Br` eve introduction ` a la th´ eorie des ensembles P({a, b, c, d, e}) =
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Br` eve introduction ` a la th´ eorie des ensembles P({a, b, c, d, e}) =
n ∅, {a} , {b} , {c} , {d} , {e} , {a, b} , {a, c} , {a, d} , {a, e} , {b, c} , {b, d} , {b, e} , {c, d} , {c, e} , {d, e} , {a, b, c} , {a, b, d} , {a, b, e} , {a, c, d} , {a, c, e} , {a, d, e} , {b, c, d} , {b, c, e} , {b, d, e} , {c, d, e} , {a, b, c, d} , {a, b, c, e} , {a, b, d, e} , {a, c, d, e} , {b, c, d, e} , {a, b, c, d, e}
o
Fran¸cois Bergeron, D´ epartement de math´ ematiques, UQAM 11 mai 2011
2
Table des mati` eres 1 Ensembles et fonctions 1.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Ensembles . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 Sous-ensembles . . . . . . . . . . . . 1.4 Op´erations de base sur les ensembles 1.5 Produit cart´esien . . . . . . . . . . . 1.6 Relation . . . . . . . . . . . . . . . . 1.7 Fonctions . . . . . . . . . . . . . . . 1.7.1 Bijections . . . . . . . . . . . 1.7.2 Injections . . . . . . . . . . . 1.7.3 Surjections . . . . . . . . . . 1.8 Compter les ´el´ements d’un ensemble
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1 1 1 3 4 6 7 8 10 11 13 14
Appendices
16
A Un soup¸ con de logique
17
B Axiomatique de la th´ eorie des ensembles
19
C Calcul formel 23 C.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 C.2 Th´eorie des ensembles et calcul formel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 D Notations
29
i
ii
` TABLE DES MATIERES
Chapitre 1
Ensembles et fonctions 1.1
Introduction
Les notions de la th´eorie des ensembles et des fonctions sont `a la base d’une pr´esentation moderne des math´ematiques. Immanquablement, on y fait appel pour la construction d’objets plus complexes, ou pour donner une base solide aux arguments logiques. En plus d’ˆetre des notions fondamentales pour les math´ematiques, elles sont aussi cruciales en informatique, par exemple pour introduire la notion de structures de donn´ees .
1.2
Ensembles
La th´eorie des ensembles a ´et´e introduite par Georg Cantor. On peut en donner une axiomatique rigoureuse qui n’est pas vraiment approfondie ici (voir cependant l’appendice B). C’est tout de mˆeme un aspect important de la question comme on va l’entrevoir ` a la section 1.8. La th´eorie suppose que les ensembles contiennent des ´el´ements, et on ´ecrit x ∈ A pour dire que x est un ´el´ement de A . Deux ensembles sont ´egaux si et seulement s’ils ont les mˆemes ´el´ements. Autrement dit, pour connaˆıtre un ensemble il faut savoir dire quels en sont les ´el´ements. Ainsi, on a les pr´esentations ´equivalentes {a, b, c} = {c, a, b} = {a, b, a, b, c, a, b, a}, d’un mˆeme ensemble qui contient les trois ´el´ements : a, b et c. Typiquement, sans les d´efinir tr`es rigoureusement ici, on commence par consid´erer des ensembles simples comme 1
Georg Cantor (1845–1918)
2
CHAPITRE 1. ENSEMBLES ET FONCTIONS • L’ensemble des entiers naturels, N := {0, 1, 2, 3, . . . }; • L’ensemble des entiers, Z := { . . . , −3, −2, −1, 0, 1, 2, 3, . . . }; • L’ensemble des nombres rationnels, na Q := | a ∈ Z, b
b ∈ N,
et
o b 6= 0 ;
l’ensemble R des nombres r´eels, qui inclue les nombres rationnels et tous les nombres qu’on peut construire 1 ` a partir de ceux-ci par passage `a la limite ; l’ensemble des entiers naturels entre 1 et n [n] := {i ∈ N | 1 ≤ i ≤ n}; l’ensembles de lettres (minuscules) de l’alphabet A := {a, b, c, d, . . . , z}; ou encore des ensembles d’objets divers comme {•, •, •},
o` u
{♣, ♦, ♥, ♠}.
` partir de tels ensembles de base on construit des ensembles plus complexes au moyen A d’op´erations entre ensembles qui seront introduites dans les sections suivantes. Une axiomatique correcte de la th´eorie des ensembles explique comment proc´eder `a des descriptions admissibles d’ensembles de bases, et comment construire ensuite des ensembles plus complexes. Ainsi, on peut d´ecrire l’ensemble A = {x ∈ S | P (x)}, (1.1) des ´el´ements de S qui satisfont une certaine propri´et´e P (x), formul´ee sous forme d’´enonc´e logique (voir AppendiceA). Dans ce cas, la notion d’´egalit´e A = B, avec B = {x ∈ S | Q(x)}, correspond au fait que les propri´et´es P (x) et Q(x) sont logiquement ´equivalentes. On d´enote ∅, l’ensemble vide, qui ne contient aucun ´el´ement. Le nombre d’´el´ements (ou cardinal ) d’un ensemble fini A, est d´enot´e |A|, ou parfois aussi #A.
` voir dans un cours d’analyse. 1. A
1.3. SOUS-ENSEMBLES
1.3
3
Sous-ensembles
Si tous les ´el´ements de B sont aussi des ´el´ements de A, on dit que B est un sous-ensemble de A, et on ´ecrit B ⊆ A. On dit aussi que B est une partie de A. Se donner un sous-ensemble B, de k ´el´ements d’un ensemble A de cardinal n, correspond donc ` a
choisir k ´el´ements parmi n
.
L’inclusion d’ensembles poss`ede les propri´et´es suivantes. Pour tout A, B et C, on a a) ∅ ⊆ A, b) A ⊆ A, c) si A ⊆ B
et
B ⊆ A,
alors A = B,
d) si A ⊆ B
et
B ⊆ C,
alors
(1.2)
A ⊆ C.
Lorsque A et B sont d´ecrit comme en (1.1), on a B ⊆ A si et seulement si l’´enonc´e logique Q(x) =⇒ P (x) est vrai. On d´enote P[S] l’ensemble de tous les sous-ensembles de S : P[S] := {A | A ⊆ S }.
(1.3)
On dit aussi que P[S] est l’ensemble des parties de S. Par exemple, P[{a, b, c}] = {∅, {a}, {b}, {c}, {a, b}, {a, c}, {b, c}, {a, b, c}}. Pour chaque 0 ≤ k, on consid`ere aussi l’ensemble des parties ` a k-´el´ements de S : P k [S] := {A | A ⊆ S,
|A| = k }.
C’est donc
l’ensemble des possibilit´es de choix de k ´el´ements parmi n
Ainsi, on a P 0 [S] = {∅}, puis P 1 [S] = {{x} | x ∈ S}, et encore P 2 [S] = {{x, y} | x, y ∈ S,
et
x 6= y},
.
4
CHAPITRE 1. ENSEMBLES ET FONCTIONS
et ainsi de suite jusqu’` a P n [S] = {S}, pour n ´egal au cardinal de S. Ainsi, si S = {a, b, c}, alors on a P 0 [S] = {∅}, P 1 [S] = {{a}, {b}, {c}}, P 2 [S] = {{a, b}, {a, c}, {b, c}}, P 3 [S] = {{a, b, c}}. Ces ensembles contiennent donc respectivement 1, 3, 3, et 1 ´el´ements, et leur union disjointe donne l’ensemble `a 8 ´el´ements P[S] vu plus haut. Attention, les ensembles {a, b, c}
et
{{a}, {b}, {c}},
sont diff´erents, puisqu’ils n’ont pas les mˆemes ´el´ements. Autrement dit, les accolades { et } ont un ici rˆ ole math´ematique important. Ce ne sont pas que de simples s´eparateurs comme en fran¸cais. On dit des ´el´ements {x, y} de P 2 [A] que ce sont des paires d’´el´ements de A. On a alors forc´ement x 6= y.
1.4
Op´ erations de base sur les ensembles
Une premi`ere op´eration de base entre ensembles est celle d’intersection, A∩B, entre deux ensembles A et B. C’est l’ensemble des ´el´ements qui sont communs `a ces deux ensembles. Plus pr´ecis´ement on a A ∩ B := {x | x ∈ A, et x ∈ B}. (1.4) Par exemple, on a {a, b, c, d} ∩ {1, b, 3, d} = {b, d}. D’autre part, l’union de A et B est l’ensemble A ∪ B := {x | x ∈ A,
o` u x ∈ B}.
(1.5)
Par exemple {a, b, c, d} ∪ {1, b, 3, d} = {a, b, c, d, 1, 3}. On v´erifie facilement que les ´egalit´es suivantes sont valables en g´en´eral, quels que soient les ensembles A, B, et C : (i) A ∩ ∅ = ∅,
(i)0 A ∪ ∅ = A,
(ii) A ∩ B = B ∩ A,
(ii)0 A ∪ B = B ∪ A,
(iii) A ∩ (B ∩ C) = (A ∩ B) ∩ C,
(iii)0 A ∪ (B ∪ C) = (A ∪ B) ∪ C,
(iv) A ∩ (B ∪ C) = (A ∩ B) ∪ (A ∩ C), (iv)0 A ∪ (B ∩ C) = (A ∪ B) ∩ (A ∪ C).
(1.6)
´ 1.4. OPERATIONS DE BASE SUR LES ENSEMBLES
5
Lorsque A ∩ B = ∅, on dit que A ∪ B est une union disjointe, et on ´ecrit alors A + B pour d´esigner cette union. Voir l’exercice ?? pour ce qui concerne les propri´et´es de l’union disjointe 2 . La diff´erence, A \ B, de deux ensembles A et B, est l’ensemble des ´el´ements de A qui ne sont pas dans B, i.e. : A \ B := {x ∈ A | x 6∈ B}. (1.7) En supposant qu’on a un ensemble S fix´e, on d´enote A le compl´ement de A dans S. C’est tout simplement un autre nom pour A := S \ A, qu’il est pratique d’utiliser lorsque le sur-ensemble S est clair dans le contexte. Ainsi, lorsqu’on fixe S = {a, b, c, d, e, f } et A = {b, c, e}, on a A = {a, d, f }. Si A = {x ∈ S | P (x)}, alors on a A = {x ∈ S | ¬P (x)}. Quels que soit A et B des sous-ensembles de S (donc des ´el´ements de P[S]), les identit´es suivantes sont valables (i) A = A, (ii) A ∩ A = ∅,
(ii)0 A ∪ A = S,
(iii) A ∩ B = A ∪ B,
(iii)0
(1.8)
A ∪ B = A ∩ B.
Pour une famille d’ensembles 3 {A1 , A2 , A3 , . . . , An }, on a les unions et intersections
n \
Ai ,
et
i=1
n [
Ai .
i=1
En fait, P[S] est toujours l’union (disjointe, voir Exercice ?? pour la notation) des ensembles P k [S], i.e. : ∞ X P[S] = P k [S]. (1.9) k=0
Comme P k [S] = ∅, si k est plus grand que le cardinal de S, cette sommation est en fait finie. On a donc ici deux descriptions du mˆeme ensemble.
2. Lorsque A et B ne sont pas disjoints (A ∩ B 6= ∅), on peut tout de mˆeme consid´erer leur union disjointe en for¸cant A et B a ` ˆetre disjoints. Plus pr´ecis´ement, on pose A + B = ({0} × A) ∪ ({1} × B).
On donne ainsi des couleurs distinctes aux ´el´ements de A et de B. 3. On exploite ici l’associativit´e de l’union et de l’intersection.
6
CHAPITRE 1. ENSEMBLES ET FONCTIONS
On peut calculer r´ecursivement l’ensemble des parties `a k ´el´ements d’un ensemble S = T + {x}, avec x 6∈ T , en posant 1) A = S et k = |S|, A ∈ P k [S] ssi (1.10) 2) A ∈ P k [T ], o` u 3) A = B + {x}, et B ∈ P k−1 [T ].
1.5
Produit cart´ esien
Avant d’introduire la prochaine construction, rappelons que deux couples (a, b) et (c, d) sont ´egaux, si et seulement si on a les deux ´egalit´es a = c et b = d. Le produit cart´esien de A et B est l’ensemble de tous les couples (x, y), avec x ´el´ement de A et y ´el´ement de B. Autrement formul´e, on a A × B = {(x, y) | x ∈ A
y ∈ B}.
et
Si l’un des ensemble A ou B est vide, alors le produit cart´esien A × B est vide, i.e. : A × ∅ = ∅ × B = ∅.
(1.11)
Une illustration du produit cart´esien est donn´ee par {a, b, c, d} × {1, 2, 3, 4, 5} = {(a, 1), (b, 1), (c, 1), (d, 1),
(a, 2), (b, 2), (c, 2), (d, 2),
(a, 3), (b, 3), (c, 3), (d, 3),
(a, 4), (b, 4), (c, 4), (d, 4),
(a, 5), (b, 5), (c, 5), (d, 5)}.
Dans le cas des ensembles finis [n] = {1, 2, . . . , n} et [k] = {1, 2, . . . , k}, on constate que les ´el´ements du produit cart´esien [n] × [k] s’identifient aux cases d’un tableau (ou d’une matrice) ayant n lignes et k colonnes : ··· ··· ···
···
···
···
···
···
··· ···
···
1 2
···
n 1 2 3 4 5
···
k
Remarquons qu’on utilise ici des coordonn´ees matricielles, indexant les lignes du haut vers le bas, plutˆot que des coordonn´ees cart´esiennes pour lesquelles on indexerait les lignes du bas vers le haut. ` strictement parler, le produit cart´esien n’est pas associatif. Ainsi, les ´el´ements de (A × B) × C A sont de la forme ((x, y), z), avec x ∈ A, y ∈ B et z ∈ C ; tandis que ceux de A × (B × C) sont
1.6. RELATION
7
de la forme (x, (y, z)). On consid`ere cependant souvent une construction interm´ediaire, d´enot´ee A × B × C, dont les ´el´ements sont les triplets (x, y, z). Lorsque A, B et C sont des ensembles finis, les ´el´ements de A × B × C peuvent se repr´esenter sous forme de tableau tridimensionnel (un peu comme dans la Figure ci-contre). Plus g´en´eralement, on a le produit cart´esien multiple A1 × A2 × · · · × An = {(x1 , x2 , . . . , xn ) | xi ∈ Ai , 1 ≤ i ≤ n}. Lorsque Ai = B, pour tous les i, on obtient la puissance cart´esienne n-i`eme, B n := B × · × B}, | × B{z n copies
de l’ensemble B, avec B 0 := {∗}. Les ´el´ements de B n sont les n-tuplets (x1 , x2 , . . . , xn ), d’´el´ements de xi ∈ B. Il arrive parfois qu’on veuille ´ecrire plus simplement x1 x2 . . . xn , pour un tel ´el´ement. On dit alors qu’on l’a ´ecrit sous forme de mot.
1.6
Relation
Une relation R, entre les ensembles A et B, est simplement un sous-ensemble du produit cart´esien A × B, i.e. : R ⊆ A × B. Par exemple, pour A = {a, b, c, d} et B = {1, 2, 3}, on a la relation R = {(a, 1), (a, 2), (b, 3), (c, 2), (d, 1)}. Un exemple typique est la relation (entre ˆetres humains) : R :=
est un ancˆetre de .
Si H d´esigne l’ensemble des ˆetres humains (morts ou vivants), on d´efinit r´ecursivement R ⊆ H × H en posant : 1) a est le p`ere ou la m`ere de b, ou (a, b) ∈ R ssi (1.12) 2) (a, c) ∈ R et (c, b) ∈ R. La premi`ere clause amorce le processus, et la seconde affirme que
les ancˆetres de mes ancˆetres sont mes ancˆetres
Une relation R sur A est dite (a) r´eflexive si pour chaque x dans A, on a (x, x) ∈ R,
.
8
CHAPITRE 1. ENSEMBLES ET FONCTIONS
(b) sym´etrique si (x, y) ∈ R entraine (y, x) ∈ R, (c) antisym´etrique si (x, y) ∈ R et (y, x) ∈ R entraine x = y, (d) transitive si (x, y) ∈ R et (y, z) ∈ R entraine (x, z) ∈ R. La plus simple des relations r´eflexives, sur un ensemble A, est la relation d’´egalit´e entre ´el´ements de A. Le sous-ensemble correspondant de A × A est clairement {(x, x) | x ∈ A}. Une relation d’´equivalence R sur A, est une relation qui est `a la fois r´eflexive, sym´etrique et transitive. Plutˆ ot que d’´ecrire (x, y) ∈ R, on ´ecrit souvent x ∼ y (ou x ≡ y), et on dit que x est ´equivalent `a y. Ainsi, ∼ est une relation d’´equivalence si et seulement si, pour tout x, y et z dans A, on a (a) x ∼ x, (b) si x ∼ y, alors y ∼ x, (c) si x ∼ y et y ∼ z, alors x ∼ z.
1.7
Fonctions
Apparemment, le terme fonction a ´et´e introduit par Leibniz. Pendant longtemps la d´efinition de cette notion n’a pas ´et´e tr`es claire. Dans l’encyclop´edie de d’Alembert, on dit ` a peu pr`es qu’une fonction est donn´ee par une formule impliquant une variable. Rappelons qu’aujourd’hui on s’accorde plutˆ ot sur le fait de donner une approche abstraite `a la notion de fonction (voir Section ??), en donnant seulement un crit`ere qui permet simplement de dire quand on a affaire `a une fonction. Entre autres, cela rend possible la d´efinition de l’ensemble des fonctions de A vers B. Ainsi, on consid`ere l’ensemble Fonct[A, B] dont les ´el´ements sont les relations fonctionnelles de A vers B, c’est-` a-dire que f ⊆ A × B, o` u (i) ∀x ∃y (x ∈ A, y ∈ B,
et
(ii) ∀x ∀y1 ∀y2 ((x, y1 ) ∈ f
et
(x, y) ∈ f ),
Gottfried Leibniz (1646–1716)
(x, y2 ) ∈ f =⇒ y1 = y2 ).
(1.13)
On a alors, pour chaque ´el´ement f de Fonct[A, B], une fonction f :A→B de source A et de but B. Il nous arrivera souvent de parler de la fonction f , si la source et le but associ´es sont clair dans le contexte. Pour A = {a, b, c} et B = {0, 1}, on a Fonct[A, B] = { {(a, 0), (b, 0), (c, 0)}, {(a, 0), (b, 1), (c, 0)}, {(a, 1), (b, 0), (c, 0)}, {(a, 1), (b, 1), (c, 0)},
{(a, 0), (b, 0), (c, 1)}, {(a, 0), (b, 1), (c, 1)}, {(a, 1), (b, 0), (c, 1)}, {(a, 1), (b, 1), (c, 1)} }.
1.7. FONCTIONS
9
Il y a donc 8 fonctions de A vers B. Observons que l’ensemble Fonct[∅, B] contient exactement un ´el´ement, quel que soit l’ensemble B. C’est la relation vide (qui est fonctionnelle par d´efaut), et on a explicitement Fonct[∅, B] = {∅}. (1.14) En utilisant ceci comme condition initiale, on peut calculer r´ecursivement l’ensemble des fonctions de A vers B lorsque A et B sont des ensembles finis. On a 1) f = ∅ et A = ∅, f ∈ Fonct[A, B] ssi (1.15) 2) f = g + {(x, y)}, avec x ∈ A, y ∈ B, et g ∈ Fonct[A \ {x}, B]. Pour f : A → B, et C un sous-ensemble de A, on a la restriction f C , de f `a C, d´efinie en posant f C := {(x, f (x)) | x ∈ C}. (1.16) Il en r´esulte donc une fonction f C : C → B. Quel que soit B, sous-ensemble de A, on peut d´efinir la fonction caract´eristique, B : A → {0, 1}, de B dans A, en posant ( 1 si, x ∈ B, B(x) := (1.17) 0 sinon. Cette fonction caract´erise le sous-ensemble B par le fait que B = {x ∈ A | B(x) = 1},
et
B = {x ∈ A | B(x) = 0}.
(1.18)
Dans le cas o` u R est une relation de [n] vers [k], la fonction caract´eristique R : [n] × [k] → {0, 1} correspondante ( 1 si, (i, j) ∈ R, R(i, j) := (1.19) 0 si, (i, j) 6∈ R, est une matrice n×k dont les coefficients sont des 1 ou des 0. On dit que R est la matrice d’incidence de la relation R. Par exemple, avec n = 3 et k = 4, la relation R = {(1, 1), (1, 3), (1, 4), (2, 2), (2, 3), (3, 1), (3, 4)} correspond ainsi ` a la matrice 1 0 1 1 R = 0 1 1 0 1 0 0 1 Dans le cas d’une relation fonctionnelle f , la matrice obtenue contient exactement un seul 1 sur chacune de ses lignes.
10
CHAPITRE 1. ENSEMBLES ET FONCTIONS
Cette derni`ere construction est un cas sp´ecial de fonction de la forme M := [n] × [k] → A, `a valeur dans un ensemble A quelconque. Une telle fonction s’identifie naturellement `a une matrice n × k dont les coefficients sont choisies dans l’ensemble A, simplement en prenant M (i, j) comme valeur en position (i, j) dans la matrice. Ainsi, pour A = {a, b, c, d, e}, on a la matrice 2 × 3 a b c c a e qui correspond ` a la fonction sur [2] × [3], prenant les valeurs M (1, 1) = a, M (1, 2) = b, M (1, 3) = c, M (2, 1) = c, M (2, 2) = 1, M (2, 3) = e.
1.7.1
Bijections
Dans une premi`ere introduction ` a la th´eorie des ensembles, la correspondance ´etablie par une bijection f : A → B, entre les ´el´ements de A et ceux de B, est souvent introduite par une repr´esentation na¨ıve comme celle de la Figure 1.1. De fa¸con plus pr´ecise, on a la d´efinition suivante. Une fonction f de A vers B, est une bijection, si on a une fonction inverse f −1 : B → A, pour la composition, i.e. : f −1 ◦ f = IdA ,
et
f ◦ f −1 = IdB .
a b c d
1 2 3 4
(1.20)
Figure 1.1 – Repr´esentation na¨ıve d’une Il est tr`es facile de v´erifier qu’il ne peut y avoir qu’un bijection. inverse pour la composition, i.e. : Proposition 1.1. Pour toute fonction f : A → B, si g : B → A est telle que g ◦ f = IdA ,
et
f ◦ g = IdB ,
(1.21)
alors g = f −1 . Pour montrer que f : A → B est une bijection, il faut donc montrer qu’on peut construire une fonction qui satisfait (1.21). On d´esigne par Bij[A, B] l’ensemble (fini) des relations bijectives entre A et B, i.e. : ∼
Bij[A, B] := {f ∈ Fonct[A, B] | f : A −→ B}.
(1.22)
1.7. FONCTIONS
11
Il d´ecoule directement du principe ci-haut qu’on a Bij[A, B] = ∅, lorsque |A| 6= |B|. Observons que Bij[∅, ∅] = {∅} est de cardinal 1. La formule suivante permet de calculer r´ecursivement l’ensemble des bijections entre deux ensemble A et B de mˆeme cardinal fini : 1) f = ∅ et A = B = ∅, f ∈ Bij[A, B] ssi (1.23) 2) f = g + {(x, y)}, avec x ∈ A, y ∈ B, et g ∈ Bij[A \ {x}, B \ {y}]. Ainsi, pour A = {a, b, c} et B = {1, 2, 3}, on trouve Bij[A, B] = { {(a, 1), (b, 2), (c, 3)}, {(a, 1), (b, 3), (c, 2)}, {(a, 2), (b, 1), (c, 3)}, {(a, 2), (b, 3), (c, 1)}, {(a, 3), (b, 1), (c, 2)}, {(a, 3), (b, 2), (c, 1)} }. Il y a donc exactement 6 bijections entre les deux ensembles `a trois ´el´ements A et B. Le compos´e de fonctions bijectives est une fonction bijective, et l’inverse d’une fonction bijective est une fonction bijective. Pour tout ensemble fini A, l’ensemble Bij[A, A], des bijections de A vers A, forme un groupe pour la composition de fonctions, avec IdA comme identit´e. On dit habituellement d’une bijection de A vers A que c’est une permutation de A, et on d´esigne souvent par SA l’ensemble des permutations de A. Lorsque A = [n], on ´ecrit simplement Sn plutˆot que S[n] . Les permutations sont souvent d´enot´ees par des lettres grecques minuscules : σ, τ , θ, etc. On code souvent une permutation σ, de [n], sous forme d’une matrice carr´ee n × n de 0 et de 1, ayant un 1 dans chaque ligne, et un 1 dans chaque colonne. On dit que c’est une matrice de permutation. C’est en fait la fonction caract´eristique de la relation fonctionnelle sous-jacente.
1.7.2
Injections
Parmi les propri´et´es particuli`eres des fonctions, l’injectivit´e et la surjectivit´e sont tr`es certainement des notions importantes. Une fonction f : A → B est dite injective si et seulement si Pour chaque ´ el´ement y de B, il existe au plus un ´el´ement x de A tel que f (x) = y.
a
1 2
b c d
3
4
6 7
5 8
9
Autrement dit, la fonction f et un processus qui choisit des ´ el´ements f (x) de B, un pour chaque x dans A, tous distincts,
Figure 1.2 – Repr´esentation na¨ıve d’une injection.
12
CHAPITRE 1. ENSEMBLES ET FONCTIONS
c’est-`a-dire qu’un ´el´ement ne peut-ˆetre choisi qu’une seule fois. Une formulation un peu plus technique (mais plus facile ` a manipuler) de cette d´efinition prend la forme suivante. Une fonction f : A → B est injective si et seulement si, pour tout x1 et tout x2 dans A x1 6= x2
implique f (x1 ) 6= f (x2 ),
(1.24)
ce qui ´equivaut (logiquement) ` a dire aussi que f (x1 ) = f (x2 )
entraine forc´ement x1 = x2 .
(1.25)
Il en d´ecoule (voir Exercice ??) que f est injective si et seulement si f admet un inverse ` a gauche, i.e. : il existe g : B → A tel que g ◦ f = IdA . En g´en´eral, un tel inverse `a gauche n’est pas unique, et il n’est pas un inverse ` a droite. On d´enote souvent par le symbole ,→ le fait qu’une fonction soit injective. On ´ecrit donc f : A ,→ B, pour dire que f est une injective. On d´esigne par Inj[A, B] l’ensemble des relations fonctionnelles f telles que f : A ,→ B soit une fonction injective de A vers B, i.e. : Inj[A, B] := {f ∈ Fonct[A, B] | f : A ,→ B}.
(1.26)
On calcule r´ecursivement l’ensemble des fonctions injectives de A vers B lorsque A et B sont des ensembles finis. On a (1) f = ∅ et A = ∅, f ∈ Inj[A, B] ssi (1.27) (2) f = g + {(x, y)}, avec x ∈ A, y ∈ B, et g ∈ Inj[A \ {x}, B \ {y}]. Observons que la seule diff´erence entre cette description et celle en (1.23) est dans la partie (1). La ressemblance n’est pas fortuite. Elle s’ensuit du fait qu’une injection entre deux ensemble de mˆeme cardinal est forc´ement une bijection (voir Proposition 1.2). Pour A = {a, b} et B = {1, 2, 3}, on a Inj[A, B] = { {(a, 1), (b, 2)}, {(a, 2), (b, 1)}, {(a, 1), (b, 3)}, {(a, 3), (b, 1)}, {(a, 2), (b, 3)}, {(a, 3), (b, 2)} }. Pour qu’il existe un injection f : A ,→ B, le nombre d’´el´ements de A doit n´ecessairement ˆetre plus petit ou ´egal ` a celui de B, i.e. : |A| ≤ |B|. On a donc Inj[A, B] = ∅, lorsque |A| > |B|. Le compos´e de deux fonctions injectives est toujours une fonction injective. De plus, si on a deux fonctions telles que le compos´e g ◦ f soit une fonction injective, alors f est forc´ement injective (mais pas n´ecessairement g).
1.7. FONCTIONS
1.7.3
13
Surjections
Une fonction f : A → B est dite surjective si et seulement si Pour chaque ´el´ement y de B, il existe au moins un ´el´ement x de A tel que f (x) = y.
1 5
3
4
6
7
b 8
9
Autrement dit, f est un processus qui choisit chaque ´el´ement y de B au moins une fois.
a
2
c d
Figure 1.3 – Repr´esentation na¨ıve d’une surjection.
Une fonction f : A → B est surjective si et seulement si elle admet un inverse ` a droite, i.e. : il existe g : B → A tel que f ◦ g = IdB . En g´en´eral, un tel inverse `a droite n’est pas unique, et il n’est pas un inverse ` a gauche si f n’est pas bijective. On d´enote souvent par le symbole le fait qu’une fonction est surjective. On ´ecrit alors f : A B, pour dire que f est une surjective. On d´esigne par Surj[A, B] l’ensemble des relations fonctionnelles surjectives de A vers B, i.e. : Surj[A, B] := {f ∈ Fonct[A, B] | f : A B}.
(1.28)
Pour qu’il existe une surjection f : A B, le nombre d’´el´ements de A doit n´ecessairement ˆetre plus grand ou ´egal ` a celui de B, i.e. : |A| ≥ |B|. On a donc Surj[A, B] = ∅, lorsque |A| < |B|. On peut calculer r´ecursivement l’ensemble des fonctions surjectives entre deux ensembles fins A et B par la r´ecurrence (1) f = ∅ et A = B = ∅, (2) f = g + h, avec C ⊆ A, y ∈ B, f ∈ Surj[A, B] ssi (1.29) g ∈ Surj[A \ C, B \ {y}], et h ∈ Fonct[C, {y}]. Le compos´e de deux fonction surjectives est toujours une fonction surjective. De plus, si on a deux fonctions telles que le compos´e g ◦ f soit une fonction surjective, alors g est forc´ement surjective (mais pas n´ecessairement f ). On montre facilement que Proposition 1.2. Une fonction qui est ` a la fois surjective et injective, est une fonction bijective. Autrement dit, Bij[A, B] = Inj[A, B] ∩ Surj[A, B]. (1.30)
14
1.8
CHAPITRE 1. ENSEMBLES ET FONCTIONS
Compter les ´ el´ ements d’un ensemble
Lorsqu’on cherche ` a compter les ´el´ements d’un ensemble A, le probl`eme se d´ecompose souvent en un (ou des) probl`eme(s) plus simple(s), selon que l’ensemble `a ´enum´erer peut se d´ecrire en terme des constructions de base sur les ensembles. On d´emarre les choses en montrant (par r´ecurrence) que Th´ eor` eme 1.3. Si A et B sont des ensembles finis, respectivement de cardinal n et k, alors on a les ´egalit´es suivantes : (i) |A + B| = n + k, (iii) |P[A]| = 2n ,
(ii) |A × B| = n k, n (iv) |P k [A]| = , k
(1.31)
(v) |B n | = k n . Le probl`eme de compter les ´el´ements d’un ensemble fini est parfois difficile, et mˆeme dans certains cas pas encore r´esolu. Il donne lieu ` a un domaine des math´ematiques qu’on appelle la combinatoire ´enum´erative. C’est l’un des domaines de recherche dans lequel des professeurs du d´epartement de math´ematiques de l’UQAM se sont sp´ecialis´es. Il sont `a ce titre tr`es reconnus sur la sc`ene internationale. Pour en savoir plus ` a ce sujet, on peut consulter la page web du centre de recherche institutionnel Lacim : http://www.lacim.uqam.ca/
La biblioth` eque de Borges
(∗)
L’´ecrivain argentin Jos´e Luis Borges propose une vision amusante de la Biblioth`eque de Babel (La Biblioteca de Babel ) qui contient tous les livres (il y en a un nombre fini) de 410 pages qu’il est possible d’´ecrire avec les 25 lettres d’un certain alphabet. Cette nouvelle, traduite en plusieurs langues, dont le fran¸cais, d´ecrit l’existence des habitants de cette biblioth`eque, qu’ils ne quittent jamais. Les livres y sont dispos´es au hasard, et chacun des habitants est ` a la recherche d’un livre particuli`erement important pour lui : le catalogue des catalogues, la description de toute sa vie, pass´ee et future, la description de l’origine de la biblioth`eque, etc. On estime qu’il y a de l’ordre de 1080 atomes dans la partie observable de notre univers. Cependant, si on suppose qu’il y a 1000 caract`eres par page d’un livre de la biblioth`eque de Borges, alors le nombre de livres est 25410,000 ,
Jos´e Luis Borges (1906–1978)
´ EMENTS ´ 1.8. COMPTER LES EL D’UN ENSEMBLE
15
ce qui est quelque peu plus grand que le nombre d’atomes dont il est question. Il est donc un peu difficile de trouver assez de place (et de mat´eriel) pour ´eriger la biblioth`eque de Borges dans notre univers.
Le paradoxe de Russell La th´eorie des ensembles telle que formul´ee par Cantor n’´etait pas assez pr´ecise. Bertrand Russell l’a mis en ´evidence en soulignant qu’elle donnait lieu au paradoxe suivant. On consid`ere l’ensemble de tous les ensembles qui ne se contiennent pas eux-mˆ eme . En formule, c’est A = {x | x 6∈ x}. (1.32) La question qui se pose est de savoir si A∈A
o` u
A 6∈ A.
Hors on constate (avec Russel) que A∈A
implique
A 6∈ A,
Bertrand Russell (1872-1970)
et r´eciproquement ! C’est l` a le paradoxe. Attention, on consid`ere ici la notion d’ensemble `a la Cantor. Cette constuction n’est pas possible dans les versions modernes de la th´eorie des ensembles. En effet, pour rem´edier au paradoxe de Russel, on a ´echafaud´e plusieurs axiomatiques pr´ecises pour la th´eorie des ensemble. L’une des plus connue est celle dite de Zermelo-Fraenkel pr´esent´ee sch´ematiquement `a l’appendice B. C’est dans de tels contextes que les math´ematiciens travaillent maintenant.
16
CHAPITRE 1. ENSEMBLES ET FONCTIONS
Annexe A
Un soup¸ con de logique Pour d´evelopper des preuves, il est n´ecessaire de connaˆıtre les manipulations logiques de base. Nous allons ici en pr´esenter quelques principes. Cependant, notre pr´esentation est tr`es sommaire et un peu trop formelle pour une premi`ere exposition `a la logique math´ematique. Le lecteur est encourag´e `a consulter un livre d’introduction plus accessible. Informellement, un ´enonc´e (math´ematiques) est une phrase qui affirme un certain fait (math´ematique). L’important est de pouvoir d´eterminer si l’´enonc´e est vrai ou faux . Une preuve est constitu´ee d’un enchaˆınement de d´eductions logiques, `a partir de faits connus (ou d’axiomes), avec comme conclusion le fait que l’´enonc´e (qu’on cherchait `a prouver) est vrai. La forme d’une preuve d´epend fortement de la forme de l’´enonc´e ` a prouver. On d´ecrit ces formes possibles ci-dessous. ` partir d’´enonc´es connus A et B, on peut former de nouveaux ´enonc´es au moyen d’op´erations A logiques. On a les ´enonc´es : 1. (A et B), qui est vrai si et seulement si A et B le sont tous les deux, 2. (A ou B), qui est vrai si et seulement si A est vrai ou B est vrai, 3. (¬A), qui est vrai si et seulement si A est faux, 4. (A ⇒ B), qui n’est faux que lorsque A est faux et B est vrai, 5. (A ⇔ B), qui est vrai exactement quand A et B sont tous les deux vrai, ou tous les deux faux. Dans la description de chacune des op´erations on d´ecrit quel est la fa¸con de proc´eder pour prouver l’´enonc´e compos´e, ` a partir de ses composantes. L’op´eration d’´equivalence ⇔ permet de comparer la v´eracit´e d’´enonc´es logique. Ainsi, l’´enonc´e (A ⇔ B) se formule aussi A si et seulement si B, ou mˆeme (A ssi B). Ce sont diverse fa¸cons d’exprimer le fait que A soit vrai est ´equivalent au fait que B le soit. L’op´eration d’implication ⇒ correspond `a la d´eduction logique. Ainsi, l’´enonc´e 17
18
ANNEXE A. UN SOUPC ¸ ON DE LOGIQUE
(A ⇒ B) se formule aussi si A alors B. Ce sont diverse fa¸cons d’exprimer le fait que B soit vrai se d´eduit du fait que A l’est. Autrement dit, une preuve de (A ⇒ B) pourra se d´erouler comme suit. On suppose que A est vrai, et on montre qu’un enchaˆınement logique de d´eductions prouve que B l’est alors forc´ement. Dans une s´erie de manipulations logiques, il est agr´eable de savoir quand on peut remplacer une affirmation par une autre qui lui est logiquement ´equivalente (en esp´erant qu’elle soit plus facile `a montrer). Les r`egles du calcul des propositions expliquent quand il est possible de remplacer un ´enonc´e par un ´enonc´e qui lui est logiquement ´equivalent. On a par exemple : 1. ¬(A et B) si et seulement si (¬A ou ¬B), 2. ¬(A ou B) si et seulement si (¬A et ¬B), 3. (A ⇒ B) si et seulement si (¬B ⇒ ¬A), 4. (A ⇒ B) si et seulement si (¬A et B), 5. (A ⇔ B) si et seulement si (A ⇒ B) et (B ⇒ A) Chacun de ces cas repr´esente une strat´egie potentielle de preuve, si l’´enonc´e est de la bonne forme. Cette liste est incompl`ete, mais elle comprend les principales strat´egies usuelles. Certains ´enonc´es font intervenir une variable, et sont vrais pour certaines valeurs de cette variable. On ´ecrit P (x) pour ce genre d’´enonc´es, avec x la variable, et on dit qu’on a un pr´edicat. Informellement, c’est un phrase avec x comme sujet. Typiquement, on pense `a P comment ´etant une propri´et´e que x peut avoir (ou pas). Par exemple, on a – P (x) = (x est un nombre pair), ou – P (x) = (x est ´egal ` a 1), – etc. Pour chaque a, valeur possible 1 de x, on a un ´enonc´e P (a) qui est vrai si et seulement si a ` partir de pr´edicats donn´es, on peut former de nouveaux pr´edicats au poss` ede la propri´et´e P . A moyen des op´erations logiques : (P (x) et Q(x)), (P (x) ou Q(x)), (¬P (x)), etc. Bien entendu, on a des pr´edicats ` a plusieurs variables, prenant la forme P (x, y) par exemple. Au moyen d’un pr´edicat, on peut former les ´enonc´es logiques 1. (∀x P (x)), qui est vrai si et seulement si P (a) est vrai pour toutes la valeurs possibles de x, 2. (∃x P (x)), qui est vrai si et seulement si il existe a, une valeur possible de x, pour laquelle P (a) est vrai. On a les ´equivalences logiques 1. ¬(∀x P (x)) si et seulement si (∃x ¬P (x)), 2. ¬(∃x P (x)) si et seulement si (∀x ¬P (x)). 1. Dans un ensemble A donn´e.
Annexe B
Axiomatique de la th´ eorie des ensembles La pr´esentation ci-dessous ne vise qu’` a donner une id´ee de ce `a quoi peut ressembler une th´eorie axiomatique des ensembles. Le but vis´e est simplement de montrer qu’il existe une (des) axiomatique rigoureuse pour la notion d’ensemble. Dans un premier temps, le lecteur est encourag´e `a simplement survoler la description qui suit. Pour en savoir plus, il faudra suivre un cours sur le sujet, ou consulter un livre plus sp´ecialis´e, comme J.-L.Krivine, Th´eorie axiomatique des ensembles, Presses Universitaires de France, 1969. Il existe plusieurs syst`emes axiomatiques formels pour la th´eorie des ensembles. L’un des plus connu est le syst`eme ZFC de Zermelo-Fraenkel (avec l’axiome du choix). L’axiomatique ZFC se d´ecrie dans le contexte du calcul des pr´edicats avec relation d’´egalit´e. Toute la the´orie ´etant formul´e en terme d’ensembles, on doit se rappeler que les ´el´ements d’ensembles sont aussi des ensembles. Tout est, en quelque sorte, construit ` a partir de l’ensemble vide. Ainsi on aura les ensembles tous distincts ∅,
{∅},
{{∅}},
...
{∅, {∅}},
{{∅, {∅}}},
{{{∅, {∅}}}},
...
{∅, {∅}, {{∅}}}, {{∅, {∅}, {{∅}}}}, {{{∅, {∅}, {{∅}}}}}, . . . .. .. .. .. . . . .
(B.1)
La relation d’appartenance x ∈ A et la notion d’ensemble ne sont d´efinies que par le fait qu’elle satisfont les axiomes suivants. La relation d’inclusion A ⊆ B est d´efinie par (A ⊆ B)
ssi
∀x (x ∈ A ⇒ x ∈ B).
19
20
´ ANNEXE B. AXIOMATIQUE DE LA THEORIE DES ENSEMBLES
1) Axiome d’extensionalit´ e. Deux ensembles sont ´egaux, si et seulement si ils ont les mˆemes ´el´ements. En formule, ∀A ∀B [∀x (x ∈ A ⇔ x ∈ B) ⇒ (A = B)]. (B.2) 2) Axiome de la paire. Pour tous ensembles A et B, on peut construire un ensemble C dont les seuls ´el´ements sont A et B. Autrement dit, on permet ici de construire C := {A, B}. En formule, ∀A ∀B ∃C[∀x (x ∈ C) ⇔ (x = A ou x = B)].
(B.3)
3) Axiome de la r´ eunion. Pour tout ensemble A, on peut construire un ensemble B dont les seuls ´el´ements sont tous ceux qui sont ´el´ements des ´el´ements de A. Autrement dit, on permet ici la construction de l’ensemble [ B := x. x∈A
En formule, ∀A ∀B ∃C[∀x (x ∈ C) ⇔ (x = A ou x = B)].
(B.4)
4) Axiome de l’ensemble des parties. Pour tout ensemble A, on peut construire l’ensemble B des sous-ensembles de A. Autrement dit, on permet ici la construction de l’ensemble B := {x | x ⊆ A}. En formule, ∀A ∃B ∀x(x ∈ B) ⇔ (x ⊆ A).
(B.5)
5) Axiome de l’infini. Cet axiome permet de construire (au moins un) ensemble infini. C’est l’ensemble A := {
∅, {∅}, {∅, {∅}}, {∅, {∅}, {∅, {∅}}}, {∅, {∅}, {∅, {∅}}, {∅, {∅}, {∅, {∅}}}}}, . . .}.
Cet axiome permet aussi (avec les pr´ec´edents) de construire l’ensemble N des entiers positifs. En formule, ∃A (∅ ∈ A) et (x ∪ {x} ∈ A). (B.6)
21 6) Sh´ ema d’axiomes de compr´ ehension. Pour tout ensemble A, on peut construire le sousensemble B des ´el´ements de A qui satisfont une propri´et´e P (exprim´ee dans le langage de la th´eorie des ensembles). Autrement dit, on permet ici la construction de B := {x ∈ A | P (x)}. En formule, ∀y1 · · · ∀yn ∀A ∃B ∀x[(x ∈ B) ⇔ (x ∈ A et P (x, y1 , . . . , yn )).
(B.7)
Les yi sont ici simplement des param`etres auxiliaires dont on pourrait avoir besoin pour formuler plus facilement la propri´et´e P . On dit qu’on a un sch´ema d’axiomes, parce qu’il y a un axiome pour chaque choix de P . 7) Sh´ ema d’axiomes de remplacement. Pour tout ensemble A et toute relation fonctionnelle F , on a un ensemble B := {y | x ∈ A et F (x, y)}. Pour exprim´e ceci en formule (simplifi´ee 1 ), rappelons d’abord que F est une relation fonctionnelle, on ´ecrit Fonct(F ), si et seulement si Fonct(F )
ssi
∀x ∀y1 ∀y2 [(F (x, y1 ) et F (x, y2 )) ⇒ (y1 = y2 )].
Alors l’axiome se pr´esente comme Fonct(F ) ⇒ ∀A ∃B ∀y [y ∈ B ⇔ ∃x (x ∈ A et F (x, y))]. 8) Axiomes de fondation. Pour tout ensemble A non vide, il existe un ensemble B, appartenant a` A, qui n’a aucun ´el´ement en commun avec A, c’est-`a-dire que A ∩ B = ∅. En formule, ∀A[(A 6= ∅) et ∃B (B ∈ A et A ∩ B = ∅)].
