La réanimation neurochirurgicale
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Nicolas Br...
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La réanimation neurochirurgicale
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Nicolas Bruder Patrick Ravussin Bruno Bissonnette
Avec la collaboration de l’Association de neuro-anesthésie réanimation de langue française
La réanimation neurochirurgicale
Nicolas Bruder Département d’Anesthésie-Réanimation CHU Timone 264, rue Saint-Pierre 13385 Marseille
Patrick Ravussin Département d’Anesthésiologie et Réanimation Hôpital Régional Avenue du grand Champsec 80 CH-1951 Sion (Suisse)
Bruno Bissonnette Department of Anaesthesia The Hospital for Sick Children 555 University Avenue University of Toronto Toronto, Ontario, Canada M5G 1X8
ISBN-13 : 978-2-287-68198-1 Springer Paris Berlin Heidelberg New York
© Springer-Verlag France, 2007 Imprimé en France Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media
Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant les paiements de droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc., même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante. SPIN : 11949398
Maquette de couverture : Nadia Ouddane
Liste des auteurs Lamine ABDENNOUR Unité de Neuro-Anesthésie-Réanimation, Département d'Anesthésie-Réanimation et Université P. et M. Curie (Paris 6) Hôpital de la Pitié-Salpêtrière 47-83, Boulevard de l'hôpital 75013 Paris Jacques ALBANÈSE Département d’Anesthésie-Réanimation et Centre de Traumatologie Hôpital Nord 13915 Marseille Cedex 20 Gérard AUDIBERT Service d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale 29, avenue du Maréchal de-Lattre-deTassigny Case Officielle n° 34 54035 Nancy Cedex Bruno BISSONNETTE Department of Anaesthesia The Hospital for Sick Children 555 University Avenue University of Toronto Toronto, Ontario, Canada M5G 1X8 Julien BOGOUSSLAVSKY Service de Neurologie Centre Hospitalier Universitaire Vaudois CH-1011 Lausanne-CHUV (Suisse)
Nicolas BRUDER Département d’Anesthésie-Réanimation CHU Timone, 264, rue Saint-Pierre 13385 Marseille Claire CHARPENTIER Département d’Anesthésie-Réanimation Hôpital Central, CHU Nancy 54000 Nancy René CHIOLÉRO Service d'Anesthésiologie Centre Hospitalier Universitaire Vaudois CH-1011 Lausanne (Suisse) Amel DABOUSSI Département d'Anesthésie Réanimation Hôpital Purpan Place du Dr Baylac 31059 Toulouse Cedex 9 Damien DEBATISSE Service de Neurochirurgie Centre Hospitalier Universitaire Vaudois CH-1011 Lausanne (Suisse) Xavier DEBELLEIX Centre de médecine physique et de rééducation de la Tour de Gassies 33520 Bruges
Vincent BONHOMME Service Universitaire d'AnesthésieRéanimation CHR de la Citadelle 4000 Liège (Belgique)
Vincent DEGOS Unité de Neuro-Anesthésie-Réanimation, Département d’Anesthésie-Réanimation et Université P. et M. Curie (Paris 6) Hôpital de la Pitié-Salpêtrière 47-83, Boulevard de l'hôpital 75013 Paris
Michèle BONNARD-GOUGEON Neuroréanimation CHU Gabriel Montpied 63000 Clermont-Ferrand
Paul-André DESPLAND Service de Neurologie Centre Hospitalier Universitaire Vaudois CH-1011 Lausanne (Suisse)
Géry BOULARD Département d’Anesthésie et de Réanimation CHU Pellegrin 33076 Bordeaux Cedex
Philippe ECKERT Service de médecine intensive adultes Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) 1011 Lausanne (Suisse)
Laurent BEYDON Département Anesthésie-Réanimation Chirurgicale B CHU d’Angers – Hôpital Larrey 49100 Angers
Bertrand FAUVAGE Département d'Anesthésie-Réanimation 1 Hôpital Michallon, BP 217 38043 Grenoble Cedex 09
Olivier FOURCADE Anesthésie-Réanimation Hôpital Purpan Place du Dr Baylac 31059 Toulouse Cedex 9
Pol HANS Service Universitaire d'AnesthésieRéanimation CHR de la Citadelle 4000 Liège (Belgique)
Gilles FRANCONY Département d'Anesthésie-Réanimation 1 Hôpital Michallon, BP 217 38043 Grenoble Cedex 09
Romain KOCIAN Service d’Anesthésiologie Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) 1011 Lausanne (Suisse)
Colette FRANSSEN Département d'Anesthésie-Réanimation CHU de Liège 4000 Liège (Belgique) Raymond FRIOLET Département de médecine intensive Centre Hospitalier du Centre du Valais (CHCVs) Site de Sion Hôpital de Sion, case poste 510 CH-1950 Sion (Suisse) Damien GALANAUD Service de Neuroradiologie Hôpital de la Pitié-Salpêtrière et Université P. et M. Curie (Paris 6) 47-83, Boulevard de l'hôpital 75013 Paris Thomas GEERAERTS Département d’Anesthésie-Réanimation chirurgicale Centre Hospitalier Universitaire de Bicêtre et Faculté de médecine Paris Sud 78, rue du Général Leclerc 92275 Le Kremlin Bicêtre Guillaume GINDRE Neuroréanimation CHU Gabriel Montpied 63000 Clermont-Ferrand Philippe GOMIS Département Anesthésie-Réanimation CHU Hôpital Robert Debré 51092 Reims Cedex
Jean-Jacques LEMAIRE Neurochirurgie A CHU Gabriel Montpied 63000 Clermont-Ferrand Alain LÉON Département Anesthésie Réanimation CHU Hôpital Robert Debré 51092 Reims Cedex Marc LEONE Département d’Anesthésie-Réanimation et Centre de Traumatologie Hôpital Nord 13915 Marseille Cedex 20 Claire LÉPOUSE Département Anesthésie-Réanimation CHU Hôpital Robert Debré 51092 Reims Cedex Thomas LESCOT Unité de Neuro-Anesthésie-Réanimation Département d'Anesthésie-Réanimation et Université P. et M. Curie (Paris 6) Hôpital de la Pitié-Salpêtrière 47-83, Boulevard de l'hôpital 75013 Paris Thomas LIEUTAUD Département d’Anesthésie-Réanimation Hôpital Neurologique 59, Boulevard Pinel 69393 Lyon Montchot Cedex
Jean-Pierre GRAFTIEAUX Département Anesthésie-Réanimation CHU Hôpital Robert Debré 51092 Reims Cedex
Dan LONGROIS Service d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale Hôpital de Brabois Adultes Rue du Morvan 54511 Vandœuvre-les-Nancy Cedex
Philippe GRILLO Département d’Anesthésie-Réanimation CHU Timone 264, rue Saint-Pierre 13385 Marseille
Paul-Michel MERTES Service d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale 29, avenue du Maréchal de-Lattre-deTassigny
Case Officielle n° 34 54035 Nancy Cedex Anne-Marie OSWALD Réanimation Neurochirurgicale Hôpital Saint-Anne 1, rue Cabanis 75014 Paris
CH-1951 Sion (Suisse) Service d’anesthésiologie CHU Vaudois Rue du Bugnon 17 CH-1011 Lausanne (Suisse) Patrick SCHOETTKER Service d'Anesthésiologie Centre Hospitalier Universitaire Vaudois CH-1011 Lausanne (Suisse)
Olivier PAUT Département d’Anesthésie-Réanimation Pédiatrique CHU Timone-enfants 264, rue Saint-Pierre 13385 Marseille Cedex 5
Christophe SOLTNER Département Anesthésie-Réanimation Chirurgicale B CHU d’Angers – Hôpital Larrey 49100 Angers
Jean-François PAYEN Département d'Anesthésie-Réanimation 1 Hôpital Michallon, BP 217 38043 Grenoble Cedex 09
Donat-Rudolph SPAHN Service d’Anesthésiologie Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) 1011 Lausanne (Suisse)
Étienne PRALONG Service de Neurochirurgie Centre Hospitalier Universitaire Vaudois CH-1011 Lausanne (Suisse) Louis PUYBASSET Unité de Neuro-Anesthésie-Réanimation Département d'Anesthésie-Réanimation et Université P. et M. Curie (Paris 6) Hôpital de la Pitié-Salpêtrière 47-83, Boulevard de l'hôpital 75013 Paris Jean-Loup RAGGUENEAU Réanimation Neurochirurgicale Hôpital Saint-Anne 1, rue Cabanis 75014 Paris Patrick RAVUSSIN Département d’Anesthésiologie et Réanimation Hôpital Régional Avenue du grand Champsec 80
Aram TER MINASSIAN Département Anesthésie-Réanimation Chirurgicale B CHU d’Angers – Hôpital Larrey 49100 Angers Bernard VIGUÉ Département d’Anesthésie-Réanimation chirurgicale Centre Hospitalier Universitaire de Bicêtre et Faculté de médecine Paris Sud 78, rue du Général-Leclerc 92275 Le Kremlin Bicêtre Pierre VISINTINI Département d’Anesthésie-Réanimation et Centre de Traumatologie Hôpital Nord 13915 Marseille Cedex 20 Philippe VUADENS Clinique romande de réadaptation CH-1950 Sion (Suisse)
Liste des abréviations 3-HT AA ACC ACSOS ADP AQP ARM AVC BHE BHM BNP CDA CFU DID DSC DTC DVE DVE EIC EMCG EME EMNC EOA ETE EVSA FIRDA GCS GOS HBPM HC HED HIF HSA HTIC HU IP LCR LCS LOI MAV ME NOS
: triple H Therapy : acide arachidonique : arrêt circulatoire cérébral : agression cérébrale secondaire d’origine systémique : adénosine diphosphate : aquaporines : angiographie par résonance magnétique : accident vasculaire cérébral : barrière hémato-encéphalique : barrière hémoméningée : Brain Natriuretic Peptide : coefficient de diffusion apparent : Colony Forming Unit : déficit ischémique différé : débit sanguin cérébral : Doppler transcrânien : dérivation ventriculaire externe : drainage ventriculaire externe : espace interstitiel cérébral : état de mal convulsif généralisé : état de mal épileptique : état de mal non convulsif : oto-émission acoustique : événement thromboembolique : enceinte ventriculo sous-arachnoïdienne : Frontal Intermittent Rythmic Delta : score de Glasgow : Glasgow Outcome Scale : héparine de bas poids moléculaire : hémorragie cérébrale : hématome extradural : Hypoxic Inducing Factor : hémorragie sous-arachnoïdienne : hypertension intracrânienne : unités Hounsfield : index de pulsatilité : liquide céphalo-rachidien : liquide cérébro-spinal : Lactate Oxygen Index : malformation artério-veineuse : mort encéphalique : NO synthase
OC PAM PE PIC PLEDs PPC PPM PtiO2 PVC PVI RVC SIADH SjO2 SNC SSH TAAE TC TE THRT TR TVP Vd VSC
: œdème cérébral : pression artérielle moyenne : potentiel évoqué : pression intracrânienne : Periodic Lateralized Epileptiform Discharge : pression de perfusion cérébrale : pression de perfusion médullaire : pression tissulaire en oxygène : pression veineuse centrale : index pression volume : résistance vasculaire cérébrale : sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique : saturation veineuse jugulaire en oxygène : système nerveux central : sérum salé hypertonique : transporteur d’acides aminés excitateurs : traumatisme crânien : temps d’écho : test de réponse hyperhémique transitoire : temps de répétition : thrombose veineuse profonde : vélocité diastolique : volume sanguin cérébral
SOMMAIRE
Physiopathologie de l’agression cérébrale Métabolisme et circulation cérébrale : modifications liées à l’agression cérébrale A. Ter Minassian............................................................................................................
15
Œdème cérébral : physiopathologie et diagnostic J.-F. Payen, G. Francony et B. Fauvage..........................................................................
43
Protection cérébrale : données expérimentales P. Hans, C. Franssen et V. Bonhomme ..........................................................................
55
Agression cérébrale secondaire d’origine systémique P. Schoettker et R. Chioléro...........................................................................................
71
Surveillance Mesure de la pression intracrânienne M. Bonnard-Gougeon, G. Gindre et J.-J. Lemaire .........................................................
83
Surveillance de la circulation cérébrale par Doppler transcrânien en réanimation neurochirurgicale A. Ter Minassian............................................................................................................
99
Surveillance du métabolisme cérébral (SjO2, PtiO2, microdialyse) G. Audibert, C. Charpentier et P.-M. Mertes .................................................................
121
Température cérébrale : physiologie et intérêt de sa surveillance T. Geeraerts et B. Vigué.................................................................................................
141
Surveillance neurophysiologique en USI-NCH. EEG, potentiels évoqués (PE) D. Debatisse, E. Pralong et P.-A. Despland ...................................................................
153
Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient traumatisé crânien grave T. Lescot, V. Degos, D. Galanaud, L. Abdennour et L. Puybasset ..................................
179
Pathologies Hémorragie sous-arachnoïdienne en réanimation L. Beydon, C. Soltner, L. Puybasset, G. Audibert et N. Bruder.......................................
199
Accidents vasculaires cérébraux ischémiques et hémorragiques P. Vuadens et J. Bogousslavsky.....................................................................................
217
Prise en charge des accidents hémorragiques cérébraux sous anticoagulants P. Grillo, B. Vigué et N. Bruder ......................................................................................
245
Infections neuroméningées postopératoires et abcès cérébraux J.-P. Graftieaux, C. Lépouse, P. Gomis et A. Léon .........................................................
263
État de mal épileptique J.-L. Raggueneau et A.-M. Oswald................................................................................
283
Complications postopératoires en chirurgie réglée N. Bruder et P. Ravussin ................................................................................................
301
Prise en charge du traumatisé crânien isolé P. Visintini, M. Leone et J. Albanèse .............................................................................
317
Prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire T. Lieutaud et N. Bruder ................................................................................................
347
Thérapeutique, organisation et éthique Principes de traitement de l’hypertension intracrânienne B. Fauvage, J. Albanèse et J.-F. Payen...........................................................................
375
Catécholamines, remplissage vasculaire et cerveau O. Fourcade et A. Daboussi ...........................................................................................
395
Hypothermie thérapeutique R. Kocian, V. Bonhomme, D.R. Spahn, R. Friolet et P. Ravussin....................................
407
Prévention et traitement de la thrombose veineuse profonde en neurochirurgie N. Bruder, J.-F. Payen et G. Audibert.............................................................................
421
Spécificités de la réanimation de l’enfant O. Paut et B. Bissonnette...............................................................................................
435
Organisation de la prise en charge des patients neurochirurgicaux en réanimation Comment concilier spécialisation et polyvalence ? R. Chioléro, P. Schoettker et P. Eckert...........................................................................
451
Réanimation et mort encéphalique P.M. Mertes, D. Longrois, G. Audibert et C. Charpentier ..............................................
461
Aspects éthiques en réanimation neurochirurgicale G. Boulard, B. Vigué et X. Debelleix ..............................................................................
489
Physiopathologie de l’agression cérébrale
Métabolisme et circulation cérébrale : modifications liées à l’agression cérébrale A. Ter Minassian
Introduction L’encéphale ne représente que 2 % de la masse corporelle mais sa consommation en O2 (CMRO2 : 5 mL/min/100 g) et en glucose (CMRglu : 31 µ mol/min/100 g) est considérable et représente respectivement 20 % et 25 % de la consommation totale de l’organisme au repos. Le débit sanguin cérébral (DSC) est élevé en conséquence : 20 % du débit cardiaque au repos (1). Ce métabolisme énergétique exceptionnel est bien évidemment lié à l’incessante activité de communication intercellulaire cérébrale. Il n’est donc guère possible de traiter du problème du métabolisme énergétique cérébral sans aborder, au moins de façon succinte, celui de la transduction du signal dans le tissu cérébral. De plus, le DSC étant étroitement corrélé à la CMRglu la compréhension des phénomènes hémodynamiques cérébraux accompagnant l’agression cérébrale passe par celle de la physiopathologie du métabolisme énergétique (2). Nous centrerons cet exposé sur les deux grandes pathologies aiguës cérébrales rencontrées en réanimation : l’ischémie cérébrale et le traumatisme crânien. Ces deux pathologies sont fréquentes et, nous le verrons, bien que leurs étiologies soient différentes, elles comportent de nombreuses similitudes physiopathologiques.
Propriétés biomécaniques et hémodynamique intracrânienne Propriétés biomécaniques Au sein de la cavité ostéoméningée rigide aux capacités de compensation volumique réduites, toute pathologie hypertensive intracrânienne quelle qu’en soit
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La réanimation neurochirurgicale
la cause, processus expansif, hématome intracérébral, hydrocéphalie, traumatisme crânien, hémorragie méningée grave (associant de façon variable troubles de l’hydraulique du liquide céphalorachidien [LCR], effet de masse intracrânien et vasospasme), peut s’accompagner d’une réduction du DSC et d’un œdème intracellulaire ischémique. Ce gonflement cellulaire va contribuer à l’augmentation supplémentaire de la PIC en un cycle d’auto-aggravation aboutissant à la diminution critique de la pression de perfusion cérébrale (PPC) qui est la différence entre la pression artérielle moyenne (PAM) et la pression intracrânienne (PIC). PPC = PAM – PIC De leur côté, les agressions cérébrales secondaires qu’elles soient d’origine systémique (hypotension, hypoxie, hypo- ou hypercapnie, fièvre, anémie excessive…) ou cérébrale (comitialité, amplification pathologique de la PIC secondaire à la vasodilatation en autorégulation) viennent se surajouter à ce cycle et contribuent à précipiter l’évolution ischémique. L’hypoxie et l’hypotension en situation d’agression cérébrale sont des déterminants majeurs des processus œdémateux. Ainsi, on sait que le traumatisme mécanique par exemple est en soi insuffisant à générer un œdème cérébral significatif. Tous les modèles expérimentaux cherchant à reproduire l’hypertension intracrânienne (HTIC) posttraumatique humaine associent un épisode d’hypotension et d’hypoxie à la lésion mécanique pour générer un œdème cérébral significatif susceptible d’augmenter la PIC (3). La tolérance volumique de la cavité cranioméningée peut être estimée par un index en coordonnée semi-logarithmique, appelé index pression-volume (PVI) PVI = ∆V/Log(Pp/P0) où ∆V est le volume additionné au LCR, P0 est la PIC à l’état de base, Pp est la PIC après addition du volume précité. Cet index indique le volume qu’il faudrait ajouter au contenu intracrânien pour multiplier par un facteur 10 la PIC. La normale de cet index est de l’ordre de 25 mL. Cela signifie en pratique que l’adjonction brutale d’un volume de 25 mL augmente la PIC de 10 mmHg (valeur physiologique de la PIC) à 100 mmHg, c’est-à-dire au niveau de la PAM. La PPC devenant nulle, on voit que l’adjonction d’un faible volume suffit à provoquer un arrêt circulatoire cérébral. Cette faible tolérance volumique de la cavité craniospinale explique notamment l’ictus de l’hémorragie méningée. La doctrine, dite de Monroe-Kelly, prévoit que au sein de la cavité craniospinale, toute augmentation de volume de l’une des trois composantes du contenu intracrânien provoque le déplacement hors de la boîte crânienne d’un volume égal d’un autre compartiment. En pratique, en dehors des phénomènes d’engagement du tissu cérébral, la compensation volumique lors de la formation d’un processus expansif intracrânien se fait essentiellement par déplacement de LCR. En effet, la circulation veineuse cérébrale se comportant comme une résistance de Starling, les veines corticales ne se collabent jamais lors de l’HTIC et le gradient entre pression veineuse corticale et pression du LCR reste constant (4). Ceci a deux conséquences :
Métabolisme et circulation cérébrale
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– le volume sanguin veineux cérébral qui représente probablement la plus grande partie du volume sanguin cérébral (4,2 mL/100 g de tissu, soit environ 50 mL pour un encéphale de 1 300 g) reste a peu près constant lors de l’HTIC ; – la constance du gradient entre pression veineuse corticale et pression du LCR permet d’assimiler la PPC à la différence entre la PAM et la PIC (qui est par définition la pression du LCR) alors que d’un point de vue physiologique la PPC réelle est la différence entre PAM et pression veineuse corticale. La visualisation directe des vaisseaux lors de l’HTIC expérimentale montre que seules les artérioles se collabent et ce, seulement à des niveaux d’HTIC et de PPC proches du seuil d’arrêt circulatoire cérébral (5). En pratique, c’est le déplacement de LCR qui permet de tamponner les augmentations de volume tissulaire ou sanguin cérébral. En effet, la résorption de LCR est passive et dépend uniquement du gradient de pression entre la pression du LCR et la pression régnant dans le sinus veineux sagittal aux parois rigides assimilé à un compartiment extracrânien. Il s’en suit que, lors d’une augmentation pathologique de la PIC secondaire à une augmentation du VSC ou du volume tissulaire (processus œdémateux, tumeur, hématome intracrânien, attrition hémorragique…), la résorption accélérée de LCR va provoquer une décroissance exponentielle de la PIC jusqu’à normalisation pour tant que la résistance à l’écoulement ne soit pas altérée. En pathologie, cette résistance à l’écoulement est souvent augmentée soit du fait d’un obstacle anatomique sur les voies d’écoulement du LCR, soit tout simplement parce que le gonflement cérébral plaque les espaces sous-arachnoïdiens où circule le LCR contre la dure-mère réalisant ainsi un obstacle fonctionnel à l’écoulement. Dans ce cas, la PIC va se stabiliser à un niveau supérieur susceptible de compromettre la perfusion cérébrale de façon durable (6). Mais le volume de LCR mobilisable est limité. Chez l’adulte, le système ventriculaire et les espaces sous-arachnoïdiens (dont la plus grande parie est lombaire et non intracrânienne chez le sujet non atrophique) contiennent chacun de 25 à 35 mL de LCR (7). On voit donc que le volume de 25 mL représente bien un volume critique puisqu’il correspond pratiquement au volume maximal de LCR mobilisable hors du système ventriculaire.
Propriété hémodynamique intracrânienne Autorégulation cérébrale Le débit sanguin cérébral normal est d’environ 50 mL/100 g/min. Il est maintenu relativement constant dans une large plage de variation de PPC (entre 60 et 130 mmHg). En dessous et au-dessus de ces bornes, le DSC varie proportionnellement à la PPC (8). Le terme « d’autorégulation » appliqué au cerveau a été introduit par Lassen à la fin des années 1950 en analogie avec la physiologie rénale. Ce principe de stabilité du débit sanguin est commun à de
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La réanimation neurochirurgicale
nombreuses circulations régionales : rénale, coronaire, splanchnique, rétinienne et musculocutanée. Il existe cependant une variabilité interindividuelle des limites de PPC entre lesquelles le DSC est maintenu constant. De plus, celles-ci peuvent être modifiées, en particulier par l’hypertension artérielle (9) et par l’activité sympathique (10, 11). Il faut noter que ce principe de stabilité statistique du DSC lors de modifications large de PPC est différent de l’autorégulation « physiologique » qui consiste en l’augmentation du DSC lors de l’activation cérébrale. Ce type d’autorégulation est connu depuis plus d’un siècle et ses mécanismes moléculaires commencent tout juste à être démembrés, nous y reviendrons. La régulation face aux variations de PPC est le fait des artérioles piemériennes de diamètre compris autour de 200 µ, et il existe de plus une hiérarchisation du recrutement artériolaire en fonction du niveau de PPC. Schématiquement, plus la PPC est basse plus les artérioles de petit diamètre sont recrutées (12). La vasodilatation secondaire à l’activation cérébrale est le fait des artérioles corticales de diamètre inférieur à 75 µ (11, 13). Il a été possible de quantifier les modifications de VSC induites par les variations de PPC. Expérimentalement, il a été estimé que les variations de PPC, dans les limites de l’autorégulation, produisaient une variation opposée du VSC de 0,015 mL/100 g/mmHg dans une gamme de PPC allant de 35 à 200 mmHg (14). Il est cependant probable que la relation entre le VSC et la PPC ne soit pas strictement linéaire.
Réactivité au CO2 Depuis les travaux de Wolf et Lennox (15), on sait que l’hypocapnie diminue le diamètre des vaisseaux cérébraux et qu’à l’inverse l’hypercapnie l’augmente. Ces modifications de calibre s’accompagnent de modification parallèle du DSC. Comme l’autorégulation, la réactivité vasculaire au CO2 n’est pas spécifique au lit vasculaire cérébral mais existe probablement, à un moindre degré cependant, dans tous les lits artériolaires systémiques. En effet, en dehors du lit cérébral, l’effet vasodilatateur systémique direct du CO2 est contrebalancé par la vasoconstriction sympathique qu’induit l’hypercapnie (16). Les modifications du tonus vasculaire cérébral ne sont pas dues au CO2 luimême mais aux modifications induites de la concentration en ions H+ (et donc du pH) du LCR et du milieu interstitiel. Les ions HCO3- ne diffusent pas à travers la BHE, tandis que le CO2 est librement et rapidement diffusable. La mesure des modifications du diamètre des artérioles pie-mériennes a permis de mettre en évidence un effet identique des modifications du pH péri vasculaire cérébral obtenu par des modifications de la PaCO2 ou de l’application locale de solutions acides titrées (17). Ces effets des modifications de la PaCO2 sur le
Métabolisme et circulation cérébrale
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tonus vasculaire cérébral sont transitoires et ne durent que quelques heures du fait d’une normalisation progressive du pH du LCR. Cette normalisation du pH est attribuée à l’activité de l’anhydrase carbonique au niveau de la BHE. Cette enzyme modifie la concentration en ions HCO3- du LCR, lors des modifications chroniques de capnie (18, 19). Bien qu’il existe une certaine variabilité des résultats de la littérature (20), un accroissement de 5 % du DSC par mmHg de PaCO2 peut être retenu comme valeur moyenne physiologique de la réactivité au CO2. Les variations de PaCO2 s’accompagnent d’une variation dans le même sens du VSC estimée à 0,05 mL/100 g/mmHg de PaCO2. Enfin, la réactivité de la substance grise est supérieure à celle de la substance blanche (21, 22). Il est cependant possible que les variations de VSC induites par les variations de PaCO2 et de PPC soient plus importantes que celles rapportées dans les études estimant les variations de VSC par les seules variations du volume globulaire. En tenant compte des variations régionales de l’Ht durant les variations de capnie, il a été retrouvé une variation de VSC de 0,1 mL/100 g/mmHg de PaCO2 (23), soit deux fois supérieure à celle retrouvée par Phelps et al. (21) et Greenberg et al. (22).
Interactions réciproques capnie-autorégulation, PPC-réactivité au CO2 La PaCO2 est un important modulateur du DSC et de l’autorégulation cérébrale. Ainsi, la vasodilatation hypercapnique limite les capacités de vasodilatation supplémentaire lors d’une diminution de la PPC. À l’inverse, à la limite supérieure du plateau d’autorégulation, les vaisseaux relaxés par l’hypercapnie augmentent moins leurs résistances. Le phénomène inverse se produit lors de l’hypocapnie. En somme, l’hypercapnie déplace les limites inférieures et supérieures du plateau d’autorégulation vers les valeurs respectivement plus hautes et plus basses de PPC rendant ainsi plus étroit le plateau d’autorégulation. L’hypocapnie de son côté élargit le plateau d’autorégulation (8, 24-27). Par ailleurs, le niveau absolu de PAM modifie la réactivité au CO2. L’hypotension artérielle modérée réduit la réactivité au CO2, tandis que l’hypotension profonde l’abolit (28-30). Il a été suggéré que l’absence de vasoconstriction cérébrale en réponse à l’hypocapnie, en situation d’hypotension, était due à la prévalence du maintien de l’apport cérébral en O2 sur les mécanismes de régulation de la réactivité au CO2. La réactivité au CO2 disparaît lorsque la PPC diminue en dessous de la limite inférieure du plateau d’autorégulation (30). L’existence d’un seuil ischémique de DSC, en dessous duquel la réactivité au CO2 est abolie, a également été confirmée en clinique (31).
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Contraintes biomécaniques et agression cérébrale L’encéphale, nous l’avons vu, ne représente que 2 % de la masse corporelle mais sa consommation considérable en O2 (5 mL/min/100 g) et en glucose (31 µmol/min/100 g) représente respectivement 20 % et 25 % de la consommation totale de l’organisme au repos. Le DSC est élevé en conséquence : 20 % du débit cardiaque au repos (1). À cette circulation sanguine rapide se superpose la circulation du LCR plus lente à un débit de 0,35 à 0,40 mL/min (soit 500 à 600 mL/24 h). Ainsi, en pathologie, dans l’enceinte rigide craniospinale, trois paramètres principaux vont interagir de façon dynamique et contribuer à l’élévation de la PIC : l’élastance craniospinale, la résistance à l’écoulement du LCR et le volume sanguin cérébral. Rosner et al. (32-34) ont proposé un modèle qualitatif tenant compte de la composante vasculaire de l’HTIC. Selon ce modèle, toute augmentation de la PIC et toute diminution de la PPC, qu’elle qu’en soit l’origine, sont susceptibles d’entraîner une diminution des résistances vasculaires cérébrales (RVC) en autorégulation et donc une augmentation du VSC. Cette augmentation de VSC provoque une élévation supplémentaire de la PIC en un véritable cercle vicieux, vulgarisé sous le nom de « cascade vasodilatatrice ». De façon notable, pour qu’une telle cascade vasodilatatrice se produise, il est nécessaire que l’élastance craniospinale et la résistance à l’écoulement du LCR atteignent des valeurs critiques et que le « gain » de l’autorégulation soit élevé (35-37). En pratique, les abolitions de l’autorégulation sont rares. En matière de traumatologie crânienne, si l’autorégulation est souvent altérée de façon variable, elle ne modifie pas la relation qualitative attendue entre variations de PAM et de PIC (38). Il en résulte que le phénomène hémodynamique majeur caractéristique de l’hémodynamique cérébrale en HTIC est le couplage pathologique entre variation des RVC et variation de PPC. Dans ces conditions, une diminution des RVC provoque une diminution proportionnelle de la PPC du fait de l’augmentation du VSC et de la PIC. À un degré d’altération supérieur, il est possible d’observer des effets paradoxaux. La diminution des RVC laisse alors le DSC inchangé et dans les cas les plus graves peut même diminuer le DSC. (fig. 1 et fig. 2) (39, 40). L’effet inverse peut être observé lors de l’augmentation des RVC qui peut laisser le DSC inchangé ou parfois l’augmenter transitoirement. En pathologie traumatique focale, l’hétérogénéité de la réactivité vasculaire expose à la redistribution des flux par effet de « vol » (41) et à une régulation inadaptée du débit local lors de l’activation cérébrale physiologique ou pathologique. Les contraintes biomécaniques régnant sur l’encéphale confiné dans l’enceinte ostéoméningée n’expliquent cependant pas l’ensemble des phénomènes pathologiques observés en clinique. Ainsi, au décours du traumatisme crânien, il est possible d’observer une extension des lésions œdémateuses initiales alors même que PPC et PIC sont
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Fig. 1 – Analyse de sensibilité du rôle du gain de l’autorégulation. Les schémas décrivent l’évolution temporelle de la PIC (A) et la relation dynamique non linéaire liant la PIC au débit sanguin cérébral (VCM) (B) calculée par un modèle biomathématique durant une variation de PaCO2 (de l’hypocapnie aiguë à la normocapnie) à différents niveaux de pression artérielle moyenne (SAP) (65 mmHg : graphiques supérieurs ; 100 mmHg : graphiques au centre ; 135 mmHg : graphiques inférieurs). Les patients simulés sont caractérisés par une élévation modérée de la résistance à l’écoulement du LCR (Ro/Ro0 = 5), une diminution modérée de la compliance craniospinale (i.e., une augmentation du coefficient d’élastance : kE/kE0 = 1,3) et différentes valeurs du gain de l’autorégulation (Gaut,2/Gaut,20) des petites artères pie-mériennes (tirets : Gaut,2/Gaut,20 = 0,25 ; pointillés : Gaut,2/Gaut,20 = 0,75 ; ligne grasse continue : Gaut,2/Gaut,20 = 1 ; tirets-pointillés : Gaut,2/Gaut,20 = 1,25 ; ligne fine continue : Gaut,2/Gaut,20 = 1,5). (D’après Lodi et al. 1998.)
apparemment correctement contrôlées. De plus, il existe une cinétique particulière des syndromes hémodynamiques cérébraux. À J1 post-traumatique, il existe une corrélation entre la diminution du DSC et la profondeur du coma apprécié par le GCS. Cependant, dès J2 post-traumatique, cette corrélation disparaît tandis que le DSC tend à augmenter (42).
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Fig. 2 – Analyse de sensibilité du rôle de la résistance à l’écoulement du LCR. Les schémas décrivent l’évolution temporelle de la PIC (A) et la relation dynamique non linéaire liant la PIC au débit sanguin cérébral (VCM) (B) calculée par un modèle biomathématique durant une variation de PaCO2 (de l’hypocapnie aiguë à la normocapnie) à différents niveaux de pression artérielle moyenne (SAP) (65 mmHg : graphiques supérieurs ; 100 mmHg : graphiques au centre ; 135 mmHg : graphiques inférieurs). Les patients simulés sont caractérisés par des gains normaux de l’autorégulation (Gaut,1/Gaut,10 = 1 ; Gaut,2/Gaut,20 = 1), une diminution modérée de la compliance craniospinale (i.e., une augmentation du coefficient d’élastance : kE/kE0 = 1,3) et différentes valeurs de la résistance à l’écoulement du LCR (ligne grasse continue : Ro/Ro0 = 1 ; tirets : Ro/Ro0 = 2,5 ; pointillés : Ro/Ro0 = 5 ; tirets-pointillés : Ro/Ro0 = 7,5 ; ligne fine continue : Ro/Ro0 = 10). (D’après Lodi et al. 1998.)
Cette augmentation du DSC peut être relative ou absolue : – l’augmentation relative du DSC par rapport à la consommation cérébrale en O2 (CMRO2) est largement documentée tant au décours du TC que lors de l’ischémie-reperfusion ; – l’augmentation absolue du DSC quant à elle apparaît comme un phénomène banal à la périphérie des plages de contusion cérébrale dans les régions
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ou la récupération fonctionnelle est possible (43-45). Cette augmentation de débit est couplée à une hyperglycolyse locale (46). Il existe ainsi un paradoxe où l’hyperdébit semble à la fois lié à des processus de récupération fonctionnelle et accompagner l’extension progressive des lésions initiales. Cela soulève plusieurs interrogations, tant sur le phénomène à l’origine de l’augmentation du DSC et de la consommation cérébrale en glucose (CMRglu) dans les régions périlésionnelles, que sur la nature de l’œdème cérébral (OC) notamment post-traumatique. Il n’est cependant guère possible d’appréhender ces phénomènes pathologiques sans quelques rappels sur l’activation cérébrale physiologique.
Physiologie du métabolisme énergétique et de la transduction du signal dans le tissu cérébral Cycle glutamate-glutamine Chez l’Homme, le principal neurotransmetteur excitateur est un acide aminé : le glutamate. Sa libération par les terminaisons synaptiques exerce ses effets excitateurs sur les neurones postsynaptiques via des récepteurs spécifiques ionotropiques et métabotropiques (47). Les concentrations extracellulaires de glutamate sont en permanence finement régulées et son action excitatrice est rapidement neutralisée, essentiellement du fait de son recaptage par les prolongements astrocytaires qui couvrent la fente synaptique. Le maintien du glutamate extracellulaire à de faibles concentrations de l’ordre de 2-3 µM répond à une double nécessité d’optimisation du rapport signal-bruit lors de sa libération par les terminaisons glutamatergiques et de prévention des conséquences d’une excitation excessive. Ce recaptage se fait par un système de transporteurs d’acides aminés excitateurs (TAAE). Bien que plusieurs types spécifiques de TAAE aient pu être isolés sur les astrocytes que les neurones (48), ce sont les transporteurs astrocytaires qui assurent de façon prépondérante le recaptage du glutamate (49, 50). Ce recaptage se fait essentiellement le long d’un gradient électrochimique de Na+ de telle façon que, pour chaque molécule de glutamate transportée, trois ions Na+ pénètrent dans l’astrocyte (48, 51). Ce cotransport glutamate-Na+ est si étroit que le courant sodique ainsi généré reflète avec une grande précision temporelle l’activité synaptique excitatrice (52). Une fois recapté par les astrocytes, le glutamate est aminé sous forme de glutamine sous l’action de la glutamine-synthétase, enzyme spécifique aux astrocytes qu’on ne retrouve pas dans les neurones (53). Les ions ammoniums nécessaires à cette réaction proviennent du sang circulant mais aussi de la production mitochondriale des neurones postsynaptiques activés (54, 55). La
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glutamine est alors larguée puis captée par les neurones et de nouveau stockée sous forme de glutamate dans les vésicules présynaptiques après hydrolyse sous l’action d’une glutaminase phosphate dépendante spécifique des neurones (56). L’alanine et les acides aminés branchés et notamment la leucine sont d’autres précurseurs possibles du glutamate et de la glutamine. La consommation neuronale et astrocytaire de glutamate sous forme d’acides cétoniques et l’échange de glutamine contre des acides aminés neutres au travers de l’endothélium capillaire serviraient de tampon à ce cycle et permettraient de moduler le stock relargable. La synthèse de novo de glutamate par amination d’α-cétoglutarate permet de son côté la restauration du pool (fig. 3) (1, 57). Neurone
Astrocyte
Capillaire
Fig. 3 – Principales voies métaboliques du glutamate. Dans les astrocytes : la principale source de glutamate provient du recaptage du glutamate synaptique. La modulation des concentrations intracellulaires est assurée par la synthèse de novo à partir de l’amination de l’aKT issu du cycle tricarboxylique, ou en cas d’excès par son entrée dans le cycle tricarboxylique. Le glutamate est aminé en glutamine délivrée aux neurones. PC et GS sont des enzymes spécifiques aux astrocytes. La PC assure l’entretien d’une réaction anaplérotique du cycle tricarboxylique lorsque l’αKG est soustrait du cycle pour la synthèse de glutamate. Dans les neurones : la principale source de glutamate provient de la désamination de la glutamine relarguée par les astrocytes. La Glase est spécifique des neurones. L’amination de l’αKG délivré par les astrocytes et également issu du cycle tricarboxylique des neurones assure la modulation du pool. L’Ala nécessaire au processus d’amination est délivré par les astrocytes. Le métabolisme du glutamate neuronal apparaît critiquement dépendant de l’apport astrocytaire. (AAT : aspartate aminotransférase. AcCoA : acétyl co-enzyme A. Ala : alanine. ALAT : alanine aminotransférase. αKG : α-cetoglutarate. Asp : aspartate. GDH : glutamate déhydrogénase. Glase : glutaminase. GS : glutamine synthétase. Leu : leucine. LT : leucine transaminase. OxA : oxaloacétate. PC : pyruvate carboxylase. PDH : pyruvate déshydrogénase. Pyr : pyruvate. TCA cycle : cycle tricarboxylique de Krebs). (D’après Magistretti 1999.)
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Couplage du cycle du glutamate au cycle du glucose Nous avons vu que le recaptage astrocytaire de glutamate se faisait conjointement à une entrée de Na+. Cette entrée de Na+ active les pompes Na+ – K+ ATPase dépendante dont le métabolisme énergétique est glycolytique ; l’extrusion du Na+ échangé avec le K+ se fait donc conjointement à une production accrue de lactates. Des mouvements d’eau accompagnent les modifications des gradients ioniques : ces mouvements d’eau pourraient être à l’origine des diminutions transitoires du coefficient de diffusion apparent de l’eau (CDA), traduisant un gonflement cellulaire, observées lors de l’activation cérébrale (58). D’un point de vue énergétique, le rendement de la glycolyse anaérobie est faible et génère deux molécules d’ATP. L’une sera consommée lors de l’activation de la glutamine-synthase, la seconde par celle de la pompe Na+ – K+ ATPase dépendante. Il peut sembler paradoxal que la glycolyse de faible rendement énergétique soit préférentiellement utilisée par les astrocytes. Une explication possible est la rapidité avec laquelle cette réaction produit l’ATP nécessaire à la neutralisation du glutamate. De son côté, le lactate astrocytaire généré par ces processus régulant la neurotransmission est utilisé comme substrat énergétique par les neurones après transformation en pyruvate et incorporation dans le cycle aérobie de Krebs. Ce schéma du couplage de l’activité neuronale à l’utilisation du glucose (fig. 4) explique les pics de lactate observés en spectroscopie IRM lors de l’activation corticale physiologique (59, 60) et constitue l’une des avancées récentes dans la compréhension de la compartimentalisation fonctionnelle des métabolismes énergétiques complémentaires des astrocytes et des neurones (50, 61-63).
Découplage du métabolisme énergétique et du débit sanguin cérébral : réalité ou erreur de raisonnement ? Nous l’avons vu, le métabolisme énergétique cérébral est considérable. Rappelons-le encore une fois, la masse cérébrale ne représente que 2 % de la masse corporelle mais consomme 20 % et 25 % de l’O2 et du glucose au repos (1, 64). Le DSC est logiquement en rapport : 20 % du débit cardiaque au repos. Lors de l’activation cérébrale physiologique, le DSC augmente de 30 % alors que la CMRO2 n’augmente que de 5 % (65). Cette augmentation en apparence disproportionnée du DSC en regard de la CMRO2 a pu être qualifiée de « découplage » (65) entre ces deux paramètres. Ainsi, la saturation veineuse cérébrale est paradoxalement plus élevée lors de l’activation cérébrale et ceci est à la base de l’imagerie fonctionnelle de l’activation en IRM selon l’al-
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Fig. 4 – Couplage du métabolisme énergétique au métabolisme du glutamate. Le transport astrocytaitre du glutamate se fait le long d’un gradient électrochimique de Na+ qui active les pompes NA+/K+ ATPase dépendantes dont l’énergie provient du métabolisme glycolytique. Il en résulte une production de lactate délivré aux neurones où il rentre dans le cycle tricarboxylique. Le métabolisme astrocytaire est essentiellement glycolytique alors que le métabolisme neuronal est aérobie et dépendant de l’apport en lactate astrocytaire réalisant ainsi une compartimentalisation du métabolisme énergétique. Le métabolisme énergétique aérobie s’accompagne d’une production obligatoire de radicaux libres neutralisés par le GSH. Les neurones dépendent de façon critique de l’apport de GSH astrocytaire. (D’après Haid-Aissouni et al. 2002.)
gorithme utilisant la déoxyhémoglobine comme agent de contraste paramagnétique. Il faut cependant noter que, du fait du conflit existant entre la diffusion et la convection de l’O2 (quand le DSC augmente, le temps de transit diminue et moins de temps est laissé à la diffusion), 30 % d’augmentation de DSC est nécessaire à une augmentation de 5 % de la CMRO2 (66). Il est donc impropre de parler de « découplage » DSC/CMRO2. L’augmentation de débit est en réalité adaptée à l’augmentation de la demande métabolique et la restriction du DSC pourrait avoir de graves conséquences dans les situations pathologiques d’activation cérébrale. De même, la CMRglu augmente de 50 %, ce qui apparaît disproportionné en regard de 5 % d’augmentation de la CMRO2 (67). Nous avons vu que le captage et la neutralisation du glutamate par les astrocytes s’accompagnaient d’une glycolyse accrue dont le rendement énergétique est faible. Le calcul montre là aussi que, malgré la disproportion apparente dans l’augmentation de ces deux paramètres, plus de 70 % de l’énergie produite et requise par l’activa-
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tion cérébrale sont fournis par le métabolisme aérobie. La restriction de la disponibilité en O2 en situation d’activation pathologique pourrait, là aussi, avoir des conséquences graves sur le métabolisme énergétique cérébral.
Le NO : un neurotransmetteur et un vasodilatateur Le NO est un messager moléculaire produit de l’oxydation de la L arginine par une enzyme, la NO synthase, (NOS). Il existe plusieurs isoformes de cette dernière. dans le système nerveux central : NOS endothéliale (eNOS), NOS neuronale (nNOS) et NOS dite inductible (iNOS) (68). Cette dernière n’est normalement pas présente mais s’exprime dans les cellules microgliales (et probablement macrogliales) sous l’effet d’un stimulus immunologique (69). Cette classification reste cependant schématique, différentes formes de NOS pouvant être exprimées par une même population cellulaire. Les NOS constitutives eNOS, nNOS et aussi NOS astrocytaire (70) sont Ca++ dépendantes (71) et ne produisent de NO que lors de l’augmentation du [Ca++]i, alors que iNOS est Ca++ indépendante. Il en découle que la production régulée en petite quantité de NO par les NOS constitutives semble particulièrement adaptée à un rôle de neurotransmission, tandis que la production permanente et en grande quantité de NO par les NOS inductibles correspondrait à une fonction toxique associée aux processus inflammatoires (72, 73). Il est établi qu’au niveau cérébral la eNOS participe à la régulation du DSC en relaxant la fibre musculaire lisse endothéliale en réponse aux forces de cisaillement (74), à la stimulation des récepteurs protéine-G dépendants cholinergique, muscarinique (75) et B2 bradykinine (76) qui tous trois augmentent le [Ca++]i. Le NO formé ne se fixe pas sur un récepteur membranaire spécifique mais interagit avec un second messager du système des récepteurs protéines-G. Le NO stimule notamment la guanylyl-cyclase, augmente la concentration de GMPc et active la proteine kinase G. L’action pharmacologique vasodilatatrice de cette dernière n’est pas bien connue mais semble liée aux mouvements calciques générés par l’activation des récepteurs endoplasmiques ryanodine (77). Si le NO semble impliqué dans certaines réponses fondamentales de la microcirculation cérébrale, il est rarement indispensable de façon isolée à une activité vasomotrice donnée, qu’il s’agisse de la réactivité au CO2, de l’autorégulation métabolique ou de l’autorégulation face aux variations de pression. Il apparaît plus souvent comme un facteur permissif ou modulant le tonus de base que comme un effecteur obligatoire sauf sans doute dans le cervelet (78). Le NO est d’ailleurs préférentiellement produit dans les artérioles cérébrales de gros diamètre (79) qui sont les effecteurs de l’autorégulation pour les niveaux élevés de PA alors que les artérioles de petit diamètre sont les effecteurs de l’autorégulation métabolique et des bas niveaux de PA (80, 81). Il existe de plus des interactions complexes entre le NO, le système des prostanoïdes (dont nous
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verrons qu’il occupe un rôle central dans l’autorégulation métabolique) et le facteur endothélial hyperpolarisant (EDHF) dont l’action préférentielle s’exercerait sur les artérioles de petit diamètre. L’EDHF n’est pas encore isolé avec certitude, il pourrait s’agir de radicaux libres ou des acides époxyeicosatriénoïque formés par l’action d’une cyt-P450 époxygénase sur l’acide arachidonique (fig. 5). Contrairement au NO et aux prostanoïdes, l’EDHF est nécessaire à la propagation à distance de la réaction vasomotrice au travers des connexines couplant les cellules endothéliales et musculaires lisses (82). Le lecteur intéressé par le rôle du NO dans les différentes régulations cérébrovasculaires consultera avec profit la revue exhaustive de Iadecola et Niwa (83).
Fig. 5 – Représentation schématique des principaux mécanismes responsables de la relaxation de la fibre musculaire lisse et de la vasodilatation. La production endothéliale de NO de prostanoïdes et d’acides eipoxyeicosanetrieinoique module le tonus vasculaire de base. La libération synaptique de glutamate active les métaborécepteurs astrocytaires au glutamate et génère des ondes calciques par activation des IP3r. L’activation de la PLA2 et de la COX abouti à la libération de PGE2 par les astrocytes. La PGE2 astrocytaire est le facteur couplant l’activité neuronale à la vasodilatataion artériolaire locale. (AA : acide arachidonique. Ad cycl : adenyl cyclase. AMPc : AMP cyclique. Astr : Astrocyte. Bkca : canal potassique calcium dépendant. cNOs : oxyde nitrique synthase constitutive. Cox : cyclooxygenase. Cyt P 450 : cytochrome P 450. EETs : acides eipoxyeicosanetrieinoique. End cell : celule endotheliale. EP2, EP4 : recepteurs de la prostaglandine E2. GC : guanylate cyclase Glu : glutamate. GMPc : GMP cyclique. Mglu R : metaborecepteur au glutamate. IP3 : inositol tri-phosphate. IP3r : recepteur à l’ inositol tri-phosphate. K+ ATP : : canal potassique ATP dépendant. KIR : canal potassique rectifieur entrant. Kv : canal potassique voltage dépendant. NO : oxyde nitrique. N pre, N post : bouton neuronal pre et post-synaptique. PgE2 : prostaglandine E2. PgL2 : prostaglandine L2. PLC, PLA2 : phospholipase C, phospholipase A2. PLPm : phospholipides membranaires. Pka, PKg : proteine-kinase A, proteine-kinase G. Ryr : recepteur à la ryanodine. Sarc Ret : reticulum sarcoplasmique. VDCC : canal calcique voltage dépendant. – Vm : hyperpolarisation. VSM : cellule musculaire lisse vasculaire.)
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Mécanismes liant l’activation cérébrale à l’augmentation du débit sanguin cérébral Cela fait plus d’un siècle que le couplage entre l’activation cérébrale et l’augmentation du DSC des aires concernées à été décrite par Roy et Sherrington (84). Depuis, de nombreuses hypothèses ont été avancées sur la nature des mécanismes moléculaires liant l’activation à l’augmentation du débit et, jusque très récemment, aucune n’a pu être formellement démontrée. Nous avons vu que l’activation cérébrale principalement liée à la libération synaptique de glutamate s’accompagnait d’une hyperglycolyse astrocytaire. Les astrocytes de leur côté occupent une position intermédiaire stratégique entre les neurones et les cellules endothéliales recouvertes par les pieds astrocytaires dont la structure en rosette très particulière possède des rapports anatomiques privilégiés avec les transporteurs endothéliaux du glucose (85). Les astrocytes sont ainsi de bon candidats tant au plan anatomique que métabolique, pour être impliqués dans les mécanismes de la vasodilatation en autorégulation métabolique cérébrale (86). Récemment, la démonstration a été faite que ce sont bien les astrocytes qui contrôlent la vasodilatation en libérant localement un dérivé prostanoïde (probablement la PGE2). Le schéma serait le suivant : le glutamate libéré par les neurones dans la fente synaptique active les métaborécepteurs astrocytaires. Un train d’onde calcique provoqué par l’activation des récepteurs endoplasmique IP3 se propage vers les prolongements astrocytaires périvasculaires. L’activation calcique d’une phospholipase de type non encore identifié provoque la production d’acide arachidonique (AA) à partir du stock de phospholipides membranaires, l’action de la cyclo-oxygénase aboutit alors à la production de dérivés prostanoïdes vasodilatateurs. Ainsi, « le dialogue neurone-astrocyte est au centre du contrôle dynamique de la microcirculation cérébrale » (fig. 5) (87, 88).
Métabolisme des radicaux libres Comparativement aux autres organes, le cerveau est un producteur de grandes quantités de radicaux libres durant la phosphorylation oxydative du fait de sa forte consommation en O2 (20 % de la CMRO2) qui doit être rapportée à sa faible masse (2 %). On estime en effet que 5 % de l’O2 consommé par le cerveau sont utilisés dans des voies alternatives aboutissant à la formation de radicaux libres ou de molécules apparentées dont les interactions secondaires aboutissent à la formation de ces radicaux (89). Cette production de radicaux libres se fait physiologiquement au niveau des complexes I et II de la chaîne respiratoire mitochondriale et lors de la transformation de l’acide arachidonique en prostanoïdes sous l’action de la cyclo-oxygénase.
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Les radicaux libres sont essentiellement représentés par l’anion superoxide (O--), le peroxide d’hydrogène (H2O2) et l’ion hydroxyl (OH). Il faut y ajouter le monoxyde d’azote qui, sans être à proprement parler un radical libre, forme en présence d’O-- l’anion peroxynitrite (ONOO-). Les radicaux libres induisent un stress oxydatif provoquant la peroxydation lipidique qui a pour propriété de s’auto-entretenir. Cette peroxydation aboutit à la perte graduelle de l’intégrité des membranes cellulaires, à des modifications protéiques complexes altérant les propriétés enzymatiques et à des modifications et des ruptures de l’ADN. Ces cassures de l’ADN ne sont pas nécessairement irréversibles car elles induisent la synthèse d’enzymes de réparation, fortement consommatrice d’énergie, dont notamment la poly-adényl-ribose-polymérase qui assure ainsi la stabilité génomique face au stress oxydatif permanent (90). D’une façon générale, les radicaux libres sont impliqués dans les processus physiologiques de mort cellulaire aussi bien nécrotique qu’apoptotique. Un rôle particulier semble dévolu à l’anion peroxynitrite, à la fois dans le contrôle physiologique de la respiration mitochondriale et les processus de mort cellulaire (91-93). De son côté, le métabolisme de l’AA produit des radicaux libres et entraîne une peroxidation lipidique (94, 95). À l’inverse, les radicaux libres augmentent la formation d’AA en activant la PLA2 qui provoque l’hydrolyse des phospholipides membranaires (96, 97). Enfin, il existe une grande quantité de fer dans certaines régions du cerveau (substance noire) et ce fer catalyse la formation de radicaux hydroxyls (98). La dissipation permanente des radicaux libres est ainsi essentielle au maintien de l’homéostasie du système. Cependant, comparativement au foie ou au rein, le cerveau ne possède qu’une modeste activité superoxide dismutase, catalase et glutathion peroxidase. Le glutathion (GSH) représente donc le principal dissipateur de radicaux libres du système nerveux central (99-103). Le GSH est un tripeptide formé de glutamate de cystéine et de glycine. Il est retrouvé aussi bien dans les astrocytes que les neurones bien que ces derniers en contiennent de plus faibles quantités. Sa concentration intracellulaire est régulée par un mécanisme de rétrocontrôle inhibant l’une des deux enzymes clefs de sa propre synthèse. De façon intéressante, son métabolisme et donc, nous l’avons vu, la principale ligne de défense contre le risque permanent de stress oxydatif, relèvent là aussi d’une forme de coopération métabolique entre les neurones et les astrocytes (104-106). Outre les trois peptides mentionnés, les astrocytes sont capables de synthétiser le GSH à partir d’un grand nombre d’acides aminés et de peptides tandis que la synthèse neuronale de GSH est dépendante de la disponibilité extracellulaire de cystéine. En pratique, la glycine et la cystéine nécessaires à la synthèse neuronale sont fournies par les astrocytes qui libèrent des quantités importantes de GSH dans le milieu extracellulaire (10 % du GSH intracellulaire toutes les heures). Ce GSH est clivé successivement par l’action d’une γ-glutamyl transférase ectoastrocytaire et d’une ectoenzyme neuronale pour fournir les précurseurs nécessaires. La glutamine issue du cycle glutamate-glutamine entre astrocyte et
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neurone constitue le meilleur précurseur extracellulaire du glutamate nécessaire à la synthèse neuronale de GSH. Ainsi, les trois acides aminés nécessaires à la synthèse neuronale de GSH sont fournis aux neurones par les astrocytes. (fig. 4) Il n’est donc pas surprenant que les astrocytes aient une puissante action neuroprotectrice contre le stress oxydatif (104-107).
De la physiologie à la pathologie Toxicité du glutamate et métabolisme énergétique Le statut énergétique cérébral joue un rôle déterminant dans l’excitotoxicité provoquée par l’inhibition du recaptage astrocytaire du glutamate. De façon intéressante, l’inhibition transitoire et isolée du recaptage du glutamate ne provoque pas de lésions neuronales. En revanche, l’association de cette inhibition à une altération pharmacologique du métabolisme énergétique (n’entraînant pas de lésion chez les animaux témoins) provoque des lésions neuronales marquées (108). La défaillance énergétique apparaît donc comme l’élément essentiel faisant passer de l’excitation physiologique à l’excitotoxicité pathologique. Ce point est fondamental en clinique non seulement au décours d’épisodes anoxiques ou ischémiques où la défaillance énergétique constitue l’événement pathologique initial, mais également en pathologie traumatique où les causes de la défaillance énergétique sont plus complexes. On sait en effet, en matière de traumatologie crânienne, que pour générer un œdème cérébral intracellulaire significatif il est nécessaire de potentialiser le stress mécanique par un épisode d’hypotension et d’hypoxie modéré, insuffisant en soi à générer des lésions (3). Les raisons cliniques d’un épisode anoxo-ischémique surajouté au décours d’un traumatisme violent sont multiples. Il existe cependant des processus biochimiques qui par eux-mêmes, vont contribuer à la faillite énergétique lors de la libération massive et soutenue de glutamate. Ainsi, certains acides gras libres produits en excès inhibent la pyruvate déhydrogénase enzyme limitante de l’entrée dans le cycle de Krebs (109). De son côté, l’activation calcique de la NOS constitutive augmente la production de NO et de peroxynitrites qui inhibent la respiration mitochondriale (93). Une telle altération des fonctions mitochondriales a pu être mise en évidence au décours du TC humain (110) et ces altérations des fonctions mitochondriales sont atténuées par le blocage de la libération pré-synaptique de glutamate (111). De plus, le glutamate joue un rôle central dans le contrôle de la synthèse du GSH qui constitue la principale ligne de défense du tissu cérébral contre le stress oxydatif. On sait que le glutamate astrocytaire est échangé par un système de transport contre de la cystine transformée en cystéine. Il a été démontré que
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l’augmentation du glutamate extracellulaire pouvait provoquer la mort des différentes populations cellulaires cérébrales en altérant le transport de la cystine, mécanisme essentiel à la synthèse du GSH. Ainsi, à côté de la surstimulation des récepteurs, la toxicité du glutamate est largement liée au stress oxydatif et à la mort par apoptose dus à la diminution du contenu en GSH (112-119). Il existe de plus un faisceau d’arguments démontrant que la synthèse de glutathion nécessite un stock intracellulaire rapidement mobilisable de glutamate et que le glutamate est également un précurseur limitant de la synthèse de glutathion (fig. 4) (112, 113). Ainsi par exemple l’inhibition de la transformation du glutamate en glutamine permet la production soutenue de GSH en l’absence de cystine qui jusque récemment était considérée comme le précurseur limitant de la synthèse du GSH (120). Le transport intra-astrocytaire de glutamate protégerait ainsi non seulement les neurones de l’excitotoxicité mais également du stress oxydatif général.
Ratio DSC/CMRglu : un marqueur de l’agression cérébral À ces mécanismes biochimiques s’ajoutent les désordres microcirculatoires de la zone de « pénombre » autour d’un hématome, d’un foyer d’ischémie ou d’une zone d’attrition traumatique. Nous avons vu qu’il n’existe probablement pas de « découplage » de l’augmentation de DSC et des CMRO2 et CMRglu lors de l’activation cérébrale physiologique. En pathologie, la réalité d’une hyperglycolyse ne fait guère de doute dans le traumatisme crânien tant clinique qu’expérimental (121-126). Cette hyperglycolyse précoce du TCG peut être rapportée à la glycolyse astrocytaire nécessaire au rétablissement des gradients ioniques. Sa particularité est que, contrairement à l’activation physiologique, elle ne s’accompagne pas d’une augmentation du DSC mais au contraire d’une diminution de celui-ci. Il est probable que la restriction de l’augmentation de DSC lors de la libération massive de glutamate puisse limiter la disponibilité en glucose nécessaire à la production rapide d’ATP indispensable au recaptage astrocytaire du glutamate. Ce découplage entre DSC et métabolisme du glucose semble être un événement majeur de la rupture de l’homéostasie métabolique entre neurones et astrocytes qui aboutit à la faillite énergétique des populations cellulaires cérébrales et, comme les processus évoqués plus haut, à l’extension des lésions initiales. Au décours du TC, tous les types cellulaires ne sont pas également concernés par les processus œdémateux. L’analyse microscopique de tissus cérébraux contus de patients subissant une résection chirurgicale de sauvetage montre que les astrocytes sont initialement affectés (127, 128). L’œdème astrocytaire massif se voit préférentiellement entre la troisième heure et le troisième jour post-traumatique, tandis que les lésions neuronales sont plus tardives entre le troisième et onzième jour. L’œdème astrocytaire constitue donc un événement précoce qui prédispose le cerveau à des lésions neuronales surajoutées,
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secondairement à l’altération des fonctions homéostatiques et métaboliques astrocytaires (127, 129).
Physiopathologie de la « pénombre » Un aspect particulier de la physiopathologie des lésions ischémiques est leur propension à s’étendre à partir du cœur du foyer ischémique. L’imagerie de diffusion montre qu’un infarctus croît progressivement dans la zone de pénombre. Ainsi, immédiatement après une occlusion artérielle, la zone d’œdème intracellulaire caractérisée par une diminution de CDA est incluse dans une région deux fois plus grande de déplétion en ATP. En sept heures, la zone de diminution de CDA devient superposable à la zone de déplétion en ATP et ce à DSC régional stable (130). Bien que moins étudiées, il semble en être de même des lésions traumatiques et ce, indépendamment de la réduction globale du DSC due par exemple à une HTIC majeure. La raison de cette expansion dans des aires tissulaires où le DSC est préservé est essentielle à comprendre car cette expansion est la cible de toute tentative d’intervention thérapeutique dès lors que la phénoménologie hémodynamique générale est contrôlée. En pratique, l’expansion de l’infarctus dans la zone de pénombre semble liée à l’apparition d’ondes de dépolarisation semblable à la dépression propagée corticale ou « cortical spreading depression » (SD) des Anglo-saxons. La SD est caractérisée par une onde propagée d’activité électrique de dépolarisation membranaire. Elle peut être déclenchée par de nombreuses situations tant cliniques qu’expérimentales telles qu’un traumatisme tissulaire, un épisode ischémique, une crise migraineuse, la stimulation électrique, l’application de K+ extracellulaire ou d’un inhibiteur des pompes Na+/K+ ATPase dépendantes tel que l’ouabaïne. La propagation de la SD est un processus glutamate dépendant et l’augmentation transitoire de la concentration en neurotransmetteur excitateur lors du passage de l’onde de dépolarisation a pu être mise en évidence par microdialyse (131, 132). Ces ondes s’accompagnent de courants calciques astrocytaires. Ces courants calciques, malgré quelques controverses persistantes ne sont cependant nécessaires ni à l’initiation ni à la propagation de la SD (133), mais pourraient coder dans cette situation pour la vasodilatation en autorégulation qui l’accompagne. En effet, l’onde de SD induite dans un cortex sain s’accompagne d’une augmentation très importante (de l’ordre de 200 %) du DSC régional, d’une augmentation en rapport de la CMRO2 et de la CMRglu et d’une diminution du contenu en ATP accompagnée d’une acidose transitoire (134-139). L’ensemble de ces modifications évoque une amplification des phénomènes métaboliques observés lors de l’activation physiologique, amplification à laquelle la mise en phase des unités dépolarisées participe certainement. De façon essentielle, une onde isolée de SD se propageant dans ces conditions dans un tissu sain ne s’accompagne pas de lésion histologiquement
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détectable (140, 141). Il en va tout autrement lors du passage de l’onde de SD propagée dans la zone de pénombre ischémique. Dans ce cas la phase d’hyperperfusion est abolie et il existe une diminution de l’oxygénation tissulaire à chaque passage de l’onde de dépolarisation (142, 143). Les raisons pour lesquelles le DSC n’augmente pas dans la pénombre sont probablement multiples et d’importance variable selon la nature de la pathologie, ischémique ou traumatique, et selon la position sur la courbe d’élastance intracrânienne. Elles vont du couplage biomécanique pathologique entre diminution des RVC et diminution de la PPC, à l’abolition des trains d’ondes calciques codant pour la libération astrocytaire de prostanoïdes vasodilatateurs, en passant par la réduction de la circulation collatérale, la compression des capillaires cérébraux par les pieds astrocytaires œdématiés, et les perturbations microrhéologiques liées à la formation de micro-thrombi et à l’adhérence des macrophages polymorphonucléaires dans les capillaires et les veinules cérébraux (144). L’importance de la dépolarisation pathologique dans l’extension des lésions primitives ne doit pas être sous-estimée. Il existe en effet une corrélation étroite entre le volume de l’infarctus et le nombre d’épisodes de dépolarisation, chaque vague de dépolarisation augmentant le volume de l’infarctus de plus de 20 % (145-147). Il en va très probablement de même en pathologie traumatique humaine, notamment lorsqu’il existe un hématome sous-dural. L’enregistrement direct des potentiels corticaux de surface montre en effet que non seulement les épisodes de SD ne sont pas rares mais qu’ils sont au contraire fréquents dans ce contexte (148). Il est concevable à la lueur de ce que nous avons exposé de la physiologie de l’activité cérébrale que la dépolarisation neuronale en situation de bas débit sanguin dans un environnement comprenant de fortes concentrations de neurotransmetteurs excitateurs aboutisse à l’accumulation intracellulaire de Ca++, à la faillite énergétique et à l’augmentation continue du volume lésionel (149). Récemment, il a été démontré que l’endothéline était l’un des plus puissants inducteurs connus de SD. Le mécanisme suspecté est comme pour l’ouabaïne une inhibition du fonctionnement des pompes Na+/K+ ATPase dépendantes. Malgré les propriétés vasoconstrictrices de l’endothéline (150), la vague de SD ainsi induite s’acccompagne d’une augmentation du DSC (151). On sait que l’endothéline est relarguée par les astrocytes lors de la souffrance cérébrale hypoxique ou ischémique (152). De façon remarquable la coapplication d’endothéline en présence d’hémoglobine comme en présence d’un inhibiteur de la synthétase de l’oxyde nitrique déclenche une vague de SD qui s’accompagne non pas d’une augmentation mais d’une diminution importante et prolongée de DSC (153). Ainsi, la rupture de l’équilibre entre production d’endothéline et de NO participerait à l’extension ischémique lors des vagues de SD. Ceci souligne encore une fois l’importance des équilibres dynamiques nécessaires au rétablissement et au maintien de l’homéostasie au décours de l’agression cérébrale.
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Conclusion Le métabolisme énergétique cérébral et les fonctions de transduction et de traitement du signal sont étroitement liés. Le caractère rigide de la cavité ostéoméningée compromet ce couplage par les perturbations hémodynamiques induites dès que l’inflation intracrânienne dépasse le volume critique qui est toujours modeste. Au niveau moléculaire le couplage du métabolisme énergétique aux fonctions de signalisation se traduit par un métabolisme intriqué du glutamate et du glucose. L’importance de la consommation en O2 en regard de la faible masse tissulaire rend le cerveau particulièrement vulnérable au stress oxydatif et donc particulièrement dépendant du renouvellement en glutathion. La synthèse de glutathion semble dépendante des fonctions de régulation des concentrations synaptiques de glutamate par les astrocytes. La compréhension des mécanismes de protection contre le stress oxydatif physiologique apparaît indispensable à la mise au point de stratégie de protection cérébrale en situation pathologique.
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Œdème cérébral : physiopathologie et diagnostic J.-F. Payen, G. Francony et B. Fauvage
Introduction L’œdème cérébral (OC) est défini par l’accumulation nette d’eau et de solutés dans le secteur intracellulaire et/ou dans le secteur extracellulaire cérébral, à l’origine d’une augmentation de volume de la masse cérébrale. Il existe de nombreuses façons de classer l’OC : selon son type (cytotoxique, vasogénique, interstitiel, osmotique), sa localisation (intracellulaire ou extracellulaire), son atteinte tissulaire (substance grise ou blanche), la présence ou non d’une rupture de la barrière hémato-encéphalique (BHE), le mécanisme en cause. À l’heure actuelle, la classification proposée en 1967 par Igor Klatzo reste la plus simple et la mieux admise par tous (1, 2). Cette classification est basée sur deux types d’OC : l’œdème cytotoxique, qu’il est préférable d’appeler œdème cellulaire, est lié à une atteinte de la perméabilité membranaire de la cellule, conduisant à l’accumulation intracellulaire d’eau et d’ions (Na+, Ca++) ; l’œdème vasogénique, où l’ouverture de la BHE provoque un passage d’eau, d’électrolytes et de protéines dans le secteur interstitiel. Certains auteurs distinguent aussi l’œdème osmotique, lié à un gradient osmotique de part et d’autre de la BHE, combinant un œdème cellulaire et un œdème interstitiel pauvre en protéines (BHE intacte) (3). Les causes d’OC en clinique humaine sont très nombreuses, étant responsables soit d’un OC diffus, soit d’un OC localisé (tableau I). Dans la plupart des cas, les deux types d’OC, cellulaire et vasogénique, coexistent, avec un délai d’apparition entre 1 et 6 heures, une amplitude maximale à 24-48 heures, et une résolution spontanée entre 5 et 15 jours en l’absence de complications. Cela étant, des différences dans le mode d’apparition selon le type d’OC peuvent avoir lieu ; par exemple, l’œdème vasogénique fait suite à l’œdème cellulaire en cas de lésion ischémique complète avec reperfusion (4). L’OC post-traumatique a longtemps été considéré comme purement vasogénique en
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Tableau I – Principales causes d’œdème cérébral (OC) associé (+) ou non (–) à une augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique (BHE). Caractères de l’OC
Causes
Diffus
Traumatisme crânien Hémorragie sousarachnoïdienne Encéphalopathie hypertensive Méningite bactérienne (pneumocoque) Encéphalite virale (herpès) Hépatite fulminante Épuration extrarénale Mal aigu des montagnes Acidocétose diabétique Intoxication à l’eau Encéphalopathie anoxique Syndrome de Reye Accident vasculaire ischémique Tumeur primitive ou secondaire Hémorragie intracérébrale
Localisé
Perméabilité de la BHE + + + + + + + + ? – – – + + +
raison de la présence de contusions hémorragiques (BHE rompue). En fait, le type d’OC post-traumatique dépend des lésions initiales (diffuses ou focales) et de la présence ou non de facteurs secondaires aggravants (hypotension artérielle, hypoxémie, ischémie). Dans la majorité des lésions post-traumatiques, en clinique comme en expérimental, l’œdème cellulaire est prédominant (3) ; il pourrait être précédé d’un œdème vasogénique de survenue ultraprécoce (60 minutes post-traumatique) (5). Enfin, il a été clairement montré que le « brain swelling » post-traumatique n’est pas lié à un engorgement vasculaire mais correspond à un œdème cellulaire (6). Quel que soit son type, la survenue d’un OC représente une double menace pour le cerveau : une ischémie et un risque d’engagement cérébral. Un OC localisé (hématome, tumeur) peut provoquer un déplacement de structures encéphaliques à l’origine d’un engagement temporal, sous-falcoriel ou cérébelleux. Au cours de l’OC diffus, une augmentation de 1 % du contenu en eau intracérébrale équivaut à 13 mL dans un cerveau de 1 300 g ; cette augmentation est largement suffisante pour élever la pression intracrânienne (PIC) de 10 à 20 mmHg dans un cerveau à compliance réduite (index pression-volume de 20 mL). L’apparition d’une hypertension intracrânienne (HTIC) compromet alors la perfusion cérébrale et entraîne une ischémie cérébrale qui, à son tour, aggrave l’OC (7). L’OC devient alors un œdème ischémique, associant un œdème cellulaire et un œdème vasogénique. La figure 1 illustre ce que pourrait être l’évolution temporelle de l’OC post-traumatique : vasogénique puis cellulaire, et ischémique en présence d’une HTIC. Cependant, en l’absence d’ischémie secondaire à l’HTIC, l’évolution spontanée de l’OC se fait vers sa résorption, débutant à la fin de la première semaine postagression. Trois mécanismes sont possibles pour expliquer un tel phénomène : un mouvement d’eau vers le LCR sous l’influence des gradients de pression, un recaptage cellulaire actif des protéines accumulées dans le secteur interstitiel, ou une réabsorption d’eau par les capillaires (8). Le mécanisme préférentiel de drainage de l’OC
Œdème cérébral : physiopathologie et diagnostic
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Fig. 1 – Evolution temporelle de l’œdème cérébral post-traumatique. Un œdème vasogénique (V) pourrait survenir de manière ultraprécoce, suivi d’un œdème cellulaire (C). En cas d’hypertension intracrânienne, avec ou sans facteurs systémiques d’aggravation secondaire, l’OC serait de type ischémique (OI).
serait le LCR, soit par les ventricules cérébraux, soit par les espaces sous-arachnoïdiens (9). La définition de l’œdème vasogénique dépend de l’état de la BHE. La BHE représente une authentique barrière entre le tissu cérébral et le sang afin de protéger et de réguler l’environnement cérébral. La BHE se caractérise par la présence de cellules endothéliales séparées par des jonctions serrées (7-9 Å), une lame basale continue, des pieds astrocytaires et de nombreux canaux et transporteurs transmembranaires (fig. 2). Ceci rend la BHE imperméable aux protéines, aux ions et peu perméable à l’eau (faible conductivité hydraulique). En raison de cette disposition très particulière, la régulation des mouvements d’eau de part et d’autre de la membrane capillaire cérébrale obéit à une loi de Starling modifiée, qui tient compte des gradients de pression hydrostatique (∆P), de pression oncotique (∆p) entre le capillaire et le tissu cérébral, et du gradient de pression osmotique (∆Ω) : Q = K (∆P – σ∆π – ∑∆Ω) (Eq. 1) avec Q, le débit de filtration transcapillaire, K, le coefficient de filtration de la paroi capillaire (fonction de la perméabilité capillaire et de la surface d’échange), σ le coefficient de réflexion oncotique et ∑ le coefficient de réflexion osmotique. Quand la BHE est intacte, ces deux coefficients de réflexion sont proches de 1. Le gradient de pression hydrostatique ∆P et le coefficient de filtration K sont des forces qui favorisent la sortie d’eau du capillaire, tandis que les autres forces (oncotiques et osmotiques) s’y opposent. Comme un gradient osmotique de 1 mOsm est équivalent à un gradient hydrostatique de 19 mmHg, on peut estimer la part respective de ces gradients de pression dans la régulation des mouvements d’eau en conditions physiolo-
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Fig. 2 – La barrière hémato-encéphalique avec ses principaux transporteurs (cercles) et canaux (cylindres). TJ : jonctions serrées ; AQP4 : aquaporine 4. (D’après Kimelberg (2).)
giques : 10-30 mmHg pour ∆P, 25 mmHg pour ∆p, et 50 mmHg pour ∆Ω (2). La valeur négative qui en résulte est purement théorique, soulignant que le débit net d’eau de part et d’autre de la BHE est proche de 0 quand la BHE est intacte. Cet effet est lié essentiellement au gradient osmotique exercé par les ions (Na+, K+, Ca++) en solution, puisque leur pouvoir osmotique (285 mOsm/kg) est largement supérieur à celui des protéines circulantes (1 mOsm/kg). En revanche, quand la BHE est lésée, le passage transcapillaire des ions et des protéines diminue l’influence des forces osmotiques et oncotiques ; les mouvements liquidiens deviennent fonction de la pression hydrostatique et du degré de perméabilité membranaire induit par l’atteinte de la BHE.
L’œdème cellulaire Le cerveau ne se comporte pas comme un osmomètre idéal : de grandes variations de l’osmolalité plasmatique entraînent des changements beaucoup plus modestes du contenu en eau intracérébrale (10). Ceci est lié à la régulation fine et rapide du volume cellulaire sous la dépendance de pompes ioniques trans-
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membranaires : cotransporteur Na+/K+/Cl-, échangeurs Na+/H+ et HCO3-/Cl-. Ainsi, la perte d’eau intracellulaire induite obligatoirement par une augmentation de l’osmolalité plasmatique est compensée en partie par une accumulation intracellulaire d’ions osmotiquement actifs. Cependant, en cas d’hyperosmolalité plasmatique prolongée, il y a une synthèse intracellulaire d’osmoles idiogéniques (sorbitol, myoinositol, taurine, alanine), pérennisant l’état d’hyperosmolarité intracellulaire et rendant toute baisse ultérieure de l’osmolalité plasmatique plus difficile à réguler (11). Il faut intégrer actuellement les aquaporines (AQP) dans les processus de régulation des mouvements transmembranaires d’eau ; ce sont des canaux spécifiques du transport de l’eau, très largement répandus dans l’organisme, fonctionnant selon le gradient osmotique pour faciliter le transport rapide des molécules d’eau (12). Dans le cerveau, le type 4 (AQP4) est particulièrement présent dans les pieds astrocytaires et aurait un rôle majeur dans le développement de l’OC : des souris transgéniques n’exprimant pas l’AQP4 ont eu un OC cellulaire nettement moins important au cours d’une intoxication à l’eau (13, 14). L’œdème cellulaire résulte d’une accumulation intracellulaire d’osmoles, avec transfert concomitant d’eau. Le volume de l’espace interstitiel peut être alors réduit. L’OC cellulaire prédomine au niveau des cellules gliales et, accessoirement, des dendrites neuronales. Cette réaction est davantage un mécanisme adaptatif visant à protéger les neurones qu’une faillite énergétique de la cellule, incapable de maintenir des gradients ioniques transmembranaires. La lésion tissulaire induit la libération et l’accumulation extracellulaire d’ions H+, de K+, d’acide arachidonique, de radicaux libres et de glutamate, pouvant générer la mort des cellules neuronales. La capacité de recaptage de ces éléments par les cellules gliales est alors stimulée, entraînant, par le jeu des cotransporteurs ioniques, une accumulation intracellulaire de Na+ et d’eau et une baisse intracellulaire de K+ (2, 15). La dépolarisation membranaire ainsi induite provoque une accumulation intracellulaire de Ca++, à l’origine d’une cascade de réactions biochimiques délétères pour la cellule.
L’œdème vasogénique L’œdème vasogénique correspond à un filtrat du plasma à travers la BHE. Il prédomine dans la substance blanche en raison de la meilleure compliance liée à l’orientation parallèle des fibres à ce niveau. D’après l’équation de Starling modifiée (Eq. 1), on peut distinguer deux grands mécanismes à l’origine de l’œdème vasogénique, qui sont étroitement liés : une augmentation du gradient de pression hydrostatique (origine mécanique) et une augmentation de la perméabilité membranaire (origine biochimique). Ces mécanismes ont été détaillés récemment (16). L’encéphalopathie hypertensive est la traduction clinique d’une rupture de la BHE par augmentation excessive du gradient de pression hydrostatique. Ainsi, l’élévation de la pression artérielle moyenne
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(PAM) au-delà de 170 mmHg entraîne une distension passive des parois artériolaires sur vaisseaux isolés (17) : la limite supérieure de l’autorégulation cérébrale est dépassée, et toute augmentation de la PAM est source d’une extravasation d’eau et de solutés dans le tissu cérébral. Il est connu depuis longtemps qu’un gradient excessif de pression hydrostatique est un élément majeur dans l’apparition d’un œdème vasogénique dans la zone de pénombre entourant le territoire ischémié : un œdème vasogénique apparaît précocement si la PAM est augmentée de 40-50 mmHg par rapport à sa valeur initiale (18, 19). Au cours du traumatisme crânien, la séquence hypoperfusion initiale-hyperhémie secondaire a été bien décrite (20). Le rôle joué par le gradient de pression hydrostatique dans la survenue ou la majoration de l’œdème vasogénique est alors à la base de conceptions très différentes dans le choix d’une pression de perfusion cérébrale (PPC) optimale chez un patient traumatisé. Selon la théorie de Rosner, le maintien d’une PPC au-dessus de la limite inférieure de l’autorégulation (PPC supérieure à 70 mmHg) évite la cascade vasodilatatrice, source d’aggravation de la PIC (21). Cette théorie suppose que l’autorégulation cérébrale reste intacte, et le plateau d’autorégulation réduit avec la limite inférieure de la courbe déviée vers la droite. Inversement, le concept de Lund s’appuie sur l’équation de Starling afin de réduire au maximum le débit de filtration transcapillaire (22). Dans ce cas, le niveau de PPC est plus bas (PPC 50-60 mmHg). Ce concept suppose que l’autorégulation cérébrale est altérée au cours du traumatisme crânien, et que la BHE est perméable après traumatisme crânien. En l’absence d’essais comparatifs, il est difficile d’adopter une attitude définitive en clinique humaine. Il semble cependant prudent de maintenir des valeurs de PPC de 60-70 mmHg pour la plupart des patients traumatisés crâniens (23). Au rôle joué par le gradient de pression hydrostatique s’associe de manière très étroite celui d’une perméabilité membranaire accrue. Sous l’influence de médiateurs chimiques, les propriétés mécaniques de la BHE sont altérées. Schématiquement, deux mécanismes peuvent être mis en cause : une réaction inflammatoire locale et une atteinte de l’intégrité physique de la BHE. Au cours du traumatisme, de l’ischémie et des processus infectieux, il y a très précocement une réaction inflammatoire locale, avec libération par les cellules endothéliales de nombreux médiateurs chimiques : histamine, acide arachidonique, radicaux libres, NO, bradykinine. De tous ces médiateurs, la bradykinine est le candidat le plus intéressant, répondant à certains critères : une capacité d’augmenter la perméabilité de la BHE, des propriétés vasodilatatrices, le pouvoir d’induire un œdème vasogénique, une concentration élevée dans le secteur interstitiel après lésion tissulaire, un effet œdémateux inhibé par l’emploi d’antagonistes (24). La bradykinine est libérée après activation du système kinine-kallicréine et se lie spécifiquement à son récepteur, BK2, présent sur les cellules endothéliales, les neurones et les astrocytes. Ceci explique l’intérêt suscité par l’emploi des antagonistes de ce récepteur dans le traitement de l’OC (25, 26). Cependant, la bradykinine, qui a une demi-vie très brève (30 secondes), serait libérée dans les minutes qui suivent la lésion
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tissulaire. Ceci pourrait expliquer l’absence d’effet d’un antagoniste BK2 administré 30 et 60 minutes après création d’un œdème vasogénique (27). Par la suite, une amplification de cette réaction inflammatoire initiale est possible, avec la mise en jeu par les cellules endothéliales d’une activation en cascade de médiateurs pro-inflammatoires, en particulier des cytokines (Il-1, Il-6, Il-8, TNF) et des molécules solubles d’adhésion leucocytaire (ICAM-1) (28). Ceci permet le développement d’une extravasation leucocytaire et macrophagique qui, à son tour, prolonge le phénomène inflammatoire. Ainsi, la production d’ICAM-1 soluble et d’Il-6 dans le LCR de patients traumatisés est notablement élevée dans les trois premiers jours post-traumatiques, au prorata de la sévérité de l’atteinte de la BHE (29). Tout cela témoigne d’une fragilisation secondaire de la BHE, pouvant être à son tour source d’œdème vasogénique. L’intégrité physique de la BHE peut être altérée, de manière transitoire ou permanente. On sait depuis longtemps que l’élévation brutale de l’osmolarité plasmatique par mannitol (0,5-1,5 g/kg administré en intracarotidien ou intravertébral en 30 secondes) provoque une ouverture transitoire de la BHE (30). La durée d’ouverture de la BHE est comprise entre 4 et 40 minutes chez l’Homme, selon les études (31, 32). Ces propriétés ne doivent pas restreindre l’usage du mannitol dans le traitement de l’HTIC, les conditions d’emploi étant très différentes. Par ailleurs, il est clair qu’une destruction permanente de la BHE peut faire suite à un traumatisme, à une ischémie, à un processus tumoral. Parmi les facteurs en cause, il faut citer les métalloprotéinases, enzymes protéolytiques capables de dégrader la lame basale continue. Trois heures après une ischémie transitoire (ischémie/reperfusion), ces substances sont retrouvées en quantité importante dans la zone lésée, avec, de manière conjointe, une augmentation de la perméabilité membranaire (33). De manière différée dans le temps, la prolifération de néovaisseaux dotés d’une BHE absente ou partiellement rompue augmente le risque de développement d’un œdème vasogénique. Quatre jours après une ischémie transitoire (5 min), il y a néovascularisation autour de la zone de nécrose et développement parallèle d’un œdème vasogénique (34). Parmi les facteurs mis en cause, figure la stimulation de la synthèse du facteur de croissance endothélial (VEGF), induite par l’hypoxie de la nécrose tumorale ou de la zone ischémiée (35). Bien que beaucoup de zones d’ombre persistent, il est probable que ces différents mécanismes impliqués dans l’œdème vasogénique se mettent en place selon certaines étapes : – probablement dans les minutes qui suivent l’agression tissulaire, il y aurait activation d’une réaction inflammatoire non cellulaire (bradykinine, NO, histamine, prostaglandines). Ceci pourrait expliquer l’augmentation très précoce de la perméabilité de la BHE observée par imagerie RMN dans un modèle de traumatisme crânien qui ne s’accompagne pas d’hypertension artérielle immédiate (36) ; – dans les heures suivantes, il y aurait hyperhémie réactionnelle avec perte de l’autorégulation dans la zone lésée, d’où le rôle du gradient de pression
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hydrostatique. De manière concomitante, il y aurait induction de la destruction de la BHE par les métalloprotéinases ; – les jours suivants, il y aurait activation d’une réaction inflammatoire cellulaire et d’une prolifération vasculaire. Ceci pourrait rendre compte d’un œdème vasogénique retardé, décrit après ischémie globale (4). En conclusion, l’œdème cellulaire et l’œdème vasogénique relèvent de nombreux mécanismes, souvent intriqués. L’exemple type est l’OC post-traumatique qui peut être vasogénique pendant les premières minutes (poussée hypertensive, réaction inflammatoire) avant d’être cellulaire. L’ensemble des mécanismes à l’origine de l’OC post-traumatique est illustré par la figure 3.
Fig. 3 – Mécanismes possibles à l’origine de l’OC post-traumatique.
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Diagnostic de l’œdème cérébral Dans les études expérimentales, le diagnostic d’OC repose habituellement sur la mesure du contenu en eau intracérébrale (poids sec/poids frais, gravité spécifique) et sur le passage transmembranaire du bleu Evans et/ou de l’albumine marquée à l’iode 125 pour déterminer l’état de la BHE. En clinique humaine, le diagnostic d’OC repose d’abord sur des aspects visibles en tomodensitométrie (TDM) : effacement des sillons corticaux et des espaces sous-arachnoïdiens de la base, réduction de taille des ventricules cérébraux, hypodensité globale du parenchyme avec perte de la différenciation normale entre les substances grise et blanche. Cependant, le diagnostic d’OC par TDM est difficile à établir au début de la réaction œdémateuse, la distinction entre un œdème péri-lésionnel et une zone d’ischémie est souvent délicate en l’absence d’injection d’iode, et la nature exacte de l’œdème n’est pas déterminée par la TDM. La technique de choix pour le diagnostic de l’OC reste l’imagerie RMN, soit par imagerie de diffusion de l’eau, soit après injection intravasculaire d’un agent de contraste (gadolinium) à la recherche d’une rupture de la BHE. Le coefficient de diffusion apparent (CDA) est un paramètre largement exploité pour détecter précocement l’apparition de l’OC postischémique ou post-traumatique, à un stade où la TDM est négative (37, 38). Sa valeur (mm2/sec) est calculée pixel par pixel d’après une série d’images pondérée en diffusion ; la valeur du CDA est élevée en cas d’œdème vasogénique et diminuée en cas d’œdème cellulaire, sans qu’on ait une explication claire sur ce phénomène. Sur un modèle de traumatisme crânien, il a été montré une évolution biphasique du CDA : d’abord élevé pendant les soixante premières minutes post-traumatiques, avec en parallèle une prise d’eau (œdème vasogénique), puis abaissé pendant la semaine suivante (œdème cellulaire) (5). Ces données doivent être confirmées, mais elles illustrent l’intérêt de la méthode. Chez des patients victimes d’un traumatisme crânien, la majorité des lésions sont associées à un œdème cellulaire (baisse du CDA) quand l’imagerie de diffusion est réalisée avant la quarante-huitième heure post-traumatique (39). Les autres méthodes d’imagerie par RMN permettent une analyse globale de l’OC, en rapportant la variation d’intensité du signal à une image de référence (imagerie pondérée T1 et T2), ou en estimant le contenu en eau intracérébrale (imagerie quantitative T1) (6). Cependant, l’accessibilité de l’outil RMN pour des patients en état hémodynamique ou neurologique instable est un frein réel à sa plus large utilisation.
Conclusion Les types d’OC (œdème cellulaire et œdème vasogénique) coexistent dans la plupart des causes d’OC, selon un ordre chronologique qui peut être différent selon la lésion intiale. L’œdème cellulaire prédomine au cours de l’OC post-
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traumatique. L’œdème cellulaire implique les pompes ioniques transmembranaires et les aquaporines. Une augmentation du gradient de pression hydrostatique et une augmentation de la perméabilité de la BHE sont les deux grands mécanismes à l’origine de l’œdème vasogénique. La connaissance de la physiopathologie de l’OC doit éviter de le majorer au cours de la phase thérapeutique.
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Protection cérébrale : données expérimentales P. Hans, C. Franssen et V. Bonhomme
Introduction Le concept de protection cérébrale fait référence à toute mesure pharmacologique ou non pharmacologique, qui, instaurée avant ou concomitamment à une agression hypoxique ou ischémique, entraîne une amélioration significative de la fonction neurologique. La protection cérébrale reste encore aujourd’hui un formidable défit. En effet, en ce début du troisième millénaire, les médecins confrontés aux patients à risque d’hypoxie ou d’ischémie s’interrogent toujours pour savoir dans quelle mesure cet objectif doit être considéré comme un rêve impossible ou une réalité naissante. Deux raisons essentielles sont à l’origine de cette étonnante perplexité. La première réside dans la connaissance de cette pathologie, qui est un préalable indispensable à l’instauration d’une thérapeutique efficace, préventive et curative. Or, l’ischémie cérébrale déclenche une cascade extrêmement complexe de réactions physiopathologiques et entraîne une multitude de réactions biochimiques, inflammatoires et géniques dont la finalité reste imparfaitement comprise. La seconde raison est liée au fait qu’une thérapeutique bénéfique au plan expérimental ne peut être transposée de manière systématique à une situation clinique. En d’autres termes, en dépit des avancées indéniables de la recherche fondamentale et de l’expérimentation animale, les mesures de protection cérébrale qui ont fait leur preuve en clinique humaine restent encore à ce jour très limitées. La connaissance des données fondamentales et des études expérimentales s’impose cependant en préambule avant toute évocation de la protection cérébrale chez l’homme. Dans cette optique, ce chapitre a pour ambition de décrire les bases physiopathologiques de l’ischémie cérébrale et de discuter les données expérimentales de la protection cérébrale dans une dialectique profitable au
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clinicien, à l’exception de l’hypothermie qui sera traitée par ailleurs de manière spécifique.
Physiopathologie de l’ischémie Tout déficit énergétique au niveau cellulaire entraîne une déplétion immédiate des réserves en ATP, la formation d’hypoxanthine, et une acidose lactique qui résulte de la glycolyse anaérobie. Le déficit en ATP et le dysfonctionnement de la Na/K ATPase provoquent une dépolarisation membranaire et une libération excessive de neurotransmetteurs excitateurs que sont le glutamate et l’aspartate, au niveau présynaptique. Il en résulte une activation des canaux calciques et sodiques voltage dépendants ainsi qu’une activation des récepteurs du glutamate (NMDA et AMPA), responsables d’un influx intracellulaire de Na+ et de Ca++. L’augmentation intracellulaire de Na+ provoque un œdème et une lyse cellulaire. Le Ca++ active les lipoperoxydases, les protéases et les phospholipases qui entraînent une dégénérescence membranaire et une destruction protéique conduisant à la mort cellulaire. La mort neuronale d’origine hypoxique ou ischémique peut se présenter sous deux formes : la nécrose et l’apoptose (fig. 1). La nécrose survient immédiatement après l’ischémie. Elle résulte d’un déficit énergétique sévère et se caractérise par une perte de l’intégrité membranaire. Elle se traduit par un
Fig. 1 – Voies métaboliques conduisant à la mort neuronale pouvant être la cible de mesures de protection.
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gonflement puis une lyse cellulaire osmotique et s’accompagne d’une réaction inflammatoire importante. Le TNF-α et l’interleukine 1 jouent un rôle prépondérant dans la réaction inflammatoire après une agression cérébrale ; ils entraînent la libération de composants pro- et anti-inflammatoires, et de facteurs de croissance. L’apoptose est d’apparition plus tardive que la nécrose et constitue l’expression morphologique de la mort cellulaire programmée. Elle se caractérise par le respect de l’intégrité membranaire, une accumulation de chromatine résultant de la fragmentation du DNA nucléaire, une réduction du volume cellulaire, et finalement l’apparition de vésicules membranaires que sont les corps apoptotiques. Il s’agit d’un phénomène retardé qui fait suite à une ischémie modérée, et « énergie-dépendant » dans la mesure où il requiert une synthèse protéique de novo. La lésion mitochondriale joue un rôle déterminant dans la physiopathologie de la nécrose et de l’apoptose. Elle participe à la nécrose cellulaire en étant le siège de l’accumulation excessive de calcium et la cible des espèces activées de l’oxygène et de l’azote générées au cours de l’ischémie et de la reperfusion. Elle peut également initier la voie intrinsèque de l’apoptose en libérant des protéines pro-apoptotiques telles que le cytochrome C et la pro-caspase 9 dans le cytosol, à partir de médiateurs tels que le Ca++, les espèces activées de l’oxygène, la céramide et certaines protéines. La libération de cytochrome C traduit ainsi un déséquilibre de la balance entre facteurs pro- et anti-apoptotiques. Les caspases activées sont les véritables effecteurs du phénomène d’apoptose. L’activation de la procaspase 9 entraîne in fine une activation des caspases 3, 6 et 7 responsables d’un clivage enzymatique des protéines cellulaires. L’apoptose peut aussi être déclenchée par des signaux extracellulaires qui résultent d’interactions spécifiques entre certains ligands et récepteurs. Cette voie extrinsèque implique l’activation des caspases 8 et 10 qui activent ensuite les caspases 3, 6 et 7. Enfin, il existe également une voie non mitochondriale de l’apoptose qui peut être activée dans certaines conditions.
Stratégies de protection Au fil des années, une meilleure compréhension de l’ischémie cérébrale et de la cascade de réactions biochimiques qu’elle déclenche a conduit à l’élaboration de différentes stratégies de protection, pharmacologiques et non pharmacologiques : hypothermie, modulateurs des pompes ioniques, antagonistes des acides aminés excitateurs, bloqueurs calciques, piégeurs d’espèces activées de l’oxygène et de l’azote et agents antioxydants, anti-inflammatoires, antineutrophiles et antiplaquettes, facteur de croissance, et plus récemment thérapie génique. Bon nombre de ces stratégies ont montré une certaine efficacité sur des systèmes de cultures cellulaires ou dans des modèles expérimentaux d’ischémie
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focale ou globale chez l’animal, sans pour autant légitimer l’extrapolation de ces résultats en clinique humaine.
Homéostasie de la glycémie, pression artérielle et température L’hyperglycémie est reconnue comme un facteur d’évolution défavorable dans les modèles expérimentaux d’ischémie cérébrale, chez les patients victimes d’infarctus cérébral (1) et chez les patients hospitalisés en soins intensifs (2). Sur des cultures d’hippocampe, des taux élevés de glucose, et non de lactate, associés à l’acidose, majorent la lésion neuronale par un mécanisme indépendant des récepteurs au glutamate (3). Chez l’animal hyperglycémique, la lésion neuronale postischémique a été corrélée davantage avec les taux plasmatiques de corticostérone qu’avec ceux de glucose (4). Les données de la littérature plaident en faveur du contrôle de la glycémie dans la prévention de l’aggravation des lésions ischémiques. L’hypertension artérielle pour améliorer l’évolution neurologique en cas de vasospasme après hémorragie sous-arachnoïdienne n’a pas fait l’objet d’études contrôlées. En revanche, l’hypotension artérielle aggrave l’évolution après traumatisme crânien (5) et clampage d’anévrisme cérébral (6). L’hyperthermie entraîne une déplétion en ATP, augmente l’influx intracellulaire de Ca++ et aggrave le devenir neurologique (7, 8). À l’inverse, l’hypothermie préserve l’ATP, réduit l’influx de Ca++ et améliore la récupération électrophysiologique posthypoxique. En dehors de la chirurgie cardiovasculaire (9), les études cliniques récentes ne valident pas l’hypothermie modérée comme moyen efficace de protection cérébrale (10). Aujourd’hui, le concept de contrôle assisté de la température chez les patients hospitalisés, qui vise à maintenir la température à une valeur de 36 °C, fait l’objet d’investigations cliniques (11). L’intérêt de l’hypothermie comme mesure de protection cérébrale est discuté dans un autre chapitre.
Modifications de la balance énergétique cérébrale En présence d’un déséquilibre de la balance énergétique cérébrale, la réduction de la consommation d’énergie apparaît comme une mesure logique de protection. Cette réduction peut intéresser le seul métabolisme d’activation et consister dans l’abolition de l’activité électrique cérébrale par certains agents pharmacologiques comme les barbituriques, de manière à préserver l’énergie disponible pour assurer le métabolisme de base et maintenir l’intégrité cellulaire. Elle peut aussi intéresser à la fois le métabolisme d’activation et le métabolisme de base et est alors obtenue par l’hypothermie et, dans une certaine mesure, par la lidocaïne. Lorsque la consommation cérébrale de glucose est réduite de manière équivalente par l’hypothermie, les barbituriques
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et l’isoflurane, le délai d’apparition de la dépolarisation corticale postischémique est significativement plus long en cas d’hypothermie (12). Chez l’animal, les barbituriques ont un effet protecteur cérébral en cas d’ischémie focale mais cet effet ne requiert pas l’abolition de l’activité électroencéphalographique (13). La réduction du métabolisme cérébral ne constitue donc pas un mécanisme déterminant de la protection cérébrale. La lidocaïne à fortes doses diminue le métabolisme d’activation et le métabolisme de base. Elle possède également d’autres propriétés intéressantes et son effet neuroprotecteur sera discuté plus loin. Il est également possible de stimuler le métabolisme énergétique cérébral par des voies alternatives à l’oxydation du glucose. En effet, l’inhibition postischémique de la pyruvate déshydrogénase limite l’apport énergétique au niveau de la chaîne mitochondriale de transport d’électrons et entrave la phosphorylation oxydative. L’administration d’acétyl-carnitine permet de court-circuiter cette étape et de stimuler le métabolisme aérobie en réduisant la production cérébrale de lactate (14).
Prévention de la nécrose ischémique/hypoxique La prévention de la nécrose peut s’exercer par l’inhibition des différentes réactions de la cascade ischémique. Les principaux mécanismes impliquent le blocage des canaux sodiques, l’inhibition de la libération des neurotransmetteurs excitateurs et le blocage de leurs récepteurs NMDA, AMPA et kaïnate, l’inhibition de l’influx calcique, le piégeage des radicaux libres et l’inhibition des peroxydations lipidiques, et enfin le blocage de la réaction inflammatoire associée à la nécrose.
Blocage des canaux sodiques L’influx cellulaire de sodium est la première étape de la cascade ischémique et constitue à ce titre une cible potentielle et privilégiée de neuroprotection. Sa réduction par blocage des canaux sodiques voltage dépendants diminue l’activité des récepteurs NMDA dans les cultures d’hippocampe où la phosphorylation oxydative et la glycolyse ont été bloquées (15). Le blocage des canaux sodiques peut être obtenu avec la lidocaïne, les barbituriques, le riluzole, et d’autres agents pharmacologiques. À faibles concentrations, la lidocaïne améliore la récupération posthypoxique des cellules d’hippocampe en diminuant l’afflux intracellulaire de Na et la dépolarisation (16). Elle protège les neurones soumis à un stress ischémique (17). Chez l’Homme, deux études ont montré un bénéfice de la lidocaïne sur les tests neuropsychologiques après chirurgie cardiaque (18, 19). Une étude récente n’a pas retrouvé ce bénéfice et a mis en évidence un effet délétère de la lidocaïne chez les patients diabétiques (20).
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Réduction de l’excitotoxicité (glutamate) La libération de glutamate peut être inhibée par les agents anesthésiques volatils, les bloqueurs du récepteur A1 de l’adénosine, les alpha2 agonistes, l’hypothermie, les inhibiteurs des canaux sodiques, la lamotrigine, les barbituriques, l’étomidate, et le propofol. Ce dernier permettrait de restaurer l’activité du transport cellulaire du glutamate (21, 22). La toxicité du glutamate sur les neurones en cultures est aussi inhibée par certaines statines (23). Les antagonistes des récepteurs NMDA sont de type compétitif ou non compétitif. Parmi les antagonistes non compétitifs figurent la dizocilpine (MK801), la phencyclidine, la rémacémide, le dextrométorphan, la kétamine et d’autres molécules. Le site glycine du récepteur NMDA est bloqué par le kynurenate tandis que le magnésium bloque l’entrée cellulaire de calcium et de sodium au niveau du même récepteur par un mécanisme voltage dépendant. Plusieurs antagonistes des récepteurs NMDA ont fait l’objet d’essais cliniques et ont été abandonnés en raison d’une mauvaise pénétration cérébrale, d’effets secondaires importants ou d’intolérance (24). La kétamine est un antagoniste non compétitif potentiellement neurotoxique. Le S(+) énantiomère de la kétamine semble plus intéressant que la kétamine elle-même (25). L’effet neuroprotecteur du magnésium est très controversé. Un effet neuroprotecteur a été rapporté dans différents modèles traumatiques ou ischémiques chez l’animal et cet effet est encore présent lorsque le magnésium est administré après l’agression (26, 27). Un déficit en magnésium exacerbe la lésion neurologique traumatique alors qu’une charge en magnésium la réduit (28). Cette efficacité relève de différents mécanismes physiologiques impliqués dans l’ischémie cérébrale : antagonisme de la libération de glutamate, blocage des récepteurs NMDA, antagonisme calcique et maintien du débit sanguin cérébral. Selon certains auteurs, le magnésium administré à des doses ≤ 3 mmoles/L réduit la taille de l’infarctus cérébral chez le rat sans entraîner d’effet cardiodépresseur (29, 30). Pour d’autres, il ne diminue pas le volume de l’infarctus après ischémie cérébrale focale chez le même animal (31). Chez les patients victimes d’accident vasculaire, des essais préliminaires ont rapporté un effet bénéfique du magnésium sur la mortalité et la récupération fonctionnelle (32). Ceci n’a pas été confirmé par une étude récente dans la même pathologie, qui a démontré que le magnésium n’a pas d’effet neuroprotecteur et peut augmenter la mortalité (33). Le xénon est un gaz anesthésique et un inhibiteur de récepteurs NMDA qui possède des propriétés neuroprotectrices dans des modèles animaux de traumatisme et d’ischémie (34, 35, 36). Il est en cours d’investigation chez l’Homme. Les anesthésiques volatils (isoflurane, sévoflurane et desflurane) possèdent un effet neuroprotecteur in vitro, et in vivo dans des modèles expérimentaux (37, 38). La réduction de l’excitotoxicité glutamatergique qu’ils entraînent peut en partie expliquer cet effet bénéfique. Il a également été démontré in vitro que la stimulation des récepteurs GABA A et B, notamment par les anesthésiques volatils, protège les cultures cellulaires placées en condition d’hypoxie (39, 40).
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Les récepteurs AMPA sont bloqués de manière spécifique par le NBQX. Cet agent exerce un effet protecteur neuronal sans modification des échanges calciques et sodiques postischémiques au niveau cellulaire (41, 42).
Blocage des canaux calciques L’influx cellulaire de calcium peut être réduit par des agents comme le propofol, la kétamine, le magnésium, les anesthésiques volatils, et par l’hypothermie, mais il est surtout inhibé spécifiquement par les bloqueurs des canaux calciques tels que la nimodipine et la nicardipine. Au plan expérimental, l’effet protecteur de ces agents est également controversé. Des méta-analyses suggèrent que la nimodipine améliore l’évolution des patients victimes d’une hémorragie sous-arachnoïdienne mais sans entraîner une réduction significative de la mortalité (43). Les études cliniques n’ont pas montré d’effet bénéfique de la nimodipine administrée chez les patients victimes d’un accident ischémique cérébral (44).
Piégeage des radicaux libres et inhibition des peroxydations lipidiques Les espèces activées de l’oxygène et de l’azote sont principalement générées au cours de la réoxygénation. Elles participent à la fois à la mort cellulaire nécrotique en détruisant les lipides et les protéines, et à l’apoptose en favorisant la libération de cytochrome C. Il est possible de piéger ces espèces activées ou d’inhiber leurs effets avec différents agents tels que la superoxyde dismutase, le mannitol, le tirilazad, le propofol, et les œstrogènes. La superoxyde dismutase diminue la perte neuronale dans le traumatisme expérimental chez le rat (45). Chez l’animal femelle, la surexpression de cette enzyme entraîne une neuroprotection régionale spécifique après ischémie cérébrale globale (46). Un traitement associant le mannitol et la nimodipine réduit la mort cellulaire programmée et l’ischémie cérébrale focale chez le rat (47). Le tirilazad est un inhibiteur des peroxydations lipidiques mais les essais cliniques pratiqués avec cette molécule chez les patients victimes d’hémorragie sous-arachnoïdienne ne se sont pas révélés convaincants (48). Cet agent serait en définitive peu efficace (49) et susceptible d’aggraver la mortalité et la morbidité après infarctus cérébral (50). Le propofol possède des propriétés antioxydantes et inhibe les peroxydations lipidiques (51). Il protège les macrophages de souris de la mort cellulaire et de l’apoptose induites par l’oxyde nitrique (52). Chez le rat, il réduit le volume d’infarctus cérébral provoqué par injection d’endothéline, un puissant vasoconstricteur. Il diminue la lésion cérébrale après ischémie-reperfusion et améliore le pronostic fonctionnel (53, 54). Il n’a cependant pas d’effet protecteur démontré en clinique. L’albumine et l’acide ursodéoxycholique ont également des propriétés antioxydantes et stabilisatrices membranaires. Les œstrogènes pourraient exercer un effet neuroprotecteur par inhibition des
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peroxydations lipidiques indépendamment des récepteurs œstrogéniques ERα et ERβ (55).
Modulation de la réaction inflammatoire La réaction inflammatoire associée à la mort neuronale peut être inhibée par l’hypothermie, des agents anti-inflammatoires tels que l’aspirine et les inhibiteurs de la COX2, et enfin des agents comme le propofol qui agissent spécifiquement sur d’autres vecteurs de l’inflammation comme la NO synthase inductible et le peroxynitrite (51, 56, 57). Chez le lapin, l’administration de bloqueurs de l’adhésion leucocytaire et de piégeurs de radicaux libres dans les cinq minutes qui suivent un accident hémorragique cérébral diminue l’hémorragie et l’infarctus (58). D’autres agents comme la dexmédétomidine, la cyclosporine A, les antagonistes de la substance P, le dexanabinol, etc. présentent un intérêt potentiel dans le domaine de la neuroprotection et peuvent affecter différentes étapes de la cascade postischémique, mais ils sont le plus souvent mentionnés dans des rapports anecdotiques.
Prévention de l’apoptose L’apoptose postischémique est le résultat d’un déséquilibre de la balance entre des signaux de vie et de mort cellulaire qui interagissent avec certains récepteurs, et de facteurs pro-et anti-apoptotiques. Ce déséquilibre aboutit à une voie commune qui consiste en l’activation des caspases 3, 6, 7, responsables du clivage des protéines cellulaires. La stratégie de prévention de la mort apoptotique s’articule ainsi autour de trois axes principaux : le blocage des signaux de mort et l’activation des signaux de survie, la modulation de l’expression des protéines pro-et anti-apoptotiques, et l’inhibition des caspases. Les expérimentations portant sur les souris transgéniques exprimant un dysfonctionnement de certains facteurs de mort cellulaire (FasL, TRAIL) ont montré des résultats intéressants dans les ischémies focales. La réduction de ces facteurs de mort cellulaire par un agent immunosuppresseur (FK506) réduit également l’infarctus cérébral (59). À l’opposé, il est également possible de prévenir l’apoptose en favorisant l’expression des signaux de survie. L’hypoxie entraîne en effet l’expression de récepteurs cérébraux à l’érythopoïétine qui activent alors certaines kinases intracellulaires et favorisent ainsi l’expression de protéines anti-apoptotiques (Bcl) aux dépens des protéines pro-apoptotiques (Bad). Par ailleurs, il est possible d’inhiber ou de réduire la libération des facteurs apoptotiques en agissant sur les médiateurs qui facilitent leur libération comme le cytochrome C, les espèces activées de l’oxygène, etc. Par exemple, la lidocaïne réduit la zone de pénombre ischémique en bloquant les étapes de la mort cellulaire apoptotique qui impliquent la libération de cyto-
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chrome C et l’activation des caspases (17, 60, 61, 62). Le propofol réduit également le dommage de l’ADN induit par le peroxynitrite ainsi que l’apoptose des astrocytes en cultures (57). La balance des protéines intervenant dans l’apoptose peut également être modulée par d’autres mécanismes indépendants des signaux d’amont. Ces mécanismes visent à promouvoir l’expression des protéines anti-apoptotiques (Bcl) aux dépens des protéines pro-apoptotiques (Bad et Bax). Certains sont basés sur la thérapie génique et utilisent des protéines porteuses et des vecteurs de virus qui traversent les membranes cellulaires (63, 64). Ces protéines antiapoptotiques peuvent aussi être incluses dans des liposomes (65). Enfin, la balance entre les protéines anti-et pro-apoptotiques peut être modulée par l’hypothermie (66), la dexmédétomidine et la S+ kétamine (67), et le propofol (53, 57). Le dernier mécanisme permettant de prévenir l’apoptose consiste en l’inhibition des protéases et en particulier des caspases. Les inhibiteurs synthétiques de caspases ont donné des résultats mitigés (68), ce qui s’explique à la fois par leur mauvaise pénétration cérébrale et par l’intervention d’autres protéases dans la mort cellulaire apoptotique.
Préconditionnement Préconditionnement ischémique Le préconditionnement ischémique est un état de tolérance à l’ischémie, induit par une ischémie préalable de courte durée. Ce phénomène a d’abord été observé au niveau cardiaque et ensuite rapporté pour de nombreux organes dont le système nerveux (69). L’effet bénéfique que constitue la résistance à une ischémie sévère, induite par une ischémie moins importante, est précédé d’un intervalle libre dont la durée permet de distinguer deux types de tolérance. La tolérance aiguë ou de courte durée se caractérise par un intervalle libre de quelques minutes et dure quelques heures au plus. La tolérance différée ou tardive implique un intervalle libre de plusieurs heures mais peut durer plusieurs jours. Le mécanisme du préconditionnement est complexe et comporte trois étapes. L’étape initiale est celle du signal ischémique. Elle se caractérise par la libération de médiateurs biochimiques (NMDA, NO, adénosine, espèces activées de l’oxygène) qui se fixent sur la protéine G et entraînent la production de diacylglycérol et d’inositol triphosphate. La deuxième étape, qui est la conversion intracellulaire du signal ou transduction, implique principalement l’activation de la protéine kinase C. La troisième étape est la conséquence de cette activation. Elle se traduit d’abord par l’activation ou l’ouverture de canaux potassiques au niveau de la mitochondrie, et ensuite, dans les cas de tolérance différée, par un phénomène de transcription génique. L’activation des canaux
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potassiques a pour conséquence la restauration du potentiel de membrane interne, l’augmentation de la production d’ATP, la production d’espèces activées de l’oxygène qui activent la protéine kinase C, la diminution de la charge mitochondriale de calcium, et la prévention de l’apoptose. La transcription génique est médiée au niveau du noyau cellulaire par le NF-κB. Elle a pour effet la synthèse et l’expression de différentes protéines qui ont un rôle protecteur et assurent la survie cellulaire. Le phénomène de préconditionnement se caractérise par une tolérance croisée. En d’autres termes, la tolérance à l’ischémie ou à l’hypoxie peut être induite par un stimulus non ischémique ou non hypoxique. Il existe donc des inducteurs non ischémiques qui simulent le préconditionnement ischémique, ce qui ouvre des perspectives intéressantes en matière de protection cérébrale.
Préconditionnement non ischémique Un état de résistance à l’ischémie similaire à celui obtenu avec le préconditionnement ischémique peut être provoqué par différents inducteurs. Parmi ceux qui sont dépourvus d’effets délétères intrinsèques, il faut principalement retenir l’hypothermie, l’oxygénothérapie hyperbare, certains agents pharmacologiques, certains agents anesthésiques et la thérapie génique. Le préconditionnement hypothermique à 28,5 °C réduit l’infarctus cérébral chez le rat et cet effet persiste sept jours après l’ischémie focale (70). L’oxygénothérapie hyperbare pendant trois ou cinq jours diminue également l’infarctus cérébral et améliore l’évolution neurologique chez l’animal soumis à une ischémie focale (71). Les principales drogues qui peuvent induire une résistance à l’ischémie en mimant le préconditionnement ischémique sont les molécules qui augmentent l’expression de certaines protéines comme l’Hsp 70, l’érythropoïétine, les inhibiteurs de la succinate déshydrogénase, certains antibiotiques comme l’érythromycine et la kanamycine, et l’acide acétylsalicylique. Les œstrogènes, en plus de leur effet anti-apoptotique, augmentent aussi l’expression des protéines de stress dans le cerveau normal et le cerveau ischémique (72). L’érythropoïétine, outre des propriétés anti-apoptotiques (73, 74), diminue l’infarctus cérébral et améliore l’évolution neurologique lorsqu’elle est administrée pendant trois jours après un infarctus cérébral (75). Le nitropropionate, inhibiteur des phosphorylations oxydatives, augmente la tolérance des cellules d’hippocampe à l’hypoxie (76). L’érythromycine et l’acide acétylsalicylique préservent l’activité électrophysiologique des cellules d’hippocampe soumises à un stress hypoxique (77,78). Le préconditionnement par les agents anesthésiques concerne les anesthésiques volatils et les opiacés. Les anesthésiques volatils induisent la synthèse de protéines protectrices par l’activation de certains gènes (immediate early genes) et activent la forme inductible de la NO synthase. Ils favorisent également la production d’espèces radicalaires au niveau mitochondrial et, en conséquence, l’ouverture des canaux potassiques ATP dépendants et l’activation de la
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protéine kinase C. L’halothane réduit l’infarctus cérébral en cas d’ischémie focale chez l’animal (79). L’halothane et l’isoflurane réduisent l’apoptose neuronale induite par privation en oxygène et en glucose (80). L’isoflurane réduit l’infarctus cérébral après ischémie focale (81). Le préconditionnement par la morphine et ses dérivés synthétiques a également des effets protecteurs tissulaires démontrés sur des cellules en culture et chez l’animal d’expérience. À titre d’exemple, la morphine réduit l’apoptose neuronale induite par la privation en oxygène et en glucose (82). Le mécanisme responsable de cet effet est probablement multifactoriel et implique les récepteurs morphiniques delta et kappa (83, 84). Les agents hypnotiques intraveineux n’entraînent pas de préconditionnement et n’ont pas d’effet sur les canaux potassiques de la mitochondrie (85). Le préconditionnement par la thérapie génique est basé sur le fait que certains gènes (hypoxic inducing factor HIF) ou protéines (HSP72) qui ont des propriétés neuroprotectrices et sont présents dans le cerveau normal sont surexprimés en situation d’hypoxie ou d’ischémie (86, 87). L’objectif de la thérapie génique, évoqué dans la prévention de l’apoptose, est de favoriser l’expression intracellulaire de ces protéines protectrices.
Conclusion La mort cellulaire neuronale à la suite d’une agression ischémique ou hypoxique peut revêtir deux formes distinctes que sont la nécrose et l’apoptose. Les caractéristiques, les mécanismes, les réactions biochimiques et les modifications géniques associés à ces deux processus lésionnels sont différents. Les stratégies de protection cérébrale qui sont proposées interfèrent avec l’une ou l’autre étape dans la cascade de réactions qui conduisent à la mort cellulaire. Bon nombre d’agents qualifiés de neuroprotecteurs ont un effet multifactoriel et peuvent affecter différentes étapes physiopathologiques. En outre, la résistance à l’hypoxie ou à l’ischémie induite par le préconditionnement ischémique peut être obtenue par différents agents ou techniques qui apportent un nouvel espoir dans l’avenir de la neuroprotection.
