur et registre de vaccination.
Référence : L’organisation et la validation d’une campagne de vaccination est longuement présentée dans un guide édité par MSF, auquel le lecteur pourra se référer (Prise en charge d’une épidémie de méningite à méningocoque, 4e édition, MSF Editeur, 2008, 8, rue Saint-Sabin, 75012 Paris).
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ANNEXE IV
Les serpents La gravité de leur morsure tient à la forme de leurs crochets et à la nature de leur venin.
■ Forme des crochets On distingue quatre catégories de serpents : – les aglyphes, qui n’ont pas de crochets, mais qui possèdent des glandes venimeuses qui se déversent dans la bouche. Leur morsure n’est pas totalement inoffensive. Le type en est la couleuvre ; – les opistoglyphes, dont les crochets venimeux sont situés en arrière de la bouche, ne sont dangereux qu’en cas de morsure sur un membre profondément engagé. Le type en est le serpent liane. On le rencontre en Afrique ; – les protéroglyphes sont plus dangereux. Leurs crochets venimeux sont situés en avant et sont creusés d’une gouttière par ou s’écoule le venin. Le naja ou serpent à lunettes en Afrique et en Extrême-Orient, le mamba en Afrique du sud, le serpent corail, le serpent des pharaons ; – les solénoglyphes sont les plus redoutables. Ils sont armés d’un appareil inoculateur très perfectionné. Leurs crochets antérieurs mobiles sont projetés en avant lors de la morsure pour se rétracter sur la proie mordue lors de la fermeture de la bouche. Dans cette catégorie se trouvent deux familles de serpents, les Vipéridés : vipère à corne, vipère des sables, vipère à écailles se trouvent en Afrique du nord et saharienne – la vipère du Gabon mesure jus-
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE qu’à 1,80 m –, la vipère rhinocéros en zones sylvestres. Le venin le plus redoutable est celui de la vipère à écaille en dents de scie, Afrique du nord. Les crotalidés se trouvent en Amérique : le serpent à sonnette et le botrops des Antilles dont le venin est l’un des plus rapidement mortels.
■ Caractéristiques de leur venin Les venins neurotoxiques : le venin du naja possède une action curarisante. Aussitôt après la morsure, peu douloureuse, la victime éprouve une sorte d’engourdissement. La peau autour de la morsure (deux petits crochets) devient bleuâtre et œdémateuse. Dans les cas graves s’installe une paralysie qui peut atteindre les membres, les paires crâniennes et les muscles respiratoires. Le pronostic vital est réservé. Les venins générateurs d’hémorragie. C’est le cas du venin des crotalidés. La douleur est vive et rapidement s’installe un œdème dur et noirâtre, des ecchymoses évoluant vers la nécrose du membre mordu. Le syndrome hémorragique se généralise : purpura, pétéchies, gingivorragies, épistaxis, hémorragies digestives. Secondairement s’installe un syndrome nécrotique en rapport avec des coagulations intravasculaires diffuses. Les venins générateurs d’états de choc. C’est le cas des vipéridés. La morsure est douloureuse. L’œdème sanguinolent, très douloureux, se généralise rapidement : coma ; troubles digestifs, vomissements douleurs abdominales, diarrhées.
Attitudes thérapeutiques Le geste essentiel est l’administration précoce de sérum antivenimeux polyvalent de l’Institut Pasteur et des autres instituts nationaux, Afrique du sud, Algérie, Brésil, États-Unis, Inde, Australie etc. Il en existe pour les différentes régions du monde : – en Afrique du Nord : sérum vipera lebitina ou sérum cérastes ; – en Afrique noire, serum bitis ecquis naja. La liste n’est pas exhaustive. Le traitement symptomatique est souvent le seul à pouvoir, dans l’urgence, limiter la gravité : mettre le malade au repos, calmer l’agitation, soulager la douleur, se contenter de désinfecter la morsure. Administrer antibiotique
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ANNEXE IV et prophylaxie antitétanique. Les cas graves nécessitent une réanimation et seront systématiquement transférés (je ne suis pas spécialiste des serpents et l’essentiel des données toxicologiques est emprunté au manuel de médecine tropicale (Gentilini M (1993), Médecine tropicale, Flammarion Médecine Science éditeur, Paris).
