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M, et l'armenien orcam « je vomis » (de *orucam). Le timbre de la voyelle prothetique est variable en grec comme en armenien; il ne s'est fixe qu'au cours du developpement propre de chaque langue. Toutes les fois que le grec offre un p initial, on est en presence d'un ancien* sr-, comme dans pew en face de srdvati « il coule » du Sanskrit, ou d'un ancien Fp-, comme dans pvJTpa, ou le Fp- initial est conserve dans eleen Fpa-cpa, Cypriote Fptxcx. (avec e d'un alphabet notant rj aussi bien
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que E). De la vient que tout p- initial est *rh- ; on note habituellement p-; la graphie ancienne etait ph, ainsi dans phoFaiai a Corcyre, en face de att. poatc de la notation alexandrine; si l'ancien groupe sr vient a se trouver dans l'interieur du mot, le grec le represente par pp, ainsi dans eppeov ou dans yev^ippso^ (att. -/stpiappou;). Apres voyelle le F prenait la forme de second element de diphtongue; de -Fp-qxzoq « base" » on a en eolien a'jprjxxo?; mais par analogie, ces formes qui n'etaient plus intelligibles en grec, ont ete changees et le texte homerique aappujjcxo;. Devant les autres sonantes, le developpement d'une voyelle prothe'tique n'est pas constant, et Ton ne voit pas quelles sont les conditions ou il a pu se produire ou manquer. C'est a ce developpement qu'est due la coexistence de ^aXxxc?, [AaX9o:x.oc et de a^aXo;, a^aXSuvG), en face de lat. tnollis, de opwpyvuiju et de aj/ipyco, de \xax>pbq et de a\i.aupbq, de ptap^aipa) et de a^apuaa-w. L'c- de la forme spieen face de l'atone \y& resulte d'une prothese ; partout ailleurs on ne trouve que m-, ainsi dans lat. me, sauf 1'armenien qui a im, de *eme, parallelement a la forme grecque. En face du lat. nomen, le grec a ovo\>.a etl'armenien anun « nom » ; en face de l'osque ner « uir » et de l'accusatif Sanskrit naram « homme », le grec a avepa; le nominatif armenien ayr repond a av-^p, et le genitif-datifar'w, de*anre/os, *anri, a gr. avSpog, avSp! ou le S resulte d'un developpement secondaire; en face du lat. nepos, le grec a avet|no;. En face du lat. leuis, le grec a eXcr/u?, et il y a trace de la forme sans prothese chez Homere : Xo.yj.Xot.; en face du lat. lino, le grec a aXi'vw, et le grec meme a aXsi'?b> a cote de X'.Trapos, etc. Quand un mot commenc.ait par F, Homere emploie librement la forme a F initial ou la forme a prothese, (F)ia(F)cq ou i(F)io(F)oq, (F~)£hx ou 4(>F)^5v«, etc. Ce trait, qui n'a pas de correspondant en armenien et qui apparait encore tout liquide dans la langue homerique, doit etre le plus recent de la serie. Devant les groupes de consonnes, l'armenien offre quelques concordances avecle grec; la principale est le nom de 1' « astre » : gr. aivqp afoxpov en face de l'allemand stern, armenien astl « astre, etoile », en face de lat. stella ; en grec meme, on trouve a la fois Qxtpo-nrj et ajxepoirtj, aaxpaxYj. Le grec a -flic, et ky%iq. On comprend ainsi jcxpaico? (d'apres quoi a et^ fait axapxo?) « sen tier » en face de xpaicdw, 'AxXa? en face de tX^vat, etc. On observe done ici une tendance phonetique qui caracterisait une petite partie seulement du domaine indo-europeen et dont les effets se font sentir jusqu'au seuil de la periode historique du grec. Gette tendance rend compte de beaucoup de particularites qui surprennent au premier abord. Cette innovation est la seule dont l'amorce indo-europeenne soit claire.
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Les autres sont specifiquement helleniques et caracterisent le developpement propre du grec. Le systeme des occlusives est devenu simple, mais pauvre. Le grec ne possede que trois series d'occlusives : labiales, dentales, gutturales, chacune avec trois types : sourdes, sourdes aspirees, sonores,'soit:
* X T Sans doute, le point ou etaient articulees les gutturales variait suivant la voyelle qui suit; et certains alphabets archaiiques distinguent le x, de xe ou ya du q de qo ou de qj (avec u prononce ou dans les parlers qui ont cette graphie). Mais cette variation du point d'articulation, liee a la voyelle suivante, n'avait pas plus d'importance que la distinction du k de quite et du k de corbeau en francais. Or, l'indo-europeen avait connu au moins deux series de gutturales, dont l'une a subsiste en grec sous la forme x, y., Y» et dontl'autre a fourni, suivant les cas, des labiales, %, <s, |3, des dentales, t, G, 3, ou des gutturales y,, y, j , sans aboutir jamais a un type particulier d'occlusives; ainsi l'on a TE en regard du Sanskrit ca « et » et du latin que, et rrcovcai en regard du latin sequontur. D'autre part, l'indoeuropeen distinguait deux series d'aspirees, l'une sonore, qui etait la plus importante, et l'autre sourde : le grec a tout confondu dans son unique type de sourdes aspirees : a>, 6, -/. On sait que) a homerique TIT: ou *"6o, TOD suivant les cas, *T.pav.y(i> (a cote du futur ^pa^oj) a •rcpaa^u, *r.m-yx (feminin de r.y.z, Tcav-cs?) a izmsy. conserve en thessalien et en cretois, d'ou est sorti par une alteration nouvelle icaira en ionien-attique (le lesbien a uatTa), *y_x\izyoi (a c6te de yjz~ks.T>bq) a ^aX^u-o), *pedyos k TTE^SC (a cote de irou;, icoSog), et ainsi de suite. Alors le rapport entre les mots d'un meme groupe devient souvent pbscur : il n'est plus visible du premier coup que a£o[j.;a est un verbe de meme famille que l'adjectif ayvo; : £ represente ici *-gy-, et la forme initiale etait *a.yyoy.ai. Le grec a si bien aboli le y consonne qu'il n'en offre plus aucun exemple a l'epoque historique ; quand a ete constitue l'alphabet grec, le yod de l'alphabet semitique n'y a pas pris place comme consonne, mais comme voyelle, et a servi a noter la forme vocalique de yod, a savoir i, grec i. Sans doute l'alphabet Cypriote a des groupes syllabiques a y initial ; mais ces groupes resultent de developpements secondaires; par exemple un accusatif tel que aTs^ea, devenu ax=Xia, comme dans beaucoup de parlers grecs, est note a-te-li-ja. Pas plus a Gypre que dans le reste de la Grece, on n'a uny indo-europeen conserve sur sol hellenique. II y a eu un temps — et sans doute un long temps — ou le grec a ignore la consonne y ; et c'est l'un des caracteres les plus singuliers du grec commun. On connait des langues ou le y ancien a ete altere dans tel ou tel cas ; le latin par exemple a perdu y intervocalique, et le nominatif du nom
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de nombre « trois » y est tres, representant l'ancien *treyes, tout comme en grec ; mais le y- initial y subsiste, ainsi dans iecur, et il n'y a pas de langue indo-europeenne d'ou le y ait ete radicalement elimine, des une date ancienne, comme il l'a ete du grec commun, et ou le y n'ait ete reintroduit que tard et dans une aussi faible mesure. L'histoire de u et de w est, au debut, parallele a celle de i et y ; u est la forme vocalique de w, et w la forme consonantique de u. On a par exemple en Sanskrit frutdh « celebre » et Qravah « gloire ». Mais le changement a ete plus tardif et moins general : a la difference de y, le w s'est conserve en grec commun, et, surtout a 1'initiale des mots, il se pronongait encore au debut de l'epoque historique dans une grande partie des parlers grecs ; c'est ce que Ton appelle le digamma, F ; on avait ainsi yCkiFoq en face de KAUTOV L'amuissement de F a eu lieu, dans la plupart des parlers, a date historique ; en Laconie, il n'a jamais ete complet, etun parler de Laconie, le tsaconien, a aujourd'hui encore des w initiaux continuant \e F ancien ; seul de tous les grands groupes dialectaux, l'ionien-attique a perdu F avant l'epoque des premiers textes. Toutefois l'amuissement du y et celui du w (grec /") relevent au fond d'une meme tendance ; la difference de date des deux faits n'en dissimule pas le parallelisme. A. en juger surtout par le passage de y a h dans des cas tels que rjrcap en face du lat. iecur, ^/.a en face dulat. iecl, oq en face du Sanskrit yah « lequel », ley etlew auraient tendu a s'assourdir, comme ils l'ont fait en irlandais, et c'est cet assourdissement qui les aurait conduits a s'amuir. Ainsi l'elimination ancienne du y et l'elimination moins ancienne du w viendraient de cette grande tendance a l'assourdissement qui se manifeste par la substitution des sourdes .6q, dont le correspondant est samah « le meme » en Sanskrit et samr en ancien islandais, et a Iv « un » (representant un ancien *sem, comme le montre le feminin correspondant yia, ancien *smiyd). De ces innovations, ll resulte que le grec a une proportion d'a brefs plus grande que celle qui existait en indo-europeen. On obtient ainsi en grec commun un systeme vocalique simple :
Chaque voyelle a une forme longue, soit :
L'u, bref ou long, de grec commun etait un u (ou frangais) et le passage de cet u a. ii (u franc>is) est une innovation de certains dialectes, notamment de l'ionien-attique. En se combinant avec i et u, les voyelles proprement dites fournissent des diphtongues : at, au, at, au, si, &j, vjt, y)u, ot, ou, wt, o>u. Les diphtongues a premier element long n'ont d'ailleurs subsiste qu'en fin de mot: celles qu'on rencontre ailleurs — et elles ne sont pas nombreuses — proviennent de contractions plus ou moins recentes; en fait, on ne trouve guere d'autres diphtongues a premier element long que les diphtongues en '., dans Xuvuot, [uSi, [>.\>.txi et swoawa, wip8ii]v, ou ipypikcm (avec^a a l'imparfait, '{u au subjonctif, U'vat a l'infinitif),
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d\u (servant de futur), vjXeov, 4>^Xo9a, ou laQuo, eSo^ai, e>ayov, e^5o*a. Les formations sont variees ; et Ton ne peut prevoir comment se comporte un verbe radical qu'on ne connait p a s : la conjugaison de xspw, xepti, ET^OV, xe-c^via (iity.rui.aC), £TR8r)v ne se devine pas si on ne la connait pas; la flexion de f ^vo^ai, YsvVj(ro|Ji.ai, sysvo^v, -yeyova ou Yey^vr^ai pas davantage. Par sa structure, un aoriste comme eyevon/jv ne se distingue pas d'un imparfait comme eipspo^v; si eY£vo[AY]v est un aoriste, c'est qu'il n'y a pas de present *ycvojj.at, et si e, itsfab), bteiax, iceueaa ; de meme, en face de (pai'vo[*at «j'apparais », favou^at, e^avnjv, le factitif ©aivco « je fais apparaitre », <pavw, eipqva. D'autre part, c'est une particularity du grec que d'employer au present les desinences moyennes a rendre le passif; en face deTCSJATCW« j'envoie », Herodote a xa Swpa it^raTou icapa TOU ^aatXsuovxo?. Des lors, en face du parfait absoluTCSTCOIS*et du parfait factitifrcexsiy.a,l'attique a un parfait passif •Ki%eia\).M « j'ai ete persuade ». Ainsi, loin de s'eliminer, la distinction des desinences actives et moyennes a pris en grec une importance accrue. Les desinences primaires continuaient a caracteriser les presents tels que Xsixo>, et les desinences secondaires, les preterits tels que l'imparfait IXsraov, l'aoriste IX'.TOV, et la plupart des personnes de l'optatif. Le theme de parfait demeurait frequent, pourvu de toute sa valeur expressive, et meme recevait des formes nouvelles, des emplois nouveaux dont l'importance n'a cesse de grandir au cours de la periode classique et meme de la periode hellenistique. Aucune langue indo-europeenne n'a ainsi, pres de chaque theme, un participe et un infinitif; avec ses deux infinitifs del'infectum : dicere, et du perfectum : dixisse, et avec son infinitif passif did, le latin est deja exceptionnel. Le grec, avec ses Aemetv et XeroeaOai, Xmeiv et XntsaQai, Xei^eiv et XttyzaQai, XeXomsvat et XsXsiipOat, XsKpOfjvai, etc. et XS'OTWV — XSITOJJISVO?, Xtxwv — XMCO^SVOI;, XEI'^WV — Xs'.iiofxevoc, XeXoww? — XeXet^iAevoi;, Xenp8st?, etc., est unique. L'existence de cesysteme complet de participes et d'infinitifs fait que Ton ne peut dnoncer une notion verbale sans la situer dans l'un de ces themes et sans marquer les oppositions entre les themes avec Constance, et, par suite, avec une rigueur qu'elles n'ont pas ailleurs. La fermete, la nettete avec lesquelles le grec a articule son systeme verbal indiquent un caractere dominant de la langue : les notions y sont
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presentees au point de vue des « proces » ; ce qui est exprime le plus volontiers, ce ne sont pas les choses, mais les actes d'ou elles precedent. Comme on le verra p. 69 et suiv., les noms sont, en une large mesure, des derives de verbes, et les formations en -ciq et en -pa gardent beaucoup de la valeur verbale des racines ou des verbes dont elles sont issues. Nombre de passages d'auteurs grecs ne pr&entent, outre les mots accessoires, que des verbes ou des noms verbaux ou la valeur verbale est sensible. Voici comment Platon commence son Apologie de Socrate deja citee ci-dessus, p. 37 : "0 TI \).h u^sT?, w avSpe; 'A07)vaiot,OTTtovQateUTO TCOV e|j.tov xatYJYOpwv oux oi8a" eyw 5' ouv x.a'i txbibq UTT' auxiiiv oXiyou e^auxou EiceXa06[j,Y)V ou-a> u'.6avw.a Hspay.Xea xat Si AitoXXeva y.xi 5ta Hots'-Sava... Trop avance, le poste de Selinonte n'a pas subsiste longtemps ; mais les mines de ses temples, dans leur beaute grave et rude, attestent la volonte de
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durer qu'ont eue ses ciloyens, leur foi dans la force invincible de leur nation. Soldat et poete, le Mtard de Paros, Archiloque, a ecrit: Iv cspl ;j.iv [j.oi (li^a \i.z\j.ayiJ.('tTl, sv cop! S' I §' sv Sspi •/.iy.
L'histoire des dialectes grecs reflete celle des conquetes d'un peuple de soldats hardis qui ont du a leurs armes leurs conquetes et qui, fiers d'euxmemes et de leur force, se sont soumis partout des serfs et des esclaves dont la langue a disparu. On distingue quatre groupes dialectaux qui represented autant de poussees d'envahissement: l'ionien-attique, l'arcado-cypriote, l'eolien, le groupe occidental.
I.
L'lOMEN-ATTIQUE.