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Introduction De nombreuses affections cérébrales conduisent à des lésions et à des troubles fonctionnels définitifs. Ces atteintes peuvent être observées lors d’affections traumatiques, infectieuses, inflammatoires ou néoplasiques. Le mécanisme commun de ces complications est l’apparition d’un déséquilibre entre l’apport et les besoins en oxygène du cerveau qui produisent des lésions ischémiques focales ou diffuses. La nature des lésions cérébrales initiales observées est largement déterminée par le type de traumatisme et sa biomécanique, le type de l’inflammation ou l’extension de la néoplasie. Le développement de lésions cérébrales secondaires suite aux lésions cérébrales initiales est une spécificité du traumatisme cérébral, il est habituellement décrit sous le terme d’agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) (tableau I). Tableau I – Agressions cérébrales secondaires. Extracrâniennes ou systémiques
Intracrâniennes
Hypoxémie
Processus expansif (hématome, tumeur)
Hypotension artérielle
Hypertension intracrânienne
Hypercapnie
Vasospasme
Anémie aiguë
Convulsion
Hyperthermie
Infection
Hypertension artérielle Hyperglycémie Hypocapnie Hyponatrémie / Hypernatrémie
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Des lésions secondaires sont retrouvées chez 90 % des patients décédant d’une affection cérébrale (1) ; plus de 80 % des patients avec un traumatisme crânien létal ont des lésions ischémiques à l’examen anatomopathologique (2). Le but de ce chapitre est de résumer les mécanismes des ACSOS, les causes principales et les implications thérapeutiques.
Physiopathologie cérébrale Lors de lésion traumatique crânienne, l’impact primaire du taumatisme sur le cerveau provoque des modifications de perméabilité de la barrière hématoencéphalique, des lésions encéphaliques focales ou diffuses, des lésions axonales diffuses et des foyers d’hémorragies dans le tissu cérébral. Ces processus aboutissent, lors d’agressions sévères, à une souffrance cellulaire et sont par la suite associés à des anomalies métaboliques, à une autodestruction des cellules cérébrales avec phénomène d’aggravation en cascade. Ces lésions dites « secondaires » peuvent être d’origine intracrânienne, conséquence de désordres métaboliques et inflammatoires liés au traumatisme primaire, ou d’origine systémique lorsque la défaillance des fonctions vitales cardiorespiratoires conduit à une ischémie cérébrale. On parle alors d’agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) (tableau I). Ces deux mécanismes des lésions cérébrales secondaires peuvent être étroitement liés et provoquer la « spirale infernale » qui aboutit à la mort cellulaire par des mécanismes complexes. Ceux-ci incluent l’œdème cérébral de la vasoplégie et la libération de médiateurs toxiques. Si le traumatisme est répercuté directement sur la boîte crânienne et le cerveau, il s’ensuivra des fractures et des déformations de la boîte crânienne, des contusions du cortex cérébral, des atteintes vasculaires et tissulaires sousjacentes et la formation d’hématomes avec effet de masse. Adjacentes aux zones du traumatisme, se trouvent des zones tissulaires lésées mais sans lésions morphologiques (zone de pénombre). Elles sont sensibles à des variations de l’homéostase centrale. Des perturbations modérées telles qu’œdème, ischémie ou inflammation seraient susceptibles de les aggraver pour aboutir à la mort cellulaire. La définition des ACSOS varie avec les auteurs, tant en termes de valeur seuil que de durée. L’échelle de gravité la plus complète est celle développée par l’Université d’Édimbourg (Edinburg University Secondary Insults Grade, EUSIG) (3). Les agressions cérébrales secondaires sont classées en quatorze atteintes indépendantes et selon trois niveaux de sévérité. Il s’agit d’une échelle développée pour les patients de réanimation nécessitant un monitorage complet. Elle est d’une utilité limitée pour la prise en charge précoce du patient traumatisé crânien, mais présente l’avantage d’être précise et exhaustive. Afin qu’une valeur soit considérée comme une ACSOS, le seuil doit être atteint durant au minimum cinq minutes à l’exception de l’hyperthermie dont la
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durée doit excéder une heure. Les principaux déterminants et les valeurs critiques sont rappelées dans le tableau II. Tableau II – Échelle de gravité des agressions cérébrales secondaires d’origine systémique selon l’Université d’Edimbourg (3). Agression
Variable
Seuil
SaO2
≤ 90 %
PaO2
≤ 60 mmHg
Hypercapnie
PaCO2
≥ 45 mmHg
Hypocapnie
PaCO2
≤ 22 mmHg
Hypotension artérielle
Tension artérielle systémique
≤ 90 mmHg
Tension artérielle moyenne
≤ 70 mmHg
Hypoxémie
Hypertension artérielle Fièvre
Tension artérielle systémique
≥ 160 mmHg
Tension artérielle moyenne
≥ 110 mmHg
Consommation O2 cérébrale
38 °C
Lésions secondaires d’origine systémique Les lésions cérébrales secondaires apparaissent lors des minutes, des heures ou des jours suivant le traumatisme ou l’agression initiale, elles induisent des lésions additionnelles du système nerveux central. Le dénominateur commun des lésions secondaires est l’ischémie cérébrale, qu’elle soit globale ou focale. Si les besoins métaboliques régionaux des neurones excèdent les ressources à disposition, une ischémie cérébrale focale s’installe qui constitue l’origine principale des lésions secondaires d’origine cérébrale (2). Le patient polytraumatisé souffrant d’un traumatisme crânien produit le modèle typique de la combinaison de lésions cérébrales primaires et secondaires. Sur les lieux des accidents ou lors des phases initiales de traitement, les épisodes ischémiques sont fréquents (4) et sont suivis de phases ischémiques tardives, comme par exemple lors d’augmentations de la pression intracrânienne, d’instabilité hémodynamique ou de ventilation insuffisante ou excessive. Les causes les plus fréquentes de lésions secondaires d’origine systémique sont l’hypotension artérielle et l’hypoxie, fréquemment observées, dues en partie à des dysrégulations du système nerveux central liées au traumatisme (5) et à la perte de l’autorégulation cérébrale (6). Ces lésions se retrouvent par ailleurs lors de chaque phase de la prise en charge de ces patients (3, 5, 7-9) (tableau III). Une meilleure connaissance de la physiopathologie des agressions secondaires d’origine systémique consécutive aux traumatismes crâniens a conduit à des implications thérapeutiques et cliniques. L’ischémie peut être considérée
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La réanimation neurochirurgicale
Tableau III – Prévalence des ACSOS au cours des différentes étapes de la réanimation du patient souffrant de traumatisme crânien. Préhospitalier Transfert Période opéTransfert Unité de réa(5) interhospitalier (7) ratoire (8) intrahospitalier (9) nimation (3) Patients (n)
774
200
53
50
124
Hypoxémie
19
15
Hypercapnie
Ø
Ø
Ø
8
39
Ø
Ø
24
Hypocapnie
Ø
Ø
Ø
Ø
32
Hypotension artérielle
35
7
32
12
73
Hypertension artérielle
Ø
Ø
Ø
20
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Les résultats sont en pourcentages. Ø : valeur non mesurée.
comme le facteur le plus significatif dans la genèse des ACSOS suite à un traumatisme crânien (10), et induit des phénomènes inflammatoires et cytotoxiques. L’œdème joue également un rôle important dans la genèse des ACSOS, particulièrement chez l’enfant et l’adulte jeune, et peut conduire dans les cas extrêmes à la mort par engagement. À l’inverse de l’ischémie, l’œdème peut être causé par de nombreux facteurs et constitue la conséquence de nombreux processus cellulaires pathologiques. La physiopathologie commune à toutes ces lésions est l’apparition d’un cercle vicieux entre l’hypertension intracrânienne et la réduction de l’approvisionnement sanguin et en oxygène, qui favorise ainsi le développement de l’œdème.
Hypoxémie Le cerveau traumatisé est extrêmement vulnérable, peu capable de tolérer une hypoxie, même modérée. Suite au traumatisme, une phase précoce est décrite pendant laquelle le débit sanguin cérébral (DSC) est abaissé durant les premières 12-24 heures. Elle est suivie d’une phase intermédiaire pendant laquelle le DSC s’accroît au-delà des besoins en oxygène (phase d’hyperhémie) pour finalement aboutir à une phase vasospastique (11, 12). Les causes de détresses respiratoires sont multiples chez les traumatisés cérébraux. Les traitements spécifiques pour combattre l’hypoxémie incluent l’intubation endotrachéale systématique. Celle-ci a montré son utilité dans la réduction de la fréquence de l’hypoxémie, elle améliore significativement le devenir du patient traumatisé (13, 14). Les objectifs de la ventilation mécanique initiale incluent la normoxie ou même l’hyperoxie. Toute hypoxémie doit être considérée comme potentiellement dangereuse. Le maintien d’une PaO2 au moins supérieure à 60 mmHg (SpO2 > 95 %) est donc un objectif prioritaire (15).
Agression cérébrale secondaire d’origine systémique
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Hypotension artérielle La restauration d’une hémodynamique stable constitue l’une des priorités de la prise en charge des traumatisés crâniens. L’hypotension artérielle est l’un des facteurs prédictifs de gravité les plus significatifs et doit être activement prévenue et jugulée. Si l’on considère l’ensemble des facteurs liés aux ACSOS, l’hypotension artérielle constitue l’élément le plus significatif du pronostic cérébral. (5). La pression de perfusion cérébrale (PPC) est par définition la différence entre la pression artérielle moyenne (PAM) et la pression intracrânienne (PIC). Toute lésion augmentant la PIC (hémorragie intracérébrale, œdème cérébral) ou diminuant la TAM (hypovolémie) concourt à agresser le cerveau. L’objectif de la réanimation circulatoire initiale est de maintenir une pression de perfusion cérébrale (PPC) de 70 mmHg (16, 17).
Hypercapnie et hypocapnie Les objectifs thérapeutiques en termes de capnie reposent sur une littérature abondante. Les effets de l’hyperventilation prophylactique (PaCO2 à 25 mmHg ± 2 mmHg) comparés à ceux du maintien d’une PaCO2 à 35 mmHg ± 2 mmHg ont montré une amélioration du pronostic des patients non hyperventilés (18, 19). L’hyperventilation accentuée et prolongée (PaO2 ≤ 25 mmHg) est proscrite après un traumatisme crânien grave et l’hyperventilation prophylactique modérée (PaO2 ≤ 35 mmHg) est à éviter durant les premières vingt-quatre heures, car elle compromet la perfusion cérébrale à un moment où le débit sanguin cérébral est déjà réduit (15). Ce n’est qu’en cas de signes cliniques évocateurs d’engagement ou d’hypertension intracrânienne décompensée que l’hyperventilation peut être justifiée pour un bref laps de temps. Les objectifs de la prise en charge initiale de patients souffrant d’un traumatisme cérébral sévère sont donc de maintenir une PaCO2 entre 35-40 mmHg.
Anémie En cas de traumatisme crânien grave, une augmentation du débit sanguin cérébral est présente après la réanimation initiale. Une diminution du transport d’oxygène, suite à une hémorragie ou à une anémie préexistante, peut avoir des conséquences délétères. Des valeurs d’hématocrite basses mais excédant 20 % sont bien tolérées par les patients sans traumatisme crânien, essentiellement par une amélioration de la rhéologie et une baisse de la viscosité. Lors de traumatisme crânien grave,
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l’existence d’une anémie est associée à un taux de mortalité plus élevé, notamment chez les enfants atteints d’un traumatisme crânien grave (20). Le même constat a été reporté dans une analyse rétrospective de patients adultes souffrant d’un traumatisme crânien suivi d’une mort cérébrale (21). Pour un patient traumatisé crânien, un seuil minimal d’hématocrite de 30 % est recommandé, au besoin par transfusion de concentrés érythrocytaires (7).
Localisation des ACSOS au cours de la prise en charge d’un patient traumatisé crânien Préhospitalier Les ACSOS sont identifiées et connues des soignants extrahospitaliers mais sont malheureusement encore trop souvent présentes malgré une attention particulière (22-24) (tableau III). L’intubation endotrachéale permet, outre une protection des voies aériennes supérieures, une meilleure oxygénation des patients traumatisés, mais nécessite une technique rigoureuse et une surveillance spécifique. Une hyperventilation involontaire quasi systématique a été rapportée dans de nombreuses séries extrahospitalières (25, 26) et mérite une attention particulière de la part de l’équipe de prise en charge de même que l’hypotension artérielle. L’utilisation d’un capnomètre semble donc indiquée. La recherche active des agressions cérébrales d’origine systémique fait partie de la prise en charge préhospitalière afin de les minimiser. Des recommandations ont été publiées (27). Elles recommandent une attention particulière à la prévention des ACSOS.
Salle d’urgence et d’opération La réanimation initiale en salle d’urgence et d’opération s’inscrit dans la continuité de celle réalisée au stade préhospitalier. Les objectifs sont les mêmes lors des premières heures de la prise en charge : évaluer les lésions traumatiques, assurer le traitement chirurgical et la réanimation, prévenir les ACSOS. L’hypotension artérielle peropératoire est la cause de lésions cérébrales secondaires (8). Dans certaines séries, une hypotension était présente dans 32 % des cas. L’identification de ces lésions secondaires nécessite une prise en charge organisée du patient selon un ordre de priorités bien établi. Toute hypotension artérielle persistante nécessite la recherche active de la cause : c’est le plus souvent une hypovolémie par perte hémorragique. La ventilation invasive nécessite une surveillance attentive du volume courant afin d’éviter toute hyperventilation, ainsi que le contrôle régulier des gaz sanguins. L’anémie mérite également une surveillance particulière (28, 29).
Agression cérébrale secondaire d’origine systémique
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Unité de réanimation Malgré le monitorage continu et l’intensité de la prise en charge infirmière et médicale, la salle de réanimation constitue un lieu où les ACSOS peuvent survenir (tableau III). Dans l’étude de Jones (3), une hypoxémie était présente dans 39 % des cas et l’hypotension artérielle dans 73 % des patients. Les transferts intrahospitaliers pour effectuer des examens diagnostiques ou un traitement chirurgical sont associés au risque d’agressions secondaires et nécessitent une surveillance accrue (30, 31). Des recommandations pour la prise en charge du transfert et le transport de ces patients ont été édictées par différentes sociétés savantes européennes et nord-américaines (32, 33).
Implications thérapeutiques Les priorités dans la prise en charge initiale du traumatisé crânien grave sont largement les mêmes que pour tout polytraumatisé, c’est-à-dire l’obtention de la perméabilité des voies aériennes avec une intubation si nécessaire, la protection de la colonne cervicale, l’administration généreuse d’oxygène, le contrôle de la ventilation, le maintien de la pression de perfusion cérébrale ainsi que le contrôle de l’hémorragie. Si l’équipe soignante se focalise sur ces éléments fondamentaux, la survenue des ACSOS devrait être diminuée. Les risques liés à l’hypotension sont minimisés par la recherche et le contrôle précoce de l’hémorragie, ceux de l’hypoxémie par une oxygénation maximale, ceux de l’hypercapnie par un contrôle soigneux de la ventilation et la survenue de l’anémie minimisée par l’hémostase chirurgicale et la transfusion précoce. Le traitement des agressions cérébrales secondaires d’origine systémique repose ainsi essentiellement sur l’identification précoce des facteurs étiologiques. La prévention repose sur une prise en charge respectueuse de la physiopathologie cérébrale ainsi que sur l’observation des recommandations émises par les sociétés savantes.
Conclusion La prise en charge des patients victimes de traumatismes crâniens graves implique des décisions thérapeutiques séquentielles dès la phase préhospitalière et tout au long de la chaîne des soins. Les agressions cérébrales secondaires d’origine systémique s’ajoutent rapidement aux lésions mécaniques primaires constituées lors de l’impact. Les facteurs de gravité les plus significatifs en dehors des lésions primaires sont essentiellement l’hypotension artérielle, l’hypoxémie, l’hypercapnie et l’anémie. Ils doivent être prévenus par une prise en charge précoce et agressive.
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Depuis quelques années, des progrès considérables ont été réalisés dans la compréhension de la physiopathologie cérébrale post-traumatique, primaire et secondaire. Sur le plan thérapeutique, les progrès ont été plus limités, mais la publication aux États-Unis et en Europe de recommandations officielles pour la prise en charge des traumatisés crâniens constitue une avancée substantielle (15, 34). D’après ces recommandations, la qualité de la prise en charge extrahospitalière constitue un point clé de même que l’optimisation des paramètres respiratoires et circulatoires. Les ACSOS sont accessibles à des traitements simples visant à assurer la normoxie, la normocapnie et une volémie normale. La lutte active contre la survenue des lésions secondaires d’origine systémique fait partie intégrante de la prise en charge de ces patients. Le prochain progrès majeur sera sans doute la reconnaissance et le traitement précoce des lésions secondaires.
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Agression cérébrale secondaire d’origine systémique
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Surveillance
Mesure de la pression intracrânienne M. Bonnard-Gougeon, G. Gindre et J.-J. Lemaire
Introduction En 1897, la technique de mesure de la pression du liquide cérébro-spinal (LCS) par ponction lombaire est décrite par Quincke. Elle est alors considérée comme une mesure indirecte de la pression intracrânienne (PIC). La surveillance directe devient possible grâce aux capteurs. C’est ainsi qu’en 1950 Janny donne les premiers résultats cliniques (1), étendus et complétés par Lundberg en 1960 (2). Les facteurs influençant la PIC sont à la fois physiologiques (position relative de la tête par rapport au corps, facteurs métaboliques, pression sanguine) et pathologiques (œdème cérébral, volume des lésions, troubles de la circulation du LCS, modifications du volume sanguin et des pressions artérielle et veineuse). Chez l’adulte, les variations fréquentes et brutales de ces paramètres au sein de l’enceinte crânienne rigide font de la PIC l’élément essentiel du monitorage multimodal de neuroréanimation. Cette mesure permet d’évaluer des éléments de la biomécanique intracrânienne et une partie de l’hémodynamique cérébrale. L’élévation de la PIC ou hypertension intracrânienne (HTIC) est associée à une importante mortalité et à un mauvais pronostic lors de lésions expansives ou de traumatisme crânien grave. La mesure de PIC n’est pas seulement utilisée dans le but de diagnostiquer et de traiter une HTIC mais, couplée à la pression artérielle moyenne (PAM), elle permet d’optimiser la pression de perfusion cérébrale (PPC), et ainsi de limiter l’apparition de lésions ischémiques secondaires. Bien que son utilisation ne soit toujours pas scientifiquement validée par des études randomisées, la mesure de la PIC reste pour la plupart des équipes le paramètre principal de la surveillance du traumatisé crânien grave, et devient indispensable dans les autres pathologies neurologiques ou neurochirurgicales susceptibles d’en affecter la valeur (3, 4).
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La réanimation neurochirurgicale
Pression intracrânienne et ses composants Enceintes anatomiques et pression intracrânienne Chez l’adulte, l’enceinte crânienne est souvent considérée comme rigide et close bien qu’elle communique avec un important secteur intrarachidien offrant physiologiquement une possibilité d’expansion. La PIC physiologique d’un adulte en décubitus strict est inférieure ou égale à 15 mmHg mais sa valeur peut osciller jusqu’à 20 mmHg (5). Dans ces conditions, elle est identique tout le long de l’axe cérébro-spinal. Chez le nourrisson, elle oscille entre 2 mmHg et 4 mmHg (6). Liée à la pression atmosphérique, elle fluctue avec les rythmes cardiaques et respiratoires ainsi qu’avec des rythmes de l’arbre vasculaire ou ondes lentes, sous contrôle neurovégétatif (7). La cavité crânienne est divisée par la tente du cervelet en un compartiment supratentoriel, luimême séparé en deux dans un plan sagittal par la faux du cerveau, et un compartiment sous-tentoriel. Ce dernier communique avec le canal rachidien par le foramen magnum. L’enceinte qui contient le LCS est appelée enceinte ventriculo sous-arachnoïdienne (EVSA). Son volume physiologique est de l’ordre de 140 mL. L’enceinte durale craniorachidienne est composée de trois secteurs volumiques : le parenchyme cérébral (70 % à 80 %), l’EVSA (5 % à 20 %) et le volume sanguin cérébral (VSC) (5 % à 15 %).
Relation pressions-volumes intracrâniens Le principe de Monroe-Kellie (8) donne comme constante la somme des trois volumes du contenu intracrânien : Volcérébral + VolEVSA + Volsanguin = constante. Toute addition volumique extrinsèque, ou simplement le changement de volume d’au moins l’un des trois, entraînent une augmentation de la PIC en l’absence d’une réduction réciproque ou équivalente d’au moins l’un des autres compartiments. Ainsi le cerveau, structure viscoélastique, est lentement compressible par modification des secteurs intra- et extracellulaires et le VSC peut se modifier très rapidement par le jeu de la vasomotricité cérébrale. Le volume du LCS est fonction de l’équilibre entre la production et la résorption, physiologiquement d’environ 0,35 mL/min, et du volume de l’EVSA. Ce dernier peut être modifié par expansion du secteur rachidien au dépens de l’espace extradural. Lors d’HTIC, ces mécanismes compensateurs sont dépassés par des modifications pathologiques de volume (tumeur, hématome, œdème, hydrocéphalie, vasoplégie). Des compressions vasculaires intraparenchymateuses et des déplacements des structures cérébrales entre les différents compartiments, à l’origine d’engagements, deviennent source d’ischémie (5). Les structures supratentorielles se déplacent sous la faux du cerveau et par l’orifice tentoriel vers la fosse postérieure ; les structures infratentorielles se
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déplacent vers le haut par l’orifice tentoriel, ou descendent à travers le foramen magnum. L’efficacité des systèmes tampons de compensation volumique peut être évaluée de plusieurs façons. Ainsi, l’étude de la circulation résorption du LCS faite par injection de LCS artificiel (ou son équivalent proche : NaCl à 0,9 %) en perfusion continue ou après un bolus (de 1 mL à 4 mL), permet le calcul de la résistance à l’écoulement, normalement inférieure à 12 mmHg/mL/min. La compliance de l’EVSA, témoin de sa capacité de distensibilité, s’évalue en étudiant la relation pression/volume. Le calcul de l’index pression volume (PVI) est la méthode la plus courante d’évaluation de la compliance. Il se définit comme le volume de liquide nécessaire pour augmenter la pression par un facteur 10, PVI = ∆V/Log10 (P2/P1) ; il est supérieur à 25 mL chez l’adulte et à 10 mL chez l’enfant. Le réservoir spinal du LCS étant plus petit chez l’enfant, l’effet compensateur en est diminué. À moins de dix-huit mois, les fontanelles sont ouvertes et peuvent se disjoindre si l’augmentation du volume intracrânien est lente et progressive. En revanche, l’absence d’extensibilité de la dure-mère empêche la compensation d’une augmentation brutale de volume (9). La relation pression/volume générale suit une courbe de type exponentielle, décrite par Langfitt (8), dont la pente, faible dans la zone physiologique, s’accentue très rapidement lorsque s’installe une HTIC traduisant un dépassement des systèmes compensateurs.
Liquides intracrâniens et variations de pression Le parenchyme cérébral est composé des secteurs intracellulaire et interstitiel. La barrière hémato-encéphalique (BHE) sépare le secteur interstitiel du compartiment sanguin. Les mouvements hydroéléctrolytiques au niveau de la BHE, du fait des jonctions étanches entre les cellules endothéliales, répondent aux lois de l’osmose. Lors de l’altération de la BHE, ces mouvements obéissent à la pression hydrostatique, le libre passage des protéines et des électrolytes annule les gradients osmotiques et oncotiques. Le volume de l’espace interstitiel cérébral (EIC) est déterminé uniquement par le gradient osmotique transmembranaire. Les variations brutales de volume sont limitées par la présence d’osmoles actives dites protectrices (électrolytes, acides aminés, polyols, triéthylamine). Leur efficacité est cependant limitée si le trouble est d’installation rapide (10, 11). Le LCS, ultrafiltrat plasmatique, est principalement sécrété dans les ventricules par les plexus choroïdes. La production de LCS, constante pour les valeurs physiologiques de PIC, est diminuée dans un contexte d’HTIC. La PIC est directement proportionnelle aux capacités de sécrétion, de circulation et de résorption du LCS. Cette dernière est fonction du gradient transvillositaire entre la PIC et la pression veineuse des sinus crâniens et des veines périradiculaires, principaux sièges des villosités. La résorption passive du LCS s’effectue dès lors que la PIC est supérieure à la pression veineuse périvillositaire. Des
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gradients de pression dans l’EVSA s’instaurent lorsqu’il existe un trouble de la circulation du LCS avec obstacle en amont des villosités (12).
Relation débit sanguin cérébral et PIC Les mécanismes de régulation du volume sanguin cérébral sont indirectement liés au débit sanguin cérébral (DSC) et à la vasomotricité cérébrale. La pression sanguine des artères intracrâniennes est proche de la pression artérielle systémique (en décubitus strict et en ne tenant pas compte du gradient le long de l’arbre vasculaire) estimée par la pression artérielle moyenne (PAM). La pression veineuse centrale (PVC) reflète la pression des sinus veineux intraduraux (avec les mêmes restrictions que pour la pression artérielle) aux parois fibreuses et peu compressibles, relativement protégés des variations de PIC. Les veines extraparenchymateuses, ou veines ponts, traversent l’espace sous-arachnoïdien baigné par le LCS, où elles sont sous la dépendance de la PIC. La PPC correspond à : pression artérielle (Pa) d’entrée – pression veineuse de sortie (Pv). Par simplification, en clinique, la formule suivante est utilisée : PPC ≅ PAM – Pression IntraCrânienne (PIC), car on estime que Pv est ≅ à la PIC et que la PA périphérique reflète la Pa cérébrale (sous certaines conditions, voir supra).
Dynamique de la PIC La PIC doit être envisagée dans un sens dynamique, c'est-à-dire en tenant compte de ses variations spontanées et adaptatives. Il s’agit principalement des ondes de PIC et de la dynamique de l’autorégulation. Les ondes sont liées au secteur vasculaire, soit directement comme le pouls (onde de pouls) et les ondes lentes, soit indirectement par les gros vaisseaux intrathoraciques soumis aux variations de pression lors des mouvements respiratoires (onde respiratoire). Les ondes lentes sont représentées par les ondes B oscillants entre 5 mHz et 50 mHz (0,5 à 3 ondes/min), les ondes Infra B (IB, les plus lentes) dont les ondes en plateau sont les plus classiques et les ondes Ultra B (UB, les plus rapides) (13). Elles sont provoquées par des modifications rythmiques de la vasomotricité, sous l’influence du système neurovégétatif contrôlant le secteur systémique pour les B et IB et sous l’influence du métabolisme local des vaisseaux intraparenchymateux pour les UB (7, 14). Les ondes IB sont toujours considérées comme pathologiques alors que les ondes B et UB sont rencontrées physiologiquement. L’apparition d’ondes en plateau en situation de gradients de pression intracrâniens (cas le plus fréquent) signe un risque d’engagement. Le sommeil, en particulier paradoxal, provoque des oscillations cycliques selon ses phases. Toutes les situations susceptibles de modifier la ventilation ou le rythme cardiaque sous dépendance mécanique ou neurovégétative peuvent modifier la PIC comme la toux, le rire, l’éveil, la peur, ou la perception d’un
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bruit. Les manœuvres de réanimation (ventilation, intubation, pose de cathéter) provoquent des ondes vasomotrices qui retentissent sur la PIC. L’autorégulation débit-perfusion adapte les résistances vasculaires en fonction des variations de la pression de perfusion (dans la gamme physiologique). L’autorégulation statique, la plus classique, agit en quelques minutes. Elle est mise en jeu en situation artificielle lors de tests thérapeutiques (par exemple en augmentant la PAM) et lors d’HTIC où elle est rapidement dépassée. L’autorégulation dynamique correspond aux mécanismes adaptatifs rapides (de l’ordre de la seconde) en situation physiologique pour chaque variation cyclique de pression (pouls, respiration) ou artificiellement lors de tests dits dynamiques (par exemple par compression ou décompression brutale de vaisseaux) (fig. 1).
Fig. 1 – Secteurs intracrâniens. Ondes de PIC.
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Techniques de mesure de la pression intracrânienne L’immense majorité des techniques de mesure de la PIC font appel, en clinique, à des procédés invasifs qui utilisent des transducteurs, permettant de transformer des variations de pression en variations électriques (effet piézoélectrique en particulier). La force appliquée sur le capteur le déforme, ce qui modifie sa résistance électrique de manière inversement proportionnelle. Les variations de résistance sont détectées grâce à un système type « pont de Wheatstone », ou réseau de résistances en parallèle, jouant le rôle d’amplificateur. Les spécificités communément admises pour un capteur de PIC sont : une sensibilité de – 40 mmHg à + 100 mmHg, une précision de +/– 2 mmHg entre 0 et 20 mmHg, une erreur inférieure à 10 % entre 20 mmHg et 100 mmHg et une stabilité dans le temps (dérive minime). L’ensemble du système implanté doit être responsable d’une faible morbidité (saignement, traumatisme encéphalique, infection) et avoir un coût raisonnable (15). Les sites d’implantation des capteurs sont multiples, extra-dural, sous-dural, intraparenchymateux, intraventriculaire ou lombaire.
Systèmes externes à transmission liquidienne Le cathéter intraventriculaire est la méthode de référence pour mesurer la PIC. Il est siliconé, multifenêtré et se place dans la corne ventriculaire frontale. C’est la technique de mesure la plus simple, elle est précise et permet un drainage thérapeutique de LCS, si survient une HTIC (16). Les principaux défauts de cette technique sont le risque de colonisation bactérienne, la mise en place parfois difficile en cas de petits ventricules et lors de dégâts cérébraux importants, la fuite ou l’obstruction du cathéter. Il est préférable de le mettre en place au bloc opératoire dans des conditions d’asepsie rigoureuse et par une équipe entraînée. La calibration peut se faire sans retrait du drain. Le niveau du zéro de référence intervient dans l’interprétation des valeurs de la PIC et, bien qu’il n’existe aucun consensus, la plupart des équipes admettent comme zéro le milieu d’une ligne joignant le conduit auditif externe à la partie externe du rebord orbitaire. Les cathéters sous-duraux ou sous-arachnoïdiens, peu utilisés, simples à insérer, épargnent le parenchyme et entraînent un taux d’infection faible mais sont moins fiables et peuvent s’obstruer partiellement ou totalement, ce qui induit un amortissement des mesures et une sous-estimation de la PIC. Le cathéter à double courant possède un système de transmission liquide spécifique (indépendant du canal drainant le LCS), ce qui diminue les problèmes d’amortissement car le « capteur » est dans la cavité ventriculaire, en permettant une recalibration in vivo (17). Il existe en version épidurale, sousdurale, intraventriculaire (avec la possibilité de drainage du LCS), et intraparenchymateuse.
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Systèmes à capteurs internes Ils utilisent des transducteurs par miroir déformable avec fibre optique ou par système piézo-électrique. Ils sont directement placés dans l’EVSA ou le plus souvent dans le parenchyme cérébral. Dans ce dernier cas, ils peuvent être mis en place dans l’unité de soins intensifs, par une équipe entraînée, respectant une parfaite asepsie. Le capteur extradural assimilable à un capteur interne comporte une jauge de contrainte placée directement à la surface de la duremère. Il peut aussi s’agir d’une simple chambre de pression où la dure-mère fait office de membrane transductrice (type De Rougemont). Ils n’entraînent pas d’effraction durale, ce qui limite les risques traumatiques et septiques, mais ils sont aujourd’hui peu utilisés car peu fiables (précision, dérive). Le capteur à fibre optique coiffe l’extrémité d’un cathéter à fibre optique et peut être placé dans le parenchyme ou dans le ventricule (avec les contraintes particulières de pose liée à l’abord ventriculaire). Il est muni d’un diaphragme flexible réfléchissant. La fibre optique achemine la lumière vers le capteur ainsi que la lumière réfléchie par le diaphragme (18). Le changement d’intensité de la lumière réfléchie est lié directement aux contraintes appliquées au capteur (déformation de la surface réfléchissante) et est interprété en termes de changement de pression. Il existe une corrélation étroite entre la mesure intraventriculaire et la mesure intraparenchymateuse par fibre optique (19). La limite principale de cette technique est la dérive progressive (20). La calibration in vivo est impossible, ce qui impose théoriquement le remplacement du capteur si la durée de la mesure dépasse cinq jours. Le capteur piézo-électrique utilise une jauge de contrainte avec piézo-résistance intégrée. Les variations infimes de résistance sont directement liées à la contrainte appliquée au capteur à travers un diaphragme en silicone. Le changement de résistance est reflété par le changement de voltage, converti en unité de pression. La mesure précisément corrélée à la pression intraventriculaire obtenue par drainage est soumise à une dérive minime. Ce capteur permet une mesure intraparenchymateuse ou intra ventriculaire (21).
Autres méthodes de mesure En marge des méthodes utilisant des transducteurs, se développent des procédés non invasifs permettant d’approcher des mesures de variations de PIC en s’affranchissant de la morbidité liée à l’implantation intracrânienne de capteur ou cathéter. Toutes ces techniques sont actuellement à un stade expérimental. Elles présentent un intérêt en association avec une mesure absolue, au moins intermittente, de la PIC. L’impédancemétrie tympanique a pour principe la détection de variations de tension de la membrane tympanique reflétant des variations de PIC. C’est une mesure peu précise de la PIC. La mesure du flux transcutané par laser Doppler repose sur le principe d’une
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corrélation inverse entre la PIC et le flux sous-cutané au niveau du scalp. Cette technique permet une approche des variations relatives de PIC. L’ophtalmo dynamométrie repose sur la mesure des variations de diamètre de la veine centrale de la rétine (dont la pression est corrélée avec la PIC du fait de son trajet intracrânien). Elle permet d’obtenir une mesure approchée de la PIC, lorsqu’elle est comparée à des variations provoquées de la pression intraoculaire. L’étude des variations des oto-émissions acoustiques (EOA) est une technique au principe différent. Elle utilise l’analyse spectrale des vibrations spontanées émises par l’oreille interne après stimulation. Les variations du spectre émis sont corrélées aux variations de pression intracrânienne. La précision imparfaite et le nombre important de sujets aux EOA non décelables (50 %) limitent son application (22). Le Doppler transencéphalique, développé récemment, permet de détecter les variations de vitesse de transmissions d’ultrasons à travers l’encéphale (23). Ces variations de célérités sont liées aux variations de pression régnant dans la boite crânienne. La corrélation entre la courbe de pression obtenue par cette technique et celle obtenue par mesure invasive est correcte, cependant elle ne permet qu’une estimation relative de la PIC. Avec le Doppler transcrânien, la comparaison des flux dans les compartiments intracrânien et extracrânien de l’artère centrale de la rétine permettrait également une approche de la mesure de la PIC.
Lieu de mesure de la pression intracrânienne Compte tenu des différences de pression existant à l’intérieur de l’enceinte craniorachidienne, il est recommandé de mesurer la pression à proximité de la lésion (24) (fig. 2).
Fig. 2 – Mesure de la PIC.
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Analyse de la pression intracrânienne La mesure de la PIC nécessite souvent d’être complétée par une analyse pour être interprétée. Soumise aux nombreuses oscillations physiologiques ou pathologiques, elle est labile. En première approximation clinique, même pour une mesure ponctuelle, dite instantanée, seule une valeur moyenne doit être prise en compte car de nombreux facteurs peuvent être confondants dès lors que l’on doit prendre une décision thérapeutique ou diagnostique.
Mesure ponctuelle La PIC instantanée peut être mesurée à partir de capteurs (par mesures intermittentes et après exclusion transitoire de la tubulure de drainage en cas de dérivation externe concomitante) ou plus directement à l’occasion d’une simple ponction lombaire (après élimination de risques d’engagement) en mesurant la hauteur de la colonne d’eau remontant dans un simple cathéter (1 cm H2O = 0,735 mmHg ; 1 Pascal = 0,0075 mmHg). La durée de la mesure doit être d’au moins trois minutes pour minimiser le risque d’interprétation erronée d’une valeur relevée fortuitement au sommet d’une onde B physiologique. Le patient doit être calme, en décubitus strict, en normoventilation, ne pas parler et ne pas subir de pression abdominale. Aucun médicament susceptible d’influencer la PIC ne doit être utilisé, si une anesthésie est réalisée.
Enregistrements lents ou de longue durée Il s’agit de la mesure en continue de la PIC et des signaux liés (PAM, PPC calculée). Les contraintes seront différentes selon l’objectif. Si l’on veut interpréter les ondes lentes B ou IB, il faut que l’échantillonnage du signal (en pratique celui affiché sur le moniteur) soit supérieur ou égal à 0,5 échantillon par seconde. La chaîne en amont du moniteur (transducteur, moniteur intermédiaire éventuel) et celle en aval (enregistrement numérique) doivent être adaptées à cette contrainte (le taux d’échantillonnage de chaque élément ne doit pas descendre au dessous de 0,5 échs/s). Si l’intérêt ne porte que sur les variations de la PIC moyenne, un échantillonnage à 1 point/min semble un bon compromis (les ondes IB sont visibles).
Enregistrement et analyse dynamique Il s’agit de l’analyse de l’onde pouls, de l’onde respiratoire et de l’autorégulation dynamique. Bien que la première soit de peu d’intérêt pratique, et que les autres relèvent de la recherche, leur réalisation doit faire appel à un environne-
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ment spécifique adapté à la fréquence de l’onde étudiée : la fréquence de résonance du capteur doit être valide et l’échantillonnage doit être suffisant pour la numérisation du signal (en pratique ≅ 100 échs/s pour le pouls). L’analyse concomitante du signal Doppler (test d’autorégulation dynamique) relève des mêmes contraintes.
Analyse des informations liées à la pression intracrânienne Le minimum d’analyse de la PIC est un calcul de valeur moyenne. Pour les enregistrements longs, l’information peut être condensée sous la forme de tendance ou d’histogramme. La tendance offre une représentation en fonction du temps après rééchantillonnage lent permettant de visualiser une longue période de temps. L’histogramme offre une représentation de la distribution des pressions (par gammes) pour une période de temps définie. Les deux perdent tout ou partie de l’information dynamique mais peuvent permettre d’anticiper l’évolution de la situation clinique et renseignent sur l’efficacité des traitements. Pour faire un diagnostic d’HTIC, sans évaluation des ondes, l’histogramme est probablement plus approprié. La prise de décision en temps réel, pour modifier un traitement de l’HTIC ou la PPC, s’appuie sur une lecture simple des courbes en tenant compte ou pas de la présence d’ondes lentes selon la configuration matérielle utilisée. En pratique, la constatation d’une onde IB signe une HTIC avec ses risques d’engagement (surtout lors de plateau) et d’importantes ondes B (pics de pression pathologiques ou occurrence spontanée élevée) traduisent une HTIC patente ou latente.
Indications de la mesure de pression intracrânienne Chez le traumatisé crânien grave La corrélation entre une PIC élevée et un pronostic défavorable a été démontrée par de nombreux auteurs (25). Bien que les risques liés à la mise en place d’un capteur de mesure de pression soient faibles, il convient de réserver cette technique aux patients susceptibles de développer une HTIC. Les objectifs principaux sont de guider la thérapeutique en limitant l’utilisation abusive de traitements agressifs et de contrôler les modifications de PIC susceptibles d’entraîner engagements et altération de la perfusion cérébrale. Dans tous les cas, la surveillance de la PIC doit être couplée à celle de la PAM avec calcul de la PPC. Le monitorage de la PIC est depuis longtemps, pour la plupart des équipes, une intervention à faible risque et à haut rendement avec un coût raisonnable. Son utilisation est recommandée : lorsque le score de Glasgow est inférieur à 8 et la TDM anormale, lorsque la TDM est normale et qu’il existe deux des critères suivants : âge supérieur à 40 ans, déficit moteur uni- ou bila-
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téral, épisodes de pression artérielle systolique inférieurs à 90 mmHg. L’indication doit être discutée au cas par cas chez les patients de moins de 40 ans dont le score de Glasgow est inférieur à 8, la TDM normale et l’état hémodynamique stable (26). Dix à 20 % des traumatisés crâniens modérés (score de Glasgow de 9 à 12) étant susceptibles de s’aggraver, la mesure de la PIC peut être alors proposée s’il existe des lésions intracrâniennes avec effet de masse. Une PIC normale chez des patients porteurs de lésions focales (hématomes ou contusions) avec risques d’engagements ne doit pas retarder l’acte chirurgical (27). La mesure de la PIC par voie ventriculaire est préférable si la taille des ventricules le permet, et si un drainage thérapeutique de LCS est nécessaire. Un capteur miniature placé dans un cathéter intraventriculaire apporte les mêmes avantages pour un coût plus élevé. Sinon un capteur intraparenchymateux sera mis en place.
Hémorragies sous-arachnoïdiennes par rupture anévrismale
La rupture ou la fissuration vasculaire entraîne l’irruption brutale de sang artériel dans les espaces sous-arachnoïdiens, parfois dans le parenchyme cérébral ou dans le système ventriculaire. Un œdème cérébral peut se constituer secondairement, lié à une diminution du DSC (28). L’hémorragie sous-arachnoïdienne de grade clinique élevé s’accompagne de façon quasi constante d’une HTIC. L’augmentation de la résistance à l’écoulement ainsi que l’obstruction des voies de circulation et de résorption du LCS favorisent l’hydrocéphalie aiguë qui complique 20 % des hémorragies méningées tous grades de Hunt et Hess confondus (29). Le diagnostic précoce de l’hydrocéphalie n’est pas toujours évident et l’HTIC peut apparaître une à trois heures avant la dilatation ventriculaire (30). Ultérieurement, la mesure de PIC permet d’optimiser la PPC lors de l’apparition d’un vasospasme. La surveillance de la PIC, indispensable, est proposée préférentiellement par le biais d’une dérivation ventriculaire externe (DVE) dont l’intérêt supplémentaire est de permettre le drainage thérapeutique du LCS. Elle sera utilisée avec une contre-pression de 15 cm d’eau au-dessus du zéro afin de limiter le risque de rupture anévrismale. Une fois l’anévrisme traité, ce niveau peut être abaissé. La mise en place de la DVE doit être très précoce, avant le traitement de l’anévrisme, compte tenu de l’utilisation d’héparine lors de la procédure d’embolisation. Pour certains auteurs, la mesure de la PIC pourrait guider la prise en charge de l’anévrisme. Ainsi, ce dernier ne serait pas traité chez les patients présentant une HTIC non médicalement contrôlée. En effet 64 % de bons résultats sont retrouvés chez les patients de grade IV ayant subi une intervention chirurgicale après contrôle de la PIC entraînant une amélioration clinique (31).
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Autres situations cliniques Dans l’hépatite fulminante, le développement d’une HTIC est un facteur de mauvais pronostic. Si les paramètres de la coagulation le permettent, la surveillance de la PIC et l’optimisation de la perfusion cérébrale aident au traitement des patients et à une sélection pour la transplantation hépatique (32). Dans les hydrocéphalies tardives ou chroniques, conséquences d’une HSA, la surveillance de la PIC avec enregistrements des tendances, associée au calcul de l’index bi-caudé sur la TDM peut être une aide au sevrage de la DVE et à la décision de pose d’un shunt. La mesure de PIC peut également aider au diagnostic et à la compréhension de certaines hydrocéphalies communicantes (33). Des tests dynamiques d’étude de la compliance de l’EVSA et de la circulation/résorption du LCS peuvent contribuer à l’orientation du traitement. Dans les processus expansifs intracrâniens, la mesure de PIC est devenue inutile en préopératoire depuis l’utilisation systématique de l’imagerie (TDM et IRM) et l’efficacité de la corticothérapie sur les signes cliniques. En revanche, en postopératoire, dans le cas de certaines tumeurs d’exérèse difficile avec possible constitution secondaire d’hématomes, ou de tumeurs très œdématogènes (gliomes malins, certains méningiomes, métastases), la mesure de PIC peut aider à la surveillance du réveil, et favorisera la rapidité d’une réintervention éventuelle. En effet, 20 % des patients seraient dans ce contexte susceptibles de développer une HTIC (34). Chez l’enfant, dans certaines craniosténoses (syndromes de Crouzon, ou Pfeiffer) la mesure de PIC permet de définir le retentissement fonctionnel, le moment de l’intervention et la surveillance postopératoire (35). Dans d’autres processus à haut risque d’HTIC, neurologiques, infectieux, viraux, inflammatoires, dans les états de mal épileptiques, et dans certaines hypertensions intracrâniennes aiguës bénignes, cette mesure peut être aussi utile.
Complications liées à la mesure de la pression intracrânienne Infection Principal risque de la DVE pour la majorité des auteurs, elle se définit par une culture positive du LCS, associée à l’hypoglycorachie et à la pléiocytose caractéristiques d’une méningite. L’incidence varie dans les études rétrospectives entre 0 et 22 %, avec une moyenne de 10 %. Une hémorragie intraventriculaire, une PIC supérieure à 20 mmHg, une craniotomie concomitante, une fracture de la base avec fuite de LCS, une méningite préexistante, augmentent le risque des ventriculites sur DVE. Une infection systémique, l’âge et l’état
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clinique du patient jouent également un rôle favorisant. Le rôle de la durée d’utilisation de la DVE reste une notion controversée, mais il semblerait que le risque maximum se situe dans les dix premiers jours. Lorsque la durée d’utilisation est supérieure à cinq jours, le changement systématique n’apparaît pas licite s’il n’y a pas colonisation. Le lieu de pose, réanimation ou bloc opératoire, ne semble pas modifier le risque infectieux. En revanche, il convient de détecter rapidement après retrait du cathéter la fuite de LCS, source d’infection, et ce, même plusieurs jours après l’ablation de la DVE. Aucune étude ne permet de conclure à l’intérêt d’une antibioprophylaxie lors de la pose ou du maintien du système (36). Ces complications sont diminuées par une asepsie rigoureuse, une fréquence limitée des ouvertures des lignes de drainage, l’utilisation de systèmes clos avec deux robinets et une grande vigilance dans la surveillance qui doit faire l’objet d’un protocole écrit. Les prélèvements bactériologiques doivent être guidés par la clinique (37, 38). En ce qui concerne les capteurs intraparenchymateux, le taux d’infections est estimé à 2,1 % (39).
Complications hémorragiques Le taux d’hématomes intracérébraux induit par la mesure de PIC est inférieur à 4 % si les troubles de l’hémostase sont corrigés avant la pose du capteur (40). Les troubles sévères de la coagulation sont une contre-indication à la pose d’un capteur intracrânien.
Complications mécaniques Les malpositions, dysfonctionnements, obstructions, déconnections, collapsus ventriculaires n’induisent pas de morbidité à long terme, mais peuvent entraîner des erreurs de mesures de la PIC, et une augmentation des coûts liée aux changements de capteurs. Ces complications sont rares si l’équipe est entraînée à la pose et à la maintenance des systèmes.
Pression intracrânienne et multimonitorage : quel avenir ? La mesure de la PIC doit être couplée avec d’autres paramètres pour être efficacement interprétée, du moins dans les situations les plus complexes et aussi les plus fréquentes en neuroréanimation. Au-delà du calcul direct de la PPC, l’analyse des données de la PIC est utile en parallèle avec d’autres moyens devenus, ou en voie de devenir, d’utilisation courante comme le Doppler transcrânien, la mesure des pressions partielles, intraparenchymateuse, la
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microdialyse et l’imagerie cérébrale tomodensitométrique en résonance magnétique nucléaire ou en tomographie par émission de positons. Ainsi, par exemple, la simple évaluation de l’autorégulation (statique ou dynamique) ou du retentissement d’un mécanisme physiopathologique ou d’un traitement peut être réalisée plus facilement et surtout plus objectivement. Il est important d’associer ces différentes modalités d’informations pour mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques et ainsi optimiser les traitements (la « targeted therapy » définie par Miller (41) est plus que toujours d’actualité), tout en s’ouvrant sur de nouvelles solutions. La mesure non invasive de la PIC ne supplantera la mesure invasive que si des solutions techniques améliorent la fiabilité de la mesure. Elles sont encore du domaine de la recherche et doivent contraindre le praticien à une meilleure maîtrise des données « invasives ». Force est de constater qu’en dépit des informations fournies, la difficulté de réduire efficacement mortalité et morbidité en situation critique de souffrance cérébrale (avec ou sans HTIC) continue à faire désespérer certains et favorise la sous-utilisation du monitorage invasif comme le montrent des enquêtes récentes (42). Comme toujours, il existe un décalage entre les moyens et les objectifs qui freine la mise en application des consensus les plus rationnels et l’évolution des pratiques thérapeutiques et diagnostiques. Néanmoins, l’évolution technologique nous conduit vers un environnement de soins de plus en plus sophistiqué pour les patients gravement atteints. L’intégration des systèmes simplifie la gestion de nombreuses situations qui ont été banalisées grâce aux progrès médicaux.
Conclusion Les techniques invasives, en particulier le cathétérisme ventriculaire, restent les méthodes de référence pour la mesure de la PIC. Les microcapteurs implantables s’accompagnent d’une morbidité inférieure pour une fiabilité et une précision équivalentes. Les méthodes non invasives, toujours en cours d’expérimentation, permettront une indication plus large de cette mesure indispensable pour l’orientation thérapeutique en cas de pathologie intracrânienne. Les indications de mesure de la PIC sont en grande partie consensuelles mais sa mise en application reste encore en retrait. Ceci semble plutôt le fait des contraintes organisationnelles médico-économiques et d’une insuffisance de l’évaluation des pratiques (en termes de soin et de recherche) que celui des systèmes de mesure.
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Surveillance de la circulation cérébrale par Doppler transcrânien en réanimation neurochirurgicale A. Ter Minassian
Aspects méthodologiques C'est en 1981 que Rune Aaslid a apporté la démonstration qu'il était possible de recueillir un signal Doppler au travers de la barrière osseuse de la boîte crânienne (1). Historiquement, il était généralement considéré que les ultrasons ne pouvaient être utilisés dans cette application, les ruptures d'impédance successives dissipant l'énergie de l'onde émise. Cet obstacle théorique a été surmonté grâce à deux caractéristiques du Doppler transcrânien (DTC) : – l'atténuation du signal Doppler étant proportionnelle au carré de la fréquence, l'onde émise du DTC est à basse fréquence : 2 MHz ; – les DTC sont de forte puissance 100 mW/cm2, 90 % de l'énergie émise étant dissipée sous forme de chaleur au travers des différentes interfaces. Cependant malgré ces particularités, la barrière osseuse ne peut être franchie qu'au travers de « fenêtres » anatomiques particulières où l'os est particulièrement mince et peu stratifié ou au travers des fenêtres transophtalmique et transforaminale. Ainsi, chez 10 % de la population, l'insonation transcrânienne est impossible. Le DTC est un Doppler pulsé permettant ainsi une certaine définition spatiale. Le corollaire qui en découle est qu'il est limité dans l'estimation des hautes vitesses, et ce de façon croissante avec la profondeur de l'échantillonnage selon le principe découlant du théorème de Nyquist. La variable analysée est le gradient entre la fréquence émise et rétro-diffusée lié à la vitesse de déplacement des éléments réflecteurs, c’est-à-dire les éléments figurés du sang (hématies principalement), selon l'équation de von Doppler : ∆F = 2F0v cos .τ/ c. Ainsi pour une onde émise à 2 MHz, + 1 KHz de ∆F correspond à une vitesse de déplacement de 39 cm/s vers l'examinateur. La vitesse mesurée ne
100 La réanimation neurochirurgicale
peut être assimilée à la vitesse réelle que lorsque l'angle d'insonation par rapport au vecteur de déplacement tend vers 0 et donc cos τ vers 1. Ainsi un angle τ égal à 60° provoque une erreur de 50 % dans la mesure, un angle τ égal à 30° provoque une erreur de 13,5 % dans la mesure, un angle τ égal à 10° provoque une erreur de 2 % dans la mesure. La conclusion pratique importante qui en découle est qu'en matière de Doppler seules les hautes vélocités sont vraies : l'opérateur doit toujours rester critique vis-à-vis des basses vélocités et se demander s'il n'est pas possible d'optimiser l'angle d'insonation de l'axe vasculaire examiné. Enfin, lors de la réalisation pratique de l'examen on gardera à l'esprit que l'oreille humaine est un excellent fréquence-mètre dans la bande 0-20 KHz qui est précisément la bande de fréquence analysée en DTC. C'est à l'oreille plus que par l'analyse de la représentation graphique du signal sonore qu'on procédera au manœuvres d'optimisation de la position de la sonde en recherchant le signal le plus aigu et de plus forte puissance. Le DTC en réanimation est un examen effectué à l'aveugle sans échographie associée, ces derniers appareils étant beaucoup plus onéreux et généralement réservés aux services d'exploration fonctionnelles. L'identification formelle des artères intracrâniennes repose ainsi sur cinq critères : – la fenêtre acoustique utilisée et la direction de la sonde ; – le sens de déplacement des éléments réflecteurs ; – l'angulation de la sonde ; – la profondeur d'échantillonnage ; – la modification du signal aux tests de compression carotidiens cervicaux. Ces tests de compression ne doivent être réalisés qu'en l'absence de pathologie athéromateuse emboligène ou de dissection artérielle.
Examen normal Les vélocités Doppler sont habituellement exprimées en cm/s. Les appareils affichent la vitesse systolique, diastolique et moyenne. Cette vitesse moyenne (Vm) est la moyenne temporelle des pics de vélocité au cours d’un cycle cardiaque. La vitesse diastolique est également importante à prendre en compte car c’est la valeur la plus rapidement perturbée lorsque la pression de perfusion cérébrale (PPC) est compromise. Des valeurs normales pour les vitesses ont été établies (tableau I). Mais de nombreux facteurs physiologiques qui modifient le DSC modifient également les vitesses. Celles-ci sont donc à interpréter en fonction du contexte clinique : – les vélocités varient avec l’âge. La vitesse dans l’ACM est basse chez le nouveau-né (24 cm/s) mais augmente rapidement en quelques jours. Les vélocités augmentent ensuite lentement pour atteindre 100 cm/s entre 4 et 6 ans.
Surveillance de la circulation cérébrale par Doppler transcrânien 101
Tableau I – Vitesses circulatoires et index de pulsatilité : valeurs normales chez l’adulte. Artère
Profondeur (mm)
Moyenne
Diastolique Systolique
IR
IP
ACM
40-55
62 ± 12
45 ± 10
90 ± 16
0,4-0,7
0,90 ± 0,24
ACA
60-75
50 ± 13
35 ± 10
71 ± 18
0,83 ± 0,17
ACP
55-80
37 ± 10
26 ± 7
53 ± 11
0,88 ± 0,20
TB
85-100
39 ± 9
31 ± 9
52 ± 9
ACM : artère cérébrale moyenne ; ACA : artère cérébrale antérieure ; ACP : artère cérébrale postérieure ; TB : Tronc basilaire ; IR : index de résistance ; IP : index de pulsatilité Tableau II – Vitesses circulatoires cérébrales et profondeur d’insonation (valeurs moyennes) en fonction de l’âge. Âge
ACM
ACI
ACA
TB
Vm (cm/s) 0-10 jours 11-90 jours 3-12 mois 1-3 ans 3-10 ans 10-18 ans
24 42 74 85 94 81
25 43 67 81 93 79
19 33 50 55 71 56
51 58 46
Vd (cm/s) 0-10 jours 11-90 jours 3-12 mois 1-3 ans 3-10 ans 10-18 ans
12 24 46 65 72 60
12 24 40 58 68 59
10 19 33 40 48 46
35 44 36
Profondeur (mm) 0-3 mois 3-12 mois 1-3 ans 3-6 ans 6-18 ans
25 30 35-45 40-45 45-50
40-50 45-55 50-55
55-65 60-65 60-70
50-60 55-70 60-80
Vm : vitesse moyenne ; Vd : vitesse diastolique ; ACM : artère cérébrale moyenne ; ACI : artère carotide interne ; ACA : artère cérébrale antérieure ; TB : tronc basilaire. D’après (2).
Par la suite, les vitesses diminuent progressivement avec l’âge d’environ 1 cm/s par an (tableau II) (2) ; – l’hémodilution augmente les vitesses circulatoires. Il existe une relation inverse entre la valeur de l’hématocrite et les vitesses. Chez des patients sous anesthésie, cette augmentation est de 2 % lorsque l’hématocrite diminue de 1 % (3) ; – la PaCO2 et la PaO2 sont les principaux facteurs qui modifient les vitesses. La variation est comprise entre 2 et 4 % par mmHg pour la PaCO2 lorsque la réactivité est intacte. En d’autres termes, la vélocité sylvienne varie entre 60 %
102 La réanimation neurochirurgicale
et 150 % de sa valeur de référence lorsque la PaCO2 varie de 20 à 60 mmHg. Pour la PaO2, les vitesses augmentent de manière exponentielle en dessous de 60 mmHg (4).
Artère cérébrale moyenne (ACM) C'est l'artère qui assure près de 80 % du débit sanguin hémisphérique. La fenêtre temporale est utilisée typiquement à une profondeur comprise entre 40 mm et 55 mm. Le flux se dirige vers la sonde (flux antérograde). L'artère dans son segment proximal forme un angle proche de 90° avec l'écaille temporale, ce qui signifie que la vitesse mesurée est très proche de la vitesse réelle (cosinus de l’angle d’insonation proche de 1). Le flux de l'ACM s'amortit à la compression carotidienne homolatérale sans disparaître, pour autant que le polygone de Willis soit fonctionnel. Au lever de la compression, il est observé une accélération transitoire correspondant à un hyperdébit grossièrement proportionnel à l'efficacité de l'autorégulation (fig. 1). Enfin l'ACM est normalement insensible à la compression controlatérale.
Fig.1 – Test de réponse hyperhémique transitoire (THR). Lors de la levée de la compression carotidienne homolatérale, on observe une réponse hyperhémique transitoire, liée à la vasodilatation cérébrale qui s’installe lors de la compression. Cette réponse est normale et témoigne de la persistance d’une autorégulation cérébrale. La valeur calculée est le THR ratio (THRR) qui est le rapport de la vitesse systolique après la levée de la compression sur la vitesse avant compression. La valeur normale est supérieure à 1,10.
Surveillance de la circulation cérébrale par Doppler transcrânien 103
Artère cérébrale antérieure (ACA) La fenêtre temporale est utilisée. La profondeur d’insonation est située entre 60 et 75 mm. Le flux fuit l'examinateur (variation négative de fréquence) et l’angulation est souvent plus importante (antérieure) par rapport à l'ACM. Lorsqu’il existe une artère communicante antérieure fonctionnelle, il existe une accélération à la compression carotidienne controlatérale et une inversion du flux à la compression homolatérale (fig. 2).
Fig. 2 – Enregistrement bi-sonde en fenêtres temporales des artères cérébrales antérieures droite et gauche En haut : noter le flux rétrograde (négatif sous la ligne de base) la profondeur d'échantillonnage (68 mm) la vitesse circulatoire généralement plus basse que celle de l'artère cérébrale moyenne et l' inversion du flux à la compression homolatérale. En bas : forte accélération du flux à la compression controlatérale témoignant d’une artère communicante antérieure fonctionnelle.
Le segment post-communicant de l'ACA (artère péricalleuse) n'est pas accessible au DTC car l'axe artériel forme un angle de 90° par rapport à l'axe de tir ultrasonore (cos τ = 0).
Artère cérébrale postérieure (ACP) L’insonation dans ses segments pré- et postcommunicant est possible par la fenêtre temporale. L’angulation est légèrement postérieure pour le segment
104 La réanimation neurochirurgicale
précommunicant entre 60 et 75 mm de profondeur et le flux est antérograde. Le signal est souvent associé au signal veineux de la veine basilaire de Rosenthal. Il existe une accélération à la compression carotidienne homolatérale lorsqu’il existe une artère communicante postérieure. Le flux est insensible à la compression controlatérale. Une façon élégante d'identifier l'ACP chez le sujet conscient consiste à lui demander d'ouvrir et de fermer les yeux alternativement. Le flux de l'ACP qui vascularise les aires visuelles augmente d'environ 30 % à l'ouverture des yeux avec un décalage temporel d'environ trois secondes correspondant à la constante de temps de l'aurorégulation métabolique (fig. 3).
Artère basilaire (AB) L’examen est souvent plus difficile à réaliser en réanimation. La fenêtre est foraminale, en pratique environ 2 travers de doigts en dessous de la palpation de
Fig. 3 – Enregistrement bi-sonde en fenêtres temporales des artères cérébrales postérieures dans leurs segments précommuniquants. Fluctuation sinusoidale des flux bilatéraux lors de la fermeture-ouverture des yeux.
Surveillance de la circulation cérébrale par Doppler transcrânien 105
l’écaille occipitale. Le flux est rétrograde entre 70 et 90 mm de profondeur. En deçà de 80 mm de profondeur, il est fréquent d’insonoriser une artère vertébrale au lieu de l’artère basilaire.
Artère carotide intracrânienne (ACI) En fenêtre temporale, l’artère est trouvée dans la continuité de l’ACM, à environ 60 mm de profondeur. Le signal est interrompu par la compression carotidienne homolatérale. En fenêtre transophtalmique, l’artère ophtalmique et les segments infra- et supraclinoïdien de l’ACI sont accessibles. Par voie transophtalmique, il est nécessaire de réduire la puissance d'émission à moins de 30 % de la puissance nominale et de ne pas prolonger l'examen afin d'éviter les lésions oculaires par ultrasons.
Artère carotide interne cervicale (ACIC) L'examen des carotides internes cervicales est le complément indispensable de tout examen DTC. Il se fait au mieux avec une sonde de 4 MHz en Doppler continu, le plus haut possible sous la mandibule. La difficulté, en l’absence d’échographie, est de distinguer la carotide interne d’une branche de la carotide externe. Cette dernière a toujours un indice de pulsatilité (IP) élevé. En pratique, un IP supérieur à 1,2 correspond rarement à l’ACI et doit faire poursuivre la recherche.
Interprétation et applications du Doppler transcrânien L'interprétation du DTC se fait essentiellement à partir de deux variables issues du sonogramme : les vitesses (moyenne et diastolique) et l’indice de pulsatilité IP = V syst – V diast/Vm (Vsyst = vitesse systolique maximum ; Vdiastolique = vitesse diastolique maximum). L’interprétation d’une variation des vitesses repose sur le raisonnement suivant : – à diamètre artériel constant, les variations des vitesses sont proportionnelles aux variations de débit ; – à débit constant, les variations de vitesse sont proportionnelles aux variations de diamètre artériel.
106 La réanimation neurochirurgicale
Les limites de la méthode sont implicites et tiennent au fait que le principe d'invariance du débit ou du diamètre artériel n'est pas toujours respecté, loin s'en faut. L'index IP permet de s'affranchir de l'erreur d'angulation (cos τ se retrouve en facteur du numérateur et du dénominateur de l'équation de IP). La normale de cet index est comprise entre 0,5 et 1,1. De façon notable, le lit vasculaire cérébral est l'un des moins résistifs de l'organisme et en conséquence la modulation d'amplitude du flux sanguin y est particulièrement faible. L'index IP est influencé par de nombreux facteurs : il augmente avec la pression intracrânienne et la diminution de la PPC (donc de la PAM), mais il est également influencé de façon majeure par l'état des résistances vasculaires cérébrales qui elles-mêmes varient très fortement avec le pH du LCR (environ 4 % de variations de DSC par mmHg de variation de capnie à pression de perfusion constante). Il est de plus influencé par la fréquence cardiaque : la bradycardie augmente l’IP, la tachycardie le diminue (en cas de bradycardie, plus de temps est laissé à la relaxation diastolique et la Vdiast diminue). L'interprétation de l’IP doit tenir compte de ces facteurs confondants qui doivent être impérativement contrôlés notamment lorsqu'on cherche à objectiver une hypertension intracrânienne. En outre, il a été montré que, contrairement à la mesure des vitesses, la reproductibilité de la mesure de l’IP était mauvaise (5). Cet index doit donc être interprété de manière qualitative plus que quantitative.
Hypertension intracrânienne (HTIC), arrêt circulatoire cérébral Modifications du signal Doppler transcrânien au cours de l’arrêt circulatoire cérébral L’arrêt circulatoire cérébral (ACC) au cours de la mort encéphalique est dû à l’effondrement de la pression de perfusion cérébrale (PPC) qui résulte d’une hypertension intracrânienne (HTIC). Lors de l’élévation de la pression intracrânienne à pression artérielle constante, la vitesse diastolique des artères du polygone de Willis diminue progressivement, alors que la vitesse systolique est peu affectée. Cette augmentation de la pulsatilité des artères du polygone est probablement due à la modification de l’élastance artérielle à pression transmurale décroissante. À ce stade, des mesures thérapeutiques appropriées suffisent à rétablir un profil de vélocimétrie normal. L’arrêt circulatoire diastolique se produit lorsque la pression intracrânienne (PIC) devient égale à la pression artérielle diastolique. Lorsque la PIC devient égale à la pression artérielle moyenne (PAM), et donc la PPC nulle, le sonogramme transcrânien ne disparaît pas mais l’absence de flux moyen prend un aspect caractéristique de
Surveillance de la circulation cérébrale par Doppler transcrânien 107
flux oscillant, composé d’un flux systolique antérograde persistant, suivi d’un flux diastolique rétrograde. Cette oscillation de la colonne sanguine correspond à un arrêt circulatoire absolu au niveau de la microcirculation alors que le polygone de Willis n’est pas encore collabé ou thrombosé. Plus tardivement, il est possible d’observer de brefs pics protosystoliques de faible amplitude. Cet aspect précède la disparition de tout signal lorsque l’ensemble du lit artériel est collabé (6, 7). Il existe une corrélation étroite entre l’aspect du sonogramme et le niveau de l’arrêt circulatoire angiographique. Un flux oscillant correspond à un arrêt circulatoire supraclinoïdien, les brefs pics protosystoliques à un arrêt intrapétreux et l’absence de signal à un arrêt de la colonne de contraste au niveau de la carotide cervicale. Ducrocq et al. retrouvent une corrélation moins nette. Cependant les conditions techniques de l’angiographie réalisée par voie veineuse ainsi que le délai de trois heures entre les deux examens expliquaient probablement cette discordance (8-10). Deux aspects sont donc caractéristiques de l’arrêt circulatoire : – un flux oscillant, antérograde en systole rétrograde en diastole (fig. 4) ; – des pics protosystoliques de faible amplitude. L’absence de flux par Doppler transcrânien n’est pas un critère d’arrêt circulatoire cérébral. L’absence de signal peut être due à une table osseuse épaisse et stratifiée ne présentant aucune « fenêtre » acoustique. L’arrêt circulatoire cérébral ponctuel n’est pas non plus synonyme de mort encéphalique. En effet, le monitoring continu par DTC permet de mettre en évidence des arrêts circulatoires réversibles, de brève durée, accompagnés de récupération des fonctions cérébrales. En dehors des arrêts circulatoires transitoires contemporains du saignement de l’hémorragie méningée, il a été rapporté en pédiatrie deux cas réversibles de flux oscillant caractéristique d’ACC, accompagnés d’une
Fig. 4 En A : flux oscillant systolo-diastolique sur l'artère cérébrale moyenne au cours de l'arrêt circulatoire cérébral ; En B : magnification au cours d'un cycle cardiaque, la somme des aires sous les courbes est nulle indiquant l'absence de flux antérograde.
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récupération sans séquelles dans un cas et d’un handicap sévère dans l’autre (11). Bien qu’anecdotiques, ces observations indiquent que, dans certaines circonstances, le traitement rapide et adapté de l’HTIC peut s’accompagner d’une récupération fonctionnelle, et ce même lorsque le patient est pris en charge en ACC au Doppler. À l’inverse, dans certaines circonstances, après arrêt circulatoire ou bas débit extrême par HTIC ayant abouti à l’état de mort encéphalique, des mesures de réanimation à visée hémodynamique cérébrale (dérivation ventriculaire externe, osmothérapie, hypertension artérielle induite, volet décompressif ) peuvent aboutir au rétablissement transitoire ou à la persistance d’un flux diastolique sur une ou plusieurs artères intracrâniennes (8, 12, 13). D’autre part, l’ACC supratentoriel ne s’accompagne pas nécessairement d’un arrêt circulatoire au niveau de la fosse postérieure. Ainsi, l’activité du tronc cérébral peut rester préservée en présence d’un ACC supratentoriel. Il est parfois possible d’observer des flux oscillants, en l’absence de souffrance cérébrale dans des circonstances telles que l’insuffisance aortique, la contre-pulsion diastolique et d’une façon plus générale chez les enfants atteints de cardiopathie. Le reflux ne concerne qu’une partie de la diastole et l’aire sous la courbe du flux diastolique reste inférieure à celle du flux systolique : en moyenne, le flux reste positif.
Fig. 5 – Estimation semi-quantitative de la PIC chez un traumatisé crânien grave en salle de déchocage. PAS 160 mmHg, PAD 100 mmHg, la disparition de tout flux diastolique chez ce patient en HTA et hypocapnie modérée (33 mmHg) indique que la PIC est environ de 100 mmHg. Notez que le patient n'est pas en arrêt circulatoire cérébral car il persiste un flux net systolique antérograde.
Surveillance de la circulation cérébrale par Doppler transcrânien 109
Dans les recommandations de l’académie de neurologie américaine, le Doppler transcrânien fait partie des examens optionnels réalisables pour confirmer la mort encéphalique. En termes de sensibilité, il figure en troisième place, après l’angiographie et l’EEG, mais avant la scintigraphie et les potentiels évoqués somesthésiques (9, 14, 15). La fédération mondiale de neurologie, voulant promouvoir le DTC comme moyen diagnostique d’ACC, a proposé un consensus sur les critères de jugement positif. Cette approche est différente de la nôtre car, en France, l’examen Doppler n’a pas de valeur réglementaire. Il est cependant possible de s’en inspirer dans un souci de bonnes pratiques principalement pour accélérer la mise en route des moyens diagnostiques réglementaires, ou au contraire pour infirmer l’arrêt circulatoire chez des patients ayant des critères cliniques évocateurs sous barbituriques à forte dose ou en hypothermie. Ceci pourrait permettre de raccourcir le délai entre la mort encéphalique et le prélèvement d’organes et contribuer ainsi à la viabilité des organes prélevés et transplantés. Les critères d’arrêt circulatoire cérébral sont : – les flux oscillants ou pics systoliques bilatéraux sur les carotides internes ou les ACM par voie transcrânienne. En cas de flux oscillants, les aires sous la courbe des flux antérograde et rétrograde au cours du cycle cardiaque doivent être égales. Les pics systoliques doivent avoir lieu en protosystole, être d’une durée inférieure à 200 ms, et de vitesse maximale < 50 cm/s ; – la confirmation du diagnostic établi par voie transcrânienne par l’enregistrement extracrânien bilatéral des carotides communes et internes ainsi que des artères vertébrales. La persistance d’un faible flux diastolique sur les carotides communes n’infirme pas le diagnostic lorsque tous les autres éléments sont réunis ; – l’absence de signal transcrânien ne constitue pas un argument d’ACC du fait de la possibilité d’une mauvaise transmission acoustique. La disparition du signal d’un flux intracrânien au cours de deux examens successifs peut être acceptée comme une preuve d’ACC Doppler si elle est accompagnée des modifications caractéristiques extracrâniennes. Un arrêt circulatoire Doppler de brève durée lors d’un épisode d’HTIC aiguë est parfaitement réversible et peut être compatible avec une récupération fonctionnelle pour autant que les mesures thérapeutiques appropriées soient prises. De même, l’abolition des flux diastoliques n’est pas synonyme d’arrêt circulatoire et ne fait que traduire une HTIC qui devra être rapidement traitée. La constatation d’un arrêt circulatoire Doppler des deux ACM et du TB sous la forme d’un flux oscillant systolodiastolique ou de pics protosystoliques de faible amplitude est toujours prédictive d’EME. Lorsque seuls les signaux des ACM sont analysés, l’arrêt circulatoire Doppler pendant 30 minutes a la même valeur prédictive.
110 La réanimation neurochirurgicale
Hypertension intracrânienne (HTIC) En traumatologie, le DTC est un bon examen de « débrouillage » en salle de déchocage et peut permettre de prendre rapidement des mesures thérapeutiques pendant le transfert du patient au bloc opératoire pour évacuation d'un hématome intracrânien et monitorage de la PIC. En aucun cas le DTC ne se substitue au monitorage de la PIC. L'examen DTC peut en effet être normal en présence d'une HTIC majeure. C'est notamment le cas lors de l'hypercapnie mais aussi au cours du séjour en réanimation lors de la normalisation de la capnie après un épisode d'hyperventilation de quelques heures, où lorsque la pression de perfusion cérébrale (PPC) est maintenue par une hypertension artérielle. La figure 5 illustre la façon dont il est possible d'estimer grossièrement la PIC en urgence à partir du sonogramme. L'HTIC est également une complication constante au décours de l'hémorragie sous arachnoïdienne compliquée d'un hématome intracrânien. Le problème posé est alors de savoir s'il faut aller au bloc opératoire immédiatement pour l'évacuation d'hématome et le traitement chirurgical de l'anévrysme, ou s'il est encore possible de temporiser et de réaliser une angiographie cérébrale et une embolisation première. En dehors de la présence d'un hématome intracrânien, l'HTIC est une complication fréquente de l'HSA grave, justifiant la dérivation ventriculaire externe (DVE) ou le monitorage de la PIC dès qu’une HTIC est suspectée (16, 17). En présence d'un système ventriculaire de taille normale ou modérément dilaté, le DTC constitue un argument supplémentaire pour poser sans délai l'indication de DVE. Le DTC peut cependant être pris en défaut au décours de l'hydrocéphalie et ce, particulièrement, lorsque l'hydrocéphalie est sub-aiguë ou chronique notamment chez le sujet âgé. En effet, dans ce contexte, une HTIC modérée même compensée par une hypertension artérielle n'est pas nécessairement bien tolérée, et il existe d'autre part un continuum entre hydrocéphalie à pression élevée et à pression normale due à des modifications progressives des propriétés visco-élastiques du tissu cérébral. L'absence de signes d'HTIC au Doppler, n'exclue donc pas le diagnostic et encore moins une hydrocéphalie ou l'indication de shunt reste avant tout clinique.
Vasospasme, sténoses intracrâniennes L'une des premières applications du DTC a été le dépistage du vasospasme de l'HSA. Le vasospasme diminuant le diamètre artériel, la vitesse circulatoire augmente tant que le débit reste préservé. Mais une augmentation de la vitesse peut être liée aussi bien à une réduction du diamètre artériel qu'à une augmentation de débit. Les situations intriquées ne sont pas rares au décours de l'HSA
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notamment lors de l'hypertension artérielle thérapeutique où l'altération de l'autorégulation induit une augmentation du DSC régional (18) ou au décours de l'angioplastie transluminale ou l'augmentation des vélocités peut aussi bien traduire un spasme résiduel qu'un hyperdébit accompagnant la reperfusion (19). Afin de différencier l’hyperdébit du vasospasme, Lindegaard et al. ont proposé d'analyser systématiquement la vitesse circulatoire au niveau de la CIC et de calculer le ratio entre VCM et VCIC (20, 21). En cas d'hyperdébit, les vitesses carotidienne et sylvienne augmentent dans les mêmes proportions tandis qu'en cas de vasospasme seule la vitesse sylvienne augmente. La normale de l'index proposé par Lindegaard (IL) est de 1,7 ± 0.4. Un IL supérieur à trois prédit un vasospasme avec une sensibilité et une spécificité de près de 90 %. Le DTC n’est réellement fiable pour la détection du vasospasme que pour l’artère cérébrale moyenne avec une sensibilité de l’ordre de 67 % et une spécificité de 99 % (22). Le manque de sensibilité est lié aux spasmes distaux qui ne sont pas diagnostiqués par le DTC ou aux patients chez lesquels le signal est difficile à obtenir. Pour les autres artères, la spécificité et la sensibilité du DTC sont beaucoup moins bonnes. Pour l’artère cérébrale antérieure par exemple, la sensibilité est de 42 % et la spécificité de 76 % en moyenne. Il a été proposé des critères DTC de sévérité de vasospasme. Des VCM < 120 cm/s et un IL < 3 sont considérés comme normaux. Des VCM > 200 cm/s et un index IL > 6 sont associés à un vasospame sévère (20, 21) (fig. 6). Cependant la question que se pose le clinicien n'est pas de savoir si le vasospasme est sévère ou non, mais s'il existe un risque accru pour le patient de déficit ischémique différé (DID), afin de prendre des mesures thérapeutiques préventives appropriées. Si le seuil de VCM > 200 cm/s est retenu, le DTC est de peu de recours puisque la sensibilité et la spécificité de la méthode en termes de prédiction de DID est de l'ordre de 50 %. Certains patients auront des vélocités > 200 cm/s sans développer de DID tandis que d'autres présenteront un DID alors que VCM < 200 cm/s. De plus, lorsque le débit diminue lors d’un vasospasme très sévère, les vitesses peuvent être normales. Pour contourner cet obstacle méthodologique, il a été proposé de mesurer quotidiennement les vélocités. Une augmentation quotidienne de 50 cm/s est prédictive de DID avec une sensibilité et une spécificité d'environ 60 % (23, 24). Le DTC paraît donc être plutôt un examen de dépistage, demandant une confirmation angiographique, qu’un examen diagnostique. D'autres index de gravité ont été proposés, essentiellement fondés sur la notion de réserve hémodynamique cérébrale. En effet le vasospasme entraîne une chute de la pression de perfusion d'aval initialement compensée par une vasodilatation en autorégulation. En pratique, si malgré le vasospasme il persiste une réserve en vasodilatation, le vasospasme peut être considéré comme non critique. Il est possible de tester cette réserve de deux façons : soit par un test de réactivité au CO2, soit par un test d'autorégulation et les deux méthodes ont été proposées dans cette indication. La façon la plus simple de procéder à un test d'autorégulation de façon semi-quantitative consiste à comprimer la carotide cervicale pendant quelques secondes et d'apprécier la
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Fig. 6 – Hémorragie sous-arachnoïdienne grade III de Fisher. Évolution Doppler lors d’un vasospasme sévère. En haut : à J1, la vitesse dans l’artère cérébrale moyenne (ACM) est de 81 cm/s la vitesse dans la carotide interne (CIC) de 41 cm/s, l'index de Lindegaard < 2. En bas : à J10, la vitesse dans l’ACM est de 221 cm/s, la vitesse dans la CIC de 31 cm/s, l'index de Lindegaard > 7. Notez l'augmentation de la pulsatilité en carotide cervicale traduisant l'obstacle d'aval et l'aspect filiforme de la carotide terminale de M1 et de A1.
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réponse hyperhémique transitoire au lever de la compression (25-28) (voir fig. 1). L'avénement des scanners multibarettes permettant de faire des cartographies de DSC absolu devrait permettre la popularisation de l'index de vasospasme proposé par Jakobsen et al. Cet index est le ratio de VCM par le DSC régional mesuré par ces auteurs par la méthode du Xe131. La possibilité de calculer cet index par une méthode moins contaminante que le Xenon radioactif et l'analyse des paramètres mesurés en scanner de perfusion devraient déboucher sur des études précisant l’intérêt de la méthode pour prédir le DID. Le vasospasme est également fréquent au décours du traumatisme crânien grave, notamment lorsqu'il existe une importante HSA post-traumatique (2931). L'association d'une HTIC à la chute de la pression trans-sténotique est alors particulièrement délétère et peut rapidement être la cause d'infarctus massif.
Dissection carotidienne Le dépistage des dissections carotidiennes ne relève généralement pas du DTC, mais plutôt, a partir de signes cliniques évocateurs, de l'échographie et des investigations morphologiques par TDM et IRM. Cependant, dans un contexte ou l'attention est focalisée sur un traumatisme crânien grave et ou l’examen clinique est peu contributif, le diagnostic de dissection carotidienne post-traumatique est parfois méconnu ou fait avec retard (32). Dans cette situation, le DTC peut permettre de suspecter le diagnostic et faire rapidement pratiquer l'examen morphologique de confirmation qui pourra déboucher sur une décision difficile, à savoir un traitement anticoagulant chez un patient traumatisé crânien. La sémiologie Doppler d'une dissection hémodynamiquement significative est caractéristique et associe de façon variable plusieurs signes (fig. 7) : – une asymétrie de l'index de pulsatilité intracrânien. L’IP est diminué du côté de la dissection du fait de la vasodilatation en autorégulation ; – une augmentation de la vitesse sur l’ACA controlatérale ; – une inversion du flux de l’ACA homolatérale ; – une augmentation de la pulsatilité et une diminution des vélocités au niveau cervical traduisant l'obstacle d'aval. Il est parfois possible d'observer une augmentation des vélocités de la carotide interne cervicale ou intracrânienne correspondant à la dissection elle-même ; – des signaux transitoires de haute intensité (HITS) correspondant au passage d'embols intracrâniens.
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Fig. 7 – Dissection carotidienne post-traumatique. Les vitesses sont similaires sur les deux artères cérébrales moyennes (ACM) et les deux carotides internes cervicales (CIC). Les sonogrammes diffèrent uniquement par leur pulsatilité. Diminution de la pulsatilité de l'ACM droite, importante augmentation correspondante de la pulsatilité en carotidien interne cervical droit traduisant l'obstacle d'aval. Le plus souvent, on observe une asymétrie des vitesses dans l’artère cérébrale moyenne.
Malformation artério-veineuse (MAV) et autres pathologies Les MAV réalisent une communication précoce anormale entre le lit artériolaire et veineux responsable d'un shunt intracrânien. La sémiologie Doppler des MAV associe donc des signes directs sur les axes alimentant la MAV à des signes indirects traduisant l'effet de vol sur les autres axes. Les signes directs traduisent l'hyperdébit et associent une augmentation des vélocités et une diminution de l’IP avec un IL < 3. Les signes indirects sont variables et peuvent comprendre une inversion de l'ACA homolatérale à la MAV, une augmentation des vélocités sur l'ACA controlatérale et l'ACP précommunicante homolatérale, une diminution des vélocités et une augmentation de la pulsatilité sur les axes non porteurs secondaires à l'effet de vol, des comportement paradoxaux aux tests de compression dus à l'exacerbation de ce même effet de vol tels que la diminution de la VCM du côté non porteur lors de la compression controlatérale.
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Les MAV sont responsables d'hypertension intracrânienne d'origine veineuse parfois très importante (50-60 mmHg) responsable de malaises orthostatiques avec arrêt circulatoire diastolique et exposent à des complications majeures : hématome intracrânien et thrombophlébite cérébrale qui peuvent venir modifier leur sémiologie Doppler. Il existe enfin des situations complexes qui peuvent faire penser à l’existence de MAV. C'est le cas des vascularites qui associent à divers degrés hyperdébit et vasospasme. Dans ces situations, si l'interprétation du DTC est rendue difficile, l'angiographie cérébrale corrigera le diagnostic.
Monitorage Doppler Des systèmes de contention et des systèmes multicanaux permettent le monitorage en continu des deux ACM. La bonne corrélation retrouvée entre les variations des vitesses de l’ACM et les variations de débit carotidien normalisé au cours des variations de pression artérielle et de capnie permettent l'utilisation du DTC pour la réalisation de tests d'autorégulation et de réactivité au CO2 (33-38). L'application la plus commune en réanimation est l'estimation de la « réserve vasomotrice » c'est-à-dire des capacités de vasodilatation ou de vasoconstriction notamment au décours du vasospasme. Les variations des vitesses lors des épreuves d’autorégulation étant faibles, l’utilisation d’un casque de monitorage permettant de fixer les sondes est importante pour obtenir une précision suffisante. Il existe différentes techniques d’évaluation de la réactivité vasculaire cérébrale grâce au DTC : évaluation de l’autorégulation cérébrale lors des modifications de PPC (épreuves statique ou dynamique), réponse hyperhémique transitoire après compression carotidienne (THRT), réactivité au CO2.
Évaluation de l’autorégulation cérébrale Statique La méthode consiste à mesurer la vitesse dans l’ACM à deux niveaux de pression artérielle. Celle-ci est augmentée par un vasopresseur n’ayant pas d’action sur le débit sanguin cérébral, la néosynéphrine. Un équivalent des résistances vasculaires cérébrales (RVC) est calculé à chaque niveau de pression par la formule RVC = PAM/VCC. On calcule ensuite l’index d’autorégulation qui est le pourcentage de variation des RVC rapporté au pourcentage de variation de la PAM. Si l’autorégulation est parfaite, la PAM et les RVC varient dans les mêmes proportions, la VCC reste constante et la valeur de l’index est 1. S’il n’y a aucune autorégulation, la valeur de l’index est nulle. On considère qu’une
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valeur supérieure à 0,7 est dans les limites de la normale et qu’une valeur inférieure à 0,4 témoigne d’une autorégulation sévèrement altérée. Les limites de cette méthode sont liées à l’utilisation d’un agent vasopresseur, au temps nécessaire pour réaliser la mesure qui nécessite une stabilisation de la pression artérielle, et à l’évaluation dans une plage limitée de pression artérielle. Dynamique Ces tests consistent à évaluer les modifications des VCC après une diminution brutale de la pression artérielle. La méthode des brassards de cuisse est la plus connue. Elle consiste à gonfler puis à dégonfler rapidement des brassards autour des cuisses, ce qui provoque une chute transitoire mais brutale de pression artérielle. Normalement, la VCC diminue lors de l’hypotension mais se normalise plus rapidement que la pression artérielle du fait de l’autorégulation. Si l’autorégulation est abolie, la VCC suit passivement la pression artérielle. Un index d’autorégulation est calculé en fonction d’un algorithme basé sur la prédiction de la vitesse de récupération. La variabilité de cette technique est importante et elle est peu adaptée aux patients de réanimation. En outre, il a été montré qu’il existait une bonne corrélation entre autorégulation statique et dynamique (39). Réponse hyperhémique transitoire (THRT) Ce test est actuellement très utilisé du fait de sa facilité de réalisation. La VCC de l’ACM est mesurée en continu. Une compression carotidienne du même côté est pratiquée, d’une durée de 10 secondes. Ceci provoque une vasodilatation distale dans le territoire de l’ACM en raison de la diminution de la pression artérielle locale, si l’autorégulation est intacte. À l’arrêt de la compression, il apparaît une augmentation transitoire de la VCC. L’index calculé est le
Fig. 8 – Test de réactivité au CO2. Lors de la diminution progressive de la PaCO2 par hyperventilation, on observe une diminution progressive de la vitesse circulatoire. Lorsqu’un nouvel état stable est obtenu, on peut calculer la réactivité au CO2 qui est la variation des vitesses (en pourcentage) divisée par la différence de PaCO2 entre les 2 états. La valeur normale est comprise entre 3 % et 5 % par mmHg de variation de la PaCO2. Sur le test, on voit le retour rapide à la vitesse initiale lors de l’arrêt de l’hyperventilation.
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rapport entre la VCC après compression et la VCC avant compression (voir fig. 1). Une valeur supérieure à 1,10 est considérée comme normale. Cette méthode est reproductible et a été validée chez le sujet sain. Ses inconvénients sont le risque lié à la compression carotidienne chez les sujets athéromateux, une mesure semi-quantitative (une valeur égale à 1,3 ne signifie pas forcément une meilleure autorégulation qu’une valeur de 1,2), l’absence de validation réelle chez les patients ayant une atteinte cérébrale. Par ailleurs, la signification du test en termes thérapeutique et pronostique n’est pas claire. Réactivité au CO2 Ce test consiste à mesurer la variation des VCC en réponse à une variation de la PaCO2. Les niveaux de PaCO2 doivent être suffisamment stables pour éviter des fluctuations importantes de la mesure. D’autre part, la mesure doit être moyennée sur une période suffisamment longue (de l’ordre de la minute) pour limiter l’effet des variations spontanées des VCC. La réactivité au CO2 est calculée comme le pourcentage de variation des vitesses par mmHg de PaCO2 (fig. 8). Cette méthode est reproductible mais n’est pas toujours corrélée à l’autorégulation en pression.
Détection d’emboles Les emboles passant dans la circulation cérébrale apparaissent sous la forme de signaux de haute intensité (HITS) et sont perçus à l’oreille comme un craquement bref. Il n’est pas possible de distinguer les emboles gazeux, fibrino-cruoriques ou graisseux. Bien qu’il existe des systèmes d’analyse automatique permettant de compter les micro-emboles, une analyse du signal a posteriori est indispensable car ces systèmes d’analyse ne sont pas capables de différencier un artefact d’un embole. Le compte d’emboles a surtout été utilisé en chirurgie cardiaque et en chirurgie carotidienne. En chirurgie carotidienne, le nombre de microemboles détectés dans la période postopératoire a été relié au risque d’ischémie cérébrale secondaire (36). Cette technique est également utilisée pour détecter un foramen ovale perméable grâce à l’injection périphérique d’un soluté colloïde agité afin de contenir des microbulles. L’apparition de HITS dans l’artère sylvienne témoigne d’un shunt droit-gauche. La technique peut être sensibilisée par une manœuvre de Valsalva réalisée cinq secondes après l’injection du soluté. Cette technique a une sensibilité et une spécificité pratiquement équivalente à celle de l’échographie cardiaque transœsophagienne. Mais elle ne permet bien sûr pas de quantifier l’importance du shunt ni sa localisation (40-41).
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Conclusion Bien que les techniques d'imagerie permettent désormais d'avoir accès au DSC régional, le DTC reste un excellent examen de débrouillage en salle de déchocage ou en réanimation. Facile d'emploi, peu onéreux et d'apprentissage rapide il permet de dépister des situations critiques et de prendre des mesures thérapeutiques rapides. Cette technique nécessite cependant un jugement critique dans un grand nombre de situations et présente de nombreuses limitations indissociables de la méthode. Dans l'état actuel des connaissances, il ne peut et il ne doit en aucun cas se substituer au monitorage de la PIC. Couplé au monitorage multimodal, la confrontation des données du DTC à un modèle d'hémodynamique et d'hydrodynamique du liquide cérébrospinal permet d'avoir accès à des paramètres difficilement accessibles en pratique clinique et de prédire l'apparition d'ondes en plateau d'HTIC (42, 43). Il permet également de suivre les modifications du signal en réponse à une thérapeutique et ainsi de confirmer ou d’infirmer la pertinence des traitements. Ce monitorage, initialement développé pour la recherche du vasospasme cérébral est donc devenu un élément incontournable de la surveillance de la circulation cérébrale chez les patients cérébrolésés.
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Surveillance du métabolisme cérébral (SjO2, PtiO2, microdialyse) G. Audibert, C. Charpentier et P.-M. Mertes
En cas d’agression cérébrale aiguë, la réanimation s’appuie sur le monitorage de la pression intracrânienne (PIC) et l’étude de la circulation cérébrale par Doppler transcrânien. La principale limite de ces méthodes est l’absence d’informations métaboliques qui, seules, permettent d’apprécier l’adéquation de l’apport en oxygène à la demande cérébrale. La première approche de cette difficulté a été le développement de la mesure de la saturation jugulaire en oxygène. Pour la surveillance continue, cette solution ne s’est pas imposée compte tenu de contraintes techniques non actuellement résolues. Ceci a permis le développement d’autres techniques de monitorage dont deux connaissent aujourd’hui une diffusion clinique importante : la mesure de la pression tissulaire en oxygène et la microdialyse cérébrale.
Saturation veineuse jugulaire en oxygène La saturation veineuse jugulaire en oxygène (SjO2) est mesurée dans le sang veineux du golfe de la veine jugulaire qui correspond au sang veineux cérébral.
Bases physiologiques Il existe un couplage physiologique entre le débit sanguin cérébral (DSC) et le métabolisme cérébral qui est exprimé par l’équation de Fick appliquée au cerveau : CMRO2 = DSC x DajO2
(1)
où CMRO2 représente la consommation cérébrale en oxygène et DajO2 la différence artério-jugulaire en oxygène. Chez le sujet sain, le DSC est compris entre 36 et 57 mL/min/100 g et la CMRO2 entre 2,5 et 3,7 mL/min/100 g (1).
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La DajO2 est mesurée par la différence des contenus artériels et veineux en oxygène, soit : DajO2 = (SaO2 – SjO2) x Hb x 1,34 + (PaO2 – PjO2) x 0,003
(2)
Soit en rapprochant (1) et (2) et en négligeant le terme lié à l’oxygène dissous : SjO2 = SaO2 – CMRO2/(DSC x Hb x 1,34)
(3)
Avec Hb : concentration en hémoglobine en g/dL. Il importe de souligner immédiatement les limites du concept : – la SjO2 reflète une balance entre les apports et la CMRO2. Le premier mécanisme d’adaptation d’une baisse du transport en oxygène sera une augmentation du débit. Après échec de ce mécanisme, une augmentation de l’extraction en oxygène compense une insuffisance d’apports, correspondant à une baisse de SjO2. Ce n’est qu’après dépassement de ce mécanisme compensateur qu’apparaît une ischémie cérébrale. À un degré supplémentaire de souffrance cérébrale, la CMRO2 s’effondre et la SjO2 va, au contraire, s’élever, les valeurs extrêmes étant atteintes au cours de la mort encéphalique (CMRO2 nulle) ; – les mesures de saturation jugulaire ne sont qu’un reflet global de l’oxygénation cérébrale. Une ischémie focale peut coexister avec des valeurs normales d’oxymétrie jugulaire. Dans le calcul de la DajO2 interviennent directement des facteurs extracérébraux : SaO2 et concentration en hémoglobine. Lorsque le métabolisme cérébral n’est pas modifié, alors la DajO2 fournit une estimation du DSC avec lequel elle est reliée par la relation hyperbolique (1) ci-dessus (fig. 1). Pour une
Fig. 1 – Modélisation mathématique de la relation entre le débit sanguin cérébral (DSC) et la différence artériojugulaire en oxygène (DajO2), pour des valeurs variables de consommation cérébrale en oxygène (CMRO2). Pour chaque paramètre est représenté un intervalle de normalité d’après des mesures effectuées chez 31 volontaires sains (d’après référence 1), les deux courbes en gras figurant les limites de normalité de la CMRO2.
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concentration en hémoglobine à 10 g/dL, la DajO2 varie entre 3,6 et 6,7 mL d’O2/100 mL (soit 1,5-2,75 µmol d’O2/100 mL). La DajO2 s’élève en cas d’hypoxémie, d’augmentation du métabolisme et de baisse du DSC. Une valeur de 9 mL O2/100 mL est considérée comme un seuil d’ischémie cérébrale correspondant à la capacité d’extraction maximale du cerveau. La SjO2 ne dépend pas directement de l’hémoglobine mais peut subir son influence, elle varie dans le même sens que le DSC mais sa relation au DSC est complexe (voir équation 3). Il est habituellement considéré que ses valeurs normales sont comprises entre 55 et 75 %. De 40 à 55 %, on parle d’hypoperfusion cérébrale compensée (par l’augmentation de l’extraction). En deçà de 40 %, il s’agit d’une ischémie cérébrale absolue. Cependant, la valeur exacte des bornes de ces intervalles demeure l’objet de discussions et une limite inférieure à 50 %, voire à 46 %, a été récemment proposée chez le sujet éveillé (2). De plus, la valeur de SjO2 doit être interprétée en fonction de la température. En effet, quand la température s’abaisse, l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène augmente, avec déplacement à gauche de la courbe de dissociation de l’hémoglobine. En l’absence de variation du DSC et de la CMRO2, une valeur de SjO2 à 50 %, pour une température centrale de 37 °C, passe à 60 % lorsque celle-ci est abaissée à 34 °C (3). Quand la CMRO2 augmente (fièvre, comitialité), la SjO2 peut s’abaisser. Si la CMRO2 est constante, une SjO2 basse suggère une hypoperfusion cérébrale alors qu’une SjO2 élevée indique soit une hyperhémie cérébrale soit un infarctus cérébral (« perfusion de luxe »). La SjO2 permet aussi le calcul de l’extraction cérébrale en oxygène (CEO2) : CEO2 = (SaO2 – SjO2)/ SaO2. Les valeurs normales de CEO2 sont comprises entre 24 et 42 % (4). L’interprétation de la SjO2 peut être aidée par le dosage des lactates dans le sang jugulaire qui permet le calcul de la différence artériojugulaire en lactates (DajL), qui doit être interprétée à partir du lactate oxygen index (LOI) : LOI = – DajL/DajO2 (5).
Technique de mesure Le sang veineux cérébral est drainé vers le système des sinus cérébraux qui convergent vers les golfes jugulaires de la base du crâne. Le sang provenant des deux hémisphères se mélange dans les sinus, le sang veineux jugulaire ne représente donc pas l’hémisphère cérébral homolatéral. Le plus souvent, la veine jugulaire droite est dominante et draine la majeure partie du sang venant des hémisphères cérébraux. Le sang veineux de la fosse postérieure se draine plutôt vers la veine jugulaire gauche. En aval du golfe de la veine jugulaire se jettent des veines d’origine extracrâniennes. Pour éviter une contamination, l’extrémité du cathéter de mesure de la SjO2 doit bien être placé dans le golfe de la jugulaire. La bonne position du cathéter doit être vérifiée par un cliché radiographique. En cas de lésion cérébrale focale, il est recommandé de mesurer la SjO2 du côté homolatéral à la lésion. En cas de lésions diffuses, le cathéter est inséré à droite. Néanmoins, une relation entre côté de la lésion et côté de la
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désaturation jugulaire n’est pas toujours retrouvée (6). Cependant, en l’absence de pathologie unilatérale, la différence de SjO2 entre les deux jugulaires est minime. La technique de mesure fait appel soit à un cathéter simple placé de façon rétrograde dans la veine jugulaire interne et nécessitant des prélèvements itératifs, soit à des fibres optiques. Seules ces dernières permettent une surveillance continue mais les artéfacts sont très nombreux et la validité de la mesure requiert des recalibrations fréquentes et une confirmation des résultats par une mesure des gaz du sang artériel et veineux jugulaire avant d’entreprendre une modification thérapeutique. En cas de mesures intermittentes, le prélèvement doit être réalisé à vitesse lente, faute de quoi des valeurs élevées de SjO2 peuvent être observées par contamination de l’échantillon par du sang en provenance de territoires extracérébraux. Les complications du cathétérisme jugulaire rétrograde sont limitées. L’incidence des ponctions carotidiennes varie entre 1 et 4,5 % (7). Dans un collectif de 44 patients, bénéficiant d’un monitorage continu de SjO2 par une sonde de taille 4F insérée pendant une durée médiane de trois jours, un contrôle par échographie-Doppler était effectué chez 20 patients. Chez 8 d’entre eux (40 %), était noté la présence de thrombi non obstructifs. Ces patients étaient tous asymptomatiques (8).
Utilisation pratique La SjO2 comme monitorage La mesure de la SjO2 permet de détecter, au lit du patient, la survenue d’épisodes d’ischémie cérébrale globale, dont bon nombre seraient accessibles à une adaptation thérapeutique simple (9) (tableau I). En cas d’hypertension intracrânienne (HIC) aiguë, l’élévation de SjO2 est plus fréquente que son abaissement, en particulier en cas d’augmentation simultanée de la pression artérielle moyenne ; cette élévation est reliée à une perte de l’autorégulation Tableau I – Interprétation des variations de saturation jugulaire (SjO2). SjO2 < 50-55 % (CMRO2 > apport en O2) Causes extracérébrales : – anémie ; – hypoxémie. Causes cérébrales : – DSC insuffisant : • hypocapnie ; • hypertension intracrânienne. – métabolisme augmenté : • fièvre ; • comitialité.
SjO2 > 75 % (CMRO2 < apport en O2) – hyperémie – infarctus cérébral – mort encéphalique
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cérébrale (10, 11). Dans cette situation d’HIC aiguë, la valeur de SjO2 permet d’orienter le choix thérapeutique. En cas de SjO2 > 75 %, la présence d’une hyperhémie doit être vérifiée, par exemple par Doppler transcrânien. La mesure de vitesses élevées correspond à une hyperhémie ; dans ce cas, l’emploi de barbiturique ou d’hyperventilation est préconisé alors que l’osmothérapie paraît un meilleur choix en cas de SjO2 basse (7). La baisse de SjO2 peut être en rapport avec une hyperventilation, qui induit une vasoconstriction cérébrale (12, 13). A contrario, toute utilisation de l’hyperventilation doit s’appuyer sur le monitorage de la SjO2. Le plus grand défenseur de ce concept est Julio Cruz qui argue qu’une hyperhémie cérébrale (SjO2 > 75 %) étant fréquente chez les patients avec traumatisme crânien grave (TCG), ceux-ci bénéficient d’une stratégie d’hyperventilation (14). Cette opinion ne fait pas l’unanimité (15). L’utilisation très précoce de la SjO2 pourrait permettre d’ajuster la réanimation et de limiter les risques d’ischémie cérébrale quand on ne peut disposer rapidement d’un monitorage de la PIC (16). La SjO2 peut permettre d’évaluer le retentissement des médicaments sur la circulation cérébrale. Ainsi, la SjO2 est plus basse au cours d’une anesthésie par propofol par rapport à une anesthésie par sévoflurane (propofol : 55 ± 8 % vs sévoflurane 71 ± 10 %, p < 0,05) (17).
SjO2 comme marqueur pronostique Dans de larges séries, les épisodes de désaturation sont moins fréquents que les épisodes de saturation > 75 % (18). Dans une série rétrospective de 450 patients avec TCG, une SjO2 supérieure à 75 % était relevée chez 19,1 % des patients alors qu’elle était inférieure à 55 % chez seulement 4,9 % d’entre eux. Ces deux situations pathologiques partageaient le même mauvais pronostic (74 % de mauvaise évolution neurologique) (19). Chez 75 patients avec TCG, bénéficiant d’une optimisation de PPC, une mauvaise évolution neurologique à douze mois était associée à un allongement du temps passé avec une SjO2 > 75 % (20). De même, dans une récente cohorte de 229 patients avec TCG, on relevait 17,6 % d’épisodes de SjO2 > 75 % contre seulement 4,6 % de désaturation jugulaire (SjO2 < 55 %) (18). Chez les patients avec un bon résultat neurologique à six mois, était notée une DajO2 significativement plus élevée (soit une SjO2 significativement plus basse). L’explication avancée était que désaturation ne veut pas dire lésion cérébrale irréversible mais au contraire capacité conservée du cerveau à augmenter son extraction en oxygène (18). Plusieurs études ont suggéré une corrélation entre les épisodes de désaturation jugulaire et un devenir péjoratif (21, 22). Dans un groupe de 116 patients avec TCG, 46 (soit 40 %) présentaient un épisode de SjO2 < 50 % pendant 10 minutes. Dans ce groupe était notée une mauvaise évolution neurologique dans 90 % (plusieurs épisodes de désaturation) et 74 % (un épisode unique) des cas, différant significativement de 55 % des cas dans le groupe sans désatura-
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tion. Dans une autre étude, avec un effectif plus limité de 50 patients et une désaturation jugulaire définie par une SjO2 < 60 %, la même relation était retrouvée (23). Enfin, dans un collectif de 184 patients, la durée des épisodes de désaturation jugulaire (SjO2 < 50 %) était prise en compte. Celle-ci influençait le devenir neurologique à six mois mesuré par la Glasgow Outcome Scale (GOS) (22).
Pression tissulaire cérébrale en oxygène La pression tissulaire en oxygène (PtiO2) reflète l’apport en oxygène dans le milieu interstitiel. Elle augmente lorsque la PaO2 augmente mais aussi lorsque le débit sanguin cérébral local augmente. Inversement, en réponse à la vasoconstriction consécutive à une hyperventilation, la PtiO2 s’abaisse (13). La PtiO2 est globalement corrélée à la PPC avec une zone de plateau mesurée entre 40 et 75 mmHg (24) ou entre 70 et 90 mmHg de PPC (25). Le comportement de la PtiO2 en réponse aux variations de PPC est donc très voisin de celui du débit sanguin cérébral, ce qui suggère un lien étroit entre celui-ci et la PtiO2.
Principes La mesure de la PtiO2 peut faire appel à deux techniques différentes. Soit il s’agit d’une électrode polarographique de Clark (les molécules d’oxygène diffusent à travers une membrane dans une solution électrolytique, la réaction chimique entraînant l’apparition d’un courant électrique), soit il s’agit d’une technique de fluorescence (le détecteur change de couleur selon la quantité d’oxygène présente dans le milieu, l’information est transmise par fibre optique). Plusieurs produits ont été commercialisés : les sondes Licox® (Integra Neurosciences) et Paratrend® (Codman) utilisent la première technique, la sonde Neurotrend™ (Codman) la seconde. La sonde Paratrend® était initialement conçue pour la mesure en continu des gaz du sang artériel, la sonde Neurotrend™ est une version améliorée de la précédente, calibrée pour une gamme de pressions partielles en oxygène plus faibles. Actuellement, seule la sonde Licox® est disponible en France. Les valeurs fournies par Paratrend® sont plus élevées que celles de Licox® (26). La sonde, d’un diamètre de 0,5 mm, est placée dans le parenchyme cérébral par l’intermédiaire d’un boulon vissé dans la boîte crânienne, qui peut être multilumières pour permettre l’insertion simultanée d’autres sondes (capteur de PIC ou sonde de microdialyse). Pour la sonde Licox®, la mesure doit être corrigée en fonction de la température centrale ou mieux cérébrale. L’insertion du cathéter est susceptible d’endommager légèrement le tissu cérébral. Les lésions sont très localisées mais il peut parfois se produire des microhémorragies près de l’extrémité de la sonde, qui sont susceptibles d’altérer la
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qualité de la mesure. Celles-ci peuvent être trop petites pour être diagnostiquées au scanner et il est plutôt recommandé de tester la réponse de la sonde à une augmentation transitoire de FiO2. Dans une série de 118 sondes Licox® implantées chez 101 patients, 2 hématomes étaient détectés (1,7 %), aucune infection ne se produisait pour une durée moyenne de monitorage de 6,7 jours et les mesures étaient interprétables deux heures après l’insertion des sondes (27). Dans une série de 101 patients avec TCG, monitorés par une sonde Licox® implantée dans le lobe frontal supposé intact, la valeur moyenne de PtiO2 se situait entre 25 et 30 mmHg (écart-type : 10 mmHg). Les valeurs observées étaient plus basses au cours des 24 premières heures, pour atteindre un plateau à partir de la 36e heure (28). La définition d’un seuil d’ischémie cérébrale mesuré par cette technique est un objectif essentiel avant de proposer d’éventuels algorithmes thérapeutiques. Une hypoxie locale (PtiO2 < 10 mmHg pendant plus de 30 minutes) est de mauvais pronostic (pour la mortalité à 6 mois, odds ratio : 3,8 ; intervalle de confiance 95 % : 1,6-8,4) (28). Une hypoxie cérébrale plus sévère (PtiO2 < 6 mmHg) a également été associée à une probabilité accrue de décès (29). D’autres auteurs, au contraire, proposent une valeur minimale de PtiO2 de 15 mmHg comme seuil de déclenchement thérapeutique (26). La zone d’insertion du cathéter fait l’objet de débats. Certaines équipes proposent l’implantation du cathéter en zone macroscopiquement saine (lobe frontal) (28). La PtiO2 serait alors un indice global d’oxygénation cérébrale au même titre que la saturation jugulaire en oxygène. D’autres suggèrent d’implanter le cathéter dans une zone particulièrement vulnérable à l’ischémie mais susceptible de récupération, comme la périphérie des contusions (30). La manœuvre est alors techniquement beaucoup plus délicate et doit être confiée à un praticien expérimenté.
Applications cliniques de la mesure de la PtiO2 L’essentiel des données concernant la PtiO2 a été obtenu chez des patients avec TCG. Il s’agit le plus souvent d’études observationnelles où les valeurs de PtiO2 ont été corrélées avec le pronostic. La détection d’une hypoxie tissulaire cérébrale est, en général, corrélée à une augmentation de mortalité et d’évolution défavorable (29, 28). L’hypoxie tissulaire doit être interprétée en fonction d’une valeur limite inférieure (cf. supra) mais aussi du temps passé au-dessous de cette limite. Chez plus de la moitié des patients avec TCG, la PtiO2 est abaissée au cours des premières vingt-quatre heures. Ceci est probablement à relier à la baisse de débit sanguin cérébral rapportée chez ces patients dans les premières heures d’un TC grave. La PtiO2 peut servir d’indice pour tester l’hémodynamique cérébrale. Chez des traumatisés crâniens graves, l’augmentation de ventilation-minute de 20 % pendant 15 minutes abaisse la PtiO2 : un index de réactivité au CO2 peut alors
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être défini (31). La réactivité au CO2 est initialement basse, augmente avec le temps et au cinquième jour, les patients avec la plus forte réactivité au CO2 sont ceux qui ont l’évolution la plus défavorable. En réponse à une élévation de la FiO2, des augmentations de PtiO2 sont le plus souvent observées. L’importance de cette augmentation caractérise la réactivité à l’oxygène de la PtiO2. Cette réactivité est en général très basse au cours des vingt-quatre premières heures d’un TCG. Par la suite, les patients dont la PtiO2 a la plus forte réactivité à l’oxygène sont ceux qui ont un mauvais pronostic à six mois, cette forte réactivité reflétant probablement une perte d’autorégulation cérébrale (32). Néanmoins, l’observation de cette amélioration de l’oxygène tissulaire cérébrale par la simple augmentation de FiO2 a suggéré une possibilité thérapeutique. Chez 25 à 30 % des patients avec TCG, il existe un abaissement de la PtiO2 corrélé à une baisse de débit sanguin cérébral (33). Dans une série prospective de 12 patients avec TCG, la ventilation à FiO21 pendant 6 heures entraînait une augmentation de PtiO2 de 359 %. Ceci était contemporain d’une baisse du lactate tissulaire de 40 %, l’ensemble étant interprété comme une amélioration du métabolisme cérébral (34). Cette conception est cependant contestée. Chez huit patients, la même manœuvre aboutissait à la même augmentation de PtiO2 mais la baisse du lactate tissulaire était accompagnée d’une baisse du pyruvate avec un rapport lactate/pyruvate inchangé. Les auteurs concluaient que l’hyperoxie pouvait diminuer le taux de lactate après TCG mais sans pour autant modifier le potentiel redox cellulaire ni augmenter le métabolisme aérobie et contestaient donc l’intérêt thérapeutique de cette manœuvre (35). Il convient de souligner que ces patients avaient des rapports lactate/pyruvate normaux avant l’augmentation de FiO2, les cellules n’étant donc pas en dette d’oxygène.
Microdialyse cérébrale La microdialyse est une technique de dosage de substances chimiques présentes dans le tissu interstitiel de nombreux organes (tissu sous-cutané, muscle, poumon, myocarde…). La première application de cette méthode au cerveau humain a été rapportée en 1990. Initialement utilisée dans l’épilepsie, elle est rapidement devenue un outil d’exploration clinique en réanimation neurologique, dans le domaine du TCG (36) et de l’hémorragie sous-arachnoïdienne (37).
Technique Principes La microdialyse permet d’échantillonner le liquide extracellulaire d’un organe donné. Toutes les molécules solubles dans le liquide interstitiel, dès lors qu’elles
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diffusent à travers la membrane de dialyse, peuvent être extraites. L’application la plus évidente est le simple dosages des substrats présents dans le liquide extra-cellulaire (cas le plus fréquent en neuroréanimation) mais on peut également perfuser un médicament (par la sonde microdialyse ou par voie veineuse périphérique) évoquant une réponse biochimique (par exemple la libération de neuromédiateurs). La technique repose sur un principe de dialyse conventionnel. Elle fait appel à une sonde qui comporte à son extrémité une membrane semiperméable de longueur connue (entre 10 et 30 mm) constituant la chambre de dialyse. La sonde, d’un diamètre externe de 0,5 mm, est perfusée avec un liquide, appelé perfusat, dont la composition est proche de celle du liquide extracellulaire du tissu que l’on souhaite monitorer. Les molécules présentes dans le tissu interstitiel diffusent à travers la membrane selon le gradient de concentration de part et d’autre de la membrane. Au sortir de la chambre de dialyse, le liquide de perfusion, appelé dialysat est acheminé par un capillaire au centre de la sonde vers un microtube où il est collecté. Les vitesses habituelles de perfusion varient entre 0,3 et 5 µL/min. La fréquence d’échantillonnage peut aller jusqu’à 5 minutes (notamment en peropératoire) mais elle est le plus souvent de l’ordre de 30 à 60 minutes (en particulier en réanimation). Les volumes collectés sont par conséquent compris entre une et quelques dizaines de microlitres, soit un faible volume, ce qui constitue une contrainte importante pour la technique de dosage. Le choix de la durée de recueil de l’échantillon constituera donc un compromis entre le rendement des échanges, c'est-à-dire la quantité de molécules effectivement extraite du milieu extracellulaire, et la performance de la technique de dosage utilisée, c’est-à-dire la limite de détection de cette technique. Les échantillons sont analysés soit au lit du malade (ceci autorisant un véritable monitorage métabolique) soit en différé. La composition du dialysat reflète celle du liquide interstitiel mais n’en est pas une photographie exacte. Pour la plupart des substances, l’équilibre entre le dialysat et le liquide interstitiel est incomplet. La concentration dans le dialysat dépend de la vitesse de perfusion, du diamètre des pores de la membrane, de la taille de la molécule et de ses caractéristiques physiques (hydrophilie, polarité…). La taille des pores de la membrane définit un seuil de coupure (« cut-off ») définissant la limite théorique de passage à travers la membrane. La taille des pores doit être deux à trois fois supérieure à celle de la molécule à étudier. Pour les sondes habituellement utilisées en neuroréanimation, ce seuil est de l’ordre de 20 kD mais de nouvelles sondes permettent d’atteindre 100 kD. Le rendement des échanges à travers la membrane pour une substance donnée, rendement relatif (« relative recovery »), est le rapport de sa concentration dans le dialysat sur la concentration extracellulaire réelle. Ce rendement est fortement influencé par la vitesse de perfusion : pour une membrane de 10 mm insérée dans le cerveau, il varie de 70 % à 0,3 µL/min à 30 % à 1µL/min pour glucose, lactate, pyruvate et glutamate (38).
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Marqueurs biochimiques Les bases de production de l’énergie cellulaire sont rappelées dans la figure 2 (39). Les substrats les plus fréquemment dosés, dans l’exploration du métabolisme cérébral, sont le glucose, le lactate, le pyruvate, le glycérol, l’urée et le glutamate. Ces substances peuvent être dosées par des analyseurs disponibles au lit du patient (CMA 600 ou Iscus, CMA Microdialysis, Solna, Suède). Lorsque les dosages sont réalisés en différé, la stabilité des résultats a été établie sur des échantillons congelés pendant une période maximale recommandée de 3 mois à – 70 °C (40). Toutes les valeurs figurant ci-après correspondent à une vitesse de perfusion de 0,3 µL/min. Le glucose interstitiel dépend de la glycémie et reflète d’une part la perfusion d’un territoire donné, d’autre part le niveau du métabolisme cérébral. Ainsi, au cours d’un clampage vasculaire temporaire, le glucose interstitiel s’abaisse parallèlement à la pression tissulaire en oxygène dans le territoire d’aval (41). Lorsque le métabolisme cérébral s’abaisse (par exemple, lors de l’anesthésie générale), le glucose interstitiel, dont l’utilisation diminue, augmente (42). Le glutamate est un neurotransmetteur physiologique ; il est donc habituellement détectable dans les liquides extracellulaires où sa concentration varie de 2 à 10 µmol/L. En situation d’ischémie, il
Fig. 2 – Représentation schématique de l’énergétique cellulaire. [D’après (36).] PFK : phospho fructo kinase, enzyme clé de régulation de la glycolyse ; ATP : adénosine triphosphate ; ADP : adénosine diphosphate ; NADH : nicotinamide adénine dinucléotide.