(B.8)
9) Axiomes du choix. Pour tout ensemble A, d’ensembles non vide, le produit cart´esien des ´el´ements de A est non vide. En formule, Y [∀x ∈ A (x 6= ∅)] ⇒ x 6= ∅. (B.9) x∈A
1. La formulation plus juste fait apparaˆıtre des param`etres dans F comme dans l’axiome pr´ec´edent.
22
´ ANNEXE B. AXIOMATIQUE DE LA THEORIE DES ENSEMBLES
Annexe C
Calcul formel C.1
Introduction
Les syst`emes de calcul formel permettent de manipuler concr`etement des objets math´ematiques abstraits de fa¸con rigoureuse. Cela va des nombres entiers, rationnels, r´eels ou complexes (et des calculs sur ceux-ci) ; ` a des manipulations d’op´erateurs sur des espaces de fonctions ; en passant par un vaste spectre de notions math´ematiques de l’alg`ebre, du calcul, de l’analyse complexe, de la th´eorie des nombres, etc. Une fa¸con tr`es efficace d’apprivoiser de nouvelles notions math´ematiques est d’apprendre `a les manipuler avec de tels syst`emes de calcul formels. Nous encourageons donc fortement les ´etudiants en math´ematiques ` a se familiariser avec ces syst`emes pour les accompagner dans tout leur apprentissage. Dans un syst`eme de calcul formel, une session de travail est habituellement un processus interactif qui consiste ` a donner au syst`eme une instruction de calcul (apparaissant en rouge dans ce qui suit). On obtient alors comme r´esultat la valeur du calcul demand´e (apparaissant en bleu). Dans notre cas, le syst`eme affiche automatiquement le symbole > chaque fois qu’il est prˆet `a effectuer une prochaine instruction. Le ; signifie la fin de l’instruction donn´ee, et la touche return (ou enter ) d´ eclenche le calcul. Ainsi, on peut demander de calculer > gcd(x36 − 1, x24 − 1) ; x12 − 1 Ici, la fonction Maple gcd trouve que x12 −1 est un 1 plus grand commun diviseur des polynˆ omes x36 − 1 et x24 − 1. 1. Puisque d´efinit a ` un multiple scalaire prˆet.
23
24
ANNEXE C. CALCUL FORMEL
En plus d’effectuer des calculs explicites, il est possible de donner des noms `a certains objets au moyen l’assignation := . On peut donc poser > x := 100 ; x := 100 Dor´enavant, x aura la valeur 100, et l’expression 2x prendra donc la valeur : > 2x ; 1267650600228229401496703205376 Il faut bien distinguer cette assignation de la relation math´ematique usuelle
=
d’´egalit´e.
Pour les fins d’une utilisation vraiment efficace des syst`eme de calculs formels, la capacit´e qui est de loin la plus importante est la possibilit´e de d´efinir de nouvelles fonctions (ou proc´edures) de calcul, `a partir de celles d´ej` a connues. On a ainsi un riche environnement de programmation sp´ecialis´e pour les math´ematiques. C’est nouvelles fonctions peuvent se d´efinir de nombreuses fa¸cons, mais celle qui est la plus naturelle est probablement via la r´ecursivit´e. Ainsi on peut introduire la fonction : > F := n− > if n ≤ 1 then 1 else F (n − 1) + F (n − 2) fi : Dor´enavant, F est la fonction d’une variable qui calcule (r´ecursivement) les nombres de Fibonacci. On aura donc : > F (20); 10946 Les changement de lignes et les espaces suppl´ementaires n’ont ici aucun effet sur le calcul. Ils ne servent qu’`a disposer la description de la fonction F de mani`ere plus agr´eable. Normalement, le r´esultat d’une telle instruction est d’afficher le texte de la fonction ainsi d´efinie. Le fait d’utiliser le : , plutˆ ot que le ; comme indication de fin de l’instruction, ´evite cet affichagee assez inutile. Nous allons illustrer dans cette annexe comment il est facile d’utiliser de tels syst`emes pour manipuler les objets combinatoires que nous avons rencontr´es dans ce texte.
C.2
Th´ eorie des ensembles et calcul formel
Tout syst`eme de calcul formel (Sage, Maple, etc.) permet, entre autres, de manipuler des ensembles, des listes, et diverses constructions les concernant (avec les adaptations n´ecessaires).
´ C.2. THEORIE DES ENSEMBLES ET CALCUL FORMEL
25
Ainsi, on peut donner le nom A ` a l’ensemble {a, b, c} en posant > A := {a, b, a, c, b, b} ; A := {a, b, c} Observons ici (comme le veut la th´eorie) que la r´ep´etition d’un ´el´ement n’a aucun effet. Bien entendu, on a aussi les op´erations usuelles sur les ensembles > {a, b, c} intersect {b, c, d} ; {b, c} > {a, b, c} union {b, c, d} ; {a, b, c, d} > {a, b, c} minus {b, c, d} ; {a} En passant, rien n’empˆeche d’utiliser abstraitement ces op´erations sur des ensembles B et C non sp´ecifi´es. Ainsi, on obtient > (B union D) intersect (C union D) ; (B ∪ D) ∩ (C ∪ D) > B minus B ; ∅ On peut tester l’´egalit´e d’ensembles, et l’appartenance `a un ensemble, en exploitant la fonction evalb qui calcule la valeur logique d’une expression. Ainsi, on a > evalb({a, b, c} = {b, c, d}) ; false > evalb({a, b, c} = {b, c, a}) ; true > b in {b, c, a} ; b ∈ {a, b, c} > evalb(b in {b, c, a}) ; true La fonction nops est tr`es g´en´erale. Elle permet de compter le nombre d’op´erandes dans une expression. En particulier elle donne le nombre d’´el´ements d’un ensemble. Cependant, pour faciliter la compr´ehension, il est possible de lui donner un synonyme en posant :
26
ANNEXE C. CALCUL FORMEL
> card := nops : Par la mˆeme occasion, on se permet de mettre en place les autres synonymes : > ‘&+‘ := ‘union‘ : > ‘&-‘ := ‘minus‘ : L’utilisation du caract`ere & , dans &+ , est n´ecessaire en Maple lorsqu’on d´esire consid´erer de nouveaux op´erateurs binaires avec une notation infixe . C’est aussi une particularit´e de la syntaxe de Maple qui forcent l’utilisation des ‘ au moment de l’´etablissement de ces synonymes. Pour d´ecrire un ensemble de la forme {g(x) | x ∈ A}, on peut utiliser la fonction Maple seq qui permet de construire des s´equences de valeurs g(x) pour x variant dans A. Puisque l’ensemble A a d´ej`a ´et´e d´efini (mais pas g), on obtient : > {seq(g(x), x in A)}) ; {g(a), g(b), g(c)} ou encore, avec la fonction de Fibonacci F : > {seq(F (x), x in {1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9})}) ; {1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55}
Autres op´ erations. On peut d´efinir d’autres op´erations usuelles sur les ensembles comme cidessous. Si A = {x} + B, le calcul de l’ensemble P[A] des parties de A est bas´e sur la r´ecurrence : P[A] = P[B] + {C + {x} | C ∈ P[B]}.
(C.1)
Avec une syntaxe l´eg`erement diff´erente de celle d´ej`a utilis´ee, on exploite cette r´ecurrence pour obtenir la nouvelle fonction > P := proc(A) local x, B : if A = {} then {{}} else x := op(1, A) : B := A & − {x} : P (B) &+ {seq( C &+ {x}, C in P (B)} fi end :
(x est le premier ´el´ement dans A)
Apr`es avoir consid´er´e le cas sp´ecial A = ∅, on choisit x comme ´etant le premier ´el´ement de A, et la cinqui`eme ligne reproduit (presque fid`element) le membre de droite de (C.1). On obtient ainsi une fonction calculant l’ensembles P (A) des parties de A :
´ C.2. THEORIE DES ENSEMBLES ET CALCUL FORMEL
27
> P ({a, b, c}) ; {∅, {a} , {b} , {c} , {a, b} , {a, c} , {b, c} , {a, b, c}} Avant de construire le produit cart´esien comme op´eration binaire, on rappelle qu’en Maple un couple, normalement d´enot´e (x, y) dans des contextes math´ematiques, est plutˆot d´enot´e [x, y]. Ceci est du au fait que les parenth`eses usuelles sont r´eserv´ees `a d’autres fins syntaxiques. On pose donc > ‘&X‘ := proc(A, B) local x, y : {seq(seq([x, y] , x in A), y in B)} end : Alors, on obtient > {a, b, c} &X {a, b} ; {[1, a], [1, b], [2, a], [2, b], [3, a], [3, b]} et aussi > {a, b, c} &X {} ; ∅ comme il se doit. On peut maintenant obtenir la fonction qui calcule l’ensemble des relations entre A et B, simplement en posant : > Relations := (A, B)− > P (A &X B) : et donc on peut ensuite calculer que > Relations({a, b}, {x, y}) ; ∅, {[a, x]} , {[a, y]} , {[b, x]} , {[b, y]} , {[a, x], [a, y]} , {[a, x], [b, x]} , {[a, x], [b, y]} , {[a, y], [b, x]} , {[a, y], [b, y]} , {[b, x], [b, y]} , {[a, x], [a, y], [b, x]} , {[a, x], [a, y], [b, y]} , {[a, x], [b, x], [b, y]} , {[a, y], [b, x], [b, y]} , {[a, x], [a, y], [b, x], [b, y]} Pour calculer r´ecursivement l’ensemble des fonctions entre A et B, il suffit de poser > Fonct := (A, B)− > if A = {} then {{}} else x := A[1] : {seq(seq(f &+ {x, y} , y in B), f in Fonct(A &− {x}, B))} fi : et alors > Fonct({a, b}, {0, 1}) ; {{[a, 0], [b, 0]} , {[a, 0], [b, 1]} , {[a, 1], [b, 0]} , {[a, 1], [b, 1]}}
28
ANNEXE C. CALCUL FORMEL
Une construction similaire permet d’obtenir l’ensemble des mots de longueur k, sur un alphabet A, au moyen de la fonction Maple cat qui concat`ene deux mots. > Mots := (A, k)− > if k = 1 then A else {seq(seq(cat(w, x) , x in A), w in Mots(A, k − 1))} fi : > Mots({a, b, c}, 3) ;
aaa, aab, aac, aba, abb, abc, aca, acb, acc, baa, bab, bac, bba, bbb, bbc, bca, bcb, bcc, caa, cab, cac, cba, cbb, cbc, cca, ccb, ccc
Annexe D
Notations |A| : le cardinal d’un ensemble A, Section 1.2. [n] : l’ensemble usuel de cardinal n, Section 1.2. Q esiens d’ensembles, Chapitre 1. i∈I Ai et A × B : produits cart´ P i∈I Ai et A + B : unions disjointes d’ensembles, Chapitre 1. Bij[A, B] : l’ensemble des fonctions bijectives de A vers B, (1.22). f C : la fonction f restreinte au sous-ensemble C, (1.16). f k : k-i`eme it´er´e pour la composition de f , Section ??. Fonct[A, B] : l’ensemble des fonctions de A vers B, Chapitre 1. g ◦ f : compos´e de fonctions g et de f , (??). IdA : la fonction identit´e sur A, Chapitre 1. Inj[A, B] : l’ensemble des fonctions injectives de A vers B, (1.26). P : l’ensemble des parties, (1.3). P k : parties ` a k-´el´ements, 1.3). Sn : l’ensemble des permutations, (1.22). Surj[A, B] : l’ensemble des fonctions surjectives de A vers B, (1.28). χB : la fonction caract´eristique d’un sous-ensemble B, (1.17).
29
30
ANNEXE D. NOTATIONS
Index bijection, 10
antisym´etrique, 8 d’´equivalence, 8 ´egalit´e, 8 matrice, 9 r´eflexive, 7 sym´etrique, 8 transitive, 8
cardinal, 2 compl´ement, 5 diff´erence, 5 ensemble des parties, 3 paire, 4 ensemble vide, 2 fonction caract´eristique, 9 injective, 11 inverse, 10 inverse ` a droite, 13 inverse ` a gauche, 12 restriction, 9 surjective, 13
sous-ensemble, 3 union, 4 disjointe, 5
intersection, 4 matrice de permutation, 11 partie, 3 permutation, 11 produit cart´esien, 6 puissance cart´esienne, 7 relation, 7 31
Arithm´ etique (par Andr´e Joyal )
Ces notes ont ´et´e pr´epar´ees pour le camp math´ematique UQAM 2003 Math´ ematiques sur Internet: Wikipedia: The free encyclopedia. http://www.wikipedia.org/wiki/Mathematics Eric Weisstein’s World of Mathematics. http://mathworld.wolfram.com/
Synopsis: §0 §1 §2 §3 §4 §5 §6 §7
Au commencement ´etait Pythagore Arithm´etique et nombres premiers Fractions d´ecimales et congruences Une application a ` la cryptographie Racines primitives Fonctions arithm´etiques Produits Eul´eriens Bibliographie
0 Au commencement ´ etait Pythagore ´ ee, a Pythagore (572 a ` 501 avant notre `ere) est n´e sur l’ˆıle de Samos en mer d Eg´ ` proximit´e des cˆ otes de l’Asie Mineure (Turquie). Durant sa jeunesse il voyage en Orient pour y rencontrer sages, savants et chefs religieux. C’´etait l’´epoque des enseignements de Zoroastre en Perse, de Bouddha aux Indes, de Confucius et de Lao-Tzu en Chine (mais on ne pense pas que Pythagore ait rencontr´e ces personnages). Au terme de ses voyages Pythagore s’´etablit a ` Crotone, ville grecque d’Italie, pour y fonder une secte religieuse et philosophique. Sur le plan mystique les Pythagoriciens croient en l’immortalit´e de l’ˆ ame humaine et en la possibilit´e de la r´eincarnation. Sur le plan philosophique leur doctrine peut se r´esumer a ` ceci: la compr´ehension ultime des choses se trouve dans les nombres entiers. Les Pythagoriciens attribuent une valeur mystique a ` certains nombres et les classent selon leurs propri´et´es arithm´etiques ou g´eom´etriques. Ils disent qu’un entier est parfait s’il est ´egal a ` la somme de ses diviseurs propres. Par exemple, les nombres 6 et 28 sont parfaits car 6 = 3 + 2 + 1 et 28 = 14 + 7 + 4 + 2 + 1. Ils disent aussi que deux entiers sont amicaux si chacun est la somme des diviseurs propres de l’autre. Par exemple, 220 et 284 sont amicaux car on a 220 = 1 + 2 + 4 + 71 + 142 284 = 1 + 2 + 4 + 5 + 10 + 11 + 20 + 22 + 44 + 55 + 110. Ils introduisent les nombres triangulaires, carr´es, pentagonaux, hexagonaux. Par exemple, les nombres triangulaires sont 1, 3, 6, 10, 15, 21, . . .
• 1
• • • 3
• • • • • • • • • • 10
• • • • • • 6 1
• • • • • 15
• • • • • • • • • •
Les pythagoriciens utilisent ces repr´esentations pour obtenir diverses relations. Par exemple, la figure suivante illustre le fait que le n-i`ene nombre triangulaire Tn = 1 + 2 + 3 + · · · + n vaut
Tn =
• • • • •
n(n + 1) 2
∗ • • • •
∗ ∗ • • •
∗ ∗ ∗ • •
∗ ∗ ∗ ∗ •
∗ ∗ ∗ ∗ ∗
• • • • 16
• • • •
• • • •
• • • •
Les nombres carr´es sont 1, 4, 9, 16, 25, 36, . . .
• 1
• • • • • • • • • 9
• • • • 4
• • • • • 25
• • • • •
• • • • •
• • • • •
• • • • •
.
La figure suivante illustre le fait que la somme de deux nombres triangulaires successifs est un carr´e: • • • • •
10 + 15 = 52
∗ • • • •
∗ ∗ • • •
∗ ∗ ∗ • •
∗ ∗ ∗ ∗ •
La figure suivant illustre le fait que la somme des n-premiers nombres impairs est un carr´e: ? • ◦
2
4 = 1+3+5+7
? • •
?
? ? ? ?
.
√ On attribue a ` Pythagore la d´ecouverte que 2 est un nombre irrationel. En r´ealit´e, les grecs ne connaissaient pas le concept moderne de nombres r´eels, rationnels ou irrationnels. Pour eux, un nombre est avant tout un rapport entre des quantit´es de mˆeme nature. Deux quantit´es sont dites commensurables (co-mesurables) si elles sont multiples entiers d’une troisi`eme quantit´e; sinon elles sont incommensurables. Pythagore d´ecouvre que la diagonale d’un carr´e et son cˆ ot´e sont incommensurables. Pythagore est l’auteur d’une th´eorie math´ematique de l’harmonie musicale encore accept´ee de nos jours. Il mesure la hauteur du son ´emi par une corde vibrante par la longeur de cette corde. Aujourd’hui, on mesure la hauteur d’un son par sa fr´equence, c’est a ` dire par le nombre de battements par seconde. Nous d´ecrirons la th´eorie de Pythagore en utilisant la notion de fr´equence (la fr´equence d’une corde vibrante est inversement proportionnelle a ` sa longuer). En exp´erimentant sur des instruments comme la harpe, la lyre et la cithare, Pythagore d´ecouvre que les sons de fr´equences f , 2f , 4f , 8f , . . . etc sont semblables bien que de hauteur diff´erente. L’octave est l’intervalle musical s´eparant une fr´equence f de son double 2f . Par exemple, si f est un r´e alors 2f est un r´e situ´e dans l’octave suivant. Pythagore d´ecouvre aussi qu’il faut mesurer l’intervalle musical s´eparant deux fr´equences f et g par le rapport g/f (et non pas par la diff´erence g − f comme on pourrait le penser). Autrement dit, deux intervalles musicaux [f, g] et [u, v] sont ´equivalents si les rapports g/f et v/u sont ´egaux. Pythagore choisit de subdiviser l’octave [f, 2f ] en 12 intervalles musicaux ´egaux. Le choix de 12 n’est pas arbitraire car ce nombre poss`ede un grand nombre de diviseurs. Pour subdiviser l’octave [f, 2f ] en deux intervalles ´egaux il faut trouver une fr´equence interm´ediaire f < g < 2f pour laquelle g 2f = . f g 2
√ Ce qui donne g = f 2. Pour subdiviser l’octave [f, 2f ] en 12 intervalles ´egaux il faut trouver des fr´equence interm´ediaires f − f0 < f1 < f2 < f3 < f4 < f5 < f6 < f7 < f8 < f9 < f10 < f11 < f12 = 2f de sorte que f2 f3 f4 f5 f6 f7 f8 f8 f9 f10 f11 f12 f1 = = = = = = = = = = = = . f0 f1 f2 f3 f4 f5 f6 f7 f7 f8 f9 f10 f11 Si r d´enote ce rapport commun alors r12 =
f1 f2 f3 f4 f5 f6 f7 f8 f8 f9 f10 f11 f12 f12 2f · · · · · · · · · · · · = = =2 f0 f1 f2 f3 f4 f5 f6 f7 f7 f8 f9 f10 f11 f0 f
1
Par suite, r = 2 12 et fi = f ri . Les musiciens disent que l’intervalle qui s´epare fi et fi+1 est un demi-ton. Les fr´equences fi pour 0 ≤ i ≤ 12 forment une gamme chromatique. Si f0 est un do cette gamme est constitu´ee des notes suivantes: do,
do] ,
r´e,
r´e] ,
mi,
fa,
fa] ,
sol,
sol] ,
la,
la] ,
si,
do.
Une troisi`eme d´ecouverte de Pythagore concerne les harmoniques d’un son donn´e. Il d´ecouvre qu’un son de fr´equence f vibre en accord (en harmonie) avec les sons de fr´equences 2f, 3f, 4f, 5f, . . .. Les musiciens d’aujourd’hui disent que 3f est la quinte de f (mais c’est mal nomm´e). La fr´equence 3f est situ´ee dans 7 l’octave [2f, 4f ]. Comme 2 12 × 2 = 2.99661 ' 3, la quinte est la septi`eme note qui suit 2f dans l’octave [2f, 4f ]. Elle ´equivaut a ` la septi`eme note qui suit f dans l’octave [f, 2f ]. La quinte d’un do est un sol et la quinte d’un mi est un si.
Exercices pour la section 0 ´ Le volume II des Elements d’Euclide porte sur une forme d’alg`ebre g´eom´etrique. Les identit´es suivantes y sont d´emontr´ees g´eom´etriquement: 1. a(b + c + d + · · ·) = ab + ac + ad + · · ·
2. (a + b)a + (a + b)b = (a + b)2 3. (a + b)a = ab + a2 4. (a + b)2 = a2 + 2ab + b2 5. (a + b)(a − b) + b2 = a2
6. (2a + b)b + a2 = (a + b)2 7. a2 + b2 = 2ab + (a − b)2
8. 4ab + (a − b)2 = (a + b)2
9. (a + b)2 + (a − b)2 = 2(a2 + b2 ) Exercice 1: V´erifier chacune des identit´es ci-haut.
D’apr`es Pythagore, le carr´e de l’hypot´enuse d’un triangle rectangle est ´egal a ` la somme des carr´es des autres cˆ ot´es. Inversement, si la relation c2 = a2 + b2 est satisfaite alors le triangle de cot´es (a, b, c) est rectangle. Si a, b et c sont des nombres entiers, on dit alors que le triplet (a, b, c) est pythagoricien. Par exemple, les triplets (3, 4, 5) et (5, 12, 13) sont pythagoriciens. Il est interessant de rechercher tous les triplets 3
pythagoriciens. Si un triplet (a, b, c) est pythagoricien alors il en est de mˆeme triplet (na, nb, nc) pour tout entier n. On se limite a ` rechercher les triplets pythagoricien sans diviseurs communs. Exercise 2: V´erifier l’identit´e (attribu´ee a ` Platon) (2ab)2 + (a2 − b2 )2 = (a2 + b2 )2 . Trouver un grand nombres de triplets pythagoriciens sans diviseurs communs.
On dit qu’une suite de nombres a1
a2
a3
···
an
est en progression arithm´etique si la diff´erence entre deux termes successifs a i+1 − ai est constante. On dit que cette constante est la raison de la progression arithm´etique. Exercice 3: Montrer que la diff´erence an − ai entre le n-i`eme terme et le i-i`eme terme d’une progression arithm´etique de raison r vaut (n − i)r. Exercice 4: Montrer que la somme des termes a1 , a2 , · · · , an d’une progression arithm´etique de raison r vaut n(a1 + an ) n(n − 1) n(n − 1) = na1 + r = nan − r . 2 2 2 Le n-i`eme nombre triangulaire, carr´e, pentagonal, hexagonal, heptagonal, etc, est la somme des n premiers termes d’une progression arithm´etiques de raison 1, 2, 3, 4, 5, etc: nombres triangulaires carr´es pentagonaux ···
: 1 2 3 4 5 6 7 ··· : 1 3 5 7 9 11 13 · · · : 1 4 7 10 13 16 19 · · · ···
Exercice 5: Montrer que la n-i`eme nombre l-gonal vaut n + (l − 2)
n(n − 1) . 2
Si a0 , a1 , a2 , · · · est suite de nombres, posons ∆an = an+1 − an . Alors on a an = a0 + ∆a0 + ∆a1 + · · · + ∆an−1 Par exemple, comme on a ∆n2 = (n + 1)2 − n2 = 2n + 1, on obtient que 1 + 3 + 5 + · · · + (2n − 1) = n2 . De mˆeme, comme on a ∆n(n + 1)(n + 2) = (n + 1)(n + 2)(n + 3) − n(n + 1)(n + 2) = 3(n + 1)(n + 2) on obtient que 1 · 2 + 2 · 3 + 3 · 4 + · · · + n(n + 1) = 4
n(n + 1)(n + 2) . 3
Exercice 6: Trouver une expression pour la somme des n premiers nombres l-gonaux.
Exercise 7: Montrer que 12 + 2 2 + · · · + n 2 =
n(n + 1)(2n + 1) 6
Suggestion: Utiliser la d´ecomposition n2 = n(n − 1) + n. Si a0 , a1 , a2 , · · · est suite de nombres, posons ∆an = an+1 − an . Alors on a an = a0 + ∆a1 + ∆a2 + · · · + ∆an−1 Par exemple, comme on a ∆n2 = (n + 1)2 − n2 = 2n + 1, on obtient que 1 + 3 + 5 + · · · + (2n − 1) = n2 . De mˆeme, comme on a ∆n(n + 1)(n + 2) = (n + 1)(n + 2)(n + 3) − n(n + 1)(n + 2) = 3(n + 1)(n + 2) on obtient que 1 · 2 + 2 · 3 + 3 · 4 + · · · + n(n + 1) =
n(n + 1)(n + 2) . 3
Exercice 8: Montrer que 13 + 23 + · · · + n3 = (1 + 2 + · · · + n)2 Suggestion: Utiliser l’identit´e a2 − b2 = (a − b)(a + b) pour calculer la diff´erence du second membre. On d´efinit la k-i`eme puissance montante de n comme le produit des k entiers suivant n, a ` partir de n: (n)k = n(n + 1) · · · (n + k − 1). On pose (n)0 = 1 et k! = (1)k = 1 · 2 · 3 · · · k. Remarquer que (n)k =
(n + k − 1)! . (n − 1)!
Exercice 9: Montrer que ∆(n)k = k(n + 1)k−1 . En d´eduire que (1)k + (2)k + (3)k + · · · + (n)k =
(n)k+1 . k+1
On d´efinit la k-i`eme puissance descendante de n en posant (n)k = n(n − 1) · · · (n − k + 1). Remarquer que (n)k = 0 si n < k. Remarquer que (n)k =
n! . (n − k)! 5
Exercice 10: Montrer que ∆(n)k = k(n)k−1 . En d´eduire que (1)k + (2)k + (3)k + · · · + (n)k =
(n + 1)k+1 . k+1
Les coefficients du binˆ ome n n−1 n n−2 2 n 2 n−2 n n n (x + y) = x + x y+ x y +···+ x y + xy n−1 + y n 1 2 2 1 figurent dans le triangle de Pascal: 1 1 1 1
3
1
4
1
5
1 1 1
8
28
1
6
15 21
1 3
10
6 7
1 2
4
20 35
56
1
10
5 15
6
35 70
.
1 1
21
7
56
28
1 8
1
···
8 0
7 0
6 0
5 0
7 1
8 1
4 0
5 1
8 2
3 0
2 0
4 1
5 1
6 2
7 2
8 3
1 0
3 1
5 2
7 3
···
0 0
2 1
4 2
6 3
8 4
1 1
3 2
5 3
7 4
2 2
4 3
6 4
8 5
3 3
5 4
7 5
4 4
6 5
8 6
5 5
7 6
. 6 6
8 7
7 7
8 8
Exercice 11: (Pascal) Utiliser la relation (x + y)n+1 = (x + y)n (x + y) pour montrer que l’on a
n+1 n n = + . k k−1 k
Comparer avec la relation (n)k (n)k (n + 1)k = + . k! k! (k − 1)! En d´eduire que n! n (n)k = . = k! k!(n − k)! k Exercice 12: Montrer que l’on a n n−1 n−2 n−3 k−1 = + + +···+ . k k−1 k−1 k−1 k−1 6
On dit qu’une suite de nombres a1 , a2 , a3 · · · est en progression g´eom´etrique de raison r si ai+1 /ai = r. Exercice 13: Montrer que le rapport an /ai entre le n-i`eme terme et le i-i`eme terme d’une progression g´eom´etrique de raison r vaut r (n−i) . Exercice 14: Si x 6= 1, montrer que 1 + x + x 2 + · · · + xn =
xn+1 − 1 . x−1
En d´eduire que 1 + 2 + 23 + · · · + 2n = 2n − 1. Exercice 15: Montrer que la somme des n premiers termes d’une progression g´eom´etrique a 1 , a2 , · · · de raison r 6= 1 vaut an+1 − a1 rn+1 − 1 = a1 . r−1 r−1
1. Arithm´ etique et nombres premiers
Soit N l’ensemble des entiers positifs ou nuls. Si n ∈ N nous d´enoterons par nN l’ensemble des multiples entiers de n: nN = {na | a ∈ N}. Nous dirons qu’un entier n ∈ N divise un entier m ∈ N, et nous ´ecrirons n | m, si m ∈ nN. Exercice : Montrer que si 0 | n alors n = 0. Proposition 1.1. (i) On a n | mn, n | 0, 1 | n et n | n; (ii) si m | n et n | r alors m | r. (iii) si n | m et m | n alors m = n. (iv) si n | a et n | b alors n | (a + b). (iii) si n | a et n | a + r alors n | r. Preuve: (i) C’est clair. (ii) si n = mq et r = np alors r = mqp. (ii) si n = mq et m = np alors n = npq; donc 1 = pq si n 6= 0: dans ce cas p = q = 1 et n = m; si n = 0 alors m = 0p = 0. (iii) si a = np et b = nq alors a + b = n(p + q). (iv) si a = np et a + r = nq alors r = n(q − p). Definition 1.2: Nous dirons qu’un entier n > 1 est compos´e s’il admet une factorisation n = ab avec a, b > 1; sinon, nous dirons qu’il est premier.
Il y a 25 nombres premiers ≤ 100: 2 3 5 7 11 13 17 19 23 29 31 37 41 43 47 53 59 61 67 71 73 79 83 89 97 Le plus petit diviseur > 1 d’un entier est forc´ement premier. 7
Proposition 1.3. Tout entier compos´e n poss`ede un diviseur 1 < d ≤
√
n.
Preuve: on a une factorisation n = ab avec a < n et b < n. Si on avait a > √ Si n est compos´e alors √ √ b > n on aurait aussi ab > n n = n, ce qui est absurde puisque ab = n. CQFD
√ n et
√ Si un entier n > 1 n’est pas divisible par aucun nombre premier ≤ n alors il est premiers. Par exemple, 101 est premier car il n’est divisible ni par 2, ni par 3, ni par 5 et ni par 7. ´ La proposition 1.3 est a ` la base de la m´ethode du crible d’Eratosth` ene pour dresser la liste de tous les nombres premiers ≤ N . On proc`ede par ´elimination successive a ` partir des nombres impairs ≤ N . Par exemple, pour obtenir la liste des nombres premiers ≤ 100 on commence par faire la liste des nombres impairs ≤ 100 (` a l’exception de 2 que l’on ajoute a ` la liste): 2∗
3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33
35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 57 59 61 63 65 67 . 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99. Di on ´elimine ensuite les multiples de 3 (sauf 3), il reste: 2 3∗ 5 7 11 13 17 19 23 25 29 31 35 37 41 43 47 49 53 55 59 61 65 67 71 73 77 79 83 85 89 91 95 97. Si on ´elimine ensuite les multiples de 5 (sauf 5), il reste 2 3 5∗ 7 11 13 17 19 23 29 31 37 41 43 47 49 53 59 61 67 71 73 77 79 83 89 91 97. Si on ´elimine ensuite les multiples de 7 (sauf 7), il reste 2 3 5 7∗
11 13 17 19 23 29 31
37 41 43 47 53 59 61 67 71 73 79 83 89 97. Le criblage est termin´e car 112 > 100. Il ne reste alors que des nombres premiers. On en compte 25. Tout entier n > 1 est un produit de nombres premiers. D´emontrons-le, mˆeme si c¸a peut paraitre ´evident. Si n n’est pas premier, divisons-le par son plus petit diviseur d1 . Ce dviseur est forc´ement premier. Si le quotient n/d1 n’est pas premier, divisons-le par son plus petit diviseur d2 . Si le quotient n/d1 d2 n’est pas premier, divisons-le par son plus petit diviseur premier d3 . Continuant ainsi, on obtient une suite d´ecroissante d’entiers n > (n/d1 ) > (n/d1 d2 ) > (n/d1 d2 d3 ) > · · · . Cette suite ne peut se prolonger ind´efiniment. Apr`es un certain nombre k < n de divisions le quotient q = n/d1 d2 · · · dk sera premier. On obtient alors une d´ecomposition en facteurs premiers n = d1 · d2 · d3 · · · dk · q. Th´ eor` eme 1.4. (Th´eor`eme fondamental de l’Arithm´etique) Tout nombre entier n > 1 se factorise en produit de nombres premiers. Cette factorisation est unique a ` l’ordre des facteurs pr`es. L’unicit´e de la factorisation peut paraitre ´evidente, du moins pour les entiers familiers. Comme on n’en trouve pas mention dans les textes anciens, elle semble avoir ´et´e admise par les mathmaticiens de l’antiquit´e 8
Mais qu’en est-il de la factorisation des entiers grands? Supposons par exemple que Pierre ait trouv´e une d´ecomposition en facteurs premiers 235711131719232931374143 = 4546201954997 · 51847923619 = p · q,
et que Paul en ait trouv´e une autre 235711131719232931374143 = 1239743299603 · 190128982181 = p0 · q 0 .
En quoi cela contredit-il notre intuition? L’unicit´e d’une d´ecomposition en facteurs premiers pourrait ˆetre vrai pour des entiers petits mais fausse pour certains entiers tr`es grands. Il ne faut pas oublier qu’il y a des entiers GIGANTESQUES, incroyablement grands. Consid´erons par exemple la suite entiers 1 + 2,
1 + 22 ,
2
1 + 22 ,
22
1 + 22 ,
1 + 22
22
2
,...
Quelle est la nature arithm´etique de l’entier occupant par exemple la 100e position de la suite? Il est physiquement impossible de d´ecrire le d´eveloppement d´ecimal de cet entier car l’univers semble trop petit. Malgr´e sa taille gigantesque, il faut r´ealiser qu’il est minuscule a ` comparer aux v´eritables g´eants qui peuplent en tr`es grande majorit´e l’ensemble des nombres naturels. Peut-ˆetre objecterez-vous que les entiers gigantesques ont peu d’importance. Mais vous conviendrez avec moi que c’est une bonne chose que de savoir que l’unicit´e de la factorisation est vrai pour tout les entiers sans aucune exception. La premi`ere d´emonstration est due a ` Gauss. Elle est bas´e sur le lemme suivant: Lemme 1.5. (Gauss) Si un nombre premier p divise le produit de deux nombres entiers alors il divise l’un des facteurs. Nous en donnerons une d´emonstration plus bas (apr`es la proposition 10) . On peut reformuler le lemme de la fa¸con suivante: si un entier q divise le produit mn de deux entiers sans diviser m et n, alors q n’est pas premier. Par exemple, remarquer que le facteur p = 4546201954997 de Pierre ne divise aucun des facteurs trouv´es par Paul. En effet, p est plus grand que chacun de ces facteurs. Donc p n’est pas premier. Pierre a fait une erreur. On voit que l’on peut montrer qu’un nombre est compos´e sans en calculer de facteurs! Rappelons que le plus grand diviseur commun de deux entiers non nuls a et b est le plus grand des entiers divisant a ` la fois a et b; on le d´enote par pgdc(a, b). Par exemple, le plus grand diviseur commun de 60 et de 72 est 12 car les diviseurs de 60 sont 1, 2, 3, 4, 5, 6, 10, 12, 15, 20, 30, 60, et les diviseurs de 72 sont 1, 2, 3, 4, 6, 8, 9, 12, 18, 24, 36, 72. On dit que a et b sont relativement premiers (ou sans diviseurs communs) si pgdc(a, b) = 1. Nous ´ecrirons a⊥b pour indiquer que a et b sont relativement premiers. Par exemple, on a 72 ⊥ 125. Le plus petit multiple commun de m et n est le plus petit des entiers > 0 divis´es a ` la fois par m et n; on le d´enote par ppmc(m, n). Par exemple, on a ppmc(60, 72) = 360. Th´ eor` eme 1.6. (Division euclidienne) Soit b un entier > 0. Alors pour tout entier a ∈ N il existe des entiers q et r tels que a = bq + r avec 0 ≤ r < b. Les entiers q et r sont d´etermin´es uniquement par a et b. Preuve: Soit q le plus grand des entiers ≤ a/b. Par definition, on a q ≤ a/b et a/b < q + 1. Par suite, qb ≤ a et a < (q + 1)b. Posons r = a − bq. Alors on a r ≥ 0 et r < b. Cela montre l’existence du couple (q, r). L’unicit´e est ´evidente car la condition 0 ≤ a − bq < b ´equivaut a ` la condition qb ≤ a < (q + 1)b, qui ´equivaut aux condition q ≤ a/b et a/b < q + 1. CQFD On dit que que r est le reste de la division de a par b, et que q le quotient. Le reste est nul ssi b divise a. 9
Lemme 1.7. Si a = bq + r avec r > 0, alors pgdc(a, b) = pgdc(b, r). Preuve: Si un entier d divise a et b alors il divise aussi r = a − bq par la proposition 2(i) et (ii). Inversement, si d divise b et r alors il divise a = bq + r par la mˆeme proposition. Cela montre que tout diviseur commun de a et b est un diviseur commun de b et r. En particulier, le plus grand diviseur commun de a et b est ´egal au plus grand diviseur commun de b et r. CQFD L’algorithme d’Euclide pour calculer le plus grand diviseur commun de deux entiers a, b ≥ 1 est l’un des plus anciens et l’un des plus importants de math´ematiques. Il est bas´e sur le lemme 5. On effectue successivement les divisions euclidiennes suivantes jusqu’` a l’obtention d’un reste nul: a = bq1 + r1 b = r 1 q2 + r 2 r1 = r 2 q3 + r 3
avec 0 < r1 < b avec 0 < r2 < r1 avec 0 < r3 < r2
··· rn−2 = rn−1 qn + rn
··· avec 0 < rn < rn−1
rn−1 = rn qn+1 + 0. Alors on a pgdc(a, b) = rn . Autrement dit, le pgdc(a, b) est le dernier reste non nul de la suite de division. En effet, d’apr`es le lemme, on a pgdc(a, b) = pgdc(b, r1 ) = pgdc(r1 , r2 ) = · · · = pgdc(rn−1 , rn ). Mais pgdc(rn−1 , rn ) = rn car rn divise rn−1 . Par exemple, on a pgdc(3456, 465) = 3 car 3456 = 465 · 7 + 201 465 = 201 · 2 + 63 201 = 63 · 3 + 12 63 = 12 · 5 + 3 12 = 3 · 4 + 0.
Calculons le pgcd entre le facteur p = 4546201954997 de Pierre et le facteur p 0 = 1239743299603 de Paul. 4546201954997 = 1239743299603 · 3 + 826972056188
1239743299603 = 826972056188 · 1 + 412771243415 826972056188 = 412771243415 · 2 + 1429569358 412771243415 = 1429569358 · 288 + 1055268311 1429569358 = 1055268311 · 1 + 374301047 1055268311 = 374301047 · 2 + 306666217 374301047 = 306666217 · 1 + 67634830 306666217 = 67634830 · 4 + 36126897 67634830 = 36126897 · 1 + 31507933 36126897 = 31507933 · 1 + 4618964 31507933 = 4618964 · 1 + 3794149 4618964 = 3794149 · 1 + 824815 3794149 = 824815 · 1 + 494889 824815 = 494889 · 1 + 329926
494889 = 329926 · 1 + 164963 329926 = 164963 · 1 + 0 10
Donc pgcd(p, p0 ) = 164963. On obtient par suite les factorisations p = 164963 · 27558919,
et
p0 = 164963 · 7515281.
Cela permet de calculer la factorisation suivante de l’entier de d´epart: n = 235711131719232931374143 = 6899 · 164963 · 7515281 · 27558919. La factorisation de Pierre s’obtient en regroupant les facteurs comme suit p · q = (164963 · 27558919) · (6899 · 7515281), et celle de Paul en regroupant les facteurs comme suit p0 · q 0 = (164963 · 7515281) · (6899 · 27558919). Le r´esultat suivant est la cl´e qui permettra de d´emontrer le lemme de Gauss. Th´ eor` eme 1.8. (Relation de B´ezout) Pour tout entiers a, b ≥ 1, il existe des entiers u, v ∈ Z tels que pgdc(a, b) = u · a + v · b. Preuve: On peut supposer que a ≥ b. Nous raisonnerons par induction sur b. Le r´esultat est ´evident si b = 1 et plus g´en´eralement si b | a car alors pgdc(a, b) = b = 0 · a + 1 · b. Sinon, on a a = bq + r avec 0 < r < b. Dans ce cas on a pgdc(a, b) = pgdc(b, r) par le lemme ?. Comme r < b on peut supposer (par l’hypoth`ese d’induction) que l’on a pgdc(b, r) = xb + yr pour des entiers x et y. Par suite, pgdc(a, b) = xb + yr = xb + y(a − br) = ya + (x − yr)b. CQFD
Proposition 1.9. Deux entiers a et b sont relativement premiers si et seulement si il existe des entiers u, v ∈ Z tels que 1 = ua + vb. Preuve: Si pgdc(a, b) = 1 alors il existe des entiers u, v ∈ Z tels que 1 = ua + vb d’apr`es le th´eor`eme 6. Inversement, supposons qu’il existe des entiers u, v ∈ Z tels que 1 = ua + vb. Tout diviseur commun d > 0 de a et de b doit diviser ua + vb = 1 par la proposition ?. Cela montre que d = 1. CQFD
Proposition 1.10. Si n⊥a et n⊥b, alors n⊥ab. Preuve: Si n⊥a, alors il existe des entiers s, t tels que 1 = sa + tn d’apr`es 9. De mˆeme, si b⊥n alors il existe des entiers u, v tels que 1 = ub + vn. En faisant le produit de ces ´egalit´es, on obtient que 1 = (sa + tn)(ub + vn) = (su) · (ab) + (sav + tub + tvn) · n. Elle entraˆıne par la proposition 9 que n⊥ab. CQFD Nous pouvons maintenant d´emontrer le lemme de Gauss: Si un nombre premier p divise le produit de deux nombres entiers alors il divise l’un des facteurs. Il suffit de montrer que si un nombre premier p ne divise pas deux entiers a et b alors il ne divise pas leur produit ab. En effet, si p ne divise pas a alors on a p⊥a puisque p est premier. De mˆeme, on a p⊥b. Par suite, p⊥ab par le proposition 10. CQFD 11
Nous pouvons maintenant d´emontrer le th´eor`eme fondamental de l’arithm´etique: Tout nombre entier n > 1 se factorise en produit de nombres premiers. Cette factorisation est unique a ` l’ordre des facteurs pr`es. L’existence d’une factorisation en facteurs premiers a d´ej` a ´et´e d´emontr´e. Il reste a ` d´emontrer l’unicit´e. Nous allons raisonner par induction sur n. Le r´esultat est clair si n est premier. On peut donc supposer que n est compos´e. Supposons que l’on ait deux factorisations en facteurs premiers n = p 1 p 2 · · · p k = q 1 q2 · · · qr . On peut ranger les facteurs en ordre croissant p1 ≤ p2 ≤ · · · ≤ pk et q1 ≤ p2 ≤ · · · ≤ qr . Nous allons montrer que k = r et que pi = qi pour tout 1 ≤ i ≤ k. Commencons par montrer que pk = qr . Le facteur pk doit diviser l’un des facteurs qj d’apr`es le lemme de Gauss. On a alors pk ≤ qr car on a qj ≤ qr . Le mˆeme raisonnement montre que qr ≤ pk . Nous avons montr´e que pk = qr . Par suite, n = p1 p2 · · · pk−1 = q1 q2 · · · qr−1 . pk Comme n/pk < n, l’hypoth`ese d’induction entraˆıne que k − 1 = r − 1 et que pi = qi pour tout 1 ≤ i ≤ k − 1. CQFD
Il est commode de regrouper les facteurs ´egaux d’une factorisation en facteurs premiers. Cela donne une factorisation dont les facteurs sont des puissances de nombres premiers distincts: n = pa1 1 pa2 2 · · · pakk . Si on accepte les exposants nuls, on peut ´ecrire que n = 2a 3b 5c · · · avec a, b, c, . . . ≥ 0. Il est facile d’obtenir tous les diviseurs d’un entier n a ` partir d’une d´ecomposition de cet entier en puissance de facteurs premiers. Si n = pa1 1 pa2 2 · · · pakk alors les diviseurs d de n sont de la forme d = pb11 · · · pbkk pour des exposants bi ≤ ai pour tout 1 ≤ i ≤ k. Il est facile de calculer le produit deux entiers a ` partir d’une d´ecomposition de ces entiers en puissance de facteurs premiers. Si m = pa1 1 · · · pakk et m = pb11 · · · pbkk alors on a De mˆeme, on a
mn = p1a1 +b1 · · · pakk +bk . pgdc(m, n) = pa1 1 ∧b1 · · · pakk ∧bk
et ppmc(m, n) = pa1 1 ∨b1 · · · pakk ∨bk ,
o` u a ∧ b d´esigne d´esigne le plus petit de deux entiers a et b, et o` u a ∨ b d´esigne d´esigne le plus grand. Proposition 1.11. Pour tout entier m, n ≥ 1, on a pgdc(m, n) · ppmc(m, n) = m · n. Preuve: C’est une cons´equence de l’identit´e a ∧ b + a ∨ b = a + b. CQFD En particulier, si m⊥n alors ppmc(m, n) = m · n. Voici quelques exemples amusants de factorisation. Le nombre Mn (a) = 1 + a + a2 + · · · + an−1 est compos´e si n est compos´e. En effet, l’identit´e xn − 1 = (x − 1)(1 + x + x2 + · · · + xn−1 ) entraˆıne que l’on a amn − 1 = (am − 1)(1 + am + a2m + · · · + a(n−1)m ) 12
et par suite que Mmn (a) = Mm (a)Mn (am ). On dit que l’entier Mn (10) est un repunit car son d´eveloppement d´ecimal est form´e du chiffre 1 r´ep´et´e n-fois.