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ANNEXE V
Les agents vecteurs et quelques problèmes non résolus La plupart des affections auxquelles on se trouve confronté dans le cadre d’une mission humanitaire sont des affections contagieuses. L’exposition à la contagion est directement proportionnelle à la précarité ; conditions climatiques, surpopulation, habitat insalubre, consommation d’eau non potable, conservation incertaine des aliments, mauvais traitement des déjections humaines et animales, péril fécal. Tous facteurs généralement aggravés en situation de catastrophe. Le mode de contamination le plus courant est la contamination interhumaine, plus rarement, il s’agit d’une contamination de l’animal à l’homme. La contamination peut être directe, c’est le cas par exemple de la grippe ou de la tuberculose, ou indirecte faisant intervenir un agent vecteur. Dans le cas du paludisme ou de la dengue, il s’agit d’un moustique. L’onchocercose ou la maladie du sommeil font suite à la piqure d’une mouche infectée, la gale ou la maladie de Chagas sont dues à des acariens, la bilharziose à un mollusque. Chaque agent pathogène qu’il soit un virus, un parasite ou une bactérie, correspond à un agent vecteur particulier dont l’écologie conditionne en grande partie l’aire de diffusion de la maladie.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE ■ Contamination interhumaine La tuberculose, la rougeole ou la coqueluche se transmettent d’homme à homme par voie aérienne tandis que l’amibiase, le choléra et la plupart des parasitoses intestinales se transmettant par voie fécale, le rôle des mains sales s’expliquant assez simplement. L’ulcère de l’estomac, dont chacun s’accorde à considérer qu’il s’agit d’une affection à point de départ microbien, helicobacter pilori, correspond sans doute à une contamination alimentaire.
■ Arthropodes Ce sont les vecteurs les plus fréquents en pathologie parasitaire, virale ou bactérienne. Paludisme C’est la parasitose la plus grave et la plus répandue de par le monde. Son agent pathogène est un Plasmodium dont il existe au moins trois types P. falciparum, P. vivax et P. malariae dont le vecteur est la femelle de l’anophèle, moustique doué d’une adaptabilité exceptionnelle. On le retrouve dans pratiquement toutes les zones humides. Encore faut-il noter que seule la femelle possède des pièces masticatoires suffisamment développées pour piquer la peau de l’homme et aspirer son sang, tandis que le mâle, complètement inoffensif, se contente de butiner les fleurs et de mourir quelques heures après la cérémonie nuptiale. Le moustique est sédentaire, il pique la nuit. La maladie a pu être éradiquée dans plusieurs régions tempérées par l’assèchement des marais. Ailleurs, dans les très nombreuses zones ou la maladie continue à sévir, la prophylaxie repose sur l’éradication des mares d’eau stagnantes, la protection des points d’eau et la protection nocturne des sujets exposés (port de vêtements couvrants, moustiquaires, etc.). Le moustique est sédentaire, mais il peut être transporté au loin par une tempête, un voyage en automobile ou en avion. Cette dernière évidence explique les pulvérisations d’insecticide au départ d’un avion en provenance d’une région infestée. Trypanosomiases La maladie du sommeil sévit exclusivement en Afrique dans des zones propices au développement de la glossine, ou mouche Tsé-tsé. C’est une grosse mouche dont la taille peut atteindre 13 mm, facilement reconnaissable à la
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ANNEXE V forme de ses ailes croisées sur le dos à la manière d’une paire de ciseaux (tsétsé). Plusieurs sous-espèces vivent en forêt dans les galeries forestières, en savane et même en ville. Le mâle comme la femelle est hématophage, ils piquent le jour, se gorgent de sang et se prêtent à la multiplication des trypanosomes qui deviennent infectants via la salive au bout de 15 à 20 jours. La maladie évolue par foyers liés à la présence non contrôlée de glossines. La lutte contre le vecteur est difficile, mais les épidémiologistes constatent, avec un certain humour, que la mouche tsé-tsé est un mauvais agent vecteur, gaspillant sa salive à piquer des animaux rebelles à la maladie. Deux zones d’endémie