L'ionien-attique est le seul groupe dont on ait une connaissance sensiblement complete, a la fois par des textes litteraires divers et par des inscriptions nombreuses s'etendant sur une suite de siecles. Mais c'est aussi celui ou l'on sait le moins des parlers locaux, parce que des langues communes, generalisees des une epoque ancienne, ont ete seules admises dans 1'usage officiel et dans l'usage litteraire et que les parlers, dans la mesure ou ils ont garde des traits propres, 6taient de simples patois et n'ont pas ete ecrits. En Attique, le a-xKV/.is\i,oi ancien d'ou est resultee la cite d'Athenes a eu pour consequence une unification de la langue ; et il n'y a pas trace d'une difference de parlers entre les localites de l'Attique. Ce n'est pas a dire qu'il n'y en ait pas eu ; mais il n'en a pas ete note par ecrit. — 11 n'y a pas de colonies attiques a date ancienne. Les parlers ioniens au contraire se rencontrent sur des points tres eloignes les uns des autres ; mais il ne subsiste nulle part dans la Grece continentale une cite de langue ionienne, et Ton n'a que des notions vagues sur les territoires d'ou ont pu partir les colons qui ont transporte l'ionien en Asie Mineure. A datehistorique, on trouve l'ionien dans toute Filed'Eubee, dans la plupart des Cyclades (seules les iles du Sud, Melos, Thera, Cos, Cnide, Rhodes faisant exception), dans toute la partie Sud de la cote d'Asie Mineure qui fait face a la Grece, d'Halicarnasse a Smyrne et a Phocee, dans les colonies de Chalcis, d'Eretrie ou des cites d'Asie Mineure, en Chalcidique et aux bords de I'llellespont, en Sicile, en Italie (notamment a Cumes), et jusqu'en Gaule ou Marseille et Agde (ancienne 'AvaOr;) sont des colonies ioniennes. L'ionien ne domine sur ce territoire qu'en
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So
PHEHtStOI&E fttj GREC
vertu d'extensions en partie recentes ; le Nord du doraaine ionien a ete conquis sur l'eolien ; Herodote (I, i5o) conte comment les Grecs de Colophon se sont empares de Smyrne, qui etait jusque-la une ville eolienne ; et des particularities eoliennes caracteristiques du langage de Chios, comme la conjonction ai qui se lit sur une inscription de 600 av. J.-C. environ, ou le subjonctif TipYj;o'.jiv, indiquent que l'ionisation de Chios n'etait pas parfaite au debut de l'epoque historique : si l'eolien transparatt encore sur les pierres, il devait en resler plus dans 1'usage courant. La superiority de civilisation des Ioniens leur a permis d'imposer leur langue a Halicarnasse; la ville etait autrefois de langue dorienne au dire de ce meme Herodote, dont Halicarnasse est la ville natale. L'ionien n'elait pas parle d'une maniere identique sur tout ce domajne, comprenant tant de cites diverses; la situation est autre que celle de l'attique, employe sur un territoire peu etendu, appartenant a une seule cite. Les villes d'Eubee, ChalcisetEretrie, qui ont durant la periode ancienne de rhistoire grecque et encore au vu' siecle des situations' dominantes, ont eu des parlers propres dont. les inscriptions portent temoignage. La plus curieuse des particularites eubeennes, le passage de a a p entre voyelles a Eretrie, ainsi dans itaipiv = ^ai-tv, avait attire l'attention des anciens ; un mot termine par -q pouvait remplacer -? par -p devant la voyelle initiale d'un mot suivant; on a oxup xi = c-u; av une fois sur une inscription d'Eretrie, et c'est sans doute un fait de ce genre qui a fait indiquer par Platon (Cratyle 434 c) que les gens d'Eretrie disent nlrtpzrf)p (ainsi dans le Bodleianus; pas d'accent dans leVenetus ; u/.Xr(p6xy)p, autres manuscrits) la 011 l'attique a jy.XrjpstY); ; si aucune inscription n'en offre l'equivalent, c'est que 1'usage n'est pas de noter dans les textes ecrits toutes les variations des fins de mots. Les anciennes inscriptions des cites de l'Eubee et de leurs colonies notent h- initiale, alors que l'ionien d'Asie Mineure a perdu de bonne heure /; et a affecte le signe H a noter une voyelle nouvelle qui s'etait creee en ionien comme on le verra ci-dessous, p. 82. Mais ces differences ne portent que sur des details secondaires, et, dans l'ensemble, les parlers ioniens sont uns. C'est que les Grecs de dialecte ionien se sont civilisds de bonne heure ; ils ont ete des navigateurs et des marchands, ils ont colonise au loin et ils ont developpe une civilisation urbaine ; ils ont, avant les autres Grecs, senti le prix de Tunite linguistique, et ils ont su la maintenir, sinon dans 1'usage local des classes inferieures de la population, du moins chez les classes dominantes. Dans la mesure ou il y avait des differences, la langue ecrite les dissimule. Parlanl des cites de la dodecapole ionienne d'Asie Mineure, Herodote (I, 14a) constate qu'elles forment quatre groupes distincts pour la langue:
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LES DJALECTES
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y SI ol -r,") ajfr;v OJTOI V£V3|/.ixa<j'., aXXa t p o x o u ; Tc'crasp; p y y M(XT ( TO; [AIV a'Jtiwv zpwT^ x s i t a i icoXts rapes ne<jan6pt'r)v, [Aera Se Muou? TE y.al IIp'.^VYj" 3'JT.XI [;iv ev v?j Kapfrj -/.aTO'!/.v)VTai x»Ti x a u t i SiaXeYOjxevat a\xzq. Le trait caracleristique de l'ionien-attique consiste dans l'addition de la d6sinence -xq d'accusatif pluriel a la forme grecque commune, d'oiiViiJ.^;, 'u\j.i<xq, qui se sont contracted en fi\i.xq, 'u^aj en attique. Sur les accusatifs ainsi obtenus ont6te faits des nominatifs en -ztq, soit -frj.ee;;, 'UJJI^E;, qui se sont contracted en •iJiAeTi;, "D[/.=Tq, tandis que les autres dialectes, partant d'accusatifs a finale -s, se creaient des nominatifs tels que dorien 'ayd:, 'jjj.^, lesbien oc'[A|j,£c, :j\i\x=q. Double innovation commune a l'attique eta l'ionien, et qui semblene se trouver nulle part ailleurs en grec. A la 3 e personne du pluriel des preterits, le type thematique, celui de XELXO), eXet-ov et de j'Xraov, garde la vieille forme caractdrisee par un simple -v final, soit D^iitov, gAmov, dans tous les dialectes, au moins a date ancienne. Dans le type atbimatique, celui des verbes en -JJ/. comme e ST);J.!, iiOrt\j.'. ou comme les aoristes passifs tels que iaaxr;v, la 3 personne du pluriel etait aussi caracterisee par -v ; la desinence indo-europe"enne 6tait la meme dans les deux cas, et Ton a IGsv, J3cv, gXuOsv, etc., ou avec la longue -YJ de l'aoriste passif restitute, SieXs^v en crdtois, ta-s.oi
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tES DIALECTES
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a Corcyre, aitcAuOvjv a Delphes. Ailleurs, une finale analogique -av, dans l'explication de detail do laquelle il est superflu d'entrer ici, a pris la place du simple -v ; de la en btotien aveGsav, en Cypriote xaxsBi/av, etc. Seuls l'ionien. et l'attique presentent la finale -uav, de IGssav, ISocav, £XuG?;crav, etc., dont le developpement est chose si peu naturelle qu'on n'en voit meme pas l'explication d'une maniere bien certaine. Les formes telles que eXaSoaxv, axY)7.8se(dans des noms propres). Le nom de la ville de A=),-p:t, litt^ralemeht la « matrice », apparentd au Sanskrit gdrbhah « uterus » et au latin uolba (qu'on e"crit d'ordinaire jiolua, d'apres une graphie fautive de manuscrits) est BiX?oi en beotien ; on en rapproche le nom propre thessalien BeX9*15;^ et le lesbien a $i\oic, qui equivaut a SeXyi? de l'ionien-attique. Le vocalisme radical du verbe qui signifie « vouloir » est de timbre e en b6o-
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tienet en thessalien, comme dans les parlers occidentaux ; de la, avec |3, (kiXo^.svcv, peiXetTYj en beotien, (3;XXo[;.e«u en thessalien, en regard de o-$,z\>,M en dorien, SSIXJTJCI en locrien. Le peuple que l'ionien nomme 6C<JMXO; etl'attique 0jT:aXs; porte enBeotiele nom de £TiaXs; et, cheto les Thessaliens eux-memes, le nom de IletOa/.c;. De meme le mot a *ghtvinitial qui est represents en latin par ferus et enlituanien par tyeris « animal », en slave par %v£ri est en ionien-attique et en dorien 9-^p, mais on lit chez Hesychius: rfpic' oi K^vtxupst a'cXwuc, et les grammairiens s'accordent a parler de .\vty.\. Le lesbien a -|j.=vx'. dans e^jj.svxt et dans les aoristes comme H\i.zvM, Si^evai, mais-v dans des presents comme xsp•*3.->, oiowv, C[J.VJV, ou des aoristes passifs comme |jt,e9u38»jv. Le thessalien, le beotien et le groupe occidental tout entier n'ont que -p.sv : thessalien oo|j.£v, beotien JOIJ.SV, cretois (de Gortyne) et delphique SISOJJLSV, SOJASV, etc. ; il y a en Crete des formes a voyelle longue du suffixe comme rjpjv etc., et a Rhodes et dans les iles voisines des formes telles que SOJJISSV. Dans l'ensemble, l'arcado-cypriote marche ici avec l'ionien-attique, et l'eolien avec le groupe occidental ; mais le groupe eolien se divise, et,
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LES DIALECTES
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comme il arrive a d'autres egards et comme on peut l'attendre en raison de la proximite geographique, le thessalien et le beotien sont plus semblables au groupe occidental que le lesbien. — L'eolien offre une particularite curieuse : la tendance a rapprocher les formes thematiques telles que cpipetv des formes athematiques : on a vu que le lesbien a cree xipvav, oESwv, etc. ; en revanche le beotien et l'un des groupes thessah'ens, celui de la Pelasgiotis, ont etendu la finale -JAEV au type thematique (verbes en -w) ; on a done des formes telles que ' epfovra (/")tSev [xeY Xsupde, xa \F)oi xi3ij»avci nap' asm'So? si Mais plusieurs n'ont pas p', qui est du sans doute au besoin de regulariser le vers. On obtient un vers et un sens corrects avec : VEKpov yap C^y epuovta En observant de pres la tradition, on voit comment les traces de F ont ete progressivement effacees. Dans le premier chant de l'Odyssee XO'S est regulierement traite comme un mot commengant par consonne. II fait position: 21
icdcpo^ '(-OV Ya^av E^u8ai II est precede d'une breve qui ne s'elide pas :
83 xoMg>povx '(Fy°v ^ Sijj.ov 8e. Or, au vers !\\ on lit: dans de bons manuscrits, tandis que d'autres, pour pallier un maintien de longue qui semblait choquant, ecrivent: TS y.ai, ou meme ^6v^cjeie. De meme, au v. n o , tous les manuscrits ont: of \>.h ap (/")otvov £[Mirfov Mais Eustathe et un scholiaste connaissent le vers sans ap. Sauf exception, les mots commengant par F en grec commun sont done traites chez Homere comme des mots commengant par une consonne; les exemples de ce traitement se comptent par milliers. Deux hypotheses peuvent etre envisagees pour rendre compte de ce fait, ou que le poete prononijait un F, qui tendait a s'affaiblir, ou qu'une tradition s'etait maintenue de traiter dans les vers certains mots comme s'ils commengaient
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LA LANGUE HOMERIQUE
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par consonne : en francais, on prononce la hache ou le hareng bien qu'il n'y ait depuis longtemps aucune trace de consonne entre l'article et le mot suivant. La seconde hypothese n'est pas vraisemblable: les hiatus homeriques expliques par le digamma ne sont pas entre deux elements lies par le sens, comme un article et un substantif, mais entre mots independants les uns des autres; du reste, si l'hiatus s'explique ainsi, la longue par position exige une prononciation reelle de F. Dans la langue epique, au moment ou ont ete compos6es l'lliade et l'Odyssee, le F etait une realite phonique, reduite peut-etre, mais subsistant. Gette conclusion est confirmee par des details positifs. Chez Homere, p, X, [x, -> peuvent se ge'miner au debut des mots et ainsi faire position ; cette gemination a lieu dans les cas ou une sonante representait d'anciens groupes de consonnes, et aussi parfois ailleurs, par analogie de ces cas. Dans les vers suivants, le \x de neya et le X de XnrapoTcriv sont traites comme des geminees, bien que reposant originairement sur *m- et */-; pour pi^ct, cela tient a ce que [jiyoc? a subi l'influence du mot du sens oppose \ixv.poq qui alterne avec cr^mpo; ; pour Xraapoq, sans doute aux besoins du rythme, le mot commengant par deux breves. B A3
itept ok ([x)[A£Ya |3aXXeTO tpapoc, S'uitb (X)Xixapotcnv so^o-axo ^aX(/")3c %£§Cka..
Or, le 'F initial, issu de *sw, fait souvent position, ce qui ne peut s'expliquer que par une prononciation reelle de F; ainsi '(-O'S a rapprocher de lat. suus: A 226 E 71
81'Sou 8'o
ou ;(F);xup6(;, a rapprocher de lat. soar (ancien *swehuros): F 172
aiSoTos T£ \MI eaai, cptXs (FF~)ewpi,
h(F")s.v)6q Vs.
Place devant consonne, le F forme avec une voyelle precedente le second Element d'une diphtongue a u. Par exemple, en face de /"ptvoq, qu'atteste la glose yptvo; (c'est-a-dire FpTvo;)" S=p;j.a d'Hesychius, la langue homerique a le compose -xXxupwoq. Ainsi s'explique la forme s'JaSev, par exemple S 34o; la racine 'Fbdo-, 'Fha$- est celle que le latin a dans suaito, suauis; *eswsdet est represents par eu (/)«§£, forme eolienne que le texte homerique a gardee. Non compris a partir du moment ou le F n'avait plus de realite, ce procede a occasionne des arrangements malheureux qui se traduisent par des hiatus: A 533
Zeu; Zk lov r.poq ou^a
lire
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LES LANGUES LITTERAIRES
Ceci permet de lire: A 609
lelqU \FF)h
\ixoq%i'
en supprimant xpb; inutile. Voici un autre fait. On sait que -qi « ou » est forme comme -q-o; ; le second terme est *Fe, identique a lat. ue. La ou le second terme rti est elide, il reste -qF, et le -q n'est pas abrege en hiatus; car a proprement parler il n'y a pas hiatus. On lira done : Z 378
TJOO-
XY
) £?
yaX
v}(/^) ig 'A6y]vai
et Ton trouve parallelement: Z 383
O'JTS HY) iq kq
OUT'
L'initiale de la racine du mot signifiant « craindre » etait 8/ei-; on comprend ainsi des groupes comme: A 10
[lAya is §(/")siv6v TE
La ou $F- etait initial, la tradition offre simplement 3-, et l'on est en presence d'une difficulte prosodique qui n'a pas ete resolue par la tradition. La ou S/" est a l'interieur du mot, la tradition a utilise deux procedes, tous deux artificiels: gemination de 3 dans l'aoriste ISSsto-sv, si (notant e long) dans le parfait Ssi'ou, SeiSw, et, de meme, ou (notant 0 long) dans (kcjBo; Z 121. Dans les trois cas, l'auteur initial avait hF; la difference de la graphie resulte de ce que, entre les aedes auteurs des vers, qui pronongaient le F, et la fixation de la tradition, est intervenue enionien la perte de F. Ce que l'on note hoc, avec les manuscrits, etait FiuFoq pour lepoete: la forme est largement attestee, on le sait; la langue homerique 1'avait sans doute encore telle quelle. II resulte de la que, dans /.oupv^, ^er/o;, v.xkos (avec premiere syllabe longue), et dans les cas analogues, la graphie ionienne ou, si de 0, e longs ne repond pas a la realite initiale; il s'agit, dans la langue hom6rique du premier fonds, de xop(/)^, %v>(F)oq, y.x\(F)b:, etc. Suivant toute apparence, le texte homerique a ete d'abord fixe par ecrit avec une graphie archai'que qui ne distinguait pas entre les trois sortes d'e, notees dans l'alphabet ionien par e (e bref), et (s allonge) et r) (ancien e long) ni entre les trois sortes d'o notees dans l'alphabet ionien 0, OJ (0 allonge^) et w, et qui ne notait pas les lettres repetees. Avec ce systeme graphique, les notations, eSsicre, OSSIJASV permettaierit les notations gSSeiss, 5iioi|j.ev quand la graphie ionienne a ete appliquee au texte et qu'on a
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LA LANGUE HOMERIQUE
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constate les valeurs prosodiques __«, . * , Un bel exemple de ce qui est resulte de l'ancienne graphie evitant les lettres doubles et ne distinguant pas les s est fourni par la forme du mot erase?. On lit: « 15 (3 2 0
ev axe'aai v},aa>upoTai iv s-rcrji X
( v a r . cntesai, aic£m)
La legon eraser; est un souvenir de la lecon initiale; le vers exige une longue ou deux breves ; a^s'sai est une interpretation correcte, repondant a ce qu'exige la forme du mot; ausasi est impossible. Au vers (3 20, 1'YJ de csTrrjt est aussi impossible; il faut cxeei. On a vu, p. 84 que la disparition du F est posterieure a la rupture de la communaute ionienne-attique. Les formes initiales des poemes homeriques dateraient d'un temps ou l'ionien possedait encore le F. Pour se rendre compte de la realite de F chez Homere, il suffit de comparer les ceuvres d'Hesiode : les traces de F y abondent, mais seulement par l'effet de la tradition de la langue epique ; les mots a ancien F initial y sont souvent traites comme ayant une consonne initiale, mais sans coherence. La langue epique dont se sert Hesiode est celle des aedes qui, n'ayant pas de F dansleur parler courant, ne savaient plus le prononcer et qui etaient sujets a traiter les mots ayant un F initial comme des mots a initiale vocalique. L'etat de la langue d'Hesiode est celui des aedes qui ont pu appliquer a une femme la formule citee ci-dessous (p. i58) : x.a( [/.iv ^lovirjaai; eTtea zxepoevxa icpoaa6Sa.
La langue epique comportait alors beaucoup de traditions d'apparence arbitraire. La prononciation ne concordait plus avec celle du premier fonds epique encore reconnaissable chez Homere: alors xoupyj, Tao? etaient devenus des realites et se pronongaient comme dans les poesies ioniennes d'Archiloque et de Simonide. Le gros des poemes homeriques suppose done la prononciation du F. Mais, au moment ou le texte a pris son aspect definitif, le F n'etait plus prononce chez les Ioniens; de la viennent toutes sortes d'alterations. La tradition a laisse subsister les hiatus quand elle ne pouvait faire autrement, ainsi : A 38 A 85 A iod
Oapairjaai; \>.a\a. () oaae Se ' ( ^ o i irup't
Mais elle les a, quand elle l'a pu, dissimules par des v ephelcystiques,. insi : ainsi A
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LES LANGUES LITTERAIRES
ou le v final de ivopdtatv est le fait d'hommes qui prononcaient !y)^ov, 00 xpdxoq e<jxi [Ac
Le mot bizarre oxpuoen;, qu'on rencontre deux fois a cote de la forme attendue xpuos'.?, est du a une mauvaise separation d'un -00 final incompris dans: 1 64 Z 344
8; uoXe[xou Spaxai IXISYJ[AIOU oxpuoevco; Saep ejAefo, /.uvog xay-o^^avsu, 6>cpuola(T/;s'
On voit comment exi8ii]|/.iooxpuosvxo;, du reste 6crit exiBs^ioy.puoevxo? au temps ou Ton n'ecrivait pas de lettres repetees, a pu donner naissance au texte atteste. Si Ton tient compte du fait que, au lieu de -su en hiatus, on peut et que sans douteil vaut g&ieralement mieux lire -01', ainsi itoXs[j.oC epaxai I 64, on voitcombien souvent la forme contracted -ou est incer-
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LA LANGUE HOMERIQUE
taine chez Homere. Et encore s'agit-il de la plus aisee des contractions, celle de deux voyelles de timbre identique. La coexistence dea trois formes de genitif en -GIO, -JJ et -so montre que la langue honierique comporte des flottements; d'ailleurs ces trois formes ont du en effet coexister pendant un temps dans la langue parlee : -;w s'employait la ou -;t- occupe un temps fort du rythme (le -ot- de homerique -no se trouve presque toujours h un temps fort du vers); -so etait une forme de prononciation lente, et -o long une forme plus concentree. Un autre flottement de cette sorte est celui qu'on observe entre siidissyllabique et sj-monosyllabique, dont il y a beaucoupd'exemples. Ces flottements peuvent avoir persiste longtemps dans la langue courante. Des fins de vers comme -qio siav, r;w IALJAVSIV, ^u oasjis sont inadmissibles ; il faut partout lire la forme non contracted r,6a. La forme archaique 5EIB, qui nesubsistequ'au commencement du vers dans le groupe ost'ow [J/I-, doit sans doute etre lue BsiSoa, ou plut6t oilFox ; la forme frequenle hdoix (ou plutot o=8/"ia), refaite sur SefStjAev, peutrecouvrir en nombre de cas un ancien SeiSoa (Ssofoa) ; elle tend du reste a etre rerhplacee par la forme franchement nouvelle CIHOVM (SiS^cina). Le texte des manuscrits porte, pour le mot signifiant «jusqu'a », eiw? devant consonne, sw; (var. si'w^) devant voyelle. Mais ce l u ; devant voyelle ne fait pas le vers dans des cas tels que : A IQ3 o 90
ews 6 Ta30' wp^aive xaia ifpsva Y.M xati Bu^sv £wj 4y«i> xepl xstvz TIOWV (3£OTJV ayvaYsipwv
et tous les Miteurs s'accordent a restituer dans les cas de ce genre v.oc, ou rfiZ — il vaudrait mieux restituer la forme eolienne a(f)i; —, apparentee au Sanskrit ytvat « aussi longtemps que ». Mais si Ton restitue a(-F)s? devant voyelle, on peut admettre la meme forme devant consonne et lire P 291 au9i
Car il est incoherent d'avoir xoq dans certains passages et siw; dans d'autres. Get exemple suffit a montrer a quel point la forme du texte traditionnel reproduit peu celle que les premiers auteurs ont eue en vue, et sans doute meme la premiere qui ait ete fixee par ecrit. Ce n'est pas que, au moment 011 a eu lieu la fixation du texte homerique, certaines contractions n'aient pas 6te chose usuelle. Le poete y recourt si le mot n'entre pas en vers sans cela ; on lit o^sT-rai et non oXs'sxai : B 325 = H 91 vXizc, OJ itix' h\€na.\. Et il y a meme les formes contractees de preference aux formes non contracted dans certains cas particuliers. Ainsi a cote de i,[>.€i- (toujours contracte) et de ^.Tv qui constituent des spondees, ty.ix; vaut presque tpujours un spondee, et non A. MEILLET.