M2 (10) = 11 = 11 M3 (10) = 111 = 3 · 37 1111 = 11 · 101
M5 (10) = 11111 = 41 · 271 111111 = 3 · 7 · 11 · 13 · 37
M7 (10) = 1111111 = 239 · 4649 11111111 = 11 · 73 · 101 · 137 111111111 = 32 · 37 · 333667
1111111111 = 11 · 41 · 271 · 9091
M11 (10) = 11111111111 = 21649 · 513239 111111111111 = 3 · 7 · 11 · 13 · 37 · 101 · 9901
M13 (10) = 1111111111111 = 53 · 79 · 265371653 11111111111111 = 11 · 239 · 4649 · 909091
111111111111111 = 3 · 31 · 37 · 41 · 271 · 2906161 1111111111111111 = 11 · 17 · 73 · 101 · 137 · 5882353
M17 (10) = 11111111111111111 = 2071723 · 5363222357
111111111111111111 = 32 · 7 · 11 · 13 · 19 · 37 · 52579 · 333667 M19 (10) = 1111111111111111111 = 1111111111111111111 11111111111111111111 = 11 · 41 · 101 · 271 · 3541 · 9091 · 27961 111111111111111111111 = 3 · 37 · 43 · 239 · 1933 · 4649 · 10838689
1111111111111111111111 = 112 · 23 · 4093 · 8779 · 21649 · 513239
M23 (10) = 11111111111111111111111 = 11111111111111111111111 111111111111111111111111 = 3 · 7 · 11 · 13 · 37 · 73 · 101 · 137 · 9901 · 99990001
On dit que l’entier Mn = Mn (2) = 2n − 1 est un nombre de Mersenne. Il est souvent premier si n est 13
premier.
M2 = 3 M3 = 7 M5 = 31 M7 = 127 M11 = 23 · 89
M13 = 8191 M17 = 131071 M19 = 524287 M23 = 47 · 178481
M29 = 233 · 1103 · 2089 M31 = 2147483647 M37 = 223 · 616318177
M41 = 13367 · 164511353 M43 = 431 · 9719 · 2099863
M47 = 2351 · 4513 · 13264529 M53 = 6361 · 69431 · 20394401
M59 = 179951 · 3203431780337 M61 = 2305843009213693951 M67 = 193707721 · 761838257287 M71 = 48544121 · 212885833 · 228479
M73 = 439 · 2298041 · 9361973132609 M79 = 2687 · 202029703 · 1113491139767
M83 = 167 · 57912614113275649087721 M89 = 618970019642690137449562111
M91 = 127 · 911 · 8191 · 112901153 · 23140471537 M97 = 11447 · 13842607235828485645766393
Marin Mersenne (1588-1648) est un moine mineur, math´ematicien et physicien, qui v´ecut a ` Paris. Il utilisa sa cellule monastique comme lieu de rencontres entre Pascal, Fermat et Roberval. Il d´efendit les id´ees de Galil´e. Il ´ecrivit l’Harmonie Universelle, un trait´e de physique-math´ematique. Mersenne affirma que M p est premier pour p = 2, 3, 5, 7, 13, 17, 19, 31, 67, 127 et 257, mais qu’il est compos´e pour les autres valeurs de p premier ≤ 257. L’affirmation de Mersenne contenait cinq erreurs: M67 et M257 sont compos´es alors que M61 , M89 et M107 sont premiers. L’historien des math´ematiques E.T. Bell [] raconte comment le math´ematicien am´ericain F.N. Cole pr´esenta sa d´ecouverte d’une factorisation de M67 lors d’une rencontre de l’Am´erican Mathematical Society en 1903. Sans prononcer un seul mot, Cole effectua la multiplication suivante sur un tableau noir:
193707721 × 761838257287 = 147573952589676412927 = 2 67 − 1.
Lorqu’il d´eposa sa craie, un tonnerre d’applaudissements ´eclata dans la salle. Les nombres premiers de 14
Mersenne pour p ≤ 257 sont les suivants: M2 = 3 M3 = 7 M5 = 31 M7 = 127 M13 = 8191 M17 = 131071 M19 = 524287 M31 = 2147483647 M61 = 2305843009213693951 M89 = 618970019642690137449562111 M107 = 162259276829213363391578010288127 M127 = 170141183460469231731687303715884105727 On connait aujourd’hui (juillet 2003) 39 nombres premiers de Mersenne. Le dernier M13466917 est le plus grand nombre premier connu a ` ce jour. Il comporte plus de 4 millions de d´ecimales. Les nombres premiers de Mersenne apparaissent dans le th´eor`eme d’Euclide sur les nombres parfaits (pour la d´efinition des nombres parfaits voir la section 0). Proposition 1.12. (Euclide) Si le nombre q = 2p − 1 est premier alors le nombre 2p−1 q est parfait. Preuve: Supposons q premier. Calculons la somme σ de tous les diviseurs propres de 2p−1 q. Ces diviseurs propres sont de deux formes: (i) les divieurs 1, 2 . . . , 2p−1 ; (ii) les divieurs q, 2q, . . . , 2p−2 q. Comme on a 2p − 1 = 1 + 2 + · · · + 2p−1
et
(2p−1 − 1)q = q + 2q + · · · + 2p−2 q
on obtient que σ = (2p − 1) + 2p−1 q − q = 2p−1 q. CQFD Les nombres parfaits d’Euclide sont pairs. Inversement, Euler a montr´e qu’un nombre parfait pair est forc´ement un nombre parfait d’Euclide. On ignore s’il existe des nombres parfaits impairs. On connait aujourd’hui (juillet 2003) 39 nombres parfaits. Le r´esultat suivant d’Euclide est fameux : Proposition 1.13. (Euclide) Il existe une infinit´e de nombres premiers. Preuve: Montrons que toute liste finie des nombres premiers est forc´ement incompl`ete. Si p 1 , p2 , . . . , pn sont des nombres premiers posons N = p1 p2 , . . . pn . Soit p un diviseur premier de 1 + N . Comme N et N + 1 sont relativement premiers, p ne peut diviser N . Donc p est diff´erent de pi (puisque pi divise N ). CQFD La preuve d’Euclide fournit un algorithme pour obtenir des nombres premiers de plus en plus grands: 2+1=3 2·3+1=7
2 · 3 · 7 + 1 = 43
2 · 3 · 7 · 43 + 1 = 13 · 139 2 · 3 · 7 · 13 · 43 · 139 + 1 = 3263443
2 · 3 · 7 · 13 · 43 · 139 · 3263443 + 1 = 547 · 607 · 1033 · 31051 ··· 15
L’algorithme n’est pas efficace car il faut factoriser des entiers tr`es grands, ce qui est difficile. Il a plusieurs d´emonstrations de l’infinitude des nombres premiers. Voici un argument heuristique dans ce sens. Intuitivement, la proportion des nombres entiers divisibles par un entier n donn´e est ´egale a ` 1/n. La proportion de ceux qui ne sont pas divisibles par n est par suite ´egale a ` 1 − 1/n. Par exemple, le tiers des nombres sont divisibles par 3 et les deux tiers ne le sont pas: ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 Si m et n sont relativement premiers, le fait d’ˆetre divisible par m est une propri´et´e ind´ependante du fait d’ˆetre divisible par n. En effet, un entier est divisible par m et n ssi il est divisible par mn puisque m et n sont relativement premiers. La proportion des entiers divisibles par m et n est donc 1/mn. Cela implique que la proportion des entiers qui sont ni divisibles par m ni par n est donn´e par le produit
1−
1 1 1− . m n
En effet, cette quantit´e peut se calculer en retranchant de la proportion des nombres qui ne sont pas divisibles par n celle des nombres qui ne sont pas divisibles par n mais divisibles par m. La premi`ere vaut 1 − 1/n, et la seconde vaut 1/m − 1/mn. On trouve 1 1 (1 − 1/n) − (1/m − 1/mn) = 1 − 1− . m n En particulier, si p et q sont des nombres premiers distincts, la proportion des nombres entiers relativement premiers au produit pq est (1 − 1/p)(1 − 1/q). Par exemple, le tiers des nombres sont relativement premiers a ` 6 = 2 · 3: ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 Plus g´en´eralement, si p1 , . . . , pn sont de nombres premiers distincts, alors le proportion des nombres entiers relativement premiers au produit p1 · · · pn est donn´ee par le produit 1 1 1 1− 1− ··· 1− . p1 p2 pn Par exemple, la proportion des nombres entiers sans diviseurs premiers ≤ 100 est donn´ee par 1 · 2 · 4 · 6 · 10 · 12 · 16 · 18 · 22 · 28 · 30 · 36 · 40 · 42 · 46 · 52 · 58 · 60 · 66 · 70 · 72 · 78 · 82 · 88 · 96 2 · 3 · 5 · 7 · 11 · 13 · 17 · 19 · 23 · 29 · 31 · 37 · 41 · 43 · 47 · 53 · 59 · 61 · 67 · 71 · 73 · 79 · 83 · 89 · 97 337785458319471925002240000 = .1203172905... = 2807455661493975149742813527 Plus g´en´eralement, le produit Y
p premier ≤n
1 1− p
repr´esente la proportion des nombres entiers dont tous les diviseurs premiers sont > n. Comme ce produit est non nul, il faut bien qu’il y ait des nombres premiers > n. Il y a donc une infinit´e des nombres premiers! Proposition 1.14. (Euler) On a 1 1 1 1 0= 1− · 1− · 1− · 1− ···. 2 3 5 7 16
Il existe donc une infinit´e de nombres premiers. Preuve: Intutivement, ce produit repr´esente la proportion des nombres entiers sans aucun diviseurs premiers! Cette proportion est nulle car tout nombre entier > 1 est divisible par un nombre premier au moins. ` ce sujet, voir l’exercice ? Nous allons Malheureusement, ce raisonnement souffre d’un manque de rigueur. A reproduire le raisonnement rigoureux d’Euler. Il repose sur le fait que la s´erie harmonique S =1+
1 1 1 1 1 + + + + +··· 2 3 4 5 6
diverge Pour le voir on peut en regrouper les termes comme suit: 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 + + + + + + + + + + + + + +··· S= + + 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 Si on remplace les termes de chaque groupe par le plus petit d’entre eux on obtient que 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 S≥ + + + + +··· + + + + + + + + + + + 1 2 4 4 8 8 8 8 16 16 16 16 16 16 16 16 1 1 1 1 =1 + + + + + · · · = ∞. 2 2 2 2 Remarquons maintenant que la s´erie g´eom´etrique 1 = 1 + x + x2 + · · · 1−x converge pour | x |< 1. Pour le voir il suffit d’utiliser l’identit´e 1 − xn+1 = 1 + x + x 2 + · · · + xn 1−x valable pour x 6= 1. La convergence provient du fait que xn+1 → 0 lorsque n → ∞ si | x |< 1. En particulier, la somme des inverses des puissances de 2 converge: 1 1−
1 2
=1+
1 1 1 + 2 + 3 +··· 2 2 2
Plus g´en´eralement, la somme des inverses des puissances d’un nombre entier n > 1 converge: 1 1−
1 n
=1+
1 1 1 + + 3 +··· n n2 n
Que peut-on dire de la somme des inverses des nombres entiers de la forme 2a 3b pour a, b ≥ 0. Elle converge car on a 1 1 1 1 1 1 1 1 1+ + 2 + 3 +··· 1 · 1 = 1 + 2 + 22 + 23 + · · · 3 3 3 1− 2 1− 3 . 1 1 1 1 1 1 1 1 + + 2+ 2 + +··· =1 + + + 2 + 2 3 2 2 · 3 23 3 2 · 3 24 De mˆeme, la somme des inverses des nombres entiers de la forme 2a 3b 5c converge car on a 1 1−
1 2
·
1 1−
1 3
·
1 1−
1 5
=1+
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 + + + + + + 2+ + + + ···. 2 3 22 5 2 · 3 23 3 2 · 5 22 · 3 24
On peut continuer ainsi en ajoutant un facteur 1 1−
1 p
=1+
1 1 1 + + 3 +··· p p2 p 17
pour chaque nombre premier p. Comme tout entier se d´ecompose uniquement en produit de facteurs premiers on obtient que 1 1 1 1 1 1 1 1 1 · · · ··· = 1+ + + + + +···. 2 3 4 5 6 1 − 21 1 − 31 1 − 51 1 − 71 Le second membre de cette derni`ere ´egalit´e est la s´erie harmonique qui diverge. Par suite, 1 1−
1 2
·
1 1−
1 3
·
1 1−
1 5
·
1 1−
1 7
· · · = ∞.
En inversant on obtient que 1 1 1 1 · 1− · 1− · 1− · · · = 0. 1− 2 3 5 7 CQFD
Proposition 1.15. (Euler) ∞=
1 1 1 1 1 1 1 + + + + + + +···. 2 3 5 7 11 13 17
Il existe donc une infinit´e de nombres premiers. Preuve: En prenant le logarithme du produit ∞= on obtient que ∞ = ln
1 1−
1 1−
1 2
·
1 2
+ ln
1 1−
1 1−
1 3
1 3
·
1 1−
1 5
+ ln
1 1−
≤
ln 4 n
·
1 5
1 1−
1 7
+ ln
··· 1 1−
1 7
···.
Pour continuer, on utilise ensuite le fait que l’on a ln
1 1−
1 n
pour tout n ≥ 2 (voir le lemme 16 qui suit). Par suite ∞ ≤ (ln 4) ·
1
2
+
1 1 1 1 + + + +··· . 3 5 7 11
CQFD
La d´emonstration du lemme 1.16 utilise le concept de fonction convexe. On dit qu’une fonction continue f (x) d´efinie dans un intervalle (a, b) est convexe si son graphe est courb´e vers le haut, comme un sourire. Il est facile de v´erifier qu’une fonction diff´erentiable f est convexe ssi sa d´eriv´ee f 0 (x) est croissante. Lorsque f est convexe, on a l’in´egalit´e f ((1 − t)x + ty) ≤ (1 − t)f (x) + tf (y) pour tout x, y ∈ (a, b) et pour tout t ∈ [0, 1]. Cette in´egalit´e traduit le fait que le segment de droite joignant les points de coordonn´ees (x, f (x)) et (y, f (y)) est situ´e au dessus du graphe de f dans l’intervalle [x, y] (si x < y). 18
Lemme 1.16. Pour tout n ≥ 2 on a
ln
1 1−
≤
1 n
Preuve: la fonction
ln 4 n
1 1−x
f (x) = ln
1 est diff´erentiable pour x < 1. C’est une fonction convexe dans l’intervalle (−∞, 1) car sa d´eriv´e f 0 (x) = 1−x est croissante pour x < 1. Comme f (0) = 0 on obtient en prenant x = 0 que f (ty) ≤ tf (y) pour tout y < 1 et t ∈ [0, 1]. En particulier, si y = 1/2 et t = 2/n on obtient l’in´egalit´e
2 1 1 f( ) ≤ · f( ) n n 2 pour n ≥ 2. Cela montre que l’on a
ln
1 1−
1 n
≤
2 ln 2 n
pour n ≥ 2. CQFD On peut observer que les nombres premiers grands sont plus rares que les petits. Par exemple, on trouve 25 nombres premiers dans l’intervalle [1, 100] et 21 dans l’intervalle [200, 300]. Dans le tableau suivant nous avons indiqu´e pour certaines valeurs de n, le nombre π(n, 100) de nombres premiers compris dans l’intervalle [n, n + 100]. n 0 102 π(n, 100) 25 21
103 16
104 11
105 6
106 6
107 2
108 2
109 7
1010 5
1011 7
1012 4
1050 0.
Le tableau montre que la valeur de π(n, 100) fluctue autour d’une moyenne qui va en d´ecroissant lorsque n croit. Il montre aussi que l’intervalle [1050 , 1050 +100] ne contient aucun nombre premier. D´enotons par π(n) le nombre de nombres premiers p ≤ n. Le math´ematicien Paul-Marie Legendre (1752-1833) a conjectur´e que π(n) est asymptotique a ` logn n : n π(n) ∼ . log n (n) tend vers 1 Je rappelle que deux fonctions f (n) et g(n) sont asymptotiques, f (n) ∼ g(n), si le rapport fg(n) lorsque n → ∞. Le math´ematicien Carl Frederic Gauss (1777-1855) fit une conjecture plus pr´ecise en 1849:
π(n) =
Z
n 2
dx . ln(x)
On peut reformuler la conjecture de Gauss en disant que la fr´equence des nombres premiers au voisinage d’un entier x grand est approximativement donn´ee par f (x) = Si x = 10n on a f (10n ) =
1 . ln(x)
1 .43429448 = . ln(10n ) n
Cette formule pr´edit qu’environ un nombre sur 10 est premier dans le voisinage de 10 4 , qu’environ un nombre sur 100 est premier dans le voisinage de 1043 et qu’environ un nombre sur 1000 est premier au voisinage de 10434 . Cela entraˆıne qu’il y au au moins 10431 nombres premiers ≤ 10434 . Bigre! Il y a ´enorm´ement de nombres premiers! 19
La pr´ecision de la formule de Gauss est remarquable. Par exemple, on compte 44 nombres premiers dans l’intervalle [1010 + 1, 1010 + 103 ] ce qui donne une fr´equence empirique de 44/1000. Le fr´equence th´eorique obtenue de la formule de Gauss est 43.4 f (1010 ) = . 1000 La conjecture de Gauss ´et´e d´emontr´ee par Jacques Hadamard et par Charles de La Vall´ee Poussin en 1896. On ne connait pas de m´ethode simple pour engendrer une infinit´e des nombres premiers. On conjecture qu’il existe un infinit´e de nombres premiers de Mersenne. Tout polynˆ ome p(n) a ` coefficients entiers admet des valeurs compos´ees pour une infinit´e d’entiers n. Toutefois, Euler a donn´e l’exemple remarquable du polynˆ ome p(n) = n2 + n + 41 qui prend des valeurs premi`eres pour tous les entiers n = 0, 1, . . . , 39: 41 43 47 53 61 71 83 97 113 131 151 173 197 223 251 281 313 347 383 421 461 503 547 593 641 691 743 797 853 911 971 1033 1097 1163 1231 1301 1373 1447 1523 1601 On a conjectur´e que le polynˆ ome n2 + 1 prend une infinit´e de valeurs premi`eres mais on ne sait pas le d´emontrer. Le math´ematicien Fermat (1601-1665) a conjectur´e que tous les nombres de Fermat n
Fn = 2 2 + 1 sont premiers. Les cinq premiers nombres de Fermat sont effectivement premiers: F0 = 2 1 + = 3 F1 = 2 2 + 1 = 5 F2 = 24 + 1 = 17 F3 = 28 + 1 = 257 F4 = 216 + 1 = 65537. Mais la conjecture de Fermat est fausse. Euler a trouv´e que F5 est compos´e: F5 = 232 + 1 = 4294967297 = 641 × 6700417. En 1880 le math´ematicien F. Landry a montr´e (` a l’ˆ age de 82 ans) que F 6 est compos´e: F6 = 264 + 1 = 18446744073709551617 = 274177 × 67280421310721. En 1970 Morrison et Brillhart d´ecomposent F7 en facteurs premiers en utilisant un ordinateur: F7 = 2128 + 1 = 59649589127497217 × 5704689200685129054721. En 1980 Pollard et Brent d´ecomposent F8 en utilisant une variante de l’algorithme de factorisation de Pollard: F8 = 2256 + 1 = 1238926361552897 × 93461639715357977769163558199606896584051237541638188580280321. En 1990 Lenstra, Lenstra, Manasse et Pollard d´ecomposent F9 : F9 = 2512 + 1 = 2424833 × 7455602825647884208337395736200454918783366342657
×74164006262753080152478714190193747405994078109751 9023905821316144415759504705008092818711693940737. 20
Le plus grand facteur premier de F9 est un nombre de 99 d´ecimales. Les nombres F10 et F11 ont ´et´e d´ecompos´e en facteurs premiers par Brent (1995 et 1988). Le plus grand facteur premier de F 11 est un nombre de 512 d´ecimales. Aujourd’hui, on sait que tous les nombres de Fermat Fn sont compos´es pour 5 ≤ n ≤ 50. L’un des plus beaux r´esultats sur les nombres de Fermat est du a ` Christian Goldbach (1690-1764). Th´ eor` eme 1.17. (Goldbach). Les nombres de Fermat sont relativement premiers deux a ` deux. Preuve: Partant de l’identit´e x2 − 1 = (x − 1)(x + 1) on montre que n
x2 − 1 = (x − 1)(x + 1)(x2 + 1)(x4 + 1) · · · (x2
n−1
+ 1).
Si on pose x = 2 on obtient que Fn − 2 = F0 · F1 · F2 · · · · · Fn−1 . Cette relation entraˆıne que tout diviseur commun a ` Fn et a ` Fk pour k < n est un diviseur de 2. Comme les nombres de Fermat sont impairs il faut que ce diviseur soit ´egal a ` 1.
Le r´esultat de Goldbach entraˆıne l’existence d’une infinit´e de nombres premiers. En effet, soit p n le plus petit diviseur premier de Fn . Si m 6= n alors pm 6= pn car aucun diviseur premier de Fm n’est un diviseur de Fn . Les nombres premiers de Fermat interviennent dans l’un des plus beaux r´esultats de Gauss. Depuis Euclide, les g´eom`etres ont voulu faire leurs constructions g´eom´etriques en utilisant uniquement la r`egle et le compas. Euclide avait donn´e une construction des polygones r´eguliers avec 3,4,5,6,8,10 et 12 cˆ ot´es. En fait, il est facile de doubler le nombre de cˆ ot´es d’un polygone d´ej` a construit. Vers 150 apr`es JC, Claude Ptol´em´ee obtient la valeur de sin 3o pour ses tables de trigonom´etrie en construisant le cot´e d’un polygone r´egulier de 120 = 8 · 15 cˆ ot´es. Mais Ptol´em´ee ne put trouver la construction du polygone r´egulier de 360 = 8 · 3 2 · 5 cˆ ot´es car il n’arrivait pas a ` construire le polygone de 9 cˆ ot´es. Gauss montra qu’un polygone r´egulier de n cˆ ot´es est constructible par r`egle et compas si et seulement la d´ecomposition de n en facteurs premiers est de la forme n = 2 a p1 p2 · · · pr avec p1 , . . . , pr des nombres premiers de Fermat distincts. Par exemple, le polygone de 17 cˆ ot´es est constructible car 17 = F2 . Ceux de 7 et de 9 cˆ ot´es ne le sont pas. Remarquer que les seuls nombres premiers de Fermat connus sont les cinq premiers F0 , F1 , F2 , F3 , F4 . Un grand nombres de questions sur les nombres premiers restent sans r´eponses. L’une concerne les nombres premiers jumeaux. On dit que deux nombres premiers p et q sont jumeaux si q = p + 2. Voici la liste des nombres premiers jumeaux ≤ 1000. (3, 5) (101, 103) (239, 241) (521, 523) (827, 829)
(5, 7) (107, 109) (269, 271) (569, 571) (857, 859)
(11, 13) (17, 19) (29, 31) (41, 43) (59, 61) (71, 73) (137, 139) (149, 151) (179, 181) (191, 193) (197, 199) (227, 229) (281, 283) (311, 313) (347, 349) (419, 421) (431, 433) (461, 463) (599, 601) (617, 619) (641, 643) (659, 661) (809, 811) (821, 823) (881, 883)
On croit qu’il existe une infinit´e de nombres premiers jumeaux mais on ne sait pas le d´emontrer.
Pour les applications, il est important d’avoir un algorithme permettant de calculer efficacement les coefficients u et v de la relation de Bezout. D’apr`es l’algorithme d’Euclide, le pgcd de deux entiers a et b 21
s’obtient comme le dernier reste non-nul rn de la suite de divisions suivantes: a = bq1 + r1
evec 0 < r1 < b
b = r 1 q2 + r 2
avec 0 < r2 < r1
r1 = r 2 q3 + r 3 ···
avec 0 < r3 < r2 ···
rn−2 = rn−1 qn + rn rn−1 = rn qn+1 + 0
.
avec 0 < rn < rn−1
Posons pi = qn+1−i . La suite p1 , . . . , pn est obtenue en renversant la suite des quotients q1 , . . . , qn . On d´efinit une suite (β0 , . . . , βn ) en posant β0 = 1; β1 = p 1 ; et βk = pk · βk−1 + βk−2
pour 2 ≤ k ≤ n.
Proposition 1.18. On a pgdc(a, b) = (−1)n (βn b − βn−1 a) Preuve: Nous utiliserons les matrices. Pour une autre d´emonstration, voir l’exercice ?. On a a q1 1 b = b 1 0 r1 q2 1 b r1 = ··· 1 0 r1 r2 qn 1 rn−2 rn−1 = rn−1 rn 1 0 Par suite, q1 a = 1 b Posons J =
1 0
q2 1
1 0
−q 1
1 0
−1
···
···
qn 1
1 0
rn−1 rn
.
−1 0 . Remarquer que 0 1 J
q 1 1 0
=−
Par suite
−a b
= (−1)n
0 1 1 q1
J =−
0 1 1 qn
0 1 1 q
−1
−1
J.
−rn−1 rn
et on obtient en inversant que (−1)
n
−rn−1 rn
=
=
0 1 1 qn
0 1 1 p1
···
0 1 1 q1
−a b
···
0 1 1 pn
−a b
Remarquer que (1, p1 ) = (β0 , β1 ) et que (βk−1 , βk )
0 1 1 pk+1 22
= (βk , βk+1 )
.
,
pour tout 1 ≤ k < n. Par suite, (0, 1)
0 1 1 p1
···
0 1 1 pn
= (βn−1 , βn ).
On obtient alors que (−1)n rn = (−1)n (0, 1)
−rn−1 rn
= (βn−1 , βn )
−a b
.
CQFD Voici un exemple d’application de la proposition 18. Le plus grand diviseur commun de a = 3456 et b = 465 est 3. La suite des quotients dans le calcul de ce plus grand diviseur commun est (7, 2, 3, 5). La suite renvers´ee est (5, 3, 2, 7). On obtient que β0 = 1; β1 = 5; β2 = 3 · 5 + 1 = 16; β3 = 2 · 16 + 5 = 37;
β4 = 7 · 37 + 16 = 275.
On a donc 3 = (−1)4 (275 · b − 37 · a) = −37 · a + 275 · b. Exercices pour la section 1 ´ Exercice : Dans notre exemple du crible d’Eratosth` ene, le premier multiple de 3 a ` ˆetre ´elimin´e est 9 = 32 , le premier multiple de 5 a ` ˆetre ´elimin´e est 25 = 52 et le premier multiple de 7 a `a ` ˆetre ´elimin´e est 49 = 72 . Pouvez-vous expliquer ces observations ?
Exercice : Montrer que pour tout entiers m, n, d ≥ 1, on a pgcd(dm, dn) = d · pgcd(dm, dn)
ppmc(dm, dn) = d · ppmc(m, n)
Suggestion: Utiliser les identit´es c + (a ∧ b) = (c + a) ∧ (c + b) et c + (a ∨ b) = (c + a) ∨ (c + b). Les exercices qui suivent portent sur les nombres de Mersenne g´en´eralis´es M n (a) = 1+a+a2 +· · ·+an−1 . Exercice : Si d = pgdc(m, n) montrer que pgdc(am − 1, an − 1) = ad − 1. En d´eduire que pgdc(Mm (a), Mm (a)) = Md (a). Suggestion: Si m < n utiliser l’identit´e an − 1 = an−m (am − 1) + an−m − 1 pour montrer que pgdc(am − 1, an − 1) = pgdc(am − 1, an−m − 1). En d´eduire que si n = mq + r alors pgdc(am − 1, an − 1) = pgdc(am − 1, ar − 1). Utiliser ensuite l’algorithme d’Euclide pour calculer le pgdc(m, n) et obtenir le r´esultat cherch´e. 23
Les exercices qui suivent portent sur les nombres de Mersenne doublement g´en´eralis´es: Mn (a, b) = bn−1 + abn−2 + a2 bn−3 + · · · + an−1 . Par convention, M0 (a, b) = 0 et M1 (a, b) = 1. On a ´evidemment Mn (a, b) = Mn (b, a). Exercice : D´emontrer les identit´es: Mmn (a, b) = Mn (a, b)Mm (an , bn ) et Mm+n (a, b) = am Mn (a, b) + Mm (a, b)bn .
Exercice : Si m = nq + r montrer que Mm (a, b) = Mn (a, b)Mq (an , bn )ar + bnq Mr (a, b).
Exercice : Supposons a et b relativement premiers. Si d = pgdc(m, n), montrer que M d (a, b) est le plus grand diviseur commun de Mm (a, b) et de Mn (a, b).
Exercice : Le but de cet exercice est de donner une autre d´emonstration de la proposition ?. Posons β−1 = 0 et (s−1 , s0 , . . . , sn ) = (rn , . . . , r1 , b, a). Remarquer que pour tout 0 < k ≤ n, on a βk = pk βk−1 + βk−2
et sk = pk sk−1 + sk−2 .
Montrer par induction sur k que l’on a
pour tout 0 ≤ k ≤ n.
β pgdc(a, b) = (−1)k k βk−1
sk . sk−1
Les exercices qui suivent ont pour but d’´etudier la d´ecomposition en facteurs premiers de n!. On a 1! = 1 2! = 2 3! = 2 · 3
4! = 23 · 3
5! = 23 · 3 · 5
6! = 24 · 32 · 5
7! = 24 · 32 · 5 · 7
8! = 27 · 32 · 5 · 7
9! = 27 · 34 · 5 · 7
10! = 28 · 34 · 52 · 7
11! = 28 · 34 · 52 · 7 · 11
12! = 210 · 35 · 52 · 7 · 11 24
Pour tout nombre premier p, soit ep (n) l’exposant de la plus grande puissance de p qui divise n. On a ep (mn) = ep (m) + ep (n). Par suite, n X ep (n!) = ep (k). k=1
Dans le tableau suivant nous avons indiqu´e les valeurs de e2 (n) par une colonne d’´etoiles:
∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 On trouve que e2 (25!) = 1 + 2 + 1 + 3 + 1 + 2 + 1 + 4 + 1 + 2 + 1 + 3 = 22. C’est le nombre total d’´etoiles du tableau. On peut compter les ´etoiles horizontalement plutˆ ot que verticalwment. Il y a 12 ´etoiles de niveau 1, 6 de niveau 2, 3 de niveau 3 et 1 de niveau 4. On peut calculer le nombre d´etoile de niveau donn´e en utilisant [x], la partie enti`ere d’un nombre r´eel x. On a h 25 i
+
h 25 i
+
h 25 i
+
hni
+
hni
+
hni
+···.
h 100 i
+
h 100 i
e2 (25!) =
2 4 8 = 12 + 6 + 3 + 1 = 22
Exercice : Montrer que ep (n!) =
p
p2
p3
h 25 i
16 .
Par exemple, on obtient que h 100 i
+
h 100 i
+
h 100 i
+
+
h 100 i
= 50 + 25 + 12 + 6 + 3 + 1 = 97 2 4 8 16 32 64 h 100 i h 100 i h 100 i h 100 i e3 (100!) = + + + = 33 + 11 + 3 + 1 = 48 3 9 27 81 h 100 i h 100 i e5 (100!) = + = 20 + 4 = 24 5 25 h 100 i h 100 i e7 (100!) = + = 14 + 2 = 16 7 49 h 100 i h 100 i h 100 i h 100 i e11 (100!) = = 9, e13 (100!) = = 7, e17 (100!) = = 5, e19 (100!) = = 5, 11 13 17 19 h 100 i h 100 i h 100 i h 100 i = 4, e29 (100!) = = 3, e31 (100!) = = 3, e37 (100!) = = 2, e23 (100!) = 23 29 31 37 h 100 i h 100 i h 100 i e41 (100!) = = 2, e43 (100!) = = 2 , e47 (100!) = =2 41 43 47 h 100 i e51 (100!) = = 1 etc. 51 e2 (100!) =
Cela donne 100! = 297 · 348 · 524 · 716 · 119 · 137 · 175 · 195 · 234 · 293 · 313 · 372 · 412 · 432 · 472 · · 53 · 59 · 61 · 67 · 71 · 73 · 79 · 83 · 89 · 97 25
Cet exemple sugg`ere que l’exposant de 2 dans la d´ecomposition de n! est l´eg`erement inf´erieur a ` n, et que l’exposant de 3 est l´eg`erement inf´erieur a ` n/2. Remarquer que ep (n!) =
hni p
+
hni hni n n n n 1 n = + 3 +··· < + 2 + 3 +··· = . p2 p p p p p 1 − 1p p−1
En particulier, on a e2 (n!) < n. Pour calculer la diff´erence n − e2 (n!) il est bon d’exprimer n a ` la base 2. Par exemple, 100 = (1100100)2 = 26 + 25 + 22 et h 100 i
= 25 + 24 + 2 2 h 100 i = 24 + 23 + 1 4 h 100 i = 23 + 22 8 h 100 i = 22 + 2 16 h 100 i =2+1 32 h 100 i = 1. 64 Si on additionne les membres de droite par colonne verticale, on obtient e2 (100!) = (25 + 24 + 23 + 22 + 2 + 1) + (24 + 23 + 22 + 2 + 1) + (2 + 1) = (26 − 1) + (25 − 1) + (22 − 1)
= (26 + 25 + 22 ) − 3 = 100 − 3
La diff´erence 100 − e2 (100!) = 3 est la somme s2 (n) des bits du d´eveloppement binaire (1100100)2. Exercice: Montrer que e2 (n!) = n − s2 (n). Par exemple, comme 1000 = (1111101000)2 on obtient que e2 (1000!) = 10000 − 6 = 984.
Plus g´en´eralement, d´enotons par (a)p = a0 + a1 p + a2 p2 + · · · le d´eveloppement d’un entier a a ` la base p. Par d´efinition, on a 0 ≤ ai < p. Posons sp (n) = a0 + a1 + a2 + · · · . Exercice: Montrer que ep (n!) =
n − sp (n) . p−1
Par exemple, comme 106 = (1212210202001)3 on obtient que e3 (106 !) = (106 − 14)/2 = 499993.
2. Fractions d´ ecimales et congruences
La th´eorie des r´esidus est l’un des principaux outils de la th´eorie des nombres. C’est l’oeuvre de plusieurs g´en´erations de math´ematiciens, Fermat, Euler, Lagrange, Legendre et Gauss y ont contribu´es. Elle permet d’expliquer un grand nombre de ph´enomˆenes math´ematiques. C’est le cadre naturel pour r´epondre a ` plusieurs questions sur la p´eriodicit´e du d´eveloppement d´ecimal des nombres rationnels. Nous commencerons notre 26
excursion par ´etudier cette p´eriodicit´e. Elle conduit directement a ` des r´esultats fondamentaux de Fermat, d’Euler et de Lagrange, et elle conduit a ` des questions non encore r´esolues. On raconte que durant sa jeunesse, Gauss calcula le d´eveloppement d´ecimal de toutes les fractions 1/n pour n ≤ 1000. C’est un travail consid´erable. Certaines fractions ont une p´eriode comportant des centaines de chiffres. Ce faisant, Gauss accumulait un savoir empirique qui devait lui servir toute sa vie. Suivant son exemple, commencons par examiner le d´eveloppement d´ecimal de quelques fractions. La d´eveloppement d´ecimal d’une fraction comme 9/56 s’obtient par division successive. Comme 9 < 56 on multiplie 9 par 10 et on divise le r´esultat par 56. Le reste de cette division est 34. On multiplie ensuite 34 par 10 et on divise le r´esultat par 56. Le reste de cette division est 4. On multiplie 4 par 10 et on divise le r´esultat par 56. Le reste de cette division est 40, etc 90 = 56 × 1 + 34
340 = 56 × 6 + 4
40 = 56 × 0 + 40 400 = 56 × 7 + 8
80 = 56 × 1 + 24 240 = 56 × 4 + 16 160 = 56 × 2 + 48 480 = 56 × 8 + 32
320 = 56 × 5 + 40
Il n’est pas n´ecessaire de poursuivre les divisions car la p´eriodicit´e est manifeste. Cela donne que 9/56 = 0, 16071428571428571428571428571428571429... Le trois chiffre du d´ebut forment une partie transitoire suivie d’une partie r´ecurrente 714285 de longueur 6. Remarquer que la suite 714285714285 de longueur 12 est aussi r´ecurrente. On dit que la partie r´ecurrente de longueur minimale est la p´eriode du d´eveloppement. Dans notre exemple, cette p´eriode d´ebute a ` la 4 e d´ecimale. Nous ´ecrirons ˙ ˙ 9/56 = 0, 16071428 5. Remarquons a ` ce stade que les restes que l’on obtient en calculant le d´eveloppement d´ecimal de 9/56 sont identiques a ` ceux que l’on obtiendrait en divisant succesivement les nombres 90, 900, 9000, etc. En effet, 90 = 56 × 1 + 34
900 = 56 × 16 + 4 9 000 = 56 × 160 + 40
90 000 = 56 × 1607 + 8 900 000 = 56 × 16071 + 24
9 000 000 = 56 × 160714 + 16 90 000 000 = 56 × 1607142 + 48
900 000 000 = 56 × 16071428 + 32 9 000 000 000 = 56 × 160714285 + 40 Certaines fractions ont un d´eveloppement avec une p´eriode r´eduite a `0: ı 1/2 = 0, 500000000000000000... 1/4 = 0, 250000000000000000... 1/8 = 0, 125000000000000000... 1/5 = 0, 200000000000000000... 1/25 = 0, 040000000000000000... 27
Il est facile de voir que c’est le cas des fractions avec un d´enominateur de la forme 2 k 5r . En effet, on peut toujours les mettre sous la forme a/10n pour un entier a. Certaines fractions ont un d´eveloppement sans partie transitoire. Par exemple, 1/3 = 0, 333333333333333333... 2/3 = 0, 666666666666666666... 1/7 = 0, 142857142857142857... 2/7 = 0, 285714285714285714... 3/7 = 0, 428571428571428571... 4/7 = 0, 571428571428571428... 5/7 = 0, 714285714285714285... 6/7 = 0, 857142857142857142... 1/9 = 0, 111111111111111111... 2/9 = 0, 222222222222222222... 4/9 = 0, 444444444444444444... 5/9 = 0, 555555555555555555... 7/9 = 0, 777777777777777777... 8/9 = 0, 888888888888888888... Nous dirons que ces d´eveloppements sont strictement p´eriodiques. Pour y voir plus clair, calculons le d´eveloppement d´ecimal de 1/7. 10 = 7 × 1 + 3
10 = 7 × 1 + 3
102 = 7 × 14 + 2
30 = 7 × 4 + 2
103 = 7 × 142 + 6
20 = 7 × 2 + 6
104 = 7 × 1428 + 4
60 = 7 × 8 + 4
40 = 7 × 5 + 5
105 = 7 × 14285 + 5
10 = 7 × 1 + 3
107 = 7 × 142851 + 3
106 = 7 × 14285 + 1
50 = 7 × 7 + 1
Le premier reste a ` revenir est 3. Le reste qui pr´ec`ede est 1; il marque la fin de la premi`ere p´eriode et annonce la suivante. On voit sur cet exemple que la fin de premi`ere p´eriode du d´eveloppement de 1/n est marqu´e par un reste qui vaut 1. Pour tout entier n ∈ Z posons nZ = {na | a ∈ Z}. Definition 2.1 : Soit n un entier ≥ 0. Nous dirons que deux entiers a, b ∈ Z sont congrus modulo n si leur diff´erence a − b est divisible par n, autrement dit, si a − b ∈ nZ. Nous ´ecrirons a ≡ b mod n pour indiquer que a est congru a ` b modulo n.
Proposition 2.2. Soit n un entier > 0. Si x ≡ y d´enote la relation de congruence modulo n alors on a: (i) x ≡ x (r´eflexivit´e) (ii) Si x ≡ y et y ≡ z alors x ≡ z (transitivit´e ) (iii) Si x ≡ y alors y ≡ x (sym´etrie) 28
(iv) Si x ≡ y et u ≡ v alors x + u ≡ y + v et xu ≡ yv. Preuve: (i) On a n | (x−x) car n | 0. (ii) Si n | (x−y) et n | (y −z) alors n | (x−y)+(y −z) = (x−z). (iii) Si n | (x−y) alors n | −(x−y) = (y−x). (iv) Si n | (x−y) et n | (u−v) alors n | (x−y)+(u−v) = (x+u)−(y+v). De plus, n | x(u − v) + v(x − y) = xu − yv. CQFD La proposition suivante g´en´eralise la division euclidienne a ` tous les entiers de Z Proposition 2.3. (Division euclidienne des entiers dans Z) Soit n un entier > 0. Alors pour tout entier a ∈ Z il existe des entiers q ∈ Z et 0 ≤ r < n tels que a = nq + r. Les entiers q et r sont d´etermin´es uniquement par a et n. Preuve: Soit q ∈ Z le plus grand des entiers ≤ a/n. Par definition, on a q ≤ a/n et a/n < q + 1. Par suite, qn ≤ a et a < (q + 1)n. Posons r = a − nq. Alors on a r ≥ 0 et r < n. Cela montre l’existence du couple (q, r). L’unicit´e est ´evidente. CQFD
Proposition 2.4. Soit n un entier > 0. Tout entier a ∈ Z est congru modulo n a ` un et un seul entier r ∈ {0, 1, · · · , n − 1}. L’entier r est le reste de la division de a par n. Preuve: On a a = nq + r avec 0 ≤ r < n par division euclidienne. Donc a ≡ r mod n et r ∈ {0, 1, · · · , n − 1}. L’unicit´e de r provient de l’unicit´e du reste d’une division euclidienne. CQFD
Deux entiers a et b sont congrus modulo n ssi le reste de la division euclidienne de a par n est ´egal au reste de la division euclidienne de b par n. Proposition 2.5. Si b⊥n alors il existe un entier k > 0 pour lequel bk ≡ 1 modulo n. Preuve: Soit rk le reste de la division de bk par n. Les restes r0 , r1 , r2 , . . . , rn ne peuvent ˆetre tous diff´erents car 0 ≤ ri < n. On a donc ri = ri+k pour des exposants 0 ≤ i < i + k ≤ n. Dans ce cas, bi ≡ ri = ri+k ≡ bi+k
mod n.
Ce qui montre que n divise la diff´erence bi − bi+k = bi (bk − 1). Cela implique que n divise bk − 1 puisque n⊥b. CQFD
Definition 2.6: Soit a ∈ Z un entier relativement premier a ` n > 0. Nous dirons que le plus petit entier e > 0 tel que ae ≡ 1 mod n est l’ordre de a modulo n; nous le d´enoterons par ord(a; n).