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est libéré massivement, les concentrations pouvant alors atteindre 600 µmol/L (43). La concentration extracellulaire cérébrale de lactate est mesurée autour de 3 mmol/L, chez le sujet sous anesthésie générale, en dehors d’une situation d’ischémie (42). En cas d’ischémie cérébrale, sa concentration augmente et une élévation importante est prédictive de mauvaise évolution (44). Cependant, le lactate peut être utilisé comme substrat par les neurones. De plus, il sert de navette métabolique pour le glucose. En effet, celui-ci passe du capillaire cérébral au pied astrocytaire. Là, il est métabolisé en lactate et excrété dans l’espace extra-cellulaire pour être capté par le neurone où il est retransformé en pyruvate pour être incorporé dans le cycle de Krebs. L’assimilation de l’élévation de lactate à une ischémie est donc réductrice. Le rapport lactate/pyruvate est considéré comme un marqueur plus fiable d’ischémie. Sa valeur est indépendante du rendement relatif de la sonde, et donc du débit de perfusion. Le seuil pathologique est habituellement fixé au-delà de 30. Mais même une augmentation du rapport lactate/pyruvate ne signifie pas ischémie. Chez 20 patients avec TCG, un rapport lactate/pyruvate supérieur à 40 était trouvé dans 25 % des mesures, mais l’incidence de l’ischémie mesurée en PET scan n’était que de 2,4 %. L’anomalie du rapport lactate/pyruvate était interprétée comme une dysfonction mitochondriale (45). Une augmentation de lactate avec un rapport lactate/pyruvate constant témoigne plutôt d’une augmentation de pyruvate, correspondant à une accélération de la glycolyse, contemporaine, par exemple, du réveil d’une anesthésie générale (42). Dans un consensus récent, le rapport lactate/pyruvate a été proposé comme le marqueur d’ischémie le plus fiable au cours de l’hémorragie sous-arachnoïdienne et du TCG (46). Le rapport glucose/lactate peut être également utilisé : son augmentation traduit également une ischémie cérébrale. Les concentrations cérébrales de glycérol sont normalement basses, entre 20 et 160 µmol/L. L’élévation de glycérol peut être en rapport soit avec une augmentation de la glycolyse, soit surtout avec une destruction des membranes cellulaires phospholipidiques. De nombreuses autres substances ont été dosées en microdialyse cérébrale, qu’il s’agisse d’acides aminés (neurotansmetteurs ou non), de peptides ou d’adénosine.
Limites de la technique La résolution spatiale de la technique est médiocre, le volume de liquide extracellulaire échantillonné étant limité à quelques millimètres cubes. Le choix du point d’implantation de la sonde est essentiel et difficile : la zone la plus intéressante semble être la zone où l’ischémie est la plus importante c'est-à-dire la zone de pénombre qui entoure les contusions au cours des traumatismes cérébraux ou celle à risque de vasospasme dans les hémorragies sous arachnoïdiennes. En pratique traumatologique, l’implantation de la sonde est réalisée à la périphérie de la lésion diagnostiquée à l’aide de l’imagerie cérébrale. Un second cathéter peut être mis en place en zone « saine », permettant de
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comparer les valeurs (47, 48). Un troisième cathéter est parfois inséré dans la graisse abdominale pour interpréter les variations de certains substrats en fonction de leur valeur périphériques (notamment glucose et glycérol) (47). Pour obtenir un rendement de dialyse correct, les débits de perfusion utilisés sont souvent faibles (le plus souvent 0,3 µL/min), ce qui conduit à espacer les prélèvements (entre 30 et 60 minutes) : dans ce cas, la résolution temporelle est également faible. Le rapprochement des intervalles de prélèvement permet un monitorage peropératoire au prix d’une augmentation de la vitesse de perfusion et donc d’une diminution de rendement (41). Par ailleurs, l’interprétation des résultats présuppose l’existence d’un « état stable » au sein de la zone étudiée, permettant d’atteindre un équilibre de part et d’autre de la membrane de dialyse. En pratique, cette condition est rarement réalisée, ce qui peut rendre délicate l’interprétation des concentrations des différentes molécules présentes dans le milieu extracellulaire. En effet, celle-ci peut notamment être largement modifiée par les variations de débit sanguin qui vont changer à la fois l’apport en substrat exogène (glucose, lactate, oxygène…), mais aussi la clairance vasculaire des métabolites et des neuromédiateurs (lactate, glutamate…). Pour répondre à ce problème, un monitorage simultané de la PtiO2 constitue un indicateur indirect de la perfusion tissulaire (49). La sonde de microdialyse modifie le tissu dans lequel elle est implantée. Un temps d’équilibre d’environ deux heures est nécessaire à l’obtention de résultats fiables. Le traumatisme provoqué par la sonde, bien que minime, est suffisant pour entraîner un pic de glutamate, dont la disparition peut nécessiter jusqu’à six heures (47). La sonde va être responsable d’une prolifération gliale susceptible de créer une barrière mécanique autour de la membrane de dialyse et de modifier le rendement de la sonde au cours du temps (50). Les conséquences pratiques de ce problème ne sont pas évaluées mais des variations métaboliques significatives peuvent toujours être détectées après des implantations de plus de dix jours (51). Enfin, la technique reste onéreuse.
Intérêt de la microdialyse dans le monitorage cérébral La microdialyse pourrait constituer un outil séduisant de monitorage métabolique cérébral (52). Sur le plan clinique, elle a été surtout utilisée pour la détection d’une ischémie dans des circonstances pathologiques variées.
Infarctus sylvien malin Des observations isolées préliminaires ont montré l’existence d’une libération massive de glutamate et une élévation du rapport lactate/pyruvate dans le cerveau de patients présentant un infarctus sylvien malin (53, 54). À partir de
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ces observations, a été émise l’hypothèse que des modifications métaboliques pourraient être mesurées dans la période d’ischémie réversible précédant l’infarctus, permettant alors l’institution d’un traitement. Dans une série de 31 patients avec une obstruction de l’artère cérébrale moyenne, 14 évoluaient vers un infarctus sylvien malin. Chez ces derniers, au cours des douzes premières heures de monitorage, la concentration en acides aminés non transmetteurs était significativement plus basse, ce qui était interprété comme le témoignage d’une dilution par l’œdème (55). Dans un autre travail, la même équipe confirmait l’apparition de modifications métaboliques prédictives de la survenue d’un infarctus malin (élévation de glutamate, du rapport lactate/pyruvate et du glycérol) mais elles n’étaient pas suffisamment précoces pour permettre un traitement efficace (volet décompressif ) (56).
Hémorragie sous-arachnoïdienne Une ischémie cérébrale consécutive à un vasospasme peut compliquer une hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA). La détection précoce du vasospasme pourrait permettre la mise en œuvre de traitements étiologiques avant la survenue d’une ischémie irréversible (57). Dans un travail préliminaire, 10 patients avec HSA grave bénéficiaient de l’implantation d’une sonde de microdialyse. Chez les patients qui évoluaient mal, les taux d’aspartate et de glutamate étaient plus élevés. Les variations de lactate étaient peu interprétables alors que l’élévation du rapport lactate/pyruvate au-delà de 25 suivie d’un pic de glutamate apparaissait comme un marqueur spécifique d’ischémie (37). La microdialyse a été comparée aux autres techniques de diagnostic du vasospasme : par rapport au Doppler transcranien et à l’angiographie, elle a démontré une plus grande spécificité, accompagnée d’une sensibilité médiocre (58). Dans une autre série de 13 patients atteints d’HSA, les variations métaboliques étaient interprétées en fonction du débit sanguin cérébral mesuré en PET-scan. Le marqueur le mieux corrélé au débit sanguin cérébral était le glutamate mais un lactate supérieur à 4 mmol/L était le meilleur paramètre pour la détection d’une ischémie cérébrale (débit sanguin cérébral < 20 mL/min/100 g) : sensibilité 100 % et spécificité 75 %. Un rapport lactate/pyruvate supérieur à 25 était le meilleur prédicteur d’une ischémie clinique (59). Deux équipes ont souligné que les modifications métaboliques précédaient l’apparition du déficit neurologique. Dans un collectif de 97 patients, les modifications métaboliques précédaient l’apparition d’un déficit neurologique avec une sensibilité de 83 % (60). Dans une autre étude de 42 patients avec HSA, 18 (43 %) présentaient un déficit neurologique retardé. Un profil ischémique était défini par l’élévation des rapports lactate/pyruvate et lactate/glucose de 20 % suivie dans les 24 heures d’une élévation de glycérol de 20 %. Ce profil pouvait être utilisé comme test diagnostique avec une sensibilité de 94 % et une spécificité de 88 %. Le point
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essentiel était que les variations métaboliques précédaient les signes cliniques de 11 heures en moyenne (extrêmes : 4-50 heures) (61).
Traumatisme crânien grave Il s’agit à ce jour de la seule indication dans laquelle la microdialyse est approuvée par la FDA aux États-Unis et a le marquage CE en Europe. Les premières publications concernent des observations isolées, décrivant des variations métaboliques en réponse à un événement clinique (36). Une étude souligne l’intérêt de la microdialyse dans la détection d’ischémie locale non diagnostiquée par la mesure de saturation jugulaire en oxygène, technique globale (62). Plusieurs équipes se sont attachées à définir un profil métabolique corrélé au devenir des patients. Ainsi, la persistance d’un glucose bas associé à une élévation du lactate et du rapport lactate/pyruvate est prédictive de mauvaise évolution (63, 44). La baisse du glucose extra-cellulaire n’est cependant pas synonyme d’ischémie. En effet, dans une étude de 30 patients, la baisse du glucose était confirmée comme un élément de mauvais pronostic mais n’était pas associée à une baisse de débit sanguin cérébral local mesuré en PET-scan (64). En revanche, le glutamate est souvent élevé en phase aiguë avec une décroissance dans les premiers jours, quelle que soit l’évolution ultérieure : c’est la persistance à des valeurs élevées ou la réascension des taux qui est péjorative. Dans une série de 80 patients où les variations de glutamate étaient étudiées, une valeur moyenne de glutamate supérieure à 20 µmol/L était notée chez 30 % des patients ; elle était corrélée à une mauvaise évolution (65). L’élévation du glycérol au-delà de 150 µmol/L semble constamment prédictive d’une mauvaise évolution alors qu’elle n’est pas du tout corrélée à la survenue d’événements cliniques, en particulier aux poussées d’hypertension intracrânienne (66). Néanmoins, ce résultat n’est pas confirmé par une étude récente ayant inclus 76 traumatisés crâniens. Les valeurs de glycérol n’avaient aucune relation avec le pronostic mais une élévation importante de glycérol était relevée lors d’épisodes d’hypoxie tissulaire sévères (PtiO2 < 10 mmHg) (67). Une évolution fatale est accompagnée par une élévation des rapports lactate/pyruvate et lactate/glucose avec libération massive de glutamate. Ce profil métabolique précède l’élévation terminale de la pression intracrânienne à condition que la sonde soit bien implantée dans l’environnement de la zone pathologique (47, 68). Les données reliant un événement clinique à une variation métabolique restent encore fragmentaires. Dans la série de 80 patients, le seul événement clinique influençant la libération de glutamate était la survenue d’une baisse de la pression de perfusion cérébrale entre 40 et 50 mmHg (65). Dans une série de 50 traumatisés crâniens traités par l’équipe de Lund, le lactate et le rapport lactate/pyruvate étaient plus élevés seulement en cas de pression de perfusion cérébrale < 50 mmHg alors que le glucose ne variait pas (69). Aucune de ces études n’a rapporté l’évolution chronologique des variables métaboliques par rapport à l’événement
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clinique. Pour que la microdialyse devienne un outil de monitorage, il sera nécessaire de définir des seuils ou des profils pathologiques dont la sensibilité et spécificité devront être précisées.
Intérêt de la microdialyse comme évaluation de l’efficacité thérapeutique La microdialyse couplée aux autres méthodes de monitorage (pression tissulaire en oxygène (PtiO2), PIC, SjO2, Doppler transcrânien) permet une approche métabolique des effets des différentes thérapeutiques utilisées en neuroréanimation. Si de nombreux travaux ont déjà été publiés dans le domaine de la recherche expérimentale, il existe moins d’études cliniques humaines. Il s’agit pour la plupart de travaux observationnels portant sur de petits effectifs de patients.
Évaluation des effets de l’hypocapnie Les effets métaboliques de courtes périodes d’hyperventilation (30 minutes) étaient évalués chez 20 patients traumatisés crâniens graves, au cours d’une période précoce après le traumatisme (24 à 36 h après) et d’une période plus tardive (troisième ou quatrième jour). Les épisodes d’hyperventilation augmentaient de plus de 10 % (p < 0,05) les taux des marqueurs de l’ischémie tissulaire (lactate, lactate/pyruvate) ainsi que le taux de glutamate, ceci de manière plus importante lors de la période précoce. Ce travail concluait que de brèves périodes d’hyperventilation augmentaient le taux des médiateurs, susceptibles d’être responsables de lésions secondaires (70). Ces résultats ont été récemment confirmés dans un travail expérimental (71).
Évaluation des effets de l’hypothermie Plusieurs études expérimentales ont pu démonter un effet bénéfique de l’hypothermie sur le métabolisme cérébral (diminution du relargage des acides aminés excitateurs tels que l’aspartate, le glutamate ou la dopamine). Une étude décrivait les effets de l’hypothermie induite chez 6 patients avec TCG (GCS ≤ 5). Chez ces 5 patients, il existait une diminution du taux des acides aminés excitateurs (glutamate et aspartate) ainsi qu’une augmentation de la PPC et de la SjO2 lors des épisodes d’hypothermie (72). Un travail plus récent observait les effets d’une hypothermie modérée induite (34 à 36 °C) sur une cohorte de 58 patients avec TCG. Il existait une diminution significative de la PtiO2, de la PtiCO2, du relargage des acides aminés excitateurs et du métabolisme anaérobie lors des épisodes d’hypothermie. Les auteurs identifiaient une catégorie de patients ayant une hypothermie cérébrale spontanée associée à des taux plus élevés de lactate et de glutamate, et présen-
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tant une évolution neurologique péjorative (73). Une autre étude s’intéressait aux effets de l’hypothermie (< 34 °C) sur le métabolisme cérébral (lactate, pyruvate, glycérol, glutamate) d’une série de 12 patients présentant un accident vasculaire cérébral ischémique malin par thrombose de l’artère sylvienne. Chez ces 12 patients, trois cathéters de microdialyse étaient placés en zone saine, en zone de pénombre et en zone ischémique. Le résultat le plus intéressant de cette étude se trouvait dans l’analyse des taux de glutamate dans les différentes zones du cerveau. Au niveau du tissu sain, les auteurs observaient un taux (taux de base) significativement inférieur en période d’hypothermie. Dans la zone de pénombre, les taux de glutamate étaient 3 à 4 fois plus importants qu’en zone saine et diminuaient jusqu’à atteindre les taux de base durant la phase d’hypothermie. Au sein du tissu ischémié, les taux de glutamate atteignaient des niveaux très élevés même pendant l’hypothermie. Les auteurs concluaient au rôle potentiellement neuroprotecteur de l’hypothermie par diminution du relargage de glutamate dans la zone de pénombre (74).
Évaluation de l’efficacité d’une intervention médicamenteuse Chez sept patients présentant une hypertension intracrânienne sévère, un coma barbiturique était instauré. Les résultats du monitorage cérébral des trois heures suivant l’intervention étaient comparés à ceux des trois heures précédentes. Le traitement entraînait une baisse de 37 % du lactate, de 59 % du glutamate et de 66 % de l’aspartate (75). Chez dix patients avec TCG, sédatés par du propofol en AIVOC, la cible plasmatique était augmentée de 2 à 4 µg/mL. La pression artérielle était maintenue par ajustement d’une perfusion de noradrénaline. Aucune modification métabolique cérébrale n’était décelable à partir de valeurs de base normales de glucose, lactate et pyruvate. Ce résultat était interprété comme le maintien du couplage débit-métabolisme par le propofol (76).
Évaluation d’interventions thérapeutiques multiples Le concept de Lund, basé sur la diminution de la pression intracrânienne (PIC) par maintien d’une pression osmotique normale et réduction de la pression hydrostatique capillaire, s’oppose au concept traditionnel basé sur le maintien d’une PPC à 70 mmHg. La microdialyse cérébrale a permis d’apporter un argument supplémentaire en faveur du concept de Lund. Dans un travail portant sur 48 patients avec TCG, le traitement selon le concept de Lund permettait la normalisation des paramètres métaboliques : réduction du lactate, du rapport lactate/pyruvate et du glutamate alors même que la PPC des 96 premières heures était < 60 mmHg pendant 30 % du temps (47). Au total, la réanimation encéphalique a longtemps été limitée par les difficultés techniques d’exploration du métabolisme cérébral au lit du malade. Les
Surveillance du métabolisme cérébral 137
techniques envisagées ci-dessus ont permis une approche multimodale de la compréhension des pathologies. Ce progrès doit désormais aboutir à l’amélioration des stratégies de prise en charge des patients.
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Température cérébrale : physiologie et intérêt de sa surveillance T. Geeraerts et B. Vigué
Introduction De nombreuses expressions populaires relient activité intellectuelle soutenue et température du cerveau. Il est effectivement aujourd’hui démontré que la température du cerveau est en grande partie dépendante de son activité métabolique, mais également que les régulations de ces deux valeurs sont complexes et fines. Le lien entre température et métabolisme est toujours interactif. D'une part le métabolisme cellulaire cérébral est l'un des principaux déterminants de la température cérébrale, et d'autre part des modifications mineures de cette température entraînent des variations significatives du métabolisme cellulaire neuronal et donc du fonctionnement cérébral. Le contrôle de la température cérébrale est ainsi essentiel pour un fonctionnement optimal du cerveau dans toutes les situations physiologiques (de l’effort physique intense au repos complet). En pratique clinique de neuroréanimation, la surveillance continue de la température centrale chez un patient ayant subit une agression cérébrale majeure est aujourd’hui fortement recommandée (1). Il est en effet démontré que le cerveau traumatisé est extrêmement sensible et vulnérable aux variations même faibles de température. La fièvre est ainsi considérée comme une véritable agression cérébrale secondaire. La compréhension de la physiologie de la température est d’autant plus essentielle que ces fluctuations thermiques sont fréquentes en neuroréanimation. L’hyperthermie est en effet un phénomène fréquent chez les patients neurochirurgicaux et l’hypothermie thérapeutique est souvent employée chez les patients les plus graves (2). De même, le refroidissement cérébral sélectif est proposé comme outil thérapeutique pour réduire les lésions ischémiques cérébrales (3).
142 La réanimation neurochirurgicale
Physiologie de la température cérébrale La production énergétique chez l’Homme provient du métabolisme du glucose, des protéines, et des graisses. Les produits finaux de ce métabolisme aérobie sont le dioxyde de carbone (CO2) et l’eau. La production d’adénosine triphosphate (ATP), principal composant énergétique intracellulaire, s’accompagne de chaleur (fig. 1) L’énergie perdue au cours du transport d’électrons et de la phosphorylation oxydative est pour grande partie transformée en chaleur, et contribue au maintient à 37 °C de la température corporelle. Le rendement énergétique de ce processus est toutefois assez élevé, comparable à celui d’un moteur à explosion. Ainsi, la combustion du glucose et des protéines produit 4,1 kcal/kg et celle des graisses 9,3 kcal/kg. La production de chaleur par les organes dépend donc de leur métabolisme.
Fig. 1– Production de chaleur lors du métabolisme énergétique. Ce schéma est valable quelque soit le type cellulaire.
Température cérébrale : physiologie et intérêt de sa surveillance 143
Bien que le cerveau ne représente que 2 à 3 % du poids du corps humain, il participe respectivement à environ 20 % et 25 % de la consommation totale de l’organisme en oxygène et en glucose. Même au repos, son activité métabolique est très élevée. Il est alors, avec le cœur, l’organe le plus actif, et participe à la plupart de la production de chaleur. Dans le cerveau, le métabolisme est principalement aérobie : 95 % du glucose y subit un métabolisme oxydatif. Environ 40 % de l’énergie apportée par le glucose est utilisée pour produire de l’ATP, le reste (soit environ 60 %) est transformé en chaleur. Dans des conditions normales, la production intracérébrale de chaleur est balancée par sa dissipation. Contrairement à d’autres organes comme les muscles, la chaleur produite par le cerveau est difficilement dispersée du fait de sa protection par la boîte crânienne. La température du cerveau dépend donc principalement de trois facteurs : la production locale de chaleur, la température du sang qui le vascularise, et le débit sanguin cérébral. La dissipation de la chaleur produite est améliorée par des particularités anatomiques vasculaires permettant de véritables échanges thermiques.
Échangeurs thermiques
Chez les mammifères, il existe plusieurs échangeurs thermiques ayant un rôle important pour les échanges caloriques du cerveau. En premier lieu, les fosses nasales permettent un refroidissement du sang artériel grâce aux échanges entre l’air inhalé et le sang de la muqueuse nasale. Ensuite, dans le sinus caverneux où se draine la circulation nasale, il existe un second échangeur créé par la proximité importante entre le sang artériel provenant des vaisseaux du cou et le sang veineux provenant de la circulation cérébrale et nasale. Le sang veineux refroidi par l’échangeur nasal refroidit à son tour le sang artériel avant l'irrigation du cerveau (4, 5). En cas de court-circuit sur le premier échangeur thermique (fosses nasales), comme par exemple lors de ventilation mécanique avec intubation trachéale, le sang veineux des fosses nasales n’est plus refroidi par la ventilation, et le fonctionnement du second échangeur est alors compromis. Ces faits expérimentaux sont bien démontrés chez l’animal, notamment le chien, mais beaucoup moins chez l’Homme. Le premier échangeur correspondrait probablement à l’anastomose entre les veines perforantes comme la veine angulaire de l’œil (qui se draine dans le sinus caverneux) et les veines sous-cutanées du visage et de la peau du crâne. Le second échangeur correspond au sinus caverneux et aux espaces sous-arachnoïdiens (6). L’augmentation de la ventilation (hyperpnée) observée en cas d’augmentation de la température corporelle permettrait le refroidissement du cerveau par augmentation des échanges thermiques au niveau des fosses nasales.
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Compartiments thermiques Chez l’Homme, on décrit deux compartiments thermiques : un central et un périphérique (7). Le compartiment central comprend des tissus fortement perfusés en toutes conditions. Les échanges thermiques sont rapides au sein de ce compartiment et, en théorie, la température y est relativement homogène. Le tronc et la tête (et donc le cerveau) constituent le compartiment central. Le compartiment périphérique est formé par des tissus où la température est inhomogène et beaucoup plus variable (membres inférieurs, mains, peau). La température de ce compartiment est en général de 2 à 4 °C moindre que celle du compartiment central, et très dépendante de la vasoconstriction de ces territoires. La température centrale est régulée principalement par un centre intégrateur situé dans l’hypothalamus (8). Les mécanismes de réponse de ce centre sont encore mal connus mais feraient probablement intervenir de nombreux neurotransmetteurs comme la noradrénaline, la dopamine, l’acétylcholine, des neuropeptides, ou encore des prostaglandines comme PGE2. La température centrale présente des variations circadiennes contrôlées par la libération de mélatonine à partir du noyau suprachiasmatique. Le centre hypothalamique régule également la température du compartiment central en réponse aux informations des thermorécepteurs (voie monosynaptique) ou à l’alimentation, aux activités locomotrices ou à la sécrétion de corticostéroïdes (voie plurisynaptique). Le seuil de réponse de ce centre peut être modifié, et comme pour les barorécepteurs, on peut observer de véritables décalages des seuils de réponse appelés « resetting ».
Fluctuations physiologiques de la température cérébrale Activité cérébrale et température Le métabolisme énergétique neuronal est principalement utilisé pour la restauration du potentiel de membrane après dépolarisation cellulaire (9). Ceci suggère une relation entre métabolisme cellulaire et activité électrique. Comme toute l’énergie utilisée pour le métabolisme neuronal est finalement transformée en chaleur, la production de chaleur par le cerveau est une caractéristique importante de l’activité métabolique cérébrale. Des descriptions anciennes retrouvent chez l’animal des modifications importantes jusqu’à 2 à 3 °C de la température cérébrale à différentes stimulations comportementales (10, 11). L’augmentation intracérébrale de la production de chaleur semble être la cause première de l’hyperthermie cérébrale observée au cours de ces stimulations chez l’animal. En effet, c’est uniquement à la suite de l’augmentation de la température cérébrale que la température artérielle augmente (12, 13). Les apports sanguins au cerveau sont donc plus froids que le cerveau lui-
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même chez le sujet (ou l’animal) éveillé et le gradient de température entre le cerveau et le sang artériel augmente avec l’intensité des stimulations comportementales. L’augmentation de l’activité cérébrale (et de son métabolisme) s’accompagne donc d’une augmentation de sa température. De façon concomitante, chez l’animal et chez l’Homme, on observe une augmentation du débit sanguin cérébral. L’augmentation de la température locale cérébrale résultant d’une augmentation du métabolisme local pourrait donc être interprétée comme l’une des causes d’augmentation du débit local, participant ainsi au couplage entre métabolisme et débit cérébral.
Effet de l'anesthésie générale Comme nous venons de le voir, en situation d’éveil le cerveau est plus chaud que le sang artériel. La dépression du métabolisme cérébral induite par l’anesthésie générale pourrait avoir des conséquences sur la température cérébrale. Chez le rat anesthésié au pentobarbital, à l’uréthane ou à l’alpha chloralose, la température cérébrale diminue plus rapidement que la température rectale (14). Ce phénomène conduit chez l’animal anesthésié à une égalisation des températures entre cerveau et corps. Dans ces conditions expérimentales d’anesthésie générale sur cerveau sain, le sang serait donc refroidi par le cerveau. À notre connaissance et pour des raisons éthiques évidentes, il n’existe pas de donnée humaine concernant la température cérébrale sous anesthésie générale et ventilation artificielle de patients sans pathologie intracrânienne. Ces données seraient toutefois intéressantes afin d’évaluer les conséquences de l’anesthésie générale et du court-circuit des échangeurs thermiques.
Modifications physiologiques cérébrales induites par les changements de la température Les modifications de la température cérébrale affectent de façon importante des paramètres vasculaires, nerveux et métaboliques. Ces modifications sont essentielles à comprendre car elles influencent de façon majeure l’hémodynamique cérébrale.
Métabolisme cérébral L’électrophysiologie a permis de mettre en évidence une relation entre température et activité cérébrale. On considère que le métabolisme cérébral varie linéairement de 8 % par degré de température cérébrale. Ainsi, à 28°C, le méta-
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bolisme cérébral ne représenterait que 50 % de celui à 37 °C, avec une consommation en oxygène très réduite à ces niveaux de température. In vitro, la température influence les propriétés passives de la membrane neuronale, ainsi que les réponses nerveuses (post-potentiels). La transmission synaptique est donc température dépendante. L’effet de la température semble plus important sur la libération de neurotransmetteur (potentiel post-synaptique excitateur) que sur la réponse synaptique elle-même (15). Ces modifications température-dépendantes des propriétés électrophysiologiques pourraient être en relation avec des effets sur les canaux ioniques neuronaux. En effet, certains canaux calciques ou sodiques voltage-dépendants présentent une modulation de leur activité par la température (16, 17). De plus, la diffusion et la toxicité du glutamate sont accrues avec l’augmentation de la température (18). Les modifications de température cérébrale pourraient modifier la libération de neurotransmetteurs, mais également leur recapture ou leur diffusion. Dans des modèles animaux d’ischémie ou de traumatisme crânien focaux, des températures cérébrales supérieures à 39 °C sont associées à une augmentation des niveaux extracellulaires d’acides aminés excitateurs, à une rupture plus importante de la barrière hémato-encéphalique, et à une augmentation de la protéolyse du cytosquelette (19). Ainsi, l’excitotoxicité semble dépendante de la température cérébrale.
Débit sanguin cérébral Le débit sanguin cérébral varie également avec la température. Il varie en proportion avec les changements du métabolisme cérébral induit par les variations de température. Du fait du couplage physiologique entre métabolisme et débit, la baisse de la température cérébrale provoque conjointement une diminution du métabolisme et du débit. Cette baisse du débit sanguin cérébral entraîne une baisse du volume vasculaire intracérébral qui expliquerait la baisse de la pression intracrânienne observée en hypothermie.
Dioxyde de carbone, pH et oxygène La forme gazeuse du gaz carbonique (CO2), ou pression partielle en CO2 (PaCO2), dépend du coefficient de solubilité de ce gaz, lui-même dépendant de la température. Lorsque la température diminue, la quantité de forme gazeuse diminue. En d’autres termes, il y a moins de bulle dans le champagne refroidi. Par ailleurs, le métabolisme énergétique cellulaire, dont les produits finaux sont l’eau et le CO2, diminue avec la température. La production de CO2 est donc diminuée en hypothermie. Pour ces deux raisons (physique et métabolique), la PaCO2 diminue avec la température (20). De même, le pH est modifié par la température en suivant les variations de PaCO2 : l’hyper-
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thermie s’accompagne d’une acidose, et l’hypothermie d’une alcalose (21). Le CO2 gazeux traverse la barrière hématoencéphalique et transmet les modifications induites (alcalose en hypothermie) au milieu extracellulaire qui contrôle l’état de constriction des vaisseaux artériolaires. Ceci permet de comprendre pourquoi l’hypocapnie provoquée par l’hypothermie peut être responsable d’une vasoconstriction artériolaire et donc d’une baisse de la pression intracrânienne (22). La diminution de la PaCO2 est en partie le résultat d'une diminution de la consommation d'oxygène (O2) (22). Cette diminution de consommation pourrait laisser plus d'O2 disponible dans la circulation, situation bénéfique aux zones à hauts risques ischémiques. Cependant, cet effet d'une plus grande quantité d'oxygène disponible est contrecarré par l'augmentation d'affinité de l'hémoglobine pour l'oxygène provoqué par la baisse de température (fig. 2). Cette augmentation de l'affinité lie l'oxygène à l'hémoglobine et gène la diffusion de l'oxygène vers les tissus. On ne peut juger correctement d'un éventuel bénéfice de l'hypothermie sur la disponibilité de l'O2 qu'avec la valeur de l'oxygène gazeux (PvO2, pression partielle en oxygène dans le sang veineux directement en équilibre avec la pression tissulaire en oxygène) plutôt qu'avec la saturation veineuse en O2 (SjO2), valeur qui dépend étroitement des modifications d'affinité.
Fig. 2 – Relation entre pression partielle en oxygène (PO2) et saturation en oxygène de l'hémoglobine (SO2). L'hypothermie augmente l'affinité de l'oxygène pour l'hémoglobine. [D'après Tremey et al. (20).]
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Inflammation cérébrale et barrière hématoencéphalique Chez l’animal, après un traumatisme focal (percussion liquide), la réponse inflammatoire cérébrale des zones contuses et non contuses est dépendante de la température. L’accumulation des leucocytes est augmentée avec la température (23). Ces modifications des processus inflammatoires pourraient jouer un grand rôle dans la cascade post-traumatique. Par ailleurs, la perméabilité de la barrière hématoencéphalique semble également dépendante de la température cérébrale. Une augmentation de la température cérébrale peut endommager les cellules endothéliales du cerveau ou de la moelle épinière et conduire à un passage des protéines sériques au travers de la barrière hématoencéphalique et contribuer ainsi à la formation d’œdème cérébral (24). Même si elle survient après un délai de quatre jours après le traumatisme (modèle animal de percussion liquide), l’hyperthermie cérébrale aggrave la mortalité, les lésions de la barrière hématoencéphalique et les lésions axonales (25).
Modifications de la température cérébrale en neuroréanimation Après une agression cérébrale majeure, la température cérébrale est souvent plus élevée que la température systémique et peut varier de façon indépendante de celle-ci, rendant difficile l’extrapolation de la température cérébrale à partir de températures dites « centrales ».
Traumatisme crânien grave Deux études conduites chez des patients souffrant de traumatisme crânien grave et sédatés démontrent que la température cérébrale moyenne est plus élevée d’environ 1 °C par rapport à la température rectale dans les premiers jours post-traumatiques (26, 27). Cette différence est accentuée quand les patients deviennent fébriles. En l’absence de cause infectieuse, une hypothèse à ce phénomène pourrait être le « resetting » du centre hypothalamique thermorégulateur. Des autopsies ont en effet retrouvé une fréquence importante (42 %) de lésions hypothalamiques chez les patients décédés de traumatisme crânien grave (28). Mais cette hypothèse, si elle peut expliquer l’hyperthermie des traumatisés crâniens, ne suffit pas pour comprendre l’augmentation principalement « intracérébrale » de la température. Cette élévation de la température cérébrale pourrait être en relation avec des modifications posttraumatiques du métabolisme cérébral (hyperglycolyse) (29), du débit sanguin cérébral (hyperhémie) (30) ou de la réponse inflammatoire locale (augmentation des niveaux intracérébraux d’interleukine 1 bêta) (31). Un découplage du
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métabolisme énergétique en cas d’agression cérébrale pourrait également participer à cette production de chaleur : la synthèse d’ATP peut en effet être court-circuitée. La chute du gradient de protons et du potentiel de membrane mitochondrial accélère la respiration cellulaire qui, n’étant plus couplée à la phosphorylation de l’adénosine diphosphate (ADP), devient un processus purement thermogénique (voir fig. 1). Par ailleurs, l’inversion du gradient cerveau/corps de la température, signifiant que la température cérébrale devient inférieure à la température « générale », est associée à un mauvais pronostic neurologique chez les traumatisés crâniens graves (32). Ce phénomène est également observé au cours d’évolution vers la mort encéphalique (33). La baisse du débit sanguin cérébral liée à l’hypertension intracrânienne, très vraisemblable dans ces deux situations, est probablement la cause de la baisse de la température cérébrale au-dessous de la température centrale. Les variations de ce gradient pourraient alors refléter la survenue d’ischémie cérébrale.
Hémorragie méningée grave Après une hémorragie sous-arachnoïdienne grave, la température cérébrale est le plus souvent supérieure à la température centrale (34). La physiopathologie est moins bien connue. Les modifications du métabolisme ou du débit sanguin cérébral sont ici moins évidentes. Une hypothèse séduisante serait le rôle potentiel des produits de dégradation de l’hème. La molécule d’hème est dégradée par l’hème oxygénase pour donner de la biliverdine, du fer, du monoxyde de carbone (CO). L’injection intraventriculaire de CO augmente de plus de 1 °C la température corporelle des rats (35). Dans cette étude animale, il n’existe malheureusement pas de données sur la température cérébrale. De la même manière que pour le traumatisme crânien, une étude prospective chez des patients admis pour hémorragie méningée spontanée grave retrouve une relation entre température cérébrale et survie des patients (34). Quand la température cérébrale mesurée est inférieure à la température corporelle (vésicale), les chances de survie des patients seraient nulles. Cette diminution de température pourrait être en rapport avec la diminution importante du débit sanguin cérébral expliquant ainsi la gravité du pronostic.
Où faut-il mesurer la température ? La température centrale peut être estimée par la mesure de la température du bas œsophage, de l’artère pulmonaire, du nasopharynx et du tympan (36). La température rectale, si elle reste fiable dans les conditions normales, est imprécise lors de perturbations thermiques importantes comme l’hypothermie thérapeutique (37). La température cérébrale est le plus souvent considérée
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comme une température « centrale », et en l’absence de pathologie intracrânienne, pourrait être estimée par les températures tympanique ou œsophagienne. Ces températures, plus faciles à mesurer, sont souvent utilisées pour surveiller les modifications de température cérébrale. Cependant, comme nous l'avons vu précédemment, en cas d'agression cérébrale majeure, cette estimation peut être fausse. La mesure in situ de la température intracrânienne semble donc nécessaire. Chez l’Homme, le centre du cerveau est plus chaud que l’espace épidural (de 0,5 à 1 °C) (38). La température superficielle est toujours inférieure à la température profonde, mais elle est également plus variable. Pour ces raisons, il est recommandé d’insérer les sondes thermiques d’au moins 1,5 à 2 cm dans le parenchyme cérébral (39). D’un point de vue technique, plusieurs sondes thermiques sont actuellement commercialisées. Elles utilisent toutes la technologie du thermocouple. Certaines sont intraparenchymateuses (Neurovent-P©, Rehau, Allemagne ; Licox©, Integra Neuroscience, Royaume-Uni ; Neurotrend©, Codman & Shurrtleff, États-Unis), d’autres sont intraventriculaires (Radionics, Burlington, États-Unis). L’analyse de la littérature ne permet pas de privilégier l’une ou l’autre technique, même si la mesure intraparenchymateuse est aujourd’hui la plus utilisée (40).
Conclusion Le rôle délétère de l’hyperthermie (température systémique) est clairement établi après une agression cérébrale. La prévention de la fièvre et l’hypothermie modérée semblent donc des outils thérapeutiques importants pour limiter l’extension et la sévérité des lésions neuronales. Cependant la température cérébrale n’est le plus souvent pas mesurée, alors même que de nombreuses études démontrent qu’elle peut varier significativement de la température centrale. La température corporelle sous-estime très souvent la température cérébrale, et tout particulièrement durant les situations où le système nerveux central est singulièrement vulnérable. Une température cérébrale dissociée de la température corporelle pourrait être de mauvais pronostic. Au même titre que la pression intracrânienne, la température cérébrale devrait être surveillée en continu par une mesure in situ, et faire partie de la surveillance multimodale des patients de neuroréanimation.
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Surveillance neurophysiologique en USI-NCH EEG, potentiels évoqués (PE) D. Debatisse, E. Pralong et P.-A. Despland
Préambule Nous désirons porter à l’attention du lecteur que cette revue succincte des techniques neurophysiologiques en USI-NCH n’aurait pu être effectuée sans le concours, la compétence et le soutien inconditionnel du professeur JeanMichel Guerit (1). De même, l’élaboration d’une Unité Neurochirurgicale de Neuromonitoring (UNN) depuis maintenant trois ans n’a été possible que par le désir et la volonté du professeur Jean-Guy Villemure d’intégrer au sein de son service de neurochirurgie l’ensemble des approches et outils classiquement utilisés en clinique journalière et de recherche, et ce, dans un souci de qualité des soins fournis aux patients.
Introduction Suite à l’essor des techniques d’imagerie médicale dans l’arsenal des techniques de mise au point diagnostique, étiologique et pronostique d’un patient hospitalisé dans un service de réanimation neurochirurgicale en phase aiguë ou postopératoire, l’EEG en unité de soins intensifs (USI) neurochirurgicaux semble désuet à l’aube du troisième millénaire. Pourtant, l’EEG garde sa spécificité pour trois raisons principales. Premièrement, il constitue une technique d’évaluation de la fonction du cortex cérébral en temps réel, au contraire des techniques neuroradiologiques – scanner, IRM, artériographie – dont l’approche est limitée à la structure et à l’anatomie. Deuxièmement, il s’agit d’une technique pouvant être appliquée au lit du malade, ce qui la rend appréciable en termes des risques encourus par le patient. En effet, les autres techniques d’investigations structurelles et fonctionnelles neuroradiologiques nécessitent le déplacement du patient vers les unités spécialisées, augmentant ainsi de manière significative les contraintes et risques encourus par celui-ci. Troisièmement, à l’encontre des examens neuroradiologiques, l’approche
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neurophysiologique permet de répéter les acquisitions sans nette contrainte pour le patient et ce, chaque fois que le statut neurologique varie et que de nouvelles questions se posent tant sur le versant diagnostique que pronostique. L’association et la combinaison des acquisitions par EEG et PE s’avéreront dès lors utiles et nécessaires dans la mise au point diagnostique et pronostique du patient en USI (1, 2). L’EEG est ainsi un bel exemple d’une « vieille technique » qui a pu s’adapter au progrès des technologies en se positionnant à différents niveaux des processus de réflexion clinique chez le patient avec altération de l’état de conscience en phase aiguë, que ceux-ci soient de type étiologique, décisionnel ou pronostique. Il est évident que c’est l’ensemble de toutes les données cliniques, biologiques, neuro-anatomiques et fonctionnelles qui permettra, à terme et de manière précoce, d’orienter les stratégies thérapeutiques du patient. Ainsi, les techniques neurophysiologiques présentent donc comme caractéristique commune de reposer sur l’enregistrement des activités électriques du cerveau, de la moelle épinière ou du système nerveux périphérique. Ces techniques doivent dès lors être considérées comme des méthodes d’évaluation fonctionnelle du système nerveux, au même titre que l’examen clinique. Elles s’inscrivent en complément des techniques d’évaluation structurelle que sont le scanner cérébral et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) (1).
Électroencéphalogramme (EEG) : rappel L’EEG a été découvert en 1929 par Hans Berger, de l’Université d’Iéna. L’EEG consiste à placer au niveau du scalp un certain nombre de capteurs de l’activité électrique cérébrale qui peuvent être, soit des électrodes de surface, soit des aiguilles sous-cutanées. Chaque électrode capte une activité provenant du cortex cérébral sous-jacent et est désignée en fonction de sa position sur le scalp (Frontal, Central, Temporal, Occipital, Pariétal)1. Le nombre d’électrodes utilisées varie en fonction du problème à résoudre : on peut se limiter à un nombre restreint d’électrodes (par exemple, de 4 à 8) lorsqu’il s’agit de rechercher des modifications globales de l’EEG ; en revanche, la recherche de dysfonctionnements cérébraux très focalisés peut nécessiter un nombre beaucoup plus important de canaux (par exemple, 16 à 32). En règle générale, il est rare que l’on utilise en USI davantage que 16 canaux. 1. La position de l’électrode sur le scalp est désignée au moyen d’une lettre (F, C, P, O, T) suivie d’un chiffre pair ou impair selon que l’électrode se trouve sur la partie droite ou gauche du scalp. Lorsque l’électrode se trouve sur la ligne médiane, le chiffre est remplacé par l’indice « z ». Par exemple, F4 est une électrode frontale droite, Pz désigne une électrode située sur la ligne médiane au niveau pariétal, etc. Cette nomenclature est connue sous le nom de « Système International 10-20 ». Chaque ligne du tracé EEG représente en fait la différence de potentiel entre deux électrodes (constituant ce que l’on appelle une dérivation). Par exemple, le tracé EEG recueilli au niveau d’une dérivation « F7 T3 » par exemple correspond à l’évolution de la différence de potentiel entre deux points du scalp situés en regard du cortex frontal gauche et du cortex temporal gauche, cette évolution pouvant refléter, soit une modification du potentiel au niveau de l’électrode F7, soit au niveau de l’électrode T3, soit au niveau des deux électrodes simultanément.
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L’amplitude des potentiels captés de l’EEG et ECG est souvent sujette à une contamination par des artefacts (mouvements, parasites électriques de l’environnement, très fréquents en USI).
Caractéristiques de l’EEG normal (fig. 1) L’aspect de l’EEG normal – rarement observé en USI – dépend de l’état de vigilance du sujet. Chez un sujet éveillé au repos, les yeux fermés, il est dominé par une activité d’une fréquence de 8 à 12 Hz, le rythme alpha, prédominant au niveau des électrodes occipitales et disparaissant lorsque le sujet ouvre les yeux. Une activité d’une fréquence similaire peut être observée au niveau des électrodes centrales : il s’agit du rythme mu disparaissant cette fois au niveau de l’électrode controlatérale lorsque l’on demande au sujet de réaliser un mouvement répétitif de la main gauche ou de la main droite. Lorsque le sujet ouvre les yeux, lorsqu’il n’est pas dans un état de relaxation suffisante ou lorsqu’il est engagé dans une tâche cognitive, le rythme alpha disparaît et fait place à une activité peu ample, peu synchronisée et plus rapide : le rythme bêta. L’EEG normal varie en fonction de l’état de vigilance. En particulier, l’endormisse-
Fig. 1 – EEG normal montage « Banana » bipolaire, les huit premières dérivations EEG correspondent à l’hémisphère gauche et les huit suivantes à l’hémisphères droit. Acquisition en USI pouvant s’effectuer dans des conditions « difficiles » liées à l’environnement et aux artefacts.
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ment physiologique s’accompagne de la disparition du rythme alpha, de l’apparition d’un rythme plus lent (5-8 Hz) – le rythme thêta – accompagné de bouffées d’activités d’une fréquence d’environ 14 Hz ou spindles et un sommeil encore plus profond est associé à la présence diffuse d’un rythme très lent : le rythme delta. Comme nous le verrons, des modifications de l’EEG sont également observées en fonction des modifications de la vigilance contemporaines du coma en fonction des cycles veille-sommeil en USI quand ils sont présents.
EEG pathologique L’EEG pathologique se caractérise, soit par la présence d’activités trop lentes ou trop rapides en fonction de l’état de vigilance, soit par la présence d’activités anormales parmi lesquelles il importe de relever les activités irritatives (pointes, pointes-ondes) caractéristiques de l’épilepsie. Ces phénomènes anormaux peuvent n’être présents que sur quelques dérivations, reflétant un dysfonctionnement focal du système nerveux, soit être présents sur l’ensemble du scalp en cas de dysfonctionnement généralisé.
Situation de l’EEG par rapport aux autres techniques d’exploration du système nerveux Les principales indications de l’EEG sont actuellement l’étude des états épileptiques, du sommeil et, de manière plus générale, de la réactivité et des fluctuations ou des altérations de la conscience et ce, en fonction du type de lésion intracérébrale ayant entraîné la réanimation neurochirurgicale. L’EEG correspond à la résultante d’activités en provenance du cortex et du tronc cérébral. Cependant, le fait que les champs électriques émis par une source électrique s’atténuent rapidement en fonction de la distance par rapport à cette source implique que ce que l’on observe au niveau de l’EEG provient essentiellement des sources les plus superficielles, à savoir le cortex cérébral.
Sémiologie de l’EEG dans les états de conscience altérés en USI neurochirurgicale Les anomalies de l’EEG habituellement rencontrées en USI peuvent être classifiées selon plusieurs critères, non mutuellement exclusifs : anomalies de rythmes ou apparition de grapho-éléments paroxystiques, anomalies diffuses ou focales, anomalies de la modulation de l’EEG dans le temps, incluant les troubles de réactivité.
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Anomalies des rythmes Les anomalies des rythmes peuvent être diffuses ou focalisées, réactives ou aréactives. Elles peuvent consister en l’apparition de rythmes rapides, en anomalies de distribution de rythmes de fréquence normale, en ralentissements du tracé ou en l’absence de tout rythme.
Rythmes rapides d’origine pharmacologique Il est classique de considérer qu’un tracé noyé de rythmes bêta rapides doit faire soupçonner une imprégnation médicamenteuse toxique et/ou liée aux traitements administrés dans le cadre de la réanimation neurochirurgicale (RN). Ces activités peuvent être observées sur l’ensemble des dérivations et présentent généralement une prédominance fronto-centrale. En présence d’une imprégnation modérée, la fréquence et la topographie de ces rythmes bêta les rapprochent des spindles du stade 2 du sommeil et il est d’ailleurs probable que les mécanismes de leur genèse soient très superposables, à savoir l’apparition d’oscillations au niveau des neurones de relais thalamo-corticaux induites par un accroissement de leur innervation inhibitrice GABAergique (3). Si l’imprégnation médicamenteuse s’accroît, on note une diminution progressive de la fréquence de ces oscillations, sans modification de leur topographie. Il s’ensuit que, sur le plan fréquentiel, ces rythmes peuvent alors relever de la bande alpha, voire thêta, alors que, sur le plan topographique, ils présentent la distribution fronto-centrale caractéristique des activités d’origine médicamenteuse. Un nouvel accroissement de l’imprégnation médicamenteuse entraînera l’apparition de discontinuités de l’EEG suivies, éventuellement, d’un tracé isoélectrique par exemple si le patient est mis en « coma » médicamenteux sous propofol (4). Il semble que cette évolution biphasique de l’EEG (accélération suivie d’un ralentissement du tracé) soit très caractéristique des substances sédatives présentant des propriétés GABAergiques (benzodiazepines, barbituriques, propofol). Elle n’est pas observée pour les médicaments agissant par l’intermédiaire des récepteurs glutamatergiques (par exemple, la kétamine, qui entraîne d’emblée un ralentissement de l’EEG avec apparition de rythmes thêta de grande amplitude) ou les opiacés.
Activités lentes Les activités delta sont contemporaines de la dénervation cholinergique que celle-ci soit physiologique (au cours du sommeil lent) ou lors de pathologies, soit localisées, expliquant les foyers lents associés aux lésions focales – traumatiques, vasculaires, tumorales, infectieuses – impliquant la substance blanche sous-corticale, soit diffuses, comme c’est le cas dans les encéphalopathies métaboliques. Néanmoins, des activités très lentes, delta et sub-delta, peuvent coexister avec des bouffées fronto-centrales plus rapides (thêta, alpha, bêta) dans les imprégnations médicamenteuses associées. Il est par ailleurs essentiel
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de contrôler l’influence des stimulations afin de vérifier si ces activités delta ne correspondent pas simplement à une réactivité du tracé.
Tracés de type « alpha-coma » ou « alpha-thêta » coma Les patterns EEG de type alpha (ou alpha-thêta) coma se caractérisent, d’une part, par leur prédominance antérieure et, d’autre part et surtout, par leur manque de réactivité conférant au tracé un caractère monotone, invariant au cours du temps. Il s’agit classiquement d’un pattern de mauvais pronostic, bien que certaines séries rapportent des pourcentages de récupération allant jusqu’à 15 % (5). Il est probable que la valeur pronostique du tracé de type « alphacoma » dépende largement de l’étiologie : ce pattern est le plus souvent associé aux comas postanoxiques, auquel cas il implique un pronostic particulièrement péjoratif – il s’agit d’un des trois « patterns EEG malins » signant la gravité du coma mais peut également être rencontré en présence d’imprégnations barbituriques (6) ou de lésions du tronc cérébral (7). L’association à de l’EEG et des PES permet de distinguer, au sein des patients présentant un alpha-coma, ceux qui évolueront mal de ceux qui restent susceptibles de bien évoluer (8).
EEG pauvre, microvolté et silence électrocérébral En l’absence d’œdème localisé lié à une contusion du cuir chevelu, une dépression de l’EEG focalisée sur un hémisphère ou sur une région spécifique du scalp devra faire suspecter un hématome extra- ou sous-dural (auquel cas la dépression de l’EEG est simplement liée à un accroissement de la distance ou à une augmentation de la résistance entre les sites générateurs de l’EEG et les électrodes d’enregistrement). En l’absence de sédation médicamenteuse, la pauvreté extrême du tracé ou le silence électro-cérébral doivent être interprétés en fonction de l’étiologie du coma. Dans certains cas de comas anoxiques, il doit faire poser la question de l’opportunité du maintien de la réanimation, particulièrement si l’enregistrement conjoint des PES fournit des arguments dans le même sens. Principalement dans les comas traumatiques et dans les situations associées à une HTIC, il mènera à poser la question d’un coma dépassé et d’une mort encéphalique (ME).
Décharges paroxystiques Un pattern de type « burst suppression » témoigne généralement d’une encéphalopathie post-anoxique de mauvais pronostic. Les décharges paroxystiques peuvent être ou non associées à des secousses musculaires. Par ailleurs, la présence d’éléments paroxystiques critiques, continus ou subcontinus, focaux, multifocaux ou généralisés, incitera à la mise en route d’un traitement adapté.
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On rappellera à cet égard que, tout particulièrement en USI, des crises épileptiques ou des états de mal peuvent survenir en l’absence de convulsions et de signes cliniques évidents (états de mal non convulsifs : EMnC). La nature non convulsive de ces états de mal peut s’expliquer, soit par une curarisation empêchant l’activité musculaire, soit par la localisation de la crise en dehors des centres moteurs, l’inconscience du patient l’empêchant alors de décrire ou de manifester ses symptômes. La possibilité de détecter précocement les EMnC constitue certainement l’un des enjeux majeurs du neuromonitorage continu de l’EEG. Les PLEDs (ou « periodic lateralized epileptiform complex ») doivent faire soupçonner une pathologie focale sous-jacente à la lésion, d’origine vasculaire, tumorale ou infectieuse. On notera enfin les éléments triphasiques (ou complexes de Bickford) à prédominance bifrontale, survenant parfois par salves pseudo-périodiques, sans signification pronostique par eux-mêmes, très suggestifs (sans être totalement spécifiques) d’une encéphalopathie métabolique, le plus souvent hépatique pouvant être associée par exemple à un traumatisme crânien, hématome sous-dural, hémorragie sous-archnoïdienne…
Modulation temporelle de l’EEG en USI-NCH Réactivité du tracé La réactivité de l’EEG peut constituer un élément pronostic essentiel. La réactivité de l’EEG chez un patient « comateux » peut se présenter selon des aspects très divers : – dans des circonstances exceptionnelles, sous forme d’une réaction d’arrêt classique2 ; – par l’apparition de complexes K (particulièrement en réponse aux stimulations auditives) ou sous forme d’une réactivité paradoxale (apparition d’activités de la fréquence alpha – mais qui ne correspondent probablement pas au rythme alpha occipital « classique » –, probablement liée à un accroissement du niveau de vigilance provoqué par la stimulation) (2, 9-11) ; – très fréquemment, par l’apparition de bouffées d’activités lentes diffuses, de grande amplitude. Ces activités apparaissent systématiquement lors des stimulations. Elles peuvent sembler apparaître spontanément, en dehors de toute stimulation. Elles s’expliquent cependant presque toujours par la multiplicité des stimulations sonores naturellement présentes dans les USI (alarmes, cris, etc.). Chez les patients présentant un tracé discontinu d’origine médicamenteuse, il n’est pas rare que les stimulations entraînent un aplatissement du tracé si elles surviennent pendant une bouffée d’activité. Elles peuvent parfois, 2. Une réaction d’arrêt de l’alpha n’est observée que s’il existe un rythme alpha occipital relevant de mécanismes physiologiques analogues à ceux observés chez le sujet normal éveillé, situation qui, par définition, est rarissime, voire inexistante, chez les sujet comateux. Le plus souvent, les activités de la fréquence alpha observées chez le patient comateux sont des rythmes médicamenteux. Il peut s’agir également d’activités reflétant un alpha-coma. Dans le dernier cas, elles sont aréactives à l’ouverture (forcée) des yeux.
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au contraire, entraîner la réapparition du tracé si elles sont appliquées pendant une période d’aplatissement.
Modulation à long terme de l’EEG Indépendamment des éventuelles variations liées au cycle veille/sommeil, la puissance totale de l’EEG oscille au cours du temps selon une période de l’ordre de 1 h 30. Ces oscillations peuvent être aisément détectées par le neuromonitorage continu en USI. Leur perte pourrait constituer un signe précoce de vasospasme secondaire chez les patients victimes d’hémorragies méningées (12).
Latéralisations Avant l’avènement des techniques structurelles non invasives, la recherche de signes de latéralisation constituait l’un des buts essentiels de l’EEG, particulièrement au stade aigu des comas. Si ceci reste vrai dans certains cas (par exemple, la recherche d’une encéphalite herpétique), il faut reconnaître que, le plus souvent, la mise en évidence d’une latéralisation ne fait que confirmer une information précédemment obtenue au moyen des techniques d’imagerie structurelle. Il n’est pas toujours évident de préciser le côté de la latéralisation, celle-ci pouvant aussi bien se marquer par la disparition de rythmes « physiologiques » que par l’apparition de rythmes anormaux3. Il n’est de même pas toujours aisé de latéraliser correctement des activités paroxystiques focalisées. On notera enfin que la découverte fortuite de signes de latéralisation ne reflète pas obligatoirement une anomalie structurelle sousjacente (par exemple, des latéralisations à bascule peuvent être observées dans les encéphalopathies métaboliques).
EEG et pathologies « vasculaires » en USI-NCH Pathologies ischémiques L’EEG montre parfois quelques anomalies lentes à caractère focal mais il est le plus souvent normal dans les accidents ischémiques transitoires, régressifs en 3. Prenons l’exemple de bouffées d’une fréquence de 4-6 Hz présentes exclusivement au niveau des dérivations centrotemporales droites. En l’absence de sédation, de telles bouffées peuvent correspondre à une dysrythmie lente signant l’existence d’une pathologie hémisphérique droite sous-jacente ; en présence d’une sédation, ces bouffées peuvent être physiologiques et c’est alors leur absence du côté gauche qui devra être considérée comme pathologique. Comme autre exemple, citons la présence unilatérale (par exemple, du côté gauche) d’activités bêta de grande amplitude qui, en l’absence de sédation, peut refléter la présence d’un rythme en brosse sus-jacent à un défect osseux du côté gauche et qui, en présence d’une sédation, peut refléter la disparition du côté droit d’un rythme rapide normalement induit par le médicament. 4. À condition qu’il persiste du cortex cérébral sous-jacent ! Rappelons en effet que les rythmes delta sont générés au sein d’un cortex cérébral ayant perdu ses afférences cholinergiques.
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quelques heures. Les accidents vasculaires cérébraux peuvent être associés à des foyers lents latéralisés et focalisés sur la région ischémiée : ondes delta ou thêta polymorphes, d’autant plus marquées que la lésion est plus superficielle et proche de la convexité4. Dans les ischémies cérébrales intéressant les territoires des derniers prés (par exemple, en cas d’hypoperfusion systémique au cours d’une intervention ou même de vasospasmes), des éléments pointus ou des PLEDs peuvent se superposer aux éléments lents au niveau des dérivations pariéto-temporo-occipitales.
Hémorragies et hématomes Les altérations de l’EEG sont fréquentes dans les hémorragies cérébrales, associant des signes focaux dont la topographie dépend de la localisation lésionnelle à des signes généraux, reflétant les troubles de la conscience et de la vigilance souvent consécutifs à HTIC. Les anomalies diffuses peuvent être seules présentes lors d’hémorragies du tronc cérébral (ralentissement de l’EEG consécutif à un dysfonctionnement de la SRAA). Dans les hémorragies méningées, l’EEG est souvent caractérisé par une surcharge lente diffuse éventuellement associée à un dysfonctionnement focal (en cas de spasme ou d’hématome associé ou non à une hypertension intracrânienne). Nous avons signalé précédemment l’importance du monitorage de la variabilité de la puissance totale de l’EEG dans le monitorage des spasmes retardés (12).
EEG et traumatismes crâniens en USI-NCH Souvent, les lésions hémisphériques focales (hématomes, contusion) ont déjà été diagnostiquées au scanner, éventuellement traitées par la chirurgie et l’objectivation par l’EEG de signes de latéralisation ne fera que confirmer une information déjà disponible. Un ralentissement diffus de l’EEG peut constituer la conséquence, soit de lésions axonales diffuses, soit d’un dysfonctionnement mésencéphalique (lésion de la substance réticulée activatrice ascendante). La persistance d’alternances veille-sommeil et la présence de rythmes rapides médicamenteux constituent des éléments de pronostic favorable chez les traumatisés crâniens.
EEG et lésions expansives : tumeurs, abcès, kystes en USI-NCH Les lésions expansives sont très fréquemment associées à des anomalies de l’EEG pouvant relever de plusieurs mécanismes : compression sur les régions
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voisines, œdème réactionnel, épilepsie associée, HTIC. S’il existe des troubles de vigilance ou un coma pré- ou postopératoire, l’EEG peut permettre de quantifier l’effet de la tumeur sur l’ensemble de l’encéphale et, éventuellement, d’objectiver une épilepsie ou un EMnC. Les signes focaux associés aux tumeurs dépendent de la localisation de celle-ci. Outre la présence de foyers delta focalisés et latéralisés, les tumeurs frontales et temporales peuvent entraîner l’apparition de foyers controlatéraux. Les tumeurs pariétales et, surtout, occipitales permettent parfois d’observer une asymétrie du rythme alpha. Les tumeurs profondes touchant les noyaux de la base ou la partie haute du tronc cérébral sont fréquemment associées à des activités thêta et delta monomorphes de topographie antérieure (« Frontal Intermittent Rythmic Delta Activity » ou « FIRDA »). Les tumeurs de la fosse postérieure ne mettent en évidence des anomalies EEG qu’en présence d’une HTIC associée.
Pathologies inflammatoires et infectieuses pouvant être associées en pré- ou postopératoire Dans les méningites lymphocytaires bénignes virales, l’EEG est normal ou ne montre qu’une discrète surcharge lente thêta diffuse. Les méningites bactériennes ou tuberculeuses peuvent être associées à des anomalies lentes diffuses, polymorphes, ainsi qu’à des anomalies à caractère focal. En revanche, les anomalies EEG sont toujours présentes au stade aigu des encéphalites, quelle qu’en soit leur étiologie. Elles sont caractérisées essentiellement par la présence d’ondes lentes, associées ou non à un ralentissement du rythme de fond et souvent associées à des décharges paroxystiques à caractère focal.
Encéphalopathies métaboliques pouvant être associées en préou postopératoire Les encéphalopathies métaboliques (principalement hépatiques et rénales) sont associées à un ralentissement aspécifique de l’EEG proportionnel à l’importance de la cause et pouvant aller jusqu’au stade de l’EEG isoélectrique. Dans l’encéphalopathie hépatique, les modifications de l’EEG sont utilisées comme l’un des critères à la base de la classification de Child, par ailleurs basée sur des critères cliniques et biologiques (9, 13)5. Outre ces ralentissements aspécifiques, l’EEG peut présenter des caractéristiques suggestives (sans être absolument spécifiques) du type d’encéphalopathie : éléments triphasiques dans les encéphalopathies hépatiques, éléments à front raide multifocaux dans 5. La classification de Child est basée sur la fréquence et sur l’amplitude de l’EEG (stade 1 : > 7Hz ; stade 2 : 5-7 Hz ; stade 3 : 3-5 Hz ; stade 4 : < 3Hz. L’amplitude de l’EEG croît du stade 1 au stade 3 et diminue au stade 4. Le stade 4 est subdivisé en 4a et 4b, selon que l’EEG est continu ou discontinu).
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les encéphalopathies urémiques. Ceci implique que, dans les encéphalopathies métaboliques, les anomalies diffuses de l’EEG peuvent difficilement être utilisées en tant qu’argument en faveur de lésions structurelles surajoutées du système nerveux.
EEG et patient en état de « conscience altéré » Modifications de l’EEG en fonction de la profondeur du trouble de la conscience Bien que celle-ci soit relativement difficile à établir du fait de la multiplicité des facteurs potentiels d’interférence, particulièrement en USI, il existe une relation entre l’EEG et la profondeur du coma ou de l’état de non conscience modéré à grave. Celle-ci peut s’avérer essentielle pour le suivi du coma lorsque le patient est curarisé et que, dès lors, son examen clinique s’avère impossible. Quatre stades sont décrits (11, 14) : – le stade I (coma vigile) est caractérisé par un ralentissement du rythme de fond associé à la présence d’ondes lentes thêta-delta. Le tracé reste réactif ; – le stade II est caractérisé par la présence d’ondes lentes delta diffuses dans lesquelles peuvent s’imbriquer des activités plus rapides tendant à s’accentuer durant les stimulations ; – le stade III est caractérisé par une activité delta de topographie souvent antérieure, aréactive aux stimuli ; – le stade IV est celui de l’EEG isoélectrique.
Suivi des épilepsies en pré- ou postopératoire neurochirurgical L’EEG constitue une technique irremplaçable pour le suivi des épilepsies et de l’efficacité de leur traitement. Nous avons souligné précédemment l’importance de l’EEG dans l’identification des EMnC. L’accumulation et le non-traitement des EMnC semblent constituer un facteur essentiel de morbidité et de prolongation inutile de la durée d’hospitalisation en USI, soulignant l’intérêt potentiel des méthodes de monitorage continu de l’EEG (15).
Valeur pronostique de l’EEG L’EEG réalisé au stade aigu du coma ou de l’état de conscience altéré ne présente pas une sensibilité et une spécificité pronostique suffisantes et c’est la répétition des tracés en période aiguë, puis dans les jours qui suivent, qui permettra d’affiner le pronostic. L’EEG devra par ailleurs obligatoirement être
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corrélé aux résultats de l’examen clinique et neuroradiologique et prendre en compte l’ensemble des médications. Dans l’ensemble, sont reconnus comme signes de pronostic favorable : – un tracé faiblement altéré avec persistance de cycles veille-sommeil, la présence de spindles, une réactivité aux stimulations simples ; – la coexistence au sein du tracé de patterns électriques différents, témoins de variations probables de vigilance ; – une réactivité franche avec modification instantanée de l’activité EEG de base (cf. par exemple les inversions de patterns rencontrées lors de tracés discontinus chez les patients sédatés). Dans l’ensemble, sont reconnus comme signes de pronostic défavorable : – les tracés EEG monomorphes monotones, sans aucune modification significative des rythmes en cours d’enregistrement (par exemple, l’alphacoma) ; – des tracés dégradés, périodiques ou pseudo-périodiques avec silence électrique intercritique (burst-suppression), les tracés particulièrement pauvres ou isoélectriques en l’absence de sédation (fig. 2) ; – généralement, les tracés non réactifs à l’ensemble des stimulations externes, même vigoureuses (à condition bien entendu que l’on exclue toute pathologie sensorielle susceptible d’interférer avec la stimulation).
Fig. 2 – Tracé « burst suppression » postanoxique non réactif aux stimulations, hautement pathologique et de pronostique « défavorable ».
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Potentiels évoqués multimodaux (PE) en USI-NC Si l’EEG représente réellement l’activité électrique cérébrale, toute modification de l’activité cérébrale doit entraîner une modification de l’EEG. Les PE correspondent aux modifications de l’EEG induites par différents événements qui peuvent être, soit l’arrivée d’influx sensoriels au niveau du système nerveux, soit la préparation d’un mouvement, soit une activité cognitive.
Méthodologie d’enregistrement des PE Les PE sont obtenus selon une méthodologie similaire à celle utilisée pour l’EEG. Il suffit alors de synchroniser dans le temps les enregistrements électrophysiologiques et l’événement que l’on souhaite étudier et l’on pourra ainsi étudier le décours temporel des modifications de l’EEG, c’est-à-dire les PE, produits par cet événement (2, 8). En pratique, les choses sont plus compliquées étant donné la très faible amplitude des PE6. Il est dès lors nécessaire de recourir aux techniques de moyennage qui correspond à calculer la moyenne d’un nombre suffisant de tracés EEG synchronisés par plusieurs événements successifs (stimulations visuelle, auditive, somesthésiques…) entraînant l’annulation progressive du bruit de fond et, par conséquent, l’extraction progressive du signal recherché. Le fait de devoir recourir à la méthode de moyennage présente une conséquence importante sur le plan méthodologique, à savoir qu’un PE ne peut être obtenu qu’en réponse à un grand nombre d’événements successifs, nombre dépendant de l’amplitude du PE que l’on souhaite étudier : plus elle est faible, plus important est le nombre de tracés à moyenner. Heureusement, les PE de plus faible amplitude sont également ceux qui peuvent être obtenus au moyen de cadences de stimulation rapides, de telle sorte que l’enregistrement d’un PE ne prend généralement que 2 à 3 minutes par modalité de stimulation.
Aspect général des PE Les PE se présentent sous forme de graphiques représentant l’évolution d’un potentiel en fonction du temps. L’origine de l’axe des abscisses correspond à l’instant de survenue de l’événement de telle sorte que chaque point de la courbe peut être situé temporellement par rapport à cet événement. Ce graphique présente plusieurs pics, souvent désignés en fonction de leur polarité 6. Pour fixer les idées, un enregistrement conventionnel de l’EEG représente une activité de 100 µV d’amplitude et d’une durée de 1 seconde sous forme d’une déflexion de 1 cm de haut et de 1,5 cm de long. Un PE auditif du tronc cérébral, par exemple, ne dépasse généralement pas 0,5 µV d’amplitude et 10 ms de durée ; à l’échelle de l’EEG, il correspondrait donc à une activité sur papier d’une hauteur de 50 microns et d’une longueur de 150 microns, ce qui est inférieur à l’épaisseur même de la trace EEG.
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(« N » pour négatif, « P » pour positif ) et de leur temps de latence chez le sujet normal7 et les données de l’expérimentation animale ainsi que certaines données cliniques ont permis d’associer ces pics à l’activation de structures nerveuses bien précises. On pourra ainsi déduire de l’amplitude du pic le degré d’activation de la structure correspondante, et de son temps de latence (positif ou négatif selon que le pic suit ou précède l’événement) le décours temporel de cette activation.
Principaux types de PE utilisés en USI-NCH PE sensitifs et PE moteurs PE sensitifs Les PE sensitifs mesurent les activités cérébrales suivant l’application de stimulations sensorielles (lemniscales donc suivant les cordons médullaires postérieurs) et peuvent être à leur tour subdivisés en : – PE auditifs (PEA) : divisés à leur tour en PEA de courte latence (de 1 à 10 ms) ou PEA du tronc cérébral (PEATC), permettent d’étudier successivement l’activation du nerf auditif (1,5 ms) et de la protubérance (2 à 6 ms). Les PEA de moyenne latence (PEAML) permettent l’évaluation du cortex auditif primaire (50 ms) et les PEA de longue latence (PEALL) permettent l’évaluation des aires auditives associatives ; – PE somesthésiques (PES) : en USI, généralement, ils sont obtenus par stimulation électrique transcutanée du nerf médian ou cubital au poignet. En fonction de l’endroit où sont placées les électrodes d’enregistrement, ils permettent de mesurer l’activation du nerf périphérique au niveau du point d’Erb (10 ms), l’entrée des influx dans la moelle épinière (13 ms), leur arrivée au niveau du bulbe (14 ms), l’activation du cortex pariétal primaire (20 ms), du cortex frontal (30 ms) et des aires corticales secondaires et associatives (> 30 ms) ; – PE visuels (PEV) : en USI, généralement ils sont obtenus au moyen de lunettes dont les verres sont remplacés par un réseau de diodes électroluminescentes. Ils permettent d’étudier successivement l’activation de la rétine (après environ 50 ms), du cortex occipital primaire (après environ 100 ms) et, plus tardivement, des aires corticales associatives.
PE moteurs Les PE moteurs évaluent les voies nerveuses impliquées dans la motricité (pyra7. Par exemple, une onde dénommée « N20 » correspond à une activité négative dont le temps de latence normal moyen est de 20 ms.
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midales donc sur le versant médullaire cornes antérieures) et peuvent être divisés en deux catégories : – les PE prémoteurs sont obtenus en moyennant l’EEG précédant la réalisation de mouvements volontaires successifs et mesurent l’activité des aires corticales motrices et prémotrices ; – les PE moteurs sont obtenus en mesurant, au moyen d’électrodes EMG de surface, les secousses musculaires provoquées par la stimulation magnétique du cortex cérébral ou de la moelle épinière. Ils permettent d’évaluer la réactivité du cortex cérébral et le temps de transit des influx moteurs au niveau des faisceaux cortico-spinaux et des fibres motrices périphériques (par exemple dans les traumatismes médullaires).
PE exogènes et endogènes Les PE dont il vient d’être question correspondent aux PE exogènes que l’on peut définir comme ceux qui reflètent la réception cérébrale passive, obligatoire des stimulations, en l’absence de toute réaction cognitive du sujet face à ces stimuli. Les PE endogènes ou cognitifs (PEC) correspondent à la réaction active, cognitive, du cerveau face aux stimulations. On peut les considérer d’une certaine manière comme reflétant une « valeur ajoutée » aux PE exogènes par la réaction cognitive. Un des PE endogènes les plus connus est l’onde P300 apparaissant en réponse à des stimulations rares intercalées dans une séquence de stimulations fréquentes (paradigme « oddball ») (1, 2, 16-18).
Intérêt des potentiels évoqués en USI Les PE en USI sont utilisés depuis la fin des années 1970. Leur apport se situe à un triple niveau : diagnostique, pronostique et de suivi. Nous envisagerons successivement ces trois niveaux après avoir exposé les principes de notre approche séméiologique.
Séméiologie des PE L’enregistrement systématique des PE visuels (PEV), somesthésiques (PES) par stimulation des nerfs médians gauche et droit et auditifs du tronc cérébral (PEATC) devient un « standard » en USI (fig. 3). Les PE cognitifs (PEC) peuvent être également utilisés dans certaines circonstances. (1, 2, 8, 16, 1921). L’ensemble des données issues de ces enregistrements sont synthétisées sous forme de deux indices : un indice de fonctionnement global du cortex cérébral (IFGC) et un indice de conduction sous-corticale (ICSC) (20) ainsi que la mise en évidence d’éventuels signes de dysfonctionnement focal.
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Fig. 3 – Principaux PE utilisés en USI : courbes normales. A. Potentiels évoqués du tronc cérébral (PEATC). B. PEA de moyenne latence (PEAML). C. PE somesthésiques (PES) stimulation nerf médian mixte avec composantes périphériques, médullaire, et cortico sous corticale contralatérale. D. PE visuels au flash (PEVf ) (1).
Indice de fonctionnement global du cortex cérébral (IFGC) L’IFGC est déterminé sur la base du PEV et des composantes corticales des PES. Il est exprimé en termes de stades (1 à 4) selon les règles détaillées dans le tableau I. En bref, les stades 1 et 2 correspondent à la conservation d’activités Tableau I – Détermination des indices de fonctionnement global du cortex cérébral (IFGC). (Adapté de Guérit, 1999.) PEV
PES
Stade 0
Normal
Normal
Stade 1
Augmentation du temps de latence du pic III, pic VII présent
N20, P24 et P27 présentes au niveau pariétal, N30 présente au niveau frontal
Stade 2
Augmentation du temps de latence du pic III, pic VII absent
N20 et P24 présentes au niveau pariétal, N30 absente au niveau frontal
Stade 3
Augmentation du temps de latence du pic III, absence d’activités plus tardives
N20 présente, absence d’activités ultérieures
Stade 4
Absence de PEV corticaux reproductibles, ERG présent
Absence d’activités corticales, P14 lemniscale présente
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corticales primaires et plus tardives, le stade 3 à la seule conservation des activités corticales primaires et le stade 4 à la disparition de toutes les activités corticales (les activités sous-corticales étant présentes) (20). Dans un premier temps, les IFGC sont déterminés séparément au niveau des PEV obtenus en occipital gauche et droit et des PES obtenus par stimulation des nerfs médians gauche et droit. Cette approche nous fournit quatre valeurs, lesquelles, très souvent, ne diffèrent pas de plus d’une unité, l’existence de disparités plus marquées devant faire évoquer un dysfonctionnement focal. Dans ce cas, c’est la meilleure valeur obtenue, ou éventuellement la moyenne des deux meilleures valeurs obtenues qui est utilisée pour la détermination globale de l’IFGC. Chez le patient non curarisé, il existe une corrélation négative significative entre l’IFGC et le score de Glasgow (GCS). Les PE n’étant pas influencés par les bloquants neuromusculaires, cette démonstration renforce l’utilité de la méthode chez le patient curarisé, cliniquement non examinable.
Indice de conduction sous-corticale (ICSC) L’ICSC est déterminé sur la base du PEATC et des rapports entre composantes cervicales/sous-corticales (N13, P14) et corticales primaires (N20) des PES. Après avoir vérifié la présence de tous les pics, une évaluation quantitative est évaluée au vu des conductions auditives protubérantielles sur la base des différences entre les temps de latence des pics I et III, III et V, I et V (« interpeak latency » ou IPL) au niveau des PEATC et des conductions somesthésiques sous-corticales sur la base des différences entre les temps de latence des pics N13 (ou P14) et N20 au niveau des PES (22). Ces calculs n’ont, bien entendu, de valeur que dans la mesure où peuvent être identifiées de façon fiable les activités provenant des récepteurs périphériques. En présence de chiffres anormaux, il importe d’exclure l’influence possible des facteurs de variations physiologiques ou pathologiques non liées à une pathologie cérébrale primaire. Si l’analyse quantitative s’avère anormale, celle-ci est complétée par une analyse qualitative qui, sur la base des critères mentionnés dans le tableau II, nous permet d’exprimer les résultats en termes de dysfonctionnement bulbaire et/ou protubérantiel et/ou mésencéphalique.
Tableau II – Détermination qualitative des indices de conduction sous-corticale (ICSC). Niveau lésionnel
PES
PEALM, PEALL
PEATC
Mésencéphale
P14 normale, N20 retardée ou absente
Pathologiques
Normaux
Protubérance
P14 normale, N20 retardée ou absente
Pathologiques
Pathologiques
Bulbe
P14 pathologique, N20 retardée ou absente
Normaux
Normaux
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Variations physiologiques et pathologiques des PE en USI Facteurs non pathologiques Anomalies des récepteurs sensoriels Les dysfonctionnements des récepteurs sensoriels sont fréquents dans les comas d’origine anoxique (anomalies cochléaires) (23), traumatiques (lésions cochléaires et/ou du nerf auditif associées aux fractures du rocher, traumatismes du (des) nerf(s) optiques, des nerfs périphériques ou de la moelle) ou toxométaboliques (neuropathies, atteintes rétiniennes au stade aigu des intoxications au méthanol) (24). Ces atteintes peuvent également être préexistantes à l’accident. Elles peuvent parfois rendre les PE ininterprétables.
Température corporelle L’hypothermie interfère à la fois avec les vitesses de conduction nerveuses et avec la transmission synaptique. Seul le premier facteur intervient dans les gammes de température habituellement rencontrées en USI. L’hypothermie modérée est associée à des PE ralentis mais de morphologie normale. Nous considérons que, dans un intervalle de température compris entre 30 °C et 37 °C, le temps de latence I-V des PEATC et N13-N20 des PES augmentent respectivement de 0,2 ms et de 0,6 ms pour une diminution de température corporelle de 1 °C. L’onde N20 des PES et les PEATC disparaissent autour de 20 °C et l’onde P14 des PES à une température moyenne de 17 °C (21, 25). Ces dernières températures sont nettement inférieures à celles rencontrées en USI : il s’ensuit que en pratique, la disparition des PEATC ou des PES ne peut jamais, en USI, s’expliquer exclusivement par une diminution de la température corporelle.
Médicaments Les agents sédatifs constituent un facteur d’interférence majeur. Deux raisons peuvent a priori expliquer les modifications des PE en présence de médicaments : l’apparition d’un EEG discontinu suscitant en cours de moyennage des variations du rapport signal-bruit entraînant une reproductibilité faible des PE (surtout pour les PEV) et une action directe des agents sur les générateurs des PE. Les agents très lipophiles (propofol, dérivés halogénés, thiopental) agissent sur les membranes et, par conséquent, interfèrent avec les conductions nerveuses. Elles peuvent dès lors ralentir les ICSC et, soit directement soit par l’intermédiaire de leur interférence avec les conductions sous-corticales, modifient également les IFGC.
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Prise en compte de l’ensemble des facteurs de variations La multitude des facteurs présents en USI et susceptibles d’interférer avec les PE peut transformer l’interprétation des PE en la résolution d’une équation très complexe. Généralement, les difficultés surgissent moins pour l’établissement éventuel d’un diagnostic que pour l’évaluation du pronostic. D’une manière générale, pour un degré d’altération donné des IFGC et des ICSC, le pronostic est d’autant meilleur qu’un nombre important de facteurs d’interférence sont susceptibles d’expliquer les altérations observées.
Apport diagnostique des PE au stade aigu en USI-NCH Généralement, l’étiologie de l’état de non-conscience partiel ou total est « claire » pour l’équipe clinique et les PE (tout comme l’EEG) sont de peu d’utilité diagnostique, si ce n’est dans quelques situations : le diagnostic des lésions sous-corticales dans les comas d’origine indéterminée, le diagnostic différentiel entre coma et état de non-réponse psychogène, le diagnostic de la mort encéphalique (ME).
Diagnostic des lésions du tronc cérébral et troubles de la conscience d’origine indéterminée Si l’EEG est incontestablement plus performant que les PE dans l’épilepsie et pour le diagnostic des troubles métaboliques ou des intoxications médicamenteuses, les PE peuvent, au contraire de l’EEG, fournir des arguments directs en faveur d’une lésion structurelle du tronc cérébral, pouvant même parfois constituer la seule source valable d’information dans les unités ne disposant pas d’IRM. Les PE peuvent éventuellement amener à remettre en question un diagnostic à première vue évident. Il n’est pas rare que ceux-ci démontrent la présence d’une lésion structurelle du tronc cérébral chez des patients initialement considérés comme victimes d’un coma « anoxique » ; dans la mesure où les lésions primitives du tronc cérébral sont rarissimes, voire inexistantes, dans les anoxies cérébrales isolées, on se demandera alors si l’arrêt cardiorespiratoire ne constitue pas la conséquence plutôt que la cause de l’atteinte neurologique.
« Locked-in syndrome », états de non-réponse psychogène La valeur d’un EEG normal n’est plus à démontrer dans ces circonstances bien que, parfois, l’anxiété associée au syndrome de verrouillage donne lieu à un
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EEG particulièrement peu volté, très désynchronisé, peu interprétable. La meilleure spécificité des PE peut alors être d’une aide précieuse, des IFGC normaux et des PEC bien conservés constituent autant d’autres arguments suggérant de remettre en question l’existence d’un coma d’origine organique (26-28). Dans les « Locked-in syndrome », la stimulation magnétique corticale peut confirmer l’absence de PE moteurs qui, jointe au caractère normal de l’EEG, constitue un autre argument en faveur d’une lésion des voies motrices descendantes (26-28).
Apport pronostique des PE au stade aigu en USI-NCH Traumatismes crâniens Altérations des PE dans les traumatismes crâniens Les traumatismes crâniens peuvent être associés à quatre patterns différents reflétant la complexité de leur physiopathologie (19, 20) : – le Pattern 1 : altérations des IFGC (qui ne dépassent cependant jamais le stade 2) associées à l’intégrité des ICSC ; – le Pattern 2 est celui des lésions mésencéphaliques : altération du temps de conduction centrale (TCC) au niveau des PES (unilatérale ou bilatérale, se marquant dans les cas les moins graves par une simple augmentation du TCC, dans les cas les plus graves par la disparition de l’onde N20), des PEATC soit normaux soit ne montrant qu’une diminution du rapport entre les amplitudes des pics I et V ; – le Pattern 3, rarement observé et toujours transitoire, est celui de l’engagement diencéphalo-mésencéphalique. Il se caractérise par l’apparition d’altérations marquées des PEATC reflétant l’atteinte protubérantielle contemporaine de la détérioration rostro-caudale consécutive à l’engagement ; – le Pattern 4 est celui de la mort cérébrale. Notons également la fréquence des altérations des PE liées à des traumatismes nerveux ou médullaires : lésions des nerfs optiques lors de fractures de l’orbite, des nerfs auditifs dans les fractures du rocher, lésions médullaires cervicales, arrachements de plexus.
Valeur pronostique des PE dans les traumatismes crâniens Le pattern 1 peut être considéré comme de pronostic favorable : associé à une évolution favorable dans 80 % et 90 % des cas selon que les IFGC correspondaient à un stade 1 ou 2 (1). Il apparaît donc qu’à stade égal, le pattern 1 des traumatismes crâniens est de pronostic meilleur que celui des anoxies céré-
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brales. Ceci pourrait s’expliquer probablement par la nature différente des lésions responsables du dysfonctionnement : œdémateuses et donc potentiellement plus réversibles dans les traumatismes crâniens, cytotoxiques et, dès lors, potentiellement moins réversibles dans les anoxies. Inversement, le pattern 4 est, par définition, celui de la ME et tous les patients présentant un pattern 3 sont finalement décédés, même si le pattern 3 constitue le stade ultime de réversibilité potentielle du tableau neurophysiologique. Le pattern 2 est celui des évolutions extrêmes. Certains patients récupèrent, parfois même remarquablement compte tenu de la gravité de leur état clinique initial (GCS = 4). Parfois, cette évolution favorable peut se produire après une période de plusieurs mois d’état végétatif. En revanche, c’est également le pattern 2 qui est le plus souvent observé au stade initial chez les patients qui évoluèrent ultérieurement vers un état végétatif post-traumatique. Il est probable que deux facteurs principaux déterminent le pronostic lié au pattern 2 : le caractère fonctionnel ou lésionnel et le degré de réversibilité de l’atteinte mésencéphalique, d’une part, l’étendue et le degré de réversibilité des lésions hémisphériques axonales diffuses associées, d’autre part. Ces deux éléments, inaccessibles à la neurophysiologie clinique, ne peuvent être correctement évalués que par l’IRM. Raison pour laquelle, même si cet examen s’avère techniquement très difficile chez un patient intubé et ventilé, il est utile d’obtenir une IRM dès que possible chez les patients présentant un pattern 2.
Comparaison avec l’EEG Classiquement, on considère que la présence de bouffées d’activités rapides ou un EEG réactif constituent des éléments de pronostic favorable. Inversement, l’EEG a constitué durant plusieurs années le test neurophysiologique classique de confirmation de la mort cérébrale. Il est rare d’observer des cas où l’EEG apporterait réellement une information pronostique supplémentaire par rapport à celle fournie par les PE.
Influence du temps écoulé depuis l’accident traumatique L’évolution à long terme du traumatisé crânien dépend à la fois du type et de l’étendue des lésions initiales et de la survenue possible de lésions secondaires. Nous avons par ailleurs souligné qu’une évolution finalement favorable des patients présentant initialement un pattern 2 ne pouvait parfois être observée que plusieurs semaines, voire plusieurs mois après l’accident. À ce jour, il n’existe pas de critères précis permettant de prévoir cette récupération.
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« Neuromonitorage » (EEG et PE) continu en USI Étonnamment, alors qu’aucune USI n’envisagerait aujourd’hui de travailler sans un monitorage continu de l’ECG et que tous les réanimateurs s’accordent à considérer le cerveau comme au moins aussi important que le cœur, l’introduction du neuromonitorage cérébral s’effectue beaucoup plus lentement que ne s’est effectuée celle de l’ECG. Il existe probablement deux raisons à cela. D’une part, l’amplitude des signaux EEG et PE, de l’ordre du microvolt, est nettement plus faible que celle de l’ECG, de l’ordre du millivolt. Ceci explique une sensibilité accrue de l’EEG et des PE aux artefacts électriques et la nécessité de développer des amplificateurs et des systèmes d’acquisition plus performants. D’autre part, et ceci constitue peut-être le facteur le plus important, l’EEG et les PE ne font l’objet d’aucune formation spécifique. Or, il est évident que le neurophysiologiste ne peut être disponible en USI 24 heures sur 24. L’introduction du monitorage continu devra donc passer par une éducation des réanimateurs, médecins et infirmières.
Valeur pronostique des PE dans les comas anoxiques En règle générale, seuls les IFGC ont une valeur pronostique réelle dans les comas anoxiques. Celle-ci est résumée dans la figure 4 : lorsque l’examen est
Fig. 4 – Détermination des indices de fonctionnement global du cortex cérébral (IFGC) à l’aide des PE (1).
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pratiqué entre le premier et le troisième jour après l’accident, des IFGC stade 1, 2, 3 et 4 sont associés respectivement, dans notre série, à 65 %, 40 %, 10 % et 0 % d’évolutions favorables (définies comme la possibilité de reprise d’une indépendance, avec ou sans séquelles cognitives, c’est-à-dire les stades 0 et 1 du Glasgow Outcome Score – GOS). Le stade 1 est, logiquement, celui qui est associé au pronostic le plus favorable, le chiffre de 65 % correspondant à un pourcentage significativement plus important que le pourcentage global (± 40 %) d’évolutions favorables au sein de notre série de patients postanoxiques. Cependant, un taux de 65 % d’évolutions favorables implique que 35 % des patients ne se réveilleront pas, ou se réveilleront dans des conditions inacceptables, malgré des IFGC relativement peu altérés. Ceci peut s’interpréter en disant que les IFGC sont des indices en fin de compte trop résistants à l’anoxie, de sorte que même leurs altérations discrètes sont déjà incompatibles, chez de nombreux patients, avec une évolution favorable à long terme. Les PEC s’inscrivent à cet égard en complémentarité remarquable par rapport aux PE exogènes puisqu’ils occupent une position exactement inverse : incapables de fournir des éléments de pronostic péjoratif lorsqu’ils sont absents, leur présence est en revanche associée à une probabilité particulièrement importante d’une reprise de conscience avec ou sans séquelles cognitives. Le pourcentage d’évolutions favorables associé au stade 2 (40 %) correspond exactement au pourcentage d’évolutions favorables dans l’ensemble de notre série de patients postanoxiques. Ceci implique que le stade 2 ne permet virtuellement pas de se prononcer sur le plan du pronostic et que seul un contrôle d’évolution permettra éventuellement d’affiner le pronostic. Rares sont les récupérations chez les patients anoxiques présentant un stade 4. On notera que la plupart des patients ayant présenté des anoxies suffisamment sévères pour donner lieu à un Stade 4 sont toujours dépendants de leur respirateur à ce stade de leur évolution.
Comparaison avec l’EEG L’apport essentiel de l’EEG est sa capacité à détecter le pattern suppressif et les états de mal épileptiques. Par ailleurs, s’il est vrai que certains patterns EEG (ceux que l’on définit classiquement comme les « patterns malins » : tracé suppressif, silence électrocérébral, delta de faible amplitude, coma alpha ou alpha-thêta) sont effectivement de grande valeur en vue de l’affirmation d’un pronostic péjoratif, ils nous apparaissent cependant moins spécifiques, très influencés par les agents sédatifs et nous accordons dès lors davantage de valeur à l’observation d’IFGC stade 4. En particulier, la littérature suggère que, toutes étiologies confondues (anoxies, imprégnations médicamenteuses, pathologies du tronc cérébral), l’alpha-coma pourrait rester compatible avec 15 % d’évolutions favorables (5). Notre expérience va dans ce sens et démontre même que les IFGC permettent de départager efficacement les patients avec alpha-coma
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(stade 4 dans le groupe d’évolution défavorable, stades 1-3 chez les patients qui évolueront favorablement) (29).
Influence du temps écoulé depuis l’accident anoxique Immédiatement ou dans les premiers jours suivant l’accident anoxique, les PE sont relativement plus performants pour annoncer « de bonnes que de mauvaises nouvelles » en termes pronostiques. Cette tendance s’inverse au fur et à mesure que le temps passe. Nous avons signalé précédemment que ce principe constituait une conséquence directe de la physiopathologie des anoxies, les altérations des IFGC résultant des effets combinés de la sidération neuronale et des destructions irréversibles. Ce principe a deux répercussions pratiques : – d’une part, la valeur pronostique et, plus généralement, l’intérêt pratique réel des PE s’estompe au profit de celui de l’examen clinique à partir du moment où nous nous situons à plus d’une semaine de l’accident anoxique car la plupart des patients anoxiques qui deviendront végétatifs présentent une tendance naturelle à l’amélioration des IFGC ; – la question de savoir si des IFGC stade 4 permettent immédiatement de se prononcer quant au pronostic défavorable ou s’il est au contraire préférable de se donner un délai d’observation d’au minimum 24 heures reste ouverte, une attitude prudente et attentiste suscitant d’ailleurs des réserves dans la littérature (30, 31) ; – en résumé, il est probable que des stades 4 peuvent être observés de façon réversible dans les suites immédiates d’accidents anoxiques. S’il ne fait aucun doute que la persistance de ces anomalies au moins 24 heures après l’accident permet de se prononcer avec certitude quant à l’absence de récupération (et, dès lors, d’enlever le respirateur), la question reste ouverte de savoir à partir de quel délai on peut se prononcer. Celui-ci varie certainement en fonction de nombreux facteurs (âge, glycémie, température) qui devront faire l’objet d’études plus précises.
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Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient traumatisé crânien grave T. Lescot, V. Degos, D. Galanaud, L. Abdennour et L. Puybasset
Principes de l’imagerie Scanner à rayons X La tomodensitométrie X ou scanographie est une méthode de diagnostic radiologique tomographique permettant d’obtenir des coupes transversales reconstruites à partir de la mesure du coefficient d’atténuation du faisceau de rayons X au cours de la traversée d’un segment du corps. Le coefficient d’atténuation est exprimé en unités arbitraires : unités Hounsfield (UH). Par convention, le coefficient d’atténuation de l’eau est 0 UH et celui de l’air – 1 000 UH. Le coefficient d’atténuation des composants du contenu de la boîte crânienne est compris entre 12 UH (liquide céphalo-rachidien) et 60 UH (sang) pour une valeur moyenne de 33,5 UH chez le sujet sain. L’image de la coupe d’un objet irradié par un faisceau fin de rayons X est reconstituée à partir d’un grand nombre de mesures du coefficient d’atténuation, effectuées selon diverses incidences. On recueille ainsi toutes les données, qui proviennent des volumes élémentaires de matière, grâce aux détecteurs. À l’aide d’un calculateur, on attribue aux surfaces élémentaires de l’image reconstruite à partir des données projetées sur une matrice de reconstruction une tonalité plus ou moins importante en fonction des coefficients d’atténuation.
Indications Le scanner cérébral est l’examen de choix à réaliser en première intention après un traumatisme crânien et doit systématiquement être effectué en urgence en cas de score de Glasgow inférieur à 15, de présence d’une fracture du crâne, de
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crise convulsive, de signe clinique évoquant une fracture de la base du crâne, de signe neurologique de localisation, ou de céphalées persistantes (1). La grande disponibilité de cette technique, la rapidité de son acquisition, sa reproductibilité et son coût modéré expliquent la place conquise par la tomodensitométrie dans l’évaluation du patient traumatisé crânien. Le scanner cérébral permet dans ce contexte la détection d’un hématome intra- ou extraparenchymateux, d’un œdème cérébral, d’une contusion cérébrale, d’un effet de masse, d’une pneumencéphalie. Chez les patients les plus graves, sa réalisation doit être la plus rapide possible afin d’évaluer la nécessité d’une intervention chirurgicale ou d’un monitorage de la pression intracrânienne. Le développement et la diffusion récente de scanner multibarrettes offre la possibilité d’étendre le champ d’exploration aux structures osseuses (recherche d’une fracture du rachis cervical) et vasculaires (recherche d’une dissection des vaisseaux du cou ou d’une dissection intracrânienne) en un temps restreint (fig. 1). Une attention toute particulière doit être apportée aux explorations scanographiques effectuées très précocement (dans les trois premières heures suivant un traumatisme crânien grave) ; une imagerie normale à ce stade n’exclue pas la survenue ultérieure de lésions cérébrales (2) et, en particulier, la constitution retardée d’un hématome extradural après un intervalle libre de quelques heures ou l’aggravation majeure d’une contusion cérébrale.
Fig. 1 – Angioscanner des vaisseaux du cou : examen normal.
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Imagerie par résonance magnétique Principes Très schématiquement, un appareil d’IRM étudie les modifications d’aimantation des noyaux d’hydrogène sous l’action conjointe de deux champs magnétiques : l’un fixe (Bo) et l’autre tournant. Le corps est constitué à 80 % d’eau et de graisse, donc d’hydrogène dont le noyau se compose d’un proton. Le proton possède une propriété quantique appelée « spin » équivalente à un mouvement de rotation sur lui-même. Au spin est associé un moment magnétique microscopique. La disposition préférentielle des moments magnétiques microscopiques dans la direction du champ magnétique principal Bo est à l’origine de l’apparition d’une aimantation ou moment magnétique macroscopique M. À l’équilibre, M est donc aligné le long du champ magnétique Bo. Dans un deuxième temps, M est déplacé hors de sa position d’équilibre par le champ tournant dont la fréquence de rotation est celle de résonance de l’hydrogène. Le champ tournant est ensuite arrêté, et M retourne le long de Bo. Ce mouvement de retour à l’équilibre est décrit par deux constantes de relaxations appelées T1 et T2. S’il existe une bobine autour de l’objet lors du retour de M à sa position d’équilibre, la rotation de M, équivalente à la rotation de l’aimant à l’intérieur d’une dynamo, entraîne l’apparition, aux bornes de la bobine, d’un courant électrique que l’on peut enregistrer. C’est le signal de précession libre qui est à la base de toute l’imagerie par résonance magnétique. Pour localiser le signal dans l’objet (et donc obtenir l’image), on utilise des gradients de champ magnétique. Le signal en IRM est faible et doit être accumulé par des stimulations répétées. Il est recueilli sur des antennes adaptées au volume à analyser. Ceci se fait au cours de séquences définies par certains paramètres en fonction de la perturbation choisie. On parle de séquence SE (écho de spin) ou EG (écho de gradient). La durée d’une séquence est variable, actuellement entre 0,5 et 15 minutes. Au cours d’une séquence, la stimulation puis la reconstruction se fait plan par plan, dans les trois directions de l’espace.
Précautions Le champ magnétique est toujours présent dans l’environnement de l’appareil d’IRM, même quand celui-ci n’acquiert pas de séquence. De ce fait, il existe un réel risque « d’effet projectile » si des objets ferromagnétiques tels qu’un obus d’oxygène, un moniteur de surveillance ou un respirateur de transport pénètrent dans la pièce dédiée à l’IRM. Aujourd’hui, plusieurs appareils non ferromagnétiques sont disponibles sur le marché dont des respirateurs d’anesthésie à circuit fermé. À défaut, un respirateur artificiel conventionnel de type SERVO 900 (essentiellement conçu en aluminium) positionné très à distance de l’appareil est utilisable. Le monitorage se fait à l’aide d’un matériel adapté
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non ferromagnétique pré-installé dans la pièce. L’électrocardiogramme, la SpO2, la pression artérielle invasive ou non invasive ainsi que l’EtCO2 doivent être mesurés lors de l’examen. L’utilisation de seringues électriques (sédation, catécholamines) est possible. Celles-ci doivent alors être positionnées à distance de l’appareil d’IRM. Des rallonges de grande taille sont à prévoir avant le transport du patient. Il n’existe pas aujourd’hui de perfuseurs électriques dédiés à l’IRM. Dans l’état actuel du matériel disponible, la vitesse d’administration des drogues peut être influencée par le champ magnétique : il existe donc un risque d’instabilité hémodynamique chez les patients dépendant de la régularité de l’administration de catécholamines. Enfin, la surveillance clinique et l’accès au patient sont rendus difficiles pendant l’examen IRM, car celui-ci est positionné assez loin dans l’appareil. La présence d’instruments ferromagnétiques, de type pace-maker, pompe implantable, ou neurostimulateur, est une contre-indication formelle à la réalisation d’une IRM. Il existe un risque de déplacement, de réchauffement ou de dérèglement de l’instrument. Lorsqu’une valve cardiaque ou un clip sont présents, il est préalablement nécessaire de s’assurer de leur caractère non ferromagnétique. Les coils récents ne sont pas ferromagnétiques : leur présence ne contre-indique donc pas l’examen. La présence d’un capteur de pression intraparenchymateux est responsable d’artefact de mesure. Les valves internes de dérivation ventriculaire peuvent voir leur réglage modifié après la réalisation d’une IRM. Le plus souvent, la valve se positionne en haute pression de dérivation. Cette hypothèse doit être systématiquement évoquée devant l’apparition d’une aggravation neurologique au décours de la réalisation d’une IRM chez un patient porteur d’un tel dispositif. Il est ainsi recommandé d’effectuer un contrôle radiologique systématique du réglage de la valve de dérivation avant et après l’examen.
Séquences morphologiques Séquence T1 En écho de spin, la pondération T1 est obtenue avec un temps de répétition (TR) court et un temps d’écho (TE) court. La séquence T1 donne un contraste anatomique. La substance blanche apparaît blanche, la substance grise, grise et le LCR noir. L’œdème et les anomalies liquidiennes sont en hyposignal. C’est en séquence T1 que sont injectés les produits de contraste. Ceux-ci sont à base de chélates de gadolinium qui est une substance paramagnétique. Lorsqu’il existe une prise de contraste, on observe une augmentation du signal en séquence pondérée en T1. Séquence T2 En écho de spin, la pondération T2 est obtenue avec un TR long et un TE long. La séquence T2 donne un contraste inversé. La substance blanche est gris
Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 183
foncé, la substance grise est gris clair et le LCR blanc. L’œdème apparaît en hypersignal. FLAIR Le Fluid Attenuated Inversion Recovery représente une technique d’acquisition permettant d’obtenir des images très fortement pondérées en T2, tout en supprimant le signal des liquides tels que le LCR. Cette séquence est supérieure au T2 pour détecter l’œdème cérébral et mettre en évidence des lésions situées à proximité des ventricules. T2* C’est une séquence identique au T2 mais qui tient compte des effets causés par les inhomogénéités de champ en écho de gradient. Elle permet de mettre en évidence l’hémosidérine présente après une hémorragie et ainsi d’objectiver celle-ci des mois après sa survenue alors que les autres séquences dont le FLAIR se sont normalisées. Angiographie par résonance magnétique (ARM) Ne nécessitant pas l’injection de produit de contraste, l’ARM est intéressante en traumatologie, pour infirmer ou affirmer l’existence d’une dissection vasculaire traumatique qui nécessitera un traitement anticoagulant à dose efficace.
Imagerie de diffusion Le phénomène de diffusion moléculaire correspond aux mouvements aléatoires de translation des molécules appelés mouvements browniens. Contrairement à la diffusion de l’eau dans un liquide où les molécules d’eau se déplacent de façon isotrope sans rencontrer d’obstacle, la mobilité des molécules d’eau dans les tissus biologiques est influencée par la structure tissulaire. Les différents composants tissulaires (la membrane cytoplasmique, le cytosquelette, la myéline) constituent des obstacles physiques qui entravent la mobilité des molécules d’eau. L’interaction des molécules d’eau avec les constituants tissulaires se traduit alors par une réduction du coefficient de diffusion de l’eau. L’apparition de changements de structure des tissus modifie les interactions entre les molécules d’eau et les constituants tissulaires, entraînant des variations du coefficient de diffusion. Ainsi, les modifications tissulaires engendrées par une ischémie cérébrale (tortuosité des espaces extracellulaires, gonflement cellulaire) provoquent une diminution précoce du coefficient de diffusion des molécules d’eau. Une application clinique de l’imagerie de diffusion est le diagnostic très précoce des accidents vasculaires ischémiques. Dès la quarantième minute, la zone ischémiée apparaît sous la forme d’un hypersignal comparé au reste de l’encéphale en imagerie pondérée en diffusion, ce qui correspond à une diminution du coefficient de diffusion.
184 La réanimation neurochirurgicale
Imagerie du tenseur de diffusion L’imagerie de diffusion précédemment décrite est une technique unidimensionnelle qui est fonction de l’axe du gradient de diffusion appliqué. Cependant, la diffusion des molécules d’eau correspond à un processus tridimensionnel et les valeurs de coefficient de diffusion varient en fonction de la direction des gradients. La distribution des valeurs des coefficients de diffusion de l’eau dans la substance blanche peut être modélisée par une ellipsoïde dont le grand axe représente la direction des fibres. Le tenseur de diffusion permet ainsi de caractériser pour chaque voxel l’ellipsoïde caractérisant localement la diffusion des molécules d’eau. L’organisation des fibres nerveuses myélinisées de la substance blanche de l’encéphale explique le caractère anisotrope de la distribution des molécules d’eau dans la substance blanche : les molécules d’eau se déplacent préférentiellement le long des fibres. La caractérisation de la direction principale des fibres par l’imagerie du tenseur de diffusion permet de relier les informations de diffusion obtenues voxel par voxel pour reconstruire la trajectoire tridimensionnelle des faisceaux de fibres selon un codage couleur (fig. 2). Une destruction de l’organisation des fibres conduit à une modification de l’anisotropie de diffusion des molécules d’eau et est objectivée par le tenseur de diffusion. Le tenseur de diffusion représente donc un indice de l’organisation architecturale des fibres nerveuses de la substance blanche. Cette séquence est utile dans la détection des lésions axonales diffuses hémorragiques (3) ainsi que dans le suivi des désordres architecturaux des fibres de la substance blanche après un traumatisme crânien.
Fig. 2 – Imagerie du tenseur de diffusion.
Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 185
Imagerie de perfusion Cette méthode permet une approximation de la perfusion cérébrale locale. Il ne s’agit pas d’une mesure absolue du débit mais d’une mesure relative à comparer à une autre zone du cerveau.
IRM spectroscopique La spectroscopie par résonance magnétique permet une évaluation non invasive de substances biochimiques intracellulaires (fig. 3). Cette technique permet de quantifier la concentration en créatine (Cr), choline (Cho) et Nacétyl-aspartate (NAA) d’une région donnée du parenchyme (spectroscopie monovoxel) ou bien d’une section de coupe IRM (analyse multivoxel). La spectroscopie repose sur l’étude de la fréquence de résonances des spins des atomes. Pour un atome donné correspond une fréquence de résonance du spin qui est fonction de l’espèce biochimique dans lequel se trouve cet atome. Grâce à une application mathématique, on obtient le spectre des fréquences pour un atome. L’application de la spectroscopie par résonance magnétique à l’encéphale permet l’étude du spectre de résonance de l’atome d’hydrogène H1 ou de l’atome de phosphore P31. L’analyse du spectre des fréquences de résonance de l’atome d’hydrogène met en évidence un certain nombre de pics
Fig. 3 – Spectroscopie par résonance magnétique protonique.
186 La réanimation neurochirurgicale
correspondant aux molécules de N-acétyl-aspartate (NAA), de créatine (Cr) et de choline (Cho). Le ratio NAA/créatine serait un marqueur indirect de l’activité neuronale alors que le ratio choline/créatine serait un marqueur indirect de l’activité gliale.
Apport de l’imagerie dans la décision chirurgicale Dans le cadre du traumatisme crânien grave, la première question à laquelle l’imagerie précoce doit répondre est celle de l’existence d’une urgence neurochirurgicale. L’équipe médicochirurgicale doit confronter les conditions de survenue du traumatisme et l’état clinique du patient aux données du scanner. À la phase aiguë, les urgences neurochirurgicales traumatiques sont dominées par les hématomes extra- et sous-duraux avec déviation de la ligne médiane et par les embarrures ouvertes ou parfois fermées. Dans en second temps, les contusions temporales avec compression du tronc cérébral et anisocorie homolatérale, les contusions frontales avec HIC incontrôlable et l’existence d’un
Fig. 4 – Volumineuse contusion hémorragique temporale droite avant (A) et après (B) évacuation chirurgicale.
Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 187
œdème massif avec hypertension intracrânienne incontrôlable peuvent faire l’objet d’un traitement chirurgical (fig. 4).
Apport de l’imagerie dans le bilan lésionnel Lésions extraparenchymateuses Hématome extradural L’hématome extradural résulte de la constitution d’une collection sanguine comprise entre la boite crânienne et la dure-mère et est le plus souvent associé à une fracture du crâne en regard. Il est la conséquence d’une lésion d’une artère ou veine méningée, plus rarement de la rupture d’un sinus veineux. Sur le scanner, sa présentation est celle d’une lentille biconvexe spontanément hyperdense, bien limitée, accompagnée d’un effet de masse sur le parenchyme adjacent. En cas de constitution très récente et/ou très rapide, son aspect peut être celui d’une collection hétérogène avec coexistence de plages hypo- et hyperdenses traduisant l’existence de sang collecté et de sang encore liquide. La possibilité d’une apparition retardée de cette lésion impose une interprétation prudente des images et le renouvellement de l’examen lorsque la réalisation de celui-ci est précoce.
Hématome sous-dural aigu Résultant de lésions de petites veines traversant l’espace sous-arachnoïdien, l’hématome sous-dural se constitue entre l’arachnoïde et la dure-mère. Cette collection se situe le plus souvent au niveau de la grande convexité de la boîte crânienne. L’association d’un hématome sous-dural aigu et d’une contusion parenchymateuse sous-jacente est fréquente, rendant son pronostique plus sévère que celui des hématomes extraduraux à volume égal. Son diagnostic repose sur la réalisation d’un scanner cérébral sans injection de produit de contraste révélant une lame hyperdense homogène étalée en croissant à limite interne concave.
Hémorragie méningée Elle apparaît sous la forme d’une hyperdensité spontanée homogène des espaces sous-arachnoïdiens sur le scanner. Elle est retrouvée dans environ 35 % des cas de traumatisme crânien et constitue un facteur indépendant de mauvais pronostic (4).
188 La réanimation neurochirurgicale
Hémorragie intraventriculaire La présence de sang au sein du système ventriculaire se traduit par une hyperdensité spontanée au sein du liquide céphalo-rachidien (LCR) ventriculaire. Souvent secondaire à l’extension d’une contusion hémorragique, l’hémorragie ventriculaire est rare et expose au risque d’hydrocéphalie par blocage des voies d’écoulement du LCR.
Pneumencéphalie Une pneumencéphalie est suspectée devant la présence de bulles d’air, hypodenses au sein de la boîte crânienne. Elle traduit l’existence d’une fracture de la base du crâne impliquant un sinus ou d’une brèche dure-mérienne associée à une fracture ouverte.
Dissection vasculaire La présence d’une lésion ischémique systématisée dans un territoire artériel doit faire évoquer l’existence d’une dissection vasculaire. Celle-ci peut intéresser une artère carotide dans sa portion extra- ou intracrânienne ou bien une artère vertébrale. Sa mise en évidence repose sur la réalisation d’une angiographie des vaisseaux du cou par une technique tomodensitométrique, d’imagerie par résonance magnétique ou de radiologie conventionnelle. Cette recherche doit être systématique lors de fracture de la base du crâne associée à un traumatisme crânien grave. Elle est indispensable en cas de lésion cervicale associée (fracture du rachis, contusion des parties molles).
Lésions intraparenchymateuses primaires Œdème cérébral L’œdème cérébral post-traumatique se développe dans les heures et les jours suivant le traumatisme. Qu’il soit vasogénique ou ischémique (cytotoxique), il expose au risque de déplacement et d’engagement des structures cérébrales, d’hypertension intracrânienne, d’hypoperfusion cérébrale et d’ischémie. Les signes d’œdème important sur le scanner sont une disparition des citernes de la base, une diminution de la taille des ventricules, une disparition des sillons corticaux, et une dédifférenciation cortico-sous-corticale.
Contusions hémorragiques Les contusions hémorragiques représentent des zones de destruction cérébrale résultant du choc direct de l’encéphale contre des zones saillantes de la struc-
Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 189
ture osseuse de la boîte crânienne. Pour cette raison, elles se constituent le plus souvent au niveau des lobes frontaux et temporaux. Elles sont le plus souvent associées à des lésions de contre-coup. Les contusions hémorragiques sont constituées d’un noyau central hémorragique, hyperdense, entouré d’une zone de tissu cérébral hypoperfusé à risque ischémique, hypodense. Dans les heures et les jours suivant le traumatisme se forme un halo œdémateux péricontusionnel de mécanisme ischémique (cytotoxique) et vasogénique. Au sein des contusions, la destruction du parenchyme cérébral s’accompagne d’une augmentation accrue de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique, notamment aux produits de contraste (5, 6). Dans ces conditions, l’utilisation agressive de thérapeutiques osmotiquement actives doit être réfléchie en cas de zones contuses étendues (7). La présentation de ces contusions en imagerie est variable en fonction des patients, du traumatisme et du temps. La figure 5 illustre les modifications d’aspect et de taille des contusions hémorragiques à la phase initiale du traumatisme.
Lésions axonales diffuses Les forces d’accélération-décélération et de rotation appliquées à la boîte crânienne lors du traumatisme se traduisent par des lésions de cisaillements des
Fig. 5 – Évolution temporelle d’une contusion hémorragique entre H2 (A) et H16 (B) posttraumatique.
190 La réanimation neurochirurgicale
fibres nerveuses. Ces lésions de la substance blanche appelées lésions axonales diffuses, sont localisées aux zones de jonction de tissus de densités différentes, elles peuvent êtres hémorragiques ou ischémiques. Elles siégent préférentiellement à la jonction entre la substance grise et la substance blanche des lobes frontaux et temporaux, au niveau du corps calleux, des ganglions de la base et du tronc cérébral. À la phase aiguë, la tomodensitométrie peut révéler la présence de lésions axonales diffuses sous la forme de petites pétéchies punctiformes. Néanmoins, le scanner cérébral est peu sensible, de plus il sous-estime la quantité et la taille de ces lésions. L’IRM permet de détecter les lésions axonales diffuses et doit être réalisée chez tous les patients présentant peu de lésions au scanner cérébral contrastant avec un coma profond. Les lésions axonales diffuses de type hémorragique, non détectées par le scanner cérébral, sont visibles sur les séquences en écho de gradient en pondération T2*. Elles apparaissent sous la forme d’un hyposignal et traduisent la présence de désoxyhémoglobine paramagnétique (fig. 6). Le nombre de lésions en T2* et leur localisation seraient corrélés à la gravité clinique du patient et à son pronostic à moyen terme (8). L’IRM permet également de détecter des lésions axonales diffuses non hémorragiques (9). Ces lésions peuvent expliquer les troubles de la conscience observés après traumatisme crânien malgré un aspect normal au scanner cérébral. Typiquement, il s’agit de lésions hyperdenses en FLAIR qui s’accompagnent d’hypersignaux en diffusion (diminution du coefficient de diffusion) sans anomalies en T2* (10). Ces lésions sont le plus souvent situées
Fig. 6 – Lésions axonales diffuses hémorragiques du corps calleux visibles sous la forme d’hyposignaux en séquences pondérées T2* après accident de la voie publique. Le patient a présenté une bonne évolution clinique dans les suites.
Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 191
Fig. 7 – Lésions axonales diffuses non hémorragiques du corps calleux. Aucune anomalie n’est détectée au scanner (A). Il existe un hypersignal en FLAIR (B). La séquence en T2* n’objective pas d’hémorragie (C). L’hypersignal est très marqué en diffusion (D).
au niveau du corps calleux, des noyaux gris centraux, des pédoncules et de la protubérance (fig. 7). L’IRM spectroscopique peut aider à la détection des lésions axonales diffuses. Les données de travaux expérimentaux (11) et cliniques (12, 13, 14) ont mis en évidence une diminution de NAA secondaire à une souffrance neuronale et une augmentation de choline témoignant d’une prolifération microgliale au sein de la substance blanche frontale, bien que celle-ci apparaissent normale sur les séquences morphologiques. De plus, cette réduction de NAA était corrélée avec la sévérité du traumatisme (13) et était associée à un moins bon pronostic à six mois (14).
192 La réanimation neurochirurgicale
Lésions intraparenchymateuses secondaires La constitution d’un hématome, l’aggravation d’un œdème cérébral dans l’enceinte close et inextensible de la boîte crânienne peuvent conduire des modifications des pressions intracrâniennes et se compliquer d’engagements cérébraux et de lésions ischémiques parfois secondairement hémorragiques. Les engagements cérébraux résultent de la compression de structures cérébrales par déplacements. On décrit quatre grands types d’engagements cérébraux : l’engagement sous la faux du cerveau, l’engagement transtentoriel, l’engagement par la fente de Bichat et l’engagement par le trou occipital. L’engagement sous la faux du cerveau ou engagement cingulaire résulte d’un déplacement latéral des structures cérébrales. L’engagement transtentoriel résulte d’un déplacement céphalo-caudal des hémisphères vers le bas. Il se traduit rapidement par une mydriase bilatérale. L’engagement par la fente de Bichat ou engagement temporal est latéral et correspond au passage de l’uncus et de l’hippocampe dans la fente de Bichat, entre le bord libre de la tente du cervelet et le tronc cérébral. Il se traduit par une anisocorie puis une mydriase homolatérale. Dans ces deux cas, l’engagement peut s’accompagner d’une compression de l’artère cérébrale postérieure à l’origine d’une cécité corticale ischémique (fig. 8). L’engagement par le trou occipital est exceptionnel en traumatologie et ne se rencontre que dans les lésions de fosse postérieure.
Apports de l’imagerie dans l’évaluation pronostique Prédire l’avenir en termes d’éveil chez les patients dans le coma après un traumatisme crânien est l’un des très grand enjeux de la neuroréanimation. Cette
Fig. 8 – Hypersignal en séquence IRM de diffusion traduisant un œdème cytotoxique : ischémie dans le territoire de l’artère cérébrale postérieure secondaire à des épisodes d’engagements centraux.
Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 193
approche est motivée par la nécessité pour le personnel soignant médical et paramédical d’informer le plus précisément possible les familles et d’adapter l’intensité des soins au pronostic neurologique. La sévérité du traumatisme peut être appréciée dès la phase initiale à partir du recueil d’éléments anamnestiques, cliniques et des lésions sur le scanner. L’âge élevé et un score de Glasgow initial bas sont certes prédictifs d’un mauvais pronostic mais ils ne permettent pas d’envisager plus finement le devenir de ces patients. Cette évaluation nécessite un bilan lésionnel exhaustif fourni par la réalisation d’une IRM couplée à une analyse fondée sur les données anatomiques et physiologiques.
Scanner En comparaison au scanner, l’IRM permet une détection plus précise des lésions cérébrales. Mais la durée, le maintien de la position déclive et la difficulté d’y associer un monitorage performant expliquent que sa réalisation ne soit le plus souvent envisagée qu’à distance de la phase aiguë, en pratique au cours de la troisième semaine d’évolution. Il est donc apparu nécessaire de pouvoir disposer d’éléments pronostiques dès la réalisation du scanner cérébral initial. La classification de la Traumatic Coma Data Bank a été proposée par Marschall et al. en 1991 (15) afin de pouvoir relier l’aspect tomodensitométrique au pronostic des patients (tableau I). D’autres classifications ont également été publiées dans le même but. De l’ensemble de ces travaux, il apparaît que l’aspect d’œdème cérébral diffus est un facteur isolé de mauvais pronostic à douze mois ; de même pour la présence d’une hémorragie méningée ou intraventriculaire, d’une déviation de la ligne médiane, d’un hématome sous-dural aigu ou de contusions multiples (4). L’analyse tomoden-
Tableau I – Classification des lésions sur le scanner d’après la Traumatic Coma Data Bank. Catégorie
Définition
Lésions diffuses de type I
Absence de lésion
Lésions diffuses de type II
Présence des citernes Déviation de la ligne médiane < 5 mm et/ou lésions hyperdenses Pas de lésions hyperdense ou hétérogènes > 25 mL
Lésions diffuses de type III
Compression ou absence des citernes Déviation de la ligne médiane < 5 mm Pas de lésions hyperdense ou hétérogènes > 25 mL
Lésions diffuses de type IV
Déviation de la ligne médiane > 5 mm Pas de lésions hyperdense ou hétérogènes
Lésion avec effet de masse évacuée
Toute lésion chirurgicalement évacuée
Lésion avec effet de masse non évacuée
Lésion hyperdense ou hétérogène > 25 mL
194 La réanimation neurochirurgicale
sitométrique précoce peut permettre dans certains cas de prévoir la présence d’un déficit ultérieur mais ne peut répondre à la question cruciale du retour à la conscience.
IRM Les études cliniques comparant les données issues de l’IRM morphologique et le pronostic des patients traumatisés crâniens graves ont permis d’isoler des facteurs pronostiques indépendants. Si le nombre total de lésions visibles en séquence T2* est corrélé au pronostic évalué par le « Glasgow outcome scale » (GOS) (8), l’évolution est aussi sous la dépendance de la localisation des lésions axonales diffuses. Une atteinte des ganglions de la base, du mésencéphale ou de la protubérance est associée à un mauvais pronostic à six mois (16). Le volume et le caractère uni- ou bilatéral (et dans ce cas symétrique ou non) des lésions du tronc cérébral influencent également l’évolution clinique de ces patients (17). Firsching et al. rapportent un taux de mortalité de 100 % des patients porteurs de lésions bilatérales du tronc cérébral, alors que celui-ci n’était pas différent entre le groupe des patients à lésions unilatérales et celui sans atteinte du tronc cérébral (18). Néanmoins, la durée du coma était deux fois plus longue dans le groupe des patients présentant des lésions du tronc cérébral. Les résultats obtenus grâce à la spectroscopie par résonance magnétique peuvent également être une aide à l’évaluation pronostique des patients traumatisés crâniens graves qui, selon Garnett et al., est corrélée aux valeurs précoces et tardives du rapport NAA/choline de la substance blanche frontale (13, 14). L’appréciation du pronostic dans les études cliniques fait appel au Glagow Outcome Scale. Si cette classification permet une analyse quantitative des données, elle ne reflète qu’incomplètement les informations nécessaires à l’équipe médicale pour un patient donné. Envisager le devenir des patients traumatisés crâniens graves, c’est pouvoir aborder d’une part la question de l’éveil, et d’autre part la question des déficits neurologiques moteurs, sensitifs, sensoriels et cognitifs.
Conclusion En conclusion, l’IRM morphologique et l’IRM spectroscopique offrent aujourd’hui la possibilité d’établir un bilan exhaustif des lésions cérébrales des patients traumatisés crâniens sévères. Ceci devrait permettre dans un avenir proche de préciser leur pronostic en termes d’éveil et d’informer leurs proches au moyen d’arguments plus précis et plus fiables que ceux apportés par le simple examen du scanner cérébral.
Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 195
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Pathologies
Hémorragie sous-arachnoïdienne en réanimation L. Beydon, C. Soltner, L. Puybasset, G. Audibert et N. Bruder
Introduction L’hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA), encore souvent appelée hémorragie méningée, est avant tout la conséquence des ruptures d’anévrismes cérébraux. Son incidence est comprise entre 4,5 à 28/100 000, selon les pays et les patients relativement jeunes (en moyenne 50 ans, environ 60 % de femmes) (1, 2). La morbidité importante de cette pathologie est largement atténuée par la qualité de la prise en charge neurochirurgicale, neuroradiologique et médicale (occlusion de l’anévrisme, traitement de l’hypertension intracrânienne, prévention, diagnostic et traitement du vasospasme notamment). D’autres enjeux sont à considérer : la complexité de la physiopathologie en cause, la brutalité et la sévérité des aggravations et le caractère technique et multidisciplinaire de la prise en charge. Autant d’aspects que le réanimateur doit maîtriser. Outre les anévrismes, on sait que les traumatismes crâniens peuvent induire une HSA, généralement modérée et dont l’importance clinique est généralement au second plan par rapport au traumatisme et ses autres conséquences. C’est pourquoi, nous traiterons ici principalement de l’HSA par rupture anévrismale en se focalisant sur les formes graves qui sont celles prises en charge en réanimation. On se souviendra cependant que toutes les HSA correspondent à la même entité, et que leur gravité clinique constitue un continuum allant des formes mineures aux formes les plus graves. Le lecteur peut utilement se référer à une conférence d’experts récente (3-16) qui traite de cette pathologie de façon extensive alors que nous l’envisagerons ici de façon plus restreinte et sous l’angle de la réanimation, exclusivement.
Confirmer le diagnostic et évaluer la gravité clinique et radiologique Si les patients atteints d’HSA vus en réanimation dans les centres de référence prenant en charge cette pathologie ont été transférés après que le diagnostic a
200 La réanimation neurochirurgicale
été établi, il n’en est pas de même pour les patients admis en réanimation polyvalente à la suite de convulsions, d’un coma brutal, sans autre forme d’orientation préalable. On s’efforcera de retrouver le signe cardinal qui est la céphalée brutale le plus souvent, particulièrement intense et inhabituelle. Les vomissements sont fréquents (70 % des HSA) mais non spécifiques. Le syndrome méningé est évocateur mais retardé. Un coma (environ 30 % des patients) et des convulsions survenant après des céphalées sont des éléments qui doivent faire évoquer une HSA et réaliser un scanner cérébral sans injection. La gravité clinique est alors appréciée selon la classification de la WFNS (World Federation of Neurological Surgeons) (tableau I). Incluant le score de Glasgow, ce score est bien corrélé au devenir clinique comme en atteste la prévalence des patients en GOS (Glasgow Outcome Score) 1 à 3 (décédés, végétatifs ou handicapés sévères) (17-19). Cette classification a supplanté en pratique l’ancienne classification de Hunt et Hess (20). Des échelles multiparamétriques ont été proposées pour mieux prédire le devenir que celle de la WFNS (19, 21). Cependant, elles ne sont pas utilisées en routine. Le scanner sans injection permet un diagnostic positif par l’identification de sang dans les espaces sous-arachnoïdiens tout en se souvenant qu’il existe 2 % de faux négatifs (22), surtout quand le scanner est tardif. Le scanner ne permet de déduire le territoire du saignement en fonction de la localisation de l’hématome que pour les artères sylviennes ou communicante antérieure (23). Cet examen permet de quantifier la quantité de sang dans les espaces méningés via l’échelle de Fisher (tableau II) ou mieux de l’échelle de Fisher modifiée (tableau III) qui est la mieux corrélée au risque de vasospasme ultérieur, qu’on sait d’autant plus important que la quantité de sang présent en sous-arachnoïTableau I – Classification de la World Federation of Neurological Surgeons (WFNS). Grade
Score de Glasgow
Déficit moteur
GOS grade 1-3 à 6 mois (%)*
I
15
Absent
13
II
13 - 14
Absent
20
III
13-14
Présent
42
IV
7-12
Présent ou absent
51
V
3-6
Présent ou absent
68
* D’après (19). Tableau II – Echelle de Fisher de l’HSA (26). Grade de Fisher
Aspect scanner
1 2 3 4
Absence de sang Dépôts de moins de 1 mm d’épaisseur Dépôts de plus de 1 mm d’épaisseur Hématome parenchymateux ou hémorragie ventriculaire
Hémorragie sous-arachnoïdienne en réanimation 201
Tableau III – Échelle de Fisher modifiée et risque d’infarctus cérébral. (27). Grade
Critères
Infarctus cérébral (%)
0
Pas d’HSA ou d’HV
0
1
HSA minime, pas d’HV dans les 2 ventricules latéraux
6
2
HSA minime, HV dans les 2 ventricules latéraux
14
3
HSA importante*, pas d’HV dans les 2 ventricules latéraux
12
4
HSA importante*, HV dans les 2 ventricules latéraux
28
* : remplissant complètement au moins une citerne ou une scissure. HV : hémorragie ventriculaire.
dien est élevée. Par ailleurs, le volume de l’HSA est d’autant plus grand que l’anévrisme est petit, faisant sans doute plus difficilement son hémostase (2426). Dans les formes les plus graves (engagement cérébral et/ou gros hématome, notamment), l’angioscanner permet d’envisager une chirurgie pour pose de clip, sans artériographie préalable. En dehors de ces situations, c’est l’artériographie qui constitue la première étape de la stratégie thérapeutique qui sera déterminée en urgence, dans un centre de référence, et de façon multidisciplinaire (neurochirurgien, neuroradiologue, anesthésiste-réanimateur). C’est donc au vu du scanner et du diagnostic positif qu’il permet que le patient sera transféré en urgence dans un centre neurochirurgical adapté. La ponction lombaire sera réservée aux seules fortes suspicions cliniques avec un scanner négatif. On attendra douze heures avant de la réaliser pour diminuer le risque d’un faux négatif, le sang diffusant de façon différée dans le liquide cérébro-spinal (LCS) lombaire. C’est la xanthochromie mesurée sur un échantillon centrifugé sans délai qui est le marqueur spécifique et non le caractère sanglant du LCS.
Complications précoces imposant des réponses urgentes Hypertension intracrânienne et hydrocéphalie aiguë Une hypertension intracrânienne (HTIC) se produit constamment au moment de la rupture anévrismale. Elle est responsable de la perte de conscience initiale lorsqu’elle survient. L’intensité de l’HTIC, cliniquement traduite par la durée de la perte de conscience, est corrélée au mauvais pronostic (27, 28). Cette poussée d’HTIC explique la classique réaction de Cushing que l’on observe au moment de la rupture (HTA ± bradycardie). Secondairement, des phénomènes d’ischémie-reperfusion et les troubles de l’hydraulique du LCS liés à la présence
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de sang dans les espaces sous-arachnoïdiens et souvent dans les ventricules pérennisent l’HTIC. Cette HTIC favorise l’ischémie cérébrale et s’associe souvent une hydrocéphalie aiguë, présente chez environ 25 % des patients (29). Elle grève le pronostic (30). Tant l’HTIC que l’hydrocéphalie aiguë imposent un monitorage de la pression intracrânienne. On retiendra qu’une dérivation ventriculaire externe (DVE) s’impose dès lors qu’il existe une hydrocéphalie dans la mesure où elle constitue son traitement étiologique et que l’hydrocéphalie, lorsqu’elle est présente, augmente la mortalité par ischémie (31). Beaucoup d’équipes utilisent une mesure de la PIC intraparenchymateuse en plus de la DVE (qui permet également la mesure intermittente de la PIC) afin de permettre de dissocier la mesure de la PIC du drainage ventriculaire. Le diagnostic d’hydrocéphalie est souvent rendu difficile par l’HTIC qui empêche la dilatation ventriculaire. De fait, la dilatation des ventricules au TDM est souvent modeste (surtout dans les premières heures suivant la rupture), malgré une PIC élevée. La mesure de l’index bicaudé sur les coupes TDM est un moyen simple de déceler une dilatation modeste des cornes frontales au niveau des noyaux caudés (fig. 1) (32) et de faire le diagnostic d’hydrocéphalie. Les valeurs normales dépendent de l’âge, mais on retiendra qu’un index > 0,16 chez un jeune et > 0,20 chez une personne âgée sont pathologiques. Une dilatation des cornes temporales est un autre signe d’hydrocéphalie au cours de l’HSA. Le Doppler transcrânien permet également de suspecter une HTIC. Le paramètre classiquement retenu est un index de pulsatilité (IP) > 1,07 (normale 0,99 ± 0,04) (33) en se souvenant qu’hypotension artérielle, hypocapnie,
Fig. 1 – Mesure de l’index bicaudé (33) : c’est le rapport A/B (A : largeur des cornes frontales au niveau des noyaux caudés ; B : diamètre cérébral au même niveau). La valeur normale dépend de l’âge.
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bradycardie sont autant de facteurs qui augmentent artificiellement l’IP. Il faudra corriger ces anomalies avant de conclure à une HTIC. La dérivation d’une hydrocéphalie comme première étape du traitement est cruciale car elle améliore souvent l’état clinique du patient (à condition d’être réalisée précocement). Elle permet de mesurer et de contrôler l’HTIC durant le traitement étiologique de l’anévrisme (clip ou coil). Le concept ancien selon lequel la DVE augmenterait le risque de resaignement (34) est largement battu en brèche (35, 36) si on respecte deux conditions : que l’occlusion de l’anévrisme soit réalisée sans délai et que, dans l’intervalle, on applique une contre-pression via la DVE. Pour ce faire, la DVE sera maintenue à un niveau de + 15 cm par rapport au niveau de référence (conduit auditif externe). Par ailleurs, l’HTIC doit être traitée de façon « agressive », selon la même logique que dans le traumatisme crânien, à la différence près que l’on contrôle l’hypertension artérielle tant que l’anévrisme n’est pas clipé ou embolisé, pour ne pas augmenter le risque de resaignement. Cependant, l’hypotension artérielle est également néfaste du fait de l’ischémie qu’elle entraîne en situation d’HTIC. Schématiquement, on peut exclure une HTIC sévère chez un patient qui a peu de trouble de la conscience, ce qui justifie un traitement de l’hypertension artérielle pour limiter le risque de rupture anévrismale. À l’inverse, un coma profond est souvent associé à une HTIC sévère, devant conduire à une grande prudence pour le traitement de l’hypertension artérielle. Le Doppler transcrânien est une aide importante pour fixer les limites de la pression artérielle dans ce contexte. On notera que ces considérations associant une mesure de la PIC dans les formes comateuses, un recours facile à la DVE dont le réservoir est suspendu à + 15 cm (associée ou non à la mesure de PIC par capteur intraparenchymateux), le contrôle raisonné de la pression artérielle, l’occlusion précoce de l’anévrisme et l’application d’une neuroréanimation du même type que celle justifiée dans la traumatisme crânien, constituent les lignes de force de la conférence d’experts que nous avons mentionnée en introduction. Enfin, il est important de considérer que la pose d’une DVE avant et non après une embolisation offre trois avantages : – on n’est pas embarrassé par l’héparine résiduelle injectée lors de l’embolisation ; – en cas de rupture de l’anévrisme per-embolisation, la DVE atténuera partiellement l’HTIC et confère une sécurité certaine ; – la procédure peut ainsi se dérouler sous contrôle de la PIC dont on sait qu’elle peut augmenter du fait de la position prolongée en décubitus dorsal strict, voire même du fait de l’injection du produit de contraste. La maintenance de la DVE doit respecter quelques règles simples : ne prélever le LCS qu’en cas de suspicion de ventriculite afin de maintenir le système clos ; ne pas renverser le réservoir et clamper la DVE durant un transfert du patient afin d’éviter un siphonage et l’obstruction de la prise d’air. La littérature retrouve un taux d’infection de DVE de l’ordre de 5 % (37). Enfin, le sevrage de la DVE impose que le LCS se soit éclairci. Il n’y a pas de standard
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pour le sevrage mais un sevrage long ou cours ne modifie pas le pourcentage résiduel de patients qui resteront dépendants de la DVE et devront bénéficier d’une dérivation interne (38). Son retrait s’envisage le plus souvent après avoir vérifié l’absence d’aggravation clinique et/ou d’augmentation de la PIC lors d’une épreuve de clampage de l’ordre de 48 heures, généralement confirmée par une absence de dilatation des ventricules sur un scanner de contrôle. Le retrait impose l’arrêt de l’héparine douze heures avant l’ablation et sa reprise éventuelle vingt-quatre heures après. Enfin, il n’est pas exceptionnel qu’une aggravation clinique différée, après retrait de la DVE suivant des critères positifs de sevrabilité, impose in fine la mise en place d’une dérivation interne.
Défaillance cardio-respiratoire La rupture anévrismale entraîne un réflexe de Cushing en réponse à l’HTIC, sous forme d’une importante décharge sympathique. On retrouve une augmentation des catécholamines circulantes et des marqueurs de l’ischémie cardiaque qui traduisent une souffrance myocardique aiguë. Cet état peut induire un œdème pulmonaire cardiogénique dans environ 10 % des HSA (39). Cet œdème pulmonaire a le plus souvent deux origines intriquées : l’une cardiogénique par défaillance myocardique vraie, l’autre neurogénique secondaire à l’hypertension artérielle aiguë. Ce sont les formes les plus graves (WFNS 4 ou 5) qui sont le plus à risque (40). L’ECG est un premier marqueur de la souffrance cardiaque, non spécifique et multiforme. Parmi les signes les plus « spécifiques », on retiendra que la présence d’ondes T négatives et d’un allongement du QTc sont de bons marqueurs d’une dyskinésie du ventricule gauche sous-jacente (41). La troponine est un meilleur marqueur de la souffrance myocardique que les CPK-MB. Le BNP (brain natriueretic peptide) est retrouvé augmenté dans les HSA graves et les atteintes cardiaques (42). Il est prédictif du vasospasme (43, 44) et du devenir. Au final, c’est l’échographie cardiaque qui constitue l’examen clé, qu’il ait été motivé par le tableau clinique de défaillance cardiaque ou par une élévation des marqueurs cardiaques. Simple à réaliser, il permet de quantifier la fonction ventriculaire, qui est la variable utile pour le clinicien. Le cathétérisme droit peut constituer une alternative classique. L’œdème pulmonaire neurogénique est une complication des formes graves d’HSA (45). Il requiert une réponse thérapeutique appropriée, en urgence. Le traitement étiologique est la diminution de l’HTIC, phénomène causal que l’on associe au traitement symptomatique qui combine l’administration de dobutamine, la ventilation mécanique avec PEP, voire le décubitus ventral (46). L’œdème pulmonaire comme l’insuffisance cardiaque aiguë obligent à différer la chirurgie ou l’embolisation, mais pas la pose d’une DVE qui traite l’HTIC. L’occlusion de l’anévrisme sera réalisée au plus vite, dès que la situation se sera stabilisée. Le risque de resaignement lié à la persistance d’un
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anévrysme non sécurisé impose de traiter les complications cardiaques de façon agressive pour s’en affranchir au plus vite et pouvoir alors traiter l’anévrisme.
Épilepsie Les convulsions précoces sont présentes dans moins de 20 % des cas et se produisent préférentiellement au moment de l’hémorragie. Elles constituent un facteur de gravité de l’HSA (47). Elles peuvent survenir après vingt-quatre heures et ne sont alors sans doute pas différentes des convulsions constatées après neurochirurgie ou souffrance cérébrale aiguë, en général. Enfin, environ 10-20 % des patients auront une épilepsie séquellaire, la littérature retrouvant comme facteur explicatif, la présence d’un ou plusieurs des éléments de gravité connus de l’HSA (48). Face à ce risque potentiel de comitialité, au décours de l’HSA, la littérature n’apporte aucun élément utile dans ce contexte. Force est de raisonner au cas par cas, par analogie avec la chirurgie cérébrale : on a tendance à instituer une prophylaxie dans les formes au risque le plus élevé : présence de sang dans les citernes, infarctus cérébral, hématome sous-dural ou lésion focale. On ne dispose d’aucune étude permettant de recommander telle ou telle molécule, et pas non plus d’orientation pour la durée de la prophylaxie qui sera de principe limitée à la phase aiguë.
Troubles métaboliques L’HSA est potentiellement génératrice d’hyponatrémie ou plus rarement d’hypernatrémie par des mécanismes distincts. Le syndrome de perte de sel (Cerebral Salt Wasting Syndrome, CSWS) (49), est en général le mécanisme responsable de l’hyponatrémie et se caractérise par une perte sodée majeure, associée à une diurèse plutôt élevée et des signes d’hypovolémie, d’hémoconcentration et de déshydratation. L’osmolalité urinaire est supérieure à l’osmolalité sanguine qui est anormalement basse. Le bilan sodé est très négatif. Son origine est probablement liée à la sécrétion inappropriée de peptides natriurétiques. Son traitement est symptomatique et repose sur la perfusion de NaCl en grande quantité (et de liquides pour préserver la volémie) afin de compenser les pertes identifiées par la mesure de la natriurèse. Les minéralocorticoïdes sont utilisés par certains dans le CSWS en complément de la compensation sodée. La SIADH (sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique) est rarement en cause. Elle se différencie du CSWS par une absence d’hypovolémie, une oligurie, une hémodilution et une hydratation normale et son traitement repose sur la restriction hydrique. Le CSWS doit toujours être évoqué comme la première hypothèse devant une hyponatrémie au décours d’une HSA car, traiter ce syndrome comme une SIADH aggrave-
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rait l’hyponatrémie. Un diabète insipide peut se voir comme dans la plupart des situations neurochirurgicales aiguës. C’est la cause essentielle des hypernatrémies, abstraction faite d’une autre cause représentée par l’osmothérapie au mannitol et la diurèse osmotique qu’elle induit. Le diabète insipide traduit une souffrance posthypophysaire ou hypothalamique. Ses critères diagnostiques sont codifiés (diurèse horaire supérieure à 4 mL/kg, osmolalité urinaire basse, densité urinaire < 1 005) et son traitement repose sur la desmopressine injectable.
Traitement de l’anévrisme Le risque de resaignement est majeur tant que l’anévrisme n’est pas traité : maximum dans les 24 premières heures, il atteint un risque cumulatif d’environ 35 % à J15 (50, 51). Le resaignement et ses conséquences induisent le décès dans 50-60 % des cas (52). Ce risque est d’autant plus important que le grade WFNS est élevé (53-55). Il justifie que le traitement curatif de l’anévrisme soit entrepris au plus vite, dès lors que les conditions techniques sont réunies ; tout en sachant que l’artériographie fait courir un risque de resaignement quand elle est réalisée dans les trois premières heures suivant l’HSA. Ce traitement ne peut se faire que dans un centre spécialisé regroupant une équipe de neurochirurgie, de neuroradiologie et de neuro-anesthésie-réanimation. Le choix de la technique est le fruit d’une discussion collégiale au cas par cas. La technicité de la prise en charge explique que les « centres à fort recrutement d’HSA » aient de meilleurs résultats que les centres de moindre recrutement (56, 57). Si le choix de la technique dépend de chaque cas individuel, on assiste actuellement à une progression du traitement endovasculaire par rapport au traitement chirurgical. Ceci tient pour beaucoup aux conclusions de l’étude ISAT qui a comparé le traitement endovasculaire au traitement chirurgical, de façon prospective randomisée, sur une population de 2 143 patients présentant un score WFNS majoritairement peu sévère (58). On recensait une différence de mortalité à un an de 7,4 % de meilleurs résultats en faveur de la technique endovasculaire (59) (23,5 % vs 30,9 %) qui se maintient sur un recul de 7 ans. Cet avantage prédomine pour les anévrismes de la carotide interne et de la circulation postérieure. Le risque de comitialité est également plus faible statistiquement. On peut aussi retenir le fait que nombre d’anévrismes sont découverts au scanner avant la rupture et traités par voie endovasculaire. Le traitement endovasculaire butte encore sur les reperméabilisations de l’anévrisme qui ont lieu à distance, dans 17 % des cas, avec une rupture dans 0,5 % des cas (60). Ces récidives imposent un suivi radiologique et une réembolisation, le cas échéant. On comprend pourquoi la chirurgie précoce (avant le troisième jour) garde ses droits, notamment dans des indications comme les localisations sylviennes,
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les patients présentant un hématome compressif que l’on pense responsable de la gravité du tableau clinique (la chirurgie traite alors également l’effet de masse lié à l’hématome) et, enfin, chaque fois que l’embolisation n’est pas envisageable. Dans certains cas, l’embolisation peut constituer le temps préalable à la chirurgie.
Vasospasme : diagnostic, prévention et traitement Diagnostic du vasospasme Il s’agit d’une complication différée (incidence maximale entre le cinquième et quatorzième jour), source potentielle de complications ischémiques. On décrit des vasospasmes précoces (dans les 48 h) chez 10 % des HSA. Celui-ci n’a pas la même physiopathologie que le vasospasme différé mais comporte les mêmes risques de mauvais pronostic et d’ischémie (61). La gravité du vasospasme différé est réelle, avec une mortalité de 30 % (62). Il peut être identifié par ses conséquences cliniques (manifestations ischémiques : déficit moteur, trouble de la conscience, HTA, fièvre isolée), ou à un stade encore asymptomatique, à l’angiographie ou au Doppler transcrânien. Son diagnostic angiographique nécessite l’utilisation de critères rigoureux. L’angiographie offre un avantage important sur toutes les autres méthodes diagnostiques en permettant une dilatation du territoire spasmé et/ou la perfusion intra-artérielle de vasodilatateurs. Par ailleurs, rappelons que les autres méthodes d’imagerie ne permettent pas le diagnostic de vasospasme sur l’ensemble des territoires, notamment distaux. Le Doppler constitue un moyen diagnostique simple et permet une surveillance quotidienne au chevet des patients les plus à risque. Il est fiable dans le territoire artériel cérébral moyen (sylvien) ou carotide interne, moindre pour les artères cérébrales antérieures. Sur l’artère cérébrale moyenne, les critères diagnostiques basés sur la vélocité moyenne (VM) sont les suivants : entre 80 et 120 cm/s : vasospasme discret ; entre 120 et 200 cm/s : vasospasme ; > 200 cm/s : vasospasme sévère. Le seuil de 120 cm/s est un seuil souvent utilisé pour le vasospasme. Une hyperhémie non spécifique pouvant induire une accélération des vitesses moyennes, l’index de Lindegaard permet de différencier cet état du vasospasme. On mesure la VM carotidienne interne homolatérale. Un rapport VM cérébrale moyenne/VM carotide interne > 3 signe le diagnostic Doppler de vasospasme ; un rapport > 6, un vasospasme sévère. Enfin, il est recommandé de répéter les Dopplers : une augmentation de 50 cm/s d’un jour à l’autre est un argument très fort pour la constitution d’un vasospasme et justifie la mise en route de mesures prophylactiques et d’une surveillance renforcée. L’IRM est utile pour rechercher des signes de bas débit régional (IRM de perfusion), les séquences de diffusion renseignant sur l’ischémie. Son utilisation se généralise. Enfin, citons la tomographie d’émission en simple photon
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(SPECT) utilisant le Tc-HMPAO qui fournit une cartographie de perfusion cérébrale. Elle est plus facile à mettre en œuvre que l’IRM chez des patients de réanimation.
Prophylaxie du vasospasme Nimodipine À ce jour, seule la nimodipine a été validée dans sa forme orale comme traitement prophylactique. Elle augmente la probabilité d’une évolution favorable (63, 64) et diminue la mortalité secondaire aux déficits ischémiques retardés. La forme injectable est couramment utilisée en France à la dose de 2 mg/h, sa validation n’est par formelle et elle induit une hypotension qu’il faut obligatoirement corriger par une optimisation du remplissage et des vasopresseurs. Le traitement est classiquement de 21 jours et la forme orale est utilisée soit dès le début ou dès que possible. En cas de vasospasme, certains recommandent de continuer la forme iv. D’autres molécules ont été testées ou sont en cours d’essai. À ce jour, aucune d’elles n’est validée.
Triple H therapy La triple H therapy (3-HT) qui associe hypervolémie, hypertension et hémodilution (limitée à un traitement isolé de l’hypovolémie, tant que l’anévrisme n’est pas sécurisé) a pour but d’augmenter la circulation régionale en aval des vaisseaux spasmés, en améliorant débit et rhéologie. Il a été démontré, sur des études de qualité méthodologique généralement modeste (contrôles historiques), qu’elle améliore le pronostic neurologique en cas de vasospasme avéré (65). Plus probante serait la 3-HT en prophylaxie qui diminuerait l’incidence de vasospasme de 50 % (66), mais pas le risque de déficit neurologique clinique retardé. Cette conclusion semble néanmoins fragile car si on se cantonne aux seules études randomisées, on ne retrouve aucun effet. Les experts ayant revu cette question (67) concluent au vu de la littérature que « l’hémodilution est la composante la plus contestée » de la 3-HT alors que « l’hypovolémie est en revanche présente chez beaucoup de patients ayant une HSA… la correction de cette hypovolémie pourrait diminuer le risque de vasospasme. C’est pourquoi, la classique 3-HT est actuellement réduite dans la plupart des centres au contrôle de la volémie, éventuellement associée à l’hypertension artérielle contrôlée ». On insiste sur le fait que l’hypervolémie et l’HTA thérapeutique ne sont envisageables qu’une fois l’anévrisme sécurisé. On vise en routine une PAM de l’ordre de 100-120 mmHg. On se limitera à un objectif de 100 mmHg, en cas d’infarctus cérébral. Les effets secondaires de la 3-HT sont essentiellement pulmonaires avec augmentation du risque d’œdème pulmo-
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naire. Ceci justifie de monitorer l’hémodynamique de ces patients par une pression artérielle invasive et une PVC, au minimum.
Traitement endovasculaire du vasospasme On peut utiliser l’injection inta-artérielle de papavérine ou de nimodipine et/ou réaliser une angioplastie mécanique des artères spasmées par une sonde à ballonnet. La papavérine est perfusée selon une procédure codifiée. Elle présente l’inconvénient d’une action limitée dans le temps et génératrice d’hypotension avec en corollaire un risque d’augmentation de la PIC. La nimodipine constitue une alternative qui se développe du fait d’une meilleure tolérance (68). L’angioplastie constitue la seconde ligne thérapeutique. Elle est surtout réalisable au niveau du siphon carotidien et de l’artère cérébrale moyenne. L’effet est durable mais cette technique, comme l’embolisation, expose au risque de rupture ou de thrombose et demande un savoir-faire. La précocité du traitement est l’un des éléments essentiels de son efficacité. Il faut s’efforcer de le réaliser en urgence, et ce d’autant qu’un déficit clinique apparaît (69).
Autres traitements Irrigation cisternale, antifibrinolytiques, fibrinolytiques cisternaux Les antifibrinolytiques, envisagés comme un moyen de diminuer le risque de resaignement, induisent un risque accru de complication ischémique retardée et ne sont pas indiqués (70, 71). Les fibrinolytiques injectés en intracisternal, une fois l’anévrisme sécurisé, diminueraient le risque de déficit ischémique retardé selon une méta-analyse (72). Une autre étude, injectant de l’urokinase dans la grande citerne, réduit le risque de vasospasme (73). Enfin, l’irrigation des citernes de la base du crâne, associée aux rotations de la tête (head shaking) permettrait un drainage du sang et de limiter le vasospasme (74). Le drainage lombaire a été proposé dans ce sens (75).
Nouvelles molécules Différentes molécules ont été proposées dans la prévention du vasospasme ou pour un effet neuroprotecteur. Citons notamment, les anti-endothélines (76), les inhibiteurs de la 20 HETE (77), l’EPO (78), la nicardipine intra-artérielle (79), la nimodipine à libération prolongée implantée (80), les statines (81), l’enoxaparine (82), le nitroprussiate ventriculaire (83)… Ces molécules ne sont pas utilisées en routine clinique à ce jour.
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Enfin, signalons le fait que le sérum salé hypertonique semble devoir être considéré pour améliorer le débit sanguin dans l’HSA (84).
Séquelles Outre les séquelles neurologiques classiques, liées à l’ischémie et à l’HTIC éventuelle, ainsi qu’aux complications possibles du traitement, signalons la fréquence des atteintes endocriniennes pituitaires (85), cognitives (86) avec une incidence élevée, à 16 mois, d’anxiété (40 %) et de dépression (20 %) aux conséquences défavorables sur la réinsertion (87).
Traitement de la douleur L’HSA est douloureuse. Les céphalées intenses représentent d’ailleurs un signe cardinal du diagnostic. Son traitement n’est pas spécifique et fait appel à tout l’arsenal des antalgiques, associés aux mesures non médicamenteuses usuelles « antinociceptives » : environnement calme, sombre, antiémétiques… Cependant, quelques points méritent un commentaire. Les patients intubés-ventilés sont protégés des effets respiratoires de morphiniques utilisés à forte dose. Néanmoins, le risque d’hypotension et ses conséquences sur la circulation cérébrale impose de veiller à maintenir la pression artérielle à des valeurs normales, par l’administration de catécholamines. Chez les patients les moins graves, la dépression respiratoire des morphiniques peut poser problème, tout comme la somnolence qu’ils induisent. Il est logique d’utiliser des morphiniques faibles (88). Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont efficaces sur les douleurs de l’HSA. Mais ils ont été retrouvés comme étant un facteur de risque plausible pour les hématomes postopératoires en neurochirurgie (89). Ils auraient également un effet protecteur vis-à-vis du vasospasme et de l’ischémie postopératoire (90, 91). C’est pourquoi, l’utilisation des AINS dans l’HSA semble ne devoir être envisagée qu’une fois l’anévrisme sécurisé.
Monitorage complémentaire Les moyens de monitorage apparus récemment constituent des outils qui s’appliquent à l’HSA comme aux autres pathologies cérébrales. Elles complètent utilement la mesure de la PIC. La protéine S100b, d’origine astrocytaire, constitue un marqueur biologique de sévérité. En effet, dans l’HSA, le taux plasmatique est corrélé au devenir plasmatique et son élévation précède le vasospasme (92, 93).
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D’autres méthodes permettent de diagnostiquer les situations ischémiques, globales ou régionales. La SjO2, marqueur métabolique de la circulation globale, est prise en défaut dans les vasospasmes localisés. Cette limite que l’on retrouve dans le traumatisme crânien explique l’essor et l’intérêt des mesures intraparenchymateuses de la PO2 (Licox®) et éventuellement de la PCO2, du pH et de la température (Neurotrend®). La mesure se fait en un site unique, ce qui justifie l’implantation du dispositif dans les zones à risque ou de « pénombre ». Le seuil ischémique de PO2 est de l’ordre de 20 mmHg. L’intérêt essentiel de ces mesures est de permettre d’identifier les épisodes d’hypoxie locale et de tester notamment l’effet de l’optimisation de la pression de perfusion cérébrale (94), et des traitements, d’une manière générale. Il est logique de la combiner à la mesure de la PIC pour une meilleur détection de l’ischémie (95). La microdialyse constitue une méthode lourde qu’il semble difficile d’utiliser en routine. Elle permettrait un diagnostic des ischémies secondaires, avant leur manifestation clinique, meilleure que le Doppler (96, 97).
Conclusion L’HSA constitue une pathologie urgente, complexe et redoutable en termes de séquelles. Elle impose une prise en charge multidisciplinaire spécialisée qui ne peut être différée. Les paramètres du diagnostic et de la prise en charge doivent être connus de tout anesthésiste-réanimateur car chacun sera inévitablement confronté à cette entité clinique, sur le terrain, en hôpital général, durant un transfert ou dans un centre de référence. Une réponse médicale adaptée, à chaque étape de la prise en charge, est donc cruciale.
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Accidents vasculaires cérébraux ischémiques et hémorragiques P. Vuadens et J. Bogousslavsky
Introduction Avec 750 000 nouveaux cas par an aux États-Unis, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) demeurent la troisième cause de mortalité dans le monde et certainement la première cause d’invalidité. Grâce à des mesures de prévention, l’incidence a diminué dans les années 1980 pour se stabiliser depuis 1990 environ : 100-200 cas/100 000/an. En France, elle est de 145 pour 100 000 habitants. L’âge moyen de survenue est de 73 ans, mais 5 à 6 % des patients ont moins de 55 ans et cette incidence augmente avec l’âge (1, 2, 3). L'athérosclérose représente la cause principale des AVC ischémiques (40 %), suivie par les cardiopathies emboligènes (20 à 30 % des cas). Un tiers des infarctus cérébraux demeure d’origine indéterminée (causes potentielles multiples) ou inconnue. La mortalité globale augmente nettement avec l'âge avec une surmortalité des patients de sexe masculin et de certaines catégories socioprofessionnelles ; en effet, la mortalité est trois fois plus élevée pour la catégorie sociale « ouvriersemployés » que pour la catégorie « cadres supérieurs-professions libérales ». Grâce à une prise en charge des facteurs de risque (HTA, diabète, hyperlipidémie, tabac), on a pu infléchir ce taux de mortalité depuis 1981. Mais avec les modifications alimentaires, la sédentarité et l’excès de poids d’une grande partie de la population jeune, l’augmentation de la consommation de nicotine dans les pays en voie de développement, une nouvelle augmentation de l’incidence des AVC est à craindre dans les décennies à venir. Quand on sait que la prise en charge d’un patient victime d’un AVC revient à environ 90 000 $, on imagine les coûts considérables que cela imposera à nos systèmes de santé publique. Suite à l’insuffisance des mesures préventives primaires, de nombreux progrès ont été faits dans le traitement et la prise en charge de l’AVC dans la
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phase aiguë, notamment le développement de la thrombolyse. Cependant, les options thérapeutiques à disposition pour les victimes d’AVC sont encore loin d’être satisfaisantes pour supprimer la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire dans un centre spécialisé (stroke unit). Ce chapitre va nous permettre de développer le type de prise en charge idéale en tenant compte des recommandations de l’EUSI Executive Committee, de la Société Suisse de Neurologie, de l'Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (ANAES) et de l’American Stroke Association.
Filières spécifiques et unités vasculaires spécialisées (stroke units) Depuis l’époque où l’apoplexie était traitée par l’application de sangsues derrière les oreilles, de nombreuses études ont évalué tous les types de soins, et pas seulement médicamenteux, nécessaires pour assurer une prise en charge optimale du patient victime d’un AVC. Des procédures de prise en charge et de soins ont ainsi été élaborées (4). S'il existe une disparité des moyens d’un hôpital à l’autre ou d’un pays à l’autre, tous les centres s’accordent pour assurer une prise en charge initiale structurée et la plus performante possible : investigations dans un temps minimal, surveillance médicale et paramédicale continue, avec un personnel ayant l’expérience du travail multidisciplinaire (5). Grâce à la création dans de nombreux pays d’unités neurovasculaires spécialisées, nous assistons à un déclin de la mortalité des AVC (6). Une méta-analyse a montré une réduction de la mortalité de 18 %, une diminution de la dépendance dans les activités quotidiennes de 29 % et une réduction du risque d’institutionnalisation de 25 % pour les patients traités dans une unité neurovasculaire spécialisée par rapport aux patients admis dans un service de médecine générale (7). Il a clairement été démontré que de telles unités spécialisées permettent d’améliorer le pronostic des patients et cet effet positif est toujours visible dix ans plus tard. L’application rapide de thérapies spécifiques avec un contrôle strict de certains paramètres (pression artérielle, glycémie, saturation en O2…) permet d’éviter des complications à la fois neurologiques et/ou systémiques. Quand il existe un service de neurologie, il est souhaitable que cette unité spécialisée s'organise autour de ce service. Dans les hôpitaux où une unité spécialisée n’existe pas, une équipe mobile spécialisée dans la prise en charge des AVC peut intervenir rapidement, dès l’admission du patient aux urgences, car au même titre que l’infarctus du myocarde, l’ictus cérébral est une urgence avec une fenêtre thérapeutique de trois heures (8, 9). Les patients seront placés en unité de réanimation principalement en cas de complications intercurrentes, tout en tenant compte de l’âge, de la comorbidité ou de la sévérité de l’état clinique. Le placement des patients dans une unité spécialisée ou de réanimation permet la détection précoce et la correction
Accidents vasculaires cérébraux ischémiques et hémorragiques 219
immédiate de troubles tensionnels, hémodynamiques ou métaboliques (10, 11). Tout patient souffrant de troubles de la vigilance ou développant des signes d’hypertension intracrânienne devrait être placé dans une unité de réanimation pour y recevoir les traitements appropriés le plus rapidement possible. De même, les patients qui ont reçu un traitement thrombolytique doivent aussi pouvoir bénéficier d’une surveillance en milieu spécialisé en raison d’un risque hémorragique secondaire. Actuellement, il n’y a plus de doute que ce type de prise en charge multidisciplinaire spécialisée dans une unité de réanimation et/ou de soins intensifs réduit nettement la mortalité et les coûts (12-16). En Europe, l’accès à de telles structures est encore très variable selon les régions et les pays. Les principales caractéristiques pour assurer le bon fonctionnement d’une unité spécialisée dans la prise en charge des patients victimes d’un AVC sont bien définies (17).
Prise en charge du patient victime d’un AVC ischémique aigu La prise en charge multidisciplinaire en unité spécialisée a pour but d’éviter toute aggravation des déficits neurologiques et toutes complications secondaires liées aux troubles de la vigilance et à l’alitement.
Oxygénation optimale Les patients victimes d’un AVC risquent de souffrir d’hypoxémie et la désaturation en oxygène dépend de la sévérité de la lésion ischémique. Le maintien d’un bon équilibre entre le débit sanguin cérébral et l’oxygénation évite le développement de lésions ischémiques secondaires et l’aggravation des troubles neurologiques. Cet effet délétère sera plus marqué en présence de sténoses artérielles précérébrales. En premier lieu, il convient de sécuriser les voies respiratoires, surtout chez les patients présentant des troubles de la vigilance, d’éviter toute inhalation bronchique ou surinfection. Lorsqu’il existe des troubles du rythme respiratoire d’origine centrale, une hypercapnie ou un risque élevé de complications pulmonaires, l’intubation trachéale et la ventilation artificielle doivent être considérées. Une saturation en oxygène de 95 à100 % sera contrôlée par un oxymètre et on maintiendra une normocapnie. Une oxygénothérapie sera effectuée dans le cas d’une hypoxie démontrée par une gazométrie ou par un oxymètre. En effet il n’a pas été démontré de bénéfice de donner systématiquement de l’oxygène à
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toute victime d’un AVC lorsque la saturation en oxygène est dans les normes (18). L’oxygénothérapie hyperbare a déjà fait l’objet de nombreuses études. Elle est utile dans le traitement des AVC liés à des embolies gazeuses ou à une maladie des caissons. Ce type de traitement, lorsqu’il peut être proposé dans la phase aiguë permet d’augmenter la quantité d’oxygène libéré, de diminuer l’œdème cérébral, d’inhiber les réactions inflammatoires et de maintenir intacte la barrière hémato-encéphalique. Ces effets protecteurs permettent de diminuer la taille de l’AVC ischémique et par conséquent offrent un meilleur pronostic (19). Cependant, les études ne permettent pas de déterminer quel type de patients pourrait bénéficier de ce traitement, durant combien de temps et à quelle pression.
Équilibre hémodynamique et osmothérapie Il est important de maintenir une normovolémie dans la phase aiguë de l’AVC et de veiller à ne pas déshydrater les patients afin d’assurer la meilleure circulation cérébrale possible. En présence d’un hématocrite élevé, une hémodilution est généralement appliquée bien que son efficacité n’ait jamais été clairement démontrée. En effet, il semblerait même qu’une hémodilution isovolémique pour diminuer l’hématocrite ne soit pas efficace car elle n’améliore pas la macrocirculation (20-22). En revanche, l’hémodilution hypervolémique favorise la perfusion cérébrale des zones ischémiques en améliorant les paramètres rhéologiques, en augmentant le débit cardiaque et la pression artérielle (23, 24). Ce type de traitement serait également sans danger car la perfusion de grande quantité de dérivés du plasma ne modifie pas le système réticulo-endothélial ni les paramètres rhéologiques (25, 26). Toute solution à base de glucose devrait être évitée afin de ne pas aggraver l’ischémie, sauf en présence d’une hypoglycémie. On se limitera à utiliser des solutions isotoniques ou de Ringer en cas de déperdition volumique.
Contrôle de la glycémie S’il ne fait plus de doute que l’hypoglycémie peut provoquer des déficits neurologiques et même des lésions cérébrales, l’hyperglycémie peut augmenter la taille de l’infarctus et elle est un facteur de mauvais pronostic de récupération (27-29). Elle est aussi le reflet d’une réponse au stress et un marqueur de la sévérité de l’atteinte. Il est donc recommandé de traiter l’hyperglycémie déjà dans la phase aiguë d’un AVC, lorsque celle-ci est au-dessus de 10 mmol/L par de petites doses d’insuline. Il va de soi que toute hypoglycémie sera aussi traitée rapidement par un apport oral ou parentéral de glucose (31).
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Fièvre et température corporelle L’élévation de la température corporelle augmente le métabolisme, la quantité de neurotransmetteurs libérés et la production de radicaux libres. Cela influence la mortalité, la morbidité et le devenir fonctionnel post-AVC (32, 33). Il est donc nécessaire de tout mettre en œuvre pour lutter contre la fièvre (antipyrétique, couverture refroidissante) dès l’admission du patient. De telles mesures assurent clairement un meilleur pronostic aux patients victimes d’un infarctus ischémique sévère. Pour l’instant, il n’est pas encore certain que l’hypothermie modérée dans la phase aiguë de l’AVC soit efficace, alors que ce type de traitement est utile en cas d’anoxie cérébrale à la suite d’un arrêt cardiaque. À ce jour, les études cliniques ont surtout évalué la sécurité et la faisabilité d’une hypothermie modérée mais peu examiné la réelle efficacité de ce type de traitement qui n’est pas sans effets secondaires (infection pulmonaire, HTA, troubles du rythme, infarctus myocardique, hémorragie digestive) et qui prolonge la durée de séjour en milieu intensif. Des études plus approfondies sont donc nécessaires pour éclaircir l’utilité de ce type de traitement (34, 35). Ainsi le recours à l’hypothermie devrait être réservé à des centres spécialisés et dans le cadre de protocoles (36).
Tension artérielle L’hypertension artérielle est un facteur de risque cardiovasculaire fréquent dont le traitement est nécessaire car il diminue le risque d’hémorragies cérébrales et de récidives d’AVC (37). Dans la phase aiguë d’un AVC, les valeurs tensionnelles peuvent être augmentées en raison du stress, de la douleur, d’une réponse à l’hypoxie. Le moment optimal pour introduire un traitement antihypertenseur à la suite d’un AVC est incertain car les mécanismes d’autorégulation de la circulation cérébrale peuvent demeurer perturbés durant plusieurs jours et toute modification des valeurs tensionnelles durant cette période peut avoir un impact négatif sur la perfusion cérébrale. À l’admission, plus de 60 % des patients ont une systolique supérieure à 160 mmHg et plus de 30 % ont une diastolique supérieure à 90 mmHg durant les 24 premières heures qui suivent un AVC. Ces valeurs élevées se voient plus fréquemment lors d’un AVC lacunaire ou lors d’un AVC complet de la circulation antérieure. Diminuer la pression artérielle peut permettre de limiter l’œdème et le risque d’hémorragie cérébrale. Cependant, il ne faut pas oublier qu’un abaissement trop important ou trop rapide de la tension artérielle risque de réduire la perfusion cérébrale tout particulièrement dans la zone de pénombre, ce qui pourrait étendre la lésion ischémique. C’est en raison de ce dilemme que le traitement de la tension artérielle dans la phase aiguë de l’AVC
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demeure controversé, d’autant plus que, dans la majorité des cas, la tension artérielle se normalise spontanément dans les jours qui suivent l’AVC (38). Quelques études ont montré que l’abaissement de la pression artérielle dans la phase aiguë de l’AVC était associé à un mauvais pronostic (39, 40). En fait, cette relation semble être surtout observée lorsque la pression est élevée à la phase aiguë (41). Selon les résultats de l’International Stroke Trial, la courbe de la relation entre la tension systolique initiale et le devenir neurologique a la forme d’un U (42). Les patients qui ont le moins bon pronostic ont une pression systolique initiale entre 140 à 179 mmHg avec un pic à 150 mmHg. Dans cette catégorie de patients, on constate qu’à chaque diminution de 10 mmHg en dessous d’une pression systolique de 150 mmHg, on augmente la mortalité précoce d’environ 18 %. En revanche, pour chaque augmentation de 10 mmHg au-dessus de 150 mmHg, le risque de décès précoce n’est que de 4 %. Le rôle des valeurs diastoliques est aussi non négligeable puisqu’un abaissement de plus 20 % de la valeur initiale est lui aussi associé à un mauvais pronostic fonctionnel. Il est donc généralement admis qu’il ne faut pas abaisser la tension artérielle dans la phase aiguë d’un AVC à moins que le patient ne présente une crise hypertensive ou une décompensation cardiaque. L’American Stroke Association recommande de traiter une hypertension artérielle si les valeurs diastoliques excèdent 120 mmHg et les systoliques 220 mmHg (tableau I) (43). Il faut souhaiter que les résultats de l’étude CHHIPS en cours permettront de mieux préciser le traitement de la tension artérielle dans la phase aiguë de l’AVC (44). Pour diminuer la pression artérielle, les anticalciques, les bêtabloqueurs, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les dérivés nitrés peuvent être utilisés (45). Le perindopril permet d’abaisser la tension artérielle en moyenne de 12 mmHg dans la phase aiguë sans altérer la perfusion cérébrale ni la fonction glomérulaire (46). Il peut être donné aux patients normotendus déjà durant la première semaine qui suit l’ictus.
Tableau I – Traitement de la tension artérielle en phase aiguë d’un hématome cérébral. Adapté de (114). • Maintenir une pression artérielle moyenne (PAM) < 130 mmHg (180/110) avec une pression systolique > 90 mm Hg • Maintenir une PAM < 100 mmHg en postopératoire (si évacuation de l’hématome) • Maintenir une pression de perfusion cérébrale > 70 mmHg (si capteur mis en place) À faire précocement et rapidement avec : • Labetolol : 5-10 mg en bolus intraveineux chaque 10-15 min ou en perfusion en commençant à 5 mg/h • Nitroprussiate : perfusion débutée à 2 µg/kg/min • Nicardipine : perfusion débutée à 2,5 mg/h augmentée par paliers de 0,5 mg/h
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Œdème cérébral, hypertension intracrânienne et craniectomie décompressive L’œdème cérébral est la principale cause d’augmentation de la pression intracrânienne à la suite d’un AVC, avec le risque d’une aggravation secondaire, voire même de décès des patients (47). Il s’installe généralement durant les 48 premières heures post-AVC. Chez les patients jeunes avec une occlusion de l’artère cérébrale moyenne, l’œdème cérébral et l’augmentation de la pression intracrânienne peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Afin de prévenir le développement de l’œdème cérébral ou de diminuer la pression intracrânienne, le patient est généralement installé en décubitus dorsal, le tronc redressé à 30° (48). Cette position a été déterminée sur la base de données pathophysiologiques et neurochirurgicales de patients souffrant d’un traumatisme craniocérébral. Si elle est adéquate pour ce type de patients, il ne faut pas oublier qu’elle peut diminuer la pression de perfusion cérébrale et être dangereuse pour les patients souffrant d’une ischémie cérébrale (49). Certains auteurs recommandent plutôt d’adapter la position individuellement. Pour les patients avec des ramollissements sylviens complets sans signe d’hypertension intracrânienne, la position à plat semble être la plus appropriée parce que, dans cette position, l’augmentation de la pression intracrânienne n’est pas cliniquement significative tandis que la diminution de la pression de perfusion cérébrale en relevant le tronc du patient pourrait aggraver la situation (50). L’hyperventilation est à utiliser pour de courtes périodes lors de crises d’hypertension intracrânienne car la vasoconstriction hypocapnique diminue la perfusion cérébrale des zones à risque d’ischémie (51). Les substances hyperosmolaires restent le traitement de choix de l’œdème cérébral. Les plus utilisées sont le mannitol ou le sorbitol. À nouveau les études qui ont évalué l’efficacité du mannitol ont été faites chez des victimes de traumatismes craniocérébraux. Aucune étude comparable n’a été menée avec des patients souffrant d’un AVC. Ainsi le bénéfice de cette substance demeure toujours controversé, d’autant plus que son utilisation répétée pourrait même aggraver l’œdème cérébral (52). Le glycérol a une durée d’action plus courte. On peut combiner ces substances ou les alterner pour éviter un effet rebond (53). Dans tous les cas, la dose maximale ne devrait pas dépasser 50 g, 4 fois par jour en maintenant l’osmolarité inférieure à 330 mmol/L. Les solutions salines hypertoniques avec ou sans dextran ont aussi démontré un effet positif sur le traitement de l’hypertension intracrânienne des patients traumatisés crâniens (54-56). De nombreuses complications ont été rapportées avec l’utilisation de colloïdes et plusieurs études ont été prématurément interrompues en raison de la survenue de coagulopathies, d’hémorragies, ou de prurits sévères (57). L’utilisation d’hydroxyéthylamidions 130/0,4 serait plus sûre, comparée à une simple réhydratation avec une solution saline (25, 58, 59).
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Ainsi l’efficacité d’une hémodilution pour diminuer l’hypertension intracrânienne et l’œdème cérébral demeure controversée. Dans les situations où le pronostic vital des patients est en jeu, une craniectomie décompressive peut être proposée. Ce type d’intervention est surtout réservé aux patients jeunes (< 60 ans) avec des lésions dans le territoire sylvien liées à une occlusion proximale de l’artère cérébrale moyenne avec une mauvaise collatéralisation. Dans ces situations le taux de mortalité est d’environ 80 % alors que la crâniectomie diminue ce chiffre à 20-30 % (60, 61). De telles situations devraient être suspectées lorsque les patients présentent un hémisyndrome complet avec une déviation du regard et de la tête, des nausées et vomissements et une héminégligence ou une aphasie globale et que dans les 12 à 48 heures plus tard s’installe une aggravation de l’hémisyndrome avec une détérioration progressive de l’état de vigilance, des signes corticospinaux ipsilatéraux à la lésion, une parésie uni- ou bilatérale du VI, et une dilatation pupillaire ipsilatérale à l’AVC (62). Les patients opérés garderont des séquelles neurologiques, mais avec une qualité de vie acceptable pour la plupart d’entre eux (63). Pour les patients de plus de 60 ans, la craniectomie est associée à un mauvais pronostic fonctionnel. D’autres interventions neurochirurgicales sont indiquées en cas de volumineux ramollissement cérébelleux comprimant le tronc cérébral, en présence d’une hydrocéphalie non communicante ou de signes d’engagements. Les patients comateux avec un AVC cérébelleux étendu ont un taux de mortalité de 80 %, alors qu’une intervention décompressive diminue leur risque de décès à 20-30 % (64, 65).
Positionnement, confort et sécurité, rééducation précoce du patient La position préconisée est celle en décubitus dorsal à plat avec un bon positionnement des membres paralysés. En cas de signes cliniques d'hypertension intracrânienne, la tête doit être surélevée à 30°. Le patient sera retourné régulièrement en décubitus latéral toutes les deux heures, pour éviter les lésions de décubitus et les escarres. On veille à protéger tout particulièrement les coudes et les talons. L'utilisation d'un matelas anti-escarres est parfois nécessaire et doit être maintenu aussi après le transfert dans une autre unité de soins. Lors du positionnement du patient, on veille à ne pas le tirer par le bras plégique afin d’éviter une déchirure de la coiffe des rotateurs ou une luxation de l’épaule, surtout si le tonus est flasque. L'alitement est strict durant au moins 24 heures, puis le patient est redressé dans le lit jusqu’à 45° et assis au bord du lit sous la supervision d’un kinésithérapeute dès le troisième jour. Une mobilisation progressive a lieu après quatre jours avec le port de bas de contention veineuse. Quand une voie veineuse périphérique est nécessaire, elle doit être posée si possible du côté du membre sain. Un bracelet d'identification est utile pour les
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patients aphasiques ou ayant des difficultés d’expression et la sonnette est installée de sorte que tout patient puisse facilement l’atteindre en cas de besoin. Chez les patients héminégligents, le soignant se présente du côté atteint, placera ses objets personnels et sa table de nuit du côté négligé afin de stimuler le contact visuel avec le patient. On l’encouragera à utiliser le plus possible le membre atteint par le placement d'objets personnels du côté lésé pour favoriser une rééducation précoce. Une fois la situation médicale stabilisée, un programme de rééducation multidisciplinaire est mis en place pour assurer le meilleur pronostic de récupération. L’intensité de cette prise en charge dépend de la sévérité de l’atteinte et des comordités. Même chez les patients non collaborant ou présentant des troubles de la vigilance, une mobilisation passive est importante pour éviter le développement de contractures ou des lésions de décubitus. Une telle mobilisation devrait avoir lieu plusieurs fois par jour avec un bon positionnement du patient entre les thérapies.
Troubles de la déglutition et alimentation L'existence de troubles de déglutition n’est pas rare dans la phase aiguë de l’AVC, surtout lors de lésions ischémiques multiples, bilatérales ou dans le tronc cérébral. Une dysphagie est présente dans 13 à 70 % des AVC, surtout dans la phase aiguë mais peut persister dans 7 % des cas après six mois. Environ 40 % des patients dysphagiques feront une inhalation bronchique. Les troubles de la déglutition favorisent non seulement les pneumonies par inhalation bronchique (salive, nutriments, reflux gastro-œsophagien), mais ils sont aussi une cause de malnutrition, de déshydratation, d’arrêt respiratoire sur obstruction des voies aériennes. Ils risquent d’aggraver le déficit neurologique, de retarder la récupération et la rééducation, de prolonger l’hospitalisation et d’augmenter la mortalité. Il faudra être particulièrement attentif à rechercher des troubles de la déglutition en présence des lésions cérébrales bi-hémisphériques, du tronc cérébral, d’une lésion étendue du territoire sylvien, d’une baisse de la vigilance et de l’attention, d’une paralysie linguo-faciale et/ou d’une apraxie bucco-linguofaciale, d’une dysarthrie ou d’une dysphonie, d’une altération de la toux sur commande ou d’une insuffisance/détresse respiratoire. Les signes d’une inhalation bronchique seront évidents avec la présence d’une toux ou d’une modification de la voix après la déglutition, d’une pneumonie acquise à l’hôpital, d’une fièvre récurrente ou d’un état subfébrile d’origine indéterminée, d’une tachypnée ou dyspnée avec désaturation, d’une tachycardie par exemple. Un test de déglutition d’eau peut être rapidement réalisé au lit du malade (66). Celui-ci est indiqué en l’absence de réflexe nauséeux, de signes d’une atteinte des dernières paires crâniennes, d’une dysphonie ou dysarthrie. Ce test
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peut être pratiqué en quelques minutes par une infirmière et permet d’éviter bien des complications (fig. 1). En cas de risque d’inhalation bronchique, différentes mesures préventives sont appliquées et notamment l’arrêt de toute alimentation orale ou par sonde nasogastrique pendant au moins trois jours. Si l’alimentation peut être reprise en sécurité avec un régime pâteux, on veille au bon positionnement du patient et à utiliser les techniques d’aide à la déglutition. La mise en place d'une sonde nasogastrique s’avère nécessaire en cas d’impossibilité à déglutir après 72 heures ou plus précocement s’il y a nécessité de donner des médicaments par voie entérale. On utilise une sonde de petite taille, à moins que le patient ne soit nauséeux ou ne vomisse pour permettre une aspiration gastrique intermittente. On débute l’alimentation progressivement à 25 mL/heure en augmentant selon la tolérance et en associant un inhibiteur de la pompe à protons. Le patient est positionné à 45° ou plus (s’il n’y a pas de contre-indication neurologique) pour éviter tout reflux gastroœsophagien. Si les troubles de la déglutition persistent après trois semaines, on envisage la mise en place d’une gastrostomie percutanée, tout en soulignant que cette technique d’alimentation ne protège pas contre le reflux gastro-œsophagien ou l’inhalation de salive (67). L’hypersaliorrhée peut être diminuée par l’utilisation de gouttes d’atropine ou de glycopyrronium, de tricyclique ou l’application de patch de scopolamine, tout en étant attentif aux effets secondaires potentiels, notamment
Fig. 1 – Test de la déglutition et protocole de réalimentation. Adapté des recommandations du service de neurologie, CHUV, Lausanne.
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cardiaques. Des injections de toxine botulique dans les glandes salivaires sont efficaces en cas de problèmes persistants. Quel que soit le mode d’alimentation choisi, le maintien d’un apport calorique suffisant est important car une malnutrition peut interférer avec la récupération (68, 69). L’étude FOOD, qui s’est terminée précocement par manque de fonds, laisse entrevoir qu’il n’y a pas de bénéfice à donner des suppléments alimentaires aux patients bien nourris (70). N’oublions pas qu’un mauvais status nutritionnel favorise les infections, les escarres et les hémorragies digestives mais que le bénéfice d’une suralimentation n’a jamais été démontré.
Traitements spécifiques de l’AVC à la phase aiguë Thrombolyse Dans la phase aiguë d’un AVC ischémique, la thrombolyse est le traitement de choix si elle est pratiquée selon des critères stricts et dans les trois heures qui suivent l’installation des troubles neurologiques (tableau II). En effet, la Food Tableau II – Critères d’inclusion pour une thrombolyse intraveineuse d’un AVC hyperaigu (< 3 heures). (D’après M. Reichhart et J. Bogousslavsky, Service de neurologie, CHUV, 1011 Lausanne.) 1. Diagnostic d’AVC ischémique s’exprimant par un déficit neurologique quantifiable sur l’échelle NIHSS et confirmé par un neurologue 2. 6 > score NIHSS ≤ 22 et/ou syndrome territorial de l’ACM (ou AChoA) 3. Absence d’évidence clinique d’un syndrome complet de l’ACM 4. Absence d’évidence neuroradiologique d’une ischémie > 50 % de l’ACM (CT/DWI) 5. Présence en IRM d’une PWI > DWI (cave : exclure hématome en EPI-T2*, SWI) 6. Absence d’occlusion carotidienne interne cervicale (angio CT/ARM/Doppler) 7. Temps (bolus de rtPA) – T0 (début de l’AVC) ≤ 180 minutes 8. 18 ans > âge du patient > 80 ans (exception à discuter) 9. Pas d’hémorragie au CT-scan (IRM avec séquences T2*/SWI) 10. Aucun antécédent d’AVC ou de TCC dans les derniers trois mois 11. Pas d’opérations chirurgicales majeures dans les derniers 15 jours 12. Pas d’antécédent d’hémorragie cérébrale 13. Pas de résolution rapide du déficit neurologique ni de symptômes ni signes mineurs 14. Aucune évidence clinique/radiologique d’une hémorragie sous-arachnoïdienne 15. Pas de diatèse hémorragique ni hémorragie digestive ni hématurie dans les derniers 21 jours 16. Pas de ponction artérielle dans un site incompressible dans les 7 derniers jours. En cas d’angiographie par voie fémorale, poser un femostop à TAH > TAH systolique 17. 110 mmHg ≤ TAH diastolique et/ou TAH systolique ≤ 185 mmHg (mesures répétées). Cave : si TAH en dehors de ces limites avant/durant la perfusion de rt-PA, et résistante à une dose de labétol iv 10 mg (Trandate®), exclure le patient/stopper la thrombolyse, et envisager un transfert aux soins intensifs 18. Absence de crise (s) épileptique (s) concomitante (s) à l’installation de l’AVC 19. Pas de traitements anticoagulants oraux et/ou INR ≥ 1.5 20. Pas d’héparine (dernière 48 h) et/ou 22 s > PTT > 32 s. Voir les normes à jour du laboratoire d’hématologie de référence 21. Thrombocytémie ≥ 100 000/mL 22. 2,7 mmol/L (50 mg/dL) < glycémie > 22,2 mmol/L (400 mg/dL) 23. Le patient et/ou sa famille ont été informés du risque d’hémorragie cérébrale (6 %)
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and Drug Adminsistration a reconnu le rt-PA (Recombinant tissue Plasminogen Activator) pour la thrombolyse à la suite des résultats de l’étude américaine NINDS en 1996 (71). Dans la phase III de cette étude, les patients qui ont reçu l’agent thrombolytique avaient 30 % plus de chance d’avoir peu ou pas d’incapacité fonctionnelle à 3 mois comparés au groupe non traité. L’odd ratio d’une évolution favorable était de 1,7 (IC-95 %, 1,2 à 2,6 ; p = 0,008) et cela quel que soit le type d’AVC ischémique. Le risque hémorragique dans les 36 heures était de 6,4 % contre 0,6 % dans le groupe placebo (p < 0.001). Ce risque augmente avec la sévérité de l’atteinte mesurée par le NIHSS et la présence d’un œdème cérébral ou d’un effet de masse (72). En ce qui concerne le délai pour administrer la thrombolyse, une métaanalyse des études ECASS I, ECASS II, Atlantis A et B qui ont évalué l’efficacité du rt-PA donné 5-6 heures après l’AVC a démontré un effet positif sur le devenir à trois mois des patients s’ils sont thrombolysés dans les trois premières heures (73). Un bénéfice significatif, défini par une récupération favorable à trois mois (score de Rankin 0 à 1 ; Barthel 95 à 100 ; NIHSS 0 à 1), se manifeste quand le traitement est donné dans les 270 premières minutes qui suivent une AVC ischémique. Dans ce laps de temps, il n’y a pas de différence de mortalité avec le groupe placebo. L’étude IST-3 (Third International Stroke Study) qui a démarré en 2001 tente de déterminer quel type de patients et d’AVC pourrait bénéficier d’une thrombolyse (rt-PA 0,9 mg/kg) par voie veineuse dans les six heures qui suivent le début des signes cliniques. Soulignons toutefois que, même dans ce laps de temps court, le risque hémorragique demeure plus élevé chez les patients de plus de 80 ans (3 % vs 6 %) avec des séjours plus longs et moins de chances de pouvoir regagner le domicile pour cette population âgée (74). La dose maximale de rt-PA recommandée pour éviter le risque d’hémorragie intracérébrale est de 0,9 mg/kg avec une dose maximale de 90 mg, 10 % de la dose calculée étaient donnés en bolus et le reste en perfusion sur une heure. La desmotéplase est un autre activateur du plasminogène avec une demi-vie plus longue que celle du rt-PA et qui peut être donnée en bolus (75). Avec des doses plus faibles que dans la première étude, il a été démontré que le taux d’hémorragies intracérébrales ne dépassait pas 2,2 %. La reperfusion cérébrale est atteinte après thrombolyse dans 71,4 % des cas avec 125 µg/kg de desmotéplase contre 19,2 % dans le groupe placebo. L’évolution était favorable à trois mois chez 22,2 % des patients traités par placebo contre 60 % des patients thrombolysés. Le tenectéplase (TKNase®) est un autre activateur du plasminogène dérivé du rt-PA humain avec une demi-vie plus longue, ce qui permet son administration par bolus. Une étude pilote a montré récemment que le devenir fonctionnel des patients mesuré par le score modifié de Rankin à trois mois est similaire aux résultats des études avec le rt-PA et qu’il n’y a pas d’hémorragies symptomatiques jusqu’à une dose de 0,5 mg/kg (76). Ces premiers résultats encourageants laissent entrevoir la possibilité d’une thrombolyse avec un faible
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risque hémorragique tout en étant efficace même avec de petites doses. La poursuite des phases II-b et III de cette étude permettra de répondre à cette question. Le reteplase (Retavase®), un thrombolytique de troisième génération, semble mieux pénétrer dans le thrombus et permet un taux élevé de recanalisation avec un risque hémorragique acceptable (77). Le taux de réocclusion est cependant identique à celui obtenu avec le rt-Pa (78). Une étude (ROSIE) évaluant la combinaison du reteplase intra-artériel avec l’Abciximab (ReoPro®) intraveineux est en cours (79). Lors de lésions ischémiques cérébrales provoquées par une occlusion d’un gros tronc artériel (occlusion de la carotide interne ou du tronc proximal de l’artère sylvienne), il semble que la thrombolyse intraveineuse soit moins efficace, avec un taux de recanalisation qui ne dépasse pas 30 % environ (78-81). C’est la raison pour laquelle la thrombolyse intra-artérielle pourrait s’avérer utile dans de telles circonstances. Cette technique permet d’utiliser de plus faibles doses d’agent antithrombolytique et d’élargir la fenêtre thérapeutique au-delà des trois heures post-AVC. Les études PROACT I et II semblent confirmer que la thrombolyse intra-artérielle augmente les chances de recanalisation en cas d’occlusion de l’artère cérébrale moyenne (82). Ces études ont comparé l’effet d’une injection intra-artérielle de 9 mg de pro-urokinase recombinante suivie d’un traitement d’héparine durant les six premières heures post-AVC à celui de l’héparine seule chez 121 patients avec un score moyen NIHSS de 17. Les patients thrombolysés récupérèrent mieux et plus rapidement avec un taux de recanalisation de 66 % (angiographie de contrôle deux heures après la thrombolyse). Si la technique intra-artérielle offre de plus grandes chances de désobstruction d’un gros tronc artériel, elle nécessite une infrastructure radiologique plus importante et plus de temps pour être réalisée. Cependant, dans certains centres, les deux types de traitements sont combinés lorsqu’un patient se présente avec la suspicion d’une occlusion d’un gros tronc artériel. Le traitement débute par une thrombolyse intraveineuse, ce qui laisse le temps de mettre en place le cathéter qui permettra la thrombolyse intra-artérielle. Une étude avec 35 patients a comparé l’efficacité de ce traitement combiné et de la thrombolyse intra-artérielle seule (83). Il n’y eut aucune complication hémorragique et le taux de recanalisation était meilleur chez les patients recevant les deux types de thrombolyse, recanalisation qui dépend également de la dose de rt-PA administrée. Cette étude a permis aussi de montrer une corrélation entre la sévérité du score NIHSS initial et l’extension du thrombus. Une autre étude du même type mais n’ayant inclus que 20 patients rapporte un taux de recanalisation dans 75 % des cas avec une double thrombolyse (84). Le taux d’hémorragie symptomatique n’excédait pas 5 %. La moitié des patients avait une bonne récupération avec un score modifié de Rankin entre 0 et 1. Ces excellents résultats s’expliquent par le délai très bref entre la survenue de l’AVC et le début de la thrombolyse (intraveineuse, 2 heures ; intra-artérielle, 3 heures 30). Relevons que parmi les 5 patients qui avaient une occlusion de l’artère
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carotide interne au niveau du siphon carotidien, 4 récupérèrent complètement (score de Rankin 0). Dans une étude chez 80 patients avec une occlusion de l’artère cérébrale moyenne, le taux de recanalisation était de 58 % avec une évolution fonctionnelle bonne dans 43 % des cas (Rankin modifié 0-2) et un risque hémorragique de 6 % (85). La thrombolyse intra-artérielle est considérée comme le traitement de choix des thromboses vertébro-basilaires dans les centres où ce type de traitement est disponible, bien que les critères de sélection ne soient pas uniformément appliqués. Dans deux études qui ont évalué l’efficacité de cette approche thérapeutique, le taux de recanalisation variait entre 40 et 50 % (86, 87). Pour l’instant, le bénéfice d’une thrombolyse par voie veineuse n’a pas encore fait l’objet d’une étude randomisée. Sur la base de ces différentes études, nous avons développé nos propres critères d’inclusion pour une thrombolyse intraveineuse (Actilyse®) des patients admis dans notre unité vasculaire spécialisée. Ces critères sont décrits dans le tableau II. Des recommandations pour le suivi des patients post-thrombolyse ont été édictées par l’American Stroke Association (88). Afin d’obtenir un taux d’hémorragies cérébrales symptomatiques inférieur à 6 %, nous écartons les patients présentant une ischémie de tout le territoire sylvien ou une occlusion de l’artère carotide interne. Rappelons que les patients avec un score NIHSS > 22 ont généralement un mauvais pronostic avec ou sans thrombolyse et que le risque hémorragique n’est pas négligeable dans ce cas. Pour l’instant, nous utilisons l’Actilyse® car, à ce jour, il n’y a pas d’autres agents thrombolytiques aussi sûrs et efficaces. Il n’est pas exclu qu’avec les nombreuses études encore en cours, le type de substances, les critères d’inclusion et la fenêtre thérapeutique puissent être modifiés. Ainsi, dans la plupart des pays européens, nous avons à disposition un médicament efficace pour le traitement de l’AVC dans sa phase aiguë. Il reste cependant à changer la mentalité des médecins, à développer des unités spécialisées pour accueillir les patients et à informer la population et les systèmes de santé de la disponibilité du traitement et de l’urgence de son administration. Pour l’instant, il semble que seulement 1,6 % à 2,7 % des patients reçoivent la thrombolyse dans un hôpital régional contre 4,1 à 6,3 % dans un hôpital universitaire ou dans une unité spécialisée (89). Dans les années à venir, de nouvelles substances permettront certainement d’élargir la fenêtre thérapeutique, ce qui devrait faciliter l’accès à de tels traitements aux populations mêmes les plus éloignées des centres spécialisés. Le plus difficile restera de convaincre les médecins que l’AVC est une urgence au même titre que l’infarctus du myocarde et qu’un traitement rapide peut considérablement changer le devenir des patients.
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Anticoagulation et antiagrégation Actuellement, il n’y a aucune preuve que l’anticoagulation dans la phase aiguë d’un AVC en améliore le pronostic. Il n’est donc pas nécessaire d’administrer un anticoagulant aux urgences, même chez les patients qui arrivent en dehors des délais pour une thrombolyse (90). L’héparine ou ses dérivés n’ont pas d’indication formelle dans la phase aiguë d’un AVC. Le risque de développer une hémorragie intracérébrale symptomatique équivaut au bénéfice de prévenir un accident thromboembolique (91). Les héparines de bas poids moléculaires et les héparinoïdes n’offrent pas plus d’avantages que l’héparine (92). Ce type de traitement se justifie comme prophylaxie des thrombophlébites des membres inférieurs. En revanche, l’aspirine peut être donnée aussitôt que le bilan neuroradiologique a permis d’exclure une hémorragie cérébrale, même si son administration précoce ne modifie pas le pronostic à long terme. Nous recommandons une dose de 300 mg/j. En cas d’intolérance ou de contre-indication, le clopidogrel ou le dipirydamole serviront d’alternatives. Relevons que ces deux derniers anti-agrégants n’ont jamais été testés dans la phase aiguë d’un AVC. La mise en route d’un traitement antiagrégant sera différée de 24 heures après une thrombolyse. Même chez les patients à haut risque de refaire un AVC, il n’y a pas de bénéfice à combiner l’aspirine avec le clopidogrel (93). Les agents hypofibrinogènes, tels l’ancrode ou le défibrase, ont été évalués dans cinq études. Pour l’instant, aucun résultat n’a pu confirmer l’utilité de telles substances dans le traitement de l’AVC en phase aiguë (94). Signalons que la FDA a approuvé un nouvel instrument pour extraire les thrombus intra-artériels (Merci Retriever), à la suite des résultats de l’étude MERCI qui a offert à 114 patients victimes d’un AVC un tel traitement dans les huit heures (95). Pour l’instant la sécurité et l’efficacité d’un tel appareil demeurent encore peu claires. D’autres techniques pour dissoudre ou aspirer le thrombus sont en plein essor : appareils photoacoustiques, laser, ultrasons.
Hémorragies intracérébrales spontanées L’hémorragie cérébrale d’origine non traumatique est une extravasation aiguë de sang dans le parenchyme cérébral, parfois aussi dans les ventricules et plus rarement au niveau sous-arachnoïdien. Les hématomes intraparenchymateux représentent environ 10-30 % des AVC (96, 97). Ils sont souvent associés avec une mortalité élevée (environ 40 %) et laissent plus de séquelles fonctionnelles que l’ictus cérébral ou que l’hémorragie sous-arachnoïdienne (98). Dans environ 85 % des cas, l’origine de l’hématome est la rupture spontanée d’un petit vaisseau ou d’une artériole endommagée par une hypertension artérielle chronique (microangiopathie hypertensive) ou par une angiopathie amyloïde. Dans d’autres circonstances, l’hémorragie est due à la rupture d’une
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malformation vasculaire, à une coagulopathie ou à une tumeur. Il ressort des enquêtes épidémiologiques que l’hypertension artérielle, traitée ou non, est le principal facteur de risque d’hématome cérébral, risque qui augmente chez l’homme et avec l’âge. Les Japonais et les Noirs ont aussi un risque plus élevé (98-100). La consommation abusive et aiguë d’alcool ou de drogues illicites peut provoquer un hématome intraparenchymateux. Comme l’AVC ischémique, l’hématome intraparenchymateux se manifeste brusquement, mais s’accompagne de signes d’hypertension intracrânienne (céphalées, nausées, vomissements) avec des troubles de la vigilance pouvant aller jusqu’au coma. Cependant il n’est pas toujours aisé de faire la distinction clinique entre une lésion ischémique ou une lésion hémorragique dans la phase aiguë. Le recours au scanner ou à la résonance magnétique cérébrale permet de lever ce doute rapidement, tout particulièrement aux urgences. La sévérité de l’atteinte peut être mesurée par l’ICH score d’Hemphill et al. (101). Cette échelle regroupe les valeurs des principaux facteurs qui déterminent la survie à un mois et à une année après une hémorragie intracérébrale (score de Glasgow, âge, volume de l’hémorragie, présence ou non d’une inondation ventriculaire et si le point de départ de l’hématome est infratentoriel) (tableau III). Ce score a une bonne valeur prédictive de mortalité à un mois (102). Le risque de décès augmente aussi en présence d’une hémorragie sous-arachnoïdienne, d’une hyperthermie, ou d’une maladie coronarienne (103, 104). Bien qu’il existe plusieurs causes d’hématomes intracérébraux, leur physiopathologie de la phase aiguë est encore mal comprise, ce qui explique le Tableau III – Détermination de l’ICH score. Composants
Score
Score de Glasgow 3-4
2
5-12
1
13-15
0
≥ 30
1
< 30
0
Oui
1
Non
0
Oui
1
Non
0
≥ 80 ans
1
Volume de l’hématome (cm3)
Inondation intraventriculaire
Origine infratentorielle
Âge < 80 ans Score ICH total
0 0-6
Accidents vasculaires cérébraux ischémiques et hémorragiques 233
manque de directives et de consensus dans leur prise en charge. Les mécanismes qui aboutissent aux lésions cérébrales en cas d’hématome peuvent être directement liés à l’hémorragie (effet de masse, récidive hémorragique, hydrocéphalie) ou secondaires au saignement (développement d’un œdème et d’une ischémie périlésionnelle, toxicité cellulaire des produits de dégradation du sang) (105). L’hématome lui-même provoque une mort cellulaire par apoptose, réaction inflammatoire, œdème vasogénique. L’expansion de l’hématome en raison de la persistance du saignement ou d’un resaignement est aussi une cause d’aggravation. L’hypothèse d’une ischémie périlésionnelle n’a pas été réellement confirmée (106). Il s’agirait plutôt d’une zone d’hypoperfusion avec un métabolisme réduit. La présence de sang intracérébral provoquerait le développement d’un œdème local, déjà dans les heures qui suivent le saignement (107). Il résulte de l’effet toxique de certaines enzymes dérivées du sang, de l’effet osmotique de plusieurs protéines sanguines. La libération d’interleukines provoquerait l’activation de leucocytes, de prostaglandines et de leucotriènes, générant ainsi une cascade inflammatoire avec la libération de nombreuses substances cytotoxiques et le développement d’un œdème. L’hyperglycémie favoriserait aussi le développement de l’œdème par un effet osmotique extravasant l’eau vers le milieu extracellulaire (108). De plus le risque de resaignement n’est pas négligeable durant les 24 premières heures (14-40 %) (109-111). Il augmente en présence d’une coagulopathie ou d’une malformation vasculaire sous-jacente. Aucun facteur précipitant n’a clairement été établi mais la tension artérielle élevée est certainement un facteur non négligeable. On sait aussi que trop baisser la pression risque d’aggraver l’ischémie périlésionnelle. Mais la présence de cette dernière est controversée (106, 112, 113). Des directives ont été émises par l’American Heart Association en 1999, notamment en ce qui concerne le traitement de la tension artérielle (114). Il est recommandé de diminuer la pression artérielle pour obtenir une pression moyenne de 130 mmHg et de monitorer la pression intracrânienne pour tous les patients avec un score de Glasgow inférieur à 9. Il est évident que certaines situations médicales nécessitent une diminution de la tension artérielle même dans la phase aiguë d’un AVC ou d’une hémorragie intracérébrale (infarctus du myocarde, insuffisance rénale aiguë, décompensation cardiaque). En fait, dans la phase aiguë, la pression artérielle est généralement élevée (70-85 % des patients). Elle va diminuer spontanément sur une semaine à 10 jours et surtout durant les 24 premières heures. Son influence sur la mortalité demeure controversée. Certaines études ont montré que des valeurs tensionnelles élevées augmentent la mortalité, alors que d’autres études n’ont pas confirmé ce risque ou ont montré une courbe en U (115-120). Le risque de resaignement après un hématome hypertensif est élevé durant les six premières heures. Ce risque augmente lorsque la pression systolique est supérieure à 200 mmHg à l’admission ou en présence d’une hyperglycémie (110). Ainsi c’est durant cette période, et surtout aux urgences, que nous
234 La réanimation neurochirurgicale
devrions voir le bénéfice d’un traitement antihypertenseur. Pour l’instant, il n’existe pas d’études pour confirmer réellement cette fenêtre thérapeutique. Lorsqu’un traitement antihypertenseur est introduit, il est recommandé d’utiliser un bêtabloquant de courte durée d’action, tels que le labetolol (510 mg chaque 5 minutes) ou l’esmolol (tableau IV). L’Académie américaine de cardiologie recommande d’utiliser le nitroprussiate de sodium lorsque la pression systolique dépasse 230 mmHg et le labetolol ou l’esmolol pour des valeurs tensionnelles plus basses (114). La nicardipine peut aussi être utilisée en première intention car elle agit très rapidement et elle est facile à titrer. La prise en charge aux soins intensifs d’un patient victime d’une hémorragie cérébrale permet de contrôler les fonctions cardiorespiratoires afin d’assurer la meilleure oxygénation et perfusion cérébrales. Les patients comateux ou avec un risque d’inhalation bronchique sont intubés. Cela permet aussi d’induire une hyperventilation pour diminuer l’hypertension intracrânienne. Tous les paramètres hémodynamiques sont contrôlés en prêtant une attention particulière aussi bien aux valeurs tensionnelles élevées que basses. On veillera également à maintenir une normothermie dans la phase aiguë (114). L’efficacité des couvertures refroidissantes demeurent encore controversée (121). Un des éléments importants de la prise en charge dans la phase aiguë est le contrôle de l’œdème cérébral et de la pression intracrânienne. Une seule étude a démontré l’efficacité d’une solution saline à 23,4 % par rapport à un soluté salé à 10 % ou au mannitol dans le traitement de l’hypertension intracrânienne chez un modèle animal (122). L’utilisation du glycérol est inutile et aucune étude prospective randomisée n’a comparé le bénéfice de différentes solutions osmotiques ou des stéroïdes dans le traitement de l’hypertension intracrânienne à la suite d’un hématome (123). Devant le manque de médicaments réellement efficaces pour diminuer l’hypertension intracrânienne, beaucoup de neurochirurgiens proposent une craniotomie décompressive avec l’évacuation de l’hématome. En fait les différentes études qui ont évalué l’efficacité de l’évacuation de l’hématome par craniotomie n’ont pas démontré de réel bénéfice (124-128). Une méta-analyse a notamment souligné un risque plus élevé de mortalité avec la chirurgie (129). Tableau IV – Traitement de la tension artérielle dans la phase aiguë de l’AVC. [Adapté de (43).] Si systolique < 220 mmHg ou diastolique < 120 mmHg Si systolique > 220 mmHg ou diastolique 120-140 mmHg
Si diastolique > 140 mmHg
Ne pas traiter à moins d’une nécessité autre que neurologique Réduire de 10-15 % avec : • Labetolol 10-20 mg, à répéter chaque 10 min (dose max. 300 mg) • Nicardipine 5 mg/h IV à augmenter par palier de 2,5 mg/h, chaque 5 min jusqu’à 15 mg/h • Nitroprussiate 0,5 µg/kg/min IV en dose initiale avec un monitoring continu de la tension artérielle
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Cependant, les progrès des techniques chirurgicales permettent d’espérer une diminution du risque opératoire. Cela semble se confirmer dans une étude qui a comparé l’effet de l’aspiration de l’hématome par voie endoscopique à un traitement médical (130). Le taux de mortalité et de handicap était de 74 % dans le groupe opéré contre 90 % pour le groupe traité médicalement. L’effet bénéfique se voyait principalement chez les patients opérés d’un hématome lobaire. Trois études se sont intéressées au bénéfice d’une évacuation chirurgicale précoce entre 4 et 12 heures après l’hémorragie (128, 131, 132). À nouveau, aucune de ces études n’a pu confirmer l’avantage d’une intervention rapide après un hématome par rapport à un traitement médical. Chez les patients opérés à moins de quatre heures, un taux plus élevé de resaignement a été relevé (132). Les résultats de l’étude STICH, multicentrique, qui a randomisé plus de 1 000 patients dans les 72 heures qui ont suivi une hémorragie cérébrale ne révèlent pas de différence de mortalité entre les patients opérés ou non (133). Vingt-six pour cents des patients opérés avaient une évolution favorable par rapport au 24 % des patients traités médicalement (odds ratio 0,89, p = 0,414). Le bénéfice absolu de la chirurgie ne dépasse pas 2,3 % selon les données récentes de cette grande étude. Dans d’autres situations où l’hématome ne peut pas être évacué, une craniectomie décompressive est pratiquée. Elle peut aussi se faire après l’évacuation d’un hématome pour prévenir les effets délétères de l’œdème cérébral. Ce type d’intervention se fait généralement lorsque l’hématome est au niveau du cortex et semble avoir un effet bénéfique sur l’hypertension intracrânienne ou sur les paramètres hémodynamiques (134-136). En cas d’hématome cérébelleux, l’évacuation de l’hémorragie associée à une craniectomie décompressive de la fosse postérieure est généralement pratiquée, surtout si le patient présente des troubles de la vigilance, un gros hématome avec un effet de masse sur le tronc cérébral ou si une hydrocéphalie est déjà présente (137-140). Cependant, il n’y a pas d’études prospectives randomisées qui ont évalué le bénéfice à long terme de cette approche neurochirurgicale. Longtemps on a mis sur le compte de l’œdème l’aggravation neurologique qui survient souvent dans les heures qui suivent l’hématome. Actuellement, il est bien démontré que cette aggravation est due à l’expansion de l’hématome, même en l’absence de coagulopathie (141-143). Il augmente de volume généralement durant les six premières heures qui suivent l’hémorragie et cela est favorisé par l’hyperglycémie, l’alcoolisme, l’hypertension artérielle, ou l’insuffisance hépatique (144). Afin d’éviter la progression du saignement, plusieurs études ont évalué le bénéfice des agents hémostatiques ou antifibrinolytiques. Ces derniers, tels l’acide aminocaproïque ou l’acide tranexamique, semblent être inefficaces pour prévenir l’expansion de l’hématome car leur action se fait sur les thrombus. En revanche, le recours à des agents hémostatiques est plus encourageant (145). L’administration de facteur VII activé, synthétique (rFVIIa) (NovoSeven®), stimule la conversion du facteur X en Xa, qui, à son tour, transforme la prothrombine en thrombine (146-148).
236 La réanimation neurochirurgicale
Une étude multicentrique récente a randomisé 399 patients dans les trois heures qui ont suivi la survenue d’une hémorragie cérébrale (149). Le but de cette étude était d’évaluer les modifications de volume de l’hématome et le devenir à 90 jours des patients ayant reçu soit un placebo, soit 40 µg, 80 µg, ou 160 µg par kg de rFVIIa dans l’heure qui a suivi le scanner cérébral. Quelle ait été la dose injectée, l’augmentation de volume de l’hématome était diminuée de moitié par rapport au placebo. La mortalité à 90 jours était de 29 % dans le groupe placebo comparée à 18 % dans le groupe traité (p = 0,02) avec une augmentation du nombre de patients ayant une récupération sans séquelle ou avec des séquelles mineures. Il semble donc que ce type de traitement permette de limiter l’expansion de l’hématome, de diminuer la mortalité et d’améliorer le pronostic, ce qui est en cours de confirmation dans une étude sur de plus grands effectifs. Le principal effet secondaire rapporté est une augmentation du risque thrombo-embolique (infarctus du myocarde ou cérébral).
Neuroprotection Environ une cinquantaine de substances neuroprotectrices ont été évaluées dans plus de 115 études mais aucune ne s’est montrée efficace cliniquement, alors que les résultats des études animales étaient très encourageants (150). Le principe de la neuroprotection est de bloquer le plus rapidement et le plus efficacement possible la cascade ischémique, qui conduit à la mort neuronale (151-153). La cible principale de la neuroprotection est la zone de pénombre. Sans traitement efficace, cette région tissulaire hypoperfusée est à risque de devenir aussi infarcie en quelques heures. Différents agents neuroprotecteurs ont été testés tant chez l’animal que chez l’Homme pour tous les stades de la cascade ischémique. Les antagonistes des canaux calciques ont été les premiers à être étudiés, tout particulièrement la nimodipine. Cette substance a fait l’objet d’une dizaine d’études randomisées avec des résultats négatifs. Le principal effet secondaire était une hypotension corrélée avec une augmentation de la mortalité. Une méta-analyse de neuf études démontrait un effet bénéfique chez les patients traités dans les 12 heures post-AVC mais ces résultats encourageants n’ont pas été confirmés par une autre étude où la nimodipine était donnée à moins de six heures post-AVC (154). Les antagonistes compétitifs (selfotel) ou non compétitifs (aptiganel) des récepteurs NMDA ont aussi fait l’objet de nombreuses études, de même que les antagonistes du site de la glycine (GV150526 ou ACEA1021). À nouveau les résultats ont été décevants et souvent obtenus au prix d’importants effets secondaires. L’utilisation du magnésium, qui agit sur les récepteurs NMDA, s’est révélée bénéfique en diminuant la mortalité dans la phase aiguë d’un AVC
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dans une étude pilote. Il pourrait même être injecté au cours du transport à l’hôpital par les ambulanciers en toute sécurité (155). Le lubeluzole, substance agissant au niveau des canaux sodiques s’est révélé finalement inefficace, même s’il était bien toléré par les patients. Ainsi, à ce jour, il n’y a pas de preuve que les substances qui modulent l’activité des acides aminés excitateurs soient bénéfiques et utiles dans le traitement de la phase aiguë des AVC (156). Les antiradicaux libres, aux effets antioxydants, ont également un rôle important dans la neuroprotection. Mais à nouveau les résultas de plusieurs études avec le tirilazade ont été non concluants. Une nouvelle substance, le Cerovive (NXY-059) semble révéler une efficacité prometteuse selon les premiers résultats de l’étude SAINT I. Plus de 1 700 patients traités ont révélé une réduction significative de leurs déficiences par rapport au groupe placebo (p = 0,038). Il est possible que cette substance modifie la prise en charge des patients dans la phase aiguë d’un AVC ischémique ou hémorragique. Des anticorps antirécepteurs ICAM-1 (enlimomab), des substances inhibitrices des cytokines, les statines sont aussi à l’étude mais avec des résultats encore décevants pour l’instant. La neuroprotection demeure donc toujours un vaste champ de recherche et d’études. Il n’est pas exclu dans les années à venir que de nouvelles substances se profilent dans l’arsenal thérapeutique du neurologue. Cependant, au vue de la complexité de la cascade ischémique, du court laps de temps pour préserver la pénombre ischémique, il sera probablement nécessaire de combiner différents traitements, notamment thrombolyse et neuroprotection, comme cela a déjà été tenté sans grand succès avec différentes substances (lubeluzole, citicoline, tirilazade…).
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Prise en charge des accidents hémorragiques cérébraux sous anticoagulants P. Grillo, B. Vigué et N. Bruder
L’accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique est une pathologie grave avec une mortalité à trente jours comprise entre 35 % et 52 % (1). La moitié des décès surviennent dans les 48 premières heures suivant l’AVC. La survie à un an et à cinq ans est respectivement d’environ 42 % et 27 % (2). Seize ans après l’accident initial, seulement 19,3 % des patients de moins de 65 ans sont toujours en vie. L’admission dans des centres ayant l’habitude de prendre en charge ces patients améliore le pronostic. La prise en charge des AVC hémorragiques dans une unité neurovasculaire diminue la mortalité qui passe 69 % à 52 % à un an. La presque totalité du bénéfice est obtenue au cours des trente premiers jours (1). Pour les patients les plus graves justifiant la réanimation, l’admission dans une unité spécialisée (neuroréanimation) était associée à une diminution de la mortalité par un facteur 3,4 (3). Cependant, les patients sont toujours pris en charge à la phase initiale par les services d’urgence. C’est à cette période précoce que se joue une grande partie du pronostic des patients dans le coma, en particulier chez les patients sous anticoagulant. En neuroréanimation, l’hémorragie cérébrale (HC) est un motif fréquent d’admission et la réflexion sur l’opportunité d’un traitement anticoagulant est un problème presque quotidien. En outre, ce risque aura probablement tendance à augmenter du fait du vieillissement de la population et donc de l’incidence de la fibrillation auriculaire. Ce chapitre a donc pour objectif de définir le bénéfice et les risques d’un traitement anticoagulant ou antiagrégant dans le contexte particulier de l’hémorragie cérébrale.
Épidémiologie et facteurs pronostiques des accidents cérébraux sous anticoagulants Les traitements anticoagulants augmentent le risque d’hémorragie cérébrale (HC) de sept à dix fois (4, 5). Le traitement par aspirine augmente le risque d’HC d’environ 40 % avec des écarts types variant de 24 % à 84 % (6, 7).
246 La réanimation neurochirurgicale
L’association d’aspirine à un traitement par antivitamine K double le risque d’HC (8). Le risque absolu de saignement intracrânien lors de la prise d’anticoagulants au long cours est classiquement de 0,5 % à 2 % par an (tableau I). Comparativement aux HC spontanées, celles liées à la prise d’anticoagulants sont plus importantes et ont une mortalité supérieure (5, 9, 10). La prise d’un traitement antiagrégant plaquettaire et l’hyperglycémie à l’admission sont des facteurs de risques indépendants prédictifs de mortalité à 30 jours chez les patients admis pour HC (11). Ces deux facteurs s’associent aux facteurs pronostiques classiques que sont l’âge, le score de Glasgow à l’admission, la taille de l’hématome, et la présence d’une hémorragie intraventriculaire (12). À cette surmortalité s’ajoute à une évolution fréquente vers des séquelles lourdes et une perte d’autonomie des patients (13). Thrift et al. ont cependant montré dans une étude cas-témoin que ni la prise ponctuelle de doses faibles ou modérées d’aspirine, ni la prise ponctuelle d’anti-inflammatoires non stéroïdiens augmentaient le risque d’HC. En revanche, les fortes doses d’aspirine semblent majorer ce risque (7). L’association d’antiagrégants plaquettaires augmente de 60 % le risque de saignement intracérébral comparativement à la prise isolée de clopidogrel chez les patients ayant souffert d’un AVC ischémique récent (14). De même, l’association aspirine et AVK (20 % des patients en fibrillation auriculaire) augmente le risque d’HC. Une méta-analyse de cinq essais randomisés montre une augmentation du risque relatif de 2,6 avec des niveaux d’anticoagulation identiques (OR : 2,6 ; IC 95 % : 1,3 à 5,4). La fréquence des HC est plus importante lorsque l’indication du traitement antiagrégant est l’AVC ischémique que lorsqu’il s’agit d’un syndrome coronarien aigu (14). Les facteurs de risque d’HC après une prise prolongée d’AVK sont donc l’âge, un traitement d’initiation récente, un INR fluctuant et élevé, et une pathologie cérébrovasculaire associée (15, 16) (tableau II). L’angiopathie amyloïde cérébrale est également à la fois un risque d’HC cérébrale spontanée et un risque d’HC sous anticoagulants. Le partage d’un grand nombre de facteurs de risque entre HC spontanée et HC sous anticoagulants suggère que ceux-ci pourraient révéler une HC qui serait autrement restée asymptomatique. La fréquence élevée des microsaignements retrouvés sur l’IRM des patients âgés et hypertendus renforce cette hypothèse (17). Néanmoins, certaines HC sont Tableau I – Pourcentage absolu estimé d’hémorragies cérébrales spontanées/an. [D’après (8, 20)] Population générale, âge environ de 70 % Aspirine (quelle que soit le dosage) Fibrillation auriculaire Maladie cérébrovasculaire Aspirine et Clopidogrel Fibrillation auriculaire Maladie cérébrovasculaire AVK (warfarine INR 2,5) Fibrillation auriculaire Maladie cérébrovasculaire AVK (warfarine INR 2,5) plus aspirine
0,15 %/an 0,2 %/an 0,3 %/an 0,3 %/an 0,4 %/an 0,3-0,6 %/an 0,4-1 %/an 0,5-1 %/an
Prise en charge des accidents hémorragiques cérébraux sous anticoagulants 247
Tableau II – Facteurs de risque d’hémorragie cérébrale durant la prise d’antivitamines K. Facteurs de risque démontrés Âge avancé (supérieur à 75 ans) Hypertension artérielle (pression artérielle systolique supérieure à 160 mmHg) Antécédents de maladie cérébrovasculaire Surdosage en anticoagulant Facteurs possibles Association à un traitement par aspirine Angiopathie cérébrale amyloïde Tabagisme Alcoolisme sévère Ethnique (Asie ou Amérique Latine) Paramètres radiologiques et marqueurs génétiques Leucoaraïose détectée par IRM ou scanner Micro-saignements détectés par IRM pondérée en T2 Génotype APOE type II ou IV
probablement liées au traitement lui-même. Le surdosage en AVK reste un facteur de risque puissant de survenue d’HC, qu’elle qu’en soit la cause (18). Ce lien est largement vérifié dans les séries prospectives d’accidents hémorragiques sous AVK où il est rapporté une proportion importante de surdosages. Rosand et al. ont montré que la surmortalité des HC secondaires à la prise d’AVK était dose-dépendante (19). La prise d’AVK peut également potentialiser la survenue d’un saignement lors d’une agression initialement non hémorragique, telle un AVC ischémique ou un traumatisme crânien minime. Malgré ces risques, l’anticoagulation par la prise d’AVK est plus sûre que par le passé. En effet, dans les études randomisées réalisées il y a dix ans, la prise d’AVK était associée à une augmentation par 5 ou 10 du nombre d’HC avec un risque absolu rapporté de 1 % par an (20). Dans des études plus récentes, ces risques ont diminué de façon notable probablement du fait d’un meilleur contrôle de l’anticoagulation par l’INR et le contrôle plus rigoureux de l’hypertension artérielle (tableau III). Malgré une anticoagulation plus fréquente des personnes âgées, le taux d’HC varie actuellement de 0,3 à 0,6 % par an (voir tableau I) (21, 22). Ceci est probablement lié au développement de véritables « cliniques d’anticoagulation » dans de nombreux pays et notamment en Amérique du Nord. En France, où ces structures n’existent pas, il est probable que le risque reste élevé. Tableau III – Mesures permettant de limiter les hémorragies cérébrales (HC) liées à l’anticoagulation. Limiter l’anticoagulation chez les patients à risque élevé (patients âgés et ceux porteurs de maladies cérébrovasculaires) L’INR doit rester ≤ 3 L’association aspirine et AVK doit être prudente chez les patients à haut risque L’association aspirine et clopidogrel dans les suites d’un AVC ischémique majore le risque d’HC et doit être discutée. Le contrôle rigoureux de la tension artérielle diminue de façon importante le risque d’HC
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Les HC sont des complications graves mais peu fréquentes de la thrombolyse associée à l’héparinothérapie après infarctus du myocarde. L’étude TIMI II rapporte une fréquence de 0,4 % à 1,3 % d’HC après respectivement 100 ou 150 mg de rt-PA (23). Ces HC sont difficiles à prédire mais suspectées sur une altération de la conscience ou l’apparition d’un déficit neurologique dans les 24 premières heures suivant une thrombolyse. La plupart des HC (83 %) surviennent dans les 24 premières heures dont 61 % des cas dans les 6 premières heures (24, 25). Leur localisation est essentiellement lobaire (70 %), thalamique (17 %) et cérébelleuse (13 %) voire dans 26 % des cas de localisation multiple. Elles sont souvent associées à une angiopathie cérébrale amyloïde ou à d’autres lésions vasculaires. Une hypertension artérielle aiguë non contrôlée avant la perfusion de rt-PA, la survenue d’arythmies ventriculaires et l’hypofibrinogénémie sont autant de facteurs impliqués dans le développement de ces HC. Dans l’étude TIMI II, la mortalité était élevée de l’ordre de 36 % à 58 % (23). La thrombolyse après AVC ischémique, qu’elle soit intra-artérielle ou intraveineuse, a révolutionnée la prise en charge en réduisant le risque d’invalidité. La complication la plus redoutée est la survenue d’une HC symptomatique. Son incidence varie de 6 à 11 % en fonction des protocoles employés pour la thrombolyse intraveineuse, c’est-à-dire environ 10 fois la fréquence des hémorragies spontanées (26-28). La méta-analyse de l’ensemble des 17 essais montre une surmortalité chez les malades traités (OR : 1,31 ; IC : 95 % : 1,13 à 1,52) en raison d’une forte augmentation du risque d’HC (OR : 3,53 ; IC 95 % : 2,79 à 4,45) (29, 30). Cette surmortalité est compensée par la réduction de mortalité liée à l’ischémie. Les analyses secondaires des essais du rt-PA ont permis d’identifier les facteurs de risque de transformation hémorragique grave. Ces facteurs sont l’âge, un traitement par aspirine, une hypodensité étendue sur le scanner initial, un traitement tardif (31). Rinkel et al. ont étudié la survenue et le pronostic des hémorragies méningées par rupture d’anévrisme chez 15 patients sous traitement anticoagulant (32). Le pronostic était effroyable : 14 des 15 patients sont décédés ou dépendants. L’explication était probablement liée à la gravité initiale des patients. En effet les patients étaient plus souvent dans le coma à l’admission. La fréquence des resaignements, des ischémies secondaires, ou de l’hydrocéphalie n’était pas plus élevée chez les patients anticoagulés.
Physiopathologie et enjeux pour la prise en charge des HC liés aux AC La rapidité de la prise en charge des HC, quel que soit le statut de l’hémostase, est l’un des éléments pronostiques majeurs qui pourrait, par une prise en charge bien codifiée, être facilement améliorés. Il existe de nombreux argu-
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ments épidémiologiques, cliniques et radiologiques rendant compte de l’importance du délai de traitement dans le devenir des HC.
Volume de l’HC et pronostic Associé au score de Glasgow, le volume de l’HC est le facteur pronostique le plus important (69). La valeur pronostique inconstante du volume de l’hémorragie pris isolément n’est pas surprenante et découle de la relation pression-volume à l’intérieur de la boîte crânienne. Chez les sujets âgés ou alcooliques, l’atrophie corticale permet de tolérer des hémorragies relativement importantes (tableau IV). En revanche, un sujet jeune peut ne pas tolérer une hémorragie de volume beaucoup plus faible. Le volume d’un hématome peut être calculé de deux manières. La première est la mesure vraie sur le scanner cérébral sur une reconstruction en trois dimensions obtenue grâce à un scanner spiralé (fig. 1). La deuxième méthode est le calcul par la formule AxBxC/2, où A, B et C sont les diamètres de l’hématome dans les trois directions de l’espace. Il existe une très bonne corrélation entre les deux techniques (r = 0,929) Tableau IV – Facteurs prédictifs de mortalité en fonction de la taille de l’hémorragie cérébrale (HC) et du score de Glasgow. [d’après (69).] Score de Glasgow
Volume de l’HC en cm3
Probabilité de décès à 30 jours en %
≥9 ≥9 ≥9 ≤8 ≤8 ≤8
< 30 30-60 > 60 < 30 30-60 > 60
19 % 46 % 75 % 44 % 74 % 91 %
Fig. 1 – La mesure du volume de l’hématome intracrânien peut s’effectuer facilement en multipliant les 3 plus grands diamètres dans les 3 dimensions de l’espace et en divisant le résultat par 2 (AxBxC/2).
250 La réanimation neurochirurgicale
permettant un calcul rapide au lit du patient (33). Les hématomes survenant sous anticoagulants étant souvent de forme plus irrégulière, la formule AxBxC/3 donnerait un résultat moins précis (34). Un score de gravité prenant en compte à la fois le volume et la localisation de l’hémorragie, le score de Glasgow et l’âge des patients a été publié (tableau V).
Augmentation de la taille de l’hématome Contrairement à ce qui était admis il y a une dizaine d’années, le volume de l’hématome continue à augmenter dans les heures qui suivent l’hémorragie initiale. Dans les trois heures qui suivent le début des symptômes, environ 38 % des patients ont une augmentation de volume de plus de 33 % (35). Dans une étude rétrospective, une augmentation de volume de 12,5 cm3 était retrouvée chez 20 % des patients (36). Le resaignement est rare après la vingtquatrième heure en l’absence d’anticoagulant. Sous anticoagulant, une étude trouve une augmentation de volume de l’hématome jusqu’au septième jour chez 16 % des patients sans anticoagulants et chez 54 % des patients anticoagulés. Ces données montrent qu’il existe une fenêtre thérapeutique pour prévenir le resaignement après une l’HC. De façon concomitante à la phase aiguë, l’œdème périlésionnel se constitue dès les 24 premières heures (37). La progression de l’œdème peut expliquer une Tableau V – Score ICH de gravité des hémorragies intracérébrales et mortalité prédite associée. [D’après (12).] Composante Score de Glasgow 3–4 5 – 12 13 – 15 Volume de l’hématome ≥ 30 mL < 30 mL Hémorragie ventriculaire Oui Non Âge (années) ≥ 80 ans < 80 ans Origine infratentorielle Oui Non Mortalité à 30 jours ≥5 4 3 2 1 0
Points 2 1 0 1 0 1 0 1 0 1 0 100 % 97 % 72 % 26 % 13 % 0%
Prise en charge des accidents hémorragiques cérébraux sous anticoagulants 251
aggravation secondaire souvent entre le troisième et le dixième jour après la survenue de l’hémorragie (38). On pensait il y a quelques années que cet œdème était lié à la constitution d’une zone de pénombre ischémique provoquée par la compression cérébrale autour de l’hémorragie. En réalité, les études réalisées chez l’Homme utilisant la mesure du débit sanguin cérébral, l’imagerie métabolique (tomographie à émission de positons) ou l’IRM n’ont pas montré d’hypodébit cérébral autour de l’hématome (39, 40). L’œdème n’est donc pas ischémique mais plutôt inflammatoire. Cette réaction inflammatoire est liée en grande partie à l’activation des mécanismes hémostatiques localement. Dans des modèles animaux dans lesquels l’hémorragie cérébrale est dépourvue de son pouvoir coagulant, il apparaît peu d’œdème périlésionnel (41). Chez l’Homme, les HC apparaissant au décours de la thrombolyse s’accompagne de peu d’œdème également (42). La thrombine produite durant la formation du caillot (43), l’action de l’hème oxygénase par relargage de fer initialement couplé à l’hémoglobine, l’activation de la microglie et du complément conduisent à l’afflux de polynucléaires neutrophiles et à l’apparition d’un œdème. De nombreuses données suggèrent que l’HC active ces voies via une hyperexpression de gènes et de protéines. L’activation de ces voies dans les HC importantes est délétère. Ceci laisse espérer le développement de traitements visant à limiter la réaction inflammatoire après HC. Mais dans certaines circonstances et notamment lorsque la taille de l'hématome est faible, ces mêmes voies peuvent avoir un effet protecteur. La surexpression de ces facteurs pourrait être une adaptation lors de la survenue d’hématomes de petite taille afin de limiter l’étendue des lésions cérébrales.
Prise en charge médicale urgente Comme nous l’avons dit précédemment, la rapidité de la prise en charge des HC, quel que soit le statut de l’hémostase, est l’un des éléments pronostiques majeurs qui pourrait par une prise en charge bien codifié être largement amélioré. Le traitement spécifique de l’HC sous AVK est l’antagonisation complète de l’anticoagulation, et ce, le plus rapidement possible.
Mode d’antagonisation Parmi les différentes possibilités [plasma frais congelé, vitamine K, facteurs vitamine-K dépendant (PPSB en France)], l’association vitamine K + PPSB est la plus performante dans une telle situation. Cette association est le traitement de référence des hémorragies sévères menaçant le pronostic vital, en premier lieu les HC (44). De nombreux travaux ont mis en évidence la supériorité du PPSB sur les plasmas frais dans ces situations (45-47). Les avantages principaux
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du PPSB par rapport au plasma sont la rapidité d’efficacité, pratiquement immédiate, et l’absence de surcharge volémique chez des patients parfois insuffisants cardiaques.
Complexe prothrombique humain (PPSB) En France, l’une des préparations physiologiques disponible sur le marché est le Kaskadil® (Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, Courtabœuf, France). Il s’agit d’un médicament dérivé du plasma, communément appelé PPSB (pour Prothrombine, Proconvertine, facteur Stuart, facteur anti-hémophilique B). Néanmoins, il nous semble que cette appellation ne devrait plus être utilisée, car elle fait référence à des procédés de fabrication qui laissaient persister en grande quantité des facteurs activés responsables de phénomène d’activation de coagulation parfois dramatique (48). Les différentes procédures de purification ont participé à la disparition de ce type de complication et ont éliminé les risques de transmission virale. Il paraît plus approprié de parler d’association de facteurs. Il est habituel, pour des raisons historiques, de décrire les posologies en « équivalent facteur IX ». La posologie recommandée dans l’AMM en cas d’accident hémorragique lors d’un traitement anticoagulant oral bien conduit (TP < 40 % ou INR entre 3 et 4) est de 10 à 20 UI/kg d’équivalent facteur IX. Comme 1 mL de solution équivaut à 25 UI de facteur IX, la seule posologie à retenir est de 25 UI/kg soit 1 mL/kg. En pratique, la solution finale reconstituée ne dépasse donc que rarement les 100 mL. L’administration des facteurs est intraveineuse. Une injection lente est traditionnellement recommandée (4 mL/min, soit 15 à 20 minutes), le pic d’activité se situant 10 minutes après la fin de l’injection. Cette recommandation est ancienne, elle découle de la crainte d’une activation non contrôlable de la coagulation, secondaire à la présence de facteurs activés dans les préparations. Comme nous l’avons rappelé plus haut, les nouvelles modalités de fabrication permettent d’éliminer totalement ces molécules activées. En pratique, une administration rapide, intraveineuse directe, permet une correction immédiate de l’hémostase, sans effet secondaire notable. Devant les urgences hémorragiques extrêmes, ceci permet non seulement la restauration immédiate des troubles liés au traitement AVK mais aussi l’organisation, sans tarder, de la chirurgie s’il y a lieu. Les patients sous AVK, qui ne disposent pas comme les hémophiles des facteurs manquant à domicile, peuvent espérer une fois arrivés à l’hôpital avoir la même qualité et rapidité de prise en charge que les patients hémorragiques sans trouble chronique de l’hémostase.
Vitamine K L’administration de vitamine K est essentielle et s’explique par les propriétés pharmacologiques des facteurs de coagulation. Avec une demi-vie de cinq
Prise en charge des accidents hémorragiques cérébraux sous anticoagulants 253
heures, le facteur VII est le facteur limitant la durée d’action de l’association de facteurs exogènes (15). La vitamine K prend le relais des facteurs exogènes pour permettre le maintien d’une hémostase correcte à partir de la 5-6e heure (49). La dose de vitamine nécessaire ne fait pas l’objet d’un consensus clairement défini. La quantité et la voie d’administration de la vitamine K doivent répondre à trois exigences particulières : efficacité à 6 heures, limitation du risque toxique local et anaphylactique, absence d’une résistance secondaire aux AVK. La dose de vitamine K permettant l’obtention durable d’une hémostase normale à partir de la 5e heure après administration varie suivant les auteurs, allant de 2,5 mg (49) à 10 mg pour les dernières recommandations anglosaxonnes (44). L’avantage de l’utilisation de faibles doses (< 5 mg) réside dans une réduction du risque de résistance secondaire aux AVK (50) dans l’hypothèse d’une réintroduction dans les dix jours suivant l’accident. L’utilisation de la voie entérale permet, lorsqu’elle est disponible, de s’affranchir de la toxicité veineuse importante et diminue le risque anaphylactique pour une même efficacité (51).
Pourquoi un traitement rapide Il existe de nombreux arguments épidémiologique, clinique et radiologique qui montrent l’importance du délai de traitement dans le devenir des HC. Il y a déjà vingt-cinq ans, l’étude de Seelig et al. (52) démontrait qu’après quatre heures la mortalité des HC passait de 30 à 90 %. Comme il a été vu plus haut, l’hématome continue à augmenter de volume dans les premières heures suivant le saignement initial. Il est logique de penser que cette hémorragie secondaire est d’autant plus importante qu’il existe des troubles de la coagulation, ce qui permettrait d’expliquer l’augmentation de la mortalité des HC survenant sous anticoagulants. L’administration en extrême urgence des facteurs vitamine K dépendants pourrait donc être la clef d’une amélioration du pronostic de certains patients sous AVK.
Attitude actuelle : un traitement sous-utilisé Malgré les preuves de l’efficacité et de la nécessité de l’utilisation rapide de l’association des facteurs de la coagulation et de la vitamine K, il semble que dans de nombreuses situations les recommandations internationales ne soient pas respectées. Les résultats d’une enquête française réalisée en 2001 (53) sont éloquents. Cette étude a été réalisée sur 70 hôpitaux publics (CHU et CHG) et privés pendant six mois, et rapporte les modalités de prise en charge des surdosages en AVK. Les résultats sont surprenants : 44 % des hémorragies graves (un tiers d’HC) ne sont traités que par l’apport de vitamine K et seule-
254 La réanimation neurochirurgicale
ment 29 % des patients reçoivent le traitement associant les facteurs et la vitamine K ; seulement 50 % des patients admis pour une HC sont traités par concentré de facteurs. De plus, on constate que les doses moyennes utilisées (15 UI/kg) sont inférieures aux recommandations actuelles. En revanche, cette enquête souligne les doses majeures de vitamine K (20 à 40 mg), en contradiction avec les doses préconisées par la majorité des auteurs. Enfin, on remarque la large prescription de plasma même en l’absence de choc hémorragique. Le second travail rapporte de manière rétrospective la prise en charge des HC sous AVK en Suède de 1993 à 1996 (54). Les résultats sont également étonnants. Le choix du traitement diffère de façon significative d’un établissement hospitalier à l’autre, et semble totalement subjectif. Ces aléas de choix thérapeutiques sont surprenants au vu des données de la littérature. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet écart entre recommandations de la littérature et pratique clinique. L’absence de formation spécifique des praticiens se trouvant en première ligne dans la prise en charge de ces événements en est l’une des principales raisons. Il faut également souligner qu’il existe depuis toujours une appréhension à l’utilisation des concentrés de facteurs quant à leurs effets secondaires. Ces deux éléments ne devraient plus aujourd’hui limiter l’utilisation d’association de facteurs. Un effort sur la sensibilisation des praticiens aux données récentes de la littérature sur l’innocuité et l’extrême efficacité des concentrés de facteurs devrait limiter les écarts aux recommandations actuelles et pourrait participer à une amélioration de la morbidité et de la mortalité des HC sous AVK.