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un dactyle ; c'est que la langue e'pique doit a l'ionien cette forme et l'a prise sous son aspect deja presque contracte; la vieille forme d'accusatif de la langue homerique etait l'eolien x^.t. Les resolutions des contractions qu'on est amene a admettre en grand nombre aboutissent a restituer des dactyles la ou le texte porte des spondees ; si, dans le texte traditionnel, le nombre des dactyles l'emporte deja de beaucoup sur celui des spondees, la preponderance des dactyles etait encore plus grande dans la r^alite1. En beaucoup de casoula metrique n'enseigne rien, le texte traditionnel est cependant suspect, et il setnble par exemple qu'il faut lirev£xu;i, alors que le texte a V£XU<J<JI. Le texte originel d'Homere ne notait pas graphiquement les lettres re'petees, de sorte qu'une leQon vexost du texte peut indifferemment recouvrir soit vexust soit vr/.u-xai : lire v6wat n'est pas une correction de texte ; ce n'est qu'une interpretation. Du reste, cette absence de notation des geminees a entrain6 dans le texte traditionnel beaucoup d'erreurs qui proviennent de ce que les redacteurs n'ont pas su interpreter le texte ancien. II y a done eu a la fois adaptation progressive de la langue homerique a l'usage des auditeurs et rajeunissement orthographique du texte, qui se presente avec une graphie ionienne ; mais ceci n'atteint pas le caractere de la langue. Chose plus fondamentale : le texte home"rique presente des formes emprunte'es a deux types dialectaux distincts, le type ionien et le type e"olien. En gros, les anciens a sont represented par .yj dans le texte traditionnel d'Homere de la meme maniere qu'ils le sont en ionien, et memeles a qui apparaissent en attique apres t et p ne s'y rencontrent pas : Homere a iaxp etnon strrav, (2(v) et non gia. Mais, dans les formes qui n'exislent pas en ionien, le texte offre des a contraires au dialecte ionien. Toute la flexion de 'AtpsBv;-; offrerj: on a au vocatif'AtpeBr,, au datif 'AtpstSr;, mais le nominatif-accusatif duel est 'AipeiSa, dont on a l'equivalent attique 'AipsBa : c'est que l'ionien ignore le duel a l'epoque historique. Au g^nitif singulier de ces mots en -Y);, l'ionien changeait -ao en -su ; mais dans le texte homerique c'est presque toujours 'AirpeiSao qu'exigela metrique, ainsi V 3^7 Devant voyelle, le texte porte 'ATpe'Jew; l'usage ordinaire de -ao devant consonne engage a lire avec elision, par exemple B i85
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LA LANGUE HOMEIUQUK
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Toutefois les genitifs contracted en -eto ne sont pas etrangers au texte homerique : on rencontre souvent la fin de versKpivou icai? a^y.jlo^eui, ainsi B 2o5. C'est unepreuve, entre beaucoup, que la langue home'rique, telle qu'elle etait employee par les aedes dans la periode flnale ou les poemes se sont fixes, renferme a la fois des formes e'oliennes archa'iques et des formes ioniennes appartenant a une periode plus avancde du developpement linguistique. Au genitif pluriel des themes en -a- (ionien -Y;-) masculins et feminins, les poemes homeriques ont -awv ci cdte de la forme ionienne -EO>V : ce genitif en-atov nese retrouveadatehistorique que dans des parlers eoliens, a savoir en beotien et en thessalien ; l'attique a -Civ, les parlers occidentaux et arcado-cypriotes -Sv. 11 est done frappant de rencontrer chez Homere Gupsuv frequemment, a cote de 66pr;ai et de Oupyj^t; on ne rencontre meme fljpiwv que deux fois, une fois mesure u-? 47, et une fois uu_9 191. La forme TKCOV est de plus du double plus frequente que TWV (feminin) chez Homere. On ne lit jamais que Oaawv, qui est frequent, a cote de OSYJJI (mais le singulier Oea s'est maintenu, sans doute parce que l'ionien n'a pas de forme 6s-^). Le texte offre pour le trailement de a des contradictions : \abz avec a, sans doute parce que l'ionien ignore le mot Xsto; (qu'on a en attique), mais 'i-qic, (en regard du dorien vase), parce que l'ionien a vsus reprlsentant de vvj;;. Le nom propre Ilsasioawv conserve son a parce que Ton n'avait pas de substitut ionien metriquement possible a mettre a la place, et aussi les noms propres d'hommes comme 'AXx^awv. et m^me, chose curieuse, le nom des Ioniens, 'Idbvs:, que les voisins desGrecs ont encore entendu sous la forme 'Ii/"ov£c : les Perses nomment les Grecs yauna. La particule y.h, frequente en dorien et en eolien, conserve son a parce qu'elle n'existe pa's en ionien ; au contraire Homere a Si^v, qui se retrouve chez Eschyle, et non 3av. On lit XOAU"/,TIS/!JUI)V £ 6 i 3 ; mais le synonyme icoXuira^-wv A 433, qui appartient au vocabulaire e"olien a garde a. : c'est que en dorien et en eolien la racine za- est synonyme de l'ionien-attique v.vrr ; le motTOXuiuajAwva subsiste parce que la mdtrique nepermettait pas d'y substituern:jXu/.-c^[juj)v, et il a gard(5 son 5, parce que l'ionien ne possedait aucun representant de la racine ica- et que ^iXuzi^JM-i e"tait inexistant. En revanche,.il est possible que zoX'jxT'ftj.wv de E 6 i 3 remplace un plus ancienTOXUXXIJJXUV; car la racine r.i-, qui represente un ancien *kwa-, admet une consonne ge'mine'e initiale, qui se trouve dans le texte de Corinne. Ces a qui sont restes parce que les equivalents ioniens a rt n'existaient pas, peuvent etre de simples archai'smes; ils ne sont pas specifiquement Eoliens, mais grecs communs. Au nominatif pluriel dud6monstratif b, t i , l'ionien et l'attique ont rem-
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LES LANGUES LITTEHAIRES
place par oi, a; les formes td, tai qu'ont gardees les autres dialecles. Or, chez Homere, on trouve a la fois o\, d et to1., xaf. On ne saurait afHrmer que les formes xd, ta( soient des eolismes ; car elles ont ete communes a tout le domaine hellenique, et rien n'empeche d'y voir des archaiismes de l'ionien aussibien que des eolismes. La forme xci'est sure B i4g et I 5 I , tandis que ot est sur B 207. En principe, le texte traditionnel a ci partout ou la forme est possible, et notamment au commencement des vers; il est probable que, dans une large mesure, ot a remplace zci du texte originel. Par exemple, on ne peut tenir pour surement ancien le 0! qui commence le vers A 222, tandis que la metrique a fait conserver -col dans A 220. On n'est fixe d'une maniere sure que dans les cas ou le vers exige soit TCI, soit ci. Mais il y a de vrais eolismes, les uns 011 seule la graphie est nette, les autres stirs a tous e'gards. Les groupes tels que *-sn-, *-sm- ont ete elimin^s en grec, dans la plupart des dialectes par amuissement de s avec allongement de la voyelle precedente, en e"olien d'Asie et en thessalien par substitution de -T/-,-^\Iaux anciens -sn-, -stn-. Par exemple un ancien *asXaava, signifiant la « brillante », derive de creXa? et qui a servi a designer la « lune », est en dorien asXava, en ionien-attique aeXVjvrj, en lesbien rcXavva; et, en regard de £m, qui est panhellenique, l'ancienne premiere personne *esmi (identique a Sanskrit asmi, vieux slave jesml) est ei|M en ionien-attique, rt\u. en dorien, k\i.\u en lesbien. Une forme SJJ.J/I, a iaquelle il 6tait trop aise" de substituer l'ionien e'.jj.t, ne saurait avoir ete conservee chez Homere. Mais un d6riv6 du mot SpsSoc, dont le theme est epeo£7-, apparait sous la forme eolienne asiatique ou thessalienne IpeSswo; dans la vieille formule spsfievvr; VJ?, OU seule la finale -a. a ete ionisee en -y;; c'est que l'adjectif d^riv^ de lpz.60; n'existait pas en ionien ; au contraire, les derives *<paeavsc, *«XYSaoc, aXys? apparaissent sous la forme ionienne MEIVO;, a~kyzv/6;. Toutefoison a le mot purement poetique apvevvs? (a cote de apyeiT-^). Frappants au premier abord, ces faits ne sont pas encore probants, parce qu'une ancienne graphie apyevog admettait les deux interpretations: apyevvoc, avec notation de vv inconnue au texte originel d'Homere, et apyevos, avec £ long, qni s'ecrit apysivo; dans l'alphabet ionien constitud apres la fixation du texte d'Homere. Les pronoms personnels signifiant « nous » et « vous « prouvent plus, sans dtre encore decisifs : ils ont en ionien des formes diffe'rentes des formes e'oliennes, non seulement parce que le groupe *-sm- qui figurait a l'interieur de ces pronoms a eu des traitements differents en ionien et en eolien d'Asie, mais aussi parce que l'ionien-attique a fortement innove dans leur flexion, comme on l'a vu p. 84. On a ainsi :
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LA LANGUE HOMERIQUE IONIEN
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EOLIEN D ' A S I E
Nominatif
Accusatif fyjtia; (dissyllabe d'ordinaire) i>[j.ixq (dissyllabe d'ordinaire) Datif
Le texte homerique renferme souvent les formes eoliennes : on ne pouvait pas fabriquer un Vjy-s pour le mettre a la place de l'eolien d'^e, et celui-ci a subsiste. La meme ou le texte a la forme ionienne, le vers permet souvent d'y substituer les formes Eoliennes correspondantes, ainsi N377 W
y.s to1. "ft-iet; tauTa y ' UITOJ/6[J.£VOI
ou rien n'empeche de lire x^.^ ; on lit d'ailleurs d'[j.|.u(v), sans necessite metrique, a la fin du vers N 379. Lecontraire est exceptionnel. Toutefois ceci n'autorise pas a substituer &\j.y,z$ a r^st; la meme 011 la substitution est metriquement possible, D'autre part, bien que les possessifs &\>,\).oc, u;j.[j,o; soient attestes en lesbien, le texte homerique a x[j.iz, if.ic, a c6te de ij;j,£T£poc, ijAETsp:;; on ne saurait tirer de la aucune consequence, parce que le texte originel des poemes homeriques ignorant l'usage d'ecrire les consonnes g6minees, portait a^.s, ap.5; el U;J.= , J;J.O(; ; la repartition surprenante de a'|j.[j,e et de y.\xiq (a cot6 de it^.€(i et ^^Tcpo?, qui ont regu l\ ionien) est due aux hommes qui ont transpos6 le texte homerique dans line orthographe nouvelle, et n'a, pour le texte originel, aucune autorit6. En revanche, le fait suivant est surement eolien. Quand une dentale des autres dialectes suivie de e et commenc,ant un mot non enclitique repose sur une gutturale indo-europeenne accompagnee d'un element w, l'eolien a une labiale(v. p. 92); par exemple en regard de latin quattuor et de attique -=uaape;, dorien t^Topsc, le beotien a x^Ttaps^et le les bien zis^jpiq, x£sapa. Pour autant que les mots correspondants n'existent pas en ionien, le texte homerique conserve trace de cette particularity. Le nom de nombre « quatre » y a d'ordinaire un -c- initial: xia<soip$.$, xiizpzot; et t£-ponoi ; mais une forme a vocalisme aberrant, xiuupsj, offre le u initial 6olien. Et on n'a chez Homere que xAwp, xeXwpw;, en regard de xeXwp •
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iteXwpiov chez Hesychius et de xsXtopisv sur une inscription du i or siecle av. J.-C. ; le verbe homerique TCXW, ic=Xo|/.as a la meme racine que le latin cob, inquilinus et aurait ailleurs un x initial; il y a du reste un T dans le cretois xsAo^ai « je serai », et, chez Homere me'me, dans un verbe apparentd: wepiTeXXo^vuv evtxjxwv, expression dont la forme aoristique est icspwcXojiivwv Iviauxwv (ou le % devant X est conforme a un usage panhellenique). Le (3 de l'ionien-attique (JxpaSpov est devant a le representant attendu de l'ancien gw qui est represent^ par u- (consonne) dans le latin uorare; mais devant un e, il y aurait dans'les dialectes non eoliens une dentale, et en fait l'arcadien a £eps6pov; or, on lit gspsSpov chez Homere, forme qui ne peut etre qu'eolienne et que la ressemblance avec jSipaOpov aura protegee. Les formes grammaticales offrent, plus que l'aspect phonetique des mots, des traces sures de dialecte eolien. L'infinitif est instructif a ce point de vue ; dos themes qui ont la flexion en -[j.i du type de i<srr,\u, esTvjv y pre"sentent a la fois l'infinitif eolien en -|.*.evai ou en -[JL=V et l'infinitif ionien-attique en -vai. On a par exemple I^svat, l\i.i>.f> (avec le-;A;J- e"olien issu de -sm-) et STVJCI (avec s-.v- issu de *esn- a la maniere ionienne); Sojj.evai, o6[i.vi et oouvat, Sicouvat ; l£[j.vm, li\j.v), e^evat, I'^sv et etvai; ax\i.it[i.vui et Sa^vai; etc. Ces formes rappellent e\>.[).e)OL'., 2;|j.£va'. du lesbien, £;j.[v,ev, §qj,£v du thessalien, £qv,£v, SOJJ.£V du b^otien. L'infinitif en -\KVKXI n'est connu que par le lesbien et par la langue homerique. — Dans le type en -w, on trouve a la fois ^pejAiv et oipzw ; or, si le lesbien a xp, -/.ax, av, ou meme ne possedent que ces formes monosyllabiques. La ou elles sont metriquement possibles, les formes dissyllabiques T.zpz, v.-j.-a, mo. dominent de beaucoup' chez Homere ; mais on rencontre aussi les formes xxp, -/.at, av qui doivent encore appartenir au fonds eolien ; ce sont ces formes qui sont de regie quand le mot suivant commence par une ou par deux syllabes breves et que, par consequent, l'emploi de irxpoc, y.xix, ava entrainerait la suite, impossible, de trois ou de quatre breves. On trouve done : S 2/1 ^euaTO y.ay. xe^aXrji; Z 201 •ijTsi b /.arc TteStov to'AXv^iov 010; a % 2 3 o fjLSiucva T ' ew'.SiSiv sial Tcaaasva, xaS
Les formes monosyllabiques se rencontrent du reste quelquefois aussi devant une syllabe longue suivante, mais seulement d'une maniere sporadique : A
172 o\ 8' ixi 'A.<x\i< [J.sa-aov zsSi'ev 9c6£ovxo
$ieq\F)Mc.
II ne manque pas d'exemples comme y.aoSusat, y.ay.y.vjat, x,ay./.eisvx£c, yaXXsixo), ou comme i\>.6z.Wn aviT-^ast;, maisce sont les moins ordinaires, et l'on trouve plut6t des types comme xaS6aXs, -/.axOavc, aj/irexaXtiv, aispusvta (de av-FepJa)), etc. Les formes casuelles en -^t(v), de type quasi adverbial, qui jouent un grand role chez IJomere, sont donnees pour eoliennes par les grammairiens anciens; et en effet l'on n'a jusqu'a present trouv6 trace de rien de pareil dans des parlers locaux qu'en Beotie, avec le deriv6 iTtmaTpsyiov d'une inscription de Tanagra. Les noms d'agent etaient, dans la periode commune du grec, en -zr,p ou -Tup dans les mots simples, en -rjj- dans les composes; les dialectes autres que l'ionien-attique conservent en general cet etat ancien. Mais, de bonne heure, l'ionien-attique a etendu -T«;, qui y apparait sous la forme -XTJ;, aux mots simples; l'innovation, 6tant commune a l'ionien et a
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l'attique, est anterieure a la composition des poemes homeViques. Or, dans l'ensemble, la formation des noms d'agents chez Homere est conforme a la regie ancienne, maintenue en eolien, et Ton y a regulierement Soxijp, $orrtp, ou Sdkwp, gcoxwp, pvJTwp. II n'y manque pas, il est vrai, de mots du type ionien-atttique, comme xyop-qx-fe; mais ce sont tous des deriv6s relativement nouveaux, et ces mots doivent faire parlie de la couche la plus r^cente du vocabulaire homerique. Enfin l'une des grandes caracteristiques de 1'eolien, l'emploi d'adjectifs derives la ou les autres dialectes ont des g^nitifs, se rencontre frequemment chez Homere ou les locutions g(v] 'Hpyv.'krlzirn Iloia-rasv uiov, etc. sont courantes. Si done le premier aspect de la langue homerique est ionien, il suffit de faire abstraction du fait que la redaction definitive des poemes a ete faite en Ionie et par des Ioniens et que le texte a ete adapts progressivement a ce qu'attendaient des auditeurs ioniens pour que transparaisse un fonds eolien, conserv6 la ou la m6trique excluait la forme ionienne. Ceci ne veut du resle pas dire qu'il n'y ait pas eu des formes ioniennes des une date ancienne. On ne peut sans violence retirer du texte ni tout l'ionien ni tout l'dolien. L'eolien homerique ne correspond exactement a aucune forme connue de l'eolien. On n'en saurait etre surpris. D'abord il repose sur une tradition plus ancienne que tous les restes subsistants des parlers ^oliens connus par ailleurs. Et d'autre part, on ne co'nnait pas tout l'eolien. II y a eu notamment en Asie Mineure, dans la region de Smyrne et de File de Chios, nombre de cites dont la langue a £te a date ancienne l'eolien et ou l'ionien a pris ensuite la place de l'eolien. II serait done vain d'essayer de localiser les traits eoliens de la langue homdrique. On a fait l'hypothese que tout le vieux fonds des poemes hom^riques aurait ele d'abord redige en eolien et ionise ensuite, et il est en effet possible de r6tablir en Eolien sans corrections graves de longs passages de l'lliade et de l'Odyssee. Mais cette hypothese simpliste et m^canique conduit a faire au texte trop de violences. Si parfois elle se laisse poursuivre en quelque mesure, e'est que les dialectes grecs peuvent se transposer les uns dans les autres le plus souvent sans que le rythme quantitatif des mots, qui 6tait chose stable, y soit int6ress6. Elle n'a jamais eu de credit; il n'y a pas lieu de s'y arreter. L'exemple suivant suffit a montrer combien l'hypolhese est arbitraire. Les desinences secondaires en -ZT> sont courantes dans le texte homerique, et il n'est en principe pas possible d'y subftituer des desinences en -v la 011 elles se rencontrent; ainsi on ne lit jamais chez Homere que v, 0£aav, qui sont frequents (et quelquefois la forme toute nouvelle
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LA LANGUE HOM^RIQUE SOVJJUV, 0/jxav), jatnais eQsv; on y lit a la fois eitav, otiv et e s t y j , etc. La nouvelle desinence, proprement ionienne-attique, -jav fait done partie integranle des poemes hom6riques, en mSme temps que l'ancien -v. La metrique hom6rique a du reste un caractere plus ionien qu'6olien: la division du vers en pieds de meme dur^e et l'equivalence de deux breves avec une longue sont des traits caracteristiques de la metrique ionienne, qui ne se retrouvent pas chez les poetes eoliens: Alcee, Sappho, Corinne. On a depuis emis Tid6e que le melange singulier d'eolien et d'ionien qu'on observe chez Homere proviendrait dc l'etat linguistique profondement trouble ou ont du se trouver durant un temps les cites eoliennes qui passaient a Tionien (voir ci-dessus, p. 80). Encore a l'epoque historique, il y a quelques exemples de formes eoliennes, par exemple des 3ea personnes du pluriel du subjonctif en -wic. au lieu de -wai a Chios sur des inscriptions. Mais le melange ar'oilraire de formes grammaticales de dates diverses et de dialectes divers qui caracterise l'usage homerique d^passe ce que l'on connait en aucun domaine dans l'usage d'une communautd linguislique. Une tradition litteraire peutconserver des formes incoherentes; on ne saurait s'attendre a rencontrer dans l'usage courant un pareil melange. Mais il doit y avoir une part de ve"rite dans les deux hypotheses. En l'etat ou ils sont, les poemes hom6riques ne sont pas le resultat d'une transposition de textes eoliens en ionien. Mais de pareilles transpositions sont chose couranteenlitterature: la Chanson de Roland, qui a&e'composee en dialecte de l'lle-de France, est conservee dans un manuscrit anglonormand etsous un aspect anglo-normand. II a du y avoir des transpositions de lYolien en ionien, et la langue de l'e"popee s'est fixee sur des transpositions de ce genre, peut-etre grossieres. Le melange qui en resultait aurait sans doute paru choquant dans des pays ou il y aurait eu un parler de type pur; mais dans des cit6s ou l'ionien et l'eolien ^taient parl6s l'un et l'autre, ou tel individu employait un eolien plus ou moins gauchement transpose1 en ionien et tel autre un ionien influence par de l'eolien, et 011 finalement l'ionien a remplace l'e'olien, le melange de l'ionien et de l'eolien n'apparaissait pas monstrueux. La langue ^pique a pu se fixer ainsi, et la tradition l'a des lors maintenue.
II s'agit, des le de"but, d'une langue litteraire, et qui ne repond a aucun idiome employe par une cil6 quelconque. Le caractere artificielde la langue homerique se voit notamment dans l'emploi du nombre duel. Alors que les formes du duel sont en attique employees suivant des regies fixes, ou que, ailleurs, elles ont disparu, elles sont utilises chez Homere pour la commodity de la versiQcation, et d'une maniere arbitraire, dont aucun texte attique n'offre l'6quivalent, a beaucoup pres. On trouve c6te a c6te
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LES LANGUES LITTERAIRES
des duels et des pluriels, sans raison visible autre que la facilite avec laquelle les formes des deux nombres entraient dans les vers: A 331
TO) \xh T«p6-^aav-e xai J]
A 338 @ 79
\ pf p xw 0' autM |j.apTupoi eatwv 6!Ji£ ou' Atavres [/.EV^rrjV, OspaxoVTe; "
Mort en ionien d'Asie a l'epoque historique et aussi a Lesbos, subsistant a peine dans telle vieille inscription eolienne des rives d'Asie Mineure ou on lit TW emrzxzz, le duel est pour les poeles homeriques une survivance dont ils se servent suivant leur cornmodile et qui contribue a donner a leur langue l'aspect archaique qu'ils recherchaient. Le vieux mot eerie est toujours au duel: c'est un terme purement poetique, conserve par tradition litte'raire; au conlraire,le mot courant ofOaA^i; n'est au duel que dans quatre exemples dont deux en un meme vers J 115 = 154, et les formes ordinairos sont c^>0aX|J.cr', c.[j.opcl elm y.ai a'.SoD;, oiivsn.' d'pa uips^? oi^.a; MOUJ ' sSfoa^e, ^IXYJITS SI ^OXov asiSuv.