Proposition 2.7. Soit a ∈ Z un entier relativement premier a ` un entier n > 0. Si e = ord(a; n) alors pour tout entier k > 0 on a ak ≡ 1 mod n ⇔ e | k. 29
Preuve: Posons e = ord(a; n). Si e | k alors k = qe pour un entier q. Par suite, ak ≡ aqe ≡ (ae )q ≡ (1)q ≡ 1 modulo n. Inversement, supposons que l’on ait ak ≡ 1 modulo n. Par division euclidienne on a k = eq + r avec 0 ≤ r < e. Par suite, 1 ≡ ak ≡ aqe+r ≡ aqe ar ≡ ar mod n On ne peut avoir r > 0 car cela contredirait la minimalit´e de e. Donc r = 0 et e | k. CQFD Proposition 2.8. Soit n > 0 un entier relativement premier a ` 10. Alors l’ordre de 10 modulo n est ´egal a ` la longueur de la p´eriode du d´eveloppement d´ecimal de 1/n. Le d´eveloppement d´ecimal de 1/n est strictement p´eriodique. Par exemple, l’ordre de 10 modulo 11 est 2 car 102 ≡ 1 modulo 11 mais 10 6≡ 1 modulo 11. La longueur de la p´eriode du d´eveloppement d´ecimal de 1/11 est donc 2. En effet, 1/11 = 0, 090909090909090909... Consid´erons maintenant les d´eveloppements d´ecimaux des fractions (r´eduites) a/n. 1/11 = 0, 090909090909090909... 2/11 = 0, 181818181818181818... 3/11 = 0, 272727272727272727... 4/11 = 0, 363636363636363636... 5/11 = 0, 454545454545454545... 6/11 = 0, 545454545454545454... 7/11 = 0, 636363636363636363... 8/11 = 0, 727272727272727272... 9/11 = 0, 818181818181818181... 10/11 = 0, 909090909090909090... Cet exemple et les autres sugg`erent le r´esultat suivant: Proposition 2.9. Si n est relativement premier a ` 10, le d´eveloppement d´ecimal des fractions r´eduites 0 < a/n ≤ 1 est strictement p´eriodique. La longueur de la p´eriode ne d´epend pas de a, seulement de n. Preuve: Soit ri le reste de la division de 10i a par n. Consid´erons la suite des restes r0 , r1 , r2 , . . . , rn . On a r0 = a. Soit e > 0 l’ordre de 10 modulo n. Montrons que re = a. En effet, comme on a 10e ≡ 1 modulo n, on a 10e a ≡ a modulo n. D’autre part, montrons que ri 6= a pour tout 0 < i < k. Raisonnons par l’absurde. Si on avait ri = a, on aurait 10i ≡ a modulo n. L’entier 10i a − a = a(10i − 1) serait alors divisible par n. Et aussi l’entier 10i − 1 puisque n⊥a. Mais cela contredirait la minimalit´e de e. CQFD Les fractions de d´enominateurs 11 se regroupent naturellement en 5 classes de 2 ´el´ements chacun: 1/11 = 0, 090909090909090909... 10/11 = 0, 909090909090909090... 2/11 = 0, 181818181818181818... 9/11 = 0, 818181818181818181... 3/11 = 0, 272727272727272727... 7/11 = 0, 636363636363636363... 30
4/11 = 0, 363636363636363636... 7/11 = 0, 636363636363636363... 5/11 = 0, 454545454545454545... 6/11 = 0, 545454545454545454... Deux fractions sont dans la mˆeme classe si le d´eveloppement de l’une est obtenue en d´ecalant celui de l’autre. Pour plus de clart´e, consid´erons un autre exemple: 1/21 = 0, 047619047619047619... 10/21 = 0, 476190476190476190... 16/21 = 0, 761904761904761904... 13/21 = 0, 619047619047619047... 4/21 = 0, 190476190476190476... 19/21 = 0, 904761904761904761... 2/21 = 0, 095238095238095238... 20/21 = 0, 952380952380952380... 11/21 = 0, 523809523809523809... 5/21 = 0, 238095238095238095... 8/21 = 0, 380952380952380952... 17/21 = 0, 809523809523809523... Dans ce cas, les fractions se regroupent en 2 classes de 6 ´el´ements chaque. Les fractions d’une classe s’obtiennent en multipliant l’une d’entre elle par les puissances de 10 et en conservant la partie fractionnaire. En effet, 1/21 = 0, 047619047619047619... 10/21 = 0, 476190476190476190... 100/21 = 4, 761904761904761904... 1000/21 = 47, 619047619047619047... 10000/21 = 476, 190476190476190476... 100000/21 = 4761, 904761904761904761... Chaque classe contient un nombre d´el´ements ´egal a ` la longueur de la p´eriode. Cette longueur est l’ordre de 10 modulo 21 d’apr`es ?. Consid´erons le cas g´en´eral des fractions de d´enominateur n > 0. Avec Euler, d´esignons par φ(n) le nombre de fractions r´eduites 0 < a/n ≤ 1. C’est aussi le nombre d’entiers 0 < a ≤ n relativement premier a ` n. φ(1) = 1 : 1/1. φ(2) = 1 : 1/2. φ(3) = 2 : 1/3, 2/3. φ(4) = 2 : 1/4,3/4. φ(5) = 4 : 1/5, 2/5, 3/5,4/5. φ(6) = 2 : 1/6, 5/6. φ(7) = 6 : 1/7, 2/7, 3/7, 4/7, 5/7, 6/7. φ(8) = 4 : 1/8, 3/8, 5/8, 7/8. φ(9) = 6 : 1/9, 2/9, 4/9, 5/9, 7/9, 8/9. φ(10) = 4 : 1/10, 3/10, 7/10, 9/10. φ(12) = 4 : 1/12, 5/12, 7/12, 11/12. 31
Si n est relativement premier a ` 10, les fractions r´eduites 0 < a/n ≤ 1 se regroupent en classes de d´ecalage, chacune ayant un nombre d’´el´ements ´egal a ` la longeur de la p´eriode du d´eveloppement d´ecimal de 1/n. Nous avons montr´e que la longueur de la p´eriode du d´eveloppement d´ecimal de 1/n divise φ(n). Autrement dit, l’ordre de 10 modulo n est un diviseur de φ(n). Plus g´en´eralement: Proposition 2.10. Si b est relativement premier a ` n, l’ordre de b modulo n est un diviseur de φ(n).
Preuve: Soit e l’ordre de b modulo n. Nous allons diviser les fractions r´eduites 0 < a/n ≤ 1 en classes, chacune de cardinalit´e e. Pour cela, nous dirons que deux fractions r´eduites a 1 /n et a2 /n ont le mˆeme type, a1 /n ∼ a2 /n, s’il existe des entier i, j ≥ 0 tel que bi a1 ≡ bj a2 modulo n. On voit facilement que la relation ∼ est reflexive, sym´etrique et transitive. On d´efinit la classe C(a) d’une fraction r´eduite a/n comme l’ensemble des fractions r´eduites ayant le mˆeme type que a/n. Il reste a ` v´erifier que C(a) contient exactement e ´el´ements. Soit ri le reste de la division de bi a par n. Remarquer que re = a = r0 puisque be a ≡ a modulo n. Montrons que C(a) = {r1 /n, r2 /n, . . . , re /n}. On a ´evidemment {r1 /n, r2 /n, . . . , re /n} ⊆ C(a). Inversement, si a0 /n ∈ C(a), montrons que a0 = rk pour un entier 1 ≤ k ≤ n. On sait qu’il existe des entier i, j ≥ 0 tel que bi a ≡ bj a0 modulo n. On peut supposer i ≥ j, quitte a ` remplacer i par i + ue avec u assez grand. Dans ce cas, n divise l’entier bi−j a − a0 puisqu’il divise l’entier bi a − bj a0 = bj (bi−j a − a0 ) et que n⊥b. On peut donc supposer que j = 0, quitte a ` remplacer i par i − j. Pour le reste nous allons supposer que bi a ≡ a0 modulo n. Soit k le reste de la division de i par e. On a i = eq + k et par suite, bi ≡ bk modulo n. Donc a0 ≡ bi a ≡ bk a ≡ rk . Par suite, a0 = rk puisque 0 ≤ rk < n et 0 ≤ a0 < n. Montrons que C(a) contient exactement e ´el´ements. Pour cela il suffit de montrer que les fractions r 1 /n, r2 /n, . . . , re /n sont distinctes. Sinon on aurait rj = rj+k pour entiers 1 ≤ j < j + k ≤ e. Dans ce cas, n diviserait la diff´erence bj a − bj+k a = bj a(bk − 1), et il diviserait par suite l’entier bk − 1 puisque n⊥b et n⊥a. Cela contredirait la minimalit´e de e car 0 < k < e. CQFD
Si p est premier, alors φ(p) = p − 1 puisque tout entier 0 < a < p est relativement premier a ` p. En particulier, si p est un nombre premier ne divisant pas 10, alors la longueur de la p´eriode du d´eveloppement d´ecimal de 1/p est un diviseur de p − 1. V´erifions ce r´esultat pour p ≤ 100. 1/3 =.3˙ ˙ 1/7 =.14285 7˙ 1/11 =.0˙ 9˙ ˙ 1/13 =.07692 3˙ ˙ 1/17 =.058823529411764 7˙ ˙ 1/19 =.05263157894736842 1˙ ˙ 1/23 =.043478260869565217391 3˙ ˙ 1/29 =.034482758620689655172413793 1˙ ˙ 1/31 =.03225806451612 9˙ ˙ 7˙ 1/37 =.02 ˙ 1/41 =.0243 9˙ ˙ 1/43 =.02325581395348837209 3˙ ˙ 1/47 =.021276595744680851063829787234042553191489361 7˙ ˙ 1/53 =.018867924528 3˙ ˙ 1/59 =.016949152542372881355932203389830508474576271186440677966 1˙ 32
˙ 1/61 =.01639344262295081967213114754098360655737704918032786885245 9˙ ˙ 1/67 =.01492537313432835820895522388059 7˙ ˙ 1/71 =.0140845070422535211267605633802816 9˙ ˙ 1/73 =.0136986 3˙ ˙ 1/79 =.012658227848 1˙ ˙ 1/83 =.0120481927710843373493975903614457831325 3˙ ˙ 1/89 =.0112359550561797752808988764044943820224719 1˙ ˙ 1/97 =.0103092783505154639175257731958762886597938144329896 90721649484536082474226804123711340206185567˙ Dans tous les cas, la longueur de la p´eriode du d´eveloppement d´ecimal de 1/p divise p − 1. Cette longueur est exactement p − 1 pour p = 7, 17, 19, 23, 29, 47, 59, 61 et 97. On dit que ces nombres premiers sont longs. Conjecture 2.11. (Gauss) Il existe une infinit´e de nombres premiers longs. Empiriquement, il semble qu’un peu plus du tiers des nombres premiers sont longs. Emil Artin a conjectur´e que cette proportion est donn´ee par le produit Y
1−
p premier
1 1 1 1 1 1 = 1− 1− 1− 1− 1− ··· p(p − 1) 2 3·2 5·4 7·6 11 · 10 = .37395 . . .
On ne sait pas d´emontrer la conjecture de Gauss, et encore moins celle d’Artin. Proposition 2.12. (Euler) Si n est relativement premier a ` 10, alors n divise 10φ(n) − 1. Preuve: Soit k la longueur de la p´eriode du d´eveloppement d´ecimal de 1/n. Alors n divise 10 k − 1. De plus, k divise φ(n) d’apr`es la proposition C. Posons φ(n) = kr. Remarquer que a − 1 divise toujours a r − 1: ar − 1 = (a − 1)(1 + a + a2 + · · · + an−1 ). En particulier, 10k − 1 divise 10kr − 1 = 10φ(n) − 1. Cela prouve que n divise 10φ(n) − 1. QED Proposition 2.13. (Fermat) Si un nombre premier p ne divise pas 10, alors il divise 10p−1 − 1. Preuve: En effet, φ(p) = p − 1. CQFD Les propositions 2.11, 2.12 et 2.13 se g´en´eralisent facilement au cas d’une base quelconque. Nous ferons cette g´en´eralisation dans le cadre de la th´eorie des congruences.
Exercices Exercice : Calculer le d´eveloppement d´ecimal de 1/81. Exercice : Calculer les d´eveloppements d´ecimaux de 1/9, 1/99, 1/999, etc. Ceux de 1/11, 1/111, 1/1111, etc. 33
Exercice : Calculer la longueur de la p´eriode du d´eveloppement d´ecimal de 1/983 (Gauss a fait ce calcul a ` 17 ans)., aurait choisi de faire ce calcul avec un ordinateur).
On d´efinit classe de congruence d’un entier a modulo un entier n > 0 comme l’ensemble des entiers congrus a ` a modulo n. Nous d´enoterons cette classe par a. On a a = {x ∈ Z | x ≡ a mod n} = {a + nk | k ∈ Z} = a + nZ Par exemples, si n = 2 on a 0 = 2Z = {. . . , −6, −4, −2, 0, 2, 4, 6, . . .} 1 = 1 + 2Z = {. . . , −5, −3, −1, 1, 3, 5, 7, . . .}. Si n = 3 on a 0 = 3Z = {. . . , −12, −9, −6, −3, 0, 3, 6, 9, 12, . . .}
1 = 1 + 3Z = {. . . , −11, −8, −5, −2, 1, 4, 7, 10, 13, . . .} 2 = 2 + 3Z = {. . . , −10, −7, −4, −1, 2, 5, 8, 11, 14, . . .}.
Il y a exactement n classes de congruences modulo n. Deux entiers sont congrus modulo n ssi leur classe sont ´egales: a ≡ b mod n ⇐⇒ a = b. Nous d´enoterons par Zn l’ensemble des classes de congruence modulo n. On peut additionner et multiplier les ´el´ements Zn . Voici les tables d’addition et de multiplication pour 2 ≤ n ≤ 9. Z2 = {0, 1} = {0, 1}, +
0
1
×
0
1
0
0
1
0
0
0
1
1
0
1
0
1
+
0
1
2
×
0
1
2
0
0
1
2
0
0
0
0
1
1
2
0
1
0
1
2
2
2
0
1
2
0
2
1
+
0
1
2
3
×
0
1
2
3
0
0
1
2
3
0
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0
0
1
1
2
3
0
1
0
1
2
3
2
2
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0
1
2
0
2
0
2
3
3
0
1
2
3
0
3
2
1
Z3 = {0, 1, 2} = {0, 1, 2},
Z4 = {0, 1, 2, 3} = {0, 1, 2, 3},
34
Z5 = {0, 1, 2, 3, 4} = {0, 1, 2, 3, 4}, +
0
1
2
3
4
×
0
1
2
3
4
0
0
1
2
3
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0
0
0
0
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1
2
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1
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1
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2
4
4
0
1
2
3
4
0
4
3
2
1
Z6 = {0, 1, 2, 3, 4, 5} = {0, 1, 2, 3, 4, 5}, +
0
1
2
3
4
5
×
0
1
2
3
4
5
0
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1
2
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0
0
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0
1
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2
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1
2
3
4
5
0
5
4
3
2
1
Z7 = {0, 1, 2, 3, 4, 5, 6} = {0, 1, 2, 3, 4, 5, 6}, +
0
1
2
3
4
5
6
×
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1
2
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6
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1
2
3
0
3
6
2
5
1
4
4
4
5
6
0
1
2
3
4
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1
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2
6
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1
2
3
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5
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3
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2
6
6
0
1
2
3
4
5
6
0
6
5
4
3
2
1
Z8 = {0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7} = {0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7}, +
0
1
2
3
4
5
6
7
×
0
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2
3
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0
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1
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3
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5
6
7
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7
6
5
4
3
2
1
35
Z9 = {0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8} = {0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8}, +
0
1
2
3
4
5
6
7
8
×
0
1
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0
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2
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6
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6
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0
6
3
7
7
8
0
1
2
3
4
5
6
7
0
7
5
3
1
8
6
4
2
8
8
0
1
2
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5
6
7
8
0
8
7
6
5
4
3
2
1
La classe de congruence modulo 9 d’un entier n est particuli`erement facile a ` calculer a ` partir du d´eveloppement d´ecimal de n. En effet, comme on a 10 ≡ 1 mod 9 on a 10k ≡ 1 mod 9 pour tout k ≥ 0. Par suite a0 + a1 · 10 + a2 · 102 + · · · + ar · 10r ≡ a0 + a1 · · · + ar mod 9 Par example, 257593 ≡ 2 + 5 + 7 + 5 + 9 + 3 ≡ 2 + 5 + 7 + 5 + 3 ≡ 22 ≡ 2 + 2 = 4 modulo 9. 5
Comme application des congruences, v´erifions que le nombre de Fermat F5 = 22 + 1 est divisible par 641. Pour cela, il suffit d’´elever 2 au carr´e modulo 641 cinq fois: 22 ≡ 4 mod 641
24 ≡ 16 mod 641
28 ≡ 256 mod 641
216 ≡ 154 mod 641 232 ≡ −1 mod 641
D´ efinition 2.14: Nous dirons qu’un entier a est inversible modulo un entier n > 0 s’il existe un entier b tel que ab ≡ 1 modulo n. Par exemple, 4 est inversible modulo 9 car 4 · 7 ≡ 1 modulo 9. Si a est inversible modulo n, alors la congruence ax ≡ c mod n poss`ede une solution x = a −1 c o` u a−1 est l’inverse de a modulo n. Cette solution est unique modulo n. Par exemple, la congruence 7x ≡ 8 mod 9 a pour solution x ≡ 4 × 8 ≡ 5 mod 9 (car 4 est l’inverse de 7 modulo 9). Si a est inversible modulo n alors l’implication ax ≡ ay mod n ⇒ x ≡ y mod n est vrai. Autrement dit, a est concellable modulo n. En effet, si b est l’inverse de a modulo n alors on a bax ≡ bay mod n, et par suite, x ≡ y mod n car ba ≡ 1 mod n. Proposition 2.15. Un entier a est inversible modulo un entier n > 0 si et seulement si a est relativement premier a ` n. Preuve: Si a est inversible modulo n il existe un entier b ∈ Z tel que ab ≡ 1 mod n. On a alors ab − 1 = nk pour un entier k ∈ Z. La relation 1 = ab − nk implique que a est relativement premier a ` n d’apr`es la 36
proposition 9. Inversement, si a est relativement premier a ` n alors il existe des entiers u, v ∈ Z tels que 1 = ua + vn d’apr`es la proposition 9. On a alors 1 ≡ ua modulo n. CQFD Corollaire 2.16. Soit p un nombre premier. Un entier a est inversible modulo p ssi a 6≡ 0 modulo p Preuve: Si a 6≡ 0 alors p ne divise pas a. Donc p et a sont relativement premiers puisque p est premier. CQFD
Proposition 2.17. Si a est relativement premier a ` n > 0 alors il existe un entier e > 0 tel que ae ≡ 1 mod n. Preuve: Les classes de congruences modulo n des entiers 1, a, a2 , a3 , . . . , an ne peuvent ˆetre toutes distinctes car il n’y a n classes de congruence modulo n. On a donc ak ≡ ar modulo n pour des entiers 0 ≤ k < r ≤ n Mais on peut canceller le facteur ak dans la congruence ak ≡ ak ar−k puisque a est concellable modulo n. On obtient que 1 ≡ ar−k modulo n. Definition 2.18: Soit a un entier relativement premier a ` n. Nous dirons que le plus petit entier e > 0 tel que ae ≡ 1 modulo n est l’ordre de a modulo n; nous le d´enoterons par ord(a; n). Soit n un nombre entier relativement premier a ` 10. L’ordre de 10 modulo n est ´egal a ` longueur de la p´eriode du d´eveloppement d´ecimal de 1/n d’apr`es la premi`ere partie. Par exemple, l’ordre de 10 modulo 7 est 6 car ˙ ˙ 1/7 = 0, 14285 7. L’ordre de 10 modulo 13 est ´egal a ` 6 car
˙ ˙ 1/13 = .07692 3.
L’ordre de 10 modulo 17 est 16 car ˙ ˙ 1/17 = 0, 058823529411764 7.
Proposition 2.19. Soit a un entier relativement premier a ` un entier n > 0. Pour tout entier k > 0 on a n | ak − 1
⇔
ord(a; n) | k.
Preuve: Posons e = ord(a; n). Si e | k alors k = qe pour un entier q. Par suite, ak ≡ aqe ≡ (ae )q ≡ (1)d ≡ 1 modulo n. Inversement, supposons que l’on ait ak ≡ 1 modulo n. Raisonnons par l’absurde en supposant que e ne divise pas k. On a alors k = eq + r avec 0 < r < e. Par suite 1 ≡ a k ≡ aqe+r ≡ aqe ar ≡ ar . C’est une contradiction car r < e et que a est d’ordre n. CQFD
Proposition 2.20. Soit a un entier relativement premier a ` mn > 0. Alors ord(a; ppmc(m, n)) = ppmc(ord(a, m), ord(a, n)). En particulier, si m et n sont relativement premiers, alors on a ord(a; mn) = ppmc(ord(a, m), ord(a, n)). 37
Preuve: Pour tout entier k > 0 on a ord(a; ppmc(m, n)) | k ⇔ ppmc(m, n) | k
⇔ m | k et n | k ⇔ ord(a; m) | k et ord(a; n) | k ⇔ ppmc(ord(a, m), ord(a, n)) | k.
Cela prouve que ord(a; ppmc(m, n)) = ppmc(ord(a, m), ord(a, n)). Corollaire 2.21. Soit a un entier relativement premier a ` n = pk11 · · · pkr r . Alors ord(a; n) = ppmc(ord(a; pk11 ), . . . , ord(a; pkr r )). Par exemple, l’ordre de 10 modulo 119 est ppmc(6, 16) = 48. Effectivement, on a ˙ ˙ 1/119 = 0, 00840336134453781512605042016806722689075630252 1. Soit φ(n) le nombre d’entiers 1 ≤ k ≤ n relativement premiers a ` n. On dit que φ est la fonction indicatrice d’Euler. On peut d´efinir φ(n) comme le nombre de fractions r´eduites 0 < k/n ≤ 1 de d´enominateur n. Un entier 1 ≤ k ≤ n est inversible modulo n ssi k est relativement premier a ` n d’apr`es 25. D´enotons par Un l’ensemble des ´el´ements inversibles de Zn . Si u, v ∈ Un alors uv ∈ Un . En effet, le produit de deux entiers relativement premiers a ` n est relativement premier a ` n. Voici la table de multiplication de U n pour 2 ≤ n ≤ 9. U2 = {1} = {1},
U3 = {1, 2} = {1, 2},
1
1
1
×
1
2
1
1
2
2
2
1
×
1
3
1
1
3
3
3
1
×
1
2
3
4
1
1
2
3
4
2
2
4
1
3
3
3
1
4
2
4
4
3
2
1
U4 = {1, 3} = {1, 3},
U5 = {1, 2, 3, 4} = {1, 2, 3, 4},
×
38
U6 = {1, 5} = {1, 5},
×
1
5
1
1
5
5
5
1
U7 = {1, 2, 3, 4, 5, 6} = {1, 2, 3, 4, 5, 6}, ×
1
2
3
4
5
6
1
1
2
3
4
5
6
2
2
4
6
1
3
5
3
3
6
2
5
1
4
4
4
1
5
2
6
3
5
5
3
1
6
4
2
6
6
5
4
3
2
1
×
1
3
5
7
1
1
3
5
7
3
3
1
7
5
5
5
7
1
3
7
7
5
3
1
×
1
2
4
5
7
8
1
1
2
4
5
7
8
2
2
4
8
1
5
7
4
4
8
7
2
1
5
5
5
1
2
7
8
4
7
7
5
1
8
4
2
8
8
7
5
4
2
1
U8 = {1, 3, 5, 7} = {1, 3, 5, 7},
U9 = {1, 2, 4, 5, 7, 8} = {1, 2, 4, 5, 7, 8},
Th´ eor` eme 2.22. (Euler) Si un entier a est relativement premier a ` un entier n > 0, alors on a aφ(n) ≡ 1 mod n. L’ordre de a modulo n est un diviseur de φ(n). Preuve: Soit x1 , x2 , . . . , xφ(n) une liste des ´elements de Un . Montrons la que la suite de classes a · x1 , a · x2 , . . . , a · xφ(n) ne diff`ere de la suite x1 , x2 , . . . , xφ(n) que par l’ordre des termes. En effet, on a a · xi ∈ Un puisque a ∈ Un et xi ∈ Un . Les ´el´ements a · x1 , a · x2 , . . . , a · xφ(n) sont distincts puisque a est cancellable modulo n. Cela 39
entraˆıne que tous les ´el´ement de Un figurent une et une seule fois dans la liste a · x1 , a · x2 , . . . , a · xφ(n) . (on pourrait aussi raisonner en utilisant le fait que la congruence ax ≡ y est r´esoluble pour tout entier y). On a donc φ(n) φ(n) Y Y a · xi = xi i=1
i=1
puisque la valeur d’un produit ne d´epend pas de l’ordre des facteurs. Mais on a φ(n)
Y
i=1
a · xi =
φ(n) φ(n) Y Y φ(n) Y xi a · xi = aφ(n) · i=1
i=1
i=1
car il y a φ(n) ´el´ements dans Un . On voit donc que φ(n)
φ(n)
aφ(n) · On peut canceller le produit
Qφ(n) i=1
Y
xi =
Y
xi .
i=1
i=1
xi de chaque membre car les facteurs xi sont concellables. Cela donne aφ(n) = 1.
Le r´esultat est d´emontr´e. Autrement dit, n | aφ(n) − 1. Donc ord(a; n) | φ(n) par la proposition 30. CQFD Corollaire 2.23. (Fermat) Si un nombre premier p ne divise pas un entier a alors on a ap−1 ≡ 1 mod p. L’ordre de a modulo p est un diviseur de p − 1. Preuve: En effet, φ(p) = p − 1. CQFD Le th´eor`eme 2.22 serait incomplet sans une formule permettant de calculer φ(n). Pour y arriver, nous utiliserons le r´esultat suivant: Th´ eor` eme 2.24. (Th´eor`eme Chinois) Soit m et n deux entiers relativement premiers. Alors pour tout couple d’entiers a et b, le syst`eme de congruences x ≡ a mod m x ≡ b mod n poss`ede une solution x. Cette solution est unique modulo mn. Preuve : Commen¸cons par montrer que le syst`eme le syst`eme de congruence x ≡ 1 mod m x ≡ 0 mod n poss`ede une solution e1 . La condition e1 ≡ 0 mod n signifie alors que l’on a e1 = nu pour un certain entier u. La condition e1 ≡ 1 mod m signifie que l’on a nu ≡ 1 mod m. Autrement dit, l’entier u est un inverse de n modulo m. Cet inverse existe d’apr`es la proposition 22 puisque n est relativement premier a ` m. Cela montre l’existence de e1 . On montre de mˆeme que le syst`eme de congruence x ≡ 0 mod m . x ≡ 1 mod n 40
poss`ede une solution e2 . La solution au probl`eme initial est alors obtenue en posant x = ae1 + be2 . En effet, on a ae1 + be2 ≡ a1 + b0 ≡ a mod m . ae1 + be2 ≡ a0 + b1 ≡ b mod n Il reste a ` d´emontrer l’unicit´e. Pour cela supposons que l’on ait une autre solution: y ≡ a mod m y ≡ b mod n. On a alors x ≡ a ≡ y mod m et x ≡ a ≡ y mod n. La diff´erence x − y est donc divisible par m et de n. Cette diff´erence est par suite divisible par ppmc(m, n). Mais on a ppmc(m, n) = mn puisque m et n sont relativement premiers. Cela montre que x ≡ y modulo mn. QED Voici un tableau illustrant le th´eor`eme chinois dans le cas m = 9 et n = 8. Les valeurs de a se trouvent dans la bordure horizontale sup´erieure et les valeurs de b dans la bordure verticale gauche. Par exemple, Le syst`eme de congruences x ≡ 5 mod 9 x ≡ 3 mod 8
a pour solution x = 59. 0
1
2
3
4
5
6
7
8
0
0
64
56
48
40
32
24
16
8
1
9
1
65
57
49
41
33
25
17
2
18
10
2
66
58
50
42
34
26
3
27
19
11
3
67
59
51
43
35
4
36
28
20
12
4
68
60
52
44
5
45
37
29
21
13
5
69
61
53
6
54
46
38
30
22
14
6
70
62
7
63
55
47
39
31
23
15
7
71
Proposition 2.25. Si m et n sont relativement premiers alors φ(mn) = φ(m)φ(n). Preuve: Il suffit de montrer que, dans le th´eor`eme chinois, l’entier x est relativement premier a ` mn si et seulement si l’entier a est relativement premier a ` m et l’entier b est relativement premier a ` n. Supposons que x soit relativement premier a ` mn. Alors x est relativement premier a ` m, donc a est relativement premier a ` m puisque x ≡ a mod m. De mˆeme, b est relativement premier a ` n. R´eciproquement, supposons que a soit relativement premier a ` m et b relativement premier a ` n. Alors x est relativement premier a ` m puisque x ≡ a modulo m. De mˆeme, x est relativement premier a ` n puisque x ≡ b modulo n. Donc, mn est relativement premier a ` x puisque m et n sont relativement premiers a ` x. CQFD
Voici un tableau illustrant le fait que φ(8 × 9) = φ(8)φ(9). Dans la bordure horizontale, nous avons marqu´e par une ´etoile la position des entiers relativement premiers a ` 9, et dans la bordure verticale, la position des entiers relativement premiers a ` 8. Dans le rectangle 8 × 9 nous avons marqu´e la position des entiers relativement premiers a ` 8 · 9. 41
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Proposition 2.26. Si n = pa1 1 · · · pakk avec ai > 0 et les facteurs premiers pi sont distincts, alors on a 1 1 ··· 1− . φ(n) = (pa1 1 − pa1 1 −1 ) · · · (pakk − pakk −1 ) = n 1 − p1 pk Preuve: On a φ(n) = φ(pa1 1 ) · · · φ(pakk ) d’apr`es 39 puisque les entiers pa1 1 , . . . pakk sont relativement premiers deux a ` deux. Si p est premier et a > 0 montrons que φ(pa ) = pa − pa−1 . Le nombre φ(pa ) s’obtient en retranchant de pa le nombre d’entiers 0 < k ≤ pa ayant un diviseur commun avec pa . Un entier k poss`ede un diviseur commun avec pa ssi k = pu pour un entier u. La condition 0 < pu ≤ pa ´equivaut a ` la condition 0 < u ≤ pa−1 . Ceci montre que le nombre d’entiers 0 < k ≤ pa ayant un diviseur commun avec pa est ´egal a ` pa−1 . CQFD
Exercices pour la section 2
Il est int´eressant de r´eduire le triangle de Pascal modulo un nombre premier p. Si p = 2, on obtient 0→ 1→ 2→ 3→ 4→ 5→ 6→ 7→ 8→1 On voit que
2n k
1 1 1 1 1 1 1 1 0
1 0
1 0
1
1 1
0 0
1 1
0
1 0
0 0
1 0
1 0 1
1 0
1 1 0 1
0
.
1 1 1 0
1 0
1
···
≡ 0 modulo 2 pour tout 0 < k < 2n .
Exercice : (Leibniz) Soit p un nombre premier. Montrer que pour tout 0 < k < p on a p ≡ 0 modulo p. k 42
Suggestion: Utiliser le fait que
p k
=
p! k!(p−k)! .
En d´eduire que pour tout paire d’entiers a et b on a
(a + b)p ≡ ab + bp
modulo p.
En d´eduire que si a1 , a2 , . . . , ak sont des entiers, alors on a (a1 + a2 + · · · + ak )p ≡ ap1 + ap2 + · · · + apk
modulo p.
En d´eduire que pour tout entier k on a kp ≡ k
modulo p.
Suggestion: Substituer ai = 1 dans la relation pr´ec´edente. En d´eduire le th´eor`eme de Fermat: si p ne divise pas k, alors k p−1 ≡ 1 modulo p. Exercice : Soit pn une puissance de nombre premier. Montrer que pour tout 0 < k < pn on a n p ≡ 0 modulo p. k Suggestion: Montrer par induction sur n que n
n
n
(x + y)p ≡ xp + y p mod p
Exercice : Soit a = a0 + a1 p + a2 p2 + · · · le d´eveloppement de l’entier a a ` la base p, et soit b = b0 + b1 p + b2 p2 + · · · le d´eveloppement de l’entier b. Montrer que a2 a1 a a0 · · · modulo p. ≡ b2 b1 b0 b Suggestion: Montrer que 2
2
(x + y)a ≡ (x + y)a0 (xp + y p )a1 (xp + y p )a2 · · · Remarque: Si b > a on pose ab = 0.
mod p
Exercice : Trouver tous les entiers n pour lequels ord(10, n) = 1, 2, 3, 4 et 5 respectivement. Dresser une table du d´eveloppement d´ecimal de 1/n. Exercice : (Fermat) Soit p un nombre premier. Si q est un diviseur premier de Mp = 2p − 1 montrer que q ≡ 1 mod p. Suggestion: Soit e l’ordre de 2 modulo q. Montrer en utilisant 30 que e | p. En d´eduire que e = p. Utiliser ensuite le th´eor`eme de Fermat 33 pour conclure que p divise q − 1. Ce r´esultat est a ` la base d’une m´ethode de Fermat pour trouver des diviseurs premiers d’un nombre de Mersenne Mp . Par exemple, cherchons un diviseur premier q de M11 . On a forc´ement q ≡ 1 mod 11. Il faut donc que q = 2n · 11 + 1 (puisque q est impair). Si n = 1, on obtient q = 23. On trouve effectivement que 211 − 1 = 23 · 89. Mersenne avait sagement exclu M11 de sa liste. Cherchons un diviseur premier de M13 = 8191. Il faut que q = 2n · 13 + 1 = n · 26 + 1. Comme 912 > 8191 on peut supposer que q < 91. Si 43
n = 1, on a q = 27 qui n’est pas premier. Si n = 2, 3 on a q = 53, 79. Mais on v´erifie que 53 et 79 ne divisent pas 8191. Nous avons montr´e que M13 est premier. Exercice : (Mersenne) Montrer que M17 et M19 sont premiers. Montrer que M23 et M29 sont compos´es. Aux exercices de la section 2 nous avons introduit des nombres de Mersenne g´en´eralis´es: Mn (a) =
an − 1 = 1 + a + a2 + · · · + an−1 a−1
o` u n > 0 et a > 1. Exercice : Soit p un nombre premier. Si q est un diviseur premier de Mp (a) ne divisant pas a − 1 alors on a q ≡ 1 mod p. Suggestion: Soit e l’ordre de a modulo q. Montrer que e | p. En d´eduire que e = p. Utiliser ensuite le th´eor`eme de Fermat pour conclure que p divise q − 1. n
Exercice : (Euler) Soit q est un diviseur premier de Fn = 22 + 1. Montrer que q ≡ 1 mod 2n+1 . Trouver un diviseur de F5 . Suggestion: Soit e l’ordre de 2 modulo q. Montrer que e | 2n+1 mais que e ne divise pas 2n . En d´eduire que e = 2n+1 . Utiliser ensuite le th´eor`eme de Fermat pour conclure que 2n+1 divise q − 1. n
Exercice : (Lucas) Soit q est un diviseur premier de Fn = 22 +1. Montrer que q ≡ 1 mod 2n+2 . Suggestion: n−2 n−1 Posons b = 22 (22 − 1). Montrer que b2 ≡ 2 modulo q. Soit e l’ordre de b modulo q. Montrer que n+2 e|2 mais que e ne divise pas 2n+1 . En d´eduire que e = 2n+2 . Utiliser ensuite le th´eor`eme de Fermat pour conclure que 2n+2 divise q − 1.
3. Une application ` a la cryptographie La th´eorie des nombres ressemble a ` un pur jeu intellectuel. Elle parait inutile sinon comme divertissement de l’esprit. Le math´ematicien Hardy, l’une des grandes figures de la th´eorie des nombres de la premi`ere moiti´e du 20e -si`ecle, ´etait fier de cette inutilit´e. Malheureusement, la th´eorie des nombres a trouv´e de nombreuses applications depuis 30 ans, particuli`erement dans les m´ethodes de cryptographie. Dans cette partie, nous d´ecrivons la m´ethode de cryptographie RSA du nom de ses inventeurs: Rivest, Shamir et Adleman. Nous aurons besoin du r´esultat suivant. Lemme 3.1. Si a est relativement premier a ` n et si k ≡ r modulo φ(n) alors ak ≡ ar mod n De plus, si ed ≡ 1 mod φ(n) alors
(ae )d ≡ a mod n.
Preuve: Supposons que k ≡ r mod φ(n). On a alors k = r + qφ(n). Donc ak = ar+qφ(n) = ar · (aφ(n) )q ≡ ar mod n car on aφ(n) ≡ 1 d’apr`es le th´eor`eme d’Euler. Par suite, si ed ≡ 1 mod φ(n) alors (ae )d ≡ aed ≡ a1 ≡ a mod n. CQFD 44
Nous pouvons maintenant d´ecrire la m´ethode de cryptographie RSA. Sa suret´e repose sur le fait qu’il est tr`es difficile de factoriser un nombre entier dont les facteurs premiers sont tous grands. Supposons qu’un personne que nous appellerons Fatima veuille s’assurer du secret des messages que d’autres personnes pourraient lui faire parvenir. Pour utiliser la m´ethode RSA, elle choisit deux nombres premiers p et q comportant une centaine de d´ecimales chacun. Il existe pour cela des algorithmes tr`es efficaces et nous n’en discuterons pas ici. Fatima calcule ensuite le produit n = pq et φ(n) = (p − 1)(q − 1). Elle choisit ensuite un nombre e relativement premier a ` φ(n) qu’on appelle la cl´e d’encodage. Elle calcule ensuite l’inverse d de e modulo φ(n). On dit que d est la cl´e de d´ecodage. Fatima fait parvenir n et e a ` toutes personnes souhaitant lui faire parvenir un message secret. Elle peut mˆeme afficher ces nombres publiquement. C’est pourquoi on dit que la crypthographie RSA est a ` cl´e publique. Fatima doit toutefois conserver secret le nombre d qui est la cl´e de d´ecodage. Toute personne souhaitant faire parvenir un message secret a ` Fatima utilisera n et e pour encoder le message. Par exemple, supposons qu’une personne que nous appellerons David veuille envoyer un message secret a ` Fatima. Pour ce faire, il d´ecoupe son message en une suite de segments represent´es par des nombres a1 , a2 , . . . inf´erieurs a ` n. Il doit s’assurer que chaque nombre ai est relativement premier a ` n. Cette condition est presque automatiquement satisfaite car la proportion des nombres relativement premiers a `n est donn´ee par 1 φ(n) 1 1− . = 1− n p q Cette quantit´e est tr`es proche de 1 car p, q > 10100 . David encode ensuite chaque nombre a par le nombre b ≡ ae modulo n. Il transmet ensuite par courrier la suite b1 , b2 , . . . des nombres encod´es. Pour d´echiffrer le message recu Fatima doit d´ecoder chacun des nombres bi . Pour d´ecoder un nombre b, elle calcule bd modulo n. En effet, si b = ae alors bd = (ae )d = aed ≡ a mod n d’apr`es le lemme 36. La message original est donc donn´e par la suite bd1 , bd2 , . . . modulo n. La suret´e de la m´ethode repose sur le fait que seule Fatima connait la d´ecomposition de n en facteurs premiers. Sans cette d´ecomposition on ne peut calculer ni φ(n) ni d.
La faisabilit´e de la m´etode RSA d´epend de la capacit´e de faire certains calculs sur ordinateur. En premier lieu, il faut disposer d’un algorithme permettant de choisir a ` volont´e de grands nombres premiers Comme les nombres premiers sont tr`es nombreux, il suffit d’un algorithme capable de reconnaitre rapidement si un grand nombre entier est premier ou non. On prend un grand nombre au hasard et on le rejette si l’algorithme ne le reconnait pas premier. Pour des nombres comportant une centaine de d´ecimales on est pratiquement certain de tomber sur un nombre premier apr`es un millier d’essais. Le tout peut se faire en une fraction de seconde avec un ordinateur. Pour coder (ou d´ecoder) un messages il faut pouvoir aussi calculer rapidement les puissances ar modulo n. Pour y arriver, on ram`ene l’op´eration d’exponentiation a ` des carr´es et a ` des multiplications. Voici comment. D´enotons par Q(x) le carr´e modulo n d’un nombre x. Si on applique k-fois l’op´eration Q on obtient une op´eration que nous d´enoterons Qk . On a Qk (x) = x2
k
mod n.
Tout entier peut s’exprimer comme une somme de puissances de 2 en le d´eveloppant a ` la base 2. Si r = alors on a Y ki Y ar = a2 ≡ Qki (a) mod n. i
P
i
2 ki
i
Cette m´ethode permet de ramener le calcul de ar modulo n a ` un petit nombre de multiplications modulo n. Nous allons illustrer la m´ethode RSA sur un exemple. Supposons que Fatima choisisse deux nombres premiers p et q dont le produit est n = pq =364615485029501136970713101143871109540079913994317049087258562868354903436255206 595580958951461147024129894416770392933752888490885711614193520646632973108 7514964112054543019336536216107629523597606330154669196064144182472739556974 5024624024389031158457256309464289437685407140982647270680267304240335788278869 16761701429264950573899186177. 45
Elle se garde de r´ev´eler la factorisation n = pq a ` quiconque. Supposons que Fatima choisisse ensuite la cl´e d’encodage suivante: e =6123604138321678046184813001752049505652789728277332451541769438270400457895 687807018014761011102762104690737156404901427472280629658843231303401722865971 79476547016660734615078156785793174374530940927 Elle v´erifie que e est relativement premier a ` φ(n) = (p − 1)(q − 1). Elle calcule ensuite l’inverse d de e modulo φ(n). Elle se garde de r´ev´eler d a ` quiconque. Fatima affiche les nombres n et e sur son site web. Supposons maintenant que David fasse parvenir a ` Fatima un court message repr´esent´e par un entier a < n relativement premier a ` n. Pour cela, il calcule b = ae modulo n et fait parvenir le r´esultat a ` Fatima par courrier ´electronique normal: b =1762574450192434510987812463067325686667802511010506542514351570390186321634415941048 1044239319582998436351975479479033307060956350192980883359851606273488853970490387337 10501248781742476679101486280942444125416108654765878947229366542117241214182262973848 457443434154882046217658220335999204849335380921733168767014435338280145415742442923. Pouvez-vous d´echiffrer le message de David a ` Fatima? Exercice: Fatima est math´ematicienne. Elle n’a pas choisit les nombres premiers p et q au hasard, car elle adore certains nombres premiers. C’est une grave erreur. Cette information peut suffire a ` d´echiffrer les messages destin´es a ` Fatima. En effet, les nombres premiers ayant fait l’objet d’une ´etude ont pour la plupart fait l’objet d’une publication. Il y en a quelques milliers au plus. On pourrait en faire l’inventaire. On pourrait chercher ensuite des diviseurs de n dans cet inventaire. Cela r´eduirait consid´erablement les calculs pour factoriser n. Par exemple, il y a moins de 40 nombres premiers de Mersenne connus. Chercher par ordinateur un diviseur de n parmi les nombres de Mersenne. Factoriser n. Calculer φ(n) et ensuite d. D´echiffrer le message secret de David a ` Fatima.