Nécessité de reprise d’une anticoagulation dans les suites d’une HC, risque de resaignement versus risque thromboembolique L’anticoagulation après remplacement valvulaire cardiaque permet de diminuer de façon majeure le risque d’embolies de 75 %, à approximativement 1 % par patient/an (55, 56). Chez les patients porteurs d’une valve cardiaque mécanique, l’arrêt de l’anticoagulation expose au risque de thrombose de valve évalué à 1,8 % par patient/an et d’emboles systémiques à savoir ischémie périphérique nécessitant un geste chirurgical, ischémie cérébrale, ou décès du patient évalués à 4 % par patient/an. Ceci veut dire que le risque journalier d’accident lié à l’arrêt des anticoagulants peut être estimé à 0,016 %. C’est la raison pour laquelle certains auteurs préconisent un arrêt de quatre à six semaines d’une anticoagulation à dose efficace lorsque le risque de resaignement est élevé (57). De plus, la reprise du traitement anticoagulant peut être responsable d’une majoration de la taille de l’HIC et de resaignement mettant en jeu le pronostic vital. Les accidents hémorragiques liés aux AC ont souvent
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un pronostic sombre, avec une mortalité de 60 % sans compter les conséquences d’un resaignement. Cette attitude a été validée de manière rétrospective sur de faibles séries de patient. L’étude la plus importante regroupe 141 patients pour lesquels l’indication d’anticoagulation était soit une valve cardiaque, soit une fibrillation auriculaire compliquée d’un AVC ischémique, soit un AVC ischémique (58). La médiane d’arrêt des anticoagulants était de 10 jours. Il y avait 3 AVC ischémiques chez ces patients et la probabilité d’avoir cette complication à 30 jours après l’arrêt des anticoagulants était de l’ordre de 3 %. La mortalité était de 43 %, principalement liée aux conséquences de l’hémorragie cérébrale. L’arrêt des anticoagulants était donc considéré comme relativement sûr compte tenu du risque hémorragique cérébral. Le rapport bénéfice/risque de la reprise des anticoagulants est donc à évaluer. Plusieurs éléments doivent être pris en compte pour la gestion de ces malades (tableau VI)
Contrôle tensionnel De nombreuses études ont montré une relation entre la sévérité de l’hypertension artérielle et un mauvais pronostic neurologique (59, 60). Il est logique de penser qu’une hypertension artérielle sévère favorise la poursuite du processus hémorragique et qu’il faudrait donc la traiter. Cependant, le risque serait de diminuer la perfusion dans l’éventuelle zone de pénombre ischémique entourant l’hématome et de créer ainsi une aggravation des lésions. Nous avons vu que, pour des hématomes de volume moyen (< 30 mL), l’imagerie ne montre pas de zone de pénombre à la périphérie de l’hématome (39, 40). Ceci rejoint les données expérimentales dans des modèles d’hémorragie cérébrale (61). Une étude non comparative sur un faible effectif de patients montrait l’absence d’aggravation associée à un contrôle agressif de l’hypertension artérielle (62). C’est la raison pour laquelle les recommandations actuelles sont de traiter de Tableau VI – Éléments à discuter chez le patient porteur d’une prothèse valvulaire mécanique en vue d’une reprise de l’anticoagulation après hémorragie cérébrale. • Présence de situations à haut risque emboligène : prothèse valvulaire mécanique à bille type valve de Starr, une fibrillation auriculaire, une valve en position mitrale, et une réduction de la fonction ventriculaire. • Un antécédent d’embolie durant un sous-dosage en AVK (INR infrathérapeutique ) est un facteur d’augmentation du risque emboligène à l’arrêt de l’AC. • Rechercher la présence d’un thrombus intracardiaque ou d’une dilatation auriculaire à l’échocardiographie. • Rechercher un antécédent d’accident ischémique transitoire ou d’AVC. • Le type d’hémorragie intracérébrale : hématome intraparenchymateux, hémorragie méningée, hématome sous dural. • Les raisons de la survenue de cette HIC : poussée hypertensive, rupture d’une malformation vasculaire ou d’un anévrisme, ramollissement hémorragique d’un AVC.
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manière agressive une hypertension artérielle sévère. L’objectif est de diminuer la pression artérielle moyenne (PAM) en dessous de 130 mmHg et de la maintenir entre 100 et 120 mmHg (63). Dans tous les cas, il ne faut pas réduire de plus de 15-20 % la PAM. Cette attitude ne repose que sur de petites séries cliniques, non contrôlées (62). Elle ne s’applique probablement pas aux patients les plus graves ayant des signes d’engagement cérébral. Chez ces patients, l’objectif est d’abord de diminuer la pression intracrânienne (PIC) car la perfusion cérébrale est sévèrement compromise. Pour ces patients, le niveau optimal de la PAM à la phase initiale pourrait s’aider du Doppler transcrânien. Il a été montré qu’un indice de pulsatilité controlatéral à l’hémorragie supérieur à 1,75 avait une valeur pronostique élevée (64). Puisqu’il existe une relation assez étroite entre l’indice de pulsatilité et la pression de perfusion cérébrale, la PAM pourrait être diminuée tant que cet indice n’atteint pas ce seuil de 1,75.
Prise en charge de l’hypertension intracrânienne et traitement chirurgical Chez les patients dans le coma, ou a fortiori ayant des signes d’engagement, la priorité est le contrôle de la PIC. Cruz et al. ont montré que de fortes doses de mannitol lors de la prise en charge (1,4 g/kg) étaient préférables à des doses conventionnelles (0,7 g/kg) (65). L’idée de ce protocole est de gagner du temps pendant la phase initiale du bilan avant de conduire le patient au bloc opératoire, en améliorant la perfusion cérébrale. Ces auteurs ont montré que cette attitude permettait d’obtenir plus fréquemment la régression d’une mydriase et améliorait le pronostic neurologique à six mois. Ce gain de temps n’est réellement pertinent que lorsqu’un geste chirurgical de décompression est envisageable. Ceci pose le problème des indications chirurgicales qui sont toujours l’objet de vives controverses. L’étude STICH est la seule étude prospective randomisée de grande échelle ayant tenté d’évaluer l’intérêt de la chirurgie. Cette étude a randomisé 1 033 patients souffrant d’un AVC hémorragique vus dans les 72 premières heures entre chirurgie précoce et traitement médical. Cette étude ne montrait aucun bénéfice de la chirurgie. L’analyse des sous-groupes montrait une tendance presque significative à un bénéfice de la chirurgie lorsque l’hématome était superficiel (≤ 1 cm de la surface corticale) ou lobaire (par rapport à un hématome des noyaux gris centraux) (66). Cette étude ne doit pas être interprétée comme l’absence de toute indication chirurgicale dans les hémorragies cérébrales. Les patients justifiant d’une chirurgie en urgence étaient de principe exclus de l’étude, ainsi que ceux souffrant d’une rupture de malformation vasculaire cérébrale. Parmi les indications consensuelles d’intervention chirurgicale figurent le drainage ventriculaire d’une hydrocéphalie aiguë, les hématomes lobaires liés à une rupture d’anévrisme, les patients jeunes ayant une hémorragie superficielle et des signes d’engagement
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et les hémorragies cérébelleuses avec signes de compression du tronc cérébral (fig. 2). Dans cette dernière indication, il est montré qu’une localisation vermienne ou une hydrocéphalie aiguë à l’admission sont des facteurs indépendants d’aggravation neurologique (67). Ces patients doivent être surveillés de manière très étroite car l’aggravation est souvent très rapide et peut nécessiter une intervention neurochirurgicale en urgence, a fortiori lorsqu’il existe des troubles de la conscience ou une hypertension artérielle sévère. La chirurgie améliore souvent de manière spectaculaire l’état neurologique des patients et s’accompagne de séquelles neurologiques parfois mineures. La technique chirurgicale joue certainement un rôle. Une chirurgie moins invasive qu’une craniotomie « classique » pourrait améliorer les résultats mais ceci reste à démontrer sur de grandes séries cliniques (68). Une limite supplémentaire de l’étude STICH est le délai moyen de 24 heures entre le début des signes et l’intervention, ce qui ne permet pas d’exclure un bénéfice potentiel d’une chirurgie plus précoce. Actuellement, la décision opératoire résulte donc toujours d’une discussion médico-chirurgicale sur les risques et les bénéfices attendus. La neurochirurgie nécessite une coagulation normale pour obtenir un bon résultat postopératoire. Chez les patients sous antivitamines K, l’antagonisation par le PPSB permet de rétablir rapidement cette condition. Chez les patients sous antiagrégants plaquettaires, et notamment sous clopidogrel, l’attitude est moins consensuelle. Des transfusions plaquettaires sont très probablement indiquées immédiatement avant l’intervention. Leur nombre, leur durée, l’évaluation de leur efficacité ne sont pas connus. En outre la durée de l’arrêt des antiagrégants, face à un risque thrombogène élevé ne repose sur aucun argument scientifique. Une interruption de 48 heures semble un minimum mais le risque de récidive hémorragique persiste au moins jusqu’au dixième jour postopératoire.
Fig. 2 – Deux images d’indication chirurgicale en fonction de l’évolution clinique des patients : hémorragie temporale superficielle ; hémorragie vermienne.
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Conclusion L’hémorragie cérébrale est une pathologie grave avec une mortalité à trente jours qui approche les 50 %. Dans ce contexte, l’attitude en urgence est un arrêt et une antagonisation immédiate des anticoagulants, avant même le résultat des tests biologiques lorsque l’on a la notion d’un traitement suivi au long cours. Au décours de la phase aiguë, la décision de reprise d’un traitement anticoagulant dépend de l’évolution des lésions cérébrales, de l’indication d’anticoagulation et du rapport bénéfice/risque attendu du traitement. Outre la gestion de l’anticoagulation, le contrôle de l’hypertension artérielle sévère est l’un des éléments pour limiter l’étendue de l’hémorragie cérébrale. Les indications chirurgicales sont toujours controversées mais lorsque la chirurgie est nécessaire, il est essentiel de rétablir une coagulation aussi proche de la normale que possible.
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Infections neuroméningées postopératoires et abcès cérébraux J.-P. Graftieaux, C. Lépouse, P. Gomis et A. Léon
Introduction Même si la neurochirurgie est dans la plupart des cas une chirurgie propre avec un risque infectieux faible, la gravité des infections postneurochirurgicales est indiscutable, en raison de leur proximité, voire même de leur localisation à l’intérieur du système nerveux central (SNC). Ces infections sont diverses, et leur survenue dépend de trois acteurs : le malade et sa pathologie, l’opérateur et la bactérie. Il est classique de dire que leur pronostic a été modifié par l’apport de l’imagerie médicale, les progrès des techniques chirurgicales et de l’antibiothérapie. C’est sans compter avec l’action des Comités de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CLIN) à l’intérieur des hôpitaux et dans les blocs opératoires et leur rôle dans la prévention et l’analyse de la cause du développement des infections nosocomiales. Même si les critères de définition de ces infections restent trop souvent simplistes et dogmatiques, les neuro-anesthésistes réanimateurs sont concernés par cette pathologie, non seulement par la prescription de molécules anti-infectieuses, mais aussi dans leur prévention. Après avoir rappelé les différents facteurs du développement de l’infection neurochirurgicale postopératoire, nous considérerons pour chaque infection son diagnostic clinique, sa physiopathologie et son traitement. Nous adopterons pour l’exposé les critères énoncés par le CDC en 1992 définissant les infections postopératoires selon leur site opératoire superficiel ou profond.
Infection et système nerveux central : facteurs intrinsèques et extrinsèques Mécanismes de défense La barrière anatomique et la réponse immunitaire constituent les principaux
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mécanismes de défense du SNC. La barrière anatomique, ostéoméningée, constitue un dispositif mécanique s’opposant à la pénétration bactérienne. L’importance de cette barrière est démontrée par l’absence de méningite en cas de bactériémie à gram négatif, lorsque son étanchéité est respectée. Toute brèche méningée, en revanche, est à haut risque septique. La réponse immunologique se décompose en trois parties : une réponse humorale, une réponse cellulaire phagocytaire et la mise en jeu du complément. En l’absence d’infection, ces mécanismes sont inopérants. Ainsi, des études animales ont montré que 20 CFU (Colony Forming Unit) de bactéries inoculées dans le système nerveux suffisent à entraîner une méningite, entraînant la mort de l’animal (1). Les taux d’immunoglobulines et de leucocytes circulants restent bas dans le liquide céphalorachidien (LCR) en cas de méningite, signifiant l’absence d’activité antimicrobienne du LCR (2). Les cellules phagocytaires migrent dans le LCR mais sont inefficaces en l’absence d’anticorps opsonisants. On ne sait pas si les leucocytes sont utiles dans le LCR mais ils apparaissent avec retard (14 h) par rapport à l’inoculation, autorisant ainsi la prolifération bactérienne (3, 4). La voie du complément est nécessaire pour l’opsonisation des bactéries encapsulés. Le faible taux de complément en cas de méningite purulente peut être expliqué par l’action des protéases leucocytaires ou par la perméabilité de la barrière hémoméningée qui a pour conséquence l’augmentation de leur clairance. Les patients avec un déficit en gammaglobulines, aspléniques, et porteurs d’un déficit en complément sont des candidats prévisibles à l’infection, notamment si les germes sont encapsulés : Streptococcus pneumoniae, Neisseria meningitidis, Haemophilus influenzae et Pseudomonas aeruginosae chez les patients neutropéniques. Les déficits des moyens de défense cellulaire sont corrélés avec la pénétration des germes intracellulaires : Listeria monocytogenes, les mycobactéries, Toxoplasma gondii, Nocardia, Cryptoccocus neoformans et Aspergillus fumigatus (5).
Facteurs de risque d’infection du SNC Facteurs liés au type d’intervention La classification d’Altemeier en quatre classes tient compte de la contamination du site opératoire au moment de la chirurgie et rend compte d’une façon globale du risque infectieux selon le type de chirurgie (6). La classe I représente la majorité des interventions de neurochirurgie réglée et présente un risque infectieux faible estimé entre 0,5 à 5 %. Cette classe est dite classe de chirurgie propre et inclut l’implantation de matériel de dérivation interne du LCR ainsi que les dispositifs installés pour le traitement de la spasticité ou de certaines affections dégénératives. La classe II est celle de la chirurgie propre contaminée : hypophysectomies par voie rhinoseptale, chirurgie de la rhinorrhée ou chirurgie de la fosse postérieure par voie translabyrinthique ou transmastoïdienne. La voie d’abord traverse ici des cavités contaminées : fosses nasales,
Infections neuroméningées postopératoires et abcès cérébraux 265
sinus frontaux, oreille moyenne. Les dérivations ventriculaires externes, mettant le LCR en contact avec l’extérieur et la neurochirurgie traumatique, sans plaie, effectuée dans les six heures, appartiennent à cette classe. Le risque infectieux s’élève ici entre 5 et 10 %. La classe III est la chirurgie traumatologique avec plaie opérée dans les quatre heures suivant l’accident, ou sans plaie mais prise en charge après six heures. C’est une chirurgie contaminée dont le risque infectieux se situe entre 10 et 30 %. La classe IV est celle de la chirurgie sale, regroupant la chirurgie infectieuse proprement dite (abcès, empyème, épidurite) et la chirurgie traumatique encéphalique avec plaie ouverte opérée après quatre heures. Dans cette classe, le risque infectieux dépasse 30 %. Cette classification, qui rend compte d’une façon globale du risque septique selon la contamination physiologique du site opératoire, ne prend pas en compte d’autres facteurs favorisant l’infection, en particulier ceux liés à la durée de l’intervention, à l’incidence d’une reprise chirurgicale, et au contexte de l’urgence. Une enquête multicentrique française a bien mis en évidence le risque lié à la durée de l’intervention (6). Les auteurs retrouvaient 2,6 % d’infections pour les interventions de moins de 2 heures, 4 % entre 2 et 4 heures et 6,2 % pour les interventions de plus de 4 heures. Cette même enquête montrait que la reprise chirurgicale multipliait par dix le risque infectieux et que le caractère d’urgence multipliait le risque par deux.
Facteurs liés au patient Dans l’enquête française, les facteurs liés au patient étaient : une classe ASA supérieure à deux, un score de Glasgow à l’admission inférieur à dix, des antécédents neurochirurgicaux dans le mois précédant l’intervention et une antibiothérapie dans les dix jours précédant l’intervention. La pathologie tumorale est grevée d’un plus grand taux d’infection. L’existence d’une infection en dehors du site opératoire, au moment de l’intervention, semble un facteur de risque important. La logique impose de rechercher ces foyers et de les traiter avant l’intervention. La question se pose de différencier le patient infecté de celui porteur sain d’une bactérie multirésistante. Faut-il traiter ? Combien de temps ? C’est ici qu’une discussion avec l’équipe du CLIN s’impose, car il n’est pas certain que l’on puisse éradiquer la bactérie sans la remplacer par une autre, sélectionnée par un traitement qui n’est d’ailleurs pas toujours efficient (7).
Facteurs liés à la technique Ils sont surtout incriminés dans la chirurgie des dérivations internes de LCR. Choux et al. considèrent comme capitale la technique opératoire qui fait à leurs yeux partie intégrante de l’asepsie chirurgicale (8).
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Antibiotiques et cerveau La barrière hématoméningée sépare le LCR et le cerveau du compartiment vasculaire (5). Elle réduit la pénétration des médicaments, dont les antibiotiques, dans le LCR. Cette barrière hématoméningée est anatomiquement divisée entre une barrière cerveau-sang et une barrière sang-LCR (9). Le site anatomique de la barrière correspond à l’endothélium jointif des capillaires cérébraux, l’épithélium des plexus choroïdes et la membrane arachnoïdienne. La paroi des capillaires a une faible aptitude pinocytaire mais est douée de capacités de transport importantes. Si les antibiotiques ne pénètrent pas quand la barrière est saine, ils diffusent bien en cas de méningite bactérienne ou d’inflammation des méninges. Les caractéristiques des antibiotiques sont aussi des éléments de pénétration indépendants de la barrière : poids moléculaire, solubilité dans les lipides, degré de ionisation à pH physiologique, fixation aux protéines et transport actifs (10). Ils pénètrent par diffusion passive à partir du sang dans le LCR en cas de petit poids moléculaire (11). Les molécules très lipophiles (rifampicine, chloramphénicol, triméthoprime, sulfamides, isoniazide, passent au travers d’une barrière saine alors que les drogues ionisées, de haut poids moléculaire et de faible liposolubilité (bêtalactamines par exemple) pénètrent peu en l’absence d’inflammation. Les molécules fixées aux protéines ne sont actives que par leurs fractions libres. Dans les plexus choroïdes, des pompes expulsent, par un mécanisme actif, les bêtalactamines du LCR vers le sang.
Méningites et ventriculites Dans une enquête multicentrique française (avril 1993-juillet 1994) effectuée dans dix services de neurochirurgie et qui avait inclus 2 994 patients ayant subit une craniotomie, le taux global des infections postopératoires était de 4 %, variable selon les hôpitaux de 1,5 à 10,2 %. Les infections classées selon les critères du CDC, se répartissaient ainsi : 38 % d’infections superficielles et 62 % d’infections profondes (6).
Infections superficielles Il s’agit essentiellement, pour la chirurgie intracrânienne, de suppuration de la plaie opératoire et de collections sous le scalp. Bien que superficielles, ces infections imposent le plus souvent une seconde intervention de débridement. Les ostéites postopératoires sont rares, secondaires à des infections de voisinage, à partir de la plaie ou d’un sinus, frontal le plus souvent (12). L’infection peut être chronique ou subaiguë. La forme aiguë, s’associe à une infection sousjacente, empyème ou abcès. L’examen clinique objective un œdème local
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accompagné de céphalées dans un contexte fébrile. Une hyperleucocytose est rarement présente. Les radiographies simples montrent une apparence mitée de la table interne ; mais au stade ultra-précoce, l’image peut être normale. L’ostéite nécessitera une seconde intervention pour l’ablation du volet, puis une troisième pour fabrication secondaire d’une plastie, après une longue période d’antibiothérapie. Les germes en causes seront bien souvent ceux de la peau ou de la sphère ORL : staphylocoques, streptocoques, Propionibacterium spp, pneumocoques et bacilles à gram négatif. L’antibiothérapie est adaptée à l’identification de la (ou des) bactérie(s) et à l’antibiogramme. La durée du traitement, mal codifiée, est le plus souvent longue. Elle varie de quelques semaines à plusieurs mois. La persistance d’un écoulement purulent et bactériologiquement positif incite à poursuivre l’antibiothérapie.
Infections profondes Il s’agit des méningites, des ventriculites, ainsi que des abcès et empyèmes postopératoires pour la chirurgie crânienne. Les infections sur matériel, notamment des valves de dérivation du LCR, ventriculaires internes ou externes, mais aussi des dispositifs implantés pour le traitement de la spasticité et de certaines pathologies dégénératives, sont des infections classées comme profondes.
Méningites postopératoires Dans ce cadre nosologique, il faut distinguer les méningites aseptiques des méningites bactériennes, lesquelles diffèrent des méningites communautaires par leur symptomatologie et leur flore. À l’intérieur des méningites postopératoires, il faut par ailleurs distinguer les méningites survenant après une chirurgie propre de celles consécutives à une chirurgie contaminée. Les méningites bactériennes postopératoires en neurochirurgie sont des complications rares mais toujours graves. Leur incidence varie selon le type de chirurgie (propre ou propre contaminée) et selon l’utilisation d’une antibioprophylaxie. Le taux de méningites bactériennes postopératoires varie de 0 % à 0,6 % en chirurgie propre avec antibioprophylaxie contre 0,64 % à 1,9 % sans antibioprophylaxie. Le taux de méningites bactériennes postopératoires en chirurgie propre contaminée varie de 0,4 % à 2 % selon les études (5). Les méningites après neurochirurgie propre sont dues à une inoculation bactérienne directe survenant pendant l’intervention. Ces infections peuvent survenir précocement, dans les dix premiers jours postopératoires. Les bactéries en cause sont alors celles de la flore cutanée : staphylocoques coagulase négative, Propionibacterium spp. Elles peuvent aussi être consécutives à des bactéries venant secondairement contaminer le LCR à partir d’une effraction cutanée, ou par voie hématogène à partir d’un site infecté, notamment en cas d’hospi-
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talisation prolongée. Une fistule externe de LCR est le facteur de risque le plus important de méningite et doit donc être dépistée et traitée rapidement. Si l’on excepte les procédures de dérivation, les entérobactéries à gram négatif et les staphylocoques représentent la majorité des germes rencontrés dans les infections postneurochirurgicales (5). Le diagnostic clinique est le plus souvent difficile. Comparées aux méningites communautaires, les méningites postopératoires commencent selon un début plus insidieux avec une évolution traînante. Elles sont souvent causées par des micro-organismes résistants aux antibiotiques (13). Cliniquement, il est difficile de différencier les méningites postopératoires des méningites aseptiques ou chimiques (14). Le tableau clinique est identique et il n’existe pas de différence significative en ce qui concerne la sémiologie (altération de l’état de conscience, raideur de nuque, céphalées, nausées) et les circonstances (délai postopératoire d’apparition des premiers signes cliniques, type de chirurgie, implantation de matériel étranger ou bien usage de corticoïdes). En postopératoire, le motif de l’intervention peut orienter le diagnostic. Une suspicion de méningite aseptique (chimique) peut être envisagée après chirurgie du craniopharyngiome, du gliome ou bien après exérèse d’un kyste épidermoïde (15). On note toutefois une température plus élevée dans le cas des méningites bactériennes avec l’association de signes neurologiques focaux et la présence d’une fuite de LCR au niveau de la voie d’abord. Dans le sang et le LCR, le nombre de leucocytes (présence d’au moins dix éléments dont 50 % de polynucléaires neutrophiles) est plus élevé en cas de méningites bactériennes. On retient par ailleurs comme caractère discriminatif l’existence d’un polymorphisme cellulaire dans le LCR. En postopératoire, les substances dérivées de la dégradation des hématies dans le LCR sont suffisantes pour induire une inflammation méningée marquée. En cas de LCR hémorragique, on peut retenir comme signal d’alerte un rapport GB/GR supérieur à 1/100. L’analyse de la glycorachie n’est pas discriminante même en cas d’hypoglycorachie marquée (16). On peut retenir une protéinorachie élevée (supérieure à 0,5 g/L) mais de façon non significative, en cas de méningite bactérienne. La mise en culture du LCR reste un élément déterminant de la confirmation du diagnostic, et la ponction lombaire est rarement responsable de l’aggravation du tableau clinique (17). De nouveaux marqueurs biologiques, comme la procalcitonine, peuvent constituer une aide précieuse pour orienter le diagnostic. Cependant, dans le contexte postopératoire, leur interprétation est souvent difficile (18, 19). Les techniques d’amplification génique du DNA d’origine bactérienne réalisées sur le LCR auraient une bonne valeur diagnostique et permettraient d’affirmer le diagnostic de méningite bactérienne en moins de six heures (20). Le traitement probabiliste doit cibler en première intention les bacilles aérobies à gram négatif et le staphylocoque. L’association est de règle. Le traitement probabiliste de première intention recommandé associe la fosfomycine (12 à 16 g/j) et le céfotaxime (150 mg/kg/j), traitement efficace sur les germes à gram positif et les entérobactéries (21). En cas de doute, en fonction de l’écologie
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locale, quand à l’efficacité de la fosfomycine, il convient d’y ajouter de la vancomycine (22). Le traitement ultérieur est fonction de l’étiologie bactérienne. Schématiquement, on peut retenir pour les staphylocoques méticilline-sensibles, les fluoroquinolones, la rifampicine, la fosfomycine ou les céphalosporines de troisième génération à forte dose. Pour les staphylocoques méticilline-résistants, le choix repose sur la vancomycine à forte dose en perfusion continue avec comme objectif thérapeutique des taux sériques résiduels de 30 à 40 mg/L. Pour les entérobactéries, les associations fosfomycine-cefotaxime à forte dose (12 à 16 g/j) ou céfotaxime-fluoroquinolones sont précieuses, en fonction de la sensibilité. Pour les méningites à Pseudomonas aeruginosa, la ceftazidime est la molécule de référence à utiliser en première intention, en perfusion continue, à fortes doses, en association avec l’amikacine administré éventuellement au début par voie intra-ventriculaire (25 à 50 mg). Pour les méningites à Propionibacterium spp, l’amoxicilline à fortes doses (2 g, 6 à 8 fois par jour), en association avec la clindamycine ou la rifampicine est généralement efficace. Pour les méningites sans germe retrouvé à la culture, la poursuite de l’antibiothérapie probabiliste dépend de l’évolution clinique. La répétition des cultures de LCR peut dans ce contexte se justifier. La durée du traitement varie selon l’évolution, de 10 à 15 jours après l’obtention d’une stérilisation confirmée par la mise culture du LCR. L’utilité des corticoïdes est indiscutable en début de traitement pour les méningites communautaires mais n’a pas été évaluée pour les méningites nosocomiales (23). Les indications d’un traitement anticonvulsivant doivent être larges. La neurochirurgie traumatologique, en urgence, pour plaie craniocérébrale peut s’accompagner de méningites postopératoires. Le traitement consiste en un parage, un débridement et l’ablation des corps étrangers. La précocité de la prise en charge conditionne le risque infectieux compte tenu de la contamination de fait. Le risque septique dépend du traumatisme, de l’objet ou du type de projectile et de sa vitesse de pénétration. La perforation des méninges et la constitution d’une fistule par où va s’écouler le LCR représentent le mécanisme essentiel du développement de l’infection (6). L’antibiothérapie est ici une antibiothérapie d’emblée considérée comme curative dirigée contre les bactéries à gram positif et à gram négatif, ainsi que contre les anaérobies. Les recommandations proposent l’association amoxicilline/acide clavulanique, 2 grammes dès la prise en charge, puis 1 gramme toutes les 6 heures pendant 48 heures. En cas d’allergie aux bêtalactamines, il est recommandé d’utiliser la vancomycine (15 mg/kg/12 heures). L’incidence des méningites post-traumatiques après traumatisme crânien, par fracture de l’étage antérieur ou du rocher est faible (24). Elles surviennent à distance, quelquefois plusieurs mois ou années après le traumatisme. Leur traitement est celui de la fuite de LCR.
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Ventriculites Elles surviennent le plus souvent après la mise en place d’un dispositif de dérivation du LCR ; plus exceptionnellement après la mise en place d’un capteur de pression intracrânienne. Dans tous les cas, il s’agit d’une pathologie infectieuse à part des autres infections du SNC. Au plan épidémiologique, l’incidence des infections sur shunt varie de 2 à 33 % et l’incidence de l’infection des ventriculostomies de 0 à 2 % (25). La pathologie sous-jacente, le degré d’hydrocéphalie avant la mise en place ou bien une méningite antérieure ne semblent pas être des facteurs prédisposants (26). En revanche, l’expérience du chirurgien, des lésions cutanées préalables ou l’infection préalable d’un shunt déposé et replacé sont des facteurs corrélés avec l’augmentation du risque septique. Le type de shunt influence aussi l’infection. L’incidence des infections sur shunt ventriculopéritonéal est aussi élevée que l’infection sur shunt atrioventriculaire, mais les complications sont plus rares (27). La durée du cathétérisme ventriculaire, l’hémorragie cérébrale associée à l’hémorragie ventriculaire, une PIC supérieure à 20 mmHg, le type d’intervention, l’irrigation du dispositif sont des facteurs de risque infectieux (25). Au plan pathogénique et microbiologique, la principale voie de contamination est cutanée, soit à partir de la plaie opératoire, soit par le matériel. Elle est le plus souvent précoce, dans les deux premiers mois qui suivent la mise en place du matériel (8). Les germes les plus souvent en cause sont Staphylococcus aureus ou epidermidis. La seconde voie de contamination se fait à partir de l’extrémité distale du shunt, intrapéritonéale lorsqu’il s’agit d’un shunt ventriculopéritonéal. Les germes les plus souvent en cause sont des entérobactéries, notamment des bacilles à gram négatif. Celles-ci peuvent provenir d’une perforation digestive ou plus simplement d’une translocation bactérienne à partir du tube digestif (28). La colonisation est lente et insidieuse, se développant jusqu’à soixante jours après la chirurgie. En cas de perforation entérique, la flore est polymicrobienne. Une troisième voie de contamination est d’origine hématogène, à partir de foyers infectieux situés à distance (abcès dentaires, infections urinaires…). Les germes les plus souvent en cause sont des espèces plus rarement isolés comme Streptococcus viridans par exemple, d’origine buccodentaire ou des bactéries banales comme Escherichia coli d’origine urinaire. Les cathéters sont facilement accessibles à la colonisation. Leur structure facilite et permet l’adhésion des staphylocoques, par l’intermédiaire du slime, qui recouvre les bactéries et les isole de la phagocytose. Par ailleurs, la production du slime peut être à l’origine de l’obstruction du cathéter, de l’apparition de douleurs abdominales et de l’apparition d’une fièvre. La production de slime accompagne souvent la chronicisation de l’infection (29). Le diagnostic clinique est évoqué lorsqu’apparaît, quelques semaines après la mise en place du shunt, une fièvre, associée à une symptomatologie abdominale : nausées, vomissements, douleurs abdominales et malaise généralisé. Au maximum, en présence d’un shunt ventriculopéritonéal, il peut s’agir d’un
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véritable tableau de péritonite (30). La dysfonction du shunt n’est pas un signe d’infection. En cas de cathéter atrioventriculaire, le dispositif peut être à l’origine de bactériémies, d’emboles septiques, d’endocardites et même du développement d’anévrismes mycotiques. Les dispositifs ventriculopéritonéaux peuvent être à l’origine de syndromes subocclusifs, de véritables occlusions avec ou sans perforation digestive et de péritonites. Malheureusement, les signes cliniques des infections sur shunts ou des ventriculostomies ne sont pas spécifiques et toute fièvre ou dysfonctionnement doit conduire à l’étude microbiologique du LCR. L’existence d’une hyperleucocytose, d’une hyperprotéinorachie et d’une hypoglycorachie suggèrent l’infection. La positivité d’une ou plusieurs hémocultures est un élément de grande valeur diagnostique, mais rare (31). Les cultures à partir de la valve sont utiles, même si pour certains les prélèvements peuvent endommager le dispositif. Le diagnostic est très fortement évoqué lorsqu’un même microrganisme est identifié sur deux cultures du LCR à quelques jours d’intervalle (32, 33). Le traitement des infections sur valves de dérivation est délicat. Le traitement des shunts est difficile et les antibiotiques recommandés et utilisés par voie systémique pour le traitement des ventriculites diffusent assez mal dans le LCR. Une antibiothérapie, de première intention antistaphylococcique est un choix raisonnable, en attendant la confirmation du laboratoire. L’étude du pouvoir bactéricide du LCR pourrait permettre d’appréhender l’efficacité potentielle de l’antibiothérapie instituée mais est de plus en plus rarement pratiquée. Dans la plupart des cas, la question essentielle est celle de l’opportunité de l’ablation du shunt. Lorsque le maintien du shunt en place est retenu, l’antibiothérapie peut être administrée par voie intraventriculaire. Cependant il n’y a pas de consensus sur le choix de l’antibiotique et sur la dose à administrer. Une toxicité cérébrale directe doit être redoutée. Quoiqu’il en soit, le traitement antibiotique est d’autant plus efficace que tout le matériel est enlevé, ce qui constitue pour beaucoup la première étape du traitement (34). Une dérivation externe transitoire peut suppléer l’absence de shunt en attendant le délai d’efficacité des antibiotiques. Le traitement des infections sur drainage ventriculaire externe requiert la même réflexion et procédure avec une stratégie antibiotique identique, mais avec une arrière-pensée en ce qui concerne les entérobactéries. L’antibiothérapie sera poursuivie jusqu’à la stérilisation de plusieurs prélèvements successifs de LCR.
Abcès crâniens Abcès épiduraux Les abcès périduraux constituent entre 5 et 25 % des infections intracrâniennes. Ils sont rencontrés après sinusites, mastoïdites et traumatismes crâniens. Mais la cause la plus fréquente est iatrogène, après craniotomie, tout spécialement lorsque le sinus frontal a été exposé (5, 35). Ces infections
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peuvent se développer secondairement, après craniotomie, à partir d’une ostéite (36). Cliniquement, le diagnostic postopératoire est facile en raison de l’aspect inflammatoire de la cicatrice et d’un écoulement purulent. L’espace épidural est le siège de granulations septiques et exsude du matériel purulent. L’infection favorise les thromboses veineuses septiques. En cas d’abcès en rapport avec une sinusites ou une mastoïdite, la symptomatologie initiale est celle de l’affection sous-jacente La clinique est insidieuse, mais on retrouve le plus souvent une douleur localisée et des céphalées. Au fur et à mesure que se développe l’infection, apparaissent des signes inflammatoires. L’abcès devient un empyème et au maximum peut évoluer et devenir un véritable abcès cérébral avec des signes neurologiques focaux, déficitaires, accompagnés d’une détérioration de l’état de conscience. L’analyse du LCR est habituellement normale mais reste contre-indiquée en cas de lésion intracrânienne. Le recours aux examens radiologiques permet d’apprécier la lyse osseuse, de retrouver la sinusite ou la mastoïdite. L’IRM permet de distinguer les infections sousdurales des infections épidurales. Elle permet aussi d’appréhender l’évolution vers la profondeur de l’abcès épidural. Le traitement est essentiellement chirurgical : débridement et ablation osseuse, chirurgie parfois associée au traitement de la lésion causale primitive, tout spécialement en cas de sinusite frontale. Le pronostic des patients atteints d’abcès épiduraux opérés reste bon en cas de traitement précoce. Les prélèvements bactériologiques guident l’antibiothérapie.
Empyèmes sous-duraux Bien que rares, ils constituent entre 13 et 23 % des infections bactériennes intracrâniennes. Il s’agit d’affections graves grevées d’une mortalité importante estimée à 10 % (37). Ils se révèlent le plus souvent de façon brutale, par une crise d’épilepsie, une détérioration rapide de l’état de conscience et l’apparition d’un état de coma. Le plus souvent primitif, l’empyème peut être secondaire à une chirurgie de l’hématome sous-dural, (HSD) spécialement chez l’éthylique. L’infection peut aussi compliquer un traumatisme de la voûte crânienne ou encore compliquer une infection à distance. L’infection se propage à partir de l’os ou des méninges en cas d’otite, de mastoïdite ou de sinusite ; parfois à partir d’une thrombophlébite septique ou d’une thrombose veineuse cérébrale (35). Dans ces cas, l’infection est focalisée. Le processus infectieux correspond à une atteinte de la barrière de l’arachnoïde piale avec une inflammation sousarachnoïdienne. Dans 14 % des cas, il est associé à une méningite purulente (38). Cliniquement, on retrouve l’association sinusite, fièvre et déficit neurologique. Puis apparaissent des troubles de la conscience et des signes d’hypertension intracrânienne ainsi que des manifestations épileptiques. Si l’empyème est consécutif à une chirurgie de l’HSD ou à une chirurgie intracrânienne, le tableau clinique est plus insidieux avec des signes d’infections au site opératoire, de la fièvre mais sans déficit neurologique. Au point de vue microbiologique, les germes le plus souvent identifiés au site de l’infection sont
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ceux de l’infection primitive : Staphylococcus aureus et streptocoques aérobies mais aussi des bacilles à gram négatif comme Proteus mirabilis, Serratia marsescens. Des cocci à gram positif anaérobies peuvent être identifiés. Après chirurgie, le staphylocoque doré est le plus souvent isolé. Le diagnostic différentiel entre la méningite et l’empyème cérébral est difficile. La ponction lombaire est dangereuse en raison du risque d’engagement. Seule l’imagerie cérébrale et tout particulièrement l’IRM permettent la distinction. Il s’agit d’une urgence neurochirurgicale. Les facteurs de mauvais pronostic retrouvés dans la littérature sont l’âge du patient, l’origine de l’infection, le germe en cause, le délai entre les signes cliniques et la chirurgie, l’étendue de l’empyème, le niveau de conscience à l’admission, la technique chirurgicale (39). Le traitement associe chirurgie de drainage de l’abcès par une craniotomie large, sous traitement anti-œdémateux cérébral, ablation de tout matériel étranger et antibiothérapie. Un traitement anti-épileptique sera requis plusieurs mois. Il n’y a pas de donnée objective sur la durée de l’antibiothérapie mais un traitement de trois à quatre semaines après le drainage de l’empyème est suffisant pour la plupart des patients. Dans certains cas, un traitement beaucoup plus prolongé peut être nécessaire. L’absence de régression de l’empyème doit faire évoquer une mutation du germe en cause ou une mauvaise diffusion des antibiotiques, ce qui peut amener à modifier le traitement. En dehors de l’épilepsie, les complications les plus fréquentes de l’empyème sous-dural sont l’abcès cérébral et la thrombophlébite cérébrale.
Abcès cérébral Il s’agit d’une affection dont l’incidence est depuis plusieurs années en augmentation. Cette augmentation est rapportée à la plus grande fréquence de survenue chez l’immunodéprimé avec une plus grande incidence des abcès cérébraux d’origine fongique, parasitaire ou bactérienne opportuniste. Cette augmentation pourrait aussi être la conséquence de l’amélioration de l’imagerie neuroradiologique. Les abcès cérébraux sont plus fréquents chez l’homme, et on note un pic de fréquence autour de la quarantaine (5, 40). Cinq circonstances différentes peuvent rendre compte du développement d’un abcès cérébral : un foyer de suppuration contigu, la dissémination hématogène à partir d’un site infecté, l’ouverture de la dure-mère, d’origine traumatique ou chirurgicale, un terrain d’immunosuppression sous-jacent, et enfin l’absence de circonstances particulières. La cause la plus évidente est reliée à la présence d’une suppuration de contiguïté (otite, sinusite, foyer dentaire) dont le traitement rapide fait disparaître le risque d’abcès cérébral (41). Le compartiment intracrânien est contaminé par la proximité d’un foyer septique à travers la peau, l’os, ou selon un mécanisme phlébitique rétrograde à travers la diploé. Les abcès causés par la diffusion hématogène à partir d’un foyer infecté sont expansifs, diffus, non encapsulés, multiples, et sont distribués en fonction du flux sanguin régional, avec une prédominance dans le territoire sylvien.
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L’origine est souvent pulmonaire : suppurations chroniques, pneumonies, abcès pulmonaires, bronchectasie, empyèmes, angiomes oslériens, cancers ; mais aussi origine cutanée (abcès), osseuse (ostéomyélite), pelvienne ou origine en rapport avec une intervention invasive. Les patients atteints de cardiopathies cyanogènes, de shunt droit gauche, de fistules artério-veineuses, sont également des sujets prédisposés (42). Les traumatismes crâniens cérébraux pénétrants de pratique civile ou balistiques sont naturellement une étiologie. Le risque est d’autant plus important que le traumatisme introduit en intracrânien des fragments osseux et des corps étrangers. Les fractures de la base du crâne avec fistule et fuite de LCR peuvent être à l’origine d’abcès cérébraux. Du point de vue clinique, la symptomatologie peut être extrêmement variable, mais souvent insignifiante au tout début. Lorsque l’on « découvre » l’abcès, au stade d’état, il a le plus souvent une histoire déjà ancienne, silencieuse. On parle de « célébrite » (40). Le premier signe révélateur est celui d’une céphalée, limitée à l’hémicrâne ou généralisée, constante, réfractaire à la plupart des traitements antalgiques. Cette céphalée est accompagnée de nausées et de vomissements en cas d’hypertension intracrânienne ainsi que de troubles de la conscience, allant de la confusion au coma. Dans 50 à 80 % des cas, on note des déficits focaux à type de troubles visuels, de troubles de l’équilibre, de nystagmus, d’ataxie, d’aphasie et d’hémiparésie. Les crises comitiales sont présentes dans 50 % des cas en préopératoire. Seulement la moitié des patients sont fébriles avec des signes méningés dans 20 % des cas. Un œdème papillaire peut être retrouvé dans 25 % des cas. Enfin et surtout, des évolutions dramatiques avec ruptures ventriculaires peuvent se rencontrer. Les examens biologiques ne contribuent pas au diagnostic. Classiquement, la ponction lombaire est interdite, en raison du risque d’engagement. Dans le sang, on retrouve une hyperleucocytose modérée dans 60 % des cas et un syndrome inflammatoire dans 90 % des cas. C’est l’imagerie qui affirme le diagnostic. Le scanner cérébral met en évidence l’abcès cérébral sous la forme d’une image cerclée prenant le contraste, entourant une hypodensité, ainsi qu’un rehaussement méningé en faveur d’une ventriculite ou d’une méningite (fig. 1 et fig. 2). Néanmoins, le diagnostic différentiel avec d’autres lésions, métastases, infarctus, hématomes, radionécrose reste difficile. La RMN, plus spécifique, aide au diagnostic. En séquence T1, l’hypodensité centrale est en rapport avec la nécrose entourée d’une capsule contrastée, puis d’une couronne périphérique hypodense correspondant à de l’œdème. En séquence T2, les images sont identiques mais inversées en contraste (43). Avant l’utilisation large des antibiotiques, les micro-organismes le plus souvent mis en cause isolés étaient Staphylococcus aureus, les streptocoques et les bacilles à gram négatif dont Escherichia coli. À l’heure actuelle, les bacilles à gram négatif (Proteus) sont prédominants ainsi que les micro-organismes opportunistes. Les progrès de la neurochirurgie et notamment ceux liés à la localisation stéréotaxique permettent la localisation exacte de l’abcès et sa ponction ; l’amélioration des techniques de culture et d’isolement bactérienne, permettent l’identification exacte des agents responsables. Les organismes isolés
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Fig. 1 – Scanner cérébral non injecté. Les limites de l’abcès sont difficiles à évaluer au sein d’un œdème péritumoral important.
Fig. 2 – Après injection de produit de contraste, la distinction entre l’abcès et l’œdème est facile et permet d’évaluer l’évolution sous traitement.
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dans un abcès sont habituellement identiques à ceux retrouvés dans le site primitif de l’infection, notamment pour les abcès métastatiques. Les abcès à point de départ otitique sont le plus souvent à Bacteroides fragilis et à Proteus mirabilis (44). Staphylocoque doré ou epidermidis sont le plus souvent mis en évidence dans les abcès cérébraux postopératoires. Les micro-organismes retrouvés dans un contexte de cardiopathie cyanogène sont le plus souvent des streptocoques (Streptococcus viridans ou sanguis). Le traitement est médicochirurgical (45). C’est bien entendu une urgence puisque le pronostic est directement corrélé à l’état de conscience au moment du diagnostic. La chirurgie repose sur une ponction de l’abcès pour prélever le pus et réduire une éventuelle hypertension intracrânienne surtout si la localisation est profonde (46). L’abord direct de la lésion par craniotomie est un geste plus lourd mais qui conserve ses indications en cas d’abcès volumineux ou en cas d’échec au traitement par la ponction (47). L’antibiothérapie, en attendant l’identification et l’antibiogramme, est d’emblée probabiliste. Dans un contexte ORL, de foyer dentaire ou pulmonaire, l’association ceftriaxone (2 à 4 g/j) ou cefotaxime (150 à 200 mg/kg/j) et métronidazole (1,5 g/j) qui cible les anaérobies peut être recommandée en première intention. Dans un contexte de diffusion hématogène, l’association oxacilline plus aminoside plus quinolone ou fosfomycine ou rifampicine peut être utilisée. Dans un contexte post-traumatique ou chirurgical, l’association céphalosporine, fosfomycine avec ou sans imidazolée est utilisée. Dans tous les cas, celle-ci est adaptée aux données ultérieures des cultures et de l’antibiogramme. L’antibiothérapie est obligatoirement administrée par voie parentérale, à posologie optimale les trois ou quatre premières semaines. Ensuite un relais per os peut être proposé pour trois à six mois. L’utilisation des corticoïdes est très controversée. Ils ne peuvent être utilisés que ponctuellement, à la phase initiale, en cas d’œdème compressif. Un traitement antiépileptique est obligatoire. La régression radiologique peut demander plusieurs semaines. Une image peut persister plusieurs mois sur le scanner. Les récidives ne sont pas rares. Trois complications doivent être reconnues et traitées : un engagement par effet de masse, une rupture dans les ventricules ou l’espace sous-arachnoïdien et une évolution métastatique. Pour éviter la première complication, on recourt au drainage stéréotaxique et aux corticoïdes. La rupture intraventriculaire peut être traitée par drainage ventriculaire et l’administration in situ d’antibiotiques. Seul le traitement rapide de la porte d’entrée peut éviter l’évolution métastatique. Le pronostic est lié à l’état neurologique préopératoire. Les séquelles sont fréquentes à type de comitialité, de déficits et de troubles cognitifs. L’incidence des abcès cérébraux multiples est évaluée entre 20 et 50 %. Cependant, peu de données dans la littérature concernent leur prise en charge (48). S’il est logique de traiter par ponction stéréotaxique ou chirurgie en cas d’échec les lésions les plus volumineuses (diamètre supérieur à 2,5 cm), cerclées et avec effet de masse, lorsque les lésions sont de petit diamètre il est nécessaire et probablement suffisant de ponctionner une seule de ces lésions à but bactériologique (47). L’indication de l’antibiothérapie et sa durée sont les mêmes
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qu’en cas d’abcès unique. Le problème est reconsidéré ainsi que l’indication chirurgicale en fonction des données de la surveillance clinique et radiologique pendant plusieurs mois.
Traitements préventifs La prévention des infections neuroméningées postopératoires repose sur l’association des mesures d’hygiène et l’utilisation des recommandations en matière d’antibioprophylaxie péri-opératoire.
Tableau I – Antibioprophylaxie en neurochirurgie. Acte chirurgical
Produit
Posologie
Durée
Dérivation interne du LCR
oxacilline ou cloxacilline
2 g préop
dose unique (répétée 1 fois si durée > 2 h)
allergie : vancomycine*
15 mg/kg préop
dose unique
céfazoline
2 g préop
dose unique (répétée 1 fois à la dose de 1 g si durée > 4 h)
allergie : vancomycine*
15 mg/kg préop
dose unique
céfazoline
2 g préop
dose unique (répétée 1 fois à la dose de 1 g si durée > 4 h)
allergie : vancomycine*
15 mg/kg préop
dose unique
pas d'ABP céfazoline
2 g préop
dose unique (répétée 1 fois à la dose de 1 g si durée > 4 h)
allergie : vancomycine*
15 mg/kg préop
dose unique
péni A + IB**
2 g préop puis 1 g/6 h
48 h
15 mg/kg/12h
48 h
Dérivation externe du LCR
0
Craniotomie
Neurochirurgie par voies trans-sphénoïdale et translabyrinthique
Chirurgie du rachis sans mise en place de matériel avec mise en place de matériel
Plaies craniocérébrales
allergie : vancomycine* Fracture de la base du crâne avec rhinorrhée
pas d'ABP
* Indications de la vancomycine : allergie aux bêtalactamines ; colonisation suspectée ou prouvée par du staphylocoque méticilline-résistant (réintervention chez un malade hosptalisé dans une unité avec une écologie à staphylocoque méticilline-résistant et antibiothérapie antérieure...). ** Aminopénicilline + inhibiteur de bêtalactamase.
278 La réanimation neurochirurgicale
Dans tous les cas, il y a lieu en préopératoire de rechercher et d’éradiquer un foyer infectieux patent. Dans tous les cas la préparation cutanée sera soigneuse et rigoureuse, ainsi que la préparation du champ opératoire, selon des protocoles élaborés et évalués par le CLIN. Il est acquis que le rasage majore le risque infectieux et qu’il doit se limiter au trajet de l’incision. Il est effectué en préopératoire immédiat (49, 50). Les méningites postopératoires ou post-traumatiques ont pour principale cause la fuite de LCR (6) et sont essentiellement dues à une brèche dure-mérienne. Leur prévention repose sur une suture étanche ou la fermeture chirurgicale précoce de la brèche. La place et le rôle de l’antibioprophylaxie péri-opératoire a été discutée (51), compte tenu du faible taux d’infection enregistrée (1 à 5 %) en neurochirurgie propre. L’absence d’antibioprophylaxie ne constituerait pas un facteur de risque indépendant quant à la diminution des infections du site opératoire (6). Son intérêt a cependant été bien démontré dans la prévention de l’ostéite et pour la prévention des méningites lors des craniotomies réalisées en neurochirurgie propre (52, 53). Les recommandations pour la pratique de l’antibioprophylaxie en neurochirurgie, actualisées en 1999, partent du principe que la diminution du risque infectieux par une antibioprophylaxie est indiscutable en présence d'une craniotomie et très probable lors de la pose d'une valve de dérivation du LCR (54). Les indications sont résumées dans le tableau I. Quant à la prévention des méningites par écoulement de LCR secondaires à une fracture de l’étage antérieur (rhinorrhée) ou à une fracture du rocher (otorrhée), par une antibioprophylaxie dirigée contre le pneumocoque, elle n’a jamais démontré d’efficacité (55).
Conclusion L’incidence des infections est toujours difficile à évaluer car elle dépend des recrutements des services ainsi que de leur activité. Cependant, la morbidité et la mortalité liées aux infections neuroméningées postopératoires sont importantes. Elles imposent à l’anesthésiste réanimateur de connaître la stratégie diagnostique et thérapeutique à mettre rapidement en œuvre. Le pronostic, indépendamment des facteurs démontrés, dépend de la coopération étroite entre les anesthésistes-réanimateurs, les neurochirurgiens et les bactériologistes. Si chaque structure tient ses propres statistiques, il est acquis qu’une collaboration avec le CLIN dans le domaine de la prévention (respect rigoureux des protocoles d’hygiène validés, application des protocoles d’antibioprophylaxie) est susceptible d’améliorer de façon significative les performances de chacun. En ce qui concerne les abcès cérébraux, c’est aussi dans le domaine de la prévention que doivent porter les efforts.
Infections neuroméningées postopératoires et abcès cérébraux 279
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États de mal épileptique J.-L. Raggueneau et A.-M. Oswald
Définition L'état de mal épileptique (EME) se définit comme « un état caractérisé par une crise d'épilepsie qui persiste ou qui se répète à des intervalles suffisamment brefs pour créer une situation épileptique fixe et durable ». En principe, on exige une durée minimale de trente minutes mais les conséquences de l'EME sont si graves que l'on s'accorde pour initier le traitement dès la constatation de trois crises successives sans reprise de la conscience ou lorsqu'une activité convulsive continue excède dix minutes (1).
Formes électrocliniques des états de mal épileptique Il existe autant de variétés sémiologiques d’EME que de crises épileptiques (2), c’est pourquoi, à notre avis, toute classification complète reste du domaine du spécialiste. Nous proposons une classification simple fondée sur quatre éléments : les mouvements anormaux, les troubles de conscience (le patient ne répond pas et ne se souvient pas des événements intérieurs et extérieurs survenus pendant la crise), le tracé EEG, et l’évolution. Cette dernière ne doit pas être négligée puisque la durée des symptômes constitue un élément du diagnostic. Le traitement est également un critère : efficace, il oriente le diagnostic. Il doit être pertinent. En effet, traiter une simple crise d’épilepsie comme un EME expose inutilement aux effets secondaires des agents antiépileptiques et traiter trop tard augmente le risque d’évolution vers un EME réfractaire avec un risque élevé de séquelles.
284 La réanimation neurochirurgicale
États de mal convulsif généralisé (EMCG) d'emblée ou généralisés secondairement Il s'agit le plus souvent de crises tonicocloniques bilatérales, subintrantes ou rapprochées avec un coma persistant entre les accès. Les troubles végétatifs sont au premier plan (hypersyalorrée, hypersécrétion bronchique, tachycardie, troubles du rythme cardiaque, bradypnée, hyperthermie) à l'origine d'une dépression respiratoire (cyanose) puis d'une acidose mixte et d'un collapsus cardiovasculaire. L'EME est « franc » (2), l'observation visuelle suffit pour faire le diagnostic. Il existe cependant des causes d'erreur : tremblements au réveil des malades hypothermiques ou lors de décharges septiques, tremblements parkinsoniens, rigidité des syndromes malins des neuroleptiques, crises toniques postérieures lors des engagements du tronc cérébral (hématomes ou tumeurs de la fosse postérieure), tremblement du tétanos, mouvements anormaux des maladies neurologiques et tremblements hypertoniques hystériques. Dans ce dernier cas, la confusion avec un EME est facile, surtout s'il existe des troubles de conscience induits par l'administration intempestive d'anticonvulsivant (voire de thiopental), d'autant que cette manifestation de conversion peut survenir chez un épileptique vrai. L'absence de désaturation artérielle et les circonstances de la crise permettent de redresser le diagnostic, mais l'enregistrement de l'EEG couplé à la vidéo reste le plus souvent nécessaire en démontrant l'absence de corrélation électroclinique. Enfin, les secousses myocloniques contemporaines des syncopes sont éliminées par l'observation de l'ECG sur le moniteur. Lorsque l'EMCG dure plusieurs dizaines de minutes, les décharges EEG fusionnent et deviennent continues, les convulsions deviennent moins marquées et sont remplacées par des mouvements rapides moins amples ou des myoclonies (EME myoclonique) parfois localisées aux seuls muscles de la face ou des extrémités (pouce, gros orteil), enfin la crise peut se résumer à des mouvements oculaires rythmiques. Cette évolution ne traduit pas la fin de l'EME mais sa persistance sous une forme « larvée » tout aussi délétère (3, 4).
États de mal non convulsif (EMNC) Bien que les tableaux électrocliniques soient identiques (4), l'EMNC se distingue du précédent par le fait qu’il ne succède pas à un état de mal convulsif franc. Au minimum, il s’agit d’une « perte de contact » de quelques dizaines de secondes, au maximum de troubles prolongés de la conscience. À court terme, la gravité est moindre, mais à long terme la mortalité est plus élevée, car les EMNC peuvent persister plusieurs heures voire des jours avant d'être détectés et traités. L'enregistrement EEG continu systématique de patient comateux a révélé la fréquence de cette forme non convulsive : dans la série de A Towne
États de mal épileptique 285
(5), 8 % des 234 comateux toute cause confondue présentent un EMNC, 34 % d’une série de traumatisés crâniens graves (6), 20 % des traumatisés crâniens recevant une prophylaxie par la phénytoïne (7), 40 % des comas postanoxiques (8-10). Il s'agit d'un état de mal électrique sans activité motrice révélatrice, les signes cliniques se résume à une perte de conscience ou une simple confusion indétectable chez un patient sédaté. Elle peut en imposer pour un retard de réveil postanesthésique, elle peut persister plusieurs heures, les troubles moteurs restent discrets : nystagmus ou mouvements saccadés de la face ou des yeux, pas de troubles végétatifs au premier plan. L'aspect EEG (10) est polymorphe : poly-pointes ondes périodiques ou quelques éléments paroxystiques surgénéralisés. Fait important, ces éléments disparaissent avec retour à la conscience dès l'injection IV de benzodiazépine. La fréquence de cette forme clinique doit conduire à réaliser un EEG chez tous les patients présentant des troubles de conscience expliqués ou non.
États de mal épileptique moteur partiel Les crises partielles (ou focales) sont divisées en deux groupes : les crises partielles simples sans modification de l’état de conscience et les crises partielles complexes où il existe une altération de la conscience. Elles entraînent un déficit postcritique (hémiplégie) ou évoluent vers la généralisation. La sémiologie clinique permet de déterminer la localisation du foyer épileptogène et constitue le premier élément du diagnostic étiologique. Les EME secondaires à une lésion focalisée (tumeur, malformation artérioveineuse…) peuvent persister des heures sans trouble de conscience. La difficulté dans le traitement de l’épilepsie partielle simple est de ne pas induire une altération iatrogène de la vigilance.
États de mal épileptique réfractaires Dix pour cent des EMCG traités et 30 % des EMNC évoluent vers un EME réfractaire au traitement (11, 12). Les causes de ce passage à la résistance pharmacologique sont l’insuffisance et le retard de traitement. Le pourcentage élevé d’EMNC évoluant vers la pharmacorésistance est expliqué par la difficulté de poser ce diagnostic et justifie la réalisation systématique d’EEG chez tout comateux. Avant de conclure à un EME réfractaire, il est prudent de contrôler les taux plasmatiques d’antiépileptiques, d’éliminer les facteurs favorisants (hyperthermie, désordres métaboliques) et les médicaments proconvulsivants (tableau I).
286 La réanimation neurochirurgicale
Tableau I – Agents épileptogènes. [D’après F Nouailhat et al. (24).] Tricycliques, IMAO, phénothiazines Antibiotiques : pénicilline, céphalosporines, carbénicilline, fluoroquinolones, isoniazide, colistine Cyclosporine Insuline, hypoglycémiants oraux Théophylline, atropine et belladone Lidocaïne Buflomédil Phenylpropanolamine, métrizamide Surdosage en phénytoïne, carbamazépine (association dangereuse avec le dextropropoxyphène) Chimiothérapie : moutardes azotées Nicotine, camphre, caféine Métaux : plomb, lithium, bismuth Amphétamine, héroïne, cocaïne Méthanol, glycols, fluorures, cyanure Organophosphorés, bromure de méthyle
Causes des états de mal épileptique Les causes sont nombreuses (tableau II) et peuvent s'additionner, on estime que 25 % des agressions cérébrales aiguës sont susceptibles de provoquer un EME. On reconnaît (12-14) : – les lésions cérébrales focalisées : hématomes intracrâniens post-traumatiques, accidents vasculaires hémorragiques ou ischémiques, tumeurs cérébrales primitives et secondaires, abcès, encéphalite (herpétiques), malformations vasculaires artérioveineuses, craniotomies, embolies gazeuses cérébrales… Elles peuvent constituer le symptôme révélateur de la lésion, l'EME initial est habituellement partiel et se généralise ensuite ; Tableau II – Étiologies des EDM de l’adulte. Avec antécédents épileptiques Épilepsie essentielle Épilepsie post-traumatique Éthylisme chronique Encéphalopathie anoxique néonatale Arrêt ou modification du traitement antiépileptique, surdosage État de mal inaugural Encéphalopathie ischémique ou anoxique Hémorragies intracérébrale et/ou méningée Tumeurs primitive ou secondaire Encéphalite, méningite ou abcès ou empyème (éventuellement postopératoires), parasitose, sepsis Désordres osmolaires, hypoglycémie Traumatismes crâniens grave et embarrure, plaie craniocérébrale Encéphalopathie hépatique Insuffisance rénale Défaillance multiviscérale Toxémie gravidique Hypoxémie Embolie gazeuse
États de mal épileptique 287
– la craniotomie (13, 14) ajoute un risque épileptique supplémentaire surtout si le volet est large, l’intervention est longue, en cas de lésion corticale, après 65 ans ; – les atteintes cérébrales diffuses : arrêt cardiovasculaire, choc septique ou défaillance multiviscérale, hypertension artérielle maligne (éclampsie) ; – les dérèglements métaboliques : hypoxémie, hypoglycémie, désordres osmolaires (hyponatrémie inférieure à 120 mmol/L et hypernatrémie), hypomagnésémie, hypocalcémie, insuffisance rénale, insuffisance hépatique, hyperoxie hyperbare (lors du traitement des embolies gazeuses) ; – les médicaments épileptogènes : anesthésiques locaux, antibiotiques, tricycliques, phénothiazine, théophylline, cyclosporine (voir tableau I) ; – le sevrage des morphiniques, des benzodiazépines, de l'alcool ou des antiépileptiques ; – la maladie épileptique : il s'agit essentiellement d'épilepsie secondaire (post-traumatique, vasculaire, éthylisme chronique, encéphalopathie néonatale), l'épilepsie essentielle se complique rarement d'EME (moins de 10 % des cas). En règle générale, il faut rechercher un facteur déclenchant : infection avec fièvre, intoxication éthylique aiguë, trouble métabolique, jeûne et surtout modification ou arrêt du traitement.
Effets délétères et pronostic des états de mal épileptique Dès les premières minutes de l'EME, les consommations cérébrales d'oxygène et de glucose s'accroissent considérablement, le débit sanguin cérébral (DSC) augmente parallèlement. Sur le plan systémique, on observe une hypertension artérielle avec hyperglycémie et hyperlactatémie. Avec la poursuite de la crise, les lactates tissulaires cérébraux s'élèvent du fait du métabolisme local et de l'hyperlactatémie systémique, ils provoquent une perte de l'autorégulation de la circulation cérébrale et un œdème cérébral (3, 4) qui entretient l'activité paroxystique. Les études expérimentales montrent qu'après trente minutes d'état de mal, il existe une dette en oxygène malgré l'élévation du DSC. La PO2 tissulaire cérébrale s'effondre de même que l'état énergétique mitochondrial. La mort neuronale et astrocytaire résulte de l'addition de plusieurs mécanismes : la production d'excitotoxines, l'absence d'inhibition des radicaux libres, la lyse osmotique des neurones par dépolarisation continue et accumulation d'acide lactique, l'induction génique de l'apoptose cellulaire. Les troubles respiratoires induits par l'apnée postcritique, le coma, l'encombrement bronchique et les médicaments anticonvulsivants entraînent une hypoxémie et aggravent l'acidose. Après une période d'hypertension artérielle initiale, les troubles hémodynamiques sont fréquents à type d'hypotension
288 La réanimation neurochirurgicale
souvent aggravée par le traitement anticonvulsivant évoluant vers le collapsus et l'hypoperfusion cérébrale. Les troubles du rythme cardiaque sont fréquents, simples ESV ou tachycardie ou fibrillation ventriculaire à l'origine d'une mort subite, leurs causes apparaissent plurifactorielles : hypoxémie, dysfonctionnement autonomique en relation avec la stimulation corticale, acidose et troubles électrolytiques. L'hyperthermie d'origine centrale et musculaire participe avec l'acidose à l'auto-entretien de la crise. Enfin, la rhabdomyolyse dont témoigne l'ascension des CPK peut provoquer une hyperkaliémie et une nécrose tubulaire aiguë. La mortalité des EME convenablement prise en charge reste élevée, entre 5 % chez l’enfant (15, 16) et 20 % chez l’adulte (17). Elle reste largement dépendante de l'étiologie, la survenue d'un état de mal aggrave significativement le pronostic des traumatismes crâniens et des hémorragies méningées. Inversement, les agressions cérébrales aiguës sont plus graves chez l'épileptique. Certaines étiologies sont de bon pronostic : sevrage en antiépileptique ou EME sans cause apparente ; d'autres de plus mauvais pronostic, en particulier les EME postanoxiques. Les autres facteurs de gravités sont : le retard de traitement (particulièrement fréquent en cas d’EMNC), la durée de la crise et sa résistance au traitement, l'existence de complications pulmonaire (pneumopathie d'inhalation) ou cardiaque, enfin le pronostic est plus mauvais aux âges extrêmes.
Médicaments de l’état de mal épileptique On distingue : les médicaments antiépileptiques classiques (MAE : phénytoïne, valproate de sodium, phénobarbital), les benzodiazépines, les anesthésiques généraux (thiopental, propofol) et la lidocaïne.
Bases pharmacocinétiques (18) (tableau III) Les propriétés pharmacocinétiques permettent de guider la conduite thérapeutique mais ne constituent pas la seule donnée, d'autres facteurs interviennent : la cause de l'EME, le type de crise, la durée avant le traitement et les propriétés pharmacodynamiques des agents utilisés. L'EME cesse lorsque la concentration cérébrale de MAE atteint sa valeur thérapeutique. On ne peut donc s'affranchir de données telles que : l'absorption, le volume de distribution, l'élimination, le modèle compartimental, les demi-vies, le passage de la barrière hémato-encéphalique (BHE), la liposolubilité, le pK et le pH, les dosages plasmatiques lorsque le MAE s'y prête. On admet les données suivantes :
États de mal épileptique 289
Tableau III – Propriétés pharmacocinétiques des agents utilisés pour le traitement de l’état de mal épileptique. Molécules
Dose Délai Demi-vie Durée Concentration Poursuite initiale moyen Elimination d'action Plasmatique du traiteen mg/kg d'action en H du traitethérapeutique ment en cas IV en mn (T1/2β) ment initial d'échec
Diazépam
0,2
1-3
20-40
15-20 min
-
Non
Clonazépam
0,02
1-3
26-42
6-8 h
-
Non
Lorazépam
(1)
0,1
20 mg/kg) ou à son association avec une benzodiazépine. Chez le nouveau-né, on préconise une dose de charge de 20 mg/kg. La demi-vie est très longue (90 à 100 heures) mais l'élimination est linéaire, la diurèse alcaline augmente l’élimination, l'association aux autres MAE perturbe son métabolisme, les contrôles des concentrations plasmatiques sont indispensables. Les taux plasmatiques obtenus seraient de 1 µg/mL pour chaque mg/kg administré. La barbitémie thérapeutique est comprise entre 15 à 30 µg/mL chez l’adulte, elle est de 20 µg/mL chez l’enfant. La longueur de la demi-vie permet d’administrer les doses d’entretien par voie orale ou par sonde gastrique.
Benzodiazépines Ce sont les médicaments de première intention. On utilise le diazépam (DZM) ou le clonazépam (CZM). Ils pénètrent rapidement dans le système nerveux mais leur T1/2α est court et l'effet bref, l'accumulation périphérique est importante du fait de leur métabolisme lent et de leur lipophilie. Le lorazépam est moins lipophile, franchit plus lentement la BHE mais possède une liaison élevée aux récepteurs des benzodiazépines, son action est plus longue et son volume de distribution est plus faible, il n'est pas disponible sous forme injectable en France. L'utilisation du midazolam pour le traitement des EME reste à confirmer. Son effet est court mais le risque d'accumulation est faible, il constitue une voie de recours en cas de porphyrie hépatique.
États de mal épileptique 293
Efficace, cette classe de médicaments possède toutefois trois inconvénients : – en routine, il n'existe pas de méthode de dosage plasmatique permettant de guider la posologie, l'efficacité du traitement se juge sur des critères cliniques, en cas de résistance de l'EME, il faut administrer un autre agent ; – les administrations répétées de benzodiazépine entraînent rapidement, du fait de leur élimination lente, une dépression respiratoire et une diminution de la vigilance qui impose souvent une intubation ; – à cause de leur durée d'action limitée, les benzodiazépines doivent être relayées par un MAE.
Valproate de sodium (Dépakine®) L’existence d’une forme injectable permet une utilisation limitée dans l’EME, soit en première intention chez les patients en rupture de traitement par le valproate ou dans les formes partielles simples, soit en association avec les benzodiazépines. L’efficacité thérapeutique reste faible mais les effets secondaires sont réduits. La dose de charge est de 15 à 20 mg/kg injectée en cinq minutes, la dose d’entretien de 1 mg/kg/h, le taux plasmatique thérapeutique est de 75 µg/mL. En raison du faible volume de distribution et de la T1/2β rapide, les risques d’accumulation sont faibles. Comme pour les autres MAE, les interactions médicamenteuses sont multiples et les intrications avec la pathologie hépatique imposent une surveillance biologique constante (encéphalopathie avec hyperamoniémie).
Thiopental (Nesdonal®) C'est un agent anesthésique général qui permet d'obtenir un effet antiépileptique en quelques secondes, mais les effets secondaires délétères sont constants d’autant qu’il s’agit d’un traitement de deuxième intention dont les effets pharmacodynamiques se surajoutent aux premiers. La perte de conscience, l'obstruction des voies aériennes, l’apnée imposent d’installer un monitorage et de préparer le matériel de ventilation avant toute injection. La dépression cardiovasculaire est prévenue par le remplissage et l'administration IV d'éphédrine et/ou de noradrénaline. La demi-vie de distribution très courte oblige à poursuivre l'administration par une perfusion continue. L’administration du thiopental dépend de l’état hémodynamique du patient, soit induction d’emblée d’une anesthésie générale (10 mg/kg), soit des bolus de 100 à 150 mg en 20-30 secondes complétés par un bolus supplémentaire de 50 mg toutes les 3 minutes jusqu’à arrêt de la crise suivit de l’administration continue de 3 à 5 mg/kg/h. Le dosage plasmatique est du domaine du laboratoire de toxicologie (ne pas confondre thiobarbitémie et phénobarbitémie). Le plus simple est d’adapter la posologie en fonction de l’EEG quotidien (18-20) : disparition des
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signes paroxystiques, arrêt du thiopental dès l’apparition de silences électriques de plus de quatre secondes. Son élimination est très lente et demande plusieurs jours. Outre les complications respiratoires et cardiovasculaires, les effets secondaires délétères sont multiples : hypothermie, escarre, arrêt du transit, globe vésical, phlébite, infections nosocomiales. Le thiopental doit rester l’ultime recours en cas d’EME réfractaire.
Propofol (Diprivan®) et autres agents anesthésiques Le propofol, l’étomidate, la kétamine et même les anesthésiques généraux halogénés ont été utilisés pour le traitement des EME réfractaires, mais les essais restent limités à quelques cas et il ne s’agit pas d’études prospectives. L’efficacité du propofol est remarquée dans de nombreuses publications, son seul avantage sur le thiopental est dans son T1/2β court avec le risque de récidive de l’EME à l’arrêt de l’administration. La posologie est guidée par la surveillance électrophysiologique. L’engouement du propofol est tempéré par la description d’état de choc après perfusion prolongée de forte dose chez l’enfant et chez l’adulte (20-23), le « propofol infusion syndrome » associe acidose métabolique, défaillance circulatoire, rhabdomyolyse, insuffisance rénale et hépatique avec une issue le plus souvent fatale.
Lidocaïne Toujours citée dans les revues bibliographiques (1, 17, 18, 24), cette molécule est en pratique peu utilisée et son maniement est mal codifié en raison de ses effets proconvulsivants et la toxicité cardiaque à forte dose.
Traitement de l'état de mal épileptique (tableau IV) La stratégie thérapeutique (1, 17, 18, 24-26) a plusieurs objectifs simultanés : faire le diagnostic d’EME, prévenir les conséquences systémiques et cérébrales de l'EME, faire cesser la crise et prévenir sa récidive. L’EME est une urgence médicale, quel que soit le lieu, la démarche de l’équipe médicale est identique : – noter l’heure de début des crises ; – mise en position latérale de sécurité, canule de Mayo ; – oxygénothérapie au masque (101/min) ; – mise en place des éléments de monitorage : ECG, mesure de la pression et de la saturation artérielle, mesure de la température, mesure de la fréquence respiratoire, inscription des paramètres sur une feuille de surveillance ; – mise en place d’une voie veineuse et perfusion avec du sérum physiologique salé à 9 ‰ ;
États de mal épileptique 295
Tableau IV – Les traitements de l’état de mal épileptique. Les bases – Les agents utilisés doivent être obligatoirement administrés par voie IV – Choisir : l’association benzodiazépine–phénytoïne ou phénobarbital seul – Faire le bilan de toutes les associations médicamenteuses – Concentrations plasmatiques thérapeutiques phénytoïne : 10 à 12µg/mL – Concentration plasmatique thérapeutique phénobarbital : 20 µg/mL – Concentration plasmatique thérapeutique du valproate : 50-100 µg/mL Première action – Vérifier le diagnostic, noter l’heure de début – Position latérale de sécurité, canule de Mayo, voie veineuse avec sérum salé 9 °/°° – Glycémie capillaire, si hypoglycémie : sérum glucosé – Monitorage Traitement : pour 75 kg – Diazépam : 15 mg en 3 min + fosphénytoïne : 3 flacons de 500 mg d’équivalent phénytoïne de Prodilantin® en 10 min OU – Phénobarbital : 1 g soit 5 ampoules de 200 mg de Gardénal® en 15 min (ou 1,5 g soit 7,5 ampoules en 20 min) dans une seringue en verre Induction d’une anesthésie générale – Mise en place du monitorage : ECG, PNI, SpO2 – Vérification du respirateur – Aspiration, vidange de l’estomac, laryngoscope, sonde d’intubation – Ventilation au masque – Intubation sous succinylcholine – Mode ventilatoire : ventilation contrôlée Chez l’enfant on recommande le même schéma thérapeutique que chez l’adulte : benzodiazépine + fosphénytoïne. Chez le nourrisson, la dose initiale de diazépam (0,5 mg/kg) est injectable à l’aide d’une canule par voie rectale (IR).
– bilan biologique : ionogramme, calcémie, magnésémie, urée, créatinémie, bilan hépatique, numération, enzymes musculaires, gaz du sang ; – détermination de la glycémie par bandelette réactive et correction d’une hypoglycémie avec 50 mL de sérum glucosé à 30 % associé à une vitaminothérapie (100 mg de thiamine + 100 mg de pyridoxine) en cas de malnutrition, d’alcoolisme ou de grossesse. Sur le modèle de l’« Epilepsy Foundation of America » (4) on peut proposer la chronologie suivante : – 0-5 min : vérifier le diagnostic : le diagnostic est simple lorsque l’on constate les mouvements anormaux et la perte de conscience, plus difficile lorsque les manifestations restent discrètes. La durée de l’état de mal est toujours délicate à établir si le patient n’est pas monitoré (dès qu’elle constate la crise, l’infirmière déclenche l’horloge). L’enquête anamnestique recherche une étiologie. Un tracé EEG sera enregistré dès que possible, l’EEG du monitorage est toujours sujet à caution du fait des artefacts, de la difficulté à recueillir un signal exploitable, de l’impossibilité d’enregistrer le tracé à la bonne vitesse et de le garder en mémoire (27, 28).
296 La réanimation neurochirurgicale
– 5-10 min : mise en route du traitement non spécifique ; – 10-20 min : traitement de première intention avec priorité pour les agents les moins sédatifs. L’administration IV d’une benzodiazépine de court délai d’action associée à la phénytoïne de longue durée d’action a une efficacité de 94 % (26). Les benzodiazépines seules ont une efficacité de 60 à 70 % (le lorazépam stoppe la crise dès la première injection dans 65 % des cas). Le phénobarbital seul est efficace dans 58 à 82 % des cas et son délai d’action est d’au moins 5 min, l’association benzodiazépine-phénobarbital très dépressive respiratoire n’est pas conseillée. On propose actuellement l’une des deux modalités suivantes (1, 4, 14, 17,26) : • Modalité 1 : benzodiazépine + phénytoïne (peu dépresseur cardiorespiratoire) : – diazépam : 0,2 mg/kg à 5 mg/min, action en moins de 3 min, la même dose peut être répétée si la crise n’est pas stoppée 5 min après la fin de l’administration, – OU clonazépam : 0,02 mg/kg en 5 min ; – OU lorazépam : 0,1 mg/kg ; – OU midazolam : 0,2 mg/kg, à répéter ; + fosphénytoïne (dans du sérum salé 9 ‰) : 20 mg/kg d’équivalent phénytoïne sans dépasser 150 mg/min, FOS est plus maniable mais le délai d’action par rapport à la PHT est de 15 min plus long (soit 30 min), on peut être amener à réinjecter une dose de diazépam. Le clonazépam ou le lorazépam de demi-vie plus longue (mais d’action moins rapide) n’ont pas cet inconvénient. Ensuite, on poursuit le traitement par l’administration per os de phénytoïne (Dihydan*). • Modalité 2 : phénobarbital seul (plus dépresseur cardiorespiratoire) : – phénobarbital : 15 – 20 mg/kg dans une seringue en verre sans dépasser 100 mg/min, action en 5 min. On peut poursuivre le traitement per os. – 45-60 min : poursuite de la crise : • Modalité 1 : réinjection de 5 mg/kg de FOS en 10 min, sans dépasser une dose totale de 30 mg/kg. • Modalité 2 : réinjection de 5 à 10 mg/kg de PBB toutes les 30 min sans dépasser une dose totale de 100 mg/kg, la dépression cardiorespiratoire est constante et oblige à hospitaliser le patient en réanimation. – 60 min : faire le bilan étiologique et thérapeutique qui permettra de décider de l’orientation définitive : service de neurologie ou neurochirurgie, réanimation adulte ou pédiatrique, – neurologie si l’EME a cédé, afin de réaliser un EEG et de recherche une étiologie ; – neurochirurgie si l’EME a cédé et s’il est révélateur d’une embarrure, tumeur, abcès, empyème postopératoire, malformations vasculaires…
États de mal épileptique 297
– réanimation si l’EME est réfractaire, car il doit être traité par l’anesthésie générale.
Traitement de l’état de mal épileptique réfractaire (11) Il s’agit d’un état de mal convulsif franc ou d’un état de mal non convulsif diagnostiqué par l’EEG qui persiste malgré le traitement depuis plus de 50 à 80 min [Conférence de Consensus en Réanimation et Médecine d’Urgence, 1995, voir (1) et (20)]. La démarche thérapeutique est la suivante : – bilan : neurologique, EEG, clinique (ventilation, hémodynamique, voies d’abord…), ECG (à la recherche de troubles du rythme induits par l’EME), biologique (ionogramme calcémie, magnésémie, gaz, bilan hépatique, coagulation), dosage MAE, toxiques (cocaïne, héroïne, amphétamine, théophylline… voir tableau I) ; – analyse des traitements utilisés et des interférences médicamenteuses ; – traitement des facteurs secondaires de pérennisation : désordres métaboliques, hydroélectrolytique, hyperthermique, évacuation d’un empyème, lever d’une embarrure, dialyse en cas de surdosage par l’aciclovir ou le lithium, pyridoxine en cas de surdosage par l’isoniazide ; – la correction des facteurs secondaires permet de surseoir à l’anesthésie générale ou de choisir un agent anesthésique à élimination rapide tel que le propofol ; – préparation de l’anesthésie générale car l’apnée est la règle : respirateur en ventilation contrôlée, intubation sous curare, aspiration, oxygénothérapie au masque, ballon et valve pour insufflation manuelle, choix de l’agent : thiopental ou propofol ; – la dose de charge du thiopental est de 7-10 mg/kg, celle du propofol de 3 mg/kg ; – l’anesthésique général est ensuite administré en continu à la seringue électrique. La posologie quotidienne dépend des effets cliniques, électro-encéphalographiques et hémodynamiques ; il peut être nécessaire de recourir à l’administration de noradrénaline et au remplissage. Les doses quotidiennes de thiopental varient entre 3 à 5 mg/kg/h soit 6 à 8 g/j chez l’adulte le premier jour et entre 2 à 5 mg/kg/h pour le propofol soit 200 à 400 mg/h avec le Diprivan® à 2 %. Les dosages plasmatiques sont inutiles et très onéreux, l’administration sera guidée par l’EEG ou l’enregistrement d’un EEG continu avec surveillance vidéo qui permet à l’électrophysiologiste de comparer tracés et mouvements anormaux ; – la durée du traitement est déterminée par la clinique et l’électrophysiologie, on tente d’arrêter le traitement à la 24e ou 48e heure. Le pronostic dépend essentiellement de la cause de l’EME et de la qualité de la prise en charge dès la première heure et non de la durée du coma barbiturique.
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Traitement des états de mal épileptiques du nourrisson et de l’enfant (15, 16) On recommande le même schéma thérapeutique que chez l’adulte : benzodiazépine + fosphénytoïne. Chez le nourrisson, la dose initiale de Diazépam (0,5 mg/kg) est injectable à l’aide d’une canule par voie rectale (IR). Le schéma thérapeutique est le suivant : – traitement non spécifique : PLS, liberté des voies aériennes, oxygène, pose d’une perfusion de sérum physiologique, glycémie ; – DZM (0,5 mg/kg) IR ou IV + FOS IV 20 mg/kg d’E-PHT en 15 minutes.
Conclusion L’EME doit être traité le plus rapidement possible, chez l’enfant on sait que la poursuite de la crise est un facteur favorisant d’évolution vers l’épilepsie essentielle, chez l’adulte le risque est le passage à l’état réfractaire. L’association diazépam-fosphénytoïne est efficace avec des effets secondaires modérés.
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États de mal épileptique 299
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Complications postopératoires en chirurgie réglée N. Bruder et P. Ravussin
Introduction Les complications neurochirurgicales postopératoires peuvent avoir des conséquences dramatiques conduisant au décès ou à des séquelles neurologiques permanentes. Des problèmes techniques chirurgicaux peuvent parfois expliquer ces complications. Le rôle de l’anesthésiste pour prévenir ces complications est également apparu crucial (1). L’anesthésiste a alors un rôle majeur dans la détection des complications et la prise de décision éventuelle d’une réintervention précoce. Les modalités de la prise en charge anesthésique du réveil neurochirurgical ont été décrites dans un autre ouvrage (2). Pendant les douze à vingt-quatre premières heures, la complication la plus grave est l’hémorragie cérébrale. Une attention particulière doit donc être portée à la surveillance neurologique et aux moyens de prévenir cette complication. Audelà de vingt-quatre heures, la complication la plus grave est la méningite postopératoire. Son diagnostic est parfois difficile mais un diagnostic et un traitement précoces sont des facteurs pronostiques majeurs. L’épilepsie postopératoire est une complication fréquente. Elle est souvent à l’origine d’une inquiétude et d’une agitation de l’entourage familial et du personnel soignant. En règle générale, son traitement est assez simple et met rarement en jeu le pronostic vital.
Fréquence des complications postopératoires Complications précoces Dans une étude prospective portant sur 486 patients, la fréquence des complications après neurochirurgie était de 54,5 % (3). La complication la plus fréquente était les nausées et les vomissements survenant chez 38 % des patients. Mais la fréquence des complications respiratoires était de 2,8 %, celle
302 La réanimation neurochirurgicale
des complications cardiovasculaires de 6,7 % et celle des complications neurologiques de 5,7 %. Dans d’autres études rétrospectives, la fréquence des complications majeures était comprise entre 13 % et 27,5 % (4-6). Dans ces études, la mortalité postopératoire était comprise entre 1,7 % et 2,4 %. Notre série personnelle des complications postopératoires survenant pendant les 48 premières heures chez 954 patients bénéficiant d’une craniotomie réglée pendant les années 2000-2001 (à l’exclusion des biopsies stéréotaxiques) montrait une fréquence de 14,4 % avec une mortalité hospitalière de 2 % (fig. 1). Dans la chirurgie de l’épilepsie, dans laquelle les patients sont en général jeunes et sans comorbidité majeure, la fréquence des complications neurologiques majeures est comprise entre 3 % et 5 % (7, 8). Les complications sont donc fréquentes et justifient une surveillance postopératoire intensive. La complication la plus grave est l’hémorragie cérébrale. Sa fréquence dépend de sa définition et est certainement sous-estimée par les études rétrospectives. Dans les grandes séries ayant inclus plusieurs milliers de patients, l’incidence des hémorragies cérébrales après craniotomie était comprise entre 0,8 % et 2,2 % (9-11). Le pronostic de cette complication était mauvais (déficit neurologique sévère, patient végétatif ou décès) chez 36 % à 55 % des patients. Les actes chirurgicaux réalisés en condition stéréotaxique exposent à un risque hémorragique comparable à la chirurgie non stéréotaxique (12).
Complications tardives L’infection nosocomiale neurochirurgicale ou l’épilepsie peuvent survenir précocement mais leur apparition est le plus souvent retardée au-delà de la
Hémorragie
34% 45%
20%
Epilepsie
Cardiovasc Respiratoire Sepsis Confusion Neurologique
15% 8% 5%
Autres
10%
9%
Fig. 1 – Fréquence des complications postopératoires précoces après chirurgie intracrânienne chez 137 patients d’une cohorte de 954 crâniotomies réglées. La majorité des complications (45 %) étaient des complications neurologiques majeures, 34 % étaient des complications neurologiques mineures définies comme nécessitant une prolongation du séjour en réanimation au-delà de 24 heures (données personnelles).
Complications postopératoires en chirurgie réglée 303
vingt-quatrième heure postopératoire. La fréquence des complications septiques après chirurgie intracrânienne est de 4 % (13). Ceci comprend 1,5 % d’infections cutanées ou d’ostéites du volet de craniotomie et 2,5 % d’infections profondes (méningite, abcès cérébral, empyème). La durée moyenne de survenue est de 18 ± 25 jours pour l’ensemble des infections et de 10 ± 8 jours pour les méningites. Il existe une très grande variabilité de l’incidence des infections selon les centres (13, 14). Malgré l’absence d’étude prospective, randomisée en double aveugle, la grande majorité des études rétrospectives conclut à une efficacité nette de l’antibioprophylaxie pour réduire le risque infectieux en neurochirurgie. La réduction du risque est d’environ 50 % (15). L’épilepsie est un mode de révélation fréquent des tumeurs cérébrales. Pour les méningiomes supratentoriels, une épilepsie préopératoire est présente chez 29 % à 67 % des patients. L’exérèse du méningiome permet la disparition des crises chez 19 % à 60 % des patients. À l’inverse, des crises surviennent après l’intervention chez 5 % à 18 % des patients sans antécédent (16, 17). Six pour cent des patients font au moins une crise pendant la première semaine postopératoire. L’épilepsie postopératoire disparaît dans 70 % des cas après un an de traitement antiépileptique (16). Outre l’épilepsie préopératoire, les facteurs de risque d’une épilepsie postopératoire sont l’œdème péritumoral, une hydrocéphalie, une exérèse incomplète, une localisation pariétale ou temporale du méningiome. Malgré une prophylaxie antiépileptique, des crises surviennent chez 14 % des patients, dont 40 % pendant la première semaine postopératoire (18). Après une hémorragie méningée, la majorité des convulsions sont précoces (6 à 25 % des patients). Elles surviennent au moment de l’HSA chez 4 à 18 % des patients, selon les séries. Les convulsions tardives (12 à 24 heures après l’hémorragie) apparaissent chez 7 à 14 % des patients (19).
Diasgnostic des complications neurochirurgicales postopératoires Récupération neurologique clinique Grâce à l’utilisation des nouveaux agents hypnotiques (desflurane, sevoflurane, propofol), pratiquement tous les patients peuvent répondre à l’ordre simple quinze minutes après la fin de l’anesthésie et sont capables de donner leur nom et leur date de naissance cinq minutes plus tard (20, 21). Toutes les fonctions neurologiques ne récupèrent pas en même temps. Après neurochirurgie, il est fréquent d’observer des déficits neurologiques focaux qui disparaissent rapidement lors du réveil. L’explication de ce phénomène est simple. Le système nerveux central des patients qui ont récupéré d’un déficit neurologique focal est particulièrement sensible à l’effet des agents anesthésiques. De faibles doses de midazolam (2,8 ± 1,3 mg) ou de fentanyl (170 ± 60 mg) peuvent aggraver
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ou démasquer un déficit chez plus de 60 % des patients qui ont un déficit neurologique compensé (22, 23). Ceci explique les exceptionnels cas cliniques de réversibilité complète d’un déficit grâce à la naloxone (24). On suppose que chez les patients ayant des réserves neuronales limitées, une diminution minime des capacités des neurones restants ne permet plus de garder une activité fonctionnelle. En pratique, la différence entre un déficit révélant une complication neurologique ou un déficit favorisé par les agents de l’anesthésie repose sur l’évolution dans le temps. L’utilisation d’agents de cinétique rapide et l’absence d’une prémédication lourde permettent donc d’améliorer la fiabilité de l’examen neurologique pendant la période postopératoire précoce. D’autres facteurs peuvent expliquer une récupération retardée. La nature de la lésion intracrânienne joue un rôle. Lorsqu’on la compare à la chirurgie non crânienne, la chirurgie pour tumeur cérébrale est associée à une récupération plus lente des fonctions neurologiques (25). Cette récupération est encore plus lente chez les patients qui ont une tumeur volumineuse avec effet de masse. Les méthodes de protection cérébrale peropératoire peuvent également retarder le réveil. Bien qu’il n’y ait pas de bénéfice démontré de l’hypothermie modérée, cette technique est encore utilisée dans certains centres dans la chirurgie anévrismale. L’hypothermie retarde le réveil car elle diminue le métabolisme de la plupart des agents anesthésiques. La protection cérébrale pharmacologique (thiopental ou propofol), à des posologies qui permettent d’obtenir des silences électriques sur l’EEG, nécessite l’utilisation de très fortes doses. Dans ce cas, si l’on souhaite un réveil rapide, le propofol est certainement préférable au thiopental. Il a été démontré chez 42 patients que 32 d’entre eux (76 %) pouvaient être extubés à la fin de la chirurgie avec le propofol (26). Les 10 autres patients avaient soit des troubles de la conscience avant l’intervention, soit une complication chirurgicale qui ne permettaient pas un réveil rapide. Au total, l’origine des troubles de conscience postopératoires précoces est multifactorielle et la technique anesthésique joue un rôle important.
Imagerie postopératoire Il n’y a pas de règle établie concernant la nécessité ou le délai de réalisation d’un scanner cérébral postopératoire. Durant les premières heures postopératoires, la réalisation d’un scanner en urgence repose sur la modification de l’examen neurologique (convulsions, déficit focal, troubles de conscience). Le but est d’éliminer une hémorragie cérébrale dont nous avons vu qu’elle survenait le plus fréquemment pendant les six premières heures postopératoires. Un grand nombre de neurochirurgiens demande un scanner cérébral systématique le lendemain de l’intervention avant le retour en chambre mais cette attitude n’est pas consensuelle. Son intérêt est d’avoir un examen de référence postopératoire qui servira de comparaison en cas d’aggravation ultérieure du patient. Dans de rares cas, le scanner systématique permet de détecter une complication hémor-
Complications postopératoires en chirurgie réglée 305
ragique non symptomatique et d’intervenir avant l’aggravation clinique. En outre, une hémorragie du foyer opératoire doit faire discuter la pertinence de la prophylaxie de la thrombose veineuse profonde par une héparine (27). Une IRM cérébrale précoce pourrait également être utile pour les tumeurs cérébrales malignes devant bénéficier d’une chimiothérapie postopératoire. La réponse à la chimiothérapie est un élément important du pronostic et de l’attitude thérapeutique. Pour les tumeurs très agressives, il est parfois difficile de faire la part d’une résection chirurgicale incomplète ou d’une récidive précoce, lorsque la réalisation de l’IRM est différée. L’artériographie cérébrale n’a en général pas d’indication en dehors de la chirurgie anévrismale. Cependant, il existe des cas de vasospasme postopératoire après chirurgie hémorragique, pouvant justifier une artériographie diagnostique.
Monitoring postopératoire La surveillance clinique est un monitoring très spécifique d’une complication neurologique. Cependant, l’apparition d’un déficit est souvent un signe tardif de la complication. Des méthodes plus sensibles et surtout plus précoces seraient utiles à développer. La surveillance de la PIC est rarement pratiquée en postopératoire. Dans les chirurgies nécessitant une ouverture des ventricules cérébraux, il est fréquent de laisser en place un drain ventriculaire pendant vingt-quatre heures. Ceci permet de détecter rapidement la survenue d’une hydrocéphalie aiguë, liée par exemple à une hémorragie ventriculaire, et permet également de traiter cette complication. Une évaluation du débit sanguin cérébral serait utile à la fois pour évaluer les effets d’une diminution thérapeutique de la pression artérielle sur la perfusion cérébrale et pour détecter l’apparition d’une hyperémie cérébrale. Le Doppler transcrânien est largement utilisé dans cette indication mais permet de mesurer des vitesses circulatoires et non pas le DSC. On peut espérer que le développement de méthodes continues, non radioactives, utilisables au lit du patient, permette d’améliorer notre compréhension des modifications de la circulation cérébrale dans la période postopératoire (28, 29).
Complications postopératoires majeures de la neurochirurgie Hypertension intracrânienne Les effets du réveil et de l’extubation sur la PIC n’ont pas été étudiés mais l’hypertension intracrânienne est une complication importante de la neurochirurgie. Dans une étude rétrospective chez 514 patients chez lesquels la
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PIC était monitorée après une chirurgie intracrânienne réglée, 89 patients (17 %) avaient une augmentation prolongée de la PIC (30). Parmi ces 89 patients, 47 (53 %) avaient une aggravation clinique associée. La TDM cérébrale montrait soit un œdème soit une hémorragie cérébrale dans la majorité des cas. La stimulation trachéale, la toux, l’agitation, la douleur augmentent la PIC. Cette augmentation est très variable et dépend de la compliance cérébrale. La lidocaïne locale, les morphiniques sont efficaces pour atténuer ces modifications. Lors de l’extubation, le stimulus trachéal est souvent associé à une hypercapnie due à l’augmentation de la production de CO2 et à la dépression respiratoire. Une augmentation importante de la PIC est donc prévisible lors du réveil chez les patients qui ont un cerveau tendu à la fin de la chirurgie. Le danger chez ces patients est de confondre les troubles de la vigilance liés à l’effet résiduel de l’anesthésie de ceux liés à une hypertension intracrânienne (HIC). Le Doppler transcrânien peut être une aide s’il montre des indices de pulsatilité élevés. Mais l’élément le plus important est l’évolution clinique. En l’absence d’amélioration dans l’heure qui suit l’extubation, le diagnostic d’HIC doit être évoqué, la TDM cérébrale doit être réalisée et une attitude thérapeutique, médicale ou chirurgicale, décidée avec l’équipe neurochirurgicale.
Hémorragie intracrânienne Les facteurs de risque de l’hémorragie cérébrale sont les troubles de la coagulation, la prise d’aspirine ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens avant la chirurgie, la chirurgie en urgence et l’hypertension per- et postopératoire (9, 10, 31). Un facteur de risque est retrouvé chez environ deux tiers des patients, suggérant qu’une partie de ces hémorragies sont évitables. Quarante à 60 % des hémorragies sont parenchymateuses, le reste étant réparti en hémorragies extradurales, sous-durales ou mixtes. Parmi les facteurs de risque, il est clair qu’une hypertension artérielle sévère (pression systolique > 200 mmHg) peut conduire à une hémorragie cérébrale postopératoire. Le risque associé à une hypertension artérielle moins sévère est moins évident. Basali et al. ont montré qu’il existait une relation statistique entre l’hypertension périopératoire et le risque d’hémorragie intracrânienne dans une étude rétrospective cas-témoins (31). Les patients qui avaient fait une hémorragie avaient 3,6 fois plus de chance d’avoir été hypertendus pendant ou après l’intervention que les témoins. Il est particulièrement intéressant de noter dans cette étude la très forte relation entre le risque hémorragique et une hypertension survenant uniquement dans la période postopératoire. Ceci suggère que des hémostases peu sûres réalisées à une pression artérielle normale ou basse peuvent saigner lorsque la pression artérielle augmente. L’hypertension artérielle peut également aggraver l’hyperémie cérébrale du réveil. Les conséquences délétères de l’hyperémie ont été démontrées dans certaines situations comme la chirurgie des hématomes sousduraux, la chirurgie ou le stenting carotidien, ou la chirurgie des
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malformations artério-veineuses cérébrales (32-34). Chez des patients âgés, la survenue d’une hyperémie était associée au risque de confusion postopératoire. Il existe donc suffisamment d’arguments pour recommander un contrôle strict de la pression artérielle au moins pendant les six premières heures qui suivent l’intervention chirurgicale. Il est important de garder à l’esprit qu’une hypertension artérielle sévère peut également être la conséquence d’une hypertension intracrânienne. Dans ce cas, la « normalisation » de la pression artérielle peut aboutir à compromettre de manière irréversible la perfusion cérébrale et donc conduire à une ischémie cérébrale. La présentation clinique des hémorragies sustentorielles est habituellement une aggravation progressive des troubles de conscience associée parfois à l’apparition ou à l’aggravation d’un déficit focal. L’évolution clinique est très différente dans la chirurgie de la fosse postérieure car tout effet de masse, même minime, va comprimer le tronc cérébral. L’hémorragie à ce niveau se traduit donc par une aggravation clinique extrêmement brutale nécessitant une réintervention immédiate. Une complication hémorragique particulière, dont la physiopathologie est mal comprise, est l’hémorragie survenant à distance du foyer opératoire. Le plus souvent, il s’agit d’une hémorragie cérébelleuse survenant après la résection d’une tumeur supratentorielle, frontale ou temporale. L’hypertension artérielle et les troubles de coagulation ne semblent pas être des facteurs de risque de cette complication (35). L’hypothèse physiopathologique la plus vraisemblable est un étirement des veines de drainage du cervelet, dû à une hypotension sustentorielle. Cette hypotension cérébrale est consécutive à l’ablation de la tumeur et à l’aspiration du liquide cérébrospinal pendant la chirurgie. L’attraction des structures sous-tentorielles et l’étirement des veines conduit à un engorgement veineux, voire à une thrombose veineuse, à l’origine d’un infarctus hémorragique (36). Une autre cause, plus triviale mais sûrement évitable, est la dépression sustentorielle liée au déclampage d’un drain aspiratif extradural. Lors de la mise en circuit, il se produit une dépression brutale et sévère, pouvant avoir des conséquences sur le système veineux cérébral. La seule manifestation clinique est en général une bradycardie transitoire lors du branchement du système de drainage (37).
Épilepsie postopératoire Les convulsions postopératoires peuvent précipiter des complications telles que l’œdème cérébral et l’HIC, des complications respiratoires comme une inhalation bronchique, l’ensemble pouvant aboutir à une hypoxie cérébrale. Un contrôle rapide des convulsions est donc impératif. L’utilité d’une prévention systématique est discutée mais une prophylaxie antiépileptique est très souvent utilisée en pratique pour la période postopératoire, du fait du risque que font courir les crises épileptiques précoces. Cette prophylaxie n’est pas un gage d’efficacité. Dans l’étude de Beenen et al. chez 100 patients bénéficiant d’une
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crâniotomie, 14 faisaient des crises d’épilepsie postopératoires malgré un traitement par phénytoïne ou valproate (fig. 2) (18). Dans le cadre de l’hémorragie méningée, la majorité des convulsions sont précoces, et liées statistiquement à la quantité de sang dans les espaces méningés. Les convulsions tardives apparaissent chez 7 % à 14 % des patients. Elles sont liées à une pathologie focale (hématome sous-dural ou infarctus cérébral). Aucune étude ne montre de bénéfice d’une prophylaxie antiépileptique systématique. Il semble raisonnable d’instituer une prophylaxie chez les patients à haut risque (grade clinique élevé, quantité importante de sang dans les espaces méningés, intervention chirurgicale) (38). Le traitement des crises peut faire appel à la fosphénytoïne (Prodilantin®). Cet agent remplace le Dilantin®. Il s’agit d’une pro-drogue injectable, transformée dans l’organisme en quelques minutes en phénytoïne. C’est donc un des médicaments de référence de l’état de mal épileptique. Un flacon de 750 mg de Prodilantin® correspond à 500 mg de phénytoïne. La posologie est de 20 mg/kg de Prodilantin®. La vitesse de perfusion ne doit pas dépasser 100 à 150 mg/min en raison du risque de bloc auriculoventriculaire, c’est-à-dire une perfusion en 10 à 15 minutes. Chez les patients déjà traités par de la phénytoïne, il est utile de contrôler la concentration sanguine, et une réinjection de 375 mg de fosphénytoïne permet souvent la disparition des crises. Dans le cas contraire, l’adjonction de faibles doses de benzodiazépines (Urbanyl® 20 mg/j) peut être recommandée. Il existe de très nombreuses interactions médicamenteuses avec les agents antiépileptiques. L’adjonction de nouveaux médicaments est donc à éviter autant que possible. Une interaction à connaître est celle du dextropropoxyphène (Di-antalvic®) avec la carbamazé-
Fig. 2 – Délai d’apparition de la première crise d’épilepsie après chirurgie intracrânienne chez 100 patients sous traitement prophylactique par phénytoïne ou valproate. [D’après (18).]
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pine. Le dextropropoxyphène inhibe le métabolisme de la carbamazépine, ce qui augmente sa concentration plasmatique avec un risque de toxicité qui se manifeste par un syndrome vestibulaire ou cérébelleux (39).
Infections postopératoires Comme pour toute chirurgie, la neurochirurgie n’échappe pas au risque d’infection nosocomiale. Ce risque est probablement favorisé par les faibles capacités de défense du liquide cérébrospinal (LCS) et par l’immunodépression qui suit toute intervention avec effraction des méninges (40). Une classification des interventions neurochirurgicales en fonction du risque infectieux a été proposée (tableau I) (41). Les infections profondes étaient environ huit fois plus fréquentes pour les catégories « sale », « contaminé », « propre contaminé » que pour la catégorie « propre ». L’étude prospective de Korinek et al. portant sur 2 944 patients bénéficiant d’une craniotomie à l’exclusion des dérivations du LCS a permis de définir les facteurs de risque d’infection profonde postopératoire (méningite ou ventriculite, abcès cérébral, empyème) (13). Ceux-ci étaient un score de Glasgow < 10, une chirurgie en urgence, un rasage complet, un drainage externe du LCS, une réintervention, une fistule de LCS, un effet centre. L’analyse multivariée ne retenait que deux facteurs de risque : une réintervention précoce et une fistule de LCS. Ce dernier facteur augmentait le risque de manière considérable (odd ratio = 145). Les germes responsables d’infection étaient extrêmement variés avec environ un tiers de cocci gram + et deux tiers de bacilles gram – (tableau II). Il est donc extrêmement difficile, devant une méningite ou un abcès postopératoire, de préconiser une antibiothérapie probabiliste. Il est donc essentiel de disposer rapidement d’une documentation bactériologique. Malheureusement, celle-ci est difficile à obtenir pour les abcès car elle nécessite une intervention chirurgicale et difficile pour les méningites car elle est fréquemment négative. Les critères pour Tableau I – Classification des interventions neurochirurgicales en fonction du risque infectieux. (LCS : liquide cérébro-spinal). [D’après (41).] Catégorie
Définition
Exemples
Sale
Sepsis au moment de la chirurgie
Abcès cérébral, empyème, ostéite, méningite, infection cutanée
Contaminé
Une contamination est connue
Fracture du crâne, lacération du scalp, fistule de LCS, réintervention précoce
Propre contaminé
Risque de contamination du site opératoire pendant la chirurgie
Ouverture des sinus, voie transsphénoïdale ou trans-orale, chirurgie très longue
Propre avec corps étranger
Corps étranger temporaire ou permanent
Dérivation du LCS, cranioplastie, duremère artificielle, moniteur de PIC
Propre
Pas de facteur de risque identifiable
Conditions opératoires « idéales »
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Tableau II – Fréquence des bactéries (en %) retrouvées par site d’infection. [D’après (13).] Germe
Infection cutanée
Infection du volet
Méningite/abcès
Total
S. aureus Méti-S
7
8
18
33
S. aureus Méti-R
5
0
13
18
S. epidermidis
1
0
3
4
Streptococci
2
0
4
6
Autre cocci gram +
1
0
4
5
Entérobactéries
2
0
16
18
Acinetobacter
5
1
2
8
P. aeruginosa
1
0
2
3
Autres
1
0
3
4
définir une méningite sur l’analyse du LCS en postopératoire sont également peu spécifiques. Un nombre de leucocytes > 1 000/mL n’a qu’une sensibilité de 65 % et une spécificité de 89 % pour le diagnostic de méningite (42). Une glycorachie inférieure au quart de la glycémie permet d’améliorer la spécificité du diagnostic mais est inconstante. Le meilleur marqueur de l’infection du LCS était la concentration d’IL-1b dans l’étude de Lopez-Cortes et al. mais cette mesure n’est pas disponible en routine (42). Dans un certain nombre de cas, un traitement de méningite est donc entrepris devant une suspicion clinique et biologique en l’absence de documentation bactériologique ou de certitude sur le caractère septique ou aseptique de la réaction méningée.
Complications de la posture La neurochirurgie est une spécialité dans laquelle l’intervention justifie un grand nombre de postures en fonction du site opératoire. Les complications de la posture n’apparaissent qu’après l’intervention. Elles sont souvent mineures mais de nombreuses complications graves ont été décrites. Dans toutes les positions, l’étirement ou la compression des racines nerveuses sont une éventualité. Il faut donc être attentif après l’intervention pour différencier un déficit lié à une atteinte centrale d’un déficit par neuropathie périphérique (43). La position ventrale comporte des risques spécifiques (44). La cécité après chirurgie prolongée en position ventrale est un risque dont la physiopathologie doit être connue car des mesures préventives peuvent être proposées (45). La position genu-pectorale prolongée (> 4 heures) expose au risque de rhabdomyolyse. Ceci justifie une surveillance enzymatique postopératoire pour prévenir le risque d’insuffisance rénale. La position assise est la posture qui comporte le plus grand risque de complications. Certaines sont liées à la position de la tête en rotation ou en flexion exagérée : macroglossie, œdème facial, quadriparésie ou tétraplégie, ischémie cérébrale par thrombose vasculaire carotidienne ou
Complications postopératoires en chirurgie réglée 311
vertébrale. L’embolie gazeuse est la complication la plus classique. L’embolie pulmonaire massive est facilement diagnostiquée pendant l’intervention. Mais une embolie paradoxale passe le plus souvent inaperçue et ne peut se manifester que par un retard de réveil. Le diagnostic est souvent difficile et doit associer la TDM cérébrale qui peut montrer des bulles d’air dans les artères cérébrales et l’échographie cardiaque qui peut montrer un résidu gazeux au niveau du ventricule droit. Le traitement est symptomatique mais, pour certains, l’oxygénothérapie hyperbare, même différée, pourrait être efficace.
Complications postopératoires mineures de la neurochirurgie Le caractère mineur d’une complication est nécessairement subjectif mais on entend ici les complications qui ne mettent pas directement en jeu le pronostic vital ou fonctionnel.
Douleur Les crâniotomies sont moins douloureuses en postopératoire que d’autres chirurgie faciales ou la chirurgie du rachis (46). Mais la douleur postcraniotomie est souvent sous-estimée et l’augmentation de l’utilisation du remifentanil afin d’obtenir un réveil plus rapide a renouvelé l’intérêt de l’analgésie. Le paracétamol seul ne soulage pas suffisamment la douleur et doit être associé au tramadol ou à un morphinique (47, 48). Le tramadol est efficace, ne modifie pas la PIC ou la PPC, mais augmente le risque de nausées et de vomissements et peut favoriser l’apparition d’une somnolence. Le même type de remarque est valable pour la morphine, ce qui ne doit pas limiter son utilisation en cas de douleur intense. L’infiltration du scalp par la bupivacaïne diminue la douleur lors du réveil mais l’effet est limité aux premières heures postopératoires. Un traitement efficace de la douleur postopératoire peut permettre d’éviter le passage vers la douleur chronique postcraniotomie (49).
Nausées et vomissements La fréquence des nausées est de 50 % après craniotomie et les vomissements surviennent chez environ 40 % des patients (50, 51). Les vomissements sont plus fréquents lors de la chirurgie de la fosse postérieure. Une prophylaxie est donc fréquemment indiquée. L’ondansetron est un produit ayant peu d’effet secondaire et n’augmentant pas la PIC (52) mais d’une efficacité incomplète pour la prévention. Le dropéridol est plus efficace que l’ondansétron pour la
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prévention et n’induit pas de somnolence si la posologie est inférieure à 1 mg. Le métoclopramide est peu efficace et une augmentation de la PIC a été rapportée chez un patient traumatisé crânien lors de l’injection (53).
Atteinte des nerfs crâniens Après une chirurgie de la fosse postérieure, le nerf facial ou les nerfs mixtes peuvent être lésés. Ceci peut provoquer des troubles de la déglutition. S’ils sont méconnus, ces troubles favorisent une inhalation silencieuse de salive puis une pneumopathie. Celle-ci peut s’aggraver très rapidement si le patient doit être à nouveau intubé et peut évoluer vers un syndrome de détresse respiratoire aigu. D’autre part, des vomissements chez un patient ayant des troubles de la déglutition peuvent s’accompagner d’une inhalation massive. Lorsqu’il existe un risque de troubles de la déglutition, l’extubation est au mieux réalisée en réanimation pour permettre une évaluation chez un patient bien réveillé. Ceci nécessite fréquemment la perfusion d’agents antihypertenseurs avant l’extubation. L’extubation est réalisée après une aspiration soigneuse du pharynx et de l’estomac. Le matériel d’intubation doit être prêt en cas de détresse respiratoire immédiate. Dans les minutes qui suivent l’extubation, une évaluation plus précise de la déglutition peut être réalisée par fibroscopie. Lorsque l’atteinte des nerfs mixtes est sévère, la récupération est souvent longue et peut nécessiter plusieurs mois de rééducation. Ceci justifie alors souvent une trachéotomie pour la protection des voies aériennes à la phase initiale et une gastrostomie d’alimentation.
Complications métaboliques L’hyponatrémie est une complication classique des pathologies neurochirurgicales aiguës (54). Elle est plus rare dans les suites opératoires si le remplissage vasculaire comporte des solutés isotoniques. L’hypernatrémie, le plus souvent liée à un diabète insipide, est une complication potentiellement grave de la chirurgie de la région hypophysaire ou du troisième ventricule (55, 56). Le diabète insipide se manifeste par une augmentation de la diurèse associé à une densité urinaire basse (< 1 005). La polyurie peut être d’interprétation délicate dans la phase postopératoire et il est donc plus utile de se fier à l’osmolarité ou à la densité urinaire. Le diabète insipide peut être transitoire ou apparaître après un intervalle libre. Parfois le simple maintien de l’hydratation permet d’éviter le recours à l’arginine vasopressine. Il ne faut cependant pas laisser évoluer le diabète insipide vers la déshydratation et l’hypernatrémie. Pendant les premiers jours, la posologie d’arginine vasopressine est difficile à établir. Il vaut mieux se fier à l’évolution de la densité urinaire qu’à celle de la diurèse pour déterminer le moment de l’administration.
Complications postopératoires en chirurgie réglée 313
L’hyperglycémie est une complication fréquente après neurochirurgie du fait de la large utilisation des glucocorticoïdes dans la chirurgie tumorale. Chez les patients graves de réanimation, l’effet bénéfique d’un maintien strict de la glycémie dans les valeurs normales est démontré (57). L’intérêt d’un contrôle précis de la glycémie dans la phase postopératoire chez les patients neurochirurgicaux est moins clair. Mais l’hyperglycémie est associée à une augmentation du risque infectieux lié à la chirurgie et l’effet délétère de l’hyperglycémie sur la morbidité a été démontré en chirurgie cardiaque (58-60). La reprise des apports glucosés doit donc obligatoirement comporter une surveillance de la glycémie voire un protocole d’insulinothérapie.
Utilité de la réanimation pour la surveillance postopératoire La majorité des patients neurochirurgicaux étant extubée au bloc opératoire, l’utilité d’un transfert en réanimation pour la surveillance peut se discuter compte tenu du coût élevé et des ressources limitées en lits de réanimation. Une étude prospective comprenant 158 patients consécutifs opérés d’une tumeur cérébrale a montré que 23 patients (15 %) avaient une complication nécessitant un séjour de plus de 1 jour (61). La moitié des patients ne nécessitaient aucune intervention en dehors de soins postopératoires banals et d’une surveillance neurologique. Mais comme le soulignent Ziai et al., le coût d’une catastrophe neurologique diagnostiquée tardivement peut largement excéder l’économie réalisée par le transfert précoce des patients neurochirurgicaux dans une unité d’hospitalisation. C’est là que les unités intermédiaires (surveillance continue) ont un rôle important à jouer. C’est la conclusion d’une étude nordaméricaine chez 3 000 patients admis en réanimation pour une pathologie neurologique (62). Dans cette étude, 78 % des patients qui ne recevaient aucun traitement actif à l’admission en réanimation étaient à faible risque (< 10 %) de nécessiter un traitement actif par la suite. Ces patients étaient en majorité admis en postopératoire, étaient plus jeunes et avec moins de comorbidités que le reste de la population de réanimation. Les facteurs de risque d’une complication postopératoire justifiant un séjour prolongé en réanimation (> 1 jour) étaient une tumeur volumineuse avec effet de masse, un remplissage vasculaire peropératoire important, une ventilation postopératoire de principe (61).
Conclusion Dans tous les cas, la prévention de la douleur, des nausées et des vomissements sont à la fois un élément de confort pour le patient et un facteur de stabilité postopératoire. La fréquence élevée des complications fait que la neurochi-
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rurgie est une spécialité à haut risque justifiant une surveillance postopératoire de principe. On dispose actuellement de critères permettant d’orienter le patient soit vers une unité de réanimation soit vers une unité de surveillance continue lorsque le risque prévisible est faible. Quelle que soit la destination, une surveillance rapprochée par un personnel formé à la surveillance neurologique est indispensable. La précocité du diagnostic et du traitement des complications est toujours le meilleur garant d’une évolution neurologique favorable.
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Prise en charge du traumatisé crânien isolé P. Visintini, M. Leone et J. Albanèse
Introduction Les traumatismes cranio-encéphaliques expliquent 50 à 70 % des morts accidentelles et sont l’une des premières causes de décès avant l’âge de 20 ans. Leurs séquelles sont fréquentes, souvent très sérieuses, et rendent difficiles la réinsertion socio-familiale de ces jeunes victimes. Si, dans certains cas, la mort ou les séquelles sont inévitables, car directement imputables à la sévérité des lésions cérébrales initiales, ailleurs, elles peuvent et doivent être évitées par une prise en charge précoce et adaptée des blessés. En effet, le seul moyen d’améliorer le pronostic vital et fonctionnel est de prévenir l’apparition ou de limiter l’extension des lésions cérébrales secondaires. Au cours de ces trente dernières années, l’introduction de la tomodensitométrie (TDM) cérébrale, et la mesure de pression intracrânienne (PIC) ont donné à la « neurotraumatologie » un visage nouveau. Leurs places ont été bien définies dans les recommandations nordaméricaines (1) et françaises (2) comme étant la pierre angulaire de la prise en charge des patients traumatisés crâniens fermés.