sévissent en Afrique tropicale, la Gambie et la Rhodésie. Bien différente de la maladie du sommeil, la maladie de Chagas est également due à un trypanosome dont l’agent vecteur exclusif est le réduve, gros arthropode spécifique de l’Amérique tropicale (Brésil, Venezuela, jusqu’à l’Arizona et le nord de l’Argentine). La maladie évolue vers une cardiopathie responsable de la plupart des insuffisances cardiaques dans la zone concernée. Le réduve ressemble à une punaise et se cache pendant le jour dans les fentes des murs et dans les toits de chaume. Il sévit dans les zones rurales et des zones urbaines périphériques. La maladie est entrée dans les villes lors des grandes migrations urbaines des années 1970 et 1980. À cause de ces migrations, environ 300 000 personnes infectées vivent actuellement à São Paulo (Brésil) et 200 000 à Buenos Aires (Argentine). Le mâle et la femelle, tous deux hématophages, sucent le sang du dormeur infecté pendant la nuit. Les trypanosomes adultes sont rejetés dans les déjections qu’ils déposent sur les téguments d’un sujet sain qui s’infecte par contact au niveau d’une excoriation cutanée ou par frottement des yeux. La pénétration se fait au niveau des conjonctives, la symptomatologie initiale est la conjonctivite. À l’inverse de la maladie du sommeil dont la transmission est uniquement interhumaine, le chagas et le trypanosome, qui en est responsable, infectent certains animaux domestiques, rongeurs, tatous, chiens et chats. Arboviroses Le groupe des arboviroses comporte des affections virales transmises par différents arthropodes (arthropode born virus), leurs principaux agents vecteurs sont des moustiques de la famille Aedes ou phlébotomes. Le virus amaril, responsable de la fièvre jaune, provient de Aedes aegypti, un moustique qui sévit dans les zones tropicales d’Afrique et d’Amérique. L’insecte pique plus volontiers les singes que les hommes, ce qui explique le
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE caractère épidémique de la maladie. Les foyers de fièvre jaune humaine sont le fait de l’inoculation accidentelle d’un homme par un moustique infecté par un singe. Dès lors, on assiste à une adaptation du virus à son hôte humain, au développement d’une épidémie généralement localisée dans l’espace et dans le temps. Rappelons que c’est une redoutable épidémie de fièvre jaune qui a décimé les travailleurs du chantier du canal de Panama. La fièvre jaune reste une maladie d’actualité en dépit du vaccin qui constitue la meilleure prophylaxie. L’Asie et l’Océanie en sont jusqu’alors indemnes, ce qui justifie l’obligation vaccinale très stricte faite aux voyageurs qui s’y rendent, en provenance d’un pays d’endémie. La dengue est sans doute la plus répandue des arboviroses transmises par Aedes aegypti. Ses formes les plus graves ont été décrites en Extrême-Orient. Le chikungunya est transmis par un moustique de la famille des Aedes. L’épidémie qui a récemment affecté l’île de la Réunion correspond à l’introduction d’un moustique infecté arrivé probablement à bord d’un avion et qui a trouvé sur place des conditions de vie intéressantes, transmettant le virus à une population non immunisée. Les filarioses forment un groupe hétérogène et assez vaste d’affections en rapport avec un ver rond blanc filiforme, long de plusieurs centimètres. Parmi les quatre filarioses décrites dans l’ouvrage, trois sont transmises par des arthropodes : – les filarioses lymphatiques, dues à la filaire de Bancroft, sont transmises par la piqûre de différents moustiques appartenant à l’ordre des Culex, des Aedes ou des Mansonoides ; – l’onchocercose, due à la Filaire volvulus, est responsable de millions de cécités, est transmise par une petite mouche noire, la simulie, dont seule la femelle hématophage pique la nuit. La simulie vit et pond sur les plantes aquatiques et les rochers dans les eaux claires aérées, près des cascades. Sédentaires, elles s’éloignent peu du lieu de leur naissance, ce qui explique le caractère local des zones d’endémies, quelques kilomètres carrés souvent désertés par les populations ; – la Loa loa, transmise par le Chrysops, gros taon rouge qui vit dans les forêts équatoriales, donne des troubles oculaires, cutanés et allergiques.