4. Racines primitives Soit p est un nombre premier ne divisant pas un entier a. D’apr`es le th´eor`eme de Fermat, l’ordre de a modulo p est un diviseur de p − 1. Si cet ordre est exactement p − 1 on dit que a est une racine primitive modulo p. Le nombre 10 est une racine primitive modulo p ssi la longueur de la p´eriode du d´eveloppement d´ecimal de 1/p est ´egale a ` p − 1. Dans ce cas, on dit que p est un nombre premier long. Examinons les valeurs de la fonction ord(a; p) pour 0 < a < p et p ≤ 17. a 1 ord(a; 2) 1 a 1 2 ord(a; 3) 1 2 a 1 2 3 4 ord(a; 5) 1 4 4 2 a 1 2 3 4 5 6 ord(a; 7) 1 3 6 3 6 2 a 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 ord(a; 11) 1 10 5 5 5 10 10 10 5 2 46
a 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 ord(a; 13) 1 12 3 6 4 12 12 4 3 6 12 2 a 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 ord(a; 17) 1 8 16 4 16 16 16 8 8 16 16 16 4 16 8 2 On voit par exemple que 3 et 5 sont des racines primitives modulo 7, et que 2,6,7 et 11 sont des racines primitives modulo 13. Sur la base de ces donn´es on peut conjecturer qu’il y a toujours au moins une racine primitive modulo p. Les puissances d’une racine primitive a0 , a1 , a2 , . . . ap−1 sont distinctes modulo p. En effet, si on avait ak ≡ ak+r mod p avec 0 < r < p on aurait 1 ≡ ar mod p ce qui est absurde puisque a est d’ordre p − 1. On en d´eduit que toute classe de congruence non nulle x ∈ Z p est de la forme ar pour un unique 0 < r < p − 1. L’exponentiation r 7→ ar fournit une bijection entre l’ensemble Zp−1 des classes de congruences modulo p− et l’ensemble Up des classes de congruence non nulle modulo p. La bijection inverse est une forme de logarithme loga (; p) : Up → Zp−1 . Par exemple, si p = 13 on peut prendre a = 2 comme racine primitive. On obtient r(mod 12) : 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 2r (mod 13) : 1 2 4 8 3 6 12 11 9 5 10 7 x(mod 13) : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 log2 (x; 13) : 0 1 4 2 9 5 11 3 8 10 7 6 La relation ar as = ar+s entraˆıne que pour tout x, y ∈ Up on a loga (xy; p) ≡ loga (x; p) + loga (y; p) mod p − 1. Le logarithme permet de ramener la multiplication modulo p a ` une addition modulo p − 1. Mous allons d´emontrer l’existence d’une racine primitive modulo p pour tout nombre premier p. Nous aurons besoin de quelques r´esultats pr´eliminaires. Soit Un l’ensemble des ´elements inversibles de Zn . Lemme 4.1. Si un entier d > 0 divise l’ordre d’un ´element x ∈ Un alors ord(xd ; n) =
1 · ord(x; n). d
Si l’ordre de x ∈ Un est relativement premier a ` l’ordre de y ∈ Un alors ord(xy; n) = ord(x; n) · ord(y; n) Preuve: Posons r = ord(x; n). Montrons que l’ordre de xd est ´egal a ` r/d. On a (xd )r/d = xe = 1. Soit k > 0 d k dk d k et supposons que (x ) = 1. On a alors r | dk puisque x = (x ) = 1. Par suite (r/d) | k. Cela montre que l’ordre de xd est ´egal a ` r/d. Soit x, y ∈ Un et supposons que les entiers r = ord(x; n) et s = ord(y; n) soient relativement premiers. Il existe des entiers u, v ∈ Z tels que 1 = ur + vs d’apr`es ?. Remarquer que (xy)vs = xvs y vs = xvs = x1−ur = x. De mˆeme, (xy)ur = y. Montrons que l’ordre de xy est ´egal a ` rs. On a (xy)rs = xrs y rs = 1. Soit k > 0 et supposons que (xy)k = 1. On a alors xk = (xy)vsk = 1 et y k = (xy)urk = 1. Donc e | k et f | k. Par suite, ef | k puisque e et f sont relativement premier. CQFD Nous dirons qu’un ´el´ement g ∈ Un est d’ordre maximum si son ordre est ≥ a ` l’ordre de tous les ´el´ements de Un . Il est ´evident que Un contient un ´el´ement d’ordre maximum. 47
Lemme 4.2. Soit g ∈ Un un ´el´ement d’ordre maximum. Alors l’ordre de tout ´element de Un divise l’ordre de g. Preuve: Posons r = ord(g; n). Si x ∈ Un montrons que s = ord(x; n) divise r. Sinon, il existe une puissance a de nombre premier pa divisant s mais ne divisant pas r. L’´element z = xf /p est d’ordre pa par le lemme pr´ec´edent. Quitte a ` remplacer x par z on peut donc supposer que x est d’ordre p a . Soit pb est la plus grande b puissance de p divisant r. On a b < a puisque pa ne divise pas r. L’´el´ement y = g p est d’ordre r/pb par le a b lemme pr´ec´edent. Les entiers p et r/p sont relativement premiers car les entiers p et r/pb sont relativement premiers. Le produit xy est donc d’ordre pa · r/pb par le lemme pr´ec´edent. C’est une contradiction car pa · r/pb = pa−b · r > r et g est d’ordre maximum. CQFD Soit p un nombre premier. Nous voulons d´emontrer l’existence d’une racine primitive modulo p. Voici l’id´ee de la d´emonstration. Il s’agit de d´emontrer que Up contient un ´el´ement d’ordre p − 1. On peut toujours trouver un ´el´ement d’ordre maximum g ∈ Up . Posons r = ord(g; p). Nous voulons montrer que r = p − 1. On sait que r | p − 1 par le th´eor`eme de Fermat. Nous allons raisonner par l’absurde en supposant que r < p − 1. D’apr`es le lemme 44 on a ar = 1 pour tout a ∈ Up . Autrement dit, modulo p, le polynˆ ome X r − 1 a pour racine X = 1, 2, · · · , p − 1. On peut donc le diviser par (X − 1), (X − 2), . . . , (X − p + 1). Mais c’est impossible car X r − 1 est de degr´e r < p − 1. Le tableau suivant donne la valeur r d’une plus petite racine primitive modulo p pour p ≤ 89. p 2 3 5 7 11 13 17 19 23 29 31 37 41 43 47 53 59 61 67 71 73 79 83 89 r 1 2 2 3 2 2 3 2 5 2 3 2 6 3 5 2 2 2 7 2 5 3 2 3
5. Fonctions arithm´ etiques Nous dirons qu’une fonction f (n) (` a valeurs r´eelles) d´efinie pour tout n entier ≥ 1 est une fonction arithm´etique. La fonction indicatrice d’Euler φ est un exemple de fonction arithm´etique. Soit d(n) le nombre de diviseurs d’un entier n ≥ 1. La fonction d est une fonction arithm´etique. Soit σ(n) la somme des diviseurs d’un entier n ≥ 1. La fonction σ est une fonction arithm´etique. On d´efinit la somme f + g de deux fonctions arithm´etiques f et g en posant (f + g)(n) = f (n) + g(n). On d´efinit le produit de convolution f ? g en posant X f (d)g(n/d). (f ? g)(n) = d|n
Nous d´enoterons par δ la fonction arithm´etique d´efinie par n 1 si n = 1 δ(n) = 0 sinon. Proposition 5.1. On a (i) f ? g = g ? f (commutativit´e) (ii) f ? (g ? h) = (f ? g) ? h (associativit´e) (iii) f ? δ = δ ? f = f (unit´e) (iv) f ? (g + h) = f ? g + f ? h (distributivit´e) Preuve: D´emontrons (i). On a (f ? g)(n) =
X
f (a)g(b) =
ab=n
X
ba=n
48
g(b)f (a) = (g ? f )(n).
D´emontrons (ii). On a (f ? (g ? h))(n) =
X
f (a)(g ? h)(d) =
X
(f ? g)(d)h(c) =
ad=n
((f ? g) ? h)(n) =
dc=n
X X
f (a)g(b)h(c) = f (a)g(b)h(c) =
f (a)g(b)h(c)
ad=n bc=d
X
abc=n
X X
X
f (a)g(b)h(c)
dc=n ab=d
abc=n
D´emontrons (iii). On a (δ ? f )(n) =
X
δ(d)f (n/d) = f (n)
d|n
D´emontrons (iv). On a (f ? (g + h))(n) =
X
f (a)(g(b) + h(b)) =
X
f (a)g(b) +
ab=n
=
X
f (a)g(b) + f (a)h(b)
ab=n
ab=n
X
f (a)h(b) = f ? g + f ? h
ab=n
On d´efinit la fonction arithm´etique Z en posant Z(n) = 1 pour tout n ≥ 1. Pour toute fonction arithm´etique f , on a X f (d). (Z ? f )(n) = d|n
En particulier, (Z ? Z)(n) est le nombre de diviseurs de n. Donc Z ? Z est ´egale a ` la fonction d qui donne le nombre de diviseurs. On d´efinit la fonction arithm´etique I en posant I(n) = n pour tout n ≥ 1. On a X (Z ? I)(n) = d. d|n
Donc Z ? I est ´egale a ` la fonction σ qui donne la somme des diviseurs. On dit qu’une fonction arithm´etique f est multiplicative si f (1) = 1 et si on a f (mn) = f (m)f (n) pour m et n relativement premiers. Par exemple, la fonction indicatrice d’Euler φ est multiplicative d’apr`es ?. Une fonction multiplicative f est d´etermin´ee par ses valeurs f (pa ) pour p premier et a > 0. En effet, si n = pa1 1 · · · pakk alors f (n) = f (pa1 1 ) · · · f (pakk ). Lemme 5.2. Soient m, n > 0 des entiers relativement premiers. Tout diviseur d de mn est un produit d = ab pour un couple unique de diviseurs a | m et b | n. Proposition 5.3. Le produit de convolution de deux fonctions multiplicatives est une fonction multiplicative. Preuve: Soient f et g deux fonctions multiplicatives. On a (f ? g)(1) = f (1)g(1) = 1. Si m et n sont des entiers relativement premiers alors tout diviseur d de mn est un produit d = ab pour un couple unique de diviseurs a | m et b | n. Les entiers a et b sont relativement premier, de mˆeme que les entiers m/a et n/b. Par suite XX X mn mn )= f (ab)g( ) (f ? g)(mn) = f (d)g( d ab a|m b|n d|mn X X XX f (a)f (b)g(m/a)g(n/b) = f (a)g(m/a) f (b)g(n/b) = a|m b|n
a|m
= (f ? g)(m)(f ? g)(n). 49
b|n
Corollaire 5.4. Les fonctions d et σ sont multiplicatives. Si n = pa1 1 · · · pakk alors on a d(n) = (a1 + 1) · · · (ak + 1) et σ(n) =
pak +1 − 1 pa1 1 +1 − 1 · ···· k . p1 − 1 pk − 1
Preuve: Les fonctions Z et N sont multiplicatives. Donc aussi les fonctions d = Z ? Z et σ = Z ? I. Si p est premier et a > 0 les diviseurs de pa sont 1, p, p2 , . . . , pa . Par suite d(pa ) = a + 1 et σ(pa ) = 1 + p + · · · + pa =
pa+1 − 1 p−1
CQFD On d´efinit la fonction de Mœbius µ(n) en posant k µ(n) = (−1) si n est produit de k nombres premiers distincts; 0 sinon. Par exemple, µ(1) = 1, µ(2) = −1, µ(3) = −1, µ(4) = 0, µ(5) = −1 et µ(6) = 1. La fonction de Mobius est multiplicative. Si p est premier et a > 0 on a n −1 si a = 1 ; µ(pa ) = 0 sinon. Proposition 5.5. On a Z ? µ = δ. Preuve: La fonction Z ? µ est multiplicative puisque les fonctions Z et µ sont multiplicatives. Pour v´erifier que l’on a Z ? µ = δ il suffit donc de v´erifier que l’on a (Z ? µ)(pa ) = δ(pa ) pour p premier et a > 0. Mais a
(Z ? µ)(p ) =
a X i=0
µ(pi ) = µ(1) + µ(p) = 1 − 1 = 0,
ce qui donne le r´esultat cherch´e car δ(pa ) = 0. CQFD Corollaire 5.6. (Mœbius) Si f et g sont des fonctions arithm´etiques, alors les deux identit´es suivantes sont ´equivalentes X X g(d)µ(n/d) f (d) et (ii) f (n) = (i) g(n) = d|n
d|n
Preuve: L’identit´e (i) signifie que l’on a g = Z ? f et l’identit´e (ii) que l’on a f = µ ? g. Mais si g = Z ? f alors µ ? g = µ ? (Z ? f ) = (µ ? Z) ? f = δ ? f = f. Et si f = µ ? g alors Z ? f = Z ? (µ ? g) = (Z ? µ) ? g = δ ? g = g. CQFD Corollaire 5.7. Pour tout n > 0 on a X (i) n = φ(d)
et
(ii) φ(n) =
d|n
X d|n
50
µ(n/d) · d
Preuve: Pour d´emontrer (i) consid´erons d’abord un exemple avec n = 12. Les fractions de d´enominateurs 12 sont 1/12, 2/12, 3/12, 4/12, 5/12, 6/12, 7/12, 8/12, 9/12, 10/10, 11/12, 12/12 Parmi ces 12 fractions on trouve φ(12) = 4 fractions r´eduites: 1/12, 5/12, 7/12, 11/12; φ(6) = 2 fractions dont le d´enominateur r´eduit est 6: 1/6, 5/6; φ(4) = 2 fractions dont le d´enominateur r´eduit est 4: 1/4, 3/4; φ(3) = 2 fractions dont le d´enominateur r´eduit est 3: 1/3, 2/3; φ(2) = 1 fraction dont le d´enominateur r´eduit est 2: 1/2; φ(1) = 1 fraction dont le d´enominateur r´eduit est 1: 1/1. Comme il y a 12 fractions en tout on obtient que φ(1) + φ(2) + φ(3) + φ(4) + φ(6) = 12. Le mˆeme raisonnement montre plus g´en´eralement que l’identit´e (i) est vrai. L’identit´e (ii) est alors une cons´equence de (i). CQFD Ce r´esultat permet de donner une nouvelle d´emonstration de la proposition ?. la fonction φ est multiplicative car φ = I ? µ et les fonctions I et µ sont multiplicatives. Il suffit donc de calculer les valeurs φ(p a ) pour p est premier et a > 0. Mais on a φ(pa ) =
a X i=0
pa−i µ(pi ) = pa − pa−1 .
Exercices pour la section 5 Exercice: On d´efinit une fonction arithm´etique Λ en posant n a Λ(n) = ln(p) si n = p avec p premier et a > 0 0 sinon Montrer que l’on a ln(n) =
X
Λ(d).
d|n
6. Produits Eul´ eriens La s´erie
1 1 1 + s + s +··· 2s 3 4 a ´et´e consid´er´ee pour la premi`ere fois par Euler. Elle d´efinit la fonction zeta de Riemann. V´erifions que la s´erie converge pour s > 1. Si n ≥ 2 on a Z n 1 dx ≤ s ns n−1 x ζ(s) = 1 +
car la fonction x−s est d´ecroissante dans l’intervalle [n − 1, n]. Par suite ζ(s) − 1 ≤
∞ Z X
n=2
n n−1
dx = xs
Z
∞ 2
51
x1−s ∞ 21−s dx = | = . xs 1−s 2 s−1
Exercices 6.1. (Euler) Soit s un nombre r´eel > 1. Montrer que l’on a ζ(s) = p
1 1 1 − ps premier Y
Suggestion: Utiliser la s´erie g´eom´etrique 1 1 1 1 1 = 1 + ps + p2s + p3s + · · · . 1 − ps Exercices 6.2. Soit s un nombre r´eel > 1. Montrer que l’on a 1 1 1 1 1 + s + s + s + s +··· 2s 4 6 10 12 1 1 1 1 1 (1 − 2−s )ζ(s) = 1 + s + s + s + s + s + · · · 3 5 7 9 11 1 1 1 1 1 (1 − 21−s )ζ(s) = 1 − s + s − s + s − s + · · · 2 3 4 5 6 2−s ζ(s) = 1 +
Une remarque s’impose. On dit qu’une s´erie de la forme S = a0 − a1 + a2 − a3 + · · · avec an ≥ 0 est une s´erie altern´ee. Supposons que an ≥ an+1 pour tout n ≥ 0 et que an → 0 lorsque n croit. Dans ce cas la s´erie altern´e converge. En effet, consid´erons les sommes partielles S n = a0 − a1 + a2 − . . . + (−)n an . On peut voir que S1 ≤ S 3 ≤ S 5 ≤ · · · ≤ S 4 ≤ S 2 ≤ S 0 Comme l’´ecart S2n − S2n+1 = a2n+1 tend vers 0, on voit que les sommes partielles Sn s’approchent d’une limite S: S1 ≤ S 3 ≤ S 5 ≤ · · · ≤ S ≤ · · · ≤ S 4 ≤ S 2 ≤ S 0 . Par exemple, la s´erie harmonique altern´ee 1 − 1/2 + 1/3 − 1/4 + · · · converge. On peut mˆeme en calculer la somme. En effet, en int´egrant la s´erie g´eom´etrique 1 = 1 + x + x 2 + x3 + · · · 1−x on obtient que ln
x2 x3 x4 1 =x+ + + +···. 1−x 2 3 4
Si on substitue ensuite x = −1 on obtient que
ln 2 = 1 − 1/2 + 1/3 − 1/4 + · · · . Remarquons maintenant que la s´erie (1 − 21−s )ζ(s) = 1 −
1 1 1 1 1 + s − s + s − s +··· 2s 3 4 5 6
est altern´ee. Elle converge pour tout s > 0. Cela permet de d´efinir la fonction ζ(s) pour 0 < s < 1 en posant ζ(s) =
1 1 1 1 1 1 1− s + s − s + s − s +··· . 1−s 1−2 2 3 4 5 6 52
Exercices 10. Montrer que lim (s − 1)ζ(s) = 1
s→1
Suggestion: Utiliser le d´eveloppement 2x = ex ln 2 = 1 + x ln 2 + · · ·. On dit qu’une s´erie de la forme ∞ X an a1 a2 a3 a4 u5 = s + s + s + s + s +··· s n 1 2 3 4 5 n=1
est une s´erie de Dirichlet. Le produit de deux s´eries de Dirichlet est encore un s´erie de Dirichlet. En effet, ∞ X ∞ ∞ X ∞ ∞ ∞ ∞ ∞ X X X a n bm a n bm X cl an X bn X X an bm = = = = ns n=1 ns ns ms (nm)s ls ls n=1 m=1 n=1 m=1 n=1 l=1 mn=l
avec cl =
P
mn=l
a n bm .
Exercices 11. Si f (s) =
∞ X an ns n=1
montrer que l’on a ζ(s)f (s) = avec bn =
P
d|n
l=1
∞ X bn s n n=1
ad . En d´eduire que l’on ζ(s)2 =
∞ X d(n) ns n=1
et ζ(s)ζ(s − 1) =
∞ X σ(n) ns n=1
o` u d(n) est le nombre de diviseur de n et σ(n) la somme des diviseurs de n. Suggestion: Pour la seconde ´egalit´e, utiliser le fait que 3 4 5 2 ζ(s − 1) = 1 + s + s + s + s + · · · . 2 3 4 5 Exercices 12. Soit a(n) une fonction multiplicative. Montrer (en n´egligeant les questions de convergence) que l’on a ∞ Y X a(p) a(p2 ) a(p3 ) a(n) = 1 + + + + · · · . ns ps p2s p3s n=1 p premier
Pour tout nombre entier n > 0 posons k µ(n) = (−1) si n est produit de k nombres premiers distincts; 0 sinon. Par exemple, µ(1) = 1, µ(2) = −1, µ(3) = −1, µ(4) = 0, µ(5) = −1 et µ(6) = 1. On dit que µ(n) est la fonction de Mœbius. Exercices 13. Montrer que la fonction de Mœbius est multiplicative. En d´eduire que ∞ X µ(n) = ns n=1
Y
p premier
53
1−
1 1 = ps ζ(s)
Exercices 14. Soit a(n) une fonction d´efinie pour n entier > 0. Si b(n) = a(n) =
X d|n
Suggestion: Si f (s) =
P∞
a(n) n=1 ns
alors ζ(s)f (s) = f (s) =
n b(d)µ( ). d
P∞
b(n) n=1 ns .
P
d|n a(d)
montrer que
Donc
∞ 1 X b(n) . ζ(s) n=1 ns
7 Bibliographie J.H. Conway, K.R. Guy. ”The Book of Numbers” Springer-Verlag. New York, Berlin. ´ P. Damphousse. ”L’arithm´etique ou l’art de compter” Edition quatre a ` quatre, France. H. Davenport. ”The Higher Arithmetic”. Cambridge University Press. Jean-Paul Delahaye. ”Merveilleux Nombres Premiers” Belin, Collection Pour La Science. Paris. G.H. Hardy & E.M. Wright. ”An Introduction to the Theory of Numbers” Oxford Univ. Press. J-M. De Koninck A. Mercier. ”Introduction a ` la th´eorie des nombres” Modulo, Quebec. M. Krizeck, F. Luca & L. Somer. ”17 Lectures on Fermat Numbers” Sringer, CMS. New York, Berlin. Paulo Ribenboim. ”My Numbers, My Friends” Springer. New York, Berlin.
54
MAT 2250 Introduction à la théorie des groupes (à partir de notes de Luc Bélair et Christophe Hohlweg)
François Bergeron 13 décembre 2015
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ñ Université du Québec à Montréal Département de mathématiques Case postale 8888, Succursale Centre-Ville Montréal (Québec) H3C 3P8
2
Table des matières Page Table des Figures
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Avant-propos
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1 Groupes 1.1 Introduction à la notion de groupe . . 1.2 Définition de groupes . . . . . . . . . . 1.3 Exemples classiques . . . . . . . . . . 1.4 Table de multiplication d’un groupe . 1.5 Règles de calcul . . . . . . . . . . . . . 1.6 Sous-groupes . . . . . . . . . . . . . . 1.7 Ordre d’un groupe, ordre d’un élément 1.8 Le groupe symétrique Sn . . . . . . . . 1.9 Groupes engendrés par des réflexions . 1.10 Un groupe à la Galois . . . . . . . . . 1.11 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . .
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2 Actions de groupes 2.1 Groupes opérants sur des ensembles . . 2.2 Actions de SE . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Classes modulo un sous-groupe . . . . . 2.4 Orbites vs stabilisateurs . . . . . . . . . 2.5 Lemme de Burnside . . . . . . . . . . . 2.6 Morphismes d’actions, sommes d’actions, 2.7 Le système de cryptographie RSA . . . . 2.8 Le groupe des isométries du cube . . . . 2.9 Espaces homogènes . . . . . . . . . . . .
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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . et actions . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
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11 . . 11 . 14 . 18 . . 21 . 22 . 24 . 27 . . 31 . 37 . 38 . 40
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . transitives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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49 . 50 . 54 . 56 . 59 . . 61 . 63 . 66 . 69 . 72
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TABLE DES MATIÈRES 2.10 Le groupe SL2 pZq . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.11 Actions linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.12 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3 Morphismes de groupes 3.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Noyau d’un morphisme de groupes 3.3 Isomorphismes de groupes . . . . . 3.4 Automorphismes intérieurs . . . . . 3.5 Théorème de Cayley . . . . . . . . 3.6 Actions et morphismes de groupes 3.7 Tous les groupes finis . . . . . . . . 3.8 Exercices . . . . . . . . . . . . . .
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72 75 78
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83 . 83 . 85 . 87 . 88 . 88 . 90 . . 91 . 92
4 Groupes quotients et théorème d’isomorphie 4.1 Groupes quotients . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Théorème d’isomorphisme . . . . . . . . . . . . 4.3 Présentations (finies) de groupes . . . . . . . . 4.4 Sous-groupes d’un groupe quotient . . . . . . . 4.5 Groupes monogènes et cycliques . . . . . . . . . 4.6 A5 comme groupe des rotations du dodécaèdre 4.7 Groupes résolubles . . . . . . . . . . . . . . . . 4.8 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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97 97 99 . 101 102 103 105 108 108
5 Produits de groupes 5.1 Le produit direct . . . . 5.2 Le produit direct interne 5.3 Produits semi-directs . . 5.4 Exercices . . . . . . . .
113 113 115 117 119
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6 Groupes abéliens finis 6.1 Groupes cycliques . . . . . . 6.2 Groupes abéliens primaires 6.3 Décomposition primaire . . 6.4 Théorème principal . . . . . 6.5 Exercices . . . . . . . . . .
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121 . . 121 . 122 . 123 . 127 . 128
7 Les p-groupes, et théorèmes de Sylow 129 7.1 Les p-groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 7.2 Théorèmes de Sylow . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
TABLE DES MATIÈRES 7.3
Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5 132
A Théorie des groupes avec le calcul formel
135
B Rappels sur les ensembles et fonctions
137
Solutions de certains exercices
141
Bibliographie commentée
157
Index
161
6
TABLE DES MATIÈRES
Table des figures 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7 1.8 1.9 1.10 1.11 1.12
Symétries d’un triangle équilatéral . . . . . . . . . . . . Cube de Rubik . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Retournements de matelas. . . . . . . . . . . . . . . . . Forme de la molécule C60 . . . . . . . . . . . . . . . . . Table de multiplication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Permutoèdre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Deux graphes de Cayley pour S3 . . . . . . . . . . . . . . Composition de permutations . . . . . . . . . . . . . . . Un cycle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Décomposition en cycles disjoints . . . . . . . . . . . . . Arrangement d’hyperplans dans R3 , correspondant à S4 Réflexions et arrangement de droites . . . . . . . . . . .
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12 12 13 14 22 26 27 32 34 36 37 38
2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6
Orbites dans C pour les translations et rotations Colorations du tétraèdre . . . . . . . . . . . . . . Treillis des sous-groupes de S4 . . . . . . . . . . . Rotations du cube. . . . . . . . . . . . . . . . . . Pavage du plan hyperbolique . . . . . . . . . . . Portion de pavage de R3 par le permutoèdre. . .
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52 62 65 69 74 82
3.1 3.2
Isomorphisme entre les symétries du triangle et S3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Graphe de Cayley de A5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
85 86
4.1 4.2 4.3 4.4 4.5
Graphe de Cayley du groupe libre . . . . . . . . . . . Les cinq cubes inscrits dans le dodécaèdre. . . . . . . Rotation du dodécaèdre . . . . . . . . . . . . . . . . Version réaliste d’un cube inscrit dans le dodécaèdre. Permutation des 5 cubes d’un dodécaèdre . . . . . .
5.1
Graphe de Cayley de Z3 ˆ Z3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
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. . 101 . 105 . 105 . 106 . 107 114
8
TABLE DES FIGURES 5.2
L’octaèdre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
118
TABLE DES FIGURES
9
Avant-propos Ce recueil est en cours d’amélioration. Il est bien de consulter la page internet du cours pour les mises à jour. On remercie d’avance ceux qui prendront la peine de signaler les erreurs de toute nature. La version électronique est dynamique, avec des liens vers plusieurs ressources externes. En particulier, pour les quelques figures ou images provenant d’autres sources, un lien permet de retrouver cette source. Dans tous ces cas, les images sont du domaine public. Les notes contiennent aussi parfois des allusions à des sujets plus avancés, ou externes au cours. Lorsque cela est possible, il y a aussi des liens vers des pages qui expliquent (en partie) ces notions.
10
TABLE DES FIGURES
Chapitre 1
Groupes La notion de groupe joue un rôle fondamental en mathématiques. C’est l’une des principales structures algébriques, avec celles d’anneau, de corps, modules, et espaces vectoriels. D’une part, elle formalise les propriétés de plusieurs des opérations bien connues entre des objets mathématiques divers comme les : nombres, vecteurs, matrices, fonctions, etc. D’autre part, elle donne un contexte clair pour discuter de transformations de toutes sortes : rotations, translations, symétries, etc. ; ou encore de manipulations d’objets. Elle est essentielle pour comprendre des aspects fondamentaux de la physique (théorie de la relativité, théorie des quantas), de la chimie (calcul des isomères), de la cristallographie (symétries des cristaux), de la cryptographie à clé publique (système RSA, courbes elliptiques), et de l’étude des codes correcteurs d’erreurs. Elle joue aussi un rôle fondamental en théorie de Galois 1 (qui étudie la résolution d’équations polynomiales), en théorie des nombres, en géométrie, et dans la théorie des invariants. Bref, c’est l’une des notions les plus intéressantes parmi celles élaborées par les mathématiciens.
1.1
Introduction à la notion de groupe
Souvent, un groupe décrit les transformations possibles d’un objet, ou les manipulations qu’on peut faire sur un objet. On suppose qu’appliquer à l’objet considéré une suite de transformations successives est aussi une transformation. On dira alors qu’on a « composé » les transformations pour en produire une nouvelle. On suppose aussi que défaire une transformation est une transformation. On dira que c’est Le dodécaèdre.
1. Due à Évariste Galois, 1811-1832.
11
12
CHAPITRE 1. GROUPES
à la transformation « inverse ». Le groupe est l’ensemble des transformations possible. Pour fixer les idées, on considère par exemple les diverses rotations du dodécaèdre (voir figure ci-contre), ou encore les symétries possibles d’un triangle équilatéral, comme l’illustre la figure 1.1. On constate qu’il y a 3 manières de faire effectuer une symétrie de rotation du triangle, et 3 symétries axiales (de réflexions).
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ñ Figure 1.1 – Les symétries d’un triangle équilatéral. Comme nous allons le voir dans ce cours, le fait d’en comprendre les transformations possibles permet de mieux saisir le rôle d’un objet, et d’en dégager les propriétés essentielles. Pour illustrer le sens de cette affirmation, considérons le fameux casse-tête qu’est le Cube de Rubik. Les mouvements possibles consistent à faire tourner une des 6 « faces » du cube de 90˝ , comme l’illustre la figure ci-contre. L’objectif est de ramener le cube à son état original (à savoir celui où les faces sont toutes d’une couleur uniforme), par une succession de tels mouvements. Dans ce contexte, on considère donc le « groupe » de toutes les suites possibles de rotation des faces. Comprendre ce groupe permet de comprendre comment résoudre le cube. Grâce à la théorie Figure 1.2 – Le Cube des groupes, on peut calculer 2 qu’il y a de Rubik. p38 ˆ 212 ˆ 12! ˆ 8!q{12 “ 43252003274489856000 états (positions) possibles du cube, dont une seule est la bonne (la solution). Lorsqu’on manipule le cube, on s’aperçoit rapidement que le résoudre n’est pas facile. Par essai et erreur, on découvre (assez) vite comment rendre une des faces à son état de couleur uniforme ; puis, un peu moins rapidement, comment s’approcher de la solution. Malheureusement, quand on en est tout proche, on s’aperçoit qu’il 2. La théorie aide à trouver la bonne formule.
1.1. INTRODUCTION À LA NOTION DE GROUPE
13
faut revenir en arrière (et défaire en partie ce que l’on a fait) pour arriver à la solution. C’est alors loin d’être évident. Heureusement, si on la connaît, la théorie des groupes permet d’organiser les étapes nécessaires. Donc, en un certain sens, le problème du Cube de Rubik est un problème de théorie des groupes appliquée. La manipulation du Cube permet d’illustrer beaucoup des concepts de base de la théorie. Même à la maison, la théorie des groupes trouve application. Dans un article du New York Times, on décrit (sourire en coin) les diverses manières de retourner un matelas grâce à la théorie des groupes pour en éviter la déformation. On considère d’abord que les coins du matelas sont étiquetés comme l’illustre la figure ci-contre 3 . Il y a trois manipulations possibles du matelas, illustrées à la figure 1.3.
Figure 1.3 – Retournements de matelas. Le matelas peut se retrouver dans l’un de quatre états, illustrés à la figure ci-contre, avec les diverses manipulations qui permettent de passer d’un état à l’autre. En un certain sens aussi, il y a une grande analogie avec la physique mathématique. Pour comprendre un objet physique (ou un phénomène), la clé consiste à comprendre le groupe des transformations de cet objet. Par exemple, dans la découverte du « buckminsterfullerène 4 », une molécule constituée de 60 atomes de carbone assemblés comme l’indique la figure 1.1, la théorie des groupes à permis de calculer le spectre de cette molécule avant même qu’on en ait trouvé des exemples dans la nature (autant sur Terre que dans l’espace). États et transitions pour le matelas. Cela détermine quelles sont les notions qu’on peut utiliser pour formuler les lois de la physique qui régissent le comportement de cet objet (ou phénomène). La théorie des groupes est donc cruciale pour dégager les théories de la physique. Ainsi, les lois de la relativité générale, les équations de Maxwell, et 3. Les figures sont celles du New York Times 4. Ainsi appelé en l’honneur de Richard Buckminster Fuller (1895–1983), le concepteur de la biosphère.
14
CHAPITRE 1. GROUPES
les équations de Dirac décrivant les propriétés des électrons sont « invariantes » pour les transformations du groupe de Lorentz 5 . Grâce à ce fait, on peut fortement circonscrire leur formulation. Voilà pourquoi plusieurs livres de la physique moderne amorcent leurs exposés avec la théorie des groupes.
Figure 1.4 – Forme de la molécule C60 , la buckminsterfullerène, et la biosphère.
1.2
Définition de groupes La théorie des groupes est née de la convergence de plusieurs domaines : théorie des nombres, géométrie, résolution d’équations algébriques, etc. Elle s’est dégagée dans la seconde moitié du 19e siècle. C’est à Galois qu’on doit le terme « groupe », qu’il a utilisé un peu au sens de « regroupement » pour des transformations. On s’est ensuite aperçu qu’elle permettait d’unifier plusieurs notions considérées à l’époque, pour autant qu’on en isole les propriétés correctement. On trouve beaucoup des notions modernes sur les groupes dans le Traité des substitutions et des équations algébriques publié en 1870 par Jordan 6 . Abstraitement donc, un groupe est simplement un ensemble muni d’une opération avec de bonnes propriétés. Dans un premier temps, nous allons en donner une description précise, pour ensuite donner corps à la notion en présentant une famille d’exemples typiques. En ce sens, on procède donc à l’inverse de ce qui s’est produit historiquement.
5. Hendrik Lorentz, (1853-1928). Pour plus de détails, voir groupe de Lorentz. 6. Camille Jordan, (1838-1922).
1.2. DÉFINITION DE GROUPES
15
Loi de composition, ou opération. Pour la suite, on suppose que E est un ensemble non vide. On dit d’une fonction ˚ : E ˆ E Ñ E que c’est une loi de composition sur E, ou une opération binaire sur E. On note pE, ˚q le fait que l’ensemble E est muni d’une opération binaire. Dans ce cas, on utilise souvent une notation infixe, c’est-à-dire que ˚ : E ˆ E ›Ñ E,
avec
px, yq fi›Ñ x ˚ y,
où l’image de px, yq par la fonction « ˚ » est notée x ˚ y. Parmi les lois de composition, certaines possèdent des propriétés particulières qui les rendent plus intéressantes. Le choix de ces propriétés n’est pas arbitraire. En effet, c’est une vaste expérience mathématique qui a permis de dégager qu’elles sont les propriétés qui donnent à une loi de composition une structure suffisamment riche pour qu’elle ait un impact important sur l’étude d’un contexte dans lequel elle apparaît. Nous aurons maintes fois l’occasion de constater qu’une fois mises en évidence ces propriétés apparaissent toutes naturelles. On dit d’une loi de composition (opération) ˚, qu’elle est (1) associative si x ˚ py ˚ zq “ px ˚ yq ˚ z, pour tout x, y, z P E. (2) commutative si x ˚ y “ y ˚ x pour tout x, y P E.
On remarque que, si ˚ est associative, alors on peut écrire x ˚ y ˚ z au lieu de px ˚ yq ˚ z “ px ˚ yq ˚ z, puisqu’il n’y a pas d’ambiguïté sur la façon de faire le calcul. Bien entendu, toutes les lois ne sont pas associatives. Exemples. Par exemple, on a (a) Les opérations usuelles d’addition « ` » et de multiplication « ¨ » d’entiers (dans Z) sont toutes deux commutatives et associatives. Il en est de même pour les entiers modulo n, c.-à-d. dans Zn “ Z{nZ. Dans ce qui suit, on suppose que l’ensemble Zn est identifié 7 à t0, 1, . . . , nu.
(b) La loi de composition ‹ : px, yq fiÑ xy ` 1 sur N est commutative, mais pas associative. En effet, pour x, y, z P N, on a px ‹ yq ‹ z “ pxy ` 1q ‹ z “ pxy ` 1qz ` 1 “ xyz ` z ` 1,
et
x ‹ py ‹ zq “ x ‹ pyz ` 1q “ xpyz ` 1q “ xyz ` x ` 1. Les résultats sont donc sont manifestement différent si x “ z.
(c) On vérifie facilement que l’opération x ‹ y :“ xy , pour x et y dans N, n’est ni associative ni commutative. (d) Dans l’ensemble Mn pRq des matrices n ˆ n à coefficients réels, l’addition est une loi associative et commutative, tandis que la multiplication est une loi associative, mais pas commutative en général (voir Exercice 1.16). 7. C’est un léger abus de langage qui sera rediscuté au Chapitre 4.
16
CHAPITRE 1. GROUPES
Pour une opération ˚ sur E, et A Ñ E, on dit que l’ensemble A est stable pour ˚, si pour tout x, y P A on a x ˚ y P A. On dit parfois que A hérite de l’opération 8 de E. Autrement dit, ˚ est aussi une opération sur A car la fonction ˚ : A ˆ A ›Ñ A,
avec
px, yq fi›Ñ x ˚ y
est bien définie. On peut donc considérer la structure algébrique pA, ˚q. L’associativité est héréditaire, c.-à-d.que si ˚ est associative dans E, et A est stable pour ˚, alors ˚ restreint à A est aussi associative. En effet, l’égalité x ˚ py ˚ zq “ px ˚ yq ˚ z est vraie pour tout x, y, z P E, donc en particulier pour tout x, y, z P A sous-ensemble de E. On constate de la même manière que la commutativité est héréditaire. Nous aurons plusieurs exemples de cette situation dans ce qui suit. Considéré comme sous-ensemble de Z, l’ensemble Z˚ (des entiers non nuls) est stable pour la multiplication, mais Z˚ n’est pas stable pour l’addition, puisqu’on observe que 1 ` p´1q “ 0 R Z˚ . Élément neutre, et monoïdes. Tout comme c’est le cas de 1 pour la multiplication usuelle, ou de 0 pour l’addition, plusieurs opérations admettent des « éléments neutres ». Plus généralement, pour ˚ une opération sur E, on dit que pE, ˚q possède un élément neutre s’il existe un élément e P E, tel que x ˚ e “ e ˚ x “ x pour tout x P E ; . Un monoïde est un couple pE, ˚q, où ˚ est une opération associative qui admet un élément neutre. Un monoïde est dit commutatif, si l’opération est de plus commutative. Si pE, ˚q possède un élément neutre e, alors cet élément neutre est unique. En effet, soit e et e1 deux candidats, alors e “ e ˚ e1 “ e1 ˚ e “ e1 , et donc e et e1 coïncident forcément. Il est clair que si A Ñ E est stable pour ˚ et e P A, alors e est élément neutre pour pA, ˚q. Dès la petite école on apprend que les opérations de pZ, `q et pQ, ¨q sont commutatives. En algèbre linéaire on est confronté (souvent pour la première fois) à une opération non commutative : la multiplication de matrices. Éléments inversibles, et groupes. Une autre façon de concevoir la division de nombres x{y (resp. la soustraction x ´ y) et de penser qu’elle correspond à la multiplication de x par « l’inverse » multiplicatif 1{y, de y (resp. l’addition de l’inverse additif ´y). Cette approche est plus naturelle lorsqu’on cherche à généraliser, et on en arrive à la définition suivante. On dit que x P E est inversible dans pE, ˚q s’il existe y P E tel que x ˚ y “ y ˚ x “ e. Dans pZ, `q, l’inverse de x est ´x. Dans pQ˚ , ¨q, l’inverse de x est 1{x. Dans un premier cours d’algèbre linéaire, on montre qu’une matrice n ˆ n réelle est inversible pour la multiplication de matrices, si et seulement si son déterminant est non nul. On désigne habituellement par GLn pRq l’ensemble des matrices réelles de déterminant non nul. Nous sommes maintenant prêts à donner une définition précise de la notion de groupe. On dit que pE, ˚q est un groupe si pE, ˚q est un monoïde, et si tous les éléments de E sont inversibles. Un groupe pE, ˚q est dit abélien 9 , ou commutatif, si de plus l’opération ˚ est commutative. Par exemple, pZ, `q et pQ˚ , ¨q sont des groupes abéliens, mais pGLn pRq, ¨q ne l’est pas. 8. Rigoureusement parlant, on devrait dénoter ‹|AˆA la restriction de ‹ à A, mais il n’y a pas risque de confusion. 9. Du mathématicien norvégien Niels H. Abel (1802-1829).
1.2. DÉFINITION DE GROUPES
17
Notre définition de groupe est naturelle, mais légèrement redondante. Pour simplifier le travail de vérification qu’on a bien un groupe pG, ‹q, il est parfois utile de la reformuler un peu. De façon équivalente, on constate que pG, ˚q est un aussi groupe si et seulement si (1) ˚ est associative ;
(2) il existe e P G tel que, pour tout x P G, e ˚ x “ x ; (3) pour tout x P G il existe y P G tel que y ˚ x “ e.
( élément neutre à gauche) ; ( élément inversible à gauche).
L’implication directe est une conséquence immédiate des définitions. Supposons maintenant que pG, ˚q vérifie les trois conditions susmentionnées. Comme on sait déjà que ˚ est associative, il suffit de vérifier que pG, ˚q possède un élément neutre (à droite autant qu’à gauche), et que tout élément de G est inversible (aussi à droite autant qu’à gauche). Par hypothèse, chaque x P G admet un inverse à gauche y P G. Reste à vérifier que x ˚ y “ e. Or, comme y P G, il existe également z P G tel que z ˚ y “ e. On calcule alors que x ˚ y “ e ˚ px ˚ yq “ pz ˚ yq ˚ px ˚ yq “ z ˚ py ˚ xq ˚ y “ z ˚ e ˚ y “ z ˚ y “ e, ce qui donne la propriété désirée. De façon très semblable, pour voir que e (l’élément neutre à gauche) est aussi élément neutre à droite, on calcule comme suit. Pour x P G, on sait maintenant qu’il existe y P G tel que y ˚ x “ x ˚ y “ e, et on calcule que x ˚ e “ x ˚ py ˚ xq “ px ˚ yq ˚ x “ e ˚ x “ x. On observe que dans tout monoïde pE, ˚q, où l’élément neutre est noté e, l’inverse d’un élément, s’il existe, est unique. En effet, pour x P E, si y, y 1 P E deux inverses potentiels, alors y “ y ˚ e “ y ˚ px ˚ y 1 q “ py ˚ xq ˚ y 1 “ e ˚ y 1 “ y 1 . r. On vérifie Il sont donc forcément égaux. On peut donc parler de l’inverse 10 de x, et on le note x facilement (voir Exercice 1.3) que r x r “ x, et er “ e. (1.1) On dénote par E ˆ l’ensemble des éléments inversibles de E :
E ˆ :“ tx P E | x est inversibleu.
(1.2)
La proposition suivante fournit un outil général pour « construire » des groupes. Proposition 1.1. Si pE, ˚q est un monoïde, alors pE ˆ , ˚q est un groupe dont l’élément neutre est e. r. De plus, xÇ ˚ y “ yr ˚ x Démonstration. Il faut montrer que
10. La subtilité réside dans l’utilisation du « l »-apostrophe, qui souligne l’unicité.
18
CHAPITRE 1. GROUPES (1) ˚ est une opération sur E ˆ ; en d’autres termes, que E ˆ est stable pour ˚ ; (2) pE, ˚q est un monoïde d’élément neutre e ; (3) Tout élément de E ˆ est inversible.
Montrons d’abord (1). Il suffit de vérifier que si x, y sont inversibles dans E, alors x ˚ y l’est aussi dans E. On a r ˚ x ˚ y “ e “ x ˚ y ˚ yr ˚ x r “ px ˚ yq ˚ pÇ pÇ x ˚ yq ˚ px ˚ yq “ yr ˚ x x ˚ yq
Donc x ˚ y est inversible et son inverse est yr ˚ x r. En particulier, comme xÇ ˚ y est aussi inversible dans E ˆ (d’inverse x ˚ y), tout élément de E ˆ est inversible, ce qui montre (iii).
Montrons maintenant (2). On sait que E ˆ est stable pour ˚ donc par hérédité, ˚ est associative sur E ˆ . Puisque er “ e car e ˚ e “ e, alors e P E ˆ et donc pE ˆ , ˚q est un monoïde. Un monoïde pE, ˚q est donc un groupe si et seulement si E “ E ˆ .
Notation additive et multiplicative des groupes. Les conventions suivantes sont d’une utilisation généralisée, et pratique si on en comprend bien le sens. Cependant, elles mènent parfois à la confusion si on en ignore la portée. Lorsque le contexte est clair, on dit souvent que G est un « groupe » (sans mentionner l’opération), au lieu de pG, ¨q. Sauf mention contraire, on note habituellement les opérations de groupes multiplicativement : px, yq fiÑ xy, et on dit que ce sont des produits 11 . De plus, on écrit x´1 “ x r pour l’inverse de x P G, et l’élément neutre est noté 1, ou 1G . Dans le cas spécial où le groupe pG, ˚q est un groupe abélien, on note plutôt l’opération additivement : px, yq fiÑ x ` y, et r pour l’inverse de x P G, appelé aussi opposé on dit que ce sont des sommes. On écrit alors ´x “ x de x, et l’élément neutre est noté 0, ou 0G .
1.3
Exemples classiques
Les exemples classiques suivants (certains déjà mentionnés) apparaissent naturellement dans divers contextes des mathématiques. Leur variété souligne l’importance de la notion de groupe. Évidemment, les premiers exemples sont les plus simples. L’addition de nombres. L’addition de nombres complexes pa, bq fiÑ a ` b est une loi de composition sur C, et pC, `q est un groupe abélien d’élément neutre 0. De même
(a) pN, `q, pZ´ , `q, pQ` , `q, pR´ , `q et pR` , `q sont des monoïdes commutatifs. En effet, ces sous-ensembles sont stables pour `, et ils héritent donc de l’associativité et de la commutativité.