Cette corporation n'est pas propre a une cite. Les aedes avaient d'ailleurs besoin, pour leurs chants heroiques, d'une langue differente de celle de tous les jours, et leur souci n'etait pas de composer dans la langue de tout le monde, mais dans une langue qui n'etait exactement celle de personne. Ils n'echappaient pas a l'influence de leur langue courante; mais ils ne cherchaient pas a la reproduire dans leurs chants. La poesie epique s'adresse a toute l'aristocratie grecque: l'lliade" est le plus panhellenique des poemes. Par le fait qu'ils ont etd fixes en pays ionien, les poemes homeriques ont pris un aspect ionien. Mais n'ayant
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LA LANGUE HOM^RIQUE
rien de particulier a l'un des groupes helleniques, ils n'ont rien de vraiment dialectal. L'examen du vocabulaire confirme ces remarques. I] y a, comme l'a indique Aristote, beaucoup de composes chez Homere; et, pour la plupart, ces composes ne font pas partie de l'essentiel du vocabulaire; si on les supprimait, le discours deviendrait plusprosaiique, mais le sens ne perdrait en general rien. Voici par exemple un passage ou presque chaque vers a un compose plus ou moins traditionnel — ceci depasse la moyenne habituelle cbez Homere •—, et ou l'on pourrait, sans dommage pour le sens, mais non pour I'effet, les supprimer tous: II 569
waav §£ xpoTspot Tpws; (/'^Xr/.GJTta? 'kycaouq. } yp p p uio; 'Ayot.v.Xffiq ' j;,£yaO;;[.iso2, oto? 'Exsiysy o; p' sv BouSsfco euvanj;ivM i(/ - )avaaj£ 3 TO xpiv • onxp TOTS y la0Aov avety'.b-)
r i '
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(/^O^'.ov s i ; euzo)Aov, i'va
Des qu'il s'agit des dieux, l'emploi des composes epithetes devient regulier, et le apyupo^^av du morceau cite est conforme a l'usage ordinaire. Voici par exemple le d6but du chant 0 : ' I I w ; \).b> 7.pc-/.6TZiiCkoi b/lo-ixxo xaaav ETC' a i a v ,
ZEU; CE 6swv ayopv Koirfixzo T£pTtiy.;'pauvcc, icsXuSsipaSoi; O
On voit par la quel est le role de ces composes. Outre les composes qui sont surtout un ornement ajoute, ce qui donne au vocabulaire homerique son caractere particulier, e'est qu'il comprend, pour une forte part, des termes 6trangers au vocabulaire ionien et attique. Ceci tient en partie a son archaisme, et un vieux mot comme i'aa£, qui est de date indo-europeenne, n'a aucun caractere dialectal propre, ou du moins on ne saurait actuellement lui en attribuer un. Mais Feolisme se marque dans le vocabulaire tout comme dans l'aspect phonetique des mots ou dans les formes grammaticales. S'il est question de « fleurs », elles sont designees dans les poemes i. La prononciation a dii 4lro 'Aya^eJ^iOi. i. D'aprcs la remarque faitc ci-dessus, on tiendra pour probable quo le poete a prononce [XiyaOufJ-OO.
3. >;vaase mss.; la contraction de e/"a en r\ est conlraire au vieil usage, maintenu chez Homere.
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LES LANGUES
home'riques par le mot courant et, a ce qu'il semble, panhellenique avQo;, Mais si Ton veut obtenir une ^pithfete poetique, on ne part pas de av8o; ; on recourt a un autre mot, avO^J.cv, dont l'extension dialectale n'est pas aisee a definir, et qui en tout cas a existe en dorien ; car on le trouve sur les tables d'Hcraclee. Sans doute a-t-il existe en eolien ; car Sappho emploie i:sXuav6i'i«'? et avGi^wSr,;. « Fleuri » se dit done chez Homere av0£ij.:ctc, qu'on trouve dix ibis, parce qu'il entrait commode'ment dans l'hexametre, a cote" de i'vOo; : B 467
eaTsv S* sv XSIJAW-M Sy.a^avopfo) [A'jp'isi, 'oaax xe <poXXa Y.M avOea
Ce mot avQs^jv est le type meme de la yXwft* commode : different du mot usuel, mais ais^ment intelligible grace a sa ressemblance aveccelui-ci et fournissant a la m^trique des ressources autres. Aussi a-t-il fait fortune et se retrouve-tTil chezPindare, chez les tragiques d'Atheneset meme chez Aristophane, dans les choeurs. Le mot TCsAsta;, qui est ionien-attique, se trouve deux fois dans les poemes homeriques, ainsi E 777 : ai os PaTrjv tp^puji ireXeweatv i'G[;.a9' b\j.oXy.6 la forme la plus « interhellenique ». Hipponax d'Ephese, posteVieur d'un siecle a Archiloque, est vulgaire. Son vers, termini par u __u, est d'origine populaire; il rappelle certains types, sans doute aussi populaires, de vers vediques de 8 syllabes termines par _ ^ _ !pou<Ji est sa forme ordinaire. Dans tous ces cas, la metrique n'enseigne rien; evidemment des formes aussi singulieres que ipdpoiaa ou Ttap9lvov zypotepav Si66 vw X X 6^x,e Ssaxcivav ^ pt^av axefpou Tpitav £uOaXXotaav oixeiv. 8' AaXiov
Cette frequence des composes tient sans doute a l'origine religieuse des hymnes faits pour etre chantes en choeur : ce sont avant tout les noms de dieux, de heros et de ce qui leur touche qui sont ainsi environnes d'epithetes composees. Et c'est aussi un procede de la langue religieuse que celui qui consiste a designer les etres et les choses par des periphrases ou des termes substitues, comme Atrwioa; ou AaXiov ^eTvov. Mais ces caracteres dus a ce que la lyrique chorale etait faite pour des ceremonies religieuses ont ete tournes en proc^des litteraires.
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LES LANGUES DES POETES LYRIQUES
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Dans une langue qui n'est proprement celle d'aucune localite ni d'aucune epoque determined, il est malaise d'isoler ce que l'on pour rait qualifier de -j-XCmai : le vocabulaire est un melange de termes panhelleniques, de termes doriens gen^raux, devieux mots quin'avaient sans doute cours qu'en poesie. Mais le depart entre ces elements ne peut se faire avec surete. Soit par exemple un morceau du pean V de Pindare: tfye AaXt' "A-icoXXov evGa f/.s icaT3etxeivG) souligne le fait que l'acte de tuer est mene jusqu'au bout. On congoit pourquoi l'attique a generalise 7,oexax.x£ivu> et aTtoOvvjawu : il s'agit de faits qui, par nature, s'achevent. Le poete peut indiquer simplement l'acte de « tuer », ainsi Eschyle, Eum. 84 : y,al yap
KTIXVETV
a'iiszvra [AYjxpwov
M\>MS
« je t'ai decide a percer le sein d'une mere » ; ou marquer le caractere definitif de l'acte, ib. 602 :
« en tuant son epoux, ellea tue mon pere » (trad. Mazon). Ce n'est done pas au hasard que les poetes ont ainsi xxei'vw ou xaxaxxsfvw. Du reste, dans Euthyphron 4 b-d, Platon oppose Ixxsivsv, xTei'va; servant pour exposer un point de droit, a axsxxstvev, a-Kov.-cehaq servant pour indiquer le fait particulier dont il est question. — De meme, si l'attique a generalise x.a6eu5(i), e'est que, par nature, la notion de « dormir » implique un etat acquis ; et, si les tragiques ont garde euSw en face de xaOeuSw* e'est qu'ils pouvaient par la mieux exprimer une nuance, ainsi Eum. g4 : suSoix' otv, d)^, x«l naOsuSoujwv xi SsT ; « dormez done a votre aise : ah ! j'ai grand besoin de dormeuses ! » ; par eiiSotx' av, l'ombre de Clytemnestre indique : « vous pouvez poursuivre votre sommeil », et par y,a6£uSouawv « des femmes endormies » ; le contraste est sensible. Au vers io4, suBouaa est traduit « dans le sommeil » par M. Mazon, avec un sens profond de la valeur du mot. — En s'ecartant de l'usage courant, les poetes gardaient le moyen d'exprimer une nuance precieuse. Souvent les mots sont voisins des mots attiques, mais autres : o'a^xwp, e^Goc, iraxpa, si[Aa, ayYcS» a u ' ' e u de O'IX^XYJC, e^9pa, xaxpt?, i'^axicv, ayYEfov. L'existence de ITWU et de axe^avoi; permettait a l'auditeur de comprendre un mot aziyoq « couronne ». On trouve de me'me twxoxrj? (qui est homerique) au lieu de WITCU?, vzo-/y.bq au lieu de ticq, a^bii^oq au lieu de axi\j.oq, etc. II s'agit toujours d'eviter le mot usuel, mais en restant intelligible. Aulieu de vauxyj?, on dira vauxiXo?, qui est ionien, ou vauSaxr,;. Pour eviter xuSepvv^xrjg, on forgera suriupu(i.va, d'apres le modele de •jvpupaxY^;, un mot xpu|A\^xr;.h i^apyjqq kv. SasXta; -qk^e., TWV SI 'A9^vr)^ixq hk "O^poq. La personnalite d'Epicharme echappe ; il a vecu au plus tard au debut du ve siecle ; on peut se demander du reste si le nom de ce poete — ce n'est guere qu'un nom — ne sert pas a resumer tout un genre. Aristophane, venu apres, a produit de 427 a 388. Sophron, l'auteurdes mimes en XOIVYJ occidentale du type
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LES LANGUES LITTERAIRES
dorien, est a peu pres contemporain d'Aristophane, et plutot un peu plus ancien. Le parler syracusain dont se sert la comedie sicilienne parait avoir eu, comme on doit l'attendre du parler d'une grande ville de civilisation a population melee, une Evolution rapide. Les inscriptions doriennes de Sicile sont malheureusement rares et peu instructives, et Ton ne connait guere le parler de Syracuse que par des ceuvres litteraires, mediocrement transmises, comme les fragments d'Epicharme, profondement alterees dans la forme, comme les traites d'Archimede, ou tardives et breves, comme les idylles de Theocrite en syracusain. Mais on a sur des faits grammaticaux quelques donnees qui semblent certaines. Les vieux genitifs doriens de pronoms personnels iy.io, xeo sont remplaces par des formes analogiques : i^ioq, TEO?. La 3 e personne du pluriel (F)!.axni de fotSa a donne naissance a une flexion de (/")ic-ajj,t, glose par ETuVwput. La 3 e personne du pluriel du type SE'.VWUOVTI a fait remplacer le type de 8e(y.vu[M P a r 8eix,vi5 xoT; Awpideaai si pareille forme n'avait pas ete courante a Syracuse. On a vu en effet que le datif pluriel en -earn qui est eolien, est aussi 1 'une des caracteristiques du groupe occidental du Nord et qu'il se rencontre de plus dans le parler dorien le plus voisin de ce groupe, celui de Gorinthe ; onl'a observe dans les diverses colonies de Corinthe : a Corcyre, a Epidamnos (en Illyrie), a Akrai (en Sicile), et c'est ainsi qu'on trouve -earn naturellement a Syracuse. Jusque dans le detail, Epicharme semble etre rest£ fidele a l'usage courant : a cote de pivsaat, il a TMUI ; or, il semble bien que, dans des parlers occidentaux ou -sum domine par ailleurs, la vieille forme ^aci a subsiste; et, a Helaisa en Sicile, a une date posterieure, quand la forme en -oiq avait remplace -taai, on trouve, a cot6 de datifs pluriels en -ot? du type de iepojj.vajj.ovon;, le datif pluriel icaai, encore au i er siecle av. J.-G.
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LA LANGUE DE LA COMEDIE
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La langue d'Epicharme differe profondement de l'attique, ainsi dans ce fragment 9 (Kaibel): wo-rcep at icovrjpai jjia a" 0 uxove'itovtai ' yuvatxa? [wopai; cn\x. aXktxi §s Xfxpav, t a t 5 av , x.ott itavxa YW(»>ax,ovxi x w . . .
11 faut cependant tenir compte de ce que les fragments conserves, en partie cites pour les mots Granges qu'ils contiennent, font apparaitre le vocabulaire comme plus different du vocabulaire attique que ne ferait l'ensemble du texte, ainsi que le montrent les passages de quelque etendue qui ont subsiste. Rien n'est plus naturel que cette langue; ainsi le portrait fameux du parasite (fr. 35 Kaibel) : xw Xwvxt, x.a'Xsaat Set xa'i x u Y a t*''! ^w v m, /.ouS^v SeT TIQVSI hi •frtxpiieq 1' el[*l x,al icotiw vial xbv taxtuvx' i$ avxfov x a x a ^ a ^ w v , xoXX' S ^ v S ou)( 0 uaT; \i.oi Ipxto 8' oXta6pa^d)v xs xat n.axa
II y a des composes; mais ils ont un caractere parodique et servent a l'expression comique: la comedie est un genre poetique, et elle utilise a des fins comiques le precede que la lyrique chorale et la tragedie emploient pour donner de la noblesse a leur langue: fr. 61 fr. 67 fr. 102
)r« SuawS-/]? j3oX6cxl av TOIOUTOV YJ V av Y) au Y) a'XXo? Tt? itpanYj osiov
eivat, o §' av [Ar, xotouxov, JAY) - Les langues litteraires qui se sont etablies les unes apres les autres en Orient, le gotique, l'armenien, le copte, le slave, sont plus ou moins calquees sur le grec en tout ce qui releve de la doctrine chretienneet memede la civilisation en general. Dans tout le monde chretien, done dans tout le monde civilise" d'aujourd'hui, les langues refletent ainsi la KOVIT, hellenistique.
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CHAPITRE SOURCES
DE
III
LA CONNAISSANCE
DE
LA
II est ais6 de determiner les caracteres de la langue des prosateurs a l'epoque hellenistique et a l'epoque imperiale, pour autant que les manuscrits reproduisent l'etat originel des ouvrages, comme ils le font en effet pour l'essentiel: simple affaire de depouillement de textes. Mais cette etude n'a d'interet — un interet mince du reste — que pour l'histoire de la litterature. Ge qui importerait au linguiste, ce serait de savoir quelle etait dans l'usage parle la langue courante. Mais, ainsi pose, le probleme est insoluble ; car la langue parlee ne s'ecrit pas, et surtout pas dans une nation qui a une longue et forte tradition litteraire. Le probleme ne se laisse meme pas poser precisement. Car, a en juger par ce que l'on observe a. l'epoque moderne, il y a une infinite de fac.ons differentes de parler une langue commune. II est entendu que le parler franc.ais normal est celui de Paris; mais on parle a Paris de bien des manieres. On ne trouverait sans doute pas de sujets nes a Paris de parents tous deux parisiens et de families parisiennes depuis longtemps, qui n'aient pas subi d'influences provinciales de domestiques, de professeurs ou d'amis. Quand Koschwitz a voulu fixer dans un livre les prononciations parisiennes, il s'est adresse a des hommes connus, litterateurs, comediens, orateurs, savants; or, sauf une, celle de G. Paris — qui du reste n'etait pas ne a Paris —, toutes ces prononciations sont ou provinciales — et meme pas provinciales de la region centrale qui est encore du type parisien en gros — ou artificielles, et en general les deux a la fois: pas une, a l'exception de celle de G. Paris, ne peut passer pour « parisienne ». Du reste le frangais de Paris differe suivant les conditions sociales, suivant l'objet que se proposent les sujets en parlant, suivant l'entourage dans lequel ils se trouvent; il varie de milieu social a milieu social, de situation a situation, d'individu a individu. Sans sortir de la France centrale, le franc,ais varie de ville a ville. A.
MEILLET.
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CONSTITUTION D ' U N E LANGUE COMMUNE
Dans le Midi, il prend des aspects imprevus, nettement incorrects; mais, si choquante qu'elle soit pour un Francais de la region parisienne, on ne saurait dire que la langue pariee par la petite bourgeoisie a Marseille ou a Toulouse ne soit pas du francais commun. Et encore y a-t-il pour la maniere de parler francais une norme definie dont chacun essaie de se rapprocher. Mais l'allemand, qui est fixe comme langue ecrite, Test peu dans sa forme pariee; la prononciation n'y comporte pas de norme comme le francais et varie de region a region, de ville a ville: l'aspect de l'allemand n'est pas le meme a Vienne, a Zurich, a Munich, a Francfort, a Leipzig, a Berlin et a Cologne par exemple, et les differences de prononciation sont considerables. Le linguiste a qui l'on demande de decrire le frangais commun, 1'anglais commun est done embarrasse; et en effet il n'existe aucune description de l'etat actuel d'aucune des grandes langues de l'Europe occidentale. S'il s'agit de grec commun, on rencontre la meme difficulte; mais de plus l'objet meme de l'observation a disparu.Le probleme consiste a determiner quelles traces ont laissees dans les documents ecrits conserves les tendances de la langue courante. II sera toujours difficile et souvent impossible de determiner si les faits observes dans les documents qui subsistent ont ete generaux, ou s'ils ont ete particuliers a certaines regions, a certaines epoques, a certains milieux sociaux, a certains individus. Mais, si une description exacte et complete de la langue grecque commune courante a un moment donne ne saurait etre fournie, si le projet meme de fournir cette description est denue de sens, on peut determiner dans quelle direction evoluait la langue et sur quels points il tendait a se produire des changements, dont le grec actuel presente le terme. C'est la ce que l'on peut demander aux donnees antiques. Les textes les plus precieux sont ceux qui n'ont aucun caractere litteraire: des lettres privees, des comptes, des rapports, et surtout quand ces documents proviennent de personnes peu lettrees, que la mediocrite de leurs connaissances faisait echapper en quelque mesure a l'influence de la langue litteraire traditionnelle. La decouverte de nombreuses pieces de ce genre sur des papyrus d'Egypte a permis de se rendre compte de ce qu'avait ete le grec parle a l'epoque hellenistique et a l'epoque imperiale. Ce qui, pour le linguiste, est interessant dans ces textes et ce qui leur donne leur prix, ce sont les fautes qu'ils presentent par rapport aux regies de la langue litteraire et traditionnelle. Les faits conformes aux regies peuvent provenir de l'autorite de ces regies elles-memes, puisque toute personne qui ecrit est lettree en quelque mesure, a lu et a passe par l'ecole et s'efforce, dans la mesure de ,ses connaissances, de reproduire les meilleurs modeles qu'elle connait. Seules, les divergences d'avec la
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SOURCES DE LA CONNAISSANCE DE LA Y.OVITJ
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norme, les « fautes contre le bon usage », interessent le linguiste dans ces monuments. Par exemple, les documents d'origine privee des me-iie siecles av. J.-C. confondent souvent t\ et t, prouvant ainsi que le passage de la diphtongue 6i a la prononciation i etait realise des cette date; on sait que i est la prononciation de ei en grec moderne et que cette prononciation etait deja fixee a l'epoque byzantine. Les textes ecrits par des Grecs peu lettres en Egypte aux m e -u e siecles av. J.-C. montrent que des lors on ne savait plus distinguer entre eiet i. Mais les textes officiels maintiennent la distinction exactement; ainsi les lois de finances de Ptolemee Philadelphe (25g-258 av. J.-G.) n'offrent que~ deux exemples de la confusion: avaXuciv pour l'infinitif avaXcoaeiv et axoTeivstw pour aicoxiveTw (encore ne doit-on pas oublier que, pour ce dernier, la confusion etait rendue facile parce que l'aoriste classique etait dc^oTeiaaxw); les fonctiorinaires des bureaux officiels laissaient done echapper quelques fautes qui avertissent que, si l'orthographe maintenait la distinction, la prononciation n'en gardaitrien, meme chez les gens qui savaient l'orthographe et visaient a la correction. — La confusion entre si et i est grande aussi dans les papyrus d'Herculanum aux environs du debut de l'ere chretienne. Les faits que revelent les textes ne sont qu'une partie de ceux qui ont eu lieu dans la realite. L'orthographe, meme des gens les moins lettres, en dissimule certains d'une maniere absolue : ainsi v se rencontrent un peu partout dans l'Ancien Testament; or, precisement YJXXWV et eXaxxuw sont frequents dans les papyrus egyptiens d'epoque ptolemaique, alors que le xx attique y est rare par ailleurs. Encore dans le Nouveau Testament, il y a des exemples sporadiques de eXaxxwv ; eXaxov, c'est-a-dire eXoexxov, se lit encore sur une inscription de Magnesie au n e siecle ap. J.-C. Le verbe •^xxSaOai a ete particulierement resistant parce que la forme ionienne, toute differente, kacotxtftM, ne recouvrait pas la forme attique; le verbe attique n'a done pas subi l'ionisatiori coutumiere de xx en as. — Ce qui confirme l'authenticite de la repartition de xx et de era dans l'Ancien et le Nouveau Testaments, e'est que le xx se trouve surtout dans les ouvrages de caractere relativement litteraire : les livres II, III, IV des Macchabees ont Y^wxxa et yXwxxoxo^ei'v, wpdxxeiv, xapaxxeiv, etc., toutes formes qui ne se rencontrent pas dans d'autres livres de l'Ancien Testament. Sur certains points, on ne sait que decider. Les papyrus egyptiens et les anciennes inscriptions en xoivifi ont regulierement xeauapa, ou meme xsxxapa avec ap comme l'attique ; au contraire les manuscrits de l'Ancien et du Nouveau Testaments ont xdo-uepa, forme qui s'est repandue surtout a partirdu i er siecle ap. J . - C , dontl'origine ionienne est evidente'et qui a du par suite appartenir d'abord alanotvv5 d'Asie Mineure. Faut-il admettre que le xe'crfrepa des manuscrits est authentique et que les Septante ont subi l'influence de la /.oiv/j d'Asie Mineure ? ou xeaaspa a-t-il remplace dans les manuscrits l'ancien xso-aapa des auteurs ? En tout cas, xEo-jepa est authentique dans le Nouveau Testament, dont le grec repose sur les parlers d'Asie ; e'est la forme des manuscrits les plus anciens. Done, meme pour le detail de la graphie, les textes de l'Ancien et du Nouveau Testaments ont un interet malgre l'incertitude inevitable de la transmission pour quelques details. Pour les formes grammaticales et les questions d'emploi des formes, et aussi pour le vocabulaire, ils ont plus de valeur encore. Un detail met cette valeur en evidence : l'Evangile de Luc, oeuvre d'un redacteur relativement lettre, corrige sans cesse la redaction vulgaire des sources employees, tandis que Mathieu et surtout Marc conservent mieux ce caractere vulgaire. On a ainsi comme une cri-
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CONSTITUTION D'UNE IANGUE COMMUNE
tique antique des vulgarismes de Marc. En utilisantle Nouveau Testament avec critique, on a la une source importante, que sur bien des points rien ne peut remplacer, pour la connaissance de la xotvYj. On y voit comment ecrivaient des gens demi-cultives, et cultives a des degres divers, et ces textes donnent une idee, sinon du parler « vulgaire », du moins de la langue courante. Les textes meme les plus litteraires sont encore utilisables et fournissent quantite de donnees. Si pris qu'on soit par la tradition et quelque desir qu'on ait de la continuer exactement ou de la restaurer, on n'echappe pas a l'influence du parler de son temps. Les innovations, les precedes d'usage courant se traduisent par une forme qui echappe ca et la ou par une maniere d'employer certaines formes qui ne concorde pas exactement avec l'usage ancien : l'optatif employe trop ou trop peu, ou hors de propos, trahit l'ecrivain qui ecrit des optatifs mais qui n'en employait plus en parlant. Des ecrivains comme Menandre, Aristote et Polybe qui n'ont rien de « vulgaire » se sont conformes a l'usage des gens cultives de leur temps ; ils ne fournissent pas, comme 1'Ancien et le Nouveau Testaments, des specimens de parler de niveau ^nferieur ; mais, tout en ecrivant « correctement » en personnes cultivees, ils ne visent pas a l'archaiisme. Plus tard, la reaction des atticistes et l'inevitable imperfection de leur effort apportent, d'une autre maniere, des renseignements dont on peut tirer parti. On arrive ainsi a suivre a l'aide des textes une part au moins de l'histoire de la langue commune. Le grec moderne indique le terme de revolution et permet de determiner ce qui, dans les textes, traduit les tendances du developpement de la langue. En ce sens, les parlers grecs actuels sont une source indispensable pour l'etude de la y.oiv^ : ils fournissent le controle sans lequel on ne saurait faire un depart entre les temoignages des textes.