Généralités et épidémiologie L’incidence des traumatismes crâniens lors des traumatismes graves est de près de 70 %, ce qui représente le traumatisme le plus fréquent en dehors des lésions orthopédiques des extrémités (présentes chez 85 % des patients). Les associations lésionnelles comportant un traumatisme crânien sont, par ordre de fréquence : l’association à des fractures des extrémités pour près de 70 % des cas et à un traumatisme thoracique dans environ 35 % des cas. L’association à un traumatisme abdominal est bien plus rare, de l’ordre de 20 %. Dans notre expérience, l’existence d’un traumatisme crânien (TC) isolé ne concerne que 19 % des traumatisés admis en réanimation. Par ailleurs, seuls 22 % des trau-
318 La réanimation neurochirurgicale
matisés graves ne présentent pas de TC. Ces données sont superposables à celles de la littérature.
Cascade physiopathologique de la lésion cérébrale secondaire Si, au moment de l’accident, les forces mises en jeu sur la boîte crânienne et son contenu sont directement responsables des lésions immédiates (lésions primaires), elles peuvent être évolutives pour aboutir à la formation de lésions secondaires.
Lésion primaire Les lésions traumatiques initiales sont déterminées par le mode d’application et de dissipation de l’énergie physique mise en jeu à l’instant de l’accident. Schématiquement, deux types de mécanismes sont rencontrés, les mécanismes de contact et les mécanismes d’inertie, qui sont concomitants dans la plupart des cas.
Mécanismes de contact Cet effet s'observe chaque fois que la tête heurte ou est heurtée par un objet. Les lésions sont locales, sous le point d’impact ou résultent d’irradiation à distance. Les traumatismes à effet local limité entraînent : contusion ou lacération du cuir chevelu ; fracture du crâne (table externe et ou table interne) ; embarrure lorsqu’un décalage existe entre les surfaces de part et d’autre d’une fracture ; atteinte de la dure-mère et du parenchyme réalisant une plaie craniocérébrale. Les traumatismes irradiés entraînent toute une variété de fractures qui peuvent donner lieu à un ou plusieurs traits irradiés le long des lignes de faiblesse de l’architecture crânienne. Ces irradiations souvent indécelables par le simple examen clinique sont responsables des lésions à distance comme par exemple les lésions de l’artère méningée moyenne par un trait passant par l’écaille du temporal avec constitution d’un hématome extradural (HED) ou l'ouverture d’une cavité septique par fracture des os de la base du crâne avec risque infectieux majoré.
Effet d’inertie Dans ce cas, les mouvements d’accélération et/ou de décélération vont provoquer des lésions, diffuses et multifocales. En pratique, deux types de lésions par
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accélération sont décrits. Elles sont liées soit aux variations de pression et aux tensions générées par le décalage des mouvements du crâne par rapport à celui de l’encéphale (contusions et déchirures veineuses responsables d’hématomes sous-duraux (HSD)), soit aux contraintes nées à l’intérieur de la substance blanche elle-même (lésions axonales diffuses).
Lésions cérébrales secondaires À partir des lésions primaires, survient une souffrance puis une destruction de cellules neuronales ou gliales conduisant à d’importantes anomalies métaboliques. Ainsi, les données physiopathologiques suggèrent que le cerveau n’est pas toujours irrévocablement endommagé par les lésions primaires mais qu’il existe une « zone de pénombre » où les cellules ont tendance à évoluer vers une véritable autodestruction selon un phénomène naturel d’autolyse (apoptose). Des phénomènes d’auto-aggravation en cascade vont alors engendrer une souffrance cérébrale secondaire. Schématiquement, les phénomènes d’auto-aggravation sont à considérer à deux niveaux : – au niveau local (au sein des foyers lésionnels initiaux et à leur périphérie), ils sont la conséquence des désordres métaboliques et inflammatoires secondaires à la lésion initiale (source d’œdème vasogénique par atteinte de la barrière hématoméningée) ; – au niveau systémique, ils sont définis par le concept d’agression cérébrale secondaire d’origine systémique (ACSOS). Ils sont secondaires aux troubles cardiorespiratoires et métaboliques entraînés par le traumatisme. Le principal ACSOS et le plus fréquent est l’hypotension dont le seuil est défini par une chute de la pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg. Sa présence multiplie la mortalité par 2,5. L’hypoxémie (PaO2 < 60 mmHg) potentialise ses effets. Ces altérations systémiques perturbent l’hémodynamique cérébrale avec modification du débit sanguin cérébral (DSC), de la PIC, et de la pression de perfusion cérébrale (PPC) [pression artérielle moyenne (PAM) – PIC]. Les phénomènes locaux et généraux sont largement intriqués. Ils conduisent, par le biais des œdèmes cérébraux, des hématomes et de la vasoplégie à la constitution de l’hypertension intracrânienne (HIC) avec création de véritables « cercles vicieux » dont la finalité est l’ischémie cérébrale, elle-même source d’œdème cytotoxique (3, 4). Le seul moyen actuel de limiter l’agression cérébrale secondaire est de prévenir et traiter les causes des lésions secondaires d’origine extra- et intra-crânienne (tableau I et II) (5, 6). Pour cela, il est nécessaire de réaliser une prise en charge qui débute par le bilan lésionnel initial. Il s’appuie sur la clinique (score de Glasgow (GCS), recherche de signe de localisation, examen pupillaire), mais aussi et surtout sur la TDM cérébrale. Cette prise en charge a fait l’objet de recommandations éditées sous l’égide de l’ANAES et de la SFAR (2).
320 La réanimation neurochirurgicale
Tableau I – Étiologies des facteurs d’agression cérébrale secondaire d’origine systémique (ACSOS). ACSOS
Étiologies
Hypoxémie (PaO2 < 60 mmHg)
– hypoventilation – traumatisme thoracique – inhalation
Hypotension PAsyst < 90 mmHg ou PAM < 90 mmHg
– hypovolémie – anémie – insuffisance cardiaque – sepsis – atteinte médullaire
Anémie
– saignements internes ou extériorisés (traumatismes associés, épistaxis, plaies du scalp, etc.)
Hypertension
– douleur – trouble neurovégétatif – insuffisance d’analgésie ou de sédation
Hypercapnie
– dépression respiratoire
Hypocapnie
– hyperventilation, spontanée ou induite
Hyperthermie
– hypermétabolisme – réponse au stress – infections
Hyperglycémie
– hypothermie, perfusion de soluté glucosé – réponse au stress
Hypoglycémie
– nutrition inadéquate
Hyponatrémie
– remplissage avec des solutés hypotoniques – pertes en sodium excessives
Tableau II – Étiologies des agressions d’origine intracrânienne. Événements intracrâniens
Étiologies
Hypertension intracrânienne
– hématomes – brain swelling secondaire à une vasodilatation – œdème – hydrocéphalie
Vasospasme
– hémorragie méningée traumatique ?
Épilepsie
– lésion cérébrale corticale
Infections
– fracture de la base crâne – fractures ouvertes et plaies pénétrantes de la boîte crânienne
Prise en charge du traumatisé crânien isolé 321
Bilan initial Clinique Score de Glasgow Le score de Glasgow (7) (tableau III) est particulièrement fiable lorsqu’il est correctement réalisé. Cependant, la généralisation de son utilisation s’est accompagnée d’une certaine « banalisation » et d’un manque de rigueur d’autant plus préjudiciable qu’il détermine des décisions thérapeutiques importantes dont l’intubation trachéale n’est pas la moindre. Certaines subtilités doivent être connues : – la méthode de stimulation nociceptive validée est la pression appuyée au niveau sus-orbitaire ou la pression du lit unguéal avec un stylo ; – le GCS ne doit pas se résumer à un chiffre, mais à la description des trois composantes du score (ouverture des yeux, réponse verbale et surtout réponse motrice). C’est toujours la réponse la plus favorable qui doit être prise en compte ; – le chiffre de référence est celui obtenu après le déchocage initial et la correction de l’hypotension et/ou de l’hypoxie éventuelle (8) ; – si le patient a reçu des médications sédatives et a fortiori une curarisation, le GCS n’est pas interprétable. Le traumatisme crânien grave (TCG) est défini par un blessé qui présente à un moment de son évolution un GCS ≤ 8 sans ouverture des yeux.
Tableau III – Score de Glasgow. Score
Adulte
6 5 4 3 2 1
Ouverture des yeux Spontanée À la demande À la douleur Aucune Meilleure réponse verbale Orientée Confuse Inappropriée Incompréhensible Aucune Meilleure réponse motrice Obéit aux ordres Localise la douleur Évitement non adapté Flexion à la douleur Extension à la douleur Aucune
15
Total
4 3 2 1 5 4 3 2 1
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Réflexes pupillaires Leur surveillance permet de contrôler les réactions du tronc cérébral. Ils ont une valeur pronostique à court et long terme : la mortalité est inférieure à 10 % lorsque les deux pupilles sont réactives, elle atteint 50 et 75 % en l’absence de réactivité unilatérale et bilatérale. Avec le même objectif de rechercher une atteinte du tronc cérébral, l’étude des réflexes fronto-orbiculaires, oculo-céphaliques et photomoteurs est proposée par l’échelle de Glasgow-Liège, peu utilisée en pratique.
Recherche des signes de focalisation La présence de signes de focalisation associée à une inégalité pupillaire nécessite de pratiquer en urgence une TDM cérébrale afin d’éliminer une urgence neurochirurgicale.
Associations lésionnelles Les neurotraumatismes avec polytraumatisme rendent la prise en charge initiale plus complexe. En effet, d’une part l’examen clinique initial est alors le plus souvent peu contributif du fait des troubles de la conscience. Ceci implique que les lésions extracrâniennes doivent être systématiquement recherchées car elles vont conditionner les modalités de la prise en charge. D’autre part, l’hypoxémie et l’hypotension aggravent un TCG et peuvent également créer un tableau neurologique qui disparaît ou apparaît mineur après restauration de ces deux constantes vitales. Elles vont alors intervenir dans le type de prise en charge et la hiérarchie des urgences à traiter. Ainsi, le bilan des lésions associées est le plus souvent basé sur les examens radiologiques et échographiques pratiqués en fonction de l’état cardiopulmonaire du patient. Ces examens sont conduits à partir de protocoles pré-établis et écrits, coordonnés par un médecin expérimenté.
TDM cérébrale Indications de la TDM cérébrale en urgence Après un traumatisme crânien, les signes cliniques et l'état du patient sont déterminants pour l'indication d'une TDM cérébrale (2). Trois d'entre eux sont suffisamment pertinents sur le plan statistique (9). Il s'agit de l'existence d'un déficit neurologique, de la présence d'une amnésie post-traumatique ou de la présence d'une intoxication (alcool et/ou drogues). Ces critères sont suffisants pour dépister une lésion chirurgicale mais pas pour les lésions cérébrales du TC mineur, le GCS montrant ici ses limites. Si la conduite à tenir paraît
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bien établie (10, 11) des auteurs ont tenté de définir une ligne de conduite pour les patients avec un GCS > 13 ou entre 9-13. Dans cette dernière situation en particulier, tous insistent sur les limites de l'examen neurologique (12, 13) et, sur la réalisation d'une TDM systématique en cas de perte de connaissance quelle qu'en soit la durée ainsi qu'en cas d'amnésie. Au total, dans les heures suivant un TC, le patient doit bénéficier d'un bilan tomodensitométrique cérébral sans injection de produit de contraste.
Technique de la TDM cérébrale La TDM cérébrale doit : – réaliser une vue latérale du crâne servant à déterminer les coupes à réaliser et permettant au clinicien un repérage précis ; – explorer en coupes fines (3-5 mm) de la fosse postérieure au foramen magnum inclus jusqu'au niveau des clinoïdes postérieures (exploration des citernes de la base) ; – explorer l'étage supratentoriel en coupes de 7-10 mm d'épaisseur jusqu’au vertex ; – visualiser les coupes en double fenêtrage, l'un adapté au système nerveux central et l'autre aux os du crâne. L’exploration de la charnière cervico-occipitale et cervico-thoracique est obligatoire. À ces considérations techniques, il faut ajouter l’intérêt d’avoir un patient parfaitement immobile pour éviter les artefacts dus aux mouvements qui rendent difficile l’interprétation de la TDM. Pour cela, le patient doit être sous sédation et donc surveillé par un anesthésiste-réanimateur (14).
Interprétation des images tomodensitométriques Avant de débuter la TDM, il convient d’enregistrer les caractéristiques du patient, la date et l’heure ainsi que l’orientation anatomique, en gardant en mémoire que la droite est à gauche et inversement. Selon la densité des différentes structures cérébrales, l’absorption des rayons varie du blanc (os) au noir (air) (fig. 1) L’interprétation des images tomodensitométriques est sous-tendue par deux interrogations : quelle image détecter ? que signifie cette image ? Le tableau IV résume les différents aspects attendus.
Fig. 1 – Variation de la densité des différentes structures cérébrales, en fonction de l’absorption des rayons.
324 La réanimation neurochirurgicale
Tableau IV – Base d’interprétation de la TDM cérébrale. Scalp
Hématome sous-cutané
Crâne
Fracture (Base du crâne et étage moyen de la face+++)
Intra-crânien Hyperdense
Sang
Extradural Intradural
Densité mixte
Sang et œdème cérébral Contusion
Hypodense
Œdème cérébral
Contusion Ischémie cérébrale généralisée ou prolongée
Corps étrangers Métal/Os : hyperdense Bois/Verre : hypodense
Bases du diagnostic lésionnel Lésions parenchymateuses primaires (15) Il n’est pas rare de ne retrouver aucune lésion parenchymateuse à la TDM cérébrale. En effet, les lésions axonales diffuses de la substance blanche doivent s’accompagner de lésions hémorragiques suffisamment volumineuses pour être objectivées à la TDM. Ailleurs, la TDM ne montre que des lésions osseuses (de la base ou de la voûte) ou des lésions sous-cutanées témoignant de l’existence et du siège d’un impact. Les lésions axonales diffuses Les lésions de cisaillement de la substance blanche représentent le degré le plus sévère des lésions axonales diffuses. Elles se traduisent par des petites flaques hyperdenses (hémorragies) réparties de façon centripète, de la jonction corticosous-corticale, à la partie haute du mésencéphale (centre ovale, corps calleux, capsule interne, région sous-thalamique). La composante hémorragique est parfois très importante, réalisant un véritable hématome profond (dont le siège rappelle celui de l’hématome spontané de l’hypertendu artériel). Ces lésions de cisaillement sont fréquemment associées à une hémorragie ventriculaire, dont l’importance est variable. Dans certains cas, cette hémorragie ventriculaire représente la seule traduction en TDM d’une lésion de cisaillement. C’est une éventualité rare (3 % des TCG), mais sa présence est un facteur pronostique péjoratif (16). Lésions encéphaliques lobaires focales : contusions/attrition/hématomes intracérébraux Leurs images en TDM sont fonction de l’importance de la composante hémorragique, des phénomènes ischémiques et œdémateux. Le délai de la réalisation du scanner par rapport au traumatisme joue un rôle important dans l’aspect des images. On observera ainsi soit des lésions purement hyperdenses, soit un
Prise en charge du traumatisé crânien isolé 325
mélange d’hyper et d’hypodensité (aspect en mosaïque), voire des hypodensités isolées, dont la distinction avec des phénomènes purement ischémiques n’est pas toujours évidente (fig. 2). Les contusions cérébrales, par définition superficielles, sont difficilement visualisables sur les TDM réalisées très précocement. Elles deviendront mieux visibles vers la 24e/48e heure, du fait du développement de la réaction œdémateuse et des phénomènes ischémiques. Ces lésions encéphaliques lobaires focales peuvent être uniques, mais elles sont en fait le plus souvent multiples et bilatérales, associées parfois à des lésions extracérébrales (HED, HSD) et/ou à des lésions de cisaillement de la substance blanche. Leur topographie dépend du mécanisme lésionnel : les lésions d’impact et de contrecoup intéressent la convexité (frontale, temporo-pariétale ou occipitale) ;
Fig. 2 – Fracture complexe du massif facial, embarrure temporale gauche avec pneumencéphalie et contusions hémorragiques temporo-frontales gauches. Hématome intracérébral frontal droit avec effet de masse important et engagement sous-falciforme. Hémorragie ventriculaire.
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les lésions d’accélération/décélération prédominent dans les régions frontotemporo-basales en regard du plafond de l’orbite, de l’arête de la petite aile du sphénoïde et de la fosse temporale. La TDM précise le caractère expansif de ces lésions et apprécie leurs volumes (hauteur x largeur x épaisseur x 0,5). L’importance de l’œdème, des phénomènes vasomoteurs, le volume des hémorragies et la compliance cérébrale expliquent l’existence éventuelle et l’importance d’un effet de masse (voir fig. 2). Ainsi, les lésions de petite taille, peu œdémateuses ou celles survenant chez des sujets dont le cerveau a une bonne compliance (personnes âgées, éthyliques chroniques) peuvent n’avoir aucun caractère expansif. Ailleurs, les lésions encéphaliques locales exercent un effet de masse sur le système ventriculaire (effacement d’une corne frontale) ou sur les sillons de la convexité qui deviennent invisibles. À un degré de plus, la lésion retentit sur la ligne médiane donnant une image de déplacement du septum interventriculaire, puis enfin sur les citernes de la base qui sont comprimées ou absentes. Cas particuliers Les lésions haut situées dans l’hémisphère et les lésions très basales peuvent avoir un caractère expansif sans déplacer pour autant les structures médianes. En revanche, certaines lésions temporales peuvent comprimer directement la partie haute du tronc cérébral, sans déplacer la ligne médiane ; dans ce cas, les citernes peuvent être déformées ou effacées. Les lésions multiples et bilatérales ou celles associées à un HED controlatéral peuvent avoir un caractère expansif alors que la ligne médiane est en place. Les lésions primitives du tronc cérébral sont mal appréciées par la TDM. Son exploration est difficile du fait de sa taille et de son « environnement osseux ». Nous avons vu que les lésions de cisaillement intéressaient de façon diffuse la substance blanche hémisphérique, le diencéphale et la partie haute du mésencéphale. En fait, les lésions primitives du tronc cérébral sont rares, il s’agit le plus souvent de lésions secondaires par compression. Les attritions et hématomes cérébelleux, les hématomes sous- et extraduraux aigus de la fosse postérieure sont rares. Quand ils existent, ils peuvent être responsables d’une compression directe du tronc cérébral et/ou d’une hydrocéphalie aiguë par obstacle à l’écoulement du LCR. Plaies craniocérébrales Elles se traduisent en TDM, par une atteinte des divers plans (cutané, osseux, cérébral). On observe souvent : un foyer d’attrition parenchymateuse, avec des zones d’hyperdensité (hémorragie), d’hypodensité (nécrose, ischémie, œdème), la présence d’air intracrânien voire celle de corps étrangers. Cette lésion cérébrale peut s’associer à la présence de sang sous- ou extradural. La TDM précise l’extension exacte des lésions, notamment en profondeur, et apprécie l’importance du gonflement cérébral réactionnel ainsi que son retentissement sur la ligne médiane et les citernes de la base.
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Gonflement cérébral diffus isolé « brain swelling » Il intéresse le plus souvent les deux hémisphères et apparaît très précocement après le traumatisme. Son intensité est variable. Les ventricules latéraux sont petits ou virtuels, le troisième ventricule effacé ou absent, les citernes de la base mal visibles, déformées ou totalement absentes. La densité du parenchyme cérébral est normale voire discrètement hyperdense (avec parfois un aspect de piqueté hémorragique). Ce gonflement cérébral précoce, surtout fréquent chez l’enfant et l’adolescent, serait secondaire à un phénomène de vasodilatation précoce, diffus et intense. Les tableaux cliniques qui correspondent à cet aspect en tomodensitométrie sont de sévérité variable, allant du respect de la conscience au coma profond avec signes axiaux. Une corrélation à l'élévation de la PIC n’est pas toujours retrouvée. Plus rarement, le gonflement cérébral isolé n’intéresse qu’un seul hémisphère. Ce diagnostic de gonflement cérébral, dit isolé, est souvent porté par excès chez un blessé dans le coma. Il faut se rappeler que les ventricules d’un enfant sont de petite taille et que les citernes de la base peuvent être isodenses, du fait de l’hémorragie sous-arachnoïdienne. Lésions extracérébrales Le sang ou l’air peuvent s’accumuler entre le tissu cérébral et la table interne des os du crâne. La pression exercée par de telles collections peut entraîner des lésions cérébrales secondaires. Il peut s’agir des hématomes extraduraux, sousduraux et des pneumencéphalies. Hématome extradural. Classiquement, il s’agit d’une lésion hyperdense juxta-osseuse, de forme biconvexe, bien limitée. Ailleurs, l’image est moins typique, inhomogène, avec des zones hypo- ou isodenses témoignant de la présence de sang non coagulé (hémorragies très récentes ou présence de troubles de la crase sanguine) (fig. 3). Parfois, l’existence d’air (fracture ouverte
Fig. 3 – HED : collection extracérébrale, en lentille biconvexe, spontanément hyperdense, à contenu hétérogène, de localisation temporale gauche, entraînant un effet de masse important avec engagement sous-falciforme. L’absence de franchissement des sutures crâniennes affirme le caractère extradural de cette collection.
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ou par effet de cavitation) explique le caractère hétérogène de l’épanchement extradural. La TDM précise parfaitement l’étendue de l’hématome, son épaisseur, l’importance de l’effet de masse qu’il exerce (déplacement de la ligne médiane). Cet examen permet de porter facilement le diagnostic des HED de localisation rare ou atypique (fronto-polaire, occipitale, sous-temporale, fosse postérieure, HED multiples). La TDM retrouve fréquemment des lésions intracérébrales associées, qu’il s’agisse soit de lésions en regard de l’HED, soit de lésions controlatérales (« lésions de contrecoup »). Le contrôle de la TDM après évacuation de l’HED dévoile secondairement ce type de lésions. La réalisation routinière de la TDM en neurotraumatologie met régulièrement en évidence des HED de petit volume (lame d’extradural). L’épaisseur exacte de ces hématomes est facilement sous-estimée, compte tenu de l’effet de volume partiel. De tels épanchements peuvent augmenter secondairement de volume ou se résorber spontanément. Hématomes sous-duraux. Typiquement, l’épanchement se traduit par une hyperdensité juxta-osseuse, de morphologie falciforme ou biconcave et moins bien limitée, ce qui l’oppose à l’HED. Il s’étend souvent à l’ensemble de la convexité hémisphérique en respectant souvent les pôles frontaux et occipitaux (fig. 4). Parfois, l’épanchement sous-dural est focalisé en regard d’un foyer d’attrition. La densité de l’HSD est souvent moins homogène que l’HED. La TDM ne permet pas toujours de distinguer l’hématome sous-dural aigu pur (il en précise l’épaisseur et le retentissement sur les structures médianes) de l’hématome sous-dural associé à des lésions hémisphériques (gonflement isolé de l’hémisphère ou foyer d’attrition cérébrale rompu au cortex) voire à un HED. Il est alors important de comparer l’épaisseur de l’hématome à l’importance du déplacement de la ligne médiane.
Fig. 4 – HSD fronto-pariétal G : forme subaiguë car aspect hétérogène, lésion de contre-coup car hématome du scalp à D. Engagement cérébral sous-falciforme antérieur. E : déviation des structures médianes avec effacement du ventricule latéral G et dilatation de la corne occipitale du ventricule latéral D (V) probablement en rapport avec un engagement au niveau de l'aqueduc de Sylvius. Ischémie occipitale associée (I).
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Hydromes. Il s’agit d’une accumulation anormale de LCR dans l’espace sous-dural. Les hydromes de survenue secondaire, dont la fréquence est la plus grande, s’explique par le collapsus cérébral secondaire lors de la résolution d’un gonflement cérébral. La TDM retrouve fréquemment dans ces cas une dilatation ventriculaire associée. De la même façon, les hydromes peuvent s’observer après l’exérèse d’un hématome extra- ou intracérébral, probablement par levée de la compression. Pneumencéphalie. La présence d’air intracrânien signe habituellement l’existence d’une brèche ostéo-durale. Cette pneumocéphalie peut siéger dans l’espace sous-dural, les citernes de la base ou le système ventriculaire (plus rarement l’air est extradural). Hémorragies méningées. L’hémorragie méningée (hémorragie sous-arachnoïdienne) est fréquente. Elle est parfois isolée. Elle se traduit par un liseré hyperdense de la convexité, effaçant les sillons. Sa mise en évidence s'effectue préférentiellement dans la scissure interhémisphérique, le long de la faux du cerveau ou au niveau de la tente du cervelet, dont elle dessine l’image. Ailleurs, cette hémorragie sous-arachnoïdienne intéresse les citernes de la base qui prennent un aspect iso- ou hyperdense. Il convient avant de porter ce diagnostic d'effectuer une angiographie des vaisseaux cérébraux pour éliminer la rupture d'une malformation vasculaire. Lésions d’apparition secondaire Elles peuvent survenir quand une néoformation intracérébrale (hématome, œdème cérébral diffus ou localisé) augmente le volume intracrânien (effet de masse) dans l’espace confiné de la boîte crânienne. Il peut en résulter trois types de lésions : la hernie cérébrale, l’infarctus cérébral post-traumatique et les lésions ischémiques par compression vasculaire. Engagements cérébraux L’engagement cérébral se produit quand une zone lésionnelle déplace les structures normales du cerveau. Cinq types de déplacement sont décrits : engagements sous-falciforme [ce déplacement est significatif d’un point de vue chirurgical quand il est supérieur ou égal à 5 mm (fig. 3 et 4)], central (descendant et ascendant), à travers les ailes sphénoïdales et les engagements amygdaliens. Engagement sous-falciforme. Il est défini par l’engagement de la partie interne et basale du lobe temporal (T5) entre le bord libre de la tente du cervelet et le tronc cérébral. Il s’apprécie par le déplacement de la ligne médiane, définie par la droite joignant la crista galli à la protubérance occipitale interne. Ce déplacement est significatif d’un point de vue chirurgical quand il est supérieur ou égal à 5 mm. Engagement central descendant. Il correspond à la hernie de la partie inférieure et médiane du lobe temporal au travers de l’incisure tentorielle. Il est initialement antérieur (engagement de l’uncus de l’hippocampe dans la citerne
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crurale homolatérale) puis postérieur (engagement de l’hippocampe dans la partie postérolatérale de l’incisure tentorielle). Engagement central ascendant. L’engagement est secondaire à une décompression rapide de l’espace sustentoriel. La TDM met en évidence un amincissement et une distorsion de cette région. Ce type d’engagement ne s’observe que très rarement du fait de l’existence quasi constante de lésions sustentorielles associées. Engagement à travers les ailes du sphénoïde. Ce type d'engagement résulte d’un mouvement du cerveau à travers l’aile du sphénoïde, secondaire à une lésion expansive de la fosse cérébrale antérieure (descendante) ou moyenne (ascendante). Une hémorragie sous-arachnoïdienne de la région sylvienne ou le rehaussement du segment horizontal de l’artère cérébrale moyenne après injection de produit de contraste sont de bons signes tomodensitométriques. Des ischémies dans les territoires des artères cérébrales moyenne et antérieure sont classiquement associées. Engagement amygdalien transforaminal. L’engagement amygdalien survient lors de lésions traumatiques sustentorielles, à la suite d’un engagement descendant transtentoriel ou en cas d’étroitesse congénitale de l’incisure tentorielle. En tomodensitométrie, une oblitération de la grande citerne secondaire à un déplacement vers le bas des amygdales cérébelleuses et une hémorragie de la région amygdalienne sont deux signes évocateurs. Ensuite, une hydrocéphalie obstructive au niveau du quatrième ventricule complique l’évolution. L’issue ultime de ce type d’engagement est l’arrêt cardiorespiratoire par compression du tronc cérébral.
TDM : moyen d’approcher la pression intracrânienne? Certaines équipes ont tenté d’utiliser les données de la TDM pour approcher l’existence d’une HIC. Il faut toutefois savoir qu’il n’y a pas de parallélisme absolu entre l’image au TDM et l’existence ou la probabilité de développement d’une HIC. Plusieurs situations sont à envisager : – une TDM normale à l’admission du blessé élimine dans 90 % des cas environ l’existence ou la possibilité de développement secondaire d’une HIC, sauf s’il existe des facteurs de risque associé (âge > 40 ans, signe de focalisation et Pa syst < 90 mmHg) (17) ; – un gonflement cérébral diffus isolé ne témoigne pas toujours de l’existence d’une HIC. Il en est de même du gonflement cérébral diffus accompagnant les lésions encéphaliques focales ou les lésions de cisaillement de la substance blanche ; – en revanche, le déplacement des structures médianes et les autres signes d’engagement sont le plus souvent associés à une augmentation de la PIC mais là encore, rien n’est absolu. De nombreuses études ont comparé les données de l'imagerie avec des mesures de la PIC. Les lésions spontanément hypo- ou hyperdenses, l'hydro-
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céphalie (en particulier lorsqu'elle est active avec des signes de résorption transépendymaire) constituent autant de signes latents d’HIC. Des signes indirects tels que l'effacement des sillons corticaux ou le comblement des citernes périmésencéphaliques permettent également d'affirmer l'augmentation de la PIC. Marshall et al. (18) trouvent que la disparition ou la compression des citernes de la base est le signe le plus spécifique et le plus sensible de l’HIC : 75 % des patients n’ayant plus de citerne de la base visible et 55 % de ceux qui ont une disparition partielle présentent une HIC supérieure à 30 mmHg. La déviation de la ligne médiane de plus de 5 mm, mesurée sur la coupe qui visualise la meilleure image des cornes frontales, indique une PIC supérieure à 20 mmHg, les déviations inférieures à 5 mm n'étant pas corrélées significativement avec la PIC (19).
TDM répétées en phase aiguë La TDM représente un élément de surveillance inestimable, pour plusieurs raisons : l’évolution des images peut précéder l’aggravation clinique ; certains traitements médicaux (la sédation) empêchent une surveillance clinique correcte ; la PIC peut rester normale, alors que lésions s’aggravent (lésions temporales). Ainsi, un premier bilan tomodensitométrique de contrôle est indiqué en cas d’augmentation des valeurs de la PIC, de signe de détérioration clinique, d'absence d’amélioration clinique et toutes les fois où le premier bilan a été réalisé dans les trois premières heures suivant le traumatisme, en particulier si la première TDM est normale ou en présence d’anomalie mineure. Par la suite, la TDM sera répétée devant une aggravation de la clinique et/ou une élévation de novo de la PIC. Toute suspicion de lésion vasculaire (déficit neurologique non expliqué par les images tomodensitométriques, mise en évidence d’une fracture de la base, cervicalgies et/ou syndrome de Claude Bernard Horner, fracture du canal carotidien) nécessite une artériographie des vaisseaux du cou ou une angio IRM en plus de l’imagerie morphologique, à la recherche d’une dissection carotidienne ou vertébrale (attention au manque de sensibilité de l’angio-scanner) (20).
TDM répétées en phase subaiguë (2e et 3e semaines) La TDM peut mettre en évidence les épanchements sous-duraux : hématomes sous-duraux subaigus (l’injection intraveineuse de contraste peut être utile car ces épanchements peuvent être isodenses), hydromes sous-duraux. Elle permet également de suivre l’évolution de la taille ventriculaire et celle des espaces liquidiens sous-arachnoïdiens. Elle recherche enfin certaines complications infectieuses : abcès cérébraux, empyèmes sus- ou extraduraux. Dans ce cas, il est recommandé de réaliser des TDM avec injection de produit de contraste.
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Classification des traumatisés crâniens en fonction de la TDM cérébrale La Traumatic Coma Data Bank (21) suggère une classification des traumatisés crâniens en fonction des données de la tomodensitométrie (TDM) cérébrale (tableau V). Elle présente l'avantage de la simplicité et une validation sur l’une des plus grandes séries récentes de patients. Les lésions intracrâniennes ont été divisées en deux catégories principales que sont les lésions diffuses et les lésions comprenant une image de haute densité d'un volume supérieur 25 mL (lésions de masse). Les lésions diffuses sont classées en quatre stades selon la visibilité des citernes périmésencéphaliques et la déviation de la ligne médiane. Les lésions de masse sont divisées en lésions évacuées chirurgicalement et lésions non évacuées. Le pronostic clinique est étroitement lié à la classe TDM des patients. La mortalité des patients ayant une lésion de masse chirurgicalement évacuée est comprise entre 40 et 50 %. La lésion diffuse la plus fréquente est la lésion de type II. Dans cette catégorie, le pronostic est fortement lié à l'âge des patients. En dessous de 40 ans, 39 % des patients ont une récupération sans séquelle ou avec des séquelles modérées. Au-dessus de 40 ans, ce chiffre diminue à 8 %. Dans la catégorie IV, 75 % des patients décèdent ou sont dans un état végétatif à la sortie de l'hôpital. La présence d'une hémorragie méningée ou intraventriculaire traumatique est également un facteur de mauvais pronostic. Tableau V – Classification et évolution des traumatisés crâniens en fonction de la TDM cérébrale d’après la Traumatic Coma Data Bank (26). Catégorie
Définition
Lésion diffuse I
Pas de signe d’atteinte cérébrale à la TDM
Lésion diffuse II
Citernes de la base présentes, déviation de la ligne médiane < 5 mm et/ou absence de lésion hyperdense ou en mosaïque > 25 mL
Lésion diffuse III
Compression ou disparition des citernes de la base, déviation de ligne médiane < 5 mm, absence de zone hyperdense ou en mosaïque > 25 mL
Lésion diffuse IV (effet de masse)
Déviation de la ligne médiane > 5 mm, pas de lésion hyperdense ou en mosaïque
Lésion chirurgicale
Toutes les lésions chirurgicales (hématomes)
Pas de lésion chirurgicale Lésions hyperdenses ou en mosaïque > 25 mL non chirurgicales
Imagerie par résonance magnétique (IRM) Elle permet actuellement le bilan le plus complet. Elle est supérieure à la TDM pour la mise en évidence des lésions traumatiques, à l’exception des fractures. L’accès en est cependant limité au stade aigu du traumatisme, pour plusieurs raisons : matériel de réanimation souvent inadapté au champ magnétique,
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présence nécessaire du réanimateur en salle en cas de coma et agitation éventuelle du patient, moindre disponibilité des machines. La sensibilité de l’IRM dans la détection des contusions et des lésions axonales de la substance blanche est nettement plus grande que celle de la TDM. L’IRM est supérieure à la TDM dans les lésions non hémorragiques. Ces lésions sont visualisées par un hypersignal en séquence pondérée en T2. Les lésions axonales, corticales, sous-corticales et des noyaux gris centraux sont aisément repérables sur les examens successifs. Les performances de l’IRM dans les TC minimes ont été démontrées de manière méthodologiquement robuste. Des études identiques doivent être réalisées dans les TCG. En effet, son gain n’est pas encore démontré en dépit d’une sensibilité très supérieure à la TDM. Actuellement, la TDM reste la modalité de choix pour le bilan en imagerie d’un TCG à la phase aiguë.
Prise en charge du traumatisme crânien Indications des traitements médicamenteux neuroprotecteurs Ils ont pour but de limiter les lésions entraînées par les différents médiateurs, les réactions de peroxydation lipidique et l'ischémie, qui aboutissent, par l'intermédiaire principalement de l'intrusion intracellulaire du calcium, à une destruction neuronale et gliale. Le traitement par les corticoïdes a été évalué et a prouvé son inefficacité sur le pronostic (22). Des essais ont été réalisés sur la correction de l'acidité cérébrale et sur l'utilisation potentielle de bloqueurs des canaux calciques, d'antagonistes du glutamate et sur l'inhibition des radicaux libres. À ce jour, les molécules testées n’ont pu, en clinique humaine, prouver leur efficacité.
Indications et aspects techniques de la surveillance de la PIC Les indications de la mesure de la PIC sont (1, 2) : – les patients avec un score de Glasgow < 8 (vérifié après un arrêt de la sédation de quelques heures sur un patient stable sur le plan cardiopulmonaire et une fois le bilan lésionnel réalisé) associé à un scanner cérébral anormal (hématomes, contusions, gonflement cérébral ou compression des citernes péripédonculaires) ; – en cas d’absence de lésion décelable à la TDM cérébrale, l’existence de deux ou plus des anomalies suivantes à l’admission : âge supérieur à 40 ans, mouvements d’extension uni- ou bilatéraux, pression artérielle systolique (PAS) inférieure à 90 mmHg. Dans l’état actuel de la technologie, le drainage ventriculaire externe (DVE) connecté à un capteur de pression externe est la technique de mesure de la PIC
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la plus précise, de moindre coût et la plus fiable (23). Cette technique permet de plus le drainage thérapeutique de liquide céphalorachidien (LCR). La mesure de la PIC, par un cathéter miniature [microprocesseur (Codman®) ou à fibre optique (Camino®)] placé dans le cathéter intraventriculaire, apporte pour avantage d’autoriser la mesure de la PIC même quand le cathéter ventriculaire est obstrué mais pour un coût plus élevé. La mesure de la PIC intraparenchymateuse par ces mêmes cathéters est similaire à la mesure intraventriculaire, mais présente un plus grand risque de dérive du zéro. Son principal avantage est qu’elle peut être mise en place en dehors de milieux neurochirurgicaux. Les autres systèmes de mesure semblent bien moins fiables et ne doivent probablement plus être utilisés, sauf cas particulier.
Indication du Doppler transcrânien Les variations de la VCM permettent d’estimer les variations du DSC, à diamètre du vaisseau constant, si la PAM et la capnie restent constantes, et si l’autorégulation cérébrale est conservée. Ainsi le DTC est une méthode de surveillance recommandée pour détecter et guider le traitement de l’HIC et du vasospasme cérébral. Cependant, il faut souligner que si ses indications sont larges, il ne peut jamais se substituer à la mesure de la PIC. Son utilisation serait particulièrement intéressante à la phase initiale de la prise en charge du TC, avant la mise en place d’un capteur de PIC. Il pourrait permettre d’identifier les patients les plus graves et de débuter un traitement précoce de l’HIC afin de limiter la durée de l’ischémie cérébrale lors de la phase initiale de réanimation.
Indication de la surveillance de la saturation en oxygène du golfe jugulaire La saturation jugulaire en oxygène (SjO2) nécessite la mise en place d’un cathéter dans le golfe de la jugulaire. C’est une technique invasive. Elle permet cependant d’évaluer l’oxygénation globale du cerveau et le DSC, si l’oxygénation systémique est maintenue (taux d’hémoglobine et SaO2 constants). Ainsi, une baisse de la SjO2 indique une baisse du DSC qui ne correspond pas à une baisse de la consommation cérébrale en O2 et donc un risque potentiel d’ischémie cérébrale. À l’inverse une élévation de la SjO2 révèle une augmentation du DSC qui correspond à une hyperhémie cérébrale. En raison de son caractère invasif et des problèmes techniques, la SjO2 est surtout intéressante en cas d’HIC réfractaire, en particulier lors de l’utilisation de l’hyperventilation profonde (PaCO2 < 30 mmHg) ou en cas de suspicion de vasospasme et lorsque les données du DTC sont insuffisantes ou non disponibles.
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Autres techniques de surveillance Ces autres techniques sont la spectroscopie dans le proche infrarouge (SPIR), la mesure tissulaire des pressions partielles en O2 (PtiO2), CO2 et du pH et la microdialyse. La SPIR pourrait être intéressante car non invasive, mais n’a pu être validée à ce jour chez les TCG. En ce qui concerne les mesures des pressions tissulaires, ce sont des techniques invasives, coûteuses et qui n’ont pas encore été validées en clinique. La microdialyse, qui permet de doser le glucose, le lactate et le pyruvate extracellulaire, ouvre un nouveau champ d’investigation pour étudier localement l'oxygénation tissulaire. Cependant, son utilisation et son intérêt en clinique restent à définir. L’EEG est la méthode de détection de crises épileptiques ne donnant pas lieu à des manifestations cliniques, en particulier chez le patient curarisé. Il est surtout recommandé dans ce cadre-là.
Traitements de base Sédation et curarisation L'utilisation des agents sédatifs et analgésiques est proposée de manière systématique dans la prise en charge des TCG dans le but de limiter l'augmentation de la PIC secondaire à l'agitation, à la douleur, mais aussi de faciliter la mise en œuvre de la ventilation artificielle (intubation) et son utilisation (suppression de la toux, réponse au stimuli secondaires aux broncho-aspirations), et enfin de permettre le nursing et la réalisation des examens paracliniques. On peut proposer pour une sédation de courte durée, le propofol (pour moins de 6 heures) associé ou non à un morphinique (sufentanil). En cas d'instabilité hémodynamique, l'étomidate ou la kétamine peuvent être utilisés pour les toutes premières heures de la prise en charge. Pour des sédations plus longues, le midazolam peut être employé, associé à un morphinique ou éventuellement à la kétamine. La curarisation ne doit être utilisée que si la sédation s'avère insuffisante. Les indications des agents anesthésiques pour l'intubation sont résumées dans le tableau VI. Tableau VI – Option d’anesthésie et de curare pour l’induction et l’intubation. Conditions GCS : 3-8
Étomidate 0,1 à 0,3 mg/kg ou Kétamine 1 à 3 mg/kg
GCS : 9-12 et état d’agitation et/ou détresse ventilatoire
Étomidate 0,2 mg/kg Kétamine 1 à 3 mg/kg Thiopental 2 – 4 mg/kg Propofol 1 – 2 mg/kg
Succinylcholine 1 mg/kg ou ou ou
Succinylcholine 1 mg/kg
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Solutés hypertoniques Actuellement deux solutés osmotiques sont utilisés dans le traitement de l'HIC : le mannitol 20 % et le sérum salé hypertonique (SSH). Le mannitol à 20 % est habituellement administré en bolus de 0,25 à 1 g/kg. Récemment, dans la prise en charge du TCG avec des signes d’engagement, un essai prospectif randomisé a comparé l'effet de l'administration de mannitol à doses habituelles soit 0,6 à 0,7 mg/kg (ND) par rapport à de fortes posologies (HD) (1,4 g/kg ou 2,8 g/kg s'il existait une anisocorie). Le devenir était significativement meilleur dans le groupe HD (24). Un deuxième protocole similaire était appliqué à une population de TCG souffrant d'un œdème cérébral diffus avec signes cliniques de mort cérébrale imminente (GCS à 3 et mydriase bilatérale). Les résultats en termes de devenir à six mois étaient là aussi sans appel en faveur du groupe HD (25). Ces études permettent de recommander une posologie de 1,4 g/kg (7 mL/kg) à administrer en urgence lors de la prise en charge d’un TCG présentant des signes d’engagement cérébral. Le SSH le mieux étudié est à 7,5 %. Plusieurs études prospectives non randomisées ont rapporté une efficacité du SSH, notamment dans les HIC réfractaires, sans effets secondaires (26). L'absence d'induction d'augmentation de diurèse est souvent rapportée. Les études cliniques comparant mannitol et SSH chez le patient avec TCG sont peu nombreuses. Lorsqu'il est comparé au mannitol 20 % dans cette population, le SSH a permis une réduction du nombre et de la durée des épisodes d'HIC. De plus, lors de l'administration de bolus répétés, un échec thérapeutique était plus souvent observé avec le mannitol 20 %. Néanmoins la charge osmolaire était supérieure dans le groupe recevant du SSH (27). Il manque donc actuellement des études prospectives de l'administration équiosmolaire de mannitol et de SSH chez le traumatisé crânien pour conclure à une supériorité de l’une des deux thérapeutiques. Cependant, dans une étude comparant mannitol 20 % et SSH 7,5 % plus dextran 6 % (RescueFlow®), ce dernier montre une efficacité supérieure en terme de diminution de la PIC (7,5 versus 13 mmHg) et de durée de l’effet (28). Des résultats similaires sont probables avec HyperHES® ou le dextran est remplacé par un hydroxyéthylamidon. Ces dernières solutions peuvent, dans le cadre de l’urgence et si le patient est en collapsus, constituer une alternative au mannitol 20 %.
Chirurgie Le bénéfice d’un traitement chirurgical urgent est certain en cas d’hématomes extradural ou sous-dural symptomatiques (épaisseur supérieure à 5 mm avec déplacement de la ligne médiane supérieur à 5 mm). L’intervention en cas d’hématome extradural est une grande urgence. En effet, on a pu démonter que, dans un délai de 70 minutes suivant l’apparition d’une irrégularité pupil-
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laire, le risque de mortalité augmente de manière significative (29). Un hématome intracérébral ou une contusion hémorragique, d'un volume supérieur à 15 mL avec déplacement de la ligne médiane supérieur à 5 mm et oblitération des citernes de la base, devraient être évacuées le plus précocement possible ; une embarrure fermée compressive (épaisseur > 5 mm, effet de masse avec déplacement de la ligne médiane > 5 mm) devrait être opérée. En ce qui concerne les contusions hémorragiques ou les lésions cérébrales de petit volume, la plupart des équipes adoptent une attitude conservatrice.
Prise en charge pré-hospitalière et au sas d’urgence Sur les lieux de l’accident, l’évaluation clinique initiale est celle de tout patient traumatisé. L’examen neurologique note le GCS, l’état des pupilles et l’existence de signes de localisations. Les lésions extracérébrales associées doivent être systématiquement recherchées. Leur description précise permet de hiérarchiser les urgences et les priorités thérapeutiques. Au terme de ce bilan précis, il est recommandé d’intuber tous les patients qui ont un GCS < 8, et/ou une détresse ventilatoire et/ou un état d’agitation non calmé par une analgésie titrée. Durant sa prise en charge, la pression artérielle systolique minimale est de 90 mmHg, l’objectif étant de 110 mmHg ou de respectivement 60 et 80 mmHg pour la PAM. La ventilation mécanique doit assurer une FeCO2 de 3538 mmHg et une SpO2 > 95 %.
Principes stratégiques de prise en charge d'un multitraumatisé avec TCG 1. La TDM cérébrale ne doit pas retarder la réanimation symptomatique initiale d'un multitraumatisé ayant un TCG. Elle est réalisée dès que le patient est stabilisé (30, 31). 2. Un TCG qui présente une mydriase uni- ou bilatérale aréactive et/ou des signes de localisation doit bénéficier de l’administration de mannitol 20 % (7 mL/kg) et doit être conduit le plus rapidement possible à la TDM cérébrale. 3. Une détresse hémodynamique, à la phase de prise en charge, évoque d’abord une hémorragie aiguë (abdomen, thorax, squelette). Deux sites de saignement sont plus spécifiques du neurotraumatisé : les plaies du scalp et les hémorragies de la sphère ORL. Les premières sont systématiquement suturées, les secondes cèdent le plus souvent à un tamponnement réalisé sur le lieu de la prise en charge. 4. La laparotomie est la procédure habituelle chez le TCG dont l'état hémodynamique est instable si l'échographie abdominale révèle une hémorragie intra-abdominale significative (32, 33). 5. En dehors de l’hémorragie, une hypovolémie peut survenir en cas de diabète insipide.
338 La réanimation neurochirurgicale
6. Enfin, l’apparition d’une vasoplégie (extrémités chaudes, conservation de la diurèse) et/ou d’une bradycardie relative doit faire évoquer une atteinte médullaire. La prise en charge en sas d’urgence est schématisée sur la figure 5. À ce stade, le patient est équilibré pour pouvoir entreprendre un transport dans de bonnes conditions de sécurité. Le bilan minimal pour un traumatisé inconscient comporte des radiographies simples du rachis (cervical, dorsal, lombaire), une TDM cérébrale et une échographie abdominale. La TDM corps entier est, dans la pratique quotidienne, l’examen de base pour faire le bilan des
Fig. 5 – Prise en charge du patient ayant un traumatisme crânien grave.
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lésions associées (34). Elle peut être pratiquée après un cliché de thorax systématique en salle de déchocage sur un patient stabilisé. Chez le polytraumatisé crânien, les avis semblent plus partagés en ce qui concerne la prise en charge précoce ou différée des lésions osseuses. Il n'existe aucune étude prospective randomisée comparant le devenir à moyen et long terme des patients TC bénéficiant d'une fixation chirurgicale précoce ou non (35). Il existe cependant un nombre important d'études rétrospectives ou prospectives non randomisées (suivi de cohorte de patients) permettant de penser qu'une fixation osseuse précoce est préférable (36). Le geste orthopédique pourrait donc être pratiqué, à condition d'éviter tout épisode d'hypoxémie ou d'hypotension artérielle (37). Dans ces conditions, la fixation précoce ne semble pas aggraver le risque neurologique ou l'incidence des complications infectieuses, mais simplifie les soins. En cas d'intervention chirurgicale hémorragique prévisible, l'indication doit être discutée conjointement entre le neurochirurgien, l'orthopédiste et le médecin anesthésiste-réanimateur ou réanimateur. L'indication de mise en place préopératoire d'un monitorage de la PIC pour une surveillance peropératoire mérite d'être discutée.
Prise en charge en réanimation Éléments de surveillance Clinique L’examen clinique est perturbé par la sédation. Néanmoins, en l’absence de signe d’engagement et de trouble neurovégétatif, le niveau de sédation doit respecter une certaine réactivité, permettant de noter de manière pluriquotidienne le score de Glasgow, afin de détecter une éventuelle complication neurochirurgicale, devant par exemple des signes de focalisation. Dans tous les cas, la surveillance des pupilles est fondamentale et doit être au moins horaire. Elle doit aussi se faire devant tout événement inattendu ou inexpliqué ou des troubles neurovégétatifs. Paracliniques La surveillance des paramètres vitaux et leur prise en charge nécessitent la mise en place d’un cathéter artériel indispensable pour surveiller la pression artérielle en continu et réaliser des gazométries afin de dépister l’hypocapnie et l’hypercapnie. La mise en place d’un cathéter veineux central est indispensable si l’on utilise des catécholamines. La surveillance continue de l’oxymétrie de pouls, du CO2 expirée, de la température centrale et de la diurèse sont également indispensables à la phase aiguë de la prise en charge. Tous ces éléments permettent de détecter et de prévenir les ACSOS.
340 La réanimation neurochirurgicale
Position de la tête La position de choix du malade est au mieux un décubitus dorsal sans surélévation de la tête, ce qui a pour but d'améliorer la PPC, même si cela entraîne une légère augmentation de la PIC, en particulier chez les patients qui présentent un état hémodynamique instable. Lorsque l'état hémodynamique est stabilisé, une élévation de la tête de 20-30° peut réduire la PIC sans altérer la PPC ni le DSC (38). Au cours des chutes brutales de la pression artérielle, la tête du patient peut être repositionnée à plat.
Mesure de réanimation symptomatique L'hydratation doit aboutir à maintenir une volémie normale, en évitant toute inflation hydrosodée. On doit veiller à garder un bilan hydrique nul, voire légèrement négatif : l’emploi des diurétiques (furosémide) doit être large. Il est impératif d'éviter toute hypo-osmolarité, et une légère hypernatrémie est souhaitable (> 140 mmol/L). L'hyperglycémie est à proscrire. Elle doit être traitée par insulinothérapie IV pour avoir une glycémie la plus proche de la physiologie (5-7 mmol/L). Dans cette optique, la perfusion des 24 premières heures doit se faire avec du sérum salé isotonique (21) ou sous forme de G5 % (21) enrichi en NaCI (9 g/L). La nutrition est débuté dés la 24e heure, le plus souvent par voie entérale. Le but étant d’apporter 25 à 30 kcal/kg/24 h. Le patient doit être maintenu en normothermie (36,5-37,5°). Le traitement et la prévention des infections nosocomiales (particulièrement fréquentes chez le TCG surtout en ce qui concerne les pneumopathies 20 à 40 %) ne diffèrent pas de ceux des autres patients de réanimation. Cependant l’emploi de la décontamination digestive sélective paraît très intéressant chez le TCG (39). L’incidence des complications thromboemboliques (20 à 30 %) nécessite une prévention par des héparines de bas poids moléculaires, qui peut être débute en général après la première semaine. La compression pneumatique intermittente des membres inférieurs peut permettre de réduire ce risque sans aggraver les lésions hémorragiques cérébrales.
Maintien de la pression artérielle et de l’hématose La PAM doit être maintenue au-dessus de 80 mmHg au besoin par l'adjonction de catécholamines (noradrénaline), plutôt qu’en optimisant le remplissage qui risque d’aggraver l’œdème cérébral voire d’entraîner une décompensation pulmonaire. Tout collapsus doit être corrigé le plus rapidement possible par une expansion volémique et par des catécholamines. La pression artérielle moyenne doit être maintenue en dessous de 100 mmHg, la clonidine et éventuellement les bêtabloquants sont à privilégier par rapport aux vasodilatateurs purs.
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Le taux d’hémoglobine est maintenu aux alentours de 10 g.dL-1. La ventilation artificielle vise à maintenir une normoxie (SpO2 > 95 %) avec une légère hypocapnie (35-38 mmHg). Toute hypocapnie inférieure à 35 mmHg doit être prohibée en particulier durant les 24 premières heures.
Sédation Les patients sont sédatés si le GSC < 8 et si un dispositif de mesure de la PIC est mis en place. En l'absence de surveillance de la PIC, les patients ne doivent pas être systématiquement sédatés, mais reçoivent des agents analgésiques (paracétamol ou morphinique titré), afin de pouvoir garder l’efficience de l’examen clinique. Une sédation n’est instituée que devant des signes cliniques d’aggravation neurologique dans l'attente de la réalisation d'une nouvelle TDM cérébrale et de la mise en place d'une PIC. L’attitude pratique à adopter est présentée dans le tableau VII. Elle découle des objectifs à remplir. Les agents nécessaires pour réaliser une sédation sont habituellement le midazolam ou le propofol associé à du sufentanil, ce dernier pouvant être remplacé par de la kétamine. Une curarisation est parfois nécessaire si, malgré une sédation jugée optimale, il persiste une augmentation prolongée de la PIC lors des soins. Il est fondamental de pouvoir réaliser des examens cliniques neurologiques répétés. La fréquence peut être augmentée chaque fois que le clinicien le juge nécessaire. Ceci explique l’importance de disposer d’agents de cinétique rapide. Après le cinquième jour, la persistance de troubles neurovégétatifs n’impose pas en général la reprise d’une sédation profonde. On fait appel à la clonidine ou aux bêtabloquants per os ou IV. Une agitation dangereuse pour le malade ou Tableau VII – Modalités pratiques de la sédation des sujets neurotraumatisés (score de Glasgow < 8). 1) Stade initial • Évaluation de l’état neurologique (après arrêt d’une éventuelle sédation lors du transport médicalisé) • Mise en place d’un dispositif de mesure de la PIC • Sédation : benzodiazépine ou propofol + morphinique ± curare • Objectifs : – adaptation au ventilateur – absence de mouvements anormaux et de troubles neurovégétatifs – PIC < 20-25 mmHg et PPC > 60-70 mmHg 2) 2e – 3e jour • Arrêt de la sédation et évaluation neurologique si sont réunis les éléments suivants : – température < 38,5 °C – stabilité hémodynamique et respiratoire – PIC < 20-25 mmHg • Reprise de la sédation pour 48 heures si, lors du réveil : – PIC > 25 mmHg – troubles neurovégétatifs marqués – agitation intense 3) Au-delà du 5e jour Reprise de la sédation pour 48 heures si lors du réveil : PIC > 25 mmHg
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les soignants peut faire recourir aux neuroleptiques sédatifs (Nozinan®) ou à des doses faibles de propofol (30 - 50 mg/h/70 kg)
Traitement anticonvulsivant Le rôle de la prophylaxie des épilepsies post-traumatiques reste controversé. Elles sont classées en précoces, survenant dans les sept premiers jours, ou tardives. La majorité des études indique que l’administration des antiépileptiques réduit l’incidence de l’épilepsie post-traumatique précoce, mais pas l’incidence de l’épilepsie tardive. Ainsi, il est recommandé de n’utiliser systématiquement les antiépileptiques que dans la prévention des épilepsies précoces (40), en particulier chez les patients curarisés ou qui ont un risque élevé de convulsions. Les facteurs de risque d’épilepsie sont : un score de Glasgow < 10, une contusion corticale, une embarrure, un hématome sous- et extradural ou intracérébral, une plaie craniocérébrale et une convulsion dans les 24 heures après le traumatisme.
Prise en charge des patients souffrant d’une HIC Traitement de l’hypertension intracrânienne Un chapitre spécifique de cet ouvrage étant consacré à ce problème, seules les grandes lignes du traitement sont abordées ici. La poussée d'HIC est définie comme l'augmentation de la PIC supérieure à 20-25 mmHg avec une PPC inférieure 60 mmHg pendant plus de cinq minutes en dehors de toute stimulation. Toute apparition de poussée d'HIC de novo nécessite la réalisation d'une nouvelle TDM cérébrale à la recherche d’une lésion chirurgicale. Une fois qu’une lésion neurochirurgicale est éliminée, il est inutile voire dangereux de répéter la TDM cérébrale car le déplacement du patient est source d’ACSOS. De façon concomitante, une étiologie extracrânienne de l'élévation de la PIC est recherchée et traitée : correction d'un trouble métabolique (hypercapnie, hyponatrémie ou hyperthermie) ; traitement d'un désordre physiologique (hypotension, hypoxémie, hypercapnie, agitation, douleur et convulsions). Lorsque ces étiologies sont éliminées, le traitement traditionnel repose sur plusieurs niveaux (fig. 6). Le traitement de première intention est le drainage du LCR si cela est possible. En pratique, la DVE est ouverte pendant cinq minutes jusqu’au moment où elle s’arrête de couler. Celle-ci est alors refermée pour contrôler le niveau de PIC. Si le patient est dépendant de la DVE, il est alors nécessaire de dériver le LCR à intervalles réguliers. Cependant, la DVE ne doit pas être ouverte en permanence car le niveau de PIC ne peut plus être mesuré, même si la PIC est mesurée par un dispositif de mesure à l’intérieur du cathéter (Camino® ou Codman®). En effet, dans cette situation, c’est le niveau du bocal de dérivation qui est mesuré. Lorsque le patient n’a pas de DVE, ou
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Fig. 6 – Prise en charge de l’hypertension intracrânienne.
si celle-ci ne donne plus de LCR, des solutés hypertoniques (mannitol ou sérum hypertonique) sont administrés. En cas d’échec, on peut recourir à une hyperventilation modérée à 30 mmHg de PaCO2 ou à l’administration de propofol (bolus de 2,5 à 3 mg/kg suivi d’une perfusion de 3 mg/kg/h). Ces dernières thérapeutiques peuvent être guidées par la pratique d’un DTC. Si, malgré tout l’HIC persiste, le recours à une thérapeutique plus agressive peut être appliqué en fonction de l’étude de l’hémodynamique cérébrale (DTC et SjO2) comme les barbituriques (dose de charge 10 mg/kg IV lente puis 5 mg/kg/h), l’hyperventilation profonde (PaCO2 = 25 - 30 mmHg), l’élévation
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de PAM > 100 mmHg par de la noradrénaline, la craniectomie de décompression.
Ablation du système de mesure de la PIC et sevrage de la ventilation mécanique Le dispositif de mesure de la PIC est enlevé 24 à 48 heures après l’arrêt de la sédation si le patient ne souffre plus de poussée d’HIC ou si le patient est conscient. Le sevrage de la ventilation artificielle est débuté dés cette période, afin de vérifier qu’il n’apparaît pas d’HIC lors d’une épreuve de ventilation spontanée sur tube en T. L’extubation est réalisée dés que le GCS est supérieur à 8. La pratique d’une trachéotomie chez les patients en état végétatif reste débattue et est une affaire d’école. Dans notre pratique, elle n’est envisagée que chez les patients ayant des antécédents bronchopulmonaires avec hypersécrétion bronchique ou présentant de graves troubles de la déglutition ; en sachant que la plupart des patients en état végétatif récupèrent une déglutition quasiment normale lorsqu’ils n’ont plus de sonde gastrique. C’est pour cette raison que l’indication de pratiquer une gastrostomie d’alimentation doit être large, afin de pouvoir les transférer vers les « centres d’éveil ».
Conclusion L’évolution de la prise en charge des TC graves ces dernières années a été marquée par les progrès de l'imagerie et de la réanimation. La coexistence de « lésions primaires » directement liées au TC et de « lésions secondaires » ischémiques d’une part, associées aux traumatismes extracérébraux d’autre part, nécessite une prise en charge pluridisciplinaire, dans laquelle urgentistes, anesthésistes, radiologues, réanimateurs et neurochirurgiens sont impliqués. Malgré cela, le pronostic de ces patients reste particulièrement grave puisque d’après une étude anglaise (corroborée par des résultats personnels) seulement 14 % d’entre eux vont récupérer sans séquelle à un an et que la mortalité globale est de 38 %. Ainsi, la prise en charge hospitalière n’est que la première étape de la filière de prise en charge des traumatisés craniocérébraux préconisée par la circulaire ministérielle n° 2004-280 du 18 juin 2004 et qui se poursuit durant des mois en centre de rééducation.
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Prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire T. Lieutaud et N. Bruder
Introduction Le traumatisme médullaire est une pathologie qui atteint plus de 1 000 personnes adultes par an en France. Ce sont en général des sujets jeunes en pleine santé antérieurement pour lesquels le traumatisme médullaire provoque un drame humain, économique, social, familial et psychologique terrible. La prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire a fait l’objet d’une conférence d’experts française récente (1). Ces recommandations, établies en 2003, avaient fait la synthèse sur un ensemble de sept questions primordiales concernant la prise en charge initiale et secondaire, en vue d’une harmonisation des pratiques nationales pour améliorer l’avenir fonctionnel de ces patients. Il faut souligner le faible niveau de preuve des études de la littérature ne permettant, dans la conférence d’experts, de n’établir que des recommandations de grade D ou E. Ce court chapitre ne peut reprendre tout l’argumentaire de la conférence et vise donc essentiellement à décrire les principes de la pratique de la prise en charge clinique, en sachant qu’il persiste de nombreuses zones d’ombre. Il ne fait pas de doute que la prise en charge s’est très nettement améliorée durant les 30 dernières années. Une étude montrait une diminution du risque de décès pendant la première année suivant le traumatisme de 67 %, à gravité des patients comparable, entre les années 1970 et les années 1990 (2). Le rachis cervical est le plus fréquemment atteint et le plus souvent méconnu car il peut survenir pour des traumatismes d’intensité faible. Dans une vaste étude épidémiologique incluant 34 069 patients, la fréquence de l’atteinte du rachis cervical était de 2,4 % mais environ 30 % des lésions étaient considérées cliniquement non significatives (3). Le risque est certainement plus élevé en présence d’un traumatisme crânien. Dans cette population, la fréquence de l’atteinte du rachis cervical est d’environ 5 % (4). Le risque est plus élevé lorsque le score de Glasgow est inférieur ou égal à 8.
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Physiopathologie du traumatisme médullaire et protection médullaire Pour s’attacher à la réduction des conséquences de l’agression neuronale ou à la récupération neurologique après traumatisme médullaire déficitaire, il faut reprendre la physiopathologie des mécanismes conduisant à la mort neuronale. Pour cela, trois modèles animaux sont disponibles. Le premier est un modèle ischémique consécutif à un clampage de l’aorte chez le lapin. Ce modèle reproduit les lésions observées après clampage de l’aorte au-dessus de l’artère d’Adamkiewickz. Sur le plan histologique, les lésions médullaires observées sont de type œdémateux puis progressivement apparaît une infiltration polymorphonucléaire et enfin une destruction neuronale et astrocytaire. Le second modèle est observé après application d’un clamp anévrismal pendant une période courte (environ une minute). Ce modèle reproduit les lésions induites par une compression médullaire temporaire. Les lésions histologiques observées n’entraînent pas d’interruption neuronale ni d’hémorragie. Comme précédemment, un œdème astrocytaire, neuronal et axonal est observée suivi progressivement par une infiltration de type réaction inflammatoire puis d’une mort cellulaire. Le troisième modèle correspond à un traumatisme par impaction médullaire. Sur le plan clinique, il correspond le mieux à la pratique clinique. Histologiquement, il existe des interruptions axonales, des infiltrations inflammatoires précoces, des plages hémorragiques et une mort neuronale plus importante.
Protection médullaire Les différences entre les modèles expliquent en partie une variabilité des effets observés dans la littérature. Dans une revue systématique des études expérimentales sur la protection médullaire en 2001, de Haan et al. analysaient 103 études (5). Sur les 79 agents pharmacologiques testés, seulement 14 n’apportaient aucune protection. Mais des limites méthodologiques importantes rendaient les conclusions des études peu recevables. Les principales critiques étaient l’absence de contrôle de la température et la faible puissance statistique des études. La conclusion des auteurs était qu’aucun agent n’avait démontré, de manière suffisamment convaincante, un effet neuroprotecteur dans un modèle de traumatisme médullaire pour envisager de débuter une étude clinique (5, 6). Les choses n’ont probablement pas fondamentalement changé depuis 2001, bien que la qualité des études se soit certainement améliorée.
Prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire 349
Glucocorticoïdes Les glucocorticoïdes ont de nombreuses propriétés intéressantes pour limiter l’aggravation des lésions médullaires d’un point de vue physiopathologique : pouvoir stabilisant de membrane, réduction de l’œdème vasogénique, protection de la barrière hématoméningée, augmentation du débit sanguin médullaire, inhibition de la libération d’endorphines, chélation des radicaux libres, limitation de la réaction inflammatoire (1). MB Bracken a été l’investigateur principal des trois études NASCIS qui ont étudié l’effet des glucocorticoïdes dans le traumatisme médullaire. La première étude avait inclus en 1984, 330 patients et comparait sans placebo une forte dose de méthylprénizolone (MP) (1 g/jour en bolus pendant 10 jours) à 100 mg en bolus sur la même journée. Les deux traitements n’entraînaient pas de différence d’évolution à 6 semaines, 6 mois ou 1 an après le traumatisme. L’analyse en sous-groupe a posteriori révélait plus de complications, en particulier infectieuses, après la forte dose de corticoïdes. Il n’y avait pas d’effet du délai d’injection ni de l’état clinique sur le devenir du patient (7, 8). En 1990, l’étude NASCIS 2 comparait un groupe de patients recevant une dose massive de MP (30 mg/kg suivi de 5,4 mg/kg/h pendant 24 h) par rapport à deux groupes recevant soit de la naloxone soit un placebo (9). L’étude montrait un bénéfice neurologique dans le sous-groupe des patients recevant la MP moins de 8 heures après le traumatisme. Le traitement avait un effet aggravant chez les patients traités après la 8e heure. Enfin, l’étude NASCIS 3 a randomisé 499 patients en 3 groupes : MP à la même dose que dans l’étude NASCIS 2 pendant 24 heures, pendant 48 heures ou lazaroïdes. À un an d’évolution, il n’y avait pas de différence entre les groupes. Seule l’analyse en sous-groupes trouvait des résultats favorables selon le délai d’administration (avant la troisième heure ou avant la huitième heure) et la durée d’administration de la MP (10). Des études rétrospectives montrent qu’une corticothérapie à forte dose n’est pas associée à un meilleur pronostic (11). Finalement, la conférence d’expert de 2003 conclut « Les études NASCIS sont ainsi considérées au mieux comme des études randomisées avec faible puissance (niveau III), voire comportant des biais inacceptables pour supporter une recommandation de pratique » (1). Le surcroît démontré de complications liées à la MP à forte dose (infections, hémorragies digestives) fait que le rapport bénéfice/risque de ce traitement est actuellement considéré comme défavorable.
Autres agents utilisés chez l’Homme Chez l’Homme, deux types d’agents ont fait l’objet d’études cliniques : les antagonistes des récepteurs NMDA et les gangliosides. Aucun de ces agents n’a montré de bénéfice clair en termes de récupération clinique, bien que l’antagoniste des récepteurs NMDA (gacyclidine) ait montré un bénéfice modéré en
350 La réanimation neurochirurgicale
termes de score moteur comparativement au placebo (1). L’essai utilisant les gangliosides, bien qu’également non concluant, montrait une tendance à une récupération plus rapide (12).
Nouvelles molécules De nouvelles molécules offrent un espoir réel, sans que pour l’instant les données expérimentales soient suffisamment solides pour qu’un essai clinique débute dans le domaine du traumatisme médullaire. Érythropoïétine (EPO) Cette voie pharmacologique est basée sur les propriétés anti-apoptotiques, antiinflammatoires et vasculaires de l’EPO. Cette molécule induit au niveau des cellules neuronales un effet de protection neuronale et une meilleure récupération fonctionnelle neurologique de la moelle épinière dans plusieurs études sur des modèles animaux in vivo (13-18). L’EPO est synthétisée par l’ensemble des cellules de l’organisme dès la mise en condition hypoxique. Celle-ci permet de bloquer les messages aptoptotiques générés par les caspases BAL qui entraînent un suicide cellulaire neuronal. Plusieurs études sur culture cellulaire sont maintenant disponibles. De même, différents modèles animaux d’agressions neuronales ou cérébrales (ischémie cérébrale, hémorragie sous-arachnoïdienne, traumatisme crânien, encéphalite auto-immune, ischémie cérébrale néonatale, neuropathie périphérique diabétique et rétinopathie), et les différents modèles d’agression médullaire (ischémie, compression, contusion) ont tous montré une amélioration significative des scores fonctionnels neurologiques après injection d’EPO comparativement aux animaux ayant reçu du placebo. La dernière étude de Gorio et al. démontre un effet favorable de l’EPO sur les fonctions motrices des rats traumatisés mais cet effet favorable disparaît lors de l’injection concomitante de stéroïdes à fortes doses (18). Ce résultat est à mettre en perspective avec le travail de Kaptanoglu et al. qui montre sur une analyse en microscopie électronique et sur un marqueur de stress oxydatif une équivalence d’effet des deux molécules quand les animaux sont sacrifiés au deuxième jour. Néanmoins, on sait que la récupération neurologique, dans ces modèles animaux, ne se manifeste qu’après le quatrième jour post-traumatique. Il est très probable que le mode d’action ne soit pas limité aux premières heures post-traumatiques, ce qui relativise l’intérêt des études imposant un sacrifice précoce des animaux. Un dérivé de l’EPO sans action sur l’érythropoïèse (asialo-EPO) semble aussi efficace en termes de neuroprotection, sans les effets indésirables liés à la stimulation de l’érythropoïèse (19). Deux études pilotes cliniques chez l’Homme ont été entreprises dans le domaine de l’accident vasculaire cérébral. Il faut probablement en attendre les conclusions avant d’entreprendre une étude dans le domaine du traumatisme médullaire.
Prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire 351
Minocycline La minocycline, un antibiotique de la classe des tétracyclines, a également des propriétés anti-apoptotiques par une inhibition de l’expression des caspases, diminue l’inflammation au sein du système nerveux en modulant l’action des cytokines, bloque l’action des métalloprotéases et des MAP kinases, diminue la production de radicaux libres (20). Plusieurs études ont montré des résultats favorables à la fois in vitro et in vivo (21-25). Dans ces modèles, la minocycline diminue la taille de la lésion et améliore la récupération fonctionnelle des animaux. Mais, à notre connaissance, il n’y a pas d’étude clinique en cours sur ce sujet chez l’Homme. Il existe également une activité favorable de la minoycline sur les modèles animaux d’accident vasculaire cérébral ischémique et de traumatisme crânien.
Prise en charge médicale initiale et évaluation Prise en charge préhospitalière Lors de l’arrivée des secours sur le site de prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme, la prise en charge par les équipes préhospitalières ne doit jamais négliger la possibilité d’un traumatisme médullaire associé à un polytraumatisme. La première règle impérative est l’immobilisation du patient (26). Il a bien été montré qu’un retard diagnostique et l’absence d’immobilisation comportaient un risque important de lésion médullaire (27, 28). L’évaluation de la fonction respiratoire est indispensable. Le plus simple chez un patient conscient est d’évaluer la toux (normale, faible ou absente) et l’ampliation thoracique (normale, respiration paradoxale, tirage susclaviculaire). L’évaluation de l’état hémodynamique est également une priorité. La difficulté est de faire la part entre une hypotension liée à un traumatisme médullaire ou à une lésion associée. La bradycardie est un signe classique d’atteinte médullaire mais sa spécificité est médiocre pour éliminer une lésion hémorragique. La réponse au traitement (remplissage vasculaire et catécholamines) est souvent la seule manière de poser un diagnostic.
Évaluation L’évaluation débute dès la période préhospitalière mais sera plus précise après l’arrivée à l’hôpital et après restauration de conditions respiratoires et hémodynamiques acceptables. L’évaluation du déficit neurologique repose sur une cotation à l’aide du score ASIA/IMSOP (fig. 1 et 2). En préhospitalier, il est difficile de faire une cotation précise du déficit, en particulier sensitif, mais il
352 La réanimation neurochirurgicale
Fig. 1 – Score ASIA (sensitif et moteur) permettant d’évaluer précisément l’atteinte médullaire et devant être consigné après déchocage initial pour servir de point de référence.
Fig. 2 – Gradation de l’atteinte motrice et sensitive (complète ou incomplète). Cette gradation permet de prédire les chances de récupération.
Prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire 353
est important de préciser l’intensité et la limite supérieure des troubles moteurs.
Niveau de l’atteinte et bilan radiologique Les atteintes médullaires cervicales sont les plus fréquentes, surtout entre C4 et C7 (fig. 3). Les lésions avec déficit sensitivo-moteur complet (grade A) sont les plus fréquentes, surtout au niveau dorsal car il s’agit le plus souvent d’un traumatisme violent à ce niveau (29). Le scanner du rachis avec reconstructions est
Fig. 3 – Répartition des niveaux d’atteinte médullaire permettant de voir que l’atteinte la plus fréquente se situe entre C4 et C6. [D’après (29).]
354 La réanimation neurochirurgicale
l’examen de référence pour le bilan lésionnel. Au niveau cervical, il permet de visualiser l’ensemble du rachis et de faciliter le diagnostic des lésions difficiles à apprécier sur les radiographies standard, notamment la jonction occiput-C1 et la charnière C7-D1 (fig. 4). Si le scanner est un examen excellent pour le diagnostic des lésions osseuses, il est mauvais pour le diagnostic des lésions disco-ligamentaires, médullaires ou radiculaires. Un examen radiologique incomplet ou mal lu est la principale cause de méconnaissance d’une lésion rachidienne et d’aggravation secondaire (30). L’IRM est le seul examen qui permet de faire le bilan des lésions médullaires. Ses indications sont encore discutées. Une indication formelle est l’existence d’un déficit neurologique sans lésions sur le scanner. L’IRM permet le diagnostic d’une hernie discale compressive, d’un hématome sous- ou extradural, d’une contusion médullaire (fig. 5). Certains neurochirurgiens
Fig. 4 – Rachis cervical normal obtenu après reconstruction d’une acquisition hélicoïdale au scanner (coupe sagitale et frontale) permettant de reconnaître facilement les zones difficiles à visualiser sur les radiographies standard : charnière occiput – C1 – C2 ; charnière C7 – D1.
Fig. 5 – Imagerie IRM permettant de voir la lésion discale C5 – C6 qui apparaît en hypersignal ainsi que la contusion médullaire en regard.
Prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire 355
souhaitent réaliser une IRM médullaire systématique. L’avantage de cette attitude est d’avoir un bilan radiologique précis et complet préopératoire, d’analyser plus précisément la gravité, ce qui peut avoir une incidence sur la prise en charge et de différencier les lésions primaires des lésions secondaires apparaissant lors de l’hospitalisation. L’inconvénient de l’IRM est de retarder une intervention de décompression et la difficulté de surveillance des patients polytraumatisés dans l’enceinte IRM. Le poids de ces inconvénients diminue au fur et à mesure que la disponibilité des machines augmente et que les conditions de ventilation et de monitorage s’améliorent. Les clichés dynamiques à la recherche de lésions ligamentaires, réalisés soit au scanner soit à l’IRM, n’ont pas d’indication à la phase aiguë.
Prise en charge cardiovasculaire Physiopathologie de l’ischémie médullaire Il manque clairement des études pour pouvoir déterminer le niveau optimal de pression artérielle à atteindre dans le cadre de la prise en charge du patient victime d’un traumatisme vertébromédullaire. Par analogie avec la traumatologie cranio-encéphalique, toutes les ACSOS doivent être évitées et en particulier l’hypotension artérielle. Les études anatomiques du système artériel médullaire montrent que le système artériel est un système de vascularisation terminale composé d’une artère spinale antérieure et de deux artères spinales postérieures sans anastomoses entre les deux systèmes. Toute la partie centromédullaire n’est vascularisée qu’en régime terminal. On peut comprendre aisément la gravité et le retentissement prédominant des reculs traumatiques de corps vertébraux ou de fragments de ces corps sur les fibres motrices de la moelle antérieure irriguées par l’artère spinale antérieure sans système artériel de suppléance. Certains auteurs considèrent que l’agression vasculaire spinale est le primum movens du traumatisme médullaire. La compression vasculaire entraîne une ischémie en aval du territoire terminal d’une part et en amont une thrombose vasculaire ainsi qu’un vasospasme contribuant à des phénomènes d’agression secondaire, associés à un dégradation endothéliale et de l’œdème médullaire. Les recommandations éditées par la Société américaine de neurochirurgie, de même que par la Société française d’anesthésie réanimation se basent sur un ensemble de six études rétrospectives ou prospectives sans randomisation s’étalant sur une durée de vingt ans, entre 1976 et 1997. La pertinence de ces études est donc faible. Néanmoins l’ensemble de ces études inclut un collectif d’environ 550 patients et toutes ces études donnent la même conclusion : un traitement médical agressif avec une pression artérielle augmentée par des interventions médicales stratifiées (remplissage puis vasopresseurs) avec des objectifs de pression artérielle moyenne entre 80 et 90 mmHg améliore signi-
356 La réanimation neurochirurgicale
ficativement le devenir des patients. Le rationnel sur lequel est basé cette attitude est fondé sur l’hypothèse d’une ischémie médullaire comme cause principale de l’agression initiale et secondaire au niveau de la moelle épinière. Cette attitude est à mettre en parallèle avec le concept de Rosner appliqué dans la traumatologie crânienne, basé sur la perte de l’autorégulation cérébrale motivant des pressions de perfusion cérébrale plus importantes après traumatisme crânien en particulier en cas d’œdème cérébral diffus. En effet les modèles animaux de traumatisme médullaire, sur lesquels sont appliqués un régime d’hypotension, ont un devenir neurologique moins bon que ceux sur lesquels une tension artérielle normale est maintenue. Par ailleurs, le modèle d’autorégulation cérébrale est équivalent au niveau médullaire et au niveau encéphalique.
Conséquences cardiovasculaires du traumatisme Le traumatisme médullaire provoque une interruption du système nerveux sympathique en dessous de la lésion. Les conséquences cardiovasculaires sont d’autant plus importantes que le niveau de l’atteinte est élevé, le niveau critique se situant autour de T6. Dans la série de Lehman et al., l’hypotension était retrouvée dans 68 % et la bradycardie dans 100 % des atteintes cervicales complètes comparativement à 0 % et 4 % pour les atteintes dorso-lombaires (31). Le pic d’incidence de la bradycardie était observé 4 jours après le traumatisme puis régressait progressivement les 10 jours suivants chez la majorité des patients. L’hyperréflectivité autonome (dysautonomie médullaire) survient à distance du traumatisme, presque toujours pour des atteintes au-dessus de T6. Les manifestations cliniques vont de symptômes mineurs (céphalées, dilatation pupillaire, pâleur suslésionnelle et flush en sous-lésionnel, extrémités froides sous la lésion, érection) à des troubles sévères (hypertension artérielle, bradycardie) pouvant conduire à des complications graves (accident vasculaire cérébral…) (32). La physiopathologie de cette complication associe la perte du contrôle inhibiteur supraspinal sous l’influence du baroréflexe et une hypersensibilité des récepteurs des effecteurs sympathiques ganglionnaires ou périphériques du fait de la dénervation. Les stimuli associés à ces épisodes de dysautonomie sont extrêmement variés (distension vésicale, problèmes digestifs, incision chirurgicale…) (32).
Moyens d’augmentation de la pression artérielle On ne peut recommander, à partir de la littérature, une amine vasopressive particulière pour atteindre les objectifs de pression artérielle. Il semble qu’un nombre important de professionnels choisissent la noradrénaline dans ce cas. C’est bien sûr un vasopresseur très largement utilisé en réanimation mais ce
Prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire 357
n’est pas forcément un choix pertinent pour les traumatisés médullaires. En effet, il existe presque toujours, surtout pour les atteintes cervicales, une bradycardie sévère, liée à une hypertonie parasympathique. Or, la fréquence cardiaque est l’un des deux déterminants du débit cardiaque et la noradrénaline n’a pas d’effet tachycardisant. Dans certains cas, la simple accélération de la fréquence cardiaque suffit à rétablir une pression artérielle normale (fig. 6).
Fig. 6 – Courbe de tendance de la fréquence cardiaque (FC), de la pression artérielle (PA) et du nombre d’extrasystoles ventriculaires (ESV) obtenue lors de l’introduction d’isoprénaline chez un patient tétraplégique ayant une bradycardie sévère. L’accélération de la fréquence cardiaque par un bêtamimétique pur s’accompagne d’une augmentation de la pression artérielle mais aussi du nombre d’ESV.
358 La réanimation neurochirurgicale
En outre, il est dangereux de perfuser la noradrénaline sur une voie veineuse périphérique en raison du risque d’effet bolus. La dopamine, agent vasoactif très décrié dans le cadre du choc septique ou cardiogénique, trouve là probablement une place intéressante.
Prise en charge respiratoire Les problèmes respiratoires sont au premier plan de la prise en charge des traumatisés médullaires. Dans une étude prospective de ces complications à la phase aiguë, 67 % des patients admis souffraient de 544 atteintes respiratoires. L’atélectasie était la complication la plus fréquente, suivie par la pneumonie. Ces complications survenaient préférentiellement chez les patients ayant une atteinte complète (grade A) et cervicale (33).
Prise en charge des voies aériennes C’est un problème qui se pose de manière quasi constante lorsqu’il existe une atteinte médullaire cervicale. La crainte est d’aggraver les lésions médullaires lors des manœuvres d’intubation si le rachis cervical est instable. Ce risque dépend de nombreux facteurs : degré d’instabilité des lésions osseuses, niveau de l’atteinte, conditions d’intubation, mobilisation de la tête lors de l’intubation. En préhospitalier, du fait de conditions d’intubation difficiles et d’une expérience des opérateurs parfois limitée, il paraît préférable de ne pas tenter d’intuber les traumatisés médullaires isolés en l’absence de détresse respiratoire patente. Lorsque l’intubation trachéale est réalisée en réanimation ou au bloc opératoire, la stabilisation de la tête par un aide est le minimum indispensable car les colliers cervicaux rigides compliquent la visualisation glottique. Le débat entre l’intubation sous laryngoscopie directe et l’intubation sous fibroscopie est loin d’être clos. La laryngoscopie s’accompagne certainement d’une mobilisation du rachis cervical, maximale au niveau de la jonction craniocervicale et minime en dessous de C4. Les cas cliniques rapportant une aggravation clinique liée à la laryngoscopie sont loin d’être convaincants et plusieurs séries de patients rapportent l’absence de complication liée à la technique. La fibroscopie a l’avantage de moins mobiliser le rachis, surtout si l’intubation s’avère difficile, mais demande un opérateur entraîné. Elle est contre-indiquée en cas de traumatisme crânien en raison du risque d’augmentation de la pression intracrânienne. La technique la plus appropriée n’est donc pas connue mais le risque d’aggravation lors de la laryngoscopie est certainement très faible pour un opérateur entraîné lorsqu’elle est associée à une immobilisation du rachis lors de la procédure.
Prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire 359
Risque d’insuffisance respiratoire aiguë : effet du niveau lésionnel et du temps L’insuffisance respiratoire aiguë et la ventilation artificielle sont souvent requises dans les premières semaines de l’évolution. L’atteinte des muscles respiratoires accessoires diminue l’efficacité de la ventilation et, même en cas d’atteinte dorsale, la paralysie des muscles abdominaux limite l’efficacité de la toux et favorise l’encombrement bronchique. L’impossibilité définitive de sevrage de la ventilation artificielle est rare et ne se voit, en l’absence de pathologie pulmonaire préexistante, que pour les atteintes au-dessus de C4. Même dans ce cas, l’implantation d’un stimulateur phrénique peut permettre le sevrage ventilatoire. Celui-ci ne doit cependant être envisagé qu’après une absence totale de récupération de plus de six mois car des récupérations tardives, dans 20 % des cas, ont été décrites (34). L’altération de la mécanique respiratoire a été décrite chez des patients à distance du traumatisme. Il existe une relation étroite entre le niveau de l’atteinte et la diminution de la capacité vitale, du volume de réserve expiratoire ou du VEMS (tableau I) (29, 35, 36). Le temps joue également un rôle majeur dans la récupération des capacités respiratoires par des mécanismes multiples (renforcement des muscles inspiratoires en suslésionnel, atrophie musculaire sous-lésionnelle, spasticité thoracique améliorant la dynamique respiratoire, modifications de conformation de la cage thoracique et du diaphragme) (tableau II) (29, 35). À la phase aiguë, malgré une ventilation spontanée effiTableau I – Mécanique respiratoire à distance du traumatisme en fonction du niveau lésionnel chez des patients assis. C3-C4
C5-C6
C7-C8
T6-T7
CVF
53
58
63
80
CI
65
72
78
100
VRE
33
37
41
50
VEMS
61
66
70
85
(CVF : capacité vitale forcée ; CI : capacité inspiratoire ; VRE : volume de réserve expiratoire ; VEMS : volume expiré maximum en 1 seconde). Les valeurs sont exprimées en pourcentage des valeurs obtenues chez des sujets sains. [D’après (36).] Tableau II – Évolution capacité vitale forcée (CVF) et du volume expiré maximum en 1 seconde (VEMS) en fonction du temps chez des patients tétraplégiques. Les valeurs sont exprimées en pourcentage des valeurs obtenues chez des sujets sains. On voit que la période du sevrage respiratoire se situe entre 3 et 5 semaines après le traumatisme mais que la récupération continue largement après cette période, sur un rythme plus lent. [D’après (35).] Admission
3 semaines
5 semaines
3 mois
5 mois
CVF
31
36
45
51
58
VEMS
27
36
42
47
59
360 La réanimation neurochirurgicale
cace, il est presque toujours impossible d’éviter une période de ventilation artificielle pour les atteintes complètes au-dessus de C7. En dessous de C7, une kinésithérapie intensive associée à un sanglage abdominal peut permettre d’éviter l’intubation trachéale.
Effet de la posture Une croyance répandue veut que les patients aient un meilleur état respiratoire en position assise. Ceci est erroné chez les traumatisés médullaires. Le maintien en position assise favorise l’accumulation des sécrétions bronchiques et ne facilite pas l’expectoration chez des patients qui ont des capacités de toux limitées. Mais l’idée de l’amélioration de la mécanique respiratoire en position assise repose sur un meilleur fonctionnement du diaphragme. Il a été montré l’inverse chez des patients tétraplégiques. Le passage de la position assise à la position couchée augmentait la capacité vitale et la capacité inspiratoire (36). Les hypothèses avancées sont un meilleur fonctionnement du diaphragme lié à un étirement des fibres (loi de Starling) et à la faible participation des lobes pulmonaires inférieurs du fait de la paralysie abdominale et de l’action prédominante des muscles cervicaux. La meilleure attitude à la phase aiguë consiste donc probablement à varier la posture pour favoriser le drainage des sécrétions et à évite la position assise dans le lit.
Prévention de la thrombose veineuse profonde Ce sujet a fait l’objet de recommandations récentes (37). Le risque thromboembolique dépend du caractère complet ou incomplet du déficit mais, en général, le traumatisme médullaire comporte un risque très élevé d’événements thrombo-emboliques (38, 39). Il faut différencier dans les études les thromboses veineuses profondes (TVP) diagnostiquées par les examens paracliniques (phlébographie ou échographie Doppler) et les TVP cliniques. Les examens paracliniques sont bien entendu plus sensibles mais la maladie thrombo-embolique cliniquement significative est heureusement beaucoup moins fréquente. En l’absence de prophylaxie, la proportion de TVP est comprise entre 14,5 et 81 % (39-43). L’existence de troubles moteurs est un facteur clé du risque (43). Dans une étude rétrospective provenant d’un registre national ayant inclus 1 419 patients entre 1986 et 1989, la fréquence des TVP était de 22,9 % en cas de paraplégie complète et de 9,3 % lorsque le déficit moteur était partiel (42). Le niveau lésionnel semble avoir une faible influence sur le risque thrombotique, probablement en raison du risque faible de thrombose au niveau des membres supérieurs. Il existe probablement un rôle favorisant de la chirurgie sur le risque thrombo-embolique (44). Le risque d’embolie pulmonaire est
Prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire 361
moins bien évalué mais se situe autour de 4,5 % (42). Dans une cohorte monocentrique de 28 239 traumatisés médullaires, suivis de 1973 à 1998, l’embolie pulmonaire représentait 9,7 % des causes de décès. Il existe peu de données sur l’efficacité des méthodes physiques. La compression pneumatique intermittente semble efficace lorsque les résultats sont comparés à ceux d’un groupe contrôle historique (45). Dans une série rétrospective cas-témoin de 428 patients, l’utilisation d’une compression pneumatique intermittente conjointement avec des bas de contention permettait une réduction de risque de TVP et d’EP de 50 % (46). Ceci rejoint les résultats d’études prospectives réalisées en chirurgie orthopédique et d’une méta-analyse, montrant une efficacité claire de la compression pneumatique intermittente (47-49). L’utilisation d’héparine (héparine non fractionnée ou héparine de bas poids moléculaire) diminue l’incidence de TVP par rapport à l’absence de prophylaxie, lorsque les groupes contrôles étaient historiques (50, 51). L’héparine non fractionnée semble plus efficace lorsqu’elle est employée à doses adaptées en fonction du temps de céphaline activé (52). Dans les études récentes, les HBPM ont une efficacité comparable à l’héparine non fractionnée (53). Dans une étude chez 105 traumatismes du rachis, l’enoxaparine était administrée à la dose de 30 mg deux fois par jour. Il existait une atteinte motrice complète chez 40 patients et 50 d’entre eux étaient opérés. Aucune TVP clinique n’était détectée. Soixante patients bénéficiaient d’une échographie, qui était négative dans tous les cas (54). Dans une autre série de 276 traumatisés de rachis, dans laquelle la thromboprophylaxie associait enoxaparine 40 mg/j au port de bas de contention, il était noté une embolie pulmonaire et 2 TVP (55). Le risque hémorragique est important à prendre en compte en raison de l’aggravation possible d’un hématome périmédullaire ou d’une hémorragie intramédullaire. Lorsque l’héparine est injectée à dose fixe trois fois par jour, la fréquence des hémorragies varie de 5,3 à 12 % (56, 57). Pour les HBPM, des hémorragies majeures sont rapportées chez 10 % des patients dans une étude rétrospective utilisant l’énoxaparine à la dose de 30 mg toutes les 12 heures (54). Il est donc prudent de ne débuter une prophylaxie que 24 à 48 heures après le traumatisme lorsque le risque hémorragique diminue. En revanche, un traitement anticoagulant comporte un risque hémorragique élevé. Dans la seule étude où l’héparine était employée pour obtenir un TCA à 1,5 fois le témoin, la fréquence des hémorragies était de 24 % (52). La plupart des événements thrombo-emboliques surviennent dans les trois mois qui suivent le traumatisme médullaire (58). C’est donc la durée logique de la prophylaxie anti-thrombotique après le traumatisme en l’absence de facteur de risque surajouté.
362 La réanimation neurochirurgicale
Prise en charge du risque infectieux Les complications infectieuses sont les causes majeures de mortalité après traumatisme médullaire. Les sites les plus fréquemment atteints sont les poumons et l’appareil urinaire. Parmi les patients traumatisés, la présence d’un traumatisme médullaire est un facteur de risque important de complication infectieuse (59). Ceci est peut-être dû à une dépression immunitaire, rapportée chez ces patients (60), ou à la longueur de l’hospitalisation avec des dispositifs invasifs. La prise en charge des infections ne diffère pas de celle des autres patients de réanimation mais le diagnostic peut être retardé par l’absence de fièvre du fait de la dysrégulation thermique.
Système digestif et nutrition Après un traumatisme médullaire responsable d’une para- ou d’une tétraplégie, il existe un catabolisme protéique intense, comparable à celui observé chez les traumatisés crâniens, et prolongé plusieurs semaines après le traumatisme (61). Ce catabolisme protéique n’est pas limité par un apport protéique élevé. Il contraste avec une dépense énergétique basse souvent inférieure au niveau du MB calculé (62). La dépense énergétique des patients tétraplégiques est ainsi en moyenne de 23 kcal/kg/j et celle des paraplégiques de 28 kcal/kg/j. Il y a donc une opposition entre le catabolisme protéique, obligatoire et prolongé, et l’hypométabolisme des patients. La perte musculaire est la conséquence de la dénervation. Elle est quasi inéluctable et il ne faut donc pas tenter de l’annuler en apportant un excès nutritionnel qui s’accompagnerait d’une prise de poids délétère pour la rééducation. Chez les traumatisés médullaires, l’iléus fonctionnel en rapport avec la lésion médullaire est un phénomène constant, présent dès l’admission du patient et persistant après la sortie du service de réanimation. La nutrition entérale doit donc être débutée précocement en augmentant la ration calorique progressivement sous contrôle des résidus gastriques. Le risque d’ulcère de stress est élevé et justifie une prophylaxie, en particulier chez les patients sous ventilation artificielle.
Fixation rachidienne précoce ou tardive Il n’y a pas d’argument scientifique validant l’intérêt d’une intervention chirurgicale précoce plutôt que tardive dans la prise en charge des traumatisés médullaires sur le devenir fonctionnel des patients. Les deux indications opératoires formelles en urgence sont l’existence d’un déficit neurologique incomplet ou d’un déficit évolutif. Il est clair que le traitement des lésions
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engageant le pronostic vital prime sur le traitement du traumatisme rachidien. Pour les patients ayant un déficit complet, l’attitude est de plus en plus en faveur d’une ostéosynthèse précoce et rapide (63, 64). Au niveau cervical, il s’agit le plus souvent de lésions isolées, requérant une chirurgie de durée moyenne (< 3 heures), non hémorragique. L’avantage de la stabilisation du rachis est de permettre une mobilisation sans risque d’aggraver les lésions, de pouvoir traiter sans arrière pensée les complications survenant en réanimation et de pouvoir commencer le plus tôt possible une prophylaxie antithrombotique par une HBPM. Au niveau dorsal, l’attitude est plus complexe car le traumatisme du rachis est souvent associé à un polytraumatisme qui peut nécessiter d’autres priorités et la chirurgie est plus difficile et plus longue. Cependant, une atteinte pulmonaire liée à une contusion ou un syndrome d’inhalation s’aggrave souvent de manière rapide à partir du deuxième jour post-traumatique. L’apparition d’une hypoxémie rend difficile la chirurgie à cette période. On peut alors se trouver devant un patient lourd de réanimation pour lequel il existe un risque lié au déplacement des fractures lors des mobilisations. La période des 24 premières heures offre dans ces situations une fenêtre thérapeutique pour opérer le patient dans les meilleures conditions. La persistance de la controverse sur la place de la chirurgie précoce tient aussi à la définition de ce terme. Dans certaines études, une chirurgie est précoce lorsqu’elle est réalisée dans les 72 heures qui suivent le traumatisme. Pour d’autres, un délai de 6 – 8 heures après le traumatisme est l’objectif à atteindre. Il est assez évident que les contraintes lourdes liées à une chirurgie très précoce (< 8 h) sont justifiées, dans l’esprit de ceux qui la pratiquent, par une meilleure chance de récupération. Mais ceci reste à démontrer chez les patients ayant une atteinte médullaire complète.
Pronostic à long terme et rééducation Récupération fonctionnelle après traumatisme médullaire L’importance de la récupération post-traumatique dépend du niveau de la lésion, de la force des différents groupes musculaires mais surtout du degré de l’atteinte (complète ou incomplète). Le type de traumatisme ne joue aucun rôle si on différencie les atteintes complètes des atteintes incomplètes. Il est important de réaliser que, dans de rares cas, certains patients avec une atteinte motrice et sensitive complète peuvent récupérer de manière excellente. Il est donc extrêmement hasardeux de faire un pronostic à la phase initiale du traumatisme et il faut être prudent dans les renseignements que l’on communique à la famille du patient. Environ 11 % des patients ayant un grade A initialement (déficit sensitivomoteur complet) récupèrent au moins un niveau dans la classification avec environ 3 % atteignant un grade C et 3 % un grade D (65). Les patients qui
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récupèrent une sensibilité ou une motricité incomplète précocement (entre 1 et 3 mois) ont un meilleur pronostic. Par ailleurs, entre 60 % et 90 % des patients regagnent un niveau moteur dans les tétraplégies complètes. La récupération est meilleure pour les atteintes en dessous de C4. Un résumé de l’évolution du déficit dans les tétraplégies complètes est donné dans le tableau III. Tableau III – Récupération musculaire sous-lésionnelle après tétraplégie complète. 1
La plupart des patients regagnent un niveau moteur au moins
2
La force initiale du muscle est le meilleur élément prédictif de la récupération à 1 an
3
Plus la récupération musculaire est rapide, meilleur est le pronostic à long terme
4
La majorité du déficit récupère pendant les 6 premiers mois mais une amélioration plus tardive est possible (jusqu’à 2 ans ou plus après le traumatisme)
5
La persistance d’une sensibilité sous lésionnelle à la phase initiale améliore les chances de récupération
6
La récupération musculaire à une cotation d’au moins 3/5 concerne 50 % des muscles côtés 0/5 dans la première semaine au 1er niveau sous lésionnel 100 % des muscles côtés 1 ou 2/5 la première semaine
7
1 mois après le traumatisme 25 % des muscles côtés 0/5 au 1er niveau sous lésionnel récupèrent à 3/5 1 % des muscles côtés 0/5 au 2e niveau sous lésionnel récupèrent à 3/5
Les patients ayant une tétraplégie incomplète ont de bien meilleures chances de récupération. Pour les patients de grade B (sensibilité préservée), le pronostic est meilleur chez ceux qui gardent une sensibilité profonde que chez ceux n’ayant qu’une sensibilité superficielle. Les chances de récupérer la marche chez un patient ayant une sensibilité profonde préservée à la phase initiale sont de 40 % à 80 % alors qu’elles ne sont que de 15 % environ lorsque seule la sensibilité superficielle est préservée (66, 67). La préservation d’une sensibilité sacrée est également un élément important du pronostic à long terme (68). Entre 52 % et 76 % des patients ayant une tétraplégie incomplète sur le plan moteur (grade C) évoluent vers un grade D ou E (65). De manière générale, les patients paraplégiques ont une moins bonne récupération motrice que les patients tétraplégiques (68). Ces chiffres montrent l’importance d’une évaluation précise à la phase initiale (1re semaine) et de manière régulière (1 mois, 3 mois) qui permet de suivre l’évolution du patient, ses capacités de récupération et d’adapter la rééducation en fonction de cette progression. Il n’y a pas de spécificité de la rééducation fonctionnelle respiratoire. Le sevrage respiratoire est dépendant du niveau d’atteinte motrice.
Prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire 365
Rééducation respiratoire La fonction respiratoire est double : inspiratoire et expiratoire. Les muscles inspiratoires dépendent d’une balance entre le diaphragme et les muscles intercostaux essentiellement. Les racines motrices du premier quittent le canal médullaire en C3-5, les intercostaux voyant leurs racines innervatrices naître au niveau de chaque métamère thoracique. Par conséquent, toute atteinte supérieure à C4 et encore plus à C3 induit une dépendance définitive à une machine de ventilation ou à un système de déclenchement de la contraction diaphragmatique. La fonction expiratoire dépend pour l’essentiel des muscles abdominaux innervés par les racines T7 à T11. En cas d’atteinte supérieure à T7, c’est le diaphragme qui devra apprendre à effectuer l’accélération de flux expiratoire pour l’expectoration et le drainage bronchique. En général, cette rééducation prend quelques semaines. Les modalités de sevrage (aide inspiratoire, CPAP, ventilation spontanée sur raccord en T) n’ont pas été comparées chez les patients traumatisés médullaires avec un niveau déficitaire cervical.
Rééducation vésicosphinctérienne L’agression médullaire induit une dysfonction neurovégétative avec perte de la commande volontaire sphinctérienne, qu’elle soit vésicale ou digestive. Toute dysfonction vésico-sphinctérienne compromet l’appareil urinaire haut, en particulier le rein. L’objectif de la rééducation fonctionnelle est de réduire le risque infectieux urinaire et de combattre le reflux vésico-urétéral. Pour cela, deux méthodes essentielles sont à mettre en jeu : réduire le résidu vésical en facilitant la bonne évacuation urinaire et éviter le maintien prolongé d’un système de drainage vésical. En se basant sur des évaluations échographiques semi-automatisées pour calculer le résidu vésical, on peut optimiser la thérapeutique associant à la demande et en fonction de la sensibilité de chaque patient, des percussions suspubiennes, un drainage vésical stérile itératif, le recours à des médications anticholinergiques et éventuellement à l’injection de toxine botulinique (69). Le désondage vésical précoce est recommandé car il permet d’éviter de laisser en place une sonde urinaire vecteur d’infection. Il permet également de garder une vessie dilatable et capable de faire office de réservoir urinaire et ainsi de réduire le risque de mictions involontaires. Enfin, il semble réduire le risque d’hyper-reflexie vésicale. Des études urodynamiques et échographiques répétées doivent permettre d’améliorer la prise en charge et la qualité de vie des patients.
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Évaluation et traitement des dysfonctions digestives et des troubles du transit Le traumatisme médullaire induit une modification de l’automaticité des fonctions digestives qui induit une pathologie douloureuse propre à base de spasmes, et occupe un temps significatif de la vie des patients, obérant leur perception et la qualité de leur vie. L’iléus post-traumatisme médullaire est classique, d’autant plus fréquent que l’atteinte médullaire est haut située. Néanmoins, la motricité digestive dépendant de la contraction de proche en proche des muscles lisses digestifs récupère souvent vers la deuxième semaine post-traumatique et les difficultés surviennent dans la gestion du temps de transit digestif, en particulier colique, à l’origine de constipation et de fécalome et de l’incontinence sphinctérienne anale en cas de traitement trop agressif ou de diarrhée infectieuse.
Douleurs, troubles psychologiques et psychiatriques Comme tout traumatisme grave, le TMD induit une recomposition de la perception de soi et un sentiment de perte d’autonomie physique. La qualité de la prise en charge des douleurs immédiatement post-traumatiques mais aussi tardives reste un impératif pour la profession d’anesthésiste et réanimateur. La dernière enquête du collectif des rééducateurs fonctionnels montrait qu’environ 70 % des patients souffraient ou avaient souffert de douleurs supérieures à une ENS de 5, de la phase postopératoire jusqu’aux douleurs neuropathiques, et que la plupart de ces patients souffraient toujours et régulièrement. Ceci a amené les rééducateurs fonctionnels à majorer les thérapeutiques administrées à ces patients, et doit nous conduire à améliorer la qualité de la prise en charge thérapeutique que nous leur proposons. Il n’y a pas de recommandation d’utilisation d’une classe médicamenteuse par rapport à une autre, seules les réévaluations successives des traitements administrés et de leur efficacité doit permettre de fournir le meilleur confort à ces patients dont la douleur physique s’intrique très étroitement avec la douleur psychique. Si le traumatisme médullaire peut provenir régulièrement d’une tentative d’autolyse, la prise en charge de ces patients suicidaires ne doit pas faire oublier le caractère totalement destructurant de l’entrée dans cette pathologie chez les sujets indemnes de pathologie psychiatrique préalable. Dans une étude regroupant 498 patients souffrant d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital, d’un traumatisme crânien ou médullaire, les auteurs retrouvent une incidence de 7,3 % d’idées suicidaires. Les syndromes dépressifs sous-jacents majorent le risque avec une incidence de 25 % dans ce sous-groupe de patients (70). Après un traumatisme médullaire déficitaire, l’incidence de syndrome dépressif représente 60 % des patients dont une forme sévère avec idéations suicidaires atteint 33 % d’un collectif de 65 patients portugais (71). De plus quand un suivi
Prise en charge d’un patient atteint d’un traumatisme médullaire 367
psychiatrique peut être proposé à des patients victimes de traumatismes médullaires, il apparaît que le diagnostic de troubles psychiatriques minimes peut être fait dans la période post-traumatique précoce et que ces troubles se majorent significativement chez 90 % des patients lors du suivi à plus long terme (72). Chez les patients ayant pu bénéficier d’une réinsertion sociale, l’incidence de syndrome dépressif est de 15 % avec 45 % de syndrome dépressif modéré, l’intensité de la dépression semblant être directement liée à la mobilité et à l’indépendance des patients (73). Enfin, sur le plan psychiatrique, il ne faut pas négliger l’entourage des patients en particulier les plus sévèrement atteints qui souffrent eux aussi d’un syndrome d’épuisement chez 25 % environ alors que ce syndrome d’épuisement professionnel n’est présent que dans 4 % environ des cas les moins handicapés. Les soignants, en particulier le personnel paramédical, peut être amené à souffrir psychologiquement par des mécanismes d’identification et de projection et par une impression d’inutilité immédiate du travail fourni. Une atmosphère professionnelle d’écoute et d’explication et éventuellement l’intervention d’un psychologue dans la verbalisation des relations internes au personnel soignant et entre les personnels et les patients peut être d’un secours important.
Sexualité et fertilité des patients traumatisés médullaires Il n’y a aucune documentation médicale systématique, autre que des cas cliniques, concernant la fertilité et la grossesse. Après une classique phase d’aménorrhée post-traumatique, nombreuses sont les femmes qui ont pu mener à terme une grossesse sans difficulté en tenant compte des handicaps de leur déficit neurologique. En revanche, la sexualité masculine représente une difficulté plus importante compte tenu de la perte des capacités autonomes d’éjaculation. Des techniques d’électro-éjaculation ou de vibration sont utilisées avec succès. Ceci permet d’estimer à 40 % environ la probabilité d’une grossesse suivie d’une naissance vivante provenant d’un père atteint d’un traumatisme médullaire. Ceci est la conséquence essentielle d’une qualité du sperme altérée.
Conclusion Le traumatisme médullaire est une pathologie pour laquelle aucune thérapeutique spécifique n’est actuellement disponible mais de nouvelles approches pharmacologiques sont en préparation pour les prochaines années. Dans les premières heures post-traumatiques, la priorité est d’éviter l’aggravation des lésions par une mobilisation inappropriée ou une mauvaise gestion des urgences chirurgicales. Le maintien de la pression artérielle dans les premiers
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jours post-traumatiques est fondamental pour limiter l’hypoperfusion médullaire. L’examen neurologique répété assisté de la grille ASIA doit permettre de valider l’absence d’aggravation neurologique par la prise en charge médicale. Il faut garder à l’esprit que certains patients peuvent récupérer de manière très importante et que la plupart des patients tétraplégiques récupèrent au moins un niveau moteur. Le sevrage respiratoire et la rééducation fonctionnelle vésicale et digestive doivent débuter dès l’admission en réanimation en associant les rééducateurs à l’évaluation.
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Thérapeutique, organisation et éthique
Principes de traitement de l’hypertension intracrânienne B. Fauvage, J. Albanèse et J.-F. Payen
L’hypertension intracrânienne (HTIC) est la conséquence de l’augmentation de volume de l’un ou de plusieurs des éléments contenus dans la cavité rigide ostéoméningée, aux capacités de compensation volumique réduite. Elle peut se développer à bas bruit ou au contraire prendre une forme rapidement menaçante selon le mécanisme en cause et sa vitesse d’apparition, ce qui rend variables les signes cliniques et paracliniques d’HTIC. Lorsque les mécanismes intracérébraux de compensation face à l’augmentation du volume sont épuisés, l’HTIC peut évoluer très rapidement et devenir responsable d’une morbidité et d’une mortalité importante. Elle devient alors une urgence thérapeutique pour prévenir deux complications majeures : l’ischémie cérébrale, diffuse ou focale, et le déplacement avec compression de structures parenchymateuses cérébrales.
Physiopathologie de l’HTIC L’espace intracrânien se compose de trois compartiments : le parenchyme cérébral (80 %), le liquide céphalorachidien (LCR, 15 %) et le volume sanguin cérébral (VSC, 5 %). Le parenchyme cérébral se compose lui-même du secteur interstitiel extracellulaire et du secteur intracellulaire. Le LCR représente chez l’adulte 120 à 160 mL distribués à 75 % dans le système ventriculaire et à 25 % dans l’espace sous-arachnoïdien. Il est principalement produit par les plexus choroïdes des ventricules latéraux au rythme de 20 mL/h soit près de 500 mL jour. Le LCR s’écoule par le trou de Monro, le troisième ventricule, l’aqueduc de Sylvius, le quatrième ventricule et gagne la grande citerne par les foramens de Luschka et Magendie. Après avoir circulé dans les espaces sous-arachnoïdiens, il est surtout résorbé au niveau des granulations arachnoïdiennes de Pacchioni du sinus longitudinal supérieur. Dans les conditions normales, il existe un équilibre dynamique entre la production et la résorption de LCR. La production de LCR est peu modifiée par les variations de la pression hydrosta-
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tique, et généralement inchangée en cas d’HTIC. Les médicaments comme l’acétazolamide, le furosémide, les stéroïdes ainsi que l’hypothermie diminuent sa production (1). Elle est augmentée par les tumeurs des plexus choroïdes (papillomes). Alors que les débits sanguins cérébraux locaux sont très variables, le débit sanguin cérébral (DSC) global est constant dans les conditions physiologiques (50 mL/100 g/min), permettant une extraction d’oxygène (CMRO2) de 5,5 mL/100 g/min et de glucose (CMRgl) de 4,5 mL/100 g/min. La perfusion de la substance blanche représente un tiers de celle de la substance grise. Une baisse du DSC jusqu’à 25 mL/100 g/min altère de manière réversible la fonction électrochimique. En deçà de 10-12 mL/100 g/min apparaît une atteinte membranaire conduisant à la mort cellulaire. Trois mécanismes principaux agissent sur le DSC (2) : – l’autorégulation cérébrale maintient le DSC constant entre 50 et 130 mmHg de pression de perfusion cérébrale (PPC) en faisant varier les résistances vasculaires cérébrales (RVC) (DSC = PPC/RVC) ; – le couplage métabolique adapte le DSC local et global à l’activité métabolique cérébrale, ce qui explique l’intérêt de la sédation et de l’hypothermie en cas d’HTIC ; – la vasoréactivité au CO2 adapte le DSC pour permettre l’élimination du CO2 produit localement, ce qui explique l’importance de la mesure de la PaCO2 et du contrôle de la ventilation en cas d’HTIC.
Causes d’HTIC Les causes d’HTIC sont nombreuses (tableau I), mais elles sont issues de quelques mécanismes principaux (tableau II). Si le volume de l’un des compartiments cérébraux augmente ou que s’ajoute un quatrième compartiment (tumeur, hématome), l’augmentation de volume doit être compensée pour prévenir l’augmentation de la pression intracrânienne (PIC). Or, le volume cérébral n’a qu’une faible marge de compensation ; elle s’effectue par transfert de LCR des ventricules vers l’espace spinal, la variation du VSC étant liée à celle du DSC. La compliance cérébrale est la relation qui relie la variation de PIC à celle du volume intracérébral ; cette relation est exponentielle. En cas d’augmentation de volume cérébral, la PIC reste stable tant que les mécanismes de compensation sont présents (compliance cérébrale normale). La PIC augmente ensuite très rapidement pour une augmentation minime du volume cérébral (phase de décompensation de l’HTIC). L’index pression/volume, reflet de la compliance cérébrale, mesure le volume ventriculaire nécessaire pour augmenter la PIC d’un facteur 10. Cet index est inversement proportionnel à la sévérité de l’HTIC : un index supérieur à 15 signifie que l’HTIC devrait répondre au traitement médical. L’augmentation de volume du parenchyme cérébral peut être liée à la présence d’une néoformation (tumeur, abcès, hématome) et/ou à l’augmenta-
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Tableau I – Principales causes d’HTIC. [D’après (50).] Traumatisme crânien Hématome intracrânien (extradural, sous-dural, intracérébral) Œdème cérébral diffus Contusion Causes vasculaires Hémorragie sous-arachnoïdienne Hématome intracérébral Thrombose veineuse cérébrale Infarctus cérébral massif Encéphalophatie hypertensive Hydrocéphalie Congénitale ou acquise Obstructive ou communicante Craniosténose Tumeur cérébrale (kyste, tumeurs bénignes ou malignes) Hypertension intracrânienne bénigne Infection cérébroméningée Méningite Encéphalite Abcès cérébral Paludisme cérébroméningé Encéphalopathie métabolique Hypoxique – ischémique Syndrome de Reyes Encéphalopathie saturnienne Coma hépatique Insuffisance rénale Acidocétose diabétique Hyponatrémie État de mal épileptique
Tableau II – Principaux mécanismes de l’HTIC. [D’après (50).] Lésions exerçant un effet de masse Hématome, abcès, tumeur. Troubles de la circulation du LCR Hydrocéphalie y compris la dilatation ventriculaire controlatérale par déplacement axial supraventriculaire Œdème cérébral Vasogénique : atteinte vasculaire lors de tumeur, d’abcès, de contusion Cellulaire (faillite énergétique membranaire) : hypoxie, anoxie, toxines Hydrostatique (pression transmurale élevée) : perte d’autorégulation après décompression cérébrale Osmotique : hypoosmolalité - hyponatrémie Interstitiel : pression élevée du LCR (hydrocéphalie) Augmentation du volume sanguin cérébral, par vasodilatation artérielle (active ou passive) ou par congestion veineuse ou obstruction
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tion de volume du tissu cérébral liée à un œdème cellulaire et/ou interstitiel (voir chapitre sur l’œdème cérébral). D’une manière simplifiée, l’œdème interstitiel est appelé œdème vasogénique en raison d’une augmentation de la perméabilité de la BHE : augmentation du gradient de pression hydrostatique transmural (HTA maligne), altération métabolique ou inflammatoire des systèmes de transport endothéliaux, atteinte de l’intégrité physique de la BHE. L’œdème intracellulaire est d’abord glial, étant initialement un phénomène adaptatif avec mise en jeu précoce des cotransporteurs membranaires. L’augmentation du volume cérébral dans la genèse de l’HTIC résulte souvent de l’association de plusieurs éléments (par exemple, néoformation et œdème cérébral). L’augmentation du volume parenchymateux peut se faire de façon extrêmement lente comme dans les tumeurs de type méningiome. Cependant la décompensation de l’HTIC peut être rapide et dangereuse lorsque la compliance est effondrée. L’augmentation du VSC est à l’origine de poussées d’HTIC quand la compliance cérébrale est déjà diminuée par l’augmentation de volume d’un autre compartiment intracérébral (3). Il peut s’agir d’une augmentation du secteur veineux par gêne au retour veineux (posture de la tête), d’une augmentation du DSC en cas d’altération de l’autorégulation associée à une PPC trop élevée, ou bien d’une cascade vasodilatatrice lors d’une baisse de la PPC. La cinétique du LCR peut être à l’origine d’une HTIC lorsque la circulation du LCR est entravée au niveau axial par un processus expansif intra- ou paraventriculaire. L’écoulement de LCR au niveau des citernes de la base et des espaces sous-arachnoïdiens et sa résorption peuvent être altérés par des pathologies méningées diffuses (hémorragie sous-arachnoïdienne, méningite infectieuse, méningite carcinomateuse), par la thrombose du sinus longitudinal supérieur. Ainsi, selon les circonstances étiologiques, la taille du système ventriculaire n’est pas toujours corrélée au niveau de dysfonctionnement circulatoire du LCR ou à la PIC.