11. Bien que la plupart du temps ce ne sont pas des produits usuels.
1.3. EXEMPLES CLASSIQUES
19
Cependant tous leurs éléments ne sont pas inversibles. Observons que l’opposé de 2 n’existe pas dans (N, `q, ni pQ` , `q, ni dans pR` , `q ;
(b) pZ, `q, pQ, `q, pR, `q sont des groupes : il est clair que ce sont des monoïdes, où tous les éléments ont des opposés ; (c) Les ensembles Z˚ , Q˚ , R˚ , et C˚ (dans chaque cas privé de 0) ne sont pas stables pour `, puisque (par exemple) 1 ` p´1q “ 0 n’appartient à aucun de ces ensembles ;
(d) Pour tout n P N, on a que pnZ, `q est un groupe. En effet, on peut restreindre l’addition à nZ puisque nZ est stable pour l’addition. De plus, 0 P nZ, et donc pnZ, `q est un monoïde. Enfin, nk P nZ est inversible dans nZ, car son opposé est np´kq P nZ. La multiplication de nombres. La multiplication de nombres complexes pa, bq fiÑ ab est une loi de composition sur C, et pC, ¨q est un monoïde commutatif. Par ailleurs, puisque Cˆ “ C˚ , on a le groupe abélien pC˚ , ¨q, d’élément neutre 1. De plus,
(a) pN˚ , ¨q et pZ˚ , ¨q sont des monoïdes commutatifs, puisque les sous-ensembles correspondants sont stables pour ¨. Ils héritent donc de l’associativité et de la commutativité. Cependant, tous leurs éléments ne sont pas inversibles. Par exemple, l’inverse de 2 n’existe pas, ni dans N, ni dans Z.
(b) pQ˚ , ¨q et pR˚ , ¨q sont des groupes. Puisque ce sont des sous-ensembles stables de C˚ , il est clair que ce sont des monoïdes. De plus, tous les éléments sont inversibles. (c) Z´ n’est pas stable pour « ¨ ». En effet, le produit de deux nombres négatifs est positif.
(d) pour n P N˚ , on a que pnZ, ¨q est un monoïde si et seulement si n “ 1. En effet, on peut vérifier directement que nZ est stable pour la multiplication. Cependant, 1 P nZ si et seulement si n “ 1. Algèbre linéaire. Tout espace vectoriel est un groupe abélien pour l’addition de vecteurs (voir Exercice 1.6). De plus, pour n P N on constate que (a) pMn pRq, `q est un groupe abélien ;
(b) pMn pRq, ¨q est un monoïde (non commutatif) dont l’élément neutre est la matrice identité In . (c) Dans pMn pRq, ¨q, l’ensemble des inversibles est
GLn pRq “ pMn pRqqˆ “ tM P Mn pRq | détpM q “ 0u. En vertu de la proposition 1.1, pGLn pRq, ¨q est un groupe. On l’appelle le groupe linéaire. Il est non abélien si n ° 1. De plus, pABq´1 “ B ´1 A´1 (attention, ici l’ordre de multiplication est important, car l’opération n’est pas commutative).
20
CHAPITRE 1. GROUPES
Ensembles quotients Zn . Les entiers modulo n joue un rôle important dans plusieurs contextes. Ils sont introduits dans les tout premiers cours universitaires. On montre que (a) pZn , `q est un groupe abélien.
(b) pZn , ¨q est un monoïde commutatif, mais pas un groupe. (c) ppZn qˆ , ¨q est un groupe abélien.
On invite le lecteur à vérifier ces affirmations en exercice (voir Exer 1.5). Fonctions et bijections. On désigne par FonctpE, Eq l’ensemble des fonctions de E vers E. Observons que cet ensemble est toujours non vide, même si E est vide 12 . Comme d’habitude la composition de fonction est dénotée pf, gq fiÑ f ˝ g, avec pf ˝ gqpxq “ f pgpxqq. On désigne par SE l’ensemble des bijections de E vers E. Puisque, par définition, les bijections sont les fonctions qui admettent un inverse pour la composition de fonctions, c’est donc dire dire que SE “ pFonctpE, Eqqˆ .
(1.3)
On dit aussi de dans SE que c’est une permutation de E. Puisque la composition est une opération associative sur FonctpE, Eq (voir Exercice 1.10), il s’ensuit que pFonctpE, Eq, ˝q est un monoïde (non commutatif en général). La fonction identité IdE , telle que IdE pxq :“ x, est l’élément neutre dans pFonctpE, Eq, ˝q. C’est donc que pFonctpE, Eq, ˝q est un monoïde. L’égalité (1.3) implique que pSE , ˝q est un groupe. On dit que c’est le groupe symétrique, ou groupe des permutations, de l’ensemble E. Lorsque E “ t1 . . . , nu on écrit traditionnellement Sn plutôt que SE . Les éléments de Sn sont souvent représentés par des matrices 2 ˆ n. Ainsi, pour P Sn , on note “
ˆ
1 p1q
2 ... p2q . . .
˙ n . pnq
On écrit aussi souvent “ p1q p2q . . . pnq. Nous allons voir que les groupes symétriques jouent un rôle fondamental en mathématiques. Dans Sn , on omet souvent le symbole de composition de fonctions, et on note multiplicativement la loi de composition. On écrit alors ⌧ , plutôt que ˝ ⌧ , et l’identité est notée e (pour ne pas confondre avec le nombre 1, qui joue ici un autre rôle). Par exemple, les éléments de S3 sont (dans les deux notations) ˆ 1 1 ˆ 1 3
˙ ˆ 2 3 1 “ 123, 2 3 2 ˙ ˆ 2 3 1 “ 321, 2 1 2
ˆ 1 “ 213, 1 ˙ ˆ 2 3 1 “ 231, 3 1 3 2 3 1 3
˙
12. Il y a une et une seule fonction de H vers H, et c’est une bijection.
˙ 2 3 “ 132, 3 2 ˙ 2 3 “ 312. 1 2
1.4. TABLE DE MULTIPLICATION D’UN GROUPE
21
Transformations linéaires. Soit E un espace vectoriel, alors l’ensemble des transformations linéaires bijectives sur E, noté GLpEq, est un sous-ensemble de SE . Comme la composée d’applications linéaires est linéaire, on en déduit que pGLpEq, ˝q est un groupe. C’est le groupe général linéaire sur E. On verra plus tard, via la notion d’isomorphisme de groupes, que c’est (presque) le « même » groupe que GLn “ GLn pRq, quand E est un espace vectoriel réel de dimension n. Un autre groupe typique est le groupe spécial linéaire SLn pRq des transformations linéaires de Rn vers Rn , ayant déterminant 1. Ce sont des exemples de Groupes de Lie 13 .
Le groupe affine. Un groupe plus général (ici décrit pour Rn ) que celui de la dernière section est le groupe GAn pRq. Décrit en terme de matrices, c’est l’ensemble des transformations f de Rn vers Rn , de la forme X fiÑ f pXq :“ A X ` B, où A est une matrice n ˆ n de déterminant non nul, et B est un vecteur (colonne) dans Rn . Ici, X est aussi considéré comme vecteur colonne. L’inverse de f est f ´1 pXq :“ A´1 X ´ A´1 B. Le groupe affine transforme des droites dans des droites, des plans dans des plans, etc. Il préserve le parallélisme, les points milieu de segments, ou même le proportions sur une droite, etc. La géométrie affine correspond à étudier les théorèmes qui restent « invariants » 14 par transformations affines. Ainsi, parce que les concepts intervenants dans son énoncé sont préservés par les transformations affines, on peut ramener la preuve du fait que les trois médianes d’un triangle se coupent en un et un seul point, au cas du triangle équilatéral. En effet, il existe une (et une seule) transformation affine de R2 qui transforme n’importe quel triangle en un triangle équilatéral, et cette transformation envoie forcément l’intersection des trois médianes d’un des triangles dans l’autre. La géométrie projective correspond à faire une même démarche analogue avec le groupe « projectif », de même pour d’autres géométries. C’est l’idée du Programme d’Erlangen de Felix Klein.
1.4
Table de multiplication d’un groupe
On peut représenter un monoïde, ou un groupe, par sa table de multiplication. C’est une matrice (qui peut être infinie) telle que chaque ligne et chaque colonne est indexée par un élément ; à l’intersection de la ligne x et de la colonne y, on met le produit de x par y. Par exemple, la table de multiplication 13. Sophus Lie (1842–1899). 14. Il y a une notion mathématique précise, que nous ne présentons pas ici.
22
CHAPITRE 1. GROUPES
de S3 est e 132 213 231 312 321
e e 132 213 231 312 321
132 132 e 231 213 321 312
213 213 312 e 321 132 231
231 231 321 132 312 e 213
312 312 213 321 e 231 132
321 321 231 312 132 213 e
On remarque que S3 n’est pas abélien, car 231 ˝ 132 “ 213 “ 321 “ 132 ˝ 231. On peut clairement voir dans la table de multiplication les inverses de chaque élément. En effet, l’inverse de l’élément x est y si l’intersection de la ligne x avec la colonne y est e. Une façon de décrire un (petit) groupe fini consiste parfois à en donner la liste de ces éléments, puis à donner explicitement sa table de multiplication (en s’assurant qu’elle respecte l’associativité). Ainsi, on a le groupe dont les éléments sont G “ t1, a, b, ab, ba, abau, avec la multiplication donnée par la table de la figure 1.5. 1
a
b
ab
ba aba
1
1
a
b
ab
ba aba
a
a
1
ab
b
aba ba
b
b
ba aba
a
ab
1
ab
ab aba ba
1
b
a
ba
ba
b
a
aba
1
ab
aba aba ab
1
ba
a
b
Figure 1.5 – La table de multiplication du groupe G.
1.5
Règles de calcul
L’inverse d’un produit. On a déjà vu plus haut que si x, y sont dans un groupe G alors pxyq´1 “ y ´1 x´1 . Plus généralement, ´1 px1 x2 . . . xn q´1 “ x1n . . . x´1 2 x1 .
1.5. RÈGLES DE CALCUL
23
Comme le groupe n’est pas forcément abélien, on a en général pxyq´1 “ y ´1 x´1 “ x´1 y ´1 “ pyxq´1 , sinon xy “ yx car px´1 q´1 “ x. Par exemple, dans GL2 pRq, on a les matrices ˆ ˙ ˆ ˙ 1 1 1 1 x“ et y “ , 1 0 0 1 pour lesquelles on a
ˆ ˙ ˆ ˙ 1 2 2 1 xy “ “ yx “ . 1 1 1 0
Bien entendu, si G est un groupe abélien, noté additivement, alors l’opposé de x ` y est ´x ´ y “ ´y ´ x. Puissances d’éléments. Soit x P G et n, m P N alors l’associativité de l’opération du groupe G permet de définir le produit xn comme suit $ &xn´1 x si n ° 0, xn :“ %1 si n “ 0, où 1 désigne l’élément neutre du groupe. En notation additive, on a plutôt $ &pn ´ 1q ¨ x ` x si n ° 0, n ¨ x :“ %0 si n “ 0. De plus, on montre facilement (par récurrence) que xn xm “ xn`m ,
pou encore n ¨ x ` m ¨ x “ pn ` mq ¨ x en notation additiveq.
(1.4)
Attention, si le groupe G n’est pas commutatif, pxyqn “ xn y n . On peut seulement affirmer que pxyqn “ xy xy ¨ ¨ ¨ xy . looooomooooon 2n termes
Il est pratique de considérer aussi les puissances négatives, en posant pour n ° 0, que x´n :“ pxn q´1 “ px´1 qn . En notation additive, on a ´pn ¨ xq “ p´nq ¨ x. On vérifie alors que, pour tout m, n P Z, on a encore la règle des exposants (1.4) (de même pour la version additive).
24
CHAPITRE 1. GROUPES
1.6
Sous-groupes
On a vu précédemment que pour montrer que pA, ¨q est un groupe, pour A un sous-ensemble de G, il suffisait de montrer que A est stable pour l’opération, contient le neutre e de G, et que les inverses des éléments de A sont aussi dans A. C’est une notion qui mérite d’être explorée, et on pose la définition suivante. Soit H, un sous-ensemble stable de G, qui contient l’élément neutre e de G, et tel que l’inverse x´1 soit aussi dans H pour tout x P H. On dit alors que H est un sous-groupe de G. Si H est un sous-groupe de G, on écrit H § G. On voit facilement que H “ teu et G sont des sous-groupes de G. Un sous-groupe différent de G et de teu est dit sous-groupe propre. Pour montrer que pE, ˚q est un groupe, il est souvent plus facile de montrer que c’est un sous-groupe d’un groupe déjà connu. On a les (chaînes de) sous-groupes suivants : pnZ, `q § pZ, `q § pQ, `q § pR, `q § pC, `q; pQ˚ , ¨q § pR˚ , ¨q § pC, ¨q.
De plus, pour tout espace vectoriel, GLpEq § SE . Pour un groupe G, l’ensemble ZpGq “ tx P G | gx “ xg pour tout g P Gu est un sous-groupe de G appelé le centre du groupe G. C’est en fait un groupe abélien. En effet, eg “ ge “ g pour tout g P G donc e P ZpGq (et donc ZpGq est non vide). Soit x, y P G et g P G, alors pxyqg “ xpygq “ xpgyq “ pxgqy “ gpxyq donc xy P ZpGq et ZpGq est stable pour la loi induite par G. Finalement, si x P ZpGq et g P G, alors gx “ xg
ùñ
x´1 pgxqx´1 “ x´1 pxgqx´1
ùñ
x´1 g “ gx´1 .
Donc x´1 P ZpGq. Donc ZpGq § G. De plus, si x, g P ZpGq alors xg “ gx par définition, donc ZpGq est abélien. On observe que G est abélien si et seulement si ZpGq “ G. Proposition 1.2. Les seuls sous-groupes de pZ, `q sont de la forme nZ, pour n P N. Démonstration. Voir exercice 1.11. Proposition 1.3. Soit G un groupe. (1) Soit H Ñ G, alors H est un sous-groupe de G si et seulement si e P H et pour tout x, y P H on a xy ´1 P H. (2) Si H § G et K § H alors K § G (la relation § est transitive).
(3) L’intersection non vide d’une famille de sous-groupes de G est un sous-groupe de G. Démonstration. Voir exercice 1.12.
1.6. SOUS-GROUPES
25
Sous-groupes engendrés. Dans le groupe Z, avec l’addition, tout élément s’écrit sous la forme x “ loooooooomoooooooon 1 ` 1 ` ... ` 1. n-fois
Autrement dit Z est engendré par 1. C’est le plus petit sous-groupe de Z qui contient 1, en vertu de la proposition 1.2. Plus généralement, pour G un groupe et S Ñ G, on note xSy l’intersection de tous les sous-groupes de G qui contiennent S. C’est un sous-groupe de G (proposition 1.3) appelé sous-groupe engendré par S. Si G “ xSy, alors on dit que G est engendré par S, et que S est une partie génératrice de G. On dit des éléments de S que ce sont des générateurs de G. Lorsque S “ tsu, alors on dénote plus simplement 15 par xsy le sous-groupe engendré par s P G. Si G “ xsy on dit que G est monogène. La proposition suivante clarifie certains aspects de ces définitions. Proposition 1.4. Soit G un groupe et S Ñ G.
(1) Dans PpGq ordonné par l’inclusion, xSy est le plus petit sous-groupe de G contenant S. (2) Pour S “ H alors xSy “ teu. Sinon,
xSy “ tx1 . . . xn | n P N, xi P S ou x´1 i P S, pour tout 1 § i § nu. Les éléments de xSy sont les produits 16 constitués de générateurs ou de leurs inverses. En notation additive, on a xSy “ tx1 ` ¨ ¨ ¨ ` xn | n P N, xi P S ou ´ xi P S, pour tout 1 § i § nu. Démonstration. (1) Il faut montrer que xSy est le plus petit élément dans l’ensemble ⇤ “ tH P PpGq | H § G, S Ñ Hu. Par définition, si H P ⇤, alors H apparaît dans l’intersection de tous les sous-groupes de G qui contiennent S. En d’autres termes, xSy Ñ H. Donc xSy P ⇤ est bien le plus petit élément de l’ensemble ⇤ de tous les sous-groupes de G qui contiennent S. (2) Soit S ‰ H. Posons H “ tx1 . . . xn | n P N˚ xi P S ou x´1 P S pour tout 1 § i § nu. On i ´1 remarque que S Ñ H et si s P S alors e “ ss P H. Soit y “ y1 . . . yn et z “ z1 . . . zm des éléments de H, où yi , zj P S ou zi´1 , zj´1 P S. Alors ´1 yz ´1 “ y1 . . . yn zm . . . z1´1 .
15. Au lieu d’écrire xtsuy. 16. Rappelons qu’un produit vide (n “ 0) est égal à 1, et qu’une somme vide est égale à 0.
26
CHAPITRE 1. GROUPES Puisque yi zj P S ou zi´1 , zj´1 P S, yz ´1 est bien le produit d’élément de S ou de leurs inverses. Ainsi xy ´1 P H. On en déduit en vertu de la proposition 1.3 que H § G, d’où H P ⇤. En vertu de (1) on sait donc que xSy Ñ ⇤. Montrons maintenant l’inclusion inverse. Soit K P ⇤ et x “ x1 . . . xn P H avec xi P S Ñ K ou x´1 P S Ñ K. Donc, puisque K est un groupe, i ´1 P K pour tout 1 § i § n. D’où x “ x . . . x Ñ K. On en conclut que H Ñ K. xi “ px´1 q 1 n i Donc H est le plus petit élément de ⇤ pour l’inclusion. Autrement dit, H “ xSy par (1).
Exemples. (a) Z “ x1y est un groupe monogène pour l’addition. En effet, si n P Z est positif, alors n “ 1 ` 1 ` ¨ ¨ ¨ ` 1 ; et si n P Z est négatif, on a n “ looooooooooooooomooooooooooooooon p´1q ` p´1q ` ¨ ¨ ¨ ` p´1q. loooooooomoooooooon n fois
(b) nZ “ xny est aussi un groupe monogène pour l’addition.
|n| fois
(c) Zn “ x1y est encore un groupe monogène (pour l’addition).
(d) Posons ⌧1 :“ 213 et ⌧2 :“ 132. Alors S3 “ x⌧1 , ⌧2 y, car 321 “ ⌧1 ⌧2 ⌧1 “ ⌧2 ⌧1 ⌧2 ; 312 “ ⌧1 ⌧2 et 132 “ ⌧2 ⌧1 . D’où S3 “ te, ⌧1 , ⌧2 , ⌧1 ⌧2 , ⌧2 ⌧1 , ⌧1 ⌧2 ⌧1 u. (e) Posant
:“ 231, on vérifie que S3 “ x⌧1 , y. En effet, ⌧2 “ ⌧1 , 321 “ ⌧1 et
Ces exemples permettent d’observer que l’expression d’un élément comme produit de générateurs n’est pas unique. Ainsi on a, 321 “ ⌧1 ⌧2 ⌧1 “ ⌧2 ⌧1 ⌧2 dans S3 ; et 1 “ 1 ` 1 ` 1 ` 1 dans Z3 (noté additivement). On dit de telles expressions que ce sont des relations dans le groupe. D’autre part, les deux derniers exemples montrent que la partie génératrice d’un groupe n’est pas nécessairement unique (ici on donne deux façons de décrire S3 ). Une façon de visualiser comment un graphe se décrit en terme de générateurs est de construire le graphe de Cayley associé à ces générateurs. Les sommets du graphe sont les éléments du groupe. Pour chaque générateur s, on a un arc de g à h : g
s
/ h,
ssi
s g “ h.
“
2
“
´1 .
p23q
p34q e
p12q
Figure 1.6 – Permutoèdre.
On donne souvent des couleurs différentes aux arcs, selon les générateurs auxquels ils correspondent. Une autre habitude courante est de remplacer les arcs aller-retour qui correspondent à des involutions par une seule arête non orientée. Par exemple, on dit du graphe de Cayley du groupe S4 , pour les générateurs ⌧i “ pi, i ` 1q, que c’est le permutoèdre. Les arêtes bleues, rouges et vertes correspondent respectivement à la multiplication par les transpositions p12q, p23q et p34q. Les hexagones viennent de ce que p12qp23qp12qp23qp12qp23q “ e, et p23qp34qp23qp34qp23qp34q “ e, et les carrés de p12qp34qp12qp34q “ e. Bien entendu, un même groupe donne lieu à plusieurs graphes de Cayley différents, selon que l’on considère des systèmes de générateurs différents. Ainsi, le graphe
1.7. ORDRE D’UN GROUPE, ORDRE D’UN ÉLÉMENT
27
de Cayley pour S3 , avec les générateurs ⌧1 “ p12q et ⌧2 “ p23q donne le graphe de gauche dans la figure 1.7 ; tandis qu’avec les générateurs ⌧1 “ p12q et “ p123q, on obtient plutôt le graphe de droite de cette même figure. p13q
p13q
p132q
p123q
p132q
p123q
p23q
p12q
p23q
p12q
e p12q
p23q
e p12q
p123q
Figure 1.7 – Deux graphes de Cayley pour S3 . Proposition 1.5. Soit G “ xsy “ tsn | n P Zu un groupe monogène, alors G est abélien. De plus, la fonction f : Z Ñ xxy définie en posant f pkq :“ xk est surjective, et vérifie f pk ` `q “ f pkqf p`q ; et l’ensemble tk P Z| f pkq “ eu, est un sous-groupe de Z. Démonstration. Voir exercice 1.15.
1.7
Ordre d’un groupe, ordre d’un élément
On dit que G est un groupe fini, si G est fini en tant qu’ensemble. On dit alors du cardinal |G| que c’est l’ordre de G. L’ordre d’un élément x P G est l’ordre du groupe (monogène) xxy. On le note ordpxq. Si le groupe xxy est infini, on dit que l’ordre de x est infini, et on écrit ordpxq :“ 8. S’il est fini, on pose ordpxq :“ |xxy|. Le groupe monogène fini xxy est alors appelé groupe cyclique. Pour un groupe G fini, il est clair que ordpxq § |G|, pour chaque élément x de G, puisque xxy Ñ G. L’élément neutre e est le seul élément de G d’ordre 1. En effet, on a d’abord clairement |xey| “ |teu| “ 1. Réciproquement, si ordpxq “ 1 “ |xxy|, alors xxy “ txu. Comme tout sous-groupe de G contient e, on a e P xxy, et donc x “ e.
z2
z
e
z3
z4
z5
Groupe cyclique, z 6 “ e.
28
CHAPITRE 1. GROUPES
Évidemment, G est infini s’il contient un élément d’ordre infini x, puisqu’il contient l’ensemble infini xxy. On a (exercice) ordpxq “ ordpx´1 q. On dit des éléments d’ordre 2 dans G, que ce sont des involutions. Les involutions sont donc telles que x´1 “ x. Observons que dans pZ, `q, tous les éléments non nuls sont d’ordre infini et ordp0q “ 1 ! En effet si n “ 0, alors nZ “ xny est en bijection avec Z et est donc, de ce fait, infini. Parmi les groupes finis dits exceptionnels (voir Section 3.7), le plus grand est le groupe M , qu’on appelle le « Monstre ». Une des raisons est que son ordre est « assez » grand 246 ¨ 320 ¨ 59 ¨ 76 ¨ 112 ¨ 133 ¨ 17 ¨ 19 ¨ 23 ¨ 29 ¨ 31 ¨ 41 ¨ 47 ¨ 49 ¨ 71
“ 808017424794512875886459904961710757005754368000000000.
Le résultat suivant est une caractérisation importante de l’ordre d’un élément, qui met en évidence une propriété importante des groupes finis. Proposition 1.6. Dans un groupe G fini, l’ordre d’un élément x est la plus petite puissance de x qui donne l’élément neutre, c.-à-d. ordpxq “ mintn P N | xn “ eu. (1.5) Le groupe cyclique xxy s’écrit alors comme
xxy “ te, x, x2 , . . . , xn´1 u. Démonstration. On sait que
xxy “ txk | k P Zu
Comme x est d’ordre fini, l’ensemble txk | k P Zu l’est aussi. Donc il existe p, q tel que p ° q et xp “ xq . En effet, sinon xp “ xq impliquerait que p “ q et donc que la fonction Z Ñ xxy,
avec
k ބ xk ,
serait injective, et donc bijective. D’où xxy serait infini, ce qui contredirait notre hypothèse.
Puisque xp “ xq , on constate donc que xp´q “ e et p ´ q ° 0. L’ensemble tk P N˚ | xk “ eu Ñ N est donc non vide, il admet donc un plus petit élément n. Il s’ensuit que xn “ e et xxy “ te, x, x2 , . . . , xn´1 u et donc que ordpxq “ |xxy| “ n. Par exemple, l’ordre de S3 est |S3 | “ 6. On constate que dans S3 , on a ordpeq “ 1, ordp213q “ ordp132q “ ordp321q “ 2 (ce sont des involutions) et ordp231q “ ordp312q “ 3. Comme autre exemple, dans Z6 , on a ordp0q “ 1, ordp1q “ ordp5q “ 6, ordp2q “ ordp4q “ 3, et ordp3q “ 2 (donc 3 est une involution). Notez que, dans tous ces exemples, l’ordre d’un élément divise (sans reste) l’ordre du groupe ! On montrera plus tard que c’est un phénomène général. Dans le cas où les éléments
1.7. ORDRE D’UN GROUPE, ORDRE D’UN ÉLÉMENT
29
d’un groupe correspondent à des transformations d’un objet, comme les manipulations d’un cube de Rubik, le phénomène décrit par la Proposition 1.6 correspond à dire qu’on revient inévitablement à la configuration de départ en répétant une même transformation un nombre suffisant de fois. Ainsi, on doit répéter 105 fois la séquence qui consiste à tourner la face gauche d’un quart de tour dans le sens horaire puis la face avant d’une même façon, avant de revenir au cube dans sa position originale. Il y a une (autre) séquence de mouvements qui nécessite d’être répétée 1260, et c’est l’ordre le plus grand d’un élément du groupe du cube. Proposition 1.7. Soit n P N˚ , alors |Sn | “ n!. Plus généralement, si E et F sont deux ensembles de cardinal n, alors l’ensemble BpE, F q des bijections de E dans F est de cardinal n!. Démonstration. On montre l,’énoncé par récurrence sur n. Si n “ 1 il y a une et une seule fonction E “ txu Ñ F “ tyu, qui est clairement bijective. Donc BpE, F q “ 1 “ 1! dans ce cas. Supposons maintenant la propriété vraie pour n ´ 1 • 1 : si E 1 et F 1 sont deux ensembles de cardinal n ´ 1, alors |BpE 1 , F 1 q| “ pn ´ 1q!. Soit x P E. Alors, pour tout y P F , on a |Eztxu| “ |F ztyu| “ n ´ 1. Donc par récurrence, |BpEztxu, F ztyuq| “ pn ´ 1q! pour tout y P F . Si ↵ P BpEztxu, F ztyuq alors la fonction f : E Ñ F telle que f |Eztxu “ ↵ et f pxq “ y est une bijection de E dans F (à vérifier). Donc pour tout y P F , il y a pn ´ 1q! bijection de E dans F tel que f pxq “ y. C’est-à-dire que l’ensemble Ay “ tf P BpE, F q | f pxq “ yu est de cardinal pn ´ 1q! pour tout y P F . On peut vérifier que tAy | y P F u est une partition de l’ensemble BpE, F q (exercice). D’où ÿ ÿ |BpE, F q| “ |Ay | “ pn ´ 1q! “ |F | ¨ pn ´ 1q! “ npn ´ 1q! “ n!. yPF
yPF
Donc la propriété est vraie au rang n, et le lemme s’ensuit pour tout n P N˚ . Observons que, dans un groupe G, si ordpxq “ n alors x´1 “ xn´1 . En effet, xn´1 x “ xn “ e “ x xn´1 . En particulier, si G est un groupe fini engendré par S, alors tous les générateurs sont d’ordre fini et s´1 “ sd´1 , avec d “ ordpsq pour s P S. En vertu de la proposition 1.4, x P G s’écrit donc comme un produit de générateurs : x “ x1 . . . xm (avec xi P S), et on n’a nul besoin de considérer les inverses. En effet, pour obtenir une telle expression à partir d’un produit constitué de générateurs et de leurs inverses, il suffit de remplacer chaque inverse s´1 (pour s P S) par le mot sd´1 , où d “ ordpsq. Par exemple, S3 est engendré par ⌧ “ p12q et “ p123q, et p13q “ ⌧ ´1 . Mais est d’ordre 3, et donc ´1 “ 2 . On obtient donc p13q “ ⌧ . Le groupe pZ, `q et pZn , `q. Le groupe Z muni de l’addition est un groupe abélien d’ordre infini. Les seuls générateurs de Z sont 1 et ´1, puisqu’on ne peut avoir Z “ xny “ nZ que si tout entier
30
CHAPITRE 1. GROUPES
est multiple de n, ce qui force n “ ˘1. Z est d’ordre infini, tout entier non nul est d’ordre infini. Les sous-groupes de Z sont les nZ, avec n P N. Ce sont des sous-groupes monogènes, et les seuls générateurs de nZ sont ˘n. L’ensemble des sous-groupes de Z est donc en bijection avec N. Pour chaque n P N, l’ensemble Zn , muni de l’addition, est un groupe abélien d’ordre n. Proposition 1.8. Soit x P Zn et d “ pgcdpx, nq, alors ordpxq “ n{d. Démonstration. Considérons les deux entiers k :“ n{d et ` :“ x{d, pour lesquels on a pgcdpk, `q “ 1. En effet, si d1 divise k et `, alors d1 d divise x et n. Or d “ pgcdpx, nq, donc d1 “ 1. Calculant dans Zn , on a (en notation additive) k ¨ x “ kpdqq “ n d “ 0. En vertu de la proposition 1.6, il suffit donc de montrer que k est minimum pour cette propriété. Si k 1 § k est tel que k 1 ¨ x “ 0, alors k 1 x “ k 1 `d “ bn “ bkd, pour un certain b P Z. Il s’ensuit que k 1 ` “ bk. Comme k et l sont premiers entre eux, le lemme de Gauss entraîne que k divise k 1 , et donc k “ k 1 car k 1 § k. On observe que l’ordre des éléments de Zn divise l’ordre de Zn . Par exemple, l’ordre de 30 dans pZ42 , `q est 42{pgcdp30, 42q “ 7. En fait, comme on le verra au Chapitre 4, cette propriété est vraie pour tout groupe fini. C’est le théorème de Lagrange (voir Théorème 2.4). Proposition 1.9. Les seuls sous-groupes de pZn , `q sont les xky tel que k divise n (et d’ordre n{k). En particulier, la fonction kZ fiÑ xky est une bijection entre l’ensemble des sous-groupes kZ de Z tel que k divise n et l’ensemble des sous-groupes de pZn , `q. Démonstration. Soit H un sous-groupe de pZn , `q. Considérons K “ tx P Z | px mod nq P Hu. Montrons que K est un sous-groupe de pZ, `q contenant nZ. Observons que K est non vide, car 0 P K, car p0 mod nq P H. De même, puisque pn mod nq “ 0, on obtient que n P K. Soit x, y P K alors px ´ y mod nq “ px mod nq ´ py mod nq P H, car H est un sous-groupe de Zn . Donc K § Z. Comme K est un sous-groupe de Z, on sait qu’il existe k P N tel que K “ kZ. Puisque n P K “ kZ et nZ “ xny est le plus petit sous-groupe contenant n, on a nZ Ñ kZ. Donc tout élément de y P K s’écrit y “ qk et donc tout élément de H s’écrit sous la forme py mod nq “ q ¨ pk mod nq. D’où K “ xpk mod nqy. Puisque nZ Ñ kZ, on a que k divise n et donc pgcdpn, kq “ k. En vertu de la proposition 1.8, on conclut que |H| “ |xpk mod nqy| “ n{k. On laisse en exercice la dernière partie de la proposition. Corollaire 1.10. Soit n P N, alors
(1) x P Zn engendre pZn , `q si et seulement si pgcdpx, nq “ 1. (2) pZn qˆ est l’ensemble des générateurs de Zn .
1.8. LE GROUPE SYMÉTRIQUE SN
31
Démonstration. Exercice.
1.8
Le groupe symétrique Sn
Considérons plus en détail le groupe symétrique SE , des permutations d’un ensemble E de cardinal n. Pour faciliter la présentation, on choisit de prendre E “ t1, 2, . . . , nu, mais certaines de nos observations s’appliquent au cas général 17 . On a déjà montré que Sn , muni de la composition de fonctions, est un groupe d’ordre n!, qui est non abélien en général. C’est notre premier exemple de groupe fini non abélien (le groupe linéaire est un groupe infini non abélien). Comme nous allons le voir plus tard, tout groupe fini est une copie d’un sous-groupe d’un groupe symétrique (théorème de Cayley 18 ). La question de trouver tous les sous-groupes d’un groupe symétrique est donc étroitement liée à la classification de tous les groupes finis ! Voici quelques propriétés combinatoires du groupe symétrique. Une inversion 19 d’une permutation
P Sn est un couple pi, jq tel que :
1 § i † j § n et
piq ° pjq.
On dit du nombre d’inversions de la permutation P Sn que c’est la longueur de . Ce nombre est noté : `p q “ tpi, jq | 1 § i † j § n et piq ° pjqu. On établie facilement que `p q “ 0 si et seulement si “ e. En effet, il est clair que la longueur de e est 0, puisque e n’a pas d’inversion. Inversement, si `p q “ 0 alors on doit avoir p1q † p2q † ¨ ¨ ¨ † pnq, d’où “ 12 . . . n “ e. Par exemple, l’ensemble des inversions de “ 24513 est tp1, 4q, p2, 4q, p2, 5q, p3, 4q, p3, 5qu, et donc `p q “ 5. Dans S3 , on a `p123q “ 0,
`p213q “ 1,
`p132q “ 1,
`p231q “ 2,
`p312q “ 2,
et `p321q “ 3.
Une manière agréable de visualiser les inversions d’une permutation est d’utiliser la représentation suivante. On dispose sur chacune de deux lignes superposées les nombres de 1 à n, et on joint par une flèche le i apparaissant sur la ligne du haut à piq sur celle du bas. Ainsi, la permutation “ 31254 se représente comme suit : 17. Les exceptions à ce principe concernent les cas où on exploite l’ordre entre les entiers. Bien entendu, il n’y a pas d’ordre particulier qu’on puisse ainsi exploiter pour un ensemble E en général. 18. Arthur Cayley (1821-1895). 19. Observons que cette notion utilise l’ordre sous-jacent sur les entiers.
32
CHAPITRE 1. GROUPES 1
2
3
4
5
1
2
3
4
5
Le nombre d’inversions d’une permutation est alors le nombre de croisements dans la figure. La composition ⌧ , de deux permutations et ⌧ de Sn , correspond à superposer deux tels diagrammes de flèches, plaçant celui de au-dessus de celui de ⌧ . Ainsi, le composé de ⌧ “ 12435 et “ 31254 s’obtient en « suivant » les flèches dans la figure obtenue par cette superposition. Pour, 1 § i † n, 1
2
3
4
5
1
2
3
4
5
1
2
3
4
5
⌧
⌧ Figure 1.8 – Composition de permutations la transposition adjacente ⌧i est la permutation qui échange i et i ` 1 et laisse fixe tout autre j P t1 . . . nuzti, i ` 1u. En formule, $ ’ &i ` 1 si j “ i, ⌧i pjq “ i si j “ i ` 1, ’ % j autrement.
Les transpositions sont des involutions, c’est-à-dire que ⌧i2 “ e, ou encore que ⌧i´1 “ ⌧i . Multiplier à droite par ⌧i revient à échanger piq et pi ` 1q dans , c.-à-d. ⌧i “ p1q p2q ¨ ¨ ¨ pi ´ 1q loooooomoooooon pi ` 1q piq pi ` 2q ¨ ¨ ¨ pnq.
Cela se voit bien sur un diagramme de flèches. Ainsi, on a
24513 “ 24153 ⌧3 “ 21453 ⌧2 ⌧3 “ 12453 ⌧1 ⌧2 ⌧3 “ 12435 ⌧4 ⌧1 ⌧2 ⌧3 “ ⌧3 ⌧4 ⌧1 ⌧2 ⌧3 . Observons ici que multiplier par ⌧i revient à augmenter ou diminuer la longueur par 1 ! Ce phénomène est général, comme le montre le lemme suivant.
1.8. LE GROUPE SYMÉTRIQUE SN Lemme 1.11. Soit
33
P Sn et 1 § i † n, alors `p ⌧i q “ `p q ˘ 1. Plus précisément, # `p q ` 1 si piq † pi ` 1q, `p ⌧i q “ `p q ´ 1 si piq ° pi ` 1q.
Démonstration. Posons “ a1 a2 . . . an où ai “ piq. Comme on l’a déjà observé, ↵ “ ⌧i “ a1 . . . ai´1 ai`1 ai ai`2 . . . an s’obtient à partir de en échangeant la i-ème et la i ` 1-ème lettre. On observe d’abord que toute inversion pk, lq “ pi, i ` 1q de correspond à une inversion pk 1 , l1 q “ pi, i ` 1q de ↵ et vice versa. Donc, si pi, kq est une inversion de ↵ alors pi ` 1, kq est une inversion de ↵ car ai “ piq “ ↵i`1 et pkq “ ↵k . En d’autres termes, le nombre d’inversions de différentes de pi, i ` 1q est égal au nombre d’inversions de ↵ différentes de pi, i ` 1q. Si ai “ piq † pi ` 1q “ ai`1 , alors pi, i ` 1q n’est pas une inversion de . Mais puisque ↵piq “ ai`1 ° ai “ ↵pi ` 1q, alors pi, i ` 1q est une inversion de ↵. Dans ce cas, ↵ a une inversion de plus que . Si par contre ai “ piq ° pi ` 1q “ ai`1 , alors pi, i ` 1q est une inversion de . Mais puisque ↵piq “ ai`1 † ai “ ↵pi ` 1q, alors pi, i ` 1q est une inversion de ↵. Dans ce cas, ↵ a une inversion de moins que . Nous sommes maintenant en mesure de démontrer la proposition suivante, qui permet de donner un système de générateurs pour Sn . Nous allons aussi voir qu’elle permet de comprendre d’une autre manière la longueur `p q. Proposition 1.12. Toute permutation
P Sn est un produit de `p q transpositions adjacentes.
Démonstration. Par récurrence sur `p q. Si `p q “ 0, alors “ e est l’identité, qui correspond au produit vide. Supposons `p q ° 0, alors “ e. Il existe donc i tel que piq ° pi ` 1q. Ainsi en vertu du lemme 1.11, `p ⌧i q “ `p q ´ 1 † `p q. Par hypothèse de récurrence, ⌧1 est égal à un produit de `p ⌧i q transpositions adjacentes. Donc “ ⌧i ⌧i´1 “ p ⌧i q⌧i (car ⌧i est une involution) est un produit de `p q transpositions adjacentes. Une autre utilité de la longueur est de permettre la définition suivante. On considère la fonction " : Sn Ñ t˘1u,
avec
"p q :“ p´1q`p q .
On dit de "p q que c’est le signe de la permutation . Dans un cours d’algèbre linéaire, on montre que ÿ détpaij q1§i,j§n “ "p q a1, p1q a2, p2q ¨ ¨ ¨ an, pnq , (1.6) PSn
pour toute matrice paij q1§i,j§n .
Corollaire 1.13. Pour tout , et ⌧ dans Sn , on a "p ⌧ q “ "p q"p⌧ q.
34
CHAPITRE 1. GROUPES
Démonstration. Il suffit de montrer que (1.7)
`p ⌧ q ” `p q ` `p⌧ q pmod2q.
En effet, on aura alors k P Z tel que `p ⌧ q “ `p q ` `p⌧ q ` 2k et donc que "p ⌧ q “ p´1q`p
⌧q
“ p´1q`p
q``p⌧ q`2k
L’égalité (1.7) est laissée en exercice.
“ p´1q`p q p´1q`p⌧ q pp´1q2 qk “ "p q"p⌧ q.
Ordre et cycles d’une permutation. La notion de cycle 20 est fondamentale dans le groupe symétrique. Elle rend possible une nouvelle décomposition des permutations. Cette permet décomposition, entre autres, de calculer différemment l’ordre. De plus, elle joue un rôle crucial dans plusieurs constructions. Pour 1 † p § n, on dit d’une permutation P Sn que c’est un un p-cycle (ou simplement que c’est un cycle) s’il existe p entiers distincts 1 § a1 , a2 , . . . , ap § n tels que pa1 q “ a2 ,
pa2 q “ a3 ,
...
paj q “ aj`1 ,
...
et
pap q “ a1 ;
avec de plus pbq “ b pour tout b R ta1 . . . , ap u. On dit de ces derniers b, que ce sont des points fixes de . La figure 1.9 représente un cycle de façon plus imagée. a1 a5
a2 a4
a3
Figure 1.9 – Un cycle. On dénote habituellement par pa1 , a2 . . . , ap q un tel cycle . Les parenthèses soulignent qu’on parle d’un cycle. Pour alléger la notation, on omet les virgules lorsque c’est possible. Notons que les points laissés fixes par n’apparaissent pas dans cette notation. On dit de p que c’est la longueur du cycle . Par définition, une transposition est un 2-cycle, et elle est de la forme pi, jq, pour i “ j. La transposition adjacente ⌧i , déjà vue, s’écrit donc aussi ⌧i “ pi, i ` 1q. Enfin, si p “ n, on dit qu’on a une permutation circulaire. Comme nous allons le constater, les permutations circulaires dans Sn , pour n ° 1, sont les seules qui n’ont pas de point fixe. Par exemple, la permutation ˆ ˙ 1 2 3 4 5 “ 24351 “ “ p1245q 2 4 3 5 1 20. Cette notion est générale, et s’applique aux permutations de tout ensemble fini E.
1.8. LE GROUPE SYMÉTRIQUE SN
35
est un 4-cycle dans S5 , car p1q “ 2, p2q “ 4, p4q “ 5 et p5q “ 1. Son seul point fixe est p3q “ 3. De plus, l’inverse de est aussi un 4-cycle. En effet, ´1 “ 51324 “ p1542q s’obtient en « lisant le cycle à l’envers ». Notons d’autres parts que 2 “ 45312 n’est pas un cycle, car 2 p1q “ 4, 2 p4q “ 1, 2 p2q “ 5 et 2 p5q “ 2. En général, le produit de cycles n’est pas un cycle. Plus généralement, on a la propriété suivante. Proposition 1.14. Si “ pa1 . . . , ap q P Sn un p-cycle, alors (1) ´1 “ pa1 , ap , ap´1 . . . a2 q est un p-cycle ; (2) ordp q “ p. (3) le signe de est p´1qp´1 . Démonstration. Voir exercice 1.32. Pour deux entiers p et q, plus grands ou égaux à 2, on dit que des cycles pa1 . . . , ap q et pb1 . . . , bq q sont à support disjoint, ou plus simplement disjoints, si ta1 . . . , ap u X tb1 . . . , bq u “ H. Par exemple, les cycles p1, 5, 4q et p2, 3q sont à support disjoint ; tandis que les cycles p1, 5, 2q et p2, 6, 3q ne le sont pas. Deux cycles à support disjoint commutent, c.-à.d. si et ⌧ sont des cycles à support disjoint, alors ⌧ “ ⌧ . Le but de toute cette discussion est la proposition suivante. Proposition 1.15. Toute permutation (différente de l’identité) s’écrit de manière unique, à l’ordre des facteurs près, comme produit de cycles à support disjoint (et donc qui commutent).
Plutôt que de démontrer cette proposition, nous allons illustrer le processus qui mène à cette décomposition pour une permutation particulière. La démonstration générale est laissée en exercice (ou voir [3]). Prenons “ 729158436 P S9 , et débutons avec 1. En calculant les images successives p1q “ 7, 2 p1q “ 4, et 3 p1q “ 1, on trouve que contient le cycle 1 :“ p174q. La plus petite valeur qui n’est pas couverte par ce cycle est 2, et on constate que c’est un point fixe de . Puis viens 3, qui « engendre » le cycle 2 :“ p3968q. Le seul nombre qui reste est maintenant 5, qui est un point fixe. La décomposition résultante est donc “
1 2
“ p174qp3968q “
2 1
“ p3968qp174q.
L’unicité de la décomposition provient de l’unicité des cycles qui la compose. On observe que les cycles de sont de la forme px, pxq, 2 pxq, 3 pxq, . . . , d´1 pxqq, où d est l’ordre de x.
Une façon agréable de mettre en évidence la décomposition d’une permutation en cycles disjoints est de représenter la permutation comme à la figure 1.10. Dans celle-ci, on joint les éléments de l’ensemble sous-jacent par une flèche i Ñ j, si piq “ j. On voit bien ainsi apparaître les cycles disjoints, pour le moins que le dessin soit fait correctement.