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CHAPITRE IV C A R A C T E R E S L I N G U I S T I Q U E S DE LA L'attique qui etait au debut du ve siecle un parler arriere au point de vue du deVeloppement linguistique, avait deja evolue au cours du v" etdu ive siecles. L'adoption de l'attique par des populations telles que les Ioniens d'Asie, dont la langue etait a plusieurs egards parvenue des le vie siecle a une periode plus avancee de developpement, a Mte l'evolution. L'emploi de cette meme langue par toutes sortes de gens ayant des parlers helleniques divers ou dont la langue maternelle etait une langue etrangere differente du grec a enfin contribue a effacer ce qui dans le grec d'Athenes etait idiomatique, ce qui etait difficile a acquerir pour qui n'etait pas un natif. En devenantune langue commune, le grec, et enparticulier le grec d'Athenes, devait done perdre de son archaiisme, de ses traits caracteristiques. Par le fait qu'elle cessait d'etre la langue d'une cite pour devenir celle d'une nation, ou plutot d'un large groupe d'hommes ayant un meme type de civilisation, la langue se transformait et, en se transformant, prenait un type plus banal. Pour autant que les donnees les laissent deviner, les changements se pressent en effet.
I. — LE RYTHME.
Le grec ancien avait conserve le rythme quantitatif qui est l'une des particularites de l'indo-europeen commun. Tout le rythme de la langue reposait sur des alternances de syllabes longues et de syllabes breves : faire un vers consistait a repartir d'une maniere definie des syllabes longues et breves. Le ton, qui consistait en une elevation de la voix et qui n'etait accompagne d'aucun renforcement ni surtout d'aucun allongement de la syllabe, ne jouait ni dans le rythme de la langue, ni par suite dans la versification, aucun role. La difference entre les syllabes aigues et les
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CONSTITUTION D ' U N E LANGUE COMMUNE
syllabes graves importait au musicien qui composait une melodie destinee a 6tre chantee, et le compositeur des hymnes conserves a Delphes en a tenu compte. Mais cette difference n'intervenait pas dans la rythmique. Get etat est l'inverse de celui que presentent deslanguesmodernes, comme le franc.ais, l'allemand ou l'anglais, ou, en composant une piece de chant, le musicien doit tenir compte de l'accent d'intensite pour le faire concorder avecles temps forts du rythme musical, mais, non de la hauteur propre de chaque voyelle du mot. Le grec est, de toutes les langues indo-europeennes, celle qui donne l'idee la plus complete du rythme quantitatif de l'indo-europeen commun. Car les voyelles finales des mots, dont certaines ont en Sanskrit vedique une quantite flottante, y apparaissent avec des quantites fixes, et il n'y avait dans le grec le plus ancien aucune syllabe indifferente au point de vue de la quantite. L'attique de l'epoque classique conserve encore ce rythme quantitatif. Un seul changement de detail intervient : les groupes du type occlusive plus liquide, comme -tr-, qui faisaient position en indo-europeen et qui font encore position chez Homere, ont cesse de faire position, et xaTpo?, qui valait d'abord _^, a abouti a la valeur ^ ; cette innovation resultait de la nature de ces groupes ; pareil changement a eu lieu en effet en latin, ou patris vaut ^ chez Plaute et Terence, et meme en Sanskrit, dans des ouvrages bouddhiques representant une tradition plus recente que la tradition vedique. II resulte de la, chez les poetes grecs posterieurs a l'epoque homerique, un flottement entre la valeur traditionnelle _u de waxpo? et la valeur ^ conforme a l'usage de la langue depuis le vie siecle. Mais en principe le rythme demeure quantitatif. A cet etat du grec ancien s'oppose celui du grec moderne ; le grec moderne n'a pas de voyelles longues ou breves par elles-memes. Sont longues les voyelles interieures frappees de l'accent; sont breves les voyelles interieures inaccentuees. Les voyelles toniques sont aujourd'hui encore prononcees avec une elevation de la voix : l'accent de hauteur n'a done pas disparu. II n'y a pas d'intensite fortement marquee, ni d'effets marques de'l'intensite ; car les alterations et les chutes de voyelles qu'on observe dans les parlers modernes, surtout dans la region septentrionale, s'expliquent par des differences de quantite plus que par des differences d'intensite. Mais l'ancien rythme quantitatif a disparu, remplace par un rythme accentuel. Par cefait, si un Grec ancien pouvait entendre legrec d'aujourd'hui, meme en faisant abstraction de toutes les autres alterations^ il ne reconnaitrait plus l'aspect general de sa langue. Ce changement ne se traduit par rien dans la graphie, et la metrique, toujours en retard sur le developpement phonetique dans une langue lit— teraire fixee, n'en porte trace sans doute que longtemps apres que le fait etait accompli."II faut attendre l'epoque byzantine pour trouver des poesies
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CARACTERES LINGUISTIQUES DE LA XOtVY)
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chretiennes fondees sur l'accent, non sur la quantite, et une prose metrique reposant sur des observances d'accent. Oppien, vers 210 ap. J . - C , ne tient pas plus de compte de l'accent qu'Homere, son modele. Mais le Syrien Babrios, contemporain d'Oppien, tout en faisant des vers quantitatifs, atteste le r61e nouveau de l'accent dans la langue par le fait qu'il met systematiquement une tonique au dernier temps fort, c'est-a-dire sur la penultieme syllabe, de ses vers iambiques scazons : Xecov §£ xoiJTOV xpouKocXeiTO
G'est le premier temoignage qu'on ait en poesie du changement qui s'est produit dans la langue. Mais la ruine du rythme quantitatifestanterieure au in* siecle ap. J.-G. Le parler populaire d'Athenes en offre des traces des le ve siecle av. J.-G. Les defixiones attiques confondent deja e et Y] : on y lit \i.e (pour |J.YJ), [ASTspa, AOsvaio? et TYJ^VYJV, HxatYjv, xpi^Yjpo;. Des inscriptions attiques du m e siecle av. J.-G. confondent 0 et u, et la confusion commence plus tot encore dans les difixiones 011 on lit Sojtpatris, rcpoxov, ^pEaastpwv^?, etc. Dans une grande ville comme Athenes ou la population etait melee et ou il y avait beaucoup d'etrangers, le sentiment de la quantite est done trouble des une date ancienne. II n'est pas aise de trouver des exemples probants, parce que la graphie ne distingue pas entre 1 et u brefs et longs et que, pour la plupart des autres voyelles, il y avait de fortes differences de timbre entre les longues et les breves. On ne peut guere utiliser que des confusions de s et de YJ, avant le moment ou r\ s'est ferme de maniere a aboutir a 1, et surtout de 0 et de to. Les papyrus 6gyptiens offrent des graphies de e au lieu de YJ et de vj au lieu de E des le m e siecle av. J.-C. On a par exemple ei SYJ \>:I\ valant till p.^ vers 25o av. J.-G., euuijSsiav en 161 av. J.-C., et, par suite, de faux emplois de l'augment temporel, comme [/,eTY]X8ai a l'infinitif, ou de fausses formes comme itXyjpY); au neutre(i6o av. J . - C ) . Inversement, on a Ae^.Yjxpto? en 260 av. J.-C., TYJV Tetap-cev en 236 av. J.-C., etc., et, par suite, de fausses formes comme xupoeioe? au masculin, vers i65 av. J.-C. Sur les inscriptions, de pareilles fautes d'orthographe sont naturellement rares. On signale cependant a Magnesie, vers 190 av. J.-C., un exemple isolede -rjt;o[«)va au lieu de -r;a-o[j.eva. A Athenes il n'y a pas sur les inscriptions d'exemples connus avant l'epoque imperiale. — D'ailleurs, dans la prononciation, g ne s'est pas confondu avec YJ ; car YJ a passe a i, tandis que e gardait son caractere dee. En ce qui concerne 0 et a), les faits sont plus clairs, parce que, faute d'avoir a cote de lui un u proprement dit (u etait un u), le to n'a pas ete entraine jusqu'a la prononciation u comme YJ a ete attire par les i existants
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CONSTITUTION DUNE LANGUE COMMUNE
(seuls quelques parlers ruraux ont change des -w finaux en u, on le verra, ci-dessous, p . 316) et que, aujourd'hui, les anciens 0 et les anciens w sont indiscernables dans la prononciation du grec (abstraction faite de quelques parlers aberrants). Sur les papyrus egyptiens, les confusions de 0 et de o) apparaissent au m c siecle av. J . - C , et sont frequentes au ne. On trouve alors sSoxa, onvue, avayoY*)?* xpoxov, et inversement TWV Xoyov, etc. L textes litteraires l i i d ' H l ff d ' l il A Les d'Herculanum offrent peu d'exemples pareils. Magnesie, une inscription du n e siecle av. J.-G. adeja Aptjs^tSopofu et une inscription du 1" siecle ap. J . - C , gitXoSw^dix;. A Athenes, i l y a des traces de la confusion sur des inscriptions des le n e siecle av. J.-C., et les erreurs sont frequentes a l'epoque imperiale. La presence ou 1'absence du ton n'intervient en rien dans ces confusions. Si les exemples de confusion sont plus nombreux en syllabe atone qu'en syllabe tonique, cela tient a ce que le nombre des syllabes atones est plus grand que celui des toniques. Le sentiment des alternances quantitatives tend done a se perdre en grec des avant le in e siecle av. J.-C. La langue polie a sans douferesistd longtemps. Mais, a l'epoque byzantine, la confusion etait realisee. Alors les voyelles toniques ont tendu a devenir longues a l'interieur des mots, tandis que les atones tendaient a etre breves, et e'est l'etat que presente le grec moderne. Le rythme de la langue s'est done transforme. La graphie n'en laisse pour ainsi dire rien soupconner; les sujets parlants n'ont presque pas du s'en rendre compte, et la versification n'en a tire la consequence que longtemps apres son accomplissement. Ce n'est pas une singularite du grec: les anciennes oppositions de breves et de longues et le rythme quantitatif ont disparu plus ou moins tot dans toutes les langues indoeuropeennes; seul aujourd'hui le groupe letto-lituanien, et en particulier le lituanien, en donne une idee quelque peu exacte; mais meme en lituanien, l'aspect ancien des choses est deforme par l'abregement des fins de mots et par l'intervention de l'aocent qui tend a allonger les voyelles accentu^es. En grec, le changement s'est produit durant une periode historique, ou l'on en peut sinon suivre, du moins deviner, le progres.
II.
—
LE DIGAMMA ET L'ASPIRATION INITIALE.
L'innovation de la prononciation grecque qui a le plus defigure les mots indo-europeens a ete, on l'a vu, p. 21 et suiv. celle qui a porte sur les consonnes y, zv et 5. Aucune ne caracterise le grec d'une maniere plus particuliere. La consonne y a 6t6 eliminee des une epoque prehistorique, et pas un
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CARACTERES UNGUISTIQUES DE LA XOIV^
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seu\y indo-europeen n'est maintenu en grec sous sa forme ancienne d ^ A l'initiale du mot, on a rjxap, avec h initiale, en regard du latin iecur, et frjyov, avec £ initial, en regard du latin iugum, le i latin notant dans les deux cas y consonne. Laconsonne w a eteplusresistante. Elle s'est maintenue dans la plupart des dialectes, etl'un des signes de l'alphabet semitique, celui du wau, a ete affecte a la noter; c'estle F. Mais en ionien et en attique, le F s'est amui avant l'epoque historique — et posterieurement a la separation de l'ionien et de l'attique — : ce qui est dans les autres parlers F£p-fov, correspondant a l'allemand werk, est gpyov en ionien et en attique. Entre voyelles, le F s'est aussi amui dans les parlers autres que l'ionien-attique des une epoque tres ancienne; le F intervocalique est regulierement note par l'alphabet Cypriote, dont la fixation est ancienne; mais les exemples de F entre voyelles ecrits dans des inscriptions en alphabet grec sont rares, et Ton n'en trouve que tres peu apres le ive siecle av. J.-C. Meme a l'initiale, ou il s'est le mieux conserve, le F tend a s'amuir en beaucoup de parlers. II ne figure deja plus dans les inscriptions des iles doriennes voisines du domaine ionien. II n'existait plus a. Lesbos au ive siecle. Ce qui explique sans doute cet amuissement du F, c'est que le w ancien avait probablement perdu en grec sa sonorite; or, un w sans vibrations glottales est quelque chose de tres faible, qui s'articule peu et s'entend mal. La. ou, sur le domaine dorien, le F est reste — ou redevenu — sonore, il a persist6, et par exemple a Sparte, il ne semble pas que le F initial se soit jamais amui: l'auteur qui a recueilli, a une date surement assez tardive, le lexique laconien dont Hesychius a sauve de nombreux debris, a regulierement note par [3, valant v, le F initial laconien; ainsi le mot FicFux; du grec ancien, ion.-att. taw?, y est note (3(wp, avec le rhotacisme du -q final et le passage a h (ensuite amuie) du a intervocalique. Dans un parler moderne de la Laconie, qui renferme, par une exception unique, quelques restes du dialecte ancien, en tsaconien, l'ancien /"apvt'ov est represente par vanne, vanjulli « agneau » avec un v sonore a l'initiale. — La generalisation de la KOIVYJ a eu pour effet de faire disparaitre le F la ou on le prononcait encore au m e siecle av. J . - C , c'est-a-dire dans une partie du domaine occidental et en Beotie. L's initiale de l'indo-europeen devant voyelle a passe a h, et Vs interieure entre voyelles a disparu apres avoir passe par h. Le grec repond par ho au nominatif Sanskrit sa, gotique sa du demonstratif *to-. Mais, comme il arrive souvent, h a tendu a s'amuir, meme a l'initiale. L'attique et la plupart des parlers continentaux ont bien conserve h a l'initiale des mots; au contraire l'ionien d'Asie et aussi le lesbien ont perdu de bonne heure Yh initiale et ont prononce o ce que les Atheniens prononcaient ho. Cette disparition de l'aspiration initiale en ionien se traduit dans l'alpha-
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CONSTITUTION D UNE LANGUE COMMONE
bet ionien par l'affectation de la lettre H qui notait l'aspiree et qui a continue de lanoter dans les alphabets italiotes, notamment dans l'alphabet latin, a la notation de la voyelle YJ, que d'abord on n'avait pas distinguee graphiquement de e. Quand l'alphabet ionien a ete accepte par des parlers qui, comme l'attique, avaient conserve h initiale, un element phonique essentiel de la langue est reste sans notation, et ceci rend impossible de suivre l'histoire de h initiale en grec d'une maniere precise. La notation de h au moyen de ' (esprit rude) qu'ont inventee les Alexandrins n'a ete d'abord en usage que chez les philologues; les inscriptions ne l'emploient pas, non plus que la plupart des manuscrits antiques conserves. Les papyrus antiques, meme litteraires, n'emploient pas normalement les signes d'esprits. Toutefois, il semble que, la meme ou h subsiste, cette consonne disparaisse aisement : le delphique, qui garde h dans les mots principaux, tend a l'amuir dans les mots accessoires; sur la grande inscription des Labyades (vers 4oo), on lit le demonstratif isole ho avec h, mais l'article 0 sans h. A Athenes, h s'est maintenue, el Ton en a vu un effet dans la creation de ouSei? (p. 263 et suiv.). Quand le modele attique s'est impose au moment ou la JWIVY) a commence de s'etendre, les personnes qui voulaient parler bien se sont sans doute efforcees de reproduire l'aspiration initiale suivant l'usage athenien ; mais a des gens qui n'ont pas de h dans leur parler maternel on sait combien il est malaise de realiser la prononciation de h, et il y a lieu de croire que les Grecs d'Asie n'ont jamais pour la plupart retabli h dans leur maniere ordinaire de parler. Et, comme l'in^ fluence des Grecs d'Asie a ete decisive dans l'extension de la xoivrj, comme d'ailleurs Yh n'etait pas ecrite et que l'influence de la graphie ne tendait pas a la maintenir, la prononciation de h a du 6tre toujours chose irreguliere dans la plus grande partie du domaine de la xoivvj. Dans les papyrus, la fagon d'ecrire les consonnes devant les mots commengant par h avertit souvent que les scribes n'avaient pas le sens de Yh initiale: on trouve au m e siecle av. J.-C. xa-:' exaa-cov, v.az' YJJJ.UV, etc. Mais la graphie correcte, du type y.cc6' svcau-cov, se maintienta cote, et la prononciation de h a longtemps subsiste chez une partie des Grecs. Elle a fini par disparaitre, et le grec moderne ignore h initiale. II est impossible de dire en quelle mesure l'elimination de h a eu lieu spontanement chez ceux des Grecs qui ont garde h longtemps et en quelle mesure elle resulte de l'imitation des Grecs d'Asie qui n'avaient plus h des une epoque ancienne. Un fait etrange, dont on n'a pas l'explication, c'est que certains mots ou Yh initiale n'a pas de valeur etymologique et ou l'attique n'avait pas de h en effet, ont regu h a l'epoque de la XOIVYJ chez ceux des Grecs qui prononcaient Yh. On trouve dans l'inscription dorienne d'Heraclee, a la fin du ive siecle av. J . - C , h initiale dans des mots qui avaient autrefois un F initial, comme bwoq, ou qui meme commengaient par une voyelle,
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CARACTERES LINGUISTIQUES DE LA XOlVq
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comme haipoq. Et des textes en y.owfi traitent quelques mots comme s'ils
cette prononciation h n'est pas claire dans la plupart des cas; le flottement qui s'est produit quand une partie des Grecs avaient h initiale et que d'autres ne l'avaient pas et que les gens qui n'employaient pas ordinairement h aspiraient quelquefois, a propos ou non, pour « bien parler » a contribue a introduire des incertitudes meme chez des sujets qui connaissaient h. Cette prononciation a repondu a une realite, et le grec moderne en a trace dans des mots comme I^STO? ou ^sQaupiov. En sommele F et Yh initiale ont finipar disparaitre, etces deux disparitions 'ont ete le terme du developpement, commence avant l'epoque historique, qui a amene en grec l'elimination de trois des consonnes indoeuropeennes a l'initiale des mots et entre voyelles: y) w et s. III.
—
L E NOMBRE DUEL.