Conséquences de l’HTIC Les engagements cérébraux sont liés aux gradients de pression qui se développent au sein de zones rigides et cloisonnées de la dure-mère, qui définissent des compartiments : loge hémisphérique droite et gauche, fosse cérébrale postérieure, canal rachidien. Ces gradients de pression apparaissent lorsqu’une lésion expansive se développe dans un compartiment, refoulant le parenchyme cérébral qui « s’engage ». Les deux situations les plus graves sont l’engagement de l’uncus temporal au niveau du bord libre de la tente du cervelet et l’engagement des amygdales cérébelleuses en avant du bord osseux du trou occipital comprimant la face dorsale de la jonction bulbomédullaire. L’ischémie cérébrale, globale ou focale, est la conséquence d’une diminution du DSC par baisse de la PPC en dessous du seuil d’autorégulation cérébrale. Elle est d’autant plus à craindre que s’y associent des perturbations
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du DSC provenant d’autres causes (vasoconstriction hypocapnique, anomalie de l’autorégulation cérébrale). L’ischémie cérébrale est responsable d’une faillite énergétique, ce qui va majorer l’œdème cérébral et aggraver l’HTIC.
Diagnostic de l’HTIC Signes cliniques Les signes cliniques de l’HTIC relèvent de trois mécanismes : l’HTIC ellemême, les déplacements de structures cérébrales et l’ischémie cérébrale. Les signes liés à l’HTIC sont les céphalées, les vomissements, l’œdème papillaire par stase veineuse ; ce dernier est le seul signe spécifique, mais il est absent dans les formes aiguës d’HTIC. Les troubles psychiques, la baisse de performance intellectuelle, les atteintes endocriniennes ne s’observent que dans les formes d’évolution lente. Les troubles de conscience sont liés au déplacement horizontal ou axial du mésencéphale et précèdent les troubles du tonus musculaire, les paralysies oculaires, les atteintes des réflexes du tronc cérébral. Des HTIC supérieures à 50 mmHg sans déplacement axial ont été observées en l’absence de coma. Les signes d’ischémie cérébrale en cas d’HTIC (coma, disparition des réflexes du tronc cérébral, HTA, troubles respiratoires) ne sont pas spécifiques ; ils sont liés à l’ischémie mésencéphalique et pontique. En règle générale, les troubles de conscience masquent la symptomatologie de la souffrance hémisphérique liée à l’HTIC. C’est le contexte qui doit faire évoquer une HTIC.
Imagerie Les signes radiologiques d’HTIC reposent sur la TDM cérébrale. Elle apporte des arguments faisant évoquer, sinon affirmer l’HTIC. L’hydrocéphalie donne des signes spécifiques: augmentation de volume des ventricules latéraux mesurée par l’index bicaudé, visibilité anormale des cornes temporales, du troisième et du quatrième ventricule. Pour les autres étiologies, les signes évocateurs d’HTIC sont la disparition des sillons corticaux, le comblement des citernes mésencéphaliques, la disparition des ventricules. Le déplacement de la ligne médiane supérieur à 5 mm indique une PIC supérieure à 20 mmHg (4). En revanche, une TDM normale élimine une HTIC dans 90 % des cas. Des troubles de la circulation du LCR peuvent être associés à une augmentation de volume du parenchyme cérébral, par exemple dans l’hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA) par rupture d’anévrisme.
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Doppler transcrânien Le Doppler transcrânien (DTC) donne des informations utiles pour le diagnostic d’HTIC, en particulier grâce à l’analyse des vitesses circulatoires du segment M1 de l’artère cérébrale moyenne. Parmi les index calculés à partir des vitesses mesurées, l’index de pulsatilité (IP) est le plus utilisé, avec IP = vélocité systolique – vélocité diastolique/vélocité moyenne. Sa valeur normale est comprise entre 0,65 et 1,10. En cas d’HTIC, la vélocité diastolique (Vd) est diminuée alors que la vélocité systolique (Vs) est peu modifiée, d’où une augmentation de l’IP. Puisque l’IP est aussi modifié par les variations de la pression artérielle et de la PaCO2, l’interprétation d’une augmentation de l’IP doit tenir compte de ces éléments, et ne peut se substituer à la mesure directe de la PIC. La relation entre IP et résistance vasculaire cérébrale (RVC) a été étudiée au cours de différentes situations cliniques : la baisse de la PIC lors de l’hyperventilation s’accompagne d’une augmentation des RVC, d’une diminution du DSC et d’une augmentation de l’IP. Inversement, la baisse de la PIC lors d’une boucle vasoconstrictrice par augmentation de la pression artérielle s’accompagne d’une baisse de l’IP (5). L’analyse des vélocités permet l’estimation de la PPC avec une précision de ± 10 mmHg dans 80 % des cas selon la formule : PPCe = PAM x Vd/Vm + 14 (6). Le DTC permet aussi l’analyse de l’autorégulation et de la vasoréactivité au CO2. Chez le patient victime d’un traumatisme crânien grave, la valeur inférieure du seuil d’autorégulation est déplacée à 70 mmHg (7).
PIC L’HTIC correspond à une valeur mesurée de la PIC, tandis que les signes cliniques, l’imagerie et le DTC ne sont qu’évocateurs de l’HTIC. Il est difficile d’établir une valeur universelle de PIC normale car elle dépend de l’âge, de la posture du sujet et de l’environnement clinique. En position horizontale, la PIC chez l’adulte sain varie dans une fourchette de 7 à 15 mmHg (8). Dans une hydrocéphalie, une PIC supérieure à 15 mmHg peut être considérée comme élevée. Après une agression cérébrale aiguë (traumatisme crânien, HSA, hématome), la valeur seuil de l’HTIC est fixée à 20 mmHg chez l’adulte. Ce sont les complications attendues de l’HTIC qui conditionnent sa mesure. L’ischémie cérébrale liée à la chute du DSC par baisse de la PPC s’accompagne de troubles de vigilance. Ainsi le monitorage de la PIC est préconisé chez les patients dans le coma (score de Glasgow inférieur à 9), en l’absence de cause reconnue rapidement réversible (pharmacologique, toxique). Cette indication est formelle s’il existe des lésions à la TDM. En cas de traumatisme crânien, une HTIC est retrouvée dans près de 60 % des cas en présence de lésions visibles en TDM, et dans 10 à 15 % en l’absence de lésions à la TDM sauf chez les patients ayant deux des facteurs suivants : âge supérieur à 40 ans,
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une réaction d’enroulement, une pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg. L’étude de l’hémodynamique intracérébrale par le DTC peut aider à documenter l’indication de mesure de la PIC, en particulier quand la TDM est normale. Chez les patients dont le score de Glasgow est supérieur à 8, c’est le risque évolutif d’une lésion focale (engagement cérébral) qui peut conduire à mesurer la PIC. Cette attitude consensuelle chez le traumatisé crânien peut être extrapolée à toutes les causes d’HTIC non traumatique. La mesure de la PIC doit être continue et doit s’accompagner de la mesure de la PPC. Elle doit être enregistrée graphiquement pour permettre l’analyse des modifications d’amplitude du pouls de PIC, la mise en évidence des ondes de pression pathologiques (ondes B, ondes en plateau). Des informations importantes sur la régulation du DSC, du VSC, sur la capacité de résorption du LCR, sur les réserves cérébrales de compensation à l’HTIC ou le calcul de la meilleure PPC peuvent être déduites de l’analyse de la courbe lors de variations de paramètres qui modifient le VSC (9, 10).
Moyens thérapeutiques de l’HTIC Les modules de prise en charge de l’HIC découlent de la physiopathologie de l’HTIC : – la chirurgie enlève le volume occupant cérébral quand il s’agit d’hématomes ou de contusions (drainage ou lobectomie) ou enlève les contraintes osseuses à l’expansion de ce volume cérébral (craniectomie décompressive) ; – la dérivation du LCR diminue le volume du LCR ; – le maintien de la pression artérielle et de l’hématose, et la sédation diminuent le volume sanguin cérébral (VSC), à condition que l’autorégulation cérébrale soit préservée ; – l’emploi de solutés hypertoniques a une action limitant l’expansion du volume parenchymateux.
Chirurgie Il est actuellement admis que l’évacuation chirurgicale des hématomes compressifs extra- ou sous-duraux et aussi intraparenchymateux est un préalable indispensable au traitement médical de l'HTIC, et doit être entrepris le plus rapidement possible (risque d’engagement). Dans les contusions parenchymateuses, une lobectomie est indiquée quand la PIC n'est pas contrôlée par le traitement médical et quand la partie du cerveau à enlever n'est pas susceptible de créer des séquelles sévères et définitives. Ces lobectomies peuvent être frontales, temporales ou occipitales. Une lobectomie temporale peut être indiquée en cas de contusion temporale isolée, même sans PIC élevée. La craniectomie décompressive est également un moyen de lutter contre l'engage-
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ment cérébral lorsque les lésions cérébrales sont unilatérales, en particulier dans l’infarctus sylvien massif (11). Malgré l'absence d'étude prospective comparant cette option thérapeutique à un traitement médical, les équipes pratiquent également cette intervention lorsque l'HTIC devient difficile à contrôler avec le traitement médical chez le patient traumatisé crânien (12). Dans certains cas de lésion diffuse avec HTIC, une craniectomie bifrontale peut être proposée. Néanmoins, les craniectomies décompressives restent un traitement de recours, à discuter au cas par cas en milieu spécialisé.
Drainage ventriculaire externe La dérivation du LCR à l'aide d'un cathéter ventriculaire réduit rapidement l'HTIC. Le drainage ventriculaire est extrêmement efficace et c'est le traitement de première intention lorsqu'il existe une HTIC (13). Mais les ventricules et les citernes peuvent être comprimés par la présence d'une masse intracrânienne expansive. Ceci limite alors le volume disponible pour l'insertion du cathéter et l’efficacité du drainage ventriculaire du LCR ; l’utilisation du drainage lombaire dans ces conditions peut être proposée (14). En présence d'une lésion expansive unilatérale, le drainage intempestif du ventricule controlatéral risque de majorer le gradient de pression et de provoquer un engagement cérébral. Pour toutes ces raisons, il convient d'imposer au drainage une contre-pression de 10 à 15 mmHg (surélévation du système de drainage). L'emploi d'un système de drainage fermé et la limitation du nombre d'interventions sur la ligne permettent de minimiser le risque d'infection (0,7 à 2 %).
Contrôle de la pression artérielle L’hypotension artérielle est considérée comme le principal facteur d’aggravation secondaire (ACSOS). Ainsi, tous les épisodes hypotensifs doivent être prévenus ou immédiatement traités : en cas de maintien de l’autorégulation cérébrale, la baisse de PAM est compensée par une vasodilatation pour maintenir le DSC, ce qui augmente la PIC et diminue la PPC ; en l'absence d'autorégulation, la baisse de la PAM diminue directement le DSC, créant par là-même les conditions d'une ischémie cérébrale. Aussi, les patients hypotendus sont traités comme des patients hypovolémiques, avec la réalisation d’une épreuve de remplissage. Chez un patient hypovolémique qui présente une lésion cérébrale expansive, les solutions de choix sont le sérum physiologique (NaCl à 0,9 %) et les hydroxyéthylamidons dont l'osmolalité est supérieure à 300 mosm/kg. Le Ringer lactate est une solution hypo-osmotique (255 mosmol/kg) et doit être évitée. L’expansion volémique peut être accompagnée de transfusion sanguine si le taux d’hémoglobine chute en dessous de 10 g/100 mL. Si malgré la correction de la volémie, la PPC reste inférieure aux
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objectifs fixés (60-70 mmHg) (13), l'utilisation des catécholamines à effet alpha 1 est justifiée. Dans ces conditions, la noradrénaline (0,5-2 µg/kg/min) est la catécholamine la plus appropriée.
Contrôle de l’hématose L’apparition d'une hypoxémie ou d'une hypercapnie chez un patient ayant une lésion intracrânienne augmente de manière significative la mortalité et la morbidité. La maîtrise de la PaCO2 constitue un impératif constant en pathologie cérébrale. Puisque l'effet du CO2 sur le DSC est immédiat, sans seuil et proportionnel, la prudence recommande de choisir un niveau modéré d’hypocapnie (PaCO2 35 mmHg) en cas d’agression cérébrale. En situation d'HTIC, l'hypocapnie peut constituer l’un des modes thérapeutiques à condition de ne pas baisser la PaCO2 au-dessous de 25 mmHg, car la vasoconstriction obtenue à ce niveau peut être source d’ischémie tissulaire. De plus, l’utilisation systématique, « prophylactique », de l’hypocapnie dans les 24res heures post-traumatiques peut aggraver le pronostic neurologique des patients (15). Ceci a été illustré par les études mesurant l’oxygénation cérébrale (SvjO2) après un traumatisme crânien : l’hypocapnie peut entraîner une chute de la SvjO2 au-dessous de 55 % par réduction du DSC, au même titre qu'une baisse de la PPC ou qu'une hypoxémie (16, 17). En somme, un patient ayant une agression cérébrale doit avoir une hématose normale afin d’éviter l’aggravation de son pronostic neurologique ; en l'absence de surveillance du DSC, un objectif de ventilation avec une PaCO2 proche de 35 mmHg est souhaitable. L’hypocapnie comme arme thérapeutique de l’HTIC ne doit être utilisée que si la PIC est mesurée, et que l’on dispose d’un moyen de surveillance du DSC (DTC, SvjO2, pression d’O2 intraparenchymateux) (18).
Sédation et curarisation Les indications et les modalités de la sédation et de la curarisation, en dehors du traitement spécifique de la poussée d’HTIC, sont de prévenir les ACSOS par leur action sur la stabilité hémodynamique, respiratoire et métabolique. Ainsi, les objectifs de l’emploi de produits sédatifs sont de deux ordres : – facilitation thérapeutique : la sédation permet aux patients de supporter la ventilation artificielle et la réalisation dans de bonnes conditions des examens paracliniques. Elle minimise l'hypertonie neurovégétative, l’hypertension artérielle et l’agitation due aux stimuli nociceptifs et aux soins pluriquotidiens : toilettes, soins nasopharyngés, broncho-aspirations… Enfin, elle agit sur les phénomènes d'hypertonie axiale liés à la décérébration ou à la décortication. Tous ces facteurs sont sources d’ACSOS et de poussée d’HTIC ;
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– traitement de l’HTIC : la sédation profonde constitue l’un des modules spécifiques de traitement de l’HTIC, lorsque l’autorégulation est préservée. En revanche, il n’existe pas de relation entre la capacité des agents sédatifs à déprimer l’EEG et leur effet sur la protection cérébrale (19). Celui-ci serait plutôt le résultat de la diminution de la CMRO2, visant à limiter les effets métaboliques délétères des crises d’épilepsie, de l’état d’agitation ou de l’hyperthermie. Il découle que l’agent anesthésique idéal pour la neurosédation doit avoir les caractéristiques suivantes (20) : diminution de la CMRO2, respect de l’autorégulation cérébrale, de la réponse vasculaire au CO2 et du couplage débit/métabolisme, stabilité hémodynamique, action antiépileptique, myorelaxante et analgésique, durée d’action courte et réversible. Bien évidemment, cet agent anesthésique idéal n'existe pas. Seule une combinaison d'agents de différentes classes pharmacologiques permet d'approcher ces objectifs. Les barbituriques réduisent le DSC et la CMRO2 de façon directement proportionnelle à la dose administrée, jusqu’à suppression complète de l’EEG. Le couplage débit/métabolisme étant respecté, la baisse de la PIC est liée à leurs effets sur le DSC et le VSC. Cependant, les barbituriques compromettent le maintien de l’état hémodynamique et sont responsables d’une immunosuppression marquée. De plus, en raison d’une redistribution marquée dans les tissus graisseux, un coma pharmacologique peut persister longtemps après traitement par thiopental. L’utilisation systématique des barbituriques ne s’est pas accompagnée d’une amélioration du pronostic chez les patients traumatisés crâniens (21). Ainsi, l’emploi des barbituriques en perfusion continue pour obtenir des silences électriques à l’EEG n’est envisagé que pour la prise en charge de l’HTIC non contrôlée par les autres médicaments (22). Le propofol diminue le DSC et la CMRO2 de manière proportionnelle à la dose administrée. La diminution du DSC est attribuable à la diminution du métabolisme. Le propofol conserve le couplage DSC/CRMO2, et entraîne ainsi une baisse de la PIC. Le propofol diminue aussi la PPC en raison de ses effets cardiovasculaires, notamment chez les sujets hypovolémiques. Un des avantages majeur du propofol est son action courte et prévisible quelle que soit la durée de perfusion. Ces propriétés en font un agent de choix pour l’induction et le maintien de la sédation chez les patients de neuroréanimation. Il peut constituer un traitement de l’HTIC aiguë. Les benzodiazépines sont les agents sédatifs les plus utilisés en neuroréanimation, souvent en association avec d’autres agents (morphiniques). L’ensemble des benzodiazépines diminue la CMRO2 et le DSC proportionnellement à la dose injectée jusqu’à atteindre un plateau. Ils diminuent peu ou pas la PIC. Le midazolam maintient la réactivité vasculaire cérébrale au CO2 et l’autorégulation du DSC. Les propriétés pharmacocinétiques des benzodiazépines varient d’une molécule à l’autre. Le midazolam est souvent préféré car il possède une demi-vie courte. En association avec les agents sédatifs, ou bien utilisés seuls, les agents analgésiques morphiniques sont indispensables en neuroréanimation. Dans le cadre de la sédation au long cours, la morphine possède des inconvénients : un
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délai d’action long (20 min), un risque d'accumulation d’un métabolite actif (morphine 6-glycuronide) en cas d’insuffisance rénale. Le choix se porte davantage sur quatre produits dérivés de la morphine : fentanyl, alfentanil, sufentanil et rémifentanil. Leur action est équivalente sur l’hémodynamique cérébrale : après un bolus, la baisse de la PAM induit une vasodilatation cérébrale, à l’origine d’une augmentation modérée et réversible de la PIC (23). À l’heure actuelle, le sufentanil est l’agent de choix pour la sédation de longue durée, notamment au cours du traitement de l’HTIC. Pour la sédation de courte durée et les situations où une évaluation répétée de l’état neurologique est nécessaire, le rémifentanil semble une alternative intéressante. Quant aux autres agents (étomidate, kétamine, gammahydroxybutyrate de sodium), leur utilisation en neuroréanimation, en particulier chez les patients ayant une HTIC, reste anecdotique. Néanmoins, il semblerait que l’association kétamine-propofol ou kétamine-midazolam supprime les effets stimulants de la kétamine sur le DSC et la CMRO2, respecte l’hémodynamique cérébrale et soit une alternative possible à l’association morphiniques-hypnotiques (24). L’utilisation systématique des curares peut entraîner une aggravation du pronostic chez des patients traumatisés crâniens graves : hospitalisation plus longue, sepsis, pneumopathie, séquelles neurologiques lourdes (25). L’usage des curares doit être réservé au traitement de l’HTIC réfractaire aux autres mesures thérapeutiques et pour limiter chez certains patients les effets d’actes réflexogènes sur la PIC (broncho-aspiration, toilette, transport…), en complément de la sédation/analgésie (13).
Osmothérapie Actuellement, deux solutés osmotiquement actifs sont utilisés dans le traitement de l'HTIC : le mannitol 20 % et le sérum salé hypertonique (SSH). Le mannitol est l’agent de premier choix du traitement de l’HTIC (26). Ces solutés exercent leur effet sur la PIC par plusieurs mécanismes, dont la baisse de la viscosité sanguine avec augmentation du DSC (et diminution du VSC par vasoconstriction réflexe), une diminution du volume du tissu cérébral par réduction de l'eau du secteur extravasculaire, une diminution du volume du LCR par réduction de sa production (non démontré pour le SSH). Le mannitol à 20 % est habituellement administré en bolus de 0,25 à 1 g/kg, sur 15 à 20 minutes dans les limites du maintien d'une osmolalité plasmatique inférieure à 320 mosm/kg et d'une normovolémie. Dans la prise en charge préopératoire des hématomes sous-duraux aigus, un essai prospectif randomisé a comparé l'effet de l'administration de mannitol à doses habituelles (0,6 à 0,7 g/kg) avec de fortes posologies (1,4 à 2,8 g/kg). Le devenir neurologique à six mois (score de Glasgow Outcome Scale) a été significativement meilleur dans le groupe ayant reçu de fortes doses de mannitol (27). La même équipe a confirmé ces résultats auprès d’une population de traumatisés crâniens, ayant des signes d’engagement cérébral ou de mort cérébrale immi-
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nente (28, 29). Ces résultats méritent confirmation par d’autres équipes. Si une posologie de 1,4 g/kg (7 mL/kg) est choisie, il faut compenser les pertes urinaires par un apport isotonique de cristalloïde d'un volume deux fois supérieur à celui du mannitol. Le SSH est une alternative au mannitol dans le traitement de l’HTIC. La concentration la mieux étudiée est le SSH à 7,5 %. Plusieurs études prospectives non randomisées ont rapporté une efficacité du SSH, notamment dans les HIC réfractaires, sans effets secondaires (30). Les études cliniques comparant mannitol et SSH chez le patient traumatisé crânien sont encore peu nombreuses. Ainsi, le SSH a permis une réduction du nombre et de la durée des épisodes d'HTIC, mais la charge osmolaire était deux fois plus importante dans le groupe recevant du SSH (31). Récemment, en comparant mannitol 20 % et SSH 7,5 % associé à un dextran, une étude a montré une efficacité du SSH supérieure en termes de réduction de la PIC (7,5 versus 13 mmHg) et de durée de l’effet (32). D'un point de vue pratique, la posologie de 3 mL/kg de SSH 7,5 % en bolus peut être proposée, sous surveillance étroite de la natrémie et de l’osmolalité. Une natrémie supérieure à 160 mmol/L est une contre-indication à l'administration de SSH (33).
Hypothermie thérapeutique L'hypothermie diminue la CMRO2 et l'utilisation cérébrale du glucose. Elle pourrait ainsi être une option thérapeutique pour diminuer la PIC. Expérimentalement, une hypothermie modérée (entre 32 et 34 °C) permet une protection cérébrale très efficace après une ischémie focale. Chez l'Homme, une méta-analyse récente a conclu à l’absence d’efficacité de l’hypothermie dans le traumatisme crânien (34). Ce traitement peut être considéré comme un moyen ultime de traitement d'une HIC réfractaire aux autres thérapeutiques.
Mesures symptomatiques de réanimation L'hydratation doit aboutir à maintenir une volémie normale, en évitant toute inflation hydrosodée. On doit veiller à garder un bilan hydrique nul, voire légèrement négatif, avec recours possible aux diurétiques (furosémide). Il est impératif d'éviter toute hypo-osmolarité, et une légère hypernatrémie est souhaitable (140-145 mmol/L). L'hyperglycémie est à proscrire. Elle doit être traitée par insulinothérapie pour avoir une glycémie la plus proche de la physiologie (5-7 mmol/L). La nutrition peut être débutée dès la 24e heure par voie entérale. L'hyperthermie augmente le métabolisme du cerveau de manière plus importante qu'au niveau des autres organes. Lorsque la température centrale augmente de 38 à 42 °C, le DSC peut doubler, ce qui peut aggraver l’HTIC. Le maintien d’une normothermie (36-37 °C) est donc essentiel chez
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tous les patients (35). Enfin, la position de choix du malade devrait être un décubitus dorsal sans surélévation de la tête pour améliorer la PPC. Puisque cela entraîne une légère augmentation de la PIC et majore le risque de pneumonie, une élévation de la tête de 20-30° est réalisée dès que l'état hémodynamique est stabilisé. L’avantage est alors de réduire la PIC sans altérer la PPC ni le DSC. Au cours des chutes brutales de la pression artérielle, la tête du patient doit être repositionnée à plat.
Indications de traitement de l’HTIC Sur quels éléments traiter une HTIC ? Le seuil d’HTIC à partir duquel un traitement doit être entrepris dépend du risque de complication que l’HTIC entraîne : engagement et/ou chute de la PPC. Des signes d’engagement peuvent survenir pour des valeurs de PIC inférieur à 20 mmHg. Les valeurs seuils dépendent donc du contexte clinique et de la cause. Une HTIC modérée liée à un processus expansif cérébral hémisphérique, notamment temporal peut se décompenser très rapidement et entraîner un engagement. Sur les recommandations actuelles nord-américaines et françaises, une valeur de PIC de 20-25 mmHg chez le traumatisé crânien correspond au seuil à partir duquel un traitement doit être entrepris (36, 37).
Stratégie de prise en charge de l’HTIC Chirurgie précoce Le risque d’engagement lié à une lésion focale intracrânienne nécessite le plus souvent une évacuation chirurgicale rapide. C’est évident pour les processus tumoraux. Cela reste vrai pour les hématomes et les contusions dont on sait que le volume global peut doubler en huit jours du fait de l’œdème cérébral périlésionnel. Aussi, un hématome ou une contusion d’un volume supérieur à 15 mL, associé à un déplacement axial d’au moins 5 mm, doit être évacué (36). L’évacuation peut être accompagnée d’une craniectomie de décompression précoce. Après traumatisme crânien et dans l’accident vasculaire cérébral ischémique, des résultats encourageants ont été rapportés après une craniectomie précoce décidée sur des signes de gravité clinique ou des signes de déplacement axial radiologiques (12, 38). Les indications de lobectomie sont assujetties au risque de séquelles prévisibles.
388 La réanimation neurochirurgicale
Traitement médical Les recommandations internationales donnent très peu de recommandations de grade élevé. De nombreux traitements utilisés dans l’HTIC post-traumatique sont en fait des avis d’expert, qui sont loin de faire l’unanimité. C’est le cas de l’utilisation de l’hyperventilation et de la gestion de la PPC. La mise en œuvre la plus précoce possible de mesures générales de prévention de l’HTIC doit être systématique dès qu’il existe des manifestations neurologiques faisant évoquer une HTIC pour prévenir l’installation de lésions cérébrales secondaires. Ces mesures comportent la sédation/analgésie, la normalisation des paramètres hémodynamiques et de l’hématose, la correction de l’anémie, le contrôle de la natrémie, de l’osmolalité plasmatique, de la glycémie et le maintien de la normothermie (voir ci-dessus). Dès lors, la mise en évidence d’une HTIC malgré ces mesures générales impose un monitorage complémentaire. Le DTC peut tout d’abord donner des informations utiles. Il permet une évaluation rapide du DSC, une adaptation du traitement à l’état hémodynamique cérébral et la mise en œuvre d’épreuves dynamiques pour évaluer les éventuelles perturbations de l’autorégulation. Un statut oligémique, fréquemment retrouvé dans les premières heures suivant un traumatisme crânien (39), conduira à mener les actions suivantes : – privilégier la PPC comme cible thérapeutique en augmentant la pression artérielle moyenne (PAM) ; – utiliser rapidement l’osmothérapie qui augmente le DSC si la PIC ne s’est pas normalisée après l’amélioration de la PPC ; – évaluer la position de la tête la plus favorable à la restauration du DSC (40) ; – vérifier l’absence d’hyperventilation. Si les données du DTC sont en faveur d’une hyperhémie, la prise en charge sera orientée vers le contrôle de l’HTIC et la vasoconstriction cérébrale métabolique (diminution du DSC et du VSC par baisse de la CMRO2) en approfondissant le niveau de sédation par exemple. Ces mesures simples sont des attitudes thérapeutiques à mettre en œuvre en urgence. L’utilisation des barbituriques à forte dose n’est pas envisageable à cette phase initiale ; elle est réservée aux cas d’HTIC réfractaires échappant au traitement médical. À l’inverse, le mannitol à haute dose (1-1,5 g/kg par voie IV) doit être utilisé sans attendre le monitorage (PIC ou DTC) dès que la clinique évoque un engagement et/ou une baisse dramatique du DSC (27, 29). Quand l’HTIC persiste malgré l’utilisation de ces moyens simples, l’indication de monitorage métabolique (SvJO2, PtiO2, voire la microdialyse) est indiquée pour juger au mieux des stratégies thérapeutiques controversées comme l’hyperventilation et la gestion de la PPC.
Principes de traitement de l’hypertension intracrânienne 389
Hyperventilation L’hyperventilation (HV) a des partisans qui montrent que la diminution du DSC en hypocapnie ne s’accompagne pas forcément d’anomalies métaboliques (41, 42). Ses nombreux adversaires s’appuient sur des études montrant une baisse du DSC en deçà des seuils ischémiques avec des anomalies métaboliques mesurées par microdialyse. Un essai prospectif a bien montré que l’utilisation précoce, systématique et prolongée de l’HV pouvait altérer le pronostic neurologique à 3 et 6 mois après traumatisme crânien, en particulier pour les patients ayant un score moteur de Glasgow à 4-5 (15). Autrement dit, il faut mesurer le rapport bénéfice/risque de la profondeur et de la durée de l’HV au cas par cas. Le risque d’ischémie cérébrale est faible si l’HTIC est associée à une augmentation du VSC par vasodilatation, notamment chez l’enfant et l’adulte jeune (18). Le profil hémodynamique est variable en fonction du temps avec une phase de bas débit dans les heures qui suivent un traumatisme crânien, suivie par une phase hyperhémique à partir de la 24e heure (39). Ainsi, devant une hyperhémie documentée par le monitorage métabolique (SvjO2, PtiO2), l’hypocapnie pourrait apporter un bénéfice pour le patient (41).
Gestion de la PPC La gestion de la PPC est une option thérapeutique controversée, où s’oppose le concept de Rosner avec le maintien de la PPC au-dessus de 70 mmHg (43) et le concept de l’équipe de Lund qui prône le maintien d’une PPC à 50 mmHg (44) (tableau III). Une étude prospective a comparé la PIC et la PPC comme Tableau III – Principaux concepts thérapeutiques de prise en charge de l’HTIC. Traitement du niveau de PIC (traditionnel)
Traitement de la PPC (Rosner)
Concept de Lund
Prise en charge générale Position de la tête Sédation Traitement de l’hypertension systémique
15 à 30° Morphinique + benzodiazépine
A plat NON
A plat Faible dose de thiopental
Si PAS > 160 mmHg
NON
Métopropol+clonidine
Traitement de l’hypertension intracrânienne Curarisation Hyperventilation Drainage du LCR Osmothérapie Coma barbiturique
OUI OUI OUI OUI OUI
OUI NON OUI OUI NON
NON NON NON NON NON
Prise en charge de la pression de perfusion cérébrale Niveau de PPC
PAM normale et garder la PIC < 20-25 mmHg
> 70-80 mmHg maintenu par le remplissage ≅ 50-60 mmHg et les α1 mimétiques
390 La réanimation neurochirurgicale
cibles thérapeutiques pour la prise en charge de 189 patients traumatisés crâniens graves ; le pronostic global a été identique dans les deux groupes, mais la durée d’hospitalisation et les complications (défaillance multi-viscérale et syndrome de détresse respiratoire aiguë) ont été plus importantes dans le groupe PPC (45). Ces résultats sont à associer à ceux d’autres études qui montrent une aggravation de l’HIC (42) et une absence d’amélioration du pronostic (46) chez des patients traités selon le concept de Rosner. Aussi, les recommandations actuelles préconisent le choix d’une PPC à 60-70 mmHg, compte tenu de la possible pérennisation de l’HTIC par le développement d’un œdème cérébral vasogénique. D’autres études ont montré qu’une PPC entre 50 et 60 mmHg était un des facteurs d’amélioration neurologique (47), et que les altérations métaboliques périlésionnelles (augmentation du taux de lactate interstitiel) étaient améliorées dès que la PPC dépassait 50 mmHg (48). En fait, les hétérogénéités lésionnelles entre les malades et chez un même malade sont telles que l’on ne peut pas recommander une valeur de PPC standard qui soit idéale pour tous les patients (49). Comme pour la gestion de l’hypocapnie, c’est le monitorage multimodal (pression, débit, métabolisme) qui doit conduire à choisir le meilleur niveau de PPC.
Conclusion Le traitement de l’HTIC est une urgence thérapeutique. Il impose d’abord un diagnostic basé sur une mesure fiable de la PIC, et la compréhension du (ou des) mécanisme(s) en cause d’après les trois compartiments intracrâniens : parenchyme cérébral, LCR, volume sanguin cérébral. À partir de cette démarche initiale, des options thérapeutiques sont nombreuses, médicales et chirurgicales, qu’il faut savoir associer avec pertinence. L’évaluation de l’efficacité thérapeutique est indispensable, et repose sur l’emploi des outils paracliniques (PIC, Doppler transcrânien, SvjO2, PtiO2, imagerie), en complément de l’examen neurologique pluriquotidien.
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Catécholamines, remplissage vasculaire et cerveau O. Fourcade et A. Daboussi
Introduction Le pronostic fonctionnel et vital des patients qui présentent une agression cérébrale aiguë est conditionné par l'étendue des lésions dites primaires et par la survenue d'épisodes secondaires d'ischémie tissulaire. Les mécanismes conduisant à cette ischémie sont nombreux et ont en commun de créer un déséquilibre entre l’apport et la consommation en oxygène (CMRO2) au niveau cérébral. Les situations ischémiques sont donc de deux types : celles au cours desquelles le transport est diminué en raison d'une réduction du débit sanguin cérébral (DSC), de la pression artérielle en O2 (PaO2) ou de l'hémoglobine (Hb), et celles où l'augmentation de la consommation dépasse les mécanismes d'adaptation d'apports en O2. Dans les deux cas, l'ischémie traduit une mise en défaut des mécanismes physiologiques de régulation dont le rôle est de garantir l'apport tissulaire en O2, notamment par adaptation du DSC. Le DSC est fonction de la pression de perfusion cérébrale (PPC) et des résistances vasculaires cérébrales. La PPC (PPC = PAM – PIC) dépend de la pression artérielle moyenne (PAM) et de la pression intracrânienne (PIC). L’optimisation des paramètres hémodynamiques systémiques est donc essentielle pour le maintien d’un DSC adapté. La réanimation aura pour objectif de corriger les modifications systémiques induites par l’agression cérébrale et/ou d’adapter l’hémodynamique systémique aux conditions pathologiques de perfusion du cerveau. L’optimisation de la volémie et l’utilisation de catécholamines sont donc fréquemment nécessaires.
Rappels physiopathologiques Notion de seuil ischémique La notion de seuil ischémique peut être définie comme la valeur du rapport
396 La réanimation neurochirurgicale
DSC/CMRO2 en dessous duquel le métabolisme aérobie ne peut pas être maintenu. Cette notion n'est pas univoque et il faut différencier le seuil global variable d'un patient à l'autre et pouvant être défini par le seuil en dessous duquel le tissu sain est en ischémie, des seuils ischémiques locaux fortement dépendants de l'état du tissu lésé et variables d'une zone à l'autre chez un même patient. Trois mécanismes de régulation du DSC sont classiquement décrits et permettent au DSC de s’adapter à la CMRO2 par modification des résistances vasculaires cérébrales : 1) l’autorégulation du DSC en réponse aux variations de PPC a pour but de maintenir le débit constant malgré des variations physiologiques de pression artérielle ; 2) le couplage métabolique du DSC a pour but d'adapter le DSC aux variations de CMRO2 et de consommation en glucose. La vasoréactivité au CO2 a pour but d'augmenter le débit en cas d'augmentation du métabolisme aérobie et donc de la production de CO2, et de réduire le débit si la production de CO2 diminue. L’autorégulation du DSC ayant des limites, il est établi que le risque d'ischémie du tissu sain est important pour des PPC inférieures à 60 mmHg (1, 2). Par ailleurs ce risque peut persister pour des valeurs de PPC plus importantes. En effet, tout d’abord la PPC permettant de se situer sur le plateau d'autorégulation est variable d'un sujet à l'autre en fonction du terrain et en fonction de l'atteinte cérébrale (3-5). Par ailleurs, la PPC nécessaire au maintien d'une perfusion tissulaire adéquate peut être variable d'une zone à l'autre notamment en cas de lésions intraparenchymateuses et de modification des conditions locales de circulation du sang. L'ischémie focale de zones lésées peut donc survenir pour des valeurs de PPC qui permettent le maintien d'un DSC global adéquat pour le tissu sain. Enfin, l'autorégulation peut être perturbée de façon focale ou globale, le DSC est alors directement fonction de la PPC. Les méthodes de surveillance du métabolisme cérébral comme la mesure de la pression tissulaire en O2 (PtiO2), de la saturation jugulaire en oxygène (SjO2), ou la microdialyse ont pour objectifs d’évaluer l’oxygénation du tissu sain et de surveiller les zones où le débit sanguin local est insuffisant alors que le cerveau sain est correctement oxygéné (6, 7). Ces techniques pourraient aider à l’optimisation de la volémie et de la pression de perfusion cérébrale. En effet, une PPC insuffisante et l’hypovolémie exposent au risque ischémique, alors que l’augmentation excessive de la PPC et l’excès de remplissage vasculaire exposent aux risques d'œdème cérébral et/ou pulmonaire chez ces patients. Déterminer un objectif de PPC, l’adapter dans le temps aux paramètres métaboliques cérébraux, optimiser l’hémodynamique systémique c'est-à-dire la volémie et la fonction cardiaque, sont donc des éléments essentiels de la réanimation hémodynamique de l’agressé cérébral.
Catécholamines, remplissage vasculaire et cerveau 397
Modifications hémodynamiques chez l’agressé cérébral Le traumatisme crânien grave (TCG) et l’hémorragie méningée par rupture d’anévrisme sont deux grands cadres pathologiques qui entraînent des modifications hémodynamiques systémiques dès la phase précoce.
Traumatisme crânien Après un traumatisme crânien grave, une hypotension artérielle est fréquemment observée, or l’hypotension est le principal facteur aggravant du pronostic vital et fonctionnel. Tout d’abord, le TCG est à l’origine d’une vasodilatation artérielle périphérique. Cette vasodilatation est d’autant plus intense que le TCG s’associe à une hypovolémie ou à une hypoxémie (8, 9). L’inflammation systémique qui résulte du traumatisme pourrait également entretenir une vasodilatation artérielle périphérique. Par ailleurs, l’association d’un choc hémorragique est fréquente et représente la principale étiologie des hypotensions artérielles après TCG en raison de la fréquence des lésions associées chez le polytraumatisé. Ces états de choc sont susceptibles d’être aggravés par la ventilation artificielle qui diminue le retour veineux et par les anesthésiques. Le traumatisé crânien grave est donc fréquemment hypovolémique et vasoplégique, l’hypotension qui en résulte étant à l’origine d’une ischémie cérébrale secondaire. Le traitement doit corriger l’hypovolémie et l’éventuelle anémie tout en limitant le risque de majoration d’un œdème cérébral. La correction de l’hypovolémie ne permettant pas d’obtenir une augmentation thérapeutique de la PAM, le maintien d’une PPC satisfaisante impose le plus souvent le recours à la perfusion de catécholamines.
Hémorragie méningée Après hémorragie méningée (10), la décharge adrénergique contemporaine de la rupture d’un anévrisme intracrânien est responsable dans un premier temps une hypertension artérielle, puis d’une éventuelle hypotension. Cette hypotension peut être due à une vasodilatation artérielle périphérique s’associant à une hypovolémie retrouvée chez 50 % des patients (11), éventuellement aggravée par l’anesthésie et la ventilation artificielle. Elle peut être aggravée par l’existence d’une insuffisance ventriculaire gauche retrouvée chez 8 à 80 % des patients. Un choc cardiogénique et un œdème pulmonaire peuvent être observés, et sont favorisés par l’augmentation de post-charge trop importante due aux vasopresseurs ou par l’excès de remplissage vasculaire. Cette situation est d’autant plus délicate qu’aux impératifs de maintien du DSC s’associe dans cette pathologie un risque de récidive si la malformation n’est pas traitée en cas d’hypertension artérielle, et un risque de vasospasme artériel cérébral favorisé par l’hypovolémie. L’optimisation de la volémie doit donc être associée à une évaluation dynamique de la fonction ventriculaire, la perfusion de catéchola-
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mines pouvant être indiquée pour augmenter la PAM par vasoconstriction et/ou pour améliorer l’inotropisme ventriculaire gauche. Enfin, après agression cérébrale au décours de la phase aiguë, il faut rappeler la fréquence des troubles métaboliques et endocriniens qui peuvent modifier l’hydratation extracellulaire et la volémie. Citons les hypovolémies favorisées par les polyuries osmotiques (mannitol 20 %, hyperglycémie) ou par le syndrome de perte en sel, ou encore les insuffisances surrénaliennes relatives ou absolues pouvant être associées. La correction des troubles métaboliques et hydroélectrolytiques favorise donc l’optimisation de la volémie.
Volémie et cerveau Pourquoi évaluer la volémie ? Il est nécessaire d’évaluer la volémie pour détecter et corriger les hypovolémies. En effet, après traitement d’un éventuel choc hémorragique, les objectifs de maintien de la PPC imposent le recours à la perfusion de catécholamines. La prescription de vasopresseur comme la noradrénaline permet le plus souvent d’obtenir la PAM et la PPC que l’on s’est fixé comme objectif. La recherche et la correction d’une hypovolémie sous-jacente présente deux intérêts. Tout d’abord, pour un objectif tensionnel donné, la vasoconstriction artérielle induite par la noradrénaline sera d’autant plus importante que la volémie est faible. Il en résulte une diminution de la pression de perfusion de certains organes et notamment de la filtration glomérulaire, une augmentation de la post-charge cardiaque pouvant favoriser un œdème pulmonaire en cas d’insuffisance ventriculaire, et une hypertension artérielle pulmonaire pouvant altérer le rapport ventilation-perfusion. Par ailleurs, en cas d’hypertension intracrânienne, la résistance à l’écoulement du sang au niveau capillaire est particulièrement important en diastole. La réduction des vélocités diastoliques et l’augmentation de l’index de pulsatilité (IP) enregistrés par Doppler transcrânien (12) au niveau des artères cérébrales moyennes rendent compte de ce ralentissement de la vitesse des globules rouges en diastole. L’existence d’une hypovolémie est susceptible d’aggraver ce phénomène et donc d’aggraver la distribution distale en O2. L’observation d’une diminution des vélocités diastoliques, d’une augmentation de l’IP, ou d’une diminution de la PtiO2 ou de la SjO2 lors de l’accentuation d’une position proclive, peut permettre d’évaluer le retentissement de l’hypovolémie (13). Rappelons qu’en cas d’hypertension intracrânienne, un réflexe de Cushing entraîne parfois une hypertension artérielle. Cette hypertension doit être respectée et permet un maintien du DSC en évitant parfois le recours aux catécholamines. Toutefois, une hypovolémie sous-jacente peut être masquée par cette hypertension et devenir symptomatique après levée de l'hypertension intracrânienne.
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Une expansion volémique excessive est à l’origine de complications aggravant le pronostic vital (14). Tout d’abord, à la phase précoce d’une agression cérébrale, la perfusion excessive de cristalloïdes est susceptible d’aggraver un œdème cérébral en cas de rupture de la barrière hémato-encéphalique. Par ailleurs et surtout, les troubles de la perméabilité capillaire au niveau pulmonaire sont fréquents, soit secondaires à une inflammation systémique septique ou non, soit générés par l’agression cérébrale comme lors des ruptures d’anévrismes cérébraux, soit par atteinte pulmonaire directe (inhalation, contusion). Enfin, les troubles de la perméabilité peuvent être associés à une insuffisance ventriculaire gauche comme au décours des ruptures d’anévrismes ou en cas de contusion myocardique. Une expansion volémique excessive peut donc être à l’origine ou aggraver des complications pulmonaires.
Comment évaluer la volémie ? Il est donc actuellement établi que le remplissage vasculaire doit être argumenté et surveillé (15). Plusieurs techniques sont proposées pour guider le praticien. La mesure d’indices statiques qui reflètent la précharge cardiaque (pression veineuse centrale, pression artérielle pulmonaire occlusive, volume télédiastolique du ventricule droit ou du cœur) peut être utile pour diagnostiquer des hypovolémies, mais aucune valeur ne peut être définie comme objectif à atteindre. Ces indices sont peu efficaces pour éviter l’excès de remplissage vasculaire (16). La mesure d’indices dynamiques de réserve de précharge (variabilité respiratoire de la pression artérielle, du flux aortique, ou du diamètre de la veine cave supérieure) peut être utilisée chez le patient en ventilation contrôlée avec un volume courant supérieur à 7 mL/kg. La réalisation d’épreuves de remplissage successives de petits volumes (300 à 500 mL de colloïdes en 15 minutes) permet de définir un remplissage positif si le volume d’éjection systolique, qui doit donc être monitorisé, augmente d’au moins 10 %. La principale limite de ces monitorages est de détecter qu’un remplissage est inefficace après sa réalisation. Deux techniques simples et non invasives permettent de prédire la positivité d’une expansion volémique avant sa réalisation. Tout d’abord, les variations des paramètres du Doppler œsophagien au cours d’une épreuve de remplissage ont montré qu’elles prédisaient la réponse de l’épreuve suivante (17). De même, une élévation de 10 % de la pression pulsée ou du volume d’éjection mesuré par Doppler œsophagien en réponse à une manœuvre de levée de jambe (angle à 45° pendant 1 min) semble reproduire de façon réversible les effets cardiovasculaires d’un remplissage de 300 mL (18).
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Quels solutés de remplissage ? Le choix des solutés perfusés en cas d’agression cérébrale doit toujours obéir à une règle : la perfusion de solutés qui diminuent la pression hydrostatique est contre-indiquée. En effet, au niveau de la barrière hémato-encéphalique imperméable au sodium si elle est intacte, les transferts d’eau sont essentiellement fonction de la pression hydrostatique et dans une moindre mesure de la pression oncotique. Les conséquences de la réhydratation et d'une éventuelle expansion volémique sur l'œdème cérébral dépendent des variations de pression hydrostatique générées. Il est indispensable que l’osmolarité plasmatique soit maintenue élevée.
Colloïdes Les macromolécules augmentent la pression oncotique. Les hydroxyéthylamidons à 6 % ou les gélatines peuvent être utilisés. En dehors de la réanimation du donneur d’organe, où il semble que la reprise de diurèse des greffons rénaux soit meilleure si les HEA n’ont pas été utilisées chez le donneur, aucune molécule n’a fait la preuve de sa supériorité. L’albumine n’a plus d’indication pour le remplissage vasculaire chez l’adulte. La perfusion de colloïdes est sans effet sur l'œdème cérébral et permet une correction rapide et prolongée de la volémie. Les HEA 6 % sont donc utilisées associées au sérum salé à 0,9 % pour le traitement des chocs hypovolémiques, notamment hémorragiques à la phase initiale. L'intérêt de leur association à du sérum salé hypertonique à 7,5 % en cas d'hypertension intracrânienne associée permet de prolonger les effets du critalloïde. Les effets secondaires observés en cas de perfusion de volumes trop importants sont essentiellement pulmonaires. La surveillance de la volémie est donc nécessaire si une atteinte myocardique associée est suspectée afin d'éviter l'œdème pulmonaire neurogénique ou cardiogénique. L'hémodilution qui peut être créée améliore le transport cérébral en oxygène et permet une diminution du débit sanguin cérébral et de la PIC.
Cristalloïdes Les cristalloïdes isotoniques ou hypertoniques maintiennent ou augmentent la pression hydrostatique, alors que leur pression oncotique est nulle. L'osmolarité du sérum salé à 0,9 % est de 308 mosmol/L. L'osmolarité du Ringer lactate n'est que de 273 mosmol/L, c'est-à-dire légèrement hypotonique. Le sérum salé à 0,9 % doit donc être utilisé en première intention pour l’hydratation des patients. L'hyperglycémie doit être traitée et les solutés glucosés sont hypotoniques. En cas d'hypoglycémie, pouvant survenir notamment chez l'enfant, l'apport de glucose peut être réalisé dans du sérum salé isotonique ce qui évite l'apport de solutés hypo-osmolaires, alors que le choix de colloïdes plutôt que de cristalloïdes isotoniques semble préférable pour
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adapter la volémie, ce qui permet de limiter le volume perfusé et qui prévient essentiellement les complications pulmonaires ou métaboliques à type d'acidose hyperchlorémique.
Sérum salé hypertonique L’utilisation de sérum salé hypertonique (19, 20) permet d’améliorer la volémie rapidement avec de faibles volumes. L'expansion volémique est de 4 à 10 fois le volume perfusé. Les effets hémodynamiques sont prolongés si la perfusion d'un colloïde est associée. L'indication de la perfusion de sérum salé hypertonique (7,5 %) associée à un colloïde est donc particulièrement efficace en cas de choc hypovolémique. Le salé hypertonique présente par ailleurs l’avantage d’augmenter rapidement la pression hydrostatique au niveau cérébral. L’effet anti-œdémateux est équivalent à celui du mannitol 20 %, il s’exerce de façon plus prolongée, et il s’associe, contrairement au mannitol, à une amélioration de la volémie. Le sérum salé hypertonique pourrait donc être particulièrement efficace dans les cas ou l’hypovolémie est sévère et s’associe à un œdème cérébral. Si le bénéfice est clairement montré en cas d'œdème cérébral avec hypertension intracrânienne, le bénéfice neurologique théorique par rapport à la perfusion de colloïdes pour la prise en charge des chocs hypovolémiques à la phase précoce reste à confirmer.
Catécholamines et cerveau Comme nous l’avons évoqué, l’hypotension artérielle est fréquente en cas d’agression cérébrale, souvent associée à une hypovolémie et parfois à une insuffisance ventriculaire gauche. En l’absence de monitorage de la PIC, une PAM inférieure à 70 mmHg est un facteur de mauvais pronostic chez le TCG. Après monitorage de la PIC, le maintien d’une PPC supérieure à 60 mmHg est recommandé, alors qu’il semble que le DSC soit peu influencé par la valeur du débit cardiaque pour une valeur de PAM donnée. Dans tous les cas, une hypotension artérielle doit donc être corrigée rapidement et l’obtention d’une hypertension artérielle peut être nécessaire pour maintenir la PPC en cas d’hypertension intracrânienne. Dans ces deux cas, l’utilisation d’un vasoconstricteur permet d’obtenir la PAM souhaitée rapidement. L’utilisation d’un inotrope sera indiquée en cas d’insuffisance ventriculaire mais n’a pas d’indication pour l’augmentation supra-physiologique du débit cardiaque.
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Noradrénaline Les effets systémiques de la noradrénaline (NAD) sont dose-dépendants. La NAD est une catécholamine endogène agoniste des récepteurs alpha 1, alpha 2, et bêta 1 ; l’effet inotrope positif dû à la stimulation des récepteurs bêta 1 prédomine à faible dose, alors qu’à plus fortes doses l’effet alpha 1 entraîne une vasoconstriction artérielle et veineuse dose-dépendante. Qu’il s’agisse de compenser rapidement une hypovolémie avant qu’elle ne soit corrigée ou qu’il s’agisse d’obtenir une hypertension artérielle pour maintenir la PPC, c’est une vasoconstriction qui est recherchée, la NAD étant donc la catécholamine de référence. Les effets cérébraux de la NAD (21) sont dominés par ces effets sur la PAM et donc sur la PPC. Deux types d’effets ont été recherchés : l’augmentation du métabolisme par stimulation alpha 1 et alpha 2, l’effet vasoconstricteur artériel cérébral. Dans le premier cas, les récepteurs alpha 1 et alpha 2 cérébraux ne sont pas accessible à la NAD exogène si la barrière hémato-encéphalique est intacte. Leur stimulation, susceptible d’augmenter le métabolisme cérébral et donc d’induire une augmentation du DSC par couplage métabolique, n’a jamais été mise en évidence dans des conditions physiologiques ou sur des modèles animaux de TCG lorsque la NAD était perfusée en périphérie avec un objectif de PAM fixé. De même, l’augmentation locale de DSC qui peut être observée au niveau des zones lésées après traumatisme semble due à une altération locale des mécanismes d’autorégulation et non à une augmentation locale du métabolisme. En ce qui concerne l’effet vasculaire, l’application directe à forte dose sur des artères cérébrales in vitro entraîne une vasoconstriction des artères de gros calibre et est sans effet sur les artères distales (22). Toutefois, une vasoconstriction artérielle cérébrale induite par la NAD n’est observée que si la PAM augmente et si l’autorégulation du DSC est préservée après traumatisme crânien. Il semble donc que l’utilisation de NAD ne modifie pas le DSC si l’autorégulation est intacte et que la vasoconstriction observée soit secondaire à la mise en jeu de cette autorégulation (23, 24). L’éventuelle augmentation du DSC au sain des zones lésées semble due à l’altération de ce mécanisme.
Dopamine Les effets systémiques de la dopamine sont dose-dépendants. Entre 5 et 10 microgrammes/kg/min les effets dus à la stimulation des récepteurs bêta 1 cardiaque prédominent, alors que l’effet vasoconstricteur dû à la stimulation des récepteurs alpha 1 est observé entre 10 et 20 microgrammes/kg/min. La dopamine doit être utilisée dès sa prescription à cette dernière posologie si un effet vasoconstricteur est recherché.
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Les effets cérébraux de la dopamine sont dus à la stimulation des récepteurs dopaminergique D1 et D2. Cet effet pourrait entraîner une vasodilatation des artères cérébrales de gros calibre. En fait, comme pour la NAD, les variations de DSC ne sont observées qu’en cas d’altération de l’autorégulation, notamment au niveau des zones lésées (21). Toutefois, la dopamine est susceptible d’augmenter la PIC en aggravant l’œdème cérébral après contusion en favorisant les transferts d’eau (25).
Autres catécholamines La stimulation des récepteurs bêta 1 augmente le débit cardiaque et n’a pas d’effets cérébraux montrés. Les augmentations de DSC ne sont retrouvées qu’en réponse à l’hypertension artérielle en cas d’abolition de l’autorégulation. L’isoprénaline n’a pas d’indication mais probablement pas d’effets cérébraux, de même l’effet de l’adrénaline est attribuable à son effet systémique. La stimulation des récepteurs bêta 2 est susceptible d’entraîner une vasodilatation artérielle cérébrale notamment en cas de lésion de la barrière hémato-encéphalique. Cet effet n’a jamais été montré en pratique clinique lors de l’utilisation de dopamine, de dobutamine, ou de dopexamine.
Noradrénaline ou dopamine Peu d’études sur l’Homme ont étudié les effets comparés de ces deux molécules. Les études sur l’animal sont à considérer avec précaution en raison de la différence entre les espèces dans la densité des différents récepteurs au niveau des artères cérébrales. Un effet vasodilatateur augmentant la PIC est fréquemment retrouvé chez l’animal avec la dopamine. Chez l’Homme, seule une meilleure prédictibilité des effets de la NAD a été montrée (26). Une étude non randomisée conclut en faveur de la NAD retrouvant des PIC supérieures avec la dopamine pour un même objectif de PPC (27). En fait, en pratique et en l’absence de différence clairement montrée au niveau cérébral, retenons que la dopamine par son effet bêta 1 révèle les hypovolémies en induisant une tachycardie, alors que la NAD semble plus rapidement efficace pour atteindre l’objectif de PAM mais masque une éventuelle hypovolémie sous-jacente. Rappelons qu’aucune différence ne peut être retenue concernant la diurèse ou la fonction rénale.
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Conclusion En cas d’agression cérébrale, rappelons la priorité de maintenir une hémoglobine à 10g/dL et de corriger les troubles de l’hémostase en cas de lésion cérébrale à potentiel hémorragique. La correction rapide d’une hypotension pour obtenir une PAM à 70 mmHg est une priorité. À la phase précoce, la prescription d’un vasoconstricteur comme la NAD permet d’atteindre cette valeur seuil rapidement. Lorsqu’un risque hémorragique est important, chez le polytraumatisé ou lorsqu’une malformation artérielle cérébrale est suspectée, l’augmentation de PAM doit être prudente et ne pas dépasser cet objectif. La perfusion d'HEA à 6 % est associée à la NAD afin de traiter l'hypovolémie, alors que la prescription de mannitol 20 % doit être réservée à la prise en charge de l'hypertension intracrânienne avec des signes d'engagement. Le sérum salé hypertonique à 7,5 % est une alternative au mannitol si l'hypertension intracrânienne est associée à un choc hypovolémique. Lorsque le bilan lésionnel du patient est établi, la suspicion d’une hypertension intracrânienne nécessite le monitorage de la PIC et de la PPC. La PAM est alors augmentée pour obtenir une PPC supérieure à 60 mmHg. La détection et la correction d’une hypovolémie fréquemment masquée par la NAD doivent être réalisées à l’aide d’épreuves de remplissage successives. Le contrôle de l'efficacité de ce remplissage et l’évaluation de la fonction myocardique permettent d'éviter la survenue de complications pulmonaires. La prévention de l'œdème cérébral nécessite l'utilisation de cristalloïdes isoou hypertoniques, alors que les colloïdes fréquemment utilisés pour corriger la volémie sont sans effets. L’essentiel pour lutter contre l'œdème cérébral est de maintenir une osmolarité et une pression hydrostatique élevées. L’augmentation de la PPC au-delà de 70 mmHg peut être nécessaire pour obtenir une oxygénation cérébrale correcte mais devrait être argumentée par un monitorage du métabolisme oxydatif.
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Thérapeutique, organisation et éthique
Hypothermie thérapeutique R. Kocian, V. Bonhomme, D.R. Spahn, R. Friolet et P. Ravussin
Introduction Chez l’humain, l’hypothermie est définie comme une température centrale de moins de 35 °C (1). La simple observation de la vie quotidienne offre des indices indiquant que l’hypothermie a des effets bénéfiques sur la conservation des tissus biologiques, en empêchant leur dégradation. Les exemples en sont nombreux : les caves à basse température, les réfrigérateurs, les animaux en hibernation, et dans le domaine médical, les cas de survie après un arrêt cardiaque chez les patients hypothermiques, en particulier les enfants (2). Ainsi, l’hypothermie a depuis longtemps suscité de l’intérêt en tant qu’arme préventive ou thérapeutique potentielle, avec l’espoir de pouvoir prévenir, ralentir, voire arrêter la dégradation d’un tissu lésé, notamment le tissu cérébral, mais aussi cardiaque ou d’autres organes, en particulier lors des transplantations. Dans ce chapitre, après un bref rappel historique, nous nous attacherons à décrire la logique de l’utilisation de l’hypothermie à visée de protection cérébrale par la description des mécanismes connus de ses effets protecteurs. Nous tenterons d’en dégager les indications principales sur la base des données de la littérature et envisagerons les aspects pratiques de son utilisation et ses complications.
Historique Dès les années cinquante, l’hypothermie, induite avant l’arrêt du cœur, a été appliquée dans la chirurgie cardiaque, afin de protéger le cerveau de lésions dues à l’absence du flux sanguin ou à sa diminution (1, 3, 4). L’hypothermie profonde avec arrêt cardiaque a été utilisée également en neurochirurgie pour l’exclusion d’anévrismes cérébraux géants, avec des résultats mitigés et des
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complications importantes (5-7). Cette technique n’est pratiquée de nos jours, tant en chirurgie cardiovasculaire qu’en neurochirurgie, que dans des indications bien précises (remplacement de la crosse aortique, résection d'un anévrisme cérébral géant), lorsqu’aucune autre technique plus sûre ne peut être utilisée et que le pronostic vital des patients est en jeu. Dans les années quatre-vingt, l’hypothermie thérapeutique a de nouveau attiré l’attention des cliniciens, après que des travaux expérimentaux sur l’hypothermie modérée (32 à 35 °C) aient obtenu des résultats encourageants lors des lésions cérébrales chez l’animal, montrant un effet neuroprotecteur avec moins de complications par rapport à l'hypothermie profonde. Actuellement, l'hypothermie est acceptée par consensus en tant que moyen thérapeutique dans le cas d'ischémie cérébrale suite à un arrêt cardiaque dû à une fibrillation ventriculaire, où son efficacité est considérée prouvée. La situation est moins claire en cas d'arrêt cardiaque avec asystolie ou dissociation électromécanique d'emblée, et elle est controversée dans d'autres circonstances (traumatisme craniocérébral, neurochirurgie élective, hémorragie sous-arachnoïdienne, vasospasme cérébral, accident vasculaire cérébral) où l'état actuel des investigations ne permet pas une recommandation définitive.
Problématique de la transposition de l’animal à l’humain Actuellement, la protection cérébrale fait l’objet de nombreux travaux d’investigation expérimentale et clinique (voir partie 1 chapitre « Protection cérébrale : données expérimentales »). Des différences structurelles entre le cerveau animal et celui de l’Homme rendent l’application des résultats expérimentaux en médecine humaine incertaine. Le cerveau animal, en particulier celui des animaux utilisés le plus pour ce genre d’investigation, à savoir le rat et le chien, a une structure simplifiée : les interconnections fonctionnelles sont réduites par rapport à celles du cerveau humain. D’une manière générale, le cerveau animal apparaît plus résistant à l’agression et plus sensible aux traitements neuroprotecteurs. Les propriétés métaboliques, histologiques et hydrodynamiques de ces tissus nerveux moins évolués pourraient expliquer qu’un traitement efficace chez l’animal n’ait pas d’effet notable chez l’Homme (8) ; de la même manière, un mécanisme neurotoxique n’a pas forcément la même importance chez l’animal et chez l’Homme. De ce fait, on observe fréquemment que les résultats positifs d’une expérience sur animal de laboratoire ne sont pas forcément transposables à l’Homme ; un traitement à visée de protection cérébrale avec des résultats encourageants chez l’animal s’avère fréquemment décevant ou controversé chez l’Homme.
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Mécanismes de l’effet neuroprotecteur de l’hypothermie (tableau I) L’hypothermie exerce son effet neuroprotecteur par le biais de l’inhibition de nombreux mécanismes responsables des lésions neuronales lors d’une agression cérébrale, déjà mentionnés dans la partie 1 de cet ouvrage au chapitre « Protection cérébrale ». Traditionnellement, l’effet protecteur de l’hypothermie a été considéré comme lié au ralentissement métabolique. Le métabolisme cérébral est diminué de 5 à 7 % par degré Celsius. Toutefois, les résultats expérimentaux montrent que la réduction du métabolisme ne peut expliquer à elle seule l’importance de cet effet protecteur (9). En revanche, il ne fait aucun doute que la diminution de la pression intracrânienne, due à la diminution du métabolisme cérébral, est coresponsable de l’effet neuroprotecteur de l’hypothermie. L’expérimentation animale a montré que, suite à une agression cérébrale, le métabolisme du glucose augmente dans un premier temps pendant quelques heures, puis diminue pour une durée pouvant s’étendre de quelque jours à plusieurs semaines ; la phosphorylation oxydative et l’utilisation du glucose sont alors diminuées. L’application de l’hypothermie semble accélérer la normalisation métabolique et permet de mieux conserver les phosphates riches en énergie (1). Des travaux ont confirmé que l’hypothermie peut inhiber les caspases, enzymes responsables de l’apoptose observée dans les suites d’une agression cérébrale (10). Les caspases sont libérées parallèlement à une dysfonction mitochondriale associée à une perturbation de la chaîne énergétique. En cas d’hypoxie, le métabolisme désormais anaérobe résulte en une acidose intra- et extracellulaire par accumulation de lactates. Le manque en donneurs d’énergie tels que l’ATP et la phosphocréatine résulte en une dysfonction des pompes et canaux ioniques, avec déséquilibre électrolytique, notamment accumulation de calcium intracellulaire. Entre autres conséquences, une dépolarisation de la membrane neuronale survient et entraîne la libération de glutamate, un neurotransmetteur excitateur. Sa réabsorption par les terminaisons présynaptiques et les cellules gliales – normalement immédiate – est empêchée par l’ischémie ; son accumulation favorise une entrée intracellulaire Tableau I – Principaux mécanismes de l’effet neuroprotecteur de l’hypothermie. 1. Réduction du métabolisme cérébral – conservation des phosphates riches en énergie et conservation de la fonction des pompes ioniques – limitation du métabolisme anaérobe et de l’acidose intra- et extracellulaire 2. Limitation de la libération des acides aminés excitateurs 3. Limitation de la production d’espèces activées de l’oxygène 4. Stabilisation de la barrière hémato-encéphalique 5. Limitation de la réaction inflammatoire 6. Limitation de l’apoptose par inhibition des caspases
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du calcium, créant ainsi un cercle vicieux. Ces phénomènes s’installent et perdurent pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. C’est la raison pour laquelle l’hypothermie, qui en limite l’importance (11, 12), reste potentiellement efficace même en cas d’application tardive, c’est-à-dire quelques heures après la lésion. La production d’espèces activées de l’oxygène, notamment superoxides et peroxides, est fortement amplifiée par l’ischémie. Ces substances sont neurotoxiques par altération des composants cellulaires membranaires. Elles continuent à être libérées pendant la phase de reperfusion, et peuvent submerger les mécanismes protecteurs enzymatiques et piégeurs de radicaux libres des cellules du système nerveux central. En diminuant la production des radicaux libres, l’hypothermie diminue leur action destructrice (11). L’intégrité de la barrière hémato-encéphalique est altérée par l’ischémie. Ainsi, l’ischémie en soi favorise le développement d’œdème cérébral. L’hypothermie exerce un effet stabilisateur en freinant ce processus (13). L’ischémie cellulaire entraîne la libération de facteurs pro-inflammatoires (facteur tumoral nécrotique ou TNF, interleukines telles que l’interleukine 1 ou IL-1), dans l’heure qui suit la reperfusion et dont l’effet peut persister jusqu’à plusieurs jours (14). Les cellules inflammatoires s’accumulent dans le cerveau lésé, avec le risque de dégâts supplémentaires dus à la synthèse de produits toxiques et à la phagocytose. Les travaux expérimentaux ont montré que l’hypothermie réduit la réaction inflammatoire (15, 16).
Application thérapeutique de l’hypothermie L’application thérapeutique de l’hypothermie pose un certain nombre de problèmes. Hormis la difficulté de transposer les résultats de l’expérimentation animale à l’Homme, les différentes lésions cérébrales, telles que celles liées à une ischémie suite à un arrêt cardiaque, à un traumatisme cranio-cérébral, à une hypoperfusion dans le cadre d’une hypertension intracrânienne, d’accidents vasculaires cérébraux ou d’une circulation extracorporelle, ont toutes leurs particularités physiopathologiques et il faut s’attendre à des différences quant à l’effet thérapeutique de l’hypothermie dans ces situations. D’autres facteurs peuvent influencer fortement l’efficacité du traitement : le temps écoulé entre la lésion et le début du traitement, la pression intracrânienne, l’éventuelle instabilité hémodynamique et sa durée, et la température initiale. En conséquence, il est très difficile, pendant les études cliniques, de standardiser les protocoles et de définir les collectifs de patients afin d’obtenir des situations effectivement comparables permettant de proposer les schémas thérapeutiques universellement applicables (8). Les aspects majeurs mais toujours débattus du traitement par l’hypothermie sont ceux du délai entre la lésion et l’application de l’hypothermie, la durée du traitement et la température cible.
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Délai entre la lésion et l’application de l’hypothermie Le délai entre la lésion cérébrale et l’application de l’hypothermie a fait l’objet de nombreuses études. En pratique clinique, il n’est habituellement pas possible de commencer l’hypothermie immédiatement pour différentes raisons (accident hors de l’hôpital, organisation interne…) et la question se pose de savoir dans quel délai ce traitement doit être instauré pour influencer favorablement le pronostic. Intuitivement, on serait tenté de considérer que plus le traitement hypothermique est précoce, plus il est efficace. C’est aussi ce que suggèrent plusieurs études expérimentales (17-20) et cliniques (21, 22). On a pu observer que les patients traumatisés crâniens hypothermiques à leur arrivée à l’hôpital et dont la température est maintenue basse par la suite ont un meilleur pronostic (22). L’étude du traumatisme craniocérébral sur modèle expérimental a montré que l’hypothermie est la plus efficace si elle est instaurée moins d’une heure après la lésion (23) ; les résultats sont encore meilleurs si elle peut être initiée dès les manœuvres de réanimation (17). Dans la plupart des études cliniques, l’hypothermie a été initiée entre trois et dix heures après la lésion cérébrale (24-26). Il faut rappeler ici que même une hypothermie initiée après quelques heures peut encore s’avérer utile, notamment pour prévenir les lésions de reperfusion.
Vitesse de refroidissement La vitesse de refroidissement peut également être importante pour les résultats du traitement (1). Toutefois, les travaux comparatifs concernant cet aspect manquent, et la vitesse de refroidissement n’est le plus souvent pas mentionnée dans les études ; quelques sources indiquent une vitesse de refroidissement variant de deux à huit heures (21, 27). À titre de comparaison, en chirurgie cardiaque, la vitesse de refroidissement dépend fortement de la corpulence du patient, de sa résistance thermique, de la température-cible visée et d’autres facteurs encore. Le plus souvent, le patient est refroidi d’environ 1 °C toutes les deux minutes, mais ce n’est qu’une valeur indicative, qui varie d’un patient à l’autre.
Vitesse de réchauffement La vitesse de réchauffement est également importante. En cas d’un réchauffement trop rapide, il existe le risque d’une élévation de la pression intracrânienne (28). De plus, les gaz dissous dans le sang peuvent se libérer et former des bulles entraînant des complications thromboemboliques. En aucun cas le réchauffement ne doit aboutir à une hyperthermie, qui pourrait aggraver les lésions cérébrales. En chirurgie cardiaque, encore à titre d’exemple, la vitesse
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de réchauffement est, dans un cas standard, d’environ 1 °C toutes les cinq à dix minutes. Mais une fois de plus, elle dépend de certains facteurs tels que le poids du patient et la température de départ. Sur la base de ces données, on peut raisonnablement affirmer que, idéalement, la vitesse de réchauffement chez le patient de neuroréanimation doit être ajustée en fonction des valeurs de pression intracrânienne et prendre plusieurs heures. En l’absence de monitorage de la pression intracrânienne, le réchauffement doit être fait sur au moins 24 heures (1).
Durée du traitement par hypothermie La durée du traitement par hypothermie est sujette à discussion. Il est possible que la durée optimale dépende de la nature et de la gravité de la lésion, mais cette question n’a pas été examinée dans les travaux de recherche. Les lésions neurologiques se constituent pendant une période plus ou moins longue, et non à un moment précis, ce qui est nettement en faveur d’un traitement prolongé pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Les durées mentionnées dans la littérature sont de 4 heures à 14 jours, la plupart des études étant réalisées sur 24 ou 48 heures (5, 24, 26, 29-31). Une récente analyse des différents travaux sur le traumatisme craniocérébral suggère qu’une hypothermie prolongée, de plus de 48 heures, peut résulter en une diminution de la mortalité (29).
Température-cible et effets secondaires La température-cible d’un traitement hypothermique est étroitement conditionnée par les effets secondaires qu’elle peut induire (tableau II). Parmi ceux-ci, les arythmies cardiaques, la bradycardie, l’hypotension due à une réduction du débit cardiaque, la vasoconstriction coronaire dans le cas d’une pathologie coronarienne préexistante, la coagulopathie due à une thrombopénie et à une dysfonction thrombocytaire, l’hyperglycémie due à une résistance à l’insuline, la dysfonction rénale avec polyurie et perte d’électrolytes, Tableau II – Principaux effets secondaires de l’hypothermie. 1. Troubles du rythme cardiaque (bradycardie, extrasystolie, fibrillations) 2. Hypotension systémique 3. Vasoconstriction coronaire 4. Coagulopathie (thrombopénie, dysfonction plaquettaire) 5. Hyperglycémie (résistance à l’insuline) 6. Dysfonction rénale (polyurie, perte d’électrolytes, altération des clairances médicamenteuses) 7. Hyperamylasémie, pancréatite 8. Immunosuppression (leucopénie) 9. Frissons 10. Retard à la cicatrisation tissulaire
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l’augmentation des amylases avec rarement une pancréatite, les infections dues à l’immunosuppression et la leucopénie, les frissons et l’augmentation du métabolisme, la perturbation de certaines clairances médicamenteuses, et la cicatrisation tissulaire retardée sont les principaux (21, 24, 27, 29, 32). Ces effets secondaires peuvent déjà apparaître à une température de 35 °C ; les arythmies cardiaques notables sont à craindre à des températures inférieures à 30 °C (5). Toutes ces complications peuvent apparaître tôt, dès les premières heures, et compromettre les résultats du traitement. Nous ne disposons pas d’études comparatives évaluant l’influence des effets secondaires sur le pronostic après traitement par hypothermie, mais on peut admettre que, pendant les travaux de recherche clinique, certains de ces effets secondaires ont partiellement affecté les résultats.
Contre-indications au traitement par hypothermie À partir des effets secondaires, il est possible de déduire les contre-indications au traitement hypothermique. En considérant ce qui précède, il faut renoncer à ce traitement en cas de choc cardiogénique, d’arythmies graves, d’hémorragie en cours, et de coagulopathie primaire (24).
Conduite en unité de soin Un traitement par hypothermie doit être réalisé dans une unité habituée à ce genre de procédure. La surveillance clinique doit inclure, mis à part la température centrale (mesurée par Swan-Ganz) et les signes vitaux habituels, des contrôles réguliers de la coagulation sanguine, des électrolytes, de la fonction rénale, de la glycémie, et des paramètres infectieux. Les effets secondaires et les complications peuvent être nombreux et il faut les anticiper par une observation attentive.
Aspects pratiques du traitement par hypothermie L’hypothermie peut être induite par refroidissement de surface (couvertures à air froid ou à eau froide, poches de glace, pansements à évaporation d’alcool ou simple exposition cutanée) ou par refroidissement central (perfusion intravasculaire de liquide froid, cathéters intravasculaires spécialement conçus pour l’échange thermique et circulation extracorporelle). Des substances agissant sur le centre de la thermorégulation (médicaments antipyrétiques, neurotensines) peuvent également induire une hypothermie. Le refroidissement de surface est le plus fréquemment utilisé pour son accessibilité et ses coûts modérés. Il permet d’aboutir à une hypothermie en
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deux à trois heures. L’importante vasoconstriction qui en résulte diminue toutefois son efficacité et nécessite souvent l’association de vasodilatateurs. De plus, la précision dans l’atteinte et le maintien de la température cible est souvent médiocre. Le refroidissement central est plus efficace : la perfusion de 30 mL/kg de liquide froid à 4 °C permet d’abaisser la température centrale de 35,5 à 33,8 °C en 30 minutes (33) et des cathéters veineux centraux conçus spécialement pour l’induction de l’hypothermie (fig. 1) s’avèrent également très efficaces et d’application simple (34-36). Ces études se sont cependant limitées à des périodes inférieures à 24 heures seulement. Par un contrôle optimal de la température (fig. 2), ces cathéters permettent notamment une cinétique de réchauffement adéquate et d’éviter ainsi les effets rebonds (1). Enfin, la circulation extracorporelle reste une méthode très efficace pour induire une hypothermie mais nécessite une anticoagulation, ce qui la contre-indique dans la plupart des affections neurochirurgicales. Le refroidissement par voie nasale ou péritonéale ainsi que le refroidissement cérébral sélectif par l’utilisation de casques réfrigérants ou par perfusion de liquide froid dans l’artère carotide sont des moyens actuellement à l’étude (37-40). Toutes les méthodes décrites ci-dessus déclenchent une importante réaction physiologique, tendant à rétablir la normothermie : libération d’hormones de stress (catécholamines et cortisol) et surtout frissons généralisés. Afin d’abolir
Fig. 1 – Cathéter échangeur thermique. L'exemple de ce cathéter échangeur thermique est tiré du site Internet de Radiant Medical (35).
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Fig. 2 – Obtention rapide et fiable d’une température cible.
cette réaction, les patients doivent habituellement être profondément sédatés, intubés et le plus souvent relaxés. Ceci rend l’évaluation neurologique difficile, voire impossible (cave épilepsie), et induit une morbidité non négligeable (pneumonie associée au ventilateur, neuromyopathie des soins intensifs et escarres notamment). L’action sur la thermorégulation du système nerveux central permettrait d’éviter la réaction génératrice de chaleur et de surseoir aux contre-mesures décrites. La prise en charge en serait simplifiée, probablement moins coûteuse et grevée de complications moindres. Les médicaments actuellement sur le marché se révèlent toutefois trop peu puissants pour induire une hypothermie modérée de l’ordre de 32 à 35 °C. L’application de neurotensines, peptides endogènes impliqués dans la thermorégulation et probablement dans l’hypothermie permettant à certains mammifères d’hiberner, est actuellement à l’étude et semble prometteuse chez le rat (41). Pratiquement en raison de ce qui précède, il a été opté dans l’unité de soins intensifs de Sion d’induire l’hypothermie le plus rapidement possible à l’aide de cathéters veineux centraux échangeurs de chaleur (CoolGard, Alsius, voir fig. 2), insérés de préférence par voie fémorale, où ils s’avèrent le plus efficace en raison du flux veineux important. La température est mesurée par voie veineuse centrale (cathéter de Swan-Ganz) ou par voie rectale et intégrée en continu par l’appareil régulateur de température. Tous les patients sont sédatés, intubés et curarisés durant tout la période d’hypothermie. Pour l’instant nous n’appliquons l’hypothermie que dans les encéphalopathies post-anoxiques (post-ACR) et nous gardons une température cible à 32-33 °C pendant 24 heures, puis nous réchauffons le patient progressivement à raison d’un demi degré Celsius par heure jusqu’à 37 degrés.
Indications Comme nous l’avons déjà mentionné ci-dessus, il n’est pas aisé de définir les indications précises du traitement par hypothermie en neuroréanimation, les
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données de la littérature étant souvent contradictoires (21, 42, 43). Les protocoles de ces différentes études ne sont pas comparables, les groupes de patients et les traitements administrés sont trop inhomogènes pour permettre des conclusions définitives qui pourraient être appliquées universellement. Ainsi, l’utilisation routinière de l’hypothermie thérapeutique lors de l’ischémie cérébrale associée à un traumatisme craniocérébral n’est pas recommandée actuellement (1, 26, 29, 44), mais il paraît intéressant de maintenir hypothermes de tels patients lorsqu’ils sont admis en état d’hypothermie à l’hôpital (22). L’effet bénéfique de l’hypothermie sur la pression intracrânienne doit être gardé en mémoire, mais il ne faut pas oublier que la diminution de cette pression ne signifie pas forcément un meilleur pronostic. En neurochirurgie élective, des études cliniques ont suggéré un bénéfice de l’hypothermie modérée lors de la chirurgie d’anévrisme cérébral. Le débit sanguin cérébral était meilleur et la détérioration neurologique moins fréquente chez les patients hypothermes comparés à la normothermie, mais le collectif des patients était trop faible pour pouvoir généraliser (45, 46). En revanche, une large étude portant sur 1 001 patients et tout récemment publiée n’a pas confirmé ces espoirs, ne mettant en évidence aucun bénéfice de l’hypothermie chez les patients opérés d’anévrisme cérébral (47). En conséquence, nous ne disposons pas actuellement d’arguments pour recommander l’utilisation de l’hypothermie préventive lors de la chirurgie des anévrismes cérébraux. Le vasospasme après hémorragie sous-arachnoïdienne est une complication majeure et fréquente, et une importante cause de morbidité et de mortalité. Dès lors, la prévention de ces vasospasmes est l’un des buts primaires du traitement. Lors d’expériences animales sur l’hémorragie sous-arachnoïdienne, une réduction du vasospasme par l’hypothermie a été observée (48, 49). De petites séries publiées chez l’Homme (50, 51) donnent également des résultats positifs mais, à l’heure actuelle, l’évidence est encore trop faible pour une recommandation de son usage systématique. Le cerveau de l’enfant est différent de celui de l’adulte. C’est un organe en développement, immature mais avec un meilleur potentiel de régénération. La boîte crânienne est encore incomplète et les sutures ne sont pas fermées. Le cerveau est ainsi plus exposé aux influences traumatiques externes, surtout avant l’âge de 4 ans (52, 53). Il n’y a que très peu de résultats publiés concernant les patients pédiatriques et les résultats statistiquement significatifs font défaut. Une étude récente ne montre aucune protection cérébrale chez le nouveau-né avec encéphalopathie par hypothermie modérée (34-35 °C rectal) induite par refroidissement de surface de la tête (54). Cette technique semble cependant améliorer la survie sans invalidité sévère liée au neurodéveloppement dans la catégorie des enfants qui ont le moins d'altération électroencéphalographique. En extrapolant les résultats obtenus chez les patients adultes, l’hypothermie peut être considérée comme un traitement adjuvant pour réduire l’hypertension intracrânienne, mais l’évidence est insuffisante pour recommander son usage de routine (55).
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Actuellement, la seule indication considérée comme établie pour hypothermie thérapeutique est l'ischémie cérébrale suite à un arrêt cardiaque par fibrillation ventriculaire, avec retour de circulation spontanée en moins d'une heure et sans insuffisance cardiaque ou hypoxie persistantes – les travaux récents ont confirmé son utilité (1, 56, 57). Dans l'arrêt cardiaque suite à une asystolie ou une dissociation électromécanique (activité électrique sans pouls), la situation est moins claire – le pronostic de ces cas est moins bon et il y a beaucoup moins de données dans la littérature. Mais il est probablement légitime d'appliquer le même traitement par extension, les lésions neurologiques étant comparables. C’est cette approche qui a été décidée dans l’unité de Sion (cf. plus haut).
Conclusion Sur la base des données de la littérature, l’hypothermie thérapeutique apparaît comme une technique séduisante pour la protection cérébrale. Toutefois, les informations en notre possession, les effets secondaires potentiels et la lourdeur relative de la technique ne nous permettent d’en recommander l’usage systématique que pour certaines catégories de patients et dans des situations bien précises, à savoir chez les traumatisés craniocérébraux hypothermes à leur admission, comme traitement adjuvant de l’hypertension intracrânienne sévère et chez les patients en coma postanoxique. Son utilité apparaît également indiscutable au cours de certaines chirurgies cardiaques et des gros vaisseaux intrathoraciques. La poursuite des travaux dans ce domaine verra très certainement l’élargissement des indications de l’hypothermie thérapeutique à un ensemble plus large de patients et de pathologies.
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Prévention et traitement de la thrombose veineuse profonde en neurochirurgie N. Bruder, J.-F. Payen et G. Audibert
La gestion des anticoagulants en neurochirurgie pose le problème aigu de la confrontation du bénéfice attendu d’un traitement prophylactique ou curatif de la thrombose veineuse profonde et du risque d’hémorragie cérébrospinale. Face à ces deux risques pouvant avoir des conséquences vitales, une analyse systématique de la littérature est indispensable. Ce chapitre s’appuie en grande partie sur les recommandations pour la pratique clinique sur la prévention de la thrombose veineuse profonde en chirurgie publiées en 2005 (1, 2). Mais cette analyse de la littérature ne saurait remplacer la nécessité d’évaluer les risques de manière individuelle en fonction de l’évolution de la situation clinique.
Évaluation du risque : incidence, sans prophylaxie, des événements thromboemboliques Chirurgie intracrânienne L’incidence varie selon le type d’accident (thrombose veineuse proximale ou distale, symtomatique ou asymptomatique, embolie pulmonaire), la durée de recueil des accidents (le plus souvent limitée à la période d’hospitalisation), la méthode d’exploration (phlébographie, écho-Doppler des membres inférieurs), la méthode requise pour la prophylaxie, le type de chirurgie, les facteurs de risque liés aux patients. En chirurgie réglée, l’incidence de thrombose veineuse profonde (TVP) sur la phlébographie est élevée, de l’ordre de 20 à 35 % dans la période postopératoire en l’absence de prophylaxie (3-6). L’incidence des thromboses veineuses symptomatiques est comprise entre 2,3 % et 6 %. L’incidence des embolies pulmonaires dans cette population est de 0 à 4 %, avec une fréquence moyenne comprise entre 2 et 4 % chez les patients opérés d’une tumeur cérébrale (3, 4, 7-9). Dans une étude rétrospective de
422 La réanimation neurochirurgicale
633 patients opérés d’une tumeur cérébrale et ne recevant aucune prophylaxie, la fréquence des événements thromboemboliques (ETE) cliniquement significatifs était de 4,9 %, et la fréquence de l’embolie pulmonaire était de 3 % (10). Le délai moyen de survenue des thromboses était de 9,7 ± 5,0 jours. Un suivi à long terme des patients opérés de gliomes montre que l’incidence des TVP ne cesse d’augmenter avec le temps, d’environ 1-2 % par mois (11) soit par exemple 21 % à 12 mois de l’intervention, 32 % à 24 mois (12). L’incidence des TVP chez les traumatisés crâniens est beaucoup moins bien connue. Dans une étude rétrospective chez 280 patients traumatisés à haut risque de TVP, leur fréquence chez les traumatisés crâniens était de 5 % (13). Une autre étude rétrospective a comparé l’incidence de l’embolie pulmonaire chez 94 044 patients traumatisés adressés dans un centre de traumatologie américain entre 1992 et 1996 (14). L’incidence annuelle de l’embolie pulmonaire chez les 47 996 patients avec un traumatisme crânien était de 0,38 %, ce qui n’était pas statistiquement différent de l’incidence chez les patients sans traumatisme crânien (0,27 %). Dans le groupe des traumatisés crâniens, un score de Glasgow inférieur ou égal à 8 augmentait l’incidence d’embolie pulmonaire à 0,68 %. Les facteurs de risque spécifiques à la chirurgie intracrânienne sont : déficit moteur d’un membre, tumeur intracrânienne maligne (gliome, métastase), âge ≥ 60 ans, large volume tumoral, chimiothérapie, craniotomie de plus de 4 heures, durée d’hospitalisation élevée, délai de récupération postopératoire prolongé (7, 11, 15).
Chirurgie du rachis Très peu d’études de bon niveau se sont intéressées au risque thrombotique de la chirurgie rachidienne en dehors d’un contexte traumatique (tableau I). Une revue générale récente souligne la difficulté d’évaluer de manière précise l’incidence réelle des événements thromboemboliques (ETE) et l’impossibilité de recommander une prophylaxie (16). Il faut distinguer deux types d’actes chirurgicaux très différents : – la chirurgie rachidienne mineure regroupant la chirurgie de la hernie discale et les laminectomies sur un ou deux niveaux ; – la chirurgie rachidienne majeure comprenant les ostéosynthèses du rachis et les laminectomies étendues. Dans la chirurgie mineure, en l’absence de prophylaxie, le risque d’ETE clinique est évalué entre 0,63 % et 0,75 % (17, 18). Le risque d’embolie pulmonaire est de l’ordre de 0,1 % (17, 19). Dans deux études prospectives du même auteur, chez 60 et 86 patients bénéficiant de bas de contention pendant la chirurgie, l’incidence des TVP sur le Doppler postopératoire était comprise entre 5 % et 6 % (20, 21). Dans la chirurgie rachidienne majeure, le risque d’ETE paraît plus élevé, compris entre 0,3 % et 2,2 % (22-24). Dans une revue de vingt études publiées
Prévention et traitement de la thrombose veineuse profonde 423
Tableau I – Principales études sur l’incidence des thromboses veineuses profondes (TVP) et des embolies pulmonaires (EP) depuis 1992 : pour la chirurgie « mineure » (hernie discale, laminectomie sur 1 ou 2 niveaux) : études 2 – 6 ; pour la chirurgie « majeure » (ostéosynthèses, laminectomies étendues) : études 7 – 13. Référence année
Type d’étude n
Moyens diagnostiques
Incidence des ETE
NP
(17) 1993 Rétrospective 16 653
ETE clinique
TVP 0,63 %
5
(18) 1998 Rétrospective 803
ETE clinique
TVP 0,75 %
5
(19) 1989 Rétrospective 28 395
EP clinique
EP : 0,1 %
5
(71) 1993 Étude de cohorte Doppler pré- et postopératoire 86
TVP : 6 %
3
(21) 1994 Étude de cohorte Doppler pré- et postopératoire 60
TVP : 5 %
3
(22) 1999 Étude de cohorte Doppler 116
TVP (Doppler) 0,9 % EP 2,6 %
3
(23) 1996 Étude de cohorte Doppler et ETE clinique 329
TVP 0,3 %
3
(24) 1994 Étude de cohorte Doppler et ETE clinique 317
TVP 0,6 % EP 0,3 %
3
(72) 2000 Étude de cohorte Doppler 313
ETE : 0,3 %
3
(27) 2000 Étude de cohorte Phlébographie 134
TVP : 15,5 % dont – chirurgie du rachis cervical : 5,6 % – chirurgie du rachis lombaire : 26,5 %
3
(26) 1992 Étude de cohorte Doppler 41
TVP : 14 %
3
NP : niveau de preuve.
entre 1966 et 1991, le risque d’ETE était de 3,7 % et le risque d’EP de 2,2 % (25). La phlébographie ou l’échograhie Doppler montrent environ 15 % de TVP, avec un risque plus important pour la chirurgie du rachis lombaire (26, 27). Le risque thromboembolique est beaucoup plus élevé en traumatologie rachidienne (4, 28). Il diffère selon que le traumatisme rachidien s’accompagne ou non de troubles moteurs et que la paralysie est complète ou non. En l’absence de prophylaxie, les études anciennes notaient une proportion de thromboses veineuses profondes (TVP) entre 14,5 et 67 % (28-32). Dans une étude de cohorte de 349 patients traumatisés, une TVP était identifiée chez 62 % des 66 patients avec traumatisme de rachis, cette proportion montant à 81 % en cas de lésions médullaires (28). Le rôle aggravant des troubles moteurs sur le risque thrombotique est clair. La fréquence des TVP était de 22,9 % en
424 La réanimation neurochirurgicale
cas de paraplégie complète et de 9,3 % lorsque le déficit moteur était partiel (32). Le rôle du niveau lésionnel a été peu étudié mais il semble avoir une faible influence sur le risque thrombotique. La fréquence de l’embolie pulmonaire est comprise entre 4 et 5 %. Dans une cohorte monocentrique de 28 239 traumatisés médullaires, suivis de 1973 à 1998, l’embolie pulmonaire représentait 9,7 % des causes de décès, soit la troisième cause de décès chez ces patients. De 1983 à 1992, ce taux atteignait 15,2 % puis diminuait à 2 % au cours de la période 1993-98. Les auteurs attribuaient ce gain aux progrès en matière de prophylaxie antithrombotique (33).
Méthodes de prévention de la thrombose veineuse profonde Chirurgie intracrânienne Prévention mécanique des TVP Les méthodes de prévention des TVP en milieu neurochirurgical sont de deux ordres : mécanique (bas de contention, compression pneumatique intermittente) et médicamenteux (héparinothérapie). Bien que l’efficacité des méthodes mécaniques en milieu médical et chirurgical soit documentée (34), aucun essai n’a été réalisé en neurochirurgie pour tester la supériorité d’une technique mécanique par rapport à l’autre. Une méta-analyse montre une réduction de 57 % de l’incidence des TVP grâce aux moyens mécaniques (4). Il reste néanmoins une incidence de 32 % de TVP sur la phlébographie pour les patients traités seulement par bas de contention comprenant 13 % de TVP proximale et 6 % de phlébite cliniquement symptomatique (8).
Efficacité de l’héparinothérapie L’intérêt d’une prophylaxie de prévention de la thrombose veineuse par les méthodes mécaniques ou une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) en neurochirurgie est démontré (tableau II). Une prophylaxie par une héparine diminue le risque de thrombose d’au moins 50 %. Il n’y a pas de différence significative d’efficacité entre héparine non fractionnée (HNF) et HBPM. L’étude d’Agnelli et al. (8), multicentrique, prospective et randomisée a porté sur 307 patients, porteurs de tumeurs malignes (gliomes, métastases) et bénignes (méningiomes), admis pour craniotomie (n = 261) ou chirurgie du rachis (n = 46). Tous les patients bénéficiaient d’une contention élastique des membres inférieurs, de l’induction anesthésique jusqu’à la sortie de l’hôpital. Les patients étaient tirés au sort pour constituer deux groupes : 154 patients recevaient un placebo, 153 patients recevaient une HBPM (énoxaparine
Prévention et traitement de la thrombose veineuse profonde 425
Tableau II – Études évaluant l’efficacité d’une prophylaxie antithrombotique en neurochirurgie. Référence année
Type d’étude n
Moyens diagnostiques
Incidence des ETE
NP
(5) 1996
Prospective randomisée double aveugle 485
Phlébographie
Placebo + BAT Total 26,3 % proximal 11,5 % HBPM + BAT Total 18,7 % proximal 6,9 %
(8) 1998
Prospective randomisée double aveugle 307
Phlébographie
Placebo + bas Total 32 % proximal 13 % Énoxaparine + bas Total 17 % proximal 5 %
1
(47) 1998 Prospective randomisée 68
Doppler
CPI : 13,6 % Énoxaparine : 4,3 % CPI + enoxaparine : 17,4 %
4
(73) 2002 Prospective randomisée double aveugle 150
Doppler
CPI + HNF : 7 % CPI + enoxaparine : 12 %
2
(74) 2003 Prospective randomisée 100
Doppler
HNF : 4 % Dalteparine : 0 %
2
(75) 2003 Prospective randomisée double aveugle 170
ETE cliniques
Placebo : 4/85 Énoxaparine : 1/85
2
(35) 2000 Méta-analyse 817
Placebo HNF HBPM
1
(46) 2003 Étude de cohorte ETE cliniques 2823 Doppler (n = 100)
BAT + nadroparine ETE cliniques : 0,25 % Doppler : 0 %
3
HNF : héparine non fractionnée ; BAT : bas antithrombose ; CPI : compression pneumatique intermittente, HBPM : héparine de bas poids moléculaire, NP : niveau de preuve.
40 mg), l’injection étant faite une fois par jour, débutée dans les 24 heures postopératoires et maintenue pendant 8 jours. L’incidence des TVP dépistées par phlébographie à 8 jours de traitement était de 32 % dans le groupe placebo et de 17 % dans le groupe énoxaparine (odd ratio 0,52 ; IC 95 % 0,33 – 0,82). L’incidence des TVP proximales dans chaque groupe était de 13 % et 5 %, respectivement. Dans une autre étude prospective randomisée utilisant la nadroparine, la prophylaxie diminuait le risque relatif d’ETE de 28,9 % (5). La méta-analyse d’Iorio (35) portait sur quatre études comparant 410 patients dans le groupe héparine (HBPM ou HNF pendant 7 à 10 jours) à 417 patients recevant une prophylaxie par méthode mécanique. L’incidence globale des TVP était de 22,6 %. L’administration d’héparine réduisait ce risque de 45 % (risque relatif 0,55). En moyenne, le nombre de patients à traiter (NNT) pour prévenir un ETE dans ces études est compris entre 6 et 8.
426 La réanimation neurochirurgicale
Chirurgie du rachis et traumatologie rachidienne Il n’y a pas d’étude permettant de recommander un type de prophylaxie dans la chirurgie du rachis. Dans la chirurgie mineure, le terrain est le principal facteur à prendre en compte. Dans la chirurgie majeure, surtout au niveau lombaire, une prophylaxie est recommandée. Il existe peu de données sur l’efficacité des méthodes physiques. Quelques études prospectives sur de faibles effectifs de patients et quelques études rétrospectives montrent une efficacité des méthodes mécaniques avec une réduction du risque d’ETE d’environ 50 % (29, 36, 37). Ces méthodes mécaniques seules, du fait de leur innocuité, peuvent donc être recommandées en l’absence de facteur de risque lié au patient. En cas de facteur de risque surajouté lié au patient ou à la chirurgie, une prophylaxie par HBPM est nécessaire. Dans la pratique, cette prophylaxie est souvent indiquée car la chirurgie lourde du rachis (ostéosynthèse) est souvent pratiquée dans un contexte traumatique ou néoplasique qui sont en soi des indications d’une prophylaxie antithrombotique. Chez les traumatisés médullaires, le risque très élevé d’ETE justifie à l’évidence une prophylaxie. L’HNF semble plus efficace lorsqu’elle est employée à doses adaptées en fonction du temps de céphaline activé. Dans une étude de 58 traumatisés médullaires, les patients étaient randomisés pour recevoir soit de l’HNF à doses ajustées pour obtenir un allongement du temps de céphaline activé de 1,5 fois le témoin, soit de l’HNF à doses fixes (5 000 UI x 2). La fréquence d’ETE était de 31 % dans le groupe héparine à doses fixes comparé à 7 % dans le groupe avec doses adaptées (38). Les comparaisons entre HNF et HBPM montrent que celles-ci sont au moins aussi efficaces (39-42). Dans une étude non randomisée chez 119 patients en phase de rééducation comparant la prophylaxie par HNF (5 000 UI trois fois par jour) à l’énoxaparine une fois par jour, la fréquences des TVP était de 21,7 % dans le groupe HNF et de 8,5 % dans le groupe HBPM (p = 0,052) (43).
Risques d’une héparinothérapie Le risque des héparines est un sujet particulièrement important pour la neurochirurgie. Même si le risque est faible en pourcentage, la gravité potentielle d’une hémorragie cérébrale explique les réticences à l’utilisation des héparines. Dans une étude de pratique réalisée en 1995, Stephens et al. notaient qu’une contention mécanique simple était utilisée dans 77 % des centres britanniques en chirurgie réglée et qu’il s’agissait de la seule prophylaxie pour deux tiers des patients (44). L’incidence des hémorragies intracrâniennes postopératoires est habituellement comprise entre 1 % et 2 % (tableau III). Une prophylaxie antithrombotique par une héparine débutée en postopératoire ne semble pas augmenter pas ce risque de manière significative. Dans la méta-analyse d’Iorio et al., l’analyse du risque thérapeutique identifie 4,4 % d’événements hémorra-
Prévention et traitement de la thrombose veineuse profonde 427
Tableau III – Incidence des complications hémorragiques. Référence année
Type d’étude n
Timing anticoagulant
Hémorragie
(8) 1998
Prospective randomisée double aveugle 307
HBPM postopératoire
Hémorragies majeures Placebo 4/154 HIC 4/4 Énoxaparine 4/153 HIC 3/4
(47) 1998 Prospective randomisée 68 HBPM préopératoire
HIC : CPI 0/22 HBPM 5/46
(76) 1998 Étude de cohorte 872 (152 chirurgie intracrânienne)
HNF préopératoire
Hémorragies mineures 3 Hémorragies majeures 3 (Hématomes épiduraux 2 ; HIC 1)
(77) 1999 Étude de cohorte 106
HNF préopératoire
4 hémorragies peropératoires significatives
(10) 2001 Prospective randomisée double aveugle 103
HNF ou placebo préopératoire
Pas de différence de saignement per- ou postopératoire
(45) 2001 Rétrospective 1 564
HBPM postopératoire
HIC Chirurgie majeure 31/1197 (2,6 %) Chirurgie mineure 0/367 (0 %)
(74) 2003 Prospective randomisée 100
HNF ou daltéparine préopératoire
Hémorragie peropératoire Pas de différence HIC daltéparine 2 ; HNF 1
(75) 2003 Prospective randomisée double aveugle
Placebo ou énoxaparine HIC symptomatique postopératoire Énoxaparine : 2 ; Placebo : 0 HIC asymptomatique Énoxaparine : 2 ; Placebo : 0 Différence non significative
(46) 2003 Étude de cohorte 2 823
Nadroparine postopératoire
Chirurgie majeure (n = 1319) HIC 42 (3,2 %) Chirurgie mineure (n = 1504) HIC 1 (0,07 %)
(49) 2002 Rétrospective 64 traumatisés crâniens
HNF
Pas d’aggravation des HIC
(48) 2002 Étude de cohorte 150 : hémorragies intracrâniennes traumatiques
Énoxaparine 24 heures après admission
Augmentation du volume de l’hémorragie 23 % : 19 % avant le début de l’énoxaparine ; 6 % après énoxaparine
HIC : hémorragie intracrânienne ; CPI : compression pneumatique intermittente ; HNF : héparine non fractionnée ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire.
giques, avec une tendance vers une incidence plus élevée dans les groupes traités par héparine, et 1,8 % d’événements hémorragiques majeurs (risque relatif 1,7, IC 95 % 0,69-4,27 ; NNH 102) (35). Dans deux études de cohorte comprenant plusieurs milliers de patients, l’incidence des hématomes intracrâniens postopératoires était de 1,5 % et 1,8 % chez des patients recevant une HBPM postopératoire. Pratiquement toutes les complications hémorragiques
428 La réanimation neurochirurgicale
survenaient dans la chirurgie majeure. Aucun décès des patients ayant un hématome intracrânien n’était noté (45, 46). Dans quelques études, une HBPM ou de l’HNF étaient administrées avant l’intervention. Bien que quelques études ne montrent pas d’augmentation du risque hémorragique (10), d’autres ont dû être interrompues précocement en raison d’une augmentation des hémorragies cérébrales symptomatiques postopératoires (47). L’administration préopératoire ne peut donc se concevoir que chez des patients à très haut risque de thrombose après concertation avec l’équipe chirurgicale. Chez les traumatisés crâniens, le risque hémorragique lié à la prophylaxie est difficile à apprécier du fait de la progression fréquente des lésions hémorragiques même en l’absence d’héparine et les études sont contradictoires (48, 49). Il semble logique de différer la mise en place de la prophylaxie antithrombotique tant qu’il existe une augmentation des lésions cérébrales sur la TDM. Mais différer trop longtemps la prophylaxie, chez des patients ayant souvent des fractures osseuses et un syndrome inflammatoire, comporte également un risque. En pratique, une HBPM peut souvent être débutée entre le deuxième et le septième jour post-traumatique. Chez les traumatisés médullaires, il existe un risque théorique d’aggravation de troubles moteurs par augmentation de volume d’un hématome périmédullaire. De plus, les patients sont fréquemment des polytraumatisés avec un risque hémorragique d’autres organes. Lorsque l’HNF est injectée à dose fixe trois fois par jour, la fréquence des hémorragies varie de 5,3 à 12 % (50, 51). Dans la seule étude où l’HNF était employée pour obtenir un TCA à 1,5 fois le témoin, la fréquence des hémorragies était très élevée (24 %) (38). Les HBPM semblent plus sûres que l’HNF (51). Des hémorragies majeures sont rapportées chez 10 % des patients dans une étude rétrospective (40). Dans deux études prospectives randomisées chez 41 patients (51) et chez 107 patients (50) comparant l’HNF et une HBPM, la fréquence des hémorragies dans les groupes HBPM était de 0 %.
Durée de la prophylaxie antithrombotique Pour la chirurgie intracrânienne, la durée de la prophylaxie est en général de 7 à 10 jours. Une prophylaxie plus courte semble peu intéressante, ce qui explique que l’indication soit discutable dans la chirurgie mineure (biopsie cérébrale) permettant une déambulation précoce. À l’inverse, les patients souffrant d’un déficit moteur ou de facteurs de risque propres justifient certainement une prophylaxie de plus longue durée. Chez les traumatisés médullaires, la plupart des ETE surviennent dans les trois mois qui suivent le traumatisme (52, 53). Dans une série de 328 patients avec lésions médullaires, les 27 cas de TVP cliniques et les 10 embolies pulmonaires se produisaient au cours des trois premiers mois. Un suivi prospectif par
Prévention et traitement de la thrombose veineuse profonde 429
phlébographie était alors réalisé dans un sous-groupe de 147 patients. Il permettait la détection de 14 nouvelles TVP, sans signe clinique (54). Dans une étude récente chez 119 patients, la fréquence des TVP détectées par l’échographie était de 15 % entre la deuxième semaine et la fin du deuxième mois après le traumatisme (43). Par la suite, le risque thromboembolique rejoint celui de la population générale (55). À partir de ces données, on peut proposer d’instaurer une prophylaxie pendant trois mois pour les patients sans facteur de risque (obésité, antécédents d’ETE, âge avancé) (56, 57). Cette prophylaxie peut être prolongée pendant trois mois supplémentaires en cas de facteurs de risque (58).
Traitement curatif de la thrombose veineuse chez les patients neurochirurgicaux Le risque hémorragique cérébral lié à un traitement anticoagulant à dose curative chez un patient ayant des lésions cérébrales ou devant bénéficier d’une intervention neurochirurgicale est tel que ceci ne peut s’envisager que pour un risque thrombotique très élevé. Le problème de l’arrêt ou de la poursuite des anticoagulants en cas de complication hémorragique cérébrale est abordé dans un autre chapitre. La question ici est celle de la gestion d’un ETE clinique (TVP ou EP) chez un patient à haut risque hémorragique cérébral. En l’absence de traitement, le risque de récidive de TVP pendant le premier mois qui suit l’événement initial est de l’ordre de 40 % (59). De même, le risque de récidive d’EP est très élevé pendant les quatre à six premières semaines avec une mortalité précoce de l’ordre de 30 % en l’absence de traitement (60). Un traitement préventif est donc indispensable. En cas de TVP des membres inférieurs et lorsque le risque hémorragique cérébral est significatif, les filtres caves ont sûrement une indication privilégiée. Ces dispositifs ont beaucoup progressé ces dernières années entraînant une nette amélioration de leur rapport bénéfice/risque. Il existe actuellement des filtres caves temporaires implantables et des filtres caves permanents avec option de retrait, qui semblent bien adaptés à la situation neurochirurgicale car la contre indication aux anticoagulants est souvent temporaire (61). Une situation particulière est la thrombose veineuse cérébrale dans laquelle il existe un consensus sur l’intérêt d’un traitement anticoagulant à dose curative même en présence d’hémorragies cérébrales (62). La situation est plus compliquée pour le traitement de l’EP. Une anticoagulation précoce et efficace est indispensable mais il s’agit de limiter le risque cérébral. Une notion importante est la potentialisation des troubles de la coagulation sur le risque. Il a été montré que l’association d’un temps de Quick élevé (ou un INR > 1,35) et d’une anticoagulation efficace par de l’HNF provoquait une récidive hémorragique cérébrale chez 3 patients sur 4 (63). On
430 La réanimation neurochirurgicale
peut logiquement penser qu’il est aussi important d’éviter les périodes d’anticoagulation excessive et de maintenir strictement le temps de céphaline activé entre 1,5 et 2 fois le témoin à l’aide d’une surveillance biologique rapprochée. Passée la phase aiguë de l’ETE, les risques hémorragique et thrombotique diminuent progressivement. Il s’agit alors de reconsidérer le rapport bénéfice/risque d’une anticoagulation prolongée en fonction de la pathologie du patient (64). Pour la neurochirurgie urgente, en l’absence d’hémorragie cérébrale, chez un patient sous anticoagulants, il est nécessaire d’arrêter l’anticoagulation au moins pendant la période opératoire et les six heures qui suivent car c’est dans cette période que le risque hémorragique cérébral est le plus élevé (65, 66). Une situation particulière est la gestion des antiagrégants plaquettaires chez les patients ayant un stent coronaire implanté récemment. Il est bien démontré que l’arrêt des antiagrégants avant quatre à six semaines après la pose d’un stent coronaire comporte un risque majeur de thrombose du stent et d’infarctus du myocarde ou de décès (67, 68). Mais les nouveaux stents actifs (enrobés de paclitaxel ou de sirolimus pour limiter le risque de resténose) comportent un risque beaucoup plus élevé et surtout très prolongé. Dans l’étude de Iakovou et al. l’arrêt du clopidogrel était associé à une thrombose du stent chez 29 % des patients (69). C’était le principal facteur de risque avec une augmentation du risque relatif de 89,78. Mais des cas de thrombose du stent dus à l’arrêt des antiagrégants ont été décrits un an après la pose (70). Compte tenu de l’augmentation importante de la mise en place de ces nouveaux stent, ce risque de thrombose va clairement poser des problèmes importants pour la prise en charge neurochirurgicale. Certains patients devront probablement être opérés sous traitement antiagrégant, ce qui nécessitera de la part du chirurgien et de l’anesthésiste une attention particulière pour limiter le risque hémorragique (hémostases soigneuses, contrôle de la pression artérielle, correction des troubles de la coagulation, normothermie impérative, hémodilution limitée…).
Conclusion En l’absence de prophylaxie, le risque de TVP est élevé chez les patients neurochirurgicaux. La fréquence des thromboses sur la phlébographie des membres inférieurs est comprise entre 20 et 35 % avec une fréquence de 2,3 à 6 % de thromboses veineuses symptomatiques. Outre les facteurs de risque classiques, l’existence d’un déficit moteur est spécifique à cette population. Les méthodes mécaniques de prévention (bas de contention ou compression pneumatique intermittente) diminuent d’environ 50 % le risque de TVP. Une prophylaxie par héparine entraîne une diminution supplémentaire de 50 % du risque de TVP. Il n’y a pas de différence significative d’efficacité entre l’héparine non fractionnée à la posologie de 5 000 UI deux fois par jour et les héparines de bas
Prévention et traitement de la thrombose veineuse profonde 431
poids moléculaire. Pour les patients opérés d’une chirurgie intracrânienne, la prophylaxie est débutée après l’intervention et sa durée est en général de 7 à 10 jours. Les données concernant les patients traumatisés crâniens sont rares. Il semble que la prophylaxie par HBPM débutée plus de 24 heures après le traumatisme ne s’accompagne pas d’une augmentation du risque d’hémorragie cérébrale, mais il existe des situations très diverses. Le moment de débuter la prophylaxie doit être confronté à l’évaluation du risque hémorragique cérébral. Au cours des traumatismes rachidiens, le risque de TVP est très élevé, en particulier en cas d’atteinte neurologique entraînant un déficit moteur. Ceci justifie d’associer les méthodes mécaniques et l’héparine. Les HBPM sont plus efficaces que l’HNF à dose fixe pour prévenir le risque d’ETE. Le traitement doit être instauré au moins 24 heures après le traumatisme. La durée de la prophylaxie doit s’étendre jusqu’à la reprise de la déambulation ou être de trois mois en l’absence de facteurs de risque supplémentaire chez les patients ayant un déficit moteur. Pour la chirurgie élective du rachis, la justification d’une prophylaxie dépend principalement des facteurs de risque liés aux patients et de la durée de l’immobilisation. Bien que la règle en neurochirurgie soit l’arrêt des anticoagulants et des antiagrégants, les nouveaux traitements cardiologiques interventionnels justifieront très probablement d’opérer des patients en maintenant les antiagrégants. Ceci nécessite une gestion très rigoureuse de tous les facteurs physiologiques interférant avec la coagulation.
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Spécificités de la réanimation de l’enfant O. Paut et B. Bissonnette
Introduction L’enfant n’est pas un petit adulte. À la naissance, le développement du système nerveux central (SNC) est incomplet et ne sera réellement mature qu’après la fin de la première année de vie. Ce retard de maturation du SNC est à l’origine de nombreuses différences physiopathologiques et psychologiques. L’anesthésie pour les interventions neurochirurgicales pédiatriques représente un challenge intéressant pour l’anesthésiste (1). Alors que l’on a peu d’effet sur la lésion initiale, une technique d’anesthésie ciblée sur la réduction de la zone périlésionnelle associée à la reconnaissance des événements périopératoires peuvent avoir des effets marqués sur la prévention ou la réduction de la morbidité. La pratique neuroanesthésique actuelle est basée sur la compréhension de la physiologie cérébrale et de ses manipulations pour obtenir un bénéfice thérapeutique chez le patient ayant une pathologie intracrânienne. L’anesthésiste en charge d’un enfant atteint d’une pathologie neurologique est confronté au défi supplémentaire représenté par les différences physiologiques entre l’enfant en développement et l’adulte. En plus des problèmes spécifiques liés à l’anesthésie de l’enfant, des considérations spécifiques liées aux effets de l’anesthésie sur le SNC chez les enfants ayant une pathologie neurologique sont à prendre en considération. Ce chapitre se focalisera les concepts de base pour une meilleure compréhension et prise en charge d’une maladie neurologique de l’enfant. De même seront abordés, pour le bénéfice des neuroanesthésistes, certaines informations sur les interventions neurochirurgicales. Dans un chapitre dédié à l’anesthésie de pathologies spécifiques, les aspects chirurgicaux seront abordés pour faciliter la prise en charge de problèmes particuliers rencontrés lors de la neuroanesthésie pédiatrique.
Neurophysiologie Pour comprendre les effets des agents anesthésiques sur le SNC, et l’interaction de ces agents sur le pronostic, il est nécessaire de connaître les principes de base
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de la neurophysiologie. Ce paragraphe est une revue de la physiologie, du métabolisme, du débit sanguin cérébral, du liquide céphalorachidien et du débit sanguin médullaire.
Métabolisme cérébral L’analyse de la structure, de la physiologie et de la fonction du cerveau humain représente l’un des problèmes les plus complexes de toute la biologie. Cette complexité est reflétée par la myriade de connections synaptiques et les systèmes de seconds messagers intracellulaires qui agissent comme médiateurs interneuronaux (2). L’énergie nécessaire pour maintenir et réguler ces systèmes est considérable. À la fin de la huitième année, le cerveau humain ne pèse que 2 % du poids corporel alors qu’il consomme plus de 20 % de la production totale d’ATP. Dans les conditions normales, le principal substrat énergétique du cerveau est le glucose (3). En présence d’oxygène, le d-glucose est la source métabolique essentielle pour la production d’énergie dans le cycle de Krebs. Ce processus biologique génère de l’ATP à partir d’ADP et de phosphates inorganiques et produit du NADH à partir de NAD+. Une absence de glucose peut entraîner un coma et peut éventuellement entraîner la mort cérébrale. Il est surprenant de voir que le cerveau stocke de très faible quantité de glucose et de glycogène alors que les muscles (x 10) et le foie (x 100 par unité de poids) peuvent en stocker beaucoup plus. La capacité de stockage du glycogène par le cerveau permet trois minutes de consommation d’ATP. Ainsi, le cerveau est entièrement dépendant de l’apport sanguin pour la fourniture des 120 g de glucose quotidiens qui sont nécessaires à son fonctionnement. Les nouveau-nés de mammifères ont des stocks de glycogène cérébral plus importants, ce qui explique qu’ils soient résistants à de plus longues périodes de déprivation en glucose. La consommation d’oxygène cérébrale globale de l’enfant (6 ans d’âge moyen) est bien supérieure à celle de l’adulte (5,8 versus 3,5 mL O2/min/100 g de tissu cérébral), de même que la consommation de glucose (6,8 versus 5,5 mg glucose/min/100 g) (3). En l’absence d’oxygène, le glycogène sera métabolisé par la voie de la glycolyse anaérobie qui transforme le pyruvate en lactate permettant de régénérer le NAD+. Cette production énergétique s’accompagne malheureusement de la génération d’ions hydrogène, qui abaisse le pH intracellulaire, pouvant être à l’origine d’altérations de la conductivité, voire d’apoptose. Quand l’apport d’O2 au neurone est réduit au minimum, certains mécanismes compensateurs de la baisse de la production d’ATP vont entrer en jeu avant le rétablissement d’une circulation cérébrale et des apports de substrats énergétiques. Ils comprennent : 1) l’utilisation des réserves de phosphate phosphocréatinine (un phosphate hautement énergétique qui peut donner passivement son énergie pour maintenir l’ATP ; 2) la production d’ATP à un niveau faible par la glycolyse anaérobie et 3) l’arrêt rapide de l’activité électrophysiologique spontanée qui permet de réduire la demande énergétique de 60 % (4).
Spécificités de la réanimation de l’enfant 437
Débit sanguin cérébral et volume sanguin cérébral Le débit sanguin cérébral (DSC) est une variable qui est volontiers modifiée par l’anesthésiste et si l’on considère que le DSC est fonction du volume sanguin cérébral, la modification du débit sanguin cérébral peut permettre une diminution de la baisse de la pression intracrânienne. Alors qu’une pathologie intracrânienne peut altérer voire inverser paradoxalement cette relation, elle est, la plupart du temps, l’outil le plus utile pour le clinicien pour contrôler la pression intracrânienne (PIC). Le DSC global de l’enfant entre 3 et 12 ans est plus élevé que chez l’adulte, vers 100 mL/100 g/min de tissu cérébral (5, 6). (fig. 1) Les nourrissons et les petits enfants entre 6 et 40 mois ont un DSC d’environ 90 mL/100 g/min (7). Les prématurés et les nouveau-nés ont un DSC qui se situe entre 40 et 42 mL/100 g/min (8, 9). Le DSC dans la matière grise est plus élevé que dans la matière blanche et les aires d’activité cérébrale
Fig. 1 – Relation entre le débit sanguin cérébral (DSC) et la pression de perfusion cérébrale (PPC) en fonction de l'âge. Chez l'adulte le DSC est maintenu constant à environ 50 mL/min/100 g (intervalle 4070 mL/min/100 g) alors qu'il est plus élevé chez l'enfant à 100 mL/min/100 g (intervalle 75-110) et plus bas chez le nouveau-né (25 mL/min/100 g).