36
CHAPITRE 1. GROUPES 8 3 5 2
4
1
7
7
9
Figure 1.10 – La décomposition de la permutation 248736159 en cycles disjoints. Corollaire 1.16. Soit “ 1 . . . k P Sn une permutation en cycle décomposée en cycles disjoints, alors ordp q “ ppcmpordp 1 q, ordp 2 q, ordp 3 q . . . , ordp k qq. De plus le signe de est p´1qn´cp q , où cp q est le nombre de cycles de . Démonstration. Exercice. Par exemple, avec la permutation “ 729158436 P S9 de l’exemple précédent, on trouve de cette manière que ordp q “ 12, puisque c’est le plus petit commun multiple de 3 et 4, les longueurs des cycles de la décomposition de . Un problème amusant, et pas trivial, est de déterminer quel est le plus grand ordre possible pour un élément de Sn .
1.9. GROUPES ENGENDRÉS PAR DES RÉFLEXIONS
1.9
37
Groupes engendrés par des réflexions
Figure 1.11 – Arrangement d’hyperplans dans R3 , correspondant à S4 Le groupe symétrique fait partie (à isomorphisme 21 près) d’une famille de groupes de grand intérêt en recherche mathématique contemporaine. Ce sont des sous-groupes de GLn qui s’obtiennent en composant des réflexions 22 , c.-à-d. des matrices n ˆ n, à coefficients réels, dont le carré est l’identité et le déterminant est ´1. Autrement dit, les générateurs du groupe sont des réflexions dans des hyperplans (sous espaces vectoriels de dimension n ´ 1). On observe qu’une réflexion est son propre inverse. C’est le cas des matrices suivantes : ¨ ˛ ¨ ˛ ¨ ˛ 0 1 0 0 1 0 0 0 1 0 0 0 ˚1 0 0 0‹ ˚0 0 1 0‹ ˚0 1 0 0‹ ˚ ‹, ˚ ‹, ˚ ‹ ˝0 0 1 0‚ ˝0 1 0 0‚ ˝0 0 0 1‚, 0 0 0 1 0 0 0 1 0 0 1 0
qui engendrent le groupe S4 , des matrices de permutations. On s’aperçoit que ces matrices laissent fixes les vecteurs de la forme pa, a, a, aq. On peut donc considérer la trace de l’action de S4 sur le sous-espace vectoriel de dimension 3, orthogonal à ces vecteurs. Cette action est représentée à la figure 1.11. Dans la partie de droite de cette figure, les plans sont obtenus comme intersection 23 avec les hyperplans de réflexion. Il y a un plan pour chaque réflexion 24 dans le groupe. Pour que le groupe engendré soit fini, il y a de fortes contraintes sur les angles entre les hyperplans correspondant aux générateurs, comme on le voit à la figure 1.11, ainsi qu’à la figure 1.12. Dans la partie de gauche de la figure ci-haut, on voit l’intersection des plans avec la sphère de rayon 1. Les angles entre les plans sont ainsi mis en évidence, et le triangle rouge contient un angle de ⇡{2 et deux angles de ⇡{3. Ces contraintes sur les angles
21. Voir Section (3.3). 22. On en donne ici une définition un peu simplifiée. 23. Pour plus de détails, voir Swallowtail on the shore, dans la série de textes Snapshots of modern mathematics from Oberwolfach, No7/2014. 24. Attention, le groupe contient aussi d’autres éléments.
38
CHAPITRE 1. GROUPES
permettent de déterminer quels sont tous les groupes finis de ce genre. Un autre exemple que nous verrons plus tard (Voir Section 2.1) est le groupe « diédral ». Plus généralement, parmi les groupes engendrés par les réflexions, on retrouve les groupes de Coxeter 25 qui jouent un rôle fondamental dans plusieurs domaines des mathématiques, de la physique, et en cristallographie.
ò
ò
ò
ò
ò
ò
Figure 1.12 – Réflexions selon des droites d’angles 2 k ⇡{6, avec 0 § k § 2.
1.10
Un groupe à la Galois
Sur l’ensemble des expressions de la forme a ` b ⇣ ` c ⇣ 2 ` d ⇣ 3 ` e ⇣ 4,
pour
⇣ “ expp2 i ⇡{5q,
avec a, b, c, d, et e des nombres réels ; on considère les « transformations » f : C Ñ C telles que : (1) f px ` yq “ f pxq ` f pyq, pour tout x, y P C, (2) f px yq “ f pxq f pyq, pour tout x, y P C, (3) f prq “ r, si et seulement si r P R.
L’ensemble de ces transformations forme un groupe G pour la composition. En effet, les conditions ci-dessus entraînent que f pa ` b ⇣ ` c ⇣ 2 ` d ⇣ 3 ` e ⇣ 4 q “ a ` b f p⇣q ` c f p⇣q2 ` d f p⇣q3 ` e f p⇣q4 , avec
f p⇣q5 “ f p⇣ 5 q “ f p1q “ 1.
25. Les travaux de H.S.M. Coxeter, (1907-2003), ont inspiré plusieurs des oeuvres artistiques de M.C. Escher (1898-1972).
1.10. UN GROUPE À LA GALOIS
39
Autrement dit, la transformation f est entièrement caractérisée par la valeur de f p⇣q. Il n’y a que 4 choix possibles pour f p⇣q, ce sont les quatre racines 5e de l’unité différentes 26 de 1 : fk p⇣q “ ⇣ k ,
1 § k § 4,
avec la propriété fk ˝ fj “ fk j (loi des exposants). On observe que f1 est l’identité, et le groupe G est donc constitué de te, f2 , f3 , f4 u. On trouve, par un calcul direct qui exploite le fait que ⇣ 5 “ 1,
⇣ 6 “ ⇣,
⇣ 7 “ ⇣ 2,
...
que la table de multiplication de G est e e e f2 f2 f3 f3 f4 f4
f2 f2 f4 e f3
f3 f3 e f4 f2
f4 f4 f3 f2 e
Ce qui permet de constater que c’est bien un groupe. Sous une forme « déguisée » 27 , c’est en fait le groupe cyclique Z4 . La théorie de Galois ramène l’étude des racines de polynômes à l’étude d’un groupe de Galois qui lui est associé en généralisant la construction que l’on vient de considérer. Dans notre cas, nous avons calculé le groupe de Galois du polynôme ppzq “ a ` bz ` cz 2 ` dz 3 ` ez 4 .
Conclusion Pour de nombreuses utilisations en mathématique, en physique, et dans d’autres domaines, il importe de mieux comprendre la structure des groupes, et leurs propriétés. Parmi les problèmes centraux et encore de grande actualité : la recherche des plus petits ensembles de générateurs d’un groupe, où la détermination de tous ses sous-groupes, sont deux problèmes difficiles de la théorie générale des groupes. Un autre axe très important est la recherche en théorie de la représentation des groupes. Enfin, une des grandes réalisations des algébristes du XXe siècle a été de classifier tous les groupes finis (voir l’atlas des groupes finis Atlas des groupes finis). Nous allons développer dans la suite du cours quelques-unes des techniques de base développées pour répondre à de telles questions : morphismes de groupes, classes d’isomorphisme, groupes quotients, 26. Ceci résulte de la condition (3). 27. À ce sujet, voir la notion d’isomorphisme, Section 3.3.
40
CHAPITRE 1. GROUPES
etc. Par exemple, nous allons voir que si un groupe est monogène, alors c’est une « copie » de Z s’il est infini ou c’est une « copie » de Zn s’il est fini. Nous aurons alors classifié tous les groupes monogènes (et par ricochet aussi leurs sous-groupes et générateurs) !
1.11
Exercices
Exercice 1.1. Soit la loi de composition ‹ : pa, bq fiÑ ab ` a ` b sur R. Est-ce que ‹ est associative ? Commutative ? Exercice 1.2. Soit la loi de composition ‹ : pA, Bq fiÑ AB ` Id sur Mn pRq l’ensemble des matrices carrées n ˆ n. Est-ce que ‹ est associative ? Commutative ? Exercice 1.3. Montrer que l’inverse de l’élément neutre d’un groupe est égal à lui-même, et montrer que l’inverse de l’inverse de x est égal à x. Exercice 1.4. Soit E un ensemble muni d’une multiplication et d’une addition. On considère dans E la loi de composition ‹ : pa, bq fiÑ ab ` a ` b. (a) Posons E “ R. Est-ce que pR, ‹q possède un élément neutre ? (justifier). Lesquels des sousensembles de R suivants sont stables pour ‹ : N,
Q´ ,
Q`˚ ,
R,
et nZ.
(b) Mêmes questions avec E “ Mn pRq et E “ GLn pRq. Exercice 1.5. On considère les ensembles N˚ , Z, Z˚ , Q, Q˚ , Q` , Q`˚ , R˚ , R` , R`˚ , Z´ , Q´ et R´ . Parmi ces ensembles, lesquels sont des groupes ou des monoïdes pour : (a) l’addition sur R ; (b) la multiplication sur R. Justifier et préciser l’ensemble de leurs éléments inversibles. Exercice 1.6. Pour tout espace vectoriel V , déduire de la définition d’espace vectoriel que pV, `q est un groupe. En conclure que pMn , `q est un groupe. Exercice 1.7. Soit G un ensemble muni d’une loi de composition ˚. Montrer que pG, ˚q est un groupe si et seulement si (a) ˚ est associative ; (b) il existe e P G tel que pour tout x P G, x ˚ e “ x ; (élément neutre à droite) ; (c) pour tout x P G, il existe y P G tel que x ˚ y “ e. (élément inversible à droite). Exercice 1.8. Soit E un ensemble. (a) Montrer que pPpEq, Yq et pPpEq, Xq sont des monoïdes. Sont-ils des groupes ? (b) On considère dans PpEq la loi de composition pA, Bq fiÑ A B “ pA Y BqzpA X Bq
(Différence symétrique).
Montrer que pPpEq, q est un groupe. Quel est son élément neutre ? Quel est l’inverse de A ? Est-ce un groupe abélien ?
1.11. EXERCICES
41
Exercice 1.9. Soit n P N˚ .
(a) Montrer que pZn , `q est un groupe abélien de cardinal n.
(b) Montrer que pZn , ¨q est un monoïde commutatif. Est-ce un groupe ? (Justifier.)
(c) Montrer que ppZn qˆ , ¨q est un groupe abélien de cardinal 'pnq (la fonction d’Euler, dont la valeur est le nombre d’entiers relativement premiers à n, entre 1 et n ´ 1.)
(d) Soit la loi de composition ‹ : pa, bq fiÑ ab ` a ` b dans Zn . Est-ce que ‹ possède un élément neutre ? (Justifier.) Est-ce que pZn qˆ est stable pour ‹ ?
Exercice 1.10. Soit E un ensemble. Montrer que la composition de fonction munie l’ensemble FonctpE, Eq d’une structure de monoïde.
Exercice 1.11. (voir Proposition 1.2) Montrer que pour chaque n, l’ensemble nZ est un sous-groupe de Z. Si H est un sous-groupe de Z, montrer que H “ nZ, avec n égal au plus petit entier positif non null dans H. Exercice 1.12. (voir Proposition 1.3) Pour un groupe G, soit H un sous-ensemble de G contenant l’élément neutre e de G, et tel que xy ´1 est dans H pour tout x et y dans H. En choisissant x et y judicieusement, montrer que H contient l’inverse de tous ces éléments. Montrer que la notion de sous-groupes est transitive, et vérifier que l’intersection d’une famille quelconque de sous-groupes est un sous-groupe. Est-il vrai que l’union de sous-groupes est un sous-groupe ? Justifier votre réponse. Exercice 1.13. Soit G un groupe. On suppose que pour tout x P G on a x2 “ e. Montrer que G est abélien. Exercice 1.14. Soit G un groupe et soit a, b P G tel que a5 “ e et a3 b “ ba3 . (a) Montrer que a6 b “ ba6 ;
(b) en déduire que ab “ ba.
Exercice 1.15. (voir Proposition 1.5) Pour x élément de G un groupe, montrer par récurrence que xk`` “ xk x` , pour tout k et ` dans N. En déduire ensuite que cette propriété s’étend à tout Z. Puis, montrer que xxy est abélien, et que la fonction f pkq :“ xk est surjective sur xxy. Verifier que f pk ` `q “ f pkqf p`q, puis que tk | f pkq “ eu est un sous-groupe de Z. En conclure que f pkq “ e si et seulement si pk mod nq “ 0 pour un certain n P Z (voir Exercice 1.11). Exercice 1.16. Montrer que le centre ZpGq d’un groupe est un sous-groupe de G. Calculer le centre de GLn , et en conclure que GLn n’est pas commutatif. Exercice 1.17. Soit n P N˚ .
(a) Montrer que l’ensemble Opnq “ tM P Mn pRq | t M M “ Idn u est un sous-groupe de GLn pRq. C’est le groupe orthogonal. Rappelons que t M désigne la transposée de M .
(b) Montrer que l’ensemble SOpnq “ tM P Opnq | détpM q “ 1u est un sous-groupe de Opnq. C’est le groupe spécial orthogonal. Rappelons que "ˆ ˙ * cosp✓q ´ sinp✓q ˇˇ SOp2q “ ✓PR . sinp✓q cosp✓q
42
CHAPITRE 1. GROUPES
Exercice 1.18. Soit G un groupe et A Ñ G. Pour g P G on note gAg ´1 “ tgxg ´1 | x P Au. (a) Montrer que ZpAq “ tg P G | gx “ xg, pourtout x P Au est un sous-groupe de G.
(b) Montrer que gAg ´1 et A sont en bijection.
(c) Montrer que N pAq “ tg P G | gAg ´1 “ Au est un sous-groupe de G.
(d) Montrer que ZpAq § N pAq.
Exercice 1.19.
(a) Quel est le centre du groupe Sn , pour n P N˚ ?
(b) Montrer que G est un groupe abélien si et seulement si G est égal à son centre. Exercice 1.20. Montrer que les seuls sous-groupes de pZ, `q sont de la forme (nZ, `q, pour n P N. Exercice 1.21. Soit G un groupe. Montrer que
(a) Soit H Ñ G, alors H est un sous-groupe de G si et seulement si e P H et pour tout x, y P H, xy ´1 P H.
(b) Si H § G et K § H alors K § G (la relation § est transitive).
(c) L’intersection non vide d’une famille de sous-groupes de G est un sous-groupe de G.
Exercice 1.22. Soit G un groupe et H, H 1 deux sous-groupes de G. Montrer que H Y H 1 est un sous-groupe de G si et seulement si H Ñ H 1 ou H 1 Ñ H.
Exercice 1.23. Soit G un groupe. On dit que x et y sont conjugués dans G s’il existe g P G tel que x “ gyg ´1 . On notera x „ y. (a) Montrer que „ est une relation d’équivalence sur G. La classe d’équivalence de x P G est appelée classe de conjugaison de x.
(b) Soit x P G, montrer que l’ensemble Gx “ tg P G | gxg ´1 “ xu est un sous-groupe de G, appelé sous-groupe stabilisateur de x P G.
Exercice 1.24. Soit G “ xsy un groupe monogène. Montrer que (a) G est un groupe abélien.
(b) G “ tsn | n P Zu.
(c) La fonction f : Z Ñ xxy, définie par f pkq “ xk , est surjective et que f pk ` lq “ f pkqf plq.
(d) Si G est noté additivement, montrer que G “ tns | n P Zu.
Exercice 1.25. Soit G un groupe et g P G. Montrer que
(a) Si ordpgq “ 8 alors ordpg k q “ 8 pour tout k P N˚ .
(b) Si ordpgq “ n est fini et k P N˚ , alors ordpg k q “ n{pgcdpn, kq. (c) ordpg ´1 q “ ordpgq.
Exercice 1.26. Soit le groupe G “ Z12 .
1.11. EXERCICES
43
(a) Déterminer le sous-groupe H de G engendré par 6 et 8. Déterminer son ordre. (b) Caractériser les générateurs de G. (c) Quel est l’ordre de l’élément 9 ? Exercice 1.27. Soit n P N˚ , montrer que
(a) La fonction kZ fiÑ xky est une bijection entre l’ensemble des sous-groupes kZ de Z tel que k divise n, et l’ensemble des sous-groupes de Zn .
(b) Zn “ xxy si et seulement si pgcdpx, nq “ 1.
(c) pZn qˆ est l’ensemble des générateurs de Zn .
Exercice 1.28. On considère dans cet exercice le groupe symétrique S4 . Avec nos conventions, on a les transpositions adjacentes ˆ ˙ ˆ ˙ ˆ ˙ 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 ⌧1 “ “ 2134 ⌧2 “ “ 1324 ⌧3 “ “ 1243. 2 1 3 4 1 3 2 4 1 2 4 3 (a) Écrire tous les éléments de S4 comme un produit des transpositions adjacentes ⌧i ; (b) Calculer les ordres et les longueurs des éléments de S4 . (c) On considère les sous-groupes H “ x⌧1 , ⌧2 y ;
K “ x⌧2 , ⌧3 y
et L “ x⌧1 , ⌧3 y .
(1) Quels sont les ordres de H, K et L ? (2) Écrire la table de multiplication de ces sous-groupes. Sont-ils abéliens ? (c) Que remarquez-vous ? Exercice 1.29. (Relations de tresse) Dans Sn , avec ⌧i :“ pi, i`1q, montrer que pour tout 1 § i, j § n, on a ⌧i ⌧j “ ⌧j ⌧i , si |i ´ j| ° 1, et
⌧i ⌧j ⌧i “ ⌧j ⌧i ⌧j ,
Exercice 1.30. On considère la fonction : Sn Ñ Z 2
avec
si
|i ´ j| “ 1. p q :“ p`p q mod 2q.
(a) Montrer que peq “ 0, et que p⌧i q “ 1 pour tout 1 § i † n.
(b) Soit ⌧ P Sn . Par récurrence sur `p q, montrer que `p ⌧ q “ p`p q ` `p⌧ q mod 2q. (c) Montrer que p ⌧ q “ p q p⌧ q, pour tout , ⌧ P Sn .
Exercice 1.31. (a) Décomposer en cycles disjoints les permutations dans S3 et dans S4 .
44
CHAPITRE 1. GROUPES
Exercice 1.32. [Démonstration de la Proposition 1.14] Soit alors (a)
´1
“ pa1 , . . . , ap q P Sn un p-cycle,
“ pa1 , ap , ap´1 , . . . a2 q est un p-cycle ;
(b) ordp q “ p. (c) le signe de
est p´1qp´1 .
Exercice 1.33. Considérons les deux permutations suivantes de S9 : (a) Écrire
et ⌧ comme produits de cycles disjoints.
(b) Trouver l’ordre de (c) Écrire
“ 492517683 et ⌧ “ 719238465.
et de ⌧ .
et ⌧ comme produits de transpositions adjacentes.
Exercice 1.34. (Décomposition en cycles) Soit P Sn , montrer que comme produit de cycles disjoints (à l’ordre des facteurs près).
s’écrit de manière unique
Exercice 1.35. (Classe de conjugaison de Sn ) (a) Soit P Sn et ↵ “ pa1 , . . . , ak q un k-cycle. Montrer que k-cycle.
↵
´1
“ p pa1 q, . . . , pak qq est un
(b) Montrer que ↵, P Sn sont conjugués si et seulement si pour tout k, ↵ et de k-cycles dans leur décomposition en cycles disjoints. Exercice 1.36. Soit disjoints, alors on a
une permutation dans Sn et
“
1... k
ont le même nombre
sa décomposition de
en cycles
ordp q “ ppcmpordpc1 q, ordpc2 q, ordpc3 q, . . . , ordpck qq.
Montrer de plus que le signe de
est p´1qn´k .
Exercice 1.37. Montrer qu’on peut exprimer les transpositions ⌧i “ pi, i ` 1q comme produit de transpositions de la forme p1aq, pour 2 § a § n. En conclure que le groupe Sn est engendré par ces transpositions. Exercice 1.38. Établir la table de multiplication du groupe diédral D3 . Comparer avec la table du groupe S3 : que remarque-t-on ? Exercice 1.39. Soit Dm “ xs, ry le groupe diédral d’ordre 2m engendré par la rotation r d’angle 2⇡{m, et la symétrie s verticale. Soit t “ sr, montrer que t est une involution et que Dm “ xs, ty.
Exercices exploratoires Exercice 1.40 (Le jeu de taquin). Le jeu de taquin est constitué d’un damier 4 ˆ 4 sur les cases duquel sont disposées 15 tuiles carrées, avec une case vide. Les tuiles sont numérotées de 1 à 15. Un mouvement consiste à glisser une tuile voisine de l’emplacement vide, pour remplir cet emplacement.
1.11. EXERCICES
45
Les glissements se font verticalement ou horizontalement. La figure suivante illustre une succession de tels mouvements, avec la tuile déplacée marquée en jaune.
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9 10 12 15
13 14 11 15
13 14 11
9 10 11 12
9 10 11 12
9 10
13 14 15
13 14
13 14 11 15
15
À partir d’une configuration donnée, le jeu consiste à se ramener à la configuration de départ ; qui est celle où les tuiles sont rangées dans l’ordre croissant quand on les parcourt selon l’ordre habituel de lecture, avec la case vacante dans le coin inférieur droit. C’est la première configuration dans la figure ci-haut. Ce jeu a apparemment été introduit dans les années 1870, et ses aspects mathématiques sont discutés dans un article de l’American Journal of pure and applied mathematics en 1879. En 1891, Sam Loyd, un concepteur de casse-tête numériques et logiques, a proposé comme défi de trouver comment ramener la configuration suivante à la configuration de départ
1
2
3
4
5
6
7
8
9 10 11 12 13 15 14 Chaque configuration, qui laisse le coin inférieur droit vacant, correspond à une permutation de l’ensemble t1, 2, . . . , 15u, qui consiste à lire (dans l’ordre usuel) le numéro des cases. Le groupe G, des transformations (suites de glissements) qui laissent le coin inférieur droit vacant, peut ainsi être considéré comme sous-groupe de S15 . (a) Montrer que G est constitué de permutations paires. (b) En trouvant assez de générateurs de G, montrer que G “ A15 . (c) En déduire que le problème de Sam Loyd (voir ci-haut) est impossible à résoudre. (d) Pour chaque n, déterminer le groupe des transformations de la généralisation au damier n ˆ n du jeu de taquin. Pour démontrer plusieurs propriétés fondamentales de la théorie des fonctions symétriques, Schutzenberger 28 à introduit une adaptation du jeu de taquin à la combinatoire des tableaux de Young, ainsi 28. Marcel Paul Schutzenberger (1920-1996), est le grand-père mathématique de deux professeurs du Lacim : le centre de recherche en algèbre, combinatoire, et informatique mathématique de l’UQAM, fondé en 1990.
46
CHAPITRE 1. GROUPES
nommé en l’honneur d’un des pionniers 29 de la théorie de la représentation des groupes. Exercice 1.41. Soit A un ensemble fini quelconque, qu’on va ici appeler alphabet, dont les éléments sont appelé lettres. On dit d’une suite arbitraire a1 a2 ¨ ¨ ¨ an , avec n P N, de lettres dans A, que c’est un mot de longueur n sur A. On désigne par A˚ l’ensemble des mots de longueur quelconque sur A, et le mot de longueur 0 (ou mot vide) est dénoté par 1 ou ". On munit A˚ de l’opération de concaténation, c.-à-d. pa1 a2 ¨ ¨ ¨ an q ¨ pb1 b2 ¨ ¨ ¨ bk q :“ a1 a2 ¨ ¨ ¨ an b1 b2 ¨ ¨ ¨ bk , qui consiste simplement à coller ensemble les mots considérés. (a) Montrer que la concaténation est associative, avec le mot vide comme élément neutre. (b) Calculer le nombre de mots de longueur n sur un alphabet de longueur de k lettres. Avec cette opération, on dit que A˚ est le monoïde libre sur A.
Exercice 1.42 (Anneaux). La donnée d’une structure d’anneau sur un ensemble A, est la donnée de deux opérations sur A. La première est habituellement notée additivement, et elle fait de pA, `q un groupe commutatif, avec neutre noté 0 ; et la seconde est notée multiplicativement et fait de pA, ¨q un monoïde, avec neutre noté 1. On dit que l’anneau est commutatif si ce monoïde est commutatif. Vérifier que chacune des structures suivantes forme bien un anneau. (a) On fixe X un ensemble non vide, et soit RX “ tf | f : X Ñ Ru Rappelons qu’on dénote habituellement par 0, et 1 les fonctions constantes de valeur 0 et 1 respectivement ; et que les opérations usuelles sur les fonctions f ` g, f ¨ g, et p´f q sont caractérisées par les égalités pf ` gqpxq :“ f pxq ` gpxq, pf ¨ gqpxq :“ f pxqgpxq, p´f qpxq :“ ´f pxq.
On considère sur RX la structure d’anneau correspondante. (b) Avec les mêmes définitions, on considère la structure d’anneau sur CpRq, l’ensemble des fonctions continues de R dans R. (c) Pour un anneau unitaire A, et n • 1, on considère la structure d’anneau sur l’ensemble Mn pAq des matrices carrées n ˆ n à coefficients dans A, avec les opérations habituelles sur les matrices. Bien entendu, la matrice nulle et la matrice identité s’obtiennent en considérant que leurs coefficients correspondent aux éléments 0 et 1 de A, de la manière usuelle. 29. Alfred Young (1863-1942).
1.11. EXERCICES
47
(d) Pour A un anneau unitaire commutatif, et n variables x1 , . . . , xn , on considère l’anneau Arx1 , . . . , xn s des polynômes en les variables x1 , . . . , xn , à coefficients dans A. Les polynômes constants (incluant 0 et 1) correspondent aux éléments de A. Les opérations se définissent de la manière habituelle. Exercice 1.43. Soit A un anneau commutatif. Montrer que les éléments inversibles de Mn pAq sont les matrices dont le déterminant donne un élément inversible de A. (N.B. Le déterminant est défini de la même façon que pour les matrices réelles.) Exercice 1.44. Soit G “ ta ` bi | a, b P Zu, les entiers de Gauss, et pour z P G soit N pzq “ |z|2 . Vérifiez que G est un sous-anneau de C et que la fonction N : G Ñ N a la propriété N pxyq “ N pxqN pyq. Montrez que pour tous x, y P G, y ‰ 0, il existe q, r P G tel que x “ qy ` r et N prq † N pyq. (Notez que lorsqu’on représente G dans le plan complexe, on a N pxq † N pyq si et seulement si |x| † |y|q. Exercice 1.45 (Les quaternions de Hamilton 30 ). Soit R4 muni de l’addition et de la multiplication suivantes : pa1 , b1 , c1 , d1 q ` pa2 , b2 , c2 , d2 q “ pa1 ` a2 , b1 ` b2 , c1 ` c2 , d1 ` d2 q pa1 , b1 , c1 , d1 q ¨ pa2 , b2 , c2 , d2 q “ pa1 a2 ´ b1 b2 ´ c1 c2 ´ d1 d2 , a1 b2 ` b1 a2 ` c1 d2 ´ d1 c2 , a 1 c 2 ´ b1 d 2 ` c 1 a 2 ` d 1 b2 , a 1 d 2 ` b1 c 2 ´ c 1 b2 ` d 1 a 2 q
(a) Vérifier que p1, 0, 0, 0q est un élément neutre pour cette multiplication.
(b) Vérifier que R4 muni de cette addition et de cette multiplication forme un anneau. On appelle cet anneau l’anneau des quaternions et on le désigne par H. Exercice 1.46. Pour les valeurs p “ 3, 5, 7, 11, 13, trouvez le plus petit entier qui donne un générateur pour le groupe multiplicatif du corps Fp des entiers modulo p. Exercice 1.47. Soit K un corps fini de caractéristique p et ⇣ un générateur du groupe cyclique K ˚ . Montrez que ⇣ p est aussi un générateur de K ˚ . Exercice 1.48. On dit que A Ñ R est dense dans R si et seulement si, pour tout x P R et tout " ° 0, on a A X ty P R | |x ´ y| † "u “ H. (a) Montrer que tout sous-groupe de pR, `q est ou bien dense dans R, ou bien il existe n P R` tel que H “ nZ.
(b) Montrer que tout sous-groupe de pR, `q est soit dense dans R, soit monogène.
(c) Donner des exemples de sous-groupes non triviaux de R, qui sont dense dans R.
(d) Montrer les énoncés analogues pour le groupe des nombres complexes de normes 1, muni de la multiplication. 30. William Rowan Hamilton (1805-1865).
48
CHAPITRE 1. GROUPES
Exercice 1.49 (Groupes topologiques). Rappelons qu’une topologie sur un ensemble E est un sousensemble T de PpEq, dont les éléments sont appelés ouverts. On demande que (1) H P T , et E P T ;
(2) toute intersection finie d’éléments de T est dans T : O1 X ¨ ¨ ¨ X On P T ,
si
Oi P T ;
(3) toute réunion (pas nécessairement finie) d’éléments de T est dans T : § Oi , si @pi P Iq Oi P T . iPI
Une fonction continue entre deux espaces topologiques pE1 , T1 q et pE2 , T2 q est une fonction f : E1 Ñ E2 telle que l’image inverse de tout ouvert est un ouvert, c.-à-d. f ´1 pOq P T1 pour tout O P T2 . Par exemple, la topologie habituelle sur Rn consiste à dire que O Ñ Rn est ouvert si et seulement si pour tout x P O il existe " ° 0 tel que ty P Rn | distpx, yq † "u Ñ O, avec la distance euclidienne habituelle distpx, yq. On a une topologie sur Mn qui correspond à considérer que Mn “ Rnˆn . Un homéomorphisme d’espaces topologiques est une fonction continue bijective, dont l’inverse est continu. Un groupe topologique est un groupe muni d’une topologie, et dont l’opération est continue, ainsi que le passage à l’inverse, c.-à-d. pour tout g P G on a des fonctions continues h fiÑ g ¨ h, h fiÑ h ¨ g et h fiÑ h´1 . Les groupes de Lie sont des cas particuliers de groupes topologiques. Un isomorphisme de groupes topologiques est un isomorphisme de groupes qui est aussi un homéomorphisme. (a) Montrer que Rn avec l’addition vectorielle est un groupe topologique. (b) Montrer que GLn , Opnq, SOpnq, et SLn sont des groupes topologiques, avec la multiplication de matrices. (c) Montrer que si pE, T q est un espace topologique, alors l’ensemble HpE, Eq :“ tf | f : E Ñ E, f homéomorphismeu, avec la composition de fonctions comme opération, est un groupe.
Chapitre 2
Actions de groupes
Dans ce chapitre nous allons étudier les actions de groupes, c’est-à-dire des fonctions f : G ˆ E ›Ñ E, avec de bonnes propriétés qui assurent que f « respecte » l’opération de groupe. Intuitivement, la fonction f exprime en quoi le groupe G permet de « transformer » les éléments de E. Dans un tel contexte, on interprète f pg, xq, pour g P G et x P E, comme une certaine transformation de x selon g.
Hexaméthyltungstène.
C’est souvent la compréhension de ses actions qui permet de bien voir quel est le rôle que joue un groupe donné en mathématiques, ou dans d’autres domaines des sciences. En effet, reformulé pour des physiciens, c’est essentiellement le « principe de relativité » de Galilée 1 qui veut qu’une loi de la physique soit exprimée de façon indépendante de l’observateur. En ce sens, les chimistes utilisent la théorie des groupes pour identifier la forme d’une molécule. Pour exemple, une telle étude permet de déterminer que la molécule d’hexaméthyltungstène W pCH3 q6 à la forme décrite à la figure ci-contre.
Nous allons aussi développer un outil puissant pour l’étude des groupes : le Théorème de Lagrange 2 qui concerne une généralisation du quotient pZ, `q par son sous-groupe pnZ, `q, donnant le groupe pZn , `q “ pZ{nZ, `q. 1. Galilei Galileo, 1564–1642. 2. Joseph Louis Lagrange (1736–1813).
49
50
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
2.1
Groupes opérants sur des ensembles
On dit qu’un groupe G opère (à gauche) sur un ensemble E, si on a une fonction f : G ˆ E Ñ E, on écrit habituellement g ¨ x pour f pg, xq, telle que pour tout x P E, et tout g1 , g2 P G on ait (1) e ¨ x “ x, où e désigne le neutre de G, et (2) pg1 g2 q ¨ x “ g1 ¨ pg2 ¨ xq.
On dit aussi que f est une action de G sur E, ou encore que G agit sur E par f . Bien entendu, il peut y avoir plusieurs actions différentes d’un groupe sur le même ensemble. Pour G agissant sur E, et x dans E, l’orbite de x, notée Orbpxq, est l’ensemble de tous les points de E de la forme g ¨ x, pour g parcourant G. En formule, Orbpxq :“ ty P E : il existe g P G tel que y “ g ¨ xu. Il y a deux cas extrêmes. Le premier est le cas où il y a une seule orbite, on dit alors que l’action est transitive. Le deuxième cas est celui où chaque orbite ne contient qu’un seul élément, on dit alors que l’action est triviale. On désigne par E{G l’ensemble des orbites de l’action, c.-à-d. E{G “ tOrbpxq | x P Eu; et on constate aisément la proposition suivante. Proposition 2.1. Deux orbites distinctes, d’une action de G sur E, sont forcément disjointes. Démonstration. Voir exercice 2.1. Une autre façon d’interpréter la démonstration de cette proposition est de dire que l’action induit une relation d’équivalence sur E, définie en posant x ” y, si et seulement si Orbpxq “ Orbpyq. L’ensemble E{G est alors le quotient de E par la relation d’équivalence, les classes d’équivalences sont les orbites ; et E se décompose de façon unique comme une réunion d’orbites disjointes 3 ÿ E“ O. (2.1) OPE{G
Autrement dit, si E{G est fini, et si x1 , x2 . . . , xn sont des représentants des diverses classes d’équivalences concernées, alors E “ Orbpx1 q ` Orbpx2 q ` ¨ ¨ ¨ ` Orbpxn q, (2.2) 3. On utilise ici la notation A ` B pour l’union d’ensembles disjoints A et de B, plutôt que d’autres notations comme A Z B. Cette notation s’étend aux sommations.
2.1. GROUPES OPÉRANTS SUR DES ENSEMBLES
51
où l’utilisation de la somme entre ensembles souligne qu’on a Orbpxi q X Orbpxj q “ H, pour tout i “ j. C’est la partition en orbites disjointes de E. Le stabilisateur de x, noté Stabpxq, est l’ensemble des éléments de G qui fixe x, c.-a-d. que g ¨ x “ x. En formule, Stabpxq :“ tg P G : g ¨ x “ xu. Il est facile de voir (exercice) que c’est un sous-groupe de G. Parmi les exemples classiques, on a les suivants, plus ou moins classés selon le domaine des mathématiques concerné. Un sous-ensemble A de E est dit stable ou invariant pour l’action de G, si on a g ¨ x P A pour tout x P A, c.-à-d. g ¨ A Ñ A,
pour tout
g P G.
On peut alors restreindre l’action à A, pour obtenir une action G ˆ A Ñ A. On dit que c’est une sous-action. Les orbites d’une action de G sur E correspondent aux plus petits sous-ensembles Orbites (selon la NASA). non vides de E qui sont invariants pour l’action de G. Un sousensemble invariant A est forcément une réunion d’orbites, puisque x P A implique alors Orbpxq Ñ A. Ensembles et fonctions. Si G agit sur E, alors on peut se servir de cette action pour construire des actions de G sur les constructions ensemblistes faites à partir de E. Ainsi, on peut faire agir G sur le produit cartésien E ˆ E, en posant G ˆ pE ˆ Eq ›Ñ pE ˆ Eq,
avec
g ¨ px, yq :“ pg ¨ x, g ¨ yq,
pour px, yq P E ˆ E. Il est facile de vérifier directement que ceci donne bien une action de G. Autre exemple, si PpEq désigne l’ensemble des parties (sous-ensembles) de E, alors on a l’action G ˆ PpEq ›Ñ PpEq,
avec
g ¨ A :“ tg ¨ x | x P Au,
(2.3)
pour A dans PpEq. En particulier, l’ensemble vide est toujours un point fixe pour cette dernière action, c.-à-d. g ¨ H “ H. Il y a un grand nombre d’autres actions qui peuvent ainsi être construites. Ainsi, on a l’action de G sur l’ensemble FonctpF, Eq des fonctions de F vers E, quelque soit F . En effet, pour f : F Ñ E et g dans G, il suffit de considérer la fonction pg ¨ f q : F Ñ E, définie en posant pg ¨ f qpxq :“ g ¨ pf pxqq, pour tout x dans E. Encore une fois, c’est une action de G : G ˆ FonctpF, Eq ›Ñ FonctpF, Eq,
avec
pg, f q fiÑ g ˝ f.
L’étude des actions de groupes sur les ensembles finis correspond à une grande part de la combinatoire moderne. Un des problèmes typiques consiste à décrire explicitement la partition en orbites de telles actions. C’est souvent un problème difficile. On verra plus tard comment le groupe symétrique joue un rôle central dans ce contexte.
52
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
Transformations du plan. Pour G “ pR, `q, et E “ C, on a l’action R ˆ C Ñ C,
avec
pr, zq ބ r ` z,
qui correspond aux translations horizontales du plan des complexes. L’orbite Orbpzq de z P C correspond à la droite horizontale qui passe par z, et Stabpzq “ t0u. On obtient donc C comme réunion d’orbites correspondant aux droites horizontales. Encore pour G “ pR, `q et E “ C, mais maintenant
Figure 2.1 – Orbites respectives, dans C, pour les actions par translations ou rotations. avec l’action R ˆ C Ñ C, avec p✓, zq fiÑ ei✓ z, correspondant aux rotations centrales du plan des complexes. Pour z P C, l’orbite Orbpzq est donc le cercle de centre 0 passant pas z. Encore une fois, StabpXq “ teu. Enfin, pour G “ pR˚ , ¨q et E “ C, on a l’action R˚ ˆ C Ñ C, avec pr, zq fiÑ rz, qui multiplie un nombre complexe par un réel non nul. Ce sont les homothéties du plan. Pour z P C, z ‰ 0, l’orbite Orbpzq correspond à la droite de direction z, à laquelle on enlève l’origine, et que Stabpzq “ t1u. D’autre part, pour z “ 0, l’orbite est Orbp0q “ t0u, et Stabp0q “ R˚ . Plus généralement, on s’intéresse à des groupes de transformations linéaires d’espaces vectoriels. On peut alors définir des actions de ces groupes sur les constructions faisant intervenir les espaces vectoriels de départ (produis directs, produits tensoriels, etc.). Il y a là de nombreuses connexions avec plusieurs des domaines des mathématiques et de la physique. A2
A1
s
ñ
r
A3
A0
O
A4
A5
Le groupe D6 agit sur l’hexagone.
Les isométries d’un polygone, groupe diédral. Pour un entier m • 3, on considère le polygone plan régulier convexe Pm à m sommets A0 . . . , Am´1 inscrits dans le cercle unité de centre O. Le groupe diédral Dm est le groupe des isométries du plan qui préserve Pm . On a donc que D3 est le groupe des isométries du triangle, D4 celui du carré, D5 celui du pentagone, D6 celui de l’hexagone, (voir la figure ci-contre), etc. On observe qu’un élément f P D4 (par exemple) est déterminé par une permutation des sommets A0 , A1 , A2 , A3 , où il est pratique de poser
2.1. GROUPES OPÉRANTS SUR DES ENSEMBLES
53
Ak :“ Apk mod 4q en général. On a donc A4 “ A0 , A5 “ A1 etc. Parmi les éléments de D4 on retrouve : l’identité e, la rotation r de centre 0 qui envoie Ak sur Ak`1 , la rotation r2 de centre 0 qui envoie Ak sur Ak`2 , la rotation r3 de centre 0 qui envoie Ak sur Ak`3 , etc. On remarque que r4 pA0 q “ A4 “ A0 donc r4 “ e. De plus, on a la symétrie orthogonale s, d’axe OA0 , la symétrie orthogonale t dont l’axe est la médiatrice du segment rA0 , A1 s, la symétrie orthogonale s1 d’axe OA1 et la symétrie orthogonale t1 dont l’axe est la médiatrice du segment rA1 , A2 s. On observe que t “ rs,
s1 “ r2 s,
t1 “ r3 s.
On vérifie que ce sont les seuls éléments de D4 , et donc D4 “ te, r, r2 , r3 , s, rs, r2 s, r3 su est d’ordre 2 ¨ 4 “ 8. Plus généralement, pour m • 3, on considère s la symétrie orthogonale d’axe OA0 , et r la rotation de centre O et d’angle 2⇡{m. On a alors spOq “ O
et
spAi q “ Am´i , pour tout 1 § i § m ´ 1,
rpAi q “ Ai`1 , pour tout 1 § i § m ´ 1, et rpAm´1 q “ A0 . Les transformations s et r préservent Pm , d’où on a la proposition suivante. Proposition 2.2. Soit m P N, m • 3, alors
(1) s, r P Dm . De plus, ordpsq “ 2, ordprq “ m, et srs “ r´1 .
(2) Dm “ xr, sy “ trk , srk | 0 § k § m ´ 1u est un groupe d’ordre 2m. Démonstration. (1) La première partie de la proposition est une conséquence de ce qui précède. Pour ce qui est de la deuxième partie : par définition, une symétrie vérifie s2 “ e et s “ e donc ordpsq “ 2. De plus, puisque rm pAi q “ Ai , rm (m • 3) fixe au moins trois points du plan, donc rm “ e et r, r2 . . . , rm´1 “ e donc ordprq “ m (le fait qu’une rotation d’angle 2⇡{m est d’ordre m est un résultat bien connu et que l’on vient de redémontrer). Maintenant : en posant Am “ A0 on a rsrspAi q “ rsrpAm´i q “ rspAm´i`1 q “ rpAi´1 q “ Ai Ainsi rsrs fixe plus de trois points du plan, donc rsrs “ e. D’où la relation srsr “ e.
(2) Les seules isométries qui préservent Pm sont :
(i) Les rotations d’angles 2k⇡{m, c’est-à-dire, les rk (e “ r0 ).
(ii) Les symétries d’axe OAk et celles passant par les médiatrices des segments rAi , Ai`1 s (qui peuvent être les mêmes, selon que si m est pair ou impair) : c’est à dire les srm´k . D’où le résultat.
54
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
La relation rsrs “ e suffit à construire Dm , pour peu que l’on sache que s2 “ e et rm “ e, on dit que Dm est présenté par les générateurs s, r et les relations s2 “ rm “ srsr “ e. On note ce fait comme suit Dm “ xs, r | s2 “ rm “ srsr “ ey. L’action par conjugaison de G sur G. Une autre action intéressante, de G sur lui-même, est celle obtenue en posant G ˆ G Ñ G, avec pg, hq fiÑ g ¨ h :“ ghg ´1 . C’est l’action par conjugaison. On a bien e ¨ h “ ehe´1 “ ehe “ h et
pg1 g2 q ¨ h “ pg1 g2 qhpg1 g2 q´1 “ g1 g2 hg2´1 g1´1 “ g1 pg2 ¨ hqg ´1 “ g1 ¨ pg2 ¨ hq. On dit de Orbphq que c’est la classe de conjugaison de h, et de ses éléments que ce sont les conjugués de h. On dit du stabilisateur Stabphq “ tg P G | ghg ´1 “ hu “ tg P G : gh “ hgu, que c’est le centralisateur de h, et on le dénote alors Cphq. Plus généralement, on considère sur E “ PpGq, l’action de G ˆ PpGq Ñ PpGq,
avec
g ¨ X “ gXg ´1 :“ tgxg ´1 : x P Xu.
Si X “ H est un sous-groupe de G, alors OrbpHq consiste en les conjugués de H, et StabpHq “ tg P G : gHg ´1 “ Hu est appelé normalisateur de H. On le dénote alors par N pHq. Si N pHq “ G, on dit de H que c’est un sous-groupe normal. Autrement dit, H est normal si et seulement si on a H “ gHg ´1 ,
pour tout
g P G.
On écrit alors, H Ÿ G. Il est clair que H est toujours un sous-groupe normal de StabpHq, c.-à-d. H Ÿ StabpHq. Nous allons voir plus loin que la notion de sous-groupe normal joue un rôle très important.
2.2
Actions de SE
Pour un ensemble (fini) E, on a plusieurs actions intéressantes du groupe G “ SE . La plus simple est l’action naturelle SE ˆ E Ñ E, avec g ¨ x “ gpxq.
2.2. ACTIONS DE SE
55
Plusieurs exemples s’obtiennent par des constructions ensemblistes classiques. Ainsi, on a l’action de SE sur les produits cartésiens # E ˆ E n´1 si n ° 1, E n :“ E si n “ 1. obtenue en posant
¨ px1 , x2 , . . . , xn q “ p px1 q, px2 q, . . . pxn qq,
pour les xi P E. On a aussi l’action de E sur l’ensemble PpEq des parties de E (voir (2.3)), obtenue en posant ¨ A :“ t pxq | x P Au.