•Outre le singulier et le pluriel, Pindo-europeen avait des formes propres pour le nombre duel a chaque cas de la flexion nominale et a chaque personne de la flexion verbale. Le duel n'etait pas employe suivant le caprice des sujets parlants; il etait de rigueur toutes les fois qu'il etait question de deux personnes ou de deux objets, soit que ces personnes ou ces objets aient constitue des paires, soientqu'ils aient ete reunis fortuitement. Les textes vediques et avestiques conservent cet etat de choses en indo-iranien, et le vieux slave le presente aussi dans son integrite. Mais, au fur et a mesure du progres de la civilisation, une maniere plus abstraite d'envisager la categorie du nombre a prevalu, et partout on a tendu a opposer seulement l'unite a la pluralite; le duel s'est done elimine. Une langue ancienne comme le latin n'en a plus trace des les premiers textes. En grec, dans la plupart des regions coloniales, dont la civilisation etait relativement avancee, l'elimination du duel est un fait accompli des le debut de la tradition. L'ionien du vie siecle ignore le duel: il n'y a pas non plus de duel dans le lesbien de Sappho ou d'Alcee. Aussi l'emploi du duel est-il chez Homere un pur archaisme, et la maniere inconstante et incoherente dont ce nombre y est employe suivant la commodite du poete suffit a montrer que les auteurs n'en avaient plus le sentiment dans leur parler ordinaire. En revanche, le duel se maintient dans la Grece continentale, demeuree longtemps en arriere; on le rencontre jusqu'a la fin du ve siecle en laconien, en beotien et surtout en attique. Sans doute A. MEIIXET.
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CONSTITUTION D ' U N E LANGUE COMMUNE
la desinence verbale de i r e personne du duel a disparu partout de bonne heure, et Ton n'en rencontre plus qu'une trace incertaine en argien. Mais les formes subsistantes se maintiennent, et la rigueur de l'emploi est presque pareille a ce que l'on observe en ancien indo-iranien et en vieux slave. Les inscriptions attiques ont le duel regulierement et sans exception jusqu'en ^09 av. J.-C. Aristophane, qui produit de ^27 a 338, emploie le duel d'une maniere reguliere et bien definie; le duel est frequent et encore assez regulierement employe chez Platon. Si les poetes tragiques l'emploient d'une maniere capricieuse et si Thucydide l'evite, cela vient de l'influence ionienne qui domine ces auteurs. Puis le duel s'elimine; les orateurs l'avaient toujours employe avec reserve, comme trop peu conforme a. l'usage de la prose litteraire; Demosthene ne connait plus que le genitif-datif en -oiv a cote de Suotv. Dans les inscriptions attiques, le duel est irregulier depuis 4og av. J . - C , et la derniere forme employee, celle en -ow, disparait a partir de 32g av. J.-C. environ. Menandre se distingue d'Aristophane entre autres choses par ceci qu'il ignore le duel; il ecrit Su' o66Xou? (Epitr. i£) et SuoTv ^oivfotcov (Heros 16); seul le juron traditionnel vv) TW (SEW, qui se lit deux fois dans les fragments conserves sur papyrus, est un reste du duel chez Menandre, et ceci repond a l'usage de la langue, car une inscription attique du n e siecle av. J.-C. presente encore le duel TGH 6eon (ainsi ecrit). Le duel disparait si bien que le datif Suotv, devenu SusTv, est remplace au ier siecle av. J.-C. par une flexion attique Suut, tout comme on avait eu en ionien, des l'epoque d'Heiodote, SuoTm et en lesbien Bikov Au moment oia se repandla JWIVYJ, le duel avait done disparu de l'attique comme il avait disparu anciennement de l'ionien, et il ne subsistait sans doute plus nulle part en Grece sauf peut-etre chez quelques ruraux attardes qui n'ont pas laisse trace de leur parler. L'emploi sporadique du duel par les atticistes n'a ete qu'une amusette sans portee de lettres archai'sants; elle n'a pas d'interet pour l'histoire de la langue.
IV.
—
L'OPTATIF.
L'existence de deux modes distincts, de sens assez voisins et tous deux opposes au mode qui indique le fait positif, l'indicatif, ne se rencontre que dans la periode ancienne de deux langues indo-europeennes attestees par des textes de haute date, a savoir l'indo-iranien et le grec. En indo-iranien, le subjonctif et l'optatif ne sont distingues que par les plus anciens textes: les textes vediques ont a la fois le subjonctif et l'optatif; mais le Sanskrit classique et les prakrits ne connaissent plus que l'optatif; en iranien, l'Avesta et les inscriptions achemenides connaissent
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CARACTERES LINGUISTIQUES DE LA XOIVY)
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le subjonctif et l'optatif, mais le pehlvi de l'epoque sassanide, aussi bien que le sogdien, n'a plus que le subjonctif. Les langues indo-europeennes connues plus tardivement ne presentent qu'une seule categorie modale opposee a l'indicatif; on l'appelle d'ordinaire subjonctif, qu'elle repose sur l'optatif indo-europeen ou sur le subjonctif indo-europeen ou qu'elle soit d'origine inconnue. En latin, ou il subsiste des traces a la fois du subjonctif et de l'optatif, les restes de subjonctifs, tels que erit ou leget, n'ont plus le caractere de formes modales; ce sont des formes temporelles, servant a exprimer le futur; seuls des restes de l'optatif, comme sit, uelit, sont entres dans la categorie du « subjonctif)) latin. La distinction du subjonctif et de l'optatif s'est done eliminee, d'une maniere independante, dans chacune des langues indo-europeennes. Pour autant qu'on les connaisse, tous les dialectes grecs ont eu a date historique la distinction du subjonctif et de l'optatif. Sans doute, par la nature de son emploi, l'optatif se prete peu a figurer dans les textes epigraphiques ; mais on le rencontre la ou on l'attend, et tousles anciens textes litteraires l'emploient couramment. En grec moderne, il ne subsiste que le subjonctif, etladisparition de l'optatif est un faitrelativementancien. En effet, dans le Nouveau Testament ou les occasions de l'emp'loyer ne manquaient pas, l'optatif est une rarete ; et e'est chez Luc, l'auteur qui a le plus le caractere litteraire, qu'on en trouve le plus d'exemples. L'optatif avec av a disparu; on ne dit plus (3OIAOI[J.Y)V «V, mais S6OUX6[J.V)V ; et, si on lit dans les Actes, xxvi, 29 : eui-a([M)v av x« ©sa>, z,ai sv oXi'-fw *al £v [xeYaXo), ou p.6vov al, aXXa xa'i Tcavta; xou? a/.ouovxac, JJ,OI» a^[J.epov yeveuQat TOIOUTOU; oitoTo? xayti stpu,TCapenTb?TUV Set7[/,wv xouxwv, e'est dans une declaration solennelle de Paul prononcee devant le roi Agrippa. Ge n'est aussi que chez Luc que l'on trouve encore — et rarement — l'optatif dans une proposition indirecte au passe: Actes xvn, 27 £rjxeiv xbv ©sov, s! apa ye ^YjXa^yjjsiav auxov %a\ eupoisv. Le seul cas ou l'optatif semble avoir ete encore courant a l'epoque des auteurs du Nouveau Testament est celui ou il sert a l'expression d'un voeu: on en compte 38 exemples dans le Nouveau Testament; mais, ce qui montre que l'optatif tendait a ne plus s'employer que dans des formules et que l'emploi libre s'atrophiait, e'est que dans quinze de ces trente-huit exemples, il s'agit de (j.v) ysvoixo, formule familiere a Paul, qui l'emploie ik fois; il n'y a en tout qu'une premiere personne, 6vai'[XYjv, Philemon, 2 0 ; tous les autres exemples sont de 3 e personne, et la plupart de 3 e personne de l'aoriste. Des 67 exemples d'optatif que l'on a releves dans le Nouveau Testament, 22 seulement sont des presents, dont 20 chez Luc et 2 dans I Pierre; chez la plupart des auteurs, notamment chez Paul, il n'y a que des optatifs aoristes. En somme, l'optatif est en voie de disparition rapide au i er siecle ap. J.-C. On en trouve encore quelques exemples dans des papyrus du n e ou du m e siecle
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CONSTITUTION D ' U N E
LANGUE COMMUNE
ap. J.-C. pour l'expression de vceux, dans des sortes de formules religieuses, comme ^aipoi? ou comme svn^eSet'^v T3 opy,w; mais ce ne sont sans doute que des survivances, et l'on ne peut pas conclure de la a un emploi libre et courant de l'optatif dans le parler courant. L'optatifest sorti progressivement de l'usage entre le rve siecle av. J . - C , et le ier et le n e siecle ap. J.-C. Sur la fagon dont l'optatif a disparu, il a ete fait des etudes detai!16es. Les textes demi-vulgaires et les textes litteraires se comportent de manieres differentes ; mais, a bien les interpreter, les temoignages fournis concordent. L'optatif est regulierement employe par Menandre; mais deja dans les phrases subordonnees dependant de preterits, il n'est plus solide. On lit en eftet Epitrep. -446: p tV aSw^jo) TTJV xenoOaav, aXk' i'va ypkri') eSpoijAi, vuv S' eupr[y.a.
Dans Perikeir. kk • iylo yap vjyov ou Toiouxov ovxa TOUTOV, a p x V S'lva [j.Y)VU(7£O)5 TO Xoiita,tou? 6 ' auxwv icote supoiev.
Chez les auteurs posterieurs non atticisants, l'emploi de l'optatif se restreint beaucoup. On a compte les optatifs dans cent pages d'auteurs attiques et d'auteurs ecrivant en xoivVj litteraire. Voici les chiffres : Xenophon Platon Strabon Philon Polybe Diodore de Sicile
33o 25o 76 66 37 i3
Chez Polybe, l'usage de l'optatifest conforme aux regies altiques, plus restreint seulement. Ainsi l'optatif avec av sert, comme en attique, a exprimer la possibilite; mais on ne rencontre guere cet emploi que dans certains verbes, comme e'i[u, (3otiXojJi.au L'usage attique d'employer l'optatif pour attenuer l'affirmation n'est pas represente. Enfin Polybe evite d'avoir a employer dans les subordonnees dependant de preterits l'optatif equivalent au subjonctif, a peu pres comme un Frangais cultive d'aujourd'hui s'arrange de maniere a n'avoir pas a ecrire ni surtout a prononcer un imparfait du subjonctif; tandis que chez les anciens historiens comme Herodote ou Thucydide, on trouve environ un optatif contre deux
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CARACTERES LINGUISTIQUES DE LA X01V7]
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subjonctifs dans les subordonnees, Polybe n'a plus qu'un optatif de cette sorte contre douze subjonctifs. D'autre part, les formes relativement rares de l'optatif, celles du futur et du parfait, n'existent pour ainsi dire plus. Cette diminution de l'emploi de l'optatif chez un auteur du n e siecle av. J . - C , dont la langue est pure et litteraire, traduit une diminution plus forte de l'emploi dans l'usage familier. L'optatif est rare dans les papyrus non litteraires de l'epoque ptolemaique. Quant a l'Ancien Testament, si Ton fait abstraction de textes tardifs a pretentions litteraires et atticisantes comme le IVC livre des Macchabees, l'emploi de l'optatif, pour etre moins sporadique qu'il ne Test dans le Nouveau Testament, n'en apparaitpas moins diminue. L'optatif a presque disparu des phrases subordonnees, et la seule valeur de l'optatif qui semble etre librement et couramment admise est celle du souhait. Meme dans ce dernier cas, les manuscrits presentent un flottement; mais il est permis d'attribuer aux copistes les incorrections nettes ; par exemple le Vaticanus a Jug. iv, i5 6^X6Y) icOp... xal xaxaiyayy); la variante naia^o!. de l'Alexandrinus montre que le subjonctif peut avoir ete introduit ici par un copiste qui ne connaissait plus l'optatif. Le temoignage de Polybe et celui de l'Ancien Testament s'accordent a prouver que l'optatif a disparu d'abord dans les phrases subordonnees et dans les phrases principales ou il exprimait la possibilite. L'optatif servant a exprimer un souhait s'est maintenu plus longlemps, on l'a vu par le Nouveau Testament. Un siecle et demi apres Polybe, la ruine de l'optatif, qui a fait de grands progres, se traduit de manieres diverses chez les auteurs litteraires non atticisants. Diodore de Sicile n'emploie presque plus l'optatif, se conformant, comme les auteurs du Nouveau Testament, a l'usage de la langue parlee par ses contemporains. Philon d'Alexandrie qui est, comme tous les hommes de son temps, soucieux de correction, et sous l'influence des atticistes, reagit au contraire contre l'usage parle de ses contemporains et s'efforce d'introduire des optatifs. On retrouve done chez lui a peu pres tous les emplois attiques, mais en nombre moindre et d'une maniere artificielle. L'optatif indique une affirmation attenuee; mais le futur lui fait concurrence : '{aw? xive? (I-KOXOT:-/]aouai. L'optatif indiquant la possibilite se rencontre, et parfois de maniere impropre; mais l'auteur ne sent pas que ce soit expressif, et il lui arrive d'ecrire : 6 'kbfoq oiSev av xuv xaxa T«? atjOi^csig xaGoi, ouS' e^TtaXiv p^^ai if(i)vr)v Suvaix' av ataOrja-n;. II y a des optatifs au sens du subjonctif dans des phrases subordonnees ; mais on les rencontre apres des presents comme apres des preterits. En somme, Philon fait effort pour reproduire l'usage attique, mais avec des gaucheries.qui trahissent l'imitateur.
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CONSTITUTION D ' U N E LANGUE COMMUNE
Les atticistes proprement dits ont reagi plus encore contre l'abandon de l'optatif; mais l'usage qu'ils font de ce mode ne reposait pins sur un usage de la langue parlee. Le seul interet que puisse offrir pour le linguiste l'usage de l'optatif chez un Lucien se trouve dans les incoherences et les erreurs qui resultent de tout usage artificiel. On aimerait a savoir si 1'elimination de l'optatif a eu lieu plus ou moins tot dans les dialectes autres que l'attiqiie ; mais les faits dont on dispose ne suffisent pas a trancher la question. Dans une tabella devotionis de Cnide, non datee, mais qui est du m e au ier siecle av. J . - C , on lit xai |JW) vjyyi Aa^axpo? xai Koupag, et, troislignes plus bas, y.t\ xu)(ot AajAaxpo? v.ai Kopaq. Dans les actes d'affranchissement de Delphes, qui s'echelonnent de 200 av. J.-C. a i3o ap. J . - C , il y a equivalence entre si Se TI; *axaSouXi^oixo et ei Be tiq xa y.axa§ouAi.£Y]Tai, e n t r e si Ss xi? efpaxroiTO et ei Se X15
v.a e^awnjTai. Optatif et subjonctif s'emploient l'un pour l'autre, et l'un des deux devait disparaitre ; il sensible que dans le Nord-Ouest de la Grece, l'optatif ait eu, notamment dans les phrases conditionnelles, une vitaiite particuliere, et c'est peut-etre dans la region de l'ionien-attique que l'optatif a perdu du terrain le plus tot. Les causes qui ont determine en grec la ruine de l'optatif remontent haut. L'histoire de toutes les langues indo-europeennes montre que le subjonctif et l'optatif n'ont pu se maintenir a la fois. En grec, il se manifesto des le debut que c'est l'optatif qui devait disparaitre. Les usages de l'optatif se sont restreints en effet des avant l'epoque historique. En indo-iranien, l'irrealis est exprimepar l'optatif; le gotique l'exprime de meme par son subjonctif preterit, qui est un ancien optatif. Le latin recourt a son « imparfait du subjonctif ». Le grec tend au contraire a exprimer l'irrealis par un indicatif preterit, ce qui se comprend aisement — des faits analogues ont eu lieu ailleurs, par exemple en armenien —, mais ce qui diminuait beaucoup l'usage de l'optatif, et l'un de ses emplois les plus importants et les plus caracteristiques. Les traces de l'optatif dans les phrases conditionnelles, au sens de l'irrealis, sont rares; surtout en ionien-attique, l'usage du preterit avec av en pareil cas est rigoureusement fixe. — Du reste, la distinction entre les types des phrases conditionnelles attiques, avec indicatif present, avec optatif, avec subjonctif (accompagnes de «'v ou de xe, -ma), avec preterit de l'indicatif, etait trop subtile et delicate pour subsister a la longue, surtout en un temps ou les dialectes en se fondant dans une langue commune perdaient leurs finesses propres et ou le grec etait employe par toutes sortes d'etrangers. L'optatif etait souvent employe en indo-iranien pour les prescriptions. Get usage n'a pas ete inconnu au grec, et l'el^en en fournit des exemples. On lit sur une table de bronze el^enne du vie siecle av. J.-G. : &y.< xa omoTivoi /"sxaaros, a cote de l'imperatif aiioxivsto (c'est-a-dire
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CARACTERES LINGUISTIQUES DE LA X.0177]
VETO)) ;
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e
au iv siecle, cet emploi ne se retrouve deja plus en eleen, et, sur une table du ive siecle av. J.-C.,on lit: «TOTIV£T(O SisXaaiov. En ionienattique, cet emploi prescriptif de l'optatif ne se rencontre pas. L'optatif indo-europeen suffisait par lui-meme a indiquer la possibilite ; bien des faits montrent que le.grec a conserve cette valeur jusqu'a l'epoque historique. Mais 1'affaiblissement de valeur de l'optatif se marque par le fait, que Ton eprouve le besoin de renforcer par une particule l'optatif indiquant possibilite : «v en ionien-attique, xe(v), v.a dans les autres dialectes. L'emploi de l'optatif comme substitut du subjonctif dans les phrases subordonnees dependant d'un preterit, c'est-a-dire comme une sorte de preterit du subjonctif, est une creation du grec. Elle se rencontre deja chez Homere, comme on le voit si l'on compare par exemple ces deux vers : N 229 M 268
OTpuvei; Se v.a\ aXXov, 661. |j,e6iivTa (/}£3yjai vsuteov ov Tiva Tray^u \>-<xyrqq [AeGicVra (/)iSotsv.
Ceci a augmente un peu le nombre des optatifs, mais aux depens de l'unite d'emploi. Or, l'optatif souffrait deja de l'inconvenient d'avoir deux valeurs qui n'avaient plus de rapport l'une avec l'autre : expression de la possibilite et expression du souhait. Ges deux valeurs etaient si distinctes que l'une a pu disparaitre tandis que l'autre se maintenait encore. Autant qu'on en puisse juger par les inscriptions, l'emploi du subjonctif et de l'optatif n'etait pas le meme dans les divers dialectes. Or, s'il est aise d'imiter certaines manieres de prononcer les mots (par exemple de mettre un -q la ou le" dialecte a a) et d'emprunter des mots etrangers, l'adulte a toujours grand' peine a se defaire de la maniere de faire des phrases et de manier les formes grammaticales qu'il a apprise des l'enfance; en reproduisant le parler ionien-attique, les divers Grecs ont du se tromper souvent dans l'emploi des modes, et ceci n'a pu que contribuer a ruiner l'usage simultane du subjonctif et de l'optatif. Les etrangers qui parlaient la X01VY5 ont du aussi avoir peine a employer ces modes avec leur valeur fine et nuancee. Dans les poemes homeriques, il semble que optatif et subjonctif soient a peu pres egalement employes. Chez les auteurs attiques, le subjonctif est sensiblement plus frequent que l'optatif. La possibilite s'exprime mieux, et plus fortement, par des mots tels que « je peux, peut-etre » que par une forme grammaticale propre ; or, c'est l'optatif de possibilite que le grec avait le plus developpe, et l'optatif de souhait n'avait qu'un role limite. Le principe de ]a ruine de l'optatif se trouve done en grec des avant l'epoque historique.
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CONSTITUTION D ' U N E LANGUE COMMUNE
Ce qui fait que le subjonctif s'est inieux conserve que l'optatif, c'est qu'il avait sa place necessaire dans certains types de phrases subordonnees; il n'avait dans les phrases principales qu'un petit role. Au contraire, l'emploi de l'optatif s'^tait beaucoup developpe dans les phrases principales ou il exprimait des nuances, mais ou il n'etait pas une forme essentielle du plan general de la langue ; et il fournissait une maniere polie de s'exprimer sans affirmer d'une maniere tranchee, sans imposer une volonte, plutot qu'un procede indispensable. La perte de l'optatif traduit une diminution dans la delicatesse du grec. G'est une elegance d'aristocrates qui s'est perdue.
IV.
—
ELIMINATION DES ANOMALIES DES VERBES.