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ANNEXE V ■ Mollusques d’eau douce La dracunculose correspond à la filaire de Médine, gros ver qui se développe sous la peau sous forme de cordons indurés qui s’infectent se rompent, se fistulisent et peuvent donner des évolutions articulaires. L’agent vecteur est un Cyclops, petit crustacé d’eau douce à la limite de la visibilité. L’homme se contamine en buvant de l’eau infestée et il contamine l’eau en s’y baignant. Les bilharzioses, maladies des pataugeurs, appartiennent à un groupe différent. Nous en avons retenu deux, S. Mansoni, responsable de la bilharziose intestinale, et S. Haematobium, responsable de la bilharziose urinaire. L’hôte intermédiaire est le Cestode, petit mollusque d’eau douce qui assure la multiplication de l’agent pathogène et le libère dans l’eau. La contamination se fait par voie transcutanée. Chaque schistosome possède un hôte intermédiaire particulier dont la répartition géographique correspond à sa diffusion. La maladie touche des centaines de millions de personnes, elle affecte les enfants qui pataugent dans les marigots, mais bien plus souvent les travailleurs du riz et les ouvriers des chantiers aquatiques. La prévention est difficile, il faudrait contraindre les travailleurs à porter des bottes pour se protéger et à ne pas uriner ni déféquer dans l’eau pour ne pas infester celle-ci. En effet, le mollusque resterait inoffensif s’il n’était contaminé par les urines ou les déjections d’un humain malade.
■ Rôle des gros animaux Il est également bien connu. Il y a la transmission du Taenia par la viande mal cuite d’un animal infecté, le prion de l’encéphalopathie bovine qui serait responsable de la transmission à l’homme de la maladie de Creutzfel-Jakob. La transmission des pneumopathies à Chlamydiae par les plumes ou les déjections des pigeons est connue depuis longtemps tandis que la transmission à l’homme de la grippe aviaire reste hypothétique. La rage se transmet par la salive du chien et de plusieurs animaux domestiques ou sauvages, la psittacose et la peste se transmettent par le perroquet et le rat, la fièvre des tranchées (hantavirus) se transmet par le campagnol. Le catalogue est loin d’être complet et le sujet reste d’actualité : plusieurs maladies n’ont pas encore fait la preuve de leur agent vecteur.
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ANNEXE VI
Banque de verres correcteurs Il faut rester attentifs aux effets pervers d’une « charité » mal adaptée qui étoufferait les tentatives de développement d’une industrie locale à prix réduit. Cela dit, l’utilisation de verres d’occasion est justifiée par le coût élevé des lunettes, inaccessible pour les populations démunies, mais l’opération doit s’entourer d’un certain professionnalisme pour assurer une bonne corrélation entre le trouble de la réfraction et la correction proposée. Je donne ici quelques repères techniques reposant sur une expérience personnelle qui peut servir de modèle, mais qui reste largement perfectible. Pour la constitution de la banque de verres, il faut établir un rapport de confiance avec un ou plusieurs opticiens et leur demander de récupérer les verres ou les lunettes d’occasion en bon état. Ils se chargent d’éliminer les verres rayés ou cassés et les montures au bord de la réforme ; ils déterminent les caractères de chaque verre, notamment leur puissance en dioptries. Ils mettent de côté des verres trop complexes dont la prescription relève d’une ordonnance personnalisée, comme ceux qui corrigent à la fois astigmatisme et myopie ou presbytie et strabisme. Ils étiquettent enfin les verres qu’ils vous confient. Un verre destiné à corriger une myopie est biconcave, à bords épais, étalonné en dioptries négatives, de – 0,25 à – 9 ou – 12. Lorsqu’on déplace le verre devant un repère vertical, l’image du repère à travers le verre se déplace dans le même sens.