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prédominante se modifient au fur et à mesure qu’elles se développent (10). Les aires du cerveau qui présentent un niveau élevé d’activité métabolique reçoivent les plus hauts niveaux de débit sanguin. Dans cette relation demande-apports, quand la consommation d’O2 cérébrale (CMRO2) augmente ou diminue, une vasodilatation ou une vasoconstriction cérébrale vont se produire pour répondre à la demande métabolique. Ce phénomène est connu sous le terme d’autorégulation et il existe des preuves expérimentales qui mettent en exergue les modifications locales de la concentration en adénosine en réponse aux modifications de concentrations de lactates pour expliquer cette vasoréactivité. Lorsque la CMRO2 augmente, lors d’une fièvre ou lors de crises d’épilepsie par exemple, le DSC augmente, de même qu’il existe une augmentation concomitante du volume sanguin cérébral et de la PIC. À l’opposé, l’hypothermie et certains agents anesthésiques qui diminuent la CMRO2 entraînent une réduction du DSC. Au cours de l’hypothermie, la CMRO2 et le DSC diminuent d’environ 7 % par degré centigrade en dessous de 37 °C (11). La CMRO2 mesurée chez l’enfant de 3 à 12 ans, de 5,2 mL O2/100 g/min est significativement plus élevée que celle de l’adulte (5, 6). La CMRO2 chez le nouveau-né et le nourrisson anesthésié est de 2,3 mL O2/100 g/min (6). La discussion a essentiellement porté sur les variations de DSC en fonction de la demande, mais il existe des relations importantes au niveau de l’offre. Le DSC s’autorégule pour maintenir un apport constant d’O2 dans de larges variations de pression de perfusion. Les adultes maintiennent un DSC constant dans un registre de pressions artérielles moyennes (PAM) comprises entre 60 et 150 mmHg (12). Les seuils d’autorégulation chez le nourrisson et l’enfant ne sont pas bien connus et les modèles animaux de nouveau-nés suggèrent des limites d’autorégulation entre 40 mmHg et 90 mmHg (13, 14). Bien qu’il ne soit pas possible de mesurer les effets de l’hypotension ou de l’hypertension artérielle sur le débit sanguin cérébral, il semble raisonnable d’accepter l’idée que les nouveau-nés avec une PAM inférieure à 60 mmHg ont une autorégulation à des niveaux plus faibles de pression artérielle. L’hypotension artérielle induite chez le nourrisson semble bien tolérée (15). Des données suggèrent que les nouveau-nés en détresse sévère ont une autorégulation altérée (16). Au-dessous et au-dessus des limites d’autorégulation, le DSC varie passivement avec la pression artérielle. La pression artérielle, prise isolément, est une mesure insuffisante de perfusion cérébrale. La pression de perfusion cérébrale (PPC) est la différence entre la PAM et la pression veineuse centrale (PVC) ou, quand la PIC est supérieure à la PVC, la différence entre la PAM et la PIC. Une fois de plus, sur le versant fourniture, l’anémie, l’hémodilution, ou des médicaments qui altèrent les propriétés rhéologiques du sang peuvent augmenter l’apport d’O2 en diminuant la viscosité sanguine. La concentration d’adénosine baisse, une veinoconstriction apparaît et le volume sanguin cérébral diminue devant une baisse constante du DSC ; ce concept est appelé l’autorégulation de la viscosité sanguine. L’autorégulation est altérée ou abolie en cas d’hypoxie (16, 17), d’utilisation de vasodilatateurs (18, 19) et lors
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de l’utilisation de concentrations élevées d’anesthésiques volatils (20). Toutefois, de même que chez l’adulte, l’hyperventilation restaure l’autorégulation chez le nouveau-né (21). Une pathologie intracrânienne, telle qu’un traumatisme (fig. 2), l’inflammation péritumorale, des abcès ou une ischémie focale, peut être à l’origine d’une altération de l’autorégulation (22). L’autorégulation est facilement altérée ou perdue chez le nouveau-né ce qui peut conduire au développement d’une hémorragie intraventriculaire, des lésions du SNC ou au décès (23). La réactivité cérébrovasculaire à l’hypocapnie est l’outil le plus utile pour l’anesthésiste pour réduire le débit sanguin cérébral. Chez l’adulte, le DSC varie linéairement pour des PaCO2 entre 20 et 80 mmHg. Une baisse de 1 mmHg de la PaCO2 s’accompagne d’une réduction de 4 % du DSC. Quand la PaCO2 diminue, le pH du LCR augmente et les modifications périartériolaires du pH se traduisent par une vasoconstriction. Une hyperventilation
Fig. 2 – Régulation vasculaire dans la région primaire cérébrale et en fonction des zones périlésionnelles (pénombre et normale). (Bracco D, Bissonnette B (2001) Neurosurgery, Neurotraumatology. Anesthetic considerations and postoperative management. In: Bissonnette B, Dalens B (eds), Pediatric Anesthesia : Principles and Practice. McGraw-Hill Co. New York, 2001, pp 1120-54). PPC : Pression de perfusion cérébrale DSC : Débit sanguin cérébral
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chronique s’accompagnera d’un mouvement lent de sortie du bicarbonate du LCR, avec une normalisation du pH du LCR et du DSC en 24 heures (11). Une augmentation brutale de la PaCO2 après une hyperventilation chronique peut se compliquer d’une vasodilatation cérébrale et d’une augmentation de la PIC (24). Des études ont suggéré que le cerveau immature était relativement insensible à de petites variations de la PaCO2 (25), mais un travail récent sur le cerveau de fœtus murin a montré que le DSC se modifiait avec les variations de PaCO2 (26). Une étude récente chez le nourrisson et l’enfant anesthésié, utilisant le Doppler transcrânien, a montré que les vélocités cérébrales variaient directement selon la PetCO2, selon une relation logarithmique (27). Cela suggère que les effets vasodilatateurs du CO2 sur les vaisseaux cérébraux pourraient être atteints à des niveaux de PaCO2 plus bas que chez l’adulte. La réponse vasculaire à l’hypoxie n’est pas bien étudiée chez l’enfant. Les adultes ne montrent pas de modification du DSC pour des PaO2 au-dessus de 50 mmHg, niveau en dessous duquel le DSC commence à augmenter de façon exponentielle.
Liquide céphalorachidien (LCR) Le LCR est produit en grande partie (50-80 %) par les plexus choroïdes qui bordent le système ventriculaire. Les sites de production extrachoroïdiens ne sont pas identifiés, mais des études suggèrent que la surface épendymaire ainsi que le parenchyme cérébral lui-même sont des sites possibles de production (28-30). Normalement, la production et la résorption de LCR sont en équilibre, avec une production moyenne chez l’enfant de 0,35 mL/min (31). La composition de LCR est différente de celle du plasma car elle est le produit d’une sécrétion active par l’intermédiaire d’une pompe ATPase Na +/K + dépendante. Le LCR du système ventriculaire sort du quatrième ventricule par les foramen de Magendie et Luschka vers les espaces sous-arachnoïdiens entourant le cerveau et la moelle épinière. Le lieu principal de résorption du LCR est situé dans les villosités arachnoïdiennes qui se projettent dans les veines et les sinus du cerveau. Le mécanisme exact de résorption est inconnu et des mécanismes passifs et actifs ont été proposés. Le plexus choroïde lui-même est proposé comme site de résorption du LCR (32). Dans les conditions normales, la PIC est beaucoup plus dépendante du DSC et du volume sanguin cérébral que de la production de LCR. Dans une étude, la diminution d’un tiers de la production de LCR faisait baisser la PIC de 1,1 mmHg seulement (33). Il n’est toutefois pas surprenant que certains médicaments comme l’acétazolamide qui réduisent la production de LCR aient un effet minimum sur la PIC et ne deviennent vraiment utiles que chez les patients qui présentent une courbe de compliance intracrânienne déviée vers la droite. Chez ces patients, les anesthésiques qui augmentent la production de LCR ou diminuent la résorption de LCR doivent être évités.
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Pression intracrânienne (PIC) L’augmentation non contrôlée de la PIC représente l’une des modifications physiopathologiques les plus délétères auxquelles un anesthésiste peut être confronté et les efforts pour contrôler la PIC sont fondamentaux. En général, le crâne peut être représenté comme une boîte close occupée par le cerveau (70 %), le liquide extracellulaire (10 %), le volume sanguin (10 %), et le LCR (10 %). L’augmentation de l’un ou l’autre de ces composants doit être compensée par la réduction des autres afin de maintenir un volume constant. Le cerveau étant relativement incompressible, ce sont les variations du volume du LCR qui vont permettre de lutter contre les augmentations des autres composants. Quand l’augmentation de volume intracrânien ne peut plus être compensée, une augmentation de la PIC se produit. Une relation pression/volume idéale peut être décrite et représente la courbe de compliance intracrânienne. La PIC a été mesurée chez le nouveau-né et le nourrisson (34, 35). La PIC normale d’un adulte se situe entre 8 et 18 mmHg alors que la PIC normale du jeune enfant se situe entre 2 et 4 mmHg. Les nouveau-nés normaux ont une PIC positive le premier jour de vie, mais présentent par la suite des niveaux de PIC infra-atmosphériques (34). Le nouveau-né perd habituellement du poids en relation avec des pertes hydrosodées au cours des premiers jours de vie et le cerveau participe à cette perte de poids en réduisant son volume intracérébral, qui est reflété par une croissance plus lente de son périmètre crânien dans cette période (34). La présence d’une PIC négative peut faciliter les hémorragies intracrâniennes, spécialement chez le prématuré de moins de 2 500 g. Alors que le crâne est imaginé comme un espace rigide, l’enfant avec des fontanelles ou des sutures ouvertes peut être capable de compenser une augmentation lente de son volume intracrânien par une augmentation de volume de boîte crânienne. Les sutures constituées de tissu conjonctif fibreux sont relativement difficiles à distendre et ne peuvent en aucun cas permettre la compensation d’une augmentation aiguë du volume intracrânien. Chez l’enfant plus âgé, la boîte crânienne est rigide et non extensible, et la pression y dépend des volumes de cerveau, de LCR, de liquide interstitiel et de sang. Un patient peut avoir une PIC normale tout en étant exposé à une augmentation dangereuse de la PIC en cas d’augmentation minime de son volume intracrânien s’il se trouve à un point de non-compliance de la courbe volume/pression. Ceci est bien évidemment une relation idéale, mais certaines données suggèrent que la courbe de compliance est du type logarithmique, du fait de l’action compensatoire de la compliance vasculaire cérébrale et de l’augmentation de la résorption du LCR (35-37). Une revue de la relation PIC-volume intracrânien (compliance intracrânienne) montre que, lors de variations initiales de volume d’un compartiment, une compensation est possible, permettant une variation limitée de la pression (38). L’index pression-volume (PVI) est une mesure de la compliance telle que PVI = ∆V/log10 (Pp/Po), où ∆V représente le volume du bolus liquidien, Pp représente le maximum de la PIC après l’injection d’un
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bolus et Po la PIC de base. Chez l’adulte normal un volume d’environ 25 mL est nécessaire pour augmenter la pression intracrânienne par un facteur 10 alors que, chez le nourrisson, le PVI normal est de 10 mL, car le PVI est proportionnel au volume du SNC (39). Par conséquent, la PIC chez le nourrisson et l’enfant augmente beaucoup plus rapidement qu’elle ne le fait chez un adulte, ce qui explique qu’un enfant puisse passer du stade neurologiquement stable à moribond en 30 minutes. L’intervention de l’anesthésiste au niveau de la prise en charge repose sur la possibilité de dévier la courbe de compliance intracrânienne sur la droite, de modifier la pente de la courbe du patient ou de déplacer le patient sur la gauche de sa propre courbe.
Débit sanguin médullaire L’utilisation du Doppler en médecine a permis de résoudre certains problèmes que les cliniciens et les chercheurs ont pu rencontrer avec la mesure du débit sanguin médullaire. Jusqu’à récemment, les principales connaissances sur la circulation médullaire ont été obtenues à partir d’expérimentations animales. Dans les limites des possibilités techniques de la mesure des vélocités par effet Doppler, il est intéressant de noter que le débit déduit de ces mesures est bien corrélé avec celui mesuré chez le chat (40). Les données animales suggèrent néanmoins que le débit sanguin médullaire est contrôlé par les mêmes facteurs et varie selon les mêmes principes physiologiques que le cerveau (41, 42). Toutefois, le débit sanguin médullaire est plus bas car le métabolisme médullaire absolu est plus faible dans la moelle que dans le cerveau. Le débit sanguin dans la matière grise médullaire est d’environ 50 % celui du cortex cérébral et le débit sanguin dans la matière blanche est encore plus bas puisqu’elle représente environ un tiers du débit de la substance grise médullaire (43). Le métabolisme dans la moelle épinière étant plus faible, le rapport entre les apports et la demande énergétique est probablement similaire à celui du cerveau.
Régulation du débit sanguin médullaire Le concept de pression de perfusion médullaire (PPM = PAM – pression extrinsèque à la moelle) est utile en clinique car il décrit bien les facteurs qui affectent la perfusion médullaire (44). La pression exercée par une compression mécanique externe telle une tumeur, un hématome, une congestion veineuse, ou une augmentation de la pression du LCR peuvent être des déterminants importants de la PPM. Puisque le débit sanguin médullaire est maintenu constant par une vasodilatation ou une vasoconstriction de ses vaisseaux qui s’adaptent aux modifications de la pression artérielle (42, 42), il est suggéré que
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la pression artérielle n’est pas un facteur déterminant de la perfusion médullaire. Les limites de l’autorégulation médullaire ne sont pas connues avec précision, et les mêmes limites que l’autorégulation cérébrale sont souvent rapportées dans la littérature (PAM entre 60 et 150 mmHg). Toutefois une limite inférieure de PAM à 45 mmHg (45) et une limite supérieure de 180 mmHg (46) ont été proposées. Plusieurs conditions peuvent altérer l’autorégulation médullaire : une PAM en dehors de ces limites (47), une hypoxie sévère (48), une hypercapnie (48) et un traumatisme qui abolit la vasoréactivité (46). L’anesthésie péridurale peut influencer la pression du LCR médullaire. L’administration de 10 mL d’une solution dans l’espace péridural augmente la pression (49) mais cet effet est transitoire et a certainement peu de répercussion sur la pression de perfusion spinale. De la même façon que la circulation cérébrale, les vaisseaux médullaires sont très réactifs aux variations de l’oxygénation et du gaz carbonique. Comme dans le cerveau, les vaisseaux médullaires ne répondent pas à une baisse de PaO2 jusqu’à 60 mmHg, niveau à partir duquel le débit sanguin médullaire augmente fortement (48). De nombreux investigateurs ont suggéré que le débit sanguin médullaire varie linéairement pour des PaCO2 comprises entre 20 et 80 mmHg, avec une variation du débit sanguin de 0,5 à 1,0 mL/100 g/min par mmHg de CO2 (43) à comparer avec les modifications de la circulation cérébrale de 1 à 2 mL/100 g/min par mmHg de CO2 (50). Cette différence reflête probablement les différences des débits sanguins absolus plutôt qu’une différence de sensibilité au CO2 de ces deux vascularisations.
Thérapeutique liquidienne et contrôle de la pression intracrânienne Il est essentiel pour le neuroanesthésiste de bien comprendre les principes physiologiques de base de la thérapeutique hydroélectrolytique chez le nouveau-né, le nourrisson et l’enfant, et d’administrer les solutés adaptés au cours de la neurochirurgie (51). La prise en charge liquidienne du patient neurochirurgical va dépendre du type de pathologie cérébrale qui est à traiter. Une conséquence fréquente de l’atteinte cérébrale est la formation d’un œdème cérébral à l’origine d’une augmentation secondaire de la PIC. La thérapeutique liquidienne vise à maintenir une volémie normale tout en maintenant normales l’osmolarité et la pression oncotique plasmatiques. L’œdème résulte d’une altération des gradients de pression de part et d’autre de la membrane capillaire ou d’une modification de la perméabilité. La barrière hémoméningée (BHM) se compose de cellules capillaires endothéliales qui sont étroitement liées par des jonctions serrées. On peut définir le cerveau comme un osmomètre (contrôlant l’osmolalité) plus qu’un oncomètre (comme dans la circulation périphérique). Certaines mesures visant à diminuer l’eau
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cérébrale peuvent être contradictoires avec la nécessité de maintenir une volémie normale et une stabilité hémodynamique. Il n’existe pas un protocole unique de thérapeutique liquidienne chez le patient ayant une hypertension intracrânienne. La plupart des anesthésistes débutent les diurétiques osmotiques au début de l’anesthésie et mesurent la diurèse induite. Au cours de la chirurgie, la compensation des pertes se fait par un mélange cristalloïdescolloïdes pour maintenir une volémie normale, sans modification de l’osmolarité et de la pression oncotique. Après l’administration de 20 mL/kg de cristalloïdes, les auteurs recommandent l’utilisation d’un mélange salé isotonique-albumine 4 ou 5 % en respectant un ratio de 3:1. Le maintien d’une pression de perfusion cérébrale adéquate doit être le but de la thérapeutique liquidienne. Le cerveau ayant subi une agression récente (lésion primaire) est vulnérable à une atteinte secondaire (zone de « pénombre ») qui peut être le fait d’épisodes mineurs d’hypotension, hypoxie ou ischémie. Ces conditions peuvent être liées à une agression mécanique (52) comme une rétraction (53) où simplement une ischémie (instabilité hémodynamique) (54). Il a été démontré que l’administration rapide de salé isotonique (10 mL/kg) a peu d’effet sur le volume sanguin cérébral et la PIC mais peut être suffisante pour restaurer une stabilité hémodynamique (55). L’administration de produits sanguins devrait être indiquée uniquement sur la base d’une instabilité hémodynamique associée avec une baisse du transport de l’oxygène. Finalement, les enfants, et en particulier le nouveau-né et le nourrisson, soulèvent le problème supplémentaire de l’homéostasie glucidique. La prescription de solutions glucosées peuvent être associées avec un pronostic neurologique plus péjoratif et doivent être évitées, sauf en cas d’hypoglycémie confirmée (56, 57). Les nouveau-nés ont des réserves glycogéniques faibles et les patients qui reçoivent une nutrition parentérale sont exposés à des épisodes d’hypoglycémie. Chez ces patients, les glycémies doivent être fréquemment monitorées (51).
Traumatisme crânien Le traumatisme crânien est une cause majeure de mortalité et de morbidité en pédiatrie (58). Les fractures du crâne (tableau I) sont présentes chez plus du Tableau I – Classification des fractures du crâne de l’enfant. I) Linéaire II) Embarrure III) ouverte (linéaire ou embarrure)* IV) Fracture de la base du crâne**
* Une fracture du crâne ouverte nécessite généralement une anesthésie pour nettoyage, et parage de la plaie. ** Intubation nasale contre-indiquée.
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quart des enfants qui sont hospitalisés pour un traumatisme crânien (59) et dans plus de la moitié des cas de traumatisme crânien fatal chez l’enfant (60) L’incidence des hématomes intracrâniens varie largement chez l’enfant, mais seule une minorité des enfants qui présentent un traumatisme crânien nécessitent une décompression chirurgicale (61). Malgré cette faible incidence, l’absence de diagnostic d’un hématome peut transformer un traumatisme modéré en un traumatisme potentiellement fatal ou associé à une lourde morbidité. Le traumatisme crânien inclut différentes formes d’atteinte cérébrale et crânienne, et sur le plan physiopathologique, il peut être divisé en hématomes intracrâniens (extradural, sous-dural, intracérébral et contusion cérébrale), œdème cérébral, et en effets systémiques du traumatisme crânien. Il existe une différence significative entre les adultes et les enfants dans le schéma lésionnel. Les adultes présentent plus d’hématomes alors que les enfants présentent plus d’œdèmes cérébraux diffus que les adultes (62)
Hématome extradural (HED) L’HED est le plus souvent secondaire à une lésion de l’artère méningée moyenne lors d’une décélération, les enfants ne présentent pas toujours une fracture du crâne associée. Les HED représentent plus de 25 % de tous les hématomes intracrâniens et sont une vraie urgence chirurgicale. Chez l’adulte, la présentation clinique est souvent celle d’une perte de connaissance initiale, suivie d’un intervalle libre qui précède la détérioration neurologique. Chez l’enfant, la perte de connaissance initiale est souvent absente. Quand l’enfant est lucide et capable de verbaliser une plainte, des céphalées progressivement aggravées, ainsi que des vomissements sont au premier plan de la symptomatologie avant que n’apparaissent une confusion ou une somnolence. L’apparition rapide d’une hémiparésie, une dilatation pupillaire et des mouvements de posture sont des signes tardifs liés à l’engagement transtentoriel du lobe temporal. Un des signes les plus précoces est l’anisocorie qui résulte de la perte de l’innervation de la pupille. Cet engagement cérébral peut éventuellement entraîner une détérioration rostro-caudale qui est classiquement associée avec la triade de Cushing (bradycardie, troubles du rythme respiratoire et hypertension artérielle). La relation entre le degré de déviation du cerveau et le niveau de conscience a été confirmée, mais le rôle de la hernie uncale dans le syndrome a été posé (63).
Hématome sous-dural Cet hématome est associé avec des lésions corticales liées à une contusion parenchymateuse et une lacération vasculaire. L’effet de masse du cerveau contus et œdématié peut justifier une évacuation rapide de l’hématome. Des études récentes utilisant la tomographie par émission de positons ont montré
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que les patients avec une contusion cérébrale avaient un métabolisme cérébral et un DSC diminué de 50 % par rapport à la normale (64). Un œdème sévère et une HTIC sont associés fréquemment avec des séquelles neurologiques dans la période postopératoire.
Hématome intracérébral Ce type d’hématome intracrânien est rare chez l’enfant, mais est associé avec un mauvais pronostic. Un hématome intraparenchymateux est rarement chirurgical, en raison de la crainte de léser des tissus viables.
Traumatismes médullaires cervicaux Les traumatismes médullaires cervicaux isolés sont rares en pédiatrie par rapport aux adultes, tous les enfants ayant un traumatisme crânien sévère doivent être considérés comme ayant un traumatisme médullaire cervical jusqu’à preuve du contraire. Leur prise en charge relève de la même stratégie que celle employée chez les adultes. Le mécanisme de l’atteinte médullaire haute est un impact haute vélocité sur le crâne (fig. 3). La présentation clinique classique est un arrêt respiratoire associé avec un arrêt cardiaque ou une hypotension profonde entraînant le décès par encéphalopathie anoxo-ischémique avec ou sans lésion traumatique cérébrale (65). Dans une étude, tous les enfants avec arrêt cardiaque présentaient sur la radiographie du rachis cervical de profil une luxation cervicale haute (65). Le risque, devant un arrêt cardiaque est de l’attribuer faussement à des pertes sanguines intra-abdominales, pelviennes ou thoraciques et de méconnaître l’atteinte médullaire. La prise en charge anesthésique actuelle des enfants ayant une fracture médullaire instable nécessite une intubation trachéale réalisée avec les plus grandes précautions pour éviter un déplacement secondaire. Une sédation ou
Fig. 3 – Tomodensitométrie démontrant une compression médullaire provoquée par une fracture du corps de C6 avec déplacement postérieur.
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une neuroleptanesthésie par exemple, en s’assurant de la coopération de l’enfant au cours du positionnement, ainsi que le monitorage des potentiels évoqués continus peuvent être utiles. Le monitorage continu des potentiels évoqués, avant le positionnement, permet d’obtenir un enregistrement de base. Une fois que l’enfant est en décubitus dorsal, quand on a l’assurance qu’il peut bouger les extrémités et quand les potentiels évoqués sont constants, il peut être endormi en toute sécurité. La stabilisation du rachis cervical peut être effectuée sûrement en utilisant des greffons osseux, des fils ou des plaques en titanium. Les potentiels évoqués peropératoires devraient être utilisés jusqu’au réveil de l’enfant et la vérification des réponses à la commande.
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Organisation de la prise en charge des patients neurochirurgicaux en réanimation Comment concilier spécialisation et polyvalence? R. Chioléro, P. Schoettker et P. Eckert
Réanimation neurologique : les nécessités du patient et l’organisation des structures de soins Les patients souffrant d’une défaillance cérébrale aiguë nécessitent habituellement une prise en charge en réanimation. Les accidents vasculaires cérébraux, l’hypertension intracrânienne aiguë, les traumatismes crâniens ou médullaires, les convulsions prolongées, l’encéphalopathie postanoxique et les infections du système nerveux central imposent, lorsqu’ils sont graves, la réanimation. En plus de la défaillance cérébrale, ces patients souffrent des répercussions physiologiques et systémiques de l’agression et parfois de défaillances d’autres organes. Il s’ensuit que la prise en charge en réanimation concerne deux champs : celui général d’un patient de réanimation souffrant de défaillances d’organes qui nécessitent un monitorage et des traitements de soutien conventionnels, et celui de la réanimation cérébrale spécifique. À cette organisation interne permettant de réunir des compétences polyvalentes et spécifiques, se superpose une organisation régionale voire inter-régionale pour mettre en place un réseau de soins qui débute par la prise en charge initiale et finit à la sortie du centre de rééducation. En effet, il est clair qu’une neuroréanimation ne peut pas être présente partout car elle nécessite, outre les anesthésistes-réanimateurs, la présence permanente de neurochirurgiens, de neurologues et de neuroradiologues. La question de quand et de pourquoi transférer un patient dans cette unité spécifique est donc cruciale dans un schéma régional d’organisation sanitaire (1).
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Le patient neurologique en réanimation et ses besoins spécifiques Sont admis en réanimation les patients souffrant de défaillance cérébrale aiguë isolée ou associée à des défaillances d’autres organes et systèmes qui requièrent un traitement intensif ou une surveillance intensive. Les critères d’admission sont influencés par la présence ou non d’unités de soins intermédiaires dans l’hôpital. En phase aiguë, les patients neurologiques requièrent souvent une ventilation mécanique et une sédation-analgésie continue. Ils nécessitent un monitorage de routine qui inclut la mesure invasive des pressions artérielle et veineuse centrale, parfois pulmonaires, la diurèse horaire, l’oxymétrie pulsée transcutanée et la température. Cette surveillance permet de maintenir l’homéostasie des différents systèmes et du milieu intérieur, dans le but de favoriser la récupération cérébrale et d’éviter toute agression cérébrale d’origine systémique.
Surveillance neurologique La surveillance neurologique s’effectue par l’examen clinique répété et par l’utilisation de monitorage neurologique. La surveillance neurologique clinique repose sur l’appréciation du score de Glasgow qui inclut l’évaluation de la conscience et des performances neurologiques simples par l’infirmière, ainsi que sur la détermination du statut neurologique par le médecin. L’évaluation neurologique clinique est obscurcie par la sédation-analgésie. Elle joue néanmoins un rôle majeur dans l’interprétation globale du tableau et la prise des décisions. Elle fait théoriquement partie du bagage habituel des infirmiers et médecins réanimateurs. Son utilisation pratique nécessite toutefois une formation spécifique. Les données de la littérature montrent que les réanimateurs d’unités polyvalentes sans formation spécifique sont peu à même d’effectuer un examen neurologique systématique et de l’interpréter ; celui-ci nécessite habituellement l’intervention du neurologue ou du neurochirurgien. De même, les infirmiers ne sont habituellement pas capables d’évaluer correctement le score de Glasgow ou d’autres échelles de performances neurologiques, alors que les infirmiers formés en neuroréanimation le sont (2). Une importante méconnaissance des conditions d’évaluation du score de Glasgow a été démontrée, ce qui pose le problème de la qualité de l’évaluation neurologique en dehors d’une structure spécialisée (3). Le monitoring neurologique spécifique inclut la mesure de la pression intracrânienne, de l’oxygénation dans le bulbe jugulaire ou le tissu cérébral et plus rarement du métabolisme cérébral à l’aide de la microdialyse (voir le chapitre dévolu à ce sujet). Ce monitorage spécialisé multimodal nécessite une formation spécifique pour le soignant et le réanimateur et la collaboration du
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neurochirurgien/neurologue. La sédation et l’analgésie du patient avec défaillance cérébrale obéissent à des objectifs précis. En pratique, il s’agit de maintenir l’homéostasie systémique et cérébrale, tout en évitant les effets délétères des soins sur l’hémodynamique cérébrale, en particulier l’aspiration trachéale. L’emploi d’agents de courte durée, tels le propofol et le remifentanil, permet un réveil rapide et des évaluations neurologiques répétées. Ils sont à préférer aux agents de plus longue durée tels les benzodiazépines et les opiacés de longue durée d’effets (4). Un protocole pour la sédation et l’analgésie des patients neurologiques doit être établi. Le réglage cardiovasculaire obéit à des impératifs physiopathologiques spécifiques lors de défaillance cérébrale, qui diffèrent des autres patients de réanimation. Cela concerne le réglage de la pression artérielle et de la volémie. Pour exemple, le réglage de la pression artérielle varie selon la phase de la maladie et le contexte clinique : phase préopératoire versus postopératoire, patient avec ou sans vasospasme, patient normo- ou hypertendu, etc.
Approche pluridisciplinaire La neuroréanimation justifie une approche pluridisciplinaire. Par exemple, le traitement de l’hypertension intracrânienne nécessite une étroite collaboration du réanimateur, du neurochirurgien, du neurologue et du neuroradiologue. Si la prise en charge de l’hypertension intracrânienne est simple dans ses principes, le traitement de sa forme rebelle est complexe. Il s’agit alors d’effectuer un réglage efficace de la pression artérielle (à l’intérieur du concept de Rossner si l’autorégulation est intacte ou de Lund si l’autorégulation est abolie), de la température corporelle, d’utiliser efficacement les agents osmotiques (mannitol et sérum salé hypertonique), au besoin les barbituriques, de poser à temps l’indication d’une dérivation du liquide cérébrospinal ou d’une craniectomie décompressive. De même l’état de mal épileptique réfractaire nécessite la collaboration étroite du réanimateur et du neurologue. Un monitorage continu de l’EEG est indispensable mais n’a un intérêt que pour des équipes médicale et paramédicale formées à son utilisation.
Décisions médicales L’organisation des projets thérapeutiques et la prise des décisions sont souvent difficiles en neuroréanimation. Idéalement, il s’agit d’offrir au patient des traitements susceptibles d’aboutir à une récupération la plus complète possible des fonctions cérébrales. En pratique, cet idéal est bien souvent non réalisable. Il faut alors détecter durant la phase de réanimation les patients susceptibles d’évoluer vers une récupération satisfaisante des fonctions cérébrales et mettre
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en route un traitement palliatif lorsque la probabilité est élevée d’aboutir à un état végétatif persistant. L’évaluation des performances neurologiques et du potentiel de récupération est difficile. Il est nécessaire d’obtenir la participation du neurologue et du neurochirurgien et d’utiliser de manière ciblée des examens neuroradiologiques et électrophysiologiques spécialisés. De nombreuses études soulignent la difficulté de cette démarche qui bénéficie des progrès les plus récents de l’imagerie fonctionnelle et de l’électrophysiologie (5). Il n’est pas envisageable de développer un service de neuroréanimation ou d’organiser la prise en charge de tels patients dans une unité de réanimation polyvalente sans disposer de données sur le devenir à long terme des patients, pour mesurer l’effet de la prise en charge et évaluer la qualité des décisions médicales. Ceci implique un suivi à six ou douze mois. Ainsi, la coopération avec un spécialiste en neuroréadaptation pour l’évaluation précoce de ces patients est indispensable. Elle permet non seulement de mieux apprécier le risque de séquelles ultérieures et donc d’améliorer la qualité de l’information pour les familles mais aussi de débuter précocement les traitements visant à limiter les séquelles (rétractions tendineuses, para-ostéo-arthropathies, escarres).
Logistique En plus de réanimateurs et infirmiers spécifiquement formés à la prise en charge des défaillances cérébrales aiguës, l’unité de réanimation qui accueille de tels patients doit disposer de spécialistes et de moyens techniques. Il faut pouvoir effectuer des examens neurologiques 24/24 h (scanner, résonance magnétique, etc.) et disposer de neuromonitoring (pression intracrânienne, SJO2, Doppler transcrânien, EEG, etc.). Un appareil de mesure des gaz sanguins dans l’unité est souhaitable, vu l’importance du réglage de la PCO2 lors d’hypertension intracrânienne. La présence d’un neurochirurgien 24/24 h est indispensable pour assurer une prise en charge optimale des patients neurochirurgicaux. Il en est de même du neurologue pour la prise en charge des défaillances cérébrales d’origine médicale. L’essor de la neuroradiologie interventionnelle nécessite la présence d’un spécialiste formé à cette technique pour la prise en charge des urgences neurovasculaires. De plus, un avis neuroradiologique est indispensable pour l’interprétation de l’imagerie (IRM principalement).
Volume de patients traités et devenir des patients Les spécificités de prise en charge et de traitement des patients neurologiques ou neurochirurgicaux en réanimation permettent de penser qu’un volume
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minimum de patients est nécessaire pour acquérir et maintenir les compétences. Ceci a été démontré pour les traumatisés crâniens. Pour les polytraumatisés dans le coma, le risque relatif de décès était divisé par deux dans les centres recevant plus de 650 patients traumatisés par an. Ce chiffre paraît important mais ceci correspondait à seulement 46 patients comateux en moyenne, objectif raisonnable pour un centre neurochirurgical (6). Pour les hémorragies méningées également, le risque de décès était environ 40 % plus élevé dans les centres recevant un faible volume de patients (7, 8). La mortalité étant un facteur assez grossier d’évaluation, on peut penser que la différence de morbidité neurologique est encore plus importante. La nécessité de centres de référence pour les pathologies neurologiques aiguës est donc bien établie.
Patient neurochirurgical en réanimation : besoins non spécifiques Les défaillances d’organes extracérébraux sont susceptibles de poser des problèmes difficiles aux médecins et infirmières de neuroréanimation si elles nécessitent pour leur prise en charge des moyens complexes. Une étude prospective nord-américaine a évalué les défaillances d’organes non cérébrales chez 209 patients souffrant de trauma cérébral sévère, à l’aide d’un score de défaillance multiorganique : 89 % des patients souffraient d’une défaillance d’un ou plusieurs organes (9). L’insuffisance respiratoire constituait la défaillance la plus fréquente dans cette cohorte de patients. L’analyse multivariée montrait que les défaillances d’organes prédisaient la mortalité de manière indépendante. Quarante pour cent des patients admis pour hémorragie méningée font au moins une complication médicale grave (non neurologique) pendant leur séjour hospitalier. Ces complications médicales sont responsables de 23 % des décès (10). Parmi les complications médicales, celles associées à un risque vital sont le SDRA dont la prise en charge peut être difficile et nécessiter des techniques complexes telles l’oxygénation extracorporelle, l’embolie pulmonaire grave, les problèmes hématologiques complexes, les atteintes cardiaques. Les défaillance multi-systémiques nécessitent, en plus des traitements médicaux usuels, des techniques avancées, telles l’épuration extrarénale, dont le réanimateur polyvalent, mais non le neuroréanimateur, est familier. L’importance de l’évaluation et du soutien nutritionnel, souvent difficiles en phase aiguë, en particulier la mise en route de la nutrition entérale et le maintien des bilans énergétiques, a été démontrée. Ces quelques exemples illustrent l’importance des soins intensifs polyvalents dans la prise en charge des patients souffrant de défaillance cérébrale et la nécessité de situer la réanimation neurologique spécialisée au sein de la réanimation « généraliste ».
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Organisation de l’unité de réanimation – Bénéfice d’une réanimation spécialisée La prise en charge des patients neurologiques implique une double contrainte : répondre aux besoins spécifiques élevés de ces patients dans le domaine de la neuroréanimation, et dans le domaine de la réanimation générale. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire que les médecins et infirmiers qui assurent la prise en charge de tels patients additionnent les deux types de savoir et de savoir-faire. L’organisation de l’unité de réanimation devra donc répondre à cette double contrainte. L’unité de réanimation est un système fort complexe qui nécessite une organisation adaptée (11). La présence et la dotation en réanimateurs spécialisés sont associées à la durée de séjour, aux coûts et à la mortalité hospitalière (1214). Plusieurs études démontrent l’importance de travailler en unité fermée, définie par la présence d’une équipe médicale et infirmière permanente, responsable de la prise en charge des patients (15). La qualification des équipes médicales joue un rôle significatif (16). L’organisation d’une visite médicale quotidienne par un réanimateur spécialisé améliore le devenir des patients opérés de l’aorte abdominale (13), alors que d’autres études ont montré que la présence de spécialistes réanimateurs dans l’unité améliore la survie en réanimations et à l’hôpital, réduit la durée de séjour et les coûts (14). Il est vraisemblable que cela s’applique à l’ensemble des patients de réanimation. Une étude australienne a démontré chez des polytraumatisés l’importance d’une évaluation approfondie à la recherche de lésions ou de défaillances cliniquement significatives par des réanimateurs spécialisés (17). Quelques études ont montré l’importance de disposer de réanimateurs formés en neuroréanimation pour la prise en charge des patients souffrant de défaillance cérébrale. Une étude rétrospective a comparé les performances de deux unités de neuroréanimation et de 42 unités de réanimation générale pour la prise en charge de 1 038 patients souffrant d’hémorragie cérébrale (18). L’analyse multivariée, ajustée pour les caractéristiques démographiques des patients, la sévérité de l’hémorragie et les caractéristiques institutionnelles montre que la prise en charge en unité générale est associée à une augmentation de la mortalité. Cette dernière était réduite dans les unités disposant d’un réanimateur à plein temps. Il faut souligner que l’organisation des unités de neuroréanimation était plus avancée ; elles disposaient de réanimateurs à 100 %, ce qui n’était pas le cas des unités générales. L’interprétation des résultats est donc obscurcie par ces différences d’organisation et de moyens, puisque la professionnalisation et la sous-spécialisation jouaient toutes deux un rôle significatif. Une autre étude a évalué les performances d’une unité de neuroréanimation nord américaine avant et après l’implantation d’une équipe spécialisée de neuroréanimation (réanimateurs et infirmières spécialisées) (19). Les résultats
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montrent que la présence de l’équipe spécialisée était un facteur indépendant associé à une baisse de la mortalité en réanimation et à l’hôpital, à une réduction de la durée de séjour en réanimation et à l’hôpital et des coûts. Il faut signaler que la mortalité à 12 mois n’était pas influencée. Ces données soulignent à l’évidence l’importance de l’organisation médicale et infirmière, de la formation spécifique des soignants responsables du traitement des patients neurologiques et de l’utilité d’encadrer les réanimateurs polyvalents par un médecin formé en neuroréanimation.
Unité de réanimation polyvalente ou neuroréanimation spécialisée ? La prise en charge des patients neurologiques aigus nécessite des prestations spécialisées, nous l’avons vu. Cette exigence peut être concrétisée dans deux modèles : l’unité spécialisée de neuroréanimation et l’unité de réanimation polyvalente avec une organisation spécifique. Pour être justifiée, l’unité spécialisée de neuroréanimation doit avoir une dimension et une activité suffisantes (notion de masse critique). Ceci permet d’assurer la présence vingt-quatre heures sur vingt-quatre de réanimateurs spécialisés, formés à toutes les techniques conventionnelles de réanimation, facteur essentiel dans la performance de toute unité de réanimation. En pratique, cela correspond au minimum à l’exploitation de 8-12 lits pour assurer la permanence des compétences et une utilisation appropriée des ressources. Une collaboration avec l’unité de réanimation polyvalente est nécessaire pour assurer la qualité des prestations des patients souffrant de défaillance grave des organes extracérébraux. Ce modèle d’organisation assure une performance maximale pour autant qu’il garantisse une permanence de la compétence, mais il a un coût élevé à l’heure de la réduction des temps de travail. La prise en charge spécialisée des patients neurologiques en réanimation polyvalente nécessite une organisation particulière. Une partie des réanimateurs polyvalents doit avoir une formation spécifique dans le domaine de la neuroréanimation. Ceci assure des traitements spécifiques appropriés de la défaillance cérébrale et la bonne utilisation du neuromonitoring. Cela permet également d’offrir à toute l’équipe médicale une formation de base en neuroréanimation. Une partie de l’équipe infirmière doit également recevoir une formation spécifique. Ce modèle offre l’avantage de la simplicité ; son coût est inférieur au précédent. Le problème de l’unité de réanimation polvalente est la difficulté à assurer 24 h sur 24 la permanence d’une compétence spécifique en neuroréanimation. Il paraît donc clair, et ceci n’est pas spécifique à la réanimation neurologique, que le temps du réanimateur polyvalent compétent dans tous les domaines est révolu. Il semble également évident que l’hyperspécialisation d’organe est dangereuse si elle ne s’accompagne pas d’une compétence
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mise à jour dans les multiples domaines de la réanimation. Il n’existe pas un schéma unique d’organisation mais on peut penser que la répartition, au sein de grosses unités de réanimation, de secteurs spécialisés est l’un des schémas possibles. Ceci permet d’associer simultanément des compétences diverses (cardiaques, neurologiques, infectieuses…) et des échanges permettant à l’ensemble de l’équipe de progresser. Quel que soit le modèle choisi, il est indispensable d’analyser les résultats et les performances de l’unité de réanimation à court et à long terme, pour assurer la qualité des prestations de neuroréanimation.
Organisation des transferts vers l’unité de neuroréanimation La stratégie du cheminement des patients, en particulier pour les patients traumatisés, est toujours un sujet débattu (1). Faut-il transporter directement les patients dans un état grave dans le centre neurochirurgical de référence ou d’abord vers l’hôpital de proximité, puis après stabilisation des fonctions vitales vers le centre de référence ? Stevenson et al. ont modélisé ce problème pour la neurotraumatologie en définissant plusieurs stratégies de transfert en fonction de l’éloignement des centres dans une région d’Angleterre (20). La région comportait un hôpital de référence et cinq hôpitaux généraux. La distance la plus courte vers le centre de référence était de 15 km et la plus longue de 36 km. Pour toutes les stratégies étudiées, il existait un gain prévisible de mortalité pour les traumatisés crâniens graves lorsque ceux-ci étaient transférés directement vers le centre neurochirurgical. Dans une autre étude rétrospective comparant 2 756 patients directement transférés ou 1 608 patients secondairement transférés dans le centre de référence, la stratégie de transfert secondaire était associée à une surmortalité (21). La situation en France est peut-être différente de celle des pays anglo-saxons du fait de la médicalisation des transports (SAMU) car elle peut permettre de limiter le risque lié aux transferts secondaires. La télémédecine est probablement l’une des solutions pour améliorer les indications du transfert et limiter l’engorgement des centres neurochirurgicaux lié à des transferts inutiles. Le rapport de l’ANAES sur la téléimagerie rapportait que celle-ci était particulièrement adaptée à la gestion des urgences, notamment neurochirurgicales (22, 23). Des études montrent que la télétransmission d’images pourrait modifier la prise en charge de 40 % des patients adressés dans un centre de traumatologie (24). Ceci ne doit pas occulter les difficultés liées à cette technique. Celle-ci doit faire l’objet d’une démarche formalisée permettant à tout moment d’avoir une traçabilité totale des images transmises, des intervenants, des avis émis et des décisions finales. Ceci est important à la fois pour la qualité de la communication médicale et pour l’as-
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pect médicolégal. En outre le système doit assurer la confidentialité de l’information, conformément au respect du secret médical.
Conclusion La prise en charge des patients souffrant de défaillance cérébrale aiguë nécessite des moyens techniques et humains considérables, en particulier la présence de personnel médical et infirmier spécifiquement formé. Deux types d’organisation sont susceptibles de répondre à cet impératif : l’unité de neuroréanimation spécialisée est coûteuse mais offre une performance maximale pour autant que la permanence médicale soit garantie et permette d’offrir toutes les prestations de réanimation conventionnelle ; l’unité de réanimation polyvalente doit adapter son organisation pour offrir un standard suffisant. Elle doit assurer une formation spécifique en neuro-réanimation aux médecins et infirmiers. La maîtrise des coûts, objectif universel des politiques de santé, oblige probablement les unités de réanimation à des regroupements. En France, ces regroupements sont très fortement contraints par les textes réglementaires : décret sur la réanimation, décret en cours sur la neurochirurgie. La circulaire DHOS n° 2004 – 280 du 18 juin 2004 sur la prise en charge des traumatisés crâniens et médullaires fixe les caractéristiques structurelles des centres d’accueil. Ceux-ci doivent recevoir au moins 40 traumatisés crâniens graves par an, doivent pouvoir faire appel à un neurochirurgien et un radiologue vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et être intégrés dans une filière de soins comprenant la rééducation. Ceci ne signifie pas que les hôpitaux de proximité n’aient pas un rôle important à jouer, bien au contraire. Mais la prise en charge initiale doit s’intégrer dans un parcours dans lequel doivent être organisés la télétransmission d’images, les transferts primaires et secondaires, la prise en charge en réanimation spécialisée et le transfert en rééducation.
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Réanimation et mort encéphalique P.M. Mertes, D. Longrois, G. Audibert et C. Charpentier
Introduction Les progrès récents des traitements immunosuppresseurs font de la transplantation d’organes une thérapeutique essentielle de la défaillance terminale de nombreux organes. Son développement se heurte toutefois au manque de greffons disponibles en raison du manque de donneurs. Ce problème est lié d’une part au faible nombre de greffes réalisées à partir de donneurs vivants en France comparativement à d’autres pays, d’autre part au nombre limité des donneurs cadavériques à cœur battant (sujets en mort encéphalique : ME), source essentielle des greffons en France. Ce déficit est aussi lié aux contre-indications encore trop fréquentes au prélèvement, qu’il s’agisse d’opposition du donneur potentiel ou de sa famille, mais aussi de contre-indications médicales réelles ou supposées (1). Cette pénurie d’organes explique la tendance à l’inclusion de donneurs marginaux dans les programmes de prélèvements, nécessitant une réanimation intensive basée sur une connaissance précise de la physiopathologie de la mort encéphalique. Depuis la description historique de Pierre Mollaret et de Maurice Goulon en 1959 (2), la ME a fait l'objet d’un encadrement législatif complété par les lois bioéthiques de 2004 qui confèrent à l’activité de prélèvement une priorité nationale de santé publique et d’activité médicale. Mais la complexité de l’organisation de l’activité de transplantation mobilise de très nombreux intervenants, ayant des fonctions différentes et complémentaires. La décision finale de réalisation de la greffe relève du transplanteur et sera souvent prise au cas par cas, après discussion entre tous les partenaires du prélèvement et de la greffe.
Épidémiologie Le donneur potentiel est habituellement défini par la présence d'une ME chez un patient d’âge inférieur à 70 ans, sans contre-indication médicale au don d’organes (3-5). En France, en l’absence de recensement systématique, le
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nombre de donneurs potentiels serait compris entre 3 300 et 3 819, soit une estimation nationale de 62 donneurs par million d’habitants (pmh), légèrement supérieure à celle observée sans critères d'exclusion dans la région de Madrid (57 pmh) (6-8). Les étiologies les plus fréquentes sont essentiellement les traumatismes crâniens et les accidents vasculaires cérébraux, plus rarement les anoxies cérébrales, les intoxications, les tumeurs cérébrales ou les méningites. Cependant, la diminution régulière des décès par accident vasculaire cérébral chez les moins de 65 ans, et les progrès de la sécurité routière expliquent l’évolution actuelle vers le prélèvement de donneurs limites, avec une élévation de l’âge moyen des donneurs prélevés de 37,5 ans en 1996 à 45,1 ans en 2003. Le taux d’opposition parmi les donneurs recensés demeure stable audessus de 30 %. En 2003, 1 119 donneurs ont été prélevés (18,5 pmh). Ce taux de prélèvement apparaît sensiblement inférieur au taux observé en Espagne (33,8 pmh), pays qui a développé une politique active de prélèvement, avec un recensement très actif des donneurs, notamment parmi les personnes décédées de plus de 60 ans, et un faible taux de refus. Face à cette offre limitée de greffons, on observe une augmentation régulière du nombre de personnes en attente de greffe, notamment de rein, en France. Fin 2002, 5 229 malades en insuffisance rénale terminale étaient toujours en attente et 2 571 inscrits en 2003 (1). Pour greffer ces 7 800 malades, en supposant que l’efficacité du prélèvement soit de 100 %, il aurait fallut prélever 3 900 donneurs soit un taux de 65 pmh.
Physiopathologie Les principales modifications physiologiques associées à la mort encéphalique sont résumées dans le tableau I.
Mort encéphalique Deux conceptions de la mort encéphalique (ME) ont été proposées : le concept de mort de tout l’encéphale, incluant les hémisphères et le tronc cérébral (whole brain death ou ME) et celui de la mort du tronc cérébral (brainstem death) (9). Ce dernier implique que seule la mise en évidence de l’absence d’activité du tronc cérébral est nécessaire au diagnostic. C’est le cas au Royaume-Uni, où seule l’abolition de la réactivité des paires crâniennes, l’absence de conscience et l’apnée, confrontées à l’étiologie, sont nécessaires au diagnostic. À l’inverse, dans le concept de mort globale, le recours à un examen de confirmation du diagnostic clinique est presque toujours légalement obligatoire. C’est le cas en France. La vitesse de progression vers la mort cérébrale influe sur l’importance des conséquences physiopathologiques de celle-ci. Initialement, lors d’une agres-
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Tableau I – Modifications physiologiques associées à la mort encéphalique. Neurologiques Élévation de la pression intracrânienne, engagement cérébral Cardiopulmonaires Hypertension puis hypotension Tachycardie Bradycardie Arrhythmies (ESV, fibrillation ventriculaire, asystolie) Dysfonction myocardique Ischémie myocardique Hypertension artérielle pulmonaire Œdème pulmonaire Arrêt cardiaque Endocriniennes/Métaboliques Diminution du métabolisme aérobie Élévation du métabolisme anaérobie Diminution des hormones hypophysaires Diabète insipide Troubles hydroélecrolytiques Hypernatrémie Hypokaliémie Hypomagnésémie Hypocalcémie Hypophosphorémie Hyperglycémie Hématologiques Coagulopathies : – CIVD – dilution Divers Hyperthermie puis hypothermie
sion cérébrale aiguë, une activation parasympathique intense est observée lorsque le réflexe de Cushing ne parvient plus à maintenir une perfusion cérébrale suffisante et que le seuil ischémique cérébral a été dépassé. Une hypotension et une bradycardie progressive s’installent, associées à une dépression respiratoire d’origine centrale lorsque l’ischémie atteint les centres responsables du contrôle de la ventilation. L’ischémie poursuit son développement de manière caudale vers le tronc cérébral, détruisant le noyau du vague et abolissant toute activité parasympathique. Pendant une période de quelques minutes à quelques heures, une activité sympathique intense se développe, caractérisée par une hypertension artérielle brutale associée à une tachycardie et à une augmentation du débit cardiaque. En clinique, cette période est appelée « orage végétatif » ou « orage sympathique ». Au cours de cette phase, les organes sont exposés à une stimulation sympathique très intense dépendant à la fois de la richesse de leur innervation sympathique et de l’élévation des catécholamines circulantes. La conséquence de cette activation sympathique est une augmentation importante des résistances vasculaires qui sont multipliées par un facteur variant de 2 à 9 (10). Elle est suivie par une période
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d’instabilité hémodynamique majorée par l’hypovolémie, l’altération de la régulation périphérique du tonus vasculaire, et l’altération de la contractilité myocardique. Le développement de l’orage végétatif est inconstant en clinique. Les facteurs associés à l’apparition de cet orage ne sont pas élucidés. La vitesse de constitution de l’hypertension intracrânienne semble en être l’un des facteurs favorisants (11). La destruction du système nerveux central intracrânien entraîne la libération des centres médullaires sous-jacents avec automatisme médullaire, donc la persistance possible des réflexes ostéotendineux, d’un signe de Babinski, de réflexes spinaux lors d’une stimulation nociceptive (signe de Lazare) ou encore de pics hypertensifs brutaux (12).
Instabilité hémodynamique et mort encéphalique La fréquence de l’instabilité hémodynamique s’accroît avec le temps chez les patients (13, 14) et serait responsable d’une réduction de la perfusion de certains organes susceptibles de les rendre impropres à la transplantation chez près de 25 % des donneurs (15). Cependant, plusieurs études font état de la possibilité d’améliorer l’état hémodynamique des donneurs potentiels et de permettre d’accroître le nombre d’organes transplantables. Ainsi, dans une étude portant sur 52 donneurs et utilisant des critères hémodynamiques classiques tels que l’existence d’une pression artérielle moyenne (PAM) supérieure à 60 mmHg, une pression veineuse centrale (PVC) inférieure à 12 mmHg et une pression pulmonaire d’occlusion (PAPO) inférieure à 12 mmHg, Wheeldon et al. observent une défaillance hémodynamique à l’admission chez 35 % des patients, mais font état de la récupération d’un état hémodynamique compatible avec la réalisation d’un prélèvement cardiaque dans 92 % des cas chez des donneurs bénéficiant d’une supplémentation hormonale et d’une prise en charge hémodynamique standardisée guidée par un monitorage par sonde de Swan Ganz (16). Plus récemment, deux études rétrospectives portant sur 4 543 et 10 292 donneurs font état d’une augmentation du nombre et de la qualité fonctionnelle à court terme des greffons cardiaques d’une part (17), et du nombre d’organes transplantés d’autre part (18) lors de l’utilisation d’une supplémentation hormonale (corticoïdes, insuline, hormones thyroïdiennes).
Cœur et mort encéphalique La mort encéphalique peut être responsable de lésions ischémiques focales, d’altérations du métabolisme mitochondrial, d’une modification de l’expression des gènes cardiomyocytaires, et d’altération des fonctions systolique et diastolique affectant les deux ventricules. Elle peut entraîner une tachycardie
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sinusale, des extrasystoles ventriculaires multifocales, des troubles de repolarisation de nature ischémique voire une fibrillation ventriculaire. Ces modifications électrophysiologiques peuvent être associées à une altération des propriétés contractiles cardiomyocytaires comme en atteste la similitude des altérations de la relation force-fréquence observées lorsque l’on compare des myocytes provenant de cœur défaillant au cours de la mort encéphalique à des cardiomyocytes prélevés au cours d’insuffisance cardiaque terminale (19). Si l’existence d’anomalies histologiques associant plage de nécrose et perte de striation des myofibrilles est bien établie dans les modèles expérimentaux, la relation entre modifications fonctionnelles et morphologiques est plus difficile à établir en clinique (20). Différents mécanismes, éventuellement associés, ont été évoqués pour expliquer l’existence de cette dysfonction myocardique : perturbation hormonale, notamment baisse de la thyroxine et de la tri-iodo thyronine (T3), retentissement myocardique de l’orage végétatif, perturbation du métabolisme phosphocalcique.
Perturbations hormonales Le passage en mort encéphalique est accompagné d’une baisse marquée de T3. Chez le singe, Novitzky et al. ont observé une correction de la dysfonction myocardique après administration de T3 (21). Ces mêmes auteurs ont également rapporté l’existence d’une amélioration de la fonction cardiaque chez l’homme après traitement substitutif hormonal par administration de T3 (22). Ces résultats ont été très controversés, d’autres équipes ne retrouvant pas l’effet bénéfique escompté (23). Pour de nombreux auteurs, cette baisse des hormones thyroïdiennes circulantes semble s’intégrer dans le cadre d’un syndrome de basse T3, non spécifique à l’état de mort encéphalique, et retrouvé dans de nombreuses pathologies de réanimation (insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, choc septique…). Compte tenu de ces discordances, les recommandations françaises n’ont pas préconisé l’administration d’hormones thyroïdiennes (24). En revanche, aux États-Unis comme en Angleterre, l’administration d’une supplémentation hormonale incluant de la T3 est proposée au cours de l’état de mort encéphalique, en particulier lorsqu’un prélèvement cardiaque est envisagé (25).
Retentissement myocardique de l’orage végétatif Au moment de la survenue de l’orage végétatif accompagnant la mort encéphalique, l’activation majeure du système sympathique entraîne une élévation des résistances artérielles systémiques, une tachycardie et une élévation du débit cardiaque favorisant l’apparition d’une hypertension artérielle brutale, le plus souvent transitoire. Plusieurs études expérimentales ont permis de mettre en évidence l’existence d’une libération de noradrénaline (26) et de neuropeptides
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Y (27) à partir des terminaisons nerveuses sympathiques intramyocardiques responsables à la fois d’une toxicité directe, d’une altération de la réserve coronaire (28) et d’un déséquilibre du rapport entre apport et demande d’oxygène au niveau myocardique (29) pouvant expliquer pour partie l’altération de la fonction myocardique observée au cours de la mort encéphalique. Enfin, des données expérimentales ont permis de mettre en évidence l'existence d'une altération des voies de transduction bêta-adrénergique (30) et d’une altération de la fonction contractile ventriculaire gauche secondaire à l’orage sympathique, pouvant être évitée par l’administration de bêta-bloquants (31).
Anomalies du métabolisme phosphocalcique Au cours de la mort encéphalique, une baisse du calcium ionisé est observée chez un tiers des patients. La répercussion hémodynamique de cette hypocalcémie est vraisemblablement modeste mais cette baisse de la calcémie, lorsqu’elle existe, doit cependant être corrigée. L’hypophosphorémie est plus fréquente. Dans une étude portant sur 90 patients en mort cérébrale, une hypophosphorémie sévère (inférieure à 0,4 mmoles/L) était observée dans 42 % des cas (32). Cependant, par rapport aux groupes de patients présentant une phosphorémie normale, il n’existait pas de différence de la fraction d’éjection ventriculaire gauche en échocardiographie transœsophagienne. Une supplémentation en phosphore par une dose de charge chez les patients présentant une hypophosphorémie ne modifiait pas la fonction ventriculaire gauche. Toutefois la correction d’une hypophosphorémie paraît souhaitable (24).
Rein et mort encéphalique Les conséquences physiologiques de la mort cérébrale sur la fonction rénale semblent résulter essentiellement de l’instabilité hémodynamique précédemment décrite. Une dégénérescence des cellules tubulaires s’étendant aux cellules distales et des réactions de fibrose interstitielle ont été rapportées dans la littérature. Deux études ont également évoqué la possibilité de constitution de lésions tubulaires secondaires à l’utilisation d’hydroxy-éthyl-amidons (HEA) d’ancienne génération lors du remplissage vasculaire des donneurs (33, 34). Toutefois, une dernière étude, rétrospective, ayant comparé des patients ayant reçu des HEA de poids moléculaire (PM) et de degré de substitution (DS) différents à des patients ayant reçu une gélatine ou de l’albumine a montré une élévation de la créatininémie avec les HEA, sans entraîner pour autant d’insuffisance rénale aiguë (35). Les résultats favorables d’études randomisées récentes, utilisant des HEA de nouvelle génération, réalisées en dehors du contexte de mort encéphalique, pourraient conduire à réhabiliter leur emploi,
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sous réserve de l’utilisation d’HEA de bas PM et de faible DS et dans la limite de 30 mL/kg/j (36).
Foie et mort encéphalique Le fonctionnement hépatique est habituellement considéré comme peu altéré par la mort encéphalique. Bien qu’aucune modification histologique significative n’ait été observée chez le chien après huit heures de mort cérébrale, des réactions de congestion veineuse ont été observées chez l’Homme, en particulier après traitement prolongé par vasopressine et épinéphrine (37). Une cholestase intrahépatique progressive a pu être observée après cinq jours de mort cérébrale. Celle-ci pourrait être d’origine médicamenteuse, ou secondaire à la dénervation vagale conduisant à une cholestase vésiculaire et à une altération du flux biliaire.
Poumon et mort encéphalique Toute agression cérébrale aiguë, et a fortiori à un état de ME, peut se compliquer d’un œdème pulmonaire neurogénique caractérisé par la survenue brutale, quelques minutes ou quelques heures après la lésion cérébrale, d’un œdème pulmonaire, accompagnée ou non d’une défaillance cardiaque gauche (38). Son mécanisme est lié à une augmentation des résistances systémiques et pulmonaire notamment veineuse lors de l’orage sympathique responsable d’une élévation transitoire mais importante de la pression capillaire pulmonaire hydrostatique. Une dysfonction cardiaque aiguë, également liée à la décharge catécholaminergique et à l’augmentation des résistances vasculaires systémiques, peut y être associée. La libération de médiateurs pro-inflammatoires d’origine périphérique et pulmonaire (39) pourrait également contribuer à la survenue d’une défaillance précoce du greffon chez les receveurs et à une mortalité précoce plus importante (40). À ces atteintes directement liées à la ME s’associent des lésions non spécifiques habituellement observées chez des malades comateux. Il peut s’agir d’éventuels traumatismes thoraciques, d’inhalation fréquente lors du coma initial (41), ou de la survenue d’une pneumopathie (42-44).
Altérations endocriniennes et métaboliques et mort encéphalique Outre les perturbations hormonales thyroïdiennes précédemment décrites, les perturbations hormonales intéressent l’ensemble des hormones de l’axe hypothalamo-hypophysaire.
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Le diabète insipide par déficience en production d’hormone antidiurétique est fréquent. Il peut être à l’origine d’une hypovolémie majorant les troubles hémodynamiques et de désordres métaboliques sévères. Les critères diagnostiques sont : une diurèse supérieure à 2 mL/kg/h ; une densité urinaire respectivement inférieure à 1 008 ou à 1 005 selon qu’il existe ou non une glycosurie. Il doit être différencié d’une polyurie osmotique secondaire à une hyperglycémie, à l’administration de mannitol ou de produits de contraste iodés. La fonction endocrine pancréatique a également été étudiée. Une augmentation d’un facteur 10 des taux circulants d’insuline et d’un facteur 2 des taux de peptide C a été décrite, alors que les taux circulants de glucagon et de polypeptide pancréatique demeurent stables (45). Toutefois la fonction endocrine pancréatique est considérée comme relativement préservée au cours de la mort encéphalique (46). Quelle que soit la cause de la ME, plusieurs perturbations métaboliques sont habituelles. Elles peuvent être à la fois liées à l’agression initiale subies par le donneur d’organe potentiel, aux mesures thérapeutiques prises face à celleci, ou encore aux conséquences même de la ME. Les perturbations hydroélectrolytiques telles que : hypernatrémie, hypokaliéme, hypomagnésémie, hypocalcémie et hypophosphatémie sont fréquentes et doivent être corrigées. L’hypothermie est particulièrement fréquente. Elle résulte de la disparition de la régulation centrale de la température rendant le patient poïkilotherme, mais peut être majorée par des pertes de chaleur selon des mécanismes classiques de radiation et de convection. Cette hypothermie peut contribuer à diminuer la fonction de concentration urinaire du rein, diminuer le transfert tissulaire d’oxygène en déplaçant vers la gauche la courbe de dissociation de l’hémoglobine, et majorer l’instabilité hémodynamique. Des anomalies de la coagulation sont également fréquemment observées au cours de la mort encéphalique, en particulier chez le patient hypothermique. Une coagulation intravasculaire disséminée secondaire à une activation de la coagulation et à une consommation de facteurs peut résulter d’une libération massive de thromboplastine tissulaire accompagnant des lésions neurologiques sévères. Une coagulopathie de dilution peut également être la conséquence de pertes sanguines massives et de l’administration de solutés de remplissage.
Inflammation, activation génique et mort encéphalique L’analyse des modifications de l’activité de certains gènes, de la production de différentes cytokines, ainsi que l’induction de phénomènes d’apoptose s’imposent désormais comme des sujets de recherche majeurs dans le domaine de l’évaluation du donneur d’organes et de sa prise en charge. L’importance du rôle joué par la ME dans la genèse d’un véritable processus inflammatoire capable d’influencer les résultats immédiats et à long terme de la transplanta-
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tion s’est imposée après la mise en évidence de la supériorité des résultats obtenus en transplantation rénale lors de l’utilisation de greffons de donneurs vivants (47). Un très grand nombre de cytokines (IL-1, IL-1ß, IL-6, IL-8, IL-10, IL-12, TNF-α) et de protéines connues pour leur rôle dans l’adhésion et l’activation des cellules inflammatoires (E-selectin, ICAM-1, VCAM-1, néoptérine, ß2microglobuline, IL-2 receptor-fragment) voient leur taux s’accroître au décours d’un traumatisme cérébral. Différentes cellules inflammatoires (macrophages, cellules NK, lymphocytes Th) peuvent également infiltrer différents tissus au décours de la mort encéphalique (48). Ainsi, au niveau rénal, différents travaux expérimentaux et cliniques ont permis d’établir des corrélations entre l’activation inflammatoire non spécifique secondaire à la mort encéphalique et les réactions de rejet aigu et chronique (49). De plus, chez le rat, l’administration de corticostéroïdes et de ligand soluble de la P-selectine, immédiatement après la ME chez les animaux donneurs, a permis d’améliorer les résultats de la transplantation rénale chez les animaux receveurs (50). De la même manière, au niveau myocardique, la mort encéphalique a pour conséquence une modification de l’expression de gènes codant pour de nombreuses protéines, modification qui semble favorisée par les catécholamines (51) Cette expression semble plus importante sur les myocardes considérés comme impropres à la transplantation par rapport aux myocardes greffés. Une autre conséquence importante de cet état inflammatoire semble être l’expression accrue d’antigènes des complexes majeurs d’histocompatibilité qui pourraient augmenter l’immunogénicité du greffon et favoriser un rejet à moyen ou à long terme (52). Ceci pourrait conduire à de nouvelles approches thérapeutiques, en particulier immunomodulatrice, dans la prise en charge des donneurs en mort encéphalique (53, 54).
Diagnostic de la mort encéphalique La circulaire du 4 décembre 1996 précise les conditions dans lesquelles le constat de la mort d’une personne doit être réalisé, dès lors qu’un prélèvement d’organes, de tissus ou de cellules du corps humain ou la collecte de produits du corps humain à des fins thérapeutiques ou scientifiques sont envisagés.
Diagnostic clinique L'examen clinique neurologique est essentiel pour le diagnostic de la ME et doit être réalisé avec rigueur. Le diagnostic clinique de ME ne peut être porté sans avoir éliminé des troubles sévères, métaboliques (hypoglycémie, hyponatrémie et hypercalcémie), acido-basiques et endocriniens (hypothyroïdie, insuffisance surrénalienne), et une hypothermie (température corporelle infé-
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rieure ou égale à 35 °C), en l’absence d’intoxication médicamenteuse, d’empoisonnement ou de curarisation. En cas d’administration de curares, il est impératif de s’assurer de l’absence de curarisation résiduelle à l’aide d’un neurostimulateur. L'examen neurologique permet d’observer un coma profond, flasque, aréactif. L’absence de réactivité est recherchée par des stimulations douloureuses standardisées (pression sur le lit unguéal, compression du nerf supra-orbitaire à son émergence, de l’articulation temporo-mandibulaire, manœuvre de Pierre-Marie et Foix). La disparition des réflexes du tronc cérébral (réflexes photomoteur, cornéen, oculovestibulaire et oculocardiaque) est un élément fondamental du diagnostic clinique de ME. Des automatismes médullaires peuvent être observés, parfois en réponse à un stimulus (55-58). Lorsque le diagnostic de ME a été confirmé par un examen paraclinique réglementaire, ces manifestations ne doivent pas interférer avec la décision de prélèvement d'organes. Lorsque l’examen neurologique retrouve les signes cliniques de la ME, l’abolition de la respiration spontanée doit être vérifiée par une épreuve d’hypercapnie. Pour éviter toute hypoxie pendant l’épreuve, le sujet est préalablement ventilé avec une FiO2 de 1 pendant 15 minutes. Il est ensuite déconnecté du ventilateur, et de l'oxygène est administré (6 à 10 L/min), soit par une sonde à oxygène introduite dans la sonde trachéale, soit sur pièce en T (59). Le monitorage de la SpO2 est impératif. Le test doit être interrompu ou récusé en cas d’hypoxémie préalable ou survenant au cours de sa réalisation. Il est classiquement recommandé de régler préalablement le respirateur afin de ramener la PaCO2 à une valeur proche de 40 mmHg et d'obtenir une valeur supérieure à 60 mmHg à la fin du test. La durée de cette épreuve est en général de 10 à 15 minutes. En fait, elle dépend de la PaCO2 de départ et de sa vitesse d'ascension qui est plus lente en état de ME (1,7 mmHg/min) (60).
Examens complémentaires EEG et autres explorations électrophysiologiques EEG Chez l’adulte, le diagnostic de ME peut être obtenu par la réalisation de deux EEG pratiqués à quatre heures d’intervalle, considérés comme nuls et aréactifs pendant trente minutes. En effet, la ME correspond à la destruction de la totalité de l’encéphale et entraîne donc la disparition de toutes les activités électriques d’origine intracrânienne. Le recours à des amplifications très importantes et l’utilisation d’enregistreurs EEG numériques entraînent cependant l’enregistrement de nombreux artefacts (ECG, activité musculaire…) qui ne doivent pas être confondus avec la persistance d’une activité cérébrale, dont
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l’abolition est définie comme l’absence d’activités cérébrales d’une amplitude supérieure à 5 µV (61-65). Chez l’enfant, le caractère irréversible de la ME est confirmé par deux enregistrements EEG séparés d’un intervalle de temps d’autant plus long que l’enfant est plus jeune (66). De sept jours à deux mois, les deux examens doivent être séparés de 48 heures. Entre deux mois et un an les examens sont séparés de 24 heures. Au-delà d’un an, une période d’observation d’au moins 12 heures est recommandée, elle est prolongée à au moins 24 heures lorsque l’étiologie est une anoxie cérébrale. Potentiels évoqués Bien qu’ils ne soient pas actuellement reconnus par la législation française, le recueil des potentiels évoqués (PE) multimodaux pourrait permettre d’améliorer la rapidité et la fiabilité de la confirmation du diagnostic, en particulier chez les patients imprégnés en drogues sédatives (6). Il nécessite l’enregistrement des PE visuels, des PE somesthésiques des nerfs médians et des PE auditifs du tronc cérébral et s’appuie à la fois sur la disparition de tous les pics correspondant à des générateurs nerveux intracrâniens et la persistance des activités d’origine extracrânienne (6, 65, 67-73). Moins sensibles que l’EEG aux artefacts biologiques ou environnementaux, les PE nécessitent toutefois de curariser le patient après réalisation de l’examen clinique, pour éliminer la contamination des PE somesthésiques par des artefacts d’origine musculaire réflexe (74). BIS La mesure de l'index bispectral (BIS) présente l’intérêt d’un monitorage continu reflétant l’activité électrophysiologique corticale. Sa simplicité de mise en œuvre a récemment conduit à proposer son utilisation pour le dépistage du passage en état de mort encéphalique (75). Toutefois l’existence fréquente d’artefacts de mesure susceptibles de majorer la valeur de cet index rend nécessaire la poursuite des travaux destinés à préciser la valeur prédictive de cet examen (76-80).
Angiographie De nombreuses techniques d’imagerie peuvent permettre l’analyse de la perfusion cérébrale. Les techniques d’imagerie isotopiques et les techniques spectroscopiques IRM ont été proposées par certains auteurs (81-87). En France, le recours à ces techniques est actuellement limité à la fois pour des raisons de disponibilité mais aussi pour des raisons médicolégales. L’angiographie est utilisée pour confirmer l’arrêt circulatoire encéphalique par la mise en évidence de l’absence d’opacification des branches encéphaliques des artères carotides internes et vertébrales, objectivée par une série d’images dont la dernière doit être prise au moins 60 secondes après l’injection.
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Conformément à la circulaire DGS n° 96-733 du 4 décembre 1996, elle peut être réalisée par voie artérielle ou veineuse. Différentes techniques angiographiques ont été proposées. Il s’agit : – de l’artériographie cérébrale conventionnelle réalisée avec des injections successives dans les deux artères carotides communes et les deux artères vertébrales (88, 89) ; – de l’angiographie cérébrale numérisée avec soustraction (90) effectuée par voie veineuse ou par voie artérielle (91, 92) ; – et de manière plus récente de l’angioscanographie cérébrale (93).
Écho-Doppler Bien qu’il n’ait pas de valeur légale, l’examen Doppler des artères à destinée encéphalique, technique non invasive, réalisable au lit du malade et répétable à tout moment, peut permettre un gain de temps considérable en mettant en évidence des signes évocateurs d’un arrêt circulatoire cérébral conduisant alors à mettre rapidement en œuvre les examens réglementaires nécessaires à la confirmation du diagnostic. Cet examen peut s’avérer particulièrement précieux chez des patients initialement sédatés, curarisés, ou porteurs de plaies maxillofaciales importantes, rendant parfois difficile le diagnostic clinique de ME. L’échographie Doppler des vaisseaux du cou, par le couplage imagerie/Doppler permet, par la correction de l’angle entre le vaisseau et le faisceau d’ultrason de mesurer la vitesse circulatoire absolue, la section artérielle et de calculer le débit. Sa disponibilité est toutefois souvent limitée et la répétition des examens peut s’avérer difficile. Le Doppler transcrânien (DTC) des vaisseaux du polygone de Willis, examen d’apprentissage facile, nécessitant un appareillage peu onéreux, aisément transportable au lit du malade, s’est rapidement imposé comme l’un des examens indispensables en neuro-réanimation, particulièrement pour le diagnostic de suspicion de mort encéphalique (94-101) (fig. 1). Il permet l’analyse du flux des artères cérébrales moyennes (ACM), cérébrales antérieures et postérieures, et du tronc basilaire (TB). Le flux du siphon carotidien peut être analysé par voie transorbitaire (102-104). Le rapport signal-bruit de cette voie étant élevé, cette voie constitue une alternative lorsque l’approche transtemporale est impossible. En pratique, c’est l’analyse du flux des ACM et du TB qui est généralement utilisée dans les services de réanimation. Lors d’une hypertension intracrânienne, l’arrêt circulatoire diastolique se produit lorsque la pression intracrânienne (PIC) devient égale à la pression artérielle diastolique, annulant ainsi la vitesse diastolique. L’index de résistance (RI) prend alors sa valeur maximale de 1. Lorsque la PIC devient égale à la pression artérielle moyenne (PAM), et donc la pression de perfusion cérébrale nulle, l’absence de flux moyen prend un aspect caractéristique de flux oscillant
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Fig. 1 – Évolution du signal Doppler transcrânien de l’artère cérébrale moyenne au cours de la mort encéphalique. (1) : mort encéphalique débutante (tous les réflexes du tronc cérébral sont abolis) : abolition des vitesses diastoliques ; (2) : aspect en « reverse flow » : les vitesses diastoliques deviennent négatives en diastole ; (3) : pics protosystoliques intenses isolés ; (4) : pics protosystoliques de faible intensité précédant la disparition totale du flux circulatoire.
(ou reverse flow) composé d’un flux systolique antérograde persistant suivi d’un flux diastolique rétrograde (105). Cette oscillation de la colonne sanguine correspond à un arrêt circulatoire absolu au niveau de la microcirculation alors que le polygone de Willis n’est pas encore collabé ou thrombosé. Plus tardivement, il est possible d’observer de brefs pics protosystoliques de faible amplitude. Cet aspect précède la disparition de tout signal lorsque l’ensemble du lit artériel est collabé (101, 106-109). Mais il existe des limites de l’examen Doppler (110). Ainsi une absence de flux ne suffit pas au diagnostic de ME qui doit être confirmé par l’un des examens complémentaires réglementaires. À l’inverse, dans certaines circonstances, après arrêt circulatoire ou bas débit extrême ayant abouti à l’état de ME, des mesures de réanimation à visée hémodynamique cérébrale (dérivation ventriculaire externe, osmothérapie, hypertension artérielle induite, volet décompressif ) peuvent théoriquement
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aboutir au rétablissement transitoire ou à la persistance d’un flux diastolique sur une ou plusieurs artères intracrâniennes (111).
Prise en charge du donneur potentiel en réanimation L’objectif de la réanimation cardiovasculaire est d’assurer une perfusion et une oxygénation optimales des organes grâce au maintien d’une pression artérielle systémique et d’un transport artériel en oxygène adéquat (fig. 2). La stratégie
Fig. 2 – Algorithme de prise en charge du patient en mort encéphalique. [D’après (36).]
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thérapeutique consiste en la correction d’une hypovolémie vraie et/ou relative, grâce au remplissage vasculaire associé à une réduction de la vasoplégie par l’utilisation de vasopresseurs. En cas de dysfonction myocardique, le choix des catécholamines devra permettre de maintenir une postcharge normale et un débit cardiaque optimal, sans augmenter de manière trop importante la demande en oxygène du myocarde. La correction précoce d’un éventuel diabète insipide devra permettre de prévenir l’apparition de troubles hydroélectrolytiques et d’éviter le recours à un remplissage vasculaire massif, potentiellement délétère pour un éventuel greffon pulmonaire. La transfusion sanguine et éventuellement des traitements substitutifs hormonaux seront adaptés à chaque cas particulier. Dans tous les cas, il est souhaitable de disposer de protocoles dans les services prenant en charge les patients en ME et le prélèvement d’organe. En effet, l’impact favorable de cette attitude sur le nombre et la qualité des organes prélevés est démontré dans la littérature (16, 112). Les objectifs généraux préconisés en France sont les suivants (36) : – pression artérielle moyenne comprise entre 65 et 100 mmHg, – diurèse comprise entre 1 et 1,5 mL/kg/h ; – normothermie (entre 35,5 et 38 °C) ; – PaO2 > 80 mmHg ; – hémoglobine supérieure à 7,5 g/dL ; – lactate artériel normal. Le monitorage pour la prise en charge d'un donneur potentiel doit comprend les éléments suivants : – électrocardioscope, oxymétrie de pouls ; – surveillance de la pression artérielle sanglante au mieux par cathétérisme de l'artère radiale, à gauche si un prélèvement thoracique est envisagé ; en cas d'échec, on préférera toujours les voies artérielles du membre supérieur à celles du membre inférieur ; – mise en place d’une voie veineuse profonde comportant au moins deux lumières, de préférence par voie jugulaire interne droite ; – capnographe, son utilisation dans ce contexte n'a pas été évaluée ; il pourrait être utile comme signe d'alerte en cas de variation brutale : déconnexion accidentelle, chute du débit cardiaque ; – surveillance thermique endocorporelle (vasculaire, vésicale ou œsophagienne) ; – surveillance de la diurèse horaire. En cas de défaillance cardiocirculatoire non contrôlée par le seul remplissage vasculaire, il apparaît recommandé d’employer un système de monitorage hémodynamique permettant de guider les manœuvres thérapeutiques ; le choix du type de monitorage dépend des habitudes du praticien en charge et de la disponibilité du matériel. Le monitorage mis en place pour la prise en charge de la réanimation du donneur sera bien entendu complété par la réalisation d’examens complémentaires destinés à apprécier la qualité des greffons potentiels (échographie
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cardiaque transthoracique, fibroscopie bronchique avec prélèvement bactériologique).
Remplissage vasculaire Le remplissage vasculaire doit éviter l’hypovolémie sans pour autant risquer d’induire une surcharge volémique susceptible de majorer un éventuel œdème pulmonaire et de compromettre le prélèvement de cet organe. L’optimisation de ce remplissage doit donc être guidée par des indices prédictifs fiables de la réponse au remplissage bien que ceux-ci n’aient pas été validés dans ce contexte particulier (variabilité respiratoire de la pression artérielle systolique : ∆PS > 10 mmHg ou 9 %, delta down : ∆down > 5 mmHg, de la pression artérielle pulsée : ∆PP > 13 %, de la surface sous la portion systolique de la courbe : ∆VES > 9 à 10 %) (113-115). Les critères échographiques prédictifs d’une hypovolémie tels que la variabilité respiratoire du flux aortique (116, 117) et du diamètre de la veine cave (118-120), ou encore la variabilité respiratoire de grande amplitude de la vitesse maximale ou de l’intégrale temps vitesse mesurées dans l’aorte descendante par Doppler œsophagien, peuvent également être utiles. Le RV peut être réalisé par l’administration de cristalloïdes ou de colloïdes. Bien qu’aucune étude ne permette de privilégier l’un de ces deux types de solutés, il paraît raisonnable d’utiliser les colloïdes préférentiellement aux cristalloïdes, quand le remplissage dépasse 3 000 mL. Le choix du colloïde administré se fera entre les gélatines et les hydroxy-éthyl-amidons (HEA) (33) (24). Les HEA de nouvelle génération (PM < 200, DS < à 0,5), en raison de leur absence d’effets délétères sur la fonction rénale, pourraient voir leur emploi être réhabilité (36).
Traitements vasopresseurs et inotropes La stratégie d’utilisation des différents traitements vasopresseurs et inotropes, telle qu’elle a été définie lors de la dernière Conférence d’Experts, repose sur des critères classiques de choix des catécholamines en réanimation. L’existence d’altération des fonctions systoliques et diastoliques secondaires à la ME, (28, 121-124) mais également la possibilité de récupération fonctionnelle de certains greffons cardiaques grâce à une optimisation de la prise en charge du donneur (16, 125), imposent l’évaluation répétée de la fonction cardiaque de ces patients, chaque fois que l’administration de catécholamines se révèle nécessaire. Une approche « dynamique » de la prise en charge de ces sujets, notamment par la réalisation d’épreuves de remplissage est essentielle. Un échec de ces
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épreuves doit conduire à discuter le recours à des agents vasopresseurs et/ou inotropes. En pratique, deux situations différentes sont le plus souvent rencontrées. Les explorations hémodynamiques peuvent mettre en évidence un profil hémodynamique hyperkinétique avec baisse des résistances vasculaires systémiques, ou une dysfonction myocardique. Dans le premier cas, le recours en première intention à la noradrénaline apparaît alors logique en raison de ses propriétés α-agonistes, permettant un contrôle rapide de la vasoplégie par son action vasoconstrictrice artérielle et veineuse splanchnique en évitant une tachycardie trop importante, qui pourrait découler de l’utilisation de fortes posologies de dopamine ou d’adrénaline (126, 127). L’administration doit se faire à dose titrée pour atteindre un objectif de pression artérielle moyenne compris entre 65 et 100 mmHg (128). Une posologie initiale de 0,25 à 0,5 µg/kg/min est proposée en première intention (36). Bien qu’elle ne soit pas disponible en France, l’utilisation de vasopressine apparaît théoriquement séduisante. Son efficacité dans le maintien d’une stabilité hémodynamique a été clairement démontrée par plusieurs auteurs japonais, qui ont maintenu des patients en ME pendant des périodes prolongées grâce à de faibles doses d’AVP (129-131) (132). En cas de dysfonction myocardique, le choix des médicaments inotropes sera guidé par les explorations hémodynamiques. Après avoir éliminé une hypothermie ou une hypocalcémie éventuelle, le recours à la dobutamine ou à l’adrénaline sera envisagé, en privilégiant la perfusion des organes susceptibles d’être prélevés tout en évitant une tachycardie excessive pour favoriser une éventuelle récupération du greffon myocardique (16).
Diabète insipide Son traitement repose sur l’administration de desmopressine (1-désamino-8D-arginine vasopressine) ou Minirin®, administré préférentiellement par voie intraveineuse directe à dose titrée : 0,5 à 1 µg, renouvelée toutes les 6 à 12 heures, en fonction de l’équilibre du DI, à la posologie ayant permis d’obtenir une diurèse comprise entre 1 et 1,5 mL/kg/h (fig. 3). Une compensation stricte de la diurèse par des solutés dont le contenu en électrolyte doit être adapté selon l’ionogramme et l’osmolarité plasmatique du patient est impérative (KCl : 2 g/L en moyenne). En cas d’hypernatrémie, la compensation est réalisée grâce à des solutés hypotoniques de type glucosé à 2,5 %, 5 % en corrigeant strictement la glycémie par une insulinothérapie. En cas de natrémie normale, la compensation fait appel à des solutés isotoniques.
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Fig. 3 – Algorithme de prise en charge du diabète insipide. [D’après (36).]
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Antibiothérapie L’intérêt d’une « antibioprophylaxie » systématique chez le donneur n’a pas été démontré (36). Cependant, lorsqu’un prélèvement pulmonaire est envisagé, les protocoles anglo-saxons recommandent une antibiothérapie ciblée sur la flore oropharyngée (amoxicilline/acide clavulanique) (133, 134). Elle doit être accompagnée des mesures habituelles de prévention des pneumopathies nosocomiales chez le patient ventilé, notamment la toilette bronchique et la mise en position proclive (134, 135, 136-140).
Hématobiologie Le développement d’un état prothrombotique est fréquent au cours de la ME (141, 142). Il peut être favorisé par la desmopressine dont l’utilisation pourrait justifier le maintien d’un traitement par héparine en particulier en cas de prélèvement pancréatique (36). Il peut être suivi d’une phase d’hypocoagulabilité, résultat de la consommation des facteurs de la coagulation (en particulier en cas de CIVD), de l’hémodilution induite par le remplissage vasculaire et des transfusions massives (141, 142). Ces troubles de l’hémostase ne contre-indiquent pas le prélèvement, et doivent être corrigés avec maintien de valeurs supérieures à 70 g/L pour l’hémoglobine, à 50 G/L pour les plaquettes, à 1 g/L pour le fibrinogène et à 40 % pour le TP (36).
Perspectives Plusieurs équipes étrangères recommandent l’utilisation plus ou moins systématique d’hémisuccinate d’hydrocortisone, de vasopressine et de thyroxine, avec une amélioration de la fonction des greffons et de la survie des receveurs (16-18). Cependant, en l’absence d’étude randomisée, cette attitude n’a pas été recommandée en France. Certaines observations expérimentales suggèrent la possibilité d’une amélioration de la qualité des greffons myocardiques par l’administration de médicaments capables de bloquer la transduction du signal sympathique lors de l’orage hémodynamique accompagnant le passage en ME (30, 31, 143). Mais une fois encore, l’absence d’étude randomisée ne permet pas de retenir ce traitement actuellement. Enfin, l’état de mort encéphalique et le syndrome inflammatoire qui en résulte pourraient avoir des conséquences non seulement immédiates sur la qualité de l’organe transplanté, mais également à plus longue échéance sur le devenir de la greffe. De telles observations pourraient conduire à proposer l’utilisation de nouvelles approches thérapeutiques, en particulier
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immunomodulatrice, dans la prise en charge des donneurs en mort encéphalique (53).
Participation du médecin du donneur au processus de prélèvement L’organisation du prélèvement, la coordination et l’attribution des greffons dépendent de deux structures complémentaires, agissant de concert : les établissements de santé par leur coordination hospitalière et l’Agence de la biomédecine. Mais c’est au médecin en charge du patient qu’incombe la responsabilité unique de décider d’amener le donneur potentiel au prélèvement. Il s’appuie sur la coordination hospitalière qui sera idéalement informée de la possibilité éventuelle de mise en œuvre d’une procédure de prélèvement dès que le risque de passage en ME est envisagé, et lui apportera son aide (144). L’annonce du diagnostic de ME aux proches est un moment important du processus de don d’organe et doit être faite dans des conditions matérielles et psychologiques satisfaisantes. Ceci implique la mise à disposition dans tous les services de réanimation d’une pièce, réservée à l'accueil et à l'information des familles, distincte de la salle d’attente et dotée de possibilités de communication avec l’extérieur. Chaque fois que possible, cette annonce doit se faire par le réanimateur en charge du patient, en présence d’une infirmière, et être l’occasion de présenter l'équipe de coordination qui accompagnera la procédure de prélèvement. Le médecin du donneur vérifie également qu’il n’existe pas de contre-indication réglementaire au prélèvement, notamment d’obstacle médico-légal. Il transmet les informations demandées par les équipes de transplantation permettant d’apprécier la qualité des greffons, et est responsable des soins et du transport du donneur, depuis la prise en charge initiale jusqu’au bloc opératoire.
Conclusion L’identification et la prise en charge du donneur potentiel sont désormais un objectif majeur de santé publique pour l’ensemble des équipes soignantes. Le recours croissant à des donneurs limites, mais aussi la capacité à améliorer la qualité des greffons potentiels ne font qu’accroître l’importance des progrès actuels dans la compréhension des conséquences physiopathologiques de la destruction de l’encéphale. L’anesthésiste réanimateur doit assumer pleinement son rôle dans l’ensemble du processus de prélèvement, tant par la qualité de la prise en charge médicale du donneur que par la qualité de la relation établie
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avec son entourage. Cette action ne peut se concevoir qu’en étroite collaboration avec les équipes de la coordination hospitalière et de transplantations.
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Aspects éthiques en réanimation neurochirurgicale G. Boulard, B. Vigué et X. Debelleix « Sapience n’entre point en âme malivole, et science sans conscience n’est que ruine de l’âme » Rabelais, Pantagruel (1532) « La voix de la conscience me dit que toute vie autre que la mienne est aussi importante que la mienne ». Paul Ricoeur
Introduction Le champ de la réanimation neurochirurgicale se définit par la prise en charge de patients présentant des lésions cérébrales ou médullaires, relevant a priori d’actes de neurochirurgie et de radiologie interventionnelle, et nécessitant assistance respiratoire, monitorage et thérapeutiques spécifiques. La prise en charge symptomatique du coma, notamment par la ventilation mécanique, la prévention et le traitement des agressions cérébrales secondaires d’origine systémiques (ACSOS) et le traitement incisif de l’hypertension intracrânienne (HTIC) en sont les éléments dominants. À la phase aiguë, le pronostic vital est constamment en jeu du fait des lésions encéphaliques (HTIC, orage végétatif, complications focales), puis de la survenue de complications systémiques (SDRA, choc septique, etc.). Le pronostic fonctionnel est le plus souvent incertain, et il faut fréquemment plusieurs semaines avant de pouvoir évaluer d’éventuelles séquelles concernant la vigilance, la conscience, les fonctions supérieures, la motricité et le tonus. En d’autres termes, la réflexion éthique est centrée sur l’incapacité de ces patients à recevoir l’information et à consentir, sur le risque d’obstination déraisonnable (du fait de traitements devenus vains), sur les séquelles graves telles que par exemple l’état végétatif et sur la situation de la personne invalide demandant un arrêt de traitements. La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (1) sera applicable en toutes ses dispositions quand ses décrets d’application entre-
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ront en vigueur1. Elle affirme le droit du malade au refus de traitement et interdit au médecin l’obstination déraisonnable ; elle étend le principe d’autonomie aux situations où l’abstention thérapeutique peut aboutir au décès, en prenant en compte la capacité ou non de la personne de prendre les décisions la concernant. Dans ces nouvelles conditions, les aspects éthiques de la réanimation entrent pour une large part dans le cadre prévu par la loi. Des commentateurs de cette loi ont pu dire qu’elle « consacre une voie spécifiquement française qui organise la fin de vie sans permettre l’euthanasie » (2), qu’elle a « pacifié les esprits » (3), et « qu’elle peut être susceptible de modifier le regard de notre société sur la mort, celle-ci pouvant être appréhendée et vécue plus sereinement » (4).
Données générales Il n’existe pas un champ éthique spécifique à la réanimation. « Les engagements éthiques et les principes généraux en réanimation, comme en médecine, se fondent sur une affirmation des droits inaliénables et la considération la plus haute pour la vie et la dignité humaines, en mettant en balance les deux engagements de protéger la vie humaine, les droits et le bienêtre des individus, tout en favorisant les avancées de la médecine en soignant les maladies. Toute discussion éthique doit conduire à un résultat final juste, qui implique de respecter le « bien commun » (volontés et buts de chaque intervenant), selon un résultat devant être durable et incluant les concepts de bienfaisance et de non-malfaisance. La bienfaisance, ou obligation de faire le bien, s’étend à l’obligation de juger des bénéfices et des risques d’une attitude médicale ou d’un traitement en vue de faire le bien. La non-malfaisance représente l’obligation de ne pas intentionnellement causer de mal. Le respect de l’autonomie du patient s’inscrit dans le cadre de son autodétermination. Le médecin doit respecter et garantir la capacité du patient d’être indépendant d’influences extérieures, de pouvoir comprendre les termes et les implications des choix qui lui sont proposés, et enfin de garder la capacité d’agir par luimême. La justice, dernière de ces quatre grands principes, impose une attitude juste, honnête, et équitable envers le patient ou les différents acteurs du possible conflit éthique » (5). Pour autant, la démarche éthique n’est pas dissociable de la démarche scientifique médicale. « Le premier impératif est celui de la compétence, car les patients ne s’adressent pas à nous en raison d’un sens moral qui nous serait propre, mais pour vivre plus longtemps, et sans souffrance. Paradigme de l’éthique, la médecine doit donc d’abord être de qualité. De ce point de vue, 1. Les décrets relatifs aux directives anticipées et à la procédure collégiale ont été publiés au Journal Officiel du 7 février 2006.
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toutes les recommandations de bonne pratique, consensus et autres conférences d’experts s’inscrivent dans une démarche éthique. Il en est de même lorsque l’approche recommandée face aux éventuelles conséquences dommageables de nos actes, d’une part privilégie une attitude humaine qui est l’empathie, d’autre part vise à éviter les erreurs, plutôt qu’à la mise en avant de questions juridiques. À l’inverse, le mot peut servir à masquer un défaut de connaissance ou de raisonnement dans le domaine médical » (6). La plupart des patients de réanimation ne peuvent donner un consentement éclairé compte tenu de leur incapacité à recevoir l’information et à consentir à cause d’un état confusionnel, d’un coma, de la sédation, etc. C’est donc une partie importante de la réflexion éthique qui perd de sa pertinence dans ce contexte (7). Il est proposé que le concept de consentement présumé (en référence aux situations de mort encéphalique) et la notion d’un patient « raisonnable » s’il était compétent, soient élargis a priori aux décisions d’admission en réanimation, c'est-à-dire en dehors d’un refus préalablement exprimé par la personne. De plus, même chez les patients conscients admis en urgence en réanimation, la recherche d’un consentement informé est hypothétique. En effet, il paraît raisonnable de considérer que, chez nombre de ces patients, la capacité de décider est « abrasée » et que l’approche contractuelle est fragilisée. Enfin, l’on peut concevoir que le principe du consentement présumé intervienne dans les situations où le refus de soins est lié à une situation de stress aigu (8). L’information des familles des patients de réanimation est fondée sur les principes éthiques et déontologiques (9). Elle concerne le diagnostic, le pronostic et le traitement. La participation aux discussions et au processus décisionnel peut être proposée. Schématiquement en réanimation chirurgicale, l’information repose sur le chirurgien et sur le réanimateur, chacun en ce qui le concerne. En réanimation neurochirurgicale, le coma, l’ampleur et la durée des incertitudes pronostiques en termes de survie et de séquelles exigent tant un effort pédagogique d’information que de soutien des familles. La seule donnée spécifique à la réanimation neurochirurgicale est la durée de l’incertitude pronostique vis-à-vis de séquelles graves. La durée du coma peut atteindre trois ou quatre semaines, puis celle de la période de sortie de coma demander encore autant ou plus. Lors du passage du coma à l’éveil (1011) la première frontière de « sortie » du coma est la réapparition de périodes où le patient garde les yeux ouverts, ce qui signe la récupération de la vigilance. La seconde frontière à franchir est celle de la reprise d’une activité consciente qui se fait graduellement. Dans certains cas, malgré le passage de cette frontière qu’est l’ouverture des yeux, l’observation attentive et prolongée ne permet de recueillir aucun signe de reprise d’une activité consciente. Un tel état de « veille sans manifestation de conscience » est couramment dénommé « état végétatif ». Cet état est défini comme chronique (EVC) après douze à dix-huit mois en cas de traumatisme crânien et après trois à six mois dans les autres situations (12). L’observation de manifestations fluctuantes, mais clairement identifiables, de perception par les
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patients de ce qui se déroule dans leur environnement identifie certains tableaux cliniques très graves que sont les « états pauci-relationnels » (EPR) (13). Ces états doivent être distingués d’états proches quant à leurs manifestations cliniques mais chez lesquels l’état de conscience est probablement (mutisme akinétique) ou certainement (locked-in syndrome) conservé (14). Ces différentes entités impliquent un long séjour en rééducation avant, dans le meilleur des cas, de pouvoir être prises en charge dans un lieu de vie. Enfin, on observe des situations où l’évolution du coma s’arrête à un « état intermédiaire » entre coma et état végétatif, marqué par la nécessité de poursuivre la réanimation respiratoire, sans autre issue qu’un séjour prolongé en réanimation. Le plus grand nombre de décès survient à l’hôpital, dont approximativement la moitié des cas en réanimation. Au-delà de la phase initiale d’engagement thérapeutique, il n’est pas rare que les mesures symptomatiques de réanimation prolongent la vie sans espoir d’amélioration. De telles situations de traitements devenus vains ont fait l’objet de recommandations (15) et de travaux de réflexion (16). Dans le but d’éviter toute confusion avec l’euthanasie, les éléments juridiques fondamentaux ont été rappelés : « les traitements devenus vains en réanimation, au même titre que dans les autres disciplines, ne peuvent justifier une quelconque transgression, surtout pas sous couvert d'un souci alors affiché comme procédant d'une réflexion « éthique ». Si, à un moment quelconque, une souffrance du patient impose au médecin de soulager celui-ci, notamment par des morphiniques en dépit du sevrage de la ventilation, la finalité de ce nouvel acte est ici encore fondamentale » (17). Cependant, le respect de ce cadre éthique par le médecin n’est pas pour autant une garantie vis-à-vis d’un risque juridique.
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et àla fin de vie La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie encadre les bonnes pratiques médicales (4). Accordant à la personne malade un nouveau droit qui permet de faire obstacle à une éventuelle obstination thérapeutique (définie en recourant aux critères d’inutilité et de disproportion), le principe d’autonomie est étendu aux situations où l’abstention thérapeutique peut aboutir au décès. Cette renonciation à l’obstination déraisonnable encourage dans le même temps le passage d’une logique curative à une logique palliative (4). « Les nouvelles dispositions légales diffèrent selon que la personne malade est en état d’exprimer sa volonté ou ne l’est pas. Elles diffèrent également selon qu’elle est en fin de vie (sous-entendu : quels que puissent être les soins prodigués), ou qu’elle ne l’est pas (sous-entendu : en raison des soins, en particulier
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de réanimation, entraînant un maintien artificiel en vie) » (18). Il convient de souligner qu’aucune des dispositions de la loi ne s’applique aux situations d’urgence, et que, pour être autorisées, les procédures de limitation ou d’arrêt de traitements actifs sont globalement soumises à trois conditions si la personne n’est pas consciente. Il s’agit 1) de la consultation de la personne de confiance, de la famille ou d’un proche, ou le cas échéant de directives anticipées, 2) de la collégialité de la prise de décision, 3) de l’inscription dans le dossier médical des décisions, de leur motivation et de la procédure utilisée. La décision finale reste exclusivement une décision médicale et en aucun cas celle de l’entourage de la personne. La décision est prise avec les proches et la famille, mais pas par eux. Cependant, si la famille ou les proches s’opposent à la décision médicale, les médecins respecteront cette volonté (4). En cas de refus de traitement par une personne consciente, ce nouveau droit conféré au malade est accompagné d’une obligation pour le praticien de l’informer sur les risques de sa décision, de la possibilité de faire appel à un autre médecin, et pour le malade de réitérer sa décision de limitation ou d’arrêt de traitement après un délai raisonnable ; cette décision du malade est inscrite dans le dossier médical. Dans tous les cas de figure de refus et/ou d’arrêt de traitement, les soins continuent à être prodigués : « Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10 » (1). Ce dernier article du code de la santé énonce : « Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ». Cette loi ne modifie pas le code pénal. Elle précise les conditions dans lesquelles il est licite d’arrêter ou de ne pas entreprendre certains traitements. « Le médecin qui satisfera aux exigences de transparence et de collégialité, qui accédera aux demandes du malade et de son entourage, ne sera pas pénalement responsable conformément aux dispositions de l’article 122-4 du Code Pénal exonérant de responsabilité pénale toute personne accomplissant un acte prescrit ou autorisé par la loi ou le règlement. En revanche, le médecin qui s’affranchirait de ces règles tomberait sous le coup de poursuites pénales, sous le chef d’empoisonnement, d’homicide involontaire ou de non assistance à personne en danger » (4). On peut ainsi comprendre que certaines situations, notamment de traitements devenus vains en réanimation, puissent, lorsque l’application de la loi sera effective, être abordées avec plus de sérénité. Enfin, la loi prévoit que le projet médical comprenne un volet « activité palliative des services », qui identifie les services de l’établissement au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs. Applicable à la réanimation, cette mesure y ouvre des perspectives en termes de qualité et d’adaptation des soins, d’organisation et de prise en charge des familles (19, 20, 21).
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Débat éthique et question juridique Phase aiguë des pathologies neurochirurgicales À la phase aiguë des pathologies neurochirurgicales, l’engagement diagnostique et thérapeutique est maximum car toute temporisation dans la prise en charge est délétère alors que le pronostic est le plus souvent impossible à préciser bien que souvent potentiellement compromis. Il n’est alors pas possible de faire la part entre les chances de survie et les risques de séquelles graves. Dans ces conditions, aucune décision d’abstention thérapeutique invoquant l’éthique n’est raisonnable, et la pratique de la neuroréanimation nous a appris que si le pronostic est peu prévisible au cas par cas, il n’est pas rare que de bons résultats déjouent toute prévision. Naturellement, à la condition qu’il s’agisse d’une équipe pluridisciplinaire senior, cette règle souffre d’exceptions en présence de destructions massives du cerveau, ou de mydriase bilatérale aréactive depuis plus de trois heures, sans régression après restauration des conditions hémodynamiques et ventilatoires. Si le doute existe, il est alors nécessaire de poursuivre la prise en charge pour en vérifier le bien fondé (22). Enfin, les questions d’ordre éthique peuvent être différentes selon les contextes cliniques (traumatisé crânien, pathologie vasculaire cérébrale, pathologie tumorale, affection évolutive telle que méningiome récidivant, maladie de Von Hippel Lindau, etc.). La discussion éthique part du constat d’incertitude entre chances de survie et risques de séquelles graves. Dans la pratique anglo-saxonne, la première obligation est d’éviter de sauver des vies qui se révéleraient « pires que la mort » et le risque de ne pas sauver une vie qui peut l’être paraît plus juste que celui de sauver une vie qui aura perdu ce qui fait le sens d’une vie humaine. À l’inverse, dans notre exercice plus latin, le maintien de la vie est un impératif quasi absolu (23). Lors des entretiens avec la famille ou les proches pendant cette période, on observe une bonne adhésion à ce projet et il est exceptionnel que l’annonce des risques conduise à une position réservée sur le bien-fondé de l’investissement thérapeutique.
Obstination déraisonnable ou traitements devenus vains En réanimation en général et en neuroréanimation en particulier, les patients sont dans l’incapacité d’exprimer leur volonté. La situation de traitements devenus vains peut succéder à la phase d’engagement thérapeutique maximum sans laquelle il n’existerait pas de réanimation (c'est-à-dire de traitement actif avec un objectif thérapeutique raisonné et raisonnable). Dès lors, et pour ne pas prolonger une obstination thérapeutique déraisonnable, peut se poser la question de la désescalade thérapeutique. Ces situations, toujours difficiles à
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appréhender, ne peuvent ni ne doivent appeler de réponse automatique au vu des multiples éléments à considérer. La désescalade est ici difficile du fait des techniques d’assistance ou de suppléance, notamment respiratoire, dont l’arrêt peut être suivi d’une évolution rapidement fatale (16, 17). « La loi du 22 avril 2005 prévoit que lorsque la personne n’est pas en état d’exprimer sa volonté, la responsabilité de limitation de traitement incombe au praticien en charge du patient. Le médecin a l’obligation de respecter une procédure collégiale, dont la loi précise qu’elle doit être inscrite dans le code de déontologie médicale. Les débats parlementaires montrent que son principe est l’obtention d’un consensus au sein de l’équipe médicale et paramédicale, après recherche de la volonté que le patient aurait antérieurement exprimée » (18). À cette fin sont consultés, la personne de confiance, la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne. La procédure collégiale n’est pas une responsabilité partagée entre médecins, mais un avis concordant de plusieurs médecins (dans l’esprit d’un garde-fou), la responsabilité incombant in fine au seul praticien en charge du patient. Ces décisions, leur motivation, la procédure utilisée, doivent figurer dans le dossier médical. À la date de la rédaction de ce chapitre, la description réglementaire de la procédure collégiale et des directives anticipées n’est pas connue. Leur rédaction revient respectivement au Conseil national de l’ordre des médecins et au ministère chargé de la santé avant d’être soumise au Conseil d’État.
État végétatif chronique La phase aiguë du coma étant franchie, l’état clinique étant stabilisé, et en l’absence de progrès cliniques significatifs, la question du pronostic s’impose d’elle-même, en intégrant la possibilité d’une survie avec des séquelles graves (état végétatif, état pauci-relationnel, mutisme akinétique, locked-in syndrome, altérations des fonctions supérieures, etc.). Aux États-Unis puis en Angleterre, la question du niveau de traitement à apporter aux patients en EVC a été posée aux cours de justice, s’agissant de la ventilation artificielle puis de la nutrition et de l’hydratation administrées par sonde (24). Dans quelques cas, les arrêts de nutrition et d’hydratation ont été ordonnés, motivés par les considérations suivantes : les patients étaient en phase terminale de la vie, il n’était pas raisonnable de lutter à tout prix contre la mort, l’alimentation et l’hydratation par sonde pouvaient être regardées comme des traitements, le patient en EVC n’avait pas de perception consciente de la souffrance et de la douleur. Cependant, les cours de justice américaines se sont également appuyées sur la recherche du refus antérieurement exprimé par la personne d’être maintenue dans cet état. Cette argumentation conduisant à l’arrêt de l’hydratation et de la nutrition a suscité des réactions vives et le débat n’est pas clos (25, 26). Dans notre pays, le débat éthique autour de l’EVC remonte à 1986 à la suite d’une expérimentation menée chez un tel patient. Le Comité consultatif
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national d’éthique émettait alors un avis défavorable à cette pratique et prenait position sur le fait que ces patients « sont des êtres humains qui ont d’autant plus droit au respect dû à la personne humaine qu’ils se trouvent en état de grande fragilité. Ils ne sauraient être traités comme un moyen de progrès scientifique, quel que soit l’intérêt ou l’importance de l’expérience qui n’a pas pour objet l’amélioration de leur état » (27). Saluons ici la publication qui fut fondamentale pour notre pratique, en 1991, de l’ouvrage rassemblant les travaux du groupe pluridisciplinaire constitué dans le cadre du département d’éthique biomédicale du centre Sèvres sur l’EV (28). La réflexion avait porté notamment sur la reconnaissance de l’humanité des patients, sur l’élaboration du diagnostic, sur l’affirmation de la chronicité et sur le niveau de traitement en cas de complication mettant en danger la vie de ce patient. En cas de pathologie intercurrente, « on se montrera très prudent dans l’emploi de thérapeutiques à but curatif, même si ces thérapeutiques demeurent simples et d’usage courant. Mettre en œuvre ces thérapeutiques consisterait à prendre la responsabilité de maintenir une vie qui d’elle-même irait à son terme. On porterait alors la responsabilité de la persistance d’une situation humaine alors qu’on a des raisons de douter de son sens » (29). Les EVC sont pris en charge par les unités de soins de suite et de réadaptation, le facteur limitant étant la disponibilité de nouvelles places compte tenu de la durée de prise en charge de ces patients. Cette difficulté pourrait être résolue par la mise en application de la circulaire du 3 mai 2002 émanant du ministère de l’Emploi et de la Solidarité (12). Cette circulaire évalue en France la prévalence des personnes en EVC ou en EPR à 2,5 pour 100 000 habitants, soit environ 1 500 personnes. Elle prévoit la mise en place « d’unités de soins dédiées aux personnes en EVC ou en EPR » de 6 à 8 lits par bassin de population de 300 000 habitants, étroitement couplées à un secteur existant de soins de suite et de réadaptation, unités dont le projet de service associe projet de soin et projet de vie. À la condition que le diagnostic d’EV soit solidement établi et la chronicité avérée (période d’observation de douze à dix-huit mois en cas de traumatisme crânien et de trois à six mois dans les autres situations) (12), cet état pourrait, au regard de la loi du 22 avril 2005, être considéré comme une situation de traitements devenus vains (en l’occurrence l’alimentation artificielle). Climat de confiance, respect de la procédure collégiale, position de l’équipe médicale et paramédicale en charge du patient, consultation de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, d’un de ses proches et, le cas échéant, des directives anticipées, seront alors déterminants.
Personne invalide demandant l’arrêt des soins « Au cas où la personne, bien que capable mentalement, serait dans une situation d’incapacité physique la rendant dépendante (par exemple, en raison d’une tétraplégie), elle a le droit d’exiger l’arrêt de « tout » traitement, ce qui
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inclut l’alimentation artificielle, cependant qu’existe la possibilité de recourir au soulagement d’un inconfort, comme chez la personne ne souffrant pas d’un handicap aussi sévère » (18). Cette réponse par l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation n’est pas, ici encore, sans décontenancer nombre d’entre nous. L’alimentation artificielle par sonde est considérée dans cette situation comme un traitement puisqu’il s’agit d’un élément permettant le maintien de la vie (2). Lors de son audition devant la mission d’information, le père Patrick Verspieren a fait valoir que l’on n’avait pas à nourrir – les soignants parlent de « gaver » – quelqu’un contre sa volonté (30). Le respect de ce refus de traitement par un patient qui ne serait pas en fin de vie, ce qui est le cas dans l’exemple précité, demanderait un certain délai audelà de la phase aiguë, lorsque la situation clinique est stabilisée, à distance de la réanimation symptomatique. Cette procédure a été choisie par des patients dans certains cas de suicide assisté dans l’état de l’Oregon (États-Unis), tel que ce suicide y est autorisé en cas de pathologie grave avec une espérance de vie évaluée à moins de six mois. Cette solution était alors cotée par le personnel soignant à huit, dans une échelle de la qualité de la fin de vie allant de zéro à neuf (31). En ce qui concerne les effets de la réduction, de l’arrêt ou de la nonintroduction d’une hydratation chez les patients de gériatrie en fin de vie (au sens de la fin d’une évolution pathologique), les quelques données de la littérature sont partagées entre absence de souffrance (voire effet antalgique) et réel inconfort requérant une prise en charge (32). Dans son commentaire de la loi, Ricot (33) invite à considérer que l’essentiel est de distinguer non pas entre l’alimentation naturelle et l’alimentation artificielle, mais entre l’alimentation acceptée et l’alimentation forcée.
Mort encéphalique et prélèvements d’organes La mort encéphalique et les prélèvements d’organes sont encadrés par la réglementation et les recommandations professionnelles. Lors du « passage » en mort encéphalique, et sans préjuger de la faisabilité du don (prise de position du vivant de la personne, résultats biologiques, etc.), il est médicalement éthique d’adapter sans délai les méthodes de réanimation, et de contacter précocement et systématiquement la coordination hospitalière car ce patient est alors un « donneur potentiel ». Le réanimateur en charge du patient a la responsabilité de décider d’amener le patient au prélèvement car c’est lui qui s’assure de l’absence de contre-indication générale et de l’absence d’opposition du vivant de la personne. En revanche, la décision de transplanter tel ou tel organe (et donc de le prélever au sens chirurgical du terme) relève uniquement du médecin transplanteur qui dispose de l’ensemble des informations concernant le receveur et le donneur, intégrant notamment les notions de donneurs limites, d’indication de greffe en urgence, etc. (34).
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Vers une aide scientifique au pronostic L’essentiel des données concernant l’approche du pronostic par l’électrophysiologie et par l’imagerie ont été acquises chez le traumatisé crânien et ont fait l’objet d’une synthèse à l’occasion d’une conférence de consensus récente (11). À la phase aiguë des premiers jours, la présence d’altérations majeures des potentiels évoqués (PE) auditifs du tronc cérébral (PEATC) et des potentiels évoqués somesthésiques (PES) permet de se prononcer avec un grand degré de certitude (de 80 % à 100 % selon le type de lésion mise en évidence) sur la probabilité de la survenue d’une évolution défavorable, à court ou à long terme. En revanche, des PEATC normaux ou la persistance d’activités corticales primaires au niveau des PES ne permettent pas de se prononcer favorablement. À l’inverse, les PE cognitifs, lorsqu’ils sont présents, ont une forte valeur prédictive de l’éveil, supérieure à 90 %, sans qu’il soit possible de se prononcer sur la qualité de celui-ci et sur l’intégrité des fonctions cognitives. En revanche, des PE cognitifs absents n’ont aucune valeur pronostique. À la phase subaiguë et chronique des premières semaines, l’enregistrement des PE sensoriels et moteurs est utile pour identifier le locked-in syndrome et le mutisme akinétique. La réapparition de PE cognitifs est prédictive du réveil dans les jours qui suivent. L’interprétation des PE cognitifs doit tenir compte de la sédation et de l’influence possible de facteurs non primitivement cérébraux tels que les ACSOS. À la phase aiguë, la valeur prédictive du scanner quant à l’évolution ultérieure du coma est moindre que sa valeur diagnostique. L’IRM précoce apporte des précisions diagnostiques et pronostiques supplémentaires notamment par sa capacité à détecter les lésions axonales diffuses non hémorragiques et du tronc cérébral. Elle permet aussi de distinguer deux types de lésions hémorragiques du tronc cérébral de signification pronostique différente : ventrales ou dorsales superficielles, de bon pronostic, et dorsales profondes, péjoratives. À la période subaiguë, les éléments nettement péjoratifs à l’IRM sont la profondeur des lésions (corps calleux, noyaux gris centraux, hippocampe, mésencéphale, partie dorsolatérale du tronc cérébral), un nombre de lésions supérieures à trois et l’association de plusieurs types de lésions. Cependant, dans l’étude de Kampfl (35), 24 % des patients ayant une lésion du corps calleux et 26 % des patients présentant une lésion dorsolatérale du tronc cérébral se sont réveillés un an après un traumatisme, avec cependant des séquelles graves. Certaines séquences d’IRM (imagerie du tenseur de diffusion et spectrométrie) couplées aux PEATC font l’objet d’un intérêt croissant en traumatologie crânienne. En effet, elles pourraient permettre de répondre dans une large mesure à la question du pronostic individuel du malade, tant sur son éveil que sur le handicap dont il resterait éventuellement porteur… avec suffisamment de fiabilité. Pouvoir prédire l’avenir en termes d’éveil, pour des patients dans le coma est fondamental pour l’information des familles. Cela est
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également décisif du point de vue de l’éthique médicale, car celle-ci requiert une proportionnalité entre l’intensité des soins appliqués au patient et le pronostic que l’on peut faire sur son futur état neurologique. Nous pensons pouvoir ainsi passer d’un paradigme jusque-là en vigueur, selon lequel on ne peut pas prévoir l’avenir pour le cerveau, à un nouveau qui serait : « on peut prédire l’avenir cérébral du patient si l’on s’en donne les moyens en termes de connaissances scientifiques, de matériel et de compétences requises » (37). Cependant, des difficultés méthodologiques ne permettent pas encore de recommander la spectroscopie RMN comme outil de prédiction du devenir neurologique des patients traumatisés crâniens (38), et l’extension de ces méthodes à d’autres contextes pathologiques comme l’hémorragie sous-arachnoïdienne reste à explorer. Enfin, il serait illusoire de considérer que la démarche pronostique puisse se réduire à l’approche électrophysiologique et radiologique, sans que soit prise en considération l’observation clinique de l’évolution de l’état du patient, à la recherche d’une corrélation fiable entre les données étudiées et son devenir.
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