Tel qu'il apparait chez Homere, et encore en attique, le verbe grec conserve une large part des complications extremes qui caracterisaient le verbe indo-europeen. Mais, comme des conjugaisons regulieres de verbes derives se sont constitutes des avant les premiers textes, ces complications ne representaient plus les types qui avaient ete normaux en indo-europeen; ce n'etaient plus que des anomalies, destinees a disparaitre. L'ionien du vie-vc siecle avait deja. realise plus d'une de ces simplifications et de ces eliminations necessaires qui ont eu lieu en attique deux siecles plus tard; il est souvent impossible de dire si telle forme de la xoiv^ est due a un emprunt a l'ionien ou a revolution naturelle des formes attiques. 11 est meme oiseux de poser la question, non seulement parce qu'elle n'admet en general pas de solution, mais aussi parce que, au cas ou en effet telle forme aurait ete prise a. l'ionien, c'est l'anomalie de la forme attique qui aurait ete au fond la condition determinante du maintien de cette forme dans les pays de dialecte ionien et de son extension ailleurs. L'Athenien qui disait ES' WXCCV au lieu de ISouav avait entendu des Ioniens parler ainsi dans les rues d'Athenes; mais s'il reproduisait la forme, c'est parce qu'elle etait reguliere et commode. On ne saurait faire un depart exact entre ce qui revient ici a. l'imitation et ce qui resulte de l'etat de la langue. L'opposition d'un singulier actif !6ypY)v, e?[JWjv, eSo^v, parait avoir ete commune au grec entier a date ancienne; c'est l'usage homerique et c'est l'usage attique a l'epoque classique ; de vieilles inscriptions doriennes connaissent encore des 3 es personnes du pluriel sQev, eSov. Mais de bonne heure, l'anomalie tend a se reduire. II y a deja chez Homere des pluriels refaits sur le singulier, comme eOrjxoc/. En ionien, on rencontre encore a Ceos et a Milet; mais la forme ordinaire du pluriel est deja du
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CARACTERES L1NGUISTIQUES DE LA KOIVY}
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type eOYJxa[j.ev, I'Oiqxav, et le moyen du type 10-^aTO ; c'est ce qu'offre le texte d'Herodote. On peut done attribuer a 1'influence ionienne la presence de s.^v.m sur une inscription archaique d'Athenes au vi6 siecle, alors que l'attique avait s'Oeuav ou plut6t, en l'espece, le dael =6exr)v, puisqu'il s'agit de deux personnes ; c'est aussi a 1'influence ionienne que sont dues des formes commercaprjxav,a^-m-t chez les tragiques et chez Thucydide. Car sur les inscriptions attiques, le contraste entre leyjua et eSejAev est regulier jusqu'en 385 av. J.-G. ; de 385 a 3oo, le pluriel e9r,x.av apparait; de 3oo a 3o av. J . - C , on n'a plus que ISvjxav. Les anciens auteurs proprement attiques emploient I9e[/.sv, etc. ; mais chez Menandre, on ne lit plus que aqnfaa-re, e^eSwxaTe, e'6r)x.av. Un mouveraent analogue avait du reste eu lieu dans les autres dialectes: on ne connait que eOnjxav sur les inscriptions lesbiennes et thessaliennes, et e6Yjxav domine sur les inscriptions doriennes. Aussi toute la langue courante a partir du m e siecle ne connait-elle plus que le type i6iq>ca[j.EV, eQyjxav; c'est celui qu'on trouve sur les papyrus d'epoque ptolemaiique, sur les inscriptions de Magnesie, dans l'Ancien et le Nouveau Testaments. Neanmoins, la tradition litteraire maintient des traces de l'ancienne forme attique : les papyrus d'Herculanum ont encore sSouav a cote de e§u>xa|j!,ev. Strabon flotle entre gOetrav, eSoa-av et eBrjxav, sSwxav, et meme l'evangeliste Luc a encore uapdSojav dans un preambule un peu litteraire, I, 2. Les Atticistes ont a la fois la forme de JWIV^, sS(ixa[j.ev, et la forme que leurs manuels leur donnaient avec raison pour attique, ?§o|/.ev. Tout ceci n'emp^chait pas une anomalie de subsister : le type en -/.a n'a prevalu qu'a l'indicatif actif, et pour les autres formes, on gardait la forme sans -y.a ; ce type en -x.a etaitdu reste lui-meme particulier a I67)/,a, rjita, eSwua. Aussi une nouvelle forme, franchement reguliere, intervient a l'epoque imperiale : sO-^cra, affix, e'Swja. Toutefois, malgre l'intervention de cette nouveaute analogique, l'anomalie s'est maintenue; les Peres de l'Egliseemploient encore e3Y]xa) et ISwaa, asiQaa ; la meme ou ayr^a, se maintient, le subjonctif est plutot xa-quu) ; le lesbien actuel (qui n'a rien de commun avec le vieux dialecte lesbien) a afika et dfsa; l'epirote a dfka, mais a l'imperatif if si. Le parfait sans redoublement a fonction de present FoXlx «je sais » avait conserve en grec ancien une flexion archaiique : FotSa, FoXsQa, FoXit, ft'S(jLev, Fiuit, Fwavxi, -Ficrcov. Cette flexion est intacte chez Homere. L'attique la presente a peine attenuee a l'epoque classique, ou cependant tujAev, a la i re personne du pluriel, est du a. l'analogie des deux autres formes du pluriel et de la forme du duel. Mais des l'epoque d'Herodote 1'ionien flechissait o!5a, olSag, o!os, ot3«|/sv, etc. A Athenes, la 2e personne
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CONSTITUTION D'UNE LANGUE COMMUNE
o!ff8a, 6tait etrange ; d'abord on ne l'a pas eliminee; on en a marque le caractere propre de 2e personne par l'addition de - ; , e t Ton trouve oh^an; dans la comedie moyenne et chez Menandre. Ce n'est la qu'un stade transitoire, et cette forme bizarre n'a pas survecu. La 7.01W5 ne connait plus que la flexion normalisee olSa, o'Sa;, oiSajxev, etc. En Sicile et a Gyrene, on observe une autre solution du probleme, dont on ne saurait determiner au juste l'extension surle domaine dorien : sur la 3 e personne du pluriel lawn il a ete fait toute une flexion Iaa|j.t, qui, evitant l'anomalie d'un present a forme de parfait, parait avoir eu quelque succes meme dans la KOIV^. II est a remarquer que le a de Ffaavn est, dans la flexion grecque commune de /oTSa, le seul trait qui soit du a une innovation analogique ; et cette innovation est surprenante; c'est done en partant d'une forme nouvelle, inattendue, que le dorien a constitue le type de IGU\U. L'imparfait du verbe eijjii offre des alterations analogues. La forme i^9a de 2C personne du singulier, qui est celle de l'attique, offrait le meme inconvenient que o!a0a ; on y a aussi ajoute pendant un temps le -; final,, d'ou ^a0a? qu'on lit chez Menandre. Mais cette innovation n'a pas prevalu, et, plus simplement, on a recouru a la forme fa qu'appelait l'analogie et que suggerait 4'usage d'autres dialectes ; toutefois ^a9a est encore la forme ordinaire de 1'Ancien Testament et figure sporadiquement dansleNouveau. La flexion attique de l'imparfait r^i offrait un autre inconvenient : la i r e personne du singulier p se confondait avec la 3 e ; c'est ce qui a entrained sous Tinfluence du futur eao[juxi, la creation d'une premiere personne v^rjv a forme moyenne ; Menandre n'a encore que ^v ; mais les papyrus d'epoque ptolemaiique, 1'Ancien et le Nouveau Testaments ont Yjy.rjv, qui etait manifestement la forme courante de la xoivr, des le m e siecle avant J.-C. ; cela a provoque, plus tard, la creation d'une 2e personne ^ao, et la i r e personne du present est en grec moderne si'^ai. Des l'epoque hellenistique, TtiwoiGa a fourni le presentTCTOIOW(XSTOI6SIV) sur lequel a ete fait un aoriste euexoiOrjaa : la langue obtenait ainsi le groupe de present et d'aoriste qui etait normal et qui est le type dominant de la structure verbale en grec. Comme partout en indo-europeen, les verbes dont la i re personne du singulier etait en *-mi tendent en grec a s'eliminer au profit du type en *-6. Ainsi le type 8si'xvu[/.i disparait dans la x.owv5 devant Sswvtiw ; Menandre a deja axoXXjei et oj/viiw, a cote de e^oXXum. Le point de depart del'innovation se trouve a la 3 e personne du pluriel Seucvuouo-i, qui est au moins aussi ancienne — et sans doute plus — que l'attique 8eix,viS«<ji. Homere a constamment des formes telles que wjxvuov a la 3 e personne du pluriel de l'imparfait des verbes comme 8[xvu(u. Le participedu type Sewvuwv doit aussi etre ancien. Le present iVcyjy.i tend a etre remplace par taxw ou par Jatavu ; c'est ce
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CARACTERES LINGU1STIQUES DE LA XOt.Vq
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qu'on rencontre sur les papyrus d'epoque ptolemaique et dans l'Ancien Testament, ou cependant torrjp. subsiste encore. Polybe emploie i'<m)[u ou bxavto suivant sa commodite, et se sert de Tun ou de l'autre afin d'eviter des hiatus. Dans le Nouveau Testament, wxavw domine, et ICTTYJJJW. n'existe qu'a l'etat de traces. — D'autre part, sur le parfait euTr,x«, a valeur de present, a ete fait un present or-fao), qui ne se lit pas dans les papyrus d'epoque ptolemaique ni d'une maniere sure dans l'Ancien Testament, mais qui est chez Polybe et dans le Nouveau Testament. Le grec moderne a ax Into. Le moyen le plus simple pour se debarrasser des anomalies consiste a remplacer par des verbes de type regulier les verbes dont la forme faisait difficulte. G'est ainsi qu'on trouve dxpeXu au lieu de 6VIVY;[M, que yoSdvQtxi remplace SeSoixsvai, etc. L'aoriste ancien rJYaT0V de «YW a v a i t u n e formation singuliere; il a embarrasse de bonne heure. Des la premiere moitie du ive siecle, le poetemusicien Timothee prete un aoriste analogique rfce au Phrygien qu'il fait parler en mauvais grec. Or, cette forme qui, au ive siecle, produisait sans doute l'effet d'une monstruosite, se lit dans un papyrus de 112 av. J.-C. et dans le Nouveau Testament; elle devient courante dans les papyrus depuis le n e siecle ap. J.-C. — Une autre forme, moins eloignee de l'usage ancien, ayay^tjoa, apparait dans les papyrus au n e siecle av. J.-G. et dure longtemps ensuite. — On a done resolu de deux manieres vers le meme moment la difficulte que posait l'anomalie de vjYaYov. L'une des particularity curieuses de la v.ov/Tt est le developpement de l'aoriste en-Ovjv. La formation en -Orjv est une creation du grec et a servi a donner des aoristes passifs aux verbes qui n'avaient pas un ancien aoriste en -Yj-; elle est devenue la formation normale de l'aoriste passif. Mais l'attique classique l'a toujours reservee au passif. En dehors de l'attique la forme en -6Y)V a penetre notamment dans des verbes qui n'admettent que des desinences moyennes ; l'attique a yevYjcoiJiat, et YeY^vrjjjiai, mais il est reste fidele a £yev6[jw)v. Hors de l'attique, on trouve sYcvV;6r;v en grec occidental, chez Epicharme et chez Archytas, et dans l'ionien d'Hippocrate. Cette forme se montre a Athenes chez le comique Philemon, contemporain de Menandre ; Platon la connaissait deja puisqu'il tire parti de YevvjSVjo-o^ai. Elle est frequente dans les papyrus d'epoque ptolemaique, chez Polybe, dans l'Ancien et le Nouveau Testaments. De meme l'aoriste awexptvaiAYjv de axoxp{vo(Aai se maintient a Athenes, jusque chez Menandre; mais les papyrus d'epoque ptolemaique, l'Ancien et le Nouveau Testaments ontOT£x,pi9vjv.Et cette extension de -6rjv atteste la vitalite de la formation passive en -8Y)V, qui s'est en effet maintenue en grec moderne avec addition de -%a emprunte au parfait, soit une formation en -Orpta (avec subjonctif en -9w).
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CONSTITUTION D ' U N E LANGUE COMMUNE
V. — L A
DESINENCE VERBALE - u
Le grec a herite d'un simple -v final (representant un *-nt plus ancien) pour caracteriser la 3 e personne du pluriel des temps secondaires ; cette desinence avait le triple inconvenient: d'etre trop faible et trop breve pour marquer nettement une forme grammaticale, d'etre identique a la caracteristique de i r e personne du singulier, et de fournir des formes qui avaient une syllabe de moins que les formes de i r e et 2e personnes du pluriel : eXsiuov signifiait a la fois « je laissais » et « ils laissaient » etcadrait mal, au sens de « ils laissaient », avec les formes plus longuesiXetxojjisv, i\ti%eii.. De bonne heure, avant les premiers textes, une desinence dont les origines ne sont pas entierement claires, s'est repandue pour le type en -j/,1 dans le groupe ionien-attique, tandis que les formes du type de SXEITOV, plus frequentes et par suite mieux fixees dans la memoire, ont garde longtemps le type ancien ; au lieu de iOsv, qui se trouve par exemple en arcadien, de eSov qui se lit chez Hesiode, Thiog. 3o, de qxxvev (ou -sv repose sur *-r)vt) frequent chez Homere, on a eu en ionien-attique des le debut de la tradition —• deja chez Homere — s'Oeuav, sTiOsaav, I^avrjaav, ecpaaav, eooaav, sBiSoaav, etc. La langue en est restee la longtemps. Une premiere extension a eu lieu a l'imperatif; le vieil attique avait des pluriels tels que OVTWV, ^epovirwv ou encore gorwv. A partir de 3oo av. J.-G. apparaissent sur les inscriptions attiques des formes comme axoTivdtwuav, qui deviennent promptement les seules. Ges formes existaient sans doute deja plus anciennement dans l'usage, car Euripide a iTioo-av, eo-cwaav. II est plus hasardeux de faire etat des formes qui se lisent chez les prosateurs comme Thucydide ou Xenophon parce qu'elles ne sont pas garanties par le metre. Au n e siecle, la desinence -uav s'etend souvent a la flexion en -w : les papyrus d'Egypte presentent des formes comme eXa^Savoo-av, ^XSoa-av, et il y a dans l'Ancien Testament beaucoup d'exemples comme eXeYoauv, YjXOoaav ; dans ce me"me siecle on lit sur les inscriptions eu^oaav a Pergame, /.aiw^ojo-av a Magnesie, Y)£i,oua-av a Ghalcis, TrapsXa6oixav a Delos, etc. ; mais Athenes reste indemne. Des inscriptions dialectales offrent des faits analogues : sXaSoaav en beotien, avuXeYoiaav (optatif) en delphique, toujours vers le meme temps. II y a done eu la une tendance tres forte, mais qui n'a pas reussi a eliminer le type en -ov : i~ka\>,6avov, eXa&ov demeurent les formes du Nouveau Testament, et ce ne sont pas les formes en -oo-otv qui, dans les verbes en -co non tonique (e'est-a-dire dans les anciens verbes non contractes), ont prevalu en grec moderne. En grec moderne, la desinence en -o-av est celle des verbes accentues
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CARACTERES LINGUISTIQUES DE LA XOIVT)
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e
sur la finale, done des anciens verbes contractes : la 3 personne du pluriel de (e)pa>xw est (s)pwxouaav(e); il est vrai que toute la flexion de cet imparfait est du type (i)panoOaa, (s)ptoTOucre «je lie » est ISevav, comme d'ailleurs la flexion est eSeva, ISsve;, ISeve, Ssva^s, Ssva-re (ou Bdvexs), parallele a celle de l'aoriste ideaa, eSsae?, IBeae, Sda-apie, etc. La tendance qui a prevalu en grec moderne se manifeste des une epoque ancienne : mais ceci n'empeche pas que les formes en -ov de 3 e personne du pluriel ont persiste pendant toute l'antiquite, attestant ainsi la puissance de la tradition.
VI.
—
L E S FORMES NOMIMALES ANOMALES.