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ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE Un verre destiné à corriger un défaut de vision de près, presbytie ou hypermétropie, est biconvexe, à bords fins et l’image d’un repère vertical se déplace dans le sens inverse de la translation. Il est étalonné de + 0,25 à + 4 ou + 5, voire plus. Un verre bifocal est également aisé à identifier à partir des indications portées par l’opticien et au moyen de l’épreuve de translation. L’examen du malade qui se présente avec la plainte « je vois flou » permet de sélectionner les myopes et les presbytes et surtout de mettre de côté les troubles qui ne sont pas appareillables. Ceux-ci sont abordés dans le chapitre dédié aux problèmes ophtalmologiques (page 86). Le tableau optique, placé à une distance de 5 m, explore la vision lointaine et permet de préciser l’acuité exprimée en 1/10e. Une table de lecture, comportant des caractères de plus en plus petits, est lue par le patient à une distance de 50 cm sous un bon éclairage. Elle permet d’évaluer le déficit en vision proximale exprimé en 1/10e. L’examinateur dispose d’une boîte de verres optiques étalonnés en + ou en – à l’aide desquels il procède par tâtonnement. À défaut de boîte optique, il peut sélectionner, dans sa collection de lunettes, quelques verres qui lui serviront d’étalon. À partir des données de cet examen forcément sommaire, il choisira dans la collection une paire de verres s’approchant au mieux des besoins du malade. Un des risques de la méthode est de délivrer des verres correcteurs inutiles à des patients qui présentent un trouble mineur et qui sont prêts à tout pour se faire délivrer une paire de lunettes, instrument distingué et convoité. Un autre risque serait d’appareiller à tort une affection dégénérative, glaucome, cataracte ou rétinite. Les indications données (page 93), permettent d’éviter dans la plupart des cas ces écueils. Il est toujours indispensable de prévenir le patient des problèmes d’adaptation, de la fréquence des troubles de l’équilibre, des céphalées, de l’inviter pendant les premiers jours à ne pas conduire une automobile, à se méfier dans l’appréciation des distances. Il faut revoir le malade au bout de quarantehuit heures et ne pas hésiter à changer ses lunettes. En effet, les verres relativement sophistiqués qui sont récupérés dans le cadre de cette opération peuvent se révéler inadaptés. Un verre conçu pour corriger une grosse myopie et un léger astigmatisme peut ne pas convenir au traitement des troubles d’un autre malade qui ne serait que myope.
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INDEX
A
C
abcès amibien 77, 79 acariens 48, 67, 161 Aedes 67, 68, 108, 163, 164 allergies 104, 110 amibiase 44, 76-78, 162 amibiase hépatique 77 anémie 27, 29, 41, 45, 73, 75, 77, 110, 111, 112, 114, 115, 116 anguillulose 77 ankylostome 45, 77, 111, 114 anophèle 55, 56, 61, 162 ArBoVirus 67 arthropodes 54, 67, 70, 162, 163, 164 ascaris 44, 75-77 astigmatisme 89, 98, 167, 168
cancer de Kaposi 104, 151 cancer primitif du foie 82, 152 cataracte 86, 88, 93, 94, 98, 168 Cestode 45, 77, 115, 117, 165 chikungunya 54, 67, 68, 72, 164 chimioprophylaxie 55, 56, 60, 61, 62, 109, 116 choléra 21, 53, 80, 83, 162 Chrysops 95, 164 conjonctivites 44, 54, 89, 90, 91 contraception hormonale 34 coqueluche 50, 53, 54, 152, 162 Culex 108, 164 cyclops 106, 107, 165