Combinant ces deux constructions, on a l’action de SE sur l’ensemble des relations sur E, c.-à-d. sur l’ensemble PpE ˆ Eq : ¨ R :“ tp pxq, pyqq | px, yq P Ru. D’autres exemples classiques correspondent à des actions de SE sur l’ensemble FpEq des fonctions de E vers E. Ainsi, on a l’action par conjugaison ¨ f :“
´1
˝f ˝
,
pour f : E Ñ E ; l’action par composition à gauche ¨ f :“
˝ f;
ou l’action par composition à droite ¨ f :“ f ˝
´1
.
Observons, dans ce dernier cas, que le fait d’utiliser l’inverse assure qu’on a bien une action, puisque p ˝ ⌧q ¨ f
“ f ˝ p ˝ ⌧ q´1 “ f ˝ p⌧ ´1 ˝ “ pf ˝ ⌧
´1
“ p⌧ ¨ f q ˝ “
q˝
´1
q
´1
´1
¨ p⌧ ¨ f q.
On peut poursuivre ce genre de constructions dans toutes sortes de directions. C’est en fait le coeur d’une grande partie de la combinatoire, qui donne lieu entre autres à la Théorie des espèces de structures 4 . Les notions de stabilisateurs, d’orbites, et plusieurs autres concepts de la théorie des groupes y jouent un rôle 4. Développée par les mathématiciens de l’UQAM dans les années 1980. Voir un texte d’introduction disponible sur le web à l’adresse : http://bergeron.math.uqam.ca/files/2013/11/book.pdf.
56
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
fondamental. Exploitant des idées de la théorie des groupes (et de la théorie des catégories), la théorie des espèces (combinatoire) permet de résoudre de manière élégante (algébrique) un grand nombre de problèmes concernant des objets comme les fonctions, les graphes, les arbres, les permutations, les dérangements, les partitions, les ordres, etc. En plus de donner des fondements rigoureux à un large pan de la combinatoire énumérative, la théorie des espèces donne un riche contexte algébrique pour la construction de nouvelles espèces de structures. En plus de riches liens avec de nombreux domaines des mathématiques, elle a des applications en Physique théorique (diagrammes de Feynman, Théorie quantique des champs, etc.), Informatique théorique (Structures de données, Analyse de la complexité d’algothimes, Programmation fonctionnelle, Sémantique des langages de programmation, etc.), et dans l’étude de certains processus stochastiques.
2.3
Classes modulo un sous-groupe
S’inspirant de la relation de congruence modulo n dans Z : ssi
a ” b pmod nq
p´aq ` b P nZ,
on considère la définition suivante. Pour H sous-groupe d’un groupe G, on considère la congruence à gauche modulo H sur G, définie en posant g1 ” g2
pmod Hq ñ g1´1 q2 P H.
(2.4)
C’est une relation d’équivalence (voir la preuve ci-dessous), et on dit de la classe d’équivalence x H “ tg h | h P Hu,
pour
g P G,
que c’est une classe à gauche modulo H. On note G{H l’ensemble quotient résultant, c.-à-d. G{H :“ tg H | g P Gu
(2.5)
Pour G noté additivement, on écrit x ` H pour la classe d’équivalence de x modulo H. On retrouve alors la notation « usuelle » pour le cas G “ Z et H “ nZ, à savoir k ` nZ, pour k P Z ; et l’ensemble quotient est bien Zn “ Z{nZ. Observons que xH “ H si et seulement si h P H. Observons aussi que, pour x “ y, il est fort possible que xH “ yH. On vérifie (exercice) que cela ne se produit que dans la cas où xH “ yH ñ x´1 yH “ H ñ y ´1 xH “ H ñ x´1 y P H. (2.6) C’est le critère d’égalité de classes à gauche.
De façon toute similaire, on a une notion de congruence à droite modulo H, définie en posant x ”d y
ñ
xy ´1 P H.
2.3. CLASSES MODULO UN SOUS-GROUPE
57
On pose aussi que Hx “ thx | h P Hu. C’est la classe à droite modulo H. L’ensemble quotient résultant est noté HzG. Comme pour les classes à gauche, on a la caractérisation suivante des classes à droite y P xH ssi y ´1 P Hx´1 .
Pour G est abélien, les deux notions de classes à gauche et à droite coïncident, c.-à-d. que xH “ Hx pour tout x P G. On dit d’un sous-groupe tel que xH “ Hx, pour tout x P H, qu’il est normal. Nous approfondirons ces notions au Chapitre 4. Il est évident que tout groupe G contient au moins deux sous groupes normaux, dit triviaux. Il s’agit simplement du sous-groupe teu, et de G lui-même. Un groupe est dit simple si et seulement si ces seuls sous-groupes normaux sont ces deux sous-groupes triviaux. Un de aspect fondamental de cette notion est que : tout groupe fini peut se « construire » à partir des groupes finis simples (voir Section 3.7). Le fait que H soit un sous-groupe assure que la relation ”, définie en (2.4), est bien une « relation d’équivalence ». En effet la réflexivité découle de ce que e P H, puisqu’alors x´1 x “ e P H, et donc x ” x ; la symétrie découle du fait que tout élément est inversible dans H, ce qui fait que y ´1 x “ px´1 yq´1 P H, et donc x ” y si et seulement si y ” x ; et la transitivité du fait que H est stable. En effet, si x ” y et y ” z alors x´1 y P H et y ´1 z P H, et alors on a x´1 z “ x´1 yy ´1 z P H
ùñ
x ” z.
Reste à montrer que la classe d’équivalence de x est bien xH “ txh | h P Hu. On raisonne comme suit. Par définition, pour y P xH, on a h P H tel que y “ xh. Donc x´1 y “ h P H et il s’ensuit que x ” y. Réciproquement, soit y ” x, alors h “ x´1 y P H. Il existe donc h P H tel que y “ xh, ce qui prouve l’affirmation. Une propriété importante des classes à gauche (ou à droite) est soulignée par la proposition suivante. Proposition 2.3. Soit G un groupe et H § G, alors
(1) Pour tout x P G, xH, Hx et H ont même cardinal.
(2) Les ensembles quotients G{H et HzG sont en bijection. Démonstration. On montre d’abord que la fonction h fiÑ xh est une bijection de H sur xH (exercice). Posons f pxHq “ Hx´1 , pour tout x P G. La fonction f : G{H Ñ HzG est bien définie, à savoir que xH “ yH ñ x´1 y P H ñ H “ Hx´1 y ñ Hy ´1 “ Hx´1 . Montrons que f est une bijection. Elle est injective, puisqu’on a f pxHq “ f pyHq ñ Hy ´1 “ Hx´1 ñ xH “ yH. De plus, f est surjective, puisque Hx P HzG entraînef px´1 Hq “ Hpx´1 q´1 “ Hx.
58
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
Cette proposition rend possible la définition suivante, pour tout H sous-groupe d’un groupe G. On dit du cardinal de l’ensemble quotient G{H (qui est égal au cardinal de HzG) que c’est l’indice de H dans G. On le note rG : Hs :“ | G{H | (2.7) Lorsque G{H est un ensemble fini, on dit que H est d’indice fini dans G. Par exemple, on a rZ : nZs “ n. L’indice peut donc être fini même si G et H sont infinis. Le théorème suivant permet de calculer l’indice. Théorème 2.4 (Théorème de Lagrange). Soit G un groupe fini et H § G alors |G| “ |H| ¨ rG : Hs. En particulier, l’ordre de tout sous-groupe de G divise l’ordre de G, et l’ordre de tout élément de G divise l’ordre de G. Démonstration. Comme ” est une relation d’équivalence, G{H est une partition de G. On obtient alors ÿ ÿ |G| “ |xH| “ |H| “ |G{H| |H| “ |H| rG : Hs. xHPG{H
xHPG{H
Puisque l’ordre de x P G est l’ordre du sous-groupe xxy, on obtient bien l’ordre de tout élément de G divise |G|. Corollaire 2.5. Pour G un groupe fini d’ordre n, alors xn “ e pour tout x P G. De plus, si p est premier, alors G est un groupe cyclique.
Démonstration. Soit x P G, d’ordre d. Le théorème de Lagrange assure que d divise |G| “ n. On a donc k P N tel que n “ d k, et on a donc xn “ xd k “ pxd qk “ ek “ e. La seconde partie est laissée en exercice. La prochaine étape de notre cheminement consiste à faire agir G sur G{H. Pour ce faire, on exploite l’action de G sur lui-même par multiplication à gauche : G ˆ G Ñ G,
avec
g ¨ h :“ gh.
On a bien e ¨ h “ eh “ h et pg1 g2 q ¨ h “ pg1 g2 qh “ g1 pg2 hq “ g1 ¨ pg2 ¨ hq, puisque c’est l’associativité de l’opération de G. Plus généralement, on considère E “ PpGq c’est-à-dire l’ensemble des parties de G. On a alors l’action de G ˆ PpGq Ñ PpGq,
avec
g ¨ X “ gX :“ tgx : x P Xu.
2.4. ORBITES VS STABILISATEURS
59
Si X “ H est un sous-groupe de G, on a vu plus haut que les orbites OrbpHq sont les classes à gauche de H, et StabpHq “ tg P G : gH “ Hu “ H. Pour tout sous-groupe H, le groupe G agit sur le quotient G{H en posant G ˆ G{H Ñ G{H, avec h ¨ pgHq :“ phgqH. (2.8) Il faut alors vérifier que cela est une « bonne définition ». En effet, rien n’assure (a priori) que l’effet de h sur g1 H sera le même que sur g2 H, pour g1 “ g2 avec g1 H “ g2 H. Le calcul suivant montre que cela est toujours le cas. Nous sommes maintenant presque prêts à aborder la classification des actions de groupes.
2.4
Orbites vs stabilisateurs
Comme on va le voir à la section 2.6, la proposition suivante ouvre la porte à la description de « toutes » les actions de groupes. Elle suggère aussi que la compréhension des orbites est importante. Proposition 2.6. Soit G un groupe agissant sur un ensemble E, et x P E, alors la relation « l’élément x est dans l’orbite de l’élément y » est une relation d’équivalence sur E. En conséquence, E est la réunion disjointe des orbites. Démonstration. Par définition, x P Orbpyq si et seulement si il existe g P G tel que y “ g ¨ x. La relation considérée est donc x „ y, si et seulement si il existe g P G tel que y “ g ¨ x. En prenant g “ e on voit que « „ » est réflexive. Comme y “ g ¨ x si et seulement si x “ g ´1 ¨ y, la relation est symétrique. Enfin, vérifier la transitivité correspond à constater que z “ h ¨ y et y “ g ¨ x entraîne que z “ phgq ¨ x. Autrement dit, le fait qu’on ait une relation d’équivalence correspond exactement aux propriétés qui caractérisent une action. On relie l’étude des orbites à l’étude des stabilisateurs via la proposition suivante. De plus la proposition révèle un lien important entre stabilisateurs d’éléments qui se trouvent dans une même orbite. Cela nous sera fort utile pour comprendre les actions transitives. Proposition 2.7. Pour tout groupe G opérant sur un ensemble E, et x P E, on a les propriétés suivantes. (1) Il y a une bijection entre Orbpxq et les classes à gauche de Stabpxq. En particulier, si Orbpxq est fini, alors Stabpxq est d’indice fini et | Orbpxq | “ rG : Stabpxqs. (2) Si Orbpxq “ Orbpyq, alors Stabpxq et Stabpyq sont conjugués.
60
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
Démonstration. (1) Considérons les ensembles Orbpxq et tg Stabpxq : g P Gu (ce sont les éléments G{Stabpxq). Notons que g ¨ x “ g1 ¨ x
g 1´1 ¨ pg ¨ xq “ g 1´1 .pg 1 ¨ xq
ñ ñ
pg 1´1 gq ¨ x “ pg 1´1 g 1 q ¨ x
ñ
pg 1´1 gq ¨ x “ x
pg 1´1 gq ¨ x “ e ¨ x
ñ
g 1´1 g P Stabpxq
ñ On peut donc définir la fonction
g Stabpxq “ g 1 Stabpxq.
ñ
Orbpxq Ñ tg Stabpxq : g P Gu,
avec
g ¨ x fiÑ g Stabpxq,
qui donne une bijection. (2) Supposons y “ g ¨ x. Alors g ´1 ¨ y “ pg ´1 gq ¨ x “ x. Montrons que Stabpyq Ñ g Stabpxqg ´1 et g Stabpxqg ´1 Ñ Stabpyq. Soit h P Stabpyq, alors on a h ¨ pg ¨ xq “ g ¨ x
ñ
phgq ¨ x “ g ¨ x
ñ
g ´1 hg P Stabpxq,
ñ
g ´1 hg ¨ x “ x
et on a h “ gpg ´1 hgqg ´1 . Cela montre la première inclusion. Soit k P Stabpxq. On a gkg ´1 ¨ y “ pgkq ¨ pg ´1 yq “ gk ¨ x “ g ¨ pk ¨ xq “ g ¨ x “ y. Cela montre la deuxième inclusion. Corollaire 2.8. Soit G opérant sur E, où G et E sont finis. Soit E “ Orbpx1 q ` . . . ` Orbpxn q, la partition de E en orbites pour cette action (voir (2.2)). Alors |E | “
n ÿ
i“1
rG : Stabpxi qs.
Ce corollaire est à la base de beaucoup d’applications des groupes finis. En particulier, on a la suivante. Pour l’action de G sur lui-même par conjugaison, on a la partition en orbites G “ Orbph1 q ` . . . ` Orbphr q,
pour un bon choix de éléments h1 , . . . , hr . Notons que h P ZpGq
ñ
Orbphq “ thu,
où on rappelle que ZpGq désigne le centre de G. On conclut donc qu’on a la formule ÿ | G | “ | ZpGq | ` rG : Cphi qs hi RZpGq
(2.9)
2.5. LEMME DE BURNSIDE
2.5
61
Lemme de Burnside
Quand E et G sont finis, avec G agissant sur E, on s’intéresse souvent à calculer le nombre d’orbites de E pour cette action. Le lemme 5 de Burnside permet de transformer ce « difficile » calcul en un calcul plus facile du nombre moyen d’éléments de E qui sont fixés par les éléments de G. On désigne fixg pEq, l’ensemble des points fixés par g dans E, c.-à-d. On a alors l’énoncé suivant.
fixg pEq :“ tx P E | g ¨ x “ xu.
Théorème 2.9 (Lemme de Burnside-Cauchy-Frobenius). Pour toute action d’un groupe fini G, sur un ensemble fini E, on a 1 ÿ |E{G| “ | fixg pEq |. |G| gPG Démonstration. La preuve consiste simplement à calculer le cardinal de l’ensemble de deux manières. D’abord,
| tpg, xq P G ˆ E | g ¨ x “ xu |, | tpg, xq P G ˆ E | g ¨ x “ xu | “
ÿ
gPG
| fixg pEq |.
Utilisant la première partie de la proposition 2.7, c.-à-d. | G | “ | Stabpxq | ¨ | Orbpxq |, on trouve d’autre part ÿ | tpg, xq P G ˆ E | g ¨ x “ xu | “ | Stabpxq | xPE
“
ÿ
xPE
“ |G| “ |G|
|G| | Orbpxq | ˜ ÿ ÿ
1 |O| xPO
OPE{G
ÿ
¸
1,
OPE{G
“ | G | ¨ | E{G |.
Comparant les deux calculs, on trouve l’énoncé de la proposition.
5. Il n’est pas dû à William Burnside (1852–1927), qui l’a énoncé comme un lemme dans son livre : The Theory of Groups of Finite Order. Il semble plutôt dû à Ferdinand Georg Frobenius (1849-1917), ou même à Augustin Louis Cauchy (1789 -1857) avant lui. Depuis lors, c’est le surnom qu’on donne couramment à cet énoncé.
62
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES 3
4 1
2
Coloration du tétraèdre. (La face cachée est bleue) où p ¨ f qpxq :“ f p que
´1 pxqq.
Un exemple typique est le suivant. On considère l’ensemble des colorations des faces d’un tétraèdre avec k couleurs, à symétries près du tétraèdre. Autrement dit, deux colorations sont considérées comme équivalentes si on peut passer de l’une à l’autre via une des symétries du tétraèdre. Si les sommets du tétraèdre sont étiquetés t1, 2, 3, 4u, les faces s’identifient aux 4 sous-ensembles à trois éléments A :“ t1, 2, 3u, B :“ t1, 2, 4u, C :“ t1, 3, 4u, et D :“ t2, 3, 4u. Une coloration est une simplement une fonction tA, B, C, Du ›Ñ t1, 2 . . . , ku. Les symétries du tétraèdre correspondent exactement aux permutations de tA, B, C, Du, et l’action de sur une coloration f est de produire la nouvelle coloration ¨ f : tA, B, C, Du ›Ñ t1, 2 . . . , ku,
La présence de l’inverse assure qu’on a bien une action, puisqu’on calcule p⌧ ¨ p ¨ f qqpxq “ p ¨ f qqp⌧ ´1 pxqq “ fp
´1
p⌧ ´1 pxqq
“ f pp⌧ ˝ q´1 pxq “ p⌧ ˝ q ¨ f pxq.
Pour comprendre quand une coloration est fixée par une permutation, il suffit de considérer sa
Figure 2.2 – Autres colorations possibles du tétraèdre (la face cachée aussi est colorée). décomposition en cycles disjoints. En effet, toutes les faces qui sont dans le même cycle doivent être colorées de la même façon, et c’est la seule condition qui doit être satisfaite. Le nombre de colorations laissées fixes par une permutation est donc k p q , où p q est le nombre de cycles de (incluant les cycles de longueur 1). Rappelons que le type cyclique des permutations considérées est l’un des 5 partages de 4, et que le nombre de permutations ayant ces types respectifs sont : une permutation de type 1111 (qui fixe k 4 colorations), six permutations de type 211 (qui fixent k 3 colorations), trois permutations de type 22 (qui fixent k 2 colorations), huit permutations de type 31 (qui fixent k 2 colorations), et six de
2.6. MORPHISMES D’ACTIONS, SOMMES D’ACTIONS, ET ACTIONS TRANSITIVES.
63
type 4 (qui fixent k colorations). En sommant pour les 5 termes, et divisant par 24, on trouve par le lemme de Burnside que le nombre de k-colorations à symétries près du tétraèdre est : ˆ ˙ 1 4 kpk ` 1qpk ` 2qpk ` 3q k`3 3 2 2 pk ` 6 k ` 3 k ` 8 k ` 6 kq “ “ . 4 24 24 Les applications de ce genre mènent à la Théorie de Pólya 6 , qui considère en général l’énumération des structures discrètes modulo l’action d’un groupe.
2.6
Morphismes d’actions, sommes d’actions, et actions transitives.
Pour comparer deux actions G ˆ E Ñ E,
et
G ˆ F Ñ F,
de G, on considère les fonctions ✓ : E Ñ F qui « préservent » l’action. Plus précisément, on dit que ✓ est un morphisme d’action, si et seulement si on a ✓pg ¨ xq “ g ¨ ✓pxq,
(2.10)
pour tout g dans G, et tout x dans E. Soulignons que le sens de g ¨ p´q est différent à gauche de l’égalité ci-dessus. À gauche, c’est la première action qui est en cause, et à droite la seconde. Si ✓ est une fonction bijective, alors on dit que c’est un isomorphisme d’action. Informellement, deux actions isomorphes sont les « mêmes ». Un des problèmes centraux de la théorie des groupes est de « classifier » toutes les actions d’un groupe, à isomorphisme près. Se restreignant au cas fini pour simplifier l’histoire, une partie de la réponse débute par l’observation suivante. On peut introduire la notion suivante de « somme » d’actions de G. Si G agit sur deux ensembles (disjoints) E et F , on a une action de G sur E ` F , l’union disjointe des ensembles E et de F . En effet, on défini G ˆ pE ` F q Ñ pE ` F q en posant, pour z P pE ` F q, que g ¨ z se calcule avec l’action de G sur E si z P E, et avec l’action de G sur F si z P F . La proposition suivante est alors une traduction directe de la proposition 2.6, où chaque orbite correspond à une composante transitive. Proposition 2.10. Pour G et E fini, toute action de G sur E se décompose de façon unique en une somme finie d’actions transitives, c.-à-d. qu’on a un isomorphisme ' : E ›Ñ E1 ` E2 ` . . . ` Ek , avec k fixé, et les Ei uniques à isomorphisme près et à l’ordre des termes près. 6. Le théorème de Pólya originellement dû à John Howard Redfield, a été redécouvert par George Polya (1887-1985) qui en a souligné les applications à la classification des isomères.
64
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
Cette proposition montre que la classification des actions d’un groupe (fini) se ramène à la classification de ses actions transitives (à isomorphisme près). Nous allons voir qu’il y en a un nombre fini. On amorce cette partie de notre histoire avec la proposition suivante, qui ne suppose pas que G ou E soit fini. Proposition 2.11. Pour tout sous-groupe H de G, l’action de G sur G{H définie en (2.8) est transitive. Démonstration. Il suffit d’observer que toute classe à gauche xH s’obtient évidement de la classe H par l’action de x sur H, c.-à-d. x ¨ H “ x H. La prochaine étape consiste à montrer que toute autre action transitive G ˆ E Ñ E, est isomorphe à l’une des actions G{H, pour un bon choix de H. Autrement dit, on cherche une bijection ✓ : E Ñ G{H, avec un candidat judicieux du sous-groupe H. La clé est la proposition 2.7. En effet, on a déjà observé que le stabilisateur de l’élément H de G{H est le sous-groupe H (donc H joue deux rôles distincts ici). Cela suggère d’utiliser la stratégie suivante. On choisit x P E (le choix n’a pas d’importance), et on pose H :“ Stabpxq. La bijection ✓ est alors définie en posant ✓pyq :“ g H
ssi
y “ g ¨ x,
et nous avons déjà vérifié que cela est une bonne définition. Bien entendu, l’inverse de ✓ est ✓´1 pg Hq :“ g ¨ x. Pour achever notre entreprise de classification des actions transitives de G, on doit déterminer quand deux sous-groupes H et K donnent des actions G{H et G{K qui sont isomorphes. On aura alors une « classification » complète (et sans redondance) des actions transitives de G, à isomorphisme d’actions près. La réponse à cette dernière question correspond aussi au cas particulier d’une seule orbite de la Proposition 2.7, et se reformule comme suit. Théorème 2.12. Toute action transitive d’un groupe G est isomorphe à une action de la forme G{H, pour H un sous-groupe de G. Deux telles actions G{H et G{K sont isomorphes, si et seulement si H et K sont conjugués. C’est donc dire qu’il existe g P G, tel que K “ g ´1 H g. Corollaire 2.13. Pour G fini, le nombre d’actions transitives distinctes de G est égal au nombre de classes de conjugaison de sous-groupes de G. Avec un système de calcul formel, on peut calculer explicitement tous les sous-groupes d’un groupe fini. Dans le cas particulier du groupe symétrique S4 , on obtient qu’il y a 30 tels sous-groupes, qui sont inclus 7 les uns dans les autres de la manière illustrée à la Figure 2.3. Le sous-groupe K4 (le groupe de Klein) est un sous-groupe normal de A4 , d’ordre 4. On constate qu’il y a 11 classes de conjugaison de sous-groupes de S4 , avec les sous-groupes d’une même classe de même couleur (non étiquetté). Les seuls 7. Un treillis est un ensemble ordonné avec certaines bonnes propriétés. Pour plus de détails, voir ici.
2.6. MORPHISMES D’ACTIONS, SOMMES D’ACTIONS, ET ACTIONS TRANSITIVES.
65
S4
A4
Légende : : xpijqy
: xpijqpklqy : xpijkqy
K4
: xpikjlqy
: xpijq, pklqy
: xpijq, pikqy
: xpijklq, pijq, pklqy
teu Figure 2.3 – Le treillis des 30 sous-groupes de S4 . sous-groupes normaux sont ceux qui sont étiquettés, c.-à-d. teu, K4 , A4 et S4 . Les premiers termes de la suite donnant le nombre de sous-groupes de Sn sont 1, 1, 2, 6, 30, 156, 1455, 11300, 151221, 1694723, 29594446, 404126228, 10594925360, 175238308453, . . . D’autres termes sont connus, le plus grand étant le 18-ième qui égal à 7598016157515302757. Pour l’instant, il semble difficile d’aller beaucoup plus loin dans le calcul de ces nombres. Les premiers termes de la suite donnant le nombre de classes de conjugaisons de sous-groupes de Sn sont : 1, 1, 2, 4, 11, 19, 56, 96, 296, 554, 1593, 3094, 10723, 20832, 75154, 159129, 686165, 1466358, 7274651, . . . Il ne semble pas qu’on en connaisse d’autres termes, et aucune formule n’est connue pour cette suite. Seul un calcul « brutal » permet de l’obtenir. La proposition suivante donne une autre indication de l’importance du groupe des permutations, sur laquelle nous reviendrons à la Section 3.5 Proposition 2.14. Soit G qui opère sur E. Pour g P G, posons g
Alors
g
: E Ñ E,
est une bijection de E sur lui-même.
avec
g pxq
:“ g ¨ x.
66
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
Démonstration. Montrons que x P E quelconque. On a
g
est surjectif et injectif. Pou montrer la surjectivité, on considère
x “ e ¨ x “ pgg ´1 q ¨ x “ g ¨ pg ´1 ¨ xq “
g pg
Il s’ensuit que chaque x P E possède au moins un antécédent par g pxq “ g pyq, on a alors g
´1
´1
¨ xq.
g.
Pour l’injectivité, supposons
g¨x “ g¨y
¨ pg ¨ xq “ g ´1 ¨ pg ¨ yq
pg ´1 gq ¨ x “ pg ´1 gq ¨ y e¨x “ e¨y x “ y
Donc chaque z P E possède bien au plus un antécédent par
g.
Cette proposition donne une fonction : G Ñ SE , définie par pgq :“ g . C’est un exemple de ce qu’on appelle un « morphisme » de groupes au Chapitre 3. On verra alors que tout morphisme de groupe G Ñ SE correspond à une action de G sur E.
2.7
Le système de cryptographie RSA
La généralisation suivante du petit théorème de Fermat 8 (due à Gauss 9 ), se comprend bien du point de vue de la théorie des groupes. Ce n’est qu’un cas particulier du théorème de Lagrange. Comme on va le voir, le théorème rend possible 10 le système de cryptographie à clé publique « RSA ». Théorème 2.15 (Fermat-Euler). Soit n P N˚ et a un entier premier avec n alors a'pnq ” 1 pmod nq où ' est l’indicatrice d’Euler 11 . En effet, comme a est premier avec n, le sous-groupe xay qu’il engendre dans Zˆ n est un groupe multiplicatif d’ordre 'pnq. La conclusion est alors assurée par Lagrange. 8. 9. 10. 11.
Pierre Fermat, 1601-1665. Carl Friedrich Gauss (1777-1855). Cela n’est qu’une de ses nombreuses applications. Leonhard Euler, 1707-1783.
2.7. LE SYSTÈME DE CRYPTOGRAPHIE RSA
67
Les systèmes de cryptographie à clé publique sont de grand intérêt dans le contexte des transactions informatiques. L’algorithme RSA 12 est le plus connu, et il très simple à décrire avec les outils dont nous disposons maintenant. La sécurité du système RSA est basée sur le fait que la puissance modulaire est très facile à calculer, mais très difficile à inverser. Cette dernière difficulté repose sur la difficulté (même avec des ordinateurs très puissants) de factoriser de très grands nombres en nombres premiers. Nous n’avons besoin que du lemme suivant. Lemme 2.16. Si n “ pq avec p “ q nombres premiers, alors 'pnq “ pp ´ 1qpq ´ 1q. Démonstration. En effet, k § n n’est pas premier avec pq si et seulement si p ou q est diviseur de k. Donc k § n est premier avec n si et seulement si p et q ne sont pas diviseurs de k. Donc k P tab | 1 § a † p, 1 § b † qu de cardinal pp ´ 1qpq ´ 1q est l’ensemble des nombres plus petits que n et premiers avec n, d’où le résultat.
Le système RSA. Chaque intervenant, on l’appelle souvent Bob, se construit une clef publique, c.-à-d. un couple d’entiers pn, eq, de la manière suivante. (a) En premier lieu, Bob se génère 13 un couple de très grands nombres premiers p et q, qu’il gardera secret. Bob restera donc le seul à connaître p et q. Et il calcule n :“ pq.
(b) Bob génère ensuite un troisième grand entier e quelconque, mais relativement premier à 'pnq “ pp ´ 1qpq ´ 1q. L’entier e est donc inversible dans Z'pnq .
La clef publique pn, eq est alors partagée avec tous les autres intervenants (toujours en gardant p et q secret). Parmi ces autres intervenants se trouve Alice, qui cherchera à communiquer secrètement avec Bob. Pratiquement, il est impossible 14 de retrouver p et q à partir de n. Grâce à sa connaissance de p et q, Bob est en mesure de calculer facilement (avec l’algorithme d’Euclide) sa clef privée, c.-à-d. l’entier d tel que d est l’inverse de e dans Z'pnq . Sans connaître p et q, la valeur de 'pnq est « très » difficile à calculer (encore une fois dans un temps raisonnable), et c’est donc le cas aussi pour d. Voilà, tout est en place.
Chiffrement d’un message. Pour envoyer son message M (c’est un nombre plus petit que n) à Bob, Alice procède comme suit. Au moyen de la clef publique pn, eq de Bob, Alice calcule C ” M e pmod nq. Cela peut se faire très efficacement et rapidement. Alice publie le message C à l’intention de Bob. Tous les intervenants connaissent la clé publique de Bob, et le message codé d’Alice. 12. Rivest, Shamir et Adleman (1977). 13. Il existe des algorithmes “simples” et efficaces pour ce faire. 14. Ce n’est pas un théorème, mais on ne sait pas le faire dans un temps raisonnable (au moins quelques années), même avec les ordinateurs les plus puissants.
68
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
Déchiffrement du message. Seul Bob peut déchiffrer le message C d’Alice. Il lui suffit de calculer C d modulo n. Le Théorème d’Euler-Fermat assure que le résultat est bien M , le message original d’Alice. Démonstration. En effet, C d ” pM e qd ” M ed ” M ¨ M 'pnqk “ M ¨ pM 'pnq qk pmod nq car ed ” 1 pmod 'pnqq (e “ d ´1 ). Donc si M est premier avec n, en vertu du théorème C d ” M pmod nq. Si M n’est pas premier avec n, puisque M † n, alors p divise M ou q divise M . Si p divise M alors M ed ” 0 ” M pmod pq. Si p ne divise pas M , alors le petit théorème de Fermat assure que M p´1 ” 1 pmod pq ùñ M ed ” M ¨ pM p´1 qkpq´1q ” M pmod pq. En procédant de même avec q, on en déduit que p et q divisent M ed ´ M donc n aussi divise M ed ´ M . D’où C d ” M ed ” M pmod nq. Puisque M † n, le résultat de ce calcul est M .
Exemple. En pratique, on s’attend à travailler avec de grands nombres premiers p et q comme les suivants : p “ 632382913902128079995508264334209792839330997 050865499213108496836190519861047497803309801 q “ 558218333272171098430334114939430707924967254 197312990249604572758081938867755300016964127. L’exposant e est lui aussi un grand nombre, comme e “ 150650905007553408748182082815984929359632269 852681585809504709739738485231104248045693804 710098188302655538010818866476054310788175542 136407374106205605523687223946800025812242019. Illustrons plutôt le processus avec de petits nombres comme p “ 7 et q “ 13. On a n “ 7 ¨ 13 “ 91, 'pnq “ p7 ´ 1qp13 ´ 1q “ 72 ;, et on peut choisir e “ 23. Alors,
2.8. LE GROUPE DES ISOMÉTRIES DU CUBE
69
(a) La clef publique est p91, 23q. (b) Après calcul, on trouve la clef privée est d “ 47. En effet 23 ¨ 47 “ 1 ` 15 ¨ 72 ” 1 pmod 'pnqq. Supposons que le message est M “ 8, alors le message crypté est C “ pM e mod nq “ p823 mod 91q “ 57. Pour décoder le message, on trouve bien pC d mod nq “ p5747 mod 91q “ 8.
2.8
Le groupe des isométries du cube
2 1
7
On considère un cube C comme une partie de avec l’action naturelle du groupe des isométries ISOR3 , sur R3 . Cette action donne aussi une action de ISOR3 sur l’ensemble PpR3 q des parties de R3 R3 ,
ISOR3 ˆ PpR3 q Ñ PpR3 q,
6
pour laquelle on ne conserve que les isométries qui préservent le cube, c’est-à-dire le stabilisateur de C ↵ pour cette action. Nous allons déterminer ce groupe à isomorphisme près. Puisque les distances et les angles sont conservés par le groupe, on peut considérer que 3 8 G permute les sommets entre eux. Ceci permet de considérer G comme un groupe de permutation des 4 5 sommets, via le morphisme de restriction ⇢ : G Ñ S8 , où ⇢pgq :“ g |tsommetsu . Un premier élément de G est ↵, la rotation d’angle ⇡{2 autour de l’axe vertical Figure 2.4 – Rotations du cube. passant par le centre des faces 1234 et 5678. Comme permutation, décomposée en cycles, ↵ s’exprime comme ↵ “ p1234qp5678q.
C’est donc un élément d’ordre 4. De même, on a la rotation , d’angle ⇡{2 autour de l’axe vertical passant par le centre des faces 1276 et 4385, qui s’exprime comme la permutation d’ordre 4 “ p1276qp4385q.
70
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
De plus, on considère , la rotation d’angle 2 ⇡{3 autour de l’axe qui passe par les points 1 et 8, telle que “ p246qp357q.
C’est donc un élément d’ordre 3, avec 1 et 8 comme points fixes ; et on calcule que 2 “ p264qp375q. Le groupe engendré par ↵, et donne toutes les isométries du cube qui en respecte l’orientation 15 . Restent les « réflexions » du cube, c.-à-d. les isométries d’ordre 2 qui renverse l’orientation. Pour les obtenir, il suffit d’ajouter la réflexion par rapport au plan 1487, dont la décomposition cyclique est :“ p26qp35q,
Image miroir
et dont les points fixes sont 1, 4, 7 et 8. On veut vérifier que le groupe G est engendré par ↵, , , et . Pour le voir, considérons l’orbite du sommet 1 ; on a clairement ↵p1q “ 2, ↵2 p1q “ 3, ↵3 p1q “ 4, p1q “ 2,
2 p1q
“ 7,
3 p1q
“ 6,
15. Quand on situe sa main droite en 1, avec l’index et le pouce pointant respectivement vers 2 et 4, alors le majeur pointe vers 6. Pour l’orientation inverse, on utilise la même règle avec la main gauche.
2.8. LE GROUPE DES ISOMÉTRIES DU CUBE
71
et on calcule directement que ↵ d’où ↵
2 p1q
“ 8, et ↵2
2
“ p18qp27qp36qp45q,
2 p1q
et
↵2
2
“ p15qp28qp37qp46q,
“ 5. On s’ensuit que l’orbite de 1 est Orbp1q “ t1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8u.
Autrement dit, il a une seule orbite pour l’action de G. C’est donc une action transitive. En vertu du théorème sur les actions transitives, on a que 8 “ | Orbp1q | “ rG : Stabp1qs “ | G |{| Stabp1q |, il suffit donc de calculer | Stabp1q | pour connaître l’ordre de G. On sait que et fixent 1, et donc Stabp1q contient le sous-groupe qu’ils engendrent. Comme 3 “ e et 2 “ e, il suffit de vérifier par calcul direct qu’on a 2 “ p37qp46q “ 2 , “ p24qp57q “ , pour conclure qu’on a (au moins 16 ) les 6 éléments distincts suivants dans Stabp1q : e,
,
2
,
,
,
et
.
On constante donc que | Stabp1q | • 6, ce qui entraîne que | G | • 48. Nous allons obtenir une borne supérieure pour l’ordre de G, grâce à un théorème d’un chapitre ultérieur. On remarque que les isométries du cube échangent entre elles les diagonales de ce cube. En effet, une isométrie envoie les paires de points les plus éloignés du cube dans des paires de points de la même nature. Les diagonales sont précisément les segments dont les extrémités sont de telles paires. On peut donc considérer la restriction de G au groupe des permutations de ces quatre diagonales. Celles-ci correspondent aux quatre sous-ensembles de paires de sommets t1, 8u, t2, 5u, t3, 6u et t4, 7u. On a donc un morphisme ✓:GÑS , pour :“ tt1, 8u, t2, 5u, t3, 6u, t4, 7uu, obtenu en posant Soit
✓pgqpti, juq :“ tgpiq, gpjqu. :“ p18qp25qp36qp47q,
l’application antipode par rapport au centre du cube. C’est un élément de G, qui laisse globalement fixe chaque diagonale de sorte que sa restriction à l’ensemble des quatre diagonales est l’application identité. D’autre part, soit g est un élément de G tel que ✓pgq “ e autre que l’identité. Comme g “ e, on peut choisir i tel que gpiq “ i. Pour fixer les idées, disons que i “ 2. On a ✓pgqpti, juq “ ti, ju, pour 16. En fait il n’y en a pas d’autres, mais nous n’avons pas besoin de le savoir aux fins de l’argument.
72
CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
toutes les diagonales. En particulier, ✓pgqpt2, 5uq “ tgp2q, gp5qu “ t2, 5u, et donc gp2q “ 5 (puisqu’on a supposé gp2q “ 2). Comme on doit aussi conserver les autres distances, par exemple celle entre 1 et 2, on doit avoir que gp1q est voisin de gp2q. Cela force gp1q “ 8. De même on trouve gp3q “ 6 et gp4q “ 7. On trouve donc que g est forcément égal à . On a donc kerp✓q :“ te, u “ tg P G | ✓pgq “ eu (nous allons revenir plus tard sur cette notation). Par le théorème des isomorphismes (voir 4.4), on obtient | G |{| kerp✓q | “ | G{ kerp✓q | § | S | Dans notre cas, cela correspond à | G |{2 § 24. En conclusion globale, on trouve qu’il y a | G | “ 48 isométries du cube.
2.9
Espaces homogènes
Dans son « programme d’Erlangen » de 1878, Felix Klein propose d’approcher systématiquement la géométrie via la théorie des groupes. Cela correspond à des actions transitives de groupes. Plus précisément, on suppose que E est un espace topologique sur lequel un groupe G agit transitivement. Intuitivement, le groupe détermine la géométrie de E. Comme, par transitivité de l’action, on peut passer de n’importe quel point x P E à n’importe quel autre point y “ g ¨ x, on dit que l’espace E est homogène parce que tous les points se « comporte » de la même façon. Utilisant le Théorème 2.12, la construction d’espaces homogènes se ramène à choisir un groupe G, et un sous-groupe H de G. Parmi les groupes qui jouent un rôle particulièrement intéressant dans ce contexte, on retrouve les groupes de Lie GLn , Opnq, ou encore GAn (le groupe général affine). Ainsi, la géométrie de la sphère correspond à Opnq{Opn ´ 1q, et la géométrie affine à GAn {GLn . Au 7e congrès international de mathématiques, qui a eu lieu en 1924 à Toronto, le mathématicien français Elie Cartan à fait une présentation invitée intitulée La théorie des groupes et les recherches récentes en géométrie différentielles. On a accès sur le web à cette référence historique, expliquant pour un public général cette approche et ses liens avec la théorie de la relativité. La section suivante approfondie, dans un cas particulier, certaines questions reliées à ce sujet.
2.10
Le groupe SL2 pZq
Le groupe des matrices n ˆ n, à coefficients entiers et de déterminant 1, est dénoté SLn pZq. Le cas particulier n “ 2 est déjà très intéressant. On peut montrer qu’il est engendré par les matrices ˆ ˙ ˆ ˙ 0 ´1 1 1 S :“ , et T :“ , 1 0 0 1
2.10. LE GROUPE SL2 pZq
73
avec les relations S 4 “ Id, et pST q6 “ Id. La matrice T est d’ordre infini, puisque ˆ ˙ 1 n n T “ , pour tout n P Z. 0 1 Comme T “ S 3 pST q, le groupe SL2 pZq est aussi engendré par les deux matrices S et ST . On observe que ˆ ˙ ˆ ˙ a b ´c ´d S “ , c d a b
et
ˆ ˙ ˆ ˙ a b a ` nc b ` nd T “ . c d c d n
On peut exploiter ceci, et la division euclidienne dans Z, pour déterminer comment écrire toute matrice de SL2 pZq comme produit de la forme ˆ ˙ ˆ ˙ˆ ˙ˆ ˙ˆ ˙ ˆ ˙ˆ ˙ a b 1 n1 0 ´1 1 n2 0 ´1 0 ´1 1 nk “ ¨¨¨ , c d 0 1 1 0 0 1 1 0 1 0 0 1 avec ni P Z. Pour trouver une telle expression, on procède avec l’algorithme suivant 17 , en faisant agir le groupe sur lui-même par multiplication à gauche. Si c “ 0 et |a| • |c|, applicant la division euclidienne de a par c, on trouve q et r tels que a “ qc ` r, avec |c| ° r • 0. Alors, on observe que ˆ ˙ ˆ ˙ ˆ ˙ ˆ ˙ r b ´ qd ´c ´d ´q a b ´q a b T “ , et donc ST “ . c d c d c d r b ´ qd On réapplique l’étape précédente, ˆ ˙ jusqu’à ce qu’on se retrouve dans le cas c “ 0. Or, les seules matrices a b dans SL2 pZq de la forme sont les matrices 0 d ˆ ˙ ˆ ˙ 1 n ´1 n et “ S2T n, 0 1 0 ´1 puisque leur déterminant est ad “ 1, ce qui force a “ d “ 1 ou a “ d “ ´1. Par exemple, on trouve ainsi que ˆ ˙ 17 46 “ T 2 ST ´3 ST ´2 ST ´2 ST 2 S 2 . 7 19 Action de SL2 pZq sur le plan hyperbolique. Sans tenir compte de l’aspect géométrique, une réalisation du plan hyperbolique H est simplement l’ensemble des nombres complexes dons la partie imaginaire est positive : H :“ tz “ x ` iy | x, y P R, y • 0u. 17. C’est essentiellement l’algorithme d’Euclide.
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CHAPITRE 2. ACTIONS DE GROUPES
Pour chaque matrice dans SL2 pZq, on a une transformation, dite de Möbius 18 , du plan hyperbolique, qui correspond à ˆ ˙ az ` b a b ¨ z :“ . (2.11) c d cz ` d Comme on calcule que ˆ ˙ ˆˆ ˙ ˙ ˆ ˙ ˆ ˙ a 2 z ` b2 a 1 b1 a 2 b2 a 1 b1 ¨ ¨z “ ¨ c 1 d1 c 2 d2 c 1 d1 c 2 z ` d2 “ “
a1 pa2 z ` b2 q{pc2 z ` d2 q ` b1 c1 pa2 z ` b2 q{pc2 z ` d2 q ` d1 a1 pa2 z ` b2 q ` b1 pc2 z ` d2 q c1 pa2 z ` b2 q ` d1 pc2 z ` d2 q
pa1 a2 ` b1 c2 qz ` pa1 b2 ` b1 d2 q pc1 a2 ` d1 c2 qz ` pc1 b2 ` d1 d2 q ˆ ˙ a 1 a 2 ` b1 c 2 a 1 b 2 ` b 1 d 2 “ ¨z c 1 a 2 ` d 1 c 2 c 1 b2 ` d 1 d 2 “
C’est bien une action de SL2 pZq sur H, puisqu’on vérifie aussi par calcul direct que A¨z est dans H, pour
Figure 2.5 – SL2 -pavage de Klein du plan hyperbolique, et sa version circulaire. tout A P SL2 pZq. On remarque, pour A dans SL2 pZq, la matrice p´Aq donne la même transformation que A, c.-à-d. A ¨ z “ p´Aq ¨ z. Travailler modulo l’identification de ces deux matrices donne lieu au 18. August Ferdinand Mobius (1790-1868). Voir le vidéo expliquant les transformations de Möbius.
2.11. ACTIONS LINÉAIRES
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groupe modulaire. Les transformations qui correspondent aux générateurs S et T sont respectivement S : z fiÑ ´1{z,
et
T : z :ބ z ` 1,
et ces transformations engendrent toutes celles qui correspondent à (2.11). Chaque orbite de cette action contient un et un seul élément dans la région tz P C | |