De meme que la flexion verbale, la flexion nominale tend a se simplifier et a se reduire a des types clairs caracterises par des voyelles definies : un type en -oq, un type en -d (-r)), etc. Les mots anomaux tendent a s'eliminer. De bonne heure, par exemple utu? est remplace par uloq. Deja Herodote a r^gulierement uto?, sauf 1'accusatif pluriel uliaq, TV, 8h; en attique, uluq semaintient plus longtemps, comme on doit l'attendre; mais uto-; est la seule forme attestee depuis 35o av. J . - C , et e'est par suite la forme de la y.oiv^. Le mot clq disparait purement et simplement, remplace par iip66axov, itpo6axiov qui avaient l'avantage d'etre des mots plus longs, ayant plus de corps, et surtout d'etre reguliers. C'est dejaTCp66aTovet wpo6aTiov que Me"nandre prete a ses paysans; c'est icp68aTov qui est employe dans les papyrus d'epoque ptolemaique et dans les inscriptions en xoivvj, et qui est le terme dont se sert exclusivement le Nouveau Testament. — De meme apva, apvo? sont remplaces par les formes flechies normalement a^oq et apvi'ov; l'Ancien Testament connait encore un peu apva et apvoq ; le Nou-
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Testament n'a plus que a|Avog et apvi'ov. — Le mot 8pvi?, dont la flexion opvt,6o?, etc. n'etait pas annoncee par la forme du nominatif et qui d'ailleurs avait une autre forme dans une partie de la Grece — ou le dorien opvii;, opvi/o; s'est maintenu et a fait concurrence a opvi?, opviGog — semble avoir subsiste a la campagne, avec le sens restreint de « poule » : dans Luc, XIII, 34 opvi? (de tres vieux manuscrits ont opvi^ dans ce passage, et opviy- se maintient en effet en Gappadoce jusqu'a maintenant) a deja le sens de « poule » qui est celui du mot sous sa forme moderne opviOa. Pour designer l'oiseau, on a recouru a opveov qui apparait deja sur un papyrus du m e siecle av. J.-G. ; le terme ordinaire pour « oiseau » est Le mot vau? s'est mieux maintenu. II est souvent chez Menandre; il se trouve encore dans les papyrus d'epoque ptolemaique et dans l'Ancien Testament. Puis il devient rare, et le Nouveau Testament n'a plus que Les comparatifs en -(wv ne perdent leur accusatif singulier en -w et leur nominatif pluriel en -ou? que vers le n e siecle av. J.-G. dans les papyrus egyptiens; par suite -w et -ou? sont encore les formes de l'Ancien Testament. La langue litteraire flotte des lors entre -w et -ova a l'accusatif singulier. — Mais bientot ce sont les formes elles-memes du comparatif en -uov (ou les formes plus anomales telles que 0«TTWV) et les superlatifs en -vrxoq qui s'eliminent. D6ja en attique ces formes e*taient archai'ques, et il n'en subsistait que quelques representants d'emploi usuel bien fixes dans la memoire des sujets parlants, comme Oavcwv, TJTTWV. D'autres formes avaient ete maintenues par des circonstances speciales : e^6iwv etait plus satisfaisant pour l'oreille que e^QpoTspos, qui a deux p dansle mememot; Pa8iwv etait mieux rythme que PaOiitepog qui a trois breves consecutives. Mais avec le temps, ces formes deviennent plus rares. Ainsi pawv s'etait conserve en attique, mais Polybe se sert de paSieorspos, et meme les atticistes n'echappent pas a l'extension du type courant en -Tepo;. — Du reste l'usage du comparatif tend a. diminuer ; le comparatif n'est pas frequent dans les papyrus d'Egypte, et, dans l'Evangile, J. I, i5,on litiiputi; [/.ou, la ou l'on attendrait Ttpotspo? d'apres l'usage classique. Une evolution de la langue se marque done depuis le temps m^me ou le grec attique — un attique parle par des Ioniens et des etrangers — devient la langue commune de civilisation d'une grande region. Le mouvement, que les textes, toujours trop litteraires meme quand le niveau de langue y est peu eleve, ne permettent pas de suivre dans le detail, se poursuit; et, entre le ive siecle av. J.-G. et le ixe ap. J.-G. par exemple, il s'accomplit des changements profonds. La flexion moyenne des verbes s'etait maintenue durant longtemps;
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CARACTERES LINGUISTIQUES DE LA XOtVr)
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mais c'est Tune des particularitesdes verbes indo-europeens qui ont tendu a s'eliminer partoutet dont seules les langues les plus anciennement attestees offrent, soit l'etat ancien, comme le grec classique et les vieux textes indo-iraniens, soit des restes importants, comme le latin, le vieil irlandais «t le gotique: le moyen tend a se reduire; il a des le de"but fait difficulte pour les etrangers qui parlaient grec, et le poete Timothee, du rve siecle av. J . - C , pre"te a sonPhrygien ridicule les formes gp^w et*a6w. Le parfait, qui des l'eolien commun avait perdu la forme propre de son participe, qui de bonne heure avait pris en Sicile la flexion du present (Theocrite prete SeSci'xw a sa Syracusaine) et d'ou des actions analogiques «liminaient les trop fortes anomalies, ainsi Tc^rcovBa remplace par •jisxoa-^a a Syracuse, sort de l'usage, et il n'en subsiste que le participe passif en -jAsvo; sans redoublement: fpx^itoq est aujourd'hui le seul reste du parfait de Ypa^w- A.u ixe siecle ap. J . - C , la valeur de Y^TPa?a n'etait plus sentie, et les traducteurs slaves, qui avaient dans leur langue le moyen de marquer la nuance entre le parfait et l'aoriste grec, ne tiennent pas compte •de la difference entre IXiicov et XdXoiwa. L'histoire du parfait est 1'un des cas ou Ton voit comment le developpement de la /.oivrj resulte de tendances qui ont dans les autres langues indoeuropeennes un pendant. D'une maniere generate, le verbe n'a garde que deux themes principaux opposes l'un a l'autre; c'est ainsi que le latin oppose seulement le theme de cecinl a celui de cand, le theme de dixi a celui de died, le theme de atnaui a celui de amo, etc. Une conjugaison a themes multiples, comme Test celle de grec ancien, est une singularite; le grec ne l'a pas conserved, et le grec moderne n'oppose plus que l'aoriste au present. Longtemps on aurait pu croire le parfait appele a subsister en face du present et de l'aoriste qui offrent des le debut l'opposition principale. Car le nombre des parfaits a commence par grandir, et les emplois du parfait par se multiplier. Les verbes derives, qui n'avaient pas de parfait, en ont recu un avant l'epoque homerique. Le parfait, qui ne servait qu'a indiquer un resultat acquis et qui le plus souvent s'employait absolument, a recu des complements directs, et se comportant des •lors comme les autres themes verbaux, a ete ajoute a nombre de verbes qui n'en possedaient pas. En face de eepe<pa, on trouve e(3aaTa^a. Mais ceci est rare dans les textes ecrits en xowVj, et par exemple les papyrus d'epoque ptolemaique en sont indemnes; le caractere ionien-attique domine dans toutes les regions ou Ton a ecrit eny.oivVj. En revanche, dans les parties de la Grece oil existaient autrefois des parlers de type occidental, e'est-a-dire dans une notable partie du domaine ou Ton a continue jusqu'a present de parler le grec, 1'aoriste en -ga a du se maintenir dans l'usage courant; car le grec moderne connait beaucoup le type e6aata£a, a cote du type iHi^aca, et il arrive que les memes verbes aient l'une et l'autre formes, ainsi e^exa^a et s^taaa. Gette persistance s'explique, puisqu'elle etait autorisee par l'analogie d'aoristes comme a'XXa^a, apxa^a, ea-tpa^a, etc., qui remontent a l'ionien-attique ; elle a du reste ete favorisee par ceci que le type en -a, plus net que le type en -aa, satisfaisait mieux aux besoins. Les faits linguistiques concordent done avec les donnees historiques pour etablir que la xotv^ repose sur l'ionien-attique en general, sur l'attique enparticulier. Mais la x.oiv»] n'est pas de l'attique evolue. Elle s'est constitute par des actions et reactions complexes. L'attique a fourni le premier modele ; mais ce modele n'a ete reproduit qu'en partie; et, quand les centres de la civilisation se sont deplaces, on a cesse de regarder vers Athenes pour y chercher le type normal du bon parler. La xoivvj resulte d'une transformation des parlers locaux, et surtout de l'ionien, sous l'influence de l'attique; et, dans le resultat obtenu, il faut tenir compte de la reaction de l'ensemble de ces parlers en meme temps que de Faction du modele. II faut tenir compte aussi de ce que la vtoivrj est, pour une large part, du grec parle par des etrangers, et par suite suivant une norme enseignee plus que suivant une tradition de famille ou de societe et qui tend a perdre et ses nuances delicates, et les difficultes de sa flexion, et les subtilites de sa syntaxe ; les archai'smes et les delicatesses de l'attique n'avaient pas de place dans la langue des affaires de gens dont beaucoup etaient sans eulture ou n'avaient qu'une culture « primaire » et n'etaient meme pas des Hellenes. La XOIVY] devait repondre aux besoins des centres qui, apres lesvilles de 1'ancienne Ionie et apres Athenes, ont ete a la tete de la civilisation helle-
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nique. Elle n'est pas chose une, parce que, dans ces villes, la population etait diverse. Les besoins d'une plebe urbaine, composite, ne sont pas ceux de ses classes dirigeantes unifiees par l'education. La fac,on de parler des illettres ou des demi-lettres, qui sont la majority, ne concorde pas avec celle des hommes de culture superieure dont le prestige comperise le petit nombre. Suivant les temps et les lieux, suivant les circonstances aussi, c'est la langue de la plebe ou celle des dirigeants, la langue des illettres ou celle des hommes cultives qui prend le dessus. Mais toujours, dans ces centres de culture hellenique sur lesquels ne mordaient guere des civilisations etrangeres, toutes inferieures, il y a, d'une part, la norme traditionnelle, de caractere intellectuel et universel, que travaillent a imposer des gens cultives et, de l'autre, les usages populaires, avec des influences de parlers locaux les uns sur les autres, des recherches affectives et un faible souci des regies fixees. A la longue, la tradition, toujours attaque"e, ne peut manquer de faiblir. Mais le resultat final n'est atteint qu'a travers des actions et reactions multiples entre hommes de niveaux differents et de cultures differentes. II faut ne pas oublier que quelques-uns des principaux changements qui s'observent dans la KOWY} sont dus a de grandes tendances, les unes communes a toutes les langues indo-europeennes, les autres propres au grec, et que, par rapport a ces tendances qui dominent le developpement de la langue, les details propres a l'attique ne sont en somme que des accidents sans consequence. Historiquement, la xoivq est de l'attique parle par une majorite d'loniens ou par des gens qui ont fait pres d'loniens leur apprentissage de l'attique. Mais les principaux changements qui ont donn6 a la langue un caractere nouveau ne sont ni proprement attiques ni proprement ioniens. Us precedent de tendances qui depassent et l'attique et l'ionien.
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CHAPITRE VI MAINTIEN DU GREC DANS L'EMPIRE ROMAIN Les Hellenes et les etrangers qui avaient accepte la culture hellenique etaient trop fiers de leur civilisation pour changer de langue. La conquete achemenide n'avait pas en tame la langue grecque en Asie Mineure. La conquete romaine, malgre la longue duree de 1'empire et la puissance de son administration, n'a pas da vantage reussi a deplacer le grec dans lebassin oriental de la Mediterranee ; c'est que le grec est demeure pour les Romainsune langue de civilisation, que les gens cultive's tenaient asavoir. En Sicile et en Italie, ou le grec n'avait jamais occupe que les cotes sans penetrer avant a Finterieur, et ou d'ailleurs les parlers locaux n'appartenant pas pour la plupart a l'ionien-attique, n'offraient pas la force de resistance de la grande XOIVTJ hellenistique, le grec a fini par s'eliminer — les traces qui semblent en subsister dans des parlers de quelques miserables localites de la Calabre ne sont en tout cas que des curiosites —; mais ni dans la Grece continentale ni en Asie, le grec n'a subi de diminution du fait du latin. Le fait est d'autant plus frappant que, dans les regions voisines, mais ou le grec n'avait pas penetre, en Illyrie et sur le Danube, le latin s'est installe et que meme les invasions slaves n'ont pas reussi a l'en chasser completement: les parlers romans d'lllyrie n'ont disparu tout a fait qu'il y a quelques annees; l'albanais est si plein d'emprunts au latin que les romanistes, en faisant la grammaire comparee des langues romanes, en doivent faire etat, et le roumain est encore completement vivant sur un domaine etendu. Les Romains ont fait prevaloir leur langue la ou ils apportaient une civilisation superieure : en Gaule, en Espagne, dans l'Afrique mineure, dans le Nord de la peninsule balkanique; ils n'ont rien obtenu la ou ils apparaissaient comme des eleves ; ils tenaient eux-memes le grec pour une grande langue dans laquelle on pouvait rediger des publications officielles, ou au moins traduiredes publications officielles, comme
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CONSTITUTION D ' U N E LA.NGUE COMMUNE
Finscription d'Ancyre; et l'empire romain est devenu bilingue; le principe d'une separation entre un empire d'Orient et un empire d'Occident a existe ainsi des le debut. La fierte que les Grecs avaient de leur civilisation se traduit d'une fac.on remarquable dans la langue : toutes les langues empruntent des mots aux langues voisines, Or, aucune n'a moins emprunte — a date historique — que le grec. Sauf quelques termes techniques, sauf les noms de quelques objets inconnus, les Grecs de l'epoque historique s'en tiennent a leur vocabulaire propre, et la langue des classes superieures de la population n'admet pas de termes etrangers. Sans doute il en etait autrement dans le peuple, surtout dans la population melee des cites coloniales. Les vers du poete Hipponax renferment des elements pris a des langues d'Asie Mineure, on l'a vu. En Sicile, Epicharme a des mots venus d'ltalie comme Xixpa ou oyxta; Varron atteste que TOpxo;, emprunt evident au mot indo-europeen du Nord-Ouest represents par le latin porcus, etait en usage en Sicile. Mais ces emprunts locaux ne sortaient guere de l'usage vulgaire. II n'y a pas de langue plus rebelle a l'emprunt a des langues «trangeres que le grec de l'epoque classique parce qu'il n'y a eu nulle part civilisation plus evidemment superieure aux civilisations voisines que n'etait, dans l'antiquite, la civilisation hellenique. Une administration puissante et organisee comme l'etait l'administration romaine a introduit ses termes techniques. Des l'abord, l'usage s'est introduit de publier les decrets officiels a la fois en latin et en grec, et il a fallu mettre en grec les termes officiels. Des len e siecleav. J . - C , il entre des mots tels quevaivai oux,aXav§ai. Un ecrivain qui, comme Polybe, s'occupe de choses romaines emploie couramment des mots tels que ratTpatoi;; il va jusqu'a calquer des expressions latines et ecrit UTC' S^OUOW TWO? aysiv pour traduire sub potestatem redigere% A Delos, en 80 av. J.-G., apparait uatpwv, et le mot est si bien entre dans l'usage que l'onen a le femininTCa-cpwviaaades l'epoque d'Auguste (Finfluence du grec sur le latin se manifeste par le fait que des mots de ce genre, empruntes par le latin, y ont donne lieu, on l'a vu p. 253, au developpement du suffixe -lo-aadela y.oivv7 dans le latin des chretiens et dans les langues romanes; lefrancais dit patronesse, qui est un derive d'un mot pris au latin ecrit). Neanmoins, a date ancienne, on traduit presque tout. Cependant l'armee etant partout de langue latine, les termes relatifs aux choses militaires et aux besoins des legions ont ete empruntes au latin en grand nombre. Les mots Xeyewv, /.oua-iwSta sont deja dans l'Evangile, et meme ih~kcq dans l'Evangile de Jean. A l'epoque imperiale, on ecrit oiexpavo?, xsvTup(a, ta6eXXa, y.Xaaa-Y), qui se lisent sur des papyrus. Mais il ne s'agit a peu pres que de termes designant des choses specifiquement romaines, et le nombre des mots latins qui ont passe en grec a l'epoque antique est toujours reste
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mediocre. Souvent, le grec traduit les termes latins au lieu de les emprunter. Pour determiner l'entree d'une masse plus grande de mots latins, et ensuite de mots romans, il a fallu la ruine de la civilisation hellenique. Au moyen age et a l'epoque moderne, le grec n'a pas ete moins accessible a l'emprunt que toute autre langue. Pour exprimer des notions etrangeres, on se servait en grec de mots grecs dont le sens se pretait a rendre ces notions : par exemple les Septante se servent de suXoysiv pour rendre la racine hebrai'que brk. II est possible que le sens de nombre de mots de la %ovrq soit du ainsi au besoin qu'ont eprouve des etrangers employant le grec de traduire des notions non helleniques. Mais il est malaise de faire la part de ces sortes de croisements. Le grec, langue d'un peuple de la mer, n'a pu se soutenir a l'interieur des continents, ni en Asie, ni en Afrique. La civilisation grecque a eu sur les Parthes une grande action; mais des mots grecs empruntes par Firanien a l'epoque arsacide, peu de chose a subsiste apres la reaction nationaliste qui a aniene l'avenement dela dynastie sassanide. L'armenien n'a rec,u directement de mots grecs qu'a partir de l'epoque chretienne, et les rares mots grecs qu'il a empruntes a date plus ancienne lui sont venus par l'intermediaire de 1'iranienqui, lui-meme, les a perdus en partie. Le slave n'a pas non plus recu de mots grecs avant l'epoque chretienne. Le grec est toujours demeure une langue de regions proches de la mer, et, sauf en Italie et de la dans tout l'Occident, ou la culture a ete hellenisee — mais sous une forme latine —, il n'a pas etendu son influence profondement dans les terres. Aussi, lors de la christianisation, le grec n'est-il pas devenu la langue du christianisme hors des regions oil Ton parlait grec. Tandis que, a l'Occident, le latin, langue imperiale, demeurait la langue officielle de l'Eglise, la seule employee dans les rites de 1'office, la seule servant a. former les pretres et a repandre la science, il s'est cree en Orient autant de langues savantes du christianisme qu'il y avait de nations ayant conscience d'elles-memes ; on a traduit les livres saints en gotique, en armenien, en copte, en slave, et cree, pour chacune de ces langues, un alphabet bien adapte, une langue ecrite dans laquelle on a traduit des ouvrages grecs et redige meme des ouvrages originaux. Ainsi, alors que, a l'Ouest de l'Europe, le latin restait la seule langue de la religion et de la haute culture intellectuelle, il se constituait en Orient des langues religieuses nationales qui sont devenues des langues nationales de civilisation; ces langues se sont en partie maintenues jusqu'a present. Par suite, le grec etait confine dans son domaine propre et ne jouait pas en Orient un r61e comparable a celui que le latin a joue en Occident. II est demeunS, A. MEILLET.
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pour totit l'Orient chretien, un modele qui a exerce sur les clercs une grande influence; mais il n'a pas etc", comme le lalin en Occident, la langue universelle de la philosophie et de toute science, de toute pensee. Dans cette mesure, Faction du grec sur ces langues nationales a ete grande. Le latin etait deja, en tant que langue de civilisation, un reflet du grec ancien. Ges langues nouvelles, en tant qu'elles sont des langues savantes, calquent le grec de textes chretiens, et, la plupart, non pas avec l'elegance et la liberte qu'on observe a Rome, mais d'une maniere servile. Si done le grec lui-meme ne s'est pas etendu comme l'a fait le latin, il a exerce une influence dominante autour de lui.
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CHAP1TRE VII ELIMINATION
DES
PARLERS
LOCAUX
Quel que soit le parler grec moderne qu'on etudie, on constate qu'il repose non sur le parler particulier de la meme region dans l'antiquite, mais sur la x.oiv/5. Meme une ile comme Lesbos, qui a eu un parler propre, une litterature et des inscriptions officielles dans ce parler, ne presente aujourd'hui aucune trace de l'ancien eolien, et c'est a peine si dans la forme de quelque nom de lieu y transparait encore la trace d'une particularite eolienne. La seule region de la Grece ou s'observent de menus restes d'un dialecte antique dans le parler d'aujourd'hui est le Peloponnese ; sur la cote sud-est, le parler tsaconien presente plusieurs traits qui sont des survivances de l'ancien laconien. Le maniote a aussi des traits qui semblent remonter a du dorien ancien. A ceci pres, les parlers locaux ont disparu, et la langue commune a recouvert la Grece entiere. II y a lieu de se demander quand et comment a eu lieu cette disparition des parlers. Le probleme ne comporte pas de solution exacte : les textes ecrits donnent une idee de la langue dans laquelle sont rediges les actes ofEciels et qu'admettent les personnes cultivees ; ils ne revelent en aucune mesure si les personnes qui ecrivaient ou qui tenaient leurs discours publics en -/.cvrq ne se servaient pas du vieux parler local dans leur maison, ni surtout si les gens du peuple, si les habitants de la campagne ne gardaient pas leur patois local. II faudrait sur ces faits des temoignages directs de personnes les ayant observes; mais, comme la survivance de ces parlers dans des villages de paysans n'interessait pas les lettres, les temoignages manquent presque entierement. Strabon dit que les gens du Peloponnese se servent du dorien (Swp'^outn), et quelques parlers locaux qui subsistent encore confirment ce temoignage ; des textes de Suetone, de Pausanias et d'autres auteurs attestent l'usage du dorien, notamment. a Rhodes et en Messenie, au 1" et encore
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au n siecle ap. J.-G. D'autre part, les inscriptions dialectales deviennent rares apres le i" siecle ap. J.-C. ; on en trouve encore quelquesunes au n e ; apres le rve, on n'en signale aucune. A en juger par ces temoignages historiques, peu nombreux et peu explicites, lesparlers locaux seraient sortis progressivement de l'usage entre le rve siecle av. J.-G. et et le ive siecle apres. On ne saurait fixer le moment ou lesderniers restes des anciens dialectes se sont effaces. C'est le dorien du Peloponnese et de quelques iles, notamment de l'ile de Rhodes, qui a ete le plus tenace. Ceci s'explique aisement: le dorien constituait le plus grand groupe; il avait balance durant un temps l'influence de l'ionien-attique ; il a done cede relativement tard devant la x.oiv y pouvait done passer k u; et, en effet, au moins en fin de mot, l'ancien -to est represente par -u en tsaconien et en maniote. Ainsi la i r e personne du present Xefyw est Uxu (x etant la spirante ch de l'allemand) en tsaconien. D'ailleurs, au moment ou la norme avait raison des dernieres particularites locales sur un point, la langue commune avait deja pris.ailleurs, ou elle regnait depuis longtemps, un aspect particulier. La fagon dont on prononQait en Gappadoce n'etait pas la meme qu'a Athenes. II n'y a la. rien de special au grec : on ne connait pas de moment ou le latin ait ete identique dans toute la Romania; aussitot qu'il y a eu un empire arabe ou un empire espagnol, l'arabe et l'espagnol ont ete differencies, en partie parce que les conquerants avaient des parlers differents des l'epoque de la conquete, en partie parce que les populations conquises ont reagi de manieres differentes et parce que les conditions d'extension de la langue ont differe d'un endroit a. l'autre. Dans une langue commune, il y a unite" de norme, non unite de fait. D'une maniere generale, plusieurs des differences dialectales qu'on observe actuellement remontent a l'antiquite. Ainsi, tandis que la prononciation i de YJ s'est dtablie dans la plus grande partie du domaine, le timbre e a subsiste dans la region du Pont ou les Armeniens ont fait des emprunts au grec (sans doute du ive au vn e siecle) avec cette prononciation et ou le timbre e est encore en usage. Les innovations de la xoivvj ne se sont pas toutes repandues sur le domaine tout entier: la creation de qjfpouv, qui se trouve des l'antiquite, a l'epoque imperiale, n'a pas empeche ipepouui de subsister dans les iles de la mer Egee. L'observation des parlers grecs actuels tend done a montrer que l'unite vers laquelle tendait la XOIVYJ n'a jamais ete realisee d'une maniere absolue.
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DISSOLUTION DE LA
Du reste, dans le meme temps ou s'achevait 1'unification du grec, l'unite de l'Empire s'affaiblissait. Deja dans la periode de mine economique et de troubles politiques qui caracterise le m e siecle ap. J . - C , ce triste siecle d'ou la culture antique est sortie amoindrie, et dont des renaissances successives n'ont reussi qu'imparfaitement — et gaucliement — a reparer les devastations, l'unite de langue a du commencer a souffrir. Puisj de tous cotes arrivent des nations qui detachent de l'empire certaines de ses parties, et l'lslam chasse peu a peu l'empire byzantin de l'Asie. La culture s'abaisse, et par suite la norme agit de moins en moins. Des l'epoque byzantine, la langue subit des alterations nouvelles, qui ne sont pas les memes partout; il y a done une nouvelle differenciation dialectale. Bien qu'on n'ecrive pas les parlers regionaux a l'epoque byzantine, des innovations regionales dont les effets subsistent encore aujourd'hui apparaissent dans les manuscrits, notammentle developpement d'une spirante gutturale notee v dans des cas tels que luarsuco qui devient IUOTSUYW dans toute une partie du domaine grec. Le phenomene est atteste des l'epoque hellenistique dans l'ile d'Amorgos ou cette prononciation existe encore aujourd'hui. Les commencements de la distinction entre le groupe dialectal du Nord et le groupe du Sud des parlers grecs modernes remontent a l'epoque byzantine. Le groupe du Nord, qui comprend sur le continent les parlers au Nord de l'Attique, les lies du Nord de la mer Egee, et le Nord-Ouest et le Nord de l'Asie Mineure, traite de maniere differente les voyelles suivant qu'.elles sont toniques ou atones. Les voyelles accentuees subsistent en principe. Au contraire les voyelles inaccentuees sont pour la plupart alterees: i et u inaccentues disparaissent, e et o passent a i et u; seul a garde a peu pres son timbre : va cuXa^Y]? se reduit a va