D Dengue
B bacille de Hansen 100, 110 ® 47, 104, 155 Bétadine bilharziose 21, 45, 77, 79, 83, 106, 107, 115, 116, 118, 161, 165 brûlures 47, 75, 76, 99, 104
déshydratation diabète Dracunculose
169
54, 67, 68, 70, 72, 161, 164 39, 46, 54, 58, 75, 76, 78, 80, 117 28, 88, 94, 121 106, 107, 109, 110, 165
ABORD CLINIQUE D’UNE MISSION HUMANITAIRE drépanocytose
27, 41, 55, 110, 112, 113-115
E échographie Elisa endocardites états névrotiques excision
21, 33, 75 151 23, 50, 119, 122 122 31, 36, 104
F famine fièvre jaune
12, 34, 38, 83, 84, 85, 111, 145 29, 53, 54, 67, 68, 70-72, 154, 163, 164
fièvre bilieuse hémoglobinurique 58 filaire de Bancroft 108-110, 164 filaire de Médine 106, 107, 110, 165 filariose 95, 106, 117, 118 filarioses 108, 110, 164
G gale 48, 103-105, 110, 161 glaucome 86, 88, 93, 94, 98, 168 glossine 124, 125, 127, 162, 163 goutte épaisse 56, 58, 120 grossesse extra-utérine 32
H Hantavirus 53, 54, 70, 72 Helicobacter pilori 80, 162 hématome rétro-placentaire 32, 33, 132, 140 hémorragie 28, 32, 33, 36, 68-70, 75, 76, 79, 88, 94, 111, 114, 138, 142, 158
hépatite B
29, 53, 82, 83, 118, 145, 149, 152 hypermétropie 89, 98, 168 hypertension artérielle 28, 29, 33, 88, 120
I ictère 69, 112, 114, 152 infibulation 31, 36, 118 interruption de grossesse 32 introcision 36
K Kala-azar kwashiorkor
78, 83 39, 84
L Lèpre
21, 99, 100, 101-103, 110, 126, 127 loase 95 lunettes d’occasion 167 lymphome de Burkitt 151
M Maladie de Chagas
119, 122, 126, 161, 163 maladie du sommeil 21, 124, 125-127, 161-163 maladie gravidique 29, 33 marasme 39, 84 mariage précoce 26, 34, 37 méningite(s) 51-53, 66, 72, 123, 154, 155 mollusque 77, 115, 161, 165 mouche tsé-tsé 124, 125, 127, 162, 163
170
INDEX myiases myopes
49 168
N neuropaludisme
57, 58, 124, 127
O onchocercose 21, 86, 91, 94, 95, 96-98, 105, 110, 161, 164 oxyurose 44
S scorpion 49 serpents 49, 157, 159 sérum antivenimeux 158 sida 16, 28, 62, 65, 66, 82, 83, 145, 146-148, 150, 151, 152 simulie 95, 105, 164 stéthoscope de Pinard 23, 27, 30, 133
T Taenia tétanos
P paludisme
16, 21, 23, 28, 29, 41, 51, 54, 55-61, 78, 83, 124, 125, 145, 161, 162 panneaux solaires 155 péril fécal 41, 43, 54, 76, 111, 161 pharmacie centrale 17, 18, 154 phlébotomes 67, 163 placenta praevia 32 Plasmodium 54-57, 59-61, 124, 162 poliomyélite 51, 54, 72, 73, 123 populations nomades 153 presbytes 168 préservatif 34, 149 programme élargi de vaccination (PEV) 52, 54, 69, 152 ptérygion 92
45, 75, 76, 165 29, 35, 36, 47, 49, 53, 136, 141, 152 Thalassémie 27, 41, 110, 114, 115 toucher vaginal 28, 31, 32, 133, 134 toxoplasmose 86, 94, 95 trachome 21, 86, 90, 91, 98 trypanosome 122, 124, 126, 127, 163 tuberculose 16, 22, 23, 28, 52, 54, 62, 63-65, 66, 73, 74, 94, 100, 145-147, 151, 161, 162 tuberculose hépatosplénique 79, 83
U ulcère de l’estomac Ulcère gastroduodénal
V virus de Marburg virus Ebola
R rachitisme 23, 40, 41, 42, 74, 84 réaction de Mitsuda 101, 102 réduve 119, 163 réhydratation orale 46 rougeole 50, 53, 54, 72, 152, 154, 162
76, 80, 162 79
70-72 70, 71
W Western Blot
151
X xérophtalmie
171
40, 84, 86, 